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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Tuesday, February 28, 1989 - Vol. 30 N° 67

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'Énoncé de politique sur les services de garde à l'enfance


Journal des débats

 

(Quinze heures douze minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et à des auditions publiques sur T'Énonce de politique sur les services de garde à l'enfance" déposé à l'Assemblée nationale le 24 novembre 1988. Cet après-midi, nous recevrons la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec, la Fédération des femmes du Québec, le Comité national des jeunes du Parti québécois et la garderie Gribouillis inc.

Donc, nous avons une heure pour le premier groupe, si je comprends bien, qui est la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec. Bonjour.

Fédération des associations de familles monoparentales du Québec

Mme Pothier (Marie-France): Bonjour.

Le Président (M. Bélanger): Je vous prierais de bien vouloir identifier vos porte-parole. Lors de la période de questions et de réponses avec les parlementaires, après vos 20 minutes de présentation, lorsque vous aurez à prendre la parole, il serait important de bien vouloir vous identifier aux fins de la transcription du Journal des débats. Je vous remercie. Je vous prierais de commencer, s'il vous plaît.

Mme Pothier: Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les commissaires, j'aimerais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. À ma gauche, Mme Céline Signori, qui est directrice générale. À ma droite, Mme Madeleine Bouvier, qui est agente d'information.

Le Président (M. Bélanger): Vous-même, vous êtes Mme Pothier.

Mme Pothier: Je suis Marie-France Pothier, présidente de la fédération. Alors, nous tenons à vous remercier d'avoir permis notre participation aujourd'hui. Je voudrais vous spécifier que notre intervention apportera certains aspects différents du mémoire peut-être, mais des aspects qui vont approfondir ce qui a été rédigé dans le mémoire.

La fédération est un organisme provincial qui regroupe des associations de familles monoparentales dans tout le Québec. Les membres de ces associations représentent une bonne partie de la clientèle actuelle des services de garde et peuvent être également une clientèle potentielle par excellence advenant l'établissement d'un réseau de services de garde au Québec.

La fédération souscrit aux objectifs de la Loi sur les services de garde à l'enfance qui vise l'accessibilité des services de garde, le respect de la liberté de choix des parents et aussi la participation des parents. Quant à la logistique de la consultation, on trouve que les délais ont été beaucoup trop courts et que cela a tombé vraiment dans une période - le temps des fêtes - qui nous a pris un peu de court pour vous présenter un document. Et vraiment, même lors de la dernière consultation, cela a été le même scénario, c'était pendant la période estivale. On regrette un peu cet état de choses.

La fédération souscrit à fond au droit fondamental qu'a l'enfant à des services de garde de qualité. Nous reconnaissons que seuls des services de garde collectifs répondent vraiment aux besoins des services de garde au Québec.

La fédération reconnaît l'effort du gouvernement dans son implication dans le dossier de la garde des enfants et reconnaît l'importance d'une consultation publique. À la lecture attentive du document d'orientation, "pour un meilleur équilibre", il est clair que la trame de fond qui se dégage est un désengagement de l'État. Premièrement, en subventionnant les garderies commerciales, l'État se désengage du réseau des services de garde comme premier responsable de la qualité, de l'accessibilité et de la gratuité.

L'État abonde dans un rôle de collaborateur, de partenaire. Il appuie, il suggère et il veut partager avec d'autres partenaires économiques sa vocation de premier responsable des services de garde. L'État ne croit pas à la nécessaire implantation d'un réseau de services adéquats. La volonté politique est absente. L'État ira chercher du gouvernement fédéral, nous n'en doutons pas, toutes les subventions possibles en politique de garde, sans y mettre un engagement ferme de sa part. L'État n'a pas de plan d'ensemble qui viserait à long terme la gratuité des services. Au contraire, telle la cigale, l'État valse des plus pauvres aux plus riches, voulant sauver la chèvre et le chou, sans prendre aucun engagement.

L'État ne répond pas aux besoins de garde des parents à revenu moyen. Le seul effort d'aide au revenu moyen, c'est d'en inclure un certain nombre admissible à une partie de l'exonération financière avec le remaniement des seuils des revenus admissibles. Mais, pour les revenus élevés, quelle aubaine! L'État double la déduction pour frais de garde et en enlève le plafond. Une déduction royale qui va à rencontre de la philosophie fiscale de convertir en crédits d'impôt les exemptions et déductions. C'est un cadeau princier fait aux revenus aisés. Pourquoi le gouvernement privilégie-t-il les familles à revenu aisé dans sa politique des services de garde par le biais de la fiscalité? Ces dépenses

fiscales comptabilisées autrement pourraient servir à élargir l'assiette financière de la politique des services. Présentement, c'est un talon d'Achille dans une politique cohérente des services de garde. S'il y avait volonté ferme de la part du gouvernement, celui-ci négocierait tous les avantages fiscaux et sociaux reliés à la charge d'enfants pour bâtir une véritable politique de services de garde.

Si on regarde l'étude du Conseil national du bien-être social dans son document intitulé "De meilleurs services de garde d'enfants", publié en décembre 1988, il propose une option de réaménagement de toutes les politiques reliées à la garde d'enfants pour en bonifier une véritable politique d'ensemble, la hausse considérable du nombre de places en garderies agréées, la hausse du pourcentage d'enfants qui en bénéficieraient, le montant des frais acquittés par les parents, basé sur la capacité contributive de ceux-ci, la hausse des salaires du personnel enseignant dans les garderies, la diminution du ratio enfants-moniteur, le congé de maternité de 17 semaines, plus le congé parental de neuf semaines, à 75 % du salaire. Évidemment l'étude n'inclut pas les allégements fiscaux du Québec dans son rapport.

Une catégorie qui nous tient bien à coeur, ce sont les femmes, chefs de famille, assistées sociales. Ce groupe représente une clientèle à risque lorsque l'autre parent est souvent absent. La fédération recommande que les enfants de ces familles soient toujours admissibles aux garderies, sans qu'il n'y ait une obligation d'étude ou de travail rattachée à l'admissibilité.

Tout ceci est une bonne mesure de prévention en santé mentale. J'aimerais vous parier d'un cas qu'on a vu dernièrement dans l'une de nos associations, celui d'une jeune femme assistée sociale qui vient de vivre une séparation, il y a sept mois, qui a un jeune enfant de quatre ans et qui a vécu cela très difficilement; elle était seule et n'a pu avoir de soutien ni la possibilité de parler de ce qui lui arrivait à personne. Elle se retrouve toute seule, assistée sociale avec sa fille; son ex-conjoint est complètement absent. Cette jeune femme commence à ressentir vraiment de la difficulté à accomplir ses tâches familiales et elle commence à démontrer un peu d'agressivité. Elle commence aussi à faire une dépression et elle a des idées suicidaires. Elle s'est présentée dans une association et la première chose qu'on lui a conseillée, c'est d'inscrire son jeune enfant en garderie environ deux à trois jours par semaine, ce qui pourrait lui donner la possibilité de se retrouver, de se reprendre en main, de penser à elle, d'aller même chercher de l'aide psychologique, et que son enfant serait vraiment en sécurité et dans un encadrement privilégié. Vous voyez que c'est vraiment une mesure de prévention en santé mentale.

L'impact de cette mesure chez ces femmes, c'est justement de leur permettre de se reprendre en main psychologiquement et physiquement et de pouvoir assumer la rupture, chose qui est assez difficile, et, après, penser vraiment à la reprise en charge financière.

Il y a aussi la question du parent au foyer. Ce parent qui se sépare risque fort de devenir encore là une clientèle potentielle par excellence des services de garde. S'il est marié en séparation de biens, N est bien clair que ce parent devient nécessairement pauvre en raison des lois actuelles, étant donné qu'il n'y a encore rien au chapitre du partage des biens, à moins que les actifs de la famille ne soient au nom des deux conjoints, ou à son nom propre, chose qui est assez rare. On considère qu'il y a des statistiques américaines qui avancent même que le niveau de vie de l'homme augmente de 42 %, et que celui de la femme qui a la garde volt le sien baisser de 73 % après un an de séparation ou de divorce.

La Loi sur le divorce, le droit familial et la jurisprudence ne tiennent pas suffisamment compte de la richesse réelle du couple et des dépenses reliées à l'enfant. Donc, le partage des biens familiaux se fait toujours attendre, malheureusement.

Pour le parent au foyer, la fédération recommande que les haltes-garderies et les jardins d'enfants soient Incorporés au plus tôt dans la gestion des services de garde par l'office, avec les aménagements suivants: augmenter à un maximum de cinq heures les périodes de garde et déterminer les mêmes critères d'admissibilité à l'exonération financière que pour les garderies, la garde en milieu familial et la garde en milieu scolaire. L'impact de cette mesure fait en sorte de reconnaître que tout enfant a un droit fondamental à des services de qualité et de permettre au parent au foyer des périodes de bonne hygiène mentale.

La fédération a aussi étudié attentivement le projet de garde au domicile de l'enfant, en tenant compte des paramètres suivants: II faut établir des services collectifs pour répondre aux besoins de garde; l'agence ne peut diminuer ses effectifs au profit du particulier; il faut satisfaire les besoins de garde du soir, de nuit, de fin de semaine et de garde en milieu rural. La fédération recommande que la responsable de garde au domicile de l'enfant relève d'une agence de services de garde, qu'elle soit engagée et payée par l'agence, que l'agence négocie un contrat avec l'employeur, que la responsable soit admissible à l'information et à la formation, tout comme les responsables de familles de garde, qu'un roulement soit établi pour assurer les services, en cas de maladie ou de vacances, des responsables de garde au domicile de l'enfant, que de bonnes conditions salariales soient apportées de façon à éliminer la surexploitation des femmes. L'Impact de cette mesure est d'assurer à l'enfant une sécurité en tout temps. Il ne serait plus question de laisser l'enfant seul le soir, la nuit. Le parent pourrait alors travailler en toute quiétude.

II y a un autre élément, aussi, qu'on trouve très important. C'est qu'on se rend bien compte que la mère au foyer, qui doit retourner sur le marché du travail, éprouve beaucoup de réticences à faire garder son enfant. Premièrement, cette femme a souvent peur de l'inconnu pour l'enfant, elle se croit indispensable près de lui, elle éprouve un sentiment de culpabilité à laisser son enfant, elle a l'impression qu'elle renie ses responsabilités, elle n'est pas sûre de vouloir partager la garde et le pouvoir qu'elle a sur l'enfant. La garde au domicile de l'enfant est recherchée en premier lieu par ses parents, parce que rien n'est changé dans les habitudes de vie de l'enfant; il a encore sa chambre, il a ses jouets, il a son environnement, et le service n'est pas interrompu si l'enfant est malade. Donc, la garde au domicile de l'enfant et la garde en milieu familial sont privilégiées par les parents pour les très jeunes enfants parce que ces services ressemblent le plus à ce qui se passe à la maison.

Les activités de socialisation et d'éducation en garderie sont souvent méconnues des parents comme apport important au développement de l'enfant. La fédération recommande, par rapport à tout cela, qu'une campagne de sensibilisation soit faite auprès des parents sur le bien-fondé des services de garde concernant les activités de socialisation et d'éducation, comme démarche préalable à une mesure d'incitation au retour aux études ou sur le marché du travail.

Nous tenons aussi à appuyer les recommandations des regroupements des garderies sans but lucratif, les regroupements des agences de service de garde et l'Association des services de garde en milieu scolaire dans leurs revendications concernant de meilleures conditions de travail, une meilleure formation, le ratio et les conditions salariales aussi.

Concernant le financement, la fédération s'oppose à la méthode de financement proposée dans le document d'orientation. Une subvention de fonctionnement basée sur la participation financière des parents oblige les garderies à majorer leur tarif pour améliorer leur sort, avec les effets négatifs suivants: diminution de la clientèle à revenus faibles et moyens pour qui la garde est trop coûteuse; obligation de combler au maximum le taux d'utilisation des places en garderie, au détriment des objectifs pédagogiques, donc amenant une perte de qualité des services; augmentation du ratio enfants-moniteur/monitrice déjà trop élevé; dégradation des conditions salariales et de travail déjà fort mal rétribuées. Donc, une augmentation des tarifs obligera nos familles à retirer les enfants des garderies, à surexploiter la parenté pour faire garder les enfants ou encore à se passer du minimum vital ou même jusqu'à s'endetter.

Le programme APPORT a le malheur d'exercer auprès des familles à bas revenus un contrôle aussi serré que celui de l'aide sociale. Il est difficile et complexe à administrer. De plus, ce formulaire est très difficile à remplir pour nos families et même pour certains agents qui sont chargés d'administrer le programme. Beaucoup ont de la difficulté à le comprendre. Plusieurs familles monoparentales sont pénalisées parce que les pensions alimentaires qu'elles reçoivent sont calculées comme autres revenus et sont déduites à 100 % dans le calcul du revenu admissible contrairement au revenu de travail. L'impact pour la famille monoparentale implique que, pour un montant identique de revenus, s'N s'agit de pension alimentaire bien sûr, elle n'aura pas droit à APPORT. La fédération réclame que les pensions alimentaires soient calculées au même titre que le revenu de travail dans le programme APPORT, dans les prêts et bourses et à l'aide sociale.

Maintenant, un petit mot sur la garde en milieu scolaire. À plusieurs reprises, la fédération a réclamé que la garde en milieu scolaire prenne le nom de centre de jour en milieu scolaire, pour mieux répondre aux objectifs d'encadrement et d'éducation. On a fortement insisté aussi sur la structure des centres de jour en milieu scolaire, pour qu'ils soient gérés par la municipalité, pendant les jours et les heures non régis par le scolaire, les jours de congé ainsi que les vacances estivales. Il est inadmissible que ce service ne soit pas en force dans toutes les écoles de la province, quand on pense que l'infrastructure est déjà en place partout.

Le transport scolaire devient une priorité pour assurer l'efficacité du service en région, là où le transport en commun n'existe pas. Donc, l'impact de cette mesure, pour nos femmes demeurées au foyer avec leurs enfants d'âge préscolaire, est de leur permettre une intégration rapide au marché du travail, en vue de l'atteinte de leur autonomie financière. On recommande tout cela pour que des services de garde soient établis et adéquats pour tous au Québec. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci beaucoup, madame. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Pothier. C'est très intéresssant d'avoir l'opinion d'un groupe de femmes à cette commission parlementaire. D'ailleurs, il y a déjà eu d'autres groupes qui se sont joints à vous; il y en aura d'autres cet après-midi et dans le courant de la semaine. On sait que les femmes sont à la base de l'implantation des services de garde au Québec.

Ma première question, Mme Pothier, est celle-ci. Comment pouvez-vous affirmer que le gouvernement québécois se désengage, face à la politique des services de garde, alors que le budget de l'office ne sera pas de 43 000 000 $, l'an prochain, mais bien de 143 000 000 $, que le gouvernement fédéral n'a pas encore adopté son projet de loi C-144, et que pour la première fois, finalement, on a un plan de développement, on a un budget prévu pour la formation, on a des mesures qui sont Indexées pour la première fois?

Comment pouvez-vous affirmer avoir l'impression que le gouvernement se désengage?

Mme Pothier: J'aimerais que Mme Bouvier vous réponde.

Le Président (M. Bélanger): Mme Pothier, est-ce que vous pourriez parler plus près de votre micro ou parler plus fort? On vous entend très mal à ce bout-ci.

Mme Pothier: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): Merci.

Mme Pothier: Mme Bouvier peut vous répondre à ce sujet. (15 h 30)

Mme Bouvier (Madeleine): Voyez-vous, le gouvernement du Québec a un plan de redressement, mais, à l'étude du document d'orientation, ce qui est soulevé comme trame de fond, c'est vraiment, tout d'abord et particulièrement, deux points. Le premier, c'est le financement des garderies commerciales qui, étant donné le nombre des garderies admissibles et le budget du gouvernement pour les garderies, va diminuer la possibilité d'avoir des garderies sans but lucratif pour pouvoir privilégier les garderies en milieu de travail. En subventionnant les garderies commerciales, on se désengage de l'idée que la garde d'enfants est un droit fondamental qui relève de l'ensemble de notre société. Donc, le gouvernement doit se considérer comme premier responsable. Comme je l'ai dit, la subvention aux garderies commerciales est un fléchissement vers une certaine privatisation, donc un certain désengagement de ce côté.

Le deuxième point, c'est la hausse des déductions pour frais de garde. Si on met tant d'argent dans la garde privée individuelle, c'est que la déduction pour frais de garde représente vraiment un élément Important pour une personne qui fait garder à titre individuel. Ce sont les deux points qui défont un peu un plan de redressement et un plan d'ensemble vers une politique cohérente. Cela veut dire qu'on devrait prendre tous les éléments qui touchent la garde d'enfants et en faire vraiment un tout pour répondre d'une façon collective, comme gouvernement et comme société, aux besoins des services de garde.

L'autre élément est un droit fondamental. Il faudrait tendre à plus ou moins long terme vers la gratuité des services de garde comme les services sociaux et le système scolaire. Ces deux éléments nuisent beaucoup à ce processus en vue d'atteindre la gratuité au chapitre de la garde d'enfants.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous parliez tout à l'heure de garderies commerciales qui sont finalement les garderies à but lucratif. Qu'est-ce que vous nous suggérez? Il en existe actuelle- ment 250 au Québec. Je l'ai mentionné à quelques occasions. On avait le choix de les fermer, c'est-à-dire créer 11 000 nouvelles places ailleurs, abolissant aussi 2500 emplois. On avait ce choix-là. D'autres sont venus nous dire en commission parlementaire qu'il fallait les transformer. On sait que la transformation d'une garderie à but lucratif en une garderie sans but lucratif est non seulement coûteuse, mais, du côté pratique, très difficile, compte tenu qu'on doit complètement mettre à l'écart les administrateurs de cette garderie, si on veut en faire une garderie sans but lucratif avec laquelle on puisse bien fonctionner et qui soit bien gérée par la suite, si on veut que les parents soient en mesure de gérer la garderie. Donc, on avait le choix de leur accorder certaines subventions pour améliorer la qualité, pour s'assurer que les enfants qui vont dans ces garderies aient une qualité identique aux autres garderies. Quelle est votre position face à ça? Est-ce de les fermer? Est-ce que vous avez une position?

Mme Bouvier: Voyez-vous, ce n'est pas de les fermer évidemment, parce qu'on ne défait pas ce qui existe. C'est de ne plus en mettre sur pied. Par contre, nous ne sommes pas d'accord pour des subventions à ces garderies-là parce qu'H y a l'élément profit. Alors, vous dites que vous voulez que l'enfant ait les mêmes avantages, mais l'enfant ne pourra jamais avoir les mêmes avantages parce qu'il y a le côté profit qui va à {'encontre de la philosophie d'une garderie sans but lucratif. Donc, que vous subventionniez ou pas, l'enfant n'aura pas les mêmes avantages, et c'est le choix du parent que d'opter pour la garderie à but lucratif.

Mme Gagnon-Tremblay: Remarquez que je ne voudrais pas prendre la défense des garderies à but lucratif, mais vous me dites, d'une part, qu'elles doivent exister - elles sont là, elle doivent exister - et, par contre, vous me dites que celles qui existent - je ne parle pas de celles qui le devraient, si on devait en ouvrir d'autres - actuellement, il ne faut pas les financer, il ne faut pas leur donner quoi que ce soit parce que c'est dans le but de faire un profit. Par contre, on sait que l'écart s'élargit de plus en plus entre les deux sortes de garderies. On sait qu'il y a quelqu'un qui sera pénalisé tout à l'heure aussi.

Mme Bouvier: L'écart entre les tarifs ou l'écart relatif à la qualité des services?

Mme Gagnon-Tremblay: Je veux dire l'écart entre les deux systèmes. Les représentants des garderies à but lucratif sont venus nous dire, dans le cadre de cette commission parlementaire, que les éducatrices et les éducateurs ont des salaires moindres. Elles ont de plus en plus de difficulté parce qu'elles sont obligées d'exiger des tarifs très élevés, même plus élevés. Et, par

contre, comme elles ne sont pas subventionnées, sous aucune forme - ii peut y avoir une notion de profit mais pas nécessairement - à ce moment-là, elles sont venues nous dire qu'elles avaient beaucoup de difficulté à garder ces garderies ouvertes, étant donné qu'elles ont à faire face à un autre système de garderies qui est subventionné. Donc, l'écart va s'agrandir entre les deux genres de garderies.

Mme Bouvier: Vous avez souligné que c'était difficile de faire la conversion. Même si c'est difficile, éventuellement, il faudra peut-être penser à faire la conversion d'une sorte de garderie à une autre.

Mme Gagnon-Tremblay: Je sais que les familles monoparentales ont quand même des besoins de garde qui peuvent parfois être différents de ceux d'une famille biparentale. Est-ce que vous avez une idée, par exemple, des modes de services de garde qui sont utilisés par les familles monoparentales? Quels sont les modes les plus utilisés? Avez-vous déjà vérifié?

Mme Pothier: Oui. On considère, en tout cas, que ce sont les modes les moins coûteux qui sont utilisés par les familles monoparentales, car, souvent, il y a une méconnaissance du réseau. Je vous apportais l'exemple tantôt de la jeune femme qui ne connaissait pas du tout le réseau de garde et qui m'a dit: Ça va être très dispendieux si je vais mener ma petite fille en garderie. Je lui ai répondu que non, parce qu'elle a droit à une exonération financière, étant donné qu'elle est prestataire. Ces femmes, souvent, font encore appel aux services à la maison - tante, maman, soeur, grande soeur, grand frère qui offrent ce service - ou n'utilisent pas les services de garde, soit parce qu'elles ne les connaissent pas ou parce qu'elles ont l'impression que cela ne peut pas en être autrement.

D'où notre demande tantôt, dans le document. Ce qu'on vous demande, c'est la sensibilisation de ces gens au réseau de services de garde. Qu'est-ce qu'un service de garde? Qu'est-ce que ça peut leur apporter? Quels sont les avantages d'un service de garde aussi? Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui sont démunis financièrement et psychologiquement et qui ont beaucoup de difficultés. Ce réseau de services de garde est méconnu. C'est ça. Beaucoup de femmes ont de la difficulté à retourner sur le marché du travail justement parce qu'elles doivent accomplir un travail de nuit et un travail dans les restaurants, dans les bars, des choses comme ça, et que, souvent, elles n'ont pas la possibilité d'avoir quelqu'un à la maison pour garder les enfants. C'est vraiment un problème pour cette clientèle à faible revenu et défavorisée.

Mme Gagnon-Tremblay: Aux pages 4 et 5 de votre mémoire, vous mentionnez votre désaccord concernant la garde au domicile de l'enfant. Vous êtes en désaccord également sur le projet d'offrir aux parents, par le biais des agences, des services de recrutement de gardiennes pour la garde au domicile de l'enfant, sous prétexte que ce type de garde n'est pas un service collectif et qu'il ne revient pas à l'office d'en surveiller l'application. Tout à l'heure, justement, vous me faisiez part de certains problèmes spécifiques, de certains besoins qui ne sont pas comblés actuellement, telle la garde de fin de semaine, la garde du soir, la garde de nuit. C'est quand même problématique, et il n'y a pas beaucoup de solutions. On n'est pas face à des solutions multiples pour ce genre de garde. Donc, comme ce mode de garde est utilisé par bon nombre de parents - parce qu'y faut dire que ce ne sont pas tous les parents qui peuvent envoyer leurs enfants dans des garderies, par exemple, ou qui le souhaitent, pour toutes sortes de raisons; par exemple, je pense au parent qui doit quitter son domicile à 6 heures du matin et qui préfère avoir une gardienne à domicile pour avoir soin de ses enfants - compte tenu de tout ça, ne croyez-vous pas que c'est légitime, par exemple, pour le gouvernement, d'apporter aux familles qui le souhaitent, un soutien, tout au moins concernant le recrutement de ces gardiennes?

Mme Bouvier: Justement, nous nous sommes posé beaucoup de questions concernant la garde au domicile de l'enfant. C'est pour cela que, dans la présentation, Marie-France a apporté beaucoup d'éléments nouveaux, car on s'est dit: Nos gens, comme le disait Marie-France, ont besoin de la garde le soir, la fin de semaine, la nuit pour certains travaux, donc, il doit y avoir quelque chose, mais, par contre, il fallait tout de même considérer que c'était un service collectif qu'il fallait offrir. Donc, il n'était plus question de la proposition dans le document d'orientation qui disait que l'expertise de l'agence en ce qui concerne l'engagement serait mise à la disposition du parent individuel qui recherche une gardienne. On s'est dit: Il faut rendre cela un service collectif, et c'est dans ce sens-là qu'on a dit que, quant à la garde au domicile de l'enfant, la responsable ou l'employée doit faire partie d'une agence de services de garde et que ces personnes-là seraient engagées, non pas par l'employeur dans une relation individuelle employeur-employé, mais par l'agence qui les engagerait pour aller travailler au domicile de l'enfant et les paierait.

Donc, il y aurait un contrat qui lierait l'agence à l'employeur. Les responsables de cette garde au domicile de l'enfant relèveraient de l'agence et pourraient, à ce moment-là, profiter de l'information, de la formation qui doit être donnée aux responsables de familles de garde. Elle serait un peu sur le pied des responsables des services des familles de garde, sauf qu'elle serait dans une maison privée: l'enfant serait à son domicile. L'autre élément, c'est qu'il faudrait

un roulement pour assurer toujours une présence, c'est-à-dire que si ta gardienne privée de l'enfant d'un parent est malade, le parent n'a pas de gardienne et doit trouver quelqu'un. Il faudrait un roulement également pour assurer un service continu.

Mme Gagnon-Tremblay: Les responsables des services de garde en milieu familial actuellement sont autonomes. Comment pourrait-on priver les parents de cette autonomie d'avoir à choisir? Finalement, ce que nous suggérons, c'est beaucoup plus un programme de dépannage, ce n'est pas dans le but d'en faire un service réglementé. C'est beaucoup plus un dépannage pour permettre, par exemple, aux parents de pouvoir puiser, à même une banque, des noms de personnes qui ont été identifiées comme des personnes compétentes pouvant donner des services, comme je dis, de dépannage, parce qu'on pense que, dans nos services actuels, ce ne sont pas tous les services qui peuvent répondre à ces besoins très particuliers. Ce n'est pas une garderie qui va offrir ses services à 6 heures du matin ou la nuit. C'est cela finalement qui est visé, mais c'est vraiment un service de dépannage qui était prévu pour les parents.

M. Bouvier: Alors, si je comprends bien, le service que vous préconisez c'est un groupe ou encore un réseau de gardiennes qui seraient appelées à différents moments par des parents. (15 h 46)

Mme Gagnon-Tremblay: C'est cela.

Mme Bouvier: Cela ressemble....

Mme Gagnon-Tremblay: C'est sur une base expérimentale aussi. C'est sous forme expérimentale naturellement parce que cela ne s'est pas fait en réalité. Et on doit travailler avec les agences pour voir si elles sont prêtes à offrir ce genre de service. C'est en plus des services qu'elles offrent déjà. Cela peut être aussi un service qui peut être payé par la personne qui a à faire cette référence.

Mme Bouvier: En fait, ce qui nous a semblé très clair dans cette proposition, c'est que, finalement, la responsable de l'agence, qui doit trouver des responsables de familles d'accueil pour son réseau, se trouve ni plus ni moins à travailler à l'encontre de son réseau parce qu'elle se trouve à recruter des gardiennes qui seront engagées d'une façon...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Bouvier: ...de dépannage, mais, pour moi, un particulier qui a un besoin va engager sa gardienne d'une façon permanente. Donc, c'était ni plus ni moins amoindrir le réseau de l'agence en offrant...

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord, je comprends.

Mme Bouvier: ...de la façon dont c'était expliqué et c'est sur cela qu'on a voulu travailler et apporter des éléments qui respectent tout de même le cheminement d'un réseau de service de garde complet mais qui, également, répond aux besoins. En tout cas, ça nous fera plaisir de laisser le document pour...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, d'accord. A la page 6 de votre mémoire, concernant la garde...

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Ah! Déjà terminé! Le Président (M. Bélanger): Hélas!

Mme Gagnon-Tremblay: C'était au sujet du ratio, j'aurais aimé vous parier du ratio pour savoir si, pour vous, c'est le statu quo. Peut-être que vous pourrez me répondre tout à l'heure... J'ai complètement terminé. Je m'excuse. On pourra en discuter après la réunion, madame. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux vous saluer, Mme Pothier de même que Mme Signori et Mme Bouvier. Mme Signori, je crois comprendre que vous siégez aussi au nouveau Conseil de la famille. Je manque de statistiques présentement. Je me demandais s'H était possible... J'ai communiqué avec le Secrétariat à la famille et on n'a pas voulu m'en fournir à moins de passer par le cabinet du ministre. Est-ce que, au Conseil de la famille, vous avez votre propre secrétariat où vous pouvez obtenir les informations que vous souhaitez avoir?

Mme Signori (Céline): Bon. Le Conseil de la famille est tout à fait nouveau. Nous avons siégé trois fois seulement. Nous avons du nouveau personnel qu'on vient d'engager. Depuis octobre, il y avait le président et sa secrétaire qui étaient au bureau du Conseil de la famille. Les nouveaux engagements ont été faits tout à fait dernièrement. Donc, probablement que les services que vous désirez seront plus faciles à obtenir après l'engagement des personnes. Je n'ai pas eu la chance de les rencontrer encore, mais notre prochaine réunion est justement jeudi. On manquait de personnel. La grande cause, c'était cela.

Mme Harel: Oui, je comprends, parce que l'absence de l'Intervention du Conseil de la famille dans le présent débat des services de garde m'a, je vous le dis, sincèrement Inquiétée.

Je vois tout de suite que vous voulez réagir.

Mme Signcri: Oui. Je voudrais aussi savoir quelles sortes de statistiques vous inquiètent?

Mme Harel: En fait, ce qui m'intéresse beaucoup, c'est de savoir, parmi les mères ayant un enfant, quel est le taux d'activité sur le marché de l'emploi? Parmi celles qui ont deux enfants, quel est leur taux d'activité et parmi celles qui en ont trois également? Mme Signori, je reviendrai avec vous, mais il faut regarder un peu loin, il faut faire un peu de prospective et loin. Pour moi, loin, c'est dans cinq ans. Mais quand on voit les tendances qui se dessinent... Aujourd'hui, je constatais que l'évolution du taux d'activité des mères d'enfants de moins de trois ans a augmenté de 90 % de 1975 à 1985. Vous vous rendez compte? De 1975 à 1985, quand on regarde la progression du degré d'activité des mères d'enfants de moins de trois ans, c'est 90 %, et cela s'amenuise parce qu'évidemment, elles étaient à 28 % en 1975 et je pense qu'elles sont à 51 % en 1985. Les progressions ont été moins spectaculaires dans le cas des mères d'enfants de quatre et cinq ans ou de six à onze ans, parce que le point de départ était différent. Cela est important. Si l'on veut avoir une vue d'ensemble de ce qu'il faut faire en termes d'intervention, il faut savoir évidemment ce qu'est la réalité des femmes. Loin de moi l'idée de réserver simplement les services de garde aux mères qui sont sur le marché de l'emploi. Il faut aussi, et j'y reviendrai parce que c'est un élément qui est absent de l'énoncé de politique, avoir une politique de ressources de service de garde à l'égard de femmes qui ont droit aussi à un épanouissement personnel, et pas simplement quand elle sont de mauvaises mères. Parce que, Mme Pothier, l'exemple que vous nous avez donné...

Mme Signori: Mme Harel, il faut faire attention...

Mme Harel: Oui.

Mme Signori: ...quand on parle d'une mère qui est déprimée ou un petit peu fatiguée, elle n'est pas mauvaise mère pour cela. Il faudrait...

Mme Harel: Je sais que, pour vous, elle ne l'est pas. Mais...

Mme Signori: J'espère que pour la société elle ne l'est pas non plus.

Mme Harel: ...elle l'est pour elle-même, parce que, dans le fond, elle se sent incompétente et elle a l'impression d'abdiquer à quelque chose. Le danger c'est que la société ne vienne sanctionner son rôle parental que lorsqu'elle faillit à sa tâche. Vous comprenez Mme Signori ce que je veux souligner.

Mme Signori: C'est important qu'on fasse la distinction, parce que c'est toujours un petit peu chatouilleux, relativement à la façon dont vous l'aviez présenté.

Mme Harel: Et c'est très important, parce que je suis chatouilleuse sur la manière dont vous l'avez présenté, Mme Pothier, parce que l'exemple qu'on donne, c'est un exemple marginal. Il faut aussi revendiquer un service de garde dans la normalité. Ce n'est pas juste parce qu'une personne a des difficultés temporaires dont elle va se relever et pour lesquelles il lui faut un coup de pouce, qu'on doit prévoir un service de garde, mais c'est aussi, pas simplement quand elle faillit, pour la soutenir afin qu'elle maintienne son rôle parental. Je sens que vous avez quelque chose à dire, Mme Bouvier.

Mme Bouvier: Oui, j'aimerais vous dire que nous y avons touché dans la halte-garderie et les jardins d'enfants, en demandant d'abord que les heures soient plus longues, des périodes de cinq heures au maximum, donc qui permettent vraiment une bonne demi-journée de repos, et on va même jusqu'à dire que tous les parents qui veulent l'utiliser devraient avoir droit à l'exonération financière, au même titre, c'est-à-dire selon les mêmes critères du revenu.

Mme Harel: Je reprends le début de notre intervention, à moins que Mme Signori vous vouliez... Aviez-vous une remarque à faire? Cela va?

Mme Signori: Cela va.

Mme Harel: La ministre, d'entrée de jeu, vous a fait grief du constat que vous nous apportiez relativement au désengagement de l'État en matière des services de garde. Elle vous a dit: C'est impossible de constater un tel désengagement. Et je crois qu'il y a eu là certainement une erreur; elle a parlé de 43 000 000 $ cette année et de 143 000 000 $ l'an prochain. En fait, ce qu'elle voulait signaler, c'est qu'il y avait une augmentation de 43 000 000 $. Mais cette augmentation se ventile de la manière suivante: 38 000 000 $ qui viendront d'Ottawa, et 5 000 000 $, de Québec. Ces 5 000 000 $ qui vont venir de Québec le seront au titre de la garde en milieu scolaire. Mais, pour le service de garde que l'on connaît, pour les moins de six ans, en 1989, la contribution de Québec va être la même qu'en 1988, ce qui signifie, compte tenu du taux d'inflation évidemment, une baisse que l'ordinateur évalue à 4,1 % en moins, c'est-à-dire qu'il y a un moins devant le 4,1 % et non pas un plus.

Dans ce sens, je pense que vous avez raison de parler d'un désengagement, à moins que Mme la ministre ne prenne ici l'engagement solennel qu'elle entend faire en sorte que ce budget soit

ferme, quelle que soit la décision prise par Ottawa. Si tant est que ce soit le cas, si le gouvernement du Québec est prêt à mettre, indépendamment d'Ottawa, la môme somme d'argent pour 1989, alors, puisqu'il en a les moyens, pourquoi ne pas le mettre aussi? Pourquoi la contribution nouvelle de l'un justifierait-elle le désengagement de l'autre? C'est cela, dans le fond, qu'on lui dit depuis le début de la commission. Ce n'est pas parce qu'Ottawa va enfin en mettre qu'il faut que Québec en profite pour se désengager. Je ne sais pas si vous avez eu ces chiffres à l'association des familles monoparentales. Est-ce que vous avez eu ces chiffres des contributions respectives de Québec et d'Ottawa pour les trois prochaines années?

Mme Bouvier: Oui, on les avait.

Mme Harel: Vous les avez. Vous nous avez mentionné, et vous avez discuté là-dessus avec Mme la ministre, la question de la garde au domicile de l'enfant. J'aimerais, si vous me le permettez, revenir sur cette question, parce qu'à la lecture de votre mémoire, entre autres à la page 6, j'aimerais vous interroger sur le deuxième paragraphe où on lit: "Par ailleurs, il faudra examiner plus à fond une agence pour regrouper les responsables de garde pour le service dans les maisons privées relevant de l'agence comme service collectif qui répond à une demande individuelle et non pas une aide technique à la demande individuelle.'' J'ai compris l'esprit de votre recommandation dans la discussion que vous avez faite avec Mme la ministre. Ce que vous dites, c'est qu'il peut y avoir ce besoin de garde, mais n'isolons pas les femmes qui vont le faire, permettons-leur une dynamique évolutive où elles seront en apprentissage ou en formation étant entendu - et c'était sous-jacent - je crois, que, dans la relation à l'enfant, on a toujours des choses à apprendre avec le temps qui change aussi.

Je voulais vous dire: Savez-vous que cela existe en France? Tout dernièrement, je recevais de la documentation. Cela s'appelle des assistantes maternelles agréées. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Peut-être qu'il pourrait être éventuellement intéressant que la fédération organise un stage pour aller voir ce qui se passe là-bas. Cela fait seulement depuis huit ans, 1980, et elles sont 130 000 maintenant parce que, évidemment, la population est différente de la nôtre. 130 000 assistantes maternelles agréées. Elles offrent 200 000 places relativement, si vous le voulez, au nombre d'enfants à garder et l'État leur couvre toutes les cotisations sociales de la régie des rentes, toutes les autres cotisations sociales qui font qu'elles sortent de l'ombre où, malheureusement, sous prétexte de bons sentiments, la proposition de la ministre va les garder ici comme un service de dépannage où elles n'ont aucune reconnaissance du rôle social qu'elles jouent. Je ne le sais pas, est-ce que vous aviez entendu parler de cette formule des assistantes maternelles agréées?

Mme Pothier: Pas du tout.

Mme Harel: Voulez-vous que je vous envoie de la documentation là-dessus?

Mme Pothier: Ce serait fort intéressant. Vous pourriez peut-être envoyer un chèque pour qu'on aille faire un stage là en même temps.

Mme Harel: Ha, ha, ha! À moins d'en faire plutôt la demande à l'Office franco-québécois. Ce serait peut-être intéressant. D'autre part, vous avez aussi parlé des garderies commerciales, avez-vous dit, enfin qui sont les garderies à but lucratif. Mme la ministre a fait état de l'écart qui s'accroît entre les conditions salariales de ces garderies et des difficultés. Je cite: "Beaucoup de difficultés à garder des garderies privées ouvertes." En fait, c'était là l'expression qu'elle a utilisée. Est-ce que vous savez que, malgré ces difficultés leur nombre a doublé et que depuis trois ans, la croissance la plus importante des places s'est faite dans les garderies privées? Est-ce que c'est de là que vient l'inquiétude que l'on sent sous-jacente à tout votre mémoire?

Mme Bouvier: En fait, l'inquiétude sous-jacente, c'est qu'on a essayé de voir la vision d'ensemble vers un réseau de services de garde accessibles, de qualité et gratuits. On se dit: Ce n'est pas pour aujourd'hui la gratuité, ce n'est pas pour demain, mais il faut que ce soit à plus ou moins long terme et qu'on en arrive là. C'était particulièrement à cause de cette vision qu'il nous a semblé inadmissible qu'une sorte de garde, qui va un peu à rencontre de cette dynamique, soit subventionnée. C'est vraiment pour cela. C'étaient les deux éléments qui démontraient la déduction pour frais de garde et les subventions aux garderies commerciales qui laissaient voir que, finalement, on ne croyait pas à un réseau accessible, de qualité et gratuit, à plus ou moins long terme. (16 heures)

Mme Harel: Dans le mémoire, d'entrée de jeu, à la page 2, vous nous parlez de l'autonomie financière par rapport à la résistance au changement. J'aimerais vous entendre - je ne sais pas laquelle de vous trois, ou les trois, j'imagine - sur cette question. Depuis le début de la commission, vous savez que c'est le débat qui est souterrain à ce dont on discute. Vous mettez une phrase entre guillemets: "II n'y a rien comme la mère au foyer pour que les enfants ne deviennent pas délinquants." Je sais que vous êtes des femmes responsables, conscientisées, qui avez de l'expérience, qui avez tenu aussi... C'est votre fédération qui a tenu, je crois, un très Important colloque sur la "monoparentalité", qui a même fait rédiger des actes qui nous ont mieux fait connaître toute la dimension de la "monopa-

rentalité", ce qui, notamment, a permis à la société de découvrir qu'il y avait une délinquance assez importante, à l'adolescence, dans les familles monoparentales. J'aimerais vous entendre parler, pour le bénéfice de toute la commission, de cette question.

Mme Signori: Cela aussi c'est un aspect chatouilleux, en tout cas chez moi. Je vais parler pour moi, comme ça je n'impliquerai pas mes partenaires. Quand on dit ici dans le document: "II n'y a rien comme la mère au foyer pour que les enfants ne deviennent pas délinquants", c'est le discours qu'on entend beaucoup et c'est le discours qu'on entendra beaucoup, mais nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec ça. Évidemment que la délinquance n'est pas apportée par la "monoparentalité", et, dans ce sens, on se veut agents de changement social, parce que, que ce soit un enfant élevé par une femme chef de famille - puisque ce sont majoritairement des femmes - qui, tout à coup, perd son milieu de vie, sa maison ou son appartement, son école, ses amis, ou un enfant de famille biparentale qui subit la même chose, sans subir la rupture, mais qui, lui, vit de la violence, de l'inceste ou des choses comme ça, ce dernier aura tout à fait les mêmes chances de devenir délinquant que l'enfant qui vit dans une famille monoparentale. C'est ce discours qu'on veut véhiculer, parce que ce n'est pas nécessairement le fait qu'il soit un enfant d'une famille monoparentale qui fait qu'il devient plus délinquant, ce sont les conditions socio-économiques qui entourent sa vie qui feront que l'enfant deviendra délinquant, qu'il soit d'une famille monoparentale ou d'une famille biparentale. Je pense que c'est Important qu'on continue à le dire. Est-ce que cela répond à...

Mme Bouvier: J'aimerais ajouter un point. Il faut aussi dire que, lorsqu'il y a des problèmes, si la femme est seule, les services sociaux mettront l'enfant en centre d'accueil...

Mme Harel: En famille d'accueil.

Mme Bouvier: ...en famille d'accueil ou en centre d'accueil, mais, si le père et la mère sont là et que l'enfant vit les mêmes problèmes, bien, le père n'a qu'à donner un coup de poing sur la table et à dire: Cet enfant ne sortira pas de chez nous, et l'enfant reste dans sa famille. C'est un autre élément qui semble dire que, dans les centres d'accueil, dans les familles d'accueil, ce sont des enfants qui proviennent de familles monoparentales dirigées par des femmes. Mais c'est le système qui a enlevé cet enfant, et la femme n'a pas réussi, parce que j'en connais qui se sont battues et qui se sont battues pour réussir à garder leurs droits sur leur enfant.

Mme Harel: Vous avez insisté à plusieurs reprises dans votre mémoire sur la nécessaire latitude qu'il faut laisser au chef de famille de retour aux études ou sur le marché du travail. Souventefois, vous avez insisté pour qu'il n'y ait pas d'incitation forcée. Pour vous, cela vaut à tout âge? Vous savez sans doute que, dans les lois nouvelles, à l'aide sociale et dans la réglementation qui s'en vient, après l'âge de six ans, il y a le travail obligatoire, en fait, ou la participation obligatoire à une mesure. Est-ce que c'est à ça que vous vous référez quand vous insistez, dans votre mémoire, sur ces questions?

Mme Signori: C'est à quelle page? Toujours à la page 2?

Mme Harel: Sur le fait qu'il ne faut pas qu'il y ait d'incitation forcée au retour aux études.

Mme Pothier: Quand on parle d'une femme chef de famille monoparentale, il faut toujours voir aussi l'élément de la rupture, c'est-à-dire que, quand une femme a vécu un divorce ou une séparation, on considère que cela lui prend au moins deux ans pour se remettre d'aplomb psychologiquement et physiquement, avant d'entreprendre une démarche active de recherche d'emploi. Je pense que c'est un élément très important et qu'il ne faut pas l'oublier. En tout cas, ce qu'on voulait dire quand on pariait tantôt d'une non-incitation au retour au travail, c'est que la femme qui va inscrire un enfant en garderie a le droit de l'inscrire sans avoir l'obligation de faire un retour sur le marché ou un retour aux études. Je pense que Madeleine avait autre chose à ajouter par rapport à ça.

Mme Bouvier: J'aimerais apporter l'élément suivant. Je pense que, particulièrement dans le cas des femmes chefs de famille et assistées sociales, l'incitation doit être volontaire. Malheureusement, on n'a pas réussi à faire bouger les choses dans ce sens-là. Mais iI y a un autre élément que j'aimerais apporter à toute la commission. La Loi sur l'aide sociale permet à la femme chef de famille de demeurer au foyer quand l'enfant est d'âge préscolaire. Ce qui arrive, c'est que, si la femme a le malheur d'émettre le désir de sortir de l'aide sociale, tout de suite elle perd son immunité, si on peut dire, et elle est inscrite à des programmes. Il est arrivé un peu la même chose pour l'assurance-chômage. Ces femmes se font comme prendre au mot. Je comprends qu'H faut penser à la prise en charge économique, sauf qu'H doit tout de même y avoir une espèce de respect de la personne et de son cheminement à travers cette façon de faire. Surtout quand l'enfant est très jeune, de lui soutirer presque cette phrase pour ensuite la forcer à adhérer à des programmes, je trouve ça tout à fait inadmissible.

Mme Harel: On me dit que mon temps de parole est déjà terminé; cela va tellement vite. Je vous remercie pour cet échange de vues et

pour l'expérience que vous avez de toutes ces questions. Je suis contente, Mme Sorgini, Mme Signori plutôt - je pense à la comédienne des Dames de coeur - qu'on puisse la mettre à la disposition du Conseil de la famille. Je sais que vous avez beaucoup d'expérience dans ces questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mmes Po-thier, Bouvier et Signori. J'aurais bien aimé discuter avec vous de la recommandation que vous faites concernant les centres de jour en milieu scolaire, en collaboration avec les municipalités, mais peut-être aura-t-on l'occasion, en dehors de cette commission parlementaire, de poursuivre la discussion sur ce sujet précis. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec et invite à la table la Fédération des femmes du Québec.

Nous suspendons nos travaux deux minutes, histoire de saluer l'équipe.

(Suspension de la séance à 16 il 9)

(Reprise à 16 il 11)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun et chacune de bien vouloir reprendre sa place afin que nous puissions reprendre nos travaux et recevoir la Fédération des femmes du Québec.

Bonjour, mesdames. Je voudrais simplement vous préciser nos règles de fonctionnement. Vous avez un maximum de 20 minutes pour présenter votre mémoire ou votre point de vue et, ensuite, il y a une période de discussion de 40 minutes avec les membres de la commission. Ce sont des temps fermes parce que nous avons plusieurs organismes et que nous ne pouvons pas nous permettre de déborder. Je vous invite donc à vous présenter et à présenter vos porte-parole. Chaque fois que vous aurez à prendre la parole lors de la discussion, s'il vous plaît, essayez de vous rappeler de donner votre nom, ceci pour la transcription du Journal des débats, pour que ce soit le plus fidèle possible. Je vous prierais donc de vous présenter et de procéder à la présentation de votre mémoire. Merci.

Fédération des femmes du Québec

Mme Thibault (Charlotte): Merci, M. Bélanger, Mme la ministre, Mme Harel, Mme Marcotte ainsi que les députés. Mon nom est Charlotte Thibault. Je suis directrice générale de ia Fédération des femmes du Québec. J'aimerais d'abord excuser Mme Ginette Busqué, présidente de la fédération, qui est absente aujourd'hui pour cause de maladie. J'aimerais vous présenter, à ma droite, Mme Lyne Goyette, membre du conseil d'administration de la Fédération des femmes du Québec, et, à ma gauche, Mme Catherine London, agente de liaison à la fédération.

Pour accélérer le débat et nous permettre d'avoir plus de temps, je vais vous lire les recommandations de la Fédération des femmes du Québec plutôt que l'ensemble du mémoire. La Fédération des femmes du Québec recommande que la ministre tienne compte de l'ensemble des enfants québécois de moins de douze ans pour évaluer les besoins de la clientèle en services de garde. La FFQ recommande qu'une étude plus approfondie des parents en services de garde soit faite pour permettre une orientation mieux adaptée de la politique des services de garde, qui corresponde aux besoins réels. La FFQ propose que le gouvernement sorte, dans les plus brefs délais, les détails concernant les modalités d'opération d'une planification régionale. La FFQ demande une accélération du rythme de développement des services de garde à l'enfance, afin de répondre aux besoins réels des parents et des enfants québécois. La FFQ recommande que le gouvernement du Québec cesse immédiatement l'attribution de permis pour les garderies à but lucratif et qu'aucun financement ne leur soit accordé. Nous recommandons aussi que le gouvernement du Québec révise sa politique de financement de fonctionnement des services de garde, afin de s'assurer que les travailleuses et les travailleurs en garderies reçoivent des salaires plus adéquats.

Nous proposons aussi que le gouvernement du Québec finance de façon adéquate les services de garde en saison estivale. Nous demandons au gouvernement du Québec de trouver des moyens de concertation entre les commissions scolaires et les municipalités, pour permettre une utilisation maximale des équipements sportifs et de loisirs par les enfants du niveau primaire. Nous recommandons que le gouvernement du Québec prévoie des subventions d'implantation et de fonctionnement pour les haltes-garderies. Nous recommandons que le gouvernement du Québec n'oblige pas les parents à aller chercher du financement par le biais de plusieurs programmes, mais établisse un seul programme d'aide financière, ce qui simplifierait le système et permettrait aux parents de se prévaloir de toute l'aide financière possible. Nous recommandons que le gouvernement augmente le montant de base qui est présentement de 4,75 $ par enfant par jour, afin que les familles payant des tarifs de garde moins élevés puissent en profiter. Nous demandons au gouvernement d'adopter un mode de financement basé sur les coûts réels des garderies et du nombre de places disponibles. Ceci serait infiniment plus équitable pour les garderies plus pauvres, entre guillements, et celles ayant des coûts de fonctionnement plus élevés. Nous

recommandons qu'une façon plus équitable soit trouvée pour assurer la formation des éducatrices et éducateurs dans les garderies québécoises. À titre d'exemple, un montant fixe pourrait être accordé aux garderies par éducateur et éducatri-ce. Ce montant pourrait aussi varier selon la région dans laquelle la garderie est située.

En conclusion, la Fédération des femmes du Québec félicite la ministre, Mme Monique Ga-gnon-Tremblay, de l'initiative prise par le gouvernement afin de prévoir un pian de développement des services de garde. Il nous apparaît très intéressant que les 60 000 places annoncées sur sept ans, au printemps 1988, soient plutôt développées sur cinq ans. La FFQ s'inquiète cependant de la pertinence des données qui ont servi à l'élaboration de l'énoncé de politique. Nous souhaiterions vivement que le gouvernement puisse les réviser, afin d'avoir une vision plus juste de la clientèle à desservir et des besoins réels des parents et des enfants québécois.

La FFQ constate, en outre, que le gouvernement québécois n'assume pas un financement plus adéquat du développement des services de garde. Alors que les parents sont déjà au seuil de leur capacité de payer, alors que les travailleuses et les travailleurs en garderie sont sous-payés et que les garderies ont déjà beaucoup de difficultés financières, la FFQ s'inquiète, à juste titre, que le gouvernement du Québec ne finance pas davantage la consolidation des services de garde sans but lucratif. De plus, la FFQ dénonce le financement des garderies à but lucratif, ce qui aura pour effet d'accroître les garderies commerciales. La fédération est aussi en désaccord sur le nouveau mode de financement à la formation des éducatrices et des éducateurs en garderies.

De façon générale, la FFQ incite le gouvernement du Québec à réviser en profondeur toute la politique proposée, et ce, en concertation avec les différents intervenants et intervenantes, afin de permettre aux enfants du Québec de profiter de services de garde d'excellente qualité et accessibles à tous. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Thibault: Je veux qu'on ait une discussion.

Le Président (M. Gervals): Merci. Mme la ministre.

Mme Gag non-Tremblay: Merci, Mme Thibault, pour votre exposé. Je pense que je vais aller immédiatement droit au but avec la première question. Lorsque vous parlez d'étude plus approfondie pour connaître les besoins des services de garde, parce que je pense que vous faites mention aussi que vous mettez en doute, par exemple, les chiffres qui ont servi à identifier les besoins, je ne veux pas, moi, parler de chiffres parce que je suis sûre que, si on prenait les chiffres qui nous ont été soumis, nos chiffres, à ce moment-là, cela ne servirait qu'à faire une guerre de chiffres, alors que ce qui est important, c'est d'identifier les véritables besoins. Je pense aussi que c'est sur le terrain qu'on va pouvoir véritablement les identifier ces besoins.

Alors, quand vous parlez d'étude plus approfondie, est-ce que, pour vous, la planification régionale, ça tient compte de cette étude ou bien si vous voyez autre chose que la planification régionale?

Mme Thibault: Quand on parle d'étude plus approfondie, on parle, entre autres... Dans le fond, toute l'étude, pour ce qui est des besoins comme tels des parents, a été faite à partir de deux sondages, comme on l'explique. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'on n'est pas vraiment sûres de la qualité des sondages. On n'est pas sûres que les questions posées sont suffisantes. Nous avons des membres de la fédération qui ont une expertise dans le domaine des sondages et qui ont vérifié, avec des employés de l'Office des services de garde, pour voir quel genre de questions avaient été posées et de quelle façon cela avait été fait. Alors, on n'est pas sûres que, vraiment, toute la clientèle a été couverte de façon adéquate. C'est pour ça qu'on dit qu'à partir du moment où on n'est pas sûres du bassin qui a été utilisé, on n'est donc pas sûres des résultats et des prévisions du gouvernement. Donc, ça n'a rien à voir avec la planification régionale.

Mme Gagnon-Tremblay: Finalement, cela veut dire que, si on va dans chacune des régions, des municipalités et que, sur place, on va vérifier - peut-être pas par sondage, même pas par sondage - auprès des personnes qui ont véritablement ces besoins, ça pourrait remplacer l'étude ou cela ferait état...

Mme Thibault: Mme Gagnon-Tremblay, je pense que ce serait beaucoup plus dispendieux que de faire une enquête scientifique et avec un assez bon échantillon de tout le Québec, des différentes régions du Québec. Je ne pense pas qu'on ait besoin d'aller dans chaque municipalité. Il faut plutôt avoir un excellent échantillon de l'ensemble du Québec, qui couvre à la fois les parents dont les mères sont sur le marché du travail et les parents dont les mères ne sont pas encore sur le marché du travail.

Mme Gagnon-Tremblay: Par contre, si on veut faire une bonne planification et réévaluer, par exemple, le plan de développement que nous proposons au bout de deux ans, il faut être en mesure d'évaluer. C'est la raison pour laquelle on veut travailler avec les gens du milieu, les municipalités, les municipalités régionales de comté, en somme, tous les intervenants, dans le

but d'identifier les véritables besoins et de trouver le type de services qui pourraient répondre à ces besoins, parce qu'on sait que, dans chaque région, on peut avoir des besoins très diversifiés puisque les clientèles sont très différentes les unes des autres, selon les régions.

On est venu ici nous dire que, dans certaines régions, par exemple, on a beaucoup de travail saisonnier. On nous a aussi parlé du milieu rural. Alors, il y a des municipalités où ce n'est peut-être pas possible d'avoir des garderies mais où on peut avoir d'autres types de services. Alors, c'est dans ce but-là que !a planification régionale est faite.

Mme Thibault: Nous sommes entièrement d'accord avec une planification régionale. On trouve que c'est une excellente initiative. Qu'il y ait un travail qui se fasse avec les municipalités et les municipalités régionales de comté, on trouve cela excellent. On encourage ça. C'est évident que les besoins des milieux ruraux, semi-ruraux et urbains sont différents, et on est entièrement d'accord avec vous pour ce qui est de ça. D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles on dit qu'on doit avoir des services de garde variés qui répondront aux besoins réels des parents.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous parlez, dans votre mémoire, d'un statut particulier pour la gardienne à domicile qui est coordonnée par une agence en milieu familial. Vous avez parlé d'un statut particulier qui pourrait être accordé à cette gardienne. Je ne sais pas si vous êtes au fait - et j'avais l'occasion d'en prendre connaissance tout récemment - que le ministère du Revenu a publié récemment, à la demande de l'Office des services de garde, une petite brochure pour faire connaître à ces gardiennes ia possibilité de déductions fiscales, parce que, souvent, elles ne sont pas au fait des déductions auxquelles elles peuvent avoir droit. Cette petite brochure se réfère à une travailleuse autonome et on y mentionne justement que cette travailleuse autonome a droit à des déductions pour la fourniture domestique, les accessoires de jeux, toute ia nourriture, le matériel dont elle se sert pour la garde des enfants, l'utilisation de ia maison aussi. Il y a une quote-part pour l'utilisation de la maison ou, si elle loue un local, à l'extérieur du logement, il y a certains frais de réparations ou de remplacement de certaines pièces du mobilier qui peuvent être déductibles, de même que d'autres dépenses qui sont en rapport avec le revenu. Lorsque vous parlez d'un statut particulier, est-ce autre chose que ce statut de travailleuse autonome auquel vous faites référence?

Mme Thibault: L'objectif qu'on a à la fédération quand on parle, c'est de services régis par l'office, donc de service. C'est uniquement de ça dont on veut parler. On n'a pas été dans le détail des modalités. On veut simplement s'assurer que tous les parents aient des services de qualité, par exemple, qu'il y ait des cours de donnés aux gardiennes qui viennent garder le soir à l'occasion, etc., en fait qu'il y ait un maximum possible de services de qualité. Mais je dois être très honnête et vous dire qu'on n'a pas été dans le détail et que je ne connaissais pas le dépliant dont vous faites mention.

Mme Gagnon-Trembiay: Finalement, c'est que cela ne signifie pas que cette travailleuse autonome, dans Se milieu familial... Parce que c'est comme ça que je l'avais compris dans votre mémoire, soit que vous souhaitiez que cette gardienne régie par l'office, c'est-à-dire qui est coordonnée par une agence, ait un statut particulier. Mais ce n'est pas à ça que vous vous référiez?

Mme Thibault: Non.

Mme Gagnon-Trembiay: D'accord. Quant à la formation du personnel, vous recommandez, d'une part, de distribuer l'enveloppe budgétaire de façon plus équitable entre les éducatrices et les éducateurs des différentes garderies et, d'autre part, vous suggérez également que le montant varie selon la région dans laquelle la garderie est située. Que cette enveloppe soit répartie par tête de pipe ou per capita, c'est une chose qui pourrait être envisagée, mais, par contre, au niveau des différentes régions, vous ne trouvez pas que cela pourrait être inéquitable d'allouer des montants différents selon la région? Lorsqu'il s'agit, par exemple, de couvrir des frais de déplacement - parce que vous parlez surtout de frais de déplacement - on sait que ces frais peuvent varier beaucoup à l'intérieur d'une même région. Parfois, vous pouvez être à Montréal, mais avoir à vous déplacer quand même et à faire peut-être deux heures de route avant d'être capable d'aller chercher cette formation-là. Est-ce bien ça que vous vouliez?

Mme Thibault: Ce dont on veut parler... Je vais vous donner un exemple: En ce qui concerne une garderie située tout près de l'Office des services de garde, juste à côté du cégep du Vieux-Montréal, c'est évident que l'éducatrice en garderie qui veut aller suivre son DEC le soir n'a alors qu'à faire deux ou trois coins de rue. Donc, c'est très peu dispendieux pour elle en comparaison avec une garderie qui pourrait être située à Lac-Mégantic: une éducatrice aurait peut-être à venir à Sherbrooke pour suivre des cours. Alors, c'est très différent comme situation et c'est la raison pour laquelle on dit que l'on doit réfléchir à des budgets mieux adaptés aux régions pour tenir compte de ces distances. Alors, ou bien il faut que ces cours se donnent partout où il y a des services de garde pour réduire les frais des éducateurs et des garderies, ou bien il faut que les budgets tiennent compte

des distances. C'est uniquement ça qu'on veut mentionner.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais vous savez que la norme de un-trois '.tait prévue depuis cinq ans...

Mme Thibault: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: ...et que plusieurs n'ont pas pu s'y conformer pour différentes raisons. Mais plusieurs s'y sont conformés et même certains provenant de régions lointaines. Alors, est-ce que le fait d'accorder une subvention à ce moment-ci pour, par exemple, atteindre cette norme-là n'aurait pas pour effet d'être moins équitable envers ceux et celles qui ont fait l'effort de se déplacer depuis les cinq dernières années, pour atteindre cette norme?

Mme Thibault: Probablement pas plus, Mme la ministre, que de garantir 1 % du budget qui est prévu pour les salaires pour la formation. Je pense que, de la même façon qu'il y a eu une époque où, par exemple, les prêts et bourses étaient plus ou moins intéressants, il est sûr que c'est moins juste pour la personne qui, à une certaine époque, a pu en profiter ou ne pas en profiter, si on pense au système de l'éducation, alors, de la même façon, certains seront plus chanceux et pourront effectivement avoir de meilleures possibilités de terminer leur formation. Mais je ne trouve pas ça plus injuste comme tel pour les travailleurs et les travailleuses.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous parlez de réglementation au sujet - ce ne sera pas tellement long - des haltes-garderies ou des jardins d'enfants. Vous savez qu'on a l'intention de promulguer les articles de la loi concernant les haltes et les jardins d'enfants. Mais qu'entendez-vous, par exemple, par réglementation? Plusieurs sont venus nous dire, en commission parlementaire, qu'il faudrait réglementer autant, par exemple, que dans d'autres services. D'autres sont venus nous dire: Si vous réglementez trop, cela aura peut-être l'effet aussi de faire fermer plusieurs services parce que les haltes-garderies, entre autres, sont très différentes les unes des autres. Vous pouvez avoir une halte-garderie dans un centre commercial, qui peut servir à une clientèle qui est très différente, par exemple, de celle d'un jardin d'enfants ou d'une autre garderie d'une municipalité. Comment voyez-vous cette question de réglementation?

Mme Thibault: Nous n'avons pas parlé de réglementation. On a mentionné qu'on trouverait important qu'il y ait des haltes-garderies qui puissent s'ouvrir. On parle, entre autres, de l'R des centres de femmes. La recommandation nous vient de l'R des centres de femmes qui regroupe, je pense, 60 centres de femmes dans tout le Québec. C'est simplement que ces centres essaient de fournir des services de garde aux femmes qui viennent utiliser ou qui viennent comme bénévoles participer à différentes activités des centres de femmes. Je pense que nous ne parlions pas tellement de l'aspect réglementation, mais de l'aspect subvention. On trouve très important que des organismes sans but lucratif comme les centres de femmes, par exemple, puissent avoir des subventions pour pouvoir maintenir des haltes-garderies.

Mme Gagnon-Tremblay: Croyez-vous que ces centres de femmes seraient prêts à accueillir une clientèle autre que les femmes qui vont aux centres de femmes, si on devait subventionner les haltes-garderies?

Mme Thibault: Je n'en ai aucune idée, madame. Je pense que là-dessus, il faudrait sans doute avoir une rencontre avec Mme Françoise David de l'R des centres de femmes pour pouvoir lui demander plus de détails.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Thibault: Je pense qu'en premier lieu, elle parlait de la clientèle des centres de femmes parce qu'évidemment, c'est fait, en ce moment, à bout de bras, de façon bénévole en bonne partie. Maintenant, je n'ai aucune idée, s'il y avait des subventions intéressantes, si elles accepteraient de recevoir d'autres enfants que ceux des femmes qui sont, en ce moment, dans les centres de femmes.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. M. le Président, mon collègue avait...

Le Président (M. Gervais): M. le député de Fabre.

M. Joly: Merci, M. le Président. Ma question peut s'adresser autant à Mme Busque qu'à Mme London ou à Mme Goyette. Dans les remarques d'ouverture, Mme Busque faisait mention tout comme... Pardon?

Mme Gagnon-Tremblay: Mme Thibault a remplacé Mme Busque.

M. Joly: Ah! Mme Thibault, excusez, faisait mention dans ses remarques d'ouverture, tout comme à la page 19 du mémoire, qu'elle était tout à fait contre le financement des garderies à but lucratif. Nécessairement, on a eu, dans le passé, à écouter d'autres organismes dont deux associations féminines importantes, soit le Cercle de fermières et l'AFEAS, qui partagent un point de vue tout à fait différent. On sait que l'AFEAS de même que les fermières, qui représentent quand même 65 000 membres, ont fait des recommandations contraires et, pour en arriver à faire ces recommandations, elles ont eu le plein soutien de leurs membres. Dans mon comté, j'ai

eu quelquefois l'occasion de parler, de rencontrer des membres de l'AFEAS de même que des membres ou des représentantes du Cercle de fermières. Par contre, je n'ai j'amais eu l'occasion de rencontrer de membres de votre fédération, qui est la Fédédration des femmes. Ma question, celle qui m'intéresse et pour laquelle je voudrais avoir un peu plus de détails, c'est de savoir de quelle façon vous en êtes arrivées à prendre position pour dire que vous êtes tout à fait contre les organismes à but lucratif, les OBL (16 h 30)

Mme Thibault: Depuis plusieurs années, la Fédération des femmes du Québec a pris position contre le développement de services de garde à but lucratif au Québec et au Canada. Cette position a été véhiculée en assemblée générale à différents moments, et jamais nos associations membres ne se sont opposées à cette position. Au contraire, elles nous ont encouragées à aller de l'avant dans ce sens. Il faut vous expliquer aussi - je ne ferai pas une bataille de chiffres au sujet de notre "membership" - que la fédération regroupe différentes associations, contrairement à l'AFEAS et aux cercles de fermières, qui sont des associations. Nous regroupons donc 70 associations dans tout le Québec. C'est à la fois, dans certains cas, des organismes qui voient à la réinsertion des femmes sur le marché du travail et dans d'autres cas. des comités de condition féminine de centrales syndicales. Je pense au syndicat des agricultrices de l'UPA dans l'Outaouais, aussi à !a Fédération des infirmiers et infirmières du Québec. Donc nous regroupons, par l'intermédiaire de nos associations membres, 55 000 femmes, et nous en rejoignons au moins 200 000. Depuis plusieurs années, nos membres ne se sont nullement opposés à vos prises de position en faveur des garderies sans but lucratif, et à nos réticences au développement de garderies à but lucratif. Ces positions sont publiques depuis de nombreuses années.

M. Joly: Est-ce que cela reviendrait à dire que lors d'assemblées générales, il pourrait y avoir 70 personnes qui représentent, par exemple, vos 70 associations, et que ce serait de là qu'on prendrait position? Donc 70 personnes pourraient représenter, comme vous le dites, peut-être 55 000 membres.

Mme Thibault: C'est-à-dire qu'il n'y aurait pas 70 personnes. Il faut vous expliquer que les membres et les membres délégués de la fédération regroupent à peu près 800 personnes, qui reçoivent à l'avance, dans chacun des groupes, les résolutions qui sont présentées en assemblée générale et qui reçoivent chaque fois les documents comme le mémoire que nous avons présenté, le mémoire de la fédération, et qui nous donnent leur appui chaque fois. Il n'y a donc aucune inquiétude à avoir. Nous savons que nous avons nos membres derrière nous, comme nous les avons eues, par exemple, dans le dossier de l'aide sociale.

M. Joly: Donc, vous prétendez avoir autant de membres que les deux organismes que je mentionnais tantôt, l'AFEAS et les cercles de fermières, ce qui veut dire que vous avez des positions contraires à ce qu'eux peuvent préconiser.

Mme Thibault: Je dirais que la fédération, comme les cercles des fermières et l'AFEAS, sont une des trois grandes associations au Québec tout simplement. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas envie de faire une bataille de chiffres, et la fédération s'est appuyée depuis plusieurs années sur les positions de ses membres pour pouvoir prendre position dans ce domaine. Nous avons d'ailleurs travaillé avec certaines de nos associations membres pour prendre position et pour préparer ce mémoire.

M. Joly: Merci, madame.

Mme Thibault: Ce n'est rien.

Le Président (M. Gervais): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, il reste encore quelques minutes, M. le Président? Mme Thibault, à la page 18 de votre mémoire, au début de la page, vous dites: "À cause de plusieurs facteurs, tels que le roulement habituel des enfants dans une garderie et les enfants gardés à temps partiel, le taux d'occupation moyen, dans les garderies au Québec, est autour de 80 %. Laisser croire qu'un taux de 100 % est envisageable, comme le fait l'énoncé de politique n'est pas réaliste, et de plus nulle part n'est-il question du rapport taux d'occupation - tarif de garde." Cela m'intrigue beaucoup, et je me demande à quel endroit vous avez vu dans notre énoncé de politique la référence à un taux d'occupation de 100 %, puisque tous nos chiffres et toutes nos données sont basés sur un taux moyen de 82 %.

Mme London (Catherine): II n'est effectivement mentionné nulle part un chiffre de 100 %. Par contre, quand on calcule la subvention aux garderies, on la calcule à partir du tarif moyen, de l'an passé, des garderies dans toute la province. Cela est basé, il m'a semblé, sur un taux d'occupation de 100 %.

Mme Gagnon-Tremblay: 82 %. La subvention aux revenus de 45 % est basée - c'est sûr que c'est 45 % des revenus réels - en fonction du tarif et d'un taux d'occupation moyen de 82 %. Si vous regardez, par exemple, à la page 69 de la politique, le tableau 13, on parie d'une garderie de 50 places avec un tarif de 15 $ et un taux d'occupation de 82 %. Donc partout, notre formule de 45 % des revenus réels équivaut à un tarif moyen de 15 $ et à un taux d'occupation de 82 %. C'est pour cela que Je m'étonne un

peu de voir dans votre mémoire qu'on pariait de 100 %. C'est pour cela que je voulais avoir plus de précisions.

Le Président (M. Gervais): Je m'excuse, je vous demanderais de vous identifier, madame, s'il vous plaît.

Mme London: Catherine London. Le Président (M. Gervais): Merci.

Mme London: Par contre, quand on calcule le seuil de subvention possible à une garderie, c'est calculé sur le taux moyen d'une garderie pour l'année dernière, s'il y avait un taux d'occupation de 100 %.

Mme Gagnon-Tremblay: Ce qui arrive, c'est que si la garderie a un taux d'occupation de 82 %, elle va recevoir une subvention supérieure à celle déjà prévue, parce que son taux d'occupation est supérieur à notre taux d'occupation de 82 %. Je pense qu'il y a bien d'autre chose sur quoi on peut discuter, mais c'était juste pour savoir, finalement, parce que je voyais dans votre mémoire que vous parliez du taux de 100 % et cela m'inquiétait un peu. Je me suis dit: Est-ce que véritablement dans notre énoncé, on a mentionné 100 % quelque part et qu'on ne l'aurait pas vu?

Mme London: Je crois que ce qui nous inquiétait beaucoup, c'est que, dans l'énoncé de politique, on a l'impression en le lisant qu'un taux d'occupation de 100 % est possible, donc qu'une garderie puisse avoir de meilleures subventions soit en augmentant ses revenus, c'est-à-dire en effectuant des hausses de tarif, soit en augmentant son taux d'occupation, ce qui n'est pas toujours possible. On donne l'impression, dans l'énoncé de politique, qu'avec un petit peu de marketing, une garderie pourrait augmenter son taux d'occupation.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est sûr que oui, dans certains cas. La garderie, par exemple, qui a un taux d'occupation de 65 % ou 70 %, oui, elle devra augmenter son taux d'occupation au moins à 82 %, puisque vous avez déjà 60 % des garderies qui ont un taux d'occupation de 82 % au Québec. C'est sûr qu'on ne vise pas un taux de 100 %. On sait que c'est utopique de viser un taux de 100 %, étant donné qu'il y a bien des facteurs qui entrent en ligne de compte. On les a énumérés au cours de cette commission parlementaire: l'intégration des nouveaux enfants, les journées de maladie, les congés fériés... Il y a beaucoup de choses, alors on ne peut pas viser 100 % naturellement. Ce serait peut-être un chiffre à atteindre, mais je pense que, logiquement, on ne peut pas atteindre 100 %. Je comprends quand même votre raisonnement.

Alors, le temps est terminé, M. le Prési- dent?

Le Président (M. Gervais): D'accord. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous accueillir. Vous transmettrez mes meilleurs voeux à la présidente, Mme Busque. J'entendais la discussion que vous aviez avec le député de Fabre et je me disais qu'il doit certainement ignorer que la Fédération des femmes du Québec fêtait son 20e anniversaire l'an passé et qu'à cette occasion, bon nombre de femmes éminentes qui appartenaient à sa formation politique sont venues rappeler qu'elles avaient été à l'origine de la fondation de la Fédération des femmes du Québec.

M. Joly: Excusez-moi, M. le Président, je n'ai pas voulu enlever la crédibilité à l'association des femmes du Québec...

Mme Harel: À la fédération.

M. Joly: ...à la Fédération des femmes du Québec parce que des gens de notre parti n'en font plus partie. Remarquez bien que ce n'est pas cela.

Mme Harel: Donc, elles en font toujours partie, M. le Président, M. le député.

M. Joly: Ce n'est pas cela que j'ai voulu dire.

Mme Harel: Je veux simplement signaler deux choses. Quand on discute avec des groupes, comme l'a fait le député de Fabre, j'aimerais qu'il m'écoute, parce qu'il a défendu des positions devant notre commission des cercle de fermières et de l'AFEAS. Il a bien insisté sur le fait que les deux organismes avaient déjà présenté leur mémoire et avait pris fait et cause pour les garderies à but lucratif.

Je veux lui rappeler que, dans un cas, c'est prématuré parce qu'on entendra l'AFEAS demain et qu'on aura l'occasion avec elle d'en rediscuter. Avec les cercles de fermières, c'est outrancier, parce qu'il l'a présenté comme si c'était sans condition, avec un appui inconditionnel, ce qui est bien loin d'être le cas, et il faudrait qu'il relise le mémoire des cercles de fermières. Leur principale revendication n'était pas du tout celle-là, bien au contraire, mais en faveur du développement d'un service de garde, autant pour la personne qui fait la garde à la maison, la mère, que pour le type de garde collectif. Pour avoir interrogé les cercles de fermières, il privilégie la garde régie par les parents. Alors, je pense qu'il faut remettre les choses dans leur contexte. Et demain, avec l'AFEAS, on aura l'occasion d'en rediscuter.

Vous aviez insisté, entre autres, dans votre mémoire, sur la question de la halte-garderie, et

il y a eu une discussion sur les centres de femmes. Je crois comprendre, avec les informations que j'ai pu obtenir, que c'est extrêmement fréquent qu'il y ait des haltes-garderies à l'initiative des centres de femmes. Une majorité de centres de femmes ont déjà une halte, alors, certainement, la revendication qu'on retrouve dans votre mémoire va dans le sens de ce qui est réclamé par les 73 centres de femmes du Québec, qui est une reconnaissance des services qu'elles offrent déjà en matière de halte-garderie. Je ne sais pas si vous avez des contacts avec le regroupement. Le regroupement est membre de la fédération, je crois?

Mme Thibault: Oui. L'R des centres de femmes est membre, et c'est d'ailleurs Mme Françoise David qui a écrit cette partie du mémoire pour la Fédération des femmes du Québec. Mme David est coordonnatrice de l'R des centres de femmes.

Mme Harel: Alors, on doit comprendre qu'il y a déjà un réseau, subventionné par le ministère de la Santé et des Services sociaux, où se réunissent des femmes qui ont souvent comme caractéristique d'être des mères, même si elles sont des travailleuses...

Une voix: Au foyer.

Mme Harel: ...ou si elles sont à la maison, et qu'il serait plausible, compte tenu de la réalité actuelle, qu'elles aient justement besoin d'un coup de pouce pour soutenir financièrement ces services qu'elles offrent déjà.

Mme Thibault: C'est tout à fait ça.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 9, vous nous rappelez, avec raison, et je vous cite, que le plan annoncé dans cet énoncé constitue donc un net recul quant au rythme de développement des services de garde". C'est la première fois - vous savez que c'est quand même sans doute le huitième ou le neuvième jour que l'on siège en commission sur le dossier des services de garde - qu'en termes statistiques, en taux, en pourcentage, on a les croissances annuelles depuis 1977. C'est intéressant de se rendre compte que, durant les prochaines années, on assistera au taux de croissance le plus faible depuis dix ans. Alors, vous dites: La moyenne des taux de croissance annuels pour les années 1989 à 1994 sera de 12,45 %, et la moyenne des taux de croissance annuels, pour le même nombre d'années, jusqu'en 1988, c'est-à-dire de 1983 à 1988 est de 13,35 %, et vous signalez qu'en outre, la moyenne des taux de croissance annuels, de 1977 à 1985, était de 18,16 %, et cela comprend les années de récession, les années dures, les années difficiles, les années que le gouvernement actuel n'a pas encore connues, les années où il n'y a pas simplement du ralentisse- ment mais une récession, où on ne va pas juste à Ottawa pour parler contre la hausse des taux d'intérêt de la Banque du Canada, mais où les banques affichent 21 % ou 22 %, c'était au mois d'août 1982. Alors, dans un contexte relatif de prospérité, comme celui dans lequel on est, c'est quand même étonnant de voir un taux de croissance qui va en ralentissant. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à faire là-dessus?

Mme Thibault: Oui. Soit dit en passant, Mme Harel, et un peu à la blague, on a remarqué qu'il y avait des pics de développement les années d'élections.

Mme Harel: C'est cela. Et ce qui est étonnant, c'est qu'il n'y en a pas cette année. Est-ce qu'il faut penser qu'il n'y aura pas d'élections?

Mme Thibault: II faut quand même reconnaître que, cette année, il y a un plan sur cinq ans d'annoncé, je veux quand même admettre avec la ministre que cette année, c'est intéressant dans le sens où on voit un plan sur cinq ans.

Mme Harel: Oui. Mais son plan prévoit moins de croissance que quand il n'y avait pas de plan. Est-ce qui faut penser que quand il n'y a pas de plan, ça augmente plus que quand iI y a un plan? (16 h 45)

Mme Thibault: Je vais vous laisser faire vos conclusions vous-même, Mme Harel. Écoutez, il y a une inquiétude à la fédération. On a lu dernièrement que le gouvernement du Québec, dans ses prévisions, utilise beaucoup l'argent qui arrivera du gouvernement fédéral pour permettre un développement à ce rythme. Notre Inquiétude nous est venue d'un article paru dans le Globe and Mail. Nous avons d'ailleurs envoyé à Mme Gagnon-Tremblay ainsi qu'à vous-même une copie de l'article et de la lettre que nous avons écrite au premier ministre Mulroney. Notre inquiétude vient du fait que, dans cet article, on nous dit qu'au lieu de donner 50 % pour le soutien des garderies dans les provinces riches, on pourrait possiblement donner 40 %. Nous sommes inquiets et, au fond, nous voulons avoir l'assurance de Mme Gagnon-Tremblay que, même s'il y avait une réduction de la part du gouvernement fédéral, U n'y aurait pas une réduction supplémentaire du développement des services de garde. On trouverait très important, s'il y avait une réduction de la part du fédéral, qu'il y ait une augmentation de la part du gouvernement provincial pour s'assurer que le rythme reste le même. On trouverait très Important de pouvoir avoir des garanties de la part du gouvernement du Québec là-dessus, quels que soient les résultats ou quel que soit le prochain projet de loi fédéral sur les services de garde.

Mme Harel: Dès l'ouverture de la session, le 14 mars prochain, on va avoir l'occasion de vérifier si la ministre a obtenu des garanties de son homologue fédéral concernant les pourcentages de financement. En contre-partie, on aura nécessairement à interroger le gouvernement sur son intention d'aller de l'avant avec le plan de développement.

Dans votre mémoire, j'ai trouvé réponse à ma question, c'est à la page 10. Tantôt, je vous demandais s'il faut comprendre que, lorsqu'il y a un plan, cela se développe moins que quand il n'y a pas de pian. Vous me disiez que vous me laissiez la conclusion, et je l'ai trouvée à la sixième ligne de la page 10: "Nous voyons clairement, écrit la fédération, que le rythme de développement des services de garde n'est certes pas amélioré, au contraire, il ralentit." Alors, ma réponse est là.

Il y a une information. Évidemment, vous êtes parfois à même de colliger beaucoup d'informations. Vous avez un bon centre de documentation. Dans votre mémoire, vous avez mis en doute le taux d'activité qu'on utilisait. Vous dites que c'est 57,2 % à taux constant sur cinq ans. Est-ce que cela vous étonne qu'on n'ait pas aussi utilisé le rang de l'enfant? Finalement, quand on relit tout cela, on se rend compte que c'est simplement l'âge des enfants qu'on a utilisé, c'est-à-dire le taux d'activité selon l'âge. On peut l'obtenir selon l'âge de l'enfant. On sait que, pour les moins de trois ans, le taux d'activité des mères est presque le même que pour celles qui ont des enfants de plus de six ans. C'est à peine 4 % ou 5 % de différence. Donc, c'est sensiblement le même taux d'activité, que les enfants aient moins de trois ans ou plus de six ans. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vérifier ces statistiques.

Mme Thibault: Non, pas vraiment.

Mme Harel: On les a eues de Statistique Canada.

Mme Thibault: Nous n'avons pas eu l'occasion de les vérifier.

Mme Harel: II y en a une qui est très déterminante et qu'on ne retrouve pas du tout dans l'énoncé - vous avez peut-être l'occasion de la retrouver - c'est celle qui concerne le rang des enfants. Est-ce que les taux d'activité sont les mêmes s'il y a un enfant de premier rang, s'il y en a un de deuxième ou s'il y en a un de troisième? Quel est le maintien du taux d'activité? Quel est le retrait du marché du travail selon le rang de l'enfant? Est-ce que vous avez des informations là-dessus?

Mme Thibault: Pour être très honnête, non. Par contre, parce qu'on a un peu discuté de la question de la dénatalité à la fédération, je sais qu'on a fait des comparaisons avec d'autres pays européens, nous indiquant qu'effectivement quand une femme est rendue à son troisième enfant, souvent elle se retire pendant un certain temps du marché du travail. Donc, on peut penser que c'est sans doute un phénomène semblable au Québec.

Mme Harel: Vous savez que c'est la pierre d'assise sur laquelle on peut bâtir une politique familiale et une politique d'autonomie financière des femmes. Je n'ai pas cette donnée fondamentale. Récemment, je retrouvais des chiffres assez éloquents, concernant la France, qui nous permettent entre autres de vérifier un assez fort taux d'activité, malgré que le taux d'activité des mères soit bien moins élevé que nous. Il est d'à peine 41... Attendez. Non, il a progressé comme le nôtre, en fait. Il a progressé du double comme le nôtre. Mais les mères ayant un enfant sont actives à 70 %, tandis que celles qui ont deux enfants le sont à 63 % et que celles qui en ont trois le sont à 35 %. Alors, vous voyez que, dans le fond, la progression est spectaculaire, d'une certaine façon. Vous n'avez pas du tout ces chiffres-là?

Mme Thibault: Comme je vous dis, ça correspond aux analyses qu'on nous a décrites pour ce qui est de certains pays européens, ce que certains membres nous ont apporté comme documents et comme études et qu'on n'a pas avec nous. Mais on pourrait sûrement avoir une discussion avec vous et vous donner nos contacts...

Mme Harel: D'accord.

Mme Thibault: ...dans le domaine. Cela nous ferait plaisir.

Mme Harel: Vous avez aussi insisté sur le fait qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent jouer sur la préférence des parents. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus parce qu'il m'a semblé qu'il y en a un qui est lié aux changements effectués au sein de la famille, au contexte familial lui-même. C'est évident qu'une famille biparentale peut développer, à l'égard des services de garde, une attente différente de celle des familles monoparentales. Je ne sais pas si vous avez parlé un peu de ces facteurs qui peuvent influer. Il y a celui des naissances hors mariage, celui des divorces, et il y a évidemment aussi la désintégration de la famille élargie au profit de la famille nucléaire. Il n'y a plus de grand-mère pour garder. En tout cas, si elle est là, elle garde à l'occasion le samedi, mais elle travaille aussi. Le plus fort taux de progression sur le marché du travail a été celui des femmes de plus de 55 ans. Ce sont elles qui, depuis trois ans, ont eu l'accès le plus considérable au marché du travail.

Je ne sais pas si vous avez pu prendre connaissance des dernières statistiques sur le

taux de fécondité. On voit que 33 % des naissances au Québec en 1988 ont été hors mariage; 28 850 naissances sur 83 000 ou 86 000. Donc 33 %, une sur trois hors mariage. Cela ne veut pas nécessairement dire sans conjoint, mais if y a quand même une explosion des familles monoparentales aussi. On sait qu'il y a quatre divorces pour dix mariages. Alors pensez-vous que, dans ce contexte-là, il y a une priorité de l'état en matière de services collectifs? Comment envisagez-vous cet équilibre entre garde privée et garde collective?

Une voix: Mme Goyette.

Mme Goyette (Lyne): En fait je ne vois pas pourquoi... Pour moi, cette diversité de la famille, c'est comme une richesse pour les enfants, c'est comme une richesse collective. Donc, je ne pense pas qu'il faudrait prévoir des types de garde différents selon l'origine familiale de l'enfant, à savoir que ses parents viennent de se séparer, qu'il vient d'une famille biparentale, que ses parents soient d'orientation sexuelle semblable ou dissemblable. Je pense que c'est ce qui fait la richesse, c'est ce qui fait qu'on aime que nos enfants fréquentent des lieux de socialisation comme les garderies. Là où il faut se poser des questions, c'est plutôt non pas s'adapter aux types de familles mais s'adapter aux types de travail que les femmes choisissent, aux types de travail et aux types de vie que les gens qui ont des enfants choisissent.

Quand vous donniez tantôt, Mme Harel, les chiffres sur les enfants en bas de trois ans et qu'on relate... Nous avons été timides dans le document de la fédération. On en parlait plus tôt, il n'y a absolument pas d'originalité dans les services de garde actuellement pour ce type de garde-là. C'est plutôt ça qu'il faut développer, la garde pour les parents qui travaillent en soirée, la garde pour les gens qui étudient le soir et qui n'ont pas de garde subventionnée actuellement. Alors, c'est plutôt ça que...

Mme Harel: Vous parlez de garde collective.

Mme Goyette: Oui, toujours de garde collective. En fait, je pense que c'est à la société d'assumer finalement la reproduction de nos enfants.

Mme Harel: La tentation est grande présentement de prétendre que les femmes vont travailler, dans le fond, non pas parce qu'elles y tiennent vraiment, mais parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement et que, si on leur donnait de l'argent pour rester à la maison, même si elles en gagnaient moins qu'en travaillant, elles y resteraient. Vous dites: Écoutez, il faut plutôt que l'État s'adapte au choix de vie et au choix de travail plutôt que l'inverse. Que pensez-vous de ce courant qui n'est pas du tout souterrain, qui est très visible, et qui prétend que la meilleure place pour les femmes serait à la maison pour garder leurs enfants?

Mme Goyette: Je pense que c'est un courant nostalgique. On fait face à un éclatement des formes familiales. On cherche des explications partout. La plus facile à portée de la main, c'est celle-là. Les enfants font plus de fautes à l'école parce que les mères sont au travail. Bon, n'importe quoi! Pourquoi un enfant est-il toujours mieux avec sa mère? Quand on sait que la famille, ce n'est pas toujours le meilleur milieu pour un enfant... De toute façon, l'enfant a quatre chances sur dix d'être élevé dans une famille où les parents sont séparés. SI on ajoute les unions de fait, c'est encore plus que ça. Il n'y a pas de raison. C'est un discours nostalgique qui ne s'appuie sur rien.

Mme Harel: Vous pensez qu'on devrait développer une politique de la petite enfance spécifique à la petite enfance.

Mme Goyette: Je ne comprends pas.

Mme Harel: Dans le fond, votre préoccupation, c'est de dire: Indépendamment du statut social ou économique des parents, il devrait y avoir un projet de socialisation pour la petite enfance.

Mme Goyette: II serait temps qu'on pense aux enfants, oui. Cela devrait être Intégré à la politique familiale. Qu'on arrête de culpabiliser les mères qui sont au travail, aux études, en voyage ou n'importe où. Qu'on pense aux enfants. On va en avoir plus.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion.

Mme Harel: On nous demande de conclure. J'entendais Mme la ministre signaler tantôt qu'il pouvait y avoir de l'injustice parce que, auparavant, il n'y avait pas les subventions que vous réclamez maintenant dans votre mémoire. Cela me faisait penser qu'évidemment, on peut de cette façon-là résister continuellement aux changements en prétendant que c'était injuste pour les générations précédentes qui n'ont pas pu en bénéficier. C'est sûr que le changement social se fait toujours à partir d'une situation nouvellement créée.

Je pense bien que la question, au fond, c'est de savoir dans quelle mesure on veut investir dans les enfants. Alors là, il va y avoir toutes sortes de voies détournées pour essayer d'en responsabiliser d'autres. Vous allez voir, je sens qu'on va assister à un nouveau courant qui va plutôt penser qu'il faut que les femmes retournent a la maison, évidemment en ne prenant pas toujours en considération qu'elles y sont aussi. C'est parce qu'elles cumulent les deux et parce qu'elles décident de faire des bébés qu'il y a encore des enfants. Mais je pense qu'il

n'y a pas encore une décision vraiment éclairée d'investir dans les enfants comme société. Je souhaite qu'à la fédération, vous marquiez, vous ouvriez, comme d'habitude, les sillons pour continuer à réclamer qu'il en soit ainsi.

Mme Goyette: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Gag non-Tremblay: Merci, M. le Président. En terminant, j'aimerais vous remercier pour votre exposé. Je pense que vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que vous auriez souhaité, par exemple, un développement beaucoup plus rapide. Nous aussi, on l'aurait souhaité, et c'est pour ça, d'ailleurs, que dans notre énoncé de politique, on parle d'ordre de grandeur, mais on sait qu'on ne pourra pas satisfaire tous les besoins.

Vous savez, il y a dix ans, on parlait de développement. Par contre, maintenant, on ne parle plus uniquement de développement, mais on doit parler de consolidation parce que, justement, il faut faire un rattrapage de dix ans. Il y a dix ans, tout en faisant le développement, on n'a pas prévu, par exemple, que les formules devaient être indexées. Si elles l'avaient été, comme on s'apprête à le faire actuellement, par exemple, on n'aurait pas de rattrapage aussi grand à faire et peut-être qu'on pourrait faire un développement beaucoup plus accéléré. Mais là, malheureusement, on doit tenir compte de la consolidation, également. Merci de votre exposé.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie la Fédération des femmes du Québec et invite à la table le Comité national des jeunes du Parti québécois. Nous suspendons les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 1)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun et à chacune de bien vouloir reprendre sa place, s'il vous plaît, afin que nous procédions à l'audition du mémoire présenté par le Comité national des jeunes du Parti québécois.

Je vous invite, d'une part, à présenter vos porte-parole et à les identifier. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes maximum pour présenter votre mémoire et il y a ensuite une période de discussion de 40 minutes avec les gens de la commission.

Lorsque vous avez à prendre la parole, je vous prierais de bien vouloir donner votre nom auparavant, ceci pour la transcription du Journal des débats. Alors, si vous voulez procéder, nous vous écoutons.

Comité national des jeunes du Parti québécois

M. Boisclair (André): Merci, M. le Président. Pour ma part, je suis André Boisclair, président du Comité national des jeunes du Parti québécois. J'aimerais vous présenter à ma gauche, M. Joseph Facal, vice-président aux affaires politiques ainsi que M. Martin Scallon, qui est trésorier du Comité national des jeunes du Parti québécois.

Dans un premier temps, j'aimerais remercier le personnel de la commission qui nous a permis de faire différents arrangements pour venir présenter ce mémoire. On a déplacé la date, et je sais que les travaux de la commission ont dû être réajustés. Dans un premier temps, particulièrement à Mme Lamontagne qui, je crois, est secrétaire... La voilà! On s'est parlé au téléphone à quelques reprises. Alors, je tiens à remercier le personnel de la commission qui nous a facilité notre travail pour venir aujourd'hui vous présenter un mémoire.

Cependant, ce qui a été un peu plus difficile pour nous en venant ici, cela a été les courts délais pendant lesquels nous avons dû préparer un mémoire. Il est important pour nous, comme groupe de jeunes, de venir nous prononcer sur cette question des services de garde, mais dans les délais très courts qui nous ont été accordés, nous avons fait un effort assez important pour faire la recherche nécessaire. N'ayant pas les services que bien des hommes ou femmes politiques ont, nous nous sommes débrouillés tant bien que mal pour présenter un document qui, je crois, se veut constructif.

Nous voulons tout simplement apporter notre grain de sel dans le débat, et ce, de bonne foi bien sûr, parce que, pour nous, en tant que jeunes, il y a des choses importantes qui nous semblaient intéressantes à dire.

La réflexion sur cette question-là n'est pas nouvelle pour nous. Je voudrais souligner rapidement que le Comité national des jeunes qui est formé, bien sûr, de 27 membres, a adopté ce document. Donc, il a fallu consulter l'ensemble des membres du comité des jeunes sur ce document. La réflexion s'est amorcée à l'occasion du grand rassemblement des jeunes qui a eu lieu à Sainte-Adèle au mois d'octobre dernier, où il y avait toute une politique sur la question de la natalité et de la démographie. On a abordé ces questions des services de garde à l'enfance, et c'est à cette occasion-là que le comité des jeunes a entrepris cette démarche. C'est un peu dans ce sens-là que nous vous présentons ce document aujourd'hui.

Il y a un document que j'aimerais distribuer aux membres de la commission, qui est légèrement modifié par rapport au document que nous avons pu vous remettre et que vous avez sans doute entre les mains. Il s'agit d'ajouts ou de corrections parce qu'on n'avait pas encore toute l'information en main. Et, à cause de différentes

recherches, quelques ajouts ont donc été faits. On a mis l'emphase sur différents points à la suite de consultations que nous avons menées aussi avec des gens dans le milieu. J'aimerais faire circuler ce document.

La présentation se fera en deux temps. Je commencerai et M. Facal complétera ensuite ma présentation.

Dans la mesure où le Comité national des jeunes du Parti québécois a, parmi ses raisons d'être, celle de sensibiliser les Québécois et les Québécoises aux préoccupations des moins de 30 ans, !i nous est apparu souhaitable d'être présents à cette commission parlementaire sur les services de garde à l'enfance.

Le sujet est en effet d'une importance vitale. Les transformations de la famille et l'arrivée en force des femmes sur le marché du travail ont entraîné une forte augmentation dans la demande des services de garde. Dans ces conditions, une politique sur les services de garde devient une composante essentielle de toute politique familiale vraiment soucieuse d'agir sur la baisse du taux de natalité au Québec.

Le présent mémoire n'a aucunement la prétention d'être exhaustif. Nos principaux soucis ont été de mettre l'accent sur les attentes propres aux jeunes, à ceux et celles dont la "parentalité" est toute récente ou à l'état de projet et de procéder, dans notre évaluation de l'énoncé de politique gouvernementale, avec bonne foi et de manière constructive.

Dans un premier temps, nous ferons donc ressortir les préoccupations propres aux jeunes en ce qui a trait aux services de garde, puis nous évaluerons, dans ses grandes lignes, l'énoncé gouvernemental. Enfin, dans un troisième temps, nous mettrons de l'avant notre propre diagnostic de la situation et quelques suggestions. Il va de soi, comme je vous le disais tout à l'heure, que ces dernières ne doivent être envisagées que comme !es premiers jalons d'un plus vaste projet de réforme qui verra le jour ultérieurement.

Au Québec, nous le savons, le taux actuel de natalité n'assure plus le renouvellement des générations. De 1980 à 1986, le nombre de naissances a chuté de 13,2 %. Le Québec aura donc connu pendant cette période près de 13 000 naissances en moins. Nous savons tous l'ampleur du problème et l'urgence de réagir.

Évidemment, cette chute du taux de natalité est liée à un certain nombre de transformations sociales qu'on ne peut que trouver globalement positives: généralisation de l'instruction, participation accrue des femmes au marché du travail, progrès techniques, etc. Toutefois, personne ne niera que la situation actuelle requiert une politique familiale visant véritablement à ce que ceux et celles, voulant avoir des enfants, aient les moyens de le faire et soient assistés par une gamme de services appropriés.

Or, nous savons qu'actuellement, une faible partie des besoins en matière de garde est comblée par les services autorisés et que la limite, en termes de capacité à payer, est atteinte pour la très grande majorité des parents.

Certes, ces problèmes ne sont pas spécifiques - bien sûr, et vous en conviendrez - aux jeunes parents de moins de 30 ans, mais on comprendra qu'ils les ressentent avec plus d'acuité, considérant leurs capacités financières généralement plus faibles. Pour bien des jaunes parents, la garde apparaît actuellement comme une option ouverte seulement aux families biparenîaies de classe moyenne et plus.

Le maître mot pour les jeunes est donc accessibilité à un triple palier: en termes de nombre de places disponibles, en termes de diversité des modes de garde et en termes de coût moyen des frais de garde. I! faut donc agir dans la direction d'une consolidation et d'une diversification du réseau des services de garde de qualité, accessibles aux familles à faibles revenus, tout en cherchant parallèlement à adapter sans cesse davantage les milieux de travail aux besoins de la "parentaiité".

Voyons maintenant si le projet gouvernemental est bien un pas dans ce sens. L'énoncé de politique gouvernementale identifie un certain nombre de problèmes actuels, dégage les principes directeurs d'un projet de réforme, établit des objectifs et propose un nouveau mode de financement ainsi que quelques mesures concrètes d'appoint. Fort bien! Nous savons que les objectifs de l'actuelle Loi sur les services de garde à l'enfance sont au nombre de trois: l'accessibilité des services, la liberté de choix et la participation des parents. Ces objectifs sont repris dans l'énoncé gouvernemental, et il faut s'en réjouir. Toutefois, nous constatons avec surprise que la notion d'accessibilité, si cruciale pour les jeunes parents, ne trouve pas sa place dans les sept principes directeurs de la réforme, contrairement à la participation des parents et à la liberté de choix. L'oubli nous paraît significatif en ce qu'il se traduit par des lacunes concernant les mesures concrètes de facilitation et d'accessibilité.

Les autres principes directeurs nous paraissent fondés et nous les endosserions sans arrière-pensée, si ce qui nous est proposé en termes de suivi concret ne confirmait certaines de nos craintes. Par exemple, nous adhérons à l'idée que les services de garde à l'enfance ont un rôle préventif et éducatif à jouer, mais nous n'avons trouvé dans le texte que peu de mesures concrètes pour le soutien de ce rôle. Plus simplement, nous ne pouvons qu'aller dans le sens des regroupements d'intervenants qui auraient souhaité voir l'accessibilité des services et le redressement des conditions de travail des éducateurs, élevés au rang des principes directeurs afin de leur donner le maximum de chances d'être suivis de mesures concrètes.

Évidemment, au-delà des principes, c'est toujours la façon dont le financement d'une

réforme est assuré qui en dit le plus sur ses mérites. Il faut donc évaluer le montant total octroyé aux services de garde et la manière dont les fonds seront dépensés. Or, cet exercice permet des constats intéressants. Pour 1989-1990, le budget de l'Office des services de garde sera de 138 300 000 $ dont 69 400 000 $ seront versés par Québec et 68 900 000 $ par Ottawa. Or, cette contribution de 69 400 000 $ du gouvernement du Québec reste pratiquement inchangée par rapport à celle de 1988-1989, qui était de 69 200 000 $. La contribution versée par Ottawa, elle, a plus que doublé, passant de 31 400 000 $ en 1988-1989, à 68 900 000 $ en 1989-1990. Dans la mesure où la contribution de Québec stagne, on peut se demander si le gouvernement du Québec ne laisse pas à Ottawa la charge de faire davantage d'efforts. Le tableau qui vous est présenté dans le mémoire montre bien l'évolution respective des contributions de Québec et d'Ottawa au financement de l'office pour les dernières années et les prochaines.

Notons également qu'au-delà de la volonté proclamée par l'énoncé de doubler le nombre de places disponibles d'ici cinq ans, les chiffres montrent que moins de places nouvelles en garderies ont été créées en 1989 qu'en 1986, 1985 et 1982.

Avec les sommes dont U dispose, le gouvernement du Québec a choisi de prioriser la création de garderies en milieu de travail, leur réservant 50 % des places. Nous ne sommes évidemment pas opposés à la garderie en milieu de travail. Le débat sur ses mérites et ses inconvénients est connu, et nous ne le referons pas. D'ailleurs, si la création de places de garde en milieu de travail passe par l'engagement financier des entreprises, nous ne pouvons que l'encourager. Mais y ne faudrait pas commettre l'erreur de croire qu'il s'agit d'une panacée et la favoriser indûment au détriment des autres modes de garde. Or, c'est ce qui semble se produire dans le projet gouvernemental.

Prenons le cas de la garde en milieu scolaire. Le projet gouvernemental prévoit l'augmentation du nombre de places de garderies et, en soi, il s'agit d'un pas dans la bonne direction. Mais nous parlons ici du pas de quelqu'un qui aurait de bien courtes jambes, puisqu'au terme d'une période de trois ans, c'est à peine 40 000 places qui seront offertes aux 600 000 enfants qui fréquentent l'école primaire publique. Nous savons par ailleurs que les commissions scolaires sont généralement réticentes à l'établissement des services de garde. A cet égard, il aurait été souhaitable que le projet de loi 107 comporte la possibilité, pour au moins dix parents par école qui l'exigent, d'obtenir ces services dans leur commission.

L'énoncé gouvernemental nous apprend également que la garde en milieu familial, à savoir dans un autre domicile que celui de l'enfant, représente pour sa part le choix d'environ 10 % des parents. Un pourcentage qui demeure sensiblement constant, peu importe les divers groupes d'âge d'enfants, ou encore les périodes de l'année ou ce type de garde est utilisé. Compte tenu de la faible attraction, selon les chiffres mêmes du document, que ce mode de garde suscite chez les parents, il est difficile d'expliquer le développement considérable qu'y connaîtrait dans les trois prochaines années, si l'on suit le plan du gouvernement.

De plus, le gouvernement fait la sourde oreille à la modification du ratio autorisé par la loi pour les enfants d'âge préscolaire, principale revendication des responsables de familles de garde. Certes, y sera dorénavant permis d'accueillir deux enfants d'âge scolaire après les heures de classe, mais la demande des agences de services de garde en milieu familial d'autoriser les responsables de familles de garde à accueillir cinq enfants, y compris les leurs, au lieu de quatre comme présentement, ne nous apparaît pas déraisonnable et aurait dû être entendue.

Il est difficile aussi de comprendre pourquoi les agences de garde en milieu familial n'auront droit à aucune subvention pour le perfectionnement de leur personnel et l'acquisition de matériel pédagogique, alors que les garderies privées y auront maintenant droit. En effet, d'une façon générale, le Comité national des jeunes du Parti québécois déplore que la problématique des garderies soit moins posée en fonction des besoins des parents et des enfants - temps de garde, plein ou partiel, jour, soir ou nuit, etc.; lieux de garde: école, résidence, entreprise; besoins spécifiques de l'enfant: intégration culturelle, handicap physique, ressources pédagogiques, etc. - qu'en fonction des divers modes de gestion, subventionnés ou non, à but lucratif ou non.

En d'autres termes, bien qu'un effort louable ait été fait dans le sens d'une plus grande diversification, les choix de garde contenus dans l'énoncé s'adressent pratiquement tous aux besoins d'un travailleur, plus généralement une travailleuse, de jour, à temps plein et à horaire régulier. Tous les autres cas de figure se voient offrir la portion congrue des services. Certes, nous comprenons que les ressources du gouvernement ne sont pas illimitées, mais qui niera, à la lecture de l'énoncé, qu'un véritable éventail de choix de garde risque de se faire attendre encore longtemps?

Si bien des éléments du projet gouvernemental sont louables, notamment la planification régionale élaborée en concertation avec les partenaires sociaux, il en est un qui nous déçoit profondément. C'est, bien sûr, la décision de subventionner les garderies à but lucratif. Nous ne pouvons concevoir que la recherche du profit, car c'est de cela qu'il s'agira, soit associée à ce qui devrait être un service public, essentiel, et d'accès universel. Et il ne s'agira pas de sommes insignifiantes, puisque au seul plan de la consolidation, la subvention de 4 200 000 $ qui sera octroyée sera équivalente à la moyenne des

subventions accordées aux garderies sans but lucratif. De plus, si l'on calcule le ratio des montants obtenus par place au permis, on voit que les garderies sans but lucratif recevront 357 $ par place comparativement à 364 $ par place dans les garderies commerciales. Pour qualifier cela, le Comité national des jeunes du Parti québécois n'a qu'un mot qui lui vient à l'esprit, "effarant". Cela d'autant qu'en 1988, pour la première fois, le nombre de places créées dans les garderies à but lucratif a été supérieur à celui des garderies sans but lucratif. (17 il 15)

Le secteur des garderies à but lucratif comprend, certes, nombre de travailleurs et travailleuses dévoués et compétents. La question est ailleurs. La recherche du profit par les propriétaires des garderies commerciales entraîne des contraintes incompatibles avec un service de qualité. Le contrôle par les parents usagers est faible, les salaires sont bas, la qualité n'est pas garantie, etc. Quant à l'argument si souvent entendu selon lequel bien des parents ne tiennent pas à s'impliquer dans la gestion des garderies, il vaut autant pour les garderies sans but lucratif. Que les garderies à but lucratif aient, au même titre que l'école privée, le droit à l'existence, peut se plaider. Mais que le gouvernement les subventionne au même titre que les garderies sans but lucratif nous renverse. D'autant plus que les jeunes parents auront, dans la grande majorité des cas, toutes les difficultés à en assumer les frais. Tant qu'à entrouvrir une porte qui serait désormais difficile à refermer, il aurait été préférable de ne pas leur octroyer d'appui financier.

L'énoncé gouvernemental assure que l'octroi de subventions aux garderies à but lucratif sera conditionne) à la mise sur pied de comités consultatifs formés de parents. Mais, à moins de mettre parallèlement en place des mécanismes de contrôle serrés de l'efficacité de ces comités, on volt mal comment s'assurer que leur existence ne sera pas surtout symbolique. À cet égard, les garderies à but lucratif ont déjà fait savoir qu'elles n'approuvaient pas la création de ces comités.

Le document gouvernemental prétend aussi que la priorité accordée aux garderies gérées par les parents et le contingentement de certaines localités qui résulteront de l'application du plan de développement régional, en soi - et j'en conviendrai avec vous - une excellente idée, freineront l'ouverture de nouvelles garderies commerciales. Mais si le gouvernement avait clairement, fermement et courageusement pris la décision politique de se ranger sans équivoque du côté des garderies sans but lucratif, il aurait été logique qu'H décrète un moratoire sur la création de nouvelles garderies privées.

M. Facal (Joseph): Je vais reprendre là où André a laissé. Je vais m'attarder simplement à la formule de financement et aux conditions de travail du personnel dans les garderies. L'énoncé énumère toute une série de mesures financières qui vont de pair avec ses choix de développement. Nous nous réjouissons entre autres que le gouvernement s'engage à subventionner désormais 75 % des coûts d'implantation des garderies sans but lucratif. Il s'agit incontestablement d'une avancée et nous le reconnaissons volontiers.

Quand à la nouvelle formule de financement, II est clair qu'elle accroîtra les revenus de certaines garderies dans des proportions variables selon leur situation. D'autres auront des revenus moindres, mais bénéficieront de mesures d'appoint compensatoires. Nous nous sommes penchés sur cette question au mieux de notre expertise et nous avons certaines craintes.

À la lecture du projet gouvernemental, on croit comprendre qu'après un surplus, possiblement la première année, les garderies risquent de n'avoir d'autre choix par la suite que d'augmenter leurs revenus de garde. Or, on voit mal comment elles y parviendraient autrement qu'en augmentant les tarifs. En effet, étant subventionnées à 45 % des revenus de garde, elles n'auront d'autre solution, si elles veulent bénéficier d'une subvention accrue l'année suivante. En d'autres termes, nous nous demandons si une subvention aux revenus n'exercera pas une pression à la hausse sur le tarif quotidien. Est-ce qu'il n'en résulterait pas à ce moment-là une aggravation des disparités entre quartiers favorisés et défavorisés, puisque dans les quartiers défavorisés la capacité maximale de payer des parents sera atteinte plus rapidement?

De plus, comme ces garderies en milieu défavorisé recevront moins d'argent que les autres, est-ce qu'elles ne pourront pas d'autant moins s'attaquer aux conditions de travail déjà pénibles de leur personnel et ainsi de suite? Nous nous sommes demandés s'H n'y avait pas là un cercle vicieux. Nous en sommes venus à la conclusion que l'abandon de la formule de financement par jour par place n'était peut-être pas le choix qui aurait dû être fait. De plus, nous pensons qu'il aurait été souhaitable aussi de transformer la déduction pour frais de garde en crédit d'impôt.

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, M. Facal, je vous inviterais à conclure.

M. Facal: D'accord. Écoutez, il y a encore des points qu'il aurait fallu soulever. Je m'en tiendrai là. Je rappellerai tout simplement que le projet prévoyait que 1 % de la masse serait consacré à la formation. Nous nous demandons si, là aussi, ça ne risque pas de jouer au détriment des garderies en milieu défavorisé. Probablement que nous pourrons revenir sur les autres points pendant la discussion.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vous remercie pour votre exposé et je vous félicite pour votre mémoire, je trouve qu'il est bien articulé, et pour la variété et l'à-propos des préoccupations que vous soulevez. Je suis toujours heureuse de voir que des jeunes s'impliquent dans les dossiers importants qui concernent l'avenir de nos jeunes.

Je constate aussi, entre autres, que vous reconnaissez, à la suite du gouvernement, la nécessité d'agir dans la direction d'une consolidation et d'une diversification des réseaux de services de garde de qualité, accessibles aux familles à faible revenu, tout en cherchant parallèlement à adapter sans cesse davantage les milieux de travail aux besoins de la "parentalité". On retrouve cela à la page 4 de votre ancien mémoire. Probablement que c'est à la même page, mais je n'ai pas suivi le nouveau document que vous nous avez présenté.

Ma première question est la suivante, concernant les coûts de la réforme suggérée par le comité. À la page 12 de votre premier mémoire, vous suggérez une réforme des services de garde équivalente, toute proportion gardée, à celle de l'éducation et de la santé, dans les années soixante et soixante-dix. À vos yeux, est-ce que cette réforme, telle que vous l'envisagez, suppose une étatisation des services de garde, comme ce fut le cas dans le domaine de la santé et de l'éducation?

M. Boisclair: Je répondrai rapidement et M. Facal complétera. Écoutez, chaque chose en son temps. Ce que nous retenons, à l'heure actuelle, c'est que, malgré le beau discours le gouvernement du Québec peut tenir sur la question des services de garde, les budgets ne suivent pas ce qu'on entend sur la place publique. Je pense que si on veut vraiment vérifier l'effort réel consacré, c'est par l'argent qu'on est prêt à mettre sur la table. On a un peu l'impression que cette réforme est faite sur le dos du gouvernement fédéral qui a injecté des sommes importantes. Ce qu'on aimerait voir, c'est effectivement le gouvernement du Québec investir des sommes plus importantes.

Quant à la question de l'institutionnalisation de tout le réseau des services de garde, on verra dans les années à venir, mais à l'heure actuelle, ce qui nous apparaît essentiel, c'est d'avoir plus d'argent du gouvernement du Québec sur cette question. N'oubliez pas qu'en tant que jeunes, avant d'avoir des enfants, on veut bien s'assurer qu'ils aient tous les moyens nécessaires pour leur plein épanouissement, et aussi, que pour le couple qui prend cette décision d'avoir des enfants, j'en suis convaincu, c'est un des éléments qui pèse dans son choix. M. Facal, est-ce que...

M. Facal: Cela va. Il n'y a pas de problème.

Mme Gagnon-Tremblay: J'imagine qu'en tant que jeunes, vous avez aussi la môme préoccupa- tion que celle que les gouvernements peuvent avoir, c'est-à-dire la capacité d'être capable de rembourser ses frais, tout en étant réaliste.

Tout à l'heure, lorsque je vous posais la question concernant l'éducation et la santé, c'est très important, parce qu'indépendamment d'où proviennent les sommes... La santé et les services sociaux, est-ce que c'est ce vers quoi vous tendez pour l'avenir, ou bien... C'est quoi, exactement?

M. Facal: Je pense qu'H y a peut-être une légère confusion. Quand nous parlons d'un effort, somme toute, comparable à celui qui fut fait en éducation et en santé, nous ne parlons pas d'un effort comparable en termes de chiffres. Nous savons bien que le contexte a complètement changé. Nous pensons que la société québécoise, à un moment donné de son développement, en est venue à la conclusion qu'un effort massif devait être fait dans le domaine de l'éducation et dans celui de la santé. Et il y a eu vraiment un consensus social pour y mettre le paquet.

Nous pensons que le débat sur les garderies n'est peut-être pas aussi mûr que le fut jadis celui sur l'éducation et la santé, mais le moment est venu, disons, d'y mettre le paquet. Et certes, les coûts sont considérables, mais, à l'époque, le calcul qui fut fait, c'est qu'à terme, il valait mieux investir massivement plutôt que d'y aller de cataplasmes successifs. Nous en sommes venus à l'idée que, justement, il y avait des déboursés immédiats considérables, mais que, si nous y allions d'une réforme globale et cohérente à long terme, celle-ci se révélerait rentable, d'une façon pas uniquement quantitative. En ce qui concerne la dénatalité, si on y mettait vraiment le paquet, il y aurait Un message clair qui serait lancé aux jeunes parents et un accès accru aussi au marché du travail pour les femmes qui n'auraient plus à se poser ces questions. Donc, nous sommes conscients des déboursés. Mais je me demande si, à moyen ou à long terme, ce ne serait pas rentable. Finalement, à force d'y aller à court terme, et de court terme en court terme, et de court terme en court terme, si on faisait la somme de tous ces courts termes, est-ce qu'on n'arriverait pas à un montant qui serait extrêmement considérable, lui aussi? Mais ce passage aurait pu être un peu plus précisé, j'en conviens.

Mme Gagnon-Tremblay: Le Parti québécois de la région de Montréal-Centre, de passage en commission parlementaire il y a une dizaine de jours, déclarait que les budgets du gouvernement devraient traduire l'importance à accorder à la famille, quitte à instaurer des impôts pour atteindre cet objectif. Est-ce que vous partagez cette opinion? Et, selon vous, quel serait le pourcentage de la contribution de l'État au financement des services de garde?

M. Boisclair: II y a plusieurs façons d'abor-

der cette question. Certains parlent de crédits d'impôt universels et remboursables. Il y a plusieurs éléments lorsqu'on aborde cette question. Il nous apparaîtrait peut-être envisageable et même souhaitable que les sommes nécessaires soient dégagées justement dans une politique globale de soutien à la famille. Ou pièce à pièce et, vous me passerez l'expression, du "patchage" comme on en a connu depuis les dernières années, ne nous paraissent pas répondre à la demande. Il nous semble qu'il faudrait un effort concerté des différents intervenants sur le dossier.

Sur le plan des idées, je crois qu'au Québec, nous sommes prêts pour donner plus de pouvoirs aux régions et aux différents intervenants dans le milieu. L'énoncé aborde déjà cette question. Est-ce qu'il y aurait moyen de donner un certain pouvoir de taxation dans les régions? Maintenant, reste à savoir à quelle institution on le donnerait. Je crois qu'on est mûrs pour que certains pouvoirs puissent être retournés vers les régions avec les sommes qui accompagnent ces pouvoirs et, en ce sens, pour donner les outils nécessaires aux régions qui décident de s'organiser. Ces régions sont souvent beaucoup mieux placées pour répondre aux besoins spécifiques de leurs clientèles. Rappelons-nous le rapport du Conseil des affaires sociales et de la famille qui nous pariait d'un Québec cassé en deux. Je suis mal à l'aise qu'on nous propose des programmes mur à mur à la grandeur du Québec. Je suggérerais d'aller vers les régions et de leur donner sans doute un pouvoir de taxation.

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, si je comprends, pour pouvoir faire un développement accéléré dans le but de répondre aux besoins et aussi de résoudre les problèmes existants, vous seriez prêts à Instaurer des impôts additionnels.

M. Boisclair: Écoutez, nous n'avons pas la contrainte que vous avez. On parle de ce qui est souhaitable et de ce qui, dans bien des cas, est réalisable. On dit qu'il faudrait voir à un juste équilibre entre le travail qui se fait dans les régions et celui qui se fait de façon nationale. Il nous semble important de donner plus de pouvoirs aux régions, avec le pouvoir de taxation qui suit le pouvoir de décision. Si on prend l'exemple de la création d'emplois, les différentes initiatives qu'on a réussi à mettre sur pied et qui sont d'ailleurs porteuses de succès pourraient être prises à bien des égards, à mon avis, sur la question des services de garde et d'une politique familiale plus globale.

Mme Gagnon-Tremblay: En parlant de planification régionale, dans votre mémoire, vous affirmez que l'énoncé de politique gouvernementale est un bon pas dans la direction d'une régionalisation systématique des services de garde. Entre autres, vous parlez du rôle des

CLSC et vous mentionnez qu'il devrait être revu. Pour votre part, pourquoi pensez-vous que les CLSC seraient les mieux placés pour jouer ce rôle? En passant, je suis un peu déçue de voir que la fédération des CLSC n'ait pas présenté de mémoire pour faire valoir une position quelconque. Mais vous, qu'est-ce que vous entendez par le rôle des CLSC dans une planification régionale? Est-ce que ce sont vraiment les CLSC qui sont les mieux placés pour jouer ce rôle?

M. Facal: Oui. Au colloque des Jeunes de Sainte-Adèle, une proposition avait été amenée qui parlait d'une plus grande implication des CLSC. Donc, quand nous avons vu que l'énoncé disait qu'il serait souhaitable que les CLSC soient davantage impliqués, on s'est dit: Oui, sur cette base-là, en effet, on est plutôt d'accord. (17 h 30)

Le problème, c'est qu'à partir du moment où on dit qu'idéalement, les CLSC pourraient faire plus, reste la question du comment. Et, sur le plan théorique, autant on conçoit bien que les CLSC soient les mieux placés, autant on se demande comment, en pratique, dans l'état de débordement dans lequel ils se trouvent bien fréquemment, Ils pourraient trouver une minute de plus pour, en plus, prendre en charge toute la question des garderies. Alors, oui, nous n'avons rien contre le fait qu'ils s'impliquent davantage, mais le temps étant un capital limité, il y aura une espèce d'arbitrage à faire. Nous ne savons pas encore exactement comment et nous n'avons pas la prétention d'arriver avec un projet définitif clé en main. Mais disons qu'il est clair qu'une fois qu'on dit que les CLSC devraient s'impliquer, on tombe sur la question de l'inégalité de développement selon les régions. Et nous pensons qu'il aurait été intéressant que, dans l'énoncé, on prévoie des budgets particuliers pour les garderies qui sont dans les régions éloignées ou dans des milieux défavorisés. Est-ce que ce sont les CLSC qui auraient à les administrer? Vraisemblablement, oui. Mais on aurait voulu quelque chose de peut-être un petit peu plus différencié par région, sachant que les situations sont très différentes d'une région à l'autre.

En parlant aussi d'enveloppes spécifiques aux régions, il y a toute la question du montant qui est alloué au perfectionnement du personnel. Vous parlez, si je me souviens bien, de 1 % de la masse salariale. Là aussi, on aurait voulu que les montants alloués au perfectionnement constituent une enveloppe distincte qui soit déterminée en fonction... Le coût de perfectionnement est variable selon la région. Il est variable selon la situation. On aurait voulu qu'il soit dans une enveloppe à part et non pas simplement calculé au pourcentage. On aurait voulu aussi que cette enveloppe soit fixée en tenant compte des salaires qui sont à peu près bas partout, mais aussi certainement du coût de la vie qui est différent d'une région à l'autre. Donc, on aurait

voulu que ce qui concerne l'implication des CLSC soit plus approfondi. Là-dessus, oui, on s'entend sur le fait qu'il y ait davantage d'implication des CLSC.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est sûr que, lorsque l'on parle de l'implication des CLSC, c'est aussi beaucoup quant à la prévention. Je pense que, quant à tout ce qui touche la prévention dans les garderies, les CLSC ont un rôle important de collaboration à jouer avec les milieux des garderies. Mais, si je comprends bien, vous ne souhaitez pas que l'Office des services de garde transmette ses pouvoirs aux CLSC. Ce n'est pas ça que vous désirez?

M. Boisclair: Écoutez quant aux modalités, c'est une suggestion qu'on a mise de l'avant et qui vient surtout d'une réflexion qui a été entreprise chez nous à l'occasion du grand rassemblement des jeunes de Sainte-Adèle. Maintenant, est-ce qu'il faudra y avoir transfert de pouvoirs de l'office vers les CLSC? Je pense que là n'est pas la question. L'essentiel de notre intervention, c'est sur le besoin d'avoir des services qui répondent aux particularités d'une région. On propose les CLSC. Si ce n'est pas l'exemple approprié, soit, mais ce qui nous déçoit un peu dans cette politique-là et ce sur quoi nous aimerions mettre l'emphase, c'est justement d'avoir des services qui répondent aux besoins des différentes régions. Qu'on ait une garderie à Outremont ou en Gaspésie, il y a là une grande différence de clientèle, des services et de la réalité. Il est temps que, sur le plan des idées, nous ayons plus de pouvoirs vers les régions avec, comme je vous le dis, un pouvoir de taxation aussi.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est pour ça, finalement, que la planification régionale est sûrement quelque chose qui a son mérite puisque, justement, on va pouvoir rejoindre davantage les gens de chacune des régions pour bien identifier les besoins et, après ça, pouvoir leur donner les types de services dont ils ont besoin.

M. Boisclair: Rapidement. La question n'est pas de savoir si ce sont les CLSC ou pas. Il y a des choses là-dessus à la suite de consultations qu'on a menées auprès de différentes personnes dans le milieu. Il y a la question de la nouvelle formule de financement qui nous inquiète beaucoup et aussi la question du fardeau fiscal. On n'a pas abordé cette question-là, mais le fardeau fiscal nous semble encore très élevé pour les parents, et je pense qu'on ne peut pas se permettre de l'oublier. Les 45 % de ce qui est ramassé dans le privé nous Inquiètent aussi beaucoup. Vous avez beau dire que c'est important, mais comment concilier justement ce besoin de répondre aux individus dans les régions avec leurs réalités locales, alors qu'on instaure une formule de financement mur à mur qui laisse peu de place justement, à notre avis, pour répondre aux besoins des régions?

Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez quand môme pris connaissance aussi, j'imagine, de la formule d'exonération financière aux parents et de l'ancienne formule qui existait, qui était une formule mur à mur, 4,50 $ fixes et sans aucune indexation, indépendamment des besoins parce que c'était par place, indépendamment du coût de chacune des places. C'était finalement une formule qui était un peu mur à mur.

M. Boisclair: L'objectif n'est pas de trouver des coupables, mais plutôt de mettre de nouvelles solutions sur la table.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ce qu'on essaie de faire actuellement.

M. Boisclair: Je pense que les programmes mur à mur, à bien des égards, ont prouvé leur inefficacité. Alors, je ne vois pas pourquoi on continuerait dans le même sens. Si on a fait des expériences et qu'elles ne se sont pas révélées rentables, pourquoi retomber dans le même piège?

Mme Gagnon-Tremblay: Vous mentionnez, dans votre mémoire, les questions reliées aux conditions de travail des éducatrices et des éducateurs et vous auriez souhaité que leur manque à gagner soit chiffré et qu'un plan de rattrapage soit présenté. J'imagine que vous savez très bien que le gouvernement n'est pas l'employeur des éducatrices et des éducateurs, que chaque corporation est une corporation autonome. Finalement, ce sont les parents qui gèrent cette corporation. Dans ce sens, que voulez-vous dire parce que vous dites que vous auriez aimé un plan de rattrapage? Par exemple, comment concilier cette proposition avec le fait que l'État ne soit pas l'employeur? Comment aurait-on pu faire un plan de rattrapage pour chacune des garderies et chiffrer finalement... Est-ce que c'est parce que vous ignoriez que les parents... Vous saviez sûrement que les éducatrices n'étaient pas les employées du gouvernement.

M. Facal: Non, c'est-à-dire que nous sommes bien conscients que l'État n'est pas directement l'employeur. Par contre, je pense que nous ne sommes assurément pas les premiers à être venus ici et à dire que les conditions de travail des éducateurs et des éducatrices sont extrêmement difficiles. La plupart d'entre eux ont demandé au gouvernement d'agir. Je ne crois pas que la meilleure attitude à cet égard soit de dire: Oui, mais dans la mesure où ils ne relèvent pas directement de notre pouvoir, nous préférons ne pas agir. Il y a assurément des façons d'agir. Entre autres, concernant le coût de perfectionnement sur le plan des conditions de travail, je pense que le gouvernement peut tout de même fixer des normes minimales auxquelles les comités

de parents pourraient se voir contraints de correspondre sans que ce soit directement le gouvernement qui présente un plan de rattrapage clé en main en disant: Telle année vous passerez à tant, l'année suivante vous passerez à tant. Le gouvernement peut tout de môme mettre des paliers, des barèmes, auxquels il s'agirait ensuite de faire en sorte que les directions des garderies se conforment.

Je n'ai évidemment pas lu tous les mémoires qui ont été présentés. Mme la ministre, c'est votre cas à vous. Vous pouvez sans doute reconnaître que la question des conditions de travail revient dans un grand nombre de mémoires. Et nous nous sommes dits qu'assurément il n'y a pas de fumée sans feu. Donc, nous avons voulu attirer votre attention sur ce point, puisque nous avons été étonnés de ne pas le voir revenir dans l'énoncé. Il y a le constat, oui, que les conditions de travail sont pénibles, mais nous aurions voulu vraiment que le document aille plus loin.

Mme Gagnon-Tremblay: Ma dernière question concerne les garderies à but lucratif. Vous suggérez un moratoire concernant le développement des garderies à but lucratif. À votre avis, sur combien d'années devrait s'étendre ce moratoire?

M. Facal: Je ne pourrais pas vous dire exactement combien d'années. Par contre, je rejoins votre question initiale par laquelle vous cherchiez à savoir si nous étions favorables à une étatisation complète des services de garde. Non. Qu'il y ait des garderies à but lucratif, à !a limite, ça peut se défendre, tout comme l'existence de l'école privée peut se défendre. La question, c'est que le mode de financement nous apparaît peut-être généreux à l'endroit des garderies à but lucratif. Et il nous a semblé que la priorité devait être mise sur un réseau sans but lucratif et que, ma foi, les garderies à but lucratif ne doivent assurément pas être mises sur le même rang de priorités que les garderies sans but lucratif. Cela dit, sur combien d'années étendre le moratoire, pour émettre une opinion là-dessus, il aurait fallu avoir accès à des chiffres que nous ne possédons pas. Mais nous reconnaissons le droit à ces garderies-là d'exister. Nous disons simplement qu'en termes d'assistance du gouvernement, assez, c'est assez!

Mme Gagnon-Tremblay: Juste une remarque, en terminant, pour rectifier. Vous parliez d'un montant de 4 200 000 $ comparativement à 10 000 000 $ cette année pour les garderies sans but lucratif. En toute honnêteté, il faut se dire que les garderies à but lucratif ne recevaient aucune subvention auparavant. Alors, on ne peut pas comparer 4 200 000 $ par rapport à 10 000 000 $. il faut comparer 4 200 000 $ par rapport à 45 000 000 $ ou tout près de 50 000 000 $, qui vont directement dans les garderies à but lucratif. C'est juste une petite rectification.

Dans votre exposé, vous disiez que, beaucoup trop comparativement, on accordait 4 200 000 $ aux garderies à but lucratif comparativement aux autres. Je voudrais qu'on fasse la comparaison à partir d'un budget global et non pas des 10 000 000 $ supplémentaires cette année, puisque les garderies à but lucratif n'étaient pas financées auparavant.

M. Boisclair: J'en suis, Mme ia ministre. Si on veut faire des comparaisons, que dit-on aiors de la contribution du gouvernement du Québec de 69 400 000 $ qui reste pratiquement inchangée et qui était de 69 200 000 $?

Mme Gagnon-Tremblay: Si vous vouiez en discuter, on pourra en discuter longuement tout à l'heure.

M. Boisclair: Cela aurait été intéressant d'en discuter.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la ministre. Mme la députée de Maison-neuve.

Mme Harel: Je veux vous saluer et vous dire que c'est depuis le début de la commission que l'on discute de ces 69 000 000 $ qui resteront 69 000 000 $. Par ailleurs, c'est intéressant que vous soyez parmi nous. Dans la table des matières, je lisais une petite note au bas de la page: "Dans le texte qui va suivre, l'utilisation du féminin (...) comprend aussi l'autre genre", ou vice versa. Je me disais: C'est intéressant. En général, ce sont surtout des femmes qui ont participé aux travaux de notre commission parlementaire, sauf lorsque l'Union des municipalités est venue et qui était entièrement représentée par trois hommes et vous. C'est Intéressant. Est-ce que cela dénote l'absence de jeunes femmes au sein du comité ou si cela dénote surtout votre grand intérêt pour la question des services de garde?

M. Facal: Cela me fait plaisir que vous le voyiez comme peut-être un peu le signe des temps nouveaux. Oui, ces sujets nous intéressent. Cela en stupéfie peut-être quelques-uns, mais, que voulez-vous? C'est comme ça. Pour le reste, présence féminine réduite à la portion congrue au sein du comité national, pas du tout. Par contre, les contraintes d'horaires, et ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, sont des choses avec lesquelles il faut parfois composer, et il est arrivé simplement que c'étaient trois hommes qui pouvaient aujourd'hui venir, mais, dois-je le dire, au grand regret de toutes les femmes du comité qui auraient bien voulu venir et qui nous enviaient.

Mme Harel: Alors, si on continue comme ça,

je vais pouvoir leur dire que vous avez bien fait les choses. Plus sérieusement, beaucoup plus sérieusement, parce que c'est une question de fond très importante et sur laquelle la ministre entretient, depuis le début de la commission, une confusion. Je ne sais pas si la confusion est volontaire ou si elle est inconsciente, mais c'est une confusion qu'il faut absolument dissiper, sinon on est tout mélangé. La confusion est la suivante. Lorsque l'État met plus d'argent, c'est comme si cela signifiait l'étatisation et c'est la confusion entre l'intervention financière de l'État pour subventionner et la gestion par l'État. C'est une sorte de confusion immédiate. À la lecture de votre mémoire, tout de suite la ministre vous a demandé... Il n'est pas paginé, alors ce sera difficile de vous noter la page. Cela s'intitule "L'urgence d'aller plus loin", où vous parlez justement de la nécessité, toute proportion gardée, d'une réforme globale et audacieuse équivalente à celle de l'éducation et de la santé dans les années soixante et soixante-dix, et, immédiatement, le spectre de l'étatisation. Là, je pense qu'N faut bien s'entendre. Ce n'est pas parce qu'un réseau est financé qu'H en est pourtant géré par l'État. Un réseau peut être géré par le communautaire; par exemple, les maisons d'hébergement pour femmes battues. Il n'est pas entièrement financé actuellement, il l'est en partie; il est en voie de financement, mais il pourrait l'être à 100 %. (17 h 45)

Rien ne s'oppose à ce qu'un réseau soit financé à 100 %, cela n'emporte pas la gestion. Le financement, l'intervention financière de l'État ne signifie pas la gestion. C'est quelque chose qu'on a réussi à ne plus confondre depuis quelques années. Mais c'est la confusion des années soixante. Il existait tout un réseau de centres de santé dans les quartiers. Alors, quand il y a eu la réforme de 1974, on a complètement cessé de les subventionner au profit, justement, des CLSC. Cela a été la même chose pour l'aide juridique. L'État a complètement cessé de les financer au profit des commissions des services juridiques et des aides juridiques dans les quartiers.

Il me semble qu'il faut vraiment bien se comprendre. Le seul réseau de services qui est géré par les parents, mais pas à moitié, entièrement géré, même si l'État le finançait à 100 %, on se comprend bien, cela n'a rien à voir avec l'étatisation, parce que la gestion pourrait rester entièrement entre les mains des parents. Cela n'a rien à voir. L'étatisation, ça veut dire que l'État prend à sa charge et assure le contrôle et la gestion. Ce dont on parle, c'est d'un financement. Alors, on revient à la question de fond: Qui doit financer ce réseau? Est-ce qu'on ne s'est pas déjà entendus sur qui doit le gérer? Et c'est cela qui est mis en cause par les subventions que la ministre annonce en matière de garderies privées. Ce qui est mis en cause, c'est que, depuis dix ans, on pensait que le réseau de garderies devait être géré par les parents, il me semblait que cela était clair, quel que soit le mode de financement.

Je voulais vous le signaler parce que vous avez parlé de financement mur à mur. S'il y a un réseau qui n'a pas été financé, c'est celui-là. Mme la ministre vous a parlé de la subvention par place au permis, mais il y a l'exonération aux parents et l'allocation au logement. C'était là une combinaison de deux allocations qui ne jouait que lorsqu'il y avait la présence de parents de milieux défavorisés ou lorsqu'il y avait un écart important dans le coût des loyers. C'est, au départ, un réseau dont le financement n'a pas été mur à mur. On n'a pas à craindre qu'il le soit et personne nous demande qu'il le devienne. Les gens nous disent: Gardez-nous le même mode de financement. C'est la ministre qui dit: Ce n'est pas uniforme; je vais essayer d'uniformiser cela. Depuis le début, elle nous dit qu'H y a trop d'écart. Je pense que c'est un aspect sur lequel il faut revenir. Ce n'est pas parce que vous souhaitez un réseau complet, accessible, que cela veut dire étatiser. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à faire là-dessus?

D'autre part, vous vous avez parlé des parents de moins de 30 ans. Est-ce qu'il y en a beaucoup, selon vous? J'ai toujours l'impression, quand je rencontre des jeunes de moins de 30 ans, qu'un bon nombre d'entre eux ont l'impression de ne pas avoir les conditions réunies pour faire des enfants, de ne pas avoir de job ni de sécurité, de ne pas avoir non plus de revenus assurés. Est-ce que vous avez pris connaissance des dernières statistiques sur le taux de fécondité qui remonte un peu? Vous avez peut-être vu que c'étaient surtout les naissances de premier rang, chez les femmes de 25 à 39 ans, qui avaient retardé depuis six ou sept ans. Avez-vous pris connaissance d'une statistique très éloquente, selon laquelle le tiers des naissances au Québec sont hors mariage? On peut penser sans doute faire un enfant hors mariage, peut-être deux, mais est-ce qu'on peut en faire trois? Je ne sais pas si vous avez réfléchi à toutes ces questions, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Facal: II y a une chose qui est peut-être un petit peu gênante, mais je ne pense pas que cela mette en cause notre représentativité, je pense qu'il n'y a aucun de nous trois ici qui a des enfants. Par contre, cela ne nous empêche pas de nous intéresser au sujet. D'ailleurs, nous disons à la page 1 du préambule, que nous nous intéressons évidemment à la condition des jeunes parents de moins de 30 ans, mais aussi à celle des jeunes dont la "parentalité" est à l'état de projet. La formulation était peut-être un petit peu ampoulée, mais essentiellement, ce que cela veut dire, c'est qu'on a envie et la raison pour laquelle on est venus témoigner, c'est parce qu'on voulait bien s'assurer, on était intéressés de savoir si on nous donnerait toutes nos

chances de concrétiser l'envie d'être parent. André?

M. Boisclair: Rapidement. On a effectivement, par le biais des journaux, n'ayant pas accès aux services de recherches auxquels les gens autour de cette table ont accès, pris connaissance des différentes statistiques qui ont été présentées. C'est une question que bien des gens se posent, et c'est une inquiétude importante chez plusieurs jeunes, qu'on a voulu venir traduire ici. Comme M. Facal le soulignait tout à l'heure, c'est cette espèce de "parentalité" qu'on aimerait bien voir, et je pense que ce goût existe. Mais avant d'avoir des enfants, qu'advient-il du congé parental? On nous parle peut-être d'un congé parental d'un an subventionné à 90 %, mais on n'en voit toujours pas la couleur. On lisait cela dans les journaux. En tout cas, c'est ce qu'ils disent.

Mme Harel: Pas subventionné?

M. Boisclair: En tout cas, apparemment, il y a des documents confidentiels qui circulent dans ce bâtiment, il y a des choses, des mesures très concrètes, à notre avis, qui n'existent pas et dont on a grandement besoin. On n'a pas souligné non plus la question du fardeau fiscal qui, à notre avis, Mme la ministre, demeure encore beaucoup trop élevé pour les parents qui décident d'envoyer leurs enfants dans les garderies. Il nous semble aussi que pour ce qui est des congés parentaux et des services de garde, il y a des efforts supplémentaires qui devraient être faits. J'ai de la difficulté à m'expliquer qu'on ait pris compte de cet énoncé de politique. Bien sûr, nous n'avons pas toutes les contraintes que vous pouvez avoir ou les contraintes que d'autres personnes peuvent avoir au gouvernement, mais de voir que le gouvernement du Québec que la majorité des citoyens ont élu aux dernières élections n'a pas mis un cent de plus pour les garderies, je me dis qu'il y a, à un certain moment, un peu de mauvaise foi dans tout cela. Le budget demeurera à 69 400 000 $; il était à 69 200 000 $. On a beau entendre des beaux discours sur la politique familiale, mais de voir que ce n'est pas traduit par des gestes concrets, on se demande vraiment si, oui, cette volonté-là... Qu'est-ce qu'on va aller expliquer aux jeunes qui se posent des questions et qui ont des inquiétudes? À l'heure actuelle, le Comité national des jeunes est en tournée. Nous rencontrons une série de jeunes dans les institutions scolaires, et, une des questions fondamentales pour eux, c'est justement l'avenir du peuple francophone et non pas la question de la natalité, et je voudrais revenir là-dessus. Il y a bien des domaines sur lesquels ils se posent des questions et ils nous posent des questions puisque nous sommes des leaders d'un mouvement quelconque, aussi important que bien d'autres, ils nous disent: Pourquoi aurais-je des enfants si j'ai de la difficulté à avoir des places en garderie? Les congés parentaux ne sont pas assurés. Il me semble qu'un gouvernement pour qui cette réalité tient à coeur cette réalité et qui est conscient de cette réalité devrait mettre plus d'argent qu'il en met à l'heure actuelle. C'est cette principale inquiétude.

Il y a aussi la question du financement à 45 %. On se pose de sérieuses questions. Mme Harel, j'en ai profité pour relancer cette question, sur laquelle on n'a pas trop entendu parler la ministre, les 69 400 000 $. Je pense qu'il y a un ensemble de conditions à l'heure actuelle qui sont réunies qui font que des gens de notre âge ou peut-être plus vieux que nous décident de retarder leur projet d'avoir des enfants, il va falloir, à mon avis, que cela passe par des mesures concrètes et, vous le savez comme moi, c'est l'argent qui est le nerf de la guerre, il va falloir mettre plus d'argent sur la table.

Mme Harel: J'ai pris bonne note dans votre mémoire que vous considériez que, pour 1989-1990, la contribution du Québec stagne. Et vous avez évidemment les chiffres. Vous savez, les congés parentaux dont il est question dans les journaux, c'est un congé sans compensation. C'est le congé de maternité dont il est question, mais, ce congé de maternité, il n'y a pas, à ma connaissance, de mémoire pour le réaliser. On se demande si on ne va pas offrir de garder des enfants dont on n'aura pas encore accouché, parce que, finalement, on va mettre le congé parental avant celui qui permet l'accouchement.

M. Boisclair: Je faisais référence à un article que je me souviens avoir lu dans Le Devoir, où on faisait état d'un document qui circule dans les mains du premier ministre à l'heure actuelle où il y aurait différents scénarios. J'en connais ce qui est écrit dans les journaux, sans plus.

Mme Harel: J'ai vu ce document, oui. C'est un document qui est étudié présentement par un comité ministériel.

Dans votre mémoire, vous nous rappelez - il n'y a pas eu plusieurs groupes qui l'ont fait, il y en a eu quelques-uns, mais vous avez raison de le répéter - que ia problématique dans tout l'énoncé n'est pas posée en termes de besoins de garde, et c'est vraiment important. C'est comme si tout l'énoncé reposait sur les modes de garde régis ou non régis, et non pas sur les besoins des parents, comme si on avait mis la charrue devant les boeufs. On n'est pas partis du besoin des parents et des enfants, comme vous le signaliez, en termes de garde partielle, de jour, de soir, de nuit, ou de lieu de garde, résidence, entreprise, école, ou de besoins spécifiques, mais on est partis comme à l'envers des modes existants. Je pense que c'est partir, d'une certaine façon, sans vouloir prendre en considération l'ensemble des besoins de garde de

la petite enfance. Est-ce que vous avez un commentaire à faire là-dessus?

M. Boisclair: Oui. Effectivement, on a peut-être mis la charrue devant les boeufs, et, à la lecture de ce document, ça a été notre première réflexion: Quels ont été les différents principes directeurs qui ont dirigé la rédaction de ce document? Est-ce que ce sont plus des contraintes budgétaires, des contraintes de gestion, que plutôt répondre aux besoins de la clientèle? Je pense que c'est un peu ce qu'on a essayé d'expliquer dans le mémoire. il y a justement un autre élément que nous avons soulevé dans la présentation, c'est toute la question de l'accessibilité, qui est un peu le maître mot, pour nous, à un triple niveau, comme je le disais tout à l'heure, les places disponibles, la diversité des modes de garde et le coût moyen des frais de garde. Justement, de voir que cette notion ne trouve pas sa place dans les sept grands principes directeurs de la réforme nous posait certains problèmes.

Mme Harel: Ce sera tout, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Maisonneuve.

La commission des affaires sociales remercie le Comité national... Excusez-moi, Mme la députée.

Mme Harel: ...de remercier immédiatement. C'est intéressant, votre mémoire nous apporte des éléments nouveaux. Je n'avais pas fait les calculs des subventions par place au permis pour les garderies privées et pour celles gérées par les parents, et c'est un élément nouveau que personne d'autre nous avait apporté. Je vous remercie pour votre contribution. C'est extrêmement intéressant qu'on ait pu discuter, en commission parlementaire, de vos préoccupations. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, en terminant, je voudrais mentionner que, bien que la politique ne réponde pas à tous les problèmes ou à tous les besoins, étant donné qu'ils sont énormes, je pense que c'est un pas dans la bonne direction et un pas très considérable. Justement, ce que nous voulons faire, entre autres, ce n'est pas du pièce à pièce, comme on avait l'habitude de le voir auparavant, mais bien de régler le problème dans son ensemble. C'est pourquoi c'est la première fois qu'on a un plan de développement et des budgets prévus pour trois ans. Vous vous souviendrez qu'on avait annoncé 12 000 places lors de Décisions 1985, mais aucun budget n'avait été voté pour ces 12 000 places. Il y a un budget de trois ans de prévu. Il y a un budget de formation qui est prévu pour la première fois ainsi que l'indexation des formules qui n'avait jamais été prévue auparavant. Justement, si on avait pu indexer auparavant, le rattrapage ne serait peut-être pas aussi énorme. Vous comprenez que, compte tenu des contraintes budgétaires que nous avons... La population nous a élus en décembre 1985 justement à cause de notre sens du réalisme et à cause de la gestion des finances publiques, et non pas pour accumuler des déficits. Je vous remercie pour votre exposé, messieurs.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie le Comité national des jeunes du Parti québécois et invite à la table les représentantes de la garderie Gribouillis inc.

La commission suspend ses travaux quelques instants afin de permettre aux gens de s'installer.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 18 il 1)

Le Président (M. Bélanger): Bienvenue aux porte-parole de la garderie Gribouillis inc. Pour vous expliquer un peu nos règles de procédure, vous avez 30 minutes à votre disposition, c'est-à-dire dix minutes au maximum pour la présentation de votre point de vue et 20 minutes de discussions avec les parlementaires. Je vous prierais, d'une part, d'identifier vos porte-parole et, par la suite, lorsque vous aurez à prendre la parole, de bien vouloir donner vos noms pour la transcription du Journal des débats, afin qu'il soit le plus fidèle possible. Avant de présenter votre mémoire, si vous pouviez identifier vos porte-parole, nous les présenter et procéder. Nous vous écoutons.

Garderie Gribouillis inc.

Mme Fortier (Denise): D'accord. Bonjour Mme la ministre, M. le Président, Mme Harel et les membres de la commission. Je vais vous présenter Louise Goyette, parent, qui nous accompagne, Sylvie Théberge, parent, Claire Beaulieu, parent et porte-parole, Claire Grand-mont, parent et porte-parole, Mireille Lauren-deau, éducatrice, et moi-même, Denise Fortier, coordonnatrice. Je tiens à vous préciser que nous ne ferons pas la lecture de notre mémoire que vous avez eu l'occasion de lire.

Mme Grandmont (Claire): Mme la ministre, mesdames, messieurs. Connaissez-vous beaucoup de travailleurs qui soient obligés d'effectuer un deuxième travail bénévole pour sauver le premier? C'est ce que nous faisons, nous, les employés de la garderie Gribouillis à Louiseville. C'est cette réalité qui nous a poussés à lire attentivement votre énoncé, Mme la ministre, et

à vous envoyer ce mémoire et c'est de cette même réalité dont nous voulons vous entretenir aujourd'hui. Nous faisons partie du dernier tiers des garderies dont les tarifs sont inférieurs à la moyenne. Nous évoluons dans un milieu économiquement défavorisé. Taux de chômage élevé; nous sommes les champions de la région. Présence de maternelles quatre ans; elles n'existent que dans les milieux défavorisés. Et enfin, une économie basée surtout sur des entreprises vulnérables dont les ralentissements et les mises à pied temporaires font balancer notre taux de fréquentation. La capacité de payer de nos parents ne peut supporter beaucoup de hausses. Nous sommes à 13 $ par jour. Nous pensons passer peut-être à 14 $ d'ici deux ans. Donc, nos chances d'amélioration basées sur le tarif sont très minces. Par contre, nous répondons à un réel besoin. Les gens de la région de Louiseville ont droit à un service de garde en garderie et le nombre de clients qui ont utilisé les services de la garderie depuis huit ans le prouve. Nous avons un permis de 60 places dont 53 subventionnées, et les places sont remplies presqu'à longueur d'année. Cette année, nous avons accommodé près de 100 familles régulières et occasionnelles. Nous desservons une petite ville et un ensemble de plusieurs petites municipalités de la MRC de Maskinongé. Nous avons offert des services à des gens de chacune des douze municipalités depuis les débuts de la garderie.

Mais revenons plutôt à notre interrogation première. Connaissez-vous beaucoup de travailleurs qui soient obligés d'effectuer un deuxième travail bénévole pour sauver le premier? Depuis notre ouverture en 1980, nous ne comptons plus nos heures de bénévolat. Au début, des heures passées à l'élaboration de tous les documents nécessaires à notre bon fonctionnement: programme d'activités, règlements de régie interne, philosophie de la garderie, et j'en passe. Par la suite, toutes les heures mises sur la construction de chars allégoriques pour la Saint-Jean-Baptiste, pour la publicité, toutes les heures mises dans des opérations porte ouverte, pour la publicité, toutes les heures mises pour l'élaboration de feuillets publicitaires distribués par nous dans tous les établissements d'importance de la région, pour la publicité. Vous en vouiez plus? Imaginez six mois de rénovation lors de notre relocalisation où parents, employés et conjoints ont sacrifié bénévolement fins de semaine et vacances afin de combler le manque à gagner entre les 25 000 $ de subvention donnés par l'office et les 68 000 $ demandés par notre plus bas soumissionnaire, des travaux, soit dit en passant, faits dans une école désaffectée depuis à peine un an et entrepris presque uniquement pour répondre aux nombreuses normes de l'office et des différents ministères concernés.

Enfin, comment passer sous silence nos nombreuses heures passées en campagne de financement? En cinq ans, nous avons amassé la rondelette somme de 44 990,32 $. Personne ne pourra nous accuser d'avoir manqué d'Imagination et d'ardeur. Folles, peut-être, démotivées, pas encore. Mais quand même, quand on y réfléchit bien, trouvez-vous normal que des travailleuses soient obligées de vendre des dizaines de billets à 100 $ pour maintenir leur salaire à un taux horaire moyen de seulement 7,57 $? Trouvez-vous normal que le parent en fasse autant pour maintenir un tarif journalier qui corresponde à sa capacité de payer?

Mme Boaulieu (Claire): Je suis parent et membre du conseil d'administration de la garderie Gribouillis Inc. Je vous ferai part des préoccupations et des changements que votre politique soulève dans nos familles. Après une politique familiale très discutable sur la natalité, où les sommes d'argent allouées ne permettent même pas de payer les frais de garde, permettez-moi de m'interroger encore plus sur le soutien réel que vous voulez apporter aux familles pour la garde de leurs enfants. Nous espérions un tarif pour la famille plutôt qu'un tarif individuel, sujet à la hausse, où les femmes ne pourront plus choisir leur mode de garde, ni même posséder le droit au travail ou aux loisirs. Laissez-moi vous expliquer dans le concret ce que signifie une telle affirmation.

Je suis mère de trois enfants d'âge préscolaire, et cela me coûte 37 $ par jour pour les envoyer dans un milieu que mon conjoint et moi avons choisi pour le développement de nos enfants. La garderie nous apparaît, après avoir essayé d'autres types de garde, celui qui répond le mieux à nos besoins. Ce milieu de vie possède une qualité certaine, un encadrement adapté et un personnel qualifié. En plus de permettre à nos enfants de se socialiser avec d'autres enfants, car il n'y a pas d'enfants du même âge dans notre voisinage, la garderie permet de faire des apprentissages de motricité, de langage, de musique, et j'en passe. Elle offre aussi à nos enfants l'occasion de s'aérer entre eux, étant dans des unités de vie différentes, et de développer d'autres liens. Bien entendu, vous comprendrez, Mme la ministre, qu'un tel tarif rend difficile un travail occasionnel ou à temps plein. Imaginez quel devrait être mon salaire avec 185 $ par semaine de frais de garde! Nous allons même, avec trois enfants, jusqu'à remettre en question notre choix et notre accessibilité à un mode de garde qui nous convient pourtant parfaitement, puisqu'il est dispendieux et pas adapté à une réalité familiale. Voyez-vous, une famille possède d'autres dépenses que les frais de garde: hypothèque, auto, chauffage, alimentation, vêtements, et j'en passe. Je m'interroge sérieusement sur l'avenir de la famille au Québec. C'est à croire que les gouvernements ont déjà statué sur le nombre d'enfants. Avec un soutien aussi minime, un troisième ou d'autres enfants tiennent d'une entreprise plus que téméraire. Ne parlons plus du droit de la mère au travail ou aux loisirs, comme je viens de vous l'expliquer, sans

parler du climat dans lequel vous nous placerez avec les éducatrices de nos enfants. Elles travaillent professionnellement et avec beaucoup de zèle auprès de nos enfants. Elles ont droit à un salaire à l'égal de leur somme de travail investi. Le bénévolat pour elles, comme pour nous, les parents, a des limites, surtout lorsqu'on devra payer plus, sans pour autant savoir si l'an prochain on pourra tenir encore. Vous comprendrez que la motivation s'effrite avec une perspective aussi précaire, d'autant qu'on atteindra vite le plafond de notre capacité de payer, compte tenu de notre réalité socio-économique défavorisée. Alors, qui devra payer? Les éducatrices ou nous, les parents? Car les campagnes de financement, c'est aussi d'autres parents qui y participent et paient les billets. Après tant de promesses, de principes, surtout, et de promotion d'aide à la famille québécoise, nous étions en droit, parents, de nous attendre à un meilleur support pour garder nos enfants. Les principes de la politique sont charmeurs, mais les chiffres, malheureusement, désenchanteurs.

Un quatrième enfant paraît envisageable, seulement, a mon avis, avec un mode de garde traditionnel, la mère, le père et les grands-parents. J'exagère, direz-vous? À peine. Nous avions des espoirs, beaucoup d'espoirs, tel un tarif pour la famille où le deuxième enfant paie la moitié du tarif et le troisième le quart et le quatrième est gratuit pour le parent. Voilà, à notre avis, ce à quoi ressemble une politique familiale sur les services de garde "pour un meilleur équilibre". Nous espérions également des modifications quant à l'échelle d'exonération d'aide financière, de manière à aider davantage les parents de la classe moyenne, soit les revenus de 22 000 $ à 35 000 $. Voyez-vous, Mme la ministre, les principes de votre politique ont alimenté beaucoup d'espoir, mais perdent, à notre avis, leur effet dans le quotidien.

Mme Grandmont: Dans ces conditions, vous comprendrez que nos espoirs face à votre politique étaient fort grands mais, selon nous, réalistes. Après huit années d'existence, nous espérions pouvoir stabiliser notre entreprise, nous assurer d'un revenu fixe, régulièrement indexé, ne pas écraser notre parent sous le poids de hausses de tarif excessives régulières, permettre à notre parent de la classe moyenne d'avoir un accès plus facile à l'aide financière, pouvoir hausser nos critères de qualité afin d'offrir un service encore meilleur à nos tout petits, et enfin pouvoir rémunérer plus adéquatement notre personnel, étant donné sa formation, son expérience et sa motivation qui sont fort grandes chez nous. Était-ce de la naïveté de notre part? Vous nous avez dit, Mme la ministre, que nous serions contentes de vos propositions. Nous devons malheureusement vous avouer qu'il n'en est rien; nous sommes déçues.

Les subventions que nous avons reçues cette année totalisent 40,75 % de nos revenus.

Ceux-ci seront moindres l'an prochain, parce que notre type d'organisation nous a forcées à abandonner deux projets: la garde scolaire l'été et la garde scolaire le matin et en fin de journée, et lors des journées pédagogiques. De plus, nous attendons depuis deux ans une augmentation de sept places subventionnées au permis. Avec cette augmentation, l'aide de l'office aurait totalisé 45,5 %. L'an prochain, si votre énoncé est adopté, nous auront 45 % de subvention, mais moins de revenus. Comme nous ne pouvons envisager des hausses tarifaires fréquentes, notre situation ira forcément en se dégradant. Nous ne sommes pas déçues, nous sommes atterrées.

Cependant, Mme la ministre, soyez assurée que nous reconnaissons tous les efforts et toute la ténacité que vous avez dû déployer pour convaincre, à plusieurs échelons, des hommes de débloquer ces quelques millions pour améliorer notre situation. Cependant, nous ne pouvons accepter cette répartition de l'argent au pourcentage. Nous ne ressentons pas de sentiment d'injustice par rapport à d'autres garderies qui réussissent mieux que nous financièrement, à cause de leur situation géographique plus avantageuse.

Le Président (M. Bélanger): Je vous demanderais de conclure, madame. Vos dix minutes sont écoulées, malheureusement.

Mme Grandmont: C'est presque fini, deux petites minutes?

Le Président (M. Bélanger): Oui? Alors, consentement.

Mme Grandmont: Par contre, nous ressentirions un vif sentiment d'inéquité si, en plus, ces mêmes garderies jouissaient d'une aide financière accrue et d'un budget plus important pour la formation et le ressourcernent de son personnel. Comprenez, Mme la ministre, jusqu'à quel point nous sommes fatiquées de maintenir ce service essentiel à bout de bras. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci de votre exposé, mesdames. Je regarde un peu la situation de votre garderie, et, effectivement, on peut dire que la situation financière est saine, en ce sens que vous avez dit vous gérer peut-être difficilement, mais que vous réussissez quand même à bien le faire avec un tarif de 13 $ qui date de 1987, comparativement peut-être à 9 % ou 10 % des garderies qui ont un tarif de moins de 13,50 $. Et vous avez un taux d'occupation qui est très élevé également. Je pense qu'on est conscient de cela. Il y a le tarif qui est peut-être un peu moindre qu'ailleurs, mais vous parlez aussi de votre milieu très spécifique, considéré

comme défavorisé, avec un taux de chômage beaucoup plus élevé. Finalement, tout cela m'amène à dire que c'est justement le type de garderie avec lequel on devra, à un moment donné, expérimenter un centre intégrant d'autres services. C'est le genre de garderie qui fait partie actuellement d'un plan de redressement, sur lequel on devra s'attarder lors de la planification régionale.

Est-ce que vous avez déjà pensé, entre autres, à intégrer d'autres services? Finalement, à part la question du milieu défavorisé, et je passe peut-être en avant d'autres questions... Je devrais peut-être commencer par vous demander quels sont les critères que vous utilisez, par exemple, pour dire que votre région est une région socio-économiquement défavorisée? Est-ce à cause du taux de chômage?

Mme Laurendeau (Mireille): Le taux de chômage, la présence de maternelles quatre ans dans la région, et nos parents travaillent dans de petites usines de couture, de plastique, des choses de ce genre, des petites usines très vulnérables. Il y a des fermetures d'usine pendant l'hiver, alors notre taux fluctue évidemment comme cela. On n'est jamais certains le mois suivant qu'on n'aura pas quatre ou cinq parents d'enfants à temps plein qui, tout à coup, vont être mis au chômage. On accommode aussi des parents qui ont des horaires variables. Nous sommes au service de nos parents et nous essayons de les accommoder. Nous avons un hôpital dans notre district, et plusieurs parents travaillent quatre jours par semaine à l'hôpital et pas toujours avec la même journée de congé. Alors, ils ont une place à la garderie. Mais, une semaine, ils viennent le mardi et, l'autre semaine, c'est une autre journée qui n'est pas prise. Alors, c'est difficile à ce moment-là de prévoir d'une façon assurée et régulière, comme il le faudrait, selon nous, dans votre perspective d'organisation. (18 h 15)

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez dit que vous prolongiez les heures d'ouverture pour accomoder les parents?

Mme Laurendeau: Non, nous ne prolongeons pas les heures d'ouverture. Par contre, nous essayons tout ce qu'on peut Imaginer. On a même essayé déjà la garde de fin de semaine. Mais on n'a pas les reins solides. Alors, finalement, on ne peut pas tenir assez longtemps un projet pour pouvoir le maintenir. Alors, pendant trois mois, on a fait l'essai de garde de fin de semaine de 18 heures le samedi jusqu'au dimanche midi. Les enfants dormaient à la garderie. On a engagé du personnel très consciencieux pour le faire, mais, pendant les trois mois, il y avait toujours une seule personne de payée, la deuxième étant une des employées de la garderie. Chacune a fait sa fin de semaine pour ne pas avoir à payer deux personnes parce qu'on ne le pouvait pas. Alors, au bout de trois mois, ce service s'est autofinancé. C'est arrivé kif-kif, comme on dit. On n'a pas pu continuer parce qu'on ne pouvait pas demander à notre personnel de refaire encore une fois pendant toute une nuit du tarif bénévolement.

Mme Gagnon-Tremblay: Finalement, si vous avez dû abandonner cette expérience, est-ce que c'était du fait que les parents ne pouvaient pas l'assumer ou si c'était parce que la clientèle n'était pas suffisante?

Mme Laurendeau: En trois mois, évidemment, on ne peut pas dire que la clientèle a été soutenue. Elle a été très très forte les premières fins de semaine, aux sucres, à la Saint-Valentin, dans des moments très précieux comme ça. On a déjà eu 35 enfants une nuit, et on était cinq employés en poste cette nuit-là. Par la suite, lors de fins de semaine plus tranquilles, où il n'y avait pas d'activités sociales plus grandes dans la région, bon... Cela doit faire partie des régions économiquement faibles où les parents ne sortent pas beaucoup la fin de semaine, ils ne s'accordent pas beaucoup de loisirs. Alors, on n'avait pas beaucoup d'enfants durant certaines fins de semaine.

Mme Gagnon-Tremblay: Comme vous avez un travail qu'on peut appeler saisonnier ou bien aussi occasionnel, c'est ce qui cause la majeure partie des problèmes à votre garderie. Est-ce que vous avez des listes d'attente?

Mme Laurendeau: Nous avons des listes d'attente pour le service de pouponnière. On ne peut pas parler vraiment de listes d'attente pour le reste de notre bâtisse, malgré qu'on soit pas mal toujours rempli. Comme vous le disiez, on a un bon taux de fréquentation. Cependant... Qu'est-ce que j'allais dire? J'ai perdu mon Idée. Je m'excuse. Est-ce que vous avez une autre question? J'ai oublié mon idée.

Mme Gagnon-Tremblay: Finalement, ce que j'allais vous demander tout simplement, c'est si vous aviez une liste d'attente. S'il n'y a pas de liste d'attente, est-ce que 60 places, par exemple, dans votre garderie... Est-ce que c'est effectivement une garderie de 60 places qu'on aurait dû développer ou une garderie de moindre importance?

Mme Fortier: Vous avez des chiffres dans notre tableau qui démontrent que pendant plusieurs mois, on atteint notre capacité de 60 enfants, mais ce sont des périodes estivales. Actuellement, nous traversons une période où il y a une baisse de fréquentation qui est due à la saison, je pense, ou au fait qu'il y a des parents qui n'ont pas de travail en ce moment. Alors, je pense que oui, on a la fréquentation qui motive notre capacité, sauf à certaines périodes où c'est

plus difficile de la maintenir.

Mme Gagnon-Tremblay: Je trouve très intéressant le sondage que vous avez fait auprès des parents de votre garderie. Cela nous donne quand même une bonne idée. Cela nous indique quand même des faits intéressants. Je trouve ça bien. Vous êtes à peu près une des seules garderies, à ma connaissance, qui ait fait cette vérification auprès de chacun des parents. Je trouve ça très intéressant. Je vous félicite pour ça.

Je reviens à une autre question. Tout à l'heure, j'ai abordé rapidement le fait qu'on pourrait peut-être envisager d'intégrer d'autres services. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait aider au genre de garde auquel vous devez répondre, par exemple, à cause de la garde occasionnelle, saisonnière et tout ça? Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être intéressant pour votre garderie?

Mme Fortier: Je vous dirai qu'actuellement, il y a un projet qui a été soumis par le CLSC de notre localité, mais qui n'affecte pas la ville même de Louiseville. Il vise plutôt les petites municipalités environnantes. J'ai justement été en contact avec le promoteur du CLSC qui m'en a parié pour savoir si la garderie est intéressée à s'impliquer dans ce projet d'agence de garde en milieu familial. Certainement qu'on va suivre cela de très près pour voir la pertinence de s'impliquer. C'est bien sûr que c'est probablement préférable qu'on suive le dossier de près plutôt que de créer des situations où cela nous mettrait plutôt en péril. Donc, oui, on s'y intéresse mais ce qui est aussi très important, c'est qu'on doit avant tout voir aussi à notre fonctionnement de garderie qui doit composer avec la réalité de notre région.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez souvent des demandes additionnelles pour, par exemple, de la garde comme halte-garderie? Est-ce que c'est une demande qu'on vous fait de temps en temps ou bien si c'est très rare qu'on vous demande si vous pouvez offrir ce service?

Mme Fortier: Oui, on nous appelle. On a une clientèle assez variée. Par exemple, on a des enfants de un à cinq jours par semaine. Il y a une demande pour des avant-midi, mais je vous dirai qu'actuellement, on a majoritairement des enfants qui viennent des jours pleins. C'est l'exception pour des demi-journées.

Une chose que je voudrais spécifier, peut-être que cela n'a pas été évident. Ce qui peut nous donner le plus de difficulté, c'est la garde au noir. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de personnes qui vont garder à la maison, dans des conditions qu'on ne connaît pas, et il y en a beaucoup aussi, d'où la difficulté de hausser nos tarifs, qui nous appellent pour savoir quel tarif nous demandons et qui vont fixer leur tarif en conséquence. Pourquoi un parent irait-il à la garde au noir? En général, on nous répond que c'est parce que le tarif est un petit peu plus avantageux; peut-être aussi pour la proximité, c'est plus proche de leur milieu familial. C'est donc ce avec quoi on doit fonctionner.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Madame.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je veux vous souhaiter la bienvenue, mesdames. Il me semble que c'est un geste important que vous avez posé en venant devant la commission parlementaire nous parier de votre réalité. Je pense que vous soulevez dans votre mémoire toute la question du mode de calcul, le nouveau mode de financement. D'une certaine façon, vous avez raison de le faire parce que, comme le dit l'adage: Pourquoi réparer ce qui n'est pas brisé? Et personne ne considérait que c'était le mode passé ou actuel qui était à réparer, mais qu'il fallait plutôt l'améliorer en le finançant plus adéquatement.

Au fil des semaines - vous savez qu'on a repris aujourd'hui les travaux d'une commission qui se déroule depuis maintenant trois semaines - j'ai comme l'impression qu'il y a eu un détournement de l'attention de l'opinion publique et de l'opinion du milieu des garderies, parce qu'en mettant le nouveau mode de calcul de l'avant, cela a comme fait oublier la réalité que, dans le fond, le problème aussi, c'est qu'H n'y a pas d'argent de plus. Si on regarde le maximum qu'il y aura, c'est la consolidation et c'est 357 $ par place. C'est cela la consolidation. Comme moi, vous avez dû entendre la ministre quand elle a conclu avec le groupe précédent. Je l'ai pris en note d'ailleurs, elle a dit: Si on avait indexé auparavant, jamais le rattrapage n'aurait été aussi important. Il n'y a pas de rattrapage. Il n'y en a pas. C'est tellement incroyable qu'avec un plan, il va y avoir juste 7 % de plus par année de contribution pour les trois prochaines années, alors que, sans plan, il y a eu des années jusqu'à des moyennes de 17 %. Je ne sais pas si vous voulez... C'est Mme Laurendeau, je crois?

Mme Laurendeau: Oui. Nous avions une recommandation en ce sens. Nous voulons que soit maintenu le système actuel de financement mais amélioré, c'est-à-dire incluant un ajustement et une indexation annuelle obligatoire des subventions de fonctionnement. Les subventions actuelles nous paraissent beaucoup plus justes que le mode que vous proposez, madame. Parce que nous sommes une garderie pauvre, nous obtiendrons moins de subventions que d'autres garderies qui déjà se débrouillaient mieux que nous. Ensuite, si on prend le perfectionnement, encore là c'est la masse salariale. Notre masse

salariale est évidemment moindre que les garderies bien avantagées. Alors, nous aurons moins d'argent à mettre sur le perfectionnement. Nous sommes assez bien formés à la garderie, mais nous sommes conscientes que c'est un domaine où il faut se ressourcer constamment. On fait du ressourcement, mais ii faut toujours trouver quelqu'un qui va venir en faire gratuitement. On a payé pour la première fois une personneressource, il n'y a pas tellement longtemps. Elle nous demandait 500 $ pour une journée de ressourcement. Nous autres, on ne gagne même pas cela par deux semaines. Alors, ces choses-là sont difficiles à avaler, et votre document va entraîner cela encore plus que jamais. On le sent comme étant très injuste pour nous. Si vous saviez, à quel point cela nous fait mai!

Mme Harel: Tantôt Mme la ministre a dit, en commençant la discussion avec vous, que votre situation est saine. Cela m'a fait penser à un chiffre qu'elle n'a pas donné, mais que vous avez énoncé: 7,57 $ l'heure. C'est cela? Alors, finalement, je me suis dit: La situation est saine dans le fond parce que les éducatrices portent sur leurs épaules le poids de la situation. Évidemment, à 7,57 $, vous arrivez à boucler parce qu'l y a un taux horaire que personne n'accepterait. Est-ce qu'il y a beaucoup d'hommes qui sont éducateurs dans votre garderie?

Mme Laurendeau: II n'y en a aucun. Mme Harel: II n'y en a aucun.

Mme Laurendeau: Nous avons aussi les campagnes de financement que nous avons dû faire. Nous devons vous avouer que nous espérions avoir fait la dernière, la dernière fois. C'est de plus en plus difficile pour nous d'avoir à les refaire. Les employés sont toujours les mômes. Les parents changent, mais les employés - on a un personnel assez stable -sont les mêmes. Certains sont rendus à leur cinquième ou sixième campagne de financement. Ce ne sont jamais des choses faciles à faire.

Mme Harel: Je ne sais pas si vous avez un commentaire, Mme Grandmont? Vous aviez levé la main.

Mme Grandmont: Cela va.

Mme Harel: Pourquoi l'office - je n'ai pas compris - retarde ou refuse de vous accorder les sept nouvelles places subventionnées? Quels motifs invoquent-ils?

Mme Fortier: Je pense que cela est dû probablement à la préparation de cette nouvelle politique. Par contre, cela nous a fait mal de ne pas avoir ces fonds. Alors, c'est pour cela qu'on espère quand même que la situation va être réajustée, comme on nous l'a laissé espérer.

Mme Harel: Quand vous a-t-on dit que vous auriez une réponse?

Mme Fortier: Bien ces temps-ci.

Mme Harel: En tout cas, j'aimerais beaucoup qu'après Pâques - c'est dans un mois et demi; vous savez, on recommence la session aux alentours du 10 avril? - d'ici là, si vous n'aviez pas eu de nouvelles, que vous m'en parliez.

Mme Fortier: D'accord.

Mme Harel: II n'y pas de bonne raison pour que ces sept places de plus ne vous soient pas accordées, si j'ai bien compris? C'est cela, il n'y a pas de motifs qui ont été invoqués pour ne pas les accorder?

Mme Fortier: En fait, cela a été assez vague.

Mme Laurendeau: Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Ce n'est pas sur ce sujet-là, par exemple. Je voudrais parler des rapports entre les parents et les éducatrices. Nos rapports avec nos parents sont très bons. Nous sommes trois-trois aujourd'hui. On est toujours pas mal amies avec nos parents. On les informe de tout. On a un bulletin d'information qui est publié. Ils font partie des comités. On organise conjointement avec eux une série d'activités sociales, pour le plus grand bien de l'enfant. Il y a des sorties - Noel, Halloween, la cabane à sucre. Les enfants aiment savoir que les parents participent. Ils sont fiers de cela et ils se sentent, eux, bien importants quand leur parent est dans un comité, alors que la mère de l'autre n'a pas de réunion.

Mme Harel: Mme Laurendeau? Mme Laurendeau: Oui.

Mme Harel: J'aurais une question à poser à Mme Beaulieu. Je ne sais pas si vous aviez quelque chose à ajouter parce qu'il va me rester deux minutes et demie, et le président...

Mme Laurendeau: II m'en reste un petit bout.

Mme Harel: ...va faire son travail. Je ne pourrai pas lui en vouloir et il va me dire d'arrêter.

Mme Laurendeau: C'était sur cela. Je me demandais si cette belle collaboration pourra continuer d'exister, car, chaque fois qu'on veut avoir des augmentations ou des améliorations de notre sort, il faut que les parents acceptent d'augmenter suffisamment le tarif. Alors, est-ce qu'on ne va pas se regarder en chiens de faïence à un moment donné plutôt que de collaborer ensemble comme on le fait? Cela va pour moi.

Mme Harel: Je vous remercie, Mme Lauren-deau. C'est un commentaire judicieux. Mme Beaulieu, vous nous avez dit que vous aviez trois enfants et que cela vous coûte 185 $. C'est bien vous?

Mme Beaulieu: Cela nous coûterait 185 $ par semaine.

Mme Harel: Oui. Cela vous coûte combien?

Mme Beaulieu: Maintenant, je paie seulement 37 $ par jour, parce que je ne travaille pas.

Mme Harel: Par jour.

Mme Beaulieu: Par jour, parce que je les envoie seulement une journée par semaine. La raison, c'est pour me donner un répit parce que je suis à la maison.

Mme Harel: Bon, bon, bon. Excusez-moi, mais vous êtes notre première mère d'enfants d'âge préscolaire à la maison. (18 il 30)

Mme Beaulieu: Ah bon!

Mme Harel: Je vous accueille avec plaisir. Dites-nous pourquoi vous utilisez le service de garde?

Mme Beaulieu: Comme je vous le disais au début, j'ai utilisé d'autres services de garde. Les raisons qui nous ont amenés à choisir la garderie sont, premièrement, son personnel qualifié et son encadrement adapté pour les enfants. Cela permet aussi à nos jeunes de se socialiser et de créer d'autres liens parce que, comme je vous le disais, dans notre voisinage, les jeunes sont d'âge scolaire - six ans et plus - donc, quand les enfants partent le matin, dans mon quartier, je me retrouve toute seule avec mes trois jeunes. C'est beau trois frères - j'ai trois garçons -mais ils finissent par se taper sur les nerfs les uns, les autres. Alors, quand ils peuvent se faire des amis du même âge, cela leur permet de s'aérer et d'apprendre des choses à leur niveau.

Mme Harel: Un tout dernier commentaire - je dis ça pour le président - dans vos tableaux, dans votre sondage, vous avez demandé aux parents s'ils désiraient avoir d'autres enfants ou non. C'est une des questions qui suit le 2.2.1 des tableaux. Parmi ceux qui disent oui, je lis ce commentaire: Oui, mais quand le premier enfant sera à l'école, pour payer les frais de garde d'un seul enfant a la fois. Entre parenthèses, il est écrit: D'ici ce temps, peut-être que le désir d'un second enfant sera moins grand. J'imagine que c'est vous qui avez rédigé et qui avez mis ce commentaire.

Mme Beaulieu: Ah non!

Mme Harel: Peut-être pas vous, Mme Beaulieu, mais quelqu'un de la garderie.

Mme Fortier: Non, c'est le parent qui l'avait mentionné.

Mme Harel: Ahl C'est lui qui l'a mentionné. Alors le parent dit: Oui, j'ai le goût d'en avoir un autre, mais je ne peux pas payer deux gardes en même temps; donc je vais attendre, mais j'en aurai peut-être moins le goût. Mme Thé-berge.

Mme Théberge (Sylvie): Je suis peut-être l'exemple, en ce sens que j'ai dû attendre quatre ans avant d'en avoir un autre, parce que c'était financièrement impossible, à cause, entre autres, des frais de garde, parce qu'avec un maigre 25 000 $ par année, étant âgés de moins de 30 ans, on a des prêts et bourses, deux autos pour être mobiles, des salaires qui ne sont pas immobiles en ce sens qu'ils ne sont jamais stables...

Mme Harel: C'était le salaire des deux, 25 000 $?

Mme Théberge: Oui, madame.

Mme Harel: Et vous avez à vous déplacer. Est-ce qu'il y a du transport public ou si c'est très compliqué?

Mme Théberge: Non, cela prend deux autos, donc, deux paiements, deux prêts-études; cela prend de la mobilité. Nous avons tous les deux un travail à statut précaire et, avec un maigre 25 000 $, nous nous retrouvons quand même avec un enfant pour lequel nous devons payer 13 $ par jour. Avec la nouvelle échelle d'exonération financière - j'ai effectué le calcul - cela me donnera malheureusement 0,35 $ par jour pour ma fille de quatre ans. Même pour nous, les parents, la nouvelle échelle d'exonération financière n'est pas satisfaisante.

Mme Beaulieu: Est-ce que je peux me permettre un dernier commentaire?

Le Président (M. Bélanger): Vraiment un dernier, puisque notre temps est écoulé.

Mme Beaulieu: Avec mes trois enfants d'âge préscolaire, ce qui fait que j'ai été capable d'envoyer les trois à la garderie une journée par semaine, d'abord pour répondre à leurs besoins et aussi aux miens, c'est que je bénéficiais de l'assurance-chômage. Et mon accessibilité vient de finir. C'était un luxe.

Le Président (M. Bélanger): Alors, on vous remercie. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous savez, c'est étonnant

comme parfois la connaissance qu'on a de la réalité vient vraiment des organisations ou des groupes très proches, comme vous l'êtes dans votre composition. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Je voudrais seulement revenir sur la question de vos places au permis pour vous rassurer. En somme, ce n'est pas quelque chose de nouveau. Vous savez très bien, si ma mémoire est bonne, que, depuis que la réglementation existe, on ne subventionne pas toujours toutes les places au permis. Ce n'est pas d'aujourd'hui. Justement, notre nouvelle formule de financement, comme elle n'est plus maintenant à la place au permis, permettra finalement de subventionner les revenus; donc, on n'aura plus à tenir compte de ces places qui ne sont pas subventionnées actuellement. Dans un certain sens, la formule actuelle ne vous avantage peut-être pas, parce que votre garderie fait partie des garderies sur lesquelles nous devrons nous pencher et pour lesquelles nous devrons penser peut-être à un pian de redressement ou travailler avec vous, mais je pense que, pour ce qui est de vos places au permis, concernant l'occupation comme telle, à ce moment-là, cela sera réglé. Par contre, je comprends que vous ayez des difficultés reconnues et pour lesquelles on devra travailler avec vous.

Mme Laurendeau: Madame, elles seront plus grandes que présentement avec le mode que vous proposez. C'est ce qu'on est venu vous dire.

Mme Gagnon-Tremblay: Seriez-vous d'accord avec une formule mixte, en terminant?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Sur ce, la commission des affaires sociales remercie les représentantes de la garderie Gribouillis inc. et ajourne ses travaux à demain, 1er mars, à 10 heures, en cette même salle. Alors, je vous remercie. Bonsoir et bon retour, mesdames.

(Fin de la séance à 18 h 36)

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