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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Monday, December 2, 2013 - Vol. 43 N° 37

Special consultations and public hearings to examine the acceptability for Québec of Enbridge Pipelines Inc.’s proposed project to reverse the flow of pipeline 9B eastward between North Westover and Montréal, as described in the document entitled “Inversion du flux de l’oléoduc 9B d’Enbridge”


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Unifor et Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Institut économique de Montréal (IEDM)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Documents déposés

Conseil des bassins versants des Mille-Îles (COBAMIL)

Union des producteurs agricoles (UPA)

Ville de Montréal et Communauté métropolitaine de Montréal (CMM)

Ville de Lévis

Document déposé

Société pour vaincre la pollution (SVP)

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction-International (CPQMCI)

Document déposé

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction-International (suite)

Autres intervenants

Mme Marie Bouillé, présidente

Mme Élaine Zakaïb

M. Scott McKay

M. Alain Therrien

M. Gerry Sklavounos

M. Donald Martel

M. Amir Khadir

M. Luc Trudel

Mme Lucie Charlebois

M. Denis Trottier

*          Mme Lise Côté, FTQ

*          M. Joseph Gargiso, Unifor

*          M. Daniel Cloutier, idem

*          M. Youri Chassin, IEDM

*          M. Jean-François Minardi, idem

*          M. Pierre Patry, CSN

*          Mme Mireille Pelletier, idem

*          Mme Judith Carroll, idem

*          Mme Denise Cloutier, COBAMIL

*          Mme Elsa Dufresne-Arbique, idem

*          M. Pierre Lemieux, UPA

*          Mme Isabelle Bouffard, idem

*          M. Denis Coderre, ville de Montréal et CMM

*          M. Lionel Perez, idem

*          Mme Marie-Lise Côté, ville de Lévis

*          M. Benoît Chevalier, idem

*          Mme Anne-Marie Saint-Cerny, SVP

*          M. Daniel Green, idem

*          M. Daniel Gagné, CPQMCI

*          M. Jean Matuszewski, idem

*          M. Paul Faulkner, idem

*          M. Jacques Émile Bourbonnais, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures deux minutes)

La Présidente (Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, y compris la présidente.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques en vue d'étudier l'acceptabilité pour le Québec du projet proposé par Enbridge Pipelines sur le renversement vers l'est du flux de l'oléoduc 9B situé entre North Westover et Montréal décrit notamment dans le document intitulé Inversion du flux de l'oléoduc 9B d'Enbridge.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Goyer (Deux-Montagnes) est remplacé par M. Therrien (Sanguinet); M. Billette (Huntingdon), par Mme Boulet (Laviolette); M. Morin (Côte-du-Sud), par Mme Charlebois (Soulanges); et M. Paradis (Brome-Missisquoi), par M. Sklavounos (Laurier-Dorion).

La Présidente (Mme Bouillé) : Parfait. Merci beaucoup. Cet après-midi, nous entendrons les représentants d'Unifor et la FTQ, de l'Institut économique de Montréal, de la CSN, du Conseil des bassins versants des Mille-Îles et de l'UPA.

Auditions (suite)

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants d'Unifor et FTQ. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange après avec les membres de la commission. Je vous demanderais aussi de vous présenter en commençant, s'il vous plaît.

Unifor et Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)

Mme Côté (Lise) : Mesdames messieurs, bonjour. Je suis Lise Côté, directrice du Service de la recherche de la FTQ. Je suis accompagnée de M. Joseph Gargiso, directeur adjoint d'Unifor, et de M. Daniel Cloutier, conseiller syndical chez Unifor.

Unifor résulte de la fusion du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, anciennement le SCEP, et les Travailleurs canadiens de l'automobile, les TCA. Vous comprendrez sûrement que le changement de garde récent à la tête de la FTQ empêche les deux nouveaux dirigeants, Daniel Boyer, président, et Serge Cadieux, secrétaire général, d'être présents à cette commission.

La centrale représente notamment plusieurs travailleurs oeuvrant dans le secteur énergétique au Québec : les travailleurs d'Hydro-Québec, des technologues aux cols blancs, les employés de Gaz Métropolitain, les employés du secteur pétrolier et gazier de même que plusieurs employés qui travaillent dans les entreprises manufacturières qui gravitent autour de ces grandes entreprises énergétiques.

Au sein même de notre organisation, les débats sur l'énergie ne sont pas toujours faciles mais se font dans le respect et l'écoute. Lors de notre dernier congrès, la semaine dernière, nous avons adopté une déclaration de politique sur l'énergie. Le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui s'inscrit dans cette démarche.

Unifor-Québec est directement interpellé par la demande d'Enbridge, car il y va de la survie à long terme des emplois de près de 1 000 membres : dans les deux raffineries de Suncor et Valero, dans les terminaux pétroliers de Valero, Suncor, Shell et CanTerm, dans les usines de la filière pétrochimique de polyester, Chimie Parachem et CEPSA Chimie. Unifor-Québec représente également les employés de Transport Jacques Auger et Transport RMT, lesquels transportent des produits pétroliers. C'est dire à quel point ce projet nous importe.

La FTQ et Unifor-Québec donnent leur appui à l'inversion du flux du pipeline 9B, car le projet respecte les éléments essentiels d'une politique énergétique structurante et cohérente, laquelle s'inscrit dans une perspective de développement durable, assure une sécurité énergétique accrue, maintient et crée des emplois de qualité, notamment dans des activités de transformation des ressources pétrolières.

Je cède maintenant la parole à M. Gargiso, qui va vous présenter le détail de notre position.

M. Gargiso (Joseph) : Alors, bonjour. Unifor est fier d'avoir une politique de l'énergie à la fois globale et progressiste, laquelle fut adoptée par son syndicat prédécesseur, le SCEP, lors de son congrès en 2002 puis actualisée en 2008. Ainsi, c'est dès 2002 qu'Unifor préconisait, entre autres, le renversement de la ligne 9 entre Sarnia et Montréal de même que la ratification par le Canada du Protocole de Kyoto, démontrant ainsi sa préoccupation à la fois pour l'économie et l'environnement.

Le développement durable est une obligation incontournable. La FTQ et Unifor estiment que ce projet doit se réaliser de manière durable tout en s'inscrivant dans une perspective de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous nous sommes engagés à faire tout notre possible pour encourager les gouvernements à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à proposer des mesures concrètes dans ce secteur d'activité. Nous avons vivement dénoncé la décision canadienne de se retirer du Protocole de Kyoto et de ne pas respecter les obligations internationales adoptées en vertu de cet accord. C'est une stratégie, quant à nous, à courte vue, qui donne implicitement son aval au développement incontrôlé de l'industrie des énergies fossiles de l'Ouest canadien.

Nous comprenons très bien la frustration des groupes environnementaux et des peuples autochtones qui sont intervenus dans des débats pour s'opposer à l'inversion de la canalisation 9B. Par le passé, notre organisation, nous avons milité ensemble avec ces groupes en opposition aux projets des pipelines Keystone XL, Northern Gateway, l'expansion de la ligne 67 d'Enbridge ainsi que l'expansion du pipeline Trans Mountain. Cette fois-ci, cependant, nous faisons bande à part, car nous considérons que l'inversion de la canalisation 9B augmentera la sécurité énergétique et favorisera une transformation à valeur ajoutée des ressources pétrolières au Québec.

Unifor a adopté cette position devant l'Office national de l'énergie en sachant que les émissions de gaz à effet de serre provenant de l'Ouest canadien continuent d'augmenter et que les gouvernements concernés n'ont pas pris des mesures concrètes pour corriger la situation. Pourtant, les entreprises gagneraient en crédibilité si elles démontraient qu'elles fournissent des efforts en ce sens. À notre avis, le développement pétrolier et l'environnement ne sont pas des enjeux que l'on doit opposer. Bien qu'il s'agisse d'un défi de taille, un développement pétrolier responsable et durable est un objectif atteignable. La FTQ et Unifor demandent au gouvernement du Québec de poursuivre ses efforts de lutte aux gaz à effet de serre et de faire pression sur les gouvernements provinciaux et fédéral pour qu'ils mettent en place des mesures strictes et contraignantes afin d'obliger l'industrie à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

La sécurité énergétique, une priorité gouvernementale. Tous les gouvernements sont à la recherche de la sécurité énergétique, car c'est un élément stratégique essentiel pour préserver la compétitivité des entreprises et assurer aux citoyens et aux citoyennes un accès à l'énergie à des prix abordables.

Le présent projet, qui donne l'opportunité au Québec d'avoir accès au pétrole brut canadien en le remplaçant par celui provenant de l'étranger… pourrait devenir un joueur plus important dans la capacité canadienne de raffinage, diminuer sa dépendance face à l'étranger et accroître sa sécurité énergétique. La viabilité de nos raffineries est un élément clé de cette sécurité.

• (14 h 10) •

Comme l'indique le document de consultation du gouvernement, les raffineries du Québec paient beaucoup plus cher pour leur intrant. Elles paieraient moins cher si elles avaient accès au pétrole provenant de Bakken, aux États-Unis, ou de l'Ouest canadien. Suncor est la dernière raffinerie encore en exploitation à Montréal, qui en a déjà compté six. Si cette raffinerie avait accès au pétrole brut moins dispendieux de l'Ouest canadien, elle pourrait devenir encore plus concurrentielle face à celles du Canada atlantique et de la côte Est américaine. Cette analyse est tout aussi valide pour la raffinerie de Valero à Lévis.

Lorsque l'équilibre est précaire entre la capacité de raffinage, c'est-à-dire l'offre, et la consommation locale, qui est la demande, la moindre interruption dans la chaîne d'approvisionnement peut rapidement perturber les marchés, limiter l'accès au carburant et augmenter sensiblement les prix. Le projet proposé par Enbridge garantirait à l'Est du Canada un approvisionnement domestique de produits pétroliers et des emplois dans l'économie locale. Au minimum, le renversement de la ligne 9B libérerait les raffineurs québécois des aléas du marché mondial.

Dans le document de consultation du gouvernement, on demandait aux intervenants de donner leur avis sur le projet de l'ajout d'une unité de cokéfaction à la raffinerie de Suncor à Montréal. Ce projet a été lancé par Pétro-Canada avant sa fusion avec Suncor en 2007. Le plan original de Pétro-Canada était de raffiner du pétrole lourd importé du Mexique et du Venezuela. Des travaux de base ont été effectués entre 2007 et 2009. Suite à la fusion en 2009, Suncor a mis le projet de côté et a décidé de se concentrer sur l'exploitation de la ressource énergétique en Alberta. Unifor-Québec s'était alors prononcé en faveur de la construction de cette unité de cokéfaction, et nous le sommes toujours aujourd'hui, car cette nouvelle installation à la raffinerie de Suncor à Montréal pourrait assurer la viabilité de l'usine à long terme. Au niveau des retombées économiques, le document de consultation fait état de l'importance du secteur. Donc, en plus de sécuriser ces emplois, les entreprises comme Suncor et Valero ont annoncé des projets d'investissement.

J'arrive au dernier élément — parce qu'il y a trois éléments importants dans la considération de ce projet — il s'agit de la sécurité structurelle du pipeline. C'est un pipeline existant. Le fait qu'il y ait ce projet de renversement de canalisation, ça offre l'opportunité de sécuriser davantage cette infrastructure, et je crois qu'on doit en profiter. Il faut qu'on ait les plus hautes normes au niveau de la sécurité structurelle du projet. Évidemment, il y avait d'autres éléments qui apparaissent devant la considération au niveau de l'Office national de l'énergie qui touchent à l'importance pour l'entreprise d'intervenir rapidement et d'avoir un montant d'assurance beaucoup plus élevé qu'ils ont eu par le passé pour pouvoir dédommager si jamais il y a un incident. Vous trouvez…

La Présidente (Mme Bouillé) : Regardez, du côté gouvernemental, ils acceptent de vous donner un deux minutes de plus pour terminer votre exposé. Donc, allez-y.

M. Gargiso (Joseph) : Je m'excuse, on avait eu l'information que c'était 15 minutes qu'on…

La Présidente (Mme Bouillé) : Non, c'est…

M. Gargiso (Joseph) : On s'était «timé» pour 15 minutes.

La Présidente (Mme Bouillé) : Ça va être 12 minutes.

M. Gargiso (Joseph) : Parfait. Alors, concernant la… Je vais juste repasser la question de la sécurité. Donc, à FTQ et Unifor, on est très sensibles aux préoccupations exprimées concernant l'intégrité structurelle des pipelines. Nous appuyons sans réserve tous les efforts pour assurer la sécurité du pipeline. Il faut reconnaître, par contre, que tous les modes de livraison du pétrole vers les marchés, que ce soit par pipeline, par bateau ou par train, comprennent des éléments de risque. Nous sommes d'avis que le pipeline demeure cependant, à l'heure actuelle, le moyen le plus sûr, le plus efficace pour transporter d'importants volumes de pétrole. Par exemple, si on remplaçait le pipeline dont la capacité quotidienne est de 300 000 barils par des wagons-citernes, ça en prendrait 600 par jour pour livrer ce montant-là, ce qui est énorme et ce qui représenterait… le rail pourrait… représenterait définitivement un risque beaucoup plus élevé que le pipeline.

Alors, pour assurer la sécurité du pipeline 9B, mais aussi de tous les modes de livraison du pétrole, la FTQ et Unifor priorisent la mise en place d'une réglementation plus stricte et des règles d'inspection gouvernementales plus rigoureuses. Ainsi, les entreprises pétrolières et gazières doivent faire preuve de plus de transparence…

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Gargiso (Joseph) : En conclusion, la FTQ et Unifor appuient le projet d'inversion de la canalisation 9B ainsi que l'accroissement de sa capacité actuelle sous réserve des conditions fondamentales suivantes : que les normes les plus élevées soient appliquées à ce pipeline afin d'assurer son intégrité structurelle; que l'entreprise démontre qu'elle peut intervenir rapidement, efficacement en cas de déversement; que l'entreprise se dote d'une couverture d'assurance adéquate pour couvrir toutes les conséquences d'un accident de pipeline. Et je vous remercie.

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous vous remercions. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les membres de la commission en débutant par la partie gouvernementale. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, permettez-moi de saluer mes collègues de l'Assemblée nationale. Bon lundi. Bonjour, mes collègues députés du gouvernement. Mme Côté, M. Gargiso, M. Cloutier, bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre rapport.

 J'aimerais attirer votre attention puis je vais vous citer sur une phrase à la page 5 de votre rapport, avant-dernier paragraphe. Vous dites : «Par le passé, nous avons milité ensemble en opposition aux projets des pipelines Keystone[...], Northern Gateway, la ligne 67 d'Enbridge ainsi qu'à l'expansion du Trans Mountain, car ces derniers auraient donné un élan considérable au développement de l'industrie des sables bitumineux sans transformer localement la ressource. Cette fois-ci, nous faisons bande à part, car nous considérons que l'inversion de la canalisation 9B augmentera la sécurité énergétique et favorisera une transformation en valeur ajoutée des ressources pétrolières au Québec.» J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi, dans ce cas-là, vous êtes d'accord, même si vous le dites dans les grandes lignes, mais pourquoi vous êtes d'accord avec l'inversion, alors que vous militiez avec les groupes environnementaux par le passé pour ne pas donner accès de façon plus grande, je dirais, aux sables bitumineux.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs d'Unifor et FTQ.

M. Gargiso (Joseph) : Si on regarde — on peut en citer juste un — le Keystone, O.K., il s'agit d'envoyer du bitume brut — en anglais, ils disent «upgradé» — non raffiné, dans un premier stage, aux États-Unis. Ça, ça équivaut, ça, comme si on coupe des arbres, puis tu les envoies transformer aux États-Unis. Donc, ça, l'analogie est simple. O.K.? On s'est opposés à ça. On a une étude d'Informetrica que personne n'a pu jamais démolir qui démontre que, sur ce projet-là, si on faisait la valorisation du bitume brut en Alberta ou au pays plutôt que l'envoyer aux États-Unis, c'est 18 000 emplois de qualité qu'on créerait au pays. Donc, l'exportation brute équivaut à un manque de création de 18… Bien, enfin, ce n'est pas des pertes, on manque de… Alors, ça, c'est la première raison pourquoi on s'est opposés.

Donc, lorsqu'on arrive à la ligne 9, O.K., on prend du brut et on le raffine ici. Donc, un, ça respecte la notion de la transformation locale. Bien, deuxièmement, dans le cadre actuel, il y a deux affaires. Un, c'est : on sécurise notre source d'approvisionnement. O.K.? Parce que, présentement, on importe du marché mondial, là, et vous avez la liste des pays d'où qu'on importe. Donc, on sécurise et on rend plus concurrentiel parce qu'en plus ce pétrole-là coûte moins cher. Alors, c'est évident, pourquoi on est en faveur, dans ce cas spécifique pourquoi on est en faveur de la…

D'ailleurs, nous, comme organisation, on l'a proposé dans notre politique dès 2002. Donc, il n'était pas question à ce moment-là de renversement, là. Si on parlait de la ligne 9, le monde pensait qu'on venait de Mars. Mais ça existe, et, lorsqu'on a renversé… Parce que le flot original était celui-là, était de Sarnia à Montréal. Lorsqu'on l'a renversé en 1999, on l'a renversé pour rendre les raffineries ontariennes plus compétitives parce que le prix du baril dans le marché mondial était plus bas. On ne l'a pas fait pour les raffineurs québécois. En renversant le flot, on va mettre nos deux raffineries au Québec dans la situation enviable où ils ont deux sources d'approvisionnement. Le marché mondial, il n'est pas coupé si tu en as besoin. Mais, présentement, c'est plus avantageux économiquement d'avoir accès au pétrole de l'Ouest.

• (14 h 20) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci beaucoup…

La Présidente (Mme Bouillé) : Ah! M. Cloutier, vous vouliez rajouter?

M. Cloutier (Daniel): Bien, pour l'importance de le raffiner chez nous, si je peux rajouter un exemple qui va imager ça, entre une goutte de pétrole brut et un comprimé d'aspirine, au bout du processus il y a une augmentation de la valeur d'environ 1 000 fois. Et donc ça, c'est de la richesse qui vient chez nous par rapport à de la richesse qui va ailleurs, et donc ça explique pourquoi on s'oppose fortement à l'exportation du pétrole brut. Par contre, on est beaucoup plus favorables au traitement canadien et québécois de ce pétrole-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Parfait. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Je vais laisser la parole au député de Repentigny.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui, merci. Bonjour. Alors, je prends bonne note de ce que vous venez de répondre à la ministre concernant l'engagement que vous avez eu dans le passé, là, avec d'autres groupes… avec des groupes environnementaux contre les projets de Keystone et Northern Gateway notamment. Donc, vous avez vivement dénoncé la décision canadienne de se retirer du Protocole de Kyoto. Donc, vous êtes d'avis que… puis vous le dites, vous souhaitez que le gouvernement poursuive ses efforts de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Alors, est-ce que ce projet-là ne vient pas en contradiction avec la position que vous avez prise pour la réduction des gaz à effet de serre? Comment vous conciliez les deux projets?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs.

Mme Côté (Lise) : Oui. Alors, moi, je vous répondrais à ça que l'environnement est une préoccupation de toujours parmi les syndicats affiliés à la FTQ. Nous, on est d'avis qu'il ne faut pas opposer l'environnement au développement économique. Il faut réussir à réconcilier l'environnement, la protection de l'environnement, le développement économique et même le développement social d'un projet par rapport à… en tout cas, dans ce cas-ci, du renversement de l'oléoduc.

L'autre aspect sur lequel… Donc, nous, on considère que c'est un objectif, certes, difficile à atteindre — il va falloir, collectivement, tous y travailler très fort — mais que c'est quelque chose qui n'est pas seulement possible, mais qu'on devrait atteindre éventuellement. C'est sûr que ça va nous prendre un certain temps avant que l'économie du Québec, je dirais, prenne les mesures fortes et nécessaires pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre. Alors, si nous travaillons tous dans cette direction-là, on croit que c'est un objectif atteignable dans le moyen terme, disons.

Sur l'autre aspect, c'est que récemment on a entendu dans La Presse, je pense, excusez-moi si… en tout cas dans les médias qu'il y avait eu un échange de correspondance entre Enbridge et le gouvernement de l'Alberta qui disait qu'ils ne voulaient pas de réglementation plus forte contre les GES. Alors, nous, on estime qu'il y a comme une première étape, un effort que le gouvernement doit mettre en place pour contrôler les GES, que ce soit une taxe carbone… Mais nous, au Québec, on a déjà le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi que le gouvernement du Québec fasse pression sur les autres gouvernements, surtout le gouvernement fédéral, qui retarde à mettre en place une législation efficace pour ça, pour contrôler les émissions, et de même que sur le gouvernement de l'Alberta.

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, M. Cloutier.

M. Cloutier (Daniel) : Il est, effectivement, souhaitable que le Québec… comme ailleurs dans le monde, on se sorte le plus rapidement possible de l'utilisation du pétrole et d'autres combustibles fossiles dans une perspective d'énergie. Toutefois, le pétrole est à la base pas seulement de l'essence des voitures ou de production d'énergie, le pétrole est à la base de tout ce qui est industrie pétrochimique. Si je pense à la filière Parachem, CEPSA, Selenis, c'est une filière du polyester, et je suis pas mal sûr que tout le monde ici a un vêtement en ce moment dans lequel... il contient du polyester. Donc, même si on réussit — puis c'est souhaitable — de se débarrasser de l'essence comme produit de consommation dans nos voitures, il reste qu'une raffinerie est une condition sine qua non à tout développement pétrochimique qui peut suivre par la suite, que ce soit dans le textile, que ce soit dans le plastique, que ce soit dans le pharmaceutique. Donc, de préserver notre capacité de raffinage demeure, je pense, une donnée et… on pense, en fait, une donnée fondamentale pour l'économie québécoise.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Monsieur le... Ah! monsieur... Allez-y, M. Gargiso.

M. Gargiso (Joseph) : Je pense que, quand un pays a une infrastructure industrielle, O.K., d'importance — et ce n'est pas des vieilles technologies, l'industrie du pétrole et la pétrochimie, c'est de la haute technologie — il a intérêt à le préserver s'il a l'intention, s'il a l'intention de développer la ressource, ce qui n'était pas une considération jusqu'à maintenant. En d'autres mots, si le Québec a l'intention d'exploiter la ressource, sa ressource pétrolière, je pense que, si on veut suivre la logique de la transformation des ressources naturelles, c'est important de préserver ton infrastructure industrielle qui est là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, Mme la Présidente. Alors, je salue mes collègues de tous les partis. Merci d'être là. On a vu, à la fermeture de la raffinerie Shell récemment, un tollé. Tout le monde ou à peu près était contre cette fermeture-là. Même le député de Mercier a milité en faveur du maintien de ces emplois-là. Alors, ça veut dire que c'est très important de maintenir des emplois dans ce domaine, et, moi, ce que je comprends, c'est que, si... J'aimerais ça que vous répondiez rapidement, j'ai plusieurs petites questions puis je n'ai pas grand temps. Alors, vous, vous nous dites — vous êtes du syndicat des gens qui travaillent là — vous nous dites que, s'il n'y a pas l'inversion, ça peut être problématique et fermeture éventuelle de la raffinerie.

La Présidente (Mme Bouillé) : ...les représentants d'Unifor et FTQ.

M. Gargiso (Joseph) : En fait, je peux répondre, j'ai été…

M. Therrien : Très court.

M. Gargiso (Joseph) : …aussi impliqué dans le dossier de Shell, O.K., et Shell a fini par fermer. Nous, on pense qu'ils n'auraient pas dû fermer. O.K.? Puis je me souviens qu'il y a eu une commission parlementaire à cette époque-là, puis on a convoqué les entreprises à ce moment-là, puis on leur a demandé c'était quoi, leur intention. Puis la réponse était claire, nette et précise : On est là s'il y a une viabilité économique. Et des raffineries qui peuvent... Un intrant, dans une entreprise industrielle, est très important, vous le savez. Et donc si...

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Oui. Alors, quand vous voyez ces gens-là qui vous appuyaient, qui, aujourd'hui, n'appuient pas le renversement du 9B, c'est comme un renversement de situation. Autrefois, ils appuyaient des emplois dans l'est de la ville puis, maintenant, ils vont prendre position contre l'inversion du pipeline, justement, pour... Et ils savent que ça va... ces emplois. Vous ne trouvez pas, comme le député de Mercier, ici, qu'il y a une contradiction dans la pensée, dans le schème de pensée sous prétexte qu'il y a un lobby de pétroliers, là, qui veulent nous lancer dans un pétrole excessif, là? Vous, vous n'êtes pas motivés par un lobby pétrolier, là, je pense, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs, en 30 secondes.

Une voix : ...contrôlés par le lobby pétrolier.

M. Therrien : Êtes-vous contrôlés par le lobby pétrolier, là?

M. Gargiso (Joseph) : On n'est contrôlés par personne, mais ce qu'on a, c'est qu'on a un point de vue global. O.K.? Et, quand on regarde une situation comme ce projet-là… On a regardé l'aspect économique, on a regardé l'aspect sécuritaire, alors on a regardé l'aspect d'indépendance énergétique, on a demandé... On a regardé plusieurs aspects, y compris la défense des emplois de nos membres et la pérennité des industries dans lesquelles ils travaillent. C'est comme ça qu'on est arrivés à cette position...

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Je m'excuse, le temps de la partie gouvernementale est terminé. M. le député de Laurier-Dorion.

• (14 h 30) •

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous saluer, de vous retrouver ici en début de semaine, saluer Mme la ministre, les collègues ministériels, les collègues de l'opposition officielle, deuxième opposition, député de Mercier et souhaiter la bienvenue aux représentants de la FTQ et d'Unifor. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Merci de nous fournir vos opinions, vos constatations par écrit et d'être ici pour les défendre et les élaborer avec nous.

Je commencerais en vous posant une question assez simple. C'est indiqué dans votre mémoire que les représentants d'Unifor-Canada sont allés devant l'Office national de l'énergie et qu'ils ont adopté sensiblement… ou, à toutes fins pratiques, la même position que vous présentez ici, devant nous, aujourd'hui. Alors, juste pour comprendre un petit peu le fonctionnement… Parce qu'évidemment vous, vous êtes les représentants, j'imagine, québécois d'Unifor, et les représentants, Unifor-Canada, c'est un petit peu plus pancanadien, juste m'expliquer un petit peu comment que ça s'est passé et comment l'opinion d'Unifor-Québec a été reflétée ou de quelle façon vous avez collaboré devant l'Office national de l'énergie.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs d'Unifor et FTQ.

M. Gargiso (Joseph) : En fait, c'est simple, on a dit Unifor-Canada, on dit Unifor-Québec, mais c'est Unifor. Unifor a une position, O.K., c'est… on a pris la position devant l'Office national de l'énergie exactement ce que je viens de vous expliquer ici, en faveur de l'inversement de la ligne 9, parce que c'est notre politique qui a été adoptée depuis 2002, et c'est ça, la position qu'on a défendue. C'est ça, la position qu'on défend également ici, devant cette commission, et il n'y a pas… En fait, la seule différence, c'est que j'aurais pu être devant l'Office national de l'énergie, mais, étant donné les technicalités et les complexités, on a mandaté un avocat pour présenter le mémoire en notre nom, et le mémoire écrit et les arguments oraux, mais ça a été approuvé par nous avant que ce soit envoyé.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Alors, si j'ai bien compris — je résume votre pensée — ce qui a été dit devant l'Office national de l'énergie par un avocat qui était au courant des technicalités du dossier et, évidemment, la loi, la juridiction fédérale, c'était votre point de vue à vous qui a été transmis devant l'Office national de l'énergie.

Parfait, on continue. Vous avez notamment mentionné dans votre mémoire des activités de transformation et des emplois de qualité. Lorsque vous parlez d'emplois de qualité, ça peut dire beaucoup de choses. C'est quoi, un emploi de qualité? Pouvez-vous élaborer pour la commission, lorsque vous parlez d'emplois de qualité… Et pouvez-vous expliquer qu'est-ce que ça veut dire?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs.

M. Cloutier (Daniel) : Bien, moi, je suis, depuis 16 ans, responsable des négociations des usines dans le secteur, je peux vous dire qu'un opérateur de raffinerie gagne un peu plus de 100 000 $ par année, avec des avantages sociaux, un fonds de pension, un programme de formation très, très, très développé qui fait en sorte que ces employés-là ont une très grande expertise dans leur domaine, et donc ça, c'est une qualité qui est recherchée. Et, si on va dans l'est de Montréal, disons, pour, dans notre jargon, là, des gars à l'heure, bien, à plus de 100 000 $ par année, ça ne court pas les rues, et c'est de ce type d'emplois là dont on parle. Pour compenser la perte de la raffinerie Shell, ça aurait pris probablement 25 Wal-Mart. Et, sans dénuer, là, le travail qui se fait chez Wal-Mart, la complexité du travail, la richesse du travail, les salaires, avantages sociaux, pensions, etc., qui sont fournis pour ce travail-là font en sorte que c'est pratiquement irremplaçable.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Si je peux être plus précis également dans ma question, ces travailleurs-là… cette expertise-là, elle est québécoise? C'est du monde d'ici, il ne s'agit pas d'importer quelqu'un ou de faire venir quelqu'un d'une autre province ou d'un autre pays, pour faire cet emploi précis et de qualité, on parle de travailleurs québécois?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants d'Unifor et FTQ.

M. Gargiso (Joseph) : D'ailleurs, là, on en a exporté beaucoup parce que, comme on l'indique dans notre mémoire, il y avait six raffineries. Donc, quand Texaco s'est fermée, les gens n'ont pas trouvé des emplois, ils ont été ailleurs. Quand BP a fermé, la même chose. Quand Esso a fermé, la même chose. Quand Gulf a fermé, la même chose. Et alors, l'expertise, on l'a ici, là, on l'a. On n'a pas besoin de faire venir qui que ce soit, on a l'expertise au niveau des ingénieurs, au niveau des opérateurs, au niveau des gens de métier, on l'a à tous les niveaux.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Alors, si je comprends bien, ce n'est pas simplement une question de maintenir les emplois, mais aussi de maintenir l'expertise ici parce que, si je vous comprends bien, si les emplois ne restent pas ici, les gens vont suivre les emplois. C'est déjà arrivé dans le passé. Il y a des Québécois qui avaient cette capacité et cette expertise, ils sont allés travailler ailleurs. Est-ce que c'est exact?

M. Cloutier (Daniel) : Former un opérateur dans une raffinerie pour qu'il soit, là… être capable de prendre en charge une unité, ça prend entre cinq et sept ans. Et on a un bel exemple dans la raffinerie Shell, plusieurs des opérateurs qui travaillaient à la raffinerie Shell sont maintenant au Qatar, sont en Nouvelle-Calédonie à la mine Xstrata, sont à Fort McMurray dans les sables bitumineux. C'est clair que c'est prisé, cette expertise-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Vous parlez également à l'intérieur de votre mémoire de la possibilité qu'il y ait un accroissement de la capacité. Je veux dire, non seulement on maintient les acquis, mais il y a possibilité qu'on aille un petit peu plus loin. Il y a-tu possibilité, dans un meilleur scénario, dans le meilleur des scénarios, qu'on rapatrie un petit peu de cette expertise-là? Est-ce que c'est une possibilité de rapatrier certains… de cette expertise qu'on a perdue lorsqu'on a perdu Shell et des entreprises connexes?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs d'Unifor et FTQ.

M. Gargiso (Joseph) : Oui. Moi, je pense qu'il y avait une place pour Shell. D'ailleurs, il y avait quelqu'un d'intéressé à l'acheter, là, mais ça, c'est de la vieille histoire, là. Si on regarde dans le document de consultation, on parle de la capacité de raffinage et de la consommation. Mais il ne faut pas oublier que les raffineries québécoises exportaient leurs produits en Ontario, là. Depuis la fermeture d'Oakville, l'Ontario importe, puis c'est nous autres qui sommes là pour l'exporter. Esso a annoncé la fermeture de sa petite raffinerie en Nouvelle-Écosse. Il faut que quelqu'un compense. Shell importe du produit fini. Alors, il y avait place pour une autre raffinerie, d'autant plus que les chiffres que vous voyez, 265 000 barils par jour comme à Valero, ça, c'est la capacité théorique, là. En théorie, elle pourrait arriver là. En pratique, ils n'arrivent pas là. Donc, il y avait de la place.

Maintenant, il n'y a rien qui empêche une raffinerie d'augmenter sa capacité, c'est par des investissements. Si c'est économique d'augmenter sa capacité, c'est faisable, on peut rajouter de la capacité.

M. Cloutier (Daniel) : D'ailleurs, le projet de «coker» de Suncor, un investissement d'environ 1 milliard de dollars, qui s'accompagne d'un autre 220 millions d'investissement pour certaines unités déjà existantes, va nécessiter de l'embauche d'opérateurs, va nécessiter de l'apport de travailleurs d'entretien, va nécessiter des nouveaux ingénieurs, etc. Donc, oui, il y a une forme de récupération qui va se produire.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Alors, non seulement on maintient, mais on crée des circonstances favorables à attirer d'autres investissements, d'autres travailleurs, si je vous comprends bien. Pour quelqu'un qui ne connaît pas ça, il dit : Peu importe d'où vient le pétrole, il va y avoir une transformation qui va se faire. Qu'est-ce que vous répondez à quelqu'un qui dit : Peu importe, s'il ne vient pas d'ici, il va venir d'ailleurs, mais l'industrie de la pétrochimie, de toute façon, va continuer à rouler? Qu'est-ce que vous répondez à une personne qui a ce point de vue ou qui, en lisant le mémoire, qui ne suit pas trop, trop le dossier, dit : Écoutez, ce qui est important, c'est qu'il y ait du pétrole? Le pétrole vient de Bakken, vient de l'Algérie, vient de n'importe où, il va venir, puis le gars va le transporter, puis ces travailleurs-là vont le transformer, puis ils vont travailler. Qu'est-ce que vous répondez?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs.

M. Gargiso (Joseph) : Il faudrait se poser la question pourquoi on a la canalisation 9, la ligne 9, ça a été bâti quand. Ça a été bâti dans les années 70 suite à quoi? Suite au choc pétrolier de 1973, quand les gens faisaient la file parce qu'il y avait un embargo arabe. C'est là qu'on a bâti la canalisation 9, c'est pour te donner un élément de sécurité parce que… Pourquoi les États-Unis, ils ont poussé pour avoir une indépendance énergétique à tout crin, qu'ils ont investi, puis ils sont devenus… ils ont augmenté leur production de façon incroyable au cours des dernières années? Pourquoi? Parce qu'il y avait un manque de ressources dans le monde? Non, c'était pour des considérations stratégiques. Pourquoi un pays subventionne, protège son agriculture? Souvent pour des considérations stratégiques. Alors, ça, c'est une partie de la réponse.

M. Cloutier (Daniel) : Au-delà de ça, il y a aussi… Si je prends l'exemple de l'usine ParaChem, l'intrant dans l'usine ParaChem, c'est du xylène, et du xylène, c'est un solvant volatil hautement explosif. En fait, l'usine Suncor, une usine de BTX, une unité de BTX, benzène-toluène-xylène, ils extraient du pétrole, ces produits-là, ils l'envoient… Bon. Maintenant, se promener avec un bateau de xylène ou avec des wagons pleins de xylène, c'est excessivement dangereux, c'est excessivement volatil. Et la survie de ParaChem passe par un approvisionnement local, et ça, on ne peut pas l'avoir par l'étranger.

• (14 h 40) •

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Alors, je comprends bien. Puis j'ai aussi lu dans votre mémoire, vous l'avez dit clairement : Malheureusement, la politique énergétique du pays a été pendant longtemps beaucoup axée sur l'exportation, alors qu'on devrait focusser sur une utilisation de nos ressources ici pour favoriser l'économie ici.

À la dernière page de votre mémoire, page 12, là, vous avez mentionné : «…les entreprises pétrolières et gazières doivent faire preuve de plus de transparence.» Je vous pose la question, de préciser là-dessus — il reste environ une minute, 1 min 30 s — parce que nous avons entendu les municipalités nous dire un petit peu quelque chose de similaire. Je veux juste comprendre, est-ce que vous êtes dans la même veine? Lorsque vous parlez de plus de transparence, à quel niveau? Qu'est-ce que vous voulez dire?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs.

M. Gargiso (Joseph) : Je vais donner un exemple, puis c'est par rapport à ce que le gouvernement fédéral vient d'annoncer au niveau du transport par rail, les wagons-citernes. Simplement dire… par exemple, avertir les municipalités de qu'est-ce qu'il y a dans les wagons, c'est déjà un élément de départ de transparence, c'est… Plus on donne d'information afin qu'on puisse réagir, pour qu'on soit prêt à intervenir s'il y a, comme on dit, s'il y a un problème… C'est de ça qu'on parle.

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur le…

M. Sklavounos : …peu de temps. Vous avez mentionné la couverture d'assurance, vous voulez une couverture d'assurance adéquate. On sait que le chiffre de 1 milliard circule à l'intérieur du document de consultation préparé par le gouvernement, gouvernement d'Ontario. Est-ce que c'est un chiffre qui vous plaît? Comment vous trouvez le 1 milliard? Est-ce que vous êtes prêt à vous avancer là-dessus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur, en 15 secondes.

M. Gargiso (Joseph) : Je ne suis pas un expert en assurance, mais le plus haut est le montant, le mieux c'est, là. Si c'était 2 milliards, ce serait encore mieux, là. Mais question de qu'est-ce qui est raisonnable, je pense que le point de départ, c'est que présentement ce n'est pas assez, là. Je pense, c'est autour d'un demi-milliard si je ne me trompe pas, mais je ne connais pas le dossier dans le détail, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Oui, Mme la Présidente. À mon tour de vous saluer, saluer la ministre. Et j'aimerais saluer les autres collègues de ma formation politique, mais je ne peux malheureusement pas. Mais je salue les autres collègues, là, des autres formations tout aussi chaleureusement. Bienvenue à vous trois. Une question, peut-être deux questions dans la même intervention.

Contrairement à mon collègue, moi, je pense que c'est correct d'emmener des éléments critiques par rapport à n'importe quel projet. J'ai à peu près le même préjugé favorable que vous à l'égard du projet qu'on étudie présentement, mais je ne vous ai pas trouvés très critiques, là, je n'ai pas entendu… J'aimerais ça, savoir — peut-être, c'était dans le trois minutes manquant, là — s'il y avait des choses que vous aimeriez nous dire par rapport à ce qu'on devrait surveiller.

Puis la deuxième chose, c'est que vous convenez avec moi que la marge de profit pour les raffineurs risque d'être beaucoup plus importante qu'elle l'est actuellement s'ils paient le pétrole moins cher. Avez-vous des plans pour qu'en bout de ligne le consommateur soit gagnant aussi dans cette opération-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants d'Unifor, FTQ, en 1 min 30 s.

M. Gargiso (Joseph) : Oui. Sur la première partie, écoutez, nous, on a présenté notre position, qui était qu'on était en faveur d'un côté, mais, de l'autre côté, les plus hautes normes… Et on a mis des conditions. Je vous ai énuméré trois conditions. Ces conditions-là, on les a présentées à l'Office national de l'énergie, qui est l'organisme réglementaire. On vous le répète, c'est ça, notre position. Donc, ce n'est pas une bénédiction, tu sais, absolue, là, c'est de dire : On est pour, point à la ligne. Donc, on dit aussi que, si le projet était d'amener trois… de renverser le pipeline pour l'exporter aux États-Unis, ça aurait été non. Donc, il faut que ce soit destiné à remplacer les importations.

M. Cloutier (Daniel) : Si on regarde l'impact quand ils ont fermé la raffinerie de Petro-Canada en Ontario, quelques années plus tard il y a eu un incendie à une raffinerie Esso — et on l'exprime dans notre document — il y a eu pénurie de pétrole, et donc il y a eu une pression favorable à la hausse, en fait, sur le prix, en plus d'avoir des stations-services de fermées. Donc, c'est évident qu'on pense qu'à terme, en offrant une meilleure sécurité énergétique aux Québécois par cet accès au brut de l'Ouest, il va y avoir une répercussion sur le prix qui va être favorable. Maintenant, le prix est fixé selon un paquet de paramètres, et très peu de gens comprennent comment on arrive à ce prix-là. Donc, évidemment, on souhaiterait qu'il y ait un impact direct dans les poches des consommateurs.

Pour le reste, bien, comme Joe dit, les trois conditions qu'on met là, quant à nous, sont sine qua non. Donc, une garantie d'Enbridge que les meilleures actions ont été prises pour garantir que le pipeline, il ne coule pas, une garantie que, si jamais il y a une fuite, qu'ils vont être capables de régler ça rapidement et suffisamment d'argent, en termes d'assurance ou de capitaux mis de côté, pour être capable de faire face s'il y avait un Lac-Mégantic quelque part, par exemple.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. Cloutier. On ne le souhaite pas. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, collègues, Mme Côté, M. Gargiso, M. Cloutier. Évidemment, on ne le souhaite pas, mais il n'y a personne qui peut garantir que ça n'arrive pas, hein, on le sait.

Je comprends les contradictions que la FTQ et Unifor vivent, comme l'ensemble de la société. On veut un développement, mais on veut, en même temps, trouver les moyens d'avoir des développements économiques qui soient respectueux de l'environnement. Moi, je suis persuadé de votre sincérité, mais vous êtes préoccupés, bien sûr, par les 1 000 emplois qu'il y a dans l'est de Montréal comme nous, nous l'avons été toujours et nous le sommes encore. Nous avons non seulement besoin d'emplois, mais nous avons besoin de raffineries parce que, même quand on va mettre fin à notre dépendance au pétrole comme carburant, on aura toujours besoin de pétrole pour les produits synthétiques et pour d'autres usages, on s'entend là-dessus.

Maintenant, si, au lieu d'avoir un gouvernement faible, tout à fait soumis aux forces du marché comme on a depuis très longtemps — y compris le gouvernement actuel, mais le gouvernement précédent également — au lieu de ces gouvernements-là, on avait un gouvernement Québec solidaire qui propose aux travailleurs, aux syndicats que nous allons retirer les 3 milliards de dollars de la Caisse de dépôt qui sont dans les sables bitumineux, nous allons utiliser ça comme levier économique en partenariat avec les travailleurs et d'autres acteurs, même des investisseurs privés du Québec, on prend le contrôle petit à petit… Enfin, à chaque fois que des raffineurs, qui déjà font des profits... Ce n'est pas parce qu'ils ne font pas de profit, ils veulent juste faire le double comme dans l'Est des États-Unis. Et, comme ils ne peuvent pas faire le double ici, là ils disent : Bien, si vous ne nous donnez pas ce pétrole à faible prix, on s'en va. Donc, à chaque fois qu'ils feront ce chantage-là… Si ce chantage-là devait venir à être mis en exécution, si on offre à vous comme travailleurs la possibilité d'un gouvernement fort Québec solidaire qui fait ça, est-ce que ça ne respecterait pas mieux vos soucis à la fois environnementaux, et sociaux, et de préservation d'emplois?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, messieurs d'Unifor et FTQ.

Mme Côté (Lise) : Comme je vous l'ai mentionné un peu plus tôt dans cette audience, la FTQ, elle, elle est convaincue qu'on peut réconcilier protection de l'environnement, développement économique et développement de la justice sociale. On n'a jamais dit que ça serait facile, on n'a jamais dit que ça serait comme ça, ça va prendre du temps et de la bonne volonté de tous. Nous, dans tous ces débats-là qui concernent, je dirais, plus globalement, là... Sortons du...

M. Khadir : ...

Mme Côté (Lise) : Le contrôle?

M. Khadir : Oui, 3 milliards. Ma question était : Est-ce que ce n'était pas…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député...

Mme Côté (Lise) : Oui. Écoutez-moi, écoutez-moi, là-dessus, c'est que jamais dans les projets de développement… des projets qui ont un impact sur l'environnement ou le social, on parle de transition équitable. C'est-à-dire que, dans cette trajectoire que le Québec doit emprunter vers des énergies plus vertes, vers une transition qui... Quand on dit qu'on va s'affranchir, bien…

Une voix :

Mme Côté (Lise) : … — d'accord — du pétrole, on doit prendre en compte les besoins des travailleurs et travailleuses qui vont être touchés dans cette transition-là. Ça prend des programmes de... Il n'y a pas de raison pour que ça soit sur les seules épaules de travailleurs et travailleuses que reposent les coûts de cette transition. Donc, on devrait avoir des programmes de formation, des programmes de transfert vers les... les amener dans d'autres secteurs.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Merci. M. le député de Mercier, merci beaucoup. Donc, nous vous remercions pour votre présentation, et j'invite maintenant les représentants de l'Institut économique de Montréal à prendre place.

Je suspends pour une minute.

(Suspension de la séance à 14 h 50)

(Reprise à 14 h 51)

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous souhaitons la bienvenue aux représentants de l'Institut économique de Montréal. Vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé. En commençant en vous présentant, s'il vous plaît.

Institut économique de Montréal (IEDM)

M. Chassin (Youri) : Bien, bonjour à tous. Mon nom est Youri Chassin. Je suis économiste et coordonnateur de la recherche à l'Institut économique de Montréal et je suis accompagné de mon collègue Jean-François Minardi, qui est analyste en politiques publiques aussi à l'institut, que vous connaissez sans doute, donc un institut de recherche et d'éducation indépendant, non partisan et sans but lucratif qui alimente, dans le fond, le débat public en proposant des réformes créatrices de richesse et fondées sur les mécanismes de marché. Et, dans le fond, on a, dans ce thème ou ce sujet-là, un intérêt particulier. On a effectivement, dans les derniers mois, même les dernières années, plusieurs publications qui se sont intéressées aux questions de l'énergie, un débat présent sur la place publique et qui nous intéressait particulièrement. Donc, on a mis pas mal d'efforts sur cette question-là et on vous remercie, donc, de l'invitation à comparaître aujourd'hui.

Évidemment, vous vous intéressez à plusieurs volets du projet de renversement de l'oléoduc 9B, notamment la sécurité, notamment les impacts socioéconomiques et environnementaux. Notre expertise, elle se concentre, évidemment, sur les bénéfices économiques du projet. C'est là-dessus que notre présentation va surtout porter. On a quand même travaillé un peu sur d'autres volets. Donc, on va essayer d'y venir rapidement, mais sans trop s'y attarder.

Donc, peut-être simplement, en commençant, vous rappeler — puis vous l'avez tous vu, entendu, lu dans le document de consultation — que le pétrole, effectivement, est une source d'énergie importante dans le bilan énergétique québécois, d'autant plus importante que, quand on consomme le pétrole, c'est parce que l'alternative économique, elle n'est pas plus avantageuse. Donc, tant qu'on a besoin du pétrole, c'est parce que, dans le fond, il n'y a pas d'alternative plus intéressante que cette énergie-là, notamment pour le transport, hein — le trois quarts, à peu près, de la consommation du pétrole — mais aussi — on l'a entendu avec les représentants d'Unifor et de la FTQ — pour un autre volet, qui est le volet pétrochimique.

Donc, je vais peut-être… En fait, je vais laisser la parole à mon collègue, qui est aussi auteur d'une note économique sur les avantages des projets d'oléoduc vers l'Est du Canada, une note économique qui a été produite avant la tragédie de Lac-Mégantic. Néanmoins, on l'a quand même fait paraître au moment où c'était prévu, c'est-à-dire en août. On a rajouté une petite annexe technique sur la sécurité du transport de pétrole où on compare, dans le fond, un peu les différents modes de transport. Et c'est sommaire, mais ça donne quand même un portrait intéressant. Donc, je vais laisser Jean-François vous présenter la suite.

M. Minardi (Jean-François) : Bonjour. Donc, en matière d'avantages économiques, ce sont principalement les raffineries québécoises qui, en tant que clientes, seront les premières bénéficiaires de l'inversion de l'oléoduc. Les raffineries de l'Est du Canada se trouvent actuellement dans une situation difficile. Elles sont confrontées à la concurrence croissante de superraffineries en Asie et au Moyen-Orient qui ciblent de plus en plus le marché en Amérique du Nord. Alors, ce qu'il faut voir, c'est que ces superraffineries parviennent, en raison de considérables économies d'échelle et de leur coût d'exploitation plus bas, à compenser le coût de transport sur de longues distances et à vendre des produits raffinés à meilleur marché. Donc, à ce sujet, il est important de noter que, par exemple, la capacité totale de raffinage du Québec ne représente que 30 % de la capacité de raffinage de la plus grande raffinerie au monde, qui se situe à Jamnagar, en Inde. Donc, ça, ça place un peu les choses en perspective.

Ce qu'il faut voir, c'est que l'excédent de capacité de raffinage en Amérique du Nord et en Europe réduit également les marges des raffineries dans les pays industrialisés. De nombreuses raffineries ont fermé en Europe et en Amérique du Nord ces dernières années.. Et, dans l'Est du Canada, donc on a déjà vu, la fermeture de la raffinerie Shell à Montréal en 2010 a réduit la capacité canadienne de raffinage d'environ 7 % en 2011. Et, plus récemment, Imperial Oil a fermé… la fermeture de sa raffinerie à Darmouth en Nouvelle-Écosse.

Cependant, le fait de pouvoir s'approvisionner en pétrole brut en provenance de l'Ouest du Canada pourrait contribuer à assurer la rentabilité et la compétitivité des trois raffineries de l'Est, à savoir celle de Suncor à Montréal, celle d'Énergie Valero à Lévis et celle d'Irving à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick. Les deux raffineries du Québec représentent 20 % de la capacité canadienne et emploient 1 000 travailleurs qui bénéficient d'une rémunération supérieure à la moyenne, ce qui a été souligné dans les autres présentations.

La présence d'un réseau d'oléoduc permettra à ces raffineries de diversifier leurs sources d'approvisionnement et ainsi de réduire leur vulnérabilité en cas de rupture inattendue d'approvisionnement de produits pétroliers en provenance de l'étranger, notamment de pays politiquement instables. Elle permettrait également de payer — du moins, sur le court terme et le moyen terme — un prix moins élevé que pour le pétrole importé par navires-citernes de l'étranger.

Alors, je vais passer tout de suite à la… parce qu'il me reste peu de temps, souligner le fait qu'au-delà de leur importance pour assurer la compétitivité des deux raffineries du Québec les projets d'oléoduc sont essentiels pour maintenir le tissu industriel qui dépend d'elles, par exemple les entreprises oeuvrant dans l'industrie de la pétrochimie, qui forment un écosystème interdépendant et dynamique. Ainsi, dans l'est de Montréal, l'industrie pétrochimique, composée de 48 entreprises qui emploient 3 610 travailleurs, nécessite des hydrocarbures bon marché pour se développer.

Un des éléments de cette industrie est unique en Amérique du Nord. Il s'agit de la chaîne du polyester, qui regroupe la raffinerie de Suncor et trois entreprises pétrochimiques, Chimie Parachem, CEPSA et Selenis. Ensemble, elles regroupent plus de 850 employés et elles produisent du polyester — ça, c'est la fin de la chaîne — qui est la fibre synthétique la plus largement utilisée dans le monde, notamment dans la fabrication de vêtements, mais aussi de divers autres objets industriels ou de consommation comme les bouteilles d'eau Eska, par exemple, que tout le monde connaît. Ainsi, comme on le voit, les activités de raffinage ne se limitent pas à la production d'essence pour le transport, mais sont également nécessaires pour produire une vaste gamme de produits de consommation courante.

Donc, je vais passer tout de suite à la conclusion.

M. Chassin (Youri) : En conclusion, peut-être simplement dire qu'étant donné cette situation-là je pense que ça peut être très intéressant comme projet. À moins qu'il y ait vraiment des problèmes considérables en termes de sécurité ou d'environnement, les avantages économiques sont parlants. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange en commençant par le gouvernement, donc les représentants du gouvernement. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Chassin et Minardi. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous êtes ici pour nous parler des avantages économiques du renversement du pipeline. Vous nous avez parlé dans votre exposé de rentabilité, de compétitivité des entreprises qui raffinent au Québec. On a entendu au cours des auditions précédentes des opposants au pipeline nous dire qu'en fait les entreprises font déjà beaucoup d'argent, elles vont en faire seulement encore plus si on leur permet d'avoir accès à du pétrole de l'Ouest canadien. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Chassin (Youri) : Bien, en fait, je commencerais par dire qu'il n'y pas vraiment de problème à faire beaucoup d'argent. Quand c'est rentable, c'est que c'est une activité économique intéressante et désirée par les clients.

D'autre part, il y a une distinction, je crois, à faire entre l'entreprise qui peut être très rentable et une raffinerie ou une infrastructure qui, elle, peut être dans des conditions moins favorables que d'autres. Et évidemment, notamment dans les entreprises multinationales, quand on fait un projet d'investissement, on regarde où le faire, où la rentabilité, elle est bonne et elle est garantie pour l'avenir. Je pense que c'est dans cette perspective de moyen terme et même de plus long terme qu'il faut regarder le fait de rendre davantage compétitives les installations qui sont ici, au Québec.Est-ce que, Jean-François, tu veux ajouter quelque chose?

• (15 heures) •

M. Minardi (Jean-François) : Oui. Je voudrais juste préciser qu'il faudrait peut-être voir aussi les choses dans un point de vue plus global, plus mondial. C'est-à-dire que les raffineries, c'est que, comme je le mentionnais, en Amérique du Nord et en Europe, se retrouvent en compétition avec des raffineries de plus en plus compétitives au Moyen-Orient et en Asie. Donc, ça, c'est des joueurs avec qui on doit être en capacité… enfin, on doit être capables d'entrer en concurrence avec ces joueurs-là. On est beaucoup plus petits. Donc, je pense qu'il faut voir ça et qu'il y a une… Moi, la façon dont je vois les choses, il y a une certaine précarité, et puis donc d'où l'intérêt de pouvoir s'approvisionner à deux sources, c'est-à-dire le prix du brent et puis le prix de l'Ouest. Et vous savez que ça fluctue pas mal, les prix, d'un côté ou de l'autre. Et donc le fait de pouvoir s'approvisionner à deux sources, c'est une chose très positive.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Oui. En fait, un des avantages de ce projet, ce serait, justement, d'avoir cette source variée d'approvisionnement. On sait que certains pays sont politiquement instables, que présentement le prix mondial est plus cher que le prix du pétrole de l'Ouest. On nous dit également que les gens qui sont contre le projet nous disent que, rapidement, quand on va permettre au pétrole de l'Ouest d'avoir accès à des marchés, que ce pétrole-là va rejoindre le prix mondial, donc qu'il n'y aura pas vraiment d'avantage concurrentiel à long terme pour nos entreprises.

À ça, moi, je rétorquerais qu'à ce moment-là tout le monde aurait accès aux mêmes prix. Présentement, ce qui est déplorable, c'est que certaines entreprises canadiennes ou américaines ont accès à un prix qui les favorise. Si nos entreprises québécoises n'ont pas accès — ou les entreprises qui sont situées sur le territoire québécois — n'ont pas accès à ce prix meilleur marché, elles sont moins compétitives. Si ce prix meilleur marché, un jour, devient au même prix que le prix international, bien, à ce moment-là, tout le monde jouera avec les mêmes intrants, les mêmes prix d'intrants. Êtes-vous d'accord avec cette vision-là? Parce qu'on est en train de se demander combien de temps va durer cet avantage concurrentiel là. Mais peut-être que la question n'est pas là, peut-être que la question est : Est-ce qu'on va permettre à nos entreprises québécoises d'avoir accès au meilleur prix possible? Et, si un jour le prix vient plus élevé, bien, ça sera le même prix pour tout le monde, puis, au moins, elles ne seront pas défavorisées. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs de l'Institut économique de Montréal.

M. Chassin (Youri) : Il est, effectivement, question de réduire le risque en diversifiant les sources d'approvisionnement. Je pense que c'est une analyse tout à fait juste de dire qu'il faut pouvoir avoir accès au meilleur prix. Et, d'ailleurs, je crois que c'est ce qui motivait le procureur du gouvernement en 1997, hein, quand il présentait, lors du renversement du flux du pipeline, dans le fond, de l'est vers l'ouest, sa position en disant : Écoutez, un jour, si les prix devenaient plus intéressants à l'ouest que pour le brent, il faudrait pouvoir rerenverser parce que ce serait simplement juste et équitable de le faire de façon rapide et dans un délai précis. Donc, je pense que cette position-là, elle était déjà inscrite, d'ailleurs, là, dans la décision du renversement. Maintenant, on parle du rerenversement, et c'est encore la même logique qui s'applique. C'est-à-dire que, quand on a la possibilité d'avoir accès à un meilleur prix, il faut pouvoir l'autoriser, évidemment si toutes les parties sont en accord, tant les clients que les fournisseurs, qu'Enbridge, qui transporte… qui est propriétaire du pipeline.

Donc, en effet, je pense qu'évidemment, d'un point de vue d'économiste, la gestion du risque est importante. Le risque a un coût économique. Donc, d'avoir un renversement du pipeline à ce point-ci permet aux raffineries d'avoir un risque moindre. Et, même si ce coût-là est un peu plus difficile à définir ou à chiffrer en termes monétaires, il existe néanmoins. Donc, tout à fait, je pense que c'est une analyse tout à fait valide.

M. Minardi (Jean-François) : …je peux intervenir?

La Présidente (Mme Bouillé) : Bien sûr.

M. Minardi (Jean-François) : Ensuite, il faut souligner le fait que pourquoi il y a une différence de prix entre le prix de l'ouest de l'Amérique du Nord et le prix international, le prix du brent, c'est parce qu'il y a actuellement un goulot d'étranglement du pétrole du Sud des États-Unis, aux raffineries de l'Est parce que les oléoducs ne sont pas là, donc l'infrastructure n'est pas là. Alors, ensuite, combien de temps ça va prendre? Parce que c'est vrai qu'au bout du… donc, en bout de terme… Donc, à la fin du processus, si tous les oléoducs étaient là, il n'y aurait plus de différence de prix. Mais vous voyez un peu les problèmes qu'il y a avec Keystone, donc, et même avec les oléoducs vers l'ouest. Donc, je pense que, pendant une bonne période, il y aura encore, donc, une différence de prix entre le prix du WTI et le prix du brent.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci. Bienvenue à vous deux. Écoutez, quand j'étudiais l'économie de marché, ils me parlaient tout le temps de la souveraineté du consommateur. Vous êtes des économistes, j'imagine.

M. Chassin (Youri) : …Jean-François connaît bien l'économie aussi.

M. Therrien : Oui? Alors, ça vous dit de quoi, souveraineté du consommateur? Alors donc, quand on disait que les producteurs servaient le consommateur, que le producteur, tout simplement, donnait ce que le consommateur voulait... Souvent, on dit que la création ou l'inversement du pipeline fait en sorte d'augmenter notre dépendance face au pétrole, de faire en sorte qu'on va consommer davantage de pétrole. Mais, d'après la souveraineté du consommateur, ça ne serait pas ça. Si on voulait se dégager de l'emprise du pétrole, il faudrait d'abord passer par le consommateur.

Donc, moi, mon idée — puis vous me direz si je me trompe, je veux avoir vos commentaires là-dessus — c'est que ce n'est pas parce que tu le rends plus accessible que les gens vont consommer nécessairement plus. C'est parce que les gens veulent en consommer, ils en ont de besoin, qu'on est obligé de faire des choses comme on fait, entre autres, avec Enbridge. Et donc, si on veut vraiment se délester de la consommation de pétrole puis de l'emprise au pétrole, il faut travailler sur du moyen et du long terme au point de vue des consommateurs. Alors, moi, je voulais savoir qu'est-ce que vous pensez de l'inversement d'Enbridge et de notre dépendance au pétrole. À partir, là, de mon point de vue... Vous n'êtes pas obligés d'être d'accord avec ce que je vous dis, là, mais j'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Chassin (Youri) : Merci. Bien, effectivement, je partage votre point de vue en bonne partie. Dans certains débats, dans le fond, que j'ai eus avec certains écologistes — pour ne pas nommer M. Guilbeault — effectivement, je qualifiais d'absurde l'expression de dépendance au pétrole. C'est-à-dire que c'est un produit qu'on utilise, qui répond à nos besoins au mieux par rapport à l'alternative qui est donc moins efficace ou plus coûteuse. Évidemment, si le consommateur en a besoin, compte tenu de ses circonstances personnelles, notamment, par exemple, pour se transporter, ou pour se vêtir, ou pour les produits pharmaceutiques, etc., il y a là une demande qui, si on prend des décisions, dans le fond, qui empêchent d'y répondre, va diminuer son niveau de vie, et c'est très concret.

Donc, je pense, effectivement, qu'il y a dans la souveraineté du consommateur une clé pour comprendre comment on peut éventuellement aller au-delà du pétrole. C'est tout à fait pensable que ça va se produire. Est-ce que ça va se produire dans les prochaines années ou dans les prochaines décennies? Ce n'est pas ce que les données nous indiquent. Il peut toujours y avoir une révolution technologique demain matin qu'on n'aurait pas prévue, et beaucoup d'économistes sont mauvais prévisionnistes. Je suis le premier à le reconnaître. Ceci étant dit, pour l'instant, on n'a pas d'indication dans ce sens-là. Et, au contraire, donc, les solutions, par exemple, électriques, hein, qui existent en transport ne sont pas particulièrement adoptées largement au Québec. Je pense notamment aux véhicules électriques pour les voitures ou les camions légers, on parle… il y a un crédit d'impôt, donc il y a une incitation financière, fiscale pour l'achat de véhicules électriques, et ça ne représente, sur 4,9 millions d'automobiles, que 961 véhicules en 2012, donc une très, très petite proportion. Il n'y a pas encore d'engouement, donc on n'est pas rendus à une solution alternative qui soit encore viable pour la grande majorité des consommateurs.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Oui. Je vais avoir deux questions pour vous. La première : Si on ne renforce pas la grappe industrielle pétrochimique à Montréal, incluant aussi celle de Lévis, là, où est-ce que les emplois seront déplacés?

Et la deuxième… Vous étiez dans la salle tantôt, là, pour la présentation de l'intervenant précédent, je vais vous poser une question : Croyez-vous réaliste que… ou auriez-vous confiance que, si on avait un gouvernement de Québec solidaire fort, comme on a entendu tantôt, on pourrait remplacer les emplois existants dans notre grappe industrielle présente par l'exploitation des sous-produits de la luzerne, du colza ou bien d'autres types de produits, des algues brunes comme le botryococcus braunii?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'institut.

• (15 h 10) •

M. Chassin (Youri) : Je vais peut-être commencer par répondre à la deuxième question. J'avoue que ce n'est pas ce que j'avais compris de ce que M. le député de Mercier avait posé comme question. Évidemment, des fois, on est surpris, hein? Il y a des technologies qui viennent parfois nous surprendre, et, dans le pétrole, historiquement, ça a été le cas. Notamment, on brûlait le gaz naturel des puits de pétrole au départ, pendant longtemps, avant de pouvoir exploiter le pétrole parce que le gaz naturel étant un produit explosif et dangereux, donc, et qui n'avait aucune valeur, donc. Effectivement, c'était un produit un peu nuisible, puis, finalement, on en a produit une grande valeur.

Mais, ceci étant dit, je dirais sans trop m'avancer que l'histoire des nationalisations… en général, sont des histoires de catastrophe économique et qu'il est risqué de prendre de l'argent qui, dans le fond, appartient au public, et notamment qui est là pour financer nos retraites, et de l'investir dans des projets gouvernementaux qui comportent des risques et où le gouvernement n'est pas toujours le plus habilité à prendre ces risques-là. Je vais me limiter à ça et je vais laisser Jean-François répondre sur la question de vers où les emplois seront déplacés s'il a une réponse.

La Présidente (Mme Bouillé) : En 30 secondes.

M. Minardi (Jean-François) : Bien, vers où les emplois vont se déplacer? J'ai bien peur qu'ils vont être perdus. Ensuite, peut-être que ces employés pourront trouver des jobs à l'étranger, peut-être, je ne sais pas, au Texas ou en Louisiane. Mais c'est un peu inquiétant. Ce serait inquiétant de perdre des gens avec une formation. Donc, on a mentionné des revenus élevés et puis un niveau d'éducation élevé. Donc, voilà.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à l'Institut économique de Montréal. M. Chassin et M. Minardi, merci pour votre présence. Merci pour votre point de vue exprimé devant nous et à l'intérieur de votre mémoire.

Si je peux résumer rapidement, en début de mémoire vous dites : L'alternative, ce n'est pas avoir moins de pétrole, mais c'est d'avoir du pétrole qui vient par un autre moyen de transport qui est moins sécuritaire. Ça, c'est un premier point, là, je vous ai bien compris là-dessus.

Par la suite, vous parlez un petit peu du prix. Je ne suis pas économiste non plus, j'ai des connaissances limitées en matière d'économie. Par contre, l'autre jour, notre collègue de Louis-Hébert, qui était ici et qui a, en quelque sorte, posé des questions avec questionnement sur la question du prix… Et ce qu'il avait proposé aux intervenants qui étaient devant nous à ce moment-là, c'est que le prix, c'est peut-être court terme, là, de pouvoir parler d'un avantage, d'un bénéfice par baril, etc., mais qu'à moyen terme, etc., il y aura possibilité qu'il y ait une stabilisation. Et donc la question du prix, surtout lorsqu'on a parlé d'un prix qui arriverait à donner un bénéfice aux consommateurs, amener à une étape plus loin, là on disait : C'est pas mal illusoire de croire que le consommateur moyen va être bénéficié à ce niveau-là. Premièrement, l'économie puis le prix ont tendance à se stabiliser. On voit que, lorsqu'il y a plus de concurrence, on a tendance à se battre un petit peu. Lorsqu'il y a moins de concurrence puis lorsqu'on a stabilisé un petit peu notre place, on a tendance à plus augmenter.

J'aimerais vous entendre là-dessus, sur la question du prix — vous êtes l'Institut économique, alors sur le prix — et nous parler un petit peu plus loin concernant les bénéfices pour le consommateur parce qu'évidemment on pense à ça, c'est eux autres qui utilisent, les gens chauffent… C'est le transport principalement, mais il y a le chauffage, etc. Parlez-nous de ces deux aspects-là de la question.

La Présidente (Mme Bouillé) : MM. Chassin et Minardi.

M. Chassin (Youri) : Bien, en fait, pour le consommateur final, donc le citoyen qui achète, lui, du pétrole, je pense que ce n'est pas une espérance réaliste d'espérer une baisse de prix. Effectivement — puis on en parlait un peu — s'il y a un goulot d'étranglement, il peut y avoir une différence de prix, puisqu'il y a un goulot d'étranglement dans le transport. C'est d'ailleurs ce qui explique en partie la différence de prix du WTI par rapport au brent.

Au Québec, étant donné qu'on n'est pas une économie fermée et qu'il n'y a pas un surplus de capacité, ça serait très étonnant que le prix à la pompe baisse. Cependant, pour le prix, il peut y avoir davantage de stabilité sur le long terme, notamment en temps de crise. Quand le marché mondial fonctionne bien, il n'y aura pas nécessairement de perturbations. Il peut toujours y avoir des fluctuations, hein? On est habitués, notamment dans le prix du pétrole, il y aura toujours des fluctuations, mais, en temps de crise, il peut y avoir, justement, une alternative dans l'approvisionnement. Donc, c'est un avantage ou c'est un intérêt. Là-dessus, je pense que… Et effectivement, donc, de miser sur un différentiel de prix à long terme m'apparaît aussi risqué. Il peut y en avoir un encore quelques années, notamment parce que d'autres projets qui devraient desserrer le goulot d'étranglement du pétrole, dans le fond, produit dans le milieu du continent n'ont pas encore été approuvés, et le pipeline 9B, dans le fond, permettrait une voie qui serait pas mal parmi les premières. Donc, c'est ça, je pense, l'intérêt pour les années à venir. Après ça, ce sera la possibilité de sécuriser les approvisionnements et de sécuriser l'approvisionnement au meilleur prix, peu importe qu'il vienne de l'Atlantique ou de l'Ouest. Est-ce que, Jean-François, il y a autre chose?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Vous avez parlé de gestion du risque, vous avez parlé d'un pipeline comme étant plus sécuritaire qu'un train et d'autres modes, bateau, etc. Est-ce que cet accroissement de sécurité, cette augmentation de sécurité ne se reflète pas à quelque part à l'intérieur du prix, ou c'est un facteur parmi d'autres, ou c'est un facteur qui n'est pas suffisamment important pour toucher le prix?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Chassin (Youri) : C'est une bonne question. Il y a, évidemment, un impact, puisque les mesures de sécurité, qu'elles soient, dans le fond, motivées par une réglementation ou simplement par, dans le fond, les politiques internes d'une entreprise qui souhaite préserver la sécurité de son service, qui souhaite préserver, évidemment, ses ventes, voire sa réputation, va prendre elle-même... Donc, ces mesures-là ont un coût et vont être absorbées dans le prix du produit qu'elles vendent. Je pense que ça a certainement un impact. Cependant, dans le fond, il y a un travail d'équilibre à faire et, entre différentes technologies, il y a des avantages et il y a des inconvénients différents. Il y a notamment, par exemple, dans le pipeline, un certain… une dépense de capital, hein, il y a un investissement dans une infrastructure. Un train, c'est peut-être plus flexible, par contre. Et, en sécurité, je pense que c'est une question importante, il y a vraiment une différence. Peut-être que je vais laisser mon collègue expliquer un petit peu les clés… ou, enfin, quelques statistiques importantes là-dessus.

M. Minardi (Jean-François) : Oui, quelques informations sur le niveau de sécurité, donc le fait que l'oléoduc est plus sécuritaire que le transport par train, par exemple. Selon l'organisme de sécurité du ministère des transports aux États-Unis, entre 2005 et 2009 c'est le transport routier qui a connu le plus haut taux d'incidents sérieux aux États-Unis avec 19,95 par million de tonnes-mille, c'est-à-dire les tonnes de fret transportées sur une distance d'un mille…

Une voix : Par milliard.

M. Minardi (Jean-François) : Oui, par milliard, pardon. Le transport par train arrive en deuxième place avec 2,08 incidents, alors que le transport par pipeline ne connaît que 0,58 incident par milliard de tonnes-mille.

M. Chassin (Youri) : Évidemment, donc, j'ai l'impression que ça peut jouer, dans le sens où, quand il y a des accidents, bien, évidemment, la compagnie s'en ressent, hein? Ça affecte la situation financière des compagnies quand il y a des accidents, donc ça peut jouer sur le prix.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

• (15 h 20) •

M. Sklavounos : Lors de nos auditions la semaine passée, vu que l'autre côté cite souvent le député de Mercier, je vais aussi rappeler que, devant certains intervenants, il a mentionné le fait que nous rendrions service aux sables bitumineux de l'Alberta en leur permettant de désenclaver leur ressource. Vous avez fait allusion à ça, en quelque sorte, lorsque vous avez fait vos remarques, et il a parlé de ça, il a donné un point de vue qui ressemblait à dire : Écoutez, ils nous doivent… ils devraient nous donner quelque chose pour le fait qu'on désenclaverait les sables bitumineux, qui ne trouvent pas accès aussi facilement que si jamais ils se rendraient ici, et le pétrole pourrait, par la suite, être acheminé ailleurs...

Cependant, évidemment, avec un petit peu de recul, il y a des avantages, et je sais qu'il y en a d'autres qui ont parlé possiblement de transferts, de péréquation, d'autres manières par lesquelles le Québec est avantagé. Et, évidemment, il faut être aveugle, dernièrement il y a plusieurs publicités à la télévision qui disent que les sables bitumineux de l'Alberta n'ont pas juste des bénéfices en Alberta, mais… Il y en a quelques-unes qui passent à répétition devant, surtout, les canaux de nouvelles en continu dernièrement. Pourriez-vous élaborer là-dessus, concernant le fait que oui, en quelque sorte, on parlerait de désenclaver, mais quels sont les avantages? Parce que, lorsqu'on entend le député de Mercier… Il n'est pas ici, malheureusement, mais il parle de ça comme étant d'un côté, les bénéfices sont juste d'un côté, alors que je crois qu'avec un petit peu de recul — et vous pourriez nous renseigner — que les bénéfices seraient partagés. Alors, si vous étiez pour faire votre analyse et la partager avec nous, ce serait très apprécié.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion, je veux juste vous rappeler que vous ne pouvez pas souligner l'absence d'un de vos collègues.

M. Sklavounos : Oui, absolument, oui. Oui, vous avez raison.

La Présidente (Mme Bouillé) : Donc, messieurs de l'institut, les représentants de l'institut.

M. Chassin (Youri) : L'avantage de désenclaver… en fait, je pense qu'il y a un avantage à être parmi les premiers à participer à ce désenclavement. Comme je le disais, quand il n'y a pas d'autres projets, on va bénéficier d'un différentiel de prix plus longtemps que s'il y avait plusieurs autres projets. Donc, s'il y avait Northern Gateway ou Keystone, ce serait beaucoup plus difficile de penser que nos raffineries bénéficieraient d'un différentiel de prix.

Cependant, il y a la question du nous, nous allons bénéficier, qui est le nous. On en a parlé un peu, c'est évidemment, d'une part, les clients d'Enbridge, hein, donc les raffineries puis l'industrie pétrochimique. Il ne faut pas oublier que ce sont des gens, des industries, tout un tissu, un écosystème économique qui tourne autour de ça. Et par ailleurs, à l'inverse, pour ce qui est, dans le fond, des fournisseurs d'Enbridge, notamment des gens qui travaillent dans l'énergie en Alberta, il faut bien comprendre, effectivement, qu'il y a des retombées économiques au Québec, donc qu'il y a des gens ici, au Québec, qui font affaire ou qui sont fournisseurs d'entreprises là-bas, des Québécois qui vont travailler en Alberta à de gros salaires et qui reviennent et, d'autre part — et il y a vraiment un intérêt là-dedans, je pense — des solutions même innovantes qui peuvent être développées au Québec pour régler des problèmes en Alberta. Dans un cahier qu'on a écrit sur l'innovation dans les sables bitumineux et comment ça les rends plus verts, il y a, effectivement, des solutions bien québécoises, notamment pour les bassins de rétention, les «tailing ponds». Donc, il y a vraiment des solutions québécoises pour diminuer la durée de rétention de ces bassins, qui sont souvent, dans le fond, l'objet d'images assez frappantes des sables bitumineux. Donc, il y a divers impacts. Je pense, c'est intéressant.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion, en une minute.

M. Sklavounos : Rapidement, au niveau de notre capacité, on a apprécié beaucoup le tableau n° 1, qui relève à quel point nous sommes petits comparés à d'autres acteurs. Je trouve que c'est révélateur et très intéressant pour les membres de la commission.

Je vais vous parler de l'Ukraine rapidement parce que c'est dans les nouvelles. Et vous savez, comme d'autres, que, par le passé, à cause de chicanes politiques — et, évidemment, il y a la question européenne qui est mêlée là-dedans — la Russie a déjà fermé des pipelines. C'étaient plus des gazoducs qu'autre chose. Au niveau de notre sécurité, est-ce qu'il n'y a pas un danger lorsqu'on donne une partie de notre approvisionnement à des intérêts étrangers? Ne voyez-vous pas, juste au point de vue de sécurité et de stratégie, que ce n'est pas une bonne idée, c'est bien mieux de s'approvisionner localement?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en 20 secondes.

M. Chassin (Youri) : Oui, ça va être court. Je pense qu'il faut diversifier les possibilités d'approvisionnement. Évidemment, le Canada est sans doute beaucoup plus stable qu'ailleurs. Donc, effectivement, en termes géostratégiques et géopolitiques, il y a un impact, il faut en tenir compte aussi.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, vous deux. Merci de votre présence. Merci surtout pour votre mémoire. Vous savez, nous, on est de ceux qui souhaiteraient que le gouvernement soit un petit peu plus entreprenant par rapport à l'exploitation du pétrole au Québec. Est-ce que vous croyez qu'un projet comme ça peut faire en sorte de ralentir le projet d'exploiter le pétrole au Québec soit par des investisseurs moins agressifs ou que le gouvernement puisse dire : Bon, bien, on a une alternative, on n'est pas trop pressé? Je ne sais pas si vous avez une opinion par rapport à ça.

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'institut.

M. Chassin (Youri) : On n'a pas d'opinion forte, on n'avait pas pensé à la question comme ça. Je ne vois pas de lien direct, en fait. Je vais vous donner mon intuition première, je ne vois pas de lien direct. C'est-à-dire que, dans la possibilité de s'approvisionner en pétrole, est-ce que les coûts de transport, par exemple, se justifieraient pour le pétrole de l'Ouest si on produisait à Anticosti? Possiblement que oui, hein? C'est très difficile de déterminer quel va être le prix d'une production potentielle au Québec. Je pense que ce serait intéressant de réfléchir à la question de comment favoriser, effectivement, cette exploitation au Québec, mais on l'a pris — et puis vous le voyez dans notre mémoire — comme une situation donnée. À l'heure actuelle, nous ne produisons pas de pétrole, nous ne faisons qu'importer notre pétrole et dans son entièreté de notre consommation. Dans ce cas-là, choisissons… ou, enfin, permettons les possibilités d'importation de quelque source qu'elles soient. Cependant, je pense que ça n'aura pas d'impact majeur sur la production d'hydrocarbures au Québec ou de pétrole au Québec tant que les projets sont rentables. Et, évidemment, il y a toujours un risque là-dedans, mais ce sont les entreprises qui mettront leur argent en jeu et qui seront récompensées ou punies selon le marché. Donc, les investisseurs prendront leurs décisions à ce moment-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci. Mais vous ne pensez pas que, par exemple, pour des investisseurs qui seraient intéressés à investir pour exploiter le pétrole, le fait que les raffineries puissent s'approvisionner à un coût du baril beaucoup moins cher qu'actuellement ça ne peut pas être un incitatif à retarder le… d'investir dans ce genre d'exploitation là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs, en 40 secondes.

M. Chassin (Youri) : Par exemple, j'ai l'impression que, si on produit du pétrole au Québec, et qu'on le produit davantage dans l'est de la province, et qu'il y a possibilité, par exemple, de le vendre non pas aux raffineries québécoises, mais à Irving ou à l'exporter, il y a d'autres marchés, donc il y aura d'autres opportunités.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Donc, nous vous remercions, messieurs.

Et nous allons donc maintenant inviter la Confédération des syndicats nationaux à prendre place, et nous suspendons pour une minute. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 27)

(Reprise à 15 h 29)

La Présidente (Mme Bouillé) :Bienvenue, mesdames, monsieur. Vous bénéficiez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, qui sera suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. À vous la parole.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Patry (Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, messieurs dames les députés, merci beaucoup. Je voudrais d'abord présenter les personnes qui m'accompagnent : à ma gauche, Mme Mireille Pelletier, qui est conseillère au Service des relations du travail de la CSN, elle est détentrice d'une maîtrise en sciences de l'environnement; et, à ma droite, Mme Carroll, qui est économiste et conseillère au comité exécutif de la CSN. Je suis Pierre Patry, trésorier de la CSN.

D'abord, la CSN apprécie de pouvoir participer à cette commission parlementaire sur l'inversion du flux de l'oléoduc 9B d'Enbridge. Les questions touchant les hydrocarbures nous interpellent, car, en tant qu'acteur et partenaire social, nous sommes d'avis que l'utilisation de cette ressource doit se faire avec une empreinte écologique aussi faible que possible et une prospérité économique aussi grande que possible.

• (15 h 30) •

D'entrée de jeu, nous déplorons que cette consultation soit menée sans qu'aucune nouvelle étude portant exclusivement sur la canalisation de 9B ne soit effectuée. Dans le but d'optimiser les travaux de cette commission, il aurait fallu effectuer des études permanentes auparavant. Pour la CSN, ce projet d'inversion ne doit pas être examiné sous le seul angle de la rentabilité économique. Nous le disons depuis longtemps, mais la prise en compte des externalités, comme celles des effets sur l'environnement, doit être au coeur de la réflexion au moment de décider de l'avenir de ces projets.

On ne peut aborder cette question de l'inversion de l'oléoduc sans examiner les risques pour l'environnement et la crédibilité de celui qui fait cette demande. Selon le Bureau de la sécurité des transports du Canada, l'augmentation du nombre de déversements d'oléoducs depuis les 10 dernières années s'explique en partie par le fait qu'une partie de l'infrastructure des pipelines a été construite dans les années 50 et pourrait être plus sujette aux fuites en vieillissant. Le pipeline d'Enbridge ne fait pas exception à cette règle. En effet, il a été construit il y a près de 40 ans avec les normes de sécurité de l'époque et au moment où le pétrole brut était principalement de type conventionnel.

De plus, le bilan environnemental de la firme Enbridge n'est pas très reluisant. Selon l'Institut Polaris, entre 1999 et 2000 Enbridge fut responsable de 804 déversements de pétrole en Amérique du Nord. Cette situation nous semble alarmante, et la gestion de ces déversements par l'entreprise préoccupe la CSN quant à l'efficacité et la rigueur d'Enbridge à gérer les fuites de pétrole provenant de ses pipelines, et ce, d'autant plus que le gouvernement du Canada n'impose aucun délai de réponse en cas de déversement. La CSN réclame du gouvernement du Québec, avant qu'il ne puisse autoriser l'entreprise Enbridge à procéder à l'inversion, qu'il exige d'elle qu'elle possède les équipements, le personnel et l'expertise nécessaires pour gérer ces situations avec diligence, et elle va le faire efficacement.

Suite au drame de Kalamazoo, un rapport du gouvernement américain démontre qu'Enbridge savait depuis 2005 que le pipeline montrait des risques de fissure. De plus, la Commission américaine de sécurité du transport conclut à la suite de cet incident qu'une culture de déviance semble s'être développée au centre de contrôle d'Enbridge. La compagnie Enbridge martèle depuis ce déversement qu'elle a fait tout en son pouvoir pour prévenir les fuites de pétrole de ses pipelines. Il est aussi préoccupant de constater qu'il a fallu attendre que l'Office national de l'énergie juge non sécuritaires 117 des 125 stations de pompage d'Enbridge au Canada. Vu la vétusté du pipeline de la ligne 9B, nous croyons que le gouvernement doit exiger d'Enbridge qu'elle aille au-delà des normes en vigueur pour assurer l'intégrité des installations.

En plus de l'inversion du flux, Enbridge veut augmenter la quantité de pétrole transportée, passant de 240 000 barils par jour à 300 000. Il est illogique de penser que, s'il y a fuite, la quantité de pétrole déversée sera plus grande et, par conséquent, les dommages environnementaux le seront également.

Le pétrole provenant des sables bitumineux est un brut contenant plus de soufre et est plus abrasif que le but léger transporté présentement par la ligne 9B. On doit donc additionner à ce brut des produits pétroliers volatiles, ceci en vue de réduire sa viscosité afin de pouvoir le transporter d'un bout à l'autre du pipeline. Pour nous, cela représente un risque accru qu'il faut considérer.

Le document indique aussi que le Québec peut encadrer la capacité des raffineries à traiter le pétrole. Ceci est tout à fait vrai en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement. Cependant, nous savons d'ores et déjà que les pressions seront importantes pour que ces autorisations soient délivrées. La raffinerie Suncor ne vient-elle pas d'annoncer un investissement important pour permettre à ses installations de Montréal-Est de pouvoir raffiner du pétrole venant de l'Ouest?

Ce pipeline, âgé de près de 40 ans, a pour caractéristique de traverser des zones densément peuplées et des cours d'eau en amont des prises d'eau potable. Advenant une contamination de l'eau par une fuite provenant du pipeline, à moins que le gouvernement n'en décide autrement, il sera de la responsabilité des citoyens de faire la preuve que cette contamination provient véritablement de cette infrastructure. Or, nous savons qu'il s'agit de dossiers complexes dont les preuves sont difficiles à établir et que les délais judiciaires sont extrêmement longs. Mais, par-dessus tout, nous savons qu'une fois l'eau contaminée il s'avère difficile, voire impossible, de retrouver une eau de qualité.

La CSN s'inquiète aussi de la capacité d'Enbridge de faire face à ses obligations, advenant un incident. En effet, la couverture d'assurance d'Enbridge serait d'environ 685 millions de dollars. Ces sommes nous semblent insuffisantes et nous laissent plus que perplexes. Il faut exiger de meilleures garanties financières des entreprises,

Il n'est pas facile de se faire une idée précise des impacts économiques du projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B d'Enbridge, puisque plusieurs approches peuvent être utilisées avec leurs propres hypothèses qui conduisent à des résultats différenciés. Dans le document déposé par le gouvernement pour la consultation publique, on ne trouve pas d'estimation des impacts économiques qu'aurait au Québec l'investissement de 129 millions de dollars nécessaire à l'inversion du flux de l'oléoduc 9B, ce qui nous aurait permis de comparer la portée exacte de ce projet. Le gouvernement a plutôt choisi d'estimer les impacts économiques qui découleraient de la fermeture des deux raffineries qu'il reste au Québec. Ce faisant, le gouvernement accrédite l'idée qu'en l'absence de l'inversion de l'oléoduc 9B c'est l'existence même du secteur du raffinage québécois et des entreprises qui y sont directement liées qui serait menacée.

Sur la base du modèle intersectoriel de l'ISQ, 7 495 emplois seraient menacés si le projet Enbridge n'est pas réalisé : 1 405 emplois directs, 6 090 emplois indirects. De plus, les perspectives de croissance des secteurs des produits chimiques, des produits en plastique et en caoutchouc seraient affectées négativement à long terme. Même si on acceptait la logique du gouvernement, son estimation des pertes d'emploi paraît exagérée, puisque, dans le modèle intersectoriel de l'ISQ, il y a 1,66 emploi indirect pour chaque emploi direct dans l'industrie de la fabrication de produits de pétrole et du charbon, et non pas 4,33 comme dans l'estimation du ministère des Finances et de l'Économie.

De plus, si le pétrole brut de l'Ouest canadien est, effectivement, moins coûteux que le pétrole importé, c'est parce qu'il est plus lourd et a une teneur plus forte en soufre. Pour les raffineries, il en coûte plus cher de transformer ce pétrole lourd que les pétroles légers qui sont importés actuellement au Québec. Les raffineries du Québec étant équipées pour raffiner du pétrole léger, nous croyons qu'elles devront investir dans de nouveaux équipements pour transformer le pétrole lourd canadien en produits pétroliers.

En conclusion, le drame de Lac-Mégantic a mis en lumière l'incurie du gouvernement Harper. Nous connaissons le préjugé favorable de ce gouvernement à l'égard de l'exploitation des sables bitumineux, préjugé qui l'aura même conduit à renier les engagements du Canada à l'égard du Protocole de Kyoto. Il faudrait être bien naïf pour croire que le gouvernement Harper pourrait prendre fait et cause pour le Québec quand vient le temps de parler du développement de l'Alberta. Dans ce sens, le gouvernement du Québec est le seul à pouvoir défendre l'intégrité de son territoire et de son environnement. Voilà une raison suffisante, selon nous, pour qu'il décrète dès maintenant un moratoire complet concernant ce projet.

Difficile aussi de ne pas voir dans ce projet d'inversion de l'oléoduc une façon de permettre l'expansion des sables bitumineux albertains. Nous le savons, l'industrie pétrolière cherche une voie de sortie à ce pétrole hautement nocif pour l'environnement. Le gouvernement du Québec a les leviers et les moyens pour ne pas faire du territoire du Québec une voie de passage par laquelle nous assumerions tous les risques alors que d'autres empocheraient tous les bénéfices.

Enfin, la CSN tient à souligner que, dans une perspective de développement durable, nous devons plutôt chercher à réduire significativement notre dépendance au pétrole et rechercher une utilisation plus grande des énergies renouvelables. Ainsi, la question de l'inversion de 9B d'Enbridge doit aussi être examinée à l'aune de cet objectif. Si le gouvernement peut y voir une certaine opportunité économique, même si celle-ci est fortement critiquable et critiquée, nous croyons que d'autres avenues sont aussi possibles. En effet, le Québec a la chance de pouvoir compter sur un fort potentiel de production d'énergie propre. Il n'en tient qu'à nous, comme société, de faire les choix collectifs pour le canaliser dans le sens d'une révolution écologique qui serait aussi le gage de notre prospérité.

Et vous retrouvez à la page 17 de notre mémoire nos quatre recommandations. La première est à l'effet que le gouvernement décide d'un moratoire complet et immédiat sur le projet d'inversion de l'oléoduc 9B d'Enbridge. La deuxième, c'est qu'avant de permettre son inversion le gouvernement du Québec s'assure d'abord de mesurer tous les impacts sociaux et économiques, de même que tous les risques environnementaux de ce projet. La troisième, que, dans l'éventualité où l'inversion de l'oléoduc soit autorisée, le gouvernement du Québec s'assure qu'Enbridge possède les équipements, le personnel et l'expertise nécessaires pour gérer ces situations avec diligence et efficacement. Enfin, que, dans l'éventualité où l'inversion de l'oléoduc soit autorisée, le gouvernement du Québec exige de meilleures garanties financières des entreprises de façon à pallier aux risques environnementaux. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. Patry. Mme la ministre.

• (15 h 40) •

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Patry, Mme Carroll, Mme Pelletier. J'aimerais vous poser quelques questions. Tout d'abord, vous dire que certaines de vos recommandations quant à la sécurité concordent avec des intervenants qui vous ont précédés. Par contre, j'aimerais que vous me donniez un peu plus d'information sur les études indépendantes que vous auriez aimé que le gouvernement fasse avant l'audition. On a compris ici, à la commission, suite aux témoignages qui sont venus avant le vôtre que, présentement, il y a des données qui existent, qu'Enbridge a… Ils nous ont expliqué, c'est comme s'ils avaient «scanné» l'ensemble de la canalisation, là, et certains forages, et il y aurait 300 forages qui seraient éventuellement disponibles. Une partie, on a déjà l'information, une autre partie qui est à venir.

Est-ce que, quand vous parlez d'études indépendantes, c'est à partir de ces données-là ou vous auriez aimé qu'on fasse faire… qu'on aille chercher d'autres données? Parce que, dans un certain sens, ça prend des données pour faire une étude, et les données, présentement, elles ne sont pas toutes disponibles. Qu'est-ce que vous entendiez par cette étude indépendante que vous auriez aimé que le gouvernement fasse faire?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur de la Confédération des syndicats nationaux.

M. Patry (Pierre) : Très bien, oui. Bien, d'abord, vous aurez compris que, compte tenu de la réputation d'Enbridge, le nombre de déversements qu'il y a eu depuis une vingtaine d'années, ce n'est pas une compagnie qui est exemplaire du point de vue, là, d'assurer la sécurité, la sécurité des personnes face à ses équipements. En ce sens-là, on pense que le gouvernement du Québec, il ne peut pas s'appuyer sur des études faites par Enbridge pour prendre des décisions qui concernent l'ensemble de la population du Québec. Et des déversements de pétrole, c'est suffisamment important et dévastateur pour qu'on prenne le temps de faire des études indépendantes d'une compagnie qui, elle, veut inverser son pipeline et qui est donc, d'une certaine façon, en conflit d'intérêts quand elle produit ses propres études.

Donc, on aurait souhaité, par exemple, des études indépendantes sur l'intégrité du pipeline, à quel point le pipeline est sécuritaire ou n'est pas sécuritaire, des études où on aurait pu simuler quels seraient les impacts de déversements de pétrole dans le cas où il y aurait, par exemple, des fuites, compte tenu qu'on est dans des zones — on l'a dit dans notre mémoire — densément peuplées, avec des cours d'eau où les gens s'abreuvent, ainsi de suite. Donc, il faut… s'abreuvent en eau potable, Donc, il faut s'intéresser également à cette affaire-là. Également, sur les effets du type de pétrole sur l'intégrité du pipeline parce qu'en inversant le pipeline… Présentement, on transporte du pétrole léger et on transporterait du pétrole lourd. Et, d'autant plus qu'on veut augmenter la capacité de transport, ça peut avoir des impacts sur l'intégrité du pipeline.

Et on aurait souhaité avoir un peu plus en termes d'études d'impact économique parce qu'il y a assurément des impacts économiques, on ne peut pas le nier, mais on pense que ce qui nous a été présenté dans le document de consultation du gouvernement est une vision un peu optimiste, disons, quant aux impacts économiques de l'inversion de l'oléoduc.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Oui. Il y a deux points sur lesquels j'aimerais revenir dans ce que vous venez de dire. Est-ce que vous allez jusqu'à dire que les données d'Enbridge seraient fausses? Parce qu'il y a quelque chose entre avoir une étude indépendante basée sur les relevés qu'a faits Enbridge et une étude d'Enbridge. Est-ce que vous allez jusqu'à dire qu'Enbridge est tellement de mauvaise foi que les données qu'Enbridge pourrait fournir au gouvernement seraient fausses? Première question.

Deuxième question. Moi, j'ai eu l'occasion d'assister à l'ensemble des présentations, à venir jusqu'à maintenant. Les gens nous disent, à la fois ceux de Suncor et ceux de Valero, l'ancien Ultramar, que ce n'est pas du pétrole des gaz bitumineux qui s'en vient ici, pas du pétrole lourd, c'est du pétrole déjà raffiné, c'est du pétrole léger. Alors là, on parle donc d'un pipeline où il y a présentement du pétrole qui circule, et là on l'inverse. Finalement, c'est du pétrole qui s'en vient dans l'autre sens, mais c'est, à toutes fins pratiques, du pétrole égal, sinon meilleur que ce qui circule dans un sens. C'est ce que les gens de l'industrie sont venus nous dire. Est-ce que vous ne les croyez pas, eux non plus, ou si vous avez des données qui diffèrent de ce que les raffineurs sont venus nous donner comme information?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur.

M. Patry (Pierre) : Bien, on ne peut pas affirmer que ce qu'Enbridge signale est faux, la question n'est pas là. Mais, quand on regarde le comportement de cette compagnie-là, le nombre de déversements qu'il y a eu, je dirais, la légèreté avec laquelle Enbridge a traité un certain nombre de situations, ça nous laisse perplexes. On ne peut pas affirmer que leurs études sont fausses, on n'est pas capables d'en juger. Pour être capables d'en juger, ça nous prendrait des études indépendantes dans lesquelles on pourrait porter foi. Et, si les études indépendantes arrivent aux mêmes conclusions d'Enbridge, bien on conclura qu'Enbridge avait raison dans ses études. Mais là on ne peut pas l'affirmer, c'est pourquoi qu'on réclame des études indépendantes.

D'autre part, nous, on a compris que c'était du brut qui serait transporté. Parce que, s'il est déjà raffiné, d'abord ça enlève un avantage pour les raffineries du Québec, si tant est que c'est raffiné là. Parce que ce n'est pas écrit, là, que ça sera forcément raffiné, ça peut aussi être du pétrole qui va servir à l'exportation. Donc, pour nous, on a toujours compris que c'était du brut qui était transporté. Et, même s'il était raffiné, il faudrait quand même faire des études sur l'intégrité du pipeline. Mme Pelletier veut ajouter.

Mme Zakaïb : Oui…

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, Mme la ministre…

Mme Zakaïb : Je voudrais juste rectifier un point, c'est du brut léger. Ce n'est pas du brut lourd, c'est du brut léger qui serait importé.

La Présidente (Mme Bouillé) : O.K. Mme Pelletier.

Mme Pelletier (Mireille) : Oui. En fait, c'est sur ce point-là que je voulais intervenir. On sait que, présentement, les raffineries peuvent, à peu près, raffiner 15 % de brut lourd au Québec, et, pour le reste, il va falloir des investissements. Donc, on est conscients que, dans les premières années de l'inversement, ça va sûrement être du brut léger qui va être transporté, mais le but avoué, c'est que, peu à peu, on transporte du brut lourd. Donc, oui, au début, c'est déjà annoncé qu'il va y avoir du brut lourd et du brut léger, il y a des articles dans les journaux qui ont paru à cet effet-là. Et, quant à Suncor, par exemple, qui investit pour être capable de raffiner du brut lourd, bien ça sous-entend que, peu à peu, ils veulent monter le pourcentage de brut lourd et en raffiner de plus en plus année après année. Mais, au point de départ, oui, ça serait majoritairement du brut léger, effectivement, mais pour aller vers de plus en plus de brut lourd.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Une dernière question, Mme la Présidente. Pour être satisfaisante à vos yeux, la couverture d'assurance d'Enbridge devrait être de combien?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la CSN.

M. Patry (Pierre) : Écoutez, ce qu'on sait, c'est que le gouvernement fédéral a parlé… c'est de 1 milliard?

Une voix : 1 milliard.

M. Patry (Pierre) : De 1 milliard de dollars. Donc, il faudrait au moins s'assurer qu'on exige ça. Mais ça aussi, ça demande à être fouillé parce qu'on a… vous savez, il y a eu toute la catastrophe du Lac-Mégantic cet été, puis on a vu, le fait que la compagnie n'ait pas les couvertures d'assurance nécessaires, ce que ça a entraîné, y compris pour l'impact sur les finances publiques, parce qu'en bout de terme c'est nous, comme Québécoises et Québécois, qui ramassons ça. Donc, minimalement, 1 milliard, on ne peut pas aller en bas de ça. Si tu veux compléter.

Mme Carroll (Judith) : Oui. Peut-être, si je peux me permettre…

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui.

Mme Carroll (Judith) : …une autre étude qui avait été déposée devant l'Office national de l'énergie avait évalué qu'en termes de déversement possible les coûts pouvaient facilement atteindre 1 milliard, voire 5 milliards. Et donc cette étude-là permettait de conclure qu'en termes de bénéfices, si, oui, il y avait un bénéfice de création d'emplois — qui serait à mesurer, comme on le disait tout à l'heure — les externalités associées à un projet comme celui-là pouvaient largement dépasser les bénéfices escomptés, advenant le cas où il y ait, effectivement, un déversement, ce qu'on pourrait ne pas souhaiter tout à fait, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame la…

Mme Carroll (Judith) : Donc, l'évaluation même de certaines études — excusez-moi — permettait d'identifier des coûts allant de 1 milliard à 5 milliards, qui ne sont pas les nôtres.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. À plusieurs occasions, j'ai eu l'opportunité de rencontrer des représentants de la CSN, où on a parlé du secteur manufacturier québécois et de l'importance de sa compétitivité. Je comprends qu'au niveau de la création d'emplois on peut croire ou ne pas croire que des emplois vont être créés avec l'inversion du pipeline, mais le fait qu'il existe au Québec une industrie de la pétrochimie avec des salaires avantageux, avec des travailleurs qui ont des connaissances, qui travaillent, qui gagnent bien leur vie — les gens nous ont parlé tantôt de peut-être 100 000 $ par année — et toute cette industrie connexe, de permettre aux raffineries québécoises d'être compétitives sur un marché international difficile… On est tous d'accord — vous êtes économiste — que le prix des intrants est une composante importante du prix final et que les entreprises, quand elles doivent choisir où, dans le monde, elles vont faire des investissements, naturellement il n'y a personne… il n'y a pas une entreprise qui est une entreprise de bienfaisance, là, les entreprises vont aller faire des investissements dans les endroits où c'est le plus rentable.

Alors, sans parler de création d'emplois — parce que, là-dessus, ça nécessite des investissements additionnels, on n'est pas certains, bon — garder des emplois existants, c'est déjà beaucoup. Parce que c'est difficile, créer des nouveaux emplois. Alors, vous êtes en désaccord avec la position du gouvernement quand on dit qu'il faut maintenir la compétitivité de cette industrie pétrochimique et que présentement, étant donné qu'ils n'ont pas accès à du pétrole moins cher, comme les Américains, comme les gens de l'Ontario, ça pourrait fragiliser notre industrie? Ça, vous n'êtes pas en accord avec ça?

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur de la Confédération des syndicats nationaux.

M. Patry (Pierre) : Bien, d'abord, j'ai beaucoup de défauts, sauf celui d'être économiste. Je ne le suis pas, donc... Ma collègue l'est, toutefois.

Ceci étant dit, on partage la préoccupation du gouvernement sur la question de création d'emplois, sur la question de maintien d'emplois de qualité au Québec. Ça, on vous rejoint totalement à cet égard-là. D'ailleurs, on vous a déjà rencontrés, on a déposé un projet de politique industrielle qui inclut un certain nombre de volets, y compris le développement des technologies propres, où on pense qu'il y a beaucoup d'avenir en matière de création d'emplois tout en diminuant l'émission de gaz à effet de serre.

Dans ce cas-ci, ce qui nous préoccupe particulièrement, c'est que, quand on regarde l'ensemble des avantages, si tant est qu'on ait des études indépendantes pour être capables de les calculer, bien, encore faut-il s'assurer de mesurer l'ensemble des coûts. Et, dans les coûts qu'il y a, c'est qu'il y a quand même des risques qu'il y ait des déversements avec ce que ça implique sur les populations au Québec puis, éventuellement, même comment ça touche les finances publiques du Québec quand il y a de tels déversements, peu importent les garanties qu'on va demander aux entreprises, puis on pense que ça prend des garanties financières importantes.

Quand on regarde l'ensemble de ces coûts-là, on n'est pas convaincus à ce moment-ci, et c'est pour ça qu'on demande un moratoire. On ne dit pas de le rejeter définitivement, on demande un moratoire pour qu'il y ait des études indépendantes, pour qu'on puisse mesurer l'ensemble de ce que ça représente en termes de création et de maintien des emplois, mais aussi au niveau des impacts environnementaux. Et ça, on ne l'a pas aujourd'hui. Et, ne l'ayant pas aujourd'hui, on n'est pas capables de mesurer si le coût en vaut la chandelle. C'est plutôt là-dessus qu'on est en désaccord, ce n'est pas sur le fait qu'il faille créer des emplois et maintenir des emplois, surtout des emplois de qualité au Québec. Ça, on rejoint totalement le gouvernement sur cette question-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Mme la Présidente, je vais laisser la parole au député de Repentigny.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, mesdames, monsieur. Vous reconnaissez qu'au départ ce sera essentiellement, là, en grande majorité, du brut léger qui est destiné à cette canalisation-là parce que les raffineries, actuellement, sont équipées pour du brut léger, mais votre crainte est à l'effet que, dans le futur, on modifie ces installations-là pour recevoir du brut lourd, donc le pétrole des sables bitumineux. À votre avis, est-ce qu'il y aurait des mesures que le gouvernement du Québec peut prendre pour empêcher ces modifications-là dans le futur? Parce qu'actuellement la législation dont on dispose ou les poignées législatives qu'on a comme gouvernement du Québec sur le transport de pétrole par pipeline… vous le mentionnez dans votre mémoire, là, ce n'est pas ici qu'est la juridiction. Par contre, il y a tout l'aspect mobilisation, puis c'est pour ça qu'on a mis en place cette commission-là, pour s'efforcer d'avoir une position commune, de développer un consensus le plus large possible au Québec pour tenter d'influencer la décision du gouvernement fédéral. On reconnaît d'emblée que ce n'est pas facile, donc d'autant plus important qu'on ait une position qui soit la plus consensuelle, la plus forte possible.

Donc, si on veut, dans le futur, par contre, empêcher que ça se transforme vers du brut lourd, est-ce qu'il y a des moyens qu'on pourrait mettre en oeuvre dès maintenant au Québec pour éviter d'aller dans ce sens-là ou imprégner une direction différente?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur, en moins d'une minute.

Mme Pelletier (Mireille) : Oui. C'est sûr que la solution donnée dans le document de consultation peut paraître assez intéressante — qui est le levier de la Loi sur la qualité de l'environnement — sauf qu'il faut s'assurer que cette loi-là, elle ait des dents puis que, quand on veut faire des investissements dans une raffinerie pour aller vers du brut lourd, bien, qu'il y ait vraiment des audiences du BAPE. Donc, tout ça serait à revoir parce que, des fois, cette loi-là, elle peut être contournée par des leviers. Quand on apprend, déjà, qu'il y a des investissements qui vont se faire chez Suncor pour raffiner du pétrole lourd, bien, on est en droit de se demander s'ils ont déjà eu leur certificat d'autorisation pour en raffiner, tu sais. Il y a ça. Puis, l'autre chose, il faut se demander aussi, en tant que société, qu'est-ce qu'on veut faire avec le pétrole au Québec, donc est-ce qu'on en veut. On n'a jamais répondu à ces questions-là. Est-ce qu'on veut raffiner du pétrole lourd ici? Est-ce qu'on n'en veut pas?

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Bouillé) : Non, je suis désolée. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de remercier et de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux. J'ai regardé votre mémoire et j'avoue qu'à la page 6, du début jusqu'à la fin, j'aurais pu l'écrire moi-même. Et c'est d'ailleurs des choses qui ont été mentionnées ici, à l'Assemblée nationale, et ailleurs. Premier paragraphe, vous reprochez au gouvernement le fait qu'il s'est passé un long délai entre le moment que la compagnie Enbridge a déposé à l'Office national de l'énergie une demande d'inversion, le 29 novembre 2012, et le moment de tenir ces consultations. Et vous mentionnez également... vous développez à l'intérieur de votre mémoire que ce délai-là place un petit peu dans une situation un petit peu difficile parce qu'évidemment, en début d'année, les résultats de l'Office national de l'énergie, la recommandation, si vous voulez, ou la décision finale… Et les collègues de l'autre côté admettent candidement, comme tout le monde, que c'est l'instance qui a la juridiction, la compétence exécutoire dans ce dossier-là.

Est-ce que vous pourriez possiblement nous donner votre point de vue? Pourquoi, d'après vous, il y a eu ce délai? Et je sais qu'évidemment à plusieurs reprises le ministre de l'Environnement avait mentionné qu'il y aurait des consultations, que ça donnerait l'occasion aux gens qui n'ont peut-être pas eu l'occasion, nécessairement, de se prononcer. Est-ce que vous reprochez ça au gouvernement, de ne pas avoir tenu les consultations plus tôt et qu'aujourd'hui on se retrouve dans une course, si vous voulez, contre la montre, puisqu'on veut tenir les consultations, avoir des recommandations avant que l'Office national de l'énergie statue? Est-ce que vous avez une opinion sur le délai?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur de la Confédération des syndicats nationaux.

M. Patry (Pierre) : Oui, oui. Bien, ce serait un peu hasardeux pour moi de décortiquer pourquoi le gouvernement a pris tout ce temps-là pour faire la consultation. Ce qu'on déplore, par contre, c'est la chose suivante — puis c'est ce qu'on dit à l'intérieur de notre mémoire — c'est que nous, on aurait préféré qu'avant qu'il y ait la consultation du fédéral par l'Office national de l'énergie, bien, qu'il y ait une consultation au Québec parce que, si la volonté du gouvernement… Comme M. McKay l'a expliqué tantôt, qui dit : Bien, il faudrait chercher à établir un consensus au Québec parce que ce n'est pas facile de faire bouger le gouvernement fédéral quand il a une orientation bien précise… On souscrit tout à fait, d'ailleurs, à ce qu'il a dit là-dessus. Bien, on pense que le rapport de force du gouvernement du Québec aurait été bien plus fort s'il avait organisé… et plus éclairé, je dirais, de la volonté de la population du Québec si on avait organisé au préalable des consultations au Québec avant de se présenter devant l'Office national de l'énergie. Donc, pour nous, on considère que ça a été fait à l'envers, et là, finalement, on se retrouve au début décembre 2013 à faire une consultation au Québec pour une décision qui va se prendre tôt en 2014 probablement du côté du fédéral. Donc, je ne sais pas pourquoi le gouvernement du Québec a agi de cette façon-là, mais on aurait souhaité qu'il fasse les choses dans l'autre sens.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Mais, avec permission, Mme la Présidente, M. Patry, non seulement, en quelque sorte, comme vous dites, ça a été fait dans le sens inverse, mais le but final de ce que vous suggérez, c'était de prendre les opinions alimentées de la consultation, établir des recommandations pour aller devant l'Office national de l'énergie. Si je comprends bien votre logique, la destination finale, si vous voulez, aurait dû être l'Office national de l'énergie, qui a juridiction en la matière. Pas juste le sens, mais la destination finale. Cette consultation aurait eu comme débouché une présence de la part du Québec, qui s'est déjà présenté en 1997 devant l'Office national de l'énergie lorsque le pipeline a été inversé de l'autre sens. Ce n'est pas ça que vous êtes en train de nous dire?

• (16 heures) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur.

M. Patry (Pierre) : C'était, tout au moins, ce qu'on aurait souhaité, qu'il y ait d'abord une consultation au Québec avant qu'on puisse prendre position devant l'Office national de l'énergie. Donc, il me semble que ça aurait été beaucoup plus, je dirais, sain en termes de démarche qu'on consulte la population parce que les opinions sont variées, là, sur cette question-là au Québec, là. J'ai entendu des gens qui m'ont précédé ici tantôt qui étaient plutôt favorables — pour des raisons différentes, soit dit en passant — d'autres sont défavorables, d'autres, comme nous, demandent un moratoire parce qu'on demande à voir… Donc, nous considérons — puis c'est d'ailleurs un des éléments qu'on mentionne dès le début de notre mémoire — que la consultation est extrêmement courte. C'est à peu près à la mi-novembre que le gouvernement du Québec a décidé de tenir cette commission parlementaire là, alors qu'il y a déjà eu consultation à l'Office national de l'énergie. Parce qu'il y a des questions de juridiction, effectivement, qui se posent, puis il y a un partage de juridiction sur les questions environnementales.

Mais la question est avant tout politique : Quelle position le gouvernement du Québec veut tenir face au gouvernement fédéral? Et, pour tenir la meilleure position, bien, s'il y avait eu des consultations au préalable, bien, il aurait eu l'avis éclairé de la population du Québec pour prendre la position qui reflète le choix collectif que nous souhaitons faire comme Québécoises et Québécois.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : M. Patry, vous avez mentionné également que ce délai-là, en quelque sorte, nous place dans une situation où les expertises supplémentaires que vous demandez sont, en quelque sorte, irréalisables, vu le court délai qu'il nous reste. J'aimerais que vous élaboriez sur ce point-là, mais, juste avant, j'aimerais simplement vous entendre… Je comprends qu'on agit tardivement, je comprends qu'il y a très peu de temps pour qu'on rassemble les opinions québécoises qui sont partagées, en quelque sorte, comme vous l'avez mentionné vous-même, mais le fait de ne pas aller devant l'Office national de l'énergie, qui est l'instance qui a juridiction, vous ne trouvez pas que lorsque… l'Ontario a été devant l'Office national de l'énergie, que ce n'était pas, en quelque sorte, affaiblir collectivement, peu importe la position… Moi, je ne vous dis pas quelle position aurait été prise. On n'est pas à la fin des consultations, moi, je n'ai pas ma position. On a parlé d'une opinion, un préjudice, si vous voulez, qui est favorable, mais ne trouvez-vous pas qu'on s'est affaibli collectivement, comme Québec, comme État, comme nation, en n'étant pas devant l'Office national de l'énergie, peu importe le contenu de la présentation qui aurait été faite devant cette instance?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur.

M. Patry (Pierre) : C'est pour ça qu'on aurait souhaité qu'il y ait consultation au préalable, pour que le Québec puisse y aller comme gouvernement, mais en ayant fait les consultations pour prendre le pouls de la population du Québec et de porter ça devant l'Office national de l'énergie et, éventuellement, même face au gouvernement fédéral.

Ceci étant dit, présentement il y a une consultation. Donc, on va souhaiter que le gouvernement et les partis d'opposition écoutent bien ce que les différents groupes et les citoyennes et citoyens ont à dire pour prendre la décision la plus éclairée qui soit sur la question de 9B.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Vous reprenez, à la page 10, au bas, quelques commentaires du point de vue des municipalités. Et nous avons eu l'UMQ, ici, qui a témoigné devant nous concernant le fait qu'au niveau de l'élaboration des plans d'urgence, premièrement, ils ont été, si vous voulez, pour reprendre votre langage, mais qui reflète de façon… Je ne sais pas si, ce bout-là, vous l'avez préparé en collaboration avec les municipalités, en quelque sorte ils reprochent… les municipalités ont reproché… ou l'UMQ comme telle a reproché à Enbridge de ne pas avoir, premièrement, divulgué plus tôt… mais non seulement de ne pas avoir divulgué plus tôt, de ne pas avoir consulté, en quelque sorte. Et, lorsqu'on pense que les acteurs, les premiers répondants, si vous voulez, dans une situation où il y aurait accident, seraient les municipalités, premiers arrivés, là, c'est un petit peu contradictoire ou c'est un petit peu quelque chose à améliorer, si vous voulez. Est-ce vous voulez élaborer là-dessus?

Maintenant, vous mentionnez que, dans certaines circonstances, on a attendu jusqu'aux auditions de l'ONE de divulguer… mais, une fois que c'était fait, est-ce que ces plans d'urgence, de ce que vous avez entendu, ce que vous avez pu recueillir comme information, est-ce c'est des plans d'urgence qui semblent réalistes, acceptables? Tout peut s'améliorer en même temps, mais j'aimerais savoir, sur le contenu comme tel… Je comprends qu'évidemment l'élaboration aurait pu se faire plus en consultation, selon ce que vous dites, aurait pu être divulguée plus d'avance, mais j'imagine aussi que le plan d'urgence, c'est quelque chose qui est un «work in progress». J'imagine que c'est quelque chose qui peut être changé, peut être amélioré. Quel est votre point de vue là-dessus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur.

Mme Carroll (Judith) : Écoutez, pour ma part, je n'ai pas connaissance du contenu des plans d'urgence. Je pense que c'est aux municipalités à déterminer si leur contenu était satisfaisant pour être capables d'agir en situation de déversement. Ce que ça met en évidence de façon particulière, c'est peut-être le comportement corporatif de cette entreprise-là. Quand on parle de responsabilité sociale, quand on parle des déversements, quand on parle de prendre ses responsabilités comme entreprise, je pense que notre mémoire fait état de plusieurs éléments qui nous permettent de douter. Non pas de dire que les données présentées à la question qui était tout à l'heure sont fausses, mais d'avoir un doute raisonnable sur la qualité des informations transmises. Et la question des plans d'urgence, c'est un des exemples parmi les autres du comportement de cette entreprise-là qui demande, hein, qui est celle qui demande que l'inversion soit rendue possible. Donc, c'est dans ce cadre-là qu'on le plaçait.

Sur le détail des informations contenues, il est clair qu'il faudrait, je crois, que le gouvernement prenne l'initiative, advenant le cas où il y ait une permission, qu'on aille dans ce sens-là de couvrir l'ensemble et de déterminer, par réglementation ou autrement, l'ensemble des conditions, et dont les plans d'urgence devraient nécessairement faire partie. Mais on le dit aussi en termes d'équipement, et tout ça, pour être capable de répondre en situation d'urgence.

Mme Pelletier (Mireille) : Juste en complétant assez rapidement, un plan des mesures d'urgence, c'est pour les premiers répondants. Donc, ce qu'on souhaiterait également, c'est que, maintenant que les plans d'urgence sont déposés, bien, que ce soit fait en coopération pour que la municipalité s'assure qu'elle est capable d'intégrer ce plan des mesures d'urgence là. Parce que c'est beau, avoir un plan des mesures d'urgence, mais, si la municipalité n'a pas les gens et les équipements pour le faire, bien, le plan d'urgence est caduc à ce moment-là. Donc, voilà.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Vous avez sans doute aussi entendu qu'une des recommandations... pas une recommandation, mais une suggestion que nous avons faite d'entrée de jeu au gouvernement, c'est la création d'une unité de vigilance pour ce projet-là qui pourrait regrouper le ministère des Ressources naturelles, le ministère de l'Environnement, Enbridge comme principal acteur et ainsi que l'Office national de l'énergie, qui a juridiction. C'est une suggestion que nous avons faite au gouvernement. C'est une entité, et on n'a pas dessiné l'entité, on voulait vous entendre, on voulait entendre les acteurs, les municipalités. Ça pourrait aussi laisser place, évidemment, aux municipalités, vu que le but, c'est de transmettre des informations et créer un forum pour avoir plus de transparence pour le partage de renseignements, et est-ce que vous serez d'un oeil favorable, là, sur une telle unité? Est-ce que vous êtes… Évidemment, je vous dis, elle n'est pas dessinée d'avance, on voulait vous entendre. Mais, de prime abord, comment entrevoyez-vous une telle possibilité?

La Présidente (Mme Bouillé) : En 20 secondes...

M. Patry (Pierre) : Bien, je pense qu'il y a, effectivement, quelque chose d'intéressant dans ce que vous mentionnez, il y a… Vous n'avez pas parlé de l'implication des travailleuses et des travailleurs qui pourraient être concernés aussi. Parce que c'est, au premier chef, celles et ceux qui sont appelés à intervenir quand il y a de tels plans d'urgence. Donc, peu importent les mécanismes qu'on va mettre sur pied, il faut s'assurer qu'on associe également les travailleuses et les travailleurs.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup pour votre présentation et la qualité des échanges. J'invite maintenant le Conseil des bassins versants des Mille-Îles...

Une voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : Pardon?

Une voix : …député de Nicolet-Bécancourt.

La Présidente (Mme Bouillé) : Oh! excusez-moi, je m'excuse. Bien oui, c'est moi, là, qui... Excusez-moi, M. le député de Nicolet-Bécancour, je suis vraiment désolée.

M. Khadir : …Mercier est peut-être quantité négligeable, mais pas la CAQ, quand même.

La Présidente (Mme Bouillé) : Allez-y.

• (16 h 10) •

M. Martel : Merci, Mme la Présidente, il n'y a pas de faute. Bonjour à vous trois. Merci. Merci d'être là. Merci d'apporter un point de vue un peu plus critique de ce qu'on a entendu par rapport au projet. Mais il y a deux observations que je voudrais vous faire, je vais vous laisser commenter par la suite. La première, c'est : J'essaie de comprendre en quoi un moratoire peut faire en sorte que la population du Québec serait plus en sécurité ou en quoi ça serait un plus d'avoir un moratoire.

Et, la deuxième, je suis obligé de vous mentionner, à la page 15 de votre mémoire, en conclusion, vous dites : «Il faudrait être bien naïf pour croire que le gouvernement Harper pourrait prendre fait et cause pour le Québec quand vient le temps de parler du développement de l'Alberta.» Je ne veux pas prendre la position du gouvernement Harper, mais je vous ferai remarquer qu'on reçoit quand même 8 à 9 milliards de péréquation. Je ne sais pas si vous avez vu l'état des finances publiques la semaine dernière, mais moi, je me questionne sérieusement où en serait le Québec, là, si on ne pouvait pas profiter de cette péréquation-là au niveau budgétaire.

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la CSN.

M. Patry (Pierre) : Bien, d'abord, sur les intentions du gouvernement Harper ou les orientations du gouvernement Harper, il suffit de regarder comment ce gouvernement-là s'est comporté depuis la crise financière, qui a dégénéré en crise économique, et comment il a soutenu le développement des sables bitumineux en Alberta, comment il a soutenu l'industrie de l'automobile en Ontario, ce contre quoi on n'a absolument rien, mais comment il s'est comporté face au Québec, par exemple, pour le soutien à la forêt, où on a eu à peu près 200 millions d'aide en tout et partout. Donc, il y a aussi un impact du gouvernement fédéral en fonction des politiques qu'il prend qui fait en sorte que ça affecte les provinces puis que les provinces, disons, moins bien nanties peuvent se retrouver dans des situations extrêmement, extrêmement complexes.

D'autre part, puisqu'on parle de la question du pétrole, c'est un déterminant important dans la détermination de la valeur du dollar canadien. Et, quand le prix du pétrole augmente puis que le dollar canadien augmente, bien, ça met à mal la capacité d'exporter pour des économies comme la nôtre ou celle de l'Ontario qui sont des économies axées sur le développement industriel puis sur l'exportation de leurs produits, et c'est aussi lié au comportement du gouvernement fédéral. Donc, on ne peut pas, je pense, faire un simple calcul par rapport à la péréquation.

D'autre part, sur la question du moratoire, c'est qu'on réclame un moratoire parce qu'on considère qu'on n'a pas tout l'éclairage nécessaire pour prendre position comme Québécoises et comme Québécois. Et ce qu'on mentionne dans notre mémoire — puis on en a discuté au point de départ — c'est que, comme le gouvernement s'est appuyé sur des études faites par Enbridge et que, d'autre part, quand on regarde le comportement de cette compagnie-là, on peut avoir des doutes sur, disons, les études qu'ils mettent de l'avant, on souhaite qu'il y ait des études indépendantes. Donc, à partir du moment où on appelle des études indépendantes, bien, on va attendre au moins d'avoir le résultat de ces études-là avant de prendre position...

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci…

M. Patry (Pierre) : …ce qui veut dire, en attendant, un moratoire. Puis, quand on aura tout l'éclairage, on prendra position. Peut-être, dernier élément là-dessus si vous me permettez…

La Présidente (Mme Bouillé) : C'est terminé, je m'excuse. Peut-être… Oui.

M. Khadir : Je donne mon temps.

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui? Allez-y. Allez-y, M. Patry.

M. Patry (Pierre) : Ah! très bien. Peut-être, dernier élément là-dessus, c'est qu'on considère que le débat sur la question de l'énergie, y compris celle du pétrole, se fait à la pièce. Là, on parle d'Enbridge, il y a le débat sur l'exploitation dans l'Est du Québec. Nous, on pense… Puis il y a toute la question du développement des nouvelles sources d'énergie, là, les énergies alternatives. Bien, le débat, il devrait être global, et là, à ce moment-là, on pourra prendre les décisions les plus éclairées comme peuple québécois.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.

M. Khadir : D'ailleurs, une critique que l'opposition officielle d'il y a quelques années — au gouvernement aujourd'hui — faisait beaucoup au gouvernement précédent, elle les appelait à considérer toute l'équation globale de l'énergie au Québec plutôt qu'à la pièce. Mais on comprend, malheureusement, il y a des intérêts importants, il y a des emplois, il y a des considérations électorales, il y a toutes sortes de considérations qui font que des décisions, sans doute, qui pourraient être, sur la base juste de la rationalité, faciles à prendre, deviennent très difficiles, puis on voit ce qu'il en est.

Merci de votre présence. Je voudrais profiter de la présence de Mme Pelletier — c'est ça? — qui avait contribué à l'élaboration de ce mémoire. Il y a un flou artistique entretenu par l'industrie pétrolière sur, finalement, là, ce pipeline, qu'est-ce qu'il va transporter. Les gens du gouvernement se sont laissé convaincre que c'est vraiment pour du pétrole synthétique, ça ne représente pas plus de danger, même si le pipeline est vieux, c'est un risque à prendre. D'autres, des experts indépendants, partout, pensent qu'il y a une machine à l'oeuvre parce qu'il y a 13 milliards de dollars de développement pétrolier juste pour Suncor et Total ensemble. Total, plus gros investisseur privé de Total, c'est Power Corporation, du Québec. Donc, il y a une énorme machine pour rendre le pétrole bitumineux disponible aux marchés internationaux. Qu'est-ce que vous en pensez?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, monsieur.

Mme Pelletier (Mireille) : Bien, je pense que cette question-là, premièrement, elle doit être prise sur le global, là. Ici, on parle d'Enbridge, mais il y a aussi le projet de TransCanada qui s'en vient, et le but final des sables bitumineux, c'est de désenclaver le bitume. Donc, je crois que c'est vrai quand ils disent que les raffineries ne sont pas prêtes présentement à traiter du bitume lourd. Mais je crois, par ailleurs, que les raffineries se préparent tranquillement à traiter du bitume lourd et que, quand le flux va être inversé, bien, petit à petit, ça va être du pétrole des sables bitumineux, jusqu'à avoir 100 % des sables bitumineux qui va être transporté par ce pipeline-là dans le but de le sortir de l'Alberta et faire monter son prix pour qu'il aille rejoindre le prix du brent.

La Présidente (Mme Bouillé) : 10 secondes, M. le député de Mercier.

M. Khadir : Bien, merci de l'intervention. Je voulais juste dire qu'au Québec aujourd'hui, suivant une étude de l'Institut Pembina, aujourd'hui, les Québécois paient de leurs poches… en 2012, là, ils ont payé de leurs poches 340 millions de dollars en soutien à l'industrie pétrolière. Donc, c'est pour ça qu'on a besoin de faire le bilan total et de voir, ce qu'on est en train de faire, est-ce que, finalement, ça vaut la peine ou pas ou c'est mieux d'investir tout cet argent-là à la transition des emplois dans l'est de Montréal et ailleurs, sortir…

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Merci, M. le député de Mercier. Je vous remercie. Là, après vérification, c'est vrai, je vous remercie donc.

Et j'invite maintenant les représentantes du Conseil des bassins versants des Mille-Îles à prendre place, et je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 18)

Documents déposés

La Présidente (Mme Bouillé) : Avant de débuter votre intervention, mesdames, je vais déposer deux documents qui ont été fournis par Enbridge Pipelines : un premier qui est un document de consultation publique auprès de certaines municipalités, et l'autre document est la question de la planification des interventions d'urgence en cas de déversement et questions environnementales. Donc, ces documents vont être distribués aux membres de la commission et seront disponibles sur le site Internet de l'Assemblée nationale.

Donc, ceci étant déposé, bienvenue, mesdames. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi d'un échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais, au début, d'ailleurs, de vous présenter.

Conseil des bassins versants
des Mille-Îles (COBAMIL)

Mme Cloutier (Denise) : Très bien, merci. Mon nom est Denise Cloutier. Je vous présente Elsa Dufresne-Arbique, qui est la directrice du COBAMIL. Je suis moi-même présidente de l'organisme.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous donner l'opportunité de nous prononcer sur ce projet, qui a fait, d'ailleurs, l'objet de discussions au conseil d'administration du COBAMIL.

Alors, le Conseil des bassins versants des Mille-Îles est un organisme à but non lucratif fondé en 2010 suite au redécoupage du Québec méridional en 40 zones de gestion intégrée de l'eau. Notre OBV est mandaté par le MDDEFP afin de mettre en oeuvre la gestion intégrée de l'eau, tel que stipulé dans la Politique nationale de l'eau et la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau.

• (16 h 20) •

Le territoire d'intervention du COBAMIL est situé sur la couronne nord de Montréal. Chevauchant 24 municipalités ainsi qu'un établissement amérindien, ce territoire recense une population estimée à 420 000 personnes et couvre une superficie de 1 052 kilomètres carrés. Il s'étend de la municipalité de Saint-Placide jusqu'à celle de Terrebonne et est délimité au nord par Mirabel et Sainte-Anne-des-Plaines.

La canalisation 9B traverse notre territoire dans son entier sur un axe ouest-est et croise de nombreux cours d'eau, dont les rivières du Chêne, du Chicot, et de Mascouche, de nombreux ruisseaux ainsi que les rivières des Outaouais et des Mille Îles. Ces deux dernières constituent des plans d'eau essentiels à la région du Grand Montréal tant en termes d'approvisionnement en eau potable que pour le récréotourisme, l'un des piliers économiques de la région. Ces cours d'eau subissent déjà de très grandes pressions anthropiques, notamment en raison de l'imperméabilisation des sols et de la perte des milieux naturels et humides les bordant.

Nos préoccupations sont toutes reliées à l'eau, bien entendu, puisque telle est l'essence même de la mission de notre organisme. Celles-ci s'articuleront donc, dans le cadre de ce mémoire, autour de cinq grands thèmes : les eaux de surface, les eaux souterraines, les risques pour les écosystèmes, les mesures d'urgence et autres préoccupations. Je laisse la parole à Elsa.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Alors, du côté des eaux de surface, on dénombre cinq stations municipales puisant l'eau de surface dans la rivière des Mille Îles ainsi qu'une prise supplémentaire dans la partie septentrionale du lac des Deux Montagnes. Certaines de ces installations fournissent l'eau potable pour plus de 100 000 personnes, de sorte que, combinées, ces usines assurent l'approvisionnement en eau potable pour plus de 400 000 citoyens répartis sur la couronne nord et la section nord de Laval. Et ça, c'est en plus des milliers de commerces, instituts et industries de la région.

Advenant que du pétrole brut se retrouve dans la rivière des Outaouais ou dans la rivière des Mille Îles suite à un déversement, comment Enbridge compte-t-elle sécuriser et assurer l'approvisionnement en eau potable de ces centaines de milliers de personnes? Et, au-delà de ces mesures d'urgence, il est essentiel de pouvoir arrêter le déversement rapidement et, donc, d'optimiser et de maximiser les possibilités d'arrêt du flux coulant dans l'oléoduc. Il existe des valves manuelles et automatisées qui présentent chacune des avantages, mais aussi certaines faiblesses.

De plus, par chez nous, certains réseaux d'égout sont de type unitaire, c'est-à-dire que les eaux domestiques et les eaux pluviales sont combinées et dirigées vers les stations de traitement des eaux usées. En cas de déversement sur la surface du sol dans ces secteurs, il est donc possible que le pétrole brut ruisselle jusqu'à l'égout pluvial et rejoigne l'usine de traitement, qui, elle, n'est pas du tout conçue pour traiter cette matière. Il en résulterait une diminution de l'efficacité du traitement des eaux usées et, donc, un rejet supplémentaire des contaminants dans le plan d'eau récepteur, qui est généralement, encore une fois, la rivière des Mille Îles.

Nous recommandons donc qu'Enbridge dépose auprès des services de sécurité publique, incluant les municipalités et le gouvernement du Québec, un plan d'urgence portant, oui, sur les mesures pour nettoyer, mais aussi au niveau de l'approvisionnement en eau potable pour ces centaines de milliers de personnes, d'en assurer la mise à jour annuelle et de prévoir un fonds d'urgence à cet effet exclusivement. Ce plan doit être détaillé, réaliste et être déployable en quelques heures seulement, puisqu'on parle d'eau potable.

La prévention demeure aussi la meilleure solution. Nous proposons donc l'ajout d'une membrane étanche autour de l'oléoduc lorsque celui-ci traverse un cours d'eau pouvant affecter directement une prise d'eau potable.

Le temps de réaction, lors des déversements, est aussi crucial. Nous recommandons donc que des valves manuelles et automatisées, ainsi que des capteurs de pression soient installés directement en amont de chaque traverse de cours d'eau, peu importe la dimension de celui-ci.

Et finalement, considérant la fragilité de la rivière des Mille Îles et de son double rôle en matière d'approvisionnement en eau potable et de récepteur d'eaux usées traitées, nous recommandons qu'une étude soit faite portant sur les risques de contamination des usines de traitement d'eaux usées.

Du côté des eaux souterraines, celles-ci alimentent plus 40 000 personnes en eau potable sur la Rive-Nord de Montréal. De plus, de nombreuses industries l'utilisent pour prospérer, tels l'agriculture, les golfs et les carrières. Au total, c'est plus de 14,8 millions de mètres cubes qui sont prélevés annuellement de l'aquifère fracturé seulement sur la couronne nord de Montréal. Cette eau souterraine est donc essentielle tant pour la sécurité et le bien-être des citoyens, mais aussi pour la prospérité des producteurs et des entreprises qui en dépendent économiquement.

Les puits artésiens doivent parfois être scellés. C'est variable selon la nature du sol et la proximité de certains contaminants. Toutefois, il nous a été rapporté par des puisatiers locaux que de nombreux puits devraient être scellés, mais ne le sont pas ou alors qu'ils ont été laissés à l'abandon et ne sont plus entretenus. En cas de fuite de l'oléoduc qui, parfois, passe tout juste à côté de ces puits-là, le pétrole pourrait utiliser cette voie et contaminer les nappes souterraines, détruisant ainsi potentiellement la seule source d'eau de ces citoyens.

Nous recommandons donc, considérant les préoccupations énoncées précédemment, qu'une vérification de la conformité du scellement des puits artésiens, individuels ou collectifs, soit faite dans un rayon minimal de 100 mètres de l'oléoduc 9B d'Enbridge.

Concernant les écosystèmes, il y a, bien sûr, le parc de la Rivière-des-Mille-Îles, qui possède le statut de refuge faunique et qui a été reconnu en 1998 comme une institution muséale par le ministère de la Culture. Refuge pour de nombreuses espèces, dont certaines en péril, cet écosystème offre aussi un site enchanteur pour les récréotourismes, et il est fréquenté par des dizaines de milliers de personnes à chaque année.

On a aussi le lac des Deux Montagnes, qui est alimenté entièrement par la rivière des Outaouais, qui est un peu en aval de la traverse de l'oléoduc d'Enbridge, qui est aussi un plan d'eau reconnu pour sa beauté et la variété de ses écosystèmes.

Nul doute qu'une atteinte à un des deux de ces écosystèmes aurait non seulement des répercussions sur les espèces vivantes, mais aussi sur l'offre de services du parc national d'Oka et sur les divers projets de recherche qui s'y déroulent.

On sait, finalement, qu'Enbridge ajoutera au pétrole brut un additif chimique afin d'en assurer la fluidité et réduire les frictions, source potentielle de corrosion. En cas de déversement, quel impact aura cet additif chimique, de même que le pétrole, sur les écosystèmes et sur les eaux contaminées?

Donc, pour les écosystèmes, nous recommandons, à l'instar de nombreux organismes, la création d'un fonds de sécurité monétaire déposé en fidéicommis qui pourrait servir en cas de déversement ou pour tout autre objet jugé utile par le gouvernement du Québec. Ce fonds devrait être suffisamment élevé pour décontaminer l'environnement atteint et dédommager les personnes morales et physiques lésées suite à ce déversement-là.

Du côté des mesuresd'urgence, Enbridge a élaboré un plan d'urgence en cas de déversement dans les cours d'eau afin d'agir avec célérité. Ce plan d'eau est partagé avec les municipalités concernées, ce qui est une excellente initiative. Toutefois, nous ignorons la source des informations utilisées afin d'élaborer ce plan d'urgence de même que la fréquence de leur mise à jour.

À cet effet, considérant que les organismes de bassins versants du Québec ont des données terrain spécifiques à leurs territoires respectifs, considérant que les OBV, dont nous, faisons de très nombreuses et fréquentes observations portant sur les cours d'eau et sur les écosystèmes, nous recommandons que les OBV concernés puissent participer à la mise à jour des données visant l'élaboration des plans d'urgence. Je vais laisser la parole à Mme Cloutier pour compléter.

La Présidente (Mme Bouillé) : En une minute.

Mme Cloutier (Denise) : Une minute?

La Présidente (Mme Bouillé) : Une minute, oui.

Mme Cloutier (Denise) : Les récentes révélations ont confirmé un manque de transparence de la part d'Enbridge en regard des déversements de ses oléoducs. Récemment, les journaux locaux ont fait état d'un déversement non déclaré de 4 000 litres de pétrole à Terrebonne, en 2011, à proximité d'écoles et d'une garderie. Ce déversement ne figure d'ailleurs… ailleurs parmi ceux recensés dans le document préparatoire pour cette consultation, document élaboré par le gouvernement du Québec. Il est inacceptable que la compagnie Enbridge fasse fi de ses obligations.

En plus du souci de transparence, nous tenons à insister sur les dommages potentiels que pourraient subir les entreprises de la couronne nord de Montréal en cas de déversement majeur des eaux de surface. Ces entreprises et institutions, privées d'eau, ne pourraient poursuivre leurs activités normales et perdraient dès lors probablement leurs revenus.

Finalement, le COBAMIL est d'avis que le principe de précaution doit être appliqué en tout temps lorsqu'il est question de la pérennité des écosystèmes et des usages de l'eau. Le développement économique ne doit pas se faire au détriment de ces enjeux.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Vous pourrez, de toute façon, compléter lors de la période d'échange. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Je vais laisser la parole au député de Repentigny.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Bien, merci beaucoup. Alors, bonsoir, Mme Cloutier et Mme Dufresne-Arbiqué?

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Arbique.

• (16 h 30) •

M. McKay : Arbique, oui. Alors, écoutez, dans le cadre de mes fonctions d'adjoint parlementaire au ministre de l'Environnement pour la Politique nationale de l'eau, j'ai eu à vous croiser déjà à quelques reprises, et donc je vais profiter de l'occasion aujourd'hui pour vous féliciter pour votre excellent travail dans les bassins de la rivière des Mille Îles. C'est un cas quand même un peu particulier.

Parmi vos recommandations, vous suggérez d'intensifier l'acquisition de connaissances sur les eaux souterraines sur le territoire, donc, le long de cette canalisation-là. Vous mentionnez un programme, là, le PACES, Programme d'acquisition de connaissances sur les eaux souterraines. À votre connaissance, est-ce qu'il y a déjà une partie du territoire qui est couverte par des études existantes?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames du Conseil des bassins versants des Mille-Îles.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Oui, effectivement, le PACES a déjà été fait en 2000 sur une partie du territoire. Donc, les MRC Thérèse-De-Blainville, de Deux-Montagnes et de Mirabel ont été couvertes par le PACES au tout début des années 2000. Par contre, ces données-là commencent à dater parce qu'une nappe souterraine, ça bouge, c'est vivant, ça se modifie. Donc, ces données-là ne sont pas nécessairement à jour. La partie Lanaudière de notre territoire, donc L'Assomption et la MRC des Moulins, n'a jamais été faite, n'a jamais été cartographiée. Il n'y a donc aucune connaissance que… ou, du moins, elles sont… Il y a des petites…

Une voix :

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Parcellaires, effectivement, merci. Mais il n'y a pas de grande étude qui a été faite, alors il y aurait une nécessité de réétudier les eaux souterraines dans la section Laurentides de notre territoire et de faire l'étude un jour dans la partie Lanaudière. Où on recommande aussi d'acquérir plus de connaissances, c'est au niveau des puits principalement, puisqu'ils sont des portes ouvertes.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui, merci. Bien, justement, c'était ma prochaine question. Lorsque vous recommandez de vérifier la conformité des puits, donc des puits artésiens, je pense que, la distance, vous recommandez 100 mètres, là, du tracé de l'oléoduc. En plus de la conformité, est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait aussi avoir un échantillonnage de la qualité de l'eau dans ces puits-là de façon à pouvoir, si jamais il y avait un déversement… qu'on puisse avoir une base de comparaison pour qu'on puisse, dans le fond, démontrer que le pétrole n'était pas là d'avance parce qu'on aura déjà des données? Ou est-ce que ce ne serait pas nécessaire de faire ce type d'analyse là parce que, par exemple, on pourrait, je ne sais pas, moi, très bien connaître le type de pétrole, puis, à ce moment-là, on pourrait le caractériser, puis on n'aurait pas besoin d'avoir une base de comparaison? Je ne sais pas si vous avez une opinion à cet effet.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Oui, ce serait important de le faire. Ceci étant dit, actuellement, tel que la juridiction est, c'est le propriétaire de puits qui est tenu de faire son échantillonnage, est supposé échantillonner son eau de puits à chaque année. Sauf que la majorité des gens ne le font pas, donc est-ce que la donnée serait intéressante à acquérir? Oui, mais, comme en ce moment, ça devrait être la responsabilité du propriétaire.

Ceci étant dit, tel qu'on l'a mentionné dans le mémoire, on recommande de vérifier, oui, la conformité des puits parce qu'ils ne sont pas tous faits dans les règles de l'art — ça m'a été confirmé par certains puisatiers — ils ne sont pas tous scellés adéquatement. Et, comme cet échantillonnage-là n'est pas fait, je ne pourrais que saluer un tel échantillonnage, une telle acquisition de connaissances sur la situation actuelle des eaux souterraines, effectivement.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Vous parlez aussi d'une membrane d'étanchéité, une membrane étanche autour de l'oléoduc lorsqu'il traverse un cours d'eau. À votre connaissance, est-ce que ça se fait à d'autres endroits? Est-ce que c'est une technologie qui est déjà connue, qui est déjà éprouvée?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames les représentantes du conseil.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Malheureusement, à ma connaissance… Je ne peux pas dire que j'ai eu le temps non plus de faire moult recherches là-dessus. Le temps nous était, bien, comme tout le monde, là, assez limité, je n'ai pas eu le temps de faire énormément de recherches là-dessus. Par contre, cette information-là… c'est des gens de Polytechnique qui m'ont soumis cette possibilité-là. Alors, j'en conclus que, s'ils y ont pensé, il y a des chances que ça puisse exister. Et, à ça, je répondrais que, de toute façon, dans les années 80, quand on a demandé à Hydro-Québec de faire passer la ligne électrique sous le fleuve, la réponse, sur le coup, a été de dire : C'est impensable. Et, aujourd'hui, ça s'est fait et c'est devenu une des grandes fiertés d'Hydro-Québec. Alors, si ça ne se fait pas, je pense qu'il y a moyen de l'inventer et de le faire.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Donc, il y aurait lieu de… vous pourriez éventuellement informer la commission des personnes-contacts, là, qui vous ont parlé de cette technologie-là de façon à ce qu'on puisse éventuellement… pouvoir le vérifier.

Vous permettez? Alors, l'autre recommandation, des vannes manuelles et automatisées ainsi que des capteurs de pression, vous voudriez qu'ils soient installés directement en amont de chaque traverse de cours d'eau. Ça, à votre connaissance, est-ce que ce sont des choses aussi qui se font déjà et que vous voudriez que ce soit appliqué de façon plus systématique ou… Je sais qu'il y a certaines municipalités qui sont venues… l'Union des municipalités du Québec est venue vendredi en disant qu'ils ne connaissaient pas la localisation des vannes sur leur territoire et que, dans certains cas, la distance entre deux vannes était tellement grande que ça pouvait traverser plusieurs municipalités avant qu'il y en ait vraiment une, là. Donc, je ne sais pas si vous avez de l'information supplémentaire à nous fournir.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mmes Cloutier et…

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) :

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Dufresne-Arbique.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Excusez, pardon. Je vais finir par m'habituer. Bien, écoutez, je vous dirais que, là-dessus, on n'a pas plus d'information que les municipalités. Et cette recommandation-là est une doléance qui vient notamment de certaines municipalités sur notre territoire ou même de d'autres municipalités d'ailleurs, de d'autres territoires, mais c'est ce qui nous a été rapporté par plusieurs, c'est-à-dire qu'ils ne savaient pas où étaient les valves exactement, dans certains cas qu'une valve était rapportée comme étant une valve automatisée, alors que c'en était une manuelle ou que c'était le contraire. Et on y va toujours sur le principe de la précaution, donc c'est pour ça qu'on parlait de valves manuelles et automatisées, pour que, dans les deux cas, ça puisse réagir parce que la technologie, c'est merveilleux quand ça fonctionne.

Une voix : …l'électricité.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : C'est ça, alors que la valve manuelle, elle, fonctionne toujours à jus de bras. Et, pour ce qui est des capteurs de pression, bien, c'est de s'assurer que, si jamais il y a une modification, qu'il y a une fuite ou qu'il y a quelque chose, qu'on puisse le savoir rapidement, alors que, si le capteur, lui, est situé à trois kilomètres de là, bien, ça peut altérer la décision prise.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Bien, je soulignerais qu'il y a plusieurs… Bien, notamment les intervenants du monde municipal nous indiquent qu'ils souhaitent que des exercices de mesures d'urgence soient réalisés de façon systématique, dans le fond, parce qu'on constate qu'actuellement ça se fait de façon plutôt ponctuelle puis à la demande d'une municipalité. On a cité le cas de la municipalité de Mirabel, mais, je pense, c'est certainement une recommandation, là, qui fait en sorte qu'on saurait où sont les points d'intervention sur le territoire, d'une part, puis qu'on pourrait vérifier leur bon fonctionnement parce que même une vanne manuelle, moi, je peux vous dire, si ça fait quelques années qu'elle n'a pas été opérée, là, ça peut être pris dans la rouille et puis ça peut être impossible à opérer. Alors, parce qu'il faut les opérer régulièrement, donc ça prend un programme d'entretien régulier. Est-ce qu'on a encore du temps?

La Présidente (Mme Bouillé) : Tout à fait.

M. McKay : Vous mentionnez à quelques reprises dans votre mémoire que vous avez rencontré M. Prud'Homme, un directeur de la compagnie Enbridge, un représentant, chef des affaires publiques pour l'Est du Canada. Vous l'avez rencontré le 18 avril 2013. D'après ce que vous rapportez dans le mémoire, il ne semble pas y avoir eu plusieurs questions qui ont reçu une réponse satisfaisante de votre part. Est-ce qu'il y en a quand même eu? Mais je voudrais… Dans le fond, ma question, c'est plus à l'égard de la transparence et puis de la bonne foi de l'entreprise, est-ce que vous estimez que cette entreprise-là vous a donné un bon service, là, entre guillemets, ou est-ce que vous avez plutôt l'impression qu'ils vont respecter le minimum de leurs obligations réglementaires et que, donc, il faut s'assurer que ces obligations-là soient les plus strictes possible?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames du Conseil des bassins versants des Mille-Îles.

• (16 h 40) •

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Je vous dirais, là-dessus, évidemment, quand vous me parlez de perception, bien, automatiquement, on entre dans la perception personnelle. Mais ce qui nous est apparu, quand même M. Prud'Homme avait répondu à plusieurs de nos questions avec grande franchise. Il nous avait présenté plusieurs documents, il nous avait montré aussi quelques bribes… Par contre, évidemment, on n'a pas eu accès à toutes les données, mais il nous a quand même démontré qu'Enbridge possédait plusieurs connaissances sur chacun des cours d'eau, donc, en cas de déversement, avait déjà une bonne base d'analyse et de données pour pouvoir réagir. Donc, là-dessus, je vous dirais qu'il y a eu une partie qui a été très satisfaisante dans cette rencontre-là. C'est sûr qu'il est resté certaines questions sans réponse où on aurait espéré un retour d'appel, il n'y en a pas eu nécessairement. Donc, il y a eu du pour et il y a eu du moins — comment dirais-je? — convaincant.

Ce qui nous a le plus titillés, par contre, de toute cette rencontre-là, c'est, premièrement, la source des données. Pour toute cette base de données là, quoi faire en cas de réaction, d'où provenaient ces données-là et la fréquence des mises à jour, ça, on n'a pas eu de réponse là-dessus, et, pour nous, c'est très important parce qu'on sait que l'eau, qu'elle soit souterraine ou de surface, l'eau bouge, les écosystèmes se modifient. Il y a une importance majeure à remettre ces données-là à jour, premièrement. Et, deuxièmement, pour nous, ce qui est un point préoccupant et pour lequel on n'a pas eu de réponse, c'est par rapport à l'approvisionnement en eau potable. S'il y a un déversement dans la rivière des Outaouais, c'est la grande région de Montréal — s'il est majeur — c'est la grande région de Montréal qui n'a plus d'eau, puis c'est majeur. Et ça, on n'a pas eu de réponse là-dessus.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Repentigny, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui.

M. McKay : Oui, merci. Bien là, vous venez de me déconcentrer, par exemple.

La Présidente (Mme Bouillé) : Je le sais.

M. McKay : Comme dit le député de Laurier, ça ne m'en prend pas beaucoup. Dans le fond, peut-être pour conclure, parce que vous mentionnez, donc, que les organismes de bassins versants sont des parties prenantes, devraient être impliqués dans ce processus de transparence puis d'échange de données, donc ce que je comprends, c'est que le COBAMIL est intéressé à être partie prenante, à contribuer de façon constructive comme vous le faites aujourd'hui avec votre mémoire. Par contre, en même temps, je comprends qu'il n'y a rien de gratuit dans la vie, et vous vous attendriez à avoir une contribution financière aussi en conséquence. Est-ce que c'est bien ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Je commencerais par vous souhaiter bon anniversaire.

M. McKay : Oui. Bien, merci.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Je vous dirais là-dessus, est-ce que le COBAMIL aimerait être partie prenante? Oui, comme pour plein de choses qui se passent sur notre territoire. C'est ça, le rôle d'un organisme de bassins versants. À partir du moment où il est question d'eau sur son territoire, son rôle, c'est d'être partie prenante. Est-ce qu'une participation minime, qui fait partie d'une planification du territoire, territoriale, est-ce qu'elle devrait être rémunérée? Non. Mais, si ça implique d'aller faire de l'acquisition de données, si ça implique des choses qui sont en dehors de notre mandat, considérant le peu de revenus dont disposent les organismes de bassins versants au Québec, bien, à ce moment-là, si c'est en dehors de notre mandat, ça serait la moindre des choses, effectivement.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Bien, je soulignerais, en terminant, qu'effectivement le COBAMIL et les autres organismes de bassins versants au Québec — nous en avons 40 en tout, Mme la Présidente — sont, effectivement, des sources de référence très importantes, des sources de savoir-faire, de compétence et qui connaissent bien la qualité de l'eau, toute la question des enjeux de l'eau sur leur territoire, et moi, j'enjoins toutes les entreprises qui oeuvrent sur le territoire qui ont des impacts potentiellement sur l'eau d'effectivement… de contacter ces organismes-là et, éventuellement, de leur accorder avec… Ils peuvent leur accorder avec confiance des contrats, comme d'acquisition de données d'échantillonnage. Il y a plusieurs MRC puis plusieurs municipalités, entreprises qui le font déjà à beaucoup d'endroits.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue aux représentantes du Conseil des bassins versants des Mille-Îles. Mme Cloutier, Mme Dufresne-Arbique, merci de votre présence, merci pour votre contribution à nos travaux.

J'ai quelques questions et, par la suite, je céderai la parole à ma collègue de Soulanges, qui est assise patiemment, alors qu'elle a, évidemment, des enjeux locaux sur son territoire qu'elle aimerait aborder avec vous. Et, je pense, des fois, c'est le député qui a le plus de connaissances particulières et locales, là, qui est le mieux placé pour poser certaines questions.

J'aimerais simplement aborder deux points avec vous. Vous avez sans doute entendu parler d'une recommandation que nous avons faite d'entrée de jeu, avant que débutent les consultations, concernant une unité de vigilance que nous proposons au gouvernement, qui serait constituée, entre autres, par le ministère des Ressources naturelles, le ministère de l'Environnement, l'Office national de l'énergie, Enbridge. Nous avons eu des demandes parce que, lorsqu'on a fait cette proposition-là, on a été bien clairs que nous n'allions pas la dessiner avant de donner l'occasion aux gens qui étaient concernés de venir nous parler. Nous avons, entre autres, eu la suggestion, évidemment, d'inclure les municipalités malgré le fait que le but de cette structure était pour assurer le transfert d'information, sécuriser la population, un bon transfert de données et une explication, une collaboration avec les communautés locales qui sont touchées. Et nous avons également eu une suggestion de la part des représentants de la CSN, qui nous disaient qu'évidemment les travailleurs qui sont impliqués et qui travaillent sur le terrain pourraient faire partie de cette unité de vigilance parce qu'évidemment c'est eux autres qui travaillent sur le projet.

J'aimerais savoir si, comme premier réflexe, vous avez une opinion là-dessus Je vous dis d'emblée encore et je répète, l'unité n'est pas dessinée, on veut entendre… Nous avons des groupes aussi qui témoignent demain — et nos travaux sont loin d'être terminés — mercredi également. Mais, de prime abord, là, je vous lance ça, est-ce que vous verriez ça d'un bon oeil? Et est-ce que vous vous verriez comme participants ou collaborateurs, d'une certaine façon, à une telle unité de vigilance si elle verrait le jour?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentantes du conseil.

Mme Cloutier (Denise) : Oui. Merci de parler de vigilance. Effectivement, nous, on parle de précaution dans notre mémoire, et c'est exactement ce vers quoi il faut tendre. Et, nous, notre préoccupation, d'abord, c'est… Selon nous, la principale richesse naturelle du Québec, c'est l'eau, et, à ce niveau-là, advenant un déversement, c'est vraiment l'eau qui serait la première affectée, l'eau potable, l'eau qui est un aliment de base pour tous les citoyens. Notre zone en compte 420 000, citoyens, et ça affecterait même toute l'île de Montréal si la rivière des Outaouais… il y avait un déversement dans la rivière des Outaouais, effectivement.

Et l'eau n'est pas l'affaire que d'une entreprise ou que d'un ministère, elle est l'affaire de 12 ministères au Québec et elle est l'affaire aussi des organismes de bassins versants. C'est sûr que notre position sur ce comité de vigilance là… on aimerait bien y participer s'il y en avait un, effectivement. Et, en fait, cette unité de vigilance là serait une table de concertation où on parle de vrais problèmes. Nous, on est des spécialistes des tables de concertation, c'est comme ça qu'on gère l'eau par bassins versants. On a les municipalités sur notre table de concertation, les entreprises et les organismes communautaires. Donc, c'est sûr que, ce genre d'unité là, on y participerait avec grand plaisir.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Rapidement… Et, évidemment, je crois que tout le monde qui est autour de la table et des gens qui sont venus sont tous très concernés et préoccupés, évidemment, et ont, évidemment, l'eau non seulement comme ressource, mais partie de notre patrimoine collectif dans nos coeurs, et, évidemment, je crois que, pour n'importe qui, c'est une priorité. C'est clair que, de part et d'autre, je pense qu'il n'y a personne autour de la table qui n'est pas concerné, qui ne veut pas qu'on assure la pérennité et la protection de nos cours d'eau.

J'aimerais aborder un autre sujet. Vous avez mentionné à la page 12, la dernière page, que vous estimiez que les ressources qui étaient allouées, les budgets alloués au ministère du Développement durable, de l'Environnement, Faune et Parcs sont insuffisants pour assurer que le ministère joue son rôle de prévenir, inspecter, faire face à une situation où il y aurait, malheureusement, ce qu'on veut éviter, des accidents et des déversements. Voulez-vous élaborer rapidement là-dessus? Est-ce qu'il y a des exemples ou des limitations que vous avez vus, vous avez constatés par le passé, qui vous permettent de dire qu'évidemment, s'il y avait d'autres ressources, ça se serait passé mieux, plus rapidement? Avez-vous quelque chose en tête lorsque vous faites part de cette préoccupation?

• (16 h 50) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames.

Mme Cloutier (Denise) : Juste le constat de voir qu'il y a 0,38 % du budget du Québec qui est alloué au ministère du Développement durable, qui, lui, sous son chapeau même, en a à peu près 15 %, dont récemment la Faune… On peut penser qu'il y a peut-être 15 % de ce budget-là, 15 % de 38 % qui est alloué pour la protection de l'eau. C'est nettement insuffisant quand on considère que, pour nous, c'est la richesse naturelle la plus importante. Et c'est un sondage Nanos qui disait aussi : Pour l'ensemble des Canadiens, la richesse naturelle la plus importante, c'est l'eau. Alors, on ne l'a pas inventé. Mais j'ai de la misère à comprendre comment le ministère du Développement durable, qui, lui, a la mission de protéger cette ressource, qui a la mission aussi de s'occuper de changements climatiques, qui a la mission de s'occuper de la faune, a quand même un si petit budget à l'intérieur du gouvernement, alors que les ministères comme le ministère des Ressources naturelles ont des millions. Alors, c'est un petit peu ça, notre questionnement.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci. Dernière petite question, et je vais céder la parole... ou la présidente va céder la parole à ma collègue de Soulanges. Vous, vous êtes toujours disposées à continuer la communication avec Enbridge, continuer la collaboration, avoir des renseignements s'ils démontraient une ouverture. Comme vous dites, il y a peut-être certains appels qui n'ont pas été retournés, mais vous, vous demeurez disponibles, vous n'avez pas non plus... dorénavant, vous êtes toujours aussi prêtes à collaborer avec eux si jamais il pourrait y avoir d'autres discussions et d'autres collaborations afin d'échanger des informations et prendre en compte vos suggestions.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mmes Cloutier et Dufresne-Arbique.

Mme Cloutier (Denise) : Oui, certainement. D'ailleurs, notre conseil d'administration avait fait une résolution pour demander au gouvernement de faire une étude indépendante. Ça, c'était en février l'année passée. Et, suite à ça, Enbridge nous avait contactés, et on les avait rencontrés. Ils ont, comme on a dit, répondu à nos questions. On est ouverts à travailler avec eux pour faire en sorte que ce projet-là — puis il y en a beaucoup au Québec, des projets industriels — respecte les ressources.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous, mesdames. Et je vais en profiter pour souhaiter joyeux anniversaire à mon collègue en face.

Une voix :

Mme Charlebois : Oui, mais je le fais en notre nom. Comme vous le savez, il y avait le comité des bassins versants de Vaudreuil-Soulanges qui devait venir avec vous, mais j'imagine qu'ils vont adresser leurs préoccupations à la MRC, qui doit venir mercredi. Mais je constate que vous avez sensiblement les mêmes remarques, honnêtement, c'est évident. Parce que vous avez la même mission, c'est évident qu'on allait avoir sensiblement les mêmes remarques.

Je veux juste me permettre... Je vous le dis, ça va finir par rentrer au poste, Vaudreuil-Soulanges est en Montérégie. Ce n'est pas noté dans le document de consultation, mais je vous le dis pour votre information. Et, quand on parle de la rivière des Outaouais, c'est aussi chez nous, ça touche aussi notre population, ça touche... Quand on parle de 2,5 millions d'habitants qui pourraient être touchés, bien, c'est 40 % de personnes de Vaudreuil-Soulanges qui pourraient être touchées par un déversement, comme le disait le représentant d'Enbridge, peu probable.

Mais, ceci étant, vous parlez de la membrane… Moi, je suis bien préoccupée, comme les citoyens chez nous, de ce qui traverse la rivière des Outaouais, l'oléoduc qui passe là, puis vous parlez d'une membrane. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'échanger avec M. Prud'Homme à ce niveau-là? Est-ce que vous avez parlé de la qualité de l'oléoduc? Moi, je lui ai posé une question à savoir... Il m'a dit qu'il y avait 300 inspections qui avaient été produites puis il y avait 59 réparations qui avaient été effectuées. Et j'ai demandé : Sont-elles majeures ou mineures? Il m'a dit mineures.

Maintenant, pour celle qui traverse la rivière des Outaouais, là, la portion qui est là, est-ce que vous avez eu l'occasion de savoir s'il n'y avait pas déjà une membrane ou quelque chose qui existait?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames du Conseil des bassins versants des Mille-Îles.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Là-dessus, je vous répondrais que l'idée de la membrane est venue bien après. On a rencontré M. Prud'Homme en avril, et l'idée de la membrane nous a été soumise, il y a à peu près un mois, par les gens de l'École polytechnique. Donc, non, on n'a pas eu d'échange avec M. Prud'Homme à cet effet-là. Alors...

Une voix : … bonne question…

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Ça serait une bonne question à lui poser, en effet, mais je ne me retournerai pas de bord tout de suite.

La Présidente (Mme Bouillé) : Bonne idée. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Puisque le canal de communication est ouvert, j'imagine qu'on aura des réponses éventuellement sur cette préoccupation-là.

Quand on parle aussi d'échantillonnage d'eau des puits artésiens… C'est beaucoup le cas chez nous, hein, les puits artésiens. Vous le savez, les terres agricoles, chez nous, sont de qualité, et tout le monde est bâti là avec... il n'y a pas d'approvisionnement en eau potable.

Et vous parlez aussi d'eau potable. Ma préoccupation, c'est l'eau, évidemment, pour les terres, pour les citoyens avec les puits artésiens et aussi pour l'approvisionnement des cités et villes. Vous dites avoir un fonds, vous avez parlé aussi de rapidité d'exécution, mais comment on fait pour ramener… combien de temps… Est-ce que vous avez eu l'occasion d'échanger sur le combien de temps ça va prendre… s'il y avait un peu probable déversement — j'utilise les mêmes mots, là — combien de temps ça prend à ramener la qualité de l'eau potable?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Bien, là-dessus, combien de temps à rapporter la qualité de l'eau, c'est très variable, je présume, selon ce qui est déversé, selon la quantité, selon l'atteinte de l'écosystème, selon où est-ce que ça s'est déversé aussi. Si ça se déverse en plein milieu d'un milieu humide, qui est une éponge, qui est difficile à décontaminer et que l'écosystème s'en trouve irrémédiablement atteint, peu importe ce qu'on va faire, bien, à ce moment-là, on parle de décennies avant de pouvoir commencer à voir une amélioration, alors que, si ça se déverse sur une terre agricole, qu'il y a moyen… que c'est tout petit puis qu'on peut le décontaminer in situ… Donc, tout est très, très variable. De là à dire combien de temps ça peut prendre, c'est difficile. Effectivement, nous aussi, on a entendu parler du très peu probable déversement, mais ça reste que ce très peu probable là, il y en a eu un à Terrebonne il n'y a pas si longtemps, alors…

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la députée de Soulanges, en une minute.

Mme Charlebois : Je vais faire ça très rapide. Quand vous parlez d'un montant de fonds de prévoyance, d'assurance ou je ne sais pas comment… Puis vous parlez aussi de redevances annuelles, pouvez-vous élaborer, un, sur combien vous croyez qu'il devrait y avoir en assurance, et, deux, qu'est-ce que vous entendez par «redevances annuelles»? C'est quoi, votre vision là-dessus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, en 35 secondes.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : O.K. Un, pour ce qui est du montant de combien devrait être mis en fonds de prévoyance, je ne suis pas économiste, je n'ai ni cette qualité ni ce défaut, donc je ne pourrais répondre. Là-dessus, je laisserai les économistes y répondre.

 Pour ce qui est de la redevance, c'est un principe que, tout simplement, en ce moment, ça traverse des terres agricoles, il y a des champs qui sont touchés par ça, ça traverse nos cours d'eau, c'est la couronne nord qui… En tout cas, dans notre secteur, notre territoire, pareil comme chez vous, c'est les gens de la place, c'est les agriculteurs qui en assument les risques en cas de déversement. Alors, ce serait la moindre des choses que ces gens-là n'en subissent pas aussi que les conséquences.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bien, je vais faire un petit peu de pouce sur la recommandation 9, là : «Une redevance annuelle versée — bien, d'abord, bonjour, merci d'être là — au territoire de la couronne nord de Montréal devrait être envisagée.» Deux, trois petites questions par rapport à ça. À votre connaissance, est-ce qu'il y a des précédents, c'est-à-dire qu'Enbridge verse des redevances à des endroits où l'oléoduc passe?

La Présidente (Mme Bouillé) : …Cloutier, Dufresne-Arbique.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Bien, là-dessus, on sait qu'Enbridge verse, effectivement, une certaine… Puis ce n'est pas vraiment une redevance, mais va payer pour de l'achat de matériel de sécurité sur le territoire. Ça a été rapporté dans certaines municipalités par chez nous, notamment Saint-Placide, Mirabel, Sainte-Anne-des-Plaines. Donc, oui, il y a déjà ça qui est fait, mais cette redevance-là, elle est versée aux municipalités touchées pour l'achat de matériel de sécurité. Or, les gens, les propriétaires fonciers de ces terres-là, eux ne reçoivent rien, à notre connaissance. Donc, oui et non.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Quand vous dites «devrait être versée au territoire de la couronne», là, tantôt, vous avez parlé aux endroits… par exemple, aux propriétaires. J'essaie de bien comprendre à qui vous verriez que cet argent-là serait versé.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames du conseil.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Ce n'est pas clairement défini. Au conseil d'administration, ça a été discuté. Il y a certains de nos administrateurs, comme disait Mme Cloutier tantôt, qui viennent de tous les secteurs, donc chacun avait son point de vue. Mais ce qui ressortait clairement, c'était que… pas nécessairement de donner les sous à la CMM en disant : Voici, voilà, mais qu'il y ait un partage qui se fasse. De façon très précise, on ne peut pas dire qu'on a une solution concrète et précise à proposer à cet effet-là. C'était vraiment en réponse au principe de dire que, comme je l'ai précisé tantôt, puisque ce sont les agriculteurs notamment, et beaucoup des agriculteurs dans notre secteur, qui subissent le risque qu'il y ait un déversement, de perdre leurs terres, de perdre leur eau ou quoi que ce soit, qu'il y ait quelque chose qui leur revienne. Moi, si je donne un droit de passage à une entreprise chez moi, je m'attends à avoir une compensation aussi puis pense que ces gens-là sont en droit de s'attendre à la même chose.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Nicolet-Bécancour.

• (17 heures) •

M. Martel : Actuellement, ce que vous demandez là, il n'y a pas de redevances de versées. Dans la situation actuelle, là, Enbridge ne verse pas de redevances. Vous, vous dites : Profitons de l'inversion pour demander une redevance additionnelle. Je ne dis pas que je suis contre, là, mais est-ce que je comprends bien ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, en 15 secondes.

Mme Cloutier (Denise) : La redevance… Excuse-moi.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Vas-y.

Mme Cloutier (Denise) : La redevance est une chose, mais il y a aussi un fonds qui pourrait être créé à ce niveau-là. Je ne sais pas, les événements à Lac-Mégantic nous ont démontré à quel point qu'un déversement est coûteux. Mais c'est énorme, donc il faut faire des provisions pour ce genre de problème là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Bravo pour votre excellent mémoire, Mmes Cloutier et Arbique. D'abord, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous, avec d'autres députés, on va essayer de s'assurer qu'un maximum de vos recommandations, somme toute, très, je dirais, très judicieuses et très raisonnables, soient, disons, parmi les recommandations et les critères pour l'acceptation de ce projet si jamais le gouvernement décide d'y aller de l'avant et que nous, nous soyons contre cette inversion pour des raisons qui seraient trop longues à expliquer.

Des citoyens de Vaudreuil-Soulanges, je pense, du Très-Saint… — j'oublie le nom de la localité — m'ont envoyé une photo où on montre des stations de pompage avec des valves manuelles. Dans un rapport de l'AQLPA, qui est un organisme sérieux, un rapport volumineux qui se base sur plusieurs études et de la documentation fournie par les promoteurs, ils nous disent que 117 des 125 stations de pompage d'Enbridge sur tout le territoire canadien n'ont pas de bouton d'urgence ou de valve d'urgence qui soit automatique. Est-ce que vous, vous avez pu obtenir de l'information sur le territoire que vous couvrez, sur les stations de pompage et lesquelles, combien d'entre elles ont des valves d'urgence?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentantes du conseil.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Je vous dirais que, là-dessus, il y a certaines recherches qui ont été faites il y a quand même de ça plusieurs mois. Ces recherches-là ont été assez brèves, je dois avouer. Et non, je n'ai rien trouvé là-dessus.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : Donc, je vous suggère, puisque M. Prud'Homme, qui représente Enbridge, avec tout le bagage du travail politique qu'il a fait dans le passé, qui lui permet d'être très convaincant et très habile pour amener, je suis sûr, les recommandations des citoyens auprès d'Enbridge, hein, dans l'autre sens… en sens inverse… de lui demander précisément combien de stations de pompage... Parce que, vous comprenez, on l'a vu dans la terrible tragédie de Lac-Mégantic, quand il n'y a pas de mécanismes d'urgence, comment le fait de juste compter sur des valves manuelles peut représenter un danger plusieurs heures avant de s'y rendre puis, ensuite, de fermer. Et, sachant qu'à l'échelle canadienne il y en a une grosse majorité qui n'en ont pas, moi, ça me préoccupe pour le Québec.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mesdames, en 40 secondes.

Mme Dufresne-Arbique (Elsa) : Bien, je vous dirais là-dessus que je pense que je vais appeler M. Prud'Homme, prendre un rendez-vous avec lui, effectivement. Et dernier petit point, mais qu'il est important de souligner, c'est que les recommandations qu'on a faites pour l'eau, évidemment ça s'applique chez nous, sur la couronne nord, mais ça s'applique partout, à l'ensemble du Québec, partout où il y a un pipeline qui passe. Et je pense que, peu importe qu'il y ait inversion ou pas du flux dans ce pipeline-là, il y a des recommandations de sécurité de base. Cet oléoduc-là, dans ce cas-ci, a 40 ans. Quand il a été bâti, ce n'étaient pas les mêmes normes qui étaient en vigueur. Il est temps de revoir peut-être ce qui est là et de s'assurer de s'y conformer, inversion ou pas. Merci, j'ai fini.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup.

Et je demande maintenant aux représentants de l'Union des producteurs agricoles à prendre place à la table, et je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

(Reprise à 17 h 6)

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous accueillons maintenant les représentants de l'Union des producteurs agricoles. Donc, bienvenue. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, suivi d'une période d'échange, et je vous demanderais de vous présenter au début.

Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Lemieux (Pierre) : Oui. Pierre Lemieux, premier vice-président général de l'Union des producteurs agricoles. Je suis accompagné d'Isabelle Bouffard, qui s'occupe… la direction Recherches, et économie, et politiques agricoles à l'UPA et qui est principalement attachée au secteur de l'énergie.

Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier, dans le fond, de nous offrir la possibilité de venir se faire entendre devant vous. Vous savez, un dossier comme celui-là, c'est un dossier qui préoccupe énormément l'Union des producteurs agricoles, dans le sens que… Je pense que, dans le document, dans le fond, de travail que vous avez envoyé, là, pour nous aider à faire nos mémoires sur la représentativité qu'on a à vous déposer aujourd'hui, vous avez souligné certains éléments sur lesquels vous aimeriez nous entendre : sécurité des personnes, l'environnement et les bénéfices économiques. Vous comprendrez que, du côté de l'Union des producteurs agricoles, on s'est attardés principalement à la sécurité des personnes et à l'environnement parce que ça nous concerne directement, les propriétaires fonciers qui sont des agriculteurs et des producteurs forestiers. Juste pour vous dire, on souhaite vous rappeler dans un premier temps que les producteurs agricoles et forestiers, ils cultivent leurs terres depuis que le Québec existe ou presque et que, de cette manière, les producteurs agricoles et producteurs forestiers ont contribué à l'enrichissement de la société québécoise soit en la nourrissant ou en exploitant la forêt pour contribuer à une activité économique importante pour le Québec.

Dans notre document, on a marqué qu'on nourrit la population canadienne. Vous comprendrez qu'il y a des circulations de biens entre le Québec et les autres provinces. Entre autres, au niveau de la production laitière, on produit beaucoup plus que les besoins québécois, on en envoie dans nos autres provinces dans certains autres produits agricoles. Ça fait que c'est pour ça qu'on a parlé d'une contribution au niveau de la population canadienne dans notre document en ce qui concerne l'alimentation.

Je vous dirais que, dans un premier temps, si on veut faire un préambule sur des projets comme celui-là, je pense qu'il y a un mot important qui est l'acceptabilité sociale. Et, pour en arriver à l'acceptabilité sociale, bien, ça prend des conditions qui sont gagnantes pour rassurer les gens. Et c'est là que ça m'amène à vous amener, dans le fond, dans notre mémoire en ce qui concerne la gestion de l'intégrité de la conduite. On sait qu'Enbridge fait actuellement des fouilles pour voir l'intégrité de la conduite, plus de 600 fouilles ont été faites. Et c'est ce qu'on appelle un entretien préventif, puis il va falloir absolument… Et on sait qu'à quelque part il y a certains travaux à faire, là, correctifs, et, là-dedans, ce que c'est que ça nous prend, c'est de la transparence. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que tout cet exercice-là, il soit fait et qu'il y ait quelqu'un qui s'assure de la vérification, dans le fond, que ce qu'Enbridge fait soit crédible et rassurant. On ne peut pas juste déléguer, dans le fond, à une entreprise de faire cet exercice-là sans avoir quelqu'un qui va la suivre, qui va accompagner, dans le fond, cette démarche-là pour s'assurer qu'elle est intègre.

Et, par la suite, ces résultats d'intégrité, nous, on pense que ça doit être disponible, ça doit être public. Et c'est pour ça qu'on dit que ces tests d'intégrité là sont faits, des fois, sur des propriétaires ciblés, et les propriétaires doivent être au courant des tests d'intégrité qui ont été faits chez eux, sur leurs terrains. Et ce qu'on souhaite, c'est que ces tests d'intégrité là soient aussi rendus publics à la population par l'accessibilité sur un site Internet qu'on demande qu'il soit mis en place, là, pour informer vraiment la population sur les résultats de cet exercice-là. Et que cet exercice-là soit fait d'une façon périodique et le plus souvent possible, c'est ce qu'on souhaite.

• (17 h 10) •

En ce qui concerne d'autres impacts, je vous dirais, pour les mesures d'urgence, quand on parle... J'aimerais vous dire que le secteur agricole est vraiment dépendant de la ressource eau. Et, entre autres, dans les activités qui sont reliées à la culture, on a vu que ça prend des secteurs maraîchers. Et, à l'élevage, de grandes quantités d'eau sont importantes, je vous dirais, quotidiennement quand on est dans les élevages. Et, quand on est dans le secteur de production maraîchère, bien, c'est plus occasionnellement peut-être, selon des conditions qui sont... où est-ce que ça nous prend des grandes quantités d'eau pour faire des arrosages ou certaines interventions au niveau de nos champs, et ça prend une eau de qualité.

Je vous dirais qu'Enbridge, aussi, a indiqué qu'elle remet son plan d'intervention aux propriétaires fonciers dont les terres sont traversées par des pipelines, mais qu'elle communique plutôt annuellement avec eux, et les rencontres se font rien qu'aux trois ans, et nous, on n'est pas d'accord avec ça. Les mesures d'urgence ou les plans d'urgence, ça devrait être fait à tous les ans et ça devrait être remis aux propriétaires fonciers. Vous savez, les propriétaires fonciers sont les premiers… les yeux de la compagnie, sont les yeux de la compagnie pour détecter bien souvent les microfuites ou les premières petites fuites. Ça pourrait être eux autres qui soient les premiers à les voir, ça fait que c'est vraiment important que ces mesures d'urgence là soient connues au niveau des propriétaires.

Puis ce qu'on demande, c'est que, dans les plans de mesures d'urgence qui vont être élaborés… bien, l'importance de l'eau pour le monde agricole, bien, il va falloir qu'on ait dans les mesures d'urgence vraiment comment est-ce que c'est qu'on va faire pour répondre aux quantités d'eau et aux besoins d'eau pour les producteurs agricoles si, éventuellement, il arrive des catastrophes. Je vous dirais qu'on demande, dans le fond, de s'assurer que les mesures d'urgence mises en place par Enbridge soient les meilleures de l'industrie et qu'elles demeurent les plus performantes dans le temps, et qu'Enbridge s'engage à diffuser aux producteurs agricoles et forestiers et à l'organisme qui les représente toute information sur les mesures d'urgence, notamment dans le cas où il serait nécessaire de pallier à un défaut d'approvisionnement en eau potable.

Vous savez, en même temps, quand qu'on dit à l'organisme qui les représente, c'est à l'Union des producteurs agricoles. Nous, on pense qu'il est grand temps de rétablir un petit peu un équilibre dans ce milieu-là. Des compagnies comme Enbridge, ce sont des multinationales qui sont bien équipées pour faire face à des situations, et, si on laisse les producteurs agricoles ou forestiers tout seuls, à leur merci, on trouve que le rapport de force n'est pas d'égal à égal. Ça fait que c'est pour ça qu'avec… en informant l'organisation des producteurs, bien, on augmente un peu l'équilibre du rapport de force entre les… le dialogue, et je vous dirais qu'on le remonte d'un niveau de plus, d'égal à égal. Ça fait que c'est pour ça qu'on demande que cette information-là soit en même temps envoyée à l'organisation.

On a un autre point qui s'appelle la capacité financière à faire face à d'éventuels incidents. Vous savez, le monde agricole, on vit de l'agriculture, on vit de notre métier, et, s'il arrive des accidents, bien, c'est notre métier qui risque de disparaître. Et on a juste à voir ce qui s'est passé cet été à Lac-Mégantic, et on se rend compte que la sécurité au niveau de catastrophes, actuellement, n'est pas suffisante dans ce monde-là. Et on a juste à penser que les propriétaires fonciers qui doivent vivre avec des déversements de pétrole sur leur propriété, ça va être eux autres qui vont subir le plus d'inconvénients à court terme. C'est sûr que, si je le regarde en impact, vous allez me dire, monétairement, peut-être que ce ne sera pas l'impact monétaire le plus élevé, mais, compte tenu de l'historique des patrimoines familiaux, l'impact que ça va avoir sur ces entreprises-là, sur ces producteurs-là au niveau de l'humain, ça va être terrible. Ça fait que c'est pour ça qu'on vous dit : En ce qui concerne toute cette intégrité ou cette sécurité-là, au niveau du monde agricole elle est indispensable. C'est pour ça qu'on demande au gouvernement fédéral, afin que ce dernier adopte des moyens permettant de renforcer le régime de sécurité des pipelines, dont notamment d'exiger que les entreprises exploitant des grandes conduites de pétrole aient une capacité financière minimum de 1 milliard de dollars et qu'elles disposent de cautions pouvant couvrir les dommages potentiels. Et les potentiels, c'est comme je vous disais, au niveau de l'agriculture, bien, on risque de perdre notre activité pour les générations futures. Ça fait qu'il va falloir qu'on pense quand même à une compensation qui respecte cette notion-là de l'agriculture.

L'autre interrogation que nous avons, c'est en ce qui concerne la cessation des exploitations des pipelines, la postcessation. Et il y a actuellement des travaux qui sont faits à l'Office national de l'énergie. Nous suivons de très proche ces travaux-là, et, actuellement, ce n'est pas clair, la responsabilité des pipelines après une postcessation. Lorsque les entreprises veulent abandonner l'utilisation des pipelines, normalement l'Office national de l'énergie va dicter des règles de postcessation, et, par la suite, il devra y avoir probablement un transfert de responsabilité aux provinces. Et nous, on est inquiets là-dessus, on veut savoir, justement, là… on veut que les producteurs agricoles… un coup, le transfert de propriété rendu aux provinces, on ne veut pas que ça revienne aux producteurs agricoles, que nous, on assume cette responsabilité-là. Ça fait qu'on a une très grande préoccupation en ce qui concerne là-dessus. C'est pour ça qu'on vous demande de profiter du dossier d'Enbridge pour clarifier les enjeux de juridiction pour la période de postcessation et de s'engager à prendre en charge les frais relatifs à des événements qui se produiraient en période de postcessation dans le cas où l'entreprise de pipeline n'est plus en affaires et que les sommes mises de côté ne seraient pas suffisantes.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Je tiens, tout d'abord, à saluer M. Lemieux et Mme Bouffard. Merci de vous être présentés à l'Assemblée nationale. Merci pour votre rapport, votre mémoire. Vous nous parlez beaucoup de transparence, d'accès à l'information, de rapidité d'exécution en cas d'incident. En fait, on espère tous qu'il n'y en aura jamais, mais tout transport peut nécessairement amener des problèmes. En fait, il n'y a rien qui est sécuritaire. Je pense que tout transport peut, à un moment donné, causer des problèmes.

Les députés de l'opposition nous ont parlé, depuis le début de l'audition, d'une unité qui pourrait servir de courroie de transmission d'information, une unité qui est à parfaire, là, parce qu'on est en train de regarder de quoi ça pourrait avoir l'air, notre… Les gens du gouvernement également sont ouverts à cette décision-là. S'il y avait une telle unité, de quelle façon vous verriez votre présence ou votre apport à cette unité de prévoyance qui pourrait recevoir de l'information de façon périodique puis qui permettrait de garder tout le monde au courant de ce qui s'en vient, avec des experts de différents ministères également, là, pour permettre de bien comprendre la réalité, là? Est-ce que vous aimeriez en faire partie? Et, si oui, de quelle façon vous pensez pouvoir amener un apport additionnel à cette unité-là ou quel serait l'apport que vous amèneriez?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Lemieux, Mme Bouffard.

M. Lemieux (Pierre) : C'est sûr que, du côté de l'organisation de l'Union des producteurs agricoles, s'il y a un comité de travail qui se met en place pour baliser la forme d'information ou le comment qu'on veut la structurer et la transmettre, c'est sûr que ça va nous faire plaisir de participer. Mais, en même temps, nous, on pense qu'il faut aller plus loin que juste l'information, on veut qu'elle se rende vraiment auprès des gens qui possèdent les terres parce que ce sont des acteurs du terrain qui vivent au quotidien, proche de ces infrastructures-là, qui assument, dans le fond, les risques. À chaque fois que je me promène avec mon tracteur au-dessus du pipeline, là, j'y pense. Ça fait que j'aimerais ça, en même temps, quand ces tests d'intégrité là sont faits, que je sache c'est quoi qu'ils ont trouvé en dessous de ma propriété. C'est ce que je vous mentionnais tantôt, au départ, là, par rapport à l'intégrité, la proximité puis la confiance, bien, il faut l'établir en n'ayant pas peur de dire ce que c'est qu'on retrouve en dessous puis que ça soit clair et transparent. Et c'est pour ça que je vous disais en même temps : Dans les éléments qu'il faut retrouver, on ne peut pas juste déléguer à une compagnie cette responsabilité-là, il faut s'assurer, à quelque part, que l'expertise va être capable d'accompagner vraiment… de mesurer si les gestes, ils ont été faits, lorsqu'on a fait ces mesures de sécurité là ou ces tests d'intégrité là, ils sont bien adéquats.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

• (17 h 20) •

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Les gens d'Enbridge sont venus nous dire que les tests d'intégrité, ça se fait avec différentes méthodes. En fait, je pense que c'est quatre ou cinq méthodes différentes qui ont été employées, et le pipeline, présentement, a été un peu comme passé aux rayons X. Ça fait qu'on sait exactement où se trouvent... de quelle façon... en fait, où se trouvent les problèmes, si problèmes, il y a, qu'on a un bon portrait.

Est-ce que votre demande d'information va jusqu'à nous demander de faire une analyse indépendante de ça? Parce que ça prend des années, passer à travers un pipeline comme on l'a fait. En fait, ça se fait en continu, si j'ai bien compris, ce scan. Excusez-moi, je n'ai que le terme anglais, là, mais qu'on a scanné, dans un certain sens, l'ensemble du pipeline, du début jusqu'à la fin, et que ça se fait continuellement. Est-ce que vous voulez dire que vous voulez avoir des données qui proviendraient d'une source indépendante ou, selon vous, on peut se fier aux données qui vont avoir été recueillies par Enbridge?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Lemieux (Pierre) : On sait que ce dossier-là, cette infrastructure-là est sous l'égide de l'Office national de l'énergie. Nous, on espère, en tout cas… puis on croit qu'il y a au moins des gens compétents qui sont neutres, qui sont capables de suivre vraiment l'approche, la valider, est-ce qu'elle a été faite comme elle se doit d'être faite. Il y a des éléments sur lesquels... Regardez, le plus bel exemple, c'est Mégantic. Tout le monde nous disait que c'était en règle, regardez ce qui est arrivé. À quelque part, moi, ce que je vous dis, c'est qu'on ne peut pas se fier juste sur une entreprise avec une réglementation. Ça prend quelqu'un, à quelque part, qui s'assure d'un suivi.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Bonjour. Merci de votre présence. Écoutez, moi, je vais vous amener un petit peu ailleurs, là. Je ne veux pas vous brusquer, là, je... En tout cas, on va aller un petit peu ailleurs. Je voulais vous demander au départ : Dans votre production agricole — je sais que c'est difficile parce que vous avez toutes sortes de producteurs, là, mais grosso modo, là — est-ce que l'inversion du pipeline va vous permettre d'avoir un meilleur contrôle de vos intrants de production? Ça veut dire que vous allez avoir une meilleure... possiblement accès plus facilement au pétrole à cause que nous tous, on va avoir accès davantage au pétrole. Et est-ce qu'il va y avoir un impact sur les prix, d'après vous? Est-ce que vous avez regardé ça? D'abord, est-ce que c'est important pour vous, le pétrole, dans les intrants de production? Et, ensuite, quelles sont vos prospectives par rapport, justement, au marché du pétrole dans son ensemble et des répercussions sur votre marché à vous?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'UPA.

M. Lemieux (Pierre) : Bien, regardez, cette question-là, je l'attendais. Vous allez être surpris, vous allez être surpris de la réponse. La réponse, c'est non, on ne l'a pas regardé. Puis, je l'ai dit en partant, on n'a pas regardé l'aspect économique, on a regardé l'aspect sécurité des personnes parce que nous, on travaille au quotidien sur ces infrastructures-là. Pour les producteurs sur lesquels ça passe sur leurs terres, là, ils travaillent au quotidien sur ces terres-là. Puis ce qu'on a demandé, s'il arrive, après ça, des éléments, on veut s'assurer que les compensations sont là, que les compagnies ne disparaîtront pas sans avoir les compensations requises. Santé, sécurité puis l'approche environnementale. Parce que l'approche environnementale, pour nous, elle est importante. La contamination des sols puis la contamination de l'eau puis des nappes phréatiques qui peuvent arriver... Parce que, s'il y a un déversement majeur, vous allez être portés à penser que oui, ça va couler en surface. Bien, le monde agricole, là, nous autres, on a tous des puits artésiens, puis ça, c'est connecté direct avec la nappe phréatique. Ça fait que, si ça rentre dans mon puits artésien puis que ça s'en va dans la nappe phréatique, là, puis je contamine mes voisins ou mes confrères, mes consoeurs, là, c'est qui qui va avoir la responsabilité? C'est-u moi, là, ou si c'est la compagnie? Ça, c'est des éléments sur lesquels nous, on ne veut pas être responsables. L'aspect économique, vous êtes ici pour le juger. Ce n'est pas moi qui vais le juger, c'est vous autres.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Je n'ai plus de question, je pense, on va arrêter…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Alors, bonjour à vous. Vous avez mentionné plus tôt dans votre présentation que vous souhaitez qu'il y ait quelqu'un qui s'assure qu'Enbridge maintienne l'intégrité des pipelines et besoin d'informations transparentes qui soient diffusées à vos producteurs agricoles, entre autres, propriétaires terriens. Vous avez aussi fait une comparaison avec le Lac-Mégantic. Vous avez aussi mentionné que le fait que l'ONE était responsable de la supervision de tout ça, c'est une juridiction fédérale ici… Mais j'entends ou je comprends dans vos commentaires que vous semblez insatisfaits face à la transparence du gouvernement fédéral ou, du moins, de la façon dont il transmet l'information ou il s'acquiert de ses responsabilités. Qu'est-ce que vous souhaitez que le gouvernement du Québec fasse de plus dans un dossier comme ça au niveau de la sécurité environnementale et par rapport à vos producteurs en particulier?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Lemieux (Pierre) : ...content de venir parce que, pour nous, c'est une occasion de plus de venir réaffirmer ce qu'on a dit devant l'Office national de l'énergie quand ils ont fait des consultations à Montréal. Ce que je vous ai présenté aujourd'hui, je l'ai présenté devant l'Office national de l'énergie, et je pense que le gouvernement du Québec, s'il approuve ou s'il va dans le même sens que nous autres, ça va aller encore plus loin pour s'assurer que la protection de l'environnement, la protection de la santé et sécurité des gens qui gravitent autour des pipelines va être mieux défendue, être mieux prise en compte, puis on va avoir une préoccupation plus forte auprès de l'Office national de l'énergie. C'est ce que je pensais que vous aviez pris comme orientation du côté du gouvernement.

Puis l'autre question que vous me posez : Pourquoi que les agriculteurs ou les propriétaires devraient avoir cette information-là?, bien, je vous dirais, à ce que je sache, on est encore chez nous. Les autres, c'est juste une servitude de passage qu'ils ont. Ça fait que moi, quand je suis propriétaire, j'aime bien savoir ce qui se passe sur mes terres. Ça fait que c'est pour ça que je demande d'avoir ces rapports d'intégrité là à moi, personnellement, parce que c'est juste une servitude que je leur ai donnée quand ils sont venus pour avoir le droit de passage, c'est une servitude. Ça fait que moi, je serai toujours pris… En tout cas, je ne suis pas un avocat, là, mais le propriétaire reste toujours responsable. Ça fait que c'est pour ça qu'on veut avoir l'information, on veut savoir ce qui se passe chez nous.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Ce que vous me dites, là, ou ce que je décode un peu de vos propos, là, c'est que vous avez un questionnement ou une certaine insatisfaction face aux procédures du gouvernement du Canada dans ce dossier-là, et vous souhaitez que le gouvernement du Québec puisse aller plus loin et fasse preuve d'un peu plus de leadership ou de… qu'il fasse oeuvre de plus grande responsabilité dans ce dossier-là, même si c'est — théoriquement, là — une question de juridiction fédérale. C'est ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Lemieux ou Mme Bouffard.

M. Lemieux (Pierre) : Je vous dirais, regardez, nous, on suit le courant de l'évolution d'une population. Historiquement, la pression environnementale était beaucoup moins forte qu'aujourd'hui. On est dans un monde qui est de plus en plus judiciarisé, puis il y a plein de poursuites contre tout un chacun. Nous, ce qu'on dit, là-dedans, dans ce monde-là et comme agriculteurs, on veut être mieux protégés, on veut s'assurer qu'on n'a pas de responsabilités additionnelles. Et, quand ces infrastructures-là passent sur nos terres, ce qu'on se rend compte, dans le monde évolué comme on est aujourd'hui, nos responsabilités ont énormément augmenté ou risquent d'augmenter par rapport à ces infrastructures-là. On a juste à penser… Durant la période d'exploitation, c'est une chose, puis c'est pour ça qu'on vous questionne sur la suite des événements, sur la postcessation, parce que nous, on est rendus encore plus loin parce qu'on est conscients que l'environnement va être toujours une préoccupation importante, et de plus en plus importante. Ça fait que, lors de ces abandons de pipelines là, ce qu'on retrouve dans les pipelines, ces résidus-là, puis tout ça, ça va être traité comment dans le futur?

Puis nous, on a une préoccupation de dire à nos descendants ou les agriculteurs de demain : Bien, on ne vous emmènera pas de risques additionnels par rapport à l'agriculture parce que vous devez quand même rester compétitifs par rapport à vos confrères et vos consoeurs qui n'ont pas ces infrastructures-là sur leur propriété. C'est ça, notre position. C'est qu'on veut que les producteurs agricoles, producteurs forestiers restent à l'intérieur, entre eux autres, sur le même niveau, même si on a ces infrastructures-là, que ça ne vienne pas mettre à risque ces entreprises-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice, une minute.

M. Trudel : Oui. Donc, pour vous, vous souhaitez vraiment que ce soit le gouvernement du Québec qui puisse vous aider à rétablir l'équilibre entre vos producteurs ainsi que les propriétaires de pipelines?

M. Lemieux (Pierre) : …le gouvernement du Québec va nous aider, va nous accompagner dans nos revendications qu'on a faites à l'Office national de l'énergie.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : …Mme la Présidente, c'est le fun parce que c'est là que je m'en allais, moi aussi, avec mes questionnements, le député vient de me faciliter la tâche. Vous êtes allé à l'ONE…

Une voix : À l'Office national de l'énergie.

Mme Charlebois : … — oui, à l'ONE — M. Lemieux?

M. Lemieux (Pierre) : …à la consultation à Montréal, là, d'Enbridge par rapport à l'office national?

Mme Charlebois : Oui.

M. Lemieux (Pierre) : Oui, on a participé.

Mme Charlebois : O.K. Vous avez considéré ça…

La Présidente (Mme Bouillé) :

Mme Charlebois : … — merci, Mme la Présidente — vous avez considéré ça suffisamment important pour aller faire savoir vos préoccupations comme représentant des agriculteurs?

La Présidente (Mme Bouillé) : Monsieur…

M. Lemieux (Pierre) : Oui.

Mme Charlebois : O.K. Est-ce que vous…

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée.

Mme Charlebois : Excusez-moi, Mme la Présidente, je suis trop emballée. Je suis comme une agricultrice, je suis passionnée.

La Présidente (Mme Bouillé) : Parfait.

Mme Charlebois : Est-ce que vous ne croyez pas que les consultations que nous tenons en ce moment auraient dû être faites beaucoup plus tôt pour faire en sorte que le Québec ait une bonne force de frappe, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec aurait pu recueillir tous les points de vue de tous les horizons dans le Québec et faire une représentation à l'Office national de l'énergie qui aurait été beaucoup plus forte?

• (17 h 30) •

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Lemieux, Mme Bouffard.

M. Lemieux (Pierre) : Regardez, là, vous m'amenez sur un terrain que ça vous appartient, c'est à vous autres à exiger de ça. Moi, je n'ai pas à me mêler de quand est-ce qu'il aurait été le temps. Moi, je pense, c'est que j'ai toujours pour… il n'est jamais trop tard pour intervenir. Moi, je pense qu'il y a un moment opportun pour intervenir aujourd'hui. Nous, on en a profité, on est venus intervenir.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Je respecte le fait que ne vouliez pas aller sur ce terrain-là, mais il n'en demeure pas moins que c'est terminé pour les représentations à l'ONE, et savez-vous quoi? L'Ontario y était, lui. Alors, ils ont représenté leur monde.

Ceci étant, moi, je suis toujours préoccupée et je vais être aux consultations jusqu'à la fin. Vous savez qu'il y a beaucoup d'agriculteurs dans Vaudreuil-Soulanges, il y a beaucoup de terres agricoles. 74 % des terres sont, chez nous, agricoles. Et je regardais vos trois conditions d'acceptabilité — l'intégrité de la conduite, plan de mesures d'urgence et la capacité financière — quant à l'intégrité, j'ai entendu des questions tantôt de l'autre côté. Est-ce que vous considérez que l'intégrité, telle qu'elle est actuellement examinée, c'est suffisant — la ministre en a parlé un peu plus tôt, là, la façon dont a fait Enbridge — ou si vous préférez que ce soit une compagnie extérieure qui fasse l'examen des conduites?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Lemieux (Pierre) : Regardez, c'est une question qui est très difficile à répondre. Moi, je n'ai pas la capacité de mesurer cet élément-là de… à savoir si le résultat est exact, et c'est ces questions-là qu'on pose à l'Office national de l'énergie. On pense, en quelque part, il y a des gens qui, normalement, ont développé cette expertise-là, et on veut que cette expertise-là soit présente dans l'avenir, et même un peu plus présente peut-être que ce que c'est que les orientations avaient été prises dans les dernières années, où est-ce qu'on a tenté de se désengager un petit peu plus puis envoyer de la responsabilité dans le secteur privé en le réglementant. Nous, on aimerait qu'on se garde un rôle plus actif et plus présent pour nous permettre, justement, de poser les bonnes questions. Celle-là comme vous posez, là, moi, je pense que c'est une bonne question, mais moi, je ne peux pas y répondre, je n'ai pas l'expertise d'y répondre. Mais j'aimerais ça qu'il y aurait quelqu'un qui a suivi ce dossier-là puis qui a l'expertise qui soit capable de me rassurer là-dessus.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Je suis d'accord avec vous que ça prend des gens experts puis je pense qu'à l'ONE ils ont cette expertise-là pour, justement, s'assurer que la qualité y est. Ceci étant, moi, je pense qu'en termes de mesures d'urgence et… pas en mesures d'urgence, mais en intégrité de tout ce qui concerne le pipeline, si nous avions pu… Je reviens avec mes… Puis vous allez trouver que je suis tannante avec ça, mais j'en suis convaincue, si on avait eu nos consultations avant, ça aurait peut-être permis de, justement, demander davantage d'information parce que, vous avez raison, ce qui est important, c'est que chaque agriculteur puisse posséder un minimum d'information sur ce qui se passe sur sa terre. En tout cas, c'est ce que, moi, ils m'ont plaidé, là, c'est qu'ils veulent savoir sur quoi ils roulent, qu'est-ce qui se passe en dessous de leurs tuyaux.

Maintenant, concernant l'unité de vigilance, je vous ai entendu dire à la ministre que vous étiez favorables, mais vous préférez avoir de l'information plus directe, du terrain. Mais est-ce que vous ne croyez pas que l'unité de vigilance devrait exister quand même au niveau un petit peu plus au-dessus pour s'assurer que tout ça, les transferts d'information au-dessus, se fasse bien pour que vous soyez bien représentés au niveau de tout ce qui est parapublic ou gouvernemental?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'UPA.

M. Lemieux (Pierre) : …dit tantôt que oui, on était intéressés à participer. Moi, j'avais compris que la question, c'était même de définir un petit peu plus ce que c'est qu'on pouvait retrouver à l'intérieur de cette unité d'urgence là, c'était de baliser c'est quoi, l'information. J'ai dit qu'on était prêts à participer comme organisme, mais cette information-là, un coup qu'elle a été obtenue, je comprends qu'elle peut être distribuée d'une façon plus large, en commençant par le monde municipal puis tous les intervenants qu'on peut trouver. Mais moi ce que je vous dis, c'est que, même si on veut aller de cette façon-là, notre principale intervention, c'est qu'on veut qu'elle se rende au producteur lui-même puis à son organisation parce que le monde municipal, oui, ils défendent, mais ils défendent la population en général, et les producteurs agricoles, ce sont les plus concernés parce que ça passe directement sur leurs terres. Et c'est ça, ce qu'on vous dit, si on veut avoir de l'acceptabilité sociale, en quelque part il va falloir qu'on pense aux gens qui sont directement concernés.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : J'aimerais vous amener maintenant sur tout ce qui concerne le monétaire. C'est bien plate, mais, dans la vie, ça passe par là, hein? S'il arrivait quelque chose, il faut s'assurer qu'on ait suffisamment de protection. Combien estimez-vous que ça prendrait, pour Enbridge, de protection pour assurer que les gens dans leur ensemble… Parce que moi, je les ai questionnés à savoir est-ce qu'il y avait une limite, est-ce qu'on était suffisamment protégés, dans le sens où Enbridge, s'il arrivait un déversement, qui paie, puis comment, puis c'est quoi, leur limite, et on m'a répondu qu'il n'y avait pas de limite à payer s'il y avait un déversement. J'ai le mémoire ici, à la page 20, d'Enbridge, ils disent — bon, je vais prendre leurs mots : «Il n'y a [pas de] limite de responsabilité pour la prévention, la remise en état et le nettoyage d'un déversement d'hydrocarbures. Il n'y a aucune limite de responsabilité non plus pour les dommages aux personnes, aux biens [ou] à l'environnement.» Bon, ceci étant, combien vous croyez que ça prendrait comme fonds d'assurance ou je ne sais pas, là, de…

M. Lemieux (Pierre) : …plus que 1 milliard, dans notre document, de fonds pour être capable de prémunir contre les impacts. Moi, je vous dirais, là-dessus il y a probablement différentes façons de prévenir des impacts. Pas nécessairement au niveau du monétaire, mais ça va être quoi, les exigences qu'on va mettre au niveau du pipeline pour s'assurer qu'il y a des valves ou qu'il y a des contrôles pour limiter les dégâts si jamais il y a un bris en quelque part. Mais ça, je n'ai pas l'expertise de répondre à ça, mais il y a sûrement des moyens de limiter ou de diminuer. Mais, je pense, ça prend quand même des montants d'argent qui sont suffisants pour être capable de répondre à des grandes catastrophes, puis je vous dirais que 1 milliard de dollars, là, quand on s'en va jouer dans l'environnement pour faire de la décontamination, c'est vite dépensé.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois : Je vais aller dans une question un petit peu plus sensible. Parce que j'ai rencontré des agriculteurs chez moi, et le pipeline existe déjà depuis 37 ans, et on m'a parlé de redevances sur qu'est-ce qui se passait avec le pipeline. Je me demandais s'il y en avait déjà en ce moment pour les agriculteurs, des redevances, et qu'est-ce que vous espérez pour le futur.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Lemieux, Mme Bouffard.

M. Lemieux (Pierre) : Bien, regardez, nous, dans notre mémoire, si vous vous êtes rendu compte, on n'a pas demandé de redevances sur ce pipeline-là, sur celui-là, c'est un pipeline… Vous l'avez dit, ça fait déjà 37 ans. Mettons, le deal d'affaires a été fait voilà 37 ans par les propriétaires terriens puis la compagnie dans ce temps-là. C'est sûr que, si, demain matin, les gens disent… le monde municipal font des demandes pour avoir des redevances, bien, si jamais il y aurait une demande qui irait dans ce sens-là, que oui, on met en place un système de redevances, bien, je vous dirais, pour les agriculteurs, il faudrait être traité sur le principe de redevances. Parce que, dans l'avenir, tantôt, on va parler d'un autre projet — j'ai dit tantôt, pas ici, là, mais dans quelques mois — qui s'en vient, peut-être, qui va se rendre jusqu'au Nouveau-Brunswick, c'est sûr qu'il y a une partie de compensation qu'on va tenter de définir de cette façon-là dans l'avenir. Mais là on parle d'un projet passé où est-ce que la relation d'affaires était faite déjà voilà 37 ans, ça fait que nous, on n'en parle pas. Mais, dans les prochains, oui, ça va être des préoccupations importantes qu'on va avoir.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la députée de Soulanges, en une minute.

Mme Charlebois : Est-ce que vous avez un point de vue, au-delà de l'assurance, sur un fonds de prévoyance?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

Mme Bouffard (Isabelle) : Bien, écoutez, nous, on y allait vraiment sur la recommandation qui avait été émise, là, par… Dans le fond, je pense que c'était au niveau fédéral, là, dans le fond, d'y aller vers un couvert d'assurance. C'est sûr qu'il y a des fonds qui existent, je vous dirais, puis on vous amène dans ça dans la dernière section, où on fait état de fonds qui sont mis de côté pour la période de postcessation puis de cessation. Donc, l'Office national de l'énergie est en train de mettre ça en place. À partir de 2015, il va y avoir des fonds mis de côté pour la cessation d'activités des pipelines. Ça fait que ça pourrait peut-être être pertinent de regarder comment ils vont développer leurs choses.

Cela dit, tu sais, c'est tout le temps de dire : L'accident, quand il va arriver, là, ça va être gros comment? Puis là, bien, c'est sûr qu'on peut penser à Kalamazoo, c'est sûr qu'on peut penser à d'autres, mais, tu sais… Bon, regardez, c'est là où ça devient, à un moment donné, difficile, mais ça pourrait être une façon de procéder, de regarder comment l'office fonctionne avec ses fonds de cessation. Puis ce qu'ils demandent, c'est de mettre des fonds de côté, advenant qu'il y arrive cessation. Ça pourrait peut-être être quelque chose de similaire à ça, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.

• (17 h 40) •

M. Martel : Merci. Bien, bonjour à vous deux. Bonjour, M. Lemieux. Bravo pour votre mémoire puis les réponses. Toujours le gros bon sens, comme on dit, puis ça fait du bien à entendre.

Moi, j'avais juste deux, trois petites questions. Je ne sais pas si vous êtes personnellement propriétaire d'une terre où l'oléoduc passe, mais j'aimerais ça savoir, autant pour les propriétaires que pour l'UPA, c'est quoi, les rapports avec Enbridge. Est-ce que c'est cordial? Est-ce que c'est… Quel type de rapports vous avez actuellement avec la compagnie?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de l'UPA.

M. Lemieux (Pierre) : À la première question, c'est : Non, je ne suis pas concerné par des terres parce que moi, j'habite, quand même, à Cap-Saint-Ignace, dans la région de Montmagny-L'Islet, là.

Les relations avec Enbridge, je vous dirais, ça a été difficile au départ, quand on a eu des… Parce qu'il y a toujours des portes ouvertes, puis il y a toujours des consultations. Ça, on a fait nos revendications à l'Office national de l'énergie. Là-dessus, on n'a pas apprécié le délai de convocation pour les rencontres de consultation, c'était trop court. La période de consultation, ça s'est fait dans une période active de travaux aux champs. Ça fait que nous, on a quand même des interrogations, en tout cas, dans l'avenir, là, au niveau des processus de consultation dans les projets comme ceux-là, où est-ce qu'on demande d'avoir une plus grande, là… en tout cas, des meilleures conditions pour avoir une plus grande participation des producteurs agricoles dans ces rencontres-là. Ça, ça fait partie…

Au niveau des travaux d'intégrité, là, qu'on a eus, on a quand même eu à faire des fouilles mécaniques. Là-dessus, je vous dirais que ça va relativement bien, dans le sens qu'on a demandé à Enbridge d'avoir un représentant de l'Union des producteurs agricoles au chantier. C'est quelqu'un qui s'en va surveiller les travaux pour voir si on respecte bien les conditions pour mettre les sols rapidement en production, là, en tout cas, le plus rapidement possible après les travaux. Tu sais, il y a certaines façons, là. On enlève le sol arable, puis on met l'autre sol de côté, puis on essaie de faire des travaux dans des conditions qui sont les moins humides possible, en tout cas, pour moins briser les terres possible. Et ça, de ce côté-là, Enbridge a collaboré, ils ont accepté d'avoir un représentant de l'UPA au chantier. Ça fait que, je vous dirais, c'est relativement… On peut dire, dans l'ensemble, c'est moyen comme relations. Il y a un côté que ça va bien, puis, de l'autre côté, ça a été difficile.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. M. Lemieux, Mme Bouffard, enchanté. Merci de votre présentation. Nous intégrerons vos recommandations dans le travail qu'on va faire bientôt.

Juste pour indiquer les rapports qu'entretient Enbridge avec le secteur agricole… Je ne sais pas pour… Bon, pour l'UPA, vous avez décrit la situation, mais je note que le vice-président aux relations publiques, M. Prud'Homme, qui est avec nous ici, qui, quand même, connaît très bien les rouages de la politique, puisqu'il était dans un cabinet libéral avant… très haut placé dans un cabinet libéral économique, son mandat de lobbyiste, entre février de cette année et décembre, inclut plusieurs… en fait, la liste est longue, y compris le cabinet de la première ministre, mais n'inclut pas le MAPAQ, le ministère de l'Agriculture. Je crois que ça nous en dit long sur une certaine attitude et vision de l'importance de votre secteur à leurs yeux.

Maintenant, l'Ontario presse le gouvernement à travers l'ONE — le gouvernement fédéral — pour une capacité financière qui peut être obtenue par une assurance — d'accord? — pour assurer que la compagnie est en mesure de rencontrer ses obligations, ce qu'il a promis dans son rapport. Mais, dans le domaine du pétrole océanique, qui traverse les océans, depuis déjà 30 ans ou 25 ans, il y a un modèle qui existe, il y a une redevance d'un certain nombre de sous par baril de pétrole transporté pour s'assurer qu'immédiatement il y a un fonds pour parer au plus urgent — d'accord? — avant de toucher les assurances, puis le temps que ça prend pour convaincre tout le monde que c'est ce qu'il faut payer. Que penseriez-vous d'un fonds de prévoyance pour être sûr qu'on ne sera pas pris au dépourvu puis que ce ne soient pas les contribuables qui paient pour les déversements?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur, en 45 secondes.

Mme Bouffard (Isabelle) : Bien, écoutez, quand on vous parlait… Puis je vous inviterais peut-être à aller voir la façon dont ils vont procéder pour, dans le fond, la cessation des activités des pipelines. Ce qui est prévu, c'est que, dans ce cas-là, c'est auprès des expéditeurs, donc, dans le fond, ceux qui produisent le pétrole, il y a des fonds, il y a un montant x qui est prélevé par litre qui voyage, là. Donc, c'est des choses qui sont en train de se mettre en place. C'est sûr qu'il reste des discussions, mais ça se fait pour la cessation. Donc, est-ce que ça pourrait être pertinent de le faire pour… dans le fond, advenant qu'il y aurait un événement malheureux qui se produise? Peut-être. Moi, je vous dirais que c'est peut-être… Tu sais, dans ces affaires-là, là, des fois, c'est un mélange de plein d'affaires. C'est peut-être un peu une partie d'assurance, c'est peut-être ces fonds-là. Donc, c'est comme vous dites, bien, rapidement, on est en mesure de débloquer, puis l'assurance arrive après, là. Donc, c'est peut-être l'addition de choses.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Donc, sur ce, merci pour la qualité de l'échange et votre présentation.

Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 18 h 30 afin de se réunir en séance de travail à la salle Papineau. Et je vous avise, les membres de la commission, que le salon rouge sera fermé à clé, donc vous pouvez laisser certains documents ici si vous le désirez. Merci.

(Suspension de la séance à 17  h 45)

(Reprise à 19  h 34)

La Présidente (Mme Bouillé) : La commission reprend ses travaux. Ce soir, nous entendrons les représentants de la ville de Montréal et de la Communauté métropolitaine de Montréal, de la ville de Lévis, de la Société pour vaincre la pollution et du conseil provincial.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la ville de Montréal. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Ville de Montréal et Communauté
métropolitaine de Montréal (CMM)

M. Coderre (Denis) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mmes et MM. les députés, distingués invités, distingués membres de cette commission — je suis habitué, d'habitude, à recevoir plutôt qu'à me faire poser des questions — je me présente aujourd'hui devant vous en tant que maire de Montréal et président de la Communauté métropolitaine de Montréal. Je veux remercier le gouvernement du Québec d'avoir pris l'initiative de mener cette consultation publique visant à étudier l'acceptabilité du projet d'inversion du flux de l'oléoduc 9B de la compagnie Enbridge.

La ville de Montréal et la Communauté métropolitaine ont exprimé au cours des derniers mois certaines préoccupations à l'égard des principes énoncés par le gouvernement dans sa gestion de la filière du pétrole — soit : un, assurer la sécurité des personnes; deux, protéger l'environnement; et trois, dégager des bénéfices économiques pour tous les Québécois — et nous avons maintenant l'occasion de vous en faire part.

D'entrée de jeu, je tiens à dire que nous sommes favorables au projet de la compagnie Enbridge soumis à l'Office national de l'énergie. Cet appui est toutefois conditionnel à une série de considérations que nous avons déjà exprimées dans notre lettre de commentaire à l'office et que je réitère à l'occasion de cette consultation. Notre dépendance actuelle aux hydrocarbures est un fait, et la nécessité d'assurer un approvisionnement stable et sécuritaire pour les besoins du Québec nous oblige à nous adapter aux nouvelles réalités du marché pétrolier en Amérique du Nord. Le projet d'Enbridge s'inscrit dans cette réalité.

Rappelons cependant que la canalisation de l'oléoduc d'Enbridge, dans sa partie québécoise, traverse la rivière des Outaouais, parcourt la couronne nord à la hauteur de nombreuses municipalités de la CMM et termine sa course dans l'est de Montréal, dans un secteur stratégique industriel du territoire montréalais. Il traverse des zones qui sont vitales pour la grande région métropolitaine, dont celle de la rivière des Outaouais, qui constitue la source d'approvisionnement en eau potable de plus de 2 millions d'habitants.

Parlons de sécurité. Le transport des matières dangereuses sur nos territoires provoque des nombreuses inquiétudes, et la tragédie du Lac-Mégantic est venue douloureusement nous faire prendre conscience des conséquences des manquements à la sécurité par les transporteurs. Les municipalités sont plus que jamais conscientes de ces enjeux. Nous devons être vigilants pour assurer que toutes les mesures sont prises… en place pour assurer la sécurité de nos citoyens. C'est notre responsabilité. Les municipalités de la CMM demandent à Enbridge de partager les analyses de risques du pipeline et arrimer ses plans d'intervention d'urgence avec ceux des municipalités pour que, dans l'éventualité d'un accident, tous les intervenants soient arrimés et capables d'en contrôler les impacts rapidement.

L'âge du pipeline. L'augmentation du volume de barils de pétrole de 240 000 à 300 000 et la nature de ce pétrole ont amené la ville de Québec, en avril dernier, à demander au gouvernement du Québec une évaluation environnementale du projet. La CMM réitérait cette demande un mois plus tard en demandant de préciser les risques du projet en ce qui a trait à l'approvisionnement en eau potable. Nous attendons toujours de connaître les intentions du gouvernement à cet effet.

Concernant le développement économique, je l'ai dit au début, l'oléoduc d'Enbridge termine sa course dans un secteur stratégique de Montréal. Le projet d'inversion et d'accroissement de la ligne 9B contribue à assurer la sécurité d'approvisionnement et le maintien de l'activité économique et de quelques milliers d'emplois du secteur pétrochimique montréalais. Les acteurs économiques de la région, et particulièrement ceux de l'est de Montréal, ont mis en évidence au cours des derniers jours les retombées économiques dans tous les secteurs d'activité. Les entreprises qui y sont liées sont majoritairement localisées dans l'arrondissement Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles et dans la ville de Montréal-Est. Nous voulons nous assurer que le terminal de la compagnie Enbridge reste à Montréal pour de nombreuses années. Pour nous, il est impensable que Montréal et sa région deviennent une zone de transit du pétrole de l'Ouest vers l'est et l'étranger. Nous ne voulons pas vivre avec les risques potentiels d'un accident sans bénéficier des retombées économiques.

Je veux rappeler aux membres de la commission que la région métropolitaine de Montréal, la CMM, c'est une population de 3 910 000 d'habitants, soit la moitié de la population québécoise. C'est des emplois pour 1,8 million de personnes, soit plus de la moitié des emplois au Québec, et c'est un PIB qui représente 53 % de la province. Un accident éventuel aurait des conséquences importantes non seulement sur l'économie de la région montréalaise, mais également sur tout le Québec et le Canada. C'est pourquoi toutes les municipalités, tant en Ontario qu'au Québec, insistent sur la création d'un fonds de prévoyance d'au moins 1 milliard de dollars pour faire face aux coûts d'un éventuel déversement de pétrole.

En conclusion, en tant que maire de Montréal et président de la CMM, j'ai la responsabilité de m'assurer que toutes les dimensions du projet Enbridge ou de tout projet futur, qu'elles soient de nature sécuritaire, environnementale ou économique, soient prises en considération pour garantir la qualité de vie des citoyens et la vitalité de notre région. Donc, Mme la Présidente, ça veut tout simplement dire qu'on est d'accord avec le pipeline, on est d'accord avec l'inversion, mais il n'est pas question de donner un chèque en blanc. Nous devons donc nous assurer de sa sécurité, de la protection environnementale, et que ça ne soit pas juste un passage pour que ce pétrole puisse s'acheminer vers les États-Unis, Montréal mérite mieux. Merci beaucoup.

• (19 h 40) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup, M. le maire. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les membres de la commission en commençant par la partie gouvernementale. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre mémoire et pour votre allocution.

Je veux attirer votre attention sur le fonds de prévoyance. Dans votre mémoire que vous nous avez soumis, vous parlez d'un fonds de prévoyance de 1 milliard, et, un petit peu plus loin, je vais vous citer, là, vous dites que «…la ville de Montréal accueille favorablement l'annonce faite le 26 juin dernier, par le gouvernement fédéral, à l'effet que les entreprises qui exploitent les grands oléoducs devront dorénavant démontrer qu'elles ont accès à 1 milliard de dollars pour couvrir les coûts d'un déversement ou d'une fuite...» Avoir accès à 1 milliard, est-ce que c'est ce que vous entendez par le fonds de prévoyance? Parce qu'il y a des gens qui sont venus à la commission nous parler du fonds de prévoyance, et eux, ils voyaient vraiment de l'argent mis dans un fonds spécial, alors qu'avoir accès à 1 milliard de dollars, ça peut comprendre des polices d'assurance, ça peut comprendre des facilités bancaires, etc. Est-ce que vous voyez ça dans un… un peu comme le dit le gouvernement fédéral, avoir accès à 1 milliard ou vraiment 1 milliard mis de côté dans une espèce de fonds en fidéicommis?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Coderre ou M. Perez.

M. Coderre (Denis) : …Perez, oui.

M. Perez (Lionel) : Merci. Merci, Mme la Commissaire. Notre mémoire est clair, nous, on prévoit plutôt un fonds de prévoyance, que les fonds soient y inclus pour qu'il y ait accès, et non seulement un cautionnement ou non seulement une assurance. Évidemment, ça va dépendre de cette commission, ça va dépendre du gouvernement à savoir quelles sont les meilleures méthodologies. Pour autant que les fonds seront accessibles et qu'il y aura une garantie d'avoir accès à ces fonds, la ville de Montréal serait satisfaite, mais il y a une préférence pour que les fonds soient dédiés.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Je vais donner la parole au député de Repentigny, je pense qu'il a une question.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir, M. Coderre, M. Perez. Par rapport à ce fonds, donc on comprend bien que votre préférence serait qu'il y ait un montant de 1 milliard de dollars, mais je crois avoir saisi dans votre intervention, M. le maire, que vous parliez que c'était une demande de d'autres municipalités aussi ailleurs au Canada. Donc, est-ce qu'il s'agirait d'un fonds dont les revenus proviendraient, dans votre esprit, là, de l'ensemble des activités de transport de pétrole et de gaz dans le Canada et qu'il y ait donc toujours 1 milliard de dollars en réserve quelque part pour faire face à un événement ou si c'est spécifiquement associé au projet d'Enbridge?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Coderre (Denis) : Ça a rapport directement à Enbridge, ça a rapport à l'oléoduc 9B, là. C'est-à-dire que, le 26 juin, le gouvernement fédéral a fait cette annonce, mais il faut s'assurer que… Nous, de ne pas donner de chèque en blanc, ça veut dire qu'il faut évidemment, malheureusement, s'imaginer qu'il peut y avoir une situation… Quand on a réglé la question de sécurité, on a réglé la question d'environnement, évidemment il faut aussi être prévoyant et il faut qu'il y ait des mesures financières qui soient disponibles, advenant un déversement, là. Je ne veux pas avoir une guerre fédérale-provinciale, où est le chèque, là? S'il y a une situation, là… On ne veut pas revivre des situations comme le Lac-Mégantic, et tout ça. Il faut donc s'assurer dès maintenant, lorsqu'on met de l'avant une stratégie, une politique, que déjà que la compagnie puisse démontrer qu'elle a ce qu'il faut pour s'assurer qu'advenant le pire… On ne le souhaite pas, puis on doit déjà commencer… Je vous ai parlé d'un fonds de prévoyance, mais il y a également des fonds pour la recherche et le développement. C'est de travailler en partenariat pour nous assurer, parce que ce pipeline-là a 38 ans… Ça fait que c'est de trouver des solutions. On parle de membrane, qu'on va doubler la membrane, et tout ça, c'est intéressant, mais il faut juste s'assurer qu'en cas de pire qu'on puisse avoir des mesures où on puisse avoir accès financièrement immédiatement pour régler cette situation.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Puis vous soulignez aussi que ce projet-là, au moins dans sa version initiale, la demande actuelle d'Enbridge, c'est pour du pétrole léger essentiellement. Je pense que les gens de Suncor nous ont parlé qu'eux, ils pouvaient en prendre jusqu'à 15 %, mais Valero à Lévis, c'est zéro. Alors donc, globalement, là, c'est moins de 15 %, donc probablement moins de 10 %. Mais, par contre, vous soulignez aussi qu'Enbridge demande à l'Office national de l'énergie de la soustraire… Dans le fond, elle veut avoir la possibilité, puis on nous l'a dit ici aussi… que, dans le futur, on pourrait augmenter la quantité de pétrole lourd. Donc, la ville de Montréal — vous concluez avec ça — souhaite, à la lumière des enjeux environnementaux et de sécurité civile, que l'ONE rejette la demande d'Enbridge visant à se soustraire à l'application de la… bon, l'article 47, là. Est-ce que c'est une demande, à votre sens, qui est un… Je veux dire, jusqu'à quel point est-ce que c'est une demande qui est ferme ou si vous préférez, dans le fond, laisser la porte ouverte à ce que d'autres types de pétrole puissent transiter dans cette canalisation-là dans le futur?

M. Coderre (Denis) : …collègue Lionel réponde, mais je vais y aller en complément par la suite.

La Présidente (Mme Bouillé) Oui. Les représentants de la ville de Montréal, CMM, M. Perez.

M. Perez (Lionel) : Merci. Merci bien, Mme la Présidente. Concernant l'article 47, c'est pour s'assurer qu'effectivement Enbridge ne peut pas se soustraire des conditions. Ce qu'on ne veut pas, c'est qu'effectivement Enbridge soit approuvée… que le projet, par l'ONE, soit approuvé sans qu'il y ait des objectifs concrets et qui seront réalisables. On ne veut pas seulement des voeux pieux. Dans ce contexte-là, évidemment, nous croyons qu'Enbridge doit, effectivement, respecter ces conditions-là pour qu'effectivement il n'y ait pas ce risque. Ça ne veut pas dire que, dans le futur, Enbridge ne pourra pas reconsidérer, selon les normes réglementaires, pour augmenter le genre de… par exemple, le pétrole brut si c'est le cas, mais, dans le contexte, nous pensons, nous soumettons qu'effectivement qu'il y a des impacts à cet égard-là. Il faut avoir une étude d'impact environnemental. Et il y aura des effets à long terme, et, dans ce contexte-là, pour autant que ça se maintient avec du produit léger, ça pourrait aller de l'avant, mais tout autre élément devrait, évidemment, repasser sous l'approbation.

M. Coderre (Denis) : Là, ce qui est important ici, là, c'est d'avoir un lien de communication continu et que… généreux, mais pas naïf, il faut se protéger. Alors, moi, mon rôle comme maire et président de la CMM, c'est de protéger notre territoire, l'environnement et c'est de protéger mes citoyens. Donc, il faut savoir ce qui passe. Alors, à chaque fois qu'il va se passer quelque chose, si on est pour changer en cours de route au niveau du produit comme tel, il est essentiel qu'on puisse donner les outils puis les moyens… Tu sais, tu es aussi bien de négocier en commençant que, par la suite, dire : Ah! j'ai oublié quelque chose, là. Donc, c'est pour ça que c'est important d'avoir cette approche, cette attitude et l'application des règles.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Je veux revenir sur le développement économique de Montréal, à quel point ce projet-là peut être important pour Montréal. On a parlé des craintes de la population, et c'est un des mandats de la commission, mais il y a également les retombées économiques. Des gens sont venus nous dire que, présentement, on raffine, on prend du pétrole de l'étranger, ce n'est pas nécessaire de renverser l'oléoduc, ce n'est pas nécessaire d'avoir du pétrole qui vient de l'Ouest canadien, puisque, présentement, l'industrie est florissante, il y a 51 000 personnes qui travaillent, ils vont continuer de travailler. C'est juste que les compagnies vont faire un peu moins d'argent.

De notre côté, notre opinion est à l'effet que c'est un projet qui est majeur parce que nos entreprises n'ont pas accès aux mêmes coûts d'intrants que les raffineurs, par exemple, de Sarnia en Ontario ou de la côte Est américaine, qui ont accès à un coût au baril qui peut être jusqu'à 25 % moins cher que ce que paient les raffineries, et on sait qu'il y a plusieurs raffineries qui ont fermé leurs portes, il en reste une à Montréal et une à Québec. Quelle est, selon vous, l'importance de ce coût plus bas d'intrants pour la vitalité économique de Montréal et, principalement, de l'est de l'île?

M. Coderre (Denis) : Elle est…

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

• (19 h 50) •

M. Coderre (Denis) : Excusez. Elle est essentielle. C'est un projet qui est structurant. Pour moi, dans la mesure où on respecte l'environnement et que ça va jusqu'à la question des sables bitumineux… Dans une autre vie, j'étais député fédéral puis j'ai siégé sur le Comité des ressources naturelles. Pour moi, la question des sables bitumineux, c'est une ressource stratégique. Mais, pour l'utilisation à des bonnes fins, il faut s'assurer que ce qu'on appelle le monitoring, tant au niveau de l'eau qu'au niveau de l'environnement, soit fait adéquatement, dans la mesure où — puis ça aussi, ce n'est pas un chèque en blanc — il y a une réalité quand on l'achemine en termes de produit plus corrosif. C'est pour ça que je vous parle en termes de sécurité.

Mais moi, entre dépendre de l'extérieur et de m'assurer que le pétrole puisse venir du Maine… Parce qu'on s'est fait un peu berner — pas mal — par la compagnie Shell à l'époque, puis on est devenu, comme j'ai appelé affectueusement, un parking à gaz plus que d'autre chose. Là, on dépend de l'extérieur. Alors, dans la mesure où on remplit toutes les conditions de cette ressource stratégique, c'est sûr que pour… c'est un investissement qui va être majeur. Le fait que ça coûte moins cher en termes d'intrants, le fait qu'on veut revitaliser l'industrie pétrochimique, qui est une industrie comme telle, et les retombées — vous savez, 85 % des emplois, c'est par la petite et moyenne entreprise — donc les emplois qui s'y rattachent, dans la mesure où on parle de respect de l'environnement et de respect de la sécurité, donc, pour moi, c'est un projet qui est structurant. La CMM pense la même chose, il y a un impact majeur, mais pas à n'importe quel prix. La balle est dans le camp d'Enbridge. C'est pour ça qu'on vous demande des évaluations environnementales, pour nous assurer que ce qui va passer dans le tuyau, là, que ça ne vient pas créer d'autres problèmes. Alors, dans la mesure où on utilise les choses à bon escient, ça, c'est… je pense qu'on est aussi bien d'avoir ce pétrole-là que de le prendre de l'extérieur. C'est une question de notre propre approvisionnement, c'est une réalité pour moi.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : Essentiellement, ce que je comprends bien de votre présentation, c'est que oui, sur le fond, vous êtes d'accord, mais que vous souhaitez, par contre, d'avoir un resserrement soit réglementaire, soit du suivi, du contrôle soit de la part du gouvernement du Québec ou des municipalités, avoir des outils supplémentaires pour pouvoir, d'une part, vous assurer d'une certaine acceptabilité sociale, d'une certaine transparence, d'une certaine qualité d'information et puis qui soit d'une source assez crédible, qui ne vienne pas juste de l'interne, mais qui soit une source assez crédible pour pouvoir convaincre votre population que ça peut être des bons projets également.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Coderre (Denis) : Premièrement, évidemment, on n'embarquera pas dans la question juridictionnelle, là, la réalité de l'Office national de l'énergie par rapport à Québec. Je pense qu'on a besoin d'études environnementales supplémentaires, il y a des articles qu'on peut appliquer. Est-ce qu'on peut l'appliquer? Reste à voir. On a besoin… Puis on a déjà des discussions, mais on veut plus d'échange d'information. On a déjà eu deux rencontres avec Enbridge, on va en avoir d'autres. C'est sûr qu'on a besoin de plus d'échange d'information parce que, quand on a à mettre en place un plan de contingence, j'ai bien beau vous demander un fonds de prévoyance, mais je veux m'assurer de savoir est-ce qu'on a tous les outils nécessaires pour que, quand le pétrole va être inversé… J'aime mieux poser les questions avant qu'après, là, je n'ai pas le syndrome du «j'aurais donc dû», là. Alors, on doit travailler en conséquence. Ça, c'est la première étape.

Donc, c'est de regarder tout ce qu'on peut faire, tout ce que le gouvernement peut faire pour nous assurer que, lorsque je parle en termes d'environnement et en termes de sécurité, on a posé toutes les questions, on a tous les outils entre les mains pour pouvoir arriver à répondre à la population. Ça, c'est de la transparence, c'est : Mettez tout sur la table. Bon, il y a eu des incidents ailleurs. On nous dit qu'en doublant la gaine, on est capable d'atteindre cette sécurité-là. Je veux dire, je pense que… Puis c'est vrai aussi… Puis ça, c'est un autre dossier, mais le transport ferroviaire, ça, c'est l'autre dossier quand on parle en termes de transport des matières dangereuses. Si on me dit que c'est 40 % plus sécuritaire de passer par un pipeline que par rapport à des sites mobiles, donc nommément les camions, les bateaux ou le train, bien, il faut qu'on m'assure puis qu'on me démontre, justement, que, cette sécurité-là, on a couvert l'ensemble du dossier pour nous donner l'information qu'on a de besoin. Mais c'est ça, la définition de «pas un chèque en blanc», c'est de s'assurer qu'on ait toutes les informations. Parce que nous, on est élus, on est devant une population, puis mon rôle, c'est de protéger aussi les citoyens.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Saint-Maurice.

M. Trudel : On a discuté avec d'autres témoins dans cette commission d'un fait assez particulier ou assez important, là, c'est qu'une ville comme la ville de Montréal, entre autres, a beaucoup de moyens, beaucoup de moyens d'enquêter, de discuter avec les entreprises, mais il y a des petites municipalités également qui vont être traversées par le pipeline et qui ont beaucoup moins de moyens que vous autres. Est-ce que vous croyez que le gouvernement du Québec a un rôle pour coordonner l'action de l'ensemble des municipalités sur le territoire? Est-ce que vous seriez intéressés à partager votre expertise, à partager votre information et à collaborer avec et le gouvernement et aussi des municipalités? On sait que des membres de l'opposition officielle, là, ont proposé d'avoir une espèce de petit comité, unité de vigie, quelque chose comme ça… de vigilance, et ainsi de suite. Est-ce que vous êtes ouverts à ces mesures-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Coderre ou M., Perez.

M. Coderre (Denis) : On est toujours ouverts aux unités de vigilance. Il y a déjà, au niveau de la CMM, un comité mixte municipalités-industries. Donc, on a déjà des comités de vigilance. Moi, je suis prêt à regarder pour nous assurer qu'avant tout on protège le citoyen puis que ça se fasse avec une ouverture. C'est pour ça que je vous ai dit au début : Je suis d'accord avec le pipeline, mais on a une série de questions à poser. Dans la mesure où ça, ça se fait, on ne peut pas juste dire : On a un fonds de prévoyance pour un fonds de prévoyance. Il faut avoir des canaux ouverts avec Enbridge pour nous assurer que, sur le terrain, qu'on puisse être en mesure de répondre aux questions. C'est sûr qu'Enbridge a une responsabilité en termes d'inspection, mais que, de façon régulière, chaque municipalité qui peut passer soit par la CMM, par exemple, qui a déjà une unité de vigilance, on puisse l'utiliser. Maintenant, il ne faut pas qu'il y ait du parallèle, là, il ne faut pas qu'il y ait double emploi. C'est que, si le gouvernement du Québec veut faire une unité de vigilance, qu'elle s'intègre également avec la CMM, puis qu'on travaille en collaboration. Il ne faut pas qu'on vienne rajouter une couche, là, il faut que ça soit vraiment cohérent et efficient.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à M. le maire de Montréal, que je n'ai pas eu l'occasion de féliciter pour son élection, alors je le fais ici. Et il fait plaisir de vous avoir, M. Perez, également.

Alors, ça a été assez clair qu'évidemment vous êtes favorables, mais avec des conditions. Et vous avez parlé dans vos remarques du fait que, les hydrocarbures, bien qu'on voudrait tranquillement, si vous voulez, limiter notre dépendance ou changer le fonctionnement de notre économie, on est pris au moins pour un certain temps avec les hydrocarbures. Maintenant, la question devient : Comment s'approvisionner pour assurer une certaine survie? Vous avez parlé amplement de l'est de Montréal et du fait qu'il y a une industrie à cet endroit-là. Vous avez aussi mentionné — et j'ai cru décoder ça de vos commentaires — le fait que de s'approvisionner chez nous, c'est-à-dire au Canada, en quelque sorte, on a une poignée, si vous voulez, on a un mot à dire à ce qui se passe, c'est notre pays, c'est la réglementation fédérale, etc., on a des représentants que nous envoyons à Ottawa, alors que s'approvisionner d'un pétrole qui vient d'ailleurs, évidemment, à ce moment-là, nous perdons non seulement le contrôle sur la façon que c'est extrait, mais nous cédons, en quelque sorte, une partie de notre souveraineté, si vous voulez, et de notre indépendance énergétique à des pouvoirs qui sont étrangers. J'ai compris ça de vos commentaires.

Mais c'est ailleurs que je veux vous poser des questions parce qu'à l'intérieur… Je pense, c'est le mémoire de la Communauté métropolitaine de Montréal où on parle… Il y a deux recommandations. Il y a, évidemment, la recommandation pour une couverture d'assurance qui atteint le milliard et il y a également la création du fonds de prévoyance. Je veux juste tester que j'ai bien compris. Si je comprends bien, évidemment, la couverture d'assurance est nécessaire et souhaitable, mais le fonds de prévoyance, s'il constitue un dépôt, une somme d'argent qui est déjà là, ça serait pour faciliter, dans un cas d'un déversement ou un accident, le paiement, alors que, dans le cas d'une couverture d'assurance — et je sais que Me Perez est avocat — ça nécessiterait possiblement du litige, ça nécessiterait probablement des démarches devant les tribunaux. Et le but du fonds de prévoyance, ça serait pour pouvoir fournir une certaine compensation plus rapidement et avant que les tribunaux ou que les négociations aient à aboutir. Est-ce que j'ai la bonne compréhension ou si vous voulez me corriger si je me trompe?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Perez (Lionel) : Merci, Mme la Présidente. Oui, merci, M. le député. Effectivement, ce que nous, on préconise, c'est une démonstration et la capacité financière de l'entreprise pour répondre à tout incident éventuel. On ne veut pas, justement, devoir aller devant les tribunaux, on ne veut pas devoir aller mendier pour l'argent, mais qu'il y ait un fonds dédié, des sommes pour que, si jamais il y a quelque chose, bien, on peut y accéder et on peut intervenir immédiatement pour, évidemment, le bien de la population ainsi que tout bien de… et pour des causes environnementales.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Je vous ai entendu attentivement au niveau de l'arrimage des plans d'urgence, et vous n'êtes pas les premiers qui sont venus dire ça devant nous. On a déjà entendu l'Union des municipalités, et le commentaire qui nous a été fait, c'est que : Écoutez, on nous a quasiment imposé ça. Ça a été préparé, on nous a donné… alors que, veux veux pas, les premiers répondants en cas de situation… c'est, évidemment, les communautés locales, les municipalités et les MRC. Est-ce que, depuis ce temps-là… Parce que je comprends que votre plan d'urgence, vous l'avez reçu ou vous l'avez eu. Depuis ce temps-là, vous parlez d'avoir eu des échanges, des rencontres avec Enbridge, et est-ce que, depuis ce temps-là, la collaboration se fait correcte au niveau de l'arrimage du plan d'urgence? Vous comprenez qu'il y a plusieurs territoires, là, mais, dans votre cas à vous, on va vous parler de vous, sur votre territoire, comment ça se passe, cette collaboration entre vous et Enbridge à ce niveau-là?

• (20 heures) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la ville de Montréal et de la CMM.

M. Coderre (Denis) : …Mme la Présidente. Je vous dirais que c'est des rencontres préliminaires. Pas encore satisfaits. C'est un début, on se parle, mais il faut aller beaucoup plus loin en ce sens. On va avoir d'autres rencontres. En fait, ce qui est important, c'est qu'il y ait un dialogue. Donc, il y a un premier dialogue. Puis ça, je ne suis pas dogmatique, là, c'est vraiment pragmatique, l'approche. Mais c'est sûr qu'on a des demandes très précises pour les thèmes qui sont relatifs aux questions de plan d'urgence. Alors, c'est sûr que… Je vous dirais qu'à prime abord c'est… On a eu l'occasion de partager certains documents, mais il faut peut-être aller beaucoup plus loin. Donc, il va y en avoir d'autres par la suite. Il y a eu une élection entre-temps, il y a un nouveau maire, il va y avoir d'autres questions.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Coderre (Denis) : …ajouter, si vous permettez, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bouillé) : Ah oui! M. Perez, oui, allez-y.

M. Perez (Lionel) : Oui, en complément de réponse du maire, effectivement, également ça joint une des questions concernant, d'un point de vue réglementaire, qu'est-ce qui peut être fait. Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a passé en 2001 la Loi sur la sécurité civile. En vertu de cette loi, il y a un article, 8, qui prévoit des générateurs de risques. Pour pouvoir exiger certaines informations, il faut qu'un règlement passe pour exactement définir cela. À date, ça n'a pas encore été fait. Avec ce mécanisme réglementaire, ça va pouvoir donner plus de poids à la ville, entre autres, ainsi que d'autres organismes gouvernementaux pour pouvoir, justement, faire cet arrimage et obtenir l'information lorsque c'est nécessaire et voulu en amont, avant, évidemment, pour s'assurer que les principes de gestion du risque, que ce soit prévoyance, intervention et rétablissement, soient respectés d'après les meilleures pratiques.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Oui. Il y a eu discussion autour de l'unité de vigilance. Vous allez vous rappeler qu'en début des travaux on a proposé, à l'opposition officielle particulièrement, la création d'une unité de vigilance. On a dit, évidemment, que cette unité allait prendre forme tranquillement, on voulait entendre les différents intervenants. Initialement, ce qui a été proposé et ce qui est, évidemment, sujet de discussion ici, c'est d'avoir des représentants, d'abord, du ministère des Ressources naturelles, également du ministère de l'Environnement, également d'Enbridge, évidemment, vu que le projet leur appartient, si vous voulez, et l'Office national de l'énergie. Maintenant, je dois vous dire, il n'y a personne qui a demandé l'opinion de l'Office national de l'énergie là-dessus encore. C'est la raison pour laquelle on les mettait dans le coup, c'est parce qu'évidemment… Et, vous l'avez mentionné, vous ne vouliez pas embarquer, M. le maire, dans une question de juridiction, mais, veux veux pas, c'est l'Office national de l'énergie qui a le dernier mot et la juridiction en cette affaire. On s'est dit, comme Assemblée nationale, que nous allions faire des consultations. On a accepté cette motion-là, on est en train de faire des consultations. On s'entend aussi que c'est principalement certains pouvoirs politiques, pouvoirs de persuasion qu'on a, et c'est pour cette raison-là, par contre, qu'on voulait mettre dans le coup l'Office national de l'énergie.

Et le but de cette unité de vigilance… Et je comprends, M. le maire, que vous dites que vous ne voulez pas dédoubler, et j'ai l'impression que tout le monde va dire qu'ils ne veulent pas dédoubler. Et je comprends aussi qu'on ne pourrait pas mettre tout le Québec à l'intérieur d'une unité de vigilance, et c'est pour ça qu'on a mentionné les acteurs principaux. Mais le but de cette unité de vigilance, c'est pour pouvoir partager les renseignements entre ceux qui ont l'expertise, les entités du gouvernement qui pourront surveiller ce qui est donné comme renseignements par Enbridge. Évidemment, l'Office national de l'énergie, si on est capables ou, au fur et à mesure, si c'est d'autres représentants du gouvernement fédéral qui auraient juridiction en la matière, on les inclurait. Mais le but là-dedans, c'est d'assurer qu'il y ait un transfert d'information. Et, évidemment, le projet touche plus que juste le territoire de votre municipalité et de la Communauté métropolitaine de Montréal, alors c'est pour cette raison-là qu'on vous explique, il y a également certains qui ont mentionné le MAPAQ parce que ça touche des territoires qui sont agricoles.

On ne va pas rentrer dans le détail, on est en commission parlementaire, mais est-ce que vous verrez d'un oeil favorable la création de cette unité, évidemment, comprenant que c'est quelque chose qui superimpose et qui est de nature à vouloir simplement favoriser le transfert d'information, surtout aux communautés locales? C'est un transfert d'information qui pourrait être vérifié par les ministères en cause, par la compagnie, contre-vérifier les renseignements par la suite, les partager avec les municipalités. Pas seulement Montréal, pas seulement la Communauté métropolitaine de Montréal parce que le pipeline touche plusieurs territoires.

Et j'ai ma collègue de Soulanges qui me le chuchote en me disant : Écoutez, «what about me»? Qu'est-ce qui se passe sur mon territoire? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, est-ce qu'il y a cette ouverture de pouvoir discuter de ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Coderre (Denis) : Deux choses. Je vais vous faire un commentaire puis je vais vous proposer quelque chose. Parce que c'est clair que le gouvernement du Québec, l'Assemblée nationale, en fait, peut jouer un rôle, puis je vais vous proposer une recommandation au niveau du gouvernement canadien. Dans un premier temps, je pense que ce qu'on a surtout de besoin, c'est que tout le monde travaille ensemble. Je ne viens pas juste comme maire de Montréal, là, comme président de la communauté Montréal métropolitaine, c'est sûr qu'on touche plusieurs territoires.

Puis, même si je suis un élu, une unité de vigilance, ce qu'on a de besoin, c'est les experts. Ne retombons pas dans le coupage de rubans, puis on mettra d'autre chose sur le feuillet paroissial, là, on a besoin d'avoir des experts qui vont travailler à cause de leur expertise, puis ils vont dire : Voici ce qui se passe sur le pipeline, puis ils font rapport. Mais on n'a pas besoin de créer une autre affaire, là. Moi, je pense que le gouvernement du Québec, de par ses ministères, peut travailler dans un contexte d'expertise, s'intégrer au niveau de la CMM, au niveau des comités municipalités-industries parce que, dans cette affaire-là, ce qui va être important… si on veut rassurer la population, la question d'expertise est très importante, mais il ne faudrait pas que ça devienne un genre de dédoublement où chacun tire la couverte de son bord. Ça, c'est la première étape. Alors, unité de vigilance, oui, mais c'est dans l'application qu'on va voir comment ça fonctionne. Parce que, pour moi, vigilance, c'est comme la question de l'eau, on a besoin d'expertise puis on a besoin de s'assurer que tous ceux et celles qui peuvent y contribuer peuvent nous donner une information pour que nous, les élus, par la suite, on puisse prendre les décisions. Donc, c'est de préparer le terrain.

La deuxième, est-ce qu'il y a des outils législatifs qui existent face à Ottawa? Et ça, ça pourrait être l'objet… Ce n'est pas dans le contexte de votre… au niveau législatif, ici, mais c'est dans le contexte de recommandations qu'on pourrait demander du côté d'Ottawa. Vous savez qu'à partir des transports des produits dangereux, notamment la question ferroviaire, il y a déjà le Règlement sur les urgences environnementales. Alors, ce règlement-là fédéral «…oblige les personnes qui possèdent ou [qui] gèrent certaines substances toxiques et dangereuses [...] — sous certaines conditions — à fournir les renseignements demandés au sujet de ces substances et de leurs quantités, ainsi qu'à élaborer et à exécuter des plans d'urgence environnementale». Ça, ces renseignements-là sont transmis à Environnement Canada, mais ils ne s'appliquent pas présentement. Les transporteurs de matières dangereuses par oléoduc ne sont pas visés par ce règlement.

Donc, on pourrait, en termes de recommandation, s'assurer que, quand on parle en transport d'un produit dangereux, qu'également les oléoducs puissent en faire partie. Donc, ça, ça pourrait être une recommandation qui est concrète. Évidemment, je vais la faire moi-même à Ottawa, mais qui pourrait… trop fort ne casse pas, que l'ensemble des acteurs québécois puissent jouer un rôle en ce sens. Donc, ça, c'est une recommandation, à mon avis, qui pourrait être intéressante. Vous avez déjà votre Loi de sécurité civile — Lionel en a parlé tantôt — mais on peut jouer un rôle de ce côté-là également.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. le maire, M. Perez. Juste un petit commentaire, je trouve ça vraiment intéressant, la recommandation que vous faites pour le fonds de recherche, là, en partenariat avec les centres de recherche, universités sur toutes les conséquences du transport oléoduc, surtout pour un projet qui a 38 ans déjà.

Moi, j'avais deux petites questions. Moi, je comprends que ce que vous nous dites, c'est que vous êtes favorables, mais des… certaines conditions. Moi, je voulais savoir, advenant que ça ne se fasse pas — tu sais, on est dans le «mais qui ne se réalise pas» — seriez-vous inquiets pour l'avenir de la raffinerie chez vous?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Coderre, M. Perez.

• (20 h 10) •

M. Coderre (Denis) : Moi, j'ai été de ceux qui ont combattu très fortement, comme député fédéral de Bourassa à l'époque, de conserver la raffinerie Shell. J'ai été très dur à l'endroit de la raffinerie Shell et je sais également qu'à un moment donné en termes de… la situation des raffineries dans l'est de Montréal, notamment pour Shell et Suncor — parce que c'est de ça qu'on parle — on divisait 50-50 les coûts d'opération à ce moment-là.

Shell n'est plus là. Je les ai appelés affectueusement un «parking à gaz». Puis je retiens mes mots, on est en assemblée ici. La réalité, c'est que, si on dépend continuellement des autres et qu'on est obligés de prendre le pétrole de Portland... On peut en prendre, mais, si on ne prend que ça, là, dites-vous une chose, c'est que... Comment on transporte ce pétrole? Ça va se faire notamment par bateau. Le fameux «jet fuel», il passe par bateau. On a vécu la situation du Lac-Mégantic. Donc, on va être obligés, de façon ferroviaire, de transporter ce pétrole. Je ne donne pas de chèque en blanc à l'oléoduc, mais je me dis que, si on veut se protéger tant en termes d'approvisionnement puis de ne pas dépendre de l'autre, mais toujours en étant très, très clairs par rapport à la sécurité et l'environnement, c'est un gage de succès, et donc ça devient, à ce moment-là, une décision aussi économique pour l'est de Montréal.

Mais ce n'est pas mieux si l'oléoduc passe tout dret. S'il dit : Bien, je vais passer, je vais inverser puis je vais me rendre jusqu'au Maine, dans le fond, c'est juste un droit de passage, j'ai un problème aussi avec ça. Donc, ça va prendre des ententes d'Enbridge. Je comprends qu'à date ce n'est pas la question, mais moi, je suis un gars qui aime prévoir. Alors, sur le plan économique, ce n'est pas juste dire : On inverse. Il faut que ça se passe par Montréal aussi parce que, sinon — je parlais tantôt de Valero — il y a une réalité à laquelle on est confrontés, là. Donc, c'est pour ça qu'il n'y a pas de chèque en blanc. De ne pas l'avoir du tout, bien là c'est un autre problème qui ne serait pas à notre avantage, loin de là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Bonsoir, M. Perez. M. Coderre, bonsoir. M. Coderre, vous savez, je... Bien, oui, on se connaît, puis, à chaque fois qu'il a été nécessaire, je vous ai critiqué sans ménagement. Mais là, à la lecture de votre mémoire, j'ai bien peur qu'il y ait même des gens de Québec solidaire qui me demandent de vous recruter. Que Dieu vous en garde, mais ça pourrait arriver.

Une voix : ...

M. Khadir : Oui, c'est ça. Une chance pour vous, hein? Vous avez dit à juste titre que le gouvernement du Québec et vous, vous… en fait, vous ne voulez pas, que le gouvernement du Québec ne devrait pas donner un chèque en blanc, que vous ne voulez pas voir Montréal ou le Québec être juste un lieu de passage pour les sables bitumineux. D'accord, mais il reste que le pétrole dilué qui va circuler là-dedans, suivant le National Academy of Sciences report, aux États-Unis, qui établit ces définitions-là, pétrole dilué et sables bitumineux crus, c'est la même chose sur le plan… avec des variantes de corrosité, et de viscosité, et de facteurs de corrosion, c'est la même chose essentiellement. Or, Suncor ne nous a pas rassurés. Plusieurs questions ont été posées, à savoir : Est-ce que vous pouvez affirmer qu'on ne finira pas par transporter uniquement ça au bout d'un certain temps?

Puis vous savez que le pipeline Portland-Montréal pourrait — ça a déjà été évoqué — être inversé si jamais il y a du pétrole qui s'en vient parce que ceux qui produisent le pétrole de l'Alberta, sables bitumineux, notamment Suncor, qui a un gros projet, cherchent d'abord à mettre ça dans des gros vaisseaux puis envoyer ça de partout dans le monde. Et là Enbridge a dit dans les médias, malgré le fait que des questions ont été posées ici, que, finalement, il va se plier à la décision de l'Office national de l'énergie. Autrement dit, on pourrait bien demander des choses. Ça se pourrait que toutes les conditions qu'on met là, notamment pour la protection de la rivière de l'Outaouais puis l'approvisionnement en eau de Montréal, bien, qu'ils ne les respectent pas tant que ça. Qu'est-ce qu'on fait avec ça, selon vous? Quelles recommandations avez-vous pour nous?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Coderre (Denis) : L'unité de vigilance est un dossier… Il y a une réalité politique également, donc il faut que l'ensemble des acteurs s'assoient… Ce n'est pas un dossier partisan, là. C'est un dossier de qualité de vie, c'est un dossier économique, mais les deux doivent être ensemble. Donc, nécessairement, le fait que ça ne soit pas un chèque en blanc, il faut être vigilants. Il faut qu'on ait une stratégie vis-à-vis Ottawa, il faut qu'on ait une stratégie vis-à-vis les sables bitumineux. Je vous ai parlé tantôt qu'il faut qu'il y ait une formule de monitoring au niveau de l'eau, au niveau de l'environnement. Bon. Puis on a vu toutes sortes d'études, il y a toutes sortes d'études qui existent de part et d'autre. Si on a un contrat, il faut s'assurer que, dans le contrat, ça soit clair au niveau des points. Ce n'est pas juste un… On n'est pas un tremplin, là. Si on est d'accord avec l'inversement de l'oléoduc, c'est pour s'assurer, effectivement, qu'il y ait des retombées, tout en assurant la protection de nos citoyens.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous vous remercions pour cet échange et pour votre exposé.

J'invite maintenant les représentants de la ville de Lévis à prendre place à la table et je suspends pour une minute.

(Suspension de la séance à 20 h 15)

(Reprise à 20 h 17)

La Présidente (Mme Bouillé) : …de la ville de Lévis. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais, en commençant, de vous présenter.

Ville de Lévis

Mme Côté (Marie-Lise) : Bonjour. Je suis Marie-Lise Côté, je suis directrice générale adjointe au développement durable à la ville de Lévis. Je suis accompagnée de M. Benoît Chevalier, qui est conseiller cadre à la Direction générale de la ville.

Alors, mesdames messieurs, ministres et députés, membres de l'Assemblée nationale, il nous fait plaisir de vous présenter le mémoire de la ville de Lévis, puisque nous sommes directement impactés par le projet de la société Enbridge. En effet, la principale raffinerie du Québec, la raffinerie Jean-Gaulin, du groupe Valero, est située à Lévis, dans le quartier Saint-Romuald, depuis 1971. Cette raffinerie a une capacité de raffinage de 265 000 barils par jour, essentiellement du pétrole brut léger. Même avec la réalisation du projet Enbridge, la raffinerie maintiendra sa production à 265 000 barils par jour. Actuellement, 480 employés permanents spécialisés travaillent à la raffinerie, en plus de nombreux employés occasionnels.

Avec la réalisation du projet d'Enbridge, la raffinerie affrétera en plus deux navires-citernes qui feront la navette entre Montréal et Lévis, créant ainsi une centaine d'emplois permanents. La raffinerie a recours à une centaine de fournisseurs principalement situés dans la région de Québec et de Chaudière-Appalaches. Sachant que chaque emploi permanent de la raffinerie génère environ cinq emplois indirects, on comprendra l'importance de la raffinerie pour l'économie de la région.

Enfin, Valero est bien impliquée dans le milieu, et la ville de Lévis renouvellera sous peu l'entente de collaboration avec la raffinerie, garantissant le soutien financier d'organismes et d'actions communautaires. Je vais passer la parole à mon collègue M. Chevalier, si vous permettez, pour la suite des intérêts de la ville.

La Présidente (Mme Bouillé) : Tout à fait.

• (20 h 20) •

M. Chevalier (Benoît) : D'abord, au niveau de la compétitivité et recherche du pétrole à plus faible coût, il y a quelques années, la raffinerie Jean-Gaulin s'approvisionnait exclusivement de pétrole outre-Atlantique. Le pétrole brut léger arrivait par navires-citernes d'une capacité d'environ 1 million de barils. Les installations portuaires de Lévis recevaient environ 90 pétroliers chaque année.

Depuis septembre 2013, la raffinerie Valero, en association avec le Canadien National, a mis en service un train-bloc qui permet le transport d'un maximum de 100 wagons de pétrole par jour, un convoi quotidien en provenance de l'Ouest, principalement de la formation de Bakken. Ces convois ferroviaires fournissent environ 20 % des approvisionnements en pétrole brut de la raffinerie.

Afin de maintenir sa compétitivité face aux autres raffineries de l'Amérique du Nord, Valero désire augmenter ses approvisionnements de pétrole nord-américain. En effet, le baril de brut nord-américain serait d'environ 16 $ inférieur au baril négocié outre-Atlantique. Le renversement de la ligne 9B d'Enbridge permettrait à la raffinerie Valero de lui garantir entre 50 % et 55 % de ses approvisionnements en pétrole nord-américain en transportant ce pétrole par navires-citernes à partir des installations de Montréal-Est. Avec la réalisation du projet Enbridge, l'approvisionnement de la raffinerie Jean-Gaulin serait le suivant : 20 % par trains-blocs, un convoi par jour d'un maximum de 100 wagons — c'est ce qui existe présentement; 50 % à 55 % par navires-citernes en provenance du terminal de Montréal-Est, pour environ 140 transports par année; et puis 25 % à 30 % par gros navires-citernes en provenance d'outre-Atlantique, environ 12 transports par année. Si le projet d'Enbridge ne fonctionne pas, Valero devra augmenter le nombre de convois ferroviaires de pétrole brut en provenance de l'Ouest.

Le comité de liaison. Alors, une des particularités de la raffinerie Jean-Gaulin est l'existence du comité de liaison avec la collectivité. Ce comité de liaison permet à la raffinerie de fournir au milieu de l'information concrète sur les activités de l'entreprise, les risques potentiels entourant la raffinerie, les nouveaux projets, l'environnement ainsi que des mesures de prévention et d'urgence. Le comité de liaison est composé d'une vingtaine de membres, soit : des représentants du voisinage immédiat des installations de la raffinerie; des membres du Regroupement pour la mise en valeur du secteur de la rue Saint-Laurent, près du quai; des membres d'organismes socioéconomiques, le CLD de Lévis, l'UPA, la Chambre de commerce de Lévis; des membres de groupes environnementaux, le Conseil régional de l'environnement Chaudière-Appalaches, le GIRAM, Comité de restauration de la rivière Etchemin, Nature Québec, Conseil de bassin de la rivière Etchemin; et puis des représentants du milieu municipal et gouvernemental, la ville de Lévis, un élu, un fonctionnaire, le ministère de l'Environnement, la Direction de la santé publique.

Bon, les séances de travail du comité de liaison permettent notamment d'échanger sur les activités de la raffinerie, de donner des opinions et de formuler des recommandations sur les opérations en cours et les nouveaux projets, de suivre le déroulement des activités pendant la réalisation des projets, de transmettre des renseignements aux citoyens et aux organismes du milieu et de faire connaître les préoccupations des citoyennes et des citoyens.

Les préoccupations de la ville de Lévis. Alors, première préoccupation : l'air. Valero étudie présentement la mise au point d'un procédé qui permettrait de capter toutes les vapeurs qui peuvent s'échapper lors des activités de transbordement à ses installations portuaires susceptibles de gêner le personnel de la raffinerie et la population résidant autour des installations. La ville de Lévisaimerait que la raffinerie profite des travaux qui seront éventuellement effectués à ses installations portuaires afin de réaliser son système de récupération des vapeurs de pétrole et de les traiter de façon à éliminer des désagréments olfactifs.

Au niveau du bruit, avec la réalisation du projet Enbridge, Valero devra apporter des modifications à ses installations portuaires afin de recevoir environ 140 navires-citernes par année en provenance de Montréal. La ville de Lévis aimerait s'assurer que la population riveraine adjacente aux installations portuaires ne soit pas incommodée par le bruit durant la construction de ces installations portuaires. De plus, la ville de Lévis aimerait que la raffinerie poursuive ses efforts afin d'atténuer le bruit à ses installations, faisant en sorte que ces nouvelles infrastructures portuaires pourront opérer en générant le minimum de bruit pour la population vivant à proximité de ces installations portuaires.

Au niveau du paysage, Valero a confié récemment un mandat à une firme de consultants externes afin d'examiner différents scénarios permettant de mieux gérer dans le paysage ses installations portuaires, incluant les conduites reliant le port à la raffinerie. La ville de Lévis a convenu avec Valero la mise sur pied d'un groupe de travail sur lequel siégeraient le personnel de la raffinerie, ses consultants, les élus et des fonctionnaires de la ville. Ce groupe de travail aurait pour mandat d'examiner les différents scénarios, d'en discuter avec les membres du comité de liaison et de consulter la population.

Le plan de mesures d'urgence. Alors, la ville de Lévis souhaite que son personnel, notamment celui des directions de l'environnement, de la sécurité incendie et de la police, puisse participer à l'élaboration du plan de mesures d'urgence associé aux nouvelles installations portuaires. De plus, le personnel de la ville doit être associé au centre des opérations d'urgence de la raffinerie et doit participer sur une base régulière à des exercices pratiques de simulation d'urgence. La ville de Lévis souhaite remettre sur pied le comité mixte municipal-industrie, CMMI, soit le regroupement volontaire de représentants de différentes instances et d'entreprises, dont la raffinerie Valero, qui mettent en commun leur expertise afin d'informer la population de la procédure à suivre en cas d'accident industriel majeur.

Enfin, soulignons qu'avec la réalisation du projet Enbridge il y aurait davantage de manoeuvres d'accostage et de transbordement au quai de la raffinerie, soit plus de 150 par année, et que les manoeuvres présentent des risques de déversement à divers niveaux. Considérant que les deux principales prises d'eau potable de la ville de Lévis sont situées de part et d'autre des installations portuaires, l'usine de Saint-Romuald et l'usine de Desjardins, la ville de Lévis veut avoir l'assurance que toutes les mesures sont prises afin d'éviter d'éventuels déversements, mais aussi que la capacité d'intervention de la raffinerie en cas d'un éventuel déversement puisse protéger les prises d'eau potable de la ville.

Au niveau des communications, la ville de Lévis désire que la population soit informée et consultée avant et pendant la réalisation de ce projet. Nous souhaitons que plusieurs mécanismes et outils d'information soient simultanément utilisés en amont et durant la réalisation des travaux afin de rejoindre le maximum de population : site Internet interactif, consultations portes ouvertes, consultations des propriétaires des terrains concernés dans le secteur du port, ligne téléphonique d'information, etc. Les citoyennes et les citoyens doivent constamment avoir accès à l'information la plus récente et pertinente sur l'évolution des travaux. Les liens constants qui existent présentement avec notre Direction des communications doivent être maintenus, permettant à la ville de Lévis de transmettre une information pertinente et actuelle à la population et de répondre aux nombreuses demandes d'information que nous recevons inévitablement à notre service à la clientèle. Enfin, l'existence du comité de liaison avec la collectivité et les échanges réguliers entre les intervenants de Valero et ceux de la ville font que nous sommes confiants que nos préoccupations seront prises en considération lors de l'élaboration du projet.

En conclusion, la ville de Lévis est favorable au renversement de la ligne 9B proposé par Enbridge. Ce projet n'a pas pour objectif d'augmenter la capacité de production de la raffinerie Valero, mais plutôt de diversifier la source d'approvisionnement de la raffinerie en pétrole brut léger, lui permettant de demeurer compétitive sur le marché nord-américain.

La ville de Lévis entend demeurer vigilante et assurer un suivi rigoureux lors de la construction et de l'opération des nouvelles installations portuaires. Également, la ville de Lévis demande que son personnel soit étroitement associé à l'élaboration des mesures d'urgence, à la participation aux exercices de simulation d'accident et qu'il soit associé au centre de mesures d'urgence de la raffinerie. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Donc, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission en débutant par Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Mme Côté, M. Chevalier, bonsoir. Bienvenue à la commission. Merci pour votre mémoire et pour votre allocution. Je comprends que vos préoccupations sont quant au transbordement. Finalement, ce que vous nous dites, c'est : L'inversement de la ligne va faire en sorte que le pétrole va s'acheminer de Montréal vers Lévis par bateau. Et le fait qu'il y ait plus de bateaux, ça va occasionner différents problèmes que vous mentionnez dans votre rapport. Et ces problèmes-là… vous nous dites à la fin que vous êtes confiants que vos préoccupations seront prises en considération lors de l'élaboration de ce projet à cause de l'existence d'un comité de liaison avec la collectivité et les échanges réguliers que vous avez avec Valero.

Est-ce que je dois comprendre, donc, que vous ne demandez pas à la commission de porter un jugement ou de faire des recommandations sur ce transbordement parce que c'est déjà traité dans vos relations avec Valero?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Côté, M. Chevalier.

Mme Côté (Marie-Lise) : Alors, oui, c'est exactement la situation, nos relations avec Valero sont très bonnes, il y a des contacts réguliers. Et, au niveau aussi des mesures d'urgence et des communications, les liens sont déjà établis, donc, pour nous, ce n'est pas une inquiétude. C'est sûr que c'est une préoccupation dans la mesure où on dit : Bon, ça va augmenter… On veut s'assurer que les discussions vont se faire, mais on n'a pas d'inquiétude, là, par rapport à la possibilité de continuer à avoir la bonne collaboration avec Valero.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je comprends également que vous nous dites : Présentement, l'approvisionnement de Valero vient en grande partie de pétrole étranger et également de pétrole qui est acheminé par train, par des blocs-trains, pour à peu près 20 %. Donc, 20 % de leur approvisionnement viendrait quand même de l'Ouest canadien, mais par train. Selon vous, est-ce que le transport par train est plus risqué que le transport… Est-ce que vous préférez, finalement, que ça vienne par oléoduc et, par la suite, par bateau que par train? Est-ce que c'est votre prétention?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

Mme Côté (Marie-Lise) : C'est notre préférence, oui, que le pétrole arrive par oléoduc et par bateau.

M. Chevalier (Benoît) : Si vous permettez…

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, M. Chevalier.

Mme Zakaïb : Je dois comprendre qu'il va toujours y avoir quand même 20 % par train. C'est juste qu'on va remplacer certains pétroles étrangers qui arrivent par bateau par ce qui va être produit par le renversement, par le pétrole léger qui vient de la Saskatchewan ou…

• (20 h 30) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la ville de Lévis.

M. Chevalier (Benoît) : Oui. Bien, à l'heure actuelle, comme vous l'avez dit, il y a 20 % du pétrole qui arrive par train, O.K., de la formation de Bakken, là, dans l'Ouest du Canada et des États-Unis. S'il n'y a pas d'inversion du pipeline, Valero va quand même chercher à avoir accès à du pétrole nord-américain, et sa porte de sortie, ce serait peut-être de faire un autre convoi ferroviaire. Et puis ça, ça nous inquiète parce qu'à l'heure actuelle il y a 100 wagons qui entrent à la raffinerie à chaque jour, et puis on a vécu pendant à peu près, je vous dirais, une douzaine d'années avec un autre train-bloc qui faisait le transport inverse. Il transportait du pétrole raffiné dans la région de Montréal et également au nord de l'Ontario par l'Ultratrain, dont on a entendu parler, et qui fut remplacé… à peine 10 mois, par le Pipeline Saint-Laurent. Alors, devant cette situation-là, à Lévis on aimerait mieux que le projet fonctionne, d'Enbridge, permettant à Valero de s'approvisionner par bateau à l'aide de ce pétrole-là, et ça enlèverait la pression pour qu'il pense à s'approvisionner par train. Parce qu'à 16 $ de moins le baril c'est très tentant pour l'entreprise de s'approvisionner là où c'est le moins cher, c'est…

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame.

Une voix : Non, monsieur.

Mme Zakaïb : Non? Alors, on va laisser l'opposition…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Je ne sais pas à quel point vous allez pouvoir répondre à ma question, là, je vous lance une question comme ça, là. Avec le pipeline — je ne sais pas si vous… en tout cas — ça va coûter 3 $ de plus cher, semble-t-il. L'écart entre Suncor et Valero, ça va être 3 $ du baril. Est-ce que vous pensez que ça va avoir une influence sur la production de Valero ou qu'étant donné que c'est très, très faible, le prix qu'ils vont payer par rapport à ce qu'ils payaient avant, que ce désavantage concurrentiel, entre guillemets, va quand même disparaître?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Chevalier (Benoît) : Écoutez, non, je ne suis pas un spécialiste, mais j'imagine que ça va s'atténuer. En fait, ce que vous nous dites, c'est que Suncor va pouvoir s'approvisionner à 3 $ de moins le baril que Valero, considérant le transport par bateau, là.

M. Therrien : Voilà, puis... Bien, écoutez, de toute façon, je voulais savoir, est-ce qu'ils vous en ont parlé ou si c'est une inquiétude de leur part? Je ne penserais pas, là, mais… Je pense que l'usine est plus moderne, Valero. Ça devient plus efficace à ce moment-là, peut-être.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Chevalier.

M. Chevalier (Benoît) : Valero a investi énormément dans sa raffinerie au cours des… bien, depuis que la raffinerie est là, depuis 40 ans. Et, tout récemment, il y a eu énormément d'investissement dans la raffinerie pour réduire, entre autres, la teneur en soufre, etc. Alors, oui, les installations sont à la fine pointe, là, si on peut dire. C'est une des raffineries… une des plus performantes, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci. Oui. Et je vous entendais dire tantôt qu'ils faisaient beaucoup d'efforts pour faire en sorte que les gens autour, là, ne subissent pas trop les affres de leur production, là. Alors, en résumé… Excusez, je viens d'arriver, là, j'avais quelque chose à faire d'urgent, bien, je ne le sais pas si vous avez répondu à la question, mais j'imagine que les gens de votre ville, je veux dire, tiennent mordicus à ce que Valero reste là et même, à la limite, ait une croissance. J'imagine que, même s'il y a des petits inconvénients, là, les avantages vont très au-delà… Ils font une pression, ces gens-là, j'imagine, pour que vous représentiez l'engouement de la population pour cette usine.

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la ville de Lévis.

Mme Côté (Marie-Lise) : Alors, c'est certain que Valero, c'est une compagnie qui a des retombées très importantes au niveau économique non seulement pour la ville de Lévis, mais pour la région. Ce qu'on mentionnait, c'est qu'il y a 480 emplois spécialisés permanents et il y a des emplois occasionnels, et le projet d'Enbridge va amener une centaine d'autres emplois à temps plein pour les manoeuvres au niveau des bateaux-citernes, ce qui fait que oui, c'est quelque chose qui est très important pour la ville de Lévis.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à Mme Côté, M. Chevalier, les représentants de la ville de Lévis. Merci pour votre présence ici aujourd'hui, votre disponibilité pour répondre à nos questions.

Évidemment, j'ai écouté attentivement lorsque vous avez fait votre présentation, vous dites, comme d'autres ont dit : Ce n'est pas une question de savoir si on aura du pétrole ou non, c'est une question de savoir d'où le pétrole va venir et comment qu'il va arriver. Alors, si je peux résumer, en quelque sorte, vous avez mentionné votre crainte que, si jamais ce projet-là n'est pas autorisé, il y a possibilité — parce qu'on va chercher à faire ces économies-là — qu'il y a recours à des scénarios qui impliquent le transport ferroviaire, et vous avez juste à mentionner transport ferroviaire au Québec en ce moment pour inquiéter le monde. Vous le savez bien, on vit encore avec le drame de Mégantic.

Dites-moi, par exemple, lorsque je regarde aussi, vous avez fixé… il y a d'autres qui ont dit 20 $, il y a d'autres qui ont dit… vous, vous dites 16 $, il y a d'autres qui nous ont dit : Écoutez, dire que ça va être une économie qui va pouvoir se poursuivre à moyen terme ou à long terme, c'est peut-être un petit peu optimiste, trop optimiste. Est-ce que, dans un scénario où, évidemment, le prix se stabiliserait sur le marché du moment qu'il y aurait cet approvisionnement qui serait assuré et que le pétrole viendrait de source canadienne… est-ce que, néanmoins, vous voyez un bénéfice du fait que le pétrole provient d'une source qui est locale, si vous voulez, qui est canadienne et, évidemment, en alternative à un pétrole qui vient d'outre-mer, sur lequel on n'a pas de contrôle et sur lequel on n'a pas un mot à dire? Évidemment, notre pétrole qui vient de l'Ouest canadien est réglementé par des lois fédérales, et nous avons des représentants au Parlement fédéral, nous avons notre mot à dire, tandis que ce qui se passe au Kazakhstan, ou en Algérie, ou ailleurs, évidemment, se passe à l'extérieur de notre compétence. Et, deuxièmement, n'est-il pas aussi une considération à prendre en compte lorsque notre source d'approvisionnement est dans un autre pays, un pays auquel on cède, veux veux pas, une partie de notre indépendance énergétique? C'est un autre gouvernement, en quelque sorte, qui a le contrôle, si vous voulez, du prix qu'ils nous le vendent et de la façon qu'ils… et du moment qu'ils le transportent.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, au cas où, dans le scénario… La question a été un petit peu trop longue, mais, dans le scénario où le prix lui-même ne demeurerait pas si avantageux, est-ce qu'il y a d'autres avantages? Évidemment, pour l'inversement, vous avez parlé d'éviter le transport ferroviaire, mais est-ce qu'il y a un avantage, simplement de pouvoir se procurer notre pétrole pour la raffinerie de source canadienne?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

Mme Côté (Marie-Lise) : Pour ce qui est de la question du prix, l'important, pour l'industrie, c'est de pouvoir avoir le même avantage concurrentiel que ses concurrents. Donc, si le prix qui vient de l'Ouest augmente, il augmente pour tout le monde puis qu'il y a d'autres sources d'approvisionnement, à ce moment-là on évoluera avec la situation.

Maintenant, pour ce qui est de savoir si c'est préférable, du pétrole nord-américain ou d'ailleurs, je pense que, dans la mesure où il y a des normes de sécurité puis il y a des normes de contrôle élevées, c'est clair que c'est plus intéressant pour la raffinerie. Mais, pour la ville de Lévis, dans le fond, ce qui est intéressant, ce qui est important, c'est que Valero puisse conserver son avantage concurrentiel par rapport aux autres.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Dans la rubrique Préoccupations de la ville de Lévis, vous avez la qualité de l'air qui est mentionnée. Vous avez mentionné du fait que Valero étudie présentement la mise au point d'un procédé qui permettrait de capter les émanations, si vous voulez, les vapeurs, les émanations qui résultent du transbordement à ses installations portuaires. C'est quelque chose que vous vouliez… vous voulez profiter, c'est-à-dire, de ces changements pour pouvoir avoir ces avantages. Est-ce que vous pouvez nous dire… Je ne sais pas si ça a été mentionné, je ne suis pas sûr, mais est-ce que vous pourriez nous dire où est rendue cette discussion, ces travaux-là avec Valero?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Côté, M. Chevalier.

M. Chevalier (Benoît) : Bien, écoutez, on sait que l'entreprise fait des études présentement, là, pour vérifier dans quelle mesure elle pourrait capter, justement, ces vapeurs-là qui peuvent s'échapper. Si le vent se dirige vers le large, c'est un moindre mal, si on peut dire, mais, lorsque ça se rabat sur la partie urbanisée, ça peut créer des inconvénients, ça peut… Puis ça peut aussi dépendre des arrivages de pétrole. Le pétrole, c'est un cocktail, là, qui n'est pas uniforme, hein? Dépendamment du pays d'origine, l'odeur peut être différente. Alors, oui, comme vous avez dit, on aimerait que l'entreprise profite des modifications qu'elle devra apporter à ses installations portuaires pour mettre de l'avant ce système de captation des vapeurs, et puis je crois que ça va de soi, dans les discussions qu'on a eues avec l'entreprise, que c'est ce qu'ils vont faire.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

• (20 h 40) •

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Je vais rapidement passer au plan de mesures d'urgence. Nous avons entendu l'Union des municipalités du Québec, le maire de Montréal et d'autres qui semblaient nous dire : Il y a — et je vais le dire de cette façon-là — peut-être un petit peu de place pour de l'amélioration au niveau de l'arrimage, au niveau du travail des premiers répondants, qui émanent, évidemment, de la municipalité et de la ville, et, évidemment, la collaboration qu'il doit y avoir avec Enbridge, qui a une certaine expertise, qui a soumis des plans de mesures d'urgence. Dites-nous, à ce niveau-là, où sont rendues les discussions, les négociations? Où êtes-vous rendus au niveau du plan d'urgence? Et avez-vous la collaboration souhaitée de la part d'Enbridge avec vous? On a entendu d'autres dire : Écoutez, ça a été soumis, en quelque sorte. Il n'y a pas eu trop de consultations. Vous, quel est votre point de vue là-dessus?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Chevalier (Benoît) : Bien, écoutez, nous, on n'a pas vraiment de contacts avec Enbridge. O.K.? On a des contacts avec la raffinerie Valero, qui est une cliente d'Enbridge, et les contacts que les collègues à la ville ont avec Valero, c'est correct. Bon, évidemment, dans le cas des mesures d'urgence, il n'y a pas une situation qui est pareille, là, tu sais, il faut s'adapter. Donc, ce qui est important, c'est d'avoir des simulations, puis de pouvoir avoir des exercices pratiques, et que l'entreprise, Valero, avec son équipe, son centre d'unité centrale, là, soit en contact avec notre monde et puisse aussi, bon, peut-être, dans certains cas, fournir des équipements, fournir de la formation et puis revenir constamment. Il ne suffit pas d'avoir un cahier puis de le distribuer, là, il faut qu'il y ait des contacts, des échanges. Et puis je me répète, là, mais il faut qu'il y ait des simulations. Et ça, ça s'est produit tout récemment avec l'inversion du pipeline Saint-Laurent, l'entreprise Valero a donné de la formation, et puis ils ont fait tout récemment, là, une simulation de catastrophe. Et puis c'est profitable, ça permet à toutes les équipes d'anticiper, et puis de collaborer ensemble, et puis d'être familier un l'autre, là, même si, d'un côté, ce sont des intervenants de la firme privée puis, de l'autre côté, ce sont des fonctionnaires de la ville.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Est-ce que votre lecture est que la population, votre population locale est satisfaite de ce qui est fait à ce niveau-là pour assurer la sécurité, pour assurer la mise en place d'un plan d'urgence?

Je lis plus loin dans votre mémoire, évidemment, les communications semblent bonnes entre la ville et les représentants de Valero, tout ça, et ça ressemble beaucoup à ce qu'on a entendu de Montréal. On dirait que, là où il y a une raffinerie, veux veux pas, le besoin a été qu'il y ait des communications avec les populations locales, ça se passe assez bien. Est-ce que vous, votre lecture est que votre population locale est rassurée par l'information qu'elle a en ce moment, par ce qui se dit par les représentants de Valero, évidemment, qui aussi collaborent avec Enbridge? Est-ce que le sentiment de la population est un d'inquiétude? Est-ce que le sentiment de la population est un d'optimisme, mais prudent? Comment qualifierez-vous… Évidemment, vous êtes des représentants de la ville, est-ce que la population embarque, veut ce projet? Et je ne parle pas au niveau économique. Évidemment, ça a été assez clair, au niveau économique, qu'il y a des retombées. Mais, pour ce qui est environnement, sécurité, est-ce que la population de Lévis semble, de votre lecture, pour et rassurée par ce qu'elle entend?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de la ville de Lévis.

M. Chevalier (Benoît) : Bon. Bien, vous avez parlé des groupes organisés… Bien, je veux dire, organisés, la chambre de commerce… Bon, évidemment, ils appuient, ils ont déposé un mémoire ici.

Pour ce qui est de la population, bien, évidemment, je dirais que c'est un peu à géométrie variable. De façon générale, la population semble favorable au projet. Évidemment, ceux qui peuvent être plus directement impactés, les résidents du secteur des installations portuaires, bien, déjà, il y a certains inconforts ou il y a eu des inconforts qui ont été corrigés. Je vous parlais tantôt du bruit. Alors, il y a eu des mesures pour atténuer le bruit, entre autres, des sifflets, des manoeuvres d'accostage, etc., et il y a des efforts qui sont faits par l'entreprise — tout en demeurant dans les mesures de sécurité — pour atténuer ces inconforts-là.

Maintenant, dans le futur… Peut-être que ma collègue pourrait vous donner plus d'information.

Mme Côté (Marie-Lise) : Bien, en fait, il est clair que, dans la mesure où le projet va de l'avant, il y a quand même une campagne d'information, puis il y a des échanges avec la population qui vont être nécessaires, puis ça fait partie des discussions qu'on a avec Valero pour pouvoir monter ces séances d'information et de consultation, aussi peut-être distribuer de l'information auprès des citoyens.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Chevalier (Benoît) : Oui, j'ai peut-être un autre commentaire aussi…

La Présidente (Mme Bouillé) : Ah! M. Chevalier, excusez-moi, oui.

M. Chevalier (Benoît) : …c'est que vous savez que la raffinerie est située, bon, sur la Rive-Sud de Québec. Lévis, c'est une ville en croissance, et puis ce qui inquiète la raffinerie, évidemment, c'est lorsque le secteur urbanisé s'approche de la raffinerie. Et, pour pallier à ce phénomène-là, la raffinerie a posé certains gestes dans le passé. Exemple, elle a acheté un immense terrain qui est devenu un golf — alors, c'est une propriété de la raffinerie — et, au-delà du golf, un parc régional, qu'on appelle le parc Les Écarts, qui est une propriété aussi d'Ultramar. Alors, c'est une immense propriété, pour ceux de la région, qui s'appelait anciennement le boisé Davida, qui a été achetée par la raffinerie pour se faire une zone tampon. Et aussi, il y a peut-être sept, huit ans, un promoteur de la région a acheté l'abbaye cistercienne de Saint-Romuald. Pour ceux qui sont de la région aussi, c'est l'endroit où on allait se chercher du chocolat, là, dans le temps de Pâques, là, les soeurs faisaient du très bon chocolat. Et puis alors l'abbaye a été vendue à un promoteur qui voulait en faire un développement résidentiel, et c'était près de la raffinerie. La raffinerie a racheté du promoteur ce terrain de l'abbaye là qui va être intégré au parc régional de la rivière Etchemins. Alors, vous voyez qu'il y a une sensibilisation de la raffinerie d'éloigner le secteur résidentiel, le secteur urbain de ses installations, de se créer une propre zone tampon, et ces zones tampons là sont intégrées au réseau de parcs de la ville.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour… bien, bonsoir. À cette heure-là, on peut dire bonsoir. Juste une petite question d'éclaircissement. Vous avez parlé tantôt de 16 $ d'économie le baril. Où est-ce que vous avez pris ça, ce montant-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Côté, M. Chevalier.

M. Chevalier (Benoît) : Oui. Bien, écoutez, on a pris ça dans les informations… entre autres, bien, le document produit par l'Assemblée nationale, un document d'information. Ça tourne autour de 16 $ le baril, là, si on prend une moyenne des 10 dernières années. Ça fluctue.

Maintenant, pour répondre à la question d'un député, tantôt, qui disait : Bien, avec la… est-ce que ce différentiel-là va demeurer?, on ne le sait pas. Vous savez que le pipeline, originellement, en 1970, dirigeait du pétrole de l'Ouest vers la raffinerie de Montréal, et c'est une question de prix qui a fait en sorte qu'il a été inversé dans les années 90, là, maintenant, il est inversé de nouveau. Mais, pour répondre spécifiquement à votre question, c'est dans la littérature qu'on a trouvé le différentiel de 16 $. Dans certains cas, les gens parlaient de 25 $, c'est pas mal exagéré, là, mais ça fluctue.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Puis, d'après toutes les personnes que j'ai interrogées par rapport à ça, il ne semble pas y avoir beaucoup d'espoir que le consommateur va profiter de cette économie-là, ce qui est un peu aberrant, quant à moi.

Juste pour bien comprendre, pour la ville de Lévis, le fait qu'il y ait l'inversion au niveau de l'oléoduc, il n'y a pas de changement chez vous, là, il va y avoir encore du pétrole qui va arriver par train, il va y en avoir qui va arriver par bateau. La seule chose, je pense, qu'on disait, c'est qu'il y aurait peut-être des installations à modifier au niveau du port pour, peut-être, recevoir des un peu plus gros bateaux. Mais, pour la ville, ça ne fait pas vraiment de différence, à part d'assurer peut-être l'avenir de la raffinerie.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur, en 30 secondes.

M. Chevalier (Benoît) : Oui, bien…

Mme Côté (Marie-Lise) : Bien, en fait, je vais… Il y a, oui, pour assurer l'avenir de Valero, mais il y a surtout que ça limite le transport par train du pétrole. C'est ça qui est notre inquiétude, nous, que le volume de trains augmente de façon importante s'il n'y a pas ce projet-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Mercier.

• (20 h 50) •

M. Khadir : …Mme la Présidente. Bonsoir, Mme Côté et M. Chevalier. Merci pour votre présentation. Comme il y a une question qui vous a été posée par mon collègue tout à l'heure sur le différentiel et la valeur économique, l'impact économique du pétrole dans notre économie canadienne, québécoise, j'en profite pour mentionner que, dans le document d'analyse pour la consultation préparé par le gouvernement, les références ne sont pas indiquées, mais, quand on regarde tout le chapitre sur les bénéfices économiques anticipés de la page 35 et les suivantes, là, si vous regardez, c'est presque calqué du rapport de Joe Oliver, le ministre canadien de l'Environnement, que tout le monde reconnaît comme un «peddler» de l'industrie pétrolière d'Alberta, qui a été dénoncé par l'opposition officielle canadienne, qui a été dénoncé par tous les groupes, tous les gouvernements qui sont un tant soit peu sérieux.

Ceci étant dit, je comprends toute la bienveillance et le souci de vos concitoyens et des emplois. C'est sûr que, quand il n'y a pas d'autre alternative que le pétrole, quand on a une grosse raffinerie, je vous comprends, il faut protéger ces emplois-là. Vous avez parlé de tout ce que Valero et Ultramar ont fait. C'est sûr que vous êtes conscients que personne ne peut quand même penser que ce n'est qu'un conte de fées, il doit y avoir certains désavantages. Parlez-nous un peu des accidents qui sont survenus au cours des années ou des déversements au point d'ancrage des bateaux-citernes qui viennent amener le pétrole, Parce que, là, il va y en avoir plus, hein, avec ce qui va venir, avec l'inversion de la ligne d'Enbridge, il y a deux points d'approvisionnement en eau de la ville de Lévis, parlez-nous un peu des accidents qu'il y a eu au cours des années.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Chevalier (Benoît) : ...il y en a un qui est produit par l'Ultratrain, et c'était du produit raffiné. Alors, ce qui sortait de la raffinerie à une époque, là, à partir de, je dirais, 1980… Il me semble que c'est au milieu des années 90, quand l'Ultratrain a été mis en fonction, il y a eu un déraillement important dans la grande plée Bleue. Ça, ça a causé énormément de dommages, et puis il y a eu l'intervention et de l'équipe d'Ultramar et aussi du ministère de l'Environnement, et il y a eu une supervision aussi, bien… ou un suivi, là, de la part des fonctionnaires de la ville.

Le deuxième déversement porté à notre connaissance, c'est celui qui achemine le pétrole des installations portuaires vers la raffinerie. Alors, il y a un corridor technique, et puis il y a eu un déversement, je ne peux pas vous dire en quelle année, et là aussi il y a eu une intervention.

Alors, dans les deux cas qui me viennent à l'esprit, là, des déversements importants, il y a eu une intervention, et puis les dommages ont été colmatés, si je puis dire. Ce qui nous inquiète, c'est les prises d'eau potable de la ville. Vous savez qu'avec le déversement de pétrole au Lac-Mégantic…

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Chevalier (Benoît) : Oui. O.K. Alors, la ville de Lévis a été obligée de bloquer une de ses prises d'eau importantes, celle de Charny, dans la rivière Chaudière. Alors, ce qui nous inquiète, c'est les deux prises d'eau potable de part et d'autre des installations portuaires. Ce qu'on aimerait, on aimerait s'assurer qu'évidemment les risques soient diminués au minimum — c'est ce que l'entreprise va sûrement faire — mais aussi que, parce qu'il peut quand même arriver un accident, qu'on ait des moyens pour colmater ces fuites-là et puis réduire l'expansion du pétrole qui pourrait être déversé.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Merci, Mme Côté. Merci, M. Chevalier

J'invite maintenant les représentants de la Société pour vaincre la pollution à prendre place et je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 54)

(Reprise à 20 h 56)

La Présidente (Mme Bouillé) : Bienvenue, les représentants de la Société pour vaincre la pollution.

Document déposé

Auparavant, je voudrais souligner que j'accepte le dépôt d'une lettre qui vient d'être transmise par Enbridge à mon égard concernant l'engagement d'Enbridge sur la transparence et le partage d'information aux municipalités. Donc, j'accepte le dépôt de ce document, qui va être distribué aux membres de la commission, et on retrouvera aussi cette lettre sur le site de l'Assemblée nationale.

Donc, bienvenue, M. Green, Mme Saint-Cerny. Et vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé.

Société pour vaincre la pollution (SVP)

Mme Saint-Cerny (Anne-Marie) : Bonsoir, Mme la Présidente. Mesdames messieurs, bonsoir. Nous savons tous que le projet d'Enbridge sera approuvé et que le Québec se lance dans l'aventure pétrolière tous azimuts avec le transport que cela signifie. À la lumière de ce que la SVP a pu constater cet été en termes de coûts, dégâts et conséquences à Mégantic et à Sept-Îles, nous sommes venus ici pour vous dire que ce gouvernement doit obligatoirement, en approuvant ce projet, y mettre les conditions pour minimiser au maximum les risques et se créer un fonds obligatoire pour aller réparer les dégâts lorsque… car ils arriveront. Mon collègue Daniel Green a examiné la sécurité du projet Enbridge.

M. Green (Daniel) : Merci. Premièrement, on va rentrer directement dans le sujet. Ce projet-là au Québec n'est pas simplement un projet de pipeline, c'est un projet de transport important par navire et par train vers les installations de Valero, Ultramar et possiblement, vu qu'il est un des expéditeurs aussi mentionnés par la société Enbridge, la compagnie Irving. En passant, la compagnie Irving était aussi le destinataire de la cargaison du Lac-Mégantic.

Valero a admis, lors de sa preuve devant l'Office national de l'énergie et probablement ici, qu'ils s'attendent à ce que 50 % de leur approvisionnement provienne, entre autres, de ce pipeline. On parle de 50 %, autour de 117 000, 120 000 barils par jour, qui pourrait très bien et va probablement transiger vers l'est par navire et par train. Si on regarde l'une et l'autre des options, on parle d'à peu près 150 voyages de navires additionnels en descendant le fleuve, moyenne de 300 000 barils par voyage de navire sur 240 kilomètres. Ce n'est pas la même chose. Actuellement, Valero reçoit de superpétroliers en montant, pas en descendant. Il y a des conséquences au niveau de la sécurité maritime de voir un pétrolier chargé en descendant le fleuve. Je ne sais pas s'il y a des mariniers ici, mais, en descendant le courant, il arrive qu'on a un tout petit peu moins de contrôle qu'en montant le courant avec un navire.

• (21 heures) •

J'ai évalué — et peut-être je me trompe, mais il me semble en regardant les besoins d'Ultramar — 600 voyages de 100 wagons par an est une possibilité vers les raffineries de Lévis et un nombre, évidemment, non calculé sur à peu près 1 200 kilomètres de navigation sur le fleuve, le golfe et l'estuaire devant la baie des Chaleurs, entre les Îles-de-la-Madeleine, vers le terminal pétrolier d'Irving à Saint-Jean. On vient d'augmenter, grâce à ce pipeline, les risques de déversements majeurs par train et par navire sur le territoire du Québec, il faut que les législateurs soient au courant de l'augmentation de ce risque.

Recommandation. La SVP demande donc que l'Assemblée nationale recommande que l'augmentation du risque causé sur le territoire du Québec par le transport accru — trains et navires — soit évaluée par une commission ad hoc du BAPE. Québec a la juridiction parce que ce transport se fait uniquement sur le territoire du Québec.

Sur le pipeline maintenant. C'est un vieux pipeline construit en 1975. On parle qu'il a déjà été inversé une fois, un flot est-ouest pendant 23 ans et un flot est-ouest pendant 11 ans. On parle d'une augmentation de 25 % du volume, on parle d'une opération dès 2015. Nous avons revu la preuve présentée lors de l'ONE. On a revu aussi les conditions imposées, les conditions proposées par l'ONE par rapport au permis. Il serait important que le législateur québécois regarde les conditions imposées par l'ONE. D'après les conditions préliminaires, par exemple, le plan de protection de l'environnement va devoir être soumis seulement 30 jours avant le début de la construction de ce pipeline-là. Le gouvernement du Québec recommande que le Québec revoie et demande des correctifs de ce plan aussitôt qu'il est disponible.

Réponse aux déversements. Ce plan de réponse aux déversements d'Enbridge — excusez-moi, il me manque… — ce plan déposé par Enbridge ressemble à ça, du fromage de Gruyère. Soi-disant pour des raisons de sécurité, il a été impossible à la SVP d'évaluer ce plan de réponse de déversement tel que soumis par Enbridge. Nous sommes devant un vide pour comprendre qu'est-ce qu'Enbridge va faire dans certains points. Il y a même des points où c'est ridicule que les concentrations effectives de toxicité sur différents produits qui vont être déversés… Si ce plan-là était disponible pour les premiers répondants au Lac-Mégantic, on aurait eu beaucoup de problèmes.

Recommandation. SVP recommande que Québec essaie d'obtenir immédiatement le plan complet de réponse en cas de déversement d'Enbridge, que ce plan-là soit évalué et des recommandations pour le bonifier soient faites par le Québec. Il n'y a aucune liste de caches d'équipement, il n'y a pas de liste de personnel. Le temps de réponse d'Enbridge est, au maximum, quatre heures, c'est trop. On est dans une zone densément… de population. Le gouvernement de l'Ontario, dans ses recommandations à l'ONE, recommande que ce temps-là soit coupé drastiquement. La SVP recommande que Québec demande à Enbridge d'avoir un temps maximum de réponse d'une heure en cas de déversement majeur sur ce pipeline.

Excavations de vérification. Enbridge a fait de 500 à 600 excavations de vérification sur sa ligne, dont 75 uniquement à Mirabel. D'après les conditions préliminaires, Enbridge va devoir déposer ses résultats de ces vérifications de l'intégrité de ce pipeline seulement 80 jours avant l'émission de l'autorisation. La SVP recommande que toutes les données d'excavations de vérification soient vérifiées par le Québec et que les sections de pipeline endommagées soient remplacées à la demande du Québec.

Traverse des cours d'eau. La SVP a pu identifier entre Cornwall et Montréal-Est 25 traverses d'eau, dont certains majeures : Outaouais, Mille-Isles, Rivière-des-Prairies, Mascouche, du Nord, Raquette. Pourtant, les 17 valves proposées par Enbridge, les 17 valves de sécurité pour couper l'approvisionnement du pipeline au long du pipeline, d'après les documents déposés en preuve d'Enbridge, pas une seule de ces valves n'est située sur le trajet québécois du pipeline. C'est inacceptable, il faut que le niveau de protection de la section québécoise de ce pipeline-là soit équivalent à celui de l'Ontario.

Tests hydrostatiques. Il y a eu très peu de…

Une voix :

M. Green (Daniel) : Je le sais. Il n'y a eu aucun test hydrostatique de cette ligne où on met de l'eau, on met de la pression pour vérifier l'intégrité de ce pipeline. Deux tests ont eu lieu, en 1975 et en 1997. Le gouvernement de l'Ontario a demandé que la ligne soit testée entièrement par un test hydrostatique. La SVP recommande que le gouvernement du Québec appuie la demande de l'Ontario, et que toute la ligne L9 soit soumise à un test hydrostatique avant sa mise en opération, et que les résultats soient soumis pour contre-vérification par le Québec.

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

Une voix :

M. Green (Daniel) : Le fonds? Le fonds. La SVP recommande qu'un fonds sur les déversements terrestres soit établi par le gouvernement du Québec. Ce fonds pourrait être basé sur la caisse d'indemnisation des dommages dus aux déversements de pétrole par navire. On parle de 0,048 $ par tonne métrique transportée. Par exemple, dans le transport vers Valero, Valero devrait, dépendant sa quantité payée, verser au fonds un peu plus de 3,3 millions de dollars par année pour créer un fonds. Actuellement, les gens de Mégantic sont sous le vide de compensation des pollueurs. Il ne faut plus que ça arrive au Québec. Un fonds devrait être créé au Québec, et je pourrais mentionner plus tard, lors des questionnements, qu'est-ce que je pense qu'on devrait faire avec le fonds fédéral. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous allons procéder à la période d'échange. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Green, Mme Saint-Cerny. Bienvenue à la commission. Au départ, lors de votre intervention, vous avez parlé d'Irving. Je dois vous avouer bien candidement que c'est la première fois que j'en entends parler. Il a été question ici de fournir deux raffineries, la raffinerie de Suncor à Montréal et celle de Valero à Québec. On nous a dit que le pipeline, même une fois qu'on aurait augmenté sa capacité, devrait fournir à peu près, au maximum, 300 000 barils par jour et que les besoins de ces deux raffineries étaient de 355 000 barils par jour. Alors, je comprends mal qu'il y ait de l'approvisionnement qui s'en aille vers Irving, puisqu'on n'est même pas capable de combler les nécessités, le besoin québécois. Alors, si jamais il n'y a pas approvisionnement vers Irving, tout ce que vous nous dites concernant les bateaux, j'imagine que ça n'a plus sa raison d'être.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Saint-Cerny, M. Green, la parole est à vous.

M. Green (Daniel) : Oui. On peut parler? Merci. D'après la preuve déposée lors du processus de l'ONE, on parlait de trois expéditeurs. Au début, Irving était un de ces expéditeurs, c'est-à-dire on expédie de l'Ouest canadien pour approvisionner leurs raffineries. On parle encore de trois expéditeurs, mais on parle, effectivement — vous avez raison — seulement de Valero et Suncor, et c'est un mystère pourquoi le nom d'Irving, tout d'un coup, dans les discussions de la phase 9B, a disparu.

Il ne faut pas oublier qu'en ce qui concerne un «upgrader» pour le bitume, seulement Irving a la capacité d'un «upgrader» pour le bitume à sa raffinerie à Saint-Jean. Ni Valero ni Suncor, pour le moment, n'ont cette capacité-là. Alors, vérifiez la preuve déposée à l'ONE, et vous allez voir que, pour le bitume, seulement Irving a la capacité. Alors, c'est un mystère. Peut-être, cette commission devrait convoquer la compagnie Irving pour venir témoigner.

• (21 h 10) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Ce qu'on a compris également, c'est — puis peut-être que ça explique un peu ce que vous venez de nous dire — que l'approvisionnement de l'Ouest ne serait pas du pétrole qui provient des sables bitumineux, mais un pétrole brut léger parce que, justement, les deux raffineries ne sont pas équipées… sauf peut-être pour 15 %, là, pour faire de l'asphalte, là, mais que, pour le reste, nos raffineries québécoises ne sont pas équipées pour raffiner ce pétrole des sables bitumineux. Est-ce que ça expliquerait votre prétention à l'effet qu'il y aurait du...

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur...

M. Green (Daniel) : La modification...

La Présidente (Mme Bouillé) : Excusez-moi, M. Green, c'est moi qui attribue les droits de parole.

M. Green (Daniel) : Excusez-moi, je ne savais pas le protocole.

La Présidente (Mme Bouillé) : De rien. Madame, monsieur, allez-y.

M. Green (Daniel) : Je peux parler? Merci. Là, vous avez perdu... Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : En fait, la question vient du fait que...

M. Green (Daniel) : Oui...

La Présidente (Mme Bouillé) : Un instant.

Mme Zakaïb : ...le pétrole serait du pétrole léger, et non pas du pétrole provenant des sables bitumineux.

M. Green (Daniel) : La différence se situe dans la modification de la demande de permis de 9B. Tout d'un coup, Enbridge parle de Bakken, du pétrole de schiste de Bakken, de la formation géologique Bakken, du Dakota, Manitoba et Saskatchewan. Tout d'un coup, le terme Bakken apparaît dans la phase 9B du projet de la ligne 9 à notre grande surprise. Pendant toute la première partie de l'audience, qui impliquait seulement l'Ontario, la partie 9A, il était question de bitume, de bitume, de bitume, et là, tout d'un coup, les choses ont changé. Alors, oui, vous avez raison, probablement, ce qui va être transporté à 75 % dans ce pipeline dans la partie québécoise va être du Bakken, le même type de produit qui s'est déversé lors de l'accident de Mégantic.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : M. Green, des gens sont venus nous affirmer ici que le transport par pipeline, c'était le moyen le plus sécuritaire de transporter du pétrole, plus sécuritaire que le train, plus sécuritaire que le bateau. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de SVP.

M. Green (Daniel) : C'est possible que ce soit vrai pour un nouveau pipeline. On parle ici d'un vieux pipeline.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Je vais laisser la parole au député de Repentigny, qui a quelques questions, je crois.

La Présidente (Mme Bouillé) : Il y avait le député de Roberval qui avait demandé la parole avant, Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Ah! je m'excuse, Mme la Présidente. Alors, oui, le député de Roberval.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : Merci, Mme la Présidente. Monsieur, madame, merci de votre présence. Il y a le regroupement du bassin versant des Mille-Îles nous disait que… ils nous demandaient si c'était possible d'avoir des membranes sécuritaires. Est-ce que vous connaissez l'utilisation de cette technologie-là? Est-ce que vous avez déjà vu ça à quelque part, une membrane qui recouvrirait le pipeline lorsqu'il y a des cours d'eau? Est-ce que vous connaissez cette technologie-là? Est-ce que ça vous dit quelque chose?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Green (Daniel) : C'est bien connu. Par contre, il faut faire attention avec les membranes. L'accident de Kalamazoo… la corrosion causée à Kalamazoo a été causée par le fait que la protection cathodique sur le pipeline — on passe un peu de courant, ça empêche la corrosion — aurait été empêchée par la membrane, qui s'était décollée. Donc, la membrane… Et regardez un peu la preuve déposée par le bureau d'investigation américain — j'ai une copie ici, je pourrais la remettre — alors, c'est assez intéressant que, d'une part, on parle des membranes pour protéger de fuites, par contre, si la membrane se décolle… Et, dans un environnement froid — gel, dégel — qu'on retrouve ici, des fois les additifs et les colles font décoller la membrane, et donc la protection cathodique ne passe plus dans le pipeline parce que la membrane soi-disant pour protéger empêche la protection anticorrosive du courant cathodique.

Alors, on apprend beaucoup de l'accident d'Enbridge à Kalamazoo, et je suggère à cette commission de lire attentivement le rapport Kalamazoo. Peut-être, ça pourrait vous donner des enseignements quant aux exigences que vous devez imposer à ce pipeline sur le territoire québécois.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Roberval.

M. Trottier : Oui. Vous avez parlé des valves, qui sont, en tout cas, assez rares selon ce que... les valves de sécurité. Est-ce que vous auriez une proposition à nous faire à ce moment-ci, par exemple une valve avant chaque cours d'eau ou à tant de kilomètres?

M. Green (Daniel) : Oui...

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame Saint-Cerny, M. Green.

M. Green (Daniel) : Excusez-moi. Oui, effectivement. Par exemple, à Durham, en Ontario, ils ont exigé deux valves pour la municipalité. Autrement dit, il semble qu'Enbridge donne des valves à ceux qui leur demandent, mais il faut le demander. Oui, minimalement, des valves en aval des cinq, six cours d'eau majeurs du Québec, effectivement. Là, on parle des valves qui peuvent être actionnées à distance pour couper le courant sans créer une surpression en amont.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : Est-ce que...

La Présidente (Mme Bouillé) : Ah! Mme Saint-Cerny?

Mme Saint-Cerny (Anne-Marie) : Par ailleurs, la SVP recommande que, tout au long des opérations, un rapport annuel de toutes les opérations de sécurité soit rendu public et accessible au public, justement, parce que, bien qu'on ait pu avoir des valves, des membranes, etc., bref, de l'équipement, il n'en reste pas moins, encore là, que l'exemple de Kalamazoo montre que le temps de réponse, qui a été au-dessus d'une dizaine d'heures, relève de l'incident humain, de l'erreur humaine, en quelque sorte, et que rien et aucun équipement n'aurait pu empêcher le désastre qui s'est produit. Donc, il faut que les procédures et les surveillances d'équipement soient rendues publiques chaque année et accessibles au public. Il n'y a rien comme une compagnie qui se sait surveillée par le public et par les autorités pour faire attention.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui, merci. Oui, bien, je pense que votre dernière remarque, Mme Saint-Cerny, c'est quelque chose qui est revenu aussi, là, auprès de d'autres intervenants, là, qui nous disaient : Il y a eu des simulations qui se sont déroulées à certains endroits, mais ça semble être l'exception, finalement, qui confirme la règle, là. Mirabel en a eu une parce qu'ils l'ont demandée. Et ce que M. Green nous dit aussi, c'est que les vannes, donc, d'isolement du pipeline, les municipalités l'obtiennent lorsqu'elles le demandent, et donc on entend bien que vous souhaitez que ce soit plutôt systématique, que ce soit systématisé et qu'on s'assure d'avoir… À tout le moins, vous parlez de cinq vannes d'arrêt sur les traverses des cinq cours d'eau majeurs. Il y a d'autres gens, un peu plus tôt, qui nous ont dit, sur tous les cours d'eau, que ça en prendrait. Enfin… Alors, il y a quand même une question là.

Est-ce qu'à votre sens le fait d'installer de l'équipement de protection, ça amène aussi une obligation quant à l'entretien de ces équipements-là? Et comment vous voyez la nécessité... Parce qu'on peut être sécurisé… C'est un peu comme un… je ne sais pas, moi, un arrêt, là. En quelque part, ça nous sécurise, puis, des fois, on oublie de faire attention. Est-ce qu'il y a… En plus de l'équipement, qu'est-ce que vous voyez comme procédure qui serait nécessaire?

M. Green (Daniel) : Actuellement...

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants de SVP.

• (21 h 20) •

M. Green (Daniel) : Excusez-moi. Actuellement, on a évalué la capacité de réponse du Québec à un déversement pétrolier majeur. On a eu l'occasion de se rendre, de suivre le déversement au Lac-Mégantic et le déversement à Cliffs, à baie de Sept Îles. La conclusion que tire la SVP, c'est que le Québec n'est pas prêt. Nous n'avons pas assez d'équipement, nous n'avons pas assez de gens formés, on n'a pas assez de plans d'intervention connus pas simplement par la pétrolière, mais aussi par les premiers répondants. On a un problème d'identification — comme on a vu au Lac-Mégantic — du produit déversé et, essentiellement, on nage un peu dans l'improvisation. Ce qu'il faut — et la SVP le recommande — la SVP recommande de créer un groupe de travail québécois pour revoir la capacité du Québec pour répondre à un grand déversement de pétrole sur notre territoire. Il est important que ça soit fait. Si le Québec se lance dans l'ère pétrochimique, il faut être prêt pour répondre à l'accident. La réponse au Lac-Mégantic et à Cliffs n'était pas une réponse rapide et adéquate pour enlever le pétrole de l'eau rapidement.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Saint-Cerny.

Mme Saint-Cerny (Anne-Marie) : En outre, une réponse entièrement privatisée, c'est-à-dire que les données, les interventions, etc., appartiennent aux compagnies qui les font, dont SIMEC, et qui sont engagées par les pétrolières, ce qui n'est pas rassurant pour le Québec. La réponse doit être de l'État.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Repentigny, deux minutes.

M. McKay : Oui, rapidement. Le fonds dont vous avez parlé, vous donnez l'exemple d'un fonds pour les déversements maritimes, là, dans le transport maritime, qui est, dans ce cas-là, de 0,48 $ par tonne métrique. Est-ce qu'il s'agit d'un fonds qui est associé entreprise par entreprise ou est-ce que c'est — on va prendre un terme familier — un pot, dans le fond, un fonds large où toutes les sources contribuent, et donc ça permet, j'imagine, dans ce cas-là, d'avoir, à l'échelle de l'industrie, un fonds qui se remplit plus rapidement, peut se vider plus rapidement aussi, mais… ou est-ce que vous suggérez un fonds, dans le fond, pour ce projet-là d'Enbridge ou un fonds où l'ensemble des transporteurs par pipeline et gazoduc dans le Canada contribueraient?

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Saint-Cerny, M. Green, en 30 secondes.

M. Green (Daniel) : Il faut comprendre un peu l'histoire. Alors, au niveau de la législation canadienne, la Loi sur la marine marchande, il y avait un fonds qui a été créé de 1973 à 1976, un fonds sur tout le mouvement de pétrole sur le territoire canadien. Sur 0,15 $ la tonne métrique, a généré un fonds de 35 millions en 1976. Depuis, il n'y a aucune perception de cette taxe, le gouvernement a arrêté de percevoir. Actuellement, le fonds, au 31 mars 2013, est de 400 millions de dollars, le fonds fédéral...

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant.

M. Green (Daniel) : ...de déversement provenant des navires. C'est un fonds de compensation de déversements provenant des navires, les déversements terrestres ne sont pas compris. Alors, on est limités à 400 millions.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci.

Une voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : Ah! le temps est écoulé, vous pourrez peut-être compléter...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, parce que le temps est écoulé, malheureusement. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Société pour vaincre la pollution. M. Green, Mme Saint-Cerny, merci de votre présence ici aujourd'hui. Merci pour ces observations.

Quelques questions rapidement. D'abord, ceux qui sont venus devant nous appuyer le projet — et plusieurs, je dois vous avouer — plusieurs ont mentionné que ce projet d'inversion est une alternative au transport ferroviaire. Et, lorsque je vous entendais faire vos remarques, il me semble que j'ai compris que c'était tout à fait le contraire, dans le sens que votre remarque a été à l'effet que cette inversion-là va aller en augmentant et le transport ferroviaire et le transport par navire sur le territoire. Est-ce que j'ai bien compris? Est-ce que j'ai mal compris? Parce que ce que vous avez dit, vous vous rendez compte, évidemment, et on se rend compte, nous aussi, que c'est le contraire de ce que les autres sont venus dire pour justifier ou pour, en quelque sorte… Le transport par pipeline a été présenté comme alternative au transport ferroviaire. Est-ce que vous pourriez expliciter davantage un petit peu le sens de vos propos? Vous dites : Ça augmente sur le territoire. Je voudrais juste que ça soit clair pour tout le monde qui nous écoute.

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Green (Daniel) : On s'entend, Suncor, 300 000 barils par jour, Suncor, c'est plus que ce dont elle a besoin. Et Valero a déjà dit qu'elle est acheteur. Elle a témoigné à l'ONE qu'elle va… Ce pétrole, lui, va être envoyé, et la seule façon de se rendre de Montréal-Est à Lévis, c'est par navire ou train, et donc il faut augmenter le navire ou train. Avant, Valero s'approvisionnait essentiellement par superpétrolier venant à son terminal de Saint-Romuald. Là, les choses ont changé. Là, ça va être du navire dans les eaux dangereuses entre Montréal-Est et Lévis, beaucoup plus dangereuses parce que c'est beaucoup plus petit. On parle de plusieurs plus petits navires que des superpétroliers, donc on augmente… et un trafic maritime plus intense et plus concentré dans la voie maritime.

Regardez les cartes de la voie maritime dans le Saint-Laurent, et vous allez voir le peu d'espace que deux gros navires ont à se dépasser au milieu du lac Saint-Pierre. Et laissez-moi vous dire que, si jamais il y a un déversement majeur de pétrole en amont de Québec, les simulations auxquelles j'ai fait partie, c'est un désastre national. Le pétrole n'a nulle part à aller, le fleuve est trop petit. Ça va être beurré massivement, il va falloir même évacuer les populations riveraines à cause des émanations si c'est du léger. Et, si c'est du Bakken, à cause des concentrations élevées de benzène, ça risque même d'être un danger d'enflammage. Je ne sais pas si les gens dans cette salle savent dans quoi on s'embarque. J'espère de tout mon coeur que je me trompe, mais vous avez l'obligation, dans les prochains mois, de vous assurer que cette aventure ne désécurise pas la population dans la zone la plus densément populée entre Montréal-Est et Lévis.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci.

M. Green (Daniel) : C'est un grand défi que vous avez pour vous assurer…

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. Green. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Je comprends cette partie-là, par navire. Ça nous a été dit, d'ailleurs, par les représentants qu'il y aura des navires qui vont en transporter jusqu'à Lévis. Mais, la partie ferroviaire de votre commentaire, est-ce que vous pourriez aussi…

M. Green (Daniel) : Effectivement…

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Saint-Cerny, M. Green, la parole est à vous.

M. Green (Daniel) : Excusez-moi. Vérifiez ce que Valero a commencé à écrire, ils sont dans l'achat massif de wagons. J'ai entendu un chiffre de 500 wagons à 700 wagons que Valero s'apprête à acheter pour augmenter son transport ferroviaire. C'est sûr que le transport ferroviaire, vu qu'Ultramar l'a fait avec son ultratrain, ils ont l'habitude, et vu que… et, évidemment, la ligne existe. Alors, je pense que Valero a témoigné devant vous. Est-ce que la question leur a été posée : Combien de trains? Combien de navires? C'est dommage.

Une voix :

M. Green (Daniel) : Oui. Mais vous auriez dû vous poser la question train parce que je pense que Valero est vraiment partie pour augmenter sa capacité ferroviaire au niveau de ses réceptions.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : J'ai une autre question. Vous avez parlé de cinq, six cours d'eau nécessitant des valves. Si je vous comprends bien, ça fait une valve de chaque côté du cours d'eau ou est-ce que ça veut dire qu'on parle de 10 à 12 valves? On parle de combien de valves?

M. Green (Daniel) : …pour protéger le cours…

• (21 h 30) •

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Green, s'il vous plaît, j'ai besoin de votre collaboration. Madame, monsieur, la parole est à vous.

M. Green (Daniel) : Excusez-moi. O.K. Ça dépend de la pente. Normalement, avec une rivière importante, la pente s'écoule vers la rivière. C'est sûr qu'une valve de fermeture située, évidemment, en amont de la rivière serait suffisante pour arrêter tout déversement. Alors donc, tout ce que je demande… C'est que le Québec mérite la même protection que ce qu'Enbridge a offert en Ontario, alors…

M. Sklavounos :

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : J'allais vous poser cette question-là. Vous dites que c'est suite à une demande en Ontario qu'il y a eu des valves d'ajoutées en Ontario. Pouvez-vous préciser un petit peu les cas où… et juste pour qu'on puisse documenter ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Green.

M. Green (Daniel) : Si vous regardez la preuve déposée par Enbridge, il y a un document qui répond, je pense, à une interrogation du gouvernement de l'Ontario. Je peux vous donner la référence après, je l'ai ici avec moi. Alors donc, c'était suite à ça où Enbridge a déposé en preuve le positionnement de 17 valves le long de la ligne, dont toutes les valves sont situées en Ontario. On a le kilométrage, le point de kilométrage de chacune des valves.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : L'ajout d'une valve, en termes de travaux, en termes de risques et en termes de coûts, est-ce que vous pouvez nous renseigner? C'est-à-dire la demande d'ajouter cinq valves prendrait combien de temps? Comment que ça se fait? Et il y a-tu un risque d'impact? Et, au niveau du coût pour ça, est-ce que vous avez des renseignements à ce niveau-là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Green (Daniel) : L'évaluation du coût pour les 17 valves n'a pas été précisée par le promoteur. Il faudrait leur demander combien ça coûte par valve. On sait que le projet était de 130 millions et, maintenant, 170 millions. Alors, peut-être, l'augmentation des coûts est due à l'ajout de valves, mais il faudrait, évidemment, poser la question au promoteur.

Mme Saint-Cerny (Anne-Marie) : Comme complément à cette question, j'aimerais ajouter qu'on pourrait se demander également quels seraient les coûts de la contamination des sources d'eau potable — comme la ville de Lévis le mentionnait, par exemple — pour l'État et la population, advenant un déversement dans une des rivières. Donc, il faut contrebalancer les coûts d'Enbridge avec ceux de l'État, comme on voit à Mégantic à l'heure actuelle.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : J'aurais une autre question. Il a eu question d'Irving tout à l'heure. C'est la question qu'Irving aurait été mentionnée, mais possiblement retirée ou plus mentionnée. Ma compréhension, c'est qu'Ultramar et Irving, c'est des compétiteurs, des concurrents. Est-ce que j'ai mal compris quelque chose? Parce que vous avez mentionné que ça aurait été Ultramar qui aurait mentionné Irving ou j'ai peut-être mal compris.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Saint-Cerny, M. Green.

M. Green (Daniel) : Je vais tenter d'être clair. D'après moi — je vais vous expliquer ce que, je pense, s'est passé — quand Enbridge a modifié sa demande de permis pour la section 9B, le terme «pétrole léger de la formation Bakken» est, tout d'un coup, apparu. Avant, on parlait uniquement de bitume venant des sables bitumineux. Je pense que ce qui s'est passé, c'est que la demande, l'opportunité de transiger vers l'est du pétrole léger de la formation Bakken est devenue telle qu'Enbridge elle-même a changé son plan d'affaires et que peut-être, suite à ça, il y a plus de Bakken qui va être transporté dans ce pipeline que de bitume. Alors, peut-être, par cette décision d'affaires là, Irving s'est dit : Bien, nous, c'était le bitume qui nous intéresse. Déjà, le Bakken, il y a deux acheteurs, Suncor et Valero. Peut-être, on n'est plus là. Encore une fois, la question devrait être posée à Irving et à Enbridge, mais c'est mon hypothèse.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Mais ça, selon vous, serait une bonne chose si jamais ça a été changé pour cette hypothèse-là, la deuxième hypothèse.

M. Green (Daniel) : Je ne le sais pas. Avant Mégantic, j'aurais dit peut-être. Mais, ayant échantillonné, senti, touché, analysé le pétrole de la formation Bakken, avec les concentrations élevées de volatils, il me semble que le Bakken est un produit pétrolier très dangereux à transporter.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Vous avez exhibé un document caviardé concernant le... Ça, c'était le plan, si vous voulez, d'urgence?

M. Green (Daniel) : Oui. Je peux vous en laisser une copie.

M. Sklavounos : Oui, absolument, je vais prendre la copie. Évidemment, je vais l'accepter.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion, c'est la...

M. Sklavounos : Oui. Non, mais il a dit qu'il allait me le donner. Alors, je n'ai pas de problème, moi. Mais, s'il...

La Présidente (Mme Bouillé) : Ah! O.K. À vous en particulier?

M. Sklavounos : Mais vous pouvez le déposer.

La Présidente (Mme Bouillé) : C'est parce que, normalement, vous déposez ça au secrétariat de la commission, puis nous, on dit…

M. Sklavounos : Oui, il n'y a pas de problème, oui.

M. Green (Daniel) : ...qui vous voulez que je le dépose?

La Présidente (Mme Bouillé) : Bien, je vous dis, M. Green, que c'est au secrétariat de la commission, et on va s'assurer de distribuer le document.

M. Sklavounos : Ma question pour vous : Ce document, qui est caviardé pour le public, est-ce qu'il est non caviardé lorsqu'il est présenté aux intervenants, aux premiers répondants? Parce que, s'il est déposé aux premiers répondants et encore caviardé, on s'entend que les premiers répondants ne comprennent rien. Est-ce que c'est possible… Je pose la question, je ne suis pas un expert là-dedans, mais est-ce que c'est possible que c'est les premiers répondants qui reçoivent un document non caviardé, puis, une fois que ce document est rendu public, le document est caviardé pour des raisons de sécurité? C'est quelque chose que je vous suggère.

M. Green (Daniel) : Oui, c'est ça. Lors des audiences publiques, on parlait de ces fameuses clés USB. Enbridge a distribué aux municipalités des clés USB avec soi-disant le plan d'urgence. Les témoignages entendus devant l'office disent que les municipalités soit n'ont jamais vu la clé ou que les premiers répondants, ceux qui doivent regarder, ne l'ont pas vue. Lisez un peu les témoignages déposés, il est clair que...

La Présidente (Mme Bouillé) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Green (Daniel) : Il est clair qu'en ce qui concerne un premier répondant ou un organisme voué à la protection de l'environnement, pour être capable de faire une critique constructive d'un document, c'est plus facile si on est capable de le lire.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir à vous deux. Ça va être très, très court. J'ai retenu dans votre intervention le plan d'intervention, qui devrait être plus connu, approuvé. Moi, je suis assez d'accord avec ça, là, compte tenu des risques que ça représente, qu'on soit sécurisés par rapport à l'intervention qui peut être faite. Moi, je suis tout à fait d'accord avec ça.

Juste une petite question très, très courte, puis... Vous faites des recommandations très, très éclairées, très pertinentes, mais, fondamentalement, vous êtes pour le projet d'inversion du flux, là?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

Mme Saint-Cerny (Anne-Marie) : Bien, la réponse à ça doit s'inscrire dans l'aventure pétrolière du Québec au complet. Ce projet-là est à voir dans cette perspective-là. À l'heure actuelle, on n'est pas convaincus, à la SVP, au-delà des principes philosophiques, de la pertinence de ce pétrole et de ce transport de pétrole. L'expérience 2013 de Cliffs et de Mégantic nous montre deux choses. La première, un déversement majeur à Mégantic où l'État paie tout et où il y a peu de perspectives — en tout cas, pour l'instant — qu'on ne recouvre jamais les coûts. En ce qui a trait à Cliffs, qui est un autre excellent exemple, on se retrouve à l'heure actuelle avec une industrie qui avait mis cinq ans, et qui allait récolter ses premières moules cette année, et qui a perdu, et qui se bat seule comme citoyen et comme entreprise face à Cliffs pour essayer de se faire payer pour essayer de repartir. À l'heure actuelle, le bilan de l'été 2013, qui est un des premiers étés dans la lancée de l'aventure pétrolière, nous montre que l'État paie ou le citoyen est laissé à lui-même, et ce n'est pas convaincant. Donc, non, pour l'instant, on n'est pas convaincus que même le pipeline Enbridge serait une bonne chose.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Avec toutes les nuances, là, j'ai une colonne de pour, j'ai une colonne de contre, je vous mets dans quelle colonne?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

• (21 h 40) •

Mme Saint-Cerny (Anne-Marie) : Les renseignements qu'on a à l'heure actuelle… Et nous, on est spécialistes dans ce qu'on est spécialistes, mais les renseignements qu'on a à l'heure actuelle au niveau des coûts, qui dépassent le milliard, là, que ce soit Kalamazoo, Mégantic ou... Et, au niveau des emplois qui vont être conservés, ce qu'on nous dit et ce qu'on voit, c'est que, de façon générale, les grosses pétrolières s'ouvrent des mégaraffineries un peu partout, il n'y a rien qui nous garantit les emplois à long terme. Et on parle d'un long terme ici, là, pas de 10, 15 ans, là. À long terme, des raffineries, il n'y a rien qui nous garantit ça à l'heure actuelle dans ce qu'on peut voir. Par contre, on voit très bien, comme l'industrie minière nous l'a montré, des coûts de dégâts et de réparation énormes. Alors, à l'heure actuelle, non, il n'y a rien qui nous convainc que ça serait rentable pour le Québec. Alors, on serait dans la catégorie des non pour l'instant.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Bienvenue, Mme Saint-Cerny, M. Green. Merci pour ce niveau de préparation, cette excellente, je dirais, présentation. Qu'on soit pour, qu'on soit contre ce projet, je pense que force est d'admettre qu'il y a des questions, des renseignements d'une haute pertinence qui ont été présentés à la commission. J'invite les gens qui nous écoutent de regarder une fois de plus votre présentation et de la comparer, par exemple, à la présentation qu'on a eue, malheureusement, de la part de quelques ministres du gouvernement qui n'étaient pas préparés, qui sont venus faire essentiellement… Je le dis parce que je suis un peu ébranlé moi-même. Comment ça se fait qu'un petit groupe de citoyens bien renseignés sont capables de nous fournir une telle qualité d'information, alors que le ministre du Développement… en fait, n'avait aucun renseignement utile pour un examen critique du projet, ne faisait que l'apologie de la chose? Ça me dépasse un peu.

Je reviens sur votre chiffre de 600 wagons. Donc, si je comprends bien, ce 600 wagons là n'inclut pas la possibilité qu'il puisse y avoir une expédition vers la raffinerie d'Irving. Vous avez fait le calcul des wagons supplémentaires qui circuleraient sur le territoire du Québec. De wagons de train parce que, cette fois-ci, il faut transporter… le train de Montréal-Est à Lévis, alors qu'auparavant ce pétrole-là venait par des gros superpétroliers, dans des gros navires qui représentent des risques, mais qui, pour le moment, ont démontré que le risque est relativement limité.

La Présidente (Mme Bouillé) : Mme Saint-Cerny, M. Green.

M. Green (Daniel) : Exact, c'est la base de nos calculs. C'est sûr que, d'après moi, dans la vraie vie, Ultramar va faire un mélange navires-trains. Ils l'ont toujours fait un peu. Valero est très fort, ils vont acheter deux superpétroliers Panamax. Je pense, c'est même dans leur témoignage devant l'ONE. Alors donc, c'est quand même… c'est de l'argent. Alors, ils ne vont pas abandonner l'aventure maritime et ils vont aussi acheter du train. Alors, comme toute bonne compagnie, on diversifie ses moyens d'approvisionnement, on augmente aussi les risques de déversement terrestre et maritime.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : La ligne ferroviaire empruntée, est-ce que c'est la même que la ligne de Via Rail qui transporte les passagers ordinaires entre Montréal et Québec? Est-ce que c'est la même…

M. Green (Daniel) : Je ne sais pas…

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Green (Daniel) : …mais, probablement, Ultramar va utiliser la même ligne que son Ultratrain.

M. Khadir : Qui est…

M. Green (Daniel) : Qui est finie depuis l'ouverture de son pipeline de produits raffinés d'Ultramar vers Montréal. Avant, Ultramar transportait ses produits raffinés de sa raffinerie vers l'Ouest par train, ça s'appelait l'Ultratrain, et le témoin avant nous a mentionné qu'il y a eu des déversements. Depuis, l'Ultratrain est arrêté, mais, probablement, Ultramar va utiliser la même ligne, cette fois-ci vers l'est pour ses approvisionnements de Montréal-Est, du Bakken venant de la ligne 9B.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup, Mme Saint-Cerny, merci, M. Green, pour cet échange. Et j'invite maintenant le conseil provincial international à prendre place.

Je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 21 h 44)

(Reprise à 21 h 46)

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous souhaitons la bienvenue aux membres du conseil provincial international. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé — je vous demanderais de vous présenter au début de votre exposé — et ça sera suivi par la suite par un échange avec les membres de la commission.

Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction-International (CPQMCI)

M. Gagné (Daniel) : Alors, on peut? Bonsoir. Je suis Daniel Gagné. Je suis le président du conseil provincial international, métiers de la construction. Tout d'abord, je voudrais remercier les membres de la commission de nous permettre de représenter nos travailleurs auprès de vous sur cet important sujet.

Je vais vous présenter les représentants du conseil qui m'accompagnent : alors, à ma gauche, M. Paul Faulkner, directeur général du conseil provincial; à mon extrême gauche, M. Jacques Émile Bourbonnais, conseiller du conseil provincial; et, à ma droite, M. Jean Matuszewski, économiste en chef de E & B Data, firme-conseil de notre organisation.

Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction regroupe 45 000 membres de tous les métiers et occupations, et en particulier les principaux métiers du secteur de la construction industrielle au Québec et du sous-secteur de la construction industrielle lourde, qui vise la pétrochimie. Nos travailleurs spécialisés sont appelés chaque année par centaines dans les installations pétrochimiques québécoises pour des activités d'entretien préventif. Dans un contexte économique où plusieurs projets d'industrie lourde au Québec sont au ralenti, voire même compromis — mines, métallurgie — il est essentiel que nous appuyions les projets visant à rendre davantage compétitif l'un de nos derniers grands secteurs de l'industrie lourde.

Pour travailler sur ces chantiers, nos travailleurs ont, en moyenne, plus de 18 années d'expérience sur des chantiers d'envergure. Leur expertise est recherchée au-delà de nos frontières, et ce sont plusieurs centaines d'entre nous qui sont appelés à travailler quelques mois par année sur les grands chantiers industriels de l'Ouest canadien. Par les salaires ainsi rapatriés au Québec, nous avons le même impact qu'une industrie québécoise exportatrice.

Contrairement à tant de pays et tant de provinces où se réalisent des grands projets d'investissement industriel, le Québec fait partie de ces rares régions dont les grands travaux peuvent être réalisés entièrement par une main-d'oeuvre locale compétente et productive. La disponibilité de ce bassin de travailleurs est souvent prise pour acquise au Québec, alors que l'évolution de la démographie et des conditions de travail rend cette disponibilité plus précaire. Toute amélioration de la viabilité de nos infrastructures industrielles aura un impact positif sur la pérennité de cette expertise au Québec.

De plus, le conseil a fait partie du groupe des syndicats au Québec qui, il y a plus de 20 ans, ont joué un rôle clé pour réduire les accidents de travail et, par la même occasion, instaurer une réelle culture de santé et sécurité sur nos chantiers et dans les installations industrielles. Nous pouvons assurer nos partenaires de la filière pétrochimique au Québec de notre désir de nous associer à eux pour une action responsable et coordonnée pour réduire les risques aux travailleurs, à la population et à l'environnement. Nous croyons donc important que le gouvernement du Québec exerce une vigilance particulière par rapport aux mesures concrètes à prendre pour éviter tout déversement tel celui survenu au Michigan afin de protéger nos cours d'eau et autres zones sensibles.

Cela étant dit, nous voudrions souligner ici les arguments économiques qui militent en faveur de la réalisation de ce projet : premièrement, le maintien d'une filière de production et de compétences industrielles; deuxièmement, la possibilité de reconfigurer nos sources d'approvisionnement en se prévalant de la capacité de se tourner vers les sources d'approvisionnement les plus avantageuses; troisièmement, la protection contre la volatilité des prix. En somme, il nous apparaît pertinent d'appuyer ce projet, qui nous paraît bénéfique pour la viabilité d'une de nos plus grandes filières industrielles, la grappe pétrochimique.

Je vais maintenant laisser Jean vous présenter les données économiques qui appuient notre support au projet. Merci.

• (21 h 50) •

M. Matuszewski (Jean) : Bonsoir. Jean Matuszewski. L'industrie des produits pétroliers au Québec, c'est plus de 15 milliards de ventes, environ 10 % de l'industrie manufacturière au Québec. Sa viabilité est basée sur son capital productif et sur son capital humain.

Capital productif. La force de la pétrochimie québécoise, c'est son intégration. Il s'agit de relations unissant une série d'entreprises interreliées le long d'une même chaîne de transformation avec, à un extrême, le transport d'hydrocarbures et, à l'autre extrême, la production de biens de consommation. Entre les deux, un écosystème industriel dont les produits des uns sont les matières premières des autres. Dans cette chaîne de production, la modernisation de l'une de ces entreprises est souvent bénéfique à la viabilité de l'ensemble, et l'inverse est tout aussi vrai.

Capital humain. Ne perdons pas de vue l'emploi, même sur le seul plan économique. En effet, ce sont les contributions fiscales des travailleurs qui dépassent celles de tous les autres agents économiques. Ce sont aussi les qualifications qui font que les entreprises trouvent sur place les expertises requises. Dans la pétrochimie, les emplois sont nombreux, et la rémunération est élevée, reflétant la spécialisation des métiers et le rôle déterminant des travailleurs dans la continuité et la sécurité des opérations. Au-delà des employés des usines pétrochimiques, il y a ceux chez leurs fournisseurs. En particulier, il y a les milliers de travailleurs dont les spécialités sont peu connues du grand public : chaudronniers, tuyauteurs, calorifugeurs, mécaniciens de chantier. Ce sont pourtant eux qui, au moins une fois l'an, reconstruisent, en quelque sorte, les composantes critiques aux procédés pétrochimiques, critiques tant en ce qui concerne la productivité que la santé-sécurité.

Le Québec se situe, pour des raisons historiques, à un noeud de transit d'oléoducs dans le Nord-Est américain. Ce réseau d'oléoducs est actuellement en pleine configuration et en pleine modernisation. L'occasion pour le Québec est unique pour y consolider sa position et y maintenir son capital productif et humain.

La pétrochimie, au Québec, est distante tant des sources d'hydrocarbures que des grands marchés en croissance. Cette exposition aux aléas des coûts de transport la rend vulnérable. En revanche, la pétrochimie québécoise est forte de par la variété de ses sources d'approvisionnement, puisqu'elle peut s'approvisionner tant de l'Atlantique ou de l'Afrique que de l'Ouest canadien, pourvu, bien sûr, que l'oléoduc 9 soit inversé lorsque le besoin se manifeste. Se prévaloir de cette flexibilité permet à la pétrochimie québécoise de se tourner vers les sources d'approvisionnement les moins coûteuses.

Mais il y a plus que le prix. La ligne 9 a été conçue lorsque la sécurité énergétique de l'Amérique du Nord était menacée, lors de la crise du pétrole de 1973. Dans ces situations, les considérations stratégiques nationales l'emportent sur les principes du libre-échange. Il sera prudent de se souvenir que, malgré le discours ambiant concernant la libre circulation des biens, on peut observer dans les faits une émergence du protectionnisme. Avec l'indépendance énergétique croissante de l'Amérique du Nord, on constate que le prix du pétrole nord-américain sera de plus en plus dissocié de celui du pétrole d'outremer, fortement affecté au quotidien par les perturbations incessantes qui affectent les pays producteurs, et ce, au fur et à mesure que l'on s'éloigne des sources d'approvisionnement de l'Atlantique Nord. À l'abri de la volatilité des prix du pétrole outremer, préservées des fluctuations du taux de change, les entreprises canadiennes auront moins besoin de se prémunir en cas de rupture d'approvisionnement.

Faut-il déplorer le recours continu aux hydrocarbures? Changer nos habitudes de consommation ne se fera pas à court terme. De plus, on peut déplorer ces habitudes de consommation sans pour autant déplorer la logique nationale de production. La disponibilité et la valorisation des hydrocarbures constituent un atout de poids dans la capacité d'une économie nationale de supporter des crises : crises énergétiques, crises financières, crises budgétaires. L'exemple d'autres pays comme la Norvège, avec son fonds souverain basé sur les revenus pétroliers, montre qu'on peut, à la fois, exploiter une ressource non renouvelable et prévoir l'avenir de la collectivité de façon responsable.

Le Québec s'est relativement bien tiré de la crise financière de 2008. Se tirera-t-il d'affaire aussi bien lors d'une prochaine crise? Les raffineries sont, sans aucun doute, des actifs stratégiques qu'il importe de protéger, et l'inversion du sens de l'oléoduc 9 permettra d'y contribuer. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup, messieurs. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les membres de la commission.

Document déposé

Mais auparavant je rends ma décision concernant le document déposé par la société SVP qui s'intitule… C'est dans le Book 7 - Emergency Response, Enbridge, dans le sujet Emergency Response Plans and Maps. Donc, j'accepte le dépôt de ce document, et vous allez en recevoir une copie, les membres de la commission. Il sera déposé sur le site de l'Assemblée nationale.

Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction-International (suite)

Donc, nous procédons à la période d'échange. Mme la ministre.

Mme Zakaïb : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre mémoire. Merci pour votre allocution. M. le député de Sanguinet a quelques questions pour vous.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Merci d'être là. D'abord, quelques questions, là, parce que je pense que vous êtes les premiers, là, directement issus, là, de l'industrie pétrochimique, là, je pense, de mémoire, là, et donc…

Des voix :

M. Therrien : Ah! oui, oui, oui, mais je parle… Oui. O.K. Bon, en tout cas…

Une voix :

M. Therrien : Oui. Écoutez, j'aurais des questions par rapport à ça, là. L'industrie est concentrée où, d'abord? L'ensemble de l'industrie au Québec, est-ce que c'est un peu partout? C'est-u dans l'est de la ville qu'il y a une concentration de l'industrie pétrochimique?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs du conseil provincial.

M. Faulkner (Paul): C'est investi présentement en deux endroits. Montréal, on a la raffinerie de Suncor. À ça s'ajoutent quelques raffineries secondaires comme CEPSA, Sulconam et d'autres, Bitumar. Il y a aussi le terminal de Valero, qui est Ultramar, qui est situé à Montréal-Est, et on a la raffinerie d'Ultramar qui est située à Québec.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. Faulkner. M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Mais, dans le pétrochimique, là, où est-ce qu'on va vivre des transformations, là, à partir du pétrole qui est raffiné dans ces endroits-là, à quel endroit on retrouve ces emplois-là qui sont, si on veut, là, des emplois dérivés du raffinage du pétrole?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Bourbonnais (Jacques Émile) : En fait, il faut comprendre que le conseil provincial, ce n'est pas une entreprise pétrochimique comme telle, c'est un regroupement de 45 000 membres qui travaillent dans tous les métiers et occupations de l'industrie de la construction, mais qui, en fait, regroupe aussi environ 4 000 membres qui, spécifiquement, travaillent dans le secteur dit de l'industrie lourde, et plus particulièrement dans celui de la pétrochimie. Donc, nos membres sont appelés à combler des emplois soit de construction, soit de modification, soit de réfection, de réparation, etc., dans les raffineries et les autres entreprises du secteur de la grappe pétrochimique.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : O.K. Merci. Moi, je voudrais savoir, là… Je pense que vous trouvez qu'il y a un avantage à l'inversion du flux d'Enbridge. J'imagine que c'est ce que vous avez dit. Peut-être que je m'adresse peut-être plus à l'économiste, là, j'imagine, parce qu'il y a des avantages et qu'on va conserver, tu sais, notre structure industrielle, là, de la pétrochimie, vous êtes associés à ça. D'abord, j'aurais deux petites questions par rapport à ça. D'abord, est-ce que cette industrie-là est fournie en pétrole par ces deux grandes raffineries là? Et ensuite l'autre question, ça serait : Est-ce que, s'il y a une baisse de prix, comme on pense — puis vous avez peut-être mentionné un peu, là, il y aurait une baisse de prix à l'achat de ce pétrole-là qui est issu du 9B, là — est-ce que, cette baisse de prix, vous pensez que ça va bénéficier à l'industrie pétrochimique dans son achat d'intrants qu'elle utilise pour sa production?

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants du conseil provincial.

• (22 heures) •

M. Faulkner (Paul) : Je vais adresser la première réponse à votre question, M. le député. C'est sûr que, pour nous, ça a des retombées économiques pour les travailleurs. C'est sans équivoque, c'est certain, des retombées importantes, c'est leur gagne-pain. Pour l'industrie québécoise, c'est sûr aussi qu'il va y avoir des retombées. Je pense que l'argent gaspillé par les travailleurs, ça stimule l'économie dans toutes les régions. On a pu voir… En ce qui me concerne, si ça a des conséquences, bien, ça, on peut voir, à mon point de vue, l'inversement de la ligne n° 9, si ça aurait eu lieu voilà peut-être cinq ans, probablement qu'on aurait sauvé la raffinerie Shell à Montréal-Est. C'est des retombées à long terme, c'est l'assurance que les… Les raffineries de pétrochimie présentement au Québec, bien, on assure la pérennité des raffineries pour une couple d'années. Ça, c'est évident que, présentement, tout le monde, là, de l'industrie, on est dans le néant à savoir si, oui ou non, l'existence des raffineries va quand même continuer.

Mais aussi il ne faut pas se le cacher, dans les retombées, présentement, dans la province de Québec, je pense que la production de pétrole, la production de pétrole présentement, les deux raffineries qui sont là arrivent à peine à suffire, à l'autosuffisance. Ça va mettre la survie du système ici, au Québec… ça va nous mettre... Comment je dirais ça? Ça va nous exposer à... qu'on ne sera pas capables de compétitionner avec les autres provinces pour l'approvisionnement du pétrole si on n'est pas capables de s'approvisionner aux mêmes places. Je ne sais pas, Jean, si tu voulais rajouter quelque chose.

M. Matuszewski (Jean) : C'est clair que les deux raffineries québécoises sont intéressées. Dans les documents d'Enbridge, c'est, effectivement, mentionné qu'elles ont des TSA, des ententes de service de transport qui correspondent, effectivement, à réserver de l'espace dans les pipelines de la ligne 9 inversée. C'est donc manifestement qu'elles y voient leur avantage économique de s'approvisionner de sources de l'Ouest par opposition au pétrole importé actuellement.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Parce qu'on a entendu à maintes reprises, là, qu'il y avait possibilité, là, d'avoir le pétrole moins cher, et donc, pour eux, c'est intéressant, comme vous avez dit, que c'est une compétitivité, là, qui est assurée à cause de ça. Mais je ne sais pas à quel point, là, vous êtes capables de me dire si… pour savoir si ça a des retombées positives en termes de compétitivité aussi pour les entreprises pétrochimiques, si cette baisse de prix là qu'ils vont avoir à payer va se répercuter, d'après vous, sur le prix que devront payer les industries pétrochimiques à ces raffineries-là. Est-ce qu'ils ne vont pas tout gober la marge de profit?

M. McKay : …dans l'ensemble de la chaîne de valeur.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Matuszewski (Jean) : Oui, je comprends mieux. Je comprends mieux votre question, effectivement. Vous savez, je comprends tout à fait votre point, mais, en même temps, pour un vendeur, ça prend des acheteurs. Ce qui fait qu'ils ont... la grappe pétrochimique est suffisamment intégrée qu'ils ont tous intérêt que le bénéfice de l'un aille d'une façon ou d'une autre aux autres pour que l'ensemble, pour que l'ensemble se maintienne et persiste. Donc, effectivement, je crois que, de ce côté-là, on ne connaît pas quels seront, effectivement, les prix, effectivement, qui vont être versés de l'un à l'autre, mais est-ce qu'on peut avoir une certaine assurance de la continuité de cette grappe? C'est dans l'intérêt des participants à ce qu'elle se maintienne.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Donc, si je résume bien, vous dites que, pour l'industrie pétrochimique, pour qu'elle survive, il faut d'abord que les raffineries survivent. Moi, j'essaie des choses compliquées, mais, dans le fond, ce serait ce que vous nous dites, là. C'est ce que j'ai compris, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs du conseil provincial.

M. Faulkner (Paul) : O.K. C'est évident que, si on élimine les raffineries de la province de Québec, ce n'est pas seulement que le pétrole, c'est les retombées. Qu'est-ce qu'ils vont raffiner, il y a des produits qui servent au textile, qui servent à plein de choses imaginables, dans le plastique, les bouteilles de plastique. Ça sert à plein de choses, là. Si on les élimine, bien, on va être obligés de les importer, il va falloir aller les chercher. Puis là, à ce moment-là, à quel prix? Donc, on a une main-d'oeuvre, on a la chance d'avoir une main-d'oeuvre présentement, là, dans la province de Québec pour exécuter ces travaux-là.

Je peux vous dire, là, présentement, si je fais seulement que regarder... Parce qu'il faut que tes travaux soient quand même faits sécuritairement. On n'ira jamais contre la sécurité, ça, c'est évident. D'ailleurs, on est reconnus au travers la province de Québec. Je pense qu'on est des leaders en sécurité, santé-sécurité, on intervient à tous les niveaux. On a de la formation, on participe à l'élaboration du code de sécurité. Je pense qu'on a un programme d'intervention... Vous pouvez le voir, là, lorsqu'il arrive des arrêts, des arrêts planifiés ou, plus important, des arrêts d'urgence dans les raffineries, lorsqu'il y a un arrêt d'urgence dans les raffineries, on est capables de mobiliser entre 300, 700 et 800 travailleurs de différents métiers qu'il vous a nommés, énumérés tantôt. En dedans d'une journée, deux jours, ils sont là. Les plans d'intervention qu'on a développés en partenariat avec les raffineries, je pense que c'est une expertise qui nous appartient. Puis je pense que, vraiment, là, c'est important parce que ces gens-là, avec les entrepreneurs, on a développé des fonds de formation, on a mis de l'argent là-dedans, on forme nos travailleurs. On a développé, on développe des plans de formation autant en santé-sécurité qu'en formation pour des travaux vraiment spécifiques.

Donc, ces gens-là... on a une main-d'oeuvre présentement au Québec qui est de l'autosuffisance, je pense, pour effectuer les travaux nécessaires. Je pense que l'oléoduc par lui-même, la ligne n° 9, la réalisation de l'inversion de la ligne 9B, ce qu'elle va amener, elle va susciter des investissements de la part des raffineries autant à Montréal qu'à Québec, puis je pense que ça peut être bénéfique, là, point de vue rentabilité, puis point de vue argent pour les travailleurs, puis pour l'économie au Québec. Je pense que ça va être vraiment stimulant puis que ça va être, au lieu de dépendre… et que les travailleurs soient obligés de s'exiler pour aller travailler, vous comprenez…

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : J'aurais une dernière petite question par rapport à votre exposé, que j'ai trouvé très intéressant, d'ailleurs, là. C'est juste par rapport au libre-échange, protectionnisme, j'aimerais ça que vous développiez un peu là-dessus parce que vous disiez qu'il y avait comme, en tout cas, une ombre au tableau, s'il y avait du protectionnisme, ça nous permettait, là... En tout cas, je vous laisserais... Juste parce que vous l'avez effleuré, puis j'aimerais ça que vous rajoutiez quelques mots supplémentaires, là, sur...

M. Matuszewski (Jean) : Effectivement, on pourrait...

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Matuszewski (Jean) : Excusez-moi. On pourrait, effectivement, énumérer toute une série — comment je pourrais dire? — d'entorses au commerce international qui se font actuellement. Ça peut être des interruptions, même temporaires, au commerce international, il peut y avoir des politiques massives pour l'emploi… pour les politiques d'achats locaux, des quotas à l'exportation. Bref, on ne parle pas du tarif douanier traditionnel, il y a d'autres formes d'obstacles au commerce international.

Mais, si je pouvais résumer, en fin de compte, en un mot ce à quoi je fais référence, c'est l'Ukraine. On entendait à la radio ce matin, une des raisons derrière le manque d'enthousiasme de l'Ukraine, de se couper de l'approvisionnement gazier russe. Alors, évidemment, l'Amérique du Nord, ce n'est pas l'Europe de l'Est, mais on est quand même dans le domaine du possible, et la chose est arrivée il n'y a quand même pas si longtemps non plus. Alors, c'est, je crois, ce genre de choses là desquelles il faut être conscient.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Roberval.

M. Trottier : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je pense que tout le monde convient qu'à court et à moyen terme on va avoir besoin encore du pétrole pour le transport. C'est assez difficile de penser qu'on va remplacer ça rapidement, même si on doit travailler là-dessus, puis c'est ce qu'on est en train de faire. Mais il y a des gens qui disent que bientôt on va regretter d'avoir utilisé le pétrole dans des véhicules plutôt que de l'utiliser dans les produits recyclables, que, dans le fond, la meilleure utilisation du pétrole, ça devrait être dans des produits qu'on peut recycler, des plastiques ou des polymères, etc. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Bourbonnais (Jacques Émile) : Oui. Écoutez, on peut convenir que d'autres sources d'énergie, effectivement, se développent et vont se développer puis que, dans la mesure où le pétrole est une industrie fossile, bien, probablement que, dans quelques milliers d'années, il n'y en aura plus, de toute façon, et il va falloir avoir passé à autre chose. Mais, entre-temps, comme vous le dites puis comme on l'a exprimé dans notre mémoire, il reste qu'aujourd'hui on a encore besoin du pétrole. Quand même qu'on ferait semblant de vouloir se tourner vers d'autres sources d'énergie, à l'heure actuelle, dans un avenir prévisible, c'est évident qu'on ne pourra pas s'en passer.

Par contre, ça n'exclut pas de prendre toutes les mesures environnementales et de sécurité qui vont faire en sorte que l'utilisation du pétrole soit faite dans les meilleures conditions possible. Et, du côté du conseil, ce qu'on garantit de ce côté-là, c'est le fait de la compétence de la main-d'oeuvre qui est formée chez nous et qui est en mesure de réaliser les travaux dans les plus hauts niveaux de qualité et les normes les plus sécuritaires possible. Maintenant, il ne nous appartient pas, à nous, de déterminer des normes environnementales ou des normes de protection de l'énergie, là, ça revient au gouvernement d'y voir.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. Bourbonnais. M. le député de Roberval.

• (22 h 10) •

M. Trottier : Mais, si vous aviez une inquiétude à nous lancer par rapport au projet, est-ce qu'il y a un aspect qui vous interpelle? Au niveau de la sécurité, là, est-ce qu'il y a un aspect particulier sur lequel on devrait absolument, je dirais, proposer des mesures correctives ou des mesures qui vont aider à éviter, justement, qu'il arrive un problème particulier?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Faulkner (Paul) : Moi, ce que je peux retenir, ce qui est bien important, c'est de contrôler un déversement. Pour contrôler un déversement, je pense que la distance entre les vannes pour être capable de fermer une ligne, je pense que ça devrait être réévalué. Je pense qu'on est... aujourd'hui, en 2013, on est capables d'évaluer… produire vraiment, là, des plans d'intervention puis des manières de faire qui vont être sécuritaires. Je ne peux pas donner la garantie à la place d'Enbridge, mais ce que je peux garantir, c'est que, comme Jacques Émile vous disait, la qualité des travaux qui vont être exécutés par les travailleurs, je peux vous dire une affaire, c'est une expertise qui est recherchée à la grandeur du Canada, là. Mais je pense qu'effectivement ça serait une chose, vraiment, à tenir.

Comme je vous dis, on a à coeur la santé et sécurité. On a développé, on peut aider à développer des plans d'intervention. D'ailleurs, comme je vous disais tantôt, lorsqu'arrive un arrêt d'urgence qu'ont produit des gens, mais il y a une première ligne d'intervention qui se fait au niveau de la raffinerie. Mais, lorsqu'il y a du colmatage, du réparage à faire, c'est nous autres qui les faisons, ça, je peux vous dire ça, là, la première intervention. C'est pour ça que c'est important d'avoir les gens rapidement. Il y a des techniques qu'on a développées avec les raffineries. Un arrêt planifié, il va y avoir un exécutoire dans l'ordre des travaux. Les premiers vont arriver. Quand le… va enlever l'isolation, les plombiers vont aller mettre toutes les lignes temporaires qui vont servir à drainer vraiment les lignes pour évacuer les gaz, pour évacuer les produits qu'il peut y avoir dedans. Il va y avoir des purges, il va y avoir de l'azote qui va être envoyé pour faire en sorte que les travaux vont être faits sécuritairement. Puis je pense que notre expertise, elle s'est vraiment développée à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue aux représentants du conseil provincial international, construction, M. Gagné, M. Faulkner, M. Bourbonnais et M. Matuszewski. J'espère — Matuszewski — j'espère que je n'ai pas massacré votre nom. Je sais que ça m'arrive assez souvent qu'on massacre mon nom.

J'aimerais d'abord vous remercier de votre présence. Et, honnêtement, c'est assez clair, ce que vous nous dites. Évidemment, plusieurs arguments que vous avez mentionnés, que vous avez présentés ici, on les a entendus d'autres et on comprend très clairement que, honnêtement, vous êtes en faveur d'un projet qui va donner du travail, qui va donner du travail… non seulement maintenir des emplois qui sont déjà en place, mais, évidemment, il y aura des modifications qui seront apportées afin de faire la réception du produit qui va venir lorsque le flux sera inversé, qui va créer peut-être pas des emplois permanents, mais peut-être des emplois temporaires. Et il y aura évidemment, j'imagine… S'il y a des nouvelles installations, il y a des modifications, il y a un entretien à faire, il y a des vérifications à faire. Je comprends que c'est des emplois.

Mais je veux l'aborder d'un autre angle avec vous parce que vous êtes des travailleurs, vous représentez des travailleurs, vous êtes ici pour dire : Écoutez, ça va créer du travail, et on vous comprend, puis c'est très logique que vous soyez ici pour défendre cette position-là. Mais moi, je vais vous aborder la question au niveau de votre expertise parce que vous avez mentionné — je vous ai écoutés attentivement — que nous avons, au Québec, la chance d'avoir des travailleurs qui ont de l'expérience, des travailleurs qui ont une expertise. Malheureusement, par le passé, à cause de décisions prises par des entreprises... Évidemment, on ne peut pas reprocher à une entreprise d'évaluer sa rentabilité, prendre des décisions, mais, évidemment, lorsque Shell a fermé, évidemment, non seulement on a perdu Shell, non seulement on a perdu du gagne-pain pour des personnes, mais on a fini par perdre de l'expertise parce qu'il y a des gens que, lorsque le travail n'est pas ici, ils sont allés suivre le travail ou ils sont allés où le travail était. Donc, nous avons, en quelque sorte, saigné aussi notre expertise québécoise.

Je vous pose une question : Est-ce que la meilleure garantie de sécurité… Parce que, vous savez, c'est un projet qui est économique, vous l'avez abordé beaucoup au niveau de l'économie, mais, évidemment, ça ne répond pas à toutes les questions, puis vous avez une population, vous avez des gens qui sont autour, des gens qui sont inquiets, ils disent : Écoutez, c'est un inversement, le produit, corrosion, il va y avoir plus de transport par navire, il va y avoir des modifications, etc. Il y a des gens qui sont préoccupés par ça. Moi, j'aimerais vous entendre à ce niveau-là. Oui, vous voulez travailler, mais vous avez cette expertise-là. Est-ce que ce n'est pas vous qui êtes le meilleur gage de la sécurité du projet? Est-ce que ce n'est pas votre expertise, est-ce que ce n'est pas votre expérience qui vont faire en sorte que les risques reliés à ces projets-là seront minimisés?

Je veux vous entendre là-dessus parce qu'avant d'être des travailleurs vous êtes des êtres humains, avant de vouloir travailler, vous aussi, vous voulez protéger l'eau, vous voulez protéger les populations locales, vous voulez protéger… Vous habitez possiblement dans ces coins-là. Alors, je veux vous entendre là-dessus, est-ce que ce n'est pas votre expertise, dans le fond, votre expérience et votre expertise, qui vont rassurer les Québécois concernant ce projet-là? Parce que vous êtes, en quelque sorte, les travailleurs, vous êtes beaucoup la dernière ligne de défense, c'est vous qui travaillez là. Alors, je veux vous entendre là-dessus, est-ce que ce n'est pas, en quelque sorte… Oui, vous demandez de travailler, mais, en quelque sorte, aussi vous avez beaucoup de responsabilités, vous vous occupez de rendre sécuritaire… et d'assurer que ces travaux-là, au niveau de la construction, des modifications, soient sécuritaires. Alors, c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre.

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Bourbonnais (Jacques Émile) : Oui…

M. Gagné (Daniel) : Si je peux me permettre, excuse…

M. Bourbonnais (Jacques Émile) : Vas-y.

M. Gagné (Daniel) : Si je peux me permettre, l'expertise, oui, on l'a, c'est certain parce que trois quarts de nos travailleurs sont en demande à l'extérieur du Québec de par leur professionnalisme. Ça, il n'y a pas de problème. Si on regarde maintenant au point de vue Québec, on a encore des travailleurs qui sont ici, que la moyenne des travailleurs, ils ont 18 ans d'expérience dans le domaine qu'on parle là, là. C'est beaucoup d'années, quand même, et puis l'expérience de ces gars-là fait en sorte que, la construction ou la modification, il n'y a pas de problème. Mais, de là à dire que c'est nous autres qui allons prendre sur nos épaules le gars de construction, qu'on va… qu'il n'arrivera jamais rien là-dedans, ça, ce n'est pas notre responsabilité. Nous autres, ce qu'on peut faire, c'est de faire un travail professionnel, le monter d'une manière professionnelle et sécuritaire. Parce qu'encore là je vous répète ce que mon confrère a dit tantôt : Au point de vue sécurité, on est en tête de liste. Et, quand on emmène un gars sur un chantier qui a 18 ans d'expérience, qui en emmène un autre avec lui, un plus jeune, qui… l'expérience, ça ne s'achète pas, mais il va l'apprendre assez vite, et de là la sécurité. C'est ce que je pourrais vous répondre.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député… Ah! avez-vous quelque chose…

M. Sklavounos : ...alors, ce cède la…

La Présidente (Mme Bouillé) : Aviez-vous quelque chose à rajouter, messieurs?

M. Bourbonnais (Jacques Émile) : Oui, juste pour compléter, effectivement, sur l'aspect de la sécurité et de la compétence qu'on possède, c'est évident que c'est un facteur qui ajoute, finalement, au bien-fondé de la réalisation d'un tel projet. Parce que, quand on intervient, justement, entre autres, en situation de crise, mon collègue vous l'a décrit tout à l'heure, on sait exactement quoi faire. Quand on s'en va dans des réfections d'usines, on sait, encore une fois, comment s'y prendre. Alors, c'est important. Mais, par contre, aussi il y a des aspects sur lesquels on n'a pas de contrôle, mais on a les connaissances. Quand on vous parlait tout à l'heure des valves, effectivement on peut constater, à la lumière du projet qui est déposé, qu'il y a une grande distance entre plusieurs valves, et, finalement, advenant un déversement quelconque, un accident, un incident, effectivement, plus les valves sont rapprochées... Là, ça ne veut pas dire, là, de rapprocher à l'excès, mais plus facile sera l'intervention et plus réduit sera le déversement, alors que, si, effectivement, il y a une grande distance entre les valves, bien, avant qu'on en ferme une puis qu'on ferme la suivante, bien, entre les deux, autrement dit, là, il y a un écoulement qui est possible. Donc, ça, c'est le genre de connaissances qu'on a. Mais on n'a pas le contrôle, par exemple, sur la réalisation, de dire : Bien, rajoutez plus de valves, puis etc. Sauf que oui, on a la connaissance de ces choses-là pour en avoir fait non seulement ici, au Québec, mais à l'extérieur du Québec.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

• (22 h 20) •

M. Sklavounos : Je voulais simplement clarifier, là, avant de continuer plus loin. Évidemment, ce que je disais, ce n'était pas que vous alliez prendre la responsabilité légale si jamais il était pour arriver quelque chose, vous êtes des travailleurs, en quelque sorte. C'est le promoteur du projet, celui qui donne l'ouvrage, c'est celui qui a le grand bénéfice, évidemment la responsabilité va à lui. En tant que travailleurs, par contre, ce que je faisais remarquer, simplement que... Moi, je ne sais pas, à vous entendre faire votre présentation et parler de votre expérience que vous avez faite, l'expertise qu'on a au Québec... Bien, je ne dis pas que vous avez répondu à toutes mes questions, mais, je vous dirais, vous rassurez, en quelque sorte, le député, et j'ai l'impression que vous rassurez aussi une partie de la population en parlant de votre expertise moyenne de 18 ans, votre expertise qui est recherchée ailleurs pour des projets similaires. Moi, c'est la chose qui m'a frappé.

Que vous veniez faire la promotion d'un projet ou que vous défendiez un projet qui va vous donner de l'emploi, je comprends, puis tout le monde comprend. Mais ce que je comprends encore plus, c'est qu'on a du monde sur le terrain que, si jamais il y a quelque chose qui ne semble pas correct, ils risquent de le voir parce qu'ils ont de l'expérience, ils en ont fait d'autres. S'il arrive de quoi, ils savent quoi faire pour le réparer, pour faire rapidement. Moi, c'est ça qui me rassure en vous entendant, je vous le dis. C'est pour ça que je vous dis : J'allais prendre un autre angle. Que vous défendiez le projet, qui vous donne de l'emploi, c'est logique, moi, je vous comprends, mais j'aimerais vous dire que vous avez une autre qualité — et vous aidez le projet différemment — c'est cette expertise-là. Et, malheureusement, on en a perdu. Je pense que les gens comprennent qu'on veut maintenir ce qu'on a. Et, si possible, je me demande si le projet… Il y a l'inversement, il y a les modifications, tout ça. L'industrie pétrochimique, l'industrie qui entoure… est-ce que vous, selon vous, il y a encore…

Vous avez mentionné qu'il y aura des investissements, évidemment, pour la modification, pour l'amélioration ou pour recevoir… Mais est-ce qu'il y a aussi les industries secondaires, qui voulaient de la transformation, et tout ça… est-ce qu'il y a du potentiel de croissance avec ce projet-là? Est-ce que, d'après vous, non seulement on va maintenir ce qu'on a, mais est-ce qu'il y a aussi des chances… est-ce qu'on pourrait dire aux Québécois qu'il y a du potentiel, qu'on augmente un petit peu notre capacité au niveau de l'industrie pétrochimique, de ce qu'on fait, de la transformation qu'on fait? Est-ce que vous serez prêts à aller jusque-là? Je ne sais pas qui prendra la question…

La Présidente (Mme Bouillé) : Les représentants du conseil provincial.

M. Matuszewski (Jean) : Oui, je peux faire un commentaire. On extrait beaucoup de pétrole au Canada, mais extrêmement peu de transformation, pour toutes sortes de raisons qui appartiennent aux investisseurs et aux entreprises intégrées, qui, souvent, décident de faire leur transformation ailleurs qu'au Canada. Alors, est-ce que les opportunités sont là et est-ce que les investisseurs voudront s'en prévaloir? Bien malin qui peut le prévoir, qui peut le déterminer. Je crois que la position qui est faite aujourd'hui, c'est : On peut peut-être espérer des investissements futurs. Notre point est plutôt le suivant, assurons-nous que des réinvestissements, en termes de modernisation et de viabilité, de ce que nous avons déjà soient maintenus. Je crois que c'est là où on peut prendre une position, je crois, qui soit ferme et cohérente. Pour s'avancer sur le reste, on est bien mal placés pour juger.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Je comprends bien ce que vous dites, il n'y a personne qui a une boule de cristal pour prévoir quand que les investissements vont venir. Mais vous devez être d'accord avec moi lorsque je dis que, si jamais on crée des circonstances, ou on crée un pôle, ou on sécurise un pôle d'attraction, c'est ce qui risque d'amener d'autres investissements, et, si on n'entretient pas le pôle d'attraction, on le laisse aller, on le laisse partir, bien là c'est à peu près sûr qu'on perdra des investissements. On crée des circonstances, on ne le sait pas, on ne peut pas être sûr, mais c'est sûr que… Je pense que je l'ai entendu venant de l'autre bord, mais je vais l'emprunter, on met toutes les chances de notre bord d'avoir d'autres investissements. Alors, vous êtes d'accord avec moi là-dessus.

Aussi, le fait de dire que… Et vous avez évoqué l'Ukraine, en quelque sorte, et je sais que je me suis amusé avec la même analogie tout à l'heure. Ils sont dans les nouvelles concernant leur adhésion à l'Europe ou non et leur proximité à la Russie, mais, évidemment, j'avais mentionné également que, par le passé, à cause d'une chicane politique, à un moment donné on avait décidé… Puis c'étaient des gazoducs — et pas des oléoducs, mais des gazoducs — puis les Russes, en négociation, ont dit, tiens, en plein milieu de l'hiver, janvier : On ferme le robinet.

À part le fait du prix… Parce qu'il y a potentiel que le prix soit plus bas, mais il y a d'autres qui nous ont dit : Écoutez, le prix ne va peut-être pas tenir. Peut-être qu'à un moment donné ça va se stabiliser. Du moment que le pétrole de l'Ouest trouve ses débouchés, à un moment donné le prix va se stabiliser, peut-être qu'on n'aura pas le 16 $ ou le 20 $ par baril. Mais juste le fait de pouvoir se procurer de ce pétrole-là venant du Canada, venant de chez nous, venant d'une juridiction à laquelle on appartient, à laquelle on a nos mots à dire, le Parlement nous représente, on envoie des représentants — 75, au juste — venant du Québec à ce Parlement-là, qui fait la législation, qui fait la réglementation à ce niveau-là, est-ce que ce n'est pas là un argument, là, assez convaincant à lui seul pour regarder et ouvrir cette possibilité de pouvoir nous procurer notre pétrole chez nous au lieu d'aller le chercher dans des endroits où nous avons très peu de contrôle sur comment que c'est fait puis à quel moment on pourrait possiblement jouer avec nous et à quel moment on pourrait mettre en péril notre approvisionnement pour des raisons politiques, ou stratégiques, ou autres?

La Présidente (Mme Bouillé) : Messieurs.

M. Matuszewski (Jean) : Je crois qu'effectivement le fait d'avoir une industrie intégrée sur le plan national, qui va de l'intégration aux transports, en allant jusqu'à la transformation, jusqu'aux biens de consommation, assure qu'on soit, effectivement, les moins sujets aux ruptures... d'interruptions, variations du taux de change. Si on rentre dans une période, effectivement, où les taux de change peuvent avoir une volatilité extrême, c'est, évidemment, une position de protection que nous nous donnons comme pays, comme économie.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Moi, ça va, Mme la Présidente. Je ne sais pas si mon collègue de Rivière-du-Loup, ça va aussi.

La Présidente (Mme Bouillé) : Ça a l'air à bien aller pour votre collègue, là.

M. Sklavounos : Oui. Alors, ça va. Merci beaucoup. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bouillé) : Bien, merci. Donc, merci, messieurs.

Je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux au mardi 3 décembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 26)

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