To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, March 4, 1997 - Vol. 35 N° 60

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
Mme Louise Harel
Mme Nicole Loiselle
Mme Marie Malavoy
M. Russell Copeman
Mme Monique Simard
M. Christos Sirros
M. André Gaulin
*M. Denis Lazure, OPHQ
*Mme Anne Hébert, idem
*M. Pierre Blanchard, idem
*M. Richard Lavigne, AQRIPH
*Mme Marie Montplaisir, idem
*M. Pierre Berger, idem
*Mme Catherine Fortier, Fédération des mouvements personne d'abord du Québec inc.
*M. Marcel Blais, idem
*Mme Isabelle Côté, idem
*M. Léandre Giroux, idem
*Mme Hélène Bernier, idem
*Mme Lucie Lemieux-Brassard, COPHAN
*M. Yves Fleury, idem
*M. Jean Bellefeuille, CRCQ
*Mme Éthel Greene, idem
*M. Alfred Couturier, idem
*M. Claude Hardy, idem
*Mme Céline Beaulieu, idem
*M. Jacques Lauzon, idem
*M. André Mignault, ROC-03
*M. Daniel Guay, idem
*Mme Michèle Dionne, idem
*Mme Lorraine Gagnon, idem
*Mme Jeanne Lalanne, Action-chômage Québec
*Mme Louiselle Bureau, Association pour la défense des droits sociaux de Thetford
*Mme Lucie Villeneuve, Comité des citoyens et citoyennes du quartier St-Sauveur
*M. Sylvain Demers, idem
*M. Carol-André Simard, idem
*M. Rémy Gauthier, idem
*M. Martin Côté, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour à chacune et chacun d'entre vous.

Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je rappelle le mandat. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi .

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) sera remplacé par M. LeSage (Hull); M. Parent (Sauvé) par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Signori (Blainville) par Mme Simard (La Prairie).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

Le premier groupe que nous recevons, des habitués maintenant, depuis déjà un bon bout de temps d'ailleurs, est l'Office des personnes handicapées du Québec et, Dr Lazure, président-directeur général, vous présentez les gens qui vous accompagnent et commencez votre présentation. Je n'ai pas besoin de vous donner d'explications.


Auditions


Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

M. Lazure (Denis): Merci, M. le Président. À ma droite, Mme Anne Hébert, responsable de la Direction de la recherche, de la statistique et de la documentation; à ma gauche, Pierre Blanchard, du service de soutien aux programmes et aux interventions; et aussi, M. Jean-Louis Bertrand, modestement à l'arrière.

Je veux, en commençant, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, vous dire que c'est avec plaisir que l'Office se retrouve encore une fois devant vous et surtout pour faire connaître sa position sur le document de consultation La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi . On vous a envoyé il y a quelques jours la version finale telle qu'approuvée par le conseil d'administration. Il y a peu de changements par rapport à l'autre version, mais vous avez un tableau qui indique les changements.

La place des personnes handicapées parmi l'ensemble des prestataires est importante. À eux seuls, les prestataires du programme Soutien financier, dont la plupart sont des personnes handicapées, constituent 20 % de tous les prestataires. Il faut ajouter à ce nombre les prestataires handicapés, entre guillemets, aptes au travail qui ne sont pas identifiés comme personnes handicapées à l'intérieur des fichiers administratifs. Grosso modo, on peut dire que les personnes handicapées, comme prestataires, représentent au moins 30 % de l'ensemble des prestataires.

Je rappelle la définition qui est dans notre loi, la définition de «personne handicapée»: «toute personne limitée dans l'accomplissement d'activités normales et qui, de façon significative et persistante – ce sont les deux mots importants – est atteinte d'une déficience physique ou mentale ou qui utilise régulièrement une orthèse, prothèse ou tout autre moyen pour pallier à son handicap».

Ainsi, l'Office a de grandes attentes face à la présente réforme de la sécurité du revenu, notamment en ce qui concerne les stratégies d'intégration en emploi qui reconnaissent les besoins particuliers et aussi les capacités des personnes handicapées prestataires de la sécurité du revenu.

L'Office considère que le constat qui est fait de la profonde mutation du marché du travail est réaliste. Nous trouvons important que la description de la situation actuelle ne se limite pas aux mutations du marché du travail et considérons aussi les mutations de la société en abordant certains facteurs d'exclusion que sont la monoparentalité, la pauvreté chez les enfants, la situation des jeunes adultes, le nombre de personnes seules et les personnes nées hors du Canada.

Cependant, cette description n'aborde pas la situation des personnes handicapées. Un regard sur leur situation nous permet de constater que celle-ci est également peu reluisante, au même titre que les autres groupes dont on vient de parler. Par exemple, elles sont près de deux fois moins présentes sur le marché du travail, plus de deux fois plus nombreuses à ne pas avoir atteint neuf ans de scolarité et elles se retrouvent deux fois plus souvent dans des familles vivant sous le seuil de la pauvreté. Considérant ces données, il est permis de juger l'incapacité associée à une personne handicapée comme un facteur d'exclusion s'ajoutant à ceux décrits précédemment. Et je rappelle à la commission que les personnes handicapées, comme groupe, depuis quelques années, dans les statistiques de Statistique Canada, apparaissent comme le groupe le plus pauvre au Québec.

C'est pourquoi l'Office se serait attendu à ce que la situation des personnes handicapées apparaisse dans la description des problématiques sociales. Cette absence de la situation des personnes handicapées dans la problématique a comme conséquence de ne pas reconnaître les besoins des personnes handicapées prestataires de la sécurité du revenu dans leurs démarches vers l'intégration d'un emploi. Il faut éviter que, dans cette réforme, la place des personnes handicapées ne soit précisée que pour identifier un choix entre une allocation d'invalidité et une participation dans un parcours individualisé vers l'emploi.

L'Office appuie dans leur ensemble les orientations présentées dans le document. Cependant, nous remarquons qu'aucune orientation ne reconnaît qu'il y a différentes clientèles ayant des besoins différents. On ne parle pas de la nécessité que les services offerts soient adaptés aux clientèles dont les personnes handicapées. Si la philosophie du parcours individualisé reconnaît les particularités individuelles, l'Office considère important qu'une orientation fasse spécifiquement mention de l'existence de besoins différents selon les clientèles ou selon les personnes.

Le document de consultation précise également que les prestataires aptes au travail feront dorénavant partie intégrante de la main-d'oeuvre. L'Office se questionne sur les critères à partir desquels sera établie la notion d'«apte au travail». Pour éviter d'exclure, encore une fois... pour bon nombre de personnes handicapées, de les exclure, l'État doit reconnaître leur capacité ou leur désir de développer leur employabilité, indépendamment de leurs limitations. Il faut éviter de recréer deux classes de prestataires pour les démarches proposées, les aptes et les inaptes.

Le centre local d'emploi. Les liens entre le centre local et les organismes communautaires nous apparaissent importants. Cependant, nous considérons essentiel que le partage des responsabilités soit clair entre toutes ces instances et que chaque organisme communautaire ait les ressources et l'expertise nécessaires pour assumer adéquatement son rôle. Il faut s'assurer également que le centre local d'emploi assume ses responsabilités et ne se décharge pas sur les ressources communautaires afin de réduire ses coûts.

L'Office constate que le document ne parle pas d'instance régionale en centrant toute la démarche sur le centre local d'emploi. Or, il y a un travail qui s'effectue actuellement au niveau régional en lien avec la politique active du marché du travail. Nous croyons important qu'il y ait une clarification des rôles de l'instance locale et de l'instance régionale et qu'il y ait une concertation entre ces instances. Par ailleurs, nous constatons que le document ne parle pas de l'iniquité des ressources soit à l'intérieur d'une région ou d'une région à une autre.

Et, sur le plan opérationnel, la distinction faite entre les fonctions de conseiller d'aide financière et de conseiller d'aide à l'emploi pourra assurer la disponibilité d'intervenants spécialisés pouvant offrir un meilleur soutien à l'intégration en emploi. Le rôle du conseiller d'aide à l'emploi apparaît très important à l'Office, c'est lui qui appuiera toute personne dans son parcours individualisé. Ils devront avoir, ces conseillers, la formation nécessaire pour assister toute personne, y compris les personnes handicapées ayant fait le choix d'avoir accès à des mesures actives. Cette formation devra les sensibiliser à reconnaître les capacités des personnes handicapées au lieu de centrer sur leurs limitations.

Et, à cet égard, j'ouvre une parenthèse, M. le Président. Il existe au Québec un réseau de services spécialisés de main-d'oeuvre pour les personnes handicapées, 23 de ces services appelés SEMO, Services externes de main-d'oeuvre. Ces 23 services pour personnes handicapées ont développé une expertise remarquable depuis plusieurs années. Nous travaillons étroitement avec ces services et nous souhaitons que leur expertise soit pleinement utilisée dans le nouveau cadre quel qu'il soit.

(10 h 20)

Quant au Conseil local des partenaires, qui est remplacé par le Conseil local de développement, nous recommandons que l'Office y soit représenté de même que les associations locales et régionales de personnes handicapées. Évidemment, nous insistons pour que le Plan local d'action concerté tienne compte des besoins des personnes handicapées, qu'il ne considère pas que les personnes handicapées forment un tout homogène, puis que les priorités locales et les priorités régionales soient bien arrimées.

L'Office appuie le principe du parcours individualisé vers l'emploi. Ce parcours rejoint l'esprit du Plan de services individualisé qui a été développé par l'Office depuis presque 20 ans maintenant. Cependant – et c'est dans le document – il y a un aspect d'obligation que l'on ne retrouve pas dans le Plan de services individualisé de l'Office. Plusieurs facteurs font en sorte que l'Office croit que l'engagement dans un parcours devrait s'effectuer sur une base volontaire parmi les prestataires faisant partie des groupes priorisés. L'obligation de suivre un parcours qui n'engage pas véritablement la personne si elle n'est pas motivée a plus de chances de conduire à un échec. La motivation est un facteur de réussite très important et la pénalité financière qui résulterait du non-engagement dans un parcours affecterait la personne dans sa survie socioéconomique et pourrait avoir des conséquences graves.

Par ailleurs, la finalité d'un parcours, c'est un emploi et, présentement, la création d'emplois est très faible. Ici, le contrat de réciprocité que veut instaurer la réforme prend tout son sens pour les employeurs et la collectivité. En effet, ceux-ci doivent prendre, les employeurs, l'engagement de créer des emplois; c'est leur contribution à ce contrat de réciprocité. Et le succès de la réforme est basé très largement sur cette création d'emplois.

L'Office se questionne aussi sur le soutien qui pourrait être donné aux personnes qui ne se trouvent pas dans les groupes priorisés, dont les personnes handicapées, et qui désirent être supportées à l'intérieur d'un parcours individualisé. De plus, compte tenu des besoins particuliers de certaines personnes handicapées et de l'importance de l'accompagnement comme facteur de réussite, l'Office considère que l'accompagnement prévu dans le parcours doit continuer à être disponible une fois la personne en emploi pour assurer le maintien en emploi. Et ça doit être disponible autant pour l'employé que pour l'employeur.

Nous pensons que le document n'est pas clair sur le statut que la personne engagée dans un parcours aura. La personne pourra avoir le statut d'étudiant, de stagiaire, de travailleur. Il est important que les définitions de ces statuts soient claires comme il est important que la personne profitant des mesures actives et occupant un emploi ait le statut de travailleur et que ses conditions d'emploi correspondent au Code du travail.

L'Office insiste pour que les personnes handicapées, notamment celles ayant une déficience intellectuelle, ne soient pas cantonnées uniquement dans un statut de stagiaire et que leur parcours s'oriente vers un emploi et un statut de travailleur.

L'allocation d'invalidité. L'Office comprend que la réforme veut laisser un choix aux personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. Ce choix sera entre une allocation appelée allocation d'invalidité administrée par la Régie des rentes et une prestation de la sécurité du revenu donnant accès à des mesures actives. Nous comprenons que le montant de cette allocation d'invalidité serait équivalent au barème de la catégorie Soutien financier afin que leur choix n'entraîne aucune conséquence financière négative. Cette allocation d'invalidité, gérée par la Régie mais venant d'argent du fonds consolidé, sera différente de la prestation d'invalidité versée par la Régie des rentes. C'est ce que nous comprenons. Cette situation risque d'entraîner une confusion chez ces clientèles.

De plus, l'Office s'interroge sur ce transfert. Est-il seulement administratif? Les personnes dépendront-elles de la Régie des rentes ou du ministère de la Sécurité du revenu? Ainsi, l'Office demande au ministère de faire une démonstration des avantages et des inconvénients entre les deux choix offerts. Par ailleurs, si cette démonstration justifie ces deux choix, l'Office demande que le libre choix puisse s'exercer dans les deux sens, que ce soit pour recevoir l'allocation d'invalidité ou pour être reconnue comme une personne présentant des contraintes sévères à l'emploi, et le passage de l'un à l'autre doit se faire dans les deux sens, librement.

(10 h 30)

Des données de juin 1996 du ministère de la Sécurité du revenu nous indiquent que moins de 2 % des clientèles Soutien financier ont pu bénéficier des mesures de développement d'employabilité et une autre statistique démontre qu'à peine 15 % des clientèles soi-disant aptes au travail ont pu profiter de mesures d'employabilité. C'est pour ça que, nous, on dit: Le bassin de l'offre des emplois ou des voies vers l'emploi est tellement restreint qu'il y a lieu de faire un plaidoyer le plus vigoureux possible pour la création de nouveaux emplois, sinon l'obligation d'aller vers un parcours qui ne mène pas à des emplois, ça devient une obligation un peu artificielle.

L'Office, en collaboration avec le ministère de la Sécurité du revenu, le ministère de la Santé et des Services sociaux et l'Association des entreprises adaptées, a élaboré deux projets visant la création de près de 2 000 emplois d'ici trois ans par le biais des centres de travail adapté et des contrats d'intégration au travail. Le projet avec les CTA avait été présenté au Sommet économique dans le chantier de l'économie sociale. Une telle initiative est importante. Toutefois, les personnes handicapées ne doivent pas être limitées qu'à ces mesures. Elles doivent avoir accès à l'ensemble des possibilités offertes à la main-d'oeuvre québécoise. C'est pourquoi nous trouvons important que le Plan local d'action inclut les personnes handicapées présentant des contraintes sévères à l'emploi.

L'Office considère fondamental que la simplification des barèmes maintienne des barèmes qui tiennent compte des besoins particuliers des personnes ayant des contraintes temporaires ou sévères à l'emploi. On parle ici de couverture des besoins spéciaux. On maintient que cette couverture doit être assurée, qu'il s'agisse de frais de transport, de frais de gardiennage. De plus, l'Office considère essentiel que la réforme prévoit les coûts assumés par l'employeur, comme ceux liés à l'accessibilité du lieu de travail ou ceux liés à l'adaptation d'un poste de travail.

Par ailleurs, si l'aide financière est une mesure passive, il n'en demeure pas moins que, pour le prestataire, cette aide est fondamentale. Elle lui permet d'assumer ses besoins de base. Face à toutes les modifications financières qu'impliquent les nouvelles lois, les nouveaux règlements, l'Office fait une mise en garde – et je vous rappelle encore que les personnes handicapées sont le groupe le plus pauvre au Québec – il faut s'assurer que la réforme proposée, en s'additionnant à d'autres mesures gouvernementales, n'implique pas un risque d'appauvrissement pour certains prestataires. Un montant de moins pris seul peut sembler sans conséquence. Cependant, lorsqu'il s'ajoute à d'autres mesures venant d'autres programmes comme, par exemple, le coût de participation au régime d'assurance-médicaments, la diminution de l'allocation-logement, ce montant prend alors une tout autre importance.

Pour les personnes handicapées prestataires de la sécurité du revenu, l'indexation annuelle de la prestation, la couverture des besoins spéciaux, la couverture des frais de participation à une démarche sont des éléments importants qui, pour l'Office, font partie de la clause d'appauvrissement zéro adoptée au Sommet sur l'économie et l'emploi.

En conclusion, M. le Président, membres de la commission, Mme la ministre, l'Office considère qu'un élément majeur de la réforme est le contrat de réciprocité qui devra s'établir entre l'individu, l'État, les partenaires du marché du travail et les collectivités. Ce contrat est essentiel car, s'il reconnaît les obligations de l'individu et de l'État, il reconnaît aussi celles des partenaires du marché du travail et des collectivités, ces derniers étant les principaux responsables de la création d'emplois, et je parle particulièrement des employeurs, je reviens sur cette notion très importante de l'engagement que doivent contracter les employeurs de créer de nouveaux emplois.

Le succès de la réforme ne pourra être tangible pour les personnes handicapées que si l'on observe une préoccupation à leur égard dans les plans locaux d'action concertés pour l'emploi, si l'on peut observer leur participation réelle au parcours individualisé vers l'emploi, deux éléments permettant de juger qu'elles font réellement partie de la main-d'oeuvre québécoise.

Au lieu de vous lire les 34 recommandations que vous retrouvez, je vais en lire seulement huit qui nous paraissent parmi les plus importantes, et je conclus avec ça.

1. Que la situation des personnes handicapées soit incluse parmi les problématiques sociales importantes et que l'incapacité, dans le sens de handicap, soit considérée parmi les facteurs d'exclusion comme le sont la monoparentalité, la pauvreté chez les enfants, la situation des jeunes adultes, le fait de vivre seul ou d'être né hors du Canada.

2. Que, dans ses mesures favorisant le développement de l'économie sociale, l'État soutienne davantage le développement des associations de personnes handicapées ainsi que le développement des centres de travail adapté par un meilleur financement.

3. Que la réorganisation prévue garantisse l'accès à des services de main-d'oeuvre adaptés aux besoins des personnes handicapées ainsi que le maintien de l'expertise développée pour faire face à ces besoins.

4. Que l'Office et les associations locales et régionales de personnes handicapées soient représentés au Conseil local des partenaires.

5. Que l'engagement dans un parcours individualisé vers l'emploi se fasse sur une base volontaire parmi les prestataires faisant partie des groupes priorisés.

6. Que le régime d'apprentissage soit adapté aux besoins des personnes handicapées, notamment en enlevant l'exigence d'un troisième secondaire et en accordant une reconnaissance aux acquis sociaux. Je fais allusion au nouveau régime présenté par la SQDM pour la formation où on exigerait le secondaire III, alors qu'on sait que des milliers de personnes handicapées, surtout intellectuelles, n'atteignent jamais, même pas le secondaire I. Par contre, elles ont des acquis sociaux qui se sont développés durant leur carrière scolaire, jusqu'à l'âge de 21 ans, et il faut en tenir compte.

7. Que le ministère de la Sécurité du revenu fasse la démonstration des avantages et des inconvénients des choix offerts aux personnes présentant des contraintes sévères à l'emploi de recevoir soit une prestation administrée par la sécurité du revenu ou une allocation équivalente administrée par la Régie des rentes.

Et, enfin, que des modalités de passage d'un statut à l'autre soient prévues pour permettre à la personne de choisir sa situation et d'en changer au besoin. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Lazure. Ça me fait infiniment plaisir de vous recevoir, ainsi que mes collègues membres de la commission parlementaire. Mme Hébert et M. Blanchard.

J'ai pris connaissance dimanche, dans le journal La Presse , d'un portrait vraiment bien fait de la situation des personnes ayant une limitation fonctionnelle ou un handicap à l'égard de l'emploi.

Vous rappelez à juste titre que 2 % des clientèles Soutien financier ont profité au cours des dernières années des mesures d'employabilité. Peut-être dois-je vous rappeler aussi que l'admission au programme Soutien financier, cette admission actuelle, celle qui fait en sorte que la personne, depuis huit ans, ne peut être admise, même si elle est paraplégique, que si son diagnostic est accompagné de conditions comme, par exemple, avoir plus de 45 ans, n'avoir aucune expérience de travail dans les sept dernières années, puis avoir une scolarité inférieure à un secondaire V... Alors, on voit bien que, finalement, les personnes qui ont des limitations fonctionnelles étaient quasi exclues du programme Soutien financier si le moindrement, de façon proactive, elles cherchaient à acquérir une expérience de travail, à parfaire leur scolarité ou si elles avaient moins de 45 ans. Moi, à mon point de vue, il y a de toute urgence nécessité de changer la philosophie derrière ça.

Vous nous dites d'entrée de jeu, puis je reviendrai peut-être sur les huit éléments rapidement, parce que ma collègue la députée de Sherbrooke veut aussi échanger avec vous... Je reviendrai rapidement sur une de vos recommandations que je trouve extrêmement importante qui consiste à nous rappeler que, dans la définition de la notion d'«apte», il faut introduire, et j'imagine que vous le souhaitez pour la loi de la sécurité du revenu qui va suivre les modifications suite à la commission... vous nous dites de préciser dans la notion d'«apte» et de reconnaître les capacités et le désir des personnes handicapées de développer leur employabilité et de participer au marché du travail. Donc, ça, il faut que ce soit un élément de fond.

Vous dites: Dans les conseils locaux de partenaires, il faut prévoir – et j'aimerais qu'on le prenne en note là, parce que, suite à tous les échanges que l'on fait, il y aura un rapport qui sera fait – mais il faudra prévoir, dans les conseils locaux de partenaires, où vont s'élaborer les plans locaux d'action concertés pour l'économie et l'emploi, il faut prévoir une présence spécifique d'organismes. J'imagine que l'Office, son rôle serait plus approprié au niveau du Conseil régional de main-d'oeuvre et je pense que c'est là, franchement, où on devrait plus envisager un rôle de l'Office, alors que les organismes comme partenaires à part entière pourraient se retrouver avec les partenaires locaux. Mais j'aimerais, en tout cas, qu'on puisse peut-être dire un mot là-dessus.

(10 h 40)

Vous parlez que le bassin de l'offre est restreint. Oui, vous avez raison, le bassin de l'offre d'emploi est restreint, mais on peut travailler sur le bassin de l'offre. La preuve en est ce qu'on est à élaborer, le MSR, le ministère de la Sécurité du revenu, et l'Office, à l'égard des contrats d'intégration au travail, n'est-ce pas, avec la conversion des prestations – c'est des mesures passives, là – des prestations des personnes en supplémentation de revenus de travail pour, sur trois ans, 1 000 d'entre elles. Et j'en veux aussi la preuve donc de ce qu'on peut faire pour améliorer le bassin de l'offre d'emploi, ce qu'on peut faire dans le cadre de ce qu'on est à mettre au point, la décision du Sommet sur l'économie et l'emploi, de permettre la création de 1 050 emplois dans les centres de travail adapté, qui s'ajoutent aux 1 000 emplois des contrats d'intégration au travail. Ça, ça totalise 2 000, c'est à peu près ce qu'il y avait depuis quasi la création de l'Office; ça n'avait pas changé depuis 10 ans. Alors, en un an, on peut faire en sorte que les choses puissent changer.

Et ce que j'ai apprécié, c'est que, vraiment, vous ayez mis le doigt, parce que c'est tellement récent que beaucoup de gens ne savent pas comment gérer ça... Mais, dans votre mémoire, vous faites vraiment ressortir, surtout dans la nouvelle version, le fait qu'on insiste, on met l'accent sur les capacités plutôt que sur les limitations de la personne lorsqu'on transforme des mesures passives en mesures actives, et ça, c'est un investissement. Donc, c'est des personnes, en l'occurrence, pour ces projets que je viens d'énumérer, qui sont à l'aide souvent depuis plus de 10 ans et qui vont se trouver à avoir un statut de travailleuse ou de travailleur et à avoir ce statut avec toutes les protections afférentes, y compris celles du Code, pas juste de la loi des normes. Je comprends que, dans les centres de travail adapté, presque le tiers de ces centres de travail, maintenant, sont syndiqués. Alors, je comprends donc que c'est là une voie d'avenir pour élargir aussi le bassin de l'offre d'emploi qui est restreint.

En même temps, sur l'apprentissage, je vais vous dire tout de suite, je ne pense pas qu'on puisse aller en deçà du secondaire III, parce que la formule d'apprentissage, vous savez, ça correspond à une neuvième année et le secondaire III, quand on additionne les années, c'est la neuvième année de nos parents. Et c'est évident que, pour apprendre un métier – parce que c'est de ça dont il s'agit – avec un diplôme, puis c'est un métier spécialisé pour l'apprentissage, je pense qu'on aurait plus intérêt, dans ce que vous apportez comme problématique, à se tourner du côté peut-être des métiers semi-spécialisés, avec une filière que le ministère de l'Éducation est en train de développer, mais qui ne va pas chercher la nécessité d'avoir un secondaire III. J'ai l'impression que, là, il y a un aménagement qu'on pourrait faire.

Mais, je vais vous dire, en lisant votre mémoire, je me suis dit: En fait, il faut faire de l'espace dans les organismes de concertation sur la main-d'oeuvre et l'emploi actuellement, dans la politique active... Il y a un espace qui n'est pas comme occupé actuellement, il y a un siège qui n'est pas là, il faudrait en ajouter un, notamment dans les conseils régionaux de main-d'oeuvre qui ont été confirmés dans leur vocation de plan régional, si vous voulez, de développement de la politique active, puis dans les plans locaux. Alors, je pense qu'il faut vraiment donner suite à cela. Il y aura le livre blanc de M. Chevrette, d'ici Pâques, sur le développement local et régional. J'imagine que, l'Office, vous allez certainement participer à la consultation. Mais, moi, je vais écrire à M. Chevrette pour faire part de vos recommandations et que je les appuie, je les soutiens, sur le plan du Conseil local des partenaires et au niveau régional.

Alors, pour ce qui est de vos autres préoccupations, peut-être les reprendre. Au niveau d'une question que je me pose, on a reçu, il y a deux semaines déjà, un organisme qui nous a dit: «allocation pour contraintes sévères à l'emploi», on n'aime pas ça; cette appellation-là, on n'aime pas ça; on voudrait que ce soit plus une «allocation pour limitations fonctionnelles». Est-ce que ça correspond... ou «allocation pour contraintes à l'emploi» tout court? On pourrait peut-être juste retenir «contraintes à l'emploi», en fait, l'idée étant, comme vous le savez, que dorénavant, dans les aptes, on retrouvera des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, dans la définition des aptes, mais qu'elles ne doivent pas être perdantes au change. Parce que, là, présentement, si elles pouvaient prouver qu'elles étaient dans Soutien financier, elles avaient quand même à la fois une allocation plus élevée, elles avaient aussi... le fait qu'il n'y ait pas de partage du logement, il y a des avantages. Alors, il ne faut pas que les personnes, qui ont quand même la même limitation fonctionnelle, se trouvent perdantes parce qu'elles ont décidé d'être dans la main-d'oeuvre active.

Alors, l'idée derrière, c'est d'en arriver, je vous le dis, je le résume... toutes les personnes en besoin de protection sociale à l'aide sociale, soit en raison d'âge – ça, c'est les enfants, 250 000, une personne sur trois est un enfant – en raison d'âge – on proposait dans le livre vert 60 ans; vous savez qu'on est en train d'examiner si ça ne devrait pas être à 55 – alors, en raison d'âge, ou en raison de l'invalidité, ou en raison... voilà, c'est les deux principales raisons: allocation-enfants, allocation des aînés, et allocation d'invalidité, l'administration se fait par la Régie. Mais il ne faut pas confondre avec les programmes d'assurance contributoire. C'est au même titre que les allocations familiales, elles sont administrées par la Régie, mais elles sont financées, payées par les contribuables, à même le fonds consolidé. L'idée, c'est vraiment les besoins de personnes en protection sociale.

Alors que, finalement, vous sentez bien qu'il y a un mouvement, il y a une philosophie derrière le fait de s'acheminer vers un programme plus de nature assistance-chômage non pas... parce que les chômeurs sont de moins en moins à l'assurance-chômage et se retrouvent de plus en plus nombreux à l'aide sociale comme chômeurs, et il ne faut jamais perdre de vue qu'il ne faut pas les laisser à l'écart du marché du travail et de la politique active. Alors, dans ce contexte-là, l'allocation, en fait, l'idée, c'est que ce soit neutre sur le plan des avantages. Vous savez que quelqu'un n'a pas d'avantages à se faire reconnaître invalide, parce que, là, ce serait vraiment, finalement, le déprécier. Qu'on arrive à ce que la personne puisse choisir librement, volontairement, en disant: Non, moi, de toute façon, c'est un fardeau que je ne peux pas me donner d'avoir, finalement, cette volonté d'insertion, mais... Puis ce n'est pas juste la personne; vous savez que je reçois des lettres de parents qui disent: Enfin, mon grand enfant, je vais pouvoir, quand je ne serai plus là, être assuré qu'il va être reconnu pour ce qu'il est, une personne invalide, etc.

Alors, je ne sais pas comment vous voyez cela, mais, chose certaine, l'idée, c'est de ne pas enlever aucun avantage, mais de faire en sorte que la personne puisse se faire insérer à part entière parmi les personnes aptes lorsqu'elle choisit l'allocation pour contraintes à l'emploi ou, à l'inverse, lorsqu'elle choisit l'invalidité, ne soit pas pénalisée parce qu'à ce moment-là elle se fait reconnaître un genre de statut de rentier, finalement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lazure.

M. Lazure (Denis): Oui. Deux, trois réactions, M. le Président. Je remercie la ministre pour ses commentaires. J'apprécie à l'avance l'appui qu'elle va nous donner auprès de M. Chevrette pour la consultation. Il ne faut rien prendre pour acquis. Quand elle dit qu'on sera sûrement consultés, ça, ce n'est pas sûr. Alors, j'apprécie à l'avance son appui, parce que l'Office est souvent oublié. Je vous passe le message, en passant.

Si on revient aux autres remarques, celle concernant le régime d'apprentissage, on est d'accord avec cette orientation vers des métiers semi-spécialisés ou même un métier général de compagnon de travail, peu importe comment on l'appelle, mais l'essentiel, c'est de reconnaître, surtout pour les déficients intellectuels qui demeurent dans le système scolaire jusqu'à 21 ans et qui obtiennent l'équivalent, au plan académique, d'une quatrième année ou d'une troisième année primaire... mais ils ont fait beaucoup d'acquis sociaux et il faut qu'il y ait un certain type de diplôme, de reconnaissance de ces acquis sociaux qui leur servira ensuite, lorsqu'ils recherchent un emploi ou une formation, un apprentissage.

Finalement, les termes «incapacité», «limitation fonctionnelle», il y a de la confusion. Il y a de la confusion, d'où l'importance que, lorsqu'un ministère important comme celui-ci établit une nouvelle politique, il y ait une consultation très étroite avec le milieu associatif – ce sont les personnes directement concernées par ces termes-là – avec le milieu associatif et l'Office pour s'entendre sur des termes qui sont compris par tout le monde et qui sont acceptables à tout le monde. Alors, voilà.

Et la dernière remarque, vous avez raison, Mme la ministre, de dire que l'Office pourrait être impliqué au plan régional plus particulièrement, d'autant plus que nous avons un réseau de 16 bureaux régionaux, nous avons des bureaux un peu partout, des équipes un peu partout, et la participation locale pourrait se faire par le biais des associations des personnes handicapées elles-mêmes.

(10 h 50)

Mme Harel: Mais qu'est-ce que vous recommanderiez, disons, comme appellation? Est-ce que c'est une allocation qui va reconnaître la limitation fonctionnelle en regard, si vous voulez, de l'insertion en emploi? On l'appelle actuellement «inapte», et les gens ne veulent plus.

M. Lazure (Denis): Non.

Mme Harel: Vraiment, je pense qu'il y a des mots qui tuent, hein, puis celui-là, en tout cas...

M. Lazure (Denis): Oui. Une expression qui semble bien acceptée par les personnes handicapées, c'est l'allocation d'incapacité.

Mme Harel: D'incapacité?

M. Lazure (Denis): D'incapacité.

Mme Harel: Ah oui? Parce que c'est drôle, tantôt, vous insistiez sur la capacité plutôt que sur l'incapacité.

M. Lazure (Denis): Ha, ha, ha! Il faut miser sur la capacité tout en compensant l'incapacité.

Mme Harel: En tout cas, écoutez, on va continuer parce que...

M. Lazure (Denis): Mais je pense que c'est important de s'asseoir autour de la même table sur les termes, à un moment donné, avec le milieu associatif.

Mme Harel: Oui. Puis, dernière, dernière question: Qu'est-ce que vous pensez que doit être l'arrimage entre les SEMO-Personnes handicapées, les centres de travail adapté et l'Office?

M. Lazure (Denis): Ha, ha, ha! J'ai fait allusion tantôt aux SEMO, j'en ai parlé de façon plus précise, et il faut utiliser au maximum leur expertise. Nous travaillons très étroitement avec eux, autant pour embaucher une personne handicapée qui va sur le marché régulier du travail, dans une entreprise régulière, par le biais d'un contrat d'intégration au travail, que pour la personne handicapée moins productive qui va dans un CTA, un centre de travail adapté. Dans les deux cas, les SEMO sont nos alliés les plus importants. Moi, je pense que les SEMO avec l'Office travaillent bien. Le partenaire, centre de travail adapté, travaille très bien aussi avec ces deux autres partenaires là. Mais le nouveau centre local d'emploi, ce n'est pas à nous de déterminer si les gens des SEMO devraient être inclus dans ce CLE ou à côté. Mais il faut qu'il y ait un mécanisme de trouvé pour utilisé leur expertise.

Mme Harel: Les SEMO sont plus considérés, à leur demande même, comme des services de deuxième ligne qui ne seront pas localisés au sens du territoire local, mais qui vont être plus des services de deuxième ligne mis à la disposition, si vous voulez, soit de la région ou du milieu, dépendamment de l'ampleur de la région. Mais ce sont plus des services de deuxième ligne. Mais vous savez que, là, on pourra compter sur l'annonce faite dans le budget Martin d'un 30 000 000 $ au Canada puis d'un 7 000 000 $ au Québec, qui sera le budget supplémentaire en faveur de la réinsertion professionnelle des personnes handicapées. Alors, moi, mon intention, c'est de travailler, avec l'Office et le milieu associatif aussi, à ce qu'on puisse se faire un scénario de l'usage qu'on va faire de ce 7 000 000 $.

M. Lazure (Denis): Oui, tout à fait d'accord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En alternance, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, porte-parole de l'opposition en matière de sécurité du revenu et de condition féminine.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue à cette commission. J'aimerais peut-être aborder toute la question des conseillers à l'emploi, les conseillers d'aide à l'emploi. De nombreux groupes sont venus nous dire que la formation, une formation pertinente va être requise parce que, actuellement... on nous dit que ce qui se vit dans les centres Travail-Québec, c'est qu'il y a beaucoup de rigidité entre le prestataire et l'agent, qu'il n'y a pas de lien de confiance, c'est presque inexistant actuellement, c'est plutôt des contacts assez froids que les prestataires vivent avec les agents dans les centres Travail-Québec. Plusieurs groupes sont venus nous dire que, si vraiment on veut faire avec les agents qui travaillent dans les centres Travail-Québec des vrais agents conseillers à l'emploi, il y a une formation qui va être requise. Et il y a toujours le double chapeau, que le conseiller d'aide à l'emploi va être celui qui va décider si une personne va se voir appliquer une pénalité ou pas, d'où on dit que ça n'a pas de sens de donner ce double chapeau, cette double responsabilité, parce que, si on veut vraiment que cette personne-là... si on veut créer un lien de confiance, on ne peut pas aussi lui donner celui qui donne le coup de masse sur la tête du prestataire.

Alors, au niveau de la formation, j'aimerais vous entendre. Quel genre de formation on devrait donner? Pas une formation de quelques heures, là, où on entre 300 personnes dans une salle et, pendant une journée ou deux, on fait de la formation. Mais quel genre de formation pour vraiment prendre les agents de Travail-Québec actuellement puis en faire des conseillers à l'emploi professionnels?

M. Lazure (Denis): Bien, écoutez, dans le texte intégral, les 32 recommandations, la huitième dit: «Que les conseillers aient une formation leur permettant de répondre aux besoins des personnes handicapées.» Bon. Les gens qui vous ont fait ces mises en garde ont raison. J'ai mentionné tantôt l'expertise du personnel dans les Services externes de main-d'oeuvre, les SEMO. Je pense que, pour former l'ensemble des conseillers à l'intégration au travail, cette expertise des SEMO pourrait être utilisée, ils pourraient devenir des formateurs avec l'expérience qu'ils ont accumulée depuis 15 ans avec les personnes handicapées et d'autres clientèles d'ailleurs, d'autres clientèles. Le personnel de l'Office aussi, particulièrement ceux et celles qui s'occupent du volet travail ou préparation au monde du travail, pourrait participer. Alors, l'Office offre ses services, de concert avec les Services externes de main-d'oeuvre, parce qu'il faudra effectivement qu'il y ait des séances de formation sérieusement organisées pour l'ensemble du personnel des centres.

Mme Loiselle: Si on ne retire pas tout l'aspect pénalité, pensez-vous que c'est possible ou c'est utopique de penser que, vraiment, le conseiller à l'emploi... qu'il y a un lien de confiance, d'entraide, de soutien qui va se créer entre le prestataire et son conseiller à l'emploi en sachant que lui peut lui imposer une pénalité? Est-ce que c'est possible de penser que c'est...

M. Lazure (Denis): C'est très difficile, c'est un terrain glissant. C'est très difficile. Moi, dans une autre vie antérieure, dans un autre métier que j'ai exercé, j'ai appris que de confondre les deux rôles... disons, transposons ailleurs le rôle de thérapeute puis le rôle de préfet de discipline, c'est très, très difficile, c'est quasiment inconciliable, si vous voulez.

Mme Loiselle: C'est inconciliable.

M. Lazure (Denis): Je pense que la comparaison est valable.

Mme Loiselle: Tout le caractère obligatoire, la majorité des groupes sont venus nous dire que c'était contre-productif, que c'était voué à l'échec. Vous le mentionnez également dans votre mémoire, vous le dites aussi que ça va démotiver les gens, que ça a peu de chances de conduire... que ça va conduire à un échec. Il y a un projet-pilote, c'est ça qui est encore plus... Il y a un projet-pilote qui a eu lieu dans un CTQ à ville Saint-Laurent. C'est dans le journal du ministère de la Sécurité du revenu, Le Chroniqueur , de janvier-février 1997, qui va dans le même sens. À ville Saint-Laurent, on a fait une expérience, un projet-pilote, et je vais vous lire le texte: «À cette occasion, la moitié des prestataires était invitée sur une base volontaire alors que l'autre moitié était convoquée, obligatoire. L'expérience a montré que les résultats étaient meilleurs dans les cas des personnes qui se présentaient volontairement. Ce sont elles qui posent leur candidature pour un emploi. On a donc décidé de ne plus obliger les gens à venir, mais de fonctionner uniquement sur une base volontaire.» Ça, ça s'est fait, actuellement, à ville Saint-Laurent et ça a prouvé que, sur une base obligatoire, ça démotive les gens. Toutes les recherches nous le démontrent actuellement. Le Conseil québécois de la recherche sociale est venu en commission et nous a dit que c'était contre-productif. Camil Bouchard également nous a démontré que c'était contre-productif.

Vous, si le gouvernement continue dans le même sens, obligatoire, coercitif, avec pénalité, pensez-vous vraiment que la réforme en tant que telle et le fait aussi qu'on priorise les jeunes et les familles monoparentales, de un, c'est voué à l'échec et que, de deux, s'il n'y a pas de changements majeurs et qu'on cible des clientèles, les personnes handicapées vont être laissées pour compte dans cette réforme-là?

M. Lazure (Denis): Moi, je souhaiterais qu'on aille vers le volontariat. D'autant plus que le bassin de l'offre, il est tellement restreint, on l'a vu tantôt, à peine 2 % pour les gens du Soutien financier, à peine 15 % pour les soi-disant aptes au travail. Il y a tellement peu d'emplois ou de voies qui mènent à l'emploi que ça me paraîtrait quasiment un geste futile, et dangereux à certains égards, que de le rendre obligatoire alors qu'on arriverait à des culs-de-sac, alors que ça ne mènerait pas à des véritables emplois. Moi, je souhaiterais que, dans un premier temps, au moins il y ait une période d'essai, une période de transition, où l'essai se ferait sur une base volontaire, et on risquerait de confirmer l'expérience du CTQ à ville Saint-Laurent. Et si tel était le cas, bien, on n'aurait pas besoin de revenir à l'obligation.

Mme Loiselle: Merci. Il y a mon collègue qui...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Loiselle: Ah!

Mme Malavoy: Vous permettez qu'on alterne?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, c'est votre intervention. Allez-y.

(11 heures)

Mme Malavoy: C'est entendu. Bien, bonjour, c'est à mon tour d'être heureuse de vous accueillir, M. Lazure, de même que les personnes qui vous accompagnent. J'aimerais enchaîner peut-être sur la question qu'on vient de commencer à débattre avec la porte-parole de l'opposition, la question du volontariat. Je vais vous poser la question un peu comme certaines personnes dans le grand public nous la posent, parce qu'il faut se la poser aussi comme cela. On nous dit: Écoutez, tous les gens ont des contraintes, ou des obligations, ou des efforts obligés à faire dans la plupart des situations de la vie, qu'ils soient étudiants ou étudiantes où ils vont avoir un parcours avec des obligations, avec des échecs s'ils ne font pas un certain nombre de choses. Les travailleurs et les travailleuses savent fort bien ce que c'est que d'avoir des comptes à rendre quotidiennement. Les gens qui sont sur l'assurance-chômage le savent aussi; s'ils ne font pas un certain nombre de démarches, ils ont des pénalités. Donc, le cadre de la vie des travailleurs et des travailleuses, puis j'inclus les gens qui étudient, c'est d'avoir des contraintes, et ça n'empêche pas ces gens-là de produire.

Donc, y a-t-il nécessité qu'on exclut toute une catégorie de personnes sous prétexte qu'elles ont des conditions difficiles, qu'on les exclut de cette façon de voir les choses? Puis je vous rapporte ça vraiment en ayant à l'esprit des gens que j'entends encore et que je continue d'entendre chaque semaine quand ils discutent de ces choses-là. Je trouve que c'est une question qui est importante et qu'il faut essayer d'aller un peu au fond de la question.

Je ne nie pas que, quand on a une motivation, on travaille mieux que quand on n'en a pas. La question n'est pas là pour moi. La question est de savoir si l'obligation tue obligatoirement la motivation? Et j'aimerais que vous me l'illustriez peut-être en parlant de la clientèle que vous connaissez mieux. Moi, je ne connais pas très bien la clientèle des personnes handicapées. Mais est-ce qu'il y a, particulièrement pour cette clientèle-là, des contre-indications à ce qu'il y ait une obligation? J'aimerais vous entendre pour reprendre ça un peu en vos propres mots.

M. Lazure (Denis): C'est sûr que c'est un terrain glissant et on peut très bien argumenter d'un côté ou de l'autre. Mais prenons des choses concrètes aussi, que tout le monde connaît. Une entreprise annonce dans les journaux la création de 100 emplois: Pour telle date, présentez-vous. Or, ce n'est pas 100 qui se présentent, c'est 5 000 qui se présentent. Quel aurait été l'avantage que l'entreprise ou un ministère quelconque dise: On a 100 emplois à offrir puis on va obliger telle catégorie de personnes à l'aide sociale de venir se présenter? Ça aurait gonflé encore plus le nombre; au lieu de 5 000, on aurait eu 5 500.

Ce que je veux dire, c'est que, à moins que l'objectif soit de récupérer des argents par des baisses de prestations – et ce n'est pas l'objectif, quant à moi... Autrement, sur la base du volontariat, nous, on a l'assurance, pour les personnes handicapées en tout cas, on a l'assurance qu'il y aura toujours plus de candidats que d'ouvertures. On est convaincus de ça, pour notre clientèle en tout cas, par expérience, beaucoup plus de candidatures que de postes à combler. Alors, quel est l'intérêt de mettre une obligation avec menace de sanction?

Mme Malavoy: Je voudrais juste dire qu'on ne parle pas, nous, d'emploi. On parle de s'inscrire dans un parcours.

Une voix: Individualisé.

Mme Malavoy: Je sais que je n'ai pas le temps de développer plus que ça. Mais un parcours individualisé ne veut pas dire prendre n'importe quel job demain matin, ça veut dire se mettre en mouvement vers quelque chose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Bienvenue aux représentants de l'Office. J'aimerais aborder avec vous, Dr Lazure, la question du transfert vers la Régie des rentes du Québec sous forme d'allocation d'invalidité ou sous n'importe quel autre terme qu'on va utiliser à un moment donné. On a eu un pressentiment, il y a deux semaines, je pense, que peut-être ce transfert soulèverait énormément de questions, c'était dans le cadre d'un autre groupe, mais des représentants des mouvements personne d'abord, qui vont venir cet après-midi également, ont vraiment soulevé beaucoup d'inquiétudes quant à ce transfert-là. Et vous aussi, vous indiquez assez clairement que vous avez des réticences. Moi, je trouve que votre recommandation 26, que le ministère fasse la démonstration, est assez intéressante, parce que je ne suis personnellement pas convaincu que, dans le livre vert de Mme la ministre, la démonstration est faite assez clairement. C'est quoi, vos craintes? Parce que ce transfert, d'un point de vue, semble anodin, mais je pense qu'il y a beaucoup de choses qui sous-tendent des difficultés. J'aimerais vous entendre sur vos craintes fondamentales, votre questionnement sur le transfert, si vous pouviez élaborer un petit peu.

M. Lazure (Denis): Oui. C'est plus, justement, dans le but de clarifier la situation que des craintes réelles, parce que plusieurs personnes handicapées qu'on rencontre nous disent: Bien, moi, j'aimerais ça aller à la Régie des rentes, parce qu'à ce moment-là il n'y aurait pas de test sur les besoins, par exemple, hein. Ce n'est pas simplement une question d'allocation financière mensuelle, c'est que, quand on est un prestataire de la Régie des rentes par une vraie rente d'invalidité, on a beaucoup plus de latitude pour aller chercher d'autres revenus, y compris le conjoint, que si on est au Soutien financier, tout le monde sait ça.

Mais là il s'est créé une confusion depuis un an ou deux dans le public chez les personnes handicapées elles-mêmes: elles pensent que, si elles vont à la Régie des rentes, elles vont avoir une vraie rente d'invalidité, alors que ça n'est pas le cas. Alors, c'est pour ça qu'on demande, nous, au ministère de bien clarifier ça. C'est important de le clarifier. Une fois que c'est clarifié, les gens seront libres d'y aller ou de ne pas y aller. Et nous, tout ce qu'on veut, à l'Office, c'est s'assurer que ça sera libre dans les deux sens, pour y aller et pour en sortir, si on veut, parce que, par hypothèse, une personne handicapée pourrait aller toucher cette prestation d'invalidité pendant un certain temps, pourrait se sentir mieux au bout de quelques années et vouloir revenir. Alors, il faut que le trafic puisse se faire dans les deux sens librement.

M. Copeman: Si j'ai bien compris, il faut que cette décision soit réversible.

M. Lazure (Denis): Oui, c'est ça.

M. Copeman: C'est ça qui est indiqué ailleurs aussi...

M. Lazure (Denis): Exact.

M. Copeman: ...qu'on ne limite pas.

M. Lazure (Denis): C'est ça.

M. Copeman: Je pense que vous avez raison, il faut clarifier la situation. Moi, je ne sais pas s'il va y avoir des tests de moyens, même à l'intérieur de l'allocation d'invalidité, à la RRQ. Dans le projet de la ministre, je ne sais pas si ces tests vont continuer. On ne sait pas si les besoins spéciaux vont être couverts à la Régie des rentes comme ils le sont en principe présentement avec le programme Soutien financier. Je pense qu'on aurait tendance à dire: C'est des détails. Mais je pense que, vous, vous dites et, moi, je dis que c'est plus que des détails, c'est des choses essentielles pour qu'une personne puisse prendre une décision éclairée, qui est le but recherché par tout le monde.

Mme la ministre a fait allusion tantôt aux critères pour l'attribution de l'allocation Soutien financier. Moi, je ne sais pas si c'est récent, ou si ça date de plusieurs années, ou si ça date de cinq ans, mais il y a certainement une impression chez des personnes handicapées que c'est de plus en plus difficile de se voir reconnues comme statut de Soutien financier. Il y a des contraintes, la ministre y a fait référence, d'expérience de travail: si quelqu'un a travaillé dans les sept dernières années. Il y a des contraintes de scolarité: si la personne handicapée qui fait la demande de Soutien financier a un niveau de scolarité élevé, elle est refusée; en bas de 45 ans, elle est refusée. Quant à moi, ce n'est pas des critères, ça, qui sont vraiment reliés au statut de «contraintes sévères à l'emploi». Elles ont soit des contraintes ou elles n'en ont pas. Et vous faites référence à cette notion de critères. Pour vous, c'est quoi, les critères? Peu importe si on garde les termes «contraintes sévères à l'emploi». Mettons que c'est une «allocation pour limitation fonctionnelle». Pour vous, c'est quoi, les critères essentiels qui devraient déterminer si les personnes handicapées ont accès à cette allocation supplémentaire? Est-ce qu'on devrait la limiter, peut-être, la définition qui est dans la loi de la personne handicapée?

M. Lazure (Denis): Je vais demander à Mme Anne Hébert de faire un...

(11 h 10)

Mme Hébert (Anne): Je voudrais peut-être juste, dans un premier temps, avant de répondre aux questions sur les critères, faire un commentaire sur quelle est la perception des personnes handicapées sur la facilité ou non d'aller dans Soutien financier. Je ne suis pas en mesure de dire: Est-ce que c'est devenu plus difficile, ou tout ça? Ce que je sais par contre, c'est qu'il y a une impression que, quand une personne handicapée se présente, automatiquement on la met dans Soutien financier. Il y a une impression. Est-ce qu'il y a des efforts réels qui sont faits pour voir cette personne-là comme étant susceptible de travailler? Il y a aussi cette dimension-là des perceptions qu'il y a à changer.

Quant à la question sur les critères pour évaluer une personne, si elle nécessite un soutien financier, il est clair que... Je n'ai pas de réponse précise à donner, mais toute la question du degré de sévérité des incapacités serait une dimension importante à explorer: Quelles sont les incapacités de cette personne-là, le niveau de sévérité de ses incapacités?

M. Lazure (Denis): J'ajouterais que les deux sont vraies. On entend les deux versions contradictoires. On entend des personnes handicapées qui disent: On m'envoie tout de suite à Soutien financier comme si je ne pouvais pas travailler alors que je pourrais faire des choses. Mais on entend aussi ce que vous venez de dire, à savoir que c'est de plus en plus difficile. Et, effectivement, il y a quelques années, on s'en souviendra, le ministère avait resserré les critères pour l'entrée, remettait en question les certificats de médecins, par exemple, hein, en ayant ses propres médecins. Moi, je pense qu'on n'en sort pas. Il faut qu'il y ait des attestations, non seulement de médecins, mais de professionnels qui ont des compétences dans les domaines en question. Alors, ce sont des certificats de professionnels qui doivent établir le degré d'incapacité, le degré des limitations.

M. Copeman: Mais je vais tenter de pousser un peu plus loin. Je sais que ce n'est pas facile. Mais le but de ma question était de savoir si on devrait ajouter à des notions de limitation fonctionnelle de la personne... si des critères, comme la scolarité, pour exclure, ou comme l'expérience de travail antérieure, pour exclure, ou le critère d'âge suffit, quant à vous, pour exclure des personnes de la catégorie Soutien financier. Parce qu'on entend ces choses-là, on entend quelqu'un qui... Mettons qu'ils ont une limitation fonctionnelle physique, permanente et grave, mais, en raison du fait qu'ils sont détenteurs d'un baccalauréat ou en raison du fait qu'ils ont 37 ans, ils sont exclus de l'accès au programme Soutien financier qui donne un appui financier important. Moi, je pense qu'on mêle des pommes et des oranges là-dedans. Peut-être que vous ne le pensez pas. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lazure (Denis): Non, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est discutable. Moi, je suis porté à aller dans le sens de votre observation, parce que le diplôme universitaire en tant que tel, ce n'est pas frappant comme argument. Encore, il y a deux jours, je recevais une lettre d'une personne handicapée qui a son Barreau, qui a fait son cours en droit, qui est à l'aide sociale, qui ne trouve pas d'emploi. Bon. Est-ce qu'il devrait être exclu automatiquement de Soutien financier parce qu'il a un diplôme universitaire? Je ne le sais pas.

M. Copeman: La question du parcours individualisé. Je n'enchaînerai pas sur la question du volontariat ou de l'obligation; c'est clair chez vous et c'est clair d'ailleurs dans beaucoup d'autres groupes. Mais la notion que vous amenez quant à la nécessité que les services soient adaptés aux besoins particuliers, dans la vraie vie, dans le courant, dans le concret, qu'est-ce que vous voulez dire par ça? Est-ce qu'il y a des contraintes, selon vous, à l'accessibilité des services d'intégration actuels? C'est où, le problème? Si vous dites qu'il faut que les services soient adaptés aux besoins des personnes handicapées, ça veut dire que... Quant à moi, la problématique est là en quelque part. Avez-vous des exemples concrets?

M. Lazure (Denis): Oui. Il y a des contraintes physiques, bon, et c'est pour ça qu'il y a des programmes d'adaptation des postes de travail. Il y a des contraintes physiques dans une entreprise, que ce soit pour entrer dans l'entreprise ou à l'intérieur. Mais il y a des contraintes d'un autre ordre, psychosocial, je dirais. Il y a beaucoup de personnes qui se considèrent comme handicapées parce qu'elles ont eu des problèmes de santé mentale graves et persistants, qui, cependant, peuvent retourner sur le marché du travail, mais ont de la difficulté à travailler 35 heures par semaine ou à travailler de façon régulière. Alors, la souplesse dans les horaires de travail, c'est une chose qui est importante pour une grande partie, une grande proportion de personnes handicapées, la souplesse dans les plages de travail. C'est deux exemples.

M. Copeman: J'imagine que ces mêmes observations peuvent également s'appliquer aux services fournis par, éventuellement, les centres locaux d'emploi. Si on fait des parcours individualisés, il faut également que les services que le CLE rend soient adaptés aux besoins des personnes handicapées. Est-ce que c'est le cas actuel, mettons? Avez-vous fait soit une analyse des services d'intégration d'emploi présentement offerts par le ministère, par le biais du CTQ? Est-ce qu'il y a des barrières qui existent aujourd'hui?

M. Lazure (Denis): M. Blanchard, un commentaire?

M. Blanchard (Pierre): Il y a présentement des SEMO; c'est donc la preuve vivante qu'il y a des besoins spéciaux pour ces clientèles-là. Que font ces SEMO là? Ils accompagnent les gens d'une façon plus intensive dans leurs démarches d'intégration en emploi, ils vont rencontrer l'employeur pour le sensibiliser au préalable, on voit à leur formation en cours de parcours, et, même une fois rendue en emploi, on soutient encore la personne pendant un petit bout de temps, parce que des fois elle a besoin, pour se maintenir en emploi, d'avoir un service spécialisé. Donc, c'est un peu ça qu'on veut dire en termes de services adaptés à cette clientèle-là.

M. Copeman: Il y a combien d'employés? C'est quoi les ressources dont les SEMO disposent actuellement?

M. Lazure (Denis): Bien, il y a 23 SEMO pour personnes handicapées à l'intérieur d'un nombre plus grand. Le nombre plus grand, là...

Une voix: Cinquante et un SEMO.

M. Lazure (Denis): Cinquante et un. Combien d'employés au total?

Une voix: À peu près 200.

M. Lazure (Denis): Environ 200 employés pour l'ensemble des 51 SEMO, dont 23 sont spécialisés pour personnes handicapées.

M. Copeman: Alors, il faut s'attendre, j'imagine, si le parcours... Mettons que le parcours individualisé est obligatoire, ou même volontaire, il faut s'attendre, j'imagine, à une augmentation importante dans la demande des personnes handicapées pour avoir accès au parcours et, de ce fait, il faut s'attendre à une augmentation importante dans les ressources nécessaires pour assurer que le parcours est adapté.

M. Lazure (Denis): Oui. Et, à cet égard, j'ajouterais, surtout à l'adresse de Mme la ministre, qu'une des clientèles priorisées, à bon droit, ce sont les jeunes, les jeunes adultes. Mais je plaiderais pour qu'on n'oublie pas les jeunes adultes handicapés qui représentent au moins 12 % des jeunes adultes qui deviennent votre clientèle prioritaire. Autrement dit, il ne faut pas exclure un jeune, parce qu'il est handicapé, du groupe prioritaire jeunes adultes, et il y a un danger que ça se fasse comme ça, il y a un danger qu'on considère les handicapés de tous les âges dans une catégorie et qu'on considère les jeunes adultes non handicapés. Alors, nous, on dit: Au plan financement autant qu'au plan personnel, il faudrait qu'on tienne compte que 12 % de ces jeunes de 18 à 25 ans sont des personnes handicapées, où il faut que les services spécialisés interviennent à ce moment-là.

(11 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Alors, merci au nom de tous les membres de la commission. J'invite maintenant les représentantes et représentants de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées à se présenter.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Si je comprends bien, M. Lavigne, vous allez nous présenter les deux personnes qui vous accompagnent. La présentation va être faite par Mme Montplaisir ou M. Berger?


Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH)

M. Lavigne (Richard): C'est ça.

Mme Montplaisir (Marie): C'est M. Berger.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est M. Berger.

M. Lavigne (Richard): Alors, M. Berger est immédiatement à ma droite et Mme Montplaisir, vous l'aurez deviné, est à droite de M. Berger.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y. Alors, vous savez que vous avez 20 minutes de présentation et échanges après.

Mme Montplaisir (Marie): Merci beaucoup de nous recevoir. Je vais peut-être prendre les quelques premières minutes pour vous expliquer ce qu'est l'AQRIPH, pour les gens qui ne seraient pas au courant de ce qu'est notre Alliance. Alors, l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées rassemble 19 regroupements régionaux d'organismes de promotion des intérêts et de défense des droits des personnes handicapées dans toutes les régions du Québec. Le travail de l'AQRIPH est de mettre en commun les préoccupations locales et régionales des personnes handicapées, d'en dégager des consensus nationaux et de revendiquer en conséquence auprès des instances pertinentes. Dans le cadre de la présente consultation, l'AQRIPH a nourri sa réflexion à partir des travaux menés par certains regroupements, des positions du milieu associatif exprimées lors du Forum sur la décennie des personnes handicapées et d'une consultation éclair faite auprès des différents regroupements régionaux.

Cinq aspects de la réforme ont retenu notre attention plus particulièrement. La première, c'est la conversion des mesures passives de soutien du revenu en mesures actives d'aide à l'emploi. La deuxième, ce sont les parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi. La troisième, ce sont quelques éléments systémiques d'exclusion des personnes handicapées des mesures d'employabilité. Quatrièmement, c'est l'allocation supplémentaire pour contrainte temporaire à l'emploi. Cinquièmement, c'est le Conseil local des partenaires.

Alors, je laisse donc la parole à mon collègue Pierre Berger pour vous faire un résumé de notre mémoire.

M. Berger (Pierre): Peut-être avant de présenter formellement le contenu de notre mémoire, j'aimerais vous présenter un peu les positions traditionnelles du milieu associatif des personnes handicapées en matière de main-d'oeuvre. Pour le milieu associatif des personnes handicapées, on a toujours envisagé une insertion en emploi comme un élément de l'intégration sociale et, dans une démarche d'insertion sociale ou d'intégration sociale, il y a toujours deux dimensions à tenir compte. Il y a une dimension qui appartient à l'individu, à la personne, qu'on appelle la dimension individuelle, c'est-à-dire la personne avec ses capacités mais aussi avec ses limitations, avec ses habilités, manuelles, intellectuelles, sa facilité à développer des relations sociales, bref l'ensemble de ses compétences qu'elle possède. D'un autre côté, il y a l'environnement.

L'environnement, c'est à la fois ce que chaque personne dans la société, peu importe qui elle est, doit subir, mais aussi des caractéristiques spécifiques qui sont propres aux personnes handicapées. L'environnement, ça peut être la situation économique, la situation politique, ça peut être un ensemble d'éléments qui tournent autour de préjugés sociaux, des obstacles environnementaux comme le fait que certaines bâtisses ne soient pas adaptées, etc. Et, dans une démarche d'insertion sociale, n'agir que sur un seul élément serait une erreur. Il faut à la fois, pour une intégration sociale, agir bien sûr sur la personne, mais aussi agir sur la société, sur les obstacles sociaux.

Par rapport à ça, le milieu associatif dans ses positions traditionnelles, du moins dans les dernières années, a orienté ses revendications en matière d'insertion en emploi de la façon suivante. Le milieu associatif a revendiqué une politique visant l'embauche de personnes handicapées, une politique qui aurait un peu plus de dents. Donc, on parle de plus en plus d'obligation de résultat. On pense que malheureusement, pour arriver à une insertion nécessaire d'emploi, il va falloir un jour songer peut-être à des mesures qui amènent une obligation de résultat, en termes d'embauche de personnes handicapées.

Un autre aspect, c'est l'arrimage des interventions que font les divers réseaux. Le réseau scolaire, d'une part, le réseau de la réadaptation et le réseau de l'emploi, d'autre part, devraient s'arrimer.

On réclame aussi une bonification des programmes de compensation du handicap et un programme de compensation de la faible productivité parfois qui est là avec le handicap et, pour ça, il faudrait adapter des postes de travail, il faudrait créer des contrats d'intégration au travail de façon plus large – tantôt M. Lazure en a parlé.

Il y a aussi de développer un volet d'activités valorisantes basées sur les modèles de l'économie sociale pour les personnes qui sont peu ou non productives.

Donc, par rapport à ça, c'est un peu ce qui nous a servi de trame de fond pour pouvoir émettre des opinions sur la réforme. Donc, on a regardé un peu la réforme par rapport, aussi, à nos revendications traditionnelles.

Dans son projet de réforme, le gouvernement propose la conversion de mesures passives de soutien du revenu en mesures actives d'aide à l'emploi. L'intention du gouvernement se traduirait par une conversion de prestations de la sécurité du revenu de diverses façons, mais, entre autres, sous forme de subventions salariales.

Pour le milieu associatif des personnes handicapées, il s'agit d'un pas dans la bonne direction. En effet, le milieu associatif revendique depuis longtemps la possibilité de transformer en subventions salariales les sommes versées par la sécurité du revenu à une personne présentant des contraintes sévères à l'emploi. De manière plus précise, le milieu associatif demandait, pour une intégration des personnes handicapées au marché du travail régulier, que les prestations de la sécurité du revenu puissent se transformer en contrats d'intégration au travail du même type que ceux gérés par l'Office des personnes handicapées du Québec. Rappelons que la partie non compétitive du travail d'une personne handicapée est compensée par une subvention salariale prévue dans le contrat d'intégration au travail d'une personne.

Il est clair, à la lumière de l'expérimentation qu'a faite l'OPHQ dans le cadre du volet 11 des contrats d'intégration au travail, que la voie vers une subvention qui pourrait devenir permanente des contrats d'intégration au travail est une solution d'avenir et qui occasionne aussi, qui peut occasionner des économies substantielles aussi pour l'État. C'est une formule qui est prometteuse. Et c'est dans la voie qu'on se dirige. On pense que c'est une bonne formule. On a juste à penser que, par exemple, pour une personne – je donne ça à titre d'exemple – une personne qui présente une déficience intellectuelle, elle reçoit le soutien financier, donc 8 200 $ par ce biais-là, elle reçoit 7 000 $... bien, elle reçoit... elle ne le reçoit pas, on dépense 7 000 $ pour elle pour des activités occupationnelles qu'on appelle les services d'apprentissage aux habitudes de travail. On dépense donc 15 000 $ pour maintenir une personne hors du réseau de l'emploi, alors qu'il serait beaucoup plus facile de subventionner en partie le salaire – et le volet 11 a montré que la subvention salariale varierait entre 40 % et 50 % – et ce serait beaucoup moins coûteux de le faire pour une insertion en emploi. Donc, l'État pourrait dégager des sommes qui permettraient peut-être d'absorber des listes d'attente pour les autres personnes pour d'autres services et pourrait aussi avoir des économies importantes. Donc, on pense que c'est une voie d'avenir et, si la réforme s'oriente un peu dans le même sens que l'Office des personnes handicapées au niveau des contrats d'intégration au travail, on pense qu'il s'agit là d'une mesure pertinente.

Concernant le parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi, le parcours individualisé s'apparente un peu du concept qui a été longuement revendiqué par le milieu associatif des personnes handicapées, le concept de plan d'intervention en intégration au travail. Cependant, ce parcours diffère d'un plan d'intervention en intégration au travail dans la mesure où il ne se fait pas en concertation avec les différents partenaires. Du moins, dans le document, ça ne transpire pas.

Le parcours pour l'intégration au travail d'une personne handicapée commence souvent avant même que la personne puisse être considérée comme faisant partie de la population active. En effet, un grand nombre de personnes handicapées commencent leurs démarches d'insertion vers l'emploi dès l'âge scolaire. D'ailleurs, actuellement, le ministère de l'Éducation du Québec développe des programmes adaptés en vue d'une insertion en emploi des personnes handicapées. Ils font ça dès le secondaire. Les centres de réadaptation ont aussi leur propre programme dans ce sens-là et les SEMO travaillent aussi dans le même sens. Donc, il y a un ensemble d'intervenants qui travaillent.

Cependant, tous ces intervenants travaillent en vase clos, de façon isolée. Les interventions de l'école, celles de la réadaptation et celles des services de main-d'oeuvre ne s'arriment pas. Afin de favoriser une cohésion dans les interventions faites auprès d'une personne handicapée dans une démarche vers l'emploi, le milieu des personnes handicapées voyait, dans le plan d'intervention en intégration au travail, une façon de pouvoir intégrer, de pouvoir concerter l'ensemble des intervenants pour faire une démarche cohérente d'insertion vers l'emploi.

Donc, pour que le conseiller des CLE dans un parcours vers l'emploi puisse faire son travail correctement, il faudrait qu'il le fasse en concertation avec les autres réseaux, c'est-à-dire le réseau de l'éducation, le réseau de la réadaptation, en plus du réseau de l'emploi. Il ne doit pas nécessairement être la personne clé ou la personne maîtresse dans cette démarche-là, puisque, au centre de réadaptation, ils ont à travailler aussi sur des plans d'intervention. Mais ces gens-là doivent se parler pour arrimer leurs interventions. Et, dans ce sens-là, les conseillers des CLE devraient avoir une formation spécifique par rapport aux personnes handicapées afin qu'ils connaissent mieux les différents réseaux et qu'ils puissent facilement s'y intégrer pour développer des façons cohérentes d'agir dans une démarche d'insertion en emploi.

On s'arrête aussi à des mesures qu'on appelle presque un parcours vers l'exclusion. Il y a des choses dans la réforme qui nous agacent un peu. Là-dessus, il y a deux éléments. Il y a la question de l'allocation d'invalidité qui nous agace énormément et la question aussi de l'orientation vers des services psychosociaux qui se fait souvent d'une façon un peu trop facile.

(11 h 30)

Le transfert du programme Soutien financier, parce que c'est un peu comme ça qu'on l'interprétait, à la Régie des rentes du Québec, pour les personnes qui le désirent, semble inutile et même dangereux. Il est vrai que plusieurs personnes handicapées ont, par le passé, demandé de bénéficier de la Régie des rentes du Québec plutôt que de la sécurité du revenu. Enfin, les personnes handicapées désiraient avoir droit de cumuler des actifs et de pouvoir bénéficier d'un revenu indépendamment de celui de leur conjoint, comme c'est le cas dans la plupart des programmes gérés par la Régie des rentes du Québec. C'était l'objectif poursuivi. Or, le projet de réforme propose de transférer les bénéficiaires du SOFI à la Régie des rentes sans rien modifier au programme. Ce transfert n'apporte donc aucun avantage. Pire encore, le transfert à la Régie des rentes correspond à la perte d'un droit, celui de participer à des mesures actives d'insertion en emploi. Or, nous croyons que les personnes handicapées, peu importe leur statut, devraient pouvoir bénéficier de mesures d'insertion en emploi si elles le désirent.

Aussi, des personnes handicapées devraient pouvoir bénéficier d'un revenu lorsqu'elles ne travaillent pas, indépendamment de leur actif ou du revenu de leur conjoint. Elles sont prises dans une situation où, finalement, leur seule façon de pouvoir vivre, de pouvoir bénéficier d'un revenu, présentement, ça se réduit au soutien financier. Donc, si le conjoint travaille, elles n'ont plus droit à aucun revenu. Il y a comme quelque chose d'aberrant pour une personne; Il faut qu'elle puisse participer pleinement à la société là-dedans.

Ainsi, du point de vue de la l'AQRIPH, il faut accorder la possibilité à toute personne présentant des contraintes sévères à l'emploi de participer à des mesures d'employabilité sur une base tout à fait volontaire et offrir un revenu à ces personnes lorsqu'elles n'occupent pas un emploi, indépendamment de leur actif. Aussi, il faut garantir à ces personnes – et ça, c'est un autre aspect – lorsqu'elles parviennent à occuper un emploi, de ne pas perdre les avantages du régime liés à la condition d'une personne présentant des contraintes sévères à l'emploi si leur expérience de travail ne fonctionne pas.

Il y a des personnes handicapées qui, à un moment donné, étaient sur le programme Soutien financier. Elles ont eu la chance de pouvoir occuper un emploi, elles ont tenté l'expérience, malheureusement, ça n'a pas marché. Lorsqu'elles veulent revenir au programme Soutien financier, elles rencontrent toutes sortes d'obstacles, de sorte qu'elles ont de la difficulté à rechercher leur statut. Donc, ça, il faudrait faciliter le retour à ce statut-là pour les personnes qui osent. Et, à cause de ça, il y a plusieurs personnes handicapées qui n'osent même pas tenter d'expérience en emploi tout simplement par crainte de perdre les avantages du soutien financier si l'expérience ne fonctionne pas.

En ce qui concerne l'orientation vers des services psychosociaux, la réforme indique que, pour certaines personnes présentant des incapacités ou ayant des problèmes de divers ordres, la perspective d'une démarche en emploi, c'est-à-dire une démarche préalable, ferait en sorte que ces personnes, il faudrait qu'elles passent d'abord par les programmes... d'abord bénéficier de programmes de soutien divers, qu'on appelle les programmes psychosociaux, ce qui revient, pour les personnes handicapées, au service de réadaptation.

Il est vrai que certaines personnes ont besoin de ça, sauf que, ce qu'on constate souvent, c'est que les personnes handicapées n'ont jamais été une clientèle privilégiée au niveau de la sécurité du revenu, au niveau des différents programmes d'emploi parce qu'on les réfère souvent à la réadaptation: Vous avez droit à la réadaptation, allez à la réadaptation. Et on les exclut très facilement.

Le fait d'avoir mentionné ça dans la réforme nous inquiète d'autant plus qu'on confirme une tendance qui est déjà là. C'est trop facile de dire à une personne handicapée: Bien, écoute, tu as le choix entre aller sur l'invalidité, mais, si tu restes au niveau de l'aide sociale, bien, on va te référer à la réadaptation, donc tu vas avoir ton chèque de l'aide sociale mais tu n'auras pas plus accès au programme d'employabilité. Et ça, c'est quelque chose qui nous inquiète. C'est une pratique qui a toujours été présente. Je ne crois pas que ça fasse partie des intentions de l'État, mais ça se traduit comme ça. Donc, l'État devrait peut-être prévoir des mesures pour éviter que les conseillers des CLE en arrivent à exclure de façon quasi systémique les personnes handicapées.

J'aborde rapidement l'allocation supplémentaire pour contraintes temporaires. Bon, cette allocation-là correspond essentiellement à l'allocation de non-disponibilité. Pour les personnes handicapées, elle a toujours présenté un problème dans la mesure où les familles où vit une personne handicapée, lorsque la personne handicapée est adulte et qu'elle n'a pas de service, quelqu'un doit s'en occuper. Donc, nous pensons que les personnes, les parents de personnes handicapées adultes, qui ne travaillent pas, adultes ou adolescents, qui sont sans service le jour, devraient aussi pouvoir bénéficier de cette mesure-là.

Et, enfin, au niveau des conseils locaux des partenaires, nous pensons que le milieu des personnes handicapées, le milieu de la réadaptation et le milieu scolaire devraient être présents sur ces conseils locaux de partenaires-là dans le but de définir les plans locaux d'action. C'était l'essentiel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il vous reste encore deux, trois minutes, si vous voulez les prendre.

M. Lavigne (Richard): C'est ça. Avant d'aller aux questions, M. le Président, si vous me permettez de revenir quand même sur l'exemple dont Mme Harel, Mme la ministre, parlait tantôt: du parent qui avait souhaité bénéficier pour son enfant d'un régime plus rassurant, si j'ai bien compris, avec le Régime de rentes. On comprend ça. Pour mes propres parents, c'était très inquiétant d'avoir un enfant handicapé. On comprend ça nous-mêmes. Je ne souhaiterais pas non plus avoir un enfant handicapé, de mon côté, sauf que, ce qui nous fait peur à ce moment-ci, c'est qu'on parle beaucoup de libre choix, on parle d'implication de la personne, mais, dans la réalité du quotidien, il y a des gens qui, de bonne foi, administrent des programmes, il y a des parents qui ont des inquiétudes, il y a des enfants qui ne savent pas trop où aller.

On craint qu'en mettant ça dans la nouvelle loi, le libre choix, on favorise le développement d'un parcours vers l'invalidité plutôt qu'un parcours vers l'insertion, et c'est ça qui fait craindre le plus l'ensemble des personnes handicapées lorsqu'on leur explique, bien entendu, que le transfert à la Régie des rentes n'implique pas une bonification, au contraire, parce qu'on parle que les gens des Rentes n'auront plus accès à des mesures et qu'ils vont être éventuellement pris là à vie. On trouve que ça pourrait être dangereux pour les personnes qui, pour toutes sortes de raisons, pourraient se retrouver là.

Tantôt, vous parliez des SEMO comme étant des ressources que l'on pourrait qualifier de deuxième ligne. Je pense que le mouvement associatif a déjà témoigné à plusieurs reprises sa volonté de participer assez rapidement, avec vous autres, sur comment vont s'intégrer les services spécialisés ou les services adaptés pour les personnes handicapées dans le nouveau projet des CLE et de tout ça. Actuellement, on a commencé une réflexion et on souhaiterait que la réflexion se fasse en commun, c'est-à-dire: les gens du ministère, des SEMO, de l'Office et du mouvement associatif, le plus rapidement possible. On ne voudrait pas arriver au mois de juin avec une course contre la montre, avec chacun nos positions, je pense que c'est trop fondamental. Je pense qu'on devrait commencer tout de suite. Nous, en tout cas, au mouvement associatif, on a réussi, via certains programmes de la SQDM, à aller chercher un support financier pour nous aider à nous faire une tête là-dessus, si on peut dire. On pourra répondre à vos question.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: M. le Président, je veux immédiatement dire à M. Lavigne que j'accepte son offre de collaboration. Il y a ici présentes des personnes du ministère qui travaillent dans toute cette problématique. Alors, il faudra voir comment, dans l'échange que l'on a. Mais, en même temps, il faut comprendre que c'est en deux temps, n'est-ce pas, que, sur le plan parlementaire, les choses vont se faire, la première étant d'assurer une piste d'atterrissage avec la réorganisation et l'intégration des services publics d'emploi, dans le cadre d'un nouveau ministère de l'Emploi et de la Solidarité – ça, c'est avant la fin de la session, donc avant le 20 juin – alors que la réforme comme telle de la Loi sur la sécurité du revenu, c'est envisagé évidemment pour être finalisé l'automne prochain. Alors, ça va quand même nous laisser du temps.

Je vous salue, M. Berger et Mme Montplaisir. Moi, j'ai eu plus l'occasion, à Montréal, de rencontrer M. Lavigne. Je sais que mes collègues aussi veulent échanger avec vous. Peut-être un mot sur les conseillers des CLE. Très souvent, et je le comprends, les gens regardent ce qui se vit présentement et font le procès de ce qui se vit actuellement, et puis anticipent, si vous voulez, la réforme à partir de ce qui existe maintenant: des «case load» débordés, où à la fois «Soutien financier» et «APTE» étaient comme confondus, et puis où les mesures d'employabilité étaient utilisées souvent comme un contrôle à l'éligibilité à l'aide, presque. Alors, il y a une certaine confusion qui est maintenue.

Moi, ce que j'ai beaucoup apprécié dans votre mémoire, c'est de comprendre, en tout cas, que vous, vous aviez dissipé la confusion sur la conversion; vous en voyiez le caractère proactif. Ça, je dois vous dire, j'ai beaucoup, beaucoup apprécié ça. Il y a vraiment des contraintes dans ce qu'on vit présentement comme société. Par exemple, celle qui constate tout simplement qu'il y a plus de chômeurs que jamais à l'aide sociale, parce que ce sont des chômeurs qui n'ont plus accès à l'assurance-chômage.

(11 h 40)

Vous savez, on dit maintenant que deux chômeurs sur trois n'ont plus droit à l'assurance-emploi à cause des resserrements à l'éligibilité. Ce n'est pas tous qui se retrouvent à l'aide sociale, mais il y en a beaucoup. Et ça, c'est un grand danger. L'aide sociale est ainsi conçue, depuis huit ans, qu'elle exclut les chômeurs de l'aide sociale de l'ensemble des politiques de main-d'oeuvre.

La confusion, elle est restée entre «mesures d'employabilité» puis «parcours». Les mesures d'employabilité, je vous rappelle que ça n'a jamais dépassé 12 %, à peu près, du nombre de ménages parce que ça supplémentait le barème de base. L'employabilité, elle était conçue dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, abolie heureusement au 1er avril passé, mais ça faisait 28 ans que c'était un carcan. Alors, comme ça supplémentait le barème de base, il fallait que les gens dans l'employabilité gardent le statut d'assisté. Ils ne pouvaient pas s'en aller dans un CTA ou avec un CIT, un contrat d'intégration au travail ou encore avec un centre de travail adapté, parce que, à ce moment-là, ils perdaient le statut d'assisté et Québec perdait à 50 % le financement d'Ottawa qui, dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, exigeait exclusivement que ce soit des personnes avec une étiquette d'assisté social pour supplémenter le barème.

Le pire, c'est qu'on a 1 800 000 000 $ de moins dans les transferts: aide sociale, santé, éducation. Mais, il y a toujours une bonne nouvelle qui en suit une mauvaise: au moins, on peut bouger à l'intérieur de ça parce que le RAPC est aboli. Alors, les conseillers à l'emploi, vous dites – puis on retient ça – qu'il faut de la formation parce que ça fait une décennie complète qu'il n'y a pas de politique de main-d'oeuvre pour les personnes à l'aide sociale et parce que ça fait une décennie complète que les personnes handicapées sont associées aux personnes inaptes. C'est ça, peut-être, qui est... Je me suis rendu compte, en recevant auparavant des groupes, que ce n'est peut-être pas assez clair que ce fourre-tout, qui était «l'inapte», disparaît. «Handicapé» puis «invalide», ce n'est pas pareil. La preuve, vous savez, c'est qu'on a un premier ministre qui a un handicap et on sait très bien qu'il travaille fort.

Donc, il faut arrêter de faire justement... l'arrimage... Alors, pour que ça arrive, comme vous le dites, il faut que les conseillers à l'emploi soient préparés à ça. Après 10 ans où ça n'a pas été comme ça, ce n'est pas évident. Mais, en même temps, vous savez, on parle de 3 500. Parce que l'idée, c'est d'intégrer, de réorganiser les services publics d'emploi et réintégrer les trois réseaux dispersés, qui sont éparpillés. Donc, 3 500 fonctionnaires résultant dans les CLE de cette intégration, de cette réorganisation de trois réseaux: mesures actives des centres d'emploi du Canada, mesures actives du MSR et puis SQDM. Ça ne préjuge en rien du rôle décisionnel que les partenaires vont jouer. Malgré ce qu'on en dit, on est en train de mettre au point, je pense, à la satisfaction des partenaires, un scénario à ce sujet-là.

On parle d'environ 3 500 personnes qui vont travailler dans les CLE comme conseillers à l'emploi. Et puis, on parle d'environ 100 000 personnes qui vont aller chercher des services. Ça, ça signifie autant des personnes qui sont au travail, qui veulent améliorer leur sort, que des demandeurs d'emploi, quelle que soit leur étiquette. Alors, ça fait environ 300 personnes par conseiller par année. On est pas mal loin de ce qu'on connaît présentement, des «case load» tout mélangés. Mais, je pense que ce n'est pas suffisant, il faut une formation, et je pense qu'il faut travailler là-dessus parce que c'est une problématique spécifique. On a déjà, pour les jeunes, les carrefours jeunesse-emploi. Vous savez que le réseau va être complété, j'ai pu obtenir les crédits pour la prochaine année à ce sujet-là. Alors, la problématique jeunes va se retrouver à pouvoir être développée au sein des carrefours, mais il faut développer la problématique handicapés puis, la meilleure façon de la développer, c'est d'avoir la présence des personnes représentatives au sein des instances où les plans locaux vont se décider, où les plans régionaux et où les grandes orientations nationales aussi vont se décider.

Est-ce qu'on peut donner des garanties aux personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi? Là, présentement, dans la formule actuelle, dans le programme actuel, il n'y a rien de changé. J'ai fait sortir ce qui a été décidé il y a huit ans puis, c'est en 1993 qu'il y a eu un resserrement. La personne, finalement, il faut quasiment qu'elle démontre qu'elle est... Même si elle a des limitations fonctionnelles puis des contraintes, si elle va sur le marché de l'emploi présentement, si, au bout d'un peu plus de six mois après sa cessation, elle n'est pas rentrée dans le soutien financier, il faut qu'elle recommence toute la démarche depuis le début. Ça fait huit ans que ça dure, ça. Donc, c'est comme un obstacle. Il faut voir que la marche est haute. Quelqu'un dit: Oui, c'est bien beau, elles existent moins qu'avant, les jobs de 25 ans avec montre en or au bout. Alors, pourquoi j'irais essayer si ça ne dure pas assez longtemps puis qu'au bout de la ligne je me retrouve à tout recommencer à la case départ?

C'est ça qu'on règle en disant: Il va finalement y avoir la même couverture, c'est la même couverture des besoins spéciaux. C'est la même couverture que présentement. L'un va être administré par la Régie des rentes et, cette administration par la Régie des rentes va faire que cette personne-là, volontairement, ou les personnes qui en ont la charge vont dire: Cette personne-là, elle doit avoir un statut d'invalide. Je vous dis: Au départ, les 8 000 personnes institutionnalisées, ce n'est pas normal qu'elles se retrouvent à l'aide sociale. Elles sont des personnes institutionnalisées qui auront, toute leur vie durant, besoin de protection sociale. Et puis, les autres, à qui on dit: Faites des tentatives autant que vous voudrez, faites-en des tentatives d'employabilité, d'emploi; faites-en, que vous les fassiez avec succès ou que ça ne marche pas, faites toutes vos tentatives, vous n'aurez pas de pénalité, vous resterez avec une allocation pour... on disait «contraintes sévères», mais on nous a recommandé que ça soit remplacé par «limitations fonctionnelles».

Alors, je ne sais pas si cela, ça répond à vos préoccupations, mais ça m'intéresse, parce que je sais l'expertise que vous avez à l'Alliance, puis, en particulier, celle de M. Lavigne, qui est président du CAMO personnes handicapées à la SQDM.

La Présidente (Mme Barbeau): M. Lavigne.

M. Lavigne (Richard): On va essayer de rester à l'Alliance, si vous permettez. Ha, ha, ha! Merci, Mme Harel. Sauf que, là, ce que je comprends... Vous allez voir que peut-être mon expertise n'est pas si poussée que ça, peut-être que je n'ai pas compris pour ce qui est du dernier bout de votre intervention. Nous, on ne voit pas l'intérêt de changer des clientèles de programme. On ne comprend pas. Il faudrait que vous nous convainquiez. Peut-être pas ce matin; je ne pense pas qu'on réussisse à faire le tour de cette question-là ce matin. Comme on vous le disait tantôt: On est très inquiet parce que, déjà là, il y a de l'exclusion systématique qui se fait, systémique, et on craint...

Moi, je vais aller plus loin, je suis sûr que cette ouverture-là va malheureusement contribuer à accentuer l'exclusion. Il n'y absolument pas avantage autre que la soi-disant image; puis, encore là, c'est très discutable, l'image. La couleur d'un chèque, je ne pense pas que ça soit ça que les personnes veuillent pour avoir une opinion différente d'elles-mêmes. Je pense que la majorité des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, elles ont des capacités, ces gens-là, et elles ne demandent pas mieux, pour la plupart en tout cas, que d'aller se chercher un parcours qui va pouvoir leur permettre, soit de travailler avec un salaire ou de s'impliquer autrement, d'avoir une utilité sociale. Envoyer du monde sur la Régie des rentes, je pense qu'on reconnaît leur invalidité ad vitam aeternam. Ça, le mouvement associatif et les autres partenaires, lorsqu'on parle de participation à part entière à la société, l'invalidité n'égale pas une déficience. Pour nous, ce n'est pas la même chose du tout, sans vouloir faire de débat de sémantique; je laisserai ça à nos amis plus versés dans la chose sociologique, là. Je pense que ça serait une erreur de société que de faire ça.

Pour ce qui est de la formation, je pense que ça prend de la formation. Vous parlez de 3 500 intervenants. Le mouvement associatif tente de former 7 000 000 de personnes depuis longtemps. Alors, pour nous, ça serait très intéressant de collaborer à la formation de vos 3 500 employés. Je pense qu'on peut faire ça assez graduellement mais assez rapidement. Pour ce qui est de l'Alliance, pour le bien de la chose, on regroupe près de 300 associations réparties sur à peu près tous les territoires de vos CLE du Québec; alors, ça nous fera plaisir de collaborer pour que les gens puissent justement orienter les personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Je cherche mes mots, parce que je ne suis pas bien bon dans les vrais mots, moi, non plus.

Il faut permettre à ces gens-là de les bien orienter pour qu'ils puissent bénéficier de toute la chance pour se réaliser. Nous, c'est sûr qu'on parle de véritables emplois. Bon. Il y a les CTA qui vont créer beaucoup de postes, les CIT, et on espère que ça va continuer plus que pendant trois ans. Mais, ça, on en reparlera, on va commencer par la première étape. Je pense qu'il y a beaucoup d'attentes par rapport à ces annonces chez les personnes handicapées. La seule crainte qu'ils ont, c'est: Est-ce que, entre le moment où je veux travailler et le moment où je travaille, j'aurai accès à des programmes de formation adaptée, à des équipements spécialisés, à des adaptations de postes de travail, du travail, du maintien à domicile? Nommez-les! Il y a beaucoup de choses qu'il reste à régler.

(11 h 50)

En passant, Mme la ministre, je voudrais revenir sur le régime d'apprentissage. Si j'ai bien compris, tantôt, vous parliez de la difficulté d'enlever le critère du secondaire III. Si j'ai bien compris, on parle de créer une autre sorte de programmes pour d'autres sortes de clientèles. J'ai toujours pensé, moi, que c'était plus facile d'adapter un programme à des besoins des personnes que d'en créer un autre. Il me semble que ce serait plus facile, à moins que je ne comprenne pas comment ça fonctionne. Il m'apparait que le régime d'apprentissage, avec quelques adaptations, répond à beaucoup de demandes des personnes handicapées et de leurs familles, plutôt que de travailler encore sur la mise en place d'un programme à part, pour des personnes à part, dans un système à part. C'est un petit peu difficile de concevoir comment on va être capable, en bout de ligne, si on forme le monde à part des autres, comment on va faire pour les intégrer dans un autre temps. Ça m'apparaît assez hasardeux comme approche.

La Présidente (Mme Barbeau): M. Berger.

M. Lavigne (Richard): Pierre va continuer.

M. Berger (Pierre): Oui, je voudrais juste compléter par rapport à une question qui a été donnée, à savoir si ça nous rassurait, ce qui a été indiqué. On n'a jamais cru que les intentions de l'État étaient mauvaises à cet effet-là, sauf que la pratique et ce qui a été dit par rapport aux gens de la sécurité du revenu est aussi vrai pour les centres d'emploi du Canada. Au niveau d'une exclusion, c'est très facile, on les réfère à la réadaptation, il y a du monde là pour s'en occuper. C'est un réflexe quasiment normal de la part des employés de ces centres. Ça ne suffit pas de dire que nous n'avons pas l'intention que ça se fasse comme ça. La même chose par rapport au retour aux avantages que présente un programme lorsqu'on présente des contraintes à l'emploi ou appelez-les autrement, en termes de limitations fonctionnelles ou autrement.

Le problème est, le réflexe est qu'on ne croit pas les personnes; ça ne se fait pas facilement. Et, on a eu, on a vécu des expériences de personnes qui avaient une déficience intellectuelle et qui, à un moment donné, avaient un contrat, entre autres, dans le domaine de la publicité; on les utilisait pour faire un message, une annonce. Elles faisaient juste une petite expérience et, après ça, c'était un paquet de problèmes et on insistait pour que la personne revienne. Ça pouvait se faire, elle y avait droit, sauf qu'il y avait comme une résistance qui se faisait. Cette résistance bureaucratique, même si on a l'intention de l'éliminer, il faut la travailler. Je pense que vous avez l'intention d'y travailler, sauf qu'on a quand même des craintes à ce niveau-là. Ce qu'on vous dit, c'est d'être vigilants. Et on vous dit aussi d'être vigilants par rapport à la question du parcours individualisé vers l'emploi, que les conseillers des CLE aient l'expertise qu'il faut pour aller chercher les autres intervenants autour d'eux pour faire une démarche cohérente.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Oui, merci, Mme la Présidente. M. Lavigne, M. Berger et Mme Montplaisir, justement, la dernière remarque que vous venez de faire, je pense que c'est très pertinent quand vous dites, bon, pour les parcours individualisés, vous êtes d'accord avec le principe, vous êtes d'accord avec l'approche. Bon. Ça, c'est important. Vous dites, entres autres, que ça a été un peu inspiré aussi de ce que vous avez développé dans vos milieux; c'est bon, on peut s'enrichir de vos expériences. Lorsque vous dites que les conseillers devront être formés en conséquence, je pense que ça, c'est une excellente suggestion parce que, effectivement, le bassin de clientèles – je n'aime pas tellement le mot «clientèles», mais, en tout cas – de personnes qui vont se présenter vont provenir de tous les milieux parce qu'il y a effectivement une modification assez majeure. Avant, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, de façon législative, c'était dans la loi, «classé inapte». D'ailleurs, je pense que c'est un vocabulaire qui vous a toujours déplu profondément, «classé inapte», avec tout ce que ça peut entraîner comme conséquences.

Cette fois-ci, c'est pourquoi je m'interroge. Bon, vous avez vos questionnements. Justement, on utilise donc une autre terminologie: contrainte temporaire ou contrainte sévère, mais on parle de contrainte, donc. Mais, il y a un choix, il y a véritablement un choix qui est laissé aux personnes et, dans ce sens-là, je ne vois pas en quoi... N'êtes-vous pas d'accord avec moi que, dans certains cas, il y a des gens qui, devant ce choix-là, vont dire: Bien, moi, je préfère, parce que j'ai tel âge, parce que j'ai telle et telle expérience, eh bien, désormais, choisir cette voie-là, qui sera celle de la sécurité du revenu, de la Régie des rentes? Puis, comme dans d'autres groupes de personnes aussi, les gens peuvent décider que c'est ça. Qu'est-ce que vous craignez au fond? Qu'on fasse des pressions pour qu'elles s'envoient toutes sur cette voie de garage? Je ne sais pas si vous percevez ça comme une voie de garage. Ou est-ce que, bien conseillées, justement, les personnes...

M. Lavigne (Richard): Vous répondez à la question en la posant, madame... Je ne me souviens pas de votre nom.

Mme Simard: Simard.

M. Lavigne (Richard): Mme Simard. Vous répondez en la posant, je pense que c'est ça. Écoutez, il ne s'agit pas de mauvaise foi ou de bonne foi, ou de fermeture ou d'ouverture, on parle de la réalité quotidienne. Parmi les personnes handicapées elles-mêmes, il y en a qui, pour toutes sortes de raisons, ne croient pas en leurs capacités. Parmi les gens non handicapés, peu importe ce qu'ils font, il y en a qui ne croient pas aux capacités des gens. Et nous, on pense que l'inaptitude ou travail ou les contraintes sévères, ça peut être relié à des limitations fonctionnelles, oui, mais à d'autres choses aussi. Pour prendre mon propre exemple, moi, ce qui me rend handicapé, ce n'est pas le fait que je ne vois pas, c'est que vous n'arrêtez pas de m'écrire en imprimé. C'est ça qui me rend handicapé, moi. Il ne faut pas tirer ça non plus par les cheveux, là, mais c'est un exemple.

Et, nous, on pense que, si on travaille sur l'environnement et sur la personne, comme M. Berger l'expliquait au début de l'exposé, on va éviter de cantonner de plus en plus de personnes dans l'invalidité. Je pense que l'invalidité, c'est un ensemble de facteurs, pas juste le fait d'avoir une limitation fonctionnelle, visuelle, dans mon cas. Après ça, comment on va faire pour convaincre l'environnement de la personne? Je vous parlais, tantôt, que ce n'est pas facile pour l'environnement d'une personne de penser que cette personne-là peut faire quelque chose. Et, comme société, je pense qu'on doit, nous, se donner un maximum de chances pour, entre parenthèses, rentabiliser son citoyen. C'est ça.

Puis, le libre choix, juste pour terminer. Il y en a sûrement, des gens, pour qui ça serait plus adéquat, sauf que là on parle d'exceptions, quant à nous. Et, là, lorsqu'on parle de libre choix qui est fondé sur des... en tout cas, ce n'est pas assez clair pour qu'on dise: Oui, allons-y. L'exception, c'est une chose, mais il ne faudrait pas faire de l'exception la règle.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la députée, vous avez à peu près 30 secondes.

Mme Simard: Oui. Écoutez, je pense qu'on se rejoint, là, sur le fond. Quand je disais que vous vous percevez comme une voie de garage, ce n'était pas mon expression, c'était ce qui pouvait être perçu par certains. Mais, il reste, je pense, que l'intention que vous recherchez est la même qu'on recherche, justement. Et là, ce que vous dites, au fond, c'est: il faut la mise en place d'un certain nombre de conditions, une sensibilisation qui est là, qui va éviter, au fond, ce que vous voulez souligner comme phénomène.

M. Berger (Pierre): Mais, le libre choix que vous proposez, c'est un libre choix entre le choix de perdre un droit de participer à des mesures d'insertion en emploi, en étant considéré invalide, ou le choix de pouvoir participer à ça. Il se limite à ça, le libre choix, puisqu'il n'y a aucun avantage dans le transfert à la Régie des rentes. Si on faisait un transfert rattaché à des avantages, je pense que le choix pourrait devenir plus judicieux. Là, on offre aux gens, pour régler les problèmes, pour ne pas se faire achaler par la bureaucratie des centres locaux d'emploi ou autre chose, de tout simplement... Pour ne pas se faire achaler, bien, prenez une prestation d'invalidité; vous allez avoir la paix. Sinon, bien, vous risquez de ne pas avoir la paix puisqu'on risque d'intervenir.

Mme Harel: Mais, si mes collègues de l'opposition me le permettent, je trouve qu'il y a une contradiction dans ce que vous nous dites. S'il y avait des avantages à l'invalidité, ça, ça pourrait nous être reproché, en nous disant: Vous faites pencher la balance, pas du bon côté.

M. Berger (Pierre): Je m'excuse, mais lorsqu'on parle d'invalidité, à la Régie des rentes du Québec, il n'est plus question de limiter les acquis. En tout cas, il y a des limites qui existent dans certains programmes, mais cette contrainte-là n'existe pas, la personne peut recevoir un revenu indépendamment du revenu de son conjoint. Ces avantages sont là, puisqu'on reconnaît la personne qui, effectivement...

Mme Harel: Oui, mais, là, on ne compare pas les mêmes choses, on compare à un régime contributoire où les gens se sont donnés une assurance-invalidité.

M. Berger (Pierre): Effectivement.

Mme Harel: Moi, je compare l'allocation d'invalidité avec celle de la contrainte pour limitations fonctionnelles. S'il y avait des avantages pour l'allocation d'invalidité, vous pourriez nous reprocher qu'à ce moment-là, ça va dans le sens des préjugés de la société contre le travail des personnes handicapées.

M. Berger (Pierre): Oui. Mais là, ce qu'on vous reproche actuellement, c'est le fait que ça ne présente aucune différence, sauf la perte d'un droit: celui de pouvoir participer à des mesures d'employabilité. Et puis, c'est comme si on offrait la possibilité aux personnes handicapées de perdre le droit de participer à des mesures d'employabilité, puisque le choix se limite à ça, compte tenu que c'est exactement la même chose d'un côté ou de l'autre, sauf cet aspect-là.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, je dois malheureusement mettre fin à la partie gouvernementale. Je passe la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

(12 heures)

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bienvenue. Peut-être continuer. Tantôt, vous avez abordé un peu les services psychosociaux. Ça m'a surpris d'apprendre qu'actuellement, dans le régime actuel, on semble se servir des services psychosociaux pour exclure les gens des mesures d'employabilité. C'est un peu ce qui a ressorti tantôt aussi, de l'intervention de l'autre groupe. Vous semblez avoir la même préoccupation de dire que, finalement, on se sert de ce programme-là, les services psychosociaux, pour exclure les gens. Puis, comme le livre vert est assimilé, à cet égard-là, pour ne pas que ça arrive, j'aimerais vous entendre, à savoir: Qu'est-ce que vous auriez à suggérer au gouvernement pour qu'on fasse des modifications justement pour vous rassurer et s'assurer également que de telles situations n'existent pas? Il y a même des groupes qui vont plus loin, ils disent que les services psychosociaux devraient être offerts et disponibles durant le parcours et même quand on a un emploi. Alors, j'aimerais vous entendre, pour vous rassurer à cet égard-là, pour éviter que ça existe, de telles situations.

M. Berger (Pierre): Il est très difficile de nous rassurer sur un aspect qui réfère au facteur humain des personnes qui vont travailler à l'intérieur des centres locaux, à part de dire qu'il va falloir être très vigilant et qu'il y ait des gens qui regardent ça de près. C'est humain. C'est très facile, pour un travailleur, de dire... La solution la plus facile: Il se présente une personne handicapée – j'ai d'autres cas devant moi – elle, elle a accès au programme de réadaptation. Il y a des similitudes aussi avec des démarches d'insertion en emploi là-dedans. C'est très facile de la référer puis, finalement, de l'exclure des programmes de cette façon-là, pour lui dire: Fais ton cheminement en réadaptation puis on te reverra. C'est un facteur qui est plus humain que structurel en soi, là. Donc, l'intervention...

Mme Loiselle: Plus de vigilance.

M. Berger (Pierre): ...demande une grande vigilance. Ce qu'on mentionne dans le mémoire, c'est qu'il va falloir être très vigilant à cet égard-là.

Mme Loiselle: Je vais faire le lien avec le fait que le livre vert n'est pas très éloquent au niveau des possibilités de recours pour les prestataires de contester une décision. Je ne le sais pas, je ne me souviens pas si vous en avez parlé dans votre mémoire, mais, vous, avez-vous des préoccupations à cet égard-là, que, finalement, on ne semble pas axé beaucoup, beaucoup sur la possibilité de recours pour les prestataires, avec la nouvelle réforme?

M. Lavigne (Richard): Je pense que c'est important de prévoir un mécanisme qui pourra permettre aux personnes de pouvoir réagir ou de se faire reconnaître un droit. Je pense qu'il faut favoriser ça dans tout régime, y compris à la sécurité du revenu, et éventuellement dans d'autres régimes semblables. Je pense que, ça, c'est une préoccupation qui est générale, non seulement parce que nous représentons des personnes handicapées, mais, j'imagine que tout citoyen qui en représente d'autres va se préoccuper du fait qu'on puisse toujours avoir des mécanismes d'appel ou de révision de cas, et les moins lourds possible, ça, c'est sûr.

Mme Loiselle: Vous parlez de disparité régionale au niveau des services; j'aimerais vous entendre. Il y a une ligne sur ça, mais vous entendre un peu plus. Il y a des groupes qui nous ont parlé de ça, qu'au niveau de certaines régions il y a les leaders locaux qui sont beaucoup plus dynamiques, qu'il y a déjà en place un système de partenariat que d'autres régions n'ont pas. Moi, j'aimerais vous entendre. Vous en parlez un peu au niveau des personnes handicapées qui seraient peut-être...

M. Berger (Pierre): Bon. Quand on parle de clientèle aussi spécifique que les personnes handicapées, où, finalement, les services se traduisent – il ne faut pas se le cacher – parfois de façon assez spécialisée, qui demandent des interventions relativement pointues, ce qu'on craint, c'est qu'il se développe dans certains secteurs, dans certaines régions, beaucoup de services qui tiennent compte de ces particularités-là, et ça, c'est un plus. Notre crainte, c'est qu'à côté on priorise autre chose et que les personnes handicapées aient pratiquement intérêt à déménager, à changer de localité pour pouvoir bénéficier d'un niveau de services adéquat. Là-dessus, on craint que ça finisse par créer des disparités. On n'est pas nécessairement contre le principe qu'on décide régionalement de plans d'action, mais on pense qu'un outil important, ce serait que les personnes handicapées soient présentes sur les conseils locaux des partenaires, qu'il y ait une représentation.

Mme Loiselle: Oui, pour éviter de telles situations, et qu'on rappelle l'existence de ces personnes-là. D'accord.

M. Lavigne (Richard): Ou, ce qui est important aussi, prenons par exemple d'autres secteurs, notamment la réadaptation; il y a des centres qui sont plus comme étant des centres suprarégionaux, avec des mandats plus spécialisés, qui ont des contacts avec des centres régionaux et qui travaillent beaucoup ensemble. Lorsqu'il y a une expertise nécessaire, les gens peuvent l'échanger. Je pense que, dans le milieu de la main-d'oeuvre spécialisée, on a déjà les CEMO. Éventuellement, il y aura probablement un regroupement de ressources; d'autres programmes auraient peut-être intérêt à se regrouper ensemble pour faire des économies d'échelle. Je pense qu'on pourrait étudier... On parlait tantôt de l'organisation des services, comment on va souhaiter ça avec les partenaires concernés – on se donne quelques mois – impliquer justement l'ensemble des régions du Québec dans cette question-là. Pour les gens de Montréal, la question est moins préoccupante que les gens des régions plus éloignées ou moins populeuses. Nous, à l'AQRIPH, on doit maintenir la nécessité que d'une place à l'autre les gens ont droit aux mêmes services.

Mme Loiselle: Vous parlez aussi dans votre mémoire du secteur scolaire, qu'il soit bien, bien impliqué dans tout le processus. C'est malheureux, parce qu'on devait entendre la Fédération des commissions scolaires du Québec, qui nous ont fait parvenir leur mémoire, mais, finalement, à cause d'empêchements, ils ne pourront pas venir en commission parlementaire, mais ils ont un mémoire très intéressant où, eux aussi, préconisent de façon très, très forte que tout le système scolaire soit impliqué de façon très, très importante dans le processus jusqu'à l'offre d'emploi. J'aimerais vous entendre également sur ce facteur-là.

M. Berger (Pierre): Ça va de soi qu'il faut que le réseau scolaire soit impliqué puisque le réseau scolaire aussi a un mandat pour former les personnes, les futurs travailleurs. Si on prend au niveau des personnes handicapées, il y a une dimension très importante: une démarche vers l'emploi, par exemple. Je vais reprendre l'exemple de la déficience intellectuelle encore. Les personnes qui ont une déficience intellectuelle, qui sont au secondaire, font souvent un cheminement vers l'emploi dès le secondaire. Le centre de réadaptation travaille des aspects semblables et personne ne se parle entre le centre de réadaptation et le réseau scolaire pour savoir de quelle façon on va assurer une continuité des interventions pour favoriser une insertion en emploi. Parfois, il y a un service externe de main-d'oeuvre qui peut apparaître dans le décor et personne ne se parle entre eux. Il n'y a aucune démarche cohérente d'intervention. Ça, de mon point de vue, en tout cas, et du point de vue des associations, c'est un gaspillage énorme de ressources puisque, si les gens s'arrimaient entre eux, l'intervention serait plus pertinente et il n'y aurait pas de dédoublement d'interventions auprès d'une même personne.

Mme Montplaisir (Marie): Et, comme le système scolaire éduque les enfants jusqu'à l'âge de 21 ans, les adultes handicapés, il y a souvent, en fin de période de scolarisation, des périodes de stages, d'insertion en emploi qui sont prévues et c'est très important qu'il y ait un arrimage, que déjà à la fin de leur parcours scolaire les gens soient au courant qu'il existe des SEMO, qu'il existe des centres de réadaptation. J'ai participé, moi, à l'expérimentation du volet 11 et on avait une table de concertation où le milieu scolaire a participé, et ça s'est avéré très, très positif pour les personnes. Il y a eu des stages qui se sont transformés en emplois parce qu'il y avait un arrimage de toutes les ressources. Alors, c'est très important. Puisqu'il faut reconnaître que les adultes handicapés sont scolarisés jusqu'à 21 ans, c'est très important.

Mme Loiselle: Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais aborder avec vous la question que vous soulevez au niveau du transfert des mesures passives en actives et la façon dont vous voyez ça, surtout avec quelque chose qui serait vraisemblable au contrat d'intégration au travail. Je sais qu'on y fait référence dans le livre vert, il y a un paragraphe qui indique qu'on va permettre, sous certaines réserves, cette conversion. Comment vous voyez ça, vous, les gens de l'AQRIPH? J'imagine qu'il faut supprimer certaines choses. Ça va de soi qu'il faut supprimer le critère de l'actif, le test de l'actif dans tout ça, parce qu'il me semble que c'est contreproductif de dire: On va transférer une partie des prestations en subvention salariale, en principe, pour perte de productivité – ça, c'est discutable, mais peu importe – mais il faut permettre à la personne visée de faire ce qu'elle veut avec l'argent. Est-ce qu'il va de soi qu'on supprime, selon vous, le test d'actif avec cette procédure-là?

M. Berger (Pierre): Oui, oui, ça va de soi. À partir du moment où la personne est salariée, même s'il y a une partie de son salaire qui est subventionnée, elle est salariée. Elle devrait avoir tous les droits. Si ce n'est pas ça, disons, on va sauter. C'est ça. En même temps, ça nous semble une mesure très positive. En tout cas, nous, on appuie très fortement cette mesure-là parce que ça fait longtemps qu'on le dit, que c'est même rentable. L'expérimentation du volet 11 – Marie pourra ajouter – a montré que c'était rentable à long terme. Il y a un rapport de l'OPHQ sur cette expérimentation-là, où il y a des estimations de faites et l'État fait des économies en bout de ligne dans ce processus-là.

Je pense même que, dans le rapport de l'OPHQ, on ne tenait pas compte que si la personne n'avait pas été là, elle aurait été dans un SAHT, un Service d'apprentissage aux habitudes de travail, qui coûte 7 000 $ par année. Ça veut dire que l'économie est encore plus substantielle que l'a montré le rapport du volet 11 de l'OPHQ. Donc, c'est une mesure qui est prometteuse et qui, en bout de ligne, fait économiser à l'État. Mais, effectivement, il faut ignorer le test d'actif là-dedans, sinon la personne n'est pas un véritable salarié.

M. Lavigne (Richard): Juste pour compléter, M. Copeman, si vous permettez. Il y a une chose par exemple qui demeure claire, c'est que le participant à ce genre de mesures ne doit pas perdre son statut si, pour une raison ou pour une autre, ça ne fonctionne pas. Il semblerait que ce n'est pas évident d'aller chercher son statut de... Bon, je vais mettre trois petits points parce que je ne sais plus quel mot on va pouvoir dire, mais un statut qui permet d'avoir un chèque plus élevé que l'autre statut, disons. O.K.?

(12 h 10)

Et ça, c'est important. Ce que les personnes handicapées – en tout cas certaines – disent, c'est que là on parle de projets de trois ans, dans le contrat, les CTA, et tout ça. Qu'est-ce qui va nous arriver après trois ans? Elles sont déjà rendues là, ces personnes-là, parce qu'elles ont vécu souvent des événements plus ou moins intéressants pour finir par arriver à avoir un statut qui leur permet d'avoir un revenu un peu plus décent que si elles ne l'avaient pas obtenu. Et ça, pour nous, ça demeure une condition, parce qu'on est d'accord avec tout le reste du principe.

Mais, ça aussi, il faut avoir des assurances là-dessus, parce que ça va être difficile de trouver des clients dans certains cas pour occuper des emplois. Et là, certains vont dire: On veut vous créer des jobs puis vous ne voulez pas. Alors, il faut qu'on se donne le plus de chance possible pour que, dans quelques années, on puisse dire: Mission accomplie, et on continue le programme. Parce que l'objectif, nous, ce n'est pas trois ans, c'est toujours. On va commencer par trois ans puis on verra, mais, l'objectif, c'est: Si la personne, pour le même ou un petit peu moins cher, peut être un travailleur ou une travailleuse, se sentir plus un citoyen et être plus un citoyen à part entière parce qu'elle occupe un emploi puis qu'elle peut sortir la fin de semaine et dépenser sa paie et non pas dépenser son chèque d'aide sociale, pour nous, c'est ça, l'objectif.

M. Copeman: Il faut prévoir des mesures transitoires, autrement dit, pour s'assurer qu'il n'y a pas une perte de statut qui désavantage soit dans un court ou même moyen terme ces personnes-là. Également, j'imagine que ça s'applique pour les besoins spéciaux.

M. Lavigne (Richard): Oui, oui, ça, il faudrait voir les modalités. Je pense que ça, on ne l'a pas dit là-dessus, mais ça va de soi. Il faut le créer aussi. Lorsque vous parlez de besoins spéciaux, on fait appel à quelque chose... Bien que ça concerne la commission parlementaire d'aujourd'hui, je pense qu'on peut voir ça de façon plus large, dans la fiscalité ou autre chose. Mais, la couverture des besoins reliés aux incapacités fonctionnelles ou aux limitations fonctionnelles, ça, c'est une autre question qui avait déjà commencé a être abordée mais qu'on a un peu – je dis «on», mais pas nous, d'autres – laissé tomber. Mais, effectivement, il faudra y revenir.

M. Copeman: La question de transfert, qui a fait l'objet de l'échange entre vous, la ministre et la députée de La Prairie, tantôt, l'OPHQ a indiqué certaines réserves, je pense. Le Dr Lazure a dit... Moi, j'ai tenté de lui faire dire qu'il avait des craintes. Il a dit: Il faut clarifier. C'est une nuance. Là, vous avez changé un peu de vocabulaire, vous l'avez carrément classifié ou décrit comme étant potentiellement dangereux. M. Berger, ça, c'est votre mot, et M. Lavigne a dit que ça peut accentuer l'exclusion.

La ministre ne semble pas être convaincue de cette prise de position. Ce n'est pas surprenant, mais je pense qu'il y a un bout de chemin à faire pour comprendre mieux votre position. Dans le questionnement de la ministre, elle semble un peu perplexe quant à cette prise de position rébarbative au transfert. En tout cas, nous, on va le surveiller, c'est certain. Vous êtes le deuxième groupe, peut-être le troisième, qui exprimez des réserves assez importantes. Je pense qu'il va y en avoir cet après-midi. Il faut qu'il y ait une raison pour cette crainte de votre part. Moi, je ne suis pas ici pour inventer des craintes. Dieu sait qu'il y en a assez, là, on n'en a pas besoin de nouvelles. Mais, vous ne voyez aucune raison de le faire, autrement dit, si j'ai bien compris.

M. Berger (Pierre): C'est ce qu'on dit, puisqu'il n'y a aucun avantage qui y est rattaché. Pour nous, ça correspond à un choix facile pour éviter des problèmes bureaucratiques et, d'un autre côté, c'est la perte d'un droit aussi pour avoir accès à des mesures d'employabilité.

M. Lavigne (Richard): Juste une petite précision. Ça me fait revenir un peu à tantôt, sur l'approche voulant que le régime soit différent qu'on ait cotisé ou qu'on n'ait pas cotisé. Moi, je veux bien, mais il y en a qui auraient bien voulu cotiser. Là, sur le simple fait que je n'ai pas cotisé, je vais avoir un régime de rentes de deuxième ordre, qui va être administré par la Régie des rentes du Québec, mais financé à même le fonds consolidé.

Si on en est là, j'imagine que c'est parce qu'on est reconnu invalide; suivons la logique. Et, si on est invalide, bien, c'est dur de cotiser, puis si je ne cotise pas, je suis pénalisé. À un moment donné, là, il y a quelque chose qui ne marche plus. C'est un régime à deux vitesses: les bien chanceux qui tombent invalides malheureusement après avoir cotisé, ils sont corrects, puis, ceux qui tombent invalides avant, bien, eux autres, arrangez-vous. Je ne pense pas que je connaisse beaucoup de monde, moi, qui va s'invalider pour avoir ce régime-là. La majorité – on parle toujours pour la majorité – ce qu'ils veulent, c'est de participer à part entière. Puis, si malheureusement ils ne peuvent pas, bien, s'il vous plaît, donnons-leur un régime qui leur permette, en plus d'assumer leur invalidité, de pouvoir vivre comme un autre invalide à côté de lui, qui a eu, lui, la chance, entre parenthèses, de cotiser avant. Je pense que c'est le rôle du premier rendu, premier servi. C'est un petit peu drôle comme régime. Pour nous, c'est clair qu'on ne voudrait pas...

C'est sûr que la bonne volonté, on y croit, à ça, sauf que dans le quotidien – je reviens là-dessus, c'est très important – on va malheureusement, concrètement, assister à un parcours vers l'invalidité beaucoup plus que vers l'insertion. On n'a pas la preuve du contraire. Nous, on pense qu'il vaut mieux travailler sur les mesures actives que sur les mesures qui vont créer des voies de garage. On pourrait mettre nos énergies là-dessus. Puis, en passant, je ne connais pas beaucoup ce que ça en coûterait pour mettre sur pied ce régime-là, ces ententes-là. Moi, je suggère au gouvernement de prendre ce budget-là puis de développer l'emploi pour les personnes handicapées.

M. Copeman: Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais pouvez-vous spéculer un peu sur le pourquoi le gouvernement veut faire ça? Avez-vous une idée là-dessus?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Berger (Pierre): Sans spéculer, je ne prête pas nécessairement de mauvaises intentions... Mais, si vous voulez entendre une phrase... Si ça vous fait plaisir d'entendre des phrases comme ça – j'espère que ce n'est pas le cas, moi, je n'y crois pas personnellement – il y en a qui disent: Ça va être plus facile après pour couper les autres. Mais, j'espère que ce n'est pas ça, et je ne pense pas que ce soit ça non plus. Mais, ce qui nous inquiète, nous, ce qui est important pour nous, c'est que si on veut procéder à un transfert comme celui-là, il ne faut pas que ça corresponde à la perte d'un droit, il faut que les personnes aient droit de participer à des mesures d'employabilité. Et, puisque c'est le programme tel quel qu'on transfère, il ne présente aucun avantage, ce transfert-là. Donc, on se pose la question: Pourquoi le transférer, là?

M. Lavigne (Richard): Il faut comprendre que cette histoire de Régie des rentes, ce n'est pas sorti d'un chapeau, hier matin, là, il y a eu quand même une histoire à cette question-là; on ne la refera pas. Moi, je pense que le gouvernement, comme n'importe quel gouvernement, tente de trouver les meilleures solutions. Je pense que c'est une proposition et je fais confiance au gouvernement actuel pour rejeter cette proposition-là, pour en étudier d'autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lavigne (Richard): C'est une bonne proposition mais on a de la misère avec, Mme la ministre.

M. Copeman: C'est une bonne proposition mais ça passe mal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lavigne (Richard): On est prêt à travailler avec vous autres, on est prêt à en développer d'autres plus actives. Puis je suis sûr que le gouvernement est d'accord avec ça, pour travailler sur d'autres propositions.

M. Copeman: C'est certain que si – comme la députée de La Prairie l'a si bien dit – le but recherché est le même, on va être capable de trouver une autre solution.

M. Lavigne (Richard): Je suis sûr de ça.

M. Copeman: Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, merci beaucoup pour votre présentation, c'était très intéressant, et je suspends les travaux à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

((Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recommençons nos travaux en recevant les représentantes et représentants de la Fédération des mouvements personne d'abord du Québec. Mme Fortier, si je comprends bien, vous avez déjà fait la présentation pour fins d'enregistrement, mais, nous, on aimerait bien connaître les gens qui vous accompagnent. Alors, si vous voulez procéder, et procéder à votre 20 minutes après.


Fédération des mouvements personne d'abord du Québec inc.

Mme Fortier (Catherine): Bien sûr. J'aimerais vous présenter, à ma droite, tout juste à côté de moi, Isabelle Côté, de la Fédération; aussi, Marcel Blais, membre actif, représentant de la Fédération toujours; nous accompagnent les personnes-ressources Léandre Giroux avec Hélène Bernier, toujours de la Fédération des personnes d'abord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Vous pouvez commencer. Je ne sais pas si c'est vous qui commencez, là.

Mme Fortier (Catherine): Le but, pourquoi on est ici cet après-midi... Bien sûr, on a déjà rencontré à date Mme la ministre. J'ai oublié: Bonjour, M. le Président, bonjour, Mme la ministre, bonjour mesdames et messieurs. On s'est rencontré parce qu'on avait des craintes, on se demandait ce que nous allions devenir. Je laisserais peut-être la parole à Marcel Blais; après ça, je reviendrai à Isabelle Côté pour les recommandations. Si un de vous deux, Marcel ou bien Isabelle, vous voulez parler.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Blais.

M. Blais (Marcel): Oui. Bonjour, M. le Président, bonjour, Mme la ministre, bonjour à tout le monde autour de la table. Ce que je vais vous présenter, c'est différents enjeux, c'est dans le sens où on s'interroge et on se questionne. Puis, ça préoccupe, des enjeux, des personnes qu'on étiquette ou qu'on diagnostique en déficience intellectuelle.

Nous avons recensé quelques questions qui font que, à un moment donné, les enjeux s'emboîtent les uns sur les autres. Par rapport à la Régie des rentes, est-ce que c'est un retour en arrière? On peut se le poser par rapport au terme. L'intégration des personnes qui ont des contraintes en emploi, qui sont sur Soutien financier ou autres, devient-elle, dans le contexte actuel des coupures, un beau rêve que l'État ne veut plus assumer? Les efforts d'insertion socioprofessionnelle jusqu'ici pensés et réalisés pour et avec les personnes désignées provisoirement soutien financier, deviennent-ils soudainement des mesures trop ardues et dispendieuses pour le gouvernement? Le passage de l'autonomie à l'autodétermination des personnes dites handicapées intellectuelles néces... nécessite-t-il, excusez-moi...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y en a des dures comme ça.

M. Blais (Marcel): Oui, celle-là. En tout cas. ...une investigation trop difficile? Cela risque de les maintenir dans un cadre permanent et persistant de la dévalorisation des rôles sociaux en tant que personne humaine d'abord.

Au niveau des revenus, nous pensons que ça constitue un risque de devenir des rentiers à vie plutôt que des travailleurs potentiels. Comme si, quelque part, on installait un mécanisme de discrimination plus important qu'il existe actuellement par exemple, plutôt qu'un traitement équitable par rapport à tous les citoyens.

On risque aussi de maintenir des besoins de revenus spéciaux pour répondre à des besoins spéciaux, pour un groupe de prestataires spéciaux. On continue quelque part à augmenter une certaine forme de discrimination ou on échappe à ces formes-là, que les personnes sont perçues comme ayant plutôt un besoin de protection sociale plutôt que des prestataires ou des personnes humaines. Bien que le besoin se fasse sentir. Je veux dire, on est réaliste aussi. Il y a quand même de la concurrence, il y a le libre marché dans ça, puis il n'y a personne qui se donne la main dans ça. Et ça, on est conscient de ça aussi.

Au niveau de l'insertion socioprofessionnelle, il y a un risque de discrimination, de catégorisation et d'étiquetage indu, pas par rapport à des normes administratives, mais par rapport tout simplement au vécu social: C'est un handicapé mental, il n'a pas besoin d'avoir sa place dans la vie. Encore moins l'intégrer ou l'insérer socioprofessionnellement.

Il y a un risque de non-collaboration entre les instances des services qui sont voués à leur intégration socioprofessionnelle, comme les SEMO, l'OPHQ et puis d'autres organismes similaires. Il y a un risque, aussi, de problèmes en fonction de l'incapacité plutôt qu'en fonction de la potentialité. Il y a un risque, aussi, d'encoche à l'autodétermination des besoins et des intérêts.

Je tiens à vous dire une chose, c'est que quand on parle d'incapacité, il ne faut pas oublier – je ne sais pas, si on était capable d'y penser, aussi, une fois de temps en temps – qu'un des plus grands créateurs d'emplois actuellement, c'est le monde des personnes handicapées: il y a un psychiatre, il y a un psychologue, il y a un psychoéducateur, il y a toutes sortes de gens qui jouent à côté d'eux autres. Dans le fond, quelque part, ce sont des créateurs d'emplois.

Au niveau de la formation, il y a un risque anticipé de régression quant à l'accès aux services et aux mesures de soutien à l'emploi. Il y a un risque de mésadaptation des services aux besoins individuels et donc aux limitations fonctionnelles. Il y a un risque de programmes de développement de l'employabilité non adaptés, puis il n'y a aucune mention de subventions spéciales à l'intégration à l'emploi pour les personnes handicapées. Je laisse maintenant la parole à Mme Isabelle Côté. Merci.

Mme Côté (Isabelle): Bonjour, M. le Président, bonjour, Mme Harel. Mon nom est Isabelle Côté, je suis présidente du mouvement personne d'abord de Drummondville et je siège sur le conseil d'administration de la Fédération.

Propositions et recommandations. Dans l'optique d'une intégration à part entière de la personne vivant avec une déficience intellectuelle, nous ne pouvons souscrire à l'option qu'offre le ministère de l'Emploi d'offrir aux personnes catégorisées inaptes au travail le choix d'un transfert à la Régie des rentes sous un statut d'invalidité permanente.

Nous considérons que le ministère de l'Emploi a également des responsabilités face aux personnes présentant une déficience intellectuelle et qu'il doit s'adapter à leurs besoins particuliers – respect du rythme – en matière de préparation et d'intégration en l'emploi.

(14 h 20)

Au niveau du statut, considérant que le transfert à la Régie des rentes est une déresponsabilisation du ministre face à ses responsabilités de l'emploi et de la solidarité; considérant que le rapport Bouchard, page 165, recommandait que les personnes demeurent sous la responsabilité du ministère de l'Emploi; considérant que ces personnes, transférées à la Régie des rentes, se verraient désavantagées au niveau de l'assurance-médicaments; que l'exclusion de ces personnes ne vise qu'à désengorger le système du ministère de l'Emploi; que l'étiquette d'invalidité et d'exclusion renforcerait les préjugés véhiculés dans l'opinion publique envers l'incapacité de ces personnes; que la déficience ne signifie pas l'invalidité; que le transfert entraînerait une double exclusion; que toute personne est en processus d'apprentissage au cours de sa vie; que les principes d'intégration sociale à part égale sont en jeu; que le gouvernement a investi des sommes importantes pour favoriser l'intégration pleine et entière de la personne;

La Fédération des mouvements personne d'abord vous recommande que le ministre de l'Emploi et de la Solidarité abolisse toute la terminologie discriminatoire et/ou étiquetante: aptes, inaptes, contraintes à l'emploi, invalidité; que le ministère de l'Emploi offre à toute personne assistée sociale, sans discrimination, les services auxquels elle est en mesure de s'attendre, sur le principe qu'elle est une personne à part entière au même titre que les autres citoyens.

En ce qui concerne l'aide financière, considérant que les personnes ont des droits, que le ministère de l'Emploi assure à toute personne un revenu décent, égal ou supérieur établi sur la base des besoins essentiels officiellement reconnus par Statistique Canada ainsi que la coupure... la couverture – excusez-moi pour le mot «coupure» – des frais pour les besoins spéciaux au coût réel; que le ministère de l'Emploi assure à toute personne un revenu indexé annuellement au coût de la vie.

Au sujet du centre local d'emploi, considérant les principes d'intégration sociale du document de l'Office des personnes handicapées du Québec, À part égale ; la situation d'analphabétisme vécue par les personnes vivant avec une déficience intellectuelle; les personnes vivant avec une déficience intellectuelle feront partie des comités du centre local d'emploi, nous recommandons que le ministère de l'Emploi identifie clairement les personnes vivant avec une déficience comme faisant partie de la clientèle desservie par le centre local d'emploi, au même titre que les jeunes, les familles monoparentales et les immigrants; que le ministère de l'Emploi assure que le centre local d'emploi offrira un service accessible; que le ministère de l'Emploi assure la représentativité de la personne vivant avec une déficience au sein du Comité des usagers; que le ministère de l'Emploi confère au Comité des usagers un pouvoir décisionnel et lui assure une autonomie dans l'actualisation de son rôle; que le ministère de l'Emploi assure que les membres du comité des usagers soient élus démocratiquement par les usagers des organismes communautaires.

Pour le Conseil local des partenaires. Considérant que les personnes vivant avec une déficience intellectuelle feront partie des usagers du centre local d'emploi, la Fédération des mouvements personne d'abord vous recommande: que le ministère de l'Emploi alloue un siège aux organismes représentant la personne adulte présentant une déficience intellectuelle au sein du Conseil local des partenaires; que le ministère assure que les membres du Conseil des partenaires soient élus démocratiquement lors d'une assemblée publique.

En ce qui concerne la formation et le développement de l'employabilité, au niveau du groupe particulier que composent les personnes présentant une déficience intellectuelle, notre document vous propose de porter une attention soutenue face aux limitations fonctionnelles vécues par ces personnes en suggérant d'adapter des programmes d'aide à l'emploi, de reconnaître le principe que tout travail mérite un salaire et d'accepter que certains parcours prennent plus de temps d'autres.

Considérant que les personnes vivant avec une déficience intellectuelle sont majoritairement peu scolarisées et ne désirent pas être ségréguées; qu'un parcours vers l'emploi peut nécessiter, pour la personne vivant avec une déficience intellectuelle, de poursuivre une formation; que la majorité d'entre elles sont analphabètes chroniques; que les personnes présentant une déficience intellectuelle bénéficient habituellement d'occasions d'emploi qui paient très peu, n'exigent que peu de connaissances, fournissent peu de sécurité et d'occasions de promotion; que l'insertion socioprofessionnelle dépend aussi des occasions qu'elles ont de faire leurs propres choix et de voir leurs efforts reconnus et soutenus pour s'insérer dans le monde de l'emploi, que la majorité d'entre elles n'aura aucune chance de travailler dans l'état actuel de la sécurité du revenu; considérant que l'insertion sociale et professionnelle ne dépend pas uniquement de ces personnes mais aussi et surtout la qualité de l'accompagnement qu'on leur offre;

Nous recommandons que le ministère de l'Emploi inclue dans les mesures de formation reconnues par le centre local d'emploi des programmes d'alphabétisation et de formation à l'intégration sociale délivrés par le ministère de l'Éducation; que le ministère de l'Emploi, en collaboration avec le ministère de l'Éducation, le ministère de la Santé et des Services sociaux, l'Office des personnes handicapées du Québec et le milieu associatif élaborent une politique permettant la création d'emplois accessibles pour les personnes ne possédant pas de diplôme et dont les exigences obtenues d'un diplôme d'études secondaires ne sont pas adaptées à leur situation; que les mêmes ministères, avec le milieu associatif, priorisent et élaborent une politique de reconnaissance des acquisitions qualifiantes des personnes vivant une déficience intellectuelle lors de leur cheminement éducatif et d'intégration socioprofessionnelle par l'obtention d'un diplôme ou attestation équivalent mettant en valeur les compétences de la personnes lors de son parcours vers l'emploi auprès des employeurs; que le ministère de l'Emploi élimine les modalités discriminatoires en fonction de l'âge, du sexe ou de la déficience intellectuelle au niveau de la prestation des services qui seront offerts par le centre local d'emploi en offrant à tous, sur une base volontaire, la possibilité de recevoir un service individualisé de suivi du cheminement de la personne à l'intérieur d'un parcours d'insertion en emploi.

Discrimination administrative du système. Considérant que la personne présentant une déficience intellectuelle ne peut retourner à la sécurité du revenu après une perte d'emploi, la Fédération des mouvements personne d'abord du Québec vous recommande que cette personne garde le statut de soutien financier qu'elle avait auparavant; que l'on facilite l'obtention du barème de soutien financier aux personnes présentant une déficience intellectuelle et que l'obtention de ce barème se fasse dans un délai de 90 jours suivant la demande. Je vous remercie de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci madame. Vous avez terminé?

Mme Côté (Isabelle): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue. Je vous remercie pour ce mémoire, je le trouve très bien fait. Je trouve que c'est un mémoire très pédagogique où, à la fois, vous nous présentez les propositions et puis, je dirais, les points de vue dans les mots mêmes des personnes qui sont, j'imagine, membres des différentes associations. Bon.

La première chose, c'est certainement de vous dire, pour ce que vous recommandez à la page 10, que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité identifie clairement les personnes vivant avec une déficience comme faisant partie de la clientèle desservie par le centre local d'emploi au même titre que les jeunes, les familles monoparentales et les immigrants. Ce matin – je sais que certains d'entre vous y étiez, peut-être pas tous – nous en avons parlé, de ça, avec les personnes qui sont venues présenter des mémoires. Il faut clairement se le dire: présentement et depuis huit ans, en fait, vous êtes non seulement exclus des politiques de main-d'oeuvre, qui, elles, sont, de toute façon, réservées à la SQDM pour tous les chômeurs, sauf ceux à l'aide sociale – c'était ça, la loi jusqu'à maintenant, qu'on veut changer – exclus des politiques de main-d'oeuvre, mais, en définitive puis en pratique, vous étiez exclus aussi des mesures d'employabilité.

On voit que, dans le soutien financier, à dire vrai, ces mesures d'employabilité étaient au compte-gouttes complètement. Étant donné que la catégorie inaptes... Les personnes avec un handicap ou une déficience ne faisaient pas partie de la catégorie aptes. Il faut voir la loi. La loi n° 37, on a beau ne pas utiliser le mot, mais elle introduisait deux catégories: aptes et inaptes. C'est ça qu'on veut changer aussi.

(14 h 30)

Alors, là, et je reviens tout de suite à la dernière des recommandations, vous nous dites: Que cette personne garde le statut de soutien financier qu'elle avait auparavant. La catégorie soutien financier, c'était une catégorie pour les personnes inaptes. La catégorie des personnes inaptes, elle n'existera pas, cette catégorie-là. Ça ne veut pas dire qu'on ne tiendra pas compte de la situation des personnes, mais ça veut dire que, présentement... Vous savez pourtant toutes les difficultés des personnes qui sont dans la catégorie soutien financier. Actuellement, par exemple – ça fait huit ans que ça dure – si elles participent à une mesure d'employabilité, dans les cas de tentative de retour sur le marché du travail, si elles veulent être réadmises après, c'est un délai qui est de six mois. Si la personne est réadmise après ce six mois-là, elle a comme à refaire complètement toutes ses démarches pour à nouveau se faire reconnaître pour le programme.

Moi, ce que je propose dans le livre vert, c'est quelque chose... Je suis contente qu'on en parle, j'ai l'impression qu'on n'est pas si loin dans nos propositions, vous et moi. À la page 7, dans votre chapitre 3, vous nous dites: «Nous ne pouvons souscrire à l'option qu'offre le ministère de l'Emploi et de la Solidarité d'offrir aux personnes catégorisées inaptes le choix d'un transfert à la Régie.» Puis, dans votre deuxième paragraphe, vous dites: «Nous considérons que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a des responsabilités face aux personnes présentant une déficience intellectuelle.»

Moi aussi, mais pourquoi est-ce qu'on assimile les personnes présentant une déficience intellectuelle à des personnes catégorisées inaptes? Vous voyez, même dans la présentation... En fait, il faut comprendre, puis vous le dites à la page suivante.... J'ai trouvé ça intéressant, quand vous dites: «Considérant que la déficience ne signifie pas invalidité...» Donc, ce qu'il faut, c'est être clair, et le livre vert ne l'est pas assez.

Mais, ce qu'il faut: être clair dans la loi et dire, dans la loi, que la catégorie des personnes aptes, ça comprend à la fois celles qui peuvent avoir un handicap, des limitations fonctionnelles – je pense que c'est plus l'appellation – et puis une déficience, puis distinguer cette catégorie apte grossie, là, si vous voulez. C'est comme dans la théorie des ensembles, il y a un sous-ensemble dans aptes, qui est une personne ayant une déficience; d'autres, en fait... mais ça fait toujours partie de la catégorie aptes. Mais ça, c'est clairement dit dans la loi.

Quand on parle d'invalidité, on ne parle pas de ces personnes-là, mais il peut arriver... Elles ne sont pas ici, les personnes qui sont inaptes au travail. Vous savez, si elles étaient ici, elles n'auraient pas le goût de se faire reconnaître invalides. Vous n'en êtes pas. Le premier ministre n'en est pas, même s'il a un handicap. Il n'y a personne, je ne pense pas, qui va représenter des organismes dans toute la journée qui fait partie des inaptes, mais ça existe dans n'importe quelle société, des personnes invalides, et ce n'est pas une étiquette qui renforce les préjugés. Si vous saviez, dans des bureaux de comté de députés, combien il y a des gens qui viennent en disant: Je voudrais tellement me faire reconnaître comme invalide. La rente d'invalidité, c'est vrai qu'on dirait qu'elle prend tout un symbole positif quand c'est sous forme d'assurance pour laquelle les gens ont contribué. Ça reste aussi une rente d'invalidité.

C'est évident qu'à la Régie des rentes, c'est un statut d'invalidité, pas sous forme de rente, d'assurance, mais sous forme d'allocation d'assistance, mais, c'est aussi la reconnaissance de l'invalidité. Alors, moi, ça me questionne: Pourquoi, quand c'est sous forme d'assurance-invalidité, il n'y a pas de préjugés, puis, quand c'est sous forme d'assistance-invalidité, il y a un préjugé? Incidemment, ça ne désavantagerait pas au niveau de l'assurance-médicaments. Vous comprenez bien que c'est des régimes distincts, ça. Vous voyez, c'est comme le régime de retraite. Vous savez, il y a des régimes privés de retraite puis il y a la Régie des rentes; il y a les deux. Alors, l'allocation d'invalidité puis la rente d'invalidité, ce serait deux choses. C'est évident que l'allocation d'invalidité sous un régime d'assistance comprend tous les besoins spéciaux, y compris ceux qui sont reconnus au Soutien financier présentement.

C'est peut-être la question de plus de fonds, finalement. En même temps, moi, je reçois votre message parce qu'il est très important. Ce que vous nous dites, c'est: Faites très, très attention pour qu'on puisse, mous, les personnes ou celles qu'on représente, qui ont une déficience intellectuelle, ou d'autres avant vous qui sont venues pour représenter des personnes qui ont une limitation fonctionnelle... Étant donné que ça fait, c'est vrai, 10 ans, qu'il n'y a pas de formation pour les agents, il n'y a pas eu d'habitudes, là. Au contraire, je pense que si, d'une façon quasi systématique, les personnes s'en allaient sur des mesures, après on ne les considérerait plus comme pouvant quasiment être sur le Soutien financier. Tandis que là, ce qu'on dit, c'est qu'on va tenir compte des deux. On va tenir compte des limitations fonctionnelles, que la personne veut se faire considérer apte, puis on va équivaloir sans qu'elle soit perdante, si la personne veut se faire considérer invalide, mais ça va être son choix. Bon. Ça, c'est la première chose.

Peut-être juste un mot sur vos recommandations. Je peux les comprendre, en tout cas, à la page 9, là, que les barèmes de base soient l'équivalent de Statistique Canada sur les seuils de Statistique Canada. Mais, juste au niveau des seuils de Statistique Canada – actuellement, l'aide sociale, c'est 3 500 000 000 $ au Québec, n'est-ce pas? – juste pour équivaloir Statistique Canada, ça coûterait 3 500 000 000 $. Ça coûterait finalement 7 000 000 000 $. Puis, en 20 ans, non pas parce que les barèmes ont augmenté, vous le savez, mais ça a augmenté de 600 %. On est passé à un régime où c'est de plus en plus les chômeurs qui sont à l'aide sociale.

Par exemple, si je pouvais, moi, avoir le 600 000 000 $... Ça coûte 600 000 000 $ de plus par exemple juste pour amener le barème aptes au niveau du barème soutien financier. Juste pour faire équivaloir, là, c'est 600 000 000 $ de plus. Bon. On peut le demander, comme vous le demandez, mais, en même temps, vous êtes conscients et conscientes que ça supposerait de trouver l'argent autrement qu'en l'empruntant. Voilà quelques considérations là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. Blais, madame?

Mme Fortier (Catherine): C'est sûr, nous comprenons toute la structure. On est plusieurs, on est beaucoup qui vivons en ayant un petit handicap intellectuel, mais ça n'empêche pas la personne de faire quoi que ce soit, de vivre. Mais, on ne voudrait pas, on ne souhaiterait pas, on ne veut pas arriver à un terme: nous sommes invalides. On est tous capables, comment je dirais ça... Excusez, ce n'est pas les bons termes, les bons mots. On veut tellement faire voir qu'on est tous capables. On est capable, on est fort. Je comprends comme vous, il y en a qui nous jugent dans notre façon, selon nos capacités. On est tous des personnes humaines. Des personnes humaines.

Mme Harel: Mais, dans les personnes humaines, il y a plein... il y en a qui sont plus égaux que d'autres. Ça ne veut pas dire que les personnes déficientes intellectuelles ne sont pas capables, mais de dire qu'elles sont toutes capables, là, indéniablement, je pense que de passer de l'individu à l'unanimité, il y a peut-être un pas qui englobe d'autres qui ne veulent pas ça.

Mme Fortier (Catherine): Je comprends bien. Mais, supposons, prenons quelqu'un comme moi. Il faut l'encourager, lui montrer, lui faire voir... Comment je dirais ça...

Mme Harel: Mais, reconnaissez-vous qu'il puisse y avoir des personnes invalides dans une société?

(14 h 40)

Mme Fortier (Catherine): C'est sûr. Peut-être qu'il y en a quelque-unes, il n'y en a peut-être pas gros, mais le mot «invalide», ça veut dire quoi? Mettre une autre étiquette par-dessus une autre étiquette. Il y en a sûrement qui ne voudraient pas. Ils ne souhaiteraient pas ça. Puis, c'est sûr, je me répète, il y a trois forces de handicap, puis...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'il y en a d'autres qui voudraient ajouter? Isabelle.

Mme Côté (Isabelle): Ce qu'elle veut dire par «il y a trois forces de handicap au Québec»: il y a la déficience intellectuelle légère, la déficience intellectuelle moyenne et la déficience intellectuelle lourde. Moi, je fais partie de la déficience intellectuelle légère. Mais, je me dis que, quelque part, la déficiente intellectuelle doit avoir les mêmes capacités qu'une personne normale. Puis, quelque part, on serait capable d'être à part égale, d'avoir des emplois, au moins, pour nous autres: qu'on soit capable de considérer qu'on est des déficients intellectuels, qu'on soit capable de nous encourager face à nos choix, être capable d'être compris puis d'être respecté comme tout autre citoyen.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Giroux.

M. Giroux (Léandre): C'est ça. Aussi, les personnes qui ont une déficience plus profonde, disons, qui iraient s'inscrire à la Régie des rentes, à ce moment-là, les gens des mouvements nous ont dit que, quelque part, ça augmente la fausse perception de la société vis-à-vis d'eux autres, en disant qu'on n'est pas capable, qu'on ne peut pas travailler. «Pourquoi vous n'allez pas là, à la Régie des rentes? C'est bien plus facile et on va éviter, comme ça, de vous donner un parcours pour l'emploi.» C'est ce que les mouvements ont dit, que ça augmente, que ça stigmatise quelque part, que ça renforce...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour. Je trouve que vous touchez un point qui est très important, c'est une des grandes questions qu'on aura à se poser dans ce projet de réforme. D'abord, je veux dire que quelles que soient les orientations qu'on va prendre, il est bien entendu que les personnes – puis, j'aime bien le nom de votre mouvement pour ça – ont droit au respect de ce qu'elles sont comme personnes et il n'y a pas de jugement à porter quant à l'utilité des personnes dans la société. Je ne pense pas qu'il faille qu'on voie derrière les orientations qu'on prend un jugement sur le fait que des gens sont plus ou moins utiles ou plus ou moins respectables. Non. Chaque personne inspire le respect et peut être utile à bien des égards. Il y a des gens qui sont, pour des raisons accidentelles ou autres, totalement invalides et qui ont une utilisé sociale certaine. Donc, il n'y a pas d'équation à faire entre l'utilité que l'on a et la forme que l'on peut avoir au plan physique ou intellectuel.

Cela dit, dans le livre vert, nous, on oppose deux choses. D'une part, un parcours obligatoire. Dans le livre vert, ce dont on discute actuellement, il y a un parcours individualisé obligatoire. Chaque personne qui veut s'inscrire comme étant une personne qui veut travailler, qui veut s'inscrire dans un parcours, doit le faire. Donc, il y a une obligation.

Mais, par ailleurs, on dit: Il y a des personnes dans la société qui ne pourront jamais faire ça. Elles n'en ont pas les capacités ou ne le souhaitent pas, et on doit reconnaître – je ne pourrais pas mettre de chiffre là-dessus – qu'il y a des personnes qui sont, de fait, invalides et qui, elles-mêmes, ou encore, dans certains cas, elles n'en ont pas forcément même la capacité de choisir elle-même. Ça peut être leurs parents, leur tuteur qui choisissent que cette personne-là, il vaut mieux – au lieu de dire, on va la forcer à s'inscrire dans un parcours – dire, on lui permet de considérer qu'elle est invalide.

Mais, c'est important que vous ayez à l'esprit d'abord que c'est un choix. C'est toujours un choix. Ce n'est jamais, de notre point de vue, le ministère qui va classer les gens en disant: Toi, tu es apte; toi, tu n'es pas apte. Ou, toi, tu es invalide; toi, tu ne l'es pas. C'est un choix de la personne ou encore des personnes qui l'accompagnent. Je pense à des jeunes, par exemple, qui pourraient, à un moment donné, avoir besoin d'aide pour faire ce choix. Et c'est un choix qui n'est pas irréversible. C'est un choix que l'on peut faire mais qu'on peut défaire ou refaire autrement si, pour différentes raisons, on se rend compte, on pense par exemple être à nouveau capable.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que nous ne voulons pas classer les gens d'un côté, contre leur gré, ni les classer à tout jamais. C'est toujours un choix de la personne et c'est toujours réversible. J'aimerais ça que vous réagissiez un peu à ces deux éléments.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Blais.

M. Blais (Marcel): Oui. En tout cas, j'aimerais dire quelque chose. Je ne sais pas si c'est bien placé, mais, M. René Lévesque, je pense, en 1982 ou 1983 – je ne me souviens plus les dates – il a quand même fait un projet de loi qui demandait aux éventuels employeurs d'engager sur une base volontaire – en tout cas, il y avait 50 % ou 30 % – des personnes handicapées. Bon. Si M. Lévesque s'est permis de proposer une telle loi, quelque part, il faisait confiance peut-être à 10 %, 15 %, 12 % – je ne sais pas combien de pourcentage – de personnes classées ou désignées handicapées toutes catégories qui pouvaient éventuellement obtenir un travail.

Mme Malavoy: C'est parfait, ça.

M. Blais (Marcel): Sinon, autrement, les forces du marché, on les connaît. Regardez, ça fait à peu près 15 ans que je me cherche un ouvrage, je ne suis même pas capable de m'en trouver un. On est toujours comme disqualifié quelque part, peut-être à cause de notre conduite, état de santé mentale ou de santé intellectuelle, ou d'autres types de comportements. Il y a toujours comme une disqualification naturelle qui se passe dans la gestion, je dirais, des rapports humains; c'est tout simplement comme ça. On n'a rien à dire à ce niveau-là. Mais, ajouter à la disqualification, ça détruit peut-être un petit peu plus l'être humain. Je me disais quelque part: Bon, parions sur la capacité d'un individu, puis si, faute de mieux, on ne peut pas faire autrement parce que c'est comme ça, les exigences politiques, bien, qu'on permette un accès volontaire, je dirais, à des régimes de vie qui pourraient éventuellement permettre aux individus de pouvoir se resituer socialement ou se resituer socioprofessionnellement.

Si ce n'est juste que de moi comme tel, mettez-moi dans la Régie des rentes au plus mosus, je suis fatigué de vivre avec 480 $ par mois. Mettez-le tout de suite, prenez mon nom puis allez-y. Mais, autrement, moi, j'aimerais ça contribuer à la société, j'aimerais ça faire quelque chose dans la société puis dire: C'est le fun de contribuer à la société. Même si c'est pour quelque chose de tout petit, moi, je me dis: On contribue. Puis, les personnes handicapées qui portent des couches, elles contribuent aussi à la société parce qu'il y a des préposés aux bénéficiaires qui sont là, qui sont en train de travailler pour eux autres; il y a des psycho-éducateurs; il y a des psychologues. D'une certaine manière, ces personnes-là contribuent à la société puis elles contribuent à coup de millions puis à coup de milliards, là.

Mme Malavoy: On ne dit pas des choses différentes, vous et moi.

M. Blais (Marcel): Non, probablement pas, sauf qu'on dirait que ça ajoute à la disqualification naturelle dans les rapports humains. C'est juste ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière question rapide de ce bord-ci, parce que je dois gérer le temps. Mme la députée de La Prairie.

M. Blais (Marcel): Vous avez le temps devant vous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On en manque toujours.

M. Blais (Marcel): En tout cas, vous comprenez ce que je veux dire.

Mme Simard: Bonjour à la Fédération des mouvements personne d'abord. Moi aussi, j'aime beaucoup, beaucoup le nom. Mais, je pense que tout est dans la possibilité que le choix soit réversible, c'est-à-dire qu'on peut un jour décider d'un statut puis, ensuite, le changer. Je pense que ça, c'est important. Moi, je connais mieux le monde du travail. Je sais que parfois il y a des gens qui, pour différentes raisons, deviennent malades et ont un choix à faire sur leur assurance, faire un choix qui, lui, est irréversible. Irréversible, c'est quand tu décides, par ton assurance et ton employeur, d'une assurance invalidité long terme. Tu ne peux plus la changer. À ce moment-là, si tu décides de toucher les bénéfices, tu ne pourras plus aller te trouver d'autre emploi non plus.

Moi, je comprends vos craintes, je comprends vos appréhensions. Je sais que ça provient, au fond, de la multitude d'expériences que vous avez du milieu. Personne ici ne va vous contredire, c'est vrai qu'il y a de la discrimination qui s'exerce à votre égard. Il y a du chômage, trop, dans notre société, et, toutes proportions gardées, vous le vivez davantage que d'autres groupes dans la société. Dans la mesure où le choix peut être changé, je pense que là il y a quand même une forme de sécurité qui évite un peu ce que vous voulez éviter ou empêcher. Parce que je comprends. Ce que vous dites, c'est que le système va faire des pressions telles qu'on va nous caser dans la catégorie puis on ne sera plus capable d'en sortir. Mais, c'est possible d'en sortir.

Dans ce sens-là, je pense que, ce que vous soulevez, c'est important, il va falloir y réfléchir, mais il y a quand même des choses qui sont importantes, qui sont inscrites dans le livre vert, qui justement peuvent éviter ce que vous dites, c'est-à-dire une catégorisation définitive.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

(14 h 50)

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue à cette commission. Dans la même foulée, moi, plus j'entends les groupes en commission parlementaire, plus la consultation avance, plus je me rends compte que le gouvernement doit avoir une réflexion beaucoup plus approfondie sur cette question-là du transfert.

Ce matin, des groupes nous disaient que finalement ça va accentuer l'exclusion des personnes, ça retire un droit à ces personnes-là. Il faut aussi se poser la question: pourquoi on tient à le faire? Je n'ai pas encore trouvé la réponse. Moi, je me dis: Si le gouvernement va dans ce sens-là quand on sent que les groupes viennent nous dire «n'allez pas dans ce sens-là, c'est une mauvaise piste; nous, on préfère demeurer à la sécurité du revenu»... Quand on regarde le rapport de Camil Bouchard, c'est une recommandation de M. Bouchard et son équipe, dans Chacun sa part . Il disait très bien que c'était dangereux et qu'il fallait laisser toutes les personnes à la sécurité du revenu, intégrer ce groupe de personnes dans l'ensemble des allocataires de la sécurité du revenu et leur assurer accès aux mêmes services d'accompagnement et d'insertion à l'emploi.

Alors, je pense que le gouvernement doit continuer sa réflexion. S'il va dans ce sens-là, le sens qui nous est proposé dans le livre vert, il faut se poser la question pourquoi il tient tellement, il tient mordicus à faire ce transfert-là, de personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Même s'ils ont le choix, même si on leur offre le choix, même si on leur donne la possibilité de revenir sur leur décision, pourquoi vouloir continuer à les transférer et ne pas les laisser à la sécurité du revenu, comme c'est le cas actuellement?

Moi, j'aimerais vous poser une question. Dans votre mémoire, à la page 6, au niveau de la formation, le dernier point, quand vous dites «aucune mention de subvention spéciale à l'intégration à l'emploi pour les personnes handicapées», est-ce que vous faites allusion au régime actuel: quand une personne soutien financier participe à une mesure d'employabilité, elle reçoit un montant de subvention de 100 $ supplémentaire? Est-ce que c'est à ça que vous faites allusion?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Blais.

M. Blais (Marcel): C'est au livre vert de Mme la ministre. C'est là qu'on fait la mention, tout simplement parce que les besoins de formation auprès des personnes handicapées, en tout cas d'origine intellectuelle, ça nécessite quand même un plan de formation adaptée. Ce n'est pas évident que les travailleurs des CTQ soient habilités justement à donner ce type de formation. En tout cas, il y a comme absence de formation qui est prévue, en tout cas pour des fins de mesures d'employabilité.

Mme Loiselle: Pour la formation.

M. Blais (Marcel): Oui, formation.

Mme Loiselle: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Côté, Mme Isabelle, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Côté (Isabelle): Prenez un exemple, O.K.? On va prendre mon exemple. Bien, tu sais, je ne veux pas donner d'exemple pour moi, mais admettons que je suis une déficiente intellectuelle. J'ai eu des cours comme tout le monde, à l'école, puis, quand je suis arrivée à 16 ans, on m'a dit: Tu t'en vas en ISPJ, insertion sociale et professionnelle pour jeunes, qui montrait le stage et l'école en même temps. Je n'ai pas eu d'attestation pour dire que j'ai fait ce cours-là, rien de ça, pas de secondaire V en sortant. Imaginez-vous comment on peut faire? Moi, je suis déficiente intellectuelle, je n'ai même pas mon secondaire V dans les mains, même pas d'attestation disant que j'ai été au cours ISPJ, comment je vais faire pour me trouver de l'emploi? C'est grâce au SEMO si j'ai un emploi aujourd'hui, mais si le SEMO n'avait pas été là, admettons, pour la déficience intellectuelle, comment j'aurais fait?

Mme Loiselle: C'est ça, ce matin, on a parlé beaucoup des SEMO, de l'importance des SEMO puis du rôle qu'on doit leur accorder aussi dans toute la réforme, justement. Parce que, vous, c'est le SEMO qui vous a aidée après votre cours? Oui?

Mme Fortier (Catherine): Excusez. Elle donnait un exemple. Je voudrais être sûre que ça soit bien. Supposons qu'elle avait le choix ou qu'elle n'avait pas fait le choix et qu'elle s'en irait vers l'invalidité, aujourd'hui, elle ne pourrait peut-être pas faire grand-chose. Elle aurait peut-être... en tout cas. C'est ça. On nous donne, on dit qu'on nous donne le choix, la possibilité, mais, c'est ça, le mot... Si, quelques personnes, on les met sur l'invalidité – excusez, c'est un grand mot, puis je... – on ne pourra pas faire grand-chose...

Mme Côté (Isabelle): Quand la commission scolaire voit que, nous autres, on est déficient intellectuel puis qu'on a des troubles d'apprentissage, ils nous envoient dans des classes spécialisées pour nous. Pourquoi? Ça ne fait pas bien, bien longtemps qu'ils mettent les déficients intellectuels avec les gens de classe normale. Comment ça se fait qu'avant ils ne pouvaient pas le faire? Moi, je ne comprends pas le sens, là. Pourtant, j'étais super bonne à l'école. Puis là, tout ce que j'ai aujourd'hui, je n'ai pas de diplôme. J'ai un emploi, mais, quand même, mon emploi ne sera pas toujours assuré. Puis, par après, où est-ce que je vais aller? Sur l'aide sociale. Puis, quand on va voir que je suis inapte, bien: Tu vas avoir le choix d'aller à la Régie des rentes ou soit que tu vas rester dans le point où tu es. Moi, j'aimerais mieux rester dans le point où je suis parce qu'à la Régie des rentes, je n'arriverai jamais à me trouver de l'emploi. Je vais arriver pour aller chez les employeurs, ils vont me dire que je ne peux pas parce que je suis à la Régie des rentes et que je suis une inapte envers la société.

Mme Loiselle: O.K. Dans la même série de points, là, le dernier point, vous dites: «Aucune mention de subvention spéciale à l'intégration à l'emploi pour les personnes handicapées.» Est-ce que ça, vous voulez parler ici de la subvention spéciale à laquelle, actuellement, quand vous participez à une mesure d'employabilité ou une autre, vous avez droit, une aide de 100 $, n'est-ce pas? Est-ce que c'est à ça que vous faites allusion, que le livre vert est muet sur ça, sur ce montant-là?

M. Blais (Marcel): Oui, c'est ce que je disais. Le livre vert est muet, à moins qu'on prévoie quelque chose en fonction de ça. Mais, c'est sûr que les personnes qui vont être formées pour donner ce type de formation-là... Parce que c'est toujours quelque chose de spécial. Les professeurs réguliers, ils ont de la misère à accepter le monde régulier, imaginez les personnes qui ont un handicap quelconque. Bon. Je ne le sais pas.

Mme Loiselle: Il y a un autre point qui a attiré mon attention. Vous parlez que si on transfère les personnes à la Régie des rentes, elles se verraient désavantagées au niveau de l'assurance-médicaments. Qu'est-ce que vous voulez dire, à cet égard-là, pour l'assurance-médicaments?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Bernier.

Mme Bernier (Hélène): Oui. Je pense que les principaux points que les gens voulaient mettre dans leur mémoire... Je pense que, ce que les gens voulaient dire, dans les points du mémoire, c'est qu'il y avait beaucoup de zones grises à l'intérieur de la réforme en ce qui concerne la problématique des personnes handicapées. Tantôt, il y avait M. Blais qui signifiait, au niveau de la classification: on remet une étiquette si on rajoute un choix au niveau de l'invalidité. Il y a des zones, là, finalement, dont on n'entend pas parler. On entend parler des personnes jeunes, des femmes, et puis des clientèles prioritaires. Les gens, ce qu'ils disent, c'est qu'ils veulent être d'abord avec tout le monde. Mme Fortier l'a précisé aussi; Mme Blais aussi. M. Blais, c'est-à-dire. Ce qu'on aimerait peut-être clarifier... On se magane cet après-midi, Marcel. Ha, ha, ha! Ce qu'on aimerait clarifier, je pense: on est des personnes d'abord, finalement, peu importe notre nom. Ce qu'on aimerait clarifier, je pense, aussi...

Ce matin, on a assisté aux débats. Il y a eu des présentations de l'Office des personnes handicapées, des regroupements des organismes de promotion. On a assisté aux discours. Et, Mme Harel aussi, ce matin, nous disait qu'il y avait «des mots qui tuent» – pour reprendre votre expression, madame. Je pense que les gens, ce qu'ils disent, c'est de faire attention, de prendre en considération qu'effectivement il peut y avoir des mots qui tuent, et le statut d'invalidité peut nuire au niveau de l'opinion publique ou au niveau de l'intégration sociale.

Je voudrais vous faire peut-être une courte histoire de rencontres, de belles rencontres qui auraient pu avoir lieu, dépendamment... L'histoire n'est pas finie, elle est entre vos mains. Je pense qu'il y a eu, depuis 20 ans... L'assistance sociale avait pour but, un peu, un régime de protection au niveau des personnes handicapées: le filet de protection sociale, si on retourne en arrière. Ce n'est pas ma spécialité, mais, si on retourne en arrière au niveau des personnes handicapées, il y a eu 20 ans de belle histoire pour se rattraper, avec des politiques comme À part égale , avec l'impératif humain et social et avec les efforts des gens eux-mêmes et de leur famille qui veulent être avec tout le monde et qui veulent avoir accès à la société et aux mêmes services.

Là, on se rend compte que 20 ans... On arrive à 20 ans-20 ans, mettons, là, au niveau de la réforme de l'aide sociale. Il y a un renouveau. Il y a une chance encore de faire des choses meilleures. Et puis, au niveau du milieu des personnes handicapées, on est rendu qu'on pourrait faire une belle rencontre d'intégration, se rejoindre à ce niveau-là, et puis, là où la rencontre est possible, c'est qu'on demande à une certaine partie des gens de se diviser de cette belle rencontre-là, d'être avec le ministère de l'Emploi et de «la Solidarité». Je pense qu'il ne faut pas l'oublier.

(15 heures)

Alors, peut-être, de voir, ce matin... On a tendance à dire: On vous donne un beau cadeau. Je pense que ce que les gens vous disent, c'est qu'ils n'en veulent pas, du cadeau. Même s'ils ont le choix de le prendre, le cadeau, ou de ne pas le prendre, ils n'en veulent pas parce que ça peut avoir des répercussions pénibles de la belle rencontre qui a eu lieu et des efforts qui ont eu lieu depuis 20 ans. Alors, c'est comme s'ils vous disent: On est allergique au cadeau que vous voulez nous donner. On ne peut pas refaire des enflures; ce n'est pas ça que ça nous prend. Même s'il y a des gens qui en voudraient, de ce cadeau-là, peut-être qu'ils vont être allergiques 10 ans plus tard et que ça va nuire au niveau de l'opinion publique. C'est un petit peu ça, là, je pense.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Moi, je vais tenter de comprendre mieux, toujours dans le but d'éclaircir cette question de choix, parce que la ministre, les députés ministériels misent beaucoup sur la question de choix. Ils disent: Écoutez, là, tout le monde va avoir le choix. On ne fait pas mal à personne parce qu'on donne le choix: le choix d'accéder au régime d'invalidité ou de rester à l'intérieur du réseau du ministère de l'Emploi pour une insertion, un travail éventuel. Là, vous êtes maintenant le troisième groupe qui vient nous dire que ça ne vous satisfait pas, le choix. C'est à peu près ça que vous dites, là, vous dites: Soyez prudents, parce que, même le fait que vous ayez le choix de le faire, il y a quelque chose qui est là, qui sonne faux ou qui augmente ou alimente des craintes.

Est-ce que c'est parce que vous craignez être dirigés vers ce statut d'invalidité? Est-ce que vous pensez qu'il va y avoir de la pression pour vous rendre à l'invalidité? Qu'est-ce qui est derrière cette crainte que vous exprimez de façon quasi unanime là-dessus? C'est ça, je pense, que certains de cette commission ont de la misère à comprendre.

M. Blais (Marcel): M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, M. Blais.

M. Blais (Marcel): O.K. La crainte principale, je dirais, c'est la mort sociale. La mort des personnes qui sont là. Moi, en tout cas, je n'oserais pas vous proposer comme question: Bien, vous avez à choisir entre le pont et puis l'eau. Tu sais: entre le pont Jacques-Cartier et puis le fleuve Saint-Laurent. Si j'avais à vous donner le choix, probablement que je dirais: Bien, choisissez donc le fleuve Saint-Laurent, vous allez vous rendre plus vite. Je ne sais pas si vous allez accepter ce choix-là. C'est possible que vous décidiez tout simplement de dire: Bien, moi, ça me tenterait de me promener sur le pont Jacques-Cartier. Bon. C'est un peu ça qu'on dit, là. Il y a des choix où ça nous entraîne vers la mort et il y a d'autres choix où ça nous entraîne vers la vie. Nous autres, on préférerait le choix qui irait vers la vie. Je ne sais pas si vous comprenez ça. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Autres commentaires? Mme Côté.

Mme Côté (Isabelle): Dites-vous une chose, quand on est déficient intellectuel, tout le monde nous donne des étiquettes puis, nous autres, des étiquettes, on n'en veut plus. Même si, sur le marché du travail, on nous dit encore et encore qu'on est trop lent, c'est peut-être parce que les personnes nous connaissent mal ou peut-être que le monde ne comprend pas la déficience intellectuelle complètement. Mais, moi, ce que je peux dire, c'est que je pense que tout le monde a droit à sa chance, qu'il soit déficient ou non. Moi, je me dis qu'en déficience intellectuelle... Je sais bien que le proverbe dit: Il faut se lever tôt pour voir notre avenir le plus proche. Moi, je pense que ceux qui se lèvent le plus le matin, c'est les déficients intellectuels, parce que eux autres se disent: Au moins, j'ai le courage d'aller travailler, j'aide la société et j'essaie de donner le mieux que je peux.

Tandis que si je n'ai plus d'emploi, je vais dire: Moi, qu'est-ce que je fais dans la société? Est-ce que je donne mon 100 %, est-ce que je fais mon possible ou je reste là à me tourner les pouces puis à ne rien faire? Tu sais, moi, tant qu'à être sur l'aide sociale, j'aime autant mieux ne pas y aller... j'aime mieux rester sur l'aide sociale et non aller à la Régie des rentes parce qu'à la Régie des rentes, je vais me dire: Je vais être invalide à vie puis je ne pourrai plus retourner sur le marché du travail. Mais, tant qu'à choisir entre les deux, j'aime mieux aller sur le marché du travail et participer activement à l'économie du Québec, sans être jugée, que le monde soit capable de respecter mon handicap et surtout mon rythme. Le rythme joue beaucoup. Je sais bien, il y en a qui disent: Ah, les déficients intellectuels, ils sont ci, ils sont ça. Mais, quand même, moi, j'ai horreur des préjugés qu'on me donne. On me dit que je suis trop lente; ça m'écoeure. Essayez donc de comprendre que le déficient intellectuel est là pour être respecté et être entendu comme tout autre citoyen à part entière dans un monde assez, comment je pourrais dire...

Mme Harel: Compétitif.

Mme Côté (Isabelle): Hein?

Une voix: Très compétitif.

Mme Côté (Isabelle): Oui, c'est ça que je veux dire. Mais, essayez de comprendre le sens de la réalité. Si vous comprenez la déficience, je pense qu'on va faire un long bout de chemin ensemble. Moi, en tout cas, je me dis que la déficience mérite d'être entendue et d'être respectée comme elle est.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Oui, M. Blais et ensuite, M. Giroux.

M. Blais (Marcel): C'est vrai que les parents sont inquiets. Les parents vont toujours être inquiets de leurs enfants, que ce soit des personnes handicapées ou non. Je pense qu'une bonne maman aime son fils. Un bon papa aime son fils ou sa fille. C'est de l'inquiétude partagée qui est naturelle. Mais, quand on rentre dans le vécu social, il y a déjà comme naturellement une disqualification qui se fait peut-être à cause des forces du marché, parce que je me suis fait élire à Notre-Dame-de-Grâce ou ailleurs, je ne sais pas. Est-ce que ces inquiétudes-là remplacent l'autonomie de la personne? Est-ce que ça remplace sa recherche à l'autodétermination?

Vous savez quand on vient au monde à l'intérieur et qu'on se fait dire qu'on n'est pas des personnes humaines d'abord parce que nous sommes des enfants de Duplessis, c'est terrible. C'est terrible. Il faut traverser un long chemin, un très long chemin. Mais, nous arrivons à le traverser, ce chemin-là. Que ça fasse le bonheur ou non de nos parents, on le traverse, ce chemin-là. On est certain que si père et mère viennent à mourir, il y a toujours quelqu'un d'autre qui va nous épauler dans notre vie. Bon. Je pense que la question, c'est une question prétexte. Sinon, personne ne se marierait. Personne n'irait travailler. Vous comprenez?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Giroux.

M. Giroux (Léandre): C'est au sujet du choix de la personne. On pense que les personnes visées par ce choix-là, ça ne serait pas elles-mêmes, les personnes, qui décideraient; ça serait plutôt des parents ou des gens qui peut-être veulent les protéger ou les surprotéger. Aussi, je voulais vous apporter la question qui nous a été posée par les mouvements et par les groupes: Pourquoi le gouvernement peut faire ça? Et qu'est-ce que ça donnerait de plus? Quelles sont les raisons d'offrir ce choix-là? On n'a pas pu leur répondre là-dessus encore.

M. Copeman: Oui, la question est préoccupante, le pourquoi. J'ai posé la question ce matin, j'ai envie de vous la poser, sauf qu'à la page 8 de votre mémoire, je pense, il y a un élément de réponse. Ce n'est pas moi qui l'ai écrit, vous dites: «Considérant que l'exclusion de ces personnes ne vise qu'à désengorger le système du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.» Quelqu'un a pensé à ça chez vous. Ce n'est pas inventé. Est-ce que vous voyez ça comme une raison pour laquelle peut-être le gouvernement procède de cette façon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Bernier, je crois bien.

Mme Bernier (Hélène): Peut-être rapidement. Finalement, c'est une question d'opinion publique dans les deux sens. Je pense qu'on s'entend au niveau des termes: autant l'opinion publique en matière d'aide sociale. Si on regarde au niveau des personnes assistées sociales, elles vivent des préjugés aussi. On entend «la fraude», dans l'opinion publique, et c'est peut-être les principales barrières, tandis que c'est une minorité. Alors, il faut renverser la vapeur au niveau de l'opinion publique pour abattre ces barrières-là. Quand on parle au niveau des personnes handicapées, la principale barrière, c'est lorsqu'on met des termes d'incapacité, invalidité, des termes, des mots qui tuent, comme Mme Harel le disait ce matin, ou comme Marcel le disait aussi tantôt.

Alors, pourquoi faire ça? Qu'est-ce que ça apporte aux personnes de transférer à la Régie des rentes? Les gens vous disent: Attention, ça n'apporte rien. Il n'y a pas de recours possible à la Régie des rentes, tandis qu'à la sécurité du revenu il va y avoir un comité des usagers, etc. Alors, c'est quoi, le but de tout cet exercice-là, si le milieu des personnes handicapées dit: Notre principale barrière, c'est l'opinion publique face à des termes et à l'invalidité, etc., sinon que peut-être avoir des gains d'opinion publique, de pouvoir diminuer le nombre d'assistés sociaux au Québec. Ça, ça peut être profitable peut-être pour M. et Mme Tout-le-Monde dans son salon. En tout cas, c'est une hypothèse. Le discours reste à poursuivre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de tous les membres de la commission, je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir été là. Je pense que ça a été bon.

Mme Fortier (Catherine): M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très court, très court?

Mme Fortier (Catherine): Oui, juste une petite... J'espère que toute la commission va tenir compte... Comment j'ai dit, le mot? Excusez. Qu'elle va peut-être tenir compte...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): De tout ce que vous avez exprimé?

Mme Fortier (Catherine): En tout cas, je vous remercie de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est nous autres qui vous remercions beaucoup.

(15 h 10)

Mme Fortier (Catherine): J'espère...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est très précieux pour nous.

Mme Fortier (Catherine): On va voir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Nous recevons maintenant la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec.

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Lemieux-Brassard, vous nous présentez la personne qui vous accompagne et vous commencez votre présentation. Bienvenue.


Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Bonjour. Alors, j'en déduis que je n'ai pas besoin de me présenter. Je suis avec M. Yves Fleury, qui est du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, qui est un des membres de la COPHAN. Je pense qu'après ce que je viens d'entendre, je trouve des plus important effectivement, un des problèmes étant la démystification, de vous faire savoir à très haute voix qu'au sein de la COPHAN la Fédération personne d'abord est un membre très actif, y compris au conseil d'administration, où on a un membre de la Fédération qui est un administrateur à plein titre, votant comme les autres et au même titre que les autres. Et, oui, ça se fait. Et, oui, on apprend.

Je pense qu'un des éléments importants de ce que je retiens ou de ce que je ne retiens pas de tout ce que j'ai entendu ce matin, c'est qu'on parle deux langages et deux vocabulaires différents. Et, pour ma part, ça fait quatre ans que je suis dans le milieu, ça fait quatre ans que je vous rencontre, certains plus souvent que d'autres – depuis deux ans beaucoup plus souvent – mais j'ai l'impression qu'on parle encore deux langages différents, que vous êtes de votre bord et qu'on est de notre bord. Je pense que, s'il y a quelque chose qu'on a à faire – le mandat que je me donne pour le prochain 20 minutes; et ça, ça va être ardu – c'est d'essayer d'établir un pont entre les deux pour qu'au moins j'entende, avant la fin de la présentation, que «vous» êtes prête à embarquer sur le pont, puis que nous autres on va faire notre bout, puis qu'on va espérer se rejoindre en plein milieu. Ce qui n'a pas été fait dans le cadre du livre vert. Et ce, malgré un an de conférence permanente, un an et demi de sous-comité des personnes handicapées à la conférence permanente. Ce qu'on avait dit le 1er avril dernier aux membres du comité interministériel par rapport au rattachement optimal au MSSS, on avait dit: Non. On le retrouve dans le livre vert.

Ce matin, Mme Simard disait qu'il fallait voir à mettre en place quelque chose, un programme, une mesure. Moi, ce que j'ai le goût de vous dire, c'est: il faudrait peut-être qu'on commence par mettre en place un même langage, un même vocabulaire, puis une volonté d'harmoniser la compréhension de la vraie problématique qui concerne les personnes différentes. Et, c'est ça, je pense, qui est le but de ce qu'on va présenter en plus de tout ce qui a été dit ce matin, O.K.? Vous comprendrez, j'espère, jusqu'à maintenant, que je ne suivrai pas le mémoire, le texte qui vous est présenté, à mon habitude.

Ce qui me frappe, depuis ce matin, c'est de réaliser que jamais, à l'heure actuelle, ni dans le livre vert ni dans les commentaires de ce matin, jamais on a répondu réellement aux vrais besoins des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Quand je parle de limitations fonctionnelles, c'est la même chose que des personnes qui ont des incapacités, parce que dans le processus de production du handicap, une incapacité ne vient pas sans des capacités. C'est la même chose que, pendant des années, on a parlé de handicapés, après ça de personnes handicapées. C'est la même chose. Sauf que, tantôt, on disait: les mots peuvent tuer. Disons qu'en parlant de limitations fonctionnelles, qui réfèrent à des limites qu'on a dans l'actualisation de fonctions quotidiennes que tout citoyen espère, bien, on a des limitations fonctionnelles. Quelle que soit l'origine ou la cause et le degré de sévérité de ces limitations.

Dans le document, tout de même, j'espère que vous tirerez profit d'une partie peut-être un peu plus légère, quand je parle de l'historique et du rôle de la personne handicapée à travers les années. Il est intéressant de voir que, dans l'Égypte ancienne, on était très accueillant à l'égard des personnes handicapées. Par contre, les Grecs et les Romains nous considéraient comme des signes de la colère des dieux. On inquiétait et perturbait la société et l'ordre du monde. Bien, c'est encore de même, puis il y en a plus que d'autres.

Puis, par contre, au XVIe siècle, enfin, les humanistes affirmaient les droits des handicapés. Pour la première fois, les médecins admettaient que les sourds avaient une capacité de raisonnement. Au XVIe siècle. Je pense qu'on a encore des choses à apprendre. Des mythes, on en traîne encore. Puis il y a encore beaucoup de démystification. Pourtant, les batailles quotidiennes pour la participation sociale pleine et entière des personnes qui ont des incapacités sont plus pressantes que jamais, des gains durement acquis s'effritent tranquillement. Est-ce que nous serons témoins d'un retour du pendule similaire à celui du début de l'ère de l'industrialisation? Ça, vous lirez la page avant, c'est très intéressant.

Verrons-nous à nouveau une réinstitutionnalisation des personnes ayant des incapacités? Je pense que le lien, il se fait avec les termes «invalidité et Régie des rentes», dans ce qu'on connaît, en ce moment, du programme qui est proposé. Et les mots sont très importants.

(15 h 20)

Je pense que ce qui est important, c'est aussi de voir que, finalement, quand on parle des 912 400 personnes qui ont des incapacités au Québec, il y a: des femmes chefs de famille monoparentale; il y a des jeunes; il y a des gens de différentes ethnies; il y a des gens qui veulent aller en formation professionnelle; il y en a d'autres qui veulent étudier; il y en a qui veulent avoir accès à des loisirs; d'autres à des activités de récréation; d'autres avoir des habitudes de vie. Des habitudes de vie, c'est toute activité considérée normale, entre guillemets, pour tout citoyen. Il y en a qui veulent poursuivre des études post-secondaires, puis il y en a d'autres qui n'en veulent pas. Mais, il y a des gens qui veulent travailler, il y en a qui ont déjà voulu travailler puis qui sont tellement écoeurés, parce qu'ils ont vécu des obstacles, des contraintes, des situations de handicap qui venaient de l'extérieur et non pas de leurs limites, qu'ils ne veulent plus rien savoir. Puis il y a ceux qui ne peuvent pas travailler.

Grosso modo, on réfère à exactement la même population que la population globale du Québec. Mais, il y a une différence, une énorme différence: il y a des gens qui ont des contraintes, qui sont confrontés à des obstacles à leur désir de participation sociale parce que l'environnement refuse de les reconnaître comme des citoyens et d'adapter l'environnement pour leur permettre d'être des acteurs socioéconomiques à part entière selon leur choix. Tous les autres que j'ai mentionnés décident de ce qu'ils veulent faire. Pourquoi est-ce qu'on dit aux autres 15 %: Non, nous autres, on sait ce qui est mieux pour vous puis on va décider pour vous autres. Bien, ça fait combien de siècles qu'on entend ça? Et, ce qu'on dit, c'est: Non.

Vous voulez faire une réforme? Parfait, nous autres aussi, parce qu'il y a plein d'affaires qui ne marchent pas, mais qu'on s'assoie donc ensemble puis qu'on soit prêt à s'entendre parler, les deux, à s'écouter des deux bords, puis qu'on regarde c'est quoi, la réalité, la vraie réalité quotidienne de ce qu'on vit. Les contraintes – et, volontairement, je n'emploie pas les termes «sévères à l'emploi» parce que ça ne veut rien dire – face à toute habitude de vie ne sont pas exclusivement inhérentes à la personne, elles sont tout autant sinon plus inhérentes aux lois, au système, aux programmes, à l'environnement général de la population et de la société dans laquelle on vit. Je pense que ça, c'est le premier défaut de la réforme. On n'est pas des clones. À l'heure actuelle, ce que je retire du livre vert, c'est qu'on va tous être pareils: tu es inapte ou tu ne l'es pas.

Pour chaque personne d'entre nous il y a des capacités et des incapacités variées et variantes. Et ça, on ne l'adresse pas. C'est un programme ou c'est une réforme, pour ce qu'on en connaît, qui est rigide, qui est fixe et pour laquelle il manque d'éléments dont, entre autres, la définition d'une invalidité. Je pense que ça, c'est la première chose.

Deuxièmement, nulle part dans la réforme on adresse la notion de contrainte ou d'obstacle autre que celle inhérente à la personne, bien entendu. Mais, est-ce qu'on tient compte quelque part que le transport peut être un obstacle, le maintien à domicile? Entre autres, le fait que tu ne peux pas avoir des services de maintien à domicile si tu n'es pas chez vous. Comment tu fais pour travailler ou être à l'école ou être en réadap puis chez vous en même temps? Mais, est-ce qu'on vous demande, à vous, pour ceux qui sont capables de se payer une femme de ménage, d'être chez vous pour que la femme de ménage soit là? Moi, je n'ai même pas le choix. Puis, en plus, c'est supposé être un service qui répond en partie à mes besoins. Mais, que pour que j'aie ce service, je n'ai pas le droit de participer puis d'avoir des revenus qui me permettent de payer de l'impôt comme tout le monde. Mais, il paraît que c'est un obstacle, une contrainte qui relève de moi.

L'adaptation de poste et de lieu de travail. Qu'est-ce que tu fais quand tu n'as pas d'accompagnateur puis de préposé? Jeudi dernier – je pense que M. Lazure peut en parler ou pourra acquiescer – on rencontrait l'AQRIPH, l'Alliance et la COPHAN, les membres du C.A. de l'Office. On avait fait des réservations pour un interprète, pour 15 heures, pour un des membres du conseil d'administration de la COPHAN. La réunion était à 15 h 30. À 15 h 45, l'interprète n'est pas arrivé. Bien entendu, il y a une structure, on doit embarquer. L'individu qui est là, il fait quoi? C'est parce que lui, il est sourd, qu'il a des contraintes, ou si c'est parce qu'il y a un problème à l'extérieur, dans l'environnement, qui fait que l'interprète n'a pas pu être là? Qui doit porter le fardeau de la contrainte? Pourtant, à l'heure actuelle, quand on définit s'il y a, entre autres, soutien financier, des contraintes sévères à l'emploi, c'est les contraintes de la personne.

Même chose, en passant, pour les 750 $ par année pour l'assurance-médicaments, n'est-ce pas? Sauf que ça m'amène au point: Quelle est la valeur de notre dollar par rapport au vôtre? Est-ce qu'on va enfin avoir un programme qui va en tenir compte? Ce n'est pas en disant «bien, on va vous donner 100 $ de plus par mois» qu'on répond aux besoins. Il y en a pour qui c'est plus que 100 $, puis d'autres, c'est moins. Où sont l'individualité de la personne, l'autodétermination de ses besoins et l'autogestion?

Juste vitement au niveau... Je pense que ça pourra sortir dans les questions. Ce matin, j'ai été littéralement choquée quand j'ai entendu qu'avec ce qui s'en vient on va faire des parcours individualisés puis on va diminuer le «case load» des conseillers à 300. J'ai été agent de probation et de libération conditionnelle pendant 17 ans. Je me demande comment on peut offrir un service individualisé, professionnel, de qualité et répondant aux besoins de la personne quand tu en as 300! Au ministère de la Justice, on jappait après 80, puis le ministère nous reconnaissait là-dedans. J'ai un problème, un sérieux problème. Surtout quand on sait qu'à l'heure actuelle, au SEMO, le «case load» est, en moyenne, de 45 à 50. Et ça, dans le milieu, ça a été très clair: oui, continuez les programmes.

(15 h 30)

Avant de céder la parole à Yves au niveau de l'allocation invalidité et tout ça, juste un dernier mot au niveau du régime d'apprentissage. Comme je l'ai dit à Mme la ministre, avec M. Lavigne, il y a trois semaines, le régime d'apprentissage alternance école-travail, c'est nous autres, le milieu, qui l'avons demandé il y a plus de 20 ans, particulièrement pour les gens qui avaient ce qu'on appelle maintenant une déficience soit intellectuelle ou développementale, qui permettait, en plus, de répondre aux besoins des décrocheurs et de tout jeune qui a des limitations ou qui a des besoins. C'est clair que d'avoir un prérequis secondaire III et un plafond 23 ans, ça ne tient absolument pas compte de notre clientèle. Est-ce qu'on va retirer ces critères-là? J'ose reposer la question en disant clairement que, quand on doit se battre parce qu'il n'y a plus de plan d'intervention personnalisé, qu'il n'y a plus d'orthopédagogues au niveau primaire puis que nos jeunes, en situation d'échec, se retrouvent en cheminement particulier, ce n'est pas de même qu'ils vont se retrouver dans le régime d'apprentissage qui pourrait, justement, leur permettre de développer une dignité d'être humain comme jeunes adultes. Vas-y.

M. Fleury (Yves): Merci beaucoup. En fait, ce qui est tout à fait regrettable du livre vert en rapport avec les personnes handicapées, c'est que ça semble constituer en quelque sorte un rendez-vous manqué avec ce qui aurait pu être un régime collectif d'indemnisation qui se serait basé bien davantage sur ce qu'on peut appeler les autres régimes d'indemnisation qui existent au Québec par rapport auxquels il existe d'énormes disparités avec l'aide sociale. Je trouve tout à fait regrettable qu'on ne propose pas ce choix de société là au Québec. Je pense que, par exemple, l'augmentation des revenus des gains de travail autorisés, c'est, en soi, une mesure active. Tout ce que l'aide sociale a cherché à faire par rapport aux personnes handicapées, c'est chercher un agent payeur qui s'occuperait d'émettre un chèque. Puis ce n'est pas du tout ce qu'on avait en tête de faire. Je pense que ce n'est pas la manière d'aider les personnes handicapées à mieux contribuer à la société québécoise.

Puis c'est encore bien moins la manière d'offrir une couverture intéressante pour l'ensemble de la population québécoise qui peut vivre, un jour ou l'autre, l'apparition d'une déficience qui va avoir des conséquences tout à fait dramatiques sur sa qualité de vie, ses conditions socioéconomiques. C'est rarement pris en ligne de compte à quel point on est fragile comme être humain. Beaucoup de gens, aujourd'hui, qui n'en ont pas, de limitation fonctionnelle, pourront, d'ici cinq, 10, 15, 20 ans, se ramasser avec une limitation fonctionnelle, une incapacité de quelque ordre que ce soit et perdre immédiatement leur pouvoir d'achat, perdre leur emploi, leur maison, leur auto, leur famille. C'est un désastre pour beaucoup d'individus. Or, le Québec passe à côté actuellement – puis je pense qu'il n'est pas trop tard – d'une occasion extrêmement importante, intéressante d'offrir à ses citoyens un régime collectif, d'arrêter de se cacher derrière l'argument que l'aide sociale, c'est un régime d'assistance. Ce n'est pas de ça que les citoyens du Québec ont besoin.

Je pense que les gens ont droit à une sécurité du revenu adéquate qui donne des revenus décents aux individus, qui s'inspire des autres régimes. La Régie des rentes du Québec offre aux personnes qui sont sur la rente d'invalidité la possibilité de suppléer au montant de la rente par des gains de travail beaucoup plus substantiels que l'aide sociale. C'est beaucoup plus motivant pour un individu de savoir... Par exemple, à l'aide sociale, au-delà de 100 $, on vous retire le gain, que vous auriez escompté avoir, sur le montant qui vous était accordé de votre chèque. Ce montant-là, il n'y a pas de 100 $ à la Régie des rentes. Sur une base annuelle, c'est 1 200 $ que l'aide sociale permet. La Régie des rentes, on parle d'au-delà de 10 000 $. C'est stimulant, ça donne le goût, progressivement, pour une personne handicapée, de réaliser qu'après cinq, 10, 15, 20 heures de travail par semaine, elle peut s'approprier des compétences, développer des capacités, conserver évidemment les gains de travail, puis réaliser qu'elle peut postuler sur un emploi payé à temps plein puis s'accomplir socialement, s'intégrer dans une économie de marché. C'est une question d'économie de marché, l'intégration, aussi. C'est une question d'argent, de consommation. C'est pour ça que c'est difficile de qualifier l'allocation d'invalidité, en ce sens que, d'une part, on ne sait pas ce qu'on entend par l'admissibilité à ce qui est entendu par «invalidité». Ce n'est pas défini.

D'autre part, à mon point de vue, ce n'est pas possible de vivre avec 700 $ par mois une vie durant. Sur une base actuarielle, c'est un désastre, c'est une calamité. Ça ne permet pas à une personne de se renflouer au niveau d'un paquet de dépenses courantes que vous prenez, tous et chacun, possiblement, pour acquis, d'aller vous acheter des vêtements qui ont de l'allure, de vivre dans un logement décent. Il n'y a aucune possibilité qui permette à une personne de suppléer, d'après ce qui est présenté... Évidemment, je pense que les conséquences actuarielles, parce qu'elles sont là... Si vous devenez handicapé à 20 ans, ou à la naissance, ou à 30 ans, c'est le restant de vos jours que vous allez avoir de la misère à gagner votre vie. C'est aussi simple que ça.

Pourquoi on ne profite pas de ce débat-ci pour créer un régime collectif d'indemnisation qui s'harmoniserait sur les autres régimes? Pourquoi on parle d'imposer les revenus de l'aide sociale alors que les rentes qui sont accordées par la CSST et la SAAQ ne sont pas imposables? Pourquoi? On pénaliserait des personnes dont le seul défaut, c'est d'avoir acquis une déficience en bas âge, de naissance, qui n'ont jamais eu l'opportunité de cotiser à un régime. Pourquoi on ne mettrait pas tout le monde à cotisation une fois pour toutes pour prémunir les personnes contre l'apparition d'une déficience? Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Juste la conclusion. Pour nous, toute réforme du programme de sécurité du revenu doit préalablement faire l'objet d'une consultation générale avec le milieu associatif des personnes handicapées afin de bien cerner les problèmes et les enjeux réels qui sont malheureusement ignorés dans la présente réforme, et ce, malgré deux ans de participation active avec le ministère. Nous demandons donc un moratoire sur tout ce qui concerne le dossier des personnes handicapées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer les échanges.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Lemieux-Brassard et M. Fleury.

À la page 13 de votre mémoire, vous nous parlez du programme actuel, vous nous dites: C'est un scandale. Vous nous dites qu'il y a lieu, finalement, de faire des changements, puis vous avez raison, n'est-ce pas. Et, suite à la rencontre qu'on a eue il y a trois semaines, moi, j'ai fait vérifier à partir des informations que vous m'aviez transmises, et du dossier, donc, d'un de nos concitoyens, pour me rendre compte que c'était la même situation depuis huit ans et que les resserrements s'étaient produits en 1993, puis c'était la même chose qui était appliquée, rien de changé. C'est ça qui n'a pas de bon sens. Savez-vous ce qui n'a pas de bon sens? C'est que «soutien financier», ça veut dire «ne pas travailler». Quand une personne fait une tentative de retour à l'emploi dans un programme qui s'appelle Soutien financier, tel qu'existant présentement, et que, suite à ce retour qui a pu ne pas être fructueux, elle redemande la sécurité du revenu, elle retourne à la case départ et, si ça ne s'est pas fait dans les six mois continus, il faut qu'elle fasse comme si tout était à recommencer.

J'ai eu de la misère à vous suivre dans la présentation de votre mémoire, pour la bonne raison que... Bon, est-ce que c'est de revenu minimum garanti dont vous nous parlez? Si c'est d'un revenu minimum garanti... C'est-à-dire, le revenu minimum garanti, c'est: Tout le monde a au moins l'équivalent, au départ, du barème, si vous voulez, d'aide sociale puis, après, c'est par la fiscalité que ça lui est enlevé, mais on abolit évidemment, à ce moment-là, toutes les déductions fiscales. Bon.

Je vous le dis, on a beaucoup étudié, je l'ai fait analyser, c'est 19 000 000 000 $, ça coûte 19 000 000 000 $. Il y a neuf zéros après le 19, hein. Puis juste pour vous donner un ordre de grandeur, ce que les contribuables québécois, tous les contribuables sans distinction, sans étiquette, tous confondus, ce que les contribuables paient, si vous voulez, à l'impôt au Québec, c'est 12 000 000 000 $. Comprenez que, même si ce n'est pas beaucoup, le 7 000 $, même si, avec raison, vous nous dites que ce n'est pas assez, M. Fleury, mais juste l'équivaloir en allant le chercher par la fiscalité, ça coûterait 19 000 000 000 $, ça, en abolissant toutes les autres déductions fiscales puis en en faisant un revenu minimum garanti. Bon. Je vais regarder ça de près, ce que vous nous suggérez, parce que je l'ai fait déjà analyser, puis je pense qu'il faut fouiller la question de l'augmentation des gains de travail.

(15 h 40)

Mais je vous mets en garde tout de suite: il y a autant de groupes qui viennent ici en disant qu'il ne doit pas être question d'une réforme où des gens qui sont sur l'aide sociale, avec un statut d'assisté, vont aller travailler. Où est-ce qu'on met notre argent? On n'en a pas, comme vous le savez, autant qu'on le souhaiterait. Mais, quand on en a, qu'est-ce qu'on en fait? En priorité, est-ce qu'on le met dans les contrats d'intégration au travail? En priorité, est-ce qu'on le met dans le développement de postes de travail dans les centres de travail adapté? Vous savez sûrement qu'en 10 ans il n'y a pas eu un nouveau poste quasiment au Québec. Alors, est-ce qu'on se remet, d'abord, à augmenter le nombre de centres de travail adapté et à augmenter le nombre de postes dans les centres de travail adapté? Parce que, si on dit: On fait tout en même temps, je n'en aurai pas, je ne pourrai pas. Alors, quand on choisit, qu'est-ce qu'on choisit? Moi, personnellement, mon choix, il est clair, on choisit tout ce qui peut donner un statut autre que d'assisté, donc tout ce qui peut donner un statut de travailleur ou de travailleuse dans les contrats d'intégration au travail ou dans les centres de travail adapté. Vous nous dites: Faites aussi qu'on puisse, en étant assisté social, faire des heures de travail, même si ces heures-là travaillées, si j'ai bien compris, le seraient au salaire minimum, et permettez-nous de gagner des revenus de travail plus importants que maintenant, mais, dans le fond, en restant assisté.

L'autre chose, je pense, bien importante, c'est quand vous nous avez dit que vous reprochiez la rigidité, la fixité, d'être fixe et rigide. Mais, dans le fond, moi, j'ai bien l'impression que c'est le contraire. C'est pour ça que vous aviez raison quand vous disiez, là: C'est comme si on était programmés AM puis FM. Hein, on ne se rejoint pas. Parce que, quand vous me dites que tout le monde est apte au travail, je vous dis: Vous qui venez, oui, mais est-ce que vous parlez au nom de ceux et celles qui ne viennent pas? J'ai de la misère avec ça, pour la bonne raison que, pour moi...

M. Fleury (Yves): On n'a pas dit ça, hein, je m'excuse, là.

Mme Harel: Attendez.

M. Fleury (Yves): Excusez.

Mme Harel: Attendez. Ce que vous nous dites, c'est: Invalide, vous ne voulez rien savoir de ça. Mais il y a des gens qui ne peuvent pas travailler. Alors, là, il y a quelque chose qu'il faut clarifier, et je comprends de ce que vous me dites qu'on aura à le clarifier dans la loi. Ce qu'il faut clarifier, c'est que, mesures actives, politiques actives, ça comprend les personnes handicapées et les personnes déficientes qui veulent participer. Mais c'est évident que ce n'est pas parce qu'on est personne handicapée qu'on est invalide, ce n'est pas parce qu'on est personne déficiente qu'on est invalide, mais qu'on peut être invalide puis être un travailleur accidenté, on peut être invalide puis être un travailleur malade, puis on peut être invalide et être une personne handicapée. Ce n'est pas parce qu'on est handicapé qu'on est invalide, mais on peut être invalide tout en étant une personne handicapée. J'ai de la misère à vous suivre sur l'équation que vous faites. Vous voyez, c'est comme si, vous, vous disiez: Non, on ne veut pas l'allocation d'invalidité, on ne l'est pas, invalides. Vous avez raison. Vous ne l'êtes pas, invalides. Donc, vous ne l'aurez pas, l'allocation d'invalidité. Mais il y a des personnes invalides aussi chez les personnes handicapées, comme il y en a chez les personnes qui ne sont pas handicapées. L'invalidité, c'est autre chose, ça.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): C'est quoi, l'invalidité, Mme Harel?

Mme Harel: L'invalidité, c'est une définition... Je suis d'accord quand vous avez dit tantôt: La définition de l'invalidité, il va falloir qu'elle soit dans la loi.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Oui, mais c'est quoi? Il y en a une actuellement.

Mme Harel: Et l'invalidité, c'est vraiment l'incapacité de travail. Je n'ai pas parlé de la limitation fonctionnelle, je n'ai pas parlé des postes de travail, je n'ai pas parlé de la déficience intellectuelle, au contraire. L'incapacité de travailler, vous pouvez tout simplement avoir cette incapacité de travail parce qu'il arrive... Oh, mon Dieu! si vous saviez tous les dossiers que j'ai. Encore hier, je rencontrais un concierge de la CECM, vous voyez, il a eu quatre pontages, et maladie, diabète et tout. Il veut faire reconnaître son statut d'invalide à la Régie des rentes, parce que, lui, il est sur un programme d'assurance. Mais tout le monde, comme on me l'a dit ce matin, n'a pas eu la chance de se payer un programme d'assurance, en payant ses cotisations à la Régie des rentes puis en travaillant. Est-ce que ça veut dire qu'on va enlever à ces gens-là la possibilité d'avoir le statut d'invalide dans un programme d'allocation? Mais, vous voyez, je reprends son exemple. Il est venu avec sa femme me dire: Aidez-moi, Mme Harel, pour que la Régie des rentes me reconnaisse mon statut d'invalidité à la Régie des rentes. Et je peux vous dire que, lui, il ne trouvait pas que le ciel lui tombait sur la tête, hein, il trouvait que, vraiment, au contraire, ça allait beaucoup l'aider à finalement passer à travers la pire période de sa vie depuis sept ans, parce qu'il sent très bien que ses forces déclinent et puis qu'il n'est plus capable parce qu'il est malade. Il y en a des personnes malades qui sont handicapées. Ça ne veut pas dire que, parce qu'on est handicapé, on est malade. J'ai de la misère à vous suivre sur l'équation que vous faites entre l'un égale l'autre.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Bon, je vais vous référer à l'annexe, le processus de production des handicaps, le modèle de l'Organisation mondiale de la santé et du Comité québécois sur la classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps. Mettons ça clair: une personne a une déficience comme conséquence de différente origine, soit maladie ou traumatisme. La personne qui a des déficiences peut avoir des incapacités variées et des capacités comme n'importe quel citoyen. Ce qui veut dire que je peux avoir deux personnes qui ont une déficience motrice et qui vont avoir des incapacités différentes, deux personnes qui sont considérées avoir une déficience intellectuelle et avoir des capacités et des incapacités très différentes. Ça, on s'entend là-dessus.

Il y a aussi l'environnement, les habitudes de vie. Un handicap, ça n'existe pas. C'est un adjectif, c'est le résultat de l'interaction entre la personne, ses capacités et ses incapacités, et l'environnement dans son rôle d'obstacle ou de facilitateur pour permettre à la personne de réaliser ses habitudes vie comme n'importe quelle autre personne. Un exemple. Je suis assise aujourd'hui, j'ai un fauteuil. Moi, suite à un traumatisme et une maladie, j'ai une déficience motrice. J'ai des capacités au niveau de l'éducation d'expériences de travail antérieures. Bien oui, je suis invalide; c'est ça, le point. Oui. O.K.? Parce que les contraintes sévères sont là, puis les obstacles sont toujours là, puis les situations de handicap aussi. Parce que, si je n'ai pas personne pour venir m'habiller le matin, si je n'ai pas personne pour me sortir du lit puis me rentrer dans le bain, si je n'ai pas personne pour faire mon ménage, si je n'ai pas de transport pour m'emmener à la job tous les matins à 8 h 30, ou à l'université, je ne peux pas réaliser mon habitude de vie qu'est le travail. Je vis une situation de handicap et je ne peux pas aller travailler.

Mme Harel: Je comprends et j'apprécie que vous nous le décriviez. Mais une personne qui a des enfants, si elle ne peut pas avoir un services de garde, elle ne peut pas aller travailler.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): C'est bien évident.

Mme Harel: Une personne qui est malade, qui a de la chimiothérapie, elle ne peut pas aller travailler. Des contraintes à l'emploi, là, vous me parlez des contraintes.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Mme Harel...

Mme Harel: Alors, les contraintes, il faut en tenir compte, et c'est pour ça que je vais retenir votre idée. L'allocation, elle ne sera pas pour contraintes sévères, elle va être pour contraintes à l'emploi, point.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Mais il faut aussi réaliser une chose, il ne faut pas se fier aux apparences. De la chimio, j'en ai fait ce matin avant de partir; ça fait que, si on veut parler de ça... Arrêtons de nous fier aux apparences extérieures. Les incapacités et les capacités, elles, c'est la personne. Quand on parle d'autodétermination, c'est de ça qu'on parle. Puis ça varie d'un individu à l'autre. Et c'est ça quand je disais qu'il y avait une rigidité, il n'y a rien dans le programme qui est là qui nous permet de tenir compte des réalités personnelles. Et c'est pour ça que je dis: Oui, on est d'accord que ça en prend une, réforme, mais il y a trop de non-dits et d'interrogations non répondues et trop de facteurs inconnus par rapport à notre réalité, que ce soit la personne qui a une déficience visuelle, auditive, chronique, peu importe, pour qu'on décide aujourd'hui. Il faut qu'on s'assoit ensemble. Il y a des plus dans plusieurs programmes actuels, essayons de trouver le meilleur des mondes; Aldous Huxley, ça devrait être tout de notre génération. Est-ce qu'il n'y a pas des choses positives là-dedans qu'on pourrait aller chercher? Puis, moi, je crois et je maintiens qu'on peut le faire ensemble, et non pas un en contradiction puis l'autre en rebuffade de l'un.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

(15 h 50)

Mme Malavoy: J'aimerais faire une toute petite intervention, mais ça va vous expliquer comment, moi, je comprends les choses. La réforme s'appelle Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi . L'objectif de cette réforme, c'est de permettre à toutes les personnes qui le souhaitent et qui s'en sentent capables de s'inscrire sur le marché du travail, autrement dit, de gagner leur vie. Non pas que ce soit la seule façon de vivre de gagner sa vie, on peut être utile à la société sans gagner sa vie, O.K.? Je ne dis pas qu'il n'y a que les salariés qui sont utiles à la société, pas du tout. Et je dis que cette réforme vise à permettre à toutes les personnes qui le souhaitent de gagner leur vie et vise, par la même occasion, à permettre à toutes les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, seront toujours incapables de gagner leur vie – gagner leur vie au sens de gagner leur vie comme on le dit d'habitude, gagner un salaire – permettre à ces personnes-là de s'y soustraire. Quand je vous dis ça, je pense, par exemple, dans ma tête, à une personne que j'ai dans mon comté, qui est un handicapé, un déficient intellectuel de je ne sais pas quel niveau, mais au moins moyen, et qui ne pourra jamais gagner sa vie au sens de gagner de l'argent, mais qui est fort utile dans certains organismes communautaires, et que ce serait, à mon avis, un peu idiot de l'obliger à s'inscrire dans un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi. C'est quelqu'un qui, pour différentes raisons, a une utilité, mais qui n'est pas une utilité en emploi, qui est une utilité d'un autre type. Or, notre réforme s'adresse aux gens qui sont des chômeurs et des chômeuses malgré eux et qui veulent s'inscrire sur le marché du travail. Les autres personnes ont toute la valeur qu'elles peuvent avoir et toute l'utilité qu'elles peuvent avoir, y compris de donner de l'emploi aux gens qui s'en occupent, par exemple en institution, mais ce ne sont pas des gens qui vont gagner leur vie au sens strict du terme.

Alors, je ne vous demande pas forcément de réaction, mais c'est ma façon de clarifier les termes.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Je voudrais juste rajouter que la personne en question pourrait très bien être salariée et productive dans un centre de travail adapté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Bonjour, Mme Lemieux-Brassard et M. Fleury. J'ai une série de questions, mais, peut-être, pour enchaîner sur l'intervention de Mme la députée de Sherbrooke qui, parce que je pense que ça va au noeud de la question, la question du transfert en tout cas...

Vous êtes maintenant le quatrième groupe qui vient nous dire: On ne veut pas, on n'accepte pas le transfert pour des personnes dites invalides. Mme la ministre, tantôt, a dit: Mais c'est bien beau, vous autres, vous êtes quatre groupes, mais il y a des groupes qui ne sont pas venus, il y a du monde qui n'est pas venu, qui le veut, semble-t-il. Mme la ministre l'a dit. Bien, s'il y a du monde qui le veut, j'aimerais bien avoir des indications, d'où ils viennent puis c'est quoi leur situation, parce qu'à date c'est unanime contre dans le milieu associatif, peut-être il y en a.

Mais le noeud de la question, je pense que la situation décrite par Mme la députée de Sherbrooke, je la cite: «Il serait idiot d'obliger cette personne à s'inscrire dans un parcours d'insertion à l'emploi»...

Mme Malavoy: De l'obliger.

M. Copeman: Oui, oui, tout à fait...

Mme Malavoy: Citez-moi correctement.

M. Copeman: ...je l'ai dit: «Idiot de l'obliger».

Mme Malavoy: Oui.

Une voix: C'est ce qu'il a dit.

M. Copeman: Bien, ne l'obligez pas, d'abord, faites ça sur une base volontaire, puis on règle le problème.

Mme Malavoy: C'est une autre question.

M. Copeman: On règle le problème, non? Il me semble, en tout cas, ça vient de l'esprit.... Je pense que Mme la députée de Sherbrooke a mis le doigt là-dessus: «Il serait idiot d'obliger cette personne à s'inscrire.» Ne faites pas de transfert, mais faites ça sur une base volontaire, et on règle le problème, il me semble. En tout cas, c'est une suggestion.

J'aimerais vous entendre sur la question des critères d'évaluation ou des contraintes, le fameux SOFI. Vous y faites référence à plusieurs pages dans votre mémoire. Moi, je l'ignore si ça existe depuis huit ans, si ça existe depuis 10 ans, si ça existe depuis juillet passé. Ce n'est pas là, la game, il me semble. S'il y a des critères d'évaluation socioprofessionnelle qui viennent jouer dans ça, autres que la notion de limitation fonctionnelle, entre autres l'éducation, pourquoi on refuse d'attribuer le critère de contrainte à quelqu'un qui a un secondaire V? Vous, vous avez identifié au moins deux contraintes. Il y en a une troisième qui est là, je pense; une personne qui est en bas de 45 ans. Même si tout l'aspect médical ou psychosocial indique que cette personne a une contrainte, semble-t-il parce que cette personne est en bas de 45 ans, on ne reconnaît pas une contrainte. Secondaire V, ça veut dire que, il me semble, vous, Mme Lemieux-Brassard, en principe, et M. Fleury, vous avez tous deux plus que le secondaire V, en principe... Non, M. Fleury ne l'a pas? Oui?

M. Fleury (Yves): Je l'ai, je l'ai. Ha, ha, ha!

M. Copeman: Oui, vous l'avez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fleury (Yves): On ne répand pas de rumeurs! Ha, ha, ha!

M. Copeman: Non, non, mais ce n'est pas moi qui parle. Vous pouvez être refusés, d'être reconnus comme des contraintes de manière...

M. Fleury (Yves): Moi, je trouve ça complètement inacceptable, j'aimerais le dire tout de suite. Parce que tu parles, tu parles, je vous écoute.

M. Copeman: J'arrête.

M. Fleury (Yves): Mais on est en face d'un marché de l'emploi invalide, particulièrement par rapport aux personnes handicapées. On mentionnait que la personne handicapée intellectuelle pourrait très bien être une salariée de cette association-là s'il y avait des moyens d'engager des gens dans les associations. Il n'y a pas de moyens, il n'y a pas d'argent. Mais, moi, comme personne handicapée, je refuse que des handicapés portent l'odieux constamment de faire la démonstration de leur invalidité. On est en face d'un marché de l'emploi invalide qui met des gens dehors à pleine porte depuis des années. Le groupe Desjardins vient d'annoncer ce matin que 5 000 emplois vont disparaître d'ici les trois prochaines années. Ce ne sera pas des emplois qui vont être assumés par des personnes handicapées, ils disparaissent. Ça fait qu'il ne faut pas se leurrer par rapport à ça.

Mais je me souviens très bien, quand Soutien financier a été inventé, on refusait l'admissibilité de personnes complètement aveugles à Soutien financier. Il a fallu se battre pour mettre des gens sur Soutien financier. Ce n'est pas correct comme société. Ce n'est pas des choix de société que, moi, comme contribuable et payeur de taxes, je suis prêt à endosser. Ça fait que, si on est pour refaire la même guerre puis la même bataille pour la fameuse allocation d'invalidité dont on ne connaît rien... J'en ai vu des lettres de citoyens qui voulaient rentrer sur les rentes, avoir la paix, ils étaient tannés de se faire gazer par des agents, ils voulaient la paix. Mais ces gens-là ne savent peut-être même pas aujourd'hui que, de toute manière, on n'avait même pas en tête de les mettre là-dessus, ces gens-là, parce qu'ils ne sont pas assez handicapés peut-être; ils ne sont pas grabataires, ils ne sont pas paralysés des oreilles aux orteils. Il faut bien en revenir. Les gens handicapés ont le droit de vivre, ont le droit d'avoir une qualité de vie aussi. Je m'excuse, je t'ai interrompu, mais, je veux dire, je me souviens... Ça a été une bataille, Soutien financier, pour les personnes handicapées.

M. Copeman: L'importance pour vous de cette reconnaissance de contraintes, parce qu'il y a un enjeu là... Je comprends que la ministre ne veuille pas que les gens qui sont sur Soutien financier... Personne ne veut exclure ces personnes-là des mesures d'employabilité. Ce n'est pas là l'enjeu, en partie, il me semble. Je pense que tout le monde accepte que, si quelqu'un a le statut de soutien financier, il devrait avoir accès aux mesures d'employabilité. Il me semble que le problème, c'est que, si on n'est pas reconnu soutien financier, et vous le dites, il a été conçu pour pallier d'une certaine façon à des coûts additionnels inhérents... Est-ce que c'est ça, votre problème avec les difficultés d'accès à Soutien financier?

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Il y en a plusieurs. Il y a une question. Vous nous dites qu'il n'y a rien qui dit que, s'il y a soutien financier, il n'y aura pas d'ouverture à l'emploi. J'aimerais qu'on me le garantisse. Parce que, malheureusement, dans les dernières années, il y a bien des choses qu'on a entendues, dont un groupe de travail technique, Direction générale de l'aide financière aux étudiants, ministère de la Sécurité du revenu et l'Association québécoise des étudiants handicapés au postsecondaire, sur l'harmonisation des programmes d'aide financière et Soutien financier: pour les étudiants qui avaient une déficience fonctionnelle majeure, ils étudiaient six crédits ou moins. Ah oui! on se retrouve depuis l'été que, bien de valeur, ça ne passe plus. Et j'ai les lettres des agents d'aide sociale disant: Retrait, fin de la sécurité du revenu pour fréquentation d'institution d'enseignement.

En plus, les contraintes sévères à l'emploi, historiquement, ça se devait effectivement d'être un moyen pour pallier aux coûts additionnels. Avec le temps, ça a aussi changé, que, si tu as besoin de fournitures médicales, condoms urinaires, couches, cathéters, colostomies, toutes autres fournitures médicales de l'annexe IV, orthèses, prothèses, accessoires, tu dois être soutien financier, articles 7 et 32 de la réglementation. Mais, si tu n'es pas soutien financier, tu n'y as pas droit. Où tu vas le prendre, l'argent, pour ça? Parce que, là, ce n'est plus rien que les coûts additionnels, c'est aussi les fournitures. Mais c'était aussi de reconnaître que la personne qui est différente, qui a des contraintes ou des obstacles dans son vécu quotidien... on lui permet un allégement du fardeau: le nombre d'heures à l'école ou au niveau des demandes, des exigences sociales, pour être capable de se sentir un citoyen de première classe comme les autres.

(16 heures)

L'article 6 de la loi définit clairement «soutien financier» comme étant une personne qui a des contraintes d'ordre médical et socioprofessionnel. Traditionnellement, on a toujours regardé, il y a la belle liste: Ton diagnostic est là-dessus, tu as le numéro qui est associé à côté du diagnostic; l'agent au bureau, au secteur, coche, puis tu as ton soutien financier, puis, si le médecin a signé à l'endos puis il a mis les petits codes des limitations puis les petits codes de fournitures, tu les as – en fait, tu as le chèque pour pouvoir les avoir. Si c'était non, ça s'en allait au service d'évaluation ou au centre d'évaluation du SEMS.

La directive en ce moment dit: Toute personne qui a des contraintes sévères à l'emploi d'ordre médical et socioprofessionnel suivantes peut être automatiquement évaluée par le bureau ou l'agent d'aide sociale, sinon doit être envoyée au SEMS, et c'est là qu'on a les trois critères, d'où une 12e année de scolarisation, expérience de travail dans les sept dernières années et 45 ans.

Le problème, c'est dans la disparité de l'application parce qu'il y a des bureaux qui prennent pour acquis, puis ça, il y en a plein: Si tu as ça, tu ne l'as pas. J'ai effectivement soumis à Mme Harel, il y a trois semaines, et même la réponse du SEMS citant textuellement pour refuser un paraplégique complet depuis 1977 comme soutien financier refusant deux fois, qui s'était inscrit à trois crédits cet été... on lui dit: Non, parce que tu vas à l'université... Il n'a jamais fini son secondaire V, ce gars-là, il rentre comme étudiant adulte – on s'en fout; 39 minutes au téléphone. Là, il en a pris six pour avoir l'aide financière puis il n'a plus rien. Mme Harel a fait des démarches. Ça donne quoi? Bien: On vous refuse toujours soutien financier.

J'ai parlé hier, je m'excuse... et le monsieur m'a appelé. Au bureau de Terrebonne, on refuse toujours de lui donner un nouveau certificat médical et même l'autorisation signée. Puis, là, c'est combien? Pouvez-vous justifier le 5 500 $ que vous avez eu d'aide financière? Vos reçus d'épicerie, de loyer, de fournitures médicales, de frais de scolarité et de livres. Et je sais parce que le monsieur m'appelle et me demande de m'asseoir avec lui pour les fournir et les trouver, les reçus.

M. Copeman: Vous dites dans votre mémoire...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Mais c'est ça, le problème.

M. Copeman: O.K.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Est-ce qu'on va se battre encore de même longtemps? Des critères, ça donne quoi?

M. Copeman: O.K. Vous dites dans votre mémoire que c'est un scandale, etc. Mme la ministre l'a dit tantôt, oui, c'est un scandale, puis elle propose de le changer. Selon vous, dans le livre vert, est-ce qu'on règle ces problèmes-là?

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Non.

M. Copeman: O.K.

Mme Harel: Je regrette, mais on les règle, puis je peux reprendre l'exemple de M. Fournier puis vous dire en quoi ça va être réglé.

La Présidente (Mme Barbeau): Je m'excuse, mais le temps de parole est de l'autre côté.

M. Copeman: En tout cas...

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Moi, je vais juste répondre parce que je pense que c'est important qu'on s'entende sur une chose et c'est justement ce que je disais tantôt. Si on s'adresse à un problème ensemble, je m'excuse, moi, je suis ici au nom de 912 400 personnes et j'aimerais qu'on règle le problème pour les 912 400 personnes.

Mme Harel: Mais, Mme la Présidente, je veux faire remarquer que c'est Mme Lemieux-Brassard elle-même qui a apporté le cas de cette personne. Alors, on ne peut pas être pour dire une chose puis le contraire en l'espace de cinq minutes.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors...

M. Copeman: Est-ce qu'on fait respecter les temps de parole, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, s'il vous plaît.

M. Copeman: Merci. Vous dites, à la page 18, un petit commentaire anodin que je ne comprends pas, honnêtement, là. Je ne suis pas fiscaliste, j'aimerais bien vous entendre là-dessus. «La raison principale de ce refus concernait l'absence d'amélioration et de changements réels dans le scénario proposé. – C'est le transfert. – Dans les faits, seul le gouvernement en tirait profit – au transfert – puisqu'il voyait son potentiel d'emprunt augmenter.» Moi, je ne comprends pas. Parce qu'il me semble que même si on transfère à la Régie des rentes du Québec, selon les dires de la ministre, les sommes en provenance pour ces personnes-là vont être tirées du fonds consolidé «anyway», ça ne touche pas la Régie des rentes. Ça fait que comment arrivez-vous à la conclusion que cette manoeuvre va augmenter le potentiel d'emprunt du gouvernement?

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Pour la réponse finale en termes d'actuariat, je vous référerai à M. Gabriel Tremblay, de l'Association québécoise des entreprises adaptées, et au verbatim de la rencontre qu'on a eue le 1er avril 1996 avec les membres du Comité interministériel sur le rattachement optimal à la sécurité du revenu. Ç'a été soulevé. Les gens qui étaient là, y compris de l'Office et des autres ministères, en ont parlé. Et le débat qui est soulevé, je peux vous dire que j'en ai parlé avec des avocats du droit de la fiscalité, et on me dit qu'effectivement, à partir... et ça ne prend qu'une ligne dans une réglementation et dans la loi pour permettre que toute somme transférée d'un programme d'assistance à un programme d'assurance, bien que c'est la même somme qui vient de l'assistance... mais qu'il est prévu, et c'est des clauses habilitantes qui sont prévues dans le programme... permet un emprunt. Et c'est les informations que j'ai.

M. Copeman: O.K. Peut-être quelques mots sur la question, le commentaire que vous faites: «un accès réel à des mesures adaptées d'emploi et d'employabilité». Parce qu'on parle beaucoup d'un parcours d'insertion. Il faut que ce soit accessible. Là, j'ai posé un peu la question ce matin également aux gens de l'Office. Ça suppose, quand vous dites: «un accès réel à des mesures adaptées d'emploi et d'employabilité», qu'il y a une problématique là. Peut-être que vous pouvez décrire brièvement la problématique actuelle.

M. Fleury (Yves): Pendant des années, il y a eu un problème de référence des personnes handicapées auprès des promoteurs de mesures d'employabilité, en ce sens que, bien qu'à l'article 10 de la loi il était question que les personnes soutien financier avaient droit aux mesures, elles n'étaient que très rarement référées aux mesures. Ça rend les mesures difficilement applicables aux personnes parce que l'information ne circulait pas.

Je pense que, ultimement, quand on regarde des barèmes puis des montants d'argent qui sont versés, c'est évident qu'il faut encourager l'emploi, il faut encourager l'employabilité pour les personnes parce que, franchement, elles n'arriveront jamais. Je veux dire, je vous rappelle à tout le monde que les personnes handicapées ont le taux de rétention le plus élevé à l'aide sociale. Je ne sais pas si vous savez ce que ça veut dire d'être là-dessus pendant 15, 20 ans, mais ça arrive, j'en ai rencontré, ça fait une énorme différence sur le plan de ce qui vous entoure, matériellement, mettons. Puis ça, il ne faut pas, jamais, le perdre de vue: les personnes n'en sortent pas facilement. Il faut encourager les personnes à en sortir; il faut soutenir celles qui ne peuvent pas en sortir. Mais il ne faut pas mélanger les dossiers constamment. On peut parler de main-d'oeuvre d'un bord; on peut parler de sécurité du revenu. On doit faire des choix, mais on ne doit pas négliger un au détriment de l'autre.

Je pense que c'est important de reconnaître qu'il y a des personnes qui sont capables de travailler puis qui ont besoin de le faire. Parce qu'on parlait de gens qui veulent. Il y a des gens qui n'ont pas le choix. Il y a des gens handicapés qui ont des responsabilités parentales. Ce n'est pas une question de bon vouloir pour la seule valorisation, là. C'est vraiment une question de mettre du pain sur la table, de payer le loyer. Puis c'est important, ces choses-là, pour beaucoup de gens.

Les personnes handicapées, en ce sens-là, ne sont pas différentes de personne dans la société. Ce n'est pas vraiment une question de choix, des fois. C'est une question de: il faut travailler, il faut aller chercher de l'argent. Ça fait que, moi, de ce point de vue là, je vous encourage à mettre toutes les énergies possibles et imaginables pour encourager que des personnes puissent travailler, développer des compétences, avoir des mesures qualifiantes pour les personnes, qui ont de l'allure, mais de ne pas négliger les personnes qui ne sont pas en mesure de le faire, puis de ne pas mettre les bâtons dans les roues pour qu'elles puissent arriver à vivre d'une manière qui a de l'allure, comme vous souhaiteriez, vous, avoir la même opportunité, et pour vous et pour vos enfants.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Je pense que, par rapport aux mesures d'employabilité, il y a un message aussi qu'on veut passer, c'est: Dans la réforme, dans le nouveau programme, s'il vous plaît, n'excluez pas des mesures, et de soutien et de support, quelqu'un qui a déjà bénéficié des mesures d'employabilité, comme on le vit malheureusement à l'heure actuelle. Les mesures d'employabilité, avec leurs effets pervers et leurs bons côtés, font partie pour plusieurs d'un cheminement, d'un processus d'apprentissage et de développement humain. Puis, dans ce sens-là, il faut s'assurer que le positif, l'humain qui est tiré ne soit pas éliminé par les contrecoups au bout de la ligne, parce que, là, tout d'un coup, les critères sont: Ah! bien, si vous avez eu des expériences de travail, donc d'employabilité, vous n'y avez plus droit. Apprenons-le, puis, s'il vous plaît, assurez-vous que ça ne deviendra pas un obstacle de plus dans le nouveau programme parce que, en ce moment, il y a des dossiers devant la Commission des affaires sociales là-dessus.

(16 h 10)

La Présidente (Mme Barbeau): Il reste quelques minutes.

M. Copeman: Au niveau de votre dernier commentaire, Mme Brassard, ça m'a étonné un tout petit peu, lors de votre présentation. Dans la conclusion de votre mémoire – je sais que vous avez l'habitude de sortir un peu des mémoires quand vous faites des présentations, je le reconnais – mais vous avez dit que vous vouliez un moratoire sur tous les changements qui touchent les personnes handicapées dans la réforme actuelle. À moins que je l'aie manqué, il n'est pas dans le mémoire.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Page 21, dernier paragraphe.

M. Copeman: Bon, je l'ai manqué, d'abord.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Non, c'est parce qu'il n'est pas dit de la même façon.

M. Copeman: O.K.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): On dit que toute réforme doit préalablement faire l'objet d'une consultation. On l'attend encore.

La Présidente (Mme Barbeau): Il reste une minute.

M. Copeman: Une minute. O.K. Moi, ça m'étonne qu'après tout le travail que vous avez fait avec le ministère de l'Emploi, que vous décrivez dans votre mémoire, on arrive à la conclusion, il me semble, que c'est un rendez-vous manqué. C'est ça que vous nous dites, là.

M. Fleury (Yves): Écoutez, j'ai le goût de vous dire qu'on a le goût, quand même, de travailler avec les gens du ministère parce qu'on pense qu'il peut être possible de faire mieux, pas juste pour les personnes handicapées, mais pour l'ensemble des citoyens qui, aujourd'hui, un jour ou l'autre, vont peut-être devoir faire face à ce qu'on fait face, nous, aujourd'hui. Mais, moi, ce rendez-vous là, je ne le veux pas manqué, je veux échanger davantage puis je suis certain que les gens du mouvement associatif partagent mon avis. Ça ne sert à rien de brusquer les choses au niveau d'adopter des mesures qui ne conviendront pas à l'ensemble des personnes handicapées. Assoyons-nous ensemble, parlons-nous, faisons en sorte que ce rendez-vous là ne soit pas manqué, mais qu'on se parle franchement, qu'il y en ait un, moratoire, qu'on ne brusque rien, ça vaut la peine de s'asseoir ensemble.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, je vous remercie.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Je voudrais juste...

La Présidente (Mme Barbeau): Dix secondes, oui.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Oui, en fait, 10 secondes. Pourquoi est-ce qu'on ne s'est pas rassis depuis le 1er avril 1996, alors qu'on l'a demandé nombre de fois? Le sous-comité a arrêté; la conférence permanente, il y avait tout un processus; ce qui nous avait été amené, on avait dit clairement qu'on n'était pas d'accord; et, à partir du moment où on a dit qu'on n'était pas d'accord, tout le processus a arrêté. Nous, ce qu'on vous dit, c'est: S'il vous plaît, acceptez de vous asseoir à la même table que nous puis qu'on regarde qu'est-ce qu'on peut faire.

Mme Harel: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui.

Mme Harel: Je voudrais juste une question de règlement, parce qu'on va laisser l'impression que... Je crois que c'est dans le sens que le dit Mme Lemieux-Brassard, la Confédération était, à ce moment-là, consultée sur le transfert au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Non, non, on faisait partie...

Mme Harel: Parce que ne pas être d'accord donne l'impression... ne pas être d'accord avec la proposition sur la table, elle n'était pas encore conçue. Elle ne pouvait pas être, au 1er avril, en désaccord.

Mme Lemieux-Brassard (Lucie): Mais, à part ça, il y a eu plusieurs... Pendant un an et demi de temps, on a été consultés sur l'intégration sociale, les programmes de transfert, ce qui devrait être changé pour les critères de l'emploi, Soutien financier demeure ou ne demeure pas. J'ai ça d'épais de dossiers à la COPHAN.

La Présidente (Mme Barbeau): Malheureusement, ce n'est pas de la mauvaise volonté, mais il y a d'autres groupes qui attendent. On va devoir mettre un terme à la discussion, vous pourrez peut-être la continuer par après.

M. Fleury (Yves): Il y avait trois hypothèses, je vous rappelle, puis une des hypothèses qu'on a refusée, on les a refusées toutes les trois, c'était celle des rentes du Québec.

La Présidente (Mme Barbeau): Je m'excuse, malheureusement.

M. Fleury (Yves): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Barbeau): Je vous remercie et je demanderais à la Conférence religieuse canadienne de prendre place le plus rapidement possible, s'il vous plaît.

(Consultation)

La Présidente (Mme Barbeau): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais au ou à la porte-parole de s'identifier, ainsi que de présenter tous les gens qui l'accompagnent, et de débuter la présentation, vous avez 20 minutes. Alors, c'est la ou le porte-parole? Le porte-parole. Alors, vous êtes monsieur...


Conférence religieuse canadienne, région du Québec (CRCQ)

M. Bellefeuille (Jean): Jean Bellefeuille, jésuite.

La Présidente (Mme Barbeau): Jean Bellefeuille. Alors, vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

M. Bellefeuille (Jean): Bien sûr. Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre Harel, Mme la députée de Saint-Henri–Westmount...

Une voix: Sainte-Anne.

M. Bellefeuille (Jean): ...MM. et Mmes les députés, j'ai le plaisir de vous présenter, à ma gauche, Céline Beaulieu, de la Congrégation Notre-Dame, qui est secrétaire exécutive de la Conférence religieuse canadienne, région du Québec; Claude Hardy, capucin, qui est un permanent au Comité de priorités, dans les dons, également 20 ans de travail en milieu communautaire sur le terrain, dans les premières années avec Mme Harel; à ma droite, Éthel Greene, Fille de Jésus, plus de 20 ans dans les mouvements communautaires et populaires dans le Bas-du-Fleuve.

Mme Greene (Éthel): Gaspésie.

M. Bellefeuille (Jean): Gaspésie, pardon. Gaspésie, il ne faut pas se mélanger.

Une voix: Ne mêlons pas.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est comme Saguenay et Lac-Saint-Jean, il ne faut pas se tromper.

M. Bellefeuille (Jean): Voilà. Alfred Couturier, trinitaire, dans le beau pays de l'Abitibi, plus de 15 ans dans les milieux communautaires et populaires également; ainsi que Jacques Lauzon, père de famille, qui est permanent au Comité de justice sociale de la CRCQ. D'ailleurs, le président du Comité de justice sociale de la CRCQ, Comité qui est à l'origine de ce mémoire, est Alfred Couturier.

Je ne suivrai pas pas à pas le mémoire que vous avez sans doute en main. Ce sera plutôt un peu un slalom avec quelques sauts. Nous pourrons y revenir dans les périodes de questions, si vous le désirez.

La Conférence religieuse canadienne de la région du Québec, c'est l'association des supérieurs majeurs, donc provincial-général, des communautés religieuses du Québec. Présentement, la CRCQ, comme on l'appelle, représente 140 communautés religieuses au Québec, c'est-à-dire près de 22 000 membres qui oeuvrent sur le territoire québécois.

À quel titre sommes-nous ici présents aujourd'hui? Les religieuses et les religieux, de par leur vécu de proximité au quotidien avec les personnes les plus pauvres et particulièrement les personnes assistées sociales – vous avez eu le premier exemple avec les gens que je vous ai présentés tout à l'heure: 15 ans, 20 ans de travail étroit avec ces personnes-là – donc, les religieux et religieuses sont à même de bien connaître les problèmes, les inquiétudes et les attentes des personnes assistées sociales.

Comme vous le savez, ce n'est pas d'hier. Les communautés religieuses sont arrivées en Nouvelle-France dès les débuts, responsables des hôpitaux, des écoles, des orphelinats, des crèches, des services sociaux divers, des services d'aide à la famille, d'aide à la petite enfance, des centres de dépannage pour les pauvres, pour les clochards, des services de pastorale, des services de liturgie, et, comme disait l'autre, j'en passe. Donc, une préoccupation particulière tout au long de leur existence pour les personnes pauvres.

(16 h 20)

Et vient cette période de la Révolution tranquille que nous avons tous bien connue où le gouvernement lui-même, au nom des droits humains fondamentaux et de la responsabilité collective, demande aux communautés religieuses de reconnaître l'État comme artisan premier du bien commun. Les communautés religieuses admettent justement l'État comme artisan premier, admettent que la justice doit primer sur le dépannage, sur le palliatif et sur la charité privée. Nous avons d'ailleurs fait de cette question de justice sociale notre énoncé de mission de tous les membres de la Conférence religieuse canadienne. Évidemment, ce passage, je dirais, de la charité privée à la justice sociale, à la responsabilité collective, a amené les religieux et les religieuses non seulement à vivre dans cette perspective, mais également à modifier, à transformer, à diversifier leur action et, aujourd'hui, on les retrouve dans l'éducation populaire, dans la défense des droits humains, dans le travail auprès des personnes les plus défavorisées, au niveau de mouvements de conscientisation sociale. C'est donc à partir de toute cette expérience des religieux et des religieuses sur le terrain, de ce qu'ils voient, de ce qu'ils entendent, constatent et vivent par milliers que la CRCQ intervient aujourd'hui dans le cadre de cette consultation.

Nous aurions aimé vous faire part de tout ce qu'il y a de bon dans ce projet de loi, dans ce livre vert, mais nous nous attarderons, je dirais, surtout à ce qui pourrait nous permettre de modifier des choses qui nous apparaissent devoir être bonifiées. Donc, j'aimerais vous faire part de quelques convictions, constatations et inquiétudes.

Et, en tout premier lieu, nous aimerions affirmer que nous croyons que toute personne sans exception a le droit de vivre décemment, c'est-à-dire d'avoir un revenu qui lui permette – et nous sommes convaincus que la société dans laquelle nous vivons dispose des moyens qui peuvent rendre la vie décente à toutes les personnes... C'est la responsabilité de l'État, croyons-nous, de trouver les moyens pour créer ce partage social ou, si vous voulez, cette solidarité sociale.

Nous croyons aussi que l'écart entre les riches et les pauvres s'accentue et que, dans notre société, certains continuent d'avoir beaucoup trop alors que d'autres n'ont à peu près rien, et nous ne pouvons pas être d'accord avec cette tendance.

Nous constatons aussi que le quintile le plus pauvre de la société ne peut plus payer pour l'assainissement des finances publiques. Déjà, on a trop demandé aux personnes sur l'aide sociale, par exemple. Et si un effort supplémentaire devait être fait, ça nous apparaît un effort de partage entre les personnes qui ont davantage, sinon, parler de solidarité, ça nous apparaîtrait de la poudre aux yeux.

Enfin, et c'est certainement un point important de nos constatations, c'est que les gouvernements ne doivent pas céder à la tentation de retourner à la charité privée, ce qui, jusqu'à maintenant, était le fruit de cette solidarité sociale, de cette justice sociale, le fruit d'une responsabilité collective. Alors, les communautés religieuses, après avoir remis dans les mains de l'État ce qui lui revenait de droit, refuseraient évidemment un retour en arrière. Nous ne voulons pas revenir à une conception de la vie en société qui s'appuie sur la charité privée pour atténuer les conséquences qui seraient d'une injustice systémique.

J'aimerais revenir ici sur un mémoire que nous avons remis au premier ministre Robert Bourassa en 1988, mémoire sur l'appauvrissement au Québec, qui disait que nous nous refusons à jouer davantage le rôle de suppléance devant le retrait de l'État face à ses responsabilités sociales. J'appellerais ça la grande mise en scène.

Parlons maintenant, si vous voulez, plus proprement de la sécurité du revenu et de l'emploi. Bon, nous voulons reconnaître que, socialement, tout ce qui peut être fait pour créer de l'emploi à ce stade-ci de notre histoire, évidemment, n'est pas négligeable. D'ailleurs, pour nous, le problème, ce n'est pas comme tels les parcours pour l'emploi. Le problème, c'est que, pour nous, on est dans un contexte où il n'y a pas d'emplois, il y a très peu d'emplois.

Second problème: donc, de forcer des gens à suivre des parcours pour un emploi qui, au terme, risque de ne pas exister, serait faire courir à ces gens, encore une fois, des risques de dévalorisation, des risques de culpabilisation. Nous trouvons que les personnes sont déjà suffisamment déprimées ou suffisamment écrasées sans encore leur mettre une obligation pour embarquer dans un parcours d'emploi qui risquerait de ne pas aboutir.

Évidemment, on leur met des pénalités assez fortes, bon. On trouvait curieux, d'autre part, que les pénalités ne rejoignent pas également ceux qui sont supposés s'engager à créer des emplois de leur côté, parce que, si ceux qui s'engagent à créer des emplois n'en créaient pas, on sait sur qui le blâme pourrait être porté, encore une fois, d'avoir suivi un xième parcours et de ne pas avoir trouvé d'emploi. Pas suffisamment d'emplois.

Évidemment, des personnes, aussi, à capacités intellectuelles ou à limites physiques qui leur créeraient des problèmes d'embarquer dans un parcours d'emploi. Quant à l'entrepreneurship qu'on a mis de l'avant, bien, on croit que, évidemment, beaucoup de personnes, sinon la majorité, ont besoin d'être encadrées plutôt que de se croire capables de développer leurs propres emplois.

Un des points qui nous apparaissait aussi important au niveau du livre vert, c'était de faire en sorte que les parcours d'emploi existent mais soient libres et de reconnaître que beaucoup de parcours d'emploi ont été essayés par les mesures qui ont existé par le passé. Les différents programmes qui ont été mis de l'avant ont pu être utilisés à bon escient par plusieurs groupes communautaires et ont constitué justement des parcours d'emploi qui, à bien des égards, n'ont malheureusement pas toujours abouti. Et on se demande à quoi sert de forcer des gens à rentrer dans un parcours d'emploi qui, encore une fois, et encore une fois malheureusement, risquerait de ne pas aboutir. Nous trouvons que des mesures incitatives pour permettre aux gens de suivre les parcours d'emploi, quand ils ont besoin de ces parcours d'emploi, seraient plus utiles et seraient plus profitables, du genre, par exemple, de donner des revenus de travail qui seraient l'équivalent de ce qui est permis à toute personne qui reçoit l'aide sociale. Donc, au lieu de rabaisser des personnes qui ne voudraient pas suivre les parcours, au contraire, donner davantage à des personnes qui accepteraient de suivre un parcours, l'équivalent de ce qu'on leur donnait dans des mesures d'employabilité de par le passé, pour les inciter justement à embarquer dans ces parcours qui, ayant un autre nom, existaient de la même manière.

Maintenant, nous aimerions quitter la perspective de l'emploi comme telle pour élargir un peu notre vue à l'ensemble de la question sociale et, ici, nous nous adressons, je dirais, au gouvernement dont vous faites partie. Il nous apparaît que, pour une élimination de la pauvreté systémique, pour que ça se fasse de façon efficace, le gouvernement ne peut faire abstraction d'une politique globale à cet effet. Nous croyons que le gouvernement doit avoir un projet de société en vue. Nous sommes membres, depuis les débuts, d'un organisme qu'on appelle Solidarité populaire Québec qui, en lien avec des milliers de groupes de la province, différentes instances, autant des groupes populaires, des communautés religieuses, des syndicats et de toute autre institution, ont mis de l'avant un projet de société, et nous croyons que le gouvernement aurait avantage à s'inspirer de ce projet de société. On ne trouve pas dans le livre vert un fil conducteur de ce genre-là en lien avec un projet de société ou une vue un peu plus globale. Ce qu'on regretterait, ce serait de trouver, au contraire, une politique d'appauvrissement de la population.

(16 h 30)

De ne pas avoir de politique de revenu global, de politique de lutte contre l'appauvrissement, on trouve que ça incite les gens qui se présentent en commission parlementaire à vouloir demander au gouvernement de modifier l'idéologie de la présentation de la réforme de la sécurité du revenu. On aimerait plutôt mettre le cap sur une politique d'appauvrissement zéro, davantage que de s'inspirer d'une logique comptable seulement. On trouve que la logique comptable, malheureusement, n'évoque en rien une distribution, qui est plus équitable, de la richesse collective, et nous croyons que toute mesure sociale ou organisation économique doit être prioritairement évaluée selon le coût humain qu'elle exige. Un gouvernement responsable et soucieux de protéger les plus faibles ne peut ignorer ces priorités et qu'un budget économiquement équilibré serait en déficit de moralité s'il appauvrissait davantage les plus pauvres.

Ici, j'aimerais citer, à la page 6, le dernier paragraphe de notre point 6, on dit: «Si la réponse du gouvernement devait être que le marché global est un dieu tout-puissant devant lequel il faut s'incliner et se soumettre, nous devrions alors apostasier et nous déclarer athées», pour parler dans notre langage particulier. «Comment pourrions-nous dialoguer avec celui qui considère la mondialisation du marché comme un phénomène incontournable auquel des sacrifices humains doivent être consentis? Il ne nous resterait plus qu'à reconnaître notre esclavage commun face à des puissances supérieures plus ou moins occultes, artisanes d'une logique économique qui dominerait nos vies sans possibilité de nous en libérer. Et nous refusons cette idolâtrie.

Comment parler de réforme de façon plus globale, donc? Un constat très important pour nous: dans notre société, nous considérons que rares sont les gens qui sont oisifs. La majorité de la population s'active d'une façon ou d'une autre et contribue au développement de notre vie collective. Donc, le problème ne réside pas dans le manque de contribution des gens à la vie commune, il repose entre autres sur le fait de la non-reconnaissance de leur apport par un revenu décent.

Vous vous souvenez, dans les années soixante-dix, on disait: Faisons payer les riches. Aujourd'hui, on est porté à dire: Faisons payer les robots. À l'époque, on essayait de faire une redistribution du travail humain. Aujourd'hui, la redistribution devrait se faire à partir du travail des robots, de sorte qu'on puisse parler d'un mieux-être collectif à partir d'un nouveau type de redistribution de cette richesse, qui est de provenance surtout technologique. D'ailleurs, c'est un des problèmes pourquoi il y a peu d'emplois. Quand on dit: Il n'y a pas d'emploi, on veut dire: Il n'y a pas d'emploi rémunéré, parce que les gens travaillent toujours à des contributions sociales de tous genres. Et notre expérience en milieu populaire, c'est que les gens veulent avoir une contribution sociale utile. Alors, comment réussir à reconnaître cette contribution et à la soutenir?

Évidemment, vous le savez, cette nouvelle idée d'économie sociale, qui est d'ailleurs mentionnée dans le livre vert, c'est une notion qui, bien qu'imprécise, nous semble porteuse d'avenir, dans la mesure où on n'en fait pas un enclos de «cheap labour» et de petits boulots. Et on encourage la ministre à aller dans ce sens.

En ce qui concerne la réforme de la sécurité du revenu et de l'imposition, notre recommandation, c'est non pas de faire payer l'impôt aux personnes sur l'aide sociale, mais plutôt de faire payer moins d'impôt aux personnes qui sont les petits travailleurs proches de la réalité économique des personnes sur l'aide sociale, en d'autres mots, que les gens qui n'ont pas atteint un certain seuil de pauvreté à définir n'aient pas à payer l'impôt, plutôt que de rabaisser les personnes sur l'aide sociale, élever le seuil d'impôt des petits travailleurs.

En conclusion, nous aimerions que la réforme ne s'inscrive pas dans une politique d'appauvrissement mais plutôt d'élimination de la pauvreté. Et nous sommes inquiets des conséquences sociales, des coûts sociaux qu'un appauvrissement encore accru pourrait déclencher: toxicomanie, alcoolisme, violence, suicide, vous les connaissez autant que moi. Ce sont des coûts explosifs et, de toute façon, on aura à payer une note à la sortie, alors, mieux vaut changer le cap immédiatement avant que le chaos social ou qu'une morosité de dépression généralisée ne survienne.

Vous avez, en page 9 de notre document, les recommandations. Je ne les résume pas, elles sont déjà assez brèves. On demande: d'abord, que soit reconnu par le gouvernement le droit pour toute personne à un revenu décent et que lui soit donnée, donc, cette possibilité d'avoir une contribution sociale;

Que le gouvernement adopte une politique globale et intégrée d'élimination de la pauvreté;

Que le régime soit démocratisé par la reconnaissance de l'expertise des personnes elles-mêmes – elles ont déjà vécu des parcours;

La mise en place de mécanismes d'évaluation indépendants;

La reconnaissance des droits des prestataires à l'existence de recours indépendants à tous les niveaux;

La reconnaissance du rôle des groupes de défense des droits des personnes assistées sociales – nous aurions aimé dire aussi: la reconnaissance des groupes communautaires et populaires comme pouvant être éventuellement eux-mêmes acteurs dans la réforme, et eux-mêmes peuvent donner des parcours d'insertion qui pourraient être beaucoup plus efficaces que bien d'autres qu'on a déjà identifiés;

Enfin, que le gouvernement détermine avec les créateurs d'emplois un certain nombre d'emplois, mais qu'eux-mêmes puissent avoir des contraintes, que ce ne soit pas juste la personne qui entre dans un parcours qui a une contrainte, mais que celle qui lui a promis un aboutissement puisse, elle aussi, avoir des contraintes, et que ça se fasse sur une base volontaire, ce parcours. Si ça se fait sur une base volontaire, s'il y a des emplois au bout de la ligne, vous aurez infiniment plus de gens que vous serez capables d'en traiter, soyez-en certains. Quand Zellers offrait – ce n'est peut-être pas le temps de parler de Zellers, mais, enfin – un emploi, vous aviez 250 personnes en ligne pour le prendre. Si les parcours aboutissent quelque part, pas besoin de forcer les gens, il y aura des centaines d'assistés sociaux dans le parcours.

Enfin, la question de l'impôt, j'en ai parlé il y a quelques minutes, plutôt élever le seuil des personnes petits travailleurs.

Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue. Moi, je tenais personnellement à ce qu'on reçoive la Conférence religieuse canadienne ici, en commission parlementaire. Je connais l'expertise personnelle et collective, en fait, de la Conférence. Il n'y a pas de recette miracle, n'est-ce pas. Comme je l'ai écrit à la page 35 du livre vert, il n'y a pas de recette miracle ni de solution simple à la pauvreté. Si cela était le cas, elles seraient depuis longtemps connues.

Et, je vais vous dire quelque chose. Vous ne nous aidez pas beaucoup, cependant, cet après-midi. Prenons, par exemple, à la page 9, votre première recommandation, quand vous nous dites: «Que le gouvernement reconnaisse à toute personne le droit à un revenu décent qui lui permette de vivre dans la dignité...» Qu'est-ce que ça signifie, pour vous, un revenu décent? Le seuil de quoi? De Statistique Canada ou le revenu minimum garanti? Qu'est-ce que c'est, pour vous, un revenu décent?

M. Bellefeuille (Jean): Moi, je me suis donné le mot de distribuer la parole pour que d'autres puissent s'exprimer éventuellement. Alors, Éthel?

Mme Greene (Éthel): En tout cas, dans nos milieux, on souhaite au moins que ce soit les seuils de faible revenu reconnus par Statistique Canada.

Mme Harel: Oui. Le seuil de revenu, par exemple, de Statistique Canada, juste l'équivalent de ça, c'est 3 500 000 000 $ de plus. Ce n'est pas peu. On passerait d'un budget qui est de 4 000 000 000 $, à l'aide sociale, à un budget de 7 500 000 000 $. Est-ce qu'on prend cet argent-là, le 3 500 000 000 $, vous avez idée de l'ordre de grandeur que ça représente? Parce qu'on a un phénomène, depuis 20 ans, une augmentation de 600 % des budgets à l'aide sociale, en 20 ans, pas parce que le barème de base a augmenté, comme vous le savez, seulement au coût de la vie, mais parce que les chômeurs à l'aide sociale ont augmenté. Les chômeurs ne sont plus à l'assurance-chômage, comme vous le savez. Deux chômeurs sur trois n'ont plus droit à l'assurance-chômage, même s'ils paient des cotisations à un programme d'assurance. L'assurance-chômage porte le nom d'assurance-emploi, ça reste une assurance.

Mme Greene (Éthel): Excusez, je voudrais ajouter que, en disant ça, on pense aussi au projet de société qu'on soutient, qui est celui qui est soutenu ici par Solidarité populaire Québec et qui implique, en même temps que la réforme de la sécurité du revenu, une réforme de la fiscalité.

Mme Harel: Bon.

Mme Greene (Éthel): Et là, vous pourriez aller les chercher, les milliards dont vous avez besoin.

Mme Harel: Essayons. Essayons, ensemble...

M. Couturier (Alfred): J'ajouterais, Mme la ministre, qu'une chose est de reconnaître le droit à cette sécurité – parce que c'est une sécurité qu'on veut donner à nos gens – et une chose est de se poser les moyens où se rendre. Dans les moyens, on est encore en balbutiements. Ça dépasse beaucoup le cadre de cette réforme-là, l'ensemble des moyens pour se rendre là. Mais je pense qu'il serait intéressant, au niveau de la sécurité, de reconnaître ce droit fondamental à ce que toute personne exige au moins le seuil minimum que les gouvernements eux-mêmes établissent, finalement. Parce que Statistique Canada et les autres, c'est des études gouvernementales aussi.

Mme Harel: Mais, je vais vous dire, M. Couturier, on peut avoir, comme vous le dites... C'est plus au niveau du principe que vous le posez. Mais il faut les oeuvres, il ne faut pas juste la foi. Moi, je travaille au niveau des oeuvres. Alors, je pense qu'un gouvernement qui veut être responsable, qui adopterait, comme vous le souhaitez, une résolution comme celle-là, il faudrait aussi qu'il l'applique, avec ce que ça représente. Quand je vous dis que c'est à peu près de l'ordre de grandeur de 3 500 000 000 $...

Parce que, à la page 2, vous nous dites: C'est aux plus riches d'entre nous, individus ou corporations, à faire l'effort. En même temps, je vous le dis sincèrement, quand je l'ai lu, je me suis dit: Est-ce que ça signifie que les communautés sont prêtes à payer des impôts fonciers? Nécessairement, la question ne s'évite pas quand on parle de ça. Et je comprends qu'on parle des riches quand on parle des autres. Mais, c'est qui, les riches, d'une certaine façon? C'est intéressant de voir que ce n'est pas les autres, les riches, ça peut être nous autres aussi.

(16 h 40)

Moi, j'ai été effarée de constater qu'il y a 1 % des contribuables qui déclarent un salaire supérieur à 100 000 $. Il y a 5 % de toutes les familles qui ont revenu familial supérieur à 100 000 $. Ça veut dire 95 %, même si les deux travaillent... Alors, vous voyez que finalement c'est la classe moyenne qui est la plus considérable au Québec, mais elle n'est pas moyenne supérieure, elle est plutôt moyenne inférieure.

Alors, quand on dit: Faire payer les individus et les corporations, à qui en particulier vous pensez? Parce que vous ajoutez: «...tout discours sur l'équité et la solidarité ne serait, de notre point de vue, qu'hypocrisie et poudre aux yeux.»

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Hardy, vous aviez demandé la parole. Avant de passer à quelqu'un d'autre...

M. Hardy (Claude): Oui, parce que, à entendre Mme Harel, ce que je comprends bien, c'est que les pauvres, ça coûte cher. Et moi, j'aimerais ça...

Mme Harel: La pauvreté...

M. Hardy (Claude): La pauvreté coûte cher.

Mme Harel: La pauvreté... Ce n'est pas la pauvreté, c'est le chômage qui coûte cher.

M. Hardy (Claude): Alors, moi, je me dis: J'aimerais ça qu'on fasse autant d'efforts...

Mme Harel: M. Hardy, je veux qu'on se comprenne bien, je n'ai pas dit que la pauvreté coûtait cher, j'ai dit que le 600 % d'augmentation, c'était dû à l'augmentation du chômage. Et les chômeurs ne sont plus à l'assurance-chômage, où pourtant ils paient de l'argent. Puis il y a détournement de l'assurance-chômage. Mais ils n'ont plus l'éligibilité, ils n'ont plus l'accès. Où est-ce qu'on les retrouve? À l'aide sociale. C'est le chômage qui coûte cher.

M. Hardy (Claude): Si on parle de revenus décents et que ça coûte cher, d'abord, pour revenir à votre expression, j'aimerais ça qu'on fasse autant d'efforts pour savoir où est l'argent qu'on en fait pour suivre à la pièce, dans ce fameux parcours, les assistés sociaux.

Mme Harel: On le sait où est l'argent. Vous savez qu'il y a eu une Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, qui a mené, à travers le Québec, une consultation certainement qui a été portée à votre connaissance. Et cette commission était assez représentative de différents milieux. Il n'y avait pas que les patrons qui étaient là-dessus, il y avait le milieu du travail, il y avait même des gens connus pour leurs préoccupations communautaires; je pense à l'économiste, Mme Ruth Rose en particulier. Alors, il y a eu un rapport. Et, en lisant vos recommandations, pensez, par exemple, à la page 7, c'est la recommandation 10 sur l'imposition, vous dites non à l'imposition. On ne parle pas d'imposer... Et, de toute façon, je ne pense pas que ce soient une des mesures qui soient retenues par le gouvernement. Mais c'est dans le rapport de la Commission sur la fiscalité. Et ça ne dit pas d'imposer l'aide sociale. Ça dit qu'entre deux personnes dont une qui peut avoir un revenu de 21 000 $ dans une année, et ce revenu est additionné par six mois de travail bien payé peut-être dans l'hôtellerie ou la restauration ou l'hébergement et puis six mois d'aide sociale, qui ne paiera d'aucune façon de l'impôt, puis l'autre personne qui va travailler toute l'année avec un même revenu de 21 000 $... Vous ne trouvez pas que, quelque part, il y a une question d'équité dans le fait que, au dessus des seuils, les gens ne soient pas, par la fiscalité, traités de la même façon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Beaulieu, vous aviez demandé la parole? M. Bellefeuille, après?

Mme Beaulieu (Céline): Mme Harel, vous venez de dire que ce qui coûte cher à la société, c'est le chômage. Je crois comprendre que votre projet de loi vise à corriger la situation en insérant le maximum de personnes dans le système, dans le réseau des emplois. Est-ce que vous croyez, vous-même, à la possibilité de créer les emplois qui permettent d'absorber la main-d'oeuvre disponible? Et quels sont les incitatifs? Probablement que si je savais le livre vert par coeur, j'aurais peut-être des éléments de réponse. Mais est-ce que les incitatifs que vous proposez aux employeurs, incluant le gouvernement lui-même, sont tels que la situation a des bonnes chances d'être corrigée?

Mme Harel: En tout cas, je crois une chose certaine, c'est que, si on pense qu'il y a une sorte de fatalité à cause de la mondialisation puis des changements technologiques et si on se résigne, comme société, on est perdu, parce que ce n'est pas juste une génération ou deux qu'on va sacrifier. Après, ça va être irrécupérable; ça, j'en suis convaincue. Et ce que je pense, c'est qu'il y a là-dedans des éléments. Il n'y a pas de recette miracle, mais il y a des éléments pour se responsabiliser, pas juste comme individu concerné mais comme société, comme collectivité, pas juste comme gouvernement mais comme collectivité. Il y a des éléments.

Vous avez dû voir finalement toute la réorganisation de tout ce qui est éparpillé actuellement dans les services d'emplois et puis surtout arrêter l'exclusion des chômeurs à l'aide sociale, qui tournent en rond dans des mesures d'employabilité en n'étant pas traités comme l'ensemble des autres demandeurs ou travailleurs dans le cadre d'une politique active du marché du travail. Et puis il y a des éléments, si vous voulez, d'un plan local d'action concertée pour l'emploi, où le CLSC, la commission scolaire, les gens d'affaires, du milieu, le milieu communautaire vont être concernés pour que les efforts consentis s'additionnent et pas comme maintenant où finalement les efforts sont considérables... Est-ce que vous savez qu'on a une industrie du chômage considérable? Savez-vous, cette année, qu'on dépensera au Québec 9 000 000 000 $ dans ce que, moi, j'appelle l'industrie du chômage, qu'il y a 11 000 personnes qui travaillent pour que, dans le fond...

Et, aujourd'hui, on a mis en preuve devant cette commission que, dans le cas des personnes handicapées, on fournit environ 15 000 $ par personne handicapée pour qu'elle ne travaille pas. Vous ne me direz pas qu'avec les plans qui ont été développés à la Sécurité du revenu avec l'Office des personnes handicapées pour convertir les prestations en subventions salariales pour des personnes dont ça fait 10 ans qu'elles sont à l'aide sociale qu'elles vont pouvoir aller se chercher, avec le contrat d'intégration au travail, pendant trois ans, une expérience de travail en étant handicapées, mais en étant admises dans un milieu régulier... Et puis, en convertissant aussi pour les centres de travail adapté, vous ne me direz pas qu'avec ces 2 000 emplois, dans le cas de ce programme en particulier, les 13 100 emplois qui sont prévus dans les projets d'économie sociale, les contrats qui sont prévus avec les entreprises d'insertion qu'on va développer, le nouveau régime d'apprentissage qui se met en place pour qu'on accepte, dans notre société, qu'il y a des jeunes qui ne rentrent pas dans le monde des adultes par l'école, mais qui rentrent dans le monde des adultes en travaillant, puis qu'il faut un diplôme à la fin, vous ne pensez pas que ce n'est pas vers ça qu'il faut aller plutôt que, si vous voulez, de – je ne sais pas, moi – de recommander, quoi, la résignation?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous êtes trois qui voulez répondre, M. Bellefeuille, M. Couturier et Mme Greene. Alors, par ordre, M. Bellefeuille.

M. Bellefeuille (Jean): Je suis certain que Mme Beaulieu serait d'accord avec vous. Il y a certainement plein de bonnes choses, nous l'avons déjà dit, en ce qui concerne la préparation des gens à l'emploi, certains parcours. Ce contre quoi nous en avons, c'est cette obligation qu'on retrouve de faire des parcours qui, par ailleurs, comme je le disais tout à l'heure... Si les parcours mènent à quelque chose, il y aura des gens qui vont y aller, certainement. Moi, je viens d'un milieu, Saint-Henri–Westmount – ça ne s'appelle plus comme ça, d'ailleurs – ...

Une voix: Saint-Henri–Sainte-Anne.

M. Bellefeuille (Jean): ...Saint-Henri–Sainte-Anne, où il y a le Regroupement économique et social, le RESO, qui, depuis des années, a justement des parcours individualisés pour des jeunes et des moins jeunes, toutes les clientèles prioritaires, ici, qui ont abouti, en lien avec tous les acteurs du milieu. Ça n'a pas créé des millions d'emplois, mais je pense que ça a été très positif. Mais...

Mme Harel: D'accord, mais l'obligation, elle n'est là que pour les 18-24 ans. Vous le savez, l'obligation, ce qui est prévu...

M. Bellefeuille (Jean): Et après, les pères de familles monoparentales...

Mme Harel: Dont les enfants de cinq ans entreront à la maternelle plein temps.

M. Bellefeuille (Jean): Si vous voulez.

Mme Harel: Pas juste monoparentales. C'est, en fait, toute personne...

M. Bellefeuille (Jean): Si vous voulez. Mais pourquoi est-ce obligatoire?

Mme Harel: ...dont les enfants vont entrer à la maternelle plein temps.

M. Bellefeuille (Jean): Pourquoi le mettre obligatoire? Quand ça marche, il y a des milliers de personnes, il y en a trop, pourquoi le mettre obligatoire?

Mme Harel: Écoutez, je pense qu'on s'adresse à des personnes de 18-24 ans qui ne travaillent pas, qui n'étudient pas, qui n'ont pas de handicap, qui n'ont pas d'enfants. Vous trouvez normal qu'à 20 ans comme société, on ne se porte pas responsable de leur faire faire un parcours? Un parcours, ce n'est pas, comme j'ai compris dans votre mémoire, de refuser quelque chose qu'on ne veut pas. Un parcours, c'est de refuser, dans le fond, de s'engager dans quelque chose qu'on va définir soi-même. Puis vous dites qu'entre 18-24 ans on ne devrait pas dire à un jeune: On s'attend que tu fasses ça de ta vie.

M. Bellefeuille (Jean): Notre expérience nous dit que les jeunes se lancent dans n'importe quel parcours qui va aboutir, et c'est mon expérience de 15 ans dans un milieu populaire, avec une organisation comme le RESO, qui a offert des parcours à des jeunes, des parcours qui pouvaient aboutir, et il y a eu plein de jeunes.

Mme Harel: Donc, il n'y aura pas de problèmes.

M. Bellefeuille (Jean): Ce n'était pas nécessaire de les obliger...

Mme Harel: Il n'y aura pas non plus de pénalité, à ce moment-là.

M. Bellefeuille (Jean): ...et de créer, s'il y a un échec, tous les problèmes de culpabilisation. C'est dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Barbeau): Je sais qu'il y a M. Couturier aussi qui voulait parler.

(16 h 50)

M. Couturier (Alfred): J'aimerais reprendre, à partir du terrain, un peu. Ce qui m'alarme beaucoup... Bon, que ce soit ces parcours-là ou d'autres mesures d'employabilité qu'on a connues, en général, les organismes communautaires, on a soutenu nos gens là-dedans, on les a embarqués, on les a stimulés. On a fait les liens avec les agents qui travaillaient dans vos bureaux. Les gens se sont habituellement embarqués. On n'a pas eu beaucoup de... On les a soutenus jusqu'au bout. Ces gens-là ont eu des projets PAIE, des mesures EXTRA, ont travaillé dans nos oeuvres. Je regarde, à Amos, il s'est créé une espèce de relève jeunesse pour les 14-20 ans. Ils ont créé une usine. Tout est tombé à l'eau six mois après les subventions. Et la concertation que vous souhaitez a été faite par plusieurs organismes communautaires, dans des milieux plus restreints, peut-être pas à l'échelle que vous voulez le faire. Mais la concertation, vous savez bien que plusieurs organismes communautaires, ça a été la première chose qu'ils ont essayé de faire, de mettre l'agent du coin de rue avec le dépanneur de l'autre, puis avec l'autre, pour venir à bout de le créer, l'emploi.

Et on s'est ramassé dans des culs-de-sac actuels que je trouve très désolants. Les gens qui ont été nos employés, un bout de temps, à cause de subventions, à cause de systèmes de parcours, puis tout ça, n'ont même plus la dignité de venir refrapper à la porte, parce que, là, ils ont faim et que ça ne marche pas. Ils sont encore dans le cul-de-sac parce que l'emploi, au niveau privé, n'a pas débloqué. Et, quelque part, il faut voir que ça place ces gens-là... Quelqu'un qui a vécu tous ces parcours-là et qui, en bout de ligne, vit encore une espèce d'échec, et quand ces échecs-là sont vécus dans la vingtaine, avec l'engagement de la vingtaine, les échecs, c'est des échecs de vingtaine aussi, qui sont des échecs qui démobilisent l'ensemble des personnes et qui démobilisent le milieu communautaire face à ces nouveaux parcours-là.

Quand j'ai lu l'ensemble du document, ma grande crainte, ça a été de dire: Il me semble qu'on a fait pas mal ce qui est là-dedans, que la concertation a déjà été faite, que, pour une partie de ce monde-là, les parcours ont déjà été faits et que l'aboutissement finalement, qui serait un emploi décent, un emploi qui fait vivre, un emploi qui a un certain sens aussi, cet aboutissement-là je n'ai aucune promesse nulle part... Bon, je suis d'accord avec vous qu'il n'y pas de miracles. Si je pouvais en faire, vous savez... Il y en a qui m'ont dit d'essayer, puis...

Mais vous comprenez que de replacer notre monde en situation de revivre des parcours différents en n'ayant pas le minimum garanti qu'il y a un emploi décent en bout de ligne, ça fait que j'ai le goût de me lever à leur place puis de dire: Écoutez, on ne peut pas faire vivre ça à cette clientèle de jeunes là, qui ont vécu déjà une multitude de promesses semblables.

Mme Harel: Je vais vous dire, moi, j'ai fait faire un sondage auprès de cette catégorie de jeunes, et ce sont ceux de 18-24 ans qui sont les plus favorables à ce qu'on les y oblige...

M. Couturier (Alfred): Ah! bien oui.

Mme Harel: Mais, ceci dit, regardez, qu'est-ce que vous voulez, je ne peux pas... Je lisais votre mémoire, vous disiez: «Pourtant, nulle part dans le livre vert on ne mentionne que les emplois passés ou actuels seront rapidement remplacés...», etc. On n'a pas la même lecture, parce que, d'une certaine façon, je me disais: Tout le chapitre premier, pourtant, porte essentiellement sur la profonde mutation du marché du travail, décrit toute la tendance à la hausse et à l'allongement de la durée du chômage, la précarisation des emplois, etc. Et, en même temps, il faut comprendre qu'on n'a pas fait de parcours. Si vous pensez qu'on a fait, à date, au Québec, des parcours, là, on ne parle pas de la même affaire. Il y a eu des mesures d'employabilité qui supplémentaient le barème de base. Vous comprenez qu'à ce moment-là il fallait rester assisté. Et, si vous aviez un statut de travailleur, vous perdiez le financement à 50 % du fédéral.

Alors, tous les programmes ont été conçus, gouvernement après gouvernement, pour s'adonner dans le carcan du régime d'assistance publique du Canada, donc, rester sous l'assistance sociale. Quelque chose qui est différent, quand même, il faut reconnaître que dorénavant on va pouvoir – c'est peut-être la bonne nouvelle, il y en a tellement de mauvaises – vraiment, non plus investir dans le chômage, mais suppléer notamment au revenu de travail, dans le cadre des entreprises d'insertion ou des entreprises d'économie sociale ou dans le cadre, par exemple, des bons d'apprentissage.

Je regardais un forum sur l'emploi, «Créer son emploi», en Europe. Tous les pays européens étaient rassemblés, au mois de novembre. Vous savez les conclusions de ce grand forum? C'était trois choses. La première, ça s'appelait: réforme de la sécurité sociale – ils appellent ça comme ça – et puis ils disaient qu'il fallait investir pour supplémenter le revenu de travail plutôt que de financer le chômage. La deuxième chose, ils parlaient des emplois de proximité, on appelle ça au Québec l'économie sociale. Et puis, la troisième, ils disaient qu'il fallait développer les réseaux dans le développement local. C'est vrai qu'il y a eu de la concertation, mais, M. Couturier, la concertation concertait la concertation. Quand est-ce qu'il y a eu du développement? Avez-vous un seul plan local de développement ou un plan régional de développement? Peut-être en Abitibi, depuis un an. Un an! Puis, là, c'est en train de se réorganiser. Tout était tellement normé qu'il ne pouvait pas y avoir de plan. Pour avoir un plan il faut avoir un fonds, puis il n'y avait pas une gestion par fonds, c'est une gestion par programme, toute pareille. C'est ça qu'il faut changer.

M. Couturier (Alfred): Depuis un an, il ne s'est pas créé un emploi, pas un seul. Les emplois créés ont été annulés par les emplois perdus en Abitibi. Ça, c'est les chiffres en janvier. C'est pour ça que c'est plutôt la base de la promesse qui m'embarrasse. Moi, que les parcours soient plus consolidés, que les parcours évitent les écueils qu'on a eus dans les programmes d'employabilité, je suis le premier à vous dire tant mieux, et, si on avait eu ça il y a dix ans, on aurait peut-être perdu moins de temps dans l'employabilité. Très bien. Mais c'est la même promesse de fond qui est de faire miroiter un emploi, alors que, moi, quelque part, j'ai de la misère à vous suivre sur ce terrain-là.

Mme Harel: Mais, on ne dit pas un emploi, on dit qu'il y a, dans le fond, juste une manière d'avancer, c'est de mettre un pas devant l'autre. C'est évident qu'il y a une espérance d'emploi. Mais l'espérance d'emploi, c'est comme l'espérance de vie, ça se travaille, ça. Bien plus de chance d'avoir un emploi avec un bon métier qu'avec un secondaire II pas fini.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Greene, c'est vous qui terminez cette partie-ci.

Mme Greene (Éthel): Ça va un peu dans la même ligne, mais j'ai envie de vous amener sur mon terrain gaspésien et de vous dire que, moi, si j'étais dans la condition de suivre un parcours vers l'emploi... Je regardais les gens qui sont prêts à travailler, qui n'en trouvent pas d'emploi. Je vais vous donner un exemple, même deux.

D'abord, le chômage en Gaspésie actuellement dépasse les 20 %. À la fin de l'hiver 1996, le bureau – c'était encore l'assurance-chômage, dans le temps – local de Gaspé a annoncé cinq postes en travail forestier. Une heure après, ils avaient 135 demandes. Ils ont mis les 135 noms dans un chapeau et ils en ont tiré cinq. Il y en a 130 qui sont partis déçus.

Cette semaine... Je fais partie d'un groupe qui s'appelle le Ralliement gaspésien-madelinot. Nous avons réussi à décrocher deux petits emplois en économie sociale. Nous avons créé deux emplois. Alors, le poste a été ouvert il y a 10 jours. Quand je suis partie hier, il y avait 47 applications, et c'étaient des gens qui avaient des doubles maîtrises, maîtrise en sociologie et développement régional, maîtrise en économique et en développement régional, maîtrise en sociologie, maîtrise en histoire, maîtrise en français. Il y a des gens qui sont prêts et il n'y en a pas d'emploi. Alors, quand les gens qui sont appelés à entrer dans un parcours voient ça, pensez-vous que c'est très, très motivant? Les gens qui sont déjà prêts n'ont pas de débouchés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Harel: On pourrait parler des emplois municipaux qui sont créés grâce aux CRD et aux MRC, avec tout le programme structurant, dans la Gaspésie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue. Même si ça fait 20 minutes que vous en discutez, je pense qu'il faut continuer parce qu'on ne peut pas analyser ce qu'on a devant nous, la réforme, le livre vert, sans penser à ce qui s'est passé au cours des 18 derniers mois. On ne peut pas oublier la loi n° 115. On ne peut pas oublier non plus que les prestations, depuis 1993, n'ont pas été augmentées. La loi n° 115, c'est une loi qui est allée aussi appauvrir les prestataires de l'aide sociale. Il y a eu des diminutions dans les barèmes, les 30 $ ou 50 $. Il y a eu aussi la restriction à l'accès, avec les avoirs liquides. Maintenant, on demande que les gens arrivent avec zéro en poche avant d'aller faire une demande à l'aide sociale. Ça, ce sont toutes des mesures d'appauvrissement. On a coupé dans l'allocation au logement. Alors, ce sont des fardeaux supplémentaires. On enlève de l'argent et, en plus, on demande un effort supplémentaire à des gens qui vivent déjà sous, sous, sous le seuil de la pauvreté.

Je ne vous parle pas du fardeau de l'assurance-médicaments. M. Bellefeuille a dit tantôt qu'il connaît bien la circonscription, le sud-ouest de Montréal. Cette contribution-là, pour aller recevoir ses médicaments, dans mon comté, c'est épouvantable, ce qui se passe. Les gens, ce qu'ils font, c'est qu'ils doivent couper soit dans la nourriture ou soit qu'ils allongent leurs médicaments. S'ils ont quatre pilules à prendre par jour, ils vont en prendre deux. En bout de piste, ces gens-là vont aggraver leur situation, leur état de santé. Alors, on ne peut pas analyser ce qu'on a devant nous sans penser à ça, sans penser que les prestataires de la sécurité du revenu sont encore plus pauvres qu'ils ne l'étaient il y a deux ans. Ça, je pense que c'est trop facile de l'oublier.

Vous avez raison, même actuellement le gouvernement n'est pas capable de répondre à la demande, au niveau des mesures d'employabilité. Et, quand on regarde ce qui se passe, à chaque semaine, il y a un désastre. Il y a trois semaines, c'était Greenberg qui fermait. La semaine dernière, c'était Zellers. Là, c'est la Fédération des caisses populaires qui nous annonce qu'elle va couper 5 000 postes dans trois ans. Alors, il y a eu des pertes de plus de 40 000 au cours de la dernière année. Alors, on n'est pas dans une situation économique où l'emploi est palpable. Et vous le dites dans votre mémoire et vous venez d'en faire la démonstration dans votre région, il y a plein de gens qui sont formés, qui ont une scolarisation, qui sont diplômés et qui ne sont pas capables de se trouver de l'emploi.

(17 heures)

C'est ça qui me surprend, de voir que le gouvernement, à date, depuis le début de nos consultations, n'a pas démontré un peu d'ouverture à cet égard-là, au caractère obligatoire. La majorité des groupes qui sont venus en commission parlementaire nous ont dit que ça n'avait pas d'allure, le caractère obligatoire avec pénalité, et qu'il y a des études qui le démontrent. Camil Bouchard dit que c'est unanime aussi et le Conseil québécois de la recherche sociale est venu nous dire que c'était contre productif, c'était démotivant, tout le caractère obligatoire. Et tout le monde nous dit que, si le gouvernement va dans ce sens-là, il est sur la voie de l'échec finalement, tout ça va être voué à l'échec et qu'il s'en va dans une direction où ça ne fonctionnera pas, sa réforme.

Moi, je serais tentée de vous demander, un, si le gouvernement ne change pas son fusil d'épaule et, regardant toute la situation économique, le taux de chômage, tout ça, n'accepte pas de retirer le caractère obligatoire avec pénalité, si vous ne pensez pas que quelque part, on veut faire des économies, encore une fois, mais de façon un petit peu mieux maquillée, avec la réforme?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Bellefeuille.

M. Bellefeuille (Jean): Ce qu'on a remarqué, comme disait M. Couturier, c'est que les différents groupes communautaires populaires, ou des communautés religieuses ou autres qui s'apparentent à ce genre de groupes très proches de la clientèle sont les mieux placés pour amener les personnes à embarquer dans un parcours. Et, s'il y a possibilité, je dirais, de mettre tous ensemble l'épaule à la roue pour des parcours mieux pensés, mieux intégrés, mieux coordonnés, bien, bravo. Mais, je me dis: C'est par l'intermédiaire des regroupements de support, d'entraide, d'aide et d'encouragement de ces personnes-là que les jeunes, justement de 20-24 ans ou plus, vont embarquer vraiment dans une formation qui peut leur donner plus de chances. J'aimais l'expression que vous avez donnée tout à l'heure. C'est comme la vie, on peut se donner plus de chances de vivre plus longtemps. On peut se donner plus de chances encore, à moins d'avoir déjà deux, trois maîtrises, il faut quand même arrêter de forcer le monde...

Mme Harel: Il y a quand même 32 000 emplois qualifiés qui ne sont pas occupés. C'est inouï, les paradoxes de notre société. Ça, c'est la dernière étude de la SQDM.

M. Bellefeuille (Jean): Supertechnologiques, probablement. Et il paraît que tous ceux qui se forment en informatique, ils ont des emplois comme ça; on en a vu encore des exemples. Mais il y a des gens qui ne sont pas là-dedans et qui ne le seront pas parce que ce n'est pas leur monde, ce n'est pas leurs capacités, ce n'est pas leur orientation, ça ne leur fait pas du tout, et ça ne réussira pas. Mais, je me dis: À travers des groupes populaires ou communautaires, ces gens-là vont aller faire des parcours et vont garder au moins le moral, vont garder le désir, vont garder le goût de peut-être faire un parcours qui n'aboutira pas maintenant, mais de continuer. Puis, pendant ce temps-là, ils sont bénévoles dans quelque chose. Et puis je me dis: Simplement les forcer, je ne suis pas certain que ça ne devrait pas passer plutôt par une aide aux différents groupes populaires et communautaires puis engager ces personnes-là. Plutôt, s'il fallait, je dirais, les motiver avec des muscles à quelque chose, c'est d'aller voir les regroupements sur place qui peuvent les aider. J'ai mentionné le réseau, tout à l'heure, du côté de Saint-Henri, je pense que c'est un exemple, ça, justement, de concertation des différentes instances populaires communautaires, des syndicats, des employeurs, du gouvernement; municipal, fédéral, tout le monde est là-dedans, mais ça donne des résultats. Puis, il n'y a personne qui est forcé, sinon très encouragé, au point que, s'il ne le fait pas, il est quasiment honni de son propre milieu. Je crois plus à cette approche-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Hardy, vous voulez compléter, je pense.

M. Hardy (Claude): Oui, c'est parce que, je ne pense pas que... Si, des fois, on a un discours un petit peu fataliste, c'est peut-être à partir de ce qu'on entend tous les jours. Alors, ce qui est important, c'est de porter l'espoir. Mais, moi, je veux dire, pour revenir, avant de venir ici, j'ai fait une rencontre au Carrefour familial Hochelaga-Maisonneuve pour discuter avec des hommes et des femmes sur le parcours. La fatalité, c'est de parcourir, ça veut dire marcher, mais pour aller où? Ce n'est pas parce que les gens n'en veulent pas, de... Je veux dire, c'est que la fatalité leur rentre dans la peau et dans les os. C'est parce qu'ils veulent savoir: Aller où? Et, pour avoir travaillé particulièrement avec les hommes, pères de famille avec enfants, les gars disent: L'enfant, son premier héros; c'est son père. Le héros est fatigué. C'est parce que le héros, lui, il aimerait bien ça travailler. Alors, c'est pour ça que, quand on a un discours fataliste, ce n'est pas parce qu'on veut l'entretenir, c'est qu'ils ne voient pas, au bout du tunnel, une lumière qui serait là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée.

Mme Loiselle: Vous avez raison, parce que, créer de l'espoir, quand, en bout de piste, il n'y a rien, c'est pire encore. Et les groupements qui travaillent auprès des jeunes sont venus nous voir et nous ont dit que tout le caractère obligatoire auprès des jeunes va avoir l'effet contraire, va les démotiver au point de les envoyer dans la trappe du décrochage complet, décrochage qui va les amener peut-être – vous le savez, à Montréal – à l'itinérance, la criminalité, la prostitution. Parce qu'il faut regarder souvent d'où viennent ces jeunes, ce qu'ils ont vécu depuis leur naissance. Alors, on ne peut pas faire des lois aussi rigides sans penser au vécu de ces jeunes-là. Vous parlez de chaos social au niveau du caractère obligatoire, vous en faites mention dans votre mémoire. J'aimerais vous entendre davantage sur les conséquences au niveau des jeunes, si le gouvernement va dans ce sens-là au niveau de ce décrochage-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lauzon.

M. Lauzon (Jacques): Moi, je pourrais vous parler à partir de mes propres enfants. J'ai quatre enfants de 23 à 29 ans. Mon plus vieux est dans un emploi stable depuis un an, il est ingénieur mécanique, un secteur qu'on dit de haute employabilité. Mais il a travaillé quand même cinq ans, avant, à tout ce que vous voulez comme jobine, ramasser de la neige, ramasser des vidanges, changer des «tires», travailler chez Canadian Tire, travailler dans une pharmacie, au salaire minimum, 15 heures par semaine. Ce n'est pas très motivant pour un jeune, évidemment, vous comprendrez.

J'ai une fille aussi qui a décroché au secondaire et qui est retournée ensuite finir son secondaire par des cours du soir. Elle a voulu, dans des programmes d'employabilité de je ne sais trop où, si c'est fédéral ou provincial, aller en technique de garderie. Elle a été refusée à deux reprises parce qu'il y avait trop de monde. Elle voulait étudier, mais il n'y avait pas de place.

J'ai une fille qui, à 23 ans, a quitté le cégep. J'ai dit: Pourquoi tu quittes ton cégep? Elle a dit: Qu'est-ce que ça va me donner? Je vais m'endetter et je n'aurai pas de job, au bout. Elle est allée s'engager chez MacDonald. Elle travaille de nuit depuis deux ans, à 30 heures-semaine. Elle a réussi à s'acheter une petite auto. Et, ce qui est assez paradoxal et contradictoire, c'est qu'il y a trois filles – elle est devenue superviseur – qui travaillent sous ses ordres, qui ont fini leur cégep, mais qui n'ont pas de job. Puis ce n'est pas parce qu'elles manquent de formation. Vous les mettriez dans un parcours d'emploi, elles n'auraient pas plus de travail au bout.

Et, moi, je seconde tout ce qu'on a dit tantôt. Un parcours d'emploi, ça ne mène nulle part, c'est de la merde. Je regrette, mais on n'incite pas. Et, la preuve de l'échec, c'est qu'on veut les forcer à y aller. C'est la preuve de l'échec même de ce système-là. Parce que, s'il était attrayant, les jeunes iraient. Et j'ai un fils qui a compris depuis très longtemps que cette société-là ne menait nulle part, et ça rejoint ce que vous avez dit. Quand il a vu ça, il a tout lâché, parce qu'on a voulu l'inciter. Il était sur le bien-être social, on a voulu l'inciter, il est devenu itinérant, effectivement, à Montréal. Il est rendu à Vancouver, maintenant. Alors, qu'on ne vienne pas dire que les parcours d'emploi, ça mène quelque part et que c'est utile.

Mme Loiselle: Oui. Vous savez, nous, on conteste beaucoup plus tout le caractère obligatoire, les pénalités. Puis ce qu'on conteste encore davantage, c'est les pénalités qui s'appliquent au barème de base. Encore une fois, les groupes nous disent que ça ne fait aucun sens, parce qu'il y a des gens qui vont se retrouver avec même pas la possibilité de se payer une chambre à Montréal, ils ne pourront même pas se nourrir. Puis, là, c'est une question de survie. Ça revient à l'itinérance, ça revient à la criminalité. C'est que ces gens-là doivent vivre, manger, se laver, se vêtir. Alors, il va y avoir une question de survie, là, d'où les maux sociaux qui vont augmenter. Je l'ai demandé à plusieurs groupes, je l'ai demandé à la Fédération des femmes du Québec, et elle m'a répondu oui. Pour vous, les pénalités qui s'appliquent au barème de base, est-ce qu'on brise le filet de sécurité sociale au Québec, pour lequel il a été maintes fois répété qu'on ne le briserait jamais?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Hardy.

M. Hardy (Claude): Un des lieux pour créer de l'espoir... Puis j'aimerais, en tout cas, qu'on réfléchisse sur la question, sur le rôle social des groupes populaires et communautaires. J'ai dit le mot «fatalité», tout à l'heure, j'aimerais aussi dire le mot «espoir». Alors, il faut aller au Carrefour familial Hochelaga et d'autres groupes pour dire: L'espoir est là. Donc, il y a un genre de parcours que des hommes, des femmes, des jeunes font entre eux. Et le rôle social des groupes communautaires est énorme. Et, en passant, les communautés religieuses, je vais dire, aujourd'hui, par le Comité des dons, entre autres, soutiennent financièrement ces groupes populaires et communautaires qui sont peut-être les remplaçants ou les remplaçantes, ou je ne sais pas trop quoi. Donc, le rôle social des groupes communautaires est important.

(17 h 10)

Et, juste une minute, au niveau de la formation. Je suis aussi sur le comité aviseur du ministère de l'Éducation, et on a le même maudit problème de faire reconnaître l'éducation populaire autonome non scolarisante avec un diplôme. Pourquoi ne pas s'organiser, au niveau de la formation, reconnaître l'expérience de formation qui est faite dans les groupes populaires, dans les maisons de jeunes, dans les centres de femmes, etc.? Il y aurait des choses à faire, là, au niveau de la formation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Bellefeuille?

M. Bellefeuille (Jean): Si on monte au deuxième étage, ici, puis on regarde en direction de la porte Kent, on va voir un petit clocher qui réussit peut-être à dépasser de la porte Kent. C'est la maison Dauphine pour les jeunes, que ceux de Québec connaissent peut-être un peu, qui essaie justement d'accueillir les jeunes, les très jeunes itinérants et itinérantes qui justement sont placés dans des situations où ils n'arrivent plus à s'en sortir. Ah! ils ont d'autres problèmes que juste le problème économique, mais je me dis: Leur mettre des pénalités sur le dos, quand ils sont déjà aux prises avec des problèmes graves, ça serait aggraver une situation qui est déjà invivable pour eux puis inhumaine.

Évidemment, la maison Dauphine fait tout ce qu'elle peut, puis elle fait le maximum de ce qu'elle est capable de faire, compte tenu de la clientèle qui est là. Si on entendait dire que le gouvernement est en train de vouloir confier davantage à la charité publique, comme on le disait tout à l'heure, des communautés religieuses – parce que c'est une oeuvre qui est de ma communauté – on dirait: Ça ne marche pas, là. On réussit à donner un peu d'espoir à certains, à les remettre un peu en circulation, à essayer justement de leur faire un certain parcours pour s'en sortir et à les retourner un peu sur quelque chose qui peut les mener quelque part. Il ne faudrait pas comme dumper un tas de jeunes là-dedans.

Évidemment, dans le document, on parle d'aide psychosociale à ceux qui seraient en situation psychosociale, justement, difficile. Je pense que c'est important de ne pas obliger tout jeune, n'importe comment. On dit: Des jeunes qui auraient des difficultés d'ordre psychosocial, on verrait, d'abord, à les aider. Mais il ne faut pas créer, non plus, d'autres difficultés psychosociales en pénalisant à coup de 150 $, qui peut être doublé, sur une prestation de base. Là, il y a quelque chose qui ne marcherait pas du tout. En tout cas, il faudrait être joliment prudent pour que ça ne donne pas des catastrophes, ça.

Mme Loiselle: Vous avez parlé de la contribution communautaire sociale, le bénévolat. Est-ce que vous seriez enclins à peut-être proposer au gouvernement d'inclure dans le parcours cette contribution-là qui se fait dans le travail dans les organismes communautaires pour certaines personnes, il va de soi, accompagnée de l'allocation de participation, une reconnaissance bien définie?

M. Hardy (Claude): Peut-être, d'autres vont compléter, mais je veux juste dire que, dans notre mémoire, on parle du rôle productif et social d'hommes et de femmes engagés dans une communauté. Ce n'est pas parce que tu n'as pas un emploi salarié que tu es fainéant, puis que tu es couché à terre, puis que tu attends. Au contraire, il y a une contribution sociale importante d'hommes et de femmes. Les centres de femmes, les haltes-garderies, les centres pour hommes, c'est des groupes... Plusieurs de ces personnes sont des assistées sociales, et c'est elles qui font ce travail-là. Et, ce qui est drôle, ce que les CLSC leur dumpent le monde parce qu'ils ne savent pas quoi faire avec, parce que l'expertise et la compétence sont rendues là. Et, ça, ce n'est jamais reconnu socialement. Alors, comment on va faire pour que ce travail-là, cette contribution à la société soit reconnue? Comment on va faire ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lauzon?

M. Lauzon (Jacques): En complément à ce que Claude vient de dire, je pense qu'un des défis majeurs de nos sociétés occidentales pour les années à venir relève justement de cette distribution de la richesse. Ça rejoint un peu le début de notre échange, quand on disait: On n'a pas d'argent. Ce n'est pas tout le monde qui partage ce point de vue là. Il y en a qui démontrent assez clairement – je vous réfère au Centre canadien de politiques alternatives, qui produit chaque année des budgets alternatifs avec des chiffres à l'appui – qu'on en a, des sous. Mais, la concentration de la richesse, actuellement, fait que ce qui était produit autrefois par le travail humain rémunéré ne l'est plus, mais la richesse, elle est toujours créée. Et le défi des années à venir, c'est: Comment on va faire pour aller chercher une part de cette richesse créée par la machine, à l'exclusion des êtres humains, pour la redistribuer à des êtres humains qui s'activent, actuellement, dans la société, et qui font des choses utiles à la société, mais qui ont besoin d'un revenu pour le faire? Autrefois, on louangeait beaucoup le bénévolat, mais il ne faut pas oublier que les gens avaient des revenus de travail classiques qui leur permettaient en surcroît de faire du bénévolat. Mais, quand vous êtes uniquement bénévole, vous allez vivre comment? Alors, le défi, c'est d'aller chercher les argents qui sont actuellement de plus en plus concentrés pour les redistribuer à des gens qui vont s'activer autrement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Loiselle: Le temps est presque écoulé, mais je ne voudrais pas que vous nous quittiez sans qu'on parle des mesures appauvrissantes pour les familles monoparentales qui sont à la sécurité du revenu, le fait d'abolir le barème de non-disponibilité qui prive les chefs de familles monoparentales de 100 $ par mois et aussi le fait qu'on nous parle beaucoup de l'allocation unifiée pour enfant. Mais le Conseil de la famille a fait un tableau, ainsi que l'économiste Ruth Rose, et ils nous ont démontré que les familles monoparentales à la sécurité du revenu – parce que les tableaux qu'on retrouve dans le document, le livre vert, c'est des enfants de sept ans et plus – avec des jeunes enfants, le petit bébé, jusqu'à six ans, sont perdantes. Elles perdent environ de 700 $ à 800 $ par année au niveau de la prestation unifiée. J'aimerais vous entendre, à savoir: Pourquoi pensez-vous que le gouvernement s'acharne à vouloir finalement appauvrir les familles les plus pauvres parmi les pauvres? Ce sont les familles monoparentales à la sécurité du revenu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En deux minutes, M. Bellefeuille.

M. Bellefeuille (Jean): Je ne suis pas certain que j'ai une bonne réponse à ça, parce que j'avais une interprétation, mais je me suis dit que c'est une interprétation que je ne mettrai pas de l'avant trop facilement, qui allait un peu dans ce sens-là. Je me souviens, quand j'étais moi-même responsable d'organismes en milieu populaire, c'était les années où les familles avaient un surplus d'argent quand il y avait un xième enfant, c'était 1 000 $, 2 000 $, 3 000 $. Alors, j'ai vu des enfants, hein. Ça s'est mis à se développer, dans Saint-Henri. Il y a des familles qui ont eu deux, trois et quatre enfants. Et là, en tout cas, c'est une impression, je n'ai pas eu l'occasion d'en parler, mais je me disais: Mon Dieu! Là, c'est la machine qui tourne à l'envers: on va vous empêcher de trop en faire et, si vous pensez qu'en faisant des enfants vous allez rester sur l'aide sociale plus longtemps, détrompez-vous, vous allez être pénalisés, si vous en faites trop. Ce n'est pas ça qu'il faut faire, c'est essayer d'aller dans un parcours pour gagner votre vie. Et, si vous voulez plutôt vous rabattre: On va se faire des enfants, ça nous protège, on va être sur l'aide sociale plus longtemps, là, vous vous trompez royalement. Je me disais: Est-ce que c'est une antimesure, par rapport à cette mesure-là? On n'a pas eu vraiment l'occasion d'approfondir cette partie-là du mémoire, mais on a des questions par rapport à ça, parce qu'on trouve que ça a l'air de pénaliser quelque chose qui autrefois était plutôt incitatif, et ça pose des questions.

Mme Loiselle: Plus valorisant, oui.

Mme Beaulieu (Céline): Bon. Je ne poursuivrai pas la réponse à la question précédente, mais, comme je sens que le temps achève, le dernier message qu'on voudrait vous laisser comme le message le plus important en ce qui nous concerne, c'est un appel qu'on fait au gouvernement et à la responsabilité gouvernementale que la réussite ou l'échec de la réforme qu'il projette, qu'il va mettre en place, en tout cas, ne repose surtout pas encore une fois sur les personnes les plus vulnérables de la société. Si le projet a une faisabilité, je crois et nous croyons fermement que les personnes entreront volontiers dans les propositions que vous faites. Mais, si jamais les parcours devaient être des culs-de-sac, il faudrait que la responsabilité en incombe aux personnes qui ont les moyens de créer du développement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Greene, c'est vous qui avez le mot de la fin?

Mme Greene (Éthel): Non, ça va.

(17 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Alors, je vous remercie beaucoup, au nom des membres de la commission.

J'invite maintenant les représentantes et les représentants du Regroupement des organismes communautaires de la région 03 à se préparer.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. Mignault, si je comprends bien, c'est vous qui faites la présentation? Vous allez nous présenter d'abord les gens qui vous accompagnent et procéder à votre 20 minutes. À l'ordre, s'il vous plaît!


Regroupement des organismes communautaires de la région 03 (ROC-03)

M. Mignault (André): M. le Président, Mme Miranda ayant été retenue à l'extérieur, elle m'a demandé, comme vice-président du Regroupement des organismes communautaires de la région 03, de la remplacer. Alors, il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, Mme Michèle Dionne, qui a travaillé à la préparation de notre mémoire, et, à ma droite, M. Daniel Guay, qui est le coordonnateur du Regroupement des organismes communautaires de la région 03.

Le Regroupement des organismes communautaires de la région 03, communément appelé le ROC-03, a été formé dans le cadre de la réforme de la santé et des services sociaux. C'est un produit qui a été voulu par le gouvernement pour représenter, regrouper justement le milieu communautaire de la région 03.

Le ROC-03 considère l'analyse du projet de réforme de la sécurité du revenu comme extrêmement importante. Une proportion importante de la population est touchée. Qu'on pense aux jeunes, aux femmes, aux personnes en chômage prolongé, aux mères seules, aux nouveaux arrivés, aux personnes handicapées, aux personnes âgées, aux sans-chèque et à leur entourage. Ces personnes verront leur vie chambardée tout en étant responsabilisées de leur situation personnelle de pauvreté, d'exclusion et de chômage.

De plus, les organismes communautaires se sentent interpellés comme d'éventuels partenaires. Dans la grande région de Québec, 03, 250 organismes communautaires en santé et services sociaux représentent un réseau qui rejoint 25 % de la population régionale. Ce sont donc près de 150 000 personnes qui reçoivent des services, de l'information ou qui participent à des activités de ces groupes.

Les organismes communautaires et bénévoles se définissent, dans leur variété, comme constituants d'un mouvement social autonome d'intérêt public engagé: engagé dans les luttes quotidiennes contre la pauvreté, la discrimination et pour l'amélioration du tissu social dans une approche globale; engagé dans les luttes sociales et politiques, visant de profondes transformations des législations, des institutions, du marché, des mentalités pour contrer l'exclusion; engagé dans le cadre d'espaces démocratiques – démocratisation de nos lieux d'existence et des lieux de pouvoir – et de la revitalisation constante de la société civile.

En ce sens, ils reconnaissent que l'individu doit pouvoir s'approprier l'identification de ses problèmes et la recherche de solutions, recherche qui doit être liée à une responsabilité collective. Je vais demander à M. Guay de poursuivre.

M. Guay (Daniel): En préambule, l'engagement communautaire des personnes est légitimé par le désir de travailler collectivement à résoudre une situation problématique ou à atténuer les effets les plus négatifs. C'est un acte de solidarité. La culture communautaire reflète une conception des rapports humains et des rapports sociaux qui s'articule autour d'un certain nombre de valeurs: respect, autonomie, solidarité, entraide, égalité, équité, réciprocité, démocratie et justice. Cette perspective, qui fait de tout individu un véritable sujet social et politique, détermine l'exercice démocratique par la réflexion, l'analyse et la prise de décision en collectif.

Par respect envers les personnes que nous côtoyons et qui sont touchées de près ou de loin par ce projet de réforme, et dans le souci de défendre nos valeurs et nos pratiques démocratiques, le Regroupement des organismes communautaires de la région 03 proteste fermement contre les courts délais alloués à l'étude de ce livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu.

Il aurait été souhaitable de pouvoir faire un débat sur cette question, de recueillir les commentaires de la population et de rédiger nos avis légitimés par l'élargissement du dialogue. La réalité du bénévolat et des ressources humaines et financières insuffisantes oblige à des efforts inouïs pour réussir à rédiger ces quelques pages.

Tout en souhaitant le partenariat, à la lumière de la présente consultation, nous nous questionnons et appréhendons les formes, les pratiques et les responsabilités qui seront exigées aux partenaires du communautaire.

M. Mignault (André): Alors, je vais demander maintenant à Mme Dionne de poursuivre.

Mme Dionne (Michèle): Écoutez, il y a beaucoup de choses qui ont été dites cet après-midi, mais on voudrait quand même souligner que la multiplication des banques alimentaires, des soupes populaires, des comptoirs de vêtements ou de meubles usagers, la prolifération des prêteurs sur gages – faites un tour dans Saint-Roch, dans la basse-ville, vous allez le constater – les évictions de locataires pour non-paiement de loyer qui sont fort nombreuses, le recours aux refuges et la mendicité sont des preuves tout à fait concrètes et visibles qui illustrent les fabuleuses statistiques dont on parlait tout à l'heure sur la question de la pauvreté.

Comme individus, comme collectivité, nous serions économiquement plus pauvres qu'hier. Pourtant, on a entendu parler à de nombreuses reprises, l'automne dernier et récemment, des profits des banques, qui sont, à mon avis, à notre avis, plus qu'intéressants pour leurs actionnaires, sans négliger les revenus des administrateurs. On entend parler des «success story» de nos grandes entreprises bien de chez nous, qui sont parties de rien.

Alors, la vraie question est celle de la répartition des richesses existantes. Comment se fait-il qu'avec un tel capital privé: 20 % et plus des Québécois, 480 357 ménages bénéficiaires de l'aide sociale, 450 000 chômeurs au Québec? C'est questionnant, socialement, cette situation.

On nous propose un parcours que nous avons qualifié humoristiquement de Fort Boyard. Si nous appliquons les balises du seuil de pauvreté de Statistique Canada, au montant alloué aux trois besoins essentiels pour une personne seule sans contrainte de travail, dans le cadre de la réforme de la sécurité du revenu, il nous apparaît superflu de parler de seuil de pauvreté. Cette personne, recevrait 500 $, possibilité de travail de 202 $ de revenu de travail, pour un total de 700 $ par mois. Mais, si on avance que ses besoin en alimentation sont de 191 $, le logement 350 $ – c'est une moyenne – l'habillement 50 $, on se retrouve avec 536 $. Même si elle peut aller chercher son revenu d'appoint de 202 $, qui est permis, elle consacrera encore 76,3 % de ses revenus à ces trois premiers besoins essentiels. Pour les autres, qu'en est-il?

Dans ce contexte-là, on demande à cette personne-là de s'inscrire dans un parcours. Bien sûr, on veut la soutenir, l'encadrer, mais on oublie aussi les conditions de vie qui s'ajoutent, comme toute personne normale qui vit dans une famille, à toutes les démarches de curriculum vitae, de déplacements, de garderie, penser à ses enfants, à leur santé, les réunions de parents à l'école, les horaires de travail, la course. On se demande comment une personne peut être motivée tout en gardant la préoccupation de sa survie.

Nous réitérons que les besoins essentiels de chaque personne doivent être comblés. L'autonomie n'est pas synonyme d'insalubrité, d'isolement et de refus de l'autre. La formation des personnes comme citoyens et citoyennes peut difficilement cohabiter avec l'acceptation des inégalités et l'adhésion à des pratiques économistes, technocrates, bureaucrates, guidées par les maisons de cotation, par la Banque mondiale, par le Fonds monétaire international, qui nous poussent à gérer ce qui est intolérable.

(17 h 30)

L'autonomie n'est possible qu'avec un contrat social qui en garantisse l'exercice. Les tenants de la «Moral Majority» considèrent qu'il faut récompenser le succès apparent et contraindre les pauvres à se prendre en main. Ce discours qui rend responsables de leur sort les victimes d'un système économique inéquitable connaît une vogue indéniable en ces temps d'incertitude. Le milieu communautaire autonome et les organisations populaires souhaitent, au contraire, que l'État assume pleinement sa fonction régulatrice en assurant une redistribution équitable de la richesse collective par la mise en oeuvre et le maintien de services universellement accessibles et par une fiscalité fondée sur une véritable répartition des richesses existantes. L'État a également un rôle de vigilance pour la protection des emplois qui sont existants comme pour la qualité de ceux qui seront créés.

L'argumentation autour de la mondialisation des marchés et de la dette publique pour nous faire effectuer un virage social aussi radical au point de faire porter le fardeau des problèmes économiques sur le dos des citoyens et citoyennes vivant dans un état de fragilité extrême est inacceptable.

Assurer un revenu minimum pour combler les besoins essentiels est un investissement dans l'humain à court, moyen et long terme. Toute personne a droit à un revenu décent qui permet de vivre dans la dignité, c'est-à-dire exempt de toute étiquette négative et sans égard à l'incitation à travailler. La valorisation et la participation à la société ne s'appliquent pas – et ça a été dit tout à l'heure – seulement dans le cadre du travail. Si tel était le cas, la société devrait fournir du travail pour tous et toutes. Ce n'est pas le cas. Le discours à ce propos est contradictoire: d'un côté, on reconnaît la carence en nombre d'emplois, le taux de chômage élevé et, de l'autre, on veut obliger les prestataires à faire une démarche pour en trouver un en espèce de création de l'illusion. Daniel.

M. Guay (Daniel): Nous craignons la façon dont seront déterminées les priorités locales au sein des CLE où, d'une part, les partenaires du communautaire et, d'autre part, les partenaires économiques établiront les priorités de développement de l'emploi. Faut-il croire que, dans une région comme Québec, les priorités de la haute technologie et de l'industrie touristique seront les nouvelles rampes de lancement pour les parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi?

Dans le cadre de la régionalisation en santé et services sociaux, on a vécu l'expérience depuis maintenant quatre ans au Regroupement et ce que ça nous apprend, c'est que le poids de l'institutionnel, le poids des acteurs qui sont présents à la table, où on se concerte pour faire avancer les idées, le poids de ces gens-là est extrêmement important. Et quel est le poids relatif des organismes communautaires dans le cadre de ces CLE là? Donc, on se pose des questions sur l'inégalité des ressources tant politiques que financières, humaines, etc., et sur le poids des décisions qui vont être prises par nos partenaires éventuels.

D'autre part, il est difficilement contestable de nier le besoin de mesures pour soutenir l'insertion ou la réinsertion des personnes qui, par manque de formation, d'expérience ou d'habileté à composer avec les nouvelles réalités du marché du travail, ne peuvent, seules, trouver une activité d'intégration. Cependant, le caractère obligatoire, les contrôles dégradants et le faible soutien financier à leur exercice mènent à la démotivation et à l'échec. Ces mesures devraient pourtant s'appliquer dans le respect de l'autonomie des personnes. Toute personne a le droit de participer à la société de façon pleine et entière par un emploi avec des conditions décentes ou par toute autre occupation valorisante. Et les nuances, là, sont importantes.

Par ailleurs, le désengagement de l'État taxe lourdement l'action communautaire, bénévole ou non, et conduit à une augmentation des responsabilités des organismes communautaires. De plus, il ouvre la porte au développement d'un marché des problématiques sociales permettant ainsi à une foule de spécialistes consultants, évincés du réseau, de s'y engouffrer.

La reconnaissance de l'apport des organismes communautaires, toute bienvenue qu'elle soit, dissimule une stratégie de redistribution des responsabilités qui ne concordent pas nécessairement avec les objectifs et la culture que sous-tend l'action communautaire. Nos craintes ne s'appuient pas seulement sur les résultats du dernier Sommet socioéconomique. Depuis longtemps, le milieu communautaire est la voie d'évitement. Depuis 1984, l'idée de M. Brian Mulroney, ex-premier ministre du Canada, et je le cite, il nous disait: «Une des principales priorités de mon gouvernement sera la révision complète des programmes sociaux afin d'économiser autant que possible. Une façon d'atteindre cet objectif consiste à encourager le secteur du bénévolat à participer davantage à la réalisation de nos programmes sociaux. Le secteur du bénévolat au Canada représente une ressource inutilisée qui peut réduire les dépenses du gouvernement, mais peut aussi créer des emplois en même temps. Le bénévolat représente aujourd'hui la méthode la plus rentable de fonctionnement du Canada.» Vous pourrez répondre à ça.

Selon les statistiques du ministère du Revenu du Québec, l'ensemble des organismes communautaires québécois employaient 9 030 participants au programme PAIE en 1990-1991; en 1994-1995, ce nombre est passé à 27 299, ce qui fait dire à plusieurs que les stratégies qui ont été avancées par certains politiciens se concrétisent actuellement. Donc, ce n'est pas d'hier que les stratégies se développent pour forcer le désengagement de l'État. Et nous refusons d'être confrontés à gérer la pauvreté plutôt que de travailler avec la population à carrément l'éliminer.

Devant les besoins importants créés par les récessions économiques dont les reprises n'ont en rien amélioré le sort de la population, des organismes communautaires ont été amenés à faire appel aux programmes d'employabilité. Ce choix est dû au fait que l'État, tant provincial que fédéral, n'a pas voulu soutenir financièrement le fonctionnement des organismes. En 1996, ce sont près de 500 personnes qui ont pu participer à la vie communautaire de la région et soutenir le travail des organismes. Nous aurions souhaité procurer à ces travailleuses et travailleurs des salaires adéquats, mais l'État ne nous en a pas donné les moyens. Les coupures annoncées dans le budget des programmes d'employabilité ne sont certes pas des mesures favorisant l'acquisition d'expériences de travail pour les prestataires et ne traduisent pas un quelconque soutien au milieu communautaire.

Nous comprenons mal l'arrimage entre ces coupures et les objectifs de réinsertion. Il faut reconnaître les travailleuses et les travailleurs issus des programmes d'employabilité à part entière, en toute équité par ce que ces emplois leur rapportent comme personne. Ces travailleurs et travailleuses répondent à des besoins de la communauté et contribuent à la vitalité de l'organisme. Les emplois dans le communautaire devraient être reconnus, plus nombreux et mieux rémunérés.

M. Mignault (André): Le droit à un revenu décent, le droit de manger, d'avoir un toit, de se vêtir, de s'instruire. La Charte québécoise des droits et libertés reconnaît le droit à un niveau de vie décent. Nous devons partir du postulat que tout adulte, femme, homme, jeune ou moins jeune, a droit à l'autonomie financière: le droit à un revenu minimum quelle que soit la cause des besoins, le droit à un emploi dans des conditions décentes et une reconnaissance de la responsabilité de l'État d'assurer un nombre suffisant d'emplois, une réforme fiscale dans le but de renforcer la solidarité sociale, aider les familles, assurer le bien-être des enfants et réduire les écarts de revenus.

Les organismes communautaires travaillent dans une perspective d'accompagnement, de support, de sensibilisation et de transformation sociale. Ils travaillent à l'avènement d'une société plus juste, plus équitable, plus égalitaire et plus démocratique, une société en lutte contre la pauvreté, l'exclusion, le sexisme, l'homophobie, le racisme, la discrimination sous toutes ses formes, la violence, les illogismes technocratiques et l'abus de pouvoir. En ce sens, nous revendiquons de profondes transformations des législations, des institutions du marché, des mentalités, pour contrer l'exclusion, et la démocratisation de nos lieux d'existence et des lieux de pouvoir.

La réforme de la sécurité du revenu doit faire partie d'une véritable politique de redistribution de la richesse collective existante. Les orientations de cette réforme sont loin des besoins et ne contrôlent pas l'appauvrissement de la population.

Intégrer les prestataires à l'ensemble de la main-d'oeuvre. L'ensemble de la main-d'oeuvre vit déjà de grands bouleversements. Comment se vivra l'arrivée de cette nouvelle main-d'oeuvre dans le décor? L'intégration ne peut se faire sous la contrainte ni au détriment d'autres.

Privilégier les mesures actives afin de favoriser l'insertion sociale et économique. Comment peut-on parler d'insertion lorsque les besoins essentiels ne sont pas répondus?

(17 h 40)

Favoriser le passage vers le statut de travailleur et travailleuse. Quelles seront les conditions de travail? Le soutien financier pour les coûts reliés à l'emploi, entre autres, il est déjà nettement insuffisant.

Intensifier les actions préventives par des mesures visant notamment les jeunes enfants. S'il y a des enfants pauvres, c'est qu'il y a des parents pauvres. Comment compte-t-on réellement aider les familles à sortir du cercle de la pauvreté?

Améliorer l'équité entre les prestataires et les travailleurs à faibles revenus. L'équité ne veut pas dire enlever des ressources à un groupe pour augmenter l'écart entre les très pauvres et les très, très, très pauvres. Il faudrait, par contre, se pencher sur l'équité entre les riches et les pauvres.

Redéfinir les obligations de la collectivité au regard de la réinsertion. Quelles sont les réelles obligations des entreprises dans cette réinsertion? Embaucheront-elles? Y aura-t-il encore des mises à pied? Investiront-elles dans la formation? Y aura-t-il une réelle réforme de la fiscalité? Y aura-t-il une véritable équité salariale pour les femmes? Fera-t-on une place aux jeunes?

Assurer une plus grande prise en charge des services au niveau local. Une décentralisation afin de mieux identifier les besoins est souhaitée. Mais quel sera le véritable choix des personnes devant les priorités des élites locales? Le partenariat doit s'exercer dans le respect et ne doit pas reproduire la bureaucratisation et les abus de pouvoir.

En fait, c'est un véritable projet de société que nous devons mettre de l'avant. Un projet de société appuyé sur la gestion de la misère nous apparaît franchement insatisfaisant et n'est de toute façon pas viable. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue. Bienvenue au Regroupement. Vous êtes membre certainement des corporations de développement communautaire. Êtes-vous associé au mouvement des corporations de développement communautaire?

M. Guay (Daniel): Pas du tout.

Mme Harel: Pas du tout.

M. Mignault (André): Non, pas du tout.

Mme Harel: Pas du tout. Les CDC, vous avez entendu parler...

M. Guay (Daniel): Oui.

Mme Harel: ...des corporations de développement communautaire?

M. Guay (Daniel): Il n'y en a pas à Québec, en fait.

Mme Harel: Il n'y en a pas à Québec?

M. Guay (Daniel): Bien, en fait, il y a une CDEC à Québec, qui est le CREECQ...

Mme Harel: Oui, oui.

M. Guay (Daniel): Mais, à Québec, ce n'est pas développé, ce type de corporations là. Donc, c'est ce qui fait, entre autres, que le ROC est apparu au niveau du secteur santé et services sociaux.

Mme Harel: Donc, vous, votre travail, c'est autour du secteur santé et services sociaux. Parce qu'il s'est développé tout un réseau, vous le savez certainement, autour du comité aviseur, qui est devenu maintenant permanent, du Secrétariat à l'action communautaire autonome, avec ce forum sur le rôle de l'action communautaire autonome qui a eu lieu les 14, 15, 16 novembre. Vous savez qu'une des décisions du Sommet de cet automne, c'est une politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome.

M. Guay (Daniel): On y a participé d'ailleurs.

Mme Harel: Vous y étiez, au forum?

M. Guay (Daniel): Oui, on y était.

Mme Harel: D'accord. C'était à Cap-Rouge. Alors donc, on se dirige vers une politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome dans laquelle, finalement, le milieu communautaire autonome, y incluant les organismes de protection des droits, va avoir une reconnaissance et, évidemment, un financement conséquent. Ensuite, vers une reconnaissance des entreprises d'insertion. Est-ce que vous avez entendu aussi parler de l'état des travaux du Comité interministériel qui, avec le Collectif des entreprises d'insertion, a mis au point un projet de contrat d'insertion? Et puis, distinct aussi d'une autre politique de reconnaissance, cette fois, de l'économie sociale. Donc, trois terrains d'intervention qui, souvent, ont tous été confondus, mais qui, dorénavant, à partir de ceux et celles qui les animent, vont pouvoir trouver matière, si vous voulez, à reconnaissance distincte.

Je comprends, puis je vous en remercie, vous avez mis un extrait d'un des penseurs actuels, que je considère le plus important, le plus inspirant, Ricardo Petrella, L'État aux orties . En fait, il avait fait la préface de ce colloque organisé par le Syndicat de la fonction publique. Vous savez qu'il reviendra l'an prochain dans le cadre d'un grand forum sur le développement social que le Comité ministériel du développement social que je préside va soutenir à l'automne prochain. Alors donc, là, vous nous mettez du Mulroney. J'espère que vous n'associez pas Mulroney à ce qu'on veut faire avec la politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Guay (Daniel): C'était juste pour faire sortir les sentiments. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Bon. Ceci dit, il faut comprendre que... Oui, vous avez dû vous le faire dire, mais je veux quand même vous le confirmer, à la page 7 de votre mémoire, il n'y a pas de perte de l'allocation de participation de 120 $ pour les personnes participant à une mesure d'employabilité. C'est entendu que le barème de 120 $ est versé. Il n'a pas été prévu. Il y a là une sorte de malentendu. Je comprends que, dans le livre vert, on parle de compenser les coûts réels. C'est ce qu'on retrouvait d'ailleurs dans le rapport Bouchard. Mais ça, c'est en vue, dans le fond, de compenser les coûts réels lorsque la personne est à statut de travail. On parle finalement de la possibilité dorénavant, dans le cadre des entreprises d'insertion, du régime d'apprentissage, de l'économie sociale, d'avoir un statut qui ne supplémente pas le barème, qui soit un statut d'apprenti, de travailleur ou de travailleuse.

L'autre chose, à la page 8. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'échanger avec la Corporation de développement économique et communautaire de Québec. Il y en a une seule, CDEC, ici, à Québec. Il y en a déjà sept à Montréal. Et suite à des recommandations... Vous savez, l'état d'avancement des choses à Montréal, ça fait déjà 10 ans que les CDEC existent, il y a toute une expertise et tout un partenariat qui s'est développé. Mes collègues Serge Ménard et Guy Chevrette et moi-même avons rencontré les porte-parole du CRD, du Conseil régional de développement, la semaine passée, pour justement confirmer l'implantation de 15 à 16 CDEC sur l'île de Montréal à partir de territoires qui sont soit les quartiers à arrondissements ou des regroupements de villes. La même réflexion se fait. Je ne sais pas si... Vous n'avez pas l'air d'y être associés à la réflexion sur l'implantation des centres locaux d'emploi et des centres locaux de développement à Québec. Vous n'y êtes pas associés du tout? J'imagine que ça se fait dans le cadre du CREECQ, c'est ça?

M. Guay (Daniel): Exactement, parce que le...

M. Mignault (André): Il semble que tout a été regroupé dans le CREECQ et que le CREECQ semble être le répondeur et le porte-parole. Mais le CREECQ ne représente pas le milieu communautaire comme tel.

Mme Harel: Mais le CREECQ, c'est, dans le fond, un amalgame...

M. Guay (Daniel): C'est ça.

M. Mignault (André): Oui, de tout.

Mme Harel: ...d'un centre local de développement, mais c'est un territoire bien délimité.

M. Mignault (André): Très limité aux quartiers centraux.

Mme Harel: Bon. Mais j'imagine que, dans la région métropolitaine de Québec, il y a une réflexion qui se poursuit sur l'implantation des frontières où les CLD et les CLE vont s'implanter? Ça, c'est important que...

M. Guay (Daniel): On n'a pas été associés à ça.

M. Mignault (André): Non.

M. Guay (Daniel): En tout cas, pas à ce moment-ci. Il faut voir que la majeure de notre Regroupement est d'être l'interlocuteur privilégié de la Régie régionale de la santé de Québec en matière de consultation et de concertation régionales. Et on en a plein les bras avec les ressources qu'on a pour assumer ce rôle-là. Donc, oui, on peut se concerter avec nos partenaires, que sont le CREECQ, etc., mais, à cette étape-ci, on n'a pas encore été associés à la démarche.

Mme Harel: Je dois vous dire que les CDC, les corporations de développement communautaire, à ne pas confondre, comme vous le savez bien, avec des CDEC, qui sont déjà 17 regroupements à travers le Québec – il y en a deux autres qui viennent d'être accrédités, pour un total de 19 – donc des regroupements communautaires dans tous les domaines de la vie communautaire ont déjà fait des représentations pour être partie prenante du Conseil des partenaires au niveau local. En fait, moi, je peux vous dire, là... Vous avez des craintes qui ne pourront, dans le fond, être résolues que dans la mesure où, justement, il y a une reconnaissance des partenaires communautaires, autant ceux de l'employabilité et de la main-d'oeuvre, qui sont maintenant regroupés dans une coalition, que ceux du communautaire autonome, qui me semblent vouloir de plus en plus se regrouper dans des corporations de développement communautaire. Mais vous posez la question. Je pense que ce n'est pas à moi qu'il faut la poser, la question: Qu'est-ce qui va se passer dans la région de Québec, à savoir si les priorités de la haute technologie et de l'industrie touristique seront les nouvelles rampes de lancement? Je pense que les priorités vont être celles que le milieu local va se donner.

(17 h 50)

Local, régional, national. Vous savez, l'impulsion, c'est qu'il n'y a plus de gestion de programmes normés comme avant, qui, dans le fond, ne s'appliquait convenablement à personne. On transforme la gestion par programme par une gestion par fonds: fonds locaux, fonds régionaux et fonds national. Les fonds locaux au niveau d'un territoire, on dit MRC. Pour Québec, ça ne s'applique pas, ça va être un quartier. Donc, il va y avoir quand même plusieurs fonds locaux, avec un plan local. Et le livre blanc de mon collègue Guy Chevrette doit être publié pour Pâques, et j'imagine que vous allez faire les démarches pour être associés à la consultation. Mais ce qui est certain, c'est que ça sera des balises, ça ne peut pas être mur à mur. On ne peut pas dire: Dans les 130 territoires où il y aura des centres locaux de développement, voilà qui vous allez désigner. C'est le milieu qui va avoir ses collèges électoraux. Mais ce que M. Chevrette m'a garanti, c'est qu'il va y avoir des paramètres, il y aura des balises où on ne pourra pas écarter le communautaire autonome, on ne pourra pas écarter le communautaire en employabilité, main-d'oeuvre, ni écarter les milieux d'affaires, ou le CLSC, ou la commission scolaire. Finalement, c'est les principaux intervenants du milieu qui vont se retrouver au sein de ce Conseil des partenaires.

M. Guay (Daniel): Ce que vous allez avoir, Mme Harel... Une des préoccupations qu'on a, Mme Harel, qu'on a fait ressortir dans notre mémoire, c'est justement que les 130 CLE fassent chacun leur affaire de leur côté et qu'on n'ait pas de balises nationales, que l'État, que le gouvernement, finalement, se désengage par rapport à ça en donnant le pouvoir à ces 130 CLE d'avancer des choses. En termes d'équité, en tout cas au niveau du principe d'équité, est-ce qu'on peut s'assurer qu'il peut y avoir des balises nationales qui vont assurer justement aux personnes qui vont avoir affaire à ces CLE là une équité interrégionale?

Mme Harel: D'abord, il faut distinguer les CLE, qui sont gouvernementaux, les centres locaux d'emploi, des centres locaux de développement. Les centres locaux de développement, ça va prendre des noms différents, dépendamment des milieux. C'est le CREECQ, par exemple, dans son milieu. Il y aura, j'imagine, d'autres petits CREECQ ailleurs, vous comprenez, sur votre territoire. Mais les centres locaux de développement, où il va y avoir les partenaires, vont devoir faire un plan. Ce Plan local d'action concerté pour l'économie et l'emploi va être décisionnel par rapport aux mesures actives du CLE. C'est ça, l'arrimage entre les deux. En d'autres termes, les partenaires qui vont définir le plan, eh bien, c'est en fonction de ce plan que les priorités identifiées au niveau local vont donner lieu, si vous voulez, aux interventions des conseillers à l'emploi, là, dans le CLE. Donc, le parcours va être fait en fonction du plan local. Et on est tous conscients que le tout est différent de la somme des parties. Ici, à Québec, il y a une problématique régionale, par exemple, à l'égard des ex-employés de la fonction publique; on ne la retrouve pas nécessairement à Montréal où il y a d'autres problématiques, sur la sous-scolarisation, par exemple. Ce n'est pas la même en Montérégie. Donc, il va y avoir des problématiques régionales avec des fonds régionaux qui vont être distincts des problématiques locales avec des fonds locaux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Mignault.

M. Mignault (André): Notre grande inquiétude, c'est que tout semble se passer, je dirais, en vase clos. Vous savez, comme vous l'avez dit tantôt: Ah! vous autres, vous faites partie de la réforme de la santé et des services sociaux, vous êtes issus de ça. Oui, correct. Il y a d'autres choses qui sont issues d'autres choses. Et c'est toute l'harmonisation. C'est que chaque ministère semble réformer ce qu'il veut réformer et puis il n'y a pas de lien entre toutes ces réformes-là qui peuvent garantir qu'on aura notre mot à dire.

Mme Harel: J'ai l'impression...

M. Mignault (André): Vous savez, diviser pour régner, c'est un vieux, vieux, vieux proverbe, hein. Et on a réellement – puis je le dis très sincèrement – on a réellement l'impression, des fois... Ça fait plusieurs fois que j'entends parler du livre blanc de M. Chevrette, j'ai hâte de le voir. J'ai hâte de le voir parce que vous avez dit déjà que c'est ce livre blanc qui devrait tout harmoniser, entre M. Chevrette, M. Trudel, vous-même et peut-être M. Rochon aussi – j'espère qu'on n'oubliera pas la réforme de la santé et des services sociaux. Alors, c'est tout ça, là, ensemble. Il y a beaucoup, beaucoup de points d'interrogation. Je pense qu'il y a certaines inquiétudes, qui ont été répétées depuis le début de cette commission, qui reviennent constamment, et je pense que ces inquiétudes-là ne devraient pas être prises à la légère parce que ça représente... Vous savez, le passé est garant de l'avenir, hein. Alors, si on regarde le passé, notre avenir peut être inquiétant.

Mme Harel: Vous avez raison de dire qu'on ne peut pas effacer le passé. Vous savez, je me suis rendu compte... Quand ma collègue qui m'a précédée, Mme Blackburn, est arrivée, elle avait un petit héritage: il y avait un 62 400 000 $ que le gouvernement d'avant avait laissé dépenser dans la sécurité du revenu et qu'il n'avait jamais budgété. Alors, je me rends compte qu'il y a des conversions tardives, des fois, vous savez, dans l'aide financière. Là, j'ai fait sortir la liste de tout ce qui avait été, si vous voulez, dépensé et que Mme Blackburn, il a fallu qu'elle éponge. Parce qu'on me parle souvent de la loi n° 115 d'il y a un an et demi, mais cette loi n° 115 là, imaginez-vous, d'il y a un an et demi, c'était en partie aussi pour éponger ce que, en 1994, elle avait retrouvé, 62 000 000 $, qui avaient été dépensés en pleine campagne électorale et qui n'avaient jamais été budgétés. Alors, effectivement, il faut se porter responsable et puis ne pas pelleter par en avant. Vous savez, quand on pellette d'une année à l'autre puis, après ça, on critique le gouvernement qui nous suit, puis on lui a laissé un petit tas, ce n'est pas drôle, ça.

Mais je vais vous dire, je pense que c'est quelque chose de très, très important, ce qui va se passer comme changements dans la manière de travailler. Avant, c'était très centralisé dans les ministères, et là, l'idée, c'est d'atterrir. La piste d'atterrissage, elle va être au niveau local. Ça, c'est déjà un choix. Local, ça signifie facilement MRC, mais dans les villes comme... Les communautés urbaines, il y en a trois: Québec, Hull, Montréal. Il faut que les gens du milieu disent c'est quoi, leur frontière. Moi, je connais plus ce qui se passe à Montréal. Je peux vous dire qu'il y a déjà des comités de travail au niveau du Conseil régional de développement, il y a un comité inter-CDEC – vous savez, les corporations de développement économique et communautaire – avec le MSR, il y a un comité au niveau de la Métropole, de M. Ménard. Je ne sais pas où c'en est à Québec, mais là, avec l'inquiétude que vous manifestez, je vais m'en informer, soyez-en certains. Mais il faut que vous soyez impliqués, parce que ça, ça va... Vous savez, on va vivre avec ça au moins 10 ans, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À Québec, Mme la ministre, si je peux me permettre, je pense que ça serait bon que vous communiquiez avec le CRCDQ et son directeur général, Pierre Racicot, parce qu'ils sont engagés beaucoup dans cette réforme-là. Alors, vous pourriez avoir une rencontre facilement avec eux autres.

Est-ce que vous aviez une question, Mme la ministre? Non? D'autres commentaires? Oui.

Mme Dionne (Michèle): Je voudrais revenir par rapport à cette consultation. Je veux dire, je sais ce qui se fait au niveau du CREECQ, au CRCDQ, et là vous dites qu'il faudrait que, nous, on s'informe. O.K.? Mais, je veux dire, là, il faut s'informer, il faut se tenir au courant au niveau de la réforme de la...

Mme Harel: ...pas de vous informer si vous ne voulez pas...

Mme Dionne (Michèle): Oui, mais de participer...

Mme Harel: ...mais, comme vous avez l'air d'être inquiets, si vous voulez, disons, vous rassurer...

Mme Dionne (Michèle): On est inquiets, parce que c'est comme si le message qui nous est envoyé, notre perception du message, comme disait M. Mignault, c'est qu'il y a comme des bouts qui sont faits un peu partout et on ne sent pas que chaque bout que vous amenez est arrimé et que vous l'arrimez avec les autres bouts. Et nous, en bout de ligne, c'est que... Comme nous, on a à faire les liens; nous, on a comme à encadrer les gens. Puis, je veux dire, depuis les 10 dernières minutes de ce qui est amené, je serais curieuse de voir n'importe quelle personne qui est dans une situation difficile par rapport à l'aide sociale, etc., comment elle aurait compris les affaires, ça aurait été quoi, sa perception. Et nous, il faut qu'on vulgarise, il faut qu'on encourage, il faut qu'on encadre, il faut qu'on s'informe, il faut qu'on alimente, il faut que... C'est ça qu'on essaie de... On essaie de comprendre où vous voulez en venir avec tous ces bouts-là que vous amenez et dont vous semblez, entre vous, ne pas tenir compte. La réforme de l'aide sociale ne semble pas tenir compte de la réforme de la santé et des services sociaux. La fiscalité: bon, bien, là, on ne sait pas trop comment ça va aboutir. Mais il y a comme plein d'éléments qui sont amenés, on a de la misère à suivre où vous voulez en venir. Et aussi: Est-ce que les réformes que vous amenez sont seulement orientées par rapport au fameux déficit zéro ou si, vraiment, votre intérêt est d'améliorer les choses et de tenir compte par rapport aux besoins et à tous les problèmes d'application qu'il y a eu jusqu'à maintenant? C'est de tout ça que viennent nos préoccupations et nos questionnements.

(18 heures)

Mme Harel: Comme l'a dit le président du Conseil québécois de la santé et du bien-être, M. Rodrigue, qu'on avait reçu en tout début de nos travaux, il n'y aurait pas de problème d'assainissement des finances publiques, il faudrait quand même se réorganiser. Ça, c'est quelque chose de très, très, très important, parce que la manière dont on s'est organisés, éparpillés, là, hein, dédoublés puis éparpillés pour se donner les services, c'est du gros gaspillage. Ça ne peut pas continuer. Puis, en plus de ça, c'est qu'on ne va pas chercher la possibilité du développement qui se trouve aussi dans la capacité que les gens ont à se mettre ensemble, avec le directeur du CLSC, le directeur de la commission scolaire, le directeur du CLE – c'est ça qui est prévu – avec les gens d'affaires, puis le milieu communautaire, puis les milieux syndicaux au sein du Conseil des partenaires, comprenant aussi les forces, là où elles existent, de la municipalité, du commissariat industriel. C'est de ça, là, maintenant, dont il s'agit.

Ceci dit, le livre vert, c'est vert parce que c'est ouvert, hein. Vert, ça veut dire que c'est ouvert aux changements. Et, en même temps, il vaut voir que tout est pensé comme réorganisation sur deux choses. La politique active, vous la connaissez sans doute, hein, c'est-à-dire, ces 110 mesures et programmes qui sont simplifiés en cinq interventions: préparation à l'emploi, insertion, maintien, création, stabilisation – c'est moi qui m'occupe de ça; pour tout de suite, j'en ai la responsabilité. Et c'est comme, si vous voulez, si on se tenait sur deux pattes. L'autre, c'est le développement local et régional. Mais on n'en faisait pas de développement local au Québec. On s'est arrêtés en chemin, au niveau des conseils régionaux où il se faisait de la concertation, mais pas de développement. Alors, l'idée, c'est d'atterrir sur le terrain où est le vrai monde. Quand vous parlez du vrai monde, tantôt, je me dis: Justement, ce vrai monde là, celui qui ne sait plus à quel saint se vouer parmi les 110 mesures et programmes, celui qui se rend compte que, s'il est à l'aide sociale, il n'a pas droit à ce que la SQDM offre puis il n'a pas droit à ce que le centre d'emploi Ressources humaines Canada offre, et vice versa, ou celui qui n'a pas de chèque qui se rend compte qu'il n'a droit à rien... c'est pour ce vrai monde là qu'il faut se réorganiser comme société.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Mignault, c'est vous qui concluez cette première partie de l'intervention. Après ça, on passe la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Mignault (André): Vous savez, je reste quand même très inquiet. J'ai hâte de voir le livre blanc. On est supposé avoir beaucoup de réponses dans le livre blanc. J'espère qu'elles y seront. Mais le gros du problème, il ne faudrait jamais l'oublier – et ça, ça comprend un autre ministère – c'est la redistribution des richesses. Et le meilleur moyen que le gouvernement possède pour une meilleure redistribution de la richesse... Dans les 20 dernières années, le produit intérieur brut du Québec a augmenté... pendant les 15 années, de plus de 2 %. Mais cette richesse-là, où est-elle allée? Elle est allée dans les mains des 20 % les plus nantis. Alors, il ne faut jamais oublier que la réforme de la fiscalité est un gros problème parce qu'il n'y a rien qui va se corriger s'il n'y a pas une redistribution de la richesse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui, M. le Président, merci. Moi, je veux intervenir juste pour corriger une impression que la ministre aurait pu vous créer, que je trouvais très loin de la réalité, parce que la ministre référait à la nécessité d'éponger un certain nombre de dépassements que le précédent gouvernement avait laissé comme héritage, disait-elle, à la ministre Blackburn qui l'avait précédée au niveau du ministère de la Sécurité du revenu.

Je tiens tout simplement à vous faire remarquer, à vous, puis à la ministre surtout, que ce genre de dépassement était effectivement chose courante précédemment, surtout dans le dossier de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu, parce que jamais on n'a fonctionné avec des enveloppes fermées au niveau de l'aide sociale. Alors, quand il y avait des besoins, on payait. On payait, puis on trouvait l'argent ailleurs, si vous voulez, au niveau des compressions ou des reprises par le Conseil du trésor.

Le gouvernement qui est arrivé... Oui, c'est vrai. Le gouvernement qui est arrivé a décidé de fonctionner avec des enveloppes fermées même à l'intérieur de l'aide sociale. Alors, les 62 000 000 $ auxquels elle réfère, effectivement, étaient des dépassements qu'on a trouvés. Mais d'essayer de passer comme un acte de... en tout cas, des gens qui ont dû corriger des choses sur le dos, finalement, des assistés sociaux, avec la loi n° 115, ça me semble très loin de la réalité. Et je comprends bien à ce moment-là la référence que vous avez faite à l'ancien premier ministre Mulroney qui parlait effectivement d'économiser en réformant les programmes sociaux. Il disait probablement ce que ce gouvernement fait mais en utilisant d'autres mots. Alors, c'était un peu le sens de mon intervention, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonsoir et bienvenue. C'est vrai, madame, vous avez raison, on parle beaucoup, beaucoup de structures dans cette réforme-là, de CLE, de Conseil des partenaires, de Conseil de développement, mais on oublie de penser à la réalité que des familles, des hommes, des femmes, des enfants, vivent tous les jours. Puis je pense que c'est peut-être ça le plus grand problème de notre commission actuellement, c'est d'oublier cette réalité-là, c'est d'oublier que les mesures appauvrissantes qu'on retrouve dans le livre vert vont aggraver davantage leur situation qui est déjà loin d'être rose.

M. Mignault, si je ne me trompe pas, vous êtes le président de Moisson Québec?

M. Mignault (André): Le directeur général.

Mme Loiselle: Le directeur général, pardon. Peut-être que je vous demanderais... Parce que, dans la région de Montréal, les banques alimentaires, les centres de dépannage, les comptoirs à linge se sont multipliés depuis les quelques dernières années de façon alarmante. Juste l'année dernière, c'est 976 % la multiplication des banques alimentaires à Montréal. J'aimerais savoir, parce que la région de Québec est toujours apparue, surtout Québec même comme une ville où il n'y avait presque pas de pauvreté. C'est toujours la perception qu'on a. Moi, je sais qu'à Montréal il y avait des secteurs, avant, où il n'y en avait pas de pauvreté, le taux de pauvreté était presque inexistant, puis, maintenant, on retrouve des poches de pauvreté dans ces secteurs-là. J'aimerais peut-être que vous nous donniez un tableau de... À Moisson Québec, j'imagine que vous voyez que le fléau de la pauvreté se répand dans votre région. Peut-être nous brosser un tableau de ce que vivent les gens au niveau de la pauvreté dans votre région.

M. Mignault (André): Vous savez, Mme la députée, la pauvreté, c'est un phénomène qui est caché et c'est un phénomène qu'on veut laisser caché aussi parce que, quand on le découvre, ça dérange.

Il y a 10 ans, avant de fonder Moisson Québec, j'étais dans le monde des affaires et je peux vous dire qu'à un moment donné, lors de la préparation du projet de fondation de Moisson Québec, j'ai tout mis de côté parce que je me suis dit: Qu'est-ce que ça me donne de tout faire ce travail-là? tout d'un coup qu'il n'y a pas de besoins à Québec. Est-ce qu'on peut être aussi ignorant que ça? Et c'est un fait. Et, tout à coup, j'ai fait un petit sondage parmi 20 organismes communautaires et j'ai découvert que non seulement il y avait des besoins... Et ça m'a tellement dérangé que, dans la poursuite de ce sondage-là, c'est là que j'ai décidé, sept ans avant que Moisson Québec devait être fondée, parce que c'était un projet de retraite éventuelle... j'ai devancé, pas ma retraite, parce que j'ai tout quitté, j'ai quitté mon poste, j'ai tout quitté, et j'ai plongé pour fonder Moisson Québec parce que ça m'avait dérangé et que je trouvais absolument inconcevable qu'il y ait autant de besoins et des besoins aussi urgents.

Et, au moment de commencer les opérations de Moisson Québec, j'ai dit à mon conseil d'administration: Durant la première année, on devrait – je pensais avoir découvert la pauvreté – récupérer environ, redistribuer environ 250 000 livres de nourriture à une vingtaine, à 25, puis j'ai dit: Le gros maximum, 30 organismes. Puis je me suis même avancé, fort de mon sondage, à lui dire: Lorsqu'on aura fait ça, on aura rencontré la grande majorité des besoins à Québec. Dans la première année, c'est 1 300 000 livres de nourriture qu'on a redistribuées, on avait 72 organismes. Maintenant, c'est 4 000 000 de livres, bon an mal an, qu'on redistribue à 158 organismes. Et je peux vous dire que, depuis 1990, la pauvreté augmente d'une façon absolument exponentielle. Entre 1995 et 1996, c'est une augmentation d'environ 25 % à 30 % qu'on a expérimentée. Et notre gros problème à Moisson Québec, c'est que, même si on récupère plus de nourriture, le pourcentage de la demande augmente tellement rapidement qu'on n'est pas capables de rencontrer.

(18 h 10)

Alors, quand je dis qu'il y a des inquiétudes, quand je dis qu'il y a de la misère, on a un siège de loge à Moisson Québec pour tout voir ce qui se passe, avec 158 organismes. Et je peux vous dire que le portrait qu'on voit n'est pas décent, n'est pas acceptable dans une société aussi riche que la nôtre, dans un pays aussi riche, dans une province aussi riche, et même je dirais dans une ville aussi riche, dans une région aussi riche que la région de Québec. Il y a des choses qui sont absolument inacceptables. Quand on vit depuis 10 ans proche de ces personnes-là, on ne peut pas rester indifférent. Il faut descendre de sa tour d'ivoire puis essayer de s'approcher, mais de s'approcher... de vivre avec ces gens-là, et là on découvre une richesse, mais une richesse absolument extraordinaire, pas une richesse financière, une richesse humaine. Et c'est là qu'on s'aperçoit de toute l'iniquité qui existe dans notre société.

Je pense que nos gouvernements, quels qu'ils soient, ont le devoir de ressentir cette iniquité-là et d'y apporter des corrections. Une société qui est à deux niveaux, très, très pauvre et très, très riche, c'est... On parlait du tiers-monde pour ces sociétés-là, mais on peut parler du Québec aujourd'hui. Quand on dit qu'au-delà de 20 % de la population vit sur un régime extrême de pauvreté et que plus de 60 % de ce 25 % là sont sous un régime de très, très grande pauvreté, dans un pays aussi riche que le nôtre, puis dans une province aussi riche que la nôtre, dans une région aussi riche que la nôtre, comment est-ce que ça peut être acceptable? Je pose la question tout simplement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Lorraine): Oui. Bonjour. Moi, je travaille à Entraide-parents depuis 1987. Depuis cinq, six ans, on voit l'appauvrissement sérieux des familles monoparentales, mais des familles moyennes. Quand on parle des personnes sans chèque, on parle aussi de personnes qui se retrouvent dans une famille et qui se retrouvent avec des gens qui gagnent de 25 000 $ à 30 000 $ par année. Cet appauvrissement-là du milieu moyen, qui est en train de devenir de la réelle pauvreté, c'est pénible à voir et à vivre. Moi, je pense qu'il faut en tenir compte, de cette réalité-là, elle est nommée nulle part. Les sans-chèques ne sont pas déclarés officiellement, nulle part. Ils ont 23 ans, 25 ans, ils se retrouvent avec des bacs, avec des études assez avancées, mais pas d'emploi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée.

Mme Loiselle: Vous êtes contre, comme la majorité des groupes qui sont venus à notre commission, le caractère obligatoire avec pénalité. Vous étiez là cet après-midi, je pense, lors de la discussion qu'on a eue avec le groupe précédemment. Je ne reprendrai pas tous les éléments, mais je me demandais s'il y a des... Quelques groupes, je pense qu'il y a trois groupes qui nous ont suggéré de retirer le caractère obligatoire avec pénalité pendant quelques années, le temps de remettre en place la réforme et aussi de faire un suivi, d'évaluer si le gouvernement, finalement, est capable de répondre à la demande. Est-ce que, vous, vous seriez enclin à aller dans ce sens-là ou si, pour vous, c'est vraiment inacceptable tout le caractère obligatoire avec pénalité?

M. Mignault (André): Le caractère obligatoire nous apparaît absolument inutile, absolument inutile. Et ça, ça a été répété depuis le début de la commission, parce que j'ai eu l'occasion de passer une partie de mes vacances à vous écouter et...

Une voix: Pauvre vous!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mignault (André): C'était très intéressant et très instructif.

Une voix: C'est un choix.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mignault (André): C'est un choix. Alors, moi, je peux vous dire que c'est excessivement important qu'on tienne compte de nos réactions face à l'obligation. Écoutez, ça ne changera rien, puis ça, on vous l'a dit maintes et maintes fois, ça ne changera rien de le mettre obligatoire. Et le gros problème, puis Mme Harel en a parlé tantôt, elle aime mieux, elle, vivre l'espoir d'emplois. Mais qu'est-ce qu'on pense que ces gens-là vivent présentement, ce n'est pas demain qu'ils vont vivre ça. Ce n'est pas des paresseux, c'est des gens qui veulent travailler. C'est des gens qui ont fait une multitude de programmes d'emploi pour essayer de retourner sur le marché du travail. On a un programme à Moisson, qui s'appelle la transition en emploi, et je peux vous dire qu'on n'a pas de misère à avoir du monde puis à y travailler avec eux autres. Le parcours individualisé, c'est beau, on en a parlé – il y a quelqu'un qui parlait de 300 par jour, c'était un peu effarant – bien, un parcours individualisé, c'est...

Mme Harel: C'est 300 pour une année, par conseiller.

M. Mignault (André): 300 pour une année, oui, mais c'est encore aussi effarant. Quelle sorte de parcours ça va être? Puis quel va être l'aboutissement? La grande crainte et la grande inquiétude: Est-ce que ça va être comme tous les programmes précédents pour mener, dans la grande majorité des cas, nulle part et recommencer le cycle? Je veux bien croire qu'on n'a pas besoin d'obliger les gens à vouloir entreprendre un parcours, les gens vont l'entreprendre. Mais est-ce qu'on va encore les blesser encore plus? Écoutez, je n'ai pas la réponse. Je voudrais tout simplement qu'on ne mette pas une obligation sur quelque chose dont on n'est pas sûr de l'aboutissement puis qu'on respecte les gens dans tout ça, qu'on commence à analyser les problèmes dans lesquels ils vivent à cause de leur pauvreté. Psychologiquement et mentalement, ils ne sont peut-être pas prêts à commencer, mais il faudrait quand même respecter ça. Alors, l'obligation, même parmi les 18-24 ans, il y en a qui ont été blessés sérieusement, psychologiquement et mentalement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Guay.

M. Guay (Daniel): En fait, le fond du mémoire, c'est de faire reconnaître par le gouvernement que les personnes qui sont sur l'aide sociale contribuent à leur manière à l'amélioration de la santé des personnes. Dans les organismes communautaires en santé et services sociaux, il y a plusieurs personnes qui sont sur des programmes d'employabilité ou qui sont bénévoles dans des organismes communautaires et qui répondent à des besoins de la population sous toutes formes d'aide, répit-dépannage, gardiennage, sensibilisation, défense des droits, nommez-en. Et ces gens-là ont un apport à la société qui est indéniable et, actuellement, ils le font dans des conditions qui n'ont pas de bon sens. C'est pour ça, le fond du mémoire, c'est de dire: Reconnaissons ça et injectons des sommes d'argent pour réussir à donner une vie décente à ces personnes-là parce qu'elles contribuent à leur manière à la société québécoise. C'est ça, le fond du mémoire.

J'entendais la ministre cet après-midi évoquer des montants, 3 500 000 000 $ si on parle de ci, 19 000 000 000 $ si on parle de ça. Effectivement, comme on l'a dit dans le mémoire, on fonde nos espoirs du livre vert en fonction d'une réforme de la fiscalité; il y a toutes sortes de mesures qui peuvent être prises. Et on est tout à fait conscient que Mme Harel et l'ensemble des députés sont sensibles à cette question-là; il y en a qui ne le sont pas parce qu'ils pensent laisser aller le libre marché, mais on est persuadés que vous êtes sensibles à ces avancés-là et c'est pour ça qu'on voulait venir vous dire haut et fort que ce à quoi on tient, c'est qu'on tienne compte des personnes, de revenus décents pour ces personnes-là, et qu'on puisse laisser de côté les politiques qui visent l'exclusion plutôt que l'intégration des personnes.

Mme Loiselle: Une dernière question. À la page 12, je veux juste être certaine que j'ai bien compris quand vous dites: «Intégrer les prestataires à l'ensemble de la main-d'oeuvre. L'ensemble de la main-d'oeuvre vit déjà de grands bouleversements. Comment se vivra l'arrivée de cette nouvelle main-d'oeuvre dans le décor? L'intégration ne peut se faire sous la contrainte ni au détriment d'autres.» Est-ce que vous avez des réticences à voir l'ajout des prestataires à la sécurité du revenu se joindre à l'ensemble de la main-d'oeuvre? Moi, c'est un peu ça que j'ai lu puis j'aimerais que vous me...

(18 h 20)

Mme Dionne (Michèle): Écoutez, ce n'est pas le fait que les personnes viennent du réseau de l'aide sociale. Ce n'est pas ça, le problème. Le problème, c'est les nombreuses mises à pied. C'est ça, le contexte actuellement, les nombreuses mises à pied qui se font, toutes les restrictions et les coupures, et les mises à pied au niveau du réseau de la santé, pour revenir dans notre contexte de regroupement. Puis, au bout de la ligne, je veux dire, il y a comme un vent qui pousse à partir notre entreprise au niveau du réseau de la santé et des services sociaux, à offrir des services qui, avant, étaient donnés par le réseau de la santé. Donc, on se retrouve dans une situation où... Le message qui est envoyé, c'est comme si on met à pied des gens qui étaient dans le réseau puis on envoie des gens qui étaient au niveau de l'aide sociale à faire ce travail-là à moindre coût dans d'autres conditions de travail. Comment ça se vit, ça? Parce que c'est comme si on se retrouve dans une situation ou dans un milieu, on crée des compétitions, on crée aussi des problèmes d'éthique, et c'est cet arrimage-là, je veux dire, au bout de la ligne, qui se vit au quotidien. On n'est pas d'accord à ce que le milieu communautaire se retrouve à remplacer des emplois qui se faisaient au niveau du réseau. Ça n'a comme pas d'allure. Ce n'est une attitude de solidarité sociale par rapport à un problème qui touche tout le monde de la société. Ça fait que c'est un exemple que je voulais apporter par rapport à cette question-là.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Lorraine): Il y a un exemple encore plus précis que je pourrais vous donner là-dessus. À un moment donné, on a vu un CLSC qui a pris 19 programmes EXTRA pour faire du maintien à domicile alors que le maintien à domicile est nécessaire. Mais on ne crée pas d'emplois quand on fait une chose comme ça, et qu'un organisme se sépare du CLSC, après il devient un organisme communautaire, entre guillemets, quand il y a des besoins réels de maintien à domicile avec le fameux virage ambulatoire qui, de plus en plus, va être très concret.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Gagnon, vous parlez de quel organisme? Vous ne voulez pas le nommer?

Mme Gagnon (Lorraine): Non, j'aimerais mieux pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Ça va? Ça complète?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom des membres de la commission, je vous remercie beaucoup. Puis, M. Mignault, je me permets personnellement de vous féliciter pour le travail que vous faites pour Moisson Québec.

(Suspension de la séance à 18 h 23)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en recevant les représentantes d'Action-chômage Québec. Mme Lalanne, vous me disiez tout à l'heure qu'il y avait un petit changement par rapport à madame qui vous accompagne.


Action-chômage Québec et Association pour la défense des droits sociaux de Thetford

Mme Lalanne (Jeanne): M. le Président, je vous remercie beaucoup, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, de nous accueillir. J'ai consenti à laisser une partie de mon temps à Mme Louiselle Bureau, du groupe des ADDS de Thetford, qui n'avait pas eu la chance d'être invitée et qui demeure en région éloignée. Bien, ce n'est pas si loin, Thetford, mais, en tout cas, je lui laisse une partie de mon temps. Ça fait que je vais essayer de faire ça vite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous allez partager votre 20 minutes?

Mme Lalanne (Jeanne): Oui. Je vais trouver ça dur, mais je le fais pareil. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, allez-y madame.

Mme Lalanne (Jeanne): Je peux commencer?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

Mme Lalanne (Jeanne): Mme la ministre, M. le Président, je n'ai pas la prétention de vous avoir présenté un gros mémoire, parce que ç'a déjà été fait, des recherches, des études, des statistiques. Vous en avez, je pense. Même dans votre beau livre, Un parcours , vous en citez pas mal. Je l'ai parcouru avec beaucoup d'intérêt d'ailleurs. Et, moi, c'est juste des suggestions que je viens donner ici. Mais, avant, on va se présenter. Action-chômage Québec, on est un groupe populaire très populaire, qui s'occupe des personnes qui sont aux prises avec des problèmes relevant de l'assurance-emploi fédérale. On a à peu près 100 téléphones par jour, une quinzaine ou une vingtaine de personnes qui viennent nous voir, qui ont été rendues inadmissibles par les fonctionnaires fédéraux.

On a bien détesté le dernier budget fédéral. On s'attend toujours, dans ces budgets-là, qu'ils éteignent le feu, au moins. Mais, là, non seulement ils n'ont pas éteint le feu, mais ils l'ont mis. Ça fait qu'on a été très déçu et on s'aperçoit que vous avez beaucoup moins d'argent pour fonctionner. Ça, on est bien conscient de ça. Mais, nous autres, ce qu'on s'en vient vous dire en tant qu'Action-chômage Québec, c'est qu'on ne voudrait pas que... D'ailleurs, Mme Harel, dans votre beau livre, vous passez très facilement – et je pense que vous avez raison aussi – du mot «bénéficiaire», pour entrer dans le vif du sujet – là je vais vite – vous parlez non plus de bénéficiaire mais de prestataire. Mais, moi, je ne voudrais pas que ça soit des «presque-à-terre» non plus. Je ne voudrais pas que personne se retrouve coupé là... Je trouve que les jeunes...

Regardez, je ne mâcherai pas mes mots, Mme Harel, avec tout le respect que je vous dois. Et je sais que vous en êtes une qui veut vraiment s'attaquer à la source du problème et qui veut combattre la pauvreté; ça, je n'ai pas un doute là-dessus. Sur les moyens à employer, cependant, nous autres on préconise une chose: à la place de cibler juste une catégorie de personnes, comme les jeunes et les femmes qui perdraient leur presta... leur prestation. J'ai bien de la misère avec ce mot-là et c'est encore beau que je n'aie pas dit «protestation». Se faire couper des 150 $ par mois, on trouverait ça pas mal difficile parce qu'ils n'ont pas beaucoup d'argent.

Nous autres, on veut dire que, s'il y a 80 % des personnes qui sont aptes au travail sur les 800 000 assistés sociaux, à ce moment-là, on pense que tout le monde devrait s'appeler «prestataire», mais que tout le monde devrait être disponible pour travailler. Comprenez-vous? Hommes, femmes, jeunes filles qui sont capables de travailler, ils devraient se déclarer disponibles pour travailler sur leur carte. À ce moment-là, on leur donnerait 50 $ de plus par mois. Je ne sais pas si ça va rentrer dans votre budget, ça là. Parce que, en fin de compte, on prend pour acquis qu'il faudrait peut-être qu'ils prennent l'autobus aussi pour se rendre au travail.

(20 h 10)

C'est certain que la grosse lacune qu'on a et le gros problème qu'on a, c'est surtout qu'il n'y en a pas, d'emploi disponible actuellement. Et, qu'est-ce qu'on préconiserait plus qu'un simple parcours, Mme la ministre? ce serait vraiment un plan de redressement qui aurait une vue d'ensemble sur toute la problématique de l'emploi et du non-emploi, et surtout du statut précaire qui n'a pas été assez abordé dans le livre en question. On voudrait que tout le monde se cherche de l'emploi, même s'il n'y en a pas. Au moins, ça le tiendrait en forme et ne serait-ce que pour se rendre compte et évaluer la situation telle qu'elle est. Ça enlèverait les préjugés des autres personnes qui sont en chômage, qui sont obligées de le faire, et ça empêcherait surtout les fonctionnaires de votre ministère de couper, de rendre inadmissibles, de faire une coupure de budget de 150 $ par mois à des gens qui refuseraient, par exemple une mesure de travail. Tu sais, un parcours, c'est bien beau, là, mais si on demande à une madame, par exemple qui est à la maison avec ses enfants, d'aller suivre un cours, si elle n'est pas prête, elle, psychologiquement, à y aller, bien, à ce moment-là, elle ne serait pas coupée de ses prestations. Les seules personnes qui seraient coupées de leurs prestations, c'est celles qui refusent un emploi convenable.

Ce que je veux vous dire, en bref, c'est: Prenons donc ce qu'il y a de bon dans le régime fédéral et appliquons-le donc ici, au moins. C'est ça que je veux dire. Si quelqu'un est coupé de ses prestations, qu'il ait un recours devant un tribunal administratif et non pas le même fonctionnaire qui a rendu la décision. Comprenez-vous? Là, ce qui arrive, moi, j'ai dans mon bureau des personnes qui sont sur l'aide sociale, qui se font couper des 150 $ par mois pour rien, pour des niaiseries, comprenez-vous? des niaiseries: refuser d'aller travailler sur des programmes EXTRA et de se faire exploiter à des places où il n'y a pas de débouchés et où ils n'ont pas nécessairement besoin d'eux autres. Bien, ça, je ne trouve pas ça correct.

À ce moment-là, faites des comités, comme on a des conseils arbitraux au fédéral, trois personnes: un syndicaliste, un nommé par le gouvernement et un autre du monde des coopératives – ce n'est pas obligé d'être du patronat tout le temps – pour qu'on puisse aller s'expliquer là et qu'on soit rétablis dans nos droits. C'est ça qu'on veut.

Ce qu'on voudrait aussi, c'est que l'assurance-chômage Québec, elle soit partie. Vous ne pourriez pas partir ça ici? Moi, j'ai fait un chèque de 10 $ pour mes cotisations volontaires; je vais vous le laisser avant de partir. Ce n'est pas compliqué, là: assurance-chômage Québec, 10 $. Je suis prête à cotiser, moi, ici, pour que les gens soient assurés. C'est une assurance qu'on veut, bon. Le fédéral, on ne peut plus compter sur eux autres, c'est clair. Ça fait des années qu'ils ramassent notre argent à coups de milliards et à coups de milliards: 10 000 000 000 $. Ils ne cotisent plus, ils ne donnent plus rien, ils veulent juste prendre notre argent. À ce moment-là, constituons un fonds ici, au Québec, et administrons-le intelligemment, et avec coeur et sensibilité.

Qu'est-ce que j'ai marqué dans la lettre que je vous ai écrite à part de ça? Il y a des choses qui vous ont sauté aux yeux, Mme Harel?

Mme Harel: ...

Mme Lalanne (Jeanne): Bien oui, on va utiliser toute la bonne jurisprudence. C'est clair, elle est toute là. Tout est là! Prenons ce qu'il y a de bon dans le régime fédéral et appliquons-le ici. Et il y a des choses qu'on ne voudrait plus voir. Là, si on dit que c'est des prestataires, il va falloir les traiter comme des prestataires; on va arrêter de leur couper de l'argent quand ils restent avec d'autres. Quand vous êtes sur l'assurance-chômage et que vous vous cherchez un emploi, vous êtes tout de même un individu à part entière; vous avez le droit de rester avec votre chum, votre blonde, votre soeur sans être coupé de 85 $ par mois. Abolissez donc ça, Mme Harel! Je le sais, que vous avez le porte-monnaie que vous avez et que M. Bouchard, le très honorable Bouchard, veut vraiment éponger le déficit sur huit ans. Il ne pourrait pas reporter ça à quatre ans, trois, quatre ans, et ne pas étriper le pauvre monde?

Moi, savez-vous, je vois du monde arriver dans mon bureau: des bottes trop grandes dans les pieds, des manteaux trop petits, des grosses tuques achetées à l'Armée du salut, qui n'ont pas mangé depuis trois, quatre jours. Ça commence à faire, la misère, là! On est né pour un petit pain et on ne l'a même pas tout au complet. Comprenez-vous, là? On en a assez, de ça, on ne veut pas se faire appauvrir. Fini, le coupage d'argent pour le partage du logement. Surtout vous, Mme la ministre de la Solidarité. C'est par solidarité qu'ils restent ensemble, qu'ils partagent le logement et qu'ils partagent la bouffe, bon.

Et, il y a une autre affaire qu'on trouve bien épouvantable aussi, c'est quand quelqu'un a gagné de... Je vous jette tout ça en vrac, hein. Si j'avais eu ma demi-heure, disons que j'aurais peut-être été plus systématique. Mais, ce n'est pas grave, retenez les points qui vous intéressent au moins, et qui nous intéressent.

Les histoires quand vous avez gagné... Là, vous finissez de travailler, O.K. Bien, l'argent que vous avez gagné à la fin de février, même si vous l'avez au début de mars, croyez-le ou non, vos fonctionnaires de l'aide sociale, ils appliquent ça pour le mois de mars, pour encore gruger de l'argent au pauvre monde. Ça «pourrait-u» être autrement, ça, comme à l'assurance-chômage? Vous avez gagné de l'argent en février, il y a quatre semaines; les deux dernières semaines, vous les gagnez en février, ne les appliquez pas sur mars, ça les appauvrit trop!

On ne gagne rien à appauvrir la population: elle se rend malade, elle se déprime, elle prend des pilules, elle fait de la petite criminalité. On ne gagne rien. On va être un peuple de mendiants si ça continue de même. Les gens ne veulent plus être des assistés sociaux. Il n'y a personne qui tient à ça, comprenez-vous, être des assistés sociaux. Au moins, si on est des prestataires, ça va être moins pire, parce qu'on va chercher, puis on va s'enligner sur quelque chose puis on va croire puis on va espérer. Si on n'espère rien puis qu'on se démoralise, il n'y a rien à faire, on ne s'en sortira jamais. Il faut changer la mentalité de ça. C'est plus qu'un parcours que ça prend, c'est un plan de redressement. Des programmes PAIE, Mme la ministre, donnez-en à l'entreprise privée, donnez-leur-en, mais obligez-les à leur donner l'année équivalente payée à temps plein de leur poche.

Vous vous en allez au Centre de main-d'oeuvre. Qu'est-ce que vous voyez, sur les tableaux? «Recherchons assistés sociaux pour travail dans telle entreprise.» Ça demande des qualifications à n'en plus finir, des bacs en ci, des bacs en ça, puis là ça ne veut pas payer une cenne, comprenez-vous! Donnez-leur-en, six mois payés par le gouvernement, à la condition qu'ils vous signent un autre six mois payé de leur poche. Là, on va avoir une rétention à l'emploi, pour employer le mot de vos fonctionnaires. Bon.

Et des programmes EXTRA, gênez-vous pas, donnez-nous-en. Bon. 550 $, je le répète, tarif de base pour tout le monde, pour payer les tickets d'autobus. Quand ils sont sur le programme EXTRA, on donne 150 $ de plus par mois puis on s'achemine sur les programmes PAIE. Pour les groupes communautaires comme nous autres, vous pouvez les laisser un an ou deux, gênez-vous pas!

Oui, monsieur? M'avez-vous parlé, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous faisais signe. Si vous partagez, moitié-moitié, il vous reste une minute.

Mme Lalanne (Jeanne): Bon. Bien, là, je vais être obligée de me taire, quitte à revenir. Est-ce que je vais pouvoir revenir, au moins?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il vous reste une minute à vous, là, Mme Lalanne.

Mme Lalanne (Jeanne): Une minute?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il vous reste une minute à vous.

Mme Lalanne (Jeanne): Bon, bien, ne me la prenez pas toute, là!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lalanne (Jeanne): Moi, là, je suis tannée de voir ça, cette maudite pauvreté-là! Puis, je ne demande même plus ça, moi, l'appauvrissement zéro, je demande l'enrichissement de 5 % pour cette année. Coudon, pourquoi toujours s'en tenir au minimum tout le temps? Grugez dans d'autres choses, dans les abris fiscaux pour les riches. Allez chercher l'argent où il est, dans les banques, bon Dieu! Là, vous nous démoralisez avec vos coupures. Puis, la carte-médicaments, c'est effrayant toutes les plaintes qu'on a là-dessus. On a des gens qui ne peuvent plus payer leurs médicaments. Mais, ça, ce n'est pas de votre faute, c'est un autre ministère.

En tout cas, moi, Mme la ministre, je ne voudrais pas être poignée pour administrer ce que vous administrez. Ça, c'est certain que vous avez une grosse tâche, mais lâchez les femmes, pour l'amour du ciel, qui ont des enfants à la maison. Elles sont déprimées, elles se sont faites laisser par leur mari qui ne leur paie pas de pension alimentaire, puis ça leur prend au moins deux, trois ans à se sortir de cette dépression-là. Elles s'en viennent dans des groupes comme nous autres, puis c'est déjà un premier pas, des groupes communautaires, des groupes contestataires, des groupes d'éducation. Puis, petit à petit, bien, évidemment que si on leur offre des emplois convenables, elles vont les accepter. Il n'y a personne qui veut se complaire là-dedans, dans cette misère-là. Le problème, c'est un problème d'emploi puis c'est un problème qu'il n'y a pas d'effort de fait nulle part. Puis, le problème, c'est surtout qu'on a le fédéral dans les jambes; c'est surtout ça. Il va falloir composer avec ça puis faire de la sensibilisation. Je pense qu'on commence à avoir pas mal de misère avec eux autres pour le petit peu de fun qu'on a, je pense, hein?

Il y «a-tu» moyen de convaincre le premier ministre de réduire son déficit sur trois, quatre ans puis de vous donner un peu plus de lousse dans votre budget? C'est ça la vraie question. Là, vous avez les McHarris, McKenna, McTout-le-monde, il faut tout faire comme eux autres. Je comprends que vous ayez des compressions, mais ne faites pas ça sur le dos du petit monde. Ils ne sont plus capables. Ils sont égorgés, ils ne sont plus capables de manger. Ils arrivent dans nos bureaux, ils n'ont plus de manger depuis deux, trois jours; j'ai tout le temps des muffins, des pommes à leur donner. Ils se sont fait couper par l'aide sociale parce que le chômage les avait coupés avec une fausse raison. Puis, je vous le dis, moi, prenons ce qu'il y a de bon au fédéral, faisons une assurance-chômage. N'ayons pas peur du mot «chômage», parce qu'il existe. L'assurance-emploi, c'est très hypocrite, comme terme. De toute façon, il n'en crée pas plus.

Assurance-chômage Québec. Moi, j'ai mon chèque de 10 $, je vous le donne avant de partir, puis ramassez des fonds, Mme Harel, puis ne coupons pas le monde. Faites une campagne de financement, faites un concours pour la création d'emplois, faites ce que vous voulez. Donnez-nous la maison Gomin, on va l'administrer. On va faire une école d'arts et métiers, on va l'appeler la maison Louise-Harel, avec des jeunes, là-dedans.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lalanne (Jeanne): Avec des jeunes, là-dedans. Ceux qui ne veulent pas y aller, au parcours, au lieu de leur couper les vivres, donnez-nous-les, on va s'en occuper, de ces jeunes-là. On les installe là-dedans puis on va leur montrer comment faire des vitraux, de la céramique, de la couture puis du cuir, puis toutes sortes d'affaires, puis on va leur remonter le moral, comprenez-vous, là? Ce n'est pas avec le bâton qu'on va en venir à bout, c'est avec la carotte. Je vous dis qu'on en a eu, des programmes EXTRA, nous autres, qui mangeaient dans les poubelles puis qui fumaient de la drogue; on leur a fait faire des revues de bandes dessinées. J'ai déjà cousu des pantalons sur quelqu'un qui venait dans mon bureau, tellement il était rendu bas dans la société, il était rendu sur le bord du pont Laporte. À force de les motiver puis de les accepter tels qu'ils étaient, ils ont pris le goût de vivre. Ils vont à l'université, aujourd'hui, ça va bien leurs affaires. Ce n'est pas en leur coupant 150 $ par mois qu'on va en venir à bout, du problème.

(20 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Bureau, c'est à vous.

Mme Bureau (Louiselle): Merci. Bonsoir, Mme la ministre. Bonsoir, M. le Président, mesdames, messieurs. Louiselle Bureau, Association pour la défense des droits sociaux de Thetford Mines. Je suis intervenante communautaire depuis tout près de 15 ans dans cet organisme-là. On travaille avec des personnes sans emploi majoritairement, ou à emploi précaire, dont les prestataires d'aide sociale, d'assurance-emploi, Régie des rentes ou autres.

Finalement, la réforme telle qu'elle est présentée dans le livre vert, on a regardé un peu ce que ça avait l'air. On a consulté aussi les gens de nos organismes aux alentours pour en arriver à la conclusion d'un peu tout ce qu'il y a dans le mémoire. Les gens ont l'impression, quelque part, qu'ils se font appauvrir encore, qu'ils se font un peu plus taper sur la tête et que c'est un peu des promesses en l'air, parce qu'un parcours d'insertion vers l'emploi, bon, c'est bien. Je fais la démonstration, au fil des pages, qu'il y a tout près de 1 000 000 de chômeurs qui sont prêts à aller travailler demain matin et il n'y a pas 1 000 000 d'emplois au Québec. On parle d'environ 40 000 emplois spécialisés ou quelques-uns de plus dans le précaire, par exemple la restauration, des choses comme ça.

Comment voulez-vous remettre au travail 1 000 000 de chômeurs demain matin en tapant sur la tête du monde, en leur coupant 150 $, en réduisant les prestations qui sont déjà trop maigres? Parce que, d'après vos propres barèmes, d'après vos propres études, on dit que le taux minimum pour vivre ici, au Québec, c'est 667 $ par mois alors que la prestation de base est évaluée à 500 $. C'est déjà un 167 $, ça, que les gens n'ont pas pour manger. Ils vont le chercher où, cet argent-là?

On a essayé, au fil des pages, aussi, de démontrer, statistiquement parlant – c'est presque toutes des statistiques recensées auprès de Statistique Québec – que les gens s'appauvrissent, que les entreprises, en général, aussi, leurs profits augmentent. On dit: Rendons prospères les entreprises, le marché du travail, et ils vont créer de l'emploi, ils vont augmenter les salaires. Ce n'est pas tout à fait ça qu'on peut lire à travers les statistiques. Je pense, là, quelque part, il faut vraiment, vraiment axer sur une politique réelle de création d'emplois. Il ne faut plus continuer à appauvrir la population. Je pense que vous le savez tous aussi, le taux de suicide au Québec est «le» plus élevé au monde. Je pense que le suicide, pour avoir étudié un peu la problématique, c'est l'ultime porte de sortie quand il n'y a plus rien d'autre à faire. C'est qu'il y a des problèmes sérieux. Les gens en arrivent à ça.

L'Amiante, on est très touché, parce qu'au niveau du Québec, l'Amiante, c'est la région où il y a le plus de suicides. Et les jeunes, c'est effarant. Donc, ne touchez plus aux jeunes, c'est super important. Ne touchez plus non plus aux mères monoparentales. J'ai fait une enquête, il y a une couple d'années, et le volet le plus pathétique, si je peux dire, c'est auprès des mères monoparentales qui avaient des enfants de deux, trois ans, quatre, cinq ans. Il fallait déjà, dans le mois de mai ou juin, qu'elles pensent à budgéter pour mettre un 2 $, 3 $ de côté de temps à autre pour payer les petites bottes d'hiver à l'automne. N'allez pas couper un autre 150 $ aux petites mamans qui ne voudront pas faire un parcours d'insertion vers l'emploi ou une mesure d'employabilité.

Je pense que le Québec, il y a quand même quelque chose comme une trentaine d'années, s'était donné des choses intéressantes: la loi d'aide sociale, notamment, qui a été votée en décembre 1969. C'était un peu pour ramasser tous les programmes, vous le savez. C'était un peu aussi pour arrêter ce qui se passait dans le temps des mères nécessiteuses, où plusieurs mamans ont dû s'abaisser à être bien, bien gentilles avec certains notables de la place qui devaient cautionner leur réputation et leur façon de vivre. Je pense que le Québec mérite mieux que ça. Je pense que, même sans emploi, sans travail, les gens au Québec qui sont en chômage à l'heure actuelle ou prestataires d'aide sociale valent beaucoup plus que ça.

On parlait aussi beaucoup de la société des loisirs. Deux minutes? Maintenant, on a le temps, et, comme dit la chanson: «Quand on a le temps, on n'a pas l'argent.» C'est ce qui se passe un peu. On entendait cette semaine: Greenberg, Zellers. On a entendu hier les caisses populaires, 5 000 emplois. Quand les gens n'ont plus d'argent, ils ne consomment plus. Ça freine le dynamisme de l'économie, ça freine vos recettes fiscales et ça freine l'ensemble de l'économie.

Il y avait quand même une couple de choses qui étaient intéressantes au niveau du livre vert, qui méritent d'être soulignées, notamment l'augmentation pour les gains permis et la possibilité pour les mamans qui ont des enfants de pouvoir conserver une partie de leur pension alimentaire. Oui, ça, c'était très intéressant, c'étaient des demandes répétées depuis plusieurs années qui, enfin, ont été entendues. On vous en remercie, et je suis disponible pour répondre à vos questions et commentaires.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je sais que je ne suis pas la seule parmi les membres ministériels de la commission à vouloir échanger avec vous, Mme Lalanne et Mme Bureau. C'est bien Mme Bureau, je ne me trompe pas?

Mme Bureau (Louiselle): Oui, c'est ça.

Mme Harel: C'est Louiselle, je crois.

Mme Bureau (Louiselle): Oui.

Mme Harel: Bon. Vous parliez de décembre 1969. En décembre 1969, il y a un taux de chômage qui fait, je pense, 5,6 %, de mémoire, et, à ce moment-là, on est dans un régime qui principalement s'adresse à des personnes qui ne peuvent pas travailler. Et, dans le rapport de Camil Bouchard – j'en ai mis un extrait dans le livre vert – il disait que l'aide sociale, justement, était passée, pendant ces années-là, d'un régime qui s'adressait surtout à des personnes qui ne pouvaient pas travailler à un régime dont la majorité des prestataires sont, en fait, des chômeurs qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas droit aux prestations de l'assurance-chômage.

En fait, si on demande: c'est quoi, le changement qui est survenu... Avant le souper, il y a une dame qui faisait partie d'une délégation qui est venue présenter un mémoire, le ROC de Québec, et qui disait: Depuis 1990, ça s'est appauvri mais, principalement, c'est la classe moyenne ouvrière, si vous voulez, qui s'est appauvrie. Mais, c'est en grande partie, quand on regarde ça de près, là, les personnes qui jusqu'à maintenant avaient droit à l'assurance-chômage et qui n'y ont plus droit.

Prenez juste la page 93. Je ne sais pas si vous l'avez, le livre vert, avec vous. Je ne sais pas, Mme Lalanne, peut-être que vous pouvez lui montrer.

Mme Lalanne (Jeanne): On l'a certain, madame.

Mme Harel: Moi, ce tableau-là, quand j'ai constaté qu'en 20 ans, entre 1976 et 1994... ce n'est même pas 20 ans. Si on faisait 1976 à 1996, ce serait pire. Et, je vais finir par les avoir, les chiffres. Prenez par exemple les 18-24 ans, et remarquez ce qui s'est passé pour les jeunes. En 1976, en fait, 11,3 % avaient de l'assurance-chômage. Regardez en 1994, c'est coupé de moitié, c'est rendu à 6,8 %. Ça, c'est en 1994. Qu'est-ce que vous pensez que ce serait en 1997, avec ce qui s'est passé au 1er janvier pour les jeunes?

Mme Bureau (Louiselle): C'est ça.

Mme Harel: Regardez l'importance que ça a. On le sait, on l'a déjà été une fois dans notre vie, même si ça fait longtemps. On commençait à travailler. Même avec un diplôme, ce n'était pas pour la vie. Peut-être qu'il y en avait déjà, à ce moment-là, qui pouvaient penser qu'ils allaient rester là 25 ans, mais, l'idée, c'était d'en avoir, des contrats, puis ça allait et ça venait. Mais, on restait proche du milieu du travail, du marché du travail parce qu'on allait un peu de contrat en assurance-chômage en contrat, etc. Là, où est-ce qu'ils sont les jeunes?

(20 h 30)

Prenez la colonne de la sécurité du revenu, SR, en 1994. Je ne sais pas si vous l'avez vu, en bas, 18-24, sécurité du revenu, 1994, 11,6 %. C'est exactement renverser la situation des 20 dernières années. Alors, les jeunes, en 1976, 4,4 % étaient à l'aide sociale, de 18-24 ans; là, c'est 11,6 %. C'est ça, l'immense danger, c'est que maintenant il n'y a plus la proximité. Même avec l'assurance-chômage, ils restaient à proximité du marché du travail et il y avait un va-et-vient. Vous le savez très bien, quand on est sur l'aide sociale actuellement, on est exclu du développement de la main-d'oeuvre, on n'est pas dans la mission de la SQDM. On n'a pas droit aux prestations de l'assurance-emploi quand on est jeune maintenant, même si on a travaillé puis cotisé à la première heure puis qu'on a fait 15 heures. Avant 900... c'est 900 heures?

Mme Lalanne (Jeanne): C'est 910 heures.

Mme Harel: Bon, ça vous donne une idée de ce qui s'est passé.

Mme Lalanne (Jeanne): Ça nous donne une idée aussi de ce qui va arriver, il n'y a presque plus personne qui peut se qualifier. On a des téléphones, tous les jours, de gens qui ne peuvent même plus se qualifier. Ça va mal!

Mme Harel: La Gazette – ce n'est pas, pourtant, des amis du Québec, ça – vendredi, un article sur la situation, qui révélait que deux chômeurs sur trois n'ont plus droit à l'assurance-chômage. Deux sur trois n'ont plus droit à l'assurance-emploi. Avez-vous idée de ce que ça peut signifier, ça? Mais où est-ce que vous pensez qu'ils sont, ces chômeurs-là qui n'ont plus droit à l'assurance-chômage? Il y en a qui sont sans chèque puis qui n'ont plus droit à rien, mais il y en a des milliers, des dizaines de milliers qui sont arrivés à l'aide sociale et qui se sont appauvris, parce que, l'aide sociale, ce n'est pas une assurance, c'est une aide de dernier recours. Et, un mot pour vous dire à quel point c'est indignant de constater que, pourtant, les cotisations restent aussi élevées. Il y a eu un surplus qui est évalué à 4 500 000 000 $ cette année, qui a été détourné; c'est du pur détournement. Mais, pire encore, pensez que ces cotisations-là sont versées uniquement par des travailleurs qui ont un revenu de moins de 39 000 $.

N'oublions pas qu'en haut de 39 000 $ de revenu on ne cotise plus à l'assurance-emploi, ni travailleurs ni employeurs, ça encourage le temps supplémentaire, parce que c'est évident que, maintenant, quelqu'un qui embauche, la première heure travaillée est cotisée, il faut que l'employeur la paie; s'il fait travailler en temps supplémentaire en haut de 39 000 $, il n'a pas besoin. Et, en plus de ça, quelle injustice de penser que le déficit fédéral, sa réduction est principalement due à des personnes dont les revenus sont de moins de 39 000 $. Ça veut dire que des gens comme moi, par exemple, qui en gagnent pas mal plus, ou n'importe qui dans cette commission, ici, autour de cette table, dans le fond, on a une contribution beaucoup moindre à la réduction du déficit, parce que, finalement, cet argent-là est pris dans les cotisations versées pour l'assurance-emploi, qui sont détournées.

Bon. Ceci étant dit, tantôt, vous avez dit, Mme Lalanne: Il faut appliquer une égalité de traitement; c'est ça que je comprends?

Mme Lalanne (Jeanne): Oui.

Mme Harel: Moi, j'ai beaucoup apprécié, quand j'ai rendu public le livre vert et que j'ai compris, en vous rencontrant dans les jours qui suivaient, qu'il manquait un chapitre, le chapitre des recours. N'est-ce pas? Inquiétez-vous pas, je l'ai compris, puis j'en ai parlé à mes collègues aussi. Et puis je sais que certains veulent vous en parler. Vous, vous m'avez dit: Oui, s'il y a des recours. L'égalité de traitement, c'est d'avoir la même jurisprudence sur ce qu'est un emploi raisonnable, ce qu'est un emploi convenable; pas raisonnable, convenable.

Mme Lalanne (Jeanne): Un emploi convenable, c'est ce que toute personne raisonnable serait prête à accepter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Mais il y a une jurisprudence... «C'est-u» la définition de la jurisprudence, ça?

Mme Lalanne (Jeanne): Oui, adaptée.

Mme Harel: Adaptée.

Mme Lalanne (Jeanne): Vulgarisée.

Mme Harel: Mais, à l'assurance-emploi, il y en a des pénalités, si j'ai bien compris?

Mme Lalanne (Jeanne): Il y a des pénalités. Évidemment, on se bat avec eux autres, on gagne 400 causes par année. On a un recours qui est un conseil arbitral de trois personnes. Comme je vous dis, à l'aide sociale, un fonctionnaire coupe quelqu'un pour un rien, parce qu'il a refusé une mesure, puis c'est lui qui rend la décision, c'est lui qu'on va rencontrer. Et c'est très archaïque: il a son crayon de même, là, au plomb, puis il écrit sur une petite feuille de papier tout ce qu'on dit. Ce n'est pas raisonnable, ça. C'est de même que ça se passe.

Mme Harel: Quand je vous avais rencontrée, vous m'aviez aussi expliqué que c'était dans la loi. Après ça, j'avais fait vérifier.

Mme Lalanne (Jeanne): Bon.

Mme Harel: Puis, là, je m'étais rendue compte que, dans la loi 37, l'article 28 de la loi 37 prévoyait une pénalité si la personne refusait d'entreprendre des démarches.

Mme Lalanne (Jeanne): Si une personne refuse un emploi convenable – puis, quand je dis convenable, ce n'est pas qui convient au gouvernement, c'est qui lui convient à elle; ça, on est bien clair là-dessus – dans son domaine, à un salaire normal de la région, bien, là, je vais comprendre qu'elle puisse être pénalisée. Par contre, qu'elle ait un recours pour aller s'expliquer, pourquoi elle a refusé ça, est-ce qu'elle a une bonne raison, oui ou non?

Mme Harel: Je sais que ma collègue Mme la députée de La Peltrie veut vous dire ça, mais, moi, je peux juste vous dire... Pardon?

Une voix: La Prairie.

Mme Harel: La Prairie. Je n'ai pas dit La Peltrie? Ah, je voulais dire La Prairie. Ce n'est pas possible, actuellement, d'avoir une pénalité quand il y a, par exemple un abandon d'un programme EXTRA. Les pénalités, actuellement, ce n'est pas sur les mesures d'employabilité. Les mesures d'employabilité: on perd le barème, mais on ne perd pas, si vous voulez... ça ne s'ajoute pas à une pénalité. Mais, vous, vous m'avez bien expliqué que là où il y a quelque chose à changer, c'est que la personne à l'assurance-emploi va avoir une pénalité si elle quitte; si elle quitte, par exemple son emploi, elle n'a plus rien. Ce n'est pas une pénalité, elle n'a même plus rien, rien, rien. Elle va tomber sur l'aide sociale.

Mme Lalanne (Jeanne): Jusqu'à temps qu'on aille défendre son cas au conseil arbitral...

Mme Harel: Oui, parce que vous en gagnez, mais ça se peut...

Mme Lalanne (Jeanne): Mais, vous, vous les repénalisez par après, ils sont pénalisés quand ils se présentent à l'aide sociale.

Mme Harel: Oui, parce que c'est double. Puis ça, c'est dans la loi 37, ça.

Mme Lalanne (Jeanne): Oui.

Mme Harel: C'est ça. Alors, ça aussi, vous m'avez dit qu'il fallait le changer. Vous savez, j'ai peur. Ici, des fois, il y a des conversions tardives dans cette commission parlementaire. Il y en a qui viennent de découvrir la loi 37, comme si elle s'appliquait avec le nouveau gouvernement d'il y a deux ans. Mais, ça, je comprends qu'il faille changer ça.

Peut-être un mot sur la question du 50 $. Vous savez qu'il est possible d'avoir 40 $ d'appoint. Présentement, là, il est possible à l'aide sociale d'avoir 40 $ quand on fait, par exemple des démarches, mais je ne suis pas certaine de l'application. Mais, je vais le vérifier. Je sais qu'à la grandeur, toutes les personnes aptes et toutes les personnes qui ne sont pas soutien financier avaient le 50 $, ça coûterait 150 000 000 $.

Mme Lalanne (Jeanne): Ce n'est pas grave, on va aller chercher ça, l'argent, chez les riches.

Mme Harel: Si j'avais 150 000 000 $... Ça coûte 130 000 000 $. Si j'en avais 1 000 000 $, ça serait bien plus d'abolir la coupure.

Mme Lalanne (Jeanne): Il ne faut pas regarder ça; ça, c'est une conséquence. Il ne faut pas être là pour sauver de l'argent, c'est une conséquence. Si ça coûte plus cher, on va...

Mme Harel: J'abolirais la coupure du partage du logement en priorité, avant. Je ne sais pas si... Enfin, on discute un peu pour discuter, parce qu'on n'en est pas à pouvoir disposer d'un montant comme celui-là en plus du 4 200 000 000 $ qui restera cette année. Mais, vous comprenez qu'il y a eu une coupure, cependant. Ce n'est pas rien. Cette année, ça va faire 1 800 000 000 $ en deux ans de moins dans les transferts fédéraux pour l'aide sociale, la santé, l'éducation. Puis on se désâme sur les frais de scolarité, puis ce qui se passe dans les hôpitaux, puis à l'aide sociale. Puis ça nous tombe sur le dos parce qu'on fait leurs compressions puis ils dépensent notre argent. Alors, on est dans la contradiction suprême, évidemment. Vous savez, ce 1 800 000 000 $, c'est plus que tout ce qu'on peut imaginer des compressions qu'on est obligé de faire maintenant. Alors, imaginez-vous ce que ça peut avoir comme conséquence.

Ceci dit, sur les jeunes et les chefs de famille monoparentale, actuellement, pour les chefs de famille monoparentale, c'est seulement celles dont les enfants... les autres aussi. En fait, ce sont les familles dont les enfants ont cinq ans à la maternelle plein temps. Est-ce qu'il faut aller plus loin que ça? Je ne le sais pas, puis je peux vous dire que les députés ministériels, on a décidé qu'on allait regarder ça attentivement. C'est évident que, dans mon esprit, les 8 000... elles sont 8 000 dont les enfants de cinq ans commencent à la maternelle plein temps. Si elles perdent leur 100 $ de non-disponible... À mon point de vue, tout de suite, il faut qu'elles soient participantes et puis qu'elles ne soient pas perdantes là-dedans.

On a des projets, notamment avec Mme Hallé, de l'Outaouais, qui a déjà conçu et implanté des programmes qui ont beaucoup, beaucoup, beaucoup de succès, là, pour la réussite de l'insertion des chefs de famille monoparentale. Mais, l'idée, c'est que si elles en perdent 100 $, elles vont en gagner 120 $.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Bonjour, Mme Lalanne, bonjour, Mme Bureau. On connaît effectivement votre dynamisme, Mme Lalanne, à défendre depuis de nombreuses années... C'est tout à fait méritoire. Moi, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur les recours. Vous connaissez bien, évidemment, le système de l'assurance-emploi, ex-assurance-chômage. Comme vous, je pense qu'on ne peut pas, comme ça, tronquer les réalités juste en changeant de mot. Vous dites: Soumettre aux mêmes droits et obligations. Les obligations, vous avez parlé de la question de l'emploi. Quand on parle du parcours individualisé ici – puis je pense que vous semblez d'accord avec ça, qu'il y ait une approche plus individualisée...

Mme Lalanne (Jeanne): Plus juste.

Mme Simard: ...pour accompagner les gens, là.

Mme Lalanne (Jeanne): Plus juste.

Mme Simard: Plus juste. Bon, d'accord. Mais, ce n'est pas nécessairement, là, l'offre d'un emploi; il y a peut-être bien d'autres étapes.

Mme Lalanne (Jeanne): Oui, ça peut être un refus de...

Mme Simard: La formation. Ça peut être autre chose. Si quelqu'un, par exemple refuse de participer à de la formation, est-ce que vous associez ça à une obligation ou pas, si vous associez ça à votre système de l'assurance-emploi?

Mme Lalanne (Jeanne): D'une façon globale, ce que je voulais dire tantôt, c'est: Prenons ce qu'il y a de bon, au moins, au fédéral puis appliquons-le ici. Je parlais du conseil arbitral tantôt...

Mme Simard: O.K.

(20 h 40)

Mme Lalanne (Jeanne): Il ne faudrait pas que les fonctionnaires de Travail-Québec... Moi, j'appellerais ça: Assurance-chômage Québec. Je vous l'ai dit, vous devriez vous acheminer vraiment vers un cas d'assurance avec cotisation. À ce moment-là, notre statut serait changé, comprenez-vous?

Mais, ce que je veux dire: il ne faudrait pas que les fonctionnaires de Travail-Québec soient plus sévères que ne le sont ceux du fédéral. Si un fonctionnaire de l'assurance-chômage, de l'assurance-emploi fédérale coupe quelqu'un parce qu'il ne veut pas suivre une formation, je pense qu'il n'ira pas loin dans son dossier avec ça, parce qu'il n'aura pas le droit de le faire légalement. On ne peut pas couper quelqu'un. On est tout de même dans un pays libre, on ne peut pas couper quelqu'un de ses prestations parce qu'il refuse de prendre un cours de formation, à moins que ce cours de formation lui soit essentiel pour conserver son emploi. C'est toujours une question de simple bon sens.

Mme Simard: Oui, mais dans la mesure où il n'en a pas, d'emploi, et que c'est en vue de se préparer à en avoir un ou se placer pour en trouver un.

Mme Lalanne (Jeanne): Bien, dans la mesure où il n'y en a pas, d'emploi, je trouve qu'il y aurait un danger de vouloir, dans le parcours appliqué aux jeunes, qui sont vraiment, je comprends, beaucoup plus nombreux qu'ils ne devraient l'être – on l'a compris, ça, on n'a pas de doute là-dessus – couper 150 $ par mois alors que, nous autres, on estime que la pénalité ne devrait pas excéder plus que 5 % du montant de la prestation, si pénalité il devrait y avoir... Mais là on pense qu'il ne devrait même pas y avoir de pénalité concernant la formation ou l'intégration à un programme d'employabilité. Les seuls qui devraient vraiment être sujets à être pénalisés, entre guillemets, c'est ceux qui refuseraient un emploi convenable. Tu ne veux pas aller travailler? On en a un emploi pour toi, c'est dans ton domaine, tu as le diplôme pour ça. Bien là on te coupe. Dans le fond, on pourrait en parler pendant longtemps. Chaque cas va être jugé au mérite, selon la jurisprudence canadienne.

Mme Simard: O.K. Dans votre tête, c'est le refus d'emploi. Quand vous parlez de l'obligation...

Mme Lalanne (Jeanne): Oui.

Mme Simard: ...c'est plus associé à emploi convenable, comme vous l'avez dit, là.

Mme Lalanne (Jeanne): Je trouverais ça exagéré d'aller couper 150 $ par mois un pauvre jeune qui a de la misère à survivre parce que lui a décidé qu'il n'était pas prêt à retourner suivre une telle formation qu'un fonctionnaire lui-même a décidé qu'il suivrait. Il faut que la personne soit tout de même consentante quelque part. Si vous lui donnez 125 $ de plus par mois, il va peut-être avoir le goût d'y aller. C'est pour ça que je dis: je préconise la carotte au lieu du bâton.

Mme Simard: Bon. Vous êtes revenue en disant: Il y a aussi une autre chose qu'on pourrait faire, ce serait d'avoir un système d'assurance. Vous parlez de système d'assurance.

Mme Lalanne (Jeanne): Oui.

Mme Simard: La base, c'est que les gens contribuent. Mais, le problème, c'est que beaucoup des personnes justement, qui sont prestataires d'aide sociale, elles n'ont jamais eu de revenus à partir desquels elles peuvent payer un certain pourcentage dans une caisse. C'est justement ça le problème, c'est que la majorité ou plusieurs, une très forte proportion d'entre elles n'ont jamais eu de travail.

Mme Lalanne (Jeanne): Ce n'est pas grave, Mme la députée, les autres vont contribuer. Je l'ai fait, mon chèque de 10 $, moi. Je suis prête à le donner, mon 10 $ par mois, comprenez-vous? Ceux qui travaillent le feront par solidarité; ils contribueront pour les autres qui n'ont pas d'emploi. Puis, les autres, au lieu de se faire appauvrir, ils vont vivre avec un revenu plus décent, puis ils vont être plus employables. Ça va être plus facile pour eux autres d'obtenir de l'emploi s'ils sont moins pauvres, parce qu'ils vont être bien nourris, ils vont être mieux habillés et ils vont pouvoir faire les démarches.

Mme Simard: Mais, Mme Lalanne, ceux qui justement ont des revenus de travail paient des impôts, à partir desquels impôts il y a des sommes qui vont payer les prestations d'aide sociale. Ce que je comprends, vous préféreriez, au fond, qu'il y ait vraiment une cotisation, un impôt direct qui soit ciblé pour dire: Ça, ça sert à une caisse assurance-emploi, mais pour tout le monde. Parce que, dans le fond, ça revient un peu au même, à ce qu'on fait, mais vous voudriez l'identifier. Est-ce que c'est ça?

Mme Lalanne (Jeanne): Moi, je serais prête à contribuer parce que je sais que le gouvernement n'aura peut-être pas la volonté d'aller chercher l'argent des riches qu'il devrait aller chercher. On voit bien qu'il n'y a rien qui se passe, ni au fédéral ni au provincial, de ce côté-là. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? La Banque Nationale, c'est des milliards; ils sont assis sur leurs milliards. L'argent est là, qui pourrit dans les banques des riches qui ont des abris fiscaux. Même à Ottawa, je ne sais pas, l'argent, les 10 000 000 000 $ des Bronfman qui s'en va aux États-Unis. Il est là, l'argent. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, personne n'a la volonté politique de poser les lois pour dire: Cet argent-là, on le prend et on en fait une redistribution équitable de façon à ce qu'il y ait du monde qui ne soit pas si pauvre que ça. Ce n'est pas normal qu'il y en ait qui crèvent de faim et qui soient rendus au bout de leur rouleau comme ça.

Personnellement, même si je ne gagne pas beaucoup d'argent, j'aimerais mieux avoir contribué un petit peu en attendant que ça se fasse et qu'on ait un gouvernement qui ait le «guts» de mettre de l'ordre là-dedans. C'est un plan de redressement que ça prend, ce n'est pas juste un parcours. Il faut s'attaquer au problème politique dans sa globalité. Ce n'est pas le néolibéralisme là qui va nous le régler, c'est une jungle et une jungle très sauvage: 70 % de la main-d'oeuvre ne sont pas syndiqués, travaillent au salaire minimum et travaillent au maximum en plus. Ils travaillent dans des conditions épouvantables, ils se font martyriser par les employeurs. «C'est-u» vrai ce que je vous dis là? Je le vérifie tous les jours. Pourquoi ce monde-là se ferait encore appauvrir, se ferait rendre misérable? Ils ne seront plus pauvres, ils vont être dans la misère. On ne veut pas que ça arrive. On se bat pour ça, bon!

Il y a un paquet d'affaires qu'on vous a suggérées. Comme l'argent qui a été gagné dans un mois; au moins, appliquez-le pas le mois suivant à l'aide sociale. C'est indécent, c'est illégal, je vous le dis. Celui qui partage un logement avec un autre, laissez-le faire. Coupez-lui pas 85 $ par mois; il va être mieux nourri, mieux logé. Il va être plus en position de se trouver un emploi. Vous prenez le problème à l'envers. Vous voulez couper, vous voulez couper. Plus vous coupez, plus on est pauvre et moins on s'en sort, comprenez-vous? La journée que vous allez comprendre ici, dans le Parlement, que c'est de l'emploi qu'il faut qu'on crée et qu'on met tout ça en branle, bien, il n'y en aura plus, de chômage, parce que l'emploi attire l'emploi. La roue tourne à l'envers, il faut lui donner un autre swing. C'est ça qu'il faut faire. Comprenez-vous?

Mme Simard: Mme Lalanne...

Mme Lalanne (Jeanne): Bon. Excusez-moi, là...

Mme Simard: Non, non, non, non. Rassurez-vous, je pense que vous n'êtes pas la seule ici à comprendre qu'il y a des problèmes très fondamentaux. Mais, au fond, je voulais juste, quand vous nous parliez – vous connaissez bien le régime d'assurance-chômage parce que vous travailliez là – de prendre des meilleures choses... C'est vous qui l'avez dit.

Mme Lalanne (Jeanne): Oui, appliquez ça. Prenez ce qu'il y a de bon et donnez-le-nous.

Mme Simard: Maintenant, pour les recours, quand vous dites «le tribunal», est-ce que c'est le premier recours ou s'il peut y en avoir un avant de se rendre le tribunal? Puis, je pose vraiment la question parce que je ne le sais pas.

Mme Lalanne (Jeanne): Bon, la personne me téléphone, elle est coupée de son chômage. J'essaie de régler ça à l'amiable avec le fonctionnaire. S'il est intelligent le moindrement, je vais réussir; sinon ou s'il est trop toqué, je m'en vais à un conseil arbitral au bout de 30 jours. Je gagne 95 % de mes causes. Puis, même celles que je gagne, la Commission peut aller en appel. Ça, c'est au juge arbitre...

Mme Simard: C'est 30 jours.

Mme Lalanne (Jeanne): Trente jours. On a un délai de 30 jours. Mais, on peut l'extensionner, quand on a des bonnes raisons.

Mme Simard: Mais c'est 30 jours.

Mme Lalanne (Jeanne): Trente jours.

Mme Simard: Merci.

Mme Lalanne (Jeanne): C'est réglé au bout de 30 jours, comprenez-vous? J'ai été entendue. Vous me donnez des obligations, vous dites que je ne suis plus une bénéficiaire, que je suis une prestataire, bien, donnez-moi les droits qui vont avec les obligations. Je me sentirai moins lésée dans mes droits en tant que citoyenne.

Mme Simard: Les 30 jours, ça s'applique, là, c'est respecté, ça?

Mme Lalanne (Jeanne): Oui. Vous êtes coupé parce que vous avez refusé un emploi...

Mme Simard: Donc, en dedans de 30 jours. Très bien.

Mme Lalanne (Jeanne): ...donc on vous coupe... pas toutes les prestations, là, vous autres. C'est 5 %, là. Ça ne dépasse pas 20 %, parce que vous ne pouvez pas laisser personne sans manger, là? Vous ne coupez pas tout comme le fédéral! Mais, vous me coupez? J'en appelle de votre décision puis je peux me battre contre vous autres.

Mme Harel: Mais, vous avez mis 20 %, à la page 6.

Mme Lalanne (Jeanne): Maximum.

Mme Harel: O.K.

Mme Lalanne (Jeanne): Lisez-le comme il faut, Mme la ministre. J'ai dit: «progressivement».

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, bonsoir, bienvenue. J'aimerais revenir au niveau des barèmes, Mme Lalanne. Vous suggérez une augmentation.

Mme Lalanne (Jeanne): Bien certain.

Mme Loiselle: À la page 6, vous parlez, pour un adulte apte et disponible, de 550 $ par mois.

Mme Lalanne (Jeanne): Moi, c'est l'augmentation de 5 % d'enrichissement et non pas la clause zéro de pauvreté, ça fait trop longtemps qu'on l'a.

Mme Loiselle: C'est ça.

Mme Lalanne (Jeanne): Enrichissement de 5 % pour tout le monde.

Mme Loiselle: Et pour les familles monoparentales, vous dites: Il faut évaluer selon les besoins. J'aimerais vous entendre davantage sur ça pour les familles monoparentales.

Mme Lalanne (Jeanne): Donnez-leur donc ce que ça leur prend pour manger, tout simplement, et habiller leurs enfants, et payer leur loyer. C'est juste ça qu'on vous demande. C'est quoi, le seuil de pauvreté? Basez-vous sur le tableau.

Mme Loiselle: Chaque famille qui se présenterait à la sécurité du revenu aurait une évaluation.

Mme Lalanne (Jeanne): Basez-vous sur le tableau du seuil de la pauvreté puis donnez-leur un petit peu moins, pour dire que vous coupez quelque part, puis ça va être encore beaucoup plus que ce qu'elles ont, dans le fond.

Mme Loiselle: Bien, moi, je suis pour augmenter leurs prestations et non pas pour les diminuer.

Mme Lalanne (Jeanne): Bien, augmentez. Ce n'est pas moi qui va vous empêcher d'augmenter certain. Mais, ce que je vois, c'est qu'il y a des pauvres petites femmes monoparentales qui sont rendues dans les banques alimentaires le 15 du mois parce qu'elles n'ont plus rien à manger. Puis, ce n'est pas de la faute de ces enfants-là puis de ce monde-là. Il a déjà travaillé à la Davie Ship, il a déjà travaillé à bien des places, là, ce monde-là. Il a déjà payé des cotisations, Mme Simard, même s'il n'en paie plus actuellement. Il y en a qui en ont payé une maudite mèche, hein, puis des années et des années. Ce n'est pas de leur faute s'ils en sont rendus là puis que tout ferme. Tout ferme. Ils n'ont plus besoin de personne nulle part. Comment vous allez faire pour régler ça? Voulez-vous me le dire? Obligez le patronat à donner moins d'heures de travail. Rendez ça illégal, le temps supplémentaire et l'enrichissement d'une seule personne et partagez-le. Ça, ça serait un exemple. Rendez la syndicalisation obligatoire. Mettez des dents à vos lois.

(20 h 50)

Mme Harel, je vais vous conter quelque chose. Écoutez-moi bien. Vous êtes bien assise, là? Je vois des pauvres jeunes rentrer dans mon bureau. Ça prend trois mois quelque part pour être syndiqué. Bien, croyez-le ou non, trois mois moins trois jours, ils sont dehors. Ils les mettent dehors et ils les rappellent après. Comment ça se fait que les lois n'ont pas de dents, ici, au Québec? Les normes du travail, qui s'occupe de ça? Il «est-u» ici, ce député-là, ce ministre-là? Il n'est pas ici, hein? Il aurait fallu plusieurs ministres, parce que ce n'est pas juste vous qui vous trouvez concernée par le problème de la pauvreté, Mme Harel. Vous, vous êtes là pour «patcher» du mieux que vous pouvez. Regardez, il n'est pas ici, ce ministre-là. Moi, j'aurais aimé ça lui parler entre quatre yeux. Ça ne marche pas, ça. Le 90 jours de probation des syndiqués, bien, cristi!, la 87e journée, tu es dehors, et ils te rappellent deux semaines après, innocemment. Comment ça se fait que ça peut se passer ici, des affaires de bandits de même, sans que ce soit arrêté, ça, par personne? Mettez-en des polices gouvernementales pour guetter ça!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Lalanne (Jeanne): Je vais me fâcher, moi, si ça continue!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Le président allait dire Mme la députée Lalanne.

Mme Lalanne (Jeanne): Mais, je n'ai pas répondu à votre question. Je n'ai pas répondu à votre question et j'en suis consciente. C'est parce que, moi, les calculs, les fronts... ils sont trois, de ce côté-là, trois députés, avec Mme la ministre, qui vont vous faire d'excellents calculs. Ce que je viens de vous dire, c'est: Donnez-leur-en donc le plus possible, dans le fond.

Mme Loiselle: J'aimerais vous entendre sur la proposition gouvernementale au niveau du non-paiement des loyers.

Mme Lalanne (Jeanne): Bien là, qu'ils payent leur loyer, par exemple. Moi, je ne suis pas pour ça, la délinquance. S'il y en a qui ne payent pas leur loyer, moi, je ne marche plus là-dedans; je ne protège pas ça, moi. Moi, je suis ici pour celui qui veut travailler et qui est pénalisé, comprenez-vous, qui a le droit de manger et le droit de vivre. Moi, je ne suis pas pour la délinquance de celui qui ne paie pas son loyer et je ne suis pas ici pour défendre ça. Que celui qui travaille ou celui qui ne travaille pas, bien, qu'il ait les recours qu'il faut pour lui.

Mme Loiselle: Le pouvoir d'ordonnance qui serait donné à la Régie du logement, vous êtes d'accord avec ça?

Mme Lalanne (Jeanne): Ah, bien là... Il faudrait que vous demandiez à Sylvain, tantôt, du Comité des citoyens, je pense qu'il va vous répondre avec plus d'appoint que moi.

Mme Harel: Je pense que mon collègue le député de Bourassa, lui, en a parlé aussi.

Mme Lalanne (Jeanne): Bien, ne mettez personne dehors, en tout cas. S'il y en a qui ne paient pas leur loyer, peut-être que vous pourriez prendre arrangement pour qu'ils le paient tant par mois, et leur donner un mois de sursis. Je ne le sais pas, là, exactement, je n'ai pas vraiment étudié la question, moi, je suis plutôt ici pour l'emploi. Je vais vous dire honnêtement que je n'étais pas programmée pour répondre à ce genre de question là. Sylvain va vous répondre tantôt, hein, Sylvain?

M. Demers (Sylvain): Oui, je vais essayer.

Mme Lalanne (Jeanne): En tout cas, ne faites pas trop...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le prochain groupe.

Mme Loiselle: On posera la question à Sylvain.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le prochain groupe. On continue.

Mme Lalanne (Jeanne): Je ne suis pas pour la délinquance, c'est clair, ni du gouvernement ni du citoyen.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Mme Bureau, j'aimerais peut-être vous poser une question au niveau des jeunes. Tantôt, vous avez dit que dans votre région, au niveau de l'Amiante et tout ça, vous avez dit que le taux de suicide chez les jeunes est très, très élevé. Tout le caractère punitif, obligatoire, avec pénalité, il y a beaucoup de regroupements de jeunes qui sont venus nous dire que si on allait de l'avant pour les 18-24 ans avec la pénalité, ça pourrait les démotiver complètement et les faire décrocher. Vous semblez connaître la question au niveau des jeunes dans votre région, j'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Bureau (Louiselle): C'est un fait. Tu prends n'importe qui, tu vas le faire marcher à la menace, ce n'est pas très motivant de l'intérieur. Je pense que si tu as un incitatif positif pour faire avancer les gens, ils vont y aller, simplement. Les jeunes, dans notre région: on a un problème de suicide, et de un, et on a un deuxième problème qui s'appelle l'exode des jeunes. Ils s'en vont de chez nous parce qu'il y a peu d'emploi. Il y en a tellement peu qu'ils s'en vont ailleurs. Donc, notre population est vieillissante en plus et, tous les problèmes que ça peut occasionner, ça, ce n'est pas, en tout cas, en donnant une pénalité supplémentaire et même une deuxième de 150 $, qui porte leur chèque à 200 $ mensuellement, qui va les forcer ou qui va les inciter à réintégrer des mesures d'employabilité ou un parcours d'insertion, peu importe comment vous l'appellerez.

Mme Loiselle: Vous, est-ce que vous avez analysé la proposition gouvernementale au niveau du non-paiement des loyers pour les prestataires de la sécurité du revenu?

Mme Bureau (Louiselle): Au niveau du non-paiement des loyers, évidemment, un locataire qui s'engage à payer son loyer à un propriétaire devrait le payer, sauf que, vous avez vu, le barème d'aide sociale à 500 $ par mois pour une personne seule, il lui manque 167 $ par mois pour ses besoins minimums vitaux. Bon. Où est-ce qu'elle le prend, ce 167 $? Elle le prend ailleurs. O.K. Il arrive un pépin, il arrive quelque chose, tu ne peux pas payer ton loyer, ça arrive aussi. Je référerais aux statistiques et même au communiqué que Mme la ministre a sorti l'an passé, dans lequel elle disait que seulement 5 % des prestataires d'aide sociale étaient soit mauvais payeurs ou soit retardataires dans leurs paiements, ce qui est ni plus ni moins que dans la population en général. Est-ce qu'on prend des mesures comme ça? Est-ce qu'on dit: On va avoir le droit de saisir la paie d'un travailleur au salaire minimum ou d'un travailleur à 50 000 $ par année sitôt qu'il est en retard? Sitôt qu'il est en retard de 21 jours, par exemple.

Mme Lalanne (Jeanne): Ils le font. Ils le font. Certain qu'ils le font. Mets-en, qu'ils le font!

Mme Harel: Le Code de procédure civile le prévoit.

Mme Bureau (Louiselle): Oui, il le prévoit. C'est-à-dire que, en général, un propriétaire, il va attendre deux, trois, quatre mois. Et, quand le locataire ne paie pas, il va se présenter à la Régie du loyer où il va avoir un jugement et il va pouvoir saisir. O.K.? Sauf que, au niveau de l'aide sociale, vous savez fort bien aussi que le 1er du mois, ton loyer est dû. Le 21, s'il n'est pas encore payé, le propriétaire est justifié – il a le droit – il est en plein dans ses droits de se présenter à la Régie. C'est-à-dire que le 21 du mois, il peut se présenter, avoir une décision de la Cour et la faire appliquer. C'est-à-dire trois semaines plus tard, ça là. C'est très vite. Il peut s'être passé n'importe quoi entre-temps. Ça peut être un agent, des fois, qui décide de faire une enquête ou quelque chose; il suspend le chèque, par exemple pour présomption de vie maritale. Ça peut être plein de choses. Ça peut être un gars ou une fille qui est en attente d'assurance-emploi et qui n'a ni assurance-chômage, ni travail, ni CSST, ni rien pour vivre, et ça fait trois mois qu'il n'a pas de salaire, il n'y a pas une cenne qui rentre chez eux. C'est ça, là. Vous allez arriver à saisir un chèque de prestation dans ces conditions-là. C'est peut-être des cas un peu extrêmes ou caricaturés, mais ils sont très réels.

Mme Loiselle: Il y a certains groupes aussi qui nous ont dit que ça pourrait aussi susciter de l'abus de la part des propriétaires qui, dorénavant, diraient: Bien, écoute, si tu veux que je te loue mon loyer, tu signes le document pour le versement direct.

Mme Bureau (Louiselle): Effectivement. Il va y avoir des paiements préautorisés qui vont se prendre automatiquement dans le compte bancaire ou de la caisse populaire. Il va y avoir des abus.

Mme Loiselle: Tantôt, dans vos commentaires, vous avez démontré une grande préoccupation pour les mesures appauvrissantes pour les femmes de famille monoparentale. J'aimerais peut-être vous entendre davantage sur ça en relation aussi avec votre région. Qu'est-ce qui se passe dans votre région au niveau des familles monoparentales et de la pauvreté dans laquelle elles vivent?

Mme Bureau (Louiselle): O.K. La pauvreté des femmes. La pauvreté est au féminin, au Québec, c'est encore plus particulier, je pense, quelque part. Dans notre région, entre autres, il s'est parti comme une espèce de formation ou, en tout cas, elle est éminente: on veut apprendre aux mamans monoparentales à être de meilleurs parents. On veut leur apprendre plein de choses. Et elles sont obligées d'y aller, là! C'est écrit sur leur lettre, là: Tu vas avoir une coupure si tu ne vas pas là. Ça, ce n'est pas vrai que c'est s'il y a refus d'emploi que tu es coupé, refus d'une mesure désignée où ton agent te dit: Tu vas aller là. Si tu n'y vas pas, tu es coupé. Puis tu es coupé pendant 12 mois.

Mme Lalanne (Jeanne): C'est effrayant, ça!

Mme Bureau (Louiselle): Oui, c'est effrayant.

Mme Lalanne (Jeanne): Ça, ça ne marche pas. Ça, vous devriez changer ça, là, écoutez.

Mme Bureau (Louiselle): Ça, je l'ai vu plusieurs et maintes fois, là.

Mme Lalanne (Jeanne): «C'est-u» vrai, ça? C'est effrayant, ça là!

Mme Harel: Il faut que vous nous le faxiez, là.

Mme Bureau (Louiselle): Ah, oui? Avec plaisir!

Mme Harel: Faxez-le-moi à moi.

Mme Bureau (Louiselle): Je pense que je l'ai faxé, Mme Harel, si je ne me trompe pas, à Mme Rousseau, peut-être dans le mois de janvier, quelque chose comme ça, ou décembre. Mais ça, c'est vrai, vrai, vrai. Si elles ne se présentent pas, les mamans monoparentales, là: coupure.

Mme Loiselle: C'est une mesure AGIR? Est-ce que c'est pour la mesure AGIR?

Mme Bureau (Louiselle): Ce n'est pas AGIR, c'est une espèce de formation pour aider les mamans à être de meilleures mamans, finalement, pour les activer, pour leur dire: Bon, faites quelque chose; bougez-vous le cul un petit peu!

Mme Loiselle: Ça, c'est les agents des CTQ qui recommandent ça aux femmes?

Mme Bureau (Louiselle): Oui, c'est les agents qui recommandent ça aux femmes. Puis, je veux dire, cette formation-là a été mise sur pied notamment par notre directeur local CTQ avec une autre personne de la commission scolaire et trois ou quatre intervenants.

Mme Loiselle: Est-ce que ça se passe juste dans votre région?

Mme Bureau (Louiselle): Bien, en tout cas, apparence que c'était un projet-pilote pour l'ensemble du Québec, mais ils voulaient commencer chez nous. Ça, on est souvent un laboratoire, chez nous.

Mme Lalanne (Jeanne): On est en plein scandale!

Mme Loiselle: En plein quoi?

Mme Lalanne (Jeanne): Scandale.

Mme Loiselle: Bien, d'accord. Merci beaucoup.

(21 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Alors, au nom de la commission, merci beaucoup. J'invite maintenant la représentante et les représentants du Comité des citoyens et citoyennes du quartier St-Sauveur.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mme Villeneuve, c'est vous qui présentez les gens qui vous accompagnent et qui commencez la présentation, j'imagine.


Comité des citoyens et citoyennes du quartier St-Sauveur

Mme Villeneuve (Lucie): Oui. Ce ne sera pas long, le temps qu'on s'installe. Bonsoir. Je vais me présenter, Lucie Villeneuve, je suis coordonnatrice du Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur de Québec. À ma droite, vous avez Martin Côté, qui est citoyen et administrateur du Comité des citoyens; à ma gauche, Sylvain Demers, coordonnateur au Comité des citoyens également; Carol-André Simard, citoyen et administrateur du Comité; et Rémy Gauthier, au même titre, citoyen et administrateur du Comité.

Pour commencer, en termes d'introduction, nous avons choisi de rédiger ce mémoire tout en ne croyant pas que le processus soit réellement consultatif et démocratique. Pour nous, il l'aurait été davantage si nous avions pu consulter auparavant les citoyennes et citoyens. Ce qu'il faut voir, c'est qu'avec le congé des fêtes c'était un petit peu serré pour nous. Nous croyons que le gouvernement et la ministre ne considèrent pas les personnes assistées sociales comme de véritables citoyennes, puisqu'il leur a été impossible d'être entendues comme individus à cette commission. Il a fallu passer par les groupes pour se faire entendre. D'ailleurs, le temps alloué pour prendre connaissance du livre vert, pour l'analyser, se l'approprier et se positionner a été insuffisant.

Après une première lecture, ce qu'on a constaté, c'est qu'après plusieurs années – moi, j'étais là en 1988 – la lecture du livre vert de 1988 et la lecture du livre vert de 1996, on ne voit pas beaucoup de différence. On voit qu'il y a les mêmes objectifs qui est la réinsertion au travail, sensiblement les mêmes moyens, quand on parle de pénalités et qu'on ne change pas beaucoup de choses en termes de réforme. Ce qu'on peut voir, c'est que 10 ans après, le constat, c'est l'échec en termes d'insertion au travail. Pourquoi? Parce que l'économie des coûts était la base même du projet, donc pas une véritable insertion au travail; on visait plutôt une sortie de l'aide. C'est un des grands questionnements qu'on a actuellement par rapport au livre vert actuel. Nous trouvons tout de même important d'y participer, à cette consultation, et nous espérons que cela permettra des changements porteurs d'un projet de société équitable et qui tiendra compte de la réalité des personnes assistées sociales.

Dans les prochaines 20 minutes, nous vous présenterons nos positions comme comité de citoyens d'un quartier populaire, celui du quartier Saint-Sauveur à Québec. Le vécu de pauvreté du quartier va nous permettre de mieux comprendre la réalité exacte d'un contexte avec un livre vert.

Pour commencer, on va vous faire un bref portrait du quartier Saint-Sauveur. Ensuite, on va vous présenter l'analyse comme telle du livre vert en commençant par le parcours individualisé pour l'emploi. On va aller par la suite avec: Miser sur l'économie sociale pour créer de l'emploi, c'est utopique, et: Un régime équitable pour qui? On va parler de la démocratie des structures, ensuite: Que faisons-nous de la pauvreté? Pour terminer avec les revendications de notre mémoire.

Donc, je vais passer la parole maintenant à Sylvain Demers.

M. Demers (Sylvain): Bonsoir. Alors, avant de tracer le portrait des citoyens et des citoyennes du quartier St-Sauveur, juste se situer, nous, comme comité de citoyens et citoyennes. Alors, nous, on existe depuis maintenant plus de 27 ans. Il va de soi que les objectifs fondamentaux de notre organisme, c'est la défense et la promotion des intérêts des citoyens et des citoyennes dans un quartier populaire, comme disait Lucie, donc un quartier urbain fortement amoché par l'étalement urbain des années soixante, soixante-dix, qui fait qu'on a une économie qui est sclérosée à tout point de vue dans notre quartier. Donc, c'est une économie qui a de la difficulté à vivre, à lever, à se développer, parce que l'argent va ailleurs, parce que l'argent va dans nos banlieues. Et, comme toute grande ville-centre, on a à vivre avec le phénomène du trou de beigne, et ça, c'est forcément ancré, fortement ancré dans la dynamique même de la prise en charge collective de nos moyens, de nos ressources et de notre devenir comme collectivité.

Ceci dit, les citoyens et les citoyennes, vous l'aurez compris, ce sont des citoyens et des citoyennes pauvres; une personne sur deux ne travaille pas, dans le quartier; donc, inactifs sur le marché du travail, ce qui signifie, entre autres, que c'est, à 30 %, des prestataires d'aide sociale. Le reste se répartit comme suit: des personnes âgées qui bénéficient de pensions de vieillesse, des personnes accidentées du travail, des personnes qui bénéficient du régime d'assurance-chômage, maintenant assurance-emploi.

Alors, tout ça mis ensemble, ça a des effets monstrueux sur la qualité de vie des citoyens et des citoyennes, ça fait en sorte que tout est devenu précaire pour eux. Et toute la capacité de s'assumer pleinement pour développer son plein potentiel est fortement ébranlée et remise en question, fondamentalement. Ça veut dire que c'est des gens qui ne sont pas capables de payer leur loyer, pour bien des fois. Ça veut dire que c'est des gens qui ont de la misère à nourrir leurs enfants plus souvent qu'autrement. C'est des phénomènes d'éclatement des familles, donc beaucoup de personnes isolées, à 43 % de la population, des personnes qui vivent seules dans notre quartier, dont une forte majorité de personnes âgées. C'est des problèmes majeurs en termes de support, d'encadrement, pour faire en sorte que nos enfants soient capables de prendre leur place et de faire un cheminement académique qui corrobore leur désir, leur volonté de s'épanouir. Alors, tout ça mis ensemble fait en sorte qu'on se retrouve dans un milieu de vie extrêmement pénible, extrêmement difficile. Le taux d'effort au logement pour 44 % de la population, ça s'élève à plus de 30 % de leurs revenus et, souvent, c'est 50 %, 60 % de leurs revenus. Alors, c'est bien clair que, quand tu as à choisir entre te nourrir et payer ton loyer, le choix n'est pas trop dur à faire.

Et là je pourrais en dire abondamment dans ce sens-là. Ça va de mal en pis depuis les années quatre-vingt, depuis le tournant où l'entreprise privée s'est mise à jouer allégrement dans le devenir et le développement de l'économie. Avec les forces, avec tout le délestage de la déréglementation des paliers gouvernementaux supérieurs, on se rend compte qu'on s'en va nulle part, et on n'a pas l'impression – puis on va en jaser plus à fond dans la question des parcours, etc. – on n'a pas l'impression que, avec ce qui nous est proposé actuellement, on va aller très loin avec ça.

Alors, je vais m'arrêter là parce que ça peut... Retenez bien que, fondamentalement, un peu comme la ministre le connaît très bien dans son comté, c'est, en parallèle, comme Hochelaga-Maisonneuve. Et c'est clair qu'il va falloir qu'on donne des coups de barre importants, en même temps au niveau de l'économie – la création d'emplois, l'interpellation de l'entreprise privée dans l'investissement, dans le développement et la création d'emplois – et, en même temps, sur la question de l'économie sociale, il va falloir qu'on regarde ce que ça implique aussi. Mais, aussi, tout n'est pas lié à la question de la création d'emplois. C'est de l'utopie pure que tout le monde va travailler demain matin; il ne faut pas se conter d'histoires. Donc, il y a toute la question du maintien et du développement d'un revenu minimal pour tout le monde.

Je vais m'arrêter là-dessus. Le parcours, maintenant, je vais donner la parole... C'est Carol-André qui va, par un témoignage, vous dire ce qu'il en est du parcours, en ce qui le concerne.

(21 h 10)

M. Simard (Carol-André): Bon, je vais vous parler de parcours individualisé pour l'emploi. Les personnes assistées sociales ne sont pas sans emploi à cause de raisons individuelles, mais à cause de raisons sociales. Je vais prendre mon exemple. Mon nom, c'est Carol-André Simard, j'ai 44 ans. J'ai une formation de journaliste et en sciences politiques, et puis je fais partie des 50 000 diplômés universitaires qui sont sur l'aide sociale à travers la province. Et puis, à mon âge, même si ce n'est pas dit, nulle part, déjà, au niveau du journalisme et peut-être des sciences politiques, je me sens très discriminé. Évidemment, même, on sait que les gouvernements, auprès de mes employeurs... puis déjà on parle de peut-être mettre le monde à la retraite à 55 ans. Et puis dans les journaux, les journaux ici, à Québec, sont très rares, il y a Le Soleil puis il y a le Journal de Québec , puis leur politique, c'est de prendre du monde de 23, 24 ans à peu de salaire puis les former selon leur goût.

Et puis, étant donné que l'ouverture... 90 % peut-être de la presse écrite et tout l'imprimer, c'est à Montréal; pour des raisons familiales, je ne peux aller à Montréal. Et puis, étant donné que je ne peux avoir de poste de journaliste, il y aurait toujours agent de communication. Mais, agent de communication, j'ai été longtemps à l'emploi de certains ministères, et puis ces ministères-là... Ça faisait mon affaire dans le temps, j'étais occasionnel, mais, par les coupures budgétaires, ces occasionnels-là ont été expulsés; on a pris des permanents, des anciens MED peut-être, là, des mis en disponibilité. Et puis, actuellement, c'est complètement fermé de surcroît de ce bord-là.

Puis il y aurait des emplois toujours alternatifs, mais, encore là, ou bien on est assez diplômé ou bien on est trop diplômé. Je pense qu'en plus de ma formation universitaire j'ai une très grande formation autodidacte. J'aurais voulu me placer peut-être comme commis de librairie, comme agent de bureau, et puis les employeurs ont peur de m'employer. Je ne parle pas juste pour moi, je parle au nom de tout le monde qui a le profil académique comme moi. Dans notre groupe, dans le quartier Saint-Sauveur, il y en a plus qu'on pense, il y a beaucoup de monde diplômé universitaire qui, faute d'avoir de l'argent, de rester dans Montcalm ou dans Sainte-Foy, est en situation de misère dans le quartier Saint-Sauveur. Et puis, au nom de tous ceux-là, je me fais le porte-parole. Et puis, c'est ça, ces emplois alternatifs là nous sont fermés parce que les employeurs disent: Bien oui, regarde, tu as un diplôme universitaire; dans deux mois, tu vas partir. Puis, encore là, ils prennent du «cheap labor», ils prennent des petits jeunes qui sont capables d'encaisser. Puis, en plus, dans notre curriculum vitae, il faut tout évincer, notre passé syndicaliste. Parce que, quand j'étais dans la fonction publique, j'étais syndicaliste. Ça fait que, là, il y a plusieurs boîtes qui disent: Ah! tu as déjà fait du syndicat. Ils ne diront pas que tu as fait du syndicat, ils ne diront pas que tu es trop vieux, mais ils ne t'emploieront pas.

Là, il resterait toujours le statut d'un travailleur autonome. Mais le travailleur autonome, c'est que, en étant sur l'aide sociale – ça fait à peu près cinq, six ans que j'alterne d'une mesure d'employabilité à l'autre – on n'a aucun revenu discrétionnaire. Je n'ai pas un sou, en bon québécois, pas une token pour m'acheter un ordinateur, pas une cenne, pas plus d'argent pour me relier à un modem, pas plus d'argent pour avoir un casier postal pour faire peut-être de la correction d'épreuves.

Bon, en tout cas, toujours est-il que la pauvreté a plusieurs visages et que la pauvreté, elle peut être universitaire puis elle peut être diplômée. Ça fait que je vais vous passer Lucie.

Mme Villeneuve (Lucie): Tout ça pour dire qu'un parcours individualisé pour l'emploi, qu'on soit jeune ou qu'on soit à 44 ans, à partir du moment où tu as en bas de 55 ans, c'est difficile, de la réinsertion au travail. Parce que c'est le marché du travail qui est fermé. Leur offrir des formations, leur offrir des mesures d'insertion, ce n'est pas évident. J'ai rencontré plusieurs personnes qui travaillent en même temps qu'elles sont à l'aide sociale. Qu'est-ce qu'on va leur proposer à ces personnes-là? Ce dont les personnes ont besoin, c'est un salaire plus décent, puis, en plus, un travail qui a plus d'allure. Nous, ce qu'on propose, dans le fond, ce qu'on aimerait, c'est que, au niveau du système ou des CLE, comme vous les présentez, il y ait une approche centrée sur les personnes. C'est clair que les parcours, vous dites: Ça va être individualisé. Ce qu'on demande, dans le fond, c'est que les démarches reconnaissent la réalité des personnes, donc les projets personnels. Ça veut dire qu'en reconnaissant les projets personnels le taux de réussite va être meilleur, mais à condition que ce soit volontaire.

J'ai participé à un projet de recherche qui s'appelle Pauvreté et insertion au travail , avec l'Université de Montréal, Christopher McAll et Deena White. On a rencontré des travailleurs qui travaillent dans les organismes communautaires, dans des organismes d'insertion au travail autant que dans les CTQ, et une des choses fondamentales qui ressortait autant avec des agents de Travail-Québec, c'est qu'il faut que ce soit volontaire pour que ça marche. La majorité des personnes qui ont réussi à avoir des taux de succès, c'était quand elles étaient bien, qu'elles étaient fières, qu'elles avaient un bon suivi et c'était volontaire. Les autres, ça ne marchait pas; ça roulait, ça roulait, les gens ne sortaient pas, ils ne restaient pas au travail. Donc, c'est ça. Et ça prend aussi un support en termes de suivi pour maintenir en emploi, donc un véritable support en termes de revenus décents.

Tantôt, Carol-André disait qu'il n'y avait pas d'argent pour réinsérer le travail, bien c'est ça. Jeanne l'a ramené tout à l'heure: les gens, quand ils ont besoin de manger, à partir du moment... On en parle souvent, des fois, au Comité, il y en a un qui nous le ramène: la pyramide de Maslow. Quand tu t'occupes juste de manger, que tu t'occupes de ta survie... Lui, c'est une pyramide avec les besoins primaires, besoins secondaires, besoins tertiaires. Bon, bien, quand tu as des besoins primaires, tu ne penses pas à aller travailler ou à faire des démarches parce que tu as juste le goût de survivre, t'occuper de manger, payer ton loyer, puis réussir à survivre si, à un moment donné, tu n'as pas de grippe. Parce que, si tu tombes avec la grippe, c'est un gros problème parce que tu n'as pas ta carte-médicaments pour payer tes médicaments, donc tu es obligé de la maintenir, la grippe, pendant un grand bout de temps. Puis, quand tu vis la pauvreté, la grippe, elle peut rester plus longtemps parce que tu ne manges pas assez à ta faim, parce que tu es obligé d'aller dans des banques alimentaires puis des choses comme ça.

Ce qu'on demande aussi, c'est qu'au niveau de l'aide financière autant que des conseillers en emploi, ce soit une véritable séparation. Si vous décidez d'aller quand même dans les pénalités, que ce ne soit pas les conseillers en emploi qui aient à gérer les pénalités parce qu'il n'y a aucune relation de confiance avec une personne qui gère la pénalité, ça devient une relation de contrôle. Et c'est exactement ce qui se passe actuellement dans le système de sécurité du revenu et, dans les enquêtes, c'est clair que ça ressortait, les gens ne savent pas faire la relation entre la relation d'aide et la relation de contrôle. Donc, ça, il faut absolument que ce soit séparé, très clairement, et il faut que les agents conseillers aient une formation dans les domaines professionnels, autant de relations d'aide que d'orientation au travail. Ça, c'est essentiel.

Ça fait qu'on va continuer au niveau plus de l'économie sociale.

M. Demers (Sylvain): Oui, la question de l'économie sociale, bien on ne l'invente pas, ça existe depuis plus... Oui. Pardon?

Une voix: Cinq minutes.

M. Demers (Sylvain): Juste cinq minutes. Hé monsieur, monsieur, monsieur! Bien, tout ça pour dire que la question de l'économie sociale, ce n'est pas l'alternative au manque d'emplois traditionnel. Il faut que ce soit un complément. Mais ce n'est pas la seule locomotive qui va faire en sorte que notre collectivité va s'en sortir, parce que c'est des emplois précaires plus souvent qu'autrement. Les organismes qui développent puis qui font de l'intervention au niveau social, au niveau communautaire, sont sous-financés, etc. Et, en même temps, quand tu as à jouer dans les plates-bandes de l'entreprise privée, parce que tu as à concurrencer un certain marché qui est occupé un peu par l'entreprise privée, bien, c'est bien clair que là tu ne survivras pas. Et là il va falloir qu'il y ait des normes très précises. Dans ce sens-là, Rémy, lui, il en vit l'expérience. Je vais donner la parole à Rémy qui vit dans une coop de travail, lui, basée sur l'économie sociale.

M. Gauthier (Rémy): Bonsoir, membres de la commission. Mon nom est Rémy, j'ai 36 ans, et puis l'aide sociale, ça fait déjà quelques années que j'en vis. Au début des années quatre-vingt, avec la crise économique, je me suis retrouvé sur l'aide sociale. Alors, je me suis décidé à ce moment-là à me reprendre en main et puis à finir un secondaire V, et puis à m'en aller en éducation spécialisée, à aller me chercher un D.E.C. en éducation spécialisée, au niveau collégial.

Alors, en sortant de mon D.E.C. en éducation spécialisée, une autre crise économique qui arrive en 1990, et hop! encore sur l'aide sociale. Alors, à un moment donné, je me suis dit: J'ai sorti d'un trou de bouette pour carrément sauter les deux pieds dans un autre carré de bouette. Et puis, ça, ça fait des années, ça fait déjà pratiquement... si je calcule les années entre 1980 et 1985... ça fait déjà pratiquement 10 ans que je retire de l'aide sociale.

Alors, je sors de mon D.E.C. en éducation spécialisée en 1991. Et puis, au début, quand j'ai commencé mon D.E.C., ils me promettaient qu'il y avait de l'ouvrage là-dedans, il y avait de l'ouvrage à mort là-dedans, il semblerait que... Puis, en 1991, quand j'ai sorti, oups! là il n'y en avait plus d'ouvrage. Alors, au niveau institutionnel, il n'y avait pas d'emploi là-dedans. Pourquoi? Parce qu'il y avait des coupes de budgets et puis il y avait des coupures de postes aussi.

Alors, dans le niveau communautaire, ce n'était pas mieux non plus parce que tout ce qu'il y avait à offrir au niveau communautaire, c'étaient des programmes EXTRA et des programmes RADE. Et puis, si tu fais l'affaire sur un programme EXTRA, au bout d'un an, à ce moment-là, on te donne un programme PAIE. Alors, j'ai fini mon programme EXTRA ou RADE. Un coup que j'ai eu fini mon programme EXTRA ou RADE, qu'est-ce qui est arrivé? Ah! désolé, Rémy, tu ne fais pas notre affaire, je n'ai pas de programme PAIE pour toi. Alors, hop! un beau merci, un beau bonjour, puis c'est la porte.

(21 h 20)

Présentement j'occupe deux emplois, je travaille au Comité des citoyens, je suis un membre actif au sein du Comité des citoyens, je fais partie du conseil d'administration, et puis on essaie, avec d'autres membres, de se partir une coop de travail en entretien ménager. Le problème avec ces deux emplois-là, c'est que mes revenus, que je retire du Comité des citoyens et de la coop de travail, sont insuffisants pour pouvoir payer, justement, mon prêt et bourse occasionné par les études que j'ai faites, et puis des assurances qu'il faut que je prenne comme tout le monde, et puis mon loyer, et puis, bon, il faut que je mange comme tout le monde. Et puis, ça, ça amène de l'insécurité financière. Lorsqu'on est entre deux – comment je pourrais dire – entre deux chevaux de même, c'est-à-dire, lorsqu'on a deux revenus d'emploi et qu'il faut déclarer ça à l'aide sociale, c'est – comment je pourrais vous dire – un imbroglio administratif, ce n'est pas possible. Il faut que tu déclares tes revenus. Si tu n'en déclares pas assez, puis eux autres t'en donnent trop, il faut que tu les rembourses, puis tu n'as déjà même pas assez d'argent pour pouvoir survivre. À ce moment-là, ils t'enlèvent 56 $ par mois, parce que, là, tu n'en as pas assez déclaré. Alors, là, tu dis: Bon, on va essayer de s'organiser pour être capable de survivre avec nos deux emplois qu'on a, puis, ça, ça amène toujours de l'insécurité financière et puis ça devient dur à supporter, surtout moralement.

Et puis il y a aussi le fait de la politique du 500 $ de barème de base plus le 174 $ que tu as le droit de gagner; tu as droit à 500 $ par mois plus 174 $ de revenus d'emploi. Mais, ça, je trouve que ça ne nous encourage pas à vouloir se sortir de l'aide sociale puis à travailler plus, parce que tu dis: Ça ne me donne rien de travailler plus, j'ai droit juste à 174 $ par mois. Alors, qu'est-ce que ça me donne de travailler deux jours ou trois jours de plus? parce que je sais qu'à l'autre bout je vais être coupé puis je vais revenir à 674 $ par mois. Alors, ça ne nous encourage pas à vouloir sortir de l'aide sociale, c'est des mesures qui... O.K. Alors, tout ça pour terminer. Alors, c'est ça, en gros. Excusez, c'est tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est clair.

Une voix: Il en avait gros sur le coeur. C'est toi qui finis?

M. Côté (Martin): Oui. Martin Côté, citoyen de Saint-Sauveur. Alors, je suis venu ici ce soir pour jaser de démocratie et du droit à la parole. Il me reste deux minutes, finalement. D'abord, vous dire qu'on considère, au Comité des citoyens de Saint-Sauveur, que le processus actuel de consultation sur la réforme est, à certains égards, antidémocratique, d'une part parce qu'il y a des enjeux importants ailleurs et qui ne font pas partie de cette consultation-là – je pense, entre autres, à l'assurance-médicaments, qui est déjà en cours, et à la politique familiale – et, en ce sens-là, quant aux structures proposées par la réforme – et là on fait référence au Conseil des partenaires et au comité des usagers – bien, on se questionne beaucoup quant au respect des valeurs démocratiques de base, c'est-à-dire le droit au pouvoir de la parole.

Bien que l'idée soit bonne – fondamentalement, elle soit bonne – il faut souligner que les structures, elles sont consultatives. Alors, on se questionne, à savoir quel sera le vrai pouvoir des personnes assistées sociales dans ces structures-là. Donc, on craint aussi que cette mesure-là s'assimile à un contrôle de l'État et puis que ça se fasse, évidemment, par personnes ou structures interposées, donc les structures mentionnées plus haut. On questionne aussi le caractère partenarial de ces structures-là, parce que tout le monde sait ici que «partenaires» n'est pas synonyme de «partenaires égaux», qu'il y a des partenaires qui, souvent, ont plus de pouvoirs que d'autres et, à cet effet-là, on craint que les droits des personnes assistées sociales soient la plupart du temps assujettis aux intérêts du milieu des affaires ou du gouvernement.

J'aimerais vous rappeler, Mme la ministre, qu'il y a des exemples concrets de partenariats qui se sont soldés par l'imposition des intérêts les plus forts. Et je citerai, entre autres, l'exemple qu'on a vécu récemment dans la région de Québec concernant la mise sur pied des carrefours jeunesse-emploi, où, justement, il y avait un comité aviseur qui avait été mis en place pour désigner un organisme porteur du carrefour jeunesse-emploi, donc un comité aviseur qu'on pourrait appeler comité des partenaires aussi, et vous rappeler que les orientations prises par ce comité-là n'ont pas été suivies par la classe politique. Donc, vers où nous mène le partenariat, souvent, lorsque je disais que c'est les intérêts les plus forts qui, souvent, sont avantagés?

Vous dire également que la réforme insiste sur une chose, c'est la responsabilisation des personnes assistées sociales. Mais, dans le concret, dans une société démocratique, il faut leur donner du pouvoir pour qu'effectivement elles puissent se responsabiliser. Combien de minutes peut-être? Une minute?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ah! il y a déjà trois minutes de passées...

M. Côté (Martin): Donnez-moi deux minutes et je termine...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...on est sur l'élastique étiré, là.

M. Côté (Martin): Deux minutes et je termine. Finalement, vous dire aussi que nous craignons que le Plan local d'action qui est proposé, le Plan d'action concerté, établisse les priorités d'action selon les besoins locaux sans tenir compte des aptitudes et des besoins de chacun, donc c'est important de tenir compte aussi, non seulement des priorités locales, mais aussi des besoins des gens qui sont vraiment impliqués là-dedans.

Vous dire aussi que le Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur fait siennes des revendications de la Coalition nationale et de la Coalition Droit concernant...

D'une part, que toute personne a droit à un revenu décent qui permet de vivre dans la dignité, c'est-à-dire, je fais référence, par exemple, à l'annexe 12 où on dit que le barème minimum devrait être de 667 $, et ce qu'on propose, c'est plutôt 500 $.

Deuxième revendication, que toute personne a droit de participer à la société de façon pleine et entière, que ce soit par l'emploi ou autrement, et on fait référence, par exemple, à la reconnaissance de l'implication bénévole dans les organismes. Oui, monsieur, je termine dans 30 secondes.

Et puis que l'État est responsable d'assurer une réelle distribution de la richesse et une véritable politique de création d'emplois. On attend toujours une vraie réforme sur la fiscalité.

Quatrième revendication, le régime de la sécurité du revenu doit reposer sur les valeurs démocratiques reconnues dans notre société et, dans cette perspective, il doit notamment favoriser l'autonomie des personnes et combattre toute forme de discrimination, et je dirais aussi reconnaître les organismes qui travaillent à la défense des droits des personnes assistées sociales.

Cinquième revendication, que l'aide financière soit dissociée de l'aide à l'emploi. Nous refusons donc toute mesure qui s'assimile au «workfare».

Et sixième revendication, une démocratisation du système de sécurité du revenu.

Concernant le logement, aussi, on aimerait faire reconnaître le droit de toute personne à un logement convenable à un prix abordable, ce qui veut dire que la sécurité du revenu devra remettre aux personnes assistées sociales une somme qui représente le coût réel pour le paiement de leur loyer; le contrôle universel obligatoire des loyers, l'enregistrement des baux et la construction de nouveaux logements sociaux avec des loyers plafonnés à 25 % du revenu et l'abolition de la coupure pour partage du logement. Et je finis ma course là-dessus, monsieur. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Je vous dis tout de suite, M. le Président, que je suis convaincue que le député de Taschereau veut aussi participer à l'échange et que je lui consacrerai donc du temps, d'autant plus que vous ne serez pas aussi tolérant, j'imagine que le 20 minutes, dans notre cas, va s'appliquer brutalement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ah! le cinq minutes, il faut que je le prenne à quelque part, Mme la ministre.

Mme Harel: Bon. Alors, écoutez, allons peut-être à l'essentiel. Tantôt, je ne sais pas si c'est Rémy ou si c'est... je pense que c'est... je ne suis pas certaine, vous qui dites...

Des voix: Carol-André.

Une voix: Carol-André.

Mme Harel: C'est Carol-André.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Carol-André.

Mme Harel: Je n'osais pas dire Carol-André. Vous devez vous faire dire parfois que ça a l'air d'être un prénom de fille, ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Carol-André): Ça, je me le suis fait dire pendant 10 ans.

Mme Harel: Mais, écoutez, je ne sais pas lequel de vous deux a dit ça, mais les années... entre 1990 et 1995, en cinq ans, il y a eu augmentation de 90 000 nouveaux ménages et puis il y a eu... vous, vous avez dit avoir tenté, finalement – je pense que c'est Rémy – vous avez dit: Bon, j'ai suivi des cours et je suis retombé de la bouette à je ne sais pas quoi...

Une voix: à la bouette.

Mme Harel: À la bouette.

Une voix: Au même trou de bouette, oui.

Mme Harel: Bon, entre 1990 et 1995, imaginez-vous qu'il y en a eu 205 000 en cinq ans; c'était 90 000 ménages, mais 205 000 personnes, et c'était à peu près 1 000 000 000 $ d'augmentation en cinq ans. Quand je lisais votre mémoire, les derniers, derniers mots: «Le déficit zéro, c'est bien beau, mais on ne vit pas que d'eau fraîche!», je me disais: C'est vrai, parce que dans trois semaines, dans les crédits, c'est 4 233 000 000 $ cette année, le budget à l'aide sociale.

Et quand on regarde par rapport, par exemple, à l'année passée, il va y avoir une diminution, mais les surprises sont déjà connues étant donné que, moi, les compressions, je les avais rendues publiques le 13 janvier. Mais la compression va être de 1,5 %, ça va être exactement 61 000 000 $. Et l'année d'avant, il n'y en avait pas finalement, parce que c'est l'augmentation du nombre de ménages. Puis je pense, je ne veux pas reprendre le débat qu'on a eu sur l'assurance-emploi, mais c'est terriblement inquiétant de voir des gens cotiser à une assurance, c'est comme si on cotisait pour avoir une assurance-vie ou une assurance-incendie, puis, quand le feu prenait, là on nous disait qu'il y avait une petite clause en bas puis qu'on n'était pas assurés. C'est comme ça, finalement, l'assurance-emploi.

(21 h 30)

Alors, vous nous dites, et vous avez dit bien des choses... Peut-être juste un mot à Carol-André sur le Soutien à l'emploi autonome. Ça vous a déjà été parlé, ça, le programme Soutien à l'emploi autonome? Ça, c'est quelque chose qui permet de soutenir l'emploi autonome, mais il y a aussi diverses mesures. Je vous le dis juste comme ça parce que, tantôt, vous parliez du «computer», vous parliez du modem, vous avez parlé de diverses choses, et, comme vous-même en avez parlé le premier et que vous avez parlé du fait que vous n'aviez pas accès à ce qui vous permettrait d'avoir un emploi autonome, je vous le dis simplement, si ça peut vous être utile.

Mme Villeneuve (Lucie): Ça existe encore, le Soutien à l'emploi autonome?

Mme Harel: Oui, ça existe encore.

Mme Villeneuve (Lucie): Il y en a plusieurs que j'ai rencontrés qui m'ont dit qu'ils avaient fait toutes les démarches et qu'à un moment donné, woops! ça ne marchait plus.

Une voix: Il n'y avait pas d'argent.

Mme Villeneuve (Lucie): Il n'y avait plus d'argent, pas de fonds.

Mme Harel: Non. Le Soutien à l'emploi autonome fonctionne encore, parce que le Soutien à l'emploi autonome, du point de vue de la sécurité du revenu, c'est la subvention salariale qui dure un an pendant le temps où on met en place son emploi. Ce qui est à modifier, c'est évidemment l'environnement de ça, parce qu'on se rend compte que les CDEC avaient mis en place des micro... – comment on appelle ça? – des micro-investissements, des cercles d'emprunt qui ont infiniment...

Une voix: Des microcrédits.

Mme Harel: Microcrédits. Merci, Marie. Ils ont infiniment plus de succès que, finalement, ce genre de subventions où la personne n'est pas en réseau. Elle ne peut pas, dans le fond, quand il y a un coup dur dans le mois ou dans l'année, compter, finalement, sur ses pairs. Alors, l'idée, c'est non pas d'abolir ça, bien au contraire, parce que c'est quelque chose de très important dans les axes d'une politique active, mais d'y aller plus en endossant ce qui se fait déjà avec les microcrédits, les cercles d'emprunt, etc., de manière à ce que la personne puisse se trouver à être en contact avec d'autres. Puis ce n'est pas simple, créer son propre emploi.

Mme Villeneuve (Lucie): Mais, en même temps, c'est limité quand même. Les cercles d'emprunt, tu ne peux pas en avoir beaucoup; il y a peut-être une dizaine, une quinzaine, une vingtaine de personnes. Mais, en termes de nombre de personnes qui en ont besoin, c'est plus que ça.

Mme Harel: Il ne peut pas y avoir beaucoup de personnes dans un cercle d'emprunt, mais il peut y avoir beaucoup de cercles d'emprunt.

Mme Villeneuve (Lucie): Oui.

Mme Harel: On n'est pas obligé de se limiter à un ou deux cercles d'emprunt. On voit très bien l'engouement qui est en train de se profiler.

M. Demers (Sylvain): Oui, mais c'est parce qu'il faut faire attention. Parce que ça, c'est un support au démarrage, mais, en termes de maintien, c'est une autre paire de manches. Puis, là-dessus, c'est comme le néant, on se perd là-dedans. C'est tout le débat sur l'économie sociale aussi, hein. Qu'est-ce qui fait...

Mme Harel: Il faut faire attention parce que les SAJE viennent de justement... Je ne sais pas si vous êtes au courant; c'est la semaine passée, ça... Vous connaissez les SAJE, évidemment, hein.

Mme Villeneuve (Lucie): Oui.

Mme Harel: Et puis ils viennent d'obtenir, je pense que c'est quelque chose comme l'équivalent de 1 500 000 $ pour assurer...

Mme Villeneuve (Lucie): Oui, mais les SAJE, c'est quand même les jeunes...

Mme Harel: De moins de 35 ans.

Mme Villeneuve (Lucie): ...les jeunes entrepreneurs.

Mme Harel: C'est vrai, de moins de 35 ans.

Mme Villeneuve (Lucie): Oui, mais, quand tu as 44 ans, tu n'as pas affaire aux SAJE.

Mme Harel: Voilà. Mais, en même temps, à ce moment-là convenons, vous surtout, Lucie, qui avez dit qu'il n'y avait pas de différence entre la loi 37 puis la réforme...

Mme Villeneuve (Lucie): Je peux t'expliquer...

Mme Harel: Convenons d'une chose, c'est que dorénavant, au minimum, on va mettre fin à la catégorisation des chômeurs à l'aide sociale qui n'avaient pas droit à autre chose que de rester sur l'aide sociale dans des mesures d'employabilité...

Mme Villeneuve (Lucie): Mais, quand on parle de...

Mme Harel: ...et puis on va avoir des centres locaux de développement.

Mme Villeneuve (Lucie): Quand je parlais qu'il n'y avait pas de différence, c'est que... Quand tu étudies c'était quoi, la loi en 1988, la loi 37, en termes de discours, c'était un beau discours aussi, c'était intéressant ce qui était présenté, sauf que, quand elle a été mise en application et que l'argent a été enlevé au fur et à mesure dans les CTQ et que les objectifs opérationnels, les attentes opérationnelles, c'était de couper des sous, couper des argents et récupérer des sous... L'insertion en emploi, les agents, ils n'en faisaient pas, d'insertion en emploi. C'est là-dessus. En termes de discours, le livre vert qui est présenté, il est très intéressant. Il y a des choses, en termes de discours, intéressantes. Il y a des choses qu'il faut lire entre les lignes et se dire: Quel genre de moyens vont être mis? Comment ça va être opérationalisé? C'est tout ça qu'on se dit. C'est quoi, les moyens qui vont être mis en opération?

Quand on sait que le système de la sécurité du revenu actuel n'a pas réussi à mettre en emploi les personnes assistées sociales, est-ce que, avec le déficit zéro qui est maintenu, avec les coupures à l'intérieur du système de la sécurité du revenu, on va réussir à mettre en place un parcours vraiment individualisé, avec une insertion, avec une formation, avec un soutien, un véritable soutien? C'est là-dessus qu'on se questionne.

Mme Harel: Bon, écoutez bien. En tout cas, au départ, on va mettre plus de chances de notre côté. Une des chances qu'on peut mettre de son côté en partant, c'est de ne pas avoir un réseau exclusivement pour les chômeurs à l'aide sociale, puis un autre réseau pour les travailleurs en emploi, puis un troisième réseau pour les chômeurs prestataires d'assurance-emploi. On a une grosse industrie du chômage au Québec, ça emploie 11 500 personnes.

Mme Villeneuve (Lucie): Oui, ça, on le sait.

Mme Harel: Cette année, ça dépassera 9 000 000 000 $ – 9 000 000 000 $ – puis on a tous l'impression de ne pas en avoir pour notre argent. Alors, il y a un problème: on investit énormément dans le chômage puis on n'investit pas, d'aucune façon, dans le développement, ou quasiment. Alors, on va mettre quelques chances de notre côté. On va simplifier les 110 mesures de main-d'oeuvre en cinq axes, n'est-ce pas: préparation, insertion, maintien, stabilisation et création d'emplois. Et ces interventions vont se faire, pas par des programmes normés, mais par des fonds: fonds local, régional, national, avec un plan local, qui n'existait pas, d'action pour l'économie et l'emploi, où le CLSC, la commission scolaire, les milieux des affaires, le milieu communautaire vont se retrouver.

On va aussi être capables, là, plus en fonction de l'étiquette des gens, de dire: Non, on regrette; toi, ton temps est fini; il aurait fallu que tu sois sur l'assurance-emploi pour avoir ce programme-là.

M. Demers (Sylvain): Mais, Mme Harel, ça aura...

Mme Harel: Et puis on va réduire les 70 catégories de barèmes à 10. Tu sais, ça simplifie la vie quand on arrive puis qu'on sait où on s'en va.

M. Demers (Sylvain): Oui. Mais, Mme Harel, qu'on simplifie les structures, qu'on débureaucratise les choses, ça, c'est une affaire, mais la finalité fondamentale pour une personne assistée sociale, c'est de ne plus être une personne assistée sociale.

Mme Harel: Voilà!

M. Demers (Sylvain): C'est d'avoir un emploi.

Mme Harel: Voilà!

M. Demers (Sylvain): C'est d'avoir un revenu décent pour être capable de vivre décemment, avec toute dignité et avec respect, en fonction de ses habiletés et de ses valeurs propres acquises. Parce que ce n'est pas des «gnoches» qui sortent des bancs d'école, c'est du monde qui a de l'expérience, un savoir-faire. Et, là-dessus, on n'entend rien du gouvernement.

Mme Harel: Il n'y a pas de pensée magique, là.

M. Demers (Sylvain): Il n'y a pas de perspective... Bien oui, mais regardez là, Mme Harel...

Mme Harel: Il n'y a pas de pensée magique. Mais je vais vous dire une chose. Là-dessus, il y a un gros obstacle: tant qu'on a trois réseaux éparpillés, puis 110 mesures et programmes main-d'oeuvre, puis 70 barèmes...

M. Demers (Sylvain): Oui, ça, ça va...

Mme Harel: ...on ne s'aide pas, hein...

M. Demers (Sylvain): Ça, c'est une partie.

Mme Harel: ...je peux vous dire, là. Puis, tant qu'on considère que les chômeurs à l'aide sociale, c'est des gens qui ne font pas partie de la main-d'oeuvre puis qui ne sont pas dans une politique de développement de la main-d'oeuvre, avec la loi que le gouvernement d'avant adoptait, la SQDM, on ne s'aide pas.

M. Demers (Sylvain): Mais, Mme Harel, il va falloir que le gouvernement porte ses culottes sur cette question-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous demanderais d'y aller rapidement.

M. Demers (Sylvain): Bien, rapidement, juste donner un indice, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, un instant! C'est juste que vous y allez quand même tranquillement, parce que, pour fins d'enregistrement...

M. Demers (Sylvain): Oui, oui. O.K. Ça part.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...ça passe difficilement, là.

M. Demers (Sylvain): J'y vas. «Go», j'y vas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Demers (Sylvain): Juste un indice, Mme Harel. C'est inadmissible que, comme par exemple, le Mouvement Desjardins, qui va aller en restructuration pour être concurrentiel par rapport aux autres institutions financières, fasse 5 000 mises à pied. Y «a-tu» à quelque part un gouvernement qui va dire: Aïe! les entreprises qui faites des profits, qui êtes assez rentables merci, faire des mises à pied dans ce contexte-là, c'est inacceptable; on pourrait peut-être vous pénaliser? Il y aurait peut-être moyen de développer ce qu'on pourrait appeler une caisse de stabilisation d'emplois, un fonds collectif où, par la pénalité d'une entreprise qui fait des mises à pied malgré tout, elle serait obligée de cotiser à un fonds qui pourrait être réinjecté en termes de création d'emplois. Bon, ça, c'est un type d'exemples.

Mme Harel: Vous êtes M. Côté, je pense, hein?

M. Demers (Sylvain): Hein?

Mme Harel: Vous êtes M. Côté?

M. Demers (Sylvain): Non, Demers.

Mme Harel: Excusez. M. Demers, oui, Sylvain. D'accord. M. Demers, vous êtes le...

M. Demers (Sylvain): Alors, c'est des affaires de même. Sinon, s'il n'y a pas d'emplois en bout de ligne, c'est difficile, hein, pour le monde. On a beau les ploguer n'importe où, on a l'impression que c'est du gardiennage de sans-emploi.

Mme Harel: Mais êtes-vous conscient, M. Demers, que l'équivalent de cette caisse de stabilisation, c'est ce à quoi devrait servir l'assurance-emploi plutôt qu'à réduire le déficit?

M. Demers (Sylvain): Oui, mais...

Mme Harel: Êtes-vous conscient que chaque heure travaillée...

M. Demers (Sylvain): Bien oui, mais là, là...

Mme Harel: ...est cotisée à 7 $ sur 100 $?

Mme Villeneuve (Lucie): On le sait, mais...

Mme Harel: On l'a, la caisse, mais elle ne sert pas à ce à quoi elle devrait servir.

M. Demers (Sylvain): Oui, ça...

Mme Harel: Il va y avoir un livre blanc – M. Chevrette l'a annoncé pour Pâques – sur le développement local et régional. Bon, moi, je m'occupe de la politique active; lui, du développement local. Les deux arrimés sont supposés nous mettre en mouvement, pas juste en haut, de façon centralisée.

Mais vous avez dit quelque chose de très, très, très important aussi, c'est qu'il ne faut pas que ce soit confondu, aide financière puis aide à l'emploi. On ne peut pas être une bonne puis une mauvaise police en même temps. Alors, il faut que ce soit dissocié. Ça, je pense que ça fait partie non seulement de vos recommandations, mais de nos propositions.

Et, ceci dit, je n'en ai pas, là, de... Moi, j'aimerais bien, hein, là où je suis, si je pouvais vous dire qu'on va pouvoir, d'un coup de baguette magique peut-être... Mais ce dont je suis certaine, c'est d'une autre chose, c'est qu'on a les mêmes défis que les autres sociétés industrialisées. Je regardais encore récemment l'OCDE, et puis il y a des colloques – j'en ai parlé quelquefois en commission, mais vous n'étiez pas là – mais des colloques... Ce n'est pas grave, je ne vous en fais pas rigueur. Mais je sais que mes collègues vont peut-être être tannés de m'entendre répéter. Encore, au mois de novembre, forum sur comment créer de l'emploi en Europe. Vous savez, leurs conclusions, conclusions qui m'ont été transmises par la Délégation du Québec à Bruxelles, un: réformer la sécurité sociale, parce qu'il ne faut pas investir dans le chômage, mais plus commencer à supplémenter le revenu de travail; deux, eh bien, une de leurs... la deuxième conclusion, ils appellent ça des emplois de proximité, hein – on a un autre vocabulaire, on peut appeler ça «économie sociale» ou «insertion». Mais, en même temps, la troisième conclusion portait sur le développement local. Ça ne se fera pas en attendant Godot. Et, dans une large mesure, c'est finalement en le faisant qu'on va en arriver finalement à rendre responsables des gens qui, jusqu'à maintenant, dans leur milieu, pensent qu'ils n'ont rien à voir avec ça, étant donné qu'ils sont obligés d'être compétitifs par rapport à des concurrents.

(21 h 40)

Mme Villeneuve (Lucie): Vous parlez du marché économique.

Mme Harel: Alors, c'est ça aussi, on va responsabiliser des gens qui sont du milieu des affaires, qui vont aussi, à part entière, avec de leurs concitoyens, sur le plan local, régional et national, avoir à se fixer des objectifs de résultats. Parce que dans les plans puis dans les fonds, puis en arrêtant de normer, ce qui est poursuivi, c'est l'objectif de résultats, mais dont on va se sentir responsables collectivement.

Là, je sais que... Je vous laisse la parole, parce que André veut parler.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Villeneuve, suivie du député de Taschereau.

Mme Villeneuve (Lucie): Bien, si vous parlez de développement local, justement, nous, le Comité des citoyens, on en fait du développement local. On essaie d'en faire. Mais, à partir du moment où les gens n'ont pas assez de revenus pour être au moins un consommateur... C'est ce qui se passe dans notre quartier. On est en train de perdre nos services, on est en train de perdre nos épiceries. On perd pour récupérer des instants comptant, des 9-1-1 comptant, des prêts usuraires. C'est rendu avec des grosses affiches en couleurs, grosses de même, on en a à peu près six sur la rue. Ça n'a pas de bon sens. Ce qui fait que les gens ont besoin d'être des consommateurs pour fonctionner dans une économie. Mais, pour pouvoir être consommateur, il faut avoir un revenu qui a de l'allure. Puis, tant que tu n'as pas d'emploi, tant que le marché de l'emploi n'a pas encore réussi à absorber l'ensemble des gens qui mettent... C'est un gros bassin; il y en a qui sortent, puis il y en qui ressortent, puis il y en a qui sortent. Maintenant qu'ils ne réussiront pas à les rentrer, les gens ont besoin de manger, ils ont besoin de vivre.

Pour faire fonctionner une économie, bien, ça prend de l'argent, mais, pour ça, je pense... C'est ça, la redistribution. C'est que ceux qui ont de l'argent puissent en donner à ceux qui n'en ont pas pour qu'ils puissent au moins faire fonctionner une économie. C'est ce qui se passe dans notre quartier, c'est que les gens n'ont pas assez d'argent pour payer leur loyer. Ils n'ont pas assez d'argent, ils vont aller dans les... On ne veut pas se retrouver avec un quartier avec juste des banques alimentaires, juste des maisons Revivre, des Auberivière, où c'est des maisons où il y a de l'hébergement. Ça n'a pas de bon sens. Ou, à un moment donné, on va se dire: Les gens ne sont pas capables de payer leur loyer, bien, on va donner directement au propriétaire, on va donner directement à Hydro-Québec, on va donner directement à l'épicier. C'est quoi qu'il va leur rester à faire? À se promener juste avec une carte pour dire: Bien, moi, je suis assisté social, O.K., payez; je n'ai plus rien à faire, on va tous s'occuper de moi, puis, moi, je ne ferai plus rien. Ça fait que, là, ça n'a pas plus de bon sens. Donc, ça prend au moins un minimum. Puis, pour nous, un minimum, c'est au moins ce que vous dites, 667 $, puis, après ça, au moins... Depuis 10 ans, à 500 $, les gens... Au départ, 500 $, ça avait du bon sens. Ce n'était pas gros, mais, il y a 10 ans, 500 $, c'était pas mal plus qu'aujourd'hui. Ça fait que si on avait au moins plus que... Si l'augmentation du coût de la vie était réelle par rapport à la prestation, ça aurait plus d'allure, les gens auraient au moins un minimum pour vivre.

Mme Harel: Ce n'était pas 500 $ il y a 10 ans.

Mme Villeneuve (Lucie): Ce n'était pas loin.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Taschereau, il nous reste à peu près deux minutes.

Mme Harel: C'était...

Mme Villeneuve (Lucie): 507 $ pour une personne disponible.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Taschereau, environ deux minutes.

M. Gaulin: Bien, M. le Président. Il me reste à peu près le temps, au moins, de saluer les gens du Comité des citoyens de Saint-Sauveur, leurs 27 années de militantisme, d'action constante dans le quartier Saint-Sauveur et une partie de la basse-ville. Le Comité m'est bien connu parce que mon beau-frère et ma soeur Claire en étaient de la fondation, ainsi que des gens qu'on a connus, qui sont disparus malheureusement. Il y avait, à l'époque, Jacques Vandal aussi, et certains autres, et, évidemment, Luc-André Godbout qui appartenait au paysage et qui était le ramoneur des pauvres et qui est toujours resté, d'ailleurs, très près des pauvres, comme déménageur des pauvres.

Je voudrais peut-être profiter de l'occasion, puisque Martin Côté, Martin faisait allusion à la lutte de pouvoir qu'il y a eu supposément entre le communautaire et peut-être les députés, ça a donné lieu à un article dans les journaux, mais, au moins, ce sera dans nos débats. Pour nous, les députés qui étaient concernés par le CJE centre-ville, on avait fait consensus pour faire un seul CJE pour que ce soit au profit des jeunes dans le quartier du centre-ville, c'est-à-dire Limoilou, Taschereau et Vanier. On a, avec l'accord des groupes communautaires et des différents groupes de travail concernés, fait un comité provisoire pour articuler le CJE, et je pense qu'il a fait à la fois la mission, le mandat, il a fait l'offre de services, il a désigné un organisme porteur, et l'organisme porteur a été respecté par les députés, c'était le CREECQ. Le CREECQ ne s'est pas rendu jusqu'à sa jonction avec le SEMO. On a renvoyé le CREECQ à son travail en lui indiquant des groupes de travail avec lesquels il aurait pu continuer de le faire. Il a décidé de ne pas le faire. Le CJE, je pense, va quand même être créé malgré tout. Et, mon Dieu! moi, je n'en ferai pas une question personnelle, mais je pense que d'aucune manière, pour nous, le comité provisoire est un comité décisionnel. Je pense que les députés, à un moment donné, ont des décisions à prendre. Ça se faisait avec le SACA et la politique du ministère. Alors, je ne pense pas qu'il y ait eu une sorte de collision entre le communautaire et nous. Et j'ai rappelé d'ailleurs, parce qu'on aurait pu aller dans les journaux là-dessus que... et la députée Barbeau, de manière privilégiée, je dirais, puisqu'elle est responsable du communautaire, et moi-même, on reste quand même très près du communautaire. Je disais aux journalistes et je l'ai fait à titre privé, je ne voulais pas retourner dans les journaux avec ça, mais d'aller...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...

M. Gaulin: Oui, je termine, je pense que tout le monde a abusé de son temps ce soir... d'aller voir à l'Archipel qu'est-ce qu'ils pensaient de l'action du député de Taschereau, par exemple, dans le comté. J'ai toujours été près d'eux, près du journal La Quête , près de l'oeuvre de mère Mallet où je vais régulièrement, près de Handi A, près du service Centraide, près de Luc-André, etc. Alors, on peut avoir des points de vue divergents là-dessus. Mais je pense que ce qui est important maintenant, c'est qu'on ait un CJE. Ça doit être fait justement au bénéfice des jeunes et, s'il y en a qui peuvent sortir du chômage et de la sécurité du revenu par la création d'un CJE, bien, rapidement, tant mieux. On a pris un an et demi à le faire. On remercie beaucoup les groupes qui nous ont aidés à le faire et puis on va aller de l'avant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Non, je clos cette partie-là. Vous avez ouvert la porte, il y a eu une petite mise au point, je la considère comme terminée. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, je permets à M. Côté...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sur votre temps.

Mme Loiselle: Oui, sur mon temps, de pouvoir dialoguer.

M. Côté (Martin): Non, je ne voulais pas m'étendre là-dessus, juste dire, comme citoyen de Saint-Sauveur, on prend les exemples où on les vit. Mme Harel fait référence souvent aux exemples du Danemark, aux exemples de la France, l'OCDE, mais, nous, comme citoyens, on a les exemples de partenariats que l'on vit. Et c'était dans ce cas-là...

Mme Harel: Il y en a des bonnes aussi, vous auriez pu le mentionner.

M. Côté (Martin): Oui, il y en a sûrement des bonnes, madame, mais je voulais quand même souligner qu'il y avait des dangers importants et que, des fois, il y avait des différences dans la répartition des pouvoirs entre les gens qui siègent sur ce genre de comité là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je souhaite qu'on revienne au débat.

Mme Loiselle: Oui. Bonsoir et bienvenue. J'aimerais peut-être revenir sur l'échange tantôt que vous avez eu au niveau du caractère obligatoire et punitif associé, finalement, à la conjoncture que l'on vit actuellement au niveau de l'emploi. Parce que vous avez tout à fait raison, quand on regarde ce qui se passe, c'est plutôt des mises à pied qu'on constate à tous les jours et depuis plusieurs mois; au Québec, il y a plus de 40 000 emplois qui se sont perdus au cours des derniers mois. Le taux de chômage est alarmant. À chaque semaine, il y a des compagnies qui ferment, qui plient bagage. Vous avez donné l'exemple de Zellers, puis de la Fédération des caisses populaires Desjardins qui va couper 5 000 postes. On pourrait même donner l'exemple du gouvernement qui veut faire disparaître 15 000 postes au sein même de sa fonction publique. Vous joignez votre voix finalement à la grande, grande majorité des groupes. Je pense qu'il y en a peut-être deux à date qui ont dit qu'ils étaient en accord avec le caractère obligatoire, mais la majorité des groupes qui sont venus en commission ont dit que c'était un non-sens, que c'était voué à l'échec, c'était de démotiver les gens, c'était de briser toute possibilité d'un lien de confiance qui pourrait s'établir dans la démarche. Les études aussi le démontrent. On a reçu, en commission, le Conseil québécois de la recherche sociale qui nous a démontré que toutes les études le disent, que c'est contre-productif. L'équipe de Camil Bouchard nous a fait aussi cette démonstration-là. Vous parlez d'une étude de M. White, je ne sais pas si...

Mme Villeneuve (Lucie): Mme White et M. Christopher McAll.

Mme Loiselle: Oui, je ne sais pas s'ils vont dans ce sens-là.

(21 h 50)

Mme Villeneuve (Lucie): Oui. C'est une recherche à laquelle on a participé. C'est une recherche qui était subventionnée par Santé et Bien-être Canada. Il y avait deux volets. On a rencontré une centaine de personnes assistées sociales à Montréal et on a rencontré aussi des organismes d'insertion au travail et des CTQ sur l'île de Montréal. C'est une recherche qui a duré pendant à peu près deux ans et demi. Les constats, c'est justement ça, c'est que la participation doit être volontaire à partir du moment... Actuellement, la participation, avec la Loi sur la sécurité du revenu, elle ne paraît pas obligatoire, mais les gens la sentent obligatoire parce que le montant qui est en termes de non-participation est tellement peu élevé qu'à partir du moment où tu donnes un montant supplémentaire les gens se sentent obligés de participer. Et il y a la relation aussi. Ce qu'on a réalisé, c'est que la relation entre l'agent et la personne fait que les gens se sentent obligés de participer. Donc, quand ils atterrissent dans les organismes de développement de l'employabilité, comme des SEMO, comme des clubs de recherche d'emploi... à partir du moment où ce n'est pas volontaire, les gens n'ont pas de taux de réussite; aussitôt, les gens rencontrent des échecs, ou bien ils abandonnent, ou bien, rendus à l'emploi, ça ne marche pas, parce que les gens, ce n'est pas un suivi réel par rapport à leur projet personnel.

Mme Loiselle: C'est ça, puis il y a plusieurs groupes qui nous disaient aussi: C'est comme... Le fait, un, qu'il n'y a pas d'emploi en bout de piste, c'est un peu comme créer de l'espoir qu'à la fin du parcours il va y avoir un emploi, puis, quand tu arrives au bout du parcours, finalement, c'est plutôt du désespoir que tu vas rencontrer parce qu'il n'y en aura pas d'emploi durable en bout de piste.

Mme Villeneuve (Lucie): C'est exactement ce qu'on a rencontré avec les 100 personnes. Il y en a plusieurs qui avaient fait le tour. On parlait du tour des mesures, EXTRA, PAIE, RADE, Stages en milieu de travail, ils faisaient les roues, puis ça ne marchait pas.

Mme Harel: Il n'y a pas de parcours là-dedans. Ce n'est pas un projet personnel...

Mme Villeneuve (Lucie): Ce n'est pas un parcours.

Mme Harel: ...c'étaient des mesures désignées par l'agent...

Mme Villeneuve (Lucie): C'est justement, c'est ça.

Mme Harel: ...en employabilité.

Mme Villeneuve (Lucie): C'est justement ça.

Mme Harel: Câline de câline!

M. Demers (Sylvain): Puis on ne pense pas que les parcours vont conduire à...

Mme Harel: Non, mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Demers (Sylvain): Puis on ne pense pas non plus que les parcours vont nous conduire à quelque part. Mme Harel, Mme Harel...

Mme Loiselle: ...puis on ne la bloque jamais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Harel: Excusez.

Mme Villeneuve (Lucie): Mais ce qu'il faut voir, c'est que, quand on fait des comparaisons... la raison pour laquelle on fait les comparaisons, c'est qu'on se dit: Ce n'est pas une véritable réforme de la sécurité du revenu parce qu'on relaisse en place les mêmes choses. On dit: La loi 37, avec l'article 28 qui est associé directement au règlement pour couper, faire une coupure, on le laisse, ça va être la même chose. Sauf que la différence, c'est que tu pars... À partir du moment où tu as un barème de base de 500 $ puis qu'on te coupe tout le temps tout de suite de 150 $, quand tu es déjà coupé de 103 $ pour partage de logement ou si tu n'es pas une contribution parentale, ça n'a pas de bon sens.

Mme Loiselle: Oui, il n'en reste pas épais.

Mme Villeneuve (Lucie): La Loi sur la sécurité du revenu, ce n'était pas nécessairement... on ne donnait pas un gros montant d'argent, sauf que tu perdais seulement le barème soit de disponible ou de participation, ce qui était différent. Ça fait que tu perdais soit 50 $ ou tu perdais 150 $, ou 120 $ maintenant, depuis avril 1996. Ce qui fait que ce montant-là, il te restait 500 $ où tu pouvais enlever des coupures. Mais, si, à partir du moment où c'est tout de suite 150 $ par rapport à une perte, par rapport à l'emploi... Parce que l'article 28 n'était pas mis en application tout le temps, on a commencé à le mettre en application dernièrement, dans les dernières années, parce qu'on se disait: Ça va nous permettre de récupérer des sous. Puis ça, c'est autant le gouvernement récent que le gouvernement précédent, parce que c'était toujours l'objectif de récupérer des sous. D'ailleurs, on a sorti des graphiques, on pourra vous les présenter. Depuis 1988, l'argent qui a été mis à l'aide sociale par rapport au nombre de personnes qui étaient à l'aide sociale, ça a fait qu'en nombre réel ça n'a pas beaucoup augmenté, ça a plutôt diminué parce que le monde augmentait tout le temps, ce qui fait que l'objectif était... D'ailleurs, Bourbeau l'avait ramené, il l'a dit, son objectif était de diminuer le budget à l'aide sociale, puis il a dit: Je l'ai atteint. Ça fait que, là, tu te questionnes. Ça fait que, moi, je me dis: Si, au niveau du gouvernement libéral, à ce moment-là, c'était cet objectif-là, si, au niveau du gouvernement québécois, on dit: Déficit zéro, bien, est-ce que ça peut devenir le même objectif? Même si on dit qu'on a un beau parcours individualisé, bien, ça a des limites, un parcours individualisé, quand tu n'as pas de sous.

M. Demers (Sylvain): Un autre élément sur lequel on a beaucoup d'inquiétudes, dont on n'a pas beaucoup parlé, c'est la question du non-paiement de loyer. C'est bien évident que d'ouvrir la porte à la possibilité pour les propriétaires de faire une entente ou de contracter une entente avec un locataire pour autoriser un prélèvement automatique à même son chèque d'aide sociale, c'est bien évident que ça va devenir très abusif, tout ça, compte tenu que ça va devenir comme une condition pour discriminer fortement de la part des propriétaires les locataires qui vont refuser de signer une entente, et, aussi, ils vont refuser, eux, de signer un bail avec eux. Puis c'est déjà la guerre dans le logement, on discrimine beaucoup les personnes assistées sociales qui cherchent un logement parce qu'il y a toujours la méfiance du non-paiement de loyer. C'est toujours des rapports de non-confiance. C'est des logements souvent de piètre qualité, compte tenu de la capacité de payer des gens. C'est des femmes souvent chefs de famille monoparentale qui ont à dealer avec des propriétaires parce que, souvent, les propriétaires n'acceptent pas les familles, les petits enfants, etc. Ça fait que tout ça mis ensemble, avec l'ouverture qui est faite là, moi, j'ai bien l'impression que ça va être le «free-for-all». Puis, compte tenu que c'est des rapports individuels dont il est question puis que le rapport de force appartient davantage au propriétaire qu'au locataire, compte tenu de la lourdeur de faire reconnaître tes droits et compte tenu de la difficulté de procéder pour les faire reconnaître, tes droits, c'est bien évident, puis l'expérience nous le démontre clairement, nous, que c'est généralement les locataires qui sont perdants. Et pour ça, nous, on dit: Non, il ne faut pas ouvrir la porte d'aucune façon à la question d'une entente possible sur le prélèvement à la source des chèques, ça va devenir abusif. Et, deux, la solution... c'est bien clair que, si les gens ne paient pas leur loyer, ce n'est pas parce qu'ils ont le goût de ne pas le payer, puis ça ne les rend pas dans une situation confortable de sacrer leur camp à tout bout de champ puis d'avoir peur de se faire poigner, gnangnan, ce n'est pas drôle pour le monde, là. C'est parce qu'ils ont fait le choix de se nourrir parce qu'ils n'étaient pas capables de faire autrement. Ce n'est pas par plaisir.

Et à la limite, pour ceux et celles qui refusent de payer leur loyer, pas parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer, mais souvent parce qu'ils ont des problèmes de dépendance en toxicomanie ou en multitoxicomanie, tu ne le régleras pas plus, le problème, parce que, lui, il va aller habiter ou elle va aller habiter ailleurs de toute façon, puis elle va passer son argent dans le dope au lieu de payer le logement. Ça fait que tu vas juste déplacer le problème. Une des solutions à ça, c'est de développer des ressources d'encadrement et de support à l'intégration sociale des individus qui sont en mal de vivre. Et ça, il va falloir qu'on réussisse à développer les ressources suffisantes pour permettre aux gens de régler leurs maux.

Et l'autre affaire, bien sûr, c'est toujours le développement du logement social qui, à venir à date, nous a prouvé hors de tout doute que c'est une des façons importantes pour améliorer les conditions de vie des gens à partir du moment où ils contrôlent le coût de leur loyer. En même temps, à partir du moment où ils contrôlent le devenir, le développement du type de loyer qu'ils veulent, et à partir du moment où ils sont capables de se faire respecter collectivement parce que leur droit... il leur est permis de le partager dans la défense puis la promotion sur la base d'une organisation ou d'une autre, que ce soit en coopérative d'habitation, que ce soit en organisme sans but lucratif ou en HLM. Et ça, c'est important.

Mme Harel: Qu'est-ce que vous faites dans les HLM? J'ai reçu des lettres de tous les offices municipaux. Il semble qu'il y a un gros problème de non-paiement de loyer dans les HLM.

M. Demers (Sylvain): Oui, c'est possible qu'il y ait... Ce que je disais tantôt, c'est qu'il y a des problèmes de dépendance. Si les gens ne paient pas, c'est parce qu'ils ont des problèmes, hein, qu'il faut qu'ils réussissent à résorber. Et ça, il va falloir le comprendre, puis le développer, le dégager en ressources. Et l'autre affaire sur le non-paiement de loyer, bien, je serais curieux de voir les proportions par rapport au marché privé, moi, parce que je suis à peu près convaincu que la proportion des gens qui ne paient pas leur loyer dans les HLM est beaucoup moindre que sur le marché privé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Il y a madame qui voulait...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Villeneuve.

Mme Villeneuve (Lucie): Ce qu'il faut voir aussi, c'est qu'à partir du moment où tu paies 25 % de ton loyer, mais que tu n'as pas de plafond... Quand tu te retrouves dans un HLM, par exemple, c'est ton revenu familial qu'on calcule. Ça veut dire que, si ton enfant passe le journal, si, à un moment donné, ton jeune, c'est un jeune qui s'organise pour avoir un emploi de fin de semaine, son revenu est calculé, le revenu d'aide sociale est calculé, tous les revenus sont calculés, et c'est le 25 % de ce revenu-là. Ce qui fait qu'à un moment donné il y a certains loyers qui vont coûter même plus cher que des loyers sur le marché privé. Ce qui fait qu'on se dit: Oui, il faut payer 25 % de son loyer à condition qu'il y ait un plafond aussi, par exemple. Parce que, quand tu es rendu à payer 600 $ pour un loyer, ça n'a pas tellement de bon sens. C'est ce qui fait qu'il peut arriver qu'il y ait des loyers qui vont coûter un peu plus cher, il y a peut-être des personnes... Mais c'est sûr que ce n'est pas une solution, le non-paiement de loyer. Pour nous, on n'est pas plus d'accord avec les non-paiements de loyer, mais il ne faut pas non plus taper sur la tête des gens parce qu'ils ne paient pas leur loyer. Il y a d'autres raisons, puis c'est souvent des moyens de survie, le non-paiement de loyer, puis c'est ça qu'il faut qu'on cherche, puis ce n'est pas en discriminant seulement les personnes assistées sociales qu'on va régler le problème de non-paiement de loyer.

Mme Loiselle: Oui, parce qu'il n'y a pas seulement les personnes assistées sociales qui quittent le logement sans payer, il y en a d'autres aussi. Il y a aussi la problématique – parce qu'il y en a sûrement dans le quartier que vous représentez – du petit salarié qui est arrivé à mettre des économies de côté pour faire l'acquisition de sa propriété puis, lui, il ne peut payer son hypothèque que s'il a la portion du revenu d'en bas ou d'en haut puis que, s'il ne l'a pas pendant plusieurs mois, bien, il peut perdre sa maison. Comment on arrive à l'aider, ce petit propriétaire là? Parce qu'il faut penser aussi que c'est plus... Il a peut-être mis toutes les économies qu'il a accumulées pendant 20 ans pour acheter cette petite propriété là, mais, s'il ne peut pas prendre la composante loyer pendant trois, quatre mois, du logement d'en bas, il n'est pas capable de payer sa créance hypothécaire. Qu'est-ce qu'on fait? C'est pour ça que le gouvernement a mis en place une telle proposition, parce qu'il y a ce vécu-là aussi par les petits propriétaires. Comment on arrive finalement à donner une équité aux deux? C'est ça, là.

(22 heures)

M. Demers (Sylvain): Bien, il faut tabler sur des rapports de confiance, il faut faire en sorte qu'ils soient capables de se parler, ce monde-là, puis le problème, c'est que, souvent, un va refuser de parler à l'autre puis les terrains d'entente deviennent plus difficiles. Alors, moi, je pense qu'il y a de la place là-dedans qu'il faut voir. Puis ce phénomène-là, il existe, mais très peu chez nous parce que 78 % du monde, c'est des locataires. Alors, c'est bien clair que, pour les propriétaires, on convient que ça pose un problème, la question du non-paiement de loyer, mais ce n'est pas une solution à partir du moment où tu ouvres à l'idée de prélever à même le chèque, parce que, là, de toute façon, le monde, ça va être invivable, ça va être infernal, ça va devenir une mesure discriminatoire. Donc, c'est plus de miser – c'est des adultes, hein, on est capables de se parler – c'est de miser sur des mécanismes d'entente, de rapprochement, pour négocier des choses entre eux et simplifier les démarches, pour faire en sorte que ça ne devienne pas une lourdeur bureaucratique où, là, le processus de recours, etc., devient complexe, parce que, sinon, tu démissionnes, puis, en même temps, de créer des rapports plus harmonieux, c'est-à-dire, c'est des rapports d'égalité aussi entre le propriétaire puis le locataire, parce que c'est souvent des rapports inégaux, hein, les rapports entre les locataires et les propriétaires. Souvent, les propriétaires, c'est des grosses machines qui écrasent le monde aussi, ce n'est pas tous des petits propriétaires.

Mme Loiselle: Non, non, je comprends. Mais il y a cette particularité-là des petits salariés.

M. Demers (Sylvain): Mais, pour des mesures d'exception, je ne suis pas sûr qu'il faut en faire une généralité comme ça, là. Ça se mesure à la pièce, ça, il y a de l'espace pour ça, là. Mais, comme disait Lucie, dans les HLM, Mme Harel, il y en a qui paient... en termes de coût de loyer, ça va dépasser les 600 $, c'est beaucoup plus élevé que sur le marché privé, hein, compte tenu que c'est l'ensemble des revenus de la famille qui est considéré.

Mme Harel: Mais, vous savez, les statistiques que j'ai sur qui ne paient pas, c'est principalement des ménages sans enfant de moins de 30 ans.

M. Demers (Sylvain): Oui, mais, s'ils sont deux adultes, trois adultes avec des revenus, ça revient beaucoup plus cher que sur le marché privé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Est-ce que ça va?

Mme Loiselle: Oui, j'aurais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière.

Mme Loiselle: Au niveau de l'économie sociale, votre titre est assez frappant, vous dites: «Miser sur l'économie sociale pour créer de l'emploi, c'est utopique.» Il y a plusieurs groupes qui sont venus nous parler qu'ils ont des craintes au niveau de l'économie sociale, parce qu'ils se disent: On va peut-être faire finalement... on coupe tellement tout partout qu'on va peut-être se retrouver que ça va être de la substitution d'emploi, comme le maintien à domicile, ces choses-là. Et d'autres disent: Bien, on va peut-être créer finalement des emplois précaires avec des mauvais salaires, des petits salaires. J'aimerais vous entendre, parce qu'on a beaucoup misé, et même, il y a eu le chantier sur l'économie sociale lors du dernier Sommet, et le gouvernement mise beaucoup sur ça, l'économie sociale. Alors, je vais peut-être comprendre plus vos craintes face à l'économie sociale.

M. Demers (Sylvain): Bien, c'est sûr que, dans le contexte de l'économie sociale comme on le connaît actuellement, hein...

Mme Villeneuve (Lucie): Comme il est présenté par le gouvernement.

M. Demers (Sylvain): ...comme il nous est présenté actuellement par le gouvernement, c'est clair que c'est tout un champ d'activité très précaire. Nous, au Comité des citoyens, on fonctionne avec peu de budget. Donc, c'est bien sûr qu'on ne peut pas distribuer des emplois très largement. Quand tu développes des services, tu ne peux pas t'attendre non plus à ce que les bénéficiaires des services, dans notre quartier, aient une partie importante dans le financement de l'organisme, parce que les services, ils n'ont pas les moyens de se les payer, généralement. Alors, c'est clair que, dans ce contexte-là... Puis c'est souvent aussi des ghettos d'emplois pour les femmes, parce que c'est souvent proche de ce que les femmes font traditionnellement aussi, hein, puis c'est proche du réseau institutionnel, là, de la santé et des services sociaux, généralement. Alors, c'est un dévolu destiné souvent aux femmes; il y a une question de ghettoïsation» là-dedans.

Alors, c'est sûr que, dans le contexte actuel, si ce n'est pas... Puis, en même temps, là où l'entreprise privée est capable de s'immiscer, ça devient difficile de concurrencer parce que les règles du jeu ne sont pas nécessairement équitables, parce que l'objectif fondamental que tu as, toi, c'est généralement un organisme à but non lucratif, et quand tu as une entreprise privée, c'est à but lucratif. Donc, la concurrence sur la capacité de soumettre, de faire des soumissions dans un CLSC pour faire du maintien à domicile ou des affaires de même, ça devient déloyal jusqu'à un certain point, parce que l'entreprise privée, elle va souvent embaucher au noir, en utilisant des programmes, gnangnan, gnangnan, puis elle ne paie pas son monde en bout de ligne. Ce qui fait que, dans le contexte actuel, c'est très périlleux de penser que l'économie sociale est une vertu qui va être le nouveau diktat d'une relance économique, c'est impensable, à moins que le gouvernement ait des mesures importantes en termes de «légifération», comme d'avoir des zones préservées de la concurrence, de la libre entreprise, par exemple, où, là, sous réserve, le champ d'activité à des organismes communautaires, accorder davantage de subventions ou de support aux organismes pour qu'ils soient capables de survivre, de se maintenir, de se développer, etc.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Un dernier court commentaire, M. Côté, et, Mme Villeneuve, c'est vous qui terminez.

M. Côté (Martin): Peut-être pour terminer là-dessus. Évidemment, il faut bien comprendre que l'économie sociale, ce n'est pas la solution au problème de l'aide sociale au Québec. À la suite du Sommet auquel vous faisiez référence, le Sommet socioéconomique, Mme Neamtan nous disait qu'à moyen terme on pourrait créer environ 30 000 emplois avec ça, puis Mme Harel, elle cherche à sortir 100 000 ménages, madame, de l'aide sociale. C'est ce que vous aviez dit, 100 000?

Mme Harel: Non, jamais je n'ai dit que... J'ai dit ceci: Si on avait le taux d'activité qu'on a eu après la récession de 1982, il y aurait 100 000 ménages de moins à l'aide sociale. Après les récessions, habituellement on a une période où augmente le temps supplémentaire, parce que les entreprises craignent que la récession ne dure pas, puis, après, ça se traduisait en embauche. C'est ça qui ne s'est pas traduit, puis il y a 100 000 personnes, qui, du jour au lendemain, n'ont pas de problème d'employabilité puis pourraient être embauchées, à l'aide sociale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Côté, vous terminez...

Mme Harel: C'est ça, c'est exactement ce que j'ai dit.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...je ne veux pas recommencer le débat.

M. Côté (Martin): Oui, d'accord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous terminez.

M. Côté (Martin): À revoir le taux de croissance d'après 1982, tout le monde sait bien que présentement on est dans une situation où, pour l'ensemble des pays industrialisés, les taux de chômage vont rester aux mêmes taux pour les prochaines années à venir. Alors, c'est peut-être une vue d'esprit, ça, évidemment, de sortir 100 000 personnes ou 100 000 ménages de l'aide sociale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Villeneuve, vous nous terminez ça.

Mme Villeneuve (Lucie): Pour terminer, bien, moi, ce que je pense, ce qui est l'essentiel, c'est dans la mise en place de cette loi-là. Il faut que, dans la mise en place, on respecte les personnes, qu'on arrête de les minoriser comme on le fait actuellement, de les prendre pour des enfants, qu'on arrête d'être des papas puis des mamans pour les personnes qui vivent de l'aide sociale, qu'on prenne en considération que c'est des personnes qui sont capables de se réinsérer en emploi, qui sont capables de décider ce qu'elles vont faire, qui sont capables de prendre en main leurs enfants, qui sont capables de leur donner à manger si on leur donne la possibilité, donc qu'on tienne compte que c'est des êtres humains qui sont capables de se tenir debout, puis on va être heureux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, madame, messieurs, merci beaucoup. La commission ajourne ses travaux au mercredi 5 mars 1997, à 15 heures.

(Fin de la séance à 22 h 7)


Document(s) related to the sitting