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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, September 24, 2019 - Vol. 45 N° 12

Order of initiative – Examine the impact of pesticides on public health and the environment and examine current and future innovative alternative practices in the agriculture and food sectors, with due regard for the competitiveness of Québec’s agri-food sector


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Les Apiculteurs et apicultrices du Québec

Institut national d'agriculture biologique (INAB)

Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives
(CREPPA)

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

Institut Jean-Garon

Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ)

Centre de recherche sur les grains (CEROM)

Mme Denise Proulx

M. Louis Robert

Autres intervenants

M. Mathieu Lemay, président

M. Richard Campeau

Mme Suzanne Blais

M. François Tremblay

M. Éric Girard

Mme Marie Montpetit

Mme Émilise Lessard-Therrien

M. Sylvain Roy

Mme Marie-Louise Tardif

M. Simon Allaire

*          Mme Julie Fontaine, Les Apiculteurs et apicultrices du Québec

*          M. Raphaël Vacher, idem

*          M. Normand Poniewiera, INAB

*          M. Jean Duval, idem

*          M. Simon Dugré, idem

*          Mme Louise Vandelac, CREPPA

*          Mme Marie-Hélène Bacon, idem

*          Mme Nicole Damestoy, INSPQ

*          M. Onil Samuel, idem

*          M. Michel Saint-Pierre, Institut Jean-Garon

*          M. Guy Debailleul, idem

*          M. Jocelyn St-Denis, APMQ

*          M. Guillaume Cloutier, idem

*          Mme Elisabeth Fortier, idem

*          M. Denis Pageau, CEROM

*          Mme Gabriela Martinez, idem

*          M. Yves Dion, accompagne M. Louis Robert

*          Mme Odette Ménard, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures une minute)

Le Président (M. Lemay) : Alors, bonjour à tous et à toutes. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Donc, aujourd'hui, la commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative visant à examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles et à venir dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation, et ce, en reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois.

Alors, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata) pour l'ensemble du mandat.

Auditions (suite)

Le Président (M. Lemay) : Alors, ce matin, nous entendrons Les Apiculteurs et apicultrices du Québec, l'Institut national d'agriculture biologique, ainsi que Mme Louise Vandelac, du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives, de l'Université du Québec à Montréal.

Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants des Apiculteurs et apicultrices du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, et vous pourrez y aller avec votre exposé. La parole est à vous.

Les Apiculteurs et apicultrices du Québec

Mme Fontaine (Julie) : Bonjour. Julie Fontaine, Apiculteurs et apicultrices du Québec, comité de pesticides, et je suis en compagnie de Raphaël Vacher, premier vice-président des Apiculteurs et apicultrices du Québec.

Je tiens à remercier tous les membres de cette commission pour leur intérêt face aux pollinisateurs. Cette démarche est l'aboutissement de 15 ans de revendications de la part des apiculteurs, 15 ans pendant lesquels nous avons lancé des cris d'alarme sur la dégradation de l'environnement de nos pollinisateurs, sur l'impact direct sur nos colonies d'abeilles mellifères et, par le fait même, la dégradation des conditions de travail des apiculteurs.

De nombreux problèmes affectent les ruchers québécois : les varroas, changements climatiques, maladies et pesticides. Les varroas et les maladies font l'objet d'un contrôle efficace par les apiculteurs. Les changements climatiques vont nous forcer à modifier la régie de nos ruchers pour s'adapter à une nouvelle réalité que nous pouvons difficilement contrôler. Les pesticides nous demandent de s'attaquer à un problème créé par l'homme et qui affecte directement nos pollinisateurs.

Les apiculteurs n'ont jamais demandé l'arrêt complet de l'utilisation des pesticides, mais bien l'utilisation raisonnée et justifiée de produits toxiques aux pollinisateurs. Une des méthodes préconisées, la prescription agronomique, décriée par certains, nous permet de mieux suivre l'utilisation des produits qui sont soumis et de prendre des décisions éclairées quant à leur utilisation future et leurs répercussions sur l'environnement des pollinisateurs. En seulement un an, la prescription imposée sur l'atrazine a permis une diminution de plus de 40 % de son utilisation, une diminution importante et rapide qui démontre que le produit était utilisé plus par habitude et réflexe que par un réel besoin.

Le Québec, par sa stratégie québécoise de réduction des pesticides, a permis de faire une avancée dans la protection des pollinisateurs malgré le fait que l'instance fédérale, l'ARLA, manque à ses devoirs et homologue des pesticides sans tenir compte de leur utilisation réelle en champ, de leur impact à long terme sur les pollinisateurs, et surtout en se basant presque uniquement sur des études fournies par les fabricants de pesticides eux-mêmes. L'homologation d'une molécule de pesticide par l'ARLA ne doit pas justifier son utilisation irrationnelle et prophylactique en champ. Le Québec doit garder son caractère distinct et mettre l'emphase sur sa capacité de comptabiliser, d'orienter et de réglementer, parfois sévèrement, l'utilisation des molécules homologuées par le gouvernement fédéral.

Les apiculteurs demandent que le Code de gestion des pesticides soit non seulement maintenu, mais qu'il soit modifié pour tenir compte de tous les pesticides, particulièrement ceux qui utilisent la technologie systémique. La prescription agronomique doit s'appliquer à tous les insecticides qui ont un impact sur nos pollinisateurs. L'introduction de nouvelles molécules en remplacement des néonicotinoïdes, les diamides, qui ne sont pas soumis à la prescription agronomique, nous démontre l'incohérence de l'ARLA dans son processus d'homologation.

Dans sa révision des néonics, l'ARLA mentionnait que ces produits posent des risques pour l'environnement dont l'acceptabilité n'a pas été démontrée et que leur impact sur les invertébrés d'eau douce présentait un risque aigu et chronique. En même temps, l'ARLA homologuait le chlorantraniliprole et le cyantraniliprole, deux molécules de la classe des diamides qui sont pourtant considérées comme extrêmement toxiques chez les invertébrés d'eau douce, et toxiques pour les abeilles dans le cas du cyantraniliprole. Devant un tel manque de raisonnement et de cohérence, il y a lieu de se poser des questions sur le fondement même de l'ARLA et de se conforter dans l'application de notre Code de gestion des pesticides et de sa prescription agronomique.

Un autre point que nous désirons soulever est le rapport de force disproportionné entre les apiculteurs et les fabricants d'intrants. La capacité financière des fabricants à faire la promotion de leurs produits aux agriculteurs est immense, et les quelque 200 apiculteurs membres de notre association ne font pas le poids devant une telle machine qui réussit à s'insinuer à tous les niveaux gouvernementaux. Un exemple est la table apicole fédérale, la Bee Health Roundtable, qui est composée de quelque 40 membres, mais dont seulement trois sièges sont occupés par des apiculteurs, le reste des sièges étant occupé par les fabricants de pesticides, les semenciers et les producteurs de grains et autres acteurs gouvernementaux.

Les fabricants de pesticides font la promotion des pesticides comme étant une assurance vers un rendement fictif, et la tentation est forte pour les agriculteurs de céder à ce chantage. C'est le principe du billet de loterie. Il n'y a aucune garantie de gagner, mais si on n'achète pas le produit, c'est certain qu'on ne gagnera rien, et ce, même si de nombreuses études démontrent que les pesticides ne sont pas la réponse magique aux problèmes qui affectent nos champs.

Des efforts planifiés, combinant la lutte intégrée, le dépistage agressif en champ et des programmes de recherche et développement, permettraient de réduire considérablement l'utilisation de pesticides, sans pour autant diminuer la productivité ou bien affecter négativement la rentabilité. Les apiculteurs du Québec souffrent d'un manque chronique de financement pour soutenir des programmes de recherche indépendants qui feraient un suivi adéquat de la situation des pollinisateurs à tous les niveaux : environnement, santé et amélioration du cheptel.

Les apiculteurs apportent une contribution bien spéciale au monde de l'agriculture. Les abeilles mellifères rapportent quelque 200 millions de dollars annuellement en retombées de pollinisation aux différentes productions agricoles qui les utilisent, et ce, avec seulement une cinquantaine de producteurs apicoles spécialisés en pollinisation. Très peu de productions agricoles peuvent se targuer d'avoir autant d'effets secondaires positifs avec un nombre aussi restreint de producteurs et un financement aussi faible, pour ne pas dire inexistant, de la part des différents paliers gouvernementaux.

M. Vacher (Raphaël) : Donc, moi, je vais vous parler de mon expérience d'apiculteur commercial.

Donc, j'ai un cheptel de 1 500 ruches. Mon entreprise est située à Alma, au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Donc, à chaque printemps, on constate des pertes dans nos ruches. Bon an, mal an, là, au Québec, on a environ 25 % de pertes au printemps. C'est très variable, 18 à 35 % selon les années. C'est très variable aussi entre les différents apiculteurs. 25 % de pertes à tous les ans, je ne sais pas si vous comprenez, mais moi, je ne connais aucune autre production agricole qui serait capable de soutenir des pertes aussi élevées année après année.

J'ai officiellement démarré mon entreprise en 2006. J'ai été confronté à des premières grandes pertes dès 2010, j'ai eu 50 % de pertes, ce printemps, 2019, 40 % de pertes. Oui, il y a eu des meilleures années, à moins de 10 %, mais l'année que je me souviens le plus, c'est l'année 2015, 80 % de pertes. J'avais 1 000 ruches à l'automne 2014. Au printemps 2015, il m'en restait 200. Je peux vous dire que j'ai mal filé, j'ai mal dormi puis je me suis vraiment posé la question si je n'arrêtais pas. On s'est retroussé les manches puis on a pris la décision de poursuivre.

Je me suis fait un petit plaisir en calculant toutes les ruches que j'ai perdues depuis mon démarrage en 2006. J'en suis arrivé à la somme de 2 948 ruches. Si on calcule le prix moyen d'achat d'une ruche, au printemps, qui est 350 $, j'ai assumé à peu près 1 million de dollars de pertes. Ça, ça compte absolument... C'est seulement l'actif que j'ai perdu, là. Ça ne compte pas la perte de revenus puis ça ne compte pas non plus les dépenses supplémentaires que j'ai dû faire pour racheter des abeilles. Ce que je vis, je ne suis pas le seul. L'ensemble des apiculteurs du Québec le vit aussi et l'ensemble des apiculteurs de la planète le vit aussi.

• (10 h 10) •

Les pertes s'expliquent par plusieurs facteurs. Ce qu'on dit, c'est multifactoriel.

Le premier facteur d'importance, c'est les maladies. Par contre, la recherche, ce qu'elle a démontré, c'est que même de faibles doses de pesticides réduisent l'immunité de l'abeille. Donc, qu'on le veuille ou non, les pesticides ont une influence sur le premier facteur.

Le deuxième facteur en importance, c'est les pesticides eux-mêmes.

Le troisième facteur, les cultures génétiquement modifiées. Donc, les cultures génétiquement modifiées demandent des épandages d'herbicides, mais souvent aussi il y a des fongicides qui sont sur les grains, et même des insecticides.

Le quatrième facteur de pertes, c'est les monocultures souvent aussi associées à l'utilisation des pesticides. Puis comment on peut expliquer que les monocultures engendrent des pertes au niveau des abeilles? Ça s'explique très facilement. Il y a une perte de diversité végétale. Donc, il y a une carence alimentaire au niveau de l'abeille, et ces carences-là font en sorte qu'il y a des pertes supplémentaires.

Donc, les pesticides, on les retrouve dans les quatre premiers facteurs de pertes au niveau des ruches.

Les autres problèmes qui sont liés aux pesticides en apiculture. La durée de vie des reines. Il y a 20 ans, la durée de vie d'une reine était de quatre à cinq ans. Aujourd'hui, on parle d'un à deux ans. Il y a aussi une baisse de fertilité qui a été démontrée par les recherches sur le faux bourdon, qui est le mâle de l'abeille. Il y a aussi des affaiblissements de ruches, mouvements désordonnés des abeilles, des paquets d'abeilles, en avant des ruches, qui sont mortes. Il y a aussi un affaiblissement du système immunitaire de l'abeille et, par le fait même, plusieurs maladies qui peuvent profiter de la ruche à ce moment-là.

Maintenant, il y a des opposants. Il y a certains groupes et entreprises qui soutiennent qu'il n'y a pas de problème de pertes liées aux pesticides au Québec puisque, de toute façon, le nombre de ruches a augmenté dans les 15 dernières années au Québec. Bien, ce qu'il faut comprendre, là, c'est qu'effectivement on est passés d'à peu près 30 000 ruches à 60 000 ruches au Québec dans les 15 dernières années. Mais pourquoi il y a eu une augmentation du nombre de ruches? C'est très simple, c'est parce qu'il y a eu une augmentation fulgurante des surfaces en bleuets et en canneberges, et, par ricochet, ils ont voulu avoir des ruches pour polliniser leurs cultures, et les apiculteurs ont tout simplement répondu présent, puis il y avait aussi un potentiel de croissance pour les apiculteurs.

Comment, maintenant, font les apiculteurs pour subir, d'une part, des pertes de l'ordre de 25 % à tous les printemps puis d'être capables de doubler le cheptel en 15 ans? C'est la grande question. Puis il y a plusieurs gens qui font des mauvaises analyses de cette situation-là, mais c'est une des grandes questions, puis la réponse est pourtant assez simple, c'est que les apiculteurs ont deux moyens de faire progresser leur cheptel. Soit ils font l'importation d'abeilles au printemps, au mois d'avril. Quand on regarde les statistiques, il y a énormément de paquets d'abeilles qui rentrent de l'hémisphère Sud au Canada, au printemps. Deuxième manière, c'est à partir de nos propres ruches vivantes. On peut démarrer une nouvelle petite colonie à partir de nos propres ruches.

Donc, c'est les deux seules méthodes qu'on peut faire, puis c'est ce que les apiculteurs ont utilisé pour être capables de répondre à la demande. Oui?

Le Président (M. Lemay) : En conclusion.

M. Vacher (Raphaël) : Parfait. Donc, l'apport de l'apiculture, 40 % de notre assiette alimentaire. Les apiculteurs du Québec supportent par leurs services de pollinisation plusieurs productions agricoles : bleuets, canneberges, pommes, fraises, canola, sarrasin, pour ne nommer que ceux-là. Par contre, les apiculteurs sont les seuls agriculteurs à subir les contrecoups de l'utilisation des pesticides, puis on a trop peu d'aide.

En résumé, notre demande, elle est très simple. On demande qu'il y ait une réduction rapide et très importante de l'utilisation des pesticides, puisque du poison, ça reste du poison.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, monsieur. Est-ce qu'on dit M. Vacher ou M. Vachère?

M. Vacher (Raphaël) : M. Vacher.

Le Président (M. Lemay) : M. Vacher — parfait — et Mme Fontaine, merci pour votre exposé. Et nous allons maintenant commencer l'échange avec le député de Bourget. La parole est à vous.

M. Campeau : ...très intéressant. C'est là qu'on voit que les abeilles, c'est un... À la fois, c'est grave, comme situation, et c'est un symptôme quand on regarde ce qui se passe en même temps dans les différentes productions. Un tas de questions. Vous m'avez appris énormément de choses que je ne savais pas.

Si j'ai bien compris, M. Vacher, quand vous dites qu'une ruche, ça coûte 350 $, comment on fait, comme vous, pour dépenser 1 million? Est-ce que c'est votre travail principal ou c'est un travail supplémentaire? Je veux dire, comment on fait pour avoir une rentabilité là-dedans? C'est épouvantable.

Le Président (M. Lemay) : M. Vacher.

M. Vacher (Raphaël) : La question n'est vraiment pas facile à répondre. C'est l'apiculteur qui fait la différence. On travaille plus fort. On est obligés de contrebalancer. Ça demande plus de travail au niveau de nos entreprises, puis on l'assume parce qu'on est des gens passionnés puis on croit... On a fait un choix de vie puis on croit aux abeilles.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Est-ce qu'il y a un pourcentage qu'on dit normal de pertes de ruches à cause de... L'hiver va être plus froid, moins froid, il va pleuvoir... Quand vous avez parlé de 25 % tantôt, je me suis demandé : Est-ce qu'il est en train de nous dire que c'est un pourcentage normal? J'imagine que non, là, mais... O.K. Ça fait que, donc, il est normal un peu d'en perdre quelques-unes, mais jamais autant que ça?

M. Vacher (Raphaël) : Exactement. Donc, ce qui est reconnu, c'est qu'on devrait être en bas de 10 %. Donc, on est à 25 % maintenant, dépendamment des années. Donc, il y a à peu près trois fois trop de pertes.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Vous avez parlé du système immunitaire des abeilles. Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus? Est-ce que c'est quelque chose qui a été réellement démontré? Comment on a pu démontrer ça, là? Je suis vraiment curieux de comprendre comment ça fonctionne.

M. Vacher (Raphaël) : Je ne suis pas chercheur. Donc, de vous expliquer comment ils ont pu procéder aux recherches, ça, je ne peux pas nécessairement vous l'expliquer. Par contre, il y a vraiment eu beaucoup d'études qui ont été faites sur l'immunité de l'abeille. Donc, l'abeille, c'est un insecte, mais c'est aussi un animal, qu'on le veuille ou non, puis il a un coeur, il a un système sanguin, il a un système immunitaire comme n'importe quelle espèce qui vit sur terre. Donc, les chercheurs ont fait des groupes types, puis des groupes qui étaient exposés aux pesticides, puis c'est ce qu'ils ont pu constater dans leurs recherches.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. le député.

M. Campeau : Est-ce que vous avez été à même de constater que, dans un endroit où on irait vers des cultures bio, on voit vraiment une différence? Est-ce qu'on a pu mettre des données en arrière de ça? Je me rends compte que... Si vous n'avez pas la réponse, c'est bien correct, là.

Le Président (M. Lemay) : Aucun problème aussi, là, j'essaie de jauger ça, mais allez-y, M. Vacher, je crois comprendre...

M. Vacher (Raphaël) : Bien, il faut comprendre que la mosaïque agricole au Québec est quand même assez similaire, là. On a sensiblement de l'agriculture industrielle pas mal partout au Québec. On a quelques petites zones épargnées, mais il n'y a pas vraiment eu d'études là-dessus, là, au Québec, là, à savoir est-ce qu'il y a des zones où il y a des productions biologiques, où est-ce qu'il y a moins de pertes. Ça n'a pas été fait, au Québec, là, au niveau des études, puis je n'ai pas d'études qui me confirment ça ailleurs. Mais on a des exemples de pays, je pense à Cuba entre autres, où, pendant longtemps, à cause de l'embargo, ils n'ont pas eu accès aux pesticides. Même encore aujourd'hui, ils ont des pertes beaucoup plus basses. Ils ont des pertes en bas de 10 %.

Mme Fontaine (Julie) : ...naturel des apiculteurs. Les gens quittent les régions où il y a beaucoup de cultures utilisant des pesticides et déménagent les ruchers en montagne, en périphérie, pour justement éviter ce genre... ces empoisonnements-là qui sont devenus chroniques. Alors, on le voit par les réflexes des apiculteurs eux-mêmes de quitter ces régions-là.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Je vais pouvoir passer la parole à mes collègues. Une dernière question. Je pense, c'est Mme Fontaine en particulier, vous en avez parlé, le pouvoir des lobbys. Vous ne l'avez peut-être pas dit de cette façon-là, mais je pense qu'on a clairement compris, et j'aimerais ça que vous élaboriez un peu plus, s'il vous plaît, là-dessus.

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Julie) : Bien, le plus bel exemple, c'est ce que je parlais, c'est la table apicole au niveau fédéral, qui est composée d'à peu près 40 membres, et là-dessus il y a seulement trois apiculteurs. Le reste, c'est des membres, entre autres, de CropLife et des semenciers. On avait fait des représentations auprès d'eux et on a eu une fin de non-recevoir, comme quoi que la présence des apiculteurs n'était pas requise plus que ça. Pourtant, pour les mêmes tables, au niveau fédéral, la proportion des producteurs qui représentent la production ciblée est d'à peu près 35 %, 40 %. Alors là, on est vraiment très loin. Je pense qu'ils ne veulent juste pas nous entendre.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. le député de Bourget. Sur ce, je cède la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Lorsque je vous écoute, un mot me revient, «résilience». Alors, je vous admire. Il ne faut pas lâcher.

Les néonics ont été interdits en Europe en décembre dernier. Considérant cette action, trouvez-vous que l'ARLA en fait assez?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Fontaine, allez-y.

Mme Fontaine (Julie) : Non, clairement, non.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et quels seraient les points...

Mme Fontaine (Julie) : Bien, le problème, c'est que l'ARLA se fie à des recherches fournies par les fabricants d'intrants eux-mêmes. Puis, comme je le disais, ils homologuent tout et son contraire, parce qu'ils ont refait une révision des néonics en disant qu'ils étaient dangereux pour les invertébrés aquatiques et, en même temps, ils homologuent des molécules qui sont encore plus toxiques, et sur lesquelles il commence à y avoir des recherches qui sortent — les diamines — pour dire que, oui, il y a des effets néfastes sur nos insectes.

Malheureusement, ils ne tiennent pas en compte non plus les quantités phénoménales de mélanges qui se font en champ. Eux, ils homologuent une molécule. Ils ne regardent que la molécule, mais le problème, c'est qu'en champ on mélange des fongicides, on mélange des insecticides. Et là ça décuple l'effet que ces produits-là ont sur les abeilles, malheureusement, et ça, bien, c'est notre cheval de bataille. On veut que l'ARLA regarde ce qui se fait vraiment en champ et fasse des études basées sur les utilisations réelles.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Considérant la disparition de pollinisateurs, outre que le néonic, est-ce qu'il y a autres insecticides qui sont aussi ravageurs?

Le Président (M. Lemay) : Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Julie) : L'emphase a été mise sur les néonics, mais n'importe quel insecticide va éventuellement affecter les abeilles. Le problème avec les néonics, c'est la technologie systémique. C'est la plante qui boit l'insecticide et devient un poison au complet. Alors là, l'abeille ramasse le pollen, ramasse le nectar, ramène ça à la ruche, fait un beau petit pain de pollen et, après ça, nourrit son couvain avec. Alors, c'est vraiment un problème.

Ces produits-là sont aussi hautement lessivables, se ramassent dans les flaques d'eau dans les champs, et il n'y a rien qui attire plus une abeille qu'une belle flaque d'eau boueuse dans le milieu d'un champ fraîchement semé. Elles vont y aller, elles se jettent là-dessus, là, et puis là elles ramassent à peu près tout ce qu'il y a de pesticides qui a été épandu dans le champ, dans cette flaque d'eau, et ramènent ça à la ruche.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Combien d'apiculteurs ont quitté leur profession depuis les cinq dernières années?

Mme Fontaine (Julie) : Je n'ai pas de chiffre exact là-dessus, mais c'est très aléatoire. Je ne sais pas si Raphaël...

M. Vacher (Raphaël) : Bien, personnellement, j'en connais un qui vient de quitter cette année, un apiculteur de plus de 1 000 ruches, puis, l'année dernière, un apiculteur de 1 500 ruches et plus qui a aussi quitté. Donc, oui, oui, ça fait mal.

Mme Fontaine (Julie) : C'est sûr qu'il y a eu un mouvement très sympathique envers les abeilles, et les gens se sont dit : Je vais sauver les abeilles, je vais aller me chercher une ruche que je vais mettre sur ma propriété. Le problème avec ça, c'est que, bon, les gens ne font nécessairement des analyses de la nourriture qui est disponible pour cette ruche-là. Les ruches sont mal gérées, et ce n'est pas avec une ruche qu'on peut aller faire de la pollinisation dans les canneberges, ou les fraises, ou les pommiers, malheureusement. Ça prend des apiculteurs ruraux avec des grandes quantités de ruches pour réussir à faire ça.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Je crois que M. le député de Dubuc a une brève question. Allez-y, M. le député.

M. Tremblay : Rapide. Dites-moi, est-ce qu'il existe un plan de zonage ou une réglementation, au niveau du territoire où vous êtes implantés, par rapport... On parle de bandes riveraines pour d'autres types de cultures, mais là, dans ce qu'on parle, au niveau de l'apiculture, ça peut être très large comme... Est-ce qu'il y a du travail qui se fait actuellement pour protéger des zones précises?

Le Président (M. Lemay) : M. Vacher.

M. Vacher (Raphaël) : Pas vraiment. Donc, il n'y a pas grand-chose, il n'y a pas de loi. Oui, le MAPAQ a certaines obligations qu'on doit respecter, comme une distance entre le chemin public puis les ruches ou les résidences, mais il n'y a rien qui définit, là, la répartition du territoire chez les apiculteurs.

Le Président (M. Lemay) : O.K. Donc, je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bonjour, M. Vacher et Mme Fontaine. Ça me fait plaisir de vous entendre. 15 ans pour l'homologation au niveau de l'ARLA, c'est-u trop long?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Julie) : Bien oui. Rendus au bout de 15 ans, les dommages ont été faits. Mais ce n'est pas juste ça, c'est que les compagnies ont des brevets qui durent un certain temps. Alors, c'est sûr qu'au bout de 15 ans il y a déjà d'autres molécules qui sont en remplacement. Alors, c'est clair qu'il faut que les études soient faites sur une base de temps beaucoup plus restreinte que 15 ans. Et je pense que le principe de précaution doit absolument s'appliquer. Si on suspecte qu'un produit a une incidence néfaste sur les pollinisateurs, il devrait être automatiquement mis à l'index.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay : Ce serait quoi, dans un monde idéal, les délais de l'ARLA, selon vous?

Mme Fontaine (Julie) : Bien, dans un monde idéal, ce serait ne pas les utiliser, mais disons qu'on n'est pas rendus là. Mais ça fait tellement longtemps qu'on sonne l'alarme là-dessus, puis qu'il n'y a jamais personne qui a voulu nous écouter, et les recherches sortaient de partout sur la planète pour dire que ces produits-là avaient une incidence négative sur les pollinisateurs. Alors, je pense que ce qui est arrivé, c'est qu'ils ont fait vraiment la sourde oreille à tous les avertissements qui arrivaient de partout. Moi, je pense qu'à tous les trois ans un produit de cette toxicité-là devrait être remis pour une révision d'homologation.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci de votre réponse. Puis, quand vous dites... bien, justement, là, cette commission-là, le mandat d'initiative est là justement pour vous écouter, quand vous parlez de trois ans.

Mme Fontaine (Julie) : Merci.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Alors, je vais y aller un petit peu... Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Lemay) : Environ trois minutes, M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Moi, je vais y aller un petit peu plus au niveau de la pollinisation. Je sais qu'on dit que, s'il n'y a plus d'abeilles, on perd 70 % de toute la biodiversité, les fruits et légumes, je pense, c'est ça, mais je pense que M. Vacher est plus connaissant là-dedans.

M. Vacher, peut-être m'expliquer un petit peu... Je sais que la pollinisation est devenue une source importante de revenus pour vous autres, hein, puis que vous travaillez en collaboration, en étroite collaboration avec, entre autres, les producteurs fruitiers, entre autres, exemple, dans le bleuet. J'aimerais ça savoir un petit peu comment ça fonctionne, parce qu'il y a des interventions qui se font, et vous rentrez vos ruches à un moment donné, tout ça, puis savoir, avec les producteurs de bleuets, entre autres, puis c'est un peu la même chose avec les autres producteurs... Puis ils ont des cahiers de charges, en passant. Je sais... Bleuets boréals, on parle maintenant de CanadaGAP, tout ça, qui sont assez... quand même, qui ont une conscience, là. Mais expliquez-moi un peu comment ça fonctionne dans les petits fruits, là, quand vous arrivez avec les producteurs.

Le Président (M. Lemay) : M. Vacher.

M. Vacher (Raphaël) : Grosso modo, dans le fond, on prépare nos ruches pour la pollinisation. On a des standards à respecter, de force minimale, pour que l'effet de pollinisation soit optimal. Puis, quand on respecte ce standard-là, on est garantis d'avoir un certain prix pour nos ruches. Donc, grosso modo, là, les prix varient de 130 $ à 150 $ pour la location d'une ruche pendant la période de floraison. Donc, si la période de floraison, par exemple dans le bleuet, est de trois semaines, bien, on va être présents pendant trois semaines pour justement faire en sorte qu'ils puissent avoir des bleuets en bout de ligne. S'il n'y a pas de ruches, il n'y aura pratiquement pas de bleuets.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Durant cette période-là, les producteurs, qu'est-ce qu'ils font? Est-ce qu'ils épandent des... Ils épandent-u des produits?

M. Vacher (Raphaël) : Bien, dans le fond, les producteurs de bleuets, ils ont quand même un minimum de choses à respecter, entre autres de ne pas faire de traitements qui pourraient porter atteinte aux abeilles. Donc, ça, c'est entendu, là, en temps normal, soit par une entente orale ou par contrat écrit, mais on a des contrats de base, là, qui sont dans le marché, qu'on peut avoir accès, pour ça.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Il y a quand même une conscience éthique, là, de la part de certains producteurs.

M. Vacher (Raphaël) : Chez les producteurs de bleuets, assez bien, oui, on n'a pas trop de problèmes là. Mais on a d'autres difficultés dans d'autres productions où, là, c'est plus difficile.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Bourget, pour une dernière question.

M. Campeau : Ce que je comprends, les néonics, on est lents, c'est clair. Deuxièmement, l'ARLA, vous en avez abondamment parlé, mais ne soyons pas condescendants, là, qu'est-ce que... On aime beaucoup ça être distincts, au Québec, là. Qu'est-ce que le Québec devrait faire de plus?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Julie) : Bien, tous les pesticides systémiques devraient être soumis à la prescription agronomique, parce que, pendant 15 ans de temps, on a chialé, il n'y a rien qui s'est fait. On se faisait dire que les agriculteurs pouvaient s'autoréguler et diminuer par eux-mêmes l'utilisation des pesticides. Clairement, ce n'était pas le cas, et ça a pris un instrument de coercition, la prescription agronomique, pour prouver très rapidement, comme dans le cas de l'atrazine, que, oui, ça se fait, diminuer les produits qui sont toxiques. Mais, nous, c'est clair, là, on n'a jamais demandé l'arrêt total de l'utilisation des pesticides. On ne veut juste pas que soit utilisé en champ ce qui n'a pas à être utilisé en champ. Dans le cas des enrobages de semences, dans 96 % des cas, il n'y avait pas l'insecte dans le champ. C'était vendu comme une précaution. Alors, les gens...

Le Président (M. Lemay) : Mme Fontaine, je dois vous interrompre. On est maintenant rendus à la période de temps avec l'opposition officielle. Et je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.

• (10 h 30) •

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. M. Vacher, Mme Fontaine, merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est très intéressant, ce que vous venez nous présenter. J'ai beaucoup de questions.

Puis je fais un petit caveat, là. J'ai une affection particulière et je la dévoile... Mon père était apiculteur quand j'étais jeune. Donc, j'ai grandi entre des ruches, dans une zone agricole, et j'ai pu constater, à l'époque, au début des années 1990, entre autres, comment il y a eu des déclins de colonies d'abeilles hyperimportants en Montérégie-Ouest. Donc, je suis...

Et puis je voudrais revenir sur votre échange avec le député de Bourget juste pour bien comprendre, parce que moi, j'étais... Je suis contente qu'on ait fait un premier pas au Québec, dans les dernières années, sur, justement, l'encadrement des néonicotinoïdes, sur ce qu'on appelle, justement, en raccourci, les tueurs d'abeilles. Je pense que c'est un premier pas très important. C'est un premier pas en Amérique du Nord notamment. C'est une réglementation qui est audacieuse dans la mesure où elle est respectée. Donc, j'ai un peu de difficulté à comprendre le commentaire d'on est lents au niveau des néonicotinoïdes. Est-ce que c'est parce que vous souhaitez qu'il y ait des... Expliquez-moi exactement ce que vous souhaitez que la réglementation fasse, parce que vous dites que vous ne souhaitez pas que ce soit interdit complètement. Il y a une réglementation qui est en place. Comment...

Puis ce que je souhaite souligner... Parce qu'on a parlé beaucoup de l'ARLA, mais ce que ça a démontré, cette réglementation-là, c'est qu'au Québec on a toutes les compétences et on a tous les pouvoirs pour prendre toutes les décisions qu'on souhaite en termes d'encadrement, d'herbicides et de pesticides. Que l'ARLA prenne ses décisions sur les glyphosates ou sur les nics, au Québec — et ils sont venus nous le présenter au printemps — on a toute l'autonomie de prendre des décisions qui sont plus restrictives que ne le fait le reste du Canada. Donc, ça, je pense que c'est rassurant. Moi, ce que je veux savoir, c'est : Est-ce que vous jugez, donc, que le gouvernement du Québec doit poursuivre et doit aller encore plus loin dans l'application de cette réglementation-là? Et, si oui, de quelle façon exactement?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Julie) : Bien, pour renchérir, ce que je disais au député de Bourget, c'est surtout que l'ARLA est la porte d'entrée de ces produits-là. Alors, le Québec se doit de continuer sa réglementation, qu'elle soit encore plus efficace et plus restrictive, parce que le fédéral ne fait pas sa job, puis c'est nous qui en subissons les conséquences. Le Québec et l'Ontario, c'est les provinces où il y a le plus d'utilisation de maïs et de soya enrobés aux néonics présentement au Canada. C'est peut-être pour ça qu'on a beaucoup de problèmes aussi avec les pertes de nos colonies.

Alors, la réglementation provinciale se doit d'être encore plus restrictive à tous les niveaux, pour tous les pesticides, comme je le disais, systémiques qui peuvent affecter les pollinisateurs. Continuer la réglementation, continuer de faire aussi les dépistages, que ce soit dans l'eau, et beaucoup plus efficaces, plus rapides aussi de consultation, qu'on puisse, après ça, prendre les bonnes décisions qui s'imposent selon les régions, parce que ce n'est pas toutes les régions qui ont ces problèmes-là. Alors, il faut vraiment que ce soit ciblé. Mais moi, je continue de dire, et les apiculteurs, apicultrices, c'est notre cheval de bataille : La prescription agronomique est nécessaire, elle doit demeurer et elle doit être étendue.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie. C'est très clair comme réponse. Vous parliez de 25 % de pertes dans les dernières années au niveau de vos colonies d'abeilles. Je sais qu'il y avait tout l'enjeu du varroa aussi qui était présent. À combien vous attribuez... puis, je le sais, ce ne sera pas précis comme réponse, mais, vous, votre évaluation de l'impact des pesticides sur vos pertes par rapport à, bon, à des pertes normales par rapport au varroa, c'est quoi exactement?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Vacher.

M. Vacher (Raphaël) : Il n'y a malheureusement pas d'études. Donc, ça va être l'impression de l'apiculteur. J'ai parlé de ce sujet-là, justement, dernièrement avec certains apiculteurs pour avoir un peu une idée générale, puis ce qui ressortait, là, c'est le tiers. Donc, le tiers de nos pertes serait en lien avec les pesticides.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Mme la députée.

Mme Montpetit : Et est-ce que vous êtes en mesure, justement, de nous informer sur... Est-ce qu'il y a eu une progression, tu sais, si on remonte aux cinq, aux 10, aux 20, aux 30 dernières années? Est-ce que vous êtes à même de nous informer? Est-ce qu'il y a eu une progression? Est-ce que le déclin, justement, est de plus en plus accentué? Et est-ce que vous êtes capables de faire, même si c'est une impression, parce qu'il n'y a pas d'étude là-dessus, est-ce que vous êtes capables de faire des corrélations entre, justement, des régions aussi? Il y a des régions où il y a des agricultures plus grandes qui utilisent plus de pesticides. Est-ce que les apiculteurs font ces constats-là qu'en région l'utilisation de pesticides il y a plus de déclin que, par exemple, dans des régions où il y a une moins grande utilisation?

Le Président (M. Lemay) : M. Vacher.

M. Vacher (Raphaël) : Il n'y a pas vraiment eu d'études là-dessus non plus. Par contre, dans les zones où il y a... Par exemple, la Montérégie, il y a beaucoup plus d'utilisation de pesticides et aussi de grandes cultures. Il y a habituellement plus de pertes mais surtout moins de rendement en miel. Donc, les apiculteurs travaillent pour reconstituer leur cheptel, puis il y a une partie de l'énergie de la ruche qui va dans bâtir une nouvelle colonie. Donc, la production de miel, automatiquement, elle baisse. Donc, quand on regarde les différents rendements, ce qu'on voit, c'est que, dans les régions où il y a une forte agriculture, les rendements sont plus faibles. Donc, on voit des rendements plus élevés dans les régions éloignées, là, au niveau agricole. Donc, c'est ça.

Et j'ai parlé des pertes printanières, mais je ne vous ai pas parlé des pertes qu'on subit pendant l'été. Or, ces pertes-là ne sont pas répertoriées par le MAPAQ, donc on n'a pas beaucoup de détails là-dessus puis les pertes liées aux pesticides se font souvent pendant la saison.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Au niveau de la productivité, est-ce que c'est des données qui sont disponibles ou que vous pourriez fournir à la commission comme information?

M. Vacher (Raphaël) : Oui, absolument. À l'Institut de la statistique, c'est très clair, là. Si on prend les données de 2000, début des années 2000 jusqu'à aujourd'hui, on voit très bien la baisse de rendement. Et aussi la financière, qui a des programmes avec les apiculteurs, puis on voit aussi qu'il y a une baisse année après année, là, du rendement chez les apiculteurs.

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme la députée.

Mme Montpetit : Elle se chiffre à combien, un, la diminution, puis, deux, vous me dites, s'il y a une variation d'une région à l'autre, ça peut être de quel ordre de grandeur? En kilos, j'imagine.

Le Président (M. Lemay) : M. Vacher.

M. Vacher (Raphaël) : On parle de kilos, de livres, là. Mais le rendement moyen actuellement au Québec, là, c'est 35 kilos par ruche, donc à peu près 75 livres. Avant, le rendement était quand même pas mal plus supérieur que ça. On parlait de rendement moyen, là, de 150 livres, donc presque le double.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Donc, c'est des pertes économiques. Non seulement, tout à l'heure, on soulignait justement la perte de cheptel, l'achat d'un essaim, dans le fond, mais, en plus de ça, il y a une perte directe sur la productivité.

M. Vacher (Raphaël) : Évidemment.

Mme Montpetit : Est-ce que les apiculteurs ont des compensations, quelque compensation financière que ce soit qui est reliée à cette perte de production?

M. Vacher (Raphaël) : Bon, on a deux assurances récoltes, donc une qui est liée à la production de miel, une qui est liée aux pertes d'abeilles pendant l'hiver. Il faut comprendre par contre que ces assurances récoltes là sont sur un historique individuel. Donc, si, année après année, vous avez des pertes, bien, à un moment donné, vos assurances ne fonctionnent plus.

Dans un autre côté, on a aussi accès à tous les autres programmes fédéraux, que ce soit Agri-Stabilité, Agri-Investissement. Donc, on a accès à ça, mais il faut encore là que l'apiculteur décide d'y adhérer.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Parfait. Puis vous avez mentionné, au niveau des services des pollinisateurs, là, la part de notre assiette qui est due ou qui nécessite, dans le fond, le travail des pollinisateurs. Vous avez mentionné 40 %. J'avais toujours entendu le chiffre de 33 %. Donc, peut-être qu'il n'était pas à jour. Est-ce que c'est un chiffre, le 40 %, pour le Québec?

M. Vacher (Raphaël) : Pas nécessairement, là. Les chiffres varient beaucoup, là, quand on regarde la littérature. On entend même, des fois, 80 % parce que, là, les gens vont additionner ce que les animaux consomment au niveau des plantes qui peuvent être en lien avec la pollinisation. Mais, bon, tout le monde s'entend pour dire que 40 %, c'est pas mal la moyenne, là.

Donc, c'est certain que l'apiculture, écoutez, 40 % de notre assiette alimentaire, là, c'est énorme. Le travail des pollinisateurs est extrêmement important, et, malheureusement, les pollinisateurs, actuellement, nous montrent des signes évidents de faiblesse, que l'environnement ne va pas bien, puis on a vraiment des grosses études actuellement, mondiales, qui démontrent l'effondrement des pollinisateurs partout sur la planète.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Moi, j'aurais une dernière question, encore là sur la répartition géographique, parce que, si je me souviens bien, une abeille parcourt un kilomètre au maximum, hein? Sinon...

M. Vacher (Raphaël) : Ça peut aller beaucoup plus que ça. Ça peut aller à cinq kilomètres.

Mme Montpetit : Ah! O.K. parfait. Donc, est-ce qu'il n'y a pas une question de... je présume que les apiculteurs, comme mécanismes de défense, ont un peu... n'installent pas leurs ruches... essaient d'éviter, à tout le moins, d'être près de ce type de grandes cultures ou est-ce que... je ne suis pas sûre que vous avez eu cette discussion-là entre vous, entre apiculteurs. Qu'est-ce qui est fait exactement en termes de prévention?

Le Président (M. Lemay) : M. Vacher.

M. Vacher (Raphaël) : C'est sûr qu'il y a eu des discussions entre apiculteurs. Vous devez comprendre qu'il y a quand même des apiculteurs un peu partout sur le territoire. Il n'y a pas de territoire vierge où il n'y a pas d'abeilles. On couvre assez bien le territoire. Écoutez, il y a des apiculteurs qui tentent de déplacer leurs ruches, mais ça amène d'autres problèmes de partage de territoire. Donc, il faut faire très attention à ça. Quand on a une ferme puis qu'on est déjà installé dans un endroit, qu'on a une famille, écoutez, c'est rare que les gens vont décider demain matin de déménager. Donc, les gens font de la résilience. Écoute, on n'a pas le choix, on est obligés de vivre avec l'agriculture qu'il y a alentour de nous.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup.

• (10 h 40) •

Mme Fontaine (Julie) : Si je peux me permettre de rajouter, c'est que les abeilles, quand on les amène en pollinisation, entre autres aux bleuets, aux canneberges, souvent, on est obligé de les nourrir. Il n'y a pas assez de nourriture là-bas. Alors, quand on les ramène, il faut qu'elles soient mises dans des endroits où il y a de la diversité florale. Il faut qu'elles puissent se nourrir et ramener du pollen différent. Alors, c'est beau se dire : O.K. On va s'éloigner des endroits où il y a l'utilisation des pesticides, mais les endroits où la nourriture pour les insectes existe diminuent d'année en année. Les prairies qui étaient laissées en floraison ont diminué de plus de moitié, puis ça, c'était dans les derniers chiffres, je pense, c'était 2007.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Fontaine. Je dois vous interrompre à nouveau pour céder la parole, maintenant, à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Bonjour. Très intéressant. J'ai vraiment peu de temps, mais j'aurais trois petites questions. Je vous les défile, puis vous tenterez d'y répondre. J'étais curieuse de savoir : Est-ce qu'il y a une différence de rendement au niveau des abeilles exportées versus les abeilles de colonie? Quand vous disiez... vous aviez des pertes, vos moyens de pallier à ça, c'est soit d'exporter... d'importer des abeilles, c'est-à-dire, versus les abeilles de colonie?

Aussi, au niveau de l'application des pesticides, on en entend beaucoup parler dans les cultures plus de céréales, maraîchères, moins, peut-être, au niveau des petits fruits. Ça fait que, tu sais, quel genre d'application ils sont faits dans ces cultures-là?

Et, finalement, dans votre mémoire, vous parliez que les semences non traitées sont disponibles seulement sur demande, et les agriculteurs doivent insister pour y avoir accès. Donc, il y a vraiment une difficulté d'approvisionnement à ce niveau-là. Ce serait quoi, vos recommandations là-dessus?

Le Président (M. Lemay) : Super. Donc, trois questions en 2 minutes.

Mme Fontaine (Julie) : Je peux peut-être répondre pour le rendement en miel. C'est souvent la question de génétique de la reine. Il y a certaines lignées d'abeilles qui sont beaucoup plus portées à faire du miel que d'autres. Exemple, l'abeille africanisée ne fait pas de miel ou très peu de miel, tandis que l'abeille mellifère européenne va faire beaucoup plus de miel. Et les reines sont sélectionnées en... c'est un des premiers caractères qui est sélectionné chez les reines, c'est le rendement, entre autres, en miel, avec d'autres caractères, là.

Pour ce qui est des semences non enrobées difficilement accessibles, bien, ça, c'est... ça fait des années qu'on le dit, les semenciers préconisaient d'avoir le moins, j'imagine, de stock possible. Alors, ils préféraient fournir juste de l'enrobé, ça faisait moins de sacs à garder en storage. Alors, c'est très difficile parce que le problème, c'est que les agriculteurs passent leurs commandes en novembre, avant la prochaine saison, et là c'est difficile de prédire les printemps hâtifs, les printemps mouilleux. Et là, bien, après ça, c'est la valse de... les semences ne sont plus disponibles. Alors, la seule chose qui reste de disponible, c'est de l'enrobé. On l'a vu justement ce printemps. C'est exactement ce qui est arrivé.

M. Vacher (Raphaël) : Moi j'aimerais revenir sur les rendements des abeilles importées. Dans le fond, les abeilles importées ne sont pas adaptées à notre climat, donc ce n'est pas nécessairement un bon choix que d'importer des abeilles. Et on peut aussi importer des maladies qu'on n'a pas ici, donc il y a un risque associé à l'importation. C'est pour ça que, depuis quelques années, là, chez les apiculteurs, on préconise que ce soit le Québec, donc, qui produise plus de nucléi pour répondre à la demande des autres apiculteurs. Donc, on essaie de mettre en place, là, une offre plus importante pour compenser les pertes.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Ceci complète la période d'échanges.

Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Bonjour. Bon, il faut être vite, puis on n'a pas beaucoup de temps. Tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez des ententes verbales avec les producteurs de bleuets qui respectaient, bon, les ruches, etc., qui n'arrosaient pas pendant la pollinisation, mais vous avez dit que vous aviez des troubles avec d'autres producteurs. On parle des producteurs de?

M. Vacher (Raphaël) : Bien, essentiellement, les problématiques que les apiculteurs vivent, c'est plus au niveau de la canneberge. Donc, il y a des produits qui sont... Dans le fond, à un moment donné, les producteurs de canneberges dépassent certains seuils au niveau des insectes nuisibles, et il peut arriver, là, qu'ils font des traitements sans que les ruches soient parties. Et là, bien, c'est sûr que ça amène... ça occasionne des pertes très importantes. En temps normal, il est spécifié qu'on doit être averti d'avance pour qu'on puisse avoir le temps de sortir nos ruches, mais c'est arrivé, dans certaines situations, où ça ne s'est pas fait.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Roy : Est-ce que la financière prend en considération ce genre de problématique là et vous indemnise?

M. Vacher (Raphaël) : Pas du tout. Absolument pas.

M. Roy : Parce que, tout à l'heure, vous parliez, bon, de la financière, de l'assurance récolte. Vous avez dit que certains apiculteurs vont adhérer aux programmes fédéraux et d'autres, non. Est-ce que ce sont des programmes accessibles, et qui sont équitables, et qui vous aident, ou que ce n'est absolument pas accessible, puis vous...

Le Président (M. Lemay) : ...Vacher.

M. Vacher (Raphaël) : Bien, c'est des programmes qui sont accessibles, qui nous aident, mais seulement pendant un certain laps de temps. Donc, une fois qu'on a épuisé ces systèmes-là, on n'a plus rien. Je veux dire, ça prend à peu près cinq ans, là, parce qu'on subit des pertes à tous les ans. Donc, ça prend quelques années seulement puis, après ça, ça devient inefficace. Donc, il y a vraiment une problématique, de ce point de vue là, pour nous.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Roy : Je le goût de vous dire que, si le fédéral ne fait pas son travail, si nous étions un pays, ce serait beaucoup plus simple, mais là je fais de la politique.

Écoutez, l'effondrement, bon, des pollinisateurs peut-il être compensé par d'autres sortes d'insectes?

Le Président (M. Lemay) : M. Vacher, allez-y.

M. Vacher (Raphaël) : La question, elle est simple, et la réponse, elle est aussi très simple : non.

Mme Fontaine (Julie) : Il faut dire que l'abeille...

Le Président (M. Lemay) : Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Julie) : ...est présentement responsable de 75 % de toute la pollinisation, l'abeille mellifère, le reste étant fait par nos pollinisateurs sauvages. Sauf que les pesticides n'affectent pas juste l'abeille mellifère, ils affectent tous les pollinisateurs.

Et étudier les pollinisateurs sauvages, c'est très difficile, c'est très compliqué pour les chercheurs. Il faut les trouver. Ils ne s'affichent pas dans des ruches, ils ne s'affichent pas dans des gros, gros nids, eux autres. Ils sont sporadiques, ils sont un petit peu partout. C'est très difficile. Alors, c'est beaucoup plus facile d'étudier l'abeille mellifère.

Mais ce qui tue nos abeilles mellifères va faire la même job sur les autres insectes.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Fontaine, M. Vacher... Vacher, exactement. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends donc quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Institut national d'agriculture biologique de prendre place.

( Suspension de la séance à 10 h 46)

(Reprise à 10 h 49)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à l'Institut national d'agriculture biologique. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous poursuivrons avec les échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez y aller avec votre exposé. La parole est à vous.

Institut national d'agriculture biologique (INAB)

M. Poniewiera (Normand) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, chers membres de la commission.

Donc, je me présente, Normand Poniewiera. Je suis le directeur de l'Institut national d'agriculture biologique du cégep de Victoriaville. Les gens qui m'accompagnent. Donc, à ma gauche, vous avez M. Jean Duval, qui est le coordonnateur du Centre d'expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité, le CETAB+. À ma droite, vous avez M. Simon Dugré, coordonnateur du Centre d'innovation sociale en agriculture, le CISA.

Pourquoi le cégep de Victoriaville est ici aujourd'hui? Depuis sa fondation, en 1969, il y a 50 ans, le cégep de Victoriaville améliore son offre en réponse aux besoins du secteur agricole. Cette année, plusieurs cégeps fêtent leur 50e anniversaire dans l'ensemble des régions du Québec. C'est aussi le cas du cégep de Victoriaville. Chez nous, ce que l'on fête, c'est le résultat d'un enracinement historique qui repose sur une différence qui a fait sa personnalité unique, l'agriculture biologique. Le cégep de Victoriaville se démarquait déjà il y a de cela 35 ans par son offre de formation en agriculture biologique. Nous étions les seuls.

• (10 h 50) •

En cohérence avec notre orientation en agriculture biologique, deux centres de recherche sont nés. Ils ont maintenant 10 ans d'expertise. Le premier, plus technique, approfondit son expertise sur les pratiques agricoles biologiques, et l'autre, à caractère social, accompagne l'ensemble des acteurs dans leurs démarches sur les changements climatiques.

Depuis les années 2000, le cégep de Victoriaville augmente la portée de son leadership mobilisateur au Québec sur les questions importantes touchant la formation, la recherche et le transfert technologique en agriculture, plus précisément en agriculture biologique.

Ce leadership, basé sur l'excellence, a conduit le cégep à créer, en 2018, l'INAB, l'Institut national d'agriculture biologique. La création de l'INAB a notamment donné l'occasion de regrouper trois entités actives en agriculture afin de maximiser les synergies et leur impact sur le milieu agricole, soit le département d'enseignement, le Centre d'expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité, le CETAB, et le Centre d'innovation sociale en agriculture, le CISA.

Le cégep de Victoriaville offre le diplôme d'études collégiales en gestion et technologies d'entreprise agricole qui se décline en quatre profils : production animale, production légumière biologique, production fruitière biologique et agriculture urbaine depuis peu. Une des particularités de l'INAB réside dans son concept de ferme-école. En effet, au-delà de la théorie, l'étudiant applique les concepts sur le terrain. Ils sont actuellement plus de 180.

En tant que centre de recherche, le CETAB est actif en recherche appliquée, en aide technique et en diffusion de l'information et de formation. La recherche appliquée est réalisée autant sur les fermes que dans les aires consacrées à la recherche à l'INAB. Une trentaine de projets de recherche sont en cours ou réalisés chaque année dans différents domaines, dont la protection des cultures. Le CETAB offre des services-conseils techniques en agroenvironnement et en gestion dans plusieurs régions du Québec à plus de 220 clients dans les grandes cultures, l'horticulture et la production laitière.

Le CISA s'est doté d'une équipe composée de chercheuses et de chercheurs en agronomie, en anthropologie, en sciences biologiques, en travail social, en développement territorial, en sciences de l'environnement et en communications pour nourrir adéquatement les réflexions et l'accompagnement des acteurs dans la mise en oeuvre des solutions innovantes.

L'INAB, c'est plus qu'un lieu, c'est un institut qui regroupe aujourd'hui une équipe de plus de 70 enseignants, chercheurs, professionnels de recherche, conseillers, se dédie à temps plein à l'agriculture biologique et à l'amélioration de la durabilité des systèmes alimentaires. À ce titre, l'INAB se permet de parler avec confiance des questions que pose la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles dans le cadre de ses audiences publiques.

Les producteurs agricoles et le gouvernement peuvent avancer avec confiance vers une diminution de l'utilisation des pesticides. Des décennies d'expérience pratique et scientifique en agriculture biologique permettent d'affirmer que les techniques de production d'aliments sans pesticide sont aujourd'hui performantes de tous points de vue : écologique, agronomique et financier.

Ainsi, la diminution de l'utilisation des pesticides n'est pas un saut dans le vide pour les producteurs agricoles ou pour le gouvernement. Au contraire, il s'agit d'un progrès. L'INAB accompagnera le gouvernement et les producteurs agricoles dans cette transition importante.

La CAPERN pose plusieurs questions sur la nocivité et l'encadrement des pesticides de synthèse. L'INAB souhaite mettre plutôt en évidence que des solutions de remplacement performantes existent. Notre mémoire cite quelques exemples de résultats probants très concrets et d'évolution favorable pour les entreprises agricoles et la population du Québec.

Ces exemples permettent de tirer plusieurs constats. Premièrement, l'expertise et les compétences existent pour éliminer l'usage des pesticides dans un grand nombre de situations courantes. Deuxièmement, la recherche permet de relever les défis dans les situations où les connaissances sont insuffisantes à court terme pour diminuer ou éliminer les pesticides. Troisièmement, la diffusion et le transfert technologique peuvent être très efficaces pour déployer les innovations et les approches probantes et, ainsi, en généraliser l'usage. Quatrièmement, pour terminer, l'innovation sociale permet d'accélérer et de débloquer des transitions en apparence simples et de favoriser l'adoption de pratiques durables.

Partant d'un terrain solide qui s'appuie sur la formation en agriculture biologique et conventionnelle et sur deux centres de recherche, le cégep peut affirmer avec confiance à cette commission que la transition vers l'agroécologie repose maintenant sur un socle suffisamment solide pour que nous puissions maintenant passer à l'action. Passer à l'action signifie définir l'avenir. Nous y sommes presque, M. le Président. Il ne reste qu'un pas à franchir pour nous donner les moyens de nos ambitions.

Le gouvernement doit profiter de cette occasion unique à cette commission pour soutenir une expertise qui a pris une envergure nationale et qui appartient désormais à l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

C'est pourquoi l'INAB ose faire quatre recommandations à la CAPERN à l'intérieur de son mémoire. À ce moment-ci, je désire attirer votre attention aujourd'hui sur deux d'entre elles.

La première : «Reconnaître l'expertise de l'INAB et de ses [centres de recherche] en lui octroyant un mandat national et un financement y correspondant pour développer et diffuser les pratiques de remplacement performantes, tant au niveau de la formation que pour l'ensemble des entreprises du secteur agroalimentaire québécois.»

La deuxième : «Poursuivre le développement et l'adaptation d'incitatifs gouvernementaux au développement de solutions de rechange à l'utilisation des pesticides. Ces incitatifs peuvent être conçus pour soutenir directement les producteurs, mais aussi les organisations qui prennent en charge les processus d'innovation, de transfert et de diffusion au bénéfice des producteurs et des collectivités qui tirent profit de ces innovations.»

La forte croissance de la demande pour des produits biologiques et le fort intérêt pour le biologique chez les producteurs actuels et futurs sont symptomatiques d'un mouvement de société appuyé à la fois par des inquiétudes, mais aussi par un désir de faire autrement. Toutes les conditions sont réunies pour réussir une transition.

L'INAB dans son entier, par ses centres de recherche et par ses activités d'enseignement, continuera d'être proactif auprès du gouvernement, des conseillers et du secteur agricole québécois pour améliorer la performance et la durabilité des entreprises agricoles. Davantage de ressources vont permettre à l'INAB d'appuyer les changements requis avec plus de vigueur et de rapidité et de demeurer un leader.

En terminant, M. le Président, étant moi-même copropriétaire d'une entreprise agricole, j'ai décidé de relever le défi de devenir le directeur de l'INAB en acceptant de quitter temporairement ma région du Lac-Saint-Jean, avec le député, pour contribuer au développement de ce fleuron. Donc, c'est avec ma passion de l'agriculture et celle de toute l'équipe, dont nous avons deux représentants ici, que nous avons accepté de contribuer à cette commission pour l'avenir du secteur agroalimentaire québécois. Merci.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Poniewiera. Je cède maintenant la parole au député de Bourget pour son échange.

M. Campeau : Bonjour à tous. Merci de votre présentation. On a entendu parler encore une fois du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Alors, je ne sais pas, je commence à être inquiet. Il y en a qui vont s'enfler la tête à côté de... ici de la table avec ça, là. Bon.

Bio depuis 35 ans. Quand vous avez commencé à en parler, ce n'était pas si populaire que ça, et je me souviens qu'il n'y a pas si longtemps, quand on arrivait dans une épicerie, le bio était tout petit, et ça, c'était la section chère. Et là ça a beaucoup, beaucoup changé, beaucoup évolué.

La première question que j'aimerais vous demander, c'est : Au-delà de donner des cours, est-ce que vous faites du coaching — désolé, je ne sais pas si le mot est... il y a un meilleur mot pour ça — individuel avec des agriculteurs qui vont aller vous voir, comme faire la consultation?

Le Président (M. Lemay) : De l'accompagnement personnalisé, peut-être, M. le député?

M. Campeau : Oui. Merci.

Le Président (M. Lemay) : M. Poniewiera.

M. Poniewiera (Normand) : M. Duval.

Le Président (M. Lemay) : M. Duval, allez-y.

M. Duval (Jean) : Oui. Bien, pour répondre à votre question, au CETAB, on a une équipe d'agronomes qui accompagnent des agriculteurs en production biologique ou en transition vers l'agriculture biologique, qui leur donnent des conseils à propos des techniques à utiliser sur leur entreprise, optimiser leur système de production. Donc, on parle de plus de... environ 250 clients dans différentes régions du Québec qui bénéficient de nos services, de services-conseils.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

• (11 heures) •

M. Campeau : Vous m'avez mentionné deux recommandations principales, la deuxième étant de continuer à avoir des incitatifs gouvernementaux. Est-ce que vous voyez ces incitatifs-là comme directement reliés au cégep, directement reliés à l'INAB ou qui seraient dans les mains des agriculteurs pour qu'ils aillent chercher vos services? Est-ce que vous avez une idée du mécanisme qui serait le plus approprié?

Le Président (M. Lemay) : M. Poniewiera.

M. Poniewiera (Normand) : Bien, je pense qu'on doit aider autant les producteurs, les chercheurs, les centres de recherche, parce que les sommes qu'on réussit à obtenir pour la recherche ne sont jamais suffisantes. Et les producteurs qu'on doit accompagner dans un mode de transition doivent aussi bénéficier d'incitatifs, incitatifs qui existent déjà, d'ailleurs, mais je pense qu'on doit continuer à les maintenir et, voire, les améliorer.

M. Campeau : Comme commission, on a eu l'occasion d'aller visiter des fermes, et j'avoue que j'ai appris beaucoup. Et c'est assez fascinant de voir à quel point la technologie a fait une énorme avancée au niveau agriculturel. Je pense que ce n'est pas une chose qui est vraiment très connue actuellement.

Vous avez parlé d'innovation sociale. Je ne comprends pas trop, trop ce que vous voulez dire par là exactement. Pourriez-vous élaborer un peu plus là-dessus?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Dugré.

M. Dugré (Simon) : Donc, le Centre d'innovation social a été mis en place grâce à un financement du ministère de l'Éducation supérieure en 2009, donc une reconnaissance de centres collégiaux de transfert.

La définition d'innovation sociale, si vous me permettez, c'est toute nouvelle idée, approche, intervention sociale, service, produit, loi — ici, vous en connaissez bien la chose — donc, pour tout type d'organisation, ça peut être des organismes, des entreprises, des coopératives, pour une réponse adéquate et durable à leur besoin social, une solution qui trouve preneur, aux bénéfices mesurables par la collectivité pour une portée transformatrice et systémique. Donc, en des mots plus clairs, je vous dirais qu'on répond aux besoins présents sur le terrain.

Puis, dans la commission hier, que j'ai eu la chance d'écouter, ça a été mentionné souvent, de répondre aux besoins des agriculteurs et des organisations qui travaillent avec eux. Donc, l'innovation sociale, c'est une approche qui permet l'intersectorialité pour répondre à ces besoins-là qui sont devenus systémiques.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député.

M. Campeau : Je ne suis pas sûr de comprendre. Un exemple, là, je vous en lance un.

Une voix : Allez-y.

M. Campeau : Ça veut dire que, dans une certaine région, comment va-t-on procéder si les fermes sont petites au niveau de la main-d'oeuvre? Vous pouvez l'accompagner au niveau social. C'est un exemple de ça, vous croyez, par exemple?

M. Dugré (Simon) : C'est un bon exemple, M. le député. M. le Président, le CISA, dans une de ses premières expériences terrain au Centre-du-Québec, travaillait sur la détresse psychologique des producteurs, donc un fait que vous avez sûrement entendu parler par les producteurs. Pour y répondre, on a mis en place un nouveau service à l'agriculture qui est un service de remplacement. Donc, on s'est basés sur une littérature qu'il a été permis, je dois le souligner, d'être connue par des professeurs-chercheurs du cégep de Victoriaville et leurs étudiants pour aller visiter nos partenaires et nos confrères français qui, eux, utilisaient ces services-là et qui étaient toujours en développement depuis 40 ans.

Le CISA, ce qu'il a fait, c'est qu'il a fait une conception pour être... mise en épreuve test grâce à un financement ministériel du Développement économique pendant un an. Donc, ce service-là, maintenant, crée 10 emplois temps plein au Centre-du-Québec, O.K.? Il permet au producteur, dans des aléas de la vie, maladie, naissance, congé de paternité ou simplement d'aller chercher son fils ou sa fille au karaté, au hockey, faire de la formation, s'impliquer dans la vie syndicale, d'avoir des temps pour lui. Donc, on remplace le producteur. C'est une réponse adéquate à un besoin par l'innovation sociale.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député.

M. Campeau : Je passe la parole à l'autre collègue, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lemay) : Excellent. Alors, Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice, la parole est à vous.

Mme Tardif : Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Merci pour votre travail. La possibilité de se passer complètement ou, en tout cas, presque complètement, là, de pesticides varie d'une culture à l'autre, puis, selon votre rapport, cela semble envisageable dans les grandes cultures. Cependant, qu'est-ce qu'on doit faire pour les cultures fruitières, maraîchères, horticoles? Est-ce que c'est pensable?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Jean) : Oui, c'est certain que c'est plus difficile pour tout ce qui est horticulture maraîchère, fruitière, surtout les cultures fruitières. Maintenant, ce qu'on développe, c'est beaucoup des moyens de lutte qui soient physiques. Par exemple, des filets de protection dans les cultures fruitières, c'est quand même assez utilisé contre les insectes. Il y a aussi une approche qu'on pourrait dire plus écosystémique où est-ce qu'on essaie d'attirer les insectes utiles ou les prédateurs, les parasitoïdes qui attaquent des insectes ravageurs.

Donc, on est beaucoup dans la prévention en agriculture biologique. On essaie de construire un système qui prévient des problèmes. Ça ne marche pas tout le temps. C'est sûr qu'il faut avoir recours parfois à des biopesticides. Souvent, c'est des agents de lutte biologiques ou ça peut être des fongicides à base minérale. Mais on n'est pas dans les molécules qui n'existent pas dans la nature. On n'est pas dans les xénobiotiques en agriculture biologique. Les pesticides qui sont employés à l'occasion, ce sont des biopesticides qui, disons, ont un impact mineur, là.

Le Président (M. Lemay) : ...

Mme Tardif : Est-ce que vous... Quand on parle de pratique biologique, c'est sûr que, là, vous m'amenez sur un terrain. Ça nous amène à devoir concevoir... il faut concevoir et il faut mettre en place tout un système de production qui est différent. Et comment les agriculteurs qui sont non biologiques... qu'est-ce que vous leur suggérez? Et comment ils vont réussir à rencontrer ça? Quel va être le soutien? Quel va être les... Quelles sont les problématiques auxquelles ils vont faire face pour s'en aller vers une culture biologique?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Jean) : Oui. C'est certain que c'est tout un apprentissage. C'est une autre façon de penser l'agriculture. Ça ne se fait pas instantanément. Bon, il y a une transition obligatoire de trois ans avant d'être certifié bio, mais le cheminement, il part souvent bien avant ça dans la tête des producteurs et productrices. Et puis ça peut se poursuivre aussi.

Comment on les outille? Bien, nous, dans l'équipe, au CETAB+, on a quand même 32 personnes dans l'équipe qui ont différentes expertises. Il y en a qui sont plus en recherche, d'autres en service-conseil. Donc, quand il y a des problèmes qui se présentent puis qu'il n'y a pas nécessairement de solutions, bien là on va mettre au point un petit protocole expérimental, essayer de différentes façons. Mais on a de plus en plus de connaissances en bio, donc il y a beaucoup de connaissances à transférer, beaucoup de techniques qui existent depuis très longtemps...

Le Président (M. Lemay) : Parfait.

M. Duval (Jean) : ...qu'il faut surtout faire connaître.

Le Président (M. Lemay) : Juste un instant, M. Duval. Mme la députée, vous avez une question complémentaire?

Mme Tardif : Donc, vous nous demandez un mandat national et un budget qui va avec. Par rapport à ce mandat-là, expliquez-moi concrètement comment vous feriez pour faire le transfert de connaissances à ces agriculteurs-là qui ne sont pas bio.

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Jean) : Oui. Bon, c'est sûr qu'on peut poursuivre avec du service-conseil, engager plus d'agronomes expérimentés qui sont capables d'appuyer les producteurs. Il y a différentes façons. On propose... On va déposer un projet de fermes témoins qui peut être très inspirant, donc des fermes qui réussissent bien en agriculture biologique, qui peuvent servir de référence pour des producteurs qui seraient intéressés à aller visiter ces fermes-là.

On est très actifs en diffusion de l'information. On fait un colloque annuel en février qui s'appelle Bio pour tous!, qui est de plus en plus populaire. On a eu 500 personnes l'année dernière. On a plein de moyens, puis c'est dans notre mission, comme centre collégial de transfert de technologie, de faire ça, de la recherche appliquée, de la diffusion d'information, de l'aide technique.

Donc, on en fait déjà beaucoup, on peut en faire encore plus puis on peut aider aussi d'autres gens, outiller d'autres organismes pour qu'ils puissent aussi appuyer le mouvement, parce que... Oui, c'est ça.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Alors, merci, M. le Président. Merci de votre présentation. C'est très intéressant. Puis je suis content parce que vous parlez beaucoup de solutions, de solutions d'innovation. Puis c'est un thème aussi qui est dans le mandat d'initiative. Et la recherche, le développement et la formation aussi, vous en avez, tout à l'heure, effleuré un peu au niveau de la formation.

Croyez-vous qu'au niveau des institutions d'enseignement, tout ça, la formation est assez élevée là-dessus au niveau des pesticides, au niveau des connaissances, au niveau aussi des transferts technologiques et tout ce qui s'offre maintenant aux nouveaux producteurs et productrices agricoles?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Poniewiera.

• (11 h 10) •

M. Poniewiera (Normand) : Oui. Bien, je pense qu'au Québec on a quand même plusieurs cégeps qui sont disséminés sur l'ensemble du territoire, dans lesquels on offre les programmes en agriculture, et on a aussi, également, les instituts de technologie agroalimentaire.

Pour notre part, à l'INAB au fil des années, la spécialité s'est faite dans le biologique. Donc, on a développé des compétences et des outils pour justement donner une formation axée sur le côté biologique. Nous, on y croit. C'est un travail de longue haleine, évidemment, la formation. Je pense qu'on est capables d'être un leader puis de faire un transfert d'expertise pour l'ensemble des Québécois, autant au niveau de la formation qu'au niveau de la recherche.

Donc, ça, c'est le mandat que... c'est pour ça que, quand on vous demande un mandat national, c'est qu'on est prêts à se mettre à la disposition de l'ensemble des Québécois pour justement aller plus loin, être capable de démontrer que le modèle biologique fonctionne.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Puis je voyais un petit peu à la page 12 de votre mémoire, là, on parle... vous rentrez dans l'aspect économique, dans l'aspect des grandeurs d'entreprise, des tailles, et tout ça, et vous apportez quand même certains bémols que, oui, effectivement, dans certains cas, ça peut être, des fois, difficile, il y a des particularités. Puis vous parlez aussi de l'aspect, hein... on parle, entre autres, de l'aspect du climat qui, parfois, devient difficile pour certaines entreprises, les plages de temps. Mais il y a quand même des choses...

Est-ce que vous trouvez qu'il y a encore beaucoup de réticence au niveau des producteurs? Et quelle est cette réticence-là au-delà du financement et des équipements?

Le Président (M. Lemay) : M. Poniewiera.

M. Poniewiera (Normand) : Bien, je pense que ce qui fait... je croirais, j'aurais tendance à penser que c'est la peur du changement, faire autrement. Ce n'est pas évident quand on a été producteur pendant plusieurs années puis que la méthode qu'on a apprise...

Je peux vous donner l'exemple chez nous, sur mon entreprise. Dans le fond, mes associés ont appris de leur père, de leur oncle. C'était la méthode traditionnelle, on l'appelle maintenant conventionnelle. On a des représentants qui viennent sur l'entreprise et suggèrent d'utiliser tel et tel produits pour justement lutter contre les mauvaises herbes. Au lieu d'avoir un représentant qui vient nous vendre des pesticides, on pourrait avoir aujourd'hui un représentant qui vient nous expliquer qu'il existe un sarcleur qui est capable de faire le même travail, donc qui va faire la lutte aux mauvaises herbes, puis on n'aura pas besoin de mettre de pesticides.

Donc, c'est un changement. C'est pour ça que ça prend de la formation à la base. Donc, les jeunes de demain vont être encore plus formés, ils vont être plus conscientisés au niveau de ce changement, mais j'aurais tendance à dire que c'est peut-être la peur du changement de la méthode qu'ils ont apprise avec le temps.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Sentez-vous qu'avec la nouvelle génération qui s'en vient... Est-ce que vous le sentez sur le terrain, vous le vivez? C'est-u plus facile avec la nouvelle génération?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Poniewiera, environ 30 secondes.

M. Poniewiera (Normand) : Oui. Oui, oui, on le sent. On le sent beaucoup parce que... J'arrive justement d'un voyage en France avec un groupe de producteurs, puis, dans le fond, ce que les producteurs nous disent souvent, bien, le voisin, lui, n'est pas encore converti au biologique, mais son garçon, lui, il est prêt, puis il vient me voir, puis il se renseigne sur les nouvelles façons de faire. Donc, oui, je pense que la nouvelle génération va être encore plus apte ou... apte n'est peut-être pas le bon mot, mais plus sensibilisée à aller vers ça.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Donc, ceci complète cette première période d'échange. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'avoir pris le temps aujourd'hui de venir nous rencontrer et répondre à nos nombreuses questions. C'est un volet différent de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant.

J'avais... J'ai plusieurs questions, en fait, pour vous, dont la première, on le voit, là, qu'il y a une... tu sais, je veux dire, statiquement, on le voit qu'il y a une augmentation importante, là, au cours des dernières années, du nombre de fermes biologiques au Québec. Il y a eu, 2015-2018, la Stratégie de croissance du secteur biologique, il y a la Politique bioalimentaire 2018-2025 qui a été mise en place également. Je pense que, sans aucun doute, c'est venu soutenir, justement, cet accroissement de fermes biologiques. On avait le sous-ministre du MAPAQ au printemps, là, qui nous disait qu'on avait même dépassé les objectifs que notre gouvernement, à l'époque, s'était donnés.

Comment on peut poursuivre encore davantage dans cette voie-là? Comment l'État, comment le gouvernement peut venir vous aider, justement, pour soutenir cette... soutenir, dans le fond, des agriculteurs qui souhaitent faire la transition, notamment vers le biologique?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Duval.

Mme Montpetit : C'est une vaste question, j'en suis consciente.

M. Duval (Jean) : Oui, puis je pense qu'il faut reconnaître d'abord que le gouvernement provincial fait beaucoup déjà pour encourager la conversion à l'agriculture biologique avec des subventions associées aux superficies qui sont en transition, les subventions aussi sur l'achat de machinerie adaptée.

Qu'est-ce qu'on peut faire de plus? C'est certain que la recherche, l'appui technique, c'est essentiel. Ça prend ça. Ça prend aussi peut-être des formules innovantes, peut-être plus sociales, de cellules d'innovation, de trouver des porteurs de flambeau dans des régions qui sont capables de faire mousser le mouvement, je dirais. Il y a toutes sortes de façons.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je...

Le Président (M. Lemay) : Ah! M. Poniewiera, allez-y.

M. Poniewiera (Normand) : Oui, excusez, M. le Président. En complément, je pense que, dans le fond, c'est le consommateur qui nous le demande aussi. Donc, on a un devoir de répondre aux besoins des consommateurs. On est rendus à l'étape où on doit passer d'un marché de niche à un marché de grande consommation. Donc, pour faire cette étape-là, bien, il faut, je pense, quant à moi, redoubler d'ardeur.

Donc, les programmes sont là, mais il faut aller encore plus... il faut aller un peu plus loin pour en donner plus à la recherche, à la formation pour justement quitter les marchés de niche, pour rejoindre le marché de masse.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je suis contente d'entendre que les stratégies qui ont été mises en place, dans le fond, portent fruit, là. C'est ce qu'on retient. Il y a un bel avancement dans cette direction-là.

J'aimerais ça vous entendre, puis vous me direz si vous n'êtes pas à l'aise de commenter sur ce sujet-là, mais c'est le gros sujet du jour, Les Serres Lefort, qui est une entreprise qui a décidé de faire une transition vers le biologique. Puis, si vous ne voulez pas commenter, là, le dossier particulier... mais je serais quand même curieuse de vous entendre là-dessus. Il y a des difficultés à faire une transition vers du biologique. Est-ce que c'est plus long? Est-ce qu'il y a un certain temps? Comment vous voyez ça à la lumière de cette entreprise-là? Comment elle doit être accompagnée davantage?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Duval.

M. Duval (Jean) : Je ne suis pas certain d'avoir... Les Serres Lefort sont en production biologique depuis assez longtemps.

Mme Montpetit : Bien, ils ont fait une transition dernièrement sur, notamment, les poivrons, les concombres, là, qui est venue à amener certaines difficultés parce que ça amène un certain temps, justement, faire cette transition-là.

J'aimerais ça que vous puissiez nous expliquer, en fait, le temps de période que ça prend quand on souhaite faire une transition, à quel point une entreprise, justement, doit être soutenue davantage, là, pour pouvoir avoir des beaux jours. Une fois que la transition... Une fois que la certification, entre autres, est obtenue, il y a quand même une période qui demande des investissements majeurs sans avoir la rentabilité qui incombe au fait d'avoir une certification biologique, notamment, là.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Duval.

M. Duval (Jean) : C'est effectivement le cas. La période de trois ans de transition peut être assez difficile, autant psychologiquement qu'économiquement. Ça dépend des situations. C'est une période qui demande vraiment un bon appui. Mais ce n'est pas juste économique, là. Je pense, c'est important de le dire. C'est une période de changement, alors il faut s'entourer de personnes compétentes, d'un milieu... d'avoir un milieu de soutien aussi. Je pense que ça l'a beaucoup évolué. L'agriculture biologique, on peut dire, n'est plus marginale comme elle l'a été. Donc, c'est plus facile, c'est ça, d'avoir un soutien social aussi, là, pour le faire.

Je prends l'exemple de la région de Lanaudière, où est-ce que c'est vraiment très dynamique. Il y a, je dirais, des personnes, des entreprises assez importantes qui ont fait une transition bio, puis ça l'a un effet vraiment important dans la région pour encourager plus de transition.

Le Président (M. Lemay) : M. Poniewiera, en complément.

• (11 h 20) •

M. Poniewiera (Normand) : Bien, peut-être mentionner, la pire erreur qu'on pourrait faire, c'est de ne pas accompagner les producteurs. Dans le fond, ça commence par une bonne formation. Parce qu'on reçoit des téléphones, à l'INAB, presque quotidiennement de gens qui sont intéressés par le biologique, puis, des fois, ils disent : Bon, bien, chez nous, je fais du maïs, je veux m'en aller dans du maïs bio. O.K. Mais là tu viens d'où? C'est quoi, ta formation? C'est quoi, ta connaissance? Est-ce qu'on va leur recommander...

On va commencer à la barre. On va faire de la formation puis, après, on va t'accompagner. On fait un service-conseil autant dans la transition pour la certification, dans la transition pour changer les méthodes de travail, mais tout commence par la formation. Et ensuite, avec une équipe...

Dans le fond, dans le mémoire, on vous mentionnait qu'on est capables, avec la formation, de donner les outils de base. Ensuite, avec les équipes de recherche puis le conseiller technique qu'on a, on est capables de les accompagner. Et, si on rencontre des problématiques inconnues, bien là, à ce moment-là, on peut faire des projets de recherche, aller plus loin et continuer à évoluer. Parce que si on veut... excusez-moi l'anglicisme, mais c'est un «work in progress» au niveau, là, de... sur une entreprise pour évoluer vers le biologique.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Bien, ce que vous nous dites, finalement, ce que j'en comprends, c'est que plus il y a d'accompagnement des producteurs qui souhaitent faire une transition, moins il y a d'essais-erreurs de leur part, donc moins il y a de pertes de productivité. Donc, c'est vraiment de cette façon-là que vous l'envisagez, de venir pallier... Quand vous dites un peu de l'improvisation ou de l'essai-erreur, dans le fond, c'est qu'il faut vraiment venir les accompagner, parce que ce n'est pas quelque chose qui s'improvise, et il y a une expertise derrière cette transition.

M. Poniewiera (Normand) : Exact.

Mme Montpetit : J'aurais juste une dernière question, parce que le temps file, mais on a entendu beaucoup, dans nos échanges, que... Bon, vous avez dit : La production bio, elle est rentable. Est-ce qu'à partir du moment où elle est rentable parce que... justement et uniquement parce que le prix est plus élevé des produits qui sont vendus, est-ce que, si, justement, il y avait un élargissement du nombre... Plus il va y avoir de fermes et de producteurs, dans le fond, qui vont faire du biologique, on peut penser que ça pourrait avoir une incidence à la basse sur le prix des produits biologiques. Est-ce que, de votre point de vue, ça va demeurer quand même une production qui est rentable?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Poniewiera.

M. Poniewiera (Normand) : Eh! un jeu d'offre et demande, évidemment. Donc, si on continue d'augmenter l'offre de produire, on pourrait s'attendre à une baisse du prix, et ça va dépendre si la demande est toujours soutenue.

Donc, est-ce que la rentabilité va être au rendez-vous même s'il y a diminution du prix? C'est votre question plus précise? J'aurais tendance à vous dire que oui, parce qu'on développe de plus en plus des techniques performantes puis des façons de faire qui sont efficaces. Si on reculait en arrière puis qu'on n'avait pas l'expertise qu'on a aujourd'hui, on pourrait craindre, mais, à ce moment-ci, avec toute l'expertise qu'on a développée puis que les producteurs biologiques ont développée, je pense qu'ils sont aptes à faire face à la situation.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Donc, je comprends, vous n'y voyez pas un risque. Parce que certains ont souligné cet effet-là sur l'impact que ça pourrait avoir. Je comprends que, si... C'est sûr que, si on prend, toute chose étant égale, par ailleurs... la réponse pourrait être oui. Mais partons du principe que l'agriculture et les besoins des consommateurs sont deux choses qui évoluent, donc ça devrait évoluer dans un rythme. Vous, vous n'y voyez pas de risque, dans le fond, là. On peut penser que l'agriculture puis l'alimentation vont évoluer dans un sens où l'augmentation du biologique, il faut continuer de la soutenir, dans le fond?

Le Président (M. Lemay) : M. Poniewiera.

M. Duval (Jean) : Je dirais que, si on avait mis toute l'énergie puis tout l'argent qui a été mis au développement de l'approche chimique depuis la Deuxième Guerre mondiale, là, dans le fond, si on avait mis cette énergie-là à développer des méthodes physiques, biologiques, et tout, on serait évidemment rendus beaucoup plus loin que maintenant.

Mais on progresse très rapidement, il y a de la recherche partout dans le monde en agriculture bio. Puis, oui, il y a un risque, là, mais, je pense, c'est à long terme, là. On est encore dans un marché en croissance. Ça fait que je pense qu'il n'y a pas de risque, là, à court terme, là, pour que les prix chutent pour le bio, là. Les consommateurs en demandent. Il va peut-être avoir des ajustements, là, mais, comme le disait Normand, nos méthodes se perfectionnent, alors les coûts de production diminuent.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Ceci complète la période d'échange avec l'opposition officielle.

Je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, la parole est à vous.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. C'est très intéressant, vous entendre. J'avais peut-être des questions au niveau de la structure de financement de votre centre de recherche. Est-ce que c'est juste par projet ou vous avez quand même un financement de base substantiel?

Puis aussi je vais poser toutes mes questions parce que j'ai vraiment peu de temps, c'est quoi, la relation entre votre centre de recherche et le MAPAQ, le ministère? Comment se passe l'information, la diffusion de l'information en ce sens où, bon, je suis une députée d'une région agricole qui est très éloignée des lieux où il y a beaucoup de centres de recherche? Donc, comment on fait pour que tous les agriculteurs sur le territoire du Québec aient accès à ces nouvelles connaissances là? Ça fait que... le lien avec le MAPAQ. Je vous laisse me répondre.

Le Président (M. Lemay) : Alors, allez-y. M. Duval, en premier.

M. Duval (Jean) : Oui. Pour ce qui est du financement de base, comme centre collégial de transfert de technologie, on a un financement de base, là, annuel. On a aussi un montant qui vient du CRSNG au niveau fédéral aussi comme montant de base. Et tout le reste, effectivement, c'est de l'argent de projets. Donc, c'est parfois insécurisant, évidemment, de faire fonctionner un organisme avec des projets, mais c'est la réalité des CCTT.

Pour ce qui est de la couverture de notre aide technique, évidemment, là, c'est un peu limité. On couvre, on peut dire, cinq régions du Québec. Ce qu'on fait, c'est que... Par le passé, on a formé des cohortes d'agronomes, dans d'autres régions, qui sont intéressés à fournir du service-conseil en agriculture biologique. On aimerait le faire encore parce que ce n'est pas notre ambition d'être partout, là. Donc, c'est vraiment de former des gens pour le faire.

La relation avec le MAPAQ est très bonne. On arrive quand même à avoir beaucoup de projets financés dans le programme Prime-vert, par exemple. Mais il n'y a pas de financement particulier pour le Centre d'expertise et de transfert en agriculture biologique qui vient du MAPAQ comme pour les autres centres d'expertise qui existent au Québec en agriculture. On n'a pas ce financement-là, qu'on a toujours souhaité, mais bon. Et puis... Mais, sinon, oui, c'est ça, ça va bien avec le MAPAQ.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Donc, ceci complète cette période d'échange. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Écoutez — bonjour, messieurs — hier, on a eu une bonne discussion avec un agriculteur qui nous a dit que la production biologique en semis direct était impossible au Québec sans l'utilisation de glyphosate. Et je lui ai demandé, bon : Est-ce que vous pouvez nous valider ça avec d'autres recherches et d'autres chercheurs? Et il n'a pas été capable. Vous en pensez quoi?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Jean) : Alors, c'est un sujet qui préoccupe beaucoup de gens, particulièrement en Europe puis, je dirais, en Amérique du Nord, de développer des méthodes d'agriculture biologique avec le moins de travail de sol possible.

En ce moment, c'est vrai que c'est difficile. Il n'y a rien de... Il n'y a pas de système magique. Il y a eu des bonnes avancées, mais on n'est pas rendus là. Effectivement, pour appliquer la méthode, là, qui se fait en conventionnel de semis direct sans glyphosate, ce n'est pas faisable. Mais on travaille là-dessus, on travaille là-dessus. Puis il y a beaucoup d'intérêt. Il y a eu un gros projet européen, paneuropéen qui travaille là-dessus. Je pense qu'on avance, mais, bon, c'est ça.

Le Président (M. Lemay) : M. le député, allez-y.

M. Roy : Vous allez rassurer le monsieur. Deuxième question, vous avez... bon, budget de transition du conventionnel vers production biologique. Vous avez dit que le budget était suffisant, ça allait bien. À ma connaissance, et vous rectifierez, là, mais on parle de 40 000 $ pour une transition. Tu n'as pas beaucoup d'équipement ou tu n'as pas grand-chose en termes d'équipement pour faire une transition du conventionnel vers le biologique.

Donc, pouvez-vous me dire pourquoi le... ce que vous affirmez est... Bon, selon vous, là, pourquoi c'est suffisant? Moi, je pense que ce n'est pas suffisant. Mais sur quelle hypothèse vous allez?

Le Président (M. Lemay) : M. Duval.

M. Duval (Jean) : Bien, je pense, c'est du cas par cas. C'est difficile de généraliser pour toutes les entreprises, mais c'est certain, par exemple, que, dans les grandes cultures à partir du moment qu'on n'achète pas les engrais et les pesticides qu'on achète d'habitude, ça libère quand même un bon montant d'argent qui est proportionnel à la superficie cultivée. Donc, en plus des aides gouvernementales, je pense que c'est quand même bien maintenant par rapport à ce que c'était, mettons, voilà 10, 15 ans, quand les gens faisaient la transition, qui prenaient beaucoup plus de chances.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Roy : Mais il y a beaucoup de choses à améliorer. Et, par rapport à votre mandat national que vous demandez, donc, si je comprends bien, vous n'arrivez pas à avoir un mandat qui reflète l'expertise que vous avez et qui pourrait amener vraiment une évolution de l'agriculture biologique au Québec. Donc, ce que vous voulez, c'est être reconnus comme un centre de recherche national pour avoir accès à des budgets de financement de recherche. C'est ça que j'ai compris?

Le Président (M. Lemay) : M. Poniewiera, là, en... Oui ou non?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Roy : Pas de peut-être.

M. Poniewiera (Normand) : Dans le fond, c'est un peu ce qu'on vous a mentionné dans ma présentation. C'est qu'on veut se rendre disponible pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises parce qu'on a développé une expertise dans l'agriculture biologique et on veut justement rejaillir dans toutes les régions du Québec.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Dugré, M. Poniewiera, M. Duval. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin de permettre à la représentante du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

(Reprise à 11 h 33)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons avec des échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Collectif de recherche écosanté sur les pesticides,
les politiques et les alternatives (CREPPA)

Mme Vandelac (Louise) : Je vous remercie. Je m'appelle Louise Vandelac, professeure titulaire à l'Institut des sciences de l'environnement et au Département de sociologie et directrice du CREPPA, le Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives, un des rares groupes qui travaillent essentiellement sur ces questions-là. Et je ne suis pas ici à titre de représentante parce qu'on a élaboré ce travail, je dirais, en s'alimentant dans l'ensemble des travaux du groupe, mais le temps nous a manqué pour pouvoir finaliser les documents qu'on a amorcés, il y en a au-delà de 100 pages. Et donc vous allez comprendre pourquoi il va y avoir encore un tout petit délai avant qu'on puisse vous les remettre. Marie-Hélène.

Mme Bacon (Marie-Hélène) : Oui. Marie-Hélène Bacon. Donc, je suis sociologue et je suis chercheure et coordonnatrice du CREPPA, donc je travaille en étroite collaboration avec Mme Vandelac.

Mme Vandelac (Louise) : Alors, très rapidement, de un, je tiens à remercier les instigateurs de cette commission ainsi que l'ensemble de ses membres et je les remercie d'avoir accepté de modifier le calendrier aussi pour nous entendre puisque je devais prendre un vol d'avion ce soir même. Et je vous dirais que cette commission arrive à point nommé en cette semaine, particulièrement avec le rapport qui est sorti dimanche, Tous unis, où on voit très bien l'élargissement des écarts entre ce qui devrait être fait et l'ampleur des changements climatiques, notamment, et de la dégradation de la biodiversité.

Vous avez les données sur l'effondrement sans précédent de la biodiversité qui sont sorties il y a quelques mois. On a bon nombre d'informations sur la biomasse des insectes volants qui est disparue aux trois quarts depuis une quarantaine d'années.

On apprenait cette semaine que 30 % des oiseaux d'Amérique du Nord étaient disparus depuis les années 70. C'est une perte avoisinant 3 milliards. Autrement dit, il y a vraiment une situation particulièrement préoccupante. Je ne vous donne pas tous les chiffres, mais c'est un élément important, et, vendredi, il y aura évidemment la marche pour le climat.

On sait tout ça depuis pourtant des années, hein? On a tous suivi les travaux de pionnier de Rachel Carson sur les DDT, le Printemps silencieux au début des années 60, Les limites à la croissance dans les années 70, Our Stolen Future de Theo Colborn, qui nous mettaient en garde des menaces des perturbateurs endocriniens sur l'espèce humaine elle-même, hein, sur l'ensemble de la biodiversité, mais sur l'espèce humaine également.

Et nous savons également maintenant, comme en témoigne un large consensus scientifique international, je pense, entre autres, au GIEC récemment, mais la commission EAT-Lancet, que l'actuel modèle agrochimique a une part importante de responsabilité dans l'amplification des crises croissantes et sans précédent, la biodiversité du climat, des événements extrêmes et aussi de la sécurité alimentaire, paradoxalement.

Donc, il y a un problème, pourtant, quand on fait... je vous parlerais ici davantage d'un volet, mais d'un volet qui nous préoccupe au Québec, puisque c'est plus que la moitié, les pesticides, c'est les herbicides à base de glyphosate.

Très rapidement, dans le monde, 825 000 tonnes par an, ça a été multiplié par plus de 140 fois, c'est 8,6 milliards de tonnes depuis 1974. Au Canada, ça a été multiplié à peu près par 157, c'est 56 % des pesticides agricoles, ce qui veut dire qu'avec les autres usages, c'est autour de 60 %.

Au Québec, c'est 47 % des pesticides agricoles, si bien qu'avec les autres usages c'est autour de 50 %. Or, paradoxalement, dans la stratégie 2015‑2018 sur l'agriculture, on ne dit pas un mot du glyphosate, complètement ignoré. Par ailleurs, encore maintenant dans un des documents importants de suivi et de diagnostic SAgE Pesticides, les données n'ont pas été mises à jour depuis des années et des années, si bien qu'on est complètement en retard et on ne tient même pas compte des données du CIRC de l'OMS, le Centre international de recherche sur le cancer, qui souligne qu'il y a des effets potentiellement, probablement, en fait, cancérigènes et génotoxiques.

Ces problèmes, très souvent, on semble les imputer aux agriculteurs eux-mêmes. Je pense qu'il faut comprendre que ce sont des transformations structurelles qui ont été très largement non seulement autorisées, mais encouragées par les instances publiques et notamment fédérales. On voit, par exemple, que cette hausse est liée à l'introduction des OGM, qui a multiplié par 15 l'usage des herbicides à base de glyphosate. C'est pour une raison très simple. C'est que ces OGM ont pour fonction de ne pas mourir en présence massive de ces herbicides. On a autorisé dans tous les milieux et dans toutes les cultures, à toutes les époques de l'année, dans les céréales, les légumineuses, les pâturages, etc.

Or, maintenant, quand on constate qu'on le fait à toutes les étapes, y compris pour la dessiccation, c'est fort heureusement une intervention au Parlement européen qui nous permet de limiter cette pratique puisque les acheteurs européens ne veulent plus acheter, que déjà on voit en Ontario qu'il y a des modifications là, c'est le marché qui... Donc, on a tout intérêt à être beaucoup, beaucoup plus vigilants.

Dans le cas de l'atrazine, écoutez, ça a été interdit en Europe depuis 2003, le chlorpyrifos. On pourrait parler de chacun d'eux, mais, comme c'est 10 minutes, je vais faire ça le plus rapidement possible et sans nécessairement vous donner l'ensemble des éléments qui portent sur l'ensemble des impacts santé qui, pourtant, est un des domaines sur lesquels on travaille pas mal.

• (11 h 40) •

J'aimerais attirer votre attention sur une chose. On parle de glyphosate habituellement. Or, toutes les données sur l'importance du glyphosate et de ses usages, même celles que je vous ai données, c'est sur ce qu'on appelle le principe actif. Or, le principe actif, c'est environ, 30 %, 35 %, 40 % de la formulation commerciale. Autrement dit, il n'y a aucun agriculteur qui ne va répandre que du glyphosate dans ses champs.

S'il n'y a aucun agriculteur qui répand du glyphosate, le reste de la composition a des impacts sur l'environnement mais aussi des impacts sur la santé. Bon nombre d'études ont mis en évidence que c'est jusqu'à 1 000 fois plus toxique, et c'est une étude qui a été faite notamment sur neuf des pesticides les plus utilisés au monde : trois herbicides, trois fongicides, trois insecticides. Dans huit des neuf cas, c'est jusqu'à 1 000 fois plus toxique que le principe actif.

Or, ce qui est calculé, ce qui est évalué, c'est essentiellement le principe actif, ce qui pose un problème majeur. C'est-à-dire que ça fait en sorte qu'on n'a pas les bonnes lunettes, et donc on ne voit pas l'ensemble des impacts.

C'est vrai aussi pour une partie des instances réglementaires. Quand on dit que les... et c'est ce qui explique, entre autres, que, dans le cas du Canada, on ait reconnu pour 15 ans les herbicides à base de glyphosate sur la base d'études extrêmement limitées, c'est-à-dire qu'on a tenu compte de moins de 1 % de la littérature récente des dernières années, et on a fait un mémoire qu'on mettra en annexe du rapport qu'on va vous envoyer. C'est un avis d'opposition qu'on avait déposé au gouvernement fédéral où on avait fait l'ensemble de ces calculs. Écoutez, on était nous-mêmes étonnés qu'on ose dire que c'était «science based», alors qu'on n'a pas examiné cette littérature.

Et actuellement on a un dialogue paradoxal entre, d'une part, des instances réglementaires qui disent : Oui, mais toutes les autres instances réglementaires dans le monde disent qu'il n'y a pas de problème et les évaluations qui ont été faites par le Centre international de recherche sur le cancer. Bien, ce qu'ils font, c'est... Bien, écoutez, ils sont un peu tout seuls dans leur coin, et alors que les études qui ont été faites depuis, pour tenter de comprendre pourquoi il y avait de tels écarts d'évaluation... Et ce sont des éléments importants.

Quand on vous parle de la recherche, ce n'est pas simplement de faire plus de recherche, c'est de voir quels sont les facteurs responsables de la situation actuelle. Or, dans ce cas-là, on a des évaluations qui sont des évaluations tronquées. Non seulement on n'évalue pas la littérature récente... C'est pour ça qu'on a des réévaluations périodiques. Alors, il faudrait que ce soit fait systématiquement. Ce n'est pas le cas.

D'autre part, ça s'appuie essentiellement sur la littérature de l'industrie, et la littérature de l'industrie, ce sont des documents non publiés, des gens qui vont profiter de la décision. Par conséquent, il y a là un problème assez sérieux.

Quand on regarde, par ailleurs, ces herbicides à base de glyphosate... et, en fait, c'est parce qu'elles servent d'exemple pour tout le reste. C'est à la fois un chélateur, d'où des problèmes d'épidémie d'insuffisance rénale dans un certain nombre de pays où ça a été retiré. Ça a été breveté comme... jusqu'en 1999, 2000, et c'est, entre autres, pour ça que l'introduction des OGM a permis de relancer cet herbicide. Il y a eu un brevet d'antibiotique en 1992. Ça a des effets sur le microbiote intestinal, et ça, c'est très important. Il y a...

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac, est-ce que vous pouvez... est-ce que vous en avez encore pour un petit bout? Ce serait le moment de la conclusion.

Mme Vandelac (Louise) : Oui. Je vais tenter de réduire, réduire, mais bon. Je pense qu'il y a actuellement un déplacement qui est en train de s'opérer, et on le voit à l'échelle du monde, vers le recours aux tribunaux. C'est 18 400 recours aux tribunaux, aux États-Unis actuellement, de gens qui souffrent d'un cancer non hodgkinien et qui recourent aux tribunaux pour faire des poursuites contre Bayer-Monsanto.

Ces recours aux tribunaux, on les voit en Europe, on les voit en France. Ce sont des recours maintenant contre les instances réglementaires elles-mêmes ou pour faire modifier des décisions. Ce sont des recours contre les pouvoirs publics. Bref, il y a une crise véritable, actuellement, de confiance dans les instances d'évaluation et dans le processus d'évaluation.

Il est vrai que, dans certains cas... On a vu, par exemple, en France et en Europe, les dernières évaluations qui ont été faites en 2017‑2018 qui étaient du copier-coller. Ça a été publié dans les journaux, des documents de l'industrie, ce qui était pour le moins gênant. Donc, on a une situation où on assiste à un déplacement. Dans ce contexte-là, je... J'en arriverai tout de suite à quelques-unes des conclusions.

Il nous semble important de revoir très sérieusement les dispositifs d'évaluation, de revoir très sérieusement les normes. Vous savez, au Québec, par exemple, nos normes sont 2 100 fois supérieures pour l'eau potable à ce qu'elles sont en Europe, où on a pu observer des effets très significatifs sur les foies et les reins d'animaux de laboratoire qui ont été objets d'évaluations pendant un an.

On constate également qu'il y a une nécessité pour le Québec de prendre pleinement ses responsabilités pour occuper pleinement son champ de compétence au croisement de ses missions de santé, d'environnement, d'agriculture et d'économie. De toute façon, nous en payons indirectement les coûts.

Il est extrêmement important aussi, pour des raisons économiques, sanitaires et environnementales, d'avoir les plus hauts standards d'exigence en matière d'évaluation des pesticides en reconnaissant formellement dans la loi et en s'assurant de toutes les étapes nécessaires de sa mise en oeuvre... du principe de précaution. Il faut mettre en oeuvre des moyens de recherche et de suivi nécessaires pour s'imposer comme leader d'une recherche interdisciplinaire, globale, concertée. Autrement dit, c'est extrêmement important de faire du travail terrain, comme on l'a vu avec les gens du CETAB un peu plus tôt. Mais il est extrêmement important de faire un travail d'analyse aussi de l'ensemble des problématiques.

Le Président (M. Lemay) : Alors, merci beaucoup, Mme Vandelac. Je vous interromps sur ce. Avant de poursuivre, je veux juste demander aux membres de la commission si c'est consentement pour poursuivre trois minutes au-delà de l'heure prévue. Oui? Parfait.

Et je vous invite aussi... Vous avez mentionné tout à l'heure que vous auriez possiblement de la documentation supplémentaire à soumettre. Donc, je vais vous inviter à le soumettre au secrétaire de la commission, qui le rendra disponible à l'ensemble des membres. Donc, poursuivons maintenant avec le député de Bourget.

M. Campeau : Merci pour votre présentation, on est content que vous ayez un acronyme, parce que le nom de votre collectif est assez long. Alors, c'est très utile.

Savez-vous... Juste un commentaire, là, mais ça m'apparaissait tantôt. J'ai eu l'occasion de mettre ce qu'on appelle le SIMDUT, le Système d'identification des matières dangereuses utilisées au travail, dans des usines. Dans le fond, les produits dont on parle, c'est ça, ces produits-là. J'imagine que je suis sur un tracteur dans un champ en train d'épandre ça, on fait quoi? Tu sais, j'imagine comment un agriculteur peut se sentir à ce moment-là et je ne m'étais jamais rendu compte de ça auparavant.

Mme Bacon, vous êtes sociologue. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce que le côté sociologique apporte de plus au CREPPA, s'il vous plaît?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Bacon.

Mme Bacon (Marie-Hélène) : On s'occupe, donc, on s'occupe de voir au niveau social, là, notre société, en termes de politiques publiques, en termes de bien commun de la population dans le contexte avec les pesticides, donc quelles sont les répercussions de notre système agroalimentaire au niveau des agriculteurs, au niveau de la pollution. En sociologie, on fait des liens entre toutes les dimensions, que ce soient les dimensions politiques, économiques, culturelles et même santé et environnement.

Donc, ça nous permet de faire des liens, finalement, d'avoir une optique qui est plus large que d'être dans un domaine précis et de pouvoir dégager les enjeux, des grands enjeux qui sont liés au système agroalimentaire et aux pesticides dans ce cas-ci.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : La plupart des groupes qui sont venus nous voir, peut-être même la totalité, nous ont parlé de réduire et non pas d'éliminer. Est-ce que vous embarquez dans le même constat ou vous allez plus loin? Quelle est votre réaction par rapport à ça? Il me semble que ça n'a pas été clairement dit.

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac.

• (11 h 50) •

Mme Vandelac (Louise) : Oui. Je pense qu'il serait particulièrement pertinent qu'on respecte les plus hauts standards internationaux et ce que ça veut dire. Notamment, c'est que, du côté de l'Europe, on commence à entrevoir une stratégie efficace de réduction et de limitation de toutes les substances dangereuses, c'est-à-dire cancérogènes, cancérogènes probables, reprotoxiques, mutagènes, neurotoxiques et autres perturbateurs endocriniens.

Donc, je pense que c'est très sérieux parce que c'est aussi une question de marché. Et c'est important d'avoir les meilleurs standards. Vous savez, il y a quelques années, dans tout le travail qui devait être fait sur le Saint-Laurent, on a fait le travail d'assainissement nécessaire, je dirais, du côté de certaines grandes entreprises, par exemple dans le secteur de pâtes et papiers. Ça a permis de faire en sorte qu'ils soient beaucoup plus compétitifs et aussi que la charge toxique soit beaucoup moins grande. Dans le secteur de l'agriculture, malheureusement, ce travail n'a pas été fait, et on en subit les contrecoups maintenant, et donc il faudrait mettre les bouchées doubles de ce côté-là.

Ceci dit, je suis contente que vous ayez ouvert par une question sur la santé, parce que les premiers concernés, ce sont les gens des milieux ruraux, alors, évidemment, les agriculteurs, même leur famille proche et les gens de la région. Or, en France, on reconnaît, par exemple, la maladie de Parkinson, on reconnaît les hémopathies malignes, hein, c'est-à-dire notamment les cancers non hodgkiniens, comme maladies professionnelles, et je pense que le travail doit être fait au Québec rapidement en relation avec ce qui se fait en France. Je pense que c'est nécessaire pour les agriculteurs. Et, vous savez, une des choses qui, pour nous, est très claire, très évidente, il faut que les agriculteurs soient soutenus et soutenus économiquement beaucoup plus.

On a pu constater, à partir des données de l'OCDE, que l'écart se creuse, hein? C'est 0,4 % pour les agriculteurs du Canada, les producteurs agricoles du Canada, comparativement à 0,7 % pour les autres agriculteurs de l'OCDE, et les aides publiques ont été réduites d'au moins la moitié. Ce sont des données de l'OCDE de l'automne dernier. Je pense que, souvent, les agriculteurs sont très pressurisés et qu'il faut absolument qu'il y ait une stratégie mise en place de transition, mais qui les supporte. Alors, les supporter, c'est à la fois dans le conseil indépendant, dans l'éducation, on en a parlé un peu plus tôt, dans le travail de formation, de suivi, etc., mais ça veut dire aussi d'avoir des politiques cohérentes.

Par exemple, il est significatif qu'on investisse...

Le Président (M. Lemay) : Permettez-moi simplement de vous interrompre un instant. Je vais céder la parole à un autre collègue qui a une autre question. Donc, le député de Maskinongé, allez-y avec une nouvelle question.

M. Allaire : Merci, M. le Président. En fait, je remercie mon collègue d'avoir abordé le sujet de la sociologie, parce que je voyais là, un peu dans ce sens-là, moi aussi... J'essaie toujours de me placer à la place de ma gang sur mon territoire, de mes agriculteurs, et j'en ai combien, sur mon territoire, M. le Président, des agriculteurs, combien de fermes?

Le Président (M. Lemay) : Au moins deux, trois qui écoutent.

M. Allaire : Au moins deux, trois qui écoutent, mais 450 fermes. Quand même, ce n'est pas rien. Donc, c'est significatif, puis, tu sais, on peut étendre, naturellement, à la grandeur du Québec. On le voit, là, les études le démontrent clairement que, de plus en plus, là, il y a un lien avec l'exposition quotidienne de nos agriculteurs, là, aux pesticides, entre autres, vous l'avez nommé tantôt, là, au niveau du parkinson.

À partir de ce moment-là, est-ce qu'il y a un déni volontaire de nos agriculteurs? Puis je m'explique. En fait, c'est comme si... Tout le monde le sait, de plus en plus, même, je dirais. Il y a une certaine conscience qui est là, qui est de plus en plus évidente. Je me répète un peu, mais je veux insister là-dessus, mais est-ce que ça se peut que, justement, volontairement, on choisit de privilégier la rentabilité pour justement avoir une certaine... un portefeuille qui va être plus garni à la fin de l'année puis de faire un déni volontaire, justement, qui dit : Bien, regarde, je privilégie la rentabilité au détriment de notre santé?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Vandelac.

Mme Vandelac (Louise) : Écoutez, on pourrait le demander, en tant que bonne sociologue, aux gens de chez vous et on pourrait faire le travail d'enquête. Ceci dit, je pense qu'il est évident que, quand on investit 180 millions pour l'exportation mais 7 millions pour le biologique, alors on est loin du compte, on est loin d'une stratégie de transition au Québec, et ça veut dire qu'il faut que les signaux soient très clairs pour les agriculteurs et il faut qu'ils soient véritablement soutenus. Je pense que, très souvent, ils se retrouvent, bon, de un, conseillés par des gens qui sont à la fois agronomes et, dans un certain nombre de cas, vendeurs de pesticides, une situation, je pense, qui devrait arriver à sa fin, c'est à espérer. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'un ensemble de services, d'un ensemble de supports et qu'ils se sentent vraiment pris en compte à tous les niveaux. Et je pense que la reconnaissance des problèmes de santé professionnels, c'est une partie de la réponse, ce n'est pas du tout toute la réponse, et il faut développer d'autres stratégies d'accompagnement. Ça, ça m'apparaît assez évident.

Mais je dirais que le déni et l'aveuglement volontaire, il m'apparaît plutôt du côté des instances publiques qui ont toutes les données pour pouvoir intervenir. Et je comprends mal, par exemple, que le gouvernement fédéral ait reconduit pour 15 ans les herbicides à base de glyphosate, alors que l'Europe l'a fait pour cinq ans, et encore dans la controverse la plus totale, et que bon nombre de pays abandonnent. Je ne dirai pas qu'il faut abandonner comme ça, les choses ne sont pas aussi simples, mais il faut avoir un plan très clair, très organisé, très précis pour pouvoir y arriver dans un horizon réaliste de cinq ans. Je pense que ce serait bien.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Vandelac. M. le député de Maskinongé.

M. Allaire : Oui. En fait... Puis ça m'amène une autre question qui est encore peut-être un phénomène de société, mais je fais juste regarder mon voisin, par exemple. Son gazon, il est vert. Il m'énerve, même, tellement que son gazon, il est vert. Là, n'allez pas voir sur Google où est-ce que je reste, s'il vous plaît. En fait, est-ce qu'on pourrait, à partir de ce moment-là, faire face aussi à un peu plus de contrebande? Parce que je sais très bien, en fait, qu'il va chercher ses produits aux États-Unis, qu'il les amène ici, au Québec, de façon illégale. Est-ce qu'on pourrait faire face à ce phénomène de société là où nos agriculteurs, par souci, encore une fois, de rentabilité, vont aller aux États-Unis puis vont ramener des produits qui sont permis là-bas mais qui ne seront pas permis ici?

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac.

Mme Vandelac (Louise) : Ils peuvent le faire depuis un certain temps déjà. Il y en a qui le font, d'ailleurs. Je ne pense pas que ce soit le problème le plus préoccupant. Mais ce que vous soulevez indique qu'il faut un véritable travail de prévention et de précaution. Il est tout à fait anormal que, pour, je dirais, une conception des choses selon lesquelles, par exemple, il faut que le gazon soit plus vert que vert et plus vert que son voisin surtout, est-ce que... Dans le contexte actuel, si on voit l'ensemble des effets pervers, on va peut-être se questionner, hein? On commence à faire ces remises en question par rapport à tous les éléments du quotidien, hein? On voit, par exemple, qu'avec les plastiques, c'est tout... puis bon nombre de produits chimiques, hein, les PPDE, par exemple, qu'on a dans nos ordinateurs, dans les fauteuils ici, bien, ce sont des perturbateurs endocriniens, et on a une crise, par exemple, de la fertilité masculine importante dans le monde, hein, de 1 % à 3 % de moins par année là où on a les données statistiques les plus solides et les plus fiables. Et ces données-là sont là depuis une vingtaine d'années.

Donc, il y a des effets, hein? On ne peut pas croire que nous, on est dans une bulle de verre et qu'on ne sera pas touchés. Et, si on commence à le penser pour les pesticides, si on commence à le penser pour le plastique, si on commence à le penser... Je pense qu'il y a une évolution qui est en train de se faire et il y a des jeunes dans la rue qui vont accélérer cette transition. On les voit maintenant à l'ONU, on les voit partout, et il m'apparaît important qu'elle se fasse le plus harmonieusement possible, c'est-à-dire en intervenant sur les facteurs à l'origine des choses et non pas en culpabilisant les agriculteurs.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Vandelac. Le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Écoutez, merci. Merci, M. le Président. C'est très intéressant. On soulève plusieurs questions sociales, philosophiques. On parle beaucoup de l'agriculture, de l'agriculture mondiale, on sait aussi que le monde agricole sont ceux qui cultivent la terre, la bonne terre mère qu'on dit, hein? Donc, c'est important d'en prendre soin. Et on sait aussi que la possibilité de terres agricoles potentielles est très faible. On n'a qu'à regarder au Québec, même pas 2 % pour nourrir quand même une grande population, alors d'autant plus que l'enjeu est important. Et vous savez que... Je vous entendais parler beaucoup que... dans votre mémoire, que le Québec a de la difficulté ou a du mal à résister au fédéral sur la question des pesticides. Puis je reviens souvent avec ça, puis c'est ressorti beaucoup, ça, à plusieurs endroits, et on a vu la Fondation David-Suzuki, Équiterre qui l'ont soulevé. Est-ce que vous pensez que l'ARLA ou Santé Canada ont des failles dans leur système d'homologation? Et vous avez dit que 15 ans, c'est très long.

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Vandelac, en vous rappelant que vous avez environ 30 secondes pour cette réponse.

• (12 heures) •

Mme Vandelac (Louise) : Alors, je mettrai au moins le document que nous avions déposé pour montrer qu'ils ne respectent pas ce qu'ils prétendent faire, c'est-à-dire «science-based», donc la littérature indépendante. Il y a des failles énormes, et je pense que ça risque d'être pire encore parce qu'ils sont en train de modifier leur perspective actuellement et je pense qu'il faudra être très attentif.

Je souhaite vivement que le Québec assume ses responsabilités pleinement dans ce secteur-là, qu'on suive très attentivement ce que fait le gouvernement fédéral, qu'on puisse intervenir sur un certain nombre de dossiers, ne serait-ce que, par exemple, sur l'étiquetage. Vous savez, un des herbicides à base de glyphosate qui est...

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Vandelac. Je dois vous interrompre. Désolé. Mais je cède la parole à la députée de Maurice-Richard, qui va poursuivre avec ses échanges.

Mme Montpetit : Je vous remercie. On est toujours... Il manque... On manque toujours de temps dans ces échanges passionnants. Bonjour, mesdames. Merci d'être avec nous. Je vais enchaîner directement sur certains éléments que vous avez mentionnés. Il y a des réglementations qui ont été mises en place dans la dernière année sur tout ce qui est... dans les deux dernières années sur tout ce qui est pesticide à haut risque, donc les néonics, entre autres, l'atrazine aussi.

Moi, je voudrais vous entendre plus spécifiquement sur le glyphosate. Justement, vous l'avez mentionné, vous avez parlé de l'ARLA, vous avez parlé de l'Europe, qui l'a renouvelé aussi pour cinq ans. Qu'est-ce que la science... L'Europe, cinq ans. Qu'est-ce que la science nous dit exactement là-dessus? Et, vous, comme chercheure dans ce domaine-là, est-ce que vous... à la lumière de la littérature scientifique, est-ce que vous jugez que le glyphosate devrait être encadré et réglementé comme on l'a fait avec les néonics?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Vandelac.

Mme Vandelac (Louise) : Oui, mais je dirais que c'est non seulement le glyphosate, mais les herbicides à base de glyphosate, hein? Il faut vraiment faire la distinction, parce qu'il faut analyser l'ensemble des coformulants. Il faut savoir que le glyphosate est... c'est-à-dire les herbicides à base de glyphosate ont à la fois des effets de chélateur, à la fois des effets de perturbateur endocrinien, ce qui est un élément très, très important par rapport à l'explosion de maladies chroniques dans nos sociétés. C'est à la fois un produit qui contient un certain nombre de métaux lourds...

Par exemple, le WeatherMAX — je poursuis sur ce que je venais d'amorcer — qui est très largement utilisé, bon, on y retrouve des quantités très, très importantes d'arsenic — je pense qu'il n'est pas tout à fait normal qu'on retrouve de l'arsenic dans les pesticides — et il y a bon nombre d'autres métaux lourds. On a les illustrations, on a les articles scientifiques qui portent là-dessus.

Je pense qu'au plan de la santé l'ensemble des études récentes, au plan scientifique, mettent en évidence qu'il y a des risques de cancer, je dirais. Et ce n'est pas nous qui le disons, c'est l'INSERM depuis 2013, hein? Donc, il y a un certain nombre d'hémopathies malignes, dont le cancer non hodgkinien. Je veux dire, qu'il y ait 18 400 personnes aux États-Unis, qu'il y en ait à peu près 150 au Canada, c'est un peu anormal que les gens se retournent, d'abord et avant tout, devant les... face aux tribunaux, pardon, plutôt que d'être protégés par les instances censées protéger la santé.

Il y a des effets, je dirais, associés à ces types de pesticides. Le problème auquel on est confrontés, c'est le suivant, c'est qu'il faut pouvoir disposer d'analyses solides, sérieuses, et ces analyses qui sont prises en compte par les instances réglementaires, ce sont souvent des analyses dites OCDE, c'est-à-dire qui coûtent au moins 3 millions de dollars. Donc, ce sont les firmes qui se les paient. Et il y a peu d'études indépendantes qui peuvent satisfaire à ces critères-là, alors qu'en fait, quand on regarde les critères, il faut que ce soient des études, par exemple, qui soient faites sur la vie entière des animaux de laboratoire, sinon on ne voit rien, on ne voit pas les effets à long terme, comme certains effets cancérigènes.

Donc, je vous dirais, pour répondre rapidement à votre question, oui, il y a un certain nombre d'évidences. Est-ce qu'il faut poursuivre la recherche? Oui, sauf que le principe de précaution nous dit que, quand il y a des substances déclarées par des instances indépendantes, comme le Centre international de recherche sur le cancer, qui a fait l'objet littéralement de campagnes, je dirais, de presse assez agressives de la part de l'industrie... Et c'est un euphémisme de dire ça comme ça, hein? Ça a été des campagnes de dénigrement. Ils ont investi 16 millions là-dedans. Et, encore cette semaine, on voyait qu'il y avait un autre 16 millions qui avait été investi dans des campagnes de communication...

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac...

Mme Vandelac (Louise) : ...en Europe.

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous avons une nouvelle question. Donc, Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Montpetit : Moi, je sais que ce n'est pas un exercice facile. Je vais vous demander de faire des réponses courtes parce que j'ai encore plusieurs questions. Est-ce que, justement, à la lumière de ce que vous me dites, est-ce que le Québec gagnerait — ça a été souligné par un groupe qui était présent, entre autres — à faire une recherche spécifique sur les impacts des pesticides au Québec, chez les agriculteurs, nommément, chez la population plus largement? Mais est-ce que ça devrait être fait?

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac.

Mme Vandelac (Louise) : Oui. Mais je pense aussi que le Québec dispose de tous les moyens pour devenir un centre d'excellence sur ces questions-là et devrait profiter de l'occasion pour avoir une approche globale, concertée, interdisciplinaire, intersectorielle sur un sujet aussi important, c'est fondamental, et de le faire avec une capacité de prospective également. Autrement dit, oui, voir les effets concrets, mais voir aussi quels sont les facteurs à l'origine de tout cela, et où ça peut nous mener, et quels sont les moyens pour pouvoir amorcer une transition.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Est-ce qu'au niveau de la recherche, je vous pose la question à vous, mais plus largement les chercheurs du Québec, est-ce que vous avez suffisamment accès, justement, à l'ensemble de données ou vous souhaiteriez avoir accès à davantage de données, c'est-à-dire le type de pesticide utilisé, la quantité, à quel endroit? Est-ce qu'il y a... Il y a certainement un intérêt, je présume, pour pouvoir poursuivre des recherches, d'avoir une plus grande transparence au niveau de l'utilisation des pesticides.

Le Président (M. Lemay) : Est-ce que, Mme Vandelac ou Mme Bacon... Je ne sais pas.

Mme Montpetit : Je vous vois hocher beaucoup de la tête, toutes les deux.

Mme Bacon (Marie-Hélène) : Oui, tout à fait. Bien, écoutez, c'est absolument fondamental. Je pense que, si on veut aller de l'avant, tant en termes de santé, de protection de l'environnement, protection de la population, fondamentalement, il nous faut avoir un accès, une banque de données publique facilement accessible avec... comme celle qu'on retrouve en Californie, par exemple, où on a absolument tous les pesticides avec les... les pesticides, quand, comment, où, à quel moment ils ont... quels usages, et qu'il est possible de consulter publiquement. Donc, pour la recherche, c'est précieux et c'est fondamental, si on veut avoir des études épidémiologiques, notamment.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Est-ce qu'il y a d'autres sociétés qui l'ont fait à part la Californie?

Mme Vandelac (Louise) : Oui, oui, oui.

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac.

Mme Vandelac (Louise) : Bien oui. En France, on a des données puis on a des cartes géographiques, et tout ça est compilé maintenant, y compris par effet des substances. Et on vient de voir une autre carte qui est sortie la semaine dernière de la part de l'Anses, donc il y a vraiment un travail sérieux qui se fait.

Ici, écoutez, je pense que je vous ferais pleurer si je vous disais comment les données sont compilées. On change d'année de référence deux, trois fois sur 20 ans, on a des données de zéro à 10 000, de 10 000 à 100 000, de 100 000 à un million et un million et plus. Essayez d'y comprendre quelque chose, hein? On additionne tout ça, et donc ça peut nous donner du simple au double en termes de quantité globale. Et, encore là, on ne calcule pas les ventes totales, on ne calcule que le principe actif. Donc, oui, pour l'instant, il y a un travail colossal à faire de ce côté-là.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Donc, je comprends que, si on veut répondre au premier item de notre mandat qu'on s'est donné, c'est-à-dire d'évaluer l'impact des pesticides sur la santé, vous nous recommandez fortement non seulement une plus grande transparence au niveau des données... pas juste une transparence, une transparence complète des données pour pouvoir faire des études épidémiologiques et que ces études soient également soutenues. C'est ce que je comprends.

Mme Vandelac (Louise) : Oui.

Mme Montpetit : M. le Président, il ne doit pas me rester beaucoup de temps, hein?

Le Président (M. Lemay) : Trois minutes.

Mme Montpetit : Trois minutes, c'est parfait. Alors, j'aurais une question. Mme Vandelac, je sais que vous avez fait beaucoup de recherche, entre autres sur toute la santé reproductive puis sur les perturbateurs endocriniens aussi. Je sais que c'est très, très court comme temps puis je vous laisserais le reste du temps qu'il nous reste pour vraiment nous tracer un portrait au niveau de la santé, qu'est-ce que ça a comme impact, qu'est-ce que la littérature nous dit exactement sur l'impact des pesticides sur la santé, précisément sur ces deux aspects-là.

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Vandelac.

• (12 h 10) •

Mme Vandelac (Louise) : Oui. Alors, du côté des herbicides à base de glyphosate, si on reprend cet aspect-là, on a des effets de perturbation endocrinienne quand on analyse l'entièreté du pesticide. C'est des études qui ont été faites notamment sur des cellules humaines de petits garçons décédés et qui permettent de voir que ces impacts sont souvent plus significatifs pour les produits qu'on pense inoffensifs, hein?

Par exemple, je me souviens, j'étais au laboratoire dans une équipe de recherche à ce moment-là, c'était le petit jardin qui était trois fois plus nocif que les grandes cultures. C'est intéressant de voir que, dans les procès aux États-Unis, c'est, d'une part, quelqu'un qui utilisait quotidiennement des herbicides à base de glyphosate dans le cadre de son travail pour arroser les cours d'école, alors on se demande ce qui se passe pour les enfants, et, d'autre part, c'étaient des jardiniers amateurs qui, au bout de 30, 40 ans, on des problèmes. Donc, il faut voir la question globalement.

Est-ce que ça a des effets sur les reins, sur le foie? Oui, au niveau animal. On voit que ces effets-là sont des effets qui peuvent être troublants dans la mesure où nos normes sont jusqu'à 2 100 fois supérieures. C'est important aussi de respecter ce que le CIRC, Centre international de recherche sur le cancer, demande de plus en plus, c'est de faire en sorte que ce soient des études qui soient faites sur le terrain et qui tiennent compte des conditions réelles.

On a vu, par exemple, une étude récente mettre en évidence que ceux qui étaient exposés directement avaient 41 % plus de chances d'avoir un diagnostic ou, en tout cas, des effets cancérigènes, ce qui serait plus juste. Donc, on voit que...

Et je pourrais aligner toute une série d'études qui mettent en évidence que, pour bon nombre d'effets... Je pense au microbiote, par exemple. On a été très étonnés... Écoutez, on a répertorié près de 200 études sur le microbiote intestinal, et ça, ça nous fait dire que, bien, il faudrait peut-être regarder beaucoup plus attentivement qu'on l'a fait jusqu'à présent la question des résidus. Les résidus, il y a... Le gouvernement fédéral a été amené...

Le Président (M. Lemay) : ...devoir vous interrompre, puisque le temps est écoulé.

Mme Vandelac (Louise) : Je m'excuse.

Le Président (M. Lemay) : Je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. Merci, mesdames, d'être là. Vous venez de dire, dans un échange précédent, que le Québec a tous les moyens pour une approche globale, intersectorielle, multidisciplinaire. Moi, j'aimerais ça, vous entendre sur ces moyens-là. Puis j'aimerais ça aussi, vous entendre sur le dialogue que devraient avoir les différents ministères qui sont concernés par la problématique, la Santé, l'Économie, l'Agriculture, l'Environnement, et où est votre place à vous là-dedans. Est-ce que... Là, je suis contente, on vous entend en commission. Mais est-ce que c'est monnaie courante que vous interagissiez avec les autres instances gouvernementales sur ces sujets-là?

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac.

Mme Vandelac (Louise) : Plusieurs questions. D'une part, est-ce qu'il est fréquent qu'on interagisse? Je vous dirais que j'ai été assez étonnée, il y a trois ans, de constater que, dans la stratégie québécoise, on ne parlait pas du tout du glyphosate et qu'aucun groupe n'en parlait non plus. On était les seuls à souligner que c'était plus de la moitié des pesticides, et qu'il fallait vraiment s'en occuper, et qu'il y avait un ensemble d'impacts.

Le problème, je dirais, c'est aussi notre frilosité collective parfois, hein, y compris au niveau des instances. Et il serait absolument essentiel qu'il y ait, d'une part, création de centres de recherche et d'équipes intersectorielles larges qui permettent d'inclure à la fois des universitaires, à la fois des chercheurs étrangers, etc.

Mais je dirais qu'une des choses qui pourraient être faites actuellement, c'est d'avoir un BAPE générique sur les pesticides. Je pense que ce serait très bienvenu. Ça permettrait de faire un véritable travail d'enquête, parce qu'il y a un mandat d'enquête du côté du BAPE, il y a des moyens. Je pense à la commission sur l'uranium qui a eu un budget de 2 millions, qui a eu un an de travail. Donc, il y a une possibilité de faire un travail beaucoup plus conséquent, beaucoup plus cohérent et de voir l'ensemble de la problématique. Ce serait sans doute une très bonne chose. Chose certaine, c'est que nous avons la possibilité parce que nous sommes, je dirais, davantage sensibles du côté de ce qui se passe en Europe, nous sommes sensibles à la réalité nord-américaine. Nous avons une population qui, actuellement, est en transition, littéralement. Et je pense que l'acceptabilité sociale pour les pesticides, elle est de plus en plus réduite, avec un certain malaise, parce que les gens veulent faire attention à leurs agriculteurs en même temps. Donc, il y a... On ne veut pas de pesticides, mais on veut faire en sorte que la transition se fasse...

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Vandelac. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure pour sa période d'échange.

M. Roy : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Je vais être rapide. Trois questions. Première question. Tout à l'heure, vous avez dit que l'ARLA allait modifier, bon, sa perspective, et, bon, je n'ai pas trop compris dans quel sens. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Deuxième question. Vous avez parlé d'une judiciarisation des processus de recours devant les tribunaux. Est-ce qu'un recours contre l'ARLA serait quelque chose qui pourrait exister? Je pose des questions. On est tout seuls ici, là.

Et, troisième question, les glyphosates seraient un antibiotique. Est-ce que cela peut avoir un effet sur l'efficacité des antibiotiques sur l'être humain en cas de problèmes de santé?

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac, en vous rappelant que nous sommes entre nous, ainsi que tous les autres citoyens du Québec.

Mme Vandelac (Louise) : Tout à fait. Écoutez, loin de moi l'idée de lancer des actions en justice ici, mais je dirais que, d'une part, du côté de l'ARLA, il y a actuellement quelques présupposés, le premier étant qu'il y a trop de travail, que c'est trop lourd, qu'il faudrait que l'industrie paie pour ce travail et que ça donnerait un temps précis. Il y a eu une consultation au printemps dernier — j'avais l'impression qu'ils vous en parleraient puisqu'ils sont venus ici — il y avait une consultation en cours qui permettrait d'assurer qu'il y ait un montant qui soit donné par l'industrie. Les gens de l'ARLA font le travail dans un délai prescrit. À mon avis, c'est très, très problématique, et il faudrait que ce soit étudié en profondeur, d'une part, parce que ça veut dire se priver de la recherche indépendante puisque les délais seraient trop courts. C'est un premier problème de taille. D'autre part, que l'industrie paie pour les pesticides qu'elle va utiliser, oui, mais dans la mesure où il y a un vrai travail d'évaluation indépendante et où on tient compte de la recherche indépendante. C'est, à mon avis, tout à fait essentiel.

En ce qui concerne le caractère antibiotique, oui, le dossier du microbiote intestinal est étroitement lié à ce caractère antibiotique des herbicides à base de glyphosate, et, s'il y a autant de littérature depuis deux ou trois ans sur ces questions-là, c'est bien parce que c'est très préoccupant. Alors, il y a eu des... je dirais, on ne peut pas parler de liens ici encore, mais il y a des pistes de recherche, disons ça comme ça, du côté des effets neurotoxiques, par exemple...

Le Président (M. Lemay) : Mme Vandelac, je vous interromps à nouveau. Mme Bacon, Mme Vandelac, merci. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 15 h 47)

Le Président (M. Lemay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Cet après-midi, nous allons entendre l'Institut national de santé publique du Québec, l'Institut Jean-Garon ainsi que l'Association des producteurs maraîchers du Québec.

Avant de poursuivre, j'aimerais savoir s'il y a consentement pour que nous puissions poursuivre nos travaux jusqu'à 18 heures maximum. Consentement?

Des voix : ...

Le Président (M. Lemay) : Consentement? Merci. Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Institut national de santé publique du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

Mme Damestoy (Nicole) : M. le Président, membres de la commission, je suis Nicole Damestoy, présidente-directrice générale de l'Institut national de santé publique du Québec, et, cet après-midi, je suis accompagnée par M. Onil Samuel, conseiller scientifique au sein de notre Direction de santé environnementale et de toxicologie, de même que par Dr Stéphane Caron, médecin en santé au travail. Alors, tous deux sont ici pour répondre à vos questions tout à l'heure.

Nous vous remercions de l'invitation à participer à vos travaux et nous saluons l'intention de la commission de dresser un portrait à jour des impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement ainsi que des pratiques de remplacement innovantes.

L'INSPQ est un centre d'expertise et de référence en santé publique au Québec. Notre mandat est de produire et de transférer les connaissances scientifiques les plus à jour pour soutenir les décideurs et les autorités de santé publique lors de l'élaboration de stratégies qui peuvent avoir un impact sur la santé de la population.

L'institut est impliqué depuis longtemps dans le domaine des risques sanitaires associés aux pesticides, tant pour la population générale que pour les travailleurs agricoles. Nos experts ont été impliqués dans les travaux d'élaboration et de suivi de la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture. Nous avons aussi participé aux différentes consultations menées par le gouvernement lors de la rédaction du Code de gestion des pesticides ou, plus récemment, de la nouvelle Politique bioalimentaire québécoise.

Notre mémoire apporte une perspective de santé publique aux enjeux soumis en délibération. L'approche de santé publique propose une analyse structurée de l'ampleur d'un phénomène, de ses impacts et des pistes de solution pour amoindrir le risque sur la santé de la population, des travailleurs ou de certains groupes plus vulnérables. Si on prend cette perspective populationnelle, il reste des pas très significatifs à franchir dans le domaine de l'exposition aux pesticides en dépit des efforts et des innovations prometteuses qui ont été décrites récemment dans les médias.

D'abord, abordons l'état des connaissances sur les effets sur la santé de l'exposition aux pesticides. Il existe peu de données épidémiologiques québécoises pour documenter les effets de l'exposition aux pesticides sur la santé dans la population ou chez les travailleurs agricoles. Cependant, ces risques ont été documentés ailleurs dans le monde, et ces constats peuvent être transposables au contexte québécois, dans la mesure où ce sont habituellement les mêmes pesticides qui sont utilisés ici.

• (15 h 50) •

Les pesticides sont associés à différents degrés à des effets sanitaires à court et à long terme. Les effets sanitaires à court terme ou immédiats d'une exposition aux pesticides sont relativement bien connus. Il en est tout autrement des effets de l'exposition répétée, peu importe la dose, sur une longue période de temps. Les pathologies les plus étudiées regroupent les cancers, les maladies et les troubles neurologiques ainsi que les atteintes liées à la reproduction ou au développement. Ainsi, principalement chez les utilisateurs professionnels, les cancers du sang et des ganglions tels que lymphome non hodgkinien, le myélome multiple ou la leucémie, de même que le cancer de la prostate ou certaines tumeurs cérébrales sont les néoplasies pour lesquelles le poids de la preuve ou la présomption d'un lien sont les plus forts. Aussi, sur le plan des effets neurologiques à long terme, une forte présomption a été observée pour la maladie de Parkinson, qui, comme le lymphome non hodgkinien d'ailleurs, a été reconnue comme une maladie professionnelle liée à l'exposition aux pesticides en France. Notre mémoire présente une analyse détaillée des dernières données disponibles dans ce domaine.

Par ailleurs, de nombreuses incertitudes persistent. Ainsi, il faudrait en savoir davantage sur les effets endocriniens ou neurodéveloppementaux qui pourraient survenir suite à l'exposition prolongée à de faibles doses d'une même substance, des doses bien inférieures à celles utilisées lors des études expérimentales citées dans les processus d'homologation. Aussi, l'effet additif de l'exposition à un mélange de différents pesticides, tous à des doses largement inférieures au seuil de toxicité, est peu documenté à ce jour.

Devant l'étendue du mandat de cette commission, nous avons choisi de regrouper nos recommandations autour de trois grands blocs : le premier est celui qui concerne le fait de baser les décisions sur des données fiables indépendantes et de soutenir la recherche; le deuxième, qui consiste à séparer le conseil phytosanitaire des intérêts commerciaux et d'encourager plus activement encore les pratiques de remplacement; et le troisième, qui vise la prévention et la prise en charge des risques d'exposition professionnelle aux pesticides.

Commençons par le premier bloc, celui qui aborde la notion de baser les décisions sur des informations fiables indépendantes et de favoriser la recherche. Afin de réduire les risques sanitaires des pesticides pour la population et pour les travailleurs, il faut d'abord mieux documenter l'exposition. Quand on parle de la population générale en particulier, nous avons fait état plus tôt des incertitudes sur les effets à la santé, mais l'information est aussi déficiente au niveau de l'exposition aux pesticides. La principale source d'exposition de la population générale est par l'alimentation. Les programmes de surveillance des résidus de pesticides des aliments et de l'eau devraient être bonifiés. Les données ainsi produites devraient être divulguées et facilement accessibles aux chercheurs et aux autorités sanitaires. Elles permettraient une surveillance active et continue de l'exposition de la population aux résidus de pesticides et permettraient de répondre à des questions telles que : À quoi la population est-elle exposée au juste? À quelle dose? À quelle combinaison de produits? Comment cela évolue-t-il dans le temps ou selon les régions? Aussi, les données complètes de vente des pesticides devraient être rendues disponibles par le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques afin d'optimiser nos indicateurs de risque.

Dans un autre ordre d'idées, mais toujours dans le domaine des données, si on regarde le processus d'homologation des produits, il existe certaines lacunes au niveau de l'information utilisée pour étayer les décisions. Ainsi, puisque Santé Canada consulte actuellement sur le processus d'homologation, nous croyons nécessaire d'insister afin que l'ensemble des données probantes disponibles soient prises en compte. Ceci inclut spécifiquement les données issues de la recherche indépendante de l'industrie. De plus, toujours dans le cas des exigences de l'homologation, il y aurait lieu d'inclure les effets chroniques de l'exposition à la formulation commerciale, pas seulement l'ingrédient actif.

Finalement, dans ce premier bloc, quand on parle de recherches, puisque la réalité de l'utilisation des pesticides sur le terrain varie des conditions de laboratoire, il faudrait supporter la réalisation d'études chez les travailleurs agricoles pour connaître les risques sanitaires associés à leur pratique professionnelle.

Deuxième bloc, celui qui aborde la notion de séparer le conseil phytosanitaire des intérêts commerciaux et d'encourager plus activement encore les pratiques de remplacement. La Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture énonce la base d'une intervention intégrée qui vise à réduire l'exposition de la population et des travailleurs aux pesticides. C'est un cadre solide auquel il faudra apporter des ajustements pour s'assurer d'atteindre les objectifs initiaux. La réduction des risques sanitaires associés aux pesticides nécessite une action concertée entre les différents partenaires, que ce soient les ministères, les producteurs et leurs représentants, l'industrie agrochimique, les établissements d'enseignement. Cependant, l'influence de l'industrie doit être recadrée. Il est démontré que la mise en place de services-conseils indépendants est souvent associée à une réduction de l'utilisation des produits.

Or, au Québec, l'offre actuelle de service-conseil est principalement associée à la vente de pesticides. Il en résulte une situation d'apparence de conflit d'intérêts ou d'absence de neutralité qui est accentuée par certaines pratiques promotionnelles et publicitaires qui encouragent l'achat et l'utilisation de pesticides. Cette situation a aussi pour effet de nuire considérablement aux efforts visant à promouvoir l'utilisation des outils développés au Québec pour faciliter la substitution des pesticides plus toxiques vers des alternatives moins nocives.

Il est possible d'assurer la mise en place de services-conseils en phytoprotection plus neutres à l'instar de ce qui prévaut dans d'autres pays ou pour d'autres produits potentiellement dangereux. D'autres pays ont aussi encadré davantage les pratiques promotionnelles et publicitaires de l'industrie des pesticides.

Si le besoin de réduire l'utilisation des pesticides semble faire consensus, l'atteinte de cet objectif passera par un plus grand soutien à la recherche et à l'évaluation de technologies innovantes permettant d'éliminer, de réduire ou de substituer les produits moins toxiques. La gestion intégrée des ennemis des cultures et l'agriculture biologique doivent prendre plus de place dans l'éventail des méthodes utilisées.

Finalement, en ce qui concerne la prévention et la prise en charge des risques d'exposition professionnelle aux pesticides, les travailleurs agricoles doivent faire l'objet d'une attention particulière en matière de prévention des risques d'exposition aux pesticides parce qu'ils manipulent les produits, en font l'application et circulent dans les champs. De plus, parce que la ferme est aussi un milieu de vie, une meilleure gestion des risques est susceptible de limiter l'exposition des familles, des voisins et des populations limitrophes.

La priorisation du secteur agricole par la CNESST aurait certainement des impacts positifs sur la prise en charge de la prévention, sur le développement de la recherche, sur la formation ainsi que sur la reconnaissance des maladies professionnelles en lien avec l'exposition aux pesticides. Afin de favoriser cette prise en charge, il faudrait aussi revoir la définition d'«établissement» et de «travailleur» au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et rendre accessible à ce secteur d'activité l'ensemble des mécanismes de prévention prévus dans cette même loi.

Alors, en espérant que ces propositions, appuyées sur notre expertise ainsi que les connaissances scientifiques les plus récentes, vous soient utiles et éclairent votre décision, il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Damestoy. C'est bien prononcé?

Mme Damestoy (Nicole) : C'est ça.

Le Président (M. Lemay) : Excellent. Donc, je cède maintenant la parole au député de Bourget pour la période d'échange avec la partie du gouvernement.

M. Campeau : Merci, M. le Président. Je suis vraiment content que vous ayez eu l'occasion de donner le nom de madame. Comme ça, ça m'évite de me tromper. C'est bon, ça. Vous parlez de l'effet chronique, et je comprends très bien ce que c'est que l'effet chronique, dans le sens que, quand on regarde le long terme, c'est beaucoup plus dur à évaluer que quand on regarde le court terme. Si on se met le nez dans notre chaudière de chlore avant de le mettre dans la piscine, on le sait qu'on étouffe. Si on a un tout petit peu de chlore dans l'air, on ne s'en rend pas compte, on a peut-être un effet à long terme puis on ne le sait pas.

Mon exemple n'est peut-être pas très bon, mais ça donne une idée. Mais, quand vient le temps de mélanger plusieurs produits dans l'air avec un effet chronique, est-ce qu'il y a des études en cours là-dedans? Est-ce que c'est possible de trouver ça? Ça me semble extrêmement compliqué.

Le Président (M. Lemay) : ...la parole à un de vos collègues, il n'y a aucun problème. M. Samuel, allez-y.

M. Samuel (Onil) : O.K. Lorsqu'on parle de l'évaluation de la toxicité des mélanges, il faut être très conscient que la toxicologie moderne est encore très mal outillée pour réaliser ce type d'exercice là. Si on prend, par exemple, l'exposition de faibles doses de produits mélangés via les aliments, on est capables de le faire jusqu'à un certain point en considérant des molécules ayant des mêmes modes d'action. D'ailleurs, l'EFSA, en France, vient de déposer un rapport pour lequel elle a, avec une méthodologie d'analyse de risque, réussi quand même à évaluer les risques, théoriquement, des risques à un mélange de certains produits ayant des mêmes modes d'action.

Or, quand on parle des produits qui n'ont pas des mêmes modes d'action, c'est pratiquement impossible, à l'état actuel des connaissances, de faire ce type d'exercice là du fait qu'on est exposés à une multitude de produits. On parle de centaines et de centaines de produits. Et d'essayer d'évaluer ça expérimentalement, c'est pratiquement impossible... en tout cas.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Moi, je suis très sensible à ce que vous avez mentionné sur les travailleurs agricoles. Ce que vous souhaitez, c'est qu'on fasse une étude sur les travailleurs agricoles ou est-ce que vous avez déjà eu des études qui ont été faites sur les travailleurs agricoles? Peut-être est-ce que c'est les deux?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel.

• (16 heures) •

M. Samuel (Onil) : Il existe actuellement dans la littérature une multitude d'études chez les travailleurs agricoles. J'ai travaillé, au cours des quatre dernières années, avec un groupe d'experts scientifiques qui regardaient spécifiquement la question de l'exposition des travailleurs agricoles en Europe et en Amérique, et il y a une multitude d'études qui existent pour les travailleurs agricoles.

Lorsqu'on parle des études, on parle surtout d'études dans le contexte québécois, des études épidémiologiques, pour avoir une bonne idée des impacts sanitaires, de mesurer des effets sanitaires dans la population agricole. Et ça, ça se fait bien par des études épidémiologiques. Des études d'exposition, on en a quelques-unes, et elles vont toutes dans le même sens, à savoir que, lorsqu'il y a des bonnes pratiques de travail, les expositions ne sont pas nulles, mais quand même réduites.

Mais, au niveau des effets à la santé à long terme, on est très peu outillés au Québec. On sait que dans d'autres pays, aux États-Unis par exemple, il y a eu beaucoup d'études, il y a des bonnes démonstrations de certains effets. Mais c'est toujours important d'avoir des données propres à notre milieu de travail, ne serait-ce que pour orienter les politiques ou les stratégies de prévention pour nos travailleurs.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Vous avez... je pense que vous ne l'avez pas dit dans ces mots-là, mais vous parliez de changer les règles, à l'intérieur de l'Ordre des agronomes, pour que les gens qui vendent des produits ne soient pas les gens qui les recommandent. C'est ce que vous voulez dire, essentiellement?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel.

M. Samuel (Onil) : On n'a pas abordé la thématique sous l'angle de l'Ordre des agronomes, mais bien du service-conseil. Pour nous, il est extrêmement important que les gens qui donnent des conseils agronomiques ne soient pas liés par la pression de la vente des pesticides. Et cette réflexion-là n'a pas été faite qu'ici. Je parlais tout à l'heure d'un vaste travail qu'on a réalisé, avec un rapport de 1 400 pages, et c'était une des conclusions principales. Et la même réflexion a été faite dans beaucoup de pays.

Un des éléments qui favorisent la vente des pesticides, l'utilisation des pesticides, et qui viennent inhiber, souvent, les efforts de faits pour réduire l'utilisation de pesticides, c'est le fait que les agronomes soient autant des vendeurs de pesticides que des prescripteurs de services agronomiques.

Le Président (M. Lemay) : O.K. M. le député.

M. Campeau : Il y a certaines organisations qui ont fait des liens entre pesticides et autisme. Vous n'en parlez pas. Est-ce que vous avez une opinion? Est-ce que... plus qu'on n'a pas assez de connaissances actuellement à ce sujet-là pour en être sûr?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel.

M. Samuel (Onil) : O.K. Dans notre évaluation, on a essayé de faire une étude... une évaluation assez exhaustive des risques, mais on a dû se limiter, faute de temps, aux pathologies les mieux connues. On a regardé aussi l'aspect de l'autisme et, selon l'état des études aujourd'hui, on pense qu'effectivement c'est une thématique à regarder de près, mais on n'est pas certains que les données actuelles permettent de conclure sur cette pathologie-là. Je vous explique pourquoi.

Lorsqu'on parle d'autisme, on va parler, d'une part, de différentes sortes d'autisme, différents niveaux d'autisme, on va parler d'impacts génétiques sur l'autisme, et la plupart des études disponibles n'en discutent pas. Donc, les études existantes lèvent un drapeau rouge. On doit pousser les études pour évaluer cette pathologie-là, mais je ne suis pas certain, en fonction de l'état des connaissances actuelles, qu'on puisse conclure sur un risque évident.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Merci de cette précision-là. En terminant, peut-être une question-commentaire. Vous ne l'avez pas mentionné comme ça, mais est-ce que vous n'êtes pas aussi en train de nous dire que, quand le côté santé parle au côté agriculture, il faut faire attention à ne pas travailler en silos?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel...

M. Campeau : Avec ou sans jeu de mots, là. J'avoue, là, je n'ai pas fait exprès.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, M. Samuel. Je ne sais pas...

Une voix : C'est beau, allez-y, oui.

Le Président (M. Lemay) : Parfait.

M. Samuel (Onil) : Effectivement, on a intérêt à ne pas travailler en silos. Dans le cadre de nos travaux, on collabore avec différentes organisations, que ce soit le MAPAQ, le ministère de l'Environnement, l'IRSST, la CSST, on a des interactions assez fréquentes. Mais, d'avoir une structure plus permanente qui rejoint différents intervenants, que ce soient des universitaires ou autres, ça pourrait être grandement intéressant, justement, pour discuter de toute cette question des pesticides, qui est un sujet vaste, complexe et où ça demande vraiment un tas d'expertises différentes.

M. Campeau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Donc, sur ce, je cède la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Merci pour la présentation. Vous demandez l'amélioration de la formation, pour les agronomes, sur le risque des pesticides, alors que le mémoire de l'Université Laval... plus que la moitié des cours obligatoires du baccalauréat en agronomie concernent cette question. Hier, l'Ordre des agronomes soulignait la présence des cours généraux dans le cursus scolaire ainsi que la formation continue. Croyez-vous que la formation additionnelle au niveau baccalauréat et maîtrise soit nécessaire?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel

M. Samuel (Onil) : Les gens ont une certaine formation agronomique, mais, lorsqu'on manipule des produits qui peuvent avoir un impact sur la santé et l'environnement, ça implique aussi qu'on ait des connaissances de ces risques associés là. Et malheureusement cette formation-là manque. Le seul cours obligatoire actuellement au Québec, sur les risques sanitaires des pesticides, est donné à l'Université Laval et n'est obligatoire que depuis cette année. Et donc de savoir qu'on peut traiter des ennemis des cultures avec des pesticides, c'est une chose, mais nous, on croit aussi que les gens doivent en connaître davantage sur les impacts sanitaires et environnementaux de ces produits-là.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci. Dans votre mémoire, vous parlez de formation efficiente auprès des agriculteurs. Pourquoi? Puis quelle serait la solution, selon vous?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel.

M. Samuel (Onil) : Pouvez-vous répéter s'il vous plaît?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Dans votre mémoire, on parle de formation efficience auprès des agriculteurs. Pourquoi? Et quelle serait la solution, la solution idéale?

M. Samuel (Onil) : De formation efficiente?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Efficiente, oui.

M. Samuel (Onil) : Bien, ça allait rejoindre un peu ce que je viens de dire. On a besoin que les gens qui appliquent les pesticides, qui vont donner du service-conseil en termes de pesticides, aient une meilleure formation générale sur l'ensemble de la problématique liée aux risques, mais liée au risque, mais liée aussi d'un point de vue santé au travail, par exemple, à la prévention des travailleurs, à la façon de se protéger lorsqu'on applique, les gens. Et on croit que les conseillers agricoles, notamment, pourraient avoir un rôle important en termes d'approche préventive auprès des utilisateurs de pesticides.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, je laisse la parole à un collègue.

Le Président (M. Lemay) : Bien sûr. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Combien il nous reste de temps, M. le Président?

Le Président (M. Lemay) : Environ six minutes.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bon, merci. Merci d'être là, merci du mémoire déposé. J'ai vu... il y a plusieurs choses que vous abordez dans le mémoire, hein? Vous parlez, entre autres, de l'homologation au niveau des matières actives, tout ça, mais qu'il n'y a rien qui se fait au niveau... une fois qu'ils sont tous ensemble, avec les adjuvants aussi, puis moi, écoutez... Est-ce que Santé Canada devrait investir davantage dans la recherche? Parce qu'on parle d'effets au niveau des expositions au niveau des pesticides, on connaît très bien tous les effets aigus. Ça, c'est documenté. Mais les effets à long terme, tout ça, par contre...

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel.

M. Samuel (Onil) : Excusez-moi. Vous voulez répondre?

Une voix : Non, allez-y.

M. Samuel (Onil) : Santé Canada, comme toutes les organisations qui sont responsables de l'homologation, font à peu près tous le même travail de la même façon. Donc, c'est un cadre, c'est un bon modèle d'évaluation, d'analyse de risques, là, qui est une approche quantitative, et tous le font de la même façon, mais il y a des bogues dans tout ce processus-là.

D'une part, les données proviennent uniquement de l'industrie. Je ne veux pas insister sur le fait que toutes les entreprises qui produisent des pesticides peuvent fausser des données, tout ça, mais on a eu quand même, dans les dernières années, des exemples où il y a eu de la manipulation de données, tout ça. Et, dans d'autres milieux, comme dans les médicaments, par exemple, dans d'autres produits dangereux, on s'est donné des outils pour avoir un cadre d'analyse où on va avoir des données pour lesquelles on est assuré que ça a été fait de façon très éthique.

Et comment le faire? Je ne sais pas. Est-ce qu'on devrait continuer à faire payer l'industrie pour faire les études, mais les faire faire par des experts complètement indépendants? Peut-être. Est-ce que Santé Canada doit faire les études? Je n'en suis pas certain. Ce qui est important, c'est qu'il y ait un cadre complètement indépendant pour faire les études qui sont utilisées pour évaluer les risques.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Donc, ce que je comprends, c'est qu'au niveau de l'ARLA, tout ça, au niveau fédéral, il n'y a pas de cadre indépendant. Puis là il y a des cahiers de charge, et les entreprises qui homologuent les produits doivent remplir le cahier de charge, et par la suite c'est évalué?

• (16 h 10) •

M. Samuel (Onil) : C'est ça. Ils vont utiliser les données générées par l'industrie pour faire des évaluations de risques, pour décider si, oui ou non, le produit respecte des quotas de sécurité et qu'on peut effectivement les utiliser. Il est clair que, dans certaines situations, ça nécessite de faire des études plus poussées.

Et vous m'avez parlé de la question des mélanges de pesticides, de l'évaluation des produits commerciaux, et effectivement c'est une autre des problématiques associées au processus d'homologation, que ce soit au Canada ou ailleurs : on évalue une matière active qui n'est pas le produit utilisé sur le terrain. Et on a des exemples. Le glyphosate est celui qui a été le plus cité, au cours des dernières années, parce que c'est un produit qui a été beaucoup utilisé, où on a vu que les surfactants, par exemple, pouvaient être en cause dans la toxicité. Actuellement, on n'évalue pas le produit commercial, on n'évalue que la matière active.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député, allez-y.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : La longueur, 15 ans, c'est-u trop long? Et qu'est-ce que vous recommanderiez...

M. Samuel (Onil) : ...

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Le 15 ans, processus d'homologation, de révision.

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel.

M. Samuel (Onil) : C'est long. C'est long. Je proposerais, moi, personnellement, un processus intermédiaire où on va, après une dizaine d'années, par exemple, voir s'il y a des nouvelles études et, dépendamment des résultats, essayer d'accélérer le processus. 15 ans, c'est long. Des fois, on dit 15 ans, et, si on regarde les périodes exactes où il y a eu l'évaluation, ça peut même s'étendre jusqu'à 20 ans, et c'est très long. Il faudrait avoir un processus qui permette de suivre la littérature, de voir les nouvelles données. Et, lorsqu'il y a des indications d'un risque potentiel, bien, qu'on accélère le processus d'évaluation.

Le Président (M. Lemay) : Très bien. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bon, et plus loin aussi, dans votre mémoire, vous parlez aussi des mesures, d'alternatives, tout ça, et j'aimerais vous entendre au niveau de la Stratégie phytosanitaire, parce que vous en parlez : Qu'est-ce que vous en pensez, de cette stratégie-là qui a été mise en place?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel.

M. Samuel (Onil) : Personnellement, je pense que la Stratégie phytosanitaire est un beau cadre de référence pour initier un ensemble d'activités pour réduire l'utilisation des pesticides. On a développé, par exemple, des outils d'aide à la décision pour favoriser la substitution des produits les plus dangereux. On a initié un paquet d'études pour essayer de mieux comprendre des choses. Il y a eu des projets de mis en place pour essayer de trouver des alternatives.

Donc, c'est un cadre qui est, somme toute, assez intéressant, et d'autant plus que, pour nous, c'est la première fois que, dans une stratégie phytosanitaire, on parlait des aspects santé, alors qu'autrefois on ne parlait que d'environnement. Donc, c'est un processus assez global, mais qui mérite d'être bonifié, qui mérite d'aller vers peut-être plus de recherche, d'initier plus de recherche.

Et c'est un processus, aussi, qui a encore des freins. Le fait que le service-conseil soit beaucoup lié à l'industrie, bien, il y a beaucoup d'outils qu'on a développés pour réduire l'utilisation de pesticides ou, tout au moins, les plus dangereux, et l'industrie n'y accorde aucune confiance, en disant : Bien, les produits sont homologués par Santé Canada, on n'a pas à utiliser des outils alternatifs.

Le Président (M. Lemay) : ...puisque cette période d'échange est terminée. Et maintenant je cède la parole à la députée de Maurice-Richard pour sa période.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci de vous être déplacés aujourd'hui pour venir répondre à nos questions. C'est très, très apprécié, fort intéressant. Je commencerais en revenant sur un des éléments que vous avez mentionnés, dans la période d'échange, sur la formation des agronomes.

Quand vous dites qu'il n'y a... Juste pour être certaine, là, d'avoir bien compris. Vous dites que, sauf un cours à l'Université Laval sur les risques sanitaires des pesticides, il n'y a aucun cours, précisément, qui se donne à cet effet-là aux agronomes du Québec ou vous... Mais, outre le fait, en fait, qu'il n'y a aucun cours, est-ce que ces notions-là sont abordées dans d'autres cours ou pas du tout?

M. Samuel (Onil) : Je risque à dire : très peu. Je vous donne un exemple. La prise en charge de la formation des conseilleurs agricoles, des travailleurs agricoles en matière de prévention de risque des pesticides, tout ça a beaucoup été assumé, au cours des dernières années, par la Stratégie phytosanitaire. On a formé 400 conseillers agricoles, que je vais appeler non liés — même si le terme parfois fait sauter des gens — donc, non liés à la vente de pesticides, et on les a formés sur les risques à la santé et les risques à l'environnement ainsi que les outils d'aide à la décision, comme SAgE Pesticides, par exemple, pour les aider à choisir des pesticides moins toxiques.

On est en train de préparer une formation aussi pour les producteurs agricoles. On a des actions de la Stratégie phytosanitaire qui visent à mieux informer les travailleurs agricoles sur les risques à la santé et sur les approches préventives, les mesures préventives, mais c'est fait en dehors du cadre de l'enseignement classique et c'est un peu de la substitution de mandat, mais on le fait pour remplir un vide.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Donc, ce que vous tirez comme conclusion, c'est que les agronomes ne sont pas... n'ont pas nécessairement cette formation-là ou cette sensibilité-là de l'impact sanitaire, de l'impact toxicologique des pesticides, et ils sont quand même dans une situation où... Est-ce que vous remettez en question, dans le fond, le rôle qui leur est confié, notamment, de prescrire des pesticides, ou ce que vous suggérez, c'est vraiment de les former davantage, ou vous suggérez les deux avenues? Juste pour que je comprenne bien, là.

M. Samuel (Onil) : ...avenues très différentes. Oui, les agronomes devraient être impliqués davantage dans la prescription, dans la recommandation. Et actuellement on a cinq produits pour lesquels on exige des prescriptions, et, comme ce sont souvent des produits dangereux, il y aurait intérêt à ce que des professionnels soient plus impliqués dans la recommandation et la prescription de produits. Ça, c'est une chose. La formation sur les risques sanitaires, sur les mesures préventives, sur les approches pour réduire les risques, c'est une autre chose, et, encore une fois, je dis oui, on devrait en faire davantage.

Mme Montpetit : Deux autres questions en lien avec la recherche. Vous avez mentionné... c'est ça, que les risques spécifiques à l'exposition des travailleurs québécois aux pesticides... il demeure encore beaucoup d'inconnues autour de ces questions-là. Vous dites : Même si c'est bien documenté, là, dans la littérature scientifique, il apparaît difficile de dresser un portrait réaliste de la situation pour les agriculteurs du Québec.

Parce qu'on a eu plusieurs échanges depuis hier sur la reconnaissance de la maladie de Parkinson pour les travailleurs agricoles. Est-ce que vous pensez qu'à la lumière de la littérature scientifique internationale, cette littérature, elle est assez précise pour penser qu'elle pourrait être appliquée à la situation du Québec ou on est vraiment dans une situation différente, un monde agricole différent qui ne nous permettrait pas, dans le fond, d'utiliser les conclusions de ces études?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel ou peut-être M. Caron?

Mme Damestoy (Nicole) : Un peu des deux.

M. Samuel (Onil) : On a récemment regardé la littérature sur le parkinson, comme d'autres pathologies, et le poids de la preuve est assez fort. C'est rare qu'on a un poids de la preuve aussi évident pour une pathologie chronique. Et effectivement, dans la littérature internationale, qui nous vient beaucoup des États-Unis, en passant, le poids de la preuve est fort, et moi, je ne crois pas, avec l'expérience que j'ai, que la situation peut être très différente ici. On a régulièrement des gens qui viennent nous voir avec la problématique, mais ce sont des cas individuels. On n'a pas d'étude épidémiologique qui nous permette de faire le portrait au Québec.

Et ça, c'est important pour une chose, surtout. C'est que, dès qu'on a fait le constat dans un milieu propre, après, on est capable d'orienter des stratégies. On a des éléments de sensibilisation pour les travailleurs, parce que ce sont les premiers visés, et ces gens-là sont difficiles à convaincre, parfois, de se protéger, malgré tous les messages qu'on essaie de passer. Donc, d'avoir des données de recherche propres au milieu, souvent, ça constitue un élément de sensibilisation et d'orientation des politiques assez fort du fait que ça provienne du milieu.

Oui, on peut probablement transférer les constats qui sont faits ailleurs pour le parkinson, mais ce serait drôlement intéressant qu'on puisse le documenter au Québec.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Toujours sur des questions de recherche, parce qu'on a eu ces échanges-là aussi avec des chercheurs, un petit peu plus tôt dans la journée, sur l'accès aux données, je présume... et je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais je présume que, comme institut de recherche, vous seriez favorables à une plus grande accessibilité, transparence, disponibilité sur la totalité des données d'utilisation des pesticides au Québec.

• (16 h 20) •

M. Samuel (Onil) : Tout à fait. Je pense que c'est important qu'on ait accès à toutes les données probantes, là, que ce soient les données de résidus de pesticides dans les aliments. On a développé des outils, des cadres méthodologiques pour être capables de faire des analyses de risques, sauf qu'on utilise les données fédérales, du programme de surveillance fédéral, pour lesquelles on n'est pas capables d'extraire les données québécoises. Donc, je pense que le gouvernement québécois pourrait essayer de faire des pressions ou, du moins, avoir des ententes avec l'ACIA, l'agence d'inspection des aliments, pour avoir les données québécoises.

Le MAPAQ génère un programme de surveillance, aussi, mais les seules données auxquelles on a accès, ce sont des résumés de quelques pages, très généralisés, alors que nous, on a besoin davantage des données brutes, donc quel produit en contenait, quel échantillon, combien il y en avait, tout ça, quels légumes, quels fruits, et tout ça. On a besoin de ces données-là. On a besoin de bonifier ces programmes-là aussi parce que souvent, statistiquement, on n'a pas suffisamment de données, mais on n'y a pas accès actuellement.

Pour ce qui est des données dans les fruits et légumes au Québec, on est en discussion avec le laboratoire, au MAPAQ, et c'est des échanges qui sont cordiaux, tout ça, puis je pense qu'on va finir par avoir, nous, à l'institut, ces données-là. Mais je garde une prudence parce que c'est le troisième mémoire dans lequel on le demande.

Autre chose, rapidement, on a des données de vente des pesticides qu'on peut mettre en lien, en relation avec nos indicateurs de risques : SAgE Pesticides, l'IRPeQ, l'indicateur de risque des pesticides du Québec. Et on aurait le plus bel indicateur de suivi temporel du risque, si on pouvait avoir des données de vente liées aux régions, aux familles de pesticides, aux groupes de production, alors qu'actuellement on a des données globales qui englobent tout ça. Et il y a beaucoup, même, des secteurs d'activité où il s'est fait des belles choses, qu'il y a eu beaucoup de travail de fait pour réduire l'utilisation, puis on ne le voit pas parce que tout est noyé dans les grandes cultures du fait que c'est 85 % de l'utilisation d'herbicides, dans les grandes cultures, de tous les pesticides. Et nos indicateurs ne nous permettent pas de les utiliser à leur plein pouvoir, du fait qu'on n'a pas accès aux données.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Samuel. Mme la députée, environ deux minutes.

Mme Montpetit : Je vais la faire très brièvement pour vous laisser le temps de répondre, mais, si vous aviez, justement, accès à toutes ces données, donc, au niveau vraiment de l'utilisation des pesticides, des quantités, des régions, tout ça, qu'est-ce que ça pourrait faire comme différence pour vous, comme institut de recherche, mais pour l'ensemble des chercheurs, pour la population du Québec? Quel type de recherche ça vous permettrait de faire au niveau des risques toxicologiques, notamment, là?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Samuel.

M. Samuel (Onil) : Au niveau des risques des aliments, par exemple, on pourrait répondre à plein de questions : Est-ce qu'effectivement les craintes qui sont observées dans la population ou même auprès des scientifiques... est-ce qu'effectivement les niveaux mesurés, c'est à craindre? Tu sais, on aurait une... on serait capables de faire des analyses de risques pour répondre en partie. Il demeure des incertitudes, on ne peut pas répondre à tout.

Pour ce qui est des indicateurs de risque, les indicateurs de vente de pesticides, on pourrait mieux orienter les stratégies soit par types de culture, par exemple. Si j'observe que, dans la pomme — et je ne veux pas incriminer la pomme, là, c'est un exemple — il y a une problématique liée à un produit, que le risque est en montée, tout ça, bien, on peut, avec les intervenants du MAPAQ, les intervenants de l'Environnement, les intervenants agronomiques, les services-conseils, développer des stratégies pour essayer de réduire ce risque-là. Mais actuellement on n'est pas capables d'avoir un indicateur qui peut être éclaté en fonction de différentes problématiques, différents groupes de producteurs.

Le Président (M. Lemay) : Mme Damestoy, pour le mot de la fin. 30 secondes.

Mme Montpetit : Bien, j'aimerais juste savoir...

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, Mme la députée.

Mme Montpetit : ...parce que c'est une question qui est ressortie beaucoup, là, dans les derniers jours, sur les liens entre les pesticides puis l'autisme : Est-ce que c'est le genre d'étude épidémiologique que l'INSPQ pourrait faire pour voir si les cas, quand même, en augmentation, d'autisme... Est-ce que c'est le genre d'études auxquelles vous vous consacrez comme institut ou pas du tout?

Le Président (M. Lemay) : Rapidement.

Mme Damestoy (Nicole) : ...dans l'analyse de la littérature, de recherches qui ont déjà été publiées ailleurs. Vous utilisez souvent le terme «institut de recherche». Nous ne sommes pas un institut de recherche. On est un institut de santé publique qui collige les données issues de différents types de recherches scientifiques partout dans le monde pour essayer d'avoir une idée précise d'un enlignement ou d'une orientation.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup pour la précision. Je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. À la lecture du mémoire, j'ai beaucoup de préoccupations puis j'aimerais revenir sur le tableau où vous présentez le Bilan des principales associations positives entre l'exposition aux pesticides et certaines pathologies chez les adultes et les enfants. C'est votre tableau, le tableau 1. Et, dans le fond, ce qu'on constate là-dedans, c'est qu'il y a beaucoup de présomptions fortes entre l'exposition aux pesticides et les maladies. On a parlé du lymphome non hodgkinien, la leucémie, les tumeurs cérébrales, le cancer de la prostate. Bref, il y a matière à être passablement inquiets.

Puis, quand on regarde, toutefois, vos recommandations au niveau de la limitation de l'exposition, les mésusages des pesticides pour ainsi réduire les risques sanitaires de ces produits, vos propositions vont vraiment dans le sens de, bon, déployer des efforts supplémentaires pour faciliter l'imprégnation, promouvoir davantage, auprès des producteurs agricoles, les outils d'aide à la décision, développer des activités de formation. Bon, il y a toute une série de mesures, mais, à la hauteur de ce qu'on peut voir des preuves qui sont faites au niveau des liens avec la santé, ça ne me semble pas des mesures très ambitieuses.

Concrètement, qu'est-ce qu'on fait avec les pesticides? Lesquels seront jugés prioritaires? Tu sais, pour la population, l'INSPQ, c'est le gardien de la santé publique. Donc, je me demande pourquoi être si frileux dans vos recommandations? Et beaucoup d'intervenants nous ont parlé préalablement du principe de précaution. Vous n'en faites pas mention. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Lemay) : Donc, M. Samuel, environ en une minute.

M. Samuel (Onil) : On n'a pas parlé du principe de précaution, dans le mémoire, mais on l'a mis en application, souvent, notamment dans le code de gestion des pesticides, où on a clairement indiqué que, pour l'utilisation des pesticides en milieu urbain, on devrait appliquer le code... le principe de précaution. Principe de précaution a été un petit peu galvaudé de gauche à droite, là, mal utilisé dans le temps, et le principe de précaution doit s'appuyer entre autres sur la recherche puis sur la... Il faut être capable d'avoir des données assez probantes pour l'appliquer, sinon on va l'appliquer à tous les... pour des raisons, des fois, qui vont être nuisibles plus qu'autre chose.

Donc, nous, on pense que, si la recherche qu'on préconise pour mieux documenter certains effets nous amène à avoir des données assez probantes, bien, on va pouvoir éventuellement aller vers le principe de précaution, si c'est justifié. Mais il faut que ce soit justifié aussi.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Ceci complète cette période d'échanges. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Écoutez, il y a un mot qui me vient en tête : «opacité», «manque de transparence». Parce que, là, je vous écoute, là, sur le besoin d'avoir accès à des données et je n'arrive pas à comprendre que le MAPAQ... Soit que les données n'existent pas, ou ils ne veulent pas vous les transférer, ou la méthode de collecte est faite d'une certaine manière que vous ne pouvez pas extraire, bon, des choses qui vous permettraient de proposer, bon, des... ou de recommander des modifications réglementaires. Et pouvez-vous... Là, vous nous dites, vous n'avez pas accès à vos données. Est-ce qu'elles existent, et vous n'y avez pas accès parce qu'on vous refuse l'accès ou le modèle de collecte des données est tout croche et vous ne pouvez rien faire avec?

Le Président (M. Lemay) : M. Samuel.

M. Samuel (Onil) : Bon, on a parlé de deux types de données qui sont existantes, là. De documenter les pathologies, puis tout ça, là, c'est une autre chose, parce que les études vont souvent évaluer des effets pour un ensemble de produits, puis ce n'est pas spécifique à des produits. C'est pour ça qu'on n'a pas voulu embarquer dans les produits. Mais, dans les données existantes qui pourraient nous servir, les données en lien avec la vente des pesticides, ce sont des données qui existent au ministère de l'Environnement, sauf qu'en raison d'ententes de confidentialité avec l'industrie ces données-là ne peuvent pas nous être rendues disponibles. Et ça fait longtemps qu'on les demande.

Pour ce qui est des données pour les résidus de pesticides dans les aliments, c'est la même chose. Bon, il manque de données, on devrait en faire davantage, mais les données rendues publiques... Le dernier rapport date de 10 ans, celui qui est sorti il y a deux jours. Ça faisait 10 ans qu'on n'en avait pas vu. Nous, ça fait longtemps qu'on les demande, aussi, mais on n'y avait pas eu accès.

Le Président (M. Lemay) : ...une question complémentaire, ici, par M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Quand vous nous parlez d'ententes confidentielles qui font en sorte que vous ne pouvez avoir accès aux données, est-ce qu'on parle de secret industriel ou des choses de cette nature-là?

M. Samuel (Onil) : Oui, c'est de cette nature-là.

M. Roy : Au même titre que l'ARLA refuse l'accès aux études en prétextant le secret industriel par des chercheurs indépendants pour valider la pertinence et la scientificité des études?

M. Samuel (Onil) : Bon, regardez, nous, on a fait des demandes à quelques reprises, au ministère de l'Environnement, pour avoir accès à ces données-là, et la réponse qu'on a eue, c'est qu'on n'est pas capable en raison des ententes de confidentialité qu'on a avec l'industrie. Donc, je crois que ces données-là existent. Effectivement, on les présente d'un point de vue global, là, toutes dans le même plat, mais on n'a pas accès à ces données-là.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Samuel, Mme Damestoy, M. Caron pour vos contributions à ces travaux.

Je suspends maintenant quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Institut Jean-Garon de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 30)

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons les travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Institut Jean-Garon. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Institut Jean-Garon

M. Saint-Pierre (Michel) : Bonjour et merci de nous recevoir. Nous allons présenter, si vous permettez, en duo le sommaire de notre mémoire. Mon nom est Michel Saint-Pierre. Je suis coprésident de l'Institut Jean-Garon. J'ai oeuvré pendant... Comme la plupart des gens qui sont membres de l'institut, des gens qui ont une longue carrière en agriculture, j'ai été sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Et je vous présente Guy Debailleul.

M. Debailleul (Guy) : Alors, je suis Guy Debailleul, coprésident de l'Institut Jean-Garon et professeur associé au Département d'économie agroalimentaire de l'Université Laval, où j'ai fait l'essentiel de ma carrière en enseignement et en recherche.

M. Saint-Pierre (Michel) : L'Institut Jean-Garon est un groupe d'analyse et de réflexion, ce qu'on appelle communément et le plus souvent, même en français, un think tank, sur les grands enjeux de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois. Contrairement au nom que porte notre institut, nous sommes apolitiques. Personne n'a jamais pensé que Jean Garon était apolitique. Alors, dans notre cas, c'est le cas. Nous sommes à la fois apolitiques, nous sommes à but non lucratif et nous avons des positions neutres.

Et d'ailleurs c'est ce qui nous amène aujourd'hui. Notre but, c'est d'apporter un éclairage dans un débat, un débat qui se situe dans le temps depuis quelques mois, on devrait dire, avec un certain nombre d'éléments qui sont venus alimenter ce débat-là. Il y a longtemps, c'était Monsanto qui faisait les manchettes et, plus récemment, c'est un agronome du MAPAQ, mais, dans tout ça, il y a eu une série d'événements qui ont mis les pesticides sur la sellette. Et, dans cette avalanche d'informations, il nous apparaissait, nous, à l'Institut Jean-Garon, important d'apporter un éclairage sur ce que ça... où est-ce qu'était la problématique et est-ce qu'il y a des pistes de solution à la question des pesticides. Parce que, sans vouloir nier la problématique, il y a peut-être également des pistes de solution, puis certaines, peut-être, d'entre elles sont très vieilles, d'ailleurs.

Donc, notre... comment dire? Ce qu'on a voulu apporter, c'est une position qui est celle... à la fois neutre, mais qui amène à la prudence et à la modération en ce qui concerne ce produit-là parce que c'est un poison, ça, c'est clair, c'est un poison pour un être quelconque ou une plante, en tout cas, quelconque. Alors donc, on ne peut pas nier cette réalité-là. Donc, il faut le traiter de façon très particulière. Et on a voulu apporter une image qui nous apparaissait être la plus près de notre réalité de tous les jours : les pesticides sont un médicament. Pourquoi on dit ça? Parce qu'à l'instar des médicaments sous prescription ils ont des buts très précis, ils ont, dans le temps, également une vie et une... il y a une ordonnance qui suit ça et il y a des façons également de l'utiliser. Et l'abus de ça, à l'instar d'éliminer les pesticides, crée une problématique.

Cette image-là, pour nous, elle est forte parce qu'à la fois on y trouve le côté positif — les pesticides ne sont pas juste une nuisance pour la société, ils servent à produire des aliments — l'usage excessif, lui, devient, à l'instar également des médicaments, un danger. Mais on ne dit pas... Quand des gens utilisent de façon excessive des médicaments ou se droguent carrément, on ne dit pas : Bannissons un médicament, mais on a entendu souvent l'expression : Bannissons les pesticides au cours des dernières semaines, à tout le moins. Alors, c'est ce qui nous a amenés à vouloir dire : Holà! il y a des pistes de solution. Il y a une réalité, oui, à ne pas nier, et c'est le non-respect de ces règles-là qui nous amène aujourd'hui à dire : Bon, où est-ce qu'on se situe?

Et, de fait, une première question qu'on voudrait adresser, c'est : Où est-ce que se situe le Québec dans la question ou la problématique, entre guillemets, des pesticides? Guy va nous en parler.

M. Debailleul (Guy) : Lorsque l'on cherche à situer le Québec, on est amené à le faire en particulier par rapport au reste du Canada, par rapport aux autres provinces. Et, quand on consulte les statistiques, on peut avoir, d'un côté, des images relativement favorables pour le Québec et d'autres qui sont plus préoccupantes.

Lorsqu'on consulte les données de Statistique Canada, par exemple, on voit que la proportion des terres qui reçoivent effectivement des pesticides au Québec est sensiblement inférieure à la proportion que l'on observe dans les autres provinces, et en particulier dans les provinces des Pairies. En gros, on dirait, entre 50 % et 60 % des terres au Québec reçoivent des pesticides, alors que la proportion peut atteindre 70 %, 80 %.

Lorsque l'on regarde du côté des terres effectivement cultivées, on constate le même écart, sinon encore plus important. Alors, on peut penser aussi que cette différence est liée aux types de cultures qui sont pratiquées et qui sont probablement plus homogènes, plus réduites dans les provinces canadiennes, dans les autres provinces du reste du Canada.

Maintenant, lorsqu'on observe les dépenses en pesticides par hectare cultivé, là les écarts sont sensiblement plus réduits, et quelquefois on est amenés à constater qu'il se dépense davantage d'argent en pesticides par hectare cultivé recevant des pesticides que dans le reste du Canada. Alors, je parle de dépenses parce qu'on n'a pas les données sur les quantités effectivement utilisées, donc on se réfère aux dépenses telles que les enregistre Statistique Canada.

Par ailleurs, ce que l'on doit aussi constater, c'est que les données sur l'utilisation des pesticides au Québec sont aussi fragmentaires. Ça, ça a été évoqué dans l'intervention précédente. Mais ces données sont, comme cela a été dit, colligées par le ministère de l'Environnement, mais on se rend compte qu'une partie des pesticides ne sont pas comptabilisés parce qu'elles sont... Par exemple, les pesticides qui sont associés aux semences enrobées ne sont pas comptabilisés dans de telles données. Et le Commissaire au développement durable, en 2016, a attiré l'attention là-dessus, comme il a attiré l'attention sur le fait que, depuis 30 ans, on a... pratiquement 30 ans, on a essayé de mettre en place des stratégies phytosanitaires visant la réduction de l'utilisation des pesticides. On avait été très ambitieux, au début des années 90, en visant une réduction de 50 %. En réalité, lorsque l'on collige les données, on s'aperçoit que l'utilisation n'a pas sensiblement baissé sur toute la période. Donc, c'est relativement préoccupant. Et le commissaire en concluait que l'agriculture du Québec est toujours aussi dépendante de l'utilisation des pesticides.

Alors, on peut rajouter à ce point le fait que, si on regarde l'évolution en longue période de l'utilisation des pesticides, on ne peut pas dissocier cette évolution de l'évolution de certaines grandes cultures au Québec. En quelque sorte...

• (16 h 40) •

Bon, il faut rappeler aussi, ça a été mentionné, mais 70 %, 80 % de l'utilisation des pesticides, il s'agit d'herbicides. Et l'herbicide, les produits herbicides sont essentiellement utilisés par quelques grandes cultures, dont le maïs et le soya. Et, lorsque vous regardez et vous mettez en perspective l'évolution des superficies en maïs, par exemple, puis ensuite du soya et l'évolution des dépenses en pesticides, les deux évolutions sont sensibles, assez rapides depuis la fin des années 70 et sont relativement corrélées.

Donc, on peut aussi... on reviendra sur ce point-là un peu plus tard, mais on ne peut pas ne pas évoquer, dans cette problématique, le fait qu'on ait eu des politiques qui ont largement encouragé le développement de certaines grandes cultures, grandes utilisatrices de pesticides.

M. Saint-Pierre (Michel) : Si vous le permettez, regardons un peu les pistes d'avenir, s'il y en a. D'une part, et je vais redonner la parole à Guy parce que c'est son domaine, le domaine de la formation, on n'y échappe pas... comme dans beaucoup d'autres domaines, les grands enjeux tournent autour d'une formation qui est souvent inadéquate, c'est le cas actuellement, ainsi que la recherche. Guy.

M. Debailleul (Guy) : Alors, sur ce plan-là, alors vous aurez évidemment plus de détails avec la présentation du doyen de la Faculté des sciences de l'agriculture demain, mais j'ai tendance à dire que la formation des agronomes, les grandes orientations, la philosophie même de la formation, n'a pas beaucoup changé depuis une trentaine d'années, et même plus, depuis que moi-même j'ai reçu une formation d'ingénieur agronome il y a, là, pas mal de temps. C'est toujours un peu la même vision des relations, par exemple, plantes-environnement, c'est toujours une sorte d'approche en silo, puisque ça a été évoqué, cette expression, où on juxtapose des disciplines les unes à côté des autres.

Or, depuis un certain nombre d'années, la FAO a invité les pays membres à revoir complètement leurs programmes de vulgarisation, leurs programmes de formation et leurs programmes de recherche à la lumière d'un concept dont le terme n'est pas si nouveau — ça remonte à plus d'un siècle — mais qui est de plus en plus... qui sert de plus en plus de référence, c'est l'agroécologie.

Le Président (M. Lemay) : Je vous invite à la conclusion, s'il vous plaît, puisque la période de 10 minutes étant déjà terminée. Est-ce que vous pouvez conclure?

M. Saint-Pierre (Michel) : J'aimerais conclure sur le fait qu'il y aussi des pistes, autres pistes porteuses. Il y a eu des choses dont on a parlé beaucoup, des réseaux d'avertissements phytosanitaires qui, depuis 30, 40 ans, on fait des merveilles au niveau réduction dans certains domaines, des luttes biologiques également qui sont des avenues à explorer. L'agriculture biologique nous enseigne des choses, mais il y a aussi l'agriculture réseaunique qui est un peu en rapport à ça.

Et, peut-être une dernière chose, la plus vieille des pratiques pour le contrôle des... en fait, des problèmes des pestes ou des ennemis de culture, la rotation, les rotations de culture, la diversité des cultures, chose que, malheureusement, on ne pratique pas assez. Alors, c'est simple, il existe des pistes.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup. Sur ce, nous allons y aller avec des questions par la partie du gouvernement. M. le député de Bourget, la parole est à vous.

M. Campeau : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Je veux juste être sûr de bien comprendre. Je vais vous le répéter dans mes mots. On a moins de surfaces d'agriculture, là, il y a moins de surfaces qui reçoivent des pesticides, mais, dans les surfaces qui reçoivent des pesticides, on est plutôt généreux.

M. Debailleul (Guy) : C'est ce qui ressort du... quand on consulte les dépenses par hectare en pesticides telles qu'elles sont colligées et publiées par Statistique Canada, oui.

M. Campeau : Ceci est peut-être dû au fait que certaines cultures en demandent plus ou bien non que l'habitude a été prise d'en mettre plus?

Le Président (M. Lemay) : M. Saint-Pierre?

M. Saint-Pierre (Michel) : Oui. La réponse, c'est : Certaines cultures en demandent plus. Ce sont, pour les nommer, les grandes cultures qu'on retrouve généralement dans la région de la Vallée-du-Saint-Laurent, Montérégie. Ce sont les plus grandes utilisatrices de pesticides. Et, comme Guy l'a mentionné tout à l'heure, quand on parle de pesticides, on parle surtout d'herbicides. C'est celui qui a fait monter la donnée, si on veut, de façon plus importante au cours des dernières années, en particulier depuis l'avènement des plantes OGM, maïs et soya, et évidemment de son corollaire, le Roundup ou glyphosate, qui va de pair, évidemment.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Quand vous parlez d'herbicide, ça veut dire qu'un désherbage mécanique pourrait le remplacer ou au moins aider.

Le Président (M. Lemay) : M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : Techniquement, bien sûr, oui, tout à fait, bien sûr. Mais là il y a d'autres théories qui vont vous être présentées. Ils vont dire : Bon, le coût, le coût mécanique du désherbage mécanique, le temps qu'on y prend... Bon, c'est un peu le dilemme dans lequel se trouvent les gens qui font cette pratique-là. Ils ne le font pas de façon méchante et sans égard aux problèmes éthiques, mais ils savent également qu'ils sont dans un secteur... Il y a une économie, il y a un coût à ça.

M. Debailleul (Guy) : Si vous me permettez...

Le Président (M. Lemay) : Oui, allez-y, M. Debailleul.

M. Debailleul (Guy) : ...dans certains départements de génie rural, il y a eu des travaux qui se sont menés ou qui continuent à se mener sur des alternatives à l'utilisation des herbicides, telles que le désherbage mécanique ou même le désherbage thermique, c'est-à-dire le fait de passer avec des rampes qui brûlent les mauvaises herbes à un stade où elles sont les plus fragiles alors que la plante cultivée n'est pas encore trop exposée. Mais, jusqu'à présent, en fait, il semble que ces alternatives ne se soient pas révélées aptes à concurrencer l'utilisation des herbicides du point de vue des coûts.

Le Président (M. Lemay) : M. le député...

M. Debailleul (Guy) : Et puis certaines cultures se prêtent mal à un désherbage mécanique.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, M. le député de Bourget.

M. Campeau : Vous avez aussi insisté sur le fait que la formation a peu changé, n'a peut-être pas suivi les besoins. Si vous aviez à la changer, avez-vous quelque chose à nous proposer là-dessus?

M. Debailleul (Guy) : ...

Le Président (M. Lemay) : M. Debailleul.

M. Debailleul (Guy) : Excusez-moi, M. le Président. Je faisais allusion au principe ou au concept d'agroécologie, qui a amené, par exemple, le gouvernement français, par exemple, à prescrire à l'ensemble de ses lycées agricoles de réviser leur programme de formation à la lumière de ce concept, l'INRA, qui a revu complètement ses programmes de recherche aussi. Vous avez en ligne un classement des 40 universités américaines qui ont les meilleurs programmes de maîtrise en agroécologie.

Alors, qu'est-ce qu'on entend par l'agroécologie? C'est une façon d'envisager les relations entre la plante et l'environnement sous l'ensemble de ces dimensions, pas seulement l'interaction d'un intervenant extérieur comme un pesticide ou un engrais, mais l'ensemble des fonctions, en quelque sorte, qui sont mobilisées par la croissance de la plante.

Et il faut bien reconnaître qu'au Canada on a, pour le moment, un seul programme de premier cycle, au Manitoba, qui est fondé sur l'agroécologie, et puis, à l'Université Laval, il y avait simplement une école d'été de cinq jours jusqu'à présent. Alors, je pense que le doyen va vous annoncer demain qu'il y a en préparation un programme de maîtrise en agroécologie, mais peut-être qu'on pourrait penser qu'avant d'aller à la maîtrise en agroécologie il faudrait commencer par les programmes de premier cycle et puis aussi les programmes du collégial.

Le Président (M. Lemay) : Sur ce, M. le député de Bourget.

M. Campeau : Une dernière question, commentaire, là. Peut-être la formation n'a pas changé, mais les acheteurs sont beaucoup plus sensibilisés. Alors, la formation des gens, ce n'est pas de la formation dans ce cas-là, mais ce sont les gens qui se préoccupent beaucoup plus de ce qu'ils mangent. Et je pense que les médias jouent un grand rôle là-dedans en nous donnant de l'information. On critique parfois les médias, mais il y a des fois... On devrait quand même reconnaître que, s'ils n'avaient pas mis ces sujets-là de l'avant, on ne serait peut-être pas aujourd'hui ici pour en parler.

Le Président (M. Lemay) : M. Saint-Pierre, peut-être?

• (16 h 50) •

M. Saint-Pierre (Michel) : Non, je trouve que la remarque est très pertinente, effectivement. La société change, les attentes des consommateurs changent également, et il y a des tendances aussi qu'on observe. Il y a une agriculture, en fait, qui travaille fort pour développer à côté de ce qu'on fait maintenant.

Je dirais, j'ajouterais, depuis 50 ans, on n'a pas changé notre modèle, là. C'est surtout ça, la question. C'est qu'on a mis en place des politiques il y a une cinquantaine d'années, et ces politiques-là nous amènent là actuellement. Et la dernière fois qu'on a porté un regard sur l'avenir, c'était à la Commission sur l'avenir de l'agriculture, qu'on a vite fait d'enterrer. Alors, le rapport, entendons-nous, là. Mais c'est la dernière fois qu'on a fait un exercice qui était justement pour dire : Où allons-nous? Et, si je regarde un peu du côté éducation, j'ai encore l'impression qu'on enseigne ce qu'on fait et non pas ce qu'on devrait faire.

Le Président (M. Lemay) : Alors...

M. Campeau : ...un vocabulaire adapté, «enterrer un rapport», c'est vraiment très bien.

M. Saint-Pierre (Michel) : Oui, oui.

Le Président (M. Lemay) : Donc, sur ce, M. le député de Bourget, je cède maintenant la parole au député de Dubuc. La parole est à vous.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonjour. Je salue votre engagement, messieurs, vous et l'organisation. Dites-moi, première question, on parle d'éducation, d'enseignement, on a un certain retard. Est-ce que vous croyez qu'on aurait le potentiel pour déployer des formations sur des niches mais en région aussi? Ma collègue députée a fait allusion, cet avant-midi, à... j'oublie le terme, mais, en fait, à toute l'information pertinente pour monter une formation en question.

Le Président (M. Lemay) : M. Debailleul.

M. Debailleul (Guy) : Alors, je pense que, quand on parle de formation, effectivement, ça ne nous concerne pas seulement, les agronomes ou les chercheurs, ça concerne les agriculteurs, ça concerne tous les intervenants. Donc, effectivement, ça doit s'envisager à tous les niveaux de formation. Et, en particulier, ça ne doit pas être limité aux facultés d'agriculture, mais à toutes les institutions en région qui contribuent à la formation des intervenants en agriculture.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Dites-moi, sur le volet apiculture, vous signifiez que les larges zones de type monoculture ont des incidences. On en a parlé cet avant-midi. Est-ce que vous croyez... Tantôt vous avez fait allusion à du génie rural. Est-ce qu'il serait une priorité d'accentuer l'encadrement? Est-ce que c'est aussi une possibilité, d'accentuer l'encadrement de zonage ou territorial pour davantage protéger les apiculteurs?

Le Président (M. Lemay) : M. Debailleul.

M. Debailleul (Guy) : Alors, je ne suis pas un spécialiste de l'apiculture, et on a beaucoup raisonné sur les liens entre l'utilisation des pesticides et la disparition des abeilles. On sait qu'il y a un certain nombre d'années on mettait aussi en cause la diffusion d'un virus, le varroa, qui était responsable d'une bonne partie de la mortalité. Il y a un certain nombre d'études qui tentent d'établir des liens entre l'utilisation des pesticides et la diminution du nombre d'insectes pollinisateurs. On peut aussi... indirectement, on y a fait allusion, on peut aussi se demander si une partie de la disparition n'est pas liée à la disparition de leur alimentation. C'est-à-dire, si vous trouvez des zones dans lesquelles vous ne trouvez que du maïs ou du soya, ça ne donne pas grand-chose à manger aux abeilles. Donc, là encore, on revient à la nécessité de revoir notre modèle agricole.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Tremblay : Dites-moi, vous présentez un portrait chronologique, statistique, historique peu reluisant au Québec par rapport aux autres provinces dans le mémoire. Le plaidoyer est assez expéditif aussi. Vous faites allusion, à quelques reprises, des monocultures, soya, maïs sans nécessairement vous avancer sur d'autres contraintes majeures. Est-ce que vous pourriez aller un petit peu plus loin dans ce qui est une incidence ou plutôt une réalité contraignante par rapport à nos résultats en matière d'utilisation de pesticides au Québec?

Le Président (M. Lemay) : M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : L'agriculture qu'on a aujourd'hui est celle qu'on a orientée, que les programmes gouvernementaux... On a voulu, par exemple, développer ces productions-là à un certain moment avec un incitatif très fort qui était l'assurance stabilisation. Et on y est allés, dans cette direction-là. Le problème, c'est que ça fait 40 ans que ça, et là notre production ne s'est pas diversifiée. Il n'y a pas eu d'incitatif, non plus, très, très fort à diversifier ces productions-là. Donc, on retrouve véritablement comme deux agricultures.

Et, l'autre jour, j'en parlais, de la Montérégie, il y a comme deux Montérégie : il y a celle du maïs, soya qu'on voit quand on se promène sur la route 20 puis il y a également celle du jardin, de Montréal, qui se trouve à l'ouest avec Sherrington. C'est deux réalités tout à fait différentes. Mais, entre les deux, il y aurait peut-être eu possibilité, puis encore aujourd'hui, de faire un peu plus de variété, de diversité. Il y a d'autres productions qui existent ailleurs et pour lesquelles l'industrie mondiale est en grande demande : les lentilles, les pois, les fèves blanches, le canola. Évidemment, ça demande des infrastructures, mais on a mis des infrastructures qu'il fallait pour le maïs, on pourrait peut-être aussi commencer avec les infrastructures pour faire autre chose.

Alors, c'est véritablement les politiques qui nous amènent dans cette situation-là, mais le grand problème, c'est qu'elles n'ont jamais été révisées.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. le député de Dubuc. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Bien, j'ai aimé la dernière intervention. Vous parlez d'un modèle de 40 ans, une monoculture intensive. Vous parlez... on n'a pas travaillé ou il ne s'est pas fait de développement au niveau des autres... essayer de trouver des niches d'autres cultures. Mais, moi, en région et pour avoir fait le tour de beaucoup de régions, puis je parle des régions plus au nord, des régions que je dirais boréales, tiens, hein, c'est à la mode, il s'est quand même développé, entre autres dans petits fruits, beaucoup de nouveautés. Il s'est quand même développé des cultures en termes... au niveau du lin. Il y a bien des choses, la gourgane, qui se sont développées.

Là, vous y allez avec un modèle, mais j'aimerais vous entendre. Avez-vous été un petit peu plus ailleurs en région? Parce qu'il semble y avoir une distorsion dans le Québec. On parle beaucoup de concentration dans certains secteurs, puis là je l'entends depuis hier, mais il y a tout le reste des régions aussi qui sont plus au nord, où est-ce qu'il y a aussi de la production animale. J'aimerais vous entendre là-dessus. Quand on a des productions animales, ça n'a pas juste des inconvénients, ça. Ça a des avantages, sûrement.

Le Président (M. Lemay) : M. Debailleul.

M. Debailleul (Guy) : Je suis tout à fait content de votre observation parce que, d'une part, ça permet de mettre un peu plus l'accent sur le fait que la problématique des pesticides, c'est la problématique d'un certain type d'agriculture, enfin, surtout si on parle des herbicides en tant que tels, c'est la problématique de certaines grandes cultures. Dans certaines régions, effectivement, on a développé un certain nombre de cultures différentes, bon, parce qu'entre autres on ne pouvait pas faire de maïs. Et il faut bien reconnaître que ces cultures, les agriculteurs les ont lancées sans beaucoup de soutien de la part des programmes agricoles. En somme, ils n'étaient pas dirigés vers la diversification.

Et c'est d'autant plus important de signaler ça que ces régions, si on se place dans une perspective de changements climatiques, vont probablement être aussi des régions dans lesquelles la diversification des productions agricoles va être encore plus possible, mais encore faut-il qu'on s'y prépare. On a tendance à dire : L'agriculture québécoise pourrait être une de celles en Amérique du Nord qui pourrait tirer le mieux son épingle du jeu dans la perspective de ces changements, si on se réfère au scénario climatique d'Ouranos, par exemple...

Le Président (M. Lemay) : M. Debailleul, je dois vous interrompre puisque cette période d'échange est maintenant terminée. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Messieurs, là, si vous voulez terminer votre phrase, n'hésitez pas.

M. Debailleul (Guy) : Alors, si... Mais, si on veut s'y préparer, il faut le faire dès maintenant, c'est-à-dire qu'il faut penser dès maintenant au type de culture que l'on va pouvoir promouvoir dans 20 ans ou 25 ans. Il faut préparer les programmes de formation à la destination de l'ensemble des intervenants, etc.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Je vais aller sur des points spécifiques de vos recommandations, en fait. Puis vous en aviez parlé beaucoup, de la question de la formation agroécologique. À qui, selon vous, précisément devrait s'adresser cette formation? Quand vous dites d'ajouter de la formation au niveau des collèges, au niveau des universités, vous parlez de quel corps de...

M. Debailleul (Guy) : ...qui se destinent à l'activité agricole et de ceux qui se... à devenir des agriculteurs et puis de ceux qui vont intervenir dans le conseil agronomique à quelque niveau qu'il soit.

Mme Montpetit : Donc, on parle des agriculteurs, des producteurs et des agronomes. C'est ce que je comprends, si on le résume? Parfait. Vous avez, dans vos recommandations, aussi une recommandation qui se lit comme suit, là : «Que le MAPAQ ouvre ses programmes de soutien financier à d'autres productions agricoles afin de ramener une plus grande diversité de cultures dans les régions de monocultures plus grandes utilisatrices de pesticides.» Votre recommandation, quelle est-elle exactement? Comment vous la... Parce qu'elle n'est pas déclinée. On n'a que cette phrase-là. Qu'est-ce que vous entendez par cette recommandation?

• (17 heures) •

Le Président (M. Lemay) : M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : Les programmes de soutien gouvernementaux, jusqu'à présent, ont été axés sur des productions très définies, et ça a donné un résultat très précis, ce sont les productions qui ont connu un essor particulier. Ce qu'on voudrait à cet égard-là, c'est qu'on répartisse différemment les soutiens et qu'on encourage à la fois des nouvelles productions qui occupent déjà, parce que vous en avez parlé tout à l'heure, certaines parties, mais évidemment pour lesquelles des développements sont possibles, et qu'on fasse un peu aussi un soutien qui est beaucoup plus global à l'agriculture, et non pas sur une production définie. J'ai écrit un rapport sur le sujet.

Quand on soutient une production, elle se développe, mais, si on n'arrête pas de la soutenir, elle va faire de l'embonpoint un peu. C'est un peu ce qu'ont fait nos productions actuellement en grandes cultures, un peu d'embonpoint. Et tout ça parce qu'évidemment les argents, et des fortes sommes, étaient destinés.

Alors, lorsqu'on parle de réorienter certains soutiens, ça peut être aussi pour des périodes de transition vers une autre production. On l'a fait, mais, je pense, assez modestement du côté biologique. Ça a été... c'est un exemple. Mais décloisonnons le soutien à l'agriculture. Le Québec n'a pas été avare du côté des soutiens en dollars, le Québec a soutenu l'agriculture plus que n'importe quel autre, en fait, gouvernement pancanadien, d'est en ouest.

Alors, on a été, donc, historiquement une des provinces qui a — la province, en fait — le mieux soutenu son agriculture. Maintenant, le constat que j'ai fait, c'est : On ne l'a pas nécessairement bien soutenue. Voilà.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Parfait. Vous avez abordé, dans votre présentation, aussi toute la question des dénonciations qui ont été faites par M. Louis Robert sur les questions d'indépendance de la recherche. C'est ce qui a été beaucoup au coeur des débats des derniers mois. Est-ce que, de votre point de vue à vous, là, de votre lecture, vous évaluez que la recherche qui est faite à l'heure actuelle, elle est teintée, justement, par des acteurs externes?

M. Debailleul (Guy) : Écoutez, il y a, d'une part, la recherche qui est menée dans le cadre universitaire et qui, pour une bonne part, est financée à même les grands fonds de financement de la recherche. On peut dire que, là, l'influence, j'allais dire, du secteur privé est peut-être plus limitée, encore qu'elle n'est pas totalement absente. Puis il y a la recherche qui se mène dans les centres de recherche appliquée mis en place par le ministère de l'Agriculture dans le cadre des années 90. On a évoqué le CEROM, on a évoqué l'IRDA.

Il y avait un souci de la part du MAPAQ à l'époque dans la mise en place de ces centres. C'est, d'une part, de rapprocher en quelque sorte ces centres du milieu agricole, de s'assurer que les recherches qui se menaient répondaient aux besoins des producteurs agricoles, et puis aussi, éventuellement, le constat que... enfin, ou l'idée que, puisque les agriculteurs étaient les principaux bénéficiaires des résultats de la recherche, ils pouvaient être aussi associés à son financement. À mon avis, ça procède peut-être un peu d'une erreur dans le sens où la recherche agricole n'est pas seulement une recherche visant à répondre aux problèmes des agriculteurs, mais c'est aussi un bien public, ça concerne l'ensemble de la société. Et on a cru bon, pour ce faire, de faire entrer dans les conseils d'administration de ces centres des représentants du secteur privé.

Moi, j'ai eu l'occasion de siéger sur certains de ces conseils d'administration quand j'étais vice-doyen de la faculté et j'ai pu effectivement noter que, bon, certains représentants du secteur privé se montraient très véhéments vis-à-vis de certaines orientations, ce qui m'amène à penser que c'est important que ces centres de recherche restent à l'écoute des préoccupations et des besoins du milieu, mais ça ne passe pas forcément, pour moi, par la présence effective, éventuellement, même à des postes décisionnels, dans les conseils d'administration des représentants du secteur privé.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vous remercie. C'est très clair. Puis je suis bien contente d'avoir votre opinion là-dessus parce que c'est un des volets, justement, auxquels on s'adresse dans notre mandat d'initiative, sur toute la question de l'indépendance de la recherche.

J'aurais une dernière question, que j'ai posée aussi à l'ensemble des groupes qui se sont présentés, à savoir : Est-ce que, un, vous... Est-ce que nous disposons de l'information complète sur les effets des pesticides sur la santé au Québec? Est-ce qu'on a cette information-là, à votre avis? Est-ce qu'on est capables de prendre les décisions nécessaires avec l'information dont on a? Et, si votre réponse est non, est-ce que, justement, vous jugez qu'il serait nécessaire de faire une étude épidémiologique sur les risques toxicologiques des pesticides?

Le Président (M. Lemay) : M. Debailleul.

M. Debailleul (Guy) : Je pense que les citoyens du Québec sont actuellement bénéficiaires d'une quantité importante d'information, mais je ne suis pas sûr qu'ils aient la capacité de départager le plus sérieux et le moins sérieux dans l'ensemble de ces études, parce qu'en fait il y a encore un certain nombre de recherches qui devront être poursuivies.

Permettez-moi de dire qu'à titre personnel, par exemple, étant grand-père d'un petit enfant autiste, je réagis très violemment à des études qui semblent établir un lien entre autisme et utilisation de pesticides. On le fait comme on l'a fait il n'y a pas si longtemps entre l'autisme et le recours à certains vaccins. Simplement pour dire que, finalement, peut-être qu'on a beaucoup d'informations, mais on a encore aussi beaucoup de prudence à avoir avec l'utilisation de certaines de ces informations.

J'ai entendu les représentants de l'institut de la santé publique dire qu'effectivement ils ne menaient pas de recherches eux-mêmes, mais il y a beaucoup de recherches qui se mènent un peu partout. Le tout, c'est de départager, en fait, les résultats de ces recherches entre ce qui reste incontestable et ce qui n'est pas encore tout à fait établi.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée, ça va? Parfait. Merci beaucoup. Donc, nous allons maintenant céder la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous d'être là, c'est extrêmement intéressant. Vous êtes les premiers à nous parler... J'aimerais revenir aussi sur la diversité des cultures, parce que vous êtes les premiers à nous amener ça comme élément de solution à l'utilisation des pesticides. On sent, là aussi, un peu l'esprit du rapport Pronovost, que vous avez évoqué tout à l'heure, de diversifier notre agriculture et avoir une agriculture qui est plus plurielle. Puis j'aimerais encore vous entendre entre, justement, le lien qu'on peut faire de l'application des pesticides dans les monocultures... Ce que je comprends, c'est qu'avec une agriculture plus plurielle, plus diversifiée, il y aurait moins d'utilisation de pesticides, à votre avis?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : L'utilisation des pesticides n'est pas égale d'une production à l'autre, loin de là. Et ce que je mentionnais au début, c'est que la plus vieille pratique pour réduire l'utilisation des pesticides — et à l'époque, on ne la connaissait même pas — c'était la rotation des cultures. On ne faisait pas 10 années de suite de pommes de terre sur le même lot parce qu'on savait que le doryphore était pour s'en emparer instantanément. Il fallait donc trouver des moyens de faire ça. Et donc ce n'est pas une solution magique, mais c'est une façon importante de réduire l'utilisation, ne pas... On ne niera pas qu'il existe encore des moments où, de façon très précise, on va pouvoir les utiliser, mais on sait par ailleurs, parce que les informations sont beaucoup plus à jour, qu'on n'est plus comme auparavant dans l'approche, on va le faire au cas où.

Le Président (M. Lemay) : Simplement, Mme la députée, allez-y, poursuivez avec une autre question.

• (17 h 10) •

Mme Lessard-Therrien : Bien, au niveau de la rotation des cultures, on a visité une ferme qui est certifiée biologique, et qui faisait beaucoup de lutte intégrée, puis qui faisait la rotation des cultures, mais en restant encore entre la rotation maïs, soya, blé et une autre culture de couverture, là, soit des pois ou quelque chose comme ça. Mais, à ce que j'entends, c'est qu'il faudrait se diversifier, même dans le type d'agriculture qu'on fait, non seulement dans la rotation, mais aussi dans le type de culture.

Le Président (M. Lemay) : M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : Absolument. Je pense qu'il faudrait regarder ça. Dans ce secteur-là, par exemple, le côté légumes de transformation est une alternative intéressante, pas largement utilisée, mais, quand même, il y en a qui le font, et c'est une voie, d'amener un peu plus de diversité.

Il y a bien sûr, je dois mentionner également, tout le côté lentilles, pois, fèves, qui... Quand on va dans l'Ouest canadien, on s'aperçoit que ça devient des productions extrêmement importantes et qui se destinent à des marchés... Notamment, le marché du Maghreb est un grand utilisateur de lentilles. Donc, il y a des avenues, là. On peut arrêter d'être campé sur ce qu'on faisait hier et on va faire demain. Nous...

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : ...qu'on dit, c'est : Essayons de trouver des façons de faire autre chose.

Le Président (M. Lemay) : Je dois vous interrompre à ce stade-ci pour céder maintenant la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Ce n'est pas toujours évident de passer le dernier, hein? Ça prend de l'imagination.

Vous avez soulevé, tout à l'heure, je vais le dire en mémo, là, une forme de favoritisme en termes d'investissements pour soutenir certains types de production où l'État priorisait certains types de... bon, de production agricole. Lesquels et pour quels marchés?

Le Président (M. Lemay) : M. Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Michel) : ...lorsqu'on a créé des programmes, on a voulu... On appelait ça un programme de soutien, mais ça a été aussi largement utilisé comme programme de développement. On était à une époque, si on remonte presque 50 ans en arrière, en tout cas, 40 au moins, on était à une époque où on sortait de la ferme mixte, de la ferme familiale, et le mot d'ordre, c'était : Spécialisons-nous.

Dans le domaine des grandes cultures, la priorité a été mise rapidement sur le maïs-grain, bon, un maïs d'alimentation animale pour lequel on était dépendants des marchés extérieurs. Ça a été, on peut dire, la première avec un succès assez phénoménal. Il y a eu un développement extraordinaire de cette production-là dans la zone qui le permet, une zone où les unités thermiques sont assez élevées.

Par la suite, on s'est dit : Oh! ça a marché, on va le faire sur autre chose également. On a introduit, et heureusement, le soya ou le soja, selon qu'on est Français ou Québécois. On a introduit ça, heureusement, pour avoir une culture alternative et éviter le compactage des sols, qui devenait très problématique.

Mais ces programmes-là ont été mis en place à peu près à chaque fois pour développer quelque chose. On l'a fait dans la production bovine également, et le succès a été là. Le problème, c'est qu'on était il y a 40 ans, puis on est encore à la même place.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Roy : Donc, on n'a pas évolué à ce niveau-là. Question... bon, ou une inquiétude, le ministre Fitzgibbon, via un projet de loi, va probablement rapatrier une partie de la recherche dans son ministère et associer les objectifs de la recherche à des impératifs économiques. On parle d'indépendance des groupes de recherche, on parle de l'autonomie des chercheurs, et là... Bon, j'ouvre une autre discussion, mais éventuellement il va falloir regarder ça de très près pour protéger l'indépendance des chercheurs au niveau universitaire via les pressions du marché ou de certaines institutions, organisations, je dirais, de production de pesticides, entre autres.

Le Président (M. Lemay) : C'est... Je ne sais pas si on peut répondre très brièvement. Le temps est déjà écoulé. Peut-être cinq secondes. Allez-y.

M. Debailleul (Guy) : Bien, je pense qu'effectivement il faut être très sensible à ça et surveiller ça de près.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup pour votre contribution aux travaux, M. Saint-Pierre, M. Debailleul.

Je suspends maintenant quelques instants pour permettre aux représentants de l'Association des producteurs maraîchers du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons les travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association des producteurs maraîchers du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ)

M. St-Denis (Jocelyn) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés et membres de la commission, je suis Jocelyn St-Denis, directeur général de l'Association des producteurs maraîchers du Québec. Je travaille depuis près de 20 ans auprès de producteurs maraîchers. Je suis accompagné de Mme Elisabeth Fortier, agronome pour l'APMQ, responsable pour la phytoprotection. Fille de producteurs horticoles, elle détient une maîtrise en biologie végétale. M. Guillaume Cloutier, agronome et copropriétaire d'une entreprise maraîchère en Montérégie qui, depuis 2008, a diminué de 81 % l'indice de risque pour l'environnement dans sa production d'oignons et d'échalotes françaises.

L'APMQ regroupe les principaux producteurs maraîchers et horticoles du Québec. Elle constitue une force notable puisque plus de 80 % de la production maraîchère du Québec provient de ses membres. Le rôle de l'APMQ est d'offrir des services relatifs à la production. Parmi ces services, on compte de l'appui à la recherche et au développement technologique, de la représentation en vue d'influencer de manière positive et efficace la mise en marché et l'instauration de programmes de promotion des fruits et légumes du Québec, entre autres, à travers notre campagne mangezquebec.com.

D'entrée de jeu, nous souhaitons saluer le travail des membres de cette commission qui, à leur initiative, ont décidé d'examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement, tout en maintenant la compétitivité du secteur agroalimentaire. En ce sens, l'APMQ est d'avis que l'utilisation des pesticides doit faire partie d'un programme complet de lutte antiparasitaire basé sur les trois étapes de la lutte intégrée, soit prévenir en utilisant des techniques simples et éprouvées, cette étape est la clé afin de devancer les problèmes, suivre en suivant son champ afin de dépister les menaces à temps et guérir en utilisant des techniques alternatives, lorsque disponibles, et, en derniers recours, en utilisant les pesticides.

Afin d'introduire les recommandations de l'APMQ, permettez-nous de vous présenter brièvement les caractéristiques de notre secteur de production, les raisons de l'utilisation des pesticides et les pratiques agricoles innovantes déjà en place grâce à la recherche. Nous terminerons notre présentation par sept propositions de solution visant à réduire les risques liés à l'utilisation des pesticides.

Le Québec est la deuxième province productrice de fruits et légumes en importance au Canada après l'Ontario. Le secteur opère dans un environnement de marché ouvert, sans protection commerciale. Ainsi, nous souhaitons faire valoir aux membres de la commission l'importance pour les producteurs maraîchers du Québec de pouvoir demeurer compétitifs face à leurs principaux concurrents nationaux et internationaux. C'est en effet primordial pour assurer la production d'aliments locaux dans le but d'approvisionner les marchés.

L'APMQ croit qu'il importe de maintenir un équilibre entre le maintien de la sécurité alimentaire du Québec, c'est-à-dire l'innocuité, le coût et la disponibilité des produits, et les mesures visant à réduire l'utilisation de pesticides en production maraîchère. M. Cloutier.

M. Cloutier (Guillaume) : Les pesticides sont des outils essentiels pour lutter contre les ennemis des cultures. Du semis jusqu'à la récolte, un producteur maraîcher doit suivre plusieurs insectes et maladies qui ont la capacité de détruire un champ entier en plus des mauvaises herbes qui compétitionnent la culture. Certains de ces ravageurs sont présents durant toute la saison et il ne suffit que d'une erreur dans la surveillance ou le contrôle pour observer des conséquences.

Heureusement, la prévention, un dépistage rigoureux, l'expertise des conseillers agricoles, des pratiques agroenvironnementales exemplaires et l'utilisation de pesticides en dernier recours permettent d'assurer l'atteinte d'un rendement acceptable et d'une qualité commercialisable. Je vais passer la parole à M. St-Denis.

• (17 h 20) •

M. St-Denis (Jocelyn) : Les pesticides représentent des risques, et un mauvais usage peut entraîner des problèmes de santé et environnementaux et les rendre inefficaces dû au développement de la résistance. Pour toutes ces raisons, les producteurs maraîchers sont proactifs depuis déjà plusieurs décennies. Un usage approprié, soit la bonne dose au bon moment et seulement lorsque nécessaire, est de plus en plus la norme dans le secteur maraîcher.

Aussi, les producteurs maraîchers ont contribué, il y a plus de 25 ans, à la création des clubs d'encadrement technique, précurseurs des services-conseils indépendants aujourd'hui reconnus. Récemment, ils ont aussi mis en place, à leur initiative, le Pôle d'excellence en lutte intégrée. En fondant ce pôle, les producteurs et intervenants du secteur maraîcher ont concrétisé le souhait de travailler dans un climat de collaboration et de faire de la lutte intégrée une priorité sectorielle. Mme Fortier.

Mme Fortier (Elisabeth) : Comme vous le savez, le Canada et le Québec disposent déjà de nombreuses règles encadrant l'homologation et l'utilisation des pesticides. Le Québec est une province progressiste en ce qui a trait à la gestion de la phytoprotection, avec de nombreux outils à la disposition des conseillers et des producteurs. On peut penser notamment au registre d'utilisation des pesticides, au Réseau d'avertissements phytosanitaires, aux services-conseils indépendants en partie subventionnés, à des logiciels d'aide à la décision, tels que SAgE Pesticides et IRIIS phytoprotection, et à la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture.

En plus de cet encadrement, l'APMQ encourage l'adoption de pratiques agricoles limitant le recours aux pesticides en utilisant des approches de prévention à la ferme et des solutions alternatives, comme, par exemple, l'utilisation des mouches stériles et le développement de plantes résistantes aux ravageurs.

Ces pratiques et solutions alternatives et innovantes sont cependant le résultat d'efforts financiers importants de la part des producteurs maraîchers. De nombreuses autres problématiques nécessiteraient davantage de recherche, mais les moyens financiers sont malheureusement insuffisants.

M. St-Denis (Jocelyn) : S'il demeure toujours difficile de réduire le recours aux pesticides chez les producteurs maraîchers, c'est notamment dû au manque de disponibilité de produits et de méthodes alternatives et efficaces, au manque de soutien financier et agronomique ainsi qu'aux modes de production établis mondialement pour répondre à la volonté des détaillants et des consommateurs.

Actuellement, la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture est un pas dans la bonne direction, mais elle ne dispose pas, à notre avis, de moyens suffisants. Il faut passer en deuxième vitesse. Pour aller plus loin et plus vite, l'APMQ présente sept pistes de solution.

Premièrement, l'APMQ recommande d'investir davantage en recherche publique dans le secteur maraîcher. Il existe plus de 80 cultures différentes, et chaque culture fait face à des dizaines d'ennemis potentiels. La recherche actuelle ne couvre qu'une faible partie des besoins.

Deuxièmement, il est nécessaire que les producteurs aient accès à tous les nouveaux produits plus efficaces et moins impactants pour la santé et l'environnement. À cet effet, le gouvernement du Québec doit interpeller les autorités fédérales afin qu'elles harmonisent les protocoles d'homologation des pesticides et biopesticides avec ceux des États-Unis.

Troisièmement, il faut pouvoir accroître l'offre de services-conseils indépendants. Il faut non seulement la subventionner davantage, mais aussi s'assurer qu'elle soit disponible.

Quatrièmement, il faut étendre la disponibilité des biopesticides et pesticides à faibles risques à d'autres cultures. Les efforts consentis ces dernières années doivent être maintenus à long terme pour garantir l'accès aux producteurs à de nouveaux produits. L'aide financière accordée par le MAPAQ au secteur horticole doit être pérennisée en ce sens.

Cinquièmement, il faut pouvoir se donner les moyens de soutenir financièrement l'adoption de techniques de lutte alternative et les pratiques innovantes. Le coût d'achat, d'installation, le service-conseil et l'accompagnement financier dans la gestion du risque doivent être inclus dans ce soutien.

Sixièmement, l'APMQ recommande aussi de mettre en place des plans d'action pour circonscrire les deux ou trois risques les plus importants. À ce sujet, il faut utiliser la règle du 80-20 et déterminer les actions qui auront le maximum d'impact. Par exemple, selon le conseil de défense des cultures de la Grande-Bretagne, de 40 % à 70 % de la contamination des eaux de surface par les pesticides provient des lieux où les utilisateurs préparent les bouillies et remplissent le matériel de pulvérisation.

Enfin, il faut poursuivre l'amélioration des pratiques agricoles de conservation des sols. En effet, l'amélioration de ces pratiques réduit l'impact de la production agricole sur la qualité de l'eau et sur la biodiversité.

L'APMQ est convaincue que la mise en place en place de ces sept propositions permettra de diminuer les risques liés à l'utilisation des pesticides. Elle favorisera également un environnement propice et concurrentiel dans lequel les producteurs maraîchers du Québec pourront satisfaire les besoins des consommateurs pour des produits locaux, abordables et sécuritaires.

Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup pour votre exposé. Donc, je cède maintenant la parole au député de Bourget pour cette intervention.

M. Campeau : Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. M. St-Denis, j'ai bien aimé quand vous avez parlé de prévenir, suivre et guérir, là. Je pense que, si tout le monde fait ça, on va déjà utiliser moins de produits. Vous avez aussi parlé d'homologation. Pouvez-vous m'en parler un petit peu plus, là, qu'est-ce qu'il y a de différent dans l'homologation québécoise? Est-ce que vous parlez d'une homologation québécoise, est-ce que vous parlez au niveau canadien? L'harmonisation avec les États-Unis, qu'est-ce que ça veut dire exactement?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. St-Denis, en vous rappelant que vous pouvez céder la parole à quelqu'un d'autre, il n'y a aucun problème. Allez-y.

M. St-Denis (Jocelyn) : Merci. Il y a deux processus... Quand un producteur un... dans l'industrie veulent présenter une nouvelle molécule pour mettre en marché dans un... pour répondre à une solution, il y a... le processus ou... pour aux États-Unis et au Canada, c'est deux processus parallèles différents et distincts. Donc, la personne de l'industrie doit mesurer l'impact économique de passer à travers le processus. Donc, ça coûte des millions pour mettre en place des nouvelles molécules, et ils doivent mesurer le retour économique qu'ils ont. Alors, aux États-Unis, on comprend bien que la population est plus grande, que les surfaces de culture sont plus grandes, donc c'est un marché qui est très attrayant pour l'industrie des pesticides. Par contre, au Canada, bien, on est beaucoup plus petits, on a moins de clients potentiels, si on veut, et, pour cette raison, des produits, nouvelles techniques, nouvelles technologies bien développées aux États-Unis ne passent pas le processus d'homologation au Canada parce que le producteur de l'industrie ne veut pas investir ces fonds-là pour le Canada. Alors, ces produits-là ne nous sont pas disponibles à nous.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Ce qui sous-entend qu'il faudrait partager l'information avec les États-Unis, ce qui n'est peut-être pas une mauvaise chose à partir du moment où ils veulent bien le faire.

M. St-Denis (Jocelyn) : C'est une situation, une demande du secteur horticole pancanadien de regarder à des moyens pour que l'homologation soit plus facile dans les deux parties, les deux côtés de la frontière.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Vous avez aussi mentionné que, comme association, vous appuyez la recherche et développement, ce qui sous-entend que vos membres donnent un appui financier, dans certains cas, de recherche et de développement. Est-ce que j'ai bien compris?

Le Président (M. Lemay) : M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : Présentement, notre association n'est pas impliquée financièrement à grande échelle dans la recherche et le développement. On l'appuie par le transfert de l'information, par le transfert des résultats, par l'information à nos membres. On est en train de mettre sur pied un fonds d'innovation maraîcher, donc, où on aurait les contributions des producteurs pour créer un fonds d'innovation dans le milieu horticole. Alors, ce fonds-là, on l'estime à peu près à 400 000 $ par année, pourrait servir de contribution de l'industrie sur une période récurrente pour aller appliquer sur des projets qui existent. On travaille actuellement sur trouver les priorités de recherche pour le secteur horticole, donc on consulte nos membres, on consulte tous les producteurs de légumes de champ du Québec pour savoir c'est quoi, selon eux, les priorités, et ce fonds va gérer les priorités et va orienter la recherche en fonction des besoins sur le terrain.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Campeau : M. Cloutier, une baisse de 81 % d'utilisation de pesticides, qu'est-ce qui fait qu'un jour on dit : Je m'en vais dans cette direction-là? Qu'est-ce que qui vous a motivé au départ?

Le Président (M. Lemay) : M. Cloutier

• (17 h 30) •

M. Cloutier (Guillaume) : Bien, il faut dire que c'est une vision d'entreprise qui ne date pas d'hier. Dans le fond, moi, je suis, comme vous pouvez le voir, je suis assez jeune, donc je suis sur la relève de l'entreprise, et c'est mon oncle, donc, qui a vraiment commencé, là, à se poser des questions sur l'utilisation des pesticides. Et ce qui a amené la région, là... Nous, on vient de la région de Napierville, donc Les Jardins-de-Napierville. C'est ce qui a fait que ça a mobilisé... ils se sont mobilisés, entre producteurs, là, pour réussir à se dissocier un petit peu de l'utilisation des pesticides et trouver des moyens alternatifs.

Et ça ne date pas d'hier. Dans le fond, le Phytodata ou le PRISME, qui a été visité, là, et que vous avez fait la visite ici, date de 1990, et c'est les capteurs de spores, les mouches stériles qui ont permis, là, qui nous ont grandement permis, là, de diminuer ces pesticides sur notre entreprise.

On a complètement éliminé l'application d'insecticides directement aux semis de Lorsban et on a diminué de quatre à six traitements de fongicides durant l'année de croissance, là, de la culture de l'oignon, qui, avant, était faite, là, systématiquement à chaque semaine. Donc, c'est des avancées extrêmement majeures qui ont été réalisées en raison de notre club-conseil et de la recherche qui y est étroitement associée.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. M. le député.

M. Campeau : Dernière question. Mme Fortier, vous parlez de services-conseils indépendants. Je pense qu'on est tous d'accord, on l'a entendu assez souvent. J'avais l'impression que vous n'avez pas de difficulté à avoir du service-conseil indépendant. Est-ce que c'est le cas ou j'ai mal compris?

Mme Fortier (Elisabeth) : Dans notre secteur, on est quand même relativement chanceux, le service-conseil indépendant est assez présent, donc il y a beaucoup de clubs-conseils. Comme M. Cloutier le disait, en 1990, il y a, en fait, plus de 25 ans, beaucoup de producteurs maraîchers et horticoles à travers le Québec ont décidé de s'associer entre eux pour engager des agronomes, pour avoir quelqu'un qui puisse faire le suivi des champs. Donc, on est un petit peu à l'origine des services-conseils indépendants, qui sont aujourd'hui... partent dans tous les secteurs agricoles.

Donc, oui, il y a une certaine disponibilité, il y en a de présents, mais on manque tout de même d'agronomes sur le terrain qui sont indépendants. Il en faudrait beaucoup plus. La demande, elle est présente. Les producteurs ont besoin d'un encadrement pour être capables d'aller plus loin, pour avoir un transfert... de la formation en transfert technologique. Donc, il y en a, mais il faudrait aller encore plus loin, là. On a besoin de davantage.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Fortier. Avant de céder la parole au député de Maskinongé, parce qu'il aime ça, savoir les gens qui nous écoutent, en fait, on a reçu un commentaire de Mme Monique Bisson, que... on tient en considération qu'on pourra... je ferai de quoi là-dessus à la fin de nos travaux. Mais, bref, M. le député, sachez que nous sommes écoutés par plus que juste deux, trois agriculteurs dans votre comté. Allez-y.

M. Allaire : Merci pour la précision, M. le Président. Je vais faire du pouce sur quelques questions de mon collègue aussi, mais, avant, je tiens à vous dire que j'ai bien aimé votre mémoire. Puis, en fait, ce que j'ai aimé, c'est que je l'ai trouvé très équilibré, puis je trouve que ça me rejoint, moi, dans mes valeurs, dans ce que je suis comme personne, puis ça rejoint aussi beaucoup ce qu'on veut faire comme gouvernement aussi. Je pense que les mesures qu'on veut mettre en place sont beaucoup équilibrées, tempérées, je dirais même modérées. Ça donne beaucoup de crédibilité à votre mémoire puis ça donne beaucoup de crédibilité, à mon sens, aux solutions que vous voulez mettre en place.

Et ça m'amène à dire que, tu sais, on va se donner un plan de match collectif, là, veux veux pas, là, avec cette commission, naturellement. Et vous voyez ça comment dans le temps? Est-ce que... L'ensemble de vos propositions, vous pensez que ça doit s'échelonner sur une période de combien de temps? Et quel accompagnement qu'on devra faire de nos producteurs? Parce que, quand on parle de gestion de changement, je pense que c'est important d'avoir un encadrement qui est efficace. Vous voyez ça comment, l'encadrement, là, qu'on devra faire dans ce contexte-là?

Le Président (M. Lemay) : Alors, on y va avec M. St-Pierre? M. St-Denis. Excusez-moi.

M. St-Denis (Jocelyn) : Merci. La période temps, c'est sûr que ça ne se fait pas du jour au lendemain. On n'allume pas une switch puis on dit : On s'en va dans un autre mode de pensée, un autre mode de travail. Ça va se faire sur une longue haleine. Mais il faut prendre... si une décision de société se prend, bien, il faut prendre les moyens et se rendre surtout jusqu'au bout des moyens, parce que ce n'est pas après trois, quatre ans où on regardera les résultats qui seront arrivés puis qu'on ne sera pas satisfaits trop, trop des résultats, mais c'est un chemin qui va être long.

On faisait état de 80 cultures différentes en maraîcher avec des dizaines d'ennemis de culture. Il y a beaucoup de problèmes à adresser un à un, et la recherche ou la solution trouvée pour un élément n'est pas nécessairement applicable demain matin à un autre élément. D'autres enjeux vont arriver, il faut les découvrir au fur et à mesure, et tout ça dans un contexte d'incertitude face aux changements climatiques qui s'en viennent.

Côté encadrement, certainement que ça prend l'encadrement, on en faisait état, de services-conseils, que ce soient des ingénieurs en agronomie, des agronomes, des chercheurs, pour travailler avec le secteur pour trouver des alternatives et surtout, après ça, les transmettre, et les transférer, et les mettre en application.

Une nouvelle méthode, on a parlé des mouches stériles tantôt, bien, ça a pris 10 ans à développer les mouches stériles. Ça a pris beaucoup d'énergie. C'est sûr que, s'il y avait eu une bonne contribution à la recherche au niveau des fonds, on aurait peut-être pu accélérer. Mais culture d'oignons, par exemple, ça se fait une fois par année. Si on veut faire cinq années de tests, bien, ça prend au moins cinq ans parce que la culture ne se répète pas trois ou quatre fois dans une année. Donc, ça prend des délais.

De l'encadrement et du support, un producteur maraîcher, c'est son entreprise, ce sont des entrepreneurs qui sont en agriculture... ont besoin d'être accompagnés parce qu'il y a des éléments d'incertitude. Quand il y a une incertitude, quand il y a un risque, bien, ils ont besoin d'être supportés là-dedans parce qu'il y a beaucoup d'entreprises maraîchères qui sont petites, qui sont moyennes, il y en a qui ont plus de moyens. Ceux qui ont plus de moyens vont s'en sortir beaucoup mieux que les plus petits qui ont plus de difficultés.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Allaire : Justement, dans les mesures que vous proposez, là, vous avez proposé une aide financière, là, pour cette transition-là vers les biopesticides. L'avez-vous chiffrée? Puis, tu sais, allez plus dans le détail, là. L'aide va se traduire comment exactement, là?

Le Président (M. Lemay) : M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : On n'a pas chiffré, mais, quand un producteur décide de s'en aller dans des changements au niveau de sa culture, qui peut impliquer des pertes de rendement, des pertes de productivité, des coûts supplémentaires, bien, à quelque part, c'est des risques financiers qu'il doit assumer. Et on ne croit pas qu'il doit les assumer seul, que c'est une décision de société. Et le partage de ce risque-là qu'il assume doit être réparti à travers l'ensemble de la population.

M. Allaire : ...dernière année assez difficile. Il ne faudrait pas rajouter en plus une couche sur leur fardeau financier, là. Là-dessus, là, j'abonde dans votre sens.

Je reviens sur le fonds, là, que vous avez créé par votre industrie. Est-ce qu'à votre connaissance il y a d'autres industries qui font à peu près la même chose?

Le Président (M. Lemay) : Mme Fortier.

Mme Fortier (Elisabeth) : Oui. Petite rectification. Il n'est pas encore créé, il est en processus de création. Donc, on est à l'étude en ce moment. Dans notre secteur, dans le secteur horticole, non, il n'y a pas d'autre fonds qui existe de la sorte, même en production végétale, en fait. C'est plus en production animale qu'il existe d'autres... En fait, je me rectifie : pommes de terre, pommes de terre puisqu'ils ont un plan conjoint. Via le plan conjoint, il y a des prélevés qui peuvent être faits. Et historiquement aussi, avec différents programmes qu'ils ont eus, ils ont eu quelques fonds de recherche qui ont été développés, mais c'est précurseur.

M. Allaire : ...je me permets de vous le dire. Dernière question. Vous avez... bien, vous avez parlé, dans votre mémoire, là, de la possibilité, puis on l'a effleuré tantôt, là, de s'arrimer avec l'homologation des États-Unis. Mme Vandelac l'a abordé un peu ce matin. Vous n'avez pas peur que ça... en fait, ça freine le commerce avec nos amis européens. Oui, ça peut peut-être le faciliter avec nos amis du Sud, mais au niveau de l'Europe, vous n'avez pas peur que ça mette une barrière à l'entrée?

Le Président (M. Lemay) : Mme Fortier ou M. St-Denis? M. St-Denis, allez-y.

M. St-Denis (Jocelyn) : Quand on regarde la production maraîchère de fruits et légumes, il y a peu d'exportations vers l'Europe. Donc, c'est surtout un commerce qui est nord-sud du côté de la production maraîchère, horticole. Donc, on ne croit pas que ça pourrait avoir un impact significatif au côté de l'Europe.

M. Allaire : Parfait, merci. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Lemay) : Je cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci de votre présence, d'avoir pris le temps aussi de bien présenter votre mémoire, tout ça. Puis on sait aussi que vous avez un contact privilégié avec les citoyens, ça fait quand même longtemps, et vous êtes les précurseurs au niveau des kiosques à la ferme. Comment ça se passe avec les citoyens, ces temps-ci, avec le mandat d'initiative? Ils vont chez vous acheter des légumes, tout ça?

Le Président (M. Lemay) : M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : Les citoyens sont très consciencieux de ce qu'ils mangent, ils le sont de plus en plus. La nouvelle génération pose beaucoup plus de questions. On était aux portes ouvertes de l'agriculture, là, au Stade olympique, au début septembre, et puis on a participé à un kiosque d'explication sur l'enjeu phytosanitaire et les pesticides. Les gens étaient dans la salle, étaient très attentifs, ont posé des questions. Mais c'est beaucoup de l'éducation, ce que nous faisons, par rapport aux perceptions. Il y a beaucoup de méthodes alternatives qui existent, qui sont développées et qui sont utilisées. On dit qu'il y a 81 % des fermes qui utilisent des techniques de lutte intégrées. Donc, ce n'est pas 100 %, mais c'est quand même un bon mouvement qui est fait de ce côté-là.

Un producteur agricole est conscient de la santé, et il nourrit la population, il nourrit sa famille avec ses produits, donc, à partir de là, il est aussi très ouvert à communiquer et à partager avec les consommateurs. Mais les consommateurs, ils sont curieux, ils posent des questions. Puis, quand on leur explique, ça ouvre des lumières, si on dirait.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

• (17 h 40) •

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : On parle beaucoup d'innovation, de recherche, de formation, formation au niveau des techniciens, des agronomes, mais là je vous entends parler puis, en fait, de la formation au niveau des citoyens aussi, autrement dit, plus de l'information. Parce que je sens, là, qu'il y a un manque, hein, entre les gens urbains, les... Au niveau rural, c'est plus facile, les gens restent proche des fermes. Mais, quand on arrive avec les gens des villes, ils ont besoin d'information. Et ce que je comprends, c'est qu'ils ne veulent pas juste savoir la qualité de leurs aliments, mais ils veulent savoir comment ça pousse, une tomate, comment ça pousse, une carotte.

M. St-Denis (Jocelyn) : Absolument.

Le Président (M. Lemay) : M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : L'APMQ est gestionnaire et propriétaire du Marché des Jardiniers à La Prairie. Donc, c'est un endroit qui est connu, là, pour les gens de la région de Montréal. Et, tu sais, les consommateurs y vont, ils sont avares de savoir, ils posent beaucoup de questions, et les gens qui vendent leurs produits aussi sont très ouverts à expliquer.

Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens dans la population qui pensent que, pour produire un légume, tu plantes une graine au printemps, puis tu la récoltes à l'automne, puis «that's it», c'est fini. C'est très, très loin d'être ça. C'est un métier qui est très technique, très technologique, qui s'en va avec l'agriculture de précision. C'est complexe et c'est très développé.

Alors, oui, l'éducation est importante, tant au niveau du consommateur que des décisionnaires dans le milieu de la société. Je pense qu'il y a beaucoup à apprendre, et cette commission-là pourrait servir à donner un volet éducatif à l'ensemble de la population.

Le Président (M. Lemay) : M. le député, en conclusion.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...il ne reste presque plus de temps. Donc, j'aurais aimé vous entendre parler aussi comment qu'on fonctionne quand c'est le temps d'appliquer un pesticide. On ne s'improvise pas comme ça puis on n'arrive pas comme ça : Tiens, je mets le produit puis je pars avec ça. Il y a des processus, il y a des règles. J'aurais aimé vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Lemay) : Ce sera pour une autre fois, M. le député. Alors, Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Petite question, par curiosité : Est-ce que... Parce que j'étais vendredi dernier aux Fermes Lufa. Est-ce que les serres font partie également de vos membres, les maraîchers qui font de la production en serre?

Le Président (M. Lemay) : M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : Il y a une association, un syndicat des producteurs en serre, qui est une association spécifique à la production serricole, tant au niveau de fruits et légumes que le l'horticulture ornementale. Par contre, certains de ces gens-là sont aussi membres de notre association de par le rayonnement qu'on a au niveau de la mise en marché, par exemple.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Je continuerais peut-être sur les questions par rapport au grand public puis aux consommateurs. On l'a vu, là, il y a encore eu, puis ce n'est pas la première fois que ça arrive, mais il y a encore eu des articles dernièrement, justement, sur toute la question des résidus de pesticides sur les différents aliments.

Est-ce que le grand public, est-ce que la population a raison d'être inquiète, justement, sur ces résidus qui sont retrouvés fois après fois, chaque fois qu'il y a des analyses qui sont faites?

Le Président (M. Lemay) : M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : Il y a deux phases à ma réponse. La première, c'est qu'il y a des règles qui sont établies par Santé Canada. Quand on regarde les résultats qui sont sortis le week-end dernier, 96 % plus des produits, des fruits et légumes du Québec qui ont été testés, sont en deçà des règles, des normes. Donc, je pense que, côté sécurité, quand on regarde les règles qui sont là et les normes, la production maraîchère et horticole québécoise respecte les règles à 96 %, ce qui se compare à l'Europe, qui a un protocole d'analyse qui était beaucoup plus volumineux au niveau de l'échantillonnage, donc, de ce côté-là. Il y a beaucoup de produits importés. On le voit que l'importation des produits importés... sont moins respectueux des règles et des normes.

Donc, pour moi, la population québécoise, tant que les normes sont respectées, a tout à fait raison d'avoir confiance entre... la production de fruits et légumes qui est faite au Québec.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Parfait. Merci. On a abordé beaucoup, dans les dernières consultations, toute la question de l'accès des chercheurs aux différentes données sur l'utilisation des pesticides, mais là je voudrais vous poser un petit peu le même type de question mais pour le grand public, pour les consommateurs. Je voudrais savoir si vous êtes... comme association, si vous êtes favorables, justement, à... je ne sais pas si ça passerait par la création d'un registre, mais à une plus grande transparence sur l'utilisation, justement, que ce soient des herbicides, des pesticides. Je trouve toujours ça un peu questionnable, justement, que, comme consommateurs, on ne puisse pas prendre des décisions éclairées sur ce que l'on mange parce qu'on n'est pas capables de savoir exactement, avec certitude, qu'est-ce qui est utilisé dans les différentes productions.

Est-ce que vous seriez favorables, justement, à une plus grande transparence de ces informations-là pour les consommateurs québécois?

Le Président (M. Lemay) : M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : Notre association est en faveur d'une plus grande transparence. On travaille déjà, on réfléchit déjà à comment acheminer l'information pour avoir... que les décisionnaires, que ce soit la Santé publique, que ce soit le consommateur, que ce soient les organismes, puissent avoir accès à l'utilisation réelle. Et un intervenant, ce matin, disait : Le fait que c'est tout amalgamé et ensemble, ça ne nous permet pas de voir les avancées qui sont faites dans un type de culture ou d'une autre parce que l'information n'est pas disponible. Donc, notre association est en faveur de voir de l'information qui sera très transparente pour le consommateur et tous les décisionnaires.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Parfait. Puis j'imagine, encore là, je suis curieuse d'avoir votre réponse là-dessus, mais, si d'aventure un tel registre ou une telle information devenait disponible, est-ce que vous pensez, justement, que ça n'amènerait pas une certaine pression sociale sur la façon d'utiliser, par les agriculteurs ou par les maraîchers, justement, les herbicides, les pesticides, le fait de rendre transparente cette information?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : Je dirais que l'information, quand elle sera disponible, bien, les gens feront l'analyse de ces données-là et en prendront les décisions. Ce qui est très, très... Ce que le milieu fait beaucoup attention, c'est de respecter les règles. Donc, à ce moment-là, le respect des règles... et on le voit dans l'analyse des résidus à 96 %. Donc, à partir de là, si les règles modifient, bien, le travail va modifier. S'il y a des alternatives disponibles, les alternatives vont être utilisées. Mais, comme on disait, c'est un choix. On est prêts à y aller, on est prêts à collaborer là-dedans. C'est un choix de société, c'est un choix dans lequel on veut travailler, mais il faut avoir beaucoup de... il faut savoir que ça va être un processus ardu et long qui va nécessiter beaucoup de deniers publics.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Parfait. J'avais une question aussi sur... Justement, vous parlez de prévention, là. Vous avez abordé la question des techniques de prévention, des types, là, de techniques qui peuvent être utilisées. Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage sur ces techniques-là? Vous l'avez assez peu abordé, là, dans le mémoire, mais juste pour qu'on puisse comprendre clairement à quoi vous faites référence.

Le Président (M. Lemay) : Est-ce que vous voulez que M. Cloutier prenne la parole? Allez-y.

M. St-Denis (Jocelyn) : La question, si je peux me permettre, donc, c'est la technique, par exemple, de la mouche, ou le développement des nouvelles alternatives, ou... C'est de ça que vous voulez parler?

Mme Montpetit : Oui, exactement.

M. St-Denis (Jocelyn) : Ce n'est pas des techniques de prévention, ce sont des techniques alternatives à l'utilisation des pesticides. M. Cloutier.

M. Cloutier (Guillaume) : Je peux répondre, certainement. C'est sûr qu'au PRISME, comme les techniques qui ont été développées, là, au PRISME depuis les 10 dernières années, là, qu'on parle de la mouche stérile de l'oignon qui a pris une dizaine d'années à faire, il y a la mouche stérile du chou qui est en utilisation seulement sur notre entreprise et une ou deux autres, puisqu'on a soutenu la recherche avec le PRISME pour être capable de développer cette technique. Mais il faut savoir que cette technique-là n'est pas encore à point puisque la mouche ne se comporte pas du tout comme la mouche de l'oignon. Donc, l'élever, et tout, c'est vraiment extrêmement compliqué, son alimentation, et tout.

On a aussi l'utilisation de filets à insectes, les biofiltres. On utilise beaucoup de biopesticides dans nos champs contre le Pythium à l'aide du PRISME ou encore avec des biomarqueurs qu'on est capables de savoir, dans le sol, exactement le nombre de spores de champignons qui se trouvent dans les sols afin, justement, là, d'améliorer nos rotations de culture, puisque... Si jamais j'ai beaucoup de spores de Pythium, bien, je n'irai pas semer de la salade dans ce champ-là puisque je sais nécessairement que je vais avoir beaucoup de pertes. Donc, ça, c'est des moyens qu'on réussit à sauver beaucoup, là, sur l'utilisation des pesticides puis l'utilisation des engrais verts. Le compostage, les planches permanentes, l'utilisation des mycorhizes puis l'utilisation des robots cercleurs, ce sont toutes des techniques, là, qui sont utilisées, là, sur notre entreprise en ce moment.

Mais ce qui est important de parler, on utilise, comme je vous parlais, des biopesticides qui coûtent extrêmement cher. En ce moment, c'est une entreprise. On a pris la décision d'utiliser seulement les biopesticides, sauf où qu'ils ne fonctionnaient vraiment pas. Et cette décision fait qu'à la place de payer 20 $ à l'hectare pour l'utilisation du pesticide il nous en coûte 150 $. Donc, c'est un coût environnemental d'une cinquantaine de mille dollars pour notre entreprise. C'est des gros sous. Donc, c'est... Le virage, si on veut prendre ce virage-là, il faut aider les producteurs.

Le Président (M. Lemay) : Merci. C'est non négligeable, effectivement. Mme la députée de Maurice-Richard.

• (17 h 50) •

Mme Montpetit : Je vous remercie. Je voudrais revenir... Vous avez parlé des changements climatiques tout à l'heure, puis j'aimerais ça profiter de votre présence ici. Puis il y a un lien avec les pesticides, mais ma question, elle est plus large que ça. C'est quand même très lié.

Moi, j'ai le privilège d'être porte-parole en agriculture et en lutte aux changements climatiques parce que je pense que c'est deux enjeux qui sont extrêmement reliés. J'aimerais ça savoir comment vous percevez, justement, les conséquences des changements climatiques sur la culture maraîchère au Québec, mais aussi, dans un deuxième temps, justement, comment... l'incidence que ça va avoir sur l'utilisation des pesticides ou pas, là.

Le Président (M. Lemay) : Est-ce que c'est Mme Fortier, peut-être? Allez-y.

Mme Fortier (Elisabeth) : Donc, pour connaître l'impact des changements climatiques sur la culture maraîchère, il y a Ouranos qui nous a appuyés dans différents projets et ainsi que l'IRDA, qui a aussi fait un projet exhaustif sur quel est l'impact des changements climatiques en production agricole. Pour le secteur maraîcher, on voit clairement qu'il va y avoir de nouveaux ravageurs, il va y avoir aussi peut-être de nouveaux prédateurs. Donc, il y a un équilibre aussi entre les ravageurs et les prédateurs, donc on doit se préparer.

Au niveau pesticides, qu'est-ce qu'on devra faire? C'en est encore inconnu, malheureusement. On sait, exemple, la punaise diabolique, on en a beaucoup parlé au cours des dernières années, elle s'en vient. Elle est présentement présente sur l'île de Montréal. On sait que, si elle vient dans les champs agricoles, elle va faire d'énormes ravages. Donc, oui, d'un point de vue pesticides, eh bien, on essaie de se préparer à l'avance, d'obtenir des homologations pour que le jour où elle sera présente, bien, on aura un outil, on aura quelque chose pour réussir à la combattre le jour où elle sera présente.

Donc, c'est malheureusement un peu de l'inconnu. On essaie de se préparer, on essaie de savoir quels insectes seront davantage présents, quelles seront les problématiques, on essaie d'anticiper tous ces problèmes-là, mais c'est malheureusement de l'inconnu.

Il y a certaines régions témoins qu'on peut utiliser aux États-Unis, des régions analogues qu'on utilise, donc, pour prédire un petit peu : Voici notre climat, dans 50 ans, comment il ressemblera à la région de New York, par exemple. Donc, c'est ce qui est utilisé pour prédire pour le moment. Mais il faut s'y préparer. On va y faire face, c'est certain.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Fortier.

Mme Montpetit : Quand vous dites, justement : Il faut s'y préparer, là, vous mentionnez les ravageurs, les prédateurs, vous dites : On va s'y préparer. Je pense que ce n'est pas dans une optique de 30 à 40 ans, là, c'est quelque chose qui risque d'être...

Une voix : ...

Mme Montpetit : C'est ça, d'être assez près de nous. Est-ce que vous avez... Est-ce que vous êtes suffisamment accompagnés, justement, dans cette préparation-là? Parce que ça pourrait venir bouleverser assez drastiquement la productivité du Québec au niveau agricole, là.

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Fortier, en vous rappelant qu'il reste environ 30 secondes à cette période d'échange.

Mme Fortier (Elisabeth) : Oui, merci. On a quand même la chance d'être accompagnés avec Ouranos et avec l'IRDA. Cependant, les différentes études plus pointues ont été faites dernièrement dans la production fruitière, donc le secteur maraîcher a été mis de côté. Donc, oui, il serait intéressant... Surtout que notre secteur, comme M. St-Denis le mentionnait, on a plus de 80 cultures, donc 80 scénarios différents. Donc, c'est très, très, très varié. Donc, oui, un appui plus précis serait apprécié, c'est certain.

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Fortier. Ceci complète cette période d'échange. Je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là aujourd'hui. J'aimerais revenir sur l'harmonisation des protocoles d'homologation des pesticides avec les États-Unis. Je n'ai peut-être pas bien compris c'était quoi, l'objectif d'harmoniser ça. Est-ce que c'est...

Bien, vous avez parlé tantôt qu'il y avait plus d'échanges nord-sud au niveau de production maraîchère, et j'ai comme un petit doute. Vous pouvez me rassurer là-dessus, à quel point on exporte de notre production maraîchère vers les États-Unis. Puis j'imagine que c'est dans un objectif de rester concurrentiel, parce que, quand on va sur les tablettes de nos épiceries, on peut constater qu'il y a quand même beaucoup de produits américains qui sont sur nos tablettes. Donc, j'aimerais vous entendre un peu davantage là-dessus.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : Quand on parlait d'harmonisation des protocoles, c'est qu'il y a... le producteur d'une molécule doit faire deux processus, un au Canada et un aux États-Unis. Le marché du Canada n'étant pas assez gros, il choisit de ne pas l'homologuer, son produit, au Canada, donc on n'a pas le droit de l'utiliser. Par contre, aux États-Unis, ils ont le droit. Ce sont les nouvelles molécules, ce sont les nouveaux produits qui sont moins dommageables pour la santé, moins dommageables pour l'environnement, pour lequel... ils pourraient contribuer à une réduction du risque d'utilisation des pesticides au Québec ou au Canada, mais qu'on n'a pas accès parce que les protocoles ne sont pas harmonisés. On ne pourrait pas dire : On en ferait un seul, puis ce qui a été homologué d'un côté comme de l'autre de la frontière passe un seul processus. Là, on aurait accès à un plus grand portefeuille de produits qui sont moins dommageables pour la santé et l'environnement.

Quand on a parlé de compétitivité, on exporte... près de 50 % de notre production de fruits et légumes du Canada ou du Québec sont exportés vers les États-Unis. Donc, oui, il y a eu énormément de commerce entre les deux provinces. C'est certain que, l'hiver, on consomme beaucoup plus de produits qui viennent des États-Unis, malgré qu'au Québec on a encore nos légumes-racines, on a nos productions en serre qui excellent, qui continuent, mais il y a énormément de commerce qui se fait des deux côtés de la frontière.

Donc, ce n'est pas nécessairement... C'est un danger de compétitivité, mais c'est aussi... Comme on est concurrents, il faut jouer sur le même terrain de jeu. Et, si un adversaire a de l'équipement qui est plus adéquat pour aller en guerre, bien, celui qui a le moins d'équipement, habituellement, il ne sort pas du bon côté.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Lessard-Therrien : Merci. Ça répond très bien à ma question. Au niveau des changements climatiques, vous réclamez... Ce que j'ai cru comprendre à la fin de l'échange, là, avec ma collègue, dans le fond, il y a beaucoup plus de recherches effectuées actuellement au niveau des petits fruits qu'au niveau des légumes maraîchers.

Mme Fortier (Elisabeth) : En fait, le dernier rapport qu'il y a eu sur, justement, l'impact des changements climatiques sur la production horticole a été fait principalement sur la production fruitière. Donc, la production maraîchère ne faisait pas partie du projet de recherche, et il serait souhaitable qu'un volet maraîcher puisse être ajouté à ce projet de recherche qui a été fait, là.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Fortier. Ceci complète cette période d'échange. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Madame, messieurs. Je vais partager une observation. Bon, moi, ma famille cherche toujours à acheter des produits du Québec, hein, mais on a observé récemment, puis ma collègue ici présente a pris des photos... Bon, on voit que c'est... Pour indiquer un fruit ou un légume, c'est : Du Québec et/ou du Mexique. Et ça, je ne sais pas c'est quoi, là, mais ça crée une confusion chez le consommateur, chez le citoyen, et je ne sais même pas si c'est légal. Est-ce que vous pouvez m'expliquer c'est quoi, cette affaire-là?

Le Président (M. Lemay) : M. St-Denis.

M. St-Denis (Jocelyn) : Le nouveau règlement du gouvernement du Québec sur l'étiquetage ou l'affichage au niveau des fruits et légumes nous oblige à identifier la provenance, Québec ou Canada. Mais, si un détaillant... Donc, l'enjeu est au niveau de l'affichage au détaillant. Si un détaillant a des produits, par exemple des tomates qui viennent et du Mexique et du Canada, ils doivent être... bien être séparés et ils doivent être bien identifiés.

Donc, on ne peut pas dire qu'un ou l'autre sur un étalage. Il faut bien identifier ce qui est un et ce qui est l'autre. Donc, quand on voit ça, un ou l'autre, c'est contraire au règlement.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Roy : Est-ce qu'il y a des sanctions? C'est parce qu'on le voit. Moi, c'est ça, mon problème. Et je m'aperçois qu'on n'applique pas la réglementation et on crée une confusion chez le consommateur. Donc, on lève encore un autre enjeu. Mais est-ce que vous avez... Est-ce que vous êtes déjà intervenus? Parce qu'en même temps c'est de protéger votre label.

M. St-Denis (Jocelyn) : Le nouveau règlement qui a été mis en place il y a un an, c'était suite à des représentations, entre autres, que l'Association des producteurs maraîchers avions faites pour être certains de pouvoir connaître et bien identifier en magasin les produits qui viennent du Québec. On est tous des consommateurs et on veut... Quand on dit : On voit un label qui vient du Québec, on veut être certains qu'il vient du Québec.

Et on se promène tous dans les magasins, et depuis que je suis dans le milieu maraîcher, depuis près de 20 ans, ma conjointe, elle va se promener dans les autres allées, puis moi, je reste dans les fruits et légumes puis je regarde, et il y a des enjeux d'identification en magasin.

À la défense des détaillants, bien, il y a une rotation de personnel, la main-d'oeuvre est très volante, et les formations, plus ou moins à point. C'est pour ça qu'on a mis en place et qu'on met en place un projet de visite en magasin, donc, qui s'est fait il y a deux ans et qu'on reprend cette année pour une période de deux ans, où on va rencontrer 250 détaillants de toutes les bannières, de toutes les... les gros et les petits pour leur présenter les produits du Québec, pour prendre un échantillonnage de l'étiquetage, de l'identification et ensuite de comprendre les campagnes de promotion ou d'identification des produits.

Donc, c'est un projet qu'on met de l'avant, qui est financé en partie par le MAPAQ, pour être capable d'avoir une collaboration et de parler aux gérants de fruits et légumes dans les magasins.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. St-Denis. M. le député de Bonaventure, ceci termine cette période d'échange.

Avant de suspendre les travaux, j'aimerais simplement rappeler aux membres de la commission que nous avons un horaire quand même chargé ce soir. Donc, nous reprendrons les travaux à précisément 19 h 30.

Donc, merci beaucoup, M. Cloutier, M. St-Denis et Mme Fortier, pour votre contribution aux travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 19 h 31)

Le Président (M. Lemay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Alors, je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Ce soir, nous entendrons le Centre de recherche sur les grains, Mme Denise Proulx, sociologue de l'environnement et chargée de cours de l'Institut de science de l'environnement de l'Université du Québec à Montréal, ainsi que M. Louis Robert.

Alors, pour le moment, je souhaite la bienvenue aux représentants du Centre de recherche sur les grains. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, il y aura un échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Centre de recherche sur les grains (CEROM)

M. Pageau (Denis) : Bonjour, M. le Président, membres de la commission. En mon nom personnel puis au nom du C.A. du CEROM, je tiens à vous féliciter, à vous remercier de vous pencher sur l'importante question que représente l'utilisation des pesticides en agriculture au Québec.

Mon nom est Denis Pageau, je suis, depuis quelques semaines seulement, président du conseil d'administration du CEROM. Je possède une formation en agronomie, bien que je ne sois pas membre de l'Ordre des agronomes du Québec. Je suis accompagné de Mme Gabriela Martinez, qui est la nouvelle directrice générale de l'organisation depuis le printemps dernier. Elle possède un doctorat en science avec une vingtaine d'années d'expérience en recherche, dont plus d'une dizaine à titre de gestionnaire et de directrice de recherche. Vous pouvez constater que nous sommes tous les deux très récents au niveau de l'organisation. Il y a eu beaucoup de changement à l'intérieur du CEROM, depuis les derniers 12 mois, alors je vais vous en parler.

Juste un bref rappel. Le CEROM est un centre de recherche qui a été créé il y a une vingtaine d'années. C'est une initiative conjointe du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, des producteurs de grain du Québec et de la Coopérative fédérée. Et la raison, à l'époque, c'était pour pallier au manque de recherche qui sévissait dans le secteur vital de l'agriculture québécoise à ce moment-là.

Aujourd'hui, les chercheurs du centre consacrent leurs efforts dans des domaines variés et ont réalisé des centaines de projets, au cours des 20 dernières années, en phytogénétique, soit l'amélioration génétique des semences, la phytoprotection, la phytopathologie, la malherbologie et la régie des cultures, pour ne nommer que ceux-là.

Le CEROM offre l'expertise de son équipe de chercheurs et de professionnels de recherche, 200 hectares de terre, des équipements pour mener à bien la recherche aux champs et en laboratoire et aussi quelques dizaines d'ouvriers agricoles qui oeuvrent dans les champs.

Le CEROM n'est pas un centre de recherche sur les pesticides, bien qu'on utilise des pesticides au niveau de la recherche, en matière de témoins, quand on fait différentes parcelles. Alors, c'est pour comparer ce qu'on fait, ce qui ressemble à ce qui se passe dans la vraie vie des producteurs. Les projets que mènent les chercheurs visent la lutte intégrée aux ennemis des cultures et l'utilisation rationnelle et raisonnée des pesticides, avec rigueur, intégrité et indépendance. Le CEROM ne fait pas la promotion des pesticides, ni la commercialisation, ni la vente. C'est un centre de recherche.

Mme Martinez pourra répondre mieux que moi aux questions spécifiques à la recherche et à la science, qu'on parle de la présentation de projets par nos chercheurs aux différentes instances, au financement ou aux différents partenariats qu'on peut avoir avec des universités entre autres.

J'aimerais prendre un petit moment pour vous parler de la gouvernance du CEROM. Vous avez tous entendu parler, au cours de la dernière année, de certaines activités qui auraient pu se passer ou ne pas se passer. Depuis plusieurs mois, l'organisation travaille à se restructurer. Le conseil d'administration, aujourd'hui, comporte 11 membres, dont six membres indépendants. Le président est de ce nombre — moi-même.

Une nouvelle directrice générale, Mme Martinez, est en place depuis le printemps, depuis le mois d'avril plus précisément. Nous sommes maintenant à la recherche d'un directeur scientifique pour encadrer et supporter les chercheurs, ce que nous n'avons pas, puis ce serait essentiel de l'avoir. Alors, on est à la recherche d'un professionnel pour ce poste-là.

Un comité aviseur devrait être complété sous peu. Son mandat sera de suggérer au conseil d'administration les orientations de la recherche, d'évaluer périodiquement la pertinence de ces orientations et de valider la qualité du processus de diffusion des résultats de la recherche, qui sont essentiels. On ne fait pas de la recherche pour garder ça dans des boîtes, c'est pour diffuser, que les producteurs aient l'information.

Enfin, un comité scientifique formé de quelques chercheurs émérites, pas nécessairement provenant du monde agricole, sera mis à contribution pour, de façon ponctuelle, assurer, valider les protocoles de recherche de nos chercheurs et s'assurer que tout ce soit fait dans les meilleures façons possible.

Par ailleurs, au cours du prochain mois, nous allons amorcer un exercice de planification stratégique qui permettra de discuter de notre mission et des orientations de recherche pour les cinq prochaines années. Les conclusions de cette commission pourront également nous servir de référence dans le cadre de cet exercice-là. Cet exercice se fera de façon très ouverte. Nous voulons consulter de façon très large les acteurs du secteur et nous souhaitons inclure et non exclure dans cette démarche.

Nous en profiterons également pour discuter de l'opportunité d'élargir notre membership. L'organisation est une organisation sans but lucratif, donc la structure de ça fait en sorte qu'on a des membres. Aujourd'hui, les membres sont les Producteurs de grains du Québec, la Coopérative fédérée. Ce sont les deux seuls membres. Il y a une intention de notre côté de regarder cette situation-là pour agrandir, élargir le membership. C'est un projet ambitieux qui, nous l'espérons, clarifiera notre mandat et éliminera les mauvaises perceptions sur le rôle du CEROM.

Dans le mémoire que nous vous avons présenté, nous avons avancé l'idée d'une grappe de recherche en agriculture de précision et en gestion de — vous m'excusez l'anglicisme — «big data» qui permettrait des interventions ciblées contre les ravageurs ou les mauvaises herbes sans avoir à traiter des champs entiers. Il y a plusieurs technologies qui sont en jeu, dans un projet comme celui-là, mais on voudrait vraiment, au niveau du CEROM, au niveau du Québec, prendre le leadership de quelque chose comme ça, en incluant peut-être même les provinces voisines de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick pour aller encore plus loin. Mme Martinez pourra vous expliquer plus tard en plus de détails, en répondant à vos questions, de quoi il en retourne plus précisément.

Nous proposons aussi de solliciter l'intérêt des chercheurs en sciences sociales pour comprendre la résistance de certains producteurs à adopter les pratiques de remplacement durables. Ceci pourrait être utile aux stratégies de communication pour diffuser les résultats de recherche aux utilisateurs et les convaincre d'adopter de nouvelles et meilleures pratiques. Et les nouvelles pratiques existent, sont communiquées, mais ne sont pas nécessairement utilisées. Il y a des raisons pour ça, qui ne sont pas nécessairement qu'économiques ou financières. Mais on pense qu'en incluant les chercheurs d'autres sphères on pourrait aller un peu plus loin pour comprendre pourquoi on ne peut pas... on n'y parvient pas comme on voudrait.

En conclusion, nous avons au Québec les ressources pour comprendre les enjeux liés à la gestion optimale des pesticides. La solution devra tenir compte des enjeux scientifiques, technologiques, économiques et humains, tout en répondant aux besoins des agriculteurs et des consommateurs. C'est un enjeu de société, mais dans un environnement global.

Nous croyons sincèrement pouvoir continuer à contribuer, à l'intérieur de nos moyens et de nos compétences, à la vulgarisation de la recherche sur des pratiques innovantes pour une agriculture durable. Des ressources additionnelles seront requises pour communiquer, diffuser et informer les producteurs de nos recherches, de nos résultats. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Pageau. Donc, je comprends que Mme Martinez répondra aux questions des membres de la commission. Pas de problème. Donc, sur ce, je cède maintenant la parole au député de Bourget.

M. Campeau : Merci, M. le Président. On a souvent entendu parler de l'indépendance de la recherche. Évidemment, 10 minutes, c'est beaucoup trop court pour comprendre tout ce que vous avez fait au niveau gouvernance, mais vous semblez avoir au moins tenté, sinon réussi, de contourner cet écueil. Alors, c'est une chose qui est extrêmement... que je veux souligner parce que c'est très, très, très important.

Quel est l'avantage... Je pense que j'en ai une petite idée, mais vous en avez sûrement, une bien meilleure idée. Pourquoi aller vers les autres provinces immédiates, comme ça? Qu'est-ce que vous voulez aller chercher comme information à ce sujet-là? Donc, je pense qu'on vient de donner l'occasion à Mme Martinez de nous adresser la parole.

• (19 h 40) •

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Vous allez avoir l'opportunité d'écouter mon accent. Et, si ce n'est pas clair, s'il vous plaît, n'hésitez pas à me demander de répéter.

Pourquoi est-ce qu'on veut aller vers les autres provinces? C'est parce que construire une base de données en imagerie, autant des ravageurs que des mauvaises herbes, c'est quelque chose de très coûteux, de très lourd comme travail, et c'est sûrement en mettant ensemble les efforts de tout le monde, c'est qu'on peut réussir.

Qu'est-ce qu'on propose, c'est donner au Québec l'opportunité d'être les leaders. Ce n'est pas que tout le Québec... Les mauvaises herbes ne sont pas les mêmes, elles n'ont pas le même aspect. Mais, de l'Est, c'est sûr que oui : Ontario, Nouveau-Brunswick, Québec sont semblables. Pourquoi pas que le Québec prend le leader là-dedans?

On ne peut pas arrêter la technologie. La technologie, l'industrie 4.0, toute l'agriculture de précision, c'est quelque chose qui est déjà à nos portes. Donc, pourquoi, pour première fois, ne pas être... bien, pas pour première fois, mais pourquoi ne pas, dans ce cas particulier, être en avant, être un pas en avant et se dire : Nous, on développe cette grappe de recherche, on travaille tous ensemble, on met les efforts publics et privés pour pouvoir développer ces bases de données, qu'elles puissent profiter les producteurs gratuitement?

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Est-ce que vous allez même parler d'homologation, comme certains ont parlé?

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Pourriez-vous m'expliquer un peu qu'est-ce que vous voulez dire dans ce cas en particulier?

M. Campeau : Comment je dirais? Il y en a qui ont mentionné qu'on pourrait aller chercher une homologation avec les États-Unis, même aller travailler avec les États-Unis vers des protocoles communs.

Mme Martinez (Gabriela) : En fait, qu'est-ce que j'aimerais ou qu'est-ce que le CEROM propose, c'est plutôt intégrer les données. Présentement, les compagnies privées, chacune a sa base de données en géolocalisation, mais, aussitôt que vous changez de marque de tracteur, la technologie ne se parle plus, là. Donc, qu'est-ce qu'on veut, c'est quelque chose intégré. Si, pour «homologation», vous parlez de ça, je vous dirais : Oui, on cherche quelque chose où est-ce que la technologie des différents appareils puisse se parler de façon que les producteurs ne soient pas pris en otage.

Aujourd'hui, vous savez, un tracteur x, de même, vous voulez aller au tracteur y, bien, vous pouvez passer au tracteur y sans problème parce que vos données ne sont pas perdues, vous allez les récupérer et les utiliser dans le nouveau tracteur. Et vous allez être capable de vous promener avec votre cellulaire, prendre la photo de la mauvaise herbe qui vous inquiète ou que, selon vous, c'est une mauvaise herbe ou un ravageur, et vous allez être capable de consulter une base de données publique où est-ce qu'il va vous dire : Oui, c'est un ravageur, ou : Non, ça ne l'est pas, restez tranquille. Et, si c'est une, bien, on pourrait vous envoyer dans des liens où est-ce que vous pourrez voir est-ce que c'est grave, si j'ai un, si j'ai deux. Ça va dépendre de votre historique, ça va dépendre du type du sol, ça va dépendre de beaucoup de choses. Mais vous pouvez avoir de l'information pour pouvoir dire : C'est grave, il faut que j'aille voir mon agronome, ou : Ce n'est pas grave, je peux continuer et je surveille.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Vous parlez, dans votre rapport, d'une baisse de productivité, si on élimine les pesticides, et je vois un chiffre de 35 %. Ça me semble extrêmement élevé. Est-ce que je comprends bien? Parce que certaines personnes qu'on a rencontrées lors des visites de fermes, par exemple, ne semblaient pas nous dire que c'était aussi important que ça et, dans certains, négligeable.

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : ...va dépendre à combien de temps est-ce qu'on est en train de parler. Si on interdit aujourd'hui, probablement, pour demain, le producteur va avoir une perte importante parce que son sol n'est pas prêt. On l'a entendu hier avec le producteur qui nous a bien expliqué son processus. Donc, à ce moment-là, je vous dirais, oui, ça peut être un problème.

Nous, qu'est-ce qu'on propose, c'est aussi, avec cette information, de créer une grappe de recherche, d'unir les efforts. C'est pouvoir aller avec des drones et pouvoir utiliser les quatre b : utiliser la bonne dose, les bons produits au bon moment et à la bonne concentration.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : On a parlé aussi d'un support en sciences sociales. Si je comprends bien, c'est pour que les pratiques que vous allez recommander soient présentées d'une façon qui soit plus acceptable aux gens pour permettre une adaptation plus rapide...

Mme Martinez (Gabriela) : ...

M. Campeau : ...une acceptation plus rapide, oui.

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : On a besoin de comprendre c'est quoi, la perception de l'agriculteur. Pour une raison quelconque, les messages ne se rendent pas, et ça, ce n'est pas une bonne affaire. Nous, on fait la recherche. On ne l'a fait pas pour nous, on l'a fait pour les producteurs, c'est notre premier client, et on veut une amélioration, et on veut qu'elle soit positive pour lui. Mais la seule façon d'arriver, c'est en comprenant c'est quoi, leur langage. Si je lui parle dans un langage que lui ne comprend pas ou ce n'est pas utile pour lui, ce n'est pas très efficace. Donc, on veut aller avec des collègues en sciences sociales, qu'ils puissent nous faire comprendre est où le problème, pourquoi notre message ne se rend pas, pourquoi il y a une mauvaise perception de la nouvelle pratique, qu'est-ce qu'on peut faire pour les améliorer.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Martinez. Sur ce, je cède maintenant la parole au député de Dubuc.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonsoir.

Mme Martinez (Gabriela) : Bonsoir.

M. Tremblay : Je salue d'abord vos ambitions d'organisation. Ça respire, clairement. Je veux saluer aussi vos ambitions pour les producteurs du Québec. Dites-moi, première question, chaque année, vous faites mention de 500 champs qui sont dépistés avec l'objectif de suivre, finalement, les principaux ennemis des grandes cultures. Est-ce que vous croyez que cet échantillonnage-là est suffisant dans le contexte actuel de réflexion puis de virage? Est-ce que vous croyez que l'échantillonnage pourrait être ventilé vers les régions sur des cultures plus marginales? J'aimerais votre opinion.

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Présentement, comme vous venez dire, on a 500 champs, 75 % des suivis. Tout ça, c'est un rapport très positif. On nous permet de donner les alertes, nous permet de vérifier et identifier, même, des ravageurs qui commencent à arriver à cause des changements climatiques. C'est sûr que, plus on est capable d'élargir le nombre de champs, plus représentatif c'est et mieux on peut pouvoir, après, diffuser l'information.

Le Président (M. Lemay) : Le député.

M. Tremblay : Merci. ...(panne de son)... l'expertise dans le domaine commence à se faire valoir au Québec. Vous parlez évidemment du 4.0, là, des attaques ciblées de ravageurs, et puis vous signifiez néanmoins : La nouveauté du sujet requiert que certains problèmes ponctuels soient explorés davantage. Vous ouvrez une porte. Maintenant, ma question, moi, c'est : Est-ce qu'on pourrait dire... croyez-vous que le gouvernement est partenaire, à l'heure où on se parle, de cette démarche-là?

Mme Martinez (Gabriela) : ...qu'on propose, c'est que le gouvernement devienne partenaire, qu'il offre des subventions auxquelles on puisse appliquer et qu'il crée cette grappe. Je crois que, comme je vous dis, c'est une belle opportunité pour me démontrer le leadership qui existe au Québec. On a tout pour le faire.

Il existe aussi le centre de recherche Computer Research Institute of Montréal, toutes les connaissances pour nous aider, pour pouvoir travailler ensemble. Au CEROM, on croît à la synergie. Personne n'arrive à rien en travaillant tout seul. On a besoin de combiner les efforts et les connaissances de chacun. Probablement, cette personne ne connaît rien en malherbologie, mais j'en ai une, et elle est très bonne. Donc, si on prend cette chercheuse, qui est excellente en malherbologie, on fait un match avec les gens qui travaillent dans tous les processus et la formation... la création d'algorithmes, pardon, on combine aussi les gens en entomologie... J'ai des bons chercheurs en entomologie, qui sont déjà très avancés dans la création des applications pour que les producteurs puissent les utiliser. Pourquoi ne pas unir tous ces efforts ensemble et créer quelque chose de plus grand et qui ne sert pas juste à nous? On est au Canada. Nous sommes, l'Est, tout ensemble... parce qu'on a des problématiques communes et travaillons ensemble pour le bénéfice commun de tout le monde.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : J'ai peut-être une autre question. Dites-moi, on parle beaucoup de formation, vous jouez un rôle de synergie, vous travaillez avec plusieurs partenaires, on voit plusieurs projets de recherche, des comités. Votre champ d'intervention est très large, dans la mesure où on a déjà parlé de l'importance d'accélérer la formation au Québec, aux niveaux universitaire, collégial, à la limite, où on a parlé de plateformes plus conventionnelles, un petit peu avant le souper. Est-ce que le CEROM... En page 7, vous parlez d'une refonte puis de vouloir revoir vos axes d'intervention. Est-ce que le CEROM pourrait être un joueur majeur dans cet établissement-là de nouvelles réalités de formation au Québec?

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Absolument. Absolument. J'ai des chercheurs qui ont les connaissances. Donc, je crois que c'est le moment que ces gens-là donnent à la société toutes ces connaissances qu'ils ont acquises. Ce sont des jeunes, ils connaissent toutes les nouvelles technologies, ont des superbonnes idées qu'on peut utiliser pour pouvoir atteindre les différentes personnes. Ce n'est pas toutes les personnes qui communiquent de la même manière, donc pourquoi ne pas les utiliser pour pouvoir faire des formations pertinentes?

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Martinez. Maintenant, je cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Lemay) : Environ quatre minutes.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Quatre minutes. Bon. Bonsoir, bonsoir. Merci du travail, merci du mémoire. Beaucoup de travail de fait à ce niveau-là.

On a un mandat d'initiative qui parle au niveau des pesticides, la santé, l'impact, qui parle aussi de l'innovation et qui parle aussi du secteur de compétitivité au niveau agricole. Et j'ai remarqué que vous en faites mention dans votre mémoire, le secteur de compétitivité. Là, vous avez dit que le Québec est bien positionné pour les mesures d'innovation, on est des leaders, tout ça. Mais vous faites un parallèle, vous mentionnez qu'il y a un problème parce que les agriculteurs sont des preneurs de prix, en majorité, et on est dans un marché libre où est-ce qu'il n'y a pas de frontières. Et vous soulevez l'impact... comment qu'on va faire pour réussir à être compétitifs face aux marchés extérieurs. J'aimerais ça vous entendre.

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Martinez, sur la compétitivité.

Mme Martinez (Gabriela) : Moi, je crois que la compétitivité, on peut la réussir, justement, en étant innovants. Il faut trouver de quelle façon le producteur peut travailler en préservant sa santé et en améliorant le rendement.

Au CEROM, j'ai trois chercheurs qui travaillent dans l'amélioration génétique. Ils trouvent des nouvelles variétés qui sont plus résistantes aux différents ravageurs. On a mis au point des techniques pour infecter nous-mêmes, rendre les cultures malades pour pouvoir vérifier si nos cultures arrivent à résister. Donc, je pense qu'avec ces développements de semences qui vont être plus compétitives, bien, c'est une belle opportunité pour les producteurs. On le fait pour les producteurs, on ne le fait pas pour nous, là.

Et tous les aspects au niveau malherbologique qu'on est en train d'étudier, il y a le niveau des ravageurs, c'est justement pour que le producteur puisse détecter très rapidement qu'il y a un problème dans son champ et pouvoir prendre une action qui peut-être va être moins drastique qu'appliquer un pesticide mur à mur dans tout son champ.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Donc, vous pensez que les producteurs appliquent mur à mur des pesticides?

Mme Martinez (Gabriela) : Je ne dis pas que tous, mais il y a certains qui utilisent, oui, de façon préventive les pesticides. Nous, on est en train de proposer, on a... Existe VFF QC, c'est une application qui a été développée au CEROM, en collaboration avec des partenaires, bien sûr, qui permet justement pouvoir vérifier est-ce qu'on est à risque ou on n'est pas à risque, qu'est-ce qu'on peut faire.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Qu'est-ce que vous pensez du producteur M. Michon, qui est venu nous présenter son dossier, basé sur des faits, avec des données, des vraies données, des données qu'il a comptées, là, assis? Parce que vous savez que les entrepreneurs agricoles sont des gestionnaires. Qu'est-ce que vous pensez de son dossier? Travail minimum du sol, mais, quand même, qu'il nous a dit qu'il ne peut pas faire un travail minimum du sol sans utiliser un pesticide de synthèse. Il dit qu'il fermerait l'entreprise.

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Je l'écoute et je pense que je peux me baser seulement sur des données scientifiques. Là, on parle d'un producteur. Est-ce que c'est représentatif de tout le Québec? Est-ce que c'est représentatif à la région de la Montérégie, qu'est-ce qui passe dans la Côte-Nord? Je ne le sais pas. Je n'ai pas réponse pour ça.

Le Président (M. Lemay) : 15 secondes.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Mais il y a des données qui démontrent que de plus en plus de producteurs utilisent des semis directs, tout ça.

Mme Martinez (Gabriela) : Le semis direct, je suis tout à fait d'accord et je vous dis aussi... J'ai un autre de mes chercheurs qui travaille en... il préconise aussi le semis direct. Je ne suis pas contre le semis direct. Je ne suis pas contre l'idée d'arrêter ou garder les pesticides. Je ne suis pas là. Moi, mon seul objectif, mon travail consiste...

Le Président (M. Lemay) : ...je vais devoir vous interrompre...

Mme Martinez (Gabriela) : ...à avoir les données nécessaires.

Le Président (M. Lemay) : Puisque cette période d'échange avec la partie du gouvernement étant terminée, je cède maintenant la parole à l'opposition officielle. Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour à tous les deux. Merci de vous joindre à nous à cette heure quand même tardive pour un mardi.

Mme Martinez, je vais faire du pouce sur la réponse que vous venez de donner. Vous dites : Je ne peux que me baser sur la science pour répondre à des questions. Et vous comprendrez, moi, je veux aller vraiment dans le coeur de ce qui a habité l'actualité, là, dans les derniers mois, donc vraiment au niveau de l'indépendance de la recherche.

Je sais que vous avez fait beaucoup, beaucoup d'ajustements au niveau de la gouvernance du CEROM, mais j'ai besoin, moi, d'entendre qu'on doit être rassurés des changements qui ont été faits. Il y a beaucoup de questions qui demeurent encore sans réponse. Il y a encore beaucoup... Vous savez que la confiance de la population a été très ébranlée. Donc, je pense que vous avez une chance ici d'apporter des réponses à toutes ces questions.

Vous nous avez dit que, sur 11 membres du conseil d'administration, il y en a six qui sont indépendants. C'est bien ça? Les sept autres postes sont occupés par qui?

M. Pageau (Denis) : Les cinq autres postes...

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Pageau, allez-y.

Mme Montpetit : Les cinq autres postes, oui, pardon.

M. Pageau (Denis) : Mme la députée, il y a trois membres qui représentent les Producteurs de grains du Québec et deux membres du conseil d'administration qui sont de la Coopérative fédérée.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Est-ce que le fait, justement, d'avoir des membres de La Coop fédérée, est-ce que ça ne va pas à l'encontre... à l'inverse un peu de ce qui vous a été recommandé dans le rapport de gouvernance? Comment vous voyez ça d'avoir des gens, justement, qui sont présents et qui ont des intérêts sur le conseil d'administration, encore aujourd'hui, de votre centre de recherche?

Le Président (M. Lemay) : M. Pageau.

M. Pageau (Denis) : ...permettez, je vais y répondre. Écoutez, je ne vois pas ça comme une contradiction, dans la mesure où on a fait les changements nécessaires pour que les membres indépendants soient en plus grand nombre. Ça, c'est la chose la plus importante. Ce qui intervient aussi, dans ça, c'est qu'on a mis sur pied une politique à l'égard de... comment on appelle ça? Je m'excuse...

Mme Martinez (Gabriela) : Politique d'éthique et politique de harcèlement.

M. Pageau (Denis) : Excuse-moi, oui, pour faire en sorte que, si jamais certains chercheurs, par exemple, recevaient des appels ou avaient de la pression sur eux pour... quelle que soit la raison, bien, il y a une procédure pour eux de venir nous voir, de suivre une certaine hiérarchie pour parler de la situation si elle se présentait.

Malgré tout, comme je disais tout à l'heure, dans les révisions de la gouvernance, on a aussi un comité aviseur, un comité scientifique, un nouveau... je m'excuse, j'ai oublié, le nouveau directeur scientifique que nous voulons embaucher, qui va être la première personne à côté des chercheurs. Alors, je ne pense pas que l'influence de membres non indépendants peut jouer un grand rôle pour influencer les décisions ou les choses qui se font. On ne veut vraiment pas ça.

Personnellement, quand je me suis porté volontaire pour être membre du conseil d'administration, et puis j'ai été choisi par les gens autour de la table pour devenir président, et j'ai accepté, c'est parce que j'ai été interpellé personnellement, honnêtement, pour les mêmes raisons que vous, vous l'êtes. Vous vous êtes interrogés sur cette affaire-là. Moi, j'ai entendu ça, je suis agronome de formation, je suis un citoyen comme tout le monde puis je me suis dit : Il y a quelque chose qui ne marche pas, et ce n'est pas possible que tout ce qui se passe là-bas soit mauvais. Et je me suis dit : On peut aller jouer un rôle, là-bas, on peut modifier des choses puis on peut s'assurer qu'on va gérer ça correctement.

Et, en même temps, comme tout le monde, je pense qu'on recherche des solutions pour de l'agriculture durable, pour les bienfaits de tout le monde, pour toute la population québécoise.

En même temps, il faut aider les producteurs à passer à travers leur situation qu'ils vivent à tous les jours et le stress financier, économique qu'ils peuvent avoir. Mais tout ça pour dire que, qu'on ait, sur le conseil d'administration, des gens qui représentent la Coop fédérée, dans ce cas-ci, ou les producteurs de grain, je ne vois pas ça comme un problème majeur, pas aujourd'hui.

• (20 heures) •

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Pageau. Mme la députée.

Mme Montpetit : Si vous avez mis des mécanismes en place, justement, pour permettre aux membres de dénoncer des situations d'influence, est-ce que c'est parce que vous avez été avisés qu'il y a déjà eu ce genre d'influence par le passé au CEROM?

M. Pageau (Denis) : Moi, je ne suis pas là depuis longtemps. Comme je vous disais tantôt, je n'ai pas eu la chance de parler avec grand monde, mais le tour de table que j'ai pu faire avec les gens avec qui j'ai parlé, il n'y a personne qui me dit qu'il se passe quelque chose.

Mme Martinez (Gabriela) : Si je me permets...

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : ...qu'est-ce qu'on veut briser, c'est la perception. Je crois que le CEROM, qu'est-ce qu'il a fait pas correct, c'est la communication. Donc, les gens, ils ne savaient pas qui on était, qu'est-ce qu'on fait et de quelle manière. Donc, qu'est-ce qu'il vise, toute cette documentation, c'est pouvoir dire : Maintenant, on a toutes les preuves, on a tout fait pour prouver cette indépendance. Avant, on ne pouvait pas la prouver, donc tout le monde pouvait rester dans sa perception, et c'est qu'est-ce qui a fait mal.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Merci. Combien vous avez de chercheurs à l'heure actuelle sur le conseil d'administration?

Le Président (M. Lemay) : M. Pageau.

Mme Montpetit : Il y en a... Suite à la recommandation du rapport de gouvernance, est-ce qu'il n'y a pas une indication d'avoir un nombre de chercheurs — je pourrais retrouver la page, là, je le lisais un petit peu plus tôt — d'avoir un nombre optimal de chercheurs non employés du CEROM pour s'assurer, justement, que la mission du CEROM, qui est vraiment la recherche scientifique, soit mise à l'avant au niveau du conseil d'administration?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Pageau, allez-y.

M. Pageau (Denis) : Excusez. En ce moment, on a un membre indépendant qui, effectivement, correspond à ce profil-là. Mais je ne peux pas... Honnêtement, je ne me souviens pas exactement de la recommandation de gouvernance à l'effet de combien de personnes devraient avoir ce profil-là, mais nous en avons une.

Mme Martinez (Gabriela) : Est-ce que je peux me permettre?

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : On a créé une grille pour sélectionner les gens dans le conseil d'administration. On a sélectionné 10, 11 catégories qu'on considère que ce serait important que, dans notre C.A., l'ensemble du C.A. a ces compétences. Et qu'est-ce qu'on a fait, c'est, par personne, on marque c'est quoi, les compétences de cette personne, et on cherche à une synergie. Avec les 11 membres, on couvre cette... Je ne me souviens pas exactement.

M. Pageau (Denis) : Les critères.

Mme Martinez (Gabriela) : Ils sont 10, 11 critères?

M. Pageau (Denis) : Oui.

Mme Martinez (Gabriela) : On couvre tous ces critères et, l'ensemble, on arrive avec l'information nécessaire.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Oui. Je veux juste... Je vous invite peut-être à aller le relire, là, mais, dans le rapport de gouvernance, il y a vraiment une recommandation, qui est très, très claire, qui se lit ainsi, là. C'est : «[...]avoir un nombre optimal de chercheurs — non employés du CEROM — [sur le] conseil d'administration», justement pour s'assurer d'une certaine indépendance au niveau de la recherche et une orientation en ce sens-là.

Par rapport... Vous parliez du directeur scientifique. Je comprends qu'il n'est pas embauché encore. Est-ce que... Ça, c'est une recommandation du rapport de gouvernance aussi qui date de novembre 2018. On est un an plus tard. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle il n'y a toujours pas de directeur scientifique en place au CEROM?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : On va pour le troisième ou quatrième affichage. C'est ça, la raison. Je crois que tous les mauvais commentaires nous ont fait très mal. Il n'y a personne qui veut venir. C'est la seule raison que je peux vous dire.

Mme Montpetit : Et donc vous cherchez activement, là?

Mme Martinez (Gabriela) : On cherche très activement.

Mme Montpetit : D'accord.

Mme Martinez (Gabriela) : On est rendus à prendre des mesures un peu plus fortes. Mais, juste pour être sûre, est-ce que c'est le conseil d'administration ou c'est le comité aviseur?

Mme Montpetit : Non, c'est ça.

Mme Martinez (Gabriela) : Parce que, dans le comité aviseur, c'est sûr qu'on demande d'avoir trois chercheurs indépendants.

Mme Montpetit : Non, c'était bien sur le C.A. Mais j'allais vous demander, de toute façon... Justement, vous avez fait mention du comité aviseur un petit peu plus tôt. Est-ce que vous pouvez nous indiquer également qui siège sur ce... pas nominativement, là, mais quels profils de gens siègent sur le comité aviseur en ce moment?

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Dans le comité aviseur, on va chercher des gens de l'industrie, des gens des universités ou des chercheurs, si vous voulez, avec un profil chercheur. Participent aussi certains de nos chercheurs pour pouvoir être à l'affût de tout ce que c'est nouveau sur le secteur.

M. Pageau (Denis) : Et des membres du conseil d'administration.

Mme Martinez (Gabriela) : Si, si, bien sûr.

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Je vais revenir avec une phrase qui est dans votre mémoire, mais ça va faire un lien avec la réponse que vous m'avez donnée aussi. Puis je me permets d'insister beaucoup là-dessus parce que je pense que c'est important qu'on clarifie, puis on a l'occasion de le faire avec vous. On a un besoin, si on veut prendre des décisions éclairées comme législateurs, comme parlementaires, comme gouvernement également, d'avoir des informations et des données qui sont robustes et de s'assurer justement que l'information, la recherche qui est faite, elle est libre, complètement, de tout intérêt.

Vous avez mentionné dans votre mémoire, vous recommandez de développer un lien étroit en matière de recherche avec les entreprises. Donc, je comprends que, pour vous, c'est souhaitable, souhaité que l'industrie soit impliquée au niveau de la recherche sur les... la recherche.

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Je vous dirais que ce n'est pas juste pour moi, pour le gouvernement aussi, parce que, pour n'importe quelle subvention qu'on demande, on nous demande au minimum 20 % d'apport financier de l'industrie. Donc, c'est souhaitable, évidemment, pour tout le monde.

Je crois que, si les choses sont faites correctement, il n'y a pas de dommages à ce que l'industrie collabore à l'élaboration de la connaissance, parce qu'eux aussi peuvent en tirer bénéfice. Qu'est-ce qu'on fait allusion dans le mémoire, on cite le RGCQ, que c'est un groupe de recherche où est-ce que les différents semenciers, de façon très volontiers, paient et offrent leurs semences pour qu'elles soient testées avec un protocole standardisé et normalisé dans toutes les différentes régions du Québec.

Qu'est-ce qu'on obtient comme résultat de cette culture, tout est noté, tout est tabulé, et c'est publié dans des guides qui sont disponibles pour tous les producteurs. Donc, vous allez voir les différents semenciers les uns après les autres, où est-ce que leurs semences sont comparées pour sa résistance à différentes maladies, pour son niveau de productivité, et ça se fait parfaitement dans l'ordre. C'est le CEROM qui coordonne la RGCQ...

Le Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Martinez. Je dois vous interrompre sur cette réponse pour céder la parole maintenant à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur les pratiques de remplacement que vous abordez dans votre mémoire. À la page 8, vous dites que le Québec devra investir davantage pour valoriser les pratiques innovantes pour une agriculture durable. Il faudra aussi mettre en évidence les avantages économiques et l'évaluation des risques de ces pratiques pour les comparer avantageusement aux méthodes de contrôle conventionnelles. Et là vous parlez de développer des outils d'aide à la décision qui répondent à ce besoin, mais vous insistez aussi sur le fait que le développement de tels outils nécessite souvent plusieurs années de collecte de données pour obtenir des analyses bénéfices-coûts robustes et surtout dans un contexte de changements climatiques. Et vous poursuivez en disant : «En ce sens, les solutions faciles, rapides et économiques que font miroiter certains sont plutôt théoriques qu'une réalité concrète.»

Puis moi, je me demande... Je pense que personne ici ou, en tout cas, chez les producteurs qu'on a visités qui font de l'agriculture biologique quand même à grande échelle, là, on a visité la ferme Agri-Fusion, qui cultive quand même 3000 hectares, je pense qu'il n'y a personne, vraiment, qui s'entend sur des solutions faciles, rapides et économiques. Et moi, je me demandais : Est-ce que le CEROM fait encore partie de la solution pour une transition d'une agriculture vers quelque chose de plus écologique?

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

• (20 h 10) •

Mme Martinez (Gabriela) : Je vous dirais que la plupart, pour ne pas dire tous nos projets, ont une tendance à une utilisation plus raisonnée et rationnelle des pesticides. On pratique le semis direct. On parle de la culture en relais de soya et de blé d'automne. On utilise... on développe des outils pour l'identification des ravageurs, c'est en place. Le producteur va avec son téléphone pour essayer de détecter qu'est-ce qu'il y a dans son champ.

Qu'est-ce qu'on essaie de dire avec ça, c'est qu'on ne peut pas, avec les tests qu'on fait en une année dans une parcelle, prendre des décisions. Il faut faire des tests à la grandeur du Québec. Les climats sont différents. On a des changements. L'année dernière était très sèche, cette année est plus humide. Le printemps de l'année dernière et le printemps de cette année ne sont pas égaux. On n'arrive pas à avoir deux années de suite qui se ressemblent. Donc, c'est très difficile, prendre des décisions en se basant sur les données recueillies une seule année.

Mme Lessard-Therrien : Bien, les intervenants qu'on a rencontrés nous parlaient beaucoup de la hiérarchisation des moyens utilisés pour faire, notamment, la lutte intégrée, pour utiliser, en ultime dernier recours, les pesticides. Moi, je comprends que vous vous dirigez vraiment vers une agriculture de précision, mais on est encore toujours dans l'application de pesticides. Vous le voyez où, ça, dans la hiérarchisation des moyens?

Mme Martinez (Gabriela) : C'est le dernier recours.

Le Président (M. Lemay) : En 10 secondes, Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Dernier recours.

Le Président (M. Lemay) : Dernier recours. Parfait. Merci beaucoup. Donc, M. le député de Bonaventure, la parole est à vous.

M. Roy : Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour. Écoutez, l'écosystème de la recherche sur les pesticides, ce n'est pas évident, hein? Moi, je suis nouveau là-dedans puis j'essaie de démêler tout ça. Je regarde votre mémoire, et il y a certaines choses là-dedans qui sont intéressantes. Bon, entre autres, quand vous nous dites : Le Québec aurait intérêt à développer des liens étroits en matière de recherche et de développement, bon, je mets ça en parallèle avec... et c'est dans l'actualité actuellement, là, sur l'homologation de l'ARLA, où c'est 80 % des recherches qui est fourni par les entreprises et ce n'est même pas vérifiable par l'ensemble de la communauté scientifique. Là, on a ce contexte-là.

Et, dans le mémoire, vous nous dites : Bien, il faudrait que Québec investisse. Bon. On veut bien, là, mais je trouve qu'il y a comme des contradictions, dans le sens où... c'est que l'ensemble de la recherche qui est autorisée à être... bon, autorisée pour homologuer vient des entreprises privées. Ça fait que la portion de recherche que le Québec devrait financer, ça servirait à quoi, exactement?

Et l'autre question, c'est : Qui définit les orientations de recherche? Est-ce que c'est le conseil d'administration? Est-ce que ce sont les chercheurs eux-mêmes qui... Oh!, il y a une bonne idée, ça fait qu'on devrait aller là? Écoutez, ça a de l'air «basic», mes questions, mais c'est parce que je veux juste comprendre.

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : On va essayer de vous démêler. C'est le gouvernement qui nous donne les orientations les plus grandes, parce que, si vous voulez appliquer à une demande de fonds, il faut que votre recherche soit orientée avec qu'est-ce que le gouvernement veut. Je peux bien investiguer comment la fourmi marche, mais, s'il n'y a pas d'argent pour comment la fourmi marche, je ne vais pas avoir l'argent pour pouvoir l'investiguer.

M. Roy : Et quelles sont les grandes orientations que le gouvernement vous donne?

Le Président (M. Lemay) : Mme Martinez.

Mme Martinez (Gabriela) : Bien, vous avez toute la politique bioalimentaire, vous avez toute la planification — attendez un peu que je me rappelle tous les bons noms, là — la stratégie phytosanitaire du Québec. Elles existent, ces stratégies que le gouvernement nous donne. Le but, c'est la lutte intégrée. Tout le monde travaille pour la même chose. Maintenant, ça nous demande tous les efforts qu'on est en train de faire en recherche pour se rendre aux producteurs et que les producteurs croissent. Il y a certains, comme vous l'avez dit, qui sont plus avancés, ils sont rendus, super. Ils ne sont pas la majorité. Il faut aider le reste.

Le Président (M. Lemay) : M. le député, le mot de la fin.

M. Roy : Bien, en conclusion, ce qu'on a pu voir, la stratégie phytosanitaire a du plomb dans l'aile un tantinet, étant donné que les voeux qui ont été émis par le gouvernement ne se sont pas réellement concrétisés par des actions de la réduction de l'utilisation des pesticides. C'est exactement le contraire qu'on a eu. Constat.

Le Président (M. Lemay) : Alors, merci, M. le député, pour ce mot de la fin. M. Pageau, Mme Martinez, je vous remercie pour votre exposé.

Nous allons maintenant... voyons, suspendre les travaux quelques instants pour permettre à Mme Denise Proulx de prendre place. Désolé.

(Suspension de la séance à 20 h 14)

(Reprise à 20 h 16)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à Mme Denise Proulx, sociologue de l'environnement et chargée de cours à l'Institut des sciences de l'environnement de l'Université du Québec à Montréal. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite donc à débuter votre exposé. La parole est à vous.

Mme Denise Proulx

Mme Proulx (Denise) : Bonsoir à tous. Bonsoir, mesdames, bonsoir, messieurs. Alors, je vous remercie du privilège que vous m'accordez de venir vous présenter mon analyse des conséquences et des impacts sociologiques environnementaux et sanitaires de l'usage systémique des pesticides en agriculture. Je m'appuierai sur mes expériences et recherches empiriques et scientifiques, sur ma connaissance approfondie du milieu agricole où je suis née, que j'habite et que j'observe depuis toujours, sur mon engagement de citoyenne auprès d'organismes de mise en valeur et de soutien en agriculture pour vous instruire.

À titre indicatif, je suis secrétaire-trésorière de l'organisme Écoute agricole des Laurentides, qui finance et soutient le travail essentiel d'une travailleuse de rang dans la région des Laurentides et bientôt en Outaouais. Je suis la mentore d'un organisme qui s'appelle École-O-Champ, qui préconise une éducation relative à l'agriculture et à l'alimentation écologiques auprès des enfants et dorénavant installée dans les anciens locaux de l'Abbeye d'Oka.

Je suis également une citoyenne engagée pour la préservation des milieux naturels et boisés dans la région des Laurentides pour le maintien d'une connectivité d'un territoire boisé entre le sud et le nord, et ainsi préserver des espaces essentiels pour le déplacement de la faune. Comme scientifique, j'enseigne les enjeux de l'agriculture et de l'environnement à l'Institut des sciences de l'environnement depuis 2010. Je participe à diverses recherches sur les impacts socioenvironnementaux de l'agriculture moderne. Je suis également, en parallèle de tout cela, journaliste depuis plus de 40 ans, dont 30 années passées à couvrir les questions agricoles, environnementales et économiques.

Alors, ce soir, je voudrais focaliser mon sujet et attirer votre attention tout particulièrement sur les enjeux sociologiques de la situation actuelle en agriculture. Je vous parlerai de l'évolution de la représentation sociale que la société se fait de l'agriculture québécoise, du contrôle et de la manipulation de l'information qui est diffusée auprès des agriculteurs, des producteurs agricoles de toutes sortes, des professionnels et des consommateurs, les multiples conséquences croisées et cumulatives de cette manipulation de l'information sur la représentation sociale actuelle de l'agriculture et du fossé vraiment inquiétant qui se creuse entre les producteurs et les consommateurs, entre les producteurs et les néoruraux. Je vous présenterai des recommandations qu'il me fera plaisir, par la suite, de discuter avec vous.

Alors, la représentation sociale de l'agriculture n'a jamais cessé d'évoluer depuis 60 ans. Aujourd'hui, elle est plus que jamais négative dans une couche importante de la société à cause de la prise de conscience de cette population et dorénavant des médias de masse, des conséquences de la priorisation des valeurs économiques en agriculture sur celle de la santé publique et de l'environnement. Je vous résume cette évolution le plus brièvement possible.

• (20 h 20) •

Alors, jusqu'au milieu des années 60 au Québec, l'agriculture était majoritairement multifonctionnelle, traditionnellement un mode de vie consensuel, et, selon la représentation sociale qu'on s'en faisait, c'était le lot de cultivateurs, d'agriculteurs conservateurs généralement peu instruits et peu ambitieux, bien que soucieux d'améliorer leur sort. Diverses politiques publiques adoptées durant le grand chantier de la Révolution tranquille ont fait en sorte que le milieu agricole a été fortement invité, incité à se moderniser, à se spécialiser et à adopter des techniques de production et d'élevage inspirées par les succès reconnus du côté des États-Unis et de l'Europe. Les fermes qui ne soutenaient pas cette vision de la modernisation sont tombées en grand nombre. C'était l'époque, on se rappelle, de l'émergence des banlieues et de toute une génération de baby-boomers qui jugeaient avec un certain mépris le travail harassant de la terre pratiqué par leurs parents et leurs ancêtres.

Dans les années 1970, le ministère de l'Agriculture est devenu un acteur de premier plan dans cette transformation de l'agriculture québécoise. Même si le nombre de fermes était en baisse constante, des agronomes et des scientifiques soutenus par des centres de recherche publics créés par le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ont développé des expertises avant-gardistes qui sont devenues des joyaux canadiens, voire même à l'international. Dès lors, la représentation sociale qu'on s'en faisait était que le secteur était capable de créativité, d'audace, d'affirmation et d'ambition. Cette vision de la modernité de l'agriculture a été soutenue fortement par une personnalité très forte de l'agriculture, M. Jean Garon, qui a fermement défendu les valeurs rurales et la fierté de se hisser comme chefs de file dans plusieurs domaines.

À partir des années 1980 et dans les années suivantes, la tendance à aller vers la migration vers les milieux plus urbanisés a connu un mouvement inverse. Ce sont souvent des résidents urbains qui ont choisi alors de s'installer en milieu rural, appelons-les les «rurbains» ou les «néoruraux», selon les données scientifiques que l'on a développées, avec le rêve d'une tranquillité de la ferme bucolique, tout en conservant une activité urbaine dans la majorité des cas. Alors, les zones de mixité sociale se sont multipliées, et souvent grâce à certaines règles de la Loi de protection du territoire agricole, et c'est là qu'on a vu arriver les problèmes de... les conflits de voisinage : bruits, odeurs, circulation de véhicules agricoles lourds en heure de pointe, pollution de l'air, des puits de surface par les intrants chimiques, l'épandage de pesticides sans tenir compte des heures d'épandage ni des vents dominants, détérioration du paysage par la coupe de boisés, nivellement des sols, une gestion déficiente des déjections animales ont détérioré grandement l'image de l'agriculture complice de son voisinage et de cette nature tranquille tellement recherchée. On découvre alors une campagne polluée, alors qu'on se l'imaginait calme, saine, préférable pour y vivre et pour y élever des enfants.

Alors, durant mes travaux de recherche comme chercheuse lors de ma maîtrise en sociologie de l'environnement portant sur les conflits de cohabitation sociale dans le secteur du domaine porcin dans les années 90 et 2000, il est clairement ressorti que ces perceptions négatives et les tensions avaient un impact majeur sur l'expansion des projets en agriculture.

En 2008, la commission de l'avenir et de l'agriculture de l'agroalimentaire du Québec, la commission Pronovost, a soumis des recommandations pour améliorer les relations de voisinage entre les milieux urbains et ruraux et les producteurs agricoles, c'est-à-dire les néoruraux et les producteurs agricoles. Laissées sans suite, bien, la représentation des milieux agricoles a continué à se détériorer au point qu'au tournant des années 2010 des études ont démontré que, de plus en plus, les citoyens se tournaient vers l'agriculture biologique et de proximité, une croissance de 10 % à 20 % par année selon certains secteurs.

Et aujourd'hui on constate que des jeunes et des moins jeunes ne croient plus au discours promotionnel vantant la qualité des aliments produits à partir de la technologie et des méthodes agricoles intensives qui s'apparentent à l'industrie manufacturière. Avec l'arrivée des réseaux sociaux, nombreux sont les adeptes qui critiquent sans gêne les pratiques agricoles modernes basées sur l'usage intensif d'équipements énergivores, d'intrants chimiques, de pesticides de toutes sortes, de semences génétiquement modifiées, l'administration préventive de médicaments, les méthodes d'élevage et d'abattage des animaux et la maturation de récoltes à partir de glyphosate.

On constate aujourd'hui une montée fulgurante du végétalisme, dont les militants ne manquent pas une occasion de dévaloriser les productions laitières, les élevages de toutes sortes, sans égard pour les efforts réels qui sont entrepris par les producteurs agricoles. Si vous êtes passés par Montréal, métro Berri-UQAM, il y a une vaste campagne actuellement des véganes qui est vraiment, vraiment, vraiment axée sur justement une détérioration de la représentation sociale de l'agriculture.

Alors, depuis 40 ans, l'agriculture québécoise a perdu beaucoup de lustre. Et pourtant en 2019, pendant que cette acceptabilité sociale de l'agriculture industrielle intensive est en chute libre...

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx, je vais vous demander d'arriver à votre conclusion, s'il vous plaît.

Mme Proulx (Denise) : Alors, on continue à vouloir, plus que jamais, amener les agriculteurs vers les technologies numériques en leur disant que c'est le nouvel Eldorado.

Alors, j'aurais voulu vous en dire plus, mais je vais vous parler de mes recommandations. Alors, dans mes recommandations, ce que je... À la suite de ce constat et au fait que l'agriculture, l'alimentation est à la base de la santé humaine et de la santé... de notre énergie à tous, je recommande :

Que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation devienne un ministère senior qui permette de rehausser le leadership en matière indépendante de recherche et d'innovation agroalimentaire;

Qu'il embauche une nouvelle génération de professionnels dédiés à travailler de matière transversale et multidisciplinaire aux enjeux de la préservation et de la priorisation de la santé humaine par une agriculture saine;

Qu'une fois son parti pris en faveur de la nature, que le MAPAQ prépare un plan de transition vers un système québécois d'agriculture écologique sur une période de 10 ans et que le ministre soit un leader pour obtenir les investissements requis en ce sens.

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx, merci. Je vous interromps, cette fois-ci, sur vos recommandations. On les voit ici, à la page... je crois que c'est la page 22 de votre mémoire. Et puis je cède maintenant la parole au député de Bourget pour une période de questions avec la partie gouvernementale.

M. Campeau : Bonjour, Mme Proulx. Merci de venir nous voir ce soir. C'est vraiment une vision qui me semble extrêmement négative. Je suis très, très, très surpris. Je ne dis pas que vous n'avez pas raison, là, il y a des gens qui agissent et qui pensent comme ça, je n'ai pas de doute, mais moi, dans les agriculteurs que j'ai eu l'occasion de rencontrer, et il n'y en a pas beaucoup, j'avoue, que j'ai rencontrés dans des fermes, je n'en ai pas vu un qui s'est levé en disant : Comment je pourrais polluer plus à matin? Les gens sont assez consciencieux. Ils essaient de faire leur possible.

Dans les visites qu'on a vues, dans les visites de ferme, et ce que vous décrivez, est-ce que c'est les années 70-80 ou voyez ça encore aujourd'hui? Parce que, dans les visites de ferme, moi, j'ai vu des gens ambitieux, des gens qui voulaient vraiment bien faire, qui voulaient appliquer les nouvelles techniques, qui pensaient, à long terme, à minimiser la quantité d'agents chimiques qu'ils mettaient. Je suis un peu surpris. Est-ce que vous avez vu cette évolution-là ou vous pensez encore que la vision que vous nous décrivez est encore actuelle?

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : La représentation sociale que les consommateurs, que les gens se font et la réalité de l'agriculture, c'est deux choses différentes, d'une part. Je pense que les visites de fermes que vous avez faites, c'étaient des fermes, justement, qui étaient avant-gardistes, innovantes, qui n'est pas nécessairement à l'image d'une agriculture plus régulière. Alors, je pense que cette innovation-là n'est probablement pas assez diffusée dans le grand public, bien que les médias de masse commencent à le faire, et que ce n'était pas suffisant parce que ce que les gens, ce que les consommateurs, ce que les opposants à ce type d'agriculture intensive demandent, c'est qu'on change un paradigme de production pour prendre en compte une multitude d'autres aspects de santé non seulement publique, mais aussi environnementale.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Campeau : D'accord. Je comprends. Et c'est vrai que les fermes qui ont été choisies étaient plus avant-gardistes, vous avez complètement raison.

Est-ce que, dans les analyses que vous avez faites, est-ce que vous tenez compte de la productivité, du coût de ce que ça peut impliquer aussi? Parce que je ne vous ai pas entendue parler de coûts comme tels.

• (20 h 30) •

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : Vous me parlez de coûts de production?

M. Campeau : Coûts de production, oui.

Mme Proulx (Denise) : Bien, moi, je vous parle de coûts sociaux et environnementaux. C'est deux calculs différents. Dans les coûts de production, actuellement, je pense que ce que les consommateurs et ce que les gens qui réclament une agriculture biologique, une agriculture plus saine, réclament, c'est que ces coûts environnementaux et sociaux soient pris en compte. Et malheureusement, quand les gens sortent de la ville ou se promènent dans les campagnes, ils constatent qu'il y a beaucoup de manque à ce niveau-là. Et les coûts de production, ils doivent dorénavant prendre en compte les coûts sociaux et environnementaux. C'est essentiel pour amener une reprise de confiance, à mon avis, des consommateurs.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Campeau : Et, par coûts sociaux et environnementaux, ça veut dire aussi bien que, si on met moins de pesticides, qu'il va y avoir une baisse de coûts, dans ces cas-là, mais la productivité peut faire agir dans le sens inverse aussi. Mais vous parlez de coûts sociaux, dans le sens que... la réaction des gens au fait d'avoir de la nourriture bio. Est-ce que les gens sont prêts à payer plus pour ça? C'est ça que vous voulez dire par «les coûts sociaux»?

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : Par coûts sociaux, moi, je vous parle de... le vivre ensemble. Dans beaucoup de... Moi, je peux vous parler des régions périphériques, périurbaines de Montréal et Québec. Moi, j'habite la région de Montréal, les grandes régions périphériques de Montréal où j'ai vu beaucoup évoluer l'agriculture. Je pense qu'aujourd'hui il y a beaucoup de néoruraux qui cohabitent dans les mêmes milieux que les agriculteurs, mais une majorité d'agriculteurs continuent à considérer que le territoire leur appartient, que leur droit de produire est prioritaire sur le vivre-ensemble entre voisinages. Ça, c'est un coût social, ça, dans le sens qu'à ce moment-là vouloir aborder avec le conseil municipal de sa localité, de sa municipalité, d'améliorer la protection des cours d'eau, de sensibiliser sur l'épandage des pesticides, ça devient des questions taboues.

Et on est vite identifiés, les citoyens — je dis «on» parce que j'ai participé à ces demandes de questions là, notamment — comme étant des gens qui ne comprennent rien et qui veulent les empêcher de gagner leur vie. Ce n'est pas le cas du tout, là. C'est des gens qui ont la préoccupation de vivre ensemble, et les néoruraux et les agriculteurs.

Le Président (M. Lemay) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Vous mentionnez quelque chose qui me semble fort intéressant, c'est : formation d'une alliance entre ministère de la Santé et Services sociaux, ministère de l'Environnement et le MAPAQ. Ça va un peu avec les considérations sociales autant qu'économiques, autant qu'agriculturelles. C'est un peu ça que vous voulez dire : ne pas travailler en silo, mais avoir une approche beaucoup plus large. C'est ce que je comprends.

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : En fait, dans mes recommandations, ce que je dis, c'est que dorénavant il faut travailler beaucoup de ministères ensemble pour la question de l'agriculture, il faut intégrer des équipes multipartites, multisectorielles... multidisciplinaires, je veux dire, en agriculture. Il faut autant des gens qui ont la préoccupation sociale, la préoccupation sanitaire que la préoccupation environnementale dans les équipes de recherche agricole. Parce que l'agriculture, ce n'est pas juste une question d'économie, c'est une question sociale, c'est une question de manger pour être en santé, pour être plein d'énergie, pour être des gens qui participent pleinement, parce qu'on est des gens en santé, autant psychologiquement que physiquement, que notre environnement est en santé. Tout ça, ça fait partie d'un tout.

On a divisé, depuis l'entrée du Canada, du Québec dans les accords de libre-échange, depuis, disons, 25 ans, depuis que les accords ont été clairement définis par l'ALENA, par les autres traités qu'on a signés dans les dernières années... on a tout focalisé autour de l'économie, alors que plus que jamais, avec les questions environnementales qui se parlent tous les jours, avec les questions sociales, les questions de santé, il faut réintroduire dans l'agriculture ces enjeux-là.

Le Président (M. Lemay) : ...Mme Proulx. Sur ce, je cède maintenant la parole à ma collègue députée de Laviolette—Saint-Maurice. La parole est à vous.

Mme Tardif : Merci, monsieur. Bonjour, madame. Merci. C'est ébranlant, entendre ce que vous nous amenez ce soir. C'est sûr que nous, on a peut-être une vision différente, là, que l'étude que vous nous apportez. C'est triste aussi de voir, si on vous écoute, là, que votre perception, en tout cas, ou la perception des gens que vous avez sondés est une perception qui est très négative par rapport à l'agriculture conventionnelle.

D'une part, il y a cette perception-là qui est très négative et, d'autre part, il y a la consommation et les achats qui sont faits par les consommateurs. Jusqu'où pensez-vous que les consommateurs sont prêts à aller pour acheter bio, manger local, modifier leur mode de consommation, aussi, en fonction de ce qui est produit, en fonction des saisons, quand on sait que, malheureusement, un sac de chips puis de la liqueur, ça coûte moins cher que de la nourriture qui est saine?

Et, quand on connaît aussi la réalité, je ne parle pas que de mon comté, mais à Montréal aussi et à Québec aussi, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas les moyens de s'acheter des fruits et des légumes. Et c'est la réalité des Québécois. Alors là, on se place où par rapport à ça en tant que société? Parce qu'il y a cette perception négative là, mais il y a aussi la réalité des gens.

Le Président (M. Lemay) : Alors, Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : Je vous dirais que, là où il faut se placer, c'est en éducation. Il faut, dès le CPE maintenant, de l'école primaire, à tous les niveaux, il faut faire de l'éducation à l'alimentation. On n'a plus aucune éducation en alimentation, dans nos milieux scolaires, et c'est essentiel que ça revienne à mon avis.

Vous me parlez de l'accès au biologique. Je pense que les Québécois sont ouverts à l'accès au biologique. Mais actuellement ils sont en phase où ils sont d'abord... ils privilégient l'accès local. L'accès local, c'est une forme de complicité avec le milieu agricole. Il dit : Si tu m'amènes un produit produit localement, je peux avoir observé... je peux observer comment ça se fait. Et il y a une confiance qui s'établit, où il y a une volonté de participer à cette économie de l'agriculture localement.

S'il y a vraiment, par le ministère de l'Agriculture, par les autres ministères qui vont participer de façon pluridisciplinaire à changer ce paradigme de l'agriculture basé uniquement sur l'économie en y intégrant les enjeux sociaux environnementaux... je pense, ça va être beaucoup plus facile de demander aux producteurs agricoles d'embarquer dans une transition vers une agriculture de plus en plus écologique parce que tout le système va se mettre en branle pour les instruire, pour faire de la recherche, pour donner aux consommateurs des informations sur ce sens-là aussi.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Tardif : C'est intéressant. Et vous amenez dans votre rapport, aussi, le volet de dépendance ou le volet de mainmise des multinationales au niveau de l'agroalimentaire et de l'emprise que ces multinationales-là ont sur notre agriculture. Comment faire pour se sortir de cette emprise-là? Est-ce que c'est faisable? Est-ce que c'est pensable?

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : Est-ce que les multinationales vont se laisser mettre à terre? Les multinationales vont se transformer. Elles sont en train de se transformer en offrant aux consommateurs des biocides, des biopesticides, de plus en plus. Elles se transforment en offrant une viande synthétique, non à base de chair animale. Les multinationales vont suivre les tendances sociales qui s'établissent dans... On le voit, actuellement, qu'est-ce qui est derrière les grands changements au niveau de l'offre, de l'offre qui est faite pour tous les gens qui veulent manger végétalien. Bien, ça vient par la transformation de ces grandes multinationales là.

• (20 h 40) •

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Proulx. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean pour cette dernière période d'échange avec la partie du gouvernement.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Merci de cette présentation, merci du travail concernant votre mémoire. Je sais que vous mettez beaucoup de temps là-dedans. Et vous faites un parallèle au niveau de l'agriculture du passé, tout ça; vous me faites penser un peu à la chanson Mon arrière-grand-père, de Mes Aïeux, un peu, dans votre... à la page 8, là, dans le paragraphe en haut.

Et comment allons-nous faire avec tantôt près de 9 milliards, je ne sais pas, de personnes sur la Terre, afin de réussir à nourrir tout ce monde-là? Avec les terres qu'on a, arables, juste au Québec, on n'est même pas à 2 % au niveau du territoire agricole. Comment allons-nous faire pour réussir tout ça? J'aimerais ça vous entendre un peu. Parce que, tu sais, on est dans un point de vue social, et l'agriculture, à mon avis, est un enjeu excessivement grand. Et là je suis content, on prend le temps de parler, justement, là, aussi, de nos agriculteurs puis de la santé psychologique de nos agriculteurs. Parce qu'ils travaillent du matin jusqu'au soir puis ils ne savent plus où donner de la tête en ce moment.

Le Président (M. Lemay) : Alors Mme Proulx, environ 1 min 30 s.

Mme Proulx (Denise) : Alors, comment on va faire pour nourrir 9 milliards de gens sur la Terre? Bien, je pense qu'on nous a rentré dans la tête que la souveraineté alimentaire, c'était un concept dépassé, que la sécurité était préférable. Pourquoi est-ce qu'on a parlé de sécurité? C'est parce qu'il faut parler de sécurité alimentaire. Donc, la sécurité, ce n'est pas la sécurité nécessairement sanitaire, mais c'est la sécurité d'approvisionnement.

Alors, pourquoi est-ce qu'on parle de sécurité? C'est parce que c'est la façon de répondre à l'ouverture des marchés de libre-échange. On peut difficilement parler de libre-échange agroalimentaire, où c'est d'abord les grandes entreprises qui en profitent plus que les petites et entreprises familiales. Les petites entreprises familiales, on s'entend là, je ne parle pas des grandes entreprises familiales. Je pense qu'on a vu, depuis 25 ans, que la sécurité alimentaire avait un coût. Je pense qu'il faut revenir à la souveraineté alimentaire. La souveraineté alimentaire peut nourrir beaucoup plus les peuples qu'on le pense.

Le Président (M. Lemay) : ...M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Vous savez qu'au Québec, au niveau mondial, on est encore l'endroit où est-ce qu'il y a encore des entreprises à dimension humaine. On parle de l'entreprise familiale. Qu'est-ce que vous en pensez, de ce modèle-là?

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx, rapidement.

Mme Proulx (Denise) : Les entreprises familiales, on a des entreprises familiales effectivement, en agriculture, mais on a des entreprises familiales qui agissent maintenant comme un modèle économique de très grandes entreprises en étant propriétaires de 25 terres dans une municipalité, de...

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Proulx. Je dois vous interrompre pour céder maintenant la parole à l'opposition officielle. Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonsoir à Mme Proulx. Merci d'être là aussi tardivement avec nous. Mais je vais continuer, de toute façon, sur l'échange que vous aviez, vous allez pouvoir continuer parce que je ferais écho à des commentaires qui ont été faits par des collègues, précédemment, sur...

Moi aussi, je suis assez surprise du portrait que vous tracez de l'agriculture au Québec. Puis je pense que la question était très pertinente de vous demander, tout à l'heure, si c'était une agriculture des années 70-80 ou si vous considérez vraiment que c'est une agriculture d'aujourd'hui, parce que vous donnez...

Premièrement, au Québec, essentiellement, c'est des fermes familiales... Et puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais je lisais, dans votre mémoire, vous semblez opposer tout ce qui est technologie, productivité à... comme si ça ne pouvait pas être compatible avec une agriculture qui est écologique ou qui est biologique. Puis je m'explique par ça qu'on a eu l'occasion, nous, d'ailleurs, d'aller voir des fermes, notamment Agri-fusion, 3 000 hectares, si je me rappelle bien, qui est la plus grande ferme biologique au Québec, une des plus grandes fermes biologiques au Canada aussi, qui met au coeur de toute son activité tout ce qui est innovation, technologie, machinerie également. Donc, à mon avis, c'est très conciliable.

Comme je vous dis, je ne veux pas mal vous citer, mais vous donnez l'impression que c'est deux... c'est une antithèse, dans le fond, la technologie, l'innovation et l'écologique ou le biologique?

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : Oui. Je vais répondre à deux... Vous avez deux questions dans votre question.

Concernant la représentation négative. Moi, j'enseigne à des étudiants de niveau de maîtrise qui ont entre 20 et 25 ans, 30 ans. Je vais vous donner un exemple très concret. Il y a cinq ans, lorsque j'enseignais mes cours en agriculture et environnement, j'avais dans ma classe à peu près cinq étudiants qui s'affichaient végétariens, véganes. Avec les années, le pourcentage a augmenté. L'an dernier, dans mon cours de sociologie de l'environnement, j'avais 50 % de mes études qui s'affichaient, qui militaient véganes, au point que, pour eux, si tu ne l'étais pas, tu avais un problème.

Donc, cette croissance-là, elle est vraiment générationnelle et elle est aussi suivie par des gens qui ont peut-être une conscience de la santé plus importante, qui ont vu autour d'eux des gens malades et qui se disent : Il faut que je change mon alimentation, qui eux-mêmes trouvent un meilleur bien-être de changer leur façon de manger, de s'alimenter. Et donc je pense que ce mouvement, cette représentation négative du type d'agriculture qui se fait, il est bien réel. Il fait peur, je suis d'accord avec vous, on le trouve excessif. Mais moi, si je parle, je regarde les gens avec qui j'enseigne et les jeunes qui m'entourent, mes enfants, et tout, ce mouvement est très, très, très fort. Je peux vous le dire.

Maintenant, est-ce que la technologie est incompatible avec l'agriculture biologique? Non, pas du tout. Ce n'est pas ce que je disais, là. Je pense que... et je vous le dis, vous avez visité des fermes avant-gardistes qui étaient des modèles, qui sont des modèles qui, j'espère, vont vous inspirer et qui sont à suivre. Maintenant, ça reste des fermes, des expériences qui, à mon avis, demeurent encore dans la marginalité, dans le sens qu'il n'y en a pas partout, elles sont... Les programmes sont sous-financés, ils ne sont même pas assurés d'une continuité après trois, quatre ans de recherche. Alors, je pense qu'il faut élargir ce type de recherche. Et, si effectivement les technologies qu'ils ont développées sont bonnes, bien, utilisons-les.

Je vais vous donner l'exemple, un des plus gros... un des plus beaux exemples des changements qui peuvent se faire, c'est le CETAB, du côté du cégep de Victoriaville, qui fait de la recherche en agriculture écologique et biologique, qui forme des cohortes d'étudiants et qui travaille avec les producteurs du milieu. Alors, je pense qu'il y a énormément de choses intéressantes qui doivent se faire, qui se font.

Sauf qu'actuellement c'est au niveau de toute l'agriculture qu'il faut établir ça. Parce que l'agriculture est dans un processus où il fait face à une réalité socioenvironnementale qui est en immense mouvement. Socialement, il y a une forte population de plus en plus jeune qui dit : Je ne veux pas ce type d'agriculture. Et environnementalement nous sommes dans les changements climatiques, nous sommes dans une chute de biodiversité, nous sommes dans une crise d'accessibilité aux ressources.

Alors, je pense qu'actuellement on ne prend pas les moyens de préparer nos fermes, de leur donner les outils. Si on ne fait pas plus de recherche et pas plus d'actions pour favoriser une agriculture biologique, une agriculture de proximité... Pour les uns, pour certains, c'est paysan. Pour d'autres, en utilisant des technologies très modernes. Mais il faut faire ces virages-là, à mon avis, c'est urgent.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Dans votre mémoire, vous proposez une transition vers... encore là, je ne veux pas mal vous citer, pas vers le biologique, mais vers une agriculture écologique sur 10 ans. Un, c'est un paramètre, 10 ans, qui vient d'où? Il arrive quoi au bout des 10 années? Est-ce que vous visez que la transition soit complètement complétée?

Puis, pour en revenir vraiment au sujet qui nous occupe, les pesticides, pour rester bien sur le mandat, vous, vous recommandez quoi exactement? Est-ce que vous recommandez l'abolition? Est-ce que vous recommandez la diminution? Est-ce que vous recommandez une augmentation de la réglementation? Qu'est-ce que vous recommandez aux membres de cette commission-là pour nos travaux?

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

• (20 h 50) •

Mme Proulx (Denise) : Je recommande d'avoir l'éducation des agriculteurs. Je pense que les agriculteurs, on les a départis de la connaissance de leurs terres, la connaissance de la nature. Vous allez peut-être trouver que j'exagère, peut-être que j'exagère, aussi, mais je ne suis pas certaine qu'un agriculteur est capable de nommer 10 à 15 plantes qui sont considérées comme étant des mauvaises herbes et être capable aussi de nommer des avantages de ces plantes-là, tels qu'ils ont déjà été connus comme étant... en herboristerie par exemple, O.K.? Parce qu'une plante, si elle existe, ce n'est pas juste parce qu'elle a un effet négatif, elle a aussi un effet positif.

Alors, moi, je pense qu'il faut sortir de l'agriculture intensive productiviste qui est basée sur les pesticides. Est-ce qu'on serait capables d'éliminer complètement les pesticides? Je pense que l'industrie va proposer des biopesticides. Est-ce que c'est mieux? Et ça prendra 15, 20 ans de recherche pour voir si ce n'est pas un trompe-l'oeil, mais assurément, si on focalise davantage sur un type d'agriculture qui prend en compte la connaissance réelle de la nature chez les agriculteurs, bien, ils ne sentiront pas nécessairement le besoin de régler leurs problèmes avec la solution des pesticides.

Actuellement, bien, ils ne sont pas capables de savoir comment faire, parce que tous les services, bien souvent, ou même l'éducation qu'ils ont eue, nos agriculteurs, maintenant... les nouvelles générations sont formées. Tous ceux qui ont 50 ans et moins ont tous un diplôme, la plupart d'entre eux ou d'entre-elles, ils sont formés, et sauf qu'on les a formés dans une seule direction, dans la direction en agriculture productive, qui leur disait : Il y a un produit de synthèse qui va régler ton problème, alors que peut-être une meilleure connaissance de la nature, une meilleure application de cette connaissance de la nature aurait réglé le problème en soi, en partant.

Le Président (M. Lemay) : Merci. Mme la députée?

Mme Montpetit : Merci.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Donc, ceci complète la période d'échange avec la partie de l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur un sujet que vous abordez dans votre mémoire par rapport aux technologies, quand vous dites : Les applications... Bien, vous parlez de l'intégration, les applications misant sur l'intelligence artificielle, les données de la robotisation renforceront encore cette logique de concentration des géants de l'agriculture industrielle.

On a entendu différents groupes, on a visité différentes fermes. Une des premières fermes que nous avons visitées n'était pas nécessairement tournée vers la technologie et préconisait davantage beaucoup l'autosuffisance à la ferme, donc de développer des moyens qu'ils peuvent gérer eux-mêmes, sans nécessairement être dépendants d'une autre forme de technologie. Mais vous avez entendu le groupe précédent, le CEROM, qui misait beaucoup sur l'industrie 4.0, agriculture de précision, développer vraiment nos bases de données, tout ça, l'intelligence artificielle. Ça fait que j'aimerais peut-être vous entendre développer cette idée-là : En quoi c'est... comment vous jugez ça? J'ai l'impression que c'est négatif, de la manière que vous le présentez.

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : La technologie, telle qu'elle est développée actuellement, si je me rappelle les recherches que j'ai faites... Qui développe, actuellement, les technologies majoritairement accessibles? C'est beaucoup les multinationales. Et avec les technologies... Comment je vous dirais ça? Les technologies, en soi, c'est encore une dépendance, d'une certaine façon. Je ne crois pas que... Ça fait peur de dire qu'on devrait connaître... pratiquer une agriculture sans travailler avec les technologies. Mais les technologies ont un coût social aussi. Les technologies, nous les avons, nous, ici, au Québec, Amérique du Nord, pays privilégié, parce qu'il y a d'autres gens sur la planète qui travaillent de peine et de misère à trouver les matériaux pour ça. O.K.?

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Lessard-Therrien : Ce serait quoi, votre modèle idéal de développement de l'agriculture?

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : Je dirais : Véritablement rééduquer les agriculteurs face à la nature, qu'ils comprennent beaucoup mieux comment fonctionne la nature, quelle est la nature qui l'habite autour, comprendre la biodiversité, travailler avec la biodiversité, travailler avec cette science qui se développe, la connaissance de la biodiversité.

Moi, je suis chez moi, dans mon verger, je fais de la lutte intégrée avec toute la technologie qui a été développée en pomiculture. Je trouve ça fantastique parce que je découvre qu'il y a des couloirs d'insectes, je découvre qu'il y a des... quel type d'oiseau s'installe, parce que j'ai amené tel type de fleur, j'ai fait des plantations, que j'ai installé des moutons dans mon verger. J'ai pris toutes sortes de technologies, là, toutes sortes d'expériences qui ont été développées en Europe, aux États-Unis, j'ai tout mis ça... tu sais, moi, chez moi, c'est comme un petit laboratoire, là, et je mets tout ça chez moi, et je vois que ça fonctionne.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Proulx. Je dois vous interrompre sur ce propos...

Mme Proulx (Denise) : Moi je suis à toute petite échelle. Alors, c'est possible. Il faut retrouver la nature.

Le Président (M. Lemay) : ...pour maintenant céder la parole au député de Bonaventure.

M. Roy : Merci. Écoutez, un peu dans la même veine que ma collègue ici, là. Bon, l'agriculture, c'est des agriculteurs. Et le groupe qui était ici avant vous, le CEROM, nous disait : Bon, il y a une problématique d'acceptation sociale, chez les agriculteurs, et ils ne sont pas enclins à modifier leurs pratiques. O.K.? Vous avez amené quelques explications, mais, plus globalement, quels sont les déterminants de la résistance des agriculteurs à adhérer à des recommandations? Puis vos recommandations sont excellentes, là, mais, sur le plancher des vaches, si vous me permettez l'expression, ces gens-là, qu'est-ce qui fait qu'ils résistent? Est-ce que c'est juste parce qu'ils ne connaissent pas, un peu... Et là j'ai de la misère à saisir qu'ils ne connaissent pas leur environnement, parce que ce que vous venez de dire, c'est que, bon, peut-être qu'il faut les rééduquer sur les écosystèmes. Je n'irais pas jusque là, mais, globalement, quels sont les déterminants de la résistance?

Le Président (M. Lemay) : Mme Proulx.

Mme Proulx (Denise) : Je vous dirais que les déterminants sont d'abord leur fort endettement. Les agriculteurs sont très endettés, ils ont peur de ne pas être capables de rencontrer les exigences de leurs banques. La résistance au changement. Je pense que la résistance au changement, ce n'est pas juste les agriculteurs, je pense que c'est universel. Un sentiment qui a été beaucoup soutenu, entretenu par différentes lois : le droit de produire, qu'on a donné aux agriculteurs, leur a inscrit dans l'esprit que les campagnes leur appartiennent. Alors, je pense que c'est cette mentalité-là aussi qui fait partie du problème et cette difficulté du dialogue, je pense, aussi. C'est difficile, pour un agriculteur, d'entendre quelqu'un qui n'est pas agriculteur lui dire : Bien, tu ne penses pas que tu pourrais utiliser moins de pesticides, essayer des... Des fois... souvent, là, c'est la façon dont la communication est établie qui fait en sorte que c'est difficile de communiquer.

Et moi, je pense, c'est tout ça aussi, mais je pense que le fort endettement... Et ils se sentent, je pense, vulnérables parce qu'ils sont attaqués de tous bords tous côtés maintenant. Les agriculteurs, les traités de libre-échange, ils voient bien qu'ils vont perdre du terrain et ils ne savent pas trop. Les distributeurs, les transformateurs, tout le monde veut toujours avoir le plus bas prix possible. Le consommateur va aller acheter chez Costco avant d'aller acheter au marché du coin, alors... Et Costco, bien là, oui, il y a du produit québécois, mais il y a du produit américain aussi, et l'argent s'en va du côté des États-Unis, vous le savez. Alors, je pense que c'est tout ça qui fait qu'il y a une résistance, il y a une agressivité aussi. Alors, voilà.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Proulx. Ceci complète cette période d'échange. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à Louis Robert, conseiller expert en grandes cultures, et les témoins qui l'accompagnent de prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 59)

(Reprise à 21 h 01)

Le Président (M. Lemay) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à M. Louis Robert, conseiller expert en grandes cultures, ainsi que les témoins qui l'accompagnent.

Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Suite à cette période, il y aura des échanges avec les membres de la commission. Et je vous invite maintenant à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.

M. Louis Robert

M. Robert (Louis) : Merci, M. le Président. Louis Robert, agronome, conseiller expert en grandes cultures au MAPAQ, Montérégie. Je suis accompagné de Mme Odette Ménard, ingénieure et agronome spécialiste de la conservation de la santé des sols et possédant une grande expérience de vulgarisatrice et des stratégies pour l'adoption de méthodes alternatives de culture, et M. Yves Dion, agronome spécialiste des céréales, chercheur au CEROM pendant 20 ans et maintenant au MAPAQ, à Saint-Hyacinthe, également.

Je vous remercie d'avoir accepté de m'entendre ce soir. Comme mes collègues, je ne suis pas doctrinaire. Je ne suis ni anti ni propesticides, ni anti ni probio. Je ne suis pas en croisade contre qui que ce soit. Je ne suis pas motivé par aucun esprit de vengeance, que ce soit envers le MAPAQ ou envers les représentants des compagnies d'intrants. Peu importe leurs formations ou leurs compétences, je ne leur porte aucun blâme. La plupart sont de bonne foi et sont convaincus de travailler pour le meilleur intérêt de leurs clients.

Ma participation à la commission s'inscrit plutôt, comme celle de mes collègues, d'ailleurs, en continuité, une sorte de prolongement de mon travail, de notre travail au MAPAQ. J'y vois une très belle occasion de reprendre, pour une audience plus étendue, l'essentiel de notre message aux producteurs et aux agronomes depuis au moins 30 ans, c'est-à-dire : bien qu'il reste des travaux de recherche à faire ou à compléter sur certains aspects techniques de la lutte aux ennemis de cultures, nous pouvons compter sur une multitude de techniques et méthodes déjà développées en recherche et validées en transfert, méthodes de la lutte intégrée, qui non seulement peuvent réduire considérablement l'usage de pesticides sur les fermes du Québec, mais qui s'intègrent sans coût important pour le producteur et même, dans la majorité des cas, sont même rentables à court terme.

Personnellement, je ne me rappelle pas d'une seule technique, une méthode ou une innovation dont nous faisions la promotion et qui allait à l'encontre d'une meilleure protection de l'environnement, tout en gardant comme premier objectif, évidemment, une amélioration de la rentabilité des entreprises; par exemple : les pratiques qui améliorent la santé des sols, l'optimisation des engrais de ferme, le choix des cultures de couverture, le semis direct, les diagnostics de drainage, etc.

Depuis au moins 1992 que le MAPAQ travaille officiellement dans le sens d'une réduction de l'usage des pesticides. Nous, au MAPAQ, dans les bureaux régionaux, nous l'avons pris au sérieux, cet objectif, cette démarche, mais on est peut-être les seuls, malheureusement. Il faut bien le reconnaître, nos efforts, dont les moutures successives de la Stratégie phytosanitaire, n'ont rencontré que des résultats mitigés, pour dire le moins. Et pourquoi, ça? Pour deux raisons.

La première, c'est que nous, c'est-à-dire les mandataires de la défense de l'intérêt public, nous avons laissé les intérêts corporatistes, incluant l'UPA et les compagnies de pesticides, s'ingérer, interférer avec nos efforts à toutes les étapes de la diffusion de l'information, c'est-à-dire dans chacun des trois maillons de la chaîne de transfert des informations que sont la recherche, le transfert technologique et le service-conseil. Deuxième raison, les ressources humaines que le MAPAQ a allouées au transfert technologique, historiquement et encore aujourd'hui, encore plus, sont insuffisantes.

Mon but ici, qu'on soit bien clairs, n'est pas de faire un procès ou de trouver des coupables. Mais, si on se refuse d'analyser ce qui ne marche pas et ce qui n'a pas marché, jamais on ne va arriver à améliorer la situation et atteindre nos objectifs. La mise en place de solutions à cette problématique de pesticides doit absolument être précédée de diagnostics sans complaisance et rigoureux.

Pour illustrer la première raison que je mentionnais tantôt, là, les ingérences du privé dans l'intérêt public, je vais me servir de l'épisode des semences traitées aux insecticides, un exemple qui est, sur le plan agronomique, très simple. Dans ce cas-là, on avait assez de ressources en transfert, et le message de la recherche était très simple. La recherche québécoise dit — et elle est très solide sur le plan scientifique, en passant, là — que, dans un champ de maïs au Québec, la probabilité de trouver des insectes ravageurs des semis est inférieure à 4 % et elle est tout près de 0 % dans un champ de soya. Ça, c'est le message de la recherche. Ce qui a été véhiculé, ce qui aurait dû être véhiculé en transfert technologique, c'est tout simplement ne pas recommander d'utiliser des semences traitées aux insecticides, peu importe leur type, en passant. Ce n'est pas spécifique aux néonicotinoïdes, tous les insecticides sur les semences.

Et finalement, en troisième lieu, le service-conseil aurait dû être que les agronomes de première ligne disent à leurs clients... recommandent à leurs clients producteurs de commander de la semence non traitée à l'avance. Mais, vous le savez comme moi, ce qui est effectivement arrivé est bien loin de ça. D'abord, en recherche, on a remis en question les résultats de recherche payés par les fonds publics, et ça, ça a été fait par l'UPA et les compagnies, les deux siégeant au conseil d'administration du CEROM. Il y a eu une certaine complaisance aussi de la part du MAPAQ. En transfert, les compagnies ont dénigré les résultats de recherche publique. Il y a eu des hésitations et de la confusion à l'Ordre des agronomes, qui a réagi en formant un comité, encore une fois. Et en service-conseil, bien, l'Ordre des agronomes a refusé d'intervenir pour séparer les services-conseils de la vente de pesticides. Finalement, il y a eu une réglementation qui aurait été complètement inutile en temps normal et qu'on a toutes les misères du monde à respecter.

Donc, ça, c'est l'exemple des traitements de semences avec insecticides. Imaginons une seconde ce qui va arriver dans le cas du glyphosate, qui est une problématique agronomique pas mal plus complexe.

Je n'ai absolument rien contre le fait que les compagnies de pesticides exercent leurs activités librement. Ce contre quoi je m'oppose fermement est l'idée qu'il faille absolument qu'elles soient parties prenantes des efforts publics visant la réduction des aires de pesticides, ou des engrais, ou de tout objectif lié à la conduite des affaires d'intérêt public. Comme on dit, on ne peut pas demander à un chameau d'être un cheval de course. De même, on ne peut pas céder, même en partie, au secteur privé la responsabilité de l'intérêt public.

Les compagnies de fournitures d'intrants devraient être en aval des besoins de leurs consommateurs, des producteurs agricoles, alors que maintenant on les a laissé opérer en amont dans le service-conseil, dans le transfert et même dans la recherche. Ils conditionnent ainsi les besoins du consommateur. Or, la compétence en lutte intégrée ne se trouve pas au privé, mais beaucoup plus du côté de MAPAQ et des clubs conseil en agroenvironnement.

Est-ce que les lobbys sont trop puissants? Je ne crois pas. Les lobbys ne sont pas si forts que ça. C'est que nous n'avons affirmé aucune opposition, nous avons été faibles. Le dicton : Ils ne sont puissants que parce que nous sommes à genoux, s'applique à la situation parfaitement. Nous n'avons pas résisté aux lobbys, nous sommes devenus leurs complices. Si on arrivait à débarrasser le système de ces interférences, et ce serait assez simple, on réaliserait d'énormes progrès en termes de réduction d'usage des pesticides, par exemple, par le dépistage, les suivis aux champs, l'accompagnement, la rotation des cultures, les traitements localisés, les causes réduites, contrôles mécaniques, biopesticides, etc.

Voyons maintenant les solutions et en commençant par les solutions, d'après moi, qui ne fonctionneront pas. D'abord, les subventions, la recherche et la conversion forcée vers le bio. Moi, je ne suis pas un partisan des subventions pour régler cette problématique-là, parce que l'adoption des méthodes de lutte intégrée se fait à coût à peu près nul. Le retrait des néonicotinoïdes ou de traitements de semences insecticides, ça ne coûte absolument rien. Même, ça permet de sauver des frais : les cultures de couverture, les céréales d'automne, rotation des cultures, etc.

Les plus beaux succès de transferts technologiques sur les fermes se font généralement sans subvention. On le sait, en tout cas parmi nous, les vulgarisateurs présents sur le terrain, les producteurs qui n'essaient une méthode que parce qu'il y a une opportunité d'aller chercher quelques dollars sont les premiers à abandonner ladite méthode, quand ce n'est pas un échec avant même l'adoption. Il faut savoir aussi que tout nouveau programme d'aide financière mobilise les quelques professionnels qui restent au MAPAQ à gérer de la paperasse, plutôt que de faire ce pour quoi ils étaient payés, c'est-à-dire du transfert technologique. Et remarquez aussi qu'à toutes les fois où le MAPAQ a dû faire des choix difficiles entre ses budgets de transfert et ses effectifs — ses coûts de fonctionnement, autrement dit — on a cédé souvent aux pressions de l'UPA pour couper dans les effectifs parce que l'UPA ne voulait absolument pas qu'on touche aux budgets de transfert, traditionnellement, jusqu'à récemment.

• (21 h 10) •

Je ne suis pas favorable à augmenter le financement de la recherche, parce que... Bien, d'abord, au cours de ces audiences, certainement, il y en a qui vont vous recommander ou qui vont recommander au gouvernement d'investir davantage en recherche sur les alternatives aux pesticides. Je parierais personnellement une assez grosse somme d'argent que ceux qui vont réclamer ça ne sont même pas au courant de ce qui a été et de ce qui se fait en recherche. Il y a actuellement plus de résultats de recherche applicables à la réduction de pesticides que ce que nous sommes en mesure de vulgariser pour les producteurs.

Je ne suis pas favorable à une obligation pour les producteurs de se convertir à l'agriculture bio de façon obligatoire. Si plusieurs pourraient se convertir sans trop de conséquences, la majorité n'est pas prête, et cela imposerait un risque économique trop grand aux producteurs. Et par ailleurs il y a tellement de progrès réalisables à court terme sur les fermes dites conventionnelles — à un point tel qu'elles ne sont vraiment pas conventionnelles, dans le fond — que certains ont concrétisés déjà et présentent un bilan environnemental très intéressant.

Maintenant, les solutions qui, selon moi, vont marcher, puis je vais terminer avec ça. Les faits récents parlent par eux-mêmes. Si les instances ont le courage nécessaire pour poser un diagnostic sans complaisance et rigoureux, les pistes de solution sautent aux yeux. Un, l'Ordre des agronomes devrait faire respecter la lettre et l'esprit de son code de déontologie et interdire aux agronomes à l'emploi des sociétés impliquées dans la vente de pesticides, peu importe la forme de leur rémunération, de produire toute forme de recommandation pour l'usage des pesticides, ce qui aurait dû être fait aussi il y a 20 ans dans le cas de la fertilisation. Deux, les mécanismes de surveillance et de contrôle de l'indépendance et de l'intégrité des gestionnaires gouvernementaux devraient être appliqués et/ou renforcés pour assurer un meilleur respect du devoir de défense de l'intérêt public... (Interruption) Pardon.

Le Président (M. Lemay) : M. Robert, je vais profiter de cette courte interruption pour céder la parole à mon collègue député de Lac-Saint-Jean puisque... votre période de 10 minutes étant écoulée depuis quelque temps déjà. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Ça va vite. Bonjour... bonsoir. Bonsoir, M. Robert. Merci d'être là et merci aussi du travail de votre mémoire, d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire.

J'ai lu le mémoire. Je vois que vous êtes quand même... Tu sais, vous êtes beaucoup plus spécialisé que moi au niveau agronomique. Quand même, un agronome... Et je vois aussi que vous reconnaissez l'importance du transfert technologique dans le domaine de l'agriculture, de la recherche appliquée vers les agriculteurs. M. Robert, j'aimerais ça que vous m'expliquiez rapidement les différences et les bienfaits entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale.

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Les différences entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale?

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui, s'il vous plaît.

M. Robert (Louis) : Moi, je suis à peu près à 100 %, si ce n'est pas 98 %... je transfère des résultats de la recherche appliquée. Ce qui se fait au CEROM, et à l'IRDA, et dans les différents centres, c'est très, très, très appliqué, il n'y a pas beaucoup de fondamental. On n'a pas beaucoup... à part des fois quelques échanges avec des professeurs-chercheurs dans les facultés d'agronomie, où il peut y avoir des recherches plus fondamentales. Je pense en particulier, admettons, au collège Macdonald, il y avait des recherches sur les initiateurs de nodulation dans le soya. C'est biochimique, là, à ce moment-là, donc c'est beaucoup... c'est plus loin de la pratique. Mais en général, là, presque tout le temps, c'est de la recherche appliquée.

Quand on parle de comparer différentes techniques de travail du sol, par exemple, c'est un dispositif expérimental rigoureux qu'on met en place, mais c'est très, très, très pratique. D'ailleurs, moi, j'ai même coordonné un projet où on avait une dizaine de sites répartis dans quatre régions puis on comparait le semis direct au travail conventionnel avec différentes rotations sur plusieurs années, là. Mais c'était situé... tous les sites étaient sur des fermes commerciales, là, de producteurs réels. Donc, ça, on parle de recherche absolument très appliquée.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Donc, bien, toujours en reconnaissance de l'importance de la recherche appliquée, tu sais, dans vos propos, du même coup, là, bien, c'est ça, vous émettez un peu l'opinion que la recherche devrait être exclusivement publique.

On sait que plusieurs secteurs agroalimentaires... les agriculteurs réclament aussi qu'on poursuive l'implication au niveau du privé dans la recherche appliquée, tu sais, parce qu'elle permet quand même d'apporter des solutions pratiques quand même assez rapidement et ciblées à des problèmes, aussi, qui sont concrets.

Et, M. Robert, en nous assurant, là, de la mise en place des meilleures pratiques gouvernementales ou des meilleures pratiques en gouvernance et d'une politique robuste, là, en matière de recherche responsable, ne croyez-vous pas que ces modèles-là ont leur place au Québec?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert. Et en vous rappelant qu'en tout temps vous pouvez céder la parole à M. Dion ou à Mme Ménard, il n'y a aucun problème. Mais allez-y, M. Robert.

M. Robert (Louis) : J'ai un élément de réponse que je peux fournir, aussi, puis tu compléteras.

Une voix : Oui.

M. Robert (Louis) : C'est que, moi, mon principe est très simple, c'est qu'il y a la recherche privée, sans les intérêts privés. Donc, quand ils investissent 1 $, il faut que ce dollar-là rapporte. L'intérêt public n'est pas dans leur priorité. Je n'ai absolument, comme je l'ai dit, aucun problème à ce qu'il y ait de la recherche du secteur privé, mais c'est le mélange des deux. Surtout, et dans le cas qui nous concerne, un des cas qui nous a concernés, c'est le CEROM, où c'était administré par le privé, alors que c'était financé publiquement, avec des objectifs publics, d'intérêt public, disons. Donc, en séparant les deux, il y a beaucoup moins de confusion.

M. Dion (Yves) : Concrètement, en fait, la recherche publique, on sait ce que c'est, on sait qui la finance, et les résultats sont aussi largement diffusés, on l'espère. Dans le cas de la recherche privée, elle pourrait aussi se faire dans des institutions comme le CEROM ou les universités, mais elle devrait, à mon avis, être complètement couverte, tous les frais devraient en être couverts par le privé, justement, et même avec une marge, pour assurer un certain bénéfice, là. Et ces résultats-là aussi appartiennent au privé et ils doivent être clairement séparés et connus, que ce sont des résultats qui ont été financés par des sources privées, donc on ne peut pas les amalgamer avec des résultats de recherche qui ont été complètement financés par le public.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Dion. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bien, c'est sûr, évidemment, tu sais, en soulignant l'importance et la complémentarité de la recherche fondamentale. Mais, M. Robert, si vous me permettez, avez-vous mesuré l'impact financier du retrait complet du privé dans la recherche appliquée, au niveau de l'impact financier?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Bien oui, le financement du CEROM était en bas de, je crois... le financement privé au CEROM était en bas de 6 %, 7 %, là, et il avait au moins trois ou quatre sièges au conseil d'administration. Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous voulez une réponse ou...

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : En fait, oui, mais... Vous répondez en partie à la question, là, mais vous avez... Allez-y, je vous laisse, je vous écoute.

M. Robert (Louis) : Parce qu'en réalité le financement privé en recherche publique, il y en a très peu. L'exemple du CEROM est parlant. Mais il y en a très, très, très peu. C'est plutôt le contraire. Il bénéficie des résultats de recherche du public, financés par le public.

Le Président (M. Lemay) : M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Les médias ont beaucoup suivi, quand même... Il y a quelques jours, vous avez affirmé que les agronomes du secteur public ont de la difficulté à rejoindre les agriculteurs, que le message des compagnies vendant les pesticides est mieux entendu dans les champs du Québec. Moi, j'aimerais ça que vous précisiez votre pensée un petit peu à ce niveau-là.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y, M. Robert.

M. Robert (Louis) : Bien, j'ai moi-même été témoin, là. Quelques jours après la divulgation des résultats du CEROM sur les traitements de semence à base d'insecticide — on était une vingtaine d'agronomes — quelques jours plus tard, on était sur une ferme, et il y avait une journée organisée conjointement, un club, une compagnie de pesticides et l'UPA, puis il y avait au-dessus de 100 producteurs dans la salle, en fait, dans le bâtiment. Et le message de l'agronome représentant la compagnie était pour défaire le message de la recherche publique, complètement opposé.

Donc, vous voyez un peu la différence, là. C'est juste une anecdote, si on veut, mais ça illustre très bien, un peu, la disparité qu'il y a. Puis ça, c'est une occasion, mais évidemment les journées d'information organisées par... le privé est très, très, très présent sur le terrain et il ne manque jamais une occasion de rabrouer, disons, les résultats de la recherche publique.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Une question... bien, je ne sais pas si vous allez être en mesure de me le dire, puis ça m'intrigue : Aujourd'hui, en date d'aujourd'hui, est-ce que vous êtes en mesure de me dire combien qu'il y a d'agronomes qui sont directement à l'emploi du MAPAQ?

M. Robert (Louis) : Bien...

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Oui, pardon. Bien, je crois que ça a été dit, là, agronomes... pardon, c'est : agronomes dans la fonction publique, je crois que c'est au-dessus de 300, mais agronomes au MAPAQ, à ma connaissance, c'est entre 120 et 140, quelque chose comme ça, à ma connaissance.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Vous n'est pas loin : 145.

Le Président (M. Lemay) : M. le député, en vous rappelant qu'il y a aussi un collègue qui veut prendre la parole.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui. O.K.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y.

• (21 h 20) •

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : On sait que, lors des premières auditions à la commission, le MAPAQ est venu nous rencontrer, il est venu nous présenter aussi, un peu, les services qu'il offre, on sait, des services, au niveau des services-conseils, hein? On peut aller jusqu'à 70 % de subventions, et le programme a été bonifié, 85 %, si on utilise des services en agroenvironnement, des services-conseils transfert biologique, ainsi de suite. Ils sont de première ligne, puis vous l'avez dit tout à l'heure.

D'autre part, on sait qu'il y a 145 agronomes que le MAPAQ emploie, en plus des autres employés qui ont une formation universitaire et qui ne sont pas nécessairement membres de l'ordre, mais ils sont impliqués quand même dans le dossier de phytoprotection, et, bien sûr, dans la réduction de l'usage des pesticides, et toute la question aussi du transfert technologique.

Au niveau des services-conseils, dans les réseaux, on parle de près de 160 agronomes, quand même, qui sont là pour accompagner les agriculteurs, puis dont la tâche, bien, je l'ai dit tantôt, c'est toujours la réduction des pesticides et l'accompagnement, aussi, du transfert technologique au niveau de l'agriculture. Mais, selon vous, là, est-ce que le nombre d'agronomes est insuffisant? Est-ce que ça en prendrait plus?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : J'aimerais... Je vais répondre en pensant que ce que vous vouliez dire : Est-ce que le nombre d'agronomes...

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...services-conseils.

M. Robert (Louis) : Au niveau des services... Dans le service-conseil, bon, ça, c'est le service de première ligne offert aux entreprises agricoles sur une base individuelle, là-dedans, il y a des agronomes qui sont du secteur privé, il y a des consultants, il y a des agronomes des clubs conseils en agroenvironnement. Je pense qu'il pourrait y en avoir plus, certainement, surtout des clubs conseils en agroenvironnement, il pourrait y en avoir plus. Nous, au MAPAQ, on ne fait pas de service-conseil, vous le savez. On est en deuxième ligne, comme on dit, en support, en transfert technologique, beaucoup, en encadrement.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Puis, au MAPAQ, est-ce qu'il y en a assez, des agronomes?

M. Robert (Louis) : Bien non! Comme je l'ai dit, là, c'est une des lacunes que je mentionne dans mon mémoire puis que je vous ai répétées tantôt. Je pense que le nombre d'agronomes qui sont... surtout dont leur responsabilité première est le transfert technologique, ils sont largement...

Le Président (M. Lemay) : Excusez, je vais céder la parole... M. le député.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Juste une dernière question. Est-ce que vous avez fait l'évaluation de ça au niveau du MAPAQ?

Le Président (M. Lemay) : O.K. Dernière réponse, M. Robert, ensuite je cède la parole à mon autre collègue. Allez-y, M. Robert.

M. Robert (Louis) : Je ne sais pas.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Donc, sur ce, je cède la parole au député de Bourget.

M. Campeau : Dans une émission radio matinale, il n'y a pas si longtemps, il y a quelqu'un qui vous avait posé une question : Est-ce que vous allez aller en commission parlementaire? Vous aviez répondu quelque chose comme : Je ne sais pas si je vais être invité, mais, oui, j'aimerais y aller. Et j'apprécie ce ton clair, simple, avec une volonté évidente d'améliorer l'agronomie, point. Autrement dit, je suis très content que vous soyez là ce soir.

L'Ordre des agronomes, vous en avez beaucoup parlé et puis, bien, tant mieux. Je ne le connais pas vraiment, l'Ordre des agronomes, mais je connais l'Ordre des ingénieurs. Puis le principe, en arrière, c'est la protection du public de toute façon. Alors, pourquoi ça arrive, avec les agronomes, que c'est différent d'avec les autres? Est-ce que c'est parce qu'ils ne font pas un assez bon salaire s'ils ne font que du service-conseil? C'est quoi? Pourquoi est-ce qu'ils sont obligés de vendre des... Est-ce qu'il y a un problème salarial à ça? Si jamais ils ne faisaient que du service-conseil, ils ne seront pas assez occupés puis ils vont aller ailleurs? Comment vous voyez ça?

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Robert.

M. Robert (Louis) : ...pardon.

Le Président (M. Lemay) : Allez-y.

M. Robert (Louis) : C'est une question qui relève en partie de la culture agricole, au Québec, puis sans mauvais jeu de mots. Parce que traditionnellement, bon, les producteurs agricoles n'accordent pas assez une grande valeur aux produits ou aux services-conseils. C'est-à-dire que le service-conseil d'un agronome professionnel n'est pas reconnu à sa juste valeur. Et pourquoi ça? Bien, ça n'a jamais été reconnu. Ça a toujours été mêlé ou à peu près. Et à l'époque, dans les années 50, 60, c'était l'État qui fournissait l'ensemble des services-conseils aux entreprises.

Et par la suite, aussi, les compagnies se sont mêlées de ça puis, disons, elles ont maintenu les coûts très bas. La valeur des services-conseils est maintenue très bas, durant toutes ces années-là, entre autres, parce qu'ils se rentabilisaient avec la vente de produits, autrement dit. Donc ça, ça a nui beaucoup au développement du service-conseil.

Là, aujourd'hui, on a de plus en plus, et j'en suis assez content, là, de service-conseil de la part de consultants. La plupart du service-conseil au Québec, actuellement, a besoin de l'aide de l'État. Mais, malgré tout ça, je pense qu'on a encore... on traîne de la patte quant à la reconnaissance du service-conseil, en fait, comme de la reconnaissance du transfert technologique, d'ailleurs. Très peu de producteurs sont au courant de ce qu'on fait en transfert technologique et, quant à moi, qui est essentiel. Il manque encore plus d'agronomes en transfert technologique qu'en service-conseil, selon moi.

Mais c'est une bonne question. Ce n'est pas très valorisé, le service-conseil, et donc je pense que ça stimulerait plus d'agronomes à offrir des services-conseils indépendants, si c'était davantage reconnu, justement.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Campeau : Si je comprends bien, ça veut dire qu'actuellement c'est plus valorisé, maintenant, temporairement, mais, s'il n'y a pas de changements légaux ou — peut-être le mot «légal» est exagéré — s'il n'y a pas un changement de structure, comme tel, on va juste retomber là-dedans. Il y a cette... vous avez cette crainte-là?

M. Robert (Louis) : Absolument. D'ailleurs, il y a des gens qui quittent l'Odre des agronomes en partie à cause de ça. L'image de l'agronome n'est pas la meilleure qu'elle a déjà été, là. Elle a déjà été bien meilleure que ça en partie à cause de ça. C'est toutes des conséquences de ça, de ce laxisme-là, du refus de séparer le service-conseil de la vente de produit, en ce qui me concerne.

Le Président (M. Lemay) : Merci. M. le député.

M. Campeau : Vous avez aussi parlé des... que vous n'étiez pas très en faveur des subventions. Je peux très bien comprendre que, si on attend d'avoir une subvention pour faire un changement, ce n'est peut-être pas parce qu'on y croit tant que ça. Ça, je peux comprendre ça.

Par contre, la subvention, parfois, ça correspond au risque qui est pris par un agriculteur qui, par exemple, veut devenir bio et qui a une période de trois ans avant de devenir bio. Alors, comme il se demande qu'est-ce qui va arriver, au cours de ces trois prochaines années, puis qu'on sait qu'avec les aléas de la température chaque année est différente, ne voyez-vous pas que la subvention, dans ce cas-ci, pourrait aider à vaincre le risque, la résistance au changement, à tout le moins, quitte à ne pas la maintenir, la subvention, ad vitam aeternam?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert, en environ 30 secondes.

M. Robert (Louis) : D'abord, je vais laisser la parole à ma collègue Odette pour fournir un élément de réponse là-dessus.

Le Président (M. Lemay) : Mme Ménard.

Mme Ménard (Odette) : Ça me fait plaisir de répondre à ça. La grande problématique, à mon avis, des subventions, c'est qu'elle est souvent attachée à une technique particulière, à une portion du système particulier, en agriculture, ce qui fait qu'on fait des petits bouts de chemin, à l'intérieur du système, qui ne sont souvent pas assez efficaces pour permettre au système de se mettre à rouler par lui-même. Et donc ce sont de petits bonbons qui sont appétants, qui... Tu sais, quand il y a 20 $ qui traîne à terre, tu le ramasses. Alors, c'est un petit peu dans cette optique-là qu'à mon avis la subvention nuit souvent davantage qu'elle aide à la prise en charge et à la mise en place de systèmes agricoles hautement performants.

Le Président (M. Lemay) : Merci, Mme Ménard. Sur ce, je cède la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Mme Ménard, M. Robert, M. Dion, merci d'être avec nous aussi tardivement ce mardi soir. J'ai plusieurs questions pour vous.

Puis, M. Robert, sans revenir nécessairement sur ce qui vous est arrivé, je veux simplement vous dire que je suis très contente que vous ayez réintégré votre poste. C'est une belle nouvelle, et justice a été faite, et j'en suis fort heureuse. Et je suis aussi contente que vous continuiez de participer activement à tous ces dossiers-là, à être présent, d'avoir décidé de vous présenter ce soir pour répondre à nos questions. Je l'apprécie vraiment beaucoup.

Et j'aimerais ça vous entendre réagir. Il y a plusieurs choses qui ont été mentionnées. On est déjà à la fin de notre deuxième journée. J'imagine, vous avez suivi certaines interventions qui ont été faites. On avait le CEROM qui était là un petit peu plus tôt. Je sais que vous avez souligné à plusieurs reprises des inquiétudes sur toute la question d'une brèche au principe de l'indépendance, sur leur conseil d'administration, et il y a encore deux membres de La Coop fédérée qui siègent sur le CEROM. Est-ce que vous pouvez nous livrer votre opinion par rapport à ça?

Le Président (M. Lemay) : Oui. Alors, M. Robert.

• (21 h 30) •

M. Robert (Louis) : Merci. D'une part, le principe, dans le cas des agronomes et le code de déontologie, c'est la situation de conflit d'intérêts qui est une infraction, hein? C'est-à-dire qu'il ne faut pas attendre qu'il y ait des conséquences. La situation de conflit d'intérêts fait référence aux valeurs en cause dans un mandat — dans ce cas-ci, dans deux mandats. Le conflit d'intérêts comme tel, c'est les conséquences, c'est le contrat qui a été octroyé de façon biaisée, par en dessous, des choses comme ça. Donc, ça, c'est un élément.

Il y a aussi l'élément que... Il faut se poser la question : Qu'est-ce que la Coop fédérée retire de cette participation-là? Parce que je suis à peu près certain que toute activité d'une société impliquée dans le commerce d'intrants... ne dépense pas son argent, ses salaires, ses contributions pour le bien public, en passant. J'ai des petits doutes là-dessus, en tout cas.

Donc, je ne sais pas trop. Je ne veux pas aller plus loin, mais je trouve que, comme instance publique qui avons le mandat de défendre l'intérêt public, on devrait empêcher ces situations-là, c'est sûr. Et j'insiste sur la nuance entre situations et conflits d'intérêts comme tels.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Non, mais je pense que votre réponse est très claire. Vous avez eu l'occasion de lever plusieurs drapeaux rouges, au cours des dernières années, même. Je pense qu'on en a encore une, à tout le moins, sur laquelle il faut se questionner, demander des réponses. Mais je comprends que vous recommandez que ce genre de situation là se termine une fois pour toutes au niveau des centres de recherche du Québec.

M. Robert (Louis) : Ce serait très facile, hein? D'ailleurs, qu'est-ce qui nous empêche de le faire? C'est aussi une question qui me triture un petit peu, là. Je vais la laisser ouverte, là. Mais ce serait très simple à régler.

Le Président (M. Lemay) : Parfait. Mme la députée.

Mme Montpetit : Bien, c'est une excellente question à laisser ouverte. Puis je me rends compte qu'on a beaucoup de journalistes avec nous, je suis certaine qu'ils prendront la balle au bond pour aller la poser au ministre de l'Agriculture dès demain.

J'avais une autre question pour vous par rapport à ce qu'on a appris avec le témoignage de l'Ordre des agronomes, hier, qui est venu nous parler des infractions qui avaient été faites, des erreurs qui avaient été notées lors des inspections de l'ordre, et notamment certaines fautes majeures en lien avec le non-respect de la nouvelle réglementation sur l'atrazine. Je ne vous cache pas que moi, j'ai été extrêmement choquée d'apprendre qu'on a mis une réglementation en place... Puis vous l'avez noté, là, on a essayé à plusieurs reprises, il y a des politiques qui ont été mises en place, elles n'atteignent pas toujours les objectifs qu'on souhaiterait. La réglementation, on a quand même vu qu'il y a eu une diminution, je pense, de 40 % au niveau de l'atrazine. Mais force est de constater qu'on a encore des agronomes sur le terrain qui ne respectent pas la réglementation. J'aurais aimé ça vous entendre à ce sujet-là.

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Oui. Je ne suis pas au courant exactement des griefs, ou des problèmes qu'ils ont connus dans leurs recommandations, ou justifications, ou prescriptions, là, je ne peux pas m'avancer trop, trop là-dessus. Mais c'est clair que, comme je le disais, dans une recommandation d'agronome, qui touche le contrôle des mauvaises herbes, la règle de l'art indique qu'il faut considérer d'autres méthodes avant de considérer l'utilisation d'herbicides. Ça, c'est les principes de lutte intégrée. C'est ce qu'on préconise au MAPAQ depuis des années, d'ailleurs, et ce que l'Ordre des agronomes endosse aussi.

Et, comme j'en ai fait allusion un petit peu, tantôt, ces compétences-là... ça demande des compétences, évidemment, parce que c'est plus compliqué de trouver une rotation, par exemple, contre une mauvaise herbe que d'appliquer un produit... ou appliquer une recommandation d'un produit sur une étiquette. Et ces compétences-là ne sont pas du côté des compagnies de pesticides, c'est clair. Et je pense qu'on nuit un peu au développement de ces compétences-là, qui sont déjà dans les clubs-conseils, et au MAPAQ on nuit au développement de ces compétences-là tant et aussi longtemps qu'on endure des situations comme celles-là. Ça fait que les infractions, c'est malheureux, mais je pense qu'il fallait s'y attendre un petit peu, là.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Une autre question. Je m'excuse, je suis sur des cas très, très précis, mais je pense que c'est des questions qu'on s'est posées et auxquelles, malheureusement, on n'a pas eu de réponses encore, puis, comme vous avez une longue expertise au sein du MAPAQ, peut-être que vous pouvez éclairer nos lanternes.

Sur la question, aussi, des semences enrobées, on le sait, il y a des dérogations qui ont été données, au printemps, parce que ça a été un printemps tardif, pour permettre l'utilisation de semences enrobées avec des néonicotinoïdes. Donc, on est encore dans une utilisation de néonics, alors qu'on souhaiterait diminuer. Qu'est-ce qui... pas qu'est-ce qui explique ça, mais ce qui pourrait régler cette situation-là? Parce que la réponse qu'on nous fait, c'est : Écoutez, il n'y avait pas d'autre semence disponible. Est-ce que c'est une question, vraiment, de disponibilité ou c'est une question de volonté?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Bien, c'est sûr que c'est... je crois que c'est un problème réel de disponibilité de semences. Ça, je ne mets pas de doute, il y a une partie de ça qui vient de là, c'est sûr.

Mais, vous savez, je vous rappelle un peu ce que je disais tantôt, à savoir que la réglementation est venue parce qu'on a failli à la tâche, hein? C'est-à-dire que le message... Moi, je suis un peu découragé de voir ça parce que, pour une fois, c'est une problématique simple. Le message de la recherche, au Québec, très solide, était très clair, limpide. La conséquence de ça, ça aurait été qu'on n'aurait pas eu besoin de réglementation, parce qu'on a sorti tous les revêtements insecticides, incluant les néonicotinoïdes, donc on n'aurait pas eu ce problème-là, là, puis on n'aurait pas eu de réglementation.

On aurait pu... Probablement qu'on aurait commandé des nouvelles semences, puis il y aurait eu des produits dessus, oui, et des néonics aussi dessus, mais ça aurait été un moindre mal parce qu'on n'en applique pas... on n'en aurait pas appliqué de façon générale partout. Comprenez-vous? Je ne sais pas si c'est clair, mais, je pense... Le problème, on arrive avec une réglementation, alors que ce n'est pas ça du tout que... Si on avait suivi la chaîne de transfert... D'où mes deux raisons, là. C'est-à-dire qu'il y a eu de l'ingérence à tous les niveaux, recherche, transfert, service-conseil. Comment on peut arriver à une recommandation?

C'est assez décourageant pour un agronome d'expérience, des agronomes d'expérience comme nous, de constater ça, qu'on est devant une évidence scientifique aussi claire et limpide, là, puis que c'est tout bousillé, qu'on se ramasse avec une réglementation qui ne peut pas s'appliquer parce qu'en plus les produits changent. Ça fait que la réglementation s'attaque à trois néonicotinoïdes, alors que, là, déjà, ils ont commencé à changer. Puis de toute façon on n'a pas besoin d'insecticides sur les semences.

Donc, tout ça est un peu absurde. C'est vraiment désolant de voir ça. Et, moi, comme je le disais, ça me fait peur d'essayer d'imaginer, de temps en temps, qu'est-ce qui va arriver si on veut venir à bout de la réduction de la dépendance au glyphosate, par exemple, qui... Ça, est une problématique superpassionnante pour un agronome. Mais, dans le système actuel, là, je ne suis pas optimiste trop, trop. Ça va prendre une autre réglementation. On va marcher à coups de réglementations? Ça ne fait pas de sens.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Qu'est-ce que vous suggérez, justement, plus spécifiquement pour le glyphosate? Parce que c'est certain que ça va faire partie des échanges qu'on va avoir. On a eu quand même plusieurs indications sur la nécessité d'encadrer... en tout cas, plusieurs drapeaux rouges, encore là, qui ont été levés sur l'utilisation du glyphosate. Si ce n'est pas par la réglementation, comment vous voyez qu'on peut améliorer la situation, en tout cas, à tout le moins, réduire l'utilisation du glyphosate?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Par le recours aux méthodes de lutte intégrée, c'est-à-dire le dépistage, la rotation des cultures, l'utilisation de cultures alternatives. C'est relativement simple. Mais c'est déjà un peu plus compliqué de tout simplement arroser Roundup puis ne pas se casser la tête. Mais ça, c'est une question d'éducation puis de transfert technologique.

Parce qu'on en a déjà, hein, des travaux de recherche, des dépistages. On connaît des rotations qui ne laissent à peu près pas de mauvaise herbe au printemps. Et donc on sait déjà que, si on envoyait un agronome dans le champ pour constater ça, on n'aurait même pas besoin d'appliquer de Roundup ou tout autre herbicide, dans le fond. Ça fait que c'est des méthodes de lutte intégrée qu'on connaît depuis longtemps, mais on a dû reculer parce que, c'est ça, on est arrivés sur le marché des OGM. Les compagnies ont poussé...

D'ailleurs, moi, je me rappelle très bien quand les OGM sont arrivés. Les compagnies nous vantaient les avantages de rendement, puis on avait en même temps de la recherche publique qui nous disait : Ce n'est pas tant que ça, les avantages de rendement, là. Et, quand on mettait dans l'évaluation l'impact des rotations et des méthodes de lutte intégrée, le bilan était pas mal différent, là. Le choix des OGM puis du Roundup mur à mur était moins intéressant, déjà. Mais vous savez ce qui est arrivé, là.

En plus, les programmes, à l'époque, les programmes d'ASRA étaient largement... étaient très, très généreux envers les monocultures de maïs et de soya, en plus. Donc, ça a encouragé. C'est tout un contexte, finalement, là. Puis le producteur qui ne voulait pas se casser la tête, qui voulait aller assez rapidement.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Montpetit : Je pense qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, hein, M. le Président? Bon, bien, juste en terminant... Parce qu'on a eu l'occasion de voir des modèles, justement, de fermes très, très innovantes, là, sur le terrain. Donc, de toute évidence, ça peut se faire. Est-ce que, de votre lecture terrain, vous, les agriculteurs sont prêts à aller dans cette direction-là? Est-ce que c'est vraiment une question... Parce que vous avez bien mentionné que vous ne privilégiez pas la voie des incitatifs financiers. Est-ce que, bien accompagnés, il y a une ouverture des agriculteurs à prendre cette direction?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert, en 30 secondes.

M. Robert (Louis) : Oui. Je suis content, ça me donne l'occasion de mentionner un élément très important. C'est que, comme la démonstration est faite que des fermes sont capables de le faire, hein, ce n'est même pas question d'utopie, ou de recherche, ou de transfert, c'est déjà transféré sur des fermes, il faut juste le diffuser, il faut juste le faire adopter par un plus grand nombre, puis c'est comme ça qu'on va réussir à réduire beaucoup la dépendance aux pesticides.

Mme Montpetit : Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Robert. Ceci complète cette période d'échange. Et maintenant je cède la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Lessard-Therrien : Merci, M. le Président. Je suis très contente de vous entendre ce soir, M. Robert. J'en profite aussi pour vous remercier du combat que vous avez mené dans les derniers mois. Je pense que ça en valait vraiment la peine.

Écoutez, je viens du Témiscamingue. Vous y avez passé, en juin dernier, je vous ai manqué. Les agriculteurs, chez nous, ils disent que maintenant, quand ils rentrent dans les bureaux du MAPAQ, c'est eux qui doivent ouvrir les lumières, tellement il n'y a plus de personnel. J'aimerais savoir : Comment vous vous sentez, vous, au MAPAQ, depuis la diminution d'à peu près 50 % des effectifs depuis 10 ans?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Bien, je trouve...

Une voix : ...

M. Robert (Louis) : Pardon?

Une voix : Tu te sens seul.

• (21 h 40) •

M. Robert (Louis) : Je me sens seul dans l'ombre, pas de lumière, mais... Pardon. C'est sûr que ça fait ressortir encore plus de façon flagrante le manque d'effectif. Moi, personnellement, disons, j'ai changé de région et je suis passé de Chaudière-Appalaches, où les grandes cultures étaient peut-être moins une priorité, et j'arrive en Montérégie, où il y a plus de ressource, des professionnels, ingénieurs, agronomes, personnel de soutien, et tout ça, et donc les grandes cultures sont un secteur très important, et on fait beaucoup de transfert technologique. Donc, je suis dans le milieu d'une équipe très dynamique à ce sujet-là, donc, ça, ça aide à, disons, à pallier un petit peu le sentiment qu'on pourrait avoir d'isolement, là. Mais c'est vrai, donc, avec la diminution d'effectif et la fermeture des bureaux, c'est très, très dommage, mais ça nous amène à aller dans d'autres régions, aussi, dont le Témiscamingue, l'Abitibi puis un peu partout.

Le Président (M. Lemay) : Mme la députée.

Mme Lessard-Therrien : J'ai envie de vous entendre. Quand même, ce désengagement-là de l'État, au niveau de la réduction de ses effectifs, ça envoie quoi, comme message pour l'agriculture?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Je ne sais pas trop comme... Je pense que ce n'est pas un message positif, évidemment, mais aussi c'est relié au fait qu'on ne valorise pas le transfert technologique. Et puis, quant à moi, c'est un travail de casse-tête qu'on fait un peu, en résumé, là. C'est-à-dire on prend les résultats de recherche, qui sont des morceaux de casse-tête isolés, et puis on les assemble pour donner un ensemble qui veut dire quelque chose pratiquement parlant. Et donc je pense qu'il faut... C'est essentiel de le faire.

Parce que j'ai vu des... j'ai connu des exemples de transfert de la recherche au producteur, directement, en by-passant le transfert technologique, qui a donné des résultats complètement négatifs. Je pense, par exemple, à la période d'épandage des engrais de ferme, qui a été très, très mal comprise aux services-conseils parce que peu de personnes assumaient le transfert technologique. La recherche disait un message beaucoup plus nuancé.

Le Président (M. Lemay) : Merci, M. Robert. Donc, je cède maintenant la parole au député de Bonaventure pour sa période d'échange.

M. Roy : Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. M. Robert, on peut dire, vous nous avec donné de l'ouvrage, vous, hein? Bien, bravo! Parce que vous avez soulevé un débat extrêmement important. Moi, je le considère aussi important que celui du tabac ou de l'amiante à une certaine époque. Je ne sais pas où on va aboutir avec tout ça, mais j'ose espérer que ce n'est pas juste une campagne de marketing ou de communication.

Ceci étant dit, vous venez de déboulonner un mythe, là. Pas besoin de budget de recherche supplémentaire pour trouver des stratégies de remplacement des pesticides. Ça, je trouve ça extrêmement intéressant. Et ce que je comprends de votre exposé, c'est que le problème, il est dans le transfert, dans la communication, dans la sensibilisation. Et là, bien, la question, c'est : Qui devrait être le porteur de cette stratégie-là d'information, de diffusion et de sensibilisation?

Le Président (M. Lemay) : M. Robert.

M. Robert (Louis) : Le MAPAQ. Parce que ce n'est vraiment pas commercialisable, là. Présentement, le MAPAQ a tenté de privatiser une section du transfert qui est la diffusion de publications, par exemple, par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire au Québec, là, le CRAAQ, là, le fameux CRAAQ. Et on se rend compte que, même la diffusion, la vente de véhicules de diffusion n'est pas rentable. C'est difficile de rentabiliser ça. Puis ça, c'est juste la partie la plus commercialisable du transfert.

Imaginez le travail que je parlais tantôt d'assembler les pièces du casse-tête, de faire le lien avec la recherche pour les services de conseils de première ligne. Il n'y a pas personne qui va voir de la rentabilité là-dedans. Et pourtant c'est aussi essentiel que la recherche parce qu'en l'absence de transfert technologique ça ne marche pas. Ça ne marche pas, le message est mal perçu. On demande aux chercheurs d'assumer, comme on dit, le service après-vente, d'aller dans les conférences, présenter aux producteurs, dans les journées de formation, présenter leurs résultats de recherche. Pendant qu'ils préparent les conférences, ils ne font pas leur travail de chercheurs. Et en plus de ça ils n'ont pas le temps d'aller fouiller, de mettre leurs... Bien, je généralise, il y a des exceptions, mais trop souvent ils ne peuvent pas mettre en contexte par rapport à d'autres recherches et aussi par rapport au contexte pratique de la ferme. Et donc, ça, c'est un autre élément essentiel du transfert, qui est négligé et puis qu'on devrait réinvestir selon moi. Puis, pour répondre à votre question directement, c'est carrément le MAPAQ, selon moi.

Le Président (M. Lemay) : M. le député, pour le mot de la fin.

M. Roy : Bien, écoutez, qui au MAPAQ? Des agronomes, des techniciens, des agents de communication?

M. Robert (Louis) : Oui, des professionnels. Des professionnels, mais évidemment avec du personnel de soutien pour les aider et les soutenir là-dedans, là. C'est tout un effort de groupe, là.

Le Président (M. Lemay) : Alors, M. Robert, je peux vous assurer que la commission a pris en note l'importance de la valorisation des transferts technologiques. Et, sur ce, je vous remercie, M. Robert, M. Dion et Mme Ménard, pour la contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux au mercredi 25 septembre 2019, après les affaires courantes, où elle poursuivra son mandat.

(Fin de la séance à 21 h 45)

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