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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, March 11, 1997 - Vol. 35 N° 63

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Marie Malavoy
Mme Nicole Loiselle
M. André Gaulin
Mme Monique Simard
Mme Diane Barbeau
Mme Lyse Leduc
*Mme Denyse Lacelle, Projet Genèse
*M. Denys Larose, Fédération des cégeps
*M. Gaëtan Boucher, idem
*Mme Sylvie Desjardins, idem
*Mme Sylvie Vallières, AASE
*Mme Louise Barrette, idem
*M. Pierre Gagnon, idem
*Mme Nicole Galarneau, idem
*Mme Carmen Saint-Laurent, COFAQ
*Mme Lysane O'Sullivan, idem
*M. Denis Perreault, idem
*Mme Lucie Tétreault, FAFMRQ
*Mme Sylvie Lévesque, idem
*Mme Claudette Mainguy, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la secrétaire, si vous voulez constater le quorum?

La Secrétaire: Nous avons quorum, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je renouvelle le mandat: la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) sera remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Signori (Blainville) par Mme Simard (La Prairie). Voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Les membres ont reçu l'ordre du jour. À moins d'avis contraire, l'ordre du jour est adopté. Nous commençons dès maintenant en recevant Mme Lacelle, la représentante du Projet Genèse. Avant que vous commenciez, j'informe la commission que la ministre, Mme Harel, ne peut être ici ce matin. Peut-être qu'elle viendra faire un tour quand même; elle a des problèmes sérieux avec sa voix.

Alors, Mme Lacelle, vous savez que vous avez 20 minutes de présentation, et des échanges des deux côtés, pour 20 minutes. Alors, bienvenue. Vous pouvez y aller.


Auditions


Projet Genèse

Mme Lacelle (Denyse): Je vous remercie. Laissez-moi d'abord vous présenter rapidement le Projet Genèse. Nous sommes un organisme communautaire qui oeuvre depuis 20 ans dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal. Au cours de la dernière année, on a réalisé, au total, plus de 27 000 différentes interventions d'aide auprès de la population du quartier, qu'il s'agisse de répondre à des problèmes de logement, à problèmes d'aide sociale, d'immigration, de pension, de droit familial, et j'en passe. Au niveau plus collectif, notre équipe d'organisateurs et organisatrices communautaires travaille à soutenir les personnes du quartier dans l'identification de problèmes communs et dans la mise en place de solutions à ces problèmes.

Le quartier Côte-des-Neiges où nous intervenons est d'abord un quartier énorme: la population du quartier est d'au-dessus de 91 000 personnes. Ça fait que ce quartier de Montréal est plus gros à lui tout seul que des villes comme Sherbrooke, par exemple. C'est également un quartier qui est marqué par l'immigration, par la diversité culturelle. Le quartier Côte-des-Neiges est vraiment le quartier qui est la terre d'accueil pour les nouveaux arrivants qui arrivent au Québec. C'est un quartier qui vit des lacunes énormes en termes d'écoles. Vous le savez, ça a fait l'objet de beaucoup de débats dans les derniers mois, en termes de cours de français pour les parents de ces enfants-là, en termes d'équipement collectif. Qu'il s'agisse d'équipement de culture, de sport, de loisir, on est vraiment le quartier qui fait face à un déficit en termes d'équipement.

(9 h 10)

C'est un quartier qui est relativement isolé aussi, bordé à l'ouest par l'autoroute Décarie, au nord par TMR et, à l'est et au nord, par Outremont et le Mont-Royal. Donc, quand tu habites à Côte-des-Neiges, tu restes dans Côte-des-Neiges. C'est un quartier également qui vit des problèmes de logement importants. On a dans le quartier toute une série de ce qu'on appelle des «walk-up», donc des logements qui sont relativement récents, qui datent des années quarante, cinquante, soixante, mais qui ont été construits dans une vague de spéculation importante et qui, quelques décennies plus tard, tombent littéralement en morceaux. C'est un quartier également qui est définitivement marqué par la pauvreté: 55 % des personnes seules et 41 % des familles du quartier vivent sous le seuil de pauvreté. Alors, ça vous fait le portrait de la situation dans laquelle on se débat tant bien que mal pour essayer d'améliorer les conditions de vie des gens.

Alors, sur le livre vert qui nous est soumis, d'abord, je voudrais signaler que j'apprécierais que l'ensemble des personnes ici, tant d'un côté que de l'autre, se sentent interpellées par nos commentaires. La réforme qui nous est présentée présentement, à notre avis, n'est qu'un remâchage de la réforme Bourbeau-Paradis, adoptée par l'autre côté de la table, laquelle faisait suite au livre blanc sur la fiscalité de M. Parizeau, retour à ce côté-ci de la table.

D'abord, critique générale, les politiques du processus. Qu'on nous permette de signifier notre colère, quand on a lu dans les journaux que des pans de la réforme proposée, des pans de ce qui était soumis en consultation, étaient tout simplement appliqués. Qu'il s'agisse de l'imposition des prestations ou de l'obligation pour les enfants de cinq ans d'aller à la maternelle, on trouve ça curieux qu'on soumette à la consultation des affaires, puis qu'avant même que la consultation commence on annonce qu'on va les mettre en application. Ceci dit, comme, nous, on croit au processus démocratique, on vient quand même vous présenter nos commentaires là-dessus comme sur le reste.

Ce qui nous apparaît comme les problèmes fondamentaux avec ce qui est proposé, comme avec ce qu'on vit depuis déjà plusieurs années, c'est qu'on a là des barèmes qui sont insuffisants, qui ne couvrent pas les besoins des gens. On a un problème sérieux avec les enveloppes fermées, qui font en sorte que les personnes qui sont victimes de la crise de l'emploi, de même que celles qui sont victimes des compressions du fédéral à l'assurance-emploi, il faut bien le reconnaître, elles se ramassent à faire en sorte que tout le monde doive faire face à des réductions de chèques aussitôt que ça se met à aller plus mal. Pour nous, les enveloppes fermées, c'est un problème très, très sérieux auquel le livre vert ne s'attaque pas, et c'est une lacune importante. Finalement, on ne voit rien dans ce qui est proposé qui mette l'accent sur une augmentation de la création d'emplois. À notre sens, on aura beau jouer avec la réforme de l'aide sociale tant qu'on voudra, tant et aussi longtemps qu'on ne s'attaquera pas sérieusement au problème de l'emploi, on ne réglera rien pour la majorité du monde.

Alors, peut-être plus en détail, quelques commentaires sur le régime actuel et les problèmes qu'à notre sens une réforme de l'aide sociale devrait permettre de résoudre.

Le premier, je le disais tantôt, au-delà de la complexité du système de barèmes, dans lequel une chatte ne retrouverait pas ses petits, notons surtout que les montants qui sont fixés, et ce, pour toutes les catégories de prestataires, ne permettent pas de vivre comme du monde, ne permettent pas de manger, ne permettent pas de se transporter, ne permettent pas de vivre dans la dignité. Les conséquences en sont désastreuses: les conséquences sur la santé, les conséquences en termes de mendicité, en termes de délinquance, de décrochage. Les conséquences aussi qui font en sorte que les gens sont de plus en plus contraints à dépendre de la charité. Dans une société qui se prétend démocratique et solidaire, ça nous apparaît une aberration à laquelle il faut mettre fin au plus maudit.

Ce sont là des conséquences qui sont, malheureusement, trop réelles de l'appauvrissement continu auquel ont été soumises les personnes assistées sociales. L'appauvrissement qui s'est réalisé par une série infernale de coupures dans les barèmes et par diverses mesures, allant de la non-indexation des prestations à la multiplication des pénalités, de l'abolition du barème de disponibilité à la chasse effrénée aux garants défaillants, des récentes coupures à l'allocation-logement à la mise en place et au maintien – que sont les promesses devenues? – de la coupure pour partage de logement, en passant par l'application de l'assurance-médicaments, lesquels médicaments, d'ailleurs, ne font curieusement pas partie de la liste des besoins reconnus qu'on retrouve à l'annexe 12. Curieux!

Donc, un problème fondamental, le premier, au niveau des barèmes. Un deuxième problème qu'il faut s'attaquer à résoudre: la gestion. La situation, à l'heure actuelle, avec l'application de la loi n° 37, c'est une catastrophe bureaucratique que l'on pourrait qualifier de kafkaïenne. Mauvais classements, erreurs de calcul, incompréhension et relations pour le moins tendues entre le prestataire et l'agent, changements d'adresse signifiés mais non effectués, formulaires incomplets retournés et retard dans le traitement, impossibilité d'obtenir un rendez-vous avec son agent, indications contradictoires, coupures injustifiées qu'il faut un temps fou pour renverser, nombreux et nombreuses sont les prestataires de l'aide sociale qui ont de bonnes raisons de penser qu'on leur en veut personnellement.

Ces situations concrètes et dramatiques sont le résultat d'une loi qui, en son essence, est punitive, de budgets insuffisants et d'un démantèlement lent mais constant de la fonction publique au Québec. Loin de nous l'idée de jeter le tort sur les agents d'aide sociale qui font ce qu'ils peuvent, qui sont de moins en moins nombreux à assumer une tâche qui, elle, est de plus en plus lourde et de plus en plus compliquée.

Troisième aspect des choses à corriger: les programmes d'employabilité. Je dois vous avouer que mon Dieu que ça a fait plaisir de voir écrit en noir sur blanc, dans le livre vert, que ces programmes-là, ça ne marche pas! Depuis le temps qu'on s'époumonait à le crier sur tous les toits, à essayer de démontrer, chiffres et cas concrets à l'appui, que les programmes d'employabilité ne rejoignaient à peu près personne et ne menaient absolument nulle part, c'est le fun de voir que c'est écrit. Ceci étant dit, on n'est pas sûr que ce qui est proposé va améliorer les choses de façon substantielle, surtout en l'absence de budgets qui permettraient de faire quelque chose de sérieux un peu.

Donc, globalement, la réforme, à notre avis, devrait répondre à un premier niveau de pauvreté, devrait permettre à ceux et celles qui y ont recours de vivre dans la dignité, de préserver ou d'améliorer leur santé, de se loger et de se nourrir convenablement, de pouvoir s'impliquer dans leur milieu et d'en recevoir la reconnaissance. La réforme de l'aide sociale devrait permettre aux personnes d'être les véritables maîtres d'oeuvre de leur cheminement. On doit leur fournir des moyens, des outils qui ont un impact réel et on doit surtout respecter le choix des personnes.

La réforme doit en finir avec une approche qui veut que la seule reconnaissance passe par le travail. Oui, on doit absolument mettre des efforts importants à créer des emplois. Il faut aussi, par ailleurs, reconnaître qu'un emploi ne sera pas, ne pourra pas être la solution pour l'ensemble des personnes.

Finalement, la réforme doit en finir avec une approche punitive qui traque le fraudeur, qui fait fi de toute présomption d'innocence. Quand tu es à l'aide sociale, tu es d'abord présumé coupable de tout, tout le temps, puis tu dois continuellement faire la preuve que, non, tu n'as rien fait de travers. C'est aberrant et inacceptable.

Alors, voyons voir si ce qui est proposé par le livre vert répond à ces lacunes. Notons d'abord que, bien que le livre vert présente une analyse lucide de la situation du marché de l'emploi et de l'économie au Québec, une présentation claire et bien faite des difficultés auxquelles font face les personnes assistées sociales et des limites actuelles du régime de la sécurité sociale, on ne retrouve pas vraiment de réponses aux problèmes soulevés. Pour l'essentiel, quant à nous, cette réforme n'est qu'une autre opération pour économiser sur le dos des personnes assistées sociales, encore une fois.

(9 h 20)

Dans la première section, on traite des aides de protection sociale, soit l'allocation aux aînés et l'allocation d'invalidité. Sur la première, on trouve assez curieux que le livre vert, d'une part, et le gros bon sens, par ailleurs, reconnaissent que les personnes de 55 à 60 ans ont un accès plus que limité au marché du travail et que, par ailleurs, on enligne avec cette allocation-là de tout simplement leur retirer 100 $ par mois. Alors, de deux choses l'une: ou alors on a vu, dans je ne sais pas quels indicateurs économiques, que, tout à coup, les perspectives de se trouver un emploi pour les 55 à 60 ans s'étaient miraculeusement améliorées ou alors on est cynique un peu.

Sur l'allocation d'invalidité, on voit peu en quoi ce transfert vers la Régie des rentes du Québec va améliorer les choses ou changer quelque chose, que ce soit pour les personnes... On se demande pourquoi. Peut-être qu'en transférant ainsi les personnes qui sont soutiens financiers à la Régie des rentes du Québec on va tout simplement pouvoir faire du beurrage politique sur comment on a tellement de monde qui est sorti de l'aide sociale. Oh! Merveilleux! Si on veut se flatter la bedaine de même, on peut. On n'a pas l'impression, nous, que ça améliore grand-chose pour personne.

Par ailleurs, on s'inquiète de ce qui va arriver, à la Régie des rentes, de la couverture des besoins spéciaux pour ces personnes-là, de même que pour l'assurance-médicaments, parce que, en effet, avec un tel transfert les personnes soutiens financiers ne seront pas classées dans la catégorie «60 à 64 ans avec carnet de réclamation» qu'on voit dans la loi n° 33, non plus dans la catégorie «personne ayant accès au supplément de revenu garanti» et non plus dans la catégorie «personne au MSR». S'il n'y a pas d'ajustement en conséquence, donc, le plafond annuel de ces personnes va passer de 200 $ à 750 $ par année. Est-ce que c'était l'intention? On peut le soupçonner.

Finalement, on maintient aussi à ce niveau les personnes qui sont revendicatrices du statut de réfugié. Ces personnes, depuis novembre, n'ont le droit à aucun autre barème que celui de non-participant. Elles n'ont pas non plus droit aux allocations familiales. On sait que c'est la faute au fédéral si le monde attend un an, deux ans, trois ans avant d'avoir une réponse.

Ceci étant dit, on se permet de demander si c'est une bonne chose, tant pour ces personnes que pour la société québécoise dans son ensemble, de laisser de nouveaux arrivants – parce que plus de la moitié des revendicateurs au Québec sont acceptés – passer un an, deux ans, trois ans sans avoir la possibilité d'apprendre le français. On fait juste prolonger de façon obligée leur séjour à l'aide sociale, dans cette façon de procéder. Alors, on n'est pas convaincu que ce soit la meilleure des idées.

Troisième section: les parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi – que, nous, on appelle les PIFE parce que ça a tout l'air de vouloir fonctionner au pif, effectivement – On a l'intention, avec ce qui est proposé là, de fusionner les bureaux d'aide sociale, la SQDM et le volet de formation professionnelle du fédéral, sous réserve d'entente fédérale-provinciale, et de faire avec ça des centres locaux d'emploi, lesquels rendraient accessibles tous les programmes à toutes les personnes, qu'elles soient sur l'aide sociale, l'assurance-emploi, sans-chèque, étudiantes ou en emploi et insatisfaites de leur emploi. Est-ce que c'est comme ça qu'on entend intégrer les prestataires à l'ensemble de la main-d'oeuvre? On peut, si on veut jouer sur les mots.

Ceci étant dit, l'idée d'une espèce de guichet unique nous semble intéressante. On doute par ailleurs que, dans le contexte de restrictions budgétaires, puis surtout ce qu'on entend encore une fois avec les négociations dans le secteur public, ces CLE aient suffisamment de personnel pour assumer le rôle que le livre vert leur propose.

Par ailleurs, interrogation. Dans un contexte où on reconnaît que le manque d'emplois est causé par une importante restructuration du marché du travail et que ces tendances sont fondamentales à l'échelle mondiale, de mettre l'accent au niveau local nous apparaît pour le moins curieux et, par ailleurs, susceptible de renforcer des disparités entre les régions et les différents quartiers qui, on le sait tous, ont des ressources qui sont très, très variables. Alors, on est particulièrement inquiet à ce niveau-là.

Par ailleurs, les parcours individualisés. Encore une fois et malgré tout le beau discours qu'on retrouve dans le livre vert, les agents d'aide socioéconomique ont leur mot à dire envers et contre ce que les personnes elles-mêmes peuvent en penser. Le choix du parcours, on dit: Oui, le monde va être impliqué là-dedans, tatata, pour continuer, dans la même page, en disant que l'agent a le pouvoir de désigner des mesures obligatoires, point à la ligne. Encore une fois, on n'a pas, là non plus, de mécanisme de révision des décisions de l'agent. Ça fait que si ton agent décide pour toi que c'est ça que ça te prend, bien, tu y vas ou bien donc tu te fais couper. C'est bien de valeur, mais ce n'est pas ça que, nous, on appelle «respecter les personnes et leur démarche».

Par ailleurs, ces parcours seront obligatoires pour les jeunes de 18 à 24 ans. On veut bien reconnaître l'importance de voir c'est quoi, la dynamique spécifique des jeunes qui sont à l'aide sociale et l'importance de développer des mesures spécifiques qui répondent à leurs besoins particuliers. On n'a pas l'impression, cependant, que c'est en les forçant à embarquer dans des affaires qu'ils n'ont pas choisies qu'on va arriver à quelque résultat que ce soit. En fait, ce à quoi on fait face là, c'est la mise en place du «workfare» pour cette catégorie de prestataires, et vous vous douterez que nous y sommes farouchement opposés.

La deuxième cible pour les PIFE: les femmes chefs de famille monoparentale. Sur cet aspect-là, réforme ou pas réforme, c'est adopté, ça va marcher, c'est en branle et ça pose des questions sur le processus démocratique, comme je le disais tantôt, qui entoure cette réforme-là. Cependant, bien que nous soyons sensibles au fait que plus se prolonge le parcours à l'aide sociale, le temps passé à l'aide sociale pour les mères chefs de famille – il faut que j'achève – plus leurs chances de réintégrer l'emploi sont minces. Ceci dit, sur une question aussi sensible et personnelle que de pouvoir garder ses enfants à la maison, on a de très, très, très sérieuses réserves à maintenir cette obligation-là, et ce, en particulier pour des gens qui habitent le quartier Côte-des-Neiges où, dans les différentes cultures, les perceptions du rôle des mères sont très variables, et on n'a pas l'impression que c'est en heurtant de front les valeurs des gens qu'on va favoriser leur insertion dans la société québécoise.

Je vais passer vite sur les barèmes. Je pense que ce que j'en disais tantôt était suffisamment clair. On n'est pas du tout heureux de voir restreindre le barème «disponible». Le barème «disponible» a déjà sauté. On limite encore le barème «non disponible» puis on fait sauter celui de «participant». Donc, tout le monde, ou à peu près, se ramasse à ce qui était le barème «punition». Ça en dit long sur les orientations, encore une fois, comment, au ministère, on voit les personnes assistées sociales.

On a de grandes réserves par rapport à l'allocation unifiée pour enfant, laquelle, malgré les beaux discours au nom de l'équité, n'est rien d'autre qu'une autre coupure à l'aide sociale, parce que, malgré les droits acquis qu'on préserve pour un an, ça représente une coupure pour les personnes assistées sociales. On appelle ça du transfert de petite richesse des très, très pauvres aux très pauvres. On ne trouve pas ça intéressant du tout. Si on veut parler d'équité dans notre société, il y a d'autres moyens à notre disposition.

L'imposition des prestations, il nous semble que tout ce que ça va avoir pour effet, c'est que les prestataires qui, l'année précédente, ont eu des revenus d'emploi vont tout simplement se retrouver endettés face au ministère du Revenu. Est-ce que le ministère du Revenu va s'arroger le droit de saisir les chèques des personnes assistées sociales pour se rembourser? On a bien peur que ce soit ça qui arrive et, encore une fois, on est plutôt opposé. Comment tu veux rembourser des dettes au ministère du Revenu quand tu as 500 $ par mois?

Dans le cas du non-paiement des loyers par les prestataires de l'aide sociale, on n'est absolument pas d'accord avec ça. Pour plus d'argumentation, on vous réfère au mémoire qui va vous être présenté demain par le Front d'action populaire en réaménagement urbain.

J'aurais voulu dire quelques mots sur la situation des personnes immigrantes et les mesures d'employabilité, très rapidement. Vous avez plus de détails dans le mémoire, en page 19. Très rapidement, oui, il y a des problèmes qui sont particuliers aux personnes assistées sociales qui sont de nouveaux arrivants. Il nous apparaît qu'il faudrait, dans les mesures qui sont proposées, avoir des moyens de répondre de façon correcte, convenable et complète à leurs besoins de francisation et d'intégration, ce qui n'est absolument pas le cas à l'heure actuelle.

Finalement – et je conclus là-dessus – du déficit zéro ou de l'appauvrissement zéro. Il nous apparaît que l'ensemble de ce qui est proposé dans le livre vert n'est qu'un des moyens parmi d'autres choisis par le gouvernement pour en arriver à obtenir le déficit zéro. Pour nous, cet objectif-là ne devrait en aucun cas prioriser sur l'objectif de vaincre la pauvreté au Québec ou, à tout le moins – et c'est un minimum – sur l'objectif de ne pas appauvrir davantage les personnes qui sont déjà les plus pauvres dans notre société.

(9 h 30)

Alors, une réforme de l'aide sociale qui soit juste, quant à nous, ce serait une réforme de l'aide sociale qui permettrait aux personnes de vivre dans la dignité, qui commencerait – et c'est un minimum – par des prestations correspondant aux besoins de base qui sont reconnus par le gouvernement. C'est une réforme qui devrait prioriser le libre choix et l'engagement libre et volontaire dans des mesures, des parcours, de la formation ou des stages. C'est une réforme qui devrait faire en sorte que le régime d'aide sociale soit beaucoup plus démocratique et respectueux des personnes. Et c'est une réforme qui devrait commencer par abolir le principe des enveloppes fermées. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Sherbrooke à commencer l'échange.

Mme Malavoy: Bonjour, Mme Lacelle. Vous avez compris, je pense, que je prends la place de ma collègue Mme Harel qui, malheureusement, est trop malade pour être ici ce matin. Mais, comme je suis son adjointe parlementaire, je suis ces dossiers-là avec elle et soyez sûre que tout ce qu'on dit, elle en aura connaissance. De toute façon, comme tout est scrupuleusement pris en note, vos propos seront fidèlement rapportés.

Je vous remercie d'abord d'avoir fait cet effort de tour d'horizon, je crois, assez complet de ce livre vert. C'est certain que c'est un tour d'horizon pour le moins critique. Comme vous dites, vous êtes critique de ce que nous proposons, de ce que nos prédécesseurs ont proposé aussi, mais je ne doute pas que vous le fassiez au nom des gens que vous représentez. Et, même si on n'est pas forcément en accord avec vos prises de position, je veux que vous considériez qu'on apprécie cet effort de réflexion que vous avez fait et que vous partagez avec nous.

Je voudrais commencer, peut-être, par une précision. Il est bien entendu pour nous que nous travaillons à l'intérieur d'enveloppes fermées. Je sais que c'est une des critiques majeures de votre mémoire, mais, pour nous, c'est un fait. Donc, même si vous dites: On souhaiterait abolir cette règle du jeu, on sait bien que, à ce moment-ci et pour les prochaines années, on ne pourra pas faire de réforme qui propose cet objectif-là et qu'il y a donc deux solutions: ou bien – et c'est ce que vous craignez – on diminue la part de chaque personne, s'il y a augmentation du nombre de prestataires, ou bien – et, nous, c'est le pari que nous faisons à ce moment-ci – on s'organise pour permettre à des gens de sortir de l'aide sociale, étant entendu que, si le bassin reste le même, évidemment, la seule solution intéressante pour ne pas diminuer les prestations de chacun et de chacune, c'est de faire en sorte que des gens en sortent, et donc, qu'on permette à ces gens-là de gagner des revenus décents et qui leur permettent d'avoir quelque chose de supérieur à l'aide sociale.

Ce que j'aimerais, par contre, commencer comme question, c'est au sujet de la crise de l'emploi. C'est un fait qu'on a une crise de l'emploi qui est majeure. Je pense que nous le reconnaissons comme vous et qu'on se sent un peu sur la corde raide. On écoute les nouvelles, nous aussi, puis on voit bien qu'il y a des choses qui nous échappent. Mais il nous semble à nous que, cela étant dit, on a avantage malgré tout à permettre à des gens de s'inscrire dans un parcours qui les rende, je dirais, plus aptes, mais pas au sens d'employabilité, comme on le faisait autrefois avec des petits programmes à court terme et qui ne débouchaient nulle part, mais qui les rende mieux préparés à s'inscrire sur le marché du travail et avec une perspective dans le temps qui soit plus longue que ce qu'on avait jusqu'ici. Jusqu'ici, on avait des petits programmes et, au terme de ça, les gens se retrouvaient souvent à la case départ.

Ce que nous souhaitons, c'est un parcours dans lequel les gens s'inscrivent et qui débouche dans les meilleurs délais, mais sur quelque chose qui soit plus stable. Même si aujourd'hui on n'a pas 100 000 emplois à offrir à tous les gens qui les souhaiteraient, est-ce qu'il vaut mieux ne rien faire ou est-ce que ce n'est pas préférable, malgré tout, de s'organiser pour que ces personnes-là s'habilitent mieux, se replacent sur les rails, s'inscrivent dans un parcours et, ma foi, soient mieux prêtes au marché du travail, étant entendu qu'il faut travailler aussi sur l'autre volet? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lacelle (Denyse): Si vous me permettez? Oui. D'abord, pour revenir sur les enveloppes fermées, oui, c'est vrai, c'est là. Ça a été adopté, puis «that's it», puis la loi n° 3 sur le déficit zéro a été adoptée aussi. De notre avis, quand on fait des erreurs, il n'y a rien qui empêche de les corriger. Je pense qu'il y a des choix de société qu'on peut et qu'on doit faire, puis on va continuer à les défendre. Pour nous, ces politiques-là sont inhumaines, pas solidaires, sont loin de ce à quoi on aspire comme société. Ça fait qu'on va continuer à vous dire qu'il faut abolir les enveloppes fermées. On va continuer à dire que le déficit zéro, ce n'est pas une bonne idée avec les moyens qu'on prend pour y arriver.

On souhaiterait ramener à votre attention plusieurs propositions qui ont été faites, tant par différentes composantes du mouvement populaire et communautaire que par le mouvement syndical, de façons d'atteindre cet objectif tout en préservant nos acquis sociaux. Il y a les huit points de la CSN. Il y a de nombreuses propositions qui ont été présentées lors de la commission sur la fiscalité, qui permettraient d'assainir les finances publiques sans faire des ponctions au niveau des programmes sociaux, puis sans gruger puis sabrer dans la fonction publique. Je sais que ce n'est pas dans l'ordre par rapport à cette commission-ci, mais, en même temps, ce n'est pas vrai que la société, c'est une série de programmes qui sont étanches les uns par rapport aux autres, puis je pense qu'on a avantage à regarder les choses dans leur ensemble.

Ceci dit, sur l'emploi, les parcours, sortir de l'aide, bien, on est les premiers à espérer que les personnes puissent sortir de l'aide sociale. Ce n'est pas vrai que notre point de vue, c'est de dire: Il faut faire en sorte que le système d'aide sociale soit le meilleur possible et que les gens puissent y rester toute leur vie. Ce n'est pas ça, l'idée. On est absolument d'accord avec ça. Par ailleurs, on ne peut pas s'empêcher d'être sceptique, d'une part, par rapport au parcours... Oui, sortir de l'idée d'un programme de six mois, de neuf mois, de 12 mois pour avoir quelque chose de plus qualifiant, bien oui, c'est une bonne idée. Puis les mesures qui sont proposées, quand on parle de stages, de régimes d'apprentissage, et ainsi de suite, ça nous apparaît intéressant à prime abord. On ne peut pas dire que le livre vert, il aille dans le détail par rapport à ce que ce serait. On garroche les mots, comme ça, c'est nouveau, ça regarde bien, oui, ça regarde bien...

Mme Malavoy: C'est un livre vert.

Mme Lacelle (Denyse): Oui, c'est ça. Ça fait que les détails seront dans le projet de loi, on imagine, là.

Mme Malavoy: Quand il changera de couleur, il sera plus étoffé.

Mme Lacelle (Denyse): Remarquez qu'on trouve qu'il pâlit, qu'il vire au blanc sur certaines affaires, mais... Tout ça pour dire qu'à première vue ça apparaît intéressant, mais, toujours dans le contexte des enveloppes fermées, comment on va faire pour avoir l'argent pour soutenir ces mesures-là? Puis, si on met de l'avant des programmes qui sont réellement qualifiants puis qui, donc, coûtent plus cher que le maudit EXTRA, où est-ce qu'on le prendre, cet argent-là? En coupant dans les autres? Questions, dilemmes. On n'est pas sûr.

Par ailleurs, mener à un véritable emploi, oui, on l'espère, mais, en même temps, on est un peu désespéré aussi. Quand on regarde les récentes annonces de Zellers, Bell Canada qui met du monde à pied... Les petites et moyennes entreprises, oui, il s'en part des milliers chaque année, sauf qu'il y en a autant qui ferment chaque année aussi. Puis, quand on regarde le gouvernement, lui aussi, ne pas du tout donner l'exemple comme employeur et abolir des postes, on est plus que sceptique sur les possibilités réelles pour l'ensemble de ces ménages de se trouver un emploi. Vous conviendrez avec nous que les perspectives d'avenir sont loin d'être roses.

Par ailleurs, il y a eu de nombreuses propositions, depuis les années, qui ont été soumises au gouvernement pour intervenir sur la création d'emplois, et on ne voit pas tellement d'efforts en ce sens. La réduction du temps de travail, entre vous et moi, l'engagement pris au sommet de passer de 44 à 40 heures par semaine, sur quatre ans, et c'est tout, ça nous apparaît un peu timide. Pour le reste, partage du temps de travail, intervention au niveau de la fiscalité des entreprises... Puis il faut qu'on arrête de laisser le Conseil du patronat du Québec nous rabâcher les oreilles avec les charges sur la masse salariale. Oui, les charges sur la masse salariale sont plus élevées au Québec qu'ailleurs, mais l'ensemble des impôts des sociétés, eux, sont inférieurs aux autres provinces canadiennes et à la majorité des États des États-Unis. Il y a de quoi à faire là qui pourrait permettre de relancer l'emploi. On ne voit pas d'effort en ce sens-là, ça fait qu'on est très, très, très sceptique.

Mme Malavoy: Je sens que vous ne laissez même pas vraiment la chance à ce que des pistes nouvelles soient explorées. Par exemple, il y a eu entente, même si c'est peut-être une amorce, même si c'est peut-être timide, pour explorer la piste de l'économie sociale. C'est vrai et je ne peux pas prétendre, personne ne peut prétendre qu'on est à l'heure des bilans et qu'on sait exactement de quoi il retourne et ce que ça va produire, mais il y a tout au moins, au Québec, depuis un certain nombre de mois, des gens qui sont prêts à faire le pari qu'il y a là une piste. Et ce qui me frappe, c'est que vous fermez toutes ces portes-là, séance tenante. C'est un peu ça qui me laisse sur mon appétit. Ce n'est pas tellement le fait qu'il y ait des critiques. Je peux les comprendre, vos critiques, et je pense qu'elles sont fondées à l'intérieur de votre lecture de la société, mais les portes qu'on essaie d'ouvrir, vous les refermez rapidement.

Une autre que vous refermez rapidement – et je terminerais mes questions avec ça – c'est celle du parcours individualisé. Vous dites: On reconnaît que le prestataire peut être maître d'oeuvre, mais l'agent aura encore le dernier mot.

(9 h 40)

Pour nous, c'est un pas majeur, ça, que d'avoir fait ce changement de cap, d'avoir introduit un parcours individualisé qui peut être de s'en aller aux études, d'être apprenti, d'être en alternance stage-études, d'avoir un emploi ou même encore d'avoir des services psychosociaux et d'avoir le droit de choisir ce qui nous apparaît le plus intéressant pour nous, chaque personne ayant ce droit-là. Vous dites: L'agent a le droit d'imposer une pénalité. Moi, ce que j'aimerais savoir de votre part, c'est: Si on avait un droit de recours du prestataire, est-ce que ça diminuerait pour vous cette inquiétude par rapport au rôle de l'agent?

Mme Lacelle (Denyse): Absolument. Oui.

Mme Malavoy: Oui? Est-ce que ce serait une chose qu'il serait, selon vous, souhaitable d'introduire d'une manière ou d'une autre? Parce qu'il y a plusieurs personnes qui nous ont parlé en ces termes-là.

Mme Lacelle (Denyse): Oui, plusieurs choses. Sur un droit de recours, un mécanisme d'appel, de révision, ça nous apparaît effectivement essentiel, puis loin de nous l'idée d'accuser qui que ce soit de mauvaise foi là-dedans. La situation actuelle, c'est que les agents sont débordés, le monde n'est pas toujours capable, surtout dans notre quartier, d'expliquer clairement, du premier coup, c'est quoi qu'il voulait dire au juste. Il y a plein de décisions qui sont prises par erreur, puis, après ça, bien, tu es pris avec. Qu'on reconnaisse qu'il y a de la place pour des erreurs et qu'on reconnaisse donc des mécanismes pour les corriger, ça nous apparaît absolument essentiel. Ça arrive je ne sais combien de fois par semaine, au Projet Genèse, où est-ce que des gens viennent nous voir avec la lettre de leur agent, puis, là, ce qu'il en ressort, c'est qu'ils se sont mal compris. Bien, là, on poigne le téléphone, on appelle l'agent. Puis, si ça ne marche pas, on appelle son chef. Puis on règle, comme ça, des tonnes de cas chaque année, chaque semaine, du monde qui n'a pas besoin après ça de passer par l'ensemble des mécanismes de révision, d'appel, et ainsi de suite. Ça arrive, des erreurs. Il y a moyen de les corriger, puis ça nous apparaît essentiel que les gens, s'il y a eu une entente insatisfaisante un premier coup, puissent en parler avec quelqu'un d'autre, puis s'expliquer, puis faire changer une décision s'il apparaît qu'ils avaient raison de vouloir faire changer la décision. Ça fait que, ça, c'est une première chose.

Sur les portes que nous fermons, je pense que vous faites peut-être une lecture plus critique. Vous vous imaginez peut-être qu'on est plus critique qu'on ne l'est. Remarquez que je conviens avec vous que le ton est parfois dur.

Mme Malavoy: Si je me trompe, je ne demande que ça.

Mme Lacelle (Denyse): Ce qu'on vous dit, ce n'est pas qu'on n'est pas d'accord avec les PIFE. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on n'est pas sûr que ça va marcher. On dit: Oui, des stages, ça peut être une bonne idée, l'alternance travail-études, ça peut être une bonne idée, et ainsi de suite, ça peut être une bonne idée. C'est quoi, les ressources financières qui vont y être consacrées pour que ça marche vraiment? On ne le sait pas, on vous le demande. Et, s'il n'y en a pas, bien, on a l'impression que ça ne marchera pas.

Par ailleurs, sur l'économie sociale, le concept est intéressant tel qu'il a été porté, entre autres choses, par la marche des femmes contre la pauvreté. C'est quelque chose avec lequel on est en accord. Par ailleurs, on est inquiet. Des projets qu'on connaît, qui, jusqu'à maintenant, ont été acceptés par les CRSSS ou qui ont été acceptés lors du sommet socioéconomique, il y a des affaires intéressantes. Il y a des trucs au niveau d'un centre de femmes dans le quartier chez nous. Il y a des trucs au niveau du logement social pour personnes âgées en perte d'autonomie qui ont été acceptés au sommet et dont on attend toujours de voir la réalisation. Mais c'est des idées qui sont intéressantes, de développement, à ce niveau-là.

Mais, mais, mais il y a aussi qu'on voit rebondir là, au niveau de l'économie sociale, les corporations communautaires autonomes, qui s'appelaient autrefois les corporations intermédiaires de travail, qui, à tout le moins dans notre quartier puis dans la région de Montréal, ne sont qu'une façon cheap de remplacer les services sociaux et les services de santé qu'on a coupés dans le réseau public, puis, ça, on n'est pas d'accord. On ne pense pas que c'est en coupant des jobs dans le public puis en les transférant vers l'économie sociale qu'on va rien régler.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lacelle.

Mme Lacelle (Denyse): Mme Loiselle, bonjour.

Mme Loiselle: Bienvenue. Bonjour. Je vous avoue qu'à date, au niveau de l'impact de la réforme sur les nouveaux arrivants, on n'en a presque pas discuté. Je pense que c'est important que vous nous donniez vraiment le profil de ce qui se passe avec ces familles-là et ce qui va leur arriver si on va de l'avant avec ce qui est proposé dans le document. Il y a la Ligue des droits qui a attiré notre attention, qui disait que, finalement, en leur refusant la possibilité d'aller dans les parcours, c'est un peu comme leur bloquer aussi la possibilité de s'insérer dans la société québécoise, puis ça allait contre l'article 15 de la Charte des droits qui nous parle de discrimination. Vous, vous en faites mention. Je sais qu'à Côte-des-Neiges vous travaillez beaucoup, beaucoup avec les nouveaux arrivants. C'est un quartier où il y a énormément de familles qui se regroupent dans ce secteur-là de Montréal. J'aimerais vous donner du temps pour nous expliquer vraiment, vu qu'on n'en a pas beaucoup discuté, qu'on n'a pas échangé énormément à ce niveau-là, profiter de votre présence pour nous parler de l'impact pour ces familles-là puis pour les familles monoparentales aussi, de familles de différentes origines.

Mme Lacelle (Denyse): O.K. Il y a toutes sortes de monde avec différents statuts, dans la vie. Il y a les revendicateurs de statut de réfugié. C'est une gang de gens qui, du moment qu'ils obtiennent le statut de réfugié et ensuite leur résidence permanente, sont ensuite considérés comme n'importe quelle autre personne assistée sociale, première des choses. Deuxième des choses, quand on parle des communautés culturelles, il y a les nouveaux arrivants, quel que soit leur statut d'immigration, puis il y a le monde qui est arrivé depuis plus longtemps. Ça fait qu'on ne peut pas dire: Il y a une affaire. C'est vraiment, quand on parle d'immigration, un ensemble très large de situations problématiques.

Alors, sur les revendicateurs du statut de réfugié, on en parlait tantôt, effectivement c'est du monde qui se ramasse – parce que c'est long, ça traîne, il y a des dossiers en retard, ça fait régulièrement la une de la presse; aux deux ans à peu près, on revient avec ça – c'est du monde qui passe un an, deux ans, trois ans au Québec avec... depuis maintenant peu de temps, sans la possibilité de s'inscrire dans la mesure RADE, par exemple, pour apprendre le français.

Je ne sais pas si tu le sais, mais, comme situation, ce n'est pas facile. Quand tu fais une demande de réfugié, généralement tu arrives d'une situation qui est particulièrement difficile dans le pays que tu as fui, tu es dans une situation d'instabilité économique et émotive, tu dois te débrouiller avec le bordel que c'est de passer par la commission sur les réfugiés, faire face à un avocat. Avec les coupures récentes, encore une foi, à l'aide juridique, comme je disais, qu'il faut arrêter de décloisonner les programmes un par-derrière l'autre, défendre ton statut d'immigration, ça veut dire avoir nécessairement recours à un avocat, lesquels avocats, il n'y en avait pas tant que ça spécialisés en immigration, les montants qu'ils reçoivent maintenant, à l'aide juridique, pour les cas d'immigration sont insuffisants pour couvrir l'ensemble des procédures, donc la possibilité pour les revendicateurs d'avoir le droit à une défense pleine et entière s'en trouve d'autant hypothéquée.

Tu as tout ça, puis, en plus, tu n'as même pas de soutien pour pouvoir te débrouiller en français au travers de tout ça. Ce n'est pas comique. Nous, on pense que ce serait la moindre des choses, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires, qu'on accorde ce soutien aux personnes qui revendiquent le statut de réfugié, quitte à ce que, comme pays riche – admettons-le, même si on a nos difficultés – on se permette ce luxe de payer en pure perte des cours de français à du monde qui va être refusé. Parce que si on regarde c'est quoi, la situation dans le monde, je pense que c'est un effort que, comme société, on devrait pouvoir être capable de faire, sur les réfugiés, donc.

Pour les nouveaux arrivants, le défi numéro un quand tu arrives, c'est de parler la langue, c'est bien évident, pour pouvoir te trouver un logement, pour pouvoir inscrire tes enfants à l'école, pour pouvoir aller faire une épicerie, pour pouvoir demander à quelqu'un c'est quoi, ça, un métro, puis par où ce qu'il passe, l'autobus. Il faut que tu puisses t'exprimer. La première et la plus fondamentale des mesures d'insertion sociale, c'est, bien entendu, l'apprentissage de la langue. Il y a les COFI qui permettent un minimum, un début d'apprentissage, mais absolument pas une maîtrise suffisante pour se débrouiller.

Par la suite, il y a la possibilité, pour les personnes qui sont nouveaux arrivants et immigrants reçus, de suivre des cours de français en milieu communautaire par le biais de la mesure RADE, laquelle a été bardassée depuis quelques années. Entre autres choses, on a, dans une chicane MSR-MERCI, qui n'a pas l'air d'être réglée... Au MERCI, on nous dit: On finance... Le ministère des Relations avec les citoyens, qui est responsable de l'immigration et des programmes de francisation en milieu communautaire, nous dit: Nous, on finance les organismes communautaires à raison de 15 heures-semaine pour la francisation. Les gens qui sont en francisation, dans ces cours-là, sont sur des RADE, et le MSR nous dit: Bien, les RADE, c'est 20 heures. Ça fait que, d'une part, les organismes se ramassent à ou bien donc offrir le cours mais avec cinq heures par semaine à financer on ne sait pas comment, ou alors à laisser tomber parce qu'ils n'arrivent pas. Et souvent ce sont de très petits organismes communautaires avec très peu de moyens qui offraient ces cours et qui sont prêts à les laisser tomber.

(9 h 50)

Pour les personnes qui voient ainsi les cours disparaître, bien, c'est la possibilité d'apprendre le français dans un organisme qui est à l'échelle du quartier, dans un organisme qui est lié à la communauté et qui peut aussi offrir un soutien sur plein d'autres dimensions outre le français, dans un organisme qui peut référer la personne aux autres places où elle pourrait avoir de l'aide par rapport à ses problèmes de logement, ou ci, ou ça, c'est cette possibilité-là qui disparaît. Par ailleurs, quand c'est le cas puis que les cours sont effectivement offerts 20 heures-semaine, bien, n'en déplaise au MSR, ce n'est pas vrai qu'un RADE, c'est un RADE. Un RADE pour apprendre à faire ton c.v., ce n'est pas la même chose qu'un RADE où tu apprends à parler puis à écrire le français. L'apprentissage de la langue, c'est autrement plus exigeant, plus compliqué, plus épuisant que d'apprendre comment aller te présenter pour une entrevue.

Ça fait que je pense que c'est important de reconnaître c'est quoi, l'effort qu'on demande aux personnes, dans un contexte où non seulement tu apprends la langue, mais, comme je le disais, tu apprends à te débrouiller avec l'ensemble du fonctionnement de la société. Le monde est épuisé. Ça fait que c'est ça, la situation des nouveaux arrivants.

Par ailleurs, une fois qu'on a passé le niveau du français, il reste d'énormes difficultés au niveau de la reconnaissance des diplômes acquis à l'étranger et au niveau de la reconnaissance de l'expérience acquise à l'étranger. Puis, là-dessus, on fait face, selon les différents CTQ, pour ce qui est de l'expérience des diplômes, à des pratiques aussi variées qu'injustifiables.

Dans certains centres Travail-Québec. il y a des budgets qui sont prévus au niveau de la loi pour payer l'argent que ça demande pour faire l'étude de l'équivalence du diplôme. Tu sais, mon diplôme d'ingénieur que j'ai acquis en Roumanie, il vaut quoi ici? Ça fait qu'il faut étudier c'est quoi, les programmes, et ainsi de suite. Il y a des services qui sont prévus pour ça, puis il y a des budgets qui sont prévus pour ça. Dans certains CTQ, c'est la première chose qu'on fait. La première chose dont tu as besoin, pauvre monsieur, madame, c'est que tes diplômes, on les reconnaisse, pour qu'on puisse faire de quoi avec.

Donc, dans certains CTQ, c'est la première affaire. Dans d'autres CTQ, on dit: Non, non, non. On va mettre l'argent pour faire reconnaître ton diplôme si, et seulement si, il y a une promesse d'emploi au bout. Comment tu veux l'avoir, la promesse d'emploi, s'il n'y a aucun employeur qui peut savoir ce que ça veut dire, ce papier-là qui est écrit en tchèque?

Donc, je pense qu'il y a des corrections certaines à apporter au niveau des différentes mesures de soutien à l'intégration des personnes immigrantes. On reconnaît, dans le livre vert – et l'analyse est assez bien faite – que, oui, ça pose des... Il y a une problématique qui est particulière. Ce serait intéressant qu'au niveau des parcours individualisés on prévoie aussi des mécanismes particuliers pour répondre à des besoins qui ne sont pas les mêmes. On part, dans bien des cas, d'une couple de steps en arrière, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Loiselle: Est-ce qu'on fait l'alternance ou je...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

Mme Loiselle: Les familles monoparentales, vous savez, je ne vous l'apprends pas, on en a beaucoup parlé. On a beaucoup parlé du caractère obligatoire et de l'approche punitive, les pénalités, le fait qu'on enlève le barème de non-disponibilité. Quand on regarde, les statistiques nous démontrent que c'est les femmes chefs de famille monoparentale qui, sur une base volontaire, vont demander soit pour du rattrapage scolaire ou des mesures d'employabilité. Que même actuellement il y en a qui sont en attente, puis le gouvernement n'est pas capable de répondre à leurs demandes.

Au niveau des familles des communautés culturelles, les femmes, les mères des communautés culturelles, vous avez parlé tantôt qu'elles ont peut-être une approche différente dans leur rôle de mère. Parce que, nous, on conteste beaucoup le fait que, dans le livre vert, on enlève le libre choix aux mères de décider d'élever leur enfant ou de retourner tout de suite sur le marché du travail. Et vous en parlez, vous aussi. Vous dites que le gouvernement est en train de faire disparaître la liberté de choix aux mères. Alors, j'aimerais vous entendre au niveau des familles des communautés culturelles parce que, ça, on n'en a pas parlé du tout.

Mme Lacelle (Denyse): D'accord. Peut-être la première des choses, vous le soulignez et c'est très juste, l'immense majorité des prestataires sont disposés à faire tout ce qu'ils peuvent et ce qu'elles peuvent pour sortir de l'aide sociale. Puis un des problèmes importants avec lesquels les gens viennent nous voir au Projet Genèse, peu importe leur origine culturelle, c'est: Je veux un programme puis mon agent ne veut pas m'en donner. Ça, c'est la première des choses. Je veux retourner à l'école puis mon agent ne veut pas. Le monde veut, puis je pense que c'est important de le reconnaître. Par ailleurs, il y en a d'autres qui ne veulent pas, pour des raisons diverses allant de problèmes de santé qui sont mineurs mais qui sont importants dans leur vie à elles, à, effectivement, un choix de rester à la maison avec les enfants.

C'est, on peut s'en douter, particulièrement vrai dans certaines communautés culturelles. Puis, là, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac. L'attitude par rapport au travail des femmes, d'une part, et par rapport à la présence des mères à la maison, d'autre part, varie beaucoup d'une communauté culturelle à l'autre, de un, puis varie beaucoup aussi en fonction, souvent, du niveau de scolarité des femmes d'une même communauté culturelle.

Pour donner un exemple, une madame égyptienne qui est d'origine rurale et qui a la trentaine passée a beaucoup plus tendance à penser que sa place, c'est à la maison. Une même madame égyptienne qui sort de l'université du Caire peut avoir une attitude très différente. Donc, je pense qu'il faut qu'on fasse attention dans les jugements qu'on porte. Loin de moi l'idée de vouloir dire que, pour les communautés culturelles, ceci est épouvantable. La situation est très, très, très variable, puis ça ramène, je pense, d'autant plus l'importance de prendre en compte la situation de chacune des personnes. Puis, pour nous, c'est un élément supplémentaire pour que ces mesures-là ne soient pas obligatoires. À notre avis, il y a déjà bien en masse assez de monde, issu de l'immigration ou pas, qui veut absolument faire partie d'une mesure ou d'une autre sans que... Puis je suis convaincue qu'il y en a bien plus que ce à quoi on peut répondre comme besoin, même en multipliant les possibilités. Ça fait qu'on laisse donc la paix à celles qui ne veulent pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui. Bonjour, Mme Lacelle, et bienvenue. Je suis heureux de profiter du passage de votre groupe Projet Genèse. Vous interpelliez tout à l'heure les deux groupes politiques qui constituent ici l'Assemblée.

Mme Lacelle (Denyse): Il faut rendre à César ce qui est à César.

M. Gaulin: Il y a quand même un troisième groupe qui s'appelle l'Action démocratique et qui aurait aussi intérêt à être interpellé avec sa vision très néolibérale. Évidemment, les points de vue ne sont pas nécessairement les mêmes en fonction de la position qu'on occupe, de la place qu'on occupe. Ne serait-ce que dans cette salle, vous êtes là, je suis ici, vous voyez donc les choses différemment de moi. Je vois mieux qui est en arrière de vous. Vous voyez probablement mieux du côté de la présidence. La Genèse elle-même, d'ailleurs... Quand on regarde la Bible, il y a deux récits de la Genèse, le premier et le deuxième, au chapitre I, puis je pense que c'est au chapitre III, avec six siècles de différence.

Tout ça pour vous dire que... Je voulais vous dire que la pauvreté, pour nous, qu'on soit dans l'opposition ou au gouvernement, ce n'est jamais un choix. Finalement, on vit tous avec une conséquence. On peut toujours faire remonter la conséquence à plus loin, dire que c'est à cause du régime libéral ou dire que c'est à cause du régime péquiste, mais nous sommes devant, donc, des faits. Et les faits, c'est qu'il y a 800 000 personnes qui vivent dans des conditions qu'on juge tout à fait défavorables. J'imagine que le gouvernement serait très heureux si la pauvreté était bannie très rapidement, au Québec. Alors, je pense qu'on doit partir de ce point de vue là, peut-être, et c'est dans ce sens-là que je voudrais peut-être vous poser deux ou trois questions, pour essayer de voir... Parce que souvent votre jugement est sévère, et je vous comprends.

Moi, j'appartiens à un comté où la condition économique est également très difficile et où on rencontre – ma collègue de Vanier aussi – beaucoup de groupes communautaires. On sent que le ton monte. Et je comprends ça, parce que les choses sont en train de changer et le monde est en train de se diviser, de se couper en deux.

Par exemple, vous dites, dans votre mémoire, à la page 9, que la réforme de l'aide sociale doit permettre à celles et à ceux qui ont recours à ce système de vivre dans la dignité. Évidemment, vous faites appel à des revenus suffisants, décents. Mais est-ce que vous croyez aussi que le recours à l'insertion dans l'emploi et à la formation individualisée ou personnalisée peut être, même s'il n'y a pas assez d'emplois pour tout le monde, une condition de vie dans la dignité? C'est-à-dire: Est-ce qu'on doit juger que, parce que des gens sont sans emploi, on ne doit pas leur donner de parcours de formation? Parce que ce que vous dites des gens qui sont plus démunis dans la société, c'est également vrai des gens qui sont relativement plus à l'aise. Un avocat qui perd son emploi, même un médecin qui perd son emploi ou qui n'a pas d'emploi encore, il est également devant la même situation, à savoir qu'il n'y a pas assez d'emplois pour tout le monde. Donc, est-ce que vous croyez que, pour le recours à la dignité, la formation est une condition?

(10 heures)

Mme Lacelle (Denyse): Je vais un petit peu répéter ce que je disais tantôt. Nous ne sommes pas contre des mesures qui favorisent le développement de compétences et l'acquisition de nouvelles connaissances, loin de là. Puis peut-être que, oui, de s'insérer dans un tel parcours, ça peut favoriser le sentiment de mener une vie un peu plus dans la dignité, à la condition, un, que ce soit volontaire, parce que, si ce n'est pas volontaire, ça fait tout le contraire: tu es obligé. Ça fait que, si c'est volontaire, oui, et si ces parcours sont, effectivement, réellement qualifiants. Vous avez entendu, comme tout le monde, j'imagine, 50 000 histoires d'horreur sur les différents programmes avec lesquels on vit depuis plusieurs années, de monde qui est supposé de faire du secrétariat dans une boîte puis qui se ramasse à faire l'entretien, et ainsi de suite, de programmes PAIE qui affichent un taux de substitution d'emplois de 50 %. Il faut que ça mène à de quoi, puis que ça soit réellement qualifiant, puis que ça soit volontaire, dans lesquels cas, oui, je pense que ça peut contribuer à permettre au monde de vivre dans davantage de dignité.

M. Gaulin: Oui. Maintenant, c'est sûr qu'il faut que ce soit volontaire, mais qu'est-ce que ça veut dire, devoir être volontaire? Parce que je vous ferai remarquer qu'il y a beaucoup de jeunes, aujourd'hui, par exemple, qui auraient aimé faire un géographe, ou qui auraient aimé faire un médecin, ou qui auraient aimé faire un pompier et qui ont changé de carrière parce qu'il n'y avait pas d'ouvertures. Alors, d'une certaine manière, c'est non volontaire, mais c'est aussi volontaire. Est-ce que vous voyez la nuance?

Mme Lacelle (Denyse): Oui, bien sûr, parce qu'on parle de niveaux de choix différents. Je pense que c'est une chose de dire au monde: Bon, c'est de valeur, j'aurais voulu être géographe puis je vais être poigné pour être arpenteur. Je suis brimé dans mon choix. Je pense que c'est un niveau de choix qui est une affaire. C'est une autre affaire, de dire: Écoute, tu es à l'aide sociale, puis là ce dont tu as besoin, toi, dans la vie, ça va être de faire ça, ça, ça. Je t'attends demain matin, puis, si tu n'es pas là, tu te fais couper. Ça, c'est un autre niveau de choix, là.

M. Gaulin: Ça va. Et on pourrait y revenir. Dans la formation personnalisée, le fait de nommer quelqu'un qui serait responsable du contrôle – bon, quelqu'un qui contrôle, ce n'est jamais très jojo – et une personne différente qui soit responsable du parcours, du tutorat, de conseiller à la personne, est-ce que vous trouvez que ce serait déjà une amélioration?

Mme Lacelle (Denyse): Effectivement, parce que la situation actuelle, c'est que, quand la personne qui a le pouvoir de te couper ton chèque, c'est aussi celle qui te propose une mesure, tu y penses à deux fois avant de juste dire: Je ne suis pas sûr, je voudrais y penser, parce que, souvent, le «je ne suis pas sûr, je voudrais y penser», c'est traduit par non sur le questionnaire, puis ton chèque est coupé. Ça fait que, effectivement, de dissocier les deux, ça nous apparaît une hypothèse très intéressante.

M. Gaulin: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, dans la même lignée que votre échange avec le député de Taschereau, il va sans dire que, nous, quand on nous a annoncé qu'on faisait une réforme de l'aide sociale, quand le gouvernement décide de faire une réforme, c'est qu'il dit: Bon, il y a des choses qui ne vont pas bien dans l'autre système, il faut l'améliorer, il faut le bonifier. Ce n'est pas pour faire pire, ce n'est pas pour appauvrir davantage les gens, surtout quand on parle de la sécurité du revenu. Et ce qu'on a devant nous, c'est un document qui, si le gouvernement ne fait pas un virage à 190 degrés, va appauvrir davantage les gens. Alors, c'est pour ça qu'il faut se poser la question si c'est vraiment une réforme de l'aide sociale, de la sécurité du revenu qu'on est en train de faire ou si c'est une façon déguisée de faire des économies pour arriver au déficit zéro. Ça, c'est la grande question qu'il faut se poser.

Mme Lacelle (Denyse): Quant à nous.

Mme Loiselle: C'est ça. De deux, vous avez tout à fait raison au niveau de faire une démarche sur une base volontaire. À date, c'est la grande, grande majorité des groupes qui sont venus nous dire que le gouvernement allait dans la mauvaise direction avec tout le caractère de l'approche obligatoire et punitif et que, tout ça, s'il continue dans cette direction-là, c'est voué à l'échec. Camil Bouchard et son équipe sont venus nous le dire. Il y a aussi, du Conseil québécois de la recherche sociale, M. Alain Noël, qui nous disait que, pour les conseillers en aide à l'emploi, il faut qu'on établisse des liens de confiance. Je le cite: «Et c'est donc, évidemment, très important que ce conseiller-là établisse des liens de confiance entre tout ce monde-là et, principalement, établisse des liens de confiance avec la personne qui doit être aidée.» Puis il nous disait aussi que la plupart des études nous démontrent que les pénalités sont contre-productives, que, au lieu de créer un lien de confiance, c'est de la méfiance qui va s'installer, et que, finalement, des gens qui sont peut-être moins motivés que d'autres vont peut-être prendre la place, finalement, de ceux qui sont très motivés et qui veulent faire des démarches. Mais ils vont y aller pour ne pas avoir à subir la pénalité.

J'aimerais revenir... parce que, sur ça, on a beaucoup, beaucoup échangé, et je voudrais vous entendre davantage parce que, depuis la semaine dernière, moi, j'avais eu l'impression que le transfert à la Régie des rentes du Québec pour l'allocation d'invalidité, ça passait assez bien, mais, depuis la semaine dernière, des groupes nous démontrent que, non, ça ne passe pas du tout, puis il est en train de se créer une unanimité de dire: Non, ne faites pas ce changement-là, on est tout à fait contre. La COPHAN est venue nous dire qu'il y avait un sous-comité qui avait été mis sur pied et que, au sein du comité, il y avait unanimité de dire au gouvernement: Nous, on est contre le transfert à la Régie des rentes du Québec. C'est la perte d'un droit. C'est dangereux, vous allez créer deux classes de bénéficiaires, deux classes de prestataires. Ils ont même demandé un moratoire la semaine dernière sur ça. Et on a eu un témoignage assez émouvant d'une personne qui a des limitations fonctionnelles, qui nous a dit: C'est comme m'offrir un parcours vers l'invalidité. Un autre monsieur nous a dit que, lui, il préfère la voie à la vie à la voie à la mort. Et la voie sociale à la mort, c'est un peu ce qu'on lui offrirait en le transférant à la Régie des rentes du Québec. Même s'ils ont le choix d'y aller ou de ne pas y aller, même s'ils ont le choix de revenir sur leur décision, ils disent au gouvernement: Non, on ne veut pas que vous nous envoyiez à la Régie des rentes du Québec, on est tout à fait contre ce transfert-là. Je veux vous entendre davantage parce que je pense qu'il y a un message puis qu'il y a une réflexion supplémentaire que le gouvernement devra faire faire avec ce transfert-là.

Mme Lacelle (Denyse): D'entrée de jeu, notre organisme travaille très peu avec des personnes handicapées et absolument pas sur la perspective de défense des droits de personnes handicapées, ça fait que je suis loin d'être une spécialiste de ces affaires-là et je serais portée à faire confiance aux positions qui vous ont été présentées par la COPHAN là-dessus. C'est un organisme avec lequel on travaille régulièrement et qui nous apparaît très, très compétent dans son champ d'intervention. Ceci dit, mettons que, quand on a d'abord lu le livre vert, on a peu un peu tiqué. Tu sais, c'est comme: Ah bien, on va revenir à la loi sur les invalides. On «va-tu» avoir la loi sur les mères nécessiteuses qui va suivre? C'est quoi, cette affaire-là? L'autre bout après ça: Bon, qu'est-ce qui arrive? Ce qui est proposé là, c'est que les plus vieux, on les sort de l'aide sociale, que les handicapés, on les sort de l'aide sociale, que les enfants, on dit qu'on les sort de l'aide sociale avec l'allocation unifiée pour enfants. Qui est-ce qui reste à l'aide sociale? Juste les méchants pauvres, ceux qui ne veulent pas travailler. C'est quoi, l'idée? Est-ce qu'on veut, comme ça, tasser comme les bons pauvres pour se permettre, après ça, d'y aller haro sur le baudet par rapport aux autres qu'on a identifiés comme ceux étant à qui on veut absolument faire faire des affaires. Ça fait que notre première réaction, j'avoue, ça a été carrément ça: C'est quoi, l'idée?

Ceci dit, pour le reste, la préoccupation – puis c'est ce que vous avez dans le mémoire qu'on vous a présenté – qu'on a pour les personnes qui sont soutien financier, c'est: Qu'est-ce qui va arriver – c'est un livre vert, ce n'est pas un livre blanc, là – de la protection des besoins spéciaux? Puis qu'est-ce qui arriver également de l'assurance-médicaments pour ces personnes-là qu'on sort, donc, du MSR? C'est des questions, et, tant qu'il n'y a pas de réponse, on ne peut pas dire qu'on est pour ou qu'on est contre. Mais c'est une préoccupation qu'on a. Par ailleurs, je pense que, effectivement, les organismes qui travaillent avec les personnes qui ont des handicaps sont sourcilleux à raison sur la nécessité pour les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi d'être reconnues comme des citoyens et des citoyennes à part entière. Je pense que leur préoccupation par rapport au RRQ s'inscrit dans cette perspective-là puis je pense qu'on ne peut que souscrire à un tel objectif. Donc, voilà.

Mme Loiselle: Expliquez-moi davantage, parce que vous êtes le deuxième groupe qui attire notre attention sur ça. Justement dans le même... l'allocation d'invalidité, vous dites: Elles tombent donc dans la catégorie «autre», et leur plafond annuel devrait être monté de 200 $ à 750 $ par année pour l'assurance-médicaments.

Mme Lacelle (Denyse): Oui, la loi n° 33 adoptée à toute vitesse par vous-même ici présents au mois de juin dernier, c'est un autre cauchemar en termes d'application, celle-là. La loi n° 33 prévoit une prime, une franchise et un plafond annuel. Le plafond est déterminé non pas en fonction du revenu des personnes, mais de leur statut, O.K.? Donc, on a un plafond de 200 $ par année que le monde doit payer en médicaments, que ça soit en franchise ou en coassurance. C'est un plafond qui est de 200 $ par année pour les personnes qui sont à la sécurité du revenu ainsi que pour les personnes de 65 ans et plus qui reçoivent le maximum du supplément de revenu garanti. Les personnes les plus pauvres ont le plafond annuel de 200 $ par année qui s'applique également aux personnes de 60 à 64 ans qui ont un carnet de réclamation – donc le monde qui est à l'aide sociale en partie – mais qui reçoivent un bout de pension, l'allocation de conjoint, souvent, mais qui étaient quand même couvertes, qui avaient leur carte pour les médicaments à l'aide sociale, O.K.? 200 $ par année. Ensuite, un plafond de 500 $ par année pour les personnes de 65 ans et plus qui reçoivent le supplément de revenu garanti seulement en partie, donc les personnes qui ont un revenu un peu supérieur à 13 000 $ par année puis un peu inférieur à 16 000 $, si je ne me trompe pas. Puis, ensuite, un plafond de 750 $ par année pour toutes les autres personnes.

(10 h 10)

Le problème qu'il y a avec cette loi-là, c'est qu'une personne qui travaille au salaire minimum gagne, vous le savez, quelques dollars de plus par mois qu'une personne qui est à l'aide sociale mais a un plafond de 750 $ par année, contrairement à 200 $ à l'aide sociale. Une personne âgée, qui est arrivée au Québec, au Canada, depuis moins de 10 ans, même si son revenu est très bas, n'a pas le droit aux pensions du fédéral, donc n'est pas considérée dans la catégorie supplément de revenu garanti, et son plafond est de 750 $ par année. Les personnes qui sont actuellement soutien financier, parce qu'elles sont dans la catégorie MSR, ont le plafond de 200 $ par année. Si on le transfère à la RRQ, ce monde ne va pas pour autant avoir sa pension de la sécurité de la vieillesse ou le supplément de revenu garanti, donc il n'est dans aucune des catégories visées par la loi, il tombe dans «autre», puis le plafond, automatiquement, devrait donc être de 750 $ par année. On espère que ce n'était pas l'intention du gouvernement de transférer cette obligation-là puis que c'est juste une petite correction qui manque parce qu'on n'y avait pas pensé, dans lequel cas on vous inviterait, si jamais vous allez de l'avant avec ça, à modifier la loi n° 33 en conséquence.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lacelle, au nom des membres de la commission, je vous remercie beaucoup.

Mme Lacelle (Denyse): Je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant les représentants de la Fédération des cégeps à se présenter.

Alors, bonjour aux représentants de la Fédération des cégeps. M. Boucher, c'est vous, je pense, qui allez présenter les gens qui vous accompagnent.

Une voix: ...c'est M. Larose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est M. Larose. Alors, M. Larose, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et commencer votre présentation de 20 minutes.


Fédération des cégeps

M. Larose (Denys): Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, bonjour. Alors, je vous présente, à ma droite, Mme Sylvie Desjardins, qui est vice-présidente du conseil d'administration de la Fédération des cégeps et, en même temps, présidente du conseil d'administration du cégep Bois-de-Boulogne, et, à ma gauche, M. Gaëtan Boucher, président-directeur général de la Fédération.

Vous me permettrez de vous présenter brièvement, avant de céder la parole à mes collègues, le point de vue où nous sommes placés pour conduire notre réflexion sur le projet de réforme de la sécurité du revenu. La sécurité du revenu revêt à nos yeux une très grande importance. Les mesures de dernier recours mises en place au Québec au fil des ans témoignent des situations difficiles vécues par un nombre grandissant de personnes. Elles illustrent également l'intérêt que nous portons comme collectivité au resserrement des liens sociaux par la solidarité active. Ces questions, qui touchent l'ensemble des citoyens et citoyennes, préoccupent bien sûr les cégeps comme maisons d'éducation. Notre réalité d'établissements d'enseignement supérieur nous conduit tout naturellement à nous intéresser à des problèmes de formation.

Nous sommes aussi sensibles, bien sûr, à certaines préoccupations sociales. Les 48 cégeps du Québec contribuent en effet à renforcer la cohésion sociale en assurant la transmission des connaissances et des valeurs de société et en favorisant l'insertion socioprofessionnelle des jeunes générations. Nous n'avons sans doute pas l'expertise pour nous prononcer sur toutes les questions liées à la réforme de la sécurité du revenu, nous interviendrons donc sur certaines d'entre elles à partir de notre point de vue particulier d'éducateurs. Et c'est donc en nous inspirant des valeurs qui fondent notre existence même que nous participons à ce débat.

L'équité, la solidarité et tout ce qui peut assurer la cohésion sociale, la cohésion de la collectivité, nous intéressent au plus haut point. La création des cégeps a elle-même été inspirée par ces valeurs. À la fin des soixante, on s'en rappellera, lorsque fut mis en place un nouvel ordre d'enseignement au Québec, on a voulu assurer à chacun l'égalité des chances à l'enseignement supérieur. En regroupant sous un même toit des jeunes aux parcours variés – formation préuniversitaire pour les uns et formation technique pour les autres – on a voulu en quelque sorte resserrer les liens entre eux et ainsi renforcer la cohésion sociale.

Nous sommes particulièrement préoccupés par les questions liées à l'insertion professionnelle et à l'emploi. Vous le savez, la formation technique est l'une des grandes réussites des cégeps. Au fil des ans, elle aura permis et elle permet toujours de répondre aux besoins des jeunes et de l'économie québécoise. L'ajustement entre l'offre et la demande y est plus serré que dans les autres formations à caractère professionnel. Cette réussite des cégeps n'est pas le fruit du hasard, et nous pouvons en tirer quelques leçons utiles en ce qui concerne l'insertion professionnelle et la formation à l'emploi.

Comme maisons d'enseignement, les cégeps sont particulièrement sensibles à la jeunesse et à tout ce qui la regarde. Les jeunes qui fréquentent un grand nombre de nos collèges ne sont peut-être pas dans la même situation que ceux qui font appel à la sécurité du revenu pour survivre, mais ils connaissent eux aussi des heures difficiles. Il faut bien voir que les jeunes de la génération actuelle n'occupent pas la même position dans le champ social que ceux des générations antérieures dont nous avons nous-mêmes fait partie il n'y a pas si longtemps. Même formés, vous le savez, les jeunes d'aujourd'hui sont touchés par la crise de l'emploi. Ils sont placés dans des situations de plus grande fragilité sociale, et, en plus, en raison de leur poids démographique moindre, on a parfois tendance à les négliger, alors qu'ils représentent sans conteste l'avenir de notre société.

Voilà donc l'ensemble des considérations qui ont servi de point d'appui à notre jugement ou notre évaluation du projet de réforme sur la sécurité du revenu. Je vais maintenant céder la parole à M. Gaëtan Boucher qui va vous faire connaître, au fond, les résultats de cette réflexion.

M. Boucher (Gaëtan): Alors, mesdames et messieurs, bonjour. Nous considérons que le gouvernement fait preuve de lucidité et de courage en mettant en place une réforme de la sécurité du revenu. Lucidité d'abord, car cette réforme s'appuie sur un examen systématique et une analyse rigoureuse des dispositifs actuellement en place et de leurs effets. Courage, ensuite, car proposer des réajustements dans un contexte de crise des finances publiques, c'est pratiquement se condamner à l'avance à la mener sans ressources supplémentaires. Il serait regrettable que cela remette en cause la réalisation de cette réforme.

Pour la Fédération des cégeps, les orientations du projet de réforme s'inspirent de principes parfaitement légitimes. Il est grand temps d'adapter le système québécois de protection du revenu à la réalité telle qu'elle se présente aujourd'hui. Aussi, il nous paraît fondé de vouloir consacrer une partie des ressources destinées aux mesures passives au soutien des mesures actives. C'est là une question d'efficience, bien entendu, mais aussi et peut-être surtout de dignité, car il faut tout mettre en oeuvre pour faire accéder au marché du travail ceux et celles qui y sont aptes. Il est également justifié de vouloir traiter équitablement, sans considération du statut face à l'emploi, des personnes et des familles dont les conditions économiques sont analogues. Les mesures qui visent à rapprocher les prestataires de la sécurité du revenu des travailleurs à bas salaire sont plus équitables et elles peuvent inciter les prestataires à se chercher un emploi.

Par ailleurs, il nous paraît légitime de vouloir renforcer les mécanismes d'appartenance des bénéficiaires de la sécurité du revenu aux réseaux de soutien locaux. En ce sens, les propositions du livre vert sur la mise en place de plans locaux d'action concertés pour l'emploi et sur l'intégration socioéconomique des immigrants nous semblent propres à corriger les effets des mesures actuelles qui conduisent les communautés locales au désengagement, renforçant ainsi l'isolement des individus.

Dans son projet de réforme de la sécurité du revenu, le gouvernement ne se borne pas à retoucher l'une ou l'autre des dispositions existantes, il envisage des transformations de plus grande envergure, ce qui nous semble bénéfique à long terme. Parmi les transformations projetées deux nous paraissent particulièrement importantes: le développement des services à la petite enfance et celui de l'enseignement professionnel. En fait, il y a bien longtemps qu'elles auraient dû être mises en place, et ce retard illustre l'ampleur des difficultés en cause. La nécessité d'études plus longues pour tous nos enfants et la volonté d'assurer l'égalité des chances commandent que l'on mette rapidement sur pied des services à la petite enfance. C'est là une stratégie innovatrice en Amérique du Nord, et il est clair que son succès ne pourra être mesuré uniquement au nombre de places offertes même si, à court terme, la réforme de la sécurité du revenu pourrait s'en accommoder. C'est en effet la qualité des programmes, des méthodes des formateurs et des formatrices des services de garde et des prématernelles qui fera toute la différence. Il en va de même pour l'enseignement professionnel au secondaire, où il ne suffira pas d'augmenter le nombre de places, de développer la formation par apprentissage ou la formule de l'alternance travail-études pour résoudre tous les problèmes.

(10 h 20)

Nous sommes très favorables à ces mesures, mais les changements auxquels il faut procéder sont encore plus profonds, et l'expérience des collèges en formation technique nous indique quelles en sont les conditions. Il faut que l'école se préoccupe davantage de l'insertion professionnelle des élèves qui sont sur le point de la quitter en développant chez eux, au préalable, de solides qualifications. Il faut également que l'enseignement professionnel soit considéré comme une voie normale de scolarisation, à l'image de l'enseignement technique au collégial. Sur l'ensemble de ces points, des consensus ont déjà été établis dans le cadre des états généraux sur l'éducation et lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, mais il faudra une volonté politique sans faille pour que ces transformations produisent les résultats attendus à long terme.

Par ailleurs, parce que le sort des jeunes nous préoccupe au plus haut point, nous formulons des réserves très sérieuses sur les dispositions du livre vert qui les concernent plus directement. Nous ne sommes d'ailleurs pas les premiers à exprimer des préoccupations à ce sujet, plusieurs organismes l'ont fait devant cette commission au cours des dernières semaines. La réforme propose que chaque prestataire de la sécurité du revenu apte au travail soit responsable d'entreprendre une démarche active d'intégration sociale et professionnelle. Elle prévoit que, dès l'application du nouveau régime, les jeunes de 18 à 24 ans soient obligés de s'inscrire dans cette démarche sous peine de pénalité financière. Nous avons de très grandes réserves sur le fait que cette démarche d'insertion soit obligatoire, sous peine de pénalité financière, et nous sommes particulièrement opposés à son application exclusive, à ce moment-ci, aux jeunes de 18 à 24 ans.

Nous comprenons bien les motifs qui inspirent ces nouvelles dispositions. Il faut, en effet, tout faire pour intégrer sur le marché du travail ceux et celles qui y sont aptes. En encadrant l'insertion professionnelle par un contrat entre la personne et l'État, on jette les bases du droit individuel à l'emploi, ce qui est souhaitable. Il est aussi normal de transmettre à certaines personnes des signaux clairs sur leur obligation de se soustraire à la protection de la sécurité du revenu si elles sont aptes au travail. Nous comprenons tout cela et nous comprenons également que ces nouvelles dispositions d'insertion soient offertes en priorité à des prestataires dont on a intérêt à briser rapidement la dépendance par rapport à l'aide sociale. Nous n'avons pas l'intention, ici, d'engager le débat sur la légitimité de lier obligatoirement les prestations de dernier recours à la participation des personnes aptes au travail à des activités communautaires, à des programmes d'employabilité ou à des démarches d'insertion à l'emploi. Nous constatons cependant que la généralisation actuelle de cette approche marque la résurgence des pratiques des siècles passés qui distinguaient les pauvres méritants de ceux qui ne l'étaient pas.

Or, l'efficacité de ces mesures est loin d'avoir été démontrée. En fait, elles semblent surtout destinées à satisfaire l'opinion publique, pour qui la hausse du nombre de prestataires est causée par le manque de volonté de ces personnes de s'en sortir plutôt que par la persistance de la crise de l'emploi. Par ailleurs, nous sommes fermement opposés à l'application de cette mesure aux jeunes seulement, alors que les autres catégories de personnes pourront, elles, s'inscrire volontairement dans la démarche vers l'emploi. Il s'agit là d'une disposition qui nous semble à ce moment-ci discriminatoire et inéquitable et qui détonne complètement avec la vision et les principes qui animent les projets de réforme. À elle seule cette fausse note remettra en cause, pour plusieurs personnes, l'intégrité de la réforme.

La jeune génération, il ne faut pas l'oublier, est frappée durement par les conséquences de la crise, mais aussi par notre propre imprévoyance. C'est une génération qui goûte au fruit amer des cheminements scolaires difficiles, de la restructuration du monde du travail et de celle de la famille. Les jeunes en sont-ils individuellement responsables? Quand la situation est favorable, les possibilités offertes à la jeunesse sont presque illimitées – ce fut notre lot il y a 20 ou 30 ans – mais, quand la situation est moins propice, les jeunes sont les premiers à en subir les conséquences. On continue cependant à les juger avec le souvenir de notre propre jeunesse, alors que ceux qui ne travaillent pas deviennent à nos yeux des abuseurs de l'aide sociale, des fraudeurs qu'il faut pénaliser. C'est, en tout cas, le message que percevra l'opinion publique à travers la disposition prévue par le livre vert, et toutes les dénégations et tous les plaidoyers de bonnes intentions du gouvernement n'y pourront rien.

Nous proposons, pour notre part, une autre solution: de mettre en place une disposition novatrice pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes. Elle consiste à prendre en charge ceux qui, entre 16 et 18 ans, sont en rupture avec les réseaux naturels d'appartenance. La période pendant laquelle ces jeunes quittent le système scolaire et sont sans emploi est effectivement critique, et personne ne l'a encore prise en main. Dans son rapport final, la Commission des états généraux sur l'éducation suggérait que le niveau d'alphabétisation de tous les jeunes de 16 ans soit évalué, quelle que soit leur position dans le parcours scolaire, et que des moyens soient rapidement mis en oeuvre pour aider ceux et celles dont les résultats seraient jugés insatisfaisants. Les analphabètes de 16 ans ne sont-ils pas, à court terme, des candidats à la sécurité du revenu? Le fait de prendre des moyens concrets pour soutenir ces jeunes de 16 à 18 ans qui ne sont ni à l'école ni au travail renforcerait, selon nous, le projet de réforme.

Avant de céder la parole à Mme Sylvie Desjardins, vice-présidente du conseil d'administration de la Fédération, permettez-moi, en terminant, d'aborder la question de la réorganisation des services publics de l'emploi. Le livre vert reste muet sur la façon dont les partenaires nationaux du marché du travail, les groupes communautaires et le milieu de l'éducation seraient associés à la mise en oeuvre de la réforme de la sécurité du revenu. Or, il est de toute première importance qu'ils y soient associés de très près et qu'un rôle décisionnel et non pas purement consultatif leur soit confié. La Fédération des cégeps, les associations patronales, les grandes centrales syndicales et les autres partenaires du marché du travail membres du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ont élaboré une proposition commune de réorganisation des services publics de l'emploi qui s'inspire d'une vision intégrée et décentralisée. Cette proposition prévoit l'intégration dans un seul réseau des mesures actives et des mesures passives de formation de la main-d'oeuvre au Québec. Des partenaires nationaux y exerceraient un rôle significatif, c'est-à-dire décisionnel, pour toutes les questions concernant la programmation et la livraison des services liés aux mesures actives. Une structure ministérielle prendrait, pour sa part, en charge l'administration des mesures passives.

La Fédération croit qu'il est légitime de viser une organisation intégrée des services d'aide à l'emploi et de dernier recours en ayant à l'esprit le souci de la cohérence plutôt que de l'uniformité, mais la simplicité de cette logique administrative ne doit pas nous faire oublier les distinctions qu'impose la réalité. Ainsi, il nous semble que les fonctions de contrôle doivent être nettement séparées des fonctions de conseil. Nous croyons aussi que la nouvelle configuration de l'organisation des services doit tenir compte des initiatives de concertation déjà amorcées en région entre les partenaires du marché du travail, du milieu de l'éducation et du réseau communautaire. Des démarches ont déjà été entreprises par les partenaires nationaux pour tenter de voir, de concert avec le gouvernement, comment ils pourraient contribuer d'aussi près que possible au développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi au Québec. Il est donc essentiel, je tiens à le rappeler, que la mise en oeuvre de la réforme de la sécurité du revenu s'inscrive dans un processus de concertation avec les partenaires qui sont prêts à jouer un rôle prépondérant pour relever les défis de l'emploi.

Mme Desjardins (Sylvie): Alors, pour conclure, nous voulons insister sur le fait que la plupart des dispositions prévues dans le projet de réforme de la sécurité du revenu, aussi nécessaires et aussi efficaces qu'elles soient, ne pourront donner leur pleine mesure que s'il y a création d'emplois au Québec. À court terme plus particulièrement, toutes les nouvelles dispositions pour inciter les personnes aptes au travail inscrites à la sécurité du revenu à occuper un emploi auront un effet démobilisateur si, au terme du processus, il n'y a toujours pas d'emplois disponibles.

Malgré tous les efforts déployés ces dernières années pour résorber la crise de l'emploi, le chômage persiste, le chômage de longue durée prend de l'ampleur, l'exclusion se développe à un point tel que cette situation est en train de devenir le défi le plus important des sociétés avancées. Dans ce contexte, l'éducation fait partout figure d'ultime recours. Elle joue un rôle majeur dans la croissance et la compétitivité des entreprises et des services. Elle est également un facteur déterminant de l'égalité des chances à une époque où la position de chacun par rapport au savoir marque de plus en plus sa place dans la société. La Fédération des cégeps se réjouit donc du fait que le projet de réforme de la sécurité du revenu prenne en compte des éléments d'une stratégie éducative qui vise par la prévention à diminuer à long terme le taux d'inscription à l'aide sociale. Les cégeps sont tout disposés à poursuivre leurs efforts pour ouvrir l'accès le plus large possible aux études supérieures et pour faciliter l'insertion professionnelle des prestataires de la sécurité du revenu.

(10 h 30)

L'éducation permet d'améliorer les qualifications sociales et professionnelles des personnes, ce qui est fondamental pour intégrer le marché du travail, où les exigences sont de plus en plus élevées. Mais il faut bien voir que l'éducation ne peut pas à elle seule résoudre la crise de l'emploi. C'est une mission qui doit être partagée par plusieurs partenaires sociaux, dont le milieu socioéconomique et, bien entendu, l'État.

M. Larose (Denys): Voilà, M. le Président, l'essentiel des préoccupations que nous souhaitions soumettre à votre attention. Nous vous remercions et nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, tout en excusant Mme la ministre qui a des petits problèmes de santé ce matin. Et c'est Mme la députée de Sherbrooke, qui est son adjointe parlementaire, qui va débuter les échanges.

Mme Malavoy: Bonjour, M. Larose, M. Boucher, Mme Desjardins. Vous comprendrez donc que je remplace ma collègue et que tout ce que vous aurez exprimé ici lui sera, de toute façon, rapporté très fidèlement. D'abord, je tiens à vous remercier et à vous dire que ça fait du bien, de temps en temps, d'avoir un groupe qui se présente devant nous et qui nous dit que, sur le fond, on a raison d'avoir des orientations comme celles que nous proposons dans le livre vert. C'est un projet qui est passablement critiqué, donc d'avoir à l'occasion des groupes comme le vôtre qui représentez un groupe fort important au Québec et d'avoir des gens comme vous qui venez nous dire qu'il y a certaines des orientations, certains choix qui ont de la valeur, c'est intéressant à entendre. Je pense que ce qui est intéressant aussi, c'est que remplissez vraiment votre mission, c'est-à-dire que vous nous centrez sur des valeurs fondamentales de respect de ce que sont les jeunes, d'éducation, de formation pour les jeunes, et on sent bien à travers votre propos que vous parlez comme des gens qui sont des spécialistes des collèges et qui ont à coeur que les jeunes trouvent une place dans la société et acquièrent la formation qui leur permette d'y parvenir.

Il y a une chose dont j'aimerais vous entendre parler un peu plus parce que c'est pour nous un élément important du livre vert, mais quelquefois il est masqué à travers bien d'autres aspects plus pointus, c'est l'introduction d'une responsabilité à un palier local d'élaborer un plan d'action concerté pour l'emploi. Le plan local d'action concerté pour l'emploi, vous en faites mention dans votre mémoire et vous dites que le terrain est prêt pour cela, que vous pensez que c'est une approche qui est intéressante. J'aimerais vous entendre me dire quel est votre degré de confiance que ça peut fonctionner, ce que vous en comprenez, et je me fie au fait que vous représentez des cégeps qui sont disséminés sur l'ensemble du territoire québécois et que, donc, vous savez ce que c'est que d'être des partenaires avec d'autres au palier local pour faire avancer des projets. Je sais que, dans ma région comme dans bien d'autres régions, les cégeps, par exemple, ont pu être des partenaires pour le développement de projets concernant les jeunes, qu'ils ont été associés à certains projets de carrefour jeunesse-emploi, par exemple, et, donc, vous êtes, pour moi, des intervenants qui connaissez bien ce que c'est que travailler en partenariat à un niveau local. Alors, ça m'intéresserait d'avoir un peu plus vos idées concernant notre fameux plan local d'action concerté pour l'emploi.

M. Larose (Denys): Je vais demander à M. Boucher de s'attaquer à votre question.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Alors, je vais vous indiquer un certain nombre de choses. Évidemment, ce n'est pas indépendant – si vous permettez, Mme Malavoy – de ce qui est en train de se passer relativement à la réforme conduite par votre collègue M. Chevrette. Alors, il y a deux choses par rapport à ça. La première, c'est qu'il faut absolument que les partenaires du marché du travail, nous semble-t-il, aux différents paliers... Parce que vous me parlez du palier local, mais, avant ça, il y a évidemment la configuration des programmes, la livraison des services au plan national. La prétention – et nous en sommes – au conseil d'administration de la SQDM, c'est que les partenaires du marché du travail, les réseaux associatifs, les centrales syndicales, le milieu patronal doivent pouvoir continuer ce qu'ils ont commencé à faire depuis le début de 1995, donc configurer les programmes, pouvoir assumer une livraison des services.

Par la suite, au plan régional, effectivement, actuellement, il y a une concertation qui s'exerce, et, de ce point de vue là, il faut trouver le moyen, je dirais, de pouvoir adapter les services qui vont être rendus. Il y a des problèmes d'adaptabilité. Vous ne pouvez pas traiter des problèmes du marché de l'emploi, de réinsertion dans la région de l'Estrie comme vous pouvez le faire au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Par ailleurs, il y a un problème aussi, je dirais, de répartition des ressources. Actuellement, autour de la livraison des services, on essaie, dans certaines régions du Québec, d'adapter des programmes pour faire en sorte que, au plan local, effectivement, on puisse s'adapter aux réalités du marché du travail. Je vous donne un exemple. Dans la région de Québec, actuellement, vous ne pouvez pas traiter le marché du travail de la région de Charlevoix comme celui de la région de Portneuf ou même celui de la ville de Québec. Donc, il faut pouvoir faire en sorte que, au plan régional, les programmes liés aux mesures actives – on parle ici, toutes mesures confondues, de 1 000 000 000 $ – puissent s'adapter. Et, par la suite, au plan local, oui, effectivement, je pense qu'il y a, là-dessus, une avenue extrêmement intéressante pour que les partenaires des réseaux communautaires, des réseaux associatifs, au plan local, puissent, dans le fond, mettre en oeuvre un plan local d'action concerté et permettre au plus grand nombre possible de personnes de pouvoir s'insérer sur le marché du travail.

L'autre remarque que je vous ferai en terminant, c'est qu'il va falloir assumer la cohérence des actions gouvernementales. Vous savez, d'avoir, au plan local, des CLE, des centres locaux de l'emploi et, en même temps, des CLD, des centres locaux de développement régional promis par M. Chevrette, vous savez que, à un moment donné, c'est proche parent, tout ça. Et là il y a une question de cohérence, à un moment donné, qui va se poser très nettement au niveau de la région et au plan local. Alors, oui, effectivement, à votre question c'est quelque chose d'extrêmement intéressant, mais il doit y avoir une harmonisation entre le national, le régional et le local, d'une part, liée aux mesures liées à l'employabilité des individus, mais, pour ceux et celles qui veulent s'insérer dans des mesures liées à l'entrepreneurship, au développement économique, c'est proche parent, et il va falloir assumer, aux plans local, régional et national, une cohérence de ces deux mesures-là, parce qu'on va se retrouver dans la situation paradoxale d'avoir deux guichets uniques, un pour les individus et un autre pour ceux qui veulent s'insérer dans les mesures liées au développement économique, et, de ce point de vue là, ça risque de pécher par manque de cohérence.

Mme Malavoy: C'est sûr qu'il y a un certain nombre de choses qui vont retomber en place suite à l'ensemble des consultations, là, il y a plusieurs barques qui cheminent en même temps, et je ne doute pas qu'on arrive à la cohérence dont vous parlez. Je voudrais simplement insister sur le fait que, pour nous, c'est très important que le livre vert soit perçu comme allant dans le sens d'une double obligation: une obligation pour les personnes de s'inscrire dans un parcours, mais une obligation pour les collectivités aussi de se préoccuper des emplois et, tout au moins, de l'issue de ce parcours vers quelque chose de positif. Je le répète parce que, souvent, on n'en voit qu'un côté qui est l'aspect peut-être plus personnel, mais ça n'a de sens que si on lit la réforme comme insistant aussi sur la responsabilité collective.

J'aimerais vous poser une autre question sur, peut-être, la critique majeure de votre mémoire et qui, d'ailleurs, est reprise – il faut le dire honnêtement – par beaucoup de gens, on le sait bien, l'obligation, pour les 18-24 ans, de s'inscrire dans un parcours sous peine d'une pénalité ou d'une amputation de leurs prestations. D'abord, je voudrais simplement, peut-être, préciser qu'il faut comprendre le livre vert comme ciblant les jeunes prioritairement et non pas exclusivement. Prioritairement, parce qu'on considère que s'il y a bien une catégorie de personnes pour lesquelles ça n'a aucun sens qu'elles ne soient inscrites nulle part... C'est-à-dire, ils n'étudient pas, ils ne sont pas non plus, très souvent, responsables de familles, ils ne sont inscrits ni dans un travail ni dans un parcours d'étude, et ça, c'est catastrophique pour une société d'avoir une partie de sa jeunesse qui est en plan, comme ça, qui est restée en plan.

Donc, prioritairement, oui, obligation pour ce groupe de personnes, mais le livre vert indique d'ailleurs qu'il y aura obligation pour les familles monoparentales dont les enfants auront accès en septembre prochain à la maternelle plein temps – les enfants qui auront cinq ans – et on indique que, graduellement, ça pourrait s'étendre ensuite à tout le monde. Alors, ça n'est pas une obligation qui reste limitée, dans l'esprit du livre vert, à tout jamais aux jeunes de 18-24 ans, mais c'est prioritairement pour eux.

(10 h 40)

Mais j'aimerais quand même que vous me redisiez, même si j'ai bien lu ce qu'il y a dans votre mémoire, pourquoi ces jeunes-là ne pourraient pas être contraints à s'inscrire dans un parcours qui vise finalement à leur donner un peu plus de moyens de s'en sortir. J'ai entendu, moi, des jeunes étudiants, par exemple, dire: Bien, nous, on vit avec des petits salaires – des petites bourses, en fait, ce n'est pas des salaires – des prêts qu'on devra rembourser, on a des exigences, on a des échéances à rencontrer, on est obligé de s'inscrire dans un parcours qui est souvent sévère, parce que, si on ne réussit pas, bien, on va sortir du programme, et ces jeunes-là disaient: Pourquoi, nous, avons-nous des obligations très fermes et pourquoi d'autres jeunes n'auraient-ils pas aussi des obligations? Alors, j'aimerais que vous me repreniez un peu votre commentaire à ce sujet-là parce que c'est central dans votre mémoire.

M. Larose (Denys): Écoutez, je vous répondrai d'abord: notre répugnance naturelle à la coercition. Nous appartenons à un réseau d'études postobligatoires, donc les jeunes qui poursuivent leurs études chez nous le font par choix. Ils ne sont plus au secondaire, ils le font par choix, et ce qui nous préoccupait derrière cette approche, c'est le fait que des jeunes qui – on va parler pour le réseau collégial – quittent nos institutions et qui sont effectivement... Parce qu'on a, dans plusieurs institutions, la mienne et plusieurs autres, maintenu des services d'emploi depuis fort longtemps, et la preuve est faite à chaque année qu'ils sont effectivement tous à la recherche d'un emploi, qu'ils le font bien volontairement, et ça ne nous apparaît pas viable, cette approche coercitive ou obligatoire. C'est une question d'approche. On a souscrit aux préoccupations qu'il y a derrière ça, et, d'ailleurs, on vous propose une mesure pour les 16-18. Là, il y a une préoccupation majeure. Il y a des gens qui trônent dans une espèce de vacuum entre 16 et 18. Et cette répugnance et l'approche coercitive ne nous apparaissent pas vouloir mener quelque part d'intéressant.

Je comprends que tout à l'heure elle sera administrée à tous et à toutes. Vous commencez par les jeunes par une préoccupation légitime qu'on partage, que ce sont eux qui sont victimes, au premier chef, de la crise dans laquelle nous traversons. Nous pensons tout simplement que cette approche-là n'est pas la meilleure et on pense que la plupart des jeunes que nous connaissons, en tout cas, sont à la recherche d'un travail – ne serait-ce que pour se réaliser et puis atteindre un niveau d'indépendance économique – et qu'ils n'ont pas tendance à se traîner les pieds en regard de ça.

Et, quand la mesure s'applique universellement, tout le monde dans le même bateau, de façon coercitive, alors que déjà, nous, on oeuvre avec 155 000 étudiants du réseau collégial qui ont fait un choix de poursuivre leurs études sans qu'il y ait coercition... Ils étaient convaincus, ces jeunes-là, qu'un jour, pour s'insérer sur le marché du travail et réussir, il fallait poursuivre des études. On pense qu'ils continueront d'agir ainsi en regard de l'insertion à l'emploi. On vous le dit dans le texte, il y a un problème, une crise de l'emploi qui est importante, et, si cette réalité n'existait pas, la question ne se poserait pas de la même manière. Au fond, c'est une opposition de principes. Vous avez trouvé ce moyen-là tout en souscrivant aux objectifs qui sont derrière la réforme. Je pense que M. Boucher peut ajouter des éléments à ça, ou Mme Desjardins.

M. Boucher (Gaëtan): Peut-être, si vous me permettez, M. le Président, dans le fond, ce que vous assumez, pour les jeunes de 18 à 24 ans, c'est qu'il y en a un certain nombre d'entre eux qui se sont littéralement exclus du monde scolaire. Vous devez, vous, réaliser effectivement que, dans notre société, plus on est scolarisé, plus on a de chances de se trouver un emploi. Les statistiques sur une perspective de long terme démontrent ça éloquemment. D'ailleurs, j'ai, devant moi, les chiffres de la relance de 1996 qui montrent que le chômage, chez nos diplômés en enseignement technique, est de sept points, huit points inférieur à la moyenne du chômage chez les jeunes entre 18 et 24 ans. Il est actuellement de 18 %, alors que nos diplômés ont un taux de chômage aux alentours de 10 % à 11 %. Donc, on le voit bien que, plus vous continuez à vous scolariser, plus il y a de chances, effectivement, de vous trouver un emploi.

L'autre chose, c'est que je pense que les jeunes ne tombent pas sur la sécurité du revenu par choix. Ils se trouvent dans des situations qui peuvent être extrêmement difficiles, et il faut que le système puisse les récupérer, d'où notre proposition, et je vous donne un certain nombre d'indications. On s'aperçoit qu'il y a 9 000 jeunes de 16 à 17 ans qui sont issus de familles de prestataires de l'aide sociale, qui ont quitté l'école et qui sont inactifs. Alors, il y en a 9 000 qui sont comme ça, là, nulle part. On constate qu'en 1991-1992 – c'est les statistiques les plus récentes qu'on a pu obtenir – il y avait 12 % de la clientèle, des gens de moins de 20 ans qui étaient inscrits en formation générale à l'éducation des adultes au secondaire, qui sont des jeunes qui ont quitté l'école et qui sont passés directement, sans interruption scolaire, du secteur régulier à l'éducation des adultes. Enfin, vous devez constater qu'il y a à peu près le tiers des jeunes qui sont inscrits dans les programmes d'alphabétisation qui ont effectivement moins de 25 ans, donc des jeunes qui ont quitté l'école sans avoir, je veux dire, à peine un secondaire II ou peut-être un secondaire I, un secondaire III, qui savaient à peine lire, à peine écrire. Donc, vous voyez, les réinsérer dans une démarche d'insertion scolaire, vous partez d'extrêmement loin. Et, nous, on vous met un petit peu sur la piste, c'est de dire: Est-ce qu'il n'y a pas moyen de vérifier, à la sortie du parcours obligatoire, à 16 ans, là où les jeunes sont rendus et qu'on les aide, effectivement, à leur mettre sur pied des mesures d'accompagnement qui rendraient peut-être moins nécessaire la mesure que vous proposez?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, bonjour. Bienvenue. Vous avez fait une analyse tout à fait réaliste de la situation des jeunes, parce qu'il faut regarder leur vécu pour comprendre que, bon, ce n'est pas le but des jeunes de dire: Moi, mon but dans la vie, mon objectif dans la vie, c'est de me retrouver à l'aide de dernier recours. C'est la vie qui les a amenés à l'aide de dernier recours. C'est ce qu'ils ont vécu dans leur famille, c'est échec par-dessus échec. Et, tout le caractère obligatoire, vous joignez votre voix à tous les groupes qui sont venus nous dire que ça n'avait aucun sens que, un, on cible les jeunes, c'est discriminatoire et que, deux, on leur impose tout le caractère coercitif de la réforme.

Plusieurs groupes de jeunes qui oeuvrent auprès des jeunes, qui aident les jeunes à s'en sortir sont venus nous dire que ça va avoir un effet tout à fait contraire. Au lieu de motiver les jeunes, ça va les amener à décrocher, mais de façon définitive. Ça va amener certains jeunes à aller dans la criminalité, à aller dans la délinquance et à gonfler, finalement, le nombre d'itinérants. Avez-vous cette même préoccupation-là si le gouvernement décide, avec son projet de loi sur la réforme, d'aller de l'avant avec toute l'approche punitive, coercitive et obligatoire dans ce qu'on nous propose?

Mme Desjardins (Sylvie): Moi, dans un premier temps, je ne sais pas si j'irais si loin que ça, mais j'aurais l'impression que, effectivement, ça va avoir un effet un peu contraire à ce qu'on recherche. Jusqu'où ça peut aller comme effet contraire, comme effet pervers, une mesure comme celle-là, je ne m'avancerais pas trop là-dessus, mais le fait, effectivement, que ce soit une mesure obligatoire, pour un certain nombre de jeunes, ça va avoir... ça ne les met pas dans des conditions favorables pour atteindre les objectifs qu'on vise, dans le fond, que ce soit par un parcours en insertion à l'emploi ou par un parcours scolaire. En d'autres mots, les jeunes qui réussissent, entre autres, dans nos collèges, c'est des jeunes qui veulent étudier. C'est un choix. Comment on fait pour amener des jeunes entre 18 et 24 ans à faire le choix d'un parcours, que ce soit un parcours scolaire ou en emploi? Moi, je vois que c'est là le problème, mais il faut faire quelque chose. Entre avoir une mesure obligatoire ou ne rien faire pour les jeunes, il faut trouver la solution entre les deux.

Mme Loiselle: Vous dites même, vous, que, finalement, le problème commence beaucoup plus tôt et qu'il n'y a rien qui est fait. À partir de 16 ans, c'est là que les jeunes commencent à décrocher, qu'ils quittent l'école, qu'ils se retrouvent, bon, avec rien en poche puis qu'il n'y a rien, finalement, dans le système, dans notre société, qu'ils sont laissés à eux-mêmes puis qu'on ne fait aucun effort pour les aider. Vous, vous dites: Commencez beaucoup plus tôt qu'à 18 ans, finalement, ayez une approche beaucoup plus sociale envers les jeunes à partir de l'âge de 16 ans parce que c'est là que ça commence. C'est à cet âge-là que le problème est le plus fulgurant.

M. Larose (Denys): En fait, je pense que la remarque a été faite à l'effet que, s'il est vrai qu'il y a un lien – sans penser que l'école, c'est la panacée – entre le niveau de scolarisation – et, c'est vrai, les données statistiques le montrent – et l'insertion sur le marché du travail, si les chiffres, les statistiques dont on a fait état tout à l'heure sont justes – et, à notre avis, sont justes, elles datent de 1992-1993 – il y a là un problème majeur. Entre 16 et 18 ans, on en perd un assez grand nombre. Qu'on essaie d'ajouter des personnes en une insertion sur le marché de l'emploi, des gens qui, déjà, sont, dans certains cas, analphabètes, qui, au fond, ont des problèmes importants, je crois qu'il y a là une mesure particulière à trouver, à identifier pour aider ce groupe-là, les 16 à 18 ans. C'est un assez grand nombre de jeunes, et là il y a un effort à faire.

(10 h 50)

Évidemment, il y a des réformes qui se font, on l'a dit, au secondaire pour ceux qui étaient dans le processus de l'enseignement professionnel. On sait qu'il y a une difficulté majeure là. On saute un bout de temps puis on se retrouve en formation professionnelle, en formation continue au secondaire, avec un âge moyen de 24, 25 ans. Il y a, dans nos systèmes, un problème qui est en voie de correction et qui va faire que, tantôt, un peu mieux scolarisés et ayant suivi un parcours régulier, il y aura peut-être un petit peu moins de problèmes avec ces gens-là. Mais, pour l'instant, entre 16 et 18 ans il y a un problème majeur qui a été soulevé lors des états généraux, et, à notre avis, on pense qu'il faut l'aborder sous un autre angle.

M. Boucher (Gaëtan): Et, en terminant, nous, on a tenu à la reprendre parce que la ministre, Mme Marois, dans son plan d'action, n'a pas relevé cette proposition des états généraux et on pense que, par rapport à la clientèle qui était visée, qui se situe dans le chapitre, d'ailleurs, sur la formation continue, il y avait quelque chose à faire pour cette clientèle-là.

Mme Loiselle: J'aimerais aborder peut-être un autre sujet. Au niveau du développement de la formation professionnelle, vous dites: Il ne faut pas seulement augmenter le nombre de places, mais il faut peut-être regarder la qualité de l'enseignement et au niveau aussi de la formation des formateurs. Pourriez-vous peut-être élaborer davantage sur ce que vous nous suggérez? C'est à la page 8 de votre mémoire.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Alors, je vous dirais que l'enseignement technique et l'enseignement de niveau professionnel, au niveau secondaire, se sont développés de façons très différentes au fil des années, et une des choses qui a été constatée par les commissaires aux états généraux, c'est que, dans le système, au secondaire, il y a à peine – les chiffres que je vais vous avancer ne sont peut-être pas tout à fait exacts, mais l'ordre de grandeur est à peu près de ça – 10 % d'enseignants, dans le secteur professionnel, qui sont des enseignants, je dirais, de carrière et de métier. Le reste sont des chargés de cours. L'enseignement de niveau collégial est un enseignement qui a été bâti sur des programmes bâtis année après année, d'une part. D'autre part, des programmes bâtis en collaboration avec des ordres d'enseignement professionnel et bâtis également sur un corps d'enseignants et d'enseignantes dans l'enseignement technique qui ont bâti de l'expérience au fil des années, du perfectionnement disciplinaire extrêmement massif. Et c'est des gens qui ont gardé des liens très, très étroits avec le monde du travail.

Malheureusement – et, d'ailleurs, la CEQ, dans ses représentations, en fait état – il n'est pas tout de bâtir des places en enseignement professionnel de niveau secondaire, encore faut-il avoir un corps d'enseignants et d'enseignantes qui puissent générer des masses critiques, qui puissent générer un niveau d'engagement, qui ne sont pas juste là, dans les commissions scolaires, en passant, qui ont des lieux d'appartenance, des liens avec le marché du travail, et, essentiellement, c'est ce que l'on dit. On fait la même remarque, d'ailleurs, pour la petite enfance.

Mais, par rapport à votre question, c'est effectivement ce que l'on vise, et l'on pense que c'est autour de ça, de ces paramètres que je viens de vous indiquer, qu'a été bâti le succès de l'enseignement technique de niveau collégial et qu'il n'est pas tout de créer des places en enseignement professionnel de niveau secondaire, mais encore faut-il réunir un certain nombre de conditions de succès, et une des grandes conditions de succès, c'est d'avoir un corps d'enseignants et d'enseignantes qui vont pouvoir bâtir expertise et know-how autour de leur domaine d'appartenance.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est tout? Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Oui. Rapidement, M. le Président. Bienvenue à la Fédération des cégeps. Je ne peux pas m'empêcher de le souligner, vous soulignez dans votre mémoire la lucidité et le courage du gouvernement de faire une réforme dans ces temps assez difficiles. L'opposition a émis un sourire lorsqu'on a lu ça, parce que c'est rare que les gens le disent, effectivement. Alors, je tenais à le souligner.

Je veux juste revenir sur la question des 16-18 ans, et, moi, je partage, effectivement, votre préoccupation où on échappe tout un groupe, là, 16-18 ans. Qu'est-ce que vous suggérez? Il en a été question, c'est vrai, aux états généraux. Il n'y a rien qui a été repris au moment où on se parle, mais est-ce que ce serait d'augmenter la fréquentation obligatoire jusqu'à 18 ans, la fréquentation scolaire jusqu'à 18 ans? Qu'est-ce qui peut être fait pour ce groupe-là en particulier? Vous êtes des éducateurs, y avez-vous songé, là, au-delà de nous rappeler qu'il y a une préoccupation importante?

M. Larose (Denys): On vous disait tout à l'heure que – on va s'aventurer un petit peu, là – au-delà de ce constat-là et de ce que les états généraux ont fait, évidemment, il y a peu de mesures pratiques qui ont été avancées. Le fait est que, si vous regardez les exigences, maintenant, du secondaire, depuis cette année en particulier – on va en voir les effets, là – elles sont plus élevées. On essaie aussi d'avoir des effets sur ceux qui pourront poursuivre, et, encore là, il y a un risque soit que des gens reprennent ou abandonnent entre le secondaire et le collégial et qu'on arrive à augmenter ce nombre de jeunes qui se retrouvent dans une espèce de période de... Bon.

On disait, dans la proposition, sans aller très loin, qu'il faudrait au moins faire l'évaluation, en ce qui concerne l'alphabétisation, par exemple, du degré de compétence de ces jeunes-là en cette matière, parce qu'on conviendra, tout le monde qu'ajouter par-dessus des gens qui ne savent ni lire ni écrire, y ajouter un parcours d'insertion, ultimement on n'arrivera pas très loin.

Je vous dirais en toute humilité que, au chapitre des mesures concrètes, lorsque les états généraux l'ont abordé, on a dit: On a fait un constat et comment traiter cela? Est-ce une responsabilité qui est plus du niveau inférieur – et je ne le dis pas de façon arrogante – le secondaire au collégial? C'est juste qu'il y a un problème auquel on ne s'attaque pas de la bonne manière, mais il est là, et ce qu'on pourrait y faire entre les deux, bon, on n'a pas de mesures concrètes, moi, je n'en ai pas trois, quatre en tête, là, mais le constat fait, on s'étonne que ça reste dans le vide. On est prêt à faire des choses, là. Remarquez, j'ajoutais qu'on est à une époque où des standards ont été exigés au niveau collégial, vous le savez, et d'autres vont tomber dans le ravin, c'est-à-dire entre deux, et, puisqu'on croit à la prémisse que... en tout cas à un niveau d'alphabétisation, ça, c'est clair, mais à un niveau de scolarité acquis, que ce soit le D.E.S., au minimum, puis un D.E.C. par la suite, c'est extrêmement important pour s'insérer quelque part puis avancer le reste de ses jours. Je ne sais pas s'il y avait...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Boucher, une dernière courte intervention parce que le temps de ce côté-ci est terminé.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Si vous me permettez, M. le Président. Mme Simard, ce qu'il faut voir c'est que les états généraux prescrivaient un diagnostic, donc de voir, à 16 ans, où tout le monde est rendu. Alors, je pense que le système peut effectivement y pourvoir. Deuxième chose, on pourrait prendre exemple sur un programme qui existe au niveau secondaire et qui s'appelle l'insertion professionnelle des jeunes de l'ISPJ pour bâtir un programme sur mesure. Je ne peux pas croire que, sur 5 300 000 000 $ de budget en enseignement primaire et secondaire, on ne peut pas trouver quelques dollars, effectivement, pour ces clientèles, leur proposer un programme, dans le fond, d'accompagnement. C'est de dire à un jeune: Écoute, on vient d'évaluer, à 16 ans, ton degré d'alphabétisation. On constate que tu es rendu à un niveau de secondaire II. Tu veux t'en aller dans le chemin, tu veux arrêter d'aller à l'école parce que tu as 16 ans, mais, nous, on aurait peut-être de quoi à te proposer, des mesures d'accompagnement. Évidemment, on pense que ça devrait être volontaire, mais on pense que des jeunes confrontés à une offre comme celle-là pourraient la trouver intéressante et pourraient avoir le goût de continuer et de se faire offrir à la fois de la formation générale, mais aussi, peut-être, de s'insérer dans l'apprentissage de métiers spécialisés, ou semi-spécialisés, ou même non spécialisés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une petite.

Mme Simard: Alors, au fond, c'est un peu de décaler vers les 16-18 ce qui serait proposé pour les 18-24 en termes de, je veux dire, parcours individualisé ou accompagnement, enfin, bref, le vocabulaire peut varier, mais le rendre aussi obligatoire pour ce groupe d'âge là.

M. Boucher (Gaëtan): Pas obligatoire.

Mme Simard: Bien, écoutez, je vous pose la question, là.

M. Boucher (Gaëtan): Bon. En tout cas, de notre point de vue, en toute logique, évidemment, je vais vous répondre que ce n'est pas obligatoire parce que, sinon, à ce moment-là, vous serez obligés de modifier la Loi sur l'instruction publique. Je pense qu'il faut vraiment s'insérer dans une mesure de diagnostic, une mesure d'offre de services et d'accompagnement. Si le jeune fait le choix de la rue, bon, bien, je vous dis que c'est malheureux, mais, moi, je pense que, en toute logique, je ne pourrai pas vous dire qu'il faudrait que la mesure soit obligatoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Je suis d'accord avec vous. Une approche d'aide pour aider les gens à s'en sortir ne se fait pas avec un coup de masse sur la tête. Ça n'aide pas les gens à vouloir s'impliquer.

J'aimerais revenir... Au niveau des mesures de formation diversifiée qu'on retrouve dans le livre vert, il y a le régime d'apprentissage. Nous, on a été assez ébranlés quand on a reçu le Conseil du patronat et les centrales syndicales qui sont venus nous dire que, au niveau du régime d'apprentissage, il y avait eu une entente pour 1 000 stagiaires par année, mais qu'on accorde priorité aux jeunes de troisième secondaire et que, ensuite, s'il reste de la place, pour les travailleurs en emploi. Alors, ils nous ont dit bien clairement que, finalement, il y avait très peu de places pour les prestataires de l'aide sociale qui sont aptes au travail. Avez-vous les mêmes craintes à ce niveau-là? Parce que le gouvernement mise beaucoup sur le régime d'apprentissage dans sa réforme.

(11 heures)

M. Boucher (Gaëtan): Écoutez, siégeant au conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et ayant participé à ses travaux de configuration du programme d'apprentissage, je vais répéter exactement ce que vous ont dit les représentants du patronat et des grandes centrales syndicales. Le programme a été configuré, au départ, comme une voie d'alternance principalement et, au départ, destiné aux jeunes comme un parcours, après le secondaire III, de s'insérer en formation, en apprentissage et, éventuellement, pour les travailleurs en emploi. Voilà une préoccupation grande chez les centrales syndicales, et il n'a pas véritablement été envisagé de places réservées, je dirais, pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Si les bénéficiaires de l'aide sociale, un jeune voulait y avoir accès, il faudrait donc qu'il s'inscrive dans le parcours proposé par le livre vert, le parcours des 18-24 ans, se retrouver dans un métier spécialisé ou semi-spécialisé dans lequel l'apprentissage est prévu. Et vous vous retrouveriez avec un bénéficiaire de l'aide sociale, ou deux, ou trois, ou 100 qui, effectivement, pourraient en bénéficier. Mais ce n'est non pas parce que c'est un prestataire de l'aide sociale qui pourrait en bénéficier, c'est parce qu'il s'inscrit dans un programme qui, effectivement, prévoit une formation en apprentissage.

Mme Loiselle: O.K. J'aimerais vous demander, au niveau... Vous parlez des conseillers en emploi. Vous dites aussi... Parce que, moi, depuis le début, je dis que ça n'a pas de sens de dire... Si on veut vraiment tisser des liens de confiance entre le prestataire et son conseiller en développement de l'emploi, si on veut vraiment qu'il sente qu'il y a de l'entraide, du soutien, de l'accompagnement, que ce soit la même personne, finalement, qui décide si elle va appliquer une pénalité ou pas, s'il y aura pénalité. Vous le dites aussi dans votre mémoire: «Les fonctions de contrôle ne peuvent être placées aux mêmes endroits et être assumées par les mêmes personnes.»

J'aimerais vous entendre sur ça, parce que, moi aussi, je trouve que c'est un non-sens de penser qu'on peut avoir deux personnes qui se regardent, puis que cette personne-là est supposée aider l'autre, puis qu'en même temps c'est une personne qui peut menacer d'appliquer une pénalité. Quand on est pauvre, se faire appliquer une pénalité de 150 $ par mois, qui peut aller jusqu'à 300 $, vous savez que ça a tout un impact. Alors, j'aimerais vous entendre sur ce double chapeau là qu'on va donner aux conseillers en développement de l'emploi.

M. Larose (Denys): Je ne veux pas élaborer longuement là-dessus, là, mais je vous dirai qu'au fond notre propre pratique, notre propre expérience en un milieu où ces fonctions sont exercées à la fois par des conseillers auprès des étudiants... Puis il y a des sanctions aussi, dans nos systèmes. L'expérience nous montre assez clairement que la relation de confiance qui s'établit entre un conseiller et un étudiant – et ce serait vrai dans le cas d'un parcours individuel – il faut préserver ça à tout prix. Et la préserver suppose qu'à la limite cette personne-là n'a pas, par voie de contrôle, une sanction à prendre sur la personne qui est aidée. Puis là, dans la pratique, là-dedans, ce qui se passe, c'est qu'un conseiller qui conserve sa fonction purifiée, je dirais, toute pure, arrive quand même à livrer tous les messages qu'il faut pour que la personne qui est inscrite dans un tel parcours comprenne bien qu'en bout de course, sans pour autant avoir la responsabilité d'exercer la sanction... Je pense que c'est vrai partout et je sais que ça fait du monde de plus, dira-t-on. Mais je crois que l'organisation de la relation, la relation doit être préservée à ce point. Et, vous le savez, dans d'autres domaines, c'est vrai aussi. Donc, on défend la thèse que la fonction contrôle doit être distincte de la fonction accompagnement ou conseil. Et ça, c'est la richesse de notre expérience qui nous fait dire ça.

Il ne faut pas penser que, par ailleurs, le conseiller est à l'état pur et qu'il n'arrive pas à faire comprendre à quelqu'un qu'il accompagne qu'au bout de la course il y a une sanction, qu'il n'exerce pas une influence dans le sens d'un comportement qui lui est favorable pour lui éviter la sanction. Mais, de là à lui confier cette responsabilité-là, ça change la nature de la relation et, à mon avis, ça rend un conseiller moins efficace et il y aura moins de résultats. Alors, voilà pourquoi on tient cette thèse-là. Puis l'expérience dans nos milieux ce travail, là-dessus, est immense. On sait que c'est autrement qu'on procède. Pourtant, on a des sanctions et des pénalités, nous autres, à assigner, et on le fait, mais par des personnes qui sont autres.

Mme Loiselle: Les pénalités qui s'appliqueraient, actuellement, vous comprenez bien que, si elles vont au maximum, ça peut presque mettre les gens dans la rue. Comme la coupure du partage du logement n'a pas été retirée, il y a des gens qui vont se retrouver avec 100 $, 125 $ en poche. Alors, c'est comme leur dire, finalement, qu'on les met dans la rue, ces gens-là. Parce qu'il y a une question de survie.

M. Larose (Denys): Je répondrais à votre question – je ne sais pas si j'ai bien compris – dans le sens que la pénalité, elle peut être faite... S'il en faut une, ce sera une autre personne qui exercera responsabilité là-dessus. J'en étais sur la question que nous distinguons, nous, entre le conseiller qui a une relation d'accompagnement... Et ça, ça doit rester tel que tel. Et, si la réforme prévoit une pénalité, ça devra être exercé par d'autres que le conseiller.

Mme Loiselle: Mais c'est le conseiller en emploi qui devra déterminer s'il y a pénalité. C'est ça. Parce que c'est celui qui est...

M. Larose (Denys): Non, mais ce que l'on ne souhaite pas, nous.

Mme Loiselle: O.K.

M. Larose (Denys): Ce que l'on ne souhaite pas, je voudrais être clair là-dessus. Je trouve que le rôle de conseiller ne doit pas être terni. Cette relation-là qui s'établit avec quelqu'un qui est parcours individualisé, là, cette relation-là, dans la mesure du possible, il ne faut pas qu'elle s'accompagne d'une possible sanction qui serait affectée au dit conseiller. Ce n'est pas notre expérience dans nos milieux où on a une série de conseillers qui agissent auprès des étudiants d'une manière à les accompagner. Puis les sanctions, ce sont des personnes autres qui les exercent. Là-dessus, ce n'est pas le conseiller qui nous recommande ça. Il y a des règles, puis on les applique en bout de course.

Je vous disais cependant qu'un conseiller ou un conseillère dans son rapport avec quelqu'un, il n'est pas à l'état pur. Dans ce rapport-là, il est constamment capable de rappeler à quelqu'un qu'il est en parcours, que ça comporte des obligations, qu'il a des responsabilités, qu'en bout de course, s'il n'agit pas en tel sens, il pourrait lui arriver une pénalité. Mais, ça, c'est normal; un conseiller, il dit ces choses. Mais ce n'est pas lui qui fait cette menace-là, ce n'est pas son métier. Il a un rapport tout autre. C'est ça qu'on défend comme thèse.

Mme Loiselle: Parce que la plupart des groupes... On a eu beaucoup de témoignages de gens qui l'ont vécu, qui le vivent. On nous disait qu'actuellement, au niveau du climat qui existe entre l'agent et le prestataire, c'est très rigide, qu'il y a beaucoup d'incompréhension, que c'est des liens qui sont assez froids actuellement et que c'est toute la culture de contrôle qu'il faudra modifier pour une culture de développement d'employabilité puis une culture d'appui, de soutien. La plupart des groupes nous ont dit qu'il va falloir qu'il y ait une formation qui soit donnée aux agents, justement pour s'assurer que ces agents-là qu'on a actuellement deviennent de vrais conseillers professionnels en développement en emploi. Vous allez dans le même sens au niveau de la formation pour les agents?

M. Larose (Denys): Oui.

Mme Loiselle: Oui?

M. Larose (Denys): Oui.

Mme Loiselle: O.K.

M. Larose (Denys): Je dis ça, hein, parce que, au fond, quand je dis un «conseiller à l'état pur», un conseiller qui est bien préparé, comme vous dites, il est forcé obligatoirement, dans son rapport de confiance avec quelqu'un, de rappeler des facteurs de réalité à la personne. Ça fait partie de sa job, ça, et ça, ce n'est pas une job de contrôle. Et je crois que, s'il est bien préparé et qu'il rappelle les facteurs de réalité, qu'il est vraiment honnête, bon, bien, ça va faire la chose. Après ça, à la limite, il y a quelqu'un d'autre qui exercera la sanction. Je veux dire, le conseiller, ce n'est pas quelqu'un qui laisserait faire n'importe quoi à celui ou celle qu'il accompagne. Par ailleurs, ne pas lui donner la fonction de contrôle, c'est-à-dire cette obligation, lui, de recommander une sanction ou d'exercer une sanction. C'est ce qu'on dit.

Mme Loiselle: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Au nom de la commission, merci beaucoup.

M. Larose (Denys): Merci.

(11 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant les représentantes et le représentant de l'Alliance des associations de services pour l'emploi à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mme Vallières, vous nous présentez les gens qui vous accompagnent et vous pouvez faire votre présentation. J'excuse d'avance l'absence de Mme la ministre; je pense que vous étiez là lorsqu'on l'a expliquée. Alors, vous pouvez y aller.


Alliance des associations de services pour l'emploi (AASE)

Mme Vallières (Sylvie): Bonjour, mesdames et messieurs. J'aimerais d'abord nous présenter. Je suis Sylvie Vallières, représentante du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité; Mme Louise Barrette, qui représente aujourd'hui l'Association des clubs de recherche d'emploi; M. Pierre Gagnon, qui représente l'Association des parrains des services de développement d'employabilité du Québec, et, à mon extrême gauche, Mme Nicole Galarneau, directrice générale du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité du Québec.

Ce matin, nous avons choisi de ne pas utiliser toute la période qui nous est donnée pour la présentation de notre mémoire. Nous avons opté plutôt pour faire état de nos principales préoccupations, afin de disposer d'une période plus longue pour échanger avec vous sur cette réforme.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que l'association des services de développement d'employabilité, des services d'aide à l'emploi, représente actuellement 110 organismes communautaires oeuvrant sur l'ensemble du territoire du Québec depuis une vingtaine d'années. Nos organismes emploient quelque 700 professionnels spécialisés qui accompagnent environ 30 000 personnes, annuellement, dans leurs différentes démarches d'intégration en emploi. Tous collaborent avec les instances gouvernementales, fédérale-provinciale, dans le domaine de la main-d'oeuvre.

Nos organismes sont chapeautés par des corporations privées sans but lucratif, administrées par des conseils dont les membres représentent différentes sphères de la vie socioéconomique de leur communauté respective. Nous sommes porteurs de missions qui visent à combattre l'exclusion du marché du travail de segments de plus en plus larges de la population affectés par les transformations structurelles de l'économie.

Nous offrons des services, en fait, à des personnes démunies au niveau de l'emploi. Nous sommes spécialisés dans le développement de l'employabilité de groupes spécifiques parmi lesquels on retrouve les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les immigrants, les minorités visibles, les personnes judiciarisées, les toxicomanes et les résidents des collectivités éloignées.

Sans vous faire une énumération exhaustive, précisons que nous avons développé, au cours de notre évolution, divers projets, services et activités qui sont désignés sous le vocable de «parcours d'insertion». Nos organismes membres offrent une multitude de services relatifs à l'insertion sur le marché du travail, dont les principaux sont: des services d'accueil, d'information, d'évaluation, de référence, de formation de base, de formation professionnelle, de formation préparatoire à l'emploi, de counseling individuel, de placement en emploi, de stage en entreprise et de suivi personnalisé.

Riches d'une forte expérience en intervention visant les différents groupes cibles démunis au plan de l'emploi, l'Alliance est directement interpellée par le livre vert du ministère de l'Emploi et bien placée pour commenter sa réforme visant l'augmentation des mesures actives et l'approche individualisée. À cette fin, ce matin, nous voulons traiter essentiellement des conditions de réussite du parcours d'insertion, du rôle de nos corporations dans le cadre de la réforme et dans celui de la politique active du marché du travail. Nous proposerons, finalement, nos recommandations.

En fait, plusieurs de nos membres sont des familiers du parcours d'insertion, bien que nous n'utilisions pas ce terme. Dans le jargon du milieu, on parlait jusqu'à aujourd'hui de démarches d'accroissement de l'employabilité. Selon nous, il n'y a pas de différence significative entre les notions de parcours d'insertion et d'employabilité. Dans les deux cas, il s'agit d'une stratégie s'incarnant dans un ensemble d'actions et de démarches pour atteindre un but ultime: travailler.

À titre de spécialistes en développement de l'employabilité, nous sommes particulièrement bien placés pour certifier la validité du parcours d'insertion dans toute démarche vers l'emploi. Nous aimerions cependant mettre l'accent sur quatre conditions de réussite d'un tel parcours.

Avec les coupures qui s'annoncent, nous pouvons présumer que les budgets disponibles pour les mesures actives seront réduits. D'une part, on disposera dorénavant de fonds et non plus de programmes. D'autre part, c'est la région et les partenaires locaux qui détiendront l'autorité sur l'attribution des budgets. À cet égard, nous appréhendons certains impacts négatifs dont nous voulons vous faire part.

La restriction de fonds assujettie à l'obligation des résultats rendra difficile, selon nous, l'accès à ces mesures pour les personnes défavorisées au plan de l'emploi. Elles pourraient se voir contingentées bien malgré elles par les gestionnaires. Les priorités locales pourraient être en contradiction avec une approche individualisée et restreindre les mesures actives nécessaires à la réalisation du parcours d'insertion. Le fait de favoriser les jeunes de 18-24 ans et les femmes monoparentales dans le parcours d'insertion ne risque-t-il pas de priver les autres clientèles de l'accès à un tel parcours? Cette stratégie n'est-elle pas en contradiction avec le principe de l'universalité des services et celui de l'approche centrée sur les besoins des personnes?

La deuxième condition de réussite qui nous apparaît très importante concerne les mesures volontaires. On ne saurait trop insister sur le caractère volontaire d'une approche responsabilisante. De récentes initiatives telles que le Défi Emploi, qui s'est réalisé à Montréal, le Spécial Emploi, une initiative qui a eu lieu dans la région de Québec, et, finalement, les cliniques de l'emploi ont démontré la volonté des chercheurs d'emploi à trouver du travail. Notre expérience quotidienne nous amène à conclure que la volonté est un indice de la motivation préalable à la réussite de toute démarche d'insertion. Bien qu'il nous apparaisse très légitime de responsabiliser les personnes à leur prise en charge – et ça, c'est un travail qu'on fait quotidiennement avec nos clientèles – on voit difficilement comment on peut concilier un contrat de réciprocité et l'imposition de pénalités aux prestataires. En fait, pour nous, un contrat de réciprocité lie les deux parties en cause dans une obligation de moyens à l'égard de l'atteinte de résultats qui sont préalablement consentis.

Depuis toujours, les intervenants au sein de nos organismes s'appuient sur le principe que les personnes possèdent le potentiel nécessaire pour agir sur leur développement et nous visons, nous, à favoriser leur capacité à se prendre en charge. Pour ce faire, depuis le tout début de nos existences, nous avons recours au support et à l'encouragement plutôt qu'à la répression. Notre pratique nous démontre tous les jours que les difficultés de prise en charge des personnes sont rarement la résultante d'une mauvaise foi, mais plutôt celle de diverses problématiques, en fait, qui freinent leur évolution.

La troisième condition de réussite concerne justement la qualité de l'approche individualisée qui est utilisée pour définir le parcours. En fait, si la personne ne se reconnaît pas dans son parcours d'insertion, pour nous, il nous apparaît très difficile de susciter sa motivation pour la mener à terme. Cette personne doit être en situation de pouvoir établir une relation de confiance avec son intervenant, son conseiller en emploi. En ce qui nous concerne, le fait de travailler de façon autonome, sans contrainte administrative ni légale, favorise grandement l'établissement de ce lien de confiance.

Il faut se rappeler que l'approche individualisée a été développée par notre réseau, par le réseau communautaire. Notre réseau possède la souplesse puis l'expertise nécessaires à ce type d'intervention centrée sur la personne. À titre de spécialistes en développement de l'employabilité, nos compétences devraient être davantage utilisées dans le cadre de cette réforme.

En fait, pour nous, une approche individualisée de qualité comporte les éléments suivants: d'abord, l'établissement d'une relation de confiance entre la personne et l'intervenant; une évaluation de la problématique qui va tenir compte de tous les aspects de la dynamique de la personne, qu'on désigne souvent sous le vocable d'«approche holistique»; un parcours d'insertion doit être réaliste, réalisable et il doit tenir compte des capacités puis de la disponibilité de la personne; la mise en oeuvre du parcours doit être établie avec l'accord de la personne; doit s'y adjoindre un suivi, un accompagnement en fonction de l'intensité nécessaire à la personne pour favoriser le succès; et, finalement, il y a un soutien dans l'aboutissement du parcours de la personne, c'est-à-dire l'obtention d'un emploi et le maintien en emploi.

Ce qui m'amène d'ailleurs à vous parler de la quatrième condition de réussite d'un tel parcours, et ça concerne justement la disponibilité des emplois. Pour qu'un parcours, en fait, d'insertion soit valide, il doit aboutir à son objectif ultime qu'est le travail. À l'heure actuelle, on dénombre 290 000 prestataires de la sécurité du revenu qui sont aptes au travail, 250 000 prestataires de l'assurance-emploi et un nombre important de chômeurs qu'on désigne sous «des gens sans chèque». Par contre, en ce moment, annuellement, en moyenne chaque année, il y a seulement 30 000 nouveaux emplois qui sont créés, puis on en prévoit environ 10 000 par le biais de l'économie sociale. Avec un rapport de l'offre et de la demande qui est de l'ordre de un pour 10, il nous apparaît évident qu'à court terme l'objectif des parcours d'insertion ne doit pas être centré uniquement sur le travail. Et, quand on parlait tantôt d'obligation des moyens dans un contrat de réciprocité, vous comprendrez bien notre inquiétude de ne pas pouvoir donner le résultat qui est visé au bout des parcours que sont les emplois. Soulignons finalement que le contrat de réciprocité devrait s'adresser, à nos yeux, également aux entreprises qui portent, en majeure partie, la responsabilité de création d'emplois.

(11 h 20)

Pour nous, le document de consultation fait état de la collaboration indispensable du partenaire communautaire, et nous comprenons que nous serions associés pour intervenir comme partenaires privilégiés auprès des groupes spécifiques. Rappelons que l'obligation de résultat, c'est le nouveau paramètre de toutes les réformes gouvernementales actuellement, et celle de la sécurité du revenu n'y échappera pas. Nous voyons difficilement comment les gestionnaires d'un CLE pourront concilier bon résultat et clientèle à risque.

En fait, nous nous inquiétons particulièrement, également, du silence quant aux diverses modalités qui régiront les instances de développement local auxquelles on nous convie de participer. Par qui et comment les décisions seront-elles prises? Quels organismes communautaires seront invités à participer au développement local? Quel rôle et quelle place leur seront donnés dans la définition et la résolution des problèmes soulevés par le chômage?

Nous tenons à rappeler au gouvernement que nos corporations sont autonomes et qu'elles sont issues du milieu communautaire. Nous ne désirons aucunement voir nos organismes s'inscrire dans un processus d'institutionnalisation qui nous ferait perdre nos principes d'intervention et les valeurs qui nous sont propres.

En fait, la grande inquiétude de nos organismes membres, ça concerne justement les priorisations locales. En fait, ce qu'on se dit, c'est: Nous travaillons avec des clientèles fortement défavorisées au niveau de l'emploi, pour la plupart de nos organismes, et on s'inquiète beaucoup de cette priorisation locale qui, de par le fait qu'on sait que les budgets se réduisent de plus en plus, on va peut-être être tenté de prioriser les clientèles qui sont plus aptes à réintégrer rapidement le marché du travail. Et c'est une des principales inquiétudes de nos organismes membres, c'est de se retrouver dans des situations où nos clientèles seraient exclues des mesures actives et des services d'assistance.

Je voudrais céder la parole à Mme Barrette qui va vous énumérer les quelques recommandations qu'on a à soumettre dans le cadre de notre mémoire.

Mme Barrette (Louise): Effectivement, ça se trouve à... pas à résumer, mais ça donne vraiment le sens, là, à notre pensée par rapport à ça. Premièrement, première recommandation: que des fonds régionaux soient garantis à l'intérieur d'une enveloppe protégée aux groupes spécifiques afin que ceux-ci puissent bénéficier pleinement des mesures actives.

Deuxième recommandation: que les groupes spécifiques fassent l'objet d'une reconnaissance nationale afin de s'assurer qu'ils ne soient pas exclus par les priorités locales.

Troisièmement: en conformité avec leur mission, leur autonomie et leur expertise, que les organismes de développement de l'employabilité soient des partenaires privilégiés dans cette réforme et, à ce titre, habilités à intervenir à n'importe quelle étape du parcours d'insertion avec l'accord du client.

Quatrièmement: que les mesures actives soient offertes sur une base volontaire aux prestataires de la sécurité du revenu.

Et, cinquièmement: que des places soient réservées aux organismes en développement de l'employabilité pour représenter les clientèles démunies au plan de l'emploi auprès des instances décisionnelles.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Sherbrooke à débuter l'échange.

Mme Malavoy: Merci beaucoup. Bonjour, Mme Vallières, Mmes Barrette et Galarneau et M. Gagnon. Alors, vous me permettrez de remplacer ma collègue qui aurait bien aimé être là, mais qui suivra certainement tout le détail de notre conversation à un autre moment, par écrit.

Je vous remercie de votre présentation. Je pense que vous mettez le doigt sur un aspect de la réforme qui est fort important, qui est tout l'arrimage avec ce qui va se passer au plan local. Je vous dis tout de suite qu'il y a une chose tout de même que j'ai trouvée un petit peu curieuse dans le mémoire – parce que ça me semble contradictoire avec ensuite les préoccupations au niveau local – quand vous dites que, selon vous, le fardeau repose entièrement sur les individus. Or, il me semble que ce que cette réforme tente de faire, c'est, d'un côté, indiquer des obligations pour les individus, oui, mais, d'un autre côté, indiquer des obligations pour les collectivités, particulièrement en leur imposant, en exigeant d'elles qu'elles élaborent chaque année un plan local d'action concerté pour l'emploi. Donc, il y a vraiment une double responsabilité, elle n'est pas simplement individuelle. Alors, ça, j'aimerais peut-être qu'on se comprenne bien et que, dans un premier temps, vous me précisiez votre inquiétude quant à ce qui repose trop sur les épaules des personnes.

Mme Vallières (Sylvie): Peut-être est-ce le fait que l'objet même de la réforme de la sécurité du revenu s'adresse au soutien de revenu de personnes prestataires et qu'il nous manque une pièce du puzzle de la responsabilité collective qui concerne justement tout ce qui concerne la politique active du marché du travail, que l'on connaît un tout petit peu jusqu'à maintenant, et c'est ça qu'on souligne.

Outre la place qui est donnée à ce fameux plan dont on a très peu d'information dans le livre vert, il nous apparaît très clair qu'il y a une responsabilité évidente qui est imputée aux individus prestataires dans la nécessité de faire des démarches actives, pour ne pas dire même d'être obligés à faire des démarches actives alors que l'issue, c'est-à-dire la création d'emplois, est souhaitée dans le livre mais n'est pas développée. Et c'est à ce titre-là qu'on a bien hâte de voir les autres éléments de la politique qui vont permettre cette création d'emplois.

Alors, c'est à ce titre-là qu'on a précisé qu'il nous apparaissait... et je vous réfère à ce qu'on dit quand on parle d'obligation de moyens. Il nous apparaît clair qu'il y a une disproportion des moyens avancés dans le livre vert sur cette question. On annonce la responsabilité collective, mais on ne connaît pas les mesures qui vont être prises pour inciter fortement les entreprises à créer de l'emploi. Et je ne sais pas s'il est prévu de pénaliser les entreprises, comme on va le faire au niveau des individus, pour susciter la création d'emplois. Je pense que la stratégie des gouvernements est souvent de subventionner les entreprises pour créer de l'emploi.

Mme Malavoy: Enfin, ce que je retiens, c'est que vous êtes d'accord avec le principe qui est...

Mme Vallières (Sylvie): De la responsabilité partagée.

Mme Malavoy: ...obligation de part et d'autre, mais vous dites: D'un côté, on a pu se développer et, de l'autre, pas suffisamment. Et vous attendez de voir la suite.

Mme Vallières (Sylvie): Oui. Voilà.

Mme Malavoy: Cela dit, vous avez des inquiétudes un peu... bon, à exprimer. Par rapport à ce qui va se passer au palier local, vous craignez que les priorités locales puissent être en contradiction avec une approche individualisée. Vous dites ça dans votre mémoire, mais un peu rapidement, évidemment, parce que vous avez essayé de faire une économie d'espace. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est pour nous un élément majeur de cette réforme que d'essayer d'avoir, justement, une cohérence entre des cheminements personnels et ce que, au niveau local, les différentes organisations, que ce soient des organismes institutionnels, que ce soient les organismes communautaires, privés, les syndicats, etc., seront capables d'imaginer comme plan d'action concerté pour l'emploi. Le grand défi, c'est qu'on arrive justement à arrimer ces deux approches. Alors, quand vous dites qu'a priori vous avez des inquiétudes, j'aimerais que vous m'expliquiez un peu mieux.

M. Gagnon (Pierre): En fait, notre inquiétude est bien plus axée, si vous voulez, vers des clientèles fortement défavorisées sur le plan de l'emploi. On parle de clientèle universelle. On est entièrement d'accord avec ça. Donc, clientèle sans chèque, prestataires de la sécurité du revenu et prestataires de l'assurance-emploi. Maintenant, ce qu'on dit, c'est que les clientèles fortement défavorisées sont souvent pénalisées parce qu'elles sont plus fragiles et leur parcours d'insertion est beaucoup plus long et exige beaucoup plus de temps que si vous travaillez avec une clientèle qui arrive à l'aide. Et on pense que, localement... On a l'impression ou on croit que, localement, à un moment donné, compte tenu des priorités qui seront établies et également du fait qu'ils seront imputables aussi des budgets et de la gestion de leurs services, ils auront tendance à favoriser les gens qui vont peut-être arriver à l'aide et qui sont beaucoup plus proches, dans le fond, de l'emploi.

C'est un peu notre inquiétude, d'où on arrive à vous proposer ou à vous dire, à un moment donné, qu'il serait important qu'on tienne compte d'un deuxième niveau de services pour les clientèles fortement défavorisées, parce que, essentiellement, on représente, comme organisation, des clientèles qui, à 80 % en ce qui concerne l'organisation, sont des prestataires de la sécurité du revenu et qui sont fortement défavorisées. Alors, on a peur que ces gens-là soient exclus, faute de budget, des parcours d'insertion.

Mme Malavoy: Ou encore que vous soyez contraints d'aller au plus rentable, c'est-à-dire de n'accepter que les clientèles qui vont être employables, entre guillemets, à court terme...

M. Gagnon (Pierre): C'est ça.

Mme Malavoy: ...puis de laisser sur le parcours – pas individualisé, celui-là, dans le champ – les gens qui auront plus de difficulté.

(11 h 30)

M. Gagnon (Pierre): Exact. Qui sont plus marginalisés, si vous voulez.

Mme Malavoy: Oui, oui, je comprends. Dans vos recommandations, vous souhaitez avoir un rôle reconnu et vous souhaitez avoir une place. Vous dites que vous voulez être des organismes qui soient partenaires privilégiés et vous demandez même que des places soient réservées aux organismes en développement de l'employabilité. Dans le livre vert, on indique qu'il y a des organismes communautaires, de façon globale, qui auront des places, mais vous voulez... Est-ce que je comprends bien que vous souhaitez avoir des places qui soient réservées pour les organismes en employabilité qui soient vraiment étiquetés comme tels et qui soient assurés d'avoir voix au chapitre?

Mme Vallières (Sylvie): En fait, ce qu'on voulait désigner, c'est essentiellement de s'assurer... Parce qu'on parle du mouvement communautaire, des organismes communautaires comme étant des partenaires privilégiés, mais il ne nous apparaissait pas clair, dans le livre vert, qu'on allait nous utiliser aussi dans les tribunes et dans les instances où il y aurait décision quant aux orientations locales, quant à l'esquisse des plans locaux d'actions au niveau de l'emploi.

Notre crainte, c'était d'être utilisés comme des dispensateurs de services. Il nous apparaît important de considérer l'expertise qu'on a développée sur la question de l'emploi, le problème de l'emploi, localement, parce qu'on est quotidiennement en contact avec des clientèles, mais aussi avec des entreprises parce que depuis plusieurs années on est tenus d'offrir des résultats de placement. Et, évidemment, on a été très créatifs dans nos stratégies pour solliciter les entreprises, pour nous aider à faciliter le placement de nos clientèles. Alors, c'est de s'assurer que nous soyons autour de la table des instances décisionnelles, concernant l'élaboration des plans.

Alors, ce n'était pas... Et on pense que ce sont des groupes spécialisés en développement de l'employabilité qui devraient être invités, puisqu'il s'agit d'un plan d'action du développement et de l'emploi, et on pense que ce sont les groupes communautaires qui ont cette expertise. On voyait mal comment on pouvait inviter des groupes communautaires qui travaillent dans des domaines qui ne concernent pas le développement de l'emploi.

Alors, c'était essentiellement de dire qu'on voulait avoir une place. C'est notre inquiétude localement parce que souvent il y a des tables de concertation et on doit souvent se battre pour avoir un représentant à ces tables. Alors, on veut s'assurer que notre place sera faite dans ces instances.

Mme Malavoy: Et, si on mentionnait spécifiquement des groupes d'employabilité, pour vous, ça vous conviendrait. Vous trouvez que c'est trop large, que, de la façon dont on parle d'organismes du milieu communautaire, ça pourrait vous exclure. Enfin ça ne dit pas clairement que vous êtes des partenaires...

Mme Vallières (Sylvie): Ça s'est déjà vu.

Mme Malavoy: Ça s'est déjà vu. Donc, vous voulez qu'on prenne nos précautions.

Mme Vallières (Sylvie): Ce n'est pas dit qu'on est exclus, ce n'est pas dit qu'on est inclus. C'est ça. Ce n'est tout simplement pas...

Mme Malavoy: C'est trop large...

Mme Vallières (Sylvie): C'est trop large, puis, par cette recommandation-là, on veut comme appuyer le fait de pouvoir être présents.

Mme Malavoy: O.K.

M. Gagnon (Pierre): Et, essentiellement, d'utiliser l'expertise des organismes qui ont développé cette expertise depuis au moins 20 ans.

Mme Malavoy: Oui, absolument. Je pense qu'on comprends ça très bien que vous avez une expertise reconnue et qu'à ce titre vous voulez être partie prenante dans la définition des orientations et pas seulement recevoir les mandats et parfois des mandats que vous craignez impossibles, si c'est des mandats, par exemple, qui visent le court terme et que vous avez des clientèles dont on sait qu'elles ont besoin d'un cheminement plus à long terme. Ce qui, en passant, est inclus dans notre réforme. C'est vrai qu'on met entre parenthèses ou entre guillemets le thème employabilité non pas pour critiquer ce qui se fait en cette matière, mais pour indiquer que ce qu'on souhaite, par opposition à certains types de mesures qui ont eu une place importante et qui étaient du court terme, qu'on enfilait l'un derrière l'autre, ce qu'on souhaite, c'est un cheminement qui puisse justement avoir une certaine durée, qui puisse même inclure des services psychosociaux si les personnes en ont besoin et, à ce moment-là, on peut penser que c'est quelques années que ça prend et non pas trois mois ou six mois, puis c'est terminé.

D'ailleurs, dans notre projet, il n'y a pas d'échéance ferme, il n'y a pas de fermeture. On ne dit pas: C'est tant de temps, puis après c'est terminé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

Mme Galarneau (Nicole): Est-ce que je pourrais ajouter sur la question de la représentativité des organismes d'insertion à l'emploi ou d'employabilité? Je pense qu'à la lecture du livre vert on était peut-être moins inquiets du fait qu'on nous reconnaissait une place privilégiée comme partenaires, partenaires sur le Conseil des partenaires également, des CLE. Mais l'évolution depuis le dépôt du livre vert fait en sorte que ça devient plus inquiétant, la représentation des organismes d'insertion à l'emploi sur le Conseil des partenaires maintenant qui se retrouve plus au conseil local de développement du CLD. Alors, c'est une inquiétude qui ne s'est pas réduite, mais plutôt augmentée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant de passer la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, juste une petite question, et je m'excuse de l'ignorance. J'imagine que vous êtes représentatifs de toutes les régions du Québec, mais, quand on parle de territoire de MRC, est-ce que vous l'êtes aussi par territoires de MRC?

Mme Galarneau (Nicole): Les 110 organismes sont à peu près partout à travers la province. Alors, c'est partout au Québec. Je ne peux pas dire... Évidemment, il y a des concentrations d'organismes peut-être plus dans des milieux urbains, mais on retrouve autant d'organismes... que ce soit au Saguenay, que ce soit dans le Bas-Saint-Laurent, sur la Côte-Nord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et, quand vous parlez de représentation que vous voulez, il faut réaliser aussi que ça s'en va beaucoup vers les territoires des MRC.

Mme Galarneau (Nicole): Effectivement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il faudrait simplement y penser.

Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue. Je vais continuer sur la place qui était si floue pour le moment – vous l'avez bien dit dans le livre vert – la place des organismes communautaires, spécifiquement ceux qui travaillent au développement de la main-d'oeuvre. La coalition du développement de la main-d'oeuvre a très bien exprimé ses préoccupations à cet égard-là quand ils sont venus en commission parlementaire. Il y a plusieurs organismes qui sont venus nous dire qu'ils ont des craintes de voir même disparaître, de perdre leur autonomie. D'autres sont venus nous dire: Nous, on ne veut pas être des sous-traitants du ministère. On ne veut pas devenir des contrôleurs de l'État. Si jamais le gouvernement décide de vous faire une place privilégiée au sein de sa réforme et qu'il conserve tout le caractère coercitif et pénalités qui va complètement à l'encontre de ce que vous faites sur le terrain – parce que, vous, c'est sur une base de volontariat, c'est de l'entraide, c'est du soutien, ça va à l'encontre de votre philosophie comme organisation – comment vous allez vous sentir? Si jamais on vous fait une place privilégiée, des partenaires privilégiés dans la réforme, vous gardez votre autonomie, mais en même temps le gouvernement va de l'avant avec le caractère obligatoire et coercitif?

Mme Vallières (Sylvie): Mais déjà, vous savez, les gens peuvent être pénalisés. Alors, on vit déjà dans ce contexte-là. Ce qu'on dit, c'est que ça ne facilite pas notre travail. Parce que, quand un client entre en contact avec nous et qu'effectivement il vient chez nous de façon forcée, c'est bien évident qu'on a un travail à faire pour essayer d'aller chercher sa motivation, à lui, de participer à nos activités. Alors, ça ne nous simplifie pas le travail. C'est essentiellement ça. Et je vous dirai qu'il y a des gens avec qui on ne réussit pas à changer cette espèce de processus de répression et qui vont carrément être très fermés à l'intervention qu'on va leur offrir. C'est ces clients qu'on perd, dans la situation actuelle.

Nous, comme corporation, on s'est toujours prononcé, on a toujours eu des pratiques qui exigent le volontariat. Alors, on ne prend pas de clients forcés et on va continuer à le faire comme ça. Sauf que, évidemment, ce sont les organismes publics qui vont nous référer les clients et qui vont le faire de façon forcée. Ce que je vous dis, c'est qu'à l'accueil on a beaucoup de travail à faire pour aller chercher, justement, cette motivation-là à l'intérieur de la personne. Des fois, on rate notre coup parce que la personne a vécu énormément d'échecs et elle se retrouve dans une situation où elle est fermée, elle a la crainte d'être pénalisée, elle a la crainte de ne pas avoir son chèque, et cette crainte-là fait qu'elle a de la difficulté à s'ouvrir à ce qu'on peut lui offrir comme service et à l'espoir qu'on peut lui offrir. C'est là que, nous, on trouve ça très dommage. On travaille déjà dans ce contexte-là. Mais le principe du volontariat, on va continuer à le défendre et je peux vous dire que jamais on ne va accepter de prendre des clientèles forcées, à savoir de se limiter, de prendre les commandes, à savoir qu'on est forcé. On va toujours tenir à notre droit de déterminer si on prend ou pas cette personne-là, justement parce que c'est du travail inutile si on force la personne. Si elle n'est pas volontaire et elle vient chez nous, c'est évident qu'on lui fait perdre son temps et on perd notre temps. C'est juste une question... La personne va se conformer, mais la personne ne sera pas active. Souvent, c'est de la formation, comment dire, qui n'implique pas des démarches actives, mais, dès que la personne arrive à l'étape des démarches actives, on ne ppeut pas la suivre sur la rue, la forcer à faire de la recherche d'emploi. Alors, il y a comme un désengagement de sa part, mais, dans le fond, ce désengagement-là, il était là dès le départ.

(11 h 40)

Et je vous dirai qu'on se retrouve même dans la situation où il y a des gens qui n'osent pas nous dire qu'ils sont réfractaires. Donc, ils se présentent à nous de façon très conformiste. Et ce n'est pas drôle de vivre une relation qui est teintée de ce type de rapport là, parce qu'on ne peut pas parler, on ne peut pas l'aborder de façon authentique, parce que la personne a des craintes. Et ce n'est pas des craintes qui sont à notre égard, mais ils ont des craintes à l'égard d'un système qui risque effectivement de les pénaliser par le choix de la mesure. Alors...

M. Gagnon (Pierre): Ce que tu disais, on vit déjà ce type de système là actuellement. Moi, je travaille avec une clientèle judiciarisée. Donc, ils peuvent avoir des obligations de venir chez nous soit par la libération conditionnelle, soit par la probation. Le seul endroit dans le réseau correctionnel où il est libre de venir, c'est chez nous. Alors, très souvent, nous, on lui explique, on lui dit ce qu'on doit, ce qu'on va lui donner comme service et qu'est-ce qu'on peut faire pour lui, et qu'est-ce qu'il peut faire pour lui aussi.

Dans un deuxième temps, il arrive régulièrement qu'un individu se dise: Je suis libre? O.K., je m'en vais, je ne participerai pas à vos activités. Mais ce qu'on voit souvent apparaître aussi, c'est que, trois mois plus tard, quatre mois plus tard, il s'est frappé la tête quelque part, puis il revient, mais là il revient de façon un peu plus volontaire. Et je pense que c'est de cette façon-là que nos réussites, on va les chercher.

Mme Barrette (Louise): Oui, on va chercher des réussites, puis aussi il y a une question de coût qui est associée à ça. Parce que imposer une mesure à une personne, puis la même chose pour chez nous, un club de recherche d'emploi, c'est sur une base volontaire, et c'est depuis que les clubs existent, depuis 1984, ça n'a jamais changé. Une personne, chez nous, qui n'est pas motivée puis qui n'est pas prête à entreprendre trois semaines pour faire un club, elle ne fait pas le club, elle n'est pas admise. Un club de recherche d'emploi, ça tourne autour de 1 000 $. C'est un très bon investissement quand tu as un taux de placement bien élevé, mais c'est un très mauvais investissement quand tu investis 1 000 $ sur une personne qui ne veut pas, puis elle ne la fera pas, la démarche, ça, c'est clair.

Mme Loiselle: J'aimerais avoir une précision. Tantôt, madame, je ne sais pas si j'ai bien compris, vous sembliez penser que les conseils locaux des partenaires vont disparaître sous le conseil local de développement? Parce qu'on essaie de comprendre ce qui se passe. On nous parle beaucoup des CLE, des conseils locaux des partenaires, des conseils locaux de développement de M. Chevrette. Alors, on essaie de voir où est la cohérence, on en parlait tantôt, parce que, pour nous, actuellement, c'est assez brumeux, tout ça. «C'est-u» ce que vous avez perçu, vous?

Mme Galarneau (Nicole): Si c'est brumeux pour vous, ça l'est autant de notre côté.

Mme Loiselle: Je parle pour l'opposition, parce qu'il y a peut-être des choses qu'on ne sait pas.

Mme Galarneau (Nicole): C'est probablement une question de perception. Ce qu'on perçoit à l'heure actuelle, de notre côté, c'est à l'effet que autant on pouvait considérer que, au dépôt du livre vert, il existait des conseils de partenaires qui étaient rattachés à chacun des CLE, ce qu'on en comprend aujourd'hui, ces conseils de partenaires là seront ceux des CLD, et il y aura un représentant du CLE...

Mme Loiselle: Au CLD.

Mme Galarneau (Nicole) ...au CLD. C'est un petit peu l'ambiguïté dans laquelle on se retrouve. On se disait: Sur le CLE, on va parler strictement d'insertion d'emploi, on ne parlera pas de développement local ou d'économie sociale ou de développement de l'emploi. Alors, on y retrouvait une reconnaissance de l'expertise et des organismes qui travaillaient sur ce champ-là, sauf qu'on est un peu plus inquiets. Probablement qu'on devra d'ailleurs aller en commission parlementaire avec M. Chevrette pour lui faire part de nos inquiétudes à cet égard-là.

Mme Loiselle: Disparité locale. La CSD, la Fédération des CLSC du Québec, nous ont parlé qu'il pourrait y avoir des inégalités de chances, finalement, entre les prestataires, dépendamment de la région où ils demeurent. Parce qu'il faut le dire, comme moi, à Saint-Henri–Sainte-Anne, dans le sud-ouest de Montréal, j'ai le réseau et ça fait toute une différence, pour les gens du sud-ouest de Montréal, d'avoir cet outil d'insertion là qui est majeur chez nous.

Il y a d'autres régions qui n'ont peut-être pas des gens comme le réseau, il n'y a peut-être pas la même implication des leaders du marché du travail, des entreprises, des groupes communautaires, pas la même vitalité, le même dynamisme, dépendamment de la région où tu habites. Avez-vous cette même préoccupation qu'il y a des prestataires, finalement, qui vont se retrouver à peut-être avoir moins de chances, qui vont peut-être avoir moins de services ou de mesures qui vont leur être proposés, dépendamment de la région où ils vont habiter?

Mme Vallières (Sylvie): C'est déjà le cas dans la mesure où, effectivement, on est distribué à travers la province. Mais il y a des régions du Québec où les services, les mesures et les organismes communautaires sont moins nombreux, où il y a moins de services. Ce qu'il faudrait souhaiter, justement, c'est qu'on puisse faire cette espèce d'analyse des effectifs, qu'on aille consolider les ressources en place, qu'on aille voir s'ils ne peuvent pas élargir les services en fonction des besoins des populations. Mais déjà, la situation, vous savez, je pense qu'il y a une disparité. Pour parler avec nos collègues, en région, au sein de nos associations, ils ont souvent de très larges mandats et parfois, effectivement, ils ont les nouvelles moins vite. Il y a une série de mesures à prendre, mais je pense que le problème est là en ce moment. Je ne pense pas que cette réforme-là va venir. Au contraire, je pense que parfois, comme il y a des programmes mur à mur qui s'appliquaient dans le passé, ils n'avaient pas nécessairement l'information.

Alors, dans la mesure où il y a décentralisation et il y a donc des moyens qui sont donnés aux régions, le leadership va peut-être se développer, justement, parce que les gens vont disposer des leviers. On a toujours été partisans, nous autres, de dire qu'il faut le plus possible rapprocher les solutions des problèmes. La seule chose, c'est qu'il faut s'assurer, par exemple... Et c'est ça, il y a quand même des cultures différentes. Dans les différents patelins, il faut s'assurer que l'ensemble des groupes, des partenaires de la vie économique, de la vie socioéconomique, soient invités et que ce soit important que... C'est ça, l'inquiétude qu'on a, quand on vous disait: Va-t-on avoir des places, le mouvement communautaire, au sein de ces instances-là? C'est ça qu'il va falloir... C'est un gros défi, mais c'est ça. C'est peut-être là que, justement, il va y avoir développement dans la mesure où, effectivement, on va donner des moyens dans les régions.

M. Gagnon (Pierre): Il y a peut-être un indice. Si, effectivement, les MRC – on n'en connaît pas plus que ça actuellement, là – étaient responsables de territoires, peut-être, probablement, et j'espère, et je souhaite que, dans certaines régions, effectivement, les MRC jouent un rôle un peu plus prépondérant, tant au niveau des CLE que des CLD. C'est peut-être une façon, dans le fond, de rapailler tout le monde autour d'une même table à un moment donné et de développer des choses. Mais je n'en connais pas plus que ça pour l'instant. J'émets une hypothèse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: Merci, M. le Président. Bonjour à tous et à toutes, à monsieur et à mesdames. J'avais plusieurs questions; vous y avez répondu en partie tantôt, ça fait que je vais y aller plus pointu. Je lisais vos recommandations et les trois premières... C'est clair qu'on connaît l'expertise, on reconnaît l'expertise et les compétences de vos groupes. D'ailleurs, j'en ai quelques-uns dans mon comté. Puis c'est même écrit dans le livre, que vous êtes indispensables. Moi, j'ajouterais «incontournables». Mais c'est ça. Les trois premières recommandations me laissaient l'impression que vous doutiez énormément qu'on tienne compte de vous. C'est comme ça que je l'ai lu. Vous avez répondu à ça tout à l'heure, en partie, en disant que vous voulez une place. Là-dessus, vous dites que vous voulez une reconnaissance nationale. Est-ce que la reconnaissance nationale que vous voulez, c'est celle que vous avez dite tout à l'heure, c'est-à-dire avoir une place, ou c'est plus que ça, votre reconnaissance nationale?

M. Gagnon (Pierre): Je pense que c'est plutôt une reconnaissance nationale au niveau des clientèles spécifiques et fortement défavorisées. C'est d'abord essentiellement de reconnaître qu'il y a des clientèles qui sont fortement défavorisées. Et notre crainte, c'est que, dans la réforme, ce type de clientèle soit laissé pour compte. Je ne parle pas nécessairement de mon organisation, là-dedans, et même de nos associations. Je parle de clientèles. Quand on dit «une reconnaissance nationale», donc de cibler des types de clientèles au niveau national, qui seraient reconnues nationalement comme ayant besoin de services de niveau 2, donc un parcours d'insertion beaucoup plus long, et que les responsabilités soient données à ce moment-là plus aux régions qu'au local, de peur que le local, dans ses priorités, fasse disparaître ce type de clientèle parce que, peut-être, un peu moins rentable. On utilisait d'ailleurs l'expression «clientèle à risque». Elle est plus risquée dans le sens qu'elle coûte plus cher et le taux d'échec est souvent plus grand, même si on reprend le travail avec ces personnes-là. En tout cas, c'est plus ça qu'on veut dire qu'une reconnaissance, je dirais, nationale de nos associations.

Mme Vallières (Sylvie): Permettez-moi de vous donner un exemple. On travaille avec... Entre autres, il y a certains groupes dans nos associations qui travaillent avec des personnes délinquantes. Je prends cet exemple-là parce que ça démontre bien... comment dire, la réaction sociale à l'égard de ce groupe de personnes là. Localement, est-ce qu'on peut en vouloir à des partenaires de ne pas vouloir prioriser une clientèle comme celle-là même s'il y a des ressources sur le territoire qui viennent en aide à ces personnes-là? Pas nécessairement au niveau de l'emploi, là, tu sais, il y a des maisons de transition.

(11 h 50)

C'est bien évident que ça représente une infime partie de la population globale du territoire, mais c'est une clientèle qui coûte très, très cher si on ne s'en occupe pas. Je pense que ça va être important, peut-être, de définir des clientèles régionales. Et on peut comprendre que localement la priorité ne sera peut-être pas de donner des services à ces clients-là, mais peut-être qu'à l'échelle de Montréal ou dans un territoire de MRC, sur un territoire plus vaste, ça va être important de dire: Bien, cette clientèle-là a besoin de services et il y a une ou deux ressources sur un plus large territoire que seulement celui de l'arrondissement ou d'une petite localité. Alors, c'était ça, l'intention qu'on avait par cette recommandation-là. C'est de reconnaître qu'il y a des clientèles qui, par leur spécificité, ne sont pas suffisamment nombreuses localement pour qu'on veuille effectivement y accorder des budgets, mais, quand on prend à l'échelle un petit peu plus large, la région, bien, ça devient important de s'en occuper, d'autant plus qu'elles coûtent cher si on ne s'en occupe pas.

M. Gagnon (Pierre): Si je prends la région de Québec, il y a un seul service pour ex-détenus, mais on dessert la clientèle de Sainte-Foy et de la rive sud, Portneuf, et ça va jusqu'à la côte de Beaupré, incluant tout ce qu'on pourrait appeler le Québec Métro. Alors, si vous avez un CLE qui est plus localisé, ce n'est pas évident. Là aussi, l'autre aspect de la notion de régionalisation régionale, décision dite régionale, et budget dit régional aussi.

Mme Barbeau: Là, ça éclaircit. J'aurais... J'ai encore le temps?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Vanier, avec votre permission, je vais revenir à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et, s'il nous reste du temps avant 11 h 59, 11 h 58, je reviendrai. Vous avez Mme la députée de Mille-Îles aussi qui veut intervenir. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Je vais essayer d'être brève pour laisser la chance à la députée de pouvoir revenir. En ce qui concerne l'emploi, je n'ai pas à vous faire le portrait de ce qui se vit actuellement sur le terrain. Je pense que vous la connaissez très bien, la situation. Moi, j'aimerais revenir au niveau que l'ensemble de la main-d'oeuvre va être regroupé: les prestataires de l'aide sociale, les chômeurs de l'assurance-emploi, les sans-chèque, les étudiants et toutes les personnes qui sont à la recherche d'emploi. On nous dit que, bon, en rapatriant les fonctionnaires du fédéral et les fonctionnaires existants du ministère de la Sécurité du revenu, il y aura suffisamment de gens pour répondre à la demande. Moi, je questionne ça beaucoup, là. J'aimerais vous entendre sur ça et savoir si, vous, vous dites... Parce que plusieurs groupes nous ont dit: Il va falloir que le gouvernement ajoute des ressources et mette plus d'argent, de l'argent neuf, pour que ça fonctionne, cette réforme-là, pour l'ensemble de la main-d'oeuvre.

M. Gagnon (Pierre): Je pense que si c'était suffisant, on n'aurait pas créé depuis une vingtaine d'années un ensemble d'organismes, c'est-à-dire... En tout cas, nous, on en représente 110. On dessert quand même 30 000 personnes. Il me semble qu'on n'aurait pas développé des services dits externes pour desservir les populations majoritairement en difficulté. Et, si je connais aussi le système du ministère de la Sécurité du revenu, il existe aussi, si j'ai bonne mémoire, les SEMO qui desservent des clientèles, et maintenant les carrefours jeunesse-emploi. Donc, quelque part, pour moi, ce n'est pas évident que – je vais utiliser le mot général – la fonction publique peut être en mesure de desservir toute cette population-là. Mais je ne sais pas si...

Mme Galarneau (Nicole): J'ajouterai que... Effectivement, Mme Harel qualifie ça d'une très grande industrie du chômage, sauf qu'à l'heure actuelle, même en allant chercher les fonctionnaires du fédéral, il y a déjà des gens qui travaillent, que ce soit aux centres d'emploi ou aux CTQ. Puis j'ajouterai à ceux dont Pierre a parlé des gens maintenant dans les commissions scolaires qui offrent des services d'intégration socioprofessionnelle. Sauf que ces services-là, généralement, ils s'adressent à des gens que je dirais standard. Quand on arrive à des besoins plus spécifiques, il me semble que les ressources ne sont peut-être même pas suffisantes. Alors, on a peut-être moins d'inquiétude sur le nombre de travailleurs qui sont dans cette industrie du chômage. Parce que les services spécifiques, c'est quand même une expertise qui n'est pas développée à outrance.

Mme Loiselle: Vos préoccupations, c'est plus au niveau des gens, comme vous avez précisé tantôt, monsieur, qui sont les plus démunis au niveau de l'emploi, qui demandent peut-être plus de temps à se réinsérer sur le marché du travail. O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Mille-Îles, deux minutes, deux minutes et demie.

Mme Leduc: Rapidement, deux minutes. Alors, je vais quand même saluer les personnes qui sont là, particulièrement Mme Galarneau que ça fait un bout de temps qu'on n'avait pas vue mais on a collaboré souvent ensemble. C'est sûr que vous reconnaissez, dans la réforme... une de vos demandes est, dans le fond... que les prestataires de la sécurité du revenu ont les mêmes ressources. Alors, je n'élaborerai pas trop là-dessus.

Vous avez questionné beaucoup, dans vos interventions, le fait – puis je connais bien vos services – qu'il fallait que les gens se présentent chez vous d'une façon volontaire, c'était la façon optimum d'avoir des résultats. Mais, quand on parle de parcours individualisé, vous seriez pour quelqu'un qui entreprendrait un parcours individualisé, possiblement, un choix qu'il ferait dans son parcours. Dans cette mesure-là, il irait chez vous d'une façon volontaire. Est-ce que vous envisagez ça de cette façon-là? Et, quand il arriverait vraiment dans vos services plus spécifiques, ce serait un choix volontaire qu'il aurait fait à l'intérieur de son parcours qui, lui, n'était peut-être pas... Il n'avait peut-être pas le choix d'entreprendre ce parcours-là, mais, arrivé chez vous, il aurait fait ce choix-là.

Maintenant, même sur le volontariat, j'aimerais vous entendre. Parce que je ne mets pas en doute, et je le sais, que la plupart des prestataires de la sécurité du revenu souhaitent intégrer le marché du travail. Mais on sait que, pour la clientèle en tout cas qui serait priorisée dans le non-volontariat, au début, la clientèle des jeunes, ils sont découragés, puis on leur dit que c'est vraiment bouché. Alors, dans le fond, quand on leur... que ça ne donne pas grand-chose d'entreprendre des démarches, que ça ne donnera rien, qu'il n'y a pas d'emploi, qu'il n'y a pas ci... Alors, dans le fond, le parcours individualisé n'a pas... Dans le fond, c'est de les réunir quelque part, de les faire étudier pour voir s'il n'y aurait pas une action possible pour eux à prendre, à entreprendre et, dans ce sens-là... Parce que le discours sur le volontariat, je l'ai eu aussi beaucoup et je me dis: Bien, il y a comme une mise en marche vers des gens qui souhaitent sortir mais qui sont comme découragés, qui n'ont plus d'espoir, qui disent que ça ne vaut pas la peine d'entreprendre quoi que ce soit, il n'y a rien pour nous. Alors, c'est dans ce sens-là que je me dis: Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait une possibilité à ce moment-là, pas vis-à-vis de vos services, c'est sûr, parce que, moi, je pense qu'ils vont arriver chez vous d'une façon volontaire de deuxième ligne...

Mme Vallières (Sylvie): Moi, madame, je ne suis pas très, très à l'aise, justement... Si vous me désignez les gens comme étant justement des jeunes qui ne croient plus en rien, je ne suis pas très, très à l'aise de...

Mme Leduc: Pas qui ne croient pas. C'est qu'ils n'ont pas... qu'on leur a décrit la situation du marché du travail en voulant dire qu'il n'y a rien à faire.

Mme Vallières (Sylvie): Mais ce n'est peut-être pas nécessaire de leur présenter notre parcours comme étant obligatoire. Il y a certainement une façon, par l'information, puis une information... Si on leur dit qu'il n'y a pas d'espoir, on se fait hara-kiri nous-mêmes. Parce qu'on les aide à s'outiller pour faire de la recherche d'emploi, entre autres services, alors c'est un peu contradictoire. Mais ça ne m'apparaît pas vraiment une approche aidante que de dire à la personne: On va te rendre la démarche obligatoire parce que tu n'as pas d'espoir. Je pense qu'on a tellement des moyens d'aborder la personne autres que de l'insérer...

Quand vous me dites aussi qu'on est une mesure dans son parcours, vous savez, les services, à travers les années, ont développé un éventail de services qui ressemblent, en fait, à un parcours. On accueille la personne, on fait l'évaluation de son profil d'employabilité. Ça peut entraîner qu'on va la référer vers une formation qu'on ne donne pas dans notre organisme. Si elle est gardée chez nous, c'est parce que, là, elle peut se voir dispenser des services de développement de l'employabilité, ensuite il y a un suivi.

(12 heures)

Alors, finalement, pour certaines personnes, le passage dans notre organisme va être principalement son parcours et parfois il va s'ajouter d'autres mesures comme, par exemple, la formation. Alors, c'est un peu difficile de voir la nuance. Quand elle nous arrive, on a beau lui dire, puis c'est ce qu'on fait, qu'on prend les personnes de façon volontaire, qu'il faut qu'elle soit intéressée à participer, c'est la situation qu'on vit. Je suis forcé de venir chez vous. Mais non, tu n'es pas forcé. O.K.? Puis, là, il y a tout un travail. Oui, mais, si je ne reste pas chez vous, je perds 100 $. Alors, c'est ça, l'enjeu, là. Puis, là, ça ne va pas être: Je perds 100 $, c'est: Je vais être coupé de 150 $. Alors, c'est pour ça que ça nous place dans une situation déjà où on a à intervenir dans ce contexte-là. Mais on est prêt à travailler avec les gens, vous savez, puis on réussit effectivement à convaincre les gens d'entrer dans une démarche de façon volontaire. Ce qu'on dit, c'est que ça ne facilite pas le travail parce que les gens sont fermés, puis on ne jouera pas un rôle de personne qui vient contrôler. On sait que ce n'est pas notre travail. Puis ça, c'est clair.

Mme Leduc: Non. Ça, je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, monsieur, malheureusement... Mesdames, monsieur, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie beaucoup. Je suspends les travaux jusqu'à 16 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux et nous recevons les représentantes et représentants de la Confédération des organismes familiaux du Québec inc. Mme Saint-Laurent, c'est vous qui présentez les gens qui vous accompagnent et qui débutez la présentation de 20 minutes.


Confédération des organismes familiaux du Québec inc. (COFAQ)

Mme Saint-Laurent (Carmen): Parfait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Je vous présente Mme Lysane O'Sullivan, administratrice à la COFAQ, et mon secrétaire général, M. Denis Perreault.

Un maillon de la solution, où se trouve la chaîne? M. le Président, membres de la commission, permettez-moi, au nom de la Confédération des organismes familiaux du Québec, de vous remercier de l'opportunité qui nous est offerte de venir vous livrer nos réflexions communes concernant le livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu.

Depuis plusieurs années, le gouvernement du Québec a mis de l'avant des initiatives et a soutenu des actions dans plusieurs milieux afin de venir en aide aux personnes touchées par la pauvreté. Pour continuer de répondre à cette situation déplorable, la réforme de la sécurité du revenu table sur la relance de l'emploi et l'assainissement des finances publiques. Il n'est donc pas étonnant de voir s'inscrire des conditions de resserrement financier imposées aux bénéficiaires de l'aide sociale. Il faut ramener le monde au travail pour alléger le fardeau fiscal. L'insertion en emploi, prétexte discursif, est très secondaire. Ne sert-il pas de camouflage au manque de courage politique? Nous savons que le marché du travail offre peu et exige de plus en plus. Que penser de la précarisation des emplois, des multiples exigences demandées, de la compétition acharnée, des emplois temporaires ou à temps partiel et à heures coupées, etc.? Pendant ce temps, les salaires plafonnent, contrairement au coût de la vie qui poursuit sa lente, mais inexorable progression.

Il est vrai que la société doit s'ajuster à une mutation du marché de l'emploi, au cadre de la concurrence économique mondiale, à l'automatisation croissante et à la recherche du profit, à court et à moyen terme. Pour redonner espoir aux citoyens et aux familles du Québec, le gouvernement crée de nouvelles structures locales, PLACE et CLE, décentralise les pouvoirs et continue de catégoriser les individus. Ces structures locales offriront des parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi. N'est-ce pas là tenter de faire reporter sur le citoyen la responsabilité de notre incompétente gestion et de la précarité du nouveau marché du travail qui nie la valeur des ressources humaines, avec comme seul objectif le profit maximum? Les structures proposées ne sont-elles pas de nouveaux moyens pour refiler aux localités le problème que le gouvernement semble incapable de régler? Les nouveaux instruments locaux auront-ils les moyens d'accomplir l'ampleur de la tâche?

Le livre vert parle de favoriser et de proposer, mais, du même souffle, impose sa vision tronquée de la réalité. D'insertion au marché du travail, de quoi parle-t-on? Le livre vert se veut rassurant et propose d'offrir un parcours vers l'insertion à l'emploi. Pourquoi occulte-t-on les taux réels de chômage dans ce document? Un parcours d'insertion à l'emploi, mais pour quel emploi? Si seulement les Québécoises et les Québécois n'étaient pas quelques centaines de milliers à se chercher un emploi, ils pourraient, à la limite, accepter cette responsabilité, mais, devant un tel échec de notre société, où l'incompétence politique est érigée en système, il s'avère tout à fait inacceptable d'assumer une telle responsabilité. Nous avons, certes, une responsabilité collective, mais, en ce qui touche la responsabilité individuelle, ne frisons pas l'indécence, surtout de la bouche de ceux qui ont le plus profité de la relance économique des dernières années, soit la classe économique et la classe politique.

Le ministère de la Sécurité du revenu parle d'une diminution probable des allocations afin de stimuler et d'accentuer les mesures actives d'employabilité au niveau des organismes communautaires. Concrètement, où se situe la vision à long terme de cette action? Cette dernière action favorisera-t-elle l'éventuelle autonomie du prestataire? Lui redonnera-t-elle un peu de sa dignité perdue? Ne peut-on parler de sous-salariés et de travailleurs de deuxième ordre? L'auteur, Claude Paquette, ne nous indique-t-il pas que la compétitivité et la productivité sont des valeurs étroitement reliées à celles de la suprématie? C'est une logique du gagnant-perdant. Les perdants sont évidemment plus nombreux que les gagnants: un gagnant pour neuf perdants. Que sera un monde meilleur avec une telle logique? Il sera probablement meilleur pour les meilleurs.

Doter le bénéficiaire de la sécurité du revenu d'un sinueux parcours individuel de formation en emploi, diminuer le temps consacré à l'enfant à l'intérieur de la cellule familiale, créer d'autres structures de garderies obligatoires pour les prestataires, voilà quelques exemples de mesures que propose le livre vert de la réforme. Est-ce donc cela la nouvelle reconnaissance de la famille et des responsabilités parentales? Y retrouve-t-on la base d'une société plus sensible aux besoins des familles? Laissons tomber, pour une fois, les préjugés à l'égard des assistés sociaux. Nous parlons de familles à faibles revenus, d'être humains mal situés dans les valeurs de cette fin de siècle, ayant bénéficié de moins de privilèges que les autres, situation qui profite amplement aux personnes les mieux nanties.

Des politiques sociales sur le dos des familles. De l'aveu même des auteurs du livre vert, la classe économique n'a pu créer que 0,2 % d'emploi, comparativement à une performance économique de l'ordre de 1,1 %. Les millions de profits des banques et des entreprises les plus performantes, performances réalisées sur le dos et la mise à pied de milliers de travailleurs, n'ont pas suffi à contrer l'appauvrissement des Québécois et à redonner un dynamisme nouveau au marché de l'emploi. Est-il raisonnable de proposer que, par leur seule force, les travailleurs les plus fragilisés pourront créer des emplois manquants par leur seule implication à un plan d'insertion individualisé vers l'emploi? Est-ce de l'ignorance ou du mépris?

Dans le livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu, l'on chercher à éviter la responsabilité politique de notre incompétence collective à une plus équitable redistribution de la richesse collective en pointant du doigt le travail au noir. L'on décrit les effets du travail au noir sans oser poser la question du pourquoi de ce fléau social, véritable croissance de l'antisolidarité sociale. N'est-ce pas la seule réponse des citoyens et des citoyennes aux incuries de la classe politique et économique dont ils subissent depuis très longtemps l'indifférence? Le livre vert ressemble davantage à des réponses de fonctionnaires bien nantis qu'à de véritables réponses adaptées et réalistes au problème actuel de la pauvreté par le sous-emploi et la très mauvaise répartition de la richesse collective.

Les questions que nous posons: Ne fait-on pas payer aux seules familles les coûts sociaux de la pauvreté des enfants? Va-t-on désormais faire reposer la responsabilité des enfants sur le seul dos des familles moyennes? La réponse aux deux questions, à la lecture du livre vert, c'est oui. Les sommes redistribuées pour soutenir les familles les plus pauvres le sont à même les sommes investies pour les familles. Peu ou pas de sommes additionnelles. Les familles moyennes devront perdre des revenus pour assurer la nouvelle réforme. Le très respectable journal Les Affaires , que l'on ne peut taxer de partisanerie, indique que les familles à revenus moyens avec plusieurs enfants et les familles dont un conjoint est à la maison sont les grands perdants de la nouvelle réforme. Par contre, les familles à revenus de 70 000 $ et plus seront gagnantes dans la mesure où leurs enfants fréquenteront les garderies.

(16 h 20)

Les garderies. Est-ce là établir l'équité sociale? Est-ce là responsabiliser la société au fait social que sont les enfants? La chaîne est manquante. Les enfants doivent demeurer une responsabilité collective. Les parents seuls ne peuvent suffire à garantir le mieux-être des enfants et à assurer le sain développement de tous les membres de la famille. Il faut obliger l'ensemble de la société, et surtout les célibataires et les couples sans enfants qui profiteront le plus de la distribution de la richesse collective, à fournir leur part. Le livre vert ne prend aucun compte de ces faits. Seules les familles sont dans l'obligation de payer. Est-ce cela, promouvoir la solidarité sociale? Des allocations unifiées à l'avantage de qui?

À la suite de l'analyse de la professeure de sciences économiques Ruth Rose, de l'Université du Québec à Montréal, nous soutenons que l'ensemble de la réforme de la sécurité du revenu est répressif et pénalisera davantage les personnes qui sont déjà victimes du chômage. Quoique la proposition d'impliquer davantage les ressources locales puisse être positive, il n'est pas nécessaire d'ajouter des mesures punitives ou de couper davantage dans les prestations qui ont déjà fait l'objet de coupures répétées au cours des années récentes. La politique d'allocation unifiée entraîne des coupures de l'ordre de quelques centaines de dollars pour certaines familles, incluant des familles à l'aide sociale et à salaire faible. Les familles ayant des enfants de moins de six ans et les familles nombreuses perdront le plus. De façon paradoxale, de dire cette chercheuse, la politique annoncée au chapitre des services de garde nuira surtout aux familles monoparentales à faible salaire, ceci étant un non-sens, puisqu'un des objectifs centraux de la réforme est d'aider les femmes monoparentales à réintégrer le marché du travail. Étonnant, n'est-ce-pas?

Mme O'Sullivan (Lysane): Je vais prendre la relève, si vous me le permettez. Le droit à un revenu décent est-il devenu un privilège? Il est clair que nos décideurs se questionnent sur la nécessité d'adopter des priorités qui auront la caractéristique de ne pas indisposer leurs partenaires économiques. Permettez-nous une autre citation, celle de Léo-Paul Lauzon, professeur de l'Université du Québec à Montréal: «Sur le territoire du Québec, les intérêts coûtent aussi cher que le bien-être social, les pensions de vieillesse et l'assurance-chômage réunis. Bombardier, n'ayons pas peur de le dire, est le plus gros assisté social du Québec.»

Nous sommes tous désormais conscients de ces inéquités et des injustices sociales qu'elles produisent. L'intolérance et l'inconséquence des entreprises à assurer et à défendre les exclus n'ont d'égal que leur appétit à profiter largement de notre richesse collective. À terme, nous assistons à l'appauvrissement progressif de la société toute entière. D'ailleurs, la plus grande partie des profits ne s'envole-t-elle pas vers l'étranger? Les familles et leurs enfants sont les premiers à en payer le prix. Le Québec ne dénombre-t-il pas 20,1 % d'enfants pauvres? La pauvreté des familles constitue un problème capital dont les conséquences sont très coûteuses sur les plans humain, social et économique. Cette pauvreté affecte non seulement les familles à faibles revenus, mais aussi, de plus en plus, les familles de la classe moyenne. La famille est le premier lieu de socialisation de l'enfant, son premier regard sur le monde. Le ventre vide, peut-il performer à l'école? Le soir, ses parents épuisés peuvent-ils lui apporter le soutien pourtant essentiel à son rendement scolaire?

Nous assistons, impuissants, au questionnement de certains jeunes sur le droit de mettre un enfant au monde dans de telles conditions. La solution proposée par le livre vert est d'enlever ces enfants à leur famille le plus rapidement possible au lieu de leur garantir les moyens d'assurer pleinement leurs responsabilités parentales. Le livre vert ne marche-t-il pas sur la tête en inversant le problème ou cache-t-il plutôt un constat facile d'incompétence parentale généralisée? Propos de bureaucrates et de professionnels que nous avons déjà connus, l'État québécois sous-entend-il que le problème des enfants pauvres, c'est leur famille, leurs parents? L'Année internationale de la famille n'avait-elle pas pour but de démontrer au monde entier que la famille est la première et la plus importante cellule de toute société et du premier apprentissage de la démocratie? Au lieu de nier les habiletés parentales, ne devrions-nous pas les renforcer, entre autres par le renforcement des relations intergénérationnelles?

Le problème de la pauvreté ne découle pas de la responsabilité des parents ni des familles, mais découle d'un manque de vision, d'une solidarité sociale constamment minée par des interventions institutionnelles inadéquates, des priorités pour les plus privilégiés et d'actions déficientes. Le problème de la pauvreté provient d'un projet de société plus pauvre encore que la pauvreté elle-même. Reconnaissons notre incompétence passée et corrigeons dès que possible ces inéquités. Investissons dans l'avenir de notre société, de nos familles et de nos enfants. Proposons, favorisons par l'exemple au lieu de contrôler et d'imposer. Une société se renforce par le volontariat et non par la contrainte.

Il faut convenir rapidement, clairement et sans crainte du principe d'une équitable redistribution de la richesse. Il faut reconnaître également le travail à l'éducation des enfants, le rôle et l'importance des familles. L'humain doit être au centre des préoccupations. Il ne s'agit pas là d'un privilège, mais d'une nécessité. Chaque citoyen doit avoir accès à sa part du produit social, car chaque citoyen contribue à la richesse sociale. Ce qui nous est présenté dans ce livre vert est un maillon de la solution. Il vient trop tôt dans la restructuration, car, avant de responsabiliser les perdants dans la logique économique, les jeunes, les peu instruits, les familles pauvres, il faut corriger le problème à la source, une meilleure et plus équitable distribution des richesses collectives. Cette équitable distribution doit-elle passer par un revenu minimum garanti? La question est posée. Une société juste, équitable et humaine ne doit-elle pas utiliser tous les moyens nécessaires pour garantir un revenu décent à tous?

Pour toute conclusion, nous reprenons les propos d'une femme simple et sensée, une jeune femme chef de famille monoparentale et qui vit depuis peu de l'aide sociale après avoir occupé plusieurs emplois précaires: «Au fond – continue Gisèle – l'objectif de la réforme est de rendre un peu plus viable le travail à faible salaire ou le travail précaire pour des responsables de familles. Le coût de la réforme est payé par des familles à revenus moyens et faiblement élevés.»

En terminant, mentionnons que nous appuyons la Coalition pour une vraie politique familiale qui a vu le jour avec le dépôt du livre blanc sur les nouvelles dispositions de la politique familiale et le livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu. Cette Coalition représente les familles nombreuses à revenus moyens qui ne comprennent pas qu'on leur demande de contribuer davantage pour contrer la pauvreté des enfants, à elles qui, pourtant, contribuent le plus à la reproduction de cette société. M. le Président, membres de la commission, permettez-nous de vous présenter leurs représentants qui sont ici parmi nous, Mme Johanne Comtois et M. Yves Ménard. Merci de votre attention. La présidente va vous soumettre nos recommandations.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Les recommandations. La réforme de la sécurité du revenu nie dans sa démarche la solidarité sociale et devrait plutôt persuader par l'exemple et non par la contrainte. Les mesures de retour au travail devraient être expérimentées dans les régions les plus touchées par le chômage et être offertes ensuite sur une base volontaire aux prestataires.

Nous demandons que l'allocation unifiée pour enfants soit bonifiée pour offrir un support convenable aux familles et que les seuils de réduction de l'allocation soient harmonisés avec les seuils de faibles revenus reconnus par Statistique Canada. Nous demandons qu'une famille puisse également demander un rajustement de l'allocation unifiée dans le cas d'une baisse de revenus résultant du chômage, d'un changement d'un emploi à temps plein à un temps partiel ou pour toute autre raison.

Nous demandons que les prestations de base soient conformes au seuil des besoins essentiels déterminés et reconnus par le gouvernement. Nous recommandons que soit examinée la possibilité de créer un revenu minimum garanti afin de garantir une plus équitable distribution de la richesse collective.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Sherbrooke à débuter l'échange.

Mme Malavoy: Bonjour, Mme Saint-Laurent, M. Perreault et Mme O'Sullivan. Vous avez compris que ma collègue ne pouvait être avec nous aujourd'hui et que j'ai l'agréable tâche de la remplacer, avec mes collègues aussi, qui pourront poser des questions.

(16 h 30)

En parlant de questions, vous en posez vraiment beaucoup dans votre mémoire. Je dirais qu'il y a des pages entières qui sont des questions. Il y a des recommandations à la toute fin, mais il y a vraiment une analyse critique, mais en même temps sous forme interrogative. Dans votre mémoire, à répétition, là, vous nous renvoyez un peu à nous-mêmes en nous demandant si on a bien compris les vrais problèmes ou si on ne fait pas pire avec cette réforme que ce qui existait avant. Je sais bien que vous posez des questions pour que nous y répondions nous-mêmes, mais, moi, j'aimerais vous en poser quelques-unes, au moins pour bien comprendre les vôtres, si vous permettez. Et je commencerai par une crainte que vous exprimez dans votre mémoire, à la page 8, au dernier paragraphe. Vous exprimez une double crainte, et j'aimerais la comprendre parce que, pour nous, il s'agit là d'un double défi. Mais j'aimerais bien comprendre comment vous avez conclu de cette manière-là la lecture du livre vert. Votre double crainte, c'est celle-ci: c'est, d'une part, que l'on reporte sur le citoyen la responsabilité des problèmes du nouveau marché du travail; et l'autre aspect de la crainte, c'est qu'on refile aux localités un problème que le gouvernement ne serait pas capable de gérer lui-même. Donc, une double crainte que les personnes soient interpellées, aient des obligations et que les localités aient des obligations. Or, je dirais, le coeur de cette réforme, c'est précisément de chercher un équilibre entre ce que l'on demande aux personnes, qui est de s'inscrire dans un parcours individualisé, et ce que l'on demande aussi aux localités, qui est non pas de faire ce que le gouvernement ne veut pas faire... Il restera toujours des ministères et un gouvernement pour donner des grandes indications, des grandes orientations nationales, mais on pense que les localités sont probablement les mieux placées pour définir quelles sont les orientations d'un plan concerté en faveur de l'emploi.

Pour nous, donc, le pari, c'est que les personnes assument leurs responsabilités et qu'au plan local on assume ses responsabilités, le plan local n'étant pas forcément uniquement les localités, parce que «localité», ça fait référence, des fois, à municipalités. Pour nous, le territoire est plus grand que ça, c'est au moins celui des MRC. Mais j'aimerais mieux comprendre cette inquiétude que vous avez parce que, pour nous, c'est vraiment au coeur, cette double responsabilité individuelle d'un côté et collective de l'autre. Je commencerais par cette question.

M. Perreault (Denis): Si vous le permettez, Mme la porte-parole officielle du gouvernement et M. le Président. Donc, cette question est à deux volets. Nous avons posé beaucoup de questions parce que nous n'avons pas la prétention d'avoir l'ensemble des réponses. À la lecture du livre vert – et on doit aussi y adjoindre le livre blanc – ça nous a posé beaucoup d'interrogations. Ça nous a permis justement, peut-être, de se dire que le bien-fondé de ces deux livres, de ces deux énoncés de politique ramènent peut-être les vrais débats à la surface de ce que nous voulons comme type de société.

Nous avons, dans le communautaire, connu beaucoup de programmes d'employabilité, beaucoup de programmes d'insertion à l'emploi. Nous sommes peut-être les maîtres, les chefs de file dans cette expérimentation, donc nous possédons cette expertise qui nous a fait dire très souvent que beaucoup de programmes, malgré plein de bonne volonté, n'amenaient pas nécessairement et très peu souvent vers des emplois permanents et des emplois rémunérés adéquatement. Bon. Alors, ces programmes que nous avons connus par le passé se dessinent maintenant vers ce qu'on appelle des programmes plus individualisés. Notre crainte, c'est de faire croire, c'est de penser que les prestataires, les gens qui vont s'inscrire dans ces programmes, qui sont des travailleurs fragilisés, avec peu de moyens se sentiront coupables et responsables de ce manque d'insertion à l'emploi. Mais on sait très bien que, après plusieurs années d'expérience de ce type de programmes qui avait d'autres formes et qui était très souvent lié à une expérimentation sur le marché du travail, ça ne cheminait pas vers des emplois réguliers parce qu'il n'y en avait pas d'emplois, parce que ce type, donc, de programmes qui amène un cheminement particulier, que ce soit par des formations, que ce soit par des expérimentations en travail, peut cheminer vers des emplois réguliers si les emplois réguliers existent.

Ceci nous amène donc à poser la première interrogation. Si on ne réussit pas à créer un dynamisme social ou un dynamisme économique qui permettra de pouvoir offrir des emplois à ceux qui chemineront, je veux dire, on est dans une espèce de cul-de-sac, dans un premier temps. On table beaucoup – et j'étais participant au Sommet socioéconomique à titre d'observateur – sur l'économie sociale. Nous aussi, on croit que c'est intéressant même si on sait, de par le passé et depuis l'ère de la révolution industrielle, que l'économique et le social ne font pas toujours bon ménage. Mais l'économie sociale a ceci d'intéressant, c'est donc le développement économique du social qui permettrait d'offrir des services, donc qui permettrait d'augmenter peut-être un certain niveau d'emploi de ce côté-là en créant donc un effet d'employabilité. Mais on sait très bien que, dans l'économie sociale, les besoins sont très grands, mais que le pouvoir d'achat d'acheter les services qui offriraient, donc, services à ces besoins est très faible. Alors, ça voudrait dire quoi? Ça serait donc des emplois, encore, qui seraient précarisés, qui auraient un statut partiel, etc. Donc, ce sont ces interrogations-là qui nous font dire que, si on ne travaille pas dès le départ sur les véritables causes que sont le développement économique... Et ça peut le prendre du côté du social, des services, etc. Je pense qu'on y est et qu'on est rendu dans cette période du développement social, mais ça nous interroge, parce qu'on se dit: Après ces programmes d'insertion qui auront responsabilisé et, quelquefois, même, culpabilisé les individus à titre individuel, quelle sera la part de l'État ou du gouvernement qui permettra d'assurer qu'il y aura suffisamment d'emplois pour combler ces attentes et ces espoirs qui auront été suscités? Ceci est le premier volet de votre question.

Le deuxième concerne les localités, c'est-à-dire que, nous, on a craint... Et je suis rassuré et j'espère être rassuré sur le fait de dire que, étant donné que le gouvernement n'arrive pas à recréer ce dynamisme économique ou social, comme vous le voulez, pour créer ces types d'emplois, c'est l'affaire des localités, c'est l'affaire, donc, du régional. Ces gens-là doivent se dynamiser entre eux pour créer ces fameux emplois, mais par quel moyen arrivera-t-on à ce miracle? Et ce qui nous pose problème, c'est que la vitesse à laquelle on doit réunir les partenaires pour arriver à mieux circonscrire ce dynamisme n'ira pas nécessairement au même rythme que les programmes d'insertion individualisés, parce que le programme d'insertion individualisé, très rapidement, on peut le faire en moins de six mois, un an, deux ans. Est-ce qu'on pourra répondre, de la part des conseils régionaux ou des comités régionaux, à la même vitesse, d'ici un an, deux ans, au nombre d'emplois qui auraient été suscités par ces espoirs d'insertion?

Alors, c'est un petit peu les interrogations que nous avions, et, compte tenu de l'expertise que nous avons dans le domaine des programmes d'employabilité, ça nous paraissait tourner, en tout cas, la courbe assez rapidement. Et, là-dessus, les modalités de ça, je pense qu'il faudrait les mieux définir, essayer de voir quel type d'emplois. On peut dire aux gens: Vous avez un programme d'insertion en emploi individualisé. Mais la partie n'est pas gagnée à partir de là. Il va falloir qu'il se définisse des paramètres, des partenariats qui permettent d'arriver à des emplois permanents rémunérés.

Mme O'Sullivan (Lysane): Je...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, un instant. Mme O'Sullivan.

Mme O'Sullivan (Lysane): Si je peux me permettre de rajouter à ce que M. Perreault a dit, je ne sais pas si, dernièrement, vous avez des gens dans votre entourage qui se sont cherché du travail. Il y a présentement, dans le milieu du travail, des gens avec d'énormes compétences, des jeunes qui sortent... Et, étant d'une famille à faibles revenus, ça fait un an que je me cherche du travail, et le sentiment de culpabilité, d'incompétence et d'ignorance commence à s'installer. Et, à la lecture du mémoire, j'ai eu comme l'impression que vous n'étiez pas branchés, mais pas du tout.

Mme Malavoy: Pas branchés sur quoi?

Mme O'Sullivan (Lysane): Sur la réalité de la population. Vous nous faites miroiter de l'emploi qui n'existe pas.

Mme Malavoy: Où vous fait-on miroiter de l'emploi dans la réforme?

Mme O'Sullivan (Lysane): Pourquoi vous feriez un plan d'insertion sociale à l'emploi s'il n'y a pas d'emplois?

Mme Malavoy: Mais quel est l'avantage de ne rien faire du tout? Je peux vous renvoyer la question.

Mme O'Sullivan (Lysane): Je cherche à faire quelque chose. Il n'y en a pas. On automatise. Desjardins va mettre plusieurs personnes dehors pour les remplacer par des machines. Où on va travailler tantôt? Et les femmes qui sont à domicile, qui travaillent à élever leurs enfants, on les pénalise et on leur dit: C'est une honte, sortez de votre cuisine. C'est quoi, le travail? Ça veut dire quoi, le travail? Ça veut dire quoi, l'emploi, aujourd'hui, dans notre société?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

(16 h 40)

Mme Malavoy: Bon. Vous me permettez de revenir à quelques éléments. J'essaie de reprendre les choses un peu globalement. D'ailleurs, c'est comme ça que vous abordez la question. Vous l'abordez de façon globale, ce n'est pas de façon pointue. Il y a des éléments avec lesquels on doit composer. Je pense qu'on s'entend, vous et moi, que notre société, comme les sociétés industrialisées, traverse une crise de l'emploi. C'est un fait. On a essayé, dans le premier chapitre, de faire un peu un tour d'horizon pour rappeler l'origine de ce problème-là ou, tout au moins, ses grandes caractéristiques. C'est un fait, on est dans un contexte où les fonctions publiques sont dans un état assez désastreux. On essaie de remonter la pente et on a convenu, dans une forme de consensus qu'il faut réaffirmer régulièrement, qu'on essayait de viser le déficit zéro. C'est aussi un cadre dans lequel on doit travailler.

On a des éléments, je pense, d'imagination créatrice qui nous permettent de croire qu'un chantier comme celui de l'économie sociale, par exemple, peut être une piste, O.K.? Les deux autres choses étant connues, peut-être une piste. Et on est loin, évidemment, d'être à l'heure du bilan. On est à l'heure, plus, là encore, de l'imagination créatrice, d'essayer de voir de quoi on parle, d'essayer de faire des expériences. Il y a quelques expériences qui commencent à être financées dans les différentes régions du Québec et avec un peu d'argent neuf. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais un petit peu d'argent neuf. C'est ça, notre contexte, notre toile de fond pour le livre vert de la sécurité du revenu.

Ce que, nous, on se dit, c'est que la pire chose à faire, c'est ou bien de ne rien faire pour pas toucher aux gens, pour ne pas les déranger, pour ne pas les culpabiliser puis pour ne pas les rendre responsables de ce qui se passe, donc ne rien faire, ou encore... Et ma crainte, c'est que vous sautiez à l'autre extrême. Je vous le dis spontanément, comme je le vois. L'autre extrême serait de poser tout en termes de grands défis collectifs, mais du genre: redistribuons la richesse, luttons contre le travail au noir, qui sont aussi des nécessités qui seront travaillées dans d'autres secteurs, mais qui, de toute façon, ne peuvent pas régler le problème de la sécurité du revenu. Le problème de la sécurité du revenu, c'est qu'on a actuellement 80 % des personnes adultes qui y sont et qui sont, de fait, des chômeurs et des chômeuses déguisés, en tout cas des gens qui voudraient et qui pourraient travailler. C'est vrai qu'il faut toucher au travail au noir aussi. C'est vrai qu'il faut avoir des politiques fiscales qui soient équitables aussi, mais, si on se recentre sur la sécurité du revenu, il faut qu'on offre aux personnes, disons, soit la meilleure solution ou encore le moindre mal, et ce qui nous semble le meilleur pour nous, c'est de dire: Même s'il n'y a pas tous les emplois qu'on voudrait, d'inscrire les gens dans un parcours individualisé, ça met tout au moins des chances de leur côté.

C'est vrai pour tout le monde, c'est vrai aussi pour les femmes parce que... Bon, vous voyez un jugement dans notre mémoire sur la situation des femmes avec leurs responsabilités familiales et, particulièrement, d'éducation des enfants. Ce n'est pas notre propos de vouloir faire croire qu'on critique le rôle de mère, mais ce que nous savons, c'est que la pauvreté des femmes tient en très grande partie à leur pauvreté et à leur absence d'autonomie au plan économique. Je vous dis juste un petit chiffre en passant. Sur environ 1 200 dossiers nouveaux qu'on ouvre à l'aide sociale tous les mois, il y en a environ 400 qui sont des dossiers ouverts pour des familles monoparentales, et la cause principale d'arrivée à l'aide sociale de ces personnes-là, c'est la perte d'un conjoint. C'est parce que ces femmes-là vivaient avec quelqu'un qui est parti, et, étant complètement démunies au plan économique, elles se retrouvent à l'aide sociale. Et nous ce qu'on veut, c'est leur dire: Ne comptez pas sur d'autres ressources extérieures, et on va vous aider à vous mettre sur les rails et à vous inscrire dans un parcours qui vous permettra, tout en continuant à être des mères, aussi d'acquérir une certaine autonomie financière, parce que, si les femmes n'ont pas d'autonomie financière, elles vont continuer à être les plus pauvres parmi les plus pauvres. Bon. J'ai assez parlé, là, je vous laisse réagir à mon propre questionnement.

M. Perreault (Denis): Un des éléments que j'aimerais rajouter, Mme Malavoy, et, si vous me le permettez, M. le Président, c'est que le plus haut taux de participation aux programmes d'employabilité, de par le passé, a été chez les femmes chefs de familles monoparentales. Donc, nous considérons que, de ce côté-là, leur effort pour sortir de leur condition a été exemplaire. Ce que nous nous posons comme question, c'est que, malgré ces efforts démesurés, malgré les programmes d'employabilité qui n'étaient pas ce qui était le plus exceptionnel, mais qui ont quand même donné quelques fruits, elles n'en sont pas arrivées à sortir de la condition de difficulté dans laquelle elles étaient. Ce que nous posons comme question, c'est: Qu'est-ce qu'il y a de nouveau dans les programmes d'insertion, donc programmes individualisés d'insertion à l'emploi? Qu'est-ce qu'il y a de nouveau à l'intérieur de ces programmes-là qui feront différent de ce que nous avons connu? Et, là-dessus, le livre vert est très succinct, hein, c'est quelques lignes. On relève d'un nouveau dynamisme local, on réorganise les centres de Travail-Québec, qui redevient autre chose, une autre structure.

On a l'impression que, au lieu de cerner le problème puis d'essayer de voir comment on peut arriver à un certain nombre de solutions ensemble pour créer des emplois... Entre autres, je vous disais tout à l'heure que, pour l'économie sociale, il y a des besoins qui sont démesurés. Pourquoi ne pas se servir des montants pour pouvoir convaincre par le volontariat que beaucoup des gens qui sont prestataires à l'heure actuelle pourraient convertir leurs prestations en services pour le secteur communautaire et bénévole? Il y a des possibilités qui sont offertes là et qui mettraient probablement beaucoup plus d'emphase sur l'économie sociale que certains chantiers qui sont mis de l'avant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui. Bonjour, tout d'abord. Bienvenue. Peut-être continuer dans cette lancée-là, parce qu'on se pose aussi, nous, la question, parce que vous avez les chiffres du ministère, exactement, au niveau des familles monoparentales qui participent ou qui veulent participer. Mais celles qui participent actuellement, il y en a environ 10 000, 9 881 personnes, si on compare aux autres catégories de personnes, couples sans enfant, couples avec un enfant, couples avec deux enfants, les étudiants, personnes seules, sur 22 500 personnes. Alors, vous avez tout à fait raison de le dire, et le Conseil du statut de la femme nous l'a dit aussi, le Conseil de la famille aussi, ce sont les familles monoparentales, à l'aide de dernier recours, qui demandent le plus à participer aux mesures d'employabilité ou au rattrapage scolaire. Alors, la question qu'il faut se poser, c'est: Pourquoi le gouvernement, sachant que lui n'est pas capable de fournir les emplois nécessaires durables aux gens, impose-t-il le caractère obligatoire avec pénalité, surtout aux familles qui sont les plus pauvres parmi les pauvres au Québec, les familles monoparentales? Pourquoi?

Certains groupes à qui j'ai posé la question m'ont dit: Bien, c'est une façon bien maquillée, finalement, de faire des économies sur le dos des familles les plus pauvres du Québec. Puis, s'il ne retire pas ce caractère obligatoire là et coercitif dans sa réforme, bien, je pense que c'est le constat qu'on devrait faire, parce que, ne l'oubliez pas, même si on nous dit: Bien oui, mais la personne qui participe va avoir droit au barème de participation, qui est de 120 $, il ne faut pas oublier que cette famille monoparentale là on lui retire le barème de non-disponibilité qui est de 100 $. Alors, le 120 $, il fond à 20 $.

Et il y a le fait aussi qu'il y a tout le service de garderie sur lequel il faut se questionner. Ce qu'on entend, c'est que, au niveau des services de garderie, ce serait 5 $ par jour, peu importent tes revenus. Alors, ça, ça veut dire que les familles monoparentales à l'aide sociale auraient à débourser 5 $ par jour. Sur une période d'un mois, ça, c'est 100 $. Alors, vous voyez toute l'inéquité qui existe pour les familles monoparentales. Et là il faut se poser la question: Que fait une mère monoparentale qui, disons, comme vous, là, cherche mordicus mais ne trouve rien? Vous avez raison parce que la situation de l'emploi est encore... Aujourd'hui encore, on apprend que la Banque Royale s'en va avec 123 emplois à Toronto. À tous les jours, à tous les jours... Il y a trois semaines, c'était Greenberg. Il y a deux semaines, c'était...

M. Perreault (Denis): Et malgré 1 000 000 000 $ de profit.

Mme Loiselle: Oui, oui. C'était Zellers. La semaine passée, on nous annonçait que c'est la Fédération des caisses populaires qui, d'ici trois ans, va abolir 5 000 postes. À chaque semaine, il y a des mauvaises nouvelles comme ça. Et puis je ne sais pas si vous étiez à la période de questions aujourd'hui, mais on avait l'impression que le premier ministre vit dans une autre sphère parce que, d'après lui, tout va bien au Québec, ou à peu près, au niveau de l'emploi. Il faisait plein de comparaisons avec d'autres statistiques, mais on se disait: Mais, mon Dieu! Il ne vit pas dans le même monde que nous parce qu'il n'y en a pas d'emplois.

Alors, que fait-on avec une mère monoparentale – parce que, vous autres, vous travaillez très près des familles – qui, finalement, se déniche un emploi, mais en soirée, à des heures où il n'y a pas de services de garde et où elle doit aller vers un service de garde qui va peut-être lui coûter peut-être quatre fois plus cher qu'une personne qui aurait à payer 5 $ si le gouvernement va de l'avant avec son 5 $ par jour? Avez-vous analysé cette situation-là? Parce qu'il va y avoir cette situation-là qui va exister.

(16 h 50)

Mme Saint-Laurent (Carmen): Non seulement le travail de soir, mais il y a aussi le travail des fins de semaine aussi et puis la nuit aussi pour les femmes qui travaillent dans les hôpitaux. Certains services, les femmes travaillent aussi la nuit. C'est des gros problèmes pour elles. C'est quoi, leur soutien à ce moment-là? Je pense que – j'exagère peut-être, mais peut-être pas tant que ça – si on continue comme ça, nos familles pauvres, là, ça va être le tiers-monde. Quand je voyage puis que je vais dans les pays très pauvres comme le Brésil, l'Afrique du nord, l'Égypte, les pauvres balaient la rue. Ici, c'est les machines qui balaient nos rues. Chez eux, c'est des pauvres qui balaient la rue. Ils font ça toute la journée. Il n'y a pas de service mécanisé. Là, je regarde aller le sens que ça a pris et je me dis: Est-ce qu'on s'en vient comme ça? Est-ce que, bientôt, on va mettre nos pauvres dans la rue avec un balai et on va dire: Tu travailles, tu balaies, puis on serre le mécanique dans le garage? Je ne le sais pas, mais on ne les protège pas, nos familles pauvres. On ne les aide pas. Je pense que ça va être la détresse pour eux bientôt. Parce que, souvent, surtout les familles monoparentales pauvres, elles trouvent du travail dans la restauration, par exemple. Je parlais des hôpitaux. Les infirmières sont peut-être plus privilégiées parce qu'elles ont un salaire un peu plus élevé. Celles qui travaillent dans la restauration, les bars, et tout ça, ces jeunes femmes-là avec des enfants, je ne sais pas ce qui va advenir d'elles et ce qu'on leur offre. Je ne sais pas si Denis a vu autre chose...

M. Perreault (Denis): Oui, je pourrais revenir sur le côté obligatoire, et c'est là où, à mon avis, si on doit faire une recommandation importante et une modification, c'est de ce côté, au départ, obligatoire. Moi, je trouve qu'il serait peut-être intéressant de baser, parce qu'on parle de solidarité sociale, une base volontaire par rapport aux prestataires, parce que, lorsqu'on sait – et je l'ai mentionné tout à l'heure – que, du côté des programmes d'employabilité, les femmes chefs de familles monoparentales sont celles qui font le plus d'efforts pour réussir à se sortir des conditions dans lesquelles elles sont, on pourrait peut-être reprendre et se dire que ces femmes chefs de familles monoparentales font un travail social parmi les plus productifs, elles s'occupent de leur enfant. Peut-être qu'on pourrait, autour de cette notion-là, essayer de moins les culpabiliser, de valoriser un peu mieux leur condition et essayer de trouver des modalités qui permettraient peut-être de trouver moyen d'associer ce travail productif à d'autre travail productif qui peut être fait, des échanges entre les services de garde etc., donc des éléments qui permettraient de circonscrire des services liés à des nouveaux besoins. Je pense que, là, de ce côté-là, on a aussi des indicateurs ou des pistes qui nous permettraient d'aller un peu plus loin.

Ce qui me revient aussi à l'esprit, c'est un des éléments les plus pervers à l'intérieur des deux livres, le livre vert et le livre blanc: on a fait des tableaux récapitulatifs qui nous permettent de démontrer que, par ces nouvelles réformes, on va nier le fait que les enfants sont la première richesse de notre société et la plus grande production de notre société. Si on regarde les tableaux qui ont été reconstitués au niveau des éléments de la réforme, c'est-à-dire le salaire réel, familial, le salaire disponible actuellement et les effets pervers de la réforme, on s'aperçoit que ce sont les familles qui tournent autour de 30 000 $ à 40 000 $ qui vont être les plus pénalisées: autour de 400 $ à 500 $. Et on s'aperçoit aussi que la différence entre le fait de gens qui ont un revenu similaire avec enfants ou non-enfant... il y a plus de différence à partir du moment où les gens gagnent autour de 40 000 $ par année, c'est-à-dire que le fait que des familles aient des enfants ou que des célibataires n'en aient pas n'est plus reconnu comme un fait important de cette société-là. Et ça, c'est un des éléments, à mon avis, les plus pervers parce qu'il ne reconnaît plus la valeur sociale que sont les enfants.

Mme Loiselle: Je veux bien continuer encore dans ce sens-là, parce que, vous savez, les tableaux qu'on retrouve dans les documents de la réforme, dans le livre vert, quand on fait des comparaisons au niveau de la prestation unifiée et de ce que les gens reçoivent actuellement, c'est toujours pour des enfants de sept à 10 ans. C'est vraiment le Conseil de la famille qui nous a mis la puce à l'oreille, qui, lui, a pris les mêmes chiffres et a transféré ça pour des familles monoparentales, mais avec des enfants de moins de six ans. Et c'est là qu'on a découvert que, finalement, ce sont les enfants de l'aide sociale qui ont moins de six ans qui sont les plus perdants avec la prestation unifiée. Le Conseil de la famille nous a donné des chiffres: jusqu'à 800 $ de perte par année pour ces familles-là. Et Mme Ruth Rose, l'économiste – vous en avez fait mention tantôt, Mme la présidente, c'est ça – elle, a pris la situation personnelle d'une femme avec deux enfants de moins de six ans à l'aide sociale, et il y aurait une perte pour cette famille-là – parce qu'on parle de la prestation unifiée pour enfants – de 1 154 $ par année. Alors, il y a des gens qui nous disent que ce que le gouvernement est en train de faire avec sa réforme, finalement, c'est de distribuer la pauvreté parmi les pauvres. C'est d'en prendre à ceux qui sont un petit peu plus pauvres pour en donner à ceux qui sont encore plus pauvres. Mais là, à un moment donné, quand vous dites qu'il y a un acharnement sur les familles monoparentales et quand les statistiques le démontrent que ce sont les plus pauvres, les plus vulnérables, les plus démunis au Québec, il y a une question à se poser: Où s'en va le gouvernement et pourquoi cet entêtement-là, finalement? Parce que, là, les chiffres parlent, hein? J'imagine que, si les tableaux ne nous ont pas été fournis au tout début, dans le document du livre vert, avec les jeunes enfants, il faut se dire que, finalement, c'est peut-être la direction que le gouvernement est en train de prendre.

Moi, je pense qu'il faut le redire et le répéter en commission parlementaire parce que le gouvernement doit rectifier le tir et changer son fusil d'épaule à cet égard-là. Je reviens sur mon exemple de tantôt de la mère monoparentale parce que les frais de garde, les crédits dans la politique familiale, on ne le dit pas, ça, mais le crédit d'impôt pour remboursement de frais de garde, il disparaît. Alors, la petite madame qui travaille, comme vous avez dit tantôt, en soirée, ou de nuit, ou les fins de semaine, qui doit aller vers un service de garde privé qui va lui coûter trois, quatre fois plus cher, elle ne pourra pas, elle, se retourner puis, quand elle va faire son rapport d'impôts, aller retrouver ce montant-là. Alors, il y a plein, plein de pertes pour les familles monoparentales. Et je vous laisse la parole parce que je pense que vous les connaissez tellement, ces familles-là qu'il faut vraiment passer le message au gouvernement qu'il fait fausse route.

M. Perreault (Denis): D'accord. J'irais plus loin et je corrigerais un petit peu ce que vous avez dit. Vous avez dit qu'on va faire reporter sur les revenus de la classe moyenne pour travailler sur les pauvres, c'est-à-dire que la réforme, c'est beaucoup plus grave que ça. La réforme fait reporter essentiellement sur les familles le poids des familles à revenus faibles, et c'est ça qui est grave, c'est-à-dire que ça, c'est contrer la solidarité sociale. Et on a essayé de démontrer à plusieurs reprises que ceux qui vont profiter le plus de nos enfants, ce sont ceux qui n'auront pas eu d'enfants parce qu'ils auront eu les meilleurs salaires, les meilleures jobs, les meilleurs systèmes de rentes, c'est-à-dire que nos enfants vont payer davantage pour les gens qui n'ont pas eu d'enfants que pour ceux qui en ont eu. Alors, à partir de ce constat-là, il serait peut-être important que, lorsque nous avons une réforme de ce type-là, de faire payer ceux qui, à l'heure actuelle, sont les mieux nantis, c'est-à-dire les hauts salariés qui n'ont pas d'enfants et qui vont profiter le plus amplement de la richesse collective. Et la réforme ne fait essentiellement porter... On reprend, on redistribue les sommes qui étaient allouées aux familles, on les redistribue des familles moyennes, supérieures et inférieures – et non pas les hauts salariés, les hautes familles, mais ceux qui sont dans la classe moyenne – vers les familles avec faibles revenus. Et là, c'est un des éléments qu'on a mentionnés, on s'aperçoit que, aussitôt qu'on dépasse 70 000 $ par année au niveau du revenu familial, il n'y a plus de pénalité, c'est-à-dire qu'ils vont même être gagnants à l'intérieur de la réforme.

Mme Loiselle: J'aimerais échanger avec vous au niveau des jeunes parce que, bon...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme O'Sullivan, s'il vous plaît. Je m'excuse, madame...

Mme Loiselle: Excusez, allez-y, oui, oui.

Mme O'Sullivan (Lysane): Suite à ça, j'aimerais revenir à Mme Malavoy. Tantôt, vous avez dit que l'objectif, c'est le déficit zéro. Pouvez-vous m'expliquer à qui il va servir. Avec les grandes orientations qu'on voit, qui sont déposées dans la politique familiale, dans la réforme de la sécurité du revenu, quand on est travailleur à très faibles revenus, qu'on n'a pas d'emploi, on se pose la question: À qui va profiter le déficit zéro? Quand on voit le pelletage du gouvernement fédéral au niveau du gouvernement provincial, des provinciaux au niveau des municipalités, que nos salaires plafonnent, qu'on doit être hypercompétent pour travailler aujourd'hui à 7,25 $ de l'heure, que le coût de la vie continue à augmenter, que Bell Canada continue d'augmenter, à qui va servir le déficit zéro?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Malheureusement, le temps, de ce côté-ci, est écoulé.

Mme Malavoy: M. le Président, j'aurais des choses à dire, mais je ne veux pas enlever du temps à la porte-parole de l'opposition.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le temps, de ce côté-ci, est écoulé, et je dois suivre une certaine règle. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, s'il vous plaît.

Mme Loiselle: Non, mais c'est parce qu'il faut parler moins longtemps puis poser des questions. Il y a ça aussi comme principe.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si on veut...

Mme Loiselle: Moi, j'aimerais revenir au niveau des jeunes, parce que vous les côtoyez, ils font partie des familles avec qui vous travaillez, vous oeuvrez. Moi, ce qui m'inquiète beaucoup, c'est que, ce matin, la Fédération des cégeps, je pense, nous disait que le problème, c'est que le gouvernement, finalement, s'attaque aux jeunes au niveau qu'il priorise les cibles, mais qu'il ne regarde pas vraiment toute la problématique de façon beaucoup plus large, parce que le problème du décrochage commence vers l'âge de 16 ans, puis elle dit que, à l'âge de 16 ans, les jeunes décrochent de l'école, décrochent de la famille pour différentes raisons qui sont très, très personnelles, le vécu, aussi, de ces jeunes-là au niveau de familles dysfonctionnelles, au niveau de ce qu'ils ont vécu comme passé, qui leur est très personnel, et que, finalement, le gouvernement devrait plutôt prendre une voie beaucoup plus positive au lieu de coercitive, parce que, tout le monde le démontre, les études le démontrent, tout le monde nous le dit en commission parlementaire, c'est contre-productif, puis vous allez dans la direction tout à fait contraire, vous allez les faire décrocher définitivement.

(17 heures)

Alors, ce que, nous, on suggérerait ce matin, c'est peut-être d'élargir sur une voie positive, mais d'aller voir ce qu'on pourrait faire pour aller à la base, finalement, quand les jeunes commencent à décrocher à l'âge de 16 ans et peut-être de les aider, à ce moment-là, à se reprendre en main et d'avoir l'appui puis le soutien pour les aider. Vous, parmi les familles avec lesquelles vous travaillez, vous travaillez aussi avec des familles dysfonctionnelles, j'imagine, où il y a des problèmes graves, où il y a des jeunes qui quittent la famille à un âge très jeune, et vous reprenez le rôle que l'État devrait avoir, finalement. Vous vous occupez d'eux, quelque part, vous les soutenez. Comment voyez-vous ça?

M. Perreault (Denis): Il y a un élément important qu'il faut retenir et qui peut faire sourire, mais il faut faire très attention de relier le décrochage, la marginalité des jeunes à essentiellement la pauvreté. C'est sûr que les familles pauvres ont leur lot et leur lot, probablement, le plus important, mais toute la problématique liée aux jeunes est beaucoup plus large que la notion de pauvreté. Nous, ce qui nous inquiète, et pas seulement à la lecture des énoncés de politiques que nous avons sous la main, mais depuis quelques années, c'est qu'il y a très peu d'éléments de politiques qui sont faits pour les jeunes, les adolescents, donc les 12, 16, 17 et 18 ans. Il y a très peu de politiques énoncées pour eux. On a canalisé – et je pense que c'était important de le faire – du côté de la petite enfance. Le rapport Camil Bouchard qui avait présenté Un Québec fou de ses enfants – et j'avais, à la blague, critiqué M. Bouchard, qui ne l'avait pas fortement apprécié que je dise que certains éléments, à l'intérieur de son rapport, ressemblaient plutôt à un Québec qui se fout de ses enfants – démontrait que, effectivement, il faut intervenir d'une façon précoce. Mais ça veut dire quoi lorsqu'on a le taux de décrochage actuel, lorsqu'on a un taux de délinquance... On vit à Montréal, nous. On voit les gangs, on voit de quelle façon certaines familles sont démunies face à la marginalité que proposent de plus en plus les jeunes comme forme sociale, et il y a peu de politiques qui sont valorisantes, qui leur permettraient de s'insérer à l'intérieur de la société. C'est plutôt le contraire qui se passe. On assiste de plus en plus à une espèce de volonté par la coercition qui renforce leur idée de se marginaliser davantage. Alors, là-dessus, il y a peu de politiques qui sont liées à la jeunesse.

Et, du côté du livre vert, malgré quelques indications, comme ça semble prendre la voie de la coercition, on ne permet même pas à des jeunes de se regrouper pour vivre ensemble. S'ils le font, on les pénalise. Le seul geste solidaire qui pourrait exister par le fait de vivre trois ou quatre jeunes ensemble, ce qui leur permettrait d'avoir peut-être un plus grand revenu disponible dans le pouvoir d'achat s'ils cohabitaient, la première des choses qu'on fait, c'est qu'on pénalise cette solidarité-là. Donc, tous les gestes sont posés pour ne pas leur permettre de développer des mécanismes de solidarité sociale, puis, effectivement, on attend que, du côté du gouvernement, à l'heure actuelle, il y ait ce type de geste qui permettrait de convaincre les jeunes de développer un peu plus de solidarité sociale et un peu plus de sentiment d'appartenance à cette société.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mmes Saint-Laurent, O'Sullivan et M. Perreault, au nom de la commission, merci beaucoup d'être venus. Et je reçois maintenant les représentantes de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonjour, mesdames.

Des voix: Bonjour.

(17 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que c'est Mme Tétreault qui présente les personnes qui vous accompagnent? Vous commencez le 20 minutes, et je vous fais signe quand il reste environ quatre à cinq minutes.


Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)

Mme Tétreault (Lucie): O.K. Donc, je présente, à ma gauche, notre directrice générale, Mme Sylvie Lévesque et, à ma droite, une autre de nos employés, Mme Claudette Mainguy.

En 1970, le Québec accordait le droit à un soutien financier pour toutes les personnes démunies. Aujourd'hui, on commence à invoquer l'équité et le bien de la population pour remettre en question certaines politiques sociales. Certains groupes sont plus touchés que d'autres par le maintien d'un taux de chômage structurel très important. Ce sont principalement les jeunes: 28 %; et les familles monoparentales: 45 %.

Être une personne, c'est être rentable. Être rentable, selon la société, c'est travailler. Pourtant, de notre point de vue, la rentabilité sociale a plus d'un visage. Sous le couvert d'une politique active de retour au travail, la réforme vise essentiellement à sortir 100 000 personnes de l'aide sociale. Ainsi, les premières personnes ciblées par la réforme sont des jeunes et les familles monoparentales, car ces deux groupes représentent à eux seuls 73 % des prestataires.

Nous, de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, ferons valoir le point de vue de nos membres, soit les familles monoparentales. La Fédération oeuvre depuis plus de 20 ans auprès des familles monoparentales et compte plus de 40 associations membres. La Fédération est un organisme sans but lucratif voué à la promotion des intérêts et à la défense des droits des familles monoparentales et recomposées du Québec.

Au cours des années, le nombre de familles monoparentales sur l'aide sociale s'est accru constamment. Dès le milieu des années quatre-vingt, on constate que, parmi les clientèles aptes au travail, ce sont les familles monoparentales qui présentent les plus longues durées de présence à l'aide. Ces familles coûtent donc plus cher à l'État. Dans un contexte de restriction de dépenses politiques, cette constatation marque un tournant dans le traitement des mères seules qui se traduit ainsi dans le discours: Les familles monoparentales développent une dépendance et ne peuvent plus s'en sortir. Paradoxalement, les familles monoparentales se sont avérées être parmi les plus participantes aux mesures d'employabilité. Nous sommes même en mesure d'affirmer que plusieurs femmes monoparentales se sont vu refuser l'accès au programme d'employabilité, faute de places disponibles. Comment, alors, expliquer ce paradoxe?

Dans l'histoire de la protection sociale, les sociétés modernes ont constamment hésité entre rendre les mères seules responsables de leur gagne-pain ou de leurs jeunes enfants. Lors de l'adoption de la loi de l'aide sociale, en 1970, ainsi que dans le cadre de la réforme de la sécurité du revenu, en 1988, on a adopté des dispositions permettant aux responsables de familles monoparentales ayant des jeunes enfants de choisir entre un emploi et l'aide sociale. Cette nouvelle réforme tranche le débat. Les mères seules vivant de l'aide sociale n'auront plus la liberté de choisir d'élever leurs enfants.

La réforme a pour objectif d'intégrer les prestataires d'aide sociale à l'ensemble de la main-d'oeuvre par des mesures actives et par une sensibilisation de la collectivité. Elle prend appui sur le développement local. Ainsi, elle propose un parcours individuel vers l'emploi qui comprend trois étapes: insertion, formation et emploi. Le parcours pourra être précédé d'une préparation si nécessaire.

La réforme veut améliorer l'équité entre les travailleurs à faibles revenus et les prestataires d'aide sociale, mais elle le fait au détriment des prestataires de l'aide sociale. Ainsi, plusieurs prestataires, notamment les familles monoparentales, subiront des coupures. De plus, les groupes cibles, dont une fois encore les familles monoparentales, seront soumis à l'obligation d'entreprendre un parcours individualisé sous peine de coupures additionnelles.

Dans le contexte de cette approche, non seulement on enlève le droit des mères de choisir de rester avec leurs enfants, mais on suppose qu'il y a de l'emploi pour tout le monde et que c'est la seule façon de participer pleinement à la société. Le livre vert pose la question lui-même: Comment peut-on penser diminuer le taux actuel d'assistance sociale dans un contexte de chômage élevé et persistant? Nous croyons que le gouvernement a l'obligation de démontrer d'abord que ses propositions pour créer de l'emploi et pour intégrer les chômeurs sur le marché du travail fonctionnent bien avant de pénaliser davantage les personnes qui sont les victimes et non pas la cause du chômage.

L'engagement social est d'abord un acte gratuit. Il est régi par une éthique de la responsabilité et de la solidarité fondée sur la conscience que notre propre humanité est réductible à celle de l'autre. Il ne peut se concevoir dans une logique de création artificielle d'emploi. Or, on le sait que, actuellement, au Québec, il se perd chaque année plus d'emplois qu'il ne s'en crée et que le taux de chômage est plus élevé ici qu'à peu près partout au Canada.

De plus, il existe une contradiction flagrante dans le discours. On veut traiter les prestataires de l'aide sociale comme l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise, et pourtant on n'hésite pas à les obliger à entreprendre un parcours et à les pénaliser s'ils ne s'y conforment pas. Cette obligation ressemble étrangement à ce que nos voisins américains appellent le «workfare».

Le gouvernement ne tente-t-il pas de mettre la charrue devant les boeufs? Avant d'obliger des personnes à suivre un parcours, le gouvernement ne devrait-il pas commencer par créer des emplois de qualité? Nous croyons que l'ensemble des mesures de retour au travail proposées devraient être mises sur pied et expérimentées dans toutes les régions les plus touchées du Québec sur une base volontaire avec les prestataires consentants. Déjà, sur cette seule base, le gouvernement aura peine à satisfaire à la demande.

Et, autre élément très important, le caractère volontaire s'appuie sur la confiance tant en la population visée qu'en la démarche proposée. Et n'oubliez surtout pas que les résultats, s'ils sont positifs, ont toujours été et seront toujours les meilleurs incitatifs.

Mme Lévesque (Sylvie): Dans le livre vert, on appuie beaucoup sur le développement local et sur l'économie sociale par la mise en place des conseils des partenaires du marché du travail et de la collectivité qui vont être les maîtres d'oeuvre de la participation à l'emploi. Le PLACE sera rendu disponible, opérationnel par le centre local d'emploi, le CLE, qui sera créé à partir des structures déjà existantes, dont les CTQ, verra à offrir des services à l'ensemble de le main-d'oeuvre locale. Ce sont les CLE qui offriront et suivront les parcours individualisés. La structure proposée n'est-elle pas simplement un moyen de refiler aux localités le soin de rendre ces programmes viables? Les localités auront-elles les moyens d'accomplir les tâches qu'on leur confie? L'économie sociale n'est-elle pas aussi perçue comme étant le remède miracle? Sera-t-elle réservée aux exclus? Y trouveront-ils un revenu suffisant? Quelle sera la relation entre l'économie sociale et les CLE?

Seules les personnes de 60 ans et plus, celles qui sont classées comme ayant des contraintes sévères à l'emploi et les personnes en attente d'un statut de réfugié ont droit à une protection sociale sans obligation. Toutes les autres devront suivre un parcours d'insertion. Hormis le fait qu'on reconnaît qu'on essaie de simplifier le système par rapport à l'ensemble des mesures actuelles, deux éléments ont particulièrement retenu notre attention. Il s'agit de la disponibilité des personnes de 55 à 59 ans et de l'obligation, pour les familles monoparentales, d'entreprendre un parcours vers l'emploi dès que l'enfant atteint l'âge de deux ans. On devance donc de quatre ans la coupure reliée à la non-disponibilité. Cette mesure sera mise en place progressivement dès septembre 1997.

Dans un contexte de compétitivité – un mot abondamment cité lors du Sommet de l'économie, ce n'est pas nous qui l'avons trouvé – et de chômage élevé, il est difficile de croire que les personnes de 55 ans et plus peuvent trouver un emploi. Il nous semble plus plausible que ce qui a guidé le gouvernement en intégrant cette catégorie de personnes à la main-d'oeuvre est beaucoup plus d'ordre économique qu'humain. En effet, par le passé, ce groupe d'âge a toujours eu beaucoup de difficultés à se trouver un emploi, et ceci est autant vrai pour les postes cadres que pour les autres types de travail. La réforme rend ces personnes aptes au travail sans se soucier qu'elles soient sous-scolarisées ou de santé fragile, et, même dans les meilleures conditions, ces personnes font face à des préjugés de la part des employeurs. Que leur réserve-t-on alors? Un travail précaire et peu rémunéré. Or, ces personnes ont fait leur part pour la société, que ce soit en élevant des enfants ou autrement. Pourquoi les obliger? Ouvrons la porte à celles qui veulent intégrer le marché du travail et laissons les autres en paix. Compte tenu de la conjoncture économique actuelle, il nous semble peu réaliste d'intégrer ces personnes à la main-d'oeuvre québécoise. En conséquence, nous demandons qu'elles puissent être exemptées de la démarche si elles en font la demande et ainsi conserver la bonification de 100 $.

Pour se développer, la société a besoin des enfants. Le bien-être des enfants est donc une responsabilité collective. On déplore et on se scandalise du nombre d'enfants pauvres au Québec. Pourtant, il nous semble assez évident que, s'il y a des enfants pauvres, c'est que leurs parents sont pauvres. Or, la réforme dépossède les familles monoparentales afin qu'elles n'aient d'autre choix que de se chercher un emploi.

Comme nous l'avons déjà dit, les familles monoparentales ont toujours été très réceptives et motivées à participer aux programmes et elles ont majoritairement le désir de s'en sortir. Même si des services de garde – on devrait plutôt parler de garderies en milieu familial – seront mis en place avec la nouvelle politique familiale, on tient peu compte des autres contraintes à l'emploi. On tient peu compte de la conciliation travail-famille. Le système est axé sur l'adulte qui est prestataire et la nécessité de le retourner sur le marché du travail aussi vite que possible et quelles que soient les conséquences en termes de conditions de vie. Ces contraintes se situent au niveau du transport des enfants, de leur nombre, des horaires de travail et de garderie, de la maladie des enfants qui oblige à s'absenter du travail, de l'organisation familiale, de la stabilité physique et psychologique et enfin de la responsabilité parentale 24 heures sur 24, 365 jours par année. À ces contraintes, il faut ajouter le type d'emploi et le salaire qui, souvent, n'arrivent même pas à compenser les dépenses qu'ils génèrent.

Le salaire minimum est insuffisant pour assurer la subsistance d'une famille. Il y a des exemples que je vais passer. Même si le gouvernement accorde une aide supplémentaire aux familles monoparentales sous forme du programme APPORT et de prestation pour enfants, la récupération de ces programmes à des taux élevés et à des niveaux de revenu faibles fait en sorte qu'un responsable de famille monoparentale qui gagne 18 000 $ dispose d'un revenu, après impôts, de 2 625 $ de plus que celui ou celle qui gagne 12 000 $. L'introduction de l'allocation unifiée pour enfants réduira cette somme à 2 016 $. En d'autres mots, le gouvernement combine le bâton et la carotte pour forcer les responsables de familles monoparentales à accepter un emploi au salaire minimum mais ne fait rien pour les aider à améliorer réellement leur niveau de vie et celui de leurs enfants.

En abaissant à deux ans l'âge de disponibilité, le gouvernement retire carrément aux plus démunis le choix de s'occuper de leurs enfants. Non seulement il ne reconnaît pas le fait d'assumer des responsabilités parentales, majoritairement assumées par des femmes, comme étant aussi valable que de travailler, mais il enlève aux familles monoparentales la liberté de choix.

On nous dira que plus les personnes restent à la maison, plus il leur sera difficile de réintégrer le marché du travail. On a vu également que les familles monoparentales sont celles qui restent le plus longtemps sur l'aide sociale même si elles sont très réceptives aux programmes. Réintégrer le milieu du travail est difficile, mais la difficulté dépend beaucoup plus du vécu de la personne – violence ou rupture – et de sa scolarisation que du temps qu'elle a passé à la maison.

On dira aussi que les congés de maternité ne durent pas deux ans et que, en conséquence, les personnes sur l'aide sociale sont avantagées comparativement aux petits salariés. De notre point de vue, cet argument ne tient pas. Aujourd'hui, de plus en plus de mères choisissent d'avoir des enfants et de continuer de travailler à l'extérieur. C'est leur choix, et nous le respectons tout autant que nous respectons le choix de celles qui décident de demeurer à la maison pour s'occuper des enfants. Nous tenons cependant à ce que ce choix demeure possible pour tout le monde. Il est inacceptable que l'État décide par des coupures qui élèvera son enfant et qui ira sur le marché du travail. Nous proposons donc que le parcours vers l'emploi se fasse sur une base volontaire et que la coupure de prestations ne soit appliquée qu'au moment où l'enfant ira à l'école à temps plein. Claudette.

Mme Mainguy (Claudette): L'allocation unifiée pour enfants, le principe, on ne peut pas être contre, il est intéressant en soi, puisqu'il traite également tous les enfants dont les parents ont peu ou pas de revenus. C'est vrai que, en transférant la portion enfant de l'aide sociale aux allocations familiales, on incite davantage les personnes à travailler, puisque la portion enfant va demeurer même dans le cas de n'importe quel travail, sauf qu'il y a une perte non justifiée pour les familles monoparentales prestataires de l'aide sociale. Selon le petit dépliant qui a été publié avec la réforme sur l'allocation unifiée, on montre clairement que la perte est de 8 $ par mois pour celles qui ont un enfant de plus de six ans. Eh bien, c'est facile de conclure que c'est 18 $ par mois pour celles qui ont un enfant de moins de six ans, étant donné qu'il y a une bonification pour jeune enfant qui n'apparaît pas dans celui qui a sept ans. Bien entendu, la perte augmente avec le nombre d'enfants, et, ici, nous ne comptons pas l'allocation à la naissance qui constitue aussi une perte non applicable, puisque les enfants sont déjà là, évidemment, et nous ne comptons pas non plus la perte de 100 $ à cause de l'abaissement de l'âge de la disponibilité.

Autre source d'inquiétude, la fiscalité. Au moment du dépôt de la politique familiale, il y a des réductions de déductions fiscales qui avaient été annoncées de l'ordre de 139 000 000 $ sur 375 000 000 $ ou 375 000 000 000 $. En tout cas, je ne le sais plus, là. Je ne m'en rappelle plus. Dans ce paquet de zéros là, on se perd un peu. On n'est pas habitué de jouer avec tant d'argent. Enfin, 139 – que ce soit des millions ou des milliards, la proportion reste la même; c'est un tiers, ou à peu près – ont été annoncés. Ainsi, il y aurait des modifications pour la portion enfant à la TVQ qui disparaît – en tout cas, semblerait-il, selon ce qu'on a pu voir – et la réduction d'impôts pour la famille qui va être réduite, bien entendu. À ces mesures s'ajoutent des réductions au crédit d'impôt pour frais de garde. Ce bout-là est plutôt en regard avec l'aspect garderie de la politique familiale. C'est un 439 000 000 $, en fait, qui a peu rapport avec ça, ici, de toute manière. Tout ça, c'est très inquiétant pour l'ensemble des familles québécoises qui ne verront les effets réels de ces réductions qu'en 1998, lorsqu'elles compléteront leur déclaration d'impôts.

(17 h 20)

L'autre point à soulever, ce sont les seuils que le gouvernement a choisi de retenir pour commencer à réduire l'allocation unifiée. Selon le livre vert, les besoins essentiels reconnus pour une personne seule sont de 667 $ par mois, soit 8 004 $ par année. Pour une famille monoparentale avec un enfant, de 984 $ par mois, soit 11 808 $ par année. Pourtant, même avec l'allocation unifiée, on n'alloue que 6 000 $ à la personne seule et 10 000 $ à la famille monoparentale. De plus, les besoins essentiels énumérés ne tiennent pas compte des besoins de santé et de médicaments. Alors, depuis le mois d'août, les bénéficiaires de l'aide sociale doivent pourtant débourser jusqu'à 200 $ par année pour leurs médicaments.

On constate également que non seulement on commence à récupérer l'allocation unifiée à partir d'un seuil de revenu très bas – 13 628 $ pour une famille monoparentale avec un enfant – mais qu'il n'en reste plus rien dès que le revenu dépasse 19 428 $. En fait, c'est donc dire qu'on a une taxation de 50 % sur le revenu gagné jusqu'à 19 000 $. Or, les seuils de faibles revenus de Statistique Canada pour une famille de deux personnes sont de 21 924 $ et de 27 869 $ pour une famille de trois personnes.

En fait, il semble que l'avantage de l'allocation unifiée ne sera réelle dans le cas des familles monoparentales avec un enfant que pour des personnes gagnant le salaire minimum ou moins, ce qu'on ne peut qualifier de revenu décent. Au-delà de ces chiffres, l'avantage fond comme neige au soleil pour se traduire rapidement par une perte, ce qui est plus qu'inquiétant lorsqu'on associe cette réalité avec le parcours vers l'emploi.

Il apparaît également que les seuils de faibles revenus sont aussi ceux qui perdent le plus dans la décroissance de l'allocation. Ça, c'était dans le document de la réforme, et je n'en ai jamais entendu parler. Alors, je me demande si ce n'est pas une erreur, carrément. En tout cas, c'est bien dit dans le texte de la réforme que, entre 20 921 $ et 25 921 $, c'est 30 % de chaque dollar gagné qu'on perd, alors que c'est 50 % pour les seuils plus bas encore.

Le principe de l'allocation est intéressant en soi, mais les montants accordés constituent une perte par rapport à ce qui était avant, et la réduction commence à des seuils trop bas pour qu'elle puisse être considérée comme étant un support réel aux familles québécoises. Nous proposons donc que l'allocation unifiée soit bonifiée pour offrir un support convenable aux familles, que les seuils de réduction de l'allocation unifiée soient harmonisés avec les seuils de faibles revenus reconnus par Statistique Canada et qu'un réajustement puisse également être demandé en cours d'année si une famille subit une baisse de revenus.

Un autre élément de la réforme, c'est le fait de pouvoir conserver une partie de la pension alimentaire reçue. Cette partie-là, nous, ça fait nombre d'années qu'on dépose des demandes en ce sens-là. On l'a fait au moment de la perception automatique, on l'a fait au moment du projet de loi n° 68 qui touchait la fixation des pensions alimentaires. Dans la volonté du gouvernement de responsabiliser les pères, c'est quand même une façon intéressante de s'y prendre. Quand une personne paie une pension alimentaire pour son enfant, le moins qu'on puisse faire, je pense, c'est de s'assurer que l'enfant en tire un avantage. Dans la proposition déposée par le gouvernement, la pension alimentaire reçue est déductible du revenu de travail permis, faisant ainsi perdre la majeure partie de l'avantage. Les familles monoparentales n'auront pas vraiment beaucoup plus d'argent, puisque les plafonds restent sensiblement les mêmes, soit une augmentation de 28 $ des revenus de travail permis. Cette mesure n'aura pas pour résultat de réduire concrètement la pauvreté des enfants. Nous croyons que les prestations de base devraient être conformes au seuil des besoins essentiels déterminés et reconnus par le gouvernement et que les pensions alimentaires versées pour les enfants devraient demeurer en totalité aux enfants. Élever des enfants est une noble et difficile tâche, en plus d'être essentielle à toute société. Cela demande des sacrifices de tout ordre aux parents, sauf que c'est toute la société qui en profite. La société devrait reconnaître la valeur de ceux et celles qui s'y consacrent en les supportant par des mesures concrètes.

Mme Tétreault (Lucie): Recommandations. Nous croyons que l'ensemble des mesures de retour au travail proposées par le livre vert devraient être mises sur pied et expérimentées dans les régions les plus touchées du Québec sur une base volontaire avec des prestataires consentants.

Compte tenu de la conjoncture économique actuelle, il nous semble peu réaliste d'intégrer les personnes de 55 ans à 59 ans à la main-d'oeuvre québécoise. En conséquence, nous demandons qu'elles puissent être exemptées de la démarche si elles en font la demande et ainsi conserver la bonification de 100 $.

Nous proposons, pour les familles monoparentales, que le parcours vers l'emploi se fasse sur une base volontaire et que la bonification de 100 $ leur soit accordée jusqu'au moment où l'enfant fréquentera l'école à temps plein.

Nous proposons que l'allocation unifiée pour enfants soit bonifiée pour offrir un support convenable aux familles, que les seuils de réduction de l'allocation unifiée soient harmonisés avec les seuils de faibles revenus reconnus par Statistique Canada et qu'un réajustement puisse également être demandé en cours d'année si une famille subit une baisse de revenus.

Nous croyons que les prestations de base devraient être conformes au seuil des besoins essentiels déterminés et reconnus par le gouvernement.

Les montants de pensions alimentaires prévus par la réforme devraient demeurer en totalité aux enfants.

Mme Lévesque (Sylvie): Je sais qu'il reste une minute. Je dirais juste une dernière phrase qui n'est pas de nous, mais qui est de Pierre Foglia, qui terminait notre mémoire, et on trouvait que ça s'introduisait bien là-dedans. Ça disait: «Pensez à une femme sur l'aide sociale qui élève seule ses deux enfants. Cette femme-là n'a pas une seconde pour faire de la voile sur l'Antarctique, sans ajouter que survivre avec l'aide sociale est une forme d'héroïsme qui s'apparente assez à la navigation dans l'Antarctique, mais beaucoup moins commanditée.»

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Sherbrooke à débuter l'échange.

Mme Malavoy: Ce n'est pas mauvais de nous faire sourire avec cette citation de M. Foglia. Ça fait partie de son rôle social. On parle de rôle social dans votre mémoire, je pense que son rôle social c'est de dire, effectivement, des choses importantes, mais sur un ton humoristique. Bien, bonjour, Mesdames Tétreault, Lévesque et Mainguy. Vous avez compris que je remplace ma collègue, qui aurait bien aimé vous écouter directement, mais vos propos lui seront bien évidemment rapportés.

J'aimerais peut-être réajuster une ou deux données de ce que vous avez présenté, mais je veux passer surtout du temps à vous entendre développer certains points. Mais je pense quand même que c'est important de réajuster d'abord une impression que vous avez, que vous donnez dès le début de votre document, que les jeunes et les familles monoparentales sont 73 % des prestataires de la sécurité du revenu. D'après nos données à nous, il ne faut pas dépasser environ 49 %, 50 % parce qu'il y a un recoupement, il y a une partie des familles monoparentales qui sont aussi classées comme jeunes. Donc, je ne veux pas entrer dans une guerre de chiffres cet après-midi, mais, oui, je voudrais juste qu'on s'entende que, si on enlève ce recoupement, ça fait une proportion moindre, parce que 73 %, c'est vraiment beaucoup. Mais ça ne veut pas dire que 50 %, c'est rien, là. Je pense que c'est très important, mais je voulais simplement réajuster ça.

Autre chose, vous faites référence à l'allocation unifiée pour enfants, que vous trouvez, en soi, une bonne chose, mais vous regrettez que ça ne fasse pas une différence tellement sensible pour les gens qui gagnent un revenu de 18 000 $ par rapport à ceux et celles qui gagnent un revenu de 12 000 $. Je voudrais simplement souligner que, dans les deux cas, toutefois, par rapport au régime actuel, le revenu disponible augmente avec l'allocation unifiée pour enfants. Il n'augmente pas suffisamment selon ce que vous dites, mais, malgré tout, il augmente dans les deux cas. Que l'on gagne 12 000 $ ou 18 000 $, on se retrouve avec l'allocation unifiée pour enfant avec un revenu disponible plus important qu'avec le régime actuel. Ce que vous déplorez, si je comprends bien, c'est que l'écart ne soit pas plus sensible. Est-ce que je comprends bien que c'est ça que vous déplorez essentiellement?

Mme Mainguy (Claudette): L'écart? Qu'est-ce que vous voulez dire par l'écart?

Mme Malavoy: Bien, c'est-à-dire que je vais prendre exactement ce que vous dites à la page 7 de votre document. À la fin, vous dites: «L'introduction de l'allocation unifiée pour enfant réduira cette somme à 2 016 $.» Vous comparez donc les gens qui gagnent 18 000 $ avec les gens qui gagnent 12 000 $. C'est ça que j'appelle l'écart. Vous auriez souhaité que ce soit plus important, qu'on y gagne plus?

Mme Mainguy (Claudette): Bien, en fait, c'est parce que, si on gagne 18 000 $, avec 12 000 $, il y a 6 000 $ d'écart. Alors, il reste 2 000 $. Ce n'est pas beaucoup, mettons.

Mme Malavoy: C'est ce que je comprends.

Mme Mainguy (Claudette): Bien oui. C'est ça, aussi.

Mme Malavoy: Vous auriez souhaité qu'il en reste plus. Moi, je dis simplement: Que l'on gagne 12 000 $ ou 18 000 $, avec l'allocation unifiée pour enfants, on se retrouve avec un revenu disponible supérieur à la situation actuelle. Je n'infirme pas ce que vous dites. L'écart est effectivement de 2 016 $. Je ne l'infirme pas, mais je dis simplement que, pour les gens, ça fera quand même, dans l'une ou l'autre situation, un peu plus d'argent dans leurs poches.

Mme Mainguy (Claudette): Mais toutes les personnes qui ont des seuils de revenu très bas sont gagnantes par l'allocation unifiée parce que ce n'est pas déduit, c'est bien évident. Mais est-ce qu'on veut ça? C'est ça qu'il faut se poser aussi.

Mme Malavoy: C'est ça, la question que vous posez.

Mme Lévesque (Sylvie): Est-ce que c'est décent? C'est ça qu'il faut se poser comme question aussi. C'est un peu ça qu'on pose comme question. Est-ce que, ça, on accepte ça, comme société, comme étant un revenu décent pour une famille monoparentale avec des enfants? C'est la question qu'on pose. C'est un choix de société.

(17 h 30)

Mme Malavoy: O.K. Je le reçois bien comme ça. Ce sur quoi j'aimerais vous poser peut-être une question plus centrale, parce que ça revient beaucoup dans votre document, c'est l'idée qu'on peut choisir d'élever ses enfants, je vais dire, aux frais de l'État, entre guillemets, parce que je le dis sans jugement de valeur, là. Mais vous parlez un peu comme si – et vous n'êtes pas le seul groupe à faire ça – nous avions fait un choix de société avec ça comme alternative: ou bien on est travailleur et travailleuse, on fait partie de la population active et puis, bon, on élève ses enfants à travers ça, ou bien on a le choix de rester chez soi pour les élever. Moi, il me semble que ce débat n'a pas été fait et que notre société ne l'a pas fait probablement parce que, entre autres raisons, elle n'a pas les moyens de choisir que des personnes restent à élever leurs enfants et qu'elles soient financées pour ça ou, en tout cas, qu'on dise: C'est bien comme ça que l'État reconnaisse ce rôle social et le finance. Je ne veux pas dire que ce n'est pas important d'élever des enfants. C'est capital d'élever des enfants, mais il reste que la façon dont vous l'abordez, c'est un peu comme si on devait prendre pour acquis que ces personnes-là peuvent choisir d'élever leurs enfants, et qu'on n'a pas de questions à poser, et qu'on a simplement à leur donner des prestations leur permettant, au minimum, de survivre. Je voudrais vous entendre là-dessus avant de...

Mme Lévesque (Sylvie): Je vous ferai remarquer, puis je pense qu'il y a plusieurs groupes – ceux avant nous puis d'autres aussi, sûrement, après nous – qui l'ont mentionné, effectivement, que les femmes monoparentales étaient très participantes aux mesures d'employabilité malgré les obstacles, sauf que, quand on parle de conditions sociales, celles qui font le choix – c'est un peu ce qu'on transmet dans le mémoire – de rester à la maison parce que, financièrement, elles peuvent le faire, alors que celles qui sont pauvres, dans la pauvreté, elles, ce que l'État dit, c'est qu'elles n'ont pas le choix, alors nous autres, ce qu'on dit, c'est: Peu importe la condition sociale, que tu puisses le faire, ce choix-là. O.K.? Alors, nous, on ne dit pas: Laissons les femmes à la maison et retournons à la maison, selon ce que d'autres personnes ont dit avant. Ce n'est pas ça qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est que les conditions dans lesquelles... C'est pour ça qu'on donne l'argument, ici, de dire que c'est aussi dû à la rupture, dû à la sous-scolarisation que les femmes restent longtemps à l'aide sociale et aussi aux conditions dans lesquelles elles sont, plus que celles qui font un choix éclairé parce que, financièrement, bon, elles peuvent se le permettre ou qu'elles ont un conjoint pour subvenir à leurs besoins, et tout. Ce n'est pas dans cette optique-là. Sauf que ce que, nous, on a perçu – et je pense que d'autres groupes l'ont perçu aussi – c'est que c'est quand même un choix qui a été fait de votre part, dans le livre vert, de dire: Bien, les femmes pauvres, maintenant, à partir de deux ans, bien, vous n'aurez plus le choix, vous devez aller en mesures d'employabilité, sinon c'est des mesures coercitives qui vous attendent.

Mme Malavoy: Je veux juste dire que ce n'est pas si radical que ça. Dans le livre vert, on commence par les personnes dont les enfants auront cinq ans, pour les maternelles plein temps, en septembre 1997. C'est vrai qu'on laisse entendre que ça pourrait baisser graduellement jusqu'à deux ans, mais ce que le livre vert propose, c'est de faire une première étape puis d'en faire le bilan au fur et à mesure.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte... Oui, vous vouliez un complément? Oui?

Mme Mainguy (Claudette): J'aimerais rajouter quelque chose. On est beaucoup terrain, alors on voit des choses, on entend des choses des personnes mêmes qui sont touchées par ces mesures-là. Puis ce qu'on ne voudrait pas, non plus, puis c'est ce qui s'est déjà fait ou qui se fait maintenant, c'est l'autre extrême, c'est-à-dire: Madame – puis ça, il y a des personnes qui se le font dire – votre petit, il a tel âge, vous restez chez vous. Madame, elle veut suivre un programme, elle veut s'en sortir, mais ils ne veulent pas. C'est que ça non plus, on ne veut pas que ça se passe. Que les gens soient libres, mais qu'ils soient libres dans les deux sens, pas confinés, pas dire: Vous restez chez vous, madame, parce que votre enfant a tel âge, ou peu importe. Si le bébé, il a six mois et que madame veut aller travailler parce que, elle, ça lui tente, il faut qu'elle puisse le faire. Vous comprenez? Ce n'est pas de dire: On les confine là, on les enferme dans ce rôle-là. Ce n'est pas ça, là. Ce n'est pas ça du tout. Je ne sais pas si vous comprenez bien notre affaire?

Mme Malavoy: C'est l'aspect du volontariat qui est important pour vous?

Mme Mainguy (Claudette): Oui.

Mme Malavoy: Vous voulez que ça demeure quelque chose de volontaire.

Mme Mainguy (Claudette): Oui, mais qu'elles ne soient pas confinées, non plus, à remplir ce rôle-là si elles ne le désirent pas. C'est la même chose des deux côtés, si on veut.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Tétreault, vous vouliez compléter?

Mme Tétreault (Lucie): Bien, c'est ça. C'était dans le même sens, c'est-à-dire que ce qu'on veut permettre, c'est de laisser les gens choisir. Bien, on représente les familles monoparentales. Donc, qui dit famille monoparentale dit qui a eu une rupture quelque part. En général, à part quelques personnes qui ont eu des enfants comme ça puis qui avaient le choix, c'est qu'il y a eu une rupture. Donc, ce que, nous, nous disons, c'est que ce n'est pas tout le monde qui prend le même laps de temps pour se remettre de ce choc qu'une rupture apporte. Donc, ce que, nous, nous disons, c'est que, si, par hasard, ça arrive à une femme puis que son enfant est rendu à 22 mois – on prend un exemple – que ça arrive à ce moment-là, et que, bon, pour une raison x, cette dame-là se retrouve sur l'aide sociale, elle aurait deux mois pour se remettre vraiment sur pied. Parce que, il ne faut pas se leurrer, c'est difficile à vivre, une rupture pour la femme et aussi pour l'enfant qui, lui aussi, voit son papa partir et ne plus revenir tous les soirs. Donc, on se dit que, si on les oblige immédiatement et qu'on dit: Tu n'as pas le choix, là, tu te remets debout immédiatement et tu t'en vas – et on pense souvent à ceux à qui on touche, qui sont malheureusement des personnes peu scolarisées – ces personnes-là vont faire quoi? Retourner aux études quand tu vis une rupture depuis tout récemment et tout vivre ça en même temps, c'est difficile. Mais il y en a qui ont – moi, j'appelle ça avoir du «guts» – le «guts» de vouloir le faire tout de suite, mais ce n'est pas tout le monde. Donc, c'est de permettre aux gens de dire: Ouf! je vais prendre un petit temps d'arrêt pour avaler ce que je viens de vivre et, après ça, je pourrai retourner me remettre.

Mais je pense que – et on le disait tantôt – on a la preuve que les monoparentales veulent se prendre en main. Et elles savent fort bien qu'elles n'ont pas le choix. Après une rupture, c'est: tu les mets, tes pantalons, puis il faut que tu bouges. Sauf que laissons-leur le temps un petit peu, avec des jeunes enfants surtout, pour respirer un peu. C'est pour ça qu'on dit: Laissons le libre choix à une personne qui veut retourner immédiatement et à l'autre qui veut avoir un petit temps de répit pour se remettre sur le marché du travail. C'est pour ça qu'on dit le libre choix.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour, bienvenue. M. le Président, j'ai frémi tantôt quand la députée de Sherbrooke nous disait que, bon, il y a des familles qui vivent à l'aide sociale qui vivent aux frais de l'État. Ce n'est pas un choix de vie qu'on fait d'aller cogner à la porte de dernier recours. S'il y a des femmes, des enfants qui se retrouvent à l'aide sociale, c'est parce qu'il y a eu des ruptures difficiles, c'est parce qu'il y a eu de la violence conjugale, c'est parce qu'il y a eu des femmes qui se sont retrouvées dans la rue avec leur enfant et qu'elles n'avaient rien, rien pour survivre. Alors, leur dernier choix, c'était d'aller frapper à l'aide de dernier recours. Mais vivre de l'aide de dernier recours, là, c'est vivre sous le seuil de la pauvreté.

Il faut se le rappeler que, depuis 1993, il n'y a pas eu d'augmentation des prestations et que, avec toutes les coupures... On n'en a pas parlé beaucoup, mais la loi n° 115, moi, je le dis, je le répète, c'est un élément qui doit être rattaché à ce qu'on discute actuellement. C'est que le gouvernement n'a pas eu le courage de la présenter en même temps, mais la loi n° 115 qui nous a été forcée d'être adoptée a appauvri les gens, maintenant, a creusé l'écart... Justement, vous avez parlé tantôt des besoins essentiels. Avec la loi n° 115... Quand un barème disparaît, dites-vous bien que c'est de l'argent qui disparaît dans les poches des gens, ça. On ne fait pas disparaître des barèmes pour le plaisir de faire disparaître des barèmes. Quand on enlève des barèmes, c'est parce qu'on va récupérer de l'argent dans la poche des gens les plus démunis.

Puis il y a l'allocation-logement aussi. Il faut en parler parce qu'il y a beaucoup de familles qui sont touchées par ça, et j'aimerais vous entendre aussi tantôt sur ça, l'allocation-logement, le fait d'avoir retiré certains montants aux familles pour les aider à se loger convenablement, si je peux dire convenablement, si je peux me permettre le terme, parce que je le sais que, à Montréal, se loger convenablement avec les prestations actuelles, c'est presque impossible.

Moi, je veux revenir sur le principe de la liberté de choix des parents parce que c'est vrai, vous avez raison, cette liberté de choix va disparaître progressivement avec l'implantation au niveau des enfants. Là, on s'attaque aux enfants de cinq ans, mais, éventuellement, le livre vert le dit très bien, noir sur blanc, on va aller jusqu'à deux ans. Il y a des groupes qui nous ont dit que des monoparentales, que des mères se sentent – surtout à l'aide sociale – énormément valorisées dans leur rôle de mère, parce que beaucoup d'entre elles ont vécu des moments difficiles depuis leur naissance. Beaucoup d'entre elles ont vécu échec par-dessus échec, et la plus belle chose qu'elles aient réalisée, ces femmes-là, c'est de mettre au monde un enfant et, avec cet enfant-là, elles se sont créé comme une place au sein de notre société. J'aimerais vous entendre sur ça parce que, vous savez, la liberté de choix, la première fois que j'en ai parlé, quand on a déposé la réforme du livre vert, moi, j'ai dit que c'était indécent que, comme société, on accepte de retirer la liberté de choix aux familles, surtout aux familles qui se retrouvent à l'aide de dernier recours. On a ironisé de l'autre côté en Chambre, mais, moi, je pense que plus on entend les groupes qui viennent ici, en commission parlementaire, plus on se rend compte que, finalement, la majorité des gens, même ceux qui ne sont pas à l'aide sociale, la population en général est en désaccord avec ce choix-là que le gouvernement fait de retirer aux parents, aux mères à l'aide sociale cette liberté de choix d'élever elles-mêmes leur enfant.

Mme Lévesque (Sylvie): Je pense qu'il y a quand même la clé... Effectivement, l'autonomie des femmes, je pense que c'est important aussi d'en tenir compte, dans le sens que c'est sûr que c'est souvent par l'emploi, au niveau économique, qu'elles peuvent s'en sortir. Ça, on est d'accord aussi avec ce principe-là. Ce que je dirais à ça, c'est que c'est dans le sens de permettre, quand on parle de liberté de choix, justement aux femmes qui sont assistées sociales de pouvoir le faire, mais au même titre que toutes les autres femmes, de leur offrir des conditions dans lesquelles elles pourraient le faire, ce choix-là – c'est ça qui est le problème – sans avoir de mesures coercitives qui vont avec. C'est là-dessus qu'on en a, nous, ce n'est pas sur le fait... Comment je pourrais dire? Ce n'est pas juste sur la liberté de choix, mais aussi le fait de ne pas... C'est qu'on rajoute avec ça des mesures coercitives. C'est qu'on enlève la liberté de choix, mais, en plus, c'est qu'on va leur enlever financièrement... C'est que ce n'est même plus sur une base volontaire, c'est sur une base d'obligation. Donc, c'est plus sur ce principe-là d'obligation, qu'on en est et au niveau de la coupure, des mesures coercitives, parce que, comme on le dit, actuellement, sur une base volontaire, elles participent déjà parce qu'elles veulent s'en sortir. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas non plus juste dire liberté de choix, comme ça, pour dire: Bon, retournons les femmes à la maison. Ce n'est pas là-dessus. C'est de dire: Donnons-leur la possibilité, si elles le veulent, de se trouver un emploi – de toute façon, elles le font déjà – sans qu'on leur enlève les moyens qu'elles n'ont déjà pas beaucoup actuellement. C'est plus là-dessus qu'on a notre argumentation actuellement.

(17 h 40)

Mme Loiselle: J'aimerais échanger avec vous au niveau des pensions alimentaires, parce qu'on n'en a pas beaucoup discuté. Vous, vous êtes contre le fait que ce soit décroissant selon l'âge, parce que, d'après le document, c'est un incitatif à réintégrer le marché du travail. Ça, je ne sais pas d'où vient la logique, là, que d'avoir 30 $ de plus ou 20 $ par mois de plus ou moins, c'est un incitatif au niveau de la pension alimentaire, mais semble-t-il que c'est un incitatif d'après le livre vert. Mais vous dites aussi que vous êtes contre le fait que ça soit ajouté aux revenus de gains de travail permis. Alors, j'aimerais vous entendre sur ces deux facettes-là.

Mme Mainguy (Claudette): Parce que, dans le fond, ça rejoint l'ensemble du discours qu'on tient là-dessus. C'est que si on dit: La pension alimentaire... Mettons que c'est un enfant de moins de deux ans, O.K.? Le montant permis par la réforme, c'est 100 $, puis les revenus de travail sont de 102 $. Donc, madame va pouvoir gagner deux piastres par mois. Ça fait qu'elle n'ira pas. C'est bien sûr qu'elle n'ira pas. Où est-ce qu'elle améliore sa qualité de vie là-dedans? Nulle part parce qu'elle avait déjà, au départ, la possibilité de gagner 102 $. La personne qui est seule, qui est sur l'aide sociale, elle a cette possibilité-là, j'imagine, de gagner 102 $ aussi. Donc, on pénalise la mère. On ne lui donne pas un avantage, mais on la confine à son montant. On lui fait même perdre deux piastres, là, si on veut aller un petit peu plus loin dans cette logique-là. C'est comme ça que ça fonctionne finalement, le fait de faire ça. Que, au moins, même si ce qui est permis pour les enfants...

Je comprends – on a eu des arguments là-dessus avec Mme Harel dans d'autres consultations avant – la résistance que Mme Harel peut avoir à ce que des familles sur l'aide sociale aient plus de revenus que des personnes qui ont de faibles revenus à cause d'une pension alimentaire versée. On peut comprendre qu'elle mette des seuils, mais, au moins, qu'ils laissent intègre ce montant-là. À la rigueur, on peut toujours y consentir, que les montants soient décroissants et ainsi de suite, que les montants soient limités à un certain maximum, mais que ça ne soit pas réductible des revenus de travail. On vient d'arrêter, encore une fois, puis de laisser la personne dans la même pauvreté, mais on lui dit: Bien, tu restes à la maison. Tu as une pension alimentaire qui compense. Ce n'est pas ça qu'on veut. C'est que, si elle veut aller travailler, bien, elle doit pouvoir avoir la possibilité de gagner ce 102 $ là en supplément pour lui faire, justement, un meilleur revenu puis être capable, en quelque part, de faire d'autre chose que de survivre.

Mme Lévesque (Sylvie): Quelle est la logique, à ce moment-là... Par exemple, il y a des ex-conjoints ou des pères – parce que c'est majoritairement, bon, malheureusement des femmes qui sont monoparentales – qui, justement, veulent... Souvent, l'argument, c'est de dire: Bien, la pension alimentaire, elle «va-tu» pour la femme? Elle ne va pas pour l'enfant, et tout ça. Le fait de l'allocation unifiée, qui est intéressante pour, justement, sortir les enfants de l'aide sociale pour, justement, dire que c'est une allocation unifiée, nous, ce qu'on dit, c'est: Faisons la même chose avec le principe de la pension alimentaire. Quand on est avec notre conjoint puis qu'on a des enfants, on paie pour nos enfants. Alors, comment se fait-il que, au moment où le divorce arrive, l'ex-conjoint ou le père n'est plus le responsable de rien, c'est-à-dire qu'il donne au gouvernement puis que, là, on lui enlève de l'autre côté? C'est quoi, l'incitatif au père de vouloir la donner, la pension alimentaire? Il va dire: Je suis aussi bien de ne pas la donner. Je veux la donner à mon enfant, mais, en même temps, le gouvernement récupère des sous là-dessus. Donc, si on veut que ça soit un principe de pension alimentaire qui est plus une allocation, dans le fond, à l'enfant pour sa subsistance, nous, ce qu'on dit, c'est: Au moins, minimalement, essayons d'enlever cette partie-là au niveau des gains de travail pour permettre aux femmes monoparentales aussi de l'avoir, cette possibilité-là de gains, et ce ne sera pas l'État, à ce moment-là, qui va fournir cette partie-là, ça va être l'ex-conjoint. Il n'y aura pas de problème à ce niveau-là. Il va être bien plus content de le donner à son enfant que de le donner au gouvernement. Parce que, ça aussi, les groupes d'hommes revendiquent beaucoup par rapport à ça. Donc, moi, je me dis que vous avez un élément à ce niveau-là, puis on est d'accord, nous, effectivement, pour responsabiliser les pères, mais responsabilisons les jusqu'au bout, tu sais.

Mme Tétreault (Lucie): C'est un petit peu ça que, nous, on voit le plus, c'est qu'il y a des hommes qui – parce qu'on regroupe aussi des hommes dans notre Fédération – qui nous disent: Oui, je donne une pension alimentaire, mais je la donne à mon ex. O.K.? On s'est, je pense, assez débattu avec la loi sur les pensions alimentaires, justement, pour ça, en disant: Non, elle va à l'enfant. Comme Sylvie le disait tantôt, quand un couple est ensemble, les deux paient pour l'enfant. Donc, ce n'est pas parce qu'il y a un divorce qu'il y en a un plus que l'autre. Donc, au moment où on essaie de plus en plus de dire qu'il faut que les pères prennent leur place, bien, je pense que c'est important de dire: Oui, il y a un certain montant d'argent que je donne à mon ex pour l'enfant, mais je le donne à mon ex, mais pour mon enfant et non pour elle. Donc, que ce soit déduit, je trouve que c'est contradictoire et, moi, j'ai comme tendance à dire que ça fait des petites chicanes en surplus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Bonjour, mesdames.

Une voix: Bonjour.

Mme Simard: Bon, évidemment, dans votre mémoire vous soulevez des choses qui sont incontestables. Je pense qu'on connaît aussi l'expertise que vous avez développée avec votre association qui regroupe peut-être certains hommes, mais surtout des femmes.

Mme Tétreault (Lucie): Surtout des femmes.

Mme Lévesque (Sylvie): Il y a de plus en plus d'hommes aussi, là.

Mme Simard: Quelques hommes.

Une voix: 20 %?

Une voix: 20 %.

Mme Simard: Et, bon, vous soulevez évidemment un certain nombre de choses. Bon, quand vous parlez de la conciliation travail-famille, qui est loin d'être parfaite, ça, on va en convenir, il y a un petit volet sur les congés parentaux dans la politique familiale dont on parle très peu, peut-être parce que ça fait bien limité, mais qui va tenter d'améliorer ça au niveau des congés de maternité, de paternité, adoption, etc. Et personne – en tout cas, pas moi ni de ce côté-ci – ne va prétendre que ce qu'il y a dans le livre vert peut se substituer à une politique de création d'emplois. On va tous en convenir, il y a un taux de chômage qui est très, très...

Une voix: Énorme.

Mme Simard: ...énorme, qui frappe certains groupes. Mais, ceci étant dit, il reste que, quand on regarde les personnes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale – vous avez donné quelques chiffres tout à l'heure sur, à la fois, les 18-24, les familles – il y a à peu près, quoi, 100 familles monoparentales qui se retrouvent à l'aide sociale. C'est 50 %, donc à peu près 100 000, c'est ça, 97 000. Donc, c'est la moitié...

Une voix: La moitié.

Mme Simard: ...des familles monoparentales et des enfants de moins de six ans. Bien, là, 75 % de ces familles... Quand je regarde les chiffres de scolarité et que je les recoupe, je me rends compte que la très grande majorité de ces gens et de ces femmes monoparentales n'ont pas terminé leur secondaire, hein? Ça, c'est clair. Alors, oui, il y a une question de choix, de dire: Bon, je veux rester un certain temps. Mais il reste qu'il y a un handicap énorme par rapport à vouloir aller travailler. Et je ne remets pas en cause leur volonté. Je ne pense pas que personne aime ça, être sur l'aide sociale non plus, mais que, si elles n'ont pas une façon de pouvoir... Là, on ne parle pas d'autres mesures, on parle juste de finir ou de retourner finir leur secondaire, bien, plus ça va être long, plus ça va être difficile.

Vous savez, bon, même Camil Bouchard – vous connaissez M. Bouchard. On ne peut pas dire que ce n'est pas quelqu'un qui est attentif et soucieux, finalement, de la situation des familles, des enfants au Québec – lui, il disait: Il y a un problème là. Il y a le problème que, plus elles restent longtemps en dehors du marché du travail ou en dehors d'un certain parcours, plus c'est difficile, et là c'est comme la condamnation à la pauvreté. Et, quand je regarde qui reste plus de 48 mois sur l'aide sociale, c'est souvent les femmes dont on parle aujourd'hui.

Alors, à part de tout ce que j'ai dit, oui, il faut plus d'emplois, et tout ça, qu'est-ce que vous suggérez? Puis je ne veux pas parler des barèmes non plus, parce que, là, on va s'entendre, les barèmes, ce n'est élevé, effectivement, les montants. Bon, là on parle de retrancher tant, mais, idéalement, même s'il y en avait plus, il reste que ça reste toujours de l'aide de dernier recours, qu'il n'y a pas beaucoup d'argent, que, dans certains cas, c'est comme, entre guillemets, une condamnation à rester sur l'aide sociale pendant toute toute la vie durant laquelle elles auront la responsabilité de leurs enfants qui ont jusqu'à 16 ans ou 18 ans. Et ça, on a vu des gens qui sont venus ici, qui sont restés 20 ans sur l'aide sociale avec leurs enfants. Ce n'est pas ça qu'on veut. Alors, qu'est-ce qu'on fait? D'autres groupes sont venus, comme vous, dire, bon, que ce n'est peut-être pas la façon obligatoire. On enregistre ça, on écoute ça, c'est un livre vert, mais qu'est-ce qu'on fait pour...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Deux minutes, Mme Tétreault.

Mme Simard: ...pour donner ce coup de pouce là?

Mme Tétreault (Lucie): Veux-tu répondre? Commence.

(17 h 50)

Mme Lévesque (Sylvie): Ce qu'il faut peut-être se dire aussi – c'est peut-être fataliste ce que je vais dire – c'est qu'il va toujours y en avoir aussi un certain nombre de femmes monoparentales qui vont être assistées socialement, qui vont demeurer des mères assistées sociales, je pense qu'il faut le reconnaître, dans notre société. Il y a d'autres études – ce n'est pas moi qui l'ai dit – il y a des universitaires qui l'ont dit avant nous, et je pense qu'il faut le reconnaître, ça. Bon. Après avoir dit ça, c'est sûr que c'est une réalité catastrophique actuellement par rapport aux femmes monoparentales, mais, moi, je ne suis pas certaine qu'on n'a pas exploré l'ensemble des facettes ou des possibilités pour ces femmes-là aussi. Mais, même si, demain matin, on met ces 100 000 ménages en parcours ou en insertion si elles le veulent... Il faut le faire aussi par choix, d'une certaine façon, sans nécessairement obliger mur à mur, toute la même affaire... On le sait que la mesure de rattrapage scolaire était aussi une mesure intéressante pour les femmes monoparentales, sauf que ça durait longtemps et que ça coûtait cher à l'État. Ça, on le sait, mais je pense que c'est peut-être mieux d'avoir des mesures qui sont plus coûteuses, mettons avec un délai plus long, mais qui vont avoir des retombées beaucoup plus importantes, parce qu'on sait que les femmes monoparentales qui faisaient, par exemple, cette mesure-là de rattrapage scolaire avaient plus de possibilités, effectivement, de se trouver un emploi décent avec un revenu décent que de faire juste des petites jobines de serveuse le soir et les fins de semaine. Sauf que c'est des mesures qui, à notre avis, sont plus rentables, comme le ministère l'a déjà dit, que des petites mesures de parcours, des petites jobs comme ça, des petits programmes au fur et à mesure. Ce que, nous, on dit, c'est que la solution que vous proposez au niveau des parcours... Ce n'est pas qu'on dit que c'est mauvais, ce qu'on dit c'est: Laissons aussi les personnes elles-mêmes en décider. Et, quand vous dites: Nous, on veut les remettre en emploi, sûrement qu'elles aussi le veulent se remettre en emploi parce qu'elles le démontrent. Mais aussi il faut, je pense, reconnaître, comme société, qu'il va y en avoir toujours aussi des personnes assistées sociales.

Mme Simard: Mais vous comprenez que le parcours, ça inclut la formation, que ce n'est pas juste l'emploi, là?

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, oui, mais à long terme...

Mme Simard: Bon. L'objectif, c'est que les femmes – parce que c'est surtout ça qui nous préoccupe avec votre présentation, votre groupe – deviennent autonomes financièrement, parce que l'aide sociale reste un rapport de dépendance, et toutes les femmes que vous avez ici, autour de la table et, de l'autre côté aussi, certaines, sont des femmes qui ont à coeur que, dans la société... Les femmes, on s'est battu pour qu'on ne soit plus dépendantes financièrement de nos maris ou de nos pères, bien, ce n'est pas pour devenir dépendantes financièrement à d'autres niveaux.

Mme Lévesque (Sylvie): Ce n'est pas ça qu'on a dit, je pense.

Mme Simard: Non, mais on se comprend là-dessus, hein?

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, Oui.

Mme Simard: Bon, O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Je serais tentée de répondre à la députée: Qu'est-ce qu'on ne fait pas? On n'appauvrit pas davantage les familles monoparentales. On ne les oblige pas, avec une réforme, à aller quémander dans les banques alimentaires pour nourrir leur enfant à la deuxième semaine du mois. On ne les oblige... Bien, c'est la vérité. Allez sur le terrain, madame, voyons! Les familles monoparentales n'ont plus le choix actuellement. Avec la loi n° 115, avec la loi n° 84, avec ce avec quoi vous vous en venez, avec le fardeau de l'assurance-médicaments, les pauvres n'ont pas le choix, les plus démunis vont... À Montréal, il n'y a pas eu 10 % d'augmentation des banques alimentaires l'année dernière, il n'y en a pas eu 200 %, il y a eu 976 % d'augmentation des banques alimentaires et des centres dépannage. Les gens n'ont plus le choix. Je le vois, moi, dans mon comté, de façon quotidienne, les gens font la ligne, M. le Président, dans les banques alimentaires, dans les comptoirs à linge parce qu'ils n'ont pas le choix. Alors, quand tu es rendu à une étape de survie pour nourrir tes enfants, l'énergie qui te reste pour te réinsérer sur le marché du travail, avec tout le caractère coercitif obligatoire et les pénalités qui s'appliquent au barème de base – ça, il faut le redire – on vient briser le filet de protection sociale. La pénalité du parcours s'applique au barème de base. Il y a déjà des femmes qui, si elles refusent pour une raison tout à fait personnelle, de rester à la maison avec leur enfant, vont avoir un montant de 150 $ de diminution de barème qui va s'appliquer. C'est ça qu'il ne faut pas faire pour aider les familles monoparentales à s'en sortir.

Mme Tétreault (Lucie): En tout cas, peut-être que, pour répondre, moi, je dirais, que, effectivement, non, on ne voudrait pas retourner...

Mme Loiselle: Posez-en des questions, vous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, allez-y, madame.

Mme Tétreault (Lucie): Oui?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, oui.

Mme Tétreault (Lucie): Excusez, j'ai entendu parler en même temps, donc j'ai arrêté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, allez-y.

Mme Tétreault (Lucie): Donc, je disais que, non, on ne veut pas retourner en arrière. Effectivement, je me souviens de m'être battue, moi aussi, dans le sens de dire qu'il ne faut pas être aux crochets de nos maris. On veut que les femmes prennent leur place et qu'elles deviennent indépendantes, et je ne pense pas que personne à la Fédération voudrait qu'on retourne en arrière, sauf que, comme on le disait tantôt, c'est de laisser une période de temps pour que ces gens-là se reprennent en main, parce que, vous l'avez dit tantôt avec des chiffres, malheureusement, ils ne sont pas scolarisés. Donc, c'est de leur offrir la possibilité, oui, premièrement, de se scolariser et aussi de s'aider. En tout cas, je ne sais pas, je vais peut-être aller très loin, je vais peut-être sortir un petit peu, mais, souvent, ces femmes-là sont démolies psychologiquement, donc il faut qu'elles se remettent sur pied, et ça, il ne faut pas se cacher que c'est ça qu'on rencontre le plus. En tout cas, moi, je suis bénévole, et c'est ça que je rencontre, des femmes démunies à qui il faut redonner confiance en elles, et encore plus quand elles sont peu scolarisées. Donc, il faut qu'elles se battent deux fois plus à dire: Premièrement, j'ai un échec de mariage. En plus de ça, je me retrouve avec pas de scolarité. Il faut se reprendre en main. Donc, c'est pour ça qu'on dit: Laissez un laps de temps. Moi non plus, je ne suis pas pour que les familles soient sur l'aide sociale pendant... Malheureusement, comme elle disait, c'est vrai qu'il y en aura malheureusement, peut-être, qui seront toujours là, mais ce n'est pas le but. Nous, ce qu'on voit, c'est de permettre aux gens et pas de fixer un âge qui est enfant de deux ans, parce qu'on ne sait pas, quand arrive un divorce, à quel moment ça arrive, pour permettre aux personnes de se remettre sur pied et avec de l'aide, comme on dit, psychologique et aussi avec des retours aux études pour aider ces personnes-là à devenir des femmes autonomes. Et je peux vous dire, depuis les 17 ans de bénévole que je fais, que j'ai vu des gens bien à terre qui se sont relevés joliment.

Mme Loiselle: Vous avez tout à fait raison parce qu'un grand nombre de ces femmes-là vivent beaucoup – madame l'a dit tantôt – de culpabilité, un sentiment de culpabilité, un sentiment d'échec, et il y a une période de transition qui est obligatoire pour les aider, justement, à reprendre confiance en elles pour, après, aller justement vers une amélioration de leur qualité de vie. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

Mme Loiselle: J'aimerais peut-être échanger, en dernier lieu, au niveau d'économie sociale. Il y a beaucoup de groupes qui sont venus nous dire: Oui, ça semble bien, l'économie sociale, mais il faut faire attention. Il ne faut pas que ça devienne un ghetto d'emploi pour les femmes. Il ne faut pas que ça devienne de la substitution d'emplois parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de mises à pied, de pertes d'emplois au niveau du ministère de la Santé, des emplois qui sont occupés par des femmes actuellement. Il ne faudrait pas que le gouvernement s'en serve, finalement, pour créer des emplois où les salaires vont être moins importants et des emplois plus précaires. Avez-vous des craintes au niveau de l'économie sociale?

Mme Mainguy (Claudette): Entre l'idée de l'économie sociale comme telle et l'application qu'on peut en faire, il y a beaucoup de possibilités. Nos craintes, dans une optique d'économies, de déficit zéro, si vous aimez mieux, pour employer les termes du gouvernement même, il y a un danger de récupération qui est énorme. Si je peux citer un exemple, il y a une de nos associations qui a reçu un budget de 50 000 $ répartis sur trois ans pour un projet. Figurez-vous que 50 000 $ sur trois ans, ça ne fait pas un gros salaire, ça. Ça fait une job à temps partiel puis pas beaucoup d'heures. Ça fait que, ça, il y a un danger à ça. Il y a un danger énorme, puis, en tout cas, nous, on se propose d'être assez vigilantes, de façon à ce qu'il n'y ait pas de récupération d'emplois autant que possible, parce que, ça, ça n'a aucune espèce de bon sens. On recule.

Mme Loiselle: Enlever à un pour donner à un autre, c'est ça.

Mme Mainguy (Claudette): On recule parce que les conditions ne seront pas les mêmes.

Mme Lévesque (Sylvie): Ce qu'on a perçu aussi par la politique familiale qui est présentement sur la table, en tout cas, au niveau, par exemple, de mettre en place des centres intégrés à l'enfance, quelque chose comme ça, des OSBL, et aussi axés sur le travail domestique et le travail de garde en milieu familial, en tout cas, nous, peut-être qu'on est tordus, mais ce qu'on en a compris, notre perception, c'est que le fait de garder en milieu familial pourrait, par exemple, être une place ou un endroit éventuel pour des femmes monoparentales, pour travailler dans ce secteur-là, ce qui n'est pas un sot métier. Je veux dire, garder des enfants, ça va si tu acceptes de le faire de ton choix puis que tu te sens à l'aise de le faire sans être obligé à aller vers ça. C'est que, en tout cas, nous, on a vu comme un lien direct au niveau de ça, par exemple, qui pourrait être un endroit pour lequel on pourrait utiliser, par exemple, beaucoup l'économie sociale à ce niveau-là, mais à un moindre coût, pour, justement, permettre à ces femmes-là... les sortir comme de l'aide sociale pour les rentrer au niveau des services de garde en milieu familial.

Comme je vous disais, on est peut-être tordu, mais on a quand même cette crainte-là, et, au niveau des projets actuels qui sont en place, effectivement, au niveau du concept par rapport à l'application, c'est un autre monde complètement. La théorie, c'est une chose, mais ce qu'on voit dans la vraie vie, souvent, dans nos groupes et dans nos associations, ce qu'on peut en faire de l'économie sociale, en tout cas, nous, on a bien peur de comment ça va s'articuler. Par rapport à la marche, ce qui avait été demandé, les montants puis ce qui se passe aujourd'hui, il y a comme... En tout cas, je pense qu'il faudra être très vigilantes par rapport à ça pour éviter, justement, qu'il y ait des femmes qui soient utilisées dans ce travail-là au niveau de l'économie sociale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Un dernier très, très court...

(18 heures)

Mme Simard: Sur votre crainte, là, que vous exprimez, je veux vous rassurer: Il n'est pas question, en tout cas dans notre esprit, d'abaisser les critères qui existent actuellement quant à la qualification des personnes à qui on confie les enfants en services de garde, soit en garderie ou en agence de garde en milieu familial.

Mme Lévesque (Sylvie): Dans les discussions actuelles au niveau des réseaux, ce n'est pas tout à fait ça qui se dit, alors...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, mesdames, au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup. La commission ajourne ses travaux au mercredi 12 mars, à 15 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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