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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, October 22, 1996 - Vol. 35 N° 42

Consultation générale sur le document intitulé «Pour vous et vos enfants : garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Louise Harel
M. Henri-François Gautrin
M. Claude Boucher
M. Russell Copeman
Mme Lyse Leduc
M. Jean Campeau
* Mme Lucie Blais, CNBES
* M. Steven Kerstetter, idem
* Mme Huguette Labrecque-Marcoux, AFEAS
* Mme Marie-Paule Godin, idem
* Mme Lise Tremblay, idem
* Mme Ruth Rose, idem
* M. Michel Philibert jr, CPJ
* M. Marc-André Dowd, idem
* Mme Julie Lévesque, idem
* M. Claude Legault, Régie des rentes du Québec
* M. Jonathan Sauvé, Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec
* Mme Mélanie Presseault, idem
* M. Richard Ouellet, Comité national des jeunes du Parti québécois
* M. Louis-Martin O'Neill, idem
* M. Gérald A. Ponton, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec
* M. Jean Framand, idem
* M. Robert Caron, SPGQ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous salue, chacune et chacun d'entre vous, et nous souhaite encore une bonne continuité dans nos travaux.

Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charest (Rimouski) sera remplacée par M. Campeau (Crémazie); Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), par M. Gautrin (Verdun).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le document de consultation sur la réforme du Régime de rentes du Québec, intitulé «Pour vous et vos enfants: garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec». Est-ce que l'ordre du jour, tel que présenté, est accepté?

Avant de commencer, je voudrais juste souligner aux membres de la commission que, dans la feuille pour la cédule des prochains jours, celle du mercredi 23 est sautée – si je peux employer cette expression-là – mais il y a des démarches qui sont faites actuellement pour replacer les gens qu'on devait rencontrer mercredi à une date ultérieure, et on devrait, dans la journée d'aujourd'hui, être fixés. Alors, au lieu de terminer jeudi soir à 18 heures, il y a des grosses chances que ce soit jeudi dans la soirée ou une autre date. Mais on ne terminera pas jeudi soir.

M. Gautrin: M. le Président, j'ai cru comprendre qu'il y avait aussi un organisme qui voulait se faire entendre. Est-ce qu'on doit décider tout de suite ou est-ce que ce n'est pas à nous...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est en discussion, ça, actuellement, entre les leaders. Mais, effectivement, il y a un organisme... et tout ça est en train d'être réglé.

M. Gautrin: C'est les leaders qui décident, comme d'habitude.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous rappelle qu'on est dans un mandat de l'Assemblée. Alors, je n'essaierai pas d'interpréter quoi que ce soit, mais...

Alors, j'invite immédiatement les représentants du Conseil national du bien-être social à nous présenter leur mémoire, à vous présenter pour fins d'enregistrement, et vous pouvez procéder à votre 20 minutes. Merci.


Auditions


Conseil national du bien-être social (CNBES)

Mme Blais (Lucie): Alors, M. le Président, Mme la ministre, mon nom est Lucie Blais, je suis la présidente intérimaire du Conseil; je suis accompagnée par M. Steven Kerstetter, qui est le directeur exécutif, mais qui fait aussi de la recherche pour le Conseil.

Alors, le Conseil national du bien-être est heureux aujourd'hui d'avoir l'occasion de se présenter devant cette commission pour discuter de notre rapport «Améliorer le Régime de pensions du Canada», et plus particulièrement des parties de ce rapport qui, nous l'espérons, pourront s'appliquer au Régime de rentes du Québec. Vous le savez sans doute, le Conseil du bien-être est un groupe consultatif de citoyens qui a été créé par le gouvernement fédéral en 1969. Il a pour mandat de conseiller le ministre des Ressources humaines sur les questions se rapportant aux personnes vivant dans la pauvreté et aux gens à faibles revenus. Chaque année, le Conseil publie des rapports sur les politiques sociales, que la population en général peut se procurer sans frais.

Puisque la majeure partie de notre travail au Conseil se rapporte au gouvernement fédéral, vous vous demanderez sûrement, peut-être, pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. La principale raison, c'est que notre rapport, «Améliorer le Régime de pensions du Canada», a retenu l'attention de différents députés de l'Assemblée nationale. Le cabinet de la ministre a contacté le Conseil et nous a demandé s'il était possible de présenter un mémoire. Comme nous sommes soucieux de susciter la discussion pour une sécurité de revenus accrue pour les personnes âgées, nous avons été très heureux d'accepter cette invitation.

Je voudrais ce matin aborder certaines recommandations de notre rapport, qui touchent de près les délibérations de la commission sur les rentes du Québec. Nous voulons tout d'abord parler de l'échelle des gains assujettis aux cotisations des rentes du Québec et du Régime de pensions du Canada pour les travailleurs, par les travailleurs et les employeurs; ensuite, nous parlerons de la possibilité d'améliorer les prestations versées par ces deux régimes. Je crois savoir qu'on vous a remis notre document – celui-ci, là – parce que je vais m'y référer lors de ma présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Chaque membre en a une copie.

(10 h 20)

Mme Blais (Lucie): O.K. Alors, je vous remercie. On continue. La question de base des gains du Régime de pensions du Canada est étroitement liée à celle des taux de cotisation au régime. Le Conseil national du bien-être social a été déçu de constater que la taille de la base des gains n'a pas été étudiée dans le document de consultation fédéral. Dans le document de consultation sur les rentes du Québec, les seules propositions se répercutant sur la taille de l'assiette des gains visent le gel de l'exemption de base de l'année ou la réduction de l'exemption parallèlement à l'accroissement du revenu gagné.

Selon les dispositions existantes, les cotisations au Régime de pensions du Canada ne s'appliquent qu'à une tranche relativement étroite. Si la base des gains était élargie, il ne serait plus nécessaire d'augmenter les taux de cotisation aussi rapidement. De l'avis du Conseil, le compromis serait particulièrement intéressant, car il atténuerait l'incidence pour les travailleurs ayant un salaire inférieur à la moyenne. En 1996, l'échelle des gains cotisables s'étend de l'exemption de base de 3 500 $ jusqu'au maximum des gains annuels ouvrant droit à une pension, c'est-à-dire 35 400 $, ce qui représente à peu près le salaire moyen dans l'industrie.

On ose vous présenter, à titre de comparaison, la limite supérieure des gains cotisables dans le régime américain parce que, souvent, on se compare avec ce qui se passe aux États-Unis, puisque c'est nos partenaires au niveau de l'exportation. Le régime américain, lui, c'est 62 700 $US, qui représentent 85 900 $ en argent canadien. À notre avis, il serait dans l'intérêt des citoyens d'étudier quelle serait l'incidence d'un relèvement de la limite supérieure des gains cotisables du Régime de pensions du Canada, peut-être même jusqu'au double des limites afin qu'elles atteignent 70 800 $.

Nous avons demandé à l'actuaire en chef dans le bureau du Surintendant des institutions financières à Ottawa de déterminer quelle serait l'incidence d'un tel changement sur le taux de cotisation, année par année, pour une bonne partie du prochain siècle. Si une base dont la limite supérieure serait deux fois le salaire moyen était adoptée, le taux serait environ de 25 % inférieur, à la longue, à ceux prévus dans le système qui est en vigueur. Ceux-ci sont des projections pour le Régime de pensions du Canada; les principes pourraient être les mêmes pour le Régime de rentes du Québec, mais les réductions réelles pourraient peut-être être différentes. Alors, les actuaires de la Régie des rentes du Québec pourraient peut-être établir les taux pour chaque année, si les membres de l'Assemblée nationale leur demandaient de faire le calcul.

L'élargissement de la base des gains du Régime de pensions du Canada n'aurait pas pour effet de recueillir plus d'argent ou moins d'argent des travailleurs et des employeurs collectivement. Le montant total des cotisations serait le même. Par contre, il y aurait une importante redistribution du fardeau des cotisations. Les travailleurs dont le total des gains ne dépasse pas le maximum des gains annuels ouvrant droit à une pension et leur employeur verraient leurs cotisations diminuer, et les travailleurs gagnant sensiblement plus – au MGAP, là – ainsi que leur employeur, bien, eux autres paieraient plus. Alors, je vous réfère au tableau 5 de la page 17 de notre document, et je vais vous l'expliquer... Alors, on va attendre, je vais prendre mon petit verre d'eau.

Alors, comme vous pouvez le constater, le tableau montre les cotisations requises en l'an 2030 pour les travailleurs à différents niveaux de gains, selon la base des gains existants et selon la proportion de doubler la base de gains afin qu'elle corresponde à deux fois le maximum des gains ouvrant droit à une pension. Tous les chiffres sont exprimés en dollars de 1996 dans le but de faciliter l'évaluation des répercussions financières des propositions. Les chiffres donnés représentent les cotisations brutes avant le crédit d'impôt. En moyenne, les travailleurs profitent d'une économie d'impôts fédéral et provincial d'environ 26 % du montant de leurs cotisations au régime.

Les travailleurs gagnant la moitié du maximum des gains ouvrant droit à une pension verseraient 238 $ de moins par année en cotisations si la base était doublée, tandis que les travailleurs qui gagnent 35 400 $ économiseraient 534 $. Par contre, les travailleurs gagnant une fois et demie le maximum des gains ouvrant droit à une pension verseraient 400 $ et ceux qui gagneraient 70 800 $ en paieraient 1 335 $. L'élargissement de la base des gains du Régime de pensions du Canada serait évidemment intéressant pour les travailleurs à faibles revenus, mais pas du tout pour les travailleurs à revenus élevés. Par contre, cette situation pourrait changer si une augmentation des cotisations était accompagnée aussi d'une augmentation des prestations.

Dans le document de consultation du gouvernement du Québec, on avance l'idée de réduire la taille de l'exemption selon une échelle mobile. L'exclusion serait de 3 500 $ pour les travailleurs ayant seulement 3 500 $ en gains, mais elle diminuerait graduellement jusqu'à son élimination pour les travailleurs dont les gains équivalant au maximum des gains admissibles sont de 35 400 $ en 1996. Le Conseil national du bien-être croit que la proposition accentuerait le fardeau administratif imposé aux employeurs. Nous croyons que la meilleure façon d'élargir la base des gains vise le seuil supérieur de l'échelle de traitement. C'est pourquoi nous vous recommandons d'envisager la possibilité de doubler le maximum des gains annuels ouvrant droit à une pension.

Alors, après ça, on va parler de quelle sorte d'amélioration on pourrait faire aux prestations. Le Conseil national du bien-être considère depuis longtemps que l'amélioration des prestations du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec représente la mesure la plus importante que peuvent prendre les gouvernements pour mettre en place un système plus rationnel de revenus de retraite tout en enrayant la pauvreté parmi les aînés. Nous avons été déçus de voir le gouvernement fédéral et d'autres gouvernements provinciaux proposer des compressions majeures au Régime de pensions du Canada. Par contre, nous avons été très heureux de constater que, dans le document de consultation, le gouvernement du Québec adopte une position ferme contre de telles compressions. Malheureusement, ni le document fédéral ni le document du Québec ne proposent d'amélioration des prestations.

Dans un rapport diffusé en 1990 et intitulé «Réforme des pensions», le Conseil national – c'était celui-là, on ne vous l'a pas distribué parce qu'il n'est plus à jour, on les a repris là-dedans – formulait de nombreuses recommandations qui visaient à améliorer les prestations des deux régimes. Alors, on a repris certaines recommandations de ce rapport-là. Les deux régimes ont été conçus, dans le temps, pour offrir un revenu de retraite égal à 25 % des gains de carrière, jusqu'à concurrence du salaire moyen dans l'industrie. Les gouvernements ont fixé la limite à 25 % dans l'espoir que les régimes de pensions professionnels et les régimes enregistrés d'épargne-retraite et d'autres économies et investissements personnels pourraient fournir les revenus additionnels requis pour offrir un niveau de vie décent aux pensionnés. Malheureusement, cette attente s'est avérée irréalisable. Moins de la moitié des travailleurs rémunérés sont membres de régimes de pensions professionnels, et il n'y a aucune raison de croire que la situation s'améliorera dans le futur. Les régimes d'épargne-retraite et d'autres méthodes individuelles d'épargne-retraite continuent de profiter majoritairement aux personnes aisées.

Le Conseil national du bien-être social prie les gouvernements, et aujourd'hui le gouvernement du Québec, d'oublier leur réserve passée et d'envisager sérieusement d'étendre le régime. Une des solutions des plus prometteuses qui a été suggérée au fil des ans est l'approche de Cofirentes+, qui a été proposée en 1977 dans une étude qui avait été menée par le gouvernement du Québec. Cofirentes+ fait appel à une formule à deux paliers selon laquelle le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes remplacent 50 % des gains jusqu'à la moitié du salaire moyen et 25 % du revenu supplémentaire jusqu'à la moyenne. Grâce à cette formule, une pension pourrait atteindre jusqu'à 37,5 %. Encore là, on fait la comparaison avec le système américain. Nous, ici, présentement, c'est 25 %, et, du côté des États-Unis, c'est 42 % du gain moyen.

Puis là vous pouvez regarder ces chiffres-là au tableau 1 de la page 5 de notre rapport. Vous allez voir... Je ne vous parlerai pas des... C'est-à-dire qu'ici le maximum qu'un pensionné peut avoir, au Canada et au Québec, c'est 8 724 $, tandis qu'aux États-Unis c'est 14 000 $, mais ils paient plus cher aussi. Alors, c'est une avenue qu'on pense qu'on devrait regarder. Comme il a pour mandat de défendre les intérêts des Canadiens et des Canadiennes à faibles revenus, le Conseil du bien-être est naturellement ouvert aux propositions qui prévoient les plus importantes augmentations pour les personnes les plus nécessiteuses. L'approche de Cofirentes+ atteindrait ce but et elle accorderait des augmentations appréciables de prestations à tous les cotisants du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec.

Pour les gens dont les gains de carrière représentent la moitié du salaire, Cofirentes+ ferait passer la pension de retraite de 363,54 $ par mois à 727 $ en 1996. Dans le cas des gens dont les gains de carrière sont égaux ou supérieurs au salaire moyen, la pension passerait de 727 $ à 1 090 $. Cette formule augmenterait ainsi les prestations d'invalidité et les pensions de survivants, car ces deux pensions sont calculées, du moins en partie, en fonction de la taille de la pension de retraite du cotisant.

(10 h 30)

L'importante augmentation des prestations en vertu de l'approche Cofirentes+ s'accompagnerait naturellement d'une augmentation correspondante des cotisations. Le Conseil national a demandé à l'actuaire en chef du bureau du Surintendant des institutions financières à Ottawa de calculer les augmentations requises pour financer Cofirentes+, si la base des gains du régime de rentes du Canada était élargie parallèlement jusqu'au double du maximum des gains ouvrant droit à une pension. Les résultats sont présentés dans le tableau 9 de la page 25 du rapport. Encore là, vous pouvez constater que la base élargie des gains cotisables atténue en grande partie l'incidence des taux de cotisation plus élevés. Le taux maximum illustré dans le tableau, selon la base des gains existante, serait de 20,6 % en l'an 2030. Le fait de doubler la base réduirait le taux de prêt du quart, c'est-à-dire à 15,27 %. Un taux de cotisation combiné à 15,27 % est probablement plus viable à long terme, car il se compare au taux de cotisation actuel du régime de sécurité des États-Unis qui, eux, présentement paient 15,3 %, en 1996. De la même façon, nous croyons que les citoyens devraient avoir la chance d'examiner plusieurs solutions quant aux prestations majorées du Régime de pensions du Canada et aux bases de gains élargies ainsi que l'incidence qu'elles pourraient avoir sur leurs propres cotisations et prestations.

Une autre recommandation que nous avons déposée, c'est la retraite anticipée sans pénalité. Présentement, l'âge normal de la retraite prévu par les régimes de rentes du Canada et du Québec est de 65 ans. Les deux régimes autorisent les cotisants à prendre une retraite dès l'âge de 60 ans, mais seulement s'ils paient une pénalité équivalent à 0,5 % de la pension de retraite normale pour chaque mois avant l'âge de 65 ans. Les personnes qui prennent leur retraite à l'âge de 60 ans, par exemple, anticipent leur retraite de 60 mois et perdent 30 % de leur pension mensuelle intégrale du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec, et ces pertes sont définitives et continuent de s'appliquer lorsque les pensionnés atteignent l'âge de 65 ans. Il n'est pas rare que les régimes de pensions prévoient une pénalité pour les retraites anticipées, puisque les personnes finissent par obtenir en moyenne les mêmes prestations de pension au cours d'une vie qu'elles ont pour une pension intégrale à l'âge de 65 ans ou une pension réduite à l'âge de 60 ans.

Cela dit, les critères appliqués par le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec au sujet de l'âge de la retraite semblent excessivement stricts. Les deux régimes reposent sur l'hypothèse que les individus font normalement partie de la main-d'oeuvre rémunérée pendant 47 ans, c'est-à-dire qu'ils commencent à travailler à l'âge de 18 ans et continuent de le faire jusqu'à l'âge de 65 ans. Les deux régimes prévoient une disposition générale d'exclusion qui permet de faire abstraction d'un maximum de sept ans de faibles revenus ou d'absence de revenus pour les besoins de la pension. Quoi qu'il en soit, les régimes sont conçus en fonction de carrières qui durent 40 ans.

Les excellents régimes de pension professionnels sont de loin plus généreux. Le régime de pensions prévu pour les fonctionnaires fédéraux, par exemple, permet à ces derniers de toucher des prestations intégrales de retraite dès l'âge de 55 ans, à la condition d'avoir compté 30 ans de service. D'autres régimes utilisent une formule appelée la règle de 86 qui permet le versement d'une pension intégrale dès que l'âge du cotisant et ses années de service totalisent 86.

Le Conseil national est convaincu que le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec peuvent être beaucoup plus avantageux pour les travailleurs qu'ils le sont actuellement. Le Conseil estime que l'option de la retraite à 60 ans est une excellente politique publique. Il existe plusieurs façons par lesquelles le Régime de pensions du Canada pourrait permettre une retraite anticipée sans pénalité. Une des possibilités serait de permettre la retraite anticipée à l'âge de 60 ans à la condition que les travailleurs aient accumulé 40 ans de cotisation. Ce total comprendrait naturellement l'exclusion pour avoir élevé des enfants, tel qu'il existe présentement.

En dernier lieu, nous disons que le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec prévoient tous deux une disposition d'exclusion pour élever les enfants, qui s'adresse aux parents qui renoncent à occuper un emploi rémunéré pour demeurer à la maison lorsque les enfants sont encore jeunes. En vertu de cette disposition, les parents peuvent faire abstraction, pour les besoins de prestations de pension à venir, de toutes les années où ils n'ont pas eu de revenus lorsque les enfants avaient moins de sept ans.

Par exemple, une mère de deux enfants qui est demeurée à la maison pendant 10 ans, alors que l'un ou l'autre des enfants avait moins de sept ans, et qui par la suite a occupé un emploi durant 30 ans, un emploi rémunéré, pourrait se prévaloir d'une pension intégrale du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec. Elle ne serait pas pénalisée sur le plan des prestations pour s'être retirée pendant 10 ans du marché du travail pour prendre soin de ses enfants.

La disposition d'exclusion pour les enfants vient s'ajouter à la disposition générale d'exclusion applicable aux années où le revenu a été faible, sinon inexistant, et dont peuvent se prévaloir tous les cotisants du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec. Le Conseil du bien-être considère que la société doit une reconnaissance financière non seulement aux parents qui restent au foyer pour élever leurs enfants, mais aussi aux adultes qui y demeurent pour prendre soin de leurs parents invalides ou handicapés de tout âge qui devraient autrement être placés en institution. Il recommande d'accorder à ces personnes des prestations semblables à celles qui sont prévues par les dispositions d'exclusion pour les enfants. Lorsque ces changements auront été adoptés, il faudra trouver une nouvelle expression pour désigner ces nouvelles prestations, qui en reflétera la plus grande portée.

Nous remercions, M. le Président, les membres de la commission de nous avoir donné l'occasion de présenter certaines de nos recommandations. Et, si vous avez des questions, on se fera un plaisir de vous répondre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On va sûrement avoir beaucoup de questions.

Mme Blais (Lucie): Oui?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, madame. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, Mme Blais et M. le directeur du Conseil national du bien-être social, bienvenue. Est-ce votre première prestation ici, en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale?

Mme Blais (Lucie): Comme on le disait au commencement, il est rare qu'un organisme fédéral vienne à des consultations provinciales. Si nous n'avions pas été invités officiellement, nous n'aurions pas pris cette initiative, parce que nous sommes un comité aviseur fédéral. Alors, ça nous fait plaisir, oui, de venir participer ici.

Mme Harel: En même temps, je crois que vous avez une expertise, qui est amplement démontrée par votre présentation, ce matin. Oui?

Mme Blais (Lucie): Nous avions déjà, en 1990, écrit une réforme des pensions, parce que c'était déjà dans l'air en 1989-1990, avec le budget Wilson. Et, comme c'est encore dans l'air, on s'est dit: Il faut y remettre encore du poids. Parce qu'on n'avait rien eu en 1990. On croit, quand on regarde l'historique, que les gouvernements ont tardé à augmenter les cotisations, et on n'a pas le choix, ça va se faire. On veut une certaine amélioration et, tant qu'à le faire, on veut l'avoir de la bonne façon.

Mme Harel: En fait, prenez cette invitation comme une occasion à nouveau de vous faire entendre. Je comprends que, du côté fédéral, vous n'avez pas eu l'impression d'avoir été écoutés. Est-ce que je me trompe?

Mme Blais (Lucie): C'est-à-dire que nous avons présenté notre rapport à notre ministre. Le ministre des Finances en a pris connaissance. Nous n'avons pas discuté dans une commission comme telle. Nous avons fait une présentation lors de la consultation qui s'est faite pour les pensions du Canada, au mois de mai dernier, mais on n'a pas eu de réponse encore au moment où on se parle. Les décisions vont être prises par les ministres des Finances. Je pense que votre ministre des Finances du Québec siège aussi. La dernière rencontre des ministres était le 4 octobre. Il semblerait qu'il n'y a pas de décision de prise. On sait aussi, on pense qu'il devrait y avoir une décision de prise avant le 1er janvier 1997. Alors, on espère que le Québec va avoir un poids dans ça. Je ne sais pas si je me mets les pieds dans les plats en disant ça, mais...

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Mme Blais (Lucie): ...je suis Québécoise tout en étant canadienne, et je pense que ça va avoir une incidence...

Mme Harel: Écoutez, le Québec a un droit de vote...

Mme Blais (Lucie): Oui.

Mme Harel: ...aussi. Mais, comme vous le savez, depuis 30 ans maintenant, le Québec a son propre régime. En fait, vous êtes familière avec tout ça. Le 4 octobre dernier, les propositions discutées par les provinces ne contenaient pas ces recommandations que vous réitérez ce matin.

Mme Blais (Lucie): Non, non.

Mme Harel: ...et, en fait, peut-être, puisque vous êtes présente, avoir l'occasion de discuter avec vous plus amplement de cette proposition en particulier qui concerne l'élargissement de l'assiette des gains admissibles... Alors, vous nous dites: Il y a, d'un côté, une hausse de cotisations; il est possible de réduire cette hausse s'il y a élargissement des gains.

(10 h 40)

Mme Blais (Lucie): C'est ça.

Mme Harel: En même temps, évidemment la question qui se pose, c'est: Compte tenu des formules, n'est-ce pas, proposées, est-ce qu'on ne s'éloigne pas beaucoup d'un programme d'assurance contributoire, où l'assiette des gains sur laquelle est déterminée la cotisation à payer correspond à l'assiette, si vous voulez, des gains sur lesquels les personnes pensent recevoir des prestations? Et, avant que mon collègue le porte-parole de l'opposition ne vous pose la question, si je comprends bien, en tout cas, votre mémoire, c'est que, vous, vous n'avez pas de problème avec le fait que ce régime public ait des mesures d'assistance plutôt que d'assurance.

Mme Blais (Lucie): Nous, on parle d'augmenter l'assiette des gains cotisables puis on parle aussi d'améliorer ce système-là. C'est un peu pour ça. On n'a pas de difficulté à accepter qu'il doive y avoir une augmentation, mais on ne veut pas qu'elle soit trop vite et qu'elle ne rapporte pas. Parce que, vous savez, dans le document fédéral, on parlait d'augmenter la cotisation très vite et, après ça, on parle aussi de couper les bénéfices. Vous autres, au Québec, vous ne parlez pas de baisser les bénéfices à 22 %, comme il a été proposé dans le document fédéral. Et on se dit: Tant qu'à faire quelque chose, tentons de l'améliorer. Ça n'a aucune incidence sur le déficit parce que c'est payé par les employeurs et les employés. C'est à eux de décider. Je pense que, si on leur posait la question, pour avoir posé plusieurs questions à des travailleurs moins nantis, naturellement, qui aiment notre rapport, avec Cofirentes+ pour celui qui est mieux nanti, je pense que, oui, les employeurs et les employés accepteraient une augmentation de cotisation. Il s'attendent à en avoir une. Mais profitons de l'occasion pour l'améliorer.

Mme Harel: Mais, à ce moment-là, vous êtes consciente qu'il s'agit, en fait, d'augmenter très rapidement, mais pour une certaine catégorie de revenus, puisque, dans la combinaison que vous recommandez, à la fois de l'élargissement du maximum de gains admissibles qui est à 35 400 $, que vous proposez de doubler à 70 000 $, et puis vous proposez aussi de faire passer le taux de remplacement du revenu de 25 % à 50 % – ça fait passer, finalement, les cotisations...

Une voix: ...

Mme Harel: Pour le taux de remplacement, à 50 %, ensuite à 25 %, c'est bien ça, donc par tranche. Mais à ce moment-là, ça fait augmenter le taux de cotisation autour de 15 %. Alors donc, le taux de cotisation à 15 %, vous êtes consciente qu'on a franchi un seuil qui est vraiment un seuil très important. Le 13 % a enfin déclenché une sorte de sagesse qui a amené toute cette consultation au niveau du Régime de pensions du Canada, parce que les gens se disaient: 13 %, on ne peut pas arriver là. Et l'idée, justement, c'est de ne pas en arriver là en faisant en sorte qu'avant que la génération du baby-boom rentre à la retraite en l'an 2010 on puisse assez rapidement faire financer cette génération-là pour ne pas en arriver à laisser à nos enfants et à nos petits-enfants un taux de cotisation à 13 %. Alors, imaginez-vous, si on leur propose un taux de cotisation à 15 %... Je pense que, là, il y a comme un malaise dans le problème.

Mme Blais (Lucie): C'est sûr que notre document recommande 15,27 % en l'an 2030. On le compare avec 1996 du côté américain. Mais si on n'élargit pas la base, on va se ramasser avec un taux de 20 %. L'employé va en payer 10,3 %.

Mme Harel: Attendez...

Mme Blais (Lucie): Si on élargit la base...

Mme Harel: Attendez. Parce que le 20 % est quand même bien hypothétique. Je ne sais pas quels sont vos actuaires. Moi, je ne suis pas en mesure de vérifier si les miens me disent vrai ou pas, mais le 20 % c'est le taux de Cofirentes+ en 1976. Nous, on en est à un maintien des prestations. On n'a pas les mêmes problèmes, comme vous le savez, avec la gestion de la rente d'invalidité, et le taux de rendement a été plus élevé avec la Caisse de dépôt et placement. Mais on pense raisonnable de se fixer un horizon de 10 % à ne pas dépasser, si vous voulez. Ce n'est pas un plafond, en fait, ce n'est même pas un objectif, mais c'est, dans le fond, un seuil à ne pas dépasser, 10 %, dans la mesure où la génération qui est du baby-boom assume de cotiser maintenant, avant de prendre sa retraite.

Parce que, si cette génération, à laquelle, moi, j'appartiens, décide de passer pour un autre 10 ans, c'est évident que ce sont nos enfants et nos petits-enfants sur qui le fardeau va reposer. Alors, pour le même niveau de prestation à 10 %, ils vont avoir à payer 13 %. Tandis que, là, les gens qui prennent leur retraite, vous savez, la prennent avec un taux de cotisation de 5,6 %, mettons, cette année, et ont une valeur de 10 %. À un moment donné, il y a quelqu'un qui va payer l'écart. Ce quelqu'un-là, ou bien c'est nous maintenant, ou ça va être nos enfants ou nos petits-enfants plus tard.

Mme Blais (Lucie): Mais, Mme la ministre, je vais vous poser une question pour être certaine de vous donner la bonne réponse. Si je comprends bien, vous, au Québec, vous voulez l'augmenter à 10 % très vite. C'est ça? Nous, ce qu'on pense? On doit l'augmenter, mais graduellement et regarder une avenue.

Mme Harel: Vous êtes consciente qu'on fait un transfert intergénérationnel important.

Mme Blais (Lucie): Je suis consciente de ça, mais je pense que l'intergénération doit aussi savoir que, quand on a l'éducation, la santé, tous les programmes qui ont été mis en place dont elle bénéficie, c'est grâce à nous – on pourrait dire les aînés, en tout cas, ceux de notre âge – les baby-booms et nos aînés qui ont travaillé pour elle aussi. Et je pense qu'ils ont leur contribution à faire, ils en profitent, de ça.

Mme Harel: En fait, Mme Blais, c'est un grand débat de société. Vos propres arguments, j'ai eu l'occasion aussi de les utiliser en échangeant avec des représentants de la fédération des étudiants universitaires. Mais, en même temps, c'est difficile de ne pas faire face à cette réalité incontournable qui est que c'est un régime contributoire, que, dans ce régime contributoire, on se donne une valeur de 10 % puis on en paie juste 5,6 %, mais que nos enfants, eux, vont avoir une valeur de 10 % puis vont avoir à payer 13 % ou peut-être 15 % pour moins, finalement. Alors, il y a là, si vous voulez, certainement un problème.

Mais remarquez que, dans ce que vous apportez, hors toute autre considération – parce qu'il y en a une qui est incontournable, je vous la donne tout de suite – ce qui est intéressant, c'est que vous sortiez des sentiers battus. Alors, ça peut s'aménager, se reconfigurer autrement. Ce n'est pas nécessairement, disons, le taux de remplacement du revenu qui pourrait être modifié, c'est peut-être l'idée, sans doubler, d'aller chercher du côté d'une augmentation du maximum de gains admissibles, c'est-à-dire de lever le plafond. Vous savez que la Colombie-Britannique l'a proposé.

Mme Blais (Lucie): Oui.

Mme Harel: Ça, c'est quand même sur la table. Mais comment, par exemple... Vous savez, pour une province, avec la prestation des aînés annoncée par M. Martin au mois de février passé, ce serait impossible d'envisager une réforme, même dans le sens que vous la proposez. Ça signifierait que nos paiements de prestation des aînés diminueraient, étant donné, comme vous le savez, que c'est des vases communicants. Moins les gens vont épargner pour leur retraite, plus ils vont avoir la prestation des aînés. Il y a quelque chose d'aberrant, j'en conviens, mais c'est ça qui est annoncé.

Puis, d'autre part, s'il y avait une hausse de cotisations très importante, disons, avec le déplafonnement, pour financer la hausse des prestations, alors il n'y aurait pas, en conséquence, les bénéfices d'une réduction d'impôt payable au gouvernement fédéral, puisque ça ne suivrait pas, ce ne serait pas harmonisé, si on y allait tout seul.

M. Kerstetter (Steven): Oui.

Mme Harel: Alors, comment vous dire, c'est vraiment deux gros empêchements, d'une certaine façon. Comme le système ne serait pas ajusté avec la prestation des aînés, tout l'argent que les gens épargneraient, à 37,5 %, par exemple, en moyenne de remplacement de revenus, c'est ça qu'il y aurait en moins de la prestation des aînés fédérale. Et puis finalement ils se trouveraient à avoir mis de côté de l'argent et à s'en faire enlever lorsqu'ils sont à la retraite.

Mme Blais (Lucie): Mais on parle toujours des salariés qui sont plus aisés que le petit travailleur. Dans une...

Mme Harel: On parle des salariés qui sont vraiment dans la moyenne inférieure. Parce que, dans la moyenne inférieure, c'est là que la prestation des aînés vient chercher un taux d'imposition autour de 70 %, 80 %. Ça peut même monter, avec nos chiffres, jusqu'à 90 % de ce que les gens vont avoir épargné, de ce qui va leur être enlevé, compte tenu de l'application de la prestation des aînés.

Mme Blais (Lucie): Je ne suis pas certaine de ma... Mais je voulais revenir... On parlait des jeunes. Vous savez, les médias ont véhiculé beaucoup de choses, que les jeunes n'auront pas de pension, mais je pense que c'est un mythe. Dans notre rapport – on n'en a pas parlé ce matin parce qu'il s'adressait plus au gouvernement canadien, parce que vous autres, au Québec, vous avez un autre genre de placement, au niveau des rentes du Québec – nous avons fait une recommandation au gouvernement fédéral de tenter de changer ce fameux mythe là, où on dit aux jeunes: L'argent a été prêté aux provinces à un taux moindre. Mais ça rapporte présentement 11 % pour les 20 prochaines années. Ça avait été basé sur les bonds du Canada. Alors, les jeunes sont mal informés, et nos médias contribuent à ça, on inquiète les jeunes. Est-ce que vous autres ici, au gouvernement du Québec, vous pouvez me dire que les jeunes n'en auront pas de pension? C'est faux, hein?

Mme Harel: En même temps, ce qu'il faut savoir, c'est qu'on décaisse depuis 1992.

Mme Blais (Lucie): Oui.

Mme Harel: Et puis, depuis 1983, on utilise les intérêts de la réserve puis, depuis 1992, on utilise le capital de la réserve. Alors, la réserve diminue. Il faut quand même assumer, comme collectivité, qu'on a une responsabilité de maintenir une réserve plus élevée quand le baby-boom va prendre sa retraite. Ça, on s'entend là-dessus.

Mme Blais (Lucie): Oui, il faut comprendre ça.

(10 h 50)

Mme Harel: Ça ne veut pas dire qu'il faut maintenir un fonds de réserve après qui reste à la hauteur de ce qu'il faut faire maintenant. Mais, ceci dit, je voulais quand même vous féliciter, parce que – je sais qu'il y a d'autres collègues qui veulent vous interroger – vous sortez vraiment des sentiers battus. Comme la question de la rente anticipée, vraiment, ça... Vous dites: Il y a une sorte d'inéquité de système – on pourrait dire systémique, dans le fond – ...

Mme Blais (Lucie): Oui.

Mme Harel: ...pour ceux des cotisants qui ont commencé à travailler jeunes et qui ont cotisé longtemps, en regard des autres qui ont commencé à cotiser plus tard et qui vont pouvoir bénéficier des années de faibles gains. N'est-ce pas?

Mme Blais (Lucie): C'est ça.

Mme Harel: Alors, vous dites: Il y a quelque chose là à regarder et sans ouvrir, peut-être, si vous voulez... sans réduction actuarielle... Parce que, là, vraiment, on a fait des calculs qui démontrent que ce serait extrêmement coûteux. Dans la priorité actuellement, je pense bien que c'est plus de maintenir au moins les prestations, au moins les acquis, sans trop augmenter les cotisations, mais en allant chercher la responsabilité qui fait qu'on ne va pas passer ça à l'autre génération. Mais il y a moyen sûrement de regarder si la réduction actuarielle ne pourrait pas être ajustée selon la présence sur le marché du travail. Vous nous avez amené une idée très, très, très intéressante, qui ne l'avait été par personne d'autre. La réduction actuarielle, elle est comme, si vous voulez, automatique.

Mme Blais (Lucie): Oui.

Mme Harel: Est-ce qu'elle ne pourrait pas, et je pense qu'on commence à faire des simulations, la réduction actuarielle, être ajustée à la présence au marché du travail? Dans un sens, ça favorise vraiment les gens qui ont déclaré leurs revenus et qui ont travaillé longtemps, même à petits salaires. Je vous remercie.

Mme Blais (Lucie): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Une très brève question. Je vous remercie de votre mémoire. Je suis aussi fier de constater que vous innovez, que vous sortez des sentiers battus. J'ai eu, moi, le bonheur d'être adjoint au premier directeur général du Conseil national du bien-être social, Len Shissrin...

Mme Blais (Lucie): Len Shissrin, O.K.

M. Boucher: ...et c'était William Dyson qui était le président du conseil d'administration. J'étais étudiant à l'Université de Sherbrooke. J'ai travaillé trois ans pour le Conseil et j'ai beaucoup aimé l'expérience. Évidemment, je passe sur ça.

J'ai une question à vous poser, ça concerne la retraite. Vous n'avez pas parlé ce matin de votre opposition au fait d'allonger la retraite à 67 et même à 70 ans, comme ça a été proposé ici. J'aimerais ça que vous nous parliez de ça un peu, de cette opposition-là, et des raisons.

Mme Blais (Lucie): On n'en parle pas, puisqu'on parle de la retraite anticipée sans pénalité.

M. Boucher: Ha, ha, ha! Oui, tout à fait.

Mme Blais (Lucie): C'est sûr que le système américain, c'est à 67 ans. On ne veut pas ça pour le Canada. Mais on pense que, politiquement, ce serait bon pour les politiciens de descendre ça à 60 ans sans pénalité. C'est donner de la place aux jeunes qui se plaignent qu'il n'y a pas de travail. Alors, c'est une façon de leur donner une façon de rentrer sur le marché du travail. Nous nous opposons catégoriquement à 67 ans.

Moi, je viens d'une région qui s'appelle l'Abitibi. Chez nous, vous savez, c'est les gens des mines et de la forêt. Alors, quand les hommes sont rendus à 55 ans et qu'ils sont sortis d'une mine, ou que la mine a fermé, ou la forêt, là... On le voit, les ressources naturelles s'en vont. Ces gens-là ne peuvent pas travailler physiquement jusqu'à l'âge de 67 ans, sauf de rares exceptions. Alors, on est contre le principe comme tel d'augmenter à 67 ans.

M. Boucher: O.K., mais c'est relié...

Mme Blais (Lucie): Je ne veux pas prendre ma retraite à 67, moi, je veux la prendre à...

M. Boucher: C'est relié beaucoup au fait de...

Mme Blais (Lucie): De la condition physique aussi des personnes.

M. Boucher: Et de la création d'emplois pour les jeunes.

Mme Blais (Lucie): C'est ça.

M. Boucher: O.K. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Moi aussi, je trouve que vous abordez un certain nombre de questions intéressantes. Je veux d'abord bien comprendre lorsque vous parlez des taux requis. On a eu un long échange avec la ministre sur les taux de votre proposition. Est-ce que c'est un taux sans capitalisation? Est-ce que c'est le pourcentage de la masse salariale qui serait nécessaire pour assumer les prestations que vous proposez?

Mme Blais (Lucie): On ne peut pas parler de capitalisation, dans le système actuel, on n'est pas une entreprise privée. L'entreprise privée se doit, dans les régimes...

M. Gautrin: Non, mais attendez un instant. Capitalisation...

Mme Blais (Lucie): Capitalisation...

M. Gautrin: Le Régime de rentes du Québec...

Mme Blais (Lucie): Oui.

M. Gautrin: ...est partiellement capitalisé, si vous me permettez.

Mme Blais (Lucie): Oui.

M. Gautrin: Et une des manières pour le Régime de rentes du Québec de ne pas imposer année après année le taux de cotisation qui correspondrait au pourcentage de la masse salariale nécessaire pour assumer les prestations du régime, c'est parce qu'on a eu dans le passé une certaine forme de capitalisation. Est-ce que ce que vous proposez là à l'heure actuelle – j'ai l'impression qu'elles sont calculées sur la situation du Régime de pensions du Canada – ne serait pas plus faible dans le cas du RRQ, compte tenu du fait qu'on a des revenus d'intérêts au RRQ?

Mme Blais (Lucie): Malheureusement, je ne peux pas vous donner une réponse puis être certaine de ma réponse parce que, nous, on a regardé...

M. Gautrin: Le RPC.

Mme Blais (Lucie): Votre système est financé différemment de celui du Canada

M. Gautrin: C'est ça.

Mme Blais (Lucie): Alors, on ne veut pas se mettre les pieds dans les plats. J'aime mieux pas.

M. Gautrin: C'est pour ça que je voudrais... À mon sens et à première vue, sans nécessairement faire l'analyse non plus, il me semblerait que les taux de cotisation que vous suggérez ici seraient plus bas dans un cas où il y aurait déjà une compensation par des revenus d'intérêts. Et ce dont vous parlez ici, c'est les pourcentages de la masse salariale, les sorties évaluées en pourcentage de la masse salariale au moment de l'année où vous parlez.

Mme Blais (Lucie): C'est ça, oui.

M. Gautrin: C'est ça que vous avez là et qui pourrait être différent dans le cas du RRQ, où on a une forme de capitalisation et où d'ailleurs on veut augmenter la capitalisation dans les questions...

Pour bien comprendre ce que vous proposez – et je veux m'assurer maintenant... Vous voulez déplafonner en quelque sorte le maximum des gains admissibles pour le monter plus haut. Est-ce que vous maintenez le principe de 25 %, c'est-à-dire que la rente maximale soit à 25 % du maximum?

Mme Blais (Lucie): On recommande, oui, de déplafonner, de un...

M. Gautrin: Ça, j'ai compris ça.

Mme Blais (Lucie): C'est ça. Mais, quand on parle de donner plus de bénéfices, c'est sûr qu'on est contre une diminution et on est même pour une amélioration, puisqu'on vous recommande d'aller sur le Cofirentes+ pour en donner plus aux moins nantis.

M. Gautrin: Oui, ça, j'ai compris. Mais prenons le cas où vous déplafonnez, c'est-à-dire que la contribution de quelqu'un se fait non pas sur la base de 33 000 $ et quelque chose, mais sur le double de ça. Vous voulez aller quasiment jusqu'au double. Est-ce que sa prestation de rente serait basée sur son salaire ou serait adaptée? Parce que, si vous augmentez, si j'ai bien compris... Je ne dis pas que je suis contre ce que vous proposez là. Mais ce que j'ai bien compris, c'est que vous dites: Pour assurer une forme de revenus plus équitable aux travailleurs qui participent au régime, les pourcentages de revenus de retraite seraient fonction de votre niveau de cotisation. Autrement dit, si vous avez un niveau de cotisation très faible, vous avez un pourcentage de revenus de retraite plus important, et, si vous avez un niveau de revenus, de salaire sur lequel vous cotisez plus important, votre pourcentage de retraite serait plus faible.

Mme Blais (Lucie): Dans un premier temps, nous gardons toujours la base pour le chèque de pension à 35 400 $; la pension qui existe présentement à 8 000 $, c'est ça qu'on laisse là.

M. Gautrin: Autrement dit, c'est ça, vous maintenez...

Mme Blais (Lucie): On le maintient là, mais on dit que...

M. Gautrin: Mais vous augmentez et vous déplafonnez.

Mme Blais (Lucie): On veut déplafonner pour s'assurer d'un partage de la richesse entre les plus aisés puis les moins aisés. Mais c'est pour ça que, pour améliorer...

(11 heures)

M. Gautrin: Je dirais que, dans un texte que j'ai écrit, j'ai dit la même chose.

Mme Blais (Lucie): Bon. Mais c'est pour ça qu'on demande de regarder le Cofirentes+, qui va dire: En déplafonnant, on améliore aussi la pension de celui qui paie plus cher, en haut du 35 400 $. Les deux sont interreliées. Si on veut avoir l'appui des travailleurs et les payeurs qui assurent là-dedans...

M. Gautrin: Maintenant, ça, je comprends ça. On aura probablement peut-être à échanger parce qu'on est dans une... Vous proposez évidemment des amendements, des modifications importantes sur le concept même du Régime de rentes. Vous n'avez pas tellement répondu à une question qui a été soulevée par la ministre, qui voulait d'ailleurs la poser avant que je ne vous la pose, alors je vais vous la poser quand même, dans ce cadre-là.

Le Régime de rentes a évidemment une double fonction. Il a une fonction d'être un régime de rentes, c'est-à-dire d'assurer une forme de revenu aux personnes lorsqu'elles prennent l'âge de la retraite. Mais est incluse dans le Régime de pensions du Canada et dans le Régime de rentes du Québec une assurance-vie, entre guillemets, parce qu'ils donnent des prestations au moment du décès. Et ça inclut même une assurance-invalidité. Un certain nombre de personnes qui sont venues témoigner devant nous ont dit: Il y aurait avantage à séparer les deux régimes de manière que l'on ait un véritable régime de pensions qui fonctionnerait d'une certaine manière, avec des cotisations qui sont fonction de l'activité économique, fonction de la démographie, et un régime d'assurance où, à ce moment-là, les cotisations seraient calculées sur une base différente. Est-ce que vous avez réfléchi sur ces questions ou pas?

Mme Blais (Lucie): On dit que le Régime de rentes, présentement, c'est une assurance. Ça, on y croit, à ça. Je pense que la discussion de changer le système...

M. Gautrin: Attendez. Il y a deux choses dans le Régime de rentes...

Mme Blais (Lucie): Oui.

M. Gautrin: ...il y a le régime d'assurance, vous êtes d'accord avec moi...

Mme Blais (Lucie): Oui, oui, oui.

M. Gautrin: ...et puis il y a un régime de pensions.

Mme Blais (Lucie): Mais la partie... Si on parle au niveau des handicapés ou de l'invalidité, je pense que c'est un autre dossier comme tel, et il ne faut pas essayer de tout changer, de tout réformer tout en même temps, il faut prendre le temps de le regarder comme il faut. Je pense qu'il serait même prématuré d'essayer de le faire dans l'immédiat.

M. Gautrin: Mais vous comprenez la différence qu'il y a entre les deux fonctions, les deux dossiers, si je comprends bien.

Mme Blais (Lucie): Oui.

M. Gautrin: Là, maintenant, je voudrais vous entendre – et je comprends bien que vous y avez réfléchi beaucoup – sur le fait d'étendre les mesures de retranchement aux personnes qui s'occupent de personnes handicapées. C'est quoi que vous voyez là?

Mme Blais (Lucie): Ce qu'on veut dire, c'est... Vous savez, quand on place des parents âgés en institution, ça coûte très cher...

M. Gautrin: Oui.

Mme Blais (Lucie): ...et ça pourrait peut-être permettre à certaines personnes de prendre soin de leurs parents au lieu de les envoyer en institut, comme on a donné la permission de s'occuper des enfants. Ça pourrait être un même genre d'exemption. À long terme...

M. Gautrin: C'est-à-dire d'augmenter pour ces personnes-là le nombre d'années de retranchement?

Mme Blais (Lucie): C'est ça. Il faut penser à cette société-là, compte tenu que la population est vieillissante. On l'a vu dans les statistiques.

M. Gautrin: Sur une autre question...

Mme Harel: Il y a plus de personnes âgées à garder que de jeunes, maintenant. C'est ça?

Mme Blais (Lucie): C'est ça.

M. Gautrin: Oui. Non, non, mais c'est intéressant...

Mme Blais (Lucie): Ça s'en va comme ça.

M. Gautrin: Non, non, mais c'est un point sur lequel, comme conseil, vous avez probablement dû réfléchir, sur le maintien des personnes plus âgées à domicile. Vous avez probablement réfléchi aussi sur ces questions-là parce que votre champ d'application n'est pas uniquement les régimes de rentes, j'imagine.

Sur la question de la cotisation des personnes qui bénéficient d'une rente et qui retournent sur le marché du travail, on a eu de nombreux échanges sur cette question-là, c'est-à-dire les personnes qui actuellement bénéficient d'une rente – et vous souhaitez d'ailleurs que la rente soit baissée – mais qui décident, pour toutes sortes de raisons, de retourner sur le marché du travail et qui ne cotisent plus actuellement au Régime de rentes. Est-ce que vous avez réfléchi sur ces questions?

Mme Blais (Lucie): On ne l'a pas vraiment discuté, mais on en a parlé, Steve et moi, tout à l'heure parce qu'on s'attendait à avoir cette question-là.

M. Gautrin: Oui.

Mme Blais (Lucie): Moi, je dois dire que, si j'étais une pensionnée, que je m'en allais travailler et que je devais repayer ma cotisation, oui, je la paierais. Je pense qu'on n'a pas à le changer, c'est-à-dire qu'on pourrait encourager ça, de la payer. Mais on ne l'a pas vraiment discuté au Conseil, alors je ne pourrais pas vous donner l'idée du Conseil; c'est plutôt une discussion...

M. Gautrin: Non, non, je comprends, mais c'est quelque chose sur lequel, à première vue, vous n'avez pas...

Mme Blais (Lucie): Mais on n'aurait rien contre le principe, si ça aide...

M. Gautrin: ...d'objection.

Mme Blais (Lucie): Non, on n'a pas d'objection à ça.

M. Gautrin: Vous comprenez que, si vous baissez l'âge de la retraite...

Mme Blais (Lucie): Oui.

M. Gautrin: ...vous risquez d'augmenter à ce moment-là le nombre de personnes...

Mme Blais (Lucie): C'est ça.

M. Gautrin: ...susceptibles de retourner sur le marché du travail. Parce que, s'il y a des gens qui ne peuvent pas travailler, il y en a d'autres qui, malgré tout, ont encore 60, 65, 67, 70 ans et qui ont le désir de travailler, de vouloir travailler.

Mme Blais (Lucie): C'est ça.

M. Gautrin: Je pense, M. le Président, que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce avait des questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Mme Blais, M. Kerstetter, question de poursuivre un tout petit peu peut-être les points que vous avez soulevés concernant la rente d'invalidité, vous dites, dans votre mémoire, page 33, que les gouvernements provinciaux ont déjà été saisis de la possibilité d'examiner toute la question d'assurance-invalidité, depuis un certain temps, et vous dites qu'on devrait mettre en veilleuse tout changement au régime de pensions d'invalidité en attente d'un examen exhaustif des programmes d'assurance-invalidité, y compris la possibilité d'un programme d'assurance-invalidité plus complet. Qu'est-ce que vous voulez dire par «plus complet»? Est-ce que, pour vous, on ne parle plus de mesures d'assurance? Est-ce qu'on envisage la possibilité de mêler assistance avec assurance afin de garantir un niveau de vie, un niveau de revenus convenable pour les personnes invalides?

Mme Blais (Lucie): Compte tenu que, pour une personne invalide, il y a toutes sortes de mesures à côté – la CSST, les ci, les ça, les ci, les ça – alors on dit... Pourquoi on dit de le mettre en veilleuse? C'est de le mettre en veilleuse puis de regarder tous ces systèmes-là qui touchent les personnes handicapées avant d'en faire un nouveau système qui viendrait dédoubler des choses. Et, quand on parle de personnes handicapées, bon, il y a toutes sortes de services de maintien à domicile ou toutes les choses que ça prend pour prendre soin d'une personne handicapée.

M. Copeman: Mais vous savez, j'imagine, qu'au Québec on a déjà arrimé nos programmes CSST, Société de l'assurance automobile du Québec et régime de pensions d'invalidité. Il me semble que, quand vous dites ça, il faut nécessairement déborder la question d'assurance pour y inclure des questions d'assistance. Personnellement, je ne suis pas contre ça, mais... Moi, j'ai essayé de comprendre si vous vous limitez vraiment à des mesures d'assurance, dans ma suggestion, ou si vous pouvez envisager également une refonte assez complète du système d'aide qui peut être fourni à des personnes handicapées au Canada.

Mme Blais (Lucie): Bien, ce qu'on avait en arrière de la tête, c'était l'ensemble de ces services-là et de l'assurance.

M. Copeman: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière question, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: C'est une question qui est plus une demande. Alors, ma question n'est pas vraiment une question sur votre rapport, ça va être une demande. Moi, j'ai été impressionné par votre document, mais je sais que vous êtes d'abord un organisme consultatif du gouvernement fédéral. Vos documents sont publics, mais on ne les reçoit pas tout le temps. Est-ce que de nous inclure sur votre liste...

Mme Blais (Lucie): Je vais vous dire, pour éviter des coûts – parce que, moi, je ne suis pas à la permanence – à la dernière page, vous avez l'adresse, je peux vous donner le numéro de téléphone, et vous pouvez vous inscrire et être sur notre listing, ça va nous faire plaisir.

M. Gautrin: Sur votre liste? Alors, immédiatement, moi, j'aimerais être sur votre liste d'envoi.

Mme Blais (Lucie): Je vais vous donner...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Alors, madame, monsieur, je vous remercie beaucoup de la préparation et de la présentation de votre mémoire.

J'invite maintenant les représentantes de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale à s'avancer.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'invite les représentants de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale à présenter leur mémoire.


Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS)

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Alors, je me présente, Huguette Labrecque-Marcoux, présidente provinciale de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale. J'aimerais vous présenter les membres du comité qui ont travaillé à la préparation du mémoire: Mme Marie-Paule Godin, première vice-présidente; Mme Lise Tremblay, attachée au plan d'action; et Mme Ruth Rose, économiste et professeure à l'Université Laval, qui nous a aidées tout au long de notre démarche.

(11 h 10)

Une voix: L'Université du Québec à Montréal.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): L'Université du Québec. Je savais que je me tromperais. Ha, ha, ha! Bon, c'est fait maintenant.

Alors, l'AFEAS, en préparant ce mémoire, en même temps vous a déposé, si vous voulez, la liste des groupes qui ont appuyé le principe du mémoire de l'AFEAS. Alors, vous retrouvez les noms des différents groupes. Ce qu'on voudrait aussi vous dire, c'est qu'en préparant ce mémoire on a tenu compte de la situation sociale vécue par les femmes présentement et des conséquences d'une réforme sur la vie des femmes. Tout au long aussi de notre présentation, il y a deux recommandations qui ont été adoptées dans le programme d'action des Nations unies dans le cadre de la conférence mondiale sur la condition des femmes, tenue à Beijing l'année passée, qui ont aussi été présentées dans notre démarche, c'est-à-dire la recommandation portant sur l'analyse comparative de l'impact d'une mesure sur les deux sexes, et l'autre, la reconnaissance du travail non rémunéré.

L'Association féminine d'éducation et d'action sociale est une association qui regroupe 20 000 femmes à travers tout le Québec. Depuis 30 ans, elle travaille à l'amélioration des conditions de vie des femmes et à la promotion de leur autonomie financière et personnelle. Afin d'atteindre ses objectifs d'éducation et d'action, l'AFEAS incite ses membres à s'impliquer dans leur milieu respectif et à rester vigilantes dans les dossiers qui concernent les femmes.

Il va sans dire que l'AFEAS est très préoccupée par toutes les réformes qui s'annoncent sur le plan des régimes de pensions et de retraite, tant au fédéral qu'au provincial, car tous ces bouleversements toucheront directement et durement les femmes. À nos nombreuses oppositions sur le sujet s'ajoute notre désir de lutter contre la pauvreté des femmes et surtout des femmes retraitées ou aînées.

La demande de l'AFEAS concernant la possibilité pour les travailleuses au foyer de participer au Régime de rentes du Québec et ainsi de pouvoir espérer une retraite plus confortable et décente devient de plus en plus pertinente. Depuis 16 ans, l'AFEAS se bat pour faire reconnaître le travail invisible des femmes. Certaines mesures du Régime de rentes du Québec et l'actuelle pension de la sécurité de la vieillesse sont une forme de reconnaissance de l'apport social des femmes. Mais les membres de l'AFEAS s'inquiètent de la fragilité des acquis et continuent de réclamer une plus grande équité pour toutes les femmes.

L'AFEAS possède de nombreuses positions concernant les régimes de pensions. Elle adhérait, en 1984, à la coalition; en 1994, elle révisait ses positions relatives aux divers programmes sociaux; en 1996, un comité provincial étudiait les documents de consultation du gouvernement et préparait des propositions qui furent étudiées, amendées et adoptées par l'ensemble de ses membres à l'assemblée générale. L'AFEAS accepte mal le désengagement réel et progressif de l'État vis-à-vis de la population et s'objecte à la mise en place de mesures qui représentent un recul pour les femmes. Les propositions exposées dans ce mémoire s'ajoutent et bonifient nos positions antérieures.

C'est évident que les différentes réformes inquiètent présentement et que le gouvernement est confronté à des défis de taille. Le défi de la démographie en est un; la durée de vie qui s'allonge encore de 1,4 an d'ici l'an 2030; par ailleurs, la natalité a considérablement diminué; et la question économique nous préoccupe. Mais il ne faut pas oublier les autres défis du gouvernement. L'appauvrissement d'une grande partie de la population – celui des femmes, entre autres – le manque d'emploi pour les jeunes, la monoparentalité et la précarité de l'emploi auront des conséquences sur le niveau de vie des gens tout au long de leur vie, incluant leur retraite. Par conséquent, les régimes publics de protection de la retraite doivent être conservés et bonifiés plutôt que diminués. Ils deviennent essentiels pour la population, surtout pour les femmes, qui en auront besoin de plus en plus. On n'a qu'à regarder les statistiques sur les personnes du troisième âge pour s'en convaincre. Je suis sûre que vous avez pris le temps de prendre connaissance du mémoire et que vous avez regardé l'annexe 2.

Maintenant, la pauvreté des femmes. Les femmes ont peu ou pas accumulé de rentes pour leur retraite à cause de leur arrivée tardive sur le marché du travail et du type de travail qu'elles ont accompli: travail à temps partiel, travail sous-payé. Elles devront compter sur un régime qui réponde aux besoins spécifiques des femmes. Or, le régime public est minimal, et c'est pour cela que les femmes sont pauvres. Il faut donc, au lieu de faire une réforme en projetant une baisse de prestations, penser à améliorer le régime pour éviter qu'encore plus de femmes soient pauvres.

Une étude du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, diffusée en avril 1995, démontrait que la majorité des femmes de 45 ans à 54 ans touchera un maigre revenu de la retraite. Ces femmes ont élevé des enfants pendant une certaine période, puis sont retournées sur le marché du travail rémunéré. En 1991, on disait que 70 % des femmes de 45 ans à 54 ans occupaient un emploi rémunéré, dont 21 % à temps partiel. La moitié de ces femmes gagnaient moins de 20 000 $ par année. Leur participation à des régimes de rentes était donc très faible. La grande difficulté de ces femmes et des femmes en général est que les régimes publics de protection de la retraite seront essentiels pour atteindre un niveau de vie acceptable et qu'elles en seront très dépendantes.

Aussi, les gouvernements ont beau parler de responsabilité individuelle face à la préparation de la retraite, encore faut-il en avoir les moyens. Et c'est pour ça que, en général, les Québécois et les Québécoises sont prêts à payer leur part d'impôts et de taxes. Mais seuls les régimes publics structurés correctement permettent d'assurer à la classe moyenne le maintien de leur niveau de vie après la retraite.

Mme Godin (Marie-Paule): Parlons maintenant du maintien des régimes publics de pensions. Au Québec, le revenu annuel moyen des personnes âgées de 65 ans ou plus s'élevait, en 1993, à 16 200 $, atteignant 20 800 $ chez les hommes et 12 960 $ chez les femmes. Le coût de nos régimes publics de pensions est le plus faible de tous les pays industrialisés, incluant les États-Unis, et continuera de l'être malgré le vieillissement de la population. Si nous n'investissons pas dans les régimes publics, il faudra assurer le revenu de retraite par le biais des régimes privés. Ceux-ci coûtent souvent aussi cher, sont beaucoup plus risqués et, en général, ne sont pas capables de couvrir adéquatement une grande partie de la population, particulièrement les femmes qui n'ont pas un revenu personnel suffisant. Il est donc essentiel et prioritaire que les régimes publics demeurent pour assurer une retraite décente à la majorité des femmes.

Maintien des acquis du Régime de rentes du Québec. Les membres de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale appuient les intentions du gouvernement de maintenir les quatre principaux acquis du Régime de rentes du Québec, soit le taux de remplacement du revenu de 25 %, l'âge de la retraite à 65 ans, l'indexation des prestations et le maintien de la mesure de retranchement des années de gains faibles ou nuls. Nous exigeons donc que soient maintenus les acquis actuels du Régime de rentes du Québec et nous nous opposons à toute coupure.

La hausse du taux de cotisation du Régime de rentes du Québec. Les membres de l'AFEAS ne veulent pas de coupures dans les bénéfices du régime. Elles sont, par contre, bien conscientes que les changements doivent se faire rapidement pour ne pas pénaliser les générations futures. Elles ont donc accepté la hausse du taux de cotisation, à condition qu'elle soit juste et équitable pour toutes et tous. Même du côté des employeuses et employeurs, on doit accepter cette hausse du taux de cotisation.

Ce qui nous préoccupe dans le financement du régime, c'est le fardeau laissé aux futures générations. Vu la nécessité d'agir assez rapidement, nous souhaitons que le gouvernement choisisse aussi d'autres mesures pour assurer un meilleur financement et contrer les effets d'une hausse trop rapide du taux de cotisation, entre autres l'élargissement de l'assiette de cotisation et le choix du niveau de la réserve. Nous demandons au Régime de rentes du Québec que le taux des cotisations soit augmenté de façon équitable plutôt que de baisser les prestations.

(11 h 20)

Concernant la reconnaissance du travail au foyer, la reconnaissance du travail invisible des femmes par l'intégration des travailleuses et travailleurs au foyer au Régime de rentes du Québec demeure un principe fondamental à l'Association féminine d'éducation et d'action sociale. Les travailleuses au foyer réclament depuis longtemps le droit de participer à un régime de pensions afin de vivre une retraite plus convenable. Les gouvernements ayant refusé aux travailleuses au foyer le droit de participer à des régimes de pensions, ils pourraient garantir une retraite décente par le biais de leur régime de protection de la retraite.

L'AFEAS supporte les démarches d'autonomie entreprises par toutes les femmes, qu'elles soient au foyer ou en emploi. Elle fait la promotion de la solidarité entre les femmes, rejetant toute division qui ne saurait être profitable. Demander des avantages pour les travailleuses et travailleurs au foyer ne signifie pas vouloir pénaliser ou diminuer les avantages destinés aux travailleuses ou travailleurs rémunérés. On a tendance à croire que le travail qu'effectuent les femmes dans l'intimité du foyer ne bénéficie qu'à elles-mêmes et à leur famille. Mais que serait notre société si les mères n'acceptaient plus de donner naissance et de prendre soin des enfants? Déjà, on a constaté que la crise des régimes de pensions provient en très grande partie de la baisse de la natalité.

Quant aux soins qu'accordent les femmes aux personnes en perte d'autonomie, il faut se rendre compte que ces services, fournis gratuitement à la maison, économisent des millions de dollars chaque année au gouvernement. Avec tous les bouleversements que nous vivons dans le domaine de la santé, les femmes vont sûrement avoir à contribuer de leur temps et de leur personne afin de combler les vides laissés par les coupures gouvernementales, et ce n'est qu'un exemple. S'assurer que les femmes qui effectuent ces tâches aient un revenu de retraite décent est la moindre des choses. Nous demandons au Régime de rentes du Québec d'inclure la période de l'éducation des enfants ou des soins aux personnes en perte d'autonomie et qu'elle soit calculée au minimum à 50 % du maximum des gains assurables pour toutes les femmes concernées, y compris celles qui sont au travail.

La période d'exclusion. Dans le contexte du virage ambulatoire et de la responsabilité familiale et individuelle, nous croyons que la clause d'exclusion, proposée comme une forme de reconnaissance du travail au foyer, devrait s'ajouter aux mesures déjà existantes pour les personnes qui prendront soin de personnes en perte d'autonomie. Nous demandons donc à la Régie des rentes du Québec qu'elle permette l'exclusion de périodes de faibles revenus ou d'absence de revenus pendant lesquelles une cotisante s'occupait des membres de la famille et qu'elle permette le versement de cotisations aux régimes de retraite ou dans des REER aux travailleuses et aux travailleurs devant interrompre temporairement leur emploi pour s'occuper de membres de la famille.

Mme Tremblay (Lise): Un autre aspect dont il faut tenir compte, surtout au niveau des rentes d'invalidité, c'est l'option que le gouvernement envisage en rapport avec le gel de l'exemption générale de base. L'avantage du gel de l'exemption, c'est que graduellement les personnes, qui sont souvent des femmes, travaillant à temps partiel et gagnant de faibles salaires annuels seront couvertes par le Régime de rentes du Québec. Ceci n'affecterait pas grandement les rentes de retraite, puisqu'elles sont proportionnelles aux gains. Mais ces personnes deviendraient plus souvent admissibles aux rentes d'invalidité, ce qui peut être intéressant pour les femmes. Cette option accroîtrait l'admissibilité des femmes aux rentes d'invalidité.

Nous demandons à la Régie des rentes du Québec que les travailleuses et travailleurs au foyer qui deviennent invalides soient couverts par le Régime de rentes du Québec, que l'on réduise le nombre d'années de contribution pour être admissible à une rente d'invalidité, en incluant les années passées au foyer avec les enfants, et que l'on opte pour le gel de l'exemption générale de base dans le Régime de rentes du Québec.

Concernant les rentes d'invalidité, nous savons que le gouvernement du Québec a harmonisé les prestations d'invalidité du Régime de rentes avec l'indemnité de remplacement du revenu de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Par contre, la population en général est peu renseignée sur tous les programmes d'aide en cas d'invalidité, surtout sur les règles les régissant. Les personnes se sentent démunies devant toutes les contraintes administratives. Nous croyons nécessaire la création d'un organisme unique qui verrait à l'administration des divers programmes et faciliterait les choses pour les personnes touchées par cette situation. Ce serait une occasion de s'entendre sur la définition des termes, tels que «invalidité», sur les critères d'admissibilité et sur les prestations.

En cas d'invalidité, les personnes ne contacteraient qu'un organisme pour recevoir l'information sur les programmes qui leur sont destinés. Alors, nous demandons au ministère concerné que soit créé un organisme central, genre guichet unique, pour gérer en un même lieu toutes les règles concernant la règle d'invalidité.

Au sujet de la prestation de décès, cette prestation de décès est très utile aux familles et aux femmes qui ont peu ou pas de revenus pour couvrir tous les frais inhérents à un décès. Il est donc essentiel de la maintenir, surtout que cette prestation ne coûte pas très cher au gouvernement, puisqu'elle est imposable aux mains de la succession. Alors, nous demandons à la Régie des rentes de maintenir la prestation de décès aux familles.

La rente de conjointe ou conjoint survivant. L'insuffisance de la rente de conjointe survivante est une des raisons qui expliquent l'incidence élevée de pauvreté chez les veuves à la retraite. Cette mesure du Régime de rentes du Québec doit être conservée afin de respecter le principe d'égalité dans le couple. Si le gouvernement accepte ce principe, il se doit de réévaluer cette mesure dans le sens d'une bonification de celle-ci et non d'une diminution. Nous demandons donc à la Régie des rentes du Québec qu'elle améliore la rente de conjointe ou conjoint survivant plutôt que de la faire disparaître ou de la modifier à la baisse et qu'elle fixe la rente de conjointe ou conjoint survivant après 65 ans à 60 % de la rente de retraite du décédé ou de la décédée sans baisser la rente de retraite de la survivante ou du survivant.

Indexation des pensions. Une dernière mesure qui ne peut que favoriser une retraite plus décente pour les femmes est l'indexation des pensions. Toucher à l'indexation aurait des conséquences importantes pour les retraités à faibles revenus, puisque leur rente évoluerait en dessous de l'inflation. Cette mesure pénaliserait les femmes parce qu'elles vivent plus longtemps que les hommes, et plus une personne vit longtemps, moins le pouvoir d'achat de sa pension sera élevé. Le Régime de rentes du Québec n'a pas l'intention de toucher à l'indexation, mais nous voulons réaffirmer quand même nos positions face à cet aspect.

L'analyse comparative de l'impact d'une mesure sur les deux sexes. Lors de la conférence internationale des femmes à Beijing, en septembre dernier, on adopta un règlement qui incite tous les gouvernements à réviser leurs politiques et leurs programmes d'aide ou leurs services en regard de l'incidence de leurs décisions sur les sexes. Nous demandons au gouvernement du Québec qu'il s'engage dans une démarche similaire à celle adoptée par le gouvernement fédéral, concernant l'analyse comparative de l'impact d'une mesure sur les deux sexes, et de former un comité extérieur indépendant du gouvernement pour surveiller l'application de cette politique d'analyse comparative entre les sexes et qu'au moins la moitié de ce comité soit formée de représentantes de groupes de femmes autonomes.

Enfin, un programme d'information et d'éducation. Quand on parle de retraite, on parle de planification et de préparation à la retraite. Les gouvernements, eux, parlent de responsabilisation individuelle. Autrement dit, il faudrait s'occuper de nos affaires, et cela, le plus tôt possible. Dans plusieurs documents, on souligne que les femmes et surtout les jeunes femmes devraient être mieux informées de tous les régimes et moyens pour se préparer une retraite convenable et confortable. Il est certain que les gouvernements se doivent de faire cette information, mais, pour dresser un portrait objectif et accessible de tous les programmes existants, les groupes communautaires d'éducation et d'action seraient très bien placés pour le faire. Ils pourraient dispenser une formation spécifique sur le sujet et ainsi aider les femmes et les hommes à mieux connaître ce qui les attend à leur retraite, à s'y préparer et à poser les gestes nécessaires pour profiter au maximum de la période de la retraite.

Nous demandons au gouvernement du Québec d'encourager et de soutenir les groupes ayant des missions d'éducation et d'action en subventionnant les groupes communautaires d'éducation pour qu'ils créent des programmes éducatifs sur les régimes de protection à la retraite.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Si l'on regarde les tendances politiques actuelles au niveau des programmes de protection de la retraite, on a raison de se questionner et de s'inquiéter de notre avenir comme femmes à la retraite et de l'avenir de nos jeunes. Les bouleversements dans le monde de l'emploi ne nous permettent pas beaucoup d'espoir. Dans un monde où la précarité de l'emploi, l'emploi à temps partiel et souvent le manque d'emploi tout court sont le quotidien de plusieurs femmes, comment espérer une retraite décente? Dans un contexte où les mots «coupures», «compressions», «restrictions», «sacrifices» inondent l'actualité, comment espérer se bâtir un avenir hors de la pauvreté si on est une femme? N'y aurait-il pas quelque part des solutions plus équitables? Les membres de l'AFEAS croient que oui, et ce mémoire est la preuve de leur détermination à trouver des moyens pour contrer la pauvreté des femmes, défendre leurs droits et faire reconnaître leur travail quel qu'il soit, invisible ou rémunéré.

Nous rappelons que ce mémoire est appuyé par d'autres groupes de femmes au Québec et qu'il est l'expression de leur acharnement à vouloir l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, madame. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer la discussion.

Mme Harel: Alors, Mme Labrecque-Marcoux et Mme Godin, Mme Tremblay et Mme Rose qui l'accompagnez, je dois vous dire que, comme d'habitude, l'AFEAS présente un mémoire bien étoffé. Les présidentes se succèdent, mais les documents qui nous sont soumis en commission parlementaire sont toujours aussi substantiels.

(11 h 30)

Vous avez parlé de mesures plus équitables et vous avez aussi, dans le mémoire, abordé la question de la pauvreté des femmes. Et vous dites, à la page 4, que «le régime public est minimal et que c'est pour cela que les femmes sont pauvres». En fait, ce n'est pas à cause de cela que les femmes sont pauvres, les femmes sont pauvres parce qu'elles sont sous-rémunérées. Et, parce qu'elles sont sous-rémunérées, n'est-ce pas, tous les régimes d'assurance contributoires, qui sont cotisés à partir de la rémunération, prennent en considération le fait qu'elles ont été pauvres leur vie active puis qu'elles continuent de l'être plus tard: 25 % de remplacement de revenu, à 17 000 $, c'est évidemment différent de 25 % de remplacement de revenu à 27 000 $. Et on sait qu'à scolarité égale une femme à temps complet va gagner 17 000 $ de revenu annuel par rapport à 27 000 $. Et ça, ça vaut pour une scolarité de niveau primaire.

On pensait, n'est-ce pas, nos mères, en tout cas, et nous-mêmes, que ça allait changer avec la diplomation et la scolarisation, et on se rend compte qu'à niveau de scolarité universitaire, en moyenne, les dernières statistiques de 1994 nous démontrent que les femmes gagnent 37 000 $, alors que les hommes gagnent 56 000 $. Alors, c'est évident que, quand vous prenez un remplacement de revenu sur une sous-rémunération la vie durant, à la retraite, ça donne la sous-rémunération. Est-ce que j'ai besoin de tirer la conclusion, mesdames? N'est-ce pas? Ça s'appelle l'équité salariale.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): L'équité salariale, c'est bien évident.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On l'attend.

Une voix: On l'attendait.

M. Gautrin: Ça, c'était en...

Mme Harel: Bon. C'est une entrée en matière.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Oui. C'est une bonne entrée en matière.

Une voix: Comme on disait, c'est une commandite gratuite.

Mme Harel: Parce que ce n'est quand même pas indifférent...

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Non.

Mme Harel: ...n'est-ce pas. C'est évident...

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): C'est clair.

Mme Harel: ...que la pauvreté des femmes âgées est extrêmement liée.

Une voix: ...déclaration au sommet...

Mme Harel: Alors, écoutez, je sais qu'on a, de toute façon, l'appui – il me l'a écrit – du député de Verdun, le porte-parole de l'opposition. Cet été, vous voyez, en pleine période de réflexion, j'ai reçu une lettre qui m'a vraiment émue. Je le lui ai dit, je le lui ai écrit, d'ailleurs, pour le remercier. Bon.

M. Gautrin: J'ai fait plus que ça, j'ai parlé en Chambre.

Mme Harel: Alors, concernant votre mémoire, écoutez, on est dans une situation, là, ou bien... De deux choses l'une... On est devant une situation qui, depuis 10 ans et plus, aurait dû être corrigée, elle ne l'a pas été. Quand vous pensez que c'est à partir de 1983 qu'on utilise les intérêts de la réserve pour financer et qu'à partir de 1992 on utilise le capital pour financer, on se donne comme valeur de prestations environ 10 %, puis actuellement on paie 5,6 %. Si ça continuait, là, sans qu'on agisse rapidement, c'est nos enfants qui vont, eux, avoir à payer 13 %, puis ils vont avoir toujours, à peu près, une valeur de 10 %. Ça fait que, nous, dans le fond, on paie moins que ce qu'on a, puis eux vont payer plus pour ce qu'ils auront.

On part de ça. Si on était dans une situation... Là, vous comprenez qu'à partir, en tout cas, de la prochaine fois qu'on va aller en Chambre avec une loi... ça ne devrait pas tarder, là, après notre commission parlementaire, ou au plus tard au printemps prochain, étant donné d'autres priorités, comme vous le savez, bien c'est évident qu'on va introduire une clause. On l'appelle «crépusculaire» dans le jargon du Parlement. Ça, ça oblige à revenir à tous les cinq ans ou les six ans pour vérifier si les prévisions actuarielles se sont bien réalisées et si les cotisations sont bien à la hauteur des prestations, etc. Bon.

Mais là vous nous dites maintenant: Gardez les acquis du régime, n'est-ce pas. Vous savez que c'est ce à quoi on s'est engagé. Alors, d'autres parlent de monter l'âge de la retraite de 65 à 67, il y en a qui vont venir aujourd'hui qui vont proposer 70. Ensuite, d'autres parlent de diminuer le remplacement de revenu, qui est à 25 %, à 22,5 %. D'autres parlent de désindexer, en tout cas, au moins partiellement, et puis de diminuer les années de gains faibles, qui sont à 15 % du total des années cotisées. Alors, nous, on dit: Non, on ne va pas toucher à ça, puis en même temps, il faut que la génération du baby-boom se prépare à cotiser assez rapidement parce que, quand elle va arriver à la retraite en l'an 2010 au plus tard, 2015 au plus tard, ça va être une génération complète qui va... si elle n'a pas suffisamment cotisé, il va y avoir un problème pour celles qui vont nous suivre après. Bon.

Ceci dit, je comprends que, vous, vous en ajoutez. Je trouvais ça déjà pas pire, ces deux défis-là combinés; vous, vous en ajoutez un troisième, puis vous nous dites: Améliorez-nous donc tout ça. Alors, là, est-ce que, dans les circonstances... Je vais vous parler, par exemple, des travailleuses au foyer. Vous vous l'êtes déjà fait promettre, l'AFEAS, n'est-ce pas, en 1984, 1983. C'était un engagement électoral du gouvernement précédent, puis c'était, je me rappelle, à un grand hôtel – je pense que c'est le Reine Élizabeth, à Montréal – puis il y avait beaucoup, beaucoup de monde. Le premier ministre de l'époque était là et puis, finalement, il ne s'est rien passé parce que les...

M. Gautrin: Non, le premier ministre n'était pas là.

Mme Harel: Ah! vous y étiez?

M. Gautrin: C'était vous qui étiez premier ministre.

Mme Harel: Ah! c'était le chef de l'opposition. D'accord, vous avez raison, c'est vrai. Mais, ceci étant dit, les études de l'époque, il faudrait maintenant les refaire parce que ça peut changer aussi étant donné que les trois quarts – pas tout à fait, 70 % – actuellement des femmes dont les enfants ont moins de six ans sont sur le marché du travail ou à l'aide sociale. Quand elles sont monoparentales, c'est 75 % des familles monoparentales dont les enfants ont moins de six ans qui sont à l'aide sociale. Et, quand elles sont biparentales, en général, à 70 % elles sont sur le marché du travail, et on prévoit que, d'ici l'an 2000 – c'est comme demain – elles vont atteindre le même niveau d'activité que les hommes. Parce que ce n'est pas tous les hommes qui travaillent non plus, il y a des personnes qui ont des invalidités, etc., alors elles vont avoir le même niveau d'activité, à âge égal.

Donc, la question qui se pose, c'est: Ne vaut-il pas mieux améliorer le sort des femmes qui travaillent? Et d'autant plus que l'élargir comme vous le proposez, ça peut être complètement indépendant du revenu. Je ne veux pas caricaturer, mais, à la rigueur, ça peut être des femmes d'Outremont, de Westmount ou de Sillery qui vont en profiter pendant que des travailleuses ouvrières, elles, vont avoir un 25 % de revenu d'à peine plus que le salaire minimum. Alors, l'équité dans tout ça? Est-ce que c'est en priorité la travailleuse au foyer ou des mesures qui peuvent aller chercher des personnes qui, sur le plan social, si vous voulez, auraient intérêt à améliorer leur sort?

Je ne voudrais pas toutes vous les poser, parce que je sais aussi que la députée de Mille-Îles m'a fait promettre... que, si je prenais tout le temps, elle m'en voudrait toute la journée, alors – ha, ha, ha! – il faut absolument que je lui en laisse. Alors, je vais tout de suite vous signaler que le 5 % du maximum des gains admissibles à partir duquel serait, par exemple, versée la prestation de la travailleuse au foyer... D'abord, qui paierait la cotisation? Qui serait son employeur? Les monoparentales, qui serait, disons, leur employeur? Et puis, ce 50 % là, vous savez qu'il peut y avoir des effets dévastateurs. C'est désavantageux en termes d'application en regard de la période cotisable, si vous voulez, qui est retranchée quand on a la garde d'enfants de moins de sept ans à la maison. Vous savez que c'est une période qui est retranchée complètement, donc ça ne défavorise pas une personne lorsqu'elle retourne sur le marché du travail d'avoir été, finalement, travailleuse au foyer, si c'est pour la garde d'enfants de moins de sept ans. Si c'est pour, si vous voulez, s'occuper de l'entretien de son conjoint seulement, pourquoi c'est l'État qui financerait ça?

Et puis je termine en vous parlant du fait qu'au fédéral ils sont en train de revoir la prestation de conjoint survivant. Vous savez, eux pouvaient additionner, comme vous le recommandez, leur propre prestation de retraite, de rente, si vous voulez, après 65 ans puis celle du conjoint, mais ils ont annoncé qu'ils allaient entreprendre une révision. Et je pense qu'au Québec on pourrait regarder, en tout cas, la possibilité de verser 60 % de la rente combinée, si vous voulez, mais, à ce moment-là, les coûts supplémentaires, ça s'élève à 32 000 000 $. Ce serait 32 000 000 $ cette année et puis, à terme, disons dans 25 ans, ce serait, par année, 160 000 000 $. Vous voyez, chaque fois, finalement, qu'on bouge, il y a des coûts liés à ça.

(11 h 40)

Remarquez que la rente de conjoint survivant, sûrement qu'il faut la revoir au complet. Elle a été conçue à une époque où les femmes travaillaient beaucoup moins sur le marché du travail, elles travaillaient à la maison, tandis qu'elle était conçue, si vous voulez, pour un revenu d'une personne qui n'en avait pas autrement. Tandis que, là, de plus en plus d'hommes et de femmes cotisent. C'est phénoménal, la progression des femmes comme cotisantes à la Régie des rentes. Et c'est déjà 70 %, puis on prévoit que, dans quelques années, ça va peut-être atteindre au-delà de 90 %. Alors, si on revoit la rente de conjoint survivant, peut-être faudrait-il la revoir en ayant en tête la préoccupation que vous nous apportez pour celles qui, pour toutes sortes de raisons, dans le passé, n'ont pas pu accumuler suffisamment dans leur propre rente et qui pourraient, jusqu'à un certain seuil, combiner la leur et celle de leur mari décédé ou de leur conjoint décédé.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): J'ai peur que... je vais entendre vos explications, et puis après le président va me dire que j'ai fini mon temps.

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Bon. En tout cas, j'aurai une réaction première puis, après ça, je donnerai la parole à Ruth. Quand vous dites qu'effectivement, présentement, 70 % des femmes sont sur le marché du travail, vous savez qu'en même temps, si on faisait des statistiques aujourd'hui, si on disait, par exemple, qu'il y avait 50 % des femmes qui étaient sur le marché du travail à temps plein puis que 20 % étaient à temps partiel... De plus en plus de femmes perdent leur emploi à temps plein, deviennent du temps partiel puis de la sous-traitance. Quand, aussi, les statistiques nous disent que les femmes gagnent, en moyenne – en moyenne – même pas 20 000 $ par année, est-ce que vous pensez qu'elles peuvent se payer des REER puis qu'elles peuvent se payer une retraite?

Alors, si on avait été assez sage, comme société, pour reconnaître le travail social des femmes à partir du moment où il y a des enfants, où elles choisissent, où, en couple, on choisit cette responsabilité d'avoir des enfants, c'est bien évident que ça aurait moins de... Il y a des mesures qui auraient été mises en place, à ce moment-là, qui soutiendraient ces femmes-là, qui leur permettraient d'arriver, si vous voulez, à leur retraite puis de ne pas être pauvres.

Ce qu'on vous demande à l'heure actuelle, comme on ne l'a pas fait comme société, on vous demande de tenir compte de certaines mesures qui vont faire que les femmes... Si on était capable de nous dire que les femmes, demain matin, vont toutes se retrouver sur le marché du travail, de manière équitable, à part ça, que l'équité salariale va être là, puis qu'on va gagner le même salaire que les hommes, puis qu'on va pouvoir la préparer, cette retraite-là, je vous dirais: C'est très bien. Mais, dans la réalité, c'est autre chose, et la réalité, c'est que les femmes s'appauvrissent présentement.

Et ça va plus loin que ça: la réalité, c'est ce qu'on donne comme indice aux jeunes couples présentement. Quels sont les jeunes couples qui vont vouloir relever le défi d'avoir des enfants? Un des facteurs, vous le dites, vraiment, qui vous inquiète présentement, c'est la dénatalité. Alors, c'est pour ça qu'on vous propose ces mesures-ci, c'est pour permettre que les femmes arrivent, effectivement, à la retraite et qu'elles soient moins pauvres.

Mme Godin (Marie-Paule): J'aimerais, disons, juste compléter. C'est que, quand on pense aux femmes, pour avoir un travail, il faut aussi considérer que le marché du travail ne fait pas la conciliation travail-famille, et que dans bien des circonstances, en fait, il y a des femmes qui sont parfois comme obligées de prendre quelques années, qui mettent leur carrière en retrait pour s'occuper des enfants, si vraiment elles veulent avoir une famille, s'occuper des enfants. Je donne l'exemple simplement de ma fille qui, en fait, travaille, et son mari, à cause du contexte actuel, travaille à l'extérieur. Donc, à un moment donné, on a beau parler de partage des tâches, c'est parfois tout simplement impensable.

Alors, si on pense, justement, à la société, si on ne met pas en valeur ce travail social là... Et, nous, au niveau de l'AFEAS, on a fait vraiment la répartition du travail concernant la vie privée et du travail qui concerne la part sociale concernant les enfants. Ce qui concerne, je dirais, l'aide ou le soutien entre le couple, les personnes adultes dans la famille, ça, c'est le domaine privé qui vient de négociations, si on veut, de soutien. Suite à la question que vous nous demandiez tantôt: Qui serait la personne qui embauche la personne qui serait au foyer si on veut qu'elle participe au Régime de rentes? Bien, c'est qu'à ce moment-là la partie qui concerne les enfants, ça, ça amène un plus au niveau social, ce serait au niveau du gouvernement. Et on avait, en fait, des suggestions, qu'on avait déjà faites dans nos mémoires, concernant la considération de très jeunes, puis, bon, on mettait un pourcentage aussi selon que l'enfant avance en âge, et le côté privé... il n'était pas question que ce soit du côté gouvernemental. Donc, c'est un peu ces points-là que je voulais souligner, parce que je pense qu'au niveau social c'est une base d'équité que de reconnaître cette valeur du travail qui est auprès des enfants, de la famille, et que, souvent, on est obligé de faire abstraction de notre carrière pour soutenir les jeunes enfants dans des circonstances particulières.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Complément...

Mme Godin (Marie-Paule): Oui...

Mme Harel: Vous êtes consciente que, déjà, la Régie des rentes avait une disposition. Je crois que ça a été la première à avoir, dans les régimes publics, une disposition qui retranche les années de charge d'enfants.

Mme Godin (Marie-Paule): Oui, oui.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Oui, oui. C'est pour ça qu'on vous dit de les maintenir.

Mme Harel: De les maintenir, puis peut-être d'ajouter pour les personnes qui gardent des personnes âgées.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Oui, les personnes âgées. Exact.

Mme Tremblay (Lise): Parce que ce phénomène-là est vraiment nouveau, ça aussi, parce qu'il y a des femmes qui, après avoir élevé leurs enfants, sont retournées sur le marché du travail, et là se voient obligées de reprendre une responsabilité familiale face à toutes les coupures du système de santé qu'on connaît ou des personnes vieillissantes. Alors, on devient les parents de nos parents, et on retourne à la même situation où on était quand on avait de jeunes enfants. Alors, on serait comme encore une fois repénalisées, et c'est difficile d'accumuler une rente.

C'est certain, comme vous dites, Mme la ministre, que, bon, ce qu'on propose, ça va sûrement à contre-courant de ce que vous avez entendu ici, parce qu'on connaît la situation du Régime de rentes du Québec, on sait qu'il va falloir poser des gestes dans le sens d'une augmentation des cotisations. Ce qu'on voulait préciser, c'est que c'est sûr qu'on veut réaffirmer notre intention de protéger aussi, de valoriser ce travail-là. Et ça fait 20 ans qu'on essaie de le faire comprendre et de le faire admettre quelque part, mais on pense qu'on en a encore pour 20 ans parce que, même les jeunes femmes d'aujourd'hui, il y en a qui vont, plusieurs années, avoir des responsabilités familiales, et c'est important qu'on soit là pour apporter cet aspect social de la chose, et peut-être un peu moins technique et économique. Mais c'est important quand même qu'on soit là et que les propositions, même si elles ne sont pas possibles d'application immédiatement ou dans les années qui suivent, qu'elles soient quand même là comme réflexion pour aller vers cette idée. C'est un peu comme un idéal, mais pour aller vers cet idéal-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Complément de réponse par Mme Rose.

Mme Rose (Ruth): Je pense qu'il y a un mythe à l'effet que le Régime de rentes du Québec nous coûte trop cher ou qu'il ne peut pas se financer. Si on compare le pourcentage qu'on contribue au Régime de rentes du Québec, ou même l'ensemble de notre régime de retraite, y inclus les programmes fédéraux, on a le pourcentage de loin le plus faible de tous les pays industrialisés. Et même quand on regarde l'an 2030, quand on va avoir atteint le déséquilibre démographique le plus fort, on a le pourcentage le plus faible. On aurait pu, quand on a commencé le Régime de rentes du Québec, dire: Bon, on veut remplacer 25 % de notre revenu, ça coûte 7 % par année, à peu près. On aurait pu commencer à cotiser tout de suite à 7 % et on n'aurait pas eu le même besoin d'augmenter rapidement le taux à ce moment-ci. La raison pour laquelle on ne l'a pas fait, et soyons honnêtes là-dessus, c'est parce que le milieu de l'assurance ne voulait pas que cet argent se trouve dans la Caisse de dépôt du Québec. Il ne voulait pas que les gouvernements jonglent avec cet argent-là pour quelque raison que ce soit. Et nous sommes encore face à la même situation.

Je pense que, si vous lisez bien le mémoire que nous venons de présenter, nous sommes d'accord avec une augmentation des taux de cotisation, et on pense qu'on serait capable aussi d'élargir le Régime de rentes du Québec dans le sens de mieux couvrir les femmes au foyer, mais aussi de couvrir les salaires, comme l'a exposé le Conseil national du bien-être social, des niveaux de salaires plus élevés, et d'augmenter le pourcentage de remplacement. Ces nouvelles prestations, cependant, devraient être financées sur une base capitalisée, ce qui maintient le principe de l'assurance, c'est-à-dire qu'il y a toujours un rapport entre ce que vous cotisez et ce que vous recevez, mais ça permet d'étaler ce problème de capitalisation mieux selon les niveaux de revenus.

(11 h 50)

Sur ce que vous avez dit, Mme la ministre, sur le problème des femmes. Le problème des femmes est à trois niveaux. C'est vrai que nous avons besoin de l'équité salariale et d'augmenter les salaires des femmes, et nous sommes parmi les premières à attendre l'adoption de la loi. Mais c'est aussi vrai que, quand vous êtes dans le secteur public, il y a très peu de monde qui sont couverts par les régimes privés de retraite. Et, même quand vous êtes couverts par les régimes privés de retraite, c'est une couverture qui est très partielle. À cet égard-là, le régime public est une aubaine, et particulièrement une aubaine pour les femmes, parce que, dans un régime privé, dès que vous avez une interruption de carrière, même si c'est pour deux années, pour un congé de maternité relativement court, vous perdez, et si vous changez d'emploi, vous pouvez perdre jusqu'à la moitié de votre régime de retraite, alors que le régime public, il est une couverture universelle, il est infiniment transférable entre emplois, il est pleinement indexé, il est sans risque. Les REER... Tout le monde pense que, si vous investissez dans un REER puis que vous contrôlez votre argent, c'est la meilleure chose. Mais la valeur de votre REER peut s'écraser du jour au lendemain s'il y a un krach à la Bourse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse, je suis obligé de vous interrompre parce qu'on a déjà dépassé notre 20 minutes, et...

Mme Rose (Ruth): Je veux juste... encore, s'il vous plaît. Et, finalement, il y a cette possibilité de reconnaître les travaux au foyer.

Alors, on dit: Est-ce qu'on est capable de payer? C'est une meilleure aubaine pour nous de mettre cet argent-là dans un régime public qui va nous donner une bonne couverture que de le mettre dans des régimes de retraite sur lesquels on ne sait pas ce qu'on va avoir et qui ne couvrent pas la majorité des femmes. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Verdun. Et est-ce qu'avec votre accord... ou vous voulez procéder...

M. Gautrin: Bien, je pense que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...puis on reviendra, Mme la députée de...

M. Gautrin: Il y a un problème de temps et...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...Mille-Îles.

M. Gautrin: M. le Président, on a un problème de gestion du temps. Mais je trouve malheureux que notre collègue de Mille-Îles n'ait pas eu la chance de poser une question. Est-ce qu'on pourrait s'entendre et demander peut-être que vous répondiez de manière peut-être un peu plus brève pour qu'elle ait la chance de pouvoir poser sa question?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bien, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le Président et M. le député de Verdun. Alors, comme il y a eu quand même une partie de ma question qui a été abordée par Mme la ministre concernant la participation de la rente du conjoint survivant, je pense que vous avez bien fait votre point.

Je voudrais quand même souligner – avec les groupes qui vous appuient, vraiment, vous êtes les représentantes du mouvement des femmes – sur l'ensemble du mouvement des femmes, si je me souviens bien, c'est environ 300 000 à 400 000 femmes dont vous apportez l'opinion ici aujourd'hui. Alors, je pense que c'est important de le souligner.

J'aimerais peut-être que vous m'expliquiez. Vous avez choisi de privilégier, dans le fond, sur le 3 500 $, là, la base d'exemption, le gel de l'exemption générale plutôt que de dire, bien, de l'ouvrir, que tout le monde devrait... chaque dollar devrait être cotisé. Mais je voudrais que vous m'expliquiez un peu pourquoi vous avez choisi ça, parce que, si tout le monde cotisait, évidemment, ça élargirait beaucoup – en tout cas, à mon avis – le nombre de personnes qui pourraient avoir accès au Régime de rentes, dont une grosse partie seraient des femmes, compte tenu de toute la situation qu'on a décrite. Est-ce que vous pouvez juste m'expliquer un peu ce choix?

Mme Rose (Ruth): C'est juste une question d'exempter les personnes qui ont les plus faibles revenus d'un taux de cotisation, entre autres les jeunes en bas de 18 ans, etc. Ça améliore un peu la progressivité du régime de maintenir une exemption de base quelconque.

Mme Leduc: O.K. Ça fait que vous avez préféré choisir le gel, pensant que, avec les années, quand même, ça favoriserait la situation des femmes et que ça ne pénaliserait pas les travailleuses ou les jeunes qui gagnent, qui devraient cotiser actuellement.

Mme Rose (Ruth): Très peu... puis qui devraient cotiser.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Verdun. Merci de votre collaboration.

M. Gautrin: Merci. Je vais retourner dans le même sens, mais avant je voudrais quand même faire une remarque. Mme la ministre nous parlait souvent des 13 %, des 10 %. Il faut bien être conscient que le régime ne sera, comme on pourrait dire, en équilibre, c'est-à-dire un régime qui n'est pas en train de se créer, que lorsque les gens qui ont eu 18 ans en 1966 seront arrivés à 65 ans. Donc, tant qu'on est un régime qui est un régime qui se crée – parce que les régimes de retraite, ça prend du temps, hein – on est un régime où, bien sûr, les gens, au début... La personne qui a pris sa retraite en 1976, elle a évidemment bénéficié du plus grand pactole qu'elle a pu obtenir parce que c'était un régime qui s'établissait. Et c'est normal que, du moment où on établit un régime, il y ait une différence entre les cotisations et ce qu'on retire comme rente. Le problème, c'est que, lorsqu'on va être un régime qui va être, donc, établi, et ça, ça sera réellement établi lorsque, en 2012, je crois, les gens qui ont eu 18 ans en 1966 vont arriver à 65 ans, mais ce n'est pas... Je voulais faire cette remarque-là au départ.

Moi, j'ai deux types d'interrogations à avoir avec vous. La première est un peu de la même nature que celle de la députée de Mille-Îles, mais dans le sens contraire. Vous demandez une augmentation de ce qu'on appelle les années de retranchement pour pouvoir, par exemple, tenir compte, comme l'a fait l'autre personne avant vous, du moment où on garde les gens au foyer, etc. Et vous comprenez bien que, dans le calcul de la rente, à la fin, vous avez avantage, pendant les années que vous allez retrancher, de ne pas avoir contribué du tout – donc, c'est pour ça que... de ne pas annuler complètement l'exemption annuelle de base – plutôt que d'avoir contribué, et puis, malgré tout, avoir quelque chose qui va être retranché. Vous comprenez ce que j'essaie de vous dire? Et c'est pour ça que vous demandez ça. Et je me serais même attendu à ce que vous demandiez une indexation de l'exemption annuelle de base de manière que les années qui sont les années où les femmes, pour la majeure partie d'entre elles, gagnent très peu, elles n'aient pas à contribuer au régime, parce que, n'importe comment, ça va être des années qui vont leur être retirées par les mécanismes des années de retranchement. C'est un peu la logique, je pense, selon laquelle vous avez voulu répondre tout à l'heure, Mme Rose.

Mme Rose (Ruth): Sur le retranchement?

M. Gautrin: Oui.

Mme Rose (Ruth): Vous... C'est pour...

M. Gautrin: C'est-à-dire, je reviens sur l'exemption...

Mme Rose (Ruth): Sur la question de reconnaissance du travail au foyer.

M. Gautrin: Attendez un instant. Non, non, non, ce n'est pas ça, ma question. Ça, je le mets sur le côté. Je parle actuellement de l'exemption annuelle de base. Alors, l'exemption annuelle de base, c'est le salaire en dessous duquel vous ne contribuez pas. Si vous augmentez les années de retranchement – ça va? – vous avez avantage, à ce moment-là, à ne pas avoir contribué pendant les années de retranchement du tout, plutôt que d'avoir contribué.

Mme Rose (Ruth): Oui, mais notre objectif, ce n'est pas...

M. Gautrin: Vous comprenez?

Mme Rose (Ruth): ...de ne pas contribuer. L'intérêt de baisser l'exemption de base, c'est que ça augmente l'admissibilité à la rente d'invalidité. Ça n'affecterait pas beaucoup le régime de retraite.

M. Gautrin: C'est strictement sur la rente d'invalidité, ça, je le comprends. Mais, par contre, vous avez demandé, dans votre régime, que la question d'invalidité, les trois régimes d'invalidité, c'est-à-dire, si j'ai bien compris votre document, celui du Régime de rentes du Québec, celui de la CSST et celui de la SAAQ, soient unifiés. Est-ce que j'ai compris votre position? C'est-à-dire qu'on établisse au Québec une espèce de régime unique d'invalidité. C'est votre position, si j'ai bien compris?

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Oui, c'est bien notre position.

M. Gautrin: Qui pourrait avoir un caractère plus universel.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Oui, oui.

M. Gautrin: Donc, ça, je comprends. Je comprends. Donc, ça ne toucherait plus cette question sur l'exemption annuelle de base.

Je reviens maintenant sur la grande question que vous posez, et qui est l'admissibilité des personnes qui restent au foyer au Régime de rentes du Québec. Votre position, si je la comprends bien, c'est: on devrait évaluer le salaire fictif de la personne qui reste au foyer sur la base de la moitié du maximum des gains admissibles. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous...

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Oui, c'est ça.

M. Gautrin: Très bien. Ça, c'est donc le salaire qui serait, en quelque sorte, évalué. Là, est-ce qu'il y aurait, dans votre esprit, une contribution, de la part de la personne qui reste au foyer, au Régime de rentes sur cette base-là?

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): C'est-à-dire que, quand on en a parlé, on a dit: Dans la mesure où la personne a les moyens, elle pourrait effectivement participer à une contribution. Mais, si on se retrouve, par exemple, avec la famille monoparentale ou quelqu'un qui est déjà dans des conditions de pauvreté...

M. Gautrin: Ou sur l'aide sociale.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): ...ça, à ce moment-là, on s'attend que ce soit le gouvernement qui... Parce qu'il va reconnaître ce travail-là, que c'est un travail social, alors à ce moment-là c'est lui qui en prendrait la responsabilité.

On faisait le parallèle, par exemple, avec quelqu'un qui est un travailleur puis, à un moment donné, a un accident. Alors, à ce moment-là, il a recours à la CSST. Et pourquoi il a recours à la CSST? C'est parce que, au niveau du gouvernement, on reconnaît que ce travailleur-là rend des services à la société. Alors, c'est simplement reconnaître que cette femme-là rend un service à la société, et à partir de ce moment-là le gouvernement accepterait de payer cette contribution-là pour celles qui ne pourraient pas.

M. Gautrin: C'est-à-dire la contribution de l'individu...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous permettez? Avant de continuer, est-ce que j'aurais l'accord des parlementaires pour dépasser midi? Accord? Merci.

M. Gautrin: Bien, je pense en termes d'équilibre du temps.

(12 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, pas de problème.

M. Gautrin: Merci. Je vais donc continuer avec vous. Par contre, dans votre esprit, il est clair que la contribution patronale... Vous savez que le Régime de rentes serait, à ce moment-là, versé complètement par l'État. J'ai cru comprendre ça à la lecture de votre mémoire.

Mme Tremblay (Lise): Oui, mais selon, aussi, l'âge des enfants, le soin apporté aux enfants. Les années où les enfants seraient plus jeunes pourraient être la contribution de la femme, quand elle le peut, et de l'État, et plus les enfants avanceraient en âge, plus la contribution de l'État diminuerait. Mais c'est vraiment des modalités qu'on avait étudiées lors de la première présentation de ce dossier-là. Comme on sait actuellement, dans la présentation de ce mémoire-là, l'intégration des travailleuses au foyer, comme je vous le disais tantôt, c'était pour réaffirmer notre position, mais on voulait surtout utiliser les autres mesures possibles pour commencer à reconnaître le travail, pour aller par la suite vers d'autres choses. On n'a pas réétudié les formes de modalités ou les montants d'argent qui pourraient être associés à ça.

M. Gautrin: Les coûts. Donc, vous n'avez pas...

Mme Tremblay (Lise): On a déjà eu des choses présentées dans nos mémoires par rapport à ces chiffres-là, mais on ne les a pas retravaillés dans le sens, comme disait Huguette, de la famille monoparentale ou autre chose.

M. Gautrin: Mais vous comprenez bien qu'à un moment ça a des coûts qui sont assez importants.

Mme Tremblay (Lise): Ça, on comprend ça. On comprend qu'il y a un coût.

Une voix: C'est évident.

Mme Tremblay (Lise): Oui, oui. Ça, on comprend ça, mais...

M. Gautrin: Même si l'argumentation que vous mettez de l'avant est tout à fait respectable, on se trouve après, de l'autre côté, à avoir une analyse du coût que ça pourrait avoir.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): La question que ça nous pose... On sait, évidemment, que ça va avoir un coût, mais on se dit: Ça nous coûte déjà quelque chose, comme société québécoise, à chaque fois qu'une femme n'est pas capable de subvenir à ses besoins. Alors, la société, que ça soit par l'assurance sociale ou par d'autres moyens, va le faire. Là, à partir du moment où on choisirait, comme société, de reconnaître cet apport-là, on favoriserait l'autonomie des femmes. Et c'est dans ce sens-là qu'on le voit. On est bien conscientes que ça va avoir un coût. On est très réalistes, mais on dit: Il y a un choix à faire. Est-ce qu'on permet aux individus de devenir plus autonomes ou on les maintient... La femme qui ne peut plus subvenir à ses besoins parce qu'elle est monoparentale ou bien parce qu'elle se trouve sous le seuil de la pauvreté, à l'heure actuelle, on va assumer, elle ira sur l'assistance sociale. Il y a un coût à payer.

M. Gautrin: Vous auriez pu débattre aussi jusqu'à quel point la femme qui garde ses enfants au foyer n'aurait pas droit à l'équivalent de ce que contribuerait la société si ses enfants étaient mis en garderie. C'est évidemment dans la même ligne de pensée.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): C'est évident. Vous avez très bien compris.

Mme Rose (Ruth): Si vous me permettez de juste ajouter quelque chose sur le cas où la femme retourne au foyer pour s'occuper d'un adulte invalide ou en perte d'autonomie, c'est que, dans le contexte du virage ambulatoire, le gouvernement a fait le calcul que ça coûte moins cher, plutôt que de les garder à l'hôpital, en institution, de les renvoyer au foyer et de leur fournir des services à domicile plus légers.

Ce que nous disons, c'est que le gouvernement a des allocations et des services assumés face à ces personnes, parce que ça fait partie de notre système de santé de base, et, quand c'est une proche qui le fait, normalement, cette personne-là devrait avoir une formation adéquate, il devrait être concevable que les montants qui sont alloués pour ces soins à domicile soient aussi payés à une proche. Et ça, ça constitue un salaire. Et c'est la première revendication, c'est ce qu'on souhaite avoir. Et, dans ce cas-là, et l'employeur et la personne pourraient contribuer au Régime de rentes du Québec.

M. Gautrin: Est-ce que vous avez fait une évaluation de combien ça coûterait? Est-ce que vous avez fait une évaluation de combien de personnes pourraient être touchées par ce genre de...

Mme Rose (Ruth): Ce serait beaucoup moins... Avec le virage ambulatoire, on peut identifier les personnes qui seront admissibles à ce genre d'allocation.

M. Gautrin: Et vous l'avez fait?

Mme Rose (Ruth): Non, on n'est pas en mesure, nous autres, de le faire, mais vous l'êtes certainement. Et la question d'accorder des crédits pour le Régime de rentes du Québec par le retranchement ou par un crédit positif, ça, c'est un coût encore moindre. Alors, c'est un minimum comme récompense pour un travail qui, au fond, économise beaucoup directement à l'État.

M. Gautrin: Je reviendrai sur la rente de conjoint survivant. Je comprends parfaitement le problème des femmes, disons, plus avancées en âge quant à la rente de conjoint survivant. Néanmoins, pour les plus jeunes couples, les deux personnes sont souvent des contributeurs au Régime de rentes. Est-ce que vous voyez la même utilité de maintenir les rentes de conjoint survivant, à ce moment-là? Vous avez demandé, bien sûr, de l'augmenter, si j'ai bien compris, pour les personnes qui sont à la retraite, c'est-à-dire qu'il y ait un traitement différent pour les personnes plus âgées par rapport aux personnes en dessous et au-dessus de 65 ans. Je crois que c'était ça que vous aviez comme approche. Mais, pour les personnes beaucoup, beaucoup plus jeunes, c'est-à-dire, je dirais, vos filles, si vous me permettez, puisque vous y avez fait allusion tout à l'heure, est-ce que vous pensez que ça a la même utilité, compte tenu du fait que souvent les deux personnes dans le couple sont sur le marché du travail?

Mme Tremblay (Lise): Oui. C'est sûr que les deux personnes, de plus en plus, dans les jeunes couples, les gens vont travailler, mais la responsabilité familiale d'avoir des enfants, ça restera toujours, quand même, à la femme. Et je pense que sûrement des études gouvernementales pourraient être faites à ce niveau-là et qu'elles pourraient être différentes selon que les deux retirent une rente. Mais je pense qu'elle serait valable quand même, parce qu'elle répond justement à cet aspect-là, de reconnaissance du travail qui est fait auprès des enfants.

M. Gautrin: Donc, dans votre esprit, vous reliez ça, quand même, au fait que la personne a des enfants ou non?

Mme Tremblay (Lise): Oui.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Parce que, dans notre mémoire, vous voyez très bien qu'on fait la différence entre le privé...

M. Gautrin: Oui, ça, j'ai compris.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): ...et à partir du moment où, effectivement, on fait le choix d'avoir des enfants... Et, quand on dit que les deux sont sur le marché du travail présentement, bon, c'est vrai, mais il reste que ce sera... Parce que toute la notion du partage des tâches et des responsabilités... Parce que dans le monde du travail la conciliation travail-famille n'est pas encore faite, il ne faut pas se le cacher, alors ça veut dire que c'est les femmes qui, à l'heure actuelle, continuent d'assumer cette dure réalité là. C'est dans ce sens-là.

Mme Rose (Ruth): Je peux ajouter que ça réduit de beaucoup le nombre de femmes qui devraient recourir à l'aide sociale, donc ça peut être une économie.

M. Gautrin: Moi, ça termine mes questions. Peut-être que mon collègue...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, une dernière question?

M. Copeman: Mesdames, ce qui m'inquiète un peu dans votre approche... Je dois vous dire que, dans un monde idéal, je pense qu'on est tous d'accord avec les diverses propositions que vous avez faites. Je suis d'une génération où c'est vrai que beaucoup des conjoints et conjointes travaillent, les deux, mais, quand même, on fait souvent des sacrifices pour qu'un parent reste chez lui pour garder les enfants, etc., et je suis très sensible à la notion de reconnaissance du travail qui est fait au foyer, et également au fait que la grande majorité de ce travail-là est faite par les femmes. Il ne faut pas se leurrer, on a beau dire qu'on a fait énormément de progrès depuis 20 ans, mais on sait pertinemment bien, avec toutes les recherches qui sont indiquées, que ça demeure, pas exclusivement, mais la majorité du travail fait au foyer est faite par les femmes.

Par contre, je suis également frappé par la situation où on est présentement, la situation qu'on vit, où, si on continue, même avec les mêmes niveaux de prestations, les mêmes niveaux de cotisations, le régime tel quel, pas bonifié, dans le sens... il y aura des problèmes de financement du régime. Là, vous proposez de bonifier plusieurs volets du régime sans proposer tout à fait des mesures pour assurer le financement de ce système-là, et c'est ça que je trouve un peu difficile. Mme Rose a dit à plusieurs reprises: Ça pourrait engendrer certains bénéfices en termes de diminution des coûts, l'aide sociale, etc. Quant à moi, comme législateur, ça prendrait des études très étoffées, très claires, dans le sens que, si on s'en venait avec certaines bonifications suggérées dans votre mémoire, oui, effectivement, le coût réel pour la société québécoise diminuerait, parce qu'en bout de ligne, malheureusement, on est rendu au point où il faut poser la question: Qui va payer? Et c'est là où ça devient difficile.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Ce que j'ai le goût de répondre, c'est qu'à cette question-là, même au moment où on était, au Québec, dans le temps – une image biblique – des vaches grasses, est-ce qu'on a nécessairement pensé, à ce moment-là, à améliorer la situation des femmes? Alors, pourquoi, quand on arrive dans des conjonctures semblables, on se pose toujours la question: Bon, bien, ça va coûter plus cher parce que c'est les femmes? Je me dis... On est peut-être aussi à se poser les véritables questions à l'heure actuelle: Quelle sorte de société on veut se donner? Et est-ce qu'à l'intérieur de ça c'est possible qu'on puisse faire le choix, à travers les multiples priorités qu'on aura, que les femmes soient plus pauvres et qu'en même temps on leur demande d'assumer la responsabilité familiale, d'assumer la responsabilité du virage ambulatoire? Je vous dirai que, nous, on n'a pas...

(12 h 10)

Une voix: On va essayer de... On va essayer quand même...

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): ...les moyens, comme organisme – on n'a pas vos actuaires, on n'a pas les fonctionnaires – pour trouver des réponses. Mais je suis sûre, vous connaissant, que vous pourriez trouver des réponses, si, dans le fond, à l'intérieur de cette réflexion-là, on acceptait d'aller plus loin dans les questions, à savoir: Qu'est-ce qu'on veut pour les hommes et les femmes dans notre société présentement? On veut que ce soit équitable ou on veut demander à une partie de la population de répondre?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, au nom de la commission, merci beaucoup pour la présentation et la préparation...

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...de votre mémoire.

Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 15 h 12)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre s'il vous plaît! Je préférerais qu'on commence toute de suite. On était dans une autre bonne discussion, mais je préférerais qu'on commence parce que j'aimerais qu'on donne le temps à... Cet après-midi, les trois groupes, ce sont tous des jeunes, et je voudrais bien qu'on puisse avoir le temps maximum pour discuter avec eux.

Alors, nous recevons, pour commencer, le Conseil permanent de la jeunesse. M. Philibert, j'aimerais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent et que vous procédiez à votre présentation. Vous êtes déjà un jeune vieil habitué de nos séances.


Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

M. Philibert (Michel jr): Un vieil habitué des commissions parlementaires. Donc, je vais, comme vieil habitué, faire les présentations d'usage. Donc, à ma droite, le vice-président du Conseil permanent de la jeunesse, M. Marc-André Dowd; encore plus à droite, Mme Julie Lévesque, qui est vice-présidente du Conseil; et, à ma gauche, Mme Louise Bisson, qui est agente de recherche au Conseil.

Donc, pour le Conseil permanent de la jeunesse, le présent débat sur le Régime de rentes du Québec est capital, car les jeunes travailleurs et travailleuses se posent de sérieuses questions sur la survie de leur régime public de retraite, à savoir s'il y aura assez d'argent pour nous quand nous atteindrons l'âge de la retraite. Et on s'interroge aussi sur pourquoi on devrait payer pour un régime dont nous ne sommes pas sûrs de bénéficier.

Notre document – et vous en avez eu copie – s'intitule «Pour vous, pour nous et pour nos enfants», et ce n'est pas un hasard, parce que les jeunes ne sont pas les seuls à être intéressés aux enjeux du présent débat. La génération du baby-boom se demande si les générations suivantes vont vouloir financer leur retraite. Les aînés, eux, se demandent s'ils verront leurs rentes diminuées ou désindexées.

Les membres du Conseil tiennent à préserver l'actuel régime. Ils tiennent à conserver ses bénéfices, quitte à contribuer davantage. Mais le Conseil ne veut pas que le fardeau d'un financement accru, rendu nécessaire pour la survie du régime, n'incombe qu'aux jeunes générations d'aujourd'hui et de demain.

Par le passé, nous sommes forcés de le constater, les gouvernements ont fait preuve d'un manque flagrant de vision à long terme: ils ont reporté toujours le problème sur la génération suivante. Cette situation, elle doit cesser. Et les jeunes demandent aux générations qui les ont précédés d'être solidaires et d'assurer avec eux le financement et le maintien du régime.

Le régime est en péril, et on le sait. On lie les difficultés du régime à des facteurs démographiques et économiques. D'une part, le vieillissement de la population, l'amélioration de l'espérance de vie et le faible taux de natalité des générations du baby-boom ont des conséquences importantes sur le coût du régime, entraînant à long terme une hausse du nombre de bénéficiaires de rentes de retraite, un allongement du nombre d'années pendant lesquelles on bénéficie d'une rente et une diminution de l'assiette de cotisants. D'autre part, la faiblesse de la croissance économique et les salaires qui ont augmenté à un rythme inférieur à l'inflation à partir du début des années 1980 ont réduit en conséquence la masse salariale soumise à cotisation.

Tous ces phénomènes étaient connus depuis longtemps, de même que la baisse de natalité. Déjà, en 1977, un comité d'étude sur le financement du régime proposait au gouvernement une augmentation importante du taux de cotisation en prévision des changements démographiques à venir. En 1985, le gouvernement, dans son énoncé d'orientation «Agir maintenant pour demain», proposait une augmentation du taux de cotisation, mais à l'époque il a été décidé de s'ajuster au Régime de pensions du Canada. En 1991, le gouvernement a reconduit la même trop faible augmentation, ce qui reportait encore une fois la solution au problème.

Pour les jeunes et les générations futures, l'enjeu est majeur. Si des mesures énergiques de redressement du régime ne sont pas prises, les générations de travailleurs et de travailleuses nés dans les années quatre-vingt et les décennies subséquentes pourraient recevoir à leur retraite moins que ce qu'elles investiraient dans le régime au cours de leur vie. Et là-dessus, je vous invite à prendre connaissance, si ce n'est déjà fait, du tableau très évocateur de notre mémoire, en page 12. Je dois vous dire que, pour quelqu'un qui est né dans les années quatre-vingt, ce n'est pas vraiment intéressant.

Donc, pour renflouer le régime et tenter de réparer les erreurs du passé, il faut hausser rapidement toute cotisation et inviter ainsi le plus grand nombre possible de cotisants à partager la facture. Le Conseil est d'accord avec cette orientation du livre vert et recommande d'adopter la séquence rapide qui permet d'atteindre un taux de 11,8 % en 2003. Toutefois, ce taux demeure trop élevé, car nous devons maintenir un avantage concurrentiel par rapport aux régimes d'assurance privés qui couvriraient le même type de rente. On estime que le taux de cotisation ne devrait pas dépasser 10 % pour maintenir cet avantage concurrentiel. Le Conseil propose donc d'atteindre cet objectif en privilégiant les mesures du livre vert qui visent à élargir l'assiette de cotisation et à augmenter le niveau de la réserve plutôt qu'à réaménager les prestations ou à diminuer les bénéfices du régime.

M. Dowd (Marc-André): Alors, d'entrée de jeu, le Conseil est favorable à la proposition du livre vert de geler le montant de l'exemption générale au niveau de 1996, c'est-à-dire 3 500 $, et de réduire progressivement cette exemption de manière à ce que les travailleurs et travailleuses qui gagneront le maximum de gains admissibles cotisent sur 100 % de leurs gains. Ces deux propositions ont l'avantage d'augmenter le nombre de cotisants au régime et de relier le niveau de cotisation à la capacité de payer du cotisant. La combinaison du gel et de la réduction proportionnelle porterait le taux de 11,8 % à 10 %.

Le Conseil est tout à fait d'accord aussi avec la proposition du livre vert qui suggère de faire cotiser les personnes qui travaillent tout en retirant leur rente de retraite. Il nous apparaît tout à fait normal que les personnes à la retraite qui travaillent soient tenues aussi de cotiser. Même si on ne peut pas estimer dans quelle mesure cette situation peut constituer un frein à l'embauche des jeunes, cela met fin à une situation qui créait une classe de travailleurs pour laquelle il n'y avait pas de taxe sur le salaire, même au-delà de l'exemption générale. Cette mesure, bien qu'elle n'ait aucun effet sur le taux de cotisation, permet néanmoins d'augmenter les cotisations versées au régime de 20 000 000 $.

Enfin, pour remplir les obligations à venir du régime, notamment avec l'arrivée massive à la retraite des générations du baby-boom d'ici 20 ans, il est nécessaire de s'assurer de constituer une réserve substantielle supérieure à la valeur actuelle qui équivaut à deux années de prestations. Le livre vert propose de constituer une réserve à long terme équivalente à quatre fois les sorties de fonds, en 2050. Le Conseil est d'accord avec cette proposition parce qu'une réserve plus substantielle imposerait un effort trop important aux jeunes générations actuelles et aux générations futures de travailleurs et de travailleuses. Avec un niveau de réserve de quatre ans, le taux de cotisation projeté atteindrait 9,7 % d'ici 7 ans.

On a beaucoup entendu, à cette commission comme dans les médias, que, pour assurer le financement du Régime de rentes du Québec, il faut absolument couper dans les dépenses, c'est-à-dire dans les prestations du régime. Le Conseil n'est pas de cet avis. Au sens du Conseil, être équitable envers les jeunes générations, ce n'est pas de les faire payer pour un régime diminué, mais bien que tout le monde paie un peu plus tout de suite, afin que les prochaines générations aient le même régime que les générations actuelles.

(15 h 20)

Outre l'équité, le Conseil s'appuie sur deux principes qu'il considère comme fondamentaux. D'une part, on ne veut pas d'un régime qui risque d'entraîner l'appauvrissement des bénéficiaires actuels et futurs et, d'autre part, on ne veut pas non plus d'un régime qui, ce faisant, risque de faire glisser ses bénéficiaires vers les programmes d'assistance de l'État, une pression supplémentaire sur les finances publiques que les jeunes ne souhaitent ni pour aujourd'hui, ni pour demain. Je vais maintenant laisser à ma collègue le soin de compléter nos propositions.

Mme Lévesque (Julie): Donc, à cet effet, le Conseil croit que l'on doit maintenir à 25 % le taux de remplacement du revenu prévu par le Régime de rentes du Québec. Pour le Conseil, réduire le taux de remplacement du revenu de 25 % à 22,5 % est une hypothèse inacceptable. Cela toucherait particulièrement les travailleurs à faibles et à moyens revenus et par-dessus tout ceux et celles qui ne contribuent pas à des régimes privés de retraite. Les jeunes travailleurs et travailleuses sont déjà bien représentés dans les faibles revenus et ils sont très peu nombreux à compter sur des régimes privés, des régimes complémentaires de retraite ou REER, et on voudrait, en plus, qu'ils se contentent d'un taux de remplacement moindre de leurs revenus à leur retraite? Non merci.

Deuxièmement, le Conseil est évidemment pour le maintien à 65 ans de l'âge d'admissibilité aux rentes de retraite du régime. Hausser l'âge d'admissibilité signifie que les travailleuses et les travailleurs âgés devront demeurer plus longtemps en emploi pour avoir droit à leur rente. Donc, autant d'emplois en moins pour les jeunes qui aspirent au marché du travail. La situation des jeunes au chapitre du chômage est si difficile qu'il ne faut pas ajouter d'autres obstacles structurels.

Troisièmement, le Conseil croit que l'on doit continuer d'indexer pleinement les rentes du régime. L'indexation au coût de la vie selon l'indice des prix à la consommation moins 1 %, telle que proposée par plusieurs, aurait beaucoup d'incidence sur le pouvoir d'achat des retraités actuels et futurs. Encore une fois, les personnes à faibles revenus seraient davantage touchées.

Quatrièmement, le Conseil propose d'augmenter à 25 % plutôt que de réduire à 10 % la période de retranchement des années de gains faibles ou nuls. Diminuer à 10 % le nombre d'années pouvant être retranchées nierait les tendances actuelles du marché du travail. Compte tenu de la situation précaire des jeunes générations sur le marché du travail, qui perdure depuis les années quatre-vingt, ces générations devront pouvoir compter sur une mesure qui leur permettra de retrancher leurs pires années et ainsi s'assurer de revenus plus décents à la retraite.

Enfin, le livre vert propose certains réaménagements en ce qui concerne les prestations d'invalidité et de décès. Le Conseil s'oppose notamment à l'abolition de la prestation de décès, une mesure qui pénaliserait encore une fois les travailleurs et les travailleuses à faibles revenus.

Le Conseil tient aussi à affirmer tout de suite qu'il ne serait pas d'accord avec des modifications qui auraient pour effet de remettre en question l'universalité de la rente de conjoint survivant. C'est aussi sa position sur la prestation de décès.

M. Philibert (Michel jr): Donc, le Conseil tient à rappeler que, si près de 840 000 jeunes âgés de 18 ans à 30 ans cotisent annuellement au Régime de rentes du Québec, plusieurs milliers d'autres n'y contribuent pas en raison de la situation désastreuse de l'emploi chez les jeunes. Alors, pour le Conseil, il est clair que la première orientation qui devrait être privilégiée pour augmenter l'assiette de cotisations au régime, c'est d'abord d'agir sur l'emploi. Des mesures énergiques et efficaces doivent être mises de l'avant pour donner du travail à ces jeunes. Et, là-dessus, les jeunes sont impatients et attendent des actions concrètes.

En conclusion, le Conseil permanent de la jeunesse ne souhaite pas qu'on remette en question le Régime de rentes du Québec. Nous croyons plutôt qu'on doit le préserver jalousement, quitte à devoir tous contribuer davantage par un taux de cotisation plus élevé. Mais il est hors de question que les jeunes en paient seuls le prix. Une part équitable doit être assumée par les partenaires du régime, les employeurs et les générations actuelles de travailleurs.

Chers parlementaires, reculerez-vous encore une fois devant vos responsabilités? La réforme du Régime de rentes du Québec est un appel à la solidarité et à l'équité envers les jeunes générations et les générations futures. L'issue qu'on donnera à cette réforme sera d'une façon ou d'une autre un signal clair que vous enverrez à la jeunesse. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite Mme la ministre à commencer.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Philibert. Bienvenue, Mme Lévesque, M. Dowd et Mme Bisson. Alors, je sais que le Conseil permanent de la jeunesse a fouillé toute cette question, et je ne pense pas mal interpréter en disant que c'est un appui au livre vert, cet après-midi, qui nous est exprimé, avec un bémol qui est finalement de ne pas regarder la question des prestations autrement que pour le gel de l'exemption de base de 3 500 $ et la réduction proportionnelle de l'exemption de base jusqu'au plafond de 35 400 $. Je comprends que vous n'avez pas regardé une question qui a été très souvent débattue ici, en commission, qui est celle du déplafonnement, c'est-à-dire la possibilité d'élargir le maximum de gains admissibles au-delà du 35 400 $. Je ne sais pas si vous avez une idée là-dessus. J'aimerais vous entendre.

Il y a un équilibre, dans votre mémoire. Je trouve qu'il y a quelque chose de sain. En tout cas, vous n'avez pas l'air de chercher des boucs émissaires, et, je vous dis, moi, je suis bien contente, je vous le dis bien honnêtement. Ça sert à quoi, dans une société, que les jeunes prennent comme boucs émissaires des plus âgés ou que les plus âgés prennent les jeunes comme boucs émissaires? Dans le fond, ceux qui sont retraités présentement, ils ont complètement satisfait les conditions qu'on exigeait d'eux. Et, parmi les retraités, je pense à tous ceux qui, dans les années cinquante, les années soixante en particulier, ont quand même énormément contribué au développement du Québec comme on le connaît. On s'est sorti d'un état d'infériorisation dont on n'a pas idée, avec les statistiques de 1961. En tout, on était moins: on était moins en santé, moins scolarisés, moins riches, etc. Alors, c'est quand même dû à cette génération-là – qui aurait pu dépenser ça autrement – je le dis simplement, ce n'est pas la mienne, c'est celle de mes parents.

Ceci dit, vous notez avec raison cependant qu'il faut faire quelque chose. Vous, vous dites «rapidement», puis je vous comprends, parce que, plus longtemps on attend et plus on reporte sur la génération des 20-30 ans et celle qui suivra finalement la responsabilité de corriger un écart où on a 10 % de bénéfices pour 5,6 % de cotisations. Vous savez qu'aujourd'hui en Chambre, le ministre du Revenu a déposé une législation qui va les porter, au 1er janvier, à 6 %. Alors, ce n'est pas suffisant, bien évidemment, mais ça va nous permettre de compléter la consultation, de préparer un projet de loi puis de le faire adopter au printemps.

Il y a vraiment une étude fouillée sur la situation des cotisants de 18-24 ans. Entre autres, à la page 23, vous notez que 75 % des cotisants à la rente du Québec... On n'a aucun autre régime, n'est-ce-pas. C'est donc dire qu'il n'y a qu'un régime public qui leur donne le bénéfice notamment – comment dit-on? – d'une diminution des années de gains faibles. C'est 15 %, n'est-ce pas, le retranchement de ces années qui sont cotisées, mais qui ne sont pas payantes. Alors, il y a une disposition qui permet un 15 %. Dans un régime privé, ça n'existe pas, ça. Et pour les femmes de votre génération, l'autre avantage aussi, c'est un retranchement des années qui ont servi à la garde d'enfants de moins de sept ans. Dans un régime privé, ça n'existe pas, ça non plus.

(15 h 30)

Il y a aussi les autres composantes. Celle du décès, vous la notiez. Cependant, moi, je vous suggérerais de regarder attentivement la possibilité que l'on puisse réaménager la prestation au décès, parce que présentement elle est en fonction de la rente payée, si vous voulez. Alors, quand vous décédez, pour les frais funéraires, vous valez plus si vous avez plus cotisé, donc si vous avez travaillé plus longtemps, ce qui fait, en tout cas, que concrètement un jeune qui décède a droit, en moyenne, je pense, à seulement 1 400 $, tandis qu'un cotisant d'âge moyen qui décède, lui, en moyenne, il a droit à 2 500 $. Nous, on pense qu'il y aurait lieu qu'il y ait une prestation de décès, mais qui soit uniforme. Quand on meurt finalement...

M. Legault (Claude): On n'a plus d'âge.

Mme Harel: ...on n'a plus d'âge. M. Legault dit très philosophiquement: On n'a plus d'âge, et il a bien raison. Par ailleurs, il y a un aspect vraiment, je pense, bien important que je voulais porter à votre connaissance. C'est une sorte de paradoxe, qui est le suivant. Entre 1975 et maintenant, le nombre de cotisants jeunes à la Régie des rentes diminue constamment. Vous voyez, en 1975, par exemple, chez les 18-24 ans, c'était autour de 84 % qui avaient des gains de travail et c'était environ 70 % qui cotisaient à la Régie des rentes, tandis qu'en 1993, c'est autour de 50 %, à peu près, qui cotisent. Ça veut dire que les jeunes travaillent, sont plus nombreux à travailler, mais que leur revenu de travail est souvent en bas de l'exemption de 3 500 $. Donc, il ne s'ouvre jamais un droit de calculer des années supplémentaires à la rente, même si c'est des années pas payantes.

Alors, je suis très, très contente que vous ayez recommandé d'introduire ce gel. Puis c'est un gel doux, comme vous l'avez dit aussi, parce que, avec le coût de la vie, si tant est que ça se maintienne comme c'est en moyenne depuis 10 ans, ça va prendre 40 ans pour arriver à l'abrogation totale de l'exemption. Alors, l'entreprise qui engage souvent des jeunes a, disons, l'occasion de le prévoir longuement. Mais, au fur et à mesure que les années vont passer, les jeunes vont s'ouvrir une année de plus à la rente. Et au bout du calcul... C'est tout un débat qu'on a eu ici. On n'y est pas revenu, mais c'était un débat avec le député de Verdun sur le fait: Était-ce socialement bénéfique ou pas? Mais je comprends que, vous, après l'avoir étudié, vous avez conclu que c'était socialement bénéfique pour les jeunes. Alors, je vous entends sur le déplafonnement et peut-être une autre question, avant que mes collègues puissent échanger avec vous.

M. Philibert (Michel jr): Alors, oui, aujourd'hui, c'est un appui qu'on donne au livre vert. Mais je dois vous dire que le Conseil avait déjà été un peu initié à ce dossier-là, parce qu'on avait pris connaissance de l'analyse actuarielle qui a précédé le livre vert et que c'était carrément inacceptable, d'avoir... En tout cas, le scénario de l'époque faisait que c'était notre génération et la génération qui nous suivait qui ramassaient toute la facture, et, pour nous, c'était déjà très inacceptable, ce scénario-là. Donc, déjà, on avait prévu, on avait commencé à réfléchir autour d'une hausse rapide des cotisations pour assurer qu'on soit le plus grand nombre possible à partager la facture. Donc, Mme la ministre, quand vous avez rendu public le livre vert qui faisait état de la même hypothèse, on n'avait pas le choix que de l'appuyer, et on en est bien heureux.

Pour le déplafonnement des cotisations, on pense, au Conseil, que notre régime public d'épargne doit bénéficier en priorité aux faibles et moyens revenus. Donc, quand on pense que, quand on a un revenu supérieur à 35 000 $, 45 000 $, 50 000 $, 60 000 $, à la retraite, le montant de la rente payée par la Régie des rentes du Québec devient de plus en plus marginal. Les hauts salariés ont de moins en moins besoin du Régime de rentes pour s'assurer une retraite confortable. On disait aussi que, si on doit déplafonner les cotisations, il faut aussi verser des rentes plus généreuses à cette partie de la population, et je ne suis pas sûr que c'est ce qu'on voudrait faire, nous, comme jeune génération.

Vous avez fait un commentaire aussi, que notre mémoire est... Donc, finalement, notre mémoire est très intergénérationnel finalement. On est conscient que les jeunes sont mal pris et que les jeunes ne pourront pas s'en sortir tout seuls. Les jeunes ont besoin des générations qui les ont précédés, et c'est pour ça qu'on fait un appel à la solidarité envers les jeunes. Les jeunes, on le dit: Pour les jeunes, une solidarité, ça ne sera pas d'avoir un régime amputé. Pour nous, l'équité entre les générations, c'est de pouvoir bénéficier du même régime, quitte à ce que tout le monde paie plus. Donc, pour nous, c'est ça, l'équité.

Mme Harel: Donc, ce n'est pas de désindexer les retraités actuels?

M. Philibert (Michel jr): Ah! bien non. Non plus, parce qu'on va faire une autre pression sur les programmes d'assistance sociale. Et puis, comme génération, ça va avoir un effet sur les finances publiques que nous on ne veut pas aujourd'hui et qu'on ne veut pas plus tard. On l'a déjà, le déficit dans la gorge. Ne venez pas nous donner plus de dépenses au niveau social par après, quand on a un régime qui est assumé par les travailleurs et les employeurs.

Mme Harel: Concernant l'analyse actuarielle à laquelle vous vous référiez, il ne s'agissait pas, dans le fond, d'une proposition de la Régie, il s'agissait plus d'une étude qui, n'eût été que l'on agisse, se serait produite, toutes choses ayant été égales, par ailleurs. Vous dites, dans votre mémoire, à la page 13, que vous vous fixez un taux qui ne dépasse pas 10 %. Ça vous apparaît plus réaliste et plus acceptable tant pour les travailleurs que pour les entreprises. Ça, c'est le mémoire que vous nous présentez. Et je comprends que ce 10 %, cependant, on n'y arrive pas seulement avec le gel d'exemption ni avec la réduction proportionnelle. S'il n'y a pas d'autres mesures, on reste à 11,8 %, autour de 11,8 %. C'est le gel et l'exemption qui nous amènent vers 10,4 %. C'est, grosso modo, l'état des choses. Si tant est qu'on en reste là, on dépasse déjà ce 10 % que vous fixez comme étant même réaliste.

Et là évidemment on ne peut pas bonifier avec les retranchements des années de gains faibles de 15 % à 25 %, comme vous les proposez; je crois que c'est à la page 25. Ça pourrait équivaloir environ à 1 %, 1,5 % de plus du taux de cotisation, d'augmenter de 15 % à 25 % les retranchements des anneés de gains faibles. On peut toujours le faire, procéder par étapes, mais je pense que se pose aussi la question du déplafonnement.

Tantôt, vous mentionniez qu'il y aurait un remplacement de revenus de 25 % sur un montant supérieur à 35 400 $; ça pourrait être 40 000 $, 50 000 $. La Colombie-Britannique parle de 50 000 $ de plafond, qui est à 35 400 $ maintenant. Il faut comprendre que ça rapporte quand même parce qu'il y a une répartition. Étant donné que les cotisations ont du rendement et que souvent les personnes vont prendre leur retraite dans 10, 15 ou 20 ans, c'est évident qu'élargir l'assiette de gains admissibles a un impact à la baisse sur le taux de cotisation.

Mais, dans tout ça, étant donné que vous êtes familiers avec toutes ces questions-là, si on va vite, ça coûte plus cher de cotisation et, à ce moment-là, on peut moins faire d'autres réaménagements comme le retranchement des années de gains faibles. Si on va moins vite, on peut peut-être, à ce moment-là, compenser en examinant ces questions de retranchement d'années de gains faibles. Parce que vous comprenez que, à choisir, le retranchement des années de gains faibles, c'est les jeunes et les femmes que ça avantage parce que, très souvent, ça peut prendre du temps avant qu'ils trouvent un emploi régulier rémunéré. Alors, est-ce qu'on est mieux d'aller chercher du côté, par exemple, d'un examen de l'augmentation du retranchement des années de gains faibles ou avec une cotisation qui va augmenter, si vous voulez, plus doucement?

M. Philibert (Michel jr): Bon. Vous nous amenez à une autre avenue à laquelle on n'a pas pu réfléchir. Il faut dire qu'au Conseil on n'a malheureusement pas les moyens de se payer des actuaires pour étudier en détail tous ces chiffres-là.

Mme Harel: Oui, mais, écoutez, l'autre fois, la fédération des étudiants universitaires est venue, puis les deux étaient actuaires, imaginez. Ha, ha, ha!

(15 h 40)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Philibert (Michel jr): Eux, ils ont un bassin, un membership assez grand, que le Conseil n'a pas. Bon. C'est un impact qu'on n'avait pas calculé. Et on n'a pas fait de débat là-dessus, au Conseil, à savoir si on était capable de négocier une augmentation plus faible en échange d'une mesure de retranchement plus élevée à 25 %. Je pense qu'il faudrait voir les impacts que ça pourrait avoir. Mais on n'est pas rébarbatif à cette solution-là. Le retranchement des années de 25 % pour les jeunes, c'est quelque chose qu'on doit obtenir parce que les revenus d'emploi des gens de notre génération et de ceux qui vont nous suivre vont être très irréguliers, et je pourrais même dire aléatoires aussi, parce que la sécurité d'emploi, pour nous, ça n'existe plus, et les régimes d'épargne privés non plus. Vous avez vu, 75 % des jeunes n'ont aucun régime complémentaire de retraite. Donc, le Régime de rentes du Québec, ça peut être le seuil minimum de leurs revenus de retraite, et c'est pour ça qu'on y tient à ce régime public là, à cette obligation d'épargne publique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le président. Je tiens à saluer votre présence et l'importance qu'on accorde au Conseil permanent de la jeunesse. Je voudrais revenir sur la période de retranchement. J'y reviendrai après parce que, essentiellement, c'est ça que vous avez comme élément, comme modification que vous proposez. Les raisons pour lesquelles vous l'augmentez à 25 %, la période de retranchement, c'est parce que vous dites: Le marché du travail a changé de nature, à l'heure actuelle, et il faut s'adapter à ces modifications du marché du travail. C'est bien cela?

M. Philibert (Michel jr): Oui.

M. Gautrin: Alors, la question que je ne comprends pas, c'est: Pourquoi, une fois que vous êtes pour élargir cette période de retranchement, vous demandez aussi le gel de l'exemption annuelle de base? Parce que vous comprenez que, si vous avez une période de retranchement plus grande, vous avez avantage que la période où vous ne contribuez pas, ça soit considéré comme un salaire zéro plutôt que de devoir contribuer, à ce moment-là, puisque ce seraient des périodes qui, n'importe comment, vous seront retranchées dans le calcul de la prestation, à la fin. Alors, j'aimerais savoir pourquoi, comprendre.

M. Philibert (Michel jr): Je comprends. Je comprends bien votre question. Pour nous, le gel du 3 500 $, c'était une façon qui était assez facile d'aller chercher, de diminuer le taux de cotisation qu'on voyait trop élevé, même en diminuant... Bon, attendez, je vais recommencer. Laissez-moi rassembler mes idées. Quand on a discuté, au Conseil, du taux de cotisation qu'on devait aller chercher, le 10 % qui était le taux compétitif...

M. Gautrin: C'est-à-dire le seuil maximal...

M. Philibert (Michel jr): Le seuil minimal...

M. Gautrin: ...au-dessus duquel vous ne voulez pas...

M. Philibert (Michel jr): On ne pouvait pas aller au-delà du 10 %. On a cherché à diminuer le taux de cotisation, mais en prenant des mesures qui maintiendraient tous les bénéfices et les acquis du régime. Donc, parmi ceux-là, on a pris ceux qui étaient les moins coûteux pour nous. Exemple, pour faire diminuer le taux, on ne voulait pas désindexer les bénéfices du régime.

M. Gautrin: J'ai compris votre pensée.

M. Philibert (Michel jr): Mais le 25 %, on n'était pas en mesure de l'évaluer d'une manière actuarielle. On apprend aujourd'hui ce que ça représente. Ça représente 1 %. Peut-être que notre analyse, à l'époque, aurait été différente. Mais je dois vous dire que je comprends votre question.

M. Gautrin: Je reviens maintenant sur... Vous avez terminé votre intervention – et je partage tout à fait ce point de vue là – en disant: Dans le fond, c'est agir sur l'emploi qui permettrait essentiellement de redonner une vitalité à nos régimes de rente. Et je pense que, de part et d'autre, on partage ce point de vue là. Néanmoins, vous favorisez le taux de croissance de la cotisation dit le plus rapide. C'est bien ce que j'ai cru comprendre de votre document.

M. Philibert (Michel jr): Oui.

M. Gautrin: Or, ne pensez-vous pas – je vais poser ça sous forme de question, pas d'affirmation – que ce taux de croissance le plus rapide peut être le plus pénalisant actuellement sur le marché du travail parce qu'il risque d'être assimilé à ce qu'on appelle dans notre jargon une taxe sur la masse salariale et que toute taxe sur la masse salariale a des effets perturbateurs sur l'emploi, même si elle peut être nécessaire dans certains cas?

M. Philibert (Michel jr): Oui. Et quand on a débuté notre réflexion là-dessus, j'ai eu des discussions avec M. Dufour, du Conseil du patronat, puis M. Audet, de la Chambre de commerce du Québec. Moi, ils m'ont dit que cette taxe-là – bien, ce n'était pas vraiment une taxe, là, ce n'est pas une taxe vraiment salariale...

M. Gautrin: Non, mais j'ai volontairement utilisé «ça pouvait être assimilé...

M. Philibert (Michel jr): Oui, assimilé.

M. Gautrin: ...à une taxe sur la masse salariale», donc avoir les mêmes effets sur l'emploi qu'une taxe sur la masse salariale.

M. Philibert (Michel jr): Moi, ce qu'ils m'ont dit, c'est que c'était spécial, cette contribution-là de l'entreprise, parce que c'était sociétal – je ne veux pas employer le mot «taxe» – comme contribution sur la masse salariale des gens. À notre sens, cette contribution-là de l'entreprise, ça appelle à une responsabilité sociale de l'entreprise. L'entreprise, elle est dans la société, elle ne vit pas en dehors de la société.

Puis il faut se dire aussi que le Régime de rentes du Québec, ça bénéficie aux travailleurs, aux travailleuses, mais ça bénéficie aussi aux entreprises. La Caisse de dépôt et placement, je dois vous dire qu'elle investit dans les entreprises au Québec et que c'est un levier économique qui est mauditement important: le fédéral veut s'en créer une. Puis toute l'action de la Caisse de dépôt...

M. Gautrin: Vous êtes conscient qu'on est en situation de décaisse actuellement de la Caisse de dépôt et qu'on arriverait d'une manière optimale à une situation de stabilisation des sorties de fonds...

Une voix: Dans ce compte-là.

M. Gautrin: Vous avez parfaitement raison, excusez-moi, dans ce compte-là. Merci. Heureusement, d'ailleurs.

M. Philibert (Michel jr): Je dois vous dire que tout ce financement-là, c'est nous et c'est les patrons. Donc, tout le monde tire bénéfice de ce régime-là.

M. Gautrin: Bien sûr.

M. Philibert (Michel jr): Et puis, bon, je ne veux pas faire de politique fiction ici, mais, si jamais on appauvrit les futurs retraités du Québec, il n'y a rien qui dit que les impôts des entreprises vont être encore plus élevés.

M. Gautrin: Ça, je comprends tout ça, et les gens sont venus nous dire cela. Les différents représentants du monde patronal sont venus en commission nous dire que le taux de croissance de la prestation a un effet perturbateur sur l'emploi. Le niveau pouvant être acceptable, s'il se fait sur une certaine période de temps, les taux de croissance très rapides des taux de cotisation ont, à ce moment-là, un effet perturbateur évidemment sur le moyen terme. Et on a eu d'énormes discussions sur le concept de ce qu'on appellait le moyen terme. Mais, pour vous, j'imagine que, le moyen terme, c'est déjà très long parce que la situation de l'emploi chez les jeunes...

M. Philibert (Michel jr): ...à court terme. Mais, je vous ferai remarquer, je me suis livré à un petit exercice qui n'est pas tellement compliqué, parce que, moi aussi, je me suis posé la question sur ce que ça représentait...

M. Gautrin: Bien sûr.

M. Philibert (Michel jr): Parce que ça représente des milliards, ces sommes-là. Mais il faut toujours ramener ça à la somme d'argent, ce que ça représente réellement année par année. Quand on regarde le tableau de la page 22 du livre vert, quand on a des taux annuels de cotisation, puis quand on le fait sur son propre talon de paie – parce qu'on en paie tous du RRQ – et quand on commence à appliquer les augmentations, on s'aperçoit que les montants ne sont pas très élevés et que... Puis, à part ça, ce n'est pas tout le monde, là. La majorité des gens ne paient pas le montant maximum au RRQ. Donc, c'est des augmentations de 25 $, 35 $, 50 $, 70 $ par année, par personne, ce n'est pas des montants si élevés que ça. Je pense que nos hommes d'affaires sont beaucoup plus solides qu'on ne le pense, et qu'ils viennent vous le dire ici...

M. Gautrin: Ça dépend du nombre d'employés que vous avez. Parce que je me permettrais de vous rappeler qu'il faut multiplier aussi par le nombre d'employés pour voir l'effort que fait une corporation.

M. Philibert (Michel jr): Je suis d'accord avec vous.

M. Gautrin: Je vais rentrer sur un autre point. Vous avez plaidé pour le maintien de l'intégralité des prestations en disant: On veut avoir ce qui existe, il n'y a pas de raison que l'on diminue. Pourtant, vous avez, dans une autre partie de votre intervention, signalé qu'il y avait des changements sociétaux qui justifiaient en particulier l'augmentation de la période de retranchement. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il existe aussi, particulièrement dans la situation des couples et des couples jeunes, des changements sociétaux qui amèneraient à repenser, du moins pour les plus jeunes, la rente de conjoint survivant? Si, au moment de l'instauration du régime, la majeure partie des couples n'avait qu'une personne qui était sur le marché du travail, pour les couples plus jeunes – et je crois que vous pouvez en témoigner, puisque vous les représentez – souvent, les deux personnes sont contributeurs au Régime de rentes, sont sur le marché du travail, s'ils le peuvent. Est-ce qu'il y a la même nécessité pour vous de maintenir cette rente de conjoint survivant et pourquoi?

(15 h 50)

M. Philibert (Michel jr): Là-dessus, quand on a fait les discussions, sur le comité du Régime de rentes, au Conseil, on s'est dit: Bon, bien... Je dois vous dire que, bon, on fait un débat ici, mais, quand même, on est un peu accroché au fédéral, sur nos régimes de pensions.

M. Gautrin: Comme dans beaucoup de choses.

M. Philibert (Michel jr): Le fédéral va éventuellement étudier cette prestation-là. Québec va sûrement aussi étudier cette prestation-là. On jugera quand ce sera nécessaire de le faire. Mais on n'était pas prêt à l'abandonner tout de suite.

M. Gautrin: Donc, vous ne l'abandonnez pas, en principe, mais vous dites... Vous avez une position de principe, si je comprends bien votre position.

M. Philibert (Michel jr): Exactement. Exactement.

M. Gautrin: Votre position de principe, c'est de dire qu'il n'y a pas de raison que, nous, on ait quelque chose de différent que ce que vous avez.

M. Philibert (Michel jr): C'est exactement...

M. Gautrin: Autrement dit, je caricature, et, quand vous dites le «vous», c'est «nous». Mais, si jamais il y avait des modifications qui étaient faites, à ce moment-là, sur cette prestation, vous la réexamineriez à sa valeur.

M. Philibert (Michel jr): Et le Conseil est là pour étudier ce que sa génération... Quand sa génération est touchée, le Conseil est là pour étudier. Puis le Conseil va aviser.

M. Gautrin: M. le Président, j'aurais d'autres questions, mais je sais que mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce a une question sur la rente d'invalidité, je voudrais lui laisser du temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant d'aller au député de Notre-Dame-de-Grâce, je vais aller au député de Crémazie.

M. Campeau: Merci, M. le Président. Je suis pas mal épaté par votre rapport. Je trouve qu'on n'a pas besoin d'être actuaire, d'être deux actuaires pour avoir du bon sens. À part de ça, il ne faut pas se tromper. Mais les actuaires, ça se trompe souvent. C'est vrai qu'ils prennent des chances plus que nous, mais, dans leurs chiffres, ils se trompent. C'est tellement vrai que...

M. Gautrin: Souvent, on ne comprend pas ce qu'ils disent. C'est pour ça qu'on pense qu'ils se trompent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: Est-ce que je peux lui répondre tout à l'heure ou tout de suite?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, vous pouvez continuer avec nos invités.

M. Campeau: Bon, dès 1965, quand la Régie a commencé, il ne faut pas se tromper, ils se sont trompés, parce qu'on n'est pas arrivé à ça, là. Alors, je veux juste soumettre ça. Si on avait été actuaires, peut-être qu'on se serait trompés, nous aussi. Je ne veux pas les blâmer, mais ne pensons pas que les actuaires, ce sont des dieux, ils se trompent comme tout le monde. Et il n'y a rien comme le gros bon sens. Et votre rapport en fait état, du gros bon sens. Je trouve aussi que vous avez du gros bon sens – remarquez bien, ça m'impressionne encore plus – quand vous louangez la Caisse de dépôt, je suis bien d'accord avec vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: L'autre question. Il y a eu un projet de loi de déposé cet après-midi, à l'Assemblée nationale, qui porterait à 6 % les cotisations. Est-ce que je peux assumer que le fédéral va le faire, Mme la ministre, en même temps?

Mme Harel: Pour la rente de conjoint survivant?

M. Campeau: Non, le 6 %, l'augmentation des taux.

Mme Harel: Le 6 %, eux, ils n'avaient pas la même obligation pour 1997. Mais M. Legault va vous expliquer pourquoi.

M. Legault (Claude): La loi sur le Régime de pensions du Canada prévoit une augmentation automatique de son taux de cotisation, portant le taux de 5,6 % qu'il est actuellement à 5,85 % au 1er janvier. C'est sûr et certain qu'ils ont déjà mentionné l'intention de le majorer à 6 %. Mais, s'ils ne déposent pas de projet de loi, comme il a été fait aujourd'hui, c'est donc 5,85 % qui sera leur taux. Mais ils ont l'intention de le porter à 6 %.

M. Campeau: Ça clarifie ma question, M. le Président. Ça va être la première fois, je pense, depuis la création de la régie des rentes du Canada et la Régie des rentes du Québec, que les deux taux ne sont pas les mêmes. Il ne semble pas que ça soit une grosse différence, 5,85 % et 6 %, je pense qu'on n'en mourra pas. Mais vous, est-ce que vous, en gros bon sens, vous consentiriez à ce que le taux de la Régie des rentes du Québec soit plus élevé que le taux de la régie des rentes du Canada?

M. Philibert (Michel jr): Bon, là-dessus, je vais vous dire oui. Parce qu'on porte un jugement critique envers les parlementaires depuis 1977, là-dedans. Finalement, on dit: Vous n'avez pas fait votre travail, vous avez toujours reporté à plus tard la solution au problème.

M. Campeau: Il faut que vous ajoutiez: Toujours pour toutes sortes de bonnes raisons.

M. Philibert (Michel jr): Exactement, c'était toujours des bonnes raisons. Oui, oui, ça, je n'en doute pas, permettez-moi de ne pas en douter. Moi, oui, j'accepterais parce que, pour nous en tout cas, au Québec, c'est primordial, ce régime-là. Et que le Canada fasse un choix... Le Québec devrait faire le choix de maintenir ce régime-là pour ses jeunes, quitte à ce que le fédéral puisse prendre une autre tangente. Mais je pense, j'ai cru voir que le fédéral avait sensiblement la même orientation que le Québec dans le présent débat. Quand je voyais les tableaux des deux cotisations, ça semblait être pas mal la même chose.

M. Campeau: Ce qui nous sauve un peu au Québec, aussi – vous l'avez dit vous-même, alors je le répète – c'est la performance de la Caisse de dépôt qui fait que le rendement de la Régie des rentes du Québec a été supérieur au rendement de la régie des rentes du Canada. Je me permets de souligner un point. Si l'écart est important entre le taux de la régie des rentes du Canada et celui du Québec – 5,85 %, 6 %, je ne pense pas que c'est important, dans mon livre à moi – bien, ça peut nuire à notre compétitivité avec les autres provinces, et le ministre des Finances, à ce moment-là, devrait en tenir compte dans d'autres taxes sur la masse salariale plus directes. Celui-là, ce n'est pas une taxe, parce qu'en fait on se crée un fonds de pension. Mais, quand même, ça vient affecter le pouvoir d'achat du travailleur et de l'employeur aussi. Donc, je pense qu'il va falloir regarder ça attentivement sur...

M. Philibert (Michel Jr): Exactement comme vous l'avez dit. Puis vous avez été aussi ministre des Finances. Moi, je vous dis qu'on accepterait un écart important. L'important, nous, c'est qu'au Québec les jeunes puissent compter, pour avoir un revenu à la retraite, sur une rente de la Régie des rentes du Québec. Le ministre des Finances pourra, à ce moment-là, voir comment il pourra compenser cette perte de compétitivité là.

M. Campeau: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Messieurs, mesdames du Conseil permanent de la jeunesse, il y a une recommandation parmi votre série de recommandations qui m'a intrigué un peu, c'est celle dans laquelle on demande à la Caisse de dépôt et placement d'élaborer des mécanismes spécifiques visant la création d'emplois pour les jeunes. La partie qui m'intrigue: Pourquoi la Caisse? Il me semblait, moi – peut-être, je me trompe – que c'est plutôt la responsabilité du gouvernement d'élaborer de tels programmes, tandis que la Caisse est là pour faire des investissements, pour assurer un taux de rendement, etc. Alors, pourquoi le choix de la Caisse et non pas... Vous l'avez faite ailleurs, la recommandation de travailler à la création d'emplois. Vous l'avez faite, je pense, au gouvernement. Ça m'intriguait. Pourquoi vous avez ciblé la Caisse avec cette recommandation-là?

M. Philibert (Michel Jr): O.K. C'est une bonne question...

M. Copeman: Ça peut intriguer, peut-être, le député de Crémazie aussi.

M. Philibert (Michel Jr): Oui, d'autant plus qu'il pourrait nous suggérer des bonnes façons... comment la Caisse pourrait nous aider. Je suis bien d'accord avec vous qu'une des responsabilités du gouvernement, c'est que les jeunes puissent travailler, au Québec. Mais on s'est dit: On est intergénérationnel, oui, mais on est intelligent pareil. On sait qu'on va avoir une plus grande part, nous, pour financer ce régime-là, et on voudrait, à un moment donné, que ça puisse nous être retourné, que l'augmentation de cotisations qu'on va absorber, on puisse avoir des bénéfices ailleurs.

Comment on pourrait le faire? Dans ce cas-là, étant donné que la Caisse de dépôt et placement est intimement liée au Régime de rentes du Québec, on présume que la Caisse aurait un rôle à jouer à cet effet-là par le biais peut-être de fonds d'investissement pour les jeunes. Vous savez que les jeunes ont de la difficulté à trouver du financement. Même, le député de Crémazie pourrait nous suggérer plusieurs avenues parce qu'il a été président de la Caisse. Donc, la Caisse est intimement liée au régime. Donc, nous, on fait l'association: Nous, on va contribuer plus; bien, peut-être que les jeunes pourraient retirer un peu plus de la Caisse.

M. Copeman: Autrement dit, si j'ai bien saisi votre réponse, c'est un peu pour compenser d'une autre façon le rapport de la valeur des prestations sur la valeur des cotisations que vous avez indiqué dans votre mémoire. Quand on voit le rapport qui est là, à partir des cotisants amenés en 1970, la valeur n'est pas là. Là, vous dites: Si on est pour contribuer plus, aidez-nous avec des projets créateurs d'emplois chez les jeunes par le biais du fonds pour lequel on contribue de plus en plus.

M. Philibert (Michel Jr): Exactement.

M. Copeman: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Verdun.

(16 heures)

M. Gautrin: Bien, je ne voudrais pas faire un long débat avec mon ami le député de Crémazie, mais je ne voudrais pas non plus qu'on laisse entendre que toute prévision actuarielle tombe dans quelque chose qui est purement imaginaire. En général, les prévisions actuarielles, sans nécessairement les prendre purement et simplement à la lettre, donnent une indication assez correcte en fonction de variations de paramètres qui ne se réalisent pas nécessairement à l'indice près, mais donnent les grandes tendances et la direction dans laquelle vont aller telle caisse de retraite ou tel régime de rentes. Et il ne faudrait pas ici arriver dans la position contraire et avoir une position anti-actuaires dans laquelle on n'aurait même pas besoin de se réunir ici, parce qu'on dirait: Tout est purement – ha, ha, ha! – enfin, du domaine aléatoire.

Ceci étant dit, j'aurais une question, quand même, à vous poser dans le même ordre que la question du député de Crémazie: L'harmonisation entre le RPC et le RRQ, est-ce que c'est une chose importante pour vous? C'est une chose qui doit être maintenue? Ou est-ce que vous avez réfléchi sur cette question-là? Ça a un effet, évidemment, sur la mobilité des travailleurs et des choses comme ça.

M. Philibert (Michel jr): Bien, historiquement, le Régime de rentes s'est harmonisé avec celui du fédéral. Ce qu'on dit, c'est que, s'il ne devait plus y avoir harmonisation, bien, préservons notre régime puis compensons ailleurs. C'est simple. C'est ce qu'on dit.

Nous, ce qui est important, c'est d'avoir... Les jeunes ne veulent pas d'un régime amputé, puis c'est ce qu'on vous dit. Nous aussi, on veut avoir la prestation de conjoint survivant, nous aussi, on veut avoir des prestations en cas d'invalidité pour nos enfants, nous aussi, on veut ce régime-là. L'équité intergénérationnelle, ce n'est pas de dire: Ah! maintenant on n'a plus d'argent, on vous coupe le régime puis on maintient notre taux bas parce qu'on n'a pas su prévoir. Ce n'est pas ça, l'intergénérationnel. L'intergénérationnel, c'est que tout le monde doit payer. Le fédéral, oui, c'est important, parce que, dans l'équation, le fédéral est toujours important. Mais, si le fédéral devait prendre une autre direction, bien, moi, je souhaite que notre gouvernement, que mon gouvernement maintienne le Régime de rentes du Québec pour avoir un minimum pour que, nous, on puisse avoir un minimum de bénéfices pour nos retraites. C'est ça qui est important.

M. Gautrin: Pour vos retraites. C'est ça qui est important. Est-ce que vous avez aussi embarqué sur la question de l'ensemble des prestations? Dans la première question à laquelle vous m'aviez répondu, vous avez dit: L'ensemble des prestations, particulièrement celle de conjoint survivant, on pourrait éventuellement les réétudier lorsque le fédéral en arrivera... si jamais il la remet en question.

Moi, ce qui m'importe quand même de vous dire... Et je comprends votre réponse dans le sens suivant: l'harmonisation, si c'est là, tant mieux; si ce n'est pas là, ce n'est pas plus grave que ça. Ce qui importe, c'est le régime tel qu'il est ici, indépendamment des questions de mobilité. C'est ce que vous me dites, à l'heure actuelle?

M. Philibert (Michel jr): C'est ce que je vous dis.

M. Gautrin: Bon. Alors, je ne suis pas ici pour commenter vos points de vue, mais au moins j'ai compris ce que vous m'avez répondu. Ha, ha, ha! J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le Président, je... Je m'excuse, je me parle.

Une voix: Et je m'écoute?

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Quand on le sait, ce n'est pas grave.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: M. le Président, si vous êtes rendu à vous parler à vous-même, là... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est mauvais signe. Ha, ha, ha!

M. Copeman: C'est une habitude qu'on remarque de plus en plus chez les...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'ai une problématique de temps. Je reconnais le député de Notre-Dame-de-Grâce et, avec votre permission, je permettrai une dernière question au député de Crémazie même si le temps, du côté du parti ministériel, est écoulé, encore une fois, compte tenu qu'on a dit que, pour les jeunes, cet après-midi, on essaierait d'y aller au maximum.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Il y a un autre élément que vous ne touchez pas dans votre mémoire, et je me demandais le pourquoi. Peut-être qu'il y a une explication simple. Quand la Fédération étudiante universitaire du Québec est venue, et une couple d'autres groupes aussi, elle a parlé de l'importance du taux de natalité, du bassin de population qui existe pour supporter n'importe quel régime d'assurance. Hein, on peut jouer avec soit des cotisations, le niveau de capitalisation, le niveau de prestation. Si on ne maintient pas un bassin de population assez important, le renouvellement d'un tel bassin, ça peut remettre en question l'existence même d'un plan d'assurance, d'un régime de retraite.

Vous êtes-vous penchés sur la question des politiques qui pourraient encourager soit le taux de remplacement, le taux de fécondité, le taux de natalité ou l'immigration pour assurer le renouvellement nécessaire de la population québécoise pour assumer le fardeau fiscal?

M. Philibert (Michel jr): Non, on ne s'est pas penchés là-dessus.

M. Copeman: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'autres questions, M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Oui. Ça va aller très vite. À la page 30, vous parlez de la Caisse de dépôt, comme mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce en a fait mention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et vous aimez ça quand on en parle.

M. Campeau: Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: Surtout quand on parle comme ça en bien juste sur la mission de la Caisse. Et je vous rappelle la mission de la Caisse dans le discours de Jean Lesage, un bon libéral – il y en a...

Une voix: Il y en avait.

M. Campeau: Ha, ha, ha! Dans le discours de Jean Lesage, il disait: La Caisse de dépôt devra voir au rendement, à la profitabilité et aussi au développement économique. Et après ça il élaborait. Puis le développement économique, c'est aussi la création d'emplois. Et la création d'emplois, bien, c'est dans toute la société: les plus âgés, les moyens puis les jeunes. La conclusion, c'est que votre énoncé, il est bien correct, puis, la Caisse de dépôt, elle doit créer des jobs pour vous autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire et j'invite maintenant les gens de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons maintenant les représentants de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec. Alors, M. Sauvé, je vous invite à présenter la personne qui vous accompagne, nom et titre, pour fins d'enregistrement, et à commencer votre présentation.


Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec

M. Sauvé (Jonathan): Alors, je suis accompagné de Mélanie Presseault, qui est coordonnatrice aux affaires politiques pour la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec et qui est un peu l'âme derrière à peu près tous les documents que la Commission-Jeunesse présente. Donc, c'est conjointement que nous vous tirerons les grandes lignes de ce document.

J'enchaînerai tout de suite en vous disant que l'origine de tout ce processus remonte au printemps dernier alors que les jeunes du Parti libéral du Québec ont eu à identifier quels seraient leurs sujets de discussion lors de leur congrès annuel, le quatorzième, qui se tenait en août dernier à Saint-Jérôme, et le Régime de rentes du Québec est rapidement apparu, à l'intérieur d'un volet concernant le conflit intergénérationnel, comme étant un incontournable.

Donc, suite à une tournée de consultation qui s'est par la suite faite au mois de juillet et à des colloques régionaux qui l'avaient précédée, nous en sommes arrivés à la position que nous vous présentons aujourd'hui et qui émane donc de notre congrès qui s'est tenu au mois d'août et auquel 600 jeunes ont participé pour clôturer, je dirais, le processus qui avait été utilisé et auquel de nombreux jeunes ont participé.

En partant et en guise d'introduction, je vous dirais que les chiffres qui nous ont alarmés – et je vous les mentionne pour que vous les ayez à l'esprit – sont les suivants, et ce sont eux qui, en fait, sont à l'origine de toute la réflexion que nous avons pu entamer: on nous dit qu'en 2011 près de 16 % de la population québécoise aura plus de 65 ans et que le vieillissement de la population sera tel qu'en 2031, 20 ans plus tard, on aura fait un bond jusqu'à 26 % de la population qui à ce moment-là aura au moins 65 ans. Pour les jeunes, c'est inquiétant et ça démontre que l'évolution des pyramides d'âge de la population totale au Canada dessine les contours d'un conflit intergénérationnel, le problème étant, on le sait, intensifié par un faible accroissement naturel de la population.

(16 h 10)

Face à ce déséquilibre qui se manifeste donc entre les catégories d'âge et face aux choses qui changent au fil des ans, ça nous a amenés à réviser certains programmes mis en place voilà 30 ans, durant une période de croissance économique, et le Régime de rentes est rapidement apparu comme étant un des éléments se devant d'être réformés.

Mme Presseault (Mélanie): Il y a longtemps, l'aide aux personnes âgées était principalement du ressort des familles. Vers la fin du XIXe siècle, les différents bouleversements sociaux amenaient graduellement le gouvernement à prendre en charge cette responsabilité. La création d'un régime d'assistance financière pour les personnes âgées était alors indispensable.

Le gouvernement fédéral a adopté la première mesure spécifique aux personnes âgées lorsqu'il a constaté la grande difficulté, pour les travailleurs canadiens, à économiser. Depuis, de multiples programmes ont été initiés au niveau fédéral, et une dynamique particulière a maintes fois animé les relations entre Québec et Ottawa lorsqu'il était question de programmes conjoints. C'est finalement en 1967 que ces régimes ont été remplacés par le Régime de rentes du Québec et le Régime de pensions du Canada.

Porté au pouvoir en 1960, le gouvernement libéral de Jean Lesage amorce dès le début de son mandat une réforme globale de sa politique sociale. Le programme du Parti libéral du Québec propose alors la création d'une caisse de retraite publique et l'instauration de transferts d'une entreprise à l'autre des prestations acquises dans les régimes privés. Or, d'une part le premier ministre Lesage est aux prises avec la situation financière difficile du Québec et d'autre part il doit absolument moderniser et instituer de nouvelles sources de revenus.

Dès 1960, la conférence fédérale-provinciale initie une nouvelle relation entre Ottawa et Québec. Dans le même ordre d'idées, en 1963, la création d'un régime de retraite propre au Québec s'ajoute au discours politique de la province. Un comité d'étude sur la caisse de retraite présente les projections actuarielles essentielles à l'instauration du régime. Dans le but de poursuivre les travaux du comité Dupont, le comité ministériel d'étude sur le RRQ, toujours dirigé par Dupont, initie la création d'une caisse de retraite publique et universelle sur la base des calculs actuariels.

M. Sauvé (Jonathan): Est-il besoin maintenant de vous rappeler que le mode de calcul actuel fait en sorte qu'un travailleur est tenu de cotiser au RRQ si son revenu est supérieur à l'exemption générale de 3 500 $? Je le mentionne parce que c'est un élément important de notre présentation. D'autre part, on ne peut cotiser sur des gains supérieurs à 35 400 $, les cotisations étant directement retenues sur le salaire brut à raison de 2,8 %. Pour sa part, l'employeur est tenu de verser les mêmes sommes au ministère du Revenu du Québec, les cotisations étant évidemment ensuite transférées à la Caisse de dépôt et placement pour y être investies de façon à en maximiser le rendement.

Ce qu'on remarque actuellement, et on le sait tous, c'est que les cotisations versées depuis la création du régime en 1966 ne sont pas assez élevées pour garantir le revenu promis aux travailleurs qui s'apprêtent à prendre leur retraite. Le déséquilibre démographique dont souffre le Québec contribue à amplifier fortement le problème dont souffre notre province à ce niveau, ce qui nous a amenés à identifier les principales lacunes du RRQ.

Évidemment on ne réinvente pas la roue, donc on s'est référé aux spécialistes qui ont longuement étudié la question et qui en sont venus à la conclusion que la situation précaire actuelle du RRQ est causée par quatre grands facteurs: d'abord, la population québécoise a moins d'enfants; l'espérance de vie ne cesse d'augmenter; les hypothèses économiques de 1966 sont désuètes, 30 ans plus tard; et, enfin, le régime a été bonifié à grands frais et trop souvent l'invalidité a été camouflée en préretraite.

Sur la première grande cause, le rapport de dépendance, c'est-à-dire la proportion des gens de 65 ans et plus par rapport au groupe des 20 à 64 ans, ce qui guide la planification du taux de cotisation, on se rend compte que cette évaluation ne donne pas le résultat escompté en 1972. Le fait d'avoir moins d'enfants a pour conséquence qu'en 2025 il n'y aura que trois travailleurs qui cotiseront pour chaque retraité, comparativement à cinq actuellement, ce qui a pour résultat d'être responsable de 1,4 point de pourcentage de la hausse que l'on voudrait actuellement insuffler au taux de cotisation au RRQ.

D'autre part, les hypothèses économiques émises au départ du régime, on le sait, ne s'appliquent plus aujourd'hui. Ce constat vient du fait qu'au départ on prévoyait que la croissance des revenus de travail serait supérieure au taux d'intérêt réel à long terme. Malheureusement, cette hypothèse économique n'est plus applicable en 1996. De plus, le RRQ est un régime qui a été bonifié à très grands frais depuis sa création sans pour autant que l'on ait augmenté les cotisations en parallèle.

Troisièmement, les bonifications effectuées étaient sans aucun doute louables, mais les cotisants actuels au régime vont souffrir de ces générosités. Effectivement, 2,7 des points de pourcentage d'augmentation que l'on veut imposer aux travailleurs actuels, aux jeunes de notre génération et à ceux qui vont nous suivre sont dus aux générosités d'antan. Enfin, l'invalidité, on l'a dit, a trop souvent été camouflée en préretraite depuis la dernière décennie et a pris des proportions considérables.

Mme Presseault (Mélanie): Permettez-nous maintenant d'apporter certains commentaires sur les trois catégories de solutions qui sont actuellement soumises à une réflexion par le gouvernement du Québec ainsi que l'Institut canadien des actuaires et certains milieux universitaires. Notre premier commentaire porte sur l'augmentation du taux de cotisation. La Régie des rentes du Québec soutient que le financement actuel n'est pas équitable envers les futurs cotisants. Ce constat sous-tend une augmentation graduelle du taux de cotisation au régime actuel. La volonté d'augmenter le taux de cotisation émane principalement du fait que le taux actuel, qui est de 5,6 %, comme vous le savez, est nettement insuffisant. De plus, la Régie des rentes du Québec soulève le fait que la valeur des prestations versées est plus élevée que la valeur des cotisations perçues au moment où la génération des retraités actuels était sur le marché du travail.

Une augmentation du taux de cotisation sur une aussi longue période de temps semble, pour la Commission-Jeunesse, être tout ce qu'il y a de plus inéquitable. En effet, il ne semble aucunement équitable d'effectuer une aussi lente progression du taux de cotisation. Une augmentation se doit d'être rapide de façon à ce que toutes les générations impliquées fassent leur part. Un jeune paiera l'augmentation toute sa vie durant, tandis que la personne près de la retraite n'en souffrira que très peu. Une iniquité intergénérationnelle va donc être créée.

De plus, les experts conviennent qu'un taux de cotisation excédant 10 % est en soi inacceptable, car cela entraîne des effets négatifs sur la croissance économique, puisque, en réalité, il s'agit d'une augmentation de la taxe sur la masse salariale qui peut freiner la croissance dans une économie fortement dépendante des exportations, comme c'est le cas pour l'économie québécoise. Cette action a des effets directs sur la croissance et sur l'emploi, donc sur le montant des cotisations au Régime de rentes du Québec.

Il faut aussi mentionner que certaines études démontrent que ce type d'augmentation entraînerait la perte de près de 125 000 emplois au Canada. Actuellement, il n'y a aucune étude gouvernementale québécoise qui a été effectuée concernant les effets négatifs sur l'emploi conséquents à la proposition d'augmentation des taux de cotisation. La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec recommande donc que, avant d'effectuer une augmentation rapide des taux de cotisation, une analyse soit effectuée de façon à ce que les conséquences d'une telle action soient connues. Il ne faut en aucun cas aggraver la situation actuelle en voulant mettre sur pied des solutions des plus faciles.

Le deuxième commentaire porte sur l'élargissement de l'assiette des cotisations. On sait qu'actuellement un travailleur qui gagne moins de 3 500 $ par année ne contribue pas au Régime de rentes du Québec puis que les gains d'un employé qui sont de plus de 35 400 $ par année, eux, ne sont pas soumis à la cotisation. Un gel de l'exemption générale n'est en aucun cas une solution que la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec considère bénéfique. Plusieurs motifs nous amènent à écarter automatiquement cette solution. Le premier effet que la RRQ ressentira sera l'augmentation de dossiers à traiter de l'ordre d'environ 8 %, ce qui entraînera une augmentation des coûts administratifs. Une telle augmentation des coûts administratifs, il va sans dire, n'est pas souhaitable, si on regarde les profits que l'on en tirera. Il ne faut pas oublier que cette augmentation aura aussi pour effet de décourager les entreprises à engager des jeunes pour les emplois d'été, puisque des charges sociales vont devoir entrer en ligne de compte.

On parle aussi de capitaliser partiellement le RRQ. Cela signifie relever le plafond des fonds investis à l'étranger à 30 % ou 40 % au lieu du maximum de 20 % imposé actuellement. Cette capitalisation du fonds permettrait une épargne d'environ deux points de pourcentage d'augmentation du taux de cotisation à long terme. Cependant, la Commission-Jeunesse n'estime pas que cette mesure devrait être mise en place. Effectivement, les conditions économiques dans lesquelles nous vivons actuellement au Québec et au Canada étant ce qu'elles sont, mieux vaut investir à l'intérieur de notre pays et de notre province. Il est clair qu'investir à l'étranger n'est pas une solution à l'impasse que nous vivons actuellement, car une fuite de capitaux et une diminution de l'investissement privé ne favorisent aucunement le développement de l'économie québécoise.

On parle aussi d'augmenter l'âge de la retraite. Pour la Commission-Jeunesse, c'est inadmissible. Effectivement, si une augmentation est effectuée, les jeunes qui entrent sur le marché du travail devront attendre encore plus longtemps avant de se trouver un emploi. L'augmentation de l'âge de la retraite signifie un avenir encore plus noir qu'il ne l'est actuellement pour les jeunes de notre génération.

Et, finalement, la modification des prestations. Eh bien, la Commission-Jeunesse ne croit pas que l'on doive couper les rentes d'invalidité ou du conjoint survivant. Ce qui s'impose, cependant, c'est un resserrement des critères d'admissibilité. Cette réflexion provient principalement du fait que 17,5 % des Canadiens âgés entre 60 et 64 ans se déclarent inaptes au travail. Il ne faut en aucun cas que la rente d'invalidité devienne un pont entre les mises à pied causées par les restructurations et la retraite.

(16 h 20)

M. Sauvé (Jonathan): Ça nous amène donc, avec ce scénario, à une solution qui pour nous s'est avérée envisageable, c'est-à-dire la contribution obligatoire à un REER collectif. Expliquons-nous: l'équité, de ce fait, sera rétablie en raison du fait que les travailleurs auront le choix de continuer à participer au système du Régime de rentes du Québec ou de se retirer du RRQ et de cotiser obligatoirement au REER collectif. Le travailleur contribuera à raison de 2,5 % de son salaire pendant que l'employeur participera pour un montant équivalent. Le système entourant le Régime enregistré d'épargne-retraite restera presque identique. Les cotisations ainsi que les intérêts seront à l'abri de l'impôt. De plus, les montants cotisés ne seront pas comptabilisés à même le 18 % de la masse salariale d'un travailleur, que celui-ci pourra investir ailleurs.

Toutefois, il sera impossible de toucher au REER avant 65 ans, sauf dans le cas d'un arrêt de travail causé par une invalidité. À 65 ans, il sera possible de gérer son fonds individuel de la façon actuelle, soit en le retirant complètement et en le transférant dans un FEER ou dans une rente viagère. De plus, en cas de décès, le fonds créé par le REER sera entièrement transférable au conjoint survivant. Finalement, pour assurer une solidarité envers les retraités à faibles revenus et les victimes d'accident de travail, il faudra réaménager la pension de sécurité de la vieillesse et les prestations de la CSST, de même que celles de la RAAQ.

Vous trouverez à la page 13 le libellé de la proposition telle qu'elle a été adoptée lors du congrès des jeunes. Je vous en fais la lecture, puisque à peu près tous les éléments susceptibles de générer chez vous des questions s'y retrouvent. Alors: «Il est proposé que le fonds de retraite public du Québec soit modifié:

a) par l'introduction d'un REER collectif obligatoire s'appliquant à tous les nouveaux travailleurs. De plus, les travailleurs étant soumis au Régime de rentes actuel et voulant adhérer au REER collectif obligatoire le pourront aussi pendant une période définie;

b) qu'une fraction des cotisations perçues chez les employés et les employeurs sur le REER collectif obligatoire soient dirigées vers le Régime de rentes du Québec jusqu'à son extinction de façon à ce qu'il y ait transition entre l'ancien et le nouveau régime. Les cotisants demeurant sur le RRQ actuel devront naturellement prendre les mesures nécessaires pour que celui-ci fonctionne adéquatement.»

Ce que j'aimerais souligner, c'est qu'il faut voir dans cette proposition non pas la prétention de détenir la vérité absolue ou d'avoir étudié absolument toutes les modalités, il faut y voir quelques points principaux qui sont, en fait, à la base, avec tant d'autres raisons, du cri d'alarme que notre génération peut lancer face à un régime auquel on cotise actuellement sans aucune assurance de pouvoir un jour en bénéficier. La plus grande frustration provient probablement du fait que, selon les règles actuelles, on verse, en termes de prestations, beaucoup plus que ce que l'État a reçu en termes de cotisations. Et l'idée de parler d'un REER collectif obligatoire ramène principalement à la nécessité absolue que dorénavant le fonds de retraite public du Québec soit un peu plus orienté sur la réalité plutôt que sur des prévisions actuarielles qui, on le sait dans le cas qui nous intéresse, ont été malheureusement mal calculées, ce qui nous mène aujourd'hui à la situation difficile à laquelle nous avons à faire face.

Donc, je crois que nous aurions avantage peut-être à y aller par un échange de questions-réponses pour que cette idée nouvelle puisse vous être familière. Alors, nous sommes disponibles dès maintenant pour y répondre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Sauvé, Mme Presseault. Vous avez raison de dire «une idée nouvelle», pour ne pas dire «une idée exclusive à votre présentation», étant donné que, de tous les groupes qui se présenteront devant nous, autant patronaux, syndicaux, jeunes qu'aînés, en fait, vous serez les seuls à faire cette proposition qui, je comprends, en tout cas, a comme précédent le Chili. Je ne sais pas si vous êtes au courant.

M. Sauvé (Jonathan): Oui.

Mme Harel: Vous l'êtes? Alors, vous savez qu'il y a eu une réforme des pensions au Chili qui a introduit des régimes individuels privés obligatoires.

Dites-moi, pourquoi, lorsque c'est une cotisation à la rente publique, vous appelez ça une taxe sur la masse salariale et, lorsque c'est une cotisation individuelle privée obligatoire, ça ne devient plus une taxe sur la masse salariale?

M. Sauvé (Jonathan): Ce qu'il faudrait vous dire à prime abord, c'est que nous n'entrevoyons pas l'idée que nous avons élaborée comme étant une transformation du fonds de retraite public du Québec vers un fonds de retraite privé obligatoire. Nous souhaiterions, pour bénéficier notamment de la présence de la Caisse de dépôt et placement du Québec, que le fonds demeure public, mais que l'État s'inspire des principes qui règlent un REER collectif pour que dorénavant, comme je le disais tantôt, on s'oriente et on se dirige beaucoup plus vers la réalité que vers les prévisions qui peuvent parfois avoir été mal prévues.

Donc, dans cette optique-là, c'est un point que je voulais clarifier, que d'aucune façon on ne souhaiterait que l'État se retire de cet acquis social là qui est particulièrement important pour le Québec, qui, en fait, figure au chapitre des réalisations de la Révolution tranquille, et qu'en aucun cas nous ne voudrions voir dilapider ou voir l'État se retirer des responsabilités qu'il a à assumer en tant que gardien, en fait, de l'assurance que les travailleurs auront pensée en fonction de leur retraite.

Pour répondre directement à votre question, je vous dirais tout simplement que ça demeure. Nous n'avons d'aucune façon prétendu que transformer le régime faisait en sorte que nous fassions disparaître une taxe sur la masse salariale, sauf que vous conviendrez avec moi qu'il y aurait lieu de s'assurer que les objectifs poursuivis d'une part pour assurer une retraite confortable aux Québécois ne viendront pas en contradiction avec ceux tout aussi importants de création d'emplois et de compétitivité du Québec face à ses partenaires.

Mme Harel: O.K. Écoutez, parlons-en, parlons-en. Vous dites: Il faut s'inspirer – donc, c'est votre solution – des REER collectifs, n'est-ce-pas? Et là vous fixez le taux de cotisation à 5 %. Pour les REER collectifs, vous comprenez à ce moment-là que 5 % de cotisation est l'équivalent de 5 % de bénéfices. En d'autres termes, on en a pour le régime contributoire dans lequel on met de l'argent. Si on met de l'argent pour 5 % de son revenu, on va anticiper d'avoir l'équivalent en bénéfices ou à peu près, parce qu'il n'y a personne qui va, au fil des années, vous en donner vraiment plus.

Et là la question qui se pose inévitablement, c'est la suivante: les effets que ça a, notamment, sur les cotisations identiques d'une femme et d'un homme. Étant donné le fait que l'espérance de vie est beaucoup plus élevée chez une femme, étant donné que les années travaillées sont les mêmes, que le taux de cotisation à 5 % est le même, il arrive, dans ce genre de régime, qu'il y a finalement un désavantage très net. Au départ, quand on fait l'évaluation de qui est perdant, qui est gagnant, les femmes sont perdantes, totalement perdantes, parce que, comme c'est des REER individuels obligatoires et que le risque, notamment, de notre longévité collective n'est pas réparti sur l'ensemble, alors chacune a à porter finalement sa propre espérance de vie et se trouve, avec le même taux de cotisation, dans une situation qui est nettement désavantageuse.

Ça l'est aussi pour les jeunes femmes, en fait, celles qui se retirent du marché du travail pour élever de jeunes enfants, qui ne peuvent plus compter sur les années, si vous voulez, de retranchement lorsqu'elles ont la garde d'enfants de moins de sept ans. Il n'y a qu'un régime public collectif, dans le fond, qui puisse assurer cela, ou un régime privé collectif au sens d'assurance, si vous voulez, mais qui revient, dans le fond, au fait que ce soit universel. Privé, public, c'est le caractère universel qui a permis de retrancher les années de garde d'enfants de moins de sept ans, qui a permis de retrancher le 15 % des années de faibles gains pour ceux et celles des jeunes travailleurs, travailleuses qui accèdent au marché du travail à faible salaire. Finalement, pour ces jeunes qui sont plus susceptibles de connaître une plus grande fréquence de chômage ou pour celles qui auront momentanément quitté le marché du travail, votre proposition, elle est extrêmement désavantageuse.

Et la troisième chose, ce sont les frais d'administration. Dans ce type de régime, vous savez que c'est très élevé comparativement à un régime public. Savez-vous combien coûte l'administration du 5 000 000 000 $, chaque année, de cotisations?

M. Legault (Claude): À peu près 50 000 000 $.

Mme Harel: À peu près 50 000 000 $ au total. Alors, c'est à peu près 10 %, et ça, ça comprend...

Une voix: Non, non, non.

Des voix: 1 %.

Mme Harel: Excusez, 1 %! Excusez. Ah! mon Dieu! Mon Dieu!

Une voix: Ce n'est pas pareil.

Mme Harel: 1 %. Ça comprend, ça...

M. Legault (Claude): Au lieu de 4 %.

Mme Harel: ...l'ensemble de toutes les prestations.

M. Legault (Claude): Le régime privé, c'est 4 %.

(16 h 30)

Mme Harel: Et l'équivalent, vous voyez, dans la moyenne de tous les régimes privés, même les plus performants, c'est 4 %. Alors, à moins d'être idéologiquement pour autre chose, de façon concrète et pratique, et pour les femmes et pour les jeunes, si vous voulez, en situation, disons, plus fréquente de chômage, et pour tous les cotisants, compte tenu des frais d'administration moins élevés, ce n'est pas nécessairement la solution la meilleure, c'est celle qui est la plus désavantageuse.

M. Sauvé (Jonathan): Je vais répondre aux trois points que vous avez soulevés. D'abord, il y a une correction que je voudrais apporter, que j'avais essayé de mettre en lumière lors de ma première intervention de la période de questions et réponses. Il s'agit bien – il faudrait que l'essence du message soit bien comprise – non pas de la transformation d'un régime de retraite public en un régime de retraite privé, mais bien d'un régime de retraite public qui change sa façon de voir les choses. Il s'agit d'un régime de retraite public dont l'État continue à assumer la responsabilité, et qui a tout simplement comme différence qu'au lieu d'y aller de prévisions qui font en sorte qu'à un moment donné on se retrouve, en 1996, face à la catastrophe que nous sommes sur le point d'avoir à affronter... Mais l'idée d'y aller avec un REER collectif ou avec les principes qui entourent un REER collectif, on ne remet, en bout de ligne, que ce qu'on a perçu en cotisations plus le taux de rendement que ça a généré, pas plus, pas moins. Et vous serez d'accord avec moi, Mme Harel, pour dire que, de n'importe quelle façon, lorsque vous cotisez, en tant que travailleur individuel, à un régime privé dans une institution financière, en bout de ligne l'institution ne vous remet pas plus, pas moins que ce que votre investissement a généré en taux de rendement.

Donc, ce qu'on voudrait, et c'est là où je m'inscris en faux à la première des affirmations que vous avez faites lorsque vous avez dit: Bien, on cotisera 5 %, et on ne recevra que 5 %. On peut encore avoir des discussions au niveau du taux de cotisation, mais je demeure profondément convaincu que l'utilisation par l'État des principes qui gèrent un REER collectif aurait comme conclusion, ni plus ni moins, de faire en sorte que les sommes investies continueraient à générer un taux de rendement qui, à la fin, donnerait une prestation qui, en fait, cumulerait les deux premiers éléments dont je vous ai parlé, c'est-à-dire la cotisation et le taux de rendement.

Et de là la nécessité que ça demeure public et que ce soit l'État qui continue à en assumer la responsabilité pour que la somme perçue puisse... Et, en fait, c'est une façon pour nous de réitérer notre confiance à la Caisse de dépôt et placement en souhaitant que l'État continue à en garder la responsabilité, pour que les sommes perçues – c'est une masse de capital astronomique – puissent continuer à être investies et gérées par la Caisse de dépôt et placement pour que ça donne des taux de rendement plus intéressants que lorsqu'on fait un investissement privé chacun de notre côté.

Mme Harel: Vous savez, les cotisations sont déjà administrées par la Caisse de dépôt et placement. Le taux de rendement, que vous appeliez ça cotisations ou que vous appeliez ça, disons, REER, ne sera pas différent. Ça va être la même institution qui va l'administrer. Donc, c'est quoi, la différence qui fait qu'avec 5 %... Avec 5 %, vous allez devoir vous donner la moitié moins que les prestations actuelles, là. Avec 5 % individuellement. Ça, ça veut dire qu'une personne, dans un REER, disons, collectif, ramasse un véhicule personnel, n'est-ce pas. Alors, elle n'a pas de garantie, au bout de la ligne, de rente, étant donné, bon, que ses années... Par exemple, ce que je vous énumérais tantôt, là, si elle a des années de chômage plus fréquentes, elle ne pourra pas les retrancher, ces années-là, dans un régime universel. Si elle a la garde d'enfants, elle ne pourra pas les retrancher, s'ils ont moins de sept ans, ce qui est le cas présentement. Elle ne pourra pas non plus compter sur une rente d'invalidité. S'il arrive un accident qui n'est pas nécessairement d'automobile, là, mais qui se produit n'importe où, dans sa... n'est-ce pas...

Une voix: Maladie.

Mme Harel: Maladie, plus qu'un accident. Une maladie qui peut survenir puis qui est dégénérative, là, une sclérose en plaques, elle ne pourra pas faire valoir l'invalidité.

Alors, vous dites... Dans le fond, c'est le principe... Le taux de rendement ne sera pas différent. Les sommes vont être gérées par la même institution. Dans le fond, c'est quoi, l'idée, là, derrière ça, d'individualiser, dans le fond, plutôt que de rendre universel le risque? Le fait de l'élargir à tout le monde, ça fait que c'est bien moins lourd pour tout le monde.

M. Sauvé (Jonathan): Le problème, il est actuellement, vous l'admettrez, qu'on prend pour acquis qu'on est en mesure de verser 25 % du revenu mensuel moyen à tous ceux qui arrivent à 65 ans et qui ont maintenant droit à une prestation. C'est un calcul qui est absolument irréaliste. Et nulle part ailleurs que dans le régime public que l'on trouve actuellement au Québec et au Canada on ne remet, en bout de ligne, plus que ce que les cotisations ont généré comme intérêts.

Alors, ce que l'on dit, c'est qu'associé à la création d'un régime comme celui-là... Et, comme je vous le disais tantôt, puisque ça figure à la page 12 de notre document, on disait en conclusion que pour assurer une solidarité, justement, envers les retraités à faibles revenus puis les victimes d'accident de travail, pour ne nommer que ceux-là, il y a d'autres programmes qui devraient effectivement être réaménagés, puisque, vous l'avez dit d'entrée de jeu, c'est une proposition qui est effectivement révolutionnaire et qui nécessite qu'on ne l'examine pas prise à partie. Il faut penser à réaménager la pension de sécurité de la vieillesse, les prestations de la CSST, celles de la RAAQ, et ça implique évidemment un bouleversement important.

Pour continuer sur les deux autres allusions sur lesquelles vous avez insisté – vous avez parlé de l'inégalité ou de l'inéquité envers les jeunes, notamment – je vous dirais que, pour nous, le RRQ actuel est tout ce qu'il y a de plus inéquitable envers la génération que nous représentons. Vous serez d'accord avec moi lorsqu'on dit que la génération de mes grands-parents, par exemple, n'a cotisé que pour 15 % de ce qu'elle perçoit aujourd'hui. Celle de mes parents, les chiffres que nous avons nous disent que la génération de mes parents n'aura cotisé que pour 50 % de ce qu'elle percevra comme prestations. Nous, ce sera de l'ordre du donnant-donnant, on recevra à peu près – dans le cours actuel des choses, si rien de change – exactement ce qu'on aura donné en contribution. Et c'est à partir de la génération qui va nous suivre qu'on commencera à recevoir moins que ce qu'on aura cotisé au RRQ. Pour nous, comprenez que le régime des rentes actuel, là, est la démonstration la plus flagrante de ce qu'il y a d'inéquitable entre les générations. Donc, il me semble que d'aller vers l'idée d'un REER collectif où on a au moins l'assurance qu'on recevra ce qu'on a cotisé plus le taux de rendement qui aura été généré par les investissements desquels la Caisse de dépôt et placement se sera occupée, c'est, à mon sens, quelque chose de beaucoup plus efficace.

Et, quant au taux relié aux coûts administratifs auxquels vous faisiez allusion, au Chili, actuellement, c'est de l'ordre de 4 % – vous avez vous-même fait allusion au fait que cette expérience-là avait été tentée ailleurs sur le continent – et, à mon sens, c'est quelque chose qui est avantageusement comparable aux implications, notamment, de ce que pourrait avoir comme conséquence un élargissement de l'assiette fiscale avec l'augmentation du nombre de dossiers à traiter et ce que ça pourrait avoir comme incidence. Donc, à mon sens, c'est relativement comparable et avantageusement comparable.

Mme Harel: Qui financerait, à ce moment-là, les cotisations des retraités actuels, vos grands-parents?

Il y a aussi, peut-être parce que c'est plus récent, une excellente étude qui a été réalisée par Finances Canada sur l'impact sur l'emploi d'une hausse de taux de cotisation au Régime de pensions du Canada et au Régime de rentes du Québec. Et ce que ça démontre, c'est que, dans les trois années qui suivent une hausse, les contributions payées par les employeurs sont totalement transférées aux employés pour la bonne raison que, dans les pays, si vous voulez, où il y a peu d'assurance collective, soit pour la santé et sécurité au travail, la retraite, le chômage, le réflexe est d'augmenter le salaire. Comme aux États-Unis, les salaires sont plus élevés, mais les travailleurs vont se payer des assurances privées. Alors, on voit dans l'étude, d'ailleurs très, très significative, du professeur Lefebvre de l'Université du Québec à ce sujet-là, que là où les salaires sont moins élevés, très souvent c'est parce que la différence a compensé pour le financement d'assurances collectives privées.

(16 h 40)

Santé et sécurité au travail, c'est une assurance. Il ne faut pas penser que, s'il n'y avait pas la cotisation à la CSST, ça ne coûterait rien. Il faudrait que l'entreprise se paie une assurance, hein. Ça coûte cher, aux États-Unis, les assurances en santé et sécurité, parce que l'employeur peut être traîné devant les tribunaux et puis être poursuivi au civil. Alors, les assurances coûtent terriblement cher. Ce n'est pas du jour au lendemain, parce qu'on n'aurait plus d'assurance-retraite, ou d'assurance santé-sécurité au travail, ou d'assurance-hospitalisation que, pour autant, ça règlerait le problème de l'employeur, qui, lui, aurait aussi à se prémunir, si vous voulez, contre les poursuites éventuelles puis à trouver des façons de s'assurer.

Et je vous rappelle que la seule assurance – qui, dans le fond, n'en est pas une – qui est vraiment une taxe déguisée, c'est actuellement l'assurance-emploi, puisqu'elle va chercher un taux de cotisation qui ne sert pas à compenser le risque du chômage seulement, il sert aussi à cumuler un surplus de 5 000 000 000 $ cette année, 10 000 000 000 $ l'an prochain, qui va directement diminuer le déficit fédéral, sans même que ce soit mis de côté, là. Il n'y a pas de réserve, de surplus qui sont mis de côté pour qu'un jour, si tant est qu'il y ait une récession, ça puisse être utilisé. Donc, le caractère d'assurance est disparu, comme il l'avait été pour l'assurance automobile dans le gouvernement précédent, ce que les tribunaux québécois ont jugé comme étant illégal, finalement, sauf que l'assurance-chômage n'est pas de juridiction québécoise, alors on ne peut pas la traîner devant les tribunaux de la même façon.

Cependant, je pense que le problème, c'est un problème de fond. Je vous écoute, puis j'essaie de comprendre, puis je me dis: C'est intergénérationnel. En fait, vous refusez, d'une certaine façon, l'intergénérationnel. C'est la conclusion de votre mémoire.

M. Sauvé (Jonathan): Au contraire, s'il y a à cela quelque chose à répliquer, c'est bien que toute notre démarche s'est faite en prévision de notre congrès annuel, dans un seul et unique but, qui est d'éviter un conflit intergénérationnel qu'on voit de plus en plus poindre à l'horizon et qu'on craint de ne pas pouvoir éviter si on ne prend pas le taureau par les cornes maintenant. Le thème de notre congrès de cet été était «La révolution d'une génération», et partout où on est passé, on a insisté pour dire que ce serait la révolution la plus paisible qu'on aurait probablement jamais vue au Québec, dans la mesure où des jeunes auraient, dès maintenant, pensé aux conséquences des décisions qui sont prises en fonction de l'avenir collectif.

Et pour répondre à la question que vous avez posée au début de votre intervention, comme je vous le disais tantôt, et c'est un constat sur lequel je reviens, je n'ai jamais, évidemment, prétendu détenir la vérité absolue, ou encore moins que l'on ait pu appuyer toute notre démarche, encore là, d'analyses actuarielles, puisque nous ne sommes pas en moyen de nous en pourvoir, mais l'idée qui a été émise, et ça figure au point b du libellé de la proposition qui se trouve en page 13, elle dit: qu'une fraction des cotisations perçues sous le nouveau régime soit dirigée vers le RRQ jusqu'à son extinction, justement de façon à ce qu'il y ait transition entre l'ancien et le nouveau régime.

Nous voudrions que l'idée soit envisagée, qu'elle soit étudiée et qu'on en établisse la faisabilité, plutôt que d'y aller par la voie de la facilité et de parler rapidement de hausse de cotisations dont les jeunes vont souffrir, puisque c'est un constat que nous avons établi: ça ferait en sorte que nous souffririons toute notre vie active durant, alors que les gens près de la retraite n'en subiraient les effets que pendant très peu de temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le temps du côté ministériel est écoulé. Maintenant, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie. Je dois dire que vous apportez une proposition originale, et c'est déjà un élément intéressant d'avoir dans ce débat, qui est un débat ouvert, des idées; on est ici dans un brassage d'idées. Si je comprends bien, à l'heure actuelle, vous vous inquiétez sur le fait de ce que vous allez pouvoir retirer comme revenus de pension du Régime de rentes. Pour vous donner quelques indications... Et vous séparez, bien sûr, je comprends, la partie assurance de la partie régime de rentes, la partie assurance devant être protégée dans un autre régime. C'est pour ça que vous avez envisagé des cotisations de l'ordre de 5 % dans ce cadre-là. Est-ce que je comprends bien votre...

M. Sauvé (Jonathan): Oui.

M. Gautrin: Alors, simplement pour vous donner une indication, il est important que vous... et ça justifie un peu le cri d'alarme que vous nous donnez ici aujourd'hui. Les actuaires du Régime de pensions du Canada ont évalué ce qu'ils appelaient le taux de rendement interne. Autrement dit, le taux de rendement interne, c'est: si je plaçais les argents, les cotisations que je donne dans un régime, ça serait quoi, le taux de rendement que j'aurais en faisant la distinction entre le taux de rendement et le taux d'inflation? Pour quelqu'un qui est né en 1929, il aurait eu un taux de rendement, c'est-à-dire la différence entre le taux de rendement réel et le taux d'inflation, de 10,4 %. Quelqu'un qui serait né en 1948 – ce n'était pas le Régime de pensions du Canada, mais je pense qu'on a quelque chose d'analogue au régime de pensions du Québec – je pense que c'est votre cas, vous auriez...

Mme Harel: En 1946.

M. Gautrin: En 1946? Bon, à deux ans près. Le taux de rendement réel serait de 4,8 %, ce qui serait presque ce que vous envisagez. Mais quelqu'un qui est né en 1968, vous avez un taux de rendement réel de 2,8 %, quelqu'un qui est né en 1988, vous arrivez à un taux de rendement réel, dans le régime actuellement, de 1,7 %. Donc, si je comprends bien votre proposition, ça veut dire: Nous, on voudrait, au minimum, avoir un régime de pensions qui nous assure un taux de rendement réel acceptable par rapport, à peu près, à la situation du marché. Est-ce que je comprends bien votre position?

M. Sauvé (Jonathan): C'est l'essence du problème qu'en 1966 on ait cru uniquement à des périodes de prospérité et qu'on n'ait aucunement envisagé, avant de garantir 25 % du revenu mensuel moyen comme prestations, qu'un jour la situation pourrait peut-être un peu moins bien aller que pendant la Révolution tranquille et faire en sorte qu'on ne serait plus en moyen de verser ce qu'on n'avait pas, ce qu'on n'avait pas perçu, ou encore moins ce que les cotisations reçues n'avaient pas généré en termes d'intérêts, les taux de rendement ayant, vous le savez, décliné.

M. Gautrin: Donc, à l'heure actuelle, avec votre approche, vous protégeriez, en quelque sorte, les investissements de chaque personne, sa contribution au Régime de rentes. Il y aurait une forme, peut-être moins de répartition, mais il y aurait une forme d'équité dans la mesure où chacun réussirait à obtenir, grosso modo, ce qu'il pourrait avoir contribué. Est-ce que c'est à peu près la ligne de pensée qui a été celle qui a été...

M. Sauvé (Jonathan): Oui, dans la mesure où, comme je le disais tantôt – je pense qu'il ne faut pas avoir peur des mots – il est frustrant puis enrageant pour un jeune travailleur actuel de savoir que, sur chacun de ses chèques de paie, on enlève 2,8 % de son salaire pour l'envoyer au Régime de rentes du Québec, alors qu'il lit partout dans les journaux, qu'il entend à la radio, qu'il voit à la télévision qu'il ne faut pas qu'il s'imagine outre mesure qu'il bénéficiera un jour d'un taux de rendement quelconque, puisque les prédictions sont plutôt noires, d'où, d'ailleurs, la raison d'être de notre présence ici aujourd'hui pour qu'on en discute.

M. Gautrin: Donc, votre raison, c'est ça: protéger les investissements des jeunes, c'est la raison pour laquelle vous avez proposé ça.

Je comprends que, indépendamment de votre proposition, vous vous penchez aussi sur la proposition gouvernementale et vous avez fait quelques commentaires sur la proposition gouvernementale. Vous vous inquiétez des hausses du taux de cotisation et des effets sur l'emploi. Est-ce que je comprends bien votre proposition?

M. Sauvé (Jonathan): Oui, dans la mesure où on sait que ça a un effet. Au Québec, à tout le moins, on n'a pas d'étude qui nous démontrerait ce que ça pourrait avoir comme impact, mais on sait que, vu d'une perspective canadienne, on parle d'une perte d'emplois significative, ce qui est pour nous le début d'une inquiétude quant à ce que ça pourrait avoir comme conséquence au Québec que l'on augmente trop significativement les cotisations.

M. Gautrin: Parce que ceci a aussi, évidemment, des effets indirects sur le Régime de rentes parce que, s'il y a plus de gens qui ne travaillent pas, il y a moins de cotisants; moins de cotisants... Un peu ce phénomène-là.

M. Sauvé (Jonathan): Un cercle vicieux.

M. Gautrin: Un cercle vicieux. Merci.

Sur la question de l'harmonisation, vous savez, on a beaucoup discuté ici, autour de cette table, de la nécessité de l'harmonisation avec le Régime de pensions du Canada. D'aucuns trouvent que c'est absolument nécessaire, d'autres disent que c'est souhaitable sans être vraiment impérieux. Est-ce que vous avez réfléchi sur cette question, et quelle est votre position?

M. Sauvé (Jonathan): Je vous dirais que c'est M. Campeau, je pense, tantôt qui y faisait allusion, avec nos collègues du Conseil permanent de la jeunesse. Pour s'assurer que le Québec soit avantageusement considéré face à ses voisins, je considère que, pour que le Québec soit compétitif à ce niveau-là, il ne faudrait pas qu'un déséquilibre entre le taux de cotisation ailleurs au Canada et le taux de cotisation au Québec devienne un argument supplémentaire à l'investisseur qui a à choisir entre venir ici ou aller ailleurs. C'est sûr qu'il faut le voir dans une perspective et qu'il n'y a pas que le Régime de rentes du Québec auquel un investisseur est assujetti lorsqu'il décide de venir s'implanter ici, mais c'est à tout le moins un élément, j'imagine, considérable lorsqu'on a à prendre une décision. Et je ne voudrais pas, à ce niveau-là, que le Québec en sorte perdant. Donc, nous penchons évidemment très en faveur de l'harmonisation la plus complète et la plus totale avec le Régime de pensions du Canada.

(16 h 50)

M. Gautrin: On a aussi, autour de cette table – je sais que vous ne l'abordez pas dans votre mémoire – discuté de la question de la retraite progressive, c'est-à-dire des gens qui pourraient progressivement travailler moins de jours, et de savoir si le Régime de rentes devrait s'harmoniser avec ces questions de retraite progressive. Est-ce que vous avez fait une réflexion sur les effets de la retraite progressive, la nécessité ou la validité d'aller dans cette direction-là?

M. Sauvé (Jonathan): On n'a pas, en tant que tel, étudié les effets de la retraite progressive. Ce qu'on a, par contre, identifié et ce qui figure à notre mémoire, c'est la nécessité que l'on ne songe même pas à vouloir augmenter l'âge de la retraite. Et je vous dirais d'ailleurs qu'on s'est même penchés, lors du congrès, sur une proposition qui proposait l'âge de la retraite obligatoire. Cette proposition-là a été battue, donc jamais, chez nous, en tout cas, pas pour l'instant, il ne sera envisagé que l'on mette obligatoirement à la retraite des gens qui arrivent à un âge donné. Par contre, on ne souhaite pas non plus qu'en vertu ou que selon les règles du Régime de rentes du Québec on puisse penser commencer à verser les prestations plus tard que l'âge actuel de 65 ans, pour une simple et bonne raison, et on vous l'a mentionnée tantôt: pour nous, ce sont davantage de portes qui se ferment quant à l'accessibilité au marché de l'emploi. Donc, il faudrait absolument, de façon tout à fait impérieuse, envisager d'autres possibilités que l'augmentation de l'âge de la retraite, mais il faudrait, en tout cas, en ce qui nous concerne, poursuivre la réflexion quant à la retraite progressive.

M. Gautrin: Par contre, je comprends bien que, si vous restez sur le marché du travail après avoir touché la prestation de retraite, vous êtes en faveur, à ce moment-là, que la personne qui, tout en étant retraitée, est sur le marché du travail, continue à contribuer au Régime de rentes.

M. Sauvé (Jonathan): Oui. Un passage de notre mémoire dit d'ailleurs, à la page 10: «Il va de soi que les bénéficiaires d'une rente de retraite qui travaillent aient à cotiser au Régime de rentes du Québec. D'une part, ceux qui ne cotisent pas même s'ils travaillent empêchent un partage intergénérationnel. De plus, la situation actuelle est inéquitable pour les autres travailleurs qui, de surcroît, paient des cotisations. Il faut donc rétablir la situation pour qu'une équité s'installe entre les différents groupes de travailleurs.» C'est donc, effectivement, quelque chose qui, chez nous, ne pose même pas de questionnement que les bénéficiaires d'une rente de retraite qui travaillent continuent à cotiser au RRQ.

M. Gautrin: M. le Président, je crois que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce voudrait avoir un peu de temps. S'il reste du temps, je pourrai revenir après.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. Sauvé et Mme Presseault, j'aimerais vous faire une toute petite mise en garde amicale à l'endroit de vos commentaires à la page 11 de votre mémoire en ce qui concerne la rente d'invalidité. Dans un premier temps, vous dites qu'on ne doit pas couper les rentes d'invalidité ou de conjoint survivant; dans un deuxième temps, vous parlez d'un resserrement des critères d'admissibilité. Et vous indiquez que la réflexion provient principalement de Canadiens âgés de 60 ans à 64 ans.

Vous savez sans doute que le problème se pose beaucoup plus avec le RPC que le RRQ. Les sorties de fonds pour le RPC en ce qui concerne l'invalidité sont de 19 %, tandis qu'au Québec ça représente à peu près 8,59 %, moins que la moitié des sorties de fonds dues à l'invalidité. Alors, c'est peut-être, comme je vous ai dit, une petite mise en garde.

Personnellement, je ne suis pas convaincu, de façon très personnelle, qu'un resserrement des critères d'admissibilité soit ni nécessaire ni souhaitable à l'intérieur du Régime de rentes du Québec parce que, chaque fois qu'on parle de resserrement des critères d'admissibilité, évidemment, on parle des prestations données à des gens qui en ont besoin. Et je comprends votre préoccupation qu'il ne faut pas utiliser la rente d'invalidité comme pont entre les mises à pied causées par certaines situations économiques, mais j'ai soutenu ici, en commission, et je vais continuer à le soutenir, qu'une personne ne fait pas le choix d'être invalide, c'est quelque chose qui est imposé par sa situation physique ou intellectuelle.

M. Sauvé (Jonathan): Non, mais, sur ça, je vous donne raison, c'est évidemment une intervention dont on prend bonne note.

Vous constaterez, par ailleurs, que ce n'est pas un volet sur lequel nous avons mis beaucoup d'emphase, mais, s'il y a effectivement lieu, à ce niveau-ci, de différencier entre le RPC et le RRQ, bien, tant mieux, et, si c'est avantageux pour nous, tant mieux encore. Par contre, la préoccupation demeure quand on dit qu'il ne faut pas que la rente d'invalidité devienne un pont entre les mises à pied, qui sont causées par toutes sortes de raisons actuellement, et la retraite. La préoccupation demeure, et le fait qu'on l'ait soulevée maintenant nous permet de croire tout simplement que, s'il fallait qu'un jour ça devienne un problème, comme ça semble l'être dans le reste du Canada, bien, à ce moment-là, il faudrait peut-être envisager de resserrer les critères d'admissibilité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député Verdun.

M. Gautrin: Merci. Puisqu'il nous reste du temps... Vous avez entendu tout à l'heure la présentation du Conseil permanent de la jeunesse quant à la période de retranchement. Le Conseil permanent de la jeunesse avait plaidé devant nous en disant que, suite à la nouvelle situation de l'emploi pour les jeunes, au lieu de 15 % des années de retranchement dans le RRQ, ils plaidaient pour une augmentation de ces années de retranchement, et ils étaient en faveur de les monter jusqu'à 25 %. Est-ce que vous partagez ce point de vue là, ou est-ce que vous y avez réfléchi, ou...

M. Sauvé (Jonathan): Avant même de proposer quoi que ce soit concernant le Régime de rentes du Québec, notre démarche s'est faite en trois temps: d'abord une identification des problématiques, ensuite un questionnaire chez nos militants, qui a permis de favoriser certaines solutions au détriment d'autres, et, par la suite, bien, l'adoption finale, lors du congrès, de tous les éléments, de toutes les pièces du casse-tête mises ensemble. Je dois vous avouer que la période de retranchement figurait au niveau des solutions que l'on pouvait envisager, mais ce n'est pas quelque chose qui, chez nous, s'est soldé comme étant une préoccupation première, d'où la raison, d'ailleurs, que ça ne figure pas aux termes du mémoire que nous vous avons présenté.

M. Gautrin: En tout cas, je vous remercie pour votre contribution. Vous nous amenez un éclairage intéressant sur lequel, je crois, il faudra qu'on réfléchisse ici, à la commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, merci pour la présentation et la préparation de votre mémoire.

J'invite maintenant les représentants du Comité national des jeunes du Parti québécois à prendre place.

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous invite à vous présenter et à commencer votre présentation de 20 minutes.


Comité national des jeunes du Parti québécois

M. Ouellet (Richard): D'abord, bonjour et merci de nous accueillir. Mon nom est Richard Ouellet, je suis le vice-président au contenu du Comité national des jeunes du Parti québécois et président de la Commission politique des jeunes du Parti. Je suis accompagné de Louis-Martin O'Neill, qui est président du Parti québécois de l'Université Laval et membre de la Commission politique nationale jeunesse également. Nous avions annoncé la présence de Guillaume Cliche, qui est aussi un membre du Comité national des jeunes; M. Cliche a eu la chance de se dénicher un emploi hier matin...

(17 heures)

Une voix: Bravo!

M. Ouellet (Richard): ...et nous a donc annoncé que son employeur préférait qu'il soit présent à son travail cet après-midi, étant donné que c'était sa deuxième journée.

Mme Harel: Il a commencé à cotiser.

M. Ouellet (Richard): Il a commencé à cotiser. Ha, ha, ha!

En trois mots, le Comité national des jeunes du Parti québécois représente ceux qui ont entre 16 et 30 ans. Au Parti québécois, ils représentent plus ou moins 35 000 membres. Il est représenté par l'ensemble des régions, chacune des régions du Québec a un représentant au conseil des représentants jeunes, et il y a un exécutif national qui est actuellement présidé par Frédéric Dubé, qui ne pouvait être présent aujourd'hui.

Vous aurez remarqué que le titre de notre mémoire comporte un anglicisme: «Revoir l'équité de nos comptes pour assurer l'équité dans la retraite». Il nous est donc apparu que l'un des maîtres mots – parce que nous en aurons deux, maîtres mots – qui doit guider la réforme est celui de l'équité, l'équité dans nos comptes au sens anglais du mot, équité parce que c'est ce que nous possédons comme collectivité, et l'équité entre les générations. Il faut donc revoir cette équité de nos comptes pour s'assurer d'une équité dans l'octroi des prestations de retraite.

Je vais insister, mais brièvement, sur la situation de notre génération. J'imagine qu'il y a un paquet d'organismes jeunes qui sont venus vous dire jusqu'à quel point on était dans la misère. Je vais vous répéter la même chose parce que c'est vrai, parce que nous le vivons et parce que nous sommes pris avec ces conséquences-là. Qu'on pense d'abord au renversement de la pyramide démographique. Nous sommes la génération qui va souffrir le plus de ce renversement de la pyramide démographique. Qu'on pense au problème de la précarité en emploi. Nous sommes... je ne sais pas si on est la génération au Québec qui aura le plus souffert de la précarité en emploi, mais on n'est certainement pas des gâtés. Qu'on pense, bien, évidemment, au taux de chômage, ça va de soi, là, ça va de pair avec la précarité en emploi. Qu'on pense aussi beaucoup au fait que nous sommes une génération pour qui la formation n'amène pas forcément un emploi. «Qui s'instruit s'enrichit» commence à perdre un peu de son sens au Québec, malheureusement. Qu'on pense aussi au fait que nous sommes la génération qui arrive à l'âge adulte sachant qu'elle doit, tout au long de sa vie active, gérer la décroissance. Nous sommes – et ça, ce n'est pas gênant de l'affirmer, on est sûr de notre coup parce que c'est évident – la première génération qui devra gérer une décroissance tout au long de sa vie active au Québec. On est donc une génération qui est placée devant une quasi-impossibilité d'épargner pour ses vieux jours. Et donc, nous sommes une génération qui va miser sur la solidarité: la solidarité entre les générations, la solidarité entre les individus.

Pour ce qui est de faire un constat des faits peut-être un peu plus précis, je vais tout de suite laisser la parole à M. O'Neill.

M. O'Neill (Louis-Martin): Bonjour. Bon, il ne s'agit pas ici de jouer ni à l'économiste, ni à l'actuaire, ni au démographe. Il y a des gens fort compétents qui ont réuni la plupart des chiffres pertinents dans le livre vert. Cependant, il y a quelques constats qu'on tient à rappeler: la santé financière du Régime de rentes laisse effectivement pour le moins songeur. Si la tendance se maintient, la génération qui entre actuellement sur le marché du travail et qui, de peine et de misère, arrive à payer ses frais de scolarité et ses dettes d'études, ne pourra vraisemblablement pas compter sur des prestations de retraite qui sont décentes. On voit qu'avec le vieillissement de la population et la baisse du taux de la natalité le nombre de bénéficiaires du Régime de rentes va tripler entre 1995 et 2040.

Par ailleurs, la réserve qui représentait, en 1975, 11 fois ce que nous avons déboursé en 1976 ne représentait plus, en 1995, que 2,8 % des sorties de fonds qui ont eu lieu en 1996. On dit souvent ce qu'on veut faire dire aux chiffres, on dit souvent vraiment ce qu'on veut faire dire aux chiffres. C'est souvent vrai, mais ici les chiffres sont éloquents. Ils parlent clairement depuis une dizaine d'années, et on n'y a pas fait attention pendant 10 ans. Si le livre orange de 1985 entrevoyait clairement une situation, il a été laissé de côté. C'est un tort, un tort évident, et le gouvernement n'a plus le droit à la fuite en avant. Il doit, comme il l'a fait dans d'autres secteurs de l'activité de l'État, oser imposer les mesures nécessaires à la préservation à long terme des programmes de protection du plus grand nombre. L'équité, la solidarité l'exigent. Quels sont les principes, maintenant, qui doivent guider cette réforme? Nous croyons qu'il y a trois principes majeurs qui doivent être suivis: l'équité, la solidarité et la modernité.

L'équité, tout d'abord, bien, elle exige que la réforme à long terme du régime provoque le déséquilibre le plus faible possible entre les niveaux de cotisation et de prestation actuels ainsi que les niveaux de cotisation et de prestation de ceux qui n'accéderont à la retraite que dans quelques dizaines d'années. Tous ont compris qu'on ne pouvait pas maintenir le rythme de cotisation et de versement des prestations bien longtemps. La génération des 16-30 ans est d'ailleurs prête à faire l'effort qui s'impose. Si une hausse des taux de cotisation est inévitable, notre génération de travailleurs actuels et futurs paiera ce qu'il faut pour assurer une durabilité du système.

Nous rejetons toutefois de façon catégorique l'idée de cotiser à la fois plus que nos aînés et de recevoir moins. Le niveau de prestation devra être maintenu à 25 % du revenu, selon nous. Prêts à faire notre part, oui; prêts à faire des sacrifices, oui; prêts à travailler plus fort qu'il le faut, certainement; mais pas prêts à hypothéquer notre avenir en amputant les systèmes qui permettent la protection du plus grand nombre. C'est un principe fondamental pour nous, et nous tenons à vous réitérer ce choix de société.

Une hausse rapide des taux de cotisation et le maintien du niveau de prestation constituent donc, selon nous, la solution à privilégier. Toutefois, toujours dans cet esprit d'équité, la hausse du taux de cotisation devrait prendre en compte le fait que de nombreux travailleurs qui sont aujourd'hui au seuil de la retraite ne doivent pas faire trop durement les frais d'une réforme qui aurait dû être faite il y a longtemps. Il y a un contrat qui a été passé avec ces gens-là, ces gens-là s'attendent à avoir une retraite comme ils l'ont planifiée, on doit effectivement leur laisser ce droit. On voit, par contre, que l'allure devant changer dramatiquement – l'allure des courbes – parce qu'on a mal adapté le régime aux réalités économiques, on ne devra pas faire souffrir indûment ceux qui ne disposent plus de la rentrée la plus précieuse pour ajuster leur choix. Ça, c'est le temps.

Solidarité, maintenant. La mise en commun des ressources suppose invariablement la protection du plus grand nombre, on l'a dit. Le système devra demeurer suffisamment souple pour tenir compte des longues périodes de chômage que vivent aujourd'hui les travailleurs, surtout les jeunes, et que l'on ne pouvait pas prévoir en 1966, à l'installation du système. Le régime devra aussi tenir compte de la modification radicale de la condition socioéconomique des femmes entre 1966 et aujourd'hui.

Troisième principe que nous souhaitons porter à votre attention, principe important parce que très longtemps négligé, c'est qu'on désire avoir un système adapté à la société contemporaine. La société et les acteurs publics québécois doivent en effet composer avec deux facette majeures de la réalité contemporaine: l'accélération des changements sociaux et économiques et la préoccupation croissante des citoyens, notamment des jeunes, pour l'emploi. Nous n'étions pas des experts sur le Régime de rentes. Il y a une chose qui nous est apparue très étrange lorsqu'on a fait nos recherches, c'est que le taux de cotisation au Régime de rentes du Québec soit fixé de façon législative sur des périodes aussi longues que 20 et 10 ans. Le contexte économique et social du Québec est appelé à changer très rapidement, et nous comprenons mal pourquoi des calculs permettant d'arriver à un taux de cotisation juste ne pourraient pas être refaits tous les ans.

Par ailleurs, nous l'avons déjà dit, la hausse du taux de cotisation suppose des coûts plus élevés pour les employeurs. Ça décourage l'embauche et ça nuit aux jeunes. Il nous apparaît du devoir du gouvernement d'étudier l'impact du taux de cotisation sur le niveau global de l'emploi et sur le taux de chômage des jeunes femmes et des jeunes hommes. De telles études devraient être rendues publiques avant même l'élaboration du projet de loi modifiant le Régime de rentes du Québec. De tels instruments pourront, selon nous, guider le gouvernement et la population vers un compromis entre, d'une part, l'inaction mal déguisée sous une préoccupation pour l'emploi – ce qui est le cas depuis de longues années – et, d'autre part, l'augmentation hâtive du taux de cotisation pour établir la nécessaire équité entre les générations, et ce, sans remettre en cause la solidarité sociale qui caractérise le Québec.

Ce que vous constatez, donc, c'est que ce qui est important pour nous, c'est d'accrocher, je dirais, le plus grand nombre pour protéger le plus grand nombre. Et ça, c'est à la base de tout ce qu'on a fait, de ce qu'on a réussi de mieux au Québec depuis à peu près une génération. C'est toujours le même principe. Nous formons donc un petit nombre sur ce continent nord-américain, et nos plus grandes réussites sont passées par la mise en commun de ressources. Et je notais, en préparant ce mémoire-là, un certain nombre d'exemples qui participent tous de cet esprit-là, et c'est étonnant de voir jusqu'à quel point, oui, on a de belles réussites, oui, elles sont nombreuses et, oui, elles nous ont permis, à long terme, d'économiser. Je pensais au système d'assurance automobile, je pensais à celui de la CSST, l'assurance-maladie, l'éducation libre et gratuite, l'assurance-médicaments, la nationalisation de l'électricité, qui participe de ce principe-là de la même façon, la Loi sur la protection du consommateur, l'aide juridique, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, pour ne nommer que ça. Alors, il y a toute une série de mesures de protection où on fait participer le plus grand nombre pour protéger le plus grand nombre. C'est donc ça qu'il faut garder à l'esprit, c'est très important.

(17 h 10)

Vous aurez noté aussi, dans la présentation de mon collègue, que ça nous a vraiment étonnés de voir que le taux de cotisation soit fixé d'abord par la loi sur une période de 20 ans, et ensuite établi, échelonné sur une période de 10 ans, par la loi. Comment se fait-il qu'on ne soit pas capable de modifier de façon législative, de façon beaucoup plus souple ce taux-là? Pourquoi, à tous les ans, il n'y aurait pas moyen de dire: Bon, on s'est planté, les prévisions ne sont pas bonnes, les résultats ne sont pas bons, il faudrait essayer de revoir le taux? On nous dira: Oui, c'est facile à dire, sauf qu'il y a des travailleurs qui aimeraient bien savoir combien ils vont payer à la fin de l'année. Si on commence à réviser ça tous les ans... Les gens ne savent pas plus combien ils vont payer d'impôts à la fin de l'année. Je serais curieux de savoir combien de gens sont capables d'évaluer combien ils vont payer d'impôts à la fin de l'année. Je serais aussi curieux de savoir combien de gens vont être capables de nous dire combien leur REER va leur rapporter à la fin de l'année. Alors, de la même façon, il nous est apparu important que ce taux-là puisse être revu de façon beaucoup plus régulière pour qu'on puisse s'ajuster et que le jeu qu'on est en train de jouer aujourd'hui, c'est-à-dire de se dire: Bon, bien, ça fait 30 ans qu'on se plante, puis on est obligé de donner un coup de barre radical, bien, qu'on soit capable de donner des coups de barre peut-être, je dirais, un peu plus petits, puis qui affecteraient un peu moins le système tel qu'on le connaît.

Il y a donc quelques pistes que nous avons privilégiées dans cet esprit-là, et nous les suggérons. Puis, quand on fait une réforme de ce type-là, hein, c'est une réforme qui doit éviter de chambarder tout. Évidemment, on n'est pas des actuaires, on n'est pas spécialistes, on n'est pas des économistes. Il nous est apparu que ce qu'il fallait privilégier là-dedans, c'était le gros bon sens, puis c'est ce qu'on vous suggère, là, c'est ce qui nous est apparu être les mesures qui étaient les plus profitables pour tout le monde.

D'abord la nécessité d'une hausse du taux de cotisation, c'est bien sûr. Et la nécessité d'une hausse des cotisations, pour nous, c'est primordial, elle doit être rapide. Et, encore une fois, toujours la participation du plus grand nombre pour protéger le plus grand nombre. Il nous est apparu qu'il fallait faire participer les baby-boomers assez vite pour protéger le plus grand nombre, pour protéger ces baby-boomers-là, qui sont nombreux, et protéger la génération qui va suivre. Donc, la hausse du taux de cotisation doit, à notre avis, être relativement rapide. Évidemment, la hausse du taux de cotisation suppose un effet négatif sur l'emploi, et il nous est apparu que, oui, effectivement, s'il y avait des études possibles – et elles sont certainement possibles – sur l'effet sur l'emploi, elles devraient, à notre sens, être publiées.

Il faut également élargir l'assiette des cotisations. Il y a toute une catégorie de gens qui gagnent moins de 3 500 $ par année, les étudiants en sont; les jeunes qui arrivent sur le marché du travail puis qui attrapent un petit contrat de deux mois en sont. Ces gens-là ne cotisent pas, ils entrent dans l'exemption générale. Ils ne bénéficient pas du système de protection, toujours dans le même esprit: participation du plus grand nombre pour la protection du plus grand nombre. Ces gens-là devraient pouvoir bénéficier de l'exemption, mais on devrait pouvoir aussi diminuer cette exemption-là à mesure que ces gens-là commencent à gagner des sous. Vous avez notre position là-dessus dans notre mémoire.

Il faut aussi revoir, à notre point de vue, un certain nombre de prestations, la prestation décès, entre autres, qui s'est chiffrée, sauf erreur, autour de 2 500 $ dans les dernières années, lors du décès. On s'est demandé pourquoi ça ne serait pas un montant forfaitaire égal pour tout le monde. Tout le monde meurt de la même façon, tout le monde veut avoir une sépulture décente, je dirais. Pourquoi les gens qui ont gagné plus recevraient plus de l'État pour être enterrés, carrément, là? Les polices d'assurance-vie, généralement, donnent aux gens un montant suffisamment important pour qu'ils puissent se payer ce qu'ils souhaitent, là, ce qui est raisonnable. Pourquoi ça varierait? On a pensé que, oui, si, effectivement, il y a des gens qui n'ont pas les moyens de se le payer, l'État doit intervenir, parce qu'il semble que c'est la moindre des choses, mais, de là à faire varier ce montant-là, on voit mal pourquoi.

Il nous est apparu aussi que la prestation au conjoint survivant pourrait peut-être être revue, mais du bout des doigts. Il va de soi qu'un jour au Québec, et ce jour est très prochain, il y aura enfin l'équité salariale, et il va de soi que les gens qui sont de notre génération et qui prendront leur retraite dans 40 ans auront bénéficié de ça. Nous le souhaitons de tout coeur. Ça étant fait, les gens qui auront bénéficié de l'équité salariale pendant ces 40 années-là, bien, le conjoint survivant sera peut-être un petit peu moins mal pris que ce qu'il peut l'être aujourd'hui, la génération de mes parents, par exemple, où, si mon père décède demain matin, bien, ma mère est dans le trouble. Il y aura d'abord ça.

Il y aura le fait aussi – puis c'est pour ça que je dis «du bout des doigts» – qu'il y aura toujours des gens qui auront dépendu de leur conjoint pendant des années, que ce soit l'homme, que ce soit la femme. Alors, il nous est apparu que peut-être un test de revenus serait intéressant pour voir si, effectivement, le conjoint survivant a besoin de la prestation. Parce qu'il y a effectivement des gens qui meurent, qui laissent des héritages importants et des conjoints qui sont fichtrement en bonne situation puis qui n'ont pas besoin de la prestation du conjoint survivant. La femme de mon patron, demain matin, elle n'est pas dans la rue si mon patron meurt. Alors, peut-être qu'un test de revenus – et c'est possible – pourrait faire qu'il y ait un certain nombre de prestations qui sont versées actuellement qui pourraient être rebalancées. Ça ne ferait pas de mal au système. C'est de l'argent dont on a certainement besoin ailleurs.

Ce test de revenus là devra toutefois respecter deux paramètres importants. D'abord, les femmes et les hommes qui auront des revenus moindres que la moyenne québécoise ne devront pas faire les frais de l'instauration d'un système de test de revenus, puis il va aussi falloir tenir compte de la situation de famille. Il y a des familles monoparentales au Québec. Il ne faudrait pas que ces gens-là, qui ont souvent des situations de fait assez... qu'on ne voyait pas en 1966 et qu'on ne voyait même pas il y a 10 ans, il faudra tenir compte de ces situations-là.

Une dernière mesure est un incitatif. Nous avons appris, en lisant le document de consultation, que quelqu'un qui continuait à travailler passé 65 ans touchait 130 % de la prestation de revenus qui peut être touchée par quelqu'un qui arrête à 65 ans. On s'est demandé si le retrait de cette prestation-là ne serait pas un incitatif. Parce que nous ne sommes pas, quand même, pour la coercition, là, obliger quelqu'un à prendre sa retraite à 65 ans, mais on s'est demandé si le fait de retirer ça ne serait pas un incitatif à ce que les gens prennent leur retraite à 65 ans. Alors, nous avons suggéré, donc, de voir à évaluer cette mesure-là. D'autant plus que l'espérance de vie augmente. Alors que nos grands-parents, quand ils arrivaient à 65 ans, ils étaient fatigués, ils avaient hâte de prendre leur retraite, les gens qui prennent leur retraite maintenant, ils sont encore en pleine forme. Alors, il est permis de penser qu'il y a beaucoup de gens qui vont souhaiter travailler jusqu'à 70 ou 75 ans et 80 ans. Peut-être que, sans coercition, il y aurait là possibilité de mettre un incitatif pour que les gens prennent effectivement leur retraite à 65 ans.

C'est cet esprit-là qu'on a voulu transmettre: participation du plus grand nombre pour la protection du plus grand nombre. C'est ce qui est à la base de notre mémoire. Donc, l'équité pour rétablir l'équité. Je rappellerai toujours que notre génération a un peu le sentiment, à tort ou à raison, de faire les frais d'un certain attentisme des gestionnaires publics, et on a un peu l'impression que, oui, c'est nous qui allons un peu souffrir du rétablissement des finances publiques, mais il faut le faire. Il faut le faire. Et, de ce point de vue là, on ne permettrait pas que le gouvernement, sous divers prétextes, ne pose pas les gestes qui s'imposent, et nous pensons qu'il est dans la bonne voie et qu'il ne doit pas déroger à cette ligne-là. S'il devait déroger aux trois principes que nous avons évoqués, c'est-à-dire l'équité intergénérationnelle, la solidarité sociale et l'adaptation à l'économie moderne, nous serions les premiers chiens de garde qui viendrions dire au gouvernement de faire son travail.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, sur ces dernières paroles, soyez assuré que nous n'en doutons pas du tout. Et, en même temps, cependant, votre vigilance vous entraîne aussi à soutenir des causes justes et raisonnables comme celle de l'équité salariale.

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Et je comprends qu'un des appuis les plus fermes, un des encouragements les plus soutenus...

M. Gautrin: Il faudrait avoir du temps supplémentaire pour faire ta deuxième... Ça a marché une fois, ça ne marchera pas deux.

Mme Harel: ...au sein de la formation politique qui est au gouvernement vient justement et du Comité national des femmes et du Comité national des jeunes, tous sexes confondus, n'est-ce pas.

Alors, bienvenue, M. Ouellet et M. O'Neill. Alors, vous voyez, vous avez réussi à faire une lecture vraiment très approfondie de l'analyse actuarielle du Régime de rentes du Québec publiée au 31 décembre 1994, parce que, moi-même, j'ai encore appris des choses, comme à la page 8, le fait qu'on allait passer de 31 300 décédés à 92 500, voyez, en l'espace de 50 ans. Alors, les bénéficiaires de la rente de conjoint vont tripler, passant de 272 600 personnes en 1995 à 662 000. Alors, on voit qu'il y a des phénomènes qui n'étaient pas prévisibles auparavant et qui, là, vraiment, vont avoir un impact important. Il n'était pas, je pense, prévisible qu'il y ait tant de décès ou de conjoints survivants sur le nombre de cotisants, en pourcentage du nombre de cotisants.

(17 h 20)

M. Gautrin: Je vais vous répondre qu'il était prévisible que les gens mourraient. C'est au moins une chose dont on est sûr, c'est...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouellet (Richard): ...

Mme Harel: Effectivement. Le ratio, par ailleurs, du de cujus sur le cotisant...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Je n'ai pas compris. On peut avoir des explications, Mme la ministre?

Mme Harel: Ha, ha, ha! Excusez. Mais, comme vous le dites si bien, on dit souvent, je vous cite, là: qu'«on fait dire ce qu'on veut aux chiffres». Et vous ajoutez: «C'est souvent vrai.» Je vous trouve extrêmement philosophe, en fait, pour... j'allais dire votre génération, mais j'enlève les mots «pour votre génération», vous êtes extrêmement philosophe, point.

Alors, écoutez, dans l'ensemble, vous dites, oui, le plus rapidement possible, en même temps ne pas dépasser un certain seuil de cotisation. Mais agir rapidement, c'est garantir que ça ne sera pas votre génération puis celle de vos enfants qui vont finalement avoir à soutenir les retraités. Et vous avez, à raison, invoqué l'arrivée de la génération du baby-boom dans 15, 20 ans pour exiger qu'ils fassent leur part avant d'arriver à la retraite.

Concernant les cotisations, je dirai que vous insistez sur les acquis actuels. Par ailleurs, vous regardez favorablement le gel d'exemption. Vous ne nous avez pas parlé de l'éventuel déplafonnement, je ne sais pas si vous avez déjà une idée faite sur cette question. C'est aussi un sujet qui a été beaucoup discuté en commission parce que pas mal de mémoires en ont parlé. Il y a des provinces aussi, au niveau fédéral-provincial, qui ont commencé à le discuter, notamment la Colombie-Britannique qui a mis ça sur la table à la dernière rencontre fédérale-provinciale. Je dirai qu'essentiellement vous apportez, finalement, cette idée d'un test de revenus à l'égard de la rente de conjoint survivant. Le fédéral a pensé reporter dans une deuxième étape cette question de conjoint survivant plutôt que de l'aborder maintenant. Et, en vous écoutant, je me demandais si on n'aurait pas intérêt à l'aborder immédiatement.

Vous savez, ce qu'on remet, c'est souvent 10 ans après qu'on le retrouve, hein. C'est rare que, disons, dans un même mandat de gouvernement, on va revoir la même question deux années de file, mettons. On a déjà eu la publication du livre vert au printemps, on est en commission parlementaire à l'automne, vraisemblablement législation au printemps prochain, et je vois difficilement qu'on s'y remette l'année d'après. Alors, je me demande si on n'aurait pas intérêt à regarder de près cette question de conjoint survivant, en toute, évidemment, transparence et en toute solidarité avec une génération de femmes qui ne doivent pas être perdantes dans cette opération-là, étant donné que les règles du jeu n'étaient pas les mêmes au moment où elles sont arrivées à leur vie active qu'elles le sont pour les jeunes femmes de 20 ans maintenant. Donc, ça, ce serait à revoir, sans doute. C'est ce que vous nous invitez à faire.

La question du décès, je l'avais vue dans votre mémoire, et puis tantôt on en a un peu parlé. Vous avez raison, d'une certaine façon. Vous citez d'ailleurs cette idée que six pieds sous terre on est tous égaux et que la rente de décès devrait, dans le fond, être égale et non plus proportionnelle, comme c'est le cas. Vous citez, en passant, dans votre mémoire, Victor Hugo, «Les Misérables», qui a dit: «La première égalité, c'est l'équité.» J'ai beaucoup aimé. Est-ce que je pourrais avoir la référence?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: J'apprécierais énormément.

Une voix: Pourquoi, exactement?

Mme Harel: Vous allez voir, ça va finir par servir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouellet (Richard): Ça me fera plaisir de vous la transmettre.

Mme Harel: Vraiment, j'apprécierais.

Il y a un aspect, je dois vous dire que c'est l'ajustement actuariel pour les personnes qui prennent leur retraite après 65 ans. On l'a fait étudier, et je pense bien que vous-même, si vous étiez, comme moi, informé de l'impact que ça a sur les personnes à faibles revenus... Parce que, dans le fond, ce dont on se rend compte, c'est que ce n'est pas les plus fortunés qui profitent du facteur d'ajustement actuariel parce que, en 1995, l'an passé, les nouveaux bénéficiaires de 66 à 69 ans ne touchaient, en moyenne, que 25 % de la rente de retraite – pas 25 % de leur remplacement de revenus, 25 % de la rente de retraite, qui est déjà très, très faible, comme vous le savez – 25 % de la rente de retraite maximum, soit 182 $ par mois. Alors, ceci dit, vous appuyez la proposition que, dorénavant, on cotise après 65 ans si on continue à travailler. Ça, je pense que c'est vraiment très raisonnable parce que, vous le dites, il va y avoir pas mal de personnes en bonne santé qui vont peut-être vouloir continuer à travailler longtemps. Donc, c'est normal qu'elles cotisent. En même temps, est-ce que vous accepteriez qu'on puisse revoir cette question du facteur d'ajustement actuariel, au moins pour qu'on continue à cotiser jusqu'à ce qu'on ait atteint, si vous voulez, le maximum de rente assurable?

M. Ouellet (Richard): Là, j'apprends qu'il n'est pas avantageux de travailler au-delà de 65 ans sur le plan de la réception des prestations de retraite...

Mme Harel: Non, excusez-moi, je me suis mal exprimée. Ça l'est, avantageux, quand on est très, très, très défavorisé, en fait. Mais, pour la plupart – j'ai fait sortir les chiffres – ce sont des femmes. Ce sont celles qui ont commencé à travailler, sur le marché du travail, disons, après avoir élevé leurs enfants, la plupart du temps, puis qui n'ont pas du tout accumulé le nombre d'années requises. Alors, c'est en général, finalement, des personnes qui continuent à travailler parce qu'elles en ont besoin et qui, dans le fond, pourraient continuer à avoir un facteur d'ajustement actuariel, mais dans la mesure où, justement, on pourrait établir un seuil. Là, il n'y a pas de seuil.

M. Ouellet (Richard): Pour moi, il est évident que, si quelqu'un a besoin de continuer à travailler après 65 ans, il est ridicule de lui imposer la retraite. On n'est pas pour imposer la pauvreté à quelqu'un qui a le goût de continuer à travailler. J'apprends que ce sont essentiellement des personnes à très faibles revenus qui continuent à travailler après 65 ans.

M. Boucher: Sauf M. Campeau.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça n'empêcherait quand même peut-être pas, par exemple, de regarder... La ministre, c'est ça qu'elle veut dire, l'harmonisation fédérale-provinciale via les REER. Parce que les REER, on vient de poser un geste qui amène ça à 69, je pense. Si on veut parler d'harmonisation, un jour ou l'autre il va falloir en parler davantage, d'harmonisation. Je pense que la ministre n'est pas, quand même, réfractaire à ça.

Mme Harel: En fait, actuellement, il y a moins de 3 % des personnes âgées de 65 à 70 ans qui ont des gains de travail supérieurs à l'exemption générale, donc moins de 3 % des personnes de 65 à 70 ans qui ont des gains de travail de plus de 35 400 $. Pour la totalité des personnes de 65 à 69 ans...

M. Ouellet (Richard): L'exemption générale, ou du maximum des gains assurables?

Mme Harel: L'exemption générale.

M. Ouellet (Richard): 3 500 $.

Mme Harel: Mon Dieu! Excusez-moi. Oui, vous avez raison, M. Ouellet. C'est 3 % qui ont des gains supérieurs à 3 500 $. Il n'y en a pas beaucoup, hein? Tandis qu'en 1966 c'était 24 %. Alors, vous voyez combien, en 30 ans, c'est passé de 24 à 3 % des personnes âgées de 65 à 70 ans qui ont des gains supérieurs à 3 500 $. C'est en bas de 3 500 $.

Alors, je vous remercie. En fait, c'est une contribution importante. Je vous en remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Merci, M. le Président. En fait, ce que vous dites, c'est: Si ça avait été revu chaque année, on ne ferait pas face à ce problème-là aujourd'hui. Si, dans la loi, ça avait été dit que c'était pour être révisé chaque année ou chaque deux ans, peut-être chaque trois ans, et qu'on fasse les calculs pour savoir s'il fallait augmenter, ou même s'il fallait descendre les taux...

(17 h 30)

M. Ouellet (Richard): Je vous dirais que... Tu sais, on n'est pas des experts là-dedans, on pose la question. On se dit: Comment se fait-il qu'on l'ait fixé sur 20 ans d'abord, qu'on ait prévu l'échelonnement sur 10 ans ensuite, puis qu'après 30 ans on se dise: Oups! on a manqué notre coup sur les taux de cotisation? C'est un peu le sentiment que j'ai quand je lis le document de consultation.

M. Campeau: Êtes-vous en train de me dire que vous blâmez les actuaires qui ont mal prévu?

M. Ouellet (Richard): Non. Ha, ha, ha!

M. Campeau: Non, ça va. Parce que, avant que vous soyez arrivés, on a parlé des actuaires. Évidemment, les actuaires, ils peuvent se tromper. Alors, ce n'est pas parce qu'on est actuaire qu'on dit nécessairement la vérité. Mais on aurait pu, quand cette loi-là a été faite, dire: Les actuaires réviseront chaque année, chaque deux ans ou chaque trois ans pour voir si on est dans la ligne, et, comme ça, on aurait pu augmenter... Bon. Mais on était aussi pris avec notre problème de la régie des rentes du Canada. On a toujours voulu harmoniser avec la régie des rentes du Canada et on a toujours attendu que le Canada réagisse, et vice versa. Peut-être que lui nous attend. Ce n'est pas une excuse, je fais juste expliquer le système. Mais j'aime beaucoup votre solution, quand même, qu'il n'y a rien qui nous empêche de réviser ça chaque année ou chaque deux ans ou trois ans pour être bien sûr qu'on est bien sur la limite.

Mais ma question, c'est: Vous, est-ce que vous accepteriez ou est-ce que ça vous semblerait logique que... si ça crée un préjudice aux employeurs parce qu'on ne serait pas compétitif avec les autres provinces, est-ce que vous accepteriez que le taux de l'employé soit plus élevé que le taux de l'employeur? Parce que l'employeur, lui, il ne retire rien de ça. Il donne, alors que l'employé retire, lui. Sur, par exemple, le 6 % qu'on va mettre à partir du 1er janvier 1997, ça va être 3 % de l'employé, 3 % de l'employeur. S'il y avait des besoins d'augmenter plus que ça, trouveriez-vous ça logique que le taux de l'employé soit plus élevé que celui de l'employeur?

M. O'Neill (Louis-Martin): Ça peut, oui. Bien, il y a une chose qu'on a spécifiée dans le mémoire: il serait beaucoup plus facile de répondre à cette question si on pouvait avoir sous nos yeux des études, à savoir quelle serait l'incidence véritable pour l'emploi. Avec ces études devant nos yeux, c'est une solution qui est envisageable, c'est une solution à laquelle je ne vois pas d'opposition. Cependant, il faut faire attention. Oui, si le but de la manoeuvre est bel et bien de faire en sorte qu'il y ait le moins d'incidences possible sur l'emploi, nous sommes entièrement d'accord avec cette proposition. Cependant, si on s'aperçoit, études en main, et si tout tend à nous démontrer que les incidences sur l'emploi sont peut-être moins grandes que celles que l'on craint et que c'est là un allégement, je ne dirais pas déguisé, à ce moment-là, bien, il y a des réserves qui peuvent être émises.

M. Campeau: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Merci beaucoup. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. D'abord, je vous remercie de votre présentation ici. J'ai quand même un point où je ne comprends pas votre mémoire. À la page 11, vous rappelez qu'il serait souhaitable que, s'il y a des études sur les effets d'une hausse de taux de cotisation sur l'emploi, elles soient rendues publiques. J'imagine que, s'il y avait des effets extrêmement importants, ça nuancerait votre position. Pourtant, vous en arrivez, à la page 10 – c'était avant – troisième paragraphe, à dire: «Une hausse rapide des taux de cotisation et le maintien du niveau de prestation constituent donc la solution que nous privilégions.»

Vous ne pensez pas que la hausse rapide des taux de cotisation est celle qui est la plus dangereuse, entre guillemets – je comprends que les études ne sont pas rendues publiques sur l'emploi – et qu'il n'y aurait pas lieu, au contraire, de choisir, parmi les deux scénarios, le scénario de la hausse la moins rapide – vous savez que, dans le livre vert, il y a deux scénarios qui sont présentés – car, à première vue – et j'accepte que les études ne soient pas dévoilées, je souhaite aussi comme vous que les études soient dévoilées puis je pense que c'est une question extrêmement importante – une hausse rapide, c'est-à-dire le taux de croissance du taux – vous comprenez ce que je veux dire – est ce qui est le plus pernicieux et néfaste sur l'emploi? Je ne sais pas si vous partagez d'une part ce point de vue là et je ne comprends pas, à ce moment-là, comment vous arrivez à choisir la hausse rapide comme choix.

M. Ouellet (Richard): Je comprends bien le sens de votre question. C'est toujours en partant du même principe de participation du plus grand nombre pour la protection du plus grand nombre. Nous pensons que...

M. Gautrin: Mais ça peut être la participation pour le plus grand nombre qui soient sans emploi aussi.

M. Ouellet (Richard): Ah, sûr! Et c'est pour ça que je vais mettre des bémols dans ma réponse. Je vous dirai que, si les baby-boomers vont accéder à la retraite sans avoir cotisé leur juste part et que nous, la génération qui souffre du renversement de la pyramide démographique, avons à supporter ça, là on a un problème sérieux. Nous souhaitons donc que la hausse soit la plus rapide possible, parce que, et c'est simple, les baby-boomers vont accéder relativement rapidement à cette retraite. Il faut donc les attraper avant qu'ils n'aillent à cette retraite, pour que nous n'ayons pas à cotiser pour des gens qui sont plus nombreux que nous et qui auront été sur le marché de l'emploi beaucoup plus longtemps que nous de façon beaucoup moins précaire que nous. Donc, toujours dans la participation de ce même principe, la hausse la plus rapide possible pour attraper de la façon la plus payante possible les baby-boomers. Oui. Il faut mettre un bémol à cette réponse-là: si ça a un effet dramatique sur l'emploi, on le sait, c'est les jeunes qui vont en souffrir, et vous avez raison de le souligner. Mais nous pensons quand même que le principe qui doit nous guider, c'est de faire l'effort maintenant.

M. Gautrin: Vous faites l'effort maintenant pour capitaliser plus le régime, c'est-à-dire recommencer à capitaliser le régime de manière à pouvoir avoir des revenus d'intérêts dans les années 2010, 2012 qui permettent d'éliminer le taux de cotisation. C'est à peu près ce que vous êtes en train de me dire?

M. Ouellet (Richard): Bien, ce que je constate, c'est que notre réserve est passée de 11 fois ce qu'on déboursait l'année d'ensuite, en 1975, à 2,8 fois cette année.

M. Gautrin: Ce qui était normal. Mais vous comprenez que c'était normal, à ce moment-là, c'est-à-dire qu'au moment où vous commencez un régime de retraite il est normal, évidemment, que la réserve monte très rapidement...

M. Ouellet (Richard): Sûr.

M. Gautrin: ...parce que vous avez peu de personnes qui bénéficient du régime.

M. Ouellet (Richard): Sûr.

M. Gautrin: Lorsqu'on arrive à un taux, disons, d'un régime qui est stable, qui serait normalement théoriquement stable... Un taux de deux à trois fois les sorties est facilement acceptable. Le problème que l'on a – et je comprends qu'on l'a tous – c'est cette espèce de bosse démographique qui n'est pas absorbée par un surcroît de l'activité économique, et c'est pour ça d'ailleurs qu'on est ici pour se rencontrer, et c'est indépendamment des choix politiques. C'est celui-ci qu'on a... Mais je comprends que vous mettiez un bémol en disant: Faites attention aussi, il peut y avoir des effets sur le marché du travail, et vous voulez quand même le regarder. C'est ce que je comprends.

M. O'Neill (Louis-Martin): Oui. Les effets sur le marché du travail, bon, on a les études fédérales en main qui peuvent nous servir d'indicateurs. Mais, d'autre part, bon, vous le savez plus que tout autre, le Québec est une société distincte, différente, notamment sur le plan économique. On aimerait savoir de quelle façon – et c'est pour ça qu'on réclame des études – ça peut nous toucher différemment du reste du Canada ou du Canada entier.

M. Gautrin: Je ne veux pas faire de débat ici avec vous sur la société distincte ou non, moi, mais il est clair quand même que, au point de vue des structures économiques, elles sont quand même relativement comparables entre le Québec et le reste du Canada, donc les mêmes effets peuvent être appréhendés, sans vouloir réellement refaire ce débat-là avec vous.

M. O'Neill (Louis-Martin): Mais, sans faire de débat, en effet, cependant, on peut s'apercevoir qu'il y a un niveau de vie qui est moins élevé, etc.

M. Gautrin: Oui, je suis d'accord. Je suis d'accord.

M. O'Neill (Louis-Martin): Donc, on veut savoir s'il risque d'y avoir des effets qui sont différents et qu'on ne voit pas.

M. Gautrin: Je suis d'accord avec vous.

Il y a un point sur lequel vous n'êtes pas intervenus: c'est l'extension des années de retranchement. Les jeunes du Conseil permanent de la jeunesse ont insisté sur l'augmentation des années de retranchement. L'argument qu'ils présentaient était le suivant: la structure du marché du travail, en particulier pour les jeunes, est telle qu'est fini le temps où vous commencez à avoir un emploi stable de 20 ans jusqu'à 65 ans et que le nombre de 15 % d'années de retranchement qui est prévu au régime n'est pas suffisant pour tenir compte de la réalité du marché du travail telle que nous l'appréhendons – et le «nous», c'était le Conseil permanent de la jeunesse qui disait ça. Est-ce que vous partagez ce point de vue là? Vous ne le recommandez pas, pourtant.

M. Ouellet (Richard): On ne le recommande pas. L'idée n'est pas mauvaise, mais je crois savoir que, si nous augmentons de 15 % à 25 % ce retranchement, ça a un effet sur la Caisse, aussi.

M. Gautrin: Sur les cotisations.

M. Ouellet (Richard): Sur la Caisse, oui.

M. Gautrin: Ça a un effet soit sur les cotisations, bien sûr, ou sur les déboursés de la Caisse. Je pense que c'est facile à calculer, dans ce cadre-là.

M. Ouellet (Richard): Oui. Mais le CPJ a parfaitement raison de dire que nous sommes de cette génération qui va chômer plus que les deux générations qui l'ont précédée.

M. Gautrin: Savez-vous que je souhaite que ce ne soit pas vrai...

Une voix: Nous aussi.

M. Gautrin: ...et que je souhaite que vous ne chômiez pas et que je fais tout et que nous faisons tout en notre pouvoir pour que ce ne soit pas le cas? Mais je comprends que vous l'appréhendez quand même comme une possibilité qui est devant vous.

(17 h 40)

Vous maintenez quand même le gel de l'exemption annuelle de base. Pourtant, l'exemption annuelle de base, si elle est associée à un nombre d'années de retranchement, est une manière de ne pas faire compter les années où on n'a presque pas gagné, et on est mieux d'avoir, à ce moment-là, une contribution nulle au Régime de rentes qu'une contribution faible... que n'importe comment on retirera avec nos années de retranchement. Mais je ne comprends pas pourquoi vous avez proposé ça. Vous êtes en faveur du gel de l'exemption annuelle de base.

M. Ouellet (Richard): Oui, et sa diminution graduelle à mesure que les revenus du travailleur augmentent.

M. Gautrin: Oui.

M. Ouellet (Richard): Bien...

M. Gautrin: La diminution graduelle, je la comprends, c'est parce que vous voulez vous ramener au taux réel, que le taux de cotisation corresponde au taux réel. C'est à peu près la position que vous avez, hein – c'est ça? – qui est celle du livre vert. C'est bien ça?

M. Ouellet (Richard): Oui, oui, oui, oui, oui, oui. Bien, il nous est apparu que le gel de l'exemption générale permettait une espèce d'inclusion graduelle des travailleurs au marché du travail.

M. Gautrin: Disons au Régime de rentes, vous voulez dire.

M. Ouellet (Richard): Oui.

M. Gautrin: Mais avec le problème, vous comprenez, que vous allez faire contribuer les gens qui ont quand même des revenus extrêmement faibles et que ces périodes données, très probablement, vont faire partie de leurs années de retranchement dans le futur. Enfin, c'est un débat qu'on a déjà parti avec le mouvement syndical, qui ne partageait ce point de vue là, et avec d'autres groupes de jeunes.

J'ai trouvé, moi personnellement, intéressante, parce que c'est une question que j'ai soulevée bien des fois, la réévaluation de la rente de conjoint survivant. Autrement dit, si je comprends ce que vous nous dites, tout en protégeant les droits acquis et la situation – puis je pense que de part et d'autre on en est – la situation des couples et de la vie que vous allez vivre est telle que la rente de conjoint survivant, telle qu'elle existe, est moins nécessaire ou n'a plus la même nécessité qu'elle pouvait avoir pour les, disons – ha, ha, ha! – couches d'âge, pour ne pas parler de classes d'âge, qui vous ont précédés. C'est ça?

M. Ouellet (Richard): Oui.

M. Gautrin: Ça, je pense que c'est un point qu'on aura probablement, j'imagine, à aborder. Vous n'avez pas réfléchi sur la retraite progressive. Ou est-ce que vous y avez réfléchi? La retraite progressive. Alors, pour vous expliquer de...

M. Ouellet (Richard): Je vous avoue candidement que je ne sais pas c'est quoi, une retraite progressive.

M. Gautrin: Alors, je vais vous expliquer: c'est la possibilité pour quelqu'un de sortir progressivement du marché du travail – c'est-à-dire prenons quelqu'un qui travaillait cinq jours-semaine – de passer à quatre jours-semaine, trois jours-semaine et de progressivement s'en aller vers une retraite où il sort du marché du travail. La difficulté qui se pose face à cette mesure-là, c'est la non-adaptabilité d'un régime de rentes: ou on contribue ou on ne contribue pas à une retraite progressive. Alors, je ne sais pas... Si vous me dites que vous ne savez pas, j'imagine que vous n'avez pas réfléchi à la question et à la nécessité d'adapter le Régime de rentes au principe de retraite progressive.

M. Ouellet (Richard): Nous n'avons pas travaillé là-dessus.

M. Gautrin: Je me pose des questions là-dessus. A été abordée devant cette commission la possibilité de déplafonner les cotisations. Même ce matin l'AFEAS est venue nous dire: Bien, déplafonnez, et elle avait une position disons, assez forte, pour ne pas utiliser «drastique», parce que ce serait un anglicisme...

M. Ouellet (Richard): Oui.

M. Gautrin: ...et à ce moment-là de doubler complètement le plafond. Mais l'AFEAS nous disait: Mais en limitant éventuellement les prestations, c'est-à-dire, pour les plus grands salariés, ne plus suivre le principe de 25 % du taux de remplacement. Est-ce que vous avez réfléchi sur ces choses-là ou pas? C'était un moyen pour eux de diminuer, à ce moment-là, le taux de cotisation.

M. O'Neill (Louis-Martin): On y a réfléchi, mais je vais vous avouer que, lorsque est venu le temps de déposer le mémoire, on n'avait pas encore eu le temps de se faire une idée...

M. Gautrin: Je comprends.

M. O'Neill (Louis-Martin): ...très ferme là-dessus. C'est une idée qui effectivement nous apparaît intéressante, et, sans avoir disserté là-dessus, effectivement, on pense que c'est une avenue qui peut être empruntée.

M. Ouellet (Richard): Est-ce que le déplafonnement permettra une baisse du taux? Et jusqu'à quel point?

M. Gautrin: Bien, c'est à analyser, bien sûr, et ici on est... Ça peut en particulier, évidemment, amener une baisse, c'est-à-dire une baisse du taux, la non-nécessité de monter le taux jusqu'à un certain niveau, si on brise, par exemple, au moins temporairement la question du déplafonnement avec la rente, c'est-à-dire si on brise son adéquation.

J'ai une dernière question, M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, M. le député.

M. Gautrin: ...et je pense que mon collègue en aura peut-être, le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Gautrin: Vous abordez la question de la nécessité de revoir le taux de cotisation périodiquement. Vous y allez fort, vous dites tous les ans. Là, vous savez que l'analyse actuarielle du régime est aux cinq ans, si je ne me trompe pas, et, dans toutes les analyses actuarielles, il y a un objectif d'en arriver à un taux stable. Je ne sais pas si vous remarquez, actuellement, même lorsqu'on parle d'augmentation la plus rapide, c'est pour se dire: On veut augmenter le taux pour en arriver à un moment ou à un taux qui soit un taux prévisible et stable. D'abord, est-ce que vous êtes prêts à nuancer aux cinq ans la révision du régime?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Vous comprenez qu'un an, à moins que vous vouliez faire travailler nos amis actuaires constamment... Ha, ha, ha! Et deuxièmement est-ce que l'objectif d'un taux stable, c'est quelque chose que vous favorisez?

M. Ouellet (Richard): Oui. Un taux stable, c'est l'objectif ultime, je pense.

M. Gautrin: Oui.

M. Ouellet (Richard): Pour ce qui est de la révision périodique du taux, je vous dirais que, quand on a fait de la consultation sur ce problème-là, la première chose que les jeunes nous ont dit – parce que c'est nous qui avons fait la recherche – c'est: Bon, bien, qu'est-ce qui en était des taux? Bien, de 1966 à 1986, c'était à 3,6 %. Ah bon! C'était trop bas. Puis ils n'ont rien fait pendant 20 ans? Bon. Et, par la suite, ça a été à 5,6 % pendant 10 ans, c'est-à-dire une hausse graduelle jusqu'à 5,6 % pendant 10 ans. C'est fixé par la loi. Ah bon! Puis on s'est aperçu que ça aussi, c'était trop bas. Ils n'ont rien fait? Bien non, ils n'ont rien fait. Pourquoi ils n'ont rien fait? Bien... Est-ce qu'il y avait des études? Bien, il y a une étude actuarielle aux cinq ans.

M. Gautrin: Est-ce que je peux vous dire qu'ils ont fait des choses? C'est-à-dire, ils ont même augmenté les bénéfices, si vous me permettez, ce qui met une pression plus forte sur le régime. Mais ça, ce sera un débat qu'on pourra faire...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député... Avez-vous fini? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Gautrin: Bien, c'est-à-dire... Ha, ha, ha!

M. Copeman: Merci, M. le Président. Messieurs, j'ai eu beaucoup de plaisir à lire votre mémoire non seulement à cause de la citation de Victor Hugo, mais un peu à cause de la référence à l'«equity» dans le sens anglais; je vais terminer là-dessus un peu plus tard.

La question que je voulais vous poser, c'est que vous avez dit «un taux stable». Avez-vous préconisé un taux maximal stable? Parce que c'est un peu ça, le noeud de la question. J'ai tenté brièvement d'évaluer la portée des mesures que vous préconisez. Il y en a beaucoup qui ressemblent aux suggestions du Conseil permanent de la jeunesse. Là où vous allez un peu plus loin, c'est dans la question des prestations pour les conjoints survivants. La question que je me pose et à laquelle je ne peux pas avoir une réponse, c'est: Est-ce que, dans vos mesures d'élargissement de l'assiette, un examen modéré sinon timide des prestations peut nous donner un taux permanent acceptable pour tout le monde? Puis les experts nous disent 10 %.

M. Ouellet (Richard): C'est ça.

M. Copeman: Au-delà de 10 %, ça devient problématique. Est-ce que vous pensez que vos mesures vont nous laisser dans cette direction-là?

M. Ouellet (Richard): Bien, il nous est apparu que, si les experts disent: Le système vaut à peu près 10 %, bien, c'est ce que tout le monde doit cotiser. Alors, s'il y a une génération qui a cotisé 3,6 % ou 5,6 % – enfin, entendons-nous là-dessus – il n'est pas normal que la génération d'après cotise 13 %. Alors, jusqu'à un certain point, il faut faire un effort pour que le taux de cotisation augmente suffisamment rapidement pour qu'on arrive à un taux réel. Le régime, que vaut-il? Bien, c'est ce qu'il faut payer.

Maintenant, dans tout système public de protection du plus grand nombre, il y a un problème d'entrées puis il y a un problème de sorties. Oui, il faut revoir un certain nombre de prestations. Dans le cas d'un régime de retraite, on sait que les gens prévoient à très long terme, on sait que les gens se fient sur les prévisions. Est-ce qu'on pourra dire aux gens du jour au lendemain: Voici, bang! c'est ça, la hausse? Je mettais des bémols tantôt dans la réponse que je donnais à M. Gautrin. Oui, il va falloir voir à ce qu'on diminue un certain nombre de prestations. On suggère deux ou trois avenues. On suggère que, oui, on diminue la sortie. Il y a un certain nombre de portes qu'on peut se permettre de fermer...

(17 h 50)

M. Copeman: Oui.

M. Ouellet (Richard): ...et on pense que, dans la mesure où on ne nuit pas trop à l'emploi chez les jeunes puis dans la mesure où on permet aux gens de faire des prévisions qui sont raisonnables, il faut monter assez vite.

M. Copeman: Ça, je comprends, mais la portée de ma question était que, moi, j'ai une crainte, suite à la discussion qu'on a eue ici en commission, que les mesures que vous proposez ne soient pas suffisantes pour arriver à un taux stable qui est acceptable. Autrement dit, la ministre tantôt, avec le Conseil permanent de la jeunesse, a dit: Avec toutes les mesures qu'eux autres, ils préconisaient, selon ces connaissances en tout cas, le taux serait au-delà de 11,8 %, à peu près, à 11,8 %. La différence majeure entre vous puis le Conseil permanent de la jeunesse, c'est que vous suggérez peut-être de limiter les prestations surtout pour les conjoints survivants. La crainte que j'ai, c'est que ce ne soit pas assez: soit qu'il va falloir qu'on monte le taux au-delà de 10 % ou qu'on joue encore dans les prestations pour s'assurer que l'équilibre est là. C'est la crainte que j'ai. Je ne suis pas un expert là-dedans non plus, mais...

M. Ouellet (Richard): Oui. Je partage un peu cette crainte puis je dirais que, notre génération, elle peut faire son deuil de ne payer que 10 %. On se rend bien compte que, si pendant 30 ans les taux ont été largement inférieurs à ce que le système valait, bien, il va falloir compenser quelque part.

M. Copeman: O.K. Puis vous me permettrez un petit commentaire sur l'introduction de votre mémoire. Dans un premier temps, le sens anglais du mot «equity», la première définition dans le dictionnaire «Webster's», c'est bel et bien celle qu'on utilise correctement en français de l'équité. Alors, le sens que vous lui donnez, et ça, j'ai vérifié ça avec M. Campeau, le sens d'«equity» que vous donnez n'est peut-être pas tout à fait approprié non plus, parce que «equity», c'est la portion d'une valeur d'une propriété au-delà de ce qui est hypothéqué. Et, vu que les actifs de la Caisse sont limités à 10 % en termes immobiliers, le sens d'«equity» que vous utilisez en anglais n'est pas tout à fait exact non plus. Mais j'apprécie énormément le jeu de mots que vous avez fait...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Messieurs, au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup pour la présentation et la préparation de votre mémoire. Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député. À l'ordre, s'il vous plaît! J'attendais que Mme la ministre arrive, mais elle est à une réunion très, très importante, porte voisine. On va se permettre quand même de commencer, en s'excusant auprès de nos invités. Dès que Mme la ministre arrive, M. Campeau va humblement reprendre sa place. C'est un homme tellement humble.

Alors, j'invite les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec à nous faire leur présentation, donc à vous présenter, pour fins d'enregistrement, et votre 20 minutes de présentation.


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, mon nom est Gérald Ponton, je suis le président-directeur général de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Je suis accompagné de M. Jean Framand, qui est actuaire, membre en règle de l'Institut canadien des actuaires. Il me fait plaisir, membres de la commission, de vous présenter les opinions ou les perceptions de l'Alliance sur le dossier de la réforme du Régime de rentes du Québec.

L'Alliance, d'entrée de jeu, représente un pan entier de notre économie au Québec, 18 % du PIB, 22 % de la main-d'oeuvre dans les secteurs manufacturier et de l'exportation. Les membres de l'Alliance sont confrontés à la mondialisation de l'économie, à l'élargissement des marchés, et leur compétitivité est nécessaire pour se démarquer des pays avec lesquels nous sommes en concurrence.

Pourquoi nous intéresser à la réforme du Régime de rentes du Québec, en pleine préparation du sommet économique? La raison, elle est fort simple, Mme la ministre. Nous voulons, nous aussi, garantir, à nos employés – et à nos enfants – l'avenir du Régime de rentes du Québec.

Vous pourriez vous demander pourquoi les manufacturiers et les exportateurs s'intéressent au dossier, alors que d'autres associations patronales ou syndicales se sont dites favorables à la proposition mise de l'avant devant cette commission, bien que plusieurs amendements aient été suggérés au fil des discussions dans les mémoires que nous avons consultés. Parce que, à l'Alliance, nous avons voulu considérer le Régime de rentes du Québec, la prestation des aînés et les coûts de santé pour apprécier la situation d'un Québécois à la retraite en l'an 2030. Et on pense que c'est aujourd'hui qu'il faut que les bonnes orientations soient prises si on veut éviter de refaire plus tard ce que vous faites aujourd'hui, après les prévisions optimistes de 1966, lorsque le premier régime a été mis en place.

Les concepteurs de nos régimes de retraite et d'assurance-santé prenaient pour acquis, au cours des années soixante, une croissance économique continuelle qui s'appuyait sur une population en croissance perpétuelle. Maintenant, nous savons pertinemment que cette hypothèse ne s'est pas réalisée, loin de là. On prévoyait 10 000 000 de Québécois; nous sommes 7 000 000, aujourd'hui. Nous devons donc faire face à un bouleversement démographique irréversible. Lorsque le raz-de-marée des baby-boomers abordera l'âge de la retraite, les coûts des systèmes de sécurité sociale et de soins de santé atteindront des sommets inégalés. Si on ne remet pas en question dès aujourd'hui tant la gestion que le financement et le niveau des prestations des régimes publics de retraite et de soins de santé, il nous faudra espérer que chaque travailleur de l'an 2030 pourra et voudra produire un minimum de 60 % de plus que le travailleur d'aujourd'hui pour permettre aux baby-boomers de recevoir des bénéfices qu'ils se sont offerts sans vouloir en payer le prix.

L'Institut canadien des actuaires, sur la base de scénarios démographiques et économiques favorables, nous invite à nous questionner sur ce que nous aurions l'air avec 3 500 000 Canadiens de plus à la retraite, si la situation en 2030 devait être la nôtre aujourd'hui. Il faudrait alors consacrer 48 000 000 000 $ de plus aux programmes sociaux. Pour faire face à ces coûts additionnels, nous devrions payer 45 % plus d'impôts, fédéral et provincial combinés, ou augmenter la taxe sur les produits et les services à 26 %.

La situation exige, selon nous, dès à présent une réforme en profondeur jumelée à une capitalisation adéquate pour préparer une retraite sereine à la population du Québec. L'Alliance croit que cette réforme en profondeur doit se faire dans le cadre d'une vision globale et doit respecter les objectifs et principes énoncés au chapitre 4 du très volumineux mémoire que nous avons préparé à votre intention.

L'exercice que nous vous proposons est simple mais particulièrement exigeant: repenser l'ensemble des prestations de retraite, revenus de retraite et assurance-santé, de sorte que le coût uniforme, exprimé en pourcentage des salaires, des montants que nous consacrons aujourd'hui aux prestations d'assurance-santé, d'assurance-chômage, d'assistance sociale et de retraite, demeure le même dans le temps – idéalement, il serait moins élevé compte tenu de la nécessité d'alléger le fardeau fiscal pour stimuler l'économie – et que cet exercice soit fait selon des scénarios économiques et démographiques suffisamment prudents pour éviter toute surprise désagréable. Dans les chapitres qui suivent, nous proposons certains changements que nous résumons dans le but d'atteindre l'objectif que nous vous avons décrit.

(20 h 20)

Face au Régime de rentes, ce régime est essentiel pour offrir aux travailleurs du Québec un système de retraite de base. Si nous devions payer le plein prix du Régime de rentes du Québec tel qu'il existe aujourd'hui, il faudrait augmenter le taux de cotisation dès maintenant à 10,7 %. Lorsqu'on se contente d'un maigre 5,6 %, comme c'est le cas en 1996, on s'offre donc des bénéfices pour lesquels on ne paie pas entièrement le juste prix.

Quant aux jeunes qui croient que c'est uniquement à cause des plus âgés qu'il faut payer un prix aussi élevé, il serait temps de remettre les pendules à l'heure. Si aujourd'hui on créait un nouveau régime de rentes du Québec et qu'on le réservait aux moins de 30 ans, ces derniers devraient faire face à un taux de cotisation de 10 % à chaque année, et ce, jusqu'à leur retraite, pour avoir droit aux prestations faites actuellement par le Régime de rentes du Québec.

Le gouvernement du Québec a adopté un taux de cotisation de 6 % pour 1997. L'Alliance propose les modifications qui suivent au Régime de rentes du Québec dans le but avoué de maintenir ce taux à 6 % par la suite tout en pouvant continuer à offrir un régime de base de qualité à un prix que les travailleurs du Québec et leurs employeurs peuvent s'offrir et, enfin, en mettant un frein aux transferts intergénérationnels.

Les modifications que nous résumons ci-après reconnaissent également la nécessité de favoriser l'épargne et prennent pour acquis l'obligation de revoir le système de sécurité de la vieillesse – c'est un beau mandat pour la ministre – pour limiter son rôle à celui de soutien financier pour les personnes qui, au cours de leur vie active, n'ont eu aucun gain ou peu de gains de travail.

Le premier point, c'est que le maximum des gains assurables soit relevé sensiblement pour le porter au niveau de celui défini dans la loi des accidents de travail et maladies professionnelles, 48 596 $ au lieu de 34 500 $, conditionnellement – et c'est très important – à l'adoption des modifications recommandées dans ce mémoire en matière de sécurité de la vieillesse, car un régime influe sur l'autre.

Le taux de remplacement du revenu serait maintenu à 25 % après une période cotisée de 40 ans.

La méthodologie de calcul des crédits de rentes serait redéfinie pour permettre l'accumulation des crédits additionnels par le biais de cotisations volontaires. Dans un tel cas, le travailleur paierait sa cote-part et la cote-part de l'employeur. Donc, le travailleur pourrait enrichir lui-même le Régime de rentes du Québec, si tel était son propre choix.

L'exemption de base serait éliminée, quitte à le faire graduellement sur une période de cinq à sept ans; il s'agit de l'exemption de 3 500 $.

Les prestations d'invalidité seraient éliminées, mais une clause type de renonciation de prime en cas d'invalidité serait mise en place.

Les prestations de décès avant l'âge normal de la retraite prévues au Régime de rentes du Québec seraient éliminées. Le conjoint survivant, le cas échéant, aurait droit à une rente de retraite à compter de la date à laquelle le travailleur aurait atteint l'âge normal de la retraite.

En conséquence, les assureurs privés auraient l'obligation d'offrir une protection adéquate en cas de décès et en cas d'invalidité de longue durée, et ceci, à des prix raisonnables.

La pleine indexation des rentes de retraite serait préservée selon l'évolution de l'indice des prix à la consommation.

L'âge normal de la retraite serait augmenté de 65 à 70 ans sur une période de 20 années à compter de l'année 2000, au rythme de trois mois par année.

La retraite anticipée continuerait d'être permise à compter du 60e anniversaire de naissance, mais sur la base des crédits de rentes accumulés, ces crédits étant réduits actuariellement pour tenir compte d'une période plus longue de paiement.

Pour nous, l'Alliance des manufacturiers, le gouvernement du Québec pourrait alors dire clairement qu'il a fait le premier pas pour garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec, comme le veut le titre du livre vert. Si on s'imagine que l'on peut maintenir le Régime de rentes du Québec sans l'amender dans le sens que nous vous proposons, alors pourquoi ne pouvons-nous convaincre la population du Québec d'augmenter ses taxes et impôts suffisamment, en 1996, pour éliminer le déficit du Québec? Ce déficit est en fait du même ordre que les cotisations additionnelles de 3 200 000 000 $ que nous aurions dû exiger en 1996 pour payer le plein prix du Régime de rentes du Québec selon un taux de cotisation de 10,7 %.

En agissant dès à présent, on donnera le temps suffisant aux travailleurs du Québec d'épargner pour améliorer leur sort par rapport aux prestations de base du Régime de rentes du Québec revu et corrigé. Mais, attention, encore faudra-t-il leur faciliter la tâche par le biais de mesures fiscales adéquates, ce qui, pour nous, signifie le maintien des contributions additionnelles au régime de retraite.

Le système de sécurité de la vieillesse. Le gouvernement fédéral propose de remplacer la pension de sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti à compter du 1er janvier 2001 par la prestation aux aînés, l'allocation au conjoint étant maintenue. L'Alliance propose d'amender la proposition fédérale de prestation des aînés comme suit:

La prestation aux aînés devrait être pleinement imposable;

La prestation aux aînés serait indexée en fonction de l'augmentation du maximum des gains admissibles jusqu'à l'âge de la retraite et en fonction de l'indice des prix à la consommation par la suite;

Les personnes qui atteindraient l'âge normal de la reraite du Régime de rentes du Québec avant l'année 2001 auraient le choix entre le système actuel et la nouvelle prestation aux aînés;

Le point de départ en 1996 serait le même que celui proposé par le gouvernement fédéral. Ainsi, il serait égal à la somme de la pension de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti majoré d'un montant de 120 $, pour inciter les gens à opter pour la prestation aux aînés;

L'âge à compter duquel la prestation aux aînés deviendrait payable serait égal à l'âge normal de la retraite pour le Régime de rentes du Québec;

Chaque dollar reçu du Régime de rentes du Québec ou du Régime de pensions du Canada ferait perdre 1 $ de la prestation aux aînés, en excluant toutefois tout dollar perçu du Régime de rentes du Québec dû à des cotisations additionnelles versées en vertu de la modification que nous recommandons pour l'achat de crédits additionnels de rentes.

Les répercussions sur l'ensemble des coûts des soins de santé et de la retraite qui accompagneront l'arrivée du raz-de-marée des baby-boomers à l'âge de la retraite sont trop importantes pour ne pas remettre en question dès aujourd'hui le rôle du système de sécurité de la vieillesse. Il faut limiter son application à assurer un minimum vital à ceux qui n'ont pas eu la chance de disposer de ressources financières suffisantes pour épargner. Continuer d'aller au-delà de ce rôle en matière de sécurité de la vieillesse relèverait de l'inconscience.

Le coût des soins de santé deviendra hors de portée si nous ne nous y attaquons pas en profondeur dès à présent, malgré les efforts que M. Rochon consacre à ce chapitre. Pour préserver les niveaux actuels des coûts des soins de santé en pourcentage du produit intérieur brut pendant les 25 prochaines années, il faudra maintenir le taux d'augmentation du coût des soins de santé entre 0,5 % et 0,75 % sous le taux de croissance des salaires. Si on réussit, la croissance des revenus pourra équilibrer l'augmentation des coûts provoquée par une population vieillissante. Voilà le vrai défi que nous devons relever avec brio. Le défi est de taille, puisque les soins de santé ont évolué à un rythme de 2 %, en plus de l'inflation, au cours des 15 dernières années, alors que les salaires ont évolué au même rythme que l'inflation durant cette même période.

La quote-part des soins de santé dans l'ensemble des coûts n'est pas négligeable. Selon une étude de l'Institut canadien des actuaires, le passif actuariel, en 1991, pour l'ensemble du Régime de rentes du Québec, du Régime de pensions du Canada et du système de sécurité de la vieillesse et pour l'assurance-maladie atteignait 2 200 000 000 000 $, dont 1 200 000 000 000 $ étaient attribuables aux soins de santé.

Les difficultés rencontrées par nos gouvernements pour équilibrer leurs budgets rendent de plus en plus tentante l'application de mesures pour diminuer, voire éliminer les prétendues dépenses fiscales en matière d'épargne-retraite. La réalité qui nous attend au tournant du siècle ne laisse aucun doute. L'État-providence a de moins en moins sa place. Et c'est sans attente que l'État doit limiter son rôle aux besoins strictement de base de la population, laissant au travailleur le soin d'épargner pour améliorer son propre sort.

Un régime d'épargne-retraite dynamique aidera l'État à répondre aux défis du prochain siècle, d'abord, en augmentant ses revenus lorsque les baby-boomers atteindront leur retraite, ces derniers disposant de ressources financières pour stimuler l'économie d'alors, et, en second lieu, en diminuant la dépendance de ces mêmes personnes à l'égard des programmes de sécurité sociale. L'État, à notre avis, doit donc inciter et encourager ceux qui le peuvent à épargner et à compter moins sur l'État pour se prendre en charge.

En résumé, l'État doit signer un nouveau pacte de confiance avec les travailleurs et les aînés. Il doit le faire sur des bases solides, à défaut de quoi la confiance sera à nouveau rompue, et ce, de façon irrémédiable, compte tenu de la fuite du temps. Il doit également le faire sans délai, pour les deux raisons suivantes: pour offrir une période suffisante de transition et pour permettre aux travailleurs du Québec d'améliorer leur sort par le biais d'épargnes personnelles.

L'âge moyen de l'électorat ne cesse d'augmenter, et on sait que la participation électorale des personnes plus âgées est plus élevée que celle des jeunes, ce qui rendrait d'autant plus les changements difficiles à réaliser.

L'ampleur des montants en cause devrait suffire à convaincre nos dirigeants de l'urgence de la situation. L'exercice que nous proposons doit absolument s'appuyer sur des scénarios économiques et démographiques prudents, j'oserais même dire très prudents, compte tenu de notre expérience de prévisions de croissance économique qui nous ont amenés dans le gouffre financier que nous connaissons aujourd'hui au niveau des finances publiques. L'optimisme n'a plus sa place, le temps qu'il nous reste pour corriger la situation étant trop court. Préparer une retraite sereine pour la population du Québec et, à plus forte raison, garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec exigent des scénarios économiques et démographiques prudents.

Pour illustrer notre propos, nous nous limiterons à rappeler que les scénarios de coûts qu'on nous propose s'appuient sur l'hypothèse que les salaires évolueront plus rapidement que l'inflation. Le fait que les salaires ont évolué seulement au rythme de l'inflation au cours des 15 dernières années devrait donner à réfléchir. Cette hypothèse n'est d'ailleurs pas la seule qui mériterait d'être remise en question dans l'élaboration des scénarios économiques et démographiques. L'exercice que nous proposons requiert, soit, un certain leadership et une cohésion sans précédent entre le gouvernement fédéral et celui du Québec. Il exige également l'engagement ferme de nos gouvernements de ne pas puiser dans le réservoir des capitaux qui sera généré par une capitalisation adéquate. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

(20 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'invite maintenant Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bonsoir, M. Ponton; bonsoir M. Framand.

M. Ponton (Gérald A.): Bonsoir, madame.

Mme Harel: Je m'excuse, je présidais le comité ministériel de développement social qui regarde avec enthousiasme les différents projets des chantiers qui seront examinés la semaine prochaine. En fait, c'était notre avant-dernière réunion. Ceci dit, j'avais pu voir aussi dans les journaux d'aujourd'hui un peu l'essentiel de votre présentation, en plus du mémoire que vous nous aviez déjà transmis.

Peut-être un mot simplement, par ailleurs, compte tenu des taux de cotisation, pour vous indiquer ce qu'on ne connaît pas souvent parce que ce n'est pas vraiment beaucoup repris dans les médias, c'est que les taux de cotisation pour les programmes de retraite, d'invalidité et de décès dans les pays industrialisés avec lesquels on peut se comparer sont vraiment beaucoup plus élevés. Pensez que même aux États-Unis, retraite-invalidité-décès faisait en 1995 12,4 % et, si on va plus loin, par exemple, l'Allemagne, 18,6 % – je prends juste le G 7; le Japon, 16,5 %; l'Italie, 29,6 %; la France, 16,2 %. Et puis là on pourrait ajouter la Suède avec 20 %, le Portugal avec 34 %, les Pays-Bas avec 25 %. Ça, c'est les taux de cotisation pour retraite-invalidité-décès.

Donc, vous nous dites: Il ne faut pas dépasser 6 %. Et le 6 %, vous y arrivez par une sorte de combinaison, donc d'élargissement du maximum de gains admissibles... Dans votre mémoire, vous précisez d'ailleurs que ce n'est pas là vraiment où se trouve... Attendez, comment le dites-vous? Vous le dites de façon élégante, mais vous dites que ça n'a pas ou que peu d'effets sur le taux de cotisation. Attendez, j'ai perdu ma page. C'est à la page 21. Mais c'est les autres composantes, à savoir l'abolition de l'exemption générale; ça, c'était le 3 500 $ de départ.

Je dois vous dire qu'on a eu des représentations nombreuses. Moi-même, j'ai rencontré des employeurs, ceux qui engagent la main-d'oeuvre, par exemple les restaurateurs, par exemple tous ceux qui sont dans ce domaine-là, qui disent: Surtout, ne touchez pas ou le moins possible à l'exemption générale de base. Ils nous disent finalement: Allez chercher ceux qui ont des salaires élevés, mais ne touchez pas à ce qui fait embaucher des gens, même si ce n'est pas trop bien payé. Alors, je me rends compte que, même dans le milieu patronal, il y a aussi des courants de pensée.

M. Ponton (Gérald A.): Des divergences.

Mme Harel: Possiblement. Ensuite, il y a l'abolition de la rente d'invalidité. Ça, ça ne se fait pas du jour au lendemain. C'est 500 000 000 $ actuellement, la rente d'invalidité. Et vous savez très bien que...

M. Gautrin: 400 000 000 $.

Mme Harel: On me dit 400 000 000 $? C'est 400 000 000 $?

Une voix: 400 000 000 $ et quelques.

Mme Harel: 400 000 000 $ et quelques.

M. Gautrin: Mais ce n'est pas 500 000 000 $.

Mme Harel: En fait, le Vérificateur général avait dit lui-même il y a trois semaines qu'il s'agissait d'une gestion très serrée et qu'en sept ans le taux de rente d'invalidité avait augmenté de 2 % avec la rente du Québec et de 92 % au Régime de pensions du Canada. Alors, vous dites: Abolissez la rente d'invalidité. Mais ça ne serait pas demain. Ça serait pour ceux des cotisants qui pourraient y avoir droit dans l'avenir. Sinon, si c'est 436 000 000 $ demain, qui va le payer?

Ensuite, vous dites: Abolissez la rente de conjoint survivant avant 65 ans. Ça, c'est 500 000 000 $. Mais j'imagine que ce serait pour ceux qui ne l'ont pas encore. La rente de conjoint survivant pour les plus de 65 ans, c'est un autre 500 000 000 $. Ceux-là aussi ne vont pas tous mourir, disons, parce que...

Une voix: ...

Mme Harel: Donc, au total, c'est ça. Alors, ça signifie, dans le fond, que le 6 % est bien insuffisant pour payer les prestations en vertu du nouveau régime et en même temps continuer de verser les prestations des personnes qui reçoivent déjà la rente. Celles qui la reçoivent déjà, on ne les fera pas disparaître d'un trait de plume. Il y en a pour 1 000 000 000 $ aux conjoints survivants, avant et après 65 ans, il y en a pour 477 000 000 $ pour l'invalidité. On est à 1 500 000 000 $. Alors, ça aussi, il faut le financer, à moins que vous nous disiez comment et qui d'autre devrait financer que ce qui se fait maintenant. Donc, ça signifierait également que, en plus de payer la prestation des personnes pour l'avenir, on continue de pouvoir la verser pour le passé.

L'économie générale de ce que vous suggérez, c'est, dans le fond, des assurances. Vous dites: Une assurance... J'aimerais savoir par quelle technique, est-ce que c'est par une loi ou par un règlement que l'État obligerait les assureurs à couvrir les risques de décès, les risques d'invalidité? Évidemment, c'est juste des mauvais risques. On se comprend. Et puis qui paierait? Seulement les travailleurs? Actuellement, c'est moitié moitié. Est-ce que ce serait seulement les travailleurs, ou les employeurs également seraient amenés à financer ces assurances, décès et invalidité?

Ensuite, 70 ans. Vous proposez de porter à 70 ans l'âge normal de la retraite. Pensez-vous, M. Ponton, qu'actuellement, si tant est qu'on le fasse au printemps – c'est au printemps qu'il va falloir vraiment bouger là-dessus – qu'à partir de là les entreprises vont accepter de garder les gens jusqu'à 70 ans? On peut penser à reporter à 70 ans l'âge normal de la retraite si les gens continuent de travailler. Si les entreprises, comme c'est le cas de plus en plus maintenant, les invitent, dans le fond, à quitter, on fait juste appauvrir les gens, les gens vont être sur l'aide sociale, ils n'auront pas droit à la rente. Alors, ils vont se retrouver où, finalement? À l'assistance? À la charge de l'État, à la charge de nos taxes et de nos impôts par une réduction... au moment où on veut les assainir? Donc, une augmentation du déficit ou une augmentation des impôts? Il n'y a pas tellement d'autres solutions.

Alors, dans ce que vous proposez, je reprends: exemption générale. Mais est-ce que ce n'est pas là justement susceptible de traumatiser, sinon même d'asphyxier pas mal des entreprises qui embauchent beaucoup, qui sont à fort coefficient de main-d'oeuvre?

Ensuite, abolition de la rente d'invalidité et la rente du conjoint survivant avant 65 ans. Comment on fait pour continuer à la financer au moins pour ceux et celles qui la reçoivent maintenant?

Puis augmentation graduelle à 70 ans, mais vous la proposez à partir de l'an 2000, au rythme de trois mois par année. Donc, à tous les quatre ans, c'est un an de plus. Alors, vous pensez que les entreprises vont être intéressées au fur et à mesure à se garder du personnel qu'elles ne gardent pas jusqu'à 65 ans maintenant? Voilà.

M. Ponton (Gérald A.): C'est beaucoup de questions dans un court laps de temps. Je vais tenter de répondre sur l'approche générale que nous avons suivie face au livre vert. M. Framand s'occupera de l'aspect quantitatif.

Nous, ça a été de limiter, comme point de départ, le plus possible, dans le contexte économique actuel que nous vivons, difficile, 12,8 % de chômage au Québec, de développer une approche qui ne viendrait pas, bien que ce soit pour la retraite, exercer une ponction substantielle dans l'économie. Alors, quand on parle du taux de 10,3 %, 10,7 %, c'est 3 200 000 000 $ dont on parle, en 1996, de plus qu'on aurait dû contribuer. Nous, on prétend que les Québécois n'ont pas cet argent-là de disponible, du moins l'ensemble des Québécois, parce que le Régime des rentes est souvent le seul régime que beaucoup de Québécois peuvent s'offrir. Donc, partant de là, on s'est dit: L'hypothèse de base qu'on devrait favoriser, c'est de conserver le taux de 6 % pour nuire le moins possible à la reprise. Ça, ça a été notre premier objectif.

(20 h 40)

Notre deuxième objectif, ça a été de dire: Comment peut-on évaluer de façon prudente les scénarios de croissance de taux d'intérêt, d'augmentations de salaires si, dans cinq ans, dans six ans, dans 10 ans, les hypothèses de croissance ne se réalisent pas, pour éviter d'avoir à ce moment-là à charcuter de façon importante dans les bénéfices, compte tenu que la balance démographique ne sera plus en notre faveur d'ici cinq ou 10 ans compte tenu de l'avancement des gens dans le temps et que les Québécois n'auraient plus le temps de se mettre des sommes de côté, si tant est qu'ils le puissent, pour se donner une retraite adéquate?

On a tenu compte également de l'augmentation des coûts de santé et de sécurité, de la prestation des aînés, dans l'évaluation du scénario qu'on a retenu, pour essayer d'en arriver à un montant qui nous apparaissait raisonnable au niveau des prochaines années. C'est à partir de là qu'on a dit: Le Régime de rentes du Québec c'est un régime de rentes, ce n'est pas un régime d'assurance. Alors, enlevons les composantes d'assurance du régime pour nous consacrer uniquement à l'aspect rente. Ça, ça a été l'approche de base.

Simplement au niveau des hypothèses, le document mentionne qu'on évalue que les salaires vont augmenter plus vite que l'inflation. Or, dans les 15 dernières années, ce n'est pas la situation à laquelle on a été confronté. Et je n'ai pas une boule de cristal, pas plus que M. Framand, que vous, ou d'autres actuaires au Québec, mais, pour ne pas avoir à refaire les corrections de scénarios qui ont été faits initialement en 1966, on pense qu'on doit avoir une approche plus conservatrice dans les montants qu'on pourra promettre aux Québécois à l'âge de leur retraite et leur permettre eux-mêmes de combler la différence. Ça, ça a été l'approche de base.

En ce qui concerne l'âge de la retraite, la science progresse continuellement, l'âge moyen, qui était de 71, c'est peut-être rendu – M. Framand me corrigera – à 78 ou 79 ans. Alors, ces personnes qui vivent plus longtemps, à notre avis, doivent espérer rester actives plus longtemps. Il n'est pas impossible qu'un employé, fusse-t-il de 65 ans, puisse trouver encore le moyen de se tenir occupé. Il y en a aujourd'hui qui sont très bien portants, à cet âge, même à 70 ans – j'en connais personnellement – et qui continuent d'être extrêmement actifs et de générer des revenus intéressants. Si ces personnes progressent dans leur vie et n'ont pas, n'ont plus les revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins, les coûts de santé vont être énormes. Et l'idée d'augmenter la retraite est une conséquence de l'amélioration de la situation de vie ou des conditions de vie que vivent les Québécois, au même titre que l'ensemble des nord-américains. Alors, ça, ça a été l'hypothèse de base.

Et on s'est dit: À partir de cette hypothèse, retenons un scénario qui va être le plus raisonnable pour stimuler l'emploi et la croissance au Québec. Et ça a été, Mme la ministre, ce qui nous a guidés dans l'élaboration des recommandations qu'on vous dépose aujourd'hui. Maintenant, M. Framand, sur l'aspect des chiffres, face au Japon et...

M. Framand (Jean): Je pense que je vais me limiter à un chiffre, pas face au Japon, je vais prendre la France. Ce que je crois comprendre au niveau... D'abord, la première mise en situation que j'aimerais faire, lorsqu'on fait une comparaison par rapport à la série d'autres pays pour lesquels on nous a donné des chiffres... Moi je trouve que la comparaison est très dangereuse parce que les régimes dans ces pays-là sont tout à fait différents des régimes que l'on connaît ici. Plus particulièrement en France, on vit un régime par répartition. Malgré le taux très élevé de cotisations ou le coût de ce programme-là, je crois comprendre qu'à partir de l'an 2005 ce dont on discute très sérieusement en France présentement, on couperait les bénéfices du tiers pour pouvoir arriver. Ils examinent des solutions allant vers le privé parce qu'au niveau de l'État ils ne sont plus capables de le supporter. Ça, c'est ce que je sais de la France.

Maintenant, un autre commentaire d'ensemble. Ce qui nous fait vraiment peur, ce dont on a vraiment peur c'est, s'il faut arriver, dans 15 ou 20 ans d'ici, ou 10 ans même, et dire aux gens, à ce moment-là: C'est malheureux, l'ensemble des systèmes sociaux coûte beaucoup trop cher, il faut absolument couper, que ce soit couper l'indexation des rentes, que ce soit repousser l'âge de la retraite, ce qu'on pense, c'est que ce serait néfaste parce qu'on ne donnerait plus aux gens, à ce moment-là, une période de rattrapage où les individus, en les avisant aujourd'hui, par exemple pour le report de l'âge de la retraite... Si on les avise dès à présent, ils ont au moins une quinzaine d'années devant eux pour pouvoir capitaliser à côté et ramener leur âge de retraite à un âge qu'ils préfèrent, que ce soit 60 ou 65 ans.

Ce que l'on dit fondamentalement derrière tout ça, c'est: Les coûts qui s'en viennent sont astronomiques, ils risquent de grimper en flèche, il va falloir les contenir par tous les moyens. Et, si on prend des décisions aujourd'hui en regardant les choses de façon trop optimiste ou à la pièce, le danger, c'est qu'on n'avise pas les gens assez tôt, et l'ensemble de la population ne pourra pas se virer, il sera trop tard. Il nous reste 15 ans à peu près pour le faire. C'est dans une quinzaine d'années que la vague des baby-boomers commencera à prendre la retraite, on le sait, c'est aux environs de 2010, ça se prolonge jusqu'à 2030 et ça a des répercussions jusqu'en 2040 principalement.

Mme Harel: Écoutez, M. Framand, c'est intéressant parce que vous nous dites: Il faut agir et il faut le faire en étant responsable. Donc, nos prévisions, on ne peut pas les garantir, on le voit bien avec celles d'il y a 30 ans. Alors, vous êtes bien placé, vous comme actuaire, pour le savoir, n'est-ce pas? On devrait être à 10 000 000 – c'était ce qui était prévu, 10 000 000 cette année – et 240 000 naissances, avec un taux de fécondité à 3 %. On est à 1,7 % et puis on a 7 300 000. Et c'est la raison pour laquelle, vraiment, j'ai annoncé qu'il va y avoir une clause crépusculaire dans le projet de loi, qui va faire que dorénavant, de façon obligée, le gouvernement, quel qu'il soit, va revenir devant le Parlement, devant l'Assemblée nationale et va devoir faire discuter à la fois ses prévisions, et son taux de cotisation, et les prestations. Alors, vous voyez, actuellement, c'est à peu près à tous les trois ans qu'il y a des analyses actuarielles. Alors, ce qu'on pense, c'est que la clause crépusculaire devrait être à tous les six ans, c'est-à-dire à toutes les deux fois trois ans, de manière à tirer profit des leçons du passé. Si on avait eu une telle obligation dans le passé, on n'en serait pas tous là à essayer de faire saigner les roches.

En même temps, je pense qu'il y a un certain malaise sur la question des aînés. Parce que, même si les gens vivent plus âgés, ça ne veut pas dire qu'ils sont riches. D'abord, ce sont les femmes qui vivent plus âgées, et plusieurs d'entre elles ont eu des années de gains faibles. Alors, dans le régime que vous proposez, on ne retrouve pas le retranchement des années où il y a eu garde d'enfants de moins de sept ans. Ça, c'est dans un régime universel qu'on peut se le payer. Ensuite, on ne retrouve pas le retranchement des années, 15 %, le retranchement des années de gains faibles et de services de garde de moins de sept ans. On retrouve l'idée qu'un travailleur absent va pouvoir acheter, racheter ses crédits de rente en cotisant pour la différence. Mais ce n'est pas pareil, ça, se voir retrancher dans un régime universel des années ou les racheter. Encore faut-il avoir l'argent pour les racheter.

Mais l'autre élément qui m'étonne toujours, c'est les dernières statistiques que j'avais de la Régie, à savoir que moins de 3 % des personnes âgées de 65 à 70 ans avaient des gains de travail au-delà de 3 500 $. Alors, c'est 97 % des personnes de 65 à 70 ans qui travaillent dont les gains de travail sont en deçà de l'exemption générale. Alors, je ne sais pas si on a mesuré si ces personnes-là pourraient dans les faits travailler, à défaut de quoi ça a l'air, si vous voulez, généreux, mais, dans la vraie vie, les gens vont être remerciés, n'auront pas encore la rente de retraite et vont devoir, en tout cas, dépendre de l'assistance sociale en attendant.

(20 h 50)

M. Framand (Jean): En fait, il y a plusieurs questions que vous soulevez, Mme la ministre. J'aimerais revenir beaucoup plus loin et apporter une clarification. On croyait qu'on était clair au niveau du mémoire. Il est évident qu'il n'y a pas de rétroactivité en ce qui concerne les changements que l'on propose en matière d'invalidité ou en matière de décès, loin de là.

Mme Harel: À ce moment-là, est-ce que votre 6 % ne sous-estime pas la fraction importante qui est exigée pour continuer à verser?

M. Framand (Jean): Oui, mais il faut dire aussi que ça va en diminuant.

J'aimerais revenir maintenant sur une autre chose. Vous dites qu'on ne tient pas compte du retranchement des années. Je croyais qu'on le faisait très bien lorsqu'on proposait une méthodologie de crédit de rente, oui, et on le rappelle, dans le mémoire – non pas dans le sommaire, mais dans le mémoire – où l'on dit qu'on prend une période de 40 années. Et on le mesure: 40 années, c'est exactement égal à 85 % de la période allant de l'âge de 18 ans à l'âge de 65 ans. Si, en plus de ça, on accepte la proposition de repousser l'âge de la retraite à 70 ans, dans les faits, j'aimerais faire remarquer qu'on se trouve même à bonifier ou, si on veut, même à améliorer la règle de 85 %.

Et un autre point, c'est qu'à chaque année où un individu cotise dans le régime, avec la méthodologie que l'on propose, de crédit de rente par année de cotisation... J'aimerais faire remarquer qu'à chaque fois qu'il cotise, il bonifie sa rente, ce qui n'est pas le cas avec la méthodologie du retranchement du 15 %. Dans le fond, on va plus loin dans cette méthodologie-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je suis obligé de vous interrompre. Du côté ministériel, le temps est largement dépassé. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je dois d'abord dire que je voudrais vous remercier pour le mémoire que vous présentez. Vous amenez des idées neuves soumises à débat et qui permettent d'avancer actuellement le débat.

La première question – et vous y avez répondu en partie – c'est, si je comprends bien, que vous nous dites: Il est important de maintenir un régime de retraite; tout ce qui est de niveau assurance, soit qu'on envisagerait un régime général, soit qu'il y aurait des régimes privés sous le régime d'assurance. Mais vous dites: Pour maintenir le régime de retraite, il est important de séparer le régime de retraite de ce qui est propre à un régime d'assurance. Est-ce que je comprends bien votre position à ce niveau-là?

M. Ponton (Gérald A.): Oui, c'est une prémisse de base. C'était notre approche.

M. Gautrin: C'est une prémisse de base, à l'heure actuelle, quitte à ce qu'éventuellement il y ait un régime d'assurance financé par l'État à même le fonds consolidé ou les impôts, si la décision du gouvernement est d'aller dans cette direction-là.

M. Ponton (Gérald A.): Oui, je prends l'exemple sur l'assurance-médicaments, qui est financée par la RAMQ. Alors, il y a comme un programme où on est capable de comptabiliser, de suivre l'évolution des coûts. Le Régime de rentes, si c'est pour la retraite, devrait être un régime de retraite. Et c'est notre approche de base.

M. Gautrin: Vous avez répondu en partie à la question soulevée par la ministre, mais je voudrais vous ramener à bien expliquer. Vous ne retirez pas du tout le principe des années de retranchement parce que, pour vous, les années de cotisation sont basées sur les contributions pendant 40 ans. Mais toutes les autres contributions que vous avez pu faire dans les périodes qui, disons, dépassent le 40 ans, permettent de bonifier la rente, dans l'approche que vous avez, ce qui ne serait pas le cas dans les cas où vous diminuez l'exemption annuelle de base et où les crédits de contribution, à ce moment-là, lorsqu'ils sont sujets à retranchement, n'ont pas de contribution dans la rente. C'est un débat qu'on a ensemble à ce sujet-là et qu'on devrait continuer à avoir. Dans votre cas, à ce moment-là, ça aurait un effet contributoire et ça permettrait d'augmenter la rente. C'est pour cette raison-là que vous plaidez pour la suppression de l'exemption annuelle de base, parce que, contrairement à ce qui existe actuellement, contribuer dans la période où il y a une exemption annuelle, dans cette période, même avec un petit salaire, vous bonifiez, à la fin, votre rente. Est-ce que je comprends votre position?

M. Framand (Jean): C'est absolument exact. Et on arrive à ce constat-là pour une bonne raison, c'est qu'il faut reconnaître qu'on n'est plus dans les années soixante où... Je me rappelle, moi, je suis de cette génération-là, on l'est tous à peu près, finalement...

M. Gautrin: On a tous des cheveux blancs, monsieur.

M. Framand (Jean): ...on venait nous chercher, on nous offrait, on avait un choix d'emplois. Ce n'est plus ce qu'on vit aujourd'hui, loin de là. L'emploi est très précaire, on reconnaît cette problématique-là, et c'est pour ça que fondamentalement on dit: Il ne faut pas y toucher, il faut le préserver, c'est une base, le Régime de rentes du Québec. Il faut absolument le préserver et il faut préserver les choses les plus fondamentales, et même, à certains égards, donner des possibilités aux gens de le bonifier. Je vous ferai remarquer, dans ce sens-là, qu'on propose la possibilité de cotisations additionnelles volontaires également.

M. Gautrin: Et c'est ma question, à ce moment-là. Les cotisations sont basées – est-ce que vous pourriez nous expliquer – sur quelle base, sur le salaire réel ou, par exemple... Prenons l'exemple d'une personne qui ne serait pas sur le marché du travail. Des gens sont venus nous parler de prendre comme ipso facto l'exemple du salaire, la moitié de la moyenne des salaires canadiens. Est-ce que vous avez une idée? Qu'est-ce que vous voulez couvrir par cette recommandation?

M. Framand (Jean): Dans notre mémoire, on fait la proposition d'une méthodologie de calcul et on dit: Dans le fond, elle peut être adaptée, il peut y en avoir d'autres finalement. La logique de base qu'on a proposée, c'est de dire: L'objectif est 25 %, avec un nombre d'années pour l'accumulation de 40 années, on prend l'un divisé par l'autre, ça fait 0,625 % par année; et, à l'avenir, on mesurera le 0,625 % par rapport toujours au maximum des gains. Alors, si un individu est au maximum des gains, qu'il cotise, exemple, le taux qu'on suggère, de 6 %, il aura automatiquement droit, à ce moment-là, à 0,625 % pour cette année-là. S'il est à la moitié des gains, s'il a une cotisation à la moitié des gains, il a droit à la moitié du crédit pour cette année-là. Et c'est sur cette base-là, par une simple règle de trois, que vous pouvez bonifier.

M. Gautrin: La méthode de bonification.

M. Framand (Jean): Oui.

M. Gautrin: Je comprends. Mais ce que vous nous dites à l'heure actuelle permettrait aux gens de pouvoir bonifier le...

M. Framand (Jean): Oui, ce qu'on ne peut pas faire présentement.

M. Gautrin: Ce qu'on ne peut pas faire actuellement.

M. Framand (Jean): Absolument pas.

M. Gautrin: Et j'imagine que vous avez dans votre esprit tous les mécanismes de retraite progressive, où actuellement la rigidité...

M. Framand (Jean): Oui.

M. Gautrin: ...du Régime de rentes ne permet pas de s'adapter au régime progressif, tandis qu'avec votre formule, à l'heure actuelle, on pourrait, à ce moment-là, très facilement adapter le Régime de rentes à ce qui existe, disons, sur le marché du travail, où des gens diminuent progressivement leur implication sur le marché du travail, en travaillant quatre jours, trois jours, etc...

M. Framand (Jean): Oui.

M. Gautrin: ...s'en allant progressivement vers la retraite, sans nécessairement avoir une pénalisation quant à leur rente parce qu'ils pourraient obtenir la pleine contribution. Est-ce que je comprends que c'est possible, avec votre...

M. Framand (Jean): C'est absolument exact. Et d'ailleurs on a été très heureux d'apprendre que la Régie des rentes a proposé d'analyser les possibilités de tenir compte de la retraite progressive au niveau du Régime de rentes du Québec, ce qui a toujours été... et c'est encore plus vrai aujourd'hui, compte tenu des taux de chômage élevés et compte tenu des gens qui veulent prendre leur retraite de façon plus hâtive. Dans le fond, quand on discute de la retraite anticipée, c'est automatiquement inclus, cette problématique-là.

M. Gautrin: Absolument. J'ai encore du temps, M. le Président. Je poursuis avec vous l'ensemble des propositions que vous faites. Vous avez proposé de déplafonner le maximum des gains admissibles, même de faire un saut important, disons, dans le déplafonnement. Par contre, vous maintenez le remplacement à 25 % du salaire. Est-ce que vous avez évalué l'effet du déplafonnement sur les taux de cotisation, disons, dans 20 ans ou 30 ans? Est-ce que ça a un effet...

(21 heures)

M. Framand (Jean): C'est une simple règle de trois sujette à des petits ajustements d'ordre mineur, en tout cas, à notre avis. C'est une simple règle de trois qui vient jouer. Entendons-nous bien, on dit aussi, dans la méthodologie de calcul des crédits de rente, que le passé demeure ce qu'il est. On ne vient pas bonifier immédiatement, disons, passer de 35 400 $ aujourd'hui, en 1996, à 48 500 $. Ce n'est pas ça qu'on fait.

M. Gautrin: On le fait progressivement.

M. Framand (Jean): On y va dans le futur. C'est dans le futur, ça n'a pas d'effet rétroactif.

M. Gautrin: Et l'idée d'augmenter, c'est pourquoi? C'est pour pouvoir avoir un meilleur contrôle, c'est-à-dire maintenir le taux de cotisation aux alentours du 6 %?

M. Framand (Jean): Non, l'idée est, encore une fois, de faire face aux problèmes de la main-d'oeuvre qui, de plus en plus, sera une main-d'oeuvre qui n'aura pas de carrière permanente...

M. Gautrin: Je comprends.

M. Framand (Jean): ...chez l'employeur.

M. Gautrin: Parfait.

M. Framand (Jean): Alors, on dit: Pour beaucoup, ça va être le seul et unique régime, même pour les gens qu'on dit à salaire moyen.

M. Gautrin: Autrement dit, ce que vous nous dites, c'est: Faites attention, il y a des gens qui peuvent gagner beaucoup une année... Quand le marché du travail est tel, dans un plan de carrière, il y a des gens qui peuvent gagner beaucoup une année, ne pas gagner du tout une année subséquente, et vous dites: Permettez-leur de cotiser sur plus que le maximum que vous proposez actuellement pour tenir compte de la mutation du marché du travail. C'est à peu près ce que vous nous dites?

M. Framand (Jean): Oui, c'est exact.

M. Gautrin: Merci.

M. Framand (Jean): Juste un commentaire additionnel. Je vous rappelle que c'est conditionnel à ce qu'il y ait intégration, dans le sens qu'on le propose, avec la prestation aux aînés, cette augmentation-là.

M. Gautrin: Je comprends. Alors, ma dernière question, M. le Président, si vous me permettez. Là, vous proposez, évidemment, de rehausser l'âge normal à la pension de 65 à 70 ans. Encore là, comme vous le dites, vous n'y allez pas par des demi-mesures. Quand il s'agit d'y aller, vous y allez. De 65 à 70 ans. Mais vous dites: On pourrait prendre sa retraite à partir de 60 ans, avec pénalisation actuarielle. Est-ce que ce n'est pas l'équivalent de diminuer le taux de remplacement à 65 ans, qui, à ce moment-là, ne serait plus à 25 %, mais diminuerait à 21 % ou 22 %? Dans le fond, si vous remettez tout à régime égal, actuellement, vous pouvez aussi aller jusqu'à 70 ans, mais avec une bonification actuarielle. Là, vous dites: 70 ans, ça va être la base, et vous allez avoir des pénalités actuarielles partout pour aller jusqu'à 60 ans, ce qui équivaut à dire que... ou le taux de remplacement ne sera pas à 25 %, mais sera à 21 % ou 22 %. Je n'ai pas fait exactement le calcul, mais est-ce que c'est à peu près l'équivalent de...

M. Framand (Jean): Je ne suis pas prêt...

M. Gautrin: À dire ça.

M. Framand (Jean): ...à le voir...

M. Gautrin: Alors, excusez-moi.

M. Framand (Jean): ...comme vous le dites.

M. Gautrin: Excusez-moi. Alors, expliquez-le-moi.

M. Framand (Jean): Je ne suis pas prêt à le voir dans ce sens-là. D'abord, j'aimerais ajouter une chose sur l'âge normal de la retraite. Évidemment, quand on est en 1996, ce n'est pas quelque chose qu'on proposerait pour l'année 1996, surtout compte tenu du taux de chômage qui est très élevé. Je pense que, pour l'apprécier vraiment, là, c'est dans les années 2020 qu'il faut se reporter, parce que c'est là que ça va s'appliquer, et c'est à ce moment-là que ça va devenir précieux, parce que... De toute façon, pensons également à une autre chose: dans tous ces mouvements démographiques là, est-ce qu'on a pensé, à un moment donné, que peut-être on manquera de travailleurs?

M. Gautrin: Ah! Parfaitement raison.

M. Framand (Jean): C'est fort possible. Alors, il est prévisible, à tout le moins, qu'on va vivre le problème inverse qu'on vit aujourd'hui. Et, quand on se refuse à regarder la possibilité d'augmenter l'âge de la retraite, je pense qu'on le fait toujours en se disant: C'est impensable. Oui, c'est vrai que c'est impensable en 1996, mais, pour bien le mesurer, pour bien l'apprécier, il faut se voir dans les années 2020...

M. Gautrin: Absolument.

M. Framand (Jean): ...et là c'est tout à fait différent comme démographie.

M. Gautrin: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une question...

M. Gautrin: Allez-y...

M. Ponton (Gérald A.): J'aimerais simplement ajouter que j'ai vu des mémoires qui proposaient de mettre l'âge de la retraite à 67 ans et qui pénalisaient de 2 %, ce qui revenait à l'âge de la retraite à 70 ans, soit dit en passant, M. Gautrin.

M. Gautrin: Absolument. Moi, je vais laisser un peu de temps à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce. Je voudrais terminer ici en vous remerciant. Vous avez un des mémoires qui, disons, apportent une vision différente, et c'est un apport à notre réflexion. Je veux vous remercier de votre contribution.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est-ce que vous avez une question?

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. Ponton, M. Framand, dans la foulée des questions de la ministre, il y en a quelques-unes qui vous ont échappé. Peut-être que vous pouvez partager avec nous votre vision de l'assurance-invalidité offerte par des compagnies privées, tel que vous le suggérez dans votre mémoire, et peut-être juste vous entendre également sur l'aspect... Est-ce qu'un taux de cotisation de 6 %... Même si, à partir de 1997, on n'accepte pas de nouveaux cas de rentes d'invalidité, est-ce qu'il est réaliste de continuer, pour la durée de vie des 47 000 prestataires d'invalidité, avec ce taux de 6 %? C'est surtout sur l'aspect privé d'un tel régime.

M. Framand (Jean): Bon. Peut-être prendre le taux de cotisation de 6 % pour l'année 1997. J'aimerais peut-être souligner une chose, c'est qu'il ne faut pas oublier qu'en même temps on propose l'élimination de l'exonération de base. Alors, dans un tel contexte, ça veut dire, immédiatement en 1997 par rapport à 1996, grosso modo, 1 000 000 000 $ de cotisations de plus. Alors que, juste pour mettre les choses en perspective, quand on augmente le taux de 5,6 % à 6 %, ce n'est qu'un quart de milliard ou 250 000 000 $ que ça apporte dans la caisse, de plus.

Moi, ce qui me préoccupe beaucoup, souvent, en fait, on parle... La première des choses que les gens vont avoir tendance à dire, c'est de dire: Ça n'a pas de bon sens, ces taux-là. Déjà en partant, ils sont faussés. Déjà en partant, tous les taux de cotisation sont faussés. Il faut dire une chose, lorsqu'on parle d'un taux de cotisation de 5,6 %, c'est la même chose que de dire que c'est un taux de cotisation de 4,75 % sur la totalité du salaire cotisable. Le problème lorsqu'on a l'exonération de base, lorsqu'on la laisse, c'est...

Une voix: ...

M. Framand (Jean): On la supprime, nous. Effectivement, on la supprime, oui. Mais le problème lorsqu'on l'a, c'est que ça fausse déjà, en partant, ça a un impact psychologique incorrect, déjà.

Donc, je reviens, je me répète: 6 % sur la base que l'on propose, il ne faut pas oublier que c'est 1 000 000 000 $ de plus, tout de suite en partant. Et, deuxièmement, il ne faut pas oublier que les montants qu'on a vus tout à l'heure – en fait, par exemple, pour l'invalidité, on parle de 400 000 000 $, 450 000 000 $ qui se dépensent présentement en termes de sorties de fonds, en termes de rentes aux conjoints, on parle de 1 000 000 000 $ et plus – il ne faut pas oublier que, ça, ça s'en va en s'éteignant, tout de même. Sauf que, reconnaissons-le, n'oublions pas que l'on dit que quelqu'un qui deviendra invalide aujourd'hui aura droit à une rente de retraite éventuellement avec une clause qu'on appelle «waver of premium». Donc, c'est de type «waver of premium» – excusez l'expression anglaise...

M. Copeman: Non, ça ne me dérange pas du tout, M. Framand.

M. Framand (Jean): ...je pense que c'est l'expression qui est la plus connue, là.

M. Copeman: It's very welcome.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Framand (Jean): Ce que ça vient faire, c'est que ça vient protéger les droits à la retraite d'une personne qui devient invalide en cours de route.

Maintenant, pour dire un mot de plus sur les invalides, c'est une préoccupation, ça. Les gens qui deviennent invalides durant leur période active, pour nous aussi c'est une grande préoccupation. Et on se dit: Par ailleurs, le Régime de rentes du Québec, on doit arrêter de mettre des choses accessoires. Mais, par contre, il faut y penser qu'il y a des gens qui vont devenir invalides, et il y en a qui vont devenir invalides vraiment... pensons au quadriplégique, qui est le cas extrême. Et c'est pour ça qu'on se disait: On ne peut pas aller proposer, d'une part, d'enlever ce bénéfice-là, qui, soit dit en passant, est minime et très difficile à obtenir, alors qu'on ne lui donne pas un mécanisme à côté pour avoir un bénéfice valable.

M. Copeman: Mais ma question est de savoir comment ça marcherait dans votre vision à vous. Est-ce qu'il y aurait des contributions d'employeurs ou ce serait vraiment un régime privé? Parce que je vous ferai remarquer, on a expérimenté... Le collègue ministre de la Santé a expérimenté avec une obligation aux compagnies d'assurances d'assurer des personnes pour leurs prescriptions, et on a vu ce qui est arrivé avec ça, hein. Les compagnies d'assurances ont anticipé un taux nettement supérieur, etc. Puis le résultat net de ça, c'est qu'on a été obligé de l'assumer par la RAMQ et non pas par les compagnies d'assurances.

Ce qui me fait peur un peu dans votre plan, là, c'est: est-ce qu'on serait vraiment capable d'obliger les compagnies d'assurances à prendre ce type d'assurance à un prix abordable pour protéger des gens qui tombent invalides dans le courant de leur vie?

(21 h 10)

M. Ponton (Gérald A.): Il y a de multiples scénarios possibles, puis je pense que, ça, c'est un exemple. Si ce n'est pas abordable, ça pourrait être aussi un organisme gouvernemental ou même la Régie des rentes qui pourrait l'offrir, mais comptabilisé différemment de ce qu'on appelle vraiment la retraite. Moi, personnellement, je ne pense pas qu'on ait fait de recherche développée, sauf qu'il nous apparaît important de maintenir ce genre de bénéfice là pour les personnes qui vont devenir invalides, mais pas dans le cadre du régime de la retraite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Messieurs, le temps est déjà écoulé, ça passe très vite. Je vous remercie beaucoup, au nom des membres de la commission.

J'invite maintenant les représentants du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec à se préparer.

À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gautrin: Alors, on peut faire 10 minutes encore sur...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'invite maintenant les représentants du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec à faire leur présentation. M. Caron, si vous voulez commencer.


Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

M. Caron (Robert): Oui. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je vous présente Mme Pauline Brochu, qui est comptable au ministère des Ressources naturelles et qui est membre du comité des avantages sociaux du SPGQ; et M. Gérald Beaulieu, quatrième vice-président et responsable du même comité.

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec est heureux de témoigner devant la commission des affaires sociales sur une question aussi importante pour l'avenir de la société québécoise. Nous le sommes d'autant plus que la réforme du Régime de rentes de même que la sécurité du revenu à la retraite touchent ou toucheront l'ensemble de nos membres. Vous connaissez un peu notre syndicat, mais j'aime toujours le présenter: un syndicat qui représente le plus grand nombre de professionnels au Québec, avec plus de 12 500 membres de toutes les professions, oeuvrant principalement dans la fonction publique et sept sociétés d'État réparties sur tout le territoire du Québec.

Le SPGQ veut d'abord témoigner par sa présence à cette commission de la valeur qu'il attache à l'institution qu'est la Régie des rentes du Québec, qui constitue un des plus beaux fleurons de la Révolution tranquille. Qui connaît l'histoire entourant la création de la Régie et de la Caisse de dépôt et placement du Québec est fier du courage de l'équipe, dont plusieurs étaient de jeunes professionnels nouvellement arrivés au service de l'État. J'en rajoute un peu au mémoire que j'ai écrit parce que, là, j'ai des noms: Jacques Parizeau...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça fait beaucoup plaisir.

M. Caron (Robert): Oui, oui, je pense. Mais, c'est-à-dire j'en ai deux, dans le fond.

Le Président: M. Bertrand (Charlevoix): Oui, effectivement.

M. Caron (Robert): Jacques Parizeau, Claude Castonguay, Claude Morin, et j'en passe, équipe qui s'est opposée à la mainmise du gouvernement fédéral sur le premier régime public de rentes à être institué au Québec et sur le premier instrument concentrant l'épargne collective des Québécoises et des Québécois, et évidemment j'ai nommé la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je n'avais pas prévu de parler devant un ancien président de la Caisse, mais je pense que c'est important de souligner le rôle qu'a joué la Caisse et que continue à jouer la Caisse de dépôt pour les futurs entrepreneurs québécois.

Je sais que la commission ne porte pas sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, mais, comme son avenir est intimement lié à celui du Régime de rentes, j'aimerais vous lire un passage d'un article du Financial Post du 12 octobre dernier, écrit par Diane Francis, qui collabore aussi au magazine Maclean's , sur Jacques Parizeau, intitulé «The Separatist Seduction». Écoutez, c'est nous qui l'avons traduit, ce ne serait peut-être pas la meilleure traduction: «Non seulement – je cite – lui – Jacques Parizeau – et d'autres ont-ils réduit la concentration du pouvoir économique anglo et américain au Québec, mais son plus grand fait d'armes fut quand, avec l'ancien premier ministre Jean Lesage, il a convaincu Ottawa que la province pouvait se donner le contrôle de sa portion du Régime de pensions du Canada, maintenant connue comme la Caisse de dépôt et placement du Québec.» On aurait dû dire «le Régime de rentes», mais enfin, on a pris un raccourci. Je continue la citation: «Cela donnait au Québec un levier économique significatif parce que la Caisse devint le plus imposant réservoir de capital et le plus gros investisseur en bourse au pays. Le gouvernement provincial gagnait aussi une crédibilité au niveau des conseils d'administration de compagnies parce que, dorénavant, une nouvelle génération de politiciens québécois pouvaient récompenser ou punir les entrepreneurs et les entreprises pour des raisons politiques.» Je cite, là, c'est...

Une voix: Est-ce que ça vous fait plaisir, M. Campeau?

M. Caron (Robert): «La Caisse força les courtiers...

M. Campeau: C'est Diane Francis.

M. Caron (Robert): ...qui traitaient avec elle...

M. Gautrin: Ha, ha, ha!

M. Caron (Robert): «La Caisse força les courtiers qui traitaient avec elle à faire affaire à la Bourse de Montréal et mettait de la pression sur les compagnies basées au Québec pour qu'elles agissent dans le sens des intérêts du Québec.»

Il y aurait probablement un bon livre à écrire sur les événements entourant la création du Régime de rentes et de la Caisse de dépôt et placement du Québec. D'ailleurs, ça s'est passé tout près d'ici, au Château Frontenac. J'ai eu l'occasion de lire des extraits de ces événements très importants pour le Québec. Bref, il y a de quoi être suffisamment fier du Régime de rentes du Québec pour tenir à garantir son avenir pour les décennies futures.

À ce propos, soulignons qu'il n'est point besoin d'insister sur l'urgence d'agir à l'égard du Régime de rentes du Québec. L'analyse actuarielle du Régime prévoit que la réserve sera nulle dans moins de 10 ans si le taux de cotisation demeure au niveau actuel, c'est-à-dire 5,6 % du salaire soumis à cotisation en 1996. Si on appliquait le calendrier d'augmentation prévu dans l'analyse actuarielle, le taux de cotisation se retrouverait à 13 % en 2030, et ce, jusqu'en 2050. Se pose donc aujourd'hui plus que jamais auparavant la question de l'équité intergénérationnelle. Un taux de cotisation aussi élevé, voire plus élevé que celui requis pour payer les prestations, pourrait à juste titre sembler inacceptable à celles et ceux qui auront à en supporter les coûts, c'est-à-dire les jeunes d'aujourd'hui.

Rappelons que le Régime de rentes a été conçu pour fournir un remplacement de base du revenu de travail perdu en cas de retraite, d'invalidité ou de décès du cotisant. Le gouvernement, dans son document de consultation, prend position pour le maintien du Régime de rentes et désire préserver presque intégralement le niveau actuel des bénéfices offerts. C'est une position à laquelle nous souscrivons étant donné le caractère de base du régime. Selon nous, le gouvernement critique aussi à bon escient le projet fédéral de prestations aux aînés. Outre le fait qu'il est et qu'il sera surtout moins avantageux que la pension de sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti, il privilégie les mesures d'assistance au détriment des mesures d'assurance que sont le Régime de rentes et les régimes complémentaires de retraite.

Nous sommes en accord avec cette vision qui privilégie l'assurance sociale. Nous devons toutefois constater que – c'est le seul bémol ou c'est le bémol le plus important que nous posons dans notre mémoire – le gouvernement, dans son projet de réforme, ne propose aucune bonification du Régime de rentes de façon à minimiser, dans la mesure du possible, le recours à l'assistance.

À cet égard, le SPGQ attire l'attention de la commission sur le fait que les prestations offertes par le régime s'avèrent insuffisantes pour assurer un revenu décent sans recourir aux mesures d'assistance, ce qui devrait être l'idéal. L'exemple qu'on donne, c'est qu'un prestataire de 65 ans qui touche le maximum de la rente de retraite, 727,08 $ en 1996, a droit au supplément de revenu garanti, qui est une mesure d'assistance, s'il n'a pas d'autres revenus. De la même façon, un bénéficiaire dont le maximum moyen des gains admissibles est de 20 000 $, qui touche une rente d'invalidité, peut avoir droit au programme Soutien financier de l'aide de dernier recours s'il n'a pas d'autres revenus.

À ce point de vue, nous ne pouvons qu'être déçus de ne trouver dans le document de consultation aucune proposition qui vise l'ensemble du problème de remplacement du revenu à la retraite et la place que devrait prendre dans la protection du revenu chacun des paliers, c'est-à-dire l'assistance, le régime de base et les régimes privés, y compris les régimes complémentaires et l'épargne de retraite individuelle.

(21 h 20)

La position du gouvernement nous semble, à ce point de vue, minimaliste, d'autant plus que le gouvernement signale lui-même à juste titre les lacunes du système de protection du revenu à la retraite. Et je pense qu'on le dit clairement dans le texte du gouvernement, on le cite d'ailleurs: Dans l'ensemble, quatre travailleurs québécois sur 10 ne participent à aucun régime privé de retraite et ne pourront compter à la retraite que sur le Régime de rentes et sur les mesures d'assistance du gouvernement fédéral.

Nous sommes conscients que nous touchons là un vieux débat qui revient à intervalles réguliers, c'est-à-dire à presque tous les 10 ou 15 ans, lorsqu'il est question du Régime de rentes du Québec en regard du système général de protection du revenu à la retraite, sauf que cette fois-ci il semble qu'il n'y aura pas de débat ouvert sur la question, les deux niveaux de gouvernement ne l'ayant pas favorisé. Le livre vert du gouvernement du Québec se situe, grosso modo, en continuité avec les propositions publiées en février 1996 par le gouvernement fédéral. C'est normal, probablement, parce que ces deux régimes sont harmonisés sur une majorité d'aspects depuis leur création respective.

Les options envisagées en regard des cotisations. À l'instar du Régime de pensions du Canada, le Québec veut atteindre rapidement un taux de cotisation permanent pour régler le problème d'équité intergénérationnelle. Nous sommes d'accord avec l'objectif poursuivi de même qu'avec l'approche préconisée. Nous sommes par ailleurs conscients que le choix de la cédule devra encore une fois tenir compte de l'approche que choisiront le gouvernement fédéral et les autres provinces.

L'élargissement du salaire soumis à cotisation nous semble aussi une approche valable pour augmenter les revenus. Toutefois, cet élargissement ne devrait pas pénaliser les très faibles salariés. L'exemption générale a toujours eu pour but de ne pas faire cotiser les personnes qui ne pouvaient pas être considérées comme travailleuses ou travailleurs à cause de leur faible participation au marché du travail; cela devrait continuer d'exister.

Le gel de l'exemption générale. À l'origine, l'exemption générale était de 12 % du maximum des gains admissibles, puis a été réduite à 10 % au 1er janvier 1975. Le document de consultation propose qu'elle soit maintenue au niveau actuel à cause des changements substantiels observés dans la structure du marché du travail. Nous ne souhaitons pas que le gel de l'exemption générale fasse en sorte qu'à terme presque tous les travailleuses et travailleurs soient tenus de cotiser, surtout si leur participation au marché du travail est minime. Nous proposons plutôt que le gel s'accompagne d'une balise qui pourrait être fixée arbitrairement, par exemple à 5 % du maximum des gains admissibles, pour qu'un équilibre demeure entre la couverture des travailleurs réguliers et l'exemption de personnes qui n'ont qu'une présence incidente sur le marché du travail.

Enfin, le SPGQ souscrit à la position du document à l'effet de la réduction proportionnelle de l'exemption générale. Nous ajoutons qu'en relevant le niveau du maximum des gains admissibles le taux de réduction pourrait aussi avoir une pente moins abrupte qu'elle ne l'est présentement.

Sur la cotisation des bénéficiaires d'une rente de retraite qui travaillent. Il serait possible de faire cotiser au régime les bénéficiaires d'une rente de retraite de 60 ans ou plus qui travaillent, au même titre que les autres travailleurs, mais c'est à se demander si cela ne complique pas plus l'administration du régime qu'elle ne constitue vraiment une solution viable à son financement. L'impact serait, somme toute, marginal.

Une proposition qui est ignorée, selon nous, c'est l'augmentation du maximum des gains admissibles. Fait surprenant, aucun des documents de consultation RPC-RRQ ne mentionne la possibilité d'augmenter le maximum des gains admissibles, alors que ça devrait être une alternative à envisager, d'autant plus qu'en augmentant le maximum des gains admissibles au niveau du maximum assurable de la CSST et de la SAAQ, à 48 500 $ par exemple, le régime pourrait réaménager la structure de ses prestations pour bonifier le régime pour les bas salariés tout en assurant un certain pourcentage de remplacement du revenu pour le salaire au-delà du maximum des gains admissibles jusqu'à concurrence du nouveau maximum. À la rigueur, pour la partie excédant l'actuel maximum jusqu'au nouveau maximum, nous pourrions prévoir un taux de remplacement différent du taux actuel s'appliquant au MGA.

Par exemple, ce taux de remplacement pourrait être de 20 % au lieu de 25 %. Mais là on parle vraiment de l'excédent, on ne parle pas de la première partie. En contre-partie, un taux de remplacement plus élevé pourrait être offert aux personnes qui ont des salaires peu élevés. Comme la plupart des travailleuses et des travailleurs, près de 90 %, qui ont des salaires plus élevés que l'actuel maximum des gains admissibles participent à des régimes complémentaires de retraite et que presque tous ces derniers – ceux à prestation déterminée – sont coordonnés avec le Régime de rentes, le coût global en termes de prélèvement sur la masse salariale serait peu élevé.

Nous ne nous sommes pas prononcés dans notre mémoire sur le niveau idéal de la réserve. À la réflexion, nous serions assez à l'aise avec ce que propose le document gouvernemental, à savoir de constituer d'abord, à court terme, une importante réserve pour faire face à l'arrivée à la retraite des baby-boomers, puis de laisser le niveau à quatre fois les sorties de fonds annuelles, la séquence d'augmentation devant, malgré tout, demeurer la même. Le seul aspect qui peut susciter quelque inquiétude, c'est qu'une réserve de quatre à six fois les sorties de fonds annuelles entre les mains de quelques personnes à la Caisse de dépôt et placement du Québec, on doit admettre que c'est beaucoup d'épargnes concentrées là. On n'a pas de solution à proposer pour le moment, mais il y aurait lieu de se poser la question, à savoir si les politiques de placement, pour tous les fonds, devraient être concentrées entre les mains des seuls gestionnaires de fonds de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le problème n'est pas posé seulement pour le Régime de rentes du Québec, il l'est tout autant pour les fonds de retraite administrés par la CARRA. C'est un débat qu'on fait dans un autre forum et qu'on a signalé la semaine dernière au ministre responsable du Conseil du trésor.

Maintenant, les options envisagées en regard des prestations. Essentiellement, au chapitre des prestations, nous appuyons la position du gouvernement qui veut maintenir les quatre principaux acquis du régime, soit le taux de remplacement du revenu, l'âge de la retraite, l'indexation des prestations et le maintien de la mesure de retranchement des années de faibles gains ou nuls. Le SPGQ s'oppose à ce que le taux de remplacement du revenu soit abaissé à 22,5 % du revenu de travail antérieur moyen, à moins que ne soit haussé, comme on le propose, le maximum des gains admissibles, comme on l'a mentionné déjà. Abaisser le taux de remplacement tout en gardant intacte la structure actuelle des prestations signifierait que le gouvernement concède une place encore plus grande aux mesures d'assistance, qu'il critique, par ailleurs, dans son document de consultation.

L'augmentation de l'âge de la retraite. Depuis que le régime américain a décidé d'augmenter progressivement l'âge normal de la retraite à 67 ans, cette option est proposée par certains comme une solution au problème de financement du Régime de rentes du Québec et du Régime de pensions du Canada. Nous croyons que, compte tenu du faible taux de participation au marché du travail des personnes âgées de 60 à 65 ans – et je pense que c'est bien démontré dans le document du gouvernement – cette proposition aurait pour effet de diminuer le montant de la rente de retraite pour un nombre important de personnes âgées. Notons aussi que garder en emploi un nombre non négligeable de personnes qui, autrement, auraient pris leur retraite ne résout pas la crise de l'emploi qui sévit actuellement et qui ne semble pas vouloir se résorber dans un proche avenir. Nul ne peut prévoir la situation de l'emploi en 2011, tel qu'avancé dans le document du fédéral, mais il sera difficile de faire marche arrière si l'âge de la retraite atteint 67 ans à ce moment sans amélioration notable du marché de l'emploi.

(21 h 30)

Le SPGQ ne peut aussi appuyer une proposition de désindexation des rentes de retraite, même si elle est partielle – par exemple, IPC moins 1 %. En désindexant partiellement les rentes payées, l'État se trouve à réduire en termes réels le montant des prestations qu'il qualifie lui-même comme étant de base. À terme, les bénéficiaires dépendront de plus en plus des mesures d'assistance. De plus, de façon générale, cette proposition pénalise davantage les femmes, qui, on le sait, ont une espérance de vie plus longue.

Le retranchement de la période cotisable. Nous ne favorisons pas plus une diminution des dispositions actuelles qui permettent de retrancher 15 % de la période cotisable. Le fait de pouvoir retrancher une partie de la période cotisable permet aux travailleurs de compenser pour les périodes d'absence du marché du travail ou qui ont des années de faibles gains pour toutes sortes de raisons – études, chômage, maladie, etc. Les travailleuses et travailleurs à statut précaire ou souvent en chômage profitent du retranchement. Diminuer la période de retranchement défavoriserait ces derniers. Or, comme il y a plus de travailleurs qu'on dit atypiques aujourd'hui qu'il y en avait à l'époque, alors que la mesure avait été instituée principalement pour reconnaître la contribution sociale des femmes à la société, cette mesure s'avère même encore plus nécessaire. Une telle mesure défavorisait de toute façon encore les femmes.

Des modifications à la rente d'invalidité. Nous sommes d'accord avec la position du gouvernement à l'effet de ne pas suivre la voie de son homologue fédéral, qui a dû appliquer, ces dernières années, des mesures d'administration plus rigoureuses à l'égard des prestations d'invalidité. Le SPGQ appuie la proposition de recalcul de la rente de retraite pour le bénéficiaire de la rente d'invalidité qui a atteint 65 ans. Calculer la rente de retraite payable suite à une rente d'invalidité selon le maximum moyen des gains admissibles au moment de l'invalidité puis indexée selon la progression de l'indice des prix à la consommation a le mérite d'assurer une certaine cohérence avec la rente de retraite.

Comme le note le document de consultation, cette nouvelle façon de procéder touche davantage les bénéficiaires qui sont devenus invalides à un jeune âge, si les salaires augmentent plus rapidement que l'indice des prix à la consommation, ce qu'on observe à long terme. L'économie réalisée en implantant cette mesure est cependant peu importante. Le SPGQ ne peut toutefois cautionner la conversion de la rente d'invalidité à la rente de retraite à 65 ans en une prestation de retraite anticipée. La justification de cette modification est formulée d'ailleurs dans le document quand on dit: «Ainsi, les bénéficiaires d'une rente d'invalidité auraient droit, à la retraite, au même traitement que celui dont bénéficie une travailleuse ou un travailleur ayant opté pour une retraite anticipée.» Nous sommes d'avis qu'on ne peut assimiler le bénéficiaire d'une rente d'invalidité à celui d'une rente de retraite anticipée, justement parce que ce dernier a eu l'occasion d'exercer un choix dans la plupart des cas, alors que, selon nous, très peu de travailleuses ou de travailleurs choisissent de devenir invalides.

Nous sommes d'accord avec les principes de la réforme de 1993 qui élargissaient les conditions donnant droit à la rente d'invalidité en termes d'années de cotisation et qui sont mentionnés dans le document de consultation. Il ne nous semble donc pas à propos d'y revenir. Somme toute, nous ne croyons pas que des économies importantes puissent se faire à l'examen des prestations d'invalidité.

Concernant les prestations versées au décès, même si elles représentent presque trois fois plus en débours que les rentes d'invalidité – c'est-à-dire, je pense qu'on voit dans le document 1 100 000 000 $ comparativement à 400 000 000 $ pour l'invalidité – nous pourrions formuler le même commentaire que précédemment à l'égard des prestations versées au décès, incluant la rente de conjoint survivant. Nous appuyons, finalement, la proposition du gouvernement à l'effet de ne pas procéder à ce moment-ci à une réévaluation de ces prestations.

En conclusion, le SPGQ considère que, dans sa forme actuelle, le Régime de rentes du Québec est un régime d'assurance sociale de base et un instrument essentiel du système de sécurité sociale. Dans ce contexte, le gouvernement doit agir pour maintenir un financement adéquat du Régime de rentes dans sa forme actuelle. En ce qui nous concerne, c'est un minimum. On pense même que c'est un choix qui est responsable. C'est un choix qui nous semble aussi incontournable.

Ceci dit, nous croyons – je le répète parce que ça nous semble être une question importante – que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et ceux des autres provinces manquent peut-être une bonne occasion d'offrir à la population l'opportunité de débattre de l'ensemble du système de protection du revenu à la retraite. Même si la Loi sur les régimes complémentaires de retraite est entrée en vigueur en 1990 – les modifications – il est toujours à propos de débattre de ses lacunes et de ses points forts, cette fois en tenant compte d'un autre palier de la sécurité sociale, à savoir le Régime de rentes. Selon nous, il est encore temps, considérant que le taux de cotisation est déjà fixé pour l'année 1997, compte tenu aussi que les négociations avec le fédéral – parce qu'on suit encore ça, c'est en train de se faire – se prolongent. Alors, nous, on pense qu'il est toujours temps de faire ce débat-là. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'invite maintenant Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bonsoir, M. Caron, M. Beaulieu qui vous accompagne et Mme Brochu. Vous avez évoqué les conditions et également, en fait, l'équipe qui a présidé il y a 30 ans à la mise en place à la fois de la Régie des rentes et aussi de la Caisse de dépôt et placement qui en a résulté. Avec raison, vous nous dites qu'il faut être fier, comme société, que ces gens, cette petite équipe, cette poignée, en fait, d'hommes – à l'époque, il n'y avait pas de femmes encore – aient eu cette envergure pour nous donner un instrument qui a été un instrument de sécurité à la retraite, mais aussi de développement pour le Québec.

Dans le mémoire, vous résumez, à la page 2, le mémoire en disant que, pour l'essentiel, vous êtes d'accord avec l'objectif d'équité intergénérationnelle. Vous appuyez l'augmentation rapide du taux de cotisation, la réduction proportionnelle de l'exemption générale, l'augmentation du salaire soumis à cotisation – ça, c'est un élément de plus qui n'est pas dans le livre vert sur lequel j'aimerais revenir avec vous – puis l'augmentation du maximum des gains admissibles. Vous ajoutez cependant que vous auriez préféré que le gouvernement aille plus loin et propose une bonification substantielle du Régime de rentes et vous signalez que le livre vert ne propose aucune bonification du Régime de rentes du Québec de façon à minimiser dans la mesure du possible le recours à l'assistance.

Alors, une fois la table mise, il faut se rendre compte qu'il y avait eu un débat de l'ensemble du système, dans sa composante assistance et assurance, avec le dépôt dans le discours du ministre des Finances, Paul Martin, de la prestation des aînés. Alors, le choix qui est fait à Ottawa, c'est un choix qui bascule, qui penche du côté des mesures d'assistance, et vous savez que ça a comme effet que les travailleurs, travailleuses à revenus moyens, moyens-faibles, ne sont pas du tout encouragés à épargner parce que le taux marginal d'imposition qui va s'appliquer à leur épargne, rendu à la retraite, va dépasser 70 %, pourra monter jusqu'à 80 %, 90 %. Donc, à ce moment-là, pourquoi mettre de côté du vieux gagné si on peut avoir l'équivalent sous forme d'allocations qu'on n'a pas si tant est qu'on ait épargné? Donc, il y a un choix en faveur des programmes d'assistance.

Là où c'est compliqué, c'est que s'en éloigner, disons, vraiment considérablement, ça a comme effet que le Québec va continuer par ses impôts à financer ces programmes d'assistance, alors que les paiements versés au Québec, eux, diminueraient. Vous voyez, prendre un chemin différent, un chemin qui favoriserait les programmes d'assurance – si tant est qu'on n'ait pas réglé ça d'ici cinq ans – ferait que, lors de l'application de la prestation des aînés, finalement, on serait collectivement perdant du fait qu'on financerait les paiements faits ailleurs et puis qu'on se donnerait un régime qui diminuerait ici.

Il y a aussi la question du bénéfice de réduction d'impôts payables au gouvernement fédéral. Alors, comme ce n'est pas harmonisé, on se trouve, dans le fond, à être comme involontairement assujetti à ce choix-là qui a déjà été fait. Ça, c'est peut-être le premier élément, compte tenu de votre philosophie d'ensemble, que je voulais aborder.

(21 h 40)

Le second, c'est cette proposition que vous faites d'arrêter à 5 % du maximum de gains admissibles. On la retrouve... Attendez. Dans votre mémoire, je pense que c'est à la page 6, hein? Comme vous le savez sûrement, c'est dans le document de consultation du Régime de pensions du Canada de diminuer l'exemption générale jusqu'à 5 %. Mais, d'une certaine façon, ici, vous savez, en décidant de la diminuer graduellement, 5 %, c'est dans 20 ans. Actuellement, elle est à 10 %, elle est à 10 % depuis 1975, elle était à 12 % auparavant. Donc, là, la diminuer, ça va prendre 20 ans, vraisemblablement, selon les études actuarielles. D'ici ce temps-là, en tout cas, on a l'occasion au moins trois fois...

M. Gautrin: De diminuer... C'est ça que tu veux dire.

Mme Harel: Pardon?

M. Gautrin: C'est-à-dire que le gel va la diminuer par le jeu de l'inflation.

Mme Harel: C'est ça, le gel va la diminuer graduellement par le jeu de l'inflation. Ce sera dans 20 ans qu'elle équivaudra à peu près à 10 % du maximum de gains admissibles, dépendamment, évidemment... Là, ça dépend aussi de ce qui arrive au maximum de gains admissibles.

Alors, ceci dit, c'est des mesures qui devraient être revues régulièrement, et la proposition, ça va être d'introduire une clause crépusculaire pour s'obliger vraisemblablement à tous les six ans, c'est-à-dire deux fois trois ans, à une analyse actuarielle, donc à tous les six ans à revoir justement ce genre de dispositions.

L'autre aspect, c'est l'augmentation du maximum de gains admissibles. Vous le proposez à la hauteur du maximum de la CSST et de la SAAQ – 48 500 $ – puis vous proposez un réaménagement des prestations qui fasse un peu plus en bas d'un certain seuil, et ça pourrait aller... Je ne le sais pas, vous ne le précisez pas, je pense, hein? Ça peut aller au-delà du 25 %. Mais, en tout cas, vous dites que, au maximum, ce serait 20 % de remplacement, donc un impact qui, selon vous, est relativement peu pervers parce que, à ce niveau de revenus, bon nombre de travailleurs et travailleuses ont des régimes complémentaires qui sont coordonnés, donc ça s'ajusterait. Donc, par cette façon-là, vous recommandez de pouvoir hausser le maximum de gains admissibles.

Vous savez, tantôt le prédécesseur qui était là a parlé justement d'une réalité au Québec où de plus en plus on prépare les gens à changer d'emploi à tous les sept ans... pas à tous les sept ans, excusez-moi, sept fois dans leur vie. C'est la moyenne, maintenant, dit-on, à laquelle il faut se préparer. Les derniers chiffres, par exemple pour 1995, démontrent qu'il y a 700 000 Québécois qui travaillent de façon temporaire, c'est-à-dire dont le contrat a une durée de moins d'un an. Ça, ça ne comprend pas les travailleurs autonomes, qui ont doublé. Alors, c'est évident que de plus en plus on assiste à une précarisation ou, en tout cas, à des bouleversements sur le marché du travail. Travailleurs autonomes: un sur quatre; avant, c'était un sur 25; après, un sur 10. Alors, ça va en s'accentuant, travailleurs autonomes et travailleurs, si vous voulez, à durée déterminée de moins d'un an. Vraisemblablement, je pense bien qu'il faut regarder si ce n'est pas par ce biais-là, de plus en plus, qu'on peut faciliter l'épargne-retraite, même pour des travailleurs qui vont chercher des revenus plus élevés. En tout cas, c'est certainement un examen qu'il faut faire très, très attentivement.

Vous n'avez pas parlé de la rente du conjoint survivant.

M. Gautrin: Oui, oui, ils en parlent.

Mme Harel: Vous en avez parlé? Moi, je l'ai manqué, alors.

M. Gautrin: Oui, oui, c'est le dernier article. Ils disent que c'est la même chose que pour la rente d'invalidité.

Mme Harel: Oui. Vous le faites vite, là, vous passez ça...

M. Caron (Robert): Oui, oui. On fait plus rapidement d'ailleurs que pour la rente d'invalidité. C'est la raison pour laquelle je disais que ça a un impact quand même plus important, si on voulait donner au régime une marge de manoeuvre, que pour les rentes d'invalidité. Mais c'est quand même une réforme qui serait importante, si on avait à analyser la question des prestations de décès, incluant la rente de conjoint survivant.

Mme Harel: En fait, ce que vous dites, c'est que la rente d'invalidité, il ne faut pas y toucher, mais la rente de conjoint survivant, il faut la revoir.

M. Caron (Robert): Ah bien... Oui, mais on est d'accord avec le gouvernement pour dire que ce n'est pas le moment de faire ce débat-là.

Mme Harel: Ah bon! Parce qu'on s'est posé la question cet après-midi si, dans le fond, ne pas le faire – je le dis sans acrimonie – c'est s'assujettir au calendrier électoral du gouvernement fédéral, parce que, s'il reporte ce débat sur la rente de conjoint survivant, c'est pour passer l'élection du printemps. Mais est-ce qu'on n'a pas intérêt, en tout cas, au moins à l'examiner vraiment à fond, pas pour décider maintenant que c'est une catégorie de personnes qui n'y auront pas droit, mais pour regarder si dans l'avenir il n'y a pas à façonner autrement une rente de conjoint survivant qui a été conçue dans une époque où beaucoup moins de femmes étaient sur le marché du travail? Est-ce qu'on ne pourrait pas regarder ça peut-être plus sur, par exemple, l'élargissement du retranchement des années de garde, non pas simplement avec les enfants, mais avec, par exemple, des personnes âgées malades? On sait que c'est souvent les femmes qui vont s'en occuper. Est-ce que, maintenant que 70 %... Les femmes cotisent à quel pourcentage, maintenant? Les femmes cotisent à quel pourcentage à la Régie?

Une voix: Sur le marché du travail actuel?

Une voix: Oui.

M. Gautrin: J'ai ça dans les statistiques de la Régie, là, c'est de...

Mme Harel: 70 %. Remarquez qu'elles sont sous-rémunérées, et, tant qu'on ne va pas corriger ça, on va être dans la situation où votre 25 % de remplacement de revenus, ce sera sur un salaire qui a besoin d'un bon coup de barre, avec l'équité – salariale, cette fois. Mais, en même temps, il va arriver un jour où on pourra espérer que ça puisse s'égaliser.

Alors, est-ce que la rente de conjoint survivant... Parce que je regardais les chiffres: dans une trentaine d'années, il y en aura 662 000, conjoints survivants. Alors, ce sera pas mal de monde, ça. Est-ce qu'on n'a pas intérêt à peut-être réexaminer, reconfigurer ça en fonction des nouvelles façons de faire?

M. Caron (Robert): Oui, moi, je suis d'accord avec vous et puis je pense qu'il va falloir le faire en fonction justement de l'évolution des dernières années. Les taux d'activité ont beaucoup augmenté. Je pense qu'on va devoir considérer des principes qui sont importants, entre autres la question de l'autonomie des conjoints.

Je pense qu'on va noter aussi que, dans la question des nouvelles prestations aux aînés, on fait comme marche arrière sur ces principes-là – ça a été noté dans le document – et je pense que c'est déplorable. On le fait pour une stricte question d'économie et, comme société, on a l'impression qu'on va à rebours de principes sur lesquels on avait avancé, je pense, comme société. Alors, je pense qu'il y a un problème, et il se pose pour le régime aussi qui est harmonisé en grande partie avec celui du fédéral. Il reste que le régime, sur la question de l'invalidité, s'est un petit peu éloigné ces dernières années, mais, nous, on est d'accord avec l'orientation qui a été prise par le gouvernement québécois à l'effet de ne pas suivre le gouvernement fédéral, surtout sur la rigueur qu'il a mise à propos des invalides. Alors, il y a vraiment un problème.

Moi, je reviendrais un petit peu au début de ce que vous avez mentionné, parce qu'on souhaiterait que finalement le gouvernement aille plus loin dans une bonification du régime. Mais on ne le fait pas seulement à l'égard des mesures d'assistance du gouvernement fédéral, mais on le fait aussi à l'égard des autres régimes, les régimes complémentaires où ça plafonne. On est dans un contexte économique qui est difficile, mais, même dans les années où je pense que c'étaient des années un petit peu plus de croissance, les régimes complémentaires plafonnaient aussi. Alors, quand on dit qu'il y a quatre travailleurs sur 10 qui cotisent à des régimes complémentaires, il y a un problème là.

Les REER aussi, puis je pense qu'on le voit plus dans la situation économique actuelle. Comme ce n'est pas immobilisé, bien, là, on constate que, s'il y a beaucoup d'argent dans les REER, il s'en retire aussi beaucoup. Alors, ce n'est pas – comment je dirais – nécessairement rassurant pour la situation des futurs retraités, parce que, en situation de période économique difficile, compte tenu des taux d'activité – je pense que c'est noté aussi dans le document des travailleurs âgés – qui diminuent graduellement, alors il va falloir qu'on ait un régime de rentes qui soit peut-être plus solide.

Remarquez que – je vais terminer là-dessus – en 1963, si le gouvernement fédéral avait accepté qu'on rapatrie la pension de sécurité de vieillesse, on serait moins dépendant du niveau fédéral. Mais ce n'est pas le cas, alors on doit vivre avec ça.

(21 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je vais commencer par une petite remarque qui est peu importante, mais qui mérite d'être faite parce que vous êtes des professionnels du gouvernement: je vous rappellerai que la commission parlementaire n'est sous la responsabilité d'aucun ministre. Vous savez qu'il y a une distinction entre le gouvernement, l'exécutif et le Parlement, et actuellement le Parlement tient des auditions sur un document qui a été déposé par la ministre responsable de l'Emploi et de la Solidarité, donc la commission n'est pas sous la responsabilité de Mme Harel, avec tout le respect et l'amitié que je peux avoir pour elle. Je voudrais vous le rappeler quand même, parce que c'était en titre de votre document ici, et c'était important quand même de bien distinguer entre les fonctions qui sont proprement de l'exécutif et celles du Parlement.

Ceci étant dit, votre document amène un certain nombre de points intéressants, et ce que vous amenez de nouveau, c'est que, un, vous nous dites: L'exemption annuelle de base, c'est important qu'elle soit en partie maintenue; vous pouvez la diminuer, mais c'est important qu'elle soit en partie maintenue. Le 5 %, vous le sortez à cause du lien avec le fédéral, j'imagine; c'est par phénomène d'harmonisation avec le RPC. Le lien qu'il y a, vous le savez bien, concernant l'exemption annuelle de base, c'est avec celui des années de retranchement possibles dans le régime. Est-ce que vous avez réfléchi sur une modification éventuelle des années de retranchement? Donc, vous les maintenez telles qu'elles sont, etc.

En deuxième lieu, ce que vous faites par rapport au document de consultation, c'est que vous choisissez de déplafonner, si je puis dire, les contributions, c'est-à-dire d'augmenter le maximum des gains admissibles; vous le portez au même niveau que celui de la CSST – si je mettais mes lunettes, je le verrais – c'est 48 000 $ et quelque chose.

Une voix: 48 500 $.

M. Gautrin: Est-ce que vous pensez que ça a des effets sur les taux de cotisation ou est-ce que vous pensez que ça va réduire les taux de cotisation ou que ça réduirait les taux de cotisation si on suivait le principe que la portion – et c'est ce que vous recommandez – entre le 34 000 $ et le 48 000 $... n'est pas le principe de remplacement de revenus à 25 %? C'est ce que vous faites comme proportion?

M. Caron (Robert): Oui.

M. Gautrin: Et ça pourrait être proportionnel entre 25 % et 20 %. Ça serait 25 % à...

M. Caron (Robert): 34 500 $.

M. Gautrin: ...34 000 $ pour aller graduellement jusqu'à 20 % à 48 000 $. Et j'ai cru comprendre que vous partagez le point de vue, par exemple, de l'AFEAS, qui est venue ce matin: c'est que, pour les salaires beaucoup plus bas, vous envisageriez éventuellement un taux de remplacement du revenu qui dépasserait le 25 %, qui pourrait aller jusqu'à 30 %, etc., graduellement aussi. C'est ça?

M. Caron (Robert): Non. Pour nous, c'est... Non, c'est le statu quo, c'est 25 %.

M. Gautrin: C'est le statu quo.

M. Caron (Robert): Oui.

M. Gautrin: Donc, vous n'envisagez pas une bonification aussi du remplacement de revenus pour les faibles revenus. J'avais cru voir ça dans votre mémoire, mais ça, vous ne l'avez pas envisagé. Ah bon. Mais j'avais cru comprendre ça. Excusez-moi, j'ai mal lu. Mais, vous comprenez, on rencontre beaucoup de groupes et on est un peu parfois mélangé.

Vous êtes en faveur de la pleine indexation par rapport à l'IPC. Sur la question des augmentations des taux de cotisation, vous ne vous êtes pas tellement prononcés, ou je ne l'ai pas vu, sur l'augmentation rapide ou l'augmentation lente. Vous êtes en faveur de l'augmentation la plus rapide possible?

M. Caron (Robert): Oui. Bien, c'est parce qu'on tient compte du fait que les baby-boomers arrivent à la retraite autour des années 2011, à peu près. Alors, on considère que...

M. Gautrin: Pas tous, mais...

M. Caron (Robert): Pardon?

M. Gautrin: Pas tous.

M. Caron (Robert): Non, pas tous, mais une bonne partie. À partir de ce moment-là, c'est vraiment ce groupe, cette strate qui arrive à la retraite. Alors, je pense que c'est pour ça qu'on dit que c'est incontournable.

M. Gautrin: Non, mais attendez. Dans le document de consultation, il y a deux scénarios possibles...

M. Caron (Robert): Oui, oui.

M. Gautrin: ...et chacun augmente le taux de cotisation, l'un à un niveau plus bas, l'autre à un niveau légèrement plus haut, mais avec un taux de croissance du taux de cotisation qui est différent de l'un à l'autre.

M. Caron (Robert): Oui.

M. Gautrin: Vous, vous prenez le scénario le plus court...

M. Caron (Robert): Oui, oui, oui.

M. Gautrin: ...si je comprends bien votre intervention.

M. Caron (Robert): Oui. Si on avait, nous, des strates d'âge ou des strates de population comme dans d'autres pays où il n'y a pas une cohorte aussi imposante de baby-boomers, on dirait: Bien, allons-y avec la formule la plus douce. Mais ce qui nous convainc que ça prend vraiment une augmentation rapide, c'est qu'il y a une cohorte très importante, et c'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, quand on parle du niveau de la réserve – mais ça, vous ne l'avez pas dans le mémoire, on y a pensé après l'avoir écrit, avant de venir ici – on dit, par exemple: À la suite de... – comment je dirais – après cette période-là, là on pourrait descendre à un niveau de réserve qui est quatre fois la sortie de fonds annuelle.

M. Gautrin: Mais vous comprenez que le niveau de réserve n'est pas théorique, hein? Le niveau de réserve revient, par rapport à un taux de cotisation, de manière à avoir...

M. Caron (Robert): Oui, oui.

M. Gautrin: C'est fonction des taux d'intérêt, etc.

M. Caron (Robert): Oui.

M. Gautrin: C'est, disons, souhaitable d'aller vers un niveau de réserve de l'ordre d'entre deux et trois fois le taux de sortie.

Vous n'avez pas peur qu'une augmentation très rapide du taux de cotisation ait un effet direct sur l'emploi et, en quelque sorte, produise l'effet inverse, c'est-à-dire diminue le nombre de personnes sur le marché du travail, donc diminue ipso facto les rentrées de fonds dans le régime? Disons qu'il y a des gens qui nous ont tenu des raisonnements de cet...

M. Caron (Robert): Oui, mais, moi, j'ai l'impression que c'est un choix qui est inévitable. Je comprends qu'on peut... Je pense qu'on pourrait dire: On prend une méthode douce, mais, par contre, c'est sûr que les générations futures vont avoir à le payer, parce qu'à ce moment-là ce sera un taux plus élevé jusqu'en l'an 2050. C'est ça qu'on voit dans le document. Nous, on privilégie vraiment... et je ne pense pas que ça aurait un effet majeur sur l'économie.

M. Gautrin: Disons qu'on va... C'est notre demande, j'imagine. La vôtre, c'est de connaître les études à cet effet-là. J'imagine qu'on les aura lorsqu'on aura à débattre de la question.

Le principe de l'harmonisation. Dans votre exposé, vous êtes intervenus plusieurs fois en disant: Le fédéral fait ceci, etc. Est-ce que, pour vous, le principe que les deux régimes, à savoir le RPC et le RRQ, soient harmonisés quant aux cotisations, tant en ce qui touche les cotisations qu'en ce qui touche l'essentiel des prestations – quoiqu'il y ait parfois eu quelques divergences sur les prestations, mais, dans l'essentiel, ça a été identique – c'est quelque chose d'important et de souhaitable?

M. Caron (Robert): Ah, je pense qu'on n'a pas tellement le choix. Notre régime a toujours été assez bien harmonisé avec celui du Régime de pensions du Canada. D'après moi, on n'a pas grand marge de manoeuvre là-dessus, sinon on aurait proposé, nous, un régime tout à fait différent du régime fédéral. On est conscients que, là, il faut faire affaire avec le niveau fédéral. Je pense que c'est très important. Les négociations sont déjà démarrées. J'ai suivi ça un petit peu...

M. Gautrin: Oui.

M. Caron (Robert): ...dernièrement. Il y avait des provinces qui souhaitaient d'ailleurs une augmentation rapide, mais avec une baisse correspondante de la caisse d'assurance-chômage. Enfin, je trouve que ce n'est pas tellement lié comme relation, comme...

M. Gautrin: Mais je vous pose la question.

M. Caron (Robert): Oui.

M. Gautrin: Alors, vous avez une espèce de manière de dire: On y est quasiment obligé. Il y a des gens qui ont plaidé en disant que c'était quelque chose de nécessaire et souhaitable, en ayant des arguments sur la mobilité de la main-d'oeuvre nécessaire dans l'ensemble canadien, et je vous dirais aussi que cet après-midi on a eu... Mais c'étaient les représentants, disons, de la jeunesse. Ils sont arrivés en disant: Bon, écoutez, nous, on verrait le régime de cette manière-là. Si on devait le revoir, on le changerait considérablement. Vous, vous êtes, disons, plus réalistes et vous dites: Il faut maintenir actuellement l'harmonisation avec le RPC.

M. Caron (Robert): Oui. Non, mais je pense qu'on n'a pas le choix. Vraiment, là, si on avait le choix, je vous dirais: On est mieux de se créer notre propre régime, mais ça fait...

M. Gautrin: Mais vous savez à quel point c'est difficile de créer un régime. Le RRQ n'est même pas encore rendu à un régime à pleine maturité.

M. Caron (Robert): Maturité, oui, oui, tout à fait, tout à fait. Alors, non, on est conscients de cette difficulté-là. Je pense que, si on n'en était pas conscients, on ne serait pas nous-mêmes très responsables de dire: Écoutez, le Québec devrait s'en aller tout seul sur son régime, avec les problèmes que ça pourrait poser – vous l'avez dit vous-même – ...

(22 heures)

M. Gautrin: En termes de mobilité, etc.

M. Caron (Robert): ...au niveau de la mobilité de la main-d'oeuvre.

M. Gautrin: Écoutez, je vous remercie beaucoup de votre prestation. Je comprends que le temps est écoulé actuellement. Merci quand même d'avoir...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame, messieurs, merci beaucoup pour votre présentation. La commission ajourne ses travaux au jeudi 24 octobre 1996, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 1)


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