To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, February 11, 1997 - Vol. 35 N° 54

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
Mme Louise Harel
Mme Nicole Loiselle
Mme Solange Charest
Mme Marie Malavoy
M. Christos Sirros
Mme Monique Simard
*Mme Céline Tremblay, OPDS-RM
*Mme Jocelyne Gamache, idem
*M. Michel Chartrand, idem
*Mme Thérèse Comptois, Coalition régionale 04 sur la réforme de l'aide sociale
*M. Jean Fournier, idem
*Mme Lisette Dionne, idem
*Mme Thérèse Thiffault, idem
*Mme Lise St-Germain, idem
*M. Michel Gagnon, idem
*M. Florian Saint-Onge, Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec
*Mme Lise Denis, idem
*Mme Diane Vallières, idem
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Pierre Bosset, idem
*M. Pierre-Yves Bourdeau, idem
*Mme Muriel Garon, idem
*M. Jean Gagné, RRASMQ
*M. Pierre Nadeau, idem
*Mme Ginette Rousseau, idem
*M. Jean Charbonneau, idem
*Mme Nancy Neamtan, RESO
*M. Pierre Richard, idem
*Mme Michèle Soutière, idem
*Mme Johanne Lapointe, idem
*Mme Diane Tardif, idem
*M. Mario Vallières, idem
*Mme Barbara Daris, Centre Jacques-Cartier
*Mme Nathalie Bélisle, idem
*M. Steeve Malloy, idem
*M. Frédéric Bourgeois, idem
*M. Serge Gagné, idem
*Mme Claude Cousineau, AJDS
*Mme Johane Galipeau, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonjour, tout le monde! Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a quorum?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi .

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) sera remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Parent (Sauvé) par M. Ouimet (Marquette); Mme Signori (Blainville) par Mme Simard (La Prairie). Voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Les membres de la commission ont reçu l'ordre du jour. L'ordre du jour est-il accepté tel que présenté? Alors, nous pouvons procéder.


Auditions

Le premier groupe invité: l'Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal. Je pense, Mme Tremblay, que c'est vous qui êtes la porte-parole.

Mme Tremblay (Céline): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et commencer votre 20 minutes de présentation.


Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal (OPDS-RM)

Mme Tremblay (Céline): Il y a Mme Jocelyne Gamache et il y a M. Michel Chartrand.

Messieurs et mesdames les commissaires, Mme la ministre. Notre organisme, l'Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal, l'OPDS-RM, est un regroupement de personnes assistées sociales implanté dans quatre quartiers de Montréal: Centre-Sud, Mercier, Montréal-Nord et Saint-Michel. Nous existons depuis 17 ans. Au fil des ans, nous avons acquis une expertise certaine de la réalité des besoins des assistés sociaux. D'autant plus que l'OPDS est prise en charge par les personnes assistées sociales aidées de quelques personnes ressources.

Nous sommes environ 70 bénévoles qui donnons entre trois et 28 heures par semaine à l'OPDS. Nous ne sommes pas des femmes d'affaires, ni des politiciennes, ni des universitaires; nous sommes des personnes assistées sociales qui vivons le quotidien de l'aide sociale et qui travaillons collectivement à améliorer les conditions de vie de l'ensemble des personnes poignées dans cette réalité. Notre organisme compte 1 300 membres et nous rejoignons 9 000 personnes par année. Le gouvernement devrait nous écouter et chercher avec nous la solution pour une réforme juste et équitable.

Nous ne sommes pas des parasites, des fraudeurs, des paresseux ou des profiteurs du système. Nous sommes des femmes, des hommes et des enfants qui sont entrés dans la vie avec un minimum de ressources et de chance ou qui avons fait une chute en cours de route. Nous n'avons pas choisi l'aide sociale, et ceux qui prétendent le contraire sont des ignorants, des imbéciles ou des malhonnêtes.

Dans le cadre de ce mémoire, nous ne ferons pas d'analyse profonde ni de savants calculs. Nous témoignerons simplement du vécu des assistés sociaux et des répercussions engendrées par la réforme. Lors des échanges avec les membres de la commission, nous écarterons les questions donnant lieu à des débats théoriques ou stériles pour parler de la vraie vie et des vraies conséquences des choses.

Nous rejetons d'emblée le discours que l'État n'a plus d'argent, qu'il faut réduire les dépenses et atteindre le déficit zéro. Ne nous parlez pas non plus d'équité quand vous refusez de couper dans l'aide sociale des riches. Prenez l'argent où il se trouve, mais lâchez-nous. On a plus que donné. Le pari que vous faites de nous affamer pour sauver une piastre est un mauvais calcul. Vos choix, s'ils sont maintenus, vont coûter pas mal plus cher: criminalité, hospitalisation, violence, etc.

Notre message est simple: Le monde crève de faim et nous sommes assis sur une bombe à retardement. Dans Le Monde diplomatique de septembre dernier, Claude Julien affirmait ceci: «L'explosion sociale en France est inévitable. C'est évident. La seule chose qu'on ignore, c'est le jour et l'heure.» Certains peuvent avoir des doutes; d'autres, rigoler. Peu importe. Dans la suite du temps, ils verront bien que nous avions raison. Nous sommes en colère face au gâchis social que vous êtes en train de créer.

Depuis l'annonce de cette réforme, le gouvernement péquiste a aboli le barème de disponibilité, réduit le barème de participant, augmenté de 100 $ à 150 $ la coupure pour refus et abandon d'emploi ou refus de se conformer aux directives de l'agent, diminué l'allocation-logement, créé la mesure AGIR avec les coupures de 150 $ ou de 300 $ par mois pendant 12 mois, comptabilisé la totalité des avoirs liquides lors de l'entrée à l'aide sociale, coupé dans les soins dentaires et d'optométrie, instauré l'assurance-médicaments, retiré l'impôt foncier, imposé l'aide sociale, chargé un ticket modérateur sur le transport en taxi, enlevé le barème de non disponible aux mères ayant des enfants de cinq ans, etc.

C'est vous-même, Mme Harel, qui disiez, en décembre 1987: «Une coupure, si minime soit-elle, à un chèque de bien-être social ou à des besoins spéciaux en matière de santé, de médicaments, de garde d'enfants, c'est une coupure dans un strict minimum. Et cela, nous ne pouvons le permettre. Il est impossible de décrire au moyen de mots seulement les effets dévastateurs, les torts qu'on risque de faire subir à la santé physique et au bien-être psychologique des gens qui doivent vivre sous le seuil qui représente le minimum vital absolu. Que peut-on dire d'une vie qui n'est qu'une lutte de tous les instants pour survivre? Bon nombre d'assistés sociaux n'ont pas toujours assez d'argent pour se nourrir et répondre à tous les autres besoins essentiels. La hausse phénoménale du nombre de centres de distribution de nourriture, ces derniers temps, témoigne de cet état de choses. Qu'une réforme en profondeur de la loi de l'aide sociale s'impose, nous y souscrivons...»

Peut-on croire que ces paroles appartiennent à Louise Harel, ministre actuelle de l'Emploi et de la Solidarité? Depuis votre nomination, vous n'avez pas cessé de poursuivre votre travail de coupures sur le dos des pauvres, et nous devrions croire que votre réforme nous sortira de la pauvreté? Vos beaux discours ne tiennent pas le coup à la lumière des gestes que vous posez. Nous n'y croyons plus. Alors que vous constatez que le marché du travail et la société sont en profonde mutation, vous faites le choix de nous pénaliser comme le Parti libéral l'avait fait au moment de la dernière réforme en 1989. Vous reconnaissez que la hausse des coûts du régime est attribuable à l'augmentation du nombre de ménages à l'aide sociale et non à la hausse des barèmes. Difficile de faire autrement avec une prestation mensuelle moyenne de 503,80 $.

(10 h 20)

Pour mettre fin aux chevauchements, à l'inefficacité et aux coûts administratifs importants qu'impose la coexistence de trois réseaux d'emploi et de 117 mesures, le livre vert propose la mise en place des centres locaux d'emploi. Nous souscrivons à cette initiative. Nous croyons qu'un lieu unique pour l'ensemble des sans-emploi est souhaitable, puisque cela contribuera à uniformiser l'ensemble des mesures offertes et à en élargir l'accès à l'ensemble des sans-emploi et à faire en sorte que les personnes assistées sociales soient considérées d'abord pour ce qu'ils ou elles sont, des sans-emploi.

Nous avons, par ailleurs, des doutes sur la structure que vous proposez, notamment en ce qui a trait au Conseil local des partenaires et sur le Plan local d'action concertée pour l'emploi. Nous pensons que ce Conseil arrivera au mieux à créer, sous le vocable de «l'économie sociale», des emplois mal payés, temporaires, du «cheap labor», faute de moyens réels. Au pire, cette concertation servira à gérer la pauvreté sous le mot d'ordre du déficit zéro. Nous souscrivons au principe d'une politique active du marché du travail. Nous n'avons aucun problème non plus avec le retour au travail des personnes assistées sociales. Bien au contraire, les gens veulent travailler. De toute façon, tout est mieux que l'aide sociale.

Cependant, l'insertion en emploi nous laisse perplexes. À l'heure actuelle, il y a un emploi pour plusieurs dizaines de demandeurs et 360 000 personnes aptes au travail prêtes à occuper un emploi. Comment pourrez-vous en créer autant? Le PLACE ne pourra à lui seul répondre à cette arrivée massive de la main-d'oeuvre assistée sociale. De plus, quels types d'emplois allez-vous créer? Ceux que les robots de la révolution technologique ne peuvent accomplir, comme par exemple le soin des malades à domicile, ou encore des emplois qui remplaceraient des travailleurs et travailleuses syndiqués? Vous financerez votre politique à même ce que vous nommez les «mesures passives» de l'aide sociale. Ce faisant, vous ne créerez pas d'emplois d'une manière significative et vous démantèlerez le filet de protection sociale.

Comme vous l'affirmez dans le livre vert, les emplois sont rares. En ce sens, les parcours individualisés doivent tenir compte de cette réalité et considérer que l'insertion ne passe pas uniquement par le travail. À l'OPDS, nous expérimentons cela quotidiennement. Il y a toutes sortes d'insertions: l'emploi en est une forme, le bénévolat une autre, tout comme l'est l'éducation de ses enfants. Vous affirmez également que le régime peut offrir des mesures d'employabilité à environ 15 % des prestataires aptes et disponibles et que celles-ci conduisent peu de gens à un véritable statut de travailleur. Dans le document, vous affirmez que les mesures actuelles seront réaménagées. Nous aurions souhaité voir de quelle manière avant de nous prononcer sur le bien-fondé des parcours d'insertion.

Ce que nous savons par ailleurs, c'est que, pour que le parcours individualisé soit un outil valable, il doit être différent du plan d'action qui existe actuellement. Tout en tenant compte de la réalité du marché du travail, le parcours d'insertion doit d'abord miser sur la personne, ses capacités, ses goûts et ses intérêts. Ce parcours doit être volontaire, et, pour qu'il le soit, la décision d'y adhérer ne doit pas être prise uniquement sur la base d'un motif économique. En conséquence, les prestations de base doivent être haussées pour permettre un choix réel et des prestations spéciales doivent s'y rattacher. Le parcours doit gratifier et valoriser la personne qui s'y engage. Jocelyne Gamache va continuer.

Mme Gamache (Jocelyne): Ce qu'on ressent de votre proposition, c'est l'instauration d'un système pour l'économie sociale au service de l'État et la mise en place progressive du «workfare». Un refus appelle une coupure, et ainsi de suite, jusqu'au retrait éventuel du chèque. Ne dites-vous pas, dans la conclusion du livre vert, que l'aide financière est accessible aux personnes disposées à faire des démarches actives de recherche d'emploi, d'insertion sociale et professionnelle et aux personnes qui ont des contraintes? Nous ne pouvons accepter une telle vision. Dans une société comme la nôtre, l'État doit garantir à chaque personne un revenu décent, et, pour y arriver, il joue un rôle actif dans la redistribution de la richesse via la fiscalité.

En ce sens, nous nous opposons à la division des personnes assistées sociales sur la base de leur aptitude au travail. L'aide sociale est une assurance collective que nous nous sommes donnée en cas de coup dur, et, peu importe la cause du besoin, on devrait y avoir droit sans discrimination. Chaque adulte devrait recevoir un revenu garanti, peu importe sa situation ou son âge, et ne dépendre de personne d'autre. En ce sens, toute personne de plus de 18 ans, ainsi que les jeunes filles mineures enceintes de 20 semaines et plus, devrait obtenir sa pleine prestation si elle est dans le besoin.

Le transfert des inaptes à la Régie des rentes du Québec renforce la distinction sur la base de l'aptitude au travail. Selon nous, cela pourra éventuellement servir à couper l'aide sociale aux aptes. Quelle garantie avons-nous que les critères actuels de soutien financier seront maintenus à plus long terme à la Régie des rentes? Quelle garantie avons-nous que les invalides, inscrits aux mesures d'insertion sociale et économique, pourront faire le chemin inverse en retournant, au besoin, à la Régie? Quelle inconscience ou quel désir de couper à tout prix dans ce geste de porter de 55 à 60 ans la non-disponibilité en raison de l'âge!

Une voix: Ça a été corrigé, apparemment.

Mme Gamache (Jocelyne): Ça a été corrigé? Bon. Si ça a été corrigé, je vais laisser mon autre commentaire. Mais on pourrait dire pareil que le marché du travail n'arrive plus à fournir de l'emploi aux personnes qui sont déjà sur le marché du travail. Qu'est-ce qu'il va offrir à tous ceux et celles qui, pour toutes sortes de raisons, n'ont pas de place sur le marché actif de l'emploi? Est-ce qu'on va les utiliser pour s'occuper des autres? C'est vrai que les femmes, on a de l'expérience dans ce genre de travail. On a fait notre université de la vie là-dedans.

En ce qui a trait à l'abaissement de l'âge de la non-disponibilité pour enfants à charge, pourquoi ne pas avoir proposé de réelles sorties de l'aide sociale à toutes ces femmes, avant de choisir de les pénaliser financièrement? Le PQ, à l'époque de la réforme de la sécurité du revenu, s'offusquait que les libéraux ne reconnaissent pas le travail des femmes qui choisissaient de rester à la maison avec leurs jeunes enfants.

Vous parlez de simplifier le régime en accordant une prestation de base de 500 $ par mois à tous les adultes, 490 $ en avril. Faut-il vous rappeler que, le 1er janvier 1989, le barème de base se situait à 517 $ par mois? Votre simplification se situe à deux niveaux: d'une part, en abaissant le barème de base, vous avez moins d'argent à verser, et, d'autre part, même si le Québec est fou de ses enfants, ce n'est pas en les sortant du chèque d'aide sociale qu'il va les sortir de la misère. Manger dans les soupes populaires, faire la queue pour recevoir des sacs d'épicerie ou nourrir les enfants à l'école, tout cela témoigne d'une réalité, celle de la faim.

L'allocation unifiée pour enfants va sûrement simplifier toute la structure administrative et abaisser les coûts, mais on sait déjà que les familles monoparentales avec un ou deux enfants à l'aide sociale vont subir une perte financière avec son instauration. Ça ne sera pas le cas de celles actuellement à la sécurité du revenu ni de celles qui y entreront pendant la première année de son application, mais les autres familles subiront des diminutions de leurs revenus pour leurs enfants. C'est un autre clou dans la pression du travail à n'importe quel prix. Et vous parlez abondamment d'équité entre les personnes à l'aide sociale et les travailleurs, travailleuses à faibles revenus. C'est en fouillant dans la poche des pauvres que vous donnez des miettes aux autres. Au lieu de tout cela, vous pourriez choisir d'augmenter le salaire minimum ou de réformer la fiscalité pour mieux redistribuer la richesse, mais vous auriez les patrons sur le dos. Les pensions alimentaires pour les enfants seront exemptées en partie, c'est un pas, mais un très petit pas.

Quant à l'imposition des prestations qui se fera au nom de l'équité, il faut avoir été sur l'aide sociale pour savoir que, si on y entre ou on en sort en cours d'année, on n'accumule pas une galette lorsqu'on y passe. On y entre sans un sou et on en sort en étant des moins que rien, avec des dettes et une grosse perte d'estime de soi. Se voir imposer et devoir payer de l'impôt en plus ne fera que nous enfoncer plus dans la misère.

(10 h 30)

La solution que le livre vert préconise pour le problème du non-paiement de loyer nous prouve à quel point le gouvernement est du côté des propriétaires plutôt que de celui des locataires, parce que, entre nous, si on avait de l'argent pour payer notre loyer, pensez-vous qu'on vivrait dans l'incertitude qu'entraîne le non-paiement? La brèche que vous ouvrez avec la saisissabilité de la part du loyer dans le chèque d'aide sociale nous inquiète au plus haut point. Est-ce à dire que vous ne nous reconnaissez plus la capacité de gérer notre chèque nous-mêmes? Avec le retrait préautorisé, les propriétaires ne loueront plus qu'à la condition que nous y consentions. Comment, dans ces conditions, pourrez-vous maintenir votre filet de protection sociale?

Nous avons toujours été d'accord avec l'objectif de gérer sainement le budget de l'aide sociale, mais faudra-t-il toujours vous rappeler qu'il n'y a pas plus de fraudeurs à la Sécurité du revenu que dans les autres ministères et que, dans notre cas, ce que vous appelez de la fraude est souvent une question de survie ou de méconnaissance de cette loi complexe.

Le livre vert est muet en ce qui concerne la majorité des prestations spéciales: allocation scolaire, allocation-logement, déménagement, feu, etc. Ça nous laisse imaginer le pire. Il est fait mention de celles concernant la santé, qui doivent, en principe, être maintenues. De toute façon, la décision de les maintenir ou de les supprimer relève davantage de la Régie de l'assurance-maladie du Québec que de la Sécurité du revenu. Et, quand la RAMQ a décidé de couper, on a pu voir qu'elle y allait allègrement avec la mise en place de l'assurance-médicaments, les coupures dans les soins dentaires ou d'optométrie.

Les prestations spéciales concernant l'emploi couvriraient les frais réellement encourus et cela serait établi par les CLE. Est-ce que ça va couvrir les frais de transport, d'habillement, de repas, de matériel didactique, d'accessoires sécuritaires? La loi 37 garantit l'accès à un barème de participation qui augmente notre prestation de 120 $ par mois lorsqu'on débute un plan d'action, en plus de nous accorder le remboursement de besoins spécifiques.

Le livre vert ne mentionne qu'un éventuel remboursement de frais réels, eux-mêmes établis par les CLE. À notre avis, cela constituera certainement une perte financière. La notion de remboursement des frais réels est très vague. Nous ne savons pas s'il y aura des normes provinciales ou même régionales, quelle sera la latitude de l'agent d'employabilité, si nous aurons des recours ou si encore l'enveloppe liée au remboursement de ces frais sera ouverte ou fermée.

Nous concevons très bien que, lorsqu'il y a participation à une mesure, des frais s'y rattachent. Le remboursement de ces frais doit s'effectuer selon une politique claire et uniforme pour l'ensemble des prestataires. De plus, lorsqu'une personne fournit une prestation de travail dans le cadre d'un parcours d'insertion, cela doit être reconnu et considéré selon les lois qui régissent le travail.

La démocratie s'exprime rarement; dans le meilleur des cas, une fois tous les quatre ans. On aura beau citer les consultations publiques comme étant un exercice démocratique, mais que dire des courts délais et des convocations sur invitation imposés par cette consultation? La démocratie devrait aussi pouvoir s'exprimer à l'intérieur du régime de l'aide sociale. Nous avons lu et relu le livre vert avec l'intention d'y trouver un passage sur une ou des instances où les prestataires pourront contester les décisions les concernant. Nous n'avons trouvé qu'une vague possibilité de recours ainsi que la mise en place d'un conseil des partenaires consultatif qui n'interviendrait qu'au niveau du PLACE. Cela nous inquiète grandement. Toutes les décisions doivent pouvoir être révisées. C'est un principe élémentaire de justice.

Silence aussi au sujet du partage de logement. Avant les élections, vous promettiez de le retirer complètement en commençant la manoeuvre avec les chefs de familles monoparentales. N'était-ce pas un des éléments de la loi 37 qui vous horripilaient le plus? Cette coupure pour le partage de logement demeurera toujours inacceptable.

Autre mystère: la question des enfants à charge de plus de 18 ans. Vraisemblablement, ils seront retirés de la prestation d'aide sociale de leurs parents comme les autres enfants. Cependant, pour eux, aucune allocation unifiée pour enfants, puisqu'ils ont plus de 18 ans. Qui couvrira leurs besoins? Allez-vous modifier les revenus, les biens, les avoirs liquides non comptabilisés? Et, pour la vie maritale, aurons-nous droit au même traitement discriminatoire qu'actuellement? Toutes ces questions nous sont posées par nos membres, mais on ne peut pas y répondre.

Les jeux semblent faits, car, parallèlement à la mise en place de la réforme, vous coupez dans le maigre des personnes assistées sociales. La loi que vous élaborerez ira dans le même sens, et c'est très clair, déficit zéro oblige. Nous aurions pu vous parler des Louise, des André-Guy, des Murielle, des Jacques et de toutes ces personnes qui sont à l'ombre du système, qui n'ont pas de place et que l'État continuera d'appauvrir et d'exclure. Peu vous importe. Vous les connaissez bien, ces gens qui parfois vous interpellent. Vous fermez les yeux sur leur réalité, aveuglés que vous êtes par votre déficit. L'économie doit être au service des personnes et non l'inverse. Vos choix, s'ils sont maintenus, coûteront très cher et hypothéqueront irrémédiablement l'avenir du Québec. Quelle indépendance pour quel peuple? Nous ne souhaiterions pas être dans vos bottines avec votre autre façon de gouverner.

En terminant, nous sommes parfaitement conscientes que cette réforme est à la fois continuité et annonce de futures compressions chez les pauvres. Et elle se situe dans le vent du néolibéralisme qui est en train de nous emporter tous. Nous refusons quand même, au nom des personnes assistées sociales, de nous laisser immoler et manger par votre nouveau dieu, l'économie. Le dernier mot que nous adressons à cette commission, c'est la colère.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais partager mon temps avec Mme la députée de Rimouski. Alors, je vous l'indique immédiatement.

Bon, peut-être sur quelques aspects, là, que vous abordez, rapidement, puis on aborde le fond immédiatement. Les enfants de 18 ans et plus qui sont à la charge parce que étudiant ou dans un parcours vont garder pleinement, là, l'allocation qui leur est actuellement versée. Il en va aussi pour les besoins spéciaux. C'est à la page 57 du livre vert. Alors, la couverture est maintenue dans les prestations spéciales.

Concernant la vie maritale, c'est évident qu'il y a, malgré tout, une amélioration, puisque, en allant chercher par l'allocation unifiée des enfants la couverture des besoins essentiels des enfants, on n'attribue plus comme maintenant au nouveau conjoint de la mère qui n'est pas le père la charge des enfants. Puisque, dépendamment du revenu et non plus en fonction du statut, dorénavant les familles, quel que soit leur statut, dépendamment de leur revenu seulement vont pouvoir garder la couverture des besoins essentiels des enfants.

D'autre part, je l'ai dit, je le répète – la directive est envoyée depuis huit semaines, ça fait déjà deux mois, dans le réseau – les frais réels seront payés, mais le 120 $ est maintenu comme frais de participation. Et je l'ai écrit au front commun, je pense, le 20 décembre dernier, je l'ai répété ici, en commission, bon, puis j'en profite pour le reprendre maintenant: Les frais réels s'ils sont plus élevés, mais le 120 $ de participation va supplémenter le barème de base.

En même temps, je comprends que les désaccords profonds le sont sur le fond. N'est-ce pas? Le fond étant, d'une certaine façon, ce qui sous-tend la réforme, c'est-à-dire le développement local, l'économie sociale et puis le fait d'investir dans le travail plutôt que dans le chômage. Parce qu'on investit beaucoup, là, dans le chômage, comme société. Je ne sais pas si vous le savez, mais globalement c'est 9 000 000 000 $ qu'on dépensera cette année en assurance-emploi puis en aide sociale.

Il me semble que, pour que le tableau soit complet – je vous le dis comme je le pense, là – ça aurait été aussi important de montrer que les chômeurs sont de moins en moins à l'assurance-emploi puis de plus en plus à l'aide sociale, parce que les chômeurs n'ont plus le temps de passer par l'assurance-emploi, compte tenu des resserrements à l'éligibilité qui y ont été introduits, y compris au 1er janvier cette année.

C'est 30 000 ménages depuis deux ans. Ça veut dire 250 000 000 $ que ça a coûté, ça, au gouvernement puis à la société québécoise, que les chômeurs soient à l'aide sociale plutôt qu'à l'assurance-emploi. Puis pourtant, ils contribuent à l'assurance-emploi – la première heure travaillée est cotisée maintenant – puis ils n'y ont même plus droit. L'an prochain, avec ce qui a été introduit au 1er janvier, on pense que ça va être 9 000 ménages de plus, c'est-à-dire environ 70 à 75 000 000 $ que ça va coûter, le fait que des travailleurs qui ont cotisé à l'assurance-emploi n'y aient plus droit à cause de tous les resserrements puis qu'ils se retrouvent à l'aide sociale. Alors, oui, les chômeurs sont de plus en plus à l'aide sociale, puis ce n'est pas un choix qu'on a fait, comme vous le savez.

Puis, en même temps, cette année qui se termine, ça sera 680 000 000 $ de moins dans les transferts fédéraux pour l'aide sociale, la santé et puis pour les cégeps puis l'université. Et l'an prochain – puis ça commence quasi demain, ça, c'est le 1er avril, là – ça va être 1 200 000 000 $ de moins. Ça veut dire qu'en deux ans, malgré tous les impôts qui sont restés aussi élevés qu'avant, on recevra, 1 800 000 000 $ de moins. Après ça, on verra qu'on est en train de discuter de frais de scolarité dans les cégeps et universités. Dans les hôpitaux, on se désâme, comme vous le savez. Puis, à l'aide sociale, il y a ce dont vous nous témoignez ce matin. Alors, ce 1 800 000 000 $ de moins, ça amène quoi, comme situation? C'est qu'on fait les coupures à la place du fédéral, puis il dépense notre argent. Bon.

(10 h 40)

Alors, ceci étant dit, je comprends que, vous, votre solution à la page 5, c'est un revenu garanti. Vous dites: Chaque adulte devrait recevoir un revenu garanti, peu importe son âge, sa situation. Dans le groupe de travail de Camil Bouchard et Pierre Fortin, ils sont allés au bout de cette hypothèse-là. Puis pensez bien que, s'ils l'avaient trouvée possible, ils l'auraient sûrement recommandée, mais elle n'est dans ni l'un ni l'autre des deux rapports. Elle coûtait 1 000 000 000 $ de plus. Puis ce 1 000 000 000 $ de plus, c'était juste, pas pour améliorer, là, pour maintenir le niveau actuel, si vous voulez, de l'aide sociale mais en l'offrant d'une façon universelle, en revenu minimum garanti.

Alors, si je comprends, c'est la solution que vous recommandez: un revenu garanti, peu importe la situation ou l'âge. Et je comprends que, pour vous, l'économie sociale, à la page 4, ce n'est pas une solution. Alors, si l'économie sociale n'est pas une solution, le développement local, vous n'avez pas dit non, mais vous n'avez pas l'air d'être bien enthousiastes non plus.... Alors, ni l'économie sociale ni le choix d'investir plus dans le travail que dans le chômage. Puis vous nous dites: C'est un revenu garanti. Bien, je peux vous dire que c'est un gros contrat, et je ne vois pas comment on pourrait faire pour y donner suite maintenant, pas avec les coupures qu'on a, bien évidemment.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Tremblay? Ou quelqu'un d'autre.

Mme Gamache (Jocelyne): Le problème principal qu'il y a dans cette réforme-là, à notre avis, c'est qu'elle repose sur un constat, puis vous le faites très bien, de dire, dans le fond: Le problème de l'aide sociale, c'est qu'il n'y a pas d'emplois, hein? Vous dites ça, puis vous dites: Dans le fond, la façon qu'on va avoir de régler le problème des assistés sociaux, c'est qu'on va les remettre sur le marché du travail, puis ça va régler le problème, il va y avoir moins de monde à l'aide sociale. Le gros problème, c'est qu'il n'y a pas d'annonce, là-dedans, dans le document, de ce que ça peut être, de la création d'emplois, par où ça passe, comment ça passe.

En octobre, il y a eu le Sommet socioéconomique de M. Bouchard. Les patrons, les syndicats, le gouvernement, quelques représentants de ce qu'on a appelé le sociocommunautaire étaient là. En se mettant tous ensemble, ils ont réussi à se creuser la tête puis à trouver 30 000 jobs. Il y a plus que 1 000 000 de personnes qui cherchent de l'emploi en ce moment. Ça fait que c'est clair que les solutions qui sont proposées là, même si elles s'appuient sur la question du développement local, sur lequel vous dites qu'on est un peu tiède, on dit, dans le fond: Ce n'est pas la solution.

Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'emplois. Puis il faut partir de cette réalité-là puis se dire: Qu'est-ce qu'on fait avec les 800 000 personnes qui sont à l'aide sociale? au lieu de dire: On va les pénaliser parce qu'elles n'ont pas d'emploi, ce qui nous semble être la proposition que vous développez là-dedans. On dit: Bien, tant pis! vous êtes à l'aide sociale, c'est de votre faute et on va vous donner un barème de base, 500 $ par mois; 150 $ aux jeunes de coupures par mois s'ils refusent de participer ou de s'insérer. Comme si, en participant à un plan d'insertion, les gens allaient automatiquement se créer de l'emploi, allaient travailler. Mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas parce qu'on met en place une structure comme celle que vous allez mettre en place, parce qu'on met en place des CLE, des PLACE, que, demain matin, il va y avoir plus d'emplois de créés. Ce n'est pas comme ça qu'on va régler le problème, puis il faudrait, à un moment donné, qu'on se pose la question: Qu'est-ce qu'on en fait, de ces 800 000 personnes là?

Nous autres, on s'est dit: La question du revenu minimum garanti, c'est peut-être une avenue, effectivement. Mais ce n'est pas une avenue qui se résout uniquement par une réforme de l'aide sociale, puis ça, on le dit dans le mémoire. Il faut aussi que ça s'accompagne d'une réforme de la fiscalité. Il faut aussi que, si le gouvernement est sérieux dans cette logique-là, il regarde comment il va aller chercher de l'argent. Puis ça, on pense que cette avenue-là, l'avenue des rentrées de fonds, n'est pas beaucoup exploitée. Tout ce qu'on semble faire, c'est: Déficit zéro, déficit zéro, couper dans les dépenses. Puis ce qu'on dit dans le mémoire, c'est que, dans les dépenses où vous coupez actuellement, c'est sur les pauvres. Les pauvres, on tape dessus, on tape dessus. C'est vrai que c'est facile de taper sur les pauvres, hein, on n'est pas très organisé. On n'a pas grand monde qui nous défend. Puis on a de la misère à sortir, à se mobiliser, parce que ça nous coûte 1,75 $ d'autobus pour se rendre, puis on ne l'a pas, ce 1,75 $ d'autobus là.

Pour nous autres, en tout cas, c'est clair que, si on veut faire une vraie réforme de l'aide sociale, on ne peut pas la faire uniquement en pénalisant les personnes assistées sociales. Puis ce qu'on ressent de votre réforme, c'est qu'elle va exactement dans ce sens-là.

Puis le dernier commentaire, peut-être, avant qu'il y ait d'autres choses. C'est vrai que le fédéral a coupé dans le transfert aux provinces, le transfert social canadien, c'est vrai. Mais je n'ai pas entendu bien, bien le gouvernement du Québec gueuler contre l'abolition du Régime d'assistance publique du Canada, le RAPC. J'ai surtout entendu le gouvernement dire qu'il était bien d'accord avec le fait que le chèque d'aide sociale ne serait plus lié à l'obligation de participer, qu'il n'y aurait plus de liaison entre les deux. Je n'ai pas du tout entendu qu'on était contre cette idée-là. C'est sûr que ça a entraîné des fermetures de l'enveloppe. On l'a décrié quand ça c'est fait, la mise en place du Transfert social canadien, mais, à ce que je sache, les groupes populaires, on était à peu près les seuls à gueuler contre ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre.

Mme Harel: Écoutez, vous parlez de 800 000 personnes. Il faut quand même se comprendre. Il y 250 000 enfants qui ont moins de 18 ans.

Mme Gamache (Jocelyne): Les chômeurs aussi parce qu'on va avoir les CLE.

Mme Harel: Ah bon! Bon. D'accord. Parce que, comme tel, on parle des 250 000 enfants, on parle de 8 000 personnes qui sont hébergées en institution. Ce sont toutes des personnes qui sont, si vous voulez, sur les statistiques. On parle aussi d'au-delà de 30 000 personnes qui ont plus de 60 ans et on parle de certainement au moins plusieurs dizaines de milliers qui seront toujours des personnes en besoin de protection sociale parce qu'elles ont des problèmes profonds de santé mentale ou des problèmes, si vous voulez, d'invalidité. Et ça, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a au moins 350 000 à 400 000 personnes sur l'aide sociale. Et j'ai déjà eu l'occasion de dire que, pour les 55 à 59 ans, mes collègues et moi de la commission parlementaire allions regarder vraiment une approche qui soit plus celle qui nous est recommandée dans les mémoires qui nous sont présentés, à savoir une approche qui ressemble à celle qui est proposée dans le livre vert pour les plus de 60 ans.

Mais, ceci étant dit, il reste qu'il y a un point de vue vraiment différent dans celui que vous exprimez. Moi, je dis qu'il y a un grave problème de chômage. Comment on fait dans notre société pour ne pas se résigner, pour ne pas baisser les bras et dire: Bien, c'est comme ça, on n'y peut rien? Alors, si c'est comme ça et qu'on n'y peut rien, ça veut dire que, dans le fond, il y a une sorte de fatalité. Ce qui est proposé, c'est une réorganisation quand même des services publics d'emploi. Présentement, vous le savez, il y a des programmes si vous êtes sur l'aide sociale et il y en a d'autres si vous êtes sur l'assurance-emploi, et vous n'avez quasi rien si vous n'êtes ni sur l'un ni sur l'autre des deux chèques. Vous tombez dans le milieu, vous passez à côté.

Il y a une proposition qui consiste à traiter les chômeurs de la même façon, à réduire les 116 mesures, programmes, éparpillés, de main-d'oeuvre en cinq grandes interventions, à faire en sorte que ces grandes interventions – à savoir: préparation à l'emploi, maintien à l'emploi, stabilisation de l'emploi, insertion en emploi et création d'emploi – soient offertes aux personnes indépendamment de leur étiquette, du statut qu'elles ont.

Et, vous, vous avez l'air de regretter l'abolition du RAPC, moi, je m'en réjouis – le Régime d'assistance public du Canada qui, depuis 1968, 28 ans, était un carcan qui empêchait finalement les personnes d'aller à l'extérieur, si vous voulez, de l'aide sociale. Vous savez que le RAPC, quand je suis arrivée au ministère l'an passé, j'ai découvert 48 personnes qui travaillaient chaque année juste à prouver au fédéral que les personnes qu'on aidait, elles avaient le statut d'assisté. Ils ne pouvaient pas être travailleurs avec un statut et assujettis aux Normes. Ils ne pouvaient pas être assujettis au Code non plus, auquel cas on aurait perdu 50 % de financement.

Je me réjouis, moi, beaucoup que le RAPC soit enfin aboli et qu'on puisse, au contraire de ce qui se passe maintenant, sortir les gens finalement avec des bons d'apprentissage pour le nouveau régime, avec des bons d'étudiant – parce qu'on sait bien que les prêts et bourses, ça ne convient pas à des gens qui ont un bail, c'est fait pour des gens qui restent chez leurs parents et qui vont souper à la maison. Et sortir aussi des subventions salariales avec l'économie sociale et les entreprises d'insertion, je pense que c'est pas mal plus actif, ça, et les gens ont pas mal plus le sentiment qu'ils ont la chance de réussir leur vie que de se voir offrir de rester assisté en participant.

Je vois que vous considérez, ceci dit, que la philosophie n'est pas la bonne, que ce que, vous, vous recommandez, c'est vraiment le revenu minimum garanti. C'est fondamental, la différence dans ce qui est proposé et dans ce que vous proposez.

(10 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À vous.

Mme Gamache (Jocelyne): Ce qu'on se dit – et je pense qu'on n'est pas les seuls à faire le constat – c'est que la progression de la création d'emplois est assez faible et puis qu'il y a des gens qui sont actifs dans notre société malgré tout. Et on le dit dans le mémoire: Il y a des gens, à l'OPDS, qui donnent de trois à 28 heures par semaine, qui font une activité qui est valable; il y a des femmes qui s'occupent de leur enfant, et c'est très valable. Et on se dit: Ces gens-là, qui ont une activité qui est utile socialement, devraient pouvoir continuer de jouer ce rôle-là sans être pénalisés par le régime d'aide sociale, sachant très bien que, de toute façon, le régime ne peut pas les intégrer tous, parce qu'il n'a pas, un, la capacité financière parce qu'il s'inscrit dans un objectif de déficit zéro et que, deux, même en mettant les volontés toutes ensemble, on a vu au Sommet socioéconomique 31 000 annonces de créations d'emplois qui allaient être faites. On se dit: Reconnaissons ça. Soyons juste honnêtes et reconnaissons ça. Et cessons de pénaliser les gens pour une situation qu'ils n'ont pas choisie. Ce n'est pas compliqué, c'est juste de reconnaître qu'il y a une réalité et essayer de faire le mieux avec les ressources qu'on a.

Mme Harel: Vous recommandez, si j'ai bien compris, que l'activité communautaire autonome soit reconnue au même titre que...

Mme Gamache (Jocelyne): Que ça soit une forme d'insertion au même titre que le choix d'éduquer ses enfants ou d'autres types d'activités auxquelles on n'a pas songé.

Mme Harel: Tantôt, vous parliez justement du choix d'éduquer les enfants. Pensez, par exemple, que la maternelle cinq ans, plein temps, ça, ça coûte 134 000 000 $ à la société. Donner 100 $ à une personne dont l'enfant a cinq ans, ça, ça coûte 5 800 000 $. Alors, vous voyez, ce n'est même pas 5 %, n'est-ce pas. On peut choisir, comme maintenant, que finalement c'est à la maison que ça va se passer. Mais les conséquences de ça, je pense que vous les connaissez. Vous les recevez, des personnes, qui, au bout de quelques années, ont l'impression d'avoir passé à côté, d'avoir complètement passé à côté et d'avoir passé à côté de leur propre vie.

Alors, est-ce que, vous, vous recommandez que ce soit, finalement, un projet qui soit offert aux femmes monoparentales qui consisterait à dire: Restez à la maison pour élever vos enfants, plutôt que d'aménager des services de garderie ou des services de garde en milieu familial ou autres mais qui vont leur permettre, à elles aussi, d'évoluer en même temps sur le plan soit de la scolarisation ou soit, finalement, de l'insertion?

Mme Gamache (Jocelyne): On les reçoit, les femmes, comme vous dites, tous les jours, et on les reçoit, celles qui sont découragées parce qu'elles ont participé à des programmes, qui ont eu l'espoir de s'en sortir, O.K., qui ont travaillé fort pour arriver là, pour finir leurs études secondaires ou aller faire un EXTRA, trouver une place en garderie, justifier la moindre dépense à leur agent d'employabilité, hein, à trouver des reçus de ci et des reçus de ça et des attestations comme quoi, quand elles sont à l'école, elles ont besoin de tel livre et de tel autre livre, et qui vivent, aussi, toujours dans la honte d'être étiquetées comme personnes assistées sociales. Les gens, ils font tout ce qu'ils peuvent pour s'en sortir. Vous le savez aussi bien que nous autres, ce que c'est que de vivre sur l'aide sociale et d'être discriminé parce qu'on est assisté social, d'être pauvre et, en plus, d'avoir l'espoir de s'en sortir et de voir qu'en bout de ligne ça ne donne strictement rien. Et le découragement, il est présent; le désespoir des gens, il est très présent.

Ce qu'on dit juste, là, c'est: Laissez-nous donc tranquilles. Les personnes qui veulent retourner sur le marché de l'emploi, les personnes qui veulent retourner à l'école, tant mieux, qu'on les encourage. Mais celles qui ont décidé, pour l'instant, de ne pas s'insérer dans des parcours, laissez-les donc en paix, hein. L'idée, le volontariat... Et je pense que vous avez été d'accord avec ça quand vous étiez dans l'opposition: un programme d'insertion va fonctionner dans la mesure où les gens veulent s'insérer. Quand les gens ont perdu espoir, ça prend du temps, l'espoir, et ce n'est pas en ayant des contraintes de 150 $ par mois qu'on retrouve l'espoir, ce n'est pas comme ça. C'est peut-être dans des petites activités gratifiantes dans des organismes comme les nôtres ou en restant à la maison et en voyant son enfant apprendre à marcher et à parler, hein, dans des petites activités, qu'à un moment donné on découvre que, oui, il y a un espoir, et là on décide volontairement de s'intégrer. Mais pas en se faisant imposer des affaires dont, de toute façon, on n'est pas sûr que ça va fonctionner.

Ce qu'on dit juste, là, dans le fond, c'est: Vous n'avez pas assez d'argent à investir pour l'ensemble des personnes qui voudraient y participer, il n'y a pas assez d'emplois de disponibles pour tout le monde qui voudrait travailler, bien, offrez donc ça d'une manière volontaire au lieu d'imposer et de couper et de couper. Ça tue l'espoir, ça, et tuer l'espoir, ça ne donne pas grand-chose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière courte intervention, Mme la ministre.

Mme Harel: Hier, j'étais au centre des femmes de mon comté où j'en ai rencontré peut-être une cinquantaine, de chefs de familles monoparentales, avec diverses expériences aussi. Et ce qu'on peut peut-être reconnaître dans ce qui est proposé, et je constate que c'est reconnu par celles qui vivent ces situations-là, c'est que dorénavant elles vont avoir accès à des services de conseillers à l'emploi auxquels elles n'ont pas accès présentement. Vous savez bien que c'était tout mélangé. C'était l'agent d'aide qui, en même temps, était supposé faire la bonne et la mauvaise police. Alors, comme ça ne se peut pas, ça, on ne peut pas jouer deux rôles en même temps, dans ce qui est proposé il y a de façon bien distincte des conseillers à l'emploi et des agents d'aide financière. Ce ne sont pas des rôles qui sont mélangés, là. Et le fait qu'ils le soient, qu'ils l'aient été pendant tant d'années, c'est évident que les personnes ont le sentiment d'avoir été mises de côté des programmes auxquels les autres chômeurs avaient droit et auxquels les autres travailleurs avaient droit.

Et là ce qui est quand même le changement le plus important, c'est le fait d'aller chercher l'expertise des gens de la SQDM et de ceux aussi du fédéral qui s'occupent des chômeurs et qui vont combiner, finalement, leur expertise pour la mettre au service des personnes, indépendamment de leur étiquette. Présentement, c'est dépendamment de votre étiquette que vous avez droit ou pas droit à des programmes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bonjour. Bienvenue à cette commission. J'aimerais revenir sur le caractère obligatoire et punitif de la réforme et des mesures d'appauvrissement qu'on retrouve dans la réforme. Je ne comprends pas pourquoi la ministre s'entête à vouloir garder dans sa réforme ce caractère obligatoire là parce que, à date, tous les groupes qui sont venus, sauf trois, nous ont dit que c'était contre-productif. Même M. Camil Bouchard disait que, si la ministre va dans ce sens, ça va créer un climat de méfiance. Les gens, même ceux qui sont moins motivés que d'autres actuellement, iraient vers le parcours seulement pour ne pas avoir la pénalité. Au niveau des conseillers en emploi, ils vont avoir les deux chapeaux à porter: celui qui est supposé être, disons, l'ami qui aide à l'accompagnement et au soutien, et celui aussi qui donne le coup de masse au niveau de la mesure de contrôle et de la pénalité.

Il y avait des études. Des experts sont venus, des chercheurs, en commission, le Conseil québécois de la recherche sociale, qui nous disaient... Et je cite M. Alain Noël, qui disait: La plupart des études, de façon générale, concluent que les pénalités sont contre-productives. Même au États-Unis, on a essayé, pour les monoparentales, d'enlever le barème de non-disponibilité, et ils ont été obligés, même avant de l'appliquer, de reculer. Parce qu'ils se rendent compte que, finalement – vous l'avez dit – ça tue l'espoir. Ça tue le vouloir de s'en sortir.

Aussi, je pense que, où on fait l'erreur ici, à cette commission, c'est d'oublier les effets de la loi n° 115. On ne peut pas regarder ce qu'on a devant nous sans analyser les impacts dévastateurs, les effets dévastateurs de la loi n° 115, qui ont fait basculer les bénéficiaires de l'aide sociale qui vivaient déjà sous le seuil de la pauvreté – moi, je le dis – dans la misère. Et le fardeau aussi inhumain de l'assurance-médicaments s'est ajouté à tout ça.

Là, on ne peut pas regarder cette réforme-là, soi-disant réforme, et dire qu'on la fait pour les prestataires. Si le gouvernement, finalement, ne décide pas de retirer tout caractère obligatoire et pénalité, c'est que ce n'est pas vraiment une réforme. C'est une façon pour le gouvernement de diminuer ses dépenses.

À vous entendre, ce matin, je pense que vous dites très bien que, s'il n'y a pas un grand virage qui est apporté à cette réforme-là, c'est voué à l'échec. Les prestataires n'embarqueront pas dans ça. Et, si ce n'est pas, finalement, attaché à une politique réelle de création d'emplois... Parce que, actuellement, le gouvernement n'est même pas capable de répondre à la demande des participants. Des jeunes veulent participer à une mesure, mais le gouvernement n'en a pas. J'ai l'impression qu'on commence à l'envers. Au lieu de dire: On est capable de créer tant d'emplois, nous offrons tant de parcours individualisés, pour ne pas créer de l'espoir, le gouvernement dit: On s'en va dans un parcours individualisé sans savoir au bout s'il va y avoir de l'emploi. Alors, je voudrais vous entendre, peut-être, M. Chartrand, sur tout ça, la réforme aujourd'hui, ce que vous avez devant vous, la proposition gouvernementale.

(11 heures)

M. Chartrand (Michel): C'est aussi mauvais que la réforme de monsieur du Parti libéral et de M. Bourbeau. Puis quand vous parlez de la recherche d'emplois, votre chef vient de dire qu'il voudrait mettre les fonctionnaires dehors à volonté pour continuer le patronage avec le temps partiel, puis le temporaire, puis tout ça. Vous êtes tous les deux pareils, les deux partis. Quand Mme la ministre nous parle du guichet unique, eh bien, là, il va y avoir le CLE. Il va falloir aller voir un gars qui va s'occuper de la prestation, puis un autre qui va s'occuper du plan d'insertion. Puis ça, ça va marcher avec le plan local d'actions concertées pour l'emploi. Puis après ça tu vas peut-être avoir ton chèque du bien-être social; mais là il y en a d'autres qui vont être envoyés à la Régie des rentes. Je ne sais pas s'il va y avoir du monde pour les recevoir là, à la Régie des rentes, parce qu'il en manque du monde déjà au bien-être social.

Puis quand elle nous parle du plan d'insertion individuel, c'est de la bouillie pour les chats, parce qu'il n'y a pas de personnel pour s'en occuper. Puis, si ça ne marche pas, eh bien là, à propos de ton loyer, tu vas aller à la régie des loyers, puis là tu vas peut-être rebondir au ministère du Revenu. Puis, l'allocation des familles pour les enfants, d'où est-ce que ça va venir, l'allocation des enfants, ça va venir du ministère de l'Éducation? Puis, s'il y a des problèmes, où est-ce que tu as les recours? Puis si tu as des problèmes avec ton assurance-médicaments, eh bien là tu t'en vas à la RAMQ. Tu sais que ça fait un guichet unique sur un maudit temps, ça! C'est un guichet unique à peu près avec huit portes. Aïe! Puis, la Régie des rentes, qui est-ce que qui va s'occuper de ça, la RAMQ? Puis, c'est quoi, les recours, si tu n'es pas satisfait quelque part?

Quand on regarde ça sérieusement un peu, on s'aperçoit qu'il y a une couple d'analphabètes là-dedans. Alors là, trafiquer là-dedans... Puis l'aide que vous donnez à ceux qui les aident, c'est à peu près comme l'aide qui est donnée à ceux qui aident les accidentés du travail, c'est à peu près zéro, dans la province de Québec. C'est la seule province qui ne dépense pas d'argent pour aider le monde à faire appliquer la loi. Puis, quand on regarde ceux qui sont chargés de l'appliquer, ils disent: L'article 45 de la même Charte, la Charte québécoise, garantit à tout citoyen québécois le droit à des mesures susceptibles d'assurer un niveau de vie décent. Vous savez ce que ça veut dire «un niveau de vie décent»?

Vous avez les tableaux dans Le Soleil ce matin, en comparé avec ceux de l'Ontario. Ils aiment ça nous comparer avec l'Ontario, les boss, hein! Au Québec, une personne seule, c'est 6 199 $, puis en Ontario, c'est 8 126 $. Inapte à travailler, en Ontario: 11 000 $; au Québec, 8 000 $. Monoparentale, un enfant: au Québec, 13 000 $; en Ontario: 16 000 $. Couple, deux enfants: 16 000 $ au Québec; 21 000 $ en Ontario. Puis là, ce qu'ils disent, c'est que c'est vrai que le fédéral va nous renvoyer 7 000 000 000 $, je veux dire, puis là on va avoir le Parti libéral du Québec qui va aller faire réélire ce gouvernement-là. C'est notre argent, pourquoi il ne nous le remet pas? C'est notre argent, l'argent qui est en report d'impôts. Il y en a pour 6 900 000 000 $ dans la province de Québec.

Quand vous nous parlez de vos 9 000 000 000 $ d'assistés sociaux là, puis les 4 000 000 000 $ pour les autres, vous ne nous faites pas brailler, hein! Vous ne nous faites pas brailler parce qu'il y en a plus que ça qui sortent de la province de Québec. Quand vous partez après les petits travailleurs au noir puis que vous laissez faire les compagnies qui vont faire de l'évasion fiscale et des reports d'impôts de 6 980 000 000 $, chaque année, le Vérificateur général de la province vous le dit, que vous ne faites pas votre devoir puis que vous n'allez pas chercher l'argent où il est. Au lieu de ça, vous faites venir Cyrenne, puis le maniaque à Landry qui vient nous dire qu'il n'y a rien que 54 000 gars qui gagnent 100 000 $ par année. Ils font un rapport de 100 000 $, leur moyenne de revenus est de 176 000 $, à part de ce qu'ils placent à côté dans des petites compagnies. Arrêtez de nous conter des mensonges!

Ma femme répétait souvent un verset d'une chanson de Vigneault, Ti-cul Lachance qui écrit à son député: «Pense pas qu'on s'en aperçoit pas!» Vous êtes des dégénérés. C'est une dégénérescence qu'il y a dans la province de Québec vis-à-vis des enfants, des femmes, des familles monoparentales. L'équité salariale, ça part de 50 employés. La majorité des boutiques, c'est moins de 50 employés, puis c'est moins de 20 employés. C'est des mystifications, ça. Puis ça nous parle de solidarité puis d'équité. C'est les pauvres qui doivent partager entre eux autres. Je vous ai entendu dire, Mme la ministre: J'ai 42 000 bénéficiaires du bien-être social de plus, alors, je coupe là-dedans. L'économie sociale, c'est ça, c'est 18 000 $ divisé en trois. On retourne au temps de Duplessis. Il disait: J'ai trois fonctionnaires, quand je devrais en avoir un. Il coupait le salaire en trois. Vous êtes revenus à ce régime-là. Vous tapez sur les petits, puis vous fessez sur les petits.

Puis, là, votre affaire, c'est incompréhensible pour du monde ordinaire. C'est un fouillis formidable juste pour vous trouver des excuses pour couper à droite puis à gauche, puis continuer de couper. Vous n'avez pas fait autre chose que de couper. Les personnes âgées, c'est pareil. Il manque de personnel. Dans les hôpitaux, il manque de personnel. Il y a du monde à l'extérieur, qui est là, qui est payé et il manque de monde à l'intérieur, dans les maisons d'accueil et dans les maisons d'accueil privées. Ce n'est pas du traitement de personnes âgées qu'on a là, on est en dégénérescence dans la province de Québec parce que ces deux partis sont colonisés par la finance, les cotes de crédit, les «faiseux» internationaux, là.

Ils ne nous ont jamais dit les compagnies qui étaient en faillite dans la province de Québéc ou bien donc dans le monde. Les frères Reichmann, avec 33 000 000 000 $, ils n'ont pas parlé de ça. Ils ne nous ont pas parlé des autres. Les Prévoyants du Canada, qui étaient en faillite, ils ne nous ont jamais dit ça. Vous nous racontez des histoires. Si vous les croyez, vous êtes des imbéciles. Mais vous n'êtes pas des imbéciles, vous êtes malhonnêtes et vous êtes dégénérés, vous fessez sur les petits. Et ils se servent des femmes pour faire ça. Vous vous prêtez à ça pour vos carrières politiques.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

M. Chartrand (Michel): C'est deux partis exactement... ce n'est pas deux partis différents, c'est deux partis comme une paire de fesses, mon cher!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

M. Chartrand (Michel): Avec le «crosseur» en tête, Bouchard, là!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui. J'aimerais revenir. Tantôt, la ministre a parlé qu'on ne touchait pas au barème de participant, que le barème de participant demeurait. Moi, j'ai encore des inquiétudes parce que ça ne nous a pas encore été dit, noir sur blanc, qu'on retrouverait dans le prochain projet de loi qui va suivre la réforme que le barème de participant va demeurer. Tant qu'on ne le retrouve pas dans la grille des barèmes... Parce qu'il n'apparaît pas dans le document qu'on a devant nous, dans la grille de barèmes du nouveau régime. Le barème de participant n'est pas là. Parce que, ici, on nous dit qu'il y a un barème de participant mais que c'est alloué aux CLE, que c'est un budget qui serait alloué aux CLE, qui serait géré par les CLE, ça ne ferait pas partie de la loi. Vous voyez où il y a une ligne très importante. Donc, si ça ne fait pas partie de la loi et que c'est un budget qui est alloué aux CLE, si c'est une enveloppe fermée, à un moment donné, il y a des prestataires qui vont arriver aux CLE et, s'il n'y a presque plus d'argent à ce moment-là et que l'enveloppe est fermée, il n'y en a plus d'argent. Ces gens-là n'en recevraient pas.

Il y a aussi le fait qu'on peut modifier par une directive administrative sans passer par l'Assemblée nationale pour modifier la loi, si on veut jouer dans ce budget-là. Il y a l'implantation de la réforme et, après un certain temps, les gens disent: Dans les CLE, en moyenne générale, l'ensemble national, c'est à peu près 80 $ pour les frais. Ils pourraient modifier les frais. Alors, c'est pour ça qu'il y a un danger que si on ne le retrouve pas, que ce n'est pas dit clairement par la ministre qu'on va retrouver le barème de participation dans la loi qui va suivre la réforme, moi, je vous dis d'être vigilants. Actuellement, le barème de participant, ça aide les gens pour payer leurs besoins essentiels; ça aide à payer le loyer, le logement et il y a des frais supplémentaires pour les frais de participation. Mais là, si on s'en va seulement avec le 120 $ pour des frais de participation, vos besoins essentiels, ils restent à 500 $, même on peut dire 487 $ parce qu'il y a eu l'abolition de l'impôt foncier, là; ce n'est même plus 500 $. Alors, je veux vous entendre davantage sur ça, là, si vous avez encore des préoccupations ou si vous avez été rassuré par la ministre ce matin, pour le barème de participation, le 120 $.

M. Chartrand (Michel): Il y avait un chèque, avant. Là, combien il va y avoir de chèques?

Mme Loiselle: Bien, j'imagine deux: l'allocation unifiée pour ceux qui ont des enfants et le...

M. Chartrand (Michel): Et là on a été averti qu'étant donné qu'on va avoir des maternelles pour les enfants de cinq ans, la ministre de l'Éducation va augmenter le ratio dans les classes. C'est à 34, actuellement. Moi, quand j'allais à l'école, c'était 18 et 20, parce qu'il y avait de grosses évaluations municipales. Et là où il y avait de petites évaluations municipales, il y avait trois classes dans une. Et là on revient à ce système-là. Elle nous a avertis ce matin. Ils lâchent la santé un peu. Tu as vu ça, la santé, les médicaments pour les vieux et les assistés sociaux, la pagaille? Il n'y a personne qui se comprend, c'est de l'improvisation épouvantable, je veux dire. Les libéraux, bien, ils sont d'accord avec ça. Ils disent: Ils coupent, on n'aura pas cette job-là à faire et peut-être que ça va nous donner des chances aux élections, tu sais!

Mme Loiselle: Qui vous a dit ça, vous, là?

M. Chartrand (Michel): Alors, vous êtes contents de ça, vous autres, et vous allez approuver le Parti libéral qui coupe aussi...

Mme Loiselle: M. Chartrand...

M. Chartrand (Michel): ...dans la sécurité sociale.

Mme Loiselle: M. Chartrand...

M. Chartrand (Michel): Le Conseil canadien a averti qu'il va couper 7 000 000 000 $.

Mme Loiselle: Pas du tout.

M. Chartrand (Michel): Le problème fondamental, c'est que vous ne faites pas de la politique pour représenter le peuple, vous faites de la politique en fonction des cotes de crédit. C'est Léonard et Landry qui vous dictent vos affaires, et l'autre, il se fait aller la gueule, le «crosseur» en chef, Bouchard, pour nous dire: C'est ça, la solidarité. Et on est courageux parce qu'on vous écrase, les petits. Mais, les gros, les évasions d'impôts et toutes les autres affaires, l'argent qui est dépensé pour les compagnies – c'est la moitié du budget de la province quasiment – ça, on n'en entend pas parler. Là, on se fait raconter des histoires: que les travailleurs coûtent trop cher, et puis tabadabada, il ne faut pas faire de grève. Bien, les gars qui ont fait une grève en Ontario, les mieux payés au Canada, ils ont gardé des profits au Canada au lieu que ça s'en aille aux États-Unis. Puis ils ont fait écrire dans leur convention collective: pas de fermeture pour trois ans à General Motors. Les droits de gérance, ils se sont torchés avec, hein! C'est ça que ça a fait, la grève.

(11 h 10)

Puis les ouvriers de La Laurentienne, ils ont fait ça. Puis les gars des cégeps, ils sont sortis, ils ont fait parler Mme Marois qui ne parlait pas. Alors, des grèves, il devrait y en avoir une série. Il y a des représentants ouvriers qui sont comme des gros saint-bernard. Tu sais: wouf, wouf! Mais ça ne mord pas. Godbout puis Larose, c'est ça que ça fait. Bien le monde est écoeuré. Puis les employés d'hôpitaux, ils ont raison parce que c'est scandaleux. Tout ce monde-là qui travaille pour la fonction publique, il s'en va rendre service; il devrait aller travailler heureux le matin, il s'en va aider du monde dans les écoles, dans les maisons d'accueil, dans les hôpitaux. Bien, ils sont tous bouleversés et ils sont tous en colère! C'est les résultats de votre PQ, ça. Tu sais, le parti qui devait voir à ça puis nous préparer un monde meilleur avec l'indépendance du Québec! Mais, c'est un parti colonisé, je veux dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame...

M. Chartrand (Michel): C'est pareil comme l'autre. Puis l'autre lui donne une chance. Il dit: Là, les fonctionnaires, on n'a plus besoin de ça en permanence, les fonctionnaires. C'est ça, votre façon de faire du patronage: Du monde qui est au bien-être social pour trois mois. Ils écoutent les gens qui viennent leur conter leur misère, puis, eux autres, ils se préparent à être en chômage pour la semaine prochaine. Tu sais qu'ils ont une oreille attentive, hein! C'est scientifique en «crisse», ça, ce système-là. C'est cul par dessus tête, votre affaire, je veux dire, parce que c'est un mépris de la population, un mépris du respect de la personne humaine qui doit être capable de s'épanouir. On s'est donné des services en société; vous êtes après disloquer ça, là.

Ryan avait commencé: 300 000 000 $ dans les municipalités. Là, le PQ va renvoyer des taxes scolaires dans les municipalités. Puis ça continue comme ça. Quand ils parlent de décentralisation, ils ne parlent pas d'envoyer l'argent avec, ils parlent de se dégager de leurs responsabilités. On se donne un gouvernement, on se donne un État, ce n'est pas un État-providence. Je n'ai jamais rien vu tomber du ciel, moi, ici. Puis on n'est pas en Cadillac quand on va se faire soigner; puis on n'est pas en Cadillac quand on va à l'éducation; puis on ne dépense pas l'épicerie quand on paie pour l'éducation puis la santé pour les enfants, les personnes âgées puis les femmes enceintes. C'est dégénéré, votre système, parce que ça ne prend plus le respect de la personne au centre des affaires.

Vous nous racontez: Quand ça va bien, ça dépend des libéraux, s'ils sont au pouvoir, ou bien non ça dépend du PQ. Quand ça va mal, ça dépend de la mondialisation, de la compétitivité, des États-Unis ou bien non de n'importe qui d'autre, je veux dire, parce qu'il n'y a aucune planification économique dans ce pays-ci, il y a juste de la planification financière pour te prendre ton argent puis aller l'investir à l'étranger comme le fait même Desjardins. Je veux dire, ils vont porter notre argent à l'étranger. La Caisse de dépôt, elle en a plein d'argent à l'étranger. Puis, le gouvernement, il va vendre ses obligations au Japon. Alors, la politique, ça consiste à d'autre chose que ça, ça consiste à prendre les ressources humaines, les ressources naturelles puis les connaissances scientifiques en fonction de la satisfaction des besoins premiers ou des besoins primaires: travailler, manger, se loger, se faire soigner et se faire éduquer. Arrêtez de nous raconter des histoires, «osti»! Vous ne gouvernez pas, vous vous laissez manipuler par les financiers. C'est rien que ça que vous faites.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame...

M. Chartrand (Michel): Vous n'avez jamais fait d'autre chose. Le Parti libéral, qui a été là pendant neuf ans, il était supposé de s'occuper de l'économie; le chômage augmentait pareil. Le PQ arrive, il a été dans l'opposition. Là, il est après étudier des plans. Le Rochon, l'infect technocrate, il a tout bouleversé. «Dans cinq ans, ça va aller mieux», qu'il dit. Puis là, le bien-être social, c'est pareil: un guichet, un guichet, il y a trop de guichets. Bien, là, il va y en avoir sept guichets, «crisse»! puis il n'y aura pas de monde pour répondre à ce monde-là. La Régie des rentes n'est pas équipée pour prendre soin des assistés sociaux, elle paie des rentes aux gens de 65 ans ou bien non de 60 ans. Puis, quand on va plaider là, il faut avoir des avocats, on ne peut même pas aller plaider pour défendre des ouvriers ou des accidentés. C'est une amélioration, c'est une grosse amélioration!

Essayez donc pas de nous emplir avec vos coûts de milliards. Les Québécois, ils en paient la majorité des impôts: les compagnies en paient à peu près 8 % au fédéral puis les citoyens en paient 90 %. Puis, au provincial, les citoyens en paient à peu près 75 %, puis les boss, les corporations en paient à peine 23 %. M. Fortin, vous l'a dit, même, votre économiste de droite, là. C'est épouvantable! Je veux dire, c'est épouvantable: faire accroire que les chômeurs sont chômeurs parce qu'ils ne sont pas instruits. Il y a des personnes avec des baccalauréats, des maîtrises et des doctorats en n'importe quoi puis ils chôment, «crisse»!

C'est le scandale, c'est le pire scandale qu'on ne peut pas imaginer. Dans 50 ans de ma vie active, je n'ai pas vu ça, moi, pire que ça, encore. C'est épouvantable de dire: J'ai vu la crise économique des gars qui sortaient de l'école, puis des filles. Des filles, il n'y en avait pas gros, dans ce temps-là. Bon. On s'est battu pour se donner ça, de l'éducation, des soins d'hospitalisation, des soins de santé. Ce n'est pas des Cadillac, puis des Jaguar, ça, «crisse», c'est des besoins fondamentaux! Puis c'est pour ça qu'on vit en société, comme on se donne un aqueduc, puis on se donne des égouts, puis un service de pompiers, puis un service de déchets.

C'est curieux que vous ne compreniez pas ça! Puis nous dire que l'éducation, ça coûte cher; puis que la santé, ça coûte cher; puis, qu'il faut couper. Qui c'est qui prend le monde en otage? Ce n'est pas les ouvriers des hôpitaux quand ils sont en grève. Avec les besoins essentiels, il y a plus de monde dans les hôpitaux pendant les grèves qu'il y en a pendant les Fêtes et puis pendant les fins de semaines, souvent. C'est le gouvernement du Québec, le PQ, qui prend la population en otage. Puis les soins médicaux d'une journée, qui vient te chercher pour te ramener chez vous puis comment tu es rendu chez vous? Il y a la moitié des CLSC de Montréal qui n'ont pas la moitié des médecins dont ils auraient besoin. On savait ça avant la réforme. Comment ça se fait que ça n'a pas été organisé?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame...

M. Chartrand (Michel): C'est juste du tripotage de structures que vous faites.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Tremblay, Mme Gamache et M. Chartrand, je vous remercie beaucoup. Ça termine cette première partie.

Nous recevons maintenant les représentantes et représentants de la Coalition régionale 04 sur la réforme de l'aide sociale. Les représentantes et représentants de la Coalition, si vous voulez vous préparer tout de suite pour qu'on puisse procéder.

S'il vous plaît! Ceux et celles qui ont à quitter, on apprécierait si vous pouviez le faire tout de suite de façon à ce qu'on puisse commencer rapidement. Les représentantes et représentants de la Coalition régionale 04 sur la réforme de l'aide sociale, vous êtes arrivés? Oui. Est-ce que c'est vous, Mme Comtois, qui êtes la porte-parole? Si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent pour fins d'enregistrement, noms et titres, et puis, procéder à votre 20 minutes.


Coalition régionale 04 sur la réforme de l'aide sociale

Mme Comtois (Thérèse): Si vous me permettez, M. le Président, chacun et chacune désirent se présenter puis expliquer le rôle qu'ils ont au niveau des organismes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On va le faire tout de suite avant que vous preniez votre 20 minutes.

Mme Comtois (Thérèse): Parfait, merci.

M. Fournier (Jean): Oui, je suis Jean Fournier, de la Corporation de développement communautaire Nicolet-Yamaska, membre du comité de coordination de la Coalition.

Mme Dionne (Lisette): Lisette Dionne, coordonnatrice au Groupement pour la défense des droits sociaux de Trois-Rivières, membre du comité de coordination de la Coalition.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme Comtois.

Mme Comtois (Thérèse): Thérèse Comtois, du Groupement pour la défense des droits sociaux de Trois-Rivières.

Mme Thiffault (Thérèse): Thérèse Thiffault, du Groupement pour la défense des droits sociaux de Shawinigan et membre de la Coalition régionale 04.

Mme St-Germain (Lise): Bonjour! Lise St-Germain. Je remplace Marie-Josée Tardif. Je représente le groupe Économie communautaire de Francheville (ECOF), et je suis aussi membre de la Coalition régionale.

M. Gagnon (Michel): Michel Gagnon. Je suis membre du conseil d'administration du Comité d'action des non-organisés de Trois-Rivières et je travaille aussi dans un regroupement d'organismes d'éducation populaire autonome, et je suis membre de la Coalition.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Vous pouvez commencer.

Mme Comtois (Thérèse): Bonjour! Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, il nous fait plaisir de pouvoir présenter aujourd'hui l'analyse de la Coalition régionale 04 sur la réforme de l'aide sociale concernant le projet de réforme de la sécurité du revenu.

(11 h 20)

La Coalition régionale 04 représente 113 organismes communautaires, groupes de femmes, groupes religieux et syndicaux, qui se sont regroupés pour faire connaître leur désaccord face aux coupures qu'effectue actuellement le gouvernement vis-à-vis des personnes les plus appauvries de notre société. La majorité de ces organismes font affaire directement avec les prestataires de l'aide sociale et sont à même de constater l'appauvrissement grandissant, la détresse psychologique, les préjugés profonds, la peur, la colère, la dépression, la désillusion que vivent les prestataires. Pour élaborer notre mémoire, nous sommes partis de l'expérience, de l'opinion et des besoins des prestataires. Ce que nous disons dans notre mémoire, nous le disons à partir de ce que nous avons vu, de ce que nous avons entendu, de ce que nous avons pu constater et de ce que Mmes et MM. les députés sont à même de constater régulièrement.

Quels sont les besoins des personnes assistées sociales? Premièrement, les personnes assistées sociales, qu'elles soient malades ou en santé, ont besoin de revenus décents pour vivre; deuxièmement, elles désirent avoir accès à des emplois pour pouvoir vivre dignement, se développer et participer activement à la société; troisièmement, elles ont besoin d'un support à l'emploi qui tient compte de leur opinion, de leurs besoins, de leurs compétences, de leurs contraintes et de leurs limites; et finalement elles désirent être traitées comme des citoyens et citoyennes à part entière, et cela, en tenant compte de leurs limites financières.

Est-ce que le projet du gouvernement répond à ces besoins? Ce projet est-il porteur d'espoir pour les personnes assistées sociales? C'est à ces questions que nous allons maintenant essayer de répondre. Premier besoin: l'accès à un revenu décent, quelle que soit la cause du besoin. Depuis 1989, il y a eu de nombreuses coupures effectuées presque à chaque année. L'an passé, il y a eu pour 284 000 000 $ de coupures à l'aide sociale. On nous annonce des coupures de 200 000 000 $ pour la prochaine année. Il y a 10 ans, la prestation de base pour une personne seule était de 507 $ par mois. Actuellement, la prestation de base est de 500 $ et, au 1er avril, avec la perte de l'impôt foncier, ce montant sera réduit à 490 $ par mois.

Nous constatons actuellement, avec une prestation de base de 500 $, que les besoins essentiels ne sont plus couverts selon les normes mêmes des besoins essentiels reconnues par votre gouvernement pour l'année 1996. Non seulement les besoins essentiels ne sont plus couverts, mais la fin de la gratuité des médicaments introduit des charges supplémentaires pour les prestataires.

L'enveloppe budgétaire de l'aide sociale étant fermée, des coupures pour respecter les contraintes budgétaires demeurent possibles, sans compter les coupures qui peuvent affecter les prestataires par le biais de modifications dans d'autres ministères. Non seulement le minimum n'est plus assuré, mais des mesures comme le partage du logement viennent diminuer encore ce minimum vital.

Le projet du gouvernement ne parle pas de hausser les barèmes mais, au contraire, en resserrant certains critères, une partie des prestataires verront leurs revenus diminuer: perte de 100 $ par mois pour les femmes qui veulent s'occuper de leurs jeunes enfants; perte de 100 $ par mois pour les personnes de 55 à 59 ans; perte de l'allocation de participation pour ne couvrir que les frais de participation. Vous avez déclaré dans les médias d'information que l'allocation de participation n'était pas abolie et nous nous en réjouissons. Mais nous nous posons la question suivante: Jusqu'à quand comptez-vous maintenir l'allocation de participation?

La fin de la gratuité des médicaments, avec l'introduction de l'assurance-médicaments, gruge profondément les revenus de ceux et celles qui sont à soutien financier, puisque ces personnes ont souvent des coûts de médicaments très élevés. Quant aux personnes qui sont aptes au travail, elles ont d'énormes difficultés à payer leurs médicaments, vu le faible niveau de leurs prestations. De plus, en conservant la coupure pour le partage du logement, on diminue encore la prestation de base qui est par elle-même insuffisante pour couvrir les besoins essentiels.

Nous recommandons, pour assurer un minimum de revenus aux personnes assistées sociales afin de couvrir leurs besoins essentiels: l'augmentation des barèmes afin de couvrir les besoins essentiels reconnus par le gouvernement en 1996 selon les chiffres de l'annexe XII; indexation annuelle au coût de la vie; abolition de la coupure pour le partage du logement; ajustement de l'allocation unifiée pour les familles à faibles revenus afin de s'assurer qu'elles aient droit au même montant qu'actuellement; abolition de l'enveloppe budgétaire fermée; révision de l'assurance-médicaments – pour les gens à soutien financier on demande la gratuité; révision de l'assurance-médicaments pour les personnes aptes au travail – faciliter l'accès en abolissant la franchise.

Deuxième besoin: l'accès à un emploi décent. Afin de popuvoir gagner dignement sa vie, il faut avoir accès à un emploi régi minimalement par une loi sur les normes du travail. Il faut bonifier la loi actuelle, sinon donner accès à un programme de supplément de revenus pour toutes les personnes qui travaillent au salaire minimum, car il est clair que le salaire minimum actuel n'assure pas un revenu décent. Il faut également augmenter, voir à ce qu'il y ait plus d'emplois, en nombre suffisant. De plus, il faut que la société reconnaisse d'autres formes de contribution sociale. Éduquer son enfant est une forme de contribution sociale qui est aussi valable que celle d'occuper un emploi. Il en est de même pour l'implication dans la communauté.

Quelle est la situation de l'emploi actuellement? Dans la seule région Mauricie–Bois-Francs il y a eu, en 1995, 3 000 emplois créés pour 67 000 personnes sans emploi, aptes au travail. Ces personnes sont, soit à l'aide sociale ou au chômage. Les données sont de la SQDM; ces chiffres parlent d'eux-mêmes.

Le projet du gouvernement. La question de l'aide sociale est intimement liée à la réalité actuelle du marché du travail. Nous aurions aimé que le projet du gouvernement soit assorti d'une politique de création d'emplois ainsi que du projet gouvernemental concernant la politique familiale puisque ces trois aspects sont intimement liés. Comme ce n'est pas le cas, nous pouvons difficilement voir comment le parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi pourra se concrétiser dans la réalité, car le parcours sous-entend des emplois disponibles à occuper, sinon à quoi servent tous ces efforts et tout l'argent investi sans compter les espoirs déçus? Sans cette condition, le support vers l'emploi est perçu comme une forme de harcèlement administratif, un moyen de contrôle, une façon de diminuer les coûts à l'aide sociale au détriment des prestataires.

Nos recommandations pour assurer l'accès à un emploi décent: la mise en place d'une véritable politique de création d'emploi; que la création d'emploi devienne la première préoccupation du gouvernement; sensibiliser la population en organisant une campagne pour l'achat chez nous afin de maintenir les emplois; augmenter le salaire minimum afin d'assurer aux travailleurs et aux travailleuses à faibles revenus un salaire décent; bonifier et élargir le programme de supplément de revenu de travail; bonifier la loi sur les normes minimales du travail; légiférer sur le travail autonome.

(11 h 30)

Troisième besoin: l'accès à une aide à l'emploi qui implique la personne concernée. Pendant la période 1989 à 1996, les prestataires de l'aide sociale ont pu expérimenter la valeur du support à l'emploi: manque de mesures pour tous ceux et celles qui veulent participer; démarches coercitives qui ne tiennent pas compte de l'opinion du prestataire, ni de ses aptitudes, ni de ses compétences. Résultat: des promoteurs abusent, mais les prestataires n'osent pas porter plainte de crainte d'être accusés de manque de motivation. Les agents n'ont pas le temps d'approfondir les raisons qui ont mené le prestataire à l'aide sociale et ce qui l'y maintient encore actuellement. Les mesures ne sont pas strictement d'ordre professionnel. Les ressources humaines sont en nombre insuffisant. Résultat, les agents n'ont pas le temps de cerner les besoins réels, ne connaissent pas bien les promoteurs, n'ont pas le temps d'examiner et de vérifier la valeur des promoteurs ou d'assurer un suivi. Les ressources humaines ne sont pas nécessairement qualifiées. Il y a des agents qui ont étudié en administration, d'autres en travail social, et le reste.

Comme il y a peu de création d'emplois, les prestataires font mesures sur mesures. Ces mesures ne suivent pas une certaine logique et débouchent rarement sur un emploi, ce qui finit par démotiver le prestataire; souvent, ces mesures ne sont pas qualifiantes. Les agents demandent souvent les mêmes renseignements sans les approfondir. Une mesure peut être qualifiante, mais le manque de soutien social empêche le prestataire d'occuper un emploi ou de faire la mesure. On ne tient pas compte des contraintes particulières ni des situations familiales qui exigent une vigilance particulière.

Comme les besoins essentiels ne sont pas assurés, le prestataire est préoccupé par sa survie et n'a pas nécessairement l'argent ni la disponibilité d'esprit pour faire des démarches d'emploi. Les prestataires ne peuvent pas s'impliquer dans le milieu de leur choix ni s'impliquer socialement. Pourtant, la réinsertion sociale ne passe pas que par l'emploi. Les véritables barrières à la réinsertion sont: les préjugés, le manque d'emplois, le manque d'information sur les ressources existantes et les mesures qualifiantes.

Le projet du gouvernement. Dans un contexte où il n'y a pas actuellement suffisamment d'emplois à occuper pour tous ceux et celles qui le désirent, nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement remet en question la non-disponibilité des gens de 55 à 59 ans alors qu'il est très évident qu'à partir de 45 ans, la difficulté de trouver un emploi est très réelle.

Nous sommes également en désaccord, dans le contexte économique actuel, que les mesures soient obligatoires. L'approche coercitive ne change pas la réalité économique, mais cette approche change cependant le rapport qui doit s'établir entre le prestataire et le conseiller en emploi pour que le support en emploi soit efficace. Nous avons été témoins d'abus faits par des promoteurs. L'approche coercitive empêchait le prestataire de porter plainte de peur que sa démarche ne soit perçue comme un manque de motivation, perception qui se serait traduite par une coupure de 150 $ par mois pour une période d'un an. En ne tenant pas compte des aptitudes et des compétences du prestataire, en ne lui demandant pas son avis ou en refusant d'en tenir compte, en l'envoyant sur des mesures qui ne lui conviennent pas, le support à l'emploi devient du harcèlement.

Une formation qualifiante et des emplois à occuper, voilà la première préoccupation que doit avoir le gouvernement d'un véritable support à l'emploi. Avec le maintien de l'approche coercitive, nous craignons que ne se répètent les expériences négatives que les prestataires ont connues jusqu'à présent en matière de développement de l'employabilité.

Nous recommandons, pour assurer une aide à l'emploi qui soit efficace et qui implique la personne concernée: augmenter les ressources humaines et matérielles en matière de développement de l'employabilité; assurer la formation et la compétence des ressources humaines; assurer l'information sur les formations et les ressources disponibles; impliquer les prestataires dans les décisions et tenir compte de leur opinion; approfondir les contraintes et les limites que vivent les prestataires et assurer un soutien social; mettre en place des formations qualifiantes qui correspondent à des emplois disponibles sur le marché et assurer un suivi; assurer l'accès à une formation de base en alphabétisation; assurer une aide financière et les moyens de participer aux formations et aux mesures mises en place; permettre au prestataire de s'impliquer socialement lorsqu'il n'y a pas de mesures ou d'emplois à occuper.

Quatrième besoin: l'égalité des droits. Bien qu'exclues du marché du travail, les personnes assistées sociales veulent et ont le droit d'être traitées comme des citoyens et des citoyennes à part entière. Cependant, il faut tenir compte de leur situation. Appliquer la même règle à l'ensemble des citoyens et citoyennes alors que les conditions de vie ne sont pas les mêmes est une forme d'injustice. Les personnes assistées sociales ont le droit d'avoir accès à une information objective complète sur les droits et obligations contenus dans la Loi sur la sécurité du revenu. De même, elles doivent avoir accès aux informations concernant les emplois, les formations et les ressources disponibles. Elles doivent avoir le droit de partager un logement sans subir de coupure. Elles doivent avoir le droit d'être traitées avec dignité et respect. Elles doivent avoir le droit à un salaire égal pour un travail égal. Elles doivent avoir le droit de pouvoir s'occuper elles-mêmes de leurs jeunes enfants.

Le projet du gouvernement. En n'abolissant pas la coupure pour le partage de logement, le projet perpétue la discrimination qui existe entre les prestataires de l'aide sociale et les autres membres de la société qui partagent un logement. La coupure actuelle pour partage de logement est très supérieure à la coupure imposée aux autres citoyens et citoyennes par le biais de l'impôt. Deuxièmement, en maintenant la contribution parentale, le projet perpétue la discrimination qui existe actuellement vis-à-vis des jeunes prestataires de l'aide sociale et nie leur droit à l'autonomie. Troisièmement, en obligeant les femmes qui ont de jeunes enfants à participer aux mesures d'employabilité dès que les enfants ont deux ans, le projet de loi nie aux femmes prestataires de l'aide sociale leur droit de pouvoir s'occuper elles-mêmes de leurs enfants et introduit une discrimination par rapport aux autres femmes de la société.

Nous recommandons, pour assurer l'égalité des droits: assurer aux prestataires de l'aide sociale le droit à une information objective et complète sur les droits et obligations contenus dans la loi en introduisant dans la loi une obligation pour les fonctionnaires de fournir cette information – une telle disposition était incluse dans la loi de l'aide sociale qui a précédé la Loi sur la sécurité du revenu; abolir la coupure pour le partage de logement; abolir la contribution parentale; donner le libre choix aux prestataires de l'aide sociale quant à l'éducation de leurs enfants et assurer véritablement, en fournissant une aide financière supplémentaire et des mesures de support à l'emploi, un support social pour les femmes qui désirent retourner immédiatement sur le marché du travail et en maintenir le statu quo pour les personnes qui désirent prendre soin de leurs enfants jusqu'à ce qu'ils aillent à l'école; assurer le respect et la dignité des prestataires en mettant en place des mesures de contrôle qui soient équitables et qui protègent la vie privée des prestataires; s'assurer que les mesures de contrôle mises en place n'amplifient pas les préjugés; rejeter toute notion de «workfare».

Nos conclusions. Comme vous avez pu le constater, notre analyse n'est pas fondée sur une théorie abstraite, mais à partir de ce que nous voyons, entendons et constatons régulièrement. Nous sommes également conscients que le projet gouvernemental s'inscrit dans le contexte de la lutte au déficit et que pour être crédibles, entre guillemets, il aurait fallu inscrire nos propositions en tenant compte de ce contexte. Nous avons refusé de le faire parce que nous croyons que nous devons partir des besoins des personnes pour rétablir la répartition des ressources disponibles. Les prestataires ne se réduisent pas à des statistiques, ils ont un coeur, une tête, des bras, des espoirs et des rêves, des compétences et des limites. Ils veulent aussi un avenir pour pouvoir élaborer leurs projets et participer activement à la société. Une loi sur la sécurité du revenu qui se veut humaine se doit de tenir compte de cette réalité et ne pas appliquer aveuglément et à la lettre des principes basés principalement sur des considérations financières qui finissent par tuer la solidarité sociale, l'esprit de la loi et l'espoir des prestataires.

Comment une loi de l'aide sociale peut-elle être humaine si elle ne couvre pas les besoins essentiels? Comment peut-elle être juste si elle donne des responsabilités sans donner les moyens de pouvoir les assumer? Comment peut-elle être cohérente si elle met en place un parcours vers l'emploi sans politique de création d'emplois? Je vous remercie.

(11 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la ministre, vous commencez l'échange, suivie de Mme la députée de Rimouski.

Mme Harel: Merci, merci. Alors, bienvenue à la Coalition sur la réforme de l'aide sociale. C'est la région Nicolet–Yamaska–Trois-Rivières. En fait, La Mauricie, je crois, 04.

Mme Comtois (Thérèse): Oui, 04, Mauricie– Bois-Francs.

Mme Harel: Bois-Francs aussi?

Une voix: Mauricie–Bois-Francs-Drummond.

Mme Harel: C'est ça, Mauricie–Bois-Francs. Très bien, Bois-Francs, étant entendu qu'il y a une démarche vers une autonomisation de la région. Bon. Alors, écoutez, peut-être vous rappeler qu'à l'égard du soutien financier, la pleine indexation au coût de la vie a été introduite au 1er janvier, c'est 20 000 000 $. Vous savez, ça a l'air de rien et tout se traduit vraiment en chiffres importants. Peut-être aussi vous signaler, ce qui peut certainement être une bonne nouvelle dans le contexte maintenant, que, non, il n'y a pas 200 000 000 $ de coupures à l'aide sociale. C'est, je pense, à la page... À quelle page de votre mémoire on retrouve ça? C'est à la page 5, je crois, oui. Alors, non, ce n'est pas 200 000 000 $. En fait, comme tel – je ne vous dis pas que c'est rien et on va pouvoir le constater avec la publication du livre des crédits par le Conseil du trésor, ce qui est le livre des dépenses que le gouvernement va faire dans l'année – c'est 56 000 000 $.

En fait, pour l'ensemble des autres interventions, il s'agit, soit de la perception des pensions alimentaires impayées. Vous savez qu'il y en a pour 160 000 000 $ de pensions alimentaires impayées. Ce n'est qu'une partie qu'on peut raisonnablement aller chercher. Puis, aussi, il y a diverses autres mesures, mais vous verrez dans le livre des crédits que finalement ça a encore été diminué. Alors, comme compressions comme telles, c'est 56 000 000 $. Ce n'est pas rien. C'est, entre autres, l'abolition de l'impôt foncier, c'est-à-dire l'équivalent de 10 $ à 11 $ ou 12 $ par mois, mais ce n'est pas le 200 000 000 $ dont vous parlez.

D'autre part, je vous rappelle aussi l'augmentation du salaire minimum. Depuis deux ans, ça a été 12 %. Vous allez me dire: Ce n'est pas encore assez, mais, en même temps, il faut constater que quand on compare à ce qui s'est passé dans l'ensemble des autres revenus du salarié, cette augmentation de salaire minimum de 12 %, soit une première augmentation qui a été quand même intéressante au moment de la grande marche «Du pain et des roses» de 0,40 $, puis une deuxième augmentation de 0,25 $. Alors, 0,65 $ sur le salaire qui était à 6,05 $; là il est à 6,70 $. On voit qu'en deux ans, ça a quand même été une augmentation de 12 %.

D'autre part, vous dites quelque chose, que les promoteurs ont abusé, etc. Vous êtes sans doute déjà informés qu'au 1er avril, quand je suis arrivée, j'ai cessé, moi, les subventions salariales aux entreprises privées dans le cadre du programme PAIE. Il y avait là effectivement beaucoup de substitution d'emplois. Après une étude que la JOC avait menée il y a quelques années déjà, qui n'avait pas été contredite, on se rendait compte que c'étaient des concessionnaires automobiles, des clubs de golf, la Banque Royale et autres entreprises de cette nature qui, imaginez, profitaient du programme PAIE. Vous savez sûrement que dorénavant, c'est les organismes à but non lucratif, communautaires ou dans le cadre, si vous voulez, de l'économie sociale.

Vous avez dit, je ne sais plus à quelle page, mais vous allez sûrement vous retrouver: Entre 1989, je pense, et 1996, les prestataires ont expérimenté le support à l'emploi. Je pense que vous l'avez dit, mais, en même temps, je pense que c'est justement parce qu'ils n'ont rien expérimenté du tout comme support à l'emploi. Ce qui a été expérimenté, c'est des mesures d'employabilité sur l'aide sociale. Et vous êtes consciente que ça venait du carcan du RAPC, du Régime d'assistance publique du Canada qui obligeait, pour avoir à 50 % le financement, que ce soit un statut d'assisté et que ça supplémente le barème de base à l'aide sociale. Donc, ils n'ont rien expérimenté comme support.

En plus de ça, les agents avaient, pour 85 % dans leurs dossiers, des mesures d'aide financière et, selon les études des années quatre-vingt-dix, qui datent d'il y a deux ou trois ans, 13 % de leur temps étaient consacrés à l'employabilité; on ne parle pas d'emploi.

Moi, quand je vous entends et quand je vous lis, j'ai l'impression que vous faites le procès de ce qui existe maintenant et je n'ai pas vraiment l'impression que vous faites le procès de ce qui est proposé. Vous dites: Il n'y a pas assez de monde pour s'en occuper. Mais, vous savez sûrement qu'avec la proposition qui est sur la table, ça va être moitié-moitié. Du monde, il y en a beaucoup. Imaginez-vous qu'au total il y a 11 400 personnes qui travaillent pour l'industrie du chômage. C'est ça dont il s'agit, là; c'est une grosse industrie, le chômage, dans notre société. Il y a 11 400 personnes qui gèrent le chômage.

Moi, ce que j'essaie de proposer dans le livre vert, c'est qu'on passe au moins vers une façon plus active et ça signifie qu'on négocie pour rapatrier, vous le savez, les mesures actives au niveau de la caisse de l'assurance-emploi. La proposition, c'est autour d'environ moitié-moitié, 3 500 personnes qui vont s'occuper d'aide financière dans un module distinct et 3 500 autour qui vont s'occuper des mesures actives, donc qui vont donner le support, qui vont expérimenter le support à l'emploi.

Je vous rappelle qu'avec la loi n° 37 et la Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre les prestataires étaient en marge complètement de la politique active. Les prestataires de l'aide sociale, ils étaient uniquement confinés à l'employabilité dans les mesures qui supplémentaient le barème de base; ils n'étaient pas dans la politique active.

En même temps, je vous entends et vous dites: Il n'y en a pas d'emploi. Mais, la recherche de solutions à la crise de l'emploi, par quoi va-t-elle passer? Par la résignation? Elle va passer par à peu près ce dont on peut s'inspirer qui se fait de mieux ailleurs. Il y encore eu, cet automne, un colloque important: Créer l'emploi . En Europe. Ça avait lieu à Genève. Savez-vous les trois grandes pistes qu'ils ont développées? Supplémenter le travail plutôt que de financer le chômage, développer – eux, ils n'appellent pas ça l'économie sociale mais des emplois de proximité – l'économie sociale et, troisième piste, la petite et moyenne entreprise avec le développement local.

Il y a un livre blanc que mon collègue Guy Chevrette va publier à la fin du mois de février sur le développement local. Alors, comment on fait face à la montée du chômage? Comment on met en place des solutions dans la crise de l'emploi? Bien, c'est de ça dont il s'agit aussi, là. Sinon, je suis obligée de dire que ce que vous concluez, c'est: Donnez de l'argent aux gens. Vous nous dites que ça devrait être autour de 13 650 $, je pense, pour une personne seule. En fait, vous me dites: Le budget est à 4 000 000 000 $ à l'aide sociale, grosso modo; grosso modo. Je pourrais le faire évaluer et vous l'envoyer. Vous dites: Augmentez ça d'environ 1 500 000 000 $, 2 000 000 000 $. Je vous rappelle qu'à ce moment-là, ça ne crée rien, ça fait juste garder les gens en dehors d'une politique active. Bon.

J'ai comme un peu de difficulté à vous suivre aussi, je vous le dis, sur le droit à l'autonomie. C'est quoi, à 20 ans, le droit d'être sur l'aide sociale? Il me semble, moi... j'aimerais ça qu'un jeune me réclame le droit, à 20 ans, d'avoir une chance de réussir sa vie. Vous, vous me parlez du droit à l'autonomie. En fait, ça veut dire, en termes clairs, qu'à 20 ans il a le droit d'être sur l'aide sociale et d'y rester. Et puis vous me parlez, à la page 11, du droit... Vous dites que le projet nie... Ce n'est pas un projet de loi, en fait, c'est un livre vert. Et, vert, ça veut dire que c'est ouvert, c'est ouvert à une consultation parce que les décisions ne sont pas prises, sinon il serait blanc.

(11 h 50)

Vous dites que le projet de loi nie aux femmes prestataires leur droit de pouvoir s'occuper elles-mêmes de leur enfant et introduit une discrimination par rapport aux autres femmes. Pensez-vous que les femmes travailleuses, elles, ont le droit de choisir de s'occuper de leur enfant? Ça, c'est un droit que Gilberte Côté-Mercier réclamait avec un salaire pour les femmes au foyer. Mais, c'est quoi le droit? Quand vous dites que c'est un droit, les travailleuses, elles... Actuellement, on est en train justement d'essayer de corriger le fait qu'elles n'ont même pas droit à un vrai congé de maternité parce que les resserrements à l'assurance-emploi font qu'il n'y a que 48 % des travailleuses qui ont cotisé et qui vont avoir le droit à un congé de maternité à cause de tous les resserrements à l'admissibilité. Là, on ne parle même pas de droit de s'occuper de leur enfant, on parle de droit d'avoir un congé de maternité pour accoucher et allaiter pendant que le bébé est tout petit.

Là, vous me parlez que c'est une discrimination par rapport aux autres femmes. Mais, est-ce que les autres femmes ont le droit à un salaire pour rester au foyer? Moi, je veux vous dire: je pense que les personnes qui sont des femmes chefs de famille monoparentale, qui sont courageuses, ont, je crois, aussi le droit de se poser la question si elles n'ont pas le droit à une réalité, si vous voulez, à une dimension personnelle, économique aussi, qui va faire qu'elles ne seront pas dépendantes.

Alors, bon, je comprends que tout ça se discute et je suis bien prête à échanger avec vous, mais, quand vous me parlez de droit et de discrimination, je vous dis: de qui me parlez-vous? Les autres travailleuses pourraient venir ici vous remplacer et dire: Nous, notre droit à ne pas travailler pour éduquer notre enfant, vous en feriez quoi? Elles peuvent plaider qu'il y a une discrimination par rapport à celles qui, dans le fond, reçoivent une prestation sans avoir finalement, comme elles, l'obligation de gagner leur vie? Où est-ce qu'on s'en va avec des droits comme ça qu'on se lance par la tête?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Comtois. Et la prochaine question sera posée par la députée de Rimouski.

Mme Dionne (Lisette): Moi, je vais y aller. J'ai l'impression de ne pas reconnaître notre mémoire dans, je dirais, la version que vous en avez donnée. On n'a jamais prôné le statu quo. Ce qu'on a fait, on est parti des besoins des gens et on a dit: C'est quoi, ces besoins-là? C'est clair qu'une des façons de gagner dignement sa vie, c'est qu'il faut... S'il y avait des emplois, les gens pourraient gagner dignement leur vie. On ne défend pas le fait que les gens doivent rester sur l'aide sociale, c'est un mal, l'aide sociale. C'est qu'il n'y a pas eu d'autre choix, si les gens se retrouvent à l'aide sociale.

Quand on parle donc, la première chose qu'on dit, c'est que, tant qu'on ne s'occupera pas de création d'emplois, qu'on n'en fera pas une priorité, que ça ne sera pas une obsession nationale, dans le fond, les gens, comment ils vont pouvoir réintégrer? On aura beau faire les meilleurs parcours, s'il n'y a pas d'emploi au bout, dans le fond, on tourne en rond. Alors, pour nous, il est évident que la priorité, la question de la création d'emplois est extrêmement prioritaire.

Sur la question des mesures d'employabilité, oui, on a voulu dire ce qui se passe actuellement parce qu'il y a toujours des beaux discours sur les mesures d'employabilité. Toujours, ça nous est présenté... Personne n'est contre la vertu. Donc, d'avoir un support à l'emploi, qui peut être contre ça? On a voulu présenter c'était quoi, la réalité, là, sur le terrain, comment c'est vécu, ce genre de choses-là. Vous dites: Vous parlez d'abus de promoteurs; je suis arrivée et j'ai mis fin à l'entreprise privée. Mais, il n'y a pas juste dans l'entreprise privée qu'il se fait des abus. Le pire cas d'abus qu'on a vu, c'est une association de familles d'accueil où les gens, dans le fond, se faisaient carrément abusés. Ils étaient même rendus, les prestataires qui allaient là sur des mesures EXTRA, à faire des lavements. On a réussi, d'ailleurs, avec des échanges avec le ministère, à faire arrêter cette mesure-là.

Ce qu'on dit, c'est que, quand l'approche est coercitive, les gens, vous les placez dans une situation, dans le fond, où ils n'oseront pas se plaindre alors qu'ils peuvent se faire abuser dans des mesures. Je reprends ce cas des familles d'accueil. Quand on en a parlé au ministère ou dans notre région, à la direction régionale, on a dit: On a des plaintes, on voit que, dans le fond, il y a des gens qui... il y a l'air à y avoir de l'abus sur les mesures.

Un premier fonctionnaire a fait un sondage. Alors, il a appelé les gens. Tout le monde disait qu'il était très satisfait de la mesure. O.K.? Le seul indice qu'on avait, c'est qu'il y avait un fort taux de roulement. Les gens, ils quittaient parce qu'ils étaient insatisfaits de la mesure, ils se faisaient abuser, sauf qu'ils ont été pénalisés pour ça. Le seul critère qu'on avait, on se disait: Comment ça se fait, si les gens sont si contents que ça, qu'ils ont un tel taux de roulement? Finalement, ils ont poussé plus loin. C'est là qu'ils ont découvert que ce qu'on avait dit, c'était bien pire, la réalité, que ce que, nous, on en savait.

Ce qu'on savait, c'est que les promoteurs, ils utilisaient les gens sur des mesures EXTRA à des fins personnelles. C'est ça qu'on avait dénoncé. On disait: Dans le fond, les gens reçoivent de l'argent et l'utilisent à des fins personnelles. Mais, quand ils ont poussé la machine, ils ont découvert que les gens donnaient des médicaments, ils donnaient des lavements, ils remplaçaient les... La famille d'accueil s'en allait la fin de semaine, c'étaient des gens sur des mesures qui les remplaçaient, sans encadrement ni rien de ça. Et pourtant il n'y avait pas de plaintes de portées par les prestataires parce qu'ils ont eu peur de se faire accuser de manquer de motivation.

Sur le droit à l'autonomie, c'est sûr qu'on ne défend pas que les jeunes se retrouvent à l'aide sociale, on ne défend pas le droit à l'aide sociale, ce qu'on défend, c'est, dans le cadre où il n'y a pas assez d'emplois, que les gens aient accès à un minimum décent pour vivre. Il faut que les besoins de base soient couverts. S'ils ne sont pas couverts, comment les gens... Si, moi, toute ma question, c'est de la survie: comment je peux survivre? comment j'ai de la disponibilité d'esprit et l'argent pour prendre l'autobus, faire des démarches d'emploi? comment est-ce que je peux... C'est sûr qu'on ne défend pas le droit des gens à l'aide sociale.

Sur le droit des familles, je pense que Thérèse pourrait continuer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, madame.

Mme Thiffault (Thérèse): Oui. Je regrette vraiment, Mme Marois, la façon que vous...

Une voix: Mme Harel.

Mme Thiffault (Thérèse): Mme Harel, je regrette vraiment la façon que vous accostez le... Ce qu'on demande, tout simplement, c'est du volontariat pour la femme qui éduque ses enfants puis qui se considère apte à le faire. Avant d'aller au travail à temps plein ou à temps partiel, j'ai éduqué des enfants à la maison. Puis, même si je n'avais pas de salaire, si je n'étais pas rémunérée – d'après la société, je ne travaillais pas parce que j'étais à la maison – j'ai fait un syncope de beau travail. J'ai élevé huit enfants: quatre garçons puis quatre filles qui, aujourd'hui, sont un support à la société. Donc, j'avais un talent pour le faire. Mais, ce talent-là n'est pas reconnu à toutes les femmes ou à certaines femmes qui le conçoivent, qui savent qu'elles ont un talent. Pourquoi ces femmes-là n'ont pas le droit de dire: Bien, moi, là, j'aime autant rester à la maison pour éduquer mes enfants jusqu'à ce qu'ils aillent à l'école; ensuite, prendre un travail à temps partiel? C'est exactement ce que j'ai été capable de faire, puis c'est ce que je souhaite à toutes les femmes. Ce n'est pas parce qu'une femme est riche... Tantôt, là, vous m'avez fait vraiment voir de travers.

Quand vous dites que les travailleuses, les femmes travailleuses n'ont pas de congé de maternité, je conçois que les femmes au travail ne sont pas protégées; je suis bien d'accord avec ça. Mes filles, qui sont à l'extérieur, elles ont des enfants puis elles ne sont pas protégées comme les hommes le sont. Bien d'accord avec ça. Mais, ce n'est pas parce qu'on va prendre nos droits sur le dos des personnes les plus mal prises, sur les femmes qui sont assistées sociales, ce n'est pas comme ça qu'on va relever une société. Moi, je crois qu'une femme assistée sociale aurait le droit de choisir; qu'elle n'ait pas de pénalité si elle dit: Moi, j'aimerais mieux rester avec mon enfant jusqu'à ce qu'il aille à l'école. Qu'on n'oblige pas une femme, mère de famille, à envoyer son enfant à trois ans. On dit – moi, ce que j'ai lu et ce que vous avez certainement lu – que tout se passe avant six ans. Eh bien, si, à trois ans, là, je fous mon enfant dans les garderies... puis j'ai vu des personnes qui sont obligées d'aller dans les garderies parce qu'elles sont coupées à l'aide sociale si elles ne vont pas dans les garderies.

Il y en a beaucoup de garderies dans le coin, chez nous, puis ces personnes-là, bien, elles traitent les enfants de têtes de pioche, de petits sans allure, de petits pas d'allure. Bon, elles les traitent comme ça. Je comprends, elles sont dépassées. Elles n'aiment pas ça éduquer des enfants. Bien, si on aime éduquer les enfants, on devrait avoir le droit de le faire et de ne pas être coupé de 150 $ par mois parce qu'on refuse une formation. Puis, cette formation-là, on ne la refusera pas toute notre vie, parce qu'à un moment donné, après que tu as rendu tes enfants à l'école, tu veux être un apport à la société. Et là, si tu as le droit, si tu as un accompagnement, tu vas y aller en formation. Mais, c'est la coupure de 150 $ par mois...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il reste une minute.

Mme Thiffault (Thérèse): ...c'est l'obligation qu'on fait aux familles monoparentales, les obliger d'aller en formation; je suis vraiment contre ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il reste une minute, Mme la ministre.

Mme Harel: Je la laisse à Solange, bien évidemment.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Bonjour, mesdames et messieurs, merci pour votre mémoire. Je pense qu'il faut rajouter, suite à l'intervention de madame, que la mesure EXTRA, entre autres, l'article 23 sur les normes minimales du travail s'applique. Et ça, c'est important qu'on retienne ça, parce qu'on reconnaît que c'est un travail salarié et on donne, on reconnaît le statut de travailleur aussi à ces gens qui occupent des emplois dans le cadre de mesures.

(12 heures)

Je voudrais revenir sur votre mémoire. Vous avez parlé, à la page 3 de votre mémoire, que vous vouliez que la loi sur les normes minimales du travail soit bonifiée. J'aimerais ça savoir dans quel sens vous voulez qu'elle soit bonifiée.

M. Gagnon (Michel): Bon. Vous venez de nous dire, tout à l'heure, que les personnes qui participaient à des programmes, à des projets, étaient protégées par la loi des normes du travail.

Mme Charest: C'est le programme EXTRA, dont je vous parle.

M. Gagnon (Michel): EXTRA. Sauf qu'on sait bien qu'EXTRA n'est...

Mme Charest: Non, les autres ne le sont pas.

Une voix: Ils ne le sont pas présentement?

M. Gagnon (Michel): Ils ne le sont pas et il faudrait qu'ils le soient, quelque part. Il faudrait aussi, si on considère que c'est un réel travail, qu'ils touchent minimalement le salaire minimum.

Bon. Je trouve que la réforme mêle deux affaires, c'est-à-dire une réforme de la sécurité du revenu où on mélange les ingrédients d'emploi et, à mon avis, c'est une mauvaise chose de le faire, parce qu'on occulte le problème de l'emploi. On dit: On va remettre sur le marché du travail, vers l'emploi, vers la formation, des personnes, mais on occulte le problème qu'il n'y en a pas, d'emploi. Je répète ce que plusieurs vous ont sûrement dit. Il est là, le problème.

Améliorer les lois du travail. On le sait, déjà, les personnes qui travaillent au salaire minimum, même s'il existe une loi sur les normes minimales du travail, ne sont pas protégées. On veut retourner sur le marché de l'emploi des personnes par le biais de programmes – PAIE ou des bons d'emploi – ce qui fait que ça, ça va créer une pression sur l'emploi non syndiqué. Il faut protéger cet emploi-là, il ne l'est pas. Même s'il y a la loi, même si, dans la loi, il y a plusieurs articles qui protègent contre les congédiements, on sait que concrètement, dans la vraie vie, ce n'est pas comme ça que ça se passe quand on regarde la façon de travailler de la Commission des normes du travail.

Mme Charest: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière courte question.

Mme Charest: Le président me fait signe que j'ai peu de temps, mais je veux quand même revenir à votre mémoire. Je l'ai lu et relu ce matin, en même temps que vous le lisiez, et, ce qui me frappait, et je ne suis pas nécessairement en désaccord, là: vous nous parlez beaucoup des droits, des droits à une information objective et complète, puis il me semble que c'est des choses qui vont de soi. Mais, quelque part, je n'ai pas vu ce serait quoi, la responsabilité des personnes qui sont aux prises avec un problème et qui doivent faire appel à l'aide sociale? Je le dis en ayant à l'esprit tout le respect dont je suis capable pour toute personne qui existe au Québec et qui a droit de demander de l'aide sociale. Je n'ai rien, dans le mémoire, qui me parle des responsabilité des individus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Courte réponse.

Mme Dionne (Lisette): On parle tellement des obligations. Dans le fond, on n'est pas obligé d'en parler, on a l'impression qu'on ne parle que de ça, actuellement. Ce que je veux dire, c'est que, oui, tout individu a non seulement des droits, mais a des responsabilités. Mais, comme on le dit dans notre mémoire, pour assumer une responsabilité, il faut avoir des moyens pour le faire; sinon, vous écrasez la personne. Vous pouvez demander à quelqu'un de se chercher un emploi, mais il faut qu'il y en ait sur le marché. Vous pouvez demander à quelqu'un de faire une mesure, mais il faut que la formation qui est là, elle soit qualifiante. En un mot, si, moi, je donne des responsabilités mais je ne donne pas les moyens, dans le fond, je viens d'entraver la personne. Nous, ce qu'on dit: Oui, la responsabilité, mais il faut d'abord que les conditions soient là pour pouvoir les assumer.

Mme Charest: O.K. Merci. J'aurais poursuivi...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonjour. Je vais continuer dans la même lancée que madame au niveau des familles monoparentales. On a comme l'impression, quand on entend les ministériels, que finalement les gens demandent: S'il vous plaît, s'il vous plaît, amenez-moi à l'aide sociale, c'est le paradis sur terre. Je m'excuse, là, mais vivre de l'aide sociale, c'est vivre sous le seuil de la pauvreté. Puis, avec ce qu'on a devant nous, c'est vivre la pauvreté aiguë, c'est vivre la misère. Alors, il va falloir changer le message.

Ce qu'on ne vous dit pas, au niveau du volontariat, de l'obligation avec pénalité pour les familles monoparentales: Le Conseil du statut de la femme, statistiques en main, nous a bien dit que, actuellement, au moment où on se parle, ce sont les chefs de familles monoparentales qui font le plus de démarches de participation, le plus de démarches au niveau du rattrapage scolaire. Alors, on n'a pas besoin de tout le caractère coercitif pour les chefs de familles monoparentales, de dire: Écoutez, vous autres, parce que vous voulez... On donne l'impression aussi que c'est presque dévalorisant de rester à la maison avec nos enfants, il faut absolument sortir de la maison pour aller en mesures. Les femmes le font déjà. Les femmes, chefs de familles monoparentales, dans les statistiques – c'est démontré – ce sont elles qui participent le plus à la réintégration en emploi, dans les mesures d'employabilité et dans le rattrapage scolaire.

Le raisonnement qu'on nous donne actuellement, là, il est erroné. Je pense qu'il va falloir qu'on ait le courage, d'ici la fin de la commission, M. le Président, que le gouvernement nous le dise vraiment que le fait, finalement, de mettre le caractère obligatoire et le fait d'enlever le barème de non-disponibilité aux chefs de familles monoparentales, ce n'est pas pour les aider, c'est parce qu'on veut faire des économies sur leur dos. Si on voulait les aider vraiment... Ici, quand on parle des chefs de familles monoparentales à l'aide sociale, parmi les pauvres, ce sont les familles les plus pauvres du Québec. Et ce qu'on ne dit pas non plus, c'est que l'allocation unifiée ne vient pas aider leur situation économique. Je pense que vous avez fait les calculs – je ne sais pas si c'est votre groupe – pour les chefs de familles monoparentales avec de jeunes enfants. Avec ce qu'on a actuellement pour l'allocation unifiée, bien, les enfants de l'aide sociale sont perdants, avec les chiffres qu'on a devant nous actuellement. Si ces chiffres ne sont pas modifiés par le gouvernement, bien, les jeunes enfants à l'aide sociale sont perdants avec ces chiffres-là. Alors, je pense qu'il faut remettre les pendules à l'heure.

J'aimerais vous poser une question. Vous parlez justement, tout à fait au contraire de ce qu'on a devant nous, à la page 3 de votre mémoire: «Éduquer son enfant est une forme de contribution sociale.» Et vous parlez de l'implication de la communauté dans le même contexte. Est-ce que vous aimeriez, si jamais il y avait un grand virage de la part du gouvernement, voir à ce que l'implication des femmes soit considérée finalement comme une reconnaissance de l'implication sociale peut-être avec le barème de participant au lieu de l'abolition du barème de non-disponibilité? Vous savez, quand vous dites à la page 3: «De plus, il faut que la société reconnaisse d'autres formes de contribution sociale. Éduquer son enfant est une forme de contribution sociale qui est tout aussi valable que celle d'occuper un emploi. Il en est de même pour l'implication dans la communauté.» Je me demandais si vous faisiez une relation entre les deux pour la reconnaissance de l'implication sociale?

Mme St-Germain (Lise): Bien, nous, ce qu'on dit, dans le fond, c'est que le travail que les femmes font d'éduquer leurs enfants, c'est un travail qui devrait être reconnu autant que celui de travailler à l'extérieur de la maison. Et, dans le fond, on ne veut pas de privilège pour les femmes de l'aide sociale, on veut que toutes les femmes, y compris les femmes de l'aide sociale, aient accès et les ressources nécessaires soit de rester à la maison ou de travailler. Si elles choisissent de faire des parcours vers l'emploi, qu'on leur donne toutes les ressources disponibles pour faire ces choix-là. Si elles choisissent de rester à la maison avec leurs enfants, ça devrait être aussi reconnu que d'aller travailler. Aussi reconnu, ça veut dire reconnu dans les valeurs de la société, reconnu financièrement et qu'elles aient, dans le fond, les mêmes moyens, que ça soit égal, mais pour toutes les femmes. On ne veut pas que ça soit un privilège aux femmes assistées sociales. Je suis tout à fait d'accord, il y a plein de femmes qui travaillent et ce n'est pas facile dans leur vie, mais je suis tout à fait d'accord aussi pour qu'on augmente les ressources qui sont données à ces femmes-là.

J'en profiterais pour faire une autre intervention d'un autre ordre, qui concerne le mémoire, mais qui n'a pas tout à fait attiré votre attention, c'est toute la question de la formation de base. Chez les personnes assistées sociales, dans notre région en tout cas – je pense que ça varie un peu dans d'autres régions, mais je ne connais pas les chiffres exacts – il y a 52 % des personnes assistées sociales, y compris les 18-24 ans, qui ont une huitième année et moins. Ça, ça veut dire que ce sont des personnes analphabètes.

Présentement, il y a comme un trou dans le projet de réforme de Mme Harel, il y a un trou au niveau du parcours pour les personnes analphabètes, parce que l'ensemble des parcours sont axés vers l'emploi. Ça peut être très intéressant pour plein de personnes, sauf que les personnes analphabètes, elles n'ont pas nécessairement accès à ces parcours-là. Nous, on qualifie que l'analphabétisme, ça devrait être considéré comme une contrainte sévère à l'emploi, surtout quand c'est huitième année en descendant.

La formation de base, dans le fond, l'alphabétisation, c'est comme une première étape préalable à l'emploi et ça permet l'intégration sociale des personnes. On le sait, les personnes analphabètes vivent énormément d'exclusions comme beaucoup d'autres personnes, mais, dans une société comme la nôtre, ça ne se peut pas l'analphabétisme, tu es bloqué dans plein de situations de vie. On le sait aussi, les personnes analphabètes sont pleines de compétences et elles ont le goût de travailler, sauf que quand elles arrivent sur le marché de l'emploi, elles se heurtent à des murs parce que la réalité du marché du travail, aujourd'hui, n'est pas faite pour les personnes analphabètes.

On le sait, les critères sont de plus en plus exigeants. L'informatique, la communication, on nous demande 10 000 000 de compétences, en tout cas, ce que les personnes analphabètes n'ont pas rapidement. Il y a 20 ans, ce n'était pas un problème d'être analphabète pour avoir un travail, mais, aujourd'hui, c'est vraiment un obstacle majeur, l'analphabétisme. On ne retrouve pas dans le projet de réforme des lieux qui leur permettent, en dehors des programmes d'insertion vers l'emploi, d'avoir accès à la formation de base. Vous allez peut-être me dire: Ça relève du ministère de l'Éducation. Le problème, c'est que des personnes assistées sociales qui sont analphabètes, on ne peut pas les diviser en deux ministères. Une personne, c'est un tout, avec tout son environnement et tout ce qu'elle vit. Dans ce sens-là, nous, on dit: Le revenu qu'il y a à l'aide sociale, ça doit permettre aux personnes d'assumer leur rôle, de se prendre en charge. Le rôle d'une personne analphabète, bien, c'est de s'alphabétiser; si on ne leur donne pas des moyens financiers pour le faire et des corridors, en tout cas, pour y avoir accès, bien, elles sont comme exclues et, par rapport à d'autres personnes analphabètes qui ne sont pas sur l'aide sociale, c'est une injustice majeure. Alors, nous, on se demande un peu ce qui va leur arriver, à ces personnes-là.

(12 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Loiselle: C'est bien que vous en parliez, parce que c'est vrai, c'est la première fois, je pense, que toute la question, la problématique des personnes analphabètes est abordée par un des groupes. On n'en a pas vraiment discuté, c'est peut-être un volet qu'il faudra regarder davantage.

Vous disiez, dans votre mémoire, que, dans votre région, il y a 65 000 personnes aptes au travail et, en 1995, la région a été capable de créer environ 3 000 emplois, d'où vient finalement tout ce que les groupes nous disent à date, que ce qu'on a devant nous, ce n'est pas réaliste. C'est utopique de penser que, même si on offre des parcours individualisés, on crée de l'espoir pour amener la personne en bout de piste au même point A. Même si elle fait un parcours individualisé, la personne qui va le faire va s'attendre en bout de piste, quand elle va avoir terminé, à avoir un emploi. Il est clair, avec ce qu'on vit actuellement, que le gouvernement, il ne sera pas capable de répondre à la demande, parce que les gens vont terminer et il n'y en aura pas, de création d'emplois.

Encore, on regarde le taux de chômage qui augmente. Les pertes d'emplois au Québec au cours des derniers mois, on peut les compter par milliers et milliers. Alors, je pense que vous êtes un des groupes qui disent aussi au gouvernement: Écoutez, un, retirez votre caractère obligatoire, parce que ça n'a pas d'allure de pénaliser ces gens-là, ce n'est pas de leur faute, la conjoncture économique; et, de deux, faites-nous la preuve que vous êtes capables de créer de l'emploi, que vous êtes capables de réinsérer ces gens-là sur le marché du travail, et puis après on verra.

Alors, j'aimerais vous entendre davantage: Si, finalement, ce qu'on a devant nous n'est pas attaché à une vraie politique de création d'emplois durables, c'est voué à l'échec, tout ça.

M. Fournier (Jean): J'irais un peu plus loin dans l'analyse que nous pouvons faire actuellement du marasme économique que nous vivons. Ce n'est pas conjoncturel, c'est structurel.

Mme Loiselle: Structurel, oui.

M. Fournier (Jean): Actuellement, les créateurs d'emplois se contentent d'un taux de chômage de 10 %. Actuellement, tous les États des pays postindustrialisés se contentent d'un taux de chômage qui se situe au-dessus du 10 %. Actuellement, on se satisfait du contexte actuel. Alors, notre analyse, nous, est de dire qu'il faut aller beaucoup plus loin, se donner une véritable politique d'emploi. Mme Harel disait tout à l'heure: Il y a une crise de l'emploi. Elle le constate, nous aussi. Quelles sont les possibilités? Elle mentionnait l'économie sociale, tout en étant consciente que ce concept est à réfléchir, à camper davantage pour éviter de chirer. Elle parlait de développement local, nous le cautionnons. Je travaille pour une corporation de développement communautaire et nous sommes conscients que ce concept de développement local doit être enraciné et constitue une piste de solution, mais sûrement pas une panacée.

Il y a des possibilités. Pourquoi ne pas contraindre les grandes entreprises à ne plus opter pour les mises à pied larges, comme le fait Bell Canada, comme le fait la Banque nationale, comme l'a même envisagé le réseau des caisses populaires? Pourquoi ne pas se contraindre, comme État, à ne plus opter pour la mise à pied?

Mettre fin à la fuite des capitaux. Michel Chartrand le mentionnait tout à l'heure et c'est largement documenté, Léo-Paul Lauzon le mentionne quand il le peut: mettre fin aux capitaux, c'est une priorité étatique. La fuite des capitaux correspond à des coûts sociaux, à des coûts économiques faramineux pour l'État. Alors, pour nous, il est clair qu'il y a des causes structurelles au marasme que nous vivons. Comme vous le disiez et comme plusieurs groupes le mentionnent, il est nécessaire de mettre de l'avant une véritable politique de création d'emplois.

Le dernier sommet a réussi à créer, à mettre sur la table quelques projets intéressants et qui, en bout de ligne, ne vont créer que quelques milliers d'emplois. Ça, c'est insuffisant, malgré le fait qu'on retrouvait autour de la table tous ces bonzes qui, à coeur de jour, demandent à l'État de diminuer les couvertures pour les travailleurs et les travailleuses, ne désirent véritablement pas que l'État augmente le salaire minimum, demandent à l'État d'exaucer leur voeu de diminuer les charges des employeurs. Alors, il y a une rhétorique qui est extrêmement cynique.

Mme Loiselle: La semaine dernière, la CSD et la Fédération des CLSC a attiré notre attention sur les disparités locales, qu'il y aurait peut-être une inéquité pour les prestataires. Finalement, au Québec, ce n'est pas toutes les régions qui sont bien organisées, ce n'est pas toutes les régions qui ont des acteurs socioéconomiques bien articulés, des leaders dans leur communauté, où il y a le partenariat entre le milieu communautaire, les patrons et les entreprises. Alors, la CSD et la Fédération des CLSC nous disaient: Faites attention, parce que, finalement, c'est peut-être le prestataire qui vit dans une région où c'est moins bien organisé, qui, lui, va avoir moins accès à des mesures, qui a moins de chances qu'un autre qui est dans une région mieux organisée. Vu que vous représentez une coalition régionale, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là.

M. Fournier (Jean): Notre Corporation de développement communautaire est issue d'un milieu rural. Alors, ce que je vais exprimer correspond peut-être davantage à la réalité rurale. Il est clair que de mettre en place constamment de multiples lieux de concertation, conseil des partenaires, etc., pour nous, l'inquiétude que nous avons, c'est la relative difficulté ou le défi considérable d'apprendre à se concerter et d'avoir une mécanique de concertation efficace qui permettra aux personnes bénéficiaires de l'aide sociale, qui permettra aux personnes chercheuses d'emploi d'avoir des corridors d'espoir qui se détacheront. Alors, pour nous, il est clair que c'est un défi considérable.

Et j'avoue qu'il y a certaines craintes légitimes quant à la volonté étatique louable de vouloir mettre en place une mécanique de concertation efficace tout en étant conscient que les milieux n'ont pas nécessairement les capacités d'absorption. D'autant plus que les MRC vont vivre très prochainement du «dumping». Les municipalités aussi vont vivre très prochainement du «dumping». Je ne suis pas sûr qu'il y a actuellement les ressources humaines nécessaires, principalement dans les petites localités, pour assumer ce choc. Ça ne veut pas dire que les petites localités n'ont pas le potentiel de se prendre ne main, mais il faut de l'espace-temps et il faut des moyens financiers et des ressources humaines formées qui voudront investir le temps nécessaire.

Ce n'est pas avec l'obsession du déficit zéro d'ici l'an 2000 qu'on arrivera à ce que véritablement le concept de développement local s'enracine, à ce qu'une concertation s'articule. Il faut de l'espace-temps. Pour nous, ça, c'est une nécessité. Il faut des ressources humaines et financières, bien sûr, et de la confiance, la confiance que le milieu arrivera à se prendre en main. Mais, ça, on ne fait pas ça demain. On se donne un plan de travail, on l'articule avec les personnes concernées et on se donne des moyens, un échéancier et des méthodes d'évaluation, mais on ne fait pas ça dans un contexte réduit, avec l'obsession du déficit zéro.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, madame!

Mme Dionne (Lisette): Moi, j'ai siégé sur ce qu'on appelle la politique active du marché du travail, les comités qui ont travaillé sur ça. Autour de la table, les partenaires – en principe, j'en étais une – c'était tout du monde très ouvert, qui cherchait des solutions sur la création d'emploi. Moi, l'expérience que j'ai vue de ça était un petit peu négative parce que, d'abord, quand il a été question des budgets, il y avait eu des coupures dans les budgets. Par exemple, peut-être que dans notre région il y avait 58 000 000 $; soudain, on se retrouvait avec 30 000 000 $. Il y avait eu des coupures assez importantes au niveau des mesures d'employabilité ou des programmes. Et ils étaient tellement normés que ce n'était pas un budget, par exemple, de 50 000 000 $ qu'on avait et on décidait qu'il faudrait en diriger tant à tel endroit. Ce n'était pas ça du tout. Ils étaient tellement normés: il y avait des ministères dont la norme était provinciale, d'autres avaient une marge de manoeuvre mais ils n'étaient pas prêts à la mettre au milieu de la table parce que, là, l'argent serait parti pour les autres, pour les besoins d'autres ministères.

En un mot, le résultat final était assez pépère, assez statu quo par rapport à ce qui existe actuellement parce qu'il n'y avait pas la marge de manoeuvre. Je trouve que ça ressemble un petit peu à ce qu'on fait avec les municipalités, c'est-à-dire qu'on envoie la responsabilité; l'argent ne suit pas au même degré que les responsabilités qu'on envoie et, en plus, il y a tellement de normes, les budgets sont tellement normés que, finalement, on n'a pas autant accès qu'on le souhaiterait.

Le deuxième danger que je vois: la norme locale, ça peut être intéressant, sauf qu'il y a du danger aussi parce que ça signifie qu'il faut conserver aussi des normes provinciales. On l'a vu dans tout le débat sur la question du bénévolat forcé: il y a des municipalités qui étaient pour, il y en a d'autres qui étaient contre. Alors, ça veut dire que le prestataire, dépendamment dans quel milieu il se situe, peut se retrouver, dans le fond, avec des normes discriminatoires ou, en tout cas, avoir des inconvénients s'il n'y a pas aussi une norme provinciale. Moi, je me dis: il faut avoir des normes provinciales, mais il faut que les budgets soient un peu dénormés pour que les partenaires aient un peu accès à ce niveau-là.

(12 h 20)

Mme Loiselle: M. Camil Bouchard, quand il est passé à cette commission, nous disait qu'un des problèmes aussi, c'est l'absence régionale, et plusieurs groupes nous en ont parlé, de cette absence régionale là. Il disait, M. Bouchard, que finalement on devrait peut-être former un comité de soutien, de coordination et de planification dirigé par la SQDM. Là on sait ce qui attend la SQDM: tranquillement, pas vite, on vide la SQDM, on lui enlève les pouvoirs décisionnels, on lui donne un petit rôle consultatif. Ça, c'est seulement pour ne pas dire qu'on l'abolit complètement.

En lui donnant le rôle consultatif, ce que ça provoque chez les partenaires du marché, quand le Conseil du patronat est passé devant nous, il nous a dit que c'était clair que si on retire à la SQDM le pouvoir décisionnel, le patronat n'embarquera peut-être plus dans la démarche gouvernementale. Les centrales syndicales nous ont dit la même chose et M. Gingras, de la CSD, la semaine dernière nous a dit que ça va provoquer un désintéressement flagrant chez les partenaires du marché.

Alors, là, c'est assez inquiétant quand on entend le patronat, les centrales syndicales, qui nous disent que, bon, si le gouvernement finalement ne redonne pas le pouvoir décisionnel à la SQDM, qu'à ce moment-là ils vont peut-être avoir de la difficulté à aller chercher leur collaboration comme ils l'ont actuellement. J'aimerais vous entendre sur ça, sur le fait que le gouvernement donne un petit rôle consultatif limité à la SQDM et que ça peut provoquer finalement toute la concertation qui existe actuellement entre le patronat, les syndicats et les organismes communautaires, que ça pourrait finalement provoquer cette scission-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Dionne (Lisette): Je vais y aller encore à partir de l'expérience que j'ai vécue. Il est très évident, quand il y a eu la conférence de presse qui présentait le projet, je vais vous dire, je n'y suis pas allée, j'avais un peu honte, parce que c'était tellement statu quo, ce qu'on avait sorti. On se retrouve avec la responsabilité, sauf que vous avez les mains liées, vous n'avez pas tous les outils en main pour pouvoir... Si finalement le résultat est insatisfaisant, c'est vous qui allez recevoir les tomates. Il est évident que qui veut se placer dans une situation... C'est comme si on avait les responsabilités... On revient à la même chose que ce qu'on disait sur l'aide sociale: c'est bien de donner des responsabilités, mais il faut donner les outils aussi pour que les gens puissent les assumer. Si on fait un conseil de partenaires puis qu'on garde la majorité des outils en main, dans le fond, qui veut se placer dans une situation où vous pouvez être blâmé pour une situation sur laquelle vous aviez plus ou moins de prise?

Mme Loiselle: Qu'est-ce qu'on peut décoder finalement de ça, c'est que finalement tout le pouvoir décisionnel et le contrôle sont envoyés au ministère et on les retire de la SQDM. C'est ça. C'est ce que vous pensez?

Mme Dionne (Lisette): C'est ce qu'on a vu en tout cas au niveau des budgets qui restaient normés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup. Ça termine cette intervention.

Mme Harel: M. le Président, me permettrez-vous, peut-être de rassurer: ici même, au salon rouge, les régions du Québec sont venues déposer des avis régionaux suite à la politique active, suite à quoi le gouvernement entend justement procéder par une gestion par fonds. Alors, on est à mettre au point les ententes qui vont être signées avec chacune des régions pour qu'il y ait des fonds régionaux à l'intérieur desquels la marge de manoeuvre que vous décrivez puisse être maintenant possible, ce qui ne l'a jamais été durant les neuf ans où l'opposition était au gouvernement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup. Les travaux sont suspendus jusqu'à 14 heures exactement, cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

(Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Nous recevons les représentantes et les représentants de la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec.

M. Saint-Onge, j'apprécierais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent et commenciez votre présentation. Vous êtes des habitués, je n'ai pas besoin de vous donner les explications. Allez-y.


Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec

M. Saint-Onge (Florian): Alors, M. le Président, mesdames de cette commission, je voudrais d'abord vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et effectivement vous présenter mes collègues. À ma droite, la présidente du conseil d'administration de la régie du Bas-Saint-Laurent et qui est membre du conseil d'administration de notre Conférence, Mme Diane Vallières, et à ma gauche, notre vice-présidente exécutive, à la Conférence, Mme Lise Denis.

La Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux est formée des 17 régies régionales et du Conseil régional cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James. La mission principale de la Conférence et des régies régionales est de contribuer au maintien et à l'amélioration de la santé et du bien-être de la population québécoise en soutenant la décentralisation des services de santé et des services sociaux et en assurant la concertation entre les régions dans le secteur sociosanitaire et avec d'autres secteurs. On comprendra donc aisément que la situation des personnes qui doivent compter sur les prestations de la sécurité du revenu pour assurer leur survie économique, leur santé, leur bien-être et leur développement ne peut nous laisser indifférents. En effet, ce n'est pas devant cette commission que nous aurons à démontrer l'impact des conditions de vie et de l'environnement socioéconomique sur la santé et le développement des individus.

Vous savez tous que la sécurité du revenu et la santé et les services sociaux interviennent bien souvent auprès des mêmes personnes, enfants ou familles que les difficultés personnelles ou sociales ont rendu extrêmement vulnérables. La pauvreté, entendue dans son sens fort, qui va bien au-delà du manque de ressources matérielles, menace autant la santé et le bien-être des personnes que leur intégration économique et sociale.

M. le Président, à cet effet, en guise de rappel, nous avons annexé à ce document de présentation quelques données et statistiques tirées de la politique de santé et bien-être, lesquelles vous permettront de constater l'ampleur des problèmes que nous soulignons aujourd'hui. Les commentaires que nous vous présentons aujourd'hui découlent de cette lecture de la réalité et expriment trois grandes préoccupations.

Notre première préoccupation est la vulnérabilité particulière des prestataires de la sécurité du revenu. Les prestataires de la sécurité du revenu se trouvent dans une situation physique, psychologique et sociale éminemment précaire. Plusieurs facteurs peuvent venir rompre ce fragile équilibre et faire basculer cette clientèle dans des problèmes de vie encore plus complexes qui exigent l'intervention des services de santé et des services sociaux. Il ne faudrait donc pas que l'une des orientations et des mesures proposées par la réforme de la sécurité du revenu se traduise en un risque accru à la santé et au bien-être des prestataires. C'est notre premier souci.

Notre deuxième préoccupation vise la nécessité d'un partenariat dans la lutte à la pauvreté et à l'exclusion. Il n'y a pas que la santé et le bien-être des prestataires de la sécurité du revenu qui nous préoccupe, mais également leur préparation et leur insertion dans le marché du travail, puisque l'emploi rémunéré demeure l'un des instruments privilégiés de lutte à la pauvreté et à l'exclusion.

Cette lutte à la pauvreté et à l'exclusion, à cause même de son ampleur et de sa complexité, ne peut être le mandat d'un seul ministère ou d'un seul secteur. Nous pensons que l'objectif d'insertion dans le marché du travail ne sera atteint que s'il devient l'affaire conjointe de plusieurs et surtout de l'ensemble de la communauté à laquelle chaque prestataire appartient.

Notre troisième préoccupation porte sur l'importance de situer l'objectif de l'intégration à l'emploi dans un objectif encore plus fondamental, l'intégration des prestataires à la vie sociale active, au développement de leur communauté, que leur contribution soit rémunérée ou non. Nous croyons que la lutte à la pauvreté et à l'exclusion ne peut se limiter qu'à une stratégie de retour sur le marché du travail. L'objectif doit être plus large et viser à ce que chacun, qu'il occupe un emploi rémunéré ou pas, puisse apporter sa contribution au développement social de sa communauté.

Je laisse maintenant à Mme Denis le soin de développer quelques-unes des réflexions plus spécifiques auxquelles ces préoccupations nous ont conduit. Certaines de ces réflexions allument des feux jaunes sur des aspects qui nous semblent plus sensibles ou qui méritent, selon nous, davantage de précisions. Mme Denis.

Mme Denis (Lise): Merci. M. le Président, Mme la ministre, mesdames, monsieur membres de la commission, comme M. Saint-Onge vient de l'indiquer, malgré des réserves, la Conférence des régies appuie dans ses grandes lignes le projet de loi de réforme de la sécurité du revenu. Plusieurs des orientations proposées nous semblent témoigner d'une vision large et à long terme de la question de la sécurité du revenu. M. Saint-Onge a exprimé tout à l'heure trois préoccupations de la Conférence. En m'inspirant de ces dernières, j'aimerais aborder quelques aspects précis de la réforme.

D'abord, le parcours vers l'emploi et l'insertion sociale. Nous pensons que le parcours des prestataires de la sécurité du revenu ne devrait pas se limiter à un parcours vers l'emploi, mais plus globalement devenir un parcours des prestataires vers l'insertion sociale, vers un rôle plus actif dans le développement de leur milieu. Concrètement, cela veut dire que l'insertion sociale n'est plus seulement une étape préalable vers le travail salarié, mais peut être, pour certains prestataires, un élément incontournable du parcours.

Considérant la situation socioéconomique actuelle et son avenir prévisible, nous croyons que des mesures qui permettent à une personne de trouver des solutions à des difficultés psychologiques ou psychosociales qui perturbent sa vie familiale ou limitent ses capacités d'agir en société sont aussi rentables pour la société québécoise que des mesures qui tenteraient d'insérer cette personne dans un marché de l'emploi en pénurie chronique d'emploi.

Nous pensons qu'une participation active au soutien et à l'avancement de son milieu et de sa communauté devrait être reconnue comme une contribution positive à la société, une contribution qu'il faut encourager même si elle n'est pas récompensée par une rémunération.

Deuxièmement, la famille. Le document de consultation affirme sa volonté d'en arriver à un engagement renouvelé en faveur des familles. Des mesures comme l'allocation unifiée pour enfant, l'augmentation de l'aide financière aux familles à faibles revenus, le soutien aux familles monoparentales, l'accès élargi aux services de garde, les nouveaux mécanismes de perception des pensions alimentaires représentent toutes des preuves concrètes du sérieux de cet engagement qui pourra permettre des gains importants pour notre société, parce que ces mesures favorisent la prévention, l'équité et la solidarité.

Nous pensons toutefois que cet engagement à l'endroit des familles pourrait être renforcé par une orientation supplémentaire. Le ministère de la Sécurité du revenu devrait établir un barème familial de base qui représenterait un plancher absolu sous lequel les prestations globales versées à une famille ne pourraient descendre, quelles que soient les variations de barèmes ou les pénalités qui touchent les membres d'une famille.

Cette dernière proposition nous amène à traiter des pénalités prévues pour les parents récalcitrants à s'inscrire dans un parcours. Pour nous, la question des pénalités et celle du soutien à la famille vont de pair. Quand on aide un enfant, c'est sa famille qu'on aide. Quand on pénalise financièrement un parent, c'est son enfant, automatiquement, qui risque d'écoper. Si on veut que les mesures de soutien que nous venons d'énumérer gardent leur sens et fassent partie des acquis sociaux, il faudrait s'assurer que l'État ne retire pas d'une main ce qu'il a donné de l'autre.

(14 h 20)

Troisièmement, l'approche coercitive. À vrai dire, nous ne sommes pas très à l'aise avec l'approche d'obligation et de pénalité adoptée par la réforme, et ce, pour deux raisons principales. D'abord parce qu'elle ne nous semble pas réaliste dans le contexte socioéconomique actuel et parce qu'elle nous semble contre-productive. Dans un monde idéal, où la courbe de la création d'emplois suivrait la courbe des profits des institutions bancaires, l'application du principe de responsabilisation des prestataires, en termes d'obligation et de pénalité, prendrait un tout autre sens. Mais, en attendant, il nous semble que ce principe ne devrait pas devenir un dogme. Il est sans doute légitime d'exiger des prestataires de la sécurité du revenu un effort véritable et soutenu d'insertion ou de réinsertion, mais il apparaît tout aussi légitime d'exiger de la société dans son ensemble un effort véritable et soutenu pour que ce parcours débouche sur des chances de succès raisonnables, c'est-à-dire un travail décent.

Nous pensons donc que l'obligation et la pénalité ne sont peut-être pas des exigences réalistes, par les temps de chômage qui courent. Par ailleurs, si la société n'est pas en mesure d'offrir aux personnes qui s'engagent dans ces parcours une chance raisonnable de succès, on risque de brûler ou de discréditer le principe même de la réciprocité et de la responsabilité. Le parcours d'insertion est une idée fondamentale de la réforme. C'est pourquoi il est essentiel, avant de l'imposer, de s'assurer qu'il a des chances de déboucher sur le marché du travail, pas dans un cul-de-sac du chômage.

En conséquence, nous pensons que, pour les deux ou trois prochaines années, l'inscription obligatoire au parcours vers l'emploi devrait être suspendue en attendant les résultats d'une évaluation de l'impact de cette mesure et de ses résultats. Entre-temps, l'inscription au parcours d'insertion se ferait sur une base volontaire. Les prestataires de la sécurité du revenu seraient incités à y participer par des campagnes intensives de promotion qui en souligneraient les avantages et par des incitations financières ou par l'accompagnement individuel.

À long terme, nous sommes convaincus que la négociation et l'accord obtenu volontairement donnent toujours de meilleurs résultats que la contrainte. Nous croyons que la solution que nous préconisons laisse au gouvernement le temps nécessaire pour mettre en place et expérimenter les nouveaux mécanismes qui assureront l'efficacité de ce parcours, permet au gouvernement d'enclencher un processus rigoureux d'évaluation de sa réforme et laisse aux communautés le temps d'élaborer des stratégies de développement locales dynamiques.

Bien des choses peuvent changer en deux ou trois ans. Le baromètre de l'emploi peut se remettre au beau. La réforme aura traversé sa phase d'implantation, et bien des problèmes soulevés à ce stade-ci se seront probablement résolus d'eux-mêmes ou apparaîtront sous un éclairage complètement différent.

Enfin, les jeunes. Les jeunes sont fortement touchés par la situation actuelle de l'emploi. Par conséquent, une importante proportion d'entre eux a recours à la sécurité du revenu. On n'insistera jamais trop sur les effets dévastateurs d'un appauvrissement de ce groupe d'âge. L'augmentation inévitable de l'itinérance, de la délinquance et d'un ensemble de problèmes psychosociaux et sociaux provoqués par cet appauvrissement devrait être, en soi, une raison suffisante pour l'éviter à tout prix.

Les économies réalisées sur le dos des jeunes ont un prix et elles sont vite balayées par la pression additionnelle qu'elles font automatiquement peser sur le système de santé et de services sociaux. On ne peut aborder la situation des jeunes prestataires de la sécurité du revenu sans mettre l'accent sur la nécessité de développer des programmes diversifiés de formation, notamment des programmes alternatifs au réseau scolaire régulier, capables de pallier la faible scolarisation d'une proportion importante des jeunes prestataires qui séjournent longtemps à la sécurité du revenu. Si la réforme est sérieuse dans sa volonté d'accorder une priorité aux jeunes prestataires – et la remarque vaut également pour les mères de familles monoparentales – elle devrait être logique jusqu'au bout et leur permettre de participer activement à son élaboration et à sa mise en place. Une façon de le faire serait de leur assurer une place significative au Conseil local des partenaires et sûrement d'assurer leur présence à un éventuel comité des usagers. Je laisse maintenant la parole à Mme Vallières, quant à l'implantation de la réforme.

Mme Vallières (Diane): Merci, Mme Denis. M. le Président, Mme la ministre, mesdames et monsieur membres de la commission, l'implantation d'une réforme, quelques constats issus de l'expérience. Comme chacun le sait, le système de santé et de services sociaux est engagé depuis quelques années dans une réforme qui, à bien des égards, présente de nombreux points communs avec celle qui est proposée pour le secteur de la sécurité du revenu. Personne ne peut prétendre que cette réforme a toujours baigné dans l'huile, et il ne s'agit donc pas ici de faire la leçon à qui que ce soit ou de proposer une recette miracle, mais les deux réformes ayant plusieurs points en commun, nous pensons qu'on peut sans doute tirer parti de certains aspects de notre expérience. Ainsi, un des principaux enseignements de notre démarche, c'est que les orientations d'une réforme ont beau être claires, cohérentes et exhaustives, elles sont vouées à rester lettre morte si leur mise en oeuvre ne prévoit pas un certain nombre de conditions minimales. Nous en soulignons quatre qui nous apparaissent incontournables.

Premièrement, la réforme doit avoir le souci d'assurer la continuité et l'intégration des services, autant entre les partenaires d'un même réseau qu'entre ce réseau et les autres secteurs.

Deuxièmement, si la réforme veut éviter de créer un hiatus dans les services et se heurter à un mur de résistance chez les prestataires, elle doit absolument prévoir et planifier des modalités transitoires entre le système que l'on veut changer et celui qu'on veut mettre en place.

Troisièmement, il est impératif de favoriser autour du projet l'émergence d'un sentiment d'appropriation et d'une identité régionale, sous-régionale et, dans le cas précis de la sécurité du revenu, locale.

Quatrièmement, la réforme doit être précédée et constamment accompagnée d'une stratégie d'information axée sur la transparence et le partage des informations.

Responsabilité de niveau régional. Les orientations du projet de réforme risquent de demeurer lettre morte si la mise en oeuvre de la réforme ne reçoit pas autant d'attention que son élaboration. Il nous semble essentiel de faire une place à une instance régionale, dans le futur système de la Sécurité du revenu, car une instance régionale constitue un lieu de concertation, de planification et de coordination pour les acteurs qui exercent un mandat régional; favorise l'intégration intersectorielle; assure l'accès aux services à des clientèles qui n'ont pas la masse critique suffisante pour faire l'objet de services locaux; fournit un forum aux intervenants locaux; et favorise un accès plus équitable aux services et aux ressources.

Par ailleurs, nous croyons que plusieurs orientations fondamentales de la réforme ne pourront être appliquées que si elles donnent lieu à une ouverture réelle à l'apport significatif de la communauté, des partenaires et des régions. Tout en étant d'accord avec les conseils locaux d'emploi, les CLE, nous croyons essentiel que certains arrimages soient réalisés au plan local et régional avec les réformes en cours dans les autres ministères.

M. Saint-Onge (Florian): Maintenant, en conclusion, M. le Président, la série de commentaires et de questions qui précèdent ne doit pas faire oublier l'essentiel: ce projet de réforme de la sécurité du revenu nous semble représenter un pas en avant vers l'équité, la solidarité et la dignité. Si une partie importante des personnes qui demandent notre aide vit les mêmes difficultés et affronte les mêmes risques, si nous combattons la même pauvreté et vivons les mêmes objectifs, il va de soi que nous devons joindre nos forces et livrer la même bataille.

À ce titre, ce n'est pas seulement de la précarité économique que les prestataires de la sécurité du revenu cherchent à sortir, c'est aussi des problèmes physiques, psychologiques et sociaux qui y sont intimement liés. Le parcours vers l'insertion socioéconomique passe donc par l'emploi, mais il ne s'y limite pas. Recouvrer la capacité d'agir sur le milieu et de participer à la vie de la communauté est aussi essentiel à un parcours vers la dignité. Il est donc important que le projet social de solidarité et d'équité qui sous-tend cette réforme soit partagé par les communautés, qu'il devienne l'affaire de tous les partenaires concernés et que les politiques qui restent à venir puissent le compléter et lui permettre de prendre toute sa portée. C'est donc en alliés que nous intervenons aujourd'hui. La réforme que propose un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi, c'est aussi la nôtre, et nous voulons contribuer à sa réussite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'invite maintenant Mme la ministre à prendre la parole.

Mme Harel: Alors, merci. Bienvenue. Bienvenue, Mme Denis, bienvenue, M. Saint-Onge, président de la Conférence des régies régionales, et Mme Vallières, qui êtes membre du conseil d'administration. C'est bien le cas?

Alors, donc, je retrouve à la page 6 de votre mémoire les grandes orientations qui vous semblent celles à retenir. Vous dites: Un défi ambitieux, courageux et mobilisateur. En même temps, vous abordez des questions qui vous semblent être celles qui requièrent moins d'enthousiasme de votre part. Alors, je vous remercie pour ce qui est de l'appui, mais on va échanger sur ce que, dans le fond, vous critiquez, dans le mémoire que vous nous présentez.

Alors, peut-être, deux aspects, le premier étant... Peut-être un mot tout de suite, parce que vous en parlez à un moment donné, des paliers locaux, régionaux, nationaux, vous insistez sur la pertinence du palier régional. Je veux simplement vous signaler ce que j'ai eu l'occasion de confirmer ici même, au salon rouge, lors de la présentation des avis régionaux des 16 conseils régionaux de développement, avis régionaux sur la politique active du marché du travail préparée depuis un an avec la collaboration des conseils régionaux de la main-d'oeuvre de la SQDM régionale, c'est donc finalement le maintien des conseils régionaux de la main-d'oeuvre. J'ai eu l'occasion hier d'ailleurs, en rencontrant les partenaires patronaux, syndicaux, communautaires ainsi que des présidents régionaux représentant leurs confrères présidents régionaux main-d'oeuvre, de leur confirmer que le niveau régional est un niveau qui est maintenu dans la structure de la réorganisation des services publics d'emplois parce que c'est l'interface entre la politique nationale, notamment au niveau sectoriel, et la politique de développement local. L'interface va se faire au niveau régional. Juste un mot rapide là-dessus.

(14 h 30)

Peut-être aussi, très vite cependant, un mot pour vous inviter à poursuivre votre réflexion sur la question de la conversion. Vous savez, c'est quand même quelque chose de nouveau, de récent. On s'est habitué, comme société, à consacrer beaucoup, beaucoup d'argent au chômage. On investit dans le chômage énormément d'argent, on a une industrie du chômage, on gère le chômage. Et c'est vrai que c'est tout un changement de philosophie que de faire autrement. Et je comprends que, pendant 28 ans, on ne pouvait pas faire autrement, en partie, à cause du Régime d'assistance publique du Canada, le RAPC, qui, pour financer à 50 % les provinces, exigeait que les personnes soient à statut d'assisté, donc exclues du statut de travail assujetti aux normes et au Code. Alors, c'est ça qui a changé. Ça, c'était la bonne nouvelle. La mauvaise, vous la connaissez: en deux ans, 1 800 000 000 $ de moins dans les hôpitaux, l'aide sociale et les cégeps et l'université. Mais la bonne, c'est qu'on pouvait bouger. Mais, même si on peut bouger, le 1er avril, il n'est pas venu dans les mémoires beaucoup d'idées sur la manière dont on pouvait bouger. Comme si, pendant 28 ans, le pli s'était pris de rester encarcané dans une étiquette où des programmes étaient offerts seulement à des catégories et à l'exclusion d'autres, par exemple juste des programmes pour des personnes assistées sociales qui n'étaient pas les mêmes que les programmes des chômeurs. Là, vous comprenez que les chômeurs, même ceux de l'aide sociale ou de l'assurance-emploi ou qui n'ont pas de chèque, vont avoir accès, n'est-ce pas, aux mêmes ressources, aux mêmes conseillers en emploi et aux mêmes interventions.

Donc, quand vous dites: «Où trouvera-t-on les ressources pour la mettre en place?», à la page 24 de votre mémoire, puisque vous nous dites qu'«un système axé sur l'intervention, l'initiative et les mesures actives consomme davantage de ressources», parmi les ressources, vous pourriez avoir assisté aux 250 000 000 $ sur trois ans du fonds de lutte à la pauvreté, qui s'adresse à la fois aux personnes sans chèque, comme on dit maintenant, et aux autres chômeurs qui veulent avoir un coup de pouce pour s'insérer. Mais on peut aussi, en plus, compter sur des conversions possibles sous forme de bons d'apprentissage, de bons d'études, de subventions salariales pour l'économie sociale et pour les entreprises d'insertion.

Je voulais simplement vous le signaler et peut-être vous dire qu'à la page 16, quand vous parlez du programme EXTRA, c'est la première fois, depuis qu'on a commencé nos travaux, qu'on s'en fait parler en bien, parce que, encore ce matin, je peux vous dire que c'est plutôt des mauvaises expériences de travail. Les gens disent: Si c'est le cas, comment ça se fait qu'on n'a pas un statut de travail, comment ça se fait qu'on n'est pas assujettis aux normes? Et je comprends que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui va vous suivre, va venir nous dire: Il faut que ce soit un statut de travail assujetti aux normes, protégé par les normes et donnant accès au Code du travail. Alors, vous, vous nous dites que ça n'a pas été un cul-de-sac. Alors, nous, moi, personnellement, et mes collègues qui avons réfléchi à la question pensons qu'il pourrait y avoir des activités communautaires autonomes qui soient soutenues et qui tiennent lieu de parcours d'insertion. Mais n'appelons pas ça «expérience de travail» et ne faisons pas en sorte que ce soit un travail régulier, auquel cas il faut que ce soit un statut de travail. Là, il faut être bien, bien clair et qu'il n'y ait pas de mélange là-dessus. Alors, donc, j'aimerais vous entendre sur ces questions-là.

Peut-être une dernière, avant que ma collègue Mme la députée de Sherbrooke ait l'occasion d'échanger, puis je termine là-dessus. Vous dites non à une réciprocité dans les obligations à l'égard des 18-24 ans. D'ailleurs, vous avez un chapitre qui porte sur les 18-24 ans plus spécifiquement, je pense. Attendez, j'essaie de me retrouver dans le mémoire. Je voulais vous citer...

Une voix: Page 14, «Les jeunes: Attention: fragiles!»

Mme Harel: Page 14, voilà. Merci. En même temps, je voulais vous rappeler ce qu'en disait le rapport signé par Camil Bouchard, qui a été coprésident avec M. Fortin d'un groupe de travail sur la réforme, n'est-ce pas. Dans ce rapport, aux pages 149 et 227... Alors, je ne pense pas qu'on puisse accuser le groupe Bouchard composé de Mme Labrie, d'Alain Noël et de M. Bouchard lui-même, de néolibéralisme. Voilà ce qu'ils disaient à propos de toute cette problématique qu'ils ont pris neuf mois pour étudier. Ils disaient ceci: «...il est intolérable que l'on puisse accepter que des jeunes adultes ne soient nulle part et ne se dirigent nulle part, comme il serait irresponsable de leur accorder la sécurité du revenu en n'exigeant d'eux aucun effort d'apprentissage ou d'insertion.» Ça, c'est à la page 149. Et, dans les recommandations, aux pages 227 et suivantes, je vous lis la recommandation concernant des jeunes adultes, et ça s'intitule «Des jeunes adultes à former, à accueillir et à intégrer dans la communauté civique», c'est le chapitre 10 et c'est la recommandation 6, je vous la lis: «La prestation accordée aux jeunes adultes doit reposer sur une obligation réciproque jeunes-État dans le cadre d'une entente formelle qui définit un plan d'insertion sociale et professionnelle.»

Je vous laisse là-dessus en vous rappelant qu'on a un effet pervers à gérer présentement, de jeunes qui décrochent à 16 ans et qui disent: Ce n'est pas grave, je reprendrai ça à 18 ans, puis je serai payé pour étudier. On l'a dans la réalité, là. Vous avez 44 000 jeunes 18-24 qui n'étudient pas, ne travaillent pas, n'ont pas d'enfants, n'ont pas de responsabilités parentales ni de handicap ni de charge familiale. Et vous avez donc cette espèce de difficulté qui, manifestement, s'établit aussi en regard du prêt-bourse étudiant. Pourquoi s'endetter, dirons plusieurs, si on peut, finalement, finir ses études payé sur l'aide sociale? Alors, comment vous voyez la réconciliation de tout cela?

M. St-Onge (Florian): Alors, M. le Président, je voudrais d'abord rassurer Mme la ministre. Si nous avons fait allusion à certains passages moins enthousiastes, je l'invite à relire notre dernier paragraphe où nous sommes venus aussi comme partenaires pour essayer de bonifier peut-être ce projet. Je dois vous dire que, si nous nous sommes interrogés par rapport au niveau régional ou à l'instance régionale, la concertation, et tout ça, c'est qu'il y a, dans notre esprit et dans l'esprit de partenaires d'autres secteurs, dans certains cas, des interrogations face à cette instance territoriale locale. Et, devant ceci, on s'est dit: Est-ce qu'on a oublié le niveau régional? Donc, on voulait au moins vous poser... Mais nous sommes rassurés aujourd'hui par votre réponse disant que cette instance demeure.

Quant à la question sur le programme EXTRA, là encore, si vous vous souvenez, on a mis quelque chose. Effectivement, il y a peut-être quelque chose de positif, mais c'est relatif aussi en vertu peut-être du pourcentage de succès qu'on peut voir, autour de 25 %. Donc, on s'est dit: On va quand même s'interroger là-dessus. Et je crois qu'on s'interroge autant sur le maintien que sur la disparition. Alors, de ce côté-là, je pense que Mme Denis pourrait peut-être compléter la raison pour laquelle on s'interroge.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, madame.

Mme Denis (Lise): Oui, reprendre sur le programme EXTRA, puis peut-être sur les quelques autres commentaires aussi. Sur le programme EXTRA, dans le fond, je pense que ce qu'on voit écrit en page 16, quand on dit: Oui, on s'interroge sur le maintien, peut-être pour indiquer les préoccupations qui ont guidé les propos qui sont inscrits à la page 16, bien sûr, on pense aux gens qui sont visés, aux prestataires de la sécurité du revenu. Mais, dans le réseau de la santé et des services sociaux, et c'est probablement ces préoccupations-là qu'on veut souligner ici, une modification du programme EXTRA est probablement nécessaire. D'ailleurs, c'est ce qu'on dit: Il faut absolument revoir comment se fait ce genre de programme-là.

(14 h 40)

Cependant, il faudrait avoir une préoccupation pour les organismes communautaires qui sont les organismes promoteurs du programme EXTRA et aussi pour un ensemble de bénéficiaires qui reçoivent des services. J'avoue bien simplement que, dans nos milieux, il y a un certain nombre d'inquiétudes par rapport à ces dimensions-là. Et c'est probablement vu plus par cette lunette-là qu'ont été apportés les propos qui sont ici, de sorte que, comme toute réforme, et je pense qu'on est bien placé, aussi, pour le savoir, il faut regarder les choses comme vous l'avez fait dans votre réforme, de A à Z. Et on s'attend et on pense que ça prend un questionnement important sur le programme EXTRA, probablement une révision complète. Mais on dit: Juste faire attention que les bénéficiaires qui reçoivent actuellement des services, les prestataires de la sécurité du revenu, et les individus – ce n'est pas loin de 10 000 personnes qui donnent ces services-là – les organismes communautaires aussi qui financent puis qui sont financés pour ce faire, on ne perde pas ça de vue. Je pense que c'était l'essentiel de notre propos.

M. Saint-Onge (Florian): Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Saint-Onge (Florian): ...Mme Vallières pourrait aussi compléter sur ce programme EXTRA, pendant qu'on est dedans.

Mme Vallières (Diane): Bien, peut-être plus sur l'arrimage au niveau régional. Mme Harel, vous parlez du Conseil des partenaires qui sera maintenu au niveau régional; oui, ça, c'est important. Mais est-ce qu'il y aura la structure d'une direction régionale, aussi, du ministère de la Sécurité du revenu, d'une part? Et quel sera l'arrimage entre un conseil des partenaires qui est issu de la population et une structure gouvernementale qui est une direction régionale? Et on parle de ça au niveau régional, mais on peut en parler au niveau local aussi, à savoir le conseil d'administration du conseil local de développement qui devient comité aviseur du conseil local d'emploi. Alors, il y a toute une question d'arrimage qu'il nous semble, en tout cas, difficile de saisir actuellement et qu'on pense importante à faire avant l'application dans les milieux régionaux. Alors, il y a ça, d'une part.

Et, quand vous parlez de conversion, oui, je pense qu'on est tout à fait d'accord avec la conversion de mesures passives en mesures actives, et on pense qu'il faut faire un pas important dans ce sens-là. Vous parlez du 250 000 000 $ qui a été comme convenu au terme du Sommet économique. Mais il y a aussi, je pense, toute la contribution des communautés, tant le public, le privé que l'économie sociale, à fournir, si on veut, ou à participer au manque à gagner qu'il y a dans cette conversion de mesures passives en mesures actives. Et je pense que les communautés devraient effectivement prendre plus, je dirais, les devants là-dessus, pour voir, avec le ministère, comment arrimer ça dans chacun des milieux régionaux et locaux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous n'avez pas terminé?

Mme Vallières (Diane): Non. Il me reste un élément que Mme Harel a soulevé, c'est au niveau des jeunes. Je pense qu'on est d'accord avec le rapport Bouchard, qui dit: Oui, il faut un contrat avec les jeunes, etc. Mais il y a toute la question du comment et de ce qu'on a à offrir. Parce qu'on connaît actuellement le marché de l'emploi et on connaît aussi ce que ça donne finalement, des mesures obligatoires, des mesures contraignantes. Je pense qu'il y a toute la question de développer avec les jeunes autant qu'avec les familles monoparentales, qui seront aussi obligées de s'inscrire dans un parcours vers l'emploi, dans ce que vous proposez, de travailler à un projet de vie avec l'ensemble des prestataires, d'une part, et faire la preuve que l'inscription dans un parcours de façon volontaire va amener à des résultats concrets. Si on regarde, 44 000 jeunes, une centaine de familles monoparentales, ça fait, dans l'espace d'un an, 140 000 places à trouver soit en emploi ou en formation pour finalement aboutir à un résultat concret d'une insertion obligatoire dans un parcours vers l'emploi.

Mme Harel: Oui. Il faut faire attention. On n'a jamais parlé des 100 000 familles monoparentales, de celles dont les enfants de cinq ans commenceront la maternelle plein temps au mois de septembre.

Mme Vallières (Diane): Progressivement, d'ici l'an 2000.

Mme Harel: Il y en a 8 000. Vous savez, on parle beaucoup des services qu'on ne peut pas rendre, mais pensez qu'avec la réorganisation le projet, c'est d'avoir à peu près moitié-moitié conseillers à l'emploi et ceux qui s'occupent d'aide financière – ceux et celles, en fait. Mais, dans les conseillers en emploi, on parle d'environ 3 500 personnes. Même en leur donnant 100 parcours dans une année, on parle de 350 000 personnes qui sont accompagnées puis on parle de 100 parcours dans une année, alors vous comprenez qu'on n'est pas dans le même ordre de grandeur que ce qu'on connaît maintenant. C'est comme souvent si les gens me parlaient de ce qu'ils connaissent dans des réseaux qui sont des réseaux cloisonnés, totalement cloisonnés les uns des autres, puis qu'ils appliquaient la réforme sans réorganiser les réseaux, comme on le propose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Sherbrooke et Mme la députée de Rimouski, alors, si vous voulez... Il nous reste trois minutes et demie. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour. J'aurais des questions pour bien plus que ces trois minutes, mais je vais en poser une qui est vraiment, je pense, au coeur de toute cette question. C'est la question de ce qu'on appelle parfois le volontariat ou de ce qu'on appelle la liberté des gens finalement de faire des choix. Je vais poser ma question par rapport à ce que vous appelez à juste titre d'ailleurs la question de la liberté des mères de choisir d'éduquer leurs enfants en restant à la maison, mais je pourrais l'appliquer à d'autres choses. Je trouve que c'est une question fondamentale parce qu'il s'agit de savoir s'il y a eu ou non un débat de fait sur cette question-là et si on peut, indépendamment du fait qu'on ait ou non les moyens, faire le choix, par exemple, de rester chez soi en s'attendant à ce que l'État subvienne à nos besoins sans nous demander de comptes. Le choix qui est fait dans le livre vert, c'est de dire: Le débat n'est pas fait et il y a des gens qui ont peut-être les moyens – et c'est fort heureux pour eux – de rester chez eux – les parents, la plupart du temps, ce sont les mères – et qui peuvent ne pas travailler et s'occuper des enfants. Mais, pour la plupart des gens, il faut travailler et s'occuper de ses enfants en même temps. J'aimerais savoir pourquoi vous croyez bon de mettre dans vos recommandations qu'on laisse les mères particulièrement libres de faire ce choix, alors que le débat, me semble-t-il, n'est pas fait. Nous ne sommes pas dans une société qui a débattu de la question et qui a conclu que, que nous ayons ou non les moyens, on peut faire le choix, comme parent, de rester chez soi et éduquer ses enfants.

M. Saint-Onge (Florian): Bien, M. le Président, pour répondre à cette question, je pense qu'on se situe dans un contexte actuel concernant tout l'aspect du chômage, tout l'aspect économique, et on s'est dit: Si on était en mesure d'avoir beaucoup d'emplois et que ce soit réellement un marché du travail très ouvert, naturellement on pourrait peut-être le considérer autrement. Mais, dans le contexte actuel, nous craignons, si on y va avec ce caractère obligatoire. Et je pense que Mme Denis pourrait compléter là-dessus. Ou Mme Vallières?

Mme Vallières (Diane): Peut-être deux dimensions. Effectivement, la dimension: Le caractère obligatoire, quel résultat ça apporte pour l'individu qui s'y inscrit, compte tenu de l'ensemble des facteurs socioéconomiques actuellement, et d'autant plus pour les mères monoparentales? Le deuxième élément, c'est que, compte tenu de l'ensemble des emplois qu'on possède actuellement et des gens qui sont à la recherche d'emplois, est-ce qu'on peut évaluer un autre type d'insertion que l'emploi exclusivement? Et la mère à la maison, l'engagement dans le milieu socioéconomique ou le développement de sa communauté font partie des engagements qui procurent une rentabilité sociale, en fin de compte.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une petite courte dernière.

Mme Malavoy: Bien, je voudrais simplement dire que, dans le livre vert, on ne dit pas que toutes ces femmes doivent se trouver un emploi. On leur offre autre chose. On leur demande de faire précisément autre chose, de s'insérer dans un parcours, mais c'est plus large que de leur dire de prendre un emploi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

(14 h 50)

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue à cette commission. Dans la même lignée, ce qu'il faut dire aussi, c'est que – ce que le gouvernement ne dit jamais – les mères de familles monoparentales de l'aide sociale, ce sont les femmes qui actuellement, sans avoir d'obligation puis de pénalité, participent le plus aux mesures d'employabilité ou au rattrapage scolaire; ça, c'est la réalité d'aujourd'hui. Alors, le fait d'imposer une pénalité et tout le caractère obligatoire, coercitif, attaché à ça le retrait du barème de non-disponibilité qui enlève 100 $ à ces familles-là, attachée à ça l'allocation unifiée pour les jeunes familles à l'aide sociale avec de jeunes enfants...

Et ces enfants-là sont perdants, avec ce que nous présente actuellement le gouvernement, c'est les enfants de l'aide sociale qui sont perdants. Et, là, on parle – parce que, ça aussi, le gouvernement ne le dit jamais – des familles les plus pauvres parmi les pauvres, les familles monoparentales à l'aide sociale. Des mesures comme ça, si ce n'est pas modifié, ça va ne faire qu'appauvrir davantage ces familles. Et vous le dites très bien dans votre mémoire: Quand on appauvrit un parent, on appauvrit un enfant, quand on enlève quelque chose à un parent, on enlève quelque chose à un enfant. Et il n'y a pas de raison, actuellement, au moment où on se parle, que le gouvernement ait cet entêtement à vouloir garder tout le caractère obligatoire et punitif dans son projet de loi quand, même lui, n'est pas capable de faire la preuve qu'avec ces parcours individualisés, en bout de piste, les gens vont avoir des emplois. C'est à l'inverse qu'il devrait travailler et dire: On est capable de vous prouver qu'on peut créer tant d'emplois et, sur la base du volontariat, que les gens qui sont le plus motivés aillent dans ces mesures d'insertion en emploi, parce que le parcours va les amener à un emploi.

La conjoncture économique, actuellement, ce qu'on regarde, le taux de chômage qui ne finit pas – encore le mois passé – de hausser, les pertes d'emplois qu'on a connues au Québec, c'est irréaliste, c'est utopique de penser que la réforme, telle que proposée, va amener les gens dans un emploi durable. Je pense que tout le caractère punitif, il faut le dire, ce n'est pas pour rendre service aux bénéficiaires, c'est pour faire des économies, pour le gouvernement, avec l'obsession du déficit zéro. Et puis, finalement, en bout de piste, c'est le prestataire de la sécurité du revenu, attachés à ça – vous n'en avez pas beaucoup parlé – tous les effets pervers et dévastateurs de la loi n° 115. Il y a plein de choses, il y a plein de mesures qui appauvrissent davantage les percepteurs de l'aide sociale, avec la loi n° 115, attachée à ça avec la réforme telle quelle. Parce que vous déclarez aujourd'hui que, oui, les prestataires de l'aide sociale vont être encore plus pauvres avec une telle réforme, si elle n'est pas modifiée.

M. Saint-Onge (Florian): Mme Denis, oui.

Mme Denis (Lise): Si vous me permettez, peut-être, de reprendre, dans le fond, ce qu'on indique. On dit, dans le fond: Ce qui est moins sympathique, c'est effectivement le caractère obligatoire. On dit, cependant: On devrait y aller sur une base volontaire pour une période d'expérimentation. Ça ne veut pas dire que les résultats de ça ne conduiront pas à l'obligation, non plus, mais on devrait se donner le temps, dans la mesure où on sait que, de toute façon, la diversité ou la création d'emplois, la capacité d'accueillir les gens doit être développée, on doit prendre le temps de le faire. On dit: Pourquoi ne pas imaginer une période transitoire, dans le fond, où les gens, c'est sur une base volontaire qu'ils s'inscrivent dans un parcours et, donc, ça permet d'ajuster notre système et de vivre une phase de transition. Dans le fond, c'est un peu ce qu'on dit.

On indique aussi que le caractère obligatoire et – comment je dirais? – sa conséquence punitive risquent d'avoir des effets pervers. On dit bien «risquent d'avoir des effets pervers». Effectivement, s'il n'y a pas de débouché, pour un individu qui s'était inscrit dans un parcours et qui est prêt mais ne voit pas d'espoir de s'insérer effectivement sur le marché du travail, il peut y avoir là des effets pervers. Et, de la même façon, si un individu ne s'inscrit pas dans le... et voit sa prestation diminuer, c'est là qu'on dit, quand on parle des jeunes: Oui, il peut y avoir, là aussi, des effets pervers, parce qu'on s'enfonce plus sûrement dans le cycle de l'appauvrissement. Je pense que c'est essentiellement le sens du message.

Mme Loiselle: J'aimerais revenir... Tantôt, Mme la ministre a fait mention du rapport de M. Camil Bouchard, de Mme Labrie et de M. Noël. Dans le rapport, parce que je ne veux pas vous laisser avec l'ambiguïté que M. Bouchard était pour le recours aux pénalités et le caractère obligatoire, je vous cite seulement quelques phrases qui vont bien vous démontrer qu'il est tout à fait contre. Il dit: «Quant au recours des pénalités, le gouvernement fait fausse route sur ce point. Et le parcours, dans un contexte obligatoire et avec pénalité, dans un contexte où la menace de punition remplace le lien de confiance et la motivation, deux éléments essentiels à la réussite d'un parcours...», dans les échanges, M. Bouchard disait même que c'était pour briser le lien de confiance. Ce que ça va provoquer, c'est que les gens qui sont un petit peu moins motivés que ceux qui le sont plus vont aller dans un parcours, en prenant peut-être la place d'un qui est plus motivé, seulement pour éviter la pénalité.

Il y a tout le concept aussi des conseillers en emploi qui se retrouvent avec deux chapeaux. Il y a celui qui est supposé aider, accompagner et soutenir, puis celui aussi qui contrôle, qui applique la pénalité; ça ne va pas ensemble, ça. Tu ne peux pas dire à quelqu'un: Viens, je vais t'aider, mais, en même temps, lui donner un coup de masse sur la tête. Alors, je veux vous entendre sur ça, sur le rôle des conseillers en emploi. Parce que, ce matin, d'autres groupes nous ont dit que finalement, au moment où on se parle, les agents dans les CTQ sont débordés, ils font à peu près 15 % de leur temps en développement de l'employabilité, ils n'ont peut-être pas toute la formation requise pour devenir de vrais professionnels conseillers en emploi et que, si tout ça n'est pas accompagné de vraie formation pour en faire vraiment des conseillers en emploi et s'il n'y a pas de ressources financières et des ressources humaines ajoutées, le gouvernement se tire dans le pied.

M. Saint-Onge (Florian): Avec le temps, nous nous sommes penchés sur cette question, et je pense qu'effectivement Mme Denis est en mesure de vous résumer quelque peu l'objet de nos discussions.

Mme Denis (Lise): Je dois dire que le rôle des conseillers en emploi, effectivement, nous apportait un certain nombre de préoccupations, dans le sens où, quand on dit: Il y a un parcours vers l'emploi, mais il y a aussi des étapes à l'intérieur de ce parcours-là qui peuvent être des étapes d'insertion sociale, ça suppose que bien souvent, pour un certain nombre de personnes qui vivent des problèmes psychosociaux, qui vivent des problèmes physiques, qui vivent des problèmes sociaux comme tels, l'établissement de ce parcours-là, tant en insertion dans la communauté, je dirais, que vers l'emploi, nécessite effectivement un apport de la part de peut-être pas juste une personne, mais d'un ensemble de ressources et qu'il faut à la fois qu'un tel conseiller soit en mesure de bien identifier les besoins et les ressources qui peuvent accompagner la personne, mais qu'un tel conseiller ait aussi, j'imagine, à sa disposition un bassin de ressources qu'il peut utiliser pour assurer un accompagnement. Parce que je ne pense pas que c'est lui seul qui peut assurer ce rôle-là. Et ça, ça nous semblait majeur dans l'établissement, dans l'application, dans la mise en application de cette réforme-là, que le rôle du conseiller, effectivement, sa formation, sa capacité d'évaluer et de définir avec la personne son accompagnement, doit être soigné.

Il y a peut-être un autre élément qui complète le portrait à cet égard-là. On évoquait la possibilité, par exemple, d'un comité d'usagers. Il nous semblait qu'il y aurait intérêt à ce que les prestataires soient d'une façon ou d'une autre impliqués de façon assez directe via un comité d'usagers et que ce genre d'approche là habituellement a un effet aussi de régulation des systèmes et d'apporter un input, je dirais, dans le système, qui permet aux uns et aux autres de s'ajuster.

Mme Loiselle: Merci. J'aimerais peut-être revenir au niveau des jeunes. Moi, depuis le début, depuis le dépôt du document, j'ai une grande préoccupation, à savoir qu'avec l'obligation et les pénalités qui vont même sous le barème, les pénalités qui vont être appliquées sous le barème de base et la coupure du partage du logement qui est maintenue, plein de choses comme ça vont faire qu'il y a des gens qui vont se retrouver avec très peu d'argent dans leurs poches. Moi, ma grande préoccupation, c'est à savoir que finalement, s'il n'y a pas de modifications qui sont apportées, il va y avoir un décrochage. Ce que ça va faire, cette réforme-là, c'est que ça va amener des jeunes à décrocher complètement et ça va les pousser dans la trappe de l'itinérance, de la délinquance, parce que justement on les appauvrit davantage. Et ils ne sentiront pas qu'ils ont l'appui du gouvernement, mais, bien au contraire, qu'on les frappe à nouveau au niveau de leur pauvreté. J'aimerais vous entendre sur les conséquences. Vous en parlez un peu, vous parlez du décrochage, de l'itinérance. Parce que, ça, c'est très important. Il faut absolument que le gouvernement fasse un virage à ce niveau-là, parce que les dangers que vous mentionnez sont appréhendés par plusieurs groupes.

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, je voudrais bien répondre à toutes les questions, mais vous comprendrez que, dans notre rôle, on n'est pas les spécialistes quotidiens, les experts dans la matière. Mais, cependant, par rapport à l'interrogation de madame, ce qu'on voulait soulever comme préoccupation justement, c'est de pouvoir vous le dire dans le but... Nous aussi, dans le fond, nous espérons que Mme la ministre va recevoir positivement ces remarques ou ces interrogations de notre part et essayer de corriger peut-être quelque peu par rapport au projet qui s'en vient. Mme Denis?

(15 heures)

Mme Denis (Lise): Oui, en complément, peut-être indiquer aussi que la politique de santé et bien-être est un peu, je dirais, l'éclairage qui nous guide. Ce qu'on constate, quand on regarde les différents objectifs de la politique de santé et bien-être, il est clair qu'il y a un certain nombre de problèmes de santé et de problèmes sociaux qui sont liés au fait d'être pauvre, que, par exemple, les facteurs explicatifs de l'itinérance, c'est la pauvreté, c'est les problèmes liés au logement, l'éclatement de la famille, la faible scolarisation et le taux de chômage.

Je comprends qu'il nous faut travailler après ça directement sur l'un ou l'autre de ces facteurs et qu'on peut travailler notamment sur le retour à l'emploi et la scolarisation, mais un appauvrissement supplémentaire risque d'augmenter l'itinérance. L'itinérance, la délinquance, il y a quand même un certain nombre d'études là-dessus. Alors, dans le fond, ce qu'on dit: Il faut éviter d'augmenter l'appauvrissement chez les jeunes et chez les familles monoparentales. On a ciblé, bien sûr, particulièrement les jeunes parce qu'il y a des risques, oui, de se retrouver dans le cycle de l'itinérance, de la délinquance, de l'alcoolisme-toxicomanie, des taux de suicide; je pense que c'est un ensemble de phénomènes et de problèmes sociaux auquel l'appauvrissement d'une catégorie de jeunes peut les conduire. Je dis donc: Ça ne veut pas dire que tous les jeunes vont s'en aller là-dedans, mais il y a une attention particulière à y apporter, je pense, pour éviter une augmentation de l'appauvrissement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Commentaires additionnels?

Mme Loiselle: Juste le fait de penser que quelques jeunes pourraient aller vers ça, il me semble qu'il faut mettre un frein tout de suite. La grande majorité des groupes à part trois, à date, nous ont dit que tout le caractère obligatoire et punitif va enlever toute motivation, va enlever toute confiance et que, finalement, il va tellement appauvrir les gens que... Quand tu essaies de survivre, tu as bien d'autres choses à penser que de penser à ton parcours d'insertion. Je m'excuse, mais quand tu vis presque la misère, l'insertion, elle vient après, parce que c'est une question de survie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Vallières, vous...

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Excusez, Mme la députée, est-ce que vous aviez fini?

Mme Loiselle: Ah, bien je pensais que vous m'aviez... O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, non, non, c'est parce que Mme Vallières voulait commenter.

Mme Loiselle: Ah bon! Excusez.

Mme Vallières (Diane): À cet égard-là, au niveau du caractère obligatoire et des pénalités, nous, le message qu'on veut lancer, c'est de dire: Faisons la preuve que la réforme qu'on veut mettre en place, c'est-à-dire le parcours vers l'emploi, va donner des résultats. Suite aussi à la mise en place des conseils locaux de développement, avec toute la structure qui va être mise en place au niveau de la création et du développement de l'emploi, donnons-nous du temps pour faire la preuve que ça, ça marche, et que l'implication des communautés arrive à des résultats intéressants et probants. Avant d'imposer un caractère obligatoire, créons les conditions finalement qui vont amener les gens à avoir des résultats intéressants plutôt que de créer un caractère obligatoire et des pénalités dans le contexte actuel où on amène les gens vers un échec.

Alors, ce qu'on dit, c'est: Donnons-nous du temps pour implanter la réforme et impliquer les communautés; donnons-nous deux ans, trois ans, quatre ans, et, au bout de ça, si on a créé un environnement favorable, là, on pourra arriver avec un caractère obligatoire. Mais, pour l'instant, le contexte actuel nous dit: Ce n'est pas correct de faire ça.

Mme Loiselle: Vous avez tantôt parlé de l'absence de la structure régionale. Ça a été discuté à quelques reprises lors des échanges avec les groupes et M. Camil Bouchard, lui, suggérait qu'on mette en place un comité régional qui serait un comité de soutien, de planification et de coordination, et suggérait même la SQDM, qui pourrait diriger ce comité-là. Depuis, on a eu des échanges avec le Conseil du patronat, avec les centrales syndicales. Ce que le gouvernement est en train de faire avec la SQDM, il est en train de vider la SQDM pour lui donner seulement un rôle consultatif, et les partenaires du marché du travail n'acceptent pas ce rôle consultatif. Ils ont été très clairs en commission – M. Dufour, du Conseil du patronat – ils nous ont dit que, si le gouvernement allait dans ce sens-là, retirait le pouvoir décisionnel à la SQDM, que le gouvernement aurait beaucoup de difficulté à aller chercher la collaboration de tout le milieu patronal. Les centrales syndicales nous ont dit la même chose au niveau des syndicats, M. Gingras, la semaine passée, de la CSD, nous disait qu'il va y avoir, c'est sûr, un désintéressement de la part des partenaires du marché si le gouvernement ne leur donne qu'un rôle consultatif. J'aimerais vous entendre sur ça.

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, si vous me permettez, sur cette question, faisant partie d'autres secteurs dans ma participation au niveau provincial, je sais que c'est une question relativement politique, et, en ce qui nous concerne, je pense qu'on vous donne notre préoccupation par rapport aux services de santé et aux services sociaux et les conséquences d'un projet de loi, justement, qui s'en vient et qui pourrait avoir un impact sur nos services et tout. Dans ce sens-là, on ne voudrait pas, disons, prendre la place du gouvernement ou, si vous voulez, cibler que tel organisme ou tel autre devrait... Ce qu'on vous signale, c'est qu'il devrait y avoir une planification, une concertation au niveau de la grande région. On sait que le partenariat va se faire au niveau... Maintenant qu'on sait que c'est au niveau des territoires des MRC, je pense qu'à ce moment-là, ce qu'on souhaite, c'est de travailler justement en partenaires, que les partenaires soient et au niveau local, avec la communauté, et également pouvoir avoir la grande concertation au niveau régional. Cependant, je ne voudrais pas que nous-mêmes on vous dise, dans un cas comme dans l'autre, que ça devrait être tel organisme ou tel secteur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui. Merci, M. le Président. Je vous écoute depuis votre présentation. Vous dites finalement, sur la question de la coercition et des pénalités: il faudrait peut-être se donner un genre de moratoire pour voir si on est capable véritablement d'espérer que les insertions en emplois vont pouvoir avoir une sortie quelque part. En d'autres mots, si je le fais autrement, vous dites: Est-ce qu'il ne faudrait pas peut-être se fixer un objectif de taux de chômage avant lequel le processus d'insertion n'aurait aucun sens? À partir d'un seuil quelconque, qu'on pourrait identifier, là on pourrait commencer à espérer que ce genre de processus d'insertion pourrait être envisageable. Parce qu'à l'heure actuelle, peu importe l'insertion que vont faire, que vont vivre les personnes, pour ne pas dire subir, accouplée avec une pénalité punitive, en sachant fort bien qu'il n'y a pas de débouché, c'est un peu sadique.

Donc, vous seriez en faveur, par exemple, d'établir un seuil ou un objectif de taux de chômage avant lequel ce programme entrerait en vigueur? Si oui, ce serait normal à ce moment-là d'espérer que le gouvernement puisse lier cette réforme à un véritable plan de création d'emplois ou un projet de création d'emplois. Est-ce que je pourrais avoir vos réactions?

M. Saint-Onge (Florian): Bien. M. le Président, en ce qui concerne la question de M. le député, je crois que ce qu'on ne souhaite pas, c'est nécessairement avec un moratoire tout arrêter, bien sûr. On vous a soulevé une question, une interrogation, une préoccupation de notre part et, quand on parle de deux, trois ans – on fait allusion justement qu'on pourrait prendre deux, trois ans – ce qu'on souhaite là-dessus – je pense que Mme Vallières l'a bien souligné – c'est que les conditions favorables à l'emploi puissent être là et qu'on soit assuré qu'il y en a. Quand je regarde, par exemple, un des objectifs du Sommet, c'était justement la création d'emplois. On sait qu'il y a beaucoup de partenaires sectoriels qui ont cette préoccupation actuellement. Tant mieux si on réussit à pouvoir créer de l'emploi. Une fois que, ça, c'est fait, est-ce que ce ne sera pas une expérience qu'on devrait évaluer? Peut-être. C'est ça qu'on souhaite, dans le fond, qu'il y ait une forme d'évaluation d'abord du projet pour qu'on puisse s'assurer qu'il y a eu un succès au bout. Mme Denis.

Mme Denis (Lise): En complément, peut-être indiquer aussi: Quand on dit qu'il faut vivre une période de transition, on peut associer ça à la création d'un certain nombre d'emplois, par exemple. Ça, c'est certain. Mais, probablement qu'il faut, en termes de condition de réalisation, associer ça beaucoup plus au développement des stratégies locales de développement. Il est possible que dans des communautés, indépendamment du chiffre absolu de création d'emplois au Québec, il y ait des opportunités qui soient inscrites dans une stratégie de développement local et qui permettent, dans ce milieu-là, de poser des gestes qu'il ne serait peut-être pas possible de poser immédiatement dans d'autres communautés. Plutôt que d'avoir un baromètre unique pour l'ensemble du Québec, moi, je pense que l'essentiel de la réforme qui veut reposer sur le développement des communautés locales devrait permettre que l'une et l'autre des communautés développent leur stratégie. C'est probablement la première chose à les inviter à faire pour que certaines opportunités à des endroits puissent être utilisées et permettent à d'autres de se développer ailleurs. Je pense que le baromètre du nombre d'emplois total, oui, c'est structurant, c'est un indice, mais ce n'est pas le seul indicateur de la vitalité de l'une ou l'autre des communautés.

(15 h 10)

M. Sirros: Peu importe. Vous dites finalement: On pourrait peut-être moduler ce baromètre, mais le baromètre serait un préalable à ce que cette réforme ait un certain sens humaniste; sinon, c'est strictement du néo-conservateur qui vise finalement à combler les coffres de l'État, peu importe le dommage social que ça peut faire, si je vous lis bien.

Mme Denis (Lise): Ce qu'on dit, c'est: Mettons en place des conditions, donnons-nous une transition.

M. Sirros: Je ne vous demande pas de reprendre mes mots exactement, mais, quand même...

Mme Denis (Lise): Donnons-nous une période de transition, mettons en place les conditions. Pour le reste du jugement, je vous le laisse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, malheureusement, c'est terminé. Alors...

Mme Harel: M. le Président, je comprends qu'il y a eu plus de temps qui a été alloué à l'opposition, alors, je voudrais qu'on ait...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Notre équilibre est bon jusqu'à maintenant. On s'en vient pas trop mal.

Mme Harel: Oui, ce n'est pas si mal?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je comprends que quelqu'un aimerait une reprise quelque part, en reprenant, mais cette intervention-là est terminée. Alors, mesdames et monsieur, je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à s'approcher.

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite maintenant les représentants et représentantes de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à procéder à sa présentation. M. Filion, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Oui. Merci, M. le Président. À l'extrême droite, Mme Muriel Garon; et, à ma droite, Me Pierre Bosset; à l'extrême gauche, Mme Lucie France Dagenais ainsi que Me Pierre-Yves Bourdeau.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, comme vous le savez, l'Assemblée nationale a confié à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse le mandat d'assurer par toute mesure appropriée le respect des principes de la Charte des droits et libertés de la personne et de veiller à la protection de l'intérêt de l'enfant. Vous l'aurez compris, c'est là le mandat qui s'est ajouté à la Commission lors de la fusion des deux précédentes commissions.

Nous nous présentons donc à vous aujourd'hui convaincus que l'État a une responsabilité unique envers les enfants, les femmes et les hommes touchés par la pauvreté. Cette responsabilité, ce n'est pas celle de l'État-providence, c'est celle plus simplement d'un État qui, par les moyens qu'il détient et les pouvoirs dont il dispose, est et demeure le principal dépositaire de la solidarité sociale. En ce sens, nous croyons que si la responsabilisation de l'individu peut constituer l'un des axes de la réforme de la sécurité du revenu – ce avec quoi nous sommes entièrement d'accord – elle n'autorise d'aucune façon cependant une déresponsabilisation de l'État. Notre conviction à cet égard se fonde sur la Charte elle-même.

En effet, l'article 45 énonce en termes on ne peut plus clairs la responsabilité de l'État et du législateur face à la pauvreté. Je le lis, je crois que ça mérite une lecture: «Toute personne dans le besoin a droit pour elle et sa famille à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales prévues par la loi et susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.» C'est donc dans ce cadre que la Commission désire présenter ses observations sur le projet de réforme de la sécurité du revenu.

D'abord, au chapitre des observations générales, dans l'ensemble, la Commission considère que le projet de réforme se fonde sur une analyse sérieuse de la situation actuelle mais, en même temps, le gouvernement ne semble pas avoir tiré toutes les conséquences de cette analyse. C'est ainsi que par le biais des parcours individualisés, on propose de faire de la responsabilisation de l'individu le pivot de la réforme. Nul doute dans notre esprit que la maximisation des potentiels individuels soit un élément important de l'insertion des individus dans l'économie et dans la société en général. Mais, ce n'est là qu'une branche de l'équation. L'intégration professionnelle dépend aussi d'autres facteurs économiques, politiques, administratifs qui influent sur les trajectoires individuelles. Ces facteurs doivent faire partie non seulement du diagnostic mais aussi des solutions, car l'insertion socioéconomique n'est pas un simple problème d'employabilité ni une simple question de capacités individuelles de se prendre en main ou de se vendre, elle suppose un arrimage entre le parcours individualisé, d'une part, et la création d'emplois stables de qualité, d'autre part.

De ce point de vue, on peut s'interroger sur un des éléments envisagés dans le cadre des parcours individualisés, plus particulièrement l'emploi autonome. Le recours à l'emploi autonome est présenté dans le projet à la fois comme un élément du problème de la précarisation des emplois et comme élément de solution au problème de l'insertion socioéconomique. Un jour ou l'autre, il faudra résoudre cette contradiction. Dans l'état actuel des choses, l'emploi autonome constitue en fait un moyen d'insertion extrêmement aléatoire. Selon l'OCDE, il se caractérise par la faiblesse des revenus d'emploi et par la qualité incertaine des emplois. De plus, il présente des problèmes graves au point de vue de l'accès aux divers régimes de protection sociale. Avant d'en faire un élément intégral du parcours individualisé, il faut être prêt à assurer à ceux qui s'engageront dans un projet d'emploi autonome des conditions de travail décentes ainsi qu'un accès de principe aux mesures de protection sociale.

Maintenant, quant aux modalités de la réforme, la création d'emplois est indispensable, on vient de le dire, à la réussite de la réforme. Cependant, elle pourrait bien être que lente et progressive, cette création d'emplois. Qu'arrivera-t-il entre-temps aux personnes qui n'auront pas réussi à se tailler une place sur le marché du travail et qui seront maintenues dans des conditions de pauvreté extrême? Nous parlons bien ici du bien-être minimal des personnes et de leurs droits. Il ne fait aucun doute, en effet, que la pauvreté entrave l'exercice des droits. Ainsi, la faim et la malnutrition menacent l'intégrité physique des individus; l'insécurité permanente menace leur intégrité psychologique. Les difficultés scolaires et les problèmes de santé plus fréquents mettent en péril l'exercice même du droit à l'éducation. Pour les enfants, auxquels la Commission porte une attention toute particulière en raison de son double mandat, il s'agit aussi d'une atteinte grave au droit à la protection et à la sécurité auquel ils ont droit au sein de leur famille.

Or, les prestations de la sécurité du revenu continueront d'être fixées à partir de barèmes fondés sur une définition pour le moins minimaliste des besoins essentiels. Pas plus tard que ce matin, selon le dernier rapport du Conseil national du bien-être social, on a vu que les prestations versées au chapitre de l'aide sociale correspondaient dans certains cas à à peine 39 % du seuil de la pauvreté. C'étaient des chiffres de 1995, par contre. Mais, quand même, il demeure que les seuils du support matériel seront ainsi maintenus à des niveaux extrêmement bas. Cela est problématique en soi et le devient encore davantage si l'on considère que les autres mesures mises de l'avant dans le livre vert ne suffiront peut-être pas à assurer aux prestataires un niveau de vie décent. C'est le cas en particulier de l'allocation unifiée pour enfant. Aux yeux de la Commission, cette mesure ne fait que rétablir une certaine parité entre les familles à faibles revenus. Elle ne saurait se substituer à une hausse de l'aide versée aux familles pauvres ou à d'autres mesures susceptibles d'assurer un niveau de vie décent.

La Commission tient à souligner que l'objectif d'un niveau de vie décent, selon les termes mêmes de l'article 45 de la Charte, doit être poursuivi, et j'insiste là-dessus, non seulement au moyen de mesures d'assistance financière – on le sait, l'État a des limites dans ses capacités budgétaires – mais aussi par des mesures sociales. Nous nous réjouissons donc de voir que le gouvernement a annoncé son intention de généraliser l'accès aux services de garde, aux services à la petite enfance. S'ils sont conçus dans une véritable perspective d'éducation et si on les dote de ressources suffisantes, ces services donneront un sérieux coup de pouce à l'exercice du droit à l'égalité en matière d'éducation et contribueront à leur façon à réduire la pauvreté. Toutefois, des effets positifs de cette mesure ne commenceront à se faire sentir qu'à moyen, voire à long terme. C'est pourquoi la Commission suggère aujourd'hui au gouvernement d'accorder une plus grande attention à un secteur négligé par la réforme, qui serait compris dans les mesures sociales, c'est-à-dire celui du logement.

(15 h 20)

Dans le budget des ménages, le logement occupe une part considérable, que ça soit des ménages ordinaires ou des ménages de prestataires d'aide sociale, on parle aux environs de 50 %. Mais, c'est aussi, le logement, le lieu de la vie privée, de l'intimité, de la famille, de l'enfance, de l'apprentissage des valeurs et du développement de la personnalité. C'est aussi le point d'insertion dans un ensemble plus vaste. Le logement situe les individus dans un environnement, un quartier avec ses services, ses écoles, les possibilités qu'il offre d'accéder à un travail. Toute politique qui vise à améliorer les conditions de vie de la famille passe nécessairement par le logement.

Dans l'attente des résultats escomptés de la réforme et compte tenu du fait que l'aide accordée entre-temps aux familles ne dépasse pas le niveau nécessaire à la survie, la Commission est d'avis qu'un allégement des dépenses liées au logement s'impose. Des solutions pouvant permettre de se loger à un coût raisonnable ont déjà été proposées. Le bilan de la formule coopérative, notamment, est extrêmement positif et la Commission estime que la conjoncture actuelle est propice à une intervention significative dans ce domaine et que l'État doit exercer son leadership à cet égard. On n'a qu'à penser aux parcs de logements résidentiels qui sont actuellement disponibles et qui sont dans les mains des institutions financières, qui seraient prêtes à assumer des pertes et qui seraient peut-être prêtes à favoriser le développement d'une formule de coopérative.

Donc, la Commission s'étonne, dans un tel contexte, de voir que le livre vert n'aborde le logement que de façon négative, pour relever le problème du non-paiement des loyers, par exemple. La Commission a déjà mis en garde le ministère de la Sécurité du revenu contre la méthodologie et la valeur probante du sondage d'opinions sur lequel on s'appuie, au ministère, dans le livre vert, pour justifier les propositions qui y sont faites. Si nous convenons de l'existence d'un problème de non-paiement, celui-ci demeure le fait d'une fraction très minoritaire de la clientèle de l'aide sociale; il n'est d'ailleurs pas limité aux prestataires de la sécurité du revenu. Quant aux mesures proposées, elles ouvriraient une brèche inquiétante dans le principe de l'incessibilité des prestations, contrepartie traditionnelle de leur caractère minimal. À l'heure où l'on prétend responsabiliser les individus face à leur insertion professionnelle, il serait paradoxal qu'on les infantilise dans la gestion de la portion la plus significative de leur budget.

Pour la même raison, nous considérons que les personnes qui reçoivent des prestations de la sécurité du revenu doivent avoir la possibilité de s'entraider en mettant en commun, sans pénalité, les ressources qu'elles consacrent au logement. Nous recommandons donc que soit abolie la comptabilisation obligatoire des économies découlant du partage d'un logement.

Quelques mots sur la contribution parentale. La Commission désire, par ailleurs, soulever le problème que posent, pour de nombreux jeunes, les règles qui régissent la prise en considération de la contribution parentale. On sait que la loi crée une présomption à l'effet qu'un adulte qui ne peut démontrer son autonomie en satisfaisant à certains critères soit réputé recevoir une contribution parentale calculée à partir du revenu de ses parents. Pour renverser cette présomption, le jeune doit démontrer que cette contribution ne lui est pas versée. Or, de nombreux problèmes pratiques surgissent dans l'application de cette présomption, en particulier lorsque les parents refusent de dévoiler le revenu familial ou, tout simplement, de soutenir leur enfant. La Commission attire donc votre attention sur les délais importants occasionnés par les démarches requises du jeune: obtention de preuve, etc. Il y a lieu de modifier les procédures, croyons-nous, afin d'éviter des situations où un jeune se retrouve dans le dénuement total en attendant d'avoir droit à une prestation.

En ce qui concerne les pensions alimentaires, la Commission est d'accord avec la proposition voulant que la fraction du montant de la pension alimentaire qui est versée au bénéfice des enfants soit dorénavant exclue du calcul de la prestation de sécurité du revenu. Cette mesure va dans le sens de l'article 39 de la Charte selon lequel tout enfant a droit à la protection et à la sécurité que ses parents peuvent lui donner. Cependant, puisque cette mesure a pour but d'inciter le parent qui a la garde d'un enfant à faire valoir ses droits à une pension, il serait préférable de maintenir l'exemption à un niveau suffisamment élevé, croyons-nous. Malheureusement, une exemption qui décroît selon l'âge de l'enfant, tel que proposé dans le livre vert, nous semble bien peu incitative. La Commission recommande que l'exemption soit maintenue à 100 $ quel que soit l'âge de l'enfant.

Enfin, un mot important sur les prestataires âgés de plus de 55 ans. Comme vous le savez, la Charte interdit, sauf dans la mesure prévue par la loi, la discrimination fondée sur l'âge dans l'accès à un emploi. Cette forme de discrimination demeure malheureusement répandue. C'est pourquoi, sous le régime actuel, les prestataires âgés de plus de 55 ans reçoivent un supplément mensuel de 100 $ s'ils se déclarent non disponibles au travail. On reconnaît ainsi que dans la réalité sociale actuelle ces prestataires n'ont qu'un accès limité au marché du travail. Le livre vert, de son côté, propose que ce supplément ne leur soit plus versé. Pour la Commission, il demeure extrêmement difficile pour une personne de plus de 55 ans, forcée de se prévaloir de l'aide de dernier recours, de compléter sa prestation par des revenus de travail. Nous estimons que les personnes concernées devraient pouvoir continuer à recevoir ce supplément jusqu'à ce qu'elles deviennent admissibles à une rente anticipée de retraite.

En ce qui concerne les normes minimales de travail, c'est là un autre élément important sur lequel nous attirons l'attention des parlementaires. Il y a près de 10 ans, lors de l'examen du projet de loi n° 37, la Commission des droits de la personne, à l'époque, avait analysé la question de l'application des lois de travail aux programmes de développement de l'employabilité. Notre conclusion, à l'époque, était claire: le fait de ne pas assujettir ces programmes aux normes applicables à l'ensemble de la main-d'oeuvre constitue une forme de discrimination fondée sur la condition sociale. Cette position a été confirmée dans une décision récente du Tribunal des droits de la personne et n'a pas varié d'un iota.

C'est pourquoi, tout en déplorant que le Procureur général ait décidé d'en appeler de la décision du Tribunal des droits, nous invitons le gouvernement à faire en sorte que le travail effectué dans le cadre d'un parcours individualisé soit clairement assujetti aux normes de travail. Alors, on parle ici, bien sûr, non pas de stages, mais on parle d'emplois véritables. Le silence du livre vert sur ce point nous apparaît inquiétant.

En ce qui concerne les jeunes, à juste titre, le livre vert évoque les conséquences tragiques qu'entraîne le fait d'entreprendre sa vie adulte à la sécurité du revenu. Et j'insiste là-dessus, «à juste titre». Les jeunes seront donc considérés à l'avenir, selon le livre vert, comme une clientèle prioritaire. À la Commission des droits, nous en sommes. Mais, dans le livre vert, ce caractère prioritaire se traduit d'abord et avant tout par des contraintes pour les jeunes. Ainsi, les prestataires âgés de 18 à 24 ans, et eux seuls, auraient l'obligation de s'engager dans un parcours individualisé sous peine de pénalité financière. Pour la Commission, à date, le gouvernement ne s'est pas encore déchargé du fardeau de démontrer en quoi cette mesure punitive constitue un moyen rationnel d'aider les jeunes prestataires à sortir du cycle de la dépendance.

En ce qui concerne les personnes vivant avec un handicap, le livre vert propose de donner à ces personnes le choix entre une allocation d'invalidité administrée par la Régie des rentes ou une prestation de sécurité du revenu comprenant l'accès à des mesures actives. Nous applaudissons vivement à cette mesure puisqu'elle respecte l'autonomie des personnes qui vivent avec un handicap et favorise leur intégration socio-professionnelle.

En ce qui concerne les personnes issues de l'immigration, nous sommes heureux de voir que le gouvernement entend mettre en oeuvre des stratégies d'insertion particulières pour les personnes issues de l'immigration. Nous aimerions que le livre vert explicite les stratégies, cependant, qui seront mises de l'avant. Des efforts importants devront pourtant être déployés afin de prévenir toute situation pouvant constituer de la discrimination sur la base de l'origine ethnique ou de l'origine nationale. Les agents intervenant en insertion professionnelle devront être sensibilisés à cette réalité. La Commission, je l'ajoute, serait heureuse d'y contribuer en mettant ses services de formation à la distribution du réseau.

En ce qui concerne les autochtones, je pense qu'il en a été peu question ici, à cette commission, mais les autochtones vivent aussi une réalité particulière mais qui n'est pas prise en compte dans le livre vert. Dans les réserves, ils se butent à des obstacles importants: marché du travail réduit, faible scolarisation, programmes de formation mal adaptés, etc. Cette réalité s'accompagne d'une déstructuration de leur économie traditionnelle qui restreint sérieusement les choix des individus quant à leur insertion socio-professionnelle. De leur côté, les autochtones qui vivent en milieu urbain se heurtent souvent, comme on le sait, à la discrimination ethnique. La Commission s'étonne donc de la non-reconnaissance de cette réalité dans le livre vert et nous recommandons à ce sujet que des stratégies d'insertion particulières et adaptées aux réalités autochtones soient mises en place en concertation avec les principaux intéressés.

(15 h 30)

En terminant, la Commission tient à signaler sa préoccupation à l'égard de certaines mesures de contrôle et de vérification qui pourraient porter atteinte à la vie privée. Notre préoccupation ne date pas d'hier, vous le savez, puisque la Commission est intervenue à de nombreuses reprises dans les 10 dernières années pour faire valoir le droit au respect de la vie privée face à des mesures telles que le recours aux agents visiteurs ou à des agences de crédit à des fins de vérification, etc.

Tout récemment, nous sommes intervenus pour exprimer de sérieuses réserves face à des projets de loi qui généralisaient le recours à des échanges de renseignements nominatifs entre organismes publics. Nous constatons aujourd'hui que le ministère de la Sécurité du revenu entend continuer à miser sur les échanges de renseignements personnels. Selon nous, cette pratique est contraire au principe du cloisonnement des organismes publics, principe fondamental en matière de protection des renseignements personnels.

La Commission exercera donc la plus grande vigilance à l'endroit des ententes d'échange de renseignements qui pourraient être conclues dans le cadre de la réforme, puisqu'il s'agit là d'une atteinte a priori au droit au respect de la vie privée, atteinte qui, dans le contexte d'un programme qui n'accorde qu'un soutien minimal à des personnes déjà démunies, confine aussi au mépris de leur dignité, car – M. le Président, je termine là-dessus – il est important de le rappeler: ce dont il est question dans cette réforme, ce n'est pas uniquement d'argent, mais aussi de mesures sociales et surtout de personnes, de personnes contraintes à la pauvreté et dont la dignité est déjà rendue vulnérable à cause de leur situation de pauvreté.

L'article 45 de la Charte de même que les engagements auxquels le Québec a déjà souscrit nous indiquent ici la voie à suivre. Il est clair que la lutte à la pauvreté ne doit pas être à la remorque de la création d'emplois. C'est maintenant que des destins individuels sont ravagés par la pauvreté et c'est maintenant qu'il faut agir. L'État ne peut se dégager de la responsabilité unique qu'il assume à cet égard. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, Me Filion et les personnes qui vous accompagnent. Donc, vous avez pris connaissance du livre vert et vous avez donc pu y constater que l'augmentation, en 20 ans, des budgets de l'aide sociale a été de 600 %. Cette augmentation de 600 %, comme vous le savez, n'est pas due à une augmentation de barèmes, puisque, le livre vert le signale aux pages 14 et suivantes, la prestation moyenne versée par ménage, la prestation n'a pas augmentée au-delà de l'indexation normale du coût de la vie. L'augmentation est venue essentiellement du nombre de ménages accrus et ces ménages accrus l'ont été essentiellement chez les chômeurs.

Vous savez que, selon les dernières études, c'est 30 000 ménages de plus qui sont venus, durant les trois dernières années, suite au resserrement d'éligibilité à l'assurance-emploi. C'est un budget de 240 000 000 $ environ qui s'explique, si vous voulez, du fait de cette arrivée de chômeurs qui, auparavant, auraient été des prestataires d'assurance-emploi, qui continuent d'ailleurs à cotiser souvent à l'assurance-emploi, mais qui n'y ont plus droit.

Là, on évalue, pour l'année financière 1997-1998, qu'il y aura environ 9 000 ménages de plus dû justement à ce resserrement à l'assurance-emploi et que ça sera là un coût budgétaire d'environ 75 000 000 $ de plus, dans un contexte où, je vous le rappelle, le Québec s'est fait couper pour 1 800 000 000 $ en deux ans dans les transferts fédéraux au chapitre de l'aide sociale, des hôpitaux, des cégeps et universités.

Alors, vous comprenez qu'on ne s'est pas inspiré non plus de nos voisins américains. Vous avez dû suivre suffisamment la campagne électorale américaine pour comprendre qu'aux États-Unis, maintenant, c'est cinq ans et c'est fini pour le reste de la vie, l'appui, si vous voulez, l'aide qui est apportée. Puis, notre voisin ontarien, bien, la dernière nouveauté, c'est de faire financer à 50 % les municipalités. Et, sans caricaturer, tout le monde comprend que ça coûterait moins cher à Sillery ou à Westmount qu'à Verdun ou dans Limoilou. Alors, c'est donc d'autre chose dont il s'agit.

J'apprécie ce que vous nous dites, page 1 de votre mémoire, que vous considérez que le projet de réforme se fonde sur une perspective large et sur un diagnostic réaliste et articulé. Nous allons continuer à échanger sur le reste, cependant. Alors, c'est à ça que sert aussi une commission parlementaire. Peut-être rapidement, la seule chose que je trouve injuste, je pense, dans ce que vous apportez, c'est le fait que la réforme ne se baserait que sur une responsabilité individuelle. J'ai vu ça, d'ailleurs, dans les journaux aujourd'hui et j'ai l'impression que vous l'avez repris dans la présentation que vous venez de faire, Me Filion. Je me dis que c'est le contraire finalement de ce qui est dans le livre vert. Je vous invite simplement...

Je vais faire ça vite. Aux pages 31 et suivantes, en fait, on y explique bien... je vais vous citer ça rapidement: «Les leçons tirées des interventions publiques nous amènent à conclure que les solutions individuelles sont insuffisantes, les nouvelles réalités du marché du travail ainsi que les transformations sociales, familiales, exigent des solutions collectives afin notamment de mieux arrimer la problématique de l'insertion en emploi avec la pratique du développement économique.» Alors, il me semble qu'on y introduit cette idée, justement – qui est contraire à l'employabilité, qui faisait tout reposer sur la responsabilité individuelle – on y introduit l'idée d'une responsabilité individuelle et collective en disant évidemment qu'il n'y a pas de recette miracle ni de solution administrative simple à la pauvreté et à la pénurie d'emploi parce que c'est évident qu'elles seraient connues depuis longtemps; vous nous en apporteriez vous aussi cet après-midi; certainement que vous en rajouteriez à la contribution de la société.

Donc, il y a matière à s'inspirer, si vous voulez, aussi de ce qui se fait ailleurs. J'ai par-devers moi le dernier rapport préparé à la suite du colloque Créer des emplois , en Europe, qui s'est tenu au mois de novembre, il y a trois ou quatre mois, à Bruxelles, plus exactement, et à Genève, dans les deux villes concurremment, et je me dis: C'est quoi leur solution? Trois pistes, trois conclusions.

La première, je la résume en vous disant – et je ne pense pas faire injure à cette première solution – que c'est utiliser les ressources pour suppléer au revenu de travail au lieu de financer le chômage. Première chose. Alors ça, il y a un choix là-dedans. On investit dans le chômage, on gère le chômage ou bien on essaie de faire autrement et de considérer qu'un des problèmes actuels, c'est d'isoler les gens à l'aide sociale sans reconnaître qu'ils sont des chômeurs. Donc, première solution: suppléer au revenu de travail au lieu de financer le chômage.

Deuxième solution, ils appellent ça, eux: initiatives locales et emplois de proximité. Je pense que, nous, ça porte le nom d'économie sociale. Vous lisez leur deuxième solution et ça revient à peu près à ce qu'on est en train de développer.

Et, la troisième, ils l'appellent, eux: réseaux locaux de petites et moyennes entreprises et développement local. Et là je me dis: Mon Dieu, vous voyez – sinon on m'aurait accusée de plagier – ç'a été publié avant même que ce grand colloque n'ait lieu. Et, finalement, ce qu'on dit, nous, c'est qu'il faut prendre appui sur le développement local, la recherche de solutions à la crise de l'emploi. Bien, ça passe par des solutions novatrices. Il faut changer les règles du jeu et faire autrement que ce qu'on a fait jusqu'à maintenant et le faire reposer, l'«autrement», sur une politique active du marché de l'emploi. Ça signifie enlever des obstacles. Vous n'avez pas idée à quel point l'éparpillement de nos ressources actuellement, leur cloisonnement est un stigmate pour des chômeurs à l'aide sociale qui n'ont pas droit à une politique de main-d'oeuvre comme le reste des autres chômeurs.

Ensuite, une politique active, c'est simplifier les 110 programmes tout éparpillés dans les cinq grandes mesures d'intervention que vous connaissez sûrement, qui sont bien décrites. Et, l'autre solution, c'est de combiner mesures actives, politique active du marché du travail et développement local. Le développement local, c'est comme un nouvel atterrissage. On n'y était pas encore arrivé comme société, on était resté au niveau de la concertation en région. Si vous en avez d'autres, moi, je suis preneur, mais ça a l'air d'être essentiellement autour de ces changements de règles du jeu que s'organisent finalement des sociétés qui ont les mêmes défis à relever, c'est-à-dire de plus en plus de chômeurs qui n'ont plus accès à l'assurance-chômage et qui se retrouvent sous une forme d'assistance chômage.

(15 h 40)

Les barèmes, je vous rappelle qu'ils sont fondés sur les mêmes évaluations que celles faites antérieurement. Il n'y a pas comme telle de recherche dans cette réforme-là; il n'y a pas de poursuite, si vous voulez, de compressions. Le contexte qui est introduit, c'est un contexte qui nécessiterait un changement de règles du jeu à cause de la nature du chômage de longue durée, indépendamment même, je vous dirai, du contexte budgétaire. Même avec un contexte budgétaire différent, il faudrait se réorganiser, parce qu'on n'a pas les moyens de justifier le gaspillage qu'on fait actuellement et des ressources, et des services, et de l'argent qu'on investit là-dedans. Bon. Ça, c'était peut-être le premier élément.

Vite, sur le logement. C'est vrai que le livre vert n'en parle presque pas parce que mon collègue responsable du logement doit publier une réforme en matière de logement qui va, en fait, prendre en compte l'ensemble des éléments que vous abordez dans votre mémoire, aux pages 6 et suivantes.

L'application des normes minimales du travail. Vous avez raison quand vous dites: c'est dans la mesure où c'est un travail régulier et non pas un stage. On se comprend, un vrai stage et non pas de l'apprentissage. Il y a une formule pour l'apprenti et il y a une formule pour le stagiaire qui est différente de celle du travail. Quand c'est des expériences de travail, ça doit être assujetti aux normes du travail.

Là où j'aimerais avoir aussi vos commentaires, c'est – et je termine là-dessus – sur ce qu'on lisait dans les journaux aujourd'hui. Je vous cite simplement ce que je lis dans La Presse : «La réforme Harel contrevient aux chartes – au pluriel – des droits. La Commission québécoise des droits de la personne juge sévèrement la réforme de l'aide sociale. L'obligation faite aux jeunes âgés de 18 à 24 ans de participer à des mesures d'accès à l'emploi sous peine de pénalités est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés alors que celle touchant les chefs de familles monoparentales va à l'encontre de la Charte québécoise.»

Bon. Je voudrais vous entendre là-dessus et vous demander, à l'égard des enfants de cinq ans qui vont accéder à la maternelle plein temps, si vous considérez que c'est de la discrimination de penser que la non-disponibilité est abolie dans la mesure où, justement, il y a accès à plein temps pour ces enfants à une ressource de maternelle.

M. Filion (Claude): Il y a beaucoup de choses, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et ces nombreuses questions seront suivies d'autres questions par la députée de Rimouski.

M. Filion (Claude): Rapidement, d'abord, de façon générale, je pense bien que ce qu'on dit essentiellement, c'est que l'État a une responsabilité unique et qu'il ne peut pas céder, c'est la responsabilité de répartir la richesse au profit, évidemment, bon, des malades, essayer de garder nos routes en état, mais d'abord prendre soin des personnes qui sont les plus démunies dans la société. Et, vous savez, les taxes et les impôts qui sont perçus par le gouvernement du Québec, on n'a pas le choix de l'endroit où ils sont destinés: ils vont aux gouvernements. Bon, bien sûr, on a deux niveaux de gouvernement. Si on considère les gouvernements municipaux comme étant des créatures... comptons-en deux, donc fédéral et provincial. Mais, c'est là que vont nos taxes et c'est pour ça que notre mémoire insiste sur le caractère unique de la responsabilité de l'État à l'égard des personnes qui sont les plus démunies dans la société.

Si nous avions le choix peut-être de diriger nos impôts à droite ou à gauche, parce qu'à cet endroit-là on les redistribue d'une façon plus équitable pour toutes les couches de la population, y compris les couches les plus défavorisées, bien, on prendrait le problème autrement. Mais, nos taxes et nos impôts viennent ici, à Québec, et à Ottawa, comme vous l'avez si bien mentionné au début de votre...

Et, à partir de ce moment-là, ce sur quoi nous insistons et qu'il faudrait interpréter encore une fois de façon très claire – et nos propos sont uniquement contenus dans notre mémoire et dans le résumé de notre mémoire, c'est clair – c'est que l'État a une responsabilité unique. En ce sens-là, nous applaudissons à la responsabilisation, encore une fois, des prestataires, mais nous rappelons au gouvernement et aux législateurs, en bout de piste, parce que vous aurez éventuellement à vous pencher sur un avant-projet de loi ou un projet de loi auquel il nous fera plaisir de participer à une consultation si vous le jugez à propos, alors, on considère donc que ce n'est pas, Mme la ministre, une déresponsabilisation, sauf que nous sommes très heureux de vous entendre mentionner que la réforme de la Sécurité du revenu, si je vous ai bien comprise, se situe en dehors du cadre de réduction des dépenses budgétaires de l'État. Parce qu'on pense nous aussi que ça doit se situer en dehors de ce cadre-là.

Mais, en même temps, on ne vit pas sur la planète Mars et on sait que l'État a peu de moyens. Vous avez fait état des chiffres tantôt, vous avez fait état de ce qui se passe en Europe, etc., et c'est pourquoi nous insistons tant sur les mesures sociales qui, dans bien des cas, ont peu d'incidence financière, comme, par exemple, le logement. Il y a un momentum, de ce côté-là, à aller chercher actuellement, à notre avis. Par exemple, dans beaucoup d'institutions financières – Desjardins, les principales banques – on a des réserves d'immeubles résidentiels importantes, qui font peu de chose. Les banques attendent juste de prendre des pertes sur ces immeubles-là. Peut-être qu'on pourrait profiter de la conjoncture actuelle, qui ne sera peut-être pas là indéfiniment, et rapidement arrimer, dans le sens un peu de certains travaux du Sommet socioéconomique, des politiques qui viseraient à combler un besoin pour les prestataires de l'aide sociale et sans que ça nous coûte très cher. D'ailleurs, pour les banques, les institutions financières, assumer un déficit dans leur budget, elles sont prêtes à le faire et, ma foi, ce ne serait pas la fin du monde.

Alors, peut-être l'autre point que vous avez mentionné sur les normes du travail. Je pense qu'on est tout à fait sur la même longueur d'ondes, on aurait aimé que ce soit mentionné dans le livre vert, mais, en écoutant vos paroles, ça nous rassure. On est cependant inquiet du fait que votre collègue le Procureur général a décidé d'en appeler d'une décision qui dit ni plus ni moins, si j'ai bien compris ce que vous avez mentionné. Mais, à tout effet, en prenant pour acquis vos paroles, on est heureux de ça.

Quant à l'aspect discriminatoire, si j'ai bien compris, pour les jeunes mères – c'est bien votre dernière question – les enfants, ce que je voudrais peut-être souligner là-dessus, c'est que la Charte...

Encore une fois, une bonne partie de notre devoir, à la Commission, consiste à vérifier la compatibilité des mesures que vous entrevoyez avec la Charte québécoise des droits et libertés qui représente, rappelons-le, un consensus. Alors, si vous introduisez une distinction basée sur le seul état civil, à ce moment-là, la législation s'expose à être attaquée devant les tribunaux sur le seul état civil. Mais, en ce qui nous concerne – pour terminer peut-être ma réponse là-dessus – la question de l'âge, nous n'avons jamais dit qu'introduire une distinction basée sur l'âge était contraire à la Charte; au contraire, la Charte prévoit que, dans la mesure prévue par la loi, on peut introduire, comme je l'ai dit tantôt, des distinctions fondées sur l'âge. Il y a aussi d'autres critères qu'il faut rejoindre devant les tribunaux: des critères de rationalité, de proportionnalité et de finalité.

Nous signalons tout simplement aux législateurs et au gouvernement qu'il est important de se décharger de son fardeau de rencontrer ces tests-là s'il retient le critère d'âge. Et, bien simplement, pourquoi? La raison est simple. On dit: 18-24 ans, mais pourquoi pas 18-30? Pourquoi pas 18-20? Pourquoi pas 20-26? Je ne le sais pas. En deux mots, tout simplement, le législateur, quand le Québec a adopté la Charte des droits et libertés, a comme allumé un feu jaune. Lorsque vous légiférez et que vous employez le critère d'âge, assurez-vous de le faire dans la seule mesure nécessaire, proportionnelle et rationnelle prévue dans la loi. C'est ça que dit la Charte québécoise des droits et libertés, c'est un feu jaune extrêmement important. Autrement, on risque encore une fois de poser, d'introduire des mesures législatives qui pourraient être discriminatoires.

Ceci étant dit, je ne sais pas si, au sujet des jeunes, on veut ajouter quelque chose du côté des recherchistes. Ça va?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Mme la députée de Rimouski. Oui, Mme la ministre.

Mme Harel: Dans l'état civil, je ne pense pas que ça réponde à la question que j'ai posée sur la base de l'âge des enfants, à savoir cinq ans avant le 30 septembre et l'accès à la maternelle plein temps. Est-ce qu'à ce moment-là vous considérez ça comme de la discrimination?

M. Filion (Claude): Non, je pense que... Voulez-vous y aller...

Mme Harel: Dans la mesure où c'est sur la base de l'âge de l'enfant, à ce moment-là.

M. Filion (Claude): Non. Nous, on n'a pas trouvé...

M. Bosset (Pierre): Non, il n'y a pas vraiment de problème juridique, d'abord, parce qu'il y a sans doute un certain fondement rationnel à cette mesure et ce serait de toute façon prévu, j'imagine, dans une loi, donc ça répondrait aux critères de la Charte, de toute façon.

(15 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs. Dans votre mémoire, vous revenez sur la question du parcours, de l'obligation de suivre un parcours de réinsertion et, comme plusieurs autres groupes qui sont venus nous voir, vous semblez avoir des objections majeures au volet obligatoire. Plusieurs groupes avant vous nous ont parlé aussi des droits des personnes qui ont recours à l'aide sociale. Par rapport à ça, moi, je me fais la réflexion, parce que je réfléchis et j'écoute les commentaires de tous ceux qui viennent nous voir pour essayer de bonifier ce projet de loi, je me fais la réflexion: Comme travailleur, j'ai des responsabilités. Et je me dis que, comme personne ayant droit à l'aide sociale, j'ai aussi des responsabilités. En quoi le recours à l'obligation de suivre un parcours ne correspond pas à cette responsabilité-là? Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Filion (Claude): C'est une bonne question. Écoutez, de façon générale – j'en profite peut-être pour le souligner – c'est une excellente interrogation que vous avez, puis ça rejoint un peu la Charte des droits et libertés. Vous savez, ce n'est pas juste un texte de droits et libertés, la Charte, c'est aussi un texte d'obligations et de responsabilités. D'abord, à l'article 9.1, on parle du bien-être et les droits ne s'exercent pas en absolu, ils s'exercent dans une société concrète. La même chose que si on a des droits, les autres en ont aussi; donc, ces éléments de réciprocité, d'altérité, consacrent également que la Charte contient des éléments de responsabilité. C'est un peu la même chose dans le projet de réforme, il y a là des éléments de responsabilisation, de responsabilité que la Commission partage.

C'est là une façon de responsabiliser l'individu mais, en même temps, avec tous les bémols que nous... Et ils sont vastes. Surtout que vous êtes en commission parlementaire depuis de nombreuses semaines, vous avez entendu tous les commentaires portant sur ce fameux arrimage entre le parcours individualisé puis l'emploi. Est-ce que l'emploi sera là en bout de piste? Bon. Les intervenants précédents suggéraient un délai pour permettre effectivement à ce parcours-là de déboucher sur des résultats réalistes pour ne pas, en quelque sorte – ce que je soupçonne en-dessous de ça – décevoir les expectatives, les extraordinaires expectatives que porte cette réforme-là.

Imaginez, bon, toutes ces personnes, ces jeunes qui pourraient, de façon archipositive, comme elles sont capables, s'engager dans cette trajectoire personnalisée, mais rencontrer portes closes. Mais, ça, c'est un problème vaste, qui tient de considérations, comme je l'ai mentionné, qui sont d'ordre politique, économique et social, extrêmement importantes. Mais, en soi, encore une fois, pour répondre à votre question, la responsabilisation, il n'y a pas de...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Moi, à mon tour aussi, j'aimerais accueillir les membres de la Commission et son président, qu'il nous fait plaisir de retrouver ici. Je suis sûr que ça lui fait quelque chose aussi d'être ici, au salon rouge, à nouveau. Je tiens aussi à vous féliciter de la qualité de votre mémoire. Ça a rapidement fait le tour de la question, pointant précisément des problèmes, et des problèmes, d'ailleurs, que je trouve curieux... Généralement, les commissions parlementaires, M. le Président, c'est pour qu'on écoute les invités nous dire ce qui ne marche pas avec notre affaire pour qu'on puisse la bonifier. On a assisté ici à une tentative de la part du gouvernement, tout au moins de la ministre, d'expliquer comment les gens, en tout cas, étaient à côté de la track et pourquoi c'était bon.

Mais, la Commission des droits de la personne est souvent... non souvent, c'est l'endroit qui est comme chien de garde par rapport aux droits et libertés des citoyens, et vous avez très bien fait ressortir la responsabilité unique qu'a l'État en matière de redistribution de la richesse et de nos taxes. Vous soulevez très précisément des contraventions à la Charte que ce projet de réforme entraînerait. Vous parlez même des deux Chartes, canadienne et québécoise, et vous lancez en quelque sorte plus qu'un feu jaune, vous dites finalement: Vous êtes sur une voie qui va vous amener devant les tribunaux pour contravention à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et du Canada, sur deux fronts: le statut civil et l'âge. Le député... J'étais pour dire le député de Taillon, mais le président de la Commission se rappellera que, durant le temps qu'il siégeait ici, il y avait aussi un débat sur la discrimination fondée sur l'âge, où on réclamait l'abolition de la discrimination basée sur l'âge par rapport aux prestataires d'aide sociale. C'était légal, semble-t-il, étant donné que c'était prévu par la loi, mais tout le monde avait convenu que c'était immoral en quelque sorte. Et pour les mêmes questions: Pourquoi 18-30 ans, à l'époque, pourquoi pas 19-29, etc.?

Est-ce que vous considérez ce que vous mettez ici de l'avant aujourd'hui comme une mise en garde formelle au gouvernement à l'effet que ce projet de réforme contreviendrait aux deux Chartes sur ces deux aspects?

M. Filion (Claude): Non. Alors, je me répète pour être bien compris, là. Puis même, au besoin, je vais demander à notre juriste en chef de même peut-être éclaircir, s'il le juge à propos, ce que je pourrais dire. D'abord, une distinction basée sur l'âge, dans la Charte québécoise, c'est permis dans la mesure prévue par la loi. À partir du moment où vous, comme législateur, inscrivez une distinction basée sur l'âge en fonction de la Charte québécoise, vous pouvez le faire, mais, en même temps, nous vivons dans un système tel qu'il faut également regarder la Charte canadienne. Et, à la lueur de la Charte canadienne, pour rencontrer le test des tribunaux, il faut faire la preuve que la mesure qui est contenue à la loi rencontre les critères de proportionnalité, de finalité, de rationalité par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur.

Nous, ce qu'on dit à ce moment-là, c'est, de façon générale – oublions les deux Chartes, tout ça; véritablement, M. le député, c'est un feu jaune – lorsqu'on introduit à l'intérieur d'un texte législatif des âges, soyez extrêmement prudentes et prudents. Autant le législateur québécois dit: Dans la mesure prévue par la loi... Mais, bon, ça veut dire qu'il désire attirer votre attention là-dessus et c'est notre rôle aujourd'hui d'attirer votre attention comme législateur là-dessus.

Alors, restera à voir, évidemment... C'est un livre vert qui représente – on le dit dans le mémoire, on le répète encore aujourd'hui, peut-être que je ne l'ai pas dit suffisamment tantôt – un vaste ménage dans bien des choses, puis qui représente aussi des concepts importants au niveau de la responsabilisation, mais, à notre point de vue, à la Commission, c'est une réforme à parfaire avant qu'elle se transforme en législation. Et, par rapport aux Chartes, il faut regarder également les normes du travail, il faut regarder les prestataires de 55 ans. Bon. Il y a du travail à faire. La Commission sera toujours disponible à l'avant-projet de loi pour redonner son point de vue, pour échanger avec les juristes s'il y a lieu. Si Me Bosset veut compléter; je pense qu'il voulait le faire tantôt.

M. Bosset (Pierre): Peut-être un élément technique, un ou deux éléments techniques. Cette obligation, qui serait faite aux prestataires de 18 à 24 ans de s'engager dans un parcours individualisé sous peine de pénalité, elle s'appliquerait uniquement à eux, et ça me permet d'enchaîner un peu sur la préoccupation de Mme la députée qui parlait tout à l'heure de la responsabilité. Je pense qu'on ne doit pas oublier que, dans la loi actuelle, la Loi sur la sécurité du revenu actuelle, on a de toute façon un élément de responsabilité qui est celui d'entreprendre des démarches appropriées à sa situation pour trouver un emploi. C'est consigné dans l'article 28 de la Loi sur la sécurité du revenu. Il y a déjà un élément de responsabilité là avec lequel on n'est pas en défaveur.

L'élément nouveau, si je comprends bien, dans le livre vert, c'est qu'on imposerait une contrainte plus forte aux jeunes de 18 à 24 ans. Et, dans le livre vert, je pense qu'on décrit assez bien la situation des jeunes prestataires. Je pense que c'est convaincant lorsqu'on lit dans le livre vert que ces jeunes-là vivent une réalité particulière et qu'ils doivent être pris le plus jeune possible pour les aider à sortir d'un certain cycle de dépendance. Ce sur quoi le livre vert nous laisse un peu sur notre faim, c'est qu'on n'explique pas en quoi cette mesure punitive constitue un moyen rationnel et proportionnel d'arriver à un objectif avec lequel tout le monde ici, je pense, est d'accord, à savoir les aider à sortir du cycle de dépendance.

(16 heures)

M. Sirros: On serait très d'accord à dire que ce n'est pas du tout rationnel dans le contexte où on se trouve et c'est pour ça que... D'ailleurs, il y en a plusieurs qui recommandent soit un moratoire, comme les autres l'ont fait, soit de faire un lien avec un taux de chômage qui permettrait d'avoir un environnement où ça ne serait pas vu comme une mesure punitive, où ça pourrait être vu comme une possibilité réaliste au niveau d'une démarche qui donnerait des résultats. Et je pense que – juste pour finir ce commentaire-là – vous avez beaucoup parlé de la responsabilité unique que l'État a par rapport aux plus pauvres. Et force est de constater que, si on compare les deux situations pour savoir: Est-ce qu'on fait davantage, la même chose ou moins par rapport à cette responsabilité unique étant donné la refonte qui est proposée? on doit constater que... Rapidement, si on prend juste le fait que, par exemple, le barème le plus haut actuellement, proposé, plutôt, ne sera pas plus haut que le barème actuel et qu'il risque d'y avoir beaucoup plus de personnes qui vont avoir moins étant donné cette nouvelle mesure punitive, il est clair qu'il y a un désengagement de l'État par rapport à cette responsabilité unique.

Ajoutez donc à ça, et c'est sur ça que j'aimerais avoir vos commentaires, expliquez-moi, si vous pouvez, quelle logique vous voyez, s'il y en a une, dans l'enlèvement du 100 $ supplémentaire pour les personnes qui atteindront 55 ans dorénavant. Moi, j'ai beau gratter ma tête, mais je ne trouve aucune explication logique, si ce n'est de minimiser les argents que le gouvernement et l'État investissent dans la lutte à la pauvreté. Si vous en avez vu une, s'il vous plaît, expliquez-nous.

La Présidente (Mme Barbeau): Me Bourdeau.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Écoutez, ce qu'on dit essentiellement, puis l'impression qu'on a en lisant le livre vert sur cet aspect-là, c'est uniquement par un souci de commodité administrative que le gouvernement veut arrimer les prestataires de 55 ans et plus avec ceux qui ont 60 ans actuellement et qui sont forcés de se prévaloir d'une rente de retraite anticipée. C'est à peu près la seule justification qu'on peut constater à la lecture du livre vert. Nous, on considère que les gens qui sont âgés de 55 ans et plus sont en très mauvaise situation pour compléter leurs prestations de sécurité du revenu avec des revenus de travail. C'est déjà assez difficile de s'insérer lorsque l'âge... Lorsqu'on atteint l'âge de 55 ans, on ajoute une difficulté supplémentaire importante, et c'est dans ce sens-là qu'on s'explique difficilement pourquoi le ministre ou la ministre décide d'enlever à ces gens-là le supplément qui leur était accordé, actuellement.

M. Sirros: Une commodité administrative, vous voulez dire?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Je pense que c'est... À la lecture du livre vert, ça me semble être une commodité administrative.

M. Sirros: Vous êtes gentil.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Barbeau): M. Filion.

M. Filion (Claude): Oui, pour compléter peut-être sur ce que vous disiez, la responsabilité unique de l'État. On a beau tourner le problème de toutes les façons, les finances publiques sont aussi ce qu'elles sont et, à moins qu'il y ait des gens qui aient trouvé du pétrole dans le bout de l'île d'Orléans ce midi, ce qui ne semble pas être le cas, il reste que le gouvernement, n'importe quel gouvernement, doit travailler avec le budget qui est le sien. C'est pour ça que nous insistons tellement sur les mesures sociales, parce que c'est des mesures à peu d'incidences financières mais qui demandent beaucoup d'énergie cependant, parce qu'il faut arrimer des intervenants de la société québécoise autres que des acteurs à l'intérieur d'un même gouvernement, il faut les asseoir à une même table et les faire s'entendre sur des choses concrètes. Mais ça, on croit que c'est possible de le faire; les minutes du dernier Sommet socioéconomique nous laissent optimistes là-dessus. Il faudrait peut-être, cependant, profiter du momentum, notamment en ce qui concerne le logement.

M. Sirros: C'est peut-être aussi pour ça que, nous, de ce côté-ci, on insiste tellement non seulement sur les mesures sociales, mais aussi sur les mesures de création d'emplois, et qu'on croit qu'on ne peut pas faire abstraction de la création de la richesse quand on parle de la distribution de la richesse. Et si on est pour, effectivement, se soucier des dépenses et des finances publiques, il faut le faire en regardant l'ensemble de la photo, les deux côtés de la colonne, les dépenses puis les revenus. Et, quand on regarde uniquement un réaménagement qu'on présente comme une réforme qui aura comme résultat final un désengagement de l'État par rapport à cette responsabilité unique qui, de surcroît, soulève des questions d'éthique au niveau de la possible contravention aux chartes, etc., il y a véritablement de quoi s'inquiéter.

Un dernier commentaire ou question de ma part. Vous avez soulevé la question des autochtones, et je trouve très pertinent... Avez-vous songé quelque peu à la façon avec laquelle, ça, ça pourrait être abordé dans cette réforme-là? Est-ce que, par exemple, ça serait, selon vous, possible d'envisager les négociations qui permettraient aux communautés autochtones, aux nations autochtones d'être reconnues comme des entités particulières, distinctes, si vous voulez, et de gérer, selon leurs besoins, les sommes qui pourraient être mises à leur disposition à l'intérieur des ententes sur l'autonomie gouvernementale qui traînent de la patte?

M. Filion (Claude): D'accord. Je vais répondre à votre question. Juste pour compléter la question des 55 ans et plus, je pense, pour être honnêtes avec le livre vert, qu'il faut aussi mentionner que le livre vert mentionne que, du côté des personnes qui ont 55, 60 ans, elles conservent une certaine capacité de compléter leurs prestations de sécurité du revenu par des gains du travail, c'est mentionné tel quel dans le livre vert...

M. Sirros: ...le point tantôt.

M. Filion (Claude): ...mais je tenais juste, peut-être, à le spécifier.

En ce qui concerne les autochtones, on travaille, à la Commission, de très près avec eux autres. On vient de réussir des opérations passablement fructueuses dans le milieu de l'éducation, entre autres, dans les écoles secondaires, etc. Nous, on pense qu'il faut agir en concertation avec eux. De quelle façon cette concertation-là doit-elle concrètement... Ça prend des stratégies particulières. Il faut s'asseoir avec eux, il faut s'asseoir avec les représentants des milieux autochtones pour que, finalement, les investissements en argent, en énergie, en mesures sociales soient véritablement efficaces dans leur milieu bien précis. C'est un peu la même chose aussi pour tous les milieux composés des immigrants. Alors, la formule exacte, nous ne l'avons pas, mais l'histoire récente à la Commission montre que la concertation avec le milieu autochtone est quelque chose de possible et qui peut être fructueux.

Mme Harel: Avec la permission du député de Laurier-Sainte-Marie... de Laurier...

M. Sirros: Dorion...

Mme Harel: Dorion.

M. Sirros: ...qui vous a qualifiés tantôt de néo-conservateurs. Je vais me reprendre. Ce n'est pas «néo-conservateur», cette politique-là, Mme la Présidente?

Mme Harel: Avec la permission des membres de la commission, sur la question autochtone, je voudrais peut-être ajouter un mot rapidement. Nous sommes à négocier présentement avec les Inuit pour transférer la gestion du programme d'aide sociale, comme nous l'avons fait, comme je l'ai fait l'année passée à l'égard des programmes de main-d'oeuvre qui sont pour cinq ans maintenant, conçus, élaborés et administrés par les Inuit. En fait, on a signé avec eux ce qu'on souhaite qu'Ottawa signe avec nous, c'est-à-dire un véritable transfert de responsabilités. Et les discussions se poursuivent aussi avec les Cris. Cependant, dans votre mémoire, vous faites état de la situation sur les réserves. Ce n'est pas de la responsabilité, de la compétence, finalement, du Québec. Ce sont les administrations fédérales qui ont juridiction dans les territoires, même en matière d'aide sociale.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K., Mme Harel...

M. Sirros: ...latitude, à un moment donné, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui? O.K. Mais, maintenant, je vais... Est-ce que vous voulez... Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue. Un petit mot sur les 55-59 ans. J'attire votre attention que le Conseil du statut de la femme nous a démontré que les statistiques disent que, pour les revenus de gains, pour la possibilité d'aller chercher des revenus de gains, c'est des exceptions, surtout pour les 55-59 ans, ils ne sont presque pas capables d'aller se chercher des revenus de travail. Alors, peut-être vous emmener... Je vais vous parler du logement, mais peut-être aller dans le même sens au niveau des besoins essentiels. On retrouve dans le document qui nous a été donné, dans le livre vert, les besoins essentiels reconnus en 1996. Je ne sais pas si vous avez analysé le tableau 12, l'annexe 12, où on dit que, pour les besoins essentiels reconnus, une personne seule, pour couvrir le logement, l'alimentation, l'entretien ménager et tout ça... c'est 667 $ qu'une personne devrait avoir. Mais, sur ça, on oublie, on n'a pas mentionné les soins de santé. Alors, si la personne a une contribution financière à faire pour l'assurance-médicaments, il faudrait peut-être rajouter, moi, je ne sais pas, un 20$ par mois. Mais disons que le montant qu'on a ici, c'est 667 $.

On travaille beaucoup au niveau des prestations pour le barème de base qui est à 500 $. On nous dit que l'écart entre les besoins essentiels et la prestation pourrait être comblé par les revenus de gains permis indexés. Moi, j'aimerais vous entendre sur, finalement, parce que, bon, c'est une question ici de pouvoir se loger convenablement, de pouvoir se nourrir convenablement... Croyez-vous que c'est réaliste de penser que la majorité des prestataires vont être capables de combler leurs besoins essentiels, même en bas de ce qu'on retrouve sur le tableau, mais avec les revenus de gains permis qui ont été indexés?

M. Filion (Claude): D'accord. Vous savez, à la Commission, on a une aile juridique puis on en fait beaucoup. On a aussi, à la recherche, une aile socioéconomique, et je vais demander à Mme Garon, qui travaille à la Commission dans ce secteur-là depuis de nombreuses années, qui a travaillé sur cet aspect-là du livre vert, de vous répondre.

(16 h 10)

Mme Loiselle: Merci.

Mme Garon (Muriel): Peut-être qu'une première chose que je dirais, c'est que, si vous regardez le total des besoins, des sommes requises pour faire face aux besoins essentiels, vous remarquerez que ces totaux incluent toujours non seulement la prestation, mais le gain auquel les prestataires ont droit sans être pénalisés. Or, on sait bien que c'est probablement tout à fait utopique de penser que tous les prestataires pourront avoir, tous les mois, des possibilités d'aller chercher ce supplément. Ce qui veut dire que les prestataires sont toujours en deçà de ce maximum à l'aide de leurs prestations. Bon.

Vous savez que ces barèmes ont été établis à partir d'une évaluation de la consommation réelle des ménages qui travaillent, dont au moins 50 % des revenus proviennent du travail, et des 10 % de ces ménages qui reçoivent les revenus les plus bas. La consommation a été évaluée, les besoins essentiels ont été évalués à partir de la consommation réelle de ces ménages les plus pauvres. Donc, nous sommes à un niveau vraiment... au niveau de minimum. Et nous pouvons bien penser que ces gens, qui sont les plus pauvres, vont économiser sur toutes sortes de choses, notamment quand les loyers augmentent, et on sait qu'au cours des années quatre-vingt, alors qu'il y a eu un boom dans le secteur du logement, le coût du logement a augmenté considérablement, alors, les gens ont dû investir de plus en plus dans le domaine du logement. Bon. Et, en conséquence, la seule dépense compressible devenait, bien sûr, le vêtement, mais la seule dépense importante, c'était souvent l'alimentation. Alors, là, c'est un reflet des comportements réels des consommateurs, de consommateurs coincés, dans la réalité. Donc, c'est un tableau qui est un reflet d'une réalité misérable.

Pour ce qui est de l'allocation-logement, vous savez qu'il y a des variations régionales importantes. Or, dans les mesures qui ont été développées, les analyses qui ont permis l'élaboration de ces barèmes, on a mis de côté la variation régionale. Or, on sait qu'à Montréal la moyenne des loyers est nettement plus élevée que ce qui est... Tout ça, ça paraît absolument irréaliste... Il faut juste regarder ça pour...

Mme Loiselle: 325 $, à Montréal.

Mme Garon (Muriel): ...le logement. Bon.

Mme Loiselle: Vous avez raison.

Mme Garon (Muriel): Alors, vous voyez donc, c'est un tableau qui nous renvoie une image à la fois... d'une part, de misère, et d'obligation de parvenir, chaque mois, à aller chercher un supplément... tous les mois, parce que le logement, vous signez un bail, vous devez le payer tous les mois.

Mme Loiselle: Exact.

Mme Garon (Muriel): C'est seulement la nourriture qui devient compressible à ce moment-là.

Mme Loiselle: Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que vous dites que c'est un tableau qui nous reflète un état de misère, finalement, puis ce qui est encore plus inquiétant, c'est à savoir que la majorité des prestataires ne seront pas capables d'aller chercher les gains permis, alors ils vont vivre en deçà de ça, du montant qu'on a là. Mais le loyer, lui, comme vous dites, à Montréal, 325 $ pour un loyer, ce n'est pas possible. Dans mon comté, moi, ça commence sûrement à 350 $ et ce n'est pas des logements convenables, là, adéquats.

Justement, le logement, vous en parlez beaucoup puis vous dites comment c'est important pour les gens. Vous parlez de qualité, de stabilité, de dignité, de qualité de vie. La ministre, tantôt, nous disait que son collègue le ministre des Affaires municipales était pour arriver avec une politique au niveau du logement. Ce que, vous, vous suggérez au gouvernement, actuellement ils font exactement le contraire. On a diminué dans l'allocation-logement, ça, ça a été fait, et on maintient, dans le livre vert, la coupure pour le partage du logement. Le ministre des Affaires municipales a presque confirmé qu'il était pour retirer le remboursement pour l'impôt foncier pour les familles à faibles revenus. On s'en va vers une hausse des loyers dans les HLM.

Moi, j'aimerais savoir, un, le message... peut-être répéter votre message de l'importance pour un logement convenable, au gouvernement, pour que le message rentre bien, et, deux, n'aviez-vous pas fait un avis au gouvernement, au moment où il a diminué l'allocation-logement, disant qu'il allait à l'encontre de l'article 45 de la Charte?

M. Filion (Claude): Sur le logement, peut-être reprendre ça très rapidement. D'abord, en ce qui concerne la mesure... Lorsque deux prestataires ou trois prestataires d'aide sociale réussissent à se débrouiller, puis ils se mettent ensemble, puis, bon, ils partagent un coin de logement, à ce moment-là je pense qu'on ne devrait pas pénaliser les initiatives de façon générale, et on devrait... La réforme est basée sur la responsabilisation. Je pense que cette responsabilisation sera un succès dans la mesure, et comme, de façon générale, lorsqu'on cherche à responsabiliser les gens, dans la mesure où vraiment on est cohérent de A à Z.

C'est la même réflexion également pour l'espèce de paiement préautorisé ou automatique de loyer. Là-dessus, je réinsiste encore une fois. Nos études montrent que le sondage qui a été effectué par le ministère est basé sur des données incomplètes et trop fragmentaires pour baser une mesure législative qui viserait à faire en sorte, comme je le disais tantôt, peut-être d'infantiliser un petit peu les prestataires d'aide sociale à l'égard d'une des tâches importantes qu'ils ont, une des charges importantes de leur budget qui est de payer leur loyer à chaque mois. Alors, la mesure visant à pénaliser les prestataires qui se mettent en commun également pour partager un logement, à mon avis, aurait besoin d'être réanalysée dans l'optique du livre vert lui-même, finalement, qui en est une de responsabilisation. Et ce qui me frappe le plus, et je...

La Présidente (Mme Barbeau): En terminant, s'il vous plaît, parce que le temps est...

M. Filion (Claude): Rapidement. C'est intéressant parce que, là aussi, on en arrive à constater que, selon l'annexe 12, le logement représente, sauf erreur, quelque part autour de 50 % de la composante du budget du prestataire. Mon Dieu! quel beau défi pour le gouvernement législateur de travailler à trouver des solutions innovatrices dans le secteur du logement. Puis on a les logements actuellement, ils sont disponibles un peu partout, notamment dans les grands centres, à cause de cette espèce d'épidémie de non-paiement, évidemment, d'hypothèques, occasionnée par la crise économique et la descente des prix, et toutes ces institutions financières là... Puis, quand on les écoute au Sommet, ils sont prêts à faire un geste, et là on pourrait peut-être leur demander d'assumer une perte, comme ils vont le faire de toute façon, mais d'assumer une perte au profit peut-être d'une augmentation de solidarité par le biais de coopératives de logement. C'est un exemple de mesures sociales. Ce n'est pas toujours de l'argent. C'est surtout des personnes puis des mesures sociales dont on parle.

Mme Loiselle: Ce que, moi, je retiens de votre message aujourd'hui, c'est que vous dites au gouvernement: Retournez faire vos devoirs et, vraiment, faites vos devoirs en fonction de lutter contre la pauvreté.

La Présidente (Mme Barbeau): Là, c'est terminé, je dois...

Mme Loiselle: Merci.

M. Filion (Claude): C'est parce qu'elle me fait dire quelque chose...

M. Sirros: Ah! bien, il faut qu'on ait le dernier mot.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion (Claude): D'accord. Je pense que tout le monde aura compris qu'il y a une bonne voie, il y a des choses à parfaire, c'est une réforme à parfaire, à notre avis.

M. Sirros: C'est ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, est-ce que vous avez dit votre dernier mot là-dessus? Alors, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je demanderais aux intervenants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec de prendre place le plus rapidement possible, s'il vous plaît.

(Consultation)

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, s'il vous plaît, je demanderais qu'on recommence les travaux. Alors, je demanderais au porte-parole de s'identifier, de présenter les personnes qui l'accompagnent et de commencer l'exposé, s'il vous plaît.

(16 h 20)

Des voix: ...

La Présidente (Mme Barbeau): S'il vous plaît, à l'ordre! Alors, le porte-parole, c'est monsieur...


Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ)

M. Gagné (Jean): Oui, c'est moi-même. Mon nom est Jean Gagné, je suis coordonnateur du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec. Je suis accompagné de membres du conseil d'administration de cette association-là: d'abord, Mme Ginette Rousseau, qui est aussi intervenante au groupe d'entraide L'Oasis de Lotbinière; M. Pierre Nadeau, qui est aussi du groupe Action-santé de Pointe-Saint-Charles, à Montréal; M. Jean Charbonneau, qui est du groupe d'entraide Centregens, situé à Longueuil.

Alors, je vais me charger de faire le résumé, un peu, du mémoire qu'on vous a déposé, et ces personnes-là, qui sont des gens de terrain, vont pouvoir peut-être répondre à plusieurs questions que les parlementaires pourront poser.

La Présidente (Mme Barbeau): Allez-y.

M. Gagné (Jean): Bon, tout d'abord, un rappel, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, c'est une association de plus de 100 groupes, organismes sans but lucratif actifs en santé mentale. Ils sont actifs à travers le Québec, ils sont répartis dans 14 régions administratives. Il s'agit de groupes d'entraide, mais aussi de groupes d'entraide... de groupes d'aide et de groupes d'entraide, c'est ça, qui sont actifs au niveau de l'insertion sociale, au niveau de ce qu'on pourrait appeler le traitement alternatif aussi, ou encore au niveau de l'échange de services entre pairs.

Je tiens à le souligner d'entrée de jeu, le mémoire que nous allons vous présenter a été travaillé avec un bon nombre de nos membres, dont la plupart sont eux-mêmes assistés sociaux, et je souligne par là qu'ils ont fait preuve d'un très grand sens civique qui nous semble être remis en question par certaines mesures du projet que le ministère nous présente aujourd'hui.

La santé mentale. Le premier élément que j'aimerais développer, ce sont les liens entre santé mentale et pauvreté. Pourquoi est-ce qu'on a insisté d'ailleurs pour être ici en tant que groupes qui sont essentiellement actifs en santé mentale et pas nécessairement beaucoup au niveau de l'emploi? C'est qu'effectivement il y a un lien patent entre la santé mentale et la pauvreté. J'indiquais tantôt que la plupart... On avait fait une évaluation il y a quelques années, on arrivait à des taux de près de 90 % et plus de nos participants et participantes dans nos ressources qui étaient bénéficiaires de l'aide sociale.

Bien qu'il y ait plusieurs thèses concurrentes sur l'origine des problèmes de santé mentale – on pense à des origines peut-être biologiques, peut-être environnementales, etc. – il reste, comme je l'indiquais tantôt, que le lien entre pauvreté et santé mentale est patent. Ça va de soi un peu, quand on y pense simplement. On n'a qu'à penser au stress qui peut être lié au fait de vivre dans de mauvaises conditions de logement, d'avoir un accès aux loisirs valorisés qui soit moindre que la plupart des autres personnes. On peut penser aussi au stress lié à ne pas avoir de sécurité financière, à craindre toujours à cet égard-là. On pense à la solitude qui accompagne souvent la pauvreté, bon, parce qu'on n'a pas d'emploi, parce qu'on n'a pas de réseau social aussi. Mais enfin, je pense que peut-être le phénomène le plus important, c'est l'image de soi qui est détériorée lorsqu'on est victime de pauvreté.

Donc, comme je l'indiquais, et je ne suis pas seul, le Comité de la santé mentale du Québec, dans un avis récent qui portait sur la pauvreté et la santé mentale, indiquait qu'il s'agissait là, la pauvreté, de l'indicateur le plus puissant en termes d'apparition et en termes, comment je dirais, d'approfondissement des problèmes de santé mentale. À cet égard-là, je dirais, le ministère du Revenu a une responsabilité, bien sûr, qui n'est pas celle d'intervenir au niveau de la santé mentale, mais à tout le moins de prendre garde de ne pas nuire à la santé mentale des bénéficiaires de l'aide sociale, entre autres en ajoutant du stress qui pourrait se traduire, si on veut avoir des arguments absolument économiques, par des hospitalisations supplémentaires, par plus de demandes de soins.

Le chômage, auquel on veut s'attaquer, est un phénomène, je dirais, structurel. Et là-dessus, le document du ministère est bien fait, il démontre bien que le développement de l'économie depuis les plus récentes années, dirons-nous, pour aller rapidement... le développement de l'économie, dis-je, ne va plus de pair avec celui de l'emploi. Pour nous, ça, ça devrait nous conduire à rompre avec une image un peu dépassée du pauvre qui l'est volontairement pour promouvoir un nouveau contrat social, une nouvelle reconnaissance de la citoyenneté qui n'est plus liée simplement au fait d'obtenir ou de détenir un emploi salarié, enfin au niveau traditionnel. On pourrait penser à salarié d'autre chose.

Donc, le nouveau contrat social dont on voudra parler tout au long de ce mémoire-là est un contrat qui serait fondé sur la reconnaissance de la participation des gens à l'amélioration de la vie communautaire, à l'amélioration de la société de différentes façons, outre celle d'avoir un emploi, car, comme on le dit, c'est une avenue qui n'est pas en voie de se généraliser. Le plein-emploi, ce n'est vraiment pas un avenir qu'on peut prévoir. À cet égard-là, je dirais que les gens qui sont actifs dans le milieu communautaire ont quelque chose d'exemplaire au niveau de ces nouvelles orientations là, quand je parle d'utilité publique, de reconnaître une nouvelle utilité publique.

Dans le document du ministère aussi, nous allons critiquer le fait de reconduire certaines catégories, l'équivalent des aptes et des inaptes, dans la mesure où, pour nous, les catégories sont essentiellement des facteurs d'exclusion, tandis que l'égalité de statut est plutôt un facteur de participation. On pense que les gens sont plus enthousiastes à participer s'ils ne sont pas au départ cantonnés dans certaines avenues d'une façon obligatoire. Nous proposerions donc une orientation du type, quelque chose qui se rapprocherait plus d'un revenu minimum garanti, sans autre formule de conditions... d'aide aux personnes qui sont pauvres, en évitant finalement des effets pervers qui pourraient être liés aux punitions attendues, aux craintes de punition, qui ont ce stress, puis finalement qui peuvent conduire à une demande accrue de soins plutôt que d'aider, comme le projet souhaite le faire.

Or, nous avons retenu dans le projet de loi un certain nombre de thèmes qu'on veut traiter très rapidement aujourd'hui. D'abord, la relation, il est question d'établir une relation contractuelle entre l'État et le bénéficiaire; il est question d'éliminer les distinctions de statut entre les chercheurs d'emploi, c'est-à-dire les bénéficiaires d'assistance sociale, et ceux qui touchent les prestations de chômage, et les autres chercheurs d'emploi qui sont sans statut de ce type-là; le troisième thème, intégrer les mesures d'assistance dans une politique globale de développement de l'emploi; quatrièmement, décentraliser par régionalisation et partenariat le système de distribution des services du ministère de la Sécurité du revenu; distinguer clairement, en cinq, les bénéficiaires dits de protection sociale de ceux qui sont en mesure de faire les démarches d'intégration au travail; enfin, adopter une politique familiale qui réduise sensiblement le taux de la pauvreté chez les enfants. Comme je l'indiquais aussi, comme on a travaillé ce mémoire-là en collaboration avec des usagers et des intervenants de la base de nos ressources, on a insisté aussi pour ajouter un point qui traitera plus particulièrement du logement.

Contrat individu-société. Pour nous, il est important que l'État maintienne un rôle qui est celui d'être en quelque sorte un arbitre qui temporise les intérêts particuliers qui s'affrontent dans une société. On pose ce préalable-là, parce qu'on peut lire dans le document: «Le nouveau régime entend établir un contrat de réciprocité reposant sur un rapport ouvert, démocratique et solidaire entre l'individu, l'État, les partenaires du marché du travail et les collectivités.» Alors, on met un peu en cause le caractère, je dirais, l'éthique de ce contrat-là. Parce que, effectivement, est-ce qu'il s'agit véritablement d'un contrat équitable, qui engage des partenaires à partir d'un consentement mutuel et un partage aussi des responsabilités et, je dirais même, des pénalités, qui soit équitable... Il ne nous semble pas équitable de dire qu'il y a un contrat là entre l'individu, d'une part, et des groupes qui sont, d'autre part, beaucoup plus puissants que lui. Il y a quelque chose à rééquilibrer si on veut parler de contrat. Dans ce contrat-là, il y a une seule personne qui est menacée de pénalité si elle ne remplit pas ses engagements.

(16 h 30)

Si, d'autre part, le ministère ne lui fournit pas au bout d'un certain temps, effectivement, un emploi stable et rémunéré de façon décente, il n'y a pas de pénalité de ce côté-là. Seulement celui qui abandonne le programme en aurait une.

D'autre part, on demande aussi à l'individu d'être pénalisé pour des failles que, bon, je qualifierais de systémiques, pour aller vite, c'est-à-dire des problèmes qui dépassent son contrôle, qui dépassent sa propre volonté. On parle du retard, par exemple, du système d'éducation sur les nouveaux besoins et demandes du marché du travail, on peut parler aussi de l'évolution du marché économique qui n'est pas sous le contrôle de cette personne-là, puis on peut parler aussi de la rapidité des développements technologiques qui, encore là, ne sont absolument pas sous le contrôle du bénéficiaire de l'aide sociale.

Deuxième note à propos du contrat avec la personne. Bon, en relisant un récent document du Conseil de la santé et du bien-être, celui-ci – le Conseil – répète qu'il y a eu un assez faible succès, pour ne pas dire un échec, de la plupart des programmes qui ont été utilisés à date. Donc, c'est un peu ce à quoi je faisais allusion dans la part du contrat qui est sous la responsabilité du ministère. Ça nous importe d'autant plus de souligner cet aspect-là que de participer à ces programmes-là quand ils n'atteignent pas le succès ça a aussi des conséquences au niveau de la santé mentale qu'on veut souligner. Je cite le Conseil de la santé et du bien-être dans son récent document, L'harmonisation des politiques de lutte contre l'exclusion , ils indiquent: «La faible performance des programmes de développement de l'employabilité et d'intégration à l'emploi nuit aux personnes qui y participent. L'échec de la participation constitue pour elles une réalité difficile à accepter sur le plan psychologique. Certaines y voient un signe de leur propre incompétence. Plusieurs semblent y perdre une part de leur estime personnelle. La dévalorisation que ressentent ces personnes rend plus difficiles encore leurs démarches de réinsertion», entendons là, par la suite.

Donc, de rendre ces programmes-là, ces projets-là obligatoires, c'est en quelque part affirmer comme société: Ils sont efficaces et, si tu n'y participes pas, à quelque part tu es un paresseux, tu es dans le tort, alors qu'on sait très bien, comme le souligne le Conseil du bien-être, que ça ne fonctionne pas si bien, qu'on conduit plutôt d'une participation pendant un certain nombre de mois à déboucher à une non-participation en attendant qu'on recouvre finalement notre droit à avoir accès à un nouveau programme. Donc, pour nous, l'obligation devrait être levée.

Donc, en termes de revendications, à ce point-là, l'État doit jouer un rôle central dans la création d'emplois en intervenant au niveau de l'éducation et aussi au niveau de la fiscalité. On devrait éliminer les mesures punitives qui sont plus nuisibles qu'aidantes. On devrait soutenir la présentation aussi des bénéficiaires, qui sont élevés dans le projet au rang de partenaires sociaux. Si on les reconnaît comme partenaires sociaux plutôt, on devrait soutenir cette participation-là.

Deuxième thème, entre citoyenneté et recherche d'emploi. On était assez contents de voir justement qu'on éliminait la distinction entre chercheur d'emploi, bénéficiaire d'aide sociale et tous les autres chercheurs d'emploi, parce que, justement, on reconnaît avec le document du ministère qu'il s'agit là d'un problème structurel et que la question d'être sans emploi devient une étape, enfin, une étape récursive, là, mais tout à fait normale dans le parcours de la plupart d'entre nous. Donc, il n'y a pas lieu de faire là de discrimination. Voilà, c'est ça.

Par contre, il faut prendre garde parce qu'il y a dans... On reprend une expression qui provient, semble-t-il, du Danemark, «chômeur volontaire». Ça nous semble aller un peu contre tout ce qui a déjà été dit par le document. Donc, on devrait éliminer ce genre d'esprit là. D'après nous, il y a assez peu de chômeurs volontaires et, souvent, quand les gens nous disent... souvent, par exemple, on rencontre ça au niveau des itinérants: Moi, j'ai décidé de l'être, quand on analyse ça d'un peu plus près, il s'agit de ce que, nous, on appellerait une espèce de projection défensive où, finalement, les gens essaient de restituer un petit peu de sens dans l'univers dans lequel ils vivent, mais, dans les faits, il n'y a personne qui souhaite son propre malheur.

Un autre niveau de distinction qui nous semble fort discutable, c'est celui entre «apte» et «inapte». Pour nous, le statut d'inapte à vie qu'on obtiendrait en devenant prestataire de la Régie des rentes est basé finalement sur des pronostics psychiatriques qui sont pour le moins douteux et ça a quelque chose qui tue l'espoir. Pour nous, adopter une politique, comme on le disait, de revenu minimum permettrait justement de ne pas condamner des gens dans une espèce de limbes du social: Là, tu as une certaine sécurité financière, mais, malheureusement, tu n'es plus bon au travail, malheureusement, tu ne peux plus t'inscrire dans un cheminement social. Nous, là, il y a là un défi des années prochaines qui devrait être rempli justement en éliminant ces multiples catégorisations là, comme un intervenant précédent le disait aussi, puis on est de toute façon beaucoup en dessous du seuil minimal de pauvreté. Là, on ne parle pas d'accorder des privilèges terribles.

On nous a dit aussi pendant nos petites consultations que les personnes qui, actuellement, étaient sur le programme dit SOFI, Soutien financier, ces personnes-là craignent fort aussi que le transfert... elles veulent être assurées – on vous demande de nous rassurer là-dessus – elles craignent fort que, s'il y a transfert de leur dossier à la Régie des rentes, elles soient encore obligées de repasser par les mesures d'évaluation de leur propre cas et semble-t-il que c'est plutôt pénible, certains pourront vous en parler.

Donc, on revient à notre revendication de revenu de base à tous sans distinction. En tant que citoyens, on insiste pour qu'il y ait couverture des besoins spéciaux évidemment pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. On insiste aussi pour qu'on offre des services de formation et de recherche d'emploi à tous, et ce, sans contrainte. Notre hypothèse à cet égard-là, tenant compte du fait qu'il y a eu un achalandage énorme de ces mesures-là anciennement, on pense qu'il n'y a absolument pas besoin de contraintes pour qu'il y ait beaucoup, beaucoup de candidats. S'il y a des stages à faire, des programmes de qualité, je dirais, minimale, il y a énormément de clients. On ne fournira pas, de toute façon, à ce niveau-là.

Troisième élément, la politique d'emploi. Bien sûr, on est d'accord pour l'élaboration d'une politique d'emploi qui dépasse juste la création d'emplois, mais qui pense aussi au maintien de ceux-ci. Donc, on a remarqué ça dans le document, que c'était intéressant. Cependant, encore là, il faut quand même reconnaître que, malgré une politique agressive, je dirais, de création et de maintien d'emplois, il reste encore que le développement économique mondialisé ne va pas dans la direction de création d'emplois partout et toujours. Donc, encore là...

La Présidente (Mme Barbeau): Monsieur, je veux juste vous dire qu'il vous reste trois minutes, pour ne pas que vous soyez coincé, là, à la dernière minute.

M. Gagné (Jean): O.K. Bien, je vais peut-être passer à quelque chose qui me semble un peu original de la part de notre groupe. C'est quand on parle du partenariat et de la régionalisation. On a reconnu là une expérience que, nous, on a par les plans régionaux d'organisation de services. Alors, on veut mettre le ministère en garde. Nous, on croit à ces mesures-là. On trouve ça fort intéressant et démocratique que des gens de la base puissent participer à la détermination de certaines politiques comme celle-ci. Cependant, on dit: Attention, il faut que les partenaires... on sache d'où proviennent les partenaires, qu'ils soient imputables dans leur milieu; il faut aussi que le partage des responsabilités et des devoirs entre les différents partenaires soit bien établi. On soulignera en particulier – on pourra y revenir dans les questions là-dessus – qu'il y a une place qui est faite aux usagers par le comité des usagers, ça nous semble important. Cependant, on devrait revaloriser et les mettre au statut de partenaires à part entière et non pas de consultants de consultants, donc de soutenir les comités d'usagers en leur donnant des moyens puis en ayant un support pédagogique, je dirais, pour qu'ils participent à l'évolution de leur milieu.

Prendre garde aussi, cependant... Le partenariat puis la régionalisation, ce n'est pas une panacée. Je parlais d'économie mondialisée, il ne faut pas que ça soit une façon de tasser, je dirais, les revendications locales dans un coin. C'est pour ça qu'on insiste pour que le ministère, le gouvernement conserve son rôle central de redistributeur de richesse dans notre société. Il a un rôle d'arbitre incontournable.

On a noté aussi la politique familiale qui s'intéresse plus particulièrement à la pauvreté des enfants et tout ça. Bon, évidemment, avec les principes, on est d'accord. On nous a dit cependant que, pour la première année, les femmes chefs de famille se trouvaient à perdre un revenu de 100 $ avec cette opération-là. Ça nous semble contraire, finalement, à l'orientation même de la politique. Il y aura peut-être une correction à faire là-dessus.

On craint un peu l'installation de deux normes, cependant, concurrentes, c'est-à-dire que, pour les femmes assistées sociales, il y a une espèce de contrainte qui va vers l'utilisation de la garderie alors que celle-là n'est pas imposée aux autres tant que leurs enfants n'ont pas l'âge de six ans, parce que l'âge obligatoire de l'école, c'est ça ici. Non pas que nous soyons, comme groupe, contre les garderies, loin de là, on est très fort pour leur développement, mais on dit: Leur développement doit être préalable à l'imposition, finalement, de mesures de restrictions de la disponibilité, de un, et, de deux, ça devrait être encore volontaire, en tout cas en autant que c'est la règle de base pour toutes les femmes au Québec actuellement encore. On parlait d'un débat qui n'a pas été fait. Mais ça va dans les deux sens. Il n'a pas été dans le sens, non plus, de retirer ce choix-là. Bon.

(16 h 40)

On se bouscule pour la question du logement. Il y a les deux notes. Bien, tout simplement, la question du versement automatique, pour nous, ça rouvre une porte à la discrimination non dite, pas officielle, c'est-à-dire que des locateurs pourraient exiger des locataires, éventuellement, bénéficiaires de l'aide sociale qu'ils aient signé ce fameux papier là avant de leur louer. Ils pourraient faire des pressions indues à cet égard-là. Le seul fait d'en avoir parlé répand un peu la réputation mauvaise des assistés sociaux alors que la majorité paient leur loyer.

Bien entendu, le maintien de la contribution parentale, ça nous fait sourciller quand on parle d'une politique familiale parce qu'on dit: Il y a les petits enfants, mais il y a les grands enfants aussi, peut-être, à regarder. Donc, la cohabitation obligatoire que ça impose, ça peut être, à notre avis, en tout cas, à notre expérience, parfois nocif. Puis, enfin, la cohabitation, on l'a souvent dit, on le répète puis on le maintient encore, c'est un facteur de débrouillardise, c'est un facteur de création de liens sociaux, entre autres, pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Ça ne devrait pas être pénalisé.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. Gagné.

M. Gagné (Jean): C'est un peu rapide, je m'excuse.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, c'est juste le temps, c'est 20 minutes, ce n'est pas long. Mais vous aurez l'occasion sûrement, par les réponses aux questions, d'aller plus loin dans vos commentaires. Mme la ministre.

Mme Harel: Bienvenue, M. Gagné, et les personnes qui vous accompagnent. C'est M. Nadeau, je pense, hein? Et Mme Rousseau, M. Charbonneau, c'est ça?

Alors, écoutez, peut-être un élément. Quand vous parlez du «droit reconnu à toutes les autres femmes de choisir librement la durée de la période où elle s'occupera à temps plein de l'éducation de son jeune enfant», franchement, je ne suis pas sûre que ce droit est reconnu à toutes les autres femmes. Pensez-vous qu'il y a un droit dans notre société... En tout cas, il faudrait en parler à toutes ces travailleuses dont les enfants ont moins de six ans qui ont même de la difficulté à avoir un congé de maternité. Et un des problèmes à l'aide sociale justement, c'est qu'il y a peu de garanties de congé de maternité pour bon nombre de jeunes travailleuses en âge d'avoir des enfants du fait qu'elles ne se qualifient pas pour les heures requises aux fins de l'assurance-emploi. Alors, imaginez-vous que, quand vous me dites que c'est de la discrimination parce qu'il y aurait un «droit reconnu à toutes les autres femmes de choisir librement la durée de la période où elle s'occupera à temps plein de l'éducation de son jeune enfant», je pense qu'on n'en est pas là encore. Au contraire, comme société, on s'est plus fixé un objectif d'indépendance économique pour les femmes, et c'est plus un objectif de services collectifs, de services sociaux. Tantôt, quand le président de la Commission des droits de la personne parlait, il parlait de la nécessité d'investir dans des services pour la société. Je vous laisse, tantôt, peut-être à une réflexion là-dessus.

L'essentiel de ce que vous nous proposez, c'est un revenu minimum garanti. Est-ce que je me trompe de penser que c'est un élément de base pour vous? Vous y revenez à quelques reprises. En fait, vous nous dites dans vos recommandations aussi et dans votre argumentation qu'il faut un revenu minimum garanti indépendamment de l'âge et indépendamment, si vous voulez, de la raison pour laquelle la demande d'aide est faite. Est-ce que c'est bien ça?

M. Gagné (Jean): ...

Mme Harel: C'est ça. Avez-vous pu faire un examen ou réfléchir ou discuter du revenu minimum garanti? Avez-vous une idée de ce que ça peut représenter dans une société comme coût?

M. Gagné (Jean): Comme coût? Non.

Mme Harel: Non? Parce que je pensais aussi que ça pouvait être abordé. Il y a eu un colloque important à l'Université Laval, cet automne, sur la question de l'impôt négatif et du revenu minimum garanti. Et, juste à titre indicatif, juste un certain ordre de grandeur, si on mettait sur pied une sorte d'allocation, donc qui est universelle – si j'ai bien compris, il n'y a pas un test d'actifs, hein, c'est bien ça?

M. Gagné (Jean): ...

Mme Harel: ...et qu'on enlevait tous les crédits personnels parce qu'à ce moment-là, quand il y a une allocation comme celle-là, un revenu comme celui-là, on ne tient plus compte des crédits d'impôt, vous savez, des crédits personnels d'impôt... Alors, même en déduisant les crédits d'impôt, au total, un régime d'allocations universel se situe aux environs de 19 000 000 000 $. Ça, c'est simplement en prenant, comme point de départ, un montant fixe qui est l'équivalent du montant qui est versé à l'aide sociale présentement. L'aide sociale, présentement, c'est 4 000 000 000 $ et, l'an prochain, ça va rester autour de 4 000 000 000 $, parce que, même s'il y a eu des compressions, c'est que le nombre de ménages augmente. Alors, quand on pense mettre sur pied une allocation universelle dont le montant est égal à celui versé actuellement par l'aide sociale et que cette allocation universelle viendrait remplacer les crédits d'impôt personnels, on parle de 19 000 000 000 $. Et, vous voyez, juste l'impôt des revenus des particuliers était, au total, au Québec, en 1994 – c'est le dernier chiffre qu'on m'a donné, sur lequel on peut vraiment être certains, parce que tous les rapports d'impôt sont rentrés – le total de toutes les recettes de l'impôt québécois sur le revenu des particuliers faisait 13 000 000 000 $. Alors, avez-vous idée qu'on n'est pas dans un ordre de grandeur où le revenu minimum garanti... C'est tellement une belle idée, puis elle est tellement généreuse, puis, en même temps, elle est tellement fascinante qu'elle peut sembler à première vue comme une solution. Mais, quand on regarde de près, juste l'appliquer à hauteur de ce qu'est l'aide sociale, sans l'améliorer, ça coûterait le montant que je viens de vous donner.

Alors, je ne sais pas si... Il y a peut-être matière à examiner ça, mais c'est vraiment quelque chose qui a été comme écarté du fait, justement, que ça atteint des niveaux, si vous voulez, de dépenses publiques que les contribuables salariés qui paient des impôts n'ont pas les moyens de se payer. Ça ramène finalement à une réalité qui est: Comment on fait pour se forcer, comme société, à ne pas laisser pour compte puis à ne pas abandonner ceux et celles qui, au fur et à mesure qu'ils perdent leur emploi, se retrouvent isolés et abandonnés sur l'aide sociale? Ce qui est proposé dans le livre vert, c'est d'abord de les considérer comme chômeurs et de les traiter comme chômeurs. Et quand vous nous dites aussi dans votre mémoire: Il n'y a pas d'égalité de traitement parce qu'il y aurait la pénalité, ce que les autres chômeurs n'ont pas... Vous savez qu'à l'assurance-emploi le refus de participer, ce n'est pas une pénalité, c'est la disparition de la prestation au complet. Donc, il n'y a pas vraiment de différence de... Il y a une différence de traitement, mais qui n'est pas en défaveur. Et je pense que ce qui nous manque – je le dis bien simplement, j'ai eu l'occasion de rencontrer des organismes aussi pour le leur signaler – c'est certainement un chapitre sur les recours en termes d'égalité de traitement avec la jurisprudence qui s'est développée sur toutes les notions d'emploi raisonnable dans les commissions arbitrales de l'assurance-emploi. Ça, je pense que, quand on parle d'égalité de traitement, il faut l'introduire pour les chômeurs, quel que soit leur statut. Mais, en même temps, il ne faut pas penser que ce seraient les seuls qui auraient une pénalité, parce que, au contraire, les autres chômeurs actuellement, qui sont prestataires de l'assurance-emploi, eux sont coupés totalement.

La Présidente (Mme Barbeau): M. Gagné.

M. Gagné (Jean): Bien, peut-être trois réactions, rapidement. Sur la question des femmes, effectivement, j'en suis avec vous, on n'a pas apporté ça, là. Disons, on l'a apporté avec certaines discussions. Mais ce qu'on remarque, c'est qu'il n'y a pas de gouvernement qui impose une contrainte légale qui change la règle du jeu. Bon, pour tout le monde, c'est ça, mais, effectivement, il y a des contraintes sociales, il y a des contraintes qui viennent d'autres parts, d'autres agents, qui ne permettent pas aux femmes, effectivement, de choisir si allègrement entre: j'éduque mon enfant à la maison aussi longtemps que je le veux... c'est juste. Mais il y a quand même là un geste d'un gouvernement qui dit: Là, voici, je sanctionne; c'est comme ça que ça fonctionne. Et, à notre avis, encore là, c'est un peu comme pour les mesures d'emploi, à notre avis, s'il y a effectivement disponibilité de garderies de qualité, on pense que ça va se bousculer aux portes pour les utiliser. Nous, on pense qu'il n'y a pas besoin vraiment de mesures de contrainte. Je pourrais dire à ce sujet-là que ça nous titille un peu aussi de voir que le projet de loi prévoit des changements par règlement, c'est-à-dire qui rouvrent la porte à un abaissement de l'âge, de la disponibilité, jusqu'à deux ans, et que, ça, ça va pouvoir être changé par règlement et sans repasser devant les parlementaires. Ça nous semble une mauvaise habitude des gouvernements de notre époque de régler certains problèmes comme ça.

(16 h 50)

Deuxième note, sur le revenu minimum garanti. Non, on ne l'a pas chiffré. On n'a pas d'économistes non plus. On est content d'apprendre ce que vous... on en tient compte. Mais ce qu'on voulait souligner, c'était cette espèce d'horizon là. Compte tenu de la situation économique, il nous semble qu'on peut de moins en moins aborder la question de l'emploi et du chômage de façon morale en forçant les gens sous prétexte qu'ils seraient de mauvais citoyens. La précarité, l'atypie de l'emploi est devenue quelque chose de général. Donc, c'est en termes, je dirais... notre conception du revenu minimum garanti, qui mériterait, on l'entend, d'être extrêmement mieux développée et documentée, on l'apporte quand même en termes d'horizon. On pense qu'on doit aborder la question, finalement, de la pauvreté d'une façon, là, comme dire: C'est une réalité sociale qui nous appartient à tous, les citoyens qui en sont victimes ne sont pas des méchants personnages d'office ou des vicieux d'office, alors il ne faut pas avoir de présomption de ce type-là à leur endroit. Alors, pour nous, ça, s'il y a un message important, c'est ça. Donc, à l'égard de l'équité de traitement, là, c'est un peu... Tous ont le statut de citoyen, pas moins parce qu'ils sont chômeurs ou pauvres depuis longtemps.

Je ne sais pas si mes camarades veulent ajouter des choses.

M. Nadeau (Pierre): Moi, j'aurais quelques commentaires, mais un en particulier sur le revenu minimum que vous avez stipulé... de 19 000 000 000 $, je crois? Vous dites que les contribuables sont incapables de subventionner ça et d'aider dans les paiements. Mais, lorsque le gouvernement nous dit... comme, par exemple, faire le Centre Molson, ou le Cosmodôme, ou d'autres choses comme ça, et qu'ils ont eu 100 000 000 $ ou 300 000 000 $, d'où est-ce qu'ils ont pris cet argent-là? Où vous l'avez pris? Ce n'est pas juste par les contribuables, pour faire des places comme le Centre Molson. Vous avez pris cet argent à quelque part.

Mme Harel: Mais le Centre Molson, justement, c'est l'exemple d'un centre entièrement, exclusivement financé par de l'argent privé. Il n'y a pas de l'argent public là-dedans. Ça a été entièrement financé par... je pense que c'est la compagnie, hein? C'est pour ça qu'il porte le nom, d'ailleurs.

M. Nadeau (Pierre): Oui, mais le Cosmodôme...

Mme Harel: Puis le Cosmodôme, vous savez qu'on a refusé, nous, de continuer à mettre de l'argent public. C'était le gouvernement précédent. Je ne sais pas combien il y en a eu dans le Cosmodôme. Mais, disons, pas le Centre Molson, il n'y en pas eu, d'argent public.

M. Nadeau (Pierre): Ah! d'accord. Alors, le Centre Molson...

Mme Harel: Mais la question se pose, hein. Votre question est pertinente.

Une voix: Il y a de l'argent à quelque part.

Mme Harel: C'est une question de choix, d'appréciation. Mais, moi, quand je vous parle du 19 000 000 000 $, c'est à chaque année. C'est à chaque année que ça reviendrait. Vous savez, je ne sais pas quel autre exemple vous avez donné. Vous avez parlé du Cosmodôme, du Centre Molson, et l'autre, c'est? Vous en avez donné trois...

Une voix: ...avec les Expos...

Mme Harel: Vous en avez donné un troisième exemple.

M. Nadeau (Pierre): Le Biodôme.

Mme Harel: Bon, bien, prenons le Biodôme. Mais, en même temps, vous savez, c'est comme... Mettons, le Biodôme; c'est un investissement. Est-ce qu'on fait nos frais? En tout cas, chose certaine, ça a des retombées, c'est évident, des retombées économiques importantes aussi pour les gens qui travaillent dans le tourisme...

M. Nadeau (Pierre): Oui.

Mme Harel: ...dans la restauration, dans l'hébergement. Est-ce que ça compense? Possiblement. Mais je ne suis pas en mesure de vous le dire, je n'ai pas ce dossier-là.

Mais, quand je vous parle du revenu garanti, moi, ce dont je vous parle, c'est simplement vraiment juste de calculer, de verser l'équivalent du montant à l'aide sociale à l'ensemble, si vous voulez, de la population, avec le crédit d'impôt qui est enlevé, n'est-ce pas, en enlevant le crédit d'impôt, que les gens qui travaillent peuvent enlever de leur revenu d'impôt, et, juste à ce niveau-là, ça revient à 19 000 000 000 $.

M. Nadeau (Pierre): Oui.

Mme Harel: Alors, on voit bien qu'à ce moment-là on ne pourrait pas se le payer, sauf si on augmentait le seuil d'imposition. Alors, là, il faudrait augmenter vraiment très, très, très haut le seuil d'imposition et les gens considèrent déjà qu'ils paient beaucoup, beaucoup d'impôt. Alors, il faudrait, dans le fond, l'augmenter pour qu'ils remettent quasi au complet. C'est comme si on allait leur donner, pour plusieurs, un chèque, si vous voulez, de revenu garanti, puis on allait le rechercher de l'autre main. Mais ça aurait un effet très, très désastreux sur la désincitation au travail parce que les gens auraient l'impression qu'ils travaillent pour remettre l'argent au gouvernement. Alors, c'est un peu le problème du revenu garanti. C'est pour ça que, présentement, je ne connais pas dans le monde entier aucune société, même les plus démocratiques dans les pays scandinaves en particulier, qui l'a appliqué.

Mme Rousseau (Ginette): Je pense que c'est toute la notion, finalement, de redistribution des richesses dont on parle. C'est plus à ce niveau-là, je pense, qu'on s'interroge et qu'on essaie de voir s'il n'y a pas là une redistribution plus équitable entre les pauvres et les riches, parce qu'on sait très bien que les riches s'enrichissent et que les pauvres s'appauvrissent. On est en dessous du seuil de pauvreté, les gens qui sont à l'aide sociale, ce qui fait que c'est...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez terminé? Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Je vous remercie. Je vous remercie de votre présentation. Je pense que vous posez des questions légitimes et il y a d'ailleurs des pistes que vous nous donnez dans votre mémoire qui sont tout à fait intéressantes et qu'on partage. J'en ai relevé quelques-unes.

Vous nous parlez d'avoir une véritable politique de création d'emplois, de faire un relevé des compétences nécessaires sur le marché du travail pour ajuster la formation à ces besoins du marché. Vous nous demandez de consolider des services psychosociaux, de reconnaître l'action communautaire autonome, etc. Je pense qu'il y a des choses que vous nous demandez et qu'on partage comme préoccupations et par rapport auxquelles on fait des choses. L'action communautaire autonome, par exemple, on devrait avoir, cet hiver et ce printemps, un travail important de fait qui n'a jamais été fait au Québec jusqu'ici. Donc, je partage ces préoccupations-là.

Ma question, elle est un peu globale, mais il me semble que c'est peut-être la question qui demeure, c'est: Quel est le rapport entre la responsabilité de l'État, du gouvernement... Qu'est-ce qui incombe à un gouvernement de faire et qu'est-ce qui incombe à des citoyens et à des citoyennes de faire? Quand je lis votre document, j'ai l'impression que vous en mettez beaucoup du côté de la responsabilité de l'État, y compris, par exemple, une chose avec laquelle, honnêtement, je suis en désaccord, vous dites: Il ne faudrait pas calculer la contribution parentale. Les étudiants aussi demandent qu'on ne calcule pas ça pour faire l'état de leur droit aux prêts et bourses. Moi, je pense que, dans notre société, les parents doivent être responsables. Moi, je ne crois pas que l'État doive se substituer à toutes les irresponsabilités des citoyens et des citoyennes.

Mais j'aimerais vous entendre donc sur cet équilibre entre les responsabilités de l'État, d'un État, comme l'a montré la ministre, qui n'a pas les moyens de grands rêves, comme le revenu minimum garanti, on n'a pas les moyens aujourd'hui de ça... Alors, quel est l'équilibre à maintenir entre ce que l'État peut faire et la responsabilité, malgré tout, des citoyens et des citoyennes, qu'ils soient prestataires de la sécurité du revenu ou qu'ils soient travailleurs, peu importe? Pour moi, c'est de façon un peu globale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Gagné (Jean): C'est une question large. On peut peut-être la prendre par le bout du communautaire, justement, pour essayer de tenter une illustration. Effectivement, il y a une reconnaissance, qui nous fait plaisir dans le document, de la participation du communautaire, mais vous aurez remarqué qu'il y a certaines mises en garde à l'égard de comment est-ce qu'on reconnaît le communautaire, et puis on peut peut-être parler de la... C'est le lien que je fais un peu avec la responsabilité. Pour nous, s'engager dans un organisme communautaire peut nous mener à donner des services qui peuvent être fort intéressants, effectivement, du point de vue du réseau d'État. Mais la raison d'être de la participation ou la raison d'être de la participation au groupe communautaire en tant qu'individu n'est pas de donner des services, c'est justement de participer à une espèce de citoyenneté. Ce que je veux dire par là, c'est une espèce de... je respecte les lois qui sont là, mais, en même temps, je suis engagé, je suis parmi ceux qui les font, ces lois-là, et je peux modifier les choses, de là aussi le fait que, pour nous, il faut protéger cette espèce d'autonomie du communautaire. Le communautaire ne remplacera pas tous les réseaux de services de l'État, mais il est important, et je pense que c'est un petit peu, je dirais, c'est moderne finalement, ça serait une mesure moderne d'un État d'assurer une plus grande part, finalement, de ressources au communautaire.

Or, dans le document, voyez-vous, on peut discuter un peu c'est quoi la responsabilité des uns et des autres. Moi, je dis que la responsabilité, c'est d'avoir de l'initiative, d'essayer de développer des nouvelles choses, tandis que j'ai l'impression que, du point de vue du ministère de la Sécurité du revenu, c'est de rendre des services qui complètent ceux qu'on ne donnera plus ou qu'on donnera moins du côté de l'État. Parce qu'on nous appelle, nous, les groupes communautaires, à participer à des appels d'offres, à établir des contrats de services, etc., alors que je pense que l'apport du milieu communautaire ne se fera pas par ce bout-là. Et il y a même un certain danger, c'est de transformer cette espèce de dernier lieu, je dirais, de l'engagement du citoyen, de le transformer en économie marchande, en petits dépanneurs locaux. Alors, dans le fond, j'espère que ça peut répondre un peu à votre question au niveau du partage des responsabilités. Je pourrais plus dire une dynamique de responsabilités qu'un partage de responsabilités. D'après moi, ça ne se coupe pas au couteau, cette histoire-là.

(17 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière.

Mme Malavoy: Ce ne sera pas une question, c'est juste pour faire une distinction qui est importante, même si on est encore en train d'essayer de clarifier tous les concepts, c'est la distinction entre le communautaire autonome, dont vous parlez, qui est effectivement, je dirais, au point de départ, un travail libre et gratuit de citoyens et de citoyennes qui s'engagent dans différentes causes pour rendre différents services, mais sous forme, la plupart du temps, de bénévolat. Je distingue ça de ce qu'on appelle la voie de l'économie sociale, qui, elle, obligatoirement, produit des biens et services. C'est un travail qui peut être un travail bel et bien rémunéré, assimilable à d'autres types d'emplois. Et il va falloir que nous, de notre côté aussi, on arrive à bien distinguer les deux, parce que, si on met tout dans le même sac, on mélange les choses et on risque d'avoir des attentes, par rapport à des gens, qui sont démesurées ou qui sont déplacées. Mais, si on est capable de faire cette distinction... et ce que la politique qui s'en vient devrait faire, c'est effectivement cette distinction. Alors, ce n'est pas une question, mais c'est une tentative de clarification rapide sur ces deux concepts.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue. M. Nadeau, vous aviez raison de questionner les priorités du gouvernement. Vous auriez pu prendre l'exemple aussi de l'augmentation salariale des employés de l'État qui va friser le milliard, quand, d'une main, le gouvernement a accepté de donner cette augmentation salariale en sachant qu'il n'avait pas l'argent, et, de l'autre main, a forcé l'adoption de la loi n° 115. Ça s'est fait dans la même période, tout ça, et ça allait chercher, la loi n° 115, 145 000 000 $ dans les poches des gens les plus démunis de notre société, les prestataires de l'aide sociale. Alors, vous aviez tout à fait raison de vous questionner tantôt sur les priorités du gouvernement.

Sur les propos de la ministre au niveau des chefs de familles monoparentales et le droit d'élever leurs enfants parallèlement aux autres femmes, je pense qu'il faut le répéter et le répéter: Les femmes qui se retrouvent à l'aide sociale n'ont pas demandé: Amenez-moi à l'aide sociale; j'aime ça, l'aide sociale. C'est des femmes qui se sont retrouvées dans la rue avec leur enfant suite à des ruptures de couples, c'est des femmes qui ont vécu de la violence conjugale, c'est des femmes qui sont venues de familles dysfonctionnelles et c'est des femmes pour qui la plus belle chose qu'elles ont réalisée dans leur vie, ça a été de mettre un enfant au monde. Alors, moi, on ne me fera pas avaler la pilule que ces femmes-là n'ont pas le droit de demeurer à la maison les premières années de vie de leur enfant.

Vous avez parlé un peu de la reconnaissance de l'implication sociale des gens qui travaillent dans des regroupements, comme votre regroupement, M. Nadeau, des gens qui donnent du temps, et ce n'est pas considéré comme un revenu de travail ou quoi que ce soit. Alors, on parle ici de reconnaissance de l'implication sociale, de l'implication communautaire. Si jamais le gouvernement allait dans ce sens-là, est-ce que vous demanderiez qu'on donne l'allocation de participant, le 120 $, que je n'appelle pas encore le barème, parce qu'on ne m'a pas encore confirmé que c'est un barème de participant et qu'il va être écrit dans la loi. Alors, je préfère l'appeler l'allocation de participant. Peut-être vous entendre sur ça. Est-ce que vous avez demandé cet ajout-là?

M. Gagné (Jean): Non.

Une voix: Non, pas du tout.

M. Gagné (Jean): Effectivement, on ne veut absolument pas que les groupes communautaires deviennent les surveillants de quelque parcours que ce soit déterminé ailleurs. Pour nous, on veut continuer à faire cette contribution-là. On est très content que le ministère reconnaisse finalement qu'on a une contribution qui, par le biais du support social qu'on accorde, peut aider des gens à réintégrer l'emploi, parce qu'il y a là des habiletés qui se développent, tout ça, oui, mais on ne veut pas se faire les policiers des participants chez nous, ça casserait complètement la qualité qu'on a.

Donc, c'est pour ça que, quand on parle de l'horizon du revenu minimum garanti, on comprend, bon, que c'est extrêmement coûteux, mais on dit: Il faut fouiller, il faut creuser une façon de supporter les membres de notre société qui sont les plus démunis autrement qu'en les menaçant de 36 000 punitions s'ils n'agissent pas comme on voudrait qu'ils agissent, d'autant plus – on l'a souligné à quelques reprises dans notre document – que la perspective du plein-emploi, c'est un beau rêve rose, là. Il n'y en aura plus, de ça.

Mme Loiselle: Oui. Mais, le prestataire qui fait du bénévolat au sein d'un organisme, est-ce que vous ne seriez pas prêts à demander que ça soit reconnu dans son parcours, en ajoutant ça à l'allocation de participant, mais en n'ayant peut-être pas les mesures de contrôle, comme vous dites? Tu deviens le conseiller en emploi. À vous de mettre la pénalité ou à vous de faire le contrôle, de dire: Oui, il est venu tant d'heures cette semaine, il est venu tant de jours cette semaine, mais la reconnaissance de l'implication sociale de ce prestataire-là au sein de votre organisme communautaire. C'est plus ça que l'organisme, là, le prestataire en tant que lui-même.

M. Gagné (Jean): La difficulté, c'est que notre mémoire est conçu de façon à ce qu'on refuse justement les catégories où on donne 100 $ de plus à un, 100 $ à l'autre, pour enfin rejoindre le revenu de base. Nous, on dit: On devrait viser à l'accorder à tous les bénéficiaires de l'aide sociale et reconnaître justement cependant qu'ils ne sont pas responsables socialement, ils ne donnent pas leur partage... je dirais, ils ne font pas leur part socialement simplement en cherchant un emploi, mais aussi parfois justement en s'impliquant dans des organismes communautaires qui améliorent la qualité de vie dans un quartier ou d'un groupe social donné. J'aurais l'impression un peu de négocier avec moi-même en disant: O.K. pour l'instant, donnons-leur au moins la reconnaissance d'une participation. Voilà pourquoi je me sens un peu piégé là-dedans, là. Vous comprenez, de toute façon, je pense.

Mme Loiselle: Oui.

M. Gagné (Jean): Au niveau de l'esprit, on s'entend. Effectivement, il faut quelque part qu'on ne dise pas: Ça, c'est finalement des loisirs innocents, inutiles; les vraies occupations sérieuses dans la vie, il n'y a que le travail rémunéré. C'est là-dessus, je pense, qu'on s'entend. Non, ce que les gens font dans le milieu communautaire, l'entraide qu'ils donnent à leurs concitoyens, par exemple, c'est du travail très sérieux, et, si on voulait absolument le calculer de façon économique, je pense qu'en termes de services sociaux et de santé il y a des frais qui sont sauvés comme ça puis on ne le saura jamais.

Mme Loiselle: Vous apportez, dans votre mémoire, une recommandation; je pense que c'est nouveau. J'imagine que c'est pour remplacer le comité des usagers. Vous dites: mettre en place la reconnaissance politique des groupes qui voient la défense des droits des assistés sociaux, qu'ils aient un siège bien spécifique dans les centres locaux d'emplois et éventuellement dans le conseil des partenaires. J'aimerais vous entendre sur ça. Est-ce que c'est pour remplacer le comité des usagers?

M. Gagné (Jean): Oui. Ce qu'on voit dans le document, c'est une reconnaissance des usagers qui sont une part importante dans le projet pour essayer de fonder des ententes locales ou enfin de créer une dynamique locale. On est d'accord avec ça, sauf que ce qui nous agaçait dans le projet initial, c'est qu'on découvrait les usagers en bout de parcours et on les mettait comme des consultants des trois autres groupes de partenaires déjà installés. Alors, oui, effectivement, notre proposition ce serait de dire: Reconnaissons les usagers comme étant les partenaires à impliquer. Justement, on équilibre un peu le contrat; ce n'est plus chaque usager pris individuellement, mais c'est le groupe des chômeurs de la place, je dirais, d'une certaine façon, qui peuvent être regroupés, qui peuvent finalement s'échanger de la documentation, intervenir sur les directions que l'économie pourrait prendre dans leur région. Ça nous semble adéquat. Et je pense que cet exercice-là, encore, c'est un exercice de citoyenneté qui est payant pour notre société, et très rapidement.

Mme Loiselle: Avez-vous pensé au financement de ça? Déjà, les organismes communautaires sur le terrain ont de la difficulté à survivre au niveau du financement. La plupart des regroupements qui travaillent à la défense des droits des assistés sociaux n'ont pas beaucoup de financement de l'État.

M. Gagné (Jean): Bien, c'est ça, on pensait soutenir... justement ne pas créer de nouveaux groupes, mais peut-être profiter des groupes déjà existants pour être un peu, je dirais, le pôle d'animation de ce groupe-là dans chacune des régions du Québec. Il y aurait effectivement des fonds à trouver pour soutenir cette participation-là. Mais, d'après nous, ça, c'est le prix à payer; sinon, n'importe qui représente n'importe qui, puis il n'y aura pas nécessairement de légitimité acquise autrement.

Mme Rousseau (Ginette): J'ajouterais à ça que les frais administratifs concernant toutes les pénalités, si on les investit dans des choses plus positives par rapport à des consultations ou à des comités quelconques, ou encore renforcer justement les organismes communautaires qui existent déjà, qui font ça depuis des années, puis ont une bonne expertise, je pense que, si on investit cet argent-là dans ces groupes-là, ça va être d'autant plus profitable pour tout le monde.

Mme Loiselle: On va continuer à travailler pour que le gouvernement recule au niveau de l'obligation des pénalités, ce serait la meilleure chose qui pourrait arriver aux prestataires.

À la page 9 de votre mémoire, vous parlez au niveau des 32 000 adultes – le soutien financier – qui ont un diagnostic de santé mentale, que 3 % d'entre eux participaient à des programmes d'employabilité. Alors, ils conservaient, ils avaient la prestation de soutien financier plus, je pense, quand ils participent à une mesure d'employabilité, il y a un 100 $ additionnel qui s'ajoute. Est-ce qu'on vous a confirmé que ce montant-là restait, le 100 $, ou si on vous a laissé sous-entendre que le 100 $ disparaissait si les gens faisaient le libre choix d'aller dans une mesure d'employabilité s'ils sont sur le soutien financier?

(17 h 10)

Mme Rousseau (Ginette): On ne nous a pas parlé de ça, mais, ce qui revient continuellement avec les gens qui sont sur le soutien financier puis qui voudraient essayer des mesures ou réessayer de réintégrer le marché du travail, c'est toujours la fameuse insécurité: Est-ce que je vais changer de statut? Et ça, ça revient continuellement, et même on en est à des gens qui vont refuser, puis je les comprends, parce que, finalement, on ne sait plus, avec un 6 000 $ par année pour vivre, puis là on pénalise... En tout cas, on ne sait plus trop où on s'en va avec ça. Ça fait en sorte que les gens vivent des échecs au début et, à un moment donné, abandonnent totalement, ce qui fait qu'ils perdent complètement espoir par rapport à tout ce système-là.

Mme Loiselle: Vous préférez que les personnes sur le soutien financier demeurent au ministère ou...

Mme Rousseau (Ginette): Bien, c'est qu'on ne veut plus de ces deux catégories-là parce qu'on se retrouve avec des gens qui ont 25 ans et qui se font dire qu'ils sont inaptes au travail pour le restant de leur vie. Bien, je pense qu'on perd beaucoup d'espoir dans tout ce système-là. Il y a des gens qui vont peut-être être capables de réintégrer le marché du travail à temps partiel ou qui vont pouvoir travailler plus bénévolement ou faire un travail plus social, à temps partiel, ou intégrer tranquillement le marché dit de l'emploi puis qui vont se valoriser là-dedans d'une autre façon. Tantôt, quand on parlait de responsabilité, je pense que c'en est une que chacun doit avoir, de s'impliquer dans son milieu, que ce soit rémunéré ou pas. Je pense qu'il y a un minimum là-dessus qu'on pourrait développer beaucoup.

M. Charbonneau (Jean): Je crois aussi personnellement qu'un jeune homme de 25 ans, 26 ans ou 27 ans, qui est soutien financier, qui est jusqu'à un certain point dans les limbes, qui veut faire un effort pour justement s'en sortir, actuellement, cette personne-là, étant donné qu'elle est soutien financier, le gouvernement ne veut pas payer pour sa réinsertion sociale, à savoir prendre des cours pour se réintégrer au marché du travail ou prendre des cours pour pouvoir prendre une fonction dans une entreprise quelle qu'elle soit.

Alors, si la personne qui est soutien financier est dans les limbes, la crainte, justement, comme madame le disait, de sortir de là va faire qu'on va rester avec des jeunes dans les limbes quand ils pourraient probablement s'en sortir. Ils vont avoir besoin d'une aide. Pour ceux qui sont aptes au travail, le gouvernement est prêt à payer des cours, alors, pourquoi ne paierait-il pas des cours pour ces mêmes personnes-là qui sont dans les limbes actuellement?

M. Nadeau (Pierre): Juste faire un commentaire sur ce que vous m'avez demandé tout à l'heure. Pour moi-même, tout ce que je voudrais, tout ce que j'ai demandé jusqu'à date et que je n'ai jamais reçu, c'est de l'aide pour me trouver quelque chose, un emploi ou me trouver des cours pour m'aider. Chaque fois que je suis allé au centre Travail-Québec, on m'a toujours dit: Bien, il n'y en a pas, de cours. Ça n'existe pas des programmes de réintégration au travail. Et, lorsque je chialais un petit peu trop et que je criais un petit peu trop fort, on me disait: Bien, viens donc nous voir. On va voir ce qu'on peut faire pour toi. Après ça, on m'a dit: Bien, t'aurais dû venir nous voir il y a six mois, il y avait justement un programme qui existait pour la réintégration au travail. Ou un programme qui existait il y a quatre ans.

C'était ça, un programme de formation en bureautique et informatique, que j'avais voulu avoir, et on me disait: Comment ça se fait que tu as eu cette information pour ce cours? De quelle source tu l'as eue? Lorsque j'ai dit: Bien, je l'ai eue dans le journal. Il m'a dit: C'est impossible, il faut que tu l'aies eue d'un groupe communautaire. Point final. Puis là on ne peut pas t'aider. À chaque fois, je me suis fait refuser pour un programme et je ne demande que ça.

Depuis trois ans, tout ce qu'on a réussi à faire, parce que j'étais dans un logement dit social, on m'a enlevé 100 $ par mois. Sous prétexte que je ne payais pas mon chauffage et l'électricité, on m'a mis à 450 $. Après ça, un an plus tard, on a dit: Bien, on va te mettre à 500 $ mais on va te garder à 500 $ pendant deux ans.

Je regardais la réforme de la sécurité du revenu, à la dernière page, page 94. C'est marqué ici: La personne seule, minimum requis pour la personne: 667 $. Alors, je me demande: Moi, «j'ai-tu» droit aux 167 $ de plus pour m'aider et est-ce que j'ai droit à un programme qui est supposé d'exister pour moi? Où est-ce que je vais le chercher, si je ne peux pas l'avoir aux bureaux qui sont supposés être là pour m'aider? Je fais quoi? Je vais où dans ce temps-là?

Mme Loiselle: Ça, vous parlez des besoins essentiels reconnus dans le tableau, c'est ça?

M. Nadeau (Pierre): Oui.

Mme Loiselle: Bien, il n'y a pas grand prestataires qui l'ont actuellement, parce que, ça, c'est comblé par les revenus de travail permis. Puis, à date, ce qu'on est en train de nous démontrer: c'est à l'exception que les prestataires peuvent vraiment aller chercher ces gains de travail. Alors, vous n'êtes pas le seul à vivre avec une prestation de base.

M. Charbonneau (Jean): C'est comme je trouve aberrant que deux personnes – justement le groupe avant nous en a parlé – qui vont s'unir pour couper les dépenses, ces choses-là, immédiatement elles sont coupées.

Mme Loiselle: Oui.

M. Charbonneau (Jean): De l'argent qu'elles pourraient prendre pour payer des moyens de transport pour se rechercher de l'emploi ou quoi que ce soit. Cet argent-là, immédiatement, il leur est retiré. Alors, elles sont encore au même point, elles ne peuvent pas se chercher d'emploi. Alors, qu'ils arrêtent...

Mme Loiselle: Le cercle.

M. Charbonneau (Jean): C'est un cercle vicieux, justement.

Mme Loiselle: En terminant, j'aimerais peut-être aborder le volet des services psychosociaux qu'on retrouve dans le livre vert. Vous dites que s'il y a obligation de traitement, ça ne vient pas de la personne d'aller vers ce service d'elle-même, si la personne n'est pas prête. Finalement, c'est une contrainte qui constitue presque un échec. Ça ressemble un peu à ce qu'on nous a dit au niveau de l'obligation avec punition, pénalité, que, si on ne laisse pas les gens aller d'après leur motivation et qu'il n'y a pas la base du volontariat, on les oblige à une démarche, ça enlève toute motivation. J'aimerais vous entendre davantage, on n'a pas beaucoup parlé du volet...

M. Gagné (Jean): Quand on fait s'équivaloir, d'une certaine façon... Ce qui est intéressant, c'est qu'on dit: Il y a les démarches pour l'insertion en emploi, d'une part. Il y aurait des démarches d'insertion sociale, mais on reconnaît qu'il y a toutes sortes de problèmes qui peuvent, je dirais, par accident, influencer la capacité ou même la disponibilité émotive à se chercher un emploi. Puis là on illustre, par exemple, que la fréquentation d'un groupe de femmes pourrait s'inscrire dans une démarche d'insertion. Là, nous, ce qu'on dit quand on dit de prendre garde... D'abord, on refuse, nous, d'être des agents de contrainte comme ressource communautaire.

D'autre part, il faut prendre garde, il s'agit de relations d'aide. De transformer ces relations d'aide en obligations, c'est-à-dire que la personne, oui, va aller fréquenter – puis là, ne parlons pas de ressources communautaires – disons, simplement son CLSC pour établir une relation d'entraide avec une intervenante donnée, si ça, c'est la condition pour avoir un revenu minimum, une sécurité financière minimum, qu'on dit «tu n'auras pas ton 100 $, si tu vas là», pour nous, ça, c'est effectivement une condition d'échec, parce que la personne ne pourra pas justement établir la relation de confiance qui est nécessaire dans toute relation d'aide. Puis c'est vrai en pédagogie aussi. Si les enfants ou les élèves en général trouvent que le professeur n'est pas fiable, bien, il ne se passera rien. S'ils pensent que le professeur n'a en tête que de les pénaliser, il ne se passera rien. Bon. On met en garde justement à cet égard-là le ministère du Revenu de ne pas appliquer un peu mécaniquement l'un à l'autre.

Il y a une illustration... Ça ne fait penser à une illustration qu'on apporte, qui nous a été amenée par un usager actuel de l'aide sociale qui était sur le programme de soutien financier, par exemple, qui nous disait qu'il avait eu, de la part de son agent d'aide sociale, la remarque: Oh, tu fais pas mal de bénévolat, ce n'est pas clair que tu sois disponible à l'emploi. C'est comme... Pas avoir des applications bêtes, là, finalement! Ce n'est pas évident. On parlait de la formation des agents d'aide sociale; je pense qu'il y a de la formation à faire au niveau des agents d'aide sociale à ces égards-là.

Mme Loiselle: Oui, c'est ça. Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, oui.

Mme Loiselle: Oui. Peut-être revenir sur ça justement, parce qu'on en parle beaucoup, des agents qui ont peut-être plus une culture de contrôle actuellement qu'une culture de développement de l'employabilité. Ça va prendre tout un virage et de la formation très adéquate pour faire de ces agents-là des vrais professionnels en développement de l'employabilité. C'est sûr, c'est beau de lire un document où tout est écrit noir sur blanc, mais la réalité, comme vous venez de le dire, quand tu es face à face avec ton agent, chaque cas devient particulier. J'aimerais vous entendre sur ça, sur le fait que, bon, le conseiller en emploi va avoir les deux chapeaux: celui de devenir le soutien, l'accompagnateur dans le parcours et celui qui va aussi mettre la pénalité, va devenir finalement celui qui fait le contrôle.

(17 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En une minute!

Mme Rousseau (Ginette): Bien, je pense que porter les deux chapeaux, c'est impossible. Je pense qu'il faut carrément séparer les deux pôles. Je pense que, si tu veux être dans une relation d'aide avec quelqu'un puis vraiment essayer de voir toutes les facettes de cette problématique-là et vraiment travailler au niveau de l'intégration, il ne faut pas qu'il y ait à côté la massue qui dit: Tu vas avoir 100 $ de moins ce mois-ci, si tu ne participes pas à cette mesure-là. Ce qui fait en sorte, je pense, qu'il y a des initiatives intéressantes au Québec, de gens qui sont dans des organismes, qui travaillent au niveau de l'intégration au travail, qui ont développé des programmes intéressants, puis c'est peut-être vers là qu'il faut aller voir ce qu'ils font.

Entre autres, les Services externes de main-d'oeuvre. C'est un petit peu partout au Québec et il n'y en a pas beaucoup. Je pense qu'il y a des initiatives intéressantes, où il y a du travail à faire chez l'employeur et chez les employés pour vraiment intégrer une personne qui a un problème de santé mentale, entre autres, dans leur milieu de travail. Il y a beaucoup de travail à faire et, en ce moment, les organismes communautaires, on n'a aucun moyen de pouvoir vraiment attaquer ça, tous les préjugés qui se passent à ce niveau-là. Je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire, mais je ne pense pas que les deux chapeaux soient possibles.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame, messieurs, merci beaucoup au nom de la commission. J'invite maintenant les représentantes et les représentants du Regroupement pour la relance économique et sociale du sud-ouest de Montréal à prendre place.

À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Neamtan, est-ce que vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent? Est-ce que c'est vous ou quelqu'un d'autre qui les présentez?


Regroupement pour la relance économique et sociale du sud-ouest de Montréal (RESO)

Mme Neamtan (Nancy): On va partager la présentation. Je vais commencer rapidement, mais, pour une fois, c'est moi qui ne vais pas parler beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent avant.

Mme Neamtan (Nancy): Oui, je vais présenter les gens. Donc, il y a Pierre Richard, qui est directeur-adjoint du RESO; j'ai Diane Tardif, Mario Vallières et Johanne Lapointe, qui sont tous les trois membres de notre comité de participants et participantes du RESO; et Michèle Soutière, qui est directrice des services en employabilité au RESO. Ça va?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va.

Mme Neamtan (Nancy): Alors, je commencerai rapidement. En vous présentant le RESO, je vais passer rapidement, je pense que les gens connaissent peut-être notre organisation qui est une corporation de développement économique communautaire dans le sud-ouest de Montréal. On travaille dans un territoire qui a une population d'environ 70 000 personnes caractérisées par des problèmes de pauvreté importants et aussi par un niveau de scolarisation très faible. Le RESO travaille à concerter l'ensemble du milieu depuis plusieurs années, autant les gens de la grande entreprise, de la petite entreprise, des organisations syndicales et communautaires, autour d'une stratégie de relance économique et sociale du sud-ouest de Montréal.

Depuis trois ans, on a géré ce qu'on appelle un projet expérimental en développement local, mis sur pied avec les gouvernements québécois et fédéral, ce qui nous permet de gérer directement des fonds publics en développement économique et en développement des ressources humaines. Un des volets de ce projet consiste en un fonds d'innovation en développement de la main-d'oeuvre qui a permis à la communauté du sud-ouest, à travers le RESO, d'appuyer de multiples projets et initiatives du milieu en matière d'employabilité et de développement de l'emploi.

Rapidement peut-être aussi situer la présence des participants. Nous, on a un conseil d'administration avec des collèges électoraux, des gens venant de tous les milieux. On a plus de 1 200 membres au RESO et on a la fierté d'avoir un comité de participants et de participantes extrêmement actifs et extrêmement dynamiques, qui ont participé et nous ont aidés grandement à rédiger ce mémoire.

Alors, rapidement, moi, j'ai le bout le plus facile: de dire quelles sont les orientations que nous partageons. Nous tenons à dire qu'il y a plusieurs choses qui nous apparaissent très intéressantes dans le livre vert du gouvernement. L'intégration des prestataires de la sécurité du revenu à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise – qui met fin au cloisonnement et à la catégorisation de la main-d'oeuvre – rejoint notre pratique depuis des années, où on travaille toujours avec l'ensemble des personnes sans emploi, indépendamment de leur source de revenus.

On est aussi content de voir des orientations qui privilégient des mesures actives favorisant le passage vers le statut de travailleur et travailleuse et qui intensifient des actions préventives, améliorent l'équité entre les prestataires et les travailleurs à faibles revenus et assurent une plus grande prise en charge des services au niveau local.

Nous sommes aussi d'accord – et je pense que c'est dit clairement – qu'il faut penser et considérer les prestataires de la sécurité du revenu comme des citoyens à part entière, en situation de chômage involontaire. Ne pas penser que l'exclusion est inévitable et que la situation est irréversible, c'est vraiment dans cet esprit que le RESO travaille depuis des années. Les participants à nos activités nous disent, eux aussi – et vous le diront aujourd'hui – que l'exclusion n'est pas inéluctable et qu'il est possible de changer les choses; il s'agit de s'y prendre de la bonne façon. Et là je passerais la parole à mes collègues pour vous expliquer notre vision des choses.

M. Richard (Pierre): Peut-être quelques mots sur un des principes de base, je pense, qu'on retrouve dans la réforme, qui est la question de la réciprocité. Pour nous, le parcours proposé vers l'intégration, la formation et l'emploi nous apparaît comme une approche intéressante, qui pourrait donner de meilleurs résultats que les programmes qu'on connaît actuellement à l'aide sociale. Toutefois, le manque d'emplois et leur précarité viennent créer un rapport de force qui nous apparaît inégal. Pour cette raison, nous sommes en désaccord avec l'obligation qu'on imposera en vertu de ce principe, la réciprocité, à certaines catégories de prestataires, dans un premier temps, puis à tous, par la suite, de participer à un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi.

Pour parler de véritable réciprocité, il faut non seulement plus d'emplois mais aussi il faut des emplois qui soient adaptés à la réalité de la main-d'oeuvre de nos milieux. Il faut aussi, selon nous, pour parler véritablement de réciprocité, qu'il y ait un accès à une formation qualifiante avec diplôme. Nous avons toutefois de la difficulté à croire qu'il en sera ainsi puisque, dès son avant-propos, le livre vert place la réforme sous le signe de la réduction du déficit. Nous nous demandons s'il sera possible, dans ce contexte, d'établir de véritables parcours individualisés dans le respect des personnes.

Les impératifs budgétaires permettront-ils d'offrir une formation à la personne pour qui c'est la meilleure façon de s'en sortir? Y aura-t-il des mesures en nombre suffisant pour répondre à la demande des prestataires désireux de s'inscrire dans un parcours? Qu'adviendra-t-il de ceux et celles qui ne font pas partie des populations ciblées en priorité et qui veulent participer à une démarche ou à une formation?

(17 h 30)

Malheureusement, cette réforme, selon nous, s'inscrit dans un contexte d'appauvrissement sans cesse plus aigu de la population que nous desservons et, on veut le souligner, cet appauvrissement demeure le principal obstacle à toute démarche vers une intégration au marché du travail.

Une autre question que nous voulons aborder, c'est toute la question de la prise en charge locale. Le livre vert affirme que la réforme de la sécurité du revenu prendra appui sur le développement local. Nous, qui oeuvrons au développement local de notre communauté depuis de nombreuses années, ne pouvons que souscrire à cette orientation. Par ailleurs, il nous apparaît un peu ironique de constater que, si le livre vert tient un discours qui s'inspire des expériences en développement local, dans les faits, on pense qu'il propose un recul important par rapport aux mécanismes de prise en charge locale qui ont été bâtis dans plusieurs arrondissements montréalais, et plus particulièrement dans le sud-ouest depuis une douzaine d'années.

Le livre vert propose une décentralisation administrative avec la reconnaissance d'un rôle consultatif pour les partenaires aux plans national, régional et local. Il ne faut cependant pas confondre une telle décentralisation des services dans le cadre de la machine gouvernementale avec la prise en charge par la communauté locale de ses principaux leviers de développement, à la fois ceux qui concernent le développement économique, mais aussi le développement de ses ressources humaines.

D'après nous, cette prise en charge est facilitée lorsque les partenaires ont l'occasion non seulement d'exprimer leur point de vue, mais aussi de prendre part aux décisions. C'est ainsi que les différents partenaires s'approprient les priorités du milieu, développent un sentiment d'appartenance à la communauté, ce qui facilite d'autant l'engagement de tous à travailler dans le même sens.

Dans la mise sur pied des CLE, des centres locaux d'emploi, le projet de réforme prévoit la formation d'un conseil local de partenaires qui élaborera un plan local d'action concerté pour l'emploi et qui travaillera à arrimer les actions reliées à la politique active du marché du travail et à l'ensemble des initiatives en matière de développement local.

Nous croyons, en nous basant sur notre expérience, que ces conseils devraient disposer de pouvoirs décisionnels, dont ceux de nommer le directeur du centre local d'emploi, de gérer les budgets, d'établir les priorités, de décider comment seront livrés les services dans la communauté. L'expérience du conseil d'administration du RESO, qui est composé de représentants élus par les différents acteurs socioéconomiques de notre communauté, c'est-à-dire à la fois les entreprises, les groupes communautaires et les syndicats, et des représentants élus qui sont imputables à ces différents acteurs socioéconomiques, prouve que, lorsque les partenaires détiennent un réel pouvoir de décision, ils se sentent beaucoup plus engagés et responsables par rapport à la communauté. Cela se reflète concrètement dans les projets, dans les décisions que plusieurs entreprises, organismes, syndicats, qui prennent en compte la situation de l'emploi et les besoins de la communauté locale, qu'il s'agisse d'embauche, d'achats, de sous-traitance, de formation ou d'alliance à mettre sur pied.

Mme Soutière (Michèle): Je vais essayer d'illustrer ce que ça veut dire, chez nous, un parcours réussi vers l'emploi. Alors, tous les jours, on est en mesure de constater que la grande majorité des personnes sans emploi – et c'est 48 % de personnes assistées sociales – qui viennent chez nous, ce sont des personnes qui veulent s'en sortir. Elles viennent. Personne ne leur a poussé dans le dos. Elles viennent vraiment sur une base volontaire et, pour nous, c'est la clé de voûte pour la réussite de toute démarche vers l'intégration en emploi. Cet engagement volontaire est fait aussi par des intervenants qui écoutent activement les personnes, qui écoutent leurs besoins, leurs aspirations et, pour nous, contraindre les personnes sous la menace de coupures sévères – «t'embarques dans une mesure où on te coupe» – c'est courir tout droit à l'échec.

On a, chez nous, ce qu'on appelle le CASE, le Centre d'aide aux sans-emploi, qui reçoit, chaque année, 1 000 personnes. On a des objectifs de 450, 500, mais, chaque année, quand on arrive à cette date-ci, on a déjà vu 1 000 personnes. De ces 1 000 personnes-là, 34 % sont des jeunes de moins de 30 ans. Alors, ça veut dire 340 sur 1 000, ce sont des jeunes de moins de 30 ans qui viennent sur une base volontaire. La population issue des communautés culturelles est de 25 % et, 48 %, je vous l'ai dit, sont des assistés sociaux. Le niveau de scolarité: 33 % des 1 000 qui sont venus ne possèdent pas un diplôme d'études secondaires et beaucoup sont au niveau de l'alphabétisation.

Ces personnes s'engagent dans un parcours parce qu'elles l'ont choisi. Elles sont accompagnées, soutenues et suivies tout au long de leur démarche dans le respect de ce qu'elles sont. Le fait d'avoir le choix contribue à établir un lien de confiance. Alors, quand elles viennent chez nous, au départ, elles font un plan d'action avec une intervenante et c'est la personne qui bâtit son plan et non l'intervenante qui le fait à sa place.

Un exemple qui illustre aussi qu'on a du succès dans la façon de procéder... Nous ne voulons pas avoir l'air de nous péter les bretelles un peu là, mais on est content des taux de succès qu'on a et on veut les partager avec vous parce qu'on pense que ça pourrait vous sauver de l'argent éventuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On est très content de vous entendre, nous autres.

Mme Soutière (Michèle): Bon. Alors, c'est ça. J'ai toujours l'impression de me vanter et de vanter notre organisation, mais, c'est bon, ce qu'on fait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quand on fait quelque chose auquel on croit...

Mme Soutière (Michèle): Alors, 95 % des gens qui entament une formation professionnelle qui est supervisée, encadrée par le RESO, la terminent et de 83 % à 90 %, dépendant de la formation professionnelle, se retrouvent en emploi à la fin de la formation. On a aussi un programme de stages au RESO, de stages en entreprise qui se solde aussi par un succès, particulièrement auprès des populations immigrantes qui ont beaucoup de difficultés à avoir une expérience de travail québécoise.

La population du sud-ouest, je vous l'ai dit, est très largement sous-scolarisée et c'est un obstacle à la réintégration au travail. Alors, on a mis un projet original de formation générale. On a acheté, à l'intérieur d'une commission scolaire, des classes RESO. C'est des professeurs de la commission scolaire de Verdun qui donnent les cours, qui les dispensent et tout ça. Nous, on assure un encadrement. S'il tombe un pépin sur la tête de quelqu'un, ou une tuile, c'est plus juste, nous, on est là pour soutenir ces personnes-là, les aider à régler les problèmes, les soutenir dans les études quand c'est difficile. On agit quotidiennement, nos intervenants sont sur place. Vous en aurez des témoignages tantôt.

Il y a des gens qui disent que ça coûte très cher, tout ça. On a fait faire une étude. J'en ai apporté, et pour l'opposition et pour le gouvernement. J'ai aussi une cassette de témoignages que je vais vous remettre tantôt, où c'est des gens qui témoignent. C'est une étude comparative entre les étudiants dans le système régulier, les étudiants adultes dans le système régulier et les étudiants encadrés par RESO, et les gens terminent beaucoup plus rapidement leur secondaire V ou les préalables pour la formation professionnelle. Alors, 64 % des personnes terminent à l'intérieur d'une année et, souvent, elles arrivent avec un secondaire I. Alors, elles terminent dans une année, en moins de 12 mois, leur secondaire V. Il y en a 30 % que ça prend 18 mois et 6 % moins de 24 mois.

Un autre point. On reviendra tantôt sur des exemples, parce qu'on a des exemples vivants ici. Pour nous autres, c'est très important de dissocier clairement le contrôle du revenu de l'accompagnement qu'on fait des personnes. Alors, la dissociation du contrôle est, selon nous, une condition essentielle à l'établissement du lien de confiance nécessaire à un parcours réussi. Ce n'est pas en asseyant les agents exerçant le contrôle du revenu dans des bureaux de droite et les agents responsables de l'accompagnement dans ceux de gauche que le lien de confiance va être créé et que les fonctions vont être dissociées.

En ce sens, nous, on propose que la maîtrise d'oeuvre des mesures d'accompagnement soit confiée en bonne partie aux organismes de la communauté qui ont développé l'expertise et la relation de confiance nécessaires, ce qui n'empêche aucunement les liens de partenariat avec les services gouvernementaux de l'emploi. C'est ce qu'on vit présentement dans le sud-ouest de Montréal.

On dit aussi que la culture institutionnelle de l'appareil gouvernemental, de la Sécurité du revenu, c'est une réalité. Ça existe bel et bien et on a beaucoup de participants qui peuvent en témoigner. Ils se sont heurtés, à un moment ou à un autre, dans les centres Travail-Québec, à des problèmes de rigidité, d'incompréhension, de dévalorisation et de démotivation. Il faut bien s'entendre, il ne s'agit pas de blâmer les fonctionnaires un derrière l'autre, mais, plutôt, c'est une culture de contrôle qui est le propre de la machine, et c'est à ça qu'on doit s'attaquer. Il y a, selon nous, dans le livre vert, ce qu'on appelle une part de pensée magique, en pensant que, du jour au lendemain, les fonctionnaires dans les centres Travail-Québec vont se transformer, vont recevoir les gens et créer un lien de confiance spontanément. La culture du contrôle est bien installée. Il y a un monde entre les directives politiques et la façon dont elles se traduisent dans cette machine. Je vais essayer d'illustrer.

(17 h 40)

Mme la ministre Harel ainsi que Mme Marois, au mois d'août, ont émis un communiqué selon lequel ces deux ministères-là affirmaient leur volonté commune de prendre les moyens nécessaires pour augmenter le nombre de personnes dirigées et admises en formation et qui termineront une formation qualifiante. Alors, j'ai été à une table de concertation; comme vous savez, il y en a beaucoup. Il y avait des agents des CTQ, de DRHC, il y en avait d'un peu partout. Et là, on est arrivé avec cette directive-là et on a dit: Voici, nous, à Pointe-Saint-Charles, on va l'appliquer comme ça et, à Montréal, ça va être comme ça que ça va s'appliquer, en général.

Les gens qui arrivent d'Alpha n'auront jamais le droit d'aller dans une formation professionnelle, ils vont aller dans des métiers non spécialisés. Avec un secondaire I, II, ils vont aller dans des métiers semi-spécialisés et, des gens qui arrivent, qui ont fait un secondaire III, IV ou V, pourront peut-être aller en formation professionnelle, selon ce que l'agent va décider. Alors, c'est contraire à l'intervention chez nous: On part des gens. On est capable de leur faire faire, à l'intérieur... Eux autres, ils partent du point de vue qu'ils n'ont que deux ans pour faire faire le chemin. Nous, on dit: Même si le chemin est long, les gens sont capables de le faire à l'intérieur de deux ans. Pourquoi les rentrer dans des petites cases et les priver d'une formation qualifiante qui va leur permettre de retourner sur le marché du travail et de travailler?

La même chose pour nos stages en entreprise: là, les fonctionnaires, ils ne savent plus si la mesure RADE va exister au mois d'avril. Alors, là, on empêche des gens de venir, de commencer. Hier, quatre assistés sociaux n'ont pas pu commencer le programme de stages. On leur a dit: De toute façon, le 31 mars, le RESO n'existera plus; et, deuxièmement, le 31 mars, on ne sait pas s'il y a une mesure RADE. Donc, restez chez vous, attendez qu'on vous appelle. Il y avait des gens prêts, ils n'ont pas pu participer. En tout cas, nous, on va se battre pour qu'ils restent là, mais c'est comme ça tous les jours.

Alors, je vais me dépêcher parce que je veux absolument laisser la parole aux participants. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez.

Mme Soutière (Michèle): «Allez»? Vous êtes bien gentil. Alors, nous, on doute que la culture change rapidement, malgré que la réforme de la Sécurité du revenu prévoie que les conseillers des centres locaux, tel que c'est dit dans le livre vert, vont le faire et vont changer. Alors, il n'y a, selon nous, qu'une façon de rompre avec cette logique bureaucratique, c'est d'impliquer la communauté locale en lui donnant de réels pouvoirs sur les orientations et la gestion des services dans le domaine de l'emploi.

On a des craintes et des interrogations – je vais passer vite – bon, le fait d'obliger les jeunes d'abord nous incite... Bon. Alors, je vais les laisser parler; vous les lirez, nos craintes et nos interrogations. Je voudrais passer la parole à Johanne Lapointe, qui va vous raconter, elle, son parcours.

Mme Lapointe (Johanne): Bonjour. Moi, je tenais beaucoup à être ici pour vous parler de mon cheminement fait, précisons-le, sur une base volontaire. Compte tenu de mon contexte familial, j'ai dû quitter l'école en sixième année; puis, en 24 mois, avec le RESO, j'ai été classée présecondaire dans toutes les matières essentielles; j'ai réussi à obtenir un diplôme d'études secondaires; ensuite, j'ai eu un diplôme d'études professionnelles en comptabilité et maintenant je travaille dans mon domaine. Je suis bien fière de moi, ça fait qu'il faut que je le dise.

Comme j'ai toujours été une fille qui a voulu s'en sortir, j'ai su acquérir, grâce au RESO, de la confiance en moi qui s'était éteinte au fil des années. J'aimerais insister sur le fait que, selon moi et plusieurs autres personnes, tout programme basé à partir des besoins de la personne peut être seulement un succès. Par contre, si vous obligez les personnes, à cause des coupures, à faire un programme auquel elles ne sont pas intéressées, ça ne peut qu'aboutir à un échec. Si je dis ça, c'est que j'ai été six ans à me chercher, par l'obligation de l'aide sociale... Ils m'ont obligée à faire des choses; pour moi, ce n'était pas intéressant. Je ne savais pas, à ce moment-là. Pendant six ans de temps, je me suis promenée d'une chose à l'autre. En fin de compte, j'ai su, avec le RESO, où m'en aller. Je suis un petit peu nerveuse là. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Soutière (Michèle): Je voudrais donner la parole à Diane Tardif, qui, elle, veut vous parler de ses interrogations quant au trois mois alloués aux femmes qui sont en centre d'hébergement.

Mme Tardif (Diane): Bonsoir. D'après les études des années quatre-vingt-dix, ce que j'avais entendu à la télévision, il y avait 300 000 cas de femmes battues par année. Il y en a 70 000 qui sont aidées. Il y a 70 maisons d'hébergement. Je viens devant vous pour que vous compreniez la situation des femmes battues, parce que j'en suis une moi-même. Je suis un exemple parfait: j'ai été battue mentalement, sexuellement, et des violences physiques, et vraiment très subtiles.

Je sais qu'on peut s'en sortir, mais pas en trois mois. Cela m'aurait été impossible. Ça fait sept mois déjà que je suis en maison d'hébergement et je peux vous dire que, si on m'avait sortie trois mois auparavant, je ne m'en serais jamais sortie. J'ai eu beaucoup d'aide; les travailleuses sociales m'ont aidée. Je sais que j'ai encore du cheminement à faire, mais, maintenant je me sens plus prête. J'ai beaucoup d'aide du RESO, puis je sais que des femmes aujourd'hui encore ont besoin. Elles sont encore plus marquées que moi, peut-être qu'elles ne s'en sortiront jamais. Elles ont besoin d'appui, puis ce n'est pas en dedans de trois mois qu'elles vont s'en sortir. Elles arrivent là, elles sont amochées, elles sont brisées par la vie. Elles ont vraiment le mental à terre. Comment je pourrais vous dire? Ces femmes ne voient même plus ni le ciel ni la terre. Est-ce que, pour vous, payer des psychiatres, des hôpitaux, ce serait mieux ou nous aider à nous en sortir? Est-ce que vous jugez que nous en valons la peine? S'il vous plaît, je vous demande d'ouvrir vos coeurs parce qu'on a vraiment besoin d'aide.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

Mme Soutière (Michèle): Je voudrais laisser Mario une petite minute, Mario qui va vous parler de son parcours à lui.

M. Vallières (Mario): Je veux vous dire que, moi, j'ai essayé à deux reprises dans ma vie de retourner aux études: rattrapage scolaire. J'ai eu de la difficulté, j'y ai été, puis, les deux fois, ils m'ont laissé à peu près de quatre à huit semaines puis, au bout de huit semaines, ils m'ont dit que je n'en valais pas la peine, je n'allais pas assez vite, je n'apprenais pas assez vite. J'ai comme abandonné. Mais, j'ai une petite flamme en dedans de moi avec l'espoir de vouloir m'en sortir, puis je l'ai toujours gardée.

À un moment donné, je suis arrivé puis le RESO était là. Grâce au RESO, sur une base volontaire, encore une fois, ce que, moi, je trouvais important aussi, c'est que j'étais un individu à part entière. Avec le RESO, je m'appelle Mario Vallières, je ne suis pas un numéro. J'ai essayé de m'en sortir puis, grâce à eux autres, eh bien, naturellement j'ai réussi à faire mon alphabétisation, mon présecondaire. En ce moment, j'ai fini mon secondaire IV en anglais; je suis en train de faire mon secondaire IV en français. En septembre, j'ai un cours de préposé auxiliaire familial à prendre. Naturellement, si le RESO continue d'être là, il y a une coopérative de travail au niveau des personnes à domicile qui ont besoin d'aide puis, grâce au RESO, je vais pouvoir avoir un emploi. J'espère que la réforme ne viendra pas nuire à tout mon parcours. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est beaucoup. C'est beaucoup.

M. Vallières (Mario): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. On vous comprend très bien. Oui, on comprend ce que tu veux dire. Mme la ministre.

Mme Harel: Rosaire, il en veut, un RESO dans Charlevoix. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ha, ha, ha!

Mme Harel: Vous savez comment c'est beau, Charlevoix! Alors, écoutez, bienvenue, Mme Neamtan, Mme Soutière, et vous, M. Richard, et les participants. Merci, Mme Lapointe puis M. Vallières. Peut-être juste un mot tout de suite pour vous dire combien il arrive dans les mémoires qui nous sont présentés que l'on fasse en même temps – je ne dis pas que ce n'est pas légitime, là, je le constate – le procès de ce qui se fait depuis huit ans. En même temps, si vous voulez, on regarde le livre vert, mais pas avec des yeux neufs, avec les yeux de ce qu'on connaît, de ce qui se fait actuellement.

Prenez le trois mois, pour les personnes victimes en hébergement, c'est depuis huit ans que ça existe comme ça, c'est depuis 1989 qu'il y a un barème de non-disponible qui dure trois mois, puis vous me dites que ce n'est pas assez, que ce n'est pas assez long. Je l'ai appris, là; c'est grâce à vous que je comprends que ça s'applique. Parce que j'en apprends quasiment à tous les jours. Vous savez comment c'est lourd, ça, ce système qui a 4 000 000 000 $, 800 000 000 personnes, 250 000 000 enfants. Alors, je comprends que ça fait huit ans que c'est comme ça, puis vous dites: Il faut regarder ça puis il faut changer ça. Et, c'est souvent le cas dans ce qu'on nous présente, à savoir qu'on regarde, comme vous le faites d'ailleurs pour d'autres questions, ce qui se pratique présentement en disant: Ça, il faut changer ça aussi.

(17 h 50)

Moi, ce que je retiens d'extrêmement positif, là, c'est que vous êtes un exemple. Vous le dites dans votre mémoire, à la page 5, et vous n'êtes pas des résignés, ni les participants, ni les intervenants, ni la direction, ni les partenaires. Ça, c'est pour moi ce qu'il y a de plus important. Vous n'invoquez pas la fatalité, vous ne venez pas ici en disant: Il n'y en a pas, d'ouvrage. Ça ne vaut pas la peine d'essayer. De toute façon, on ne va pas y arriver parce qu'on ne pourra pas travailler. À la page 5, vous dites: «Certains principes nous tiennent à coeur et nous sommes heureux de constater qu'ils sont contenus dans le livre vert. Ils s'inscrivent d'ailleurs en plein dans la philosophie d'intervention du RESO. Nous croyons que l'on peut contrer l'exclusion en travaillant à la relance sociale et économique de notre territoire.»

Ça, c'est comme le pari que vous avez fait, et c'est un pari comme un défi. Ça, c'est comme le pari d'avoir un enfant. On n'est même pas sûr si on va bien s'entendre, si ça va bien aller, mais, en même temps, c'est la vie! Il n'y a rien, si vous voulez, de plus tranquille qu'un cimetière. Parce que ça ne bouge pas, il ne se passe rien. Dans la vie, on est bousculé puis il se passe des choses. Ça, moi, je l'apprécie beaucoup, beaucoup, beaucoup.

Bon. Ceci étant dit, ensuite, vous nous dites que ce que vous entreprenez, ça réussit, et ce qui se fait ailleurs, ça marche moins bien. Vous avez des chiffres notamment pour la formation et c'est assez éloquent. Le rattrapage scolaire, depuis huit ans que c'est appliqué à l'aide sociale, c'est un deuxième échec pour 60 % des participants. Alors, un premier échec, c'est déjà difficile quand on est adolescent; quand on est adulte, un deuxième échec, c'est souvent ce qui va nous enfoncer pour longtemps. Alors, vous dites, vous, qu'il y a des moyens, il y a des conditions pour y arriver. Est-ce que la condition absolue, c'est celle de faire quelque chose pas obligé? Si je vous dis oui, en même temps je vous dis que le parcours, ce n'est pas une mesure d'employabilité comme celle que vous avez vécue, entre autres... Attendez. Ce n'est pas vous, madame... C'est laquelle de vous qui a été six ans sur des mesures? Comment vous vous appelez?

Mme Lapointe (Johanne): Johanne.

Mme Harel: Mme Lapointe.

Mme Lapointe (Johanne): Oui.

Mme Harel: Bon. Vous, qui avez fait un témoignage, vous n'êtes pas Mme Lapointe, alors?

Mme Lapointe (Johanne): Oui, oui, c'est moi.

Mme Harel: C'est vous?

Mme Lapointe (Johanne): Oui.

Mme Harel: Mais, votre compagne, là, à côté?

Mme Lapointe (Johanne): C'est Mme Tardif.

Mme Harel: Ah, c'est Mme Tardif. Bon, je ne l'avais pas sur ma liste. Bon, vous, Mme Lapointe, vous dites que vous avez tourné en rond.

Mme Lapointe (Johanne): Oui.

Mme Harel: Obligée dans des choses que vous avez faites, que vous ne souhaitiez pas faire. Puis quand vous arrivez finalement à faire ce que vous souhaitez faire, là, ça va bien. Et vous ne vous sentez plus un numéro, comme vous avez dit, vous, M. Vallières, hein? Vous avez dit: C'est parce que je n'étais plus un numéro, à RESO. Puis vous, vous avez dit que l'important, c'était que vous avez fait quelque chose que vous vouliez faire. Un parcours individualisé, c'est quelque chose qu'on veut faire. Ce n'est pas une mesure d'employabilité qu'on nous impose, c'est quelque chose qu'on veut faire.

Là, ce que vous ajoutez à ça, c'est qu'il faut dissocier le contrôle. Moi, je ne peux pas croire... Ce que vous nous proposez, c'est un autre réseau, mais pas «s-o», «s-e-a-u», à travers le Québec tout en entier. Là, ce qu'on se dit, c'est qu'il y en a trois réseaux au Québec présentement, puis il y a 11 400 personnes qui travaillent dedans, puis ça coûte 400 000 000 $, juste la gestion de ça. Et, ce que vous nous dites, ce n'est pas d'en ajouter un quatrième à la grandeur du Québec, avec d'autres employés qui, à côté, auraient la maîtrise d'oeuvre des mesures actives, avec les 3 500 fonctionnaires qu'on va avoir, là, en additionnant ceux qui sont aux centres d'emploi, si on se fait transférer les mesures actives, ceux qui sont à la SQDM et ceux aussi qui – ils sont à peu près 20 %, 25 % – sont éparpillés actuellement dans les CTQ et en font un peu. Ça en fait 3 500.

Je ne peux pas croire que, ce que vous nous proposez, c'est d'en engager quasi autant à travers le Québec pour avoir la maîtrise d'oeuvre dans un quatrième réseau qui serait le communautaire. Alors, moi, ce que je me dis, c'est: ce que vous nous proposez, ce n'est pas ça, mais j'aimerais vous l'entendre dire.

Mme Neamtan (Nancy): Je pense que Michèle Soutière l'a bien dit, on ne dit pas que chaque fonctionnaire qui est là est nécessairement dans une dynamique de contrôle et de blâmer, sauf qu'il y a un enjeu qui est un enjeu de briser la dynamique qui existe présentement dans le système, et c'est un gros système. Vous parlez vous-même de 5 000, 6 000, 7 000 fonctionnaires, c'est un gros système bâti sur le contrôle, bâti sur des programmes, bâti sur des mesures et les gens – en tout cas, je pense – ont bien témoigné de l'impact de ça.

Il ne faut pas dire, parce qu'il y a une volonté, avec la plus grande volonté gouvernementale, ministérielle, avec l'appui ou non de l'opposition, que cette dynamique de contrôle va changer du jour au lendemain, il faut trouver une façon de mettre un virus dans ce système-là pour démolir cette façon de voir les choses. Notre inquiétude, je pense qu'on a eu l'occasion de le dire et, en même temps, on se le fait répéter présentement par les fonctionnaires qui travaillent auprès de la sécurité du revenu, c'est de dire: Là, ce qu'on a compris, c'est que ça revient dans les services publics de l'emploi. On s'est fait dire, encore hier: Bon, dans le fond, le RESO, dans quatre mois, on n'est plus là pour aider les sans-emploi. On va prendre le langage...

Mme Harel: Excusez-moi.

Mme Neamtan (Nancy): On est inquiet...

Mme Harel: Vous vous êtes fait dire ça par qui?

Mme Neamtan (Nancy): Par les fonctionnaires de l'aide sociale.

Mme Soutière (Michèle): Les gens qui viennent chez nous pour embarquer dans une mesure doivent aller chercher des formules à l'aide sociale et, quand ils y vont, ils se font dire: «Il n'y aura plus de RESO le 31 mars.»

Mme Neamtan (Nancy): «Pas d'employabilité.» Oui, c'est ça.

Mme Soutière (Michèle): C'est ça. «Moi, je ne peux pas vous référer sur une mesure. Je ne sais pas ce qui va arriver avec la mesure RADE, alors, on arrête tout avant le 31 mars. Ça ne vous donne rien d'embarquer maintenant.»

C'est des gens qui veulent, ça; on leur refuse. Ils sont habitués de fonctionner avec des programmes puis, là, ils savent qu'il n'y en aura peut-être plus. Ça fait qu'ils ont déjà tout arrêté, eux autres, puis le monde attend chez lui. Alors, le monde veut, mais il attend chez lui.

Mme Neamtan (Nancy): Quand on dit, dans le fond, qu'il faut briser la dynamique qui est là et mettre un virus dans le système, c'est là qu'on revient à la question du contrôle de la communauté sur les décisions, sur la façon dont l'argent va être réparti, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de place pour les services publics d'emploi, qu'il n'y a pas de rôle pour les fonctionnaires, mais il faut trouver une façon de changer les rapports de force.

Et une des inquiétudes qu'on a, c'est que le rapport de force qui va être créé entre les organisations comme le RESO – parce qu'on fait du bon travail, mais il y en a d'autres à travers le Québec aussi, qui font un travail similaire – c'est qu'on va devenir en sous-traitance, avec une approche de contrôle. C'est ça qui nous inquiète. Alors, le sens de la communauté, qui est la force du RESO: on sort des individus d'un problème individuel, c'est une responsabilité. La collectivité, la réciprocité, je pense qu'on les a vécues, on les vit. Le monde, ici, dit qu'il est chanceux de s'en sortir, mais ils y ont mis de l'effort, je peux vous le dire. Ils ont investi en eux et la communauté a investi en eux, et le gouvernement, évidemment, parce que nos fonds viennent des gouvernements. Mais, c'est cette dynamique-là qu'il faut maintenir et qu'il faut renforcer.

Et notre inquiétude est par rapport à ce qui est là, et par l'obligation, et par l'intégration, les mesures actives et passives dans un système qui est trop proche... On pense qu'il peut y avoir des liens. On n'est pas obligé de les avoir dans le même bureau. C'est toute cette question-là qui est, pour nous, l'inquiétude. C'est que, malgré la volonté qui est là, qu'on partage, les résultats sur le terrain vont être le contraire. C'est une inquiétude qui s'affirme par l'interprétation que fait la machine présentement de ce qui est dans le livre vert.

Mme Harel: Mais, est-ce que vous proposez un quatrième réseau avec les mesures actives qui seraient données au communautaire?

Mme Neamtan (Nancy): Mais, pas exclusivement au communautaire, je pense qu'on peut partager. Ce qu'on dit, en ce qui concerne les décisions, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est la façon dont l'argent va être réparti et que le partage des choses doit revenir à la communauté, doit revenir aux partenaires. Ce qui veut dire, d'une façon évidente, qu'il va y avoir un rôle pour les centres locaux d'emploi, qu'il va y avoir un rôle pour les fonctionnaires, mais ça ne sera pas eux autres qui vont décider quel rôle chacun va jouer, c'est vraiment le partenariat de la communauté qui va apprendre... Et ça, je pense que ça peut briser une dynamique qui est très lourde et qu'on porte depuis plusieurs années.

(18 heures)

Mme Harel: Je pense qu'un même objectif, c'est d'introduire un changement des valeurs en profondeur, donc un virage important, parce qu'il ne s'en faisait pas, de main-d'oeuvre. Vous, ce que vous avez vécu, c'est l'isolement, l'exclusion dans des mesures d'employabilité qui étaient réservées à une catégorie de personnes, à l'exclusion de la politique de développement de la main-d'oeuvre qui, elle, ne s'adressait pas aux chômeurs sur l'aide sociale. C'est ça, la réalité qu'on veut changer. Il y avait, d'un côté, la SQDM, pour les chômeurs qui n'étaient pas à l'aide sociale puis, de l'autre côté, le réseau des centres Travail-Québec, pour les chômeurs à l'aide sociale. C'étaient deux sortes de mesures, deux sortes de monde, deux sortes d'étiquettes, deux sortes de statuts, deux sortes de conseillers.

Comment faire maintenant? Vous savez que les CEDEC, dont vous êtes, dans le projet de M. Chevrette, deviennent des centres locaux de développement avec la responsabilité d'élaborer le plan, la stratégie locale, le plan local d'actions concertées pour le développement économique et l'emploi. Alors, je pense bien que le lien à trouver, il est là. M. Chevrette va publier son livre blanc fin février. Certainement que vous allez être au fait des consultations qui vont être menées, auxquelles vous allez participer. Je comprends que l'arrimage qu'on cherche est entre le centre local de développement, le plan local, la stratégie de développement économique et de l'emploi et les budgets du CLE, du centre local pour l'emploi, le budget des mesures actives et la façon prioritaire de le dépenser en fonction des besoins de la collectivité.

Alors, est-ce qu'il y a un arrimage à faire? Le même conseil d'administration que vous êtes, avec les collèges électoraux, doit-il, en même temps, en élaborant le plan, être déterminant sur l'utilisation du budget local? C'est peut-être dans cette voie-là...

Mme Neamtan (Nancy): C'est clair pour nous que c'est un enjeu, c'est comment l'argent va être dépensé et le contrôle de la communauté. Bon. Je pense que c'est un enjeu. Il y a un autre enjeu qui est important, c'est vraiment le rôle des pouvoirs publics et les agences gouvernementales qui ne peuvent pas jouer le même rôle que les organisations qui sont des organisations de la communauté. Cette transition-là et ces traditions-là, je pense que, nous, notre inquiétude, encore une fois, c'est de perdre tout ce qui est les acquis d'une communauté, tout ce sens de la communauté qui est extrêmement important et comment on va s'assurer... Ce n'est pas juste de dire: On va décider comment les fonctionnaires vont dépenser les sous. C'est aussi d'avoir des alternatives, dans le fond. On peut prendre les lois du marché et dire: Un peu de concurrence pourrait peut-être avoir un meilleur impact que de simplement, une fois par mois ou aux deux mois, s'asseoir avec un directeur d'un service public puis lui demander de partager ses budgets d'une façon ou d'une autre. Je pense qu'il faut que ces gens-là aient aussi le choix d'aller dans une organisation comme le RESO, où ils se sentent écoutés, où ils viennent massivement. On l'a dit: Pourquoi on enlèverait cet outil-là à la communauté? Je pense qu'il y a suffisamment de sans-emploi dans le sud-ouest de Montréal, il y a du travail pour tout le monde. Nous, notre inquiétude, c'est qu'à un moment donné on en vienne à un contexte de sous-traitance où l'autonomie de notre organisation sera remise en question.

M. Richard (Pierre): Je veux juste ajouter qu'une des choses qu'on ne veut surtout pas – on en parle un peu dans notre conclusion – on ne souhaite pas, non plus, une solution mur à mur. On ne souhaite pas, disons, par exemple, un quatrième réseau communautaire à la grandeur du Québec. Par contre, ce qu'on souhaite, c'est que la réforme prenne en compte et s'inspire de ce qui existe déjà sur le terrain. Bon. Je pense qu'il existe des choses un peu partout au Québec. On peut parler, nous, plus du sud-ouest ou du contexte montréalais, mais, cet arrimage-là, que vous cherchez, une façon de faire entre le conseil local de développement puis le CLE, on l'a déjà fait sur le terrain, on le vit depuis 10, 12 ans.

Ce qu'on dit: Les partenaires sont là, les partenaires sont déjà impliqués dans des décisions, ça crée une dynamique qui fait que les gens... Les gens viennent chez nous, entre autres, parce que c'est volontaire, mais ils viennent chez nous aussi parce qu'ils savent qu'il y a du développement qui se fait, parce qu'ils savent qu'on est en contact avec les entreprises, parce qu'ils savent qu'il y a toutes sortes de projets en gestation et qu'ils ont pas mal plus de chance de se trouver un emploi au bout de leur parcours s'ils sont dans cette dynamique-là. Puis, vice versa, c'est que ça amène une responsabilité de la part des partenaires. Il y a des grandes entreprises dans le sud-ouest. La dernière qu'on a travaillé à sauver, AMF, a, à un moment donné, reconnu qu'ils avaient des responsabilités par rapport à la communauté, puis ce n'est pas peu de chose que, dans un contexte comme Montréal, une grande entreprise, à un moment donné, dise: Par rapport à la communauté du sud-ouest, on a une responsabilité puis on est prêt à embaucher localement. Ils ont même fait venir un partenaire d'Espagne pour l'établir dans le sud-ouest en lui donnant comme condition qu'il embaucherait des gens du secteur puis qu'il passerait à travers le RESO pour bâtir son projet de main-d'oeuvre dans le sud-ouest.

C'est des exemples de réciprocité très, très concrète sur le terrain, puis c'est ces acquis-là qu'on ne voit pas comment, si on se retrouve dans une structure où, bon, il y aura le conseil local de développement d'un bord, où les partenaires auront un rôle décisionnel, et, de temps en temps, ils vont donner un avis au CTQ pour dire: Écoutez, vous devriez peut-être former du monde dans tel ou tel domaine. C'est cette dynamique-là, nous, qu'on pense qu'on risque de perdre. On ne dit pas qu'on ne veut pas que vous créiez des RESO à travers tout le Québec, on pense que ça correspond à une réalité. Il y a des expériences semblables dans d'autres quartiers montréalais, il y a des expériences en région. Ce qu'on vous dit, c'est: Inspirez-vous de ça et essayez de prendre ça en compte, reconnaissez ce qui se fait déjà sur le terrain.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la députée de La Prairie, il reste deux minutes.

Mme Simard: Deux minutes. D'abord, bienvenue. Je voulais saluer le travail que vous faites. Vous ne voulez pas vous vanter, Mme Soutière, mais vous avez le droit. Si, dans toutes les régions et dans tous les quartiers du Québec, on avait des organismes comme RESO, il y aurait probablement pas mal plus de monde comme vous qui s'en sortirait. Mais, je voudrais aussi souligner une chose: c'est un peu ce que vous avez fait qui est copié ici, le parcours individualisé. Et, je pense que ça, il faut le reconnaître, c'est-à-dire que c'est à partir d'expériences comme les vôtres qu'on change radicalement d'approche parce que, vous le dites très bien, les mesures d'employabilité comme celles que vous avez testées ou qui ont été testées sur vous ne fonctionnent pas.

Maintenant, il y a beaucoup de gens qui sont venus ici parler, évidemment, de la notion d'obligation. Il y a des gens qui font des objections de principe – on peut être d'accord ou pas d'accord – qui basent leur argumentation sur le principe qu'on ne doit pas obliger les gens. Moi, j'aimerais... On n'a peut-être pas le temps, mais on pourrait peut-être revenir là-dessus plus tard. À partir de votre expérience personnelle, il y a 1 000 personnes, vous dites, qui vont chez vous. Bon, c'est très bien, mais on sait qu'il y en a bien plus que 1 000, dans les catégories dont on parle, qui n'y viennent pas. Dans la mesure où ce parcours individualisé serait possible, est-ce que là on ne peut pas effectivement espérer qu'il n'y en ait pas, de nécessité d'obligation, mais qu'elles viennent par elles-mêmes, si c'est l'approche individualisée?

Mme Soutière (Michèle): Moi, je pense que les personnes viendraient par elles-mêmes. On en voit 1 000. Ça, c'est dans le service du CASE, il y a d'autres services. On voit à peu près 3 000 personnes par année, au RESO, du monde qui veut se créer des emplois, des initiatives locales sur le terrain, de la création d'entreprise socialement utile. Tout ça, c'est à peu près 3 000. Tous ces gens-là viennent sur une base volontaire. Mais, le CASE, où il y a 1 000 personnes qui viennent en «counseling» individuel pour se faire un plan d'intervention avec les yeux et les conseils d'une conseillère d'orientation, etc., ces gens-là, on en refuse.

Mme Simard: Mais, votre expérience...

Mme Soutière (Michèle): On n'a pas assez de services encore.

Mme Simard: ...c'est quoi, le petit coup de pouce nécessaire...

Mme Soutière (Michèle): C'est la relation de confiance.

Mme Simard: ...pour qu'ils viennent?

Mme Soutière (Michèle): Pour qu'ils viennent? Mais, ils viennent. On n'a même pas besoin d'un coup de pouce, ils viennent et ils attendent aux portes. On n'est pas assez nombreux pour les accueillir. Ils viennent sur une base volontaire. Juste pour le simple projet de l'école, l'encadrement RESO, on a toujours une liste d'attente de 50 à 75 personnes. Ça roule, ça ne descend jamais en bas de ça. «C'est mon beau-frère qui y est allé, ma belle-soeur, mon frère.» On n'a même pas besoin de publicité, les gens viennent.

Mme Simard: O.K. Par conséquent, si le parcours individualisé est offert...

La Présidente (Mme Barbeau): Le temps est terminé, Mme la députée.

Mme Simard: ...il n'y aura probablement même pas besoin, parce qu'il n'y aura pas de pénalité, parce que tout le monde va venir.

Mme Soutière (Michèle): Je ne vous saisis pas.

Mme Simard: S'il y a un parcours individualisé offert à tout le monde, on peut s'attendre à ce que tout le monde, volontairement, s'inscrive.

Mme Soutière (Michèle): C'est ça. Mais, s'il y a des punitions au bout, je ne le sais pas. Quand il y a des punitions, ça change la «game» un peu.

Une voix: Bien oui. Le plein-emploi, c'est sûr que ça change tout.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Moi, je veux continuer exactement sur ça parce qu'on vient d'avoir un sophisme classique. On instaure ce qu'on veut, de façon «euphémistique», appeler un coup de pouce, mais, en vérité, c'est un coup de pied qu'on donne. On dit: Bien, si tout le monde vient, personne n'aura le coup de pied; alors, c'est quoi le problème d'avoir le coup de pied? Moi, si je vous comprends bien, ce qui est fondamental dans toute la démarche... Et c'est une démarche qui est née parce qu'il y avait probablement un mauvais système. La nécessité étant le nerf de l'invention, la communauté s'est prise en charge pour récupérer des gens qui tournaient désespérément, à gauche et à droite, pour s'en sortir. Et là vous avez mis sur pied – chez vous et ailleurs à travers tout le Québec, Montréal, etc., il y a plein de groupes qui font de choses semblables – vous offrez un service de parcours de réinsertion sur une base volontaire, basé sur une relation de confiance, finalement, parce que vous commencez à partir de la volonté que la personne exprime de s'en sortir et vous l'aidez à arriver.

(18 h 10)

Là, il arrive un système qui est proposé, qui va faire en sorte qu'effectivement, je pense, la crainte, elle est tout à fait justifiée que vous allez vous retrouver, à un moment donné, en sous-traitance comme agent de contrôle, parce que, à la base de toute l'affaire, on va vous dire: Bien, voilà, vous pouvez faire de la réinsertion comme vous le faites maintenant. Si vous trouvez que la personne ne marche pas, il faut que vous nous le disiez. Finalement, il y a une punition au bout de la ligne. Parce que, centrale au système, c'est la démarche de non-confiance, parce qu'on dit: On va mettre sur pied un système avec tous les fonctionnaires du monde pour préparer des plans de réinsertion, et, si les gens refusent d'y participer, on va leur couper des prestations.

Alors, vous, vous devez, j'imagine, vous poser deux questions à ce moment-ci: Quel va être votre rôle, étant donné que maintenant l'État récupère cette démarche d'insertion en ajoutant un élément de non-confiance, et comment vous allez pouvoir continuer dans cette relation de confiance avec votre clientèle?

Mme Soutière (Michèle): C'est clair que, pour nous, on ne veut en aucun cas gérer toute la question du contrôle et de l'accompagnement. Pour nous, ça doit être dissocié. Et, on va loin, on dit: «même pas dans la même bâtisse». Ça ne devrait pas, ça ne se peut pratiquement pas. Et c'est une assemblée générale de participants qui nous répondaient ça. Ils disaient: Moi, si j'arrive face à face avec mon agent d'aide sociale et qu'il veut me faire accroire qu'il va m'embarquer dans un parcours et que je vais réussir, bien, je ne le croirai pas, parce qu'il m'a toujours surveillé et il m'a puni régulièrement. Et, moi, je ne le croirai pas. Ça, c'est des participants; vous en avez des citations là-dedans.

Mais, pour la première partie de la question, au début, quand vous disiez «probablement parce que ça ne marchait pas», c'est dans les années 1989-1990 que le CREESOM, qui avait fait l'étude dans le sud-ouest, a réalisé que les gens n'utilisaient pas les services gouvernementaux, ni les CTQ ni l'assurance-chômage. Suite à ça, ils ont dit: Bien, pourquoi ne mettrait-on pas un organisme sur pied qui essaierait de partir des besoins des gens? On va lui donner de l'argent pour qu'il gère autrement les fonds publics. On a fait un peu cette démonstration-là et on est rendu là.

M. Sirros: Et j'étais pour continuer: Si on enlevait cette notion de coercition, là, il pourrait y avoir une place intéressante et importante pour les groupes communautaires, qui pourraient agir comme partenaires ou en complémentaire au réseau étatique. Non pas en quatrième réseau. Mais, là où la communauté se prend en main, effectivement, vous pourriez continuer à faire ce que vous faites par rapport à une clientèle même plus large. Mais, à partir du moment où on met dans la réforme cette obligation de contrôle et de coercition, on vous a quasiment évacués. Je ne peux pas voir comment vous allez pouvoir continuer dans ce que vous faites à partir du moment où l'État dit: On a un réseau pour tout le Québec, avec des fonctionnaires qui vont offrir des plans de réinsertion pour les bénéficiaires de l'aide sociale. On va aussi, sous l'euphémisme de la réciprocité, de la responsabilité du citoyen, pour ne pas dire: On va les «watcher»! On va les contrôler comme il faut. En fait, dans le vrai monde, dans le vrai jargon, c'est ce qu'on fait: on ne parle pas de réciprocité, on... Bon. À partir du moment où on fait ça, quelle est votre place?

Mme Soutière (Michèle): Ha, ha, ha! C'est la question.

Mme Neamtan (Nancy):: Voilà la question!

Mme Soutière (Michèle): C'est la question.

M. Sirros: Avez-vous jusqu'à maintenant eu une réponse à cette question-là?

Mme Soutière (Michèle): Pas encore.

M. Sirros: Aimeriez-vous en avoir une aujourd'hui?

Mme Soutière (Michèle): Mais, je ne voudrais pas que ça soit pris trop hâtivement. Ha, ha, ha!

M. Sirros: Bon, correct.

Une voix: Si c'est la bonne réponse, on va la prendre.

M. Sirros: Mais, vous aimeriez en avoir une?

Mme Loiselle: Ça fait peur, oui.

M. Sirros: Correct.

Une voix: Sinon, on va attendre.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, vous avez terminé, M. le député?

Mme Loiselle: Bien, je pense que Mme Neamtan voulait répondre.

La Présidente (Mme Barbeau): Vous voulez parler, Mme Neamtan? Allez-y.

Mme Neamtan (Nancy): Non, ça va.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue, je suis contente de vous revoir ici. Vous avez bien fait, Mme Soutière, tantôt, de vous lancer des fleurs, parce qu'il y a des gens qui l'ont fait avant vous: la semaine dernière, le Conseil québécois de la recherche sociale vous a cités en exemple et a même dit qu'il serait peut-être intéressé à aller voir sur le terrain comment vous arrivez à des résultats aussi extraordinaires. Et, moi, je suis un témoin depuis longtemps du travail tout à fait remarquable que vous faites pour améliorer la qualité de vie des gens du sud-ouest.

J'aimerais revenir à la culture, au niveau des agents dans les CTQ. Je pense que c'est important de savoir vraiment comment ça se passe. Dans votre mémoire, là, quand vous parlez que la culture a changé, la culture institutionnelle, la culture de contrôle, et non pas de développement à l'emploi, vous dites que, bon, il y a des problèmes de rigidité, d'incompréhension, de dévalorisation, de démotivation. On semble nous faire accroire, du côté gouvernemental, qu'il n'y aura pas de problèmes, que ça va bien s'insérer, les conseillers en emploi avec les deux chapeaux: celui qui aide puis celui qui met la pénalité. Il ne semble pas y avoir de problème à ce niveau-là. Comment ça se passe, sur le terrain, pour le prestataire du comté qui s'en va au centre Travail-Québec? Actuellement, là, ça se passe comment?

M. Vallières (Mario): C'est un peu spécial. C'est que...

Mme Harel: Ça n'a pas changé à ce qu'il y avait il y a deux ans.

Mme Loiselle: Du calme, du calme! On n'est pas intervenu quand vous avez parlé, Mme la ministre. Retenez-vous un peu!

M. Vallières (Mario): Ce qui arrive, c'est que, réellement, on est seulement un numéro. Moi, j'ai toujours voulu m'en sortir. J'ai élevé mes frères, j'ai élevé ma soeur puis, quand est venu le temps de s'occuper de moi, je suis allé voir l'aide sociale puis j'ai dit: Bien, aidez-moi. J'ai dit: Il faut que je retourne à l'école. J'avais seulement une sixième année. Ils ont dit: Oui, oui, oui. Il ont dit: Il n'y a aucun problème. Ils m'ont aidé, je suis retourné à l'école. Puis, vu que je prends un peu plus de temps que d'autres à avancer, malgré que j'aie fait tout mon cheminement en-dedans de deux ans... Je suis parti de l'alphabétisation puis je suis rendu, en ce moment, au secondaire IV, puis j'ai même fait mon secondaire IV en anglais. Je trouve que je vais quand même assez vite. Eux autres avaient trouvé que je n'allais pas assez vite puis, au bout de six ou sept semaines, je ne me souviens plus, ils m'avaient dit: Non, non, non, tu ne peux pas faire l'affaire, tu prends trop de temps. Ils m'ont fait ça deux fois.

C'est spécial de dire que tu t'assis devant une personne qui est là, elle est froide, elle est méchante. Elle te dit souvent, bien quasiment que tu es un «poignant-cul», que tu es là et que tu veux vraiment être sur le bien-être social. Qui nous dit quasiment que tu es assis devant ta télévision, avec ta petite bouteille de Kik puis ton sac de chips au BBQ, puis que t'attends ton chèque. Puis ce n'est pas vrai, on a toujours voulu s'en sortir. Moi, j'ai toujours voulu m'en sortir puis j'en connais beaucoup qui veulent s'en sortir. Bien, ça nous prend quelqu'un pour nous aider. On se fie sur le gouvernement mais on dirait que le gouvernement... Vous ne vivez pas ce que nous autres ont vit. Il faudrait quasiment... Avec votre fameuse annonce: Veux-tu ma place? Je vais la changer, moi, ma place avec vous autres, puis je vais en prendre, moi, des décisions. Des bonnes décisions. Puis c'est le temps d'en prendre, des décisions. Je suis sûr qu'avec des bonnes décisions puis avec du coeur on va pouvoir aider plus de gens.

Premièrement, pour aider les jeunes à vouloir s'en sortir, il faut créer de l'emploi puis il n'y en a pas assez. Moi, je suis prêt à travailler au salaire minimum: ça ne me dérange pas! Je l'ai fait longtemps. J'ai élevé ma soeur pendant plusieurs années: de neuf ans à 18 ans. J'ai toujours travaillé au salaire minimum puis je l'ai fait vivre, cette enfant-là. Aujourd'hui, je pense à moi. Là, le gouvernement, on dirait qu'il m'écrase. Il veut éteindre la petite flamme, le petit espoir qui reste en moi. Puis, ça, je ne peux pas le tolérer. Ça n'a pas d'allure! Il faut faire quelque chose.

Mme Loiselle: Bien, c'est ça que j'essaie de démontrer. Tantôt, la ministre est intervenue. Elle a dit: Ça se passe comme ça depuis deux ans. C'est cette mentalité-là qu'on retrouve dans... Moi, j'ai plein de gens dans mon dossier, puis vraiment, là, ils disent: Bon, je suis allé au centre Travail-Québec, on ne me comprend pas, on me bouscule, on ne m'écoute pas. Et puis on essaie de nous faire accroire qu'avec la réforme ces mêmes personnes-là vont tout de suite avoir une mentalité différente ou une approche différente, qu'elles vont tout de suite devenir des super conseillers en emploi assortis du caractère punitif.

M. Vallières (Mario): Savez-vous comment, moi, je les voyais à chaque fois que j'allais au bureau d'aide sociale, au bureau de chômage? Je les voyais comme des petits robots, des petits robots que tu pèses sur un piton puis, là, il regarde dans sa grosse liste: Non, il n'y a rien pour toi, on ne peut pas t'aider. On ne peut pas t'aider. Va-t'en puis on verra plus tard. S'il y a un nouveau programme qui sort, bien on t'aidera. C'est ça. Quand, moi, je suis allé au chômage puis j'ai demandé un cours de préposé auxiliaire familial à domicile, ils m'ont dit: Non, non, non, non, non, il n'y a rien pour toi. Il n'y a rien pour toi. Puis, là, tout d'un coup, ils arrivent puis là: Oui, oui, il y en a. C'est quoi? Voilà pas longtemps, ils me disaient qu'il n'y en avait pas puis, là, tout d'un coup, ils disent: Ah! On l'avait oublié, on ne l'avait pas vu. Bien oui, on ne l'avait pas vu! C'est moi qui suis pénalisé là-dedans, là. C'est comme s'ils s'en foutaient, là. Ils lisent leurs petits documents. S'il y en a, tant mieux; s'il n'y en a pas, bien, coudon, on verra plus tard. Tu reviendras dans une couple d'années, là, tu sais!

Mme Neamtan (Nancy): En tout cas, si on veut dépersonnaliser et parler de la machine, c'est clair et c'est là où est notre inquiétude, sur le lien entre les contrôles de revenu, tu sais, les mesures passives et actives. Prenez la question de la scolarisation, dont Mario a parlé, Johanne, etc. On va dire statistiquement, puis on se le fait dire encore, et pas juste au niveau des CTQ mais aussi au niveau de Ressources humaines Canada: Ah! mais c'est bien trop long, ça, c'est bien trop coûteux!

Alors, il y a un double discours. D'un côté, on dit que le problème de la sous-scolarisation est un problème fondamental par rapport au marché du travail. Puis là on regarde les gens dans le sud-ouest, mais c'est la même chose pour les immigrants et c'est la même chose pour beaucoup de monde. On dit: Ouais, mais là ils ont juste une sixième, ça va être bien trop long. On regarde les mesures.

(18 h 20)

Et là – c'était sous l'ancien gouvernement – à un moment donné, on a dit, la statistique sur le rattrapage scolaire, le monde lâche, ça ne marche pas. Alors, qu'est-ce qu'on a fait? On a annulé les mesures, mais le problème n'était pas réglé pour autant. La question de la sous-scolarisation restait entière. Plutôt que de regarder et dire «qu'est-ce qui ne marche pas dans notre système d'éducation, l'éducation des adultes, dans nos façons de faire?» on a regardé le monde et on a dit: Ils ne veulent pas, ce n'est pas une bonne affaire, on scrape ça.

Alors, c'est ça qui est la différence, avec n'importe quelle machine, avec n'importe quel gouvernement, la différence entre ce qu'on a fait. On a dit «ça n'a pas marché», mais comment on va faire pour que ça marche?

M. Sirros: Si je peux, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Vous voulez parler, oui? M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Pour peut-être aussi aider la ministre à vous donner la réponse à la question qu'on posait tantôt. Vous, vous faites actuellement ce que le réseau actuellement ne fait pas, vous faites la démarche de réinsertion. Dans la proposition, le réseau va le faire. Et, la question, c'était: Et vous, donc qu'est-ce que vous allez faire? Accepteriez-vous, si vous pouvez garder votre autonomie, être déliés de la responsabilité du contrôle, c'est-à-dire si le système agissait sur une base volontaire, accepteriez-vous de faire ce que vous faites à la place des fonctionnaires qui le feraient à votre place? Je ne sais pas si je m'exprime bien, mais je pense que vous comprenez. C'est-à-dire, accepteriez-vous de faire de l'émulation vis-à-vis des fonctionnaires, en d'autres termes, d'offrir un réseau alternatif à l'intérieur du même réseau?

Mme Neamtan (Nancy): Je ne sais pas si je comprends l'ensemble de la question. C'est sûr que, nous, on pense qu'il y a de la place et du travail pour tout le monde. Comme je l'ai dit, c'est la dynamique. J'espère que les acquis qu'on a au RESO vont déteindre. Quand j'ai dit qu'il faut rentrer un virus dans le système, on aimerait bien être ce virus-là et trouver les modalités, mais ça va prendre un peu de temps.

M. Sirros: Le problème, c'est qu'ils peuvent vous donner une dose de...

Mme Neamtan (Nancy): Ça va prendre un peu de temps et ça veut dire que les rapports, les relations entre la communauté, entre les organismes comme les nôtres et les services publics, l'emploi, il faut inventer. Peut-être pas mur à mur, comme M. Richard l'a dit, mais il faut trouver une façon de déteindre sur les acquis et pas dans le sens contraire. Nous, notre inquiétude, ça va dans le sens contraire.

M. Sirros: Oui, c'est ça, dans le sens que, actuellement, ce qui est proposé, si je comprends bien, c'est un remède pour contrer le virus...

Mme Neamtan (Nancy): Oui, c'est ça un peu.

M. Sirros: ...plutôt que de laisser fleurir ce que vous avez à l'intérieur d'un système qui pourrait s'accommoder d'alternatives.

Mme Neamtan (Nancy): Oui.

M. Sirros: Et, je reviens. Donc, centrale à toutes ces possibilités-là, n'est-ce pas la question de la coercition, finalement?

Mme Neamtan (Nancy): Bien, c'est un enjeu de fond, effectivement, oui.

M. Sirros: Et si ça n'était pas là, il y a une place pour vous.

Mme Neamtan (Nancy): Oui.

M. Sirros: Que vous pouvez voir en négociant des ententes pour garder votre autonomie, etc.

Mme Neamtan (Nancy): Absolument, oui.

M. Sirros: Mais, il y a un genre de sine qua non au niveau de la coercition. Ai-je raison?

Mme Neamtan (Nancy): Effectivement, oui.

M. Sirros: Alors, vous allez espérer que la ministre va tenir compte de ça dans sa réponse éventuelle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Soutière (Michèle): Bien, j'espère que la ministre va en tenir compte. J'ai confiance qu'elle va en tenir compte aussi. Moi, je voulais juste dire que ça ne peut pas changer du jour au lendemain. Ça, je pense que la ministre va comprendre ça, puis qu'elle le comprend.

M. Sirros: Vous allez espérer qu'elle comprenne.

Mme Soutière (Michèle): Mais, je veux vous dire aussi que, dans une journée, au CASE, il y a sept personnes qui voient les individus et je devrais vous dire que 30 % à 40 % de leur temps passe à défendre des assistés sociaux auprès des agents qui ne veulent pas leur donner ce à quoi ils ont droit. Comment ces gens-là, demain matin, vont recevoir les sans-emploi et comment ils vont faire ça? Nous autres, on pourrait en voir plus de monde si on ne faisait pas ce bout-là. De 30 à 40 % du temps, c'est de la défense de personnes assistées sociales. Alors, ça, c'est important à retenir, je pense.

Mme Loiselle: Je voudrais parler des stages en entreprise.

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste cinq minutes, madame.

Mme Loiselle: Merci.

Mme Harel: Est-ce que vous allez me permettre, Mme la députée, de m'excuser? Je dois rejoindre mon homologue fédéral qui a des annonces à me faire, M. Pettigrew, avant 18 h 30. Alors, là, je n'aurai pas l'occasion d'entendre le dernier cinq minutes d'échange, mais vous comprenez pourquoi, je dois aller lui téléphoner.

Mme Loiselle: J'aimerais parler des stages en entreprise. Vous travaillez très fort pour amener le plus de gens possible dans des stages en entreprise. Vous avez des résultats quand même assez éloquents, à ce niveau-là. On parle beaucoup... En tout cas, le gouvernement mise beaucoup sur ces mesures justement, envoyer les prestataires dans des stages en entreprise.

Quand on a reçu le Conseil du patronat, la semaine dernière, et les centrales syndicales, on a appris avec grande surprise et étonnement que finalement il y avait une entente actuellement et qu'il n'y avait pas de place pour les prestataires de l'aide sociale au niveau des stages en entreprise parce que l'entente qui a été faite au niveau de la SQDM, entre les partenaires du marché, c'est qu'on acceptait à peu près 1 000 stagiaires, qu'on acceptait d'abord des étudiants en secondaire III et, ensuite, s'il y avait des ouvertures, s'il y avait des places, ça allait pour les travailleurs en emploi. Alors, je pense que là il y a une grande déception au niveau de cette mesure-là.

Je sais que c'est très, très bon, au niveau des prestataires, d'aller faire des stages en entreprise au niveau de l'expérience de travail. J'aimerais vous entendre sur ça, sur le fait que c'est un volet important de la réforme qu'on a devant nous. Mais, ce qu'on a entendu des centrales syndicales et du Conseil du patronat, c'est finalement qu'il n'y a pas de place pour les prestataires dans l'entente qu'il y a eue entre les partenaires du marché.

Mme Neamtan (Nancy): Est-ce que vous faites référence au régime d'apprentissage?

Mme Loiselle: Oui, au régime d'apprentissage en entreprise.

Mme Neamtan (Nancy): O.K. Parce que, pour nous, les stages en milieu de travail – en tout cas, Michèle pourra en parler plus – c'est assez différent, c'est des stages de courte durée, pour que les gens prennent contact avec un milieu de travail. C'est pour ça que pour les gens, en tout cas, pour les nouveaux arrivants, par exemple, c'est très utile, pour les gens qui ont été longtemps à l'extérieur du marché du travail.

Mais, ce n'est pas la même chose. Quand on parle du régime d'apprentissage, ça, c'est vraiment l'apprentissage d'un métier à l'intérieur de l'entreprise. C'est clair, c'est sûr, on aimerait avoir de la place pour tout le monde. Il y a eu un choix, de dire qu'on va commencer avec les jeunes parce que c'était plus facile peut-être de mobiliser les entreprises à cet effet-là. On espère, puis on travaille justement avec des entreprises dans le coin, on a l'oeil sur quelques entreprises. On espère pouvoir les ouvrir aux adultes. Je ne pense pas qu'en principe elles sont fermées. Nous, on fait un travail sur le terrain pour essayer d'en trouver, des métiers pour les entreprises.

Mme Soutière (Michèle): C'est ça, on essaie de trouver des entreprises qui seraient intéressées, des candidats intéressés. Puis, si on arrive à la ministre avec un projet quasi ficelé, je pense que ça devrait marcher.

Mme Neamtan (Nancy): On n'attendra pas les normes d'en haut, Mme Loiselle, vous le savez.

Mme Loiselle: Il y a possibilité... Je dois vous dire qu'on a beaucoup d'inquiétudes, nous, parce que quand on a reçu le Conseil du patronat, le fait qu'on retire le pouvoir décisionnel à la SQDM, là, qu'on leur donne seulement un rôle consultatif, il a été clair, le Conseil du patronat a dit que le gouvernement va peut-être avoir de la difficulté à aller chercher la collaboration de tous les patrons d'entreprises au Québec, et ça a été corroboré par les centrales syndicales et aussi par M. Gingras, de la CSD, la semaine dernière, qui nous a dit que si le gouvernement ne reculait pas à ce niveau-là et ne remettait pas le pouvoir décisionnel, il va y avoir un désintéressement grandissant de la part des partenaires du marché du travail. Puis ça, c'est quand même inquiétant, parce que c'est cette cellule-là, ensemble, qui crée de l'emploi. Parce que le gouvernement, lui, n'en a pas, de politique active d'emploi. Alors, c'est ces regroupements-là, les partenaires du marché, qui créent de l'emploi. Et si on sent qu'ils laissent tomber, qu'ils vont se désintéresser, en bout de piste, c'est les gens, les chômeurs puis les prestataires d'aide sociale qui vont payer la note, et non pas le gouvernement.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, c'est terminé, il n'y a plus de temps. À moins que vous ayez quelque chose de spécifique, bien bref, là, mais...

Mme Meamtan (Nancy): Ça va.

La Présidente (Mme Barbeau): Ça va? Alors, on vous remercie beaucoup.

Mme Tardif (Diane): Je voudrais dire un petit quelque chose.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, madame?

Mme Tardif (Diane): Oui. C'était pour vous dire que j'ai entendu tout à l'heure, pour les 18 ans et moins, qu'ils disaient: Bon, bien, on va lâcher, le gouvernement va payer. C'est vrai, en minorité, mais il y a une certaine majorité, par contre, où c'est les parents qui font laisser l'école. Moi, ça m'est arrivé puis, aujourd'hui, je suis prise à reprendre mes études. En réalité, j'arrive quelque part pour cogner à une porte: Tu n'as pas de secondaire V? Ah! C'est ainsi, tu n'en as pas, bien... Même pour faire un ménage, ça te prend un secondaire V. C'est de valeur, mais c'est comme ça aujourd'hui.

Puis on ne peut pas mettre la faute seulement sur les jeunes, il y a la faute des parents aussi là-dedans, qui poussent les jeunes à laisser l'école. Puis, le pire, pour moi, ce qui m'est arrivé dans ma vie, c'est d'arriver puis d'être sur le bien-être social, puis de dire que je suis obligée d'aller demander de l'aide. Ça a été le pire choc de ma vie. Ça fait que je ne peux pas dire que la majorité qui sont là-dessus disent: Aïe, je suis content, je suis sur le bien-être social! Je vais dire comme Mario: Moi, je veux m'en sortir, puis je le sais que je peux, mais avec l'aide du gouvernement, c'est sûr. C'est de valeur, mais c'est comme ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup. Alors, je vous remercie, messieurs dames, et je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 30)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux et nous recevons le Centre Jacques-Cartier. Je pense que c'est Mme Daris qui commence.

Mme Daris (Barbara): C'est bien ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, Mme Barbara?


Centre Jacques-Cartier

Mme Daris (Barbara): Oui. Donc, moi, mon nom est Barbara Daris. Steeve Malloy, membre du Centre Jacques-Cartier, m'accompagne ici; Nathalie Bélisle, membre aussi, et Frédéric Bourgeois, membre actif, ainsi que Serge Gagné, qui est membre fondateur et coresponsable du volet formation du Centre communautaire Jacques-Cartier.

Donc, moi – je me représente, je m'appelle Barbara Daris – je suis membre du conseil d'administration du Centre communautaire Jacques-Cartier qui est un centre d'insertion sociale, scolaire et professionnelle pour les jeunes de 16–30 ans, et c'est aussi géré par les jeunes de 16–30 ans. Donc, ça fait toute une différence.

Alors, je vous ai déjà présenté mes coéquipiers qui sont ici. Je demanderais à chacun, dans l'ordre, à partir de Nathalie, de se présenter.

Mme Bélisle (Nathalie): Bonjour. Je m'appelle Nathalie Bélisle. Je suis une mère monoparentale de 26 ans. Suite à une mesure de RADE, j'ai fait partie du projet jeunes mères, qui m'a aidé à me fixer un but dans la vie, où est-ce que je m'en allais, vers quoi je me dirigeais, puis j'ai beaucoup pris confiance en moi, puis c'est pour ça que je suis ici aujourd'hui. Merci.

M. Malloy (Steeve): Bonsoir. Mon nom est Steeve Malloy. J'ai 29 ans et je suis monoparental. Suite à des coupures au gouvernement, j'ai perdu mon emploi. Ça fait que maintenant je me suis retrouvé aux études afin d'obtenir mon diplôme pour entrer au cégep. Mais, depuis que j'ai recommencé des études... Pardon. O.K. Bien, c'était pour vous dire que, sans l'aide du Centre, mon agent se serait fait un plaisir de me couper... C'est ça. Attendez... Pardon. C'est ça. Il se serait fait un plaisir de me débarquer du programme, puis ainsi pour pouvoir me priver de mon 120 $, qui m'est essentiel.

(20 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Bourgeois (Frédéric): Bonjour. Je m'appelle Frédéric Bourgeois, puis je suis membre et résident du Centre Jacques-Cartier. Je suis aussi un ex-travailleur qui est tombé aussi au chômage. J'ai décidé de reprendre mes études pour obtenir mon Diplôme d'études secondaires. Mes prestations d'assurance-chômage se sont terminées et je suis tombé à la sécurité du revenu pour continuer mes études.

J'ai eu certains petits problèmes, dont avec le rattrapage scolaire, parce qu'il y a des lois qui disent qu'on doit être 24 mois sur la sécurité du revenu pour avoir droit d'être éligible au rattrapage scolaire. Aussi, j'ai eu d'autres petits problèmes en tombant conjoint d'étudiant avec ma copine qui, elle, a très peu de revenus, et tout ça qui m'amène à devenir comme sur la... disons... Je suis dépendant, disons, de ses parents à elle. C'est ça, j'ai un parcours qui est bien établi mais qui n'est pas reconnu au niveau de la sécurité du revenu, et c'est ça, là, je suis ici pour essayer de faire valoir les points de personnes qui sont dans une situation comme la mienne.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je te remercie.

M. Gagné (Serge): Serge Gagné, je suis le conseiller en formation scolaire au centre Louis-Joliette.

Une voix: ...trente ans, trente ans, trente ans et plus, trente ans et...

M. Gagné (Serge): Ha, ha, ha! Oui, c'est pour ça qu'on a dit «membre co-fondateur» du Centre Jacques-Cartier. Parce que je suis dans un centre aux adultes depuis 1985 à Québec, puis c'est là que j'ai rencontré, le plus souvent qu'autrement, des centaines de gens, d'étudiants et étudiantes qui faisaient le retour à l'étude puis qui avaient besoin de plus qu'une simple boîte à cours, si vous me passez l'expression, et c'est pour ça qu'on a travaillé, à quelques-uns, à fonder un centre qui maintenant est géré par les jeunes, avec lesquels on continue à travailler comme équipe-ressource. Alors, je travaille aussi au niveau de la formation qui se fait dans ce centre-là. C'est moi qui vais présenter le mémoire, ou une synthèse du mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous allez être obligé d'accélérer un petit peu, puis je vais vous faire signe quand il va rester cinq minutes.

M. Gagné (Serge): D'accord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Daris (Barbara): Est-ce que tu as terminé?

M. Gagné (Serge): Oui.

Mme Daris (Barbara): O.K. Je pensais que tu voulais commencer tout de suite. Donc, moi je vais passer à la description de ma situation. Donc, moi, j'ai 25 ans, je suis chef de famille monoparentale aussi.

Moi, la raison pour laquelle je viens ici, c'est pour parler du fait que, bon, malgré le fait que je suis non disponible, depuis le début que je participe à des mesures de réinsertion au travail, et, bon, moi, ce qui m'est arrivé, c'est que ça a été compliqué pour moi, justement, de suivre ces mesures-là parce qu'il fallait que je me batte avec mes agents à toutes les fois pour leur faire valoir le fait que c'était important pour moi de suivre ces mesures-là, que ça m'intéressait, que c'était dans mon domaine. Et à toutes les fois il a fallu que je me serve de personnes, des responsables du projet pour qu'ils appellent mon agent pour le convaincre de me laisser suivre ces mesures-là. Donc, c'est ça, c'est un peu de ça que je viens parler, moi, en gros.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, c'est toi qui commences?

M. Gagné (Serge): Non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est Serge.

M. Gagné (Serge): On va passer au mémoire. L'idée, c'était d'avoir une intention un peu des quatre personnes, qui peuvent témoigner dans les quarante minutes, un peu plus élaborée tout à l'heure.

Alors, sur le mémoire, je vous propose tout simplement peut-être de suivre la table des matières, parce que je vais en faire une synthèse. D'abord vous dire que, évidemment, on a, et j'imagine qu'on n'est pas les seuls à le dire, qu'on n'a pas eu assez de temps pour préparer un mémoire dans le délai qui était donné puis avec toutes les implications que ça avait. On a fait de notre mieux puis ça nous intéresse de partager particulièrement du vécu concernant ça; et, d'ailleurs, on a traduit ça en recommandations aussi qu'on aimerait bien pouvoir vous commenter tout à l'heure.

Il faut dire aussi que le ton de notre rapport, vous l'avez remarqué, il était fortement imprégné de ce qu'on avait vu, la perte de l'allocation de participation, ça a teinté beaucoup notre rapport, puis on aimerait bien avoir des garanties à ce niveau-là, parce que je sais qu'il y a eu des déclarations à ce niveau-là aussi. Puis ça nous porte aussi à dire que, comme le Centre Jacques-Cartier fait déjà de la réinsertion, fait déjà de la clarification de plans d'insertion sociale et professionnelle, que l'idée de parcours annoncée nous intéresse, nous a rejoint assez directement; cependant, il y a toujours le «comment» des choses, et comme, moi, je fais le suivi des gens qui sont sur le rattrapage scolaire dans un centre aux adultes, je peux vous témoigner que, dans le «comment», c'est assez enfargeant pour l'ensemble des personnes, puis pas seulement pour des exceptions de personnes. Ça, on pourrait en parler tantôt plus abondamment.

Donc, le parcours, ça nous rejoint, mais, dans la pratique, on est obligés aussi de se dire: Bon, bien, qu'est-ce qui est l'intention entre établir le parcours puis l'idée de récupérer de l'argent, puisque tous les groupes sociaux ou les gens qui travaillent présentement semblent tous mis à profit, puis pas autant que semblent devoir être mis à profit les plus appauvris de la société. Ça, là, on a des inquiétudes très grandes à ce niveau-là. Alors, on ne pense pas non plus que la nuance soit résolue ou que le rapport de confiance soit établi dans les centres Travail-Québec ou dans les futurs centres locaux d'emploi parce qu'il y a dorénavant deux agents ou deux conseillers, un au programme puis un à l'aide financière. Ce n'est pas sûr que la relation de confiance s'établit, puisque celui au programme, aussi, a le pouvoir quand même d'enlever des montants assez gros, comme ce n'est demandé à personne dans la société présentement, dépendamment si on est bien compris dans notre parcours ou mal compris.

Alors, sur la table des matières, vous avez deux parties. Donc, ça traduit bien nos ordres de préoccupation: une partie sur le parcours puis une partie sur l'appauvrissement. Alors, pour commenter un petit peu, pour arriver aux recommandations par la suite, on dit... en tout cas, il nous semble qu'un parcours d'insertion, de formation et d'emploi, il s'agit de partir de ce que l'on est. Alors, on disait dans le document: Les personnes qui font de la politique ou les gens qui s'intéressent à la politique, c'est des tempéraments entreprenants.

Alors, il y a aussi depuis 30 ans, dans toutes les écoles du Québec, puis encore maintenant, toutes les forces de tempérament sont établies avec les gens, puis c'est à partir de ça qu'on travaille. C'est à partir de ce qu'on est qu'on pense notre mission ou qu'on pense notre parcours. Puis on a nettement l'impression qu'il y a des gens qui ne sont pas nés à la bonne époque, parce qu'ils se font servir régulièrement «les besoins du marché», «les besoins du marché», mais ça ne peut pas être au prix de ce que t'es. Puis il semble bien aussi que quand t'es particulièrement artistique ou particulièrement manuel, présentement, ça semble assez difficile d'atteindre le marché du travail. Et, là-dessus, ça relance le débat dans toute la société, ce qu'on ne voit pas beaucoup dans le document non plus, sur la relance de l'emploi ou quelles seront les nouvelles possibilités pour que les jeunes, comme vous pouvez exercer ou vous réalisez, vous autres, à partir de vos tempéraments, comment les gens qui attendent puis qui veulent embarquer sur la patinoire, comment ils vont pouvoir le faire. Ce n'est pas évident, mais sauf qu'on dit: Il faut partir de ce que l'on est, ça, on ne peut pas nier ça, tout en analysant aussi le marché du travail, mais tu ne peux pas l'analyser en dehors de ce que tu es.

L'autre chose, c'est... Alors, on dit: Une approche projet de vie. Pourquoi une approche projet de vie? Alors, vous avez remarqué, il y a quelqu'un ici, Nathalie, qui parlait tantôt de l'approche jeune mère, une approche... Alors, le ministère de l'Éducation prévoit déjà dans son régime pédagogique aux adultes une clarification de plan d'insertion sociale et professionnelle pour les jeunes. C'est prévu, mais c'est très peu développé, c'est surtout en institution, puis, au Centre Jacques-Cartier, on le fait par entente de service avec la commission scolaire de Québec. Nous autres, on pense que ce qu'on vit là devrait être instauré partout. C'est que le milieu communautaire devrait pouvoir s'emparer du régime pédagogique du ministère de l'Éducation, parce que... Par exemple, quand on pense au régime d'apprentissage qui a été annoncé par Mme Harel, avec Mme Marois, que, quand il s'agit de définir le parcours, au début de l'entonnoir, il y aurait une collaboration étroite, là, entre les deux ministères, évidente et nécessaire. Parce qu'on sait aussi que, malgré toutes les difficultés d'emploi qu'on peut vivre, c'est la dynamique des personnes qui fait la différence. Et l'avantage de faire des clarifications de plan d'insertion sociale et professionnelle en groupe, c'est que ça permet aux personnes, aussi, d'être en dynamique autrement que juste dans un bureau.

Et d'autant plus, quand tu es dans un bureau avec un agent ou avec une personne qui a le pouvoir, au surplus, de peut-être «chopper» 20 %, 22 %, là, à partir de quelque chose, ça n'établit pas une relation de confiance. En tout cas, c'est pour ça qu'on établit dans nos recommandations qu'il y ait un rôle d'allié, ou qu'il y ait un rôle conseil, ou il y ait un rôle de référence donné à des agents ou agentes, ou conseillers ou conseillères, puis il y en a déjà qui comprennent ça puis qui le font. Sauf que, moi, je peux vous dire, pour, pas négocier, mais, enfin, parler avec une quarantaine d'agents différents à l'intérieur d'une année, ils sont tous représentantes et représentants de la ministre, mais ils ne sont pas tous, si vous me passez l'expression, chromés égal. Et puis là l'incidence est bien trop forte, ça n'a pas de bon sens, parce que, selon comment c'est chromé, ça fait plus 120 $, moins 120 $, et peut-être moins 150 $ après; ça ne marche pas! Il y a un état de révolte permanente dans lequel les gens sont mis, et ça n'a pas de bon sens. Et, même si les gens, ce n'est pas ça qu'ils veulent provoquer, c'est ça que ça fait. Alors, quand on parle du milieu, il y a une nécessité que le milieu soit reconnu comme pouvant intervenir dans les parcours d'insertion, en groupe avec les personnes et en individuel, ce que ça demande, puis que le rôle du conseiller ou de la conseillère soit dans ce sens-là aussi, de mettre à profit le milieu beaucoup.

(20 h 20)

L'autre chose aussi, pourquoi on dit «une approche projet de vie», c'est que, dépendamment d'où on arrive, dépendamment combien ça fait d'années qu'on n'a pas été sur le marché de l'emploi, on peut avoir besoin d'une intégration sociale. Puis, dans les documents du ministère, dans les programmes mêmes, on parle d'une intégration socioprofessionnelle. Alors, on dit: On n'a pas besoin d'un groupe ou d'une personne ou d'un conseiller qui te donne une solution toute faite, à toi: Tu fais ce 45 heures là et le tour est joué! Ce n'est pas comme ça que ça marche. Et demandez à tous ceux – même à la SQDM, ils le disent – qui ont administré les programmes PAIE, les stages en milieux de travail, ils savent très bien que ce n'est pas parce que tu offres une solution à quelqu'un qu'elle va marcher, même s'il y avait un emploi à l'autre bout pour six mois au salaire minimum. Il y a une préparation d'usage qui doit être analysée puis il y a une dynamique de groupe qui peut se faire avant de mettre la personne en situation de marché du travail. Puis, ensuite, le stage vient puis, ensuite, le reste du parcours s'en vient.

Alors, vous avez devant vous quatre personnes qui peuvent aussi vous dire où elles en sont dans leur parcours, mais il faut reconnaître ça. Puis il y a des centres Travail-Québec qui reconnaissent que ça peut aller jusqu'à deux ans facilement. Ils appelaient ça du «suivi personnalisé», puis ils en sont venus à la conclusion qu'il fallait confier au milieu le rapport avec ces jeunes-là pour rétablir, pour repartir quasiment de zéro dans certains cas.

Alors, ça, il s'agit du parcours. Les recommandations là-dessus sont à la page 10 «Concernant le parcours». On aimerait commenter, dans le 40 minutes, tantôt, si vous voulez bien poser des questions, parce qu'on dit, à la page 10: «Le parcours d'insertion s'entame à partir des forces de tempérament de la personne puis en reconnaissant le droit à une formation correspondant à la volonté de chacun et chacune». Je peux vous dire qu'il y a beaucoup d'ingérence là-dessus, ce n'est pas évident que les personnes ont le droit à la formation dont elles ont besoin ou qu'elles désirent.

C'est pour ça que dans notre document on disait: «Un conseiller ou une conseillère, un agent ou une agente aurait un Robert Lepage en avant d'elle ou de lui puis il ne le reconnaîtrait pas». Il ne s'en apercevrait pas pantoute, dans le cadre actuel ou dans la façon dont ça se passe actuellement. Alors là, on est dans le «comment». Alors, la philosophie du parcours est correcte, mais le «comment», là, il va falloir que ce soit travaillé.

La deuxième: «La concertation entre les deux ministères», j'espère que, si vous ne le saviez pas, il faut travailler là-dessus. Si le ministère de l'Éducation permet ça, on n'est pas obligés d'aller par projets tout le temps, c'est-à-dire qu'il y a une façon de faire, il y a des sigles, il y a des objectifs de cours, mais le milieu aussi peut le faire en concertation avec les commissions scolaires. Mais, le problème là-dedans aussi, je vous le dis tout de suite, Mme Harel, c'est qu'il y a des enveloppes fermées dans les commissions scolaires maintenant, ce qui fait qu'il y a des commissions scolaires à qui ça ne pose pas nécessairement un problème parce qu'elles ne sont pas en développement, puis aussitôt qu'elles établissent une entente avec le milieu, le milieu, lui, va être en développement. Alors, l'enveloppe est fermée. Qui est-ce qui gagne? Ça va être l'école avant tout. Ça va être le milieu institutionnel, avant tout, qui va dépenser son enveloppe, puis le milieu va passer deuxième ou bien va être obligé d'arrêter le développement ou arrêter la concertation ou arrêter le travail, même avec les centres Travail-Québec qui voudront collaborer. C'est devant ça qu'on est au Centre Jacques-Cartier, déjà, à cause des enveloppes fermées, là-dessus.

Alors, s'il y a une enveloppe fermée pour l'école, c'est une chose, mais, pour être conforme, entre le ministère de l'Éducation et votre ministère, concernant ces parcours-là, puis pour instituer ça, il faut avoir une ouverture, il faut avoir quelque chose là qui fonctionne puis où tu n'es pas obligé de toujours être enfargé avec une enveloppe qui est fermée.

La troisième des recommandations: le rôle de conseiller et conseillère en employabilité des CLE, on dit: il faut qu'il en soit un d'accueil, de référence et d'allié. Ça existe déjà chez certains de vos représentantes et représentants, mais, pour d'autres, pas du tout. Alors, là-dessus, il faut que ça devienne ça, alors, en concertation avec le milieu. Donc, les personnes elles-mêmes, aussi, peuvent utiliser le milieu. Alors, comme dans une approche jeune mère, dont on parlait tantôt, au centre-ville de Québec, il y a un regroupement qui s'appelle Centre des femmes de la basse-ville. C'est un consortium de plusieurs groupes qui travaillent tous avec des femmes, puis c'est par là souvent que la personne peut sortir de son isolement, et non pas dans un rapport qui est plus ou moins de confiance dans le bureau.

Alors, rapidement, sur la deuxième partie, sur l'appauvrissement. Évidemment, des prestations de bases amoindries, des pénalités qui confinent à la mendicité, O.K. Sur le «comment», évidemment, ça n'a pas de bon sens, parce que, je peux vous le dire, des fois, je négocie des choses pour les gens puis c'est ça qui fait que la personne n'a pas de coupure de 120 $ ou qu'elle n'aura pas le moins 150 $ qui serait venu après, etc. Steeve peut vous en parler, c'est ce qu'il a failli vivre aussi. Bon, on réussit à sauver des gens comme ça, la pointe du iceberg, mais les autres qui disparaissent, puis la révolte qu'il y a au fond de cela, puis de dire: ils veulent que je m'en sorte puis, Christ! ça ne marche pas, je me fais planter, c'est quoi, la patente? Là, là-dedans, nous autres, on dit: il faut un comité avec le milieu, institutionnel ou communautaire, peu importe, mais il faut que la personne puisse se faire entendre, il faut un droit d'en appeler simple pour la personne pour qu'elle puisse argumenter son projet de vie. Puis si on va dans le sens de clarifier les plans d'insertion sociale et professionnelle, je vous garantie, moi, que c'est bien facile de déceler quelqu'un qui veut bouger ou qui ne veut pas bouger. Mais, au moins, qu'on parte l'entonnoir d'où il veut le partir, pas avec une petite solution toute faite: un petit 30 heures ici, un petit 35 heures là; ça peut marcher pour certaines personnes, ce n'est pas vrai pour tout le monde. Puis des «astinages» puis une histoire de rapport de confiance, les gens dans les corridors du Centre Louis-Jolliet, ça s'engueule à tous les matins, de la boîte téléphonique, avec agent, agent, agent. Ça ne va pas.

Alors, les pénalités, on dit: ça n'a pas de bon sens, je vis dans une institution, moi, où les gens qui travaillent ont quasiment plus d'insécurité, parce qu'on parle de moins 5 % ou 6 %, puis, à la journée longue ou à la semaine longue, il y a des gens qui mangent des claques à coups de 120 $ et à coups de 150 $. Ce n'est d'aucune mesure par rapport à ce qu'ils ont déjà. Alors, il faut rétablir une confiance là-dessus absolument.

Les gains de travail, pas une solution pour tous. Bien, évidemment, je veux dire, de l'emploi, là, on comprend que la dynamique des personnes peut faire que vous pouvez trouver de l'emploi, mais il en manque, de l'emploi, hein, tout le monde convient de ça! Ça fait qu'il ne faut pas trouver ça, non plus, comme la solution miracle à tout. Ce n'est pas évident, ou bien ça prendrait un coup de barre. Il y a beaucoup d'emplois dans la société présentement qui sont maintenus par des subventions de toutes sortes, dans le public, dans le privé, etc.

Pour donner votre exemple, au Centre Jacques-Cartier, on a un projet de compagnonnage avec des employeurs qui s'en vient, on a l'intégration socioprofessionnelle, on a des projets, aussi, d'une ferme en ville pour faire un incubateur, etc. S'il n'y a pas d'argent de mis, s'il n'y a pas un coup de barre pour donner de l'espoir à tout ce monde-là... Le parcours, il va bien; juste quand on arrive vers la sortie, tout le monde est désemparé parce que tu te retrouves tout seul avec un emploi qui a l'air hypothétique. Et il faut, là-dessus, reprendre les idées de la coopération. Les jeunes – j'espère qu'ils vont vous le dire ou vous le réaffirmer – ils sont porteurs de valeurs qu'on pourrait dire nouvelles, mais qui sont plutôt anciennes aussi, qui portent vers la coopération, vers solidifier, et ils ne sont pas gourmands comme on l'a été ou comme on voudrait encore l'être. Ça, je peux vous le garantir.

Alors, dans ce sens-là, je ne suis pas sûr que ça coûte si cher que ça, donner le statut de travailleuse et de travailleur à du monde, par rapport à ce que ça coûte en coûts sociaux et en problèmes affectifs, toute la situation actuelle.

Rapidement, sur les recommandations, j'aimerais que vous preniez la page 15, pour être sûr que je n'ai rien oublié. Alors, on dit: «Augmenter le seuil minimal des prestations», parce que c'est évident que toute baisse est inacceptable dans les circonstances. Toute la société bien organisée réagit à 5 %, 6 %; ça fait que, c'est bien évident que si les gens étaient mieux organisés, les appauvris de cette société, il n'y a pas grand-chose qui justifierait d'amoindrir les seuils minimaux qu'il y a présentement; au contraire, de les rehausser et d'encourager d'aller vers la sortie.

L'autre chose, c'est: «Le droit d'en appeler simple, avec un comité du milieu, serait important». On le souligne parce qu'on le fait. Moi, je le fais à l'intérieur d'une institution, mais c'est la pointe de l'iceberg. Il faudrait que le milieu aussi collabore à ce niveau-là. Et on pense aussi que, dans le travail autonome – parce qu'on doit aller à ce niveau-là aussi – dans le développement de coopératives, ou tout ça, il y aurait de l'imagination à mettre, et faire en sorte aussi que les jeunes disent: Je «sors-tu» de l'aide sociale ou je deviens travailleur ou travailleuse? Il y a une intention, là, d'enlever ce clivage-là, mais il faudrait qu'il y ait une intention dans les moyens aussi. Il n'y a personne qui semble vouloir oser dire: Si tu es vu, tu es suivi mensuellement avec un oeil qui te suit, c'est comme une incitation à dire: Est-ce que je vais oser développer? Et la journée où je n'aurai plus la sécurité du revenu, qu'est-ce que je deviens? Et si je deviens tout seul, avec ça?

Sur les jeunes mères, alors on dit: «Des mesures concrètes et non pas la perte d'acquis». Alors, le barème de non-disponibilité, il est correct, il est important, mais on réaffirme le volontariat pour que les gens puissent arriver à une démarche, que ça se passe de façon volontaire et avec une démarche de groupe aussi s'il le faut. La diminution de prestation pour le partage du logement, bien, c'est évident, les gens, il faut qu'ils se logent. Ils sont attaqués sur les besoins primaires tout le temps; ce n'est pas en les poignant par là qu'on leur donne le goût de se réaliser et de trouver des moyens. Et, encore là, nous, en développant le sens communautaire, ça nous mène vers la coopération. On est devant un gouvernement qui, dans les années 1970, a parlé beaucoup des coopératives, qui a parlé beaucoup dans le sens du collectif, alors, on devrait aller à ce niveau-là aussi parce que les jeunes en sont porteurs. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est moi qui vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Gagné. Je vais saluer M. Bourgeois, que j'ai eu l'occasion de rencontrer avec des députés membres de la commission. Également, bienvenue à Mme Daris et à Mme Bélisle et M. Malloy. Alors, M. Gagné, c'est fort intéressant, ce que vous nous présentez. Vous, vous travaillez pour qui actuellement?

M. Gagné (Serge): L'employeur, la Commission des écoles catholiques de Québec.

Mme Harel: Donc, ça se peut, un fonctionnaire qui s'implique! Ha, ha, ha!

(20 h 30)

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Vous en êtes un.

M. Gagné (Serge): Oui.

Mme Harel: Vous, vous êtes donc employé d'une commission scolaire.

M. Gagné (Serge): Oui.

Mme Harel: Régulier?

M. Gagné (Serge): Oui.

Mme Harel: Avec sa sécurité d'emploi?

M. Gagné (Serge): Oui.

Mme Harel: Formidable!

M. Gagné (Serge): Je n'ai pas fait exprès.

Mme Harel: Formidable, parce que j'avais l'impression que vous pensiez communautaire.

M. Gagné (Serge): Je pense communautaire parce que j'ai vu des gens à l'intérieur d'un établissement scolaire qui avaient besoin de plus que des murs d'une école en béton.

Mme Harel: Et vous relevez de quel service, à la commission scolaire?

M. Gagné (Serge): C'est la formation générale, le service d'éducation des adultes.

Mme Harel: Service d'éducation des adultes?

M. Gagné (Serge): Des gens qui reviennent en formation générale dans le but d'avoir un Diplôme d'études secondaires ou les préalables en formation professionnelle.

Mme Harel: En même temps, vous faites quoi en regard de ce qu'on nous décrit et de ce qu'on sait aussi – parce qu'on vit dans le monde – de tous ces jeunes qui décrochent à 16 ans, 15 ans, et qui se disent: Ce n'est pas grave, je recommencerai à étudier payé, quand j'en aurai 18, sur l'aide sociale.

M. Gagné (Serge): Ce n'est pas comme ça que ça se passe, madame. C'est qu'il y a un fort pourcentage des gens qui reviennent aux adultes pour reprendre ce qu'ils ont manqué ou ce qu'on leur a fait manquer aussi au secteur régulier. Des gens qui ont fait des stages supposément d'apprentissage, dans beaucoup de cas, et qui ont fait la merde – excusez l'expression – que personne ne veut faire dans des établissements de travail. Tous ces gens-là ont le même réflexe. Ils disent: Je vais retourner aux adultes parce que je veux faire du français, de l'anglais, des mathématiques là où j'ai laissé, parce que le stage ne m'a rien appris et on m'a mis dans des voies de garage. Avant, on appelait ça des «professionnel court», maintenant, on appelle ça des «cheminements particuliers», etc. La catégorisation de ces gens-là est faite rapidement, au secteur régulier. Quand tu as accumulé deux ans de problèmes, tu es classé, et ces gens-là vivent déjà avec ça, et un bon pourcentage d'eux reviennent dans le but de se scolariser avant tout, de se scolariser.

Mme Harel: Est-ce que vous considérez que c'est la meilleure approche, de les scolariser dans l'environnement de l'institution? Parce qu'on a eu, à la fin de l'après-midi, un groupe de Saint-Henri–Pointe-Saint-Charles, le groupe RESO, que vous connaissez peut-être, de Mme Neamtan, qui sont venus faire valoir que l'encadrement, le support pour justement réussir une formation, il était préférable que ce soit, disons, que ça émane du communautaire plutôt que de l'institutionnel. Vous, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Gagné (Serge): Exactement, je vais dans le même sens. Je ne dis pas que c'est la seule solution, parce que, l'institution, il faut qu'elle demeure. Elle va très bien pour des gens, aussi, qui ont quitté l'école, pour des jeunes femmes, par exemple, qui ont eu des enfants – ce n'est pas parce que ça allait nécessairement mal à l'école – qui reviennent, puis le système d'apprentissage individualisé leur va très bien.

Mais il y a des gens qui ont besoin de l'approche communautaire parce qu'ils demeurent dans les quartiers centraux, parce qu'ils sont proches de ça ou qu'ils ont déjà une appartenance, puis c'est pour ça que le Centre Jacques-Cartier a négocié une entente de service avec la commission scolaire de Québec, pour faire de la formation dans le milieu communautaire. C'est justement ça.

Il faut que la formation soit au coeur de la vie communautaire et du tissu communautaire, puis là il y a un accompagnement naturel, une entraide naturelle qui va plus loin que ce que nous, fonctionnaires, on peut amener. Mais ça vient ajouter à notre travail, ça vient le faciliter, mais surtout pour les résultats que ça peut leur donner à eux et à elles.

Mme Harel: Et quand vous dites que c'est une entente avec la commission scolaire, ce sont des enseignants de la commission scolaire qui vont dispenser l'enseignement? C'est de ça dont il s'agit?

M. Gagné (Serge): Oui, sauf que, dans l'entente de service, le centre communautaire devient employeur. Ce n'est pas nécessairement la liste de rappel qui s'applique, c'est-à-dire que là il y a la spécificité communautaire, mais avec les exigences d'être enseignant ou d'être animateur pour pouvoir faire les plans d'insertion sociale et professionnelle.

Mme Harel: Et les gens qui participent ont finalement un diplôme reconnu par le ministère de l'Éducation?

M. Gagné (Serge): Oui, parce que la passation d'examens se fait dans l'établissement scolaire, puis les gens qui enseignent sont des enseignants reconnus. Mais, juste pour vous dire aussi qu'avant ça, même si on ne faisait pas de formation générale sur place, la clarification du plan d'insertion sociale et professionnelle des personnes se fait dans le milieu communautaire, puis, ça, c'est une démarche essentiellement d'animation, qui ne donne pas de crédits aux fins du ministère mais où on utilise des numéros de cours, puis là c'est en révision, d'ailleurs, là.

Mme Harel: Je pense que ma collègue, Mme Barbeau, vous aussi, je pense, hein? Mais, quoi qu'il en soit, vous avez entendu parler de Carrefour jeunesse-emploi?

M. Gagné (Serge): Bien sûr.

Mme Harel: Vous savez qu'il y en déjà 49, là, qui sont implantés, avec énormément d'engouement, d'enthousiasme, en particulier, je dirais quasiment, chez les intervenants, qui trouvent à se donner un projet pour que le jeune ne soit plus un itinérant d'un programme à l'autre. Mais, vous, pensez-vous que les plans d'insertion sociale et professionnelle pourraient, par exemple, s'élaborer sur place, dans les Carrefours?

M. Gagné (Serge): Assurément. Parce que c'est l'entrée, c'est l'input. Si le Carrefour doit jouer un rôle que le milieu ne joue pas assez présentement, c'est à l'entrée, avec les sans-chèque et avec ceux qui ont des chèques. Peu importe, c'est comme ça que ça commence, mais il faut... sauf qu'il faut sortir de l'approche juste services, aussi. Ce n'est pas dans les bureaux que ça se règle non plus, un plan d'insertion sociale et professionnelle. Ce n'est pas juste une histoire d'orientation professionnelle. C'est ça que je veux vous dire.

Mme Harel: Oui. Vous avez raison.

M. Gagné (Serge): L'approche projet de vie est plus large que ça.

Mme Harel: Oui. Vous avez raison, parce que, d'abord, il faut que les services se déplacent aussi. Tout le mois de janvier, je me suis promenée de Kamouraska à Lac-Etchemin, à Saint-André-Avellin, à Matawinie, Montcalm, et j'ai vu que la spécificité, c'est que les services allaient se déplacer souvent dans des localités, des villages où le jeune est complètement isolé. Alors, en général, c'est la municipalité ou la commission scolaire qui prête des locaux, et peut-être que la meilleure façon de faire, finalement, ce serait que le Carrefour ait un local à la commission scolaire, dépendamment des milieux, mais dans certains milieux ça va bien, ou dans la polyvalente, et que finalement le plan puisse se faire là ou qu'à l'inverse une personne de la commission scolaire soit dans les locaux de Carrefour, aussi, et que le plan puisse se faire là. Est-ce que ce serait possible de mettre quelque chose par écrit là-dessus? Parce qu'il y a une rencontre de tous les Carrefours du Québec le 4 mars ici même, à Québec. Et je me dis que ce serait certainement une façon de les inspirer sur le rapprochement à faire avec le scolaire que de leur proposer des ententes portant sur ces plans d'insertion sociale et professionnelle.

Bon. Écoutez, il a été beaucoup question, puis je dis «trop» en même temps, puis je le sais bien que c'est normal qu'il en soit ainsi, là, beaucoup, beaucoup, beaucoup trop, quasi, question des pénalités, et je me rends compte que ça a comme fait perdre de vue l'essentiel, qui est le parcours individualisé. Dans le parcours individualisé, ce qui a comme, disons, différence d'avec maintenant, première chose, c'est que ce que ce n'est pas le conseiller, ce n'est pas l'agent d'aide sociale qui le fait, c'est un conseiller à l'emploi.

Le conseiller à l'emploi, ce n'est pas juste faire semblant; non seulement ça va être dans des modules distincts, mais c'est aussi des conseillers qui sont un peu éparpillés, à la SQDM, éparpillés, éventuellement à la DRHC, où se font les mesures actives pour les prestataires d'assurance-emploi, mais l'idée étant de traiter les chômeurs de la même façon et non pas comme maintenant, cloisonnés chacun dans des programmes différents.

Mais, en même temps, ce parcours individualisé, les gens le voient comme la pénalité qui est appliquée depuis huit ans quand vous refusez de participer à une mesure ou que vous y participez et que la laissez tomber. Un parcours, il faut le voir comme un essai, puis, dans l'essai, c'est possible que ce soit une erreur aussi, là, puis on recommence.

(20 h 40)

Un parcours, c'est quelque chose que l'on continue même si on a un détour à faire, hein? Un parcours, c'est quelque chose où on s'est fixé un objectif, et ça peut que pour certains ce soit plus vite, et puis d'autres, que ce soit plus long. Mais ça, ça suppose, à ce moment-là, qu'on précise bien dans la loi que la pénalité, ce n'est pas celle qui consisterait pendant le parcours à dire: je me suis trompé puis je vais recommencer d'autre chose. C'est celle qui consiste à dire: Moi je ne veux rien savoir, je prends mon chèque puis je ne veux rien, rien savoir.

Et je pense que ça va mériter d'être mieux expliqué, parce que ça a tout de suite été, ça a dérapé tout de suite, comme si on appliquait la pénalité qui existe, là, depuis quand même 1989, puis qu'on l'appliquait, la mesure de parcours, comme la mesure d'employabilité.

Mais, ceci dit, je pense que, pour les 18-24 ans, la pénalité, ce ne m'est pas apparu aussi important que ça vous apparaît, surtout avec un sondage qu'on a fait auprès des prestataires où les jeunes de 18-24 ans interrogés – puis sans que ce soit, là, maquiller la question, direct, là – ont dit: oui, on veut se faire obliger. Et je pense que c'est tout à fait la leçon que je tire de la remise des chèques de main à main, quand finalement ils sont venus nous dire: Dites-nous quoi faire puis on va le faire.

Je pense qu'en majorité, les jeunes, ils n'ont pas peur à la pénalité, parce qu'ils savent que si un parcours leur est offert, ils vont embarquer. Et, finalement, ça devient théorique d'une certaine façon, la pénalité, dans la mesure où la façon d'y remédier, c'est de s'embarquer dans un parcours.

Là où vous dites: Faites attention, c'est qu'il faut qu'il y ait une relation de confiance dans le parcours. Donc, il faut dissocier définitivement la personne qui va faire le parcours de celle qui va avoir à faire les contrôles. Ça, il faut que ça soit clair et net, qu'une personne fait l'attribution initiale, avec les contrôles, et l'autre personne, distincte, fait l'accompagnement.

En même temps, vous, vous travaillez dans une commission scolaire. Il y a des enseignants qui, à la même commission scolaire où vous êtes, vont mettre des notes aux jeunes, puis s'ils ne viennent pas, ils vont leur mettre un zéro. Dans la vie, si vous n'allez pas travailler, vous n'êtes pas payé; si vous n'allez pas passer votre examen, vous n'avez pas de note. Quelque part, vous savez que personne ne crie, parce qu'on trouve ça régulier, on trouve ça raisonnable. Dans ce sens-là, je pense que l'opinion publique trouve raisonnable qu'à 18, 20, 21, 22, 23, 24 ans... trouve même anormal qu'on n'offre pas à un jeune la chance de dire: Moi, c'est vers ça que je veux m'en aller puis c'est ce chemin-là que je vais emprunter.

Quand, tantôt, vous parliez, je vous écoutais avec beaucoup, beaucoup d'intérêt. Je ne sais pas si c'est madame... Vous êtes juste... Oui, vous, vous, vous!

Mme Daris (Barbara): Daris, Barbara.

Mme Harel: Bon. Mme Daris, c'est bien ça, hein? Je vous écoutais tantôt puis ça me confirmait ce qu'une chef de famille monoparentale à Hull, il y a deux semaines, m'a dit. Elle est très active dans un regroupement de femmes monoparentales, puis elle m'a dit: Surtout, ne lâchez pas. Elle a dit: Moi, j'étais monoparentale à 17 ans. Puis elle a dit: Ça a pris cinq ans avant que, finalement, quelqu'un me donne une information sur ce que je pouvais obtenir comme support pour pouvoir m'en sortir. Et elle me disait combien c'était important, justement, de ne pas avoir ce barème de non disponible où vous êtes mis sur une voie de garage. Ce n'est pas cher, 100 $ par mois! Vous savez, pour un gouvernement, 100 $ par mois pour ne pas avoir à donner de services de garde, pour ne pas avoir à donner d'allocation de participation, pour ne pas avoir à donner les frais d'étude, puis pour ne pas avoir à donner, bon, les frais de garde. Vous savez, là, c'était un «deal», ça, du gouvernement, là, avant.

Puis je veux tout de suite vous rassurer, le 120 $, je peux vous l'écrire, mais le ministère l'a de toute façon écrit il y a déjà deux mois, huit semaines aujourd'hui, là, à l'ensemble de tout le réseau: Le barème de participant, le 120 $, reste. Ce qui a prêté à confusion, c'est qu'à la fin du parcours, quand il va y avoir possibilité d'étudier, d'être apprenti, de travailler, ça, ça va être avec un statut différent du statut d'assisté. Ça va être comme un statut de travailleur, d'apprenti, d'étudiant. L'idée, c'est d'en sortir, ce n'est pas d'y rester. Et on a la possibilité de convertir, ce qu'on ne pouvait pas faire avant.

Alors, c'est peut-être... Finalement, la question qui est posée, c'est: Ne vaut-il pas mieux un barème de 120 $ en participant, avec des frais d'études puis de garde, que de se faire dire que le plus beau métier, c'est de rester à la maison. Puis n'oubliez pas que c'est de rester à la maison pour un certain nombre d'années, parce que, après ça, c'est comme une trappe, hein? Quand on regarde toutes les études, c'est comme une trappe de pauvreté qui se referme sur celles qui s'étaient fait dire que c'était le plus beau métier du monde. Puis elle dit: Comment ça se fait qu'on m'a trompée? Puis c'est ça souvent que les femmes de 38, 39, 40, 42 ans viennent dire dans les centres de femmes: Comment ça se fait qu'on m'a laissé aller sur un chemin de garage où, finalement, je me retrouve devant rien à 40 ans?

M. Gagné (Serge): Mme Harel, j'aimerais vous souligner quelque chose, parce que, c'est sûr, ils sont de bons exemples, ils avaient des enfants en bas âge, Nathalie, puis elle a fait le projet jeunes mères, mais de façon volontaire puis à partir du milieu. Parce que, quand vous parlez du rôle des conseillers, là, je ne le sais pas, mais comment... est-ce un hasard que tous les CTQ sont en train de se remanier, avec deux équipes, depuis quelques mois, à une équipe employabilité puis une équipe aide financière? Dans les faits, là, Steeve Malloy, ici, là, lui, il est sur la fin de sa formation avant de s'en aller au cégep, à l'Institut maritime; il a été jugé sur la simple base du 10 % d'absence. Qu'est-ce qu'on règle quand le conseiller en employabilité reçoit un rapport d'absence de 10,1 % en montant? C'est considéré de la même façon, 10,1 % ou 78 %, c'est pareil, c'est une lettre d'avertissement puis, après ça, c'est fini. Puis là, qu'est-ce qu'on gagne à enlever quelqu'un – parce que vous dites qu'il peut y avoir des ratés? Les ratés, ce n'est pas rien que, sur une histoire, dire: Je me suis trompé de programme puis, après six mois, on réagit. Les ratés, c'est à chaque mois, pour eux autres, parce que c'est à chaque mois qu'il y a un rapport.

Puis quand on pense aux femmes qui ont des enfants, c'est encore pire, parce que, on l'a vu à la télévision, il y a 25 jours par année qui sont manqués par les femmes travailleuses, donc ça fait déjà plus que 10 % d'absence, en dehors de leurs propres absences, puis tout ça est considéré à partir d'une simple norme, 10 %. Peu importe ton rendement, peu importe ton résultat scolaire, peu importe qu'il ne t'en reste rien que pour deux mois, la conséquence, c'est quoi? C'est moins 120 $. Même si vous semblez dire que les conseillers ne seront plus attachés à une mesure financière, c'est ça qu'on voit là, puis on ne voit pas, en tout cas, dans toute la réorganisation qu'ils font, qu'est-ce qui fait que ça va changer tout à coup ou que ça va passer dans d'autres mains, là. C'est là...

Mme Harel: Vous êtes conscient, vous aussi, que ce n'est pas commencé, là, on est dans le livre vert. Un livre vert, c'est qu'on fait une consultation, ce n'est pas implanté. Vous me dites: Ça sert toujours à ne faire que du contrôle, là. C'est ça, dans le fond, ce que vous démontrez, c'est que l'employabilité, c'est pour faire du contrôle sur quelqu'un pour, dans le fond, que ça coûte moins cher. C'est de ça dont il s'agit, là.

M. Gagné (Serge): Oui. Sauf que, c'est parce que vous dites aussi que: Oui, mais il faut aussi avoir des normes, puis on ne peut pas, bon, faire les choses de n'importe quelle façon, puis, sur le marché du travail, on ne fait pas ça de n'importe quelle façon non plus. C'est toujours ça qui est servi comme argument. Mais, des fois, on devient plus exigeant envers eux que les travailleurs le sont eux-mêmes envers eux autres mêmes...

Mme Harel: Mais, vous, vous me prouvez...

M. Gagné (Serge): ...dans les milieux des gens qui contrôlent ces gens-là. Et un enseignant ou une enseignante peut être contrôlant aussi.

Mme Harel: Mais vous m'encouragez pareil parce que vous prouvez qu'il est possible de travailler dans l'institutionnel et d'être capable de support et d'être capable de, comment dire, d'empathie, hein. Je pense que c'est peut-être ça qui est important. Tantôt, vous parliez des chefs de famille monoparentale. On nous dit beaucoup qu'elles ont été nombreuses, malgré les obstacles, hein, et malgré les difficultés comme celles que vous décriviez, à vouloir participer. Et je regardais les derniers chiffres, les chiffres en fonction de juin 1996, c'est à peu près équivalent, vous voyez? Les responsables de famille monoparentale, tous nombres des enfants confondu, un, deux ou trois, c'est un taux de participation qui va chercher le 7,5 %, alors que, chez les adultes aptes, monoparentaux et tous les autres, en fait, tout l'ensemble des adultes, le taux de participation est autour de 7,9 %. Alors, c'est donc un taux de participation qui est élevé. Mais, en même temps, il faut comprendre que, dans le système qui va être implanté, il n'y aura pas, si vous voulez, comme c'est les cas dans les CTQ, la culture du chèque. C'est une culture du chèque, n'est-ce pas? Il va y avoir, d'un côté, la Sécurité du revenu et, de l'autre côté, dans le sens où ça va appartenir à une direction régionale distincte complètement, ce qui va s'appeler, finalement, les services d'aide à l'emploi.

Mme Daris (Barbara): Oui, c'est ça, parce que... M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y!

(20 h 50)

Mme Daris (Barbara): Services d'aide à l'emploi, c'est ça, ça dépend ce qu'on entend par aide, là. Comme Serge disait tantôt, la démarche du projet de vie, le parcours de quelqu'un, ça ne se situe pas juste au niveau de sa capacité, bien, de l'emploi, finalement, à l'emploi qui va déboucher après.

Parce que, si on regarde, vous parliez tantôt des jeunes de 16-17 ans qui lâchent l'école puis qui se disent: «Ah! Ce n'est pas grave, je vais recommencer à étudier quand je vais être sur l'aide sociale». Il faut aller plus loin que ça. Je pense qu'il faut se demander d'où ça vient, cette attitude-là, qu'est-ce qui fait que ces jeunes-là... Souvent, ça vient d'un problème de société, c'est certain que probablement que ces jeunes-là manquent d'espoir envers le futur, ou je ne sais pas. Mais il ne faut pas juste dire... Regarder les choses comme ça, simplement dire: «Ce jeune-là ne veut pas travailler, il est paresseux». Il faut aller plus loin.

Puis c'est pour ça aussi qu'il faut... Justement, le milieu communautaire est important parce que le jeune a besoin d'être soutenu. Il a besoin d'être orienté vers un emploi, mais il a aussi besoin d'être soutenu au niveau personnel, au niveau du développement de sa personne. Puis, entre autres aussi, ce que j'aimerais dire, c'est que la relation qu'on a avec les agents... Puis l'espèce de régime de coupures puis de menaces qui existe présentement, ça ne contribue pas du tout à augmenter notre estime de soi; puis, moi, ce qui m'est arrivé souvent – puis ça m'arrive à presque toutes les fois que je vais au bureau du centre Travail-Québec – je sors de là, je suis effondrée parce qu'on me fait des menaces puis parce que j'ai l'impression d'être scrutée à la loupe toujours. Toutes les paroles que je dis... On me regarde, tout ça. Puis, dans le fond, moi, c'est bien clair, net et précis, si cette personne-là me connaissait ou si les personnes qui m'entourent ou qui me guident ou qui décident de ce que je vais avoir – combien je vais avoir sur mon chèque – me connaissaient, en savaient plus sur moi, me laissaient m'exprimer, ou je ne sais quoi, bien, elles ne me jugeraient pas... Mon Dieu, je me perds dans des paroles...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Non, non, vous êtes... D'abord, c'est très impressionnant, le décor ici.

Mme Daris (Barbara): Mais c'est ça. Finalement, moi, ça sort parce qu'il faut que ça sorte, ça sort tout croche. Mais il faut humaniser tout ça. Ça, c'est clair, net et précis. Moi, je n'ai pas envie de... Bon, O.K., je n'ai rien, mais j'imagine qu'il y a des gens peut-être qui peuvent frauder l'aide sociale pour arriver à survivre, parce qu'ils ne sont pas capables d'être honnêtes avec leur agent, parce qu'ils ne sentent pas une relation de confiance, justement. C'est tout ça, c'est un engrenage, c'est un cercle vicieux. Il faut humaniser, si vous voulez récupérer de l'argent puis que les gens soient honnêtes avec vous... Bien, je parle aux agents, il faut que les agents instiguent finalement un climat de confiance où la personne sent qu'on veut l'aider et non pas la pénaliser. Ça, c'est important.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Steeve, tu veux donner un commentaire? Et, après ça, ce sera la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Vas-y.

M. Malloy (Steeve): Juste pour poursuivre dans le même sens. Moi, mon exemple est très simple, c'est que, vu le 10 %... C'est que, vu que je suis rendu à la fin de mon parcours, moi, j'ai hâte de terminer, là. J'ai hâte d'être au cégep. J'ai hâte de recommencer à travailler. Mais le manque d'emploi m'a obligé à faire cette démarche.

C'est que l'agent, mon agent, suite que j'ai manqué... Regardez, je vais vous donner mon exemple. C'est que j'ai manqué deux jours au mois de janvier à cause du moins 30 et du moins 40. J'ai une petite fille puis ça me prend à peu près 20 minutes pour aller à l'école. Puis, suite à ça, j'ai reçu une lettre de mon agent qui me disait que, au prochain avertissement, je débarquais du système, même si j'achève. Je veux dire, elle n'aurait même pas pris la peine de fouiller dans mon dossier, voir tout mon cheminement, parce que j'ai beaucoup avancé, je respecte mes échéanciers, je suis toujours à l'avance, j'ai hâte. C'est à ça que je voulais en venir, c'est juste que... On dirait qu'ils attendent juste le fait... qu'ils veulent nous couper. Il n'y a pas, comme M. Gagné nous le rapportait tantôt, il n'y a aucune relation, genre... On dirait qu'ils sont toujours en train de nous surveiller puis que... En tout cas, on ne se sent pas en confiance. Elle n'aurait même pas compris ça, si je l'avais appelée puis que je lui avais dit: «Bien, madame, il faisait froid puis ma petite était gelée, puis genre, bien... je suis resté chez nous puis j'ai travaillé à la maison». C'est juste ça, puis... En tout cas...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je te remercie, Steeve. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonsoir, bienvenue. Peut-être continuer dans la même veine. Tantôt, Mme la ministre disait que, depuis le début de nos audiences, on a parlé beaucoup, beaucoup... elle disait même «peut-être trop» des pénalités. Mais il faut comprendre que la majorité des groupes qui sont venus ici, à part trois, nous ont dit qu'il fallait retirer tout le caractère obligatoire et punitif de la réforme parce que ce sont des mesures appauvrissantes. Et même les études le démontrent, des chercheurs qui sont venus la semaine dernière nous ont dit que la plupart des études démontrent que c'est contre-productif d'aller avec un système de pénalités.

C'est sûr qu'il faut en parler, parce que, quand on applique des pénalités au barème de base, à mon avis, c'est briser le filet de sécurité sociale, et quand on brise le filet de sécurité sociale, de protection sociale, pour des gens qui vivent déjà sous le seuil de la pauvreté, il faut en parler. Vous êtes des exemples intéressants parce que vous êtes des chefs de famille monoparentale, et avec le système actuel de volontariat, où il n'y avait pas ce retrait du barème de non disponibilité, et aussi tout le caractère obligatoire, vous, malgré que, si vous avez eu des difficultés au niveau de vos mesures d'employabilité, vous vouliez vous en sortir; et, moi, j'aimerais vous entendre sur ce qui est proposé actuellement pour les chefs de famille monoparentale, l'effet de la perte de 100 $ par mois, quand déjà on n'arrive pas. On le dit et le redit, les familles monoparentales de l'aide sociale, ce sont les familles les plus pauvres parmi les pauvres. Une diminution de 100 $ par mois, j'aimerais vous entendre sur ça, vous qui vivez au sein de cette famille-là. Monsieur, ici, oui, vous êtes monoparental.

M. Malloy (Steeve): Moi, dans mon cas, oui, je suis monoparental. Quelquefois, j'ai recours, moi aussi, à des services communautaires. C'est sûr et certain qu'il y a des mois, c'est plus dur, comme décembre en était un, déjà que c'est dur, puis déjà que, me couper de 120 $, c'est ce qu'elle me proposait. C'est que, vu que j'avais manqué mon 10 %, 120 $, elle coupe ça carrément dans mon épicerie, c'est 120 $ de moins d'épicerie, puis, je ne sais pas si vous le savez, mais c'est assez dur, je pense, 120 $, c'est beaucoup de «stock».

Mme Daris (Barbara): Moi, j'aimerais dire, bon, ça, c'est clair, net et précis, je veux dire, on n'a même pas besoin de dire que ça n'a pas de sens, là. C'est que, moi, O.K., j'aimerais dire: bien, c'est ça, ce qui est important, c'est de garder le fait qu'il faut que ça se fasse sur une base volontaire, quand on est parent, ça, c'est certain. Moi, je l'ai fait sur une base volontaire. Quand je disais, tout à l'heure, que j'ai suivi plein de programmes, tout ça, pour lesquels il a fallu que je me batte, mais, en tout cas, je les ai suivis quand même, pour finalement me rendre compte que c'était beaucoup trop fatigant pour moi d'être mère et travailler en même temps, que mon fils était trop jeune, que ça occasionnait beaucoup trop de dépenses au niveau du transport, finalement, j'étais rendue plus pauvre que quand je ne suivais pas ces mesures-là.

Puis, aussi, le fait que les autres prestataires qui ne sont pas parents, qui suivent une mesure, je pense qu'ils ont un surplus de 100 $, c'est combien, sur leur chèque? 100 et quelques? Nous autres, les chefs de famille monoparentale, c'est un surplus de 50 $, je pense. Parce que, moi, ce que je me suis fait dire, c'est: non, tu ne peux pas avoir 100 $, admettons, parce que tu as déjà le montant maximum. Mais quel argument, là! Moi, ça ne me convient pas du tout. Bon, c'est ça, finalement, ça m'a appauvrie de suivre ces mesures-là, puis aussi, pas juste au niveau argent, il y a le niveau personnel. Ça ne m'a rien amené, parce que, ces programmes-là, bon, vous le savez, ça fait longtemps qu'on en parle, on ne voit rien au bout du tunnel. Je veux dire, ça dure une couple de mois puis, après, c'est fini, il n'y a rien, tu cherches un autre programme, puis ça finit là.

Ce n'est pas valorisant, puis c'est ça. Moi, je pense qu'il faut que ce soit sur une base volontaire. Quand tu es parent, c'est toute une job, être parent! O.K., on n'est pas obligé de ne faire que ça, mais surtout quand tu es toute seule, tu fais tout. C'est toi qui sors les vidanges, c'est toi qui fais l'épicerie, tu berces ton enfant, tu fais tout, il n'y en a pas, de papa, ou de maman. Ça fait que, s'il faut qu'en plus de ça il faut que tu te casses la tête parce que tu es obligé de choisir entre une pinte de lait puis un billet d'autobus... Frédéric.

M. Bourgeois (Frédéric): Dans une situation un peu comme la mienne, qu'on va dire assez rare, c'est ça que j'amène, aussi, aujourd'hui, ce n'est pas une situation rare, conjoint d'étudiant. Je tiens à dire que je n'ai même pas besoin de sortir du bloc chez nous pour trouver des personnes dans une situation comme la mienne. Puis, au sujet des coupures de 120 $, dans une situation comme la mienne, ça serait moi qui verserais quasiment des prestations à la Sécurité du revenu. Ma prestation est de 140 $; si jamais...

(21 heures)

Une voix: Vous avez 140 $ pour vivre?

M. Bourgeois (Frédéric): Oui, c'est ça.

Mme Loiselle: O.K.

M. Bourgeois (Frédéric): À 140 $ pour vivre, ça veut dire que, si jamais j'ai une offre de parcours que je refuse, c'est moi qui vais verser...

Mme Loiselle: Oui. Ha, ha, ha!

M. Bourgeois (Frédéric): ...des prestations...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Tu vas devoir 10 $...

M. Bourgeois (Frédéric): ...à la Sécurité du revenu, tu sais...

Mme Loiselle: Ha, ha, ha!

M. Bourgeois (Frédéric): ...parce que le projet de vie que j'ai, qui me tient à coeur et où je suis comme déjà bien démarré, disons, même que c'est la fin, lui, c'est qu'il n'est pas reconnu. Je ne suis pas capable de faire reconnaître mon projet de vie, ce qui m'amène une grosse pénalité. Et si je regarde quelqu'un dans ma situation, qui est plus tard, j'ai un petit peu peur pour lui, parce que je ne vois pas que les choses s'améliorent à ce niveau-là. Je pense que, vu qu'on est présentement en commission parlementaire, ça serait des choses à regarder, parce qu'il n'y a comme pas de porte de sortie pour quelqu'un qui est dans une situation comme la mienne. Même si je vais en appel, même si je vais au maximum, je ne peux pas régler ce problème-là.

Je pense qu'une personne qui va vivre quelque chose comme moi devrait avoir une ressource. Au moment où on le vit: Bon, bien, là, ça ne fitte pas, qu'est-ce que je vis. Bon, bien, on peut faire quelque chose, on peut trouver une solution. Et c'est cet appui-là que j'ai trouvé difficile, pour quelqu'un qui n'aura pas nécessairement le caractère et la force de se rendre jusqu'à, par exemple, faire vérifier son dossier par la ministre. Ce n'est pas tous les jeunes qui vont se rendre là. La plupart vont se rendre à dire: Bon, bien, là, ils ne veulent rien savoir, je vais me déclarer comme ne plus vivre avec ma conjointe et je vais vivre quand même avec; je vais aller sur le marché noir en même temps qu'aller aux études, je vais me trouver une job sur le marché noir, c'est possible aujourd'hui; ou, au pire, je vais me rendre jusqu'au vol, tu sais, je vais me rendre jusqu'au crime. Je pense que, d'améliorer un point comme, ça serait comme empêcher ce genre d'actes. C'est tout ce que j'avais à dire.

Mme Loiselle: Peut-être dans la même ligne, Frédéric, tu viens de parler qu'il y avait peut-être des jeunes qui iraient jusqu'au vol. Ce matin, en échangeant avec des groupes, on parlait des conséquences que pourraient avoir le caractère obligatoire et les pénalités chez les jeunes, que, finalement, ça pourrait mener à la démotivation, mais à une démotivation telle que ça peut les amener au décrochage, à la délinquance, à l'itinérance. Vous qui travaillez auprès des jeunes, j'aimerais vous entendre sur ça.

M. Gagné (Serge): Je dirais: Une simple lettre, madame, fait ça.

Mme Loiselle: Une simple quoi?

M. Gagné (Serge): Une simple lettre; la lettre qui dit: Tu as dépassé 10 % d'absences. Une simple lettre. On ne parle pas encore d'une coupure, là.

Mme Loiselle: Oui.

M. Gagné (Serge): Une simple lettre, là, ils arrivent dans le bureau et ils sont à terre. Ce n'est pas compliqué, c'est à terre, parce qu'ils se font écrire. Et ils se font écrire et ils se font comme dire: Ce n'est pas beau, tu as fait de quoi de pas beau. Mais là c'est la révolte, ils veulent tout défaire. Ce n'est même pas le contenu. Je veux dire, les personnes, souvent, ils la déchirent, ils ne l'ont plus. C'est comme une espèce de mépris qu'ils ressentent à l'intérieur, ça vient les chercher. C'est pour ça que c'est... Alors, quand vous parlez de... Et d'ailleurs, notre mémoire, je vous le disais, quand on voyait que l'allocation disparaissait, quand tu vois une disparition aussi de 120 $, ou, comme il le disait tantôt, de 120 $ dans 620 $ ou 120 $ dans 500 $, ça ne se peut pas. Tous les gens se révoltent, à 5 %, 6 %, là, tout le monde se demande ce qu'il va faire avec 5 % de moins de salaire. Et, ce monde-là, on frappe dedans à coups de 120 $ et à coups de 150 $. Ça ne se peut pas, ça. Alors, il faut voir les conséquences de tout ça. C'est-à-dire, c'est les émotions qui remontent et c'est le projet qui tombe à terre.

Alors, c'est pour ça que je dis: Moi, je ne veux pas dire: Bravo, le fonctionnaire de la commission scolaire. C'est la pointe de l'iceberg, ce que je ramasse. C'est ça que je veux qu'on comprenne, parce que, si lui, il a eu la chance qu'on se croise, tant mieux, mais ceux qui ne nous croisent pas ou qui ne me croisent pas, là, comment va-t-on régler ça? Comment est-ce que le milieu va être associé pour faire en sorte que la personne ait le droit d'en appeler au bon sens?

C'est de ça dont il s'agit, et la même chose pour Frédéric, ici.

Quand même son dossier serait réglé dans les hautes instances, il est un parmi 1 000 autres, parce qu'il est considéré conjoint à l'aide sociale et, aux prêts et bourses, il n'est pas considéré comme conjoint. Ça fait qu'il se ramasse que c'est ses futurs beaux-parents – parce qu'il n'est pas marié – qui devraient le faire vivre; c'est pour ça qu'il a 140 $. Et dans le même gouvernement avec deux ministères différents! Comment voulez-vous qu'il vive ça? Et, comme il le dit, ses valeurs, lui, c'est l'honnêteté, c'est l'intégrité. Quand ça tombe sur des gens qui ont les valeurs un peu plus maganées, bien, ils se disent: Ils ont l'air à être comme moi, eux autres, ils me font filer de cette façon-là. C'est comme ça que ça vient, 140 $ par mois, si vous ne connaissez pas sa situation, vous regarderez, il y a plein de monde qui le savent. C'est une aberration!

Deuxièmement, il n'est pas admissible au rattrapage scolaire, et il est en train de finir de peine et de misère, avec 140 $, à payer ses livres lui-même, parce qu'il n'est pas admissible au Rattrapage scolaire parce que ça ne faisait pas 24 mois qu'il était à l'aide sociale. Ça fait que, là, on peut bien me dire que ça va se régler dans les prochains mois, mais ça prendrait des méchants virages un peu partout. Je ne sais pas comment les gens vont se transformer non plus, tous ces fonctionnaires-là, tous les gens qui appliquent toutes les normes. Les normes, ça tue. Ce n'est pas le discours qui n'est pas correct, c'est les normes. C'est normé au maximum, et ça m'étonnerait, en tout cas, si ça ne le sera plus, bien bravo!

En tout cas, là-dessus, il va falloir rester connecté avec le milieu et se faire parler par les jeunes eux-mêmes, parce que tout le monde parle en leur nom, et tout le monde décide pour eux autres et ils frappent. Mais c'est à eux autres qu'il faudrait donner la parole, parce que, vous voyez, on a tout ce qu'il faut pour construire quelque chose avec ce monde-là. C'est ça qu'il faut faire. Il faut donner un coup de barre, comme on en donne dans des multinationales et qu'on en donne dans des grosses affaires. Il faut donner un coup de barre avec les jeunes, créer de l'espoir. Ils sont capables d'en avoir, parce que, quand on les accueille et qu'on a une relation d'égal à égal et de confiance, les personnes, elles ouvrent et repartent stimulées, ou elles repartent motivées, et elles le font entre eux autres dans le milieu communautaire. Alors, il faut renforcer le milieu communautaire. C'est là que l'entraide est.

Mme Loiselle: Vous parlez au niveau – parce que le temps file – pour combler les besoins essentiels, vous parlez des gains admissibles et vous suggérez d'y aller sur une base annuelle au lieu de mensuelle. J'aimerais vous entendre davantage sur ça, parce que vous êtes le premier à nous suggérer ça.

M. Gagné (Serge): C'est pour donner un élan, en tout cas, de ce qu'on voit. On n'est pas des spécialistes de la fiscalité ni rien de ça, mais, ce qu'on pense et qu'on dit – on connaît un peu le programme APPORT, on a échangé là-dessus – les gens sont vus sur une base de 12 mois, et ils sont déjà travailleurs autonomes reconnus. Bon, il y a quelque chose qui est vu sur leur revenu annuel, comme l'impôt le fait, comme tout le monde le fait. Mais pourquoi le coup de barre ne se ferait pas aussi pour faire le passage pour devenir travailleuse et travailleur et arrêter de se faire scruter au mois? parce qu'il n'y a personne qui va créer une entreprise, tout le monde le sait, qu'elle soit micro, petite, petite ou grosse, ça ne se fait pas en un mois. Et pour donner un élan là-dessus, il faut vraiment aider la personne à se projeter sur un peu plus qu'un mois, et d'arrêter aussi de la regarder mois par mois et de regarder une moyenne annuelle et d'avoir des incitations fiscales. Je ne le sais pas, je l'ai dit, on n'est pas des spécialistes, mais d'essayer de se faire considérer comme tous les autres travailleuses et travailleurs de la société, et les travailleurs à faibles revenus aussi, sur une base de 12 mois, et se donner de la perspective pour que les gens osent faire le saut et osent continuer leur créativité, parce qu'ils se sentent accotés. Ça ne sera pas une perte pour la société, ça, même si ça se traduisait en subventions ou en gains ou que vous faites en sorte que la personne ne paiera pas d'impôt cette année-là.

À côté de tous les avantages fiscaux qu'on peut connaître pour les riches, bien, ça ne sera pas une grosse affaire, ça, mais ça aurait un satané effet, parce qu'on parle du communautaire, on parle de gens qui sont dans l'entraide présentement, mais ils vont être dans l'entraide quand ils vont participer ensemble au développement économique aussi. Ils vont être encore dans l'entraide. Ça va donner des projets. Ça va donner de l'espoir. Ça va donner du développement local et ça va donner un sens d'interdépendance comme ils ont déjà.

Mme Loiselle: O.K. Un dernier point. Est-ce que j'ai le temps? Oui. Vous avez une suggestion au niveau du comité des usagers pour le droit d'appel, pour les gens. Cet après-midi, il y a quelqu'un qui nous suggérait, pour le comité des usagers, que des regroupements, dans les territoires de CLE, qui travaillent à la défense des droits des assistés sociaux soient membres du comité des usagers, et à une place aussi très spécifique, dans les CLE et aussi au conseil local des partenaires, avec peut-être la possibilité de financement, parce qu'on sait que les organismes ont de la difficulté au niveau du financement, j'aimerais connaître votre avis sur ça, si vous seriez enclin à aller dans ce sens-là, vous aussi?

M. Gagné (Serge): Certainement, parce qu'on parle de groupes du milieu qui ont déjà une expertise, qui font de la défense de droits depuis des années et des années, et ça serait fou de les écarter, et peut-être que ça transformerait aussi juste l'aspect défensif en un aspect aussi de penser d'encourager des parcours, d'encourager des gens à être proactifs, quoi, d'aller vers ça. Nous autres, on y va dans ce sens-là. Mais il faut entendre les gens qui voient des gens et, en même temps, il faut des mécanismes simples. Comme je vous le dis, moi, je suis juste la pointe de l'iceberg, mais il pourrait y avoir quelque chose de très simple pour que la personne puisse aller s'exprimer parce qu'elle a été mal comprise ou mal entendue ou parce qu'elle est tombée sur le mauvais ou la mauvaise conseillère; parce qu'il faut en venir là. C'est comme ça, hein! Si tu tombes sur quelqu'un qui est comme ça, puis quelqu'un qui est comme ça...

(21 h 10)

Je ne crois pas ça, moi, que tout le monde va être tous unis d'un même coeur demain matin. Ça fait qu'il faut que ces gens-là aient la chance de parler à plus qu'une personne. On parle déjà, ils vous le disent, la relation de confiance est déjà difficile, alors il faut la rétablir dans une médiation, je dirais, à partir du projet de vie de la personne, à partir du parcours, un mécanisme simple, mais en même temps savoir aussi entendre le milieu, je ne sais pas, le conseil des partenaires, puis avec tous les groupes qui travaillent avec des gens, c'est sûr, parce que chacun a une partie de la solution. Il ne faut pas que... Il n'y a personne qui doit avoir la prétention de tout savoir à ce niveau-là, mais il me semble qu'il faut mettre à contribution tout ce qui bouge et faire bouger le Québec en même temps, hein.

Mme Loiselle: J'imagine que vous adhérez aussi à la proposition qui nous a été faite d'avoir une place spécifique pour les jeunes au sein du conseil local des partenaires, mais pour les jeunes?

M. Gagné (Serge): Voulez-vous vous exprimer là-dessus? Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ha, ha, ha! Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, je vous remercie et je me permets de vous dire, Barbara, Frédéric, Steeve, Nathalie, que vous êtes des belles et beaux jeunes. Demeurez ce que vous êtes puis ne lâchez pas! Puis des Serge, je sais qu'il y en a ailleurs, mais bon sang qu'on en prendrait encore plus que ça! Merci. J'invite maintenant les représentants de l'Association des juristes en droit...

Des voix: Bravo!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite les représentants de l'Association des juristes en droit social à se présenter. À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Celles et ceux qui doivent quitter, j'apprécierais que vous nous permettiez de continuer le plus rapidement possible. Et, Me Galipeau c'est vous qui commencez, je pense? Non, c'est...

Mme Galipeau (Johanne): Non, c'est ma consoeur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Me Cousineau.

Mme Galipeau (Johanne): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, si vous voulez vous présenter, et la dame qui vous accompagne, de façon à ce que l'enregistrement soit fait, et procéder à vos 20 minutes.


Association des juristes en droit social (AJDS)

Mme Cousineau (Claude): Merci. Je suis Claude Cousineau, ma consoeur est Johanne Galipeau, nous représentons l'Association des juristes en droit social.

C'est une jeune association, elle a été formellement fondée cet automne, plus tôt, à l'occasion de la lutte sur la réforme de l'aide juridique. Mais, ayant parmi nos membres des avocats travaillant particulièrement sur la problématique de la sécurité du revenu, nous avons jugé intéressant, important et opportun de vous faire part des quelques réflexions que la lecture du livre vert soulevait chez nos membres.

On n'est pas les seuls, je suppose, qui ont questionné les délais pour présenter un mémoire, les délais pour lire le volumineux livre vert et la documentation qui l'accompagne. On ne doit pas être les seuls non plus à se poser des questions sur la présente commission parlementaire, au moment où il y a des projets de loi: le projet de loi n° 84, des projets de règlement qui sont déposés, qui laissent soupçonner substantiellement des modifications importantes à la loi actuelle qui iraient dans le sens du projet qui est présenté par le livre vert. En tout cas, nous ne vous cacherons pas qu'on s'interroge des fois sur, effectivement, je dirais, le processus qui est utilisé.

L'aide sociale a déjà été un droit, ça a déjà été un droit, au Québec, que toute personne n'était pas obligée de mourir de faim, que le Québec ne permettrait à personne d'être obligé de vivre dans l'itinérance, de ne pas pouvoir se nourrir, ne pas pouvoir nourrir sa famille.

Un glissement s'est fait en 1988, 1989, avec La loi sur la sécurité du revenu. On a modifié ce droit à une couverture sociale pour en faire tranquillement un privilège. Depuis 1989, 1990, une personne peut ne pas avoir de revenus, ne pas avoir de moyen, ne pas avoir de logement et être, par ailleurs, inadmissible à la sécurité du revenu. Inadmissible pour des raisons de statut, inadmissible pour des raisons de choix de vie, pour des raisons économiques qui peuvent dater de deux années, mais, concrètement, les gens qu'on voit rentrer dans nos bureaux, c'est des gens qui sont à la maison Bonneau, à La Maison du père, qui n'ont pas de revenus et qui n'auront pas de revenus.

Nous questionnons l'annexe 12, que vous retrouvez à la dernière page du livre vert. C'est questionnant de savoir que, pour le ministère de la Sécurité du revenu, le budget minimaliste de survie d'une personne tranche à 667 $ par mois et que, je dirais, du même souffle, on considère correct d'imaginer verser 500 $ par mois pour la majorité des personnes.

Nous tenons à signaler quelques incongruités dans l'établissement de ce budget minimaliste. Toute personne venant de la région du Grand Montréal sait qu'une carte d'autobus pour le transport en commun coûte nettement plus cher que les sommes qui sont allouées à ce budget. D'autre part, soulignons que la Loi sur l'assurance-médicaments est en vigueur, pour les prestataires de la sécurité du revenu, depuis le 1er août 1996, et, dans le budget, il ne semble y avoir aucune somme d'allouée pour l'achat de médicaments. Ça nous amène à un constat qu'effectivement de plus en plus nous retrouvons des prestataires qui non seulement ne mangent pas à leur faim, mais qui ne prennent pas les médicaments qui leur sont prescrits.

(21 h 20)

Il est difficile d'aborder le livre vert sans remarquer l'effort admirable qui est fait dans le choix du vocabulaire, dans le choix des mots. Il est questionnant, l'utilisation du vocabulaire pour faire passer d'autres messages. Je m'explique.

La catégorisation d'«inapte» et d'«apte» date de la Loi sur l'aide sociale. Elle a été remplacée, à la Loi sur la sécurité du revenu, par des types de programmes. «Apte» ne fait pas référence à une capacité de travail, mais fait référence à un type de programme qui s'appelait Action positive pour le travail et l'emploi. Je rappelle aux membres de la commission que, dans le programme Action positive pour le travail et l'emploi, il y a une catégorisation de personnes qu'on considère ne pouvant pas travailler, que ça soit pour des raisons de santé, des raisons d'âge, des raisons d'accompagnement de personnes âgées ou ayant des jeunes enfants. Donc, l'utilisation «inapte-apte» est source de confusion mais permet aussi, entre autres, le double langage qui est fort difficile à comprendre à l'aube du XXIe siècle.

Les notions de «bon pauvre», «mauvais pauvre», «pauvre méritant», «pauvre non méritant», je suis nettement trop jeune pour avoir connu particulièrement la charité chrétienne de l'Église, mais j'en sens des relents dans l'utilisation des termes et je la sens, l'utilisation, dans les discours. On va faire attention aux inaptes, les pauvres, les bons pauvres, mais ça permet effectivement de commencer à établir toute sorte de critères, de coupures, de sanctions pour les aptes, parce que, eux, ils peuvent travailler; eux, ce n'est pas des pauvres méritants. C'est un glissement de discours, c'est un glissement de mentalité qui nous semble extrêmement dangereux.

Ça me permet de parler de différentes choses, entre autres, dans le choix des mots. La solidarité, la dignité, l'entraide, c'est des mots qui, en principe, sont pleins de sens. Nous avons de la difficulté à concilier avec des mesures, ou l'absence de mesures. Comment peut-on parler de solidarité et d'entraide quand la première solidarité, de façon très immédiate, veut dire des coupures, veut dire une pénalisation, veut dire une comptabilisation de revenus fictifs? Et là je parle très directement de la coupure du partage de logement. Je pense que je ne suis pas la première à noter que c'était une promesse électorale et préréférendaire, et que nous espérions que le livre vert serait l'occasion... mais je parle aussi de toute la comptabilisation qui est faite dès qu'un membre d'une famille aide un prestataire de la sécurité du revenu. Cette aide-là, cette entraide-là est comptabilisée; nous nous étonnons.

Il existe dans le Code civil une présomption de bonne foi. On présume que nos interlocuteurs sont de bonne foi; on présume qu'ils ne nous mentent pas. Il est désolant que cette présomption n'existe pas dans l'application de la sécurité du revenu. Il n'est pas écrit nulle part, ni dans la Loi sur la sécurité du revenu, ni dans le projet du livre vert, que les prestataires sont de mauvaise foi, sauf qu'il est très clair, dans les relations qui existent entre les prestataires de la sécurité du revenu et des fonctionnaires qui ont à mettre en oeuvre la loi et les règlements, que le prestataire est de mauvaise foi. C'est des exemples qu'on voit couramment au gré de nos dossiers. Une signature d'un employeur sur une cessation d'emploi vaut plus qu'une déclaration assermentée d'un prestataire de la sécurité du revenu.

Je vais laisser ma consoeur continuer et je reviendrai pour la fin.

Mme Galipeau (Johanne): Bonjour. Je vais vous parler particulièrement d'un dossier qui me tient à coeur, et vous allez comprendre pourquoi. J'étais la procureur du Front commun des personnes assistées sociales dans le dossier de M. Lambert, Me Barabé était là pour le demandeur, M. Lambert. Je spécifie Me Barabé parce que c'est du même bureau que Me Cousineau.

Ce qui nous a intéressé particulièrement dans le livre vert est bien entendu tous les parcours individualisés vers la formation et l'emploi. Nous avons fait l'exercice... Le discours, quant à nous, est sensiblement le même que les programmes d'employabilité qui existent à l'heure actuelle en vertu de la loi telle qu'elle existe. Tout ce qui a changé comme vocabulaire, c'est qu'on a changé le mot «intégration» par le mot «insertion».

On parle de qualité d'accompagnement, dans le livre vert, et, bon, on mise beaucoup sur la qualité d'accompagnement lors de la conception et lors du suivi de l'accompagnement du parcours individualisé de l'emploi. Je pose une question au gouvernement: De quelle façon va-t-on assurer financièrement ce suivi-là? Il est démontré qu'à l'heure actuelle les agents, tant dans les centres Travail-Québec, que ce soient les agents qui sont à l'attribution d'aide que les agents d'employabilité spécialement formés, manquent de ressources, il y a un manque flagrant de suivi. De quelle façon va-t-on nous assurer... Ça nous questionne, ça nous inquiète, on s'interroge. On parle beaucoup, dans le livre vert, de formation, stages, alternance stages-formation ou apprentissage, un mot inquiétant. Bon, on a connu les stages en milieu de travail, il y a eu des études qui ont été faites. Je vous réfère, entre autres, à une qui avait été faite par le Syndicat de la fonction publique du Québec – on peut dire qu'ils sont partisans et qu'ils prêchaient pour leur paroisse – mais on avait démontré clairement la qualité des stages dans la fonction publique québécoise.

On nous ramène le mot «apprentissage». Lorsque j'ai entendu M. Jean-Pierre Sénécal, qui était le directeur des programmes – j'espère qu'il l'est toujours, pour lui! – d'employabilité pour le ministère lors de l'audition dans le dossier de M. Lambert, on nous parlait exactement, et je vous le répète mot à mot, c'est une copie des cassettes d'enregistrement, et vous allez comprendre mon inquiétude: «Ce qu'il ne faut pas sous-estimer, en termes de formation, c'est tout le réapprentissage du travail au sein de l'entreprise.» Il nous parlait, là, d'apprentissage. Il nous disait aussi: «L'éloignement du marché du travail peut se traduire par une perte d'habitudes de travail.» L'exemple qu'il donnait: Se lever le matin, respecter un horaire de travail. «L'éloignement peut se traduire aussi par une perte de compréhension de la culture d'entreprise.» Qu'est-ce que la culture d'entreprise? Respecter un employeur, obéir lorsqu'on lui donne des ordres. C'est sensiblement le même discours.

On parle aussi, dans le livre vert, d'éloignement du marché du travail, d'apprentissage, qui semble être un mot de plus en plus à la mode, et ça nous inquiète. Pour ceux et celles qui n'ont pas suivi le dossier Lambert, entre autres, le Tribunal des droits de la personne a décrété que le fait de ne pas payer M. Lambert selon les normes minimales de travail parce qu'il était prestataire de la sécurité du revenu, alors qu'il était un salarié et qu'il effectuait un travail, était discriminatoire, parce que ça ne constituait pas aussi des conditions justes de travail. Nous sommes inquiets parce que, madame, dans le livre vert, on nous parle de véritable statut de travailleur, que les personnes qui vont participer dans les parcours individualisés vont avoir un véritable statut de travailleur. Cependant, nous sommes inquiets, parce qu'on fera remarquer au gouvernement que le projet de loi n° 115, qui abolissait, justement, l'article ou l'alinéa de l'article 24 de la Loi sur la sécurité du revenu, qui abolissait cet article-là qui disait, justement, entre autres, là, que les normes du travail ne s'appliquaient pas aux prestataires de la sécurité du revenu, on a voté, le 15 décembre 1995, un article qui abolissait cette partie de la loi que le Tribunal des droits de la personne a jugée discriminatoire.

On attend toujours sa mise en vigueur. On nous rassure en disant que non, non, non, plus jamais ce genre de situation là ne se reproduira. Je veux bien, je veux bien croire, sauf qu'en même temps qu'on nous rassure... Mme Harel, lors de deux entrevues suite au jugement dans le dossier Lambert, nous dit qu'elle était très favorable à cette décision-là et que, non, le problème serait réglé avec la réforme, le livre vert, ne vous inquiétez pas, et le gouvernement a porté cette cause-là en appel. Je ne comprends pas! Il semble y avoir quelques contradictions dans le discours, d'où nos inquiétudes. Et, ce qu'on dit dans notre mémoire, on vous assure de notre vigilance à ce sujet-là.

(21 h 30)

On parle beaucoup des pénalités, c'est un autre sujet qui nous inquiète, qui nous préoccupe particulièrement. Je peux vous donner quelques exemples. Il y a deux semaines, dans mon bureau, j'ai un prestataire qui est venu me rencontrer, puis on le pénalisait, on réduisait son chèque de 150 $ par mois parce qu'il n'avait pas pu se présenter à son entrevue pour communiquer ses démarches d'emploi. Il avait téléphoné à son agent d'employabilité – et je parle d'agent d'employabilité! – pour lui dire qu'il avait une entrevue pour un emploi, qu'il était prêt à y aller le lendemain, 8 h 30, à l'ouverture du bureau. Le lendemain matin, il était là, à 8 h 30, à l'ouverture du bureau. On le pénalise de 150 $.

J'ai appelé l'agent d'employabilité. Il m'a dit qu'il n'avait pas le choix. Puis là j'ai dit: Est-ce que... Il m'a confirmé ce que mon client m'avait dit, que, oui, il avait appelé, que, oui, oui... Il n'avait pas le choix... L'ordinateur. Il semblerait que le système informatique est rendu plus intelligent, ou moins intelligent, en tout cas, que les agents! Et ça, c'est un exemple d'abus.

J'ai une autre madame à qui on a demandé... Elle a 43 ans, elle n'a jamais été sur le marché de l'emploi. On lui a demandé 15 recherches d'emploi par semaine. Elle n'a jamais fait ça de sa vie. Elle est arrivée en pleurant dans mon bureau.

Ces quelques exemples d'application... La pénalité, attention, elle s'applique immédiatement. Allez en révision! Quand on connaît les délais de révision, et... En tout cas, je vais parler de la région de Montréal, le 30 jours est loin d'être respecté, c'est long, puis c'est un 150 $... Les jeunes qui étaient ici tantôt en ont parlé, et c'est vrai dans toutes les situations. C'est de la nourriture, c'est des besoins essentiels qui ne sont plus couverts.

Des cas d'abus, on pourrait... Ou d'exemples d'arbitraires ou d'abus par rapport à des programmes d'employabilité, on pourrait en citer plusieurs... De pénalités qui ont été rétablies, enlevées par la suite, là. Il y en a plusieurs. Ce qui nous inquiète aussi, c'est qu'on ne parle pas du pouvoir de contester les fameux parcours individualisés. C'est encore laissé au pouvoir discrétionnaire du ministre, de la ministre. C'est bien sympathique dans la loi, mais, en pratique, on sait que c'est un agent.

Et je trouve important qu'il y ait un processus avant qu'il soit trop tard, avant que la personne soit pénalisée. Si la personne n'est pas d'accord avec ce qu'on lui offre, pour une raison ou une autre, qu'elle puisse le contester avant de se voir imposer une pénalité.

Mme Cousineau (Claude): On va vous parler d'un autre problème. Toute la nouveauté... Trois minutes, certainement. Vous allez voir comme je suis capable de parler vite.

La nouveauté dans le traitement de la notion du logement. La facture logement. Je tiens juste à vous rappeler, là... C'est facile à faire, dans le budget, à la fameuse annexe 12, on dit: «325 $ est alloué pour le logement». C'est 52 % de la somme des besoins prévus, de 667 $. C'est questionnant, de toute façon, de se dire que 52 % des revenus sont alloués au logement, mais, quand on sait que la prestation de base va être de 500 $, là on tombe à 62 %. On vient d'augmenter la portion de la facture.

Est-ce que je peux vous rappeler que le Code de procédure civile a dit ce qui était saisissable et a dit ce qui n'était pas saisissable? Et, concrètement, il y a 519,96 $ qui sont insaisissables, c'est le 120 $ par personne, pour une personne seule, et, par la suite, toute somme excédentaire de ce 519,96 $ est insaisissable dans une portion de trois dixièmes. Nous dire que, sur une ordonnance de la Régie du logement, 325 $, c'est-à-dire 62 % de la prestation pour combler l'ensemble des besoins de base des personnes... En tout cas, on est loin des règles du Code civil. Est-ce qu'on se retrouve dans un objet de droit distinct pour les prestataires de la sécurité du revenu? En tout cas, ça vaudrait peut-être la peine de le relire à la lumière des chartes.

L'autre chose aussi – et c'est le danger et pas le moindre – ouvrir la porte à une saisissabilité d'un chèque réputé insaisissable pour la portion logement, c'est ouvrir la porte, de toute façon, pour à peu près tous les autres créanciers des prestataires de la sécurité du revenu. Quand vous vivez avec 500 $ par mois, c'est clair que vos dettes, c'est toutes des dettes urgentes puis c'est toutes des dettes de nature alimentaire ou pour des besoins essentiels. Pourquoi Légaré, à Montréal, ne serait pas justifié de réclamer lui aussi sa portion saisissable d'un chèque réputé insaisissable, puisqu'on le fait pour des propriétaires à titre privé? On le fait déjà, de toute façon, pour Hydro-Québec à titre public.

Il nous semble dangereux de lever, en théorie et dans la pratique, l'insaisissabilité de la sécurité du revenu. Quant au règlement préautorisé, doit-on rappeler aux membres de la commission qu'on a fait toutes sortes de lois de protection quand on considérait qu'il y avait des iniquités sociales dans les rapports de force? La loi de la protection du consommateur est très claire, on a dit: effectivement, le pouvoir de négocier d'un consommateur n'est peut-être pas tout à fait aussi équilibré que le pouvoir de négocier d'un commerçant. Il est très clair que le paiement pré-autorisé vient de faire basculer. Un prestataire de la sécurité du revenu a très peu de pouvoir de négociation quand vient le temps de se louer un appartement. Doit-on rappeler à la commission que le bassin locatif n'est pas le même pour un prestataire de la sécurité du revenu, logement nettement moins salubre, moins isolé, etc., une exigence d'avoir un endosseur, même si ça permet à un agent de la sécurité du revenu de faire des présomptions de vie maritale suite à cette signature. Le règlement pré-autorisé nous semble très clair, ça va devenir une condition sine qua non pour qu'un prestataire puisse signer un bail, puisse avoir un logement; c'est encore un régime de droit particulier pour les prestataires de la sécurité du revenu.

Quant à la question de la légitimité du gouvernement, etc., je n'ai plus de temps et je pense que le mémoire dit bien ce qu'il a à dire. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Bonsoir, mesdames. Bon, écoutez, il y a plusieurs des remarques que vous faites dans votre mémoire qui rejoignent certaines représentations qui ont été faites concernant un certain nombre de mesures qui sont contenues dans le livre vert, mais j'avoue qu'il y a un certain nombre de choses qui, vraiment, sont assez frappantes, de votre part, que je voudrais vous entendre parler de ça un petit peu plus longuement. Parce qu'une des choses que vous questionnez, et puis je ne sais pas si c'est parce que vous l'avez saisie différemment que d'autres, c'est lorsque vous faites référence au fait qu'on va diriger, au fond, toutes les personnes qui sont sans travail, peu importe qu'elles aient le statut d'assistées sociales ou qu'elles soient en chômage, reconnues officiellement en chômage, ou encore en recherche d'emploi, vis-à-vis, évidemment, des nouveaux centres d'emploi, vous dites que c'est des services différents des autres citoyens et des citoyennes du Québec. Ça, c'est à la page 6 de votre mémoire. Mais, justement, ce n'est pas des services différents, puisque ce sont effectivement de nouvelles structures de service qu'on met en place, les CLE, mais tous les autres citoyens en recherche d'emploi, ce qui n'est pas le cas actuellement, parce qu'actuellement il y a, justement, séparation. Les personnes assistées sociales d'un côté, ceux qui sont sur le chômage d'un autre. Au contraire! Le livre vert dit: on ne fera plus de distinction. Les gens qui sont en recherche d'emploi, qui veulent avoir un emploi, on ne fera plus de distinction selon leur statut et on va tous les traiter de la même façon, au niveau de cette nouvelle structure qui sera plus proche effectivement des communautés, enfin, des localités. Alors, ça, je trouve ça un peu étonnant.

Une autre remarque que vous faites dans votre mémoire qui m'interroge aussi, parce que, encore là, je n'ai pas vu cette remarque être faite par d'autres groupes qui sont venus ici se faire entendre. Évidemment, vous faites référence, aux pages 4 et 5 de votre mémoire, je pense que c'est là, en tout cas, c'est l'allocation unifiée pour enfant. Enfin, vous faites référence à la politique familiale, au projet de politique familiale qui a été annoncé il y a quelques semaines, où effectivement il y a une proposition d'allocation unifiée. Encore une fois, l'allocation unifiée concerne toutes les familles au Québec, peu importe leur statut, qu'elles soient des familles assistées sociales ou des familles à faibles revenus ou à moyens revenus, et on tente de répondre par cette allocation unifiée en disant: il faut absolument répondre aux besoins essentiels des enfants. C'est une chose, dans la société, peu importe le statut du parent. Et là vous questionnez ça. Au contraire, vous percevez cette mesure comme étant méprisante à l'égard de leurs parents. Vous dites que ça pourrait, au fond, vouloir dire que les parents n'ont pas... signifier que les parents assistés sociaux ne peuvent pas assumer les besoins de leurs enfants, si je vous lis bien, là.

(21 h 40)

D'abord, je voudrais vous dire que l'allocation unifiée pour besoins essentiels, ce n'est pas juste pour les parents qui sont sur l'aide sociale, c'est aussi pour ceux qui sont au travail et qui ont des revenus peut-être plus modestes. Donc, ça m'amène donc à me demander, dans votre mémoire – et je le dis sans mépris du tout – Est-ce qu'il y a un certain nombre de choses, peut-être, qui ont été mal comprises de votre part? Parce que ce n'est pas du tout... Au contraire, l'intention – et il peut y avoir effectivement un certain nombre de choses qui sont à corriger, qui sont à améliorer, à préciser – il y a certainement une intention qui est réelle et qui revient constamment dans le livre vert, c'est justement d'arrêter de faire cette distinction, cette séparation dont fait l'objet le groupe des assistés sociaux, qui – et vous le dites, je pense – dans bien des cas, veulent se trouver du travail, sont en recherche de travail.

C'est vrai, je veux dire, personne ici ne va vous dire qu'il n'y a pas un problème de volume d'emplois au Québec; nous savons qu'il y a un problème de volume d'emplois et qu'il faut s'y adresser de façon, oui, agressive, mais que, malgré cela, il reste qu'il y a aussi des problèmes d'adaptation, au fond, de la main-d'oeuvre, de permettre aux gens qui veulent pouvoir travailler d'avoir tous les moyens à leur disposition pour pouvoir le faire, pour pouvoir se donner les outils, au fond, de pouvoir éventuellement occuper des emplois.

Là, il y a un objectif qui est là, et le parcours individualisé... je ne vous ai pas tellement entendu parler du parcours individualisé, mais dans le sens où le parcours individualisé est une approche nouvelle. Il y a... Bon, vous avez parlé, je pense, beaucoup dans votre mémoire des différentes mesures, que vous contestez; vous n'êtes pas les seuls à être venus dire: Bon, on questionne ceci, on questionne cela. Mais, de l'approche qui est de dire: On prend une personne et, au lieu que ça soit un ensemble de programmes ou de normes d'employabilité applicables à des grands groupes, comme ça s'est fait jusqu'à maintenant, c'est que l'approche...

Il y a eu un groupe ici – peut-être étiez-vous ici cet après-midi – le RESO, qui est un groupe assez bien connu, qui, au fond, a été un des premiers à développer cette approche-là en milieu communautaire. Ça ne sera pas la première fois, au niveau des services publics, au niveau d'un gouvernement, que, oui, on s'inspire et on trouve que ce qui a été initié par le milieu communautaire, dans les communautés, au fond, répond aux vrais besoins et qu'on le reprenne. L'origine des CLSC: les CLSC tirent leur origine des cliniques populaires qui avaient été mises sur pied à l'époque dans les quartiers populaires.

Et il y a d'autres exemples comme ça, et c'est justement à partir de ces approches, comme celle que RESO a faite, que, au fond, on se rend compte, au constat d'échec des mesures d'employabilité, qu'il faut avoir une autre approche. Et l'approche, c'est le parcours individualisé, c'est de dire: Qu'est-ce qu'il faut à cet individu-là pour pouvoir réussir, au fond? Alors... Mais je voudrais vous entendre sur les deux premières remarques que j'ai faites.

Mme Cousineau (Claude): Bon. Je vais commencer en faisant une précision: Me Galipeau travaille dans Pointe-Saint-Charles...

Mme Simard: Pardon?

Mme Cousineau (Claude): Me Galipeau travaille dans Pointe-Saint-Charles...

Mme Simard: Ah, bon. Excusez-moi.

Mme Cousineau (Claude): ...et je travaille dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Je pense qu'on connaît effectivement l'initiative et l'enthousiasme des groupes communautaires, nous travaillons étroitement avec eux.

Quant à l'étonnement que vous avez qu'on dise que les CLE, en tout cas, ne nous semblent pas nécessairement le moyen idéal pour cesser la discrimination, je vous dirais que les CLE, ça va être une identification. Il va y avoir effectivement une identification de lieu précis pour l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise. Je suis tout à fait d'accord avec ça. C'est fort plaisant. Sauf que, à même le livre vert, ce qu'on m'indique, c'est que le parcours individualisé n'est pas offert à tout le monde. Il n'est même pas offert à tous les prestataires de la sécurité du revenu, si on y va par là. On commence par la population des jeunes, 18 à 24 ans; par la suite, on l'adresse particulièrement aux chefs de famille monoparentale et, dans un troisième temps, au gré des disponibilités budgétaires, elles pourront être offertes à d'autres catégories de prestataires de la sécurité du revenu.

On ne me parle pas encore des chômeurs. On ne me parle pas des étudiants, à moins que là il y ait des paragraphes qu'on n'ait pas placés dans mon volume. Ce qu'on dit, nous, c'est que la discrimination cachée, la discrimination dans une salle d'attente n'est pas moins pénible à vivre que le fait que vous l'ayez sur le coin de la rue. Le fait que vous soyez dans un même immeuble est fort intéressant; effectivement, il n'y a personne qui va pouvoir s'installer sur le coin de Sainte-Catherine et dire: Parce que vous rentrez au 3890, vous êtes un prestataire de la sécurité du revenu. Sauf que les services à l'intérieur semblent être catégorisés par d'où vous venez, et c'est ça qu'on questionne.

L'autre chose que je vous dirais, les PIF, on ne peut pas être contre, parce que, de toute façon, on en a aussi dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Je vais vous donner un exemple. Je ne suis pas une très vieille avocate, ça fait sept ans que je pratique en sécurité du revenu particulièrement. Les mesures de développement d'employabilité que vous nous dites si différentes du parcours individualisé en insertion, formation et emploi, je me souviens d'une époque où il y avait des agents d'aide socioéconomique et des agents d'employabilité. Je me souviens d'une époque où les agents en employabilité rencontraient le prestataire et établissaient avec lui ce qu'il avait avant d'être à la sécurité du revenu, c'est-à-dire son profil académique, ses expériences de travail, ses expériences communautaires, qu'est-ce que c'était comme personne, la personne qu'il avait devant lui, et établissaient avec lui ce qui serait intéressant pour lui présentement pour développer son employabilité. On appelait ça un plan d'action. Je suis obligée de constater que, depuis maintenant presque quelques années, cet établissement de plan d'action, le prestataire arrive devant un agent, qui est moitié agent d'aide économique et moitié agent en employabilité, et son plan d'action est déjà préparé. Il est informatisé. Tout ce qu'on lui demande, c'est de signer et de noter que, s'il ne suit pas son plan d'action, il va être sanctionné. Il aura une pénalité de 150 $ ou perte de barème, etc.

Donc, je vous dirais que le parcours individualisé en insertion n'est pas si éloigné de ce qui a déjà été pensé, le plan d'action pour les mesures de développement en employabilité. Et c'est ce qu'on dit; on ne sort pas de choses tout à fait distinctes. On dit que ça doit être centré sur les besoins des personnes. C'est fort louable comme discours. On est tout à fait d'accord. Le seul problème, c'est que, moi, je suis praticienne, et je ne vois pas les bonnes choses de la loi. Habituellement, je vois les gens qui arrivent et qui ont des problèmes avec l'application de la loi, l'application des règlements, et c'est ce qu'on vient vous présenter et vous dire: On trouve ça le fun, les discours, mais, nous, on s'inquiète, par exemple, de voir quelles vont être les applications pratiques.

Mme Simard: Sur l'allocation unifiée...

Mme Cousineau (Claude): C'est Mme Galipeau qui va en parler.

Mme Galipeau (Johanne): Oui, simplement pour terminer sur le PIF, tout le monde est pour la vertu, on ne doute pas des bonnes intentions, je ne répéterai pas ce que Me Cousineau vient de dire, quant à nous, c'est des mesures de développement en employabilité améliorées, avec un nouveau vocabulaire. On est d'accord avec l'approche qui est développée par le livre vert. Ce qui nous inquiète, c'est qu'on n'a aucune garantie; et, malheureusement, jusqu'à présent, on a reçu beaucoup de bonnes paroles, on nous a rassurés beaucoup en paroles, mais il n'y a rien qui a été fait.

Lorsque je parlais du projet de loi n° 115 qui a été adopté au mois de décembre, j'attends qu'il soit mis en vigueur, moi, cet article-là. C'est l'abrogation de l'article mis en vigueur. En tout cas, que cet article-là disparaisse; ça fait un peu drôle, là, dit comme ça, mais j'attends! Prouvez-moi que vous êtes de bonne foi. On nous dit: On est favorables, on est favorables, on est favorables, mais on va en appel. Je questionne, je suis sur mes gardes, je suis vigilante. Je suis d'accord avec le parcours tel que défini, sauf que, bon, il y a la question, et ça, on n'élaborera pas là-dessus, je me demande où le gouvernement va trouver les budgets pour. Des emplois, il n'y en aura pas beaucoup plus demain matin.

Pour ce qui est de l'allocation unifiée, j'ai sauté cette partie de la présentation tantôt parce que je voyais le temps s'écouler. Sans avoir de montre, je me doutais que les 20 minutes étaient pour s'achever. Le livre vert nous parle beaucoup des problèmes engendrés par la pauvreté: la pauvreté des enfants, les troubles d'apprentissage, de délinquance, de décrochage scolaire, et la réponse est – entre autres, je sais qu'on est revenus en arrière, là, sur la perte du barème de non-disponibilité pour les familles monoparentales ayant des enfants de moins de six ans et l'allocation unifiée en disant – Solution miracle!

Je suis tout à fait d'accord et favorable. Ça fait longtemps que je le pense, ça fait longtemps que je le dis. Pour les travailleurs à faibles revenus, il commence à être temps qu'on les aide un peu, eux autres aussi, sauf que ça se traduit, pratico-pratique, par une baisse de revenus, des prestations.

(21 h 50)

Les prestataires de la sécurité du revenu, il y a un tableau, là, à la toute fin, où on compare, en prenant pour acquis que la personne travaille et qu'elle peut avoir un certain revenu de travail exclu, ou sans revenu de travail exclu, on compare avec les besoins reconnus à l'annexe du livre vert, ou avec les barèmes, entre les barèmes actuels, c'est-à-dire les barèmes aujourd'hui tels qu'ils s'appliquent, avec les barèmes tels qu'ils s'appliqueront, avec toujours l'exercice, en prenant pour acquis que tout le monde va se trouver du travail, donc vont avoir un revenu de travail qui va leur permettre d'augmenter leurs prestations, et on perd, ces personnes-là perdent.

Lorsqu'on parle du clivage... Il y a un M. McAll, pour répondre en dernier à la question par rapport au mépris que pourraient afficher les parents, M. Christopher McAll, qui est un professeur sociologue à l'Université de Montréal qui a fait une étude qui a d'ailleurs été déposée au gouvernement, en tout cas au ministère de la Main d'oeuvre, de la Sécurité du revenu, sur les principaux obstacles à la réinsertion, et, bon, il parlait beaucoup de l'étiquette dont les prestataires de la sécurité du revenu ne peuvent pas se débarrasser, peu importe où ils vont dans la vie, mais il parlait aussi de la relation avec leurs enfants, du mépris des enfants lorsqu'ils vieillissent, pas lorsqu'ils sont tout petits, il ne voit pas vraiment une différence, mais lorsqu'ils vieillissent. Il parlait du mépris que souvent les enfants ou les adolescents développaient à l'égard de leurs parents parce qu'ils étaient prestataires.

Pour nous – et on l'a peut-être dit très maladroitement, là, ça, je suis bien d'accord – le fait de faire deux enveloppes séparées, je vais vous dire, c'est très bon pour les travailleurs à faibles revenus et les autres, mais, pour les prestataires, c'est peut-être donner une image de clivage dans la famille, de deux... que les parents sont plus ou moins aptes ou, en tout cas, c'est... Je n'aime pas cette idée-là de clivage, lorsqu'on parle de prestataires de la sécurité du revenu. Et, surtout, ce que nous n'aimons pas, c'est que ça se traduit par une perte substantielle de revenus pour les prestataires.

Mme Simard: Juste une remarque, là. Vous comprenez bien que l'intention était justement le contraire, de ne pas faire de distinction pour les enfants d'assistés sociaux et les enfants de familles à faibles revenus.

Alors, je ne conteste pas nécessairement ce que vous dites sur la perception que les enfants peuvent avoir, c'est un phénomène qui est, je le pense, inquiétant, comme vous le dites là, mais l'intention était justement le contraire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président, mesdames, bonsoir, bienvenue. À vous écouter, là, quand vous nous parlez que, finalement, le vocabulaire a changé, les mots changent, mais, pour les mesures d'employabilité ou d'insertion, c'est à peu près du pareil au même, finalement, ce que vous disiez tantôt, ce qui nous est présenté puis ce qu'on vit actuellement, ce que le régime actuel offre aux prestataires.

Et, à plusieurs reprises dans votre mémoire, vous parlez de toutes les mesures appauvrissantes, du caractère de la proposition qui est devant nous, gouvernementale, qui est devant nous actuellement. Seriez-vous tentée de dire, quelque part, que, finalement, c'est peut-être une réforme qui est bien maquillée mais qui se veut, en bout de piste, une façon pour le gouvernement de diminuer ses dépenses?

Mme Galipeau (Johanne): Je serais très tentée, personnellement. Ha, ha, ha!

Mme Cousineau (Claude): On peut faire un constat, qu'effectivement un prestataire de la sécurité du revenu en 1986, un prestataire de la sécurité du revenu en 1990, un prestataire de la sécurité du revenu en 1996 et le prestataire qui sera là en 1998, il y a une baisse constante en termes monétaires, en termes de services, en termes de couverture sociale, c'est effectivement un constat qu'on peut faire.

Mme Loiselle: Parce que, tantôt, vos propos sur l'allocation unifiée, vous avez raison de dire que, finalement, les enfants de l'aide sociale, surtout les plus jeunes, sont les plus perdants avec l'allocation unifiée.

Les groupes sont venus nous dire, finalement, que ce qu'on fait c'est, qu'on redistribue la pauvreté parmi les gens les plus pauvres du Québec; et ça c'est un constat. Le Conseil de la famille a fait un tableau, comme vous, avec les chiffres qui nous ont été donnés par le gouvernement, et c'est des montants quand même assez importants que les familles vont perdre avec l'allocation unifiée, pour les familles de l'aide sociale, c'est des montants d'environ 720 $ par année. Alors, ça paraît, quand déjà on a déjà des difficultés à survivre, là, qu'un montant comme ça vous soit retiré.

J'aimerais vous entendre au niveau – parce qu'on a eu beaucoup, beaucoup de discussions depuis le début des audiences, des échanges avec les groupes – de l'obligation pour les jeunes, mais aussi pour les chefs de famille monoparentale, le fait qu'on leur retire le barème de non-disponibilité.

Le Conseil du statut de la femme nous a démontré que présentement, sur la base de volontariat, ce sont les femmes des familles monoparentales qui participent le plus à des mesures, qui participent le plus aussi à un rattrapage scolaire. Je voudrais vous entendre davantage sur les effets dévastateurs au niveau de retirer le 100 $ à ces familles-là, qui sont les familles les plus pauvres du Québec, et du pourquoi, finalement, le gouvernement s'entête à vouloir donner le caractère obligatoire aux chefs de famille monoparentale, avec pénalité, quand on sait que ces femmes-là, finalement, font déjà l'effort de vouloir s'en sortir.

Mme Galipeau (Johanne): Je crois qu'on vous a fait des représentations sur la nécessité que toutes les mesures, le parcours individualisé, soient sur une base volontaire, d'enlever les aspects contraignants. Et, bon, il y a des études qui le démontrent. Je pense que c'est la même chose avec les familles monoparentales; parce qu'on prend pour acquis qu'il va y avoir des garderies pour tous les enfants à partir de l'âge de trois ans; il va y en avoir en quantité suffisante, puis il va y avoir des garderies du jour au lendemain, alors que le mouvement des femmes le réclame depuis des années et des années, qu'ils vont venir à avoir des horaires flexibles, qu'ils vont tenir compte des horaires flexibles. On prend pour acquis qu'à partir du moment que l'enfant va avoir trois ans il va y avoir du travail pour toutes les femmes qui vont travailler.

Au bout de la ligne, c'est encore un appauvrissement des enfants, des familles monoparentales et des femmes qui sont dans cette situation-là; et ce n'est pas en affamant de plus en plus les gens qu'on va les convaincre d'aller travailler. Un, faudrait-il encore qu'il y ait des emplois suffisants et de qualité, pas simplement des, en tout cas, certaines mesures qu'on a déjà vues. Et encore faudrait-il que... J'ai perdu la suite de mon idée. Je l'ai perdue. Bon. Ha, ha, ha! Je ne patinerai pas le temps qu'elle revienne, là.

Mme Loiselle: Bien, c'est ça. Vous parlez des emplois de qualité. Beaucoup de groupes nous disent ça aussi. On dit: Écoutez, avec tout ce qu'on vit actuellement, le taux de chômage qui est alarmant, surtout dans la région de Montréal, et qui ne cesse d'augmenter, les pertes d'emplois qu'on vit au Québec – il y en a eu tout près de 46 000 cette année – c'est un peu comme utopique de penser que le gouvernement va être capable, là, d'envoyer les gens au parcours individualisé puis, en bout de piste, il va y avoir un emploi. Alors, il faudrait que le gouvernement... Ce qu'on nous a proposé aujourd'hui, c'est peut-être, finalement, de retirer le caractère obligatoire avec pénalité, je pense que c'était pour une période de trois années, voir comment ça va fonctionner et de voir aussi si le gouvernement va être capable de démontrer qu'il est capable de fournir, de répondre à la demande, finalement. Puis, s'il est capable de répondre à la demande, de faire peut-être un suivi, une évaluation de tout ça, de l'implantation de la réforme et, à ce moment-là, peut-être de rectifier le tir après trois années d'implantation.

J'aimerais peut-être vous entendre sur peut-être l'idée d'avoir comme une période de rodage, finalement, puis si le gouvernement est capable de démontrer qu'il peut offrir des mesures, répondre aux demandes, parce que, actuellement, ce n'est pas le cas; il y a plus de gens qui veulent participer que ce qu'il y a de disponible comme mesures. Est-ce que vous seriez peut-être un peu plus favorables un peu plus tard, si la preuve était faite, qu'il y ait une approche un peu plus obligatoire et coercitive?

Mme Cousineau (Claude): Bien, je vais vous dire qu'effectivement, de toute façon, je pense que les chiffres sont publics, à l'effet que, quand il y a eu l'abolition du barème de disponibles, en fait, des personnes qui attendaient une mesure, attendaient une proposition de la part du ministère, c'est des gens qui effectivement ont vu une perte de gains nets de leurs revenus mais qui ont, de toute façon, pas plus eu de mesures par la suite. Alors, je vous rappelle, historiquement, ça se situe quelque part comme en 1992-1993, au moment où on disait qu'il devait y avoir une augmentation des places en rattrapage scolaire, suite à la demande. Non seulement il n'y a pas eu augmentation des places, mais il y a eu diminution des places déjà allouées. Donc, nous avons des listes d'attente pour des gens qui veulent compléter un secondaire V. Évidemment, pour nous, le caractère obligation, en ciblant des personnes, nous semble pour le moins un peu particulier, parce que, si on a quelque chose à leur offrir et si c'est effectivement centré sur les besoins de la personne, je ne pense pas qu'on va avoir besoin de leur pousser dans le derrière – excusez-moi l'expression – bien longtemps pour qu'ils acceptent.

(22 heures)

Dans la mesure où il n'y a pas de place pour tout le monde, c'est embêtant de dire qu'on va les pénaliser. Tant qu'à dire, «c'est-u» dans un délai de trois ans, quatre ans, cinq ans après l'implantation qu'on pourra remettre un caractère contraignant ou remettre un caractère obligatoire? Je ne me ferai pas prophète des crédits budgétaires du gouvernement pour savoir si ça va prendre trois ans, quatre ans, cinq ans pour avoir un budget disponible, pour offrir un parcours d'insertion, de formation et d'emploi à la totalité des prestataires de la sécurité du revenu. Donc, sur cette portion-là de votre intervention, je ne ferai pas de commentaires. Mais ce que je dirais, par exemple, c'est que l'obligation, la contrainte d'un programme qui n'a pas fait ses preuves... Et c'est clair... Quand on dit que le parcours individualisé s'amorce par une relation de confiance entre le conseiller en emploi et le prestataire de la sécurité du revenu... Je vais rappeler une anecdote qu'on a tous connue enfants et qu'on a dû, tous, répéter adultes, n'est-ce pas, que la relation de confiance, ça prenait des années à se créer. Il s'agissait de rentrer trop un soir pour que notre mère ou notre père, dépendant, dise: «Tu as brisé ma confiance puis ça va prendre du temps avant que je recommence». Je vous dirais qu'on est dans la même situation.

Le climat de confiance qui est nécessaire, en fait, pour la réussite de cette implantation-là, il va falloir qu'il s'établisse, et je ne suis pas sûre que seulement dire: «Pardon, je m'excuse, je ne recommencerai plus», va être suffisant. Pour les prestataires qui sont en attente de rattrapage scolaire depuis maintenant cinq ans, qui sont pénalisés, qui ont perdu des sous parce qu'ils avaient l'odieux d'attendre une place qui ne venait pas, j'ai l'impression qu'il va falloir effectivement que le gouvernement fasse des gestes très concrets pour rétablir la relation de confiance qui doit exister effectivement, qui est nécessaire entre un conseiller en emploi et un prestataire de la sécurité du revenu.

Combien de temps ça va prendre? Quand ce climat de confiance sera revenu, on pourra parler d'autres choses. Mais, en attendant, maintenir le caractère obligatoire et contraignant du parcours individuel en insertion, formation et emploi ne fait que maintenir l'opinion des prestataires de la sécurité du revenu, qu'on parle encore de la même chose que ce dont on parlait depuis 1989.

Mme Loiselle: Toujours pour continuer au niveau des conseillers en emploi. Aujourd'hui, on a beaucoup parlé de tout le caractère... de beaucoup de rigidité et d'incompréhension quand les prestataires font face à leur agent. Et, dans le projet qu'on nous présente, on veut leur donner... Qu'ils deviennent des conseillers en emploi, des professionnels en développement d'employabilité, quand on sait qu'actuellement ils n'en font presque pas parce qu'ils n'ont pas le temps. Et il y a toute la culture de contrôle qu'il faudra changer. Alors, ce n'est pas – comme vous l'avez dit tantôt – pour demain! Mais, si on ne donne... pas une formation adéquate, mais une vraie formation, pas quelques heures, quelques jours dans une salle, mais de la vraie formation pour faire des agents actuels de vrais agents, des conseillers en emploi, est-ce que vous seriez plus portées à croire que c'est réalisable?

Mme Galipeau (Johanne): J'ai peur que les... Non, malheureusement, il y a beaucoup de fonctionnaires, d'agents à l'attribution d'aide, ça fait trop longtemps qu'ils sont dans le système. Je ne sais pas quel lavage de cerveau il faudrait leur faire pour leur faire comprendre qu'il y a des prestataires qui veulent s'en sortir, qu'il y a des prestataires qui disent vrai, que ce ne sont pas tous des menteurs, des fraudeurs et, bon! Et c'est bien pratique! Bon. Ce que disait Me Cousineau tantôt, c'est certain, nous autres, on voit des problèmes arriver dans notre bureau. Quand ça va bien, on n'en entend pas parler; c'est des problèmes, c'est la pratique. Lorsqu'on s'adresse à eux autres, je crains, je pense que ça va être du sang neuf que ça va prendre, et qu'ils n'arriveront pas avec des années d'administration des prestations, de coupures, de contrôles, qu'ils vont avoir perdu un peu ce réflexe-là. Tous, de par nos métiers, on en développe, des réflexes, et ce n'est pas toujours évident de les mettre de côté. Donc, je pense que ça va prendre du sang neuf, je crains. Et, de toute façon, je vois très bien les prestataires arriver devant leur ancien agent qui n'a pas arrêté de leur demander des papiers pour un oui et pour un non et qui devra dire: bon, bien, là, aujourd'hui, ne t'en fais pas, je ne contrôle plus, aime-moi, on va faire une relation de confiance ensemble! Ça ne fonctionnera pas, à moins de commencer à faire un branle-bas de combat, de déménager tous les fonctionnaires dans différentes régions, pour... Mais, je crains fort que ça ne marchera pas.

Mme Loiselle: Parce que le groupe avant vous nous disait: il va falloir que les conseillers en emploi deviennent comme des alliés et qu'ils offrent le soutien, l'accompagnement, finalement, qu'il développe l'entraide avec le prestataire...

Mme Galipeau (Johanne): Moi, je vais dire à mes prestataires de faire attention. Attention aux alliés! Faites attention à ce que vous dites! Ha, ha, ha! Moi, je vais leur dire de faire attention.

Mme Loiselle: Un dernier point, est-ce que j'ai le temps? J'aimerais revenir aux besoins essentiels; vous avez fait un tableau qui est très intéressant parce que vous avez ajouté l'assurance médicaments; c'est sur le fardeau financier, mais que souvent les gens ne sont même pas capables de payer; alors, ça rentre, au niveau des soins de santé, dans les besoins essentiels. On dit qu'ils vont combler les besoins essentiels avec les gains de travail permis, qui s'appelaient exclus avant; comme le vocabulaire change, maintenant c'est «permis». Le Conseil du statut de la femme nous disait, pour les 55-59 ans, les statistiques démontrent que c'est des cas d'exception où ils peuvent se trouver du travail, c'est très rare. Vous, là, qui travaillez de près avec les prestataires, pensez-vous que c'est réaliste de penser que les prestataires vont être capables, en grande majorité, d'aller chercher ces montants-là pour survivre, finalement?

Mme Galipeau (Johanne): Malheureusement, le marché de l'emploi n'en veut plus, les employeurs n'en veulent plus parce qu'il y a trop de danger de maladies, de congés de maladie, trop de dangers au niveau de la CSST. On les trouve où? Tout d'un coup, ils se retrouvent: trop d'expérience, ils coûtent trop cher! C'est dommage, parce que c'est souvent des gens, oui, qui ont une capacité de travail, qui ont plein d'expérience, plein de gens. C'est dommage, mais, malheureusement, à moins d'avoir des postes de cadres ou d'être des professionnels, et encore, on ne veut plus, le marché d'emploi ne veut plus d'eux autres. Donc, je trouve que c'est profondément injuste d'aller toucher à ces personnes-là qui se retrouvent... J'ai plein de gens, moi, dans mon bureau, qui – fermeture d'usine, peu importe – ont travaillé toute leur vie. Ils sont déjà assez malheureux et humiliés de se retrouver dans cette situation-là, mon Dieu! qu'on reconnaisse donc... et peu importe qu'ils aient travaillé 20 ans, 50 ans ou deux ans dans toute leur vie, mais qu'on reconnaisse donc un petit peu, pour ceux et celles qui ont travaillé, leur apport à la société.

Et pour les autres, c'est dommage, d'autant plus s'ils n'ont jamais travaillé ou s'ils n'ont pratiquement pas travaillé ou s'ils ont eu énormément de difficultés. C'est évident que ces personnes-là ne commenceront pas à travailler à 55 ans, ce n'est pas magique! Je considère que c'est une autre coupure; sous un beau discours, c'est d'aller récupérer l'argent, encore, dans les poches des plus démunis.

Mme Loiselle: Merci beaucoup, madame.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, mesdames. La commission ajourne ses travaux à mercredi, 12 février, à 15 heures.

(Fin de la séance à 22 h 9)


Document(s) related to the sitting