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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Monday, March 14, 1988 - Vol. 30 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Quinze heures huit minutes)

Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques pour étudier le document intitulé: "Pour une politique de sécurité du revenu".

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau (Johnson) sera remplacée par M. Desbiens (Dubuc).

M. Polak: Mme Tremblay remplace... Elle peut faire ça comme ministre. Il n'y a pas de problème?

Une voix: Habituellement elle agit comme députée indépendante.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):...députée et avec le consentement sur les interventions et les votes si jamais il y avait lieu.

Le Président (M. Leclerc): J'aimerais donner quelques informations sur le déroulement de la commission. Il est convenu de consacrer une heure par organisme, ainsi répartie: 20 minutes pour l'exposé de l'organisme et 40 minutes pour les discussions soit, 20 minutes de chaque côté. Je demande donc au Regroupement provincial...

Intervention du ministre relativement aux chiffres de tableaux exhibés par l'Opposition

Le Président (M. Leclerc): M. le Président, peut-être avant que vous n'invitiez nos invités à présenter leur mémoire... Je constate qu'au tableau gouvernemental se sont ajoutés deux tableaux que Mme Harel fait sans doute siens, puisqu'elle les dispose à l'arrière des députés de l'Opposition. J'ai demandé - strictement à titre de vérification, parce que nous n'avons pas eu le temps de les vérifier - aux fonctionnaires de vérifier si les chiffres qui sont contenus dans les tableaux sont exacts et, s'il s'avérait que ces chiffres soient exacts, je pense qu'il est sain de communiquer ainsi l'information à l'ensemble de la population, aux gens qui viennent témoigner.

Maintenant, en ce qui concerne les expressions utilisées, j'ai une profonde réserve, M. le Président. C'est la réserve qui découle de la ligne Seuil de pauvreté, qui se réfère à Statistique Canada. Je ne vous demanderai pas de rendre votre décision immédiatement. Je vais vous demander quand même, de façon à ne pas induire en erreur et les gens qui viennent devant cette commission et la population en général, de vérifier un article ou un editorial de Jean Francoeur paru dans Le Devoir du 22 mars 1988 qui parle des chiffres qui sont reproduits dans le tableau, non pas comme étant des seuils de pauvreté, mais des seuils de faible revenu. Et il s'agit là d'une objection que Statistique Canada maintient partout. On tente de faire dire à Statistique Canada qu'il s'agit de seuils de pauvreté. Si on indique ce que Statistique Canada veut dire, des seuils de faible revenu, comme Statistique Canada le maintient, je suis complètement d'accord avec le maintien de cette ligne du tableau. Mais, si on veut faire dire à Statistique Canada des choses qu'il ne dit pas, je demanderais que les tableaux soient retirés, M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le ministre. Vous avez soulevé votre point.

Mme la députée de Maisonneuve, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter là-dessus?

Mme Harel: Je suis contente que nous ayions quelques minutes avant de commencer nos travaux. Cela va me permettre de rappeler au ministre qu'après la quatrième semaine d'audition - je crois que nous entreprenons notre quatrième semaine - nous attendons toujours des informations essentielles concernant les résultats de la participation aux programmes de retour aux études, de travaux communautaires et de stages en entreprises.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et monoparentales, aussi.

Mme Harel: Le ministre nous les a promis depuis je ne sais plus quand exactement, il y a déjà plusieurs semaines. C'est comme s'il n'y avait personne autour de lui qui prenait au sérieux les engagements qu'il prend devant la commission. Ces chiffres sont essentiels. Quel a été le taux de participation? Quel a été le degré de réinsertion sur le marché de l'emploi, une fois la participation à ces mesures terminée?

Et, également, en matière de familles monoparentales, nous attendons des données du ministre sur les taux marginaux d'imposition lorsqu'il y a participation au programme APPORT et sur les revenus d'emploi qui sont, à ce moment-ci, selon nos chiffres à nous, imposés à un très haut taux. Je rappelle au ministre qu'il devrait normalement être bientôt en mesure de déposer ces chiffres.

M. le Président, je remercie ie ministre et je fais miennes ses considérations au sujet de Statistique Canada. M. Francoeur, du Devoir, n'a pas pu écrire cela le 22 mars, c'est le 14,

aujourd'hui.

M. Paradis (Brome-Missjsquoi): Excusez, lapsus. Enlevez un 2 et mettez un zéro.

Mme Harel: De toute façon, il demeure une chose. Ce sont des tableaux, nous nous en rendons totalement responsables... il faut appeler les choses par leur nom, ces chiffres, qui sont des chiffres, dites-vous, de faible...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que

Statistique Canada qualifie, ce sont des seuils de faible revenu.

Mme Harel: Bon. Ces seuils de faible revenu, selon Statistique Canada, sont, en langage populaire, des seuils de pauvreté.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On peut les appeler comme on veut, mais on ne peut pas le faire dire à Statistique Canada, malheureusement.

Mme Harel: En tout cas, on peut bien les appeler comme on veut. Mais avec cette réalité, M. le ministre, si vous viviez avec ces montants, je suis certaine que vous appelleriez cela de la pauvreté.

M. le Président, j'aimerais bien que l'on commence immédiatement.

Le Président (M. Leclerc): Madame, je vous ai permis...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, est-ce que je peux ajouter un mot aux demandes de Mme la députée de Maisonneuve?

Elle nous avait également demandé quelle était la clientèle affectée par le partage de logement?

Mme Harel: Oui, la clientèle affectée par le partage de logement et par la contribution parentale, selon des catégories, des moins de 30 ans.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voulais simplement signifier que vos demandes sont légitimes, que l'Opposition et la population ont droit à cette information, que, si nous vous donnions les chiffres qui sont prêts présentement, nous vous donnerions des chiffres qui datent de 1984 ou 1985, et nous souhaitons les actualiser dans la mesure du possible. Maintenant, je vous ai indiqué qu'on n'attendrait pas que la commission parlementaire soit finie pour que vous ne puissiez pas les utiliser. Nous considérons qu'il s'agit d'un outil de travail important. Nous avons accéléré autant que faire se peut la machine de façon à vous fournir ces données. Vous êtes également consciente, et ce n'est pas quelque chose que je vous apprends, que Je système informatique dont nous disposons, bien que nous travaillions à le corriger, n'était pas des plus parfaits losque l'on en a hérité, il y a deux ans. Nous tentons de le perfectionner et nous faisons le maximum pour vous donner ces informations afin que vous puissiez les utiliser.

Mme Harel: M. le Président... Le Président (M. Leclerc): Oui

Mme Harel:... une dernière remarque. Je voudrais remercier le ministre. Je crois comprendre que ces informations sont depuis quelques jours sur son bureau et n'attendent que son autorisation pour nous être distribuées.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, c'est inexact. On m'a communiqué certaines informations à mon bureau dans un document où on fait état de toute la démarche. Si vous le voulez à l'état brut, moi, je n'ai absolument pas...

Mme Harel: D'objection.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... d'objection comme telle. Je peux vous le fournir à l'état brut. Si vous le voulez dans ce que j'appelle un état compréhensible et accessible pour les parlementaires que nous sommes... et vous serez en mesure de vérifier qu'il n'y a rien de changé entre les deux. Ce que nous tentons de faire, c'est de véhiculer une information qui soit comestible et digestible tout en étant rigoureusement exacte.

Le Président (M. Leclerc): Chacun ayant exposé son point, je voudrais dire que je prends en délibéré la question du ministre. J'invite...

Mme Harel: Quelle est-elle la question du ministre?

Le Président (M. Leclerc): Le ministre se demande si nous pouvons faire dire à Statistique Canada que c'est le seuil de pauvreté plutôt que le seuil de faible revenu.

Mme Harel: En quoi la question du ministre est-elle pertinente, M. le Président? Pourquoi la prenez-vous en délibéré?

Le Président (M. Leclerc): Parce qu'il dit que ce n'est pas...

Mme Harel: C'est dit.

Le Président (M. Leclerc):... ce que

Statistique Canada utilise.

Mme Harel: Oui et puis?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous indi-

quez sur vos tableaux, je peux préciser...

Mme Harel: Qu'allez-vous faire en délibéré? Qu'allez-vous conclure? Je conclus que Statistique...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je demande que les tableaux soient corrigés ou retirés.

Mme Harel: Vous demandez qu'ils soient corrigés ou retirés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'ils ne sont pas conformes à la vérité, s'ils ne sont pas conformes à ce que Statistique Canada considère comme étant le chiffre, je demande que vous le corrigiez pour indiquer ce que...parce que vous indiquez que votre source est Statistique Canada...

Mme Harel: Statistique Canada n'a jamais dit que ce n'était pas des seuils de pauvreté.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Harel: Non. Ils ont dit que c'était une pauvreté qui était qualifiée de faible - comment dites-vous - revenu.

M. Paradis (Brome-Missisquo): Je peux vous le reciter parce que vous ne l'avez peut-être pas avec vous.

Mme Harel: Oui, mais ce n'est pas parce que M. Francoeur.J'ai bien compris, c'est votre gourou, mais ce n'est quand même pas à tous égards... Je ne pense pas que c'est lui qui doit dicter notre tableau.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Je pense que le président peut aller au-delà de l'article et effectuer des vérifications auprès de Statistique Canada, et qu'à ce moment-là, si vous avez une information qui est erronée dans le tableau, au moins vous l'indiquez et vous demandez d'avoir l'honnêteté intellectuelle de corriger ou de retirer.

Mme Harel: En tout cas, j'ose espérer que M. Francoeur va être votre gourou pour autre chose que pour des modifications de mots.

Auditions

Le Président (M. Leclerc): Très bien. Alors, j'appelle le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence.

Mesdames, je vous souhaite la bienvenue au nom de la commission. Je vous demanderais de vous présenter pour aider la transcription du Journal des débats. Merci. La parole est à vous.

Regroupement provincial des maisons

d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence

Mme Lacombe (Madeleine): Mon nom est Madeleine Lacombe. Je suis présidente du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence. À ma droite, Denise Tremblay, trésorière de l'exécutif du regroupement; à ma gauche, Danièle Frechette, coordonnatrice à la permanence du regroupement provincial. Je voudrais souligner aussi la présence dans la salle de représentantes de certaines maisons d'hébergement de la région de Québec.

Tout d'abord, je voudrais vous dire que nous sommes très heureuses d'être ici aujourd'hui. On trouve très important le fait de pouvoir vous soumettre nos questionnements, nos craintes et nos suggestions. Peut-être que, dans un premier temps, nous pourrions situer le regroupement provincial.

Le regroupement est né en février 1979; il a donc presque dix ans de service. C'est un groupe de pression politique, d'échange, de services, c'est-à-dire qu'on fait de l'information, de la formation auprès des intervenantes dans les maisons d'hébergement. Notre objectif principal est de viser à une prise de conscience collective de la problématique des femmes et des enfants victimes de violence conjugale. C'est pour cela, entre autres, qu'on réclame le développement d'un réseau viable de maisons d'hébergement à travers la province. Nous regroupons actuellement 45 maisons qui offrent des services d'accueil, d'hébergement, d'information, d'intervention auprès des femmes, des enfants, des ex-hébergées et des femmes qui ne viennent pas en maison d'hébergement. Nous faisons aussi de l'éducation, de la sensibilisation et de la prévention.

Bien sûr, le regroupement est régi par un certain nombre de principes. Nous avons cru important d'en faire ressortir certains ici, parce qu'ils pourraient concerner la commission. Entre autres, celui de l'anonymat, c'est-à-dire que les maisons d'hébergement respectent le choix des femmes de ne pas dire qu'elles sont en maison d'hébergement, dans la mesure où, bien sûr, il n'y a pas d'obligation légale de le faire. L'anonymat, cela veut dire aussi qu'on refuse de fournir au ministère de la Santé et des Services sociaux, ou à tout autre ministère, des renseignements personnalisés sur la clientèle hébergée. C'est-à-dire qu'on donne des renseignements sur les femmes, mais on refuse de fournir les fiches où il y aurait le numéro d'assurance sociale, la date de naissance, l'adresse etc.

L'autre principe important, c'est la gratuité. On considère que les femmes sont déjà largement pénalisées par le système actuel et qu'elles n'ont pas a assumer les coûts de la violence conjugale. Donc, dans les maisons, aucuns frais de service n'est accepté directement ou indirectement.

En ce qui concerne l'aide sociale, je vais y revenir à la fin, parce que ce sont des principes qui reviennent dans ce qu'on demande à cette commission.

Sur le plan de la problématique, je pense que tout le monde s'entend maintenant pour dire que les femmes victimes de violence conjugale ne sont pas seulement victimes de violence physique, mais aussi de violence verbale, de violence psychologique, et qu'il s'agit dune escalade, c'est-à-dire que cela commence souvent par des menaces verbales et, ensuite, les coups vont arriver.

L'existence d'un grand nombre de femmes violentées n'est plus à démontrer. Les dernières statistiques donnent une femme sur huit au Canada, et le ministère de la Santé et des Services sociaux évaluait à 300 000 les femmes victimes de violence conjugale en 1985.

Quant à nous, dans les maisons d'hébergement, on a hébergé depuis 1979 plus de 50 000 femmes «t enfants et on a aussi répondu aux besoins de dizaines de milliers de femmes qui ne sont pas en maison d'hébergement, mais à qui on donne des services externes.

Les femmes qui sont victimes de violence conjugale ont des besoins multiples. La violence conjugale a dés conséquences qui sont d'ordre physique, psychologique et psychosociale. Les experts consultés soulignent les problèmes de stress, d'anxiété et la tendance à la dépression chez les femmes qui vivent une situation de violence conjugale.

Briser le cycle de la violence est une chose difficile parce que cela implique des enfants, des sentiments, des pressions de la famille, du milieu, de la société, qui vont dans le sens de conserver à tout prix l'unité familiale. Donc, il est important de souligner à la commission qu'il faut déjà énormément de courage à ces femmes pour rompre avec une situation de violence. Elles ont aussi des besoins qui sont multiples. Elles ont le besoin de sécurité, d'être hébergées, d'être écoutées, d'être informées. Parmi ceux-là, elles ont besoin d'être aidées dans l'organisation matérielle. C'est souvent là que va entrer en considération l'aide sociale. Elles ont, par contre, surtout besoin d'être respectées dans leurs démarches. C'est pourquoi nous trouvions important le fait d'être entendues ici.

Lorsque la femme prend finalement la décision de quitter son mari, elle doit faire face à de sérieux problèmes financiers et matériels. Souvent, pour s'en sortir, elle doit recourir aux prestations d'aide sociale. Je considère important de souligner ici que les femmes dont nous nous occupons pour 50 % d'entre elles, quand elles quittent la maison d'hébergement, elles doivent se référer à l'aide sociale pour pouvoir s'en sortir.

Ce que je voudrais aussi souligner sur les femmes qui viennent en maison d'hébergement, c'est que 70 % d'entre elles sont à la maison lors de la rupture, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas de travail à l'extérieur, elles sont au foyer, 50 % des enfants en maison d'hébergement ont moins de cinq ans et 36 % ont de six à douze ans. Ce sont souvent des enfants qui ont plus de difficultés ou, en tout cas, chez lesquels les difficultés sont plus apparentes.

On fait aussi le constat que dans les maisons d'hébergement, et cela se confirme par les chiffres du CSF, 80 % des femmes ont moins que le secondaire V comme scolarité. Par contre, il a quelque chose d'intéressant à souligner dans l'évolution de la problématique, c'est qu'on constate que les femmes arrivent en maison d'hébergement de plus en plus jeunes. C'est dire qu'elles rompent de plus en plus jeunes le cycle ( de la violence. Avant, on avait des femmes de 45/ ans qui avaient fini d'éduquer leur famille; maintenant, ce sont des jeunes femmes qui rompent de façon hâtive. Dans ce sens, c'est un signe encourageant dans le sens qu'elles vont s'en sortir plus facilement et que les enfants auront moins de séquelles.

Si on regarde le document étudié aujourd'hui "Pour une politique de sécurité du revenu", je pense que d'autres groupes l'ont souligné, on trouve important de le dire tout de même, c'est que la philosophie et les intentions qui sous-tendent ce document, enfin celles qu'on a pu y lire, soit la justice sociale et l'équité, sont des choses qu'on trouve louables en soi. Par contre, les moyens pour y arriver sont douteux, à notre avis, et je m'excuse, quelque peu fort moyenâgeux, à un point tel qui nous amène, nous en tout cas, à nous interroger sur les intentions du ministère et du présent gouvernement.

Bien sûr, quand nous regardons ce document, nous le regardons à la lumière des femmes avec lesquelles nous travaillons parce qu'on connaît déjà leurs difficultés et le danger dans lequel elles sont avec leurs enfants. La nouvelle orientation peut risquer de les mettre davantage en danger. Non seulement le document nie le droit à l'aide sociale, mais il vient renforcer les préjugés qui circulent déjà à l'endroit des bénéficiaires de l'aide sociale, c'est-à-dire que le document nous oriente vers ceci: 24 % de la population serait inapte à travailler et pour les autres, même si ce n'est pas l'intention du gouvernement, le libellé peut laisser entendre que ce sont des personnes paresseuses, frauduleuses, qu'il faut surveiller et orienter.

L'impression qu'on a aussi, c'est qu'il faut récupérer des sommes et qu'on va aller couper chez les plus démunis. C'est-à-dire qu'on dit: II faut qu'il y ait une différence entre eux et les travailleurs à faible revenu, donc on va couper chez les bénéficiaires de l'aide sociale alors que ce sont deux groupes qui sont déjà à revenu très faible.

Le document ne tient pas compte de la condition des femmes, de l'éducation qu'elles ont reçue, du double emploi des femmes chefs de famille monoparentale, puisque les femmes qui viennent en maison d'hébergement vont le devenir, et on ne tient pas compte du vécu des

femmes victimes de violence conjugale.

Je vous l'ai dit tout à l'heure, notre impression, à la fin du document, c'est qu'on a voulu couper, mais qu'on le fait sur le dos des plus démunis. Pour nous qui travaillons avec ces femmes, c'est d'autant plus scandaleux que l'information qu'on avait par les médias à l'automne nous parlait de gens qui avaient des revenus jusqu'à 50 000 $ et qui ne payaient pas d'impôt grâce à des abris fiscaux. Il y a un article récent de M. Dubuc, dans la Presse, qui dit que M. Bourassa est pris avec un surplus de 450 000 000 $. Ce sont les informations qu'on a. Comme je ne suis pas une économiste ou quoi que ce soit, je me dis: On travaille avec des femmes défavorisées et on reçoit ces informations; pour nous, cela devient un peu scandaleux.

Des interrogations sur l'application. Je ne peux pas passer tout le document en vingt minutes, mais je vais tenter de faire ressortir les points les plus importants et on pourra revenir aux questions ensuite. En considérant la question des personnes inaptes au travail, on trouve que la description est limitative, c'est-à-dire qu'on parle de personnes dont l'état de santé physique ou mentale a été altéré de façon significative pendant une période. On pense qu'il y a des gens qui, sans être handicapés mentalement, physiquement ou sans être malades au sens médical, sont gravement handicapés socialement; c'est le cas, entre autres, des femmes qui doivent rompre avec un passé de violence conjugale.

Considérant les barèmes proposés aux personnes non employables, ce qui ressort pour nous, c'est qu'on parle à un moment donné de besoins très aigus quand on est longtemps dans une situation de pauvreté. Nous pensons aussi que la femme qui, à la suite d'une rupture avec un passé de violence conjugale, quitte son conjoint a aussi des besoins très aigus, même si, avant sa séparation, elle se trouvait dans des conditions aisées. On sait qu'il y a beaucoup de femmes de milieux moyens qui ont vécu dans des bungalows, avec des revenus de 35 000 $ ou 40 000 $ par année et qui vont souvent se retrouver bénéficiaires de l'aide sociale une fois séparées.

Il y a une suite question qu'on se pose aussi. À un moment donné, on parle de 25 $ supplémentaires par mois qui vont être ajoutés à l'ensemble des montants, et cela devrait couvrir les nouveaux barèmes de Soutien financier. Ce qu'on se demande, c'est si ces 25 $ vont venir couvrir les besoins spéciaux, si cela va couper les 85 $ supplémentaires auxquels les femmes victimes de violence conjugale ont droit pour leur sécurité. Quand on parle de service adapté, on dit que les gens des centres Canada-Travail vont informer les gens sur leurs droits, leurs recours, qu'ils vont les suivre dans leurs démarches vers une autonomie. Voici ce qu'on se demande. Quand ces agents-là vont-ils trouver le temps d'offrir des services personnalisés? Il n'y a pas beaucoup de services gouvernementaux qui, actuellement, ont le temps d'offrir cela. Parce qu'on travaille déjà en contact avec des travailleurs sociaux et des travailleuses sociales, on sait qu'ils n'ont pas beaucoup de temps pour accomplir leur travail. On se demande aussi jusqu'où va aller cette aide vers une éventuelle autonomie. On doit dire que ce qu'on craint, c'est qu'on oblige les femmes victimes de violence conjugale à raconter encore une fois de plus leur histoire et, finalement, à étaler leurs bleus, leurs problèmes pour démontrer qu'elles sont inemployables pour une période de temps précise. (15 h 30)

Quant au programme Actions positives pour le travail et l'emploi, c'est-à-dire APTE, on trouve que cela devient vraiment compliqué, c'est-à-dire qu'il semble y avoir une série de sous-catégories dans lesquelles, nous en tout cas, on sépare... Ce qu'on comprend en bout de ligne, c'est que le gouvernement donne la parité aux moins de 30 ans en coupant sur toutes les prestations de base. Ce qu'on comprend, quant à notre pratique à nous aussi, c'est qu'actuellement on a beaucoup à sécuriser les femmes qui quittent un conjoint violent en leur disant que si la situation de bénéficiaire de l'aide sociale n'est pas idéale, elles peuvent quand même compter sur un certain montant pendant un certain temps pour pouvoir se reprendre en main. Avec ces nouvelles catégories-là, on ne sera même pas à même d'expliquer à la femme à combien elle va avoir droit parce que les chiffres vont varier après les neuf premiers mois selon qu'elles sont disponibles, non disponibles, employables ou non employables. On trouve que cela va mettre les femmes dans une double insécurité. C'est déjà difficile pour elles de se dire: Je vais aller à l'aide sociale, parce qu'elles vont réduire leur train de vie, bien sûr, mais pas seulement pour elles. Je pense que la plupart du temps, c'est pour les enfants qu'elles sont inquiètes parce qu'ils vont aller à l'école et qu'ils vont subir les pressions du milieu.

Dans le point 5,1 toujours du document d'orientation, on dit que le succès du programme APTE sera en grande partie tributaire de l'évolution générale de l'activité économique. Ce qu'on se demande, nous, c'est: combien de temps va-ton tenir les assistées sociales dans l'obligation de chercher des emplois non disponibles? Parce que, bien sûr, il y en a de créés. On le reconnaît, mais il reste qu'il y a des emplois qui ne seront jamais disponibles. La revue Sur le marché du travail du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu de mars 1987 - je pense - donnait un taux de 10,8 % de chômage chez les femmes. Donc on se demande combien de temps on va tenir les femmes de cours en cours, de formation en formation et de rattrapage en rattrapage?

Les orientations du programme APTE. On dit qu'on va reconnaître certaines personnes comme non disponibles, et là, on donne certains

cas. Voici la question qu'on se pose. Dans la mesure où la personne est reconnue comme non disponible, donc cela peut équivaloir à une forme d'inaptitude pour un temps précis, pourquoi cette personne-là ne toucherait pas les mêmes prestations que la personne qui est classée inapte?

Mme Lacombe: Parce que cela veut dire pour une femme seule - parce qu'il y a des femmes avec enfants qui quittent des conjoints violents mais il y a aussi des femmes seules - qu'elle va toucher 460$ par rappport à 585 $ pour une personne qui serait inapte. On trouve que c'est un manque à gagner effarant. La personne inapte avec enfant toucherait 785 $, alors que la femme considérée comme non disponible va toucher 660 $, pour un manque à gagner de 125 $.

Ensuite, on parle dans le document d'une structuré de barèmes incitative au travail et on va parler ensuite des neuf premiers mois. Les neuf premiers mois, une personne seule va toucher 405 $ et on tient compte, dit-on dans le document, de la capacité des bénéficiaires de gagner certains revenus de travail à temps partiel ou toute autre tâche rémunérée. Ce qu'on voudrait souligner, ici, c'est que la capacité de gagner ne veut pas nécessairement dire gagner. Ce qu'on trouve un peu aberrant aussi, c'est qu'on ne semble pas tenir compte des frais qui vont être engendrés par la recherche active d'un emploi. C'est-à-dire qu'une femme qui a un enfant doit faire garder cet enfant pour chercher un emploi. Elle a des frais de transport, des frais de poste, des frais de déplacement, etc. Ce qu'on se demande aussi, par rapport à la notion de non-disponibilité, c'est ce que vont faire les femmes qui ont des enfants en bas âge, mais en haut de deux ans, puisque dans le document on dit qu'on va reconnaître - je m'excuse, mais c'est parce que des fois je ne me sens pas écoutée, cela me bloque...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, vous l'êtes, au contraire. Ce sont certaines questions que vous soulevez qui provoquent...

Mme Lacombe: Oui, j'imagine, monsieur. J'aimais mieux l'exprimer, je me sentais comme...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

Mme Lacombe: Donc, la question qu'on se pose, c'est que les femmes qui ont des enfants en bas âge mais en haut de deux ans, dans quelle situation vont-elles se retrouver? Ces femmes-là ont très souvent besoin de rester à la maison. Les enfants qui ont vécu de la violence conjugale ont besoin d'une présence plus active de la mère pour reconstituer leur relation parentale. On sait - ou en tout cas, je voudrais vous en informer - que la dynamique de la violence conjugale, entre autres, c'est beaucoup, de la part du père, de miner la crédibilité de la mère et son autorité auprès des enfants, de dire que c'est une épaisse, une sans-dessein, une niaiseuse. Donc, la mère a tout cela à reconstruire après. Que son enfant ait quatre ans, cinq ans, six ans ou sept ans. Il est très important à ce moment-là de tenir compte de cette situation.

On vient de me faire signe de l'autre côté qu'il y avait deux minutes. Je demanderais juste un peu de souplesse. Je vais accélérer.

Mme Harel: On peut consentir à plus de temps. On consent.

Le Président (M. Leclerc): II y a consentement.

Mme Laeombe: D'accord. Merci beaucoup, parce que cela me compressait.

Il y a une chose aussi qu'on trouve aberrante, toujours en rapport avec la question des femmes à la maison avec les enfants. Ce qu'on voit, c'est que la femme qui quitté son mari est déjà dans une situation très particulière, unesituation très stressante. Elle a à reconstruire, à réaffirmer son autorité auprès des enfants, à réaffirmer le lien parental. Cette femme-là se sent souvent dépassée. Dans l'orientation du présent document, pendant les neuf premiers mois - donc, où elle va se retrouver à l'aide sociale, ce qui veut dire qu'elle vient de se séparer - on va l'obliger à faire des recherches actives d'emploi. Et, ce qu'on craint, parce qu'on l'a déjà vécu, c'est que des femmes se sentent complètement dépassées et que devant ce dépassement - parce que cela s'est aussi passé sur le terrain - on recommande à cette femme-là de placer ses enfants en foyer d'accueil le temps de se reprendre en main et là, on va donner de l'argent à une autre mère pour garder ses enfants. Or, on trouve cela tout à fait aberrant. On dit: Ces femmes-là ont des qualités pour garder leurs enfants. On voudrait que le gouvernement reconnaisse cela et leur apporte même un support financier important comme il serait obligé de le faire de toute façon si l'enfant était dans un foyer d'accueil.

Je vais essayer de sauter des points parce que vous avez le document en main et que... vous pourrez y revenir au moment dés questions.

Il y a aussi la question des personnes âgées de 55 ans et plus, parce qu'il y a des femmes qui, quand même, se retrouvent en maison d'hébergement à 50 ou 60 ans. On sait très bien que ces femmes sont quasiment inemployables. On ne pense pas que ce soit d'aller laver des planchers, à 55 ans, quand elles ont éduqué une famille, qui soit très revalorisant. Donc, bien sûr, le document reconnaît la. possibilité pour ces personnes de se déclarer non disponibles. Mais encore là, notre question est la suivante: Pourquoi ne leur donne-t-on pas les mêmes prestations qu'aux personnes inaptes, puisqu'elles ont les mêmes besoins?

Quant aux personnes admissibles et qui vont refuser de participer, on se demande qui va évaluer le bien-fondé de la raison et selon quelles valeurs et quelles normes? C'est absent dans le document et nous voudrions être rassurés, sur cette question.

Pour ce qui est de la suite, je pense qu'on pourra y revenir. Il y a une question très importante qui concerne le programme Aide aux parents pour leurs revenus du travail, c'est-à-dire APPORT. Je suis rendue en page 18 du document. Est-ce que le bénéficiaire de l'aide sociale qui va offrir ses prestations en subvention à l'employeur va être admissible au programme APPORT? Parce qu'on parle de la possibilité d'offrir... Donc, elle n'a pas un vrai salaire. Ce n'est pas une vraie travailleuse. Par contre, elle a aussi des frais de garderie. On aimerait avoir des réponses là-dessus.

La définition de conjoint de fait, je pense, rejoint les représentations que vous avez déjà eues. On trouve que c'est une définition arbitraire, après un an. On voudrait qu'il y ait une homogénéité relativement à tous les programmes, parce que la situation vécue aussi par des femmes actuellement, c'est que quand elles vivent avec un nouveau conjoint, elles perdent de l'aide sociale. Par contre, ce conjoint ne peut pas avoir de déduction d'impôt pour cette femme. Donc, il y a quelque part un manque de cohérence.

Quant au partage du logement, je vous avoue qu'on réagit assez fortement. On sait très bien que les femmes qui viennent en maison d'hébergement et qui s'en sortent par la suite vont souvent avoir tendance à cohabiter deux femmes ensemble avec leurs enfants, pour un certain temps, pour essayer justement de s'en sortir, de donner davantage aux enfants. Ce qu'on constate dans le document, c'est que toute mesure pour essayer de s'en sortir est coupée ou récupérée. Là-dessus, on est assez réticentes.

Ce qu'on dit aussi, c'est que le montant de 405 $ pour une personne seule, avec les ajustements, qui est alloué pour les neuf premiers mois, permet à peine de couvrir les frais de logement, dans des régions comme Montréal, la Côte-Nord ou Hull. Je me souviens d'être allée sur la Côte-Nord, en maison d'hébergement, l'an dernier, il y avait des femmes qui devaient être en maison d'hébergement trois, quatre, cinq mois parce qu'elles avaient deux enfants et que les loyers accessibles étaient 600 $ ou 700 $. Il y a des régions où ces montants ne permettent pas de couvrir les frais du loyer.

Pour ce qui est de la contribution alimentaire, il y a la notion de dépendance qui risque de rendre dépendants des jeunes qui veulent voler de leurs propres ailes. La question qu'on se pose est celle-ci: Une jeune fille de vingt ans qui n'a jamais quitté le foyer parental s'en va vivre avec un jeune homme - pas maritalement, parce que cela règle le problème, elle devient indépendante - qui la bat pendant un an. Après un an, elle se sépare. Qu'est-ce qui se passe? Redevient-elle dépendante de ses parents ou va-t-on reconnaître la situation de fait? C'est une question que nous avions, parce qu'il y a des jeunes femmes qui vivent ces situations.

On se pose aussi cette question: comment va s'en sortir une femme seule qui est aux prises avec deux adolescents de dix-huit et dix-neuf ans, si son mari est bénéficiaire de l'aide sociale lui aussi et qu'il a rejeté toutes ses responsabilités merci?

Le gouvernement parle aussi de mettre des effectifs de plus pour pouvoir répondre à tout cela. Voici ce qu'on se demande, et ce n'est pas tout à fait à la blague: est-ce que le gouvernement va réserver un pourcentage des emplois créés aux gens qui sont prestataires d'aide sociale, puisque nulle part on nous parle de création d'emplois?

Enfin, dans la conclusion du document, on nous dit qu'on compte sur l'appui favorable des bénéficiaires eux-mêmes. On trouve cela un peu difficile de demander l'appui à des gens qu'on va couper et qu'on va embarquer dans un système que l'on considère actuellement, tant qu'on n'a pas d'autre réponse, méfiant, policier et autoritaire. On a pris connaissance aussi d'un document du Conseil national du bien-être social qui donnait cinq éléments nécessaires au succès d'un programme de sécurité du revenu. Vous devez les connaître sans doute. Vous en avez pris connaissance. C'était la simplification du système, l'accessibilité, l'équité, les prestations plus adéquates et la sauvegarde des libertés individuelles. On considère - on n'est pas très calé en économie et en sécurité - que le document actuel passe à côté des chances de succès si on regarde, en tout cas, ces critères, nous autres, comme néophytes.

Si on passe directement aux femmes qui sont victimes de violence conjugale, on considère que ce document nie les droits des femmes victimes de violence conjugale. Les femmes qui savent qu'elles vont devoir avoir recours à l'aide sociale pour s'en tirer ont déjà de grandes hésitations à le faire. D'accord? Il y a beaucoup de femmes qui viennent en maison d'hébergement et quand elles savent qu'elles vont devoir demander de l'aide sociale, elles retournent avec le conjoint violent. Ce dont on a peur, c'est que toutes ces nouvelles mesures les incitent à retourner à la maison. Pendant des années, elles ont subi le joug et le poids d'un mari violent et autoritaire, et maintenant on a peur qu'elles subissent le poids et le joug d'un État qui serait autoritaire.

Ce que la réforme nie, à notre avis, c'est que la femme qui vient de rompre une situation de violence conjugale est en train de faire une démarche vers l'autonomie, et cela, bien avant l'autonomie financière. Bien sûr, on ne veut pas que ces femmes demeurent bénéficiaires de l'aide sociale. Bien sûr, on veut qu'elles s'en sortent. Mais, comme on l'a dit tout à l'heure, quand une

gale.femme quitte une situation de violence conjugale, elle doit d'abord se reconstruire, reconstruire sa confiance, reconstruire le lien avec les enfants, faire des démarches à la Cour souvent au niveau judiciaire parce qu'il y a eu des coups et des blessures. Donc, elle est en démarche vers une autonomie. On voudrait qu'on lui laisse un laps de temps, qu'on reconnaisse cette démarche qu'elle est en train de faire.

Dans bien des cas aussi, malheureusement, la femme est éduquée avec l'idée que son rôle auprès des enfants est très important. On l'a dit: 70 % des femmes en maison d'hébergement sont au foyer et on a l'impression alors que même au niveau du gouvernement actuellement et le précédent aussi, je pense que les gouvernements ont actuellement en préoccupation \a question de la famille et de la natalité, on essaie de redorer le blason de la famille, on a l'impression que quand une femme a la malchance de se séparer, on ne reconnaît plus qu'elle est mère. Là, on ne reconnaît plus que ses enfants ont des besoins. Là, on ne reconnaît plus le rôle qu'elle a à jouer. Même reconnue comme non disponible, elle va toucher moins que les personnes inaptes. (15 h 45)

Mme Harel: ...les femmes en maison d'hébergement sont considérées comme des femmes au foyer?

Mme Lacombe: Oui, celles qui viennent en maison d'hébergement, parce que, bien sûr, les femmes qui travaillent et qui sont économiquement indépendantes ont souvent d'autres ressources pour s'en sortir.

Il y a un questionnement aussi dans la situation actuelle. On reconnaît aux femmes en maison d'hébergement un besoin spécial de 85 $ pour la sécurité. Voici ce qu'on se dit. Si on interprète strictement le document, on a l'impression que cela va sauter et cela nous inquiète; donc, on voudrait des réponses là-dessus. Ce sont des questions. C'est pour cela qu'on est là.

Donc - un peu pour accélérer - dans le contexte présent, les choses à régler lors d'une séparation sont déjà pour les femmes une montagne à traverser, et on a l'impression que la nouvelle orientation du document va faire en sorte que beaucoup de femmes vont préférer retourner avec un conjoint violent, alors que le gouvernement fait beaucoup de publicité, que le ministère de la Justice a mis beaucoup de mesures en place pour que ces femmes réussissent à s'en sortir. On a l'impression qu'on va défaire d'une main ce que le gouvernement a fait de l'autre.

Les questions pourraient se multiplier pendant très longtemps. Ce dont on est convaincu, en tout cas, c'est que si le document d'orientation devait rester tel quel, il y aurait de grandes injustices qui seraient commises envers des femmes qui sont déjà largement pénalisées par un système qui a longtemps légitimé la violence con/uga/e. Ce qu'on trouve important de souligner aussi, c'est qu'on ne veut pas un traitement de faveur pour les femmes victimes de violence conjugale. C'est celles-là qu'on vient représenter parce que c'est celles-là qu'on connaît, mais on pense qu'il y a beaucoup de personnes dans la population qui pourraient venir représenter des groupes et vous apporter les mêmes objections.

On a noté des contradictions, mais on va passer par-dessus parce qu'on n'a pas le temps.

Il y a aussi des pistes de solution qu'on suggère, ce ne sont pas des revendications, c'est comme des suggestions qu'on fait au gouvernement et à M. Paradis. Il y a des éléments auxquels on tient en ce qui concerne les femmes victimes de violence conjugale. Je vais terminer là-dessus.

Qu'en aucun cas, l'aide sociale ne soit utilisée comme per diem ou en subvention déguisée aux maisons. Parce que l'on a déjà un vécu. En 1982, les femmes étaient coupées de 85 $ quand elles étaient en maison d'hébergement et on redonnait le montant. Donc, on ne voudrait pas qu'il se reproduise de telles choses.

Que l'aide sociale soit versée intégralement aux femmes en maison d'hébergement sur \a base de leurs responsabilités parentales. Même en maison d'hébergement, il faut qu'elles fassent des démarches; souvent, il faut qu'elles louent un logement à l'avance, etc.

Qu'on continue à reconnaître à \a femme victime de violence un besoin spécial de protection de 85 $.

Que les femmes immigrantes et non immigrantes soient admissibles à l'aide sociale dès leur arrivée en maison d'hébergement. Il y a des femmes qui viennent ici et qui suivent un conjoint étudiant, qui n'ont pas le statut d'immigrantes et qui se retrouvent dans une situation de violence conjugale, complètement dépendantes de quelqu'un qui les bat. On voudrait qu'elles puissent avoir accès à l'aide sociale.

Ensuite, que les femmes hébergées, de moins de 30 ans, reçoivent le plein montant d'aide sociale et ce, à partir de 18 ans et au même titre que les autres personnes de moins de 30 ans, parce qu'on veut que toutes les personnes l'aient.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux vous demander de répéter la dernière, j'étais...

Mme Lacombe: Oui. Que les femmes hébergées, de moins de 30 ans, reçoivent le plein montant d'aide sociale et ce, à partir de 18 ans et au même titre que les autres personnes de moins de 30 ans.

Que l'on reconnaisse l'importance de la présence de la mère, auprès des enfants témoins de la violence, comme un apport important à la société quel que soit leur âge, dans le sens de prévenir la délinquance, de prévenir des problèmes plus grands.

Qu'on reconnaisse que la démarche qu'elles sont en train de faire vers la prise en charge et l'autonomie est un travail en soi.

Qu'on reconnaisse qu'au moment de la séparation, une femme est occupée à temps plein par de multiples démarches légales, recherche de loyer, recherche d'école pour les enfants.

Qu'on reconnaisse aussi que l'appel à la responsabilité du conjoint est dérisoire et même dangereux dans les cas de violence conjugale. Beaucoup de femmes qui réclament une pension alimentaire disent que les hommes se sentent comme justifiés de revenir à la maison et de les battre. Ce qu'on dit au gouvernement, ce n'est pas de laisser tomber les pensions alimentaires; ce qu'on souhaiterait, c'est que le gouvernement donne les prestations d'aide sociale aux femmes et que, lui, aille chercher directement les montants d'argent dans les poches des maris agresseurs.

Qu'on reconnaisse le droit des femmes bénéficiaires de l'aide sociale à avoir recours à des services de garde au même titre que les autres personnes, parce que, même si elles ne travaillent pas, elles ont besoin de faire d'autres démarches et un cheminement pour se reprendre en main.

Donc, de toute évidence, pour nous autres, il faut une révision en profondeur du document d'orientation Pour une politique de sécurité du revenu. Comme d'autres groupes, on voudrait que le gouvernement dépose les autres pièces d'un puzzle, qu'on trouve complexe, c'est-à-dire les politiques sur la famille, la fiscalité et les services de garde.

Enfin, on vous remercie de votre attention et on souhaite que le gouvernement actuel soit sensible à toutes les représentations qui lui sont faites. On compte beaucoup sur les ministres qui sont présents pour que la réforme de l'aide sociale soit plus humaine et plus respectueuse des personnes dans le besoin. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Mme Lacombe, je vous remercie. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me permettrez de remercier le regroupement provincial, sa présidente et les gens qui l'accompagnent. Votre mémoire est particulièrement complet. Directement, j'ai retrouvé une trentaine de questions principales qui étaient toutes accompagnées de sous-questions. Votre exposé verbal en a ajouté. Je suis un peu comme vous, encarcané dans le temps, et je souhaiterais pouvoir traiter de chacun des points. Étant donné qu'il faut "prioriser" dans ces circonstances, je vais peut-être tenter de laisser de côté, pour le moment, les sujets qui sont apportés par d'autres groupes, qui rejoignent ce que vous nous avez dit, et tenter de viser un peu plus particulièrement la clientèle spécifique que vous représentez, si vous me le permettez, parce que c'est tout le temps dont je vais disposer.

Dans un premier temps, je pense que je vais commencer la semaine comme cela, en faisant le portrait de la clientèle de l'aide sociale, parce que vous y avez touché, et cela est un peu plus général. Oui, 25 % des gens, les 100 000 ménages, seront considérés comme admissibles au programme Soutien financier parce que, pour une longue période de temps, ils ne peuvent subvenir à leurs besoins. Et ce que vous avez dit est exact. Les 75 % qui restent, les 300 000 autres chefs de famille, ne sont pas nécessairement en état d'occuper un emploi demain matin. Je cite et recite ces statistiques depuis le début de la commission dans le but d'en convaincre à peu près tous ceux et toutes celles qui nous écoutent. 36 % de la clientèle des 75 % sont des analphabètes fonctionnels, donc même pas en mesure de prendre connaissance d'une offre d'emploi, si elle est par écrit. 60 % de cette clientèle considérée apte au travail n'ont pas terminé leur cours secondaire, alors que l'on sait que, dans plusieurs entreprises au Québec, on exige comme minimum pour avoir la possibilité de poser sa candidature, le fait d'avoir terminé son cours secondaire. 40 % - et cela touche peut-être un peu plus spécifiquement la clientèle dont vous parlez - n'ont aucune expérience de travail. Je pense que là, vous représentez une proportion importante de ces 40 %.

Je vous dirai quand même que, en ce qui concerne le marché de l'emploi - et vous avez raison de le souligner - on est peut-être sorti du pire, bien qu'on n'ait pas atteint la perfection et qu'on en soit très loin, les femmes commencent à bénéficier davantage de la création d'emplois et d'emplois permanents. Je n'ai pas le goût de vous en faire la lecture, mais si jamais le temps vous le permet, la revue Le Marché du travail de novembre 1987 vous révèle, à la page 4, des statistisques importantes sur le sujet et j'y attire tout simplement votre attention.

J'ai peut-être le goût de vous interroger sur les autres 50 % de votre clientèle comme première question. Vous m'indiquez que 50 % de votre clientèle sont des personnes admissibles à l'aide sociale. Avez-vous une description des autres 50 %?

Mme Lacombe: Oui, je vais laisser la parole à Mme Frechette qui a les statistiques et qui travaille davantage avec elles.

Mme Frechette (Danièle): Au commencement du mémoire, on fait référence à une rupture évolutive, c'est-à-dire qu'une femme peut venir en maison d'hébergement, quitter temporairement son conjoint, retourner avec lui pour vérifier certaines choses et repartir. Cela fait également partie des 50 % des femmes qui vont bénéficier de l'aide sociale, au départ. Parmi les autres 50 % justement, 32 % des femmes vont choisir, dans un moment précis, de retourner avec leur

conjoint pour vérifier si la vie est encore possible; pour les autres, 10 % vont retourner chez des parents, chez des amis, vont essayer de se trouver un job par leurs propres moyens et vont se démerder ou presque.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, peut-on conclure que 92 % sont des gens sans les ressources financières nécessaires pour affronter ce qu'on appelle les besoins minimaux vitaux pour faire face a la vie?

Mme Lacombe: Effectivement, parce qu'il semble ressortir qu'il y en a 50 % qui vont à l'aide sociale, mais 32 % retournent au foyer et 10 % tentent de s'en sortir par différents moyens.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va parler spécifiquement des femmes...

Mme Lacombe: Je voudrais seulement... Je m'excuse. Bien sûr, il y a des femmes qui rompent avec un passé de violence conjugale et qui s'en tirent, mais elles ne viennent pas en maison d'hébergement. Celles qui ont déjà une profession ne se rendront jamais en maison d'hébergement. C'est pour cela qu'on n'a pas ce portrait-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ma question visait à identifier - et je vous l'avoue comme tel - s'il y avait des gens qui étaient déjà sur le marché du travail à un niveau de revenu généralement satisfaisant et qui avaient recours à vos services, c'est que vos services sont vraiment orientés vers les plus démunis.

Mme Lacombe: Ce n'est pas qu'ils soient orientés, c'est que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ils sont utilisés...

Mme Lacombe: Oui, c'est cela.

Mme Harel: II faut dire aussi qu'il y a les femmes au foyer dont les hommes peuvent avoir des revenus élevés mais qui, elles, n'en ont pas. 11 ne faut pas se tromper. Ce ne sont pas nécessairement les femmes les plus pauvres mais celles qui ont une pauvreté structurelle du fait qu'elles n'ont pas de revenu. Ce n'est pas pareil.

Mme Lacombe: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question des enfants dans le ménage brisé, si on peut utiliser l'expression. On proposait dans le document d'orientation un statut de non disponible, quand il y a des enfants, jusqu'à l'âge de deux ans, et, à un moment donné dans votre mémoire, vous nous demandez pourquoi avoir retenu le critère des deux ans. Dans votre exposé, vous avez dit que l'âge n'est pas important. Je vous pose la question bien ouvertement. Plusieurs groupes nous ont fait des représentations à l'effet de modifier les deux ans et de remplacer cela par âge préscolaire. Vous ne semblez pas poser cette limite d'âge préscolaire en disant: Lorsqu'une femme vit une situation telle que vous la décrivez, il y a toute la question de la réhabilitation avec l'enfant, etc.

Je vais vous dire pourquoi nous avions retenu le point des deux ans dans le mémoire, c'est qu'on a des représentations qui font valoir que si la femme est à l'extérieur du marché régulier de l'emploi pour une période supérieure à deux ans, le facteur de réintégration devient exponentiellement plus compliqué. Ce que vous nous demandez finalement, c'est de ne pas mettre de limite d'âge. Est-ce que vous indiqueriez dix-huit ans ou...

Mme Lacombe: Non. Je pense, comme l'ensemble des groupes, que le préscolaire pourrait être une base. Ce qu'on veut avoir dans la réforme, c'est une souplesse pour tenir compte des situations. Il y a des femmes qui ont expérimenté cela. On en voit dans les maisons d'hébergement. La femme est allée au travail et elle a eu des problèmes de délinquance avec les enfants. Les enfants se sont mis à prendre de la drogue, à voler et, quand la femme a décidé de revenir à la maison pour un certain temps et donner l'attention dont ces enfants-là avaient besoin, les problèmes de délinquance ont cessé. Ce qu'on veut finalement, c'est jusqu'à l'âge préscolaire parce que c'est actuellement l'expérience qu'on a de la part des femmes qui vivent des situations de violence conjugale. Quand elles ont des enfants d'âge préscolaire, on considère qu'elles sont inaptes et elles touchent le plein montant. Mais au delà de cela, on voudrait une souplesse.

Bien sûr, on est comme toujours pris avec ce qu'on veut dans la réalité. Nous voulons aussi que les femmes travaillent, qu'elles aillent à l'extérieur, mais elles sont prises aussi avec les réalités qu'on connaît. On voudrait que la réforme ait une souplesse qui tienne compte de ces situations. Comme je vous le dis. M. le ministre, il serait aberrant qu'une femme aille travailler et doive placer ses enfants en foyer d'accueil parce qu'ils ont besoin d'une attention particulière. C'est cette souplesse qu'on demande

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur l'exemple que vous citez, vous n'êtes pas le premier groupe à nous le souligner. Nous sommes conscients que cela existe présentement. Nous tenterons, par la voie de la législation et de la réglementation, de corriger cette aberration qui fait en sorte que lorsqu'on s'occupe des enfants des autres, on est payé. Lorsqu'on s'occupe de nos enfants, on n'est pas payé. C'est aussi simple que cela.

J'aurais plusieurs autres questions. On m'indique qu'il me reste six ou sept minutes

Mme la ministre de la Condition féminine a également des questions à vous adresser mais, en vertu de la règle de l'alternance, je demanderais au président d'inviter la députée de Maisonneuve à vous adresser quelques mots.

Le Président (M. Leclerc): Mme la député de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je vous demanderais moi aussi de m'avertir dans une dizaine de minutes.

Le Président (M. Leclerc): Avec plaisir.

Mme Harel: Mme Lacombe, et les personnes qui vous accompagnent, Mme Tremblay et Mme Frechette, votre passage ici est important pour qu'on puisse, avec vous, aller chercher toute l'expertise que vous possédez et que possède finalement tout le réseau du regroupement.

D'une part, j'aimerais vous rassurer. Je ne pense pas qu'il y ait eu un seul organisme, en tout cas certainement pas un organisme féminin, ni organisme familial, je tiens un petit livre noir de tous les comptes rendus... je pense que vous êtes le quarante-quatrième organisme devant la commission, aucun n'a défini à l'âge préscolaire le choix de vie qui devrait être dicté à des femmes pauvres bénéficiaires de l'aide sociale, que je sache. (16 heures)

Je le dis bien sincèrement et je mets le ministre au défi de nous citer deux organismes qui seraient venus devant la commission depuis le début des audiences... Au contraire, le CIAFT, le Conseil pour l'intervention à l'accès des femmes au marché du travail, la Fédération des femmes du Québec, la Confédération des organismes familiaux, le Conseil du statut de la femme, sont venus plaider que tant que des obstacles se dressent, notamment, les vacances estivales, il n'y a aucune garderie en milieu scolaire, de la Saint-Jean jusqu'à la fête du Travail, il n'y a aucune garde au moment des congés pédagogiques... Cette semaine, ma fille est en congé pour la semaine et il n'y a pas de garde, cela n'existe pas. Il n'y a pas de garde durant les congés de Noël, Pâques, etc.

Avant de tenir pour acquis que bien des gens avant nous auraient proposé que cela se définisse à un certain moment, c'est bien plus le contraire, c'est-à-dire que l'interpellation est venue de ce côté-là, on disait: Levez les obstacles à la réinsertion des femmes sur le marché de l'emploi.

Je voudrais examiner avec vous des questions précises. D'une façon, c'est à cause de votre expertise et du mémoire que vous présentez qu'elles me viennent en tête. C'est peut-être un peu pointu comme question, mais c'est la question des ressources du ménage. Vous avez fait valoir que 70 % - c'est quand même très important - étaient des femmes qui restaient à la maison. Donc, la majorité d'entre elles quitte soit un foyer avec un revenu moyen ou bas, parce qu'on sait que la violence n'est pas seulement l'apanage des milieux défavorisés, le regroupement y est pour beaucoup dans l'illustration qui en a été faite... Je pense que c'est à la page 19 qu'on retrouve cette question des ressources du ménage. Donc, s'il y a partage des biens familiaux, avec le projet, c'est un montant qui est à peu près de 2500 $, je crois. S'il y a partage des biens familiaux, vous posez la question: Est-ce que la femme et les enfants devront épuiser à peu près l'ensemble des biens familiaux, les vendre, s'il s'agit d'appareil vidéo, peu importe, qui ne sont pas considérés comme des biens essentiels? Je pense que c'est une question très importante que vous soulevez, qui ne l'avait pas encore été depuis le début des travaux.

Vous nous dites - je pense que c'est à la page 24, le dernier paragraphe - que c'est vraiment la distinction que vous faites, "Sauf pour un maigre montant supplémentaire, une femme qui vient de se séparer et qui a la charge de ses enfants se retrouvera dans la même situation, la même obligation de faire des démarches..." etc. Vous dites que, finalement, c'est le coeur du drame qui se noue, elle serait dans la même situation que son conjoint violent, malgré toutes les difficultés supplémentaires qui lui viennent, d'une certaine façon, de...

Mme Lacombe: C'est-à-dire qu'on aura les mêmes exigences envers elle que pour son mari qui, lui aussi, serait bénéficiaire de l'aide sociale et qui aurait rejeté ses responsabilités. Donc, cette femme sera doublement pénalisée.

Mme Harel: Donc, je vais revenir à l'essentiel de ce sur quoi j'aimerais vous entendre. Les ressources du ménage, je crois qu'il y a là une question très importante en regard des femmes victimes de violence. Il y a aussi la question des besoins spéciaux. C'est la première fois que vous nous rappelez qu'il y avait 85 $ de supplément au montant d'allocation qui était versé en regard des besoins spéciaux. Cela aussi, c'est un autre aspect dont il faut se soucier. Il y a aussi la question des agents. Je sais que vous avez une expertise dans cette matière et j'aimerais vous entendre là-dessus.

Les femmes qui recourent à vos services ont beaucoup de démarches à faire. Elles doivent aller rencontrer un avocat de l'aide juridique ou un travailleur ou une travailleuse sociale, et elles doivent aller rencontrer un agent de bien-être. Comment cela se passe-t-il? Avez-vous des informations à ce sujet? Vous mettez en doute, ce que tous les groupes ont fait, ou à peu près, la possibilité avec les charges de travail et tout, de donner un service personnalisé. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez des relations avec les commissions de formation professionnelle? Le vendredi, je fais la

tournée des commissions de formation professionnelle et je me rends compte qu'elles avaient un mandat de réinsertion des femmes, en particulier. Est-ce qu'il y a eu des contacts? Je reviendrai plus tard parce qu'il y a une grande inquiétude, actuellement, dans les commissions que l'expertise qu'elles ont réussi à accumuler soit annulée parce que d'ici la fin mars, l'ensemble des activités se terminerait. J'aimerais vous entendre sur ces questions.

Le Président (M. Leclerc): Mme Lacombe.

Mme Lacombe: Je vais vous répondre par rapport aux 85 $ et par rapport aux agents, cela va démontrer un peu l'interprétation qui se fait sur le terrain. En ce qui concerne les ressources du ménage, je laisserai la parole à Denise qui, étant dans une maison d'hébergement, est plus en contact avec ces réalités.

Sur le plan des 85 $, je l'ai dit tout à l'heure, en 1982, un montant de 85 $ a été enlevé aux femmes en maison d'hébergement parce qu'elles n'avaient pas de loyer à payer. On a reconnu un montant de 85 $ pour des besoins spéciaux. Ce qu'on vit actuellement dans la province, c'est que l'interprétation de cela est très large, selon les agents d'aide sociale. Il y en a qui, sur la preuve d'un bail, vont accorder la somme de 85 $ à la femme et lui accorder 85 $ supplémentaires pour sa protection, alors que, dans d'autres régions, les 85 $ vont être interprétés comme stricts et vont être sur la présentation d'un bail, et cela va être seulement ces 85 $. Donc, déjà actuellement à travers la province, c'est fait de façon très inéquitable, si on peut dire. Le problème, c'est que dans certains bureaux d'aide sociale, cela se fait de façon automatique, c'est-à-dire qu'on va informer la femme qu'elle a droit à ces 85 $, et dans d'autres bureaux, les femmes justement en maison d'hébergement doivent accompagner la femme victime de violence conjugale et faire valoir ses droits. C'est pour cela qu'on pose des questions sur le travail des agents d'aide sociale. Il y a déjà des difficultés d'interprétation dans des choses minimes. Avec le développement de sous-catégories, on se demande comment les agents vont s'y retrouver. Il est évident que, dans le contexte actuel, très souvent, une des choses que les femmes doivent faire en maison d'hébergement, c'est d'accompagner les femmes autant à l'aide juridique qu'à l'aide sociale pour faire valoir leurs droits, pour qu'elles soient informées en totalité de ce à quoi elles ont droit, de ce qui pourrait aussi les pénaliser, etc.

Pour ce qui est de la Commission de formation professionnelle, qui se préoccupe de réinsertion au travail, on n'a pas de contact direct. Par contre, c'est évident que, lorsque les femmes viennent en maison d'hébergement, c'est une ressource à laquelle on les réfère par la suite pour qu'elles puissent réintégrer le marché du travail. Comme on l'a souligné tout à l'heure, le discours qu'on est en train de vous tenir n'est pas de payer indéfiniment les femmes pour qu'elles demeurent bénéficiaires de laide sociale. Ce n'est pas ce pourquoi on travaille socialement comme femmes et comme féministes. Voici ce qu'on vous dit: Donnez-leur une chance, préoccupez-vous de la situation dans laquelle elles sont et tenez compte de leur rythme et de leurs besoins.

Mme Harel: Est-ce qu'il y en a plusieurs qui font appel, par exemple, au service d'orientation de la Commission de formation professionnelle?

Mme Lacombe: Non.

Mme Tremblay (Denise): Non, selon notre expérience c'est très rare. Elles vont le faire peut-être un an ou un an et demi après leurs démarches en maison d'hébergement, mais pas à court terme.

Mme Harel: Qu'est-ce qu'elles font à court terme?

Mme Tremblay: À court terme, elles se réorganisent, point. Cela va de la petite cuillère à se refaire une santé. C'est beaucoup.

En ce qui concerne les ressources du ménage, le problème qui se pose souvent ce sont les femmes mariées en communauté de biens ou sous le régime de la société d'acquêts ou encore qui ont une maison en copropriété. Ce qu'on va voir, c'est beaucoup de disparité à ce chapitre La femme qui part, qui quitte son conjoint, qui décide de demander une séparation ou un divorce, qui est sous ces régimes-là, va se présenter à l'aide sociale. Avant de toucher l'aide sociale, on va lui demander d'avoir réglé cela. Souvent, cela peut prendre un an avant que cela soit réglé. Elle n'a pas de ressources en attendant. Il y a des femmes qui ont réussi à avoir une aide conditionnelle. Il y a certaines femmes qui ne réussissent même pas à avoir une aide conditionnelle. Quand on parlait du traitement par les agents, moi je vous dirais que ce n'est pas seulement d'un bureau à l'autre, c'est d'un agent à l'autre. Selon qui reçoit la demande et comment on va l'évaluer, les critères risquent d'être appliqués différemment et ce, dans le même bureau d'aide sociale.

Mme Lacombe: Ce qui est inéquitable aussi, c'est que la femme qui a eu la "chance" - entre guillemets, pour s'exprimer comme cela - d'être séparée avant d'arriver à l'aide sociale et qui a en banque 1500 $ a droit à cette réserve. Au deuxième mois, elle peut avoir des prestations, pas au premier. Mais la femme qui recevrait ce montant, par la suite, doit l'écouler, c'est-à-dire qu'elle est privée de sa prestation d'aide sociale. On trouve cela aberrant Si elle a la chance d'avoir le montant avant, elle est correcte, mais si le montant arrive après, elle est pénalisée.

Cela, on trouve que c'est une chose que vous devriez aussi regarder actuellement. C'est très pénalisant pour les femmes. Elles n'ont pas toutes une séparation en main quand elles décident de quitter le foyer dans un contexte de violence conjugale.

Mme Harel: Je vous remercie. Je reviendrai sur toute la question des conjoints de fait.

Le Président (M. Leclerc): Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Gagnon-Tremblay: Je dois vous avouer que l'allocation de 85 $, qui n'apparaît justement pas dans le document, a été une de mes premières préoccupations. J'ai fait part de cette inquiétude au ministre immédiatement lorsque j'ai vu le document, parce que je sais que ce montant de 85 $ était quand même transmis depuis 1985, si ma mémoire est bonne. Maintenant, vous parlez d'une démarche pour autonomie. Vous me dites que c'est sûr que toutes les femmmes qui arrivent dans les maisons d'hébergement débutent par une première démarche pour en arriver à leur autonomie financière et à leur prise en charge. J'aimerais savoir, dans un premier temps, quel serait le laps de temps? C'est sûr qu'on ne peut pas dire que, pour chaque femme, c'est identique. Ce sont des cas très spéciaux. Mais, en moyenne, quel laps de temps peut-on allouer avant de dire qu'on peut arriver à faire une certaine démarche, soit poursuivre des études ou autre chose?

Et, dans un deuxième temps, ce que je trouve quand même curieux, c'est qu'on parle beaucoup... On parle d'aide sociale lorsqu'on arrive dans les maisons d'hébergement. Mais je me rends compte que vous avez quand même des conjoints qui sont responsables de cet état de choses et qui ne paient pas, finalement. Je ne crois pas que ce soit uniquement la responsabilité du gouvernement, c'est aussi celle du conjoint d'assumer les frais d'une personne qui a été violentée ou ainsi de suite. C'est sûr que, dans cette démarche, lorsqu'elle se rend à une maison d'hébergement, on ne peut pas lui demander de poser tous les gestes d'une demande de pension alimentaire. J'ai comme l'impression, à un moment donné, qu'on voudrait, à partir d'une politique de sécurité du revenu, régler tous les autres problèmes alors que, finalement, ce dont je me rends compte, c'est que ce qui est important pour les femmes violentées lorsqu'elles arrivent dans les maisons d'hébergement et qu'elles décident de se séparer ou de divorcer, c'est une perception automatique de pension alimentaire pour faire en sorte qu'elles n'aient pas à poser le geste, mais que ce soit automatique et que cela se fasse.

Je vois aussi que, quant au partage des biens, qu'elles soient mariées sous le régime d'une communauté de biens ou de séparation de biens, il y a des délais. Aussi, il n'y a pas seulement cela. Lorsqu'elle est mariée sous le régime de la séparation de biens, non seulement il y a des délais mais elle n'a aucun bien dans la majeure partie des cas, surtout pour les femmes qui sont demeurées à la maison. Encore là, on est tenté de régler ce problème à travers cette réforme de la sécurité du revenu, alors qu'il y a un projet très important qui est le projet Partage des droits économiques des conjoints, sur lequel on travaille actuellement et qui pourra régler une certaine partie de ce problème.

Et, l'autre partie qu'on voudrait aussi voir régler à l'intérieur de cette politique, ce sont les garderies. C'est certain que le tout doit être bien harmonisé. Je suis fort consciente, puisque c'est un dossier qui est sous ma responsabilité, que, d'une part, on ne peut pas avoir une politique de sécurité du revenu alors qu'on sait que cela va demander quand même un surplus de services de garde mais ne pas être en mesure d'accorder ces services en bout de ligne... Alors, vous voyez finalement que c'est une harmonisation de plusieurs autres politiques et qu'on doit travailler sur tous les plans pour faire en sorte que cette politique de la sécurité du revenu soit cohérente. Mais cela n'apparaît pas à sa face même lorsque, naturellement, vous lisez ce document, et c'est tout à fait normal puisque ce sont des politiques complètement séparées. Finalement, je trouve qu'on est portés à s'imaginer qu'on va tout régler à l'intérieur de cela. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Le Président (M. Leclerc}: Mme Lacombe.

Mme Lacombe: D'abord, pour le laps de temps, je pense que Denise a un peu donné une réponse tout à l'heure quand Mme Harel lui demandait si les femmes se référaient à la Commission de formation professionnelle. Elle a parlé d'un an, un an et demi. Je pense que c'est effectivement le temps après lequel - cela peut varier, mais on pourrait mettre une période d'un an - la femme se sent vraiment prête à affronter le marché du travail et à faire toutes les démarches nécessaires. Disons que c'est une moyenne.

Quant à vos autres questions ou commentaires, oui, je pense qu'on en est conscientes quand on dit, en introduction et en conclusion, qu'on voudrait que le gouvernement dépose d'autres documents par exemple sur les services de garde, etc. Ce sont justement des questions qu'on soulève ici. On ne demande pas au projet de réforme de tout régler; d'accord. Mais cela soulève des questions. Il y a peut-être des éléments de réponse dans d'autres documents. Et c'est pour cela qu'on parle d'un puzzle complexe, parce qu'on sait que cela ne va pas tout se régler ici. Donc, je voudrais souligner cela mais, par contre, on a hâte d'avoir en main tous ces éléments pour voir où cela va se régler et à quel endroit.

Maintenant, il y a une chose, par contre,

sur laquelle je veux revenir. C'est la notion de responsabilité du conjoint, oui bien sûr. Une démarche d'autonomie peut être d'aller chercher la pension alimentaire à laquelle on a droit. Ce que je voudrais souligner ici, c'est qu'on parle toujours d'un contexte de séparation dans une situation de violence conjugale où l'homme est violent physiquement parce que la femme s'en va souvent au moment où le mari frappe. Souvent, c'est en tout cas ce qu'on a vécu, quand la femme va à la Cour, cela rend l'homme davantage agressif et cela lui donne le droit aussi parce qu'il paye. Je paye, j'ai le droit d'entrer ici, j'ai le droit de voir les enfants. Par le biais des enfants il va faire du chantage et va revenir sur la femme. Là aussi, il y a peut-être des choses qui relèvent du système de justice. Tout cela va finir par s'imbriquer. Mais la situation actuelle est que, quand la femme fait intervenir la justice... La justice est tellement longue à intervenir que les choses qu'on vit, c'est qu'une femme fait une plainte et poursuit; le procès a lieu huit mois plus tard. Entre les deux laps de temps, il revient à la maison... On a un cas à Montréal actuellement où le gars est revenu casser les jambes de la femme et le procès va se dérouler dans un an. Donc, dans le contexte actuel, je pense qu'il est difficile de demander aux femmes qui quittent dans un contexte de violence conjugale de faire cette démarche et c'est pour cela qu'on va plutôt vers la perception automatique. Mais c'est sûr qu'il y a une démarche pour l'ensemble des femmes d'aller chercher ce à quoi elles ont droit. Je voulais juste le ramener dans le contexte particulier. (16 h 15)

Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Est-ce que c'est terminé? Le Président (M. Leclerc): Oui.

Mme Harel: Oui? Combien de temps reste-t-il? Il ne reste plus de temps?

Le Président (M. Leclerc): Seulement pour conclure.

Mme Harel: M. le Président, oui, il faut le souhaiter, il faut souhaiter que les politiques, bien que divisées ou séparées, comme le mentionnait Mme la ministre, ne soient pas contradictoires. Là où le bât blesse, c'est que, même sans connaître les politiques en matière de services de garde, les politiques familiales, la réforme fiscale ou les politiques de plein emploi, ou bien elles sont inexistantes, on nous les promet, mais certaines dont on ne parle pas, comme la réforme fiscale, ou bien elles apparaîtraient à leur face même contradictoires si tant est qu'était retenu le fondement de ce document qui est d'imposer des choix de vie aux femmes pauvres en regard, tout au moins, de leurs rôles parentaux.

J'aimerais revenir à la question importante du conjoint de fait. Vous disiez que 70 % des femmes hébergées sont des femmes au foyer. Combien sont légalement mariées et combien sont en vie maritale? Sur cette question de conjoint de fait, vous insistez, et là je crois que la majorité des organismes féminins l'ont fait également, sur le fait que c'est sans doute créer artificiellement une famille et, à partir de ce moment-là, vous demandez si le conjoint qui, après un an de vie maritale, serait considéré comme responsable de la subsistance de la famille, bénéficiera des exemptions fiscales dans son propre rapport d'impôt: exemption pour personne à charge, exemption pour enfant, si tant est qu'une pension alimentaire est versée. Vous voyez un peu toute la contradiction de l'État en regard des responsabilités qu'il attribue à quelqu'un qui vit avec la mère de prendre la responsabilité des enfants dont il n'est pas le père. J'aimerais peut-être vous entendre sur cette question-là.

Mme Lacombe: Sur la question de l'état civil des femmes qui viennent en maison d'hébergement, 45,7 % sont mariées, 25,1 % sont conjointes de fait et 13,8 % sont célibataires, c'est-à-dire qu'elles ont un ami, elles ne vivent pas avec, mais ils leur font quand même subir de la violence conjugale; 12 % sont séparées ou divorcées, comme état civil d'une situation antérieure, 1,4 % sont veuves et il y a 2 % de situations qui restent inconnues. J'ai perdu...

Mme Harel: J'imagine que c'est un projet de vie pour plusieurs d'entre elles de renouer des relations affectives sur une base...

Mme Lacombe: C'est-à-dire qu'elles veulent renouer...

Mme Harel: ...avec quelqu'un d'autre.

Mme Lacombe: ...des relations affectives, mais elles tiennent beaucoup à leur autonomie financière. Et si l'aide sociale n'est pas suffisante et les met dans un état de pauvreté pendant un certain laps de temps, elles tiennent quand même beaucoup à garder l'autonomie financière que cela leur apporte. Elles seront donc très craintives à l'idée de vivre avec un nouveau conjoint et de lui donner des droits sur elles parce qu'il va payer le loyer ou certaines choses aux enfants.

Mme Harel: Sur elles, et des droits sur les enfants aussi.

Mme Lacombe: Et des droits surtout sur les enfants.

Mme Harel: On ne se rend pas bien compte qu'après un an de vie commune, à ce moment-là,

ce serait une sorte d'exception parce que, pour avoir des avantages quand on est en vie maritale, en conjoint de fait, c'est trois ans, pour avoir une rente de la Régie des rentes ou de la CSST. Mais à ce moment-là, pour porter les inconvénients, c'est un an. À ce moment-là, l'ami de la mère se trouve à être responsable aussi de toute la famille y compris des enfants, même s'il n'en est pas le père, sans n'avoir aucun avantage fiscal. Est-ce bien le cas?

Mme Lacombe: Oui, c'est ce qu'on souligne dans le document quand on demande si le gouvernement aura une certaine cohérence dans ses différentes politiques. Effectivement, c'est un peu aberrant de considérer des gens, après un an, comme étant mariés et ayant des responsabilités.

Mme Harel: C'est de les considérer, mais pas avec le même statut que ceux qui le sont parce qu'ils n'ont pas la possibilité même de déduire...

Mme Lacombe: D'avoir droit...

Le Président (M. Leclerc): M. le ministre, pour une brève conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On exige que ce soit bref. Je vous dirai que j'ai noté - j'espère ne pas en avoir manqué, je vous ai même invité à répéter vers la fin - les huit principales recommandations qui touchent directement votre clientèle. Je vais tenter de les résumer rapidement. La première, cela va. La deuxième, cela va. La troisième, cela pose des complications à cause des prêts et bourses aux étudiants. La quatrième, vous allez dans le même sens que plusieurs autres. La cinquième question, celle de fixer l'âge. La sixième, cela va. La septième, cela va. Les autres pièces du puzzle, la huitième, je ne suis pas maître de tout le puzzle. Merci beaucoup pour la qualité de votre mémoire et la qualité de votre présentation. Vous nous avez apporté des dimensions, bien que vous soyez le quarante-cinquième groupe, qui n'avaient pas été soulevées dans certains cas par aucun des autres groupes jusqu'à maintenant.

Mme Lacombe: Merci.

Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je veux également remercier le regroupement. Même si c'était un vocabulaire de bingo, ce sont des choses importantes parce que ni sur la contribution parentale, ni sur le partage du logement, il n'y a de bonnes nouvelles. Je pense que c'est pourtant sur ces deux aspects qu'il faut inviter le ministre à réfléchir. Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Au nom de la commission, je voudrais vous remercier de votre présence parmi nous et vous souhaiter un bon retour. Merci.

Mme Harel: Ce n'est peut-être pas le ministre. C'est peut-être le conseil...

Le Président (M. Leclerc): J'appelle la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec.

M. Polak: Une question technique, M. le Président. On est en retard de 24, 25 minutes. Je comprends très bien que chaque groupe a le droit d'avoir une heure, il faut respecter cela mais je ne voudrais pas non plus finir ici à 18 h 30, aller manger dans un restaurant parce que tout est fermé en bas, vous le savez et j'ai vérifié et revenir ici pour 20 heures. Il faut quand même qu'on soit traité d'une manière humaine. J'insiste pour avoir deux heures. Je n'ai aucune objection à ce que le groupe de 20 heures, commence à 20 h 20 ou 20 h 25, du nombre de minutes que nous serons en retard et qu'on finisse à 22 h 25, s'il le faut, car se dépêcher comme cela et vivre comme cela... On a fini jeudi soir à 22 heures, l'avion à 23 heures, chez nous à minuit et trente, ce n'est pas un cadeau, vous savez.

Le Président (M. Leclerc): M. le député de Sainte-Anne, si l'Opposition est d'accord, je n'ai pas d'objection à ce qu'on reprenne à 20 h 20 ou 20 h 25. On réglera cela à 18 heures...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme ministre du Travail, je crois que je n'ai pas de choix que d'accéder à de meilleures conditions de travail pour l'ensemble des parlementaires.

M. Polak: Merci.

Le Président (M. Leclerc): II me fait plaisir de vous saluer et si vous voulez bien vous identifier pour les fins du Journal des débats.

Fédération des associations de familles monoparentales du Québec

Mme Signori (Céline): Bonjour. Je vais me permettre de présenter mes compagnes. À ma gauche, Madeleine Bouvier, directrice générale de la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec. À ma droite, Yolande Pouliot, ex-présidente de l'association dans sa région, maintenant coordonnatrice pour une association locale, et aussi bénéficiaire de l'aide sociale. Vous allez avoir toute l'expertise pour répondre à vos questions. Céline Signori, présidente provinciale de la Fédération des associations de familles monoparentales. Nous avons la chance aussi d'avoir quelques membres de notre conseil d'administration dans l'assistance et quelques membres des associations de Québec.

Le Président (M. Leclerc): Madame, nous vous écoutons, pour 20 minutes. Je vais me permettre de vous faire signe lorsqu'il vous restera autour de cinq minutes. Nous vous écoutons.

Mme Signori: II y a bien des choses que je vais me trouver à répéter, mais j'insiste pour les répéter aussi. Je pense que c'est la problématique d'une partie des femmes. Je vais me permettre de relire le document avec quelques petits changements que vous allez voir. C'est là qu'on va voir ceux qui ont fait leurs devoirs, ceux qui l'ont lu ou pas.

La Fédération des associations de familles monoparentales du Québec est un organisme provincial sans but lucratif qui compte 50 associations de familles monoparentales au Québec, rassemblées en huit regroupements régionaux. C'est une structure à trois paliers qui permet de rejoindre la base de façon régulière afin de mieux répondre à ses besoins.

Le rôle de l'organisme provincial est double. Son rôle interne en est un de soutien aux associations membres par la formation, l'information et l'appui technique apporté par le biais du regroupement régional ou encore directement à la locale. Son rôle externe consiste à faire connaître la situation de la monoparentalité au grand public, à faire des recommandations aux institutions sociales et gouvernementales concernées en tout ce qui touche les familles monoparentales dans les textes de loi et les réformes proposées. Son objectif fondamental est l'amélioration de la situation socio-économique des familles monoparentales. La fédération se veut un agent de changement social.

Comme porte-parole des familles monoparentales à revenu moyen et faible ou prestataires d'aide sociale, la fédération a un intérêt primordial dans la réforme qui se dessine. Depuis quelques années déjà, la famille monoparentale accuse des reculs par rapport au soutien accordé aux familles. Le gouvernement, par ses différentes législations, a créé deux sortes de famille, alors que la société reconnaissait, de plus en plus, la famille monoparentale au même titre que la famille biparentale.

Le mémoire présenté ici tient compte du fait que la consultation publique se fait sur un document d'orientation pour une politique de sécurité du revenu. Cette consultation est forcément parcellaire puisque la réforme sur la fiscalité et la réforme sur les services de garde sont absentes de la politique actuelle de sécurité du revenu, alors qu'elles y sont étroitement liées dans les faits, l'une ne va pas sans les deux autres.

La société doit se faire entendre sur l'ensemble des éléments de la sécurité du revenu.

Attendu que le document d'orientation pour une politique de sécurité du revenu ne tient pas compte de la réforme sur la fiscalité et de la politique sur les services de garde;

Attendu que les mémoires et avis de groupes et particuliers ne peuvent, de ce fait, offrir une proposition qui tienne réellement compte de l'ensemble de la sécurité du revenu;

Attendu que le gouvernement, pour sa part, inclura dans sa loi sur la sécurité du revenu les réformes sur la fiscalité et sur les services de garde,

La Fédération des associations de familles monoparentales du Québec demande qu'une commission parlementaire publique soit convoquée à la suite du dépôt du projet de loi sur la sécurité du revenu ou réforme de l'aide sociale.

Nous allons passer aux caractéristiques des familles monoparentales prestataires d'aide sociale. D'après les données du ministre de la Main d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, au 31 décembre 1986, les familles monoparentales dirigées par une femme et prestataire d'aide sociale se chiffrent à 76 225 et à 3650 les familles dont le chef est un homme.

Parmi les familles avec enfants, deux sur trois sont des familles monoparentales et 95 % de celles-ci sont dirigées par une femme. D'après le document à l'étude, il y aurait, actuellement, 65 442 familles monoparentales à l'aide sociale, dont 8645 seraient admissibles au programme Soutien financier. Il reste donc 56 797 familles monoparentales dont le chef est présumé employable et disponible, à moins de preuve contraire. Quant aux enfants les plus jeunes des foyers monoparentaux dirigés par une femme et âgés de moins de six ans, ils se chiffrent à 28 185 et, parmi ceux-ci, 11 857 ont moins de deux ans.

Les raisons qui amènent les familles monoparentales à l'aide sociale sont multiples. Analysons certaines d'entre elles. Il est évident que la famille biparentale prestataire d'aide sociale dont les conjoints se séparent devient, ipso facto, deux ménages à l'aide sociale. Sept femmes sur dix viennent à l'aide sociale à la suite de changements de la situation familiale. Le droit de la famille, la loi sur le divorce et le partage des biens tel qu'il est pratiqué au Québec ont eu pour effet de pénaliser gravement la mère au foyer lors de la rupture du couple. Bon nombre de femmes, chefs de famille monoparentale, ont été acculées à l'aide sociale à cause du partage inéquitable des biens lors de la séparation et du divorce. Alors, 84 % des femmes chefs de famille à l'aide sociale ne reçoivent pas de pension alimentaire. De plus, les pensions alimentaires octroyées par jugement sont souvent si minimes que les créanciers alimentaires doivent faire appel à l'aide sociale et ce, même si le revenu familial de ce couple avant séparation pouvait se situer parmi les biens nantis (16 h 30)

Un jugement de pension alimentaire au montant dérisoire amène la déresponsabilisation du débiteur qui a l'impression de payer. l'aide

sociale puisque son ex-conjoint reçoit le même montant, que la pension soit payée ou non.

Parmi les jeunes de moins de 30 ans, la présence d'un enfant qui leur permettait de recevoir le plein montant d'aide sociale amène certains d'entre eux à s'en prévaloir et sont devenus familles monoparentales ou biparentales.

Les principes sous-jacents à une véritable réforme de l'aide sociale. Le droit à un revenu minimal adéquat pour toutes et tous, quelle que soit la cause de l'insuffisance de revenu. Le droit à l'autonomie financière de chaque personne adulte. Le droit à des mesures de soutien vers l'autonomie financière basée sur une participation volontaire et non par une réduction de l'aide accompagnée de mesures coercitives et de pénalités. Le droit au travail par la mise en oeuvre d'une véritable politique de plein emploi appuyée par un réseau de services de garde complet de qualité et financièrement accessible à tous.

Les principes de la réforme gouvernementale et ses effets négatifs. L'État ne se reconnaît le devoir et l'obligation de pourvoir aux besoins essentiels que des personnes inaptes au travail, ce qui signifie retrait du gouvernement face à la reconnaissance des besoins essentiels de toute personne complètement démunie.

Le soutien de l'État se définit comme étant conditionnel à sa capacité de payer aux conditions économiques et aux consensus sociaux. Le calcul des besoins essentiels ne se base plus sur les données du Dispensaire diététique de Montréal mais le calcul se resserre pour ne prendre en considération que les besoins du 10 % des personnes les plus pauvres parmi les pauvres à court, moyen ou long terme selon les différents programmes.

Pourtant, l'État reconnaît que les prestations actuelles de l'aide sociale sont insuffisantes. Malheureusement, seules seraient augmentées '■es prestations du programme Soutien financier. L'État veut maintenir un écart raisonnable entre le revenu disponible des travailleurs au salaire minimum et celui des ménages employables à l'aide sociale.

En vue de maintenir cet écart, le gouvernement propose de réduire tous les barèmes du programme APTE par rapport au système actuel indexé de 1989 et de compenser en partie en augmentant l'exemption des gains de travail.

Le jeu de retirer d'une main et de donner de l'autre est loin de répondre aux besoins souvent exprimés par les bénéficiaires de pouvoir conserver une plus large part des gains de travail afin d'augmenter le montant actuel de prestation qui est totalement insuffisant et de devenir une réelle incitation au travail.

L'État veut corriger les lacunes du système actuel pour en faire un élément stratégique d'incitation au travail. Les régimes de taxation et de transferts amènent le programme actuel d'aide sociale à un taux marginal implicite de taxation de l'ordre de 75 % à 100 % sur les revenus de travail comparativement à 60 % pour les mieux nantis.

Le fait de réduire les prestations et d'augmenter l'exemption ne règle pas le problème comme le démontre fort justement le tableau de la page 27 où figure le détail des barèmes proposés pour le groupe "personne seule apte et disponible". Pour ce groupe, le surplus reçu grâce à des gains maximaux de travail de l'ordre de 155 $ pour les neuf premiers mois, de 140 $ pour personne admissible et de 80 $ pour participant équivaut à un maigre surplus de 32 $, 32 $ et 72 $ respectivement par rapport au système actuel indexé de 1989.

Dans la réponse proposée, les prestataires qui n'auront pas gagné le maximum des gains de travail admissibles en seront quittes pour une baisse de revenu malgré tous les efforts fournis.

L'État veut éliminer toute distinction fondée sur l'âge des personnes. Il semble que cette mesure serait mise en force en 1990. Encore deux ans d'attente pour les jeunes de moins de 30 ans. C'est beaucoup trop.

De plus, la contribution parentale et le partage de logement diminuent grandement le nombre des jeunes prestataires et le montant de la prestation, donc une grosse économie pour l'État.

L'État veut promouvoir l'incitation au retour sur le marché du travail pour les deux parents de famille biparentale dans le programme APTE. Autant le gouvernement, par la fiscalité, prônait le retour des femmes au foyer avec les avantages fiscaux qu'il accordait au chef de famille biparentale, sauf évidemment pour la femme chef de famille monoparentale, autant il fait volte-face dans son document d'orientation pour inciter les deux parents à participer aux mesures d'employabilité.

On voit bien là le souci du gouvernement de récupérer le maximum possible dans les programmes sociaux. La famille, pour sa part, est sujette à deux poids, deux mesures, selon qu'elle est monoparentale ou biparentale et selon qu'elle est biparentale travailleuse ou biparentale prestataire. Une nouvelle catégorisation de familles est née.

L'État veut reconnaître les parents d'enfants de deux ans et plus comme aptes et disponibles aux mesures d'employabilité. La fédération s'oppose fortement à cette mesure pour les raisons suivantes.

D'une part, il faut connaître la problématique de la monoparentalité pour faire la part des choses et comprendre la difficulté psychosociale d'une femme ébranlée par la rupture de son couple. En règle générale, il faut compter environ trois ans pour reprendre vraiment pied après un divorce. La femme accuse des pertes sur les plans émotif, socio-économique et psychologique.

D'autre part, l'aide sociale, qui tolérait que la mère demeure au foyer tant que le plus jeune enfant n'était pas d'âge scolaire, veut maintenant

décréter que la mère est apte et disponible à participer à des mesures d'employabilité dès que l'enfant a deux ans. La rupture du couple amenant le départ d'un des conjoints, l'enfant perd déjà un parent, devra-t-il perdre le deuxième? La situation est différente si les deux parents sont sur le marché du travail avant la rupture. L'enfant est alors habitué au départ de ses deux parents pour le travail. Il a fait sa place à la garderie où un troisième adulte le prend en charge. Sinon, c'est lui demander une surcharge d'adaptation qui, nous l'avons maintes fois noté, peut être nocive pour lui.

La fédération demande que le choix soit laissé aux parents de demeurer au foyer tant que l'enfant n'est pas d'âge scolaire de la même façon que les personnes de 55 ans et plus peuvent, à leur choix, être déclarées non disponibles.

Les éléments positifs de la réforme. Bien que parcellaire, la réforme proposée amène quelques éléments positifs. Elle accordera, en 1990, la parité aux jeunes de moins de 30 ans, avec les restrictions dont on a déjà parlé. Elle accorde le choix pour les 55 ans et plus de se faire reconnaître non disponibles. Le programme Soutien financier apporte des améliorations à l'actuel programme d'aide sociale: légère augmentation du revenu, simplification administrative et ouverture des mesures d'employabilité sans perte d'avantages ni de prestation.

Le document d'orientation pour une politique de sécurité du revenu propose un nivellement vers le bas. Plutôt que de contrer la pénurie d'emploi par une politique de l'emploi, plutôt que de hausser le salaire minimum, d'améliorer les normes de travail, d'établir un système de garde d'enfant universel et gratuit, on nivelle par le bas et on coupe chez les plus pauvres pour assurer l'écart entre les travailleurs en emploi et les personnes en employabilité. Le document semble emprunter le vocabulaire des groupes, mais il en donne une interprétation tout autre.

Le droit à l'emploi devient le droit à l'employabilité. La présomption d'aptitude n'est pas synonyme d'emploi et c'est l'emploi qui génère des revenus et non l'employabilité. L'autonomie financière dépend du travail et non de l'employabilité. Voilà comment on glisse du droit au travail et à l'autonomie vers l'obligation, la responsabilité, la contrainte, les pénalités pour simplement un droit à l'employabilité.

On ne veut plus reconnaître les besoins essentiels des enfants, puisqu'au travailleur, on ne reconnaît pas ses responsabilités parentales dans son salaire.

On élimine les besoins spéciaux pour obliger les bénéficiaires à assumer les mêmes responsabilités qu'ont les travailleurs à faible revenu. Pour les bénéficiaires, cela veut dire ne plus pouvoir assumer ses responsabilités.

On restreint à quatre mois avant l'accouchement le statut de personne non disponible jusqu'à cinq semaines après la naissance, sauf si la mère a la garde légale de son enfant.

On oblige le parent avec un enfant de deux ans à participer aux mesures d'employabilité puisque plusieurs femmes avec de jeunes enfants travaillent à l'extérieur du foyer.

On présume de l'aptitude et de la disponibilité des bénéficiaires, sauf preuve du contraire. Le fardeau de la preuve revient au bénéficiaire.

Dans le programme APTE, on ramène l'exemption pour gains de travail admissibles de la famille monoparentale avec un enfant au même montant que pour la personne seule; une autre perte pour la famille monoparentale.

APTE est essentiellement un programme coercitif et punitif. Il diminue les barèmes de base déjà insuffisants.

On retire le programme SUPRET en faveur du programme APPORT qui ne s'adresse qu'aux familles avec enfant. L'aide aux célibataires et aux couples sans enfant ayant des revenus faibles sera terminée à court terme. Avec le programme APPORT, la famille monoparentale accuse une autre perte: partager son logement et voir diminuer sa prestation de 160 $ par mois.

La fédération considère la relation parent-enfant comme base pour la définition de la famille.

La famille est un groupe de parent(s) et d'enfant (s) mineur(s) vivant ensemble dans une certaine continuité pour favoriser le développement personnel et social des personnes qui le composent.

La famille monoparentale est tout ménage dans lequel un enfant réside avec un seul de ses parents légaux à la fois.

La famille biparentale est tout ménage dans lequel l'enfant réside avec ses deux parents légaux à la fois.

Quant à une définition de conjoints qui pourrait être appliquée de façon uniforme dans tous les programmes sociaux, la fédération propose pour étude la suivante, tirée du document "Les femmes et la fiscalité": "Conjoints: tout couple légalement marié; toute union de fait avec enfants des deux partenaires, quelle que soit la longueur de l'union, sauf si les deux partenaires renoncent au statut de conjoint; toute union de fait de durée d'au moins deux ans sans enfant appartenant aux deux à la fois et qui en font la demande. "

Cette définition permettrait d'établir clairement les obligations du partenaire à l'endroit des enfants de l'autre si les deux font la demande de conjoint.

La définition de conjoints de fait telle que proposée dans le document, selon laquelle douze mois de vie commune établit la relation de conjoint de fait, est arbitraire et donne ouverture à des déménagements qui n'en seront pas vraiment ou encore, chambardera des situations qui étaient appelées à plus de stabilité. Comment serait établie la différence entre le "chum", le chambreur et le "steady", ou encore avec onze

mois et demi de résidence par année?

La réforme veut appliquer à l'aide sociale la notion de contribution parentale qui est utilisée dans l'attribution des prêts et bourses pour les enfants de 18 ans et plus considérés dépendants.

Pour les personnes dépendantes, les prestations seront réduites en fonction du revenu des parents et elles seront nulles quand le revenu dépassera un certain seuil, par exemple, 21 000 $ pour une famille biparentale avec un enfant à charge de 18 ans et plus. Par cette notion de contribution parentale, l'État pourra réduire le nombre de prestataires de moins de 30 ans et assurer la parité aux autres dans deux ans.

Je vais passer au retour aux études et au marché du travail. La femme chef de famille monoparentale est propulsée par le tribunal et l'aide sociale à tout faire pour atteindre son autonomie financière le plus rapidement possible.

Comme aide au recyclage, la formation professionnelle ainsi que les programmes de retour aux études postsecondaires pour les femmes chefs de famille monoparentale sont fort précieux. Malheureusement, les responsables gouvernementaux de ces programmes s'attendent à un taux de rendement exceptionnel de la part des participantes. Ils oublient que la femme a vécu une rupture de couple souvent difficile et que l'habitude de l'étude est à réapprendre.

Par ailleurs, comme cela a été mentionné par le groupe précédent, les agents d'aide sociale ne sont pas toujours au courant de ces programmes. Devant le programme de retour aux études postsecondaires, qui pourtant a été renconduit plusieurs fois, comment se fait-il qu'on se fait dire par son agent que ce programme n'existe pas? On trouve cela un peu fort. Comme on le dit, à l'intérieur des mêmes bureaux, les agents n'ont pas les mêmes avis. Il y en a d'autres qui découragent les femmes de 45 ans et plus qui veulent s'y inscrire. Ce n'est pas pour elles, assurent-ils. Pourtant, ce sont des programmes qui permettent aux femmes d'aborder plus doucement le virage vers l'autonomie financière sans tout chambarder, comme le faisait déjà l'obligation de sortir de l'aide sociale et de s'inscrire aux prêts et bourses pour retourner aux études.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, madame. Votre temps étant écoulé, est-ce que vous pourriez conclure? Vous en auriez pour combien de temps?

Mme Signori: Bien...

Le Président (M. Leclerc): Question difficile?

Mme Signori: ...trois ou quatre pages. Le Président: Consentement. Mme Signori: Pardon?

Le Président (M. Leclerc): II y a consentement pour que vous puissiez terminer.

Mme Signori: La réforme proposée annonce que des ressources humaines d'accueil et d'accompagnement seraient mises à la disposition des bénéficiaires d'aide sociale. Nous craignons que les éléments positifs d'une telle aide soient compromis par l'utilisation des mêmes agents d'aide sociale qui, d'enquêteurs qu'ils étaient, doivent devenir des conseillers en orientation efficaces auprès de la clientèle la plus vulnérable de notre société. (16 h 45)

La crédibilité auprès des bénéficaires est fortement ébranlée après la période de harcèlement que ceux-ci ont vécue au cours des deux dernières années. C'est donc avec beaucoup d'inquiétude que nous verrons ces enquêteurs-travailleurs sociaux dans leur nouveau rôle. Nous craignons qu'ils ne sachent pas ou ne veuillent pas faciliter le cheminement des bénéficiaires dans la dignité et le respect du rythme personnel de chacun.

La fédération prône l'autonomie financière pour les familles monoparentales dans le cadre précis de personnes vivant la situation de la monoparentalité. En voici le credo:

Partage des biens familiaux à la séparation, au divorce ou au décès.

Médiation globale entre les conjoints sur l'obligation alimentaire et la garde des enfants.

Pension alimentaire pour les enfants, appelée allocation de soutien à l'enfant, qui tiendrait compte du coût réel d'entretien de l'enfant réparti entre les deux parents exconjoints selon leur capacité de payer et ne serait pas négociable.

Cette allocation de soutien à l'enfant ne serait ni déductible d'impôt pour le débiteur ni imposable à la créancière. Un service de perception automatique de cette allocation de soutien garantirait l'apport des deux parents. La mesure fiscale concernant le soutien aux enfants serait identique dans toutes les familles: de gens mariés, en union de fait, biparentales ou monoparentales.

Pension alimentaire pour l'ex-conjoint qui demeurerait et qui serait toujours soumise aux critères que l'on connaît. Une perception automatique des pensions alimentaires pour ex-conjoints éliminerait pour plusieurs femmes l'obligation de recourir à l'aide sociale.

Choix laissé au parent avec enfant(s) de demeurer au foyer jusqu'à ce que le plus jeune atteigne l'âge scolaire, que ce parent soit ou ne soit pas prestataire d'aide sociale.

Temps de répit de deux ans au minimum pour permettre au parent démoli par la rupture de son couple de se reprendre en main et de mieux affronter le recyclage nécessaire pour le retour aux études et sur le marché du travail.

Programmes de formation professionnelle et

d'études postsecondaires facilitant le retour aux études et au marché du travail aux femmes chefs de famille monoparentale.

Réseau de services de garde universel et gratuit, accessible et de qualité.

Mesures fiscales reconnaissant la famille monoparentale et l'union de fait au même titre que la famille biparentale. Par exemple: l'exemption pour personne mariée et soutien de famille devrait être de valeur identique.

Le credo de l'autonomie des familles monoparentales a voulu démontrer le cheminement suivi par la femme chef de famille monoparentale, de la rupture à l'autonomie, avec toutes les étapes de vie où s'accumulent à l'heure présente perte sur perte.

L'État, par l'harmonisation et la concordance souhaitées des mesures législatives des différents ministères concernant la famille, sau-ra-t-il transformer ces pertes en gains?

En conclusion, la réforme ouvre la voie à un changement de société de la part de l'État. L'ère de l'État providence s'estompe dans le temps, mais plus grave encore est la philosophie qui sous-entend ces coupures et modifications. Le document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu" interpelle toutes les couches de la société. Ce sont, à plus ou moins long terme, tous les programmes sociaux qui sont modifiés à la baisse, la norme de référence étant de plus en plus rigoureuse, moins généreuse et on l'appliquera à l'ensemble des programmes.

La fédération fait appel à toute la société pour prendre le temps d'analyser à la loupe le futur projet de loi sur la sécurité du revenu dans lequel seront intégrées les réformes sur la fiscalité et sur les services de garde. C'est donc une loi piège qui peut sembler toucher officiellement l'aide sociale et ne pas intéresser la population en général, alors que, dans la réalité, c'est une loi qui pourrait avoir le pouvoir de modifier en profondeur l'ensemble des programmes sociaux si on n'y prend pas garde.

Il est important, et nous le répétons, que le gouvernement convoque une commission parlementaire pour que la population puisse s'exprimer sur le contenu du véritable projet de loi sur la sécurité du revenu, comprenant la réforme sur la fiscalité et sur la politique des services de garde.

Merci beaucoup.

Le Président (M. Leclerc): Mme Signori, je vous remercie.

Je reconnais M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Mme Signori, les dames qui l'accompagnent ainsi que la fédération pour le mémoire et pour la présentation verbale.

Je vais, dans un premier temps, répéter ce que j'ai indiqué au groupe qui vous a précédées, bien que je crois que vous étiez présentes dans la salle. Ce sera donc plus rapide Approxima- tivement 25 % de la clientèle de l'aide sociale sont éligibles au programme Soutien financier. Les autres 75 % sont composés - et c'est important, dans le cas qui vous concerne, que je le répète parce que tantôt on va parler de la politique de plein emploi et de la nécessité de l'employabililé dans une politique de plein emploi - de 36 % d'analphabètes fonctionnels. 60 % n'ont pas complété leurs études secondaires, 40 % n'ont aucune expérience de travail À l'aide sociale, quant à la clientèle qui vous préoccupe principalement, la clientèle des chefs de famille monoparentale, nous avions, en septembre 1987, quelque 78 000 familles monoparentales. Je n'ai pas le chiffre quant au salaire minimum comme tel parce qu'on ne dispose pas du statut des individus, mais, au Québec, on a approximativement 100 000 femmes qui travaillent au salaire minimum.

Vous avez évoqué également dans votre mémoire cette notion du salaire minimum. Chez les chefs de famille monoparentale, parmi les 78 000, il y en a 85 % qui n'ont aucun revenu de pension alimentaire. On ne parle même pas de ce que l'on complète dans certains cas, 85 % n'ont aucun revenu de pension alimentaire. Vous avez traité de cette question des pensions alimentaires, et dans votre mémoire, et dans votre présentation verbale. Est-ce que vous considérez - et je vais tenter de libeller la question le plus brutalement possible de façon à susciter une réaction la plus directe possible - que l'État doit intervenir par son programme d'aide sociale ou de sécurité du revenu et se substituer aux obligations du conjoint dans ces cas-là?

Mme Signori: Je pense qu'avec un service de perception alimentaire automatique, on règle leur problème. Cela fait déjà plusieurs années qu'on demande cela. On règle au moins une partie du problème. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela répond très directement, Mme Signori.

À la page 11 de votre mémoire - et vous l'avez également repris dans le résumé que vous nous avez fait - vous avez dit: "Plutôt que de contrer la pénurie d'emplois par une politique d'emploi, plutôt que de hausser le salaire minimum, établir de meilleurs contrôles, etc" Est ce que vous êtes d'accord ou en désaccord avec le fait que le gouvernement conserve un niveau de salaire minimum qui soit supérieur au niveau de l'aide sociale pour les personnes capables de travailler de façon à maintenir une incitation au travail?

Mme Bouvier (Madeleine): Oui, qu'il y ait un écart. Mais quand on s'aperçoit - quand on parle du nivellement par le bas - qu'à chaque mesure de différents programmes, la mesure la plus sévère, la plus rigoureuse, la moins généreuse, c'est celle-là qu'on essaie d'appliquer

présentement à l'aide sociale, alors à ce moment-là... Pensons seulement à la contribution parentale qui existait pour les prêts et bourses. C'est bon, on la prend et on l'applique à l'autre. À ce moment-là, je me dis que vous voulez faire un équilibre en disant qu'il ne faut pas que le salaire minimum soit moindre que ce qui serait possible avec l'aide sociale. Mais, par contre, pour certaines choses, comme le partage du logement... Un travailleur à revenu minimum peut partager son logement et il ne sera pas pénalisé. Ici, quand on a travaillé le document, la fédération s'est aperçue que c'était vraiment décourageant parce que, toujours, on coupait, on coupait. Dès qu'on pouvait trouver une faille quelque part, on l'appliquait. C'est dans ce sens-là qu'on dit que c'est tout un projet de société. C'est tout un chambardement des valeurs de notre projet de société qui entre en jeu à ce moment-là parce qu'on diminue, on amenuise et on pénalise au lieu de se baser sur le principe fondamental qui était le secours aux plus démunis. On l'oubie.

Maintenant pour reprendre très exactement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous me permettez, à ce moment-ci, de dire que je partage en partie les inquiétudes - si je peux utliser l'expression, si vous me le permettez - que vous manifestez en ce qui concerne les mesures comme le partage du logement ou la contribution alimentaire parentale, mais que je tiens quand même à vous indiquer que la politique de sécurité du revenu est une politique de dernier recours dans la société. Je diffère sur les montants qui sont investis. On pourra s'en reparler, c'est mathématique, c'est chiffré, mais on va parler, si vous le voulez bien, de philosophie.

C'est vrai que la question de la contribution alimentaire parentale, je pense, est survenue dans les toutes dernières versions de la politique de sécurité du revenu parce que je l'avais, je m'en confesse, oubliée. Si elle a été introduite, ce n'est pas par souci d'économie. Je vous dirai que, si j'ai accepté de signer le document dans lequel cette notion était introduite, c'est parce que j'ai un problème de conscience et j'aimerais que vous m'aidiez. Le problème de conscience est le suivant. Il y a des jeunes qui, à un moment donné, ont des choix à faire dans la société, lorsqu'ils atteignent 18 ou 19 ans, etc. S'ils font le choix de poursuivre leurs études et qu'ils viennent de familles financièrement dépourvues, ils ont accès à un programme qui s'appelle Prêts et bourses aux étudiants, qui contient certains critères de contribution alimentaire parentale, d'indépendance, etc. C'est également ma responsabilité de dire: Là, il s'agit d'un système de prêts et bourses, est-ce que mon système de dernier recours peut être plus généreux financièrement que mon système de prêts et bourses aux étudiants? Est-ce aue i'ai le droit, comme ministre responsable de la politique de dernier recours, d'inciter les jeunes financièrement à abandonner leurs études et à devenir des prestataires de l'aide sociale? Là, j'ai un gros problème.

Je vous dirai que, si cela n'existait pas pour les prêts et bourses aux étudiants, je n'aurais pas de problème. Mais, étant donné que je suis la politique de dernier recours - et vous avez raison de dire: Vous avez tenté d'harmoniser le pire des autres programmes finalement - si je ne le fais pas, est-ce que je n'incite pas les gens à quitter leurs études et à devenir prestataires de l'aide sociale? Il se pourrait que je sois d'accord avec vous, sur le plan théorique, que cela ne devrait ni exister aux prêts et bourses ni en matière de politique d'aide sociale. Mais, lorsque cela existe, est-ce que j'ai le choix, comme ministre?

Mme Bouvier: Écoutez, je me dis que, dans les prêts et bourses, la contribution parentale n'est pas une mesure de dernier recours, comme vous le dites. Vous n'enlevez pas quelque chose d'élémentaire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais reformuler la question pour que vous compreniez bien. Est-ce que les parents qui ont deux enfants âgés, pour prendre un exemple théorique, de 18 ou de 19 ans ont des obligations alimentaires différentes que l'enfant choisisse de poursuivre ses études ou qu'il devienne un bénéficiaire de l'aide sociale?

Mme Bouvier: Au lieu de répondre à cette question-là très exactement, je vais aller un peu de l'autre côté. Quand vous comptabilisez la contribution parentale dans les prêts et bourses, le jeune a ou n'a pas, parce que le parent a de l'argent ou n'en a pas... Maintenant, dans l'aide sociale et dans les prêts et bourses, vous comptabilisez que l'enfant reçoit cet argent de ses parents, qu'il le reçoive ou non, alors que, dans le cas de l'aide sociale, il n'y a pas d'argent. Alors, quand vous comptabilisez qu'il est redevable...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous pose la question parce que je suis pris avec cela. Je suis honnête quand je vous le dis. Prenons le cas d'enfants issus de parents bénéficiaires de l'aide sociale: l'un choisit de poursuivre ses études postsecondaires et l'autre choisit d'aller vers l'aide sociale. Ma question fondamentale et de conscience est la suivante: est-ce que la responsabilité des parents doit varier d'un enfant à l'autre ou doit être la même envers chacun des enfants, quel que soit le choix de l'enfant?

Le Président (M. Leclerc): Mme Pouliot.

Mme Pouliot (Yolande): J'ai quatre garçons âqées de 19 ans à 24 ans oui font des choix

différents. J'en ai qui reçoivent présentement des prêts et bourses pour leurs études. Mais ce que je trouve pénalisant, c'est que... Justement, aucun de mes enfants n'est assisté social; ils font quand même tous l'effort de développer leur autonomie, mais ces enfants-là sont quand même pénalisés avec les prêts et bourses parce qu'ils devront remettre cet argent. (17 heures)

Un de mes fils est à l'université et, cette année, il n'a pas voulu faire de demande aux prêts et bourses parce qu'il va être trop endetté à la fin de ses études. Donc, cet enfant travaille, en plus de ses études, il doit fournir des efforts supplémentaires, ce que d'autres enfants n'auront pas à subir s'ils ont une sécurité avec la famille. Il est encore pénalisé parce qu'il est enfant de femme assistée sociale. En plus, je ne peux apporter aucun soutien à cet enfant. Il est dépendant de lui-même, s'il ne veut pas devenir assisté social, il faut qu'il fonce. Je sais que, cette année, il n'a pas voulu avoir de prêt. Il dit: Je ne suis plus capable. J'en ai un autre aussi qui a arrêté par rapport à cela, il veut aller sur le marché du travail. Il dit: Je ne veux pas m'endetter non plus. Donc, on est pénalisés. On a des enfants qui ont du potentiel, des enfants qui veulent, mais qui sont pénalisés parce qu'ils sont enfants d'assistés sociaux. On est quand même pénalisés tout le temps quelque part.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne veux pas entrer dans cet argument, parce que c'est vrai, ce sont des situations qui sont vécues dans le quotidien mais, encore une fois, je tente de replacer le programme et Mme la ministre déléguée à la Condition féminine adressait tantôt une question à un autre groupe. Le programme qu'on présente ici, c'est un programme de dernier recours. Moi, mon problème de conscience, je vous le soumets et, si vous pouvez m'éclairer, encore une fois, je vous invite à le faire, c'est: est-ce que je peux me permettre d'avoir un programme qui soit financièrement plus généreux - parce que là il ne s'agit pas de prêt à l'aide sociale, il s'agit d'un déboursé qu'on ne rembourse pas - que le système de prêts et bourses aux étudiants et d'inciter les jeunes à quitter l'école au Québec? Est-ce que je ne serai pas dénoncé sur la place publique si jamais je proposais une telle mesure?

Mme Bouvier: Écoutez, pour répondre à votre question, sans y répondre...

Des voix: Ha, ha, hal

Mme Bouvier: Quand vous dites que vous ne vous préoccupez que de la sécurité, au ministère de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail, il faut dire que nous, à la fédération, notre plus grande réclamation, c'est justement que vous vous accordiez ensemble, les ministères, parce que les familles monoparentales qui existent présentement sont dues à l'incurie du ministère de la Justice de récupérer les pensions alimentaires. Dans les autres provinces où c'est automatique, l'aide sociale a eu beaucoup moins d'argent à dépenser. C'est dans ce sens que vous êtes pris dans le problème directement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne répondez pas sans y répondre. Vous répondez d'une façon assez directe à la problématique Je pense qu'il s'agit d'une réponse qui est valable et dont nous tenons compte dans notre politique Maintenant, je m'en préoccupe. Je n'en ai malheureusement ou heureusement pas la responsabilité pour le moment. Ce sont des préoccupations qui font l'objet de comités interministériels. Vous avez raison de le souligner.

En vertu des règles de l'alternance, je pense qu'il me reste à peine trois minutes d'intervention. Je céderai maintenant le droit de parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Le Président (M. Leclerc): Mme la députée.

Mme Harel: Merci, M. le Président. On se sent toujours un peu bousculé par le temps, parce que vous avez chacune une expertise qui est précieuse pour la commission. Si vous me permettez, Mme Bouvier, Mme Signori et Mme Pouliot, cette question du ministre, j'ai eu l'occasion d'y réfléchir parce qu'il l'a quand même posée à quelques occasions et chaque fois, je me dis: Son problème de conscience qui est grave... Je reprends ses mots, il dit. Je ne peux pas me permettre d'avoir un programme plus généreux qui pourrait, par exemple, m'amener à me faire dénoncer sur la place publique. À ce moment, si c'est si grave, pourquoi continuer à exiger une contribution parentale dans le programme de prêts et bourses qu'il sait ne pas être versée, puisque toutes les études l'ont démontré, au-delà de 65 % à 70 % des contributions parentales ne sont pas versées aux étudiants dans les prêts bourses?

Tout cela devient une sorte - comment vous expliquer - de construction mentale, d'échafaudage qui repose sur rien. Elle n'est pas versée dans les prêts et bourses, mais on veut l'appliquer pour la rendre équitable dans l'aide sociale? Ce sont 85 %, vous vous rendez compte Enfin, il me corrobore en plus Vous comprenez que c'est non seulement ce qui est à remettre en question aussi, mais c'est la logique interne Tout le monde le sait que ce n'est pas versé. Il y a une sorte de tolérance à l'égard des revenus des étudiants. Les revenus des étudiants sont bien supérieurs, tout le monde le sait. Au gouvernement, au ministère, chez les enquêteurs, tout le monde le sait. Les revenus sont supérieurs. On a vu les chiffres cette fin de semaine dans les médias d'information. Au-delà de 60 % à 70 % au cégep travaillent. Il n'y a pas d'enquêteur et je ne le souhaite pas non plus. Il n'y en a pas qui

vont, comme cela a été le cas chez les assistés sociaux, vérifier s'ils ne font pas plus que les gains de revenus de travail permis.

Vous comprenez, pour répondre au ministre, la première chose est de lui dire de ne pas appliquer à l'aide sociale, ce qui est bien pire, puisque ce sont des revenus de dernier recours, une mesure qui, de toute façon, n'est pas applicable aux prêts et bourses.

Une deuxième chose. Je voudrais vous interroger sur la question du service de perception alimentaire. Avez-vous eu l'occasion de faire un peu des données concernant le nombre de familles qui pourraient quitter l'aide sociale s'il y avait un service de perception?

Mme Signori: De perception automatique.

Mme Harel: Oui, c'est cela, de perception automatique. Vous nous disiez tantôt: Cela règle le problème. Cela règle le problème lorsqu'il y a des revenus d'emploi. Quand on se compare avec les autres provinces - je regardais les chiffres, aujourd'hui, de l'Ontario et du Québec - actuellement, il y a quand même presque 10 % de chômage au Québec et 5,7 % en Ontario. Cela a quand même des incidences. Ce sont quand même des gens de plus qui travaillent et qui sont susceptibles de verser des pensions.

La question que j'ai le goût de vous poser, concerne la recommandation du Conseil du statut de la femme qui est venu ici nous proposer que les revenus de pension ne soient plus, pour chaque dollar versé par l'ex-conjoint, déduits de 1 $ du programme disons de transfert, du programme d'aide sociale, mais plutôt utilisés comme exemption pour gains de travail, c'est-à-dire d'envisager cela comme exemption de manière que l'addition des deux puisse ne pas donner de réduction des barèmes. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous pencher là-dessus.

D'autre part, je pensais bien que le ministre vous le signalerait, mais, à la page 10, vous êtes un des premiers groupes qui, effectivement, nous recommandez que les mesures d'employabi-lité soient imposées lorsque l'enfant a atteint l'âge scolaire. Vous dites dans votre mémoire: "Que le choix soit laissé au parent de demeurer au foyer tant que l'enfant n'est pas d'âge scolaire". Donc, il n'y a plus de choix quand l'enfant est d'âge scolaire. Je ne sais pas si vous étiez ici quand je faisais valoir les réactions que d'autres groupes avaient eues avant, en disant: Avec tous les obstacles qui se dressent, pas avant qu'il y ait de vrais services de garde pour les enfants d'âge scolaire.

D'autre part, j'ai vu dans votre mémoire que vous avez l'air de penser que les 55 ans et plus sont pas mal mieux traités. Vous dites: "Les éléments positifs de la réforme - à la page 10: Elle accorde le choix pour les 55 ans et plus de se faire reconnaître non disponibles. Alors, vous considérez cela comme un élément positif.

Mme Signori: C'est parce que si on compare avec la femme chef de famille qui a un enfant de...

Mme Harel: De moins de deux ans, c'est le même système. Vous prenez le livre blanc...

Mme Signori: Oui, mais ce qu'on veut dire, c'est que la personne de 55 ans et plus a le choix ou non. Tel que le document est fait, le choix n'est pas laissé à la mère d'un enfant de deux ans et plus.

Mme Harel: Oui.

Mme Signori: C'est ce qu'on veut dire.

Mme Harel: Très bien. Mais la personne qui a 55 ans et plus, son choix lui coûte 43 $ de coupure mensuelle sur son chèque. Alors, c'est un choix qu'elle peut faire, mais par rapport au système actuel, c'est un choix de réduction de sa prestation. Je ne sais pas si vous trouvez que c'est un élément positif.

Mme Signori: On parlait du choix, nous... Mme Harel: Ah!

Mme Signori: On a parlé de choix. La personne de 55 ans a le choix, mais la mère avec un enfant de deux ans et plus n'aurait pas le choix, soit qu'elle retourne aux études ou sur le marché du travail. C'est dans le sens du choix.

Mme Harel: On doit comprendre que vous souhaiteriez qu'il y ait le choix sans qu'il y ait de baisse de prestation.

Mme Signori: Bien oui!

Mme Harel: Je vous écoute d'abord sur les...

Une voix:...

Mme Harel: C'est cela, mais ce n'était pas indiqué, en fait. Ce n'est pas indiqué, mais il faut le tenir pour acquis. Alors, je vous écoute sur la question des services de garde pour les enfants d'âge scolaire. Enfin, c'est une recommandation.

Mme Bouvier: Oui. En fait, cela fait longtemps que la fédération prône des centres de jour en milieu scolaire pour les enfants et non pas des services de garde. Donc, de vrais centres de jour qui seraient ouverts et qui, ensuite, seraient pris en charge par la municipalité, c'est-à-dire que le secteur scolaire et la municipalité prendraient la responsabilité de ces centres de jour. Cela permettrait, finalement, des services de garde comme on en espère, un réseau complet qui fonctionnerait durant les fins de semaine, les

vacances et les congés pédagogiques Alors, c'est en pensant à un service vrai...

Mme Harel: Accessible.

Mme Bouvier: ...et adéquat. C'est à ce moment-là qu'on a amené l'élément suivant: le choix pour la mère de rester au foyer avec son jeune enfant d'âge préscolaire. Il faut dire que...

Mme Harel: Donc, on doit comprendre cette recommandation dans la mesure où cette con dition est réalisée, que l'enfant d'âge scolaire puisse avoir un service de garde...

Mme Bouvier: Adéquat.

Mme Harel: ..adéquat

Mme Bouvier: Oui, absolument.

Mme Harel: Et quant au service de perception automatique, avez-vous pu faire des études sur le nombre de personnes chefs de famille qui se trouveraient à ne pas recevoir d'aide parce qu'elles auraient la pension? Que pensez-vous de ta recommandation du Conseil du statut de la femme? Avez-vous eu l'occasion d'en prendre connaissance?

Mme Signori: Nous n'avons pas fait d'étude sur cela. Si on ne faisait que des études, on ne ferait pas notre job. Notre job, c'est d'être présentes exactement auprès des personnes qui vivent ces moments. Alors, on laisse les études aux chercheurs et aux spécialistes. Je n'ai pas eu connaissance qu'il y en ait eu. Le ministère de la Justice a publié un document sur la perception des pensions alimentaires, mais nous n'avons pas fait de recherche comme celle dont vous parlez pour savoir quelles seraient les personnes qui se retireraient de l'aide sociale si elles avaient la pension alimentaire. Cela n'est pas notre mandat.

Mme Harel: Mme Signori, vous aviez l'air tellement affirmative quand vous avez dit au ministre que cela réglerait le problème.

Mme Signori: Cela réglerait une partie du problème. Je l'ai bien spécifié, par exemple

Mme Harel: Bon D'accord.

Mme Signori: C'est sûr qu'on ne peut pas tout régler parce que les gars qui ne veulent pas payer ne paieront pas. Ils vont trouver les moyens de ne pas payer.

Mme Harel: Peut-être qu'il y en a qui n'ont pas les moyens. C'est possible aussi.

Mme Signori: Ce n'est pas la majorité, n'est-ce pas?

Mme Harel: Est-ce que c'est partout de la | mauvaise volonté?

Mme Signori: II y a beaucoup de Je ne veux pas partir sur cette politique parce que je parlerais trop longtemps.

Mme Bouvier: Pour compléter, quand on dit qu'il y a des gars qui n'ont pas les moyens, encore une fois, la concordance entre les lois et tout cela, c'est de dire qu'il y ait partage des biens familiaux lors de la séparation, ce qui veut dire que les deux ex-conjoints partent à peu près sur le même pied et de régler toute la situation financière, s'il y a pension alimentaire...

Mme Harel: Perception automatique.

Mme Bouvier: ... par la perception automatique. Ce qui veut dire que, quand les ex-conjoints qui demeurent toujours parents de l'enfant, ont affaire à se rencontrer au sujet de l'enfant, tout l'élément perturbateur des finances, de l'argent, serait éliminé.

Quand vous parliez de la perception automatique, ce n'est pas en Ontario. Elle n'existe pas en Ontario. C'est dans l'Ouest où...

Mme Signori: Au Manitoba. Mme Harel: Au Manitoba.

Mme Bouvier: Où elle existe et où il a été prouvé qu'il y a eu beaucoup moins de prestataires d'aide sociale dû à la perception automatique.

Un autre... Oui, excusez.

Mme Harel: Et quant à l'idée de considérer la pension, il y a la perception automatique et il y a le montant. Parfois, le montant décidé par un juge n'est pas nécessairement celui qui suffit pour faire vivre toute la famille. Le Conseil du statut recommandait la combinaison des deux au moins de manière à considérer chaque dollar payé en pension, pour inciter à la payer parce que, dans votre mémoire, vous dites quelque chose de très juste: II y a une désincitation du fait que l'ex conjoint a l'impression simplement de rembourser l'aide sociale. Alors, pour avoir l'impres sion d'en donner un peu plus, de considérer cela comme une exemption permettant à ce moment d'inciter au paiement.

Mme Bouvier: Bon. On ne l'a pas répété, mais cela fait longtemps qu'on défend cette position, cette recommandation de considérer les pensions alimentaires comme revenu de travail. Je regrette qu'il ait été oublié dans le document mais cela fait longtemps qu'on l'apporte.

Mme Harel: Non, ce n'est pas grave Le dire ici, c'est comme si c'était mentionné, parce que

c'est transcrit. Cela fait partie de l'ensemble de nos travaux finalement.

Je pense que vous avez fait, depuis longtemps, des travaux à la fédération sur cette question des pensions alimentaires.

Mme Signori: On l'avait aussi mentionné à la rencontre qu'on avait eue au mois de novembre.

Mme Harel: Avec le congrès que vous avez eu aussi, n'est-ce pas?

Une chose que j'aimerais signaler. À la page 15 de votre mémoire vous dites: "La prestation du parent bénéficiaire qui héberge son enfant dépendant ne sera pas réduite à cause du partage du logement". Peut-être que la question à poser... Mais là, évidemment, c'est au ministre. Vous-mêmes définissez en reprenant toute la notion de famille, celle d'un parent avec un mineur, n'est-ce pas?

Une voix: Oui.

Mme Harel: À ce moment, je me posais la question suivante: Quand l'enfant majeur habite avec un grand-parent... On peut l'imaginer parce que c'est quand même assez fréquent, un grand-parent qui cohabite avec une petite-fille ou un petit-fils. En fait, j'ai des exemples assez fréquents dans mon quartier. Sans doute, à ce moment, que les deux seraient pénalisés par la réduction de 115 $ du partage du logement étant donné que le document d'orientation prévoit, à la page 44, qu'il s'agit simplement du parent bénéficiaire. Alors, dans le cas des grands-parents, une grand-mère ou un grand-père avec son petit enfant, par exemple, une grand-mère de 58 ou 59 ans qui reçoit de l'aide sociale et qui hébergerait son petit-enfant, les deux seraient susceptibles d'être pénalisés d'un montant de 115 $ chacun, de 85 $ pour un seulement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour les deux?

Mme Harel: Non, pour un seul.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce sont les deux.

Mme Harel: Non, un seul.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est parce qu'ils ont échappé.

Mme Harel: Non, c'est un seul.

Mme Bouvier: D'après ce qui a été dit dans le document, quand on dit que la prestation du parent bénéficiaire ne serait pas réduite, cela veut dire que ce serait simplement celle de l'autre qui le serait.

Mme Harel: C'est-à-dire que présentement, s'il y a cohabitation, sur un chèque, il y a une diminution de 85 $ et c'est en général sur celui du jeune.

Mme Bouvier: Présentement.

Mme Harel: Présentement, mais dans le cas qui nous intéresse, s'il y avait, par exemple, deux jeunes, deux chefs de famille monoparentale qui partagent un logement, c'est aussi une réduction, pour chacun, de 115 $.

Mme Bouvier: De 115 $.

Mme Harel: Ce que le document dit c'est que, dans le cas d'un parent... c'est-à-dire qu'il faut lire: filiale, père, mère, fils, fille. C'est déjà quand même 115 $ de moins pour un des deux membres, si vous voulez, mais s'il y a un grand-parent et un petit-enfant, il y aurait réduction pour les deux du montant de 115 $.

Mme Signori: Cela n'a pas d'allure non plus. Pourquoi les deux seraient-ils pénalisés?

Mme Bouvier: Vous allez me corriger, si j'ai mal compris. Ce que j'avais compris c'est que, pour encourager les personnes qui reçoivent le Soutien financier, ils ne seraient pas pénalisés s'ils partageaient le logement.

Mme Harel: Oui. Vous avez raison. Il ne faut pas oublier que ce sont des personnes dont la santé physique et mentale est altérée. Cela ne veut pas dire être vieille. On peut être âgé et être en bonne santé.

Le Soutien financier, c'est une personne sur quatre. Mais, pour les trois autres, il y a la déduction de partage de logement qui fait réaliser une économie qui est chiffrée à peu près à 100 000 000 $ sur les chèques des personnes assistées sociales.

Dans le mémoire que vous avez présenté, je vous invite à regarder le tableau qui est derrière, concernant les moins de 30 ans.

Mme Signori: Je veux bien regarder, Mme la députée, mais cela me prendrait des longues vues. Je n'ai pas le pouvoir de voir jusque là.

Des voix: Ha, ha, ha! Mme Harel: C'est vrai.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne voyez pas le mien non plus?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Signori: Votre tableau est encore plus petit.

Mme Harel: II est encore plus petit.

Dès qu'il y a un jeune de moins de 30 ans qui est considéré comme dépendant et qui partage son logement, à ce moment-là, la prestation revient au montant de barème actuel de 190 $ qu'il peut obtenir s'il ne participe pas aux mesures. S'il participe pleinement aux mesures, s'il participe pleinement au retour aux études, s'il habite chez ses parents, s'il est dépendant, il n'aurait même pas le montant qu'il reçoit présentement, qui est un plein montant de 385 $, il aurait 305 $.

J'ai attiré votre attention parce que, dans le mémoire, j'avais cru comprendre que, parmi les éléments positifs, vous conceviez que la parité en était un. Cela l'est, dans la mesure où ce n'est pas diminué par la contribution parentale, par le partage du logement qui fait que, même en participant... Actuellement, un jeune qui participe a quand même le plein montant, il a la pleine parité. Dans le projet, même en partici pant, il a moins que présentement. Vous avez peut-être eu l'occasion d'examiner tout cela?

Mme Bouvier: En fait, c'est à la page 10 qu'on a rajouté: "Elle accorde la parité aux jeunes", mais c'était avant la restriction dont on a déjà parlé...

Mme Harel: D'accord.

Mme Bouvier: ...qui concernait justement la contribution parentale et le partage du logement.

Mme Harel: C'est ce qui vous a amenées à modifier votre mémoire?

Mme Bouvier: Oui.

Mme Harel: Quand vous avez eu les informations qui ont été publiées en février, vous avez ajouté les pages? C'est cela?

Mme Bouvier: C'est cela

Mme Harel: Ah! Très bien. C'est comme cela qu'il faut le comprendre. Sinon, on a l'impression que ce sont des informations qui sont différentes.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, Mme la députée de Maisonneuve, votre temps est écoulé...

Mme Harel: Parfait.

Le Président (M. Leclerc): ... mais vous avez le temps d'une brève conclusion. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais toucher le partage du logement avec vous, vu qu'on a touché la contribution alimentaire parentale, pour vous faire part de mes problèmes de conscience aussi, mais je le toucherai avec un | autre groupe, parce que le temps m'en empêche Vous avez abordé une notion fondamentale dans votre exposé et dans votre mémoire. Est-ce que le droit à l'emploi est remplacé par le droit à l'employabilité? Cela aussi, c'est une question fondamentale. Quand on constate la clientèle que l'on considère apte au travail et ses lacunes d'employabilité, est-ce que vous êtes d'avis qu'on peut avoir une politique de plein emploi au Québec qui ne soit pas basée sur l'employabilité, sur l'amélioration de lemployabilité de ces gens? Est-ce que ce serait possible?

Mme Bouvier: C'est-à-dire que c'est une politique de plein emploi, ce n'est pas seulement l'employabilité.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne dis pas que c'est seulement cela Esl ce que c'est imaginable, une politique de plein emploi qui n'aurait pas comme pierre d'assise l'augmentation de l'employabilité de la clientèle qu'on vous a décrite, qui est à l'aide sociale?

Mme Bouvier: Une politique de plein emploi comprend également cela, mais cela comprend surtout des emplois.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pose la question parce que, comme gouvernement, à un moment donné, on avait pris des engagements électoraux, entre autres, dans l'est de Montréal, dont l'une des circonscriptions est représentée par Mme la députée de Maisonneuve, et on a réussi à attirer de nouveaux emplois en nombre assez important, en tout cas, plus important que dans le reste de la région de Montréal. Mais on n'a rien réglé...

Mme Harel: Plus de fermetures...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. le bilan net est positif Mais on n'a rien réglé en termes de diminution du nombre de gens qui reçoivent des prestations d'aide sociale ou des gens qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage parce que les nouveaux emplois exigeaient, sur le plan de l'employabilité, des caractéristiques auxquelles ne répondaient pas les gens qui étaient déjà à l'aide sociale et à l'assurance-chômage. Donc, les emplois ont été occupés par des gens qui venaient de la rive nord, de la rive sud ou d'ailleurs sur ITle de Montréal. On vient à peine - Mme la députée de Maisonneuve nous en remerciait, en en faisant l'éloge H y a quelques semaines - de corriger le tir et de commencer à investir dans l'employabilité de ces gens de façon que ces personnes puissent bénéficier des nouveaux investissements. C'est ce qui suscitait ma question, et je pense que vous y avez répondu positivement. Est-ce que l'employabilité doit exister comme une des mesures essentielles à toute politique de plein emploi?

Mme Bouvier: Avec la création d'emplois.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec la création d'emplois indispensable.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, votre temps est à peu près terminé. Mme la députée de Maisonneuve, en conclusion.

Mme Harel: Je vous remercie. Je dois vous dire que j'aime assez entendre le ministre parler de l'est de Montréal. En fait, je me dis que, plus il va s'y intéresser, plus il va comprendre que les mesures d'employabilité à l'aide sociale ne sont pas suffisantes, il faut ajouter de vrais programmes de qualification de la main-d'oeuvre - c'est ce qu'il a accepté de faire après que cela eut été réclamé dans l'est - de vrais programmes de formation professionnelle. Je pense que c'est ce qu'on peut souhaiter.

J'ai eu l'occasion de prendre connaissance des actes du colloque, et c'était vraiment passionnant, la qualité des travaux que vous avez faits. Je vous remercie pour le mémoire que vous avez présenté devant nous aujourd'hui.

Mme Signori: Merci beaucoup. Vous prêterez les actes du colloque à M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Harel: On va le lui vendre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Tremblay, la ministre déléguée à la Condition fémi-nime m'en a déjà fait don, sans que ce soit déductible d'impôt.

Mme Harel: C'est vrai? Et moi qui l'ai acheté 5 $!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais remercier la fédération, Mme Signori, Mme Pouliot, Mme Bouvier, pour votre témoignage ainsi que pour votre mémoire. Vous aussi avez apporté à cette commission un éclairage particulier, intéressant et, sous certains aspects, novateur. Nous vous en remercions.

Mme Signori: Merci beaucoup de nous avoir entendues.

Le Président (M. Leclerc): Au nom de la commission, je remercie la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec.

Mme Harel: Mme Bouvier a dit quelque chose qui lui trotte sur la langue. Non?

Le Président (M. Leclerc): Je lui donnerai une seconde, si vous le permettez.

Mme Bouvier: Est-ce que je peux demander trente secondes?

Le Président (M. Leclerc): Oui, s'il y a consentement, il n'y a pas de problème.

Mme Bouvier: Trente secondes, oui. Le Président (M. Leclerc): Allez-y.

Mme Bouvier: C'est parce qu'on avait une question concernant le SUPRET. Il y a beaucoup de gens qui crient: On ne reçoit pas nos formules de SUPRET, on les demande, on nous dit qu'on n'y a pas droit. Je me dis que je suis bien placée ici pour vous lancer la question. Le SUPRET est calculé pour l'année passée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous demander de ne pas répondre en trente secondes parce que le problème est plus complexe, mais je ne veux pas que vous quittiez sans avoir une réponse. Je vais mettre à votre disposition un fonctionnaire qui possède bien, sur le plan technique, cet arrimage entre SUPRET et APPORT, de façon que vous puissiez donner aux gens que vous représentez la réponse tout à fait juste et exacte.

Mme Harel: Où peut-on aller chercher les formulaires?

Une voix: Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Alors mesdames, sur ce...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si Mme...

Mme Bouvier: Je pense qu'on n'a pas le droit d'en avoir cette année, le projet n'existe plus. Les femmes qui appellent...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le programme APPORT remplace le programme SUPRET.

Mme Bouvier: Oui, mais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Maintenant, il doit y avoir arrimage entre les deux programmes et le fait que l'on ait changé, entre autres, certaines mesures dans la politique de sécurité du revenu. Je vais vous donner un exemple. APPORT, à l'origine dans le discours du budget, prévoyait 21 ans pour bénéficier. Maintenant, c'est 18 ans, etc. Ces changements de dernière minute, dans le but d'harmoniser avec les autres mesures, ont procuré un certain retard. Mais, de façon que vous ayiez la réponse exacte, je vais demander au fonctionnaire responsable de vous rencontrer et de vous la donner. Cela va peut-être prendre 20 minutes, par exemple.

Le Président (M. Leclerc): Alors mesdames, au nom de la commission, je vous remercie de

votre présence parmi nous. Je vous souhaite un bon retour.

Nous allons suspendre pour deux minutes, le temps que la Fédération des médecins omniprati-ciens du Québec puisse prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 26)

(Reprise à 17 h 30)

Le Président (M. Leclerc): Au nom de la commission, je souhaite la bienvenue à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et je vous demanderais, pour les fins du Journal des débats, de bien vouloir vous identifier, s'il vous plaît.

M. Jutras (Pierre): M. le Président, mesdames, messieurs, membres de la commission, en tout premier lieu, veuillez excuser le Dr Clément Richer, président de la fédération, qui n'a pas pu se présenter devant vous aujourd'hui. Un confrère l'a considéré, ce matin, inapte au travail en raison d'une altération significative de son état de santé, mais espérons que ce sera pour une période relativement courte. Je vais vous présenter, sans plus tarder, les membres à cette table: à ma gauche, le Dr Hugues Bergeron, trésorier de la fédération; à ma droite, le Dr Georges Boileau, directeur des communications à la fédération; à mon extrême gauche, Me Louis Bossé, du contentieux de la fédération, et moi-même, Pierre Jutras, secrétaire général de la FMOQ.

Le Président (M. Leclerc): Dr Jutras, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre exposé. Aux alentours des cinq dernières minutes, je vais vous faire signe.

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

M. Jutras: Très bien. M. le Président, sans plus tarder, nous vous livrons nos réflexions sur le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu".

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec a pris connaissance du document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu" préparé par le ministère du Travail. Nous vous présentons dans ce court mémoire quelques considérations au sujet de ce document. Nous avons l'intention, lorsque le texte du projet de loi sera déposé, de revenir devant vous pour vous faire part de nos positions et recommandations.

Bien que tous les aspects du document soient importants, on comprendra que la FMOQ traitera davantage des relations entre le médecin et les personnes susceptibles de recevoir l'aide sociale. C'est pourquoi nous vous ferons part de considérations sur le plan médical et, ensuite, nous allons traiter de considérations juridiques qui sont en rapport avec l'activité professionnelle du médecin omnipraticien. Comme la FMOQ est l'organisme qui négocie, pour l'ensemble des médecins omnipraticiens, les modes de participation aux différents régimes, les conditions d'exercice et les normes relatives à la rémunération, nous soulignerons l'importance de nous inspirer de certaines expériences vécues à ce jour.

En annexe, nous reproduisons un editorial signé par le Dr Clément Richer, président de la fédération, dans le numéro de janvier 1988 de la revue Le Médecin du Québec. Cet editorial traite de la relation entre le médecin et le malade au lendemain d'un procès relatif à l'activité d'un médecin dans le cadre de la Loi sur l'aide sociale.

Il conviendrait ici de préciser la notion de médecin traitant. Son rôle consiste à questionner et à examiner le patient pour en arriver à porter un diagnostic et à suggérer un traitement et/ou des recommandations. Le médecin trai tant - nous insistons sur cet aspect-là - a le devoir de tout mettre en oeuvre pour diagnostiquer et traiter toute déficience de la santé de son patient. Il doit également orienter son exercice professionnel, non seulement en vue du traitement des maladies, mais aussi de leur prévention, du maintien et de la promotion de la santé.

Le médecin omnipraticien, de par son approche biopsychosociale, connaît bien son patient et, par le fait même, nous apparaît habilité à déterminer si celui-ci est apte ou non au travail. Le médecin omnipraticien tient particulièrement . compte de la globalité du patient et du milieu dans lequel il vit.

Lorsque des lois ou des directives administratives viennent déterminer que l'assisté social est apte à effectuer un travail léger, le patient n'y voit que frustration, car le travail léger n'a qu'une connotation pécuniaire. Le médecin traitant doit, dans sa relation avec le patient, l'amener à percevoir l'assignation à un travail comme un moyen de réintégration au travail de réadaptation. Ces échanges découlent de cette approche biopsychosociale que favorise le médecin traitant habilité pour ce faire.

Par ailleurs, une mise en garde s'impose quant à la responsabilité du médecin traitant. Ce dernier doit toujours agir dans l'intérêt de son patient. Il ne faudra pas l'exposer à des problématiques insolubles ou encore lui faire jouer le rôle de bouc émissaire lorsque le patient ne pourra pas obtenir satisfaction si la loi devait être interprétée de façon restrictive. La loi devra être claire et précise et éviter des définitions élastiques comme: Temployabilité d'une personne peut se définir comme l'adéquation entre certaines caractéristiques de cette personne et la nature des emplois disponibles sur le marché".

Le gouvernement veut introduire une

nouvelle loi pour instaurer une politique de sécurité du revenu, politique qui relèverait du ministère du Travail. Si le rôle du médecin s'avère aussi important que le laisse croire la lecture du document ministériel, particulièrement dans les notions d'employabilité, de non-disponibilité et d'accessibilité à certains services autorisés, son autonomie professionnelle doit être protégée, que ce soit au chapitre de la consultation auprès de confrères, que ce soit sur le plan du respect de sa prescription ou de tout autre acte médical exclusivement relié à l'exercice de la médecine, le médecin doit établir une relation patient-médecin empreinte de confiance.

Enfin, le médecin omnipraticien acceptera toujours d'assumer les responsabilités qui lui incombent. Il le fera dans le cadre de la Loi médicale et des règlements qui en découlent.

Je vais maintenant demander à Me Louis Bossé d'aborder l'aspect juridique.

M. Bossé (Louis): Merci. Le document d'orientation propose une politique de sécurité du revenu comportant trois volets: le Soutien financier, le programme APTE et le programme APPORT. Les deux premiers volets s'orientent autour d'une présomption définie comme telle: toute personne est employable et disponible à occuper un emploi à moins que son inaptitude ou sa non-disponibilité soit démontrée. La nouvelle politique du gouvernement aurait une incidence sur la pratique des médecins et leurs responsabilités, parce que ces derniers pourraient avoir un plus grand rôle à jouer.

Nous analyserons deux points importants de la politique proposée par le gouvernement, soit la nouvelle présomption d'employabilité et de disponibilité et, deuxièmement, le rôle accru du médecin.

La nouvelle politique du gouvernement s'oriente donc autour d'une présomption: toute personne est employable et disponible à occuper un emploi à moins que son inaptitude ou sa non-disponibilité ne soit démontrée. L'assisté doit, pour pouvoir repousser la présomption d'employabilité, démontrer qu'il connaît un état de santé physique ou mentale altéré de façon significative pendant une période relativement longue. De ce critère, il faut retenir trois termes importants: "altéré", "significatif" et "relativement longue".

Soulignons tout d'abord que ces expressions sont loin d'être claires. Le mot "altéré" est défini dans le Grand Larousse encyclopédique de la façon suivante: se détériorer, se gâter, être détérioré. Le Grand Robert de la langue française, quant à lui, le définit comme suit: affaiblir, affecter, déranger, détraquer et ruiner. Il est important aussi de souligner que les dictionnaires médicaux consultés ne nous ont fourni aucune définition du mot "altéré".

En conclusion, nous pouvons affirmer qu'un état de santé altéré est un état assez grave puisque la définition parle de détérioration, d'affaiblissement, de ruine. Le mot "significatif" n'est pas plus clair; ce mot est défini par Le Grand Robert de la langue française comme étant: "qui est le signe, la preuve d'une chose qui renseigne sur quelque chose ou confirme une opinion ou une assertion". Le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, quant à lui, le définit comme suit: "se dit de ce qui exprime quelque chose nettement, sans ambiguïté, expressif, net; se dit de ce qui est lourd de sens, à quoi on attribue facilement telle interprétation, qui renseigne sur quelque aspect révélateur".

Il faut cependant reconnaître que le législateur a déjà utilisé ce mot dans d'autres lois. Les mots "relativement longue" font évidemment référence à une période de temps; nous reviendrons sur ce point un peu plus loin.

De l'analyse de cet élément de preuve, il convient de dire qu'il n'est pas clair, ne repose pas sur une norme médicale et peut varier à l'infini. Ainsi, en fonction de la présomption d'employabilité, un état de santé peut être altéré pour occuper un type d'emploi sans l'être pour un autre. Il faut également mentionner que l'énoncé de politique ne fait aucune référence à la forme que prendra l'évaluation de l'état de santé.

Cette évaluation se fera-t-elle par le médecin traitant, se fera-t-elle au moyen d'un certificat? Tiendra-t-elle compte de la seule opinion du médecin traitant? Se fera-t-elle en fonction d'une norme fixe? Un tel état de santé étant susceptible de détérioration ou d'amélioration, y aura-t-il révision annuelle ou bi-annuelle de l'état de santé? Le médecin traitant sera-t-il soumis à la même pression morale et sociale qu'auparavant?

Quant à la non-disponibilité, la preuve nécessaire pour repousser la présomption de disponibilité est la suivante: "Seront non disponibles les personnes éprouvant temporairement des problèmes de santé physique ou mentale, tel que certifié par un professionnel autorisé, les rendant incapables de participer à une mesure d'employabilité, les empêchant de gagner un revenu de travail".

Il faut s'interroger sur le sens de "professionnel autorisé". S'agit-il de professionnels autorisés à exercer la médecine? S'agit-il des autres professionnels de la santé ou s'agit-il de médecins qui seront autorisés par le ministère à évaluer la santé des assistés non disponibles. Encore là, dans un cas comme dans l'autre, la relation patient-médecin entrera en ligne de compte. Une telle situation risque-t-elle de perpétuer les problèmes relatifs aux certificats médicaux?

Il faut également souligner la très grande différence entre la preuve nécessaire pour repousser la présomption d'employabilité et la preuve nécessaire pour repousser la présomption de disponibilité. L'une parle de santé altérée, l'autre de problème de santé; l'une parle de période relativement longue, l'autre de "temporairement". Une période relativement longue

peut-elle être de deux, trois, quatre mois ou plus? En conclusion, dans les deux cas, employa-bilité et disponibilité, l'assisté devra établir par preuve médicale sa situation. On ne peut affirmer quelle forme prendra cette preuve: Un certificat? Une évaluation médicale?

Le ministre pourra évaluer et contester cette preuve. Les débats risquent donc de se dérouler sur un plan juridique et médical. Maintenant, je vais passer la parole au Dr Bergeron.

Le Président (M. Leclerc): Merci.

M. Bergeron (Hugues): Merci. Le rôle du médecin sera évidemment important sur le plan des critères d'employabilité et de disponibilité. Mais il sera appelé à jouer un rôle à d'autres niveaux. Ainsi, dans les programmes de Soutien financier et APTE, les assistés recevront, au moment de leur admission, une carte-santé donnant droit à la gamme complète des services autorisés et s'utilisant selon le même principe que le carnet de réclamation géré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Les bénéficiaires et leur famille auront ainsi accès aux services prescrits et autorisés par les professionnels de la santé reconnus par la Loi sur l'assurance-maladie.

Cela veut-H dire que le médecin continuera à être l'agent qui autorisera les services, aura-t-il à rendre compte, aura-t-il à justifier au ministère la dispensation de services assurés par la RAMQ? Il s'agit d'autant de questions qui pourraient limiter l'autonomie professionnelle des médecins.

De plus, dans le programme APTE, le gouvernement prévoit que le médecin aura à jouer un rôle dans l'évaluation de l'employabilité et dans la mise en forme d'un plan d'action personnalisé. Dans les neuf premiers mois, le gouvernement prévoit une évaluation de l'em-ployabilité. Selon lui, le premier examen devra permettre de dépister un certain nombre de problèmes (alcoolisme, toxicomanie, endettement chronique, délinquance et le reste) et, s'il y a lieu, d'orienter immédiatement les personnes concernées vers des services spécialisés offerts par d'autres organismes. Le gouvernement n'énonce pas le rôle que devra jouer le médecin, mais il semble certain que ce dernier jouera un rôle dans le dépistage de certains problèmes, exemple, alcoolisme ou toxicomanie. Il convient ici de souligner que le gouvernement considère employables les gens souffrant d'alcoolisme et de toxicomanie.

Concernant la mise en forme du plan d'action personnalisé, le gouvernement propose qu'au terme de cette période de neuf mois, les agents d'aide socio-économique effectueront une évaluation approfondie de l'employabilité des bénéficiaires qui n'auront pu accéder au marché du travail. Sur ce point, à la lumière de l'appel à la collaboration lancé par le ministère, à la fin de son document d'orientation, l'évaluation I devra faire appel à nouveau au médecin dans une approche multidisciplinaire. Dans l'ensemble, nous prévoyons que le médecin aura un rôle accru avec de nouvelles responsabilités. Dès le début du processus à l'admissibilité, il serait un intervenant.

Dans cette politique de sécurité du revenu, le médecin traitant aura à informer adéquatement les autres intervenants engagés dans l'aide à apporter aux assistés: tout d'abord, informer adéquatement le patient et les autres intervenants, soit le confrère à consulter, le psychologue, le travailleur social ou l'éducateur engagés dans les différents programmes auprès de l'assisté; informer également l'employeur qui intègre l'assisté parmi ses employés; informer tout autre responsable des ministères sur l'état de santé de son patient.

Quels seront les instruments qui permettront au médecin traitant de remplir son obligation? La fédération croit qu'il est essentiel que le médecin omnipraticien ait les outils pour remplir le rôle qui lui est dévolu au plan du Soutien financier du programme APTE et du plan d'action personnalisé. Nous reconnaissons que l'aide sociale relève de l'assistance sociale et non de l'assurance sociale Cependant, lorsqu'il s'agit de démontrer une admissibilité à un droit à la sécurité du revenu basée sur l'état de santé de la personne, le médecin doit fournir les informations médicales de même nature que celles qu'il fournit pour l'admissibilité à un droit au remplacement du revenu.

Nous recommandons que le ministère étudie la possibilité pour le médecin d'évaluer l'état de santé du patient à l'aide de rapports semblables à ceux qu'il complète en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Lorsque le législateur rédigera la loi et établira les critères d'admissibilité, il pourra prévoir un chapitre sur la procédure d'évaluation médicale. (17 h 45)

Page 9. Ces différents rapports pourraient être prévus dans la loi et faire l'objet d'une expertise ou de contestation, le cas échéant. Les médecins omnipraticiens sont déjà familiers avec de tels rapports dans leur pratique auprès des travailleurs. Des lacunes ont été dénoncées et sont en voie de correction. Les procédures d'étape et de contestation sont déjà appliquées. Jusqu'à maintenant, l'expérience est positive; c'est, évidemment, un domaine en constante évolution. Aussi, la fédération est-elle prête, une fois les mécanismes prévus à la loi future, à négocier les conditions de leur application.

La participation de tous les intervenants dans une politique de sécurité du revenu, personne en besoin, travailleur social, psychologue, employeur, permet au médecin de remplir adéquatement son rôle de médecin traitant. Les rapports médicaux servant d'instruments de travail au médecin faciliteront la tâche de

chacun et éviteront ces enquêtes récentes qui ont ébranlé la confiance entre le médecin et son patient. Nous nous élevons contre l'utilisation d'agents de la Sûreté du Québec déguisés en patients et, à cette fin, voir l'éditorial du Dr Clément Richer, en annexe.

M. Jutras: Maintenant, je vais demander au Dr Boileau de commenter, en deux minutes, l'éditorial du Dr Clément Richer.

M. Boileau (Georges): Alors, le Dr Richer signait, dans Le Médecin du Québec de janvier 1988, un editorial portant comme titre: La relation entre le médecin et le malade, une valeur à protéger". Je n'ai pas l'intention de le lire au complet, M. le Président. Cependant, j'aimerais qu'il figure au procès-verbal de la commission. Je vais vous lire simplement le dernier paragraphe que nous considérons très important. "Quant à l'utilisation des corps policiers pour inciter les médecins à commettre des actes criminels, c'est un procédé à la fois abusif et répugnant; procédé abusif parce qu'il empiète sur la juridiction de la Corporation professionnelle des médecins du Québec a laquelle le législateur a reconnu expressément des devoirs et des pouvoirs de surveillance et de discipline. Procédé répugnant parce qu'il s'applique au médecin, professionnel de la santé, dont la confiance est trompée et parce qu'il portera préjudice au véritable assisté social." C'est la fin de la dictée.

Le Président (M. Lecierc): Je vous remercie. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie les représentants de la fédération, autant pour le mémoire écrit que pour la présentation verbale. Je vais peut-être débuter en commentant très rapidement la dernière remarque qui a été adressée. Comme vous le savez sans doute, elle a été soulevée à ma mémoire par au moins un autre intervenant devant cette commission parlementaire: la corporation a également adressé ce point. Nous en avons longuement discuté. Pour fins d'information, je vous réfère au procès-verbal ou à la transcription de la commission sur le point que vous avez soulevé énergiquement à la fin de votre intervention.

Quant aux autres points que vous soulevez, le Dr Richer est tout excusé. Maintenant, je comprends qu'avant de conclure à son aptitude ou inaptitude, il faudrait également vérifier s'il était disponible ou non et que l'intervention de votre conseiller juridique fait en sorte que ce n'est pas tellement clair au moment où nous nous parlons et que cela aurait été difficile pour un de ses collègues de lui attribuer le certificat approprié.

Des voix: Ha. ha, ha!

M. Bossé: Effectivement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi: Je vais peut-être commencer par là. Quant aux arguments de Me Bossé qui nous réfère du Grand ou Petit Larousse au Grand Robert, parce qu'il n'y en a qu'un, je lui dirai qu'il a raison. Les termes contenus dans le document d'orientation ou la terminologie utilisée sont voulus plus larges que restrictifs, plus sujets à interprétation que des termes interprétés d'avance. Lorsque nous entendons les représentants des groupes d'assistés sociaux ou d'autres intervenants, nous puisons chez ceux-ci ou celles-ci des informations qui nous aideront à préciser les termes de façon que cela devienne pratiquement applicable pour les gens que vous représentez.

Ce que nous tenterons de faire, et je tiens à ce que ce soit clair, nous tenterons dans la mesure du possible d'utiliser une terminologie qui a déjà été éprouvée devant la Commission des affaires sociales, et ratifiée si possible par les tribunaux de droit commun de façon à donner le maximum de certitude et au médecin traitant et au bénéficiaire de l'aide sociale et à éviter ainsi des procédures et des procès longs, inutiles et coûteux. Je vous dirai que là-dessus, votre intervention est dans le centre de la cible, qu'elle est totalement justifiée et que vous avez raison d'insister pour obtenir les précisions que vous requérez devant cette commission. Maintenant, nous n'avons pas l'intention de les apporter aujourd'hui parce qu'il nous reste encore quelque 50 groupes à entendre et nous ne voulons pas porter préjudice aux arguments qu'ils pourraient nous soumettre ou nous présenter.

Vous avez touché une question - je ne me souviens plus qui l'a fait - qui est fondamentale. Vous avez des expériences de travail avec d'autres régies ou organismes gouvernementaux. Vous avez mentionné la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Vous pourriez mentionner la Régie des rentes dans le cas des rentes d'invalidité. Vous pourriez également mentionner le cas de la Régie de l'assurance automobile du Québec. Je vais vous poser une question assez directe, encore une fois. Dans les expériences que vous avez avec ces trois organismes gouvernementaux, lequel vous semble le plus facile d'application? Pour procéder à l'envers, si vous le souhaitez, lequel est le plus difficile, en éliminant?

M. Jutras: Dans un premier temps, ce n'est facile avec aucun des organismes gouvernementaux. Il reste que certaines expériences avec la CSST nous montrent qu'on peut en arriver à s'entendre. En particulier, quand on parle de formulaires et qu'on parle de négociation de formulaires, les choses deviennent plus claires. C'est ce qu'on voulait dénoncer un peu dans notre mémoire, quand on a des notions tout à fait imprécises ou des notions élastiques sur l'erriDlovabilité. des choses comme cela nela nrAte

à confusion et, à ce moment-là, n'importe quel certificat médical pourra être contesté, en tout temps, tellement le terme de l'employabilité est vague.

En ce qui concerne la CSST, on doit dire que cela fonctionne assez bien quoique, depuis un an, un an et demi, cela a été relativement calme. Mais, on voit venir des problèmes à l'horizon en ce qui concerne, par exemple, l'assignation temporaire. Cela peut rejoindre un peu ce qu'il y a dans votre document. On commence à toucher ces notions et ce n'est pas facile du tout de dire à un employé: Vous ne pouvez pas travailler comme mécanicien dans un garage, par contre, vous pouvez être réceptionniste. C'est ce qu'on appelle l'assignation temporaire et les objections commencent à poindre. De telle sorte qu'avec la CSST, cela va relativement bien. Ce qu'on demande surtout, c'est de la négociation, qu'il y ait entente entre les parties, entre la partie gouvernementale et la Fédération des médecins omnipraticiens, pour qu'on puisse vous dire notre point de vue et comment on voit les choses. En ce qui concerne la Régie de l'assurance automobile, peut-être que le Dr Bergeron aurait des commentaires à ajouter.

M. Bergeron: Je ne pense pas. L'expérience est assez limitée, étant donné que ceux qui sont appelés à travailler avec la RAAQ sont surtout les médecins des salles d'urgence. Personnellement, je pense que nous avons moins d'expérience avec cette régie. Dans l'ensemble, ce qu'on entend, c'est que les relations restent bonnes entre les médecins et la Régie de l'assurance automobile. Eux aussi ont des formulaires qui sont assez faciles d'utilisation maintenant.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas l'intention de minimiser les pressions dont vous avez parlé, qui sont d'ordre moral et social. Je vous dirais que présentement - je pense que c'est le cas de tous les députés qui sont autour de la table - lorsque nous effectuons hebdomadairement du bureau de comté, nous avons des gens qui se présentent à nos bureaux avec des cas: Régie des rentes, invalidité, CSST, assurance automobile, aide sociale pour les moins de 30 ans, et nous dépendons de votre expertise médicale. Sans votre expertise médicale, dans un quelconque des dossiers que je viens de mentionner, nous ne sommes pas aptes...

Des voix: Ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... à recommander à la personne qui se présente chez nous soit d'effectuer une demande de révision administrative, soit d'effectuer un appel auprès de la Commission des affaires sociales.

Bien que conscients de cette pression morale et sociale, on a diverses possibilités: avoir recours à vos services et que vous soyez, ce qu'on appelle, à la suite d'une négocia- tion - j'ai pris note de vos arguments à ce sujet - les intervenants principaux, uniques, ou que vous soyez des intervenants qui partagent cette pression morale et sociale avec des intervenants professionnels d'autres disciplines.

Est-ce que, selon votre expérience à partir du traitement des autres dossiers dans le domaine de la CSST et de la Régie de l'assurance automobile, il est préférable que vous travailliez à partir de votre approche, que vous avez dite biopsychosociale, de façon autonome comme professionnels ou si vous préférez travailler en groupes multidisciplinaires?

M. Jutras: Je pense que c'est une question très intéressante. Nous, comme médecins omnipraticiens et avec notre approche bio-psychosociale, voulons que la prescription médicale soit respectée. Vous avez dit tout à l'heure que l'expertise médicale était nécessaire dans bon nombre de dossiers, mais on voudrait que notre opinion soit respectée. Tout à l'heure, quand je faisais état de certains problèmes qui commencent à survenir avec la CSST, c'est que l'opinion du médecin traitant est parfois bafouée, de façon qu'on fait appel à un expert de la CSST qui vient contredire le médecin traitant et, en fin de compte, la victime, l'accidenté du travail, dont le cas traîne et ne se règle pas. On veut insister sur la notion du respect de la prescription du médecin traitant.

Actuellement, en ce qui concerne l'activité de concertation multidisciplinaire, c'est très bien, mais on a quand même certaines réserves II faut toucher à la question de la confidentialité. Je ne suis pas certain que quelqu'un, ici dans la salle, aimerait voir son cas discuté avec un ensemble d'intervenants, surtout lorsqu'on touche à des problèmes très intimes de cette personne et cela nous agace un peu. Non pas qu'on ne veuille pas travailler avec les travailleurs sociaux, les psychologues mais, d'un autre côté, la relation patient-médecin doit être protégée et si l'assisté social qui vient se présenter devant nous sait que nous allons parler de son cas devant une dizaine de personnes, eh bien, il aura peut-être certaines réticences et, le cas échéant, la relation patient-médecin va en prendre pour son rhume. Alors, c'est l'aspect confidentialité qui nous agace un peu dans les équipes multidisciplinaires. Non pas que nous ne voulions pas travailler avec d'autres, bien au contraire. Leur expertise nous est souvent nécessaire aussi. Mais on voudrait quand même conserver la notion du respect de la prescription du médecin traitant.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, M. le ministre. À ce moment-ci, j'ai besoin du consentement des membres de la commission pour que nous puissions dépasser 18 heures Le député...

Une voix: Pourvu que nous commencions deux minutes aDrès 20 heures.

Le Président (M. Leclerc): C'est donc un consentement conditionnel. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux également vous souhaiter la bienvenue à cette commission. J'ai pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt, de l'article du Dr Richer en annexe du mémoire. J'ai assisté aussi à l'échange que vous venez d'avoir avec le ministre. Je ne voudrais pas reprendre sur ces questions-là. D'abord, vous mentionnez, dans le préambule de votre mémoire, que vous souhaitez revenir devant la commission lors du dépôt du projet de loi. Vous dites: "Nous avons l'intention, lorsque le texte du projet de loi sera déposé, de revenir devant vous pour vous faire part de nos positions et recommandations." Cela m'amène à me demander si vous aviez eu des informations sur quand sera déposé le projet de loi. J'imagine que non.

M. Jutras: II faudrait adresser la question à M. le ministre.

Mme Harel: C'est une bonne occasion justement pour poser la question.

M. Jutras: Est-ce qu'il est apte ou non?

Mme Harel: Et, d'autre part, au moment d'un tel dépôt, si tant est qu'un tel dépôt contiendra la distinction entre apte et inapte. C'est un peu là-dessus que je voulais vous interroger ce soir. (18 heures)

Je comprends bien votre point de vue juridique. Vous partez de la prémisse qui se trouve dans le document d'orientation. Par ailleurs, en annexe, vous faites écho aux problèmes survenus récemment, des problèmes qui sont connus parce que la visibilité a été telle que, finalement, on peut se demander comment il se fait qu'ils sont survenus. Je ne voudrais pas reprendre ces questions-là parce que la corporation a beaucoup réclamé qu'elle puisse maintenir son pouvoir de surveillance et de discipline tel que la loi le prévoit, et elle a beaucoup vertement semonce ce genre de pratique. Donc, j'imagine que vous souscrivez aux mêmes propos et votre président également.

Ma question est la suivante: jusqu'à maintenant, il y a des pratiques qui, dites-vous, laissent un goût amer. En fait, je reprends les propos du président. Vous dites que ces pratiques ont fait des victimes; les médecins l'ont été, en tout cas ceux qui ont été poursuivis, et les bénéficiaires de t'aide sociale. Pourtant, cela ne concernait que les moins de trente ans. Ces moins de trente ans obtenaient le double de la parité s'ils participaient aux mesures. C'était dans les cas où les personnes de moins de trente ans n'y participaient pas, qu'elles voulaient se faire reconnaître comme inaptes. Là, le document prolonae la même procédure à 243 000 ménaaes.

Donc, comme vous pouvez vous l'imaginer, cela va multiplier les sources probables de tension parce que c'est là un fait connu. Je sais que le ministre a souventefois pris connaissance d'un livre blanc publié par son prédécesseur en 1984 qui disait: "Dès qu'un programme de transfert applique..."

Une voix:...

Mme Harel: Non. Pas le prédécesseur aux... Enfin, l'ancien ministre des Finances. "Dès qu'un programme de transfert applique une pénalité ou accorde un traitement plus favorable à un groupe particulier de bénéficiaires selon qu'il répond ou non à des critères précis, il crée par le fait même une incitation financière à la fraude." Enfin, ce sera une immense incitation à se faire reconnaître comme inaptes pour bénéficier du plein montant. C'est tellement vrai que des groupes qui vous ont précédés sont venus plaider, par exemple, des cas particuliers, et même le ministre avait tendance à leur dire: Oui, mais ce ne sera pas pareil pour vous; vous serez considérés comme inaptes. Je nous voyais déjà dans nos bureaux de député, tous tant que nous sommes, en train d'essayer de plaider et d'argumenter pour que quelqu'un... Finalement, l'argumentation va se faire de façon que la personne soit considérée comme un cas d'inaptitude pour avoir la pleine prestation.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous pencher sur la question, mais la très grande majorité des organismes qui se présente devant nous recommande que cette distinction ne donne pas lieu à des prestations différentes, qu'elle ne vaille que pour les fins de prioriser des clientèles à qui on pourrait offrir des programmes sur mesure, plus adaptés et plus personnalisés, mais qu'il n'y ait pas pour autant des prestations.

Je ne sais pas si vous avez un point de vue parce que, dans votre mémoire, vous faites état de diagnostics que vous faites lors des remplacements de revenus dans des programmes d'assurance sociale. Là, il faut voir que ce sont des programmes de dernier recours de subsistance sociale, dans le fond, quand les programmes de remplacements de revenus, souvent dans des cas d'assurance, n'ont pas permis l'admissibilité. Est-ce qu'il faut utiliser les mêmes distinctions? Je ne sais pas si je fais appel à des considérations sur lesquelles vous ne vous êtes pas penchés.

M. Jutras: Disons qu'on s'y est penchés quelque peu. Vous avez raison de dire que c'est payant d'être malade et qu'il y aura de plus en plus de gens malades ou, du moins, qui vont se dire malade. Le rôle du médecin traitant ne sera pas favorisé à ce moment-là parce que les gens vont venir nous consulter avec un but bien précis, celui d'obtenir un peu plus. Autrement dit, la consultation, cette fois-là, sera payante, non pas pour le médecin, comme c'est habituellement le cas, mais elle Id sera pour le patient

de telle sorte que c'est certain qu'il y aura une avalanche de consultations dans un but bien précis de la part du patient: obtenir plus d'argent.

D'un autre côté, le second volet de votre question est un volet politique qu'on laisse aux politiciens. C'est certain qu'on va subir les secousses de cela parce qu'on va avoir beaucoup de clientèles qui vont venir nous demander telle chose. Par contre, on persiste à dire que le médecin traitant, et il le fait depuis toujours, est quand même capable de dire si quelqu'un est apte ou inapte au travail. On le fait depuis toujours.

Mm* Harel: Dans le cas de handicap. Les organismes qui représentent des personnes handicapées sont venus plaider qu'il y avait un risque de les voir confinées dans un statut d'inapte permanent même si elles étaient en bonne santé, dans les cas de déficience ou de handicap qui ne revêtent pas pour autant un état de mauvaise santé. Je ne sais pas comment vous voyez cela.

M. Jutras: C'est sûr qu'il peut y avoir une évolution. Par exemple, on mentionne dans votre document d'orientation qu'avec les nouvelles technologies, quelqu'un peut être considéré comme inapte au travail et finalement, avec l'apparition d'une nouvelle technologie quelque part, hé bien! il pourra effectuer ce travail. Je pense qu'il y aura des réévaluations à faire annuellement ou deux fois par année, peu importe, pour savoir si la personne peut retourner sur le marché du travail. Je pense qu'on serait d'accord avec cela pour dire que des réévaluations vont s'imposer. Hugues, peut être avais-tu un commentaire?

M. Bergeron: Je dirais qu'au départ, ce qui sera important pour la question d'aptitude ou d'inaptitude, c'est d'avoir des normes les plus précises possible et surtout des formulaires qui seront plus faciles à compléter. Parce que c'est souvent difficile devant un patient ou devant les pressions qu'il peut faire, surtout avec le fameux certificat que l'on possède actuellement qui est absolument inadéquat, de pouvoir répondre de façon correcte à cette question d'aptitude ou de non-aptitude.

Mme Harel: Dr Bergeron, prenons un cas que je connais, celui d'un sourd-muet qui a travaillé mais qui est en chômage parce que l'usine où il travaillait a fermé. Il se retrouve sans emploi et doit recourir à l'aide sociale. Pour avoir le plein montant, il va aller vous voir. Son état de santé n'est pas altéré mais allez-vous le considérer comme étant inapte?

M. Bergeron: Je dirais qu'il y a beaucoup de subjectivité dans l'aptitude ou l'inaptitude au travail. Il y a des gens qui se promènent avec une jambe de bois et qui gagnent leur vie honorablement et de façon merveilleuse. Il y en a d'autres qui, avec un lombago, passent leur vie à bénéficier de prestations d'aide sociale. Il y a toute une marge là-dedans. Je pense que le sourd-muet qui a travaillé toute sa vie va avoir encore à coeur de travailler. C'est lui le premier, qui va aller s'inscrire dans vos programmes APTE et ainsi de suite. C'est lui, le premier, qui va aller faire les démarches pour se retrouver un job. Ce n'est pas lui qui va nous causer des problèmes. Il ne viendra peut-être même pas nous voir pour tenter d'obtenir son papier.

Mme Harel: D'accord. Disons qu'il participe aux mesures d'employabilité.

M. Bergeron: Oui.

Mme Harel: Ces mesures durent un an et la situation fait que, pour des raisons, vous allez convenir, Dr Bergeron, que les 300 000 chômeurs qui reçoivent actuellement de l'assurance-chôma-ge et que les 300 000 qui bénéficient de l'aide sociale ne sont pas tous des paresseux.

M. Bergeron: Non, non. Pas du tout. Je ne généralise pas

Mme Harel: II y a aussi des gens qui sont en situation, ils n'ont pas de travail parce que le travail peut aussi être difficile d'accès étant donné que, malgré les créations d'emplois, le chômage est toujours resté autour de 9,8 %.

Disons que c'est plus difficile pour un sourd-muet, aussi courageux soit-il, avec un bassin de main-d'oeuvre de 700 000 personnes qui veulent travailler, si tant est qu'il se trouve devant rien et qu'il veuille avoir le plein montant, sinon vous savez dans quelle mesure ce sera réduit. Alors, s'il se présente devant vous - parce que les avantages sont énormes. Ce ne sont pas seulement des avantages financiers. Ce sont des avantages en termes de cartes, de besoins spéciaux, de non-partage, de non-réduction pour le partage du logement. En fin de compte, ce sont des avantages considérables.

Il se présente devant vous Comment évaluer un cas comme celui-là? C'est ce que la Confédération des organismes de personnes handicapées est venue plaider ici en disant: Cela va être presque impossible à nos membres dans le contexte où, déjà, il y a un handicap sur le marché de l'emploi à l'égard des déficients... cela va être presque impossible qu'il n'y ait pas une sorte de panacée qui soit d'aller chercher son inaptitude, finalement.

M. Bergeron: Oui. Je pense qu'il va falloir, entre quatre yeux, devant un patient qui présenterait un tel problème, ma première réaction serait beaucoup plus de le déclarer inapte au travail surtout s'il n'y a rien dans le domaine où il est spécialisé et où il a de l'expérience. Je déplore le fait actuellement qu'on dise à tout le

monde: Vous êtes apte, par exemple, à aller faire un travail léger, comme on se fait répondre par la Régie des rentes, la RRQ. Monsieur, vous êtes apte à faire un travail léger, mais, bon Dieu, c'est quoi un travail léger? Est-ce que c'est être député quand on pourrait être ministre? Est-ce que c'est bûcher avec une hache d'une livre et crever de faim ou bûcher avec une hache de quatre livres et gagner sa vie? C'est quoi? C'est tout cela aussi.

Mme Harel: Être omnipraticien quand on pourrait être spécialiste.

M. Bergeron: Bien oui. Mettons-le aussi, c'est vrai que les spécialistes peuvent devenir omnipraticiens.

M. Jutras: Ce sont les spécialistes qui peuvent devenir omnipraticiens.

Le Président (M. Leclerc): Vous l'avez cherché.

Mme Harel: On la retire du Journal des débats.

Le Président (M. Leclerc): Mme la députée de Maisonneuve, en conclusion, s'il vous plaît.

Mme Harel: Mon Dieu, cela a passé trop vite.

M. Jutras: Peut-être juste un commentaire. C'est certain que tout cela, il va toujours y avoir une question de jugement de la part du médecin sur un cas bien particulier. On vous dit: Faites donc confiance à un omnipraticien pour trancher ce genre de question et respectez son jugement pour autant que c'est possible.

Mme Harel: Écoutez, il ne me reste malheureusement pas beaucoup de temps. J'aurais aimé - on aura peut-être d'autres occasions - voir vos réactions en regard de toute la question de l'alcoolisme, de la toxicomanie. Vous en faites mention dans votre mémoire. Avec hier, le téléthon a comme sensibilisé davantage encore l'opinion. Cela n'est pas clair non plus. Toute la question: est-ce que la santé est altérée à ce moment? Quelle catégorie conviendrait? Vous faites tout simplement constater que la catégorie prévue dans le projet, c'est une catégorie d'employable comme tous les autres. Je ne sais pas si vous avez un point de vue là-dessus avant de terminer.

M. Jutras: Ce qu'on aimerait dire en terminant, c'est que cela nous prend une loi claire. À ce moment, en même temps qu'une loi claire avec des critères bien précis, nous autres, on dit: Avec une loi claire, on sait où on s'en va et, à ce moment, notre jugement risque d'être adéquat. Je devrais dire: Sera adéquat.

Le Président (M. Leclerc): M. le ministre, en conclusion.

M. Jutras: On prendra nos responsabilités en temps et lieu. C'est la question qu'on s'est posée également: Quand on aura un patient pour une expertise, actuellement, nous sommes rémunérés pour des services médicalement requis. Cela, ce ne sont pas des services médicalement requis. Ce sont des services socialement requis. Alors, est-ce qu'on aura l'occasion de s'en reparler également de ces négociations?

Le Président (M. Leclerc): En attendant, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je peux répondre à la première partie de votre interrogation qui concerne la loi. Comme vous, nous la souhaitons le plus clair possible. Maintenant, la précision risque de se retrouver davantage dans la réglementation qui pourrait en découler. Quant aux actes que vous posez, qu'ils soient de nature médicale ou sociale, tout ce que je peux faire, c'est de porter votre message auprès de collègues que vous connaissez bien, soit Mme la ministre responsable de la Santé et des Services sociaux et M. le ministre responsable du Conseil du trésor que vous connaissez bien également.

Je vous remercie de votre mémoire et de votre intervention en commission parlementaire. Je profite de l'occasion, au nom du gouvernement, pour vous remercier du travail que vous effectuez dans l'ensemble des autres dossiers également qui ont été mentionnés. C'est un travail qui est indispensable pour la société québécoise. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Au nom de la commission, j'aimerais vous remercier de votre présence parmi nous et vous souhaiter un bon retour à la maison. Je suspends, tel que convenu, jusqu'à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 15)

(Reprise à 20 h 18)

Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous avons quorum, nous pouvons donc commencer. Avant d'accueillir le premier groupe, soit l'Association de défense des droits sociaux du Montréal métropolitain, vous me permettrez de rendre une décision sur une question que j'avais prise en délibéré plus tôt aujourd'hui.

A la suite des questions posées aujourd'hui par M. le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu sur l'utilisation de matériel didactique, Je vous rappelle qu'l existe une tradition permettant à un parlementaire d'utïiser des tableaux de nature didactique pour soutenir

un point de vue lors d'un débat. Il s'agit d'une permission accordée par le président et non d'un droit. Il y a une jurisprudence là-dessus à la Commission des institutions, une décision rendue le 13 mai 1987 par M. Claude Filion.

Sur la question de l'exactitude des données ou des mentions figurant à ces tableaux, je vous rappelle qu'en vertu des règlements, le président se prononce sur des questions d'ordre et de règlement, à l'article 41 de notre Règlement. "Il est de jurisprudence constante qu'il n'appartient pas au président de commission d'interpréter la loi, ni de trancher sur des questions de droit ni, encore moins, comme c'est ici le cas, de vérifier l'exactitude des données ou mentions apparaissant à des tableaux." Dans les faits, puisqu'un représentant de chaque groupe parlementaire a pu apporter des précisions sur les mentions figurant aux deux tableaux produits par la porte-parole de l'Opposition, compte tenu de la demande et des fins poursuivies, je permets l'utilisation de ces tableaux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, est-ce que, conformément à votre décision, je pourrais avoir un tableau qui indiquerait un chiffre, 689, le chiffre réel, le salaire minimum, je pourrais mettre 999, le salaire minimum, et vous l'autoriseriez?

Le Président (M. Leclerc): À ce moment-là, c'est chacun des parlementaires qui est responsable des données qu'il véhicule.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'oserais pas induire les gens en erreur, M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): C'est ce que je devine.

Mme Harel: Vous n'êtes pas obligé de reprendre le ministre quand il se trompe! Alors, il peut se tromper sur ses tableaux, comme il se trompe aussi dans ses discours. Les tableaux valent pour les discours.

Une voix: Soyez gentille!

Association de défense des droits sociaux du Montréal métropolitain

Le Président (M. Leclerc): Si vous permettez, ce point est maintenant réglé.

Je reconnais maintenant l'Association de défense des droits sociaux du Montréal métropolitain. Je vous demanderais, pour les fins du Journal des débats, de bien vouloir vous identifier.

Mme Marchildon (Diane): Diane Marchildon, membre de l'association.

M. Giroux (Michel): Michel Giroux, membre du conseil d'administration et recherchiste.

M. Sainte-Marie (André): André Sainte Marie, président de l'ADDS-MM.

Mme Descoteaux (Jeannine): Jeannine Descoteaux, vice-présidente de l'ADDS-MM.

Le Président (M. Leclerc): Je vous rappelle que vous avez vingt minutes pour nous faire part de votre mémoire. Ensuite, chacune des formations politiques aura vingt minutes. Je me permettrai, dans les dernières minutes, de vous faire signe. La parole est à vous.

M. Giroux: M. le Président, fondée en 1972, l'Association pour la défense des droits sociaux du Montréal métropolitain oeuvre à la promotion et à la protection des droits des bénéficiaires de l'aide sociale de la région montréalaise. En plus d'un service de consultation juridique qu'elle assure auprès des bénéficiaires de l'aide sociale, l'ADDS-MM est également impliquée dans les secteurs de l'éducation populaire, du logement et du développement économique. Aujourd'hui, notre association s'oriente de plus en plus vers la recherche de l'autonomie financière pour les plus démunis de notre société. Depuis un mois déjà, l'ADDS-MM est cofondatrice d'un instrument socio-économique, le Centre de développement économique communautaire du Grand Plateau Cette initiative témoigne d'une volonté réelle de trouver des solutions économiques et sociales permanentes et accessibles aux sans-travail.

L'ADDS-MM exprime son désaccord avec les orientations énoncées dans le document Pour une politique de sécurité du revenu. De plus, les objectifs qui sont affirmés dans ce document, si louables sont-ils en ce qui concerne le retour au travail, nous semblent contredits d'une façon flagrante par les mesures et les modalités d'application que le gouvernement entend mettre en vigueur. Finalement, l'architecture générale du projet de réforme révèle des coins mal éclairés, des lignes trop fuyantes, des allées aux perspectives douteuses. Dans ces conditions, malgré la complexité et l'ambiguïté de ce document, l'ADDS-MM veut faire valoir des propositions concernant la réforme du régime de l'aide sociale - propositions que nous qualifions d'urgentes - et des propositions à plus long terme qui doivent permettre d'entrevoir une solution plus consistante aux problèmes chroniques de la pauvreté.

Première proposition. Le gouvernement doit établir et garantir pour tous un revenu de base égal aux seuils de pauvreté, non discriminatoire, et quelle que soit la cause du besoin.

Les seuils de pauvreté affichés par Statistique Canada révèlent que les bénéficiaires de l'aide sociale se situent, dans le meilleur des cas à 63 % en dessous de cette marque et. dans le pire des cas, à 19 % seulement. Ces écarts considérables dans l'échelle de la misère sont injustifiables compte tenu du fait que les besoins essentiels de cette fraction de la population sont

sensiblement uniformes. Les jeunes adultes de moins de trente ans, cinq fois plus pauvres, doivent survivre au jour le jour par des expédients de toutes sortes: vol, prostitution, recel, fréquentation du réseau d'hébergement et des points d'alimentation, squatting, etc.

La réforme de l'aide sociale que le gouvernement s'apprête à introduire va aggraver davantage les conditions d'existence déjà dramatiques des bénéficiaires. La ventilation des prestations qui seront dorénavant consenties tiendront compte de l'aptitude et de la bonne volonté des bénéficiaires de l'aide sociale pour se trouver un emploi, même en dessous des normes minimales du travail. Au nom de l'incitation au travail, on subordonne l'accessibilité et le niveau des prestations à une série de comportements obligés.

À la base de cette discrimination entre les aptes et inaptes au travail, entre les faux pauvres et les vrais pauvres, il y a l'idée largement répandue que les usagers des programmes sociaux sont largement responsables de leur situation misérable. Le document d'orientation percute ce propos tendancieux lorqu'il affirme notamment: "Le chômage est maintenant chose courante et le fait de percevoir des prestations d'assurance-chômage ou toute autre forme d'aide sociale n'a peut-être plus la même connotation péjorative qui incitait autrefois les travailleurs à se chercher un emploi. Les modifications aux rôles de la famille et de l'État ont pu favoriser l'effritement des notions traditionnelles de responsabilité familiale ou sociale." Fin de la citation.

Dans l'optique gouvernementale, la personnalité du bénéficiaire de l'aide sociale est marquée par l'affaissement de son éthique du travail. Il faut donc le forcer à renouer avec cette valeur perdue. Le cheminement proposé dans le programme APTE constitue une illustration saisissante de ce principe. À l'affaissement présumé de son éthique du travail doit correspondre un affaissement de son niveau de prestations.

Durant neuf mois, le bénéficiaire seul déclaré apte au travail verra son revenu mensuel chuter à 405 $, juste le temps d'accoucher d'une bonne volonté et d'un comportement plus normatif et plus maléable aux vertus du travail. Bien sûr, dans les officines gouvernementales, on a prévu que notre bénéficiaire pourrait combler ses besoins essentiels non couverts par l'État par les exemptions sur ses gains de travail n'excédant pas 155 $ par mois. Mais au royaume de la réalité, l'alchimie gouvernementale risque de provoquer beaucoup de sueur et de peur. Une recherche intensive d'emploi occasionne des dépenses supplémentaires que sont loin d'assurer les maigres prestations qui lui seront versées. En outre, il ne va pas de soi, malgré la belle évidence théorique du document d'orientation, que les prestataires admis au programme APTE vont trouver aisément et à tous les mois 155 $ leur permettant de colmater le déficit de leurs besoins vitaux. Manifestement, le gouvernement n'a pas encore accompli sa révolution coper-nicienne; ce n'est pas la réalité qui gravite autour de la théorie, mais bien la théorie qui doit tourner autour de la réalité.

Deuxième proposition. L'État ne doit plus porter atteinte à la dignité et à la vie privée des assistés sociaux. De plus, l'État doit s'engager à respecter et à reconnaître leurs organisations et leurs associations comme leurs représentants légitimes auprès des administrations publiques.

Toute pauvreté porte les cicatrices d'une violence. Violence économique, d'abord, qui rejette les individus hors de la sphère de la production. Violence sociale ensuite qu'envenime le gouvernement en créant, dès 1982, les enquêteurs spéciaux chargés de débusquer les fraudeurs de l'aide sociale. Depuis trois ans, une vaste campagne de dénigrement a dressé une partie de la population contre une autre. Tous les assistés sociaux se sont vus suspecter de manoeuvres frauduleuses. Les médias se sont délectés des prouesses et des hauts faits d'armes de ces enquêteurs à la recherche d'un ou d'une amie caché sous un lit et des possibilités de travail au noir. Les certificats médicaux des jeunes adultes furent soumis à des contre-expertises et des médecins inquiétés parce que leur sensibilité et leur lucidité leur avait commandé un geste d'humanité face au cynisme de la classe politique et des administrateurs publics.

La réforme de l'aide sociale proposée par le gouvernement appelle la spécification et l'intensification des procédures de contrôle social. La réforme morcelle davantage les clientèles et les filières d'encadrement se précisent. Depuis plus d'un an, les organisations de défense des assistés sociaux ne peuvent plus accompagner des bénéficiaires en difficulté dans certains bureaux de Travail-Québec.

Nous exigeons que les assistés sociaux ne soient plus soumis à des mesures de contrôle social abusives et répressives. En plus, les assistés sociaux ont le droit d'être supportés et défendus par leurs organisations sans que celles-ci ne soient frappées d'interdiction administrative.

Troisième proposition. Le gouvernement doit rétablir et étendre l'éventail des besoins spéciaux. Depuis 1973, l'État ampute les besoins spéciaux reconnus par la Loi sur l'aide sociale de 1970. Les coupures sont nombreuses: 100 $ pour la literie, 400 $ pour l'achat et la réparation du mobilier; 300 $ par année pour l'installation de services essentiels à la santé; 250 $ pour acheter, installer et réparer un système de chauffage; la prime d'assurance incendie, les arrérages de trois mois de loyer; 300 $ pour l'entreposage des meubles, les services d'auxiliaires familiales; 200 $ pour un déménagement dans des cas d'insalubrité, de divorce et de séparation, etc. De

plus, tes prestataires nouvellement admis à l'aide sociale se voient refuser tous les besoins spéciaux durant les six premiers mois.

La réforme de l'aide sociale semble muette sur une politique d'élargissement des besoins spéciaux pour les personnes déclarées aptes au travail. Nous sommes obligés de conclure que le gouvernement désire maintenir son blocus et demeure insensible à l'accès universel aux programmes sociaux pbur les plus démunis.

Pour une réforme sociale et économique. La réforme de l'aide sociale apparaît comme une traduction simultanée d'un certain nombre de principes formateurs du nouveau libéralisme. L'individu est le principal artisan de son bonheur ou de son malheur, de sa richesse ou de sa pauvreté. L'armature de la société libérale est la liberté contractuelle assise sur la propriété privée et fondée sur la volonté individuelle du citoyen. L'inégalité qui en découle nécessairement n'est pas illégitime selon les pontifes du néolibéralisme. Cette nouvelle théologie sociale s'adosse sur les règles qui jalonnent la compétition et l'exercice des volontés individuelles et non sur les résultats.

C'est la justice procédurale qui prime sur la justice sociale. Ce sont donc les règles du jeu qui doivent être équitables et non les joueurs qui doivent être égaux. Conséquemment, l'arrière-monde libéral est peuplé de démunis, d'asociaux et de marginaux qui ne peuvent ni ne veulent partager la convivialité du beau monde. La renaissance libérale ne doit surtout pas être éclaboussée et angoissée par ces nouveaux barbares qui ne font pas d'efforts suffisants pour modifier leur situation. Il serait inutile, toujours selon le dogme libéral, d'intervenir auprès de cette frange de la population, car l'assistance aux pauvres et aux chômeurs encourage la paresse et brime leur autonomie. (20 h 30)

Quatrième proposition. L'État doit protéger et élargir l'universalité des programmes sociaux. Il doit abandonner la sélectivité de ses politiques sociales.

L'ADDS-MM constate que le gouvernement actuel ébrèche de plus en plus l'universalité d'accès aux programmes sociaux et renforce proportionnellement son dirigisme social par des mesures disciplinaires accrues. Des comités de fonctionnaires seront constitués pour définir des normes standardisées permettant d'évaluer l'aptitude ou l'inaptitude des bénéficiaires. Ces normes visent essentiellement à réduire le contingent des inaptes. Ensuite, toujours selon le même objectif, le projet de réforme prévoit une catégorie à l'intérieur de la reconnaissance générale de l'aptitude pour les bénéficiaires classés temporairement inaptes. Pour ceux-ci, un créneau s'ouvre dans le cadre du programme APTE. Pour terminer, on tient double discours à l'égard des femmes. D'une part, on favorise le maintien de la femme mariée au foyer en lui consentant une augmentation de l'exemption fiscale pour personne mariée, mais, paradoxalement, une femme chef de famille et bénéficiaire de l'aide sociale ayant un enfant de deux ans et plus serait apte au travail.

Il est tout à fait clair que le critère d'aptitude devient fondamental. De cet attribut dépendra l'insertion de l'individu dans le labyrinthe de l'aide sociale. Il est tout à fait clair également que le projet de réforme obéit surtout à des objectifs politiques et à des préoccupations bureaucratiques de réduction du contingent des inaptes. Nous rejetons te critère d'aptitude qui conditionne l'admissibilité à l'aide sociale et qui force les prestataires à des comportements sociaux obligés pour subvenir à leurs besoins vitaux.

Cinquième proposition. Le gouvernement doit mettre en oeuvre une véritable politique de maintien et de création d'emplois. De plus, il doit aider massivement les organisations populaires d'assistés sociaux à se doter d'une expertise socio-économique et soutenir financièrement leurs initiatives de développement de l'emploi dans leur communauté.

Les programmes gouvernementaux actuellement en opération n'ont pas eu les succès escomptés. Ils ont été boudés et vertement critiqués. Les stages en milieu de travail offrent un choix de secteurs professionnels restreints. De plus, ces stages ne sont pas reconnus par les employeurs ou le ministère de l'Éducation. Les jeunes adultes qui s'y inscrivent travaillent carrément en dessous des normes minimales de travail. Ils reçoivent un salaire bien inférieur au minimum prescrit. Le droit à la syndical isation leur est refusé. Ils ne sont pas admissibles aux avantages sociaux. Le harcèlement sexuel et les mauvaises conditions de travail ne constituent pas des motifs valables, selon l'aide sociale, pour quitter un emploi. Le coeur du projet de réforme de l'aide sociale est l'incitation au travail. Les programmes APTE et APPORT constituent les leviers d'une réinsertion économique des bénéficiaires. Rien, dans ce document, ne garantit des perspectives d'emplois décents, bien rémunérés et protégés. Enfin, comment peut-on introduire quelques centaines de milliers d'assistés sociaux sur le marché de l'emploi lorsque les gouvernements eux-mêmes admettent qu'il faut dorénavant compter avec un taux de chômage chronique et incompressible de 8 %?

Dans ces conditions, nous constatons que la création d'emplois ne relève plus d'une politique industrielle conséquente, mais est essentiellement axée sur l'érosion des salaires. Le gouvernement du Québec, en insistant sur l'incitation accrue au travail, subordonne sa trajectoire aux conditions du marché. Face au refoulement du marché de l'emploi, la solution préconisée consiste à favoriser l'élargissement du marché du travail précaire, mal rémunéré et en recourant à une main-d'oeuvre désorganisée. Ces mesures ont pour effet de précariser davantage la situation socio-économique des sans-emploi de valoriser les

conditions du travail au minimum en gonflant, par divers mécanismes d'incitation, une population disponible pour ce genre de travail.

L'ADDS-MM croit que des conditions sont nécessaires à la réalisation d'une politique de plein emploi: la reconnaissance du principe "à travail égal, salaire égal"; la reconnaissance de la valeur du travail au foyer; l'amélioration de la qualité des emplois actuels; le maintien des emplois actuels et la création de nouveaux emplois.

Tout projet d'envergure de création d'emplois stimulé par l'État et le gouvernement est voué à l'échec s'il n'emporte pas l'adhésion, la participation et la décision du corps social. Le développement économique communautaire, l'en-trepreneurship collectif et l'expertise accumulée par les organisations populaires constituent les principales ressources qui permettront à la communauté de trouver des solutions économiques à la pauvreté. L'ADDS-MM exige que le gouvernement actuel montre réellement sa bonne foi et mette en chantier d'authentiques programmes d'incitation au travail en s'associant pleinement aux organisations communautaires qui se consacrent à l'épanouissement économique, social et culturel de l'individu.

En conclusion, le nouveau régime d'aide sociale envisagé par le gouvernement actuel remet profondément en question l'universalité des bénéfices des programmes sociaux en posant des conditions d'admissibilité inédites. Nous déplorons que le gouvernement ne puisse garantir un revenu de base égal au seuil de pauvreté quelle que soit la cause du besoin. De plus, la réforme va considérablement porter atteinte à la dignité des assistés sociaux et menacera davantage l'intégrité de leur vie privée. Les bénéficiaires éprouvant des difficultés devant l'État verront leur capacité défensive réduite parce que leurs organisations légitimes seront l'objet de tracas-■^ries administratives. Finalement, le projet de réforme ne rétablit pas la gamme des besoins spéciaux progressivement éliminés depuis 1973.

Au-delà d'une réflexion sur la réforme de l'aide sociale, c'est une critique sociale et économique de la réforme que nous poursuivons. L'État restreint l'accès aux programmes sociaux et exige de ses usagers un ensemble de comportements sociaux dits "normatifs" comme condition de maintien à l'intérieur de ces programmes. Le critère d'aptitude au travail devient le mode de détermination des besoins essentiels. Par ailleurs, les mesures incitatives au travail qui émergent du plan de réforme conduisent à précariser la situation socio-économique des plus démunis en les obligeant à occuper des emplois en dessous des normes minimales du travail. L'État se doit de résoudre efficacement le problème de la pauvreté en s'associant étroitement aux ressources multiples des organisations populaires qui se proposent comme agent de développement économique dans leur communauté. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie et je cède la parole à M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais remercier l'Association de défense des droits sociaux du Montréal métropolitain, ses porte-parole et celui qui nous a présenté le mémoire.

J'aurais quelques questions à vous adresser qui touchent globalement ce que vous avez qualifiée de votre critique sociale et économique du projet comme tel. Vous comprendrez qu'à ce moment-là mes questions s'adresseront plus particulièrement à des thèmes comme le droit au travail, l'égalité au travail et le traitement réservé aux travailleurs que l'on retrouve - et j'emprunte l'expression de divers groupes sociaux - au bas de l'échelle.

Depuis que nous sommes au gouvernement - et je le dis de façon très réaliste - nous avons travaillé sur la question du droit au travail. J'utilise toujours un symbole parce qu'il faut souvent se parler par symbole, mais les symboles dénotent les actions gouvernementales dans un sens ou dans l'autre. En matière de droit au travail, les gens n'auraient pas le droit au travail dans l'industrie de la construction à moins d'avoir travaillé, • etc., vous connaissez les conséquences. Tous les jeunes étaient pratiquement exclus, n'avaient pas le droit au travail, dans la société québécoise, dans le domaine de l'industrie de la construction à cause d'un règlement adopté en 1978.

La question de l'égalité au travail. On pourrait parler de toute la question féminine au plan de l'égalité au travail et on pourrait également parler de la discrimination basée sur l'âge. Quant à la discrimination basée sur l'âge, au chapitre du salaire minimum, nous avons agi, dès les premiers mois du gouvernement, de façon que les jeunes entre 16 et 18 ans ne soient pas une sous-catégorie de travailleurs, et là, j'utilise peut-être une expression qu'on utilisait dans les McDonald's et compagnie, à des salaires inférieurs au salaire minimum; en ce qui concerne également l'égalité au travail, bien que ce ne soit pas complet aux ministères de l'Éducation et des Affaires municipales, des municipalités et du ministère de la Santé et des Services sociaux, des programmes d'égalité ont été démarrés et mis sur pied.

Quant aux plus faiblement rémunérés, il y avait des distorsions très importantes lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, le salaire minimum ayant été gelé pendant une période minimum de cinq années. Est-ce que vous ne considérez pas que ce bref bilan gouvernemental incomplet ne traduit pas là, quant aux principes que vous avez énumérés, des éléments qui pourraient soutenir une critique sociale et économique plus ouverte et plus constructive que celle que vous adressez au document que vous avez pris la peine d'analyser et de critiquer?

M. Giroux: M. le Président, en ce qui

concerne un des problèmes relevés par M. le ministre concernant les jeunes, la question de l'emploi chez les jeunes, surtout ceux entre 18 et 30 ans effectivement, ce qu'on relève en particulier, parce qu'on voudrait s'attaquer à un problème qui serait beaucoup plus spécifique, on ne veut pas refaire tout le panorama de la question du chômage chez les jeunes à l'heure actuelle, ce qui serait vraiment d'une envergure telle que je ne pense pas que le temps nous permette de dresser un panorama qui me semble quand même être assez compliqué... Mais revenons à quelque chose de beaucoup plus spécifique, M. le Président. Ce sont, à l'heure actuelle, les questions des stages en milieu de travail et les programmes de rattrapage scolaire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez. Je ne veux pas vous interrompre, mais est-ce que vous pouvez ajouter, dans votre critique, les travaux communautaires et les études postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale, tant qu'à recevoir le bilan?

M. Giroux: Oui. Tant qu'à faire un bilan, on pourrait intégrer cela assez facilement.

Nous sommes une organisation de première ligne et nous n'avons pas une image aussi idyllique des résultats et des bilans des programmes de rattrapage scolaire et des stages en milieu de travail. On reçoit énormément de plaintes à ce sujet et aussi de descriptions concernant le vécu de ces jeunes, surtout dans les stages en milieu de travail. Un exemple, entre autres, on leur dit: Écoutez, vous avez le droit d'accomplir 52 semaines consécutives, vous ne pouvez pas effectivement aller au delà de cela. Donc, il faut, à un moment donné, vous inscrire à un autre programme de rattrapage. Effectivement, on va leur faire accroire, à toutes fins utiles, qu'une fois leur stage terminé, l'employeur va fort probablement les embaucher. D'ailleurs, de toute façon, je pense qu'il y a des documents qui sont sortis du ministère et qu'on a envoyés à bon nombre de jeunes entre 18 et 30 ans où on leur a laissé entendre, à toutes fins utiles, ou miroiter cette forte possibilité que les entreprises étaient pour les embaucher.

Ce qu'on reçoit à l'association, ce sont des jeunes qui sont effectivement déçus par les stages en milieu de travail. Ils ne voient pas trop bien exactement où ces stages conduisent d'autant plus que, pour se réinscrire à d'autres stages de formation, ils sont souvent obligés d'attendre plusieurs mois, donc ils ne sont pas admissibles et ne peuvent pas recevoir des prestations à peu près convenables. Disons que cette question ressemble étrangement... Oui?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous interrompre parce que vous êtes le deuxième groupe, je pense que le premier, c'était les gens qui venaient de la région de Nicolet, qui nous indique que les programmes n'étaient pas dis- ponibles. Je vous interromps parce que la machine administrative m'indique que les programmes sont disponibles dans toutes les régions du Québec, sur le plan financier, sur le plan des ressources humaines, etc. Est-ce que vous avez des cas à nous soumettre où il y aurait eu absence de disponibilité soit de la ressource financière ou de la ressource humaine?

M. Giroux: Vous parlez du côté gouvernemental, de sa capacité d'accueil ou quoi9 Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le côté gouvernemental dans sa capacité d'offrir les programmes.

M. Giroux: Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le côté gouvernemental...

M. Giroux: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ..dans sa capacité d'offrir les programmes.

M. Giroux: Oui. Je pense que, dans le plan de réforme, effectivement, c'est un aspect qui nous fait peur. C'est qu'après avoir examiné à la fois et le document d'orientation et le document-fiche, c'est-à-dire ce fameux document interne du ministère dont vous connaissez fort bien l'existence et qui vous a échappé tout à fait comme cela, ce que nous avons constaté c'est qu'il y a une capacité d'accueil approximative de 60 000 au plus fort. C'est à peu près...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux vous interrompre sur le document? Parce que j'ai eu l'occasion d'en parler.

M. Giroux: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y avait, dans ce document, des informations que nous avons eu à confirmer. Il y avait, dans ce document de travail, des informations que nous avons eu à nier. Le chiffre auquel vous faites allusion et référence est une information que nous avons eu à nier. Donc, nous la renions.

M. Giroux: Alors, est-ce que vous pourriez nous confirmer, à ce moment, que la capacité d'accueil pour les 300 000 ou 400 000 bénéficiaires qu'on veut introduire sur le marché du travail, va être, à toutes fins utiles, prête d'ici 1990?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne peux malheureusement pas vous confirmer les chiffres que vous me citez parce que les chiffres qu'on m'indique à partir de 300 000 bénéficiaires qui seraient chef de ménage, qui seraient aptes au

travail, si on prend les chiffres de la clientèle de mars 1987 et que l'on soustrait approximativement les 80 000 qui sont régulièrement non disponibles, on parle plutôt, sur le plan des programmes, d'une application maximum possible, à partir de la clientèle de mars 1987, de quelque 220 000 chefs de ménage.

Mme Harel: Pour croire, il faut être Alice au pays des merveilles.

M. Giroux: Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais entre 400 000 et 220 000, c'est du simple au double. (20 h 45)

M. Giroux: Je m'excuse. Je ne sais pas si c'est moi qui entends mal. J'ai parfois de la difficulté à saisir vos questions. Si vous vouliez vous exprimer un peu plus fort.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La clientèle de l'aide sociale est composée de 400 000 personnes chefs de ménage.

M. Giroux: D'accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Parmi ces 400 000 personnes, et les estimations du ministère... J'aime autant traiter un dossier individuel de façon individuelle, mais lorsqu'il faut globaliser, il le faut. Il y a à peu près 25 % de la clientèle, soit 100 000 ménages qui seraient éligibles au programme Soutien financier. Il y a à peu près 300 000 ménages qui seraient éligibles au programme APTE. Parmi les gens éligibles au programme APTE, vous retrouvez, grosso modo, et en tout temps, à peu près 80 000 chefs de ménage qui sont considérés non disponibles pour les diverses raisons ou motifs invoqués dans le document de la politique de sécurité du revenu. Ce qui vous laisse un sous-total ou un sous sous-total...

M. Giroux: De 200 000.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...possiblement, si tout le monde veut participer, il faut que le gouvernement soit en mesure d'offrir à quelque 220 000 chefs de ménage des mesures d'employabilité.

M. Giroux: Oui. Même à ce chiffre qu'on a comprimé sensiblement, étant parti de quelque 400 000 en réduisant à 300 000, et finalement, à 200 000, je pense que malgré tout, le problème va demeurer, à toutes fins utiles, entier. Ce que le document de réforme, ce que le plan d'orientation ne dit pas ou ne suggère pas, c'est comment et de quelle façon le gouvernement sera-t-il en mesure d'introduire d'une façon aussi massive 200 000 assistés sociaux sur le marché du travail et pendant combien de temps? À ce moment, je veux dire, pour les gens qui vont pouvoir... Disons que la capacité d'accueil serait de 30 % des bénéficiaires, est-ce que cela voudrait dire, tout à fait par hasard, que pendant toute cette période on ne serait pas en train de créer des bénéficiaires de l'aide sociale de luxe parce que oh! les chanceux, ils feraient partie des 30 % qui seraient capables de s'introduire dans des mesures de redressement. Donc, les prestations vont augmenter à partir de 420 000 et on va assister à une autre catégorie de prestataires qui eux vont être sur une liste d'attente. Les prestations vont être beaucoup plus réduites. Disons que c'est la question qui est posée à l'heure actuelle. C'est une inquiétude qui est partagée par bon nombre de groupes et qui n'apparaît pas, qui n'est pas clarifiée dans le document d'orientation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Suggéreriez- vous, à ce moment, que le gouvernement qui propose la mesure endosse le fardeau de la mesure?

M. Giroux: Bon, écoutez. C'est une question très intéressante que vous posez. Par votre question, on pourrait vous renvoyer aussi une autre approche. Que le gouvernement endosse le fardeau...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...avoir une réponse.

M. Giroux: ...de la mesure... Que le gouvernement endosse le fardeau de quoi? En fin de compte, ce qui se passe, c'est qu'on parle énormément d'employabilité comme si les...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous permettez, je vais vous interrompre parce que je pense que vous avez soulevé là un point qui est un des points clés de la réforme. Vous semblez dire que le gouvernement n'aura pas la possibilité, à supposer qu'elle soit financière, gestionnaire, de ressources humaines...

M. Giroux: Logistique.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ou logistique, quelle qu'elle soit, d'offrir la mesure aux bénéficiaires de l'aide sociale. Donc, c'est le bénéficiaire qui va porter le fardeau de cette incapacité, ou de cette impuissance gouvernementale.

M. Giroux: Nous croyons...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je recherche chez vous - et si ce n'est pas le cas, niez-le - c'est: Êtes-vous d'avis que, si ce programme doit être instauré, étant donné que c'est lui qui fait l'approche d'offrir, le gouvernement devrait quand même endosser le fardeau d'offrir, même s'il n'a pas la logistique, c'est-à-

dire qu'à partir du moment où le bénéficiaire se serait déclaré disponible pour une mesure il aurait droit au barème de plein participant?

M. Giroux: Oui. C'est une de nos inquiétudes. Je pense que ce serait au gouvernement d'assurer le fardeau d'une carence administrative, ce qui serait un peu inusité parce que nous, nous n'avons pas été habitués à ce que le gouvernement, assez souvent, reconnaisse des carences administratives, surtout du ministère de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail, dans ses bureaux régionaux.

Pour revenir à votre question de tantôt, lorsqu'on parlait du chômage chez les jeunes, le document d'orientation pour aucune circonstance ne va parler de stratégie de création d'emplois permanents. Il ne parle pas de création d'emplois rémunérateurs. Il ne parle pas de conditions d'emploi, des normes minimales de travail. Ce qu'on introduit d'une façon massive, c'est le concept de l'employabilité. C'est extrêmement dangereux. Utiliser le terme d'employabilité - ce concept - d'une façon aussi large, implique quelque chose d'assez curieux; cela implique tout simplement que les bénéficiaires de l'aide sociale seraient plutôt responsables de leur disqualification face au marché de l'emploi, de leur mauvaise volonté à réintégrer le marché de l'emploi et, à toutes fins utiles ou temporairement, seraient inaptes à occuper un emploi sur le marché du travail. Effectivement, c'est ce qu'insinue le document d'orientation. En aucune circonstance, cela ne se traduit - et d'une façon conséquente - par une stratégie de développement économique. On dirait qu'il y a une incapacité chronique du gouvernement. Je sais bien que ce que vous allez bien sûr me dire c'est qu'il y a eu un gouvernement antérieur qui était représenté par le Parti québécois, etc. Je pense qu'on pourrait remonter aux calendes grecques.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne vous parlerai pas de cela, je vous le promets.

M. Giroux: Ce qu'on constate, à l'heure actuelle, c'est qu'il y a vraiment absence de stratégies de développement industriel et de création d'emplois qui soient valables, créateurs, imaginatifs et rémunérateurs, lesquels pourraient absorber cette masse de 200 000 assistés sociaux.

Nous, c'est que nous ne croyons pas particulièrement... On ne croit plus tellement en la capacité du gouvernement à résoudre le problème. Je pense que le gouvernement n'a pas vraiment démontré toutes les capacités qu'il pouvait avoir pour se doter d'une stratégie cohérente dans ces secteurs.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur ce dernier point, M. Giroux...

M. Giroux: Par contre...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...je vous dirai que sur le plan de la création d'emplois, je partage votre opinion. Maintenant, le député de Sainte-Anne a insisté auprès du ministre pour avoir le droit de vous adresser quelques questions

M. Giroux: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En vertu des règles de l'alternance, si vous le permettez, au moment où nous nous parlons, je demanderais à Mme la députée de Maisonneuve de vous adresser quelques questions, quitte à revenir au député de Sainte-Anne pour des sujets précis, sans que vous soyez empêché par exemple - j'insiste là-dessus - de terminer l'élément sur lequel vous discutiez.

Le Président (M. Leclerc): Est-ce que vous aviez terminé?

M. Giroux: Pour l'instant, oui.

Le Président (M. Leclerc): Alors, je reconnais Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je vous saurais gré de m'avertir dans une dizaine de minutes. J'aimerais bien avoir l'occasion...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avoir le dernier mot!

Mme Harel: Non! Mais de reprendre, parce que, parfois, on réussit, finalement, un échange plus serré quand on le prend en deux moments.

Vous avez parlé de justice procédurale et de justice sociale. L'ensemble de votre mémoire... Je vous salue d'ailleurs, j'ai eu l'occasion de travailler avec quelques-uns d'entre vous à Montréal. Je sais le travail d'accompagnement que vous faites et je sais le travail de défense aussi que vous avez fait, pas simplement les deux dernières années, malgré que c'était d'autant plus important avec tout le discrédit qui était vécu par les assistés sociaux, mais aussi depuis plusieurs années.

Vous avez parlé dans votre mémoire de la difficulté que vous rencontrez maintenant dans les centres Travail-Québec à faire de l'accompagnement. Je ne voudrais pas qu'on se quitte avant que vous ayez pu nous en reparler - je ne sais pas lequel d'entre vous, peut-être M. Giroux ou le président - mais j'aimerais que vous nous le mentionniez. Avant cela, simplement sur la question de la justice procédurale et de la justice sociale, dans votre mémoire, je trouve que c'est bien intéressant quand vous nous dites que ce sont les règles du jeu qui doivent être équitables et non les joueurs qui doivent être égaux, c'est cela, la nouvelle équité. Quand le ministre, en entrée, vous a parlé de tout ce qui avait été fait par lui ou par son gouvernement, il

vous parlait des jeunes dans la construction qui avaient accès et tout, cela n'a pas créé des jobs de plus parce que, pour autant, il n'était pas évident que c'étaient ces facteurs qui influaient sur la construction. Cela divisait en plus beaucoup de monde. Ce n'est pas parce que je suis contre, mais il faut bien reconnaître que ce n'est pas parce que les procédures ou les règles du jeu sont différentes que les joueurs sont plus égaux. Je pense que c'est cela, profondément et fondamentalement, que le ministre n'a pas compris. Je ne sais pas si vous voulez...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais peut-être être obligé d'intervenir...

Mme Harel: Je vous laisse intervenir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): ...qu'il y a consentement.

Mme Harel: Quand il intervient...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me le permettez...

Mme Harel: ...c'est parce que ce que j'ai dit avait de la résonance.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah oui!

Mme Harel: Alors, j'aime, après cela, avoir sa réaction.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela avait beaucoup de résonance. Est-ce que vous préconisez des règles du jeu inégales qui briment la jeunesse?

Mme Harel: Les règles du jeu inégales, cela est trop facile pour le ministre d'en parler. Je peux lui parler de l'action positive. L'action positive, on a pu voir le développement de notre pensée sur des mesures d'action positive pour redresser des situations. Ce n'est pas parce que... Il y en a qui sont plus égaux que d'autres dans notre société et c'est quand on joue l'égalité qu'on accroît les écarts. Alors, ce n'est pas parce qu'on prétend que tout le monde va être égal sur le plan des procédures que, pour autant, dans les faits, ...les femmes sont bien placées, d'ailleurs, avec les égalités de droit qui ne sont pas encore des égalités de fait. Juste avant de vous donner la parole, quand j'entends le ministre, cela me fait toujours penser à une sorte de merveilleux monde imaginaire où, lui serait Peter Pan et moi Alice au pays des merveilles. Il y a son collègue du Conseil du trésor qui est Lucky Lùke - il dévalise tout le monde. Il faut le croire sur parole, ce merveilleux monde imaginaire. Vous aviez raison, quand vous citiez vos chiffres. Je reprends le document du ministre lui-même, son document qui nous donne les chiffres des ménages aptes.

Une voix: 286 000.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 286 000 moins 32 000.

Mme Harel: 286 000, c'est cela ici, à la page 9 du document, soit les données du mois de mars 1987. Il reste une chose. Là-dessus j'aimerais vous entendre. Vous avez répondu: oui, le bénéficiaire ne doit pas porter le fardeau. La question du ministre est importante. J'ai l'impression qu'il chemine, malgré tout, parce que c'est la bonne question. Il est rendu à se poser les bonnes questions. Est-ce que l'État devrait porter le fardeau de l'insuffisance gouvernementale? Il semble que cela va de soi.

M. Giroux: II semble que cela va de soi, oui effectivement.

Mme Harel: Cela suppose qu'il y aurait une catégorie qui disparaîtrait, soit la catégorie qui est dans l'antichambre et qui attend que cela soit disponible. C'est la catégorie admissible. La personne dit: Je veux, je suis prête^ à quand, où? Et on dit: attends. Attends, en étant coupé. À vous M. Giroux ou M. le Président.

Le Président (M. Leclerc): M. Giroux.

M. Giroux: Je ne sais pas exactement par quelle coin prendre votre intervention, Mme Harel. Par contre j'aimerais compléter ou ajouter quelque chose à ce que vous venez de dire. C'est que, nous, à l'association - et c'est l'orientation d'autres associations dans notre quartier à l'heure actuelle - on se dit que le développement économique est l'incitation au travail pour les plus démunis de notre société. C'est vrai que c'est un problème chronique, permanent qu'il faut prendre avec le plus grand sérieux. Là où on accroche effectivement, c'est quand on se dit: l'époque doit se terminer, où ce sont des instances supérieures, des gens que vous avez comparés à Peter Pan qui, surtout, expriment à notre place nos propres besoins et nos propres systèmes de valeur. Si cela chante à M. le ministre de gagner un salaire et de se procurer une brosse à dent électrique pour se brosser les dents tous les matins, libre à lui. Mais, nous, nous avons notre propre système de valeur à travers tout cela. Nous croyons que la création d'emplois doit conduire et doit déboucher à autre chose que ce que l'on connaît en termes de développement économique à l'heure actuelle. Le développement économique n'est pas le développement économique de quelques-uns. D'accord? Ce doit être le développement économique pour tous et venant de tous. D'où notre implication à l'heure actuelle dans le développe-

ment économique communautaire et notre participation avec d'autres organisations du Grand Plateau. Pour ajouter de la crédibilité à ce que je viens de dire, l'association a effectivement fondé, est la cofondatrice d'une institution économique majeure, à l'heure actuelle, soit le Centre de développement économique communautaire du Grand Plateau.

Mme Harel: Un peu comme l'équivalent des centres de développement économique dans Maisonneuve et dans Pointe-Saint-Charies?

M. Giroux: C'est exactement cela, Mme Harel.

Mme Harel: Est-ce que c'est accepté par l'OPDQ?

M. Giroux: Disons qu'il y a des négociations qui ont été faites. Il y a eu un protocole d'entente de fait avec l'OPDQ. L'OPDQ est manifestement intéressé à cette expérience. Expérience, comme il faut le dire, qui va avoir ses propres caractéristiques, quelque peu différentes de celles du PEP de Pointe-Saint-Charles, de celui de Hochelaga-Maisonneuve et de celui de Centre-Sud. Fondamentalement, nous sommes royalement écoeurés d'entendre parler d'employabilité. C'est vrai. Si on veut être pour la vertu et contre le vice, ce que tout le monde admettra, il est également vrai que l'employabilité doit être servie à toutes les sauces. Sous ce terme on camoufle toujours les véritables problèmes, on ne poursuit jamais l'enjeu véritable du développement économique si on bloque strictement au niveau du concept de l'employabilité. Je reviens à ce que je disais tantôt. Si on s'arrête là, qui est pointé? Ce sont les pauvres et ce sont les bénéficiaires de l'aide sociale. S'ils sont incapables de se trouver un emploi et s'ils sont incapables d'être partie prenante de leur développement économique, c'est sûrement de leur faute, parce qu'ils ont une carence sur le plan de la formation, ce qui peut être vrai, et qu'ils ont une carence au plan de leur expérience de travail, ce qui est vrai aussi. Sauf que si on s'arrête là, on oublie tout le champ de la création d'emplois. (21 heures)

Qui crée des emplois à l'heure actuelle? Qui détient le grand levier économique? Ce ne sont quand même pas les bénéficiaires, eux, qui constituent une sous-catégorie de la population québécoise, du moins à l'heure actuelle, politiquement et socialement, d'où l'importance fondamentale de mobiliser les ressources de la communauté, pas les ressources du patronat. D'ailleurs, chose tout à fait remarquable, c'est que M. Parizeau, qui achevait son striptease intellectuel le 16 janvier, dans La Presse...

Mme Harel:...

M. Giroux: C'est ce soir, à part de cela. M. Parizeau, dans un de ses strip-teases intellectuels, chose assez surprenante, disait qu'il faudrait probablement...

Une voix: ...le dernier morceau.

M. Giroux: C'est le dernier morceau. Disons que M. Parizeau évoquait quand même quelque chose de très intéressant. Il disait qu'on devrait probablement, pour l'avenir économique du Québec, laisser un peu de côté les intervenants socio-économiques majeurs qui président au développement du Québec et s'intéresser davantage à des organisations communautaires, de leur laisser libre cours dans le développement économique, pas selon le système de valeurs de la classe politique actuelle ni selon les idées sur le développement économique de la classe économique actuelle, mais selon ce que les gens ressentent et pensent dans leur quartier. Je pense que ce que les gens veulent dans leur quartier, effectivement, c'est de trouver un emploi qui soit bien rémunéré, non pas devenir millionnaires ni devenir extrêmement riches, mais au moins avoir un emploi qui les satisfassent sur le plan matériel, sur le plan intellectuel - parce que c'est extrêmement important - et sur le plan spirituel aussi, qu'il ne faut quand même pas oublier.

Nous, à l'association, avons commencé à tester certaines initiatives. À partir du mois d'avril et jusqu'à la fin de juin, on ouvre des sessions d'information et de formation sur le développement économique communautaire. En septembre, on va commencer à constituer les premières équipes d'intervention économique sur le terrain pour encadrer, diriger, conseiller et acheminer des gens qui veulent mettre sur pied des entreprises de travail. Bien sûr, on ne veut pas créer des entreprises de 500 emplois, mais il est important de développer l'entrepreneurship collectif, pas l'entrepreneurship individuel, je le répète, l'entrepreneurship collectif à l'intérieur de notre propre communauté; ne pas créer des entreprises et des coopératives de travail pour ensuite les balancer tout seuls dans le paysage économique contemporain, les perdre et les isoler complètement. Ce qu'on veut, c'est refaire le tissu social, le tissu économique de notre communauté, de notre quartier. Bien sûr, c'est quand même un programme à long terme, mais il faudra que quelqu'un s'y attaque une fois pour toutes.

En conclusion, le développement économique ne doit, premièrement, plus être laissé entre les mains des seuls grands intervenants majeurs qui sont traditionnellement connus; deuxièmement, ce qu'on veut, c'est défoncer, aller au-delà de la notion d'employabilité qui est vraiment une des notions qui dominent tout le monde occidental à l'heure actuelle. On n'en parle pas qu'ici, on en parle aux États-Unis; on en parle également en Grande-Bretagne et dans une bonne partie de

l'Europe. Le pauvre est criminellement responsable de sa situation. Donc, s'il est criminellement responsable de sa situation, cela demeure un bonhomme, à toutes fins utiles, qu'on ne doit pas aider; il doit se démerder tout seul. Vous voulez qu'on se démerde tout seuls, on va faire un bout de chemin tout seuls. On est prêt à monter nos propres infrastructures.

Par contre, ce qu'on demande au gouvernement, ce n'est pas une expertise. On ne veut pas avoir ses fonctionnaires entre les jambes. Ce qu'on veut, c'est un soutien financier, une reconnaissance officielle. L'expertise, on la développe par nous-mêmes, à l'heure actuelle.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Giroux.

Je reconnais M. le député de Sainte-Anne, en lui rappelant qu'il reste un peu plus de quatre minutes à sa formation politique.

M. Polak: Rapidement, M. Giroux ou un des autres représentants, en fait, une des raisons pour lesquelles j'ai insisté pour poser une question, c'est qu'en fin de semaine, je lisais un article.... Nous sommes ici depuis le 22 février, les députés ministériels ou les autres qui accompagnent le ministre ou les représentants de l'Opposition. On lit les journaux et tout le reste; on aime bien participer; on n'a pas toujours l'occasion et le temps de poser des questions, mais on suit très bien ce débat. D'abord, au point de vue de votre association, je dois vous dire que dans mon comté de Sainte-Anne, il y a le regroupement ODAS qui, sans doute, est très lié au vôtre. Je connais donc vos fonctions et j'admire beaucoup votre travail.

J'aimerais savoir - et je ne parle pas du tout d'une façon partisane parce que je pense qu'il est de notre rôle d'améliorer le projet, de le bonifier - si vous avez des statistiques sur le nombre de gens que vous aidez - des assistés oociaux de la région montréalaise que vous représentez - qui sont des immigrants récemment arrivés au pays. À peu près, en pourcentage.

M. Giroux: Là, vous me prenez complètement par surprise. C'est vraiment une question qui est très spécifique. Je ne vais pas m'aven-turer à vous donner un pourcentage. Il aurait fallu que je sois prévenu. J'aurais pu faire une recherche de ce côté-là, téléphoner au CDEC et on l'aurait su immédiatement. Je regrette, monsieur, je ne peux pas répondre à votre question.

M. Polak: Parce que même si vous n'avez pas les statistiques, je pense ... un peu plus dans mon coin. En fait, vous avez peut-être lu dans les journaux, en fin de semaine, qu'il y avait 1000 assistés sociaux au sud-est de Montréal qui n'avaient pas reçu leur chèque parce qu'on leur avait demandé de se présenter au bureau et d'aller chercher leur chèque en même temps. Je me suis dit tout de suite: Comment se fait-il qu'il y en a 1000 dans mon coin - le sud-est de Montréal - et pas ailleurs? Une réponse était qu'entre autres, on a beaucoup d'allophones et d'analphabètes, peut-être plus, en proportion, dans ce coin-là qu'ailleurs. C'est une des raisons. Et, je me demandais: Avez-vous une idée sur la politique d'immigration du Québec voulant qu'on admette au pays des gens qui... Évidemment, il y a des normes qui disent qu'il faut un emploi avant d'entrer, etc. Mais du moment qu'on est établi, on peut faire entrer d'autres membres de la famille. Avez-vous des cas, dans votre région, par exemple, où des gens sont arrivés pour ensuite, peut-être, laisser embarquer, disons, sur la passe de la famille, d'autres personnes qui bénéficient tout de suite de l'aide sociale, à la charge totale de l'État? Peut-être que je vais aller un peu plus loin en disant que c'est un peu au détriment de ceux qui sont déjà établis là?

Une voix: M. Giroux.

M. Polak: Avez-vous entendu parler de ce problème dans votre région?

M. Giroux: Non, monsieur. Il aurait fallu plutôt adresser la question à des organismes qui s'occupent plus spécifiquement du problème des immigrants. Je pense particulièrement à SANQI, un organisme implanté qui s'occupe spécifiquement de ces problèmes-là, et qui peut avoir un dossier assez intéressant là-dessus. Ensuite, il y a l'Hirondelle, qui est un organisme bien connu qui oeuvre également dans ce domaine, dans ce champ très précis. Si nous avons quelques rares cas, quelques très rares cas - et je n'ai pas mémoire effectivement qu'on ait pu avoir en consultation juridique chez nous des cas semblables - en règle générale, ces gens-là sont dirigés vers des organismes plus spécifiques qui vont répondre plus particulièrement à leurs besoins comme l'Hirondelle et SANQI. Alors, une autre fois, monsieur, je m'excuse, mais je ne peux pas répondre convenablement à votre question. Par contre, je me référerais à SANQI ou à l'Hirondelle qui pourrait avoir des chiffres beaucoup plus impressionnants.

M. Polak: Merci beaucoup.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. Giroux. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, j'aimerais bien, avant qu'on termine, que vous puissiez peut-être répondre à la question concernant les centres Travail-Québec, les difficultés d'accompagnement dont vous faisiez état dans votre mémoire. Est-ce qu'il y a des cas concrets qui se sont produits?

Le Président (M. Leclerc): Mme Descoteaux, si vous voulez répondre, il n'y a pas de problème.

Mme Harel: Oui, Mme Descoteaux. Des difficultés d'accompagnement de bénificiaires qui étaient en difficulté, est-ce que vous avez des cas récents?

M. Giroux: Des cas récents...

Mme Harel: En fait c'est à la page 6, quand vous dites: "Depuis plus d'un an...

M. Giroux: Oui.

Mme Harel: ...les organisations de défense des assistés sociaux ne peuvent plus accompagner des bénéficiaires en difficulté dans certains bureaux de Travail-Québec."

M. Giroux: Ce qu'on voulait dire essentiellement... Disons que je n'ai pas fait le recensement des cas les plus récents. Je n'en ai pas en mémoire pour l'instant. Peut-être que cela va me revenir tantôt. Mais devant les comités de révision... Effectivement, nous, à l'association par tradition et depuis quelques années, on formait des avocats populaires pour organiser l'accompagnement de ces gens-là devant les instances quasi judiciaires. Et cela nous a été refusé. Ce type de représentation nous a carrément été refusé. Maintenant, on préfère voir des avocats de pratique autorisée. Ce que nous faisons, c'est que lorsque nous recevons des gens en consultation juridique et qu'ils doivent aller presque automatiquement en révision, on est systématiquement obligés de les référer devant nos deux avocats qui nous représentent. Il est bien sûr que ces deux avocats sont surchargés de travail à tous les jours, y compris les fins de semaine, parce que du jour au lendemain on a défendu purement et simplement aux bénéficiaires de l'aide sociale de choisir qui devait les représenter devant les instances quasi judiciaires. C'est réellement problématique.

Mme Harel: C'était au moment de la révision ou en appel?

M. Giroux: À part ça, on a d'autres cas, Mme Harel. Je n'ai pas de nom ni de moment très précis. Je ne peux vous dire si cela s'est passé le mois dernier ou il y a trois mois, mais qu'importe. J'ai personnellement vu des cas où les agents d'aide sociale ont systématiquement refusé de recevoir un bénéficiaire de l'aide sociale en difficulté accompagné d'une autre personne, quelqu'un de l'ADDS. On nous envoyait, excusez l'expression, carrément chier.

Mme Harel: Est-ce ce dont vous vouliez parler, Mme Descoteaux?

M. Giroux: C'est ce dont je voulais parler.

Mme Descoteaux: C'est cela. Depuis une couple d'années, on est chanceux, on a deux avocats spécialisés en aide sociale qui étudient nos dossiers. Mais on prépare les cas, à l'association, on reçoit les gens et on fait les premières démarches avec les officiers de l'aide sociale. Mais, s'ils ne veulent rien savoir du cas, parce qu'on fait des démarches avant de référer des cas à nos deux avocats qui sont débordés, comme M. Giroux l'a dit...

Mme Harel: ...des avocats de l'aide juridique?

Mme Descoteaux: Oui.

Mme Harel: Qui, eux, peuvent faire des représentations, à ce moment-là.

Mme Descoteaux: Mais ce sont vraiment des spécialistes. L'échange qu'on a avec ces deux avocats nous recycle sur la loi de l'aide sociale et on peut vous dire qu'on compte 100 personnes parallèles à l'association comme avocats populaires. Alors, ce n'est pas dans nos quartiers qu'ils font beaucoup de coupures d'aide sociale, c'est à Verdun qu'ils en ont fait le plus, parce qu'il n'y a pas de groupes. Excusez-moi, mais cela fait 14 ans que je suis dans l'ADDS, comme bénévole.

M. Giroux: Disons que notre représentation auprès des bureaux de l'aide sociale est laissée à la discrétion du fonctionnaire. Bien sûr, on n'a pu strictement rien faire; si le fonctionnaire décide de nous tolérer, il va nous tolérer effectivement mais, dans beaucoup de cas, à tout le moins, on s'est carrément fait insulter.

Je pense que les personnes en difficulté qui sont paniquées et qui ne comprennent pas très très bien ce qui leur arrive ont le droit, au minimum dans une démocratie et dans une société de droit, d'être accommpagnées, d'être suivies et d'êtres protégées. Je mentionnais pour caractériser une partie du mémoire lorsqu'on parlait de tracasseries administratives et d'interdiction administrative également.

Mme Harel: Partait. Je vous remercie, cela éclaire bien.

Juste avant de compléter, vous avez, avec raison je pense, fait écho, dans votre mémoire, du fait que, pour réussir, les programmes devaient obtenir l'appui, le support, le soutien, disiez-vous, de l'entrepreneurship collectif et de l'expertise accumulée par les organismes et vous avez insisté sur le fait qu'il ne vous semblait pas que c'était le cas avec les programmes en vigueur. Admettons au mieux, envisageons, disons, que la réforme ne se fasse pas à la baisse, qu'il n'y ait pas de coupures de prestations, que les distinctions ne soient utilisées que pour offrir en priorité des mesures à des clientèles qui sont plus jeunes ou qui peuvent faire du rattrapage scolaire, etc. Est-ce que votre point de vue reste le même? Dans le fond, je vois que vous êtes

engagés dans une dynamique avec l'équivalent du PAR-HM - Je dis toujours le PAR-HM - du programme en lait d'action revitalisation, disons...

M. Giroux: Oui. Je vais vous décrire un fait.

Mme Harel: Mais, juste pour vous poser la question. Les stages en entreprises, si c'étaient des entreprises mises en place par le Grand plateau - l'organisme - si une formation y était possible, Je parle toujours dans les cas où il y a une mainmise de la collectivité, ce qui n'est pas impensable, sur... Je sais que PAR-HM vient de compléter une étude qui n'est pas étrangère aux grands décideurs économiques des grandes entreprises de l'Est qui ont été partie prenante et qui, à leur grand étonnement, viennent de se rendre compte que, en matière de réinsertion de l'emploi, l'institutionnel, y compris les centres Travail-Québec du secteur et tout, a failli complètement et s'est montré, selon l'étude réalisée, bien en deçà de ce que des groupes communautaires pouvaient réaliser. Il y a aussi une démonstration qui peut être faite de l'expertise qui est là et qui pourrait être utilisée.

M. Giroux: On parlait des jeunes qui accomplissent des stages en milieu de travail.

Mme Harel: Je ne parle pas de jeunes, je parle d'une perspective...

M. Giroux: Bon. D'accord.

Mme Harel:... qui pourrait être ouverte à toute personne.

M. Giroux: Parce que vous avez mentionné tantôt le fait que si un jeune participait à des stages en entreprise qui seraient de création...

Mme Harel: Non. Je ne parle pas d'un jeune.

M. Giroux: Bon. D'accord. Pour tout le monde.

Mme Harel: D'accord? Je parle d'un contexte où les barèmes ne sont pas fonction des critères de catégorisation.

M. Giroux: Oui.

Mme Harel: Les barèmes sont ceux des besoins essentiels. Après, 8 y a des participations à des programmes.

M. Giroux: Je vais vous conter un peu notre expérience. Soit dit en passant, c'est un petit problème lorsqu'on prétend, et c'est l'opinion largement répandue dans le public à l'heure actuelle, que les bénéficiaires de l'aide sociale sont premièrement des paresseux, qu'on doit les forcer à retourner sur le marché de l'emploi.

Notre vécu d'organisation de première ligne veut que dès qu'on a parié de ces initiatives socio-économiques, dès qu'on a commencé à dire qu'elles sont possibles, parce que déjà ce sont des types d'expériences qui existent, non seulement la réponse a été très intéressante mais on a peur d'être débordés pour les prochaines semaines. La réponse a été réellement étonnante. Les gens viennent...

Mme Harel: Ils appellent pour être sur la liste.

M. Giroux: Ils posent des questions. Ils veulent s'impliquer dans des équipes de travail. Écoutez, on ne sait pas exactement quoi faire avec ce monde-là. On n'est pas suffisamment équipés, ni en théorie ni en pratique, pour répondre à cette demande. On leur dit: Vous allez être obligés de mettre un frein Jusqu'au mois d'avril. Ensuite, vous allez progressivement vous former à la fois en théorie et en pratique. On va commencer par le développement économique communautaire. Ensuite, on va partir sur des trucs beaucoup plus caractérisés, beaucoup plus ponctuels, avec des cours de formation en gestion, en administration, tout ce qu'il faut à un moment donné pour créer et acheminer une entreprise de travail.

Il est faux de prétendre que si on se comporte correctement avec des gens, des bénéficiaires de l'aide sociale et si on a des solutions intéressantes à leur offrir, pas vos solutions, si on leur dit: Écoute, Ti-Caille", tu peux arriver à monter ton entreprise de travail, tu peux arriver à devenir ton propre entrepreneur lié à un tissu d'entrepreneurship qu'on appelle entrepreneurshlp collectif dans un quartier, cela les intéresse réellement. Cela ne donne rien de les prendre par le gros bout du bâton. Il s'agit tout simplement de provoquer un espoir quelque part.

Il faut dire une chose: Les bénéficiaires de l'aide sociale n'ont plus confiance dans ce gouvernement comme ils n'ont jamais eu confiance dans l'État. De toute façon, cela semble comme carrément rejeté hors de la sphère de la communication politique, hors de la sphère de la production économique, hors de la vie culturelle. Donc, ils se prennent carrément au sérieux. On est hors de tout.

Ils ne croient plus aux solutions que Pierre, Jean, Jacques leur offrent, qu'ils viennent d'Ottawa ou de Québec. Pour eux, cela retourne du pareil au même. Par contre, si on est en première ligne avec eux et qu'on leur offre des solutions intéressantes, parfois cela peut être difficile parce qu'on les implique. Mais si on arrive à les convaincre que seule leur implication personnelle pour le développement de l'emploi à leur façon répond à leurs besoins, selon leur système de valeurs, selon leurs propres objectifs, pas ceux du patronat, selon ce qu'ils ressentent,

on stimule immédiatement un intérêt.

Nous avons commencé à faire une publicité extrêmement mince. On n'en a simplement que parlé lors de quelques sessions d'information qu'on donne à notre association. Déjà, cela fourmille. Assez que cela nous fait peur. On se demande comment on va faire pour combler cette demande, où trouver l'expertise vite pour être capables de former ces gens pour cheminer avec eux. Il s'agit qu'on se comporte correctement avec les gens. C'est comme des enfants. Si vous avez des enfants et que vous passez votre temps à les battre pour leur donner une bonne éducation, il est fort possible que ces enfants soient délinquants. Pour n'importe quelle autre partie de la population, si vous vous comportez correctement, la réponse risque d'être correcte aussi. Il s'agit de se comporter en leur donnant un peu d'espoir et en les suivant, en étant toujours avec eux et cela risque de fonctionner.

Le Président (M. Leclerc): M. Giroux, je dois vous interrompre puisque notre temps est écoulé. Je demanderais à Mme la députée de Maisonneuve de conclure, s'il vous plaît.

Mme Harel: M. Giroux, je vois que vous avez beaucoup d'espoir aussi vous-même. Je crois que c'est partagé par M. Sainte-Marie, Mme Descoteaux et Mme Marchildon.

J'espère que vos espoirs ne seront pas vains parce cela a donné des résultats dans d'autres quartiers malgré que, évidemment, on se bute à des contraintes. Mais cette réalité, la connaissance de la réalité vient donner souvent aussi plus de connaissance des handicaps et des solutions possibles. Je vois que vous avez l'enthousiasme qui soulève les montagnes Je suis bien contente pour le quartier du Grand Plateau. C'est le Plateau Mont-Royal plus quoi d'autre, pour s'appeler le grand?

M. Giroux: Pardon? Le Président (M. Leclerc): Saint-Louis. M. Giroux: Cela comprend Saint-Louis. Mme Harel: Ah, d'accord. Très bien

Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre, en conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais me joindre à Mme la députée de Maisonneuve pour vous remercier, pour vous féliciter de votre enthousiasme, pour vous demander de prendre en considération, concernant l'accompagnement, des questions de confidentialité du dossier. Je pense que vous le faites régulièrement assez bien. Vous avez généralement la permission du bénéficiaire de l'accompagner, et tout cela. Mais je vous demande de comprendre également le fonction- naire qui, souvent, est aux prises avec l'application également de la Loi sur le Barreau, etc. Ce que je tiens à vous dire, c'est que si jamais un des procureurs que vous avez mentionnés ou un autre se voyaient refuser l'accès ou se voyaient brimer dans les droits de représentation, moi, je vous saurais gré d'aviser le cabinet ou l'Opposition ou le député de votre comté de façon qu'en toute circonstance, quelqu'un qui se retrouve parmi les plus démunis dans la société ait au moins le droit à cette représentation légale.

Je dirai à M. Giroux, en terminant, que j'ai apprécié la façon vivante dont il a présenté le mémoire et l'exposé. Mais je pense qu'on va peut-être se quitter avec un différend qui me paraît majeur et que j'aimerais qu'on résolve un jour. Vous avez dit, à un moment donné, dans votre exposé, que lemployabilité camoufle les vrais problèmes. Avec une clientèle dite apte au travail à l'aide sociale, qui est composée de 36 % de personnes qui sont des analphabètes fonctionnels, 60 % d'individus qui n'ont pas complété leur secondaire, alors qu'on sait que c'est une exigence de la plupart des compagnies strictement pour avoir le droit de faire application, de 40 % de gens qui n'ont aucune expérience antérieure de travail, je pense que l'employabi-lité, sans être la solution miracle, ne camoufle pas le problème, mais est un des éléments importants du problème. On doit miser sur l'amélioration de cette employabilité de nos concitoyens qui ont été laissés en marge de façon à leur donner une chance égale, à un moment donné dans la vie, d'avoir accès à un emploi, chose qu'ils n'ont pas lorsqu'ils se retrouvent dans les statistiques que je viens de vous énumérer.

Continuez votre bon travail, conservez. votre dynamisme et toute autre suggestion positive que vous avez à nous adresser sera considérée. Je retiens que le gouvernement ne peut tout faire seul, en tout cas, pas bien le faire.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le ministre. À mon tour, au nom de la commission, je vous remercie, Mme Marchildon, Mme Descoteaux, M. Sainte-Marie, M. Giroux, de votre présence parmi nous ce soir. Je vous souhaite un bon retour à la maison.

J'appelle maintenant le Conseil central des syndicats nationaux de la région de Québec. Je suspends pour deux minutes, le temps que nos invités puissent s'installer.

(Suspension de la séance à 21 h 23)

(Reprise à 21 h 26)

Le Préskient (M. Leclerc): À l'ordre, s il vous plaît!

Je voudrais souhaiter la bienvenue au

Conseil central des syndicats nationaux de la région de Québec. Je demanderais à Mme Madore de nous présenter ses collègues pour les fins du Journal des débats.

Mme Madore (Nicole B.): D'accord. À ma gauche, vous avez Julien Painchaud, conseiller syndical à la CSN et, à ma droite, Yvon Poirier, officier au conseil central.

Le Président (M. Leclerc): Alors, madame, je pense que vous êtes bien habituée à nos débats. Je vous...

Mme Madore: Non, c'est la première fois que je viens en commission parlementaire, M. Leclerc.

Le Président (M. Leclerc): Ah oui! Mme Madore: Oui, monsieur. Le Président (M. Leclerc): Ah!

Mme Harel: Vous accompagniez Mme Simard, je crois.

Mme Madore: J'ai accompagné, mais je n'étais pas la porte-parole.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Leclerc): Donc, c'est pour vous dire que vous êtes sans doute familière avec nos procédures. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et ensuite, de chaque côté de la table, on aura 20 minutes pour vous poser les questions qui s'imposent. Je vous ferai signe quand il vous restera environ cinq minutes. Alors, la parole est à vous.

Conseil central des syndicats nationaux de la région de Québec inc. (CSN)

Mme Madore: Alors, M. le Président, M. le ministre et membres de la commission, le Conseil central des syndicats nationaux de la région de Québec est un organisme affilié à la Confédération des syndicats nationaux. Le conseil central a pour fonction de représenter tous les syndicats de son territoire à propos de toute question touchant nos revendications à caractère social ou politique, ainsi que de soutenir et d'encadrer les luttes que décide d'entreprendre tout syndicat.

Notre territoire couvre la grande région de Québec. Sur la rive nord, en plus du Québec métropolitain, nous regroupons les comtés de Portneuf, de Charlevoix; sur la rive sud, notre territoire s'étend de la Beauce et couvre Lot-binière. À l'est, cela comprend toute la côte sud, incluant Kamouraska.

Nous représentons plus de 300 syndicats de tous les secteurs d'activités qui regroupent environ 35 000 membres.

Nous avons donc un intérêt direct envers la question qui est soumise à la commission. Dans diverses circonstances, quand un de nos membres perd son emploi pour diverses raisons: fermeture d'entreprise, vente avec erreur, comme dans le cas du Manoir Richelieu, changements technologiques, erreur politique, comme dans le cas du chantier naval de Lauzon, réduction d'activité ou chômage saisonnier, il arrive très souvent qu'après avoir épuisé les prestations d'assurance-chômage, les personnes doivent devenir bénéficiaires du bien-être social.

Au cours des dix dernières années, c'est presque quotidiennement que nous avons eu à nous confronter avec les politiques et programmes d'aide sociale au Québec.

Nous l'avons déclaré à plusieurs reprises, notre expérience nous démontre, depuis plusieurs années, qu'il n'existe pas de politique qui assure la sécurité du revenu au Québec. Il existe encore de nombreuses situations où des hommes et des femmes sont totalement dépourvus d'assistance économique et notre expérience nous démontre encore que, dans la plupart des cas où l'assistance économique est réduite à l'aide sociale, telle que nous la connaissons actuellement, il en résulte une marginalisation qui devient rapidement insurmontable.

Le drame des jeunes femmes et des jeunes hommes qui n'ont pas pu s'insérer dans le marché du travail le démontre clairement. Il n'y a qu'à évoquer le taux de suicide... Mais le drame des femmes qui se retrouvent seules, avec des responsabilités famililales et sans préparation au travail - mais de toute façon sans travail -est, à plusieurs égards, encore plus terrible. Une autre dimension du drame de l'assistance sociale nous est familière, bien que moins souvent évoquée: l'ouvrière ou l'ouvrier qui a travaillé pendant 20 ou 30 ans, qui a contribué à la richesse collective tant par sa production que par ses achats, qui a fait rouler l'économie et qui se retrouve du jour au lendemain rejeté! Usine fermée. La nouvelle technologie exige une nouvelle main-d'oeuvre. L'entreprise a déménagé. Ces gens avaient le malheur de s'être donné un certain niveau de vie. Une fois le chômage fini, après avoir été coupés des paies de vacances, des primes de séparation, des congés de maladie précieusement mis en banque contre les jours difficiles et bien autre chose, il leur faudra glisser profondément dans la misère avant de pouvoir être assistés. Dans les conditions actuelles, notre expérience nous démontre qu'à peu près personne ne peut surmonter cette marginalisation après l'âge de 45 ans.

Toutes ces circonstances, au cours des dix dernières années, nous ont donc amenés à nous rapprocher davantage, par intérêt et par solidarité, et à nous associer aux groupes populaires et communautaires qui luttent courageusement pour la reconnaissance des droits de toutes les personnes qui sont exclues de la sécurité du revenu qui découle du travail.

Nos luttes se sont faites à la fois sur des points particuliers pour combattre les coupures aveugles et l'appauvrissement systématique de l'aide sociale, mais aussi pour soutenir des revendications de portée plus générale qui répondent à des besoins urgents et offrent des perspectives d'avenir telles la réduction du temps de travail sans perte de revenu et la mise en place des éléments nécessaires à une politique de plein emploi, seule réelle politique vers la sécurité du revenu.

C'est dans cette perspective que les syndicats affiliés à la fois au conseil central de la région de Québec et à la CSN soutiennent notre action et nos luttes en lien étroit avec divers groupes au sein de coalitions prônant la solidarité sociale, la justice dans la répartition de la richesse, te droit de chaque personne de bénéficier de cette richesse pour satisfaire ses besoins. C'est donc à la lumière de nos pratiques et de nos expériences de lutte et de soutien avec celles et ceux qui sont rejetés ou exclus du marché du travail que nous avons examiné le document d'orientation intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu".

Afin de savoir si notre conseil et les syndicats affiliés soutiendraient ou s'opposeraient au projet mis de l'avant pour assurer la sécurité du revenu au Québec, nous avons retenu un certain nombre de questions pour voir si des réponses satisfaisantes y seraient apportées.

Un travailleur de 47 ans qui travaillait à la Davie Shipbuilding depuis plus de 20 ans, qui se retrouve aujourd'hui sans emploi, trouve-t-il une solution à ses problèmes?

Une travailleuse de 40 ans qui travaillait dans un hôtel de Charlevoix depuis plus de 15 ans, qui se retrouve sans emploi, trouve-t-elle une solution à ses problèmes?

Une jeune femme de 19 ans qui a terminé ses études à Montmagny et qui n'a pas pu se trouver du travail, sauf des "jobines" de 10 à 12 heures par semaine au salaire minimum, trouve-t-elle une solution à ses problèmes?

Un jeune homme de 21 ans qui est travailleur agricole, qui n'a eu droit qu'à 15 ou 18 semaines de chômage et qui est sans travail, que lui arrivera-t-il?

Une femme de 45 ans qui a élevé une famille et qui se retrouve seule, à la suite d'une séparation, sans argent, que lui arrivera-t-il?

Une jeune femme, victime d'un accident de travail, atteinte d'une invalidité partielle permanente qui lui a rapporté 7000 $ de compensation et qui ne retrouve pas son emploi, sera-t-elle soutenue?

Une personne sera-t-elle considérée comme ayant droit à l'autonomie sans tenir compte de ses liens de famille? Et bien d'autres questions.

Ce sont là nos premières questions, sans compter, bien sûr, celle de la discrimination selon l'âge - les moins de 30 ans.

À notre première lecture, nous avons été frappés si durement par un renversement fon- damental du principe de base actuellement reconnu, que nous avons cru à une méprise.

Pourtant, il a fallu nous rendre à l'évidence. Le document du ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu rejette le postulat selon lequel toute personne démunie a droit à l'assistance sociale, quelle que soit la cause de son indigence.

Le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu décide donc d'affirmer que ce n'est plus un droit pour toute citoyenne ou tout citoyen démuni d'être assisté pour satisfaire ses besoins à même la richesse collective. On ne retrouve d'ailleurs pas la notion de droit dans la formulation de cette politique. On dit: "le gouvernement assistera les personnes incapables de satisfaire...".

Bien plus, le régime n'aura plus le caractère universel qu'il avait. C'est un régime auprès duquel il faudra se qualifier. Il faudra que la personne fasse la preuve qu'elle est admissible.

Nous fondons notre affirmation sur certains éléments du document du ministre. Par exemple, au dernier paragraphe de la page 19 du document: "Présumant de l'employabilité et de la disponibilité de toute personne à occuper un emploi, à moins que son inaptitude au travail ou sa non-disponibilité temporaire soit démontrée..." De plus, il est dit plus haut, à la même page 19, que, "Pour ceux qui sont aptes au travail, le recours à l'aide sociale ne sera plus considéré comme une période d'inactivité mais, au contraire, comme une période de développement pendant laquelle... etc." Nous joignons ces éléments aux affirmations contenues dans les paragraphes 3, 4 et 5 de l'introduction de la page 5 qui porte la signature même du ministre, où il est dit: "D'une part, l'État se reconnaît le devoir et l'obligation de pourvoir aux besoins essentiels des personnes inaptes au travail..." ..."D'autre part, le gouvernement est très préoccupé par le sort de nombreux citoyens qui subissent les contrecoups des récessions économiques et de la révolution technologique et, notamment, de l'avenir des jeunes qui ne peuvent se trouver d'emploi et qui n'ont aucune expérience de travail. Que ces personnes se retrouvent à l'aide sociale, n'est ni acceptable pour elles, ni souhaitable pour la société et pour l'État..."

Au paragraphe suivant, le texte poursuit: "...dans cette double perspective..." Comprenons-nous correctement la portée de ces affirmations en pensant que ce n'est qu'envers les personnnes qualifiées d'inaptes que le gouvernement se reconnaît des devoirs et des obligations et que les autres ne font que l'objet de vos préoccupations? Et si c'est le cas, comme c'est écrit, pourrait-on croire que seules les personnes classées inaptes seront assurées d'un soutien continu? Les autres ne bénéficieront-elles de mesures que pour une période délimitée? Ces dernières personnes pourraient-elles être exclues si elles ne répondent pas aux obligations et

responsabilités dont il est question au paragraphe 2.4 de la page 14? Nous espérons nous tromper sur ce point. Mais le document ne contredit pas cette interprétation.

En tout état de cause, il est clairement affirmé que l'État ne se reconnaît des devoirs et obligations qu'envers les personnes déclarées inaptes. Cela nous inquiète au plus haut point, car il nous faut en conclure que les autres personnes démunies devront répondre aux contraintes prévues au programme pour bénéficier de l'assistance. Qu'est-ce qui nous assure que l'exclusion complète ne sera pas utilisée pour les inciter à se trouver un emploi?

Nous ne pouvons pas cacher que cela nous semble une perspective extrêmement dangereuse dans le cadre des rapports de l'État avec les personnes les plus démunies.

Pire encore, il est affirmé que l'aide sociale "doit tenir compte des liens de solidarité et de responsabilité qui unissent les membres d'une famille" et "ne doit pas se substituer aux responsabilités parentales et aux obligations filiales."

L'État contraindra-t-il une fille ou un fils à assister son ou ses parents avant d'admettre cette dernière personne à l'aide sociale?

Nous étions de plus en plus inquiets de la portée et des implications du projet du ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Nous sommes revenus aux cas que nous avions sélectionnés pour mesurer concrètement le projet de réforme.

Tous les cas que nous avions retenus se classaient dans les aptes. Donc, personnne n'a de droit assuré à l'assistance économique et autres. Mais apte à quoi? À travailler? Où est le travail? Autour du chantier maritime de Lauzon, il n'y a pas de travail pour notre ouvrier. Mais c'est aussi vrai pour la jeune femme de Montmagny, et aussi vrai pour le jeune homme qui est travailleur agricole. Même celle qui a reçu une compensation de la CSST devra la soustraire. En échange, l'aide sociale fera-t-elle disparaître le handicap?

Donc, celles et ceux qui n'ont plus rien recevront 100 $ par semaine en 1989.

Vous vous souvenez sans doute que tout le monde ordinaire avait reconnu que 100 $ par semaine était le revenu minimum décent en 1972. Nous savons tous qu'il y a eu passablement d'inflation depuis ce temps et que ça fait seize ans. Bien sûr, tout le monde constate qu'il s'agit d'un recul sur la situation actuelle des plus de 30 ans. Situation déjà dénoncée comme insatisfaisante.

Au plan financier, le régime ne fait qu'entretenir la pauvreté et l'insécurité. Car non seulement c'est la pauvreté érigée en système, mais il y a menace d'être exclu d'une série de bénéfices à la moindre occasion et d'être continuellement suivi et surveillé pour répondre aux nécessités bureaucratiques du système.

Reprenons l'exemple du travailleur du chantier maritime et examinons la situation.

C'est un ouvrier qui a travaillé pendant plus de 20 ans à un salaire industriel moyen, il a contribué de façon productive et efficace à la richesse de l'entreprise et de la collectivité. Il a organisé sa vie avec les moyens qui étaient les siens. Il perd tout cela parce que des décisions qui lui échappent complètement ont fait disparaître son gagne-pain. Il a épuisé ses prestations de chômage et il ne lui reste que l'aide sociale. Il recevra 100 $ par semaine. Comment voulez-vous que cela puisse répondre à ses besoins? S'il veut augmenter ses prestations, il devra accepter de participer à des programmes de retour au travail. C'est-à-dire de travailler, par exemple, pour 1,50 $ de l'heure, sans perspective sérieuse de se retrouver un emploi comparable puisqu'il n'y en a pas.

Lui qui a toujours été syndiqué, exerçant de ce fait un droit fondamental, reconnu par la Charte des droits du Canada, se voit contre toute justice privé de ce droit. Et s'il survenait un conflit de travail pendant qu'il se trouve dans une entreprise dans le cadre de l'un de ces programmes, que devra-t-il faire? Sera-t-il un scab? Devra-t-il franchir les piquets de grève? Perdra-t-il ses avantages?

Est-il pensable qu'une personne de plus de 40 ans envisage sérieusement de repartir sa vie comme s'il avait 17,18 ans?

De plus, n'est-il pas illégal de le priver de son droit d'association, droit fondamental reconnu par la charte canadienne et confirmé par la Cour suprême du Canada?

Comment peut-on accepter que le gouvernement du Québec institutionnalise le retour sur le marché du travail de centaines de milliers de personnes, en bas du salaire minimum, et à rencontre de sa propre Loi sur les normes du travail?

Le gouvernement n'est-il pas en train de préparer le démembrement de cette loi? Qui voudra la respecter si le gouvernement lui-même démontre que l'on peut l'ignorer à volonté?

Quel employeur voudra créer des emplois stables et convenablement rémunérés s'il sait que le gouvernement se fait marchand de main-d'oeuvre à rabais?

Comment les jeunes peuvent-ils penser que ce projet est porteur d'espoir pour eux? Où sont les emplois qu'ils doivent absolument trouver?

A notre avis, le gouvernement fait fausse route. Il déclare qu'il y a trop de personnes qui sont à l'aide sociale. C'est une évidence, mais ces personnes sont à l'aide sociale parce qu'il n'y a rien d'autre. Peut-on sérieusement croire que le problème est résolu en déclarant que seuls les inaptes au travail seront désormais admissibles et que les autres devront se trouver du travail? Il y a déjà 350 000 autres personnes qui n'ont pas de travail au Québec.

Il n'y aura peut-être que 350 000 assistées sociales et assistés sociaux inaptes au travail, mais il y aura près de 800 000 personnes toujours sans travail, même si elles sont aptes à

travailler. Seront-elles moins pauvres, moins mal prises? Qu'y a-t-il de changé, sinon qu'elles seront toutes un peu plus pauvres?

N'est-il pas évident qu'une telle quantité de personnes qui devront se trouver ou accepter de force un emploi, devront le faire à n'importe quelle condition? Institutionnaliser une telle concurrence sur le marché du travail en brisant le plancher du salaire minimum et des normes du travail, en plus de leur défendre l'usage du droit fondamental d'association, n'est-ce pas organiser la méfiance et la haine dans les rapports sociaux?

Le gouvernement n'est-il pas en train de dire au fils ou à la fille qu'il doit déloger son père ou sa mère de son emploi pour s'en emparer?

Pour nous, à la lumière de ce que nous connaissons et observons au Québec actuellement, cette politique est source de division et de désorganisation sociale et économique. Pourtant, tout au contraire, nous sommes convaincus qu'il est urgent d'adopter des mesures qui ouvrent l'avenir aux jeunes, développent l'autonomie des personnes et favorisent la solidarité sociale.

Par exemple, comment pourrions-nous admettre que le gouvernement déclare que les quelque 350 000 personnes inaptes au travail soient désormais classées, parquées sur l'aide sociale et qu'il n'y a plus rien à faire? Nous allons les soutenir, sans prendre tous les moyens pour leur assurer un développement maximum de leurs capacités. Une telle proposition fait frémir.

Toutes les personnes et tous les groupes qui ont un peu réfléchi sur cette question en viennent à la même conclusion: la solution passe par la mise en place d'une politique de création d'emploi. Nous savons que cela demande des changements importants qui touchent de nombreux domaines de l'activité économique et sociale ainsi qu'à des décisions politiques d'envergure.

Nous sommes néanmoins convaincus que cela demande une planification beaucoup plus poussée de la part du gouvernement. Nous sommes aussi convaincus que cela nécessite l'élaboration de plans de développement plus rigoureux pour les diverses régions du Québec. Nous savons que cela nécessite un contrôle plus direct de la part du Québec sur l'ensemble des moyens et programmes de formation de la main-d'oeuvre. Nous savons que les sommes d'argent destinées au Québec qui sont entre les mains de la Commission d'assurance-chômage devraient pouvoir être contrôlées par le Québec. Nous sommes même convaincus que, dans le cadre d'une réforme fiscale nécessaire qui devrait rééquilibrer en faveur des individus le fardeau fiscal avec les entreprises, le Québec doit s'assurer une part beaucoup plus large de la fiscalité. Cela nous apparaît indispensable pour que le Québec puisse exercer son hégémonie - excusez, il faut aller vite - sur les quelques éléments que nous venons de citer s'il veut vraiment avoir le pouvoir d'agir et d'orienter le développement économique et social de sa population et non laisser simplement les développeurs participer aux encans et exploiter les richesses naturelles.

Ce ne sont que quelques exemples et nous savons que nous n'avons pas les moyens d'un gouvernement pour examiner et résoudre le problème qui se pose actuellement. Cependant, nous sommes absolument convaincus d'une chose: les cas que nous avions retenus pour mesurer la valeur du projet du ministre Paradis ne trouvent aucune solution. Pire, cela aggrave leur situation.

Une dernière remarque, avant de conclure, qui, à notre avis situe bien l'opinion que le ministre Paradis se fait des personnes qui ont le droit d'être assistées parce que le régime économique et social actuel les a démunies. À la page 19 du document, il est affirmé que "les prestations et les autres formes de soutien garanties par l'aide sociale ne doivent pas excéder les ressources financières dont disposent les autres personnes à faible revenu." Cela comprend aussi les inaptes qui n'ont donc pas à être poussés de force vers des emplois.

Donc, ces personnes ne peuvent plus prétendre se comparer à un citoyen ou une citoyenne ordinaire, mais seulement à ceux et celles qui ont le malheur d'être condamnés à un faible revenu. Quand on est né pour un petit pain..

En conclusion, même si nous n'avons soulevé ici que certains aspects du projet du ministre Paradis, nous l'avons quand même étudié dans son ensemble. Cependant, nous sommes assurés que les autres groupes intéressés feront valoir leur point de vue sur les questions qui les intéressent plus immédiatement.

En ce qui nous concerne, nous l'avons dit: Le ministre fait fausse route. Nous sommes contre l'orientation générale présentée dans le document à l'étude.

D'abord parce que le principe général, qui admettait que toute personne dans le besoin a droit à l'assistance quelle que soit la cause du besoin, est nié.

Ensuite, parce que nous ne croyons pas qu'une discrimination en corrige une autre, soit de remplacer la discrimination selon l'âge par celle de l'inaptitude. Aussi, parce que la contrainte de trouver ce qui n'existe pas, à savoir des emplois, ne peut pas résoudre le problème de ceux et celles qui n'ont pas de revenus pour satisfaire leurs besoins.

Enfin, parce que nous n'acceptons pas la démission du gouvernement devant ses obligations, à savoir: se donner les moyens et mettre en oeuvre une politique de plein emploi qui, elle, serait porteuse d'espoir et source de solidarité pour toutes les personnes concernées par la justice et l'égalité. Ces principes qui guident notre action quotidienne guident aussi notre conduite dans nos rapports avec nos concitoyens et concitoyennes, d'autant plus que nous les reconnaissons le plus souvent parmi les plus

démunis.

Nous demandons donc au ministre d'abandonner son projet et de s'attaquer résolument à la mise en oeuvre d'une politique de plein emploi, source réelle de sécurité de revenu capable de satisfaire les besoins des personnes. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Mme Madore, je vous remercie. Je reconnais M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la CSN, région de Québec, ses porte-parole et vous me permettrez des remerciements particuliers à l'endroit de Mme Madore qui est la porte-parole et qui nous a fait un résumé du mémoire.

Je vous dirai que si je partais, comme vous le faites, des statistiques que vous avez citées, j'aurais probablement la même idée que vous et j'abandonnerais le projet. Il y a des éléments de base que je ne peux absolument pas réconcilier avec les chiffres qui me sont fournis comme ministre responsable du dossier. Quand la CSN était venue, j'avais eu une certaine difficulté d'interpétation, mais on s'est retrouvés lorsque j'ai réalisé que la CSN utilisait des statistiques de 1984 Les chiffres que vous citez présentement, je ne les retrouve pas depuis l'adoption de la Loi sur l'aide sociale en 1970. Je ne sais pas par qui ils vous ont été fournis. Je ne sais pas d'où ils viennent. Mais ils sont à ce point éloignés des statistiques que l'on m'a fournies comme ministre que j'en suis estomaqué. C'est ma première réaction devant les statistiques que vous avez utilisées dans votre mémoire. (21 h 45)

Maintenant, en ce qui concerne plus particulièrement certains aspects sur le plan des principes que vous avez abordés, parce que je pense qu'on peut discuter de cela quels que soient les chiffres, les principes demeurent des principes dans la société. Je vous dirai que personne n'est exclu, pour répondre à l'une de vos questions, de la politique de sécurité du revenu.

Je vais profiter de votre présence... Et vous y êtes revenue à deux ou trois occasions. Je présume que c'est un sujet qui vous tient à coeur, soit le travailleur qui a oeuvré pendant une longue partie de sa vie, qui perd son emploi, mais n'en est absolument pas responsable. Ce sont des décisions sur lesquelles il n'exerce ni un contrôle direct ni un contrôle indirect qui font que, du jour au lendemain, il se retrouve, pour une période de douze mois, prestataire de l'assurance-chômage et, par la suite, souvent bénéficiaire de l'aide sociale, s'il se retrouve parmi les plus âgés des travailleurs.

Je vous confesserai que je n'ai pas la prétention de dire ni sur le plan de la dignité humaine ni sur le plan financier, que, ce que nous proposons comme politique de sécurité du revenu répond aux aspirations de ce type de travailleur ou de travailleuse. Je vous dirai que, comme ministre responsable et du ministère du Travail et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je mise davantage et beaucoup plus sur un programme que vous avez connu dans certains secteurs d'activité économiques très précis, le programme PAT, et sur son application universelle à d'autres types d'activités économiques. Lorsqu'on reçoit ces gens-là dans nos bureaux de comté - et les licenciements collectifs surviennent dans toutes les régions du Québec, à certaines époques, c'est plus à la mode dans une région que dans d'autres, mais cela finit pas toucher tout le monde - il n'y en a pas un à qui on dit: Ton assurance-chômage achève, tu vas devenir bénéficiaire de l'aide sociale, qui n'en est pas personnellement et humainement affecté. Lorsqu'on peut lui offrir, s'il était dans le domaine du textile, pour donner un exemple, un programme du type PAT ou PATA, cette personne se retrouve beaucoup plus à l'aise, autant sur le plan financier que quant à sa motivation personnelle et quant à son statut social dans la société. Je vous dirai que vous avez raison, et cent fois raison, d'insister sur cet aspect très important du travailleur un peu plus âgé licencié collectivement.

Mais le noeud du problème auquel on s'adresse, vous le retrouvez dans le cadre du programme APTE et la clientèle visée par ce programme, quelque 300 000 chefs de ménage. Les caractéristiques de cette clientèle: près de 40 % sont des analphabètes fonctionnels, 60 % n'ont pas complété leur cours secondaire, 40 % n'ont aucune expérience antérieure de travail. Pensez-vous que le gouvernement, quel qu'il soit, fait fausse route quand il mise sur l'amélioration de l'employabilité de ces individus? Êtes-vous d'opinion qu'il s'agit d'un gaspillage éhonté de fonds publics que d'investir dans l'amélioration des caractéristiques d'employabilité de ces individus?

Mme Madore: Bien sûr, quand vous dites que 40 % sont analphabètes, 70 % n'ont pas le degré scolaire voulu par les compagnies, ce n'est pas nécessaire pour cela et ce n'est pas parce qu'on est démuni intellectuellement qu'on doit vivre pauvrement et démuni et que le gouvernement ne peut pas reconnaître nos besoins essentiels.

Que vous ayez des programmes pour investir pour que ces gens-là puissent avoir de la formation, améliorer leurs conditions, on en est, mais on aimerait bien savoir quels sont les programmes de formation qui seront présentés. Est-ce que ces travailleurs et ces travailleuses que vous allez retourner sur le marché du travail seront reconsidérés comme des gens qui travailleront en sous-traitance dans des industries ou dans des manufactures quelconques? Est-ce que ce seront des travailleuses et des travailleurs qui n'auront pas le droit de se syndiquer? Est-ce que ce seront des travailleuses et des travailleurs qui

travailleront en bas du salaire minimum pour avoir une formation? Est-ce que ce sera cela, les programmes de formation? On n'a pas de réponse à cela. Je n'ai pas vu de réponse en tout cas. On n'a pas eu beaucoup de temps non plus pour se préparer à présenter ce mémoire, parce que c'est pas mal complexe. On ne travaille pas avec cela tous les jours, n'est-ce pas, une réforme. Est-ce que vous croyez que ces gens, parce qu'ils ont un handicap, parce qu'ils n'ont pas d'instruction, doivent être plus démunis encore que s'ils avaient le salaire minimum? C'est impensable. On ne peut pas croire que des gens, par des programmes de formation, iront travailler dans des stages en entreprise ou en sous-traitance - je ne sais pas comment vous allez appeler cela - pour pouvoir avoir une formation. Comment allez-vous donner la formation à ces gens?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Madore, vous avez traité - et je ne veux pas embarquer dans cela, on pourrait le faire, mais le temps ne nous le permet pas - d'un des programmes qui s'appelle Stages en entreprise, on pourrait en discuter longuement. Il y a d'autres programmes qui existent au sein du ministère et qui ont connu une certaine expérience. Il y en a un qui s'appelle Rattrapage scolaire, l'autre s'appelle Travaux communautaires, l'autre s'appelle Retour aux études postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale. Vous avez été très loquace sur celui que vous attaquez principalement, Stages en entreprise. On aura le temps de réfuter les arguments au cours des mémoires qui nous seront présentés.

Quant aux autres programmes, les trois autres, est-ce que vous avez le même type de récriminations à leur adresser?

Mme Madore: II y a des programmes qu'on a été capables d'accepter. Il y a des programmes qui ont été acceptables avec la rémunération qu'ils avaient. Mais où retrouve-ton ces gens aujourd'hui? M. Painchaud veut continuer là-dessus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux vous l'indiquer parce que je dispose de la statistique. Ceux qui sont sortis de l'aide sociale, on ne les retrouve plus à l'aide sociale. La statistique est la suivante: 90 % des gens qui ont déjà bénéficié de l'aide sociale et qui s'en sont sortis ne reviennent jamais à l'aide sociale.

Mme Harel: Cela ne veut pas dire qu'ils s'en sont sortis avec les mesures.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, j'ai bien indiqué: ils s'en sont sortis.

Mme Madore: Ils ne s'en sont pas sortis à cause du programme d'aide sociale. M. Painchaud voudrait répondre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour être un peu plus précis également et vous permettre de mettre à jour les informations qui sont de base et essentielles à une bonne compréhension du dossier, il y a 40 % de la clientèle qui, pendant les neuf premiers mois à laide sociale, s'en sortent pratiquement seuls. Quant aux résultats donnés par les divers programmes, la question très précise, on avait les renseignements pour jusqu'à 1984 ou 1985. On les avait communiqués à l'Opposition. On tente de les mettre à jour le plus possible, de façon à les communiquer également de façon que ces statistiques soient disponibles.

Ce qu'on vous dit, c'est que les gens qui s'en sortent seuls ou avec l'aide des programmes, dans une proportion de 90 %, et c'est très intéressant, ne reviennent jamais à l'aide sociale.

Le Président (M. Leclerc): M. Painchaud.

M. Painchaud (Julien): Dans les cas que vous avez soulignés, d'abord pour les chiffres, on n'a pas fait la distinction avec les chefs de famille et les personnes dépendantes

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Même là

M. Painchaud: En tout cas, les chiffres qu'on a consultés pour préparer le document sont ceux qui nous ont été fournis par les associations avec lesquelles on travaille. Là-dessus, ce sont les bases sur lesquelles... Mais, comme vous dites, la question du nombre n'efface certainement pas la question qui est au fond.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les principes.

M. Painchaud: Nous, on a pris des exemples, comme on vous l'a dit. Dans la région, il y a les travailleurs forestiers de Charlevoix, à cause de la modernisation des équipements, tantôt à cause de la fermeture des zones de coupe ou autrement, qui perdent leur emploi et, après la période de chômage, qui se retrouvent devant la situation qui sera celle qu'ils devront vivre avec le programme que vous mettez en oeuvre et ne trouvent pas de solution. Le retour à l'école pour des personnes qui ont passé l'âge de 40, 45 ans est une chose très peu probable, comme voie d'avenir pour eux.

C'est vrai pour les travailleurs du chantier de la Davie Shipbuilding qui ont en moyenne, je vous le rappelle, quelque chose entre 47 et 52 ans. Ceux qui sont attaqués actuellement sont dans cette moyenne. Vous ne les convaincrez pas facilement de se réinscrire en septième, huitième ou neuvième année à l'école, comme vous aurez une très grande difficulté, puisqu'on l'a essayé avec d'autres types de programmes au cours des plus fortes mises à pied, à les faire travailler sur des choses comme laver les vitres, déneiger et tout ce que vous connaissez, ce qui serait

probablement des programmes de travaux communautaires. D'autres sont allés travailler dans des entreprises à peu près dans les mêmes conditions et c'est une chose qui, pour eux, est impraticable. Ce n'est pas toujours pour des raisons économiques. C'est qu'au bout de trois jours, plusieurs d'entre eux ont décidé de sortir du programme plutôt que de vivre ce qu'ils avaient à vivre après une vie active de 25, 30 ans de production comme ils l'ont fait.

Devant la réforme que vous proposez, il n'y a aucune solution pour ces personnes. Dans notre région, c'est quand même une quantité de personnes considérable, si vous faites le tour de la région, non seulement de la région métropolitaine, mais aussi de la grande région en dehors de la zone métropolitaine. C'est à la lumière de ces faits que les syndicats nous ont demandé de venir soulever ces questions. Comme vous le voyez, notre mémoire est plus centré sur les questions ayant rapport au travail et aux programmes que vous mettez en cause, parce que, pour le reste, on endosse complètement le mémoire principal déposé par la confédération.

À la lumière de ces questions, les gens ne retrouvent aucune solution aux problèmes qui leur seront posés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai très brièvement qu'au gouvernement du Québec, nous accordons actuellement une importance qui est primordiale aux négociations qui sont en cours avec le gouvernement fédéral pour améliorer un ancien programme qui a pris fin au mois d'août l'an dernier et qui s'appelait le programme PAT du gouvernement fédéral...

Mme Harel: Non, en 1986, malheureusement. M. Paradis (Brome-Missisquoi): 1986.

Mme Harel: Je suis bien placée pour le savoir avec le chantier de la Vickers. C'était en août 1986. Ils ont passé à côté.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De toute façon, dans les négociations - je tiens à vous l'indiquer, Mme la députée de Maisonneuve -nous insistons, comme gouvernement provincial, pour que les délais de négociations ne portent pas préjudice aux travailleurs et nous tentons de négocier une clause d'application rétroactive pour ne pas qu'il y ait de trou et que les travailleurs se retrouvent sans filet et aux crochets de l'aide sociale. Comme vous, nous ne pensons pas que les programmes qui ont déjà été expérimentés, mis en place, constituent une réponse qui soit absolument adéquate pour ces individus et nous pensons qu'un programme beaucoup plus du style assurance sociale qu'assistance sociale répond aux besoins de ces individus. Sur ce...

Le Président (M. Leclerc): Avant de reconnaître Mme la députée de Maisonneuve, une petite question de procédure. J'ai besoin du consentement des membres de la commission pour que nous puissions dépasser 22 heures.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Consentement.

Le Président (M. Leclerc): Consentement. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux saluer Mme Madore, M. Poirier, M. Painchaud. Cela me fait d'autant plus plaisir, M. Painchaud, qu'il y a bien des années, nous nous étions connus à l'université. Quand je vois vos cheveux gris, je me dis que j'ai donc bien fait de ne pas garder les miens.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Painchaud: Cela ne me dérange pas beaucoup.

Mme Harel: C'est bien. Cela me faisait penser, d'ailleurs, en vous écoutant, en revoyant la revendication d'un dollar en 1972... Remarquez que dans notre temps, il y a plus longtemps que cela, cela va faire 20 ans - en 1968 - cette année. Cela me faisait penser qu'à l'époque, à l'UGEQ, je gagnais 75 $ par semaine et c'était bien payé. Je réussissais à avoir un appartement sur le plateau Mont-Royal, à me déplacer et aller manger au restaurant pas mal souvent. Les gens mariés, eux, avaient un supplément. Ils gagnaient 90 $ par semaine. D'ailleurs, Louis Falardeau, qui est journaliste à La Presse, était secrétaire général. Il y en avait d'autres dans votre mouvement. Je pense que Gilles Duceppe fait partie de votre organisation. Il gagnait le même salaire que moi. (22 heures)

C'est donc que les dépenses essentielles et les besoins essentiels étaient comblés avec un revenu de cet ordre. Quand je regarde maintenant ce que cela coûte pour se loger, ce que cela coûte pour se nourrir, pour se transporter, pour, finalement, les besoins essentiels de la vie, on voit que notre mentalité n'a pas vraiment évolué en regard de ce qui est considéré maintenant comme un salaire minimum. Je me pose souvent cette question. Vous vous rappelez combien la revendication des 100 $ était soutenue, je dirais, très largement par l'opinion. À l'époque, je n'étais pas syndiquée, j'étais au Conseil de développement social du Montréal métropolitain et c'était vraiment un appui qui venait d'à peu près tous les milieux. Combien est-ce maintenant, ce qu'on peut considérer comme un salaire, si vous voulez, qui correspond aux 100 $ de 1972, un salaire considéré comme minimal?

Le ministre parle de PAT, programme pour la retraite des personnes âgées, pour des travailleurs retraités, c'est terminé depuis août 1986.

Là, je ne sais pas si mes informations sont à jour, mais les dernières négociations avaient l'air d'être bien lentes vu que ce sont les dix provinces et qu'il y en a qui sont moins rapides que d'autres, surtout que le gouvernement serait plutôt intéressé à lancer ce programme juste avant le déclenchement d'une élection - je parle des conservateurs.

Dans le fond, on joue quand même avec les conditions de vie des gens. Finalement, ce serait, à peu de choses près, un peu plus que l'aide sociale, dit-on, et également, cela s'appliquerait - ce serait universel - seulement dans les réglons où il y a 3 % de plus que la moyenne du chômage. Je ne sais pas si ce sont là vos informations.

M. Painchaud: Ce qui exclut la région de Québec.

Mme Harel: Ce qui exclut la région de Québec et la région de Montréal. Vous voyez, c'est qu'il y a des quartiers qui sont en train de mourir en santé...

M. Painchaud: C'est cela.

Mme Harel: Alors, vous devez connaître le même phénomène qui est relativement bien connu. Quand vous parliez de Lauzon, je pensais à Vickers à Montréal. Je pense qu'il n'y a rien de plus dramatique, au sens de tragique, au sens de la tragédie des choses, que d'assister à une assemblée de travailleurs qui n'ont plus rien d'autre que les épaules courbées, les mains entre les genoux et qui se disent que c'est fini, d'une certaine façon. La culture ouvrière, ce que vous exprimiez, M. Painchaud, c'est cela, c'est une sorte de fierté. Il n'y a personne qui a un projet de vie, à moins d'être de la troisième génération et là, il y a un autre cumul de privations dès la petite enfance qui font qu'on ne se donne pas comme projet de vie d'être sur l'aide sociale.

Dans votre mémoire, vous dites qu'il faut récupérer. Vous parlez de récupérer sur le plan fiscal. Vous voulez sans doute parler des points d'impôt. Vous parlez de récupérer l'assurance-chômage. Sinon, comment imaginer faire face à la situation que vous décrivez? Les cas que vous décrivez, ce sont des cas... Ce n'est pas l'aide sociale, même plein barème, qui peut satisfaire finalement ce que vous constatez. Alors, qu'est-ce que vous préconiseriez?

M. Painchaud: Dans le mémoire principal que la CSN a déposé, il y avait une base différente pour l'ensemble de la structure fiscale, c'est-à-dire, pour remplacer les exemptions, donner des crédits d'impôt universels.

Mme Harel: D'accord.

M. Painchaud: C'était une base qui était générale pour un certain nombre de mesures, non pas seulement pour la mesure d'aide sociale.

Dans les points que l'on soulève ici, on est convaincus que le gouvernement du Québec doit s'approprier un certain nombre de moyens pour mettre en oeuvre les éléments d'une politique de plein emploi. Lorsqu'on parle, par exemple, de la portion de la caisse de chômage qui devrait être administrée par le Québec, cela nous paraît un moyen indispensable pour compléter les mesures dont le ministre parle. C'est-à-dire que, dans le cas des personnes qui, comme ceux du chantier maritime, des travailleurs de la forêt, ceux de chez Vibrek, ont été mises à pied à la crise et n'ont jamais retrouvé leur emploi parce que l'usine n'a pas repris - et il y en a combien - c'est sûr que ce ne peut pas être que les programmes d'aide sociale qui résolvent les problèmes auxquels elles font face. Cela demande un recyclage à fond, c'est-à-dire une reprise complète de leur orientation et cela demande des durées totalement différentes que celles qui sont abordées par les programmes et des débouchés qui sont certainement très différents de ceux envisagés par les types d'emploi ou de réinsertion au travail qui sont envisagés par les programmes.

Si bien qu'à écouter les informations qui sortent de la commission, comme à écouter les nouvelles qui en sont faites, on a souvent l'impression qu'ils ne parlent que des jeunes de 15 à 18 ans qui sont en voie de passage difficile vers le marché du travail, mais ce n'est pas vrai pour notre région. Il y a une très grande quantité de personnes adultes qui ont perdu définitivement l'emploi dans lequel elles ont travaillé longtemps et on a l'air de dire qu'elles n'existent pas. Ce que les syndicats nous disent, c'est que c'est inapproprié et inacceptable Ils se disent que si c'est inacceptable pour eux, ce n'est certainement pas plus acceptable pour les gens plus jeunes qu'ils connaissent.

Mme Harel: Les mesures, à l'origine, étaient, disons, expérimentales pour des jeunes qui connaissaient un taux de chômage, durant la crise, de 24 % à 25 %. Le leitmotiv était: Pas d'expérience, donc pas de travail ou pas de possibilité d'obtenir de l'expérience, etc. Ce n'était pas des mesures qui étaient prévues pour être prolongées. C'étaient des mesures qui ciblaient une catégorie particulière de personnes. Vous nous parlez, dans les cas que vous mentionnez, entre autre, de personnes qui ont déjà une qualification. Prenons le chantier, par exemple. Et là, la question de fond, c'est... Je ne vous fais pas de grief, il n'y a pas tant de statistiques, il n'y en a quasiment pas dans votre mémoire. Le ministre vous a fait grief de vos statistiques. Il y a deux chiffres. Peut-être qu'il y en a un qui est trop arrondi. C'est celui de 800 000 personnes. Il y a 350 000 chômeurs..

M. Painchaud: Oui

Mme Harel: ...qui reçoivent l'assurance chômage.

M. Painchaud: À l'époque où on a écrit, c'était cela.

Mme Harel: On dit 300 000 ménages qui seraient aptes, disons 286 000. Disons que le total fait 650 000 personnes...

M. Painchaud: Là, vous parlez de ménages.

Mme Harel: ...qui sont sans emploi, soit sur l'assurance-chômage ou l'assistance sociale, pour l'année que l'on vit. Ce qui est absent, totalement, qui n'est pas sur la table du Québec, c'est une sorte de grande révolution, d'une certaine façon, dans la qualification professionnelle. Le ministre fait un diagnostic, mais son médicament va avoir tellement d'effets secondaires qu'il va tuer le patient, tandis qu'il n'a pas le bon médicament. Il y a de l'analphabétisme, 36 %. Il y a 60 % de travailleurs qui n'ont pas terminé le secondaire. Mais, il y a aussi plein de gens, comme ceux que vous connaissez à la Davie Ship ou que je connais à la Vickers, qui ont une expérience de travail, mais qui ne correspond pas aux nouvelles exigences. Ce n'est pas en faisant des stages en entreprise... Qu'attend le ministre pour mettre sur la table un plan de qualification professionnelle ou de formation de la main-d'oeuvre? Je suis allée visiter un centre de formation professionnelle à Chicoutimi, vendredi. On m'a dit: Dans certains programmes, cela prend des listes d'attente de deux à trois ans actuellement avant que le cours se donne. On dit: Attends. Et il attend.

M. Painchaud: Pour vous donner un exemple, il y a des jeunes travailleurs de chez H. Roberge - c'est une compagnie relativement spécialisée, ils font des sous-systèmes électriques - qui sont en chômage. Ils ont épuisé leur caisse de chômage. Ils ont tous autour de la trentaine. Ils ne peuvent même pas s'inscrire dans les programmes fédéraux de formation avec assistance additionnelle, parce qu'il faut avoir 35 ans, ne pas avoir été à l'école depuis un an, etc. Ils ne peuvent même pas s'inscrire à cela. Ce sont des gens très formés, mais ils vont aller à l'aide sociale parce qu'il n'y a aucun autre programme. Le ministre, dans son document, dit qu'il y a trop de monde à l'aide sociale. On l'a dit, c'est une évidence, cela n'a aucun bon sens, mais les gens se ramassent là parce qu'il n'y a rien d'autre. Rien d'autre, cela veut dire pas d'emploi, mais aussi, aucune mesure réelle qui permette d'envisager que le monde du travail va les absorber.

On n'a pas une expérience, comme le groupe qui nous a précédés, avec les gens qui sont de longue durée à l'aide sociale, mais on connaît certaines entreprises qui ont accepté des jeunes pour travailler à titre de stagiaire. On n'en connaît pas qui y sont restés. Si c'était, comme vous le dites, que les gens se sortent rapidement, d'une certaine manière, de l'aide sociale, on pourrait peut-être penser cela, mais comment se fait-il qu'il y en a toujours à peu près le même nombre? Ce n'est qu'un roulement.

Le fait est que, dans une entreprise, avec les programmes qui sont prévus au projet de réforme, les employeurs vont pouvoir recevoir une certaine quantité de personnes pour faire du travail. Il a souvent été dit que ce n'était pas du travail de production, comme on a l'habitude de dire, sauf qu'on sait comment les employeurs les utilisent. Ils font faire des travaux de production. Ils n'ont pas le droit d'être membres de l'association. Nous pensons que des problèmes importants vont se développer dans l'entreprise. Il va y avoir des rapports extrêmement tendus, pour le moins, entre ces gens qui vont arriver en entreprise et les salariés ordinaires qui ont une association, qui ont une juridiction par le certificat d'accréditation, qui se sont négociés des conditions de travail en ne sachant pas trop ce qui arrivera. En cas de mise à pied, qui va sortir? Pour les quelques exemples qu'on a vus, laissez-moi vous dire que cela ne sera pas facile pour ceux qui arrivent là.

Mme Harel: C'est évident qu'avec les stages en entreprise, j'avais des chiffres qui tendent à démontrer qu'il y a peu de rétention dans la même entreprise, malgré que le jeune - jusqu'à maintenant, cela ne s'appliquait qu'aux jeunes - a plus tendance à se trouver quelque chose. On ne m'a pas laissé croire autre chose, dans les commissions de formation qui font les stages en entreprise, l'employeur a la possibilité d'avoir un jeune pour 25 $ par semaine. Finalement, ce sont 100 $ par mois. Alors, 25 $ par semaine, même s'il n'est pas totalement doué au départ, il reste que c'est quand même plus alléchant que s'il le garde au bout d'un an et qu'il doit lui offrir l'équivalent de l'ensemble des mesures sociales et au moins le salaire minimum. Il faut, à ce moment-là, qu'il y ait un très grand encadrement...

M. Painchaud: Mais, Mme la députée...

Mme Harel: ... ce qui n'est pas évident. On ne sait plus ce qui va arriver, s'ils s'en vont tous, imaginez-vous, à l'aide sociale, avec les agents qui voudront avoir de gros rendements en plaçant beaucoup de monde n'importe où. Vous comprendrez que l'encadrement, c'est évident que cela va disparaître de la carte. Vous vouliez parler d'autre chose?

M. Painchaud: Quand c'était uniquement à titre exceptionnel, si je peux dire, et très peu répandu, les gens pouvaient se dire que cela n'offrait pas une continuité et une permanance telles que cela ne pouvait pas présenter des problèmes sérieux pour les gens qui avaient de

l'ouvrage. Si cela devient des choses très organisées, stables, de longue durée et en fourniture constante, comme on le dit entre nous, les gens ne verront pas cela de la même manière, c'est certain.

Mme Harel: Le ministère va dire: Ce n'est pas de longue durée, cela va durer un an. Mais c'est en fourniture constante, après un an, il y en a un autre...

M. Painchaud: Oui, c'est un autre.

Mme Harel: ... qui le remplace, et succès sivement. C'est-à-dire que, chez le même entrepreneur, finalement, il y en a toujours un autre qui renouvelle. Dans le fond, ce sont les conditions de formation qui sont discutables. Est-ce qu'il y a là une formation?

M. Painchaud: Mais quelle formation?

Mme Harel: Voilà! Je pense bien que c'est la question. Il y a des soutiens qui peuvent être apportés par des groupes, par exemple, qui s'appellent SEMO, peut-être que vous connaissez l'existence des ces services externes de main-d'oeuvre qui s'occupent plus particulièrement des jeunes, des femmes ou des personnes handicapées, où il y a quand même une expertise de formation, de suivi. La grande question, c'est que tout cela s'adresse bien plus à des personnes qui sont en très grande difficulté, si vous voulez, parfois même de comportement ou des difficultés d'éthique aussi. On me dit, dans les SEMO, qu'il arrive qu'il faille appeler un jeune bénéficiaire pendant plusieurs semaines seulement pour qu'il se lève le matin, de manière à lui faire prendre l'habitude, etc. On ne parle pas de cela quand on parle de vos travailleurs et des miens, on parle de gens qui ont de l'éthique du travail, qui en ont tellement qu'ils vont dépérir dans ce genre de jobs qui n'en sont pas.

La grande question est sur le plan de la qualification professionnelle. Vous, au conseil central, avez des gens qui participent à la Commission de formation professionnelle ici, à Québec, quelle est votre appréciation?

M. Painchaud: Actuellement, il y a des gens d'à peu près tous les secteurs qui siègent aux sous-comités. Pour des petites affaires, si on peut dire, par exemple, une entreprise à Laurier-Station qui a eu une conversion sur la production assistée par ordinateur, il y a des gens qui ont reçu de la formation dans ce cadre, mais ce sont des ententes et l'entreprise en paie une grande part, cela a fonctionné. Mais dans le sens où cela pourrait être des programmes comme ceux que l'on voit dans le projet, où c'est totalement différent des programmes négociés entre les entreprises et les centres de formation tels que nous les connaissons, cela n'a rien à voir avec cela. C'est ce qu'on dit. Les choses qu'on connaît dans le cadre de ces programmes, ce sont les choses négociées, entendues, ce sont des choses où, d'habitude, l'entreprise offre une participation financière et où le reste peut être soutenu par d'autres formes de programmes. On ne retrouve rien de semblable là.

Mme Harel: Actuellement, il y a quand même des programmes d'orientation et autres qui sont offerts, des programmes de formation aussi. Vous aviez raison, les règles sont strictes. Il faut être en chômage durant les 24 des 30 dernières semaines, etc. Il y a toutes sortes de critères bien rigides. Finalement, ce sont là des critères qui éloignent bien des gens aussi. Je vous remercie.

Le Président (M. Lecterc): M. le ministre, en vous rappelant qu'il vous reste quelques minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de les adresser le plus utilement possible à Mme Madore ou à M. Poirier.

Est-ce que je saisis bien votre message à savoir que vous vous opposez à des stages en entreprise qui, sur le plan des normes du travail, sur le plan des droits fondamentaux garantis par la charte québécoise, la charte canadienne, les normes du travail, provoqueraient la perturbation, si je peux utiliser l'expression, dans l'entreprise, mais que vous ne vous opposeriez pas à des stages qui soient vraiment formateurs, que vous avez même eu conscience ou connaissance d'expériences heureuses dans le passé et que, si le contenu du stage recevait l'approbation, entre autres, d'une commission de formation professionnelle où vos membres ou vos représentants siègent, parce qu'on sait que le conseil d'administration est généralement composé de représentants issus du monde syndical, que si le stage était approuvé par la CFP avec des objectifs définis et une validation du stage par la Commission de formation professionnelle, on pourrait retrouver là des éléments de formation et d'employabilité auxquels vous pourriez prêter gracieusement votre concours comme centrale syndicale...

M. Painchaud: Si cela répond à tous les critères que vous venez d'énoncer en parlant du premier, à savoir qu'ils ne sont pas exclus des droits fondamentaux et que tout le reste du cadre correspond à ce qu'on reconnaît actuellement comme pratiquable dans les situations où on les adopte, je ne vois pas pourquoi on serait contre, dans le cadre.. Mais je ne penserais pas qu'il y ait quelque chose de commun à cela dans...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous avez vécu, dans la région que vous connaissez mieux, la grande région de Québec, des expériences néfastes ou négatives avec les stages

tels qu'ils s'appliquaient jusqu'à aujourd'hui, dans la clientèle des 30 ans et moins?

M. Painchaud: Je vais vous donner un exemple précis. On vient de terminer une négociation contre ou en face de la Fédérée, aux abattoirs Turcotte & Turmel à Vallée-Jonction. L'employeur a voulu réserver la possibilité d'une dizaine de places en mentionnant nommément ce qui est prévu dans ce document. On a expliqué, à l'assemblée, ce que cela pouvait vouloir dire pour l'application de la juridiction du certificat d'accréditation et non, ce n'était vraiment pas bienvenu là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que votre expérience vous enseigne que si la même réserve avait été faite en fonction de stagiaires dont le stage ou le contenu-formation aurait été approuvé et validé par une commission de formation professionnelle...

M. Painchaud: Oui, cela a été fait. Ce dont vous parlez a déjà été vécu et cela n'a pas posé le même problème parce qu'ils sont d'accord pour la formation des gens.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Autrement dit, lorsque les commissions de formation professionnelles, où vous êtes représentés de façon indirecte, sont mises à contribution sur le plan de l'approbation du contenu du stage et de la validation dudit stage, selon vous, cela élimine l'ensemble des problèmes majeurs.

M. Painchaud: Au début, vous avez mentionné que la personne ne serait pas privée de ses droits. Donc, elle pourrait être dans les groupes associés, c'est-à-dire qu'elle pourrait être...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Syndicable.

M. Painchaud: Oui, avoir droit de s'associer...

Mme Madore: II ne faudrait pas que son droit d'association soit remis en question. Il faudrait qu'elle ait son droit d'association. Il faudrait que cette personne puisse avoir le droit de faire partie du syndicat qui est établi dans l'entreprise ou dans le centre hospitalier ou que ce soit. Il faudrait que cette personne soit reconnue au sens de la convention collective comme une travailleuse ou un travailleur appartenant à l'accréditation syndicale, sinon cela va créer de la division.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas l'habitude de donner des avis juridiques, mais je pense qu'à moins d'invoquer la fameuse clause nonobstant en ce qui concerne l'application de la Charte canadienne des droits et libertés, nous n'avons pas le droit de déroger à ce droit d'association qui est garanti dans ladite charte.

M. Painchaud: Est-ce qu'il n'est pas explicitement prévu que le Code du travail ne s'appliquera pas aux personnes qui vont être dans les programmes prévus par la réforme?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Même si on le prévoyait, je pense qu'on ne pourrait pas prévoir - là, je vous le dis, vous pourrez en discuter; je sais que vous avez des experts, vous pourrez en discuter avec vos experts - à moins d'invoquer la clause nonobstant...

M. Painchaud: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On ne pourrait pas prévoir que le droit d'association soit retiré à certains individus.

M. Painchaud: On pense cela, sauf qu'on sait qu'il y a des dispositions actuellement qui disent le contraire.

Mme Madore: Ce n'est pas ce qui était prévu. On pense qu'il faut qu'ils conservent leur droit d'association mais, en tout cas, à la lecture et avec le peu d'explication qu'on avait, on ne croyait pas que c'était ce privilège, parce que ce n'est pas un privilège, de toute façon, c'est un droit, qui était protégé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais le faire analyser attentivement par le contentieux du ministère du Travail. J'en ai la possibilité. Mais je pense que la seule possibilité que nous aurions comme gouvernement, si c'était là notre volonté, de soustraire le droit d'association serait d'invoquer la clause nonobstant en vertu de la charte canadienne. Maintenant, comme je ne suis pas rémunéré ou même autorisé à donner des opinions juridiques, je vais le faire vérifier par le contentieux du ministère.

M. Painchaud: Nous non plus, on n'a pas ces autorités-là ici, sauf qu'on les a consultées. Actuellement, ce qu'on nous dit, c'est que tous ces programmes ne sont possibles que dans la mesure où les gens ne peuvent pas être membres des associations, parce qu'aux rémunérations prévues, c'est évident que là où il y a un syndicat, c'est incompatible.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président m'indique que, moi aussi, je suis bâillonné.

Le Président (M. Leclerc): Peut-être dans vos conclusions. Je m'excuse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est là où on a besoin de toute la collaboration et de la partie patronale, et de la partie syndicale, et des groupes communautaires.

M. Painchaud: Pour la partie patronale, vous aurez peu de doutes, d'après ce qu'on a entendu, sauf pour les coûts. Ils se demandent si vous allez payer trop cher.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On aime mieux vérifier la pratique autant chez cette partie que chez l'ensemble des parties que tenir des choses pour acquis.

Je vais profiter des 30 secondes qu'il me reste pour vous remercier de votre mémoire et pour vous dire que je vais passer la commande au contentieux du ministère du Travail de façon que vous puissiez bénéficier ou lire les opinions éclairées de nos juristes sur les questions que vous avez soulevées quant aux stages en entreprise, de façon que l'on parle de la même chose lorsque l'on en parle. Pour cet échange construc-tif, pour la qualité de votre mémoire, je vous remercie. Je vous dis et je vous répète que nous sommes à votre disposition comme ministère pour corriger... Parce que Mme la députée de Maison-neuve a évoqué un chiffre, il s'agissait d'un des chiffres que j'avais retenus, mais il y avait également d'autres chiffres qui étaient beaucoup trop éloignés de la réalité pour pouvoir susciter, sur le plan des chiffres et non pas sur le plan des principes, un débat constructif entre les députés et le groupe que vous représentez. Je pense que nous avons un intérêt conjoint, c'est de parler à partir des mêmes chiffres lorsque c'est possible de le faire. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Harel: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion de travailler assez étroitement, depuis deux ans, avec le conseil central de Montréal et Pierre Paquette, qui en est le président, en termes de développement de l'Est de Montréal pour ta création de la relance de l'économie et de l'emploi. Je crois que cela a été extrêmement bénéfique pour nous tous de confronter à la fois les points de vue des milieux communautaires et syndicaux. Je vois que vous êtes aussi engagés dans ce type d'expérience. C'était vraiment intéressant que vous veniez devant la commission ce soir. Je vous en remercie.

Le Président (M. Leclerc): Mme Madore, M. Painchaud, M. Poirier, au nom de la commission, je voudrais vous remercier de votre présence parmi nous.

La commission ayant terminé ses travaux, nous ajournons à demain, 10 heures, même salle. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 25)

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