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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, May 7, 1996 - Vol. 35 N° 9

Audition du président du Conseil médical du Québec en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Exposé du président du Conseil médical du Québec

Discussion générale


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Pierre Marsan
Mme Marie Malavoy
Mme Solange Charest
M. Russell Copeman
M. Léandre Dion
M. Serge Deslières
M. Lévis Brien
*Mme Marie Girard, Conseil médical du Québec
*M. Yves Dugré, idem
*M. Luc Deschênes, idem
*M. Marc A. Bois, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
    Note de l'éditeur: La commission a aussi siégé en soirée pour la vérification des engagements financiers de l'Office des services de garde à l'enfance. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats


(Quinze heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Je vous rappelle le mandat de la commission: la commission des affaires sociales est réunie afin d'entendre le président du Conseil médical du Québec sur sa gestion administrative ou sur toute autre matière de même nature en vertu des dispositions de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boucher (Johnson) sera remplacé par M. Dion (Saint-Hyacinthe).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Nous avons trois heures; maintenant, je vais demander la collaboration exceptionnelle de tout le monde, parce qu'il y a un caucus ici à 18 heures. Alors, plus vite les remarques préliminaires seront terminées, plus vite on procédera aux échanges. Je vous rappelle que la tradition veut que, des deux côtés de la Chambre, les gens questionnent, au niveau des partis politiques.

Alors, M. le président du Conseil médical, vous avez 30 minutes pour vos remarques préliminaires. Avant, j'apprécierais peut-être que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent.


Exposé du président du Conseil médical du Québec


M. Juan Roberto Iglesias

M. Iglesias (Juan Roberto): Merci beaucoup, M. le Président, de nous avoir appelés pour vous parler du Conseil médical. Alors, j'ai demandé à quatre membres du Conseil médical de venir avec moi. Vous savez que le Conseil médical est constitué de membres qui sont bénévoles au niveau de leur travail. J'ai pris les quatre personnes qui président nos comités de travail, le sujet dont je vais vous parler.

Alors, j'ai ici le Dr Bois, qui est cardiologue, qui s'occupe du comité sur les services assurés, dont vous allez entendre parler tantôt; la Dre Marie Girard, qui est omnipraticienne, qui préside le comité sur les effectifs médicaux; le Dr Luc Deschênes, qui est le vice-président du Conseil et s'occupe du comité sur la pertinence des actes médicaux; et le Dr Yves Dugré, qui est médecin spécialiste en oto-rhino-laryngologie et qui préside le comité sur l'organisation des services, que vous allez également entendre parler.

Alors, j'ai pensé que ce serait intéressant pour les membres de la commission d'entendre des membres du Conseil directement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, bonjour à chacune et chacun. Docteur, allez-y.

M. Iglesias (Juan Roberto): Alors, le Conseil médical est constitué par loi et il est en opération depuis le mois d'avril 1993. Le Conseil est formé principalement de médecins qui sont nommés par le gouvernement et qui sont issus de différents organismes médicaux, comme le Collège des médecins, les fédérations médicales, les universités, le Fonds de la recherche en santé du Québec, le Conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens du Québec, également un étudiant en médecine, un résident en formation, et il y a également des personnes qui viennent d'autres disciplines, comme la pharmacie, le nursing et également l'administration des établissements.

Le Conseil a été formé faisant suite à un voeu exprimé par les médecins, qui souhaitaient faire entendre la vision sur le système tel que vu par les médecins et le pouvoir de donner des avis au ministre.

C'est une structure qui est relativement légère. Pour donner des données d'ordre administratif, le budget du Conseil, l'année 1995-1996 qui vient de se terminer, était de l'ordre de 621 000 $. C'est un endroit où on retrouve, au niveau de la permanence, sept permanents professionnels, incluant un cadre, incluant également le personnel de secrétariat.

Le Conseil lui-même, dont je vous ai parlé tantôt, est formé de membres qui travaillent à titre bénévole. C'est là que les activités du Conseil se font réellement. La permanence, comme vous voyez, ne peut pas faire les travaux. Donc, le Conseil fonctionne à travers ces comités.

Dans les trois dernières années, le Conseil a tenu 24 séances. Les comités se sont réunis 118 fois physiquement, c'est-à-dire avec des réunions physiques, et 20 conférences téléphoniques. Le Conseil a remis au ministre de la Santé et des Services sociaux 10 avis depuis cette période-là.

Les avis qui ont été remis au ministre par le Conseil portent les titres suivants – je ne vous parlerai pas, cet après-midi, de tous ces avis-là, mais je voudrais vous les énumérer pour que vous voyiez le champ de travail du Conseil: un avis sur le projet de politique triennale d'inscription dans les programmes de formation doctorale et postdoctorale en médecine pour les années 1994-1995 et 1996-1997; un avis sur le modèle de projection: l'offre et la demande des services médicaux; un avis sur la place des diplômés hors Canada et États-Unis dans le contexte de l'accès aux services médicaux; un avis sur le projet de politique triennale des inscriptions pour les programme de formation en 1995-1996 et 1997-1998; un avis sur les études de pertinence dans la dispensation des procédures diagnostiques et thérapeutiques; un avis sur l'intégration professionnelle des diplômés des écoles de médecine situées hors du Canada et des États-Unis; un avis sur la répartition géographique des effectifs médicaux qui portait spécifiquement sur les plans d'effectifs médicaux; un avis sur une nouvelle dynamique organisationnelle à implanter, la hiérarchisation des services médicaux; un avis sur la notion du requis du point de vue médical et sur les services médicaux assurés; ainsi qu'un avis sur le projet de politique triennale pour la formation en 1996-1997 et 1998-1999.

Cet après-midi, moi, je peux vous parler de ces différents avis, mais je voudrais concentrer mon attention sur l'«Avis sur les études de pertinence dans la dispensation des procédures diagnostiques et thérapeutiques», l'avis sur la dynamique organisationnelle à implanter pour hiérarchiser les services médicaux et l'«Avis sur la notion du requis au point de vue médical et sur les services médicaux assurés». Ce sont les avis que je vous ai fait parvenir en tant que documentation.

Je voudrais vous rappeler, en commençant, les valeurs ou les principes qui guident le Conseil dans ses réflexions. Le Conseil croit qu'il est non seulement souhaitable, mais qu'il est essentiel et possible de préserver les principes fondamentaux sur lesquels repose notre système de santé, à savoir l'accessibilité et l'universalité, l'intégralité et le caractère public de sa gestion et de son financement.

Le Conseil pense que la préservation de la liberté thérapeutique dans la relation patient-médecin, sans ingérence administrative, constitue un prérequis à toute organisation d'un système de soins de qualité. Le Conseil pense aussi qu'il est essentiel que l'optimalisation de la pratique clinique soit développée et animée par les pairs plutôt que par des instances bureaucratiques. La participation des médecins à la gestion du système de soins de santé nécessite cependant la responsabilisation totale des professionnels et, à terme, leur imputabilité.

Le Conseil croit également que les modifications qui doivent être apportées au système et qui touchent à la manière de dispenser les soins doivent être faites dans un esprit de collaboration avec les médecins. L'information et la persuasion sont nécessaires pour susciter la décision du corps médical, sans laquelle les échanges sont voués à l'échec.

Le Conseil considère que la responsabilisation des médecins et de la population doit être à la base de l'organisation des services de santé; la responsabilisation des médecins et de la population constitue le moyen le plus dynamique pour susciter les comportements individuels corrects attendus de la part des médecins et des bénéficiaires.

Le Conseil estime que l'organisation des services doit être orientée dans une perspective de préservation de la santé qui reconnaisse et conjugue la double démarche médicale préventive et curative. Le Conseil est convaincu que le modèle d'organisation des soins doit être conçu pour garantir l'efficacité et la qualité des services, autrement dit la pertinence des services. Le Conseil est d'avis que la pertinence passe obligatoirement par la continuité des soins. C'est, en somme, l'approche globale et intégrée des services de santé de l'individu que le Conseil préconise par une opposition à l'approche parcellaire et dispersée que l'on observe trop souvent dans le système actuel.

Le Conseil, finalement, juge qu'il est essentiel de maîtriser les coûts totaux du système. Des jalons ont déjà été posés au cours des dernières années: budget global des établissements, enveloppe fermée de la rémunération des médecins. Mais le Conseil croit qu'il est possible de faire encore davantage, notamment au chapitre des coûts unitaires, par le biais de la responsabilisation des médecins et des bénéficiaires et de ramener le coût global du système au niveau de la capacité de payer de la population.

Alors, c'est en se basant sur ces principes que le Conseil a entrepris ses réflexions, en étant également bien conscient de la situation budgétaire et financière de l'État québécois.

(15 h 30)

Je voudrais d'abord vous dire quelques mots sur le travail que nous avons fait sur la notion du requis au point de vue médical. Actuellement, la notion qui sous-entend la couverture des services dans les régimes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-maladie est celle du requis au point de vue médical qui se trouve dans les deux lois. Cependant, même si cette notion joue un rôle central lors de la décision de considérer à assurer ou non un service médical, elle n'est pas définie. Elle ne l'a d'ailleurs jamais été par d'autres instances gouvernementales hors du Québec, alors que les lois sur la santé, tant à Ottawa que dans les provinces, font référence à cette notion.

Dans le contexte du réexamen du service de santé, le besoin de définir cette notion apparaît primordial et, d'ailleurs, a été relevé par de nombreux observateurs dont, récemment, par un groupe de travail de l'Association du Barreau canadien. Le Conseil a donc décidé de produire un avis dans lequel est formulée une définition du requis au point de vue médical, cette définition étant un prérequis à toute analyse de l'assurabilité des services médicaux.

En outre, le Conseil, dans l'avis, a proposé un cadre d'analyse pour les services médicaux dispensés sur une base individuelle et un autre pour les services médicaux dispensés sur une base populationnelle, dans le cadre de la santé publique. Ces deux cadres d'analyse serviront, d'une part, à pondérer la définition du requis au point de vue médical et, d'autre part, à faciliter une révision de la couverture des services assurés par le régime public.

L'«Avis sur la notion de requis au point de vue médical et sur les services médicaux assurés» fut adopté par le Conseil le 8 décembre 1995. Il fournit moult détails des discussions sur la définition et les cadres d'analyse. Mais qu'il suffise, pour les fins de la présentation, de vous fournir la définition elle-même.

Alors, la définition qui est proposée par le Conseil se lit comme ceci: «En vue de juger de son assurabilité dans le cadre du régime d'assurance-maladie et d'assurance-hospitalisation, un service requis au point de vue médical est un service:

«a) qui est relié à la prévention de la maladie, au diagnostic et au traitement de la maladie, des blessures, des traumatismes ainsi que des incapacités qui en résultent;

«b) qui répond aux normes médicales;

«c) qui est dispensé sur une base individuelle ou sur une base populationnelle dans le cadre de la santé publique.»

Le Conseil a recommandé au ministre que cette définition soit inscrite dans la Loi de l'assurance-maladie ainsi que dans la Loi de l'assurance-hospitalisation. Il recommandait, en outre, que cette définition soit dorénavant utilisée lors de l'analyse des services à assurer comme première condition de leur assurabilité. Ceci résume l'avis que je vous ai remis sur le «médicalement requis».

Le deuxième volet de travail qui a été fait par le Conseil, c'est d'examiner la pertinence des actes médicaux. Un examen de la littérature, surtout américaine, concernant la pertinence des services médicaux dispensés, principalement des procédures diagnostiques et thérapeutiques, a permis aux membres du Conseil de constater que toutes ces études démontraient la présence de procédures qualifiées de non pertinentes dans des pourcentages qui varient entre 2,4 % et 32,4 %. La littérature fait en outre état de pourcentages variant entre 7 % et 36 % pour des actes qualifiés d'incertains.

Des docteurs canadiens évoquent, quant à eux, aussi la possibilité qu'il y ait des actes non pertinents ou non efficients dans le système, et ceci, de l'ordre de 30 % à 40 %. De plus, quoique les disparités régionales ne peuvent servir que d'indicateurs indirects des non-pertinences, le Conseil d'évaluation des technologies de la santé a confirmé à ce sujet de grands écarts de volume d'utilisation de certaines procédures selon les régions du Québec.

Enfin, il faut souligner que toutes les études réalisées à ce jour concernant la pertinence sont des études rétrospectives qui font ressortir la surutilisation de certaines procédures, mais qui ne peuvent prendre en compte la sous-utilisation s'il s'avérait que ces indications-là auraient dû être posées dans certains cas. Malgré tout, le Conseil en est arrivé à la conclusion que, si des études de pertinence semblables étaient faites au Québec, comme aux États-Unis, elles démontreraient qu'il existe aussi au Québec des actes médicaux non pertinents.

Cependant, plutôt que de s'engager dans de telles recherches à caractère rétrospectif qui ne révéleraient pas nécessairement les causes de la non-pertinence, le Conseil pense qu'il est plus approprié d'introduire des mesures favorisant la pertinence des actes produits par les médecins, comme des conditions permettant le développement de lignes directrices et de guides de pratique et de leur utilisation concrète. De plus, le Conseil croit qu'une organisation fondée sur le principe de la hiérarchisation des services, dont je vais vous parler tantôt, et d'une rémunération établie sur la base de la responsabilisation sont de nature à favoriser une recherche constante de la pertinence de l'activité médicale.

Alors, nous voulions, par cet avis, surtout souligner le fait que tous les actes en médecine n'étaient pas d'égale pertinence et qu'il faudrait trouver les moyens et les appliquer au Québec de façon à atteindre un plus grand niveau d'efficacité.

Finalement, nous avons regardé ce que nous appelons la hiérarchisation des services, c'est-à-dire comment les services médicaux sont organisés au Québec, et nous avons produit un avis qui porte ce nom-là, la hiérarchisation des services médicaux, et on examine, à ce moment-là, quelles sont les problématiques qui sont reliées à l'organisation des services et quels sont les moyens que nous suggérons pour les améliorer.

Pour favoriser une approche globale de la santé des individus, pour circonscrire le magasinage intempestif et généralement contre-productif, pour assurer à chaque individu une continuité des soins de qualité qui soient bien intégrés, pour limiter les dédoublements de batteries de tests, pour permettre l'émergence d'une relative cohérence dans les prescriptions, pour maintenir une liberté thérapeutique dans la relation patient-médecin, pour enrayer les surplus de main-d'oeuvre médicale, pour stimuler l'atteinte des objectifs de santé réalistes, pour garantir l'accessibilité de la population aux services requis au point de vue médical et, enfin, pour limiter la croissance des coûts du système de santé au Québec, le principe fondamental de l'organisation des systèmes avec des niveaux bien établis est essentiel.

Dans ce document-là, nous constatons que, malgré les progrès qui ont été faits au niveau de la dispensation des services, l'accessibilité est parfois précaire, malgré un bon nombre de médecins qui est jugé comme suffisant, voire même en surplus. La continuité des services n'est pas réalisée, tant au niveau des services de première ligne qu'entre les diverses lignes de services. L'intégration des besoins et la coordination des soins des individus sont toujours difficiles. Les citoyens n'ont pas tous un médecin de famille et recourent indifféremment à un ou à plusieurs médecins différents pour un même épisode de soins.

Le Conseil a également constaté une utilisation non optimale des ressources médicales, une utilisation des spécialistes pour les services courants de base, une utilisation discutable des ressources, une multiplication des examens complémentaires, une surconsommation de médicaments, occasionnellement. Nous avons, à ce moment-là, essayé de trouver, de proposer une façon de mieux organiser le système, et la façon dont a suggéré au ministre d'orienter le système, c'est l'orientation vers la consolidation des services de première ligne. La première ligne, c'est la porte d'entrée du système de santé et c'est également le point de contact de la population avec le réseau de la santé et des services sociaux. Ils comprennent un ensemble de services courants de santé qui s'appuient sur une infrastructure légère des moyens diagnostiques et thérapeutiques permettant de résoudre la majorité des préoccupations et problèmes communs de la santé de la population. Ils s'adressent à une population vivant à domicile et qui peut les contacter de façon continue.

Alors, le Conseil a proposé d'augmenter la solidité du système de première ligne et, pour établir ce concept, il pousse l'idée de l'inscription auprès d'un médecin. Ce concept est un concept qui est implanté dans d'autres sociétés que la nôtre et qui vise à amener le citoyen ou la citoyenne à s'inscrire auprès d'un médecin pour une certaine période de temps de façon à ce que ce médecin devienne responsable pour ses soins, les services et, également, pour les soins qu'il doit donner et également pour les soins qu'il doit aller chercher ailleurs. Le concept fondamental de notre suggestion, c'est vraiment d'amener le citoyen, la personne, à choisir un médecin de première ligne et de se l'attacher. On suggère également de trouver les façons de rémunérer ces médecins de façon à ce que cette responsabilité soit reconnue et qu'elle ne soit pas fragmentée, comme elle l'est actuellement parfois, par des paiements à l'acte.

Au niveau de la deuxième ligne, nous voudrions que la deuxième ligne demeure accessible pour la résolution des problèmes plus complexes, des problèmes complexes de santé, mais toujours en référence à partir de la première ligne, sauf dans des situations d'urgence ou des situations particulières.

Et la troisième ligne, c'est le complément de la deuxième ligne, c'est la médecine ultraspécialisée, et c'est celle-là qui sert d'ultime niveau de référence.

(15 h 40)

Alors, la vision du Conseil, à travers ces travaux-là, le travail sur le «médicalement requis», la pertinence et la hiérarchisation du système, c'est de rechercher une plus grande efficacité efficiente pour le système de santé, sachant que nous avons de grands défis à relever, tant parce que notre population vieillit, tant à cause des développements technologiques qu'on peut offrir à notre population, tant au niveau de la problématique budgétaire.

Nous pensons qu'actuellement la pertinence de la pratique médicale doit être questionnée continuellement de façon à ce que le médecin pratique les gestes qui sont nécessaires et la façon dont ils sont nécessaires. Nous pensons que le travail doit commencer par là. D'ailleurs, actuellement, il y a des organismes qui s'occupent, comme le Collège des médecins, qui a des tables de travail, suite à l'avis que nous avons formulé au ministre.

Par la suite, nous pensons que le concept de la hiérarchisation du système est un élément fondamental. Il faut valoriser et consolider le rôle du médecin de première ligne, de l'omnipraticien qui devient responsable du maintien de la santé de ses patients, des services médicaux courants et de la continuité des soins. Il devient aussi le principal responsable de l'orientation et du suivi de ses patients dans le système de santé. Il devient ainsi le coordonnateur principal du dossier médical de ses patients. Le rôle du spécialiste devient alors complémentaire à celui de l'omnipraticien; il est, en somme, le consultant et le thérapeute spécialisé du médecin traitant, qui est le médecin de première ligne.

Nous pensons qu'en procédant par la voie de la hiérarchisation nous pourrons améliorer grandement l'efficacité, l'efficience et la qualité de notre système de services médicaux.

En troisième lieu, nous apportons l'avis sur le requis au point de vue médical, qui cherche à définir le panier de services qui devrait être préservé pour maintenir et pour améliorer l'état de santé de notre population à travers les soins médicaux, que ce soient des soins médicaux individuels ou des soins médicaux populationnels, comme le fait la santé publique.

Alors, c'est le trépied sur lequel nous basons notre vision pour améliorer l'efficacité et l'efficience de notre système de santé: le requis du point de vue médical, une meilleure organisation étagée des soins des services médicaux et une amélioration de la pertinence de ces services-là.

Naturellement, tout ceci doit avoir des effets sur les effectifs médicaux. Nous nous préoccupons constamment, également, de la planification des effectifs et nous donnons des avis au ministre, comme vous avez vu, à des intervalles réguliers sur les entrées qui devraient avoir lieu en médecine ou en spécialité.

Nous sommes également actuellement à réfléchir à un nouveau modèle de projection des besoins de main-d'oeuvre. Si les orientations que nous proposons étaient retenues, il faudrait probablement changer les modèles.

M. le Président, je voudrais vous laisser le plus de temps possible. Ceci résume les trois avis que je vous ai transmis et la façon dont le Conseil voit les orientations au niveau des services médicaux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le président. Est-ce qu'il y a un autre membre de la commission qui aimerait faire des remarques préliminaires avant de commencer la période d'échanges? Non, alors on passe immédiatement à la période d'échanges, M. le député de Robert-Baldwin.


Discussion générale


Fonctionnement et budget du Conseil

M. Marsan: Merci, M. le Président. D'abord, saluer le Dr Iglesias et toute l'équipe du Conseil médical, c'est agréable que vous soyez avec nous aujourd'hui, on vous a manqué beaucoup dans le précédent mandat d'initiative des médicaments, et je suis certain qu'on aura d'autres occasions pour y revenir et pour échanger.

Je voudrais d'abord peut-être rappeler le mandat de notre commission. Dans le cadre de la loi 198 – et, tantôt, on avait M. Henri-François Gautrin, le député de Verdun, qui est le père et le gardien, je vous assure, le gardien aussi, de la loi 198 – on mentionne que la commission parlementaire doit entendre au moins une fois par année le ministre, le sous-ministre ou les dirigeants d'organismes afin de discuter de leur gestion administrative et, le cas échéant, de toute autre matière de nature administrative relevant de ce ministère ou organisme et signalée dans un rapport du Vérificateur général ou du Protecteur du citoyen. Alors, c'est dans le cadre de ce mandat que nous vous accueillons.

Nous, il serait de notre intention, peut-être, de regarder, dans la première partie, l'aspect vérification, comment ça fonctionne sur le plan plus administratif. Mais on aimerait beaucoup, Dr Iglesias, et vous allez le comprendre, qu'on puisse discuter des différents avis que vous avez donnés et aussi de l'opinion du Conseil sur la pertinence des actes, sur le panier de services, sur la notion du «médicalement requis» et aussi sur la rémunération des médecins. Je sais que c'est beaucoup, on manque toujours de temps lorsqu'on reçoit des organisations aussi importantes, mais j'espère qu'on aura le temps, ensemble, les députés, de faire le tour de ces questions-là.

La première chose, on vient de terminer aussi les crédits, c'est une opération qui est assez importante, qui nous permet de fouiller, jusqu'à un certain point, la façon dont les dépenses sont faites au ministère de la Santé, et peut-être une note, on aurait pu peut-être nous remettre, si c'est possible aussi, une ventilation des dépenses qui sont faites, je pense qu'on parle d'un budget de 700 000 $, si c'était possible de la recevoir après coup, on pourra la regarder, et ça serait apprécié.

Voulez-vous nous parler, dans un premier temps, comment fonctionne votre conseil d'administration, les remplacements, votre personnel aussi? Peut-être une question un peu générale, mais si vous pouvez nous ramener des réponses assez précises, ça serait très apprécié.

M. Iglesias (Juan Roberto): Le Conseil comme tel a deux niveaux de fonctionnement: il y a un niveau qui est la permanence du Conseil, et le deuxième niveau qui est le Conseil lui-même. La permanence du Conseil, ce sont les fonctionnaires qui supportent les travaux du Conseil, et le Conseil, c'est l'instance où se prennent les orientations et les discussions. Ce n'est pas un conseil d'administration, c'est vraiment un conseil de contenus, parce que la gestion n'est pas de nature telle que... La loi, d'ailleurs, ne le prévoit pas comme ça, c'est le président avec le secrétaire qui gèrent le Conseil, et ce n'est pas de nature, comme vous allez le voir, pour remettre ça à un conseil d'administration. Alors, le Conseil lui-même se prononce sur les orientations qui sont données au ministre.

Au niveau de la permanence, actuellement, la permanence compte un cadre, qui est le secrétaire général du Conseil, un conseiller médical, quatre professionnels et une secrétaire principale. Ça, c'est l'instance que je pourrais dire technique du Conseil.

Le Conseil lui-même est formé de 15 membres, dont, actuellement, 11 sont M.D., sont des médecins, et quatre qui sont des professionnels ou des administrateurs. C'est les membres votants du Conseil. Ils sont nommés par le gouvernement pour des mandats qui varient entre deux et quatre ans; deux ans parce que, au début de la nomination, la première nomination a eu des mandats de deux ans de façon à pouvoir faire de la rotation, mais le mandat régulier est de quatre ans. Le mandat du président est de cinq ans, j'ai été nommé en avril 1993 pour une période de cinq ans. C'est ça que la loi stipule.

Il y a également des membres non votants, sans droit de vote, qui assistent au Conseil. C'est des membres qui sont d'office. Il y a le sous-ministre en titre et le sous-ministre adjoint de la Santé qui sont là, qui peuvent venir au Conseil – il y en a au moins un qui vient régulièrement – et il y a également des personnes qui sont nommées par le ministre, qui viennent habituellement du ministère de la Santé ou du ministère de l'Éducation, à cause des interfaces qu'il y a avec le Conseil. Actuellement, il y en a cinq, et ces membres-là n'ont pas le droit de vote et assistent aux délibérations du Conseil. Alors, ça, c'est le contenu, la façon dont... Je peux vous donner, tantôt, également, pour les dépenses, les principaux éléments de dépenses, mais, avant, la façon dont le Conseil fonctionne, c'est que les mandats du Conseil peuvent venir soit du ministre lui-même ou ils sont générés par le Conseil. Alors, le ministre peut demander un avis à son Conseil ou bien le Conseil peut donner des avis au ministre sur les sujets qu'il trouve pertinents à l'intérieur de son mandat.

La façon dont le travail est fait au Conseil, nous n'avons pas procédé, jusqu'à maintenant, par des commandites ou par des appels de travaux de recherche, c'est du travail qui est fait par les membres du Conseil réunis en comités. C'est pour ça que je vous mentionnais tantôt qu'il y avait les quatre grands comités du Conseil, qui sont présidés par des membres votants du Conseil lui-même et qui font les travaux préparatoires, qui font les documents avec la permanence, et, lorsque le comité est prêt, il présente des versions de travail au Conseil qui le voit habituellement trois fois avant de l'adopter sous forme d'avis. Donc, ce n'est pas un conseil qui, jusqu'à maintenant, a procédé par des appels d'offres, des travaux de recherche massifs. Parfois, on s'en sert un peu comme support, mais la majeure partie du travail est faite par les membres du Conseil lui-même, appuyés par les permanents.

(15 h 50)

Au niveau du support budgétaire, tantôt vous parliez d'un budget de l'ordre de 621 000 $. Il y a les traitements réguliers qui prennent le gros morceau des dollars – je pourrai vous les donner tantôt – qui sont de 469 600 $, qui sont pour les traitements du personnel, la permanence; il y a les frais de transport et de communication, le courrier, les messageries, les frais de réunion, qui sont de 29 500 $, et les frais de voyage du personnel de la permanence. Les seuls frais qui sont payés pour les honoraires du président, c'est... Le seul membre votant du Conseil qui est payé, c'est le président, qui est payé sur une base annuelle de 50 000 $, et, ceci réuni avec les contrats de soutien à la recherche qui sont demandés parfois et les frais de voyage et de déplacement des membres du Conseil, ça monte à 106 800 $, incluant les frais du président. Nous avons également quelques milliers de dollars, de l'ordre de 12 000 $, pour les photocopieurs, fournitures, matériel, des choses comme ca.

C'est le budget du Conseil, comme tel. Je ne sais pas si, dans un premier temps, la façon de fonctionner du Conseil...


Documents déposés

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'on pourrait faire faire des photocopies pour tout le monde, ça nous donnerait le temps de les analyser d'ici la fin de l'après-midi? S'il vous plaît.

M. Marsan: Si vous permettez M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, oui.

M. Marsan: D'abord, oui, j'apprécie que vous puissiez nous donner sur le champ les documents. Juste une petite question qui m'intrigue un peu. D'abord, j'apprécie aussi que le ministre soit avec nous aujourd'hui, c'est la première fois, je pense que c'est très intéressant de pouvoir écouter ensemble ce que vous nous dites.

Je remarque que les nominations des membres du conseil d'administration sont faites par le ministre, je pense, dans la totalité. Vous dites aussi – vous pouvez me corriger – que les sous-ministres sont des invités ou des membres non votants. Est-ce que vous sentez que vous avez des coudées franches quand vous émettez des avis au ministre?

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, effectivement les sous-ministres sont des personnes invitées, mais, en pratique, il y a un sous-ministre qui vient régulièrement, parce que nous avons une interface considérable par rapport aux avis que l'on donne sur les politiques d'entrées en main-d'oeuvre médicale, en médecine et en spécialité. Personnellement, moi, je n'ai jamais senti aucune pression, aucune commande particulière venant du sous-ministre ou du ministre. La présence des sous-ministres avait été souhaitée par les médecins eux-mêmes. Quand la suggestion du Conseil médical avait été faite, ça avait été souhaité pour essayer que le Conseil ne travaille pas en vase clos et qu'il puisse connaître la réalité de la situation, en temps réel, si on peut dire. Ça avait été souhaité, ça n'avait pas du tout été imposé. C'était un souhait qui avait été fait par le corps médical à ce moment-là, au cours de l'été 1991. Ça n'a jamais été une entrave; au contraire, ça permet de gagner du temps pour avoir une information précise et rapide.

M. Marsan: J'ai remarqué aussi qu'il y a eu des démissions de certains membres, je pense, au conseil d'administration. J'imagine qu'il y a une façon d'appointer de nouvelles personnes et que c'est fait dans les délais prescrits. Votre Conseil, comme vous le dites, ce n'est pas un conseil de décision, c'est un conseil de recommandation. J'ai pris bonne note aussi de ça.

M. Iglesias (Juan Roberto): Effectivement, il y a eu surtout des départs, il y a eu des remplacements aux deux ans, mais, effectivement, nous n'avons pas eu de problématique. Il y a eu une petite problématique au niveau du remplacement de... c'est-à-dire d'avoir les noms à temps pour le remplacement des étudiants en médecine, qui sont peut-être moins structurés que d'autres organisations, mais ce n'était pas relié du tout à... c'était relié un peu à leur nature. Mais on y a pallié. Habituellement, le Conseil est complet. D'ailleurs, si vous voulez avoir une liste des membres du Conseil actuellement, je l'ai apportée, également avec leur origine et les mandats, depuis quand ils l'ont et jusqu'à quand ils sont là.

M. Marsan: Oui, ce serait apprécié si on pouvait avoir la liste aussi, s'il vous plaît. Je voudrais savoir, votre budget de cette année, est-ce qu'il a été majoré? Est-ce que le montant que vous avez cette année répond adéquatement au mandat que vous devez remplir pour le ministre?

M. Iglesias (Juan Roberto): Non, majoré, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui ont eu beaucoup de... Je vous ai indiqué dans la feuille, le budget 1996-1997, il peut paraître plus gros parce qu'il y a des frais qui étaient auparavant centralisés au niveau du ministère, et, en particulier, les frais qui étaient centralisés au niveau du ministère, c'étaient les loyers; les loyers de nos locaux étaient assumés par le ministère. Là, ils nous l'ont mis dans notre budget, donc ça paraît plus gros. C'est pour ça que j'ai mis une colonne A et une colonne B, pour le budget 1996-1997, ça paraît comme étant plus gros, mais c'est parce que, maintenant, la dépense est là. Mais il a été diminué de 7 %.

Le ministre nous a demandé, a demandé à son ministère, comme vous le savez, et également aux organismes de se montrer exemplaires. Est-ce qu'on peut faire le travail? Moi, j'ai répondu au ministre que, oui, nous pourrions faire le travail avec moins 7 %, et on va essayer d'en faire le plus possible. En réalité, notre jeu, comme vous l'avez vu, il peut être uniquement à peu près dans... On économise toujours un peu, s'il faut économiser sur un appel téléphonique, on peut économiser là-dessus, mais le gros de nos choses, c'est au niveau du nombre de permanents que l'on a. Et ça, déjà l'année passée, nous avions diminué de un. Cette année, je pense qu'on a de la difficulté à diminuer, donc on a décidé de faire une réunion du Conseil de moins. Je pense qu'actuellement ça n'empêche pas le rendement du Conseil. On se limite à huit réunions par année, parce que chaque réunion du Conseil, dépendant si elle a lieu à Québec ou à Montréal, coûte autour de 2 000 $ à 2 200 $ ou 2 300 $. Alors, sur les réunions, on a réussi à économiser là-dessus.

Je vous dirais que nos ressources sont suffisantes, ce que j'ai dit au ministre, et que nous allions essayer de... S'il faut donner l'exemple, nous l'avons fait immédiatement, nous avons réduit selon la demande, parce que je pense qu'il faut donner l'exemple; plus tu es au centre des questions, plus il faut donner l'exemple. Alors, la diminution a été de 7 %.

Dans les chiffres que vous avez, j'ai marqué les deux colonnes pour que vous voyiez qu'il y en a une qui semble plus grosse que l'autre à cause du fait que le loyer a été mis dans le budget du Conseil, alors qu'il ne l'était pas avant, il était dans le central.

M. Marsan: Peut-être au niveau du fonctionnement, si vous pouvez nous donner un exemple de comment fonctionne la prise de décision dans votre organisation? Jusqu'à ce qu'il y ait, j'imagine, un consensus pour une recommandation donnée?

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça, oui. Ce que nous faisons, c'est qu'annuellement nous avons une session de discussion pour examiner les problématiques qui semblent être majeures au niveau du monde médical et du monde de la santé, et nous retenons quelques thèmes. Vous voyez, nous ne pouvons pas... D'ailleurs, je profite de l'occasion, ce n'était pas du tout par mauvaise volonté si je ne suis pas venu vous voir pour les médicaments. Vous allez comprendre par mon exposé pourquoi je ne suis pas venu; je pense que ça va vous paraître assez clair.

C'est un Conseil qui doit transmettre au ministre un peu la sagesse médicale. J'emploie ce terme-là sans prétention, mais, disons, peut-être plus humblement, la vision telle que perçue par la lunette médicale. Donc, c'est quelque chose qui doit représenter non pas les paroles de son président, qui, en réalité, représente uniquement Roberto Iglesias, il doit représenter le consensus du Conseil. Alors, nous prenons la décision que, nous, en tant que Conseil, nous allons traiter trois sujets au cours de l'année et que ça nous semble des sujets importants. Nous savons également que le ministre peut avoir d'autres sujets à nous donner que nous devrons inclure dans notre échéancier. Mais nous ne connaissons pas nécessairement, à un moment donné dans le temps, les sujets sur lesquels le ministre va nous demander notre avis. Ceci nous donne notre échéancier de travail. Nous procédons, à ce moment-là, à l'énoncé d'un premier mandat pour notre groupe de travail.

Donc, sur la définition du «médicalement requis», le mandat était de formuler, en tenant compte des lois actuelles, une définition qui pourrait rendre opérationnel le «médicalement requis» et donner un cadre d'analyse pour le «médicalement requis». Bon. Nous donnons un premier mandat et le groupe de travail retourne dans ses quartiers travailler. Ils font des réunions entre eux et ils reviennent périodiquement, à des moments fixés par le Conseil, pour rendre compte des travaux, sous forme de présentations qui, au début, sont des présentations verbales pour discussion, pour vérifier si les orientations conviennent ou bien s'il y a matière à discussion ou à changer l'orientation. Habituellement, à la deuxième ou à la troisième fois, ils viennent avec un document écrit. Il y a une première présentation où il y a discussion plus formelle et, à ce moment-là, on s'en va au deuxième document écrit, qui est habituellement un projet d'avis, un premier projet d'avis. Habituellement, il y en a un autre comme ça, et, par des cercles concentriques, on arrive au consensus, de façon à ce que la majorité des avis soient adoptés à l'unanimité. Il y en a probablement un qui a été adopté à la majorité, un vote, on n'était pas d'accord. Mais on cherche la majorité, lorsque c'est possible, et on l'obtient comme ça, par des discusions qui vont par des cercles concentriques en partant d'une idée et en l'élargissant par les travaux du comité jusqu'à avoir un projet et avoir, ensuite de ça, un premier document d'avis et de procédés.

(16 heures)

Les travaux demeurent confidentiels jusqu'au moment où le Conseil les adopte sous forme d'avis. Ils sont confidentiels, c'est-à-dire que les documents ne circulent pas en dehors du Conseil. Lorsqu'ils deviennent avis, à ce moment-là ils sont transmis au ministre qui, dans la loi, a un délai de 60 jours pour le libérer, et nous devons garder, à ce moment-là, l'avis pour nous. C'est arrivé cependant qu'à cause de l'importance que nous attachions, selon la conjecture, pour l'avis, nous avons demandé au ministre de le libérer avant les 60 jours d'avis, ce qui a été fait.

C'est la façon dont on procède pour la prise de décisions.

M. Marsan: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.


Avis sur les inscriptions en formation doctorale et postdoctorale

M. Marsan: M. le Président, je regarde... J'ai une liste et je ne sais pas si c'est le total des avis qui ont été donnés. Je pense qu'il y en a une dizaine.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui. Les avis, là?

M. Marsan: C'est ça. J'ai la liste devant moi. Je constate qu'il y en a au moins trois qui s'adressent à un projet de politique triennale...

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui.

M. Marsan: ...des inscriptions dans le cadre des programmes de formation doctorale et postdoctorale. Je pense que c'est important. Cependant, ça semble avoir retenu l'attention du Conseil médical, ce plan-là, ce projet de politique triennale. C'est bien ce que j'en décode? C'est exact aussi?

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui. Je n'en ai pas parlé parce que, d'abord, je pensais que c'était la partie que les membres de la commission connaissaient le plus.

C'est que, d'après la loi du Conseil, le ministre est tenu de demander avis sur ce sujet-là au Conseil. C'est un processus qui est annuel. C'est des politiques triennales, mais dont l'ajustement est annuel et qui se solde ou qui se termine par un mémoire qui est présenté au Conseil des ministres par le ministre de la Santé et des Services sociaux et par le ministre de l'Éducation, après les Fêtes habituellement, qui est la politique qui décrète le nombre d'entrées en médecine au Québec et en spécialité pour la formation postdoctorale. Donc, c'est pour ça que vous le voyez revenir là. Mais ce n'est certainement pas un sujet qui n'est pas important; vous le voyez revenir sous forme de trois avis parce que c'est une demande spécifique qui revient chaque année. Par exemple, la recommandation du Conseil, c'était une diminution des entrées en médecine, de 40 cette année. C'est ça qui a été recommandé au ministre. Il y a eu une diminution les années passées également et il y a un ajustement continuel qui est fait. Mais c'est ça qui explique la répétition. C'est le fait que c'est un item statutaire, si on peut dire.

M. Marsan: Juste pour notre information, si on diminue de 40, ça veut dire combien vous recommandez dans... combien de formation, combien de nouveaux médecins pourraient...

M. Iglesias (Juan Roberto): Au niveau doctoral...

M. Marsan: ...entrer dans les programmes...

M. Iglesias (Juan Roberto): ...406?

M. Marsan: C'est 406. Alors...

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est 406... 403 ou 406, là. 406.

M. Marsan: D'accord. O.K.

M. Iglesias (Juan Roberto): Il faut se rappeler que dans les années... il n'y a pas tellement longtemps, on était dans les 460.

M. Marsan: Oui. Pour nous, c'est très difficile de vérifier. Par exemple, vous nous arrivez, sur une période de trois ans, avec une dizaine d'avis qui ont été donnés, et combien de temps chacun des avis a pu prendre, et tout ça. Est-ce que, vous, selon votre opinion, vous pensez que les gens de votre permanence ont travaillé raisonnablement? Est-ce que c'est normal d'avoir une dizaine d'avis sur une période de trois ans? C'est très difficile pour nous de faire une évaluation comme ça...

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, là...

M. Marsan: ...mais j'aimerais avoir votre avis, à vous.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est sûr que – ça rejoint ici votre première question – c'est relativement facile de produire un avis qui est... comment est-ce que je pourrais vous dire, un état de situation.

Je pense que le Conseil se voit comme ayant un mandat d'essayer d'aider le ministre à améliorer le système de dispensation des services médicaux – c'est ça qui est notre but ultime – en tenant compte des besoins de la population et des capacités de payer. Nous voulons amener des solutions. Nous ne voulons pas seulement amener des problèmes, nous voulons amener des solutions.

Pour amener des solutions, il faut faire une analyse qui dépasse l'anecdote ou bien la situation un peu frappante, là. Il faut aller à un niveau d'analyse qui est assez marqué. Aussi, il faut explorer les solutions et vérifier l'implantation de ces solutions-là au niveau de la communauté médicale. Lancer des idées qui roulent pendant un mois de temps, là, ce n'est pas notre idée. Cette partie-là de recherche de consensus qui ferait... que la suggestion qui est amenée par le Conseil a du bon sens, est solide; et, en même temps, elle aurait des voies d'acceptation ou d'implantation relativement longues. Elle ne se fait pas sans bons arguments, sans une analyse solide de la situation, surtout qu'il y a des choses là-dedans...

Écoutez, je vous ai parlé tantôt de la pratique des médecins au point de vue de la pertinence. Ce n'est pas si évident que ça que, nous, médecins, on va se questionner nous-mêmes à savoir si on devrait faire si ou si on ne devrait pas faire ça. Il faut être solide, là, il faut vraiment amener des arguments solides.

On se questionne également sur l'organisation, la première ligne, bon, versus les spécialistes. C'est des questions qui sont très, très... Il faut être solide. Donc, quand vous demandez: Est-ce que la production... Moi, je suis satisfait. Je suis satisfait surtout parce que les avis que je vous ai mentionnés sont actuellement cités dans le réseau et utilisés dans le réseau de façon très extensive. Nous ne voulons pas noyer le ministre dans une quantité d'avis extraordinaires, nous voulons lui donner des avis qui sont bien bâtis, solidement bâtis et qui ont le potentiel de régler des problèmes. Je vous donnerai comme exemple – un que je n'ai pas mentionné, mais j'ai lu le titre, là – «L'intégration professionnelle des diplômés d'écoles de médecine situées hors du Canada». Vous savez à quoi ça fait... Alors, il fallait proposer une solution. C'est un problème qui n'avait pas été facile dans la société québécoise. Ça prenait une solution, et la situation est assez complexe. Alors, le Conseil a cherché la solution, il a proposé une solution qui, jusqu'à maintenant, est acceptée par les intervenants, et puis ça semble fonctionner.

Alors, moi, je vous dirai que, oui, je suis satisfait... Ce n'est pas le nombre. Moi, j'avais eu comme vision qu'en vitesse de croisière le Conseil fournirait quatre avis par année. Alors, les deux dernières années, c'est à peu près ça que nous avons fourni, là. La première année, c'est l'année de démarrage. Je pense que c'est suffisant. Et, lorsqu'on s'attaque à des choses comme définir le «médicalement requis», ce n'est pas quelque chose qui se mesure en termes de quantité. C'est sûr qu'on aurait pu produire des documents de soutien, etc., mais nous ne voulons pas inonder le ministre de papier, nous voulons lui apporter des solutions.


Nature et volume des travaux réalisés

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous comprenez, le député de Robert-Baldwin le mentionnait, je pense, avec exactitude, ce n'est pas évident et ce n'est pas facile pour nous, mais je pense qu'on va quand même questionner un petit peu plus, c'est important de savoir.

On voit qu'il y a 10 personnes qui... Je voudrait savoir de façon la plus précise possible le travail de ces 10 personnes. On voit qu'il y en a quatre qui sont agents de recherche. Le nombre d'avis produits n'est probablement pas, je serais porté à dire «de loin», n'est probablement pas réaliste par rapport à tout le travail qui est fait. Vous sembliez dire qu'il se fait beaucoup, beaucoup de travail. Donc, je présume que 10 avis, c'est beaucoup de travail de recherche. Je vois les visites que vous faites aussi. Alors, si on creuse un petit peu plus par rapport à la question du député de Robert-Baldwin, durant les trois dernières années, 700 000 $ par année, 10 employés, pour 10 avis... Pouvez-vous creuser encore davantage? Les gens qui sont avec vous peuvent répondre aussi. Je veux que les gens soient à l'aise, là. On est habitué, dans cette commission-ci, d'être très à l'aise.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bien, écoutez, je peux y aller un petit peu et peut-être que si les membres du Conseil, qui eux-mêmes assistent... ils travaillent avec la permanence...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je veux juste que les gens qui sont avec vous sachent qu'ils peuvent facilement... On est là pour échanger, là, plus qu'autre chose. Soyez à l'aise, là. Si vous voulez compléter ou ajouter ou...

Mme Girard (Marie): Bien, écoutez, le Conseil a été fait pour s'assurer d'une meilleure concertation, donc la participation des médecins dans les débats. En ce qui me regarde, au cours de la dernière année, ma participation à deux comités, si je prends ce qui concerne les effectifs médicaux, ce qui concerne aussi le «médicalement requis», en plus des séances du Conseil, ça a occupé un peu plus de 50 jours au cours de la dernière année. Pour des membres qui exercent la médecine et qui doivent continuer leurs obligations professionnelles régulières à travers ça, je pense qu'il serait difficile d'en demander davantage, parce que si on participe beaucoup au niveau des comités, c'est pour peut-être réduire... ou, en tout cas, la perception qu'ont différents organismes que c'est généralement une approche technocratique qui est utilisée. Donc, si on veut diminuer cet impact-là, il faut vraiment s'y impliquer au niveau des comités, et je pense que les différents membres des comités pourraient actuellement difficilement accroître leurs tâches et leur participation au Conseil médical.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Votre intervention est pour les membres des comités, donc pour la plupart des médecins, puis... Juste, si j'ai bien compris tout à l'heure, vous n'êtes pas rémunérés, excepté le président, pour ces rencontres-là.

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais ma question était beaucoup plus en fonction des 10 permanents qui, elles et eux, sont payés... Je voulais savoir par rapport à tout ça, durant trois ans, 700 000 $, est-ce qu'on peut justifier davantage ou, vous autres, vous pouvez le justifier, peut-être en nous donnant encore plus d'information sur le travail qui se fait? J'imagine que c'est de vous accompagner, préparer des rencontres, etc. Est-ce qu'on peut préciser un peu plus?

M. Iglesias (Juan Roberto): Bon, je ne sais pas, au premier chiffre de 10 par rapport à sept, là, parce que vous dites...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dans un rapport que j'ai ici, Rapport d'activité 1994-1995...

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui. Au début...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'aurais dû prendre...

M. Iglesias (Juan Roberto): ...mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, peu importe si c'est sept...

M. Iglesias (Juan Roberto): O.K.

(16 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...allez-y quand même, là, sur le travail que les gens font.

M. Iglesias (Juan Roberto): Alors, il y a d'abord un travail de... Une fois que le Conseil a pris ses orientations, il faut préparer un travail de recherche de base pour étayer la problématique. Alors, quand vous parlez, par exemple... Prenez, par exemple, le thème des effectifs médicaux. Les effectifs médicaux, au Québec, on est un des rares endroits, certainement le seul endroit en Amérique du Nord où on a un modèle de projection qui suit les effectifs médicaux en tenant compte de la démographie médicale, c'est-à-dire l'attrition, l'entrée, etc., et l'offre de service, également, qui est faite par les médecins. Et ce modèle-là, bien, il faut le suivre, il faut le comprendre, il faut le comprendre de façon... la méthodologie, puis il faut comprendre également les fluctuations qu'il y a dans le système.

Par exemple, cette année, vous avez entendu parler de la retraite de médecins ou du départ de médecins du système, mais ceci perturbe le modèle. Alors, il y a une personne au Conseil qui, continuellement, s'occupe de la projection des effectifs, qui assiste à la table de concertation des effectifs médicaux et qui voit au suivi du soutien du comité du Conseil, qui est présidé par le Dr Girard, pour ce travail-là. Je ne pense pas que cette personne-là ait plus de temps à faire que ça. En plus, cette personne-là assume certaines tâches de remplacement. Mais, juste le domaine des effectifs médicaux au Québec, c'est un domaine complexe et qu'il faut vraiment bien suivre de près.

Lorsque vous allez au niveau de la pertinence, le Conseil lui-même, il veut donner les avis au ministre, il veut également sensibiliser la profession médicale à des phénomènes de pertinence. Mais on ne peut pas se limiter là, sinon on serait, à ce moment-là, un peu comme une espèce de... je ne sais pas, moi, de prophète qui crie dans le désert. Il faut aller au niveau des organismes qui s'occupent vraiment, qui veillent au grain, comme le Collège des médecins, puis il faut les solliciter puis, à la limite, il faut aller aussi assister à des comités techniques pour aller vendre nos idées, à ces choses-là.

Bon. Il y a un membre de la permanence qui, dans ses tâches, c'est de suivre les dossiers de la pertinence, c'est... et la même chose arrive au niveau de l'organisation des services médicaux. Si on n'est pas proactif, on pourrait dire: Bien, on a donné notre avis au ministre, maintenant, là... C'est sûr que nous ne sommes pas des acteurs, on ne joue pas le rôle du ministère pour aller implanter les choses, mais il faut quand même faire la promotion des idées qu'on a poussées. On les donne au ministre pour en faire la promotion, mais, après 60 jours, ce travail-là, cet avis-là est libéré. Puis, nous, on croit aux avis. On pense qu'en réalité on pourrait améliorer notre système. Puis, dans les conditions actuelles, l'améliorer, dans les contraintes que l'on a... Il faut qu'on fasse de la promotion. Il faut qu'on aille au niveau des tables ministérielles, il faut qu'on aille aux tables des régies régionales, il faut qu'on aille aux tables des fédérations, si c'est possible. Il faut qu'on pousse nos avis. Alors, ça, ça demande un soutien, constamment. Donc, quand vous voyez un avis là, ce n'est pas un bébé qu'on a lancé puis qu'on laisse aller maintenant. On y croit, à cet avis-là.

Regardez l'avis sur l'adaptation des professionnels, des diplômés des écoles de médecine. La solution que nous avons apportée... pour la pondre, il a fallu d'abord rencontrer beaucoup de monde: les diplômés eux-mêmes, les médecins étrangers qui sont touchés par ça, qui sont organisés en différentes associations, il a fallu rencontrer les facultés de médecine des universités, avec leur vice-recteur, leur responsable d'admission, puis, une fois que l'avis est sorti, bien, ça ne plaisait pas à tout le monde, cet avis-là. Ça fait qu'encore là on prend notre bâton de pèlerin puis on va le vendre, notre avis, et l'avis, on l'a sorti en mars 1995. Le clou final de ça a été planté en décembre 1995, lors d'une réunion qui... Je pourrais même dire qu'il a été planté un peu plus tard que ça, à la table de concertation des effectifs médicaux. Mais, à l'interne du ministère, il a été planté en décembre 1995, et c'est seulement en février, je pense, Marie, qu'au niveau de la table de concertation les gens ont dit: Oui, on l'accepte. Même si nous avions fait le travail de concertation avant, ça a quand même pris un an pour que la solution soit implantée.

Notre vision, c'est que c'est inutile de lancer des écrits qui vont aller sur une tablette, qui vont peut-être trouver un certain écho dans la presse médicale pendant un bout de temps. Nous voulons que ces choses-là se fassent, à moins qu'on ne nous démontre qu'on a erré. Si on a erré, bien, écoutez, c'est là qu'on n'est pas bon. Moi, je pense que la quantité de notre travail, elle est plus représentée par l'acceptation puis par l'intégration de nos solutions que par le nombre de ces avis-là, et ça, ça demande beaucoup, beaucoup de travail. Ça demande beaucoup de travail au niveau de la permanence, ça demande du travail au niveau du président, mais surtout au niveau de la permanence et au niveau des membres du Conseil, qui, eux, vont faire le premier travail d'aller chercher dans leur milieu quelles sont les solutions qui pourraient être acceptables, compte tenu desdits problèmes.

Le Dr Dugré est un homme expérimenté dans la profession médicale. Je ne sais pas s'il pourrait ajouter un petit peu...

M. Dugré (Yves): Bien, c'est évident, certainement que les avis, par exemple, sur la hiérarchisation, où on touche la rémunération des médecins, où on change l'organisation, où on tente vraiment d'améliorer l'organisation des soins, cet avis-là a demandé au moins deux ans avant d'être produit, parce qu'il y a des membres de ce comité-là, il y a un omnipraticien, il y a un médecin spécialiste qui a déjà une vision différente, et, comme on l'a dit, cet avis-là, quand il a été adopté, il a été adopté à l'unanimité au Conseil. Avec un avis préliminaire, on n'aurait jamais vu ça. Donc, c'est beaucoup de travail de recherche également. Vous avez raison sur les recherches. Il faut regarder les systèmes de santé ailleurs, il ne faut pas réinventer la roue, mais être aussi innovateur, pour ne pas bouleverser un système de santé qui, de l'avis de beaucoup de gens, est le meilleur au monde, est un bon système, mais, comme on dit aussi, il est perfectible. Dans ce sens-là, au lieu d'être un avis vite fait, je pense que, pour avoir un produit qui a été donné, ça demande beaucoup de temps également, pas juste des recherches.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant de passer la parole à la députée de Sherbrooke... Vous avez mentionné l'importance des 10 avis. Juste pour notre propre information, est-ce qu'il y a un des 10 avis qui a été, jusqu'à maintenant... Vous avez mentionné: Si on ne veut pas qu'ils soient rejetés ou contestés... Juste oui ou non, là, sans faire de... Est-ce que les 10 ont été reçus partout sans trop de problèmes, ce qui justifierait encore davantage, évidemment, la qualité et le temps consacré?

M. Iglesias (Juan Roberto): Il y en a huit qui ont été acceptés, parce qu'ils sont déjà, on peut dire, historiquement assez loin pour ça. Il reste actuellement... Celui sur la définition du «médicalement requis» est tout récent, mais déjà, actuellement, il y a des travaux qui indiquent qu'il sera reçu. Celui sur la hiérarchisation, nous sommes actuellement dans la phase de vente, si on peut dire, non pas seulement au niveau du ministre, parce que je pense qu'il l'a bien reçu, mais au niveau des intervenants. Puis, ces phases de vente là... ils passent partout. Samedi, je vais aller à un colloque de régie régionale pour présenter l'avis. Bon, il faut aller là, il faut passer par la...

Notre système, il fonctionne comme ça. C'est un système où les responsabilités sont partagées et sont bien distribuées. Donc, il faut convaincre. Ce n'est pas un système qui fonctionne par diktat, il faut convaincre. Alors... il a été très bien reçu; la preuve, si on m'invite, c'est pour en parler, c'est qu'il a été bien reçu. Alors, je dirai oui pour huit, puis en devenir pour deux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'ai reconnu les députés de Sherbrooke, Rimouski, Notre-Dame-de-Grâce et Robert-Baldwin. Mme la députée de Sherbrooke.


Avis sur la pertinence des actes médicaux

Mme Malavoy: Moi, je suis députée seulement de Sherbrooke; les autres, c'est d'autres personnes. Bonjour, Dr Iglesias. Ça me fait plaisir de saluer un collègue de l'Université de Sherbrooke, et je salue également les personnes qui vous accompagnent. L'un des avis qui m'intéresse particulièrement, c'est celui qui porte sur la pertinence dans la dispensation des procédures diagnostiques et thérapeutiques. Je peux vous poser une ou deux questions sur ce que ça contient? Parce que ça m'intéresse de comprendre comment on peut utiliser les conclusions de cet avis.

D'abord, vous dites que c'est basé essentiellement sur des études américaines et que, donc, on n'a pas de données précises pour le Québec. Mais j'aimerais quand même que vous me disiez, à l'oeil, si on peut penser que nous avons, au Québec, des problèmes semblables, sans entrer dans les détails. Je ne vous demande pas des chiffres, mais j'aimerais quand même savoir si... Quand je lis ce qui se passe aux États-Unis, je peux, toutes proportions gardées, penser qu'étant donné que le Québec est aussi en Amérique du Nord, a aussi un corps médical qui a une formation, bon, qui se ressemble et qu'il y a une pratique qui se ressemble, est-ce que je peux m'attendre à avoir des résultats à peu près semblables?

(16 h 20)

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, le Conseil a pensé que oui et que ce n'était pas nécessaire d'investir dans d'autres études plus détaillées, de mettre nos énergies et nos sous dans d'autres études qui répliqueraient aux études américaines. Donc, nous avions assez d'indications, y compris des données factuelles, comme je l'ai mentionné tantôt, au niveau du Conseil d'évaluation des technologies, qui voyait des variations par région du nombre de procédures pour une maladie donnée, le Conseil a pensé – à votre question – que nous avions assez de données pour dire que, de façon qualitative, nous étions près des États-Unis. Peut-être que les chiffres ne seraient pas les mêmes exactement, mais le problème devait exister ici dans le même ordre de grandeur qu'aux États-Unis et qu'il valait mieux se tourner vers les solutions plutôt que d'essayer de mieux décrire le problème.

Mme Malavoy: Vous permettez que je continue un petit peu? Je comprends qu'on veuille se tourner vers les solutions. En même temps, dans le problème, il y a, il me semble, une question qui est fort importante, c'est les causes de ce problème-là. Et, dans ce que j'ai parcouru, je ne suis pas sûre d'avoir pu les cerner, parce que s'il est vrai, par exemple – je ne sais pas, ça me semble un petit peu inquiétant – qu'il y a 30 % de pontages coronariens dans certaines régions qui sont des actes qualifiés d'incertains et un peu moins qui sont qualifiés de non pertinents, il reste que la première question que quelqu'un comme moi se pose, c'est: Comment ça se fait? Qu'est-ce qui conduit à la non-pertinence? Est-ce que c'est une erreur de diagnostic? Est-ce que c'est une tendance culturelle? Et là je n'accuse absolument personne en particulier, mais à croire qu'il faut des interventions médicales plus que nécessaire. Est-ce qu'on peut savoir un peu les causes de ce problème?

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, votre question est tout à fait logique. D'ailleurs, c'est ça que nous sommes en train de finaliser actuellement. Au conseil du mois de juin 1996, le 21 juin 1996, le comité sur la pertinence, qui continue ses travaux, va présenter une suite à l'avis qui constitue... qui étaye quels sont les mécanismes actuellement qui... quelles sont les causes structurelles, pourquoi ça répond à cette question-là; également, qui cherche à voir quels sont les mécanismes actuellement en place qui essaient de contrôler la pertinence des actes médicaux et les suggestions pour améliorer et pour essayer d'aller plus loin. C'est ça, la suite du travail. C'est assez complexe. Je ne vous le dirai pas parce que je voudrais respecter mon conseil, je n'ai pas encore eu le O.K. pour les transmettre, mais la question qui nous a évidemment torturés depuis un an, c'est celle-là.

Mme Malavoy: D'accord. Vous m'en permettez une dernière?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une toute petite dernière.

Mme Malavoy: Vous semblez dire qu'on a avantage à avoir non pas une approche rétrospective, à essayer de voir le passé, mais plus préventive – en tout cas, j'ai traduit ça en mes mots comme une approche plus préventive...

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement.

Mme Malavoy: ...basée sur l'étude des résultats de santé. Mais je vais dire ça de façon peut-être un peu simpliste. Si on m'enlève quelque chose qu'on n'aurait pas dû m'enlever, je peux être en très bonne santé et une analyse des résultats de santé n'indiquera pas forcément le problème, alors que dans une analyse qui est aussi rétrospective, on peut peut-être répertorier un certain nombre d'erreurs. Je voudrais juste rapidement vous entendre là-dessus.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, ce que nous voulions dire, c'est que les analyses rétrospectives, habituellement, elles servent à établir le problème. Nous le prenons comme... que le problème existe, et, d'après l'expérience des membres, il existe au Québec, le problème. Il y a des actes non pertinents, pour différentes raisons, mais il en existe. Donc, nous voulons nous tourner effectivement vers un système préventif qui, entre autres, viserait à voir à ce que lorsqu'un acte est posé, il est le plus pertinent possible.

C'est impossible d'atteindre la pertinence parfaite, parce qu'il y a des perceptions différentes du médecin. Les situations sont complètement... ne sont pas égales pour une pathologie donnée, mais nous voulons arriver à une meilleure organisation de la pratique, en particulier en explorant l'apport des guides des pratiques, pour que les actes deviennent de plus en plus pertinents. C'est dans ce sens-là que l'on dit: On va laisser de côté les études rétrospectives qui sont fondamentalement des études de recherche pour prouver le phénomène.

Nous le prenons comme acquis – des auteurs canadiens l'ont mentionné également, qu'il y avait de la non-pertinence au Québec et au Canada – alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit: Ne mettons pas nos sous là-dedans, mettons plutôt nos énergies à essayer de trouver des moyens d'y parvenir. Et, nous, un des moyens que l'on voit, c'est en essayant de bâtir les meilleurs protocoles, les meilleurs guides des pratiques pour obtenir les meilleurs résultats santé. C'est ça que... C'est aussi d'arrêter, effectivement, ce qu'on dit à la profession. On ne veut pas faire une chasse aux sorcières. On ne veut pas savoir... punir quelqu'un, on veut plutôt améliorer l'efficacité et l'efficience du système.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski.


Admissions aux études en médecine

Mme Charest: Merci, M. le Président. Messieurs dames, bonjour. À la lecture d'un de vos documents qui est sur la hiérarchisation des services médicaux, je voyais, à la page 7, lorsqu'on parle de la répartition des effectifs... Dans certains cas, ça s'est amélioré; dans d'autres, c'est plus ou moins ce qu'on voudrait atteindre comme objectif. Je sais pertinemment que vous déposez chaque année des avis sur les contingents d'étudiants qui devraient être admis en faculté de médecine dans les universités québécoises. Je pense que même un peu tout le monde au Québec sait que nous avons trop de médecins au Québec et que, là-dessus... C'est d'ailleurs probablement, je suppose en tout cas, j'extrapole peut-être, de là que viennent vos avis sur les contingents qui sont toujours, pour des inscriptions, à la baisse.

Mais, moi, j'aurais une question un petit peu plus délicate, un petit peu plus pointue: Quand le Conseil médical va-t-il proposer la fermeture d'une faculté de médecine? Parce que, en réalité, le problème, il est là. C'est le nombre de facultés de médecine qu'il y a au Québec qui fait qu'on tourne toujours en rond autour de la multitude de gens que l'on forme, et que la répartition des effectifs dans les régions, ce n'est pas lié au nombre d'inscriptions, c'est lié à autre chose. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Iglesias (Juan Roberto): Le Conseil n'a pas considéré la mécanique de dispensation de la formation en médecine. Je veux juste vous souligner que l'organisation de la formation est du ressort du ministère de l'Éducation. Il y a un lien, cependant, entre le ministre de la Santé, le ministère de l'Éducation et le ministère de la Santé, par la loi, pour déterminer conjointement le nombre d'entrées en médecine. Nous n'avons pas stipulé là-dessus. Nous, ce que nous faisons, c'est dire... regarder le modèle de projection de la main-d'oeuvre puis l'analyser, puis... avec ce que l'on sait des tendances, dire: Voici qu'effectivement on a trop de médecins, puis la façon de l'analyser. Cependant, dans le dernier avis, que vous n'avez pas là mais qui est mentionné sur la liste, nous mentionnons qu'il faut faire très attention par rapport à la réduction d'entrées en médecine. Pourquoi? Parce que, effectivement, il y a trop de médecins au Québec actuellement. Je pense qu'il y a un consensus là-dessus: il y a trop de médecins. Mais une réduction dramatique des entrées en médecine amènerait des problèmes à la société québécoise qui seraient peut-être pires que ceux qu'on connaît.

Autrement dit, on va se soigner entre personnes pal mal âgées, nous autres. C'est ça qui va arriver, là. Et il faut penser que la formation d'un médecin prend en moyenne... Pour les médecins de famille, ça prend six ou sept ans, dépendamment si le cours de base est de quatre ans ou de cinq ans – il y a des facultés qui donnent des cours de quatre ans ou de cinq ans – plus deux années de formation; pour les médecins spécialistes, c'est rendu pratiquement à cinq ans de spécialité, donc c'est neuf ou dix ans de formation; la majorité, c'est 10 ans. Alors, nous jouons avec un délai, là. Vous voyez le délai avec lequel on joue, là. Lorsqu'on ferme la valve, là, ça nous prend 10 ans pour ouvrir la valve, sinon on se trouve en manque de main-d'oeuvre. Et le problème de la main-d'oeuvre québécoise est le nombre, mais également l'étalage dans les âges.

Nous, ce que nous suggérons, c'est que... Jusqu'à maintenant, on a joué beaucoup... on a joué à peu près, jusqu'à tout dernièrement – d'ailleurs, c'était un de nos avis qui introduisait... celui que vous avez là, qui introduisait la notion de retraite, vous l'avez à la fin de cet avis-là – nous disons: O.K., on a assez joué avec la valve d'entrée. Maintenant, il est temps de jouer avec la valve de sortie, là. Parce que, sinon, qu'est-ce qu'on va avoir au Québec? On va avoir une main-d'oeuvre peut-être suffisante, mais est-ce qu'elle va être opérationnelle? Est-ce que la moyenne d'âge des médecins va rendre possible le fait d'avoir une médecine efficace, efficiente? Je ne dis pas du tout que les médecins plus âgés ne sont pas bons, mais il y a une certaine capacité à rendre des services d'une certaine nature lorsqu'on a 58, ou 59, ou 60 ans, ou 75 ans versus lorsqu'on a 40 ans. C'est...

Donc, l'avis du Conseil, c'est que, oui, il a fallu diminuer l'entrée en médecine parce qu'on était parti en grande. Actuellement, il y a quatre facultés de médecine; on ne nous a pas demandé de nous prononcer sur la pertinence. Cependant, ce que nous avons fait, c'est... Il faut diminuer. Bon. Les ministères ont décidé comment ils allaient appliquer la diminution. Mais, nous, ce que nous disons, là, c'est: Faites attention, là, on joue avec la manette parce que, là, on est mal pris, là. Mais cette manette d'entrée là est très dangereuse. Si on va très loin, qu'est-ce qu'il va arriver au niveau de la main-d'oeuvre médicale?

C'est l'état actuel de nos réflexions. Et nous suggérons qu'on aille de plus en plus à une considération des mécanismes qui favorisent la prise de retraite progressive des médecins. Jusqu'à maintenant, il n'y en avait pas. Pour la première fois, on a vu apparaître des mécanismes au cours de l'été dernier.

(16 h 30)

Mme Charest: Mais on est conscient aussi que, au Québec, c'est beaucoup plus les spécialistes qui risquent, à moyen et à long terme, d'être un peu moins nombreux que les besoins. J'aimerais vous entendre: Qu'est-ce que vous proposez pour favoriser l'acheminement ou, en tout cas, la formation des étudiants en médecine qui se rendent jusqu'à la spécialité plutôt que de demeurer au niveau de la pratique omnipraticienne?

M. Iglesias (Juan Roberto): Là, là-dessus, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous.

Mme Charest: Ah! Allez-y. Je veux vous entendre.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est que, dans cet avis-là, que vous avez là, nous, nous disons que notre système doit être basé sur une première ligne forte et que les spécialistes doivent être en nombre suffisant, mais en deuxième ligne. Et nous allons beaucoup plus loin – des choses qui, peut-être, ne feront pas consensus partout – nous disons: Le spécialiste doit être uniquement... il ne doit pas être accessible directement à la population, il doit être accessible à travers les médecins de famille, sauf dans les cas d'urgence.

Mme Charest: Mais, ça, ce n'est pas nouveau. Ça fait des années que ça existe au Québec, cette façon d'avoir accès aux spécialistes.

M. Iglesias (Juan Roberto): Ça n'existe pas au Québec, non.

Mme Charest: Bien, souvent, il faut être référé par un médecin.

M. Iglesias (Juan Roberto): Ah! ça, c'est selon la politique du médecin que vous avez. Mais vous pouvez aller dans un bureau de spécialiste. Il n'y a rien dans le système...

Mme Charest: Dans le système, officiellement...

M. Iglesias (Juan Roberto): ...de façon systématique...

Mme Charest: ...mais, en pratique, sur le terrain, ça arrive souvent que c'est comme ça que ça fonctionne.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est très variable. C'est très variable. Je vous dirai même qu'il y a beaucoup de cas... dans la majorité des cas, c'est accessible, c'est ouvert. Alors, les deux lignes sont ouvertes.

Nous, ce qu'on dit: Si on concentrait, si on mettait une première ligne forte, cette première ligne devrait être capable de régler la majorité des cas, et les spécialistes seraient là pour les cas les plus complexes, et ils devraient être considérés, valorisés pour ce travail-là et non pas pour faire le travail de la première ligne.

Donc, le nombre de spécialistes, à ce moment-là... Écoutez, actuellement au Québec, on est quand même très chanceux, parce qu'on a un nombre de spécialistes de... 50 % de spécialistes et 50 % d'omnipraticiens, ce qui est considéré comme étant bon, quand vous regardez nos amis Américains. Ça me choque un petit peu qu'à chaque fois qu'on parle des bons coups que les Américains font en venant chercher des médecins, c'est toujours des grands spécialistes. Ce n'est pas la vérité. Ce que les Américains viennent chercher bien plus davantage, c'est des médecins de première ligne, sauf que ça ne paraît pas dans les journaux.

Ils viennent chercher quoi, les Américains? Ils viennent chercher des médecins de première ligne, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes. C'est ça qu'ils veulent avoir. C'est ça qu'ils demandent, les Américains. Parce que, eux, ils ont un système où ils sont à 30-70, 70 % de spécialistes et 30 % de médecins de famille, ou thérapeutes de première ligne, comme les pédiatres ou les internistes, qui les considèrent comme de première ligne. Et ils sont en train de renverser la machine. Mais, renverser la machine de formation aux États-Unis, avec les délais que ça entraîne, ce n'est pas pour demain. O.K.? Donc, ils viennent chercher, de ce côté-ci de la frontière, ils attirent, surtout dans les provinces anglophones, ils attirent des spécialistes... des médecins de première ligne.

Alors, quand vous dites qu'on va manquer de spécialistes, il faut faire attention. C'est vrai que, dans certaines disciplines bien pointues, dont le nombre est très petit aussi...

Mme Charest: Je l'ai dit de façon générale, mais, en réalité...

M. Iglesias (Juan Roberto): Une variation de deux spécialistes, c'est vrai que ça met la catastrophe dans la province. Mais c'est un nombre très réduit. Mais, en général, ce dont nous avons besoin, c'est des médecins de première ligne forte, où la proportion serait à peu près gardée 50-50, ou légèrement penchant vers la pratique générale, comme ça a déjà été, 48-52, des chiffres comme ça. C'est ça, la problématique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sur le même sujet, avant de changer de sujet... Une autre question?


Répartition des effectifs médicaux

Mme Charest: Oui. C'est parce qu'on sait pertinemment que la répartition est inégale d'une région à l'autre en ce qui regarde, toujours, les spécialistes. Je serais intéressée à connaître c'est quoi que vous avez comme proposition par rapport à ça, et je pense, entre autres, à certaines spécialités, concernant la psychiatrie, où, en principe, on devrait en retrouver dans à peu près tous les hôpitaux généraux, et on n'en retrouve pas; et, même, dans des centres quand même intéressants, des centres urbains, peut-être en région éloignée, mais, quand même, en centres urbains. Alors, j'aimerais ça connaître vos avis là-dessus.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, ça, c'est un travail que le Conseil a fait et que vous trouvez dans l'«Avis sur la répartition géographique des effectifs médicaux». Vous ne l'avez pas sous la main, il est là. Et c'est préoccupant. C'est préoccupant parce que, ayant assez de médecins, comment se fait-il que la répartition n'est pas correcte, surtout compte tenu de la mécanique que le Québec s'est donnée pour arriver à cette fin-là? Il y a toute une mécanique qui est là, avec les plans d'effectifs médicaux, le plan d'organisation clinique des établissements, tout ça est là.

La constatation du Conseil, c'est que cette mécanique-là est pleine de trous. Elle est pleine de trous. C'est une mécanique qui est trouée. C'est une passoire avec des gros trous dedans. Et nous donnons des recommandations au ministre pour la resserrer...

Mme Charest: Lesquels? Identifiez-les, les trous.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bon. Le grand trou, c'est que le contrôle des plans d'effectifs se fait toujours en arrière, rétrospectivement, pour prendre maintenant le mot de ma collègue. Il se fait en arrière. On constate qu'il y a peu de médecins qui sont installés dans votre région versus Montréal et Québec, mais on constate trois ans après. Qu'est-ce que vous voulez faire trois ans après?

Mme Charest: Alors qu'on le sait 10 ans à l'avance.

M. Iglesias (Juan Roberto): Il faut le faire en temps réel. Il faut que, lorsqu'un médecin s'établit, on lui dise: Tu peux t'établir parce qu'on a besoin de toi ici, ou tu ne t'établis pas parce qu'on n'a pas besoin de toi puis on a besoin de toi là-bas. C'est ça qu'il faut dire. Actuellement, la mécanique est qu'on fait une compilation au bout de trois ans puis on dit: Écoutez, là, il s'en est établi 23 à Québec. Le dernier plan d'effectifs médicaux, c'était combien qu'on en avait d'établis de trop?

Mme Girard (Marie): Au moins 53.

M. Iglesias (Juan Roberto): L'autre avant? C'était plus 56, de trop?

Mme Girard (Marie): Oui.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bon. Plus 56, de trop, dans la période, à Québec... Bien, ces médecins-là, ils ne sont pas ailleurs. Ils sont à Québec. Mais ils sont établis. Une fois qu'ils sont établis, vous ne pouvez pas les arracher à leur clientèle puis les amener ailleurs. Il faut avoir une mécanique en temps réel qui dise au médecin: Tu peux t'établir là, mais, si tu t'établis ici, bien, toi, tu ne peux pas facturer à la Régie de l'assurance-maladie parce que ton numéro ne passe pas; c'est là-bas qu'il va passer, ton numéro. Et c'est seulement lorsqu'on arrivera à un type de mécanique comme ça, un contrôle en temps réel, que nous pourrons avoir une répartition selon les besoins au Québec. C'est un des éléments fondamentaux. Le plus grand trou qu'il y a actuellement dans le système, c'est que le contrôle se fait de façon rétrospective, une fois que le dommage est fait. Et, pendant ce temps-là, le médecin est établi à l'endroit où on n'avait pas besoin de lui.

Mme Charest: Si je comprends bien, M. Iglesias, ce que vous me dites en mots voilés, c'est que ça va prendre la volonté politique et ça va prendre aussi la volonté du corps médical pour se concerter et collaborer afin que la répartition se fasse selon les besoins et non pas selon, je dirais, le goût du jour, soit une préférence pour un endroit plutôt qu'un autre.

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement. Puis, dans l'avis, on amène les améliorations, dont certaines sont assez techniques, mais je vous souligne celle qui est la plus considérable et qui m'a toujours, moi, frappé; d'ailleurs, le Conseil est arrivé à cette conclusion. Moi, ça m'a toujours frappé qu'on faisait toujours des constatations sur les plans d'effectifs, on disait: On n'a pas réussi. On n'a pas réussi dans le passé, mais... tu sais, ce n'est pas ça, c'est aujourd'hui que tu devrais savoir si tu as réussi ou non.

Mme Charest: Vous savez, nous, les parlementaires élus, on peut toujours travailler sur la volonté politique, mais on peut peut-être vous demander de travailler sur la volonté des corporations pour faciliter cette concertation et cette collaboration pour en arriver à une répartition juste et équitable des effectifs médicaux. Et si je vous dis ça, c'est parce que, étant une députée d'une région éloignée, on connaît bien ce que ça a comme conséquences sur le terrain avec les populations qu'on a à desservir. Je vous remercie, M. Iglesias.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la députée. M. le député de Robert-Baldwin.


Admissions aux études en médecine (suite)

M. Marsan: Oui, on a ouvert la porte un peu sur le fait qu'il y a peut-être trop de facultés de médecine. Bon, vous nous dites: Ça relève peut-être de l'Éducation, et tout ça. Habile politicien, sûrement. Mais on constate quand même... Vous l'avez dit tantôt, je pense qu'on va avoir seulement 406 entrées au mois de septembre qui s'en vient, possiblement, ou le dernier mois de septembre?

M. Iglesias (Juan Roberto): Le mois de septembre...

M. Marsan: Prochain?

M. Iglesias (Juan Roberto): ...prochain.

M. Marsan: O.K. Vous pourriez nous dire la répartition, si c'est possible, par faculté, si vous l'avez, sinon on pourra le prendre. Et, deuxièmement, considérant qu'il y a une diminution importante du nombre d'hôpitaux universitaires, est-ce que les besoins de centres d'enseignement vont être les mêmes? Il me semble qu'il y a quelque chose là qu'il faut suivre. Vous dites: On va arrêter de travailler sur l'entrée, on va travailler sur la sortie. Mais on continue, je pense, de toujours maintenir à la baisse le nombre d'entrées dans les facultés de médecine.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bon, écoutez, je n'ai pas en tête exactement... Je peux vous donner approximativement le nombre de candidats qu'il y aura dans les facultés de médecine. Mais c'est très approximatif. Je ne l'ai pas. Étant donné que le Conseil ne l'a pas marqué dans son avis, parce qu'il dit là-dedans que c'est le gouvernement qui va s'occuper de ça... Bon. Alors, je peux vous dire que, au niveau de Laval, je pense que les entrées, c'est 112...

Une voix: 120?

M. Iglesias (Juan Roberto): ...112 actuellement, 112 environ; au niveau de l'Université de Montréal, 130 ou 132; au niveau de l'Université McGill, 96; et, au niveau de l'Université de Sherbrooke, 89, 90. J'ai peut-être manqué un peu de chiffres, mais c'est les ordres de grandeur. Je vous rappellerai également que les facultés de médecine du Québec ne sont pas disproportionnées par rapport à la moyenne nord-américaine. La médiane des facultés de médecine nord-américaines se situe autour de 85 à 88 étudiants, la médiane, c'est-à-dire là où le plus grand nombre de facultés se trouve par rapport au nombre. Alors, c'est ça.

Là, je vous parle, pas en tant que membre du Conseil, mais connaissant un peu le dossier. Les facultés de médecine sont de plus en plus des facultés des sciences de la santé. Elles ne sont pas des facultés de médecine uniquement, comme elles l'ont peut-être été. Prenez, par exemple, Laval, avec ses multiples professions: nursing, pharmacie, ergothérapie, diététique, puis j'en passe. Donc, c'est des facultés des sciences de la santé. Et la composante programme médical représente parfois... inférieure à 40 %, le nombre d'étudiants équivalents temps plein. Parce que les facultés de médecine ont également... Je regarde Luc, parce que Luc est à l'Université Laval... Puis il y a également toutes les études avancées: maîtrise, doctorat, etc. Je pense que c'est un artifice de parler de facultés de médecine, il faudrait plutôt parler de facultés des sciences de la santé et des études avancées en sciences de la santé. Je vous donne un peu d'information par rapport au contexte.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je répète à vos invités: Si vous voulez intervenir, vous me faites signe.

M. Iglesias (Juan Roberto): Je pense que Luc...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et c'est avec beaucoup de plaisir qu'on va vous écouter.

(16 h 40)

M. Deschênes (Luc): Pour ce qui concerne les facultés de médecine, il ne faut pas nier, par exemple, que la présence d'une faculté de médecine dans une ville universitaire est un atout incontestable, et certainement qu'au point de vue de l'avancement, par exemple, des technologies de la santé, la présence d'une faculté de médecine garantit la dispensation de soins, de services de soins tertiaires, qu'il serait difficile d'assurer autrement.

Quatre facultés de médecine au Québec, on peut peut-être se poser des questions. Je ne pense pas que ce soit le nombre d'étudiants en médecine qui est important, c'est plutôt la qualité. Si la qualité est là, je pense qu'il faut faire bien attention avant de toucher à quelque chose qui produit pour le Québec, même si c'est dans une région... on produit des technologies de la santé, des soins tertiaires qui s'adressent à tous les Québécois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.


Avis sur la pertinence des actes médicaux (suite)

M. Marsan: Oui. J'ai pris connaissance du mandat que vous avez reçu, je pense, en novembre 1993, d'établir un comité sur la pertinence et l'efficience dans la dispensation des services médicaux. Je constate, un an après, je pense que c'est en décembre, qu'on nous remet un premier rapport, on vous remet, ou vous remettez au ministre un premier rapport et qui a fait une espèce de revue de littérature. Ce que je décode, c'est que, pendant une année, on a fait une revue de littérature de ce qui se passait sur la pertinence.

Depuis ce temps-là, est-ce qu'il y a des choses qui ont été faites? On est rendu en mai 1996. Où est-ce qu'on en est rendu dans ce dossier-là? Parce que, quand je regarde vos conclusions, je vous assure que ça... Je pense qu'il faut s'y intéresser très, très rapidement. J'aimerais vous en lire une, vous la savez encore mieux que moi, mais, je pense, pour tout le monde: «Les études concluent qu'il existe des actes et des services non pertinents dans plusieurs domaines de pratique, mais ces études ne peuvent prouver que la décision de ne pas dispenser une procédure a été la bonne.» J'ai l'impression qu'on doit travailler beaucoup dans ce sens-là. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

M. Iglesias (Juan Roberto): Je vais laisser le président du comité lui-même, le Dr Deschênes.

M. Deschênes (Luc): Merci, M. le président. Évidemment, le comité sur la pertinence a produit un premier avis. D'abord, il faudrait que vous réalisiez que travailler sur la pertinence des actes médicaux, pour des médecins, ce n'est pas facile, parce que c'est des concepts qui sont très théoriques, et puis, a priori, on pense tous qu'on pratique une bonne médecine et puis qu'on ne fait aucun acte non pertinent. Lorsque le comité a commencé ses travaux, il a fallu d'abord se renseigner sur les définitions de la pertinence, de l'efficacité, de l'efficience, etc., tous des concepts qui vont très bien dans la pratique. Mais, seulement, comment ça s'implique dans notre pratique courante, il fallait préciser ça pour commencer. On a cherché, dans la littérature québécoise, canadienne, mondiale, parce que, des études sur la pertinence, il en existe très peu, c'est des études qui sont longues, qui sont fastidieuses, qui sont très dispendieuses, et les Américains en ont fait. Madame, tout à l'heure, a parlé de l'étude sur, par exemple, les pontages coronariens. Évidemment, l'exemple du pontage coronarien est classique, parce que, dans un intervalle de 10 ans, on a constaté... dans une première étude, alors qu'il y avait 30 %, disons, de doute sur la pertinence de certains pontages, 10 ans plus tard, c'était réduit de façon considérable, à autour de 2 %. Donc, c'est pour vous dire aussi que ce n'est pas... la science n'est pas statique. Donc, les études sur la pertinence, ça bouge considérablement.

Ceci étant dit, on a constaté que, dans la littérature américaine, il y avait suffisamment d'éléments qui montraient qu'il y avait, dans plusieurs domaines, de la non-pertinence dans des procédures diagnostiques et thérapeutiques. Au Québec, nous n'avons aucune recherche de ce genre-là qui a été faite. Seulement, par les travaux du Conseil d'évaluation des technologies de la santé, on a constaté qu'il y avait des variations géographiques considérables pour certaines procédures chirurgicales. Et, dans la littérature, on sait que c'est un moyen et c'est un témoin indirect de la présence d'actes non pertinents, et dans un sens et dans l'autre. C'est-à-dire que le fait qu'il y a des disparités régionales, c'est peut-être que, dans une région, il y en a trop d'actes qui sont faits et, dans une autre région. il n'y en a pas assez.

Le Conseil d'évaluation des technologies, dans son analyse sur quelles sont les causes fondamentales, la cause principale qui a été retenue, c'est l'incertitude scientifique. C'est que, devant le même cas, devant les mêmes symptômes, devant le même patient, deux médecins différents peuvent arriver à des conclusions différentes quant à la meilleure approche thérapeutique. C'est ce qui expliquerait la plus grande partie de la non-pertinence des actes médicaux. Mais il y a d'autres facteurs, et trouver ces autres facteurs-là, et trouver aussi des solutions pour essayer de diminuer la non-pertinence des actes médicaux, c'est un exercice, et je vous le garantis, qui n'est pas facile. Et prendre un an à des individus qui font ça à temps partiel, je pense que ça prend beaucoup de temps, aussi de réflexion, beaucoup de recherche. On a dû consulter et, depuis un an, c'est ce qu'on a fait, on a décidé de consulter les organismes sur le terrain pour savoir quelle était leur expérience par rapport à la non-pertinence.

Alors, dans ces consultations-là, évidemment, on a consulté le Collège des médecins, parce qu'un des mandats du Collège des médecins, c'est de surveiller, justement, la pertinence, mais au niveau individuel, de chaque médecin; nous, on travaille plutôt au point de vue collectivité. On a consulté aussi les associations, des conseils des médecins et dentistes. On a consulté des associations professionnelles, des membres de la Fédération des médecins spécialistes, la FMOQ, etc. Donc, on s'est renseignés, parce que les médecins et les présidents de ces associations-là peuvent constater des choses et peuvent nous confier, au Conseil médical...

Et je pense que ça fait partie aussi du mandat du Conseil, c'est d'assurer la crédibilité du Conseil médical. La grande partie, moi, je dirais, peut-être ce qui a été le plus important dans les trois premières années d'existence du Conseil, c'est d'assurer la crédibilité d'un organisme qui ne contient aucun représentant qui chapeaute... qui a un chapeau d'une organisation professionnelle. Nous avons, au sein du Conseil, des représentants de la FMSQ, de la FMOQ, des milieux universitaires, dans la pratique médicale, etc. Ces gens-là rentrent sur le Conseil et donnent leur opinion personnelle avec leur bagage, avec leurs antécédents. Mais, lorsque des avis sortent, personne ne va pouvoir dire: Ça, c'est un avis de la FMSQ, c'est un avis de la FMOQ, c'est un avis du Dr Iglesias. Alors, je pense que la crédibilité, dans un conseil, ça n'a pas de prix. Si on veut que les avis du Conseil soient respectés non seulement par nos élus, mais surtout par les médecins, il faut que ce soient des avis qui soient respectables, il faut que le Conseil ait une respectabilité.

Si on revient à la pertinence, donc, depuis un an, on a consulté ces gens-là, et je dois vous dire qu'on s'est aperçu qu'effectivement... et la Régie de l'assurance-maladie a été d'une aide considérable aussi dans ça pour identifier, sur le terrain, comment va la pratique au Québec. Et je pense qu'actuellement nous préparons un deuxième avis où on pourra exposer de façon beaucoup plus détaillée quelles sont les causes, hormis l'incertitude scientifique, qu'on a pu identifier au Québec pour expliquer cette non-pertinence de certains actes médicaux. Et j'oserais dire qu'il faut faire bien attention de penser que c'est nécessairement dans les choses les plus spectaculaires. Il ne faut pas penser que les médecins vont faire des actes non pertinents lorsqu'ils font des remplacements de la hanche ou des pontages coronariens. Ce n'est certainement pas pour des choses qui vont mettre la vie des gens en danger. Puis c'est peut-être beaucoup plus prometteur d'essayer de corriger la non-pertinence dans des actes qui sont des actes en apparence anodins, qui sont des actes qui ne coûtent pas cher mais qui sont répétés des millions de fois. Et c'est peut-être là, aussi... Des actes comme, par exemple, faire des radiographies du poumon pour être engagé dans une firme, alors que ce n'est absolument pas nécessaire. C'est la répétition de ces actes-là qui coûte cher au système, et c'est ça qu'il faut essayer de corriger. C'est dans des causes structurelles qui rencontrent parfois certains règlements, parfois certaines lois. Alors, c'est dans ce genre de chose là qu'il faut essayer d'agir.

Il y a d'autres causes aussi qu'on peut identifier et qu'on va aborder certainement. La rémunération, le mode de rémunération est certainement une chose qu'il faut regarder là-dedans. Il y a la question de la formation des médecins, la formation continue des médecins. Le président a fait allusion tout à l'heure aux lignes directrices; je pense que c'est certainement une avenue aussi où il faut s'engager pour essayer de corriger sur tous les fronts à la fois. Et peut-être la chose la plus importante, la plus fondamentale, c'est la responsabilisation des médecins. Il faut que chaque médecin devienne responsable de ses actes vis-à-vis du système. Et c'est ça qui est un travail qui est difficile, qui va être long, et ça demande au Conseil médical d'avoir acquis beaucoup de crédibilité auprès de tous les médecins pour que les avis soient entendus, respectés et mis en pratique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Iglesias (Juan Roberto): Pour compléter, monsieur. Étant donné qu'il y a du consensus et du développement en route, nous n'avons pas attendu pour tout lancer des choses dont on était sûr. En particulier en ce qui a trait aux lignes directrices, nous avons, en collaboration avec le Collège des médecins, lancé une table qui se réunit à peu près sept fois par année, qui traite actuellement des lignes directrices et de la façon de les concevoir et de les disséminer auprès des médecins. Nous pensons que c'est un outil fondamental pour augmenter la pertinence. Alors, comme c'était quelque chose qui nous semblait bien clair, nous avons commencé le travail immédiatement. Cette table se réunit sous la présidence du Collège, avec les fédérations, avec différents organismes, et ils travaillent là-dessus. Et, actuellement, il y a déjà des projets très concrets sur la table. Donc, tout en continuant à explorer les mécanismes fondamentaux, nous avons déjà lancé le travail, nous l'avons remis au porteur qui devait le faire.

(16 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin a une autre question, avant de passer au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Marsan: Je voudrais vous remercier, c'est le Dr Deschênes, je pense, et le Dr Iglesias, de vos commentaires. Je pense que, nous, comme députés, on reconnaît d'emblée la difficulté d'étudier un dossier comme le dossier de la pertinence d'actes médicaux. Je pense que c'est même rassurant de savoir que le Conseil médical a l'intention de s'en occuper. Peut-être que la seule inquiétude, c'est... Est-ce qu'on va avoir un rapport d'étape, à tout le moins, si ce n'est pas un rapport final, ou une recommandation, un avis qui va être donné au ministre dans les semaines qui viennent? On sait que le mandat a quand même commencé en novembre 1993, si je me souviens, dans la littérature que nous avons eue. Est-ce qu'il y a quelque chose qui s'en vient qui va nous permettre de suivre ce dossier-là? Parce que je pense qu'il est, sans faire de jeu de mots, mais il est très pertinent.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui. Alors, effectivement, je l'ai mentionné tantôt, et Luc a décrit un peu le contenu, une des parties du contenu de l'avis qui est en fabrication, ça va être remis au ministre en décembre 1996, cette partie-là. C'est prévu pour être remis à ce moment-là. Peut-être, si on est chanceux, en novembre.

M. Marsan: Et ça, c'est accessible, évidemment, au public, une fois qu'il est remis au ministre.

M. Iglesias (Juan Roberto): Ça va être remis au ministre et libéré par la suite. Probablement que nous demanderons au ministre de le libérer le plus tôt possible, compte tenu de l'impact que ça peut avoir au niveau de la communauté. C'était pour nous un dossier... Je souligne juste l'importance de la crédibilité, il ne fallait pas que l'on avance... Au niveau de la pertinence, il ne fallait pas s'avancer sans avoir les pieds solides. Parce que, si le Conseil n'avait pas eu les pieds solides sur le dossier de la pertinence, je pense que ça aurait été un sujet qui nous aurait fait tomber en flammes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Réalisation du plan de travail

M. Copeman: Merci, M. le Président. Pour faire changement, je suis un peu confus quant à ma compréhension du fonctionnement du Conseil et j'aimerais peut-être avoir quelques précisions de la part du président. Dans votre rapport d'activité, vous faites la distinction entre, essentiellement, les deux grands mandats du Conseil: un, c'est de conseiller le ministre de votre propre initiative, et l'autre, c'est de répondre de façon, dans un premier temps, quasi statutaire à des demandes d'avis du ministre, en plus d'autres sujets sur lesquels il peut demander un avis du Conseil. Sur les 10 avis, est-ce que vous pouvez me dire lesquels étaient de votre propre initiative et lesquels étaient le résultat d'une demande du ministre, soit statutaire, selon les projets de règlement relatifs à l'organisation, les politiques relatives à la main-d'oeuvre médicale ou le code de référence de répartition?

M. Iglesias (Juan Roberto): Alors, les avis sur la main-d'oeuvre et les avis sur l'intégration professionnelle des diplômés, les deux avis qui portent sur l'intégration des diplômés hors Canada, c'étaient des avis qui ont été spécifiquement demandés par le ministre. Les autres, c'est des avis dont l'origine première est au niveau du Conseil. Le ministre a reconfirmé à plusieurs reprises le plan de travail du Conseil, mais l'origine, c'était le Conseil.

M. Copeman: Alors, il s'agit des trois avis sur le projet de politique triennale. C'est bien ça?

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça.

M. Copeman: Plus l'avis sur la place des diplômés hors Canada.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça, et l'autre avis qui est l'intégration professionnelle...

M. Copeman: O.K. Alors, c'est à peu près moitié, moitié.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est ça.

M. Copeman: Cinq ont été demandés de la part du ministre, puis cinq, c'est de votre propre initiative.

M. Iglesias (Juan Roberto): Exactement.

M. Copeman: Très bien. En parlant un peu de votre plan de travail, on a pris connaissance, dans un premier temps, peut-être pour la première fois le 22 février, dans une lettre que vous adressiez à Me Lamontagne, qui était votre réponse à notre demande de nous rencontrer dans le cadre de notre mandat d'initiative... Vous avez fait référence au plan de travail du Conseil médical qui a été accepté par Mme Robillard en janvier 1994, reconduit par le Dr Rochon, et qui fait état, si j'ai bien compris, de quatre éléments. Quand est-ce que ce plan de travail là va être accompli, selon vous? Est-ce que c'est, comme on dit en anglais, «is it ongoing»? Quand est-ce que les quatre différents éléments, en tout cas, vont être achevés?

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez. C'est un plan de travail qui amène des développements qui pourraient aller loin. Par exemple, je vais vous donner ma vision. En ce qui concerne la pertinence, je pense que l'avis que nous allons donner en décembre va peut-être arrêter le dossier pendant un bout de temps. Donc, il va arriver à sa conclusion.

En ce qui concerne le «médicalement requis», cet avis-là dépend un peu des orientations que le ministre prendra. Nous allons donner maintenant le cadre de référence. Maintenant, il faut savoir exactement si la société québécoise doit aller dans cette voie-là. Elle va certainement aller, je pense, au niveau de l'élimination de ce qui n'est pas médicalement requis. Mais est-ce que l'état de notre système nécessitera que l'on aille plus loin et qu'on dise qu'on va enlever certaines choses, faire des choix dans le «médicalement requis»? S'il faut faire des choix, à ce moment-là, on a besoin d'aller davantage là-dessus, O.K., il faut creuser davantage.

En ce qui touche l'organisation, la dynamique organisationnelle, il faut aller plus loin. Il faut maintenant déterminer quel est, concrètement, le mode d'organisation, avec le mode de rémunération des médecins, et ça nécessite au moins deux avis supplémentaires. Et, à ce moment-là, ce sera terminé. Je pense qu'il y a actuellement du pain sur la planche, avec ce plan-là, pour une année supplémentaire.

M. Copeman: Si le ministre était pour ajouter à ce plan de travail, pour n'importe quelle raison, est-ce que vous serez en mesure de répondre? Avez-vous les ressources nécessaires, avec tout ce que vous avez de pain sur la planche?

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, nous, c'est ça que l'on fait. On fait notre plan de travail puis on s'aménage des possibilités de réponse aux demandes du ministre. Oui... Écoutez, on ne peut pas faire A et B. Si le ministre a quelque chose de plus urgent, nous tasserons et nous mettrons certains de ces travaux-là sur la voie d'attente ou sur une voie plus lente. C'est ça que l'on fait. Écoutez, je pense que c'est une question de priorisation, une question de choix.


Régime d'assurance-médicaments

M. Copeman: O.K. Étiez-vous consulté sur le dossier de l'assurance-médicaments?

M. Iglesias (Juan Roberto): Non. Je n'ai pas été consulté sur le dossier de l'assurance-médicaments en tant que membre du Conseil médical, comme tel.

M. Copeman: Compte tenu de votre mandat qui est, quand je le lis, assez large, mais qui parle aussi beaucoup des... Pardon, la loi confirme au Conseil médical, qui est l'article 16, je pense, la fonction générale de conseiller le ministre sur toute question relative aux services médicaux, en tenant compte des besoins de la population, de l'évolution des coûts des services médicaux et de la capacité de payer de la population. Est-ce que vous ne croyez pas qu'une réforme aussi majeure qu'une réforme sur l'assurance-médicaments ne devrait pas être le sujet d'une consultation auprès du Conseil?

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, la réponse est: Oui, mais. O.K.? Oui, mais. Je pense qu'au niveau des médicaments il y a des intervenants de très grande qualité qui donnent leur avis, y compris des médecins. Puis le ministre, il reçoit différents types d'avis, différents types de conseils de différents types de milieux.

Nous, ce qu'on veut, au Conseil, on offre au ministre des avis sur lesquels pratiquement pas de gens n'offrent des avis. Quand vous regardez la pertinence des actes médicaux, quand vous regardez la définition du «médicalement requis», qui arrive à l'assurance des services médicaux, quand vous regardez au niveau de leur façon d'organiser les services médicaux, il n'y a pratiquement pas grand monde, pas beaucoup de monde qui donne des avis là-dessus.

Alors, quand vous dites: Est-ce que vous aimeriez ça être consulté? oui, j'aimerais ça être consulté. Mais, si je suis consulté là-dessus, je vais donner un avis au ministre, sur lequel il en possède déjà huit, avis, correct? Probablement que mon avis peut ajouter encore quelque chose, je pense que oui. Mais j'aime mieux contribuer auprès du ministre sur des sujets qui sont propres à mon Conseil et que personne d'autre ne touche.

Vous comprenez qu'il y a actuellement... un des problèmes que l'on a à Québec, c'est que les ressources sont limitées. Alors, s'il faut consacrer les ressources du Conseil, j'aime mieux les consacrer à un sujet qui a un potentiel d'amélioration du système de soins pour la population et sur lequel personne d'autre n'est en train de travailler. J'aime mieux me garder les mains libres. Et quand je vous dis oui, parce que les médicaments, ce n'est pas quelque chose qui ne m'intéresse pas, ça m'intéresse... La thérapie médicamenteuse, c'est essentiel pour la pratique de la médecine. Mais il y a beaucoup de monde intelligent et fort éclairé qui éclaire le ministre actuellement, tandis que, sur les autres sujets, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de monde qui donne des avis là-dessus.

Alors, c'est un petit peu la façon dont je réconcilie ça dans ma tête et je suis très... Personnellement, je pense qu'au niveau des médicaments beaucoup de voix se sont fait entendre, tandis qu'au niveau des sujets dont je vous parle cet après-midi il n'y a pas beaucoup de voix qui se font entendre.

(17 heures)

M. Copeman: Votre réponse, M. Iglesias, ça suppose... ou un élément de réponse est que vous n'avez pas été demandé. Alors, si vous aviez été demandé, vous auriez peut-être été obligé de donner ce type de réponse là au ministre, mais vous n'avez pas été demandé.

M. Iglesias (Juan Roberto): Non, je n'ai pas été demandé. Par contre, dans les comités... certains travaux préparatoires, on m'avait demandé, le comité Demers, à ce moment-là, de donner mon avis. J'aurais donné probablement le même avis que j'ai donné au comité Demers. Mon avis est consigné dans les travaux du comité. Alors, je sentais que j'avais transmis ma sagesse personnelle, mais pas celle de mon Conseil. Mon Conseil n'a pas été sollicité là-dessus. Honnêtement parlant, je pense que j'aurais la même réponse que celle que je vous ai donnée.

J'avais demandé au ministre: Est-ce que vous avez besoin de l'aide du Conseil? Est-ce que vous n'avez pas de l'aide ailleurs? Est-ce que vous n'aimeriez pas mieux qu'on chemine dans le dossier du «médicalement requis», par exemple, ou de celui de la pertinence versus les médicaments? Écoutez, c'est ça qui... Je pense que j'aurais donné la même réponse au ministre. Et, si le ministre m'avait dit: Je vous demande l'avis, je l'aurais amené au Conseil. Qu'est-ce que vous voulez? C'est le ministre, on existe pour lui. Alors, je l'aurais amené, mais je n'ai pas eu la demande.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que c'est ça qui justifiait aussi à peu près la même réponse que vous aviez faite lorsque la commission vous avait demandé de venir sur les médicaments? Parce que la commission, vous n'êtes pas sans le savoir, aurait aimé beaucoup avoir vos sages, à la fois, conseils et connaissances.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, moi... C'est exactement la même réponse. En plus, vous comprenez, il faut que je garde... J'ai pris beaucoup de soin pour ne pas décevoir la commission, dans la lettre que j'ai écrite. J'avais communiqué également avec votre support de secrétariat pour expliquer la situation. Je n'ai pas pris ça à la légère. Je connais bien l'importance de la commission. Je ne suis pas un ignorant par rapport à ça.

Cependant, auprès de mon Conseil... Je n'avais pas consulté mon Conseil. Vous comprenez comment je fonctionne avec le Conseil. Je pense que vous comprenez mieux maintenant. Je fonctionne par consensus, par approche des discussions solides des problèmes. J'aurais pu venir ici et dire à mon Conseil: Je viens à titre personnel. Vous m'auriez convoqué à titre de président du Conseil médical. À titre personnel, c'est un immense plaisir, et, si vous voulez, je reviendrai vous parler de ça, il n'y a pas de problème.

Au niveau du Conseil, je n'ai pas de position par rapport à ce dossier-là. Je n'ai pas de position à vous transmettre du Conseil médical. À titre personnel, j'ai mes idées par rapport au rapport Castonguay, par rapport aux médicaments. Ça fait des années que j'ai des idées. Ça, je peux le faire. Mais il faut que je dise à mon Conseil: je ne parle pas en votre nom, ce qui n'est pas facile à entendre à un Conseil. Quand c'est le président qui parle, ce n'est pas facile de dire: Je ne parle pas en ton nom.

Aujourd'hui, tout ce que je vous dis: Je me sens parfaitement à l'aise. Ça a été débattu au Conseil. Ça a été approuvé. Ça a été repris sur le métier à tisser, mais je me sens à l'aise. Au niveau des médicaments, il aurait fallu que je répète continuellement à mon Conseil: Je n'ai pas discuté ça. Et les membres du Conseil sont ici bien présents, nous n'avons pas discuté de la question des médicaments en tant que sujet au niveau du Conseil.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'ai quand même le goût, comme président de la commission, de vous demander, si la commission jugeait à propos – et là je n'ai aucune idée si ça va se produire – dans le courant de nos recherches, et on a encore beaucoup de groupes à recevoir, mais, si la commission jugeait à propos de vous entendre sur la question très précise des médicaments... Si je comprends bien par votre réponse, vous n'êtes pas quand même totalement fermé, soit sur le plan individuel ou même votre Conseil.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, en tant qu'individu qui connaît le système, ça me ferait immensément plaisir. Si vous m'appelez, ce sera un honneur pour moi. Je peux vous donner mon expérience, je peux vous donner mes opinions, là. Ça, je serais complètement ouvert.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Parce que vous comprenez que, pour nous, cette initiative qu'on a prise prend de plus en plus d'importance compte tenu, évidemment, que l'assurance-médicaments arrive. Les commentaires ou les recommandations qu'on devra faire comme commission vont être extrêmement valables. M. le député de Robert-Baldwin aimerait ajouter un commentaire là-dessus.

M. Marsan: Je me permets d'aller dans le sens du président, parce que je comprends qu'à titre personnel, et je vous connais beaucoup de réputation, vous pouvez apporter une contribution énorme. Mais, comme Conseil médical, je pense qu'on peut au moins exprimer notre étonnement que le Conseil médical du Québec ne soit pas consulté dans la planification du dossier de l'assurance-médicaments. Il me semble qu'il y aurait sûrement eu une contribution significative de votre Conseil. Il se peut que le mandat ne vous ait pas été donné, c'est peut-être ça qui fait qu'on ne veut pas votre opinion. Mais on peut penser... Après toutes les explications que vous nous avez données sur votre fonctionnement, sur les mandats que vous faites, sur l'intérêt que vous avez pour la santé publique en général à partir d'un conseil médical, moi, je veux vous exprimer ma surprise que ce Conseil n'ait pas été demandé ou n'ait pas donné d'avis au ministre dans le cadre d'un projet de loi qui est vraiment des plus importants depuis, je pense, un an ou deux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En tout cas, on s'entend bien que, si on vous demande... Au niveau des médicaments, je parle, je ne parle pas...

M. Iglesias (Juan Roberto): Je serais bien honoré de venir vous voir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe. Je reviens après...

M. Copeman: Je n'avais pas tout à fait terminé, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, c'est vrai. Je m'excuse. Je m'excuse, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Avis sur la dynamique organisationnelle

M. Copeman: Oui, merci. Juste au niveau de l'avis sur la nouvelle dynamique organisationnelle à implanter. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de tout lire, de saisir tout votre avis. Parce qu'on parle de l'organisation de nos services, est-ce que vous avez pris en considération la réforme du système de santé actuellement en cours, le virage ambulatoire, dans cette idée de l'organisation des services, ou est-ce que l'avis était sur autre chose? Moi, je suis un peu dans la noirceur là-dedans parce que je n'ai pas eu le temps de vraiment fouiller l'avis.

M. Iglesias (Juan Roberto): L'avis est parfaitement compatible, mais il n'a pas été fait pour ça. Il est compatible, mais ce qu'il vise à déterminer, c'est comment l'accès aux services médicaux et les niveaux de complexité des services devraient être organisés, comment les intervenants devraient se comporter là-dedans et comment on devrait, ultimement, les rémunérer pour leurs services. C'est à ça que s'adresse l'avis. Il est parfaitement compatible avec les orientations du virage ambulatoire, mais il ne visait pas à supporter ou à contredire le virage ambulatoire. Il visait plutôt à donner une structure plus fonctionnelle à notre système de soins médicaux.

M. Copeman: Et ce dossier est «ongoing», comme on dit en anglais? Ce n'est pas terminé avec l'avis, là?

M. Iglesias (Juan Roberto): Non, non, non. Il est actuellement en discussion à différents niveaux, tant au niveau des tables des médecins, des fédérations médicales, au niveau du ministère lui-même et au niveau des régies régionales.

M. Copeman: O.K. Dans l'objectif de produire un autre avis ou...

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui. Deux autres avis.

M. Copeman: Deux autres.

M. Iglesias (Juan Roberto): Un qui parlerait du mode d'organisation propre aux médecins de première ligne, avec leur mode de rémunération, la même chose pour les médecins spécialistes.

M. Copeman: Est-ce que ces avis-là vont être pertinents, dans le temps, pour le ministre en ce qui concerne le virage ambulatoire?

M. Iglesias (Juan Roberto): Nous pensons que oui. Nous pensons que le premier, sur la première ligne... Dr Dugré, il va être prêt pour quand?

M. Dugré (Yves): Probablement en décembre 1996 également. Nous sommes actuellement en consultation avec les médecins qui sont impliqués dans la première ligne, particulièrement des omnipraticiens, soit des unités de médecine familiale, des fédérations, etc., pour valider un peu la première partie, qui parle d'inscription des malades et où on parle maintenant de l'implantation même de ces systèmes-là. Nous sommes en période de consultation et ça devrait être bon pour décembre 1996.

M. Copeman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe.


Effets de la rémunération à l'acte

M. Dion: Merci, M. le Président. Évidemment, n'étant pas des médecins, n'étant pas spécialistes en santé, nos questions ont parfois une autre préoccupation, mais la préoccupation a été soulignée tout à l'heure par M. le député de Robert-Baldwin concernant la question de la rémunération et du mode de rémunération. Je vois qu'il n'y a pas eu, je pense, de recherches spécifiques ou de recommandations spécifiques quant à ça. Mais vous avez quand même beaucoup insisté, ou, en tout cas, vous avez parlé, vous êtes revenu à quelques reprises sur deux points: la pertinence des actes médicaux, d'une part, et la responsabilisation des médecins.

Évidemment, c'est bien sûr que les médecins sont des gens très responsables et très désintéressés, comme tous et chacun d'entre nous, mais le mode de rémunération à l'acte, ne considérez-vous pas que c'est une forme d'incitation à poser le plus grand nombre d'actes possible ou, en tout cas, nécessaires pour, indépendamment... oui, que c'est une incitation à créer, à poser le plus grand nombre d'actes possible, parce que c'est ça qui assure le pain quotidien, quoi? Est-ce que ça ne va pas directement à l'encontre des deux principes que vous avez avancés concernant la pertinence des actes et la responsabilisation de toute la mécanique de soins?

(17 h 10)

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, la question de la rémunération est une chose très importante. C'est ça que le comité du Dr Dugré regarde, entre autres, d'abord au niveau de la première ligne, parce que c'est ceux... Le mode de rémunération à l'acte comme tel, il ne faut pas lui non plus le... il a rendu des fiers services au Québec. Il a fait, entre autres, que l'accessibilité au niveau des services a été très bonne, par opposition à certains autres modes purs comme il a été essayé en Angleterre au niveau de la capitation, où le médecin était payé purement et simplement pour un certain nombre de personnes à soigner et où l'accessibilité était plus ou moins bonne. Donc, les gens se plaignaient de ne pas être capables de voir le médecin, ce qui n'est pas le cas ici, en général.

Alors, le mode de rémunération à l'acte a besoin d'être réanalysé et probablement d'être remplacé par un mode mixte où il y a différents types de rémunération, soit pour des responsabilités propres et certaines choses qui devront continuer d'être rémunérées à l'acte. Au niveau de la médecine spécialisée, par contre, la chose me semble un petit peu plus complexe. Il faut trouver un mode, que nous ne connaissons pas encore, mais qui tiendra compte également des responsabilités du spécialiste.

Ce que je vous dis, c'est qu'on décrie beaucoup le mode de rémunération à l'acte. Effectivement, il y a les problèmes que vous mentionnez, mais il faut faire attention qu'en corrigeant ces problèmes-là on ne tombe pas dans les problèmes qui sont l'envers de la médaille. Vous parlez, en réalité, de surproduction d'actes, c'est ça que vous mentionnez dans vos propos. Surproduction ou multiplication, incitation à produire des actes versus, de l'autre côté, d'autres modes de rémunération qui entraîneraient une sous-production. Il faut trouver la balance entre les deux, et c'est ça que l'équipe du Dr Dugré cherche à faire. D'ailleurs, Dr Bois, je ne sais pas si vous voulez – Dr Bois est cardiologue, il travaille dans le milieu ultraspécialisé – peut-être que vous avez quelque chose à signaler par rapport à ça? Peut-être quelque chose que vous vouliez ajouter par rapport à... Vous êtes un homme d'expérience.

M. Bois (Marc A.): Ah! un peu d'expérience. Non, je ne pense pas, pour le moment.

M. Iglesias (Juan Roberto): Je vous voyais songeur. Moi, ce que je vous dis, c'est que le mode à l'acte, ça fait longtemps qu'on le décrie, mais il ne faut pas jeter par-dessus bord le bébé avec l'eau du bain, il faut regarder ce qu'on vise par un mode de rémunération. Par un mode de rémunération, on vise à reconnaître une tâche, une responsabilité particulière, et c'est ça qu'il faut faire. Dans certains cas, c'est évident que le mode de rémunération à l'acte est parfait, dans d'autres cas, lorsqu'il s'agit de responsabilités globales, des prises en charge, il est moins bon.

M. Dugré (Yves): Ce qu'on a constaté... Avant de s'avancer dans ce domaine-là, on a regardé vraiment la réalité de la pratique médicale qu'on vivait au Québec. Nous sommes tous des médecins en pratique, effectivement, donc on apporte notre connaissance là-dessus, et on s'est aperçus... Un des problèmes qui a été mentionné et qui revenait souvent, c'est un peu la fragmentation des soins: un patient a son cardiologue, son gastro-entérologue, son orthopédiste et il a son médecin de famille, parfois. Je dis «parfois» parce qu'il y a une différence dans la pratique médicale en milieu urbain et en milieu métropolitain. Souvent, en milieu métropolitain, c'est difficile pour un patient qui sort d'un hôpital, par exemple, et puis qui a eu une chirurgie majeure, on lui demande: C'est qui votre médecin de famille? Ah, bien, moi, c'est la clinique Untel, c'est une clinique sans rendez-vous, ou des choses comme ça.

On a rencontré, donc, une certaine dérive de la pratique avec une fragmentation et, souvent, le patient se trouvait sans médecin responsable. Ça fait qu'on se dirige vers renouveler ou valoriser la notion, vraiment, de contrat qu'on avait, mettons, avant le régime d'assurance-maladie, où vraiment le patient connaissait, disait: Ça, c'est mon docteur de famille. Puis le médecin de famille connaissait ses patients. Revenir à la notion originale de contrat entre un médecin et son patient. Donc, valorisation du rôle de médecin de famille pour que le dossier du patient ait un endroit, un dépositaire de son dossier et de tous ses examens pour éviter cette duplication, pour que le cheminement du patient ne soit pas directement à l'urgence, qu'il y ait une responsabilisation du médecin par rapport à sa clientèle. S'il est en groupe... Favoriser la pratique de groupe pour ne pas que le patient soit entre deux chaises en fin de semaine, soit obligé de consulter à l'urgence, voie un nouveau médecin, puis que la visite de relance soit faite par un autre.

Ce sont des dérives qui sont venues avec la pratique, qui a été pertinente. Mais, dans une époque où on veut réorganiser de façon plus efficiente, rendre les soins les plus appropriés à meilleur coût, je pense que ça demande une porte d'entrée, que le patient sache où aller, qu'il puisse choisir son médecin également, qu'il ait la même liberté qu'auparavant de choisir son médecin et qu'il sache à qui se rapporter. Donc, c'est un peu cette dynamique-là qu'on veut regarder pour la médecine de première ligne. Ceci dit, si le patient consulte, toujours est connu de son médecin, il y a moins de chance qu'il y ait des consultations qu'on dit peut-être non pertinentes en deuxième ligne. Ça va dégager du temps pour les médecins spécialistes, jusqu'à un certain point, pour s'occuper des cas complexes qui relèvent de leur spécialité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Question additionnelle, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Moi, je suis d'accord avec ce que j'entends là, parce que vous voulez favoriser le lien le plus étroit possible entre le médecin de famille et le client. Mais je me dis: Comment vous allez faire pour contrer un peu la pratique qui s'est développée au cours des dernières années? On peut constater que les médecins font de la pratique en cabinet privé, sont obligés de faire des heures de garde en salle d'urgence, doivent assurer aussi un suivi auprès de ces patients qu'ils ont rencontrés en salle d'urgence et, pour éviter, enfin, une pratique qui les obligerait à faire, autant les fins de semaine que sur semaine, des visites en centre hospitalier de courte durée, ils ont développé une pratique qui est axée beaucoup plus sur une semaine de garde. On est de garde cette semaine-là et on voit les patients de tous les médecins qui ont eu à hospitaliser, pour quel que soit le motif, là, un certain nombre de patients.

Moi, j'ai été à même de constater que ce n'est pas toujours l'idéal, et ce n'est pas ça qui va faire que le médecin de famille va avoir un lien étroit avec son patient. Je pense qu'on a plutôt tendance à faire l'inverse de ce que vous émettez comme voeu. Je ne sais pas comment vous allez aller à l'encontre de cette pratique qui semble vouloir se généraliser dans beaucoup de centres hospitaliers de courte durée. Entre autres, moi, j'ai pu le constater dans le mien, et je sais qu'il existe ailleurs. Il n'a pas été inventé à Rimouski, ce style de pratique. Et puis, moi, je trouve ça très inquiétant aussi pour les patients. Les patients sont insécures, ce n'est pas nécessairement le même médecin qui les suit après une intervention que celui qui a procédé à l'intervention ou qui les a suivis en préintervention. Alors, vous voyez, avant l'intervention, pendant l'intervention et après, ce n'est pas nécessairement le même, parce que ce n'est pas nécessairement la même équipe, et, je veux dire, il y a de l'insécurité.

Je pense même que... J'ose dire, avec quand même des précautions, que ce serait drôle qu'on examine la qualité des actes médicaux. C'est sûr qu'un médecin, au moment où il a la responsabilité du patient, il va s'assurer qu'il n'arrive rien, qu'il ne soit pas imputable d'un événement malheureux qui pourrait survenir, mais, avant et après, je ne suis pas certaine, là, qu'on a le même type ou le même niveau de préoccupation, parce qu'il n'est pas sous sa responsabilité. Et tout ça m'inquiète, parce que ça ne rejoint pas l'objectif que vous voulez, là, qui est de faciliter le contact entre le médecin de famille et le patient comme tel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Dugré (Yves): C'est très intéressant, votre question, parce que ça touche vraiment au coeur de la réorganisation ou de la dynamique qu'on veut implanter. On a vu, effectivement, que le contrat original se perdait un peu dans le temps. Vous me dites: même dans des régions. Ce n'est pas une région rurale, mais c'est un centre régional où, traditionnellement, les patients avaient leur médecin de famille, et ça a tendance à partir à cause de la garde, etc., de beaucoup de causes. En fait, il y a beaucoup de raisons à ça.

Dans l'avis que nous avons produit récemment, dans les recommandations, vous pouvez voir, on parle d'inscription des malades, inscription du patient auprès d'un médecin ou possiblement d'un groupe de médecins. Et, un peu plus loin, on voit: L'argent suit le patient. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir cette chose-là? Donc, ça sous-entend qu'il y a un type de contrat entre le patient et le médecin: le patient choisit lui-même son médecin et le médecin reçoit un forfait, ce qu'on pourrait appeler un forfait ou un acte d'inscription de contrat. Vous choisissez votre médecin de famille et vous vous entendez. Moi, vous êtes mon médecin, et le médecin reçoit un type de forfait, qui sera une partie de sa rémunération. Il pourra continuer peut-être à l'acte, en partie, pour le restant jusqu'à un certain niveau.

(17 h 20)

Mais ce contrat-là, cet acte d'inscription là, si vous n'avez pas les services requis... Si vous avez une intervention chirurgicale, le médecin spécialiste, lui, il s'occupe de son épisode de soins, durant l'hospitalisation, parce que, dans ce plan, la première ligne, ça ne comprend pas les centres hospitaliers. Les centres hospitaliers sont dans la deuxième ligne, si on veut. Le dossier va chez votre médecin, et lui doit continuer maintenant le suivi par la suite. Et, si vous n'êtes pas satisfait, s'il n'est pas disponible ou, pour des raisons, vous vous êtes trompé dans votre choix, l'inscription du malade, vous la changez de place. C'est là qu'est la partie, disons, pour inciter, faire un changement de mentalités, si on veut, parce que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous n'aviez pas terminé.

Mme Charest: ...si vous me permettez, une petite vite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une petite vite, parce que le député n'avait pas terminé.


Évaluation des médecins

Mme Charest: C'est en rapport avec toute l'évaluation de la pratique médicale, parce que, ça aussi, je pense que c'est important et c'est dans le même ordre d'idées. Il y a des courants différents. Ce qu'on peut remarquer, règle générale, c'est que les médecins, j'allais dire plus âgés, acceptent plus facilement de se faire évaluer, alors que les nouveaux arrivants dans la pratique refusent, là – c'est vrai, là – dans certains cas, de se faire évaluer. Moi, je suis un peu inquiète par rapport à ça, parce que je pense que toute profession, quelle qu'elle soit, que ce soit médicale, que ce soit chez les architectes, ou peu importe, les ingénieurs, il y a un besoin ultime de valider au cours des ans à la fois l'expertise, l'expérience et l'acquisition de nouvelles connaissances qui peuvent survenir au cours de 20, 15 et peut-être 10 ans de pratique. Alors, là-dessus, j'aimerais ça savoir ce que vous avez comme position, le Conseil médical, par rapport à toute la question de l'évaluation des actes médicaux comme tels.

M. Iglesias (Juan Roberto): Peut-être que le Dr Deschênes va vous apporter quelques éléments.

M. Deschênes (Luc): Bien, en fait, c'est parce que je suis un petit peu surpris de vous entendre comparer...

Mme Charest: Quoi? Surpris. O.K.

M. Deschênes (Luc): Je suis un peu surpris de vous entendre, oui, comparer le refus d'évaluation des médecins par rapport à d'autres professions, alors que, à ma connaissance, les médecins au Québec sont peut-être les médecins les plus évalués.

Mme Charest: Écoutez, c'est pas des choses qu'on entend de façon publique...

M. Deschênes (Luc): Non, mais c'est parce que...

Mme Charest: ...mais c'est des choses, c'est des discussions qui ont lieu dans les milieux hospitaliers, dans les milieux où il y a pratique médicale, et c'est des débats qui se font entre les principaux intéressés, c'est-à-dire entre les médecins. Je sais pertinemment que, dans certains milieux, c'est ce qu'on a pu constater. Ça, je ne dis pas que c'est règle générale, mais ça existe.

M. Deschênes (Luc): Moi, je peux vous rapporter, en tout cas, les discussions qu'on a eues, les rencontres qu'on a eues avec le Collège des médecins. On a eu, cette année, plusieurs rencontres, puis on nous assure qu'il y a régulièrement ce qu'on appelle le Service d'inspection professionnelle qui visite les cabinets, qui visite les hôpitaux, qui regarde certains dossiers médicaux, etc., puis on nous assure que le Collège des médecins est... Parce que le Conseil médical, ce n'est réellement pas le but... notre objectif n'est réellement pas de juger de l'évaluation médicale d'un individu en particulier. Puis c'est peut-être dans ce sens-là aussi que...

Mme Charest: C'est dans ce sens-là que, moi, je vous parle. Parce que, quand je pense au Conseil des médecins et dentistes d'un établissement et que, là, les débats se font à ce niveau-là, sur la pertinence d'évaluer leur propre équipe par rapport à la qualité des actes qui sont fournis dans un établissement donné ou dans un milieu donné ou sur un territoire donné, c'est plutôt à ça que je fais référence plutôt qu'au Collège, qui vient une fois par trois ans, dépendamment, là, de la qualité, de la cote des établissements. Ça, je suis au courant, et ça, je ne remets pas ça en question. Ce que je voudrais savoir, c'est par rapport à ce qui se passe à des niveaux beaucoup plus micro, là, que macro, beaucoup plus local que régional.

M. Iglesias (Juan Roberto): Nous, on connaît bien ces mécanismes-là, mais on ne joue pas dans cette platebande de l'évaluation d'un acte individuel ou du Conseil des médecins et dentistes. Nous la connaissons bien, cette... mais on n'entre pas dedans. Il n'y a pas de lien, aucun lien. Il y a des liens, tu sais, avec l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens, qui est l'Association des conseils, pour échanger, pour explorer les problématiques qui ont de la pertinence, mais il n'y a aucun lien entre le Conseil des médecins et dentistes d'un établissement puis le Conseil médical, comme il n'y a pas non plus de lien entre la commission médicale des régies régionales puis le Conseil. Mais là c'est peut-être...

Mme Charest: Vous ne faites pas de lien avec l'ensemble de ces conseils médicaux régionaux là et votre...

M. Iglesias (Juan Roberto): Non. Il n'y a pas de lien. C'est des structures qui ont des mandats différents, là, mais nous sommes familiers avec cette problématique-là, puis l'importance... D'ailleurs, dans l'avis sur la pertinence, nous revenons dans l'analyse du rôle que devraient jouer les conseils des médecins, dentistes et pharmaciens, et nous faisons...

Mme Charest: Il y a quand même des liens dans ce sens-là.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, oui. Nous faisons des constats de ce que vous dites là, mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe. Je m'excuse si... Je vais en passer le plus possible, là, si on veut terminer vers 17 h 50, 17 h 52. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.


Effets de la rémunération à l'acte (suite)

M. Dion: Oui. Juste une très courte question. Je trouve ça très intéressant, la réponse que vous m'avez faite concernant le fait de regarder vers un genre de contrat ou de lien privilégié entre le patient et son médecin. Je pense que ça valorise la dimension humaine de ce travail-là, et ça peut constituer peut-être un antidote, une forme d'antidote contre l'incitatif puissant à la multiplication des actes que constitue la rémunération à l'acte. Mais est-ce qu'il faut conclure que vous êtes en train de préparer une étude? Et c'est quoi, le délai que vous vous êtes proposé pour émettre un avis à cet égard, concernant le mode de rémunération?

M. Dugré (Yves): Oui, mais, déjà, dans l'avis actuel, on parle d'inscription de patients, et le prochain avis, comme je l'ai dit, l'échéance est décembre 1996, où ce sera beaucoup plus actualisé. Je ne pense pas que ce soit le rôle du Conseil – je ne voudrais pas parler au nom de mon président – de donner des recettes clé en main sur un système de rémunération, parce que la rémunération, ça relève beaucoup plus de la négociation. Nous ne sommes pas un agent négociateur, mais nous voyons l'organisation des soins, et la rémunération est un des moyens incitatifs pour changer les façons de faire. Parce que, sur les contrôles – je pense, le Dr Deschênes l'a mentionné – on est vraiment contrôlés, on est dessous le lampadaire, parce que la Régie a des contrôles, le Collège des médecins a des contrôles. On voit tout ce qui se passe et on peut constater ce qui s'est fait. Mais le Conseil a pris l'engagement plutôt de regarder ce qu'on peut faire pour changer les mentalités avant plutôt qu'après. Et c'est de cette façon-là que l'organisation... Et la rémunération est un des moyens d'arriver à payer ou à rémunérer les médecins pour les vraies tâches dont on a besoin.

On a vu une dérive, particulièrement dans la rémunération, vers les aspects techniques. On dit tout le temps que les actes techniques, soit les examens ou... les examens de laboratoire, dont les techniques sont plus valorisantes au point de vue monétaire, souvent, que la partie cognitive. Donc, on veut renverser cette partie-là, justement, et c'est de cette façon-là. Donc, à votre réponse, c'est: Ça va être un bel automne.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Salaberry-Soulanges.


Médecins diplômés hors Canada et États-Unis

M. Deslières: Merci, M. le Président. Ma question concerne les médecins diplômés hors Canada, hors États-Unis. Vous avez été, je pense, impliqués dans la solution de toute la problématique. Moi, j'aimerais ça, pour le bénéfice de la commission, de mes collègues puis de moi-même, brièvement de nous décrire un peu la situation, votre solution et puis les résultats, les effets positifs qui ont été relevés de votre solution, s'il y en a.

M. Iglesias (Juan Roberto): Bon, écoutez, dans un premier temps, le Conseil a examiné, dans l'avis qui a été donné en février 1994, qui portait le nom de «Avis sur la place des diplômés hors Canada et États-Unis dans le contexte de l'accès aux services médicaux»... Vous vous rappelez que la problématique, c'est qu'il y avait certaines pressions qui amenaient à dire que c'est une solution pour la pénurie de médecins en région, c'était ça qui circulait. Nous, on avait... Écoutez, j'ai vécu dans le système, je connaissais bien la problématique, mais c'est une chose de connaître et de faire accepter.

Donc, on a réuni les données, on a discuté là-dessus, on a rencontré des régies régionales pour bien montrer au ministre que ce n'était pas le cas. Les médecins diplômés hors Canada n'étaient pas une solution, ce n'est pas eux qui contribuaient à la médecine en région, il y en a qui contribuent, ce n'est pas zéro...

M. Deslières: Globalement.

M. Iglesias (Juan Roberto): ...mais globalement; deuxièmement, que la problématique d'établissement en région de ces médecins-là, c'était tout un trouble, ce n'était pas quelque chose de facile, et parfois il fallait les amener quasiment avec le jugement pour les amener pratiquer en région.

Nous avons souligné également les problématiques de qualité que, selon nous, on voyait dans la pratique en région. Certaines pratiques de qualité, c'est-à-dire des capacités de ces médecins-là de s'adapter à la pratique québécoise en région, et même, par les résultats des examens, on voyait le taux d'échec assez élevé et même impressionnant que ces médecins-là avaient au niveau de... C'est qu'ils amenaient des coûts de formation puis de répétition puis tout ce que vous voulez. Bon, ça nous a amenés à dire que ce n'était pas la solution puis qu'il y avait aussi des problèmes à régler au niveau de la formation, ça a été le premier temps.

(17 h 30)

Le deuxième temps, on a proposé une solution. La solution, on a essayé de la proposer en pensant que ces médecins-là, c'est quand même des personnes, des citoyens et des citoyennes, québécoises, du Québec. Ils sont ici comme tout le monde, ils ont un accès équitable à la formation. Il faut aussi penser que les autres médecins, les autres candidats à la pratique de la médecine au Québec, eux aussi, doivent passer par des goulots d'étranglement assez marqués. Vous savez que... Tantôt, on parlait des 406 admissions. Je ne sais pas quel est le nombre de candidatures, mais il est assez effrayant, le nombre de candidatures qu'il va y avoir pour la pratique en médecine au niveau du Québec. Il va y en avoir peut-être 3 000, candidatures. Parmi celles-là, il va y en avoir seulement... 3 000 ou 4 000 ou, en tout cas, c'est un chiffre assez énorme. C'est au moins de l'ordre de un sur sept, l'année passée, qui avaient été pris. Les autres vont être retournés de côté. Bon. Ceux-là, ils sont arrivés ici, et la majorité savait déjà, la grande, grande majorité savait qu'ils n'étaient pas requis pour pratiquer la médecine au Québec. Donc, ils rentraient ici surtout en ayant le statut de réfugié. O.K.? Bon. Ils ne venaient pas ici parce qu'on était aller les chercher pour pratiquer la médecine. Bon.

Une fois rendu ici, il y a eu question d'équité. D'un côté, on démontre que le résultat pour couvrir nos besoins, en particulier les besoins des régions, n'est pas très grand. D'un autre côté, on remarque des problèmes de qualité au niveau de la formation. D'un autre côté, il faut une équité pour eux, il faut qu'il y ait des chances égales de pratiquer la médecine, il faut que les gens qui sont ici, quelle que soit leur origine, quand les gens sont ici, les gens qui passent par le système... Ça peut être des gens qui sont des immigrants et qui décident de postuler en médecine ou c'est déjà des Québécois de souche, il y a une certaine limitation.

Alors, ce qu'on a proposé, c'est la chose qui nous semblait la plus logique, on a dit: Il y a seulement une voie d'entrée en médecine, et la voie d'entrée en médecine, c'est la voie du prédoctoral. Le prédoctoral, c'est le cours de médecine. O.K. Et là vous postulez aux facultés de médecine. Vous allez être choisi et vous avez un acquis qui peut être supérieur, égal ou inférieur aux candidats.

Dans les candidats qui se présentent à la porte de la faculté de médecine, il y en a différentes sortes: il y a des gens qui viennent du cégep, ils ont un cégep en sciences de la nature; il y a des gens qui ont fait des doctorats et des maîtrises en sciences biologiques; il y a des gens qui s'amènent avec des doctorats en sociologie; il y a des gens qui s'amènent avec des maîtrises en musique. Il peut y avoir des gens qui s'amènent avec des doctorats en médecine et qui ont besoin d'actualiser leur pratique ici.

Les facultés de médecine vous prendront, elles vous prendront à l'intérieur des contingents réguliers, dépendant de vos qualités. Et si vous avez des acquis plus grands, elles vous donneront des crédits, comme la coutume est dans le monde universitaire. C'est la solution qui a été proposée. Il y a seulement une voie d'entrée en médecine pour tout le monde, et nous avons proposé une solution de «phasing out» pour les gens qui étaient en transition dans le système: une transition de trois ans qui permettait aux gens qui réussissent les examens, selon les mêmes normes que les gens qui sont originaires... de souche québécoise, d'aller pratiquer.

Alors, nous sommes maintenant en deuxième année de la période de transition et les gens ont pu appliquer, à partir de cette année, aux universités québécoises. Actuellement, au Québec, il n'y a qu'une voie d'entrée: quelle que soit votre formation antérieure, c'est la formation en médecine. Si vous êtes assez bon, on pourra vous créditer deux ans de formation en médecine et vous n'aurez que deux ans à faire. C'est ça le mécanisme.

M. Marsan: Pour tout le monde.

M. Iglesias (Juan Roberto): Pour tout le monde. Alors, tout le monde est égal. C'est la même équité pour tout le monde et ça assure également la qualité des gens quand ils vont aller en région, ou en ville, ou n'importe où. Il n'y aura pas de médecins de deuxième zone, de médecins dont on dit qu'ils ont eu une intégration plus ou moins partielle, dont la qualité est douteuse. Tout le monde aura la même formation, les mêmes normes, les mêmes critères de promotion, tout le monde passera par le même système.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député, est-ce que c'est terminé? M. le député de Robert-Baldwin.


Services médicaux assurés

M. Marsan: M. le Président, j'aurais quelques questions sur les services médicaux assurés. Vous avez un comité sur les services médicaux assurés. Juste nous rappeler peut-être rapidement son mandat, son fonctionnement et les résultats aussi qu'il a pu atteindre jusqu'à maintenant.

M. Iglesias (Juan Roberto): Est-ce que le Dr Bois, qui est le président, veut répondre au député?

M. Bois (Marc A.): Oui. Dr Iglesias vous disait un peu plus tôt que le comité était arrivé à proposer une définition du «requis au point de vue médical». Étant donné que dans la loi, soit de l'assurance-hospitalisation ou de l'assurance-maladie, il n'y avait pas de définition, et plus, il n'y avait pas non plus, dans les notes explicatives, de définition, donc c'est un peu comme si tous les services médicaux qui se donnaient à ce moment-là étaient assurés comme requis au point de vue médical.

Le travail du comité, par la suite, à part de valider sa définition, ça a été de se dire: Bon, cette définition-là est large, il faut la pondérer. Alors, nous l'avons pondérée concernant les services requis sur une base individuelle et, également, nous avons fait aussi un chapitre sur la santé publique, c'est-à-dire les services dispensés sur une base populationnelle.

Il fallait, après ça, passer au travers de plusieurs critères pour essayer d'arriver à une grille d'analyse qui amènerait une grille de pondération, parce que si un service médical actuellement assuré est requis au point de vue médical, selon la définition avancée, il devient assurable. Ça ne veut pas dire qu'il va être assuré. Alors, il devient assurable.

Notre grille d'analyse. En passant au travers de plusieurs comités, nous avons retenu un principe: l'équité. C'est-à-dire une justice distributive pour préserver les individus, pour que si on prend une décision, qu'elle soit juste pour les individus et les différents sous-groupes de la population. Alors, nous sommes arrivés avec une grille d'analyse et nous avons fait une brochette de recommandations, dont, en particulier, l'inscription de cette définition-là dans la loi.

Parce qu'il ne faut pas oublier une chose: il y a 8 000 codes. Alors, il s'agit de savoir si les 8 000 codes passent le test de la définition du «requis au point de vue médical». Et il y a 80 000 000 d'actes qui sont posés, donc, il faut trouver une grille pour savoir s'ils sont pertinents. Tous les éléments de pertinence, d'efficacité, d'efficience, etc., on les retrouve dans notre grille d'analyse.

Lors du dernier conseil médical, nous avions deux volets, dans notre mandat de départ, qui étaient: un, d'arriver à une définition du «requis au point de vue médical» et puis une grille de pondération; et, deuxième volet, relativement aux frais à l'usager, autrement dit. On a donné un certain scénario: comment procéder avant d'arriver à penser à une coassurance, une désassurance ou des frais à l'usager. Le volet actuel à l'étude, c'est justement la contribution des usagers, mais nous n'avons pas encore arrêté aucun choix.

Si vous regardez la brochette de recommandations, on voit un scénario progressif. Il faut commencer par savoir si c'est requis au point de vue médical; après ça, le test des grilles d'analyse, de pondération, etc., je pense que c'est important. On fait, entre autres, des recommandations: avant de penser à une désassurance, il faut penser à d'autres mécanismes, il faut être certain que tout est pertinent, etc.

Alors, les travaux actuels, futurs, ça va être surtout de travailler sur la contribution des usagers, sous quelle forme, en tenant compte de ce qui est actuellement, etc., mais il n'y a rien d'arrêté, c'est des préliminaires, c'est le deuxième volet de notre comité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin? Là-dessus?

M. Brien: Ça a rapport...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Parce qu'elle était à trois volets. C'est là-dessus?

M. Brien: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): O.K., allez-y.

M. Brien: Merci. Merci, M. le Président. Alors, disons qu'en écoutant parler de tarification... j'ai appris récemment... Peut-être que vous le saviez depuis plus longtemps que moi, mais j'ai appris récemment qu'il y a des médecins qui pratiquent une médecine privée et payée par le client. C'est-à-dire que quelqu'un peut se présenter ou même appeler le médecin en question, et le médecin va à la maison et puis facture, dit: Bon, ça coûte 125 $, par exemple. Est-ce que c'est un phénomène que se répand de plus en plus et est-ce que vous avez des statistiques ou des informations à ce sujet-là?

M. Iglesias (Juan Roberto): On entend, de façon épisodique, certains phénomènes comme celui que vous mentionnez là, mais, pour moi, actuellement, je n'ai pas de quantification, je n'ai pas de portrait de ce phénomène-là. Je ne peux pas vous donner de statistiques.

M. Brien: M. Iglesias, est-ce que vous ne pensez pas que, sous prétexte d'être mieux servi, il y a un deuxième type de médecine qui va être en demande? Appelez ça une médecine de luxe, mais où est-ce que quelqu'un veut un médecin, il ne veut pas attendre en clinique médicale, ne veut pas attendre à l'hôpital. La personne veut être soignée et est prête à débourser pour ces services.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, dans nos réflexions, y compris celle du «médicalement requis» et celle de l'étude de la tarification à l'usager, nous considérons toujours... Pour nous, c'est un risque, c'est un effet secondaire à éviter, le fait d'avoir une médecine à deux vitesses, mais c'est toujours le danger qui guette un système qui est en contraction de ressources.

C'est évident que c'est un risque qui est toujours présent, mais, nous, nous le considérons comme étant, peut-être de façon un peu caricaturale, comme étant la fin du monde pour nous autres. En tant que Conseil, nous voulons garder l'unicité du système, l'accessibilité équitable. D'ailleurs, c'est l'équité qui a été retenue comme le premier critère, et nous sommes bien conscients que les manoeuvres... Il y a des forces actuellement dans le système qui pourraient amener une brisure de cette unicité du système.

(17 h 40)

M. Brien: Parce que vous savez comme moi, M. Iglesias, quand on regarde les laboratoires privés actuellement, bon, en l'espace de 24 heures ou même dans la même journée, on a des résultats. Ce sont des choses qui se développent de plus en plus.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui.

M. Brien: Puis, vous savez, quand on a mal, il n'y a pas de prix. Bon. Je comprends qu'il y a le système traditionnel, mais, moi, je vous invite à réfléchir, si ce n'est pas déjà fait, sur la venue d'une deuxième médecine. Quelqu'un qui dit: Moi, je suis prêt à payer. Peu importe, à 3 heures du matin, si je veux un médecin, j'ai quelqu'un qui vient chez moi. Puis je pense que c'est un phénomène qui peut s'accentuer.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est bien possible, là, que... Je ne sais pas si, dans votre intervention, vous dites que vous supportez jusqu'à un certain point cette approche-là ou si vous ne la supportez pas, nous, on vous dit clairement: Nous, on n'envisage pas ça. C'est-à-dire que la journée qu'on sera rendu là, on va avoir beaucoup de difficultés. On va commencer par quelque chose qui semble assez bénin. Par exemple, comme vous dites, avoir mon test de laboratoire ce matin plutôt qu'après demain, ça semble assez bénin. Nous, on pense que c'est la porte du début de la fin par laquelle le système public périra. Parce que, une fois...

M. Brien: Mais la Fédération des médecins permet ce type de travail-là.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, moi, en tant que système... Nous, comme Conseil, nous n'avons pas ça dans nos valeurs. On garde une unicité de système. C'est pour ça que j'ai tenu à lire les valeurs fondamentales du Conseil.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je dirais deux questions maximum, et après ça, on...

M. Marsan: Oui. On va essayer, oui. J'ai apprécié les descriptions que vous nous avez faites du comité, comment ça fonctionne, et tout ça, et j'apprécie aussi la recommandation que vous nous avez dite verbalement, mais qui est écrite, je pense, à la page 38, qui est: Avant d'envisager la contribution des usagers ou la désassurance de services, le Conseil estime que les solutions de rechange devraient avoir été pleinement exploitées, comme la pertinence des services, l'organisation et la révision des modes de rémunération.

Moi, j'éprouve, je vais vous dire, une difficulté. Comme je vous ai dit au début, on vient de terminer l'étude des crédits, et, dans le livre des crédits, il y a eu une phrase anodine, mais qui en dit assez long, où on prévoit, dans le courant de l'année, réviser les services qui sont assurés. Et, moi, ça me cause beaucoup d'inquiétude. Vous semblez nous dire qu'à ce moment-ci vous n'avez pas transmis d'avis au ministre sur la désassurance de certains services qui étaient auparavant assurés. C'est ce que vous nous dites.

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est-à-dire, par contre, M. le député, c'est que l'avis lui-même contient le matériel suffisant puis l'armature suffisante pour éliminer les services qui ne sont pas médicalement requis. Donc, ce qui n'est pas médicalement requis, on dit: Ça devrait être le premier niveau.

Premièrement, est-ce qu'on a des services actuellement qui ne sont pas médicalement requis? Et ça, l'avis est suffisant pour procéder immédiatement à la révision de ce qu'il y a actuellement puis d'enlever ce qui n'est pas médicalement requis. Donc, ça, c'est clair. Maintenant, s'il faut aller maintenant plus loin... Vous dites: Avant d'aller plus loin, il faut... Mais ce qui n'est pas médicalement requis, on devrait l'enlever immédiatement. C'est suffisant, c'est assez pour procéder. Le ministre n'a pas besoin d'attendre d'autres avis que ça pour procéder à cette élimination-là.

Je ne vous dis pas qu'il y en a énormément, mais il y a certainement des services qui ne sont pas médicalement requis. Exemple: il y a encore des procédures pour des fins esthétiques qui se font au Québec, qui sont assurées. D'après notre définition, ce n'est pas médicalement requis.

M. Marsan: J'aimerais ça, si vous voulez... En tout cas, je sais que vous avez parlé de la définition du «médicalement requis», c'est inclus dans les documents aussi, mais j'aimerais ça vous entendre. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples ou des pistes sur lesquels on peut penser que certains actes, certains services qui sont actuellement assurés ne le seraient plus parce que non médicalement requis?

M. Iglesias (Juan Roberto): Bien, je vous donne des exemples, moi, qui me viennent de ma réflexion à moi. Qui ne sont pas médicalement requis, il y a des actes de nature esthétique, de chirurgie pour des fins purement esthétiques, qui ne sont pas requis du point de vue médical, par rapport à cette définition-là.

Il y a également des examens qui sont demandés par des intervenants, des tiers, qui ne sont pas faits dans le but de soigner un problème de santé, mais une procédure administrative, qui ne sont pas requis et qui sont couverts actuellement par la Régie de l'assurance-maladie.

Il y a les traitements de certains niveaux d'obésité qui ne sont pas de nature morbide, entraînant des conséquences de maladie, qui, comme tels, ne sont pas requis.

Il y a également certains examens qui sont faits dans le but de la pratique d'un sport, purement et simplement, dont un certain nombre ne sont pas requis du point de vue médical.

Alors, c'est des exemples sur lesquels je pense que l'avis est suffisamment armé pour procéder immédiatement à l'identification de ce qui n'est pas médicalement requis.

S'il faut aller plus loin... là, on donne le premier guide qu'il faut suivre. S'il faut aller plus loin puis considérer des actes qui sont médicalement requis, mais qu'on doit considérer la désassurance parce qu'on est dans une situation telle que le budget n'est plus là, alors, là, on donne la démarche.

Il faut d'abord s'assurer que tout a été fait. Avant de procéder à enlever un acte qui est médicalement requis du panier de services, il faut s'assurer que tout a été fait pour être sûr que le système a atteint son plus haut niveau d'efficacité et d'efficience. Après ça, on suit les principes de la grille que le Dr Bois a mentionnés, et on y va. Les exemples que je vous donne, c'est des choses réelles, qui sont actuellement des services couverts qui pourraient être enlevés en appliquant la définition.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière question, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Des services dentaires. Toujours dans les exemples, là, les services dentaires, est-ce que vous considérez que c'est médicalement requis ou s'il y a des degrés aussi?

M. Iglesias (Juan Roberto): Bien, ce n'est pas des services médicaux, hein...

M. Marsan: Oui.

M. Iglesias (Juan Roberto): ...c'est des services dentaires. Mais notre travail est fait pour les services médicaux. Les services optométriques également, c'est pour les services médicaux.

M. Marsan: Alors, vous les excluez du...

M. Iglesias (Juan Roberto): C'est-à-dire, on ne les analyse pas avec notre grille. Il y a déjà 8 000 codes qu'on peut analyser avec notre grille, là; on va garder notre grille pour ces 8 000.

M. Marsan: O.K. Alors, votre conseil au ministre, c'est: Lorsque, selon votre définition, ce n'est pas médicalement requis, le ministre aurait, d'après le Conseil médical, le choix de désassurer certains services.

M. Iglesias (Juan Roberto): Oui, désassurer...

M. Marsan: Cependant, si le ministre a l'intention de regarder la désassurance de certains services...

M. Iglesias (Juan Roberto): Médicalement requis.

M. Marsan: ...médicaux assurés, médicalement requis, là vous dites: Un instant, il doit d'abord regarder la pertinence des services, l'organisation, la révision des modes de rémunération. C'est exact?

M. Iglesias (Juan Roberto): Il faut tirer le maximum des paramètres qui sont reliés à l'organisation puis à l'accomplissement du travail professionnel. S'il faut aller au-delà de ça, bien là il faut appliquer des critères qu'on donne également pour procéder. Et les grands principes, c'est l'équité, également l'impact au niveau santé de la population. Mais c'est une tâche beaucoup plus difficile.

On donne en exemple, dans le document, le document de l'Orégon. Et on dit, mon Dieu, qu'on n'arrive pas à cette chose-là, mais on la donne en exemple. Il y a des sociétés qui ont fait ces réflexions-là. Tout le monde parle de la voie de l'Orégon, et je pense qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui ont vu les documents originaux comme tels. Alors, on donne en annexe de l'avis le document de l'Orégon, qui, eux, pour leur système public, font un listing des services, avec des critères, puis ils s'en vont, puis il y a assez d'argent pour arriver à tel niveau, puis, là, s'il n'y en a pas assez, on coupe là, on coupe là, on coupe là.

Ce que nous voulions faire, c'est d'abord d'éliminer les actes qui n'étaient pas médicalement requis et aussi se donner un cadre de référence. S'il faut aller plus loin, qu'on ne le fasse pas en catastrophe, qu'on ne le fasse pas sans savoir ce qu'on fait. Alors, on voulait avoir un guide immédiatement.

Quelqu'un a posé tantôt... Je pense que c'est vous, M. le député, vous avez posé la question: Est-ce que ça arrive à un bon moment? Nous nous sommes dépêchés beaucoup parce que nous connaissons le contexte des finances et nous ne voulions pas que, s'il y avait désassurance, ça se fasse sans prendre les précautions, soit d'avoir fait des choses avant. Et s'il faut en arriver là, qu'on le fasse avec le moins de dommage possible pour notre système.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Robert-Baldwin, pour la conclusion.

M. Marsan: Oui. D'abord, vous remercier, Dr Iglesias, les membres de votre comité et aussi les membres, je pense, de la permanence, là, de vous être déplacés, d'avoir accepté de répondre aux questions, questions que je trouve aussi pertinentes des deux côtés de cette table. Je pense que ça contribue beaucoup à améliorer la connaissance que nous avions du Conseil médical du Québec.

Je souhaite, encore une fois, que votre avis soit requis dans le programme d'assurance-médicaments, parce que vous avez une expertise manifeste, juste à la présentation que vous nous avez faite. Et, en terminant, encore une fois, un gros merci pour cette présentation.

M. Iglesias (Juan Roberto): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski.

(17 h 50)

Mme Charest: Alors, ça me fait plaisir, au nom du gouvernement et au nom du ministre de la Santé et des Services sociaux, de vous remercier, M. Iglesias, ainsi que vos partenaires. Nous avons apprécié la qualité des informations que vous nous avez transmises. Et j'en profite pour vous dire que les avis du Conseil médical sont reconnus pour leur pertinence, leur justesse, et ils sont le fruit aussi d'une expertise qui est reconnue pas seulement au Québec, mais, je pense, au Canada et ailleurs.

Alors, je pense que c'est tout à notre honneur d'avoir au Québec un Conseil crédible. J'émets le voeu, cependant, que vos avis ne demeurent pas seulement au niveau des cercles des initiés, mais soient connus de plus en plus de l'ensemble de la population. Je pense que ça aiderait la population aussi à comprendre beaucoup plus les modifications que le système de santé vit dans le quotidien ou s'apprête à vivre dans les prochaines semaines, les prochains mois, et qu'on vit déjà depuis un certain temps. Alors, merci beaucoup.

M. Iglesias (Juan Roberto): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant de vous permettre de conclure, je voudrais vous souligner, répéter, pour celles et ceux qui ne savaient pas, que vous étiez le premier groupe qu'on entendait dans le cadre de la loi 198. Alors, ç'a été une expérience que je considère extrêmement positive.

J'ai posé une question et je voudrais être sûr qu'on n'a pas mal interprété ma question quand j'ai parlé, au tout début, du personnel et que ça a dévié un peu. La réponse de madame, je l'apprécie, et je pense qu'on a eu l'occasion d'apprécier grandement la question du bénévolat que, en particulier, les membres du conseil d'administration font. Il n'était pas question de mettre ça en doute d'aucune espèce de façon. On sait trop, nous autres, ce que ça veut dire, le bénévolat.

Souligner aussi l'ouverture, en tout cas, du moins, ce qu'on a semblé voir, nous, l'ouverture que vous avez manifestée non seulement dans le cadre de vos travaux, mais particulièrement dans le cadre de nos travaux à nous, la commission. Et si on décidait de vous demander, bien, on compte bien sur cette grande ouverture-là. Je vous remercie, chacune et chacun d'entre vous, et je vous permets, M. le président, de conclure.

M. Iglesias (Juan Roberto): Écoutez, pour nous, c'est un grand honneur puis une occasion d'informer la commission de nos travaux. Je ne pensais pas qu'en répondant sur les médicaments vous alliez nous ouvrir la porte. Alors, quand j'ai vu la porte ouverte, vous savez, pour nous, par rapport à la remarque, nous voulons que nos travaux soient connus partout et que vous puissiez en faire la promotion. Alors, c'est une occasion extraordinaire que vous nous avez donnée, puis l'après-midi a passé très rapidement. Ça a été très agréable et les questions ont été vraiment à point. Je suis bien content d'avoir mobilisé les présidents de comité; je pense que c'est un après-midi fort utile. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. La commission ayant accompli son mandat, je suspends la séance jusqu'à 20 heures afin d'exécuter un autre mandat.

(Fin de la séance à 17 h 53)


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