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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, February 4, 1997 - Vol. 35 N° 53

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
Mme Lyse Leduc, présidente suppléante
Mme Louise Harel
Mme Monique Simard
Mme Nicole Loiselle
M. Pierre Marsan
M. Russell Copeman
M. Yvon Charbonneau
M. Jean Garon
M. André Gaulin
*M. Norbert Rodrigue, CSBE
*M. Éric Laplante, idem
*M. Guy Boisjoli, idem
*M. André Boyer, Société de Saint-Vincent-de-Paul
*Mme Pierrette Moisan, idem
*M. Arthur Gagnon, idem
*Mme Sylvie Jochems, ADDSQM
*Mme Jeanne D'Arc Laplante, idem
*Mme Renée Dubeau, idem
*M. Alain Fortin, idem
*M. Réjean Genest, idem
*M. Claude Gingras, CSD
*Mme Catherine Escojido, idem
*M. Serge Bouchard, FCLSCQ
*Mme Micheline Vallière-Joly, idem
*Mme Andrée Gendron, idem
*M. Gilbert St-Onge, Armée du Salut
*M. Claude Duquette, idem
*Mme Renée Perron, idem
*M. Raymond Bonneau, FQCCL
*M. Normand Robert, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, Mme la ministre. Je m'excuse si je ne vous laisse pas grand temps, Mme la ministre, mais on est déjà en retard, d'une part, et, d'autre part, pour les membres qui ont déjà pris connaissance de l'agenda, nous avons dû modifier l'agenda de façon à ce qu'on termine nos travaux à 19 heures, au lieu de terminer à 18 heures et revenir. On a eu un désistement, ce qui fait qu'on a aménagé ça pour qu'à 19 heures on termine nos travaux. Pour vous dire que, cet après-midi, nous aurons un après-midi très, très chargé.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est vérifié?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi».

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Parent (Sauvé) sera remplacé par M. Charbonneau (Bourassa); Mme Signori (Blainville) par Mme Simard (La Prairie).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Vous avez devant vous l'ordre du jour. À moins d'avoir un avis contraire, l'ordre du jour est adopté tel que présenté.

J'invite maintenant le représentant du Conseil de la santé et du bien-être, M. Norbert Rodrigue, à présenter les gens qui vous accompagnent et à commencer votre présentation.


Auditions


Conseil de la santé et du bien-être (CSBE)

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci. Je vous présente, d'entrée de jeu, mes compagnons de course: Guy Boisjoli, qui est membre du Conseil de la santé et du bien-être, à ma droite, et, à ma gauche, Éric Laplante, qui est conseiller au Conseil.

Le Conseil de la santé et du bien-être adressait récemment au ministre Jean Rochon un avis sur l'harmonisation des politiques de lutte contre l'exclusion de la main-d'oeuvre. La portée des recommandations que contient celui-ci, vous avez dû le constater, excède largement le secteur de la santé et des services sociaux. J'y puiserai l'inspiration pour vous livrer quelques commentaires sur la proposition de réforme de la sécurité du revenu. Entre parenthèses, nous avons fait cela à cause de la problématique sociale que pose l'exclusion du marché du travail, pour être utile, tout simplement, et à partir d'une préoccupation fondamentale que nous avons quant à l'harmonisation des politiques publiques.

Les travaux du Conseil l'ont conduit à poser un diagnostic d'ensemble à l'égard du développement de la main-d'oeuvre au Québec. Celui-ci prend la forme d'un double paradoxe. C'est à celui-ci davantage qu'à ses multiples manifestations que le Conseil suggère avant tout de s'attaquer. Le succès du projet de réforme de la sécurité du revenu tiendra, selon nous, à sa capacité de défaire un certain nombre de noeuds.

Le premier paradoxe, c'est celui de la responsabilité publique à l'égard des exclus du marché du travail. L'État affirme sa responsabilité. Plusieurs institutions publiques ont en effet pour mission et mandat de développer l'employabilité de la main-d'oeuvre et de favoriser sa réinsertion. Force nous est cependant de constater que cette responsabilité ne constitue pas pour elles une obligation réelle.

D'autres ont souligné les multiples lacunes de l'intervention publique, notamment auprès de la main-d'oeuvre prestataire d'aide sociale: le fait qu'elle se satisfasse souvent de l'atteinte d'objectifs de processus, notamment de taux de placement sur des mesures, l'importance qu'elle accorde au développement de l'employabilité dans un contexte où les personnes n'ont que peu d'occasions de l'exercer réellement, etc. C'est, en quelque sorte, comme si la responsabilité des institutions publiques à l'égard des exclus était diffuse: tout à la fois présente pour chacune d'entre elles, mais assumée pleinement par aucune. Situation paradoxale s'il en est une, l'État s'en occupe, dit-on, dans le contexte actuel. Toutefois, l'État, c'est à la fois vous et moi, les gens qui le gèrent et, personnellement, aucun d'entre nous.

En fait, le Conseil croit que les instruments mis en place par ceux qui gèrent l'État ne le prédisposent pas à assumer une responsabilité concrète face à l'exclusion. Plusieurs caractéristiques propres aux institutions publiques nous conduisent à cette conclusion. Ces institutions sont nombreuses à se partager un même mandat. Leurs instances régionales et locales sont imputables avant tout à leur hiérarchie plutôt qu'à la population qu'elles desservent. La participation de la population à la prise de décisions nous apparaît plutôt ténue. Finalement, ces institutions disposent, particulièrement celles qui interviennent auprès de la main-d'oeuvre prestataire d'aide sociale, d'une autonomie limitée pour répondre adéquatement aux besoins des personnes.

Deuxième paradoxe, celui de la responsabilité des travailleurs exclus du marché du travail et des travailleuses. Malgré le caractère éminemment social de l'exclusion, l'intervention publique attribue plus d'importance aux causes attribuables aux personnes et à leurs caractéristiques individuelles qu'à celles qui découlent de notre économie. L'accent mis notamment par le ministère de la Sécurité du revenu sur l'employabilité des personnes, nous semble-t-il, fait porter sur elles le poids de leur exclusion et, sur leur initiative, le succès de réinsertion. Pourtant, le Conseil constate, en prenant comme cible l'intervention publique auprès des prestataires d'aide sociale, à quel point cette intervention s'avère inefficace à les réinsérer. Elle a de surcroît souvent pour effet de leur nuire dans leurs démarches et de les décourager.

(10 h 20)

On attend des travailleurs exclus et des travailleuses exclues qu'ils se débrouillent, qu'ils soient autonomes, entreprenants et entreprenantes, bref qu'ils assument la responsabilité de leur exclusion. Pourtant, fait paradoxal, on ne les aide pas. Ou pire, on leur nuit dans les démarches leur permettant d'exercer cette responsabilité. Deux avenues de solutions: remédier à ces deux problèmes requiert, quant à nous, de donner des orientations nouvelles à l'intervention; cela implique également, si l'action suit le verbe, des changements majeurs dans la structure des institutions publiques et dans leurs modalités d'intervention. Alors, c'est à la lumière de ces problèmes et des solutions qu'ils requièrent que le Conseil a examiné la proposition de réforme.

De façon générale, le Conseil partage l'esprit des orientations proposées. Il partage tout particulièrement l'intention présente dans ce document de traiter dorénavant les prestataires d'aide sociale comme des travailleurs et des travailleuses exclus et de leur accorder un statut et un traitement comparables à ceux accordés à la main-d'oeuvre dans la même situation. Les réserves que le Conseil tient à exprimer ont davantage trait à ce que le livre vert ne dit pas ou ne dit pas suffisamment clairement. Qu'est-ce qu'il dit? Ce document est à maints égards peu loquace sur les modalités de réalisation des orientations qu'il propose. Le geste étant le véritable témoin de la valeur des mots, le Conseil ne peut que s'inquiéter de ces silences. Aussi, les quelques messages que je vous livrerai porteront-ils avant tout sur ceux-ci.

Face au problème de la responsabilité de l'État, devant la responsabilité limitée qu'assume l'État face à l'exclusion de la main-d'oeuvre, le Conseil pose comme exigence une révision en profondeur de son rôle. J'irai jusqu'à affirmer qu'une telle réforme ne sera marquée de succès que dans la mesure où elle permettra aux communautés d'assumer, par l'entremise d'institutions publiques décentralisées, une réelle responsabilité à l'égard de leurs travailleurs et travailleuses exclus. Une réforme de structures purement administrative apportera à la situation actuelle des changements plus apparents que réels. Seul un réel repartage des pouvoirs et responsabilités publics favorisera une appropriation par la population des communautés, de son développement, notamment de celui de sa main-d'oeuvre. Alors, décentraliser, pour nous, c'est fondamental, c'est le mot d'ordre qu'on souhaite.

Trois impératifs devraient, selon nous, guider cette démarche. Premier impératif: donner une cohérence aux institutions publiques qui interviennent auprès de la main-d'oeuvre. Cet impératif implique plusieurs choses: d'une part, donner aux institutions publiques un territoire d'intervention compatible avec le sentiment d'appartenance de la population qu'elles desservent. Cela implique notamment que les institutions publiques choisies pour intervenir auprès de la population soient physiquement proches de celle-ci afin de donner à l'intervention un visage humain. Aussi, le Conseil supporte la suggestion de considérer le territoire des MRC et des arrondissements ou des regroupements de quartiers urbains comme points d'ancrage pour l'intervention publique. Il va cependant de soi, dans notre esprit, qu'un découpage territorial unique devrait servir d'assise à toute intervention publique, peu importe le secteur de développement visé. Ce commentaire s'applique particulièrement, dans le contexte de la présente discussion, aux initiatives de développement de l'emploi et de développement de la main-d'oeuvre.

Donner une cohérence aux institutions publiques implique par ailleurs d'en réduire le nombre et de leur donner une place et un rôle cohérents dans l'échiquier des institutions publiques présentes sur le territoire. Seule une telle cohérence d'ensemble permettra, à notre sens, d'intégrer le développement de la main-d'oeuvre à l'ensemble du développement des régions et des localités québécoises. La création de CLE, à cet égard, nous préoccupe. Rien ne nous laisse entendre que leur création serait guidée par une vision d'ensemble en matière de régionalisation. Une déconcentration et une décentralisation par secteurs en santé, en éducation, en emploi, risque pour nous d'avoir un effet de reproduire à l'échelle locale ou régionale la compartimentation que l'on reproche actuellement aux différents ministères ou organismes publics de l'appareil étatique québécois. Ce risque n'est pas minime, ses conséquences seraient majeures. Contentons-nous de dire que la consécration d'institutions publiques régionales et locales dotées de mandats sectoriels, nous semble-t-il, ne peut qu'alourdir les relations au sein des communautés.

Le Conseil est également convaincu que seule une perspective d'ensemble permettrait de surmonter la difficulté de tisser des liens entre les institutions publiques chargées, d'une part, du développement de la main-d'oeuvre et, d'autre part, du développement de l'emploi. Elle devrait notamment permettre d'éviter l'incohérence de créer sur le territoire québécois de multiples guichets que l'on souhaite tous uniques. Une vision d'ensemble de l'organisation des institutions publiques et de leurs interventions devrait aussi statuer sur la relation que celles-ci entretiennent avec des organisations non-gouvernementales.

Par ailleurs, le Conseil ajoute à ces quelques commentaires qu'il convient de faire preuve de prudence dans la création de nouvelles institutions publiques. Le risque est en effet assez grand que les nouvelles institutions publiques créées perdurent. Il m'apparaît, en ce sens, erroné de penser que l'on puisse créer de nouvelles structures temporairement. Nous avons, en effet, au Québec, la fâcheuse manie d'accumuler, tel un processus de sédimentation, les institutions désuètes plutôt que de nous en défaire. Cette réticence au changement semble d'autant plus grande que le temps passe et que la population apprend à les apprivoiser. Aussi, avant de créer de nouvelles institutions, qu'il s'agisse du centre local pour l'emploi, de conseil local de développement, de carrefour jeunesse-emploi ou de toute autre structure, je vous encourage, Mme la ministre, à réfléchir longuement à la place qu'elles occupent dans l'échiquier des institutions québécoises et à poursuivre les efforts d'harmonisation de leurs interventions respectives.

Finalement, pour ceux qui partagent la thèse qu'une régionalisation dans un contexte fédéraliste affaiblirait la position du Québec, je me contenterai de dire qu'il est toujours utile de savoir où on s'en va, quitte à attendre le moment opportun pour y aller. Ceci dit, je crois que l'inaction et l'attentisme, quant à la décentralisation, nous nuisent collectivement. C'est là, nous semble-t-il, une leçon qu'on devrait prendre des longues négociations avec le gouvernement fédéral qui aboutissent difficilement.

Deuxième impératif: impliquer la population dans la prise de décisions des institutions publiques qui la desservent et lui rendent ces dernières imputables. Le Conseil y voit la seule manière de faire en sorte que ces institutions assument une responsabilité concrète à l'égard de la main-d'oeuvre exclue. Cela sous-tend, croyons-nous, une représentation populaire au sein de ces institutions publiques et la mise en place de mécanismes de reddition de comptes de celles-ci vers leur base. Ce qui n'empêche pas, par ailleurs, une certaine reddition de compte également vers le haut. Le Conseil est d'avis que les partenaires réunis en conseil, qu'ils soient choisis ou non par la ministre, ne sauraient à cette fin remplacer des personnes choisies démocratiquement par la population pour la représenter. Et là, c'est sans enlever d'importance au partenariat que l'on considère très important.

Donner aux institutions publiques chargées d'intervenir auprès de la main-d'oeuvre une large autonomie, tant dans la conception de l'intervention que dans sa gestion. À cet égard, ces institutions devraient constituer bien plus que des points de services. Le Conseil est d'avis que ce n'est qu'à cette condition que la population des communautés acceptera de s'impliquer dans le développement de sa main-d'oeuvre, la démocratie n'étant vraiment possible que dans la mesure où elle peut s'exercer concrètement.

Face au problème de la responsabilité des individus, il est clair que la main-d'oeuvre exclue des travailleurs et travailleuses doit assumer une part raisonnable de responsabilité face à sa réinsertion. Une telle responsabilité individuelle n'a toutefois de sens que dans la mesure où les personnes sont susceptibles de l'exercer. Cela sous-tend qu'elles doivent disposer de moyens pour le faire. L'ampleur de ces moyens dépend largement des contraintes à l'emploi qui affectent les personnes. Pour cette raison, le Conseil insiste, dans le cadre de son avis, sur l'importance d'accorder une attention particulière aux prestataires d'aide sociale et de les supporter véritablement dans leur cheminement vers le marché du travail. C'est dans ce contexte que le Conseil pose l'exigence que les choix de formation et de réinsertion qui leur sont offerts soient à la fois réels et réalistes, c'est-à-dire motivés par des attentes réalistes face à leur situation et réelles quant aux possibilités qu'ils offrent.

Le Conseil se réjouit de constater que le livre vert a accueilli favorablement ces quelques commentaires. Il constate toutefois, à sa lecture, que la question de savoir ce qui constitue exactement des offres réelles et réalistes demeure sans réponse. On est conscient de la difficulté soulevée par cette question. On insiste cependant, compte tenu de son importance, sur la nécessité d'y répondre. Cette imprécision constitue, selon nous, un objet majeur de préoccupation. La qualité de ces offres influera directement sur la capacité des personnes à se réinsérer sur le marché du travail ou à cheminer vers celui-ci. Dans cette perspective, le Conseil se réjouit de l'intention manifestée par le livre vert de tracer, pour chaque travailleuse et travailleur exclus, un parcours visant sa réinsertion. Il s'agit là, nous semble-t-il, d'une originalité qui mérite d'être exploitée. Peu de détails nous sont cependant fournis sur ces modalités. Cette imprécision est d'autant plus préoccupante, en fait, que le livre vert suggère d'assortir de pénalités financières un refus de participation à un tel parcours. Elle s'avère particulièrement préoccupante pour le Conseil dans la mesure où le livre vert s'appuie sur un passage de son avis pour justifier cette position. Sans renier le traitement qui est fait de ce passage, le Conseil tient cependant à s'assurer que le contexte dans lequel il s'inscrit est bien compris.

Le Conseil prend pour acquis que les travailleurs et travailleuses exclus, notamment ceux dépendant financièrement de l'aide sociale, désirent travailler. Hier, 1 000 postes temps partiel affichés à Air Canada, 4 000 demandeurs se sont présentés. Ça doit être un signe qu'il y a une demande quelque part qui est importante. Il croit également que ces personnes accepteraient volontiers de participer à des initiatives susceptibles de les réintégrer sur le marché du travail ou de les rapprocher de celui-ci, si celles-ci leur offrent des chances raisonnables à cet égard.

(10 h 30)

C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre le commentaire du Conseil imposant une exigence de participation aux prestataires d'aide sociale. Cette exigence n'a de sens que dans la mesure où de telles initiatives leur sont offertes. Le Conseil n'évoque la possibilité de pénalités financières que pour marquer le fait que des offres raisonnables entraînent une contrepartie de la part des individus. Il le fait d'ailleurs en soulignant qu'il nous faut réfléchir sur cette question-là de manière plus approfondie et faire un débat. Le spectre de pénalité financière ne devrait pas être invoqué pour contraindre les personnes à accepter des parcours de formation ou de réinsertion qui ne sont pas adéquats ou pour les restreindre dans leur choix de tels parcours. Le Conseil insiste: ce qu'il propose, ce n'est pas du «workfare». Il croit cependant que le providentialisme à l'état pur constitue également un écueil qu'il faut éviter. C'est pourquoi il accorde tant d'importance aux parcours de formation et de réinsertion offerts aux personnes et donc comme condition de leur efficacité à la démocratisation et à la décentralisation.

Nous croyons que les personnes participeront volontairement à des initiatives qu'elles croient pertinentes pour leur situation et raisonnables quant à la leur probabilité de succès. Elles devraient pouvoir choisir, parmi des parcours, celui qui leur convient le mieux. Le Conseil ne croit cependant pas que choisir librement puisse signifier, si les offres faites sont réelles et réalistes, ne rien choisir du tout. Ce qui inspire le Conseil lorsqu'il soutient que les relations entre les travailleurs exclus et leur communauté devraient dorénavant être envisagées comme des relations de réciprocité, on peut exiger de la part du collectif, en raison des causes sociales de l'exclusion, qu'il donne aux individus les moyens d'exercer leurs responsabilités.

En contrepartie, le Conseil est d'avis qu'on peut, légitimement, demander aux individus d'être responsables de la facette individuelle de leur exclusion. Fait important à noter, l'exigence de la participation dont il est question devrait s'appliquer à l'ensemble des travailleurs et travailleuses québécois exclus du marché du travail. Le Conseil a abordé la question de l'exclusion dans le cadre d'une discussion sur la main-d'oeuvre prestataire d'aide sociale. Son intention n'était cependant pas de faire de celle-ci un cas d'espèce. Bien au contraire, tout au long de son avis, le Conseil a insisté sur le fait que ces personnes doivent être considérées comme des travailleurs et travailleuses exclues et traitées en conséquence. Cela sous-tend un statut et des droits comparables, malgré la particularité du régime de sécurité du revenu dont ils dépendent financièrement. Cela sous-tend également des obligations comparables, notamment celle de participer à des initiatives qui offrent des chances raisonnables de formation et de réinsertion.

En conclusion, M. le Président, le Conseil de la santé et du bien-être représente un bien modeste observateur de la scène politique québécoise. C'est donc avec modestie que je terminerai ce mémoire en vous adressant trois messages fort simples. L'heure est à la restructuration des entreprises et à la mise à pied de milliers de travailleurs, tant dans le secteur privé que public. La reprise économique tarde à venir, la mondialisation de l'économie nous fait subir les contrecoups de décisions prises ailleurs sans que nous disposions des leviers pour influencer celles-ci. Le libre échange nous offre de nouveaux marchés, mais nous force à une concurrence féroce pour nous maintenir dans ceux qui nous étaient auparavant acquis.

Dans ce contexte, le défi de réinsérer des centaines de milliers de travailleurs et travailleuses québécois exclus du marché du travail est surhumain. Pourtant, il nous faut activement relever ce défi, notamment par une réforme de l'intervention publique auprès de la main-d'oeuvre. La lecture de la réalité nous invite toutefois à être réalistes. Plus que tout, la population est sensible à la franchise avec laquelle on la traite. Personne n'était dupe de la faible efficacité des programmes du ministère de la Sécurité du revenu. Pourtant, ces programmes étaient publicisés comme efficaces et utiles. Cette manière de faire nous apparaît plus lourde de conséquences que le simple fait d'offrir des programmes inefficaces. Elle est infiniment pire parce qu'elle sous-estime les gens. Le Conseil croit sincèrement que les travailleurs exclus auxquels on propose des parcours de formation et de réinsertion accepteront les limites de ces initiatives dans la mesure où on les en informera. La transparence est donc essentielle.

Finalement, on vous invite à faire confiance à la population des communautés, à son initiative et à sa débrouillardise pour développer des emplois et s'occuper de la main-d'oeuvre. Ça nous apparaît être une condition fondamentale et essentielle à tout projet de décentralisation et, selon nous, à une véritable réforme du développement de la main-d'oeuvre québécoise. Comment assurer le développement de la main-d'oeuvre, le développement de l'emploi et le développement social au Québec? Nous, on pense que ce mouvement vers les communautés et la prise en charge par les communautés des responsabilités en leur fournissant des leviers est fondamental. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. C'est un bon exercice de lecture rapide.

M. Rodrigue (Norbert): Je n'ai pas pratiqué beaucoup, mais j'essaie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant Mme la ministre à poser les premières questions.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Rodrigue. Vous êtes accompagné, je crois, de M. Boisjoli et de...

M. Rodrigue (Norbert): M. Laplante.

Mme Harel: ...M. Laplante. Bon. J'ai déjà eu l'occasion de prendre connaissance, au moment de leur publication, des travaux que vous avez menés sur les politiques de lutte contre l'exclusion et, dans cet avis que vous avez publié au mois d'août passé, je crois, ou début septembre...

M. Rodrigue (Norbert): Autour.

Mme Harel: ...vous avez examiné de très près l'intervention qui est faite sous forme de mesures d'employabilité et vous rappelez vos constats ce matin en nous précisant qu'il y a une faible efficacité de ces programmes qui ont été implantés il y a déjà 10 ans passé. Sûrement aussi avez-vous pris connaissance, à l'occasion de ces travaux, du fait que ces programmes d'employabilité venaient supplémenter les barèmes de base en gardant le statut d'assisté aux personnes qui y participaient et que c'était comme une condition incontournable pour obtenir à 50 % le financement du fédéral dans le cadre du RAPC.

Maintenant, c'est abandonné finalement puisque le RAPC est abrogé, c'est la bonne nouvelle. La mauvaise, vous le savez, c'est 1 800 000 000 $ de transferts en moins sur deux ans à l'aide sociale, à l'éducation postsecondaire et dans les hôpitaux. Mais, ceci dit, je me réjouis que d'une façon générale... À la page 3, vous nous dites que «d'une façon générale, le Conseil partage l'esprit des orientations proposées et partage tout particulièrement l'intention présente dans ce document de traiter dorénavant les prestataires d'aide sociale comme des travailleurs exclus et de leur accorder un statut et un traitement comparables à ceux accordés à la main-d'oeuvre dans la même situation». Et là vous nous faites des réserves sur lesquelles je reviendrai, parce qu'une commission, ce n'est pas fait pour se congratuler, n'est-ce pas, mais c'est surtout fait, même si on est de façon générale d'accord, pour essayer d'améliorer finalement ou de bonifier les propositions qui sont déposées.

Alors donc, vous êtes d'accord avec l'esprit de la réforme. Ce n'est pas fréquent, depuis qu'on a commencé, de recevoir des organismes qui l'ont compris, l'esprit de la réforme. Remarquez que d'aucuns l'ont compris mais ne la partage pas – ce qui est leur droit démocratique aussi – puisque certains, dont le professeur Bouchard, Camil Bouchard, et d'autres, en fait, invoquent le fait d'avoir droit à une aide de dernier recours indépendamment de la source, si vous voulez, de la difficulté. C'est une aide inconditionnelle qui est réclamée, l'aide de dernier recours un peu sous la forme de revenu minimum. On ne l'appelle plus «garanti», on nous parle d'un revenu minimum décent indépendamment donc – je pense que c'est ça qui est important – de l'origine de l'aide, de la demande d'aide, plutôt.

C'est évident que c'est d'autre chose dont il s'agit dans le livre vert: les personnes en besoin de protection sociale; les personnes invalides; les personnes aînées. Là, on peut discuter à quel âge on doit devenir aîné maintenant, dans notre société. Les invalides, les aînés, les enfants, administrés par la Régie des rentes, et puis un nouveau régime, en fait, qui va s'appeler l'assistance-chômage. Et ça, ça ressemble à peu près à tout ce qui se vit dans les pays démocratiquement évolués, industrialisés – je pense aux pays scandinaves en particulier – où on retrouve des régimes d'assurance et d'assistance-chômage, et puis finalement des régimes vraiment très, très restreints à des personnes qui ne peuvent pas accéder au marché du travail, qui s'appellent des régimes d'aide sociale, parfois administrés par les municipalités, par exemple, comme au Danemark, ou, en fait, des régimes qui s'adressent à un certain nombre de personnes qui, dans le fond, n'ont pas de relation en regard du marché du travail.

Bon. Écoutez, je comprends que vous nous dites: Il y a deux réserves. La première, c'est: Il faut s'assurer qu'il y a une approche de responsabilisation publique, puis il faut s'assurer qu'il y a une approche humaine de la responsabilisation individuelle. L'approche de responsabilisation publique, vous avez beaucoup plaidé – on s'en est beaucoup inspiré d'ailleurs dans nos travaux, comme vous avez pu le constater – pour qu'il y ait un impératif de responsabilisation des communautés pour se sortir justement de la logique individuelle dans laquelle nous entraînait l'employabilité. Alors, vous dites: C'est une logique collective qu'il faut instaurer. Et c'est le projet derrière le Centre local d'emploi, mais je vous concède qu'il y a un volet qui n'est pas dans mon livre vert, qui sera dans le livre blanc de mon collègue M. Chevrette, et qui est le volet du développement local et régional. Et ce volet – ça a déjà été annoncé, je ne pense pas faire de manchettes avec ça – ça va donc se passer dans ces centres locaux de développement qui vont rassembler tout ce qui était éparpillé présentement.

(10 h 40)

À la page 5, d'ailleurs, dans votre mémoire, vous nous parlez des CEDEC, des SADC, des CDC. On pourrait ajouter les CDE. On pourrait ajouter les SAGE. On pourrait ajouter bien, bien, bien d'autres choses qui s'additionnent. Alors, dorénavant, il y aurait un seul organisme non gouvernemental qui serait financé, mais qui aurait comme mission d'établir un plan local avec des partenaires, lequel plan local d'action concerté pour l'économie et l'emploi va certainement influencer la commission scolaire locale, le CLSC local, le centre local pour l'emploi également et, en même temps, cet organisme est composé de personnes choisies par des collèges électoraux.

Et, tout ce que mon collègue a dit à ce sujet, c'est qu'il va s'assurer que personne ne soit exclu, que le communautaire y soit représenté, le communautaire autonome, que les milieux d'affaires y soient représentés, les milieux institutionnels, psychosociaux, les milieux scolaires. Donc, il va s'assurer qu'il y ait cette responsabilisation à l'égard du développement, qu'on cesse, comme c'est le cas depuis 10 ans, de faire de la concertation sans développement. Alors, qu'il y ait là des objectifs de développement locaux qui vont pouvoir s'harmoniser avec les plans régionaux et que ce soit en fonction de ces plans que, dorénavant, les mesures actives soient dépensées et que les parcours d'insertion s'inscrivent. Bon. Ça, c'est peut-être le premier élément. Je ne sais s'il vient vous rassurer, mais c'est celui qui donnera lieu à une consultation dans le cadre du livre blanc.

Le deuxième impératif, c'est le fait que les travailleurs exclus, n'est-ce pas, ils sont des chômeurs, de longue ou de courte durée. En fait, en se rappelant qu'il y a du mouvement à l'aide sociale; ça rentre et ça sort plus qu'on ne le croit. Par année, c'est à peu près 240 000 nouvelles demandes, puis quasi autant de gens qui ont quitté. Les demandes, vous savez, pour le tiers, c'est six mois, puis elles ne reviennent pas; ensuite, c'est la moitié pour moins d'un an, et ce sont des personnes qui risquent finalement d'y rester plus d'un an qui ont besoin le plus d'être supportées.

Le Conseil, dans son avis, avait – d'ailleurs, je l'ai noté, vous l'avez retrouvé dans le livre vert – bien signalé la nécessité de la réciprocité. Je ne dis pas que ça ne vient que de vous, là, mais c'est une idée, de toute façon, qui est répandue dans tous les pays démocratiques, celle d'une réciprocité entre le demandeur, en fait, entre le demandeur d'emploi, le chômeur, et ce qui lui est proposé. Alors, vous insistez sur la nécessité que cela soit fait dans une égalité de traitement entre tous les demandeurs d'emplois, qu'ils originent de l'assurance-emploi, qu'ils originent de l'aide sociale, quelle que soit la nature de l'aide financière. Mais ça, c'est déjà acquis pour nous, là.

Je pense que l'aspect peut-être important sur lequel j'aimerais vous entendre, c'est les recours. Parce que c'est évident que ce parcours, en passant, ce n'est pas du jour au lendemain tout le monde, à qui il est proposé. Ça, ça serait évidemment se tromper puis tromper les gens. Le parcours, il va graduellement et progressivement, au fur et à mesure que les plans locaux vont être mis en place, au fur et à mesure, d'ailleurs, que ça va pouvoir se réaliser avec la fusion aussi des conseillers à l'emploi dans des modules distincts, là, comme vous avez pu en prendre connaissance. Mais, en même temps, cette réciprocité va supposer à la fois qu'il puisse y avoir des offres réelles et réalistes et puis que ces offres réelles et réalistes soient jaugées, si tant est qu'il y a un désaccord. Alors, on est à travailler sur la question, notamment, des recours actuels de la jurisprudence à l'assurance-chômage.

L'assurance-chômage a une mesure très, très sévère. Quand quelqu'un refuse, par exemple, de participer à l'assurance-chômage présentement, elle est totalement exclue et puis elle perd entièrement sa prestation. Il y a donc eu toutes sortes de recours dans la jurisprudence pour s'assurer que le traitement est équitable des définitions de ce qu'est un emploi réaliste, de ce qu'est un emploi raisonnable, et on pense, en fait, introduire une égalité de traitement. Mais, en même temps, je comprends que vous, vous conceviez aussi que choisir librement, ça ne veut pas dire ne rien choisir du tout, ça veut dire choisir et s'inscrire dans une démarche.

On a fait grand plat, de l'autre côté... Mais c'est déjà appliqué. La pénalité est là depuis que les mesures d'employabilité y sont, depuis 10 ans, là. C'est comme si c'était nouveau pour l'opposition, on a fait grand plat de ces pénalités. C'est bien pire maintenant, c'est dans des mesures qui consistent à gérer des programmes et non pas qui consistent à inscrire quelqu'un dans un parcours personnel, individualisé. Cette pénalité, n'importe quand la personne peut y mettre fin dans un parcours en décidant de s'inscrire dans ce parcours. Ce parcours, ça peut être une qualification, une formation. Ça peut être aussi une implication sociale, communautaire.

Mais, j'aimerais vous entendre, en tout cas, sur toutes ces questions relatives aux parcours. Et je me demande... En lisant votre mémoire, je me suis dit: Pourquoi le Conseil ne prendrait pas l'initiative, cette initiative qui consisterait à organiser une rencontre genre colloque ou forum sur cette question? Nous, on a beaucoup de travaux qui sont faits sur les parcours. Il s'en fait partout présentement, il y a une moisson abondante. J'ai circulé beaucoup hier, dans deux régions du Québec, Gatineau puis Lanaudière, et, là, j'ai rencontré des intervenants qui se sont déjà réunis au niveau communautaire et au niveau aussi des commissariats industriels pour essayer de travailler sur les parcours. On a des travaux sur le parcours d'insertion.

Ça permettrait, dans le fond, d'aller chercher une sorte d'adhésion. Si c'était le ministère qui l'organisait, on serait sans doute mal jugé au départ, en prétendant qu'on on déjà nos conclusions d'avance. Mais, est-ce que ce ne serait pas utile, après vos travaux sur l'employabilité, de commencer, si vous voulez, une réflexion sur le parcours d'insertion?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Norbert.

M. Rodrigue (Norbert): Alors, M. le Président, Mme la ministre, j'aimerais dans un premier temps, puisque l'occasion m'est fournie, faire une mise au point pour qu'on puisse se comprendre. Dans un premier temps, je vous dirais que j'étais un peu inquiet du départ de la commission parlementaire, à suivre les débats, parce qu'il m'apparaît que l'essentiel de ce que nous avons à faire et l'essentiel en termes d'objectifs à rechercher, c'est de faire mieux que ce qu'on a fait jusqu'à maintenant. Et j'avais peur qu'on s'attarde trop sur des choses plus spécifiques.

Je voudrais dire un mot sur cette dynamique de réciprocité entre l'obligation individuelle et l'obligation collective. Il nous semble, dans notre esprit, que, dans le cadre de cette réforme et pour l'avenir, l'État doit offrir des choix: des choix réels, des choix réalistes, bien sûr. Les individus doivent librement choisir dans ces offres-là ou à travers ces offres-là. La question centrale de la réforme, c'est: Comment l'État peut remplir l'obligation d'offrir des parcours? Et là vous me dites, Mme la ministre, que, bon, les parcours, ce sera au fur et à mesure qu'ils seront mis en place, etc. C'est déjà moins inquiétant.

Mme Harel: C'est dans le livre vert; c'est dit comme tel.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui, mais, vous l'entendre dire, ça me rassure plus que de le lire.

Mme Harel: Ah, O.K. Ha, ha, ha!

M. Rodrigue (Norbert): Deuxièmement, ça sera par un parcours individualisé, mais il nous semble à nous que les moyens... ou encore qu'il n'y a pas moyen de répondre adéquatement sans démocratiser, sans harmoniser, et cela, au niveau local. Bon. Vous nous annoncez qu'il y a un livre blanc – on en avait entendu parler, mais, apparemment ce n'était pas le bon document – qui s'en vient, qu'il y aura un centre local de développement et que, là... La question que je pose à mon tour, c'est l'imputabilité de ce centre-là. Est-ce qu'il sera imputable dans un sens uniquement, c'est-à-dire à sa hiérarchie ou aux autorités centrales, ou est-ce qu'il y aura une imputabilité au niveau de la communauté, etc.? Je pense que c'est important de s'entendre là-dessus puis d'en discuter. Son autonomie puis la cohésion entre le développement de l'emploi et le développement de l'employabilité par rapport aux autres types de développement économiques, etc., du territoire, je pense que ça aussi, c'est une question qu'on doit prendre en compte parce que ça nous apparaît effectivement important.

(10 h 50)

L'obligation de participer, ça n'égale pas nécessairement pénalité non plus. Nous, on dit, à la recommandation 14 précisément, qu'il devrait y avoir obligation de participer quand des offres réelles et réalistes sont faites. Et je peux la lire, juste pour me rassurer moi-même et les autres: «Des institutions publiques chargées du développement de l'emploi et de la main-d'oeuvre au sein des localités québécoises, qu'elles soient formellement responsables d'offrir aux prestataires d'aide sociale des possibilités de réinsertion sociale ou en emploi adaptées à leur situation. En contrepartie, que les prestataires d'aide sociale aient, dans la mesure où les offres de réinsertion leur sont faites, sont réelles et réalistes, la responsabilité de participer à celles-ci.»

Alors, cette responsabilité ou cette obligation de participer, pour nous, ça n'égale pas automatiquement pénalité. Cependant, on doit dire que nous avons soulevé la question des pénalités en disant qu'il faut faire une réflexion plus approfondie. C'est peut-être un peu prématuré, cette question-là, dans les circonstances actuelles ou aujourd'hui, mais c'est sûr que c'est sur la table. Il faudra les regarder.

Quand vous dites que, bon, c'est présent dans les programmes, ces notions de pénalités, j'ai pris la peine de vérifier, moi aussi, notre historique collectif et, dans notre historique collectif, des gouvernements antérieurs ont adopté aussi des législations, notamment la loi 37, où il est prévu, par rapport à des programmes spécifiques, qu'effectivement il y a des pénalités. Alors, il faut se parler des vraies choses. On se «parle-tu» de quelque chose de tout à fait nouveau ou bien non? Je pense qu'il faut se parler des vraies choses. Les vraies choses, c'est qu'on a eu un rapport avec ces questions-là, on s'est mis en rapport avec ces questions-là antérieurement pour voir comment gérer l'ensemble de nos mesures.

Alors, il nous semble que toutes ces questions doivent faire l'objet de débats, bien sûr, mais, pour nous, l'atteinte des objectifs de réinsertion, l'atteinte des objectifs d'implication de la communauté, l'objectif d'impliquer des individus, de les inscrire dans un parcours d'obligation, ça ne peut pas se faire sans confier des responsabilités importantes aux communautés elles-mêmes. En tout cas, c'est une partie de ma réponse pour l'instant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Oui, merci, M. le Président. M. Rodrigue, bonjour au Conseil. Moi aussi, je voudrais souligner... Bon, j'ai lu aussi les documents que vous avez produits cet automne par rapport à l'exclusion, documents extrêmement intéressants. Vous revenez souvent, évidemment, autour de cette question des offres réelles et réalistes, bon, sur la responsabilité qu'a l'État, au fond, de faire ces propositions et la responsabilité des individus de choisir. Bon. J'aimerais ça vous entendre sur ce que sont ces offres réelles et réalistes et qui juge, au fond, si ces offres sont réelles ou réalistes? Qui tranche, au fond? Parce que vous impliquez, quand vous dites notamment «réalistes», qu'il y a un jugement, là. Qui doit l'exercer et comment? Et ensuite, je voudrais revenir un peu sur la question, quand vous dites: Il faut renvoyer aux communautés, il faut responsabiliser les communautés. Vous questionnez un peu le type de représentation, au fond, qui devrait se faire. Alors, comment est-ce que vous la voyez, cette représentation des communautés, l'imputabilité, au fond, de ces communautés?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, écoutez...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En une minute, M. Norbert.

Mme Simard: En une minute.

M. Rodrigue (Norbert): En une minute.

Mme Simard: Ma question n'était pas longue, pourtant. Ha, ha, ha!

M. Rodrigue (Norbert): Bien, très rapidement, par rapport aux communautés, vous savez, on a, par exemple, regardé les CLE. On assimilait ça un peu aux CLSC, dans notre réseau de la santé et des services sociaux; les CLSC ont des conseils d'administration de citoyens. Les CLE, ça ne nous apparaissait pas être présent, ce facteur-là. Cependant, les centres locaux de développement, me dit-on ce matin, auront un genre de représentation de cette nature-là. Est-ce que ce sera ça? On verra lors du livre blanc qui sera déposé, mais il nous semble que cette responsabilité-là ne peut pas se jouer sans leviers, il faut que la communauté ait des leviers notamment au niveau de la représentation, qu'elle soit présente, etc. Et, en conséquence, on ne voit pas comment on pourrait faire ça sans décentraliser un certain nombre de pouvoirs, de missions, de fonctions.

Alors, au niveau des communautés, quand on parle de la décentralisation, nous, on pense qu'il faudrait s'attaquer à cette question-là plus sérieusement que ce qu'on a devant nous encore, malgré les efforts. La décentralisation, il n'y a pas eu de réponse à la commission Bélanger-Campeau quant à la réaction des régions; il n'y a pas eu de réponse totale de la part du gouvernement jusqu'à maintenant par rapport à cette demande régionale. On pense qu'il faut s'y attarder et aller plus loin dans cette question-là. De là, pour nous, la capacité des communautés de se responsabiliser et d'être capables d'avoir des leviers et d'être capables de prendre ces responsabilités-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission. Peut-être sur la même lignée, plusieurs groupes, depuis le début de la commission, nous ont dit comme vous que c'est vrai, qu'il fallait faire mieux, mais qu'il y avait un gros point d'interrogation avec toutes les coupures, les compressions qui ont été annoncées pour 1997-1998, 200 000 000 $, la loi n° 115, qui a déjà appauvri beaucoup les prestataires de l'aide sociale. Plusieurs groupes nous ont dit que, dans le contexte économique, c'était peu réaliste de penser que si le gouvernement n'investissait pas de l'argent neuf au niveau des ressources financières et au niveau aussi des ressources humaines... On sait déjà, dans les CTQ, que les agents sont débordés, qu'ils consacrent seulement 15 % de leur temps pour le développement de l'employabilité. Alors, avec la proposition gouvernementale, si on ne fait pas un ajout important d'agents qui vont être vraiment formés pour être de vrais conseillers en emploi, plusieurs groupes nous ont dit que le gouvernement se tirait dans le pied, finalement, s'il n'était pas capable d'investir de l'argent neuf dans sa réforme.

J'aimerais aussi peut-être, dans le même souffle, vous parler de l'obligation avec pénalité. Il est vrai que dans le régime actuel et avant il y avait pénalité pour refus d'emploi. Le gouvernement en place a ouvert la brèche avec les mesures d'employabilité, avec le programme AGIR, où on pénalise maintenant les gens qui refusent d'aller sur AGIR. Dans le livre vert, on va plus loin parce qu'on s'attaque au barème de base. Les pénalités vont aller aussi, en refus de parcours, peuvent aller briser finalement le filet de sécurité sociale. Il y a un groupe qui nous disait, la semaine dernière, qu'un jeune pourrait se retrouver, avec le maintien de la coupure du partage du logement, plus les pénalités, pourrait se retrouver peut-être avec 100 $ dans ses poches. Alors, j'aimerais vous entendre.

Et il y a aussi le Conseil québécois de la recherche sociale. Ce sont des experts, des chercheurs experts qui nous ont dit qu'il y a plusieurs travaux qui ont été effectués en Europe et en Amérique du Nord. On dit que c'est au niveau de la participation volontaire qu'il faut vraiment une réforme, où vraiment de développement de l'employabilité, l'insertion se font et non pas avec des mesures coercitives. J'aimerais vous entendre sur tout ce beau volet.

M. Rodrigue (Norbert): Oui. M. le Président, dans un premier temps, je voudrais dire que le travail que nous avons fait, l'avis que nous avons remis au ministre de la Santé et qui a servi pour les fins de ce matin aussi, on l'aurait fait indépendamment des compressions budgétaires. On aurait fait cet effort-là même s'il n'y avait pas eu de coupures, parce qu'on pense que nos institutions doivent être revues, changées et réformées.

Sur la question des niveaux de prestation, je serais menteur de vous dire qu'on s'est penché, à l'occasion de ce travail-là, sur cette analyse-là, on ne l'a pas regardée formellement. Notre préoccupation s'est centrée sur les leviers, sur les institutions publiques, sur la réorganisation de ces institutions publiques, à savoir quels objectifs on pourrait atteindre en termes d'efficacité supplémentaire.

Quant à l'obligation de participation, tout à l'heure, je faisais la distinction. Pour nous, obligation n'égale pas nécessairement pénalité. Dans l'obligation, les parcours offerts, les individus doivent avoir le choix ou le libre choix de choisir leur parcours dans les parcours qui leur sont offerts. Mais, c'est une question que je vous retournerais, à tout le monde: Qui, en dehors de moi, n'a pas une idée sur ce que valent 500 $ par mois dans la conjoncture actuelle? Je vous fais confiance là-dessus. Je présume que vous savez ce que ça signifie 500 $ par mois pour vivre. Dans ce sens-là, je ne me ferai pas le pontife qui vient dire que c'est assez ou ce n'est pas assez. On n'a pas regardé finement cette question-là.

M. Laplante (Éric): Si je peux me permettre un ajout de réponse sur la question, le pari qu'on fait, le pari que le Conseil fait à l'égard du réseau Travail-Québec – plusieurs milliers d'employés, dans la proposition dont il est question, il est question de fusionner des réseaux d'employés notamment – le pari qu'on fait, c'est qu'en allégeant les structures de barème, la multiplicité des barèmes, en faisant en sorte que les agents consacrent beaucoup plus de temps à la question de l'emploi et du développement de la main-d'oeuvre qu'à des questions d'aide financière et de contrôle, le pari est que, déjà là, ça va simplifier leur tâche et ça va leur donner la chance de s'occuper vraiment de la réinsertion, de la formation et du développement de l'employabilité de leur clientèle. Donc, le premier pari, il est là.

(11 heures)

Sauf qu'à travers le parcours qu'on a fait, on a rencontré plusieurs directeurs de CTQ. Je me souviens d'un après-midi qu'on a passé, entre autres, avec une douzaine d'entre eux. Le commentaire est très éloquent. Ce qu'ils nous disent, c'est: Écoutez, laissez-nous tranquilles. On est capables de faire preuve d'initiative. On fait preuve de débrouillardise, mais on est obligé de le faire de façon délinquante parce qu'on a une batterie de mesures, de normes, de programmes. Tout est normé. Les règles administratives nous étouffent. Alors, le commentaire, c'est: Lorsque le ministère nous laisse de la marge de manoeuvre, on réussit à faire des choses qui sont fort belles et, bon, on réussit à faire des choses intelligentes. Puis les exemples qu'ils nous fournissent sont très concrets. Souvent, ils parlent de programmes qui ont émané de la base, qu'eux ont créés et que le ministère a ramassés parce qu'il les trouvait fort intéressants. Le ministère les a dénaturés, les a assortis de règles administratives, de barèmes, de ci, de ça et les a pitchés mur à mur à la grandeur du Québec, tant et si bien que les programmes ne servent plus à rien.

Alors, le commentaire qu'on vous fait, le commentaire que le Conseil fait, c'est: Décentralisez, donnez-leur de l'autonomie dans la conception des programmes, dans la gestion financière des programmes, laissez-leur définir les programmes à leur clientèle, parce que le commentaire, c'est qu'on pense que c'est eux qui sont le mieux placés pour le faire. Alors, si on fait ce pari-là et qu'on joint à ça des allégements de mesures de manière à ce qu'il y ait moins d'attention portée – comme vous le dites, 85 % est consacré à l'aide financière plutôt que 15 % à l'employabilité, formation et intégration d'emplois – le commentaire, c'est qu'on va leur donner de la marge de manoeuvre pour faire ce qu'ils ont à faire.

Mme Loiselle: Dans le livre vert... Parce que, bon, on fait une réforme, on parle beaucoup de structures, mais là les gens qui sont touchés par ça, c'est des gens en chair et en os. Dans la réforme, il y a énormément de mesures appauvrissantes pour ces gens-là. On sait déjà que, depuis 18 mois, il y a eu toute la loi n° 115 qui a appauvri énormément les prestataires de l'aide sociale, et actuellement il y a des mesures dans ce qui nous est proposé par le gouvernement... Au niveau des gens qui ont 55 ans, 59 ans, qui perdent leur emploi, qui vont à l'aide sociale, on leur dit qu'il y a des possibilités, pour ces gens-là, de se réintégrer sur le marché du travail – ce que, moi, je trouve, il est tout à fait utopique de penser – que c'est possible pour eux de se réintégrer. Alors, comme ils sont capables de se réintégrer sur le marché du travail à leur âge, on leur enlève le barème de non-disponibilité, on les coupe de 100 $. Pour les mères de familles monoparentales aussi, il y a une coupure de 100 $. On leur enlève le barème de non-disponibilité. On diminue l'allocation au logement, mais on maintient la coupure pour le partage du logement.

Alors, il y a plein de mesures appauvrissantes dans ce livre vert là, et, vu que vous ne avez pas beaucoup abordé l'aspect des mesures appauvrissantes qu'on retrouve dans le livre vert, j'aimerais vous entendre sur ça ce matin.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, comme je vous le disais tout à l'heure, effectivement, on ne l'a pas, à cette occasion-là, regardé. Deuxièmement, si on fait un appel au réalisme ce matin, ce n'est pas pour rien non plus. On sait la masse d'êtres humains qui est concernée par l'exclusion, par l'assistance de dernier recours, etc. On pense qu'il faut être réaliste dans cette démarche-là et faire en sorte qu'on puisse fournir des réponses efficaces, et c'est pourquoi on va continuer d'insister sur l'objet qui, pour nous, est fondamental, qui est celui de l'aménagement de nos institutions publiques pour rencontrer nos obligations comme État. La vraie job, c'est d'offrir des jobs, n'est-ce-pas? La vraie job, c'est de préparer les gens à occuper des jobs.

Alors, dans ce sens-là, on pourrait discuter longuement, ce matin, d'un certain nombre de questions spécifiques, mais, nous, on ne les a pas regardées puis, deuxièmement, on pense que ça serait inefficace. On s'y attardera, bien sûr, comme citoyens, comme organisme public, quand ça viendra devant nous à travers nos autres préoccupations, mais c'est clair et net que notre préoccupation puis notre prétention, c'est qu'il faut absolument s'attaquer à la démocratisation puis à la décentralisation. Sans ça, les communautés ne fonctionneront pas. Éric, peut-être?

M. Laplante (Éric): Madame, si je peux me permettre, pour reprendre un autre élément de votre question de tantôt sur la question des obligations puis des pénalités – puis je fais un peu du pouce sur le commentaire de Norbert là-dessus – je pense qu'il est grand temps qu'on... ce qu'on a fait comme parcours, c'est qu'on constate qu'on tient les individus responsables largement de leur réinsertion, mais pourtant il y a des causes sociétales de leur exclusion auxquelles on s'attarde peu. Le commentaire, c'est ça. Alors, on a, jusqu'à maintenant, la réforme Axworthy. Il y a plusieurs exemples qui nous disent que tout le concept d'employabilité fait porter sur les individus une large part de la responsabilité de leur exclusion en passant vite sous silence la question des causes sociétales. Ce qu'on vous dit, c'est: Écoutez, il y a des obligations collectives. Le collectif doit se soucier de faire sa part pour répondre aux causes sociétales de l'exclusion. Donc, ce qu'on vous dit, c'est: Il y a des obligations individuelles et il y a également des obligations collectives, et les deux se renvoient dans une relation réciproque. C'est ça qu'on vous dit. Et ce qu'on dit, c'est que le principal problème, ce qu'on a constaté dans le parcours, c'est que les programmes étaient largement inefficaces et qu'en plus c'était démoralisant, démobilisant, avec des effets secondaires.

Alors, la difficulté, la première difficulté, c'est d'offrir quelque chose qui va être réel parce que ça va répondre à des objectifs de résultat, donc ça va répondre à des promesses. Plutôt que d'avoir des programmes qui ne livrent pas la marchandise promise, on veut des programmes qui répondent, qui sont efficaces. Donc, le réel, il tient... c'est un commentaire sur l'efficacité. Le réalisme, c'est un commentaire sur l'adéquation des programmes face à la situation des personnes. Donc, le réel et le réalisme, c'est ça que ça veut dire. Mais le défi, il est là. Il est là, le défi. Il n'est pas sur la question de faire des pénalités. Le commentaire qu'on fait, c'est que, lorsque les gens se seront vu offrir quelque chose qui est raisonnable comme parcours, on présume que les gens vont le prendre. Ils vont choisir, faire un choix à travers ce qu'on leur offre de raisonnable et ils vont choisir. Donc, ils vont vouloir se réinsérer. La question des pénalités est une question subsidiaire.

M. Rodrigue (Norbert): Mais on fait le débat comme si personne n'était responsable dans cette société-là. Des fois, je me dis: Ils «sont-u» en train de me convaincre que le monde est irresponsable? Je ne pense pas, moi. J'ai connu trop de mères de familles monoparentales et avec toutes les autres conditions à qui on a dit: Jusqu'à l'âge de sept ans de votre enfant, vous pouvez rester à la maison, et qui ne voulaient pas rester à la maison. J'en ai trop connu. Comme j'ai trop connu de monde de 55 ans à qui on a dit: Ne vous inquiétez pas, on ne s'occupera pas de vous, là, d'une manière particulière puis on ne vous demandera pas grand-chose, considérant le fait ou presque en disant: Vous n'êtes plus capables. Le monde n'est pas responsable dans cette société-là. Ils sont assez responsables pour considérer un certain nombre de choix si on leur offre les choix. Alors, nous autres, on vous dit: Il faut travailler à leur offrir des choses. Si on ne travaille pas à leur offrir des choses, ne demandons pas grand-chose, parce qu'on n'atteindra pas nos objectifs et on va les enrayer dans une situation de découragement. C'est tout.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin. Je m'excuse, allez-y.

M. Boisjoli (Guy): Je voulais juste faire un commentaire pour essayer d'imager. Moi, je résume ça: aider ou punir. Je pense qu'il faut d'abord développer l'aider. Le punir, il viendra toujours assez vite. Et c'est pour ça que, actuellement, au niveau société, les gens se sont accrochés à tout ce qui est l'aspect punition là-dedans. Je pense que l'effort collectif qui doit être fait, c'est d'organiser de l'aide, des nouvelles solidarités, démocratiser, etc. Mettons la pédale douce sur le punir. Pas trop vite. Même s'il y a des brèches, allons-y tout doucement. Donnons-nous la chance que tous les systèmes d'aide qu'on peut mettre en place fassent leurs preuves, qu'on responsabilise les collectivités, etc. Poussons un petit peu plus tard le punir. Ce n'est pas comme ça qu'on motive ou qu'on mobilise des gens à prendre des responsabilités. Ça fait des années qu'on a des systèmes de services qui responsabilisent les gens, et là on essaie de renverser la vapeur. Alors, il ne faut pas punir trop vite. Moi, je pense qu'il faut centrer tous les efforts sur s'aider mutuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci. Merci à vous, M. le président et à toute votre équipe. Je pense que, tous ensemble, vous avez une expérience qu'il nous plaît toujours de partager en commission parlementaire sur de nombreux sujets. En parcourant le mémoire, je remarque que vous insistez quand même de façon importante sur les institutions publiques. Vous avez commencé à répondre un peu, et j'aimerais que vous alliez un peu plus loin. Et, à titre indicatif, à la page 2, d'abord, vous mentionnez: «C'est en quelque sorte comme si la responsabilité des institutions publiques à l'égard des exclus était diffuse, tout à la fois présente pour chacune d'entre elles, mais assumée pleinement par aucune.» Je pense que c'est un jugement qui est sévère. Et, un peu plus loin, vous faites le lien avec l'imputabilité: «Leurs instances régionales et locales sont imputables avant tout à leur hiérarchie plutôt qu'à la population qu'elles desservent.»

Alors, pour cette première partie, la question sera: Que voulez-vous dire par «ne prennent par leurs responsabilités» puis comment vous voyez l'imputabilité?

(11 h 10)

Et, un peu plus loin, toujours sur l'institution publique, vous dites: C'est votre premier impératif de donner une cohérence aux institutions publiques qui interviennent auprès de la main-d'oeuvre. Et vous dites que ça implique par ailleurs d'en réduire le nombre – j'aimerais savoir quelles sont les institutions qu'on pourrait réduire si vous voulez nous le dire – et de leur donner une place et un rôle cohérents sur l'échiquier des institutions publiques présentes sur le territoire. Ça veut donc dire que, actuellement, il y a des institutions qui ont un rôle qui n'est pas cohérent, comme vous le pensez. Je sais, M. le président, que vous avez une expérience des institutions publiques, et la question que je vous demanderais, c'est: Allez jusqu'au bout de votre message et faites-nous partager votre connaissance profonde de ces institutions-là.

M. Rodrigue (Norbert): Je vais demander à M. Laplante d'amorcer la réponse.

M. Laplante (Éric): Je peux en faire un bout sur la trame de fond, là. Le diagnostic qu'on pose à l'égard de l'État, c'est qu'il y a plusieurs partenaires institutionnels, mais que, dans les faits, l'État, ça n'est personne parce qu'on a comme réussi à désincarner l'État. Puis c'est un commentaire, je pense, qu'on fait... On le fait dans le moment à l'égard du développement de la main-d'oeuvre et du développement de l'emploi, mais je pense que ça excède largement cette question-là.

Je pense que la question du travail au noir est une belle illustration du fait que, dans les faits, les gens ont le sentiment que, en fraudant l'État, l'État c'est personne, parce que l'État, c'est une tierce partie qui n'est ni vous, ni moi, ni personne. Alors, on a réussi à désincarner l'État, et le commentaire qu'on fait concernant le développement de la main-d'oeuvre, c'est celui-là, c'est-à-dire que, concrètement, ce que ça veut dire, c'est qu'on constate que l'État, souvent les institutions publiques, se sont contentés d'objectifs de processus et non pas d'objectifs de résultat.

Et, quand on parle d'assumer pleinement une responsabilité, quand on parle de s'assumer, ça veut dire un objectif de résultat. Quand il était question, par exemple, de CFER avec Normand Maurice dans la région de Victoriaville... On a entendu M. Maurice dans des conférences à plusieurs reprises. Quand il parle de ces jeunes à réinsérer, il ne se satisfait pas, lui, d'un objectif de processus en disant: Bien, écoutez, on a essayé, mais on n'a pas été capable. Excusez-nous, ça n'a pas marché. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Alors, le commentaire qu'on fait, c'est que s'assumer, pour nous, ça veut dire des objectifs de résultat, pas juste s'excuser pour dire: On a essayé, mais ça n'a pas marché.

Donc, le commentaire, le diagnostic qu'on fait, c'est celui-là, que l'État est désincarné dans le secteur du développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi, et la solution qu'on vous propose, on dit: La seule manière de réincarner l'État, c'est de faire en sorte qu'on donne un visage humain à l'État, qu'on redescende l'État au niveau des collectivités, que les gens puissent se regrouper. L'État, c'est le monde. Alors, le commentaire qu'on fait sur ça, c'est ça.

M. Rodrigue (Norbert): Et j'ajouterais, si vous me permettez, que ça ne signifie aucunement ratatiner l'État. L'État continue d'avoir des responsabilités majeures en termes d'équité au plan social, au plan du développement général, mais, cependant, on pense que, quand on regarde diverses dimensions, on est intervenu sur la fiscalité pour dire: Il y a un gros problème de perception sur la fiscalité parce que les gens ne comprennent pas puis les gens ne sont pas mis à contribution, ne sont pas suffisamment informés. Dans d'autres secteurs, c'est la même chose. Alors, on dit: Il faut redonner aux gens une certaine maîtrise et une capacité d'agir sur nos institutions. Vous le savez, j'ai été un centralisateur pendant 30 ans. Je plaide maintenant pour la décentralisation parce que je pense que c'est une des réponses – après avoir centralisé l'ensemble de ce qu'on a fait – que notre société peut se donner collectivement pour répondre à un certain nombre de phénomènes qui, je dirais, nous conditionnent énormément, y compris la mondialisation. Or, si on ne donne pas un peu de maîtrise puis si on ne retourne pas voir le monde à la base tout en faisant l'exercice de conserver nos responsabilités étatiques, bien, je pense qu'on va sortir difficilement de nos problèmes collectifs.

L'autre question, c'est que, dans les institutions, on le sait très bien, il y a une multitude de programmes, une multitude d'institutions. Je ne suis pas le premier à le dire. Quand on regarde les régions puis qu'on veut intervenir sur un aspect ou l'autre, on est obligé de faire de multiples démarches auprès de multiples organismes. Tout ce qu'on dit, c'est: Mettons de l'ordre un peu là-dedans. Puis les perspectives nous semblent aller dans ce sens-là, mais, nous, on pense que ça ne va pas assez loin. Il faut aller plus loin.

Troisièmement, M. le Président, je terminerai en disant que Mme la ministre, tout à l'heure, nous invitait à prendre une initiative relativement à un certain nombre de questions. Nous avons un colloque, qui se tiendra le 10 avril, où nous soumettons au débat notre avis, celui que vous avez invoqué tout à l'heure, à partir de quatre grands questionnements, si ma mémoire est bonne, dont celui de la réciprocité, celui de la consommation, parce qu'on pense qu'il faudrait commencer, peut-être, à regarder cette question de la consommation plutôt que regarder la production du travail au noir. Tu sais, si on travaille au noir, on consomme au noir. Alors, il faut regarder la question de la consommation puis voir comment, encore une fois, nos communautés – parce qu'il y a des expériences dans le monde qui se font – informées, sensibilisées, etc., peut-être qu'elles réagiraient différemment sur le plan de la consommation au noir. Ça nous permettrait peut-être d'avoir plus de prise sur le travail au noir.

L'autre question qu'on soumet au débat, c'est la question du territoire – on pense que c'est très important de discuter de cette question-là – et, bien sûr, comme je l'ai dit, la réciprocité et la démocratisation des processus pour arriver au développement de la main-d'oeuvre, etc. On soumet ces questions-là au débat parce que... On ne prétend pas posséder la vérité, nous autres, là. On a fait un effort, on a essayé d'être utiles. On va continuer d'essayer, mais, si on s'est trompé, on va se réajuster. Mais le débat va nous le dire. Moi, je suis un amoureux du débat parce que c'est la seule solution dans une société démocratique de s'en sortir puis de trouver un certain nombre de réponses.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il vous reste une minute: question et réponse.

M. Copeman: Vous avez parlé de la cohérence et de l'harmonisation, et je pense que c'est un élément clé dans toute la discussion qu'on a. Moi, je dois avouer, après avoir entendu la ministre puis après avoir lu certaines informations en provenance du cabinet du ministre responsable du Développement régional – on a, semble-t-il, un guichet unique qui est devenu deux guichets uniques: les CLE, les CLD. On a la possibilité des CRD qui existe toujours, les carrefours jeunesse-emploi, les CDEC. Il commence à y avoir pas mal de guichets uniques – que j'ai hâte de voir comment la ministre va réconcilier tout ça. Partant de un dans son livre vert, rendu avec quatre, cinq, peut-être qu'on va parler de fusionnements, etc.

Juste peut-être un bref commentaire de votre part. Dans le livre vert, on parle du Conseil local des partenaires dont le rôle, et je cite: Ils doivent élaborer un plan local d'action concerté pour l'emploi. Ça, c'est le mot à mot dans le livre vert. Mot à mot dans un communiqué de presse de la ministre de l'Emploi du 17 janvier: C'est le rôle du CLD d'élaborer un plan local de développement. Là, on a un conseil local des partenaires qui va élaborer un plan local d'action concerté pour l'emploi et on a un CLD qui va élaborer un plan local de développement de l'économie et de l'emploi. En tout cas, si on pense que ça, c'est de l'harmonisation puis de la cohérence, moi, je suis mêlé un peu.

M. Rodrigue (Norbert): Ce qu'on dit, nous autres, c'est: Harmonisez le plus possible. Et, avec le livre blanc, on va revenir s'il le faut pour répéter l'appel, parce qu'on va voir ce qu'il contient exactement. Mais on pense que c'est effectivement une question importante. Harmoniser nos interventions, c'est majeur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): MM. Rodrigue, Boisjoli, Laplante, je vous remercie beaucoup pour votre présentation et la préparation de votre mémoire.

J'invite maintenant les représentantes et représentants de la Société de Saint-Vincent-de-Paul à prendre place.

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous invite, M. Boyer, à présenter les gens qui vous accompagnent. Vous pouvez venir à la table, mesdames, hein? Je sais que vous accompagnez votre président. Alors, c'est toujours agréable de sentir un bon moral alentour de soi. M. Boyer, vous pouvez commencer, et présenter les gens qui vous accompagnent, et présenter votre mémoire.


Société de Saint-Vincent-de-Paul

M. Boyer (André): Alors, à côté de moi, à gauche, il y a Mme Pierrette Moisan, qui est présidente du conseil central du Grand Montréal de la Société de Saint-Vincent-de-Paul; à ma droite, M. Arthur Gagnon, qui est président du conseil central de la Société de Saint-Vincent-de-Paul à Chicoutimi et qui a été, en particulier, un des piliers de l'opération Solidarité Saguenay cet été; et également Mme Legros et Mme Lachance, qui sont travailleuses sociales à la permanence, à la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal.

Je ne vous ferai pas la lecture au complet du mémoire parce que j'ai des petits problèmes de gorge ce matin et que j'ai l'impression que je ne me rendrai pas à la fin, mais je présume que vous l'avez lu. Alors, c'est évident qu'on assiste à une érosion continue des mesures de soutien financier aux plus démunis qui est associée au rétrécissement des programmes sociaux et qui entraîne une recours croissant à l'aide vers le dépannage alimentaire pour les moindres dépenses imprévues ou additionnelles auxquelles les gens doivent faire face.

La Société de Saint-Vincent-de-Paul est confrontée quotidiennement à ces réalités-là, et le mémoire est très pragmatique, très pratico-pratique. Il a voulu aller dans le sens des réalités que l'on côtoie quotidiennement. Le moindrement qu'il arrive un débalancement dans le chauffage en hiver, dans la rentrée scolaire des enfants, quand il y a un frigo qui rend l'âme en pleine saison estivale ou qu'il y a un décès d'un proche et que ça nécessite des déplacements, la moindre activité parascolaire fait en sorte que le maigre budget que les gens ont se retrouve dans un état encore amoindri et qu'on doit faire appel à des organismes comme la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

(11 h 20)

On retrouve également – et vous retrouvez cela dans le mémoire – des nouveaux pauvres. Vous l'avez probablement entendu à la commission, ce qui est plus l'effet du système que des décisions des individus. Je pense, on l'a dit tantôt, que les personnes, foncièrement, veulent travailler. Le problème, c'est qu'il n'y a pas nécessairement d'emplois pour tous, et, lorsqu'on ferme une usine et qu'on a 45 ans ou 50 ans, ce n'est pas évident qu'on va se retrouver un emploi la semaine suivante. On va parler un petit peu plus loin des gens qui ont 55 ans et plus. Il faut se demander jusqu'à quel point c'est réaliste que ces personnes-là retrouvent du travail. Sans les exclure, il va falloir trouver des formules pour les amener à se valoriser peut-être autrement qu'uniquement en les pénalisant en allant devoir se chercher un emploi. La valorisation, ça semble devenir quelque chose qui prend beaucoup d'ampleur, et c'est excellent, mais on assiste aussi à un accroissement du travail à temps partiel, ce qui fait en sorte que les personnes s'appauvrissent encore là.

Trop souvent, pour les personnes qui se retrouvent tributaires de la sécurité du revenu, on assiste à un phénomène des portes tournantes. Les gens se renvoient leur impuissance, en particulier les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Et, pour être associé intimement à un CLSC, je peux vous dire qu'un des types importants d'intervention, surtout pour ce qui touche le domaine socioéconomique dans la grande région de Montréal, c'est l'activité de référence. Alors, ce qui fait en sorte qu'on réfère quelqu'un ailleurs, ailleurs on le réfère au CLSC, puis c'est le principe de la porte tournante.

Avoir accès à l'aide sociale ou à la sécurité du revenu, c'est complexe, c'est difficile, c'est souvent lent et, en particulier, je l'ai dit tantôt, pour les personnes qui ont des difficultés de santé mentale, qui sont passablement mal desservies. Les plans de service individualisés, les PSI, ce n'est pas encore une réalité. C'est difficile et c'est lent, et on a reconnu que, pour la santé mentale, il y a un préalable important de cause à effet entre la pauvreté socioéconomique et les risques de développer des problèmes de santé mentale.

La réforme, en quelque part, est importante et, je pense, reconnaît le fait qu'être pauvre et tributaire de la sécurité du revenu dans le contexte actuel de sous-emploi n'a rien de honteux, et ça, c'est heureux. Et favoriser toute initiative visant la solidarité, l'entraide et le partage, c'est ce qu'on souhaite le plus à la Société de Saint-Vincent-de-Paul, mais on a aussi l'impression parfois que certains programmes et certaines mesures visent davantage à rendre moins visible la pauvreté qu'à l'enrayer véritablement.

Alors, je vais faire rapidement le tour du mémoire que nous avons présenté. Dans l'introduction, vous avez l'idée qu'une personne assistée sociale, comme je le disais tantôt, doit sabrer dans les maigres budgets de nourriture pour payer ses médicaments, et c'est un problème, je pense, que M. Gagnon connaît bien et dont il pourrait vous parler tantôt. Et, comme je le disais aussi, on veut vous présenter là-dedans des situations vécues et présenter un certain nombre d'impacts que pourrait avoir la réforme sur les personnes assistées sociales et on y viendra avec quelques propositions.

Les gens qui se sont adressés à la Société de Saint-Vincent-de-Paul, en 1995-1996, 90 % bénéficiaient de la sécurité du revenu. C'est donc dire qu'on a l'occasion de les rencontrer et d'entendre les difficultés qu'ils vivent. On vous souligne aussi que, en plus de la réalité de la personne qui est mère de famille et chef monoparentale, le conjoint, quand il y en a un, se sent souvent méprisé et traité de père indigne dans son milieu parce qu'il ne parvient pas à bien remplir son rôle de pourvoyeur. On assiste aussi à une détresse psychologique importante et on sait très bien que la misère ne favorise pas l'épanouissement personnel et l'harmonie familiale et, dans le cadre des politiques santé et bien-être, on en faisait justement état de ces questions de pauvreté.

On est aussi confronté régulièrement à des nouveaux pauvres qui viennent s'adresser à nous, à la Société de Saint-Vincent-de-Paul, qui en prennent un coup dans leur dignité et qui sont mis au rancart trop rapidement. Et, comme je le disais tantôt, je pense que les bénéficiaires ne cherchent pas uniquement une aide matérielle ou alimentaire mais ont souvent besoin davantage qu'on leur fasse confiance, qu'on les responsabilise et qu'on croie en leurs capacités de réorganisation personnelle et de retourner sur le marché du travail.

La Société offre aux personnes avec lesquelles on est en contact divers services, et je pense qu'il y aurait lieu qu'on puisse, dans un effort de partenariat, travailler encore davantage en collaboration à l'élaboration de plans de travail dans une politique active de travail, justement. On a énuméré un certain nombre de mesures qui – je ne vous reprendrai pas – sont à l'exemple de cas concrets, de situations qu'on rencontre à tous les jours. Et la seule chose qu'il y a là, c'est que les personnes, ce ne sont pas les personnes réelles, mais on a tout ce qu'il faut pour supporter les affirmations que l'on mentionne dans ces exemples-là.

On mentionne un petit peu plus loin que le document de consultation nous semble contenir beaucoup de généralités et peu de particularités, et, moi, j'aurais souhaité que ce document-là soit plus dans un ensemble. Quelques semaines après, on a vu que le gouvernement avait déposé un projet de politique familiale. Alors, je pense qu'il y aurait intérêt à ce que ça soit vraiment rassemblé et qu'on essaie de faire un tout dans une réforme importante de la sécurité du revenu et de la sécurité sociale. On souligne que la société québécoise, après les mesures qui ont été mises sur pied, a peut-être besoin d'une réforme sociale uniformisée plutôt que parcellisée.

On l'a mentionné aussi tantôt – nos prédécesseurs, là, qui ont présenté un mémoire – on souligne que les chômeurs se dévalorisent suite aux innombrables curriculum vitae qui sont envoyés. Je vous donne un exemple. À la Société de Saint-Vincent-de-Paul, on n'a pas beaucoup de permanents, mais, lorsqu'on ouvre un poste, on reçoit 140, 150 candidatures. C'est un poste du réseau du secteur communautaire avec des salaires très faibles et c'est toujours, je pense, le drame de se dire: Qui est-ce qu'on prend dans les 150? Parce que, généralement, les gens sont surqualifiés et très bien formés pour occuper le poste qu'on a à offrir.

Il y a des situations de suicides qui nous préoccupent: la situation dramatique des jeunes, là, qui se sont suicidés il n'y a pas longtemps. Et ce n'est pas seulement dans la région de Coaticook. On sait tous que, à l'intérieur des écoles secondaires particulièrement, c'est un important problème, le fait que les jeunes se suicident, qu'ils n'aient plus d'espoir en la vie.

Et, quand on parle de gens qui travaillent au noir, je pense qu'il faudra trouver des façons d'assouplir les positions entre les patrons et les syndicats. Ce n'est pas tout de le dire, il va falloir que les gens s'assoient à une même table et qu'on trouve des moyens pour faire en sorte que ça ne soit plus intéressant de travailler au noir et qu'on sente qu'il y a vraiment une volonté de part et d'autre.

Finalement, en ce qui concerne l'immigration, la Société de Saint-Vincent-de-Paul pense que la régionalisation de l'immigration ainsi que des services qui y sont reliés, ça pourrait être une excellente chose, puisque nous croyons que, en côtoyant des Québécois et des Québécoises, l'adaptation est beaucoup plus facile.

Ce qui nous apparaît intéressant, c'est le volet ou la démarche mise de l'avant pour porter l'individu au centre de son parcours. Pour contrer la pauvreté, elle nous semble devoir devenir plus simple, concrète et, surtout, de concert avec des organismes communautaires. Il faut faire attention pour ne pas que la responsabilité devienne une responsabilité exclusivement individuelle, mais que ça demeure vraiment une responsabilité collective aussi, puisque l'individu n'a pas à porter seul les situations qui lui arrivent. Et on se demande, en quelque part, comment la sécurité du revenu compte reconnaître les acquis des individus. Il y a des situations où on peut avoir eu des expériences terrain, mais je ne suis pas sûr que, à moins d'une volonté de partenariat entre les syndicats et les employeurs, on puisse faire reconnaître facilement les acquis des individus.

On élabore aussi sur la question des jeunes mères pour qui, souvent, le fait d'avoir des enfants est une valorisation énorme. Et ça va être difficile de faire comprendre à ces femmes que de travailler à l'extérieur les rendra plus utiles socialement et leur apportera une plus grande valorisation.

La Société de Saint-Vincent-de-Paul, aussi, se questionne sur la nécessité du test d'actifs pour l'admissibilité des requérants. Non pas qu'on veuille dire par là qu'il ne faut pas que l'État assume ses responsabilités de vérification et de contrôle – il y a des règles qui doivent être établies pour éviter les abus – mais je pense qu'il faut éviter d'appauvrir davantage les personnes qui se retrouvent devant une détresse personnelle et des sentiments d'incompétence lorsqu'il leur arrive une perte d'emploi. Souvent, les réactions qu'on entend chez quelqu'un qui a perdu son emploi, c'est de nous dire qu'il n'a plus rien, donc qu'il n'est plus rien. Et ça, on l'a entendu souvent.

Et vous avez finalement un certain nombre de propositions que nous soumettons à la ministre pour améliorer la proposition qui est faite, auxquelles s'ajouterait également une proposition pour faire en sorte que les contacts familiaux soient plus réguliers et harmonieux. Donc, quand on versera, par exemple, un support financier aux parents non gardiens, que peut-être il y ait un supplément qui soit consenti au parent qui, à l'occasion, garde l'enfant une fin de semaine sur deux, ou des choses comme ça, pour ne pas qu'il se retrouve dans une situation difficile face à l'enfant qu'il doit garder parce qu'il n'a pas de moyens supplémentaires.

Et on avait aussi une mécanique qui nous permettait, nous, à la Société de Saint-Vincent-de-Paul, comme bénévoles, de pouvoir vérifier rapidement la preuve de résidence, et il y a des eu changements là-dedans, et on pense que, dans une optique de partenariat entre les parties concernées, le système devrait être réinstauré et que l'adresse des bénéficiaires devrait à nouveau apparaître sur le carnet de réclamations. Alors, voilà, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Peut-être que mes collègues, s'ils veulent ajouter des choses...

(11 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, M. Boyer. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Boyer et les personnes qui vous accompagnent. Je comprends que Mme Moisan est des nôtres ce matin. C'est bien le cas?

Mme Moisan (Pierrette): Oui.

Mme Harel: M. Gagnon, de Chicoutimi, Mme Lachance et Mme Stéphanie Courcy-Legros. Est-ce que je dois comprendre que la réflexion de Mme Moisan fait partie de votre mémoire également?

M. Boyer (André): Oui.

Mme Harel: Bon.

Mme Moisan (Pierrette): Ça en fait partie, oui.

Mme Harel: D'accord. Bien, je reviendrai sur ça. Alors, votre mémoire nous indique la connaissance que vous avez de la situation de dénuement d'un bon nombre de nos concitoyens. Peut-être, avant d'aborder des questions de fond, aller rapidement sur certaines modalités. Notamment sur la question du dépôt direct, je dois vous indiquer que tous les prestataires ont reçu un feuillet leur rappelant que le dépôt direct du chèque est une mesure volontaire, qu'ils peuvent y mettre fin en tout temps et qu'il ne doit y avoir aucune obligation jusqu'à la veille. Alors, jusqu'à la veille même du dépôt, ils peuvent simplement aviser leur institution bancaire.

Au total, on a eu six plaintes, et vous savez sûrement qu'on a immédiatement contacté le regroupement – comment ça s'appelle? – des institutions financières qui regroupe les banques pour leur dire que, s'il n'y avait pas une directive claire qui était émise, on pouvait remettre en question. Mais, sans doute, êtes-vous informés que, pour bon nombre de prestataires, c'est là un grand soulagement, le dépôt direct. C'est accueilli avec beaucoup de satisfaction. Moi, je reçois des lettres émouvantes de gens qui disent: Enfin, je n'ai plus besoin de me mettre en file pendant des heures de temps avec une étiquette dans le front d'assisté, et qui l'apprécient énormément.

Sur la question du test d'actifs. Le test d'actifs, présentement, c'est qu'il exige une exemption de 60 000 $, c'est-à-dire que le test d'actifs, pour une propriété, par exemple, ça exempte les premiers 60 000 $. C'est un montant qui est resté le même depuis des années. La question est certainement de savoir si ce montant doit être indexé, et mes collègues et moi avons convenu, à la fin des travaux de notre commission parlementaire, de faire rapport sur les questions qui nous sembleront devoir obtenir des modifications, et, définitivement, la question des tests d'actifs en sera une de même que celle du parcours, qui reste théorique, hein, parce que vous savez que le parcours d'insertion débute avec les 18-24 ans et que, progressivement, il est prévu de le mettre en place. Mais, même si c'est une question théorique, comme elle peut inquiéter, je pense qu'il faut quand même l'examiner, et notre intention est d'examiner de près cette question des 55-59 ans pour éventuellement envisager qu'ils puissent être, si vous voulez, inscrits dans l'allocation dite des aînés, la nouvelle proposition qui va permettre à la Régie des rentes d'administrer la prestation pour enfants, l'allocation d'invalidité et l'allocation des aînés.

Alors, vous avez bien compris – en tout cas dans le mémoire – que le projet de fond, c'est d'ouvrir un nouveau régime qui s'appelle l'assistance-chômage, hein? Et vous avez, je pense, aux pages 19 et 20, applaudi à la démarginalisation – c'est le mot que vous utilisez – des assistés sociaux. Cependant, vous avez aussi diverses recommandations sur la formation des agents aux pages 20 et 21. Ça vous semble une formule intéressante, valable, dites-vous, que celle du plan local d'action pour l'emploi, du Conseil des partenaires et du CLE. Vous y étiez au moment où on en discutait avec le groupe qui vous a précédés.

Alors, je voudrais peut-être avec vous plus élaborer sur la question, d'abord, des parcours pour les chefs de familles monoparentales et puis sur votre réflexion, Mme la présidente. En même temps, votre réflexion, on dirait qu'il y a une chose et son contraire dedans. Vous nous rappelez ce qu'on se dit souvent, que c'est un problème mondial et que, en même temps qu'il est mondial, il ne doit pas appeler à de la résignation parce qu'entre-temps on se croise les bras. Et j'ai pensé vous demander tout de suite: Est-ce que c'est un revenu minimum garanti que vous recommandez?

Mme Moisan (Pierrette): Pas du tout. Mais, moi, je trouve que parfois, lorsqu'on offre des emplois aux personnes bénéficiaires de la sécurité du revenu, elles sont perdantes. Le revenu, le salaire est tellement bas qu'elles sont perdantes parce qu'elles perdent soit leur carte-maladie ou certains bénéfices. Alors, moi, j'aimerais qu'au moins ce soit un emploi qui soit convenable et qu'elles puissent vivre. Je ne demande pas un salaire énorme, mais quand même pas un salaire tellement minime que ça les encourage à demeurer bénéficiaires de la sécurité du revenu.

Mme Harel: Je suis contente de votre réponse, Mme Moisan, parce que ce que vous nous dites, finalement, c'est la question suivante. Vous savez que le salaire minimum a été haussé en deux ans de 0,65 $: première hausse de 0,40 $ et deuxième de 0,25 $. Vous savez toutes les réactions que ça a provoqué, mais il faut maintenir cette hausse. Mais on sait en même temps que cette hausse ne peut pas être à un niveau tel qu'elle va même diminuer, finalement, l'emploi. Il faut qu'il y ait un seuil d'équilibre. Mais, en même temps, dans votre mémoire, vous cherchiez – vous nous y invitiez d'ailleurs – à dire à quel point ce n'est pas en pièces détachées. Vous cherchez une réforme en profondeur, orchestrée plutôt qu'en pièces détachées. Si vous cherchez le fil conducteur, il est là. Il est là, Mme Moisan. Il est dans le fait que l'on ne s'appauvrisse plus quand on va travailler. Et qu'on ne s'appauvrisse plus parce que, dorénavant, quand on est travailleur, comme... Vous avez dû, comme moi, rencontrer des gens qui vous disaient à un moment donné: Mon enfant est malade, je n'ai plus les moyens de travailler. Il faut que je me mette sur l'aide sociale pour avoir la protection des médicaments. Là, maintenant, des travailleurs, travailleuses, même à faibles revenus ne perdent plus comme avant, notamment les parents qui allaient appauvrir... Les parents appauvrissaient littéralement leur enfant en allant travailler. Quel système! Vous vous imaginez. Un système qui est conçu pour donner comme résultat que des parents appauvrissent les enfants quand ils vont travailler.

Alors, qu'est-ce qui est en place présentement? Vous en voyez finalement des grands morceaux: l'assurance-médicaments; vous allez avoir la politique d'habitation qui va être annoncée par mon collègue le ministre des Finances; et vous avez également celle qui est annoncée par Mme Marois et qui va permettre de garder la couverture des besoins essentiels des enfants même en travaillant, ce qu'on a actuellement juste si on ne travaille pas et si on est sur l'aide sociale. Et j'ai trouvé ça très difficile dans votre mémoire, dans votre réflexion à vous, à la page 2, quand vous dites: Pourquoi encourager nos jeunes à étudier puisque, en bout de ligne, ils ne trouveront pas d'emploi dans le domaine choisi? C'est effrayant d'écrire une affaire comme ça, Mme Moisan. L'espérance d'emploi, c'est comme l'espérance de vie, ça. Plus on est qualifié et puis plus on a des chances, justement, de passer à travers. Penser que les jeunes peuvent arrêter et décrocher avec un secondaire I ou II, avez-vous idée du sort qu'ils vont se construire?

(11 h 40)

Mme Moisan (Pierrette): Oui, je le sais, mais je sais aussi pertinemment et je connais des universitaires qui se cherchent des emplois et qui n'en trouvent pas dans leur domaine, et ça, c'est difficile, je peux vous le dire. Quand vous avez deux bacs puis que vous ne vous trouvez pas un emploi, et que vous en êtes rendu à vous trouver un emploi dans des compagnies comme Rona ou des choses comme ça, ce n'est pas ça que vous vouliez au départ.

Mme Harel: Mais il faut faire attention, Mme Moisan, parce que, en même temps, ce qu'il faut dire à nos jeunes quand ils veulent un emploi c'est que c'est bien plus certain d'en trouver dans une technique de cégep ou dans un bon métier du secondaire que dans une formation générale universitaire. Alors, ils ont bien le droit de choisir d'aller dans une formation générale universitaire, mais la preuve est faite qu'avec une technique collégiale il y a bien plus de garanties d'emploi. Et imaginez qu'on est dans une société, en plus, où, contrairement à tous les autres pays industrialisés, il y a une diplomation pour le métier... Je regardais les chiffres dernièrement: 38 % des jeunes dans tous les pays industrialisés – c'est une moyenne – sortent avec un diplôme de métier. Nous, c'était 2,5 % l'an passé puis c'était pire l'année d'avant. Avez-vous idée du rattrapage qu'il faut faire? Mais ce n'est pas en disant aux jeunes qu'il faut qu'ils arrêtent d'étudier.

Mme Moisan (Pierrette): Non, ce n'est pas ça qu'on veut dire non plus, mais vous savez fort bien que, lorsqu'on a quelqu'un devant nous, pour l'encourager, lui dire: Bon, ça serait bien si vous continuiez vos études ou autre, il faut encore qu'il y ait de l'espoir devant lui, et ça, nous, comme membres de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, on ne le ressent pas. C'étaient des choses, auparavant, qu'on pouvait faire, chercher un emploi avec la personne, la diriger vers des employeurs, mais je vous dis que c'est très difficile maintenant parce que des débouchés, il n'y en a pas, et les gens qui s'adressent à nous, ils sont... C'est correct, on en a une bonne partie qui sont sous-scolarisés, mais on en a aussi qui sont surscolarisés.

Mme Harel: Mais des emplois dont on parle, là, il va falloir se dire que c'est en organisant autrement les affaires, parce que de l'argent, on en dépense beaucoup. Vous savez que c'est 9 000 000 000 $, au Québec, qui se dépenseront cette année en assurance-emploi, qui est l'assurance-chômage qu'on connaissait, en aide sociale et puis que, en mesures, si vous voulez, dispersées pour la main-d'oeuvre, on dépensera 9 000 000 000 $. C'est deux fois et demi ce que l'ensemble des autres pays industrialisés dépensent, puis voyez les résultats; ce sont ceux, justement, que vous décrivez. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Si vous me dites: Il faut ajouter de l'argent...

Mme Moisan (Pierrette): Non, je ne vous dis pas d'ajouter de l'argent. Mais, moi, la question que je me pose, c'est: Est-ce que les employeurs sont conscients de leur responsabilité sociale? Parce qu'ils en ont une responsabilité sociale en faisant partie de la collectivité. Ce n'est pas tout de faire des profits, il faut encore qu'ils prennent conscience qu'ils ont une responsabilité.

Mme Harel: Et j'aime beaucoup, dans votre mémoire, justement, le fait que cette conscience va se développer encore plus au niveau local, vous voyez, parce que, hier, moi, j'étais justement dans L'Assomption, au collège L'Assomption. Il y avait la chambre de commerce, il y avait le maire de la ville, il y avait les conseillers municipaux, il y avait la société de développement de la Rive-Nord, il y avait aussi le centre Travail-Québec et il y avait surtout 33 chefs de familles monoparentales qui venaient de passer à travers 44 semaines de technique de bureautique, et la plupart m'ont dit, d'ailleurs, qu'elles ne savaient pas comment ouvrir un ordinateur avant que le cours commence. Et elles ont dû tout réorganiser: le gardiennage, le transport, etc., mais vous n'avez pas idée de la fierté de ces femmes-là, hier, qui ont toutes, toutes trouvé un emploi parce qu'ils avaient identifié les besoins de main-d'oeuvre. Elles ne sont pas parties dans des domaines qui n'ouvraient pas à de l'emploi. Les besoins de main-d'oeuvre étaient déjà identifiés par la MRC. Déjà les profils socioéconomiques l'avaient été par le centre Travail-Québec. Le collège a donné le cours approprié, un suivi personnalisé.

Bien, c'est vers ça qu'on s'en va, puis, hier, je leur disais: On va avoir, maintenant, le fonds de lutte à la pauvreté du Sommet. Et ce n'est pas un exemple, là. Je leur ai promis – parce qu'elles me disaient qu'il faudrait multiplier ça par 10, 20, 50 – j'ai dit: D'accord pour 50. Il y en avait 33 hier. Alors, à 50, il y en aura 1 650 l'an prochain, et on va aller chercher un 10 000 000 $ – je suis convaincue – du fonds pour que ça se réalise à travers le Québec. Donc, il y a moyen. Il y a moyen aussi de les impliquer, mais c'est plus facile à l'échelle où les gens sentent de l'entraide. Vous-même, vous en avez des gens d'affaires qui travaillent avec vous, hein?

Mme Moisan (Pierrette): Oui.

Mme Harel: Et ces gens-là, vous les sentez bien plus concernés parce que c'est leurs voisins, c'est leurs concitoyens. Vous savez, la misère d'ailleurs, ça, on s'apitoie, mais on dirait que ça ne nous concerne pas. Mais la misère dans son village, dans sa rue, dans sa ville, pour ça, il faut faire de quoi.

Mme Moisan (Pierrette): Mais c'est plus facile dans une petite ville que dans une ville comme Montréal où tout est anonyme.

Mme Harel: Oui, et en même temps, Mme Moisan, vous seriez surprise de voir à quel point c'est des petites patries aussi. Et, au niveau des quartiers, des arrondissements, vous connaissez sûrement le niveau d'entraide qu'il y a, par exemple, au Café Ozanam, sur la rue Sainte-Catherine Est. C'est quelque chose d'extraordinaire, ça.

Mme Moisan (Pierrette): J'ai travaillé dans le Centre-Sud, surtout, et dans Hochelaga-Maisonneuve. Disons que ce sont les quartiers où j'ai oeuvré le plus avant de prendre la présidence.

Mme Harel: Et vous savez que le niveau d'entraide est souvent inversement proportionnel au revenu, c'est-à-dire que la solidarité humaine, des fois, est beaucoup plus agissante entre des gens qui sont souvent, même, à la limite des difficultés personnelles.

Mme Moisan (Pierrette): Mais il y a d'autres quartiers à Montréal où c'est quasiment inexistant.

Mme Harel: Oui, la désintégration sociale, c'est un phénomène de grande ville, n'est-ce pas, un phénomène urbain qui est inquiétant, qui est dangereux parce qu'il y a une concentration, et il faut vraiment agir à ce niveau-là en allant rechercher la responsabilité du quartier avec tous les intervenants. Je voudrais peut-être revenir sur la question qui concerne les chefs de familles. Vous êtes consciente que, dans notre proposition, ça commence avec celles dont les enfants, à cinq ans, iront à la maternelle plein temps et ça s'arrête là pour tout de suite dépendamment de ce qui suivra ensuite avec la disponibilité. Et c'est évident que toutes les femmes – là, je cite Agnès Gruda dans La Presse , dans son éditorial de samedi – peu importe leur statut social ou conjugal, se placent, comme disait le Conseil du statut de la femme, en situation d'arbitrage entre leur façon première de se définir par rapport aux responsabilités familiales et leur souhait d'accéder à l'économie. Vous, moi, n'importe qui d'entre nous savons très bien quel déchirement nous vivons, et c'est toujours une sorte de réconciliation. En même temps, il faut comprendre que ce que vous invoquez a des effets aussi qui ne sont pas simples. Vous êtes consciente que ça installe une sorte de chronicité, le risque de pauvreté très, très, très grand quand on est très longtemps éloigné du marché du travail.

Je ne sais pas, M. Boyer, vous avez travaillé sur ces questions-là, vous savez que le décrochage scolaire surreprésente au double les enfants de familles monoparentales défavorisées. Vous êtes conscient que, pour la socialisation de l'enfant, pour l'apprentissage du langage et pour tous ces autres acquis qui commencent avant six ans – parce que l'égalité des chances, ce n'est plus à six ans. C'est déjà quasi fini, c'est avant – est-ce qu'on n'a pas intérêt, comme société, à accompagner la mère et l'enfant? Si, par exemple, le barème de 100 $ demeurait, trouvez-vous qu'on devrait quand même inciter fortement les chefs de familles monoparentales à faire un parcours de scolarisation, d'insertion? Pensez-vous qu'il y a là une voie qui est prometteuse plutôt que de rester sur l'aide sociale?

M. Boyer (André): Moi, je dirais qu'il y a sûrement une voie qui est prometteuse, et je pense que, quand on mentionne cet élément-là en bas de la page 21 du mémoire, il va falloir qu'il y ait un travail qui soit fait avec ces mères-là, avec ces femmes-là pour que, justement, elles trouvent une valorisation supplémentaire au fait de demeurer à la maison avec leurs enfants. Et c'est ça, je pense, qui n'est pas fait actuellement et qui va devoir se faire. Et je me dis que ce n'est pas nécessairement dans les institutions qui existent actuellement que ça peut se faire, je pense.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Il reste une minute et demie pour Mme la députée de Mille-Îles.

(11 h 50)

Mme Leduc: Je vous remercie de votre présentation. C'est sûr que votre mémoire démontre que vous connaissez bien les prestataires et que vous avez affaire quotidiennement avec eux. Moi, rapidement, à la page 26, je me questionne sur une proposition que vous faites, disant qu'il y a souvent des services qui sont offerts à des coûts exorbitants sur le marché régulier du travail et à des frais beaucoup moindres dans l'économie au noir, donc qu'il faudrait soit réévaluer en termes d'accessibilité pour le consommateur, j'imagine, ces services.

Moi, ça me questionne beaucoup parce qu'on parle beaucoup, ici, d'appauvrissement et on ne souhaite pas, finalement, établir un partage de la pauvreté plutôt qu'un partage de la richesse. Mais je me dis: Avec cette proposition, est-ce que ce n'est pas finalement appauvrir les travailleurs qui offrent ces services-là? Est-ce que vous avez des exemples de services qui, vous pensez, sont offerts à des coûts trop exorbitants et qui pourraient l'être à des coûts plus accessibles aux consommateurs? Et est-ce que vous avez réfléchi, dans le fond, sur le fait que c'est comme une mesure d'appauvrissement des travailleurs? En tout cas, moi, c'est comme ça que je le vois. Peut-être que vous pouvez me démontrer le contraire.

M. Boyer (André): Effectivement, oui, il y a des points, je pense, que je peux vous souligner. C'est que, d'une part, quelqu'un qui, par exemple... Prenons des situations très concrètes. Si vous avez un travail de plomberie à faire ou des travaux de maçonnerie, ce n'est pas toujours évident qu'on a besoin de quelqu'un qui a un corps de métier, qui est diplômé, qui a tout ce qu'il faut.

Mme Harel, tantôt, parlait du fait que les métiers, au Québec, on les a mis de côté depuis plusieurs années, et quelqu'un qui a développé des habilités dans ce domaine-là pourrait très bien, je pense, travailler à ce niveau-là. Mais, comme il y a des exigences, c'est pour ça qu'on disait tantôt dans le même mémoire qu'il faut qu'il y ait un partenariat entre les syndicats et les patrons pour faire en sorte qu'il y ait un moyen, une place, un créneau où ces personnes-là pourraient également faire des travaux. Ce n'est pas une question d'appauvrir les gens. Je pense qu'on ne veut pas en faire des gens sous-payés, pas du tout. Mais, entre ça et souvent ce qui est exigé en termes d'échelle salariale, je pense que c'est ce qui fait que, dans les grandes villes et même probablement dans les petits centres, on retrouve souvent des gens qui vont s'en aller vers le plus facile.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonjour, bienvenue et merci de votre participation à cette commission. J'aimerais revenir sur l'appauvrissement des prestataires, parce que ce que j'ai aimé dans votre mémoire finalement, c'est que vous ne vous êtes pas seulement attardés aux structures, mais vous avez pensé aux gens, aux hommes et aux femmes qui vivent le fléau de la pauvreté. Je pense que c'est une vision qui est majeure dans cette réforme-là, qu'il ne faut pas oublier finalement, c'est les conséquences de la pauvreté et les effets pervers que pourrait amener la proposition gouvernementale pour les appauvrir davantage. Je pense qu'on ne peut pas regarder la proposition gouvernementale sans oublier ce qui a été fait au cours de la dernière année et demie, toutes les coupures qui ont été faites sans consultation, sans réforme et que les bénéficiaires ont dû finalement – parce qu'ils ont moins de défense que d'autres – accepter sans pouvoir venir se défendre ici, au Parlement.

Il y a les coupures de la loi n° 115, que vous connaissez très bien. La restriction, maintenant, au niveau de l'accès pour les avoirs liquides: que les gens arrivent à l'aide sociale avec rien, rien en poche, aucune économie à la banque, rien, rien. Les barèmes, les 30 $, les 50 $. Mais, quand tu es pauvre et qu'il y a un 30 $ qui t'est enlevé puis un 50 $, ça déséquilibre beaucoup tes fins de mois. Il y a aussi la nouvelle abolition pour l'impôt foncier, mais on maintient la coupure du partage du logement qu'on avait promis de retirer, mais qu'on maintient dans le livre vert. Tout le fardeau presque inhumain, le fardeau financier a été demandé avec l'instauration du régime d'assurance-médicaments. Alors, tout ça, englobant ça, puis aussi l'allocation unifiée dont on se vante beaucoup, bien, le Conseil de la famille nous sort des chiffres que finalement ce sont les jeunes enfants des familles de l'aide sociale qui sont perdants avec l'allocation unifiée.

Certains groupes sont venus nous dire que finalement ce que le gouvernement est en train de faire, ce n'est pas de redistribuer la richesse, mais de redistribuer la pauvreté entre les plus pauvres de notre société. Moi, je vous demande: Si le gouvernement garde ses mesures appauvrissantes dans son livre vert, tel que proposé, s'il ne fait pas un virage majeur dans ce qu'il nous propose actuellement, est-ce que vous pensez que le filet de protection sociale au Québec est brisé avec ce document-là, ce qu'on nous propose?

Mme Moisan (Pierrette): Il est réduit, et je crois que, devant les budgets des gouvernements, le gouvernement n'a pas le choix. Et, c'est ça, il faut apprendre à vivre avec les coupures gouvernementales. Ça, le déficit des gouvernements, il faut apprendre à vivre avec, et je crois que Mme la ministre, pour être dans Hochelaga-Maisonneuve, connaît suffisamment les situations de ces gens-là. Mais, seulement, il y a peut-être des modalités qui pourraient être discutées. Je peux vous donner un exemple. C'est une famille monoparentale. L'autre conjoint n'a pas d'allocation, mais, lorsqu'il a les enfants à sa charge une fin de semaine sur deux, ou une semaine sur deux, ou dans le temps des fêtes, c'est la Société de Saint-Vincent-de-Paul qui donne le supplément. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen, à ces moments-là, que l'autre conjoint ait un petit supplément, parce que c'est vrai qu'il y a une allocation qui est donnée au parent qui a la garde des enfants, mais l'autre parent n'a rien. Et, souvent, surtout au temps des fêtes, on voit ça, c'est l'autre parent qui a les enfants et c'est la Société de Saint-Vincent-de-Paul, malheureusement, qui, trop souvent, doit combler le manque d'argent. C'est un des exemples. Peut-être que ça pourrait aller dans des modalités ou...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Gagnon, vous voulez parler?

M. Gagnon (Arthur): Oui. Un autre item qui vient appauvrir davantage nos gens qui vivent de la sécurité du revenu, c'est l'assurance-médicaments. Vous savez pertinemment que, parmi les gens qui vivent de la sécurité du revenu, beaucoup de ces gens-là sont déjà défavorisés au niveau santé, et l'assurance-médicaments vient gruger dans le maigre qu'ils ont déjà. Et, en cours de route, on rajoute après ça une diminution sur l'allocation des logements. Alors, ces deux points là sont très, très importants.

Nous autres, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, vous savez qu'on détient plusieurs records, entre autres le record du chômage, qui va encore augmenter du fait que, avec le sinistre de juillet dernier, vous avez beaucoup d'emplois qui ont été perdus. On pense aux travailleurs autonomes puis à ceux qui travaillaient pour des petites entreprises – le marchand du coin, ces choses-là – qui n'ont encore rien eu des dédommagements puis qui sont pris, justement, dans un engrenage. Et on les retrouve, nous autres, à la Saint-Vincent pour essayer de les dépanner. Alors, il va falloir être très, très prudent lorsqu'on va mettre ces mesures-là en opération.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Gagnon (Arthur): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Boyer, est-ce que vous vouliez commenter?

M. Boyer (André): Non, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non? C'est beau. Mme la députée.

Mme Loiselle: Oui, revenir tantôt avec votre discussion avec Mme la ministre. Au niveau des familles monoparentales, le Conseil du statut de la femme est venu nous dire toute la question de l'obligation pour les mères avec de jeunes enfants. Le Conseil du statut de la femme est venu nous dire que, présentement, ce sont les femmes seules de familles monoparentales qui font le plus d'efforts et qui font le plus de démarches pour aller en mesures d'employabilité et même que le retour aux études, le retour à l'école est pour elles une adhésion très, très importante.

Alors, moi, je questionne le choix, finalement, du gouvernement. Quand on sait ça, d'une part, et, quand on respecte la reconnaissance du rôle d'une mère d'éduquer son enfant, moi, je me questionne si, finalement, le fait du gouvernement de vouloir retirer le barème de non-disponibilité, de couper 100 $ à ces mères-là par mois en sachant que les mères avec des jeunes enfants sont perdantes avec l'allocation unifiée pour enfants, ce n'est pas pour mettre en place une mesure d'économie pour le gouvernement, avec son obsession de déficit zéro, sur le dos des plus démunis, de récupérer de l'argent et de mettre en place l'obligation. J'aimerais vous entendre quand on sait ce que le Conseil du statut de la femme est venu nous dire pour les mères de familles monoparentales.

Mme Moisan (Pierrette): Mais, madame, on en a de plus en plus de mères de familles qui, lorsqu'elles ont un emploi, mettent l'enfant en garderie tout de suite après les congés de maternité, et ces enfants-là n'ont pas l'air à s'en porter plus mal. Et, moi, encourager qu'elles retournent aux études, à la condition qu'elles aient des débouchés, je suis 100 % pour ça et nous sommes les premiers à les encourager. Mais il faut encore, après la scolarité, qu'elles aient des débouchés. C'est ça, le principal, parce que je connais quantité de femmes qui, lorsqu'elles ont un emploi, conservent leur emploi, et l'enfant va en garderie. Alors, ce n'est pas différent pour qu'elles soient...

Mme Loiselle: Mais êtes-vous pour le caractère obligatoire et punitif, avec pénalité ou pour la participation volontaire?

(12 heures)

Mme Moisan (Pierrette): Moi, je serais plutôt pour l'incitation à une participation volontaire, mais il faut quand même les encourager à y aller, parce que, bien souvent, vous avez une certaine catégorie de gens où ils vont subir la pénalité et ils ne feront pas d'efforts s'ils ne comprennent pas bien. Et, moi, je vous dirais que c'était un des rôles que la Société de Saint-Vincent-de-Paul jouait; c'était la bonne relation qu'on avait avec les agents d'aide sociale. Souvent, on allait au bureau pour comprendre le cas, revenir et réexpliquer à la personne, et, bien souvent, on avait du succès. Vous savez comme tout le monde que, deux fois, c'est mieux qu'une. Maintenant, nous ne sommes pas trop bienvenus dans les bureaux d'aide sociale, et ça, je le déplore, parce que, quand on avait une bonne relation avec eux, ça allait très bien. Bien souvent, la personne comprenait ce qui était arrivé et ce qu'on lui demandait. Il faut penser aussi que ces gens-là sont très nerveux lorsqu'ils se présentent devant l'agent d'aide sociale.

Mme Loiselle: Comment se fait-il qu'avant vous étiez les bienvenus? Vous faisiez comme de l'accompagnement, finalement, avec les prestataires?

Mme Moisan (Pierrette): À peu près ou, parfois, on allait rencontrer l'agent pour savoir ce qui clochait dans le dossier, parce que, vous savez, les gens nous arrivent puis nous disent: Je ne sais pas pourquoi j'ai une coupure. Je ne sais pas pourquoi. Alors, on allait, puis là on expliquait. Puis, probablement que l'agent l'avait expliqué aussi, mais ça faisait une deuxième fois.

Mme Loiselle: Mais qu'est-ce qui est arrivé?

Mme Moisan (Pierrette): Mais on ne sait pas ce qui est arrivé à Montréal pour qu'on ait une détérioration.

M. Boyer (André): J'ai l'impression que la lourdeur des «caseloads», entre guillemets, là, de la charge de cas dont chaque agent doit s'occuper fait en sorte qu'il a probablement un peu moins de temps qu'il en pouvait avoir dans le passé pour recevoir ce genre de doléances là. Effectivement, à la Saint-Vincent-de-Paul, je pense, pour compléter, on est tout à fait d'accord que les gens soient sur le marché du travail le plus possible. Ce n'est pas par des mesures coercitives, mais qu'on trouve des façons d'amener les jeunes mères de famille sur le marché du travail. Et de là intervient peut-être aussi tout le volet de la reconnaissance des acquis dont on parle dans le mémoire. Il y a peut-être des choses qui ont été faites par les femmes qui sont demeurées à la maison. Est-ce que ça prend nécessairement un diplôme en technique de garderie pour bien s'occuper d'enfants qui sont en garderie si elles ont une bonne expérience comme mères de famille? Je ne suis pas convaincu de ça. Mais c'est là, je pense, qu'interviendrait toute la reconnaissance des acquis que les personnes ont faits dans leur cheminement, dans leur parcours.

Mme Loiselle: Parce que tout le côté obligatoire, coercitif, avec pénalité, à date, la plupart des gens nous disent que, si le gouvernement va dans ce sens-là – même M. Camil Bouchard nous le disait – c'est voué à l'échec, que le gouvernement fait une erreur magistrale s'il va avec cette obligation-là, parce que, un, c'est démotivant, deux, ça va faire que les gens qui ne sont vraiment pas motivés à de la recherche puis à de la réinsertion vont y aller pareil pour ne pas avoir une pénalité. Alors, ils vont enlever la place à ceux vraiment... Puis on sait que la demande est plus grande que ce que le gouvernement, actuellement, est capable d'offrir. Alors, il y a aussi tout le lien de confiance pour le conseiller en emploi qui aura les deux chapeaux à porter: celui de soutien et d'aide et celui, aussi, de contrôle et de celui qui applique la pénalité. Alors, je pense que, dans ce sens-là, il va peut-être y avoir une réflexion beaucoup plus profonde de la part du gouvernement s'il veut vraiment réussir sa réforme et aller chercher le maximum.

M. Boyer (André): L'importance aussi que les agents soient bien formés dans le contexte de cette réforme-là.

Mme Loiselle: Oui, ça, il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit ça: la formation pertinente, finalement, au rôle de conseiller en emploi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: À mon tour de vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous parler des difficultés que vous rencontrez sur le terrain, parce que votre Société, je pense qu'elle représente fidèlement ce qui se passe sur le terrain et, pour nous, je pense que c'est un enrichissement. Je voudrais vous parler de l'assurance-médicaments. Vous savez que nous avons émis plusieurs inquiétudes et vous semblez en reprendre ou, en tout cas, en situer quelques-unes, et j'imagine que c'est basé sur vos expériences. Vous donnez, à la page 15, l'exemple d'un jeune homme, là, qui a dû choisir entre s'alimenter convenablement – quelqu'un qui souffrait d'hypoglycémie – et prendre sa médication. Donc, il n'était pas capable de poursuivre ces deux objectifs extrêmement importants, et vous écrivez, vous dites, dans la colonne de droite, en bas: «Avec l'entrée en vigueur de l'assurance-médicaments, les conférences ont vu leurs demandes s'accroître considérablement. On peut même observer de plus en plus de gens qui doivent choisir entre se nourrir et se soigner.»

J'aimerais ça que vous nous parliez de votre expérience sur le terrain, de ce que les gens vous disent quand vous êtes près de ceux qui ont cette difficulté-là. Et je pense que ce serait bon pour tous nous autres, ici, et sûrement aussi pour ceux qui peuvent nous écouter, parce qu'il y a une difficulté avec le régime d'assurance-médicaments.

M. Gagnon (Arthur): Comme je l'ai dit un peu plus tôt, c'est qu'il y a des gens – puis il y en a quand même une bonne quantité – qui, à cause de leur âge, à cause de leur santé, ont besoin de plus de médication que d'autres, et ces gens-là sont affectés plus durement que d'autres par le fait qu'il y a le 25 %. Dès les premiers mois, leur budget est débalancé. Alors, c'est là que ces gens-là viennent nous voir et puis qu'ils nous posent la question: Qu'est-ce que je dois faire, m'acheter des médicaments ou me nourrir? Alors, il y a un dilemme là. Qu'est-ce qu'on va faire pour remédier à ça? Bien, c'est entendu que, nous, la Société, on va essayer de dépanner, mais il faut penser qu'on est une oeuvre de bienfaisance qui n'a absolument pas d'autres revenus que ceux que la société nous donne. Alors, combien de temps on pourra suffire? Dieu seul le sait.

M. Boyer (André): Parce que le principe de l'assurance-médicaments, je pense que c'est excellent. Actuellement, là, il y a vraiment du sable dans l'engrenage dans l'application.

M. Marsan: Par exemple, pour l'exemple que vous nous donniez du monsieur qui souffre d'hypoglycémie, est-ce que votre Société va l'aider à acheter ses médicaments? Est-ce que vous allez prendre vos revenus pour cette application-là?

M. Boyer (André): Ça peut arriver, ça peut se produire. Comme, des fois, on va suppléer à la nourriture pour lui laisser des argents pour...

M. Marsan: Pour ses médicaments ou vice versa.

M. Boyer (André): ...se procurer des médicaments. Ça dépend vraiment de chacune des situations.

M. Gagnon (Arthur): On va le faire pour un certain temps, mais, s'il fallait que ça devienne, disons, une compensation mensuelle, on ne pourrait pas suffire parce que, ce que la Société est en mesure de faire, c'est du dépannage occasionnel. Ce n'est pas, si vous voulez, un supplément à la sécurité du revenu.

M. Marsan: D'accord. Vous mentionnez, en terminant – vos réflexions sont vraiment intéressantes, madame, et je vous remercie, je vous félicite – vous dites: «Nous nous dirigeons à grands pas vers une société à deux vitesses, une de plus en plus riche, l'autre de plus en plus pauvre. Est-ce cela que nous voulons? Est-ce l'héritage que nous désirons laisser?» Est-ce que, au moment où vous avez écrit ça, vous aviez en tête le programme d'assurance-médicaments?

Mme Moisan (Pierrette): Pas vraiment, monsieur. C'est que je regardais souvent ce qui arrive dans certaines grandes villes européennes, où les villes sont devenues comme des sortes de ghettos. On est pauvre, on habite la ville. Lorsqu'on est un peu plus riche, on déménage en banlieue. Moi, ce n'est pas ça que je veux pour Montréal. Je veux qu'on soit travailleur et, de n'importe quelle classe, qu'on soit bien de vivre à Montréal, qu'on soit heureux de vivre là. Et c'est ça que je crains. Moi, je crains qu'on arrive à des ghettos de pauvreté, ou raciaux ou, tu sais, de toutes sortes, et ça, c'est mauvais pour une société. Moi, je veux que ça soit un mélange assez uniforme de gens pauvres et riches, parce que, autrement, c'est une source de conflits, de violence, et les gens désertent les grandes villes. Moi, Montréal, je veux que ce soit une ville où il fait bon vivre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui. Avec toutes les coupures que les prestataires ont subies et ce qui s'en vient dans le livre vert, on nous dit que, bon, les besoins essentiels pourraient être comblés par les revenus de travail permis qui sont indexés. Le Conseil du statut de la femme, encore une fois, nous disait que c'est un peu illusoire de penser ça parce que les statistiques nous démontrent que, finalement, ceux qui vont se chercher des revenus de travail, c'est des cas d'exception, surtout pour les 55-59 ans. J'aimerais vous entendre sur, finalement, le côté réaliste de penser que les gens vont pouvoir combler l'écart avec ces revenus-là pour leurs besoins essentiels.

Mme Moisan (Pierrette): Moi, je vous dirais – puis ça, je vous dis ce que je pense, je n'ai pas de preuves tangibles – qu'ils vont plutôt le faire par du travail au noir et que ça ne sera pas un revenu déclaré à la sécurité du revenu. Ils vont faire du gardiennage, ils vont faire toutes sortes de choses, des ménages, n'importe quoi, mais ça va aller sous la table.

M. Boyer (André): La personne qui a 55 ans et plus, là, je pense que ça, Mme la ministre, il faudrait le regarder attentivement, parce que je pense que c'est un problème majeur et, je l'ai dit tantôt, je ne suis pas sûr que ces personnes-là... Tout en les valorisant, il faut trouver d'autres façons que d'y mettre une obligation à aller sur le marché du travail, d'une part. Et je pense que ce n'est pas de la faute, non plus, de l'individu ou du bénéficiaire si, lui, il s'est retrouvé chez Goineau & Bousquet, à Laval, qui a fait faillite plutôt que de se retrouver dans la fonction publique avec une prime de départ. Alors, je pense que, ça, ce n'est pas du tout de sa responsabilité à lui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, je vous...

Mme Loiselle: La politique du départ assisté avec gain financier, ce n'est pas donné à tous les travailleurs. C'est vrai.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup. Je vous souligne, en passant, la façon dont vous répondez aux questions. C'est très précis, très apprécié. Et je voudrais faire remarquer aux membres de la commission que nous avons cinq groupes cet après-midi. Alors, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures en espérant qu'à 14 heures on puisse commencer.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

(Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Je rappelle aux membres de la commission que nous allons rencontrer cinq groupes cet après-midi, donc on n'arrêtera pas pour l'heure du souper, on va plutôt terminer à 19 heures.

Pour commencer cet après-midi, nous recevons l'Association pour la défense des droits sociaux du Québec métropolitain. Je vous rappelle qu'il y a une heure en tout et partout: vous avez 20 minutes de présentation, 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes du côté de l'opposition. Je vous ferai des signes à un moment donné pour le temps; particulièrement pour votre 20 minutes, je vous ferai signe qu'il reste cinq minutes. Alors, Mme Jochems, c'est vous qui présentez, si je comprends bien, les personnes qui vous accompagnent.


Association pour la défense des droits sociaux du Québec métropolitain inc. (ADDSQM)

Mme Jochems (Sylvie): Oui. Bonjour. Je vais tout de suite vous présenter les personnes qui représentent l'Association. Alors, vous avez, à l'extrême gauche, Mme Jeanne D'Arc Laplante, qui est membre du comité organisateur; Mme Renée Dubeau, qui est permanente à l'ADDSQM; M. Alain Fortin, qui est aussi membre du comité organisateur; Réjean Genest, qui est militant à l'ADDSQM; et moi-même, Sylvie Jochems, permanente à l'ADDSQM. Je vais lire un texte en remplacement de...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pourriez-vous nous dire tout de suite le nom de l'autre personne qui va arriver, de façon à ce que, pour fins d'enregistrement...

Mme Jochems (Sylvie): C'est ce que j'allais faire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...elle sera déjà incluse.

Mme Jochems (Sylvie): Merci. Mme Patricia Claude, Me Patricia Claude, qui est avocate et qui milite chez nous depuis plus de 11 ans. Elle a été retenue pour d'autres raisons.

Alors, je vais tout simplement commencer pour vous dire que nous avons choisi de privilégier la parole des personnes qui sont les réelles expertes des conséquences de la réforme plutôt que de se coller au texte de notre mémoire qu'on vous a présenté, quoique ce n'est pas différent en soi, et nous trouvons assez difficile de se restreindre à 20 minutes, puisque nous considérons que la parole des personnes est très importante. Alors, je vais inviter tout de suite Mme Jeanne D'Arc Laplante à débuter.

Mme Laplante (Jeanne D'Arc): Je suis Jeanne D'Arc Laplante et je suis une personne assistée sociale, soutien financier. Je me suis cherché un emploi dans la couture; je n'en ai pas trouvé parce que les employeurs voulaient une personne assistée sociale jeune et sur un programme. J'ai donc choisi d'aller aux études parce que je savais qu'à 49 ans et huit mois je ne me trouverais pas d'emploi. Mais mon retour aux études a été néfaste pour ma santé physique et ma santé mentale. Physique, parce que le local du programme d'employabilité du ministère de la Sécurité du revenu où j'allais étudier se trouvait dans un sous-sol; murs, plancher et plafond étaient en ciment, c'était très humide et très froid, et aussi, pour faire les examens, nous allions dans un garage. Donc, j'ai eu une grosse infection aux intestins. J'ai également subi le stress qui était causé par le fait que je ne voyais pas de but en avant de moi, vu mon âge et l'humiliation et de la discrimination parce que je me faisais pointer du doigt et rire de moi. Suite à ça, j'ai eu un ulcère d'estomac et de l'arythmie cardiaque ainsi qu'une maladie pulmonaire et de l'asthme. Mentalement, j'ai fait une dépression à cause de l'humiliation et de la discrimination que je subissais dans cette mesure d'employabilité. Je voyais ma santé diminuer à vue d'oeil. Je ne suis surtout pas un cas isolé, car nous étions 12 personnes à vivre des cas semblables dans le petit groupe où je me trouvais.

Ensuite, j'ai fait la demande de Soutien financier et j'ai subi beaucoup de harcèlement de la part du directeur de bureau du centre Travail-Québec durant cette attente. Quand j'ai passé devant le comité multidisciplinaire, un médecin, un spécialiste psychosocial puis un spécialiste en emploi, pour entrer soutien financier, je me suis sentie comme une criminelle devant ces trois personnes, une moins que rien, une paresseuse et aussi une malade mentale. C'était tellement stressant durant cette rencontre que je ne pouvais pas marcher seule à la sortie.

Maintenant, malgré ma prestation de Soutien financier, je suis encore trop pauvre. Maintenant, avec l'assurance-médicaments, au 15 janvier j'avais déjà payé le montant maximum de 50 $ et en plus d'un médicament qui n'est pas sur votre liste. À cause de tout ça, j'ai emprunté de l'argent de ma fille, qui est sur prêts et bourses, pour m'acheter des bottes d'hiver de 30 $ parce que je n'avais plus d'argent, et elle m'a aussi nourrie le reste du mois. Je me sens donc encore écrasée et humiliée sous le poids de la pauvreté et du déficit, parce que c'est nous qui en faisons les frais encore une fois. C'est supposé que l'aide sociale, nous, soutiens financiers, nous donne assez d'argent pour couvrir nos besoins essentiels, mais ce n'est pas vrai, parce que je suis obligée d'emprunter de l'argent de ma fille pour me soigner, me chausser et me nourrir.

Avec ce livre vert, je ne vois pas d'amélioration pour les gens d'un certain âge tels que moi. Ce sera plutôt un appauvrissement en enlevant le barème de non-disponible aux gens de 55 ans et plus. Militante auprès des personnes assistées sociales, je suis à même de constater la panique et le découragement que cet appauvrissement engendre chez les personnes de 55 ans et plus. Je vous demanderais de réfléchir davantage avant d'appliquer cette mesure. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Jochems (Sylvie): Alors, en remplacement de Me Patricia Claude, je vais lire son texte. Son exposé concerne le sujet de la contribution parentale qui sera maintenue avec la réforme. Depuis 1989, ce recours en contribution parentale obligatoire, qui consiste à exiger des jeunes demandeurs de prestations de sécurité du revenu d'exercer au préalable leur recours en pension alimentaire – ici appelée «contribution parentale» – contre leurs parents, a eu comme répercussion, dans de nombreux cas, d'exclure, à toutes fins pratiques, pour de jeunes adultes, le droit aux prestations de sécurité du revenu. Bien que, théoriquement, ce recours de contribution alimentaire parentale est louable, car il consiste à responsabiliser les parents auprès de leurs enfants devenus adultes, la mise en application de ce recours semble plutôt nuire aux jeunes en excluant ces derniers au droit à l'aide de dernier recours.

Je vais traiter de cette question de contribution parentale en trois niveaux, c'est-à-dire, le premier, la base du calcul de la contribution parentale, le mode de paiement de la contribution parentale et le remboursement des prestations indûment reçues par les prestataires suite à de mauvaises informations transmises par les parents concernant leurs revenus.

Alors, pour la base du calcul de la contribution parentale, actuellement, si les revenus annuels des deux parents sont de 27 000 $, le jeune adulte se voit refusé complètement le droit aux prestations de la sécurité du revenu. Si les revenus annuels des deux parents sont de 25 000 $, le jeune adulte aurait droit à une prestation de 60 $ par mois. Si les revenus annuels d'un seul parent sont considérés et que ces revenus sont de 25 000 $, le jeune adulte se voit refusé complètement le droit aux prestations de sécurité du revenu. On voit que la base du niveau de revenu pour le calcul de cette contribution est trop bas. Il serait approprié de hausser le seuil de revenu pour établir la contribution parentale.

(14 h 20)

Le mode de paiement de la contribution parentale. Le ministère de la Sécurité du revenu applique le principe que le fait de loger et de nourrir le jeune adulte équivaut au paiement de la contribution parentale. En conséquence, le jeune adulte, si les revenus de ses parents sont supérieurs à 25 000 $ ou 27 000 $, selon le cas, doit obligatoirement continuer à habiter chez ses parents, et ce, sans aucun revenu ou aide pour l'insertion à l'emploi.

Théoriquement, le principe de base est louable, c'est-à-dire la responsabilisation des liens familiaux, mais, pratiquement, ce qui se produit souvent, c'est qu'il y a de nombreux jeunes qui ne sont pas dans un cadre familial adéquat. Ces milieux familiaux inadéquats sont ceux où il peut y avoir de la violence psychologique, ce qui n'est pas facilement prouvable, ou tout simplement du désintéressement total de la part des parents. Ces jeunes adultes se retrouvent donc à continuer à habiter chez eux sans aucune ressource et sans aucune aide à l'insertion à l'emploi. Il y a aussi les jeunes adultes qui ne peuvent tout simplement pas retourner chez eux pour des questions de milieu de vie inacceptable, ce qui est également très difficile à prouver, et qui, en conséquence, se retrouvent sans aucune ressource et sans logis. Il serait approprié d'établir un service d'évaluation de la pertinence pour un jeune adulte à exercer ce recours en contribution parentale.

Et le troisième point, le remboursement des prestations indûment reçues pour les prestataires suite à des mauvaises informations transmises par les parents concernant leurs revenus. La procédure en cours pour établir la contribution parentale consiste à demander aux parents une déclaration écrite dans laquelle ils dévoilent leurs revenus annuels. Sur la base de cette déclaration, le ministère établit le montant de la contribution parentale et, incidemment, le montant de la prestation à être accordée aux jeunes adultes. Si l'information transmise par les parents s'avère inexacte et que, par voie de conséquence, les prestations ont été indûment payées au jeune adulte, c'est ce dernier qui se voit dans l'obligation de rembourser le ministère. Il serait approprié de facturer directement les auteurs de la déclaration de revenus, c'est-à-dire les parents.

Alors, c'est signé Me Patricia Claude.

Mme Dubeau (Renée): Bonjour. J'ai dû recourir à l'aide sociale pour la subsistance de mon fils et de moi-même durant environ trois ans. Ce n'est pas l'obligation d'une certaine intégration qui m'a permis de quitter l'aide, mais ma motivation interne de vivre pleinement dans cette société, et ce, à partir de mes choix personnels.

Présentement, je suis salariée à l'Association, et c'est au quotidien que j'entends des histoires troublantes de gens lésés dans leurs droits et abusés dans leur dignité humaine. Parce que vous semblez loin de la réalité de ces personnes, c'est à partir de ce quotidien que je puise mon intervention pour vous faire part de deux préoccupations: premièrement, les nouvelles personnes arrivant à l'aide en regard des biens permis; et la deuxième, celle de l'avoir liquide à zéro au moment de la demande.

Je comprends que l'aide sociale est une aide de dernier recours. Actuellement, des gens se présentent à l'aide avec une maison, une voiture, parfois même un ordinateur, sans oublier qu'on est à l'aube de l'an 2000. Donc, la comptabilisation de tous ces biens s'effectue et se calcule; s'ils dépassent les sommes permises, ils affectent l'aide. Donc, certaines personnes ont la surprise de se faire retrancher un montant de leur chèque tous les mois ou, pire encore, que ces biens les rendent inadmissibles, c'est-à-dire pas de chèque.

Un petit rappel. Ces montants de biens permis sont les mêmes depuis l'application de la loi 37, la loi de la sécurité du revenu, Ce que les personnes trouvent inacceptable quand on leur dit que leur maison ou les biens accumulés sont trop élevés, leur empêchant de toucher un plein chèque ou, à la limite, pas du tout. Il reste deux alternatives alors. La première, c'est de se départir de ce qu'ils ont gagné à travailler pendant plusieurs années, car ces biens ne peuvent subvenir à leurs besoins, nourrir leur famille, les habiller, ou encore payer les médicaments. Mais il en reste une deuxième, car on a pensé à tout: si le chèque est insuffisant, les personnes peuvent faire une demande en vertu de l'article 25, mais l'argent accordé l'est souvent sous forme de prêt. Ces citoyens ne sont pas dupes, ils savent très bien que, pendant des années, la société leur a dit de consommer pour être de bons citoyens et que, maintenant, parce qu'ils ont trop consommé, on les empêche d'être un citoyen avec des besoins et des droits.

Je trouve qu'on doit avoir une attention particulière à l'égard de tous ces calculs qui empêchent des personnes de pouvoir subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille, car il ne faudrait pas oublier qu'ils ne sont pas inemployables, mais que le système en a fait des chômeurs involontaires. J'espère que la loi tiendra compte de ces faits et que les montants de l'avoir permis seront révisés en tenant compte de la réalité québécoise. La loi n° 115 d'avril 1996 a vraiment fait de l'aide sociale une loi de dernier recours en légiférant que les avoirs liquides au moment de la demande devraient être à zéro. Pour ces personnes, c'est donc de ne plus rien avoir. Ça veut aussi dire que le petit coussin qu'on gardait en cas de pépin vient de disparaître. C'est aussi les cadeaux de nos enfants que l'on mange; ces petites sommes nous permettaient d'avoir encore de petits rêves pour eux. Logique pour les décideurs quand avoir liquide zéro rime avec déficit zéro.

Mme la ministre, vous est-il possible de dire combien de ménages ont été privés d'aide à cause de l'application de cette loi car ils devenaient inadmissibles à l'aide par souci d'économie de l'État? Les personnes, quand elles en sont informées, trouvent cela scandaleux, et avec raison. D'ailleurs, nos groupes vous ont fait savoir leur indignation quant à cette même loi.

Ma plus grande crainte, Mme la ministre, c'est que la loi n° 115, loi appauvrissante, soit la couleur de votre projet de réforme. Je crois essentiel que le déficit humain soit pris en considération avant le déficit zéro des finances de l'État. Merci.

M. Fortin (Alain): Mme la ministre, je fais des mesures d'employabilité depuis la mise en vigueur de la sécurité du revenu en 1989. À cette époque, je faisais une démarche personnelle sans l'aide du ministère dans un cours de recherche dynamique d'emploi avec des travailleurs ayant pour la plupart un diplôme universitaire. Vous savez qu'à ce moment-là il y avait beaucoup de vérifications administratives des personnes assistées sociales, ce qui a créé beaucoup d'inquiétudes dans le groupe à l'époque. Ensuite, j'ai fait un programme PAIE comme commis-vendeur dans une boutique électronique; ça a été pour moi pénible. J'ai consulté un étudiant en maîtrise en psychologie à l'Université Laval; heureusement, car je commençais une mesure EXTRA comme caméraman dans un organisme de défense des droits de personnes en chaise roulante. Je pourrais continuer ainsi la liste.

Le lien commun est que c'est un méchant cocktail au niveau des contrôles quand on combine les exigences d'un promoteur qui prend des travailleurs sur des mesures d'employabilité et les exigences administratives de la sécurité du revenu. Ces contrôles m'ont rendu malade. J'ai consulté donc un médecin, car je faisais à ce moment-là de la haute pression. Pourtant, je me considère comme une personne vaillante. J'ai fait du bénévolat dans un journal communautaire plusieurs années en espérant que cela débouche en un travail rémunéré; à cette époque, j'avais cet espoir. Depuis 1987, je fais du bénévolat à l'ADDSQM.

Si on regarde un peu le graphique en montagne russe de la page 73, c'est-à-dire l'évolution du taux d'assistance sociale et du taux de chômage au Québec, on observe que, pour la plupart des gens, quand il y a des jobs disponibles, le monde va au travail rémunéré, ce qui explique qu'en temps difficiles il y ait une longue filée quand il y a un poste intéressant d'affiché. La sanction pour refus de travailler ou d'entreprendre un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi est trop sévère et a été toujours trop sévère. Par exemple, un soudeur qui refuse une mesure d'employabilité de ménage pour une communauté religieuse ne comprendra jamais pourquoi il a eu cette sanction. Il ressentira de la révolte et de la méfiance que, plutôt, la réflexion. Le montant de la sanction de 150 $ est élevé, ainsi que la période de 12 mois qui est vraiment trop longue. Cette sanction a l'effet pratique de presque jeter les prestataires dans la rue.

Les gains de travail permis, c'est bien de les augmenter. Ce serait mieux de diminuer des irritants pour les prestataires et les employeurs quand les montants gagnés mensuellement sont aléatoires. Vous savez, Mme la ministre, il y a déjà beaucoup d'agressivité dans les rapports entre les agents socioéconomiques et les prestataires. Il suffit d'élever le ton pour voir le fonctionnaire disparaître sous son bureau. Dans la trousse des mesures d'employabilité de la sécurité du revenu, je souhaite vivement que la proposition Bouchard, Labrie et acolytes sur les gains de travail soit intégrée à la fiscalité, c'est-à-dire le fameux chapitre 8 du rapport, où le taux de taxation proposé est de 68 %. Je trouve important, dans le retour au travail rémunéré, que les gens aient l'impression de gagner de l'argent. Merci.

M. Genest (Réjean): Nous sommes déçus aussi qu'à aucun moment le document ne fait état ou mention des forces, du savoir-faire, des compétences et de la détermination de la majorité des personnes assistées sociales, encore moins des efforts sans précédent que des centaines d'entre elles ont déployés en participant avec énergie et espoir aux différentes mesures d'employabilité et de réinsertion sur le marché du travail, mesures, d'ailleurs, qui, bien plus souvent qu'autrement, rapportaient bien plus aux employeurs et aux organismes qui les mobilisaient qu'à elles-mêmes. Comment une donnée aussi fondamentale peut-elle être absente d'une déclaration de réforme? Comment, sans tenir compte d'une variable aussi centrale, peut-on proposer des mesures qui vont permettre aux personnes assistées sociales de rejoindre les rangs des heureux et heureuses travailleurs et travailleuses? Seules les faiblesses des personnes assistées sociales sont mises en évidence, agrandies et déformées pour établir les bases d'une série de mesures trop souvent déresponsabilisantes, culpabilisantes, décourageantes et, somme toute, démotivantes.

(14 h 30)

On oublie aussi de mentionner les nombreux abus et injustices qu'ont permis les fameuses mesures, notamment les programmes EXTRA et PAIE. Plusieurs participants et participantes ont eu à faire face à des exigences démesurées et abusives de la part de l'employeur, de mises à pied injustifiées et d'atteintes sérieuses à leur intégrité physique et psychologique, en plus, bien entendu, d'avoir à répondre de l'insuccès de la mesure. Que dire aussi des éventuels employeurs qui abusent du système en utilisant systématiquement les programmes pour diminuer leurs coûts de main-d'oeuvre sans aucune intention réelle de créer des emplois? Bref, faiblesse pour faiblesse, vous n'êtes pas plus avantagée que nous, Mme Harel. Peut-être que ce n'est pas la loi comme telle, mais le ministère lui-même qu'il aurait fallu réformer, tellement le nouveau projet de loi sent le réchauffé et le brûlé. Au fait, nous vous la posons, la question: Nous reconnaissez-vous des forces, des savoir-faire, des compétences? Si oui, lesquels?

Nous aussi, nous voulons récupérer notre souveraineté individuelle et collective de travailleurs et de travailleuses libres. Pas qu'on paie notre loyer à notre place, pas qu'on vende à rabais notre force de travail, pas qu'on réglemente notre mode de vie, et encore moins que l'on décide à notre place où, quand et pour qui nous allons travailler. Quand on vit au sein d'un système et qu'on en retire des avantages, on lui doit quelque chose. Nous sommes bien d'accord là-dessus. Mais, quand ce système finit par vouloir nous assujettir, nous infantiliser et exige plus que ce qu'il vous procure, on est en droit d'agir pour corriger ce système, surtout si on a soi-même contribué financièrement à la création et au maintien de ce système. Votre fameux parcours nous conduira encore une fois vers des fonds de cour si vous persistez à définir la problématique comme vous le faites dans le livre vert, c'est-à-dire, pour nous autres, en considérant la personne assistée sociale comme quelqu'un de faible, de mal outillée, de mal encadrée et auprès de laquelle il faut exercer des pressions musclées afin de la réinsérer sur le marché du travail.

Je termine en vous informant que dorénavant vous devrez compter avec des personnes assistées sociales plus conscientes, de plus en plus aguerries et éduquées et surtout comptant plusieurs années d'expérience de mesures d'employabilité inefficaces, inappropriées et incapables de soutenir la personne assistée sociale dans ses efforts sincères pour retourner sur le marché du travail. Bonne chance.

Mme Jochems (Sylvie): En conclusion, Mme la ministre, les personnes assistées sociales ne se résignent pas. Ces témoignages soulignent le courage quotidien des personnes qui réclament le droit de vivre décemment au même titre que tous les citoyens et citoyennes du Québec. Aussi, il est très légitime que les groupes de défense des droits sociaux réclament une reconnaissance financière qui, concrètement, reconnaîtra le droit d'association des personnes assistées sociales qui, tout de même, représentent plus d'un huitième de la population québécoise. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à prendre la parole.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue, l'ADDSMM de Québec... enfin, je dis MM parce que j'ai l'habitude, mais, en fait, c'est l'ADDS Québec métropolitain, QM.

Mme Jochems (Sylvie): C'est un peu différent.

Mme Harel: Oui, c'est différent. Je vous remercie aussi d'avoir accepté de devancer votre présentation. J'ai certainement des collègues de ce côté qui voudront échanger avec vous.

La première chose qui m'apparaît évidente, c'est que les mesures d'employabilité, vous les dénoncez dans votre mémoire comme inefficaces – je cite le mémoire – inappropriées puis incapables de soutenir le retour des personnes assistées sociales vers le marché du travail. Vous avez dû aussi, à la lecture du livre vert, comprendre que ce constat est un constat qui s'est fait à différents niveaux. Il s'est fait aussi au ministère de la Sécurité du revenu. Il s'est fait aussi dans un avis assez fouillé que le Conseil québécois de la santé et du bien-être a publié sur l'harmonisation des politiques de lutte à l'exclusion. Alors, quoi faire à la place?

Moi, quand je suis arrivée, j'ai mis fin immédiatement aux payes dans les entreprises privées. Je vous entendais décrire un peu la situation, mais celle-là est arrêtée depuis le 1er avril dernier. Il n'y en a plus, de paye, dans les entreprises privées qui subventionnaient souvent des substitutions d'emploi. Et j'ai mis fin aux stages aussi, celui dont justement vous parliez qui a amené à une décision du Tribunal des droits de la personne et qui était survenu, ce stage, en 1993, où finalement les ministères engageaient des gens pour travailler, dans le fond, pas payés. Hein, ça, je crois qu'on fait le même constat. Mais quoi faire à la place?

Je pense que, peut-être, le principe qu'il faut se dire, c'est qu'il faut faire mieux que ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, parce que, évidemment, avec des curriculum vitae de mesures d'employabilité, on voit bien que, pour plusieurs d'entre vous – vous le démontrez – ça a tourné en rond. Est-ce qu'il faut abandonner la formation? Je vous ai écoutée avec beaucoup, beaucoup d'intérêt – c'est Mme Jeanne D'Arc Laplante... Non, hein?

Mme Laplante (Jeanne D'Arc): Oui.

Mme Harel: C'est vous, hein, Mme Laplante. Bon. Je vous ai écoutée avec beaucoup d'intérêt puis, en même temps, j'avais en tête ce que j'ai vécu hier dans L'Assomption, 33 chefs de familles monoparentales qui fêtaient. C'était une fête hier, elles s'étaient toutes mises des bouquets de corsage, puis elles fêtaient. Les 33 qui avaient plus de 10 années de durée à l'aide sociale, elles fêtaient, pas seulement d'avoir fini leur cours de technique de bureautique, elles fêtaient qu'elles avaient toutes trouvé un emploi. Et ça s'était fait grâce à une sorte de complicité entre le collège de l'Assomption, le centre Travail-Québec, la Chambre de commerce, la Société de développement de la Rive-Nord. Ça s'était fait aussi avec les besoins de main-d'oeuvre qui avaient été identifiés par la SQDM puis le profil des personnes qui l'avaient été par le centre Travail-Québec. En fait, ça a été comme une sorte de, si vous voulez... J'ai des lettres, vous n'avez pas idée avec quelle émotion on lit les lettres de ces personnes qui me disent: Je renais à la vie. Ce sont toutes des personnes qui ont eu à se réorganiser, avec des enfants, avec du transport qui n'existe pas vraiment sur la rive nord, etc.

Et je me dis donc que, pour certaines personnes, oui, mais pas pour toutes. Donc, il n'y aurait pas une façon uniformisée, et on devrait individualiser. Individualiser parce qu'on comprend... Et je regardais les études menées dans tous les pays industrialisés, vous retrouvez ça à la page 33 du livre vert, je mets les réussites comme les échecs; on met pourquoi il y en a pas mal, de mesures, qui échouent, puis, dans celles qui réussissent, on dit: «La formation en entreprise et l'alternance travail-études peuvent figurer parmi les options les plus prometteuses pour les adultes défavorisés, tandis que la formation uniquement théorique donne des résultats plutôt insignifiants.» Bien, ça fait à peu près 10 ans qu'il y a des résultats pas mal insignifiants, parce que c'est, la plupart du temps, un deuxième échec avec le rattrapage scolaire. Vous savez que c'est à 63 % le taux d'échec quand une personne essaie, réessaie, n'est-ce pas, de finir son secondaire, pas parce que la personne n'est pas capable, on la remet dans des conditions d'échec qu'elle a déjà vécues une première fois.

Alors, comment on s'en sort? Ça «veut-u» dire qu'il ne faut plus offrir la formation? Non. Parce que, quand c'est offert dans le milieu, par exemple, communautaire – l'exemple de RESO est quand même éclairant – ça réussit. Quand c'est offert comme ce qui a été vécu hier soir, ça réussit. Et les conditions de réussite, entre autres, c'est que cette formation-là se fasse sur mesure, mais qu'elle soit créditée, c'est-à-dire qu'elle puisse s'additionner pour donner un vrai diplôme, mais qu'elle se fasse sur mesure pour être capable d'aller assez rapidement sur le marché du travail, en fonction des besoins de main-d'oeuvre de son environnement. Ça signifie donc, et c'est ça dans un sens – bon, je ne vous en fais pas le reproche, je le constate, là – que vous restez dans le cadre des mesures d'employabilité et que vous faites: mesures d'employabilité égalent parcours d'insertion.

Non, mesures d'employabilité n'égalent pas parcours d'insertion. Un parcours d'insertion, ça se fait avec un plan local d'action pour l'économie et l'emploi, avec des partenaires qui viennent du milieu scolaire, du CLSC, des gens d'affaires, de la MRC, du commissariat industriel. Ça se fait en fonction du milieu. Parce que l'employabilité – l'échec, je l'ai mis là-dedans aussi – Alain Noël, le professeur de Montréal, l'a dit, c'est que ça individualise le problème, tandis qu'un parcours d'insertion dans le cadre d'un plan, eh bien, ça rend, dans le fond, une responsabilité des deux côtés. Alors, c'est nouveau, je pense, moi, cette responsabilité partagée.

(14 h 40)

Vous allez me dire: Bien, de l'ouvrage, il n'y en a pas. Mais je vous mets bien, bien en garde de penser qu'il y a plein d'universitaires à l'aide sociale. Il y en a 4,5 %. Il y en a 96,5 % qui n'ont pas de diplôme, puis les 4,5 % qui ont un diplôme. Je vous le dis bien honnêtement, c'est pas mal mieux avec un diplôme de cégep, de technique puis de métier secondaire, on a pas mal plus de chances de bien gagner sa vie maintenant qu'avec une formation générale. Je ne vous dis pas que ça signifie qu'il ne faut pas que les gens aient accès à une formation générale, mais il faut qu'ils sachent que la formation générale, ça ne conduit pas comme avant à un diplôme dans des professions libérales. On en a besoin de gens de métier, on en a besoin de technique. C'est là, finalement, où la garantie est la plus certaine de pouvoir bien gagner sa vie.

Juste deux mots sur les 55-59 ans. J'en ai parlé ce matin, mais je vous le redis, mes collègues et moi, on a bien l'intention, à la fin de tous nos travaux, de faire ensemble un rapport et on va regarder très attentivement cette question des 55-59 ans. Je comprends que ce qui nous est recommandé c'est de maintenir finalement le statut et non pas d'offrir des parcours d'insertion qui, à 55 ans, ont peu de chances de conduire une personne vers le marché du travail.

Sur la question des avoirs, des actifs, aussi, vous nous dites: L'exemption de 60 000 $, ça fait longtemps qu'elle est là, elle n'a pas bougé. Alors, il serait temps de voir comment on peut ajuster ça. Alors, on va regarder ça attentivement.

Je pense que vous nous dites qu'il faut faire mieux que ce qu'on a fait jusqu'à maintenant et puis, en même temps, comment. Vous ne proposez pas un revenu minimum garanti. Si c'est ça, c'est sûr que c'est bien différent du livre vert. Le livre vert, il part tout simplement du constat suivant: Il y a 800 000 personnes: il y en a 400 000, ce sont des enfants, des personnes aînées puis des invalides, et il y en a 400 000 qui, dans le fond, sont des chômeurs qui ont plus ou moins, si vous voulez, une expérience sur le marché du travail, mais il y en a 50 % qui ont quand même été mis à pied après six années de travail, hein. Donc, ça part du principe que ce n'est pas nouveau, on n'a rien inventé, c'est dans tous les pays industrialisés, y compris tous les pays avancés sur le plan démocratique, comme la Norvège, comme la Suède, comme le Danemark, ils ont un régime d'assurance-chômage puis d'assistance-chômage, puis l'aide sociale, c'est réservé juste vraiment aux personnes qui ne peuvent pas travailler: les enfants, les aînés, les invalides. On s'en est inspiré évidemment, et je ne pense pas que ça nous amène ni vers les États-Unis où, au bout de cinq ans, c'est fini pour la vie, l'aide sociale, ni en Ontario où ils ont maintenant décidé de faire financer les municipalités. Avez-vous idée de ce que ça coûterait dans le secteur de Limoilou pour la ville de Québec, puis à combien Cap-Rouge pourrait s'en tirer? Je trouve des exemples à Québec, mais pensez la différence; ça ne coûterait pas cher à Westmount puis pas mal cher à Verdun. Alors, on ne s'en va pas vers ça, pas du tout, on s'en va vers des modèles qui ont été bien des fois vérifiés dans des pays où ça a l'air de plus réussir que nous. Alors, je pense qu'on est en droit d'essayer en tout cas.

Mme Dubeau (Renée): Pour une réponse. Nous autres aussi, on est convaincus que les parcours individualisés, ça peut fonctionner. Mais il y a quelque chose que vous avez omis dans tout ce que vous venez de nous dire, c'est que derrière tout ça il y a des pénalités, puis, nous autres, on se dit: On ne peut pas aider les gens et les pénaliser d'un autre côté. On se dit, nous autres, puis, bon, dans le mémoire, on le dit, puis on le répète encore: Il faut que les gens soient volontaires pour s'insérer dans un parcours, puis un parcours individualisé qui leur ressemble, puis c'est eux autres qui vont avoir choisi de faire. Je pense qu'il n'y a pas une personne assistée sociale qui n'a pas cette volonté-là de fonctionner d'une manière ou d'une autre, soit dans un travail rémunéré, comme on le connaît aujourd'hui, ou dans une autre forme de bénévolat, même si on l'appelait aujourd'hui «bénévolat». Moi, je pense que ces gens-là ont la volonté.

Et vous-même, l'autre jour, vous disiez que les jeunes étaient contents d'aller chercher leur chèque, parce qu'on s'occupait d'eux autres. Mais, au bout de la ligne, qu'est-ce qu'on a eu à leur offrir? On leur a offert souvent des pénalités et c'est là-dessus que, nous autres, on accroche. On se dit: Oui, mais, avant tout, je pense qu'il faut assurer à ces personnes-là qu'elles aient de l'argent suffisamment pour pouvoir sortir le matin pour aller participer à une mesure. Et on espère bien que le 120 $ va rester là et qu'il va être inscrit dans la loi. Bon, ça, on le sait qu'il y a eu une petite polémique là-dessus. Mais, nous autres, on y tient à ce petit montant là, parce que, pour certaines personnes, c'était ce qui faisait le petit plus qui permettait de vivre un peu plus décemment que ce que les petits barèmes de non-participant offraient aujourd'hui. Ça fait que, là-dessus, on aimerait ça aussi s'assurer que, ça, ça va rester.

Mais nous autres, ce qui nous effraie le plus, je pense, c'est les pénalités où, là, ça fait mal, puis c'est la première barrière. C'est clair que, si les gens passent leurs journées à leur survie, ils n'auront pas le goût de participer à cette société-là comme on voudrait qu'ils participent. J'aimerais ça qu'on en tienne compte, puis je pense que tout notre mémoire avait été fait dans ce sens-là aussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, et nous entendrons Mme la députée de La Prairie par la suite.

Mme Harel: En fait, les pénalités, il ne faut pas les présenter comme si c'était quelque chose de nouveau. Vous êtes conscients que c'est des pénalités qui existent depuis 1989. La différence, c'est que c'est passé de 100 $ à 150 $, la pénalité pour refuser de participer à des mesures. La différence, là, j'imagine, vous l'avez vue, j'en suis convaincue, c'est que, dans le livre vert, ce qu'on dit, c'est que ce ne sera pas comme avant. Avant, c'était une pénalité pour un an et puis on ne pouvait pas l'arrêter en chemin même si on révisait. On l'était, puni, même si on était décidé à s'inscrire, puis c'était dans des mesures d'employabilité.

Vous savez, les mesures d'employabilité, c'est quelque chose de limité par rapport au parcours. Vous comprenez que le parcours, ça va être quand même plus élargi, entre autres, parce qu'on va être capable – vous êtes au courant de ça – de faire de la conversion. Ça, c'est nouveau. C'est quelque chose qu'il faut baliser, dans le cadre de l'économie sociale, des entreprises d'insertion, du bon d'apprentissage, d'un bon d'emploi, mais d'un bon d'emploi dans le cadre de ce qui peut être rentable collectivement puis personnellement. Mais il faut que vous vous rappeliez que ce qu'on dit, c'est que, en tout temps – on le dit à la page 53, à gauche, le chapitre en haut – en tout temps, la pénalité peut être levée automatiquement, dès que la personne accepte de s'inscrire.

Vous savez, à l'assurance-emploi, il va falloir trouver une égalité de traitement. On est à la recherche de recours semblables. Il ne faut pas faire différent: différent pour un chômeur à l'aide sociale, différent pour un chômeur à l'assurance-emploi. Mais, en même temps, vous savez qu'à l'assurance-emploi, si une personne quitte son emploi, elle n'a plus rien. Là, je comprends que, si cette personne-là s'inscrit dans un parcours, elle avait une pénalité. Elle perdait 150 $. Là, il faut que ce soit entendu que cette personne-là, en s'inscrivant dans un parcours, elle n'a pas de pénalité. Mais il faut une égalité de traitement de manière à ce qu'il se développe une jurisprudence sur qu'est-ce qui est raisonnable, qu'est-ce qui est réaliste, qu'est-ce qui, lorsque c'est proposé, est considéré comme une proposition qui ne peut pas être refusée. Bon. Là-dessus, je pense qu'il faut vraiment de la jurisprudence parce qu'il peut y avoir des abus d'autorité, hein. Pensez bien qu'avec un système qui va chercher 4 000 000 000 $, 5 200 personnes, bientôt 7 000, qui vont travailler moitié sur l'aide à l'emploi, moitié sur l'aide financière, il peut y en avoir, des abus. Mais comment, justement, instaurer un système de droit qui va faire qu'il va y avoir des recours?

Mme Dubeau (Renée): Moi, j'aimerais ça rajouter quelque chose pour la pénalité. Moi, je pense que, dans ce projet de réforme là, on a étalé la pénalité, parce qu'on n'aura plus de programmes, donc ça va tout être des parcours individualisés et, pour chacun des parcours individualisés, il va y avoir un petit pendant derrière qui est une pénalité de 150 $. Actuellement, dans la loi, le 150 $ de pénalité ne s'appliquait pas sur toutes les mesures. Pour en avoir rencontré souvent et pour répondre au téléphone, on sait très bien que, dans le cas des mesures d'employabilité abandonnées, tout ce que ça fait, c'est qu'on perd le barème de participant. Donc, ça, ce n'est pas la pénalité, c'est qu'on revient au barème de non-participant.

Mme Harel: Mais faites attention...

Mme Dubeau (Renée): Et on sait que c'est seulement pour les programmes, les mesures d'aide à l'emploi. Exemple, le programme Agir, ou des choses comme ça, où la pénalité s'applique et, d'ailleurs, on la fait appliquer systématiquement.

Mme Harel: D'accord.

Mme Dubeau (Renée): Et on peut en cumuler deux. Et, là-dessus, on le garde.

Mme Harel: Donc, ce que vous dites, c'est: Actuellement, c'est quand il y a un refus d'emploi.

Mme Dubeau (Renée): Ou mesures d'aide à l'emploi. Exemple, le programme Agir, qui a été mis en branle...

Mme Harel: Bon.

Mme Dubeau (Renée): ...l'année passée, avec la loi n° 115.

Mme Harel: À ce moment-là, il y a la pénalité, mais, dans une mesure d'employabilité...

Mme Dubeau (Renée): Il n'y a pas de pénalité.

(14 h 50)

Mme Harel: ...c'est le retour au barème.

Mme Dubeau (Renée): C'est ça.

Mme Harel: Bon. Mais il n'y aura pas beaucoup de parcours. Vous pensez, vous, que des parcours, ça va être comme le Petit Poucet, il va y en avoir beaucoup. Il y en a juste un. Tout le long, il peut y avoir, par exemple, un effort pour aller en formation; ça se peut que ça ne marche pas. La personne va revenir puis va essayer d'autre chose. Les essais et erreurs ne seront pas pénalisés. Ce dont on parle, nous, c'est du refus de faire un parcours, pas le fait que, dans un parcours, on puisse changer sa voie si ça ne marche pas.

Mme Dubeau (Renée): Bien, ça, ce n'est pas clair non plus. De quoi vont avoir l'air les parcours individualisés? On «va-tu» pouvoir aussi, à l'intérieur de ce parcours-là, revenir en arrière, faire des modifications? Puis nous autres, une des choses pourquoi on a très peur, c'est: Qui va avoir le contrôle sur ces parcours-là? Est-ce que ça va être la personne elle-même qui, elle, a sa compétence pour le faire, ou si ça va être encore l'agent, comme c'est actuellement? Parce que, actuellement, nous autres, on sait très bien que dans les plans d'action, et on le vit au quotidien, c'est l'agent qui a toujours le dernier mot sur le plan d'action et, dans le fond, c'est lui qui pénalise aussi. Ça fait qu'on se dit: Dans les parcours individualisés, ça va être la personne qui va être son propre maître d'oeuvre, et c'est ça qu'on espère.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Oui. Bonjour à l'ADDS du Québec métropolitain. Merci d'être là. Justement, je voulais vous questionner sur cela, parce que vous dites, et vous appuyez, bon, que la démarche doit être une démarche basée sur le volontariat. Si j'ai bien compris, vous êtes d'accord aussi avec le parcours individualisé, c'est-à-dire qui sort un peu de la façon de faire auparavant, qui, à bien des égards... Puis je pense que, ici, beaucoup de gens sont d'accord avec vous pour vous dire qu'il y a de nombreux échecs, comme on est aussi nombreux à être d'accord avec vous, de ce côté-ci aussi, que le marché du travail est en mutation, que ce n'est pas un marché du travail facile et que c'est vrai que le marché du travail ne peut pas répondre à tout. Mais, indépendamment de ça, c'est que vous souscrivez quand même à cette démarche de parcours individualisé, et, c'est ça, je pense que, là, vous dites: Bon, on n'est pas d'accord avec des pénalités. Bon, je voudrais vous poser la question: Est-ce que c'est sans exception, dans tous les cas? Ça, je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Dubeau (Renée): Je pourrais vous dire oui. Ha, ha, ha!

Mme Simard: Ha, ha, ha! Mais que, par exemple, quelqu'un qui est d'accord avec un parcours qui lui est dessiné ou qui est dessiné conjointement pour elle, alors une personne... Et, effectivement, ce parcours-là, il peut être différent, dépendant des étapes. Un parcours, ça suit différentes étapes. Enfin, c'est un peu comme ça, dans notre esprit, qu'on le voit. Et, une fois une étape franchie, si elle ne donne pas le résultat escompté, il peut y avoir une autre étape puis, à ce moment-là, il n'y a pas de pénalité. Et si, en bout de course, effectivement – parce que vous le dites puis, c'est vrai, ça se comprend – il n'y a pas d'emploi au bout de la ligne, effectivement, là, c'est un problème qui reste entier. Dans la mesure où il y a des emplois effectivement et que la personne refuse, bien, là, je veux vous entendre. Vous dites: Non, pas de pénalité sans exception. Mais, dans ce cas-là, c'est quoi, votre position? Parce que, au fond, on arrive un peu...

Mme Dubeau (Renée): Bien, là-dessus...

Mme Simard: Je ne dis pas qu'il y a des emplois pour tout le monde tout le temps, que ça se posera comme ça. Mais si ça se posait, comme c'est probable que ça puisse se poser.

Mme Dubeau (Renée): Bien, on espère que ça va être ça, la fin des parcours. Comme Réjean le disait, on espère que ça ne sera pas un fond de cour. On espère bien, nous autres aussi, qu'au bout du parcours, s'il a été bien fait, si la personne a été partie prenante du processus, normalement ça devrait arriver à un emploi, à un emploi rémunéré, décent, qui permette de vivre en dehors de l'aide sociale, et c'est le souhait d'à peu près toutes les personnes qui sont personnes assistées sociales ou qui travaillent avec elles et qui sont en alliance avec elles. Je veux dire, c'est le souhait de tout le monde que tout le monde puisse participer puis avoir son gain et sa paye à toutes les semaines. Je veux dire, nous autres, ici, on ne peut pas être contre ça.

Mais, nous autres, c'est toujours le rapport de force qui va s'établir et qui va toujours décider parce que, actuellement, on le sait, c'est au niveau de l'agent qui a le gros bout du bâton, et c'est ça qu'on veut rétablir, que ce soit la personne elle-même qui gère ses affaires, bon, en accord, bien entendu... C'est un contrat, mais ça sera un contrat mutuel entre deux personnes qui se font confiance mutuellement aussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très courte, Mme la députée.

Mme Simard: Oui, très rapidement, pour vous dire que dans le livre, ici, à la page 41, il est bien clair, O.K.?, qu'en ce qui concerne le parcours, eh bien, il va s'agir d'une entente signée. Donc, par conséquent, la personne qui est visée... C'est un parcours individualisé, il y a des durées qui vont varier, dépendant des cas et, évidemment, de la capacité des personnes. Ça, on va en convenir. Mais, dans l'éventualité où il y a effectivement un emploi qui est offert, qu'on est à décider si l'emploi est convenable ou pas et, ultimement... Parce que, dans le cas de l'assurance-emploi, qu'on aime ça ou qu'on n'aime pas ça, puis les gens qui sont sur le marché du travail, si tu quittes ton emploi, bien, c'est terminé. Alors, est-ce que vous voyez qu'il y a une différence de statut de ce côté-là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une très courte réponse.

Mme Dubeau (Renée): Bien, veux-tu y aller?

M. Fortin (Alain): Bien, moi, les parcours individualisés, c'est un peu comme en mathématiques, faire de l'intégration. La somme des petits points, ça fait des courbes, hein. Finalement, les parcours individualisés, quand il va y avoir une centaine de mille personnes qui vont les suivre, ça va se ressembler beaucoup de l'un à l'autre. Il peut y avoir des petites différences.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avez-vous terminé?

M. Fortin (Alain): Oui.

Mme Dubeau (Renée): Bien, au niveau de l'emploi, moi, je me dis: Bien, c'est sûr qu'à quelque part il va y avoir des arbitres, comme on est habitués, puis il y aura quelqu'un qui devra juger de tout ça, de la pertinence, s'il y a abandon ou pas ou refus. Mais je me dis: Si le processus est bien fait, je ne verrais pas pourquoi il n'y aurait pas ce résultat-là au bout. Mais là il faudra voir quel emploi, puis, dans le système actuel, je ne le sais pas si on pourrait placer toutes les personnes assistées sociales en emploi, parce que le processus, il pourrait peut-être aboutir à autre chose qu'un emploi. Mais là on verra peut-être plus tard.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci. Bienvenue à cette commission. Peut-être continuer, Mme Dubeau, sur, justement, les emplois. On semble oublier du côté ministériel que, cette année, il s'en est perdu environ 50 000 au Québec. On semble oublier qu'il y a un taux de chômage alarmant, surtout dans la grande région de Montréal. Alors, je pense que la réalité qu'on a devant nous, c'est aussi la réalité que vivent justement les gens prestataires de l'aide sociale, et les coupures qui se sont accumulées au cours des deux dernières années font que, finalement, même si vous viviez avant sous le seuil de la pauvreté, là c'est encore pire. Moi, je vais dans mon comté. Les gens, avant, avaient beaucoup de difficulté à arriver, mais, maintenant, ça frôle la misère. C'est tout le fardeau supplémentaire qu'on a demandé à des gens qui n'avaient pas le pouvoir de le prendre, qu'on a demandé à des gens qui, déjà, n'arrivent pas en fin de mois. On a demandé le fardeau sur l'assurance-médicaments; nous, on l'a décrié, parce qu'on l'a dit que ça n'avait pas de sens, et on voit les conséquences aujourd'hui. Il y a des groupes communautaires à Montréal qui sont obligés de faire des campagnes de fonds pour aider les gens à payer leur contribution financière. On est rendu à un système comme ça; alors, il faut se poser des questions.

Je veux revenir peut-être au niveau... Aussi, vous avez fait mention tantôt de l'importance de voir dans le projet de loi «barème de participation». Je pense que vous avez touché un point. Un barème de participation, écrit noir sur blanc dans la loi, ça protège les prestataires de l'aide sociale et ça les aide à combler leurs besoins essentiels. Mais, si on parle ici d'un supplément de participation, c'est une toute autre chose et, à ce moment-là, ce n'est pas pour aider les gens à combler leurs besoins essentiels, c'est un peu comme une prestation spéciale, comme il existe actuellement dans le système. Ça, ce n'est pas encore clair, ça n'a pas été dit clairement: Oui, je conserve le barème de participation et ça va être inscrit dans la loi. Je pense que ça, il va falloir qu'à un moment donné on nous le dise, que, vraiment, le barème de participation est un barème et non pas un supplément ou une allocation – qu'on lui donne le nom qu'on veut – une allocation à la participation, parce que ce n'est pas pareil du tout.

J'aimerais revenir – tantôt, je pense que c'est vous encore, Mme Dubeau – sur les avoirs liquides. Les avoirs liquides, moi, je vois des conséquences énormément à ça, dévastatrices, ça restreint l'accès, et M. Bouchard nous disait qu'avec cette mesure-là, que le gouvernement a mise en place avec la loi n° 115, ça restreint l'accès – il était d'accord avec ça, lui aussi – mais il disait aussi que ça amène au dénuement le plus total et aussi que ça amène des gens honnêtes... que le gouvernement force des gens honnêtes à tricher pour se protéger ou protéger leurs enfants. J'aimerais vous entendre davantage sur ça, ce que vivent les gens qui veulent aller faire une demande d'aide sociale, et si vous êtes prêts à dire au gouvernement d'admettre son erreur, d'admettre son manque de sensibilité quand il a mis ça sur la table et de reculer au niveau des avoirs liquides.

(15 heures)

M. Fortin (Alain): Bien, je ne vous parlerai peut-être pas des avoirs liquides, mais, par exemple, au niveau de l'emploi, les prestations, actuellement, sont à 40 % du seuil de pauvreté. O.K.? Pour juste sortir de l'eau un peu, pour que ce soit un petit peu confortable, il faut avoir au moins 50 % à 60 % du seuil de pauvreté. Moi, je reçois 400 $ par mois actuellement, et puis pour vivre un petit peu, pour sortir un peu la tête de l'eau, ça me prendrait 500 $. C'est 400 $ parce que je partage un logement. Ce n'est pas parce que tu partages un logement que tu fais nécessairement des économies, quand on est sur l'aide sociale. O.K.? Tu fais des économies quand tu dépasses le seuil de pauvreté ou 110 % du seuil de pauvreté. En dessous de ça, il faut quasiment faire de la désobéissance civile pour pouvoir s'en sortir. Et une des choses importantes, c'est qu'à chaque fois qu'une personne fait une démarche d'insertion à l'ouvrage il faut qu'elle soit toujours gagnante. C'est pour ça que, moi, j'aime bien la proposition Bouchard, parce que, chaque fois que la personne va sur le marché du travail, elle a l'impression de gagner un peu d'argent.

Actuellement, à part des gains de travail permis, quand tu les as dépassés, O.K., les gens ont l'impression de perdre de l'argent. Il va falloir penser en termes de psychologie: Qu'est-ce qui se passe entre la personne qui reçoit de l'aide sociale, l'employeur et l'État? Si l'État ramasse tout, il y a une collision tout le temps entre la personne assistée sociale et l'employeur. Les employeurs préfèrent engager plus la femme d'un professionnel ou d'un autre travailleur que de faire affaire avec les centres Travail-Québec. Pour eux autres, c'est un irritant de moins.

Les avoirs liquides. Bien, si, pour avoir de l'aide sociale, il faut être dans la rue et que ça prend une adresse pour recourir à l'aide sociale, il y a un maudit problème. Puis, à chaque fois, actuellement, c'est ça que j'ai l'impression de vivre. Au niveau de l'assurance-maladie, on a augmenté mes dépenses puis, d'un autre côté, on me baisse ma prestation. Ma prestation n'a pas été indexée depuis quelques années, puis là je commence à être tanné!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Dubeau, commentaires additionnels?

Mme Dubeau (Renée): Quand je disais, dans ce que je vous ai lu tantôt, que c'est scandaleux, à mon avis, c'est vraiment un scandale et ça a été une des choses les plus odieuses, je pense. La loi n° 115, ça a été épouvantable et ça a fait des répercussions psychologiques chez les gens, là, où ils vivent une insécurité. On sait que le chèque, quand on fait une demande, il ne rentre pas le lendemain dans la boîte à malle, chez nous, là, il rentre 10 jours puis 15 jours plus tard, si on a tous les papiers et si tout fonctionne bien. Ça fait qu'imaginez-vous, là, quand notre compte est à zéro et que c'est la part sociale de la caisse populaire qui y passe! On a eu des personnes, la semaine passée... une femme n'a pas eu le droit, ils n'ont même pas analysé son dossier parce qu'elle avait 2 $ de plus. Et ça, c'était à partir du 5 $ de part sociale. Je trouve ça épouvantable. Moi, je ne peux pas croire qu'on va laisser les gens mourir de faim pour avoir droit à l'aide sociale. Ça, je trouve ça épouvantable.

Et ça, je pense que, oui, elle peut dire que c'est une erreur. C'est sûr que si leur but, c'était d'économiser des sous, ils ont peut-être réussi un peu plus, mais ça fait des gens qui sont dans la rue; quand ils arrivent, là, ils sont tout nus dans la rue, la dernière chemise y a passé.

Et tout ce que je disais des enfants. Il y a eu un cas, la semaine passée, une femme pleurait quasiment en me disant: Quand je pense que j'ai économisé un souper au restaurant pour mettre dans le petit compte des enfants; avoir su, je l'aurais mangé, parce que, là, c'est le gouvernement qui va le manger. Et c'est une femme qui avait travaillé beaucoup dans sa vie, et je trouve ça épouvantable. Moi, quand les gens m'arrivent avec des histoires comme ça, bien, ce n'est pas pour rien qu'on a souvent la larme à l'oeil et le motton dans la gorge, parce que c'est des choses comme ça que la loi n° 115 a faites, et la loi 37. Puis la loi n° 115 a mis le dernier clou pour le renfoncer. J'espère que la réforme va en tenir compte, parce que je me dis: On vit dans un pays supposément riche, je trouve ça épouvantable qu'on soit obligé que les gens meurent de faim pour arriver à l'aide sociale.

Mme Loiselle: Vous avez raison, on ne peut pas regarder la proposition gouvernementale sans englober les effets de la loi n° 115, parce que, même si ça a été fait avant, c'était une partie de la réforme d'économie qu'on a faite avant, finalement, puis ensuite on a déposé la réforme, mais c'est une partie intégrante de la réforme, des compressions qu'on retrouve dans la réforme.

Tantôt, la ministre a semblé ouvrir une porte au niveau des 55-59 ans. Il y a une réflexion qui semble intéressante de la part gouvernementale, de peut-être reculer à cet égard-là puis de réaliser que c'était utopique. On se demande qui a eu l'idée de penser qu'avec la situation actuelle, économique, les pertes d'emplois qui se vivent actuellement au Québec, comment quelqu'un a pu arriver à penser que les 55-59 ans auraient de la facilité à réintégrer le marché du travail. Ce qui est intéressant, c'est de voir que le gouvernement se rend compte qu'il a peut-être fait un mauvais pas dans ce sens-là.

Ce qui est plus malheureux – mais peut-être que ça va venir avec le temps dans nos échanges – c'est au niveau des familles monoparentales. La porte ne semble pas encore ouverte à cet égard-là et, moi, je dois vous dire que, ça, c'est un point que, depuis le début, je dénonce, de retirer à ces mères de famille seules le barème de non-disponibilité. Je ne sais pas si vous étiez là ce matin, mais le Conseil de la famille a fait une étude avec les chiffres de la politique familiale, l'allocation unifiée pour enfants, et les jeunes enfants de l'aide sociale, ce sont des enfants qui sont perdants avec l'allocation unifiée. Alors, c'est aussi une perte pour ces familles-là.

Moi, j'aimerais vous entendre à cet égard-là, si, finalement, avec tout ce qu'on a devant nous, ce n'est pas préférable de rester dans le régime actuel que de se retrouver avec un système qui, s'il n'est pas modifié avec la proposition gouvernementale qu'on a devant nous, en sachant que le gouvernement n'est pas capable, au moment où on se parle, d'offrir à tout le monde des mesures intéressantes, efficaces et l'accessibilité aux mesures à tous les prestataires; en sachant qu'il s'en va avec l'obligation, la pénalité et tout le dossier, le caractère coercitif de la réforme; en sachant que les familles monoparentales, qui sont les familles les plus pauvres parmi les familles pauvres du Québec, sont très touchées dans cette proposition-là, si, finalement, on n'est pas mieux de dire: Bien, écoutez donc, tant qu'à être sous le seuil de la pauvreté et en arracher encore plus, on est peut-être mieux de demeurer avec le régime actuel?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant de répondre à cette question-là, M. Genest, vous m'aviez fait signe que vous vouliez donner un complément de réponse.

M. Genest (Réjean): Moi, j'avais un commentaire à faire, personnel un peu. Je voudrais d'abord vous dire que je trouve ça inacceptable, Mme Harel, les coupures d'avant la réforme, qui ont eu lieu. Je trouve ça inacceptable. Ça a appauvri les gens. Je vais vous dire aussi en plus, Mme Harel: J'ai travaillé dans plusieurs organismes. Et, le dernier, avec des personnes assistées sociales et des personnes handicapées, on a quadruplé la production sur deux ans et quadruplé les revenus et il n'y a pas une maudite job qui s'est sortie de là parce qu'il n'y a pas de contrôle de la part du ministère sur les organismes qui utilisent ces programmes-là.

Moi, je leur disais dans le temps: Patientez, ce gouvernement-là, le Parti québécois, ils vont nous aider, ils vont nous arriver avec des belles mesures. Là, vous nous arrivez avec ça, un parcours vers l'emploi. On s'en va et on va leur dire: Bien, vous avez passé 12 mois sur le programme EXTRA. On vous a dit: Un autre petit trois mois d'EXTRA et, après ça, un petit six mois de programme PAIE, 21 mois de ta vie pour te faire dire: Il n'y pas d'argent. Même si tu as quadruplé... Et ça, ça s'est passé dans plusieurs organismes. Là, votre parcours vers l'emploi, Mme Harel, ça va nous conduire vraiment vers... Là, vous nous donnez toutes les responsabilités. Non, non, ça va être le percepteur qui va lui-même établir... On n'y croit pas beaucoup. Pas beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Dubeau.

Mme Dubeau (Renée): Moi, quand on parlait un peu de statu quo, je ne suis pas vraiment pour ça. Ce qu'on ferait plutôt – et on s'est posé la question à l'Association – on reviendrait peut-être avant la Loi sur la sécurité du revenu, alors que l'aide sociale, c'était un droit, l'aide sociale n'était pas un cadeau comme actuellement. Je clorais avec ça. Si quelqu'un...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. D'autres questions?

Mme Loiselle: Oui, tantôt – je ne sais pas si c'est M. Genest ou M. Fortin – vous disiez qu'actuellement l'atmosphère entre les prestataires et les agents dans les centres Travail-Québec, c'est assez tendu. Je pense que vous avez dit les mots: Il y a de l'agressivité. Actuellement, dans la réforme, on propose que l'agent devienne un conseiller en emploi, en espérant qu'il va avoir toute la formation voulue pour devenir un vrai conseiller en emploi, mais, aussi, il porte le chapeau de celui qui va faire comme le contrôle, qui va appliquer la pénalité. S'il n'y a pas d'ajout d'agents finalement – parce qu'on sait qu'ils sont déjà très débordés dans les centres – j'aimerais vous entendre sur ça, toute l'atmosphère qui pourrait se créer.

M. Fortin (Alain): Bien, avec les contrôles actuellement, l'atmosphère est tendu. Il y a eu une rencontre avec des agents socioéconomiques et on a partagé nos impressions de chacun notre bord du guichet. Ce qui en est ressorti, c'est ça, cette espèce d'agressivité. Le fait d'appeler le monde et les forcer à chercher un emploi malgré eux, sans nécessairement présenter d'autres mesures et sans nécessairement qu'il y ait personne sur le marché du travail pour voir s'il y a une possibilité que ces gens-là se trouvent un emploi, ça crée de l'agressivité. Chaque fois que tu as un petit contrôle de vie maritale, des affaires comme ça, l'accumulation de tout ça fait en sorte que de part et d'autre... Moi, je considère ces agents-là plutôt comme des policiers qu'autre chose. Et, changer de régime, ça va prendre un certain temps avant que je change d'opinion aussi. Et le fait aussi d'appliquer les mesures, moi, j'ai l'impression, quand je vois un agent, c'est: Tu fais ce que je te dis. Si tu ne fais pas ce que je te dis, je te plaque, tu as une sanction.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Jochems.

(15 h 10)

Mme Jochems (Sylvie): Oui, merci. C'est évident qu'il y a maintenant une perte de confiance envers le système. Les gens n'ont plus confiance au système, au CTQ. On n'a pas confiance en ce qu'on nous propose. On aimerait beaucoup plus que ça parte de nous, qu'on puisse être respecté dans ce parcours-là. Il n'y a rien qui nous garantit des réelles compétences en orientation-counseling, en relations d'aide. Les agents d'aide socioéconomique, je ne dénigre pas le travail qu'ils font, mais, dans l'activité qu'on avait faite, en collaboration avec les agents d'aide socioéconomique, on s'est rencontré, on a dialogué sur nos préjugés mutuels et, ce qui ressortait, c'est que le système en soi, quant tu as 400 à 500 dossiers à gérer, c'est comme pas évident de pouvoir donner l'information correctement et c'est évident que tu n'auras pas le temps de te préoccuper des réels besoins des personnes, de respecter et de discuter en ce sens-là de ce que les personnes veulent. Et, en ce sens-là, nous, on doute beaucoup de cette orientation-là, d'aide psychosociale, on doute énormément des compétences, si c'est encore les mêmes personnes qui sont là. Et les préjugés vont demeurer par la suite, vont persister.

Mme Loiselle: Dans la loi n° 115, vous savez qu'il y a un article, l'article 8, qui n'a pas été mis en vigueur, c'est celui qui assujettissait les programmes EXTRA aux normes minimales de travail. Celui-là n'a pas été mis en vigueur, les autres ont tous été mis. Celui-là coûtait de l'argent, les autres récupéraient de l'argent. Mais, j'aimerais savoir, vous, dans votre mémoire, vous suggérez que les mesures actives qu'on retrouve dans la proposition gouvernementale soient assujetties aux normes minimales de travail. J'aimerais vous entendre. Avec toute l'obsession du déficit zéro du gouvernement actuel, c'est sûr qu'il y a des coûts reliés à ça, comment verriez-vous l'implantation, là, de ces mesures actives versus les normes minimales du travail?

Mme Dubeau (Renée): Moi, je pourrais y aller. Je me dis...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, Mme Dubeau.

Mme Dubeau (Renée): ...si c'est un emploi... Réjean en faisait l'illustration tantôt. Quand on quadruple une production, donc ils ont quadruplé, eux aussi, leurs profits dans l'année. Pourquoi les employés, eux autres, ne participeraient pas à cette richesse-là? Je veux dire, il me semble que c'est logique que, si les profits augmentent... Pourquoi les employés, eux autres, leur salaire a tendance à diminuer? C'est clair que, pour nous autres, les mesures, les programmes, là, on ne l'a pas dit aujourd'hui, mais j'ai envie de vous le dire: Pour nous autres, c'est de l'esclavage.

Quand Réjean disait: C'est de la force, de la force de travail de personnes qu'on utilise. Je veux dire, c'est clair, les mesures, là, ce n'est pas de la formation, les gens travaillent. Ils travaillent pour rien, avec aucune sécurité. S'il leur arrive quelque chose, ces personnes-là, si elles se blessent ou si elles se ramassent en fauteuil roulant, c'est l'invalidité et le soutien financier jusqu'à la fin de leurs jours. Je veux dire, on n'a pas une personne qui devrait être au travail avec des conditions comme ça. Pour nous autres, c'est de l'esclavage et on n'en veut plus.

Je veux dire, si la richesse augmente, bien, que tout le monde y participe et que tout le monde en profite aussi. Les employeurs en ont profité, de toutes ces mesures-là. Il y a des entreprises qui se sont tenues debout pendant cette crise-là et qui sont encore là, et nous autres, on est toujours, on est même plus pauvre qu'on était. Alors, on se dit, nous autres... c'est pour ça que, minimalement, les normes minimales du travail, minimums... Quand c'est de l'emploi, c'est de l'emploi. On ne joue pas avec les mots.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il nous reste deux minutes.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Ma compréhension de notre système: il est clair que l'appui donné aux personnes sur la sécurité du revenu, en termes financiers, est grandement en dessous des besoins minimaux. On a la possibilité, selon le livre vert, de tenter de combler un tout petit peu l'allocation de sécurité du revenu avec un revenu de travail permis. Avez-vous des statistiques sur combien de personnes réussissent, dans un premier temps, à combler cet écart entre le minimum, les besoins essentiels, qu'on ne fournit pas, avec le travail, et est-ce que ce revenu de travail permis, selon le livre vert, est suffisant? Même si on trouve du travail, est-ce que le maximum permis est suffisant, selon vous?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, en une minute.

Mme Jochems (Sylvie): Non, nous n'avons pas de statistiques. Cependant, il est clair que, depuis une dizaine d'années, il y a une activité qu'on fait, à l'ADDSQM de Québec, qui permet aux personnes de s'exprimer sur leur vécu de pauvreté. Et, ce qui est clair, avec la photolangage – on étale une centaine de photos et les gens en choisissent une pour parler de leur vécu – c'est que la pauvreté est grandissante, les gens se sentent avec des couteaux sur la gorge, l'idée de mort est constamment présente. La détérioration des conditions de santé physique et mentale, c'est clair que ca parle énormément, et ça, ça bat toutes les statistiques, ce vécu-là qui parle.

On est membre de la Coalition nationale sur l'aide sociale. Alors, en ce sens-là, on revendique ce que vous avez vu, la première revendication pour un revenu décent. On est membre du Front commun des personnes assistées sociales et, en ce sens-là, nous souhaiterions que le barème de base soit minimalement – «minimalement», je dis bien... Et ce n'est même pas encore un revenu décent. Mais, en tout cas, c'est assez éloquent quand on voit le dernier tableau du livre vert, où on reconnaît des besoins essentiels à 667 $, alors que le barème de base ne comble même pas ça. En plus, avec les pénalités, on peut toucher ces besoins; encore pire, on peut les gruger. Eh bien, c'est évident que l'idée de mort est présente constamment et ce n'est vraiment pas une mort virtuelle, mais c'est une réalité qui est constante.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Malheureusement, c'est déjà terminé. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, pour une courte conclusion.

Mme Loiselle: Oui. Seulement vous remercier beaucoup, beaucoup de votre participation, parce que je pense que c'est bien important pour les membres de la commission de bien saisir ce que vivent finalement les gens qui sont confrontés à se retrouver à l'aide de derniers recours, ce qu'ils vivent au niveau du quotidien, pour ne pas oublier que c'est bien beau de mettre en place des structures, mais, les impacts sur les gens, c'est encore ça qui est le plus important et c'est là qu'il faut vraiment concentrer notre travail. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la ministre, pour une courte conclusion.

Mme Harel: Oui. Alors, je veux ajouter aussi mes remerciements à ceux de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en vous rappelant que ce que vous dénoncez aujourd'hui, ce que vous vivez au quotidien, ce n'est pas arrivé avec le gouvernement, c'est un héritage. L'opposition fait comme semblant que les besoins essentiels, les mesures d'employabilité...

Mme Loiselle: La loi n° 115, c'est vous autres.

Mme Harel: ...et tout ça, c'était comme pas arrivé dans leur temps. Moi, il y a une chose en tout cas que j'ai trouvé intéressante, puis je veux vous rassurer, c'est que, dans la loi 37, il y avait exclusion des chômeurs de l'aide sociale, de l'ensemble des politiques de main-d'oeuvre. Ça, c'est fini, ça. Les conseillers en emploi, ils seront 3 500, ceux qui actuellement dispensent à la fois aux chômeurs à l'assurance-emploi ou aux chômeurs qui vont chercher les services de la SQDM et qui ne sont pas à l'aide sociale, et à ceux aussi des conseillers qui vont se trouver à être dans des modules distincts. Et, 3 500, je vous dis juste ceci: à 10 personnes, ça veut dire 35 000 personnes qui peuvent faire un parcours individualisé dans une année; puis, à 100 personnes, c'est 350 000 personnes qui peuvent faire un parcours individualisé.

Puis n'oubliez pas qu'avoir 100 personnes dans l'année à s'occuper, c'est être capable, par semaine, de voir deux personnes et d'aller au fond. Alors, il ne faut pas que vous vous mettiez à penser que c'est le statu quo, là. Ce n'est pas les 423 dossiers pour le même agent, aide financière et employabilité, tout en même temps; c'est, comme je vous l'ai rappelé, 400 000 personnes administrées par la Régie des rentes, les chômeurs administrés par l'assistance-chômage, avec les mêmes programmes ouverts que les autres chômeurs et les mêmes conseillers. Alors, qu'il y en ait 100 dans une année par conseiller, il me semble que ça va nous changer pas mal de ce qui se passe et de ce que vous vivez présentement.

(15 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, je vous remercie, et je vous remercie beaucoup, mesdames et messieurs.

J'invite maintenant les représentantes et les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques à s'approcher.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais la collaboration habituelle des gens qui se préparent à sortir de façon à permettre de continuer les rencontres sans problème et de donner à tout le monde la même occasion d'être entendu, et de la même façon, et de la même qualité. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gingras, j'apprécierais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent, titres et noms, pour fins d'enregistrement. Vous pouvez commencer votre présentation.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Alors, membres de la commission, Mme la ministre, m'accompagnent, pour la présentation du mémoire de la CSD, à ma droite, Hélène Dubé, qui est au service des communications de la Centrale, et, à ma gauche, Catherine Escojido, du service de recherche de la CSD.

La Centrale des syndicats démocratiques a 25 ans cette année. Elle compte, bien sûr, 58 000 membres au Québec, répartis dans quelque 400 syndicats. C'est dans plusieurs secteurs d'activité importants de l'économie du Québec que nous représentons des membres, et la CSD est active, bien sûr, à plusieurs niveaux pour justement discuter des grands enjeux de société dans lesquels, je pense, nos membres sont impliqués et qui les confrontent constamment.

Après tant et trop de tentatives pour remailler le filet de sécurité sociale, la CSD estime qu'il apparaît essentiel, avant de réformer la sécurité du revenu, de bien cerner le contexte général dans lequel l'Occident industrialisé évolue et évoluera, et comment, dans cet environnement, se comporte et se comportera le Québec.

Il faut établir et prévoir les urgences et les nécessités, puis les concilier, bien sûr, avec les ressources financières et technocratiques, le tout dans le respect des valeurs de solidarité qui animent notre société. À ce propos, établissons dès le départ le fait que nous déplorons la trame de fond de la réforme, à savoir la réduction à tout prix du déficit dont les effets sont masqués sous une vision idéalisée du marché de l'emploi où le simple parcours individualisé conduirait irrémédiablement à un emploi.

Pour traiter du contexte général, voici comment le dessinent plusieurs observateurs réputés. De 1960 à 1990, la richesse du monde a quintuplé, mais il y a eu dissociation entre la croissance économique et l'emploi. L'économie a créé davantage de richesse mais insuffisamment de travail. Par exemple, en Grande-Bretagne et au Canada, les pauvres ont vu leurs revenus baisser de moitié depuis 1961, tandis que l'avoir de la classe aisée a, pour sa part, doublé depuis ce temps.

Plus précisément, le niveau de chômage a atteint aujourd'hui dans le monde son point le plus haut depuis la grande crise des années trente. Plus de 800 000 000 d'être humains sont actuellement sans emploi ou sous-employés. Ce chiffre va vraisemblablement grimper en flèche d'ici le tournant du siècle, car des millions de nouveaux arrivants sur le marché du travail ne trouveront pas d'emploi, victimes souvent d'une révolution technologique qui les remplace à grande vitesse par des machines dans la quasi-totalité des secteurs et des branches de l'économie mondiale, dans la mêlée également d'une troisième grande révolution industrielle.

Des millions de travailleurs sont définitivement éliminés du processus économique; des catégories entières d'emplois ont fondu, ont été restructurées ou ont disparu tout simplement. Dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, les machines remplacent rapidement le travail humain et annoncent une économie de production quasi automatisée d'ici le milieu du XXIe siècle. Alors, la substitution massive des machines aux travailleurs s'apprête à contraindre tous les pays à repenser le rôle des êtres humains dans la société.

L'urgence sociale absolue est sans doute, pour le siècle à venir, de redéfinir les perspectives de vie et les responsabilités de millions de personnes dans une société où l'emploi, sous sa forme actuelle, aura disparu. Les travailleurs demeurent partout perplexes devant ce qui semble être une relance sans emploi. D'abat en abat, la grosse et lourde boule noire de la relance industrielle roule sur l'allée vernie de nouvelles technologies de l'informatique de la communication vers son ultime victoire: la mondialisation de l'économie. Paradoxalement, tombent systématiquement dans le dalot de l'exclusion bien des petites boules mises au jeu par des forces plus modestes.

Selon le «Petit dictionnaire de la charité»: «L'exclusion est une expulsion qui résulte soit de la crise économique – on parle du chômage, de la perte du logement, de vie dans la rue – soit des mécanismes de gestion de celle-ci – licenciement au nom de la productivité, rationalisations, délocalisations – soit encore de rupture dans les réseaux relationnels – les divorces, les conflits familiaux et un caractère asocial.»

Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que l'expression «exclusion» est apparue dans le discours contemporain, sur notre société, après l'utilisation fréquente du mot «exclu». En somme, on nomme les gens, puis, après, le processus.

(15 h 30)

Le terme «exclu» est donc celui qui a servi au début des années soixante-dix pour désigner les oubliés de la croissance. À partir des années quatre-vingt, il doit signifier tout autre chose; non plus une omission involontaire, mais une solution délibérée. Pour moderniser, il faut réduire les effectifs, ne conserver que les individus capables de servir les mutations technologiques et rejeter les autres.

À l'instar de l'Assemblée des évêques du Québec, dans son document «Des moyens pour combattre la crise», la CSD peut témoigner, mettre des noms, donner un visage aux observations ci-haut. Particulièrement présente dans le secteur industriel québécois, elle a été à même de constater, au fil des dernières années, une mutation profonde des entreprises qui s'est traduite, pour un groupe, par une obligation d'adaptation pour les travailleuses et les travailleurs. On parle d'alphabétisation, de recyclage, de diminution des conditions de travail et, pour d'autres, par la spirale des mises à pied, de l'aide sociale, des jobines, de la dégradation marquée de leurs conditions de vie; bref, une mise à l'écart et une marginalisation.

Au-delà des statistiques, ce sont des vies brisées, la perte de leur dignité pour des dizaines de milliers de personnes qui transitent de programme en programme, dont la prospérité a cessé avec la réception de leur avis de mise à pied. Et souvent, trop souvent, des personnes pour qui l'idée même de la citoyenneté s'est effilochée jusqu'à ne plus vouloir dire grand-chose dans de très nombreux cas. Qu'a-t-on à leur offrir aujourd'hui? Pourrons-nous encore longtemps nous développer comme société dite avancée, civilisée, évoluée en tolérant un tel génocide par l'emploi? C'est simple, le nombre d'assistés sociaux a grimpé à quelque 800 000 personnes alors que les déficits accumulés des gouvernements handicapent la possibilité des États d'intervenir judicieusement. «D'une part, les États ne peuvent plus augmenter les impôts car il y a une limite sociale à la ponction fiscale. Et, d'autre part, l'État-providence est vivement critiqué car on voit en lui un facteur de déresponsabilisation des plus pauvres face à leur situation et la source de l'assistanat.»

Alors, une réforme de la sécurité du revenu s'impose. Cependant, elle devra prendre certainement assise sur un contrat de réciprocité qui repose sur un rapport ouvert, démocratique et solidaire entre l'individu, l'État, les partenaires du marché du travail et les collectivités. La CSD pourrait totalement souscrire à cette déclaration d'intention si la crise actuelle, qui fait rage dans la société occidentale, était le fruit du hasard ou d'une calamité naturelle. Or, il n'en est rien. La crise qui force cette réforme s'explique largement par les effets pervers d'une économie fondée sur la poursuite de profits, la consommation à outrance et les impératifs du libre marché.

Elle résulte aussi, bien sûr, des failles spirituelles qui ont affaibli la charpente morale de la communauté, failles auxquelles la classe politique fait écho en taisant les réels motifs qui créent le chômage et la pauvreté, en laissant croire qu'un parcours personnalisé vers l'insertion se soldera par un emploi et en identifiant le plein emploi comme une cible encore accessible. La discussion publique de la réforme proposée par le gouvernement aurait gagné en crédibilité si l'État avait posé des questions globales et d'avenir plutôt que de discuter des seuls équilibres de ses finances.

Les commentaires généraux et particuliers que la CSD croit important de soumettre aux membres de la commission chargée de l'étude du document de consultation sur la réforme ne modifient en rien ses positions sur les finances publiques, l'organisation du travail, la réduction du temps de travail, la réduction du déficit ou la clause d'appauvrissement zéro. Commentant la réalité du marché du travail, les auteurs du projet de réforme ont jugé bon de souligner les effets sur celui-ci de l'augmentation du travail et de la consommation au noir. Si rien ne permet à la CSD de douter de l'analyse globale qui est faite du phénomène par le gouvernement, il lui apparaît que, dans une société comme la nôtre, le travail au noir est un peu comme la prostitution. Le mécréant est-il le client ou la putain?

Selon la CSD, il ne fait pas de doute que les interventions de l'État doivent contraindre les consommateurs du travail au noir. Si on peut se réjouir que la réforme actuellement soumise à la discussion cherche à réintégrer les bénéficiaires de la sécurité du revenu à la vie active de la société, il est regrettable que les mesures annoncées pour y parvenir s'articulent toutes autour de la recherche et de l'obtention d'un emploi alors que la réalité est tout autre et que les bénéficiaires de la sécurité du revenu devront retrouver leur entière citoyenneté avec ou sans emploi.

Définissant l'intégration à la société comme la participation à la vie sous une forme ou sous une autre, le bénévolat et l'engagement dans la vie de la communauté ne devraient pas être perçus comme une punition ou un passage obligé. En conséquence, la CSD aurait préféré que la réforme propose un parcours individualisé vers l'insertion, la formation et la participation à la vie communautaire où l'obtention d'un emploi est un élément clé sans être absolu jusqu'à ce qu'une troisième révolution industrielle... Et, à l'ère de cette troisième révolution industrielle, je pense qu'il est impératif de dire qu'à l'impossible nul n'est tenu.

Dans un autre ordre d'idées, la CSD ne peut que souscrire aux intentions de décentralisation largement exposées dans le projet de réforme. Les membres de la CSD estiment qu'un milieu local dynamique peut certainement initier de nouvelles façons de faire qui puissent mettre un frein à l'exclusion des bénéficiaires de la Sécurité du revenu et revitaliser la vie communautaire, notamment en créant de l'emploi. De plus, la volonté de rapprocher les services des citoyens est tout à fait louable. Cependant, les intervenants locaux ne peuvent prétendre sérieusement à la gestion de l'ensemble des programmes et des mesures relatives à la main-d'oeuvre. En conséquence, la CSD croit qu'il faut peaufiner la manière de décentraliser en évitant l'intervention verticale si décriée par le chantier municipalités-régions et la démobilisation des partenaires des milieux de travail déjà actifs dans les dossiers de la main-d'oeuvre.

Quant à l'obligation de participer à des mesures d'employabilité ou, dans la langue de Shakespeare, le «workfare», la CSD estime que tout emploi doit respecter les lois, les règles, les normes du travail et s'exercer dans des conditions décentes, qu'il soit dans le secteur privé, public ou social. Cependant, des mesures actives d'intégration à la vie communautaire et de développement doivent être initiées afin que tous les citoyens se sentent concernés par la prospérité du Québec. Les membres de la CSD appuient inconditionnellement toutes les mesures qui visent à instituer l'équité fiscale entre les citoyens du Québec. Par contre, pour les coffres de l'État et la lutte au déficit, il serait souhaitable que ces mesures touchent rapidement aux mieux nantis de la société.

La CSD estime qu'il est urgent que toutes les citoyennes et tous les citoyens aient accès à des services identiques lorsqu'ils sont à la recherche d'un emploi ou d'une formation. Les travailleuses et les travailleurs membres de la CSD, estimant que la protection contre le risque de se retrouver totalement démunis fait partie des services publics que s'est donnés la société québécoise, ils appellent l'État à la plus grande transparence et à la mise en place des contrôles nécessaires à rassurer la population sur la saine administration pratiquée par le gouvernement en matière d'assistance publique.

Au moment où le gouvernement annonce dans son projet de réforme l'obligation d'établir et de respecter un parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi pour les assistés sociaux, il convient également que ses moyens sont limités. Ainsi, il obligera certains groupes à se conformer à cette mesure avant d'autres. Il est à craindre que certains citoyens soient plus égaux que d'autres. La nécessaire équité entre les groupes d'âge, les régions ou les sexes sera cruciale. Il faudra veiller à ce que cette mesure n'handicape pas plus des groupes de la société plus facilement victimes des dérapages du marché du travail.

Enfin, comme la communauté doit s'impliquer dans la réalisation des outils et des moyens devant permettre de faire le parcours vers l'emploi, certains milieux seront certainement moins rapides, moins efficaces à soutenir ces démarches puisque déjà si affectés par la troisième révolution industrielle. Alors, la CSD souhaite que le projet de réforme soit amendé afin d'inclure un calendrier d'implantation précis et progressif de l'ensemble de celle-ci. Il devra être ponctué d'étapes d'évaluation au cours desquelles l'opinion des acteurs du milieu sera sollicitée afin éventuellement de revoir le processus d'implantation.

En déposant et défendant un mémoire devant la commission sur la réforme de la Sécurité du revenu, la CSD voulait tout autant présenter le point de vue de ses membres sur la réforme que situer la réforme pour ce qu'elle est: une maille essentielle du filet de sécurité sociale. Solidaires des petites gens, les membres de la CSD ont des recommandations qu'ils souhaitent adresser directement à la ministre. L'élu titulaire de la Sécurité du revenu doit comprendre son rôle comme celui de l'ombudsman des pauvres auprès du Conseil des ministres comme de la population. Il est notamment dans ses fonctions de dénoncer et de combattre les préjugés qui polluent les relations entre les divers groupes de la société. Il doit comprendre aussi son rôle comme celui de promoteur et de responsable de l'extrême rigueur avec laquelle l'assistance publique doit être gérée. Enfin, il est le chien de garde de l'équité entre tous les citoyens. Il doit veiller à ce que les personnes appartenant à un certain groupe d'âge ou à une certaine région ne soient pas punies d'être dans le besoin.

(15 h 40)

L'apparition dans le paysage des centres locaux d'emploi inquiète pour plusieurs raisons la CSD, et une de nos inquiétudes tient des différences entre les territoires. Actif sur le territoire des MRC, le CLE sera une plaque tournante pour la communauté comme pour les personnes à la recherche d'un emploi. Or, la réalité de l'emploi, comme l'état du milieu, diffère grandement d'une région à l'autre. Peut-on exiger les mêmes choses de toutes? Peut-on présupposer que les citoyens auront partout accès à des services et des opportunités équivalents? Peut-on, dans certains coins de pays, réduire le développement des communautés au seul développement de l'économie et du marché de l'emploi? Malgré des allures paradoxales dans la manière de faire, la ministre de la Sécurité du revenu doit être vigilante et s'opposer à toute mesure qui accentuerait les handicaps de certaines régions tout en favorisant l'initiative des milieux.

Enfin, la responsable politique du filet social doit le tricoter serré, afin qu'il soit l'un des correctifs importants que la société met en place et maintient contre vents et marées pour corriger les effets pervers de l'économie de marché. Autant les membres de la CSD appuient l'économie de marché, autant ils exigent que leur gouvernement supporte les plus démunis. En somme, ils espèrent que la démocratie humanise le néolibéralisme.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. Gingras. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer les échanges.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Gingras, Mme Escojido et Mme Dubé. Bon, M. Gingras, je comprends que, en particulier à la page 8 du mémoire, vous reconnaissez le dilemme auquel l'État est confronté. Vous citez le «Petit dictionnaire de la charité», là, paru dernièrement en France, qui dit: «D'une part, les États ne peuvent plus augmenter les impôts car il y a une limite sociale à la ponction fiscale. D'autre part, l'État-providence est vivement critiqué, car on voit en lui un facteur de déresponsabilisation des plus pauvres face à leur situation et la source de l'assistanat.»

En même temps, c'est évident que le rôle de régulateur de l'État est encore plus important. Je lisais le bulletin du Mouvement Desjardins, qui portait sur une étude approfondie des 20 dernières années en matière de distribution du revenu, et je vous cite, à la page 3, ce qu'on y retrouvait, à savoir que «le revenu avant transfert des 20 % les plus riches est maintenant 193 fois supérieur à celui des plus pauvres. Heureusement, les moins privilégiés bénéficient davantage aujourd'hui de l'effet égalisateur des paiements de transfert et de la perception des impôts, puisque, de 193, ce ratio est ramené à sept, après l'intervention de l'État. En somme – je les cite toujours – si l'écart entre les riches et les pauvres n'a pas augmenté depuis 25 ans, c'est grâce aux programmes sociaux et à la levée des impôts.» C'est donc une réalité incontournable qu'est celle du rôle de l'État en matière de redistribution.

Ce matin, nous recevions le Conseil québécois de la santé et du bien-être, et le président, M. Rodrigue, qui a été votre homologue syndical, je pense, pendant quelques années, disait, je le cite: «Même sans compressions budgétaires, il faut se réorganiser.» Et la réorganisation qui est proposée dans le livre vert, c'est une réorganisation structurelle. Il y a des gens qui cherchent les compressions, mais les compressions sont conjoncturelles, puis elles ont été annoncées à d'autres temps. Ce n'est pas essentiellement pour faire des compressions, c'est pour se réorganiser d'abord et avant tout. Et cette réorganisation, comme vous le savez, elle repose sur l'idée qu'il y a des chômeurs, à l'aide sociale, de plus en plus nombreux, à cause du resserrement d'éligibilité. L'idée est que, avec la récession de 1989, il est arrivé 205 000 personnes de plus à l'aide sociale, 90 000 ménages de plus, 1 000 000 000 $ de plus entre 1990 et 1995, en cinq ans, il faut se réorganiser.

Et je suis très contente. Comme d'habitude, vous arrivez, d'une manière pragmatique, en nous suggérant des choses. Moi, en tout cas, je vais regarder de très très près, et sûrement mes collègues aussi, votre recommandation de faire du parcours un parcours vers la formation, vers l'insertion, vers l'intégration à la vie communautaire et l'emploi. C'est sans doute ce volet qui va vraiment permettre de boucler la bouche en termes de participation. Mais, je retiens cependant, parce que je souscris et je partage aussi l'idée que cela doit se faire non pas en restant sur l'aide sociale, comme les mesures d'employabilité qui étaient pratiquées jusqu'à maintenant, mais en en sortant avec un statut, soit un statut d'étudiant, d'apprenti ou un statut de travailleur et travailleuse à part entière assujetti aux lois du travail et même au code éventuellement. Alors, je pense que c'est dans cette direction-là qu'on s'en va.

Il y a eu un quiproquo sur le 120 $. Mais, le 120 $, c'est pendant le parcours, à la fin du parcours. C'est pour en sortir. C'est soit pour devenir apprenti, soit pour devenir étudiant, soit pour... On me dit: Oui, mais les prêts et bourses ne sont pas adaptés, alors, il faut se réorganiser. Il faut à ce moment-là que ça soit adapté non pas à quelqu'un qui vit chez ses parents, qui n'a pas de bail et qui travaille l'été; donc, on va réorganiser le tout. Mais, en sortant du parcours, il faut donc à ce moment-là sortir, dans le fond, du statut d'assisté, quitte à faire une conversion qui, comme vous le savez, est l'élément innovateur dont on ne parle pas beaucoup, mais qui est certainement l'élément le plus important dans la marge de manoeuvre que nous avons, même si on a moins d'argent.

Alors, je voulais vous dire que cette recommandation, on allait la retenir très, très sérieusement. D'autre part, il y a aussi vos recommandations à la ministre, que j'ai lues avec beaucoup d'intérêt, à la page 14. J'ai essayé et j'essaie d'être à la hauteur de ce que vous souhaitez. Comme vous le savez, les délibérations du Conseil des ministres ne sont pas publiques, mais soyez convaincus que je vais continuer de m'inspirer de ce que vous me recommandez.

Moi, ce que j'aimerais examiner avec vous, c'est l'idée que c'est une vision globale qu'il nous faut et vous demander si, avec la nouvelle politique familiale, la réforme de la Sécurité du revenu, qui va introduire un régime d'assistance-chômage, n'est-ce pas... Parce que, c'est de ça dont il va s'agir. Les autres personnes en besoin de protection sociale étant administrées par la Régie des rentes du Québec, ça partage quasi moitié-moitié, n'est-ce pas, le nombre de 800 000, à ce moment-là. Ensuite, la réforme du développement local et régional, celle qui finalement ne vise parfois peut-être pas adroitement, mais avec comme intention toujours de faire en sorte qu'on ne s'appauvrisse pas en travaillant, que finalement on ne s'appauvrisse pas au point de considérer comme plus intéressant ou meilleur pour la sécurité financière de ses enfants de rester sur l'aide sociale. C'est une trappe. Quand on disait «notre filet de sécurité sociale», jusqu'à maintenant, c'était un filet qui se refermait souvent sur les gens qui y avaient recours, et qui se refermait comme une trappe.

Alors, c'est de se demander comment ça va devenir un tremplin. Comment faire un tremplin de tout cela? On n'est pas les seuls à se poser des questions. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance des travaux très récents – c'est au mois de novembre cette année, on ne pourra pas en même temps nous accuser d'avoir complètement plagié – de l'Organisation de coopération et de développement économiques, qui ont eu lieu à Genève. Vous voyez, c'était les 8 et 9 novembre, et, à Bruxelles, les 5 et 7 novembre, et ça s'intitulait «Créer des emplois en Europe». Et les pistes de solution qui ont été retenues sont essentiellement... Parce que l'Europe aussi, en fait, a les mêmes défis qu'on a, c'est-à-dire que de plus en plus de biens sont produits avec de moins en moins de gens; c'est ce que vous décrivez si bien dans votre mémoire.

Les pistes de solution, si elles avaient été connues, il me semble que le gouvernement précédent l'aurait su et les aurait appliquées. Alors, là, on essaie, mais au moins on va se sortir, si vous voulez, de ce qu'on faisait jusqu'à maintenant. Dans ces forums européens du mois de novembre, eux, ce qu'ils proposent, je trouve que ça ressemble pas mal à ce dans quoi on s'engage. Il y a trois pistes de solution. La première, ce qu'ils disent, c'est: il faut cesser de financer le chômage et utiliser les ressources pour suppléer aux revenus de travail. Donc, moi, dans mon langage québécois: Vaut mieux convertir une prestation en bon d'emploi, en bon d'apprentissage ou en bourse que de rester assisté contrôlé pour ne pas bouger.

(15 h 50)

Deuxième piste: initiative locale et emploi à proximité. Ça, c'est le langage européen, mais, dans le fond, quand on décode en québécois, ça signifie économie sociale et entreprise d'insertion. Et, troisième piste, ils appellent ça: réseaux locaux de PME et développement local. Alors, on est pas mal proche, là, de l'entrepreneuriat que mon collègue M. Chevrette veut développer dans les centres locaux de développement, avec sa politique-cadre de développement local et régional.

Je me dis finalement qu'on est à peu près dans les mêmes univers, c'est-à-dire supplémenter le revenu de travail plutôt que de financer le chômage, soutenir l'économie sociale, les entreprises d'insertion, et puis finalement vraiment consolider le développement local avec des fonds locaux de développement plutôt que de la gestion par programmes, comme on connaissait jusqu'à maintenant. Ça m'a l'air d'être les pistes, en tout cas, autour desquelles les pays industrialisés se sont entendus en Europe. Est-ce que je comprends que, vous, vous en auriez d'autres à ajouter ou que vous avez des commentaires à faire sur celles-là?

La Présidente (Mme Barbeau): M. Gingras.

M. Gingras (Claude): Écoutez, Mme la ministre, je pense que, dans votre exposé, vous avez longuement fait état de l'orientation qui sous-tend, en fait, la réforme que vous proposez, mais vous avez présenté les axes majeurs qui ont peut-être sous-tendu la proposition que vous avez déposée. La seule différence entre ce qu'on souhaite et ce que vous... il y a des choses que vous avez quand même planifiées, il y a des objectifs sur lesquels vous avez planifié la réforme, qu'on partage tout à fait. Je pense que vous en avez énuméré plusieurs, je pense que ce n'est pas là qu'est notre propos et notre inquiétude. Notre inquiétude réside dans le fait que, bon, vous n'avez pas intégré d'autres mesures que celles de l'emploi comme étant l'objectif qui sous-tend, en fait, la réforme. Il ne faut pas penser, dans la situation actuelle, qu'on va créer des emplois pour tous et que ça doit être le cheminement absolu de tous les gens qui sont sur la sécurité sociale.

Il y a également la nécessité d'un filet, vous le savez fort bien. Je comprends qu'on doive peut-être diriger les ressources vers la possibilité pour les gens de travailler, d'être un actif social et de pouvoir oeuvrer soit dans l'économie sociale, l'économie publique ou l'économie privée, et dans le respect, bien sûr, des conditions – vous l'avez ajouté, et ça, je le souligne, c'est important – qui sont prévues, les conditions minimales des différentes législations, mais, ce qui est important pour nous, c'est que ce ne soit pas le seul objectif. Je pense que, la réforme de la sécurité du revenu, si elle est axée uniquement sur l'emploi pour la personne, uniquement sur une opportunité d'emploi, à ce moment-là, on va faire fausse route et on va laisser pour compte encore beaucoup de personnes qui vont se sentir, bien sûr, des exclus à l'intérieur de cette machine-là, parce que ce n'est pas vrai qu'on va pouvoir nécessairement diriger toute cette clientèle-là vers des emplois à coup sûr. Ça, je pense que c'est de l'illusion, c'est de vendre de l'illusion.

Je pense qu'il faut travailler bien fort, comme on vous le disait, et vous l'avez souligné également. Il y a peut-être des objectifs à ajouter à la réforme: il faut améliorer l'employabilité des personnes, leur permettre d'avoir un meilleur accès à des emplois, éventuellement, par la formation et tout ça. Ça, ça devrait être une avenue, à mon avis, qui est importante de garder. Il faut également travailler à l'insertion et au développement de l'emploi. Et ça, sur ces pistes-là, nous sommes en accord avec la réforme. Je pense qu'il faut travailler sur ces pistes-là, il faut essayer de voir comment on est capable d'améliorer la situation de l'intégration de toutes ces personnes-là comme personnes à part entière de notre société. Mais, ce n'est pas évident que ça passe nécessairement par l'emploi, et c'est là notre inquiétude par rapport à la réforme que vous proposez: il semble que toutes les ressources sont centralisées sur l'objectif de concourir à l'emploi à tout prix. Et c'est là, je pense, que la réforme risque de piéger bien des personnes.

Mme Harel: Bien, écoutez, je regardais les derniers chiffres, en fait, une étude qui était citée par Camil Bouchard, vous savez, qui a coprésidé un groupe de travail. Dans son rapport, il signalait que, en fait, il y a eu une hausse considérable. Vous savez, en 20 ans, 1975-1995, la hausse est de 600 % des coûts du régime à l'aide sociale. C'est 600 % en 20 ans. Mais, cette hausse n'est pas due, si vous voulez, à une augmentation de barèmes, elle est due à une augmentation du nombre de ménages. C'est qu'on retrouve de plus en plus de chômeurs à l'aide sociale. Alors, dans les autres pays, ils ont réagi puis ils se sont réorganisés rapidement. Dans les années soixante-dix... Vous savez, tous les pays maintenant ont des régimes d'assurance-chômage, d'assistance-chômage et d'aide sociale; tous les pays démocratiquement organisés. Je ne vous parle pas de notre voisin américain, avec sa réforme de cet été, qui oblige une personne qui demande de l'aide à devoir, dans les cinq années... qui n'accorde pas plus que cinq années de vie, si vous voulez, d'aide à une personne qui en fait la demande. Alors, après cinq ans, c'est fini pour le reste de la vie.

Ceci dit, dans cette étude, on estimait que les trois quarts de la hausse des inscriptions à l'aide s'expliquent par la détérioration de la situation de l'emploi consécutive à la récession de 1990-1993 et par la faible reprise de 1994-1995; l'autre quart serait dû aux restrictions répétées apportées à l'assurance-chômage. Il y a cet effet-là aussi de vases communicants, comme vous le savez, à la fois du fait que la relance économique se fait sans création massive d'emplois, mais aussi à l'effet que l'éligibilité à l'assurance-emploi, cette éligibilité-là renvoie bien des chômeurs sur l'aide sociale. Et, en même temps, on a des personnes qui n'ont pas de problème d'employabilité. Alors, il faut faire attention, parce qu'il y a des personnes qui, avec une reprise économique, avec une reprise de l'emploi – disons 3 % de croissance, ça nous donne à peu près maintenant un peu moins mais presque 1 % de croissance de l'emploi – se trouvent facilement finalement à travailler. Alors, il faut, disons, avoir en tête – je comprends que c'est ça que vous nous proposez – diverses façons à offrir, si vous voulez, des choix réalistes et raisonnables aux personnes.

C'est évident qu'en même temps il faut travailler sur la création d'entreprises, il faut travailler sur la création du travail autonome, il faut travailler aussi pour que les personnes en demande d'emploi puissent, peut-être plus collectivement que toute seule, transformer leur demande d'emploi en offre de services. Il semblerait – on appelle ça du «gisement d'emplois» – qu'il y ait plus d'emplois qu'on puisse imaginer si tant est qu'on cessait de les garder souterrains puis qu'on les formalisait sous forme de chèques emplois-services et autres. Alors, il faut travailler là-dessus aussi.

Et vous notez que le travail au noir est un problème, mais la consommation au noir est encore plus grave. S'il y a 200 000 personnes qui travaillent au noir, il y en a 900 000 qui consomment, et celles qui consomment, sont habituellement celles qui sont dans le circuit économique régulier.

C'est donc dire qu'il faut intervenir avec un parcours individualisé, avec un suivi personnalisé, parce qu'un chômeur de longue durée qui, depuis plus de 10 ans, est à l'aide sociale, n'aura certainement pas les mêmes besoins qu'une personne qui est passée d'un travail après plusieurs années à l'aide sociale. Ça justifie, je pense, qu'on ait une préoccupation de commencer le parcours d'insertion en priorité pour les 18-24 ans. Et, quand on parle des 18-24 ans, on parle de 44 000 jeunes qui n'ont pas d'enfants, qui ne sont pas chef de famille là. Ce sont des jeunes qui n'ont pas d'enfant, qui n'ont pas de handicap, qui ne travaillent pas, qui n'étudient pas et ils sont 44 000 au Québec. C'est beaucoup. Puis, en même temps, vous savez que dans chaque village... J'étais à Saint-André-Avellin hier et je leur ai dit: Il y en a 16, puis, à 16, vous devez connaître un parent. Puis, à Buckingham, il y en avait 134.

(16 heures)

Alors, vous savez, c'est comme ça qu'on va y arriver. Ce n'est pas en pensant qu'on va prendre les 44 000 dans des normes centralisées, c'est quand le milieu va se responsabiliser par rapport à ces jeunes qui n'appartiennent pas au gouvernement, au ministère là, qui appartiennent au milieu dans lequel ils évoluent. C'est dans ce contexte-là, je crois, qu'il faut comprendre l'appel qui est lancé à une responsabilisation au niveau local, à la fois du CLSC, de la commission scolaire, de la MRC, des milieux d'affaires, mais aussi du milieu syndical, pour qu'il puisse y avoir au niveau local des objectifs de résultats qui puissent clairement identifier ce que chacun est prêt à faire pour favoriser l'insertion, que ce soit en formation, en qualification, avec l'apprentissage dans l'entreprise ou que ce soit par l'insertion tout simplement en emploi, ou ça peut être aussi par le soutien à des nouvelles formes d'emploi, là, dans les entreprises d'économie sociale.

Est-ce que vous pensez qu'il peut y avoir un succès dans ce genre de corvée qui amènerait finalement le milieu, sur un territoire donné, à se responsabiliser par rapport aux gens qui sont des concitoyens et qui sont en difficultés?

M. Gingras (Claude): Écoutez, c'est peut-être un objectif louable, c'est peut-être intéressant comme piste, mais je vous avoue qu'on doute fortement que les milieux, partant de leur réalité, qui est, comme vous le savez, très diversifiée, partant des possibilités qu'ils ont, qui ne sont quand même pas les mêmes d'une région à l'autre, d'une localité à l'autre... Écoutez, je pense que la bonne volonté va peut-être être présente, mais la possibilité de réaliser de grandes choses, absente, dans bien des cas. Ça, c'est la crainte qu'on a, et je vous avoue que...

Mme Harel: ...ne suffirait pas?

M. Gingras (Claude): Pardon?

Mme Harel: Justement, est-ce que des petites choses mises bout à bout et additionnées ne seraient pas plus efficaces que des grandes choses qui ont peu de chance de réussir?

M. Gingras (Claude): Écoutez, Mme Harel, j'ai l'impression que, beaucoup de petites choses, on en fait actuellement. Je vous dis, pour travailler actuellement quotidiennement dans les milieux de travail, pour s'assurer qu'une entreprise ne fasse pas faillite demain matin, pour s'assurer que cette entreprise-là puisse être placée dans des conditions de relance acceptables, pour s'assurer que, dans la mondialisation de l'économie, elle puisse continuer de détenir une place privilégiée pour fournir des emplois de qualité, je vous assure qu'actuellement cette besogne-là est remplie au quotidien par toutes sortes de petites choses, de petits gestes qui sont posés pour sauvegarder les emplois existants et en créer, si possible, de nouveaux. Et on y travaille très fortement.

Mais, je vous assure qu'espérer faire plus que ça en décentralisant au niveau des localités vers des endroits où ce n'est pas nécessairement possible de le faire, ce n'est pas là que réside la solution, à notre avis. Il y a probablement un apport significatif qui peut être apporté à un moment donné par cette synergie qui pourrait se développer, mais on pense que ce n'est pas uniquement cette voie-là qui va aider, justement, au développement; puis de miser uniquement sur ça, je ne suis pas sûr qu'on soit dans la bonne voie. Je pense qu'il faut un ensemble de moyens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière courte intervention de Mme Escojido et nous aurons terminé.

Mme Escojido (Catherine) : Oui, en complément, simplement pour reprendre ce que Mme Harel a dit: C'est vrai qu'il ne faut pas s'appauvrir en travaillant. Nous, ce qu'on dit également, puis je pense que vous l'avez bien perçu dans notre mémoire, c'est qu'il ne faut pas uniquement définir la citoyenneté sur la base de l'emploi; on pense qu'il y a un ensemble d'autres engagements dans la vie communautaire qui devraient être reconnus à l'intérieur d'un parcours.

Si je peux me permettre une autre remarque, attirer votre attention, on parle aussi beaucoup des disparités régionales. S'il est vrai que ce sont les milieux locaux qui doivent prendre en main un certain nombre de choses, je crois qu'il faudra aussi tenir compte des disparités régionales. Comment définir un parcours vers l'emploi en Gaspésie? Je n'ai pas besoin de vous faire de dessin que ce ne sera sûrement pas la même chose que nulle part ailleurs. Donc, il y a là aussi une importance de coordination régionale.

L'autre chose. J'aimerais également attirer votre attention, parce que ça n'a pas été relevé: On pense, nous, que cette réforme-là, elle est majeure et elle va entraîner des changements fort importants. On suggérait un calendrier d'implantation avec évaluation en concertation avec les partenaires. Vous ne l'avez pas repris, mais il nous apparaît que c'est très important, parce qu'on ne fait pas des changements de cette ampleur sans devoir procéder à des réajustements et il nous semble que ceux-ci devraient se faire en concertation avec les partenaires et sur la base d'un calendrier d'implantation défini dès le départ.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue. Peut-être reprendre, Mme Escojido, au niveau, justement – vous en parlez dans votre mémoire – du bénévolat et de l'engagement communautaire, l'implication communautaire dans son milieu. Iriez-vous à demander la reconnaissance de cette implication-là comme la Coalition nationale de l'aide sociale l'a demandé: qu'on reconnaisse l'implication communautaire, le bénévolat, pour que ça devienne une mesure active, accompagnée, il va de soi, là, de l'allocation à la participation, le 120 $? Et tantôt, dans l'échange qu'on a eu avec le groupe qui était là avant vous, on disait: Bien, un emploi est un emploi, on devrait l'assujettir aux normes minimales de travail. J'aimerais peut-être vous entendre sur ça, sur la reconnaissance du bénévolat.

M. Gingras (Claude): Écoutez, la position de notre organisation concernant, bien sûr, l'utilisation de personnes pour différents services va dans le sens, quand même, de développer des services formels, O.K. Nous avons dénoncé, bien sûr, la mise sur pied des corporations intermédiaires de travail qui, à un moment donné, ont marché sur la base de subventions qui ont été données, à un moment donné, puis qui se sont traduites un peu par de l'économie au noir et la prolifération de l'économie au noir.

Alors, il est bien sûr qu'en ce qui nous concerne, les emplois qu'on doit développer soit par l'économie sociale, l'économie publique ou l'économie privée, ça doit être des emplois formels assujettis quand même à des salaires qui sont conformes aux législations et puis qui accordent quand même des revenus minimaux que les personnes qui accomplissent un travail sont appelées à recevoir en vertu de ces législations-là. Alors, dans ce sens-là, pour nous, on pense que les règles concernant le travail doivent s'appliquer à tous les emplois exercés.

Quant à la reconnaissance du bénévolat, c'est bien sûr que je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a des personnes qui peuvent dans notre société, quand même, jouer des rôles bénévoles et, à ce titre-là, elles sont un actif pour la société. Et, à ce moment-là, il faut les reconnaître pleinement et reconnaître qu'elles sont quand même des personnes à part entière de notre société et qu'elles ont droit à un retour des choses, au moins à un filet de sécurité sociale qui leur assure les revenus minimums de subsistance dans ces conditions-là.

Mme Loiselle: Merci. Pour revenir justement au filet de protection sociale, vous en faites mention dans votre mémoire. C'est écrit noir sur blanc que, finalement, la réforme est une maille essentielle du filet social. Et vous rappelez finalement à la ministre que son rôle est celui d'un ombudsman des pauvres, finalement le protecteur des pauvres, puis que le ministère de la Sécurité du revenu devrait plutôt s'attarder à aider et à protéger les gens qui doivent aller cogner à la porte de l'aide de dernier recours.

La majorité des groupes qui sont passés devant nous à date nous disent que... Bon, plusieurs sont pour les bons côtés de la réforme, mais tout le monde déplore finalement les mesures d'appauvrissement qu'on retrouve dans la réforme, qui pénalisent les prestataires, qui les appauvrissent davantage.

Et, si le rôle du ministère et de la ministre, c'est de protéger les pauvres, iriez-vous à suggérer au gouvernement de retirer de sa réforme toutes les mesures appauvrissantes qu'on retrouve dans le livre vert et qui punissent finalement les prestataires?

M. Gingras (Claude): Écoutez, en ce qui nous concerne, on a souscrit quand même à l'objectif de l'appauvrissement zéro pour...

Mme Loiselle: Les soutiens financiers.

M. Gingras (Claude): Oui, les personnes. Parce qu'il faut quand même comprendre qu'actuellement, avec toutes les mesures de restriction qui ont été imposées dans les années récentes, la situation des personnes qui bénéficient du filet social qu'a mis à leur disposition la société, je pense, est une situation très déplorable pour plusieurs. Moi, qu'on réaménage, qu'on réorganise, en fait, nos ressources pour mieux les servir, ces personnes-là, et les rendre dans une situation meilleure par rapport à leur employabilité puis leur donner un petit coup de pouce additionnel pour leur permettre de réintégrer le travail, si c'est possible de réintégrer l'emploi, bien sûr, en plus du soutien du revenu, bien, je pense que, là-dessus, on partage quand même les objectifs de la réforme, mais il ne faut pas appauvrir ces personnes-là qui sont déjà trop pauvres et qui ont de la difficulté à rejoindre les deux bouts.

Vous savez, quand on appauvrit ces clientèles-là puis qu'après ça on veut les intégrer quand même dans des mesures d'employabilité, on veut les inscrire dans une démarche pour améliorer leur employabilité et espérer éventuellement occuper un emploi, si on leur ajoute un problème de sécurité de revenu additionnel parce qu'on les appauvrit, bien, ces personnes-là, non seulement ne seront pas intéressées à s'inscrire dans ces parcours-là, mais elles vont s'inscrire carrément dans la marginalité puis l'économie au noir. Ça, c'est le risque qu'on a. Et puis, à notre avis, il faut partir d'un revenu décent, qui assure le minimum vital, pour pouvoir espérer s'inscrire dans des mesures qui vont peut-être nous propulser éventuellement vers un emploi disponible ou nous inscrire dans un emploi disponible.

Mme Loiselle: Merci. Il y a mon collègue...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Bourassa.

(16 h 10)

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, échanger avec les représentants de la CSD sur deux ou trois aspects de leur mémoire. J'ai constaté que vous avez émis une certaine inquiétude ou une certaine préoccupation à l'égard du palier local d'intervention suggéré par la ministre. Si je regarde la page 11 et la page 14 de votre mémoire, vous dites: «L'apparition dans le paysage des centres locaux d'emploi inquiète pour plusieurs raisons.» Vous référez à la MRC, qui serait les territoires de base où serait implantée la structure du CLE, du centre local d'emploi. Je remarque aussi que cette inquiétude, cette préoccupation reflète ce que le Conseil de la santé et du bien-être exprimait ce matin: «La création de CLE est, à cet égard, préoccupante.»

Vous ainsi que cet organisme, ce matin, semblez avoir des réticences, des questions à poser sur la structure de livraison, en quelque sorte, des prestations et des services dont on parle à travers tout ça. Vous êtes actuellement membre du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre à titre de représentant de la CSD depuis le début. Vous avez participé aux travaux du conseil d'administration et de plusieurs comités de cette Société. Vous avez assisté à la relance qu'a faite l'actuelle ministre lorsqu'elle a pris le pouvoir il y a deux ans, relance de la participation. Elle a voulu rehausser le statut de représentation de certains secteurs au sein du C.A. de la SQDM de manière à lui donner un nouvel élan, à la sortir de ce qu'elle avait considéré comme une période trop longue d'incubation. Donc, vous étiez là avant, vous êtes là depuis, pourriez-vous nous dire ce que vous entendez ou ce que vous voyez, en termes de structure de livraison des services la meilleure, la plus appropriée?

On sait que la ministre a déclaré à quelques reprises que son intention, c'était ni plus ni moins que fermer la SQDM, en tout cas, quant à son aspect décisionnel, en faire un cercle de discussions consultatives, réduire son mandat à peu près totalement. Vous, avec votre expérience, en tant qu'un partenaire du marché du travail, comment voyez-vous l'avenir des partenaires, comment souhaitez-vous les voir être associés dans le futur à la mise en place de cette réforme? Est-ce que vous croyez que l'avenir est du côté d'un partenariat de type consultatif? Est-ce que vous voyez que l'avenir devrait être dans la poursuite de l'expérience, à titre décisionnel, au sein d'un conseil d'administration, de la prise en charge de certaines réalités qui s'appellent la conception et la gestion des mesures actives?

Étant donné que la ministre veut desservir à la fois la clientèle qu'on appelle les prestataires de la sécurité du revenu et les autres qui sont sans emploi – elle veut les desservir tous à partir d'une même politique – est-ce que vous croyez que la SQDM pourrait s'adapter à ce nouveau défi? Comment vous voyez ça, en somme, la place des partenaires?

M. Gingras (Claude): Écoutez, vous soulevez une question qui fait l'objet actuellement de discussions, bien sûr, entre les partenaires des milieux de travail et la ministre, puis je pense que ce n'est pas une cachette, ce n'est pas un secret de Polichinelle. Et, la CSD, bien sûr, on partage la vision des partenaires des milieux de travail actuellement à l'effet que, pour associer les partenaires des milieux de travail vraiment, véritablement à l'emploi et aux mesures de l'emploi, mesures qu'on appelle les mesures actives, je pense que ce n'est pas dans une structure consultative qu'il faut le faire, mais c'est vraiment dans une structure participative où les partenaires sont vraiment des partenaires qui vont avoir un réel pouvoir de décision et puis qui vont avoir un réel pouvoir sur les programmes, la mise en place de programmes qui vont être susceptibles de donner des résultats.

Alors, ce qu'on entend, on entend quand même une structure où toutes les mesures actives devraient être réunies et gérées, décidées et gérées par les partenaires des milieux de travail de façon majoritaire, en y associant, bien sûr, d'autres groupes, les groupes populaires et d'autres groupes qui ont un intérêt, sûrement, dans l'évolution de l'emploi et les mesures actives du travail, et, bien sûr, d'apporter leur contribution, de façon positive à développer des programmes qui vont améliorer la situation des personnes qui sont en emploi et des personnes qui espèrent obtenir un emploi dans notre société. Toutes les mesures actives, en fait, qu'elles soient pour des clientèles de l'aide sociale ou autres clientèles des milieux de travail.

De plus en plus – et, là-dessus, on est d'accord avec la ministre – la clientèle de l'aide sociale, c'est des chômeurs de l'emploi actuellement, des personnes qui perdent leur emploi, littéralement, et puis qui viennent augmenter le bassin de l'aide sociale. On est bien conscient que, ces travailleurs-là, on doit s'adresser à eux de façon qu'on puisse améliorer leurs possibilités dans notre société. Je pense que si on veut faire un grand ministère à la verticale, qui va s'occuper de tout, à la fois du filet de sécurité sociale, c'est-à-dire de la sécurité du revenu des personnes démunies de notre société et également des mesures actives, c'est qu'on fait fausse route. Ça, c'est notre opinion.

On pense que les partenaires doivent être associés à toutes les mesures d'employabilité, à toutes les mesures du travail, à tous les programmes visant à développer l'employabilité, parce que, justement, les partenaires sont probablement les personnes les mieux placées pour apporter leur contribution dans des programmes efficaces. Alors, dans ce sens-là, nous croyons, nous avons la vision que les partenaires, pour qu'ils s'intéressent véritablement à l'avenir de l'emploi, à l'employabilité des personnes et qu'ils se sentent partie prenante, justement, aux programmes, doivent être des décideurs dans la structure qui sera mise en place et non pas des personnes qu'on consulte lorsque le besoin se fait sentir, tout simplement.

M. Charbonneau (Bourassa): Et, à votre avis, d'après votre expérience, qu'est-ce qui pourrait arriver de la participation des partenaires advenant que la ministre s'en tienne à son orientation actuelle, qui est de réduire le tout à un cercle de consultation?

M. Gingras (Claude): Nous formulons encore beaucoup d'espoir que la ministre reviendra sur ses orientations en ce qui concerne les partenaires, parce que nous croyons qu'elle est consciente de l'importance de l'apport des partenaires des milieux de travail. Alors, nous sommes d'avis que les discussions qui sont en cours actuellement permettront de résoudre une difficulté de parcours à ce moment-ci dans l'association des partenaires dans la structure qui est envisagée et qu'on pourra être plus que ce qui est prévu à venir jusqu'à maintenant.

Dans le cas contraire, je dois vous dire, connaissant un peu par expérience les anciennes CFP où on a été associés, les partenaires des milieux de travail, connaissant aussi différentes formules qui ont été essayées, si on veut réduire les partenaires uniquement à un rôle consultatif, à ce moment-là, on assistera probablement à un désintéressement très grand des partenaires de la situation de l'emploi et également des mesures des programmes de main-d'oeuvre, de sorte qu'on retrouvera probablement beaucoup moins d'intérêt que celui qui a été manifesté à venir jusqu'à maintenant.

Ça a peut-être été laborieux, les débuts de la SQDM. Je pense qu'il faut l'admettre, ça n'a pas été facile. Il y avait lieu d'ajuster le tir, c'était un peu nouveau, le partenariat, et je pense que c'était un peu nouveau pour l'ensemble des partenaires. Mais, je pense que depuis quelques mois – il faut dire même depuis une couple d'années – la situation s'est améliorée considérablement et, bien sûr, les partenaires sont en voie de réaliser de grands objectifs, je pense, en ce qui a trait à la main-d'oeuvre.

Alors, dans ce sens-là, ce serait triste de tout saborder ça. L'inquiétude que nous avons – et je pense qu'elle est partagée par l'expérience que nous avons dans les milieux de travail – c'est que, si on est confiné à un rôle consultatif, je pense que l'intérêt sera beaucoup moins grand et qu'il y aura un désintéressement certain des partenaires des milieux de travail à la situation de l'emploi au Québec. Et ça, je trouverais ça triste comme résultat.

(16 h 20)

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, c'est très clair comme exposé. Je voudrais soulever un deuxième élément. Vous, comme d'autres organismes auparavant, mentionnez qu'il y a un certain danger à laisser croire qu'il suffit de travailler à rehausser l'employabilité pour qu'on puisse résoudre le problème de l'emploi ou du chômage actuellement, qu'on puisse faire sortir des centaines de milliers de gens du circuit et de la dépendance. Tout en reconnaissant l'importance de développer l'employabilité, vous en appelez à la nécessité de la transparence, vous voulez qu'on ne se fasse pas accroire des choses inaccessibles. Le Conseil de la santé et du bien-être disait la même chose ce matin.

Il se pose, à travers ces interventions – la vôtre et d'autres – il se pose, je dirais, la nécessité de pouvoir débattre entre nous, à un moment donné, d'une véritable politique de l'emploi, de l'emploi rémunéré et de l'emploi non rémunéré, l'activité humaine pouvant se déployer sous un mode marchand – on travaille, on a une paie – ou sous un mode non marchand: on peut travailler dans différents domaines, on peut s'impliquer, s'engager dans différents types d'activité qui n'ont pas toujours comme contrepartie un salaire au sens traditionnel mais qui comportent un apport à la société.

Est-ce que vous ne trouvez pas que ça serait le temps d'en arriver à un tel débat au Québec? Est-ce qu'on ne devrait pas être saisis, en plus – j'allais dire à la place d'un livre vert sur la sécurité du revenu; je ne dirai pas à la place mais, en plus – parallèlement à un livre vert sur la sécurité du revenu, d'un livre vert ou d'un livre blanc, une orientation gouvernementale quant à ce que j'appellerai l'emploi au sens le plus large possible, l'emploi sous ses nouvelles formes?

On sait que le travail se déstructure, se restructure, éclate, ne se fait plus selon les formules traditionnelles toujours, mais, il reste quand même qu'il y a là une réalité qui est en changement, en transformation. On parle de sécurité du revenu, d'assurer la sécurité du revenu de 800 000 ou 1 000 000 de personnes. Mais, la meilleure manière d'arriver à la sécurité du revenu, est-ce que ce n'est pas par l'augmentation du travail, l'augmentation, en volume, du travail dans la société? On peut parler de partage, on peut parler de réduire le temps de travail, ce sont des moyens de répartir le travail existant, mais en arriver à redéployer la force de travail, il me semble que c'est de ça qu'on devrait être saisi, actuellement, au Québec? Ça fait 30 mois que les gens d'en face sont au pouvoir et on nous cite des extraits de rapport de l'OCDE de l'automne dernier sur les grandes lignes que suivent les pays de l'OCDE pour la création d'emplois. Est-ce que ça ne serait pas le temps d'être saisi d'une politique de l'emploi?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En une minute, M. le président.

M. Gingras (Claude): Écoutez, M. Charbonneau, bien sûr, votre question a été analysée sous toutes ses coutures au Sommet de l'emploi. Je pense qu'on a quand même essayé de travailler sur ces pistes-là, on a essayé, les partenaires, quand même de trouver des modèles nouveaux pour développer l'emploi. Entre autres, l'économie sociale, on s'est donné un modèle, on s'est quand même donné des pistes, il y a plusieurs programmes qui sont issus de ce Sommet, il y a plusieurs projets qui ont été initiés. Bien sûr, c'est laborieux, il semble que ce n'est pas facile à enclencher. En fait, c'est des expériences nouvelles, il ne faut pas s'attendre que, bon, ça va être instantané, les résultats, mais je pense qu'on a actuellement des pistes intéressantes. On a défini un peu ce que devait être l'économie sociale, on a défini des projets intéressants, qui sont créateurs d'emplois, je pense qu'il faut mettre de l'énergie à essayer de les mettre en place, les développer et s'assurer qu'ils vont apporter des résultats.

Et, ce que je vous disais tout à l'heure, à la question première que vous m'avez posée, les partenaires, si on veut continuer d'être associés aux mesures actives du travail, c'est qu'on est également intéressé de se voir fixer des objectifs de résultats aussi par le gouvernement. Même si on veut être des partenaires décideurs, on est prêt à assumer nos responsabilités et on est prêt à se faire donner des objectifs de résultats. Puis, à ce moment-là, on répondra justement à la commande; puis, si on n'est pas capable d'y répondre, bien, on aura à répondre pourquoi on n'est pas capable de le faire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme Escojido, Mme Dubé, M. Gingras, merci beaucoup, et j'invite maintenant la représentante et les représentants de la Fédération des CLSC du Québec à prendre place.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous invite, M. Bouchard, à présenter les personnes qui vous accompagnent et à commencer votre présentation.


Fédération des CLSC du Québec (FCLSCQ)

M. Bouchard (Serge): M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, au nom de la Fédération des CLSC du Québec, il me fait plaisir de venir vous présenter nos réactions au projet de réforme de la Sécurité du revenu. Pour mieux faire valoir notre point de vue et échanger avec vous, j'ai choisi de me faire accompagner de Mme Micheline Vallière-Joly, directrice générale du CLSC de Blainville, et de Mme Andrée Gendron, directrice générale intérimaire à la Fédération des CLSC.

Comme vous avez eu l'occasion de le lire dans notre mémoire, la Fédération des CLSC reçoit avec beaucoup d'intérêt le contenu du livre vert sur la réforme de la Sécurité du revenu. Cet accueil positif de notre part tient au fait que l'on retrouve dans le document, exprimée clairement et fortement, une volonté de mettre fin à la marginalisation des assistés sociaux par leur intégration au bassin de la main d'oeuvre et par un cheminement individualisé. Ces personnes auxquelles le projet de réforme s'adresse, nous les connaissons fort bien depuis 25 ans tant dans nos programmes que de notre forte implication dans le milieu communautaire, nous mettent en contact avec plusieurs d'entre elles. Aussi, lorsque la ministre prône l'implication et la responsabilisation des individus et des communautés locales comme moyens d'action, nous ne pouvons qu'être d'accord.

Dans cette perspective, nous entendons donc, dans la mesure de notre expertise et de nos capacités, collaborer à faire un succès de ce qui nous apparaît comme un défi collectif. Le mot n'est pas trop fort, car, pour plus de 700 000 personnes, ce dont il est question, c'est de dignité humaine et, par ricochet, de notre dignité comme collectivité. Pour peu que l'on mette fin à la marginalisation, que l'on réduise la pauvreté, que l'on donne aux communautés locales la capacité de moduler des actions correspondant à leurs besoins et, prenant appui sur leur force, nous améliorons les conditions de bien-être de toute une population.

(16 h 30)

Pour y arriver, il nous semble essentiel de reconnaître que les notions d'accompagnement et d'aide doivent de beaucoup primer sur le contrôle et la coercition. Ainsi, nous faciliterons l'enracinement dans le milieu, contribuant ainsi grandement à la réussite souhaitée. La préoccupation que la personne soit et demeure au centre des objectifs et de la réalisation de la réforme, que celle-ci se mette en place grâce à un enracinement réel et profond dans la communauté locale doivent constamment inspirer toute cette réforme. C'est en effet dans la localité que peuvent le plus facilement se développer le support et l'entraide. Les personnes qui y vivent partagent une même réalité et sont ainsi les mieux placées pour identifier leurs besoins spécifiques et les moyens de les satisfaire.

Une société qui se prétend civilisée ne peut se permettre d'ignorer qu'une partie de plus en plus importante de sa population vit dans une situation de totale dépendance financière de l'État sans avoir aucun moyen de s'en sortir. On ne saurait trop insister sur la nécessité de redonner à ces personnes des moyens positifs de retrouver une dignité sans préjugé et de reconquérir une estime de soi nécessaire à tout épanouissement humain. Là réside l'essence même de toute cette réforme. De cette façon, on suscitera la mobilisation des individus, des organismes et des milieux pour atteindre l'objectif, à défaut de quoi l'échec suivra à plus ou moins brève échéance.

Cette mobilisation à l'image des personnes à qui elle s'adresse est vulnérable. Déjà, des modifications récentes se traduisent pour les bénéficiaires par une augmentation de leurs dépenses ou une diminution de leurs revenus. Attention que ne se répande la perception que la réforme de la sécurité du revenu puise sa justification principale dans la nécessité pour l'État de diminuer ses dépenses. Cet écueil pourrait à lui seul mettre en péril le succès du projet et rendrait fort difficiles l'implication du milieu et l'adhésion des personnes elles-mêmes à la démarche.

Dans le livre vert, on peut lire en page 14 que «le nouveau régime entend établir un contrat de réciprocité reposant sur un rapport ouvert, démocratique et solidaire entre l'individu, l'État, les partenaires du marché du travail et les collectivités». Cette notion de réciprocité implique que les personnes auront à fournir des efforts en s'engageant dans un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi. En contrepartie, l'État s'engage à reconfigurer la gestion de ses programmes et l'attribution de l'aide financière de façon à répondre aux besoins de l'ensemble des demandeurs d'emploi. Il doit aussi, dans le suivi des engagements du Sommet sur l'économie et l'emploi, mettre en place des conditions favorables au développement de l'emploi.

Malheureusement, cette nouvelle approche, tout en réduisant la discrimination entre individus selon qu'ils soient chômeurs ou assistés sociaux, risque fort de pénaliser les personnes qui dépendent de la sécurité du revenu. Plusieurs d'entre elles, déjà inscrites dans une démarche de réinsertion, profitent de certains programmes comme EXTRA, PAIE et, de ce fait, voient leur prestation mensuelle majorée. Au moment de l'application de la réforme, que leur arrivera-t-il si l'on ne peut les inscrire dans un cheminement personnalisé? Si elles doivent attendre parce qu'elles ne font pas partie des clientèles prioritaires, verront-elles leur chèque amputé?

Voilà précisément où doit jouer la réciprocité. L'État doit prendre l'engagement de ne pas pénaliser une personne déjà inscrite dans des mesures actives sous prétexte que l'on ne peut traiter son cas où que les emplois n'existent pas. Ce faisant, le gouvernement témoignera du sérieux de son attitude et du respect qu'il accorde aux personnes. Autrement, l'impression qu'il ne cherche qu'à juguler ses dépenses se cristallisera davantage avec comme conséquence directe le désengagement des individus et des partenaires. Cette perte de crédibilité ne se limitera pas seulement à la réforme, mais elle entachera aussi tous les projets gouvernementaux. Vous n'êtes pas sans savoir que la confiance de la population envers le domaine public s'amenuise de plus en plus, rendant ainsi toute nouvelle intervention plus difficile que la précédente.

Si les valeurs de solidarité, de justice et d'équité que prétend défendre le projet de réforme se traduisent par un respect fondamental des personnes concernées, je vous garantis un appui inconditionnel des CLSC.

Respecter les personnes signifie aussi ne pas leur faire miroiter une insertion, une formation, des stages conduisant à des emplois qui ne sont pas là. Combien de différents programmes visant une insertion au travail se sont succédé? Des programmes qui, souvent, n'ont profité qu'aux employeurs en leur fournissant une main-d'oeuvre subventionnée qu'ils s'empressaient de laisser tomber une fois le programme d'assistance financière terminé. De nombreux assistés sociaux ayant, de bonne foi, participé à ce manège se sont retrouvés, quelques mois plus tard, revenus à leur point de départ, toujours dépendants de l'État, mais avec une estime d'eux-mêmes encore diminuée.

L'analyse socioéconomique proposée au début du document établit clairement que la personne qui se retrouve à la sécurité du revenu est souvent victime d'une conjoncture sur laquelle elle n'a aucun contrôle. On ne saurait donc, en toute équité, pénaliser davantage des personnes appauvries par une situation dont elles ne sont pas responsables. Aussi, pour favoriser une transition harmonieuse entre la situation actuelle et celle générée par la réforme, il nous semble impérieux de miser, dans un premier temps, sur le volontariat face aux mesures. Il n'est pas insensé de penser que l'individu qui, volontairement, opte pour le cheminement proposé témoigne d'un intérêt à changer sa situation. Une personne motivée devient aussi pour l'employeur un encouragement à s'engager dans le programme. Cette attitude accroît donc non seulement les chances de succès personnel, mais aussi celles du programme et, finalement, de la réforme proposée.

En revanche, les mesures coercitives risquent de s'avérer nettement insuffisantes pour régler les problèmes. Il nous faut donc envisager sérieusement de créer un palier entre l'assistance pure et simple et l'incitation coercitive.

Pour espérer réussir, la réforme doit miser sur une approche globale du problème et des clientèles au lieu de chercher à tout morceler en fonction de critères d'exclusion: âge, handicap, situation personnelle, statut. C'est dans la promotion et l'articulation de cet esprit que les CLSC voient leur plus grand apport à ce remaniement de la sécurité du revenu. Mme Vallière-Joly aura l'occasion de revenir sur ce point dans quelques instants.

À la Fédération des CLSC, on est persuadés qu'en reconnaissant que la lutte à l'exclusion du marché du travail doit prendre appui au palier local pour élaborer des stratégies la ministre est dans la bonne voie. Encore faudra-t-il laisser la plus grande latitude possible à ces milieux pour que les dynamiques locales spécifiques puissent jouer. Pour y arriver, il nous semble plus important de définir les objectifs et les rôles que de chercher à qui les attribuer. La promotion d'un modèle unique, panquébécois, nous apparaît contre-indiquée. Il importe d'abord de cerner clairement ce que représentent l'accompagnement, l'information, l'orientation, le développement de l'emploi, les formations et de laisser au milieu le soin de tout articuler selon sa réalité propre. De cette façon, non seulement chaque communauté se retrouvera dans ce processus mais pourra renforcer les liens qui la sous-tendent. D'ailleurs, certaines localités du Québec ont réussi le défi de ramener le chômage à zéro. Je pense particulièrement au village de Saint-Narcisse, dans la région de Mauricie–Bois-Francs, où s'est développée une solidarité exemplaire. Le chômage y est maintenant inconnu et, chaque année, pour raviver la flamme, la population célèbre la fête de la solidarité. La recette de ce succès est fort simple, une approche globale des besoins qui prend appui au palier local.

Le projet de réforme de la sécurité du revenu doit miser sur un certain nombre de clés pour réussir: une transition progressive, la mobilisation des acteurs sociaux, le soutien à l'organisation des milieux, la formation des conseillers, la réduction de la bureaucratie, mais surtout des emplois. Pour bien utiliser ces clés, nous croyons que la ministre, lors de la mise sur pied du Conseil des partenaires, devrait prévoir une représentation des clientèles via le Comité des usagers. Elle y trouverait une garantie supplémentaire que le développement de l'emploi se centre bien sur les besoins du milieu.

(16 h 40)

Notre accueil favorable au projet de Mme Harel ne nous empêche pas de constater plusieurs écueils à sa réalisation. Ainsi, la ministre doit être consciente que son application sur une base locale sera grandement tributaire du niveau d'organisation de ces milieux. D'une région à l'autre, comme d'un CLSC à l'autre, les ressources sont fort inégales, ce qui risque de poser un problème de taille. Dans le contexte de rareté des ressources que vit tout le Québec, ces nouvelles priorités devront s'harmoniser avec les services et les programmes actuels.

On peut aussi s'interroger sur la préparation et la formation des conseillers qui auront à élaborer les parcours individualisés. Ceux-ci vont occuper une position stratégique importante dans le processus. De combien de personnes chacun aura-t-il à s'occuper? L'analyse de la situation personnelle, la mise en place d'un cheminement approprié et surtout le suivi de son évolution sont autant de déterminants qui, en bout de ligne, décideront du succès ou de l'échec du projet de réforme. Si l'on veut tenir compte de la globalité des besoins, capacités et aspirations des personnes à réinsérer, ce que nous jugeons essentiel, cela va exiger des conseillers des CLE une vision beaucoup plus large d'une simple démarche de choix de cours ou d'emploi.

Finalement, les modalités proposées ne devront pas augmenter une bureaucratie déjà trop abondante dans les actuels programmes d'employabilité. Il s'agit là d'un des obstacles majeurs à l'adhésion des employeurs au processus. De trop nombreux assistés sociaux ont été remerciés au fur et à mesure que l'employeur constatait le volume de formulaires et de rapports à remplir pour intégrer les personnes de la sécurité du revenu. Pourtant, au départ, ces employeurs avaient accepté de contribuer à l'insertion. Chaque jour, nos intervenants reçoivent des témoignages convergeant en ce sens.

En guise de conclusion, je dirais que ce projet de réforme de la sécurité du revenu propose à la population québécoise un virage majeur au plan de la perception des assistés sociaux et dans la façon d'aborder les services leur étant destinés. Les propos du livre vert imposent aussi la nécessité de développer une cohérence entre les différentes politiques gouvernementales en matière de famille, d'éducation et d'emploi. Bien qu'à ce stade de la réflexion plusieurs précisions et des ajustements nous apparaissent nécessaires, force est de reconnaître qu'il s'agit là d'un pas en avant dans la recherche d'une société plus juste et plus respectueuse de sa population.

Toutefois, la volonté gouvernementale devra garder sa fermeté et être souvent répétée. Si elle prend assise sur un étroit maillage des partenaires locaux, cette réforme pourra arriver à briser le cercle de l'isolement et de l'exclusion où l'on a longtemps confiné trop de personnes. La Fédération des CLSC réitère son appui à l'objectif fondamental du projet de placer la personne au centre des stratégies, démarches et activités d'insertion. Nous entendons donc, dans la mesure de nos moyens, multiplier les efforts pour qu'une approche communautaire, multisectorielle réelle et constante sous-tende cette réforme.

Nous tenons aussi à assurer la ministre de notre très vif intérêt à collaborer à la suite de ses travaux. Comme elle, nous souhaitons que la version finale propose à des personnes trop longtemps oubliées et marginalisées une avenue positive, stimulante et enrichissante pour s'intégrer à la collectivité.

Maintenant, je cède la parole à Mme Vallière-Joly qui, elle, quotidiennement, fait face à une réalité.

Mme Vallière-Joly (Micheline): Alors, j'aimerais insister, peut-être, sur deux éléments en particulier. Alors, je pense que, quand on insiste sur le fait que la mobilisation des partenaires interpelle les CLSC, c'est vraiment dans un contexte de promotion puis d'accroissement d'une approche communautaire, et là, évidemment, c'est un rôle majeur que les CLSC jouent. L'autre élément, c'est de considérer l'ensemble des problèmes que peuvent vivre les prestataires dans un contexte de dimension psychosociale.

Alors, il nous apparaissait que la réforme telle que proposée, évidemment, avec le parcours d'insertion, d'une participation à l'emploi et à la vie active, est dans une perspective de politique active de marché du travail. On pense que d'insérer le parcours ou d'insérer la réforme dans un contexte de développement social, peut-être, rend plus justice à la situation actuelle. C'est peut-être une question de présentation, mais ça permet d'intégrer à la fois toute la dimension du développement personnel et d'un apport à une communauté, ce qui fait qu'au bout de la ligne les plus démunis ont peut-être une possibilité de valorisation parce qu'ils ont la ferme conviction qu'ils contribuent à développer une communauté. Et, dans cette dimension-là, il me semble qu'on doit faire attention à ce qu'on véhicule parce qu'à quelque part, nous, les gestionnaires du réseau, hein... Évidemment, moi, à la santé et aux services sociaux, je trouve important de vous dire qu'on sent la cohérence. Moi, je suis dans le domaine de la santé et des services sociaux. Le réseau est en transformation. On nous propose une réforme qui fait appel à des changements de pratique, qui fait appel à du travail avec des partenaires, et il n'y a pas des procédures de déterminées pour ça. Et je vous dirais que les principaux enjeux sont là: comment on va le faire?

Alors, on souhaiterait également que certains rôles et responsabilités soient définis parce qu'on est dans un contexte où on a une dimension, évidemment, ministérielle, régionale et locale, sauf que, dans tous les secteurs, on tient ce discours-là de décentralisation. Et le travail avec les partenaires est essentiel, non pas uniquement dans un contexte de recherche d'emploi, mais dans un contexte également de dispensation des services de santé et des services sociaux.

Alors, à ce moment-là, on fait référence à notre capacité et à notre réalité actuelles où, déjà, on essaie, avec les partenaires, de donner de façon différente les services. Alors, c'est évident que mon but, ce n'est pas de reprendre les éléments sur lesquels, évidemment, nous aussi, on se questionne en termes de capacité d'offrir des emplois, mais on pense que, dans un contexte de développement social, on rejoint toutes les autres préoccupations qui ont peut-être été énoncées préalablement et qui font qu'il y a une rémunération selon la capacité des individus, mais qu'au bout de la ligne c'est un projet de société où on essaie de faire en sorte que chaque personne a une place et chaque personne a un apport pour la collectivité. Et c'est ce qui, évidemment, nous anime au plus haut point et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui on a le goût de vous dire: Bien, c'est évident qu'on embarque, avec des réserves, des interrogations, mais on pense et on la sent, la cohérence, puis je pense que c'est important de vous la dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Harel: Merci. Merci, M. Bouchard et Mme Vallière-Joly, et Mme Gendron qui êtes de la Fédération, je crois.

Une voix: Oui.

Mme Harel: Alors, vous identifiez dans le mémoire les points que vous jugez intéressants. Je les rappelle: l'inclusion d'assistés sociaux au bassin de la main-d'oeuvre; la réduction du stigmate d'assisté social; la simplification administrative – on n'a quasiment pas parlé, depuis le début de nos travaux, de la réduction des 70 barèmes à 11 barèmes. Là, pour tout de suite, ni l'agent ni la personne qui demande de l'aide ne sait finalement à combien elle a droit. C'est les informations entrées dans l'ordinateur qui finissent par le lui dire. Alors, ce n'est rien pour assurer la transparence. Ensuite, l'intégration par le CLE de l'ensemble des services à l'emploi, donc on passe des 116 programmes et mesures de main-d'oeuvre à cinq axes d'intervention, comme vous le savez sûrement, vous qui référez à la politique active; l'accent mis sur l'insertion professionnelle des 18-24 ans; l'allocation familiale unifiée; le traitement des pensions alimentaires; l'approche multisectorielle dans un plan local d'emploi; puis l'appel à la mobilisation des milieux.

(16 h 50)

Dans votre mémoire, ce que j'aime beaucoup cependant, c'est que vous nous rappelez le fait que le développement local, c'est un développement global, et donc ce développement global doit tenir compte de l'ensemble des composantes humaines dont, finalement, l'emploi est, disons, un morceau important, sans doute majeur, dans notre société. On se définit pas tant par ce qu'on est que par ce qu'on fait, n'est-ce pas. Mais, en même temps, tout de suite peut-être, si ça peut vous rassurer, les procédures, justement, dont vous parliez, elles, vont être définies dans un livre blanc, lequel livre blanc va porter sur une politique-cadre de développement local et régional, et c'est mon collègue Guy Chevrette qui va le rendre public d'ici, me dit-on, deux ou trois semaines. Alors, c'est au niveau du livre blanc qu'on retrouvera les scénarios de partenariat au niveau local, de la mission attribuée au niveau local, et, évidemment, de partenariat au niveau régional, et aussi de la mission régionale qui en restera une de concertation, d'harmonisation, de coordination, alors que le niveau local fera l'élaboration des... notamment, il aura la mission de réaliser le plan local d'action pour l'économie et l'emploi.

Et ça me rassure. Je dois vous dire, ça me rassure. Ça me rassure, je vais vous expliquer pourquoi. C'est surprenant ce que je vais vous dire, mais hier, je l'ai répété toute la journée, j'étais à Gatineau, dans Buckingham, à Saint-André-Avellin; la semaine d'avant, à Matawinie, Montcalm, Saint-Jean-de-Matha; j'avais été, l'autre lundi d'avant, à Lac-Etchemin; et, à tout coup, les lundis, quand j'ouvre un carrefour jeunesse-emploi, je tombe sur l'éloge de tout le milieu à l'égard du CLSC. Alors, c'est soit l'agent communautaire qui a été celui ou celle qui a tout permis, c'est-à-dire que, finalement, ce qui leur a permis, c'est à des gens qui ne se parlaient pas auparavant, qui viennent de milieux différents, milieu des affaires, milieu scolaire, milieu institutionnel, centres Travail-Québec, SQDM, etc., de se retrouver en ne parlant pas de leurs structures, mais en parlant des jeunes de leur quartier ou de leur municipalité et en se demandant ce que chacun peut apporter comme contribution pour corriger la situation.

Et je vous dis, il n'y a pas une inauguration à laquelle j'assiste systématiquement, semaine après semaine depuis le jour de l'An, où il n'y a pas, ma foi, plus qu'un éloge. En général, ça se transmet par des applaudissements nourris, soit au directeur général qui a accepté la présidence du Carrefour, soit à l'agent communautaire qui a été, si vous voulez, un ferment. Et là je me suis dit: C'est formidable; finalement, voilà une structure qui n'a pas le syndrome du père fondateur. Ha, ha, ha! Parce que, en même temps que l'initiative a été prise, souvent, par le CLSC, ils n'ont pas cherché à garder le pouvoir de décider par la suite. Ils l'ont très généreusement, en général, partagé, distribué avec les gens du milieu. Et ça, ça me permet d'espérer que, même dans une structure institutionnelle, il est possible qu'il n'y ait pas trop de lutte de pouvoir quand, finalement, l'objectif qui est recherché, c'est celui de développer sa collectivité puis de développer sa communauté.

Alors, quand vous me dites que vous réitérez votre appui à l'objectif fondamental du projet de placer la personne au centre des stratégies, que vous entendez multiplier les efforts pour que cette approche multisectorielle réussisse, bien, ça me rassure d'une certaine façon, parce que je suis convaincue, et comme mes collègues aussi – pensez que c'est tout à fait partagé, ce que je vous dis, par le ministre responsable du Développement local et régional – mais il y a une place importante au sein du Conseil des partenaires, au directeur ou à la directrice ou à un représentant du CLSC, de la commission scolaire, de la MRC, du commissariat industriel, du milieu des affaires, du milieu syndical, et du milieu communautaire autonome aussi qui a une place à prendre et un rôle important à jouer, si vous voulez, pour nous rappeler toujours cet objectif de citoyenneté à partager.

D'autre part, j'aimerais peut-être vous rassurer, si tant est que cela fut nécessaire... J'imagine que cela ne l'est peut-être plus depuis que vous savez que le supplément de 120 $ va rester. Vous en parlez à quelques reprises dans votre mémoire. En même temps, je voudrais vous préciser comment. Il va rester comme supplément au barème de base. Alors, on se comprend que ce barème de participant reste un barème, c'est-à-dire garde quelqu'un dans le statut d'assisté. Et ça, ce n'est pas l'objectif qu'on poursuit. Cependant, il est bien dit, puis je vais vous faire lecture d'une directive déjà envoyée depuis le 20 décembre – ça fait donc sept semaines de cela – dans tout le réseau Travail-Québec, à tous les directeurs et directrices des centres Travail-Québec, et qui, déjà, leur disait: «Pour les mesures d'employabilité, EXTRA, Rattrapage scolaire, RADE, SEMO, Jeunes Volontaires, ainsi que pour les nouvelles mesures qui seront mises en place, Mme Harel entend maintenir une couverture au moins équivalente au niveau actuel, soit 120 $ par mois, plus les prestations spéciales couvrant, notamment, les frais de garde et les coûts d'études.» Il n'a jamais été d'ailleurs discuté au gouvernement que ce serait, si vous voulez, mis de côté, ça.

«Les directions régionales peuvent donc informer les prestataires et les organismes qui les accueillent que le ministère continuera à payer les barèmes de participation et qu'il n'y aura pas de réduction dans la couverture. Pour les programmes de développement et de création d'emplois, le ministère privilégie l'obtention du statut de travailleur et, dans certains cas, d'apprenti pour les personnes participantes. À cette fin, le ministère confirme son orientation de procéder à la conversion des prestations de la sécurité du revenu en subventions salariales, notamment pour des projets retenus dans le cadre du Fonds de lutte à la pauvreté et des fonds gouvernementaux d'économie sociale.»

Si je résume, finalement, il faut sans doute cesser – c'est un message en passant, là – il faut cesser quand même dans le réseau de se financer à même la participation de personnes qui restent à statut d'assisté. Je pense, entre autres, au programme EXTRA qui, dans bien des cas, était une expérience de travail sans le statut de travail. Je crois qu'il va falloir appeler les choses par leur nom. Il y aura des allocations pour la participation communautaire, mais on ne mélangera pas avec des expériences de travail. Les expériences de travail se feront à statut de travail, soit dans le cadre de l'économie sociale ou des entreprises d'insertion.

Alors, pour résumer, le parcours d'insertion, il se fait avec un statut d'assisté et un barème de participant, mais l'idée, c'est d'en sortir, justement, du parcours, alors, soit en convertissant... Ça, je vous en donne l'idée, mais il faut la répandre aussi. On peut très bien convertir maintenant ce qui était interdit auparavant, interdit à cause du financement du Régime d'assistance publique du Canada, mais on peut convertir en bons d'apprentissage, en bourses d'études, on peut convertir aussi en supplémentations dans le cadre de l'économie sociale ou des entreprises d'insertion. Puis on peut compter aussi, certainement, sur le fonds de 250 000 000 $ pour les trois prochaines années, qui va favoriser la lutte, si vous voulez, à l'exclusion et favoriser l'insertion sociale, vous savez, ce fonds qui résulte du Sommet.

Alors, ceci étant dit, je pense bien qu'il faut clairement qu'on ait comme orientation d'intégrer la dynamique psychosociale, le suivi personnalisé, puis, en même temps, de savoir qu'il faut un accompagnement personnalisé qui peut investir dans l'arrêt de l'idée que la personne ne peut pas s'en sortir, hein. Hier, j'étais justement à Buckingham et il y avait une jeune femme qui prêtait un témoignage et qui disait que, finalement, le plus grand service que le Carrefour jeunesse-emploi lui avait rendu, c'est d'arrêter sa cassette préenregistrée qui répétait constamment qu'elle n'était pas douée et qu'elle ne pouvait pas y arriver. Alors, c'est ça, le parcours individualisé. C'est évident que ça suppose, comme vous le notez d'ailleurs, de mettre fin à une culture de pauvreté qui est souvent intergénérationnelle.

Mais, en même temps, s'il vous arrive de savoir comment on va faciliter les choses au niveau local, je pense qu'il faut travailler sur le parcours d'insertion. Il se fait des belles expériences étrangères et ici, un peu partout en région, à Montréal, et je comprends qu'à la Fédération vous êtes à même aussi de les colliger, ces expériences, ces parcours d'insertion, et peut-être de les mieux faire connaître, non seulement à votre réseau, mais de les faire connaître aussi à vos partenaires locaux. Alors, je ne sais pas si vous avez l'intention de travailler sur les dimensions de réussite du parcours d'insertion, mais il me semble que ça conviendrait bien à votre mission.

(17 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Bouchard.

M. Bouchard (Serge): Oui, puis d'ailleurs, si on peut renchérir là-dessus, il faut dire qu'on travaille aussi dans le cadre de la politique santé et bien-être. C'est que la condition du revenu des gens, c'est une composante aussi de la santé, et c'est pour ça que ça nous préoccupe beaucoup et que... En tout cas, au niveau de notre travail social et aussi en santé, c'est ce que je veux faire ressortir, c'est que les deux dimensions, on les mène de front.

Mme Harel: Vous êtes certainement déjà au courant que le Conseil de la santé et du bien-être du Québec a reçu un mandat du gouvernement de tenir ses forums régionaux en mai, et ce grand forum en décembre prochain, au cours duquel on va justement examiner l'aspect multisectoriel du développement social. Alors, ça va être, je pense, un temps fort justement, une étape de plus qu'on va franchir. La politique active en a été une, il ne faut pas la regretter, mais il faut comprendre que le développement social, qui sera l'étape du printemps et de l'automne, va ajouter finalement une autre dimension à nos interventions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour. Au début de votre mémoire, vous faites une mise en garde au gouvernement, c'est très clair, vous dites au gouvernement de faire attention que la réforme de la sécurité du revenu ne puise pas sa justification, finalement, par la nécessité de diminuer ses dépenses. Et vous dites aussi, vous faites mention tout de suite après de l'effort qui a été demandé aux plus démunis de notre société, par le fardeau financier, par l'implantation du régime d'assurance-médicaments. Vous vous opposez au caractère obligatoire avec pénalités, et la plupart des groupes, à date, c'est une des préoccupations, je pense, la plus marquée, c'est d'avoir cette obligation-là en sachant que le gouvernement n'est pas capable, au moment où on se parle, d'offrir des mesures efficaces et accessibles à tout le monde. Et aussi, M. Camil Bouchard nous disait qu'une telle obligation, avec un caractère coercitif, tout ce que ça ferait finalement, c'est de favoriser un comportement de soumission, de créer un climat de méfiance entre le conseiller en emploi et la personne qui est à la recherche ou est dans un parcours d'insertion.

D'autres groupes nous ont dit... Dans les quartiers, il y a beaucoup de regroupements maintenant, qu'on appelle les travailleurs de rue, qui travaillent beaucoup avec les CLSC, qui vont sur le terrain rencontrer les jeunes qui sont en train de décrocher. Moi, la question que je me pose, avec tout le système de pénalités qu'on est en train d'imposer... Il y a des groupes qui nous disaient que des jeunes vont se retrouver peut-être avec 100 $ dans leurs poches, parce qu'on maintient la coupure de partage du logement. Puis là, si on additionne toutes les coupures que les prestataires ont subies avec la loi n° 115, l'effort qui a été demandé est presque inhumain, quand on sait que ces gens-là, qui ont de la difficulté même à arriver au moment où on se parle, vivent déjà, moi, je dis toujours, sous sous le seuil de la pauvreté. Ce sont les personnes les plus pauvres, les plus démunies de notre société. Moi, la préoccupation, vraiment, qui m'obsède, c'est de penser qu'avec de telles mesures appauvrissantes. qu'on retrouve dans le livre vert, il y a des jeunes qui arriveraient, finalement, avec les pénalités, avec l'effort... Puis il faut regarder s'ils viennent de familles où ils ont des problèmes de violence, ou quoi que ce soit. Et tout le monde dit: Ces jeunes-là, s'ils ne vont pas décrocher, si, finalement, on ne les envoie pas, on ne les pousse pas dans la trappe de la délinquance, de la violence, de l'itinérance... Puis vous qui travaillez tellement près, avec les gens, les familles, dans les quartiers, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là.

Mme Vallière-Joly (Micheline): Je pense que ça va dans le sens de la remarque où on disait que, si cette réforme-là peut s'inscrire dans une perspective de développement social, je pense qu'il y a là une créativité qui doit naître du Conseil des partenaires. Moi, je dirais qu'effectivement il y a un danger, mais, en même temps, en donnant du pouvoir au local, il me semble que le défi premier, c'est de faire en sorte que tous ceux qui sont concernés par cette réforme, autant au niveau du soutien de l'accompagnement que de la création d'emplois, que tous se sentent concernés et impliqués, du début du processus à la fin du processus. Il me semble qu'on est capables, ensemble, de trouver des façons de donner au bon moment le support et l'accompagnement. C'est le défi. C'est le défi, parce que, jusqu'à maintenant, on a vécu peut-être davantage des situations où les actions étaient morcelées. C'est mon mandat, mes missions, c'est: Maintenant, je te réfère, j'ai fini avec un tel. Et c'est un peu ce qui fait que, dans un contexte social qu'on a vécu jusqu'à maintenant, on a un écueil.

La façon dont je lis le projet, moi, ça interpelle sur des pratiques différentes, ça fait référence à des notions qu'on entend depuis quelque temps, de réseaux intégrés de services, ça fait référence également à tout un contexte où, ensemble, on est responsable d'un individu. Le défi est grand, mais je pense que tous les secteurs sont de plus en plus interpellés sous cette angle de prise là. Et je dirais, peut-être à titre personnel, c'est que comme gestionnaire de CLSC, comme directrice générale de CLSC, c'est bien sûr qu'on va m'évaluer, moi, comme directrice générale, dans ma capacité de faire avec des partenaires. Ce n'est plus comme il y a quelques années où, finalement, en autant que j'étais capable de gérer mes ressources humaines, financières et techniques, j'étais qualifiée de bonne gestionnaire. Je ne suis pas certaine que ça intéresse un peu, parce qu'il faut quand même arriver à un équilibre budgétaire, mais je pense que ce qu'on attend davantage d'une personne comme moi qui ai responsabilité d'établissement, c'est de voir comment je suis créatrice, comment je suis capable d'innover et, dans ce sens-là, moi, je trouve que le projet de réforme interpelle chaque acteur personnellement.

Je sais que ça répond partiellement, parce que je pourrais répondre aussi avec les programmes qui existent déjà au CLSC, notre préoccupation d'avoir un tissu social serré, mais je dirais que la nouveauté... En tout cas, ce que j'ose espérer qui va mobiliser tout le monde, c'est le fait qu'au bout de la ligne notre crédibilité comme responsable d'établissement, d'organisme ou de secteur quelconque, c'est notre capacité de mobiliser des gens autour d'un projet commun, et, moi, ce que je me dis, c'est dans ça que les CLSC ont le goût d'embarquer. On va faire ce qu'on peut pour mobiliser les gens, parce qu'à quelque part on a tous constaté qu'on est actuellement dans un cul-de-sac. Il faut faire différemment. Et c'est pour ça que tout à l'heure j'insistais sur deux éléments, puis un que je vais vous rappeler.

On sait que ce n'est pas facile, mais, si on pense politique familiale, on pense économie sociale, on pense revenus, il y a une cohérence. On sent que tous les pions sont sur l'échiquier et on ose croire tous ensemble que dans trois ans on va être ailleurs. Mais je me dis: C'est la moindre des choses, parce que, si, comme responsable d'établissement, on ne croit pas à ce qui nous est proposé, on est fait, hein. On est fait. Alors, dans ce sens-là, je me dis: Je suis consciente que ça répond partiellement, mais il me semble qu'on a des ingrédients pour bâtir des choses ensemble en étant quand même tout à fait réalistes sur les enjeux, sur ce qu'on a déjà nommé. On ne pense pas que, dans les semaines, les mois, peut-être même les années qui vont venir, on va avoir des emplois pour tout le monde, sauf qu'on sait que les suites au Sommet, l'économie sociale est porteur d'une ouverture plus grande et, dans le fond, on croit à un projet collectif. C'est l'enjeu, c'est l'enjeu majeur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Gendron.

Mme Gendron (Andrée): J'ajouterais même à ça, on a beaucoup mis en valeur cette partie où on voit qu'enfin il y a un élément nouveau sur lequel on pourrait intervenir qui est le dynamisme local, qui a été jusqu'à maintenant peu utilisé. Mais, ceci étant dit, ça ne minimise pas non plus l'impact de la pauvreté dans lequel le Québec est actuellement et une partie importante de sa population. On adhère très bien au diagnostic qui a été fait de la situation où on dit: Les coûts, entre autres, ont augmenté de 600 % et ce n'est pas en fonction de l'augmentation de la prestation mais du volume de gens qui l'utilisaient. On ne croit pas non plus que ces gens-là sont allés sur une soi-disant dépendance complète de l'État sur une base volontaire. Donc, il y a cette réalité-là. Je pense aussi que, comme disait Mme Vallière-Joly, il n'y a pas non plus des emplois demain matin comme ça. Donc, on voit, nous, avec une approche locale et un dynamisme local, qu'il y a une volonté de la communauté de se prendre en charge, un nouveau mode d'intervention qu'on pourrait utiliser, avec cette approche d'un développement social qui est plus qu'une démarche d'emploi pour nous et qu'il faut intégrer dans une perspective plus large.

(17 h 10)

Mme Loiselle: Oui, parce que vous le dites, vous avez fait un titre, le défi majeur de la réforme, et je vous cite: «Le défi majeur: susciter la confiance». Et, à date, les gens qui sont venus nous rencontrer ont dit que, si le gouvernement gardait l'aspect coercitif et obligatoire, ça démotive et ça crée un climat de méfiance. Alors, c'est tout à fait le contraire. Vous, vous dites: Le pari pour le gouvernement, finalement, c'est de créer un climat de confiance, et les prestataires à date qu'on rencontre et à qui on parle sont plutôt en colère face à cette obligation-là. Alors, je pense que le gouvernement devra rectifier le tir s'il veut vraiment... Parce que même M. Bouchard nous l'a dit, si le gouvernement allait dans cette lignée-là, du caractère coercitif et punitif, c'est se tirer dans le pied, c'est voué à l'échec, sa réforme.

M. Bouchard (Serge): Oui, oui, puis on a été clairs aussi, on le dit qu'il faut aller sur une base volontaire...

Mme Loiselle: C'est ça.

M. Bouchard (Serge): ...très claire au départ.

Mme Gendron (Andrée): C'est absolument essentiel et même, quand on dit aussi de prévoir des mesures de transition... c'est-à-dire que, si on considère que les personnes, qui sont actuellement les prestataires de l'aide sociale, n'en sont pas entièrement responsables, donc il faut prévoir des temps de transition entre l'implantation de mesures nouvelles et de façons de faire nouvelles et le fait que eux le sont actuellement et qu'ils auront, donc, à attendre que, nous aussi, les dispensateurs de services, on soit orchestrés, qu'on leur donne un service adéquat. En aucun temps, on ne voudrait qu'ils soient pénalisés parce que nous ne sommes pas encore organisés au niveau local. Ça, c'est absolument, il me semble, clair dans le document.

Mme Loiselle: Je constate que vous êtes préoccupés, comme la CSD, au niveau de la disparité régionale, que, finalement, ce n'est pas toutes les régions qui sont bien organisées sur le terrain, il y en a qui sont mieux organisées que d'autres. Et, finalement, ça va être comme un genre d'inéquité pour le prestataire, celui qui vit dans une région où c'est moins dynamique que celui qui vit dans une région où, vraiment, là, ça va bien, et c'est le prestataire au bout qui va payer. J'aimerais vous entendre davantage, parce que vous êtes les deux premiers groupes qui nous parlez de la disparité régionale et des conséquences de ça, finalement.

Mme Vallière-Joly (Micheline): Alors, nous, évidemment, on est sensibles aussi, parce que, bon, des dossiers d'équité interrégionale, je pense qu'on transige avec ça quotidiennement, je dirais, d'une certaine façon, autant au niveau des services qu'on dispense à la population, et je dirais que le corollaire est vrai également: si on est un peu pris dans cette dynamique-là, ça ne fait pas pour autant qu'on ne donne pas des services. Donc, je pense qu'au niveau des emplois il faut aussi, de la même façon, avoir un mécanisme qui fait qu'on puisse transiger aussi avec d'autres régions où, peut-être, on a plus un focus au niveau d'une employabilité. Je dirais que ça peut être vrai même à l'intérieur d'une région qui est très grande. Si je pense à Laurentides ou Mauricie–Bois-Francs, on ne parle pas de différence entre les régions, mais, même à l'intérieur d'une même région, on doit transcender le caractère local.

Et, dans ce sens-là, moi, je me dis, c'est un peu cette particularité nécessaire, je crois, de définir cette harmonie entre le local, le sous-régional, le régional et l'interrégional, parce que le Québec, c'est une province qui est riche, qui est évidemment en disparité, mais il ne faut pas qu'on reste malgré tout confiné à un local qui, peut-être, au bout de la ligne, ferait en sorte que les gens seront moins servis. Mais je crois dans ça qu'il y a comme une possibilité de le faire, mais il faut être vigilant, il vaut avoir des règles du jeu et, comme Mme la ministre dit, les procédures vont être déterminées. Il me semble qu'on a besoin d'avoir des rôles, des responsabilités à tous les niveaux et à tous les paliers pour pouvoir effectivement interpeller une région ou une sous-région qui serait peut-être plus pourvue d'employabilité, je dirais, d'une certaine façon.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Gendron.

Mme Gendron (Andrée): Juste pour compléter. Cette disparité locale, aussi, fait en sorte que de croire dans le dynamisme local et de croire que, localement, au niveau de la communauté, on peut trouver des solutions, ça fait en sorte aussi que l'État, que le gouvernement ne peut pas se dissocier de ça et qu'il a à baliser ça pour assurer l'équité interrégionale et aussi donner les grandes politiques qui feraient en sorte qu'il y ait une cohérence et que, localement, on soit capable d'agir. Je pense qu'on a commencé à le voir, comme le soulignait Mme Vallière-Joly, on voit qu'il y a une cohérence entre la politique de la famille, qui est sortie il y a deux semaines, on voit, bon, celle-là, et on les voit arriver les unes après les autres. Je pense qu'il y a là un rôle de l'État et du central pour faire en sorte qu'au niveau local les gens ne soient pas pénalisés à cause de cette inéquité, de là notre souci.

M. Bouchard (Serge): Juste un commentaire supplémentaire. Venant d'une région éloignée puis travaillant à la Fédération comme président, ça me donne quand même un son de cloche de ce qui se passe au niveau provincial. Moi, je pense que présentement, dans nos milieux, on a des gens motivés. Il manque un petit déclic pour les mobiliser. Et si on avait un projet de société qui devenait mobilisateur, ça diminuerait aussi les différences entre les différentes régions.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une courte conclusion. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. Bouchard, Mme Vallière-Joly, Mme Gendron, j'ai pris connaissance de notre ordre du jour, je n'étais pas au courant en tout cas que la Fédération avait une nouvelle directrice générale par intérim. Je vous souhaite la bienvenue. Mme Jeanne d'Arc Vaillant était une habituée à nos commissions, surtout la commission des affaires sociales. Je ne sais pas si c'est un changement permanent ou non. En tout cas, je vous souhaite la bienvenue quand même.

Le livre vert fait référence, dans un de ses grands axes, à l'intérieur du code de références, à l'aide à la création d'emplois et, à l'intérieur de cet axe-là, il est question, pas nécessairement surtout, mais il est question de tenter de développer des emplois, surtout dans des organismes communautaires, notamment ceux évoluant dans des domaines dit d'utilité sociale et collective, ce qui réfère à l'économie sociale et tout ce qui en découle de notre Sommet. Il y a certains groupes, je pense, dans la société québécoise pour lesquels ça peut poser certaines préoccupations. Je suis en communication, à cause de mes fonctions, énormément avec des milieux associatifs des personnes handicapées qui voient dans cette notion d'économie sociale et de développement des ressources communautaires une certaine préoccupation quant à la livraison de certains services présentement ou largement livrés par les CLSC. Pensons, entre autres, au maintien à domicile. C'est préoccupant pour eux autres la possibilité qu'il y ait des organismes, même communautaires, qui prennent une certaine place dans cet aspect de livraison de services essentiels pour les personnes handicapées à cause peut-être d'un manque d'encadrement, changement de personnel, etc. Avez-vous une réflexion là-dessus à la Fédération?

Mme Gendron (Andrée): Oui. Dans le cadre du Sommet, et tout ça, on a beaucoup réfléchi. On est en train de développer notre position à l'égard de ça. C'est-à-dire que, oui, on est d'accord avec l'économie sociale et, oui, on va y participer, on va y contribuer. Je pense qu'une des responsabilités des CLSC est d'aider les organisateurs communautaires, par des techniques et tout ça, à supporter les groupes communautaires pour qu'ils se prennent en charge et qu'ils développent des choses. Ceci dit, par contre, effectivement, on a quelques soucis au niveau de tous les secteurs qui sont actuellement couverts par d'autres types de professionnels et qui, aussi, au niveau des relations directes avec la personne... Bon, je pense, entre autres, que les personnes handicapées, ce qu'elles mettent beaucoup en lumière, c'est le fait que, dans leur vie personnelle, dans leurs soins personnels et tout ça, elles ne veulent pas du tout ne plus avoir ce service qu'elles avaient jusqu'à maintenant, et on est un peu d'accord avec ça aussi. Il ne s'agit pas, je pense, dans l'économie sociale, de faire de la substitution aux services actuels auxquels la population a droit. Je pense qu'il faut, à partir de ces ressources-là, développer de nouveaux types de services pour le bien-être de la communauté et qui seront complémentaires à ceux existants, et non pas en substitution, ça, c'est certain.

Mme Vallière-Joly (Micheline): Juste une petite question aussi. Tous les efforts d'accès et de guichet unique font en sorte que la place du CLSC, dans un arrimage des services incluant toute la dimension communautaire des services offerts par des organismes, je pense que c'est se porter garant aussi dans l'avenir d'une complémentarité nécessaire de ressources. Alors, je pense que, plus ça va aller, plus il va y avoir place pour des établissements, des organismes et d'autres formes de services qui vont devoir être dispensés par d'autres acteurs que des acteurs de type institutionnel ou professionnel. Donc, on est très conscients de cette réalité, et je pense qu'on travaille fort pour venir circonscrire de quelle façon le client entre dans le système. Et je pense que, quand tantôt je parlais de cohérence, il y a des liens à faire avec ce qu'on veut actuellement nous présenter au niveau de la réforme. C'est une forme de guichet unique: le client entre dans un parcours, puis tu n'as pas le choix, tu rentres par là. Alors, c'est sûr que je me dis: On se reconnaît, puis il y a des choses, évidemment, sur lesquelles il faut travailler, puis on ne s'en sort pas.

(17 h 20)

M. Copeman: En tout cas, c'est peut-être discutable si c'est vraiment un guichet unique. On va avoir l'occasion, à un moment donné, de clarifier certains concepts. Quant à moi, quand je lis la réforme, sachant, comme vous, la multiplicité déjà des organismes sur les territoires... Même dans la réforme, on parle du CLE, du CLD; il y a des CEDEC là-dedans, il y a les conseils régionaux de développement, les carrefours jeunesse-emploi. En tout cas, j'espère qu'on s'en va vers un guichet unique. Je suis moins convaincu que vous, par exemple, que la réforme propose vraiment un guichet unique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. M. le député de Lévis, courte intervention.

M. Garon: Moi, c'est une interrogation, parce que j'ai entendu parler sur l'équité interrégionale, ce que je prêche depuis longtemps, parce que la région à peu près la moins favorisée au point de vue des services gouvernementaux, c'est Chaudière-Appalaches, quel que soit l'item, que ce soit la santé, l'éducation, les lits d'hôpitaux, n'importe quoi. Par ailleurs, ça veut dire qu'on a moins, pas mal, d'institutions gouvernementales qu'ailleurs, à tel point que je dis souvent que le gouvernement ferait faillite, il fermerait boutique, puis on ne s'en apercevrait quasiment pas tellement il n'est pas là. Mais, par ailleurs, le résultat, je ne sais pas si c'est la cause ou l'effet – je me suis posé la question souvent – c'est la région où il y a le moins de chômage. Alors...

M. Copeman: Si le gouvernement fermait boutique, on serait peut-être meilleurs, là.

M. Garon: ...il y a 6,9 % de chômage en Chaudière-Appalaches. Et dans les services gouvernementaux, ça, par exemple, il n'y en a pas beaucoup, que ce soit dans les CLSC, vous le savez, les per capita, tant interrégional qu'intrarégional, là... Dans l'intrarégional, je pense que les CLSC qui avaient le moins de revenus au Québec, c'était ceux dans mon comté puis dans le comté de ma voisine. Puis Mme Vallière le savait. Mais je vous l'entends dire ici, mais je n'ai pas entendu demander au ministre de la Santé que, dans ses compressions, il ne coupe pas ceux qui en ont moins. Qu'il coupe ceux qui en ont plus, mais qu'il ne coupe pas ceux qui en ont moins pour établir l'équité interrégionale. Êtes-vous prêts à aller jusque-là pour dire qu'à ce moment-là, s'il y a des coupures, bien, ne coupons pas, et rétablissons l'équité en ne coupant pas ceux qui n'ont pas grand-chose?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie, M. le député. Si j'ai bien compris, c'était un commentaire. Je demanderais maintenant à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne de clore cette partie.

Mme Loiselle: Je vous remercie de votre participation qui est essentielle à nos travaux et peut-être vous souhaiter une place de choix et privilégiée au sein du Conseil local des partenaires, parce que les CLSC, dans les quartiers, vous êtes un élément important pour l'amélioration de la qualité de vie des gens. Alors, merci encore une fois. À bientôt.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Gendron, si j'ai bien compris, vous aviez une réponse toute prête?

Mme Gendron (Andrée): Non, ce n'est pas grave.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, mais il veut l'entendre.

Mme Gendron (Andrée): Non, non. Écoutez, oui, on est très soucieux de l'équité interrégionale et tout ça. Oui, on en a déjà fait part au ministre aussi, entre autres, dans le cadre des populations du virage ambulatoire où est-ce qu'il y a des concentrations d'hôpitaux dans les milieux urbains et que, dans les ceintures de la région avoisinante, bon, ils ont à faire tout le suivi à domicile, alors que les fermetures d'hôpitaux se sont passées dans la région voisinante.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Clôture, Mme la ministre.

Mme Harel: Oui, peut-être simplement demander, juste avant de clore complètement, à mon collègue de Lévis de faire sortir aussi les chiffres de ses concitoyens de Chaudière-Appalaches qui, bien qu'habitant dans sa région, travaillent pour le gouvernement ailleurs. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: C'est ça que je dis: Pas beaucoup.

Mme Harel: Bon.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, si vous voulez procéder à votre conclusion, s'il vous plaît.

Mme Harel: Oui. On a parlé de réciprocité. Bon, moi, je pense qu'il y a une vision qui est celle du développement et de la politique active dans la réforme. Il faut lui ajouter une dimension et resserrer la dimension du développement social. Il y a déjà une vision du développement local de la politique active du marché du travail. On l'a introduit par le biais des mesures de protection sociale à des personnes qui, toute leur vie durant, comme les aînés ou les invalides, ou une partie de leur vie, comme les enfants, seront en besoin de protection sociale. Mais je crois que la réforme mérite vraiment d'être bonifiée sur le chapitre du développement social dans son aspect, si vous voulez, d'arrimage avec l'assistance-chômage et avec le développement tout court.

Quant à la réciprocité, je veux juste rappeler quelque chose qui ne semble pas être compris, en tout cas par certains membres de la commission parlementaire du côté de l'opposition. C'est à la page 52 du livre vert. On dit: «Ce parcours individualisé sera mis en vigueur graduellement, selon la capacité d'offrir des occasions réelles d'insertion dans le cadre du plan d'action local. Cependant, dès l'adoption du nouveau régime, les personnes de 18 à 24 ans auront à s'engager dans un tel parcours.» Des 18-24 ans, qui n'ont pas d'enfants, qui n'ont pas de handicap, qui n'étudient pas, qui ne travaillent pas, il y en a 44 000 au Québec. Et c'est évident que, si, rapidement, on... puisque, rapidement, il faut comprendre qu'avec l'éligibilité resserrée à l'assurance-emploi, ils ne sont plus comme avant à l'assurance-chômage. C'est inversé, hein. Je regardais les chiffres dernièrement. En 20 ans, on a complètement inversé la présence des jeunes de moins de 24 ans à l'assurance-emploi puis à l'aide sociale. Complètement inversé. C'était 12 % à l'assurance-chômage puis 4 % à l'aide sociale; c'est rendu 11,5 % à l'aide sociale puis 5 % à l'assurance-emploi. Alors, c'est fondamental. Parce qu'un jeune qui pouvait trouver un emploi intermittent avait les chances de prendre son élan, mais un jeune qui tombe sur l'aide sociale à 20 ans, il a des chances d'y rester. Et c'est peut-être ce qui doit nous amener, dans le fond, à regarder cette réciprocité, pas comme une source d'appauvrissement, puisque, à la page 53, le livre vert dit aussi que la levée de la pénalité est automatiquement entraînée par l'acceptation du parcours.

Et je voudrais juste rappeler que c'est pas mal mieux que d'aller, finalement, dans des mesures d'employabilité où le jeune est un itinérant de programmes. Moi, le guichet, là, je ne le vois pas dans une adresse. Vous savez, le guichet, là – je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce, il va le comprendre, ça – le guichet unique, là – quand vous en avez parlé, Mme Vallière-Joly – je vous dis que le guichet, pour moi, là, vous l'avez compris, c'est la capacité pour une personne de ne plus être un itinérant d'un organisme à l'autre puis d'un programme à l'autre, mais de faire un parcours où, finalement, si elle a besoin d'accompagnement de longue durée dans un SEMO ou si elle a besoin d'un coup de pouce dans un carrefour jeunesse-emploi, ça s'inscrit dans un parcours orchestré où chaque étape qu'elle va franchir va lui permettre, n'est-ce pas, d'évoluer, et non pas comme maintenant finalement, chaque programme utilisé la ramène en arrière puis lui donne un sentiment de découragement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est terminé. Mesdames, monsieur, je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant la représentante et les représentants de l'Armée du Salut à prendre place.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre! à l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez prendre place immédiatement. Je ferais remarquer aux membres de la commission que nous avons encore deux groupes à recevoir. Alors, ça nous met déjà vers 19 h 30.

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je demanderais au lieutenant-colonel Gilbert St-Onge de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Je pense que vous êtes ici depuis le début de l'après-midi, alors vous avez vu que vous avez 20 minutes de présentation et les échanges, de part et d'autre, sont de 20 minutes de chaque côté. Alors, lieutenant-colonel Gilbert St-Onge, vous pouvez commencer.


Armée du Salut

M. St-Onge (Gilbert): M. le Président, je préfère nommer mon collègue ici pour faire les présentations pour l'Armée du Salut. Il parle de notre part. Merci beaucoup.

M. Duquette (Claude): M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent.

M. Duquette (Claude): Très bien. Mon nom est Claude Duquette, je suis l'officier commandant de l'Armée du Salut ici, au poste de Québec. À ma droite, le lieutenant-colonel St-Onge, qui est notre commandant divisionnaire; Mme Renée Perron, à l'extrême droite, qui s'occupe du bureau de relations publiques ici, à Québec; le lieutenant Chapdeleine, à ma gauche, qui est assistant aux relations publiques à Montréal, avec le capitaine Brian Hayward, qui s'occupe du bureau de relations publiques à Montréal.

(17 h 30)

Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission, ça nous fait vraiment plaisir de pouvoir venir ici aujourd'hui pour vous donner un petit peu le pouls des bénéficiaires sur le terrain. En fait, si on regarde comme il faut, je dirais que 98,8 % des bénéficiaires qui viennent à l'Armée du Salut sont vos bénéficiaires, est – excusez l'expression – la même clientèle que nous desservons.

Vous avez sûrement pu considérer, à l'intérieur du mémoire, les différents services sociaux que l'on offre à Québec, au Québec. On est vraiment l'organisme qui offre le plus de services sociaux après, justement, nos prédécesseurs, les CLSC. J'étais vraiment content, tout le long de la présentation, parce qu'on a une vision sur le terrain quasiment semblable.

Pour commencer, j'aimerais vous expliquer que notre mémoire est composé en deux. En fait, on a répondu un peu aux questions qui sont soulevées dans le mémoire, mais on a voulu mettre un modèle appliqué à la réforme, comment on la perçoit, comment on peut l'appliquer, cette réforme-là, sur le terrain.

En guise d'introduction, j'aimerais vous donner une petite illustration, si vous me le permettez, qu'un lieutenant-colonel zaïrois nous a donné, lors d'une conférence qu'on a eue la semaine dernière. Il nous a dit que, en Afrique, lorsqu'un individu tombe dans un puits, il ne faut pas le sortir, il faut plutôt lui lancer une corde et lui apprendre à se servir de cette corde-là. En fait, Mme Harel, en lisant votre livre vert, nous voyons vraiment que le parcours vers l'insertion en emploi, c'est la corde que vous tirez au fond du puits et que nous sommes, avec les CLSC et les autres groupes sociocommunautaires, ces partenaires qui sont là pour enseigner aux gens à se servir de cette corde-là pour se sortir de leur état.

En fait, les constatations que vous avez données à l'intérieur du livre vert sont les mêmes que nous voyons sur le terrain. On s'aperçoit effectivement que le réseau communautaire est là pour soutenir. Mais, parfois, il manque un lien vital pour aider les prestataires de la sécurité du revenu à s'en sortir.

Et j'aimerais vous dire, sans prêcher particulièrement pour ma paroisse, qu'à Québec même c'est exemplaire, le nombre des organismes sociaux qui travaillent à la cause des plus défavorisés. Il y a un lien étroit entre les CLSC, puis on a différentes tables de concertation, que ce soit sur l'itinérance ou la faim ou la pauvreté. On réussit à maintenir tous les prestataires de la sécurité du revenu, les personnes au chômage, les personnes à faibles salaires dans un état quand même assez bien, de sorte que, à Québec, si vous voyagez souvent dans les rues, vous allez difficilement trouver un clochard qui n'a pas d'abri, parce que le réseau social est très fort.

Par contre, d'un autre côté, j'aimerais vous dire que, sur le terrain même, on s'aperçoit qu'il y a un certain danger. Les différents intervenants sociaux, lorsqu'on se rencontre aux tables de concertation, on discute ensemble puis on réalise que toute la protection, tout le filet dont on entoure les assistés sociaux parfois a des conséquences un petit peu perverses. On peut travailler à la paupérisation de l'ensemble de la société en donnant des services sociaux, parce qu'on maintient, parfois, une personne qui peut aller chercher un pain, un gîte, peut aller chercher... On en voit qui, avec 5 $ par jour, peuvent aller dans les soupes populaires, peuvent aller à l'Armée du Salut, peuvent aller dans les différentes institutions, passer leur journée à la bibliothèque Gabrielle-Roy surfer sur Internet, puis ils sont bien. On les a maintenus là-dedans.

Donc, on est conscients de ce phénomène-là à l'Armée du Salut, et, déjà, notre commandant divisionnaire, à l'approche de la réforme, tout ça, m'avait commandé de regarder puis de travailler dans une approche proactive à la réforme. On est sensibles au phénomène qu'on ne peut plus dispenser des services sociaux simplement en ayant une approche de donner quelque chose à quelqu'un sans qu'il n'y ait rien en retour. Donc, notre approche, vraiment, est une approche responsabilisante. On s'aperçoit, en fait, que c'est l'équilibre de la santé publique en général qui est en jeu présentement.

Je pense que même le livre vert ne mentionne pas assez les effets positifs sur l'ensemble de la santé publique de travailler à des parcours d'insertion à l'emploi. Parfois, je me suis interrogé... Souvent, on trouve des gens qui se retrouvent sans emploi et qui sont dans des états pitoyables. Souvent, on dit dans le milieu social: Est-ce que la toxicomanie, l'alcoolisme va mener à la perte de l'emploi? Je dirais: Oui, dans bien des cas. Mais, plus souvent qu'autrement, la perte d'emploi va conduire l'individu dans des situations tellement précaires qu'elles vont l'emmener à avoir besoin d'une dépendance. Et ils sont légion, les cas qu'on rencontre au travers de nos services d'aide à la famille, quotidiennement, des gens qui ont perdu leur emploi, des gens qui sont complètement désemparés, qui se sont retrouvés en psychiatrie, qui se sont retrouvés en dépression profonde. Je pense qu'il faut vraiment que le cap que vous avez pris de travailler avec les CLE à des parcours d'insertion soit maintenu, à notre avis.

Certainement que les 100 000 personnes qu'on veut mettre à l'emploi, ou bien principalement les 44 000 jeunes de 18 à 24 ans... On est conscients. On n'est pas fous. On le voit, on le sait, parce qu'on va les voir. Il y a bien des jeunes qui vont dire: Bien, écoute, on ne veut pas, on décroche, on abdique. Mais on va les retrouver certainement dans nos soupes populaires, on va les retrouver dans nos refuges, on va les retrouver dans nos hôtelleries. Mais, en fait, en évaluant tout ça, je peux vous dire que la balance, en poussant l'emploi, va nous sortir des gens. En fait, vous allez nous enlever beaucoup de clientèle. Donc, si on mesure les deux, je pense qu'on est regagnant. Oui, certain, effectivement.

Moi, j'ai vu le livre vert et je l'ai comparé à un plat de poisson – excusez-moi l'expression. Parfois, dans un plat de poisson, il y a des arêtes. Je ne suis pas le genre de personne à manger des arêtes. Je vais délecter le poisson et je vais mettre les arêtes de côté. Il y a de petites arêtes, mais je pense que, avec les recommandations qu'on a mises dans notre mémoire, on serait en mesure de mieux faire passer ces arêtes-là à l'ensemble de la population, parce qu'il y a des possibilités d'articuler de façon tellement positive la réforme que les gens ne s'achopperont pas avec les petites arêtes.

Parfois, on parle souvent, on entend ça... Quand j'ai lu la revue de presse sur les groupes de défense des assistés sociaux – et j'ai assisté à l'audition, ici, de l'ADDSQM... C'est vrai qu'eux reçoivent dans leur milieu des... Il faut tenir compte que les gens qui les rencontrent sont des gens qui ont des problèmes, des démêlés. Oui, c'est notre clientèle, mais la clientèle qui vient chez nous vient chercher du secours d'une façon différente. Donc, on n'a pas la même perspective du côté de la réforme.

Je pense qu'il faut considérer que, si on offre un parcours d'emploi non pas en parlant de punition – et on entend souvent ça, l'aspect punitif, dans les coupures de presse... Nous, on a une approche peut-être différente. Je donne un exemple de notre centre de réhabilitation, d'un de nos centres de réhabilitation. On a un contrat avec le jeune qui arrive chez nous. Son mandat: il ne faut pas qu'il consomme. Souvent, c'est la cour qui l'a placé chez nous. Quand il signe le contrat, on met le jeune, l'étudiant, devant les faits. On dit: Écoute, nous, de notre côté, on ne le brisera pas, le contrat, mais tu sais que, si tu consommes, ce n'est pas nous qui allons te punir, mais c'est toi-même qui vas te punir. Donc, l'aspect punitif n'est pas... Ce n'est pas nous qui punissons quelqu'un à cause qu'il a mal agi ou qu'il a mal fait, c'est plutôt le participant qui se pénalise. Je pense que cette coupure ou cette pénalité, on ne devrait pas l'appeler, en fait, une pénalité, on devrait plutôt changer nos termes et appeler ça un refus d'un parcours d'insertion. Et je pense qu'une approche saine de cela... Je pense qu'on devrait avoir des mesures tellement attrayantes – puis il y en a – que le jeune va choisir de lui-même. Je suis convaincu, par ce que je vois dans la rue, que, si on est bien organisés, on va être en mesure d'offrir de l'emploi à bien des gens.

(17 h 40)

Aujourd'hui, pour nous, c'est un moment historique, Mme Harel. J'aimerais vous dire que, dans notre histoire, le fondateur William Booth, en 1890, a présenté au Parlement, aux parlementaires et au roi George, à l'époque, un pacte social, un projet de réforme sociale. Quand je lisais le livre vert, j'étais réjoui de voir que c'était vraiment dans les mêmes orientations. Et William Booth a développé plein d'emplois d'utilité collective. C'est incroyable. Il y a un petit résumé de cela dans mon mémoire. Et ce qui est intéressant dans cette approche, c'est que William Booth a ouvert un bureau d'emplois. En sept mois, avec l'aval des autorités gouvernementales, il a pu placer 70 000 personnes, à Londres; 18 000 personnes ont choisi de travailler dans les entreprises que l'Armée du Salut a créées, que ce soit les cordonneries, les usines d'allumettes, les filatures. Donc, on a une histoire, à l'Armée du Salut, qui prouve que, oui, c'est possible de travailler dans des parcours d'insertion à l'emploi.

Excusez cette introduction, j'aimerais m'attaquer directement, maintenant, au contenu que je vous ai donné et vous parler un petit peu des parcours. Monsieur... Mme la Présidente – excusez-moi, on a changé de personnalité – ça fait combien de minutes que je parle?

La Présidente (Mme Leduc): Je pense qu'il vous reste environ 10 minutes.

M. Duquette (Claude): O.K. Ça va me permettre de savoir un peu quand arrêter de parler.

Le parcours vers l'insertion à l'emploi par le biais des CLE. En fait, personnellement, sur le terrain, on trouve que l'idée de fusionner ou d'arrimer différemment les CTQ, ça va être un vrai succès. Juste pour parler de chez nous, à Québec, à l'intérieur des différents services qu'on dessert, on n'a peut-être que 125 prestataires de la sécurité du revenu qui sont dans des parcours d'insertion à l'emploi, qui ont des mesures EXTRA. Mais on va plus loin que la mesure EXTRA comme les gens l'utilisent dans bien des domaines. Nous, on offre vraiment, à l'intérieur de la mesure EXTRA, un parcours vers l'emploi à ces gens-là. On a eu beaucoup de difficultés, dans les mois passés, avant que les CTQ se réorganisent, à avoir le nombre de participants qu'on nécessitait dans nos entreprises d'insertion. On pense à notre centre de recyclage, on avait beaucoup de difficultés à trouver des gens. Mais les CTQ se sont réorganisés, les CTQ ont développé des agents d'employabilité, puis ceux qui font la finance et l'employabilité sont maintenant partagés. Je ne sais pas si c'est comme ça dans tous les CTQ, mais j'ai trouvé que, depuis ce temps-là, on a un service incroyable des agents d'employabilité qui me laissent entendre que les CLE vont pouvoir être en mesure de gérer la problématique que les gens pensent qu'il va y avoir, qu'il n'y aura pas assez de places pour occuper tous ces gens-là. Je pense qu'il y aura, des places, parce qu'on en fait l'expérience.

Je peux vous dire aussi que, même au niveau de l'entreprise privée... Je fais partie d'un club Rotary et j'ai demandé à la personne qui s'occupe du restaurant La Crémaillère, ici, en ville, le propriétaire de La Crémaillère, je lui ai demandé juste une question semblable, j'ai dit: Crois-tu, Bepino, que, si tu avais un jeune prestataire de la sécurité du revenu à côté de ton chef cuisinier, tu serais prêt à investir du temps pour former ce jeune-là à l'emploi, comme compagnon, un peu comme la SQDM puis ce qui s'est dégagé du Sommet socioéconomique? Il a dit: Certainement. Si on peut reconnaître, comme participant, le jeune puis donner une simple petite mesure d'encadrement au propriétaire de ce restaurant-là, qui va avoir à prendre du temps avec son chef, vous allez les placer, vos jeunes. Moi, je vous le garantis.

Même aujourd'hui, j'étais à dîner chez moi, mon épouse m'a apporté en main quatre c.v. qu'elle a reçus de prestataires de la sécurité du revenu. C'est incroyable, je vous le dis, il y a un type qui était bachelier en récréologie qui voulait être participant sur une mesure d'employabilité, puis son agent a dit: Non, parce que tu es trop instruit. J'ai réussi à le rendre participant, puis je ne vous dirai pas mes trucs. J'ai des gens, un notaire, ce n'est pas croyable, qui était à la recherche d'emploi, qui voulait travailler dans une banque alimentaire. C'est absolument fou. J'ai des gens de profession qui se sont retrouvés sur la sécurité du revenu pour mille et une raisons – très, très valables, parfois – une rupture familiale, une dépression, et, ces gens-là, ils sont prêts, ils nous supplient de les mettre à l'emploi. Mais, on n'a pas les ressources, parfois, pour le faire.

Nous, on vous a posé un petit peu les questions et le livre vert ne donnait pas... Et je vous dis que, sur le terrain, les organismes communautaires – même vous l'avez senti du CLSC tout à l'heure – on se pose certaines questions. Comment ça va s'articuler les CLE avec les partenaires? J'ai posé quelques questions là-dedans. Est-ce qu'on va pouvoir faire vraiment partie du conseil des partenaires. En passant, je pense, que les enjeux sont là. Comme Mme Joly l'a dit tout à l'heure, les enjeux vont se faire sur le terrain. Vraiment, les CLSC, à mon avis personnel, et les groupes communautaires qui sont sur le terrain, je vous le dis, on les voit les jeunes arriver avec leurs problèmes. Je pense qu'on est des partenaires privilégiés à l'intérieur des centre locaux d'emploi. Et les CLSC peuvent jouer un rôle incroyable là-dedans. On travaille déjà en concertation avec de nombreux CLSC au Québec. Je pense qu'il y a toute une action à aller sortir de ça pour organiser à l'intérieur d'un conseil local de partenaires vraiment des parcours intéressants pour les personnes qui se présentent.

Je vous parle un peu de l'économie sociale. Bien que ce soit décrié par plusieurs, nous, on voit ça d'un oeil différent. On trouve que, oui, c'est efficace. Parfois, on les critique. On dit: Ça peut être des emplois sous-payés. Bien, ce n'est pas le cas chez nous. On a des expériences concluantes qui nous révèlent que c'est possible de créer des emplois d'utilité sociale avec des salaires décents, avec des conditions salariales décentes et de remettre au travail les gens au travers des organismes communautaires.

Je vous donne un exemple de notre corporation intermédiaire de travail. J'ai entendu tout à l'heure un résultat négatif, mais il y a des résultats positifs. Ici, à Québec, on a débuté une corporation intermédiaire de travail, il y a un an et demi de cela, avec le Fonds décentralisé à l'emploi. On a reçu une subvention de 50 000 $ pour débuter notre centre de recyclage. On est passé de deux tonnes de vêtements par semaine à 12 tonnes, de sorte que cette corporation intermédiaire de travail a réussi à créer 12 emplois durables et de qualité. À cause du statut qu'on avait, on a pu avoir des mesures PAIE qui nous ont aidés. Et ces gens-là sont restés chez nous après. C'est un exemple concret que ça fonctionne. Ça marche quand c'est bien géré.

En préparant ce mémoire, j'ai appelé la direction régionale des centres Travail-Québec, j'ai parlé à Mme Moisan qui était là comme directrice par intérim, et je lui ai demandé qu'elle me fasse sortir tous les prestataires de la sécurité du revenu qui avaient passé à l'intérieur des mesures d'employabilité. Elle m'a confirmé – on a calculé ensemble – que nous avions un taux de 20 % d'emploi en insertion, des gens qui sont passés chez nous. Bien, c'est mieux que la moyenne de 10 %. Je pense que si on réorganise, à l'intérieur des centres locaux d'emploi, un beau guichet qui se tient, avec de beaux parcours, on va augmenter cette moyenne-là et on va la doubler facilement.

Mais pour ce faire, j'ai parlé de la formation de la main-d'oeuvre, c'est vrai, il faut absolument qu'il y ait plus d'argent qui soit alloué à ce chapitre-là. C'est sûr que, nous, on a hâte d'entendre les nouvelles et de lire dans les journaux que le gouvernement a pu rapatrier tous les programmes de formation et de la main-d'oeuvre chez nous, parce qu'on croit vraiment qu'on a besoin de ce support-là pour nous aider.

Je vous donne un exemple concret, Mme Harel, qui nous est arrivés à nous. On avait 100 $ par participant à la sécurité du revenu... Oui, excusez.

La Présidente (Mme Leduc): Une minute. En conclusion.

(17 h 50)

M. Duquette (Claude): Une minute, excusez. Ce barème a été coupé à 50 $ à un moment donné. Bien, nous, on avait comme mandat de créer des emplois. On en a créé, des emplois, et on les a maintenus. À un moment donné, on voulait avoir comme barème un permanent par cinq participants sur des mesures d'employabilité pour être équitable, puis on a été obligé de couper des emplois. Pour nous, dans notre corporation intermédiaire de travail, cette coupure s'est manifesté par 75 000 $, ce qui représente à peu près trois salariés permanents. Peut-être, à ce moment-là, vous avez eu des coupures de la part du Régime d'assistance publique du Canada, on comprend que ça ait tombé sur nous. Mais on pense que, à l'intérieur du parcours, vous devriez réévaluer de vraiment soutenir des organismes et, je dirais, de les soutenir en fonction des résultats. Souvent, il y a des gens qui ont utilisé les mesures d'employabilité comme du «cheap labor». Je pense qu'on doit effectivement... Parce qu'il y a une certaine part de vérité dans ce que les groupes des assistés sociaux ont dit. Oui, il y a eu de l'abus, mais il ne faut pas que l'abus ternisse la réputation de toutes les personnes qui font le travail comme du monde.

On pense qu'il faudrait peut-être considérer de supporter les organismes en fonction de leurs résultats, en fonction de ce qu'ils réussissent à faire avec les prestataires de la sécurité du revenu.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, M. Duquette. Peut-être que vous pourrez rajouter en commentaire ou en réponse aux questions de Mme la ministre ou de la représentante de l'opposition. Mme la ministre.

Mme Harel: Oui. Alors, bienvenus. J'ai vu, dans l'après-midi, que vous aviez assisté à nos travaux. Est-ce que c'est la première fois que vous déposez un mémoire devant une commission parlementaire?

M. Duquette (Claude): C'est la première fois.

Mme Harel: C'est la première fois. Bien, alors, doublement bienvenus, M. Duquette et les personnes qui vous accompagnent: le lieutenant-colonel St-Onge, le capitaine Hayward, le lieutenant Chapdeleine, le capitaine Frigon et Mme Perron.

Tantôt, je crois que peut-être certains des membres de cette commission ont été surpris quand vous avez parlé d'orientations, de visions, finalement, d'ensemble similaires dans les projets que votre fondateur avait soumis en 1890. Et moi, en même temps, je veux juste leur rappeler que c'était au moment où il y avait la révolution industrielle.

M. Duquette (Claude): Effectivement.

Mme Harel: C'était justement au moment où il y avait une effervescence terrible, si vous voulez, des campagnes vers les villes; une certaine exploitation ouvrière, il faut bien comprendre, avec la travail des enfants, le travail des femmes, etc. C'est dans ce contexte-là – pour avoir déjà lu, je pense, dans un Reader's Digest , l'histoire de votre mouvement – en plein pendant la révolution industrielle que votre mouvement a été mis en place? Et je comprends que c'est finalement, 100 ans plus tard, une sorte de révolution dans laquelle on est.

Si on se regarde de près, on voit bien qu'on a des changements aussi profonds que ceux qui ont été vécus il y a 100 ans. Il ne s'agit plus maintenant de quitter les emplois agricoles et les campagnes pour aller vers les usines dans les villes, mais ce sont, finalement, les ouvriers et les travailleurs qui sont remplacés. Un bon machiniste qui en 20 heures faisait un bon travail de précision, la bande perforée, prend une heure maintenant. Alors, on dit aux gens: Préparez-vous à être capables de réparer la bande perforée ou à la programmer. Mais, encore là, ce sont des changements très brusques.

Alors, moi, je comprends que des changements de cette nature-là, qui sont de l'ordre... On n'a pas appelé ça sans raison «une révolution industrielle», parce qu'on a tellement le nez collé sur la vitrine qu'on ne la voit peut-être pas complètement. Ceux qui nous suivront appelleront ça aussi de ce nom-là, peut-être «révolution des communications» ou autrement. Je comprends que c'était finalement une sorte de système d'économie sociale. Dans votre mémoire d'ailleurs, vous rappelez que c'étaient des emplois d'utilité sociale à l'intérieur de vanneries, recyclage de métal, papier, chiffons, cordonnerie, tissage, ébénisterie, usine d'allumettes, bureau d'emploi, etc., qui ont été créés à ce moment-là.

Je pense que, si on regardait les années trente, n'est-ce pas, on pourrait aussi constater qu'un mouvement de fond s'est aussi passé à cette époque-là. Ce n'est pas sans raison, à la fin du présent siècle puis avant de changer de millénaire, au moment où il y a tous ces bouleversements, ces grands défis qui consistent à produire de plus en plus de biens, de services avec de moins en moins de gens, on comprend que ce n'est pas fou de s'inspirer du passé. Moi, je pense, au contraire, qu'on peut même trouver des leçons pour mieux s'orienter dans le présent et dans l'avenir.

Vous avez, dans votre mémoire, un certain nombre de questions. Vous savez, c'est normal, ici, en commission – et c'est peut-être la raison qui amène justement les coupures de presse que vous citez à ne parler que de ce qui est sujet à réserve ou à critique... Ce que les gens appuient, on n'en parle pas dans une commission parlementaire. Vous savez qu'une bonne nouvelle, ce n'est pas une nouvelle. C'est seulement les mauvaises nouvelles qui font des nouvelles. Ceci dit, je veux vous rassurer.

Je suis très contente – je voudrais attirer l'attention de tous mes collègues sur le dépôt direct dans votre mémoire – je trouve que le dépôt direct, vous en parlez de façon positive. Vous nous dites que c'est un bon moyen de contrer les fraudes, ça réduit les risques de chèques volés, des chèques qui ne sont pas reçus ou qui ne sont pas postés à une bonne adresse. Vous considérez que c'est une mesure aidante pour toutes les personnes qui ont de la difficulté à gérer leur budget, notamment pour les familles dysfonctionnelles dont certains membres ont recours aux drogues ou à l'alcool, qui consomment leur chèque et privent leur famille de nourriture et de logement. En tout cas, les témoignages que je reçois sur des petits mots écrits puis envoyés par les gens sont vraiment dans le même sens de ce que vous témoignez. Et vous dites: Faites attention cependant, il ne faut pas qu'il y ait obligation de signer des baux préautorisés. N'est-ce pas? Ça, on va regarder ça de près, parce qu'on nous dit: C'est dans le Code civil, c'est interdit. Mais ce n'est pas juste parce que c'est écrit dans le Code civil que l'interdiction est appliquée. Vous, vous nous recommandez que la Régie du loyer puisse avoir, dans son mandat, dans sa juridiction, de regarder ça.

M. Duquette (Claude): Oui, effectivement, parce que, sur le terrain, moi, j'ai fait un an de service d'aide à la famille, personnellement, j'ai dû gérer les chèques. Et le CLSC aussi le fait beaucoup, je pense, en basse-ville, dans le territoire qu'on dessert ici. Il y a beaucoup de personnes qui sont inaptes à gérer leur chèque, et ça leur ferait volontairement plaisir, sans aucune contrainte, de pouvoir dire: Mon propriétaire, je n'aurai même pas à me soucier, ça va être pris automatiquement. Le CLSC est pris, en basse-ville, à rencontrer les bénéficiaires d'aide sociale puis à donner dans une enveloppe, à coup de 25 $, 50 $, le chèque. Ce n'est pas pensable, ça. Je trouve que c'est une bonne approche.

D'un autre côté, il y a des mises en garde auxquelles il faut veiller. C'est certain. Il faut être d'accord là-dessus.

Mme Harel: Alors, vous nous dites, dans le fond – ça, ça relève de mon collègue, mais on peut très bien, dans notre rapport, lui faire la recommandation – de s'assurer que la Régie du logement sera en mesure d'exercer une certaine compétence sur les abus possibles. Parce que la loi l'interdit, hein, de demander plus d'un mois de loyer. Mais, en même temps, je pense qu'il faut vraiment s'en assurer.

D'autre part, peut-être pour vous signaler que, pour les 55-59 ans, vous dites qu'il faut un traitement différent. Est-ce que c'est le fait qu'ils perdraient le 100 $ de non-disponibilité? Mais, dans la mesure où ils le maintiendraient, faut-il leur offrir le choix de continuer à s'inscrire à un parcours ou de se retrouver à l'allocation des aînés?

M. Duquette (Claude): Moi, je trouve, effectivement – c'est ce que je voulais souligner – qu'il faut leur donner le choix. La raison est la suivante: il y a beaucoup de personnes, des cerveaux qui se retrouvent sur l'aide sociale. Récemment, on a eu une offre du Centre-étape qui voulait nous prêter des mesures, des personnes qui ont des capacités au niveau de la comptabilité, de la gestion, moyennant des petits frais, pour nous aider dans l'élaboration de nos affaires. Je trouvais ça intéressant, parce qu'il y a beaucoup de personnes qui viennent dans nos services qui trouvent déplorable que, à l'âge de 50 ans, elles ne puissent plus retourner à l'emploi puis elles soient obligées de dépendre des banques alimentaires. Donc, pour nous, offrir un parcours d'emploi à ces personnes-là, il y en a beaucoup, une énorme portion qui vont volontairement, sans aucune contrainte, le choisir.

Donc, ce qu'on dit: N'ayez pas la même contrainte que pour les 18 à 24 ans, c'est sûr, mais, en fait, de l'offrir. Je suis certain de ce que je vous dis: il y a beaucoup de personnes qui sont d'un certain âge qui aimeraient travailler puis faire quelque chose.

(18 heures)

Mme Harel: Moi, j'ai beaucoup apprécié, tantôt, quand vous avez parlé du club Rotary et de la conversation que vous aviez eue avec un propriétaire de restaurant, un chef cuisinier en lui disant: Accepterais-tu qu'il y ait un apprenti qui vienne dans ton restaurant et que tu puisses désigner un compagnon, dans la cuisine, qui lui apprendrait un métier? Vous savez que ça va être possible, vous en avez parlé; le Sommet l'a finalement officialisé. Et je pense que ça donne un nouveau rôle aux clubs sociaux justement, c'est-à-dire tous ces clubs, Optimiste, Richelieu, Rotary, et autres, qui pourraient trouver finalement, dans l'arrimage entre le milieu des affaires et le milieu des jeunes, matière à ouvrir l'entreprise, à ouvrir à l'apprentissage, c'est-à-dire un apprentissage diplômé par diplôme reconnu par le ministère de l'Éducation, mais qui donnerait à bien des jeunes qui n'entrent pas dans le monde des adultes par l'école l'occasion d'entrer dans le monde des adultes par le travail, tout en ayant, finalement, un métier qualifié, reconnu et crédité.

Moi, je pense qu'il y a là un rôle important et ce rôle-là pourrait permettre... Vous savez, ça va être du démarchage, d'une certaine façon; l'apprentissage, ça va vraiment décoller quand des gens d'affaires vont s'en porter responsables et vont appeler leurs confrères en disant: M'en prends-tu deux, il m'en manque un? Est-ce que tu m'en prends trois? Bon, ça va se passer comme ça à la grandeur du Québec.

Je reviens aux 18-24 ans, peut-être pour vous demander si vous êtes au courant que nous avons fait faire un sondage auprès de la population sur les éléments de la réforme et un sondage auprès des prestataires. Et les plus unanimes – ça frisait quasi le 92 % – pour dire que, oui, ils devaient être obligés, même s'ils n'avaient pas de garantie d'emploi, à faire un parcours d'insertion, de formation, c'étaient les 18-24 eux-mêmes. Finalement, c'est eux qui disent: Obligez-nous. Je me demande dans quelle mesure ce n'est pas, d'une certaine façon, complaisant de penser qu'ils n'ont comme pas d'obligations. Il y a des obligations. Là, on parle de jeunes qui n'ont pas d'enfants, pas de handicaps, qui n'étudient pas, qui ne travaillent pas. En même temps, on parle de jeunes qui peuvent avoir une sorte de cassette préenregistrée, dont m'a parlé la jeune hier, qui leur dit qu'ils ne peuvent pas essayer, ils ne sont pas capables de réussir.

Alors, pour briser ça, comment on fait? Je pense que, si on peut justement introduire l'idée d'un parcours qui est un accompagnement... Et ce n'est pas juste une mesure en passant, éparpillée, dispersée. Je pense qu'un jeune s'attend aussi... Comme vous le dites, j'ai beaucoup aimé votre exemple: le chômage est involontaire, on le prend pour acquis, puis on ne véhicule pas les préjugés d'avant où on assimilait les assistés sociaux à des fraudeurs. Le chômage est involontaire. Mais, à partir du moment où il y a un parcours d'insertion qui est réaliste – et là, comme mes collègues le signalaient aujourd'hui, il faut qu'il y ait possiblement aussi des recours, parce que, si tant est qu'une personne décide ça, elle peut se tromper aussi – si la personne dit non, ça signifie que, elle, elle veut rester volontairement sur le chômage. C'est la notion qui est utilisée dans des pays scandinaves; on n'a pas inventé ça, on s'est inspiré du Danemark et de la Suède en particulier. Eux, vraiment, ont abordé toute cette question-là par le biais d'un chômage involontaire.

On a repris, d'ailleurs, dans le livre vert, l'idée que le parcours devait être signé par...

M. Duquette (Claude): Un partenaire.

Mme Harel: Donc, c'est comme un contrat, comme celui que vous expliquiez.

Je vous remercie, M. Duquette. Moi, j'ai beaucoup apprécié votre présentation. Elle me semble humaine puis, en même temps, sans fausse complaisance. Je vois que l'Armée du Salut, vous n'êtes pas des dames patronnesses; vous allez au coeur des problèmes. Ça, je suis contente de ça. En même temps, il faut tendre la main puis, en même temps, il faut savoir donner le coup de pouce nécessaire pour que la personne, surtout à 18, 20 ans, sache qu'il faut qu'elle s'aide elle-même.

M. Duquette (Claude): Effectivement. Nous, on le sait que la valorisation de la personne... Quand mes patrons viennent visiter notre centre de recyclage, j'aime prendre quelqu'un au bout de la chaîne puis dire à mes patrons: Ce type-là, ça, c'est une personne très importante. Si lui n'était pas ici, notre entreprise ne marcherait pas comme il faut. Les jeunes ont besoin de valorisation et d'estime de soi. On a expliqué un modèle appliqué de parcours d'insertion à l'emploi. On a présenté, dans le cadre d'un projet en économie sociale, nos ateliers du cuir recyclé. Imaginez-vous, Mme Harel, lorsqu'on va faire fabriquer, avec les jeunes, des articles de cuir, puis de dire aux jeunes: Voici ce que tu as fait de tes mains, n'est-ce pas que c'est beau, tout le respect, toute la dignité de la personne que ça peut donner.

En fait, nous, ce qu'on voudrait, c'est... On est maintenant capables d'offrir un parcours d'insertion à l'emploi avec une alternance études-emploi. Le jeune va partir de chez nous avec un diplôme d'attestation d'études secondaires, mais on aimerait... J'ai rencontré la SQDM pour essayer de faire reconnaître, en plus que le jeune a fini son parcours chez nous, après un an, un an et demi, de dire: Écoute, tu as un diplôme d'attestation secondaire, mais, en plus, tu as un diplôme d'attestation de formation professionnelle dans le cadre de la cordonnerie. En fait, j'aimerais, puis on va travailler là-dessus pour essayer de faire quelque chose de concret... Imaginez-vous la valorisation que ça peut être pour le jeune qui a passé chez nous un an d'avoir deux diplômes entre les mains. Ça va être incroyable, l'effet que ça va produire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui. M. Duquette, bienvenue à l'Armée du Salut. C'est mon armée préférée, même si je n'aime pas l'armée, mais je n'ai rien contre le salut, justement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Je vous remercie d'avoir signalé, en particulier puisqu'on est là trois députés de la région de la capitale, que cette ville a une qualité supplémentaire, qui est celle d'être une ville caritative, c'est-à-dire une ville ouverte à la solidarité sociale. J'en profite pour rendre hommage, peut-être, à tout le monde communautaire qui fait que cette ville est une ville où il y a beaucoup moins de démarcheurs et d'itinérants qu'ailleurs. Vous l'avez souligné d'entrée de jeu: services d'entraide, Service amical Basse-Ville, Service Handi A inc., l'Archipel, Mère Malette, l'Auberivière, les gens de Moisson Québec. Je voyais récemment un universitaire qui disait qu'il ne fallait pas seulement donner à manger, mais il fallait aussi apprendre aux gens à faire des cuisines collectives, etc. Bien, ça, on le fait déjà, entre autres à la Table de concertation sur la faim. Alors, je pense que c'est quelque chose qui est un élément très positif.

Moi, dans le peu de temps que j'ai, je voudrais simplement vous poser une question. Je sais que, quand vous êtes venus me voir, entre autres – vous êtes allés aussi chez la députée de Vanier, ma collègue – vous avez allié l'économie sociale au recyclage. Ça, je trouve que vous faites d'une pierre deux coups. Je trouve ça exceptionnel. Entre autres, vous avez évoqué, si vous aviez des moyens, la possibilité, en sauvant du matériel, vieux frigidaires, du vieux fer, de créer une économie qui corresponde d'ailleurs à des portefeuilles... qui ne nuira pas à une économie pour les portefeuilles plus gros. Mais, entre autres, j'aimerais ça que vous disiez un mot de votre... Vous avez fait Handi-Couture, c'est un créneau très intéressant. Vous disiez un mot de ça et un mot des ateliers du cuir recyclé. C'est des choses qu'on retrouverait autrement au dépotoir et vous en faites des objets de luxe, de qualité.

M. Duquette (Claude): Effectivement. Au travers de notre volet recyclage de vêtements, considérant qu'on reçoit 12 tonnes de vêtements par semaine... Le cuir, souvent c'est tout démodé, brisé, mais les dos des manteaux... Depuis un an et demi, j'ai fait mettre de côté trois tonnes et demie de cuir qui va être prêt à être recyclé. Donc, j'ai mis des prototypes de choses qu'on a faites à partir du cuir – les deux dernières pages du mémoire – pour vous montrer qu'il y a de belles choses à faire.

Nous, ce qu'on fait, on veut, dans ce projet-là, faire un atelier de formation à l'emploi, alternance études-emploi. Les jeunes décrocheurs de 15 à 30 ans, on va leur dire: On te donne un travail chez nous conditionnellement à ce que tu finisses ton secondaire V. Si tu finis ton secondaire V, on va te faire travailler dans notre atelier de formation à l'emploi pour fabriquer ces choses à partir de matières recyclées, qui se retrouveraient au dépotoir. En fait, on a tellement de belles choses qui sortent. On a fait faire une étude de marché très concluante qui nous démontre que c'est très facile à écouler, parce que nos produits sont professionnels, tout en ayant une belle petite étiquette en arrière qui dit: Si vous achetez ce produit de cuir recyclé, vous encouragez les jeunes décrocheurs scolaires de 15 à 30 ans à trouver un emploi. Donc, c'est très vendeur. Puis on le sait que ça va créer... De toute façon, ça ne rentre en compétition avec personne, ces articles-là se retrouveraient au dépotoir.

La fabrication de vêtements adaptés pour handicapés aussi. On a fait faire une petite étude et, vraiment, les handicapés sont souvent laissés pour compte et sont exploités dans ce domaine-là. Donc, on a développé un petit atelier de travail où on va fabriquer des vêtements adaptés pour eux. Un handicapé qui ne peut pas se déboutonner, on va poser du velcro pour qu'il puisse accommoder ses vêtements, puis on va leur rendre un service d'utilité sociale. Donc, c'est très intéressant.

On a d'autres projets qu'on a élaborés un petit peu là-dedans, mais ce serait... Il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de possibilités, dans le cadre de l'économie sociale, à développer des projets d'utilité collective.

M. Gaulin: Je vous remercie, M. Duquette.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

(18 h 10)

Mme Loiselle: Merci. Bonjour, bonsoir, madame, messieurs. Premièrement, je dois vous dire que j'ai été impressionnée d'apprendre que vous avez été cités deux fois en nomination pour le prix Nobel. Votre budget aussi m'a beaucoup impressionnée, 17 000 000 $, c'est très rare au niveau des organismes communautaires, actuellement, et de bienfaisance. Moi, je le sais, à Montréal, vous faites un travail tout à fait extraordinaire pour aider les plus démunis, les itinérants, et tout ça.

J'aimerais revenir à votre modèle d'intégration, à la page 12, à la fin, dans vos annexes. Je trouve ça très intéressant, parce que tantôt la Fédération des CLSC nous disait que, finalement, le défi majeur du gouvernement, avec sa réforme, c'est de susciter la confiance. Et je regardais votre modèle d'intégration, le mot «confiance» revient à chaque phrase. Vous dites que la confiance, l'amitié et l'intérêt d'aller plus loin se créent et se développent, que la personne en confiance est plus en mesure de se prendre en charge, qu'une personne qui a repris confiance en elle retrouve son estime de soi, sa dignité, et ça l'amène finalement vers l'intégration sociale et en emploi.

Je n'étais pas certaine si vous étiez pour l'obligation avec pénalité, mais, après votre conversation avec Mme la ministre, je vois que vous êtes plutôt pour la participation volontaire.

M. Duquette (Claude): La participation volontaire, mais on n'ignore pas qu'un parcours où il y aurait une pénalité... On n'envisage pas la pénalité comme quelque chose de punitif. On dirait: Écoute, c'est ça, tu vois, tu peux t'en sortir, c'est toi qui vas te pénaliser toi-même parce que, nous, le conseil local, le parcours vers l'emploi avec les CLE est tellement intéressant, il n'y a aucune raison logique pour laquelle tu ne voudrais pas participer à un parcours semblable.

J'ai toujours dans mon optique, en fait, que, si tu veux enlever un os à un chien, présente-lui un steak. Si la clé est appétissante... Sans aucun recours aux moyens de pression, les jeunes veulent. Ils ont juste besoin d'être appuyés; ils ont juste besoin d'être aidés; ils ont juste besoin de se faire dire qu'ils sont capables, qu'ils sont bons, ce que les agents de développement d'employabilité à travers les CTQ ne faisaient pas. C'était trop impersonnel; c'était trop bureaucratique. Il n'y avait pas cet aspect humain qu'un travailleur du CLSC, un travailleur social a envers la personne.

Nous, juste à Québec, on a trois services d'aide à la famille. On reçoit 100 personnes par semaine dans un parcours individualisé, dans le sens qu'on les écoute. On ne donne pas juste un sac de nourriture. En 15 minutes, on sait toute sa vie. On le sait qu'il a perdu son emploi; on le sait qu'il a des problèmes familiaux; on connaît son histoire puis il nous crie son aide. On sait, par notre expérience, que les gens qui travaillent dans nos centres d'insertion à l'emploi le sont à cause des services d'aide à la famille, parce que, quand on le rencontre, on dit: Oui, écoute, tu peux t'en sortir parce qu'on a quelque chose à t'offrir. Ils sont très, très rares, je vous dis, ceux qui ne choisissent pas le parcours.

Mme Loiselle: J'aimerais revenir sur ça, parce que, vous savez, à date, il n'y a pas beaucoup de personnes qui sont pour le caractère obligatoire. Qu'on appelle ça refus d'emploi ou pénalité ou caractère punitif ou coercitif, les conséquences pour le prestataire sont les mêmes. C'est que la personne, pour vivre, se retrouve avec beaucoup moins d'argent, puis il y a certaines personnes qui, finalement, n'en auront presque pas, d'argent, pour pouvoir se loger, se nourrir. C'est ça, les conséquences. Qu'on appelle ça de la façon qu'on veuille, qu'on donne le terme que l'on veut, un refus ou une pénalité, la conséquence sur la personne, c'est qu'elle va avoir moins d'argent pour survivre, parce qu'on parle de survie, à l'aide sociale.

Il y a une étude qui a été faite, qui nous a été présentée, lors du passage de chercheurs et d'experts la semaine dernière, par le Conseil québécois de la recherche sociale. Ces experts-là nous disaient qu'il y a des travaux qui ont été effectués en Europe et en Amérique du Nord, et que, finalement, tout le monde était d'accord pour dire qu'il est préférable de miser sur les programmes volontaires d'orientation que d'aller avec le caractère obligatoire, avec refus d'emploi et pénalités, ce qui est contre-productif.

À date, la majorité des groupes – je ne sais pas trop à combien on est rendus – il y en a deux, peut-être, sur 20, il y a le Conseil du patronat qui était d'accord avec les pénalités, mais de façon modérée, et il y avait M. Pierre Fortin qui, lui, allait jusqu'à dire: Bien, on expulse les gens complètement, on les envoie un petit peu comme dans la rue avec aucune aide financière minimale s'ils refusent un parcours ou une réinsertion...

J'aimerais revenir, parce que vous n'avez pas beaucoup parlé, aux familles monoparentales. Vous en parlez dans votre mémoire, mais, tantôt, dans votre présentation, vous ne l'avez pas trop abordé. La Fédération des CLSC, tantôt, dans leur mémoire, parlait comment, pour les jeunes mères monoparentales, leur intérêt unique était leur enfant. Le Conseil de la famille aussi disait que, pour les jeunes mères, il y a tout le côté de la valorisation du rôle de la mère. Et aussi la Fédération nous disait que même il y a des jeunes mères qui sont très réticentes, finalement, à même envoyer leurs enfants à la garderie parce qu'elles veulent vraiment concentrer leur temps à élever et éduquer leurs enfants elles-mêmes.

Vous allez un peu dans ce sens-là. Vous avez des réticences à ce qu'il y ait le caractère obligatoire pour les mères de famille monoparentale à l'aide sociale. Alors, j'aimerais vous entendre davantage sur ça.

M. Duquette (Claude): Notre expérience sur le terrain, on le sait que l'avenir d'une nation se bâtit de zéro à six ans, en fait, puis on maintient qu'il ne faut pas imposer les mêmes contraintes qu'on impose aux 18-24 ans. Puis on se dit que parfois, si, dans le parcours de l'emploi, les gestionnaires des CLE peuvent être sensibles puis dire: Bon, la jeune mère, lorsqu'elle partage son besoin, elle dit: Moi, je virerais folle si tu m'enlevais mes enfants puis tu me forçais, je vais... Bien, écoute, je pense qu'il y a besoin d'une certaine sensibilité là, puis de dire qu'on ne les oblige pas.

Mais, quand même, qu'il y ait une certaine mesure responsabilisante, je ne suis pas contre. Puis, moi, je vous dis par expérience que beaucoup, surtout dans les quartiers centraux, qu'il y a beaucoup de jeunes mères, qui sont monoparentales – on en retrouve de plus en plus dans nos services – qui volontairement cherchent juste ça: sortir au moins «part-time» de la maison pour avoir un «break», là, parce que les petits, là, ils vont me rendre folle.

Parce que, aussi, je suis père de famille de nombreux enfants et je le sais que ma femme aime sortir de la maison de temps en temps. Et puis, ça lui fait juste un bon bien. Et puis, parfois, je travaille à la maison, puis je l'envoie travailler. Pour elle, c'est très bénéfique. Donc, pour moi, le parcours d'emploi pour les jeunes mères monoparentales a un effet bénéfique sans l'imposer. Puis, à des personnes qui vont le choisir volontairement aussi, mais de façon partielle, un travail à temps partiel, une insertion, une étude à temps partiel, un parcours à temps partiel, je pense, de le dire, et de le dire de façon drastique... Les jeunes 18-24 ans, par expérience, écoutez, c'est un acquis, l'aide sociale. On est dans un virage social sans précédent, et puis les gens ont pris pour acquis qu'il y avait un filet de protection sociale, qu'on peut vivre là-dessus, il n'y a pas de problème. Mais je pense qu'il faut enlever cette notion-là que tu as tout sans rien faire. On est une des rares nations au monde qui donnent une subsistance à quelqu'un sans rien en retour. Les gens se sont habitués à ça. Ils crient à la défense.

Je termine en donnant un petit exemple. On a donné à nos employés longtemps des biscuits, des gâteaux Vachon pour leur «break»; puis, à un moment donné, les ressources étaient moins nombreuses puis on a cessé ça; puis un employé, il vient avec une grosse revendication comme si c'était un acquis, que c'était de l'injustice incroyable que de le priver de son «break» un Jos Louis. Mais, pour lui, c'était un acquis. Puis, en fait, souvent les prestataires de la sécurité du revenu ont trouvé comme un acquis.

Donc, propose-moi pas de mesure qui m'incite à l'emploi, tu me choques, c'est mon droit. Comment ça, c'est mon droit? On t'aide. Les gens qui viennent chez nous, qui nous disaient: Aïe! Tu vas me faire travailler sur un programme EXTRA, ça ne me donnera même pas 1 $ de l'heure. Bien, c'est faux. Calcule. Compte avec ton aide, puis calcule, divise par 40 heures-semaine, puis tu vas voir que l'aide que l'État te donne, ça représente le salaire minimum. C'est ça que ça représente à peu près.

Ça fait qu'en fait, je suis pour l'approche responsabilisante parce qu'on voit que c'est le résultat sur le terrain. On le voit par les résultats acquis.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Moi aussi, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Armée du Salut, bien connue dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, d'ailleurs, avec deux établissements: la résidence Montclair, le centre hospitalier Catherine Booth, et auparavant un troisième qui était l'Eventide Home, malheureusement maintenant fermé par l'Armée, il y a à peu près 10 ans, tout près.

Je connais d'ailleurs la résidence Montclair et je connais la qualité de vie que les résidents ont à la résidence. D'ailleurs, je suis d'autant plus familier avec le centre hospitalier Catherine Booth pour avoir vu trois membres de ma famille passer par le Catherine Booth pour des soins postchirurgicaux. Et je pense que et l'Armée et la communauté de Notre-Dame-de-Grâce sont très contentes que le centre hospitalier Catherine Booth ait échappé belle aux tentatives du ministre Rochon de le fermer, il y a à peu près deux ans, après une bataille acharnée menée et par l'Armée et par la communauté.

(18 h 20)

Quelque chose m'a frappé un peu dans votre présentation, M. Duquette, quand vous avez parlé des mesures possibles en ce qui concerne les paiements des loyers, et que vous avez témoigné, entre autres, que vous connaissiez des prestataires qui se porteraient volontaires parce qu'ils ne sont pas capables de gérer, en tout cas, démontrent une certaine incapacité de gérer leur propre budget. Ça m'a frappé parce qu'il me semblait que votre approche, dans votre mémoire, était plutôt de responsabiliser les citoyens. Vous avez dit au début: Si quelqu'un tombe dans un puits, on ne l'enlève pas, on lui donne une corde. Vous dites, dans certaines pages, concernant l'imposition des prestations, que c'est une bonne chose parce que ça va rendre le citoyen plus responsable. N'y a-t-il pas une légère contradiction entre ces deux approches de vouloir dire: Nous, on reconnaît que, pour certains des bénéficiaires de l'aide sociale, ce serait mieux que l'État gère leur budget? Il semble que c'est un peu contradictoire avec la très grande vision de responsabilisation que vous proposez dans votre mémoire.

M. Duquette (Claude): Effectivement, je suis content de votre question, mais, si vous remarquez, à ce sujet, j'ai pris soin de mentionner qu'il y a une classe de la population que nous desservons, il y a aussi toute la classe d'inaptes au travail, qui viennent à nos services. Je pense à tout le phénomène de la désinstitutionnalisation. Présentement, on retrouve plein de personnes avec des handicaps sévères qui se retrouvent dans la rue et, pour nous, c'est difficile. Je suis entièrement d'accord avec vous que, pour les personnes aptes au travail, il ne faut pas imposer une telle mesure. Il y en a qui vont la choisir, des personnes qui sont aptes à gérer leurs affaires, mais pour les inaptes au travail, pour les personnes qui ont beaucoup de difficultés au point de vue psychosocial, c'est un sauve-conduit, c'est quelque chose d'intéressant. Les toxicomanes, il y a certaines personnes qui ont de sérieux problèmes de réhabilitation. Ça peut être une belle porte de sortie et je prends le soin de dire qu'il faut faire attention, effectivement, aux côtés néfastes de cet aspect-là.

M. Copeman: Je suis content, M. Duquette, que vous souleviez la question des gens qui ont des contraintes sévères à l'emploi. On évalue à à peu près 100 000 les personnes qui sont sous le programme soutien financier présentement dont un certain pourcentage veulent avoir accès à des mesures d'employabilité, des mesures de réinsertion sociale. Ça, c'est très clair. Le pourcentage, on verra à un moment donné avec la réforme quel est le pourcentage des 100 000 personnes dans le programme soutien financier qui s'inscrivent dans les mesures, dans les parcours d'insertion et de la formation à l'emploi.

Pour les gens qui vont volontairement renoncer au parcours à cause d'une invalidité prolongée, sévère, qui font le choix essentiellement d'aller vers la Régie du logement pour une allocation d'invalidité, est-ce que vous, à l'Armée du Salut, jugez que les prestations envisagées dans le livre vert sont suffisantes pour satisfaire aux besoins essentiels et minimes de ces personnes-là, vous qui travaillez dans des situations avec une clientèle très démunie? Je vous le dis tout de suite, moi, j'ai une certaine préoccupation que les barèmes proposés ne sont pas suffisants pour satisfaire aux besoins essentiels, minimes, pour assurer une certaine dignité de vie. Parce que c'est ça, je pense, que l'Armée recherche et j'espère que c'est ça que les parlementaires recherchent aussi, d'assurer aux personnes de toutes les couches de la société la possibilité de mener une vie dans la dignité avec des ressources financières et des mesures de support nécessaires. Moi, j'ai des doutes que les barèmes proposés sont suffisants, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Duquette (Claude): Je dois vous dire que j'ai des constatations dans le milieu. Je vous donne l'exemple de deux personnes qui sont venues me rencontrer personnellement, des personnes qui étaient reconnues soutien financier, deux personnes qui m'ont dit: Bon, bien, écoute, j'aimerais ça travailler, je serais capable de travailler, mais, par contre, vois-tu, je regarde ça, là, ça me fait à peu près 1 200 $ avec mon loyer, et tout ça, par mois. Sais-tu, j'ai compté avec elle, ça lui faisait des salaires, sur 35 heures-semaine, de 8,57 $ de l'heure. Avec l'allocation unifiée, on résout le problème, je trouve que ça a été magique de vraiment séparer ça. Donc, ça va rendre les gens plus attrayants au marché de l'emploi. J'ai des personnes qui étaient très compétentes, que j'aurais voulu garder, qui ont passé par une ou deux mesures d'employabilité, puis là elles étaient à l'étape d'être engagées, puis je ne pouvais pas les engager parce qu'il aurait fallu que je leur donne 9,50 $ de l'heure, parce que c'est ça qu'elles avaient si on compte tous les bénéfices qu'elles avaient.

Donc, je trouve que le filet de sécurité sociale est quand même bon. S'il n'y avait pas d'Armée du Salut, s'il n'y avait pas d'Auberivière, s'il n'y avait pas de Moisson Québec – je pense à M. Mignault – qui font un travail considérable, je ne dirais pas, c'est certain que oui, mais il y a beaucoup de support, il y a beaucoup d'organismes, il y a beaucoup de partenaires qui travaillent ensemble. C'est vrai que, si on peut en donner plus, tant mieux, mais, dans la conjoncture actuelle, je pense que c'est assez difficile d'aller chercher des sous. Mais le filet de sécurité sociale, on l'appuie, j'en ai parlé. C'est beau d'avoir fait la part des choses, de séparer vraiment inaptes au travail puis des personnes aptes au travail, et puis on continue à partager l'idée qu'il faut maintenir, toujours, à la hausse, ou un statu quo, à tout le moins, jamais abaisser le filet de sécurité sociale actuel. Puis je pense que Mme Harel a pu l'articuler de façon assez bien pour le maintenir jusqu'à date.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière?

M. Copeman: Avec respect, M. Duquette, vous avez un peu répondu à côté de ma question au début. Je vous ai signalé surtout ma préoccupation quant aux personnes qui vont se déclarer vraiment invalides, qui vont faire le choix de prendre la route de la Régie des rentes du Québec, et non pas volontairement s'inscrire. Je suis d'accord avec vous qu'il va y avoir un certain nombre, et j'espère un bon nombre, de personnes sur le soutien financier, aujourd'hui, qui vont vouloir s'insérer dans un parcours pour des mesures d'employabilité. Mais il faut reconnaître, je pense, même la ministre le reconnaît, qu'il va y avoir un certain pourcentage qui vont renoncer à des mesures d'intégration au travail et qui vont être obligés de vivre avec des barèmes minimaux. Et la question de la prestation unifiée pour les enfants, quant à moi, ne règle pas tout. Un grand nombre de ces personnes-là sont des personnes qui vivent seules.

M. Duquette (Claude): Oui. O.K. Pour répondre peut-être plus clairement, si vous le permettez, je trouve que, présentement, des personnes avec le salaire minimum actuel, plus mal en point, avec toutes les responsabilités, sans avoir l'assurance-médicaments, sans avoir ses lunettes payées, laissez-moi vous dire que, lorsqu'on fait le budget avec ces personnes-là, qui viennent à nos services d'aide à la famille quotidiennement, les petits travailleurs au salaire minimum, souvent ils font plus durs que des personnes qui sont soutien financier. Je ne dis pas que le filet de protection sociale, il n'est pas assez élevé ou trop élevé. Je veux dire que je le trouve raisonnable, comparativement au salarié qui sue, lui, ses 40 heures-semaine, à gagner son pain.

M. Copeman: Oui. Je ne partage pas ce point de vue...

M. Duquette (Claude): Oui.

M. Copeman: ...mais j'ai le respecte, M. Duquette.

M. Duquette (Claude): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Pas d'autres interventions? Alors, madame, messieurs, je vous remercie. Oui, madame, vous voulez...

Mme Perron (Renée): Je voulais juste renchérir sur ce que M. Duquette disait tantôt. Je pense qu'un des succès de la réforme sociale va justement être de rendre plus alléchant et plus valorisant de retourner sur le marché du travail que de demeurer sur l'aide sociale, et ce point-là est drôlement important. Je sais qu'un 400 $ par mois ou un 500 $ par mois, ce n'est pas beaucoup, mais, comme M. Duquette disait, avec l'aide qu'on peut recevoir, dans la majorité des cas, avec l'aide de dernier recours, je pense que les personnes sont capables de s'en sortir. Mais il ne faut pas oublier le point que je pense que le succès de la réforme sociale, ça va être de garder ce point-là plus alléchant, de retourner sur le marché du travail et de vouloir le faire, que de rester sur l'aide sociale.

(18 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Nous avons apprécié beaucoup votre présence. J'avais hâte, M. Duquette, que vous arrêtiez de parler de manger, par exemple. Vous avez parlé de steak, de Jos Louis, et on ne mangera pas avant 19 h 30, 19 h 45. Alors, merci beaucoup. J'inviterais maintenant les représentants de la Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs inc. à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît! Il nous reste un groupe. Alors, si nous voulons leur permettre de s'exprimer, nous allons commencer le plus tôt possible, tout en vous soulignant que, à force de parler de manger, ce n'est pas quelque chose qui... À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Bonneau, si vous voulez présenter la personne qui vous accompagne et faire votre présentation de 20 minutes.


Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs inc. (FQCCL)

M. Bonneau (Raymond): Mme la ministre, mesdames et messieurs de la commission, c'est un plaisir de venir vous rencontrer, Normand Robert et moi. Normand, il est vice-président à la Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs inc. et il est aussi directeur général du PEQ, le centre communautaire de Hochelaga-Maisonneuve que Mme Harel connaît sûrement très bien, à Montréal, et, moi, je suis directeur général de la Fédération. Alors, ça nous est un plaisir de venir vous rencontrer et de vous exposer un peu plus simplement ce que nous avons voulu soutenir dans le mémoire.

Nous vous avons fait parvenir le mémoire, nous ne le lirons pas. On a voulu se situer, dans notre mémoire, dans le contexte économique et sociopolitique actuel. On a voulu se situer au niveau des causes de la situation de l'aide sociale actuellement. On est conscient, comme tout le monde, de l'état des finances de l'État, que l'économie va à merveille sauf pour l'emploi, que passer un projet d'équité salariale et de 1 % de la masse salariale pour la formation, ça a été un tour de force époustouflant. On se souvient que le sommet économique a promis un déficit zéro et on se dit, nous autres: On se situe dans des coupures. Alors, Mme Harel s'est dit, je suppose: On ne se revengera pas sur le dos des exclus, et elle nous a affirmé avec la conviction qu'on lui connaît: C'est fini, les exclus, et ça se sent.

Et beaucoup de choses nous ont plu dans le parcours. Bien sûr qu'il s'agit d'un parcours d'insertion, de formation d'emploi. De mettre à profit les ressources locales, les organismes communautaires, d'aller chercher au fédéral ce qui nous est dû, de coordonner les efforts des différents ministères, c'est déjà un pas de géant. De simplifier le système de 70 à 11 barèmes, si je me souviens, quelque chose comme ça, ça aussi, ça nous semble un pas énorme. Mettre ensemble toutes les énergies, ça aussi. Développer des complicités locales avec le dynamisme et la créativité de la communauté locale. Et, quand on regarde le produit ainsi, eh bien, on se dit: Bravo! Et mille fois, bravo! Et puis on voit que, dans la population, il y a un accord avec cette vision, cette philosophie de fond. Et pourtant on voit des signaux contradictoires et on voit des problématiques importantes qu'on souligne dans notre mémoire, vous allez voir.

Avant de livrer notre pensée plus à fond, j'aurais un deuxième avant-propos. On ne veut pas que le débat – important mais pas unique – sur les pénalités vienne écarter l'autre débat aussi important, tout aussi fondamental, bien plus déterminant sur l'équité sociale au Québec. Vous allez nous entendre rappeler qu'il ne faut pas brandir la punition devant les assistés sociaux non pas parce qu'ils ne doivent pas être responsables, mais parce qu'il faut rendre imputables avant tout autre ceux qui sont la cause des problèmes et non les victimes. Vous voulez développer, Mme Harel, une responsabilité collective, et nous en sommes. Alors, commençons par ceux qui peuvent dénouer la crise, ceux qui sont en bonne partie les responsables des sans-emploi, ceux qui rationalisent, ceux qui profitent des richesses collectives pour s'en faire une richesse individuelle scandaleuse, ceux qui ne paient que peu ou pas d'impôts pour leurs immenses revenus à côté de ceux qui paient tous leurs impôts pour de petits revenus, et ça, grâce aux évasions fiscales, grâce à toutes sortes de pratiques dites comptables.

Sans ces pratiques, il n'y aurait pas de déficit, et, si le Québec veut se distinguer, il a une occasion en or pas seulement par des projets valables, par ailleurs, de parcours et d'équité familiale, mais en forçant non pas les pauvres à être plus pauvres, mais en allant chercher son dû dans les fortunes qui se font aux dépens des citoyens. Alors, oui, l'État aura les moyens de soutenir les plus pauvres, de soutenir les organismes communautaires, de soutenir l'économie sociale, et nous l'appuyons, ce gouvernement s'il en a le courage.

Le mémoire que vous nous présentons est issu d'une recherche qu'on a faite, de sondages qu'on a faits dans notre milieu. Il vient d'une fédération qui réunit une quarantaine de centres communautaires. J'en vois plusieurs ici qui ont un, deux, trois centres communautaires dans leur comté. Un centre communautaire – je prends un moment pour le décrire, si vous voulez, pour ceux qui seraient moins à point à ce niveau-là – c'est un lieu où les gens se rencontrent, les gens de la communauté locale, sans discrimination et où ils décident eux-mêmes les actions qu'ils vont réaliser. C'est ni la richesse, ni la pauvreté, ni la classe sociale, ni l'instruction qui distinguent les membres, c'est la personne elle-même, avec son potentiel et ses limites, avec ce qui lui est propre.

Et, quand on passe beaucoup de ses loisirs ensemble, si on a la possibilité de décider quelque chose dans le centre, alors c'est le vécu de chacun qui se partage et c'est ça, le milieu de vie. Et vite on s'aperçoit qu'ensemble on peut répondre à bien des besoins qu'on ressentait souvent comme des rêves impossibles, et c'est ça qui se passe, fondamentalement, dans un centre communautaire, et ça aboutit à toutes sortes de projets. Qu'on parle de soupes populaires, qu'on parle de cuisines collectives, qu'on parle de loisirs-étude après l'école ou qu'on parle de prévention au niveau des jeunes, qu'on parle d'alphabétisation, c'est toutes sortes de projets qui émanent du milieu et qui sont réalisés pas par le centre communautaire, dans et autour du centre communautaire par les gens de la communauté locale qui fréquentent le centre. Les jeunes, les moins jeunes, les tout-petits comme les adultes, les travailleurs salariés ou non et les bénévoles, les aînés comme les familles ou les sans-famille, tout le monde est bienvenu au centre sans discrimination, sans étiquette dans le front, coude à coude, comme le disait Mme Harel lors de l'assemblée générale de mai dernier. Le centre ressemble aux gens de la communauté locale parce qu'il les rassemble sans discrimination.

(18 h 40)

Or, c'est surtout dans les quartiers les plus démunis du Québec que nous sommes présents. Je pense ici à Saint-Sauveur, Limoilou, je pense à Hochelaga-Maisonneuve, je pense à Fort-Coulonge, Mansfield. On est situé dans les quartiers les plus démunis, mais on ne réunit pas les gens au nom du fait qu'ils sont démunis. On n'est pas des spécialistes de l'assistance sociale, on est des spécialistes de la petite vie quotidienne des citoyennes et des citoyens ordinaires de la communauté locale. Alors, on réunit les gens comme ils sont, on les accueille comme ils sont, peu importe leur étiquette. Enracinés dans les quartiers les plus démunis, on est les spécialistes de la petite misère des exclus, mais aussi de la reconnaissance du potentiel et des réalisations de ces citoyens quand on leur donne la chance de vivre, de s'exprimer et de réaliser des choses et nous tentons du meilleur de nous-mêmes de permettre à chacun d'apporter sa petite part à une société où il fait bon vivre. C'est là où on se situe et c'est en fréquentant constamment les gens ordinaires du milieu, sans discrimination, qu'on est arrivé à l'élaboration du mémoire que Normand va continuer.

Une voix: Avancez.

M. Robert (Normand): Alors, comme il est écrit en prémisse dans le livre vert, cette réforme vise à établir un contrat de réciprocité reposant sur un rapport ouvert, démocratique et solidaire. Pour nous, cette démocratie et cette solidarité ne peuvent s'opérer par l'appauvrissement. Selon nous, et ce, tout comme l'ensemble des organismes qui représentent les 800 000 assistés sociaux du Québec, nous estimons qu'aucun prestataire ne devrait être plus pauvre après l'adoption de la réforme qu'il ne l'est présentement. Quand vous parlez de remettre en question les pratiques actuelles sans négliger le potentiel énorme de l'effort global des collectivités en faveur de l'emploi, il faudrait à ce chapitre permettre à ces mêmes collectivités de pouvoir travailler avec des personnes qui puissent au moins pouvoir se rendre et se présenter de façon décente à leur lieu de travail potentiel ou il faudrait permettre à ces travailleurs potentiels d'être minimalement à l'aise pour leur permettre de penser à des solutions. À cette fin, je vous ramènerai à un énoncé aussi simple que: Ventre qui a faim n'a pas d'oreilles.

Par les temps qui courent, on se désole de voir à quelle vitesse le gouvernement dilapide l'ensemble des programmes sociaux, à tel point que nous étions heureux d'apprendre jeudi dernier que les compressions de 250 000 000 $ étaient ramenées à 200 000 000 $. Mais nous avons été complètement abasourdis de constater que vous préparez une nouvelle chasse aux sorcières en passant par l'embauche d'une centaine d'agents de recouvrement pour une somme de 50 000 000 $. Mme Harel, est-il possible que les boubous macoutes, tout autant que les gangs de fossoyeurs que votre gouvernement a embauchés jusqu'à aujourd'hui, n'aient pas fait leur boulot convenablement? Sachez que depuis des années le gouvernement a harcelé, traqué et bafoué des milliers de Québécois, et ce, jusqu'à ce qu'ils aient honte d'avoir recours à leurs droits.

En 1997, des centaines de membres de notre communauté préfèrent se laisser mourir que de s'abaisser à demander de l'aide, puisque c'est bien s'abaisser que de faire affaire avec vos services d'aide sociale. Depuis le début des grandes chasses, vous n'avez fait qu'appauvrir une population qui se sent aujourd'hui dévalorisée et diminuée au plus profond d'elle-même. Vous avez travaillé peut-être involontairement à engraisser les multiples préjugés envers des citoyens qui n'attendent qu'un simple coup de main au point, peut-être, de finir par y croire vous-même. Ces gens sont pourtant des citoyens comme tout le monde. Vous le dites vous-même que la grande majorité veut travailler. Comme le disait Françoise David dans le journal Le Soleil la semaine dernière: «La réforme, comme vous la proposez, n'est pas un parcours vers l'emploi, mais une voie rapide vers l'itinérance, la criminalité, le travail au noir et l'isolement.» Comme vous l'avez dit, le fait de ne pas travailler n'est pas une responsabilité individuelle, et ce, surtout quand on est dans une situation où on compte par centaines de milliers le nombre de sans-emploi.

Mme la ministre, nous joignons la voix du Conseil du patronat et celle de centaines d'organismes communautaires pour vous rappeler que la réforme dont vous rêvez repose sur des emplois qui n'existent pas. La plus belle preuve, c'est le chiffre de 50 000 personnes inscrites et en attente depuis des mois d'une mesure ou l'autre de l'aide sociale, et ils attendent encore. Mme Harel, pour attendre désespérément, ils n'ont pas eu besoin de mesures coercitives.

Une étude suisse citée dans le livre The End of Work affirme que, d'ici 30 ans, moins de 2 % de la main-d'oeuvre suffira à produire la totalité des biens dont le monde a besoin. Pour bien comprendre ce chiffre, il est important de savoir que, en 1950, 33 % de la main-d'oeuvre travaillait en usine, une proportion qui a chuté malgré l'augmentation exponentielle de la quantité de biens produits. En 1951, il y avait six ordinateurs dans le monde. Aujourd'hui, ils sont 100 000 000 assistés de 630 000 robots. À la base de cette analyse, il nous apparaît primordial de cesser de croire que croissance économique équivaut à croissance de l'emploi. Depuis déjà de nombreuses années, principalement depuis l'adoption des règles du libre-échange avec les États-Unis, force nous est de constater que les nouveaux modes de production nécessitent moins de personnel pour une production accrue.

Vous cherchez des solutions? Elles sont dans la marge de profits créée par une production robotisée. Dans la revue Présence Magazine , M. Omar Aktouf, professeur titulaire en management aux HEC, disait: Il y a de l'argent qui dort dans les banques pendant que les gens crèvent littéralement. En 1987, les compagnies d'assurance canadiennes ont déclaré des profits de 14 000 000 000 $. Si l'impôt sur ces profits avait été versé comme s'en acquitte le plus petit contribuable, le déficit pour cette année aurait été épongé.

Mme Harel: Excusez-moi. M. le Président, j'ai de la misère à suivre dans le mémoire. Est-ce que c'est un autre mémoire qu'on n'a pas eu ou...

M. Robert (Normand): C'est une présentation, en fait, des éléments les plus importants du mémoire que je...

Mme Harel: Mais où est-ce qu'on peut le retrouver? J'essaie de le retrouver dans le mémoire.

M. Robert (Normand): Non, en fait, c'est des données qui permettent, je dirais, de mieux analyser, de mieux évaluer chacune des mentions de notre mémoire.

Mme Harel: En fait, ce n'est pas dans le mémoire, ça, que je constate.

M. Robert (Normand): Non, ce n'est pas dans le mémoire. Il y a des petits extraits que j'ai mis mais... Pardon?

M. Gaulin: On ne pouvait pas le lire avant.

M. Robert (Normand): Non, j'ai préparé ça... Malheureusement, non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Continuez le plus rapidement possible.

M. Robert (Normand): Oui. Alors, si l'impôt sur ces profits avait été versé cette année, le déficit pour cette année aurait été épongé. Pour la même année, 60 000 entreprises canadiennes ont accumulé des profits de 70 000 000 000 $ sans qu'aucun sou d'impôt ne soit versé. Nous croyons qu'il faut donc taxer les profits pour enfin générer plus de programmes sociaux. Dans notre société, les riches coûtent plus cher à l'État. Des exemples, il y en a des milliers. Prenons la Place des Arts qui est subventionnée à 100 %. Qui fréquente cet antre de la culture? Ceux qui en ont les moyens, c'est-à-dire les plus riches. Qui utilise les infrastructures routières? Ceux qui peuvent se payer une automobile. Qui utilise les universités? Selon le professeur Aktouf, les enfants des cols bleus représentent seulement 2 % des étudiants universitaires. Les 98 % restant proviennent de milieux plus aisés qui subventionnent les universités. Qui subventionne les universités? L'État.

Et je termine en disant que nous considérons le rôle de notre gouvernement comme celui d'un régulateur et chef d'orchestre de l'économie. Nous sommes convaincus que nulle autre structure, organisation ou entreprise ne peut mieux assurer une redistribution plus équitable des richesses de notre société moderne. Il est bien évident qu'il faudra passer par le réaménagement en profondeur de l'assiette fiscale. Il faudra faire en sorte que la production robotisée puisse, elle aussi, contribuer au bien-être de chacun autant qu'à l'avancement de l'ensemble. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'inviterais Mme la ministre.

Mme Harel: C'est un gros contrat que vous me donnez là. Ha, ha, ha!

M. Robert (Normand): C'est un contrat que vous avez entrepris.

Mme Harel: Bon, d'abord, je vous salue, M. Bonneau, directeur général de la Fédération. Est-ce que M. Gagné sera des nôtres?

M. Bonneau (Raymond): Il n'a pas pu. Changement d'horaire.

Mme Harel: Il n'a pas pu venir. Et M. Robert.

M. Bonneau (Raymond): Il vient de l'Outaouais, et c'est un bénévole. Alors, il ne pouvait pas se rendre à cette heure-ci.

Mme Harel: Parfait. Alors, écoutez, on peut échanger aussi certainement avec vous deux. Ça aide, cependant, d'échanger quand on a pu à l'avance, comme c'est la règle habituelle, lire la présentation des organismes. Bon, alors, ceci dit, je vais vous dire sincèrement que c'est un contrat qui me dépasse complètement. Moi, je comprends qu'on puisse vouloir changer le système. C'est de ça dont vous nous parlez. Il faut changer le système. J'imagine que ce n'est pas juste le système de fiscalité. Il y a eu une Commission sur la fiscalité. Je ne sais pas si la Fédération a déposé un mémoire. Bon, ça aurait pu être intéressant. Cette Commission sur la fiscalité a fait un certain nombre de recommandations unanimes. Elle était composée de gens venant d'horizons politiques complètement différents.

Mais, en même temps, il faut changer le système économique et il faut changer le système politique, parce que, tant qu'on est une moitié de gouvernement, je ne vois pas comment je pourrais faire pour faire abracadabra avec 30 000 ménages de plus qui viennent des resserrements d'éligibilité à l'assurance-emploi, avec ceux qui viendront et que je ne connais pas parce que, le 1er janvier, il y a des mesures pires que celles d'avant qui ont été introduites, parce qu'on est passé en trois ans de 33 % des chômeurs qui n'avaient pas droit à l'assurance-emploi à 55 %, puis on dit que, avec les nouvelles mesures, l'an prochain, ça va être 60 %. Alors, où est-ce qu'ils se retrouvent, les chômeurs? Ils se retrouvent à l'aide sociale. En cinq ans, 90 000 ménages de plus, 205 000 personnes, 1 000 000 000 $. Ça, c'est entre 1990 et 1995.

Et là vous nous dites: C'est assez, ça. Moi aussi, je trouve que c'est assez, mais je vous dis sincèrement: On récupère le 1 200 000 000 $. Bon article de Pierre Paquet dans les journaux, le secrétaire général de la CSN qui dit, entre autres, à Paul Martin, ministre fédéral: Écoutez, si ça va si bien, pourquoi couper de 2 500 000 000 $. On sera coupé de 1 200 000 000 $ – aide sociale, éducation, santé – cette année, l'année qui commence le 1er avril, puis il faudrait faire comme si ça n'existait pas. L'an passé, c'était 680 000 000 $. Ça fait que, en deux ans, c'était 1 800 000 000 $. Et ça, ce n'est rien quand on pense à ce qui est versé comme cotisations par des travailleurs, des employeurs qui s'en va à la caisse d'assurance-emploi: 10 000 000 000 $ à la fin de 1998 qui vont avoir été accumulé. Là, on est à 5 000 000 000 $ de surplus qui vont directement, puis de façon très inéquitable, parce que des cotisations, M. le Président, ce n'est pas en fonction du revenu comme l'impôt, ça. À 39 000 $ de salaire, ça arrête, la cotisation à l'assurance-emploi. Au-delà de 39 000 $, vous n'en payez plus. Alors, vous avez idée que ça encourage le temps supplémentaire plutôt que l'embauche. Puis, en bas de 39 000 $, vous payez tout, y compris la première heure travaillée depuis le 1er janvier. Bon.

(18 h 50)

Alors, il y a un contexte. J'apprécie que vous nous décriviez le contexte. Le contexte, je vais vous dire, c'est une période dans l'histoire des sociétés qui dépasse largement, si vous voulez, la capacité que j'ai, moi, de décider, n'est-ce pas? Je ne pense pas que, ni vous ni moi, on ait décidé qu'il y avait la mondialisation de l'économie, que, ni vous ni moi, on ait décidé que c'était parti du côté de ce qu'on appelle l'abolition des frontières économiques, alors de la compétitivité. Alors, on ne l'a pas décidé bien évidemment, mais on est pris, cependant, pour essayer de conjuguer compétitivité et solidarité. Comment? Je vous le dis tout de suite, là, je ne m'inspire pas de ce qui se passe chez nos voisins, ni du Nouveau-Brunswick, ni de l'Ontario, ni des américains, n'est-ce pas? Les Américains, c'est cinq ans, maintenant, l'aide sociale, puis, pour le restant de la vie, c'est fini. Puis, aux États-Unis, si vous avez bien lu, avec le financement des municipalités, c'est les locataires qui vont payer. Ça coûterait plus cher à Verdun qu'à Westmount, hein, et pas mal plus cher à la ville de Montréal qu'à Anjou. Alors, c'est ça, le régime en Ontario qui a été introduit. Et, puisqu'on parle des voisins, le Nouveau-Brunswick qui nous est tant donné en exemple, je vous jure que, s'il fallait les suivre sur le plan des barèmes, c'est à toutes catégories moins malgré les compressions de la loi n° 115, parce que, ici, l'opposition, étant comme une année, 18 mois en retard, a fait le débat sur la loi n° 115 de ma prédécesseure en 1995. Bon.

Alors, ceci dit, faisons payer les riches, c'est ça que j'ai compris de ce que vous disiez. Moi-même, j'ai pensé que c'était une bonne solution, mais je me suis rendu compte qu'ils n'étaient pas nombreux. Vous savez sûrement que c'est 1 % qui gagne plus de 100 000 $. Et 5 % des familles, donc revenus familiaux additionnés. Et 1 %, c'est 55 000 personnes. Vous allez me dire qu'il y en a qui passent à côté. Ça doit. Sûrement. Mais, en même temps, ce n'est pas simple, parce que non seulement ils passent à côté, mais ils peuvent aussi carrément faire en sorte de continuer à passer à côté en s'en allant, n'est-ce pas, ou en étant déjà partis ou en étant déjà ailleurs finalement. Alors, on fait quoi en attendant?

Ce n'est pas 250 000 000 $, les compressions, j'ai vu ça dans votre mémoire. Je ne veux pas que vous pensiez que je pense que ce n'est rien, mais, entre le 250 000 000 $ de la page 13 puis le livre des crédits qui va être publié dans quelques semaines, il va y avoir 100 000 000 $ de moins. Ça va être 150 000 000 $. C'est ça, définitivement, le chiffre qui est retenu. Puis ce 150 000 000 $, ce n'est pas une coupure, si vous voulez, mur à mur. Sur ce 150 000 000 $, il y a, en même temps, les pensions alimentaires pas payées. Savez-vous qu'il y en a pour 160 000 000 $ de pensions alimentaires pas payées puis qu'on a réussi à se faire reconnaître que d'aller chercher ces pensions alimentaires pas payées serait considéré comme équivalent, si vous voulez, de revenus pour la sécurité du revenu? Les coupures qui vont faire un effet sur le chèque direct, c'est 56 000 000 $. Bon. Le reste, c'est du recouvrement.

Vous me parlez des 100 personnes qui sont engagées. C'est des personnes qui sont engagées pas pour faire des visites à domicile, là, ce seront des personnes pour faire le recouvrement de trop-payé qui a déjà été identifié. Il y en a pour 350 000 000 $ de trop-payé. Ce n'est pas que dû à de la fraude. La moitié à des fausses déclarations; l'autre moitié, c'est dû à des erreurs de système, et ça, c'est bien entendu que ça n'a pas été touché, si vous voulez, par les modifications introduites au mois de décembre. Mais, vous savez, en même temps, les gens nous demandent d'avoir une gestion rigoureuse. Ils veulent être sûrs que l'aide va aux personnes qui en ont besoin, d'où l'idée de s'inspirer de ce qui se passe dans les pays démocratiques, évolués, industrialisés. Je pense aux pays scandinaves, qui ont un régime d'assurance-chômage, puis d'assistance-chômage, puis d'aide sociale. C'est ça, là. C'est ça qui est proposé. C'est un régime d'assurance-chômage qu'on ne contrôle pas, d'assistance-chômage pour 400 000 personnes puis d'aide sociale pour celles qui sont invalides, aînées ou enfants qui vont être administrées par la Régie des rentes maintenant. Pour le reste, c'est essentiellement traiter de la même façon les chômeurs à l'aide sociale que les autres chômeurs, leur donner accès aux mêmes programmes, mais pas en les traitant tous pareillement.

Les êtres humains ne sont pas pareils. Certains ont besoin de plus d'accompagnement, d'autres plus longtemps. Et puis le système, aussi, c'est se réorganiser sur le plan de la livraison des services publics d'emploi, se réorganiser à partir des collectivités locales en n'oubliant pas qu'il doit y avoir un rôle de coordination régionale, mais que le rôle de conception, le rôle d'implication, de solidarité, ça va se passer au niveau local.

Alors, je comprends que vous ne partagez pas la vision que je viens de vous décrire et que vous souhaiteriez d'autre chose. Alors, ce que j'aimerais vous entendre, c'est: Quoi d'autre? Quoi d'autre? Si c'est le revenu minimum garanti, je peux vous jurer que j'ai tout fait étudier. En tout cas, si ça vous intéresse, je peux tout vous remettre ça. J'ai fait analyser combien ça allait coûter, une allocation universelle, ce que ça représentait. Si vous voulez, je vous donnerai des chiffres, puis vous allez voir à quel point c'était impraticable maintenant.

M. Bonneau (Raymond): Voici. Je vais vous donner l'exemple que vous nous avez apporté au niveau des 100 personnes qui ont été engagées, pour essayer de voir un petit peu. L'image qui va chez nos gens, c'est: Bon, ils vont nous chercher des bibites encore. Au départ, c'est que nos gens ne comprennent pas comment ça se fait que c'est coupé chez eux puis que ce n'est pas coupé ailleurs. Ça, c'est la première image de base, fondamentale. Comment ça se fait que, chez nous, nous autres, on parle de nous couper? C'est bien sûr que vous allez me dire: Il y a beaucoup dans ce projet-là. On ne parle pas seulement de coupures. C'est très clair. Mais, quand les gens lisent le journal, ils ne lisent pas ça. O.K.? Ils sont informés de plus en plus. Bon, ils prennent conscience de choses. Alors, c'est des coupures, puis on ne parle pas de coupures ailleurs. On ne parle pas aussi des gens qui ont des revenus. Le 1 % dont on parle, personne n'entend parler de ça. Alors, les gens, quand ils voient ça, ils trouvent ça injuste. Première chose. Deuxièmement, s'ils sont déjà dans la misère, si on parle de coupures, bien, ça va mal. Troisièmement, vous savez toute la publicité qui est faite sur l'assisté social paresseux, l'assisté social fraudeur, l'assisté social contre lequel vous vous êtes battus énormément et puis contre lequel on se bat, bien sûr. Mais ça reste une image.

(19 heures)

Alors, quand on entend que 100 personnes ont été engagées pour voir, bien, c'est bien sûr que nos gens, leur réaction et la nôtre aussi, c'est de dire: Bien, pourquoi est-ce qu'on va chercher des bibites encore? Disons que, explicité comme vous l'explicitez là, au niveau des erreurs du système, au niveau du trop-payé, c'est différent, là, tu sais, l'image n'est pas la même. Mais, nous autres, ce qu'on veut essayer de faire, c'est que nos gens – je dis «nos gens», ha, ha, ha! mais c'est ça – ne se sentent pas exclus, ne se sentent pas les seules cibles. Première chose.

M. Robert (Normand): Alors, pour peut-être continuer, de façon pratique toujours. Effectivement, ce qu'on amène, notre critique, elle est un peu fondamentale, je dirais. Effectivement, la critique qu'on a faite de cette politique-là, on est bien conscients qu'une réforme aussi importante, qui nous semble nécessaire dans le contexte actuel en fonction de l'avancement des technologies, ne peut difficilement s'opérer par la réforme d'une seule loi, bien évidemment. Est-ce qu'on doit, pour ce faire, refaire ou revoir l'ensemble du système? Il est possible. Il me semble que vous êtes bien placés pour à tout le moins commencer à y penser. Pour nous, ce n'est pas de faire payer les riches, mais de faire payer les robots, parce que, dans les faits, ce sont eux qui produisent et non plus la force de bras. Ce sont ces nouvelles formes de technologie qui prennent la place de plus en plus de personnes qui, avant ça, avaient un salaire. Alors, comment on fait pour redistribuer de façon équitable et convenable l'ensemble des richesses produites par des robots, sinon que de puiser à la source le profit qui est généré par les nouvelles technologies et principalement la robotique? Alors, à part... Pardon?

M. Garon: La rente. Les économistes appellent ça la rente.

M. Robert (Normand): La rente. Alors, si c'est la rente, alors tant mieux. Dans les solutions, évidemment pour nous autres, toute la question de la création d'emplois dans le cadre traditionnel, comme on le prétend, ça nous apparaît de plus en plus impossible. Contrairement à ce qui est véhiculé encore et malheureusement, l'investissement a cessé depuis de nombreuses années de créer de l'emploi. Aujourd'hui, toute piastre investie dans l'entreprise ou dans le développement de l'entreprise a une incidence directe sur l'augmentation du chômage, directe, tout le temps, parce que, avec une piastre de plus investie, il n'y a plus d'entrepreneurs qui vont aller chercher des vieilles machines pour produire moins avec plus de monde. Alors, il nous semble...

Mme Harel: Si vous permettez. Vous voyez, en 1975, 1 % du PIB, ça faisait 1 % d'emplois; en 1985, 1 % de croissance du PIB, donc 1 % de croissance, ça faisait 0,5 % d'emplois; et, en 1995, 1 % de croissance du PIB, ça donnait 0,25 % d'emplois. Ça signifie donc qu'il y a modestement une certaine création d'emplois, mais qui est de moitié à tous les 10 ans quasiment. C'est ça, dans le fond, qu'il faut stopper, et on comprend qu'à 3 % de PIB, de croissance, on aurait, grosso modo, 1 % de création d'emplois. Et donc il faut se réorganiser autrement qu'en laissant le cours naturel des choses se passer, sinon on va être ailleurs ou ici à faire des incantations pour le regretter.

M. Robert (Normand): On parle de PIB qui augmente. Effectivement, ça a une incidence potentielle sur la création d'emplois, mais, dans les faits, dans la pratique, de façon pratique, sur le terrain, il y a une augmentation systématique du chômage qui est équivalente. En tout cas, quand on regarde depuis le début des années soixante-dix principalement, parce que c'est là où l'impact des technologies s'est fait davantage reconnaître, même avec une augmentation du PIB de façon régulière et systématique depuis toutes ces années-là, il n'en reste pas moins qu'il y a en même temps une augmentation du nombre de chômeurs. Alors, je veux bien comprendre ou je veux bien croire que dans les faits, effectivement, il semble régulièrement qu'en investissant on crée des nouveaux emplois, mais, dans la pratique, ce que ça donne dans la réalité, c'est que les emplois qu'on va créer sont évidemment concurrentiels avec des vieux emplois qui disparaissent du même coup. Ça fait qu'en bout de ligne on se ramasse avec un total d'emplois en moins de toute façon, et ça, pour l'ensemble des secteurs.

Mme Harel: Il y a quand même une création nette, mais elle est très faible. Mais il y a une création nette là, mais elle est très, très faible. Mais il y en a une.

M. Robert (Normand): Bien, s'il y en avait une, depuis le temps qu'on investit des milliards...

Mme Harel: Non, c'est surtout parce qu'il y a eu plusieurs facteurs combinés, dont l'arrivée des femmes, c'est massif. Et on est passé à 74 % des femmes dont les enfants ont moins de six ans qui sont sur le marché du travail. Alors, c'est phénoménal comme phénomène. Et on a plus progressé que les autres sociétés et plus rapidement. Alors donc, il y avait en même temps une demande d'emplois.

Je voudrais aussi peut-être vous laisser la chance, parce que j'ai été très surprise, dans votre mémoire... Je vous le dis comme je le pense, mais que vous me plaidiez le libre choix de la femme de rester au foyer pour s'occuper de ses enfants, hein. Si c'est le cas, on va le plaider pour tout le monde; on va le plaider pour celles qui travaillent, qui sont mariées ou qui ont des conjoints, ou qui travaillent également, comme pour celles qui n'ont pas de conjoint. Pourquoi juste pour celles-là? Moi, je crois qu'il y a un impact financier.

Mais je demandais justement à l'opposition la semaine passée: Si on peut garantir que c'est le maintien, là, qu'il n'y a pas de réduction de la prestation, que c'est le maintien du barème en entier de non-disponibilité, est-ce que vous maintenez, en principe, le libre choix? Le libre choix, si c'est le cas, ça signifie qu'il faut complètement réorganiser notre société pour que des femmes qui veulent y retourner... pas juste qui veulent... Les femmes sont toujours déchirées. Le choix, ce n'est pas un droit, ça, de dire: L'État va me faire vivre, j'ai le droit que l'État me fasse vivre. Ce n'est pas un droit, ça, ce n'est pas un droit. Les travailleuses, qui doivent retourner, après un congé de maternité, elles n'ont pas le droit de dire: Bon, bien, si c'est comme ça, je me remets sur l'aide sociale pendant x années pour pouvoir, moi aussi, m'occuper de mes enfants. Vous savez, faites attention, je l'ai dit à l'opposition, c'est le discours de Gilberte Côté-Mercier: Ce n'est pas juste les travailleuses au foyer qui sont sur l'aide sociale qui ont droit... qui auraient le droit d'être travailleuses au foyer. Je pense qu'il faut faire attention aussi pour les effets que ça a. Je veux bien qu'on s'arrange pour ne pas que ça appauvrisse, mais, en même temps, c'est les effets, vous êtes conscients.

Je recevais, encore hier, une lettre d'une intensité extraordinaire qu'une dame m'écrivait, vraiment, et cette personne me disait combien ça avait changé sa vie. Elle me dit: «Bonjour Louise, j'aimerais te partager les sentiments que je ressens depuis que je suis à l'école commerciale du Cap. Tu sais, dans la vie, il n'y a rien de facile. Quand j'ai perdu mon conjoint, il y a presque un an maintenant, j'ai passé par toute une gamme d'émotions assez éprouvantes. Au moment où je l'ai perdu, j'ai ressenti de la culpabilité, de la haine, de la tristesse, c'est comme si je perdais une partie de moi-même. J'ai perdu ma fierté, ma confiance en moi et, le plus important, l'estime de moi-même. J'ai vécu cela quelques mois et je ne souhaite pas cela même à ma pire ennemie, même si je n'en ai pas. Par suite, j'ai connu l'école commerciale du Cap. Il y avait là des gens très humains. Je me rappelle, quand j'ai débuté, j'ai souvent perdu le contrôle et Dieu seul sait que les dactylos et les meubles m'ont connue assez rapidement. Même que les étudiantes qui me regardaient avaient presque peur.»

Et s'ensuit, si vous voulez, l'histoire d'une femme, finalement, qui dit: «Aujourd'hui, je me sens forte, je sais que je vaux plus que qu'est-ce que le monde peut penser, je sais que je suis capable de faire beaucoup de choses, et ce que je fais, je le fais bien. J'ai des bonnes notes. Depuis, j'ai un nouveau but dans la vie.» Et là ce qui explique: «À l'école, on avait des ateliers pour apprendre à vivre avec notre famille, la maison, les devoirs, l'école, apprendre à savoir où sont nos priorités, etc., etc.»

Je pense que ceux qui plaident en nous faisant une sorte de vie sanctifiante à la maison, il faudrait qu'ils le vivent, ce que c'est, que de se retrouver seule, monoparentale, après deux ans, là. Hein, on parle bien pour... Là, pour tout de suite, de toute façon, vous savez qu'on est à cinq ans d'âge pour les enfants puis qu'on arrête là, tant que les autres services ne sont pas mis en place. Mais je ne suis pas sûre que c'est un modèle, ça, à présenter comme un modèle souhaitable. Il ne l'est pas pour les femmes qui s'en sortent avec leur indépendance économique. Pourquoi il le deviendrait pour celles qui, démunies, pauvres, auraient, elles, à vivre ça avec l'abnégation de nos mères d'il y a 50 ans? Ça n'a pas de bon sens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très courte réponse, les 20 minutes étant passées.

(19 h 10)

M. Robert (Normand): Alors, ce n'est pas compliqué. Si on a dit, si on souhaite le libre choix, ce n'est pas pour sanctifier la femme au foyer puis la maintenir, maintenir ou... en tout cas, vouloir maintenir ce rôle-là, bien au contraire. Dans une société démocratique, il nous semble que chaque individu devrait avoir le choix et devrait avoir le support nécessaire pour réaliser ce qu'il souhaite faire. Dans les faits, si on considère qu'actuellement il y a plusieurs centaines de milliers de personnes qui sont en trop sur le marché du travail, les personnes qui souhaitent pouvoir élever leurs enfants chez eux, si on considère qu'elles n'ont pas les moyens psychologiques, moraux, physiques, etc., nécessaires, il nous semble important, dans une société démocratique, qu'elles aient les moyens de le faire et qu'elles aient le support pour le faire. À cette fin-là, autant le milieu communautaire, autant l'ensemble des intervenants peuvent être mis à contribution, puis ça ne nous apparaît pas vouloir maintenir les femmes dans leur milieu, bien au contraire. Ça se veut simplement être respectueux d'un souhait, d'une démarche et d'un voeu sûrement pas de tout le monde, mais sûrement d'une bonne partie de la population qui souhaite le faire. Compte tenu que, dans les circonstances actuelles, c'est possible, pourquoi ne pas le permettre?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Les 20 minutes étant écoulées, je passe tout de suite à l'opposition et, s'il reste un peu de temps, je passerai au député de Lévis qui avait demandé la parole. Mme la députée de Saint-Henri–Saint-Jacques.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président.

Une voix: Sainte-Anne.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sainte-Anne, je m'excuse, Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Il m'aime bien, lui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse. On recommence.

Mme Loiselle: Bonjour... bonsoir, plutôt. Bienvenue à cette commission. Moi, je veux revenir justement sur toutes les mesures appauvrissantes qu'on retrouve dans le livre vert. Dans votre mémoire, vous dites que, d'une main, on y dépose une réforme et, de l'autre main, en même temps, on nous annonce des compressions assez imposantes, et, en même temps, on nous dit qu'on va maintenir le budget de l'enveloppe fermée pour les années consécutives.

Il y a plusieurs groupes qui sont venus nous dire que le gouvernement faisait fausse route, que, si, finalement, il n'était pas prêt à investir de l'argent neuf dans les ressources financières et humaines et s'il ne reculait pas au niveau de l'obligation et de tout le caractère coercitif de la réforme, puis si tout ça n'était pas, finalement, attaché, lié à une politique de création d'emplois, une vraie politique de création d'emplois, que, finalement, tout le monde va être perdant puis c'est voué à l'échec. Moi, j'aimerais vous entendre davantage et peut-être revenir sur les derniers propos.

Au niveau des familles monoparentales, moi, j'adhère complètement dans le sens de votre affirmation. Moi, je dis à la ministre: Finalement, si elle ne veut pas couper dans le libre choix des femmes, pourquoi, finalement, elle coupe le barème de non-disponibilité? Pourquoi, aussi, elle les incite à aller au caractère obligatoire? Et pourquoi aussi les amener dans tout le caractère punitif si on croit que... Parce que le Conseil du statut de la femme, je vous rappelle, nous disait que ce sont les femmes de familles monoparentales à l'aide sociale qui font le plus de démarches, finalement, de mesures en employabilité et que ce sont celles aussi qui font le plus de démarches pour le retour à l'école. Alors, si, vraiment, on croit qu'on veut aider ces femmes-là, qui sont les femmes les plus pauvres du Québec, pourquoi justement leur imposer tout le caractère obligatoire et punitif et leur enlever le 100 $ en leur retirant le barème de non-disponibilité? Alors, toutes les mesures, finalement, appauvrissantes qu'on retrouve dans la réforme.

Et je suis tentée de dire à la ministre que la députée de Chicoutimi ne sera peut-être pas très impressionnée par ses propos aujourd'hui, par sa solidarité, parce que la loi n° 115, ce n'est pas seulement la députée de Chicoutimi. Quand le Conseil des ministres a décidé d'aller de l'avant avec cette loi-là, la ministre actuelle était membre du Conseil des ministres. Alors, il ne faut pas renvoyer le ballon à la députée de Chicoutimi parce qu'elle n'est plus ministre. C'est une décision ministérielle, c'est une décision du gouvernement actuel de faire une réforme avant même que cette réforme-là soit déposée, et nous, on lui avait dit à cette époque-là: C'est une réformette que vous faites. Parce que, nous, on avait demandé, avant que le projet de loi n° 115 soit adopté de force en Chambre, qu'il y ait des gens, des regroupements de gens qui viennent parler des conséquences néfastes et dévastatrices sur les prestataires de l'application de la loi n° 115, et on nous a refusé à maintes reprises ce droit-là d'entendre des groupes. Alors, tout le côté appauvrissant, là, vraiment dire ce qui se passe sur le terrain puis qu'est-ce qui va arriver si on ne fait pas un virage majeur avec ce qui nous est présenté actuellement.

M. Robert (Normand): Alors, là-dessus, je vous dirais que, en fait, si le projet de réforme apparaît bon, si les gens se sentent supportés, si les gens se sentent compris, il ne nous est évidemment pas nécessaire d'appliquer des mesures coercitives, quelles qu'elles soient. Chez nous ou dans les centres qu'on dirige, il n'y a personne qui est obligé de venir. Et notre problème, ce n'est pas d'aller les chercher. Notre problème, c'est de pouvoir encadrer leurs démarches et les supporter, il y en a trop.

M. Bonneau (Raymond): Ça va être le même problème au niveau du parcours, à notre sens à nous autres. Il va y avoir trop de demandes et pas assez de jobs. Mais il reste que l'accompagnement – on a parlé de l'accompagnement dans notre document aussi – l'accompagnement des gens sur l'assistance sociale est une mesure qui nous semble excellente, et ça, je pense qu'il faut être très clair sur ça. Par ailleurs, on a peur du goulot d'étranglement. Bien sûr que, si on va vers des jobs puis qu'il n'y a pas de jobs, là on est plus craintif. Maintenant, qu'il y ait une stimulation des gens et que ça aboutisse à des projets, parce que, dans le projet de réforme, on parle aussi d'économie sociale où il y a un déversoir intéressant et important et que, nous autres, on appuie, et je pense que, là, il y a quelque chose à faire et on est très impliqué dans ces milieux-là pour être de ces instruments-là. Et ça, on y croit.

Nous autres, on se dit: Il y a assez de monde volontaire; qu'on travaille avec le volontaire, qu'on ne s'enfarge pas avec ceux qui ne seraient pas volontaires puis qui vont mettre du sable dans l'engrenage. Première chose. Deuxième chose, on oublie, nous autres, bien sûr, qu'il y a toujours l'apprentissage, qu'il y a une amélioration au niveau de l'éducation, et ça, ça nous semble très intéressant dans le document. On dit: Il faut redécouvrir l'apprentissage, d'une part, et il faut, d'autre part, repenser l'éducation pour qu'on ait... Je pense qu'il y a des choses qui viennent de sortir à ce niveau-là, au niveau des techniques, et tout ça, ça nous semble des parcours très intéressants. Mais qu'on marche donc avec ce qui est volontaire, puis on a une maudite job à faire à ce moment-là, puis on va avoir du monde en masse. Et puis on va créer chez nos gens, en tout cas chez les exclus, un sentiment que...

Une voix: Ça marche.

M. Bonneau (Raymond): Ce qu'on veut éviter... C'est ça. On veut éviter, nous autres, le sentiment, des exclus, qu'ils sont catalogués. Puis ça, Mme la ministre, je pense que ça a été sa première... On veut éviter ça. Deuxièmement, on veut éviter qu'ils arrivent dans un cul-de-sac. Puis on en a vu beaucoup dans nos centres, nous autres, des gens qui ont passé d'un programme d'emploi à l'autre. À un moment donné, ils ont dit: On est écoeurés; ce n'est jamais l'emploi qu'on veut, ou bien ça arrête tout le temps, puis il n'y a personne pour nous employer après. Ça, on veut éviter ça. Mais je pense qu'on se comprend, tout le monde, sur ça. Moi, je ne veux pas établir de lien opposition puis députation, c'est-à-dire gouvernement. On essaie, nous autres, de dire: Il y a beaucoup de volontaires, qu'on travaille avec ces volontaires-là puis qu'on crée dans la population un sentiment que ces gens-là sont bons et qu'ils sont importants. Ça n'empêche pas les enquêtes qui se font quand il a été trop donné, il y a des erreurs, et tout ça, c'est une autre paire de manches. Pour moi, ça ne rentre pas du tout dans la réforme. Je ne sais pas si ça répond un peu.

M. Robert (Normand): Peut-être expliquer aussi de façon concrète comment ça se passe des fois. Je vais prendre un exemple, entre autres. Chez nous, on a trois ateliers d'alphabétisation. Il y avait précédemment, dans les années antérieures, la possibilité pour les personnes d'appliquer à des programmes RADE de façon à qu'elles puissent s'insérer dans une démarche d'alphabétisation. Malheureusement, ces personnes-là étaient contraintes à un 2 000 heures. Je dis «malheureusement» parce que, dans les faits, quand tu pars complètement analphabète puis qu'il faut que tu te rendes, si possible, que tu puisses te rendre au moins jusqu'à ton secondaire pour être capable de rembarquer aux études, 2 000 heures, c'est vite et même trop vite. Parce que, dans les faits, quand ça fait déjà deux ans, trois ans que tu es sur l'aide sociale, peu importe ce qui t'es arrivé, le temps de te remettre en fonction, normalement tu as à régler de nombreux problèmes qui sont plus d'ordre social, c'est-à-dire des problèmes de logement, des problèmes de fonctionnement dans la famille, des problèmes de tout genre, ce qui fait qu'avant que ces personnes puissent, avec le support qu'on leur donne, réussir à résoudre l'ensemble de ces problématiques-là, en plus d'avoir à faire leur bout en alphabétisation, ça leur prend évidemment plus que 2 000 heures, ça pourrait leur prendre un 3 000, puis même un 4 000 heures, bien souvent, et, pendant tout ce temps-là, ce qu'on nous dit régulièrement, c'est, bien souvent, que, quand ces personnes-là ont entrepris cette démarche-là volontairement, ça les sécurise par rapport à leur relation avec leurs enfants et elles sont capables ou elles commencent à un moment donné à être capables de suivre l'évolution de leurs enfants. Ce qui les désole le plus bien souvent, c'est les plus vieux enfants qui sont rendus en quatrième, cinquième, sixième, et face auxquels elles sont complètement inadaptées. Pour eux autres aussi, ça leur prendrait un support, et ce support-là est, en fait, une job en soi, on l'a toujours dit.

(19 h 20)

Mme Loiselle: Parce que, actuellement, plus on échange avec les groupes, plus on se rend compte que, finalement, les prestataires, ils sentent, avec cette réforme-là, que, finalement, c'est une réforme – il y a même un groupe qui l'a dit cet après-midi – qu'avec ces beaux grands principes, c'est du camouflage et c'est tellement bien maquillé, mais qu'en bout de piste les prestataires de l'aide sociale vont aider le gouvernement à diminuer ses dépenses. C'est ça, le message que la plupart des prestataires nous disent actuellement. Même que la CSD, aujourd'hui, rappelait à la ministre son rôle, le rôle comme ministre de la Sécurité. La CSD lui disait que...

Mme Harel: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne de ne pas prendre ses interprétations pour des réalités? Elle fait référence à un groupe, un seul. Alors, s'il vous plaît, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Elle a cette propension à...

Mme Loiselle: Oh!

Mme Harel: ...finalement tout obscurcir, tout noircir. On n'en est pas là encore.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Loiselle: Du calme, Mme la ministre! Du calme! Du calme!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je fais appel...

Mme Harel: Je sais bien que c'est ce que vous, vous souhaitez, vous souhaitez, mais ce n'est pas ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il reste huit...

Mme Loiselle: Bien, je vais lire, M. le Président, noir sur blanc. Je vais lire, si la ministre...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! Il reste huit à neuf minutes avec cette rencontre-ci. On a toujours eu une excellente...

Mme Loiselle: Oui, je vais lire, c'est noir sur blanc. C'est dans le programme. Vous verrez que je ne mens pas, c'est dans le mémoire de la CSD. Les membres de la CSD «souhaitent adresser directement à la ministre: l'élu, titulaire de la sécurité du revenu, doit comprendre son rôle comme celui d'"ombudsman des pauvres" auprès du Conseil des ministres comme de la population». Alors, c'est le message que la CSD transmettait cet après-midi à Mme la ministre. Alors...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, je voudrais qu'on revienne, justement, au débat pour qu'on puisse terminer.

Mme Loiselle: Bien oui, mais, M. le Président, je fais référence à un mémoire qui a été présenté...

Mme Harel: Vous ne citez pas ce que vous venez de prétendre. Vos prétentions sont...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Loiselle: Page 14. Mais calmez-vous, Mme la ministre, là!

Mme Harel: Vos prétentions sont à un autre sujet.

Mme Loiselle: C'est votre réforme, vous appauvrissez les gens, organisez-vous avec, hein.

Mme Harel: Mais, vous, vous dites n'importe quoi depuis le début de cette commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Loiselle: Bien, aïe!

Mme Harel: J'ai été gâtée, moi. Je dois dire que j'ai été beaucoup gâtée depuis deux ans et demi...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Harel: ...avec des porte-parole comme Gérald Tremblay, comme Monique Gagnon-Tremblay, avec le 1 % puis l'équité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Loiselle: Dénigrement. Regarde-la donc aller!

Mme Harel: Malheureusement, j'ai été trop gâtée...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, Mme la ministre!

Mme Harel: ...par rapport à ce que l'opposition me présente maintenant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, Mme la ministre!

Mme Loiselle: La ministre de la Condition féminine qui dénigre une autre femme.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée, si vous voulez poser votre question, sinon je mettrai fin au débat.

Mme Loiselle: C'est beau, ça. C'est beau.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, si vous voulez poser votre question, sinon je...

Mme Harel: Ce n'est pas une autre femme, c'est une députée, M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Harel: ...qui ne connaît pas tellement ses dossiers.

Mme Loiselle: Vous êtes ministre de la Condition féminine également.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Loiselle: Alors, il y a deux rôles que vous devez peut-être regarder de plus près, Mme la ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Si vous voulez poser votre question, Mme la députée, qu'on continue l'échange.

Mme Loiselle: Oui, mais, M. le Président, vous comprendrez que c'est assez difficile de me concentrer quand je suis interpellée de cette façon. C'est mon droit de parole en plus.

M. Bonneau (Raymond): Il y a peut-être quelque chose. Je ne sais pas si je réponds ou bien, en tout cas... Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Allez-y. Ha, ha, ha! Vous allez peut-être ramener l'harmonie.

M. Bonneau (Raymond): Ha, ha, ha! Mais on fait ça constamment – ha, ha, ha! – dans nos centres.

Moi, ce que je voudrais dire, c'est qu'on est conscient du contexte économique difficile. On est conscient qu'on présente un mémoire qui est une vision de société très claire. On est conscient qu'on essaie d'aller à des causes qui vont, à notre sens à nous autres, rempirer d'année en année, O.K.? On pense que le gouvernement a un rôle d'équité sociale à remplir, on en a parlé au début, on en a parlé dans la présentation, on en a parlé dans le mémoire. On est conscient que ce n'est pas facile dans le contexte actuel, O.K.?

Ceci dit, il y a des énergies, même économiques, dans les assistés sociaux, qu'il faut aller chercher. Pour ça, on a besoin d'un sentiment profond que le gouvernement donne un signal clair qu'ils sont précieux pour lui puis pour la société, ces gens-là. C'est l'intention de Mme la ministre, je pense. Les nuances en économie restent sérieuses, parce qu'on dit: Si on met des pénalités... Je sais que c'est une pénalité qui est marginale, peut-être, et tout ça, mais c'est un signal qui est malsain à notre sens à nous autres. Bon. Mais... Moi aussi, je suis perdu, là. Ha, ha, ha! Ce que je trouve important, c'est que le signal – oui, c'est ça – de l'État soit clair: Vous êtes précieux pour nous autres, on va vous épauler, on va épauler ceux qui vous épaulent, c'est notre première priorité. Le titre dit ça d'ailleurs, c'est très clair, l'accompagnement dit ça. Mais, nous autres, on dit: Ça coûte des bidous, ça, il faut aller les chercher à quelque part. Puis c'est là qu'on va dire: Woop! il faut aller les chercher là où ils sont.

On pense, nous autres, qu'on est conscient de l'impact des deux paliers de gouvernement, c'est clair pour nous autres, et on se dit: À un moment donné, peut-être qu'il y aura moyen qu'on récupère les ressources qui nous manquent, peut-être qu'il y a des ententes possibles, il me semble qu'à un moment donné ça s'en vient vers là, puis là, je ne le sais plus trop, là, au niveau de l'employabilité, et puis tout ça. Bon. Mais on dit: Nous autres, on va se battre constamment pour que nos gens soient considérés comme précieux, puis qu'on mette des sous, non pas pour leur faire la charité – et c'est peut-être ce qui m'avait un petit peu choqué à la fin de l'intervention du groupe précédent, qui fait, par ailleurs, un excellent travail – non pas pour faire la charité, mais pour leur donner les ressources dont ils ont besoin, comme on le fait d'ailleurs pour les 3 000 $ qu'on donnera prochainement pour chaque emploi créé dans je ne sais pas quelle industrie, dernièrement, hier ou avant-hier, qu'on fasse la même chose au niveau de nos gens pour qu'ils puissent se prendre en main.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée.

Une voix: Quatre, cinq minutes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Bienvenue aux gens qui nous présentent un mémoire au nom de la Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs. Il me semble qu'une partie de votre mémoire qui traite de la question des jeunes mères de famille, c'est une question délicate, parce que, moi, je suis sensible à certains des arguments de la ministre qui vont dans le sens que ces personnes-là non plus ne devraient pas être exclues des mesures d'insertion, d'intégration au travail. J'ai trois enfants, trois jeunes enfants. Nous avons passé à travers la période... on n'était pas des prestataires de la sécurité du revenu, mais mon épouse et moi avons été obligés de prendre des décisions difficiles – les enfants, rendus à six mois, à huit mois, à un an – quant au choix: Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que mon épouse était pour retourner au travail?

Question de garderie, en bas de deux ans ce n'est pas évident. Le choix des parents, la vaste majorité du choix des parents pour les enfants en bas de deux ans, c'est soit d'avoir quelqu'un à la maison pour garder l'enfant ou de rester chez eux, s'ils le peuvent, pour des raisons très normales, je pense. D'ailleurs, ça va faire l'objet, j'espère, d'un débat au niveau du livre blanc de Mme Marois, qui ferait en sorte que les parents seront privés de la possibilité d'avoir un crédit d'impôt s'ils veulent engager une gardienne chez eux. C'est un choix de société. On va faire le débat. J'ai hâte qu'on le fasse, ce débat-là. Mais je suis sensible à cette suggestion de Mme la ministre qu'on ne devrait pas exclure complètement la question de liberté de choix. Ça devient compliqué à ce moment-là.

(19 h 30)

Même, pendant le monologue de la ministre, à un moment donné, j'étais en train de lire l'éditorial de Mme Gruda, de La Presse de samedi, où elle en parle, de cette question, et Mme Gruda fait des points assez intéressants quant aux sanctions financières pour les jeunes de 18 à 24 ans qui refusent d'entreprendre des démarches d'employabilité. Je le cite, l'éditorial: «Les mères seules qui se trouvent dans cette tranche d'âge risquent d'écoper, le cas échéant, d'une ponction supplémentaire de 150 $. La facture n'est-elle pas trop lourde quand des enfants sont en cause? La question mérite d'être posée.» Puis ça mérite d'être répondu aussi. Je continue à citer Mme Gruda: «Toute la réforme repose sur un pari. Plus de 90 000 mères seules vivent des prestations de l'aide sociale. Pourra-t-on réaliser les promesses d'emploi qu'on leur fait miroiter?» Ça, c'est une autre bonne question que pose Mme Gruda. «Y aura-t-il suffisamment de stages et de cours pour tout le monde?» Une autre bonne question. «Le "parcours de réinsertion" sera-t-il autre chose qu'une thérapie occupationnelle?» Ça, c'est, selon Mme Gruda, des vraies questions. «C'est du côté de ce genre de questions qu'il faut porter notre attention.» Je pense que vous avez porté l'attention à un certain nombre de ces questions-là.

Et, M. le Président, en terminant, pendant que Mme la ministre interpellait ma collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, on aurait pu, de ce côté de la Chambre, faire appel à l'article 35. On le fait dans d'autres circonstances; on ne l'a pas fait. Mais ça m'a étonné, ce n'est pas le style de la ministre d'insulter des députés, comme elle vient de faire il y a une dizaine de minutes, surtout devant des groupes qui se présentent en commission parlementaire. Je trouve ça regrettable que vous ayez pu assister à ce malheureux échange, et je présente nos excuses comme parlementaires.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Ça termine nos travaux pour cette session-ci. Je vous remercie. Les travaux sont ajournés au mardi 11 février, à 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 32)


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