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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, March 5, 1997 - Vol. 35 N° 61

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Louise Harel
Mme Nicole Loiselle
M. Christos Sirros
Mme Marie Malavoy
Mme Monique Simard
* M. Jacques Benoit, Action Gardien, table de concertation des groupes
communautaires de Pointe Saint-Charles
* Mme Marie-José Corriveau, idem
* M. Denis Langevin, CPAS
* Mme Nicole Filion, Services juridiques communautaires
de Pointe Saint-Charles et Petite Bourgogne inc.
* M. Jean Lalande, WRC
* Mme Ludmilla Grombovsky, idem
* M. Martin Boucher, résident de Pointe Saint-Charles
* Mme Nancy Thuot, idem
* M. André Rivest, idem
* M. Serge Martin, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures dix minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a quorum?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à ces consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi .

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) sera remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Parent (Sauvé) par M. Poulin (Beauce-Nord); et Mme Signori (Blainville) par Mme Simard (La Prairie).


Auditions


Comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint-Charles (CPAS); Services juridiques communautaires de Pointe Saint-Charles et Petite Bourgogne inc.; Action Gardien, table de concertation des groupes communautaires de Pointe Saint-Charles; et Welfare Rights Committee (WRC) de Pointe Saint-Charles

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Tous les membres ont l'ordre du jour. Je vous souligne que, suite à une entente spéciale, de 15 heures à 18 heures, c'est quatre groupes qui sont ensemble. Alors, la procédure va être modifié un tout petit peu. La commission va consacrer trois heures pour l'audition conjointe des quatre organismes, soit une heure pour la présentation conjointe des mémoires et deux heures pour les échanges avec les membres de la commission.

Je vais appliquer l'article 173: «Temps consacré aux auditions. Le président partage entre les députés de la majorité et ceux de l'opposition le temps que la commission consacre à chaque personne ou organisme. Sous réserve de l'alternance, chaque député peut parler aussi souvent qu'il le désire, sans excéder dix minutes consécutives.» Alors, toutes les interventions ne devront pas dépasser 10 minutes, et j'alternerai jusqu'à ce qu'on ait épuisé les deux heures, ou avant si on a complété.

Alors, si ma mémoire est bonne, c'est M. Jacques Benoit qui fait la première intervention. Vous nous expliquez, vous autres, comment vous voulez procéder et vous commencez votre présentation.

M. Benoit (Jacques): Bonjour. Aujourd'hui, nous sommes quatre organismes à faire une présentation conjointe: le Comité des personnes assistées sociales, le Welfare Rights Committee, les Services juridiques et la table de concertation Action Gardien, tous les quatre de Pointe Saint-Charles, à Montréal. Nous sommes accompagnés d'une quarantaine de personnes, également de notre quartier.

Mon nom est Jacques Benoit. En plus de faire la présentation pour Action Gardien, j'agirai également à titre de meneur de circulation – vous me permettrez l'expression – pour favoriser les échanges pendant la présentation et la période de questions et échanges avec les commissaires.

Les représentants feront une brève présentation de leur mémoire respectif, et vous entendrez également quelques personnes témoigner de leur réalité. Nous vous remettons également un erratum des statistiques et un article de presse ajouté aux mémoires que vous avez reçus déjà.

Avant de commencer, nous tenons à protester contre la manière de procéder du gouvernement autour de cette réforme. Tout d'abord, nous protestons contre les trop courts délais accordés de même que la durée de la consultation. En combinant les deux, la notion de droit démocratique lors de cette consultation publique ressemble plutôt à une notion de privilège.

Nous protestons également contre l'application des nombreuses mesures et coupures depuis près d'un an. Contenues dans le livre vert, ces mesures se sont appliquées avant et s'appliquent pendant les consultations sur ce même livre vert. Ajoutons cela au délai et à la durée et nous aurions raison de penser non pas que le gouvernement nous consulte, mais plutôt que le gouvernement nous insulte.

J'invite maintenant M. Denis Langevin à vous adresser la parole au nom du Comité des personnes assistées sociales.

M. Langevin (Denis): Bonjour. Bien que le Comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint-Charles participe aux consultations sur le livre vert, nous ne sommes pas dupes du jeu auquel s'est livré le gouvernement au cours des derniers mois. Par la mise en place de la mesure AGIR en mars 1995, par l'adoption des lois n° 115 et n° 84 en décembre 1996 et 1997, la réforme est déjà, dans les faits, appliquée en partie.

Depuis la prise du pouvoir par le Parti québécois, les personnes et les familles assistées sociales ont été affectées par une série ininterrompue de mesures d'appauvrissement, dont vous trouverez en annexe du mémoire deux pages, annexes I et II. Vos prétentions, Mme Harel, à l'effet que les compressions budgétaires ne font pas partie de la réforme proprement dite sont l'expression de la malhonnêteté intellectuelle.

Après des compressions...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse. Une minute. Je m'excuse. Pour faciliter les débats, je vous demanderais toujours de vous adresser au président et non à une personne en particulier dans la commission, s'il vous plaît.

M. Langevin (Denis): Très bien. Après des compressions au ministère de la Sécurité du revenu totalisant 284 000 000 $ pour l'année financière 1996-1997, vous avez annoncé des compressions additionnelles de l'ordre de 200 000 000 $ pour 1997-1998. Ne voit-on pas au gouvernement que de couper ainsi dans le budget de l'aide sociale, c'est priver les gens des moyens nécessaires pour défrayer les coûts reliés au logement, à l'électricité, au téléphone; que c'est de les obliger à couper sur l'achat de nourriture et à dépendre de plus en plus des banques alimentaires? Ne réalise-t-on pas au gouvernement que ces coupures entraîneront inéluctablement des coûts sociaux à moyen terme beaucoup plus importants que les économies que compte réaliser le gouvernement à court terme. Derrière l'objectif de sortir les enfants de la pauvreté, derrière l'objectif de sortir 100 000 ménages de l'aide sociale, s'en cache un moins noble et inavouable: celui de réduire les dépenses gouvernementales en matière de sécurité du revenu de l'ordre de 800 000 000 $ dans l'atteinte du déficit zéro en quatre ans.

Les jeunes âgés de 18 à 24 ans, les femmes chefs de famille monoparentale ayant des enfants à charge âgés de deux à six ans et les personnes âgées de 55 à 59 ans seront les plus durement touchés par la nouvelle obligation de participer à un parcours individualisé d'insertion vers l'emploi, ces deux derniers groupes subissant même une baisse de 100 $ par mois de leurs prestations de base.

Dans un premier temps, le gouvernement propose donc de réintroduire subtilement la discrimination envers les jeunes par le biais du parcours individualisé vers l'emploi. Les prestations d'aide sociale pour les jeunes âgés de 18 à 24 ans pourraient passer de 500 $ par mois, pour une personne seule apte au travail, à 200 $ par mois; de 775 $, pour un couple sans enfant, à 475 $, et ce, à moins que les jeunes ne s'inscrivent dans la nouvelle structure d'accueil pour l'aide à l'emploi. En termes clairs, ceux et celles qui refuseraient de se conformer aux nouvelles règles du jeu risquent de voir leurs prestations fortement réduites.

Le parcours obligatoire d'insertion, au coeur de la réforme, serait valable pour toutes les personnes assistées sociales aptes au travail, mais ne serait mis en vigueur que progressivement. Ainsi, les pénalités prévues pour le non-respect de la clause exigeant des efforts réels vers l'autonomie financière seront progressivement appliquées aux femmes chefs de famille monoparentale puis aux prestataires plus âgés aptes au travail. Ces pénalités, du même type que celles qui existent déjà pour abandon ou refus d'emploi, pourront aller, dans les cas extrêmes, jusqu'à ce que les besoins essentiels ne soient plus couverts à la suite de refus répétés de consentir des soi-disant efforts raisonnables.

Depuis un an, on parle de plus en plus dans les officines gouvernementales, sous l'appellation non contrôlée d'«économie sociale», de «workfare» et de «learnfare». Donc, pas étonnant que différentes mesures administratives punitives vont d'ici peu être mises en place ou intensifiées, à l'exemple de la mesure AGIR – pour «activité de groupe pour l'intégration par la recherche d'emploi». Rappelons qu'AGIR, présenté à tort comme un coup de pouce s'adressant aux prestataires qui reçoivent de l'aide sociale depuis au moins 12 mois, est la dernière trouvaille du ministère de la Sécurité du revenu pour rogner les maigres prestations d'aide sociale. Implantée en mars 1995, la mesure AGIR, d'une durée de sept semaines, n'est pas considérée comme une mesure d'employabilité et ne permet pas aux prestataires l'octroi du barème de participation. AGIR permet par contre l'imposition des sanctions prévues pour l'abandon volontaire d'emploi ou le refus de travailler, alors qu'elle n'est qu'une simple mesure administrative et certes pas un travail. Les personnes qui refusent de participer à AGIR ou qui l'abandonnent soi-disant sans raison valable, voient déjà leur chèque mensuel amputé de 150 $ par mois pour une période de douze mois et d'un autre 150 $ si elles persistent dans leur refus, la somme maximale récupérée à même le chèque d'aide sociale étant alors de 300 $ par mois pour une personne seule dont la prestation de base initiale est de 500 $. Dans ce cas, l'aide sociale n'est pas totalement supprimée.

Dans l'ordre actuel des choses, nous ne croyons pas possible que le type de relation privilégiée entre les agents et les personnes assistées sociales puisse répondre aux critères qui définissent la notion d'agir équitable. Comment, du jour au lendemain, l'agent, dans le cadre d'établissement d'un parcours obligatoire d'insertion vers l'emploi, va-t-il communiquer avec la personne concernée, la rencontrer, discuter avec elle, l'informer et écouter ses remarques et observations, alors qu'il n'y a pas de relation de confiance mutuelle entre la personne assistée sociale et l'agent et que ce dernier a toujours exercé ses fonctions d'une façon impersonnelle et autoritaire? Il ne faut pas se leurrer sur la nature de la relation qui existe aujourd'hui entre l'agent d'aide sociale et la personne assistée sociale. Le caractère oppressif de loi n° 37 et les contrôles abusifs exercés par le ministère de la Sécurité du revenu font naître chez les personnes assistées sociales des frustrations qui s'expriment parfois même de façon violente à l'encontre des agents.

Dans le contexte où la sécurité du revenu est un régime d'aide qui n'a plus le seul besoin de la personne comme critère d'admissibilité et où l'administration rogne les maigres subsides versés et crée des sanctions et des exclusions à sa protection, la personne assistée sociale peut difficilement percevoir l'administration comme un partenaire dans sa recherche d'amélioration de sa situation socioprofessionnelle et financière.

Or, les décisions des agents, en ce qui a trait à l'établissement d'un plan d'action visant l'intégration ou la réintégration au marché du travail ou en ce qui a trait à l'établissement d'un plan d'action visant une mesure temporaire de soutien à l'emploi, de formation ou d'activité de service communautaire, ne peuvent être soumises à aucun processus de révision. Plus précisément, en matière de contestation des décisions administratives, la loi n° 37 nie le droit de révision relativement à la détermination d'un programme d'employabilité dans le cadre de l'établissement d'un plan d'action par l'agent d'aide socioéconomique, et ce, bien que le pouvoir discrétionnaire de l'agent affecte les droits de la personne assistée sociale.

(15 h 20)

À ce titre, l'article 76 de la loi n° 37 affirme que la décision du ministre en la matière est finale, sans possibilité de révision ou d'appel. Le Comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint-Charles dénonce cette négation des possibilités de contestation. Que la décision d'un tribunal administratif d'appel soit finale et sans appel est une chose, mais qu'une décision initiale d'un fonctionnaire chargé d'appliquer une loi ait le même statut nous apparaît pour le moins socialement dangereux. Et qu'en sera-t-il vraiment, maintenant, des possibilités, pour le prestataire, de faire modifier par son conseiller à l'emploi un parcours d'insertion?

Nos préoccupations à l'égard de la défense et de la promotion des droits des personnes assistées sociales nous amènent à conclure que nous ne pouvons pas accepter des changements qui viseraient à étendre les pouvoirs de l'administration et l'absence de recours en révision pour les prestataires, ce qui aurait pour effet d'abaisser le niveau de protection des droits des personnes assistées sociales et de contribuer ainsi à la détérioration de leurs conditions de vie.

Le processus de révision en regard des décisions relatives à l'établissement d'un parcours d'insertion vers l'emploi doit, d'abord et avant tout, assurer la protection des droits économiques et sociaux des personnes assistées sociales. Il doit prendre en considération la précarité de la situation dans laquelle elles se trouvent. Il doit aussi prendre en considération le fait que ces personnes cherchent à faire valoir leurs droits. Il doit tenir compte du caractère dramatique de la démarche entreprise par la personne assistée sociale, alors que ce qui est en jeu pour elle, c'est l'unique source de revenu qui lui assure sa subsistance. Il faut éviter que tout changement proposé dans le cadre de la présente réforme ne soit qu'une simple recherche d'efficacité et de réduction des coûts réalisée au détriment de la protection des droits des personnes assistées sociales.

En ce qui a trait au parcours d'insertion vers l'emploi, bien que Mme la ministre se fasse rassurante dans son intention d'appliquer à la lettre les règles en vigueur à l'assurance-emploi, force est de constater qu'aucun mécanisme de contestation n'est prévu en la matière et que, dans le livre vert, ce dernier reste très vague sur les recours du prestataire face à toute décision jugée injuste de son point de vue.

En dernière analyse, toutes les mesures de contrôle, les pénalités et les coupures adoptées par le gouvernement du Parti québécois à l'endroit des personnes assistées sociales ne font qu'enlever les moyens de subsistance des citoyens les plus démunis, et ce, en les culpabilisant d'être sans emploi et dépendants de prestations d'aide sociale. Le refus de poursuivre dans cette folle spirale de l'appauvrissement est devenu, pour un nombre croissant de groupes et de personnes, à la fois une question d'objection de conscience et de résistance politique. N'ayez crainte, messieurs dames du Parti québécois, le débat sur la pauvreté et l'exclusion se poursuivra après ces consultations, bien longtemps après l'adoption de votre réforme à l'américaine de la sécurité du revenu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le prochain ou la prochaine?

M. Benoit (Jacques): Alors, j'invite maintenant Nicole Filion à vous adresser la parole au nom des Services juridiques communautaires de Pointe Saint-Charles et Petite Bourgogne.

Mme Filion (Nicole): Bonjour. Le livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu a le mérite, au moins au début de son énoncé, de reconnaître que l'arrivée massive de personnes à la sécurité du revenu est liée à la conjoncture économique et aux mutations profondes que connaît le marché du travail. De plus, le document de consultation souhaite mettre fin à la catégorisation des individus en fonction ou non de leur recours à la sécurité du revenu et annonce que la réforme va s'inscrire dans le cadre d'une politique active du marché du travail qui vise l'insertion, la formation et l'emploi pour les personnes aptes au travail.

Pour qui lutte contre l'exclusion sociale et économique des plus défavorisés de notre société et contre la stigmatisation ainsi que la discrimination dont ils sont victimes, cette analyse de départ ainsi que ces premiers principes ont pour effet de laisser entendre que peut-être la réforme proposée va enfin répondre à nos attentes ou, à tout le moins, ira dans la bonne direction. Toutefois, nous constatons assez rapidement, à notre sens, qu'il y a une inadéquation entre cette analyse ainsi que les objectifs poursuivis et les moyens qui sont mis de l'avant dans la réforme. Le constat de cette inadéquation nous amène à conclure que la réforme vise à permettre à l'État d'atteindre ses objectifs budgétaires et risque d'accentuer davantage le contrôle social qui est exercé sur les prestataires de la sécurité du revenu.

Que nous dit le livre vert, ses postulats? Le livre vert constate que le régime de la sécurité du revenu, c'est un baromètre qui reflète les mutations profondes qu'a connues, dans les dernière décennies, le marché du travail; c'est également un instrument de mesure des transformations et des structures sociales et familiales. Face à ces constats, le gouvernement soumet l'idée que le régime de la sécurité du revenu devrait fonctionner en lien avec une politique active du marché du travail, et que les prestataires devraient faire partie intégrante de la main-d'oeuvre québécoise. On nous propose également le décloisonnement des programmes du marché du travail. On propose de remettre à l'emploi les prestataires de la sécurité du revenu.

Et quels sont les moyens qu'on nous propose? On propose de remplacer l'approche traditionnelle d'assistance par ce qu'on appelle une activation des dépenses et par la conversion de ce qu'on appelle les mesures passives en mesures actives, en mesures de formation et en subventions salariales. On propose également la prise en charge – je résume très brièvement, évidemment – au niveau local, de la réalisation d'un plan d'action concertée pour l'emploi. Et, finalement, on propose la mise en oeuvre d'une sorte de contrat dit de réciprocité, où les prestataires vont conserver le droit à l'aide sociale en contrepartie de leur responsabilité à prendre tous les moyens raisonnables pour atteindre l'autonomie financière, alors que l'État, pour sa part, n'aura que la responsabilité de favoriser cette autonomie. La collectivité, pour sa part, a l'obligation de voir à l'insertion à l'emploi des prestataires.

Ça nous semble être des propositions inadéquates, parce qu'on se demande comment on peut logiquement constater, d'une part, que la croissance continue du nombre des prestataires à la sécurité du revenu est liée à des profondes mutations structurelles du marché du travail et de l'économie et, d'autre part, demander que les solutions à l'exclusion sociale et économique des prestataires reposent uniquement sur la responsabilité des individus et des communautés locales sans intervention dirigée de l'État pour soutenir efficacement et monétairement une création véritable d'emplois de qualité ou agir en raison de ce qu'on a défini au début du livre vert: une restructuration du marché du travail.

La carence de plus en plus grande de l'emploi oblige à remettre en question un mythe: celui qui veut que la croissance de la productivité et de l'économie soit créatrice de l'emploi. De plus, la mondialisation des marchés – et Kenworth a été le dernier exemple en liste – à consacrer la domination de nos sociétés et de notre monde par les entreprises. Je sais bien que je ne vous apprends rien en disant ça, mais la menace maintes fois répétée, ou même simplement anticipée, à l'effet qu'une entreprise risque d'aller chercher ailleurs la réalisation de certaines de ces activités économiques produit ces effets et rend conciliant le pays hôte par la voie de mesures fiscales avantageuses. Ainsi, les profits qui sont réalisés par ces entreprises vont finir par échapper au mécanisme de redistribution de la richesse collective et, même si ces profits sont réinvestis dans l'entreprise, ils ne sont pas nécessairement créateurs d'emplois.

Écoutez, on n'est loin d'être des spécialistes en matière d'économie, nous sommes des services juridiques, mais on prend en note les cris d'alarme que nous lancent certains d'entre eux lorsqu'ils nous informent, entre autres, que les 500 plus grandes entreprises mondiales, malgré une forte progression de leurs profits, ont licencié 400 000 personnes par an en moyenne depuis 10 ans.

Qu'on nous comprenne bien: Notre position n'en est pas une de principe contre la capacité des collectivités locales d'établir un diagnostic de nos réalités socioéconomiques dans nos collectivités qui nous sont propres. On sait également que nous sommes capables d'énoncer des stratégies d'intervention et des objectifs prioritaires en faveur de l'emploi. Notre critique vient du fait qu'il est dérisoire de confier au palier local un programme d'action sans aucun soutien financier adéquat qui viendrait du palier central, pour en garantir la réalisation et pour s'assurer également que ce programme de développement va participer réellement à un enrichissement collectif et à une création d'emplois convenables.

(15 h 30)

Sans engagement ferme de la part de l'État d'exercer son pouvoir distributif et de reconnaître sa responsabilité à l'égard des individus qui sont victimes des mutations profondes que connaît le marché du travail, bien, le parcours proposé ne sera que coquille vide. Il faut qu'il y ait des entrées d'argent qui permettent de soutenir efficacement ces plans de développement locaux. Or, on nous dit que les plans de développement locaux ne vont reposer que sur une conversion de mesures passives de la sécurité du revenu en mesures actives. C'est donc à même les prestations de la sécurité du revenu qu'on entend financer ce développement local. Et on estime alors que c'est sur le «workfare» que prendra appui la réforme proposée. De cette façon-là, on va donner aux prestataires de la sécurité du revenu une citoyenneté, des obligations et des droits qui sont distincts. D'ailleurs, comment peut-on croire qu'en posant comme pierre angulaire de la réforme l'appauvrissement des prestataires qui sont aptes au travail ceux-ci vont développer un sens de la responsabilité que par ailleurs les citoyens corporatifs de notre société sont loin d'assumer?

Quant aux mesures de soutien, aux mesures de protection, le livre vert maintient toujours la distinction entre les prestataires qui sont aptes et les prestataires qui sont inaptes, et on propose même une révision à la baisse des prestations de base pour les personnes qui sont aptes au travail. C'est comme si, parce qu'on est capable de travailler, on n'avait pas les mêmes besoins essentiels à satisfaire.

De plus, je voudrais indiquer au gouvernement qu'il serait peut-être temps de revoir ce qu'on appelle la définition de l'aptitude au travail et que ce serait bien également de tenir compte de la définition de l'aptitude au travail en fonction justement des nouveaux critères dont on nous parle dans le livre vert et qui consacrent un constat effectivement d'une transformation majeure au niveau du marché du travail.

Au niveau de l'intégration obligatoire, d'autres que nous en ont parlé. Nous voulons simplement dire que, plutôt que de rendre obligatoire à certaines catégories de prestataires ce parcours d'intégration, on devrait plutôt le laisser volontaire, puisque de toute façon le gouvernement nous précise dans son livre vert qu'il ne sera pas en mesure de l'offrir à l'ensemble des prestataires compte tenu des contraintes budgétaires du gouvernement.

Pour terminer, nous voulons souligner également que, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'aide juridique, en cas de poursuites pénales en vertu de la Loi sur la sécurité du revenu, les prestataires de la sécurité du revenu n'ont plus droit aux services d'un avocat, puisque ces poursuites se font par procédure sommaire et ne font plus partie des services couverts à l'aide juridique.

En bref, la réforme, quant à nous, propose à la société québécoise de franchir ce qu'on pourrait qualifier le seuil de l'inacceptable. Nous considérons que le gouvernement devrait refaire l'exercice et revoir son livre vert en tenant compte des droits fondamentaux qui sont protégés par la Charte québécoise ainsi que les engagements internationaux qui ont été contractés par le Québec dans le cadre du pacte international relatif aux droits économiques et sociaux.

M. Benoit (Jacques): J'invite maintenant M. Jean Lalande à prendre la parole au nom du Welfare Rights Committee.

M. Lalande (Jean): Comme le temps est limité, je vais essayer d'être bref et d'aller droit au but. J'espère que tous les commissaires ont pu lire notre mémoire. Alors, ça évitera d'aller dans tous les détails.

L'essentiel du point qu'on veut amener concerne en fait... Ce qu'on pense qui devrait être au centre d'une réforme de la sécurité du revenu, c'est évidemment combien les gens vont recevoir et puis comment ils sont traités par le régime, en particulier dans ce qui nous occupe ici: la question des pénalités.

Je pense qu'avant d'aborder tout aspect de la réforme il faut se demander c'est quoi, la mission fondamentale de la sécurité du revenu. Pourquoi ça a été inventé, cette affaire-là? Pourquoi il y a des lois d'aide sociale? Alors, à l'origine, l'idée qu'on avait à une certaine époque, c'est que, dans une société civilisée, quand les gens se retrouvent sans emploi, ou victimes de maladie, ou incapables d'occuper un emploi pour une raison ou pour une autre, on ne les laisserait pas crever, on couvrirait les besoins de base. Puis on jugeait que, dans une société comme le Québec, qui était une des plus riche de la planète, on avait les moyens de faire ça minimalement.

C'est pour ça qu'à l'origine, dans ces lois-là, on n'assortissait pas ça d'autres conditions. C'est pour ça que le Régime d'assistance publique du Canada interdisait le «workfare». C'est pour ça aussi que la Loi sur l'aide sociale du Québec ne faisait pas la distinction entre «apte» et «inapte». Ça, c'était l'idée fantaisiste que les gens avaient, avant l'époque néo-libérale, de pourquoi il y avait la sécurité du revenu.

La loi n° 37 a commencé à changer ça. En particulier, on remarque le fait qu'il n'y a pas de plancher, qu'il n'y a pas de barème minimum. Alors, comment on peut avoir une garantie de la couverture des besoins essentiels s'il n'y a pas un plancher pour ça? En ce moment, ce qu'on voit dans l'expérience des groupes, c'est qu'il y a des gens qui ont des barèmes de 350 $, de 250 $, de 96 $ et même de 0 $ par mois, même quand ils n'ont pas d'autres sources. Ce problème-là existe dans la pratique – on en a parlé souvent: il n'est pas regardé, le livre vert ne se penche pas dessus, il n'y a pas de proposition pour le corriger.

On parle, par contre, de la question des besoins essentiels dans le livre vert. C'est l'annexe XII du document, qui donne, comme exemple, pour une personne seule, c'est quoi le montant dont on a besoin pour couvrir les besoins essentiels: 667 $. Mais le barème de base qui est donné, c'est 500 $ en ce moment. Mais est-ce que c'est le barème de base? Non, ce n'est même pas le barème de base. Avant, les personnes qui étaient présumées vouloir s'en sortir puis faire des mesures, puis tout ça, c'était le barème «disponible», ça a été aboli par le gouvernement actuel il n'y a pas longtemps. La pénalité, pour les gens qui ne faisaient pas le parcours de l'époque, c'était l'imposition du barème de 500 $ pendant un an. Alors, ça veut dire qu'en ce moment le barème qu'on dit de base, en fait, c'était la pénalité dans l'ancienne loi. C'est à se demander si les gens qui sont pénalisés à 350 $, un coup qu'on aura mis la majorité à ce barème-là, ça ne deviendra pas le nouveau barème de base, en fait.

On trouve que c'est d'autant plus important de regarder ça que... Comme on disait, ça prend un plancher pour garantir... si on croit qu'il faut garantir le droit des citoyens à des besoins essentiels puis à la vie. Si on pense que ce n'est pas important, c'est une autre affaire. Mais, si on pense que c'est important, là évidemment si les pénalités se mettent à entamer ça, il y a un problème.

On va essayer de se dépêcher, on n'a pas grand temps. Les pénalités, pour voir vraiment de quoi il en retourne...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...pour moi que vous ayez un coordonnateur. Vous ne pouvez pas me blâmer, c'est lui qui s'en occupe. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lalande (Jean): Bon. On peut se demander, disons... Ce qui est présenté dans le document, c'est que les pénalités servent à inciter les gens à faire des démarches d'insertion en emploi. Ça, c'est la raison officielle. Mais, nous autres, ça ne nous tente pas de parler de philosophie. Le principe, il est beau, il est bon, on n'a rien contre, mais, sur le terrain, qu'est-ce qui se passe? Les centaines et les milliers de personnes qu'on voit dans nos groupes, c'est là que la vraie histoire se trouve.

Et ce qu'on voit, c'est qu'en fait la pénalité, elle sert... Écoutez, si elle était appliquée un mois, une pénalité appliquée une fois, on pourrait croire que c'est dissuasif. O.K.? Quelqu'un qui se fait couper 150 $ sur un chèque de 500 $, c'est terrorisant, il ne recommencera pas. Mais pendant un an? C'est quoi, l'idée, pendant un an? Franchement! Ce n'est pas une pénalité, ça, c'est un barème déguisé. C'est un barème déguisé.

Puis c'est tellement vrai qu'on voit que toute la prétention d'aider à l'insertion en emploi là-dedans... Quand on a 350 $ par mois, comment on cherche de l'emploi avec 350 $ par mois? Toutes les personnes qu'on voit, nous autres, à 350 $ par mois, elles n'ont pas gardé le téléphone. C'est qui, l'employeur qui va garder une personne qui n'a pas le téléphone? Franchement! Aujourd'hui ils demandent une auto pour une job, alors imaginez le téléphone. Pas de téléphone, pas le droit au transport au commun, écoutez...

Puis ce n'est pas des histoires théoriques qu'on vous lance. On a un monsieur, par exemple, tous les emplois sur lesquels son agent lui proposait d'appliquer, il les accepte tous. Il accepte, il accepte à chaque fois – la job n'existait pas, elle était déjà prise, ce n'était pas vrai – jusqu'à temps qu'il tombe sur la job qu'il a refusé – parce que là il était frustré, il a refusé. Alors, il s'est ravisé quelques jours après: Qu'est-ce que j'ai fait là? Je suis prêt à faire n'importe quelle job. C'était trop tard, la pénalité était décidée. Lui était passé de 550 $ à 500 $ avec l'abolition du barème «disponible»; maintenant, il passait à 400 $. Maintenant ses prestations étaient moins que son loyer. Alors, il doit déménager, il se prend une chambre, à 275 $ la chambre. Mais, comme il n'a pas de sortie indépendante, qu'il n'a pas de toilette, il est coupé pour partage du logement. Sa prestation passe à 296 $. 296 $! Il a accepté tout le temps, il a fait les démarches d'emplois, il a accepté tout le temps, mais il y a une fois qu'il a refusé, puis il s'est ravisé après. Pour ça, pendant un an de temps: 21 $ par mois de budget disponible. Ça, c'est avant l'assurance-médicaments. Une chance qu'il n'a pas eu besoin de médicaments, parce qu'il serait peut-être mort.

Puis ça je vous en donne un, on n'a pas le temps... Si vous en voulez des centaines, je vais vous en donner des centaines. On n'a pas le temps, ici notre temps est limité. Mais, si ça arrivait aujourd'hui, le même cas – puis, comme de fait, il arrive des cas comme ça – son chèque ne serait pas à 296 $, il serait, je pense que c'est 246 $. Même la chambre, il ne pourrait pas se la payer. Lui, son parcours, ce serait la rue maintenant. Puis c'est ça qui arrive de plus en plus: le nombre de sans-abri augmente. Peut-être que vous ne vous en apercevez pas parce que c'est juste les signes avant-coureurs, c'est juste les débuts, mais ça augmente. Parce que la loi prévoit la possibilité de donner des prestations qui ne permettent pas de vivre. C'est prévu dans la loi que c'est possible: Oui, quelqu'un qui n'a aucune autre ressource, si on juge qu'il a fait telle ou telle erreur, on peut le mettre à 96 $ par mois, on peut le mettre à zéro, c'est légal. C'est ça qu'il y a dans la loi, puis la loi ne corrige pas ça.

L'autre chose sur laquelle on ne se penche pas, c'est que, dans le passé, les pénalités, il y a eu des fois des campagnes dans le réseau, en fait, pour tendre des pièges aux prestataires. Je me souviens, il y a quelques années – c'était dans la région de l'Estrie – il y avait un document qui faisait état fièrement des trucs à faire connaître dans le réseau: comment parler au prestataire pour qu'il ne s'en rende pas compte quand il se classe lui-même comme non-participant, pour qu'il ait moins. O.K.? c'étaient les trucs, on diffusait les trucs.

Quand même que les intentions de la ministre seraient les meilleures au monde – laissons-lui le bénéfice du doute – l'affaire, c'est: ça n'empêche pas ce genre de pratique là. Il n'y a rien dans la loi ou le règlement qui empêche ce genre de pratique là. Si un futur ministre qui aurait des moins bonnes intentions veut se donner un quota. Il dit: Pour des raisons budgétaires, on veut avoir 200 000 à 300 $ par mois, il peut le faire en ne changeant rien à la loi, rien au règlement, juste avec des directives. Des directives officielles ou des directives officieuses. Des trucs dont on soupçonne qu'il s'en passe déjà. Peut-être qu'on se trompe, mais en fait...

(15 h 40)

Quand vous dites qu'il y a 6 000 personnes qui dépendent d'un CTQ. Ils font exprès pour proposer la job que tel prestataire va refuser. C'est quoi, leur but? Ils veulent faire occuper la job; il y a des milliers de personnes dans ces CTQ là qui sont prêtes à prendre cette job-là. Non: il faut la proposer à la personne qui va la refuser, cette job-là, parce que c'est une occasion d'appliquer la coupure.

Peut-être qu'on se trompe, qu'on fait un procès d'intention. Admettons qu'on fait un procès d'intention. Le fait est que la loi et le règlement sont faits de telle façon... et puis tout ce qui serait formulé sur la base du projet de réforme n'empêcherait pas ça, ne l'empêcherait pas. Puis la seule façon de l'empêcher, la seule façon de protéger un droit fondamental, c'est de revenir à l'idée initiale, qui n'était pas si bête finalement, de dire que, un moment donné, il y a un montant qu'on donne aux gens juste parce que c'est des êtres humains, pour qu'ils mangent, pour qu'ils se logent, pour qu'ils se soignent, pareil comme on nourrit puis on habille puis on soigne les gens en prison ou ailleurs. C'est un principe, tout simplement, de société civilisée, et puis ça, on ne peut pas l'attaquer. On ne peut rien demander en contrepartie.

Pourquoi? Est-ce que c'est parce que ce n'est pas raisonnable que les gens travaillent? Non, ce n'est pas pour ça. C'est parce que ça va être impossible de contrôler si les conditions sont raisonnables ou pas. Parce que, ce qui est en jeu, c'est leurs moyens de survie. Ce n'est pas parce que la contrepartie n'est pas raisonnable en philosophie, dans l'abstrait. C'est parce que, dans la pratique, tous les abus de pouvoir deviennent possibles parce qu'on est rendu au plancher.

Alors, je vais conclure, plus vite peut-être que je l'aurais fait, pour dire, finalement... Là, ça arrive en ce moment. C'est la situation réelle. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Quand les gens n'ont pas ce qu'il faut pour vivre, on a une expérience. Ça aussi, on sait ce qui se passe avec ça; on peut tous visiter les États-Unis. Moi, je suis allé à Détroit il y a quelques années, on peut le voir sur le terrain. Ce n'est pas un mystère, ce n'est pas une discussion de grands principes; on sait ce que ça donne. Puis on peut juste se demander si on veut ça ou pas.

Les personnes qui ont 350 $ par mois, s'il y en a de plus en plus – puis ça s'est accéléré, quand même – qu'est-ce qu'il va arriver? Les gens n'ont pas les moyens suffisants pour vivre. Il va falloir qu'ils trouvent des moyens licites ou illicites pour survivre, les uns, et puis, les autres... Ce n'est pas tout le monde qui va être capable. Puis, parmi ces gens-là, il y a des gens qui vont mourir. Il y a des gens qui vont mourir parce qu'avec 200 $ par mois ou avec moins, quand on se retrouve à la rue, pas de moyens pour des médicaments, c'est là qu'on arrive. La marge de manoeuvre qu'il y avait il y a deux, trois ans, quand le barème «disponible» était de 580 $, la pénalité de 100 $, elle est disparue, cette marge-là maintenant. Puis, avec l'assurance-médicaments, ainsi de suite...

Alors, c'est important vraiment de... On pense que ça, c'est la question de base. On sait qu'il y a des considérations de finances publiques et autres, tout ça, mais, au point de départ, est-ce qu'on juge que... Nous autres, on dit, finalement: Est-ce que le droit des riches à l'opulence... Parce que c'est de ça qu'il s'agit, là, quand on dit qu'on ne peut pas taxer davantage les gens qui ont des millions, des centaines de millions, et certains qui ont des milliards. On dit qu'on ne peut pas les taxer plus, eux autres, etc. Est-ce que c'est que leur droit à l'opulence et au luxe passe avant le droit des citoyens à la vie? Il faut commencer par répondre à ça. Si on répond à ça que, non, le droit des citoyens à la vie passe avant, ça ne veut pas dire que c'est facile, ça ne veut pas dire que tout est réglé. Mais il faut partir de là et, à ce moment-là, attaquer le problème. Parce que, en ce moment, on n'en parle pas de ce problème-là. Le problème de la redistribution de la richesse dans la société, il n'est pas mentionné dans le livre vert. Il n'est pas du tout mentionné.

On finit avec ça. Nous, on pense vraiment qu'il faut qu'il y ait – pour protéger les droits des citoyens, leurs besoins essentiels, autant d'un point de vue de santé publique que du point de vue des droits en général – des barèmes minimums, des planchers que les pénalités ne peuvent pas gruger. Un moment donné, il faut qu'il y ait un plancher. Où devrait être ce plancher-là? On pense que ça ne devrait pas être plus bas que les besoins que le gouvernement juge comme essentiels, tout de même. là. Nous, on part de ça.

En deuxième, on pense que les pénalités devraient être abolies. La pénalité de 150 $ par mois ne devrait pas être étendue au parcours. Au contraire, elle devrait être abolie parce qu'elle nuit aux besoins de base et aussi elle empêche l'intégration à l'emploi. Parce que, quand les gens sont frappés, ils perdent leurs moyens de recherche d'emploi.

M. Benoit (Jacques): Je m'adresserais maintenant à vous en tant que représentant de la table de concertation Action Gardien qui regroupe une vingtaine d'organismes communautaires oeuvrant dans le quartier de Pointe Saint-Charles, dans le sud-ouest de Montréal.

Tous nos membres travaillent à la fois chacun dans leur secteur et ensemble à améliorer les conditions de vie de la population de notre quartier, lui donnant la possibilité de s'impliquer et de prendre en main son quotidien pour changer son devenir. Pour ce faire, les citoyens et citoyennes ont besoin de divers moyens et d'exercer un contrôle sur les multiples aspects de leur vie. Ils et elles ont également besoin que les décisions politiques prises à de plus hauts niveaux tiennent compte de leurs besoins, de leurs envies, de leur réalité, de leurs rêves. Or, depuis déjà trop longtemps, les décideurs politiques se sont acharnés, année après année, loi après loi, à nier leurs besoins, à frustrer leurs envies, à empirer leur réalité, à tuer leurs rêves.

Vous êtes-vous déjà posé la question de ce que c'est que de s'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre? S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire avoir faim; ça veut dire ne pas acheter les aliments nécessaires à une bonne santé, tel que recommandé dans tous les guides alimentaires reconnus; ça veut dire sauter un repas et même n'avoir qu'un repas par jour; ça veut dire cacher la nourriture achetée pour pouvoir l'étaler le plus loin possible dans le mois et faire croire aux enfants qu'il n'y en a pas d'autre pour les empêcher de vider des réserves trop vite; ça veut dire aller à l'école sans avoir déjeuné convenablement ou sans avoir déjeuné tout court; ça veut dire ne pas savoir, à partir de la deuxième semaine du mois, ce qu'on va manger jusqu'à la fin de ce même mois; ça veut dire courir les banques alimentaires en espérant trouver encore en bon état, dans les restants des autres, ce dont on a terriblement besoin.

S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire espérer un logement adéquat; ça veut dire craindre comme la peste, chaque année, l'augmentation de loyer qui va venir gruger sur la nourriture déjà manquante; ça veut dire dealer, avec son propriétaire, avec Hydro-Québec, avec Bell Canada et d'autres créanciers, un ou des retards de loyer, de paiement de services parce qu'il y a trop de comptes et pas assez d'argent.

S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire avoir froid; ça veut dire voir arriver l'hiver comme le cauchemar blanc qui oblige souvent à choisir entre l'augmentation des coûts de chauffage ou avoir les pieds au frais pendant quelques mois; ça veut dire choisir entre un manteau pour l'un ou des bottes pour l'autre, l'autre étant plus souvent qu'autrement la mère de famille; ça veut dire faire le tour des comptoirs de vêtements en espérant trouver un peu plus de chaleur dans des grandeurs et des couleurs qui ne détonnent pas trop.

S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire s'endetter; ça veut dire payer deux fois plus cher pour une douillette parce qu'on l'achète à tempérament au magasin qui accepte de faire crédit; ça veut dire «fuller» sa carte de crédit pour remplacer le poêle qui a lâché.

S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire chercher des solutions; ça veut dire se regrouper pour acheter au prix du gros un petit peu plus de viande pour faire le mois; ça veut dire des cuisines collectives pour apprendre à faire le maximum avec le peu qu'on a; ça veut dire ne rien jeter, raccommoder, récupérer, recycler, réparer, réutiliser; ça veut dire des comptoirs alimentaires, de vêtements, de meubles, des ateliers de couture, de tricot ou crochet, de réparation, de rembourrage, des repas communautaires; ça veut dire mettre en commun, s'entraider, partager, se soutenir; ça veut dire des groupes de support, des cafés-rencontres, des services de dépannage, de gardiennage, d'accompagnement; ça veut dire que, malgré tous les efforts déployés, la débrouillardise, l'entraide, le bénévolat, la seule contribution sociale reconnue et valorisée demeure encore le marché du travail.

S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire ne plus avoir de rêve; ça veut dire voir arriver Noël pour les autres et seulement un panier de Noël pour soi; ça veut dire une motivation qui diminue à mesure qu'on grandit parce qu'on ne voit pas à quoi ça sert d'aller à l'école; ça veut dire une perte de confiance en soi, en ses moyens; ça veut dire l'augmentation des problèmes de famille, l'augmentation de la violence faite aux femmes – quand on ne vaut pas grand-chose dans la grande société, on n'en vaut pas plus dans la petite; ça veut dire ne plus sortir de chez soi, de son quartier immédiat – on n'en a pas les moyens, on n'en a plus le goût.

S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire être malade; ça veut dire que les maladies se multiplient, se succèdent, parce qu'on n'a pas les moyens, les conditions physique, mentale et psychique d'y faire face – on est plus souvent malade, on va plus souvent chez le médecin ou à l'urgence, on a besoin de plus de médicaments; ça veut dire également couper ou étirer sa médication, malgré l'avis contraire du médecin, parce que toute facture de médicaments viendra en concurrence avec les autres factures à payer, ajoutant au problème au lieu de le régler.

S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire une économie locale qui disparaît; ça veut dire des diminutions de personnel pour le dépanneur du coin, pour le restaurateur, pour les petits salons de coiffure. C'est le ou la propriétaire qui travaille maintenant 12 heures par jour, 84 heures par semaine, pour espérer couvrir ses frais; ça veut dire, pour les marchés d'alimentation, des produits périssables qui périssent plus souvent qu'autrement, ceux qui restent étant moins frais qu'avant – une fleur est toujours une fleur, mais personne n'achète des fleurs fanées; ça veut dire qu'il fut un temps où les gens de Pointe Saint-Charles pouvaient trouver ce dont ils avaient besoin dans les commerces de la rue principale, maintenant c'est tout juste si on peut trouver un commerce sur la rue principale.

(15 h 50)

S'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire un quartier encore plus pauvre, avec encore moins de moyens de s'en sortir; ça veut dire un quartier avec encore plus de gens qui ont plus besoin d'aide, qui font appel à tous les programmes d'aide gouvernementale à tous les niveaux.

Nous allons ajouter ici quelques témoignages pour illustrer notre propos. Tout d'abord, M. Martin Boucher.

M. Boucher (Martin): Bonjour, mon nom est Martin Boucher. J'ai été sur l'aide sociale de 18 à 22 ans. Mes revenus étaient de 500 $ par mois. Mon loyer et ma commande étaient de 400 $; le téléphone, de 30 $. Donc, il me restait 70 $ pour mes vêtements, mon transport, mes loisirs, médicaments, recherche d'emploi, etc., c'est-à-dire 17,50 $ par semaine ou 2,50 $ par jour. Je me suis pris ne main. Je voulais sortir de l'engrenage de l'aide sociale. Avec une très bonne motivation, vu que je n'avais pas d'expérience, j'ai été dans une compagnie d'insertion, au Boulot vers, pendant six mois. Après mon stage, je me suis trouvé un emploi. Deux semaines après, je me suis fait congédier pour manque d'expérience. Retour sur l'aide sociale un mois et demi.

Je ne voulais pas rester encore sur l'aide sociale, donc j'ai recommencé à zéro. J'ai été a Formétal un autre six mois. Même si on est motivé, le marché du travail demande beaucoup d'expérience. En plus, il faut vraiment être volontaire pour s'engager dans une demande de réinsertion, sans ça c'est du bluff et tu prends la place de quelqu'un d'autre qui serait vraiment intéressé, et, encore plus, le nombre de places est très limité.

Je vous demande donc de ne pas prendre les 18 à 25 ans pour des boucs émissaires de votre réforme. Ils paient déjà assez cher le manque de planification ou de vision – je ne sais pas trop comment le dire – de ceux qui sont payés pour trouver des solutions afin que tout le monde ait une place dans la société. Pour beaucoup trop de jeunes, cette place, c'est la rue, la drogue, la délinquance, le suicide, et, comme un ancien de Formétal a dit dans la Revue Commerce du mois de février, dont je peux vous laisser une copie: Sans Formétal, je serais probablement mort. Ce que nous voulons, les jeunes, c'est une place pour pouvoir subvenir convenablement à nos besoins. Merci de m'avoir écouté.

M. Benoit (Jacques): Voici maintenant Mme Nancy Thuot.

Mme Thuot (Nancy): Bonjour, mesdames et messieurs. Je me présente, Nancy Thuot, je suis ici pour représenter les mères monoparentales du sud-ouest. J'ai deux enfants, j'ai été sur l'aide sociale pendant trois ans et demi. Je devrais dire non vivre sur l'aide sociale, mais plutôt survivre sur l'aide sociale, parce que, même avec un loyer peu cher et le strict minimum, on n'arrive jamais à finir une fin de mois, parce que la plupart du temps, au milieu du mois, tu n'a pas assez de nourriture, alors tu empruntes ou tu vas quêter pour manger les restants des autres. Pour habiller des enfants en moyenne deux fois par année, tu retardes tes comptes qui ne finissent plus d'augmenter et qui ne baissent jamais. Tu ne peux jamais t'offrir de sortie, dont on a tous besoin de temps en temps. Toi, en tant que mère, tu passes ton temps à mettre le linge donné pour ne pas prendre le peu d'argent que tu as.

C'est pour cela que, depuis un an minimum, j'étais à la recherche d'un emploi, qui est très difficile à trouver. Je crois que, dans mon cas, la journée du Seigneur est arrivée. Quand j'ai vu dans le journal La Voix populaire une annonce pour un emploi chez Formétal donnant privilège aux femmes aimant les métiers non traditionnels, j'ai tout de suite été faire application. J'étais extrêmement heureuse quand je fus acceptée, sauf que je ne me doutais pas avoir tant de problèmes avec l'aide sociale.

Formétal étant une école-industrie, quand je fus engagée le 13 janvier 1997, ils envoyaient tout de suite les papiers les avisant de ma réinsertion sur le marché du travail. Moi, pour me mettre en règle, j'ai donc appelé mon enquêteur pour l'aviser du changement et je lui ai demandé si je pouvais avoir droit à mon chèque de février, que j'étais même prête à rembourser mon mois, que ça faisait trois ans et demi qu'il me donnait des chèques pour survivre. Il m'a répondu qu'il n'était pas une caisse populaire. Alors, ça m'a énervée. Je ne pouvais donc pas payer mon loyer, je me retrouvais donc avec une dette de plus sans savoir si mon propriétaire n'aillait pas me sacrer dehors. Je lui ai demandé si je pouvais avoir droit à un montant, il m'a dit qu'il ferait quelque chose pour moi, mais juste vers le 10 février.

J'en ai donc parlé à une intervenante de Formétal qui m'a demandé si mon enquêteur m'avait mise au courant du programme APPORT, ce qui n'était pas le cas. Nous avons donc appelé le superviseur de mon enquêteur, qui a tout de suite rempli mes papiers, et j'ai reçu mon supplément pour le 1er février. Fort heureusement qu'il y avait quelqu'un pour m'indiquer mes droits, sinon j'étais, comme on dit, dans la merde jusqu'au cou. Il a donc fallu que je me débrouille pour trouver le montant de mon loyer, car ma propriétaire ne voulait rien savoir. Le comble de tout, c'est qu'en février j'ai réussi à trouver l'argent qu'il me fallait pour mon loyer en retard. Je me suis mise en règle, et, malgré cela, la propriétaire me réclame des frais de 43 $ parce que mon loyer est en retard de plus de trois semaines, et, en plus, elle veut résilier mon bail. Je suis convoquée devant la Régie.

Alors, ce que je comprends là-dedans, c'est que, lorsqu'on veut s'en sortir, ce n'est sûrement pas sur le soutien des agents qu'il faut s'appuyer. Si j'avais décidé de rester à la maison, je n'aurais sûrement pas eu tous ces problèmes. Pour l'aide à la réinsertion, on repassera.

Je suis ici aujourd'hui principalement pour dire que c'est très, très difficile d'arriver à survivre sur l'aide sociale et que, si vous passez votre réforme, il risque d'y avoir des conséquences très désastreuses. Pensez-vous aux autres mères qui n'ont pas la chance de s'en sortir? Parce qu'il n'y a pas de jobs pour tout le monde. Elles ne sont pas toutes pour retourner aux études, car, si vous faites cela, il n'y aura même pas assez de place pour y mettre tout le monde, et ces femmes-là se retrouveront coupées et auront cent fois plus de difficulté à survivre.

Vous savez, moi-même, en voulant retourner sur le marché du travail, j'ai eu tant de problèmes avec l'aide sociale qu'à un moment donné j'ai voulu tout arrêter. Mais heureusement que j'ai eu énormément d'encouragement de tout le monde, de ma famille, de Formétal, parce que tout ce que je n'ai pas eu pendant longtemps, je pourrai l'avoir un jour.

Je vous remercie de m'avoir écoutée. Alors, j'espère que, tous ici, nous arriverons à trouver une meilleure solution, qui sera vivable pour tout le monde. Merci.

M. Benoit (Jacques): Au tour maintenant de M. André Rivest.

M. Rivest (André): Bonjour, je suis André Rivest. Je suis prestataire de la sécurité du revenu depuis 1988. Suite à un arrêt de travail dû à une opération, l'usine pour laquelle je travaillais a fermé ses portes. J'ai fait une recherche de travail sur une période d'un an.

En 1990, j'ai fait un retour aux études. J'ai commencé ma formation au primaire et j'ai terminé au secondaire V; ça m'a pris trois ans et demi. En 1995, j'ai attendu 10 mois pour rencontrer un orienteur. Suite à la rencontre, j'ai été suivre un cours en cuisine, mais je n'arrivais pas à suivre les consignes de travail. Mon agent m'a dirigé vers un SEMO, mais le responsable du programme ne m'a pas accepté à cause de mon âge.

La seule possibilité pour moi était de faire un EXTRA. J'ai enfin trouvé un EXTRA en 1996 pour une période de six mois. La régie régionale est intervenue auprès de l'organisme et a retiré les programmes accordés. En 1996, vous avez réduit d'un tiers les programmes EXTRA accordés aux organismes. J'ai posé ma candidature à plusieurs endroits, et on me parle de mon manque d'expérience et de mon âge – j'aurai 54 ans ce mois-ci.

Lorsque je vois dans votre réforme que vous voulez repousser l'âge de non-disponibilité à 60 ans et que, dans mon vécu, je vois qu'il est très difficile pour une personne de 50 ans de se trouver un emploi, je me demande à quoi vous pensez. La réalité, pour les gens qui ont travaillé la plus grande partie de leur vie et qui vont, pour une raison ou pour une autre, perdre leur emploi lorsqu'ils approchent la cinquantaine, est qu'il n'y a plus d'emplois pour eux. Merci.

M. Benoit (Jacques): M. Serge Martin, maintenant.

M. Martin (Serge): Bonjour. J'ai 34 ans, je suis chef de famille monoparentale. Je suis ici présent aujourd'hui pour vous parler des coupures de 150 $.

Avant d'être prestataire de la sécurité du revenu, je travaillais sur la ferme de mon grand-père, où j'étais palefrenier: j'entraînais des chevaux de course. Suite au décès de mon grand-père et l'implication du Curateur public dans son dossier, j'ai dû me résoudre à devenir prestataire de la sécurité du revenu, car il n'est rien resté de ses biens.

Donc, en octobre 1995, j'ai décidé par moi-même d'aller chercher une formation plus traditionnelle pour préparer mon retour sur le marché du travail. J'ai suivi un cours intensif d'ambulancier et de sauveteur; j'ai réussi et j'ai une carte de compétence. J'ai aussi suivi un cours de maintenance technique qui nécessitait un stage de 450 heures; j'ai obtenu un diplôme et une lettre d'appréciation de l'employeur. J'ai fait des stages en milieu de travail en transport, en imprimerie, en animalerie et en location d'outils. J'ai toujours fait des recherches d'emploi entre-temps.

(16 heures)

À la fin août, M. Vinet m'a remis sept feuilles avec 12 espaces pour faire des applications de travail. Le 13 novembre 1996, M. Vinet m'a convoqué pour que je lui ramène mes feuilles complétées. Je l'ai avisé que je ne pouvais le voir, car j'avais une entrevue à cette date et à la même heure. Il m'a donné son accord verbal, il m'a demandé de passer le 14 novembre, ce que j'ai fait. Quatre jours après, je reçois un avis de décision m'avisant que je suis coupé de 150 $ pour les 12 prochains mois, car je ne me suis pas présenté au rendez-vous du 13 novembre. J'ai contacté mon agent, qui m'a demandé de lui apporter une preuve de mon entrevue qui confirme ma présence, signée par l'employeur. J'ai dû retourner une deuxième fois, car l'heure de l'entrevue n'apparaissait pas sur le document. J'ai dû aller en révision pour redresser la situation; j'ai réussi à avoir gain de cause.

En février 1997, j'ai changé d'agent. Maintenant, j'ai Mme Busseau. Je l'ai rencontrée pour la remise de nouvelles feuilles de route. Le même scénario s'est produit; la seule différence est que madame m'accuse d'avoir falsifié le document qui confirme ma présence à une entrevue – bidon, selon elle. J'ai déposé une copie conforme dudit document au Comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint-Charles, qui peut confirmer la validité du document ci-haut mentionné. Je suis présentement en révision avec une avocate.

Je fais preuve de bonne volonté. Je n'ai pas attendu d'être sollicité par un agent pour me prendre en main. Je trouve ça inacceptable de devoir vivre à répétition une situation qui nuit à ma survie et à celle de mon enfant. Il est suffisamment difficile d'arriver à se sortir de l'aide sociale pour prendre place dans une société, que je ne vois pas l'utilité de rajouter des embûches qui, à la longue, nuisent au bon fonctionnement d'un individu qui veut s'en sortir. Merci beaucoup, M. le Président, de m'avoir écouté.

M. Benoit (Jacques): Mme Ludmilla Grombovsky.

Mme Grombovsky (Ludmilla): Good afternoon. I have been on welfare for the past five years. When I first fell into the system, I made a point of getting into a program as soon as I could so as to avoid harassment and penalties; I had been hearing and reading all sorts of horror stories to that effect. Well, the penalties didn't happen, but the harassment did. I was told by an agent that I should be in a job, that I wasn't allowed any allowable earnings after I declared them and that I was to provide a detailed report from my employers as to when I started earning extra money and how much. So much for playing by the rules.

I had to get new glasses, but it took six months, and only upon the intervention of my optometrist did welfare finally pay for them: a grand sum of $20. Since my project EXTRA ended, I have been systematically harassed, told to appear at my welfare office ad nauseam, despite looking for work all this time, to no avail – those of us who are without work know first hand what the real job market is like out there. I have been cut off for being gainfully employed even though I had informed my agent in writing that my employment was temporary for one day only. I was subsequently forced to go to my employer and get a statement of employment filled out.

A year ago, I had to move, but my welfare check is only increased by $4 although my cost of living has more than doubled – I'm no longer sharing. I've no furniture, can't afford a phone, bus pass or a presentable job interview wardrobe. I've even had to resort to food banks since my $500 a month check doesn't stretch beyond the second week of the month. Ever been really humiliated? Or try asking for life's basic necessity, food – talk about eating humble pie – living in a cozy apartment for the winter? Not on a fixed income. When you're on welfare, better get used to it.

I've been refused training even though I'm computer illiterate. But I was told, however, to take a computer course and pay for it out of my own pocket. And how am I supposed to pay my rent? I was refused any more projects, so I found a volunteer job at a community center, informed my agent, who wanted to ascertain that I was indeed not idle, but have been systematically harassed for this as well, not to mention accused of earning a salary and made to bring an employment earning statement from my employer to fill out. Needless to say he refused with a letter of explanation. I've been pressured to get a job even though I was informed by my employability agent that I've been out of it for too long, that I don't have any real work experience, therefore that I am employable. The same agent told me in the next breath that I'm highly employable and that I can get a job. Go figure.

Living from hand to mouth, seeing most of my check eaten away by rent and Hydro, going on an involuntary diet, having constantly to beg for food, living without necessities, phone, furniture, transportation, wondering constantly if I'll survive each month, hanging on to my sanity: that's the lot of a welfare recipient. Contrary to popular belief, life on the dole is definitely not a cabaret. Thank you.

M. Benoit (Jacques): Et votre réforme de l'aide sociale ne va changer à cela. Pire, elle va empirer cette situation-là parce qu'elle vise à appauvrir les plus pauvres parmi les pauvres: les personnes assistées sociales. Mais les ministres du gouvernement continuent de réformer à qui mieux mieux l'un et l'une après l'autre, répétant que chaque secteur de la population doit faire sa part, par équité, par solidarité. Ces mêmes ministres oublient de mentionner que ce sont les mêmes personnes qui font les frais des coupures à l'aide sociale, qui subissent des frais nouveaux par l'assurance-médicaments, qui doivent maintenant payer pour des services juridiques qui étaient auparavant couverts, dont les loyers vont augmenter dans les HLM, dont la prestation va faire partie de leur revenu imposé, etc.

Parce que s'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut aussi dire que ce sont les mêmes personnes qui essuient l'effet conjugué de toutes vos réformes équitables et solidaires.

Notre gouvernement baigne dans le sophisme. Le sophisme, selon le dictionnaire, c'est un raisonnement faux, malgré une apparente vérité, mais qui implique généralement la mauvaise foi. Parler d'une politique d'insertion au marché du travail alors que le travail est, de plus en plus, inexistant et qu'il n'existe aucune réelle politique de création d'emplois, c'est un sophisme. Augmenter les gains d'emploi non déductibles sans la sécurité et la garantie d'un revenu minimum, c'est un sophisme. Introduire des allocations unifiées aux enfants pour les sortir de la pauvreté sans garantir un revenu minimum à leurs parents, c'est un sophisme.

Est-ce que notre gouvernement manquerait de vision d'ensemble? Au contraire, notre gouvernement nous démontre très clairement par ses actions le but d'ensemble qu'il vise: le déficit zéro. Et, pour l'atteindre, il taxe et coupe ceux qui ont le plus besoin de l'aide gouvernementale sans toucher aux profits des banques, aux profits des compagnies, aux profits des familles riches, sans toucher aux profits des profiteurs de toute cette situation. Une minorité de gens au Québec continue de s'enrichir, mais la majorité de la population continue, elle, de s'appauvrir.

Statistique Canada établit le seuil de pauvreté pour une personne seule à 15 500 $ par année, mais le livre vert nous apprend qu'au Québec les besoins essentiels pour cette même personne seule se chiffre à 8 400 $. Et la ministre propose une prestation de base à 6 000 $ par année, pouvant même être réduite à 4 200 $ et même moins. Nous savions que le Québec était une société distincte, mais nous ne le pensions pas à ce point.

Par conséquent, nous revendiquons une sécurité du revenu qui garantit un revenu minimum, un barème plancher pour chaque citoyen et citoyenne et des mesures d'aide à l'insertion en emploi axées sur une participation volontaire, exempte de toute pénalité financière. Et, plus globalement, nous réitérons pour la nième fois nos demandes d'une redistribution de la richesse par une véritable réforme de la fiscalité, d'une politique de création d'emplois au centre de toute l'action gouvernementale et du maintien et de l'amélioration des programmes sociaux. En clair, stopper le démantèlement des programmes sociaux pour atteindre le déficit zéro.

Mesdames et messieurs du gouvernement et de l'opposition, vous savez tous comme nous où va l'argent, où est l'argent. Allez le chercher là où il est puis arrêtez de varger sur le pauvre monde. Parce que s'appauvrir quand on est pauvre dans un quartier pauvre, ça veut dire aussi qu'on finit par développer de la haine, de la haine pour ceux qui ont l'argent, de la haine pour ceux qui ont le pouvoir de changer les choses et qui ne le font pas. De la haine. Et, comme disait Ti-Cul Lachance dans sa lettre à son premier sous-ministre: «À semer du vent de cette force-là, tu te prépares une joyeuse tempête et peut-être bien que tu ne t'en aperçois pas.»

Pour terminer, nous vous remettons à tous un petit exercice. Il s'agit du budget mensuel d'un prestataire en fonction de certains des barèmes prévus par le projet de réforme. On vous invite sérieusement à le remplir pendant les deux prochaines heures – on a du temps devant nous autres, là – parce qu'on va le ramasser à la fin. On vous invite même à le signer si ça vous intéresse, ça nous fera plaisir de savoir comment vous arrivez à budgéter un mois avec ces montants-là. On m'a signalé tantôt qu'il fallait rajouter 3 $, semble-t-il, sur les montants qui sont là. On s'excuse, ça va peut-être vous donner une marge de manoeuvre supplémentaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit (Jacques): Je termine en disant que j'ai ici un article de presse du Journal de Québec du 16 janvier rapportant la mort d'un individu. Cet individu-là, mort, n'est-ce pas, qui, grâce à l'assurance-médicaments, n'a pas été capable de payer son insuline. Être victime de l'effet conjugué des coupures, ce n'est pas qu'une possibilité en l'air, c'est déjà une réalité. À la mémoire de cet homme, nous vous invitons à observer, avec nous, une minute de silence.

(16 h 9 – 16 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange, tout en rappelant aux membres de la commission qu'on alterne et que le 10 minutes par membre inclue l'échange avec chaque invité. Alors, dès qu'il y a 10 minutes de faites, je dois vous interrompre.

Mme la ministre, si vous voulez commencer.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je crois que vous venez de parler de la question de notre situation distincte en Amérique du Nord. Vous avez présenté les choses en disant qu'on vivait une situation distincte. Effectivement, oui, on vit une situation distincte.

Distincte par rapport à celle des États-Unis. Sans doute êtes-vous informé que cet été les États-Unis d'Amérique ont décidé que l'aide sociale, c'était pour cinq ans – après, c'est fini pour le reste de la vie – et que c'est actuellement en vigueur, cette disposition que les démocrates ont adoptée après que les républicains l'ont eu proposée.

Oui, certainement, on est distincts aussi de l'Ontario, où, le 16 janvier, le gouvernement Harris a décidé que dorénavant l'aide sociale ontarienne était payée à 50 % par les municipalités. Je n'ai pas à vous dire à quel point ça ne coûterait pas cher à Westmount, puis pas mal plus cher à Verdun, et pas mal plus cher évidemment à Montréal qu'à Stanstead. C'est là où les gens sont locataires que l'on retrouve définitivement, la plupart du temps, des gens qui peuvent avoir besoin de recourir à l'aide sociale. Oui, on est distincts.

On est même encore distincts des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique, ils sont 25, l'OCDE. Vous en avez sûrement entendu parler; ce sont les 25 pays industrialisés. Et, vous avez raison, vous l'avez dit tantôt, on se situe globalement, avec notre produit intérieur brut, à peu près à l'équivalent de tous ces pays industrialisés. On n'est pas dans le peloton de tête, mais on n'est pas si mal placés, à l'équivalent de l'Australie, n'est-ce pas, ce n'est pas si mal, au 17e rang. Entre l'Australie puis le Québec, on compétitionnerait pour savoir si on est devant ou derrière.

Et, à la différence de ces pays industrialisés, on a encore un régime d'aide sociale qui s'adresse non seulement à des gens qui ne peuvent pas travailler, mais qui s'adresse aussi à des chômeurs. Parce que, dans ces pays industrialisés... J'ai fait faire une revue. On peut ne pas être d'accord, mais encore faut-il, à un moment donné, se dire que, si on se compare, il faut savoir avec quoi. J'ai fait faire une revue systématique, et, dans les pays les plus démocratiques, n'est-ce pas, ceux qui, sur le plan industriel avancé, pratiquent des politiques actives du marché du travail, eh bien, dans ces pays-là, l'aide sociale est réservée à des personnes qui ne peuvent pas travailler, parce que les régimes qui sont en place sont soit des régimes d'assurance-chômage contributoires ou des régimes d'assistance-chômage. Au Danemark, en Norvège, en Suède, en Allemagne, ou qu'importe, là, ce sont des régimes d'assistance-chômage.

Parce que l'idée de base, c'est la suivante: il y a de plus en plus de chômeurs à l'aide sociale. Et vous savez pourquoi il y a de plus en plus de chômeurs à l'aide sociale? Parce qu'il y a aussi de moins, en moins, en moins de chômeurs à l'assurance-chômage – qui a changé de nom. J'ai juste fait sortir, au niveau de ce qui se passe... Parce que j'aimerais bien avoir le pouvoir que vous nous attribuez, notamment celui d'administrer tout l'argent de nos impôts. Ça nous aurait permis de ne pas avoir à subir pour 1 800 000 000 $ de coupures. Pensez-y, là: 680 000 000 $ l'an passé puis 1 200 000 000 $ cette année.

Vous savez, il n'y a pas de miracle, hein. Si M. Martin peut annoncer sa réduction de déficit, c'est sur le dos de qui vous pensez. Il a coupé 1 800 000 000 $, l'an passé puis cette année, pour l'éducation, la santé, l'aide sociale. L'éducation post-secondaire, on se débat pour ne pas qu'il y ait de frais de scolarité; la santé – ce n'est pas sans raison qu'on s'est levés tantôt – pour ce qu'on en sait; puis l'aide sociale pour une autre raison aussi, c'est qu'en plus de cela... Comment a-t-il financé la réduction de son déficit en plus d'avoir coupé? Ce sera 7 000 000 000 $ qu'il aura coupés aux provinces puis, pour le Québec, ce sera l'équivalent de 1 800 000 000 $. Vous savez, il y a beaucoup d'argent là-dedans, hein, plus même que tout ce qu'on peut penser aller chercher pour, nous au Québec, réduire le déficit.

Puis il s'est emparé de l'assurance-emploi. Alors, l'assurance-emploi, quand je dis qu'il s'en est emparé, ce n'est pas compliqué, là, j'ai les chiffres pour 1995-1996 et 1996-1997, c'était 4 500 000 000 $ pris dans les cotisations d'un programme d'assurance – ça, c'est la première heure travaillée qui est cotisée – et puis finalement ce 4 500 000 000 $ est détourné pour directement s'en aller dans la réduction du déficit. En se rappelant que c'est des gens – pas ceux qui sont assis autour de la table ici en commission, en avant, qui gagnent plus que 39 000 $ – qui gagnent moins de 39 000 $.

Bon. Alors, il y a un contexte. Et je voudrais vous dire – j'ai eu l'occasion de le dire à M. Langevin, mais je voudrais vous le répéter: Ce n'est pas vrai, M. Langevin, que je veux sortir ni que j'ai le mandat d'en sortir 100 000 de l'aide sociale. Ce que je vais vous dire, par ailleurs, c'est que la récession de 1989, là, elle a amené exactement 90 000 ménages à l'aide sociale. Savez-vous ça qu'en cinq ans, entre 1990 et 1995, il y a eu 90 000 nouveaux ménages, 205 000 personnes au total, puis que ça a coûté 1 000 000 000 $ en cinq ans? Ça, c'est directement lié, comme je l'ai écrit, à ce qu'on a connu comme récession.

Et ce que je dis, ce que je répète et ce que j'ai dit, c'est que, du jour au lendemain, la croissance économique serait de plus que 3 % puis ça correspondrait à 1 % de croissance de l'emploi, parce que c'est ça, les changements qui sont survenus. Avant, 1 % de croissance économique ça voulait dire 1 % d'emplois. Un gros investissement, ça voulait dire plus d'ouvrage. Maintenant, les gens se méfient: un gros investissement, ça peut vouloir dire moins d'ouvrage. Je n'ai pas à vous donner l'exemple de l'Alcan au Lac-Saint-Jean: 1 000 000 000 $ d'investissement puis 2 800 emplois de moins.

Alors, ça signifie que finalement il s'est produit qu'on aurait cette croissance économique, et ce que je dis, c'est qu'il y a au moins 100 000 personnes qui n'ont pas de problème d'employabilité, qui sont sur l'aide sociale parce que la croissance économique n'est plus synonyme de la croissance de l'emploi comme avant et que ces 100 000 personnes n'ont pas de problème d'employabilité quand elles arrivent, mais on se comprend que, si ça dure longtemps, il y a des chances qu'elles aient des problèmes d'employabilité, par exemple. Parce qu'il y a des chances que, plus ça dure longtemps, plus c'est difficile après ça de correspondre aux qualifications qui sont demandées. Alors, c'est de ça dont on peut se parler.

(16 h 20)

Mais je voudrais simplement... Parce qu'on aura l'occasion peut-être de revenir, notamment sur Formétal. J'ai apprécié la présentation qui en a été faite puis les problèmes qui ont été soulevés. C'est quand même 75 % des gens qui passent par une entreprise d'insertion comme Formétal. Il y en a, comme vous le savez, une centaine qui trouvent ensuite un emploi ou qui retournent aux études. Ça, c'est les chiffres de la revue Commerce . Tantôt quelqu'un en a parlé, là. Et ces entreprises d'insertion, vous savez sûrement qu'elles sont non seulement en développement, mais qu'on vient de compléter quelque chose d'important qui va consister à engager les ministères du gouvernement, qui levaient le nez, là, jusqu'à maintenant, que ce soit à l'Industrie et Commerce, à l'Éducation, que ce soit à la Main-d'oeuvre ou ailleurs, et qui dorénavant vont s'ajuster pour ensemble faire des contrats d'insertion qui vont permettre le financement puis le développement de ces entreprises d'insertion. Puis je comprends qu'avec les témoignages qu'il y a eus c'est vers ça qu'il faut s'en aller, en ajustant.

Juste un mot, tantôt je vous entendais, je me disais: C'est le procès, vous faites le procès de ce qui existe maintenant. Et, à la page 8 du premier mémoire présenté, je dois vous dire qu'il y a tout un procès là des articles 22, 23, 76 – on pourrait ajouter l'article 28, là, de la pénalité, n'est-ce pas? Alors, ça, il y a de quoi là. Là on peut aujourd'hui se dire, comme tantôt quelqu'un l'a dit: Bon, la réforme ne va rien régler de ça. Je veux juste vous dire, au départ en tout cas, pour Nancy, pour Rémy et puis pour d'autres aussi, là, ce que ça va faire, c'est que ce n'est pas son enquêteur, comme elle a dit, qui va être responsable de son parcours, qui va être responsable...

Un parcours, c'est un projet personnel, et les conseillers à l'emploi puis l'aide financière, ça va être complètement séparé et les chômeurs, qu'ils soient à l'assurance-emploi, qu'ils soient des travailleurs en recherche d'emploi ou qu'ils soient finalement tout simplement des gens qui n'ont pas de chèque, vont, pas comme maintenant... pensez maintenant que les lois excluent les chômeurs à l'aide sociale de l'ensemble de politiques de main-d'oeuvre. Il y a les mesures d'employabilité puis, après, c'est terminé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre je suis obligé de vous interrompre. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Vous aurez sûrement l'occasion de revenir.

Mme Loiselle: Bien, là, je vais leur laisser parce que, si on veut échanger, si on prend nos 10 minutes puis qu'ils ne peuvent pas parler... Je vais leur laisser la chance de peut-être pouvoir parler un peu.

M. Langevin (Denis): Si vous permettez...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sur le 10 minutes, allez-y.

M. Langevin (Denis): Bien, écoutez, Mme Harel, il y a 300 000 chômeurs de longue durée à la sécurité du revenu, il y a 400 000 chômeurs à l'assurance-emploi: il y a 700 000 demandeurs d'emploi en ce moment au Québec. L'année passée, votre gouvernement a contribué à la création de 9 000 emplois, et l'année 1997 est très mal amorcée: 15 000 emplois dans la fonction publique, 5 000 emplois dans trois ans pour les caisses Desjardins, 400 emplois chez Zellers, 700 emplois chez Greenberg, et j'en passe.

Alors, là, le problème, quand vous nous arrivez puis que vous nous dites: On va aider les gens à s'en sortir par un parcours d'insertion vers l'emploi, je veux bien croire à la vertu, mais il y a quand même là un déficit: 700 000 demandeurs d'emplois. Et, vous savez, c'est vous qui avez dit, le 10 décembre dernier, que vous songiez quand même, à moyen terme, sortir 100 000 ménages de la sécurité du revenu, et Pierre Fortin vous a répondu que, pour arriver à faire sortir 100 000 personnes de l'aide sociale sur le marché du travail, il faudrait que le taux de chômage, qui est actuellement de 12 % au Québec – qui est même de 17 % si on regarde la sous-utilisation de la main-d'oeuvre – tombe à 8 %. Or, depuis 1977, depuis 20 ans, le taux de chômage n'est descendu en bas de la barre des 10 % qu'à quatre reprises seulement; il a toujours été supérieur à 9 %.

Donc, à un moment donné, c'est bien beau nous dire que votre réforme est moins dure que celle des Américains ou que, comparativement à l'Ontario, on vit dans le meilleur des mondes. Je vous dirais que les prestations que vous versez actuellement pour une personne seule, le pourcentage au niveau du seuil de pauvreté de Statistique Canada, l'Ontario, c'est plus avantageux. Excusez-moi, mais c'est ça, la réalité: c'est plus avantageux, en ce moment, en Ontario, malgré Harris, malgré tous les discours que Harris fait.

Alors, si vous comparez des choses entre une réforme qui, sur papier, semble intéressante... Parce qu'un parcours, ça, on aurait rien contre, mais prenez l'engagement par écrit en ce qui a trait aux articles 28 puis 29; faites-nous tomber ça, ces pénalités-là, et on va être très contents.

Là, en ce moment, ce dont on a peur, c'est que vous mettiez en place des mécanismes pour culpabiliser les gens de ne pas être sur le marché du travail. Ils ne sont pas sur le marché du travail parce qu'il n'y a pas d'emplois; c'est ça, la base. Puis, à partir de ce moment-là, on ne peut pas faire comme les Américains, sinon, bien, si on fait comme les Américains, on aura les problèmes sociaux des Américains. En Californie, vous avez plus de gens, en ce moment, en prison, âgés entre 18 et 30 ans, que de gens assis à l'université. Alors, si c'est ça qu'on veut comme société distincte, bien qu'on aille de l'avant et on va avoir un beau résultat à terme.

M. Benoit (Jacques): Tu voudrais ajouter un autre petit truc?

M. Lalande (Jean): Bien, rapidement aussi, je veux dire, ce n'est pas parce que quelque chose se fait ailleurs que c'est bien. Je veux dire, en Indonésie, les gens sont fouettés sur la place publique s'ils mâchent de la gomme, alors, là, je sais que c'est... Ce n'est pas un critère. En Europe, il s'est déjà passé des choses bien épouvantables aussi, puis on peut compter...

Ce dont j'essayais de parler tantôt, c'est: Est-ce qu'il y a des principes sur lesquels on s'entend dans la société québécoise? Est-ce qu'on pense que les gens ont besoin d'un minimum pour vivre? Et puis, à ce moment-là, est-ce qu'on va se dire: Il y a un plancher? On l'a posée tantôt; on aimerait ça une réponse là-dessus. Est-ce qu'il doit y avoir un plancher? Puis là, on va mobiliser les moyens de trouver une façon de l'assurer.

On est très conscient, là, de ce qui s'est passé: la réduction des paiements de transfert, le transfert social canadien, ce qui se passe à l'assurance-emploi. Tout ça, on est conscient de ça; on dénonce ça, nous autres aussi. En fait, ce qu'on dit, c'est: Bon, bien, O.K., essayons de mobiliser les pouvoirs que le gouvernement québécois a pour assurer ces choses-là. On le fait quand il y a une catastrophe dans le Lac-Saint-Jean. On ne dit pas: Enveloppe fermée, on n'a pas les moyens, qu'ils crèvent! On ne dit pas ça, on dit: Il faut le faire parce que c'est notre devoir comme êtres humains, comme gens civilisés. Au-delà de ça, bon, face aux coupures du fédéral, pourquoi, à ce moment-là...

Comment je pourrais dire... Le livre vert ne dit pas: Bon, bien, O.K., il y a un problème là, mobilisons la population du Québec, mobilisons-nous en appui au mouvement populaire, qui existe aussi en Ontario puis ailleurs, contre les coupures, puis ainsi de suite. Ce n'est pas ça qui se passe. À la place, il y a toute l'explication: On n'a plus les moyens, puis là on saute aux coupures de 150 $, supposément de la faute des gens, mais on voit que, sur le terrain, les gens sont coupés quand ils vont à une entrevue pour l'employeur, ou que leur mère est à l'hôpital, ou des choses comme ça. C'est ça qui n'est pas correct. Que vous disiez que c'est difficile puis qu'on n'a pas les moyens, c'est une chose, mais, à ce moment-là, mobilisons tous les moyens, faisons campagne... En tout cas, c'est ça.

Mme Filion (Nicole): Moi, je voudrais ajouter un petit mot, parce qu'on répond qu'on se compare un peu à des pays de l'OCDE. Si on veut référer à des situations sur le point de la situation internationale, je pense que le Québec devrait aussi considérer le fait qu'il a souscrit à des engagements internationaux également, quand on parle notamment du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux.

Je ne veux pas faire un long exposé là-dessus, vous avez déjà deux mémoires qui ont été soumis à la commission des affaires sociales. Je vous référerais principalement à celui de l'Association américaine de juristes, et je sais que demain vous devez entendre la Ligue des droits et libertés, qui va faire un long exposé là-dessus. Je me permettrais cependant juste de rappeler qu'en souscrivant au Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux le Québec, qui a décidé d'y souscrire par décret, s'est engagé, en fait, à reconnaître de façon progressive les droits économiques et sociaux. Cette exigence de progressivité fait en sorte que l'État peut difficilement revenir en arrière et restreindre un tel droit. C'est une exigence qui est d'ailleurs confirmée à l'article 11 du Pacte, par lequel l'État s'engage à garantir une amélioration constante des conditions d'existence.

La surveillance du Pacte est faite par le Comité des droits économiques et sociaux, à Genève. Il y a la production de rapports qui se fait de façon régulière. Le Canada va soumettre un rapport bientôt; je sais que le Québec doit aussi soumettre son rapport. Et le Comité des droits économiques et sociaux a élaboré une certaine jurisprudence, et c'est sur cette jurisprudence-là que je m'appuie pour dire ce que je vous dis. Il ne suffit pas, en fait, de proclamer un droit, on n'a pas seulement à souscrire à un droit inscrit dans le Pacte, mais on doit effectivement s'engager à mettre progressivement en oeuvre les moyens de leur réalisation.

Alors, s'il s'avère que le régime mis en place a pour effet d'imposer des nouvelles restrictions à la reconnaissance et à l'exercice des droits prévus au Pacte, il y aurait, à notre avis – c'est l'Association américaine de juristes qui parle – régression et donc violation du principe de la progressivité des droits. En fait, il va appartenir à ce moment-là au gouvernement de dire au Comité des droits économiques et sociaux – parce que nous entendons soumettre une plainte au Comité des droits économiques et sociaux – qu'il justifie comment la réforme qu'il propose va améliorer la réalisation de tous et chacun de ces droits, conformément aux engagements que le Québec a pris à l'égard de la communauté internationale en adhérant au Pacte international.

(16 h 30)

M. Benoit (Jacques): J'ajouterais une dernière chose. C'est quand même amusant d'entendre des gens qui sont du côté du gouvernement nous dire que la situation économique, je veux dire, tout ce qui se passe, la mondialisation, etc., c'est ça qui crée le chômage, c'est ça qui fait que le monde se retrouve chômeur, sans emploi, à l'aide sociale, etc. Tu dis: Avec un constat de même, on est d'accord. C'est quoi, la solution que vous proposez? On va couper le chômeur, on va couper les assistés sociaux, on va couper le monde qui subit les effets du problème. Quand est-ce qu'on va couper les gens qui créent le problème? Au lieu de couper de 30 % quelqu'un qui fait un parcours parce que, à un moment donné, à une place, il fait une erreur, pourquoi est-ce qu'on couperait pas 30 % des profits d'une compagnie qui fait des mises à pied? Ça serait une drôle de façon: ils sont allés chercher de l'argent.

Parce qu'on parle des marges de manoeuvre très restreintes du gouvernement. Bien, une bonne façon d'avoir une marge de manoeuvre moins restreinte, c'est de travailler là où est le problème. Une compagnie qui fait des profits et qui fait en même temps des mises à pied: Désolé, chère, tu as un rôle social, on va te couper 30 % de tes profits, puis ça on va l'utiliser pour être capable de pallier la situation qui existe actuellement, situation à laquelle tu contribues. Ça, c'est une première chose.

Puis la deuxième affaire, c'est qu'il me semble que c'est trop facile de toujours invoquer ce qui se passe ailleurs: C'est le gouvernement fédéral; c'est le gouvernement fédéral; c'est le gouvernement fédéral. Bien, si c'est le gouvernement fédéral, au lieu d'exé-cuter en bas, à la pièce, la même commande, pourquoi le gouvernement en place ne mobilise pas toute la population en arrière de lui pour faire renverser ces décisions-là?

Non, à la place, le gouvernement, ce qu'il fait, il exécute la commande. Il se plaint un petit peu. Il utilise ça. Il l'utilise surtout pour calmer le peuple, en bas, puis dire: Ce n'est pas de notre faute; on est obligés de vous couper. Mais, dans le fond, vous l'exécutez, la commande. Alors, si vous ne voulez pas l'exécuter, la commande, mobilisez-nous, organisez-nous, on va être en arrière de vous autres. Ce n'est pas ça que vous faites, malheureusement. Vous exécutez la commande.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Votre 10 minutes est passé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Harel: C'est l'alternance.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Moi, ça ne me fait rien, je vous le calcule à vous autres. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Donc, le 20 minutes est de ce côté-ci. Je suis obligé de faire la comptabilité.

Mme Harel: M. le Président, juste une remarque pour dire qu'on avait essayé de mobiliser pendant la campagne référendaire: on y est quasiment arrivé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, s'il vous plaît, allez-y.

M. Sirros: M. le Président, sur le même ton, avec le même loisir d'interrompre, M. le Président, le cynisme a aussi des limites. Utiliser ce genre de scénario pour faire de la partisanerie référendaire, moi, je ne le prends pas ici, parce que Mme la ministre, si elle veut être bien honnête, va aussi parler du déséquilibre dans la péréquation, etc., M. le Président. Ce n'est pas un débat référendaire qu'on veut faire ici, M. le Président. On veut répondre à ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Sirros: Alors, que la ministre s'en tienne à répondre à ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. J'ai reconnu...

M. Sirros: Non, mais ce n'est pas ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Merci. J'ai reconnu Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue à cette consultation.

Une voix: Ça me fait plaisir.

Une voix: ...

Mme Loiselle: Bon, s'il vous plaît, s'il vous plaît, M. le Président, là! Vous avez raison, je pense qu'il faut plutôt s'attarder à la réalité québécoise et voir où, finalement, le gouvernement priorise. C'est lui qui fait ses choix de priorités. Et, moi, je dis – et je sais que ça agace plusieurs personnes, mais je le répète presque de façon quotidienne: On ne peut pas dissocier le livre vert, la réforme qu'on a devant nous, des conséquences dramatiques qui se retrouvent dans la loi n° 115. Parce que, moi, je dis que les deux vont ensemble, c'est juste que le gouvernement n'a pas eu le courage de l'appliquer en même temps. Il nous a forcés d'adopter la loi n° 115, qui a des conséquences désastreuses dans la vie de tous les jours des prestataires de l'aide sociale, ce qui fait qu'aujourd'hui ces personnes-là...

Parce qu'il faut le rappeler, il ne faut pas se le cacher, les prestations de l'aide sociale n'ont pas été augmentées depuis 1993. Et, quand on applique toutes les compressions et les coupures depuis un an et demi, ç'a fait que les gens qui vivaient déjà sous le seuil de la pauvreté sont vraiment, comme vous avez dit tantôt, là, près de la porte de la misère, puis il y en a que c'est une question de survie.

Alors, quand ont est en question de survie, toute la question de l'intégration de l'emploi, je m'excuse, là, mais, comme vous avez dit tantôt, M. Benoit, quand tu te demandes si tu vas avoir assez de nourriture à donner à tes enfants, en plein milieu du mois si tu vas être capable de finir le mois, je pense que ta priorité, là... Il faut savoir ce que c'est de vivre la pauvreté pour penser que l'intégration en emploi, ça devient une autre sphère, à ce moment-là, parce qu'on parle d'une question de survie.

Tous les groupes, à date, là, c'est la grande majorité – ça fait à peu près, là, je pense, bientôt un mois qu'on est en commission, trois semaines et demie – sont venus nous dire que le caractère obligatoire, toute l'approche punitive avec pénalités, il faut que ça soit retiré du projet de loi, de la réforme et éventuellement du projet de loi. Les chercheurs – Camil Bouchard et son équipe – les études démontrent que c'est contre-productif, que c'est démotivant, que ça ne peut pas créer des liens de confiance avec les conseillers en emploi et que finalement ça peut pousser les gens, surtout les jeunes – tantôt, il y a M. Martin Boucher, je pense, qui a parlé – ça peut même les pousser dans la trappe de la délinquance, de la criminalité, parce que, au lieu de les motiver, c'est le contraire qui va arriver: ça va les démotiver puis ça va les emmener dans le décrochage complet.

Moi, le message, en tout cas, que j'entends – puis j'ai lu vos mémoires – ce que vous dites au gouvernement... Puis, en sachant, là – vous l'avez très bien démontré – qu'au niveau de l'emploi il n'y en a pas. Ce qu'on vit depuis les derniers mois puis les deux dernières années, c'est des pertes d'emplois; il y a eu plus de 40 000 pertes d'emplois au cours de la dernière année. Le taux de chômage, particulièrement à Montréal, il est plus qu'alarmant, il est plus qu'inquiétant. Vous avez parlé tantôt de la Fédération des caisses populaires qui a l'intention de couper 5 000 postes d'ici trois ans; il y a deux semaines, c'était Greenberg; la semaine passée, c'était Zellers; le gouvernement est rendu à 18 000 postes qu'il veut couper – c'est sa nouvelle proposition enrichissante dont le premier ministre nous parlait il y a quelques jours – dans la fonction publique.

Alors, c'est sûr que c'est des pertes d'emplois puis qu'il n'y a pas de création d'emplois qui se fait. Moi, le message... en tout cas, je pense que ce que vous venez dire comme cri du coeur aujourd'hui, c'est: Retirez votre projet de réforme parce qu'il est plein de mesures qui sont appauvrissantes pour les gens, les gens ne sont plus capables d'en prendre, les gens ont été déjà assez appauvris. Vous dites: Retirez ça, allez refaire vos devoirs, revenez-nous avec une vraie réforme, pas une réforme déguisée, où on essaie de faire des économies sur le dos des jeunes, des économies sur le dos des femmes monoparentales – on pourra revenir tantôt sur ça – mais revenez faire vos devoirs et prouvez-nous que vous voulez vraiment faire une réforme pour aider les gens et non pas vous acharner sur eux encore une fois, comme avec la loi n° 115.

M. Benoit (Jacques): Je voudrais juste – je ne sais pas s'il y a des petits camarades qui veulent intervenir – rappeler à tout le monde qu'on vous a passé un exercice budgétaire, n'est-ce pas? Je vous rappelle qu'on vous l'a passé, qu'on vous demande de vous exercer budgétairement puis qu'on va le ramasser tantôt. C'est juste pour vous le rappeler, il vous reste encore 1 h 30 min.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très, très gentiment et très, très poliment, je vous rappelle que c'est nous qui consultons.

M. Benoit (Jacques): Bien sûr.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Benoit (Jacques): Nous nous expliquons.

M. Langevin (Denis): Pour ce qui est des conséquences désastreuses des coupures qu'il y a eues depuis le 1er avril 1996, je laisserai à quelqu'un d'autre la question du logement, elle nous en parlera plus à fond. Mais, de toute façon, vous avez dans notre mémoire, en annexe, les coupures de 1996, les coupures de 1997, et on se demande quand ça va prendre fin. Parce que, là, ça se traduit non seulement par des barèmes d'aide sociale qui sont en deçà des coûts de loyer et d'électricité.

Mais vous avez une deuxième vague, hein. Vous avez les personnes assistées sociales comme personnes assistées sociales qui sont affectées. Mais vous avez la deuxième vague, c'est-à-dire quand la personne assistée sociale ne paie plus son loyer parce qu'elle n'a même plus les moyens de le payer, c'est le petit propriétaire qui est pris avec le problème. Chez nous, les dépanneurs du coin, les coiffeuses, les restaurants, les snack-bars, à partir du moment où les personnes assistées sociales n'ont plus les moyens, même pas pour subvenir à leurs propres besoins de base dans la vie courante, bien, ce sont ces derniers qui ont aussi des problèmes. Vous avez aussi... avec les resserrements qu'il y a eus au niveau des soins optométriques, des soins dentaires, j'ai parlé à plusieurs avocats aussi, les avocats, les dentistes, il y a des gens aussi qui subissent, en partie, ces contrecoups-là des coupures. Il faut à tout prix que ça cesse parce que...

Quand on vous a rencontrée, Mme Harel, au mois de septembre, la Coalition pour la survie des programmes sociaux, je vous parlais de l'exemple type de la personne à 500 $ moins 150 $ moins 150 $ moins 104 $: 96 $. Bien, la semaine passée, je l'ai rencontrée, la personne à 96 $. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Qu'est-ce que j'ai à lui dire pour l'aider? D'aller à l'Armée du Salut? Alors, là, je pense qu'à un moment donné il faut se rendre compte, il y a les coupures... Puis ça, c'est des tableaux avec des coupures, pleins de coupures.

Puis il y a aussi les autres coupures que vous n'annoncez pas en grande pompe. Quand vous avez annoncé, votre gouvernement – dans le temps, c'était Mme Blackburn – le programme AGIR, vous ne vous êtes pas vantés que, dans la première année, vous aviez économisé 15 000 000 $ dans les poches des plus pauvres, puis vous ne vous vantez pas non plus, depuis que vous êtes ministre, que, dans le fond, cette année, vous en avez déjà 17 000 000 $ d'économies de faites avec le programme AGIR. Là, je pense qu'il faut que vous preniez vos responsabilités quelque part, puis que ça arrête, l'hémorragie à l'aide sociale, sinon il y aura des frais que vous aurez à défrayer parce que ça va coûter cher, ça, ces problèmes sociaux là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous rappelle, encore une fois très gentiment, de vous adresser toujours à la présidence, s'il vous plaît.

M. Langevin (Denis): Oui.

M. Benoit (Jacques): On n'a pas beaucoup l'habitude.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, non, c'est pour ça que je le fais bien gentiment aussi.

M. Benoit (Jacques): On va essayer de s'ajuster, on n'est pas tellement habitués. Il y a Marie-José qui voulait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

Mme Corriveau (Marie-José): Je ne sais pas comment ça fonctionne, le système de micro.

M. Benoit (Jacques): C'est beau, c'est ouvert.

Mme Corriveau (Marie-José): Ah, O.K., merci. Excusez-moi. D'abord, concernant les questions de logement, rapidement, rappeler que le gouvernement du Parti québécois a aboli l'allocation-logement pour les personnes Soutien financier l'été dernier; que, parallèlement à ça, le PQ s'était engagé, en campagne électorale, à deux choses: la coupure progressive pour partage de logement et, d'autre part, le développement de logements sociaux, de 1 500 unités par année.

À ce jour, on n'a pas touché à la coupure pour partage de logement, on continue de taxer les gens qui cohabitent et qui essaient de s'entraider en cohabitant, d'une part. D'autre part, on a développé, depuis l'élection, seulement 1 200 unités au Québec et, ensuite, on a aboli la prestation allocation-logement aux personnes assistées sociales Soutien financier, ce qui est une coupure de 30 $ par mois en moyenne. Je ferme la parenthèse logement.

(16 h 40)

Tantôt, on a dit, et Mme Loiselle l'a réitéré: Il y a trop peu d'emplois. On peut bien comprendre que le gouvernement fédéral fait des transferts via la réforme de l'assurance-emploi. Ceci étant dit, ça ne crée pas plus d'emplois et ce n'est pas en prétendant que les gens doivent faire des parcours que la pensée magique va créer de l'emploi. Par contre, il y a des profits; l'argent, il n'est pas disparu, personne ne l'a brûlé. Il y a du monde qui ont de l'argent au Québec. Et c'est ça qu'on vient vous dire. Arrêtez d'aller chercher l'argent dans les poches des plus pauvres; ils n'en ont plus, ils sont en train de se rendre malades à tous les niveaux et, pendant ce temps-là, il y a de l'argent qui s'accumule, entre autres, dans Le Devoir du 6 décembre dernier, on faisait étant que des compagnies très québécoises avaient enregistrées des rendements de plus de 20 % et parfois même jusqu'à 30 % au cours de l'année passée. Il est là, l'argent. Il est dans les milliards que les banques ont faits. C'est là qu'il faut aller.

L'été passé, le gouvernement a consenti à mettre sur pied une commission itinérante sur la fiscalité – dans des délais aussi aberrants que ceux qu'on a eus à rencontrer pour la présente commission. Cependant, il y a des gens qui vous ont fait là des recommandations de tous ordres en vous demandant, entre autres, de plafonner les REER, pas pour mettre à contribution les gens de la classe moyenne, qui sont déjà surtaxés, mais pour faire en sorte que les gens à hauts revenus ne puissent plus profiter d'un abri fiscal qui coûte très cher au gouvernement et qui fait que le gouvernement, au lieu d'aller chercher cet argent-là, décide de couper les plus pauvres. Et ne parlons pas de la retraite que ces gens-là auront évidemment parce qu'on est en train d'annoncer des coupures dans les programmes de retraite pour la pension de vieillesse. Il y a eu ça comme proposition. Il y a eu des coupures aussi qui ont été proposées concernant les abris fiscaux pour les gains de capital. On parle de gens qui ont de l'argent et qui, à l'heure actuelle, parce qu'ils font de l'argent, sont autorisés à ne pas payer d'impôts. Ça n'a pas de bon sens et c'est là-dessus que les gens en ont et contre quoi ils sont en colère, c'est le deux poids, deux mesures. On dit qu'on veut que tout le monde soit mis à contribution, mais, jusqu'à présent, les seuls qu'on met à contribution de façon significative et désespérante, c'est les personnes à faibles revenus.

Ceci étant dit, cela va – et la réforme en est un exemple – absolument à l'encontre de ce que le gouvernement a adopté lors du dernier Sommet, où il s'était engagé à ne pas couper les plus pauvres des plus pauvres. Bien, la réforme, c'est ça qu'elle vient faire, elle vient couper les plus pauvres des plus pauvres. Et ça, c'était juste la petite partie que le gouvernement a acceptée de la clause d'appauvrissement zéro. Bien, même ça, il va à l'encontre avec sa réforme, sans compter ce qui, de toute façon, même si c'était supposément dans la réforme, va s'appliquer indépendamment de ce qu'on va se dire ici.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour. Je pense que c'est important que vous nous entreteniez de ces questions, je dirais, avec une approche globale comme vous le faites depuis le début. Je retiens essentiellement que vous faites le procès d'un système, d'un vaste système dont les réformes concernant la sécurité du revenu sont un aspect, mais simplement un aspect.

Je dis aussi en passant que, dans vos critiques, à moins que je me trompe, je pense que vous englobez absolument la loi n° 37, qui a précédé ce que nous avons voulu faire, et je serais fort étonnée que vous pensiez que nos prédécesseurs ont fait tellement mieux qu'on puisse les citer en exemple. Je referme la parenthèse. Je dis donc que vous faites le procès d'un vaste système.

Je pense que vous avez raison de souligner des éléments importants dans votre procès et, honnêtement, que je partage pour une bonne part. Je pense comme vous qu'il y a un problème crucial d'emploi dans notre société dû à une transformation de la structure industrielle et à un certain nombre de choses qui se passent à l'échelle planétaire. Je le reconnais, ça. Je pense que c'est devenu une évidence douloureuse, mais nonobstant une évidence.

Je pense aussi qu'il y a certainement dans notre approche... Et il y a beaucoup de témoignages que j'ai lus ou que j'ai entendus, parce qu'il y en a dans les textes aussi, qui nous indiquent qu'il y a un problème dans la façon de traiter avec les gens. Il y a des histoires difficiles, des histoires de méfiance, d'erreurs – ...

Mme Harel: D'horreur.

Mme Malavoy: ...oui, d'horreur, Mme Harel dit «d'horreur» à juste titre – qui nous font dresser les cheveux sur la tête et qui nous font dire sûrement qu'il y a là des choses majeures à transformer.

Je trouve que vous avez raison aussi de dire qu'il y a un problème, je dirais, de répartition de la richesse dans notre société. Vous avez des idées sur ce qu'il faudrait faire. Certains vont dire, comme tout à l'heure: Il faut aller puiser dans les profits des compagnies, dans les profits des banques, il faut toucher aux REER, etc. Il y a un problème de répartition de la richesse, et, là-dessus, peut-être que je n'aurais pas les mêmes solutions ou, en tout cas, que, dans mon analyse, j'introduirais d'autres éléments, mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a, oui, quelque chose à regarder du point de vue de la répartition de la richesse.

Et je vous dirai qu'il faut se battre sur tous ces fronts-là. Vous le faites à votre manière. Bon, moi, je prétends qu'on peut essayer de le faire même en faisant partie d'un gouvernement, et c'est légitime de dire qu'il faut se battre sur tous ces fronts-là.

Si je reviens au livre vert sur la sécurité du revenu, parce que c'est ça, ma mission à ce moment-ci, c'est de participer à l'élaboration de la meilleure réforme qui soit, j'essaie malgré tout de voir: Que pouvons-nous offrir de mieux aux personnes dans l'immédiat? C'est sûr que, s'il y avait de la création d'emplois en grande quantité, il y a un certain nombre d'arguments, des arguments que vous soulignez, qui tomberaient. C'est sûr que, s'il n'y avait pas de déficit, il y a un certain nombre de vos arguments qui tomberaient. Mais ça fait partie des fronts face auxquels il faut également se battre.

Dans la réalité, il reste que ce que nous avons à faire de mieux, c'est de trouver le moyen d'instrumenter des gens, de leur permettre... pour dire ça de façon simple, de mettre plus de chance de leur côté, non pas au cas où il passe quelque chose, mais dans l'espoir – parce qu'on vit d'espoir personnellement et collectivement aussi – que certaines avenues qu'on essaie peut-être timidement d'explorer pour le moment soient porteuses de quelque chose dans les prochaines années. Et ce que le parcours veut faire essentiellement, c'est instrumenter des gens.

Alors, ça peut vouloir dire leur offrir un certain nombre de services psychosociaux pour les remettre sur un minimum de confort par rapport à la vie, par rapport à eux-mêmes, pour être capable ensuite de faire d'autres démarches. Ça peut vouloir dire leur offrir des parcours de formation; ça peut vouloir dire leur permettre d'être des apprentis en emploi; ça peut vouloir dire aussi leur permettre, puis il y a des gens parmi vous qui avez fait des bouts de ça, d'occuper un emploi qui les intéresse.

Ça peut vouloir dire beaucoup de choses, mais l'idée qu'il y a derrière ça, c'est essentiellement d'inscrire les gens dans un parcours qui n'opère pas de magie; ce n'est pas parce qu'on a fait un parcours qu'il y a quelque chose qui, de façon magique, pour les dizaines de milliers de personnes qui le souhaiteraient, procure un emploi. Mais c'est malgré tout, moi, je pense, se mettre dans de meilleures conditions et d'espoir par rapport au travail et d'espoir par rapport à la vie tout simplement. C'est d'ailleurs très souvent de ce type d'espoir que vivent des étudiants et des étudiantes qui commencent des études dans des secteurs où ils ne sont pas sûrs qu'ils auront du travail, mais qui malgré tout trouvent que c'est intéressant d'être dans ce type de parcours plutôt que d'être en marge.

J'aimerais que vous me disiez si, cet aspect-là, vous trouvez qu'il a du sens. Et j'aimerais que vous mettiez un instant de côté – parce que vous avez beaucoup, beaucoup insisté là-dessus – tout l'aspect des pénalités. Les pénalités, c'est une chose. Je reconnais qu'on revient beaucoup là-dessus à l'intérieur de la commission. Les pénalités, c'est une chose, mais le coeur, pour moi, de cette réforme, c'est de trouver des moyens, avec les bonnes personnes, avec la bonne formation pour les agents, etc., de remettre des gens sur les rails qu'ils choisissent, qu'elles choisissent et qui leur permettent d'avoir un peu plus d'espoir, que, une porte s'ouvrant, ils soient préparés à mettre la main sur la poignée.

M. Lalande (Jean): Bon, en fait, c'est ça. Nous, le problème qu'on voit, c'est que le coeur, justement, c'est les pénalités, parce que, si on parle des parcours, la question des parcours en général, est-ce que c'est bon, est-ce que ce n'est pas bon? C'est académique, parce que tout dépend de comment ça se passe sur le terrain. Comment ça se passe sur le terrain? On a l'expérience de la gestion, des mesures d'employabilité, des plans d'action, des barèmes «disponible» des «non-participant» et de la pénalité pour refus et abandon d'emploi. Ça, c'est tout un répertoire d'expériences. On a ça.

Là, il faudrait aller voir comment ça s'est passé, ça. Puis là ce qu'on vous dit c'est qu'il y a plein de cas. Je pense qu'on voit plein de cas où les pénalités, finalement, sont utilisées pour dénaturer, disons, le but initial ou officiel de la mesure. C'est ça qui arrive. C'est que, quand, par exemple, on a le choix entre la chance de couper ou faire quelque chose qui va aider à l'intégration à l'emploi, c'est la chance de couper qui prime, c'est la possibilité de couper qui prime. C'est ça qui se passe. Ça se passe par rapport à la pénalité pour refus ou abandon d'emploi; ça se passe aussi par rapport au parcours que les gens peuvent faire.

(16 h 50)

Bon, il y a un cas, sur lequel le front commun fait appel à Mme Harel, d'une prestataire qui a étudié pendant deux, puis le bureau d'aide sociale ne s'en était pas rendu compte parce qu'il n'avait pas envoyé le formulaire de renouvellement puis la déclaration complète, puis son agent, qui savait que la dame était aux études, ne l'avait jamais informée des dispositions de la loi et du règlement. Bien, deux ans plus tard, le ministère décide le dénuement total pendant deux ans parce qu'elle a étudié. Elle a étudié dans son domaine d'étude, aujourd'hui elle travaille dans son domaine d'étude...

Mme Malavoy: Vous recommencez, je m'excuse mais vous recommencez à me faire le procès d'un système.

M. Lalande (Jean): Mais oui, absolument, absolument.

Mme Malavoy: Je reconnais ce que vous dites, je veux bien le reconnaître.

M. Lalande (Jean): Non, non, je suis désolé, si vous me permettez de terminer, si vous me permettez de terminer, c'est le procès d'un système... il faut parler de ce qui se passe, il faut parler de la réalité, sinon on vient ici pour rien. Nous, on dit: Oui, on a pris connaissance du livre vert puis des propositions qu'il y a dedans, on en a pris connaissance. Si on n'en parle pas, ce n'est pas parce qu'on dit que ça ne vaut rien puis que ce n'est pas intéressant. Ce n'est pas ça qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut commencer par le b.a.-ba, de notre point de vue. Si vous venez nous consulter, nous, on va vous donner notre point de vue, on ne va pas vous donner votre point de vue, on va vous donner le nôtre, si on est consultés.

Mme Malavoy: Je n'ai aucun problème avec ça, monsieur. Je voudrais avoir votre point de vue pas seulement sur les problèmes qui existent, mais sur la façon de changer la situation.

M. Lalande (Jean): Mais, en tout cas, je vous donne un exemple de parcours, si vous me permettez de terminer, je vais donner un exemple de deux visions du parcours. Je vous donne la vision d'une personne qui a fait son parcours, qui l'a réussi, O.K., mais qui a une dette de 12 000 $ et puis, si elle doit la rembourser en trois ans, elle va probablement devoir cesser de travailler, O.K.? Alors on fait appel, on attend la réponse là-dessus, sur ce point-là.

Mais c'est juste pour donner... on voit par exemple que... parce que ce qui est en cause, c'est le caractère obligatoire ou non obligatoire des pénalités, ce n'est pas un détail accessoire, ça change la nature du processus du parcours; ça change le processus, ça change qu'est-ce qui est possible. S'il y a une pénalité de 150 $ la première fois qu'on fait une erreur, bien, en élargissant... Bon, le parcours, vous l'avez dit tantôt, peut porter sur une foule, un grand éventail de choses. Ce n'est heureusement pas le cas pour la pénalité pour refus ou abandon d'emploi, c'est un peu plus restreint, mais, en l'étendant au parcours, c'est un grand éventail.

Ça veut dire qu'on peut lancer des choses à faire à l'infini, pendant des années, jusqu'à temps qu'il fasse une erreur: Bang! 150 $ par mois pendant un an. Parce que c'est ça qui se passe. Quelqu'un remplit des demandes d'emploi, il les remplit à tous les mois au complet, il fait tout, etc. Il s'agit qu'une fois il se trompe, il s'agit qu'une fois... C'est ça qui se passe.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Court commentaire?

M. Langevin (Denis): Oui. Bien, écoutez, on a déjà des mesures d'employabilité, il y a déjà des plans d'action en employabilité, il y a des gens ici dans la salle, en arrière, qui en ont fait, des programmes, des EXTRA, des stages en milieu de travail, des rattrapages scolaires, ils ont fait toutes ces mesures-là. En quelque part, ces gens-là, ils n'ont rien fait de différent que le parcours que vous proposez théoriquement, dans le fin fond. Ils ont pris, dans les mesures qui étaient disponibles, les mesures qui faisaient leur affaire. Quand ils ont pu les avoir, ils les ont eues, ils les ont faites, puis ils ne sont jamais sortis de l'aide sociale pour autant, ou, quand ils en sont sortis, c'est temporairement.

Alors, moi, je ne pense pas qu'on a inventé la roue avec le parcours d'insertion vers l'emploi. On n'a pas inventé la roue. Et, quand on dit qu'on fait la critique du système, oui, on l'a faite la critique. D'ailleurs, il y a des pages très méchantes sur André Bourbeau dans le mémoire du CPAS, mais, en quelque part, ça ne nous empêche pas de critiquer encore le gouvernement actuel.

Et, si je regarde ça, ils n'ont pas osé faire ce que vous avez osé faire. Eux, ils ont mis le barème de non-participation comme le barème punitif. Je suis désolé, mais c'était le barème punitif, 500 $. Bien, vous, c'est 500 $ moins 150 $ puis un autre moins 150 $, vous avez été au-delà de ce que les libéraux ont fait. Peut-être bien qu'ils ont été dans la direction du «workfare», peut-être bien, mais, en quelque part, même le barème de participation, ce n'est pas marqué là-dedans. Puis, dans la mesure AGIR, il n'y en a pas, de barème de participation. C'est étrange, c'est étrange que, dans la mesure AGIR, qui est la mesure de contrôle pour couper, on n'a pas prévu de barème de participation. Alors, en quelque part, je ne suis pas en accord: on ne fait pas juste le procès de la loi n° 37, on fait le procès de la loi n° 37 et le procès du livre vert.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suis obligé de vous interrompre. Je passe la parole à M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'enchaînerai juste en disant et je ferai remarquer que la pénalité était pour refus d'emploi, refus d'emploi offert et non pas pour refus de suivre un parcours d'insertion vers un emploi inexistant.

Alors, moi, vous allez m'excuser, M. le Président, mais ça fait 16 ans que je suis ici. Le premier dossier qui m'a occupé à l'Assemblée nationale en 1981, comme critique, à ce moment-là, c'était le dossier de l'aide sociale. C'était le dossier qui me préoccupait plus particulièrement parce que, des fois, pour savoir où on va, il faut savoir d'où on vient. Mais je pense que le monsieur là-bas a bien ramassé – je ne me rappelle pas de votre nom... L'idée initiale de l'aide sociale, c'était effectivement un dernier recours pour ceux qui étaient dans l'incapacité soit de travailler à cause de l'inexistence d'emplois à ce moment-là ou à cause d'une incapacité.

Il faut aussi savoir qu'à ce moment-là les emplois, ça existait. Donc, le programme avait été conçu surtout pour ceux qui se trouvaient, pour toutes sortes de raisons personnelles, psychique, psychologique, physique, dans l'incapacité de travailler. Puis on donnait effectivement de l'argent aux gens pour les empêcher de crever de faim, M. le Président. Et c'était basé sur les besoins essentiels.

Bien, la transformation, le temps a fait en sorte qu'effectivement de plus en plus de gens se sont retrouvés sur l'aide sociale non pas parce qu'il y avait des emplois qu'ils n'étaient pas capables d'occuper, mais parce qu'il y avait de moins en moins d'emplois à travers des crises successives.

Puis il y avait un besoin de reformer des choses. La loi n° 37 est loin d'avoir été parfaite, mais elle a corrigé une chose, tout au moins qui était complètement invivable en 1982-1983: le fait que ceux qui avaient entre 18 et 30 ans recevaient combien, M. le Président? 150 $. 150 $ pour vivre. Même il y a 15 ans, c'était impossible. Alors, je ne sais pas s'il y en avait qui ont fait le budget à cette époque-là, mais c'était impossible de le faire avec 150 $.

La loi n° 37 était un premier effort de s'adapter à nouvelle réalité, à la réalité qui faisait en sorte que de plus en plus de gens se retrouvaient sur l'aide sociale parce qu'il y avait de moins en moins d'emplois. Et là on a pris des choses qui avaient été mises sur pied même par le gouvernement péquiste précédent, qui avait introduit pour les jeunes des mesures d'employabilité, puis on a intégré ça pour essayer de faire en sorte qu'on ait une distinction maintenant entre «apte» et «inapte», en s'assurant que les inaptes – ceux qui ne sont plus capables d'occuper un emploi même s'il en existe – aient toujours, sans aucune tracasserie quelconque idéalement, un montant de base, et, pour les autres, il y avait des programmes offerts avec pénalité au cas où les gens refusaient un emploi qu'on aurait trouvé pour ces gens-là qu'on déclarait disponibles.

Là, on arrive à une autre nécessité de faire une réforme, et c'est vrai qu'il y a nécessité de reformer. Mais là il faut bien comprendre vers quoi on va aller. Parce que, jusqu'à maintenant, entre le Parti québécois, de 1976 à 1985, et le Parti libéral, de 1985 à 1994, c'est à peu près dans la même ligne, à peu près dans la même ligne, des améliorations sur certains fronts avec la loi n° 37, des changements par rapport à la philosophie initiale... Parce que, bon, on disait: Il faudrait s'adapter à une réalité qui est différente. Mais là on arrive à un point tournant. Il faut décider vers où ça va continuer, cette lignée-là. Est-ce que ça va aller vers l'amélioration de l'idée d'aider ceux qui sont à la recherche d'emploi à se trouver des emplois? Si c'est oui, il y a deux éléments qu'il faut qu'on fasse: premièrement, créer de l'emploi, et, deuxièmement, les traiter comme des êtres humains, avec dignité et avec la volonté de sortir de l'aide sociale.

Moi, je connaissais un peu la situation, pour toutes sortes de raisons, que les gens vivent, mais je pense que personne n'est resté insensible à votre présentation. Je ne peux pas comprendre que quelqu'un va vouloir rester sur l'aide sociale s'il a une autre alternative. Je ne connais pas beaucoup de gens qui disent: Moi, là, ma profession dans la vie, ça va être d'être assisté social. Alors, à partir de ça, les démarches qu'on va entreprendre comme gouvernement, ou comme opposition, ou comme politiciens qui supposément sont ici pour travailler pour le mieux-être de nos concitoyens, bien, on devrait commencer avec cette donnée: que les personnes elles-mêmes veulent s'en sortir. Et, si c'est le cas, bien on ne mettra pas sur pied des mesures obligatoires de pénalités qui disent: Mon petit, là, tu viens ici pour que je t'aide; si tu ne viens pas, je te coupe aux mêmes personnes qui, depuis toute une génération et plus, sont dans un système qui fonctionne avec la mentalité du contrôle, la mentalité de: Tu es un pas bon.

Alors, si, du jour au lendemain, on pense qu'on va pouvoir sortir de ça pour tout d'un coup faire de tous ces agents des travailleurs sociaux qui travaillent pour le mieux-être de ces gens-là sans établir le préalable absolument essentiel d'une relation de confiance – parce qu'il ne peut pas y avoir de confiance à partir du moment où tu as l'obligation avec pénalité – et qu'on va imposer des pénalités à partir de ce qui est déjà complètement le minimum du minimum du minimum... Moi, j'hésite à faire cet exercice-là parce que je ne sais pas comment le faire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Et, en plus de ça, on va imposer pour un an une possibilité de pénalité de 150 $. On peut bien mettre tous les blâmes qu'on veut sur le fédéral, on peut bien essayer de faire de la petite politique ici en parlant de la loi n° 37, mais, Mme la Présidente, on va dans la mauvaise direction. Suggestion des gens de l'opposition et des groupes qui sont venus ici: la mesure obligatoire de pénalités, si vous êtes vrais quand le gouvernement dit qu'il veut aider les gens, il va la laisser tomber.

(17 heures)

Si on ne veut pas juste taxer de cynisme, de parler de déficit financier, mais de parler de déficit vis-à-vis la réalité, je vous cite, le 25 décembre, le discours inaugural du premier ministre, mot à mot: «Je tiens à rassurer nos citoyens. Soyez rassurés, il n'est pas question de réduire les prestations de base des bénéficiaires d'aide sociale.»

Alors, pour moi, ce qui est le plus important pour ce qui est de la cohésion sociale, c'est la confiance que les citoyens doivent avoir par rapport au fait que, nous qui sommes ici, on travaille véritablement pour leur mieux-être. Mais, quand on leur dit: Soyez rassurés, il n'y aura pas de coupures, puis qu'on les coupe, quand on leur dit: On ne sera pas comme le méchant Harris, puis qu'en Ontario ils ont plus qu'au Québec, puis qu'on fait ici des coupures justement sur le dos des assistés sociaux, qui n'ont jamais été faites auparavant, il y a un autre principe qui a été introduit.

Et, si je parle comme ça, c'est parce que je suis libéral, libéral dans le sens philosophique du terme. Et c'est ce que nous sommes ici. Je ne sais pas si le néolibéralisme est allé de l'autre côté, mais jamais auparavant on a demandé aux assistés sociaux, qui sont dans un programme de dernier recours, qui vivent au minimum du minium des minimums, de payer en plus pour une assurance-médicaments pour des médicaments qui, jusqu'à hier, étaient gratuits. À ma connaissance, on n'a pas beaucoup augmenté les prestations d'aide sociale pour leur dire: Là, vous avez plus d'argent; au cas où vous deviendriez malades, il y a un petit montant que vous allez payer.

Alors, là, dans un esprit de solidarité complètement déconnecté du sens du mot, M. le Président, on dit: Tout le monde doit contribuer, y inclus ceux qui ne sont pas capables. Allez comprendre. Moi, je ne comprends pas, et je ne comprends surtout pas la ministre qui insiste que c'est une démarche d'amélioration du sort, de solidarité. Je la croirai et je la comprendrai quand elle va retirer la mesure obligatoire avec les pénalités puis qu'on va se rasseoir ici pour regarder comment on peut faire en sorte de prendre les gens comme des gens qui veulent sortir eux-mêmes d'une réalité pénible pour quiconque la vit, M. le Président.

M. Lalande (Jean): Je voudrais dire aussi qu'on aimerait ça entendre des réactions, par contre, par rapport à ce qu'on a proposé. Parce qu'on disait que les problèmes, c'était qu'il n'y avait pas de protection des besoins minimums, que des pénalités peuvent faire l'objet de tactiques déloyales, ainsi de suite. Nous, on dit, quelque chose de simple. On dit que la protection, face à ça... Il faut que les gens sachent qu'il y a un minium de ressources qui sont assurées, qu'ils ont droit à une prestation minimale qui n'est conditionnée par aucune autre condition que le test des ressources. S'ils n'ont pas d'autres ressources qui sont garanties de ce montant-là... et c'est leur seule protection face aux abus de pouvoir éventuels des agents. C'est aussi leur seule protection.

Alors, nous, on dit que toute l'expérience qu'il y a eu, c'est comme ça qu'on peut le voir. C'est ça qui va permettre de donner un peu de confiance à la personne qui traite avec l'agent quand on va regarder des questions comme le parcours. S'il y a toujours la menace de: Je vais te tuer, je vais te couper de 300 $ par mois au bout, voyons donc, comment ça peut marcher?

Alors, nous, on a proposé quelque chose de simple. L'idée d'un barème minimum et puis abolir la pénalité pas juste pour le parcours, la pénalité existante pour refus et abandon d'emploi. Parce qu'on a vu comment elle est appliquée. On peut faire un bilan de ça, il y a une expérience de ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires là-dessus?

Mme Corriveau (Marie-José): Oui, rapidement. Quand Jean nous dit qu'un barème minimal qui réponde aux besoins essentiels, c'est une façon d'éviter les abus de pouvoir de la part des fonctionnaires, je voudrais préciser que ce n'est pas que de la part des fonctionnaires, c'est de la part aussi de plein de monde, par exemple les propriétaires. Dans la réforme, vous annoncez la possibilité d'avoir des ententes sur le paiement des loyers, le dépôt volontaire des loyers. Je vous dis que, chez nous, dans notre organisme, le Regroupement information logement, on a déjà commencé à recevoir des plaintes de la part de locataires qui se font imposer ça comme condition de location pour le 1er juillet 1997, alors que la réforme n'est même pas adoptée, alors que, dans la réforme, on prétend que ça va être sur une base volontaire.

Par ailleurs, je suis bien contente d'entendre Mme Malavoy dire – c'est dommage qu'elle n'y soit pas, mosus! – qu'elle constate comme nous qu'il y a des problèmes de redistribution de la richesse au Québec, qu'elle souhaite par ailleurs que le gouvernement mette le plus de chances possibles du côté des personnes assistées sociales pour qu'elles s'en sortent. Ceci étant dit, ce n'est pas, évidemment, en les appauvrissant et en leur mettant des épées de Damoclès au-dessus de la tête qu'on va régler le problème. Au contraire, parce qu'il faut bien voir que, même en ce moment, avec les barèmes actuels, les gens doivent dépenser une énergie folle – et Jacques y a fait allusion dans la présentation tout à l'heure, et je vous invite à reprendre connaissance des témoignages qu'on a mis dans le mémoire d'Action Gardien sur les conditions de vie concrètes...

C'est évident que vous ne pouvez pas remplir le budget: il n'est pas remplissable. Les gens passent leur temps à courir pour éviter d'être évincés de leur logement, pour éviter d'être coupés par Hydro-Québec, qui, ceci étant dit, n'arrête pas de faire des profits et de remplir les coffres de l'État. Il y a des gens dans le quartier chez nous qui viennent de recevoir leur compte pour les 60 derniers jours: 550 $ de chauffage pour deux mois, pour 60 jours. Ces gens-là ont en plus un loyer de 300 $ à payer. Ces personnes-là ont un revenu de 500 $ par mois: c'est impossible d'arriver, c'est évident que c'est impossible d'arriver.

Donc, et pour répondre à la question de Mme Malavoy, on ne peut pas être contre le fait que le gouvernement veuille mettre à la disposition des prestataires de l'aide sociale des plans de formation et d'employabilité, etc. Le problème, il n'est pas là. Le problème, il est sur la question de l'obligation et du fait que les gens qui sont obligés de dépenser une énergie folle à se loger, à se chauffer, à s'alimenter, à nourrir les enfants, à essayer de se soigner, malgré que ce soit de moins en moins facile – il y a même des parents qui ne vont plus à l'hôpital parce qu'ils savent qu'ils ressortent avec une prescription qu'ils ne pourront pas se payer – pendant que ces gens dépensent cette énergie-là, évidemment ils ne peuvent pas s'occuper des travaux scolaires et ils ne peuvent surtout pas dépenser 75 $ par mois... Parce que c'est à peu près ça que ça coûte, pour une personne en recherche d'emploi, juste pour s'acheter La Presse , la grosse Presse du samedi, juste pour payer les enveloppes et les timbres, avoir un curriculum vitae, faire les photocopies. Et ça, on n'a même pas compté le prix du téléphone là-dedans.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

Mme Filion (Nicole): Brièvement.

M. Benoit (Jacques): Brièvement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

Mme Filion (Nicole): C'est une question à laquelle j'aimerais avoir une réponse. Effectivement, on avait précisé dans le mémoire des Services juridiques que, plutôt que de rendre obligatoire le parcours – le PIF, comme on l'appelle, nous – étant donné que le gouvernement dit lui-même qu'il n'a pas les ressources financières pour l'offrir à tout le monde, pourquoi ne pas le mettre tout simplement volontaire?

D'ailleurs, les exemples qu'on vous a donnés de Formétal, ils sont fondés justement sur le caractère volontaire de la participation des gens. Les témoignages des gens qui sont venus dire ici qu'ils s'en sont sortis, c'était parce qu'ils l'ont fait volontairement, et Formétal a cru en eux. Et juste pour rappeler que vous nous dites vous-mêmes, le gouvernement nous le dit lui-même dans son livre vert, à la page 52: «Le parcours individualisé va être mis en vigueur graduellement, selon la capacité d'offrir des occasions réelles d'insertion dans le cadre du plan d'action local.» Pourquoi le mettre obligatoire si on n'est pas capable de le donner pour tout le monde? Laissez-le volontaire, et les gens vont le prendre parce qu'ils vont y croire. Vous allez avoir un taux effectif de réalisation bien plus intéressant. Les gens, ils vont s'aimer aussi dans ce qu'ils font.

Et je terminerais aussi en disant que, bon, on dit qu'on va donner des moyens d'instrumenter les gens, on veut fournir l'occasion de... bon. Ça, c'est la consécration, quant à nous, du retrait de l'intervention de l'État pour agir directement sur l'économie. Écoutez, dans notre mémoire – je ne le citerai pas – à la page 6, on a mis une longue citation dans laquelle... c'était quelqu'un qui s'exprimait par rapport à la situation économique mondiale et qui rappelait: On est en guerre, et le butin de cette guerre-là, c'est le monde, c'est la population. Notre terre, c'est d'abord peuplé d'hommes, de femmes et d'enfants, mais on dirait que ceux qui ont droit au chapitre, c'est seulement ceux qui font des profits. Bon, c'est vrai, vous dites que vous êtes d'accord avec ça et qu'on remet en question le système. On est venus avec plein de monde vous rappeler que c'est ce monde-là qui fait l'objet du butin actuellement. Alors, quand on est en guerre, il ne suffit pas de donner un fusil à quelqu'un et de dire: Va te battre; vas-y, te battre tout seul. Non, quand on est en guerre, il faut que l'État nous aide à pouvoir vaincre ce sur quoi il faut se battre. Et ce sur quoi il faut se battre, c'est sur l'économie et sur le marché de l'emploi.

En tout cas, j'aimerais ça qu'on réponde au moins à la question du barème de base: Est-ce qu'on reconnaît que ça n'a pas d'allure qu'il n'y ait pas de barème minimal? Et la deuxième question: Sur la question de l'obligation, pourquoi ne pas le mettre volontaire, puisque, vous-mêmes, vous dites que vous ne pourrez pas le donner à tout le monde?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de La Prairie.

(17 h 10)

Mme Simard: Bien, écoutez, je pense que votre expérience que vous venez communiquer ici... Alors, bienvenue à tout le monde, pas juste à ceux qui nous ont adressé la parole, mais à tous les gens qui sont en arrière. Parce que, effectivement, toutes les formules de consultation sont imparfaites par définition. Vous avez parlé des délais, bon, etc. Je peux comprendre ça, puisque souvent on n'a peut-être pas tous les moyens qu'il faut pour faire toutes les recherches qu'il faut, mais il reste que vous avez ensemble une expérience accumulée qui est extrêmement précieuse puis qu'il est important d'être entendue ici.

Hier soir, il y avait des groupes, un groupe notamment, le Comité des citoyens du quartier Saint-Sauveur de Québec. Peut-être que vous les connaissez, parce que je pense qu'ils vivent ici, à Québec, des réalités qui sont très, très similaires aux vôtres, et beaucoup des choses qui ont été dites hier soir par eux, bien, je les entends aujourd'hui. Et ce que vous faites, entre autres, comme le procès évidemment du système de l'aide sociale... D'ailleurs, quelqu'un a dit «mon enquêteur». J'ai trouvé que c'était très significatif, ce lapsus-là, parce que c'est comme ça que c'est perçu: «mon enquêteur», pas «mon agent» ou «mon aide», mais «mon enquêteur». Il y a là comme une connotation d'un système policier ou qui est perçu comme un système policier.

En tout cas, moi, je vais vous dire, pour moi, puis je pense aussi parler pour mes collègues, il n'y a personne qui a la prétention ici de dire que ce livre vert est une politique de création d'emplois non plus. Et je vais vous dire que, comme bien d'autres ici, toute la question de l'emploi, de la création d'emplois et du partage de l'emploi, c'est une question, à mon point de vue, qui est inévitable. Et, comment on va recentrer, au fond, le travail comme étant la source des revenus dans la société, je pense que c'est quelque chose qui est assez urgent, et, dans les faits, vous êtes les premiers – pas les seuls, votre groupe... mais de plus en plus de monde est en train d'en faire les frais parce qu'il y a effectivement trop de monde qui n'a pas de travail. Et ça ne remplace pas ça. Moi, je vais vous le dire. Par souci d'honnêteté, il faut vous le dire: Ça ne remplace pas ça. Vous avez raison de le dire.

Mais, ceci étant dit, il reste que... Est-ce qu'il n'y a pas, dans un certain nombre des modifications qui sont proposées dans ce livre vert, des choses que vous percevez comme allant dans le bon sens? Par exemple, les personnes qui actuellement sont bénéficiaires de l'aide sociale, que désormais elles soient traitées de la même façon que quelqu'un qui est en chômage, qu'on ne fasse plus de distinction entre les deux groupes. Mais c'est déjà une différence. C'est déjà une différence.

Bon. La restructuration, par exemple au niveau des CLE, vous avez peu parlé de ça. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le parcours individualisé, au fond, ce que j'ai compris, c'est que c'est une approche avec laquelle vous n'êtes pas nécessairement en désaccord, c'est-à-dire que c'est plus collé à la personne, c'est plus adapté, c'est moins des grands programmes. Je ne sais pas combien de programmes... quelles mesures, combien il y en a?

Une voix: Il y en a 110.

Mme Simard: Cent dix? Bon. Qu'on simplifie tout ça puis qu'on essaie de coller ça par rapport à chaque personne, j'ai semblé comprendre que vous étiez plutôt en accord avec cette approche-là.

Il y a des choses que vous avez dites qui, je pense – puis on l'a dit puis on l'a dit à d'autres... Par exemple, quelqu'un d'entre vous a parlé de l'âge. Je pense que c'est... je ne me souviens plus de son nom, la personne qui est venue, qui a 50 ans et qui ne se trouvait plus de travail. Moi, je pense que, ça, c'est quelque chose tout de suite qu'on a déjà indiqué qui...

Une voix: Cinquante-quatre.

Mme Simard: ...est important, de plus... On avait mis la limite à 60. Est-ce qu'il ne faut pas la reconsidérer?

Les recours. Hier soir, il y a quelqu'un d'Action-chômage Québec qui est venu nous dire: Bien, pourquoi ne pas avoir les mêmes types de recours, par exemple... Parce que vous avez beaucoup traité de comment il y a des choses injustes qui sont appliquées. Par exemple, un système – comme on retrouve au système d'assurance-emploi, maintenant, que ça s'appelle – de tribunal, qui est beaucoup plus rapide, nous dit-on, pour entendre des causes, est-ce que ce serait quelque chose qui serait envisageable par vous?

Parce que vous semblez... Évidemment, vous êtes tous des groupes de défense. Et cette personne – qui était contre, comme vous, le caractère obligatoire d'un certain nombre de mesures où, bon, tout ça... Je pense que, là-dessus, je ne vous apprends rien en vous disant que beaucoup, beaucoup de gens sont venus ici qui partagent votre opinion. Ce n'est pas un secret, c'est public. Cette personne disait aussi: Mais pourquoi ne pas avoir, au fond, la même obligation qu'on impose aux chômeurs selon le régime d'assurance-emploi? Est-ce que ça ne serait pas plus équitable? Est-ce que ça ne serait pas peut-être une des façons de dire: Bon, bien, au fond, si quelqu'un refuse effectivement un emploi, ce qui est le cas, bien à ce moment-là on applique... il y a quand même une certaine forme de pénalité. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Et, de façon générale, je pense que vous faites la critique d'un système dont... C'est clair que les personnes qui sont sans emploi, qui sont bénéficiaires de l'aide sociale sont les personnes les plus pénalisées dans la société, et ça découle, oui, non seulement de toutes sortes de décisions qui ne sont pas prises ou qui sont prises depuis longtemps, mais qui aujourd'hui ont atteint des proportions tout à fait inimaginables. Mais, moi, je respecte assez votre intelligence pour comprendre que vous ne tomberez pas dans les pièges des jeux de partisanerie ici et que vous êtes capables de faire la distinction entre ce qui a été fait avant et ce qui est fait maintenant. Et on est en consultation, et ce qui est important, c'est de savoir ce qui est votre opinion par rapport aux décisions qui seront à prendre.

M. Langevin (Denis): Trêve de partisanerie, je suis indépendantiste, tout le monde le sait, les gens en arrière me connaissent pour un indépendantiste, ce qui ne m'empêche pas de dire que le projet actuellement à l'étude, ce projet-là ne satisfait pas du tout nos groupes chez nous ni nos gens chez nous. C'est un projet qui est insupportable pour nous parce qu'il va dans le mauvais sens.

Je vais répondre à vos cinq questions. Quand on parle d'intégrer la main-d'oeuvre, c'est intéressant de prime abord. Mais, comme disait quelqu'un du CIAFT à un moment donné, c'est bien beau d'intégrer la main-d'oeuvre, mais, si les jeunes étudiants en fin de formation s'en vont au CLE, que les chômeurs instruits s'en vont au CLE, que les femmes chefs de famille monoparentale qui ont été depuis 10 ans sur l'aide sociale s'en vont au CLE, il faut quand même comprendre qu'il y en a qui sont moins... que ça va être difficile. La compétition va être dure pour une femme que ça fait 10 ans qu'elle n'a pas travaillé, qui a élevé une famille – elle a travaillé, elle a élevé une famille, mais elle n'était pas sur le marché du travail. Alors, ça ne règle pas tous les problèmes, ça, de dire: On va faire en sorte que maintenant les gens vont avoir accès à une panoplie de services. Il y a quand même à voir là qu'il y a des femmes et des hommes qui vont se retrouver comme déclassés par rapport à d'autres qui vont être plus rapides qu'eux.

Pour ce qui est du centre local d'emploi, encore là, on ne peut pas être... «Small is beautiful», on connaît ça à Pointe Saint-Charles. Alors, un centre local d'emploi... Il n'en demeure pas moins que de jeter le bébé avec l'eau du bain de la SQDM, en tout cas... Ça m'est personnel, parce que, ici, on avait dit qu'on ne traiterait pas trop, trop des questions de structures. Laissez-moi vous dire que je pense qu'il faut régionaliser quelque chose dans la structure qui nous est proposée. Il devrait y avoir quelque chose qui reste en place au niveau régional; tout ne peut pas se faire au niveau local. Et, au niveau local, les groupes communautaires, enfin avec les organisations qu'on a, les faibles moyens financiers et humains, je me demande quel rôle on va avoir à jouer là-dedans et, comme groupes de personnes assistées sociales, quel rôle on aura à jouer par rapport au comité des usagers. Je pense qu'il n'y a pas grand-chose dans le livre vert qui me dit quel sera notre rôle, en tout cas le Comité des personnes assistées sociales.

Bien, l'âge, il y avait trois choses sur lesquelles on espérait que Mme Harel aurait reculé rapidement. Je pense que la question du 55-59 ans, on souhaitait un recul rapide là-dessus. En ce qui a trait au parcours d'insertion obligatoire pour les femmes ayant des enfants de moins de six ans, on souhaitait un recul là-dessus, et on souhaitait surtout une confirmation au niveau de la participation et une confirmation dans les faits, pas simplement nous dire: Les mesures d'employabilité, les gens vont recevoir un barème de «participant», mais les stagiaires, ce n'est pas des assistés sociaux et les apprentis non plus. Non, non: c'est 120 $, c'est 120 $. On a hâte d'avoir un engagement, surtout écrit, là-dessus.

Les recours. Bien, les recours, là, c'est bien de valeur à dire, mais on est en retard d'une réforme de l'aide sociale sur les Américains – qui sont plus sauvages que nous – et on est surtout en retard sur les penseurs de droite, en ce moment, en Europe, qui commencent à reconsidérer tous ces systèmes de sécurité du revenu normés, avec des pénalités, des sanctions, des coupures. Il va falloir peut-être imaginer, dans les années à venir – ça sera peut-être la prochaine réforme de l'aide sociale, et j'ose espérer que j'y serai... À ce moment-là, on parlera du revenu minimum garanti auquel tous les gens ont droit parce que tout le monde, il faut qu'il se loge, qu'il se nourrisse et qu'il s'habille. J'ai bien hâte devoir ça, je ne désespère pas, j'espère vivre vieux comme Chartrand et gratter la terre de l'autre bord avant que Ryan meure, là. C'est à peu près ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Langevin (Denis): Les pénalités. Écoutez, on en a un exemple: les résultats d'AGIR sont tout chauds; on a eu ça au début de la semaine. Les résultats d'AGIR, pour ceux qui n'ont pas participé, qui ont refusé AGIR, le taux d'insertion à l'emploi est de 24 %. Pour ceux qui ont été sur AGIR – de façon obligatoire parce qu'il y avait des sanctions de 150 $ – le taux est de 13 %. Du simple au double concernant l'insertion. Je pense qu'on le voit, là, c'est un indice, là. On le voit: la mesure AGIR, quand les gens n'y participent pas, ils ont deux fois plus de chance de réintégrer le marché du travail que quand ils y participent.

Et une autre affaire aussi: la dernière question, sur l'employabilité. Ce qui cloche dans le projet, ce n'est pas compliqué: autant les prestataires, que les intervenants, que les gens qui sont renseignés, on ne veut rien savoir de l'employabilité gérée par des fonctionnaires du type de la lettre qu'on a reçue ici, le 9 décembre. La réforme n'est même pas passée, on parle de parcours d'insertion et on nous dit là-dedans que c'est l'agent d'employabilité qui va même imposer la sanction. Ça vient de la ville de Montréal, le 9 décembre, là.

Je veux dire, on aide quelqu'un ou on le cale. Quand on apprend à nager à quelqu'un, on ne lui fait pas prendre un bouillon et lui dire: Je vais t'apprendre à nager. Prends le bouillon et je vais t'apprendre à nager. Ce n'est pas de même que ça marche. D'habitude, quand tu fais ça, la personne n'apprends pas à nager et elle se noie. C'est à peu près ça. Alors, nous autres, pour l'employabilité, on espère que les gens qui en ont développé une expertise, les groupes communautaires, les groupes comme Formétal, les groupes concernés, seront reconnus et que les fonctionnaires que vous nous avez promis – et je ne dirai pas Mme Harel... M. le Président, votre gouvernement nous a promis 1 100 fonctionnaires, bien, moi, on est en train de me raconter qu'à la ville de Montréal tous les contractuels prennent la porte. En tout cas, ils vont venir rejoindre probablement les rangs des assistés sociaux éventuellement s'ils ne se trouvent pas de travail.

Alors, là, est-ce qu'on investit réellement? Quand j'ai vu les chiffres, les derniers chiffres, 186 000 000 $ que le ministère de la Sécurité du revenu a investis en employabilité dans la dernière année, qui se termine dans quelques jours, et que, l'année prochaine, on ne prévoit que 198 000 000 $, bien, je suis désolé, il y a un problème, là. Il y a vraiment un problème. On veut aider les 300 000. Même le Conseil du patronat – c'est de valeur, ils ne sont pas ici pour entendre ça, citer le Conseil du patronat! – dit qu'on ne peut pas fournir en nombre requis des parcours comme ça. Puis, quand vous parlez du régime d'apprentissage, eux, ils vous rappellent qu'ils se sont engagés pour 1 000 postes, pour les gens de secondaire III. Ils n'embarquent pas là-dedans, eux autres non plus.

(17 h 20)

Là, je pense qu'il y a un problème. Il va falloir que ce livre vert là, il soit soumis à l'analyse de plus qu'une commission parlementaire. Il va falloir refaire ça, ce livre vert là parce que, dans le fin fond, si vous voulez sortir les gens de la pauvreté, il ne s'agit pas de comprimer les dépenses à l'aide sociale, il faut investir 1 500 000 000 $ à 3 000 000 000 $. On veut fournir du travail à 300 000 personnes. Ils «vont-u» travailler en bas du salaire minimum? Non. Ce n'est pas supposé, c'est des citoyens comme les autres.

Je pense qu'il y a des balises, là, que vous avez perdues de vue lors de la rédaction du livre vert. Ces balises-là, moi, je vous les ai fournies bien humblement dans le mémoire: les trois articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme, c'est-à-dire le droit à la sécurité sociale; le droit au travail, au travail librement consenti; puis le droit d'avoir les revenus suffisants pour la vie courante. Je pense que ça, on part avec ça.

On regarde ce qui ne marche pas dans la loi n° 37. Ce qui n'a pas marché, je vais vous le dire bien franchement, les libéraux, c'est le plan d'action qui n'était pas contestable. Alors, vous aviez un twit d'agent qui disait à une personne qui aurait eu besoin d'un rattrapage scolaire qu'il aurait à faire un EXTRA pendant 10 ans de sa vie. Bien, là, il y avait un problème. Le plan d'action, il aurait dû être contestable. Ça, ça a été une erreur flagrante à quelque part.

Puis aussi, bien, vous aviez repris des programmes qui avaient mis en place par les péquistes et qui étaient conçus pour les jeunes puis vous en avez fait des programmes pour tout le monde. Ils n'étaient pas adaptés. Puis, en plus de ça, avant de perdre le pouvoir – et eux ont continué d'ailleurs, ils ne peuvent pas dire le contraire – on a sabré dans le rattrapage scolaire, on a sabré dans les EXTRA. Dans le fond, on prouvait pas là que ça ne fonctionnait pas, le système. On l'a prouvé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, quand on est convoqué, finalement, à analyser une réforme puis qu'un gouvernement décide de faire une réforme, c'est parce qu'on veut améliorer un système, comme vous dites, où on constate qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas. Alors, c'est sûr que, nous, on s'attendait, quand le document a été déposé, qu'on était pour faire face vraiment à une vraie réforme de la sécurité du revenu.

Plus on avance dans le débat, plus on se rend compte qu'au niveau du caractère obligatoire et des pénalités le gouvernement n'ouvre aucunement la porte à cet égard-là, semble n'avoir aucune souplesse, semble déterminé à aller de l'avant avec ça. Plus j'avance dans la consultation, plus j'entends les conversations, les échanges, plus je me dis que, finalement, cet entêtement-là veut dire que ce n'est pas une vraie réforme, que c'est une réforme qui a été bien maquillée, dans un livre qui est assez flou, où il y a des grands pans muets, où il y a des grands silences et que, en bout de piste, c'est des économies qu'on veut faire. C'est une façon de faire des compressions sur le dos des plus démunis. On cible, on priorise les jeunes et les familles monoparentales.

Je vais peut-être revenir... Mme Filion, tantôt, vous avez dit: Votre parcours, étant donné que vous n'êtes pas capables de répondre à la demande, étant donné que vous faites la preuve qu'il n'y en a pas, de création d'emplois, que c'est plus des pertes d'emplois, qu'il y a plein de gens qui sont motivés et qui sont prêts à faire des démarches, pourquoi ne le faites-vous pas sur une base volontaire? Et ça, tout le monde vient nous le dire également.

Et, même un CTQ, je ne sais pas si vous êtes au courant, le CTQ de Saint-Laurent a fait un projet-pilote, je n'invente rien, c'est dans le journal du ministère de la Sécurité du revenu, Le Chroniqueur . Ils ont fait un projet-pilote, dans leur CTQ, où ils ont invité des gens de façon obligatoire et d'autres sur une base volontaire. Les résultats, c'est que les gens qui sont allés sur la base volontaire ont tout de suite été pour faire des demandes d'emplois. Et, même, ils se sont rendu compte tout de suite, finalement, qu'avec le caractère obligatoire, ça ne fonctionnait pas, les gens étaient démotivés. C'est écrit noir sur blanc; je pourrais peut-être aussi vous en remettre copie un peu plus tard. C'est un CTQ, le CTQ de Saint-Laurent. Alors, même au sein du ministère, il y a des gens dans les CTQ qui réalisent que tout le caractère obligatoire, ça n'a pas d'allure.

Moi, je pense... Tantôt on disait: On parle trop des pénalités. Mais, moi, je vous dis: Continuez de parler des pénalités parce que, là, il faut se rendre compte, il va falloir que les gens de l'autre côté de la table se rendent compte que, quand on parle des pénalités, on parle à des gens qui déjà ne sont pas capables de s'en sortir. Puis, avec l'assurance-médicaments...

On n'a pas encore parlé des avoirs liquides, mais je pense que ça, c'est un autre effet pervers, les avoirs liquides. Nous, ça, on l'a décrié. On avait même déposé un document à la ministre à l'époque, un document de son ministère, qui disait: Avec une telle mesure, où les gens sont obligés d'avoir zéro dans leurs poches avant d'aller à l'aide sociale, vous allez amener des gens honnêtes à frauder le système. Ça, c'est le ministère qui le disait. Mais on est allé de l'avant parce qu'il y avait des économies à faire sur ça. Ce qu'on réalise avec les avoirs liquides actuellement, c'est que ça restreint l'accès à l'aide sociale.

Je veux parler avec vous des familles monoparentales. Je vais aller vite parce que je veux que vous en parliez. Je sais que, sur le terrain, vous rencontrez plein, plein de familles, de chefs et de «cheffes» de familles monoparentales. Moi, je dis que ça n'a pas de sens, ce qu'on veut faire à ces familles-là, quand on sait que ce sont les familles les plus démunies. Parmi les familles démunies au Québec, c'est les familles monoparentales qui sont les plus pauvres. Ça, c'est les statistiques.

On retire le barème de non-disponibilité. Il faut poser la question: Pourquoi décider de retirer le barème de non-disponibilité à ces familles monoparentales là? On leur dit que progressivement, jusqu'à l'âge de deux ans, il va y avoir cette obligation, le caractère obligatoire et qu'on va retirer le barème de non-disponibilité.

Le Conseil du statut de la femme est venu nous dire que, quand on regarde les statistiques, c'est les femmes chefs de familles monoparentales à l'aide sociale qui participent de façon volontaire le plus à des mesures d'employabilité et à des mesures de rattrapage scolaire, en comparaison avec les autres catégories. La Fédération des femmes du Québec est venue nous dire la même chose.

L'économiste Ruth Rose est venue nous dire... Parce vous avez parlé tantôt de la prestation unifiée pour enfant de la nouvelle politique familiale. Les tableaux qu'on retrouve dans le livre vert, c'est pour des familles monoparentales avec des enfants de sept ans et plus, mais le Conseil de la famille a pris les mêmes chiffres et l'économiste Ruth Rose a pris les mêmes chiffres. Bien, c'est les enfants de l'aide sociale, les petits bébés jusqu'à l'âge de six ans, qui sont perdants avec ça. Il y a des chiffres où on retrouve... Les familles monoparentales avec de jeunes bébés vont perdre jusqu'à 720 $.

Alors, moi, je veux vous entendre parce qu'il y a des conséquences néfastes, néfastes au niveau des familles monoparentales, ces gens-là qui, finalement, démontrent qu'ils veulent s'en sortir le plus, et on les frappe encore une fois.

Une voix: Allez-y.

M. Benoit (Jacques): Peut-être pas directement sur le propos qui vient d'être abordé – mes camarades vont pouvoir revenir là-dessus – j'aimerais juste aborder rapidement... On a entendu quelquefois, à date: Vous faites le procès d'un système, et j'avais l'impression qu'à chaque fois qu'on entendait ça on avait l'impression comme de s'éloigner de quelque chose qui montait dans les airs puis que je ne sais pas trop où c'était rendu. Le système, on va le ramener sur la Terre. On en fait partie, vous en faites partie, on en fait tous partie. On ne fait pas la critique d'un système dans les airs, on fait la critique d'un système bien à terre.

Dans ce système-là, par exemple, récemment il y a eu un sommet économique. Ce Sommet économique là, avec plein de fla-flas, et plein de gla-glas, et plein de bebelles, a accouché au bout de la ligne de quelque chose qui ressemble à entre 40 000 et 80 000 emplois possibles – dépendant de quel média tu suivais. Il y a 700 000 demandeurs d'emplois au Québec. Je ne le sais pas, mais, s'il y a un déficit zéro à viser, il est là, il n'est pas ailleurs.

Dans ce même Sommet économique là, on a eu droit à une proposition qui est sortie et qui venait dire que dorénavant le gouvernement garantirait les prêts que feraient les banques pour des entreprises de haute technologie. Bérard, de la Banque Nationale, il en mouillait presque ses culottes en disant: Venez! Je vous dis, les coffres sont pleins! On le savait que les coffres étaient pleins. Ce qu'on dit, c'est que ces coffres pleins là, on n'a pas à garantir encore ces coffres pleins là avec nos impôts. Ça n'a aucun bon sens! Qu'on prenne cet argent-là, qu'on l'investisse, qu'on fasse des jobs avec. Si leurs coffres sont pleins puis que le gouvernement dit: Nos coffres sont vides, bien, baptême! on le sait où est-ce qu'il est, l'argent. Qu'on arrête de nous conter fleurette là-dessus. La solidarité, il ne faut pas que ça s'exprime tout le temps du bas vers le haut. La solidarité, il faut que ça s'exprime de temps en temps, baptême! du haut vers le bas. Ce serait le fun.

Et je terminerai en vous rappelant simplement qu'il y a eu M. Sirros qui nous a dit qu'il ne remplissait pas la feuille de budget qu'on a passée tantôt parce qu'il disait que c'était impossible. On le remercie beaucoup de nous l'avoir dit. On invite toujours les autres membres à remplir la feuille de budget, toujours gentiment comme ça, en passant. Merci beaucoup, M. le Président. Jean voulait parler.

(17 h 30)

M. Lalande (Jean): J'allais ajouter là-dessus à ce sujet-là, bon, on le sait que... Ce budget-là, ce qui arrive, c'est que, nous autres, dans les groupes, les gens nous appellent puis ils nous demandent conseil sincèrement: Est-ce que je devrais payer mon loyer ou payer mes médicaments, d'après vous? Puis il faut répondre à ces questions-là, nous autres. C'est comme ça, là, hein.

Alors, nous, on vous dit: Ça n'a pas d'allure: la réforme prévoit qu'il y a des personnes qui vont vivre avec 350 $ par mois... Ça arrive déjà. On dit que c'est un problème avec le système actuel. On dit que c'est impossible, que ça n'a pas de sens. Nous, on vous soumet ça pour que ceux qui pensent que c'est possible, ils nous le prouvent. C'est à eux, le fardeau de la preuve. Sinon, ils reconnaissent avec nous que les gens ne peuvent pas vivre avec ces montants-là. S'ils reconnaissent que les gens ne peuvent pas vivre avec ça s'ils n'ont pas d'autre chose, à ce moment-là – et que vous êtes quand même prêts à donner ces prestations-là à des gens qui n'ont pas d'autres ressources – ça veut dire: Nous, comme gouvernement, on est prêt à assumer la responsabilité que des gens meurent comme conséquence des pénalités qu'on applique.

Une voix: C'est ça.

M. Lalande (Jean): Il faut l'assumer et le dire. Il faut le dire, O.K.? Nous, on est contre une politique comme ça. Il y en a qui défendent ouvertement une politique comme ça. Il y a des gens aux États-Unis qui disent ça. Ils le disent ouvertement, ils se font élire sur cette orientation-là. Mais il faut le dire pour que les citoyens puissent choisir en connaissance... et ne pas faire toutes sortes de détours, les CLE, le PLACE, le parcours. Tabarouette! Tu sais, je veux dire, ça, on en parlera un coup qu'on s'entendra sur le fondement, sur la base, le b.a.-ba: Est-ce que l'État prend les moyens pour assurer que les gens restent en vie, oui ou non?

Évidemment, c'est possible de rester en vie sans ça, oui, mais pas dans le cadre de la loi. Mais on dit: Il y a déjà des gens qui ne sont pas capables de sortir du cadre de la loi; ça, ça arrive. Alors, il faut que vous répondiez. Soit vous le remplissez, soit vous ne le remplissez pas et vous dites: C'est impossible. Mais, si c'est impossible, il faut dire: On a pris la décision qu'on va donner des prestations à des gens et qu'ils ne pourront pas vivre avec. Il faut le dire et arrêter de poser à la social-démocratie, ou je ne sais pas quoi.

M. Langevin (Denis): Rapidement, parce qu'il y a eu toute une série de choses qui ont été soulevées. Effectivement, pour une femme chef de famille monoparentale qui aujourd'hui aurait, donc, 500 $, 100 $ de non-disponibilité et 250 $, donc 850 $ par mois, si son enfant a cinq ans avant le 30 septembre prochain, elle va perdre le 100 $, elle tombe à 750 $, et la bonne journée où, dans le fond, le parcours d'insertion sera obligatoire, on fera un 150 $ de moins, on sera rendu à 600 $. Est-ce que c'est une façon de régler les problèmes de pauvreté chez les femmes chefs de famille monoparentale? Je ne le penserais pas. Et chez les enfants non plus.

Pour ce qui est de l'avoir liquide, c'est une erreur dramatique qui a été faite. Les gens arrivent donc à l'aide sociale beaucoup plus pauvres qu'avant parce qu'ils n'ont même pas le privilège, l'insigne honneur d'avoir un 1 500 $ de côté, donc ils n'ont même plus les moyens de faire une recherche d'emploi une fois qu'ils sont arrivés à l'aide sociale, et on alimente la pauvreté. La valeur d'une maison. De plus en plus de gens perdent leur travail tard, ont 50, 55 ans, ont un certain capital, un certain avoir, une maison: c'est fabuleux! La maison, c'est 60 000 $. Ça «existe-tu» un bungalow à 60 000 $? Dites-le-moi, je suis acheteur. Je ne pense pas qu'il y en ait, des bungalows à 60 000 $. Le résultat, c'est que la trop grande valeur... le 40 000 $ qui dépassent fois 2 %, on coupe 800 $ sur le chèque d'aide sociale. Une personne doit donc se départir de sa maison. On sait ce que ça veut dire déjà de tomber pauvre, mais, en plus de tomber pauvre, on perd le patrimoine qu'on a accumulé dans une vie de travail et on est obligé de se déraciner du lieu où on a vécu pour aller vivre ailleurs. Je pense que la pauvreté, ce n'est pas juste l'argent, il y a bien d'autres éléments qu'il faudrait tenir en considération.

Pour finir, les conjoints d'étudiants. Alors, aujourd'hui même, avant de partir – et je n'avais pas le temps parce que j'avais d'autres affaires à faire aujourd'hui – une femme m'appelle, son conjoint a terminé son rattrapage scolaire, a commencé le cégep en janvier dernier, donc maintenant elle n'a plus le droit à 775 $ d'aide sociale par mois, mais à 150 $, et ils doivent vivre jusqu'au mois de septembre avec le 2 000 $ qu'il a obtenu de bourse – de bourse. Il n'y a aucune possibilité: ou bien le mariage prend le bord ou bien on abandonne l'étude parce que ça ne fonctionne pas. Bien, c'est ça qu'on voit, du monde de même. Qu'est-ce que vous voulez qu'on leur dise? Qu'il vous lâche, madame. Séparez-vous, faites semblant de vous séparer. Qu'est-ce que vous voulez qu'on réponde à ces gens-là? Ils n'ont plus les moyens de vivre.

Je vais vous dire – et je vais terminer là-dessus – que, depuis le mois de janvier, on n'a jamais compté autant de téléphones dans les groupes de défense des droits des personnes assistées sociales, de témoignages de gens qui veulent en finir. Bien, moi, je n'ai pas étudié là-dedans, moi, l'aide assisté au suicide, comme qui dirait, je n'ai aucune expertise là-dedans, et de plus en plus de gens m'appellent pour me dire qu'ils vont se tirer en bas du pont parce qu'ils ne peuvent plus vivre. Ce n'est pas des deux de pique ou des gens qui manquent de formation, souvent, c'est des nouveaux pauvres, avec des bacs, des doctorats, avec des expériences de travail, désespérés d'être, depuis un, deux ou trois ans, sur l'aide sociale. Si on ne tient pas compte de cette réalité-là au Québec, je pense qu'on n'a pas à se poser de question pourquoi le taux de suicide augmente.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercier. Juste avant de continuer, rappeler que, du côté ministériel, il y a 43 minutes de faites et, du côté de l'opposition...

Une voix: Il y a 40 minutes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...40 minutes. Juste pour nous situer, là. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, il y a beaucoup de choses, finalement, qui se disent, mais le temps file, là. Je me rends compte... La première chose, peut-être, sur le revenu minimum garanti, parce que je comprends que ça vous semblerait être la solution, un revenu minimum garanti. Dans la plupart de vos mémoires, à un moment donné, on revient à cette revendication. On l'appelle, parfois, dans d'autres mémoires, le revenu décent.

Moi, en tout cas, j'ai fait analyser ce que ça représente, le revenu minimum garanti, à partir simplement du barème d'aide sociale comme si c'était universel, n'est-ce pas. Le revenu minimum garanti, ça signifierait qu'il n'y aurait plus, cependant, les crédits personnels qu'on a, soit dans la déclaration d'impôt fédérale ou provinciale. Le coût net, en fait, du régime d'allocation universelle, avec comme barème de départ le barème de participant, ce serait, vous voyez, 19 000 000 000 $. Ce n'est pas rien. Non seulement 19 000 000 000 $, mais, si je vous disais – ce que j'ai appris aussi dans cette étude-là – que le total de tous impôts québécois des contribuables, donc l'impôt sur le revenu, ça équivaut à 13 000 000 000 $. Alors, avez-vous idée? Tout ce qui est versé par l'impôt sur le revenu des contribuables, c'est 13 000 000 000 $. Et simplement à partir du barème d'aide sociale, pour avoir un revenu minimum garanti en enlevant les crédits personnels, c'est 19 000 000 000 $.

Ça fait que, vous savez, les colonnes ne balancent pas. Et c'est un ordre de grandeur important parce que, en même temps, moi, je travaille, disons, dans le réel. Dans le réel, on a un livre vert. Vert, la couleur, dans le gouvernement – il y en a qui sont blancs, il y en a qui sont verts – ça veut dire ouvert, ça peut même vouloir dire ouvert aux changements. C'est pour ça que c'est vert et c'est pour ça qu'il y a une commission parlementaire.

Alors, par exemple, je pense bien parler au nom de tous mes collègues en vous disant qu'on va regarder très, très sérieusement la question de l'allocation à partir de 55 ans plutôt que 60 ans. Par exemple aussi, le barème de participant.

Le barème de participant, c'est le 500 $ plus le 120 $. C'est un barème de participant. Quand vous disiez tantôt – je ne sais pas qui en a parlé – que même les personnes, disons, qui au Sommet avaient été considérées comme les plus pauvres, n'avaient pas été soutenues, bien je peux vous dire que c'est la pleine indexation. C'est la pleine indexation des 116 000 ménages Soutiens financiers. Ça l'a été au 1er janvier, et ça l'a été l'année d'avant, et l'autre année d'avant. Donc, je dois vous dire que c'est 20 000 000 $, la pleine indexation. Même si ce n'est pas beaucoup sur le chèque, peut-être 1 $ ou 2 $, ça coûte 18 000 000 $ exactement, ça, l'indexation du Soutien financier.

La politique familiale, Mme Rose, justement, qui est venue présenter un mémoire, Ruth Rose, qui est économiste et qui travaille souvent avec les groupes communautaires, a rencontré Mme Marois hier matin, et elles sont à travailler une formule. Mais, moi, je peux vous dire que la proposition qui est sur la table, c'est, notamment au niveau des services de garde, d'améliorer la situation, de faire en sorte qu'il n'y ait vraiment pas de perdantes, parce que c'est de celles-là dont il s'agit principalement. Et j'y reviendrai – peut-être pas seulement moi parce que c'est un dossier qui est de la responsabilité de ma collègue. Mais c'est vers ça, si vous voulez, qu'on travaille présentement.

Les chefs de famille monoparentale, elles sont 8 000. Il y en a, au Québec, 8 000 dont l'enfant aura cinq ans avant le 30 septembre et rentrera à la maternelle plein temps. Il y en a 8 000 pour qui le règlement s'applique. C'est 8 000. La directive, moi que j'ai donnée au ministère est la suivante. Ce n'est pas compliqué. Si elles perdent leur 100 $ de non-disponibilité, il faut qu'elles puissent participer, à 120 $, à quelque chose qui va leur permettre, finalement, de pallier la difficulté d'avoir passé cinq ans en dehors du marché du travail. Plus longtemps ça dure, plus c'est difficile. Tout le monde qui est ici le sait très bien.

(17 h 40)

Peut-être aussi un mot – qui m'apparaît, moi, important – sur les recours. Plus on avance, plus on se rend compte que – moi, je vais vous dire un peu les conclusions, peut-être préliminaires, mais que je tire à ce stade-ci – c'est en partie, je dirais, l'exclusion, l'exclusion des prestataires de l'aide sociale de l'ensemble de ce qu'on peut appeler la main-d'oeuvre. Là, n'oubliez pas... J'ai entendu, notamment cet après-midi, le député de Laurier-Dorion dire que c'est bien pire de faire un parcours que d'être obligé de prendre n'importe quelle job, hein, parce que la pénalité de la loi n° 37, c'était lorsqu'il y avait refus de faire un emploi.

Alors, je vais vous dire, là, présentement, ce dont on se rend compte, c'est qu'il n'y avait aucun recours puis à peu près aucun droit. Le plan d'action est désigné, ce n'est pas un projet personnel, n'est-ce pas, il n'y a pas de parcours présentement. Quand vous me parlez des mesures d'employabilité, vous ne me parlez pas de parcours. Quand vous me parlez des mesures d'employabilité, vous me parlez de mesures désignées par un agent, vous me parlez de l'article 22, de l'article 23, qui obligent quelqu'un à faire quelque chose; vous me parlez de l'article 76, qui dit que c'est final et sans appel.

Moi, ce qui m'intéresse, c'est vraiment d'introduire... Je sais que ça n'est pas dans le livre vert. J'ai travaillé plus avec le Mouvement Action-chômage; ils ont de l'expertise parce qu'ils ont une jurisprudence sur tous les recours. Il en existe avec le conseil arbitral, il existe des notions comme «emploi convenable». Vous savez, ça s'est développé. Quand vous êtes sur le chômage à l'assurance-emploi, vous avez un recours devant un conseil arbitral; la décision doit se prendre dans les 30 jours. Et il y a de la jurisprudence qui se développe, notamment, par exemple, la notion d'emploi convenable.

Mon Dieu! On me dit qu'il me reste trois minutes. Ç'a quasiment pas de bon sens. Peut-être pour vous dire ceci qui restera profondément différent. Vous aviez, dans certains de vos mémoires, parlé du fait que ça allait être comme avant. Ça ne peut pas être comme avant parce que ça va changer. Pourquoi ça va changer? Présentement, l'agent, que vous l'appeliez l'enquêteur ou que vous l'appeliez n'importe comment, il est en même temps responsable de l'aide financière puis des mesures d'employabilité. Et on peut bien se comprendre: la culture du contrôle amenait l'utilisation des moyens d'employabilité souvent pour faire du contrôle sur l'aide financière. Là, ce qui est entendu, c'est qu'il va y avoir... on ne parle pas de 1 500, on parle de 3 500 conseillers en emploi et de 3 500 à l'aide financière dans des modules distincts. On parle d'un fonds régional, d'un fonds local et d'un fonds national. Tantôt, vous disiez: Il n'y aura pas, au niveau régional, quelque chose comme la SQDM. Il va y avoir, au contraire, non seulement un conseil de partenaires au niveau régional, il va y avoir plus que ça, même: un plan. Parce qu'il y a, dans les régions du Québec – en Abitibi, en Gaspésie, à Montréal ou en Montérégie – des problèmes différents. Mais, dorénavant, ça ne sera pas normé, comme ça l'est présentement, dans des programmes qui ne sont pas plus adaptés dans les petites que dans les grandes régions, puisque ça va être un plan local.

Le plan local, là, n'oubliez pas, il n'y a pas la conversion seulement – il y a quelqu'un qui a dit ça à un moment donné. Le plan local, ce dont on parle finalement, c'est de 3 500 conseillers en emploi – je ne vous parle pas des 3 500 à l'aide financière – on parle de 800 000 000 $ de budget, on parle de simplifier les 110 mesures et programmes tout éparpillés. Il y en a auxquels tu as droit avec l'étiquette «aide sociale», auxquels tu n'as pas droit si tu es à l'assurance-emploi, puis tu n'as quasiment droit à rien si tu n'as pas de chèque. Et on parle de les simplifier dans une politique active du marché du travail – vous en avez sûrement entendu parler – qui comprend seulement cinq orientations: préparation à l'emploi, insertion, maintien, stabilisation et création. Et ce dont on parle, c'est de fonds pour que le plan local se réalise à partir des priorités locales, dans le fonds des mesures actives, au niveau local, avec un fonds, parce qu'il y a des... Un tout est différent de la somme des parties; le régional est différent de l'addition du local. Il va y avoir des orientations nationales avec des partenaires nationaux. Le quartier n'est pas abandonné à lui-même là-dedans; il y a une politique active du marché du travail. Pensez, par exemple, juste réduire de 44 à 40 heures la semaine de travail, ça crée 15 000 emplois. Ça, le projet de loi va être déposé par mon collègue du Travail la semaine prochaine.

Bon. Je crois – je vous le dis, là, bien simplement – qu'il y a à travailler beaucoup pour revenir, par exemple, à des choses simples, comme introduire dans la nouvelle loi que, dorénavant, tout doit être compatible avec la Charte des droits; introduire une obligation d'information de la part des agents – la dame, là, tantôt, je pense que c'est Nancy qui a dit qu'elle ne savait pas, que personne ne lui avait dit qu'elle avait droit au programme APPORT, ça n'a pas de bon sens; introduire des recours, avec une sorte d'égalité de traitement, pour que les gens qui sont chômeurs à l'assurance-emploi – qui vont, je le souhaite, avoir finalement un transfert des mesures actives au niveau de Québec... qu'il y ait la même égalité de traitement pour les chômeurs, qu'ils soient à l'assurance-emploi ou qu'ils soient à l'aide sociale. C'est terminé? Bon.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est terminé, Mme la ministre. Est-ce que je peux avoir une courte réaction?

M. Benoit (Jacques): On va essayer, pour s'amuser. Mme Harel a donné des chiffres...

Mme Harel: Bien, écoutez, si c'est juste pour vous amuser... J'espère que non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Harel: Je fais ça sérieux, là.

M. Benoit (Jacques): Donc, Mme Harel a donné des chiffres, je disais, M. le Président, de 19 000 000 000 $ que ça coûterait. Je ne le sais pas; je la crois sur parole. Je ne m'obstine même pas là-dessus. Elle dit qu'on a 13 000 000 000 $ de revenus. Je ne m'obstine même pas là-dessus; je la crois. Je marche avec, moi, M. le Président.

Maintenant, on va ajouter... Si la ministre a de la misère à savoir où on va prendre l'argent, je vais lui en ajouter des pistes, moi, juste pour le fun. En impôts rapportés, au Canada, les compagnies doivent plus de 30 000 000 000 $; 25 % de ça au Québec, c'est 7 500 000 000 $.

Les paradis fiscaux: le Vérificateur général du Canada, en 1992, identifiait qu'il y avait 16 000 000 000 $ qui sortaient du Canada puis qui n'étaient pas imposés. On va prendre 25 % de ça: 4 000 000 000 $.

Les fiducies familiales: il y a en 118 000 au Canada. Je ne sais pas combien il y a dans chacune, c'est impossible de le savoir. Mais on a entendu parler récemment qu'il y en avait deux, hein... puis une de celles-là, entre autres, qui essayait de transférer ses avoirs aux États-Unis, il y avait 2 000 000 000 $ juste dans celle-là. Je ne sais pas combien il y en a dans les 117 999 autres, mais on va dire, mettons, qu'au total on irait peut-être chercher un petit 1 000 000 000 $ là.

Puis, en plus, les REER. On vient de finir une campagne de REER. Ils ont annoncé – ils disaient ça, ce matin, aux nouvelles – que c'était de l'ordre d'à peu près 40 000 000 000 $, au Canada; 25 % de ça au Québec, ça fait 10 000 000 000 $. C'est quoi, les retours d'impôt là-dessus? 3 000 000 000 $. 3 000 000 000 $ combiné fédéral-provincial, on va prendre 1 500 000 000 $ là-dessus.

Ça fait que, là, si j'additionne tout ça... Moi, j'additionne là-dessus, je rajoute un 14 000 000 000 $ sur les 13 000 000 000 $ de revenus: on est rendus à 27 000 000 000 $. On avait 19 000 000 000 $ – c'était ça, notre dépense – ça fait qu'on a encore 8 000 000 000 $. On a couvert notre revenu minimum garanti et on a encore 8 000 000 000 $ pour créer de l'emploi. Si ça peut aider, M. le Président, Mme la ministre à pouvoir chercher des pistes, c'était mon commentaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Laurier-Dorion. Je m'excuse si j'accélère un petit peu. Si on veut avoir le temps, là, de finir d'échanger... M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aimerais profiter, M. le Président, de l'occasion qui nous est donnée de demander à la ministre si elle accepterait de déposer ses études sur le revenu minimum garanti.

Mme Harel: Oui, certainement, avec plaisir.

M. Sirros: Alors, je serais très intéressé à les recevoir.

Mme Harel: Très bien.

M. Sirros: Et j'aimerais aussi profiter, à ce moment-là, de la possibilité de corriger un peu ce que la ministre disait. Je n'ai jamais dit, M. le Président, que... Ce que j'ai dit: C'est pire de se faire punir parce qu'on te demande obligatoirement de faire un parcours vers l'insertion, vers un emploi qui n'existe pas, que de te couper parce que t'aurais refusé un emploi qui existerait.

Ça étant dit, juste comme correctif, là, j'aimerais amener la discussion sur un autre terrain un petit peu. C'est le rôle des groupes communautaires qui travaillent au niveau de la formation, en particulier, de ces parcours d'insertion. Vous en avez amené, des gens, ici, aujourd'hui, qui ont participé à de tels parcours d'insertion sur une base volontaire. Le projet qui est devant nous parle d'une obligation de faire ces parcours-là. J'ai de la misère à voir – peut-être que vous le voyez plus que moi – comment les groupes communautaires vont s'insérer dans une démarche de perfectionnement ou de parcours vers l'emploi qui serait obligatoire sans soit perdre leur autonomie, soit être mis dans une position où finalement la confiance avec la personne est complètement ébranlée.

Alors, comment réagissez-vous face à cette perspective de faire en sorte que les partenaires sociocommunautaires deviennent des partenaires dans un système qui ne semble pas être compatible avec le sens de la démarche communautaire?

M. Benoit (Jacques): Marie-José.

Mme Corriveau (Marie-José): On n'en parlera pas nécessairement très longuement parce que ce qu'on a voulu d'abord apporter ici, c'est déjà les conditions de vie difficiles des personnes assistées sociales et en quoi ce qu'il y a dans la réforme ne va que détériorer leurs conditions de vie. Alors, les questions qui concernent, je dirais, la tuyauterie, ça vient de façon très, très secondaire.

(17 h 50)

Cependant, ce qu'on peut déjà dire – parce qu'il y a des groupes d'entreprises en formation, en intégration sur le marché du travail parmi nous et aussi parce qu'on a une CDEC locale – c'est que les entreprises d'insertion et les CDEC vous ont remis ou vont vous remettre des mémoires portant sur la mécanique. Mais on est tout à fait solidaires avec trois principes de base que ces groupes-là demandent qu'on retrouve dans les joints entre la réforme de l'aide sociale et la politique active du marché du travail, c'est que tout ça doit s'appuyer sur le volontariat, c'est fondamental; tout ça, on doit absolument dissocier le paiement des prestations et les contrôles liés au paiement des prestations d'avec la démarche en insertion; et, par ailleurs, on doit aussi s'appuyer sur les ressources locales.

On a été choqués de voir que déjà il y avait des structures de la politique active de la réforme qui était mises en place et qui passaient outre des structures locales déjà existantes, que ce soient des entreprises en insertion ou que ce soient les CDEC. On n'a pas nécessairement tenu compte, dans la mise sur pied des structures régionales de ce qui existait déjà sur le terrain.

Ceci étant dit, il est bien clair que, si on veut avoir une relation de confiance avec nos membres – c'est fondamental, nos membres sont aussi des gens qui sont sur les conseils d'administration de nos organismes – c'est bien évident qu'on ne pourra s'inscrire d'aucune manière dans les processus de contrôle. Ça, c'est évident. Mais, pour parler plus complètement de cette question-là, je vais vous inviter à écouter les mémoires, là, des CDEC et des groupes.

J'aimerais juste revenir sur des choses que Mme Harel a dites, toutefois, tout à l'heure, en disant: Le respect de ce qui a été adopté au Sommet, c'est le 18 000 000 $ d'indexation qui a été appliqué au 1er janvier 1997. Je lui rappelle cependant que, et je rappelle à M. le Président, que, en même temps ou à peu près, on annonçait 180 000 000 $ de nouvelles coupures pour le 1er avril 1997, et que, là-dedans, il y a des choses qui s'appliquent aux personnes...

Mme Harel: Je m'excuse, est-ce que vous trouvez...

Mme Corriveau (Marie-José): ...qui sont soutien de famille...

Mme Harel: ...que payer sa pension alimentaire, c'est une coupure? Ça fait partie du 180 000 000 $. Il y a plein de choses là-dedans. Alors, dire que payer sa pension alimentaire quand on le l'a pas fait auparavant, c'est une coupure... C'est ça, dans le 180 000 000 $. Je vous rappelle que le 250 000 000 $ du Sommet, il va quand même être là pour faciliter l'insertion. Ce 250 000 000 $, personne n'en a parlé, mais il est là, vous le savez et vous connaissez même des personnes qui ont voulu et qui siègent sur le comité aviseur.

Mme Corriveau (Marie-José): Ce 250 000 000 $ là doit servir, entre autres, effectivement, à la création d'emplois. On parle ici d'aide sociale, d'un régime qui est censé être une aide de dernier recours aux gens, et, vous, vous nous amenez sur le terrain de l'assurance-emploi ou d'un régime conditionnel, et là-dessus on ne peut pas être d'accord d'entrée de jeu parce que – je pensais que c'était un constat unanime, d'après ce qu'on s'est dit tout à l'heure – on convenait, il me semblait, tous et toutes qu'il n'y aura jamais assez d'emplois pour répondre aux 700 000 demandes d'emploi qu'il y a actuellement au Québec. Alors, de ce fait là, arrêtons de lier ou de faire glisser l'aide sociale vers l'assurance-emploi. J'aurais voulu...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

M. Lalande (Jean): D'ailleurs, c'est un petit peu plate de s'étendre sur les chiffres parce que, je veux dire, les chiffres comme 19 000 000 000 $ tantôt, je calculais ça, sur le nombre de personnes assistées sociales, ça donne 24 000 $ par personne assistée sociale, en plus de l'argent qu'il y a déjà. Je veux dire, ce n'est pas ça qu'on demande. On ne demande pas...

Mme Harel: Un revenu minimum garanti, c'est universel.

M. Lalande (Jean): Non, non, vous avez dit: le barème de participant. Le barème de participant, c'est 620 $ pour une personne seule.

Mme Harel: C'est ça, mais c'est...

M. Lalande (Jean): C'est 620 $.

Mme Harel: ...le coût brut d'une allocation universelle.

Une voix: ...

Mme Harel: Oui, oui.

Une voix: ...

M. Lalande (Jean): Bien oui, mais il y aurait une récupération d'impôt, à ce moment-là.

Mme Harel: Oui, oui, en coupant toutes les déductions personnelles de l'impôt, en les coupant. Vous allez avoir le document, de toute façon.

M. Lalande (Jean): Alors, il n'y a pas de coût net. Ce qu'on dit, c'est qu'en ce moment les gens, le barème de base, officiellement, est 500 $. On prend l'exemple des personnes seules pour comparer les choses qu'on est capable de comparer, là. Et, s'il y a l'allocation unifiée pour enfant, ça devient encore plus pertinent de comparer les personnes seules, mais on dit: Le barème de base est 500 $, en ce moment. Mme Harel nous dit, pour que les personnes aient 120 $, ça coûterait 19 000 000 000 $. Bon, nous autres, on ne vient pas demander...

Une voix: 19 000 000 $.

M. Lalande (Jean): 19 000 000 $? Non, 19 000 000 000 $. Des milliards, 19 000 millions. Alors, nous, on ne demande pas ça. Nous autres, on ne vient pas demander 19 000 000 000 $, non, pantoute.

Mais on revient à la question qu'on soulevait tantôt. On dit qu'il faut s'entendre sur la base. On pose une question simple: Est-ce qu'il devrait y avoir un barème plancher, oui ou non? Si la réponse est oui, les pénalités ne peuvent pas gruger ce plancher-là. Ce n'est pas la même chose, pour répondre... je ne sais pas qui demandait si on devrait avoir le même régime qu'à l'assurance-emploi; ce n'est pas la même chose. L'assurance-emploi, on paie des cotisations à un régime d'assurance et on retire en fonction de ce qu'on a mis dedans. La sécurité du revenu, ce n'est pas la même chose: c'est le dernier recours pour assurer un minimum. Ce n'est pas la même chose.

Alors, on repose la même question. On dit: Est-ce que vous êtes d'accord que la sécurité du revenu a mission d'assurer un minimum de besoins essentiels, pas 25 000 $ par année par personne, un minimum de besoins essentiels, oui ou non? Si c'est oui, alors le plancher, évidemment, est protégé des pénalités.

Puis, autre question qu'on pose, oui ou non, c'est qu'on a dit que, sur l'expérience qu'on a, la pénalité de 150 $ par mois, que ça soit pour refus ou abandon d'emploi ou pour manquement au parcours, devrait être abolie. Ça, ça ne coûte pas 19 000 000 000 $, abolir ça. Puis, si c'est une question d'argent, à ce moment-là, c'est une autre discussion. Nous autres, on pense que ça ne doit pas être une question d'argent, ce point-là. Est-ce que vous êtes d'accord pour abolir, maintenant, la pénalité?

Alors, c'est nos deux questions: barème minimum, oui ou non; Abolir la pénalité existante...

M. Langevin (Denis): De toute façon, on n'est pas en commission parlementaire sur le revenu minimum garanti. Mais je vous ferai remarquer qu'à la page 21 du livre vert, en toutes lettres, c'est marqué: «Afin de combler la portion des besoins essentiels qui ne sont pas couverts par la prestation de base – alors, on admet que la prestation de base ne couvre pas les besoins essentiels – le montant de revenus de travail non comptabilisé aux fins de l'établissement de la prestation sera progressivement indexé au coût de la vie pour les personnes aptes au travail.»

Eh bien, M. le Président, dans cette Chambre ici, à un moment donné, le 25 mars 1988, une personne qui était, à l'époque, critique de l'opposition officielle pourfendait ça, que les libéraux aient proposé ça. Et aujourd'hui elle nous propose ça, exactement ça. Et je lis – elle s'adressait, à l'époque, au président: «M. le Président, depuis le début des travaux de la commission, le ministre se croit artificiellement à l'abri de l'opinion publique, derrière une litanie de beaux mots et de bons sentiments. La réalité, c'est que, dorénavant, les besoins essentiels de subsistance minimale, reconnus comme des besoins de survie par son propre ministère, ne seront plus couverts pour une grande majorité de nos concitoyens et concitoyennes, sans l'addition de gains de travail fictifs.»

Je ne comprends pas ce qui s'est passé entre 1988 puis 1996 pour que la même personne nous propose ça, tandis qu'à l'époque elle pourfendait ça. La seule différence – parce qu'on en a parlé chez nous, puis je vais finir là-dessus – c'est que maintenant elle est ministre. C'est la seule différence qu'on a pu voir: c'est la même personne.

M. Benoit (Jacques): Oui, c'est une question à la présidence. Je sais que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, s'il vous plaît! Juste pour votre information, en commission parlementaire, contrairement à la période de questions, il n'y a pas d'applaudissements. Oui?

M. Benoit (Jacques): Je sais que tantôt vous nous avez mentionné que c'étaient vous qui nous consultiez, mais je veux savoir jusqu'où, nous, on a le droit de poser une question et d'exiger à quelque part une réponse de la part des commissaires. Parce qu'il y a eu une question qui a été posée à plusieurs reprises de la part de mon petit copain – mettons qu'on va dire «copain» – et camarade, qui est ici à ma gauche, et qui demandait: Est-ce qu'on est d'accord, oui ou non, avec un barème qui va dans le sens du principe de la sécurité du revenu? Un barème plancher?

Alors, la question a été posée à plusieurs reprises, M. le Président, je le fais juste remarquer, et j'aimerais que les commissaires puissent répondre à cette question-là. Et je souligne par le fait même, avec toute la grande amabilité, n'est-ce pas, qu'il y a toujours le petit budget à remplir, que tout le monde peut s'amuser à remplir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Étant donné que vous m'avez aidé depuis le début, c'est de l'amabilité des deux bords, j'imagine... Vous pouvez poser une question, mais les personnes sont quand même libres de répondre. Maintenant, ce que je peux vous dire, c'est que tout est tenu – et puis vous ne savez jusqu'à quel point... Ce qui se passe, ce qui se dit ici va être pris en compte, pour fins de discussion, par les membres. Maintenant, Mme la ministre, il va lui rester quelques minutes pour finir, puis on verra à ce moment-là si elle désire répondre.

Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, c'est à vous.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais faire une précision pour les familles monoparentales. Il faut bien analyser qu'en retirant le barème de non-disponibilité, elles perdent 100 $. Si elle participe à un parcours, il y aura peut-être, comme on vient de nous l'annoncer, un montant de 120 $. Ça veut dire que c'est 20 $, dans le fond, qu'on lui accorde, parce qu'on lui a enlevé 100 $.

Et aussi ce qu'on a oublié de dire, c'est que, si, pour des raisons tout à fait personnelles, un parent décide, pour des raisons qui sont à elle ou à lui, de demeurer à la maison pour élever son enfant, parce que son enfant est jeune ou pour tout autre raison, il y a la pénalité qui va s'appliquer au parent. Alors, s'il y a un refus d'aller à cette participation, il y a une pénalité de 150 $, qui peut être redoublée à 300 $. Et n'oubliez pas que, si ce parent-là a de jeunes enfants en bas de six ans, il est perdant avec la prestation unifiée.

Alors, de toute façon, avec ce qu'on a sur la table dans le document de la réforme, le livre vert, les familles monoparentales de l'aide sociale sont perdantes.

(18 heures)

J'aimerais vous entendre, parce qu'on n'en a pas beaucoup parlé... puis hier on a reçu plusieurs groupes. Au début de la consultation, moi, j'avais l'impression que le transfert, l'allocation d'invalidité... que, finalement, le transfert à la Régie des rentes, même si c'est un choix... On a rajouté maintenant le choix aux gens, les Soutien financier, d'aller à la Régie des rentes du Québec ou de demeurer à la sécurité du revenu. Moi, j'avais l'impression que c'était comme assez accepté dans la population. Hier, on a rencontré des groupes qui oeuvrent beaucoup avec des personnes handicapées ou des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, et ça a été un non unanime. Les gens ont dit: Non, nous, on ne veut rien savoir de votre transfert à la Régie des rentes du Québec. Ce qu'ils nous ont dit, c'est que c'était une perte d'un droit, qu'on va accentuer l'exclusion – là, je vous donne vraiment les mots qui ont été dits par ces gens-là – qu'il n'y avait aucun avantage, sauf celui, finalement, de désengorger le ministère de la Sécurité du revenu et d'alléger les statistiques du ministère de la Sécurité du revenu. On nous a dit que c'était plutôt un parcours vers l'invalidité au lieu d'un parcours vers l'insertion. Et la COPHAN, la confédération qui travaille auprès des personnes handicapées, a demandé un moratoire sur ça.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre, savoir ce que vous pensez du transfert de l'allocation d'invalidité.

M. Langevin (Denis): On est solidaires des groupes de défense des droits des personnes handicapées. Je pense que vous les avez entendus hier. Il est évident, pour eux comme pour nous, que ce transfert, ce n'est, quelque part, qu'une confirmation de la division entre les aptes et les inaptes qui a lieu en 1989-1990.

Mais là on va beaucoup plus loin parce qu'on va dans une optique d'assistance publique pour ces gens-là. Or, les personnes qui ont une déficience intellectuelle, les personnes qui ont un problème de santé mentale, un handicap physique grave, ils ont toujours revendiqué quand même l'accès au marché du travail puis des mesures pour les aider à retourner sur le marché du travail. Je sais bien qu'on ne fera pas de miracle, je sais bien qu'il n'y a pas d'emplois, il n'y en a pas beaucoup, il y en a guère. Mais, quelque part, ces gens-là ne veulent pas être envoyés à la Régie parce qu'ils ne veulent pas être mis sur une voie de garage. Pour moi, ça, c'est évident qu'ils refusent.

Et ça me fait un peu curieux... Chez nous, au Comité des personnes assistées sociales, nos gens, en grande majorité, sont des gens soit non disponibles en raison de l'âge, donc ils vont s'en aller à la Régie des rentes du Québec avec l'allocation des aînées, ou ce sont des gens qui sont reconnus Soutien financier, alors eux aussi vont se diriger vers la Régie des rentes du Québec. Puis, quelque part, pour eux, ça ne fait pas de sens parce que c'est les mêmes personnes, qui vivent les mêmes problèmes, avec les mêmes problèmes au niveau des conditions de vie qui se sont détériorées.

Et on n'a pas l'assurance de la part de la ministre, à date – il ne faut pas la nommer, M. le Président, je m'en excuse – que, dans le transfert, les prestations spéciales demeureraient en place – et ça, pour nous, ça nous inquiète – puis que le maximum pour l'assurance-médicaments resterait au montant de 200 $ – parce que c'est déjà beaucoup, et même trop – mais on n'a même pas cette assurance-là. Alors, c'est clair que, nous, on appuie ces groupes-là et qu'on n'est pas d'accord avec la proposition.

Tantôt, vous avez parlé d'employabilité. Bien, chez nous, nos gens au Comité des personnes assistées sociales – puis c'est la même chose au Welfare Rights Committee – on ne bénéficie pas, nous, comme promoteur, de programmes EXTRA – parce que, de toute façon, il n'y en a plus de programme, puis on est sur une liste d'attente, en attente qu'il y ait des programmes qui débloquent un jour. Mais je ne peux pas comprendre comment il se fait que l'État québécois ne reconnaît pas l'implication des bénévoles chez nous. J'ai des gens – ils ne sont pas tous ici – qui travaillent 35 heures par semaine, ils travaillent aussi fort que moi puis ils sont sur l'aide sociale, ils ne reçoivent pas de 120 $ de participation et ils n'ont aucune reconnaissance du travail et de l'implication bénévole. Puis, quand je parle du travail, ils travaillent chez nous, ils travaillent ailleurs aussi: ils travaillent au St. Columba House, ils sont impliqués au RIL. Ils vont un peu partout, ces gens-là. J'aimerais ça qu'à un moment donné on se rende compte qu'il n'y a pas juste des programmes normés sur lesquels les gens devraient être reconnus comme participants, mais qu'on devrait reconnaître aussi l'implication sociale des gens. Ça, ça serait important, à un moment donné, de reconnaître ça.

Et de reconnaître aussi l'apport des groupes de défense au niveau de l'amélioration des conditions de vie des prestataires. Je fais remarquer que le ministère de la Sécurité du revenu est un des rares ministères à n'avoir aucune enveloppe budgétaire pour le soutien aux organismes communautaires. Je ne leur demande pas de nous payer, mais de simplement verser aux groupes qui font le travail qu'ils font leur juste part pour qu'on puisse continuer et poursuivre notre travail au niveau de l'éducation populaire, au niveau aussi de l'amélioration des conditions de vie des personnes assistées sociales.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que quelqu'un...

Mme Corriveau (Marie-José): Bien, j'aimerais ça intervenir rapidement sur la question des familles monoparentales, puis, avant ça, juste rajouter sur ce que Denis vient de dire. Le travail des groupes communautaires et le travail que les membres font dans les groupes communautaires, ça, ça participe directement à lutter contre l'exclusion parce que c'est là qu'on brise l'isolement et c'est là qu'on est capable d'essayer de trouver des moyens collectifs de s'en sortir.

Ceci étant dit, quand on parle des mères de famille monoparentale – parce que c'est généralement des mères – en tout cas, je pense que je ne trahirai personne en disant qu'il ne faudrait pas et on ne veut pas qu'on fasse une différence marquée entre le sort réservé aux personnes assistées sociales et le sort réservé aux personnes au salaire minimum. On l'a entendu dire de la part du gouvernement. Et c'est vrai, il est vrai qu'à l'heure actuelle les gens à faibles revenus, qu'ils soient assistés sociaux ou qu'ils soient au salaire minimum, c'est extrêmement difficile de s'occuper des enfants et qu'en fait le gouvernement a encore jusqu'à présent fait bien peu de choses pour soutenir les parents qui veulent s'occuper de leurs enfants.

Alors, c'est évident que, dans le contexte où les personnes assistées sociales sont on ne peut plus mal prises, s'il y a moyen d'obtenir un petit bout et de protéger une partie de ce petit bout là puis les enfants qui sont sur l'aide sociale, il faut le faire. Mais il ne faudrait surtout pas que le gouvernement dise que ce sera tout ce qu'il fera et qu'il ne prendra pas des mesures pour permettre aux gens au salaire minimum, ou à faibles revenus, on s'entend, de pouvoir assumer le même genre de responsabilités confortablement. Parce que c'est vrai que les enfants sont, en général, mal accueillis dans la société.

Mais ceci m'amène donc à dire que c'est comme si, de toute façon, parmi les bonnes intentions qu'on peut retrouver quelque part, à un certain moment donné, dans la réforme, c'était trop tôt parce qu'il y a des préalables qu'il aurait fallu mettre en place. Il y a cette protection-là qu'il aurait fallu mettre en place pour les gens qui veulent s'occuper de leurs enfants. Il y a aussi comme préalable, et Mme Simard y a fait allusion tout à l'heure, une politique de création d'emplois. Ç'aurait dû être un préalable avant même qu'on se mette à parler de la réforme de l'aide sociale, parce que, poser une réforme de l'aide sociale sans avoir mis d'abord une politique active de création d'emplois, c'est un non-sens.

Et je voudrais terminer en rappelant à M. Sirros qu'il y a effectivement des gens qui font profession d'aide sociale et qui veulent conserver cette profession-là: c'est des gens comme Kenworth, comme Bombardier, comme Hyundai. Ces gens-là, ils veulent conserver leur profession d'assistés sociaux, c'est clair.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Court commentaire.

M. Benoit (Jacques): Oui. C'est une question à la présidence toujours: Je ne sais pas combien de temps il reste globalement, si on peut avoir une idée là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il reste environ deux minutes du côté de l'opposition et cinq minutes du côté ministériel.

M. Benoit (Jacques): Est-ce qu'on pourra... Je ne sais pas, y a-t-il une façon de conclure les choses?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est la conclusion, traditionnellement. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne va conclure de son côté, Mme la ministre de son bord, et, moi, je conclus.

M. Benoit (Jacques): C'est beau.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si je comprends bien, vous voulez avoir juste...

M. Benoit (Jacques): En conclusion. Ça vous permettrait...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bien, allez-y donc tout de suite.

M. Benoit (Jacques): On va y aller tout de suite parce qu'après j'imagine qu'on n'aura plus le temps de parler, c'est ça? Vous permettez?

M. Lalande (Jean): Bien, on a posé une question, on aimerait ça, avoir quand même de la part des commissaires, puis surtout de la ministre, je veux dire...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bien, ça, je vous ai donné une réponse là-dessus, là. Je ne voudrais pas recommencer le débat sur la conclusion, je voudrais bien qu'on se limite, quand même.

M. Lalande (Jean): Non, bien, O.K. Mais notre conclusion, en fait, porte là-dessus, c'est comme ça qu'on résume toute notre présentation: question de barème minimum; abolition de la pénalité, en commençant par celle existante de 150 $ par mois. C'est ce qu'on soumet à votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est noté.

M. Langevin (Denis): Bon, en conclusion, j'espère que ça ne sera pas une occasion manquée, ce coup-ci, d'adopter une véritable réforme de la sécurité du revenu. J'ai commencé voilà huit ans à faire de la défense des droits des personnes assistées sociales et je dois dire que ça s'est détérioré d'année en année et que ça n'a jamais été aussi pire que la dernière année. J'ose espérer que je ne me retrouverai pas ici, dans neuf ans, en train de discuter d'un accroissement de la pauvreté au Québec. J'ose espérer qu'on va faire une véritable réforme de la sécurité du revenu et que les gens qui sont au pouvoir actuellement comprendront que ce que les groupes communautaires sont venues dire depuis le 29 janvier, c'est ce qu'il faut faire comme réforme. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, pour votre conclusion.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bon, en terminant, très sincèrement, en tant que citoyenne du Québec, moi, j'espère que le gouvernement va reculer au niveau du caractère obligatoire et des pénalités. Barème plancher, 500 $, là, où on applique des pénalités, ça, c'est inacceptable. Et ça, je l'ai déjà dit à un groupe qui est venu nous avoir et qui a dit: Comment vivre avec 500 $? Moi, je lui ai dit: Sincèrement, je ne le sais pas comment vous faites, mais je vous rends hommage parce que vous arrivez à vous en sortir, à survivre avec ça, parce que, sincèrement, moi, je ne serais pas capable, je vous le dis.

Et je ne m'associerai jamais, et je pense que mon collègue ici aussi puis les collègues de mon parti, on ne s'associera jamais à une réforme qui se dit une vraie réforme, mais qui est une fausse réforme et qui vient briser le filet de protection sociale. Merci d'être venus en si grand nombre à notre commission et d'avoir échangé avec nous. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la ministre, pour la conclusion.

Mme Harel: Oui. Il peut y avoir parfois de la démesure verbale. Tantôt, quand j'ai entendu M. Langevin dire qu'il n'y a plus personne sur les programmes: juste sur EXTRA, il y en a 11 000 aujourd'hui, au jour d'aujourd'hui. Je comprends que ce que vous souhaitez, c'est qu'il y en ait plus et, notamment, vous souhaitez de reconnaître l'implication sociale des gens dans les organismes communautaires. Mais je ne pense pas que personne ne se souhaite d'avoir des mesures d'employabilité qui amènent des gens à tourner en rond sans pouvoir en sortir.

Je vous rappelle une chose extrêmement importante. La différence entre 1989 puis maintenant, vous savez laquelle elle est? Au Québec, en 1989, 100 % des chômeurs avaient droit à des prestations d'assurance-chômage; en 1993, 33 % n'avaient plus droit; en 1995, 50 % n'avaient plus droit; et, cette année, selon Statistique Canada, 66 % n'auront plus droit. Ça, ça a changé.

(18 h 10)

Moi, vous m'avez demandé: Qu'est-ce qui va arriver avec les recours? Qu'est-ce qui va arriver aussi avec les pénalités? On déciderait aujourd'hui qu'il n'y a pas de réforme, comme disait tantôt Mme la députée Saint-Henri–Sainte-Anne, qu'il n'y en a pas, de réforme, on reste avec l'article 28, on reste, finalement, avec ce qui lui apparaît maintenant inacceptable. Je vous rappelle que c'est une vocation tardive, parce que, l'article 28, il était inacceptable avec 500 $ aussi, là.

Alors, vous, vous nous dites: Il ne faut pas que ça dépasse un certain seuil. Hier, le Mouvement Action-chômage est venu nous dire: Ça devrait représenter 5 %, jamais plus, dépendamment des barèmes. On va regarder, mais je dois vous dire que, chose certaine... Si vous me demandiez: Est-ce qu'il n'y aura pas de pénalités? je vais vous dire: C'est impossible. Moi, je ne peux pas vous dire qu'il n'y en aura pas, de pénalités. Si vous me dites: Celle qui est là présentement, elle n'a pas de bon sens parce qu'elle débalance, je vais vous dire: Je regarde ça et je suis certaine que mes collègues sont prêts à regarder ça également.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup.

Mme Loiselle: Une précision. Je n'ai pas dit: Pas de réforme, j'ai dit: Pas de fausse réforme qui fait des économies sur le dos des plus démunis. C'est ce que j'ai dit.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie beaucoup. La commission ajourne ses travaux au jeudi 6 mars, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 12)


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