To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Social Affairs

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Monday, April 28, 1997 - Vol. 35 N° 78

Étude des crédits de la ministre responsable de la Famille


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Discussion générale

Remarques finales

Adoption des crédits


Autres intervenants
Mme Marie Malavoy, présidente
M. Léandre Dion, président suppléant
M. Rémy Désilets
* Mme Jacqueline Bédard, Office des services de garde à l'enfance
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures quarante minutes)

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît. Nous allons débuter nos travaux. Je vous inviterais à prendre place, s'il vous plaît. Je rappelle le mandat de la commission des affaires sociales qui est réunie afin d'étudier les crédits budgétaires de la famille et de l'enfance pour l'année financière 1997-1998.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier). C'est tout.

La Présidente (Mme Malavoy): Merci. Le temps qui nous est imparti pour l'étude de ces crédits est de 4 h 30 min. J'aimerais avoir votre avis sur la façon de procéder quant à l'adoption de ces crédits budgétaires. Est-ce que vous souhaitez qu'on les étudie et qu'on les adopte en une fois à la fin?

M. Kelley: Oui, je pense que ce serait préférable parce que le gros des crédits est effectivement dans les services de garde. Ça va peut-être nous permettre de faire une discussion plus «at large» et de faire un vote à la fin sur l'ensemble du programme avec ses trois éléments.

La Présidente (Mme Malavoy): Très bien. Je vois que, Mme la ministre, vous acquiescez, vous êtes d'accord avec cette façon de procéder.

Mme Marois: Oui.

La Présidente (Mme Malavoy): C'est parfait.

Mme Marois: Ça simplifie de beaucoup notre tâche par la suite, je pense.


Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Malavoy): Très bien. Mme la ministre, je vous inviterais à faire vos remarques préliminaires.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir de me retrouver ce matin à cette commission pour qu'ensemble – parce que je pense que c'est toujours le cas, c'est comme ça que l'on procède – on puisse faire le point sur l'ensemble des dossiers qui concernent la famille et la petite enfance quant aux priorités que nous leur accordons comme gouvernement.

Alors, au Québec comme ailleurs, vous le savez, la société a subi de profondes transformations au cours des 25 dernières années. Ces transformations ont notamment touché la structure et la composition des familles. Bien que la famille soit encore majoritairement composée du père, de la mère et des enfants, son visage s'est pourtant transformé. On trouve aujourd'hui de plus en plus de familles monoparentales dont la majeure partie ont une femme à leur tête et, bien sûr, des familles recomposées aussi.

De plus, les femmes sont de plus en plus nombreuses à occuper le marché du travail. Au cours des dernières années, l'évolution du monde du travail a modifié la stabilité financière de nombreuses familles. Aujourd'hui, pour plusieurs d'entre elles, les anciennes notions d'il y a à peine 15 ans – ce n'est pas très loin derrière nous – en particulier la permanence et le travail à temps plein, ne sont plus une réalité. Aujourd'hui, près des deux tiers des mères dont le plus jeune enfant est âgé de moins de trois ans occupent un emploi. Dans 70 % des familles biparentales qui ont de jeunes enfants, les deux conjoints travaillent. Dans un tel contexte, concilier responsabilités familiales et professionnelles représente un enjeu social majeur.

D'autres facteurs s'ajoutent, comme le chômage et la stagnation des salaires, et contribuent à diminuer la qualité de vie de nombreux parents et, conséquemment, de leurs enfants. Il y a donc urgence pour le gouvernement de revoir ses programmes pour mieux les adapter aux mutations de la société québécoise et aux bouleversements aussi du monde du travail. C'est dans ce contexte que s'inscrit la nouvelle politique familiale dont les grands paramètres ont déjà été présentés lors du Sommet sur l'économie et l'emploi et, plus précisément, aussi en janvier dernier. Lors de ce Sommet, on a évoqué, évidemment, l'urgence pour le gouvernement et ses partenaires de relancer l'emploi, entre autres en rappelant que la finalité de cette relance était de nous assurer que les 1 500 000 enfants que compte le Québec vivront dans une société plus juste qui leur aura donné toutes les chances de réussite. C'est donc un parti pris en faveur des familles québécoises et de leurs enfants, qui est aussi le mien. C'est celui du gouvernement et c'est le mien, et je suis assurée qu'il est aussi le vôtre.

Dans le but d'apporter une aide accrue à tous les parents qui doivent concilier l'éducation de leurs jeunes enfants et les exigences du travail, nous proposons trois mesures majeures qui sont inspirées par des valeurs collectives de solidarité et de responsabilité. J'ajouterais même, Mme la Présidente, avant d'aborder ces trois mesures et de les rappeler brièvement, que cela se situe dans la foulée du troisième plan d'action du Secrétariat à la famille qui avait au coeur de ses préoccupations la conciliation travail-famille. Et plusieurs des activités actuellement menées, assumées par le Secrétariat à la famille, sujet de préoccupation sur lequel le Conseil de la famille s'est aussi penché, vont dans le sens que nous abordons comme question et ce que nous voulons surtout proposer comme réforme.

Les trois mesures majeures sont les suivantes: soit une réforme du soutien financier au bénéfice des enfants par l'instauration de l'allocation unifiée pour enfant, le développement de services éducatifs et de services de garde à la petite enfance, à des coûts raisonnables, et l'instauration d'un régime d'assurance parental pour remplacer adéquatement le revenu pendant les congés de maternité et les congés parentaux.

Les nouvelles dispositions de la politique familiale visent donc trois objectifs majeurs: assurer l'équité par un soutien universel aux familles et une aide accrue aux familles à faibles revenus, faciliter la conciliation des responsabilités parentales et professionnelles et, surtout, favoriser le développement des enfants et l'égalité des chances.

En instaurant l'allocation unifiée pour enfant, le gouvernement a voulu s'assurer de couvrir les besoins essentiels, la totalité des besoins essentiels des enfants de moins de 18 ans de familles sans revenu ou à faibles revenus. Il s'agit là d'une mesure qui rétablit l'équité entre les familles prestataires de l'aide sociale et les familles à faibles revenus. De plus, l'allocation unifiée donne à tous les enfants, et ce, dès leur plus jeune âge, des chances égales de s'épanouir et de réussir. Cette allocation, dont la date prévue de mise en oeuvre est le 1er septembre 1997, remplacera un certain nombre d'autres allocations.

À cet égard, le Québec a réclamé, lors de la dernière conférence fédérale-provinciale des ministres responsables des services sociaux – et je représentais, à ce moment-là, le Québec, j'y étais, c'était la semaine dernière – le transfert de points d'impôts, sinon un transfert financier correspondant aux dépenses du gouvernement fédéral à ce chapitre, fait au Québec, et qu'il aurait pu affecter aux objectifs poursuivis par la politique familiale annoncée en janvier dernier. Autrement dit, ce transfert ou de points d'impôts ou financier étant lié à une seule condition: que cette somme puisse être remise à la politique à la famille, évidemment, et à la petite enfance.

Le ministre fédéral, M. Pettigrew, a indiqué qu'Ottawa n'entendait pas donner suite à cette demande. Le Québec devra donc tenir compte de la prestation fédérale pour enfants et ajuster son allocation unifiée pour assurer la couverture des besoins essentiels. Son montant, évidemment, variera en fonction du revenu familial et du nombre d'enfants.

Depuis le discours du budget du ministre des Finances du Québec et l'annonce du fédéral quant à son intention d'instaurer, lui aussi, une prestation fiscale unifiée pour enfants, le ministère des Finances, le Conseil du trésor, la Régie des rentes, le ministère de la Sécurité du revenu et le Secrétariat à la famille travaillent à revoir les projections financières afin d'arrimer le tout, tenant compte de ces nouvelles orientations du fédéral et des nouvelles mesures annoncées par mon collègue le ministre des Finances, lors du discours du budget.

Je pense que c'est important de rappeler le tout. J'ajoute à cela que vous avez aussi eu l'occasion d'entendre ici plusieurs groupes qui sont venus, dans le cadre de la politique de la sécurité du revenu, faire un certain nombre de commentaires qui ont porté sur l'allocation unifiée. Nous avons d'ailleurs tous ces mémoires devant nous. Donc, ce sont évidemment un certain nombre de propositions qui sont actuellement, pour certaines d'elles, sous étude.

Cependant, il est certain qu'afin d'assurer l'universalité de l'aide aux familles un crédit d'impôt pour enfant et le crédit lié à la monoparentalité seront maintenus. On l'a constaté déjà par le discours du budget, dans un cas, et, dans l'autre cas, par la politique déjà annoncée dans le livre blanc.

Donc, en plus de combler le retard du Québec, la mise sur pied de services éducatifs et de garde à la petite enfance répond au souhait formulé par de nombreux groupes, par plusieurs associations et parents, lors de la tenue des derniers états généraux sur l'éducation. On y a alors déploré le manque et la dispersion des services à la petite enfance. Je vous dirai aussi que même la commission de l'éducation de l'Assemblée nationale, suite à un mandat d'initiative auquel ont été associées les deux formations politiques, a unanimement conclu qu'il était nécessaire d'implanter des services à la petite enfance qui soient un peu plus cohérents et surtout plus complets.

(11 h 50)

Donc, il y a un retard à combler au Québec. On sait déjà que depuis de nombreuses années, dans plusieurs pays, qu'on pense à la Belgique, à l'Italie, à la France, à la Suède, à la Nouvelle-Zélande et même à notre voisin d'à côté, le Nouveau-Brunswick, il y a plusieurs expériences et études qui sont faites et qui démontrent qu'il est bénéfique pour les enfants d'avoir accès très tôt à des activités de socialisation, d'éveil et de stimulation. On le sait, les tout-petits qui possèdent un inépuisable esprit de découverte ne demandent qu'à être stimulés, guidés dans leurs démarches. Il est donc important que les parents, le personnel enseignant, les éducatrices et les éducateurs en garderie conjuguent leurs efforts.

On sait que les enfants de milieux défavorisés ayant profité en bas âge – et ce sont les diverses études consultées qui nous amènent à cette conclusion – de stimulation précoce sont moins susceptibles de connaître des problèmes d'apprentissage, de comportement et d'échec scolaire. Parallèlement, au Québec, des études ont révélé que 50 % des cas d'abandon scolaire concernaient des enfants ayant accumulé un retard scolaire dès le primaire et ayant doublé au moins une classe. C'est pourquoi, à compter de septembre prochain, les enfants de cinq ans auront accès à la maternelle à temps plein. Vous le savez, la maternelle n'est pas obligatoire, au Québec, et elle demeurera le choix des parents.

Il y a, j'en suis consciente, certains parents qui s'opposent à la maternelle temps plein. Souvent, ces mêmes parents, bien que d'accord avec le principe, souhaiteraient avoir le choix d'envoyer leurs enfants à demi-temps. Accepter que certains enfants aillent à la maternelle à temps plein et que d'autres y aillent à demi-temps serait instaurer délibérément un système à deux vitesses. Ce serait aussi de croire que le redoublement et le décrochage ne sont que l'apanage des milieux défavorisés, ce qui est faux. Il est vrai que certains milieux ont besoin d'être, plus que d'autres, soutenus. Cependant, le gouvernement a décidé d'instaurer, dans ces cas-là, des prématernelles quatre ans pour les enfants qui vivent des situations plus difficiles.

Donc, instaurer des maternelles à temps plein, c'est un pas de géant que nous franchissons dans l'histoire de l'éducation au Québec. Un pas qui nous amène enfin au niveau des pays les plus développés et un pas qu'on nous demandait de faire depuis plusieurs années. À cet égard, je vous citerai une des recommandations du rapport Parent; c'est assez intéressant, c'était il y a 35 ans: «Nous recommandons que des efforts soutenus soient faits pour développer graduellement un réseau d'écoles maternelles publiques de bonne qualité, mixtes, gratuites, à l'intention des enfants de cinq ans d'abord et, dans une seconde étape, à l'intention des enfants de quatre ans. Nous recommandons que des subventions spéciales soient accordées aux quartiers et aux régions défavorisés, là où la maternelle est particulièrement nécessaire pour remédier aux insuffisances de la famille en ce qui concerne le développement des enfants.»

Nous étions donc au début des années soixante. Je pense que je n'ai pas besoin d'en dire beaucoup plus, puisque c'est en 1981 qu'on instaurera la maternelle, c'est au milieu des années soixante-dix qu'on commencera à offrir, sur une base un petit peu plus articulée, des services de garde à la petite enfance. Donc, ça ne prendra pas 15 ans pour procéder, maintenant. Je crois que le tout est bien engagé. Dans ce cadre, vous savez aussi que nous avons clarifié les rôles et responsabilités des institutions concernées, soit l'école ou les centres à la petite enfance, qui seront le résultat d'une transformation de nos garderies et des agences de garde en milieu familial.

Laissez-moi terminer avec quelques données sur la question de ces services à la petite enfance et leur organisation. Nous confirmons actuellement un taux d'inscription à la maternelle temps plein de plus de 93 %. Donc, je crois que normalement tout devrait bien se passer dès septembre. Certains nous ont dit qu'en cette époque difficile d'efforts budgétaires demandés nous aurions dû consacrer les sommes dévolues à la maternelle ou aux centres à la petite enfance pour mieux soutenir le système scolaire, l'aide au décrochage ou l'aide de spécialistes requis. À ceux-là, je vais répondre que la prévention doit se faire dès la petite enfance.

Combien de fois nous a-t-on dit, à l'égard des problèmes de santé: Il ne suffit pas de mettre un pansement sur une plaie si on ne prévient pas comment éviter d'encourir le risque? Bien, c'est la même chose au niveau de l'éducation. Il ne suffit pas de se dire «il faut rajouter des ressources» lorsque le mal est fait. Il faut essayer de voir là où il est possible d'éviter qu'il ne se fasse et qu'il ne se produise, ce qui est le cas du décrochage scolaire.

Donc, toutes les études à cet égard nous confirment que c'est là qu'est la véritable solution. Même une étude américaine nous dit que chaque dollar investi dès la petite enfance représente une économie de 6 $ à moyen et long terme. D'ailleurs, il faut se rappeler que, dans son dernier avis, le Conseil supérieur de l'éducation réaffirme l'importance de l'implantation de services éducatifs à la petite enfance, qu'il s'agisse de services de garde, éducatifs ou de maternelles à temps plein. Cela confirme ainsi le choix important que le gouvernement du Québec a fait pour ses enfants.

D'ici à 2001, nous prévoyons que 73 000 places soient créées dans les centres intégrés à la petite enfance, qui sont aussi, je le rappelle, mis en place à partir des services de garde régis existants. À compter de septembre 1997, les enfants de quatre ans se verront offrir graduellement des services éducatifs et de garde. Plus de 20 000 places seront d'ailleurs disponibles. Nous prévoyons une contribution de 5 $ par jour par enfant qui sera demandée aux parents. Cette année, je le signale, nous avons autorisé la création de 7 675 nouvelles places. Cela s'inscrivait dans un plan qui avait déjà été préalablement annoncé et que nous confirmons maintenant par cette autorisation. C'est d'ailleurs déjà fait depuis quelques semaines, pour ne pas dire un peu plus.

Si, dans certains endroits, le nombre de places faisait défaut pour l'avenir ou que les parents préféraient continuer d'envoyer leurs enfants dans des garderies à but lucratif qui auraient fait le choix de ne pas se convertir en organismes à but non lucratif, les parents pourraient alors continuer de bénéficier de reçus pour frais de garde, lesquels, je le rappelle, sont déductibles d'impôts. Les services de garde à 5 $ seront offerts aux enfants de trois ans à compter de septembre 1998, à ceux de deux ans à partir de septembre 1999, à ceux d'un an en septembre 2000 et, enfin, aux moins de un an en septembre 2001, ce qui n'empêchera pas, évidemment, que se développent par ailleurs des places, mais en vertu du fonctionnement actuel.

Je rappelle d'ailleurs que l'Office des services de garde est actuellement en discussion avec des représentants de garderies à but lucratif afin de convenir avec ces garderies qui souhaiteraient se convertir en organismes sans but lucratif, donc gérés par un conseil d'administration majoritairement composé de parents... Ils sont en discussion sur la question des modalités et du rythme de cette conversion. Si la totalité des garderies à but lucratif optait pour la conversion en but non lucratif, cela signifierait qu'en septembre prochain 6 000 places supplémentaires à 5 $ pourraient être offertes aux parents d'enfants de quatre ans.

Maintenant, aux enfants de quatre ans qui vivent dans des milieux défavorisés, des services éducatifs gratuits seront progressivement offerts soit par les maternelles à demi-temps déjà existantes, soit par les centres intégrés à la petite enfance. J'ai insisté sur le mot «gratuits» parce que cela avait été mal saisi jusqu'à maintenant; je le constate par certains commentaires que je reçois. On se comprend bien, lorsque nous offrons aux enfants de quatre ans qui vivent dans des milieux défavorisés des services éducatifs gratuits, mais qui seront offerts dorénavant par les centres à la petite enfance, certains continueront de l'être, évidemment, par les commissions scolaires, là où c'était déjà commencé, si les commissions scolaires souhaitent continuer à le faire, ces services seront gratuits.

Afin de mieux préparer ces enfants à entrer à l'école primaire et leur donner toutes les chances de réussir, vous savez que le contenu du programme des services éducatifs aux quatre ans sera harmonisé avec celui de la maternelle. L'implantation de ces services à temps plein commencera graduellement en septembre 1997 et visera d'abord les 86 écoles cibles de la région de l'île de Montréal puis les autres milieux de concentration de la pauvreté, pour s'étendre enfin à tout le Québec. Dans la région de Montréal, 675 nouvelles places en garderie seront ajoutées dès septembre, justement pour mieux répondre aux besoins spécifiques de ces enfants. C'est évidemment un effort gigantesque dans les services à la petite enfance qui est proposé, un pas que nous nous devions de faire pour l'avenir de toute la société québécoise.

(12 heures)

La troisième mesure de cette nouvelle politique familiale concerne le régime d'assurance parental. En fait, c'est un des axes majeurs des nouvelles dispositions de la politique familiale. En créant de meilleures conditions d'accès aux congés de maternité et aux congés parentaux et en indemnisant plus généreusement ces congés, le gouvernement continue de privilégier la mise en place de moyens susceptibles d'offrir aux enfants de bonnes chances de départ dans la vie. L'un des aspects particulièrement novateurs de cette mesure est de permettre aux travailleuses et aux travailleurs autonomes de profiter du régime d'assurance parental, ce que ne leur permettait pas le régime fédéral d'assurance-emploi. La réforme entend leur donner, ainsi qu'à celles et ceux qui ne pouvaient en bénéficier que de façon très limitée, soit les travailleurs et les travailleuses à temps partiel, par exemple, ou autonomes, un véritable accès aux congés de maternité et aux congés parentaux afin de les soutenir dans les soins qu'ils apportent aux nouveau-nés et aux enfants adoptés. En plus d'être plus généreux, ce régime compenserait les lacunes du programme fédéral d'assurance-emploi, lequel limite l'accès aux congés de maternité et parentaux et cause évidemment une importante baisse de revenus pour les parents concernés.

Je rappelle brièvement que cette nouvelle prestation remplacerait 75 % du revenu net, ne serait pas imposable au Québec – évidemment, il y a des discussions déjà en cours à cet égard avec Ottawa – et le seuil de revenu maximal assurable serait de 49 000 $ au lieu du 39 000 $ qui est prévu actuellement par le régime d'assurance-emploi. Nous croyons qu'il pourrait permettre à 1 200 femmes qui ont des gains supérieurs au maximum des gains présentement admissible d'être mieux indemnisées.

De plus, afin de favoriser la présence des deux parents auprès de l'enfant, un nouveau congé de paternité de cinq semaines serait instauré sur la base des revenus du père, lesquels, faut-il le rappeler, sont souvent supérieurs à ceux de la mère. Alors, sous réserve, évidemment, de l'issue des négociations avec le gouvernement fédéral, ce régime pourrait entrer en vigueur le 1er janvier 1998; c'est toujours la cible que nous conservons. L'administration de ce régime, comme celui de l'allocation unifiée pour enfant, sera assumée par la Régie des rentes du Québec.

Je termine une partie de ce tour d'horizon, parce que je sais que j'ai abordé plus largement les orientations futures que fait le bilan de ce que nous avons produit ou réalisé dans la dernière année. Je suis persuadée que, par les questions que nous allons aborder ensemble, j'aurai l'occasion de le faire. Je souhaitais à ce moment-ci refaire un tour de piste sur la question des éléments que l'on retrouve, des éléments de la politique familiale que nous avons annoncée il y a quelques mois et que nous sommes à finaliser quant à sa mise en oeuvre. Je trouve important qu'on se le rappelle. Est-ce qu'on termine?

La Présidente (Mme Malavoy): Est-ce que je peux vous demander de faire cela rapidement, ce dernier tour de piste?

Mme Marois: Il me reste une minute et demie et je conclus.

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie.

Mme Marois: Alors, je termine justement ce tour d'horizon en rappelant que, dans le contexte actuel de redressement des finances gouvernementales et les objectifs d'élimination du déficit, l'un des principaux défis de cette réforme consistait à alourdir le moins possible la charge financière de l'État. Nous y sommes arrivés en révisant les mesures actuelles de la fiscalité concernant les familles, en les réaménageant pour que la politique familiale réponde mieux aux besoins actuels des familles du Québec, en axant nos priorités sur le mieux-être des familles à faibles revenus tout en maintenant un soutien universel à l'ensemble des familles du Québec. Nous avons donc voulu préserver des objectifs d'équité et de justice. Nous voulons que cette politique profite à toute la société québécoise à travers ses enfants à qui nous aurons donné des chances égales d'épanouissement et de succès.

Pour soutenir ces choix porteurs d'avenir, nous comptons sur la collaboration, bien sûr, non seulement de tous nos partenaires socioéconomiques, mais aussi sur l'appui de toutes les Québécoises et de tous les Québécois pour qui la famille demeure le pivot de notre société. Et je compte personnellement, comme ministre, sur l'appui des équipes que nous retrouvons autant à l'Office des services de garde, au Conseil de la famille, qu'au Secrétariat à la famille et, bien sûr, même s'il ne s'agit pas de cela ce matin, l'équipe du ministère de l'Éducation. Je crois que nous devons nous adapter aux changements de cette fin de siècle et faire en sorte que nos enfants entrent gagnants dans le troisième millénaire. Placer les enfants au coeur de nos choix, c'est offrir les mêmes chances d'épanouissement et de réussite future à nos enfants. Le Québec de demain sera ce qu'ils seront et ils seront ce que nous leur permettrons d'être. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie, Mme la ministre. Je passe la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. C'est un plaisir pour moi aussi d'adresser quelques remarques préliminaires, parce que je pense que ce qu'il manque présentement, c'est effectivement un forum où les parents, les personnes qui travaillent dans le domaine de la petite enfance puissent soulever des questions. Ici, j'ai un premier reproche à faire, c'est l'annonce, moi, je dirais, précoce de la politique familiale et de la réforme au moment du sommet économique, au mois d'octobre, où, de toute évidence, ce n'était pas prêt. Alors, il y avait des pressions. Le monde cherchait la bonne nouvelle pour sortir du sommet. Nous sommes allés de l'avant sans vraiment finir le travail. On va mentionner plusieurs éléments, des choses qui, à mon avis, n'étaient pas mûres au mois d'octobre, ne sont pas encore mûres non plus aujourd'hui. Juste à titre d'exemple: C'est quoi, un centre à la petite enfance? Six ou sept mois après la grande annonce de sa création, c'est toujours à définir. Dans quatre mois, c'est supposé diriger toutes nos garderies, tous nos services de garde, et ça n'existe pas encore. Et c'est parmi les plans de travail pour l'Office des services de garde pour cette année.

Alors, je trouve ça inconcevable que les partenaires, les acteurs majeurs qui doivent gérer tout le système ne soient même pas encore mis en place. À cause de ce manque d'information, malgré les demandes répétées de l'opposition de tenir des audiences publiques... Parce que je pense qu'il y a beaucoup de questions, une tollé de questions. Les parents et les personnes qui travaillent dans le domaine ont tout intérêt à avoir un forum pour peut-être mettre les choses au clair. La ministre a refusé, pas comme sa collègue la ministre de l'Emploi qui a tenu de grandes audiences publiques sur sa réforme, le livre vert de l'aide sociale; on a eu un bon exercice démocratique. Mais, quand ça touche la réforme de la politique familiale, ce n'est pas la même chose, et je trouve ça lamentable.

Pour les parents, à cause ça, il y a énormément de frustration. Pour les parents, entre autres, juste de calculer c'est quoi, l'impact global de ces changements, premièrement, au niveau de l'organisation du temps de leurs enfants... On a juste à voir les pétitions qui sont déposées à l'Assemblée nationale quant à une résistance à la maternelle à temps plein. Il y a beaucoup de questions qui ont été soulevées et qui demeurent sans réponse. Je pense que, quand 50 000 parents ont pris le temps de remplir les pétitions, d'aller voir leurs députés, de mettre de la pression, on a tout intérêt à les entendre. Mais la ministre ne veut pas les entendre et elle se cache toujours dans les mêmes chiffres, que les parents qui ont le choix, aucun service de maternelle ou à temps plein, oui, ils vont opter pour le temps plein. Mais ce n'est pas ça, le débat. Ce n'est pas ça, le choix qu'ils recherchent. Ils cherchent entre le mi-temps et le temps plein.

Je pense qu'ils ont tout intérêt à avoir une occasion, devant une commission parlementaire, de se faire entendre. C'est quelque chose qui peut être organisé assez rapidement. Mais je trouve ça incroyable que, trois ou quatre mois après, la ministre ne comprenne pas encore la nuance entre un choix entre le mi-temps et le temps plein et le choix entre aucun service de maternelle ou à temps plein. C'est deux choses complètement différentes. Et tous les sondages – on peut les déposer – une commission scolaire après une autre, disent que, quand les parents ont le choix, beaucoup optent pour le mi-temps.

Alors, il faut regarder ça. Il faut laisser la chance aux parents. La position qui a fait consensus aux états généraux était une offre à mi-temps, pas à temps plein, parce que l'objectif de la maternelle, c'est de permettre graduellement à nos jeunes de commencer leur expérience à l'école. Mais tout ça est laissé de côté; c'est le plein temps ou pas de choix. Alors, je pense que c'est juste un exemple où les parents sont brimés dans leurs choix. Il n'y a aucun forum pour eux autres, pour se faire entendre.

On peut également regarder toute la question de l'impact financier sur certaines familles. On coupe ici, on ajoute là, et pour voir, à la fin du mois, c'est quoi, l'impact de tout ça pour la famille moyenne, à 40 000 $ ou 45 000 $, qui va voir plusieurs de ses allocations coupées et, surtout, plusieurs des subventions à la petite enfance sont coupées à la fois pour l'allocation à la naissance, également l'allocation pour jeune enfant. Ça, c'est l'exemple des choses qui vont être abolies. Cet argent va être réaménagé dans l'offre de service des garderies, les services de garde, ce qui ne fait pas l'affaire de toutes les familles québécoises. Mais ça, c'est un autre grand problème.

Oui, pour un couple dont les deux travaillent de 9 à 5, une garderie est un outil très important. On a tout intérêt, comme membres de cette commission, à travailler avec la ministre pour augmenter le nombre de places disponibles pour les familles québécoises et s'assurer de la qualité de ces places qui sont disponibles. Mais ce n'est pas la réponse universelle pour toutes les familles québécoises.

La ministre a parlé et a donné des chiffres très éloquents quant à l'implication des jeunes parents, y compris les jeunes mères, sur le marché du travail, mais beaucoup travaillent en dehors du 9 à 5: les horaires éclatés, les personnes qui travaillent le soir, les personnes qui travaillent les fins de semaine. Alors, mettre tous les oeufs dans le panier garderie ne répond aucunement à leurs besoins. J'ai soulevé cette question à la ministre, il y a un mois. On parle qu'un jour les centres à la petite enfance – non existants pour le moment – vont être capables d'offrir toute une gamme de services. Mais ça, c'est loin dans l'avenir. Moi, je veux parler des choses d'aujourd'hui.

(12 h 10)

Pour une infirmière qui travaille de 4 heures à minuit, qui a un enfant de quatre ans, cette réforme de fait rien, sauf peut-être, un jour, mettre en péril le crédit d'impôt pour les frais de garde. Parce que, tôt ou tard, la ministre a indiqué qu'elle va récupérer ces sommes dans le crédit d'impôt pour les redéployer à l'intérieur des services de garde. À moyen terme – c'était dans le livre blanc – c'est l'orientation de ce gouvernement. Alors, un jour, l'infirmière qui travaille le soir ou la nuit n'aura recours à aucun appui de l'État pour payer une partie de ses frais de garde. Alors, je pense que c'est parmi les questions. Avec le peu de renseignements disponibles, on peut voir même chez les experts que c'est difficile à calculer.

Le Conseil de la famille a émis un avis que, dans le réaménagement de ces sommes d'argent, la classe moyenne va perdre 111 000 000 $. Ça, c'est un chiffre qui a été lancé. Quelques semaines après, la Fédération des femmes du Québec, basé sur une étude du professeur Ruth Rose, de Montréal, a dit: Non, non. Il y a certaines familles très pauvres qui vont être les perdants. Et c'est un autre réaménagement des chiffres. On a vu, je pense, un professeur Lareau, de l'Université Laval, qui a sorti un autre tableau des familles gagnantes et des familles perdantes.

Alors, même parmi les experts, à cause de la pénurie de renseignements, la pénurie d'un forum pour discuter de ces choses, il y a de la confusion. Et, si les experts sont confus, c'est évident que les parents québécois sont encore plus confus. Partout, l'arrimage de ces choses, les familles pauvres vont payer plus pour les services de garde; elles vont recevoir des allocations augmentées. Mais c'est quoi, une famille pauvre? Les barèmes qui sont établis dans le livre vert sont très bas.

Alors, il y a de la confusion partout. C'est pourquoi l'opposition officielle a toujours réclamé un forum sur la politique familiale dans son ensemble. Pas un petit volet ici, un petit volet là. Alors, oui, c'était vrai, on avait l'occasion d'aborder un petit volet avec sa collègue la ministre et députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mais on ne peut pas discuter avec elle de la question des services de garde parce que ce n'est pas de sa responsabilité.

On a également les congés de maternité ou les congés parentaux qui seront offerts, et tout ça, mais ils sont éparpillés. L'Éducation s'occupe de la maternelle; les services de garde pour la garderie. On veut avoir l'occasion de voir c'est quoi, l'impact, dans son ensemble, de toutes ces démarches. C'est ça qu'on réclame. Parce qu'on voit que même, comme je dis, parmi les experts, on ne sait pas. On donne des signaux qui sont différents. Qui sort perdant? Qui sort gagnant, dans la réforme? Mais c'est évident, si on fait un réaménagement comme ça, qu'il y a des personnes qui sortent perdantes.

Je pense aussi que, pour les parents qui m'ont écrit, qui sont venus en grand nombre dans mon bureau de comté, ils ont un sentiment, surtout pour les parents, une grande majorité des femmes, qui optent pour rester à la maison pendant la petite enfance de leurs enfants – moi-même, j'ai fait ça pendant quatre ans avec mes deux enfants, rester à la maison au lieu de travailler – de dire que ça, c'est un travail de valeur, M. Kelley. On a nos allocations à la naissance; on a nos allocations à la petite enfance. On va enlever ça? C'est de dire que ce que je fais avec mes enfants, ça n'a pas de valeur dans notre société.

C'est un choix que ces parents ont fait, d'essayer de vivre sur un salaire au lieu de deux, et ce n'est pas tout le monde qui peut faire ça, à cause des pénuries ou de la précarité de nos emplois. Trop souvent, les deux parents doivent travailler. Mais il y a beaucoup de parents qui, s'ils en avaient les moyens... Et il y a des parents qui ont les moyens, qui ont opté de rester à la maison. Et ils trouvent, dans toute la réforme, que c'est une certaine dévalorisation, une déresponsabilisation, de dire: Oh! il faut mettre les services précoces éducatifs, c'est essentiel pour la réussite scolaire.

La ministre mélange toujours. Elle a fait citer les études comme High/Scope Perry Preschool Project, les expériences aux États-Unis comme Head Start. Ce sont des études basées sur les milieux défavorisés. Le chiffre qu'elle a cité – 1 $ investi aujourd'hui donne 7 $ plus loin – c'est en milieu défavorisé. Il faut toujours se rappeler ça. Il n'y a aucune étude qui démontre qu'un enfant à la maison, avec un parent ou une gardienne dévouée, va accuser un retard en arrivant à l'école. Selon les études de son propre ministère, peut-être que la chose la plus déterminante là-dedans, c'est l'âge de l'enfant à l'intérieur des 12 mois, qu'il y a toujours une tendance que nos enfants performent mieux s'ils sont nés au mois d'octobre, surtout à l'école primaire, que s'ils sont nés au mois de septembre. De toute évidence, parce qu'il y a presque un an de différence et ils sont plus prêts.

J'ai ici l'étude qui a été faite par le ministère de l'Éducation du Québec, et c'est quelque chose. Si vraiment on veut chercher s'il y a quelque chose qu'on peut faire à l'intérieur de tout ça pour contrer le décrochage, la ministre doit cibler nos activités. Si on parle de services éducatifs précoces, c'est toujours en milieu défavorisé et en famille éclatée. C'est là que les besoins sont le plus criants. Mais, pour le reste, je pense qu'on a tout intérêt à vraiment revenir sur notre partenariat avec les parents.

J'attire l'attention de la ministre – et j'imagine qu'elle en a déjà pris connaissance – sur le «cri d'alarme» – ce sont les mots utilisés par le journaliste – de nos enfants négligés. C'est dans la revue Enfants Québec , le numéro de février-mars 1997. On y parle justement de la crise dans nos familles au Québec. Je le cite parce qu'on parle des enfants négligés: «La négligence est due à des facteurs d'ordre économique, social et affectif. La société d'aujourd'hui est complexe, axée sur la performance, la compétition et le rendement. Les parents doivent constamment s'adapter à de nouvelles exigences sociales. À cause de leur horaire souvent surchargé, de leur stress intense ou de leur rythme de vie effréné, ils ont souvent moins de temps à consacrer à leurs enfants, que ce soit pour combler leurs besoins affectifs, être disponibles à leur retour de l'école, faire une partie de baseball, les aider à faire leurs devoirs ou faire la connaissance de leurs amis. Beaucoup de parents n'ont d'autre choix que de glisser une clé au cou de leurs enfants, en leur recommandant de faire attention.»

Ça, c'est un constat fait dans un numéro tout récent de Enfants Québec . C'est un cri d'alarme. Mais il faut venir en aide aux parents. Au lieu de dire: Qu'est-ce que vous êtes en train de faire? Ça ne donne pas grand-chose. Vos choix, il faut oublier ça, les amener à mes garderies, les amener à la maternelle. C'est l'État qui va régler tout ça. Ce n'est pas vrai, loin de là. Le vrai but de notre politique familiale doit devenir un soutien aux familles, au lieu de dire que l'État va les remplacer. Tassez-vous, les parents. C'est nous qui allons nous occuper des enfants. Je pense qu'on met trop d'emphase uniquement sur la question des services de garde et on ignore énormément les besoins des familles québécoises.

Deuxièmement, juste un mot, assez rapidement, sur le processus qui est devant nous. Il faut mettre les choses au clair. Au moment du dépôt du livre des crédits qu'on va voter d'ici quelques heures, sur les crédits de 265 663 000 $... Ça, c'est notre devoir. Nous avons fait un débat d'une heure en Chambre et la ministre dit: Pourquoi est-ce que vous avez fait ça? Parce que c'est évident, le budget va changer tout ça. Alors, votre débat est précoce, M. le député. Alors, j'attends. Oui, effectivement, il y a 314 000 000 $ d'ajoutés, à la page 43 du budget du ministre des Finances. Mais, dans tous les papiers qui m'ont été envoyés en fin de semaine, je ne vois rien sur la façon dont on va dépenser ces 314 000 000 $. J'imagine, Mme la Présidente, qu'à la fin de cet exercice on vote toujours ce qui est dans le livre des crédits. Mais ça laisse plus de la moitié de l'argent alloué, à ce poste famille et enfance, on ne sait pas trop où. On va le trouver en cours de route, mais, comme exercice comme parlementaire, j'aimerais avoir une ventilation des 314 000 000 $.

Est-ce qu'il y a des montants... C'est évident qu'il y aura des montants alloués au poste, dans le programme qu'on est en train de regarder, mais on n'en a pas la moindre idée. Alors, on va voter en donnant un chèque en blanc à la ministre pour dépenser 314 000 000 $ avec ses collègues d'une façon que, nous, législateurs, on n'a pas les moyens aujourd'hui d'étudier les crédits. Alors, on fait aujourd'hui l'exercice de regarder 43 % des crédits. Les autres 314 000 000 $, on verra, on devine. Ça fait une belle annonce et ça fait des pages dans le budget, et tout ça, mais, comme parlementaire, j'aimerais avoir une petite idée de comment on va utiliser ces 314 000 000 $.

(12 h 20)

Enfin – et je veux terminer sur ça, Mme la Présidente – il faut comprendre que, pour notre société, la famille est un enjeu beaucoup plus complexe que la réforme de la politique familiale présentée par ce gouvernement, et les lacunes sont énormes. Je viens de lancer, comme j'ai dit, le cri du coeur des parents, qui est dans le numéro ici, mais on a juste à penser à tout le dossier de la fiscalité de nos familles. La ministre dit qu'on n'a pas ajouté au fardeau fiscal des familles. Ce n'est pas vrai, Mme la Présidente, ce n'est pas vrai. On ne peut pas dire ça, parce qu'on a juste à penser qu'on va envoyer les charges qu'a maintenant l'État vers les municipalités. Alors, ça va augmenter les loyers des familles québécoises. On va envoyer les taxes scolaires vers les enfants. À chaque année, le mois de septembre devient de plus en plus dispendieux parce que ce qui est non couvert pour les frais d'école augmente, et augmente, et augmente, et les frais des activités. Chez nous, le mois de septembre est nettement plus dispendieux que le mois de décembre. L'achat des cadeaux de Noël, et tout ça, c'est secondaire. La chose qui est la plus importante, c'est toutes les demandes de l'école, toutes les choses qu'autrefois l'État assumait et que les parents doivent maintenant assumer.

Alors, il faut être réaliste. Ce n'est pas une remarque partisane, c'est non partisan, mais, depuis 10 ans, l'État se désengage vers les familles et le fardeau pour les familles devient de plus en plus difficile à supporter. Et ça, c'est la vérité des choses. Et, dans la réforme de la politique familiale, on n'adresse pas cette question. Je pense juste au fameux virage ambulatoire. Tôt ou tard, quelqu'un devra regarder ça dans les faits. La seule façon que ça peut fonctionner, c'est si l'État se désengage vers la famille. Pour être capable de renvoyer quelqu'un après une chirurgie d'un jour, c'est en présumant qu'une femme ou un homme va être là pour supporter le patient, ce que l'État faisait autrefois.

J'ai parlé à un de mes voisins, en fin de semaine; son garçon s'est fait enlever les amygdales et on a mis des tubes dans ses oreilles. Il est allé à l'hôpital avec l'enfant à 7 h 45 et il a reçu un appel au bureau, de son épouse, à 11 heures pour aller le chercher. L'enfant était toujours sous l'effet de la drogue. Tout au long du retour à la maison, il a vomi dans la voiture parce qu'il n'était pas prêt à sortir. Mais c'est ça, notre virage ambulatoire, en partie. C'est un désengagement de l'État et c'est: Bonne chance, la famille! C'est comment il faut changer un pansement, détecter les signes d'infection, et bonne chance! J'espère que le patient va guérir chez lui.

Il y a énormément d'enjeux comme ça. Tout le dossier des pensions alimentaires est une réforme inachevée. Les listes d'attente sont toujours trop longues parce que le gouvernement n'a pas écouté. On avait dit: Ne mettez pas tout le monde dans le même bateau, faites le focus sur les mauvais payeurs. Le gouvernement a dit: Non, non. Nos ordinateurs peuvent tout faire. Maintenant, les listes d'attente, c'est 9 000 cas.

Alors, pour tout ça, en terminant, Mme la Présidente, il y a beaucoup plus large. Je veux juste terminer en disant qu'on va discuter de ça plus longuement. Mais le besoin de maintenir un Conseil de la famille est là, pour être capable de donner des avis au gouvernement sur l'ensemble des dossiers qui touchent la famille et pas uniquement sur les services de garde – le débat qu'on est en train de maintenir – puis un tout petit volet de la famille. Je pense qu'on a tout intérêt à aller beaucoup plus large. J'ai toute une série de questions qu'on peut regarder. Parce que la famille, au Québec, je trouve qu'elle est en crise. La réforme de la politique familiale a oublié, je pense, 95 % des besoins des familles québécoises. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie, M. le député. Vous aurez effectivement l'occasion de poser les questions qui vous intéressent. Je voudrais vérifier tout d'abord si j'ai d'autres collègues qui aimeraient faire des remarques préliminaires. M. le député de Saint-Hyacinthe.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. La question que l'on discute ce matin est une question à laquelle je suis très sensible, comme probablement la plupart de mes collègues, parce qu'il s'agit en fin de compte de la cellule fondamentale de la société. La famille, c'est là que les enfants naissent et qu'ils apprennent la vie. C'est là aussi que se passent les choses peut-être les plus importantes pour l'avenir de chacun des enfants. Aussi, je pense que c'est avec beaucoup de respect pour les parents, tous les parents quels qu'ils soient, qu'ils soient pour ou qu'ils soient contre, que j'aborde cette question, étant bien conscient du rôle très important des parents dans l'éducation des enfants. Je pense que c'est un rôle qui n'est pas discuté, qui est admis. C'est fondamental. C'est le point de départ de l'éducation avec tout ce que ça comporte de bon – je pense surtout du bon – et même parfois de limites.

Je me souviens, moi, quand j'étais petit, nous étions pas mal autour de la table. Nous étions nombreux dans la famille. On n'avait pas tellement besoin – bien qu'on le faisait à l'occasion – des petits voisins pour pouvoir s'amuser, se disputer, se chamailler, comme on disait, et avoir du plaisir dans la famille. Comme disait un de mes bons amis dernièrement – un homme qui a de l'expérience – en parlant des enfants: Les pierres se polissent entre elles. Alors, des enfants qui sont seuls avec des grands, ça comporte des avantages, mais ça comporte beaucoup d'inconvénients parce qu'il manque de pierres pour assurer le polissage du caractère, l'esprit d'entreprise, la combativité, et tout ça. Vous savez, nos enfants, on les aime tellement que, quand on les a avec nous, c'est difficile de ne pas les protéger. Parfois même on les surprotège. On en prend soin. Parfois, quand on n'en a rien qu'un ou deux, on va au-devant de leurs besoins, on va au-devant de leurs désirs et on est porté à répondre automatiquement dès qu'ils lèvent le petit doigt. C'est des réactions normales et ces réactions-là prennent leurs racines dans des sentiments, je pense, très nobles.

Ce qu'on veut pour nos enfants, c'est qu'ils aient plus que ce qu'on a reçu. On veut qu'ils aient les meilleures conditions d'évolution et on veut qu'ils se sentent bien, qu'ils soient heureux. Évidemment, quand un enfant pleure, on a parfois tendance à croire qu'il est malheureux. Il n'est pas nécessairement malheureux, mais, quand on n'en a rien qu'un ou deux, eh bien, on est porté à croire qu'à chaque fois qu'il pleure il est malheureux. Or, parfois les enfants pleurent et ils ne sont pas nécessairement malheureux. Deux enfants qui se chicanent, qui se sont fait mal un peu et qui pleurent ne sont pas des enfants malheureux. Ils ont à faire face à un petit problème temporaire qui a formé leur caractère, mais ça ne fait pas des enfants malheureux.

Dernièrement, j'ai eu la visite de gens qui sont venus me parler de la maternelle à temps plein et qui n'étaient pas favorables à la maternelle à temps plein. On a causé. On a causé un bon moment et j'avoue que j'avais de la sympathie pour eux, d'abord à cause des sentiments qui les amenaient là, mais aussi parce que je retrouvais chez eux certains des sentiments que j'avais pu éprouver quand mes enfants étaient tout petits. C'est vrai que, chez moi aussi, mon épouse a décidé qu'elle resterait à la maison pour s'occuper des petits. C'est vrai, et il n'y a pas de regrets à ça. Mais, si aujourd'hui, avec toute l'information qu'on a, la même question se posait, je ne suis pas du tout convaincu qu'on ferait le même choix parce qu'on est plus éclairés qu'on ne l'était, parce qu'on connaît plus l'ensemble de la problématique qu'on ne le connaissait il y a une vingtaine d'années. On a évolué, comme société.

Si le rapport Parent avait déjà compris tout ça, les spécialistes avaient déjà compris tout ça parce que, probablement en se basant sur ce qui se fait dans les pays étrangers, en France, en Allemagne, au Japon, en Suède, dans certains États américains, les spécialistes avaient déjà vu ça. Moi, ça m'a pris un petit peu plus de temps. Ça m'a pris un peu plus de temps à comprendre tout ça, bien que je n'y étais pas opposé. Mais je dirais que, à l'époque, entre les deux mon coeur balançait. Aujourd'hui, il ne balance plus parce que je pense que c'est un besoin fondamental qui n'est pas suffisamment satisfait chez les enfants quand on les garde trop longtemps à la maison et qu'on les garde trop longtemps dans un milieu où ils sont un, deux ou trois enfants. Ils manquent de stimulants. Il manquent d'occasions de développer leur sociabilité. Il manquent d'occasions de se préparer à affronter la vie.

Si on dit que tout se joue avant six ans – d'après certains auteurs, c'est vrai que ce n'est pas absolument vrai parce qu'il y a des choses qui se jouent aussi après – quand un enfant est rendu à six ans, beaucoup des enjeux sont déjà résolus et il est marqué nécessairement pour la vie, ce qui fait que ce qui se passe avant, je pense que c'est important et on ne peut pas ne pas faire certains choix. Et, dans tous les choix, on laisse des choses, nécessairement. On laisse des choses auxquelles on tient, mais, quand on fait un choix, généralement c'est parce que ce qu'on choisit, on le croit supérieur. On croit que ça nous apporte davantage.

(12 h 30)

Il y a deux semaines, j'étais à une fête très sympathique qui était organisée par une entreprise de la ville de Saint-Hyacinthe qui offrait d'installer, dans le parc municipal, un grand parc boisé, des modules pour faire jouer des enfants, pour améliorer, donc, l'équipement municipal. Donc, c'est une entreprise privée qui réunissait 100 enfants de Saint-Hyacinthe – évidemment, il y en avait plus que 100 parce qu'il y avait des petits frères et des petites soeurs – de différentes écoles de Saint-Hyacinthe, et la mission de ces enfants-là, c'était, Mme la Présidente, de dessiner le parc idéal pour eux, le parc auxquels ils rêvent, dessin à partir duquel le concepteur ferait le module pour installer dans le parc.

Alors, c'était très intéressant, et j'ai passé l'après-midi avec ces gens-là. Et, évidemment, j'ai parlé avec les parents et j'étais préoccupé par la question dont on parle aujourd'hui. Alors, à tous les parents que j'ai rencontrés et qui avaient des enfants de cinq ans ou moins, je leur ai posé la question si la maternelle à temps plein, c'était quelque chose qui les inquiétait, qui les préoccupait. Il y a une personne qui m'a dit: Ah! moi, au début, j'étais contre, mais, maintenant, je me suis fait à l'idée puis je pense que ça vaut la peine d'essayer. Tous les autres parents m'ont dit: Moi, ça fait longtemps que je souhaite ça. Ça fait longtemps que c'est ça que je souhaite. C'est ça que je veux. Alors, dire que l'ensemble des parents y voient un gros problème, ce n'est pas exact. Que certains parents y voient un gros problème, c'est exact. Quelques-uns. Et ça se comprend quand on a quitté son emploi en se disant: Moi, je quitte mon emploi. Je risque de retarder le développement de ma carrière parce que je pense que c'est mon devoir de parent ou parce que je veux passer plus d'années avec mes enfants. C'est normal que, dans un contexte comme ça, ils se sentent bousculés. Alors, je pense qu'il faut avoir beaucoup de respect pour ces gens-là, et c'est comme ça que je les ai traités quand ils sont venus me voir au bureau.

Avoir du respect pour un point de vue différent, pour des sentiments nobles, c'est une chose, mais prendre des décisions quand on a la responsabilité de l'État, c'est autre chose. Et, si, après avoir étudié la question de façon approfondie, après avoir discuté de cette question-là au niveau du Québec depuis 30 ans et plus, on est arrivé toujours à la position non pas unanime, mais très majoritaire à l'effet que c'était dans l'intérêt des enfants d'avoir la maternelle à temps plein dès cinq ans et, pour les milieux défavorisés particulièrement, dans les années antérieures, faciliter des occasions de contact avec des milieux stimulants, bien, je pense que, quand on arrive à cette conclusion-là, ça serait manquer de responsabilité que de dire: Ah! mais il y en a peut-être 5 %, ou 10 %, ou 15 % qui vont être blessés par notre décision. Je pense que ça serait manquer de responsabilité. Je pense qu'il faut faire ce qu'on croit qui est indispensable pour nos enfants et avoir confiance dans les parents qui, eux, vont réaliser que, après tout, peut-être que ce n'est pas si mal pour les enfants.

Un professeur me disait: Le problème de la maternelle à temps plein, ce n'est pas le problème des petits enfants, ce n'est pas le problème des petits bouts de chou, c'est le problème des parents, parce que, pour les parents, c'est dur de se séparer d'un petit bout de chou de cinq ans, une petite fille, un petit gars. Ils sont tellement adorables, puis on ne les aura pas toute la journée. Puis qu'est-ce qu'ils vont faire? Puis on va les asseoir sur des chaises. Puis on va les faire étudier. Puis ils ne pourront pas jouer. Puis ils vont être fatigués le soir. Puis on ne pourra plus avoir de plaisir avec eux. Puis on ne pourra pas les éduquer. Et puis ils vont avoir faim dans la journée. C'est des questions normales qu'on se pose, mais c'est des questions auxquelles il y a des réponses sensées. C'est sûr que les enfants ne seront pas assis sur des chaises pendant toute la journée. C'est sûr qu'ils ne vont pas à la maternelle pour être scolarisés précocement. Ce n'est pas de la scolarisation précoce, c'est de la maternelle. Donc, c'est des jeux, c'est des activités qui ont comme but de développer la personnalité, de développer la motricité, de développer la sensibilité à travers des jeux et en ayant du plaisir avec les autres enfants.

Alors, je pense que les parents, ils vont être très surpris quand ils vont se rendre compte que les enfants, ils veulent aller à la maternelle à temps plein, qu'ils ne veulent pas manquer une demi-journée. Et je pense que ce serait très malheureux. D'ailleurs, les parents qui sont venus me voir m'ont dit: Nous autres, on ne veut pas qu'il y ait la maternelle à temps plein, on veut que ce soit à temps partiel. Peut-être allongée un peu, mais à temps partiel. S'il y a la maternelle à temps plein, c'est bien certain – ils l'ont écrit dans le journal – qu'on va envoyer nos enfants à la maternelle à temps plein parce qu'on ne voudrait pas qu'ils prennent du retard sur les autres enfants.

Alors, voyez, ils sont très conscients qu'il y a une valeur à aller chercher, mais, par contre, ils sont tiraillés à cause de leurs sentiments. Alors, autant je pense qu'on a du respect, un respect profond pour leurs sentiments, je pense qu'autant il faut y aller comme on fait avec nos propres enfants, parfois, quand ils ne sont pas d'accord quand on prend une position. Eh bien, il faut faire preuve de fermeté et de douceur. De fermeté et de compréhension, mais de fermeté. Alors, à partir du moment où, je pense, l'État et la communauté, la société québécoise dans son ensemble est arrivée à des conclusions qui, ma foi, ne peuvent pas être plus claires que ça, je crois qu'il faut prendre une décision. Et ça prenait du courage pour la prendre dans le contexte actuel étant donné que les fonds sont rares et qu'il faut demander des gros sacrifices à l'ensemble de l'appareil de l'État. Aller faire du développement dans un tel contexte, ça prenait pas mal de courage.

Sauf les quelques parents... Je ne veux pas diminuer le nombre de parents. Sauf la cohorte de parents – pour aller avec un terme indéterminé – qui se sont levés pour s'opposer, en général, dans la société, on n'a pas eu d'opposition à cette politique-là. La société n'a pas dit: Mais, voyons, le gouvernement est parti en orbite, il ne comprend plus, il est décroché de la réalité, au contraire. Au contraire, donc, l'ensemble de l'opposition qu'il y a eu à cette politique-là, c'est une opposition qui se comprend, que l'on respecte, mais qui s'enracine plus dans nos sentiments – des sentiments très nobles de parents – que dans une perception très claire, très organisée, très rationnelle du bien-être, de l'avantage des enfants.

C'est pour ça que, moi, je pense qu'il faut y aller avec courage et avec ouverture, en sachant que, c'est sûr, tout ne sera pas parfait. Parce qu'il faut en laisser pour les générations futures, il faut qu'ils aient encore du travail à faire, ces enfants-là qu'on va former si bien. Alors, il faudrait qu'ils puissent améliorer la situation plus tard. Mais, étant donné la façon dont ça se présente, étant donné, je dirais, l'enthousiasme des commissions scolaires pour mettre ça au point de la façon la plus rationnelle et la moins heurtante possible pour les parents, moi, je suis convaincu que ça va être un grand succès et que ces petits enfants là vont être très surpris quand ils vont lire plus tard, dans les coupures de journaux de notre époque, qu'il y avait là un gros problème. Je pense que, s'il y avait un gros problème, le problème est en arrière et que, maintenant, on a trouvé une solution. Et je suis convaincu que ce sera dans l'intérêt des enfants et des familles, des familles actuelles et des familles futures. Alors, moi, je suis, en tout cas, très enthousiaste avec cette réforme-là et j'apprécie énormément le courage qu'on a eu, que Mme la ministre a eu et le gouvernement, de prendre cette décision-là. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Malavoy): C'est bien. C'est donc des remarques préliminaires du député de L'Assomption. C'est bien le député de L'Assomption cette fois-ci. À votre tour.


M. Jean-Claude St-André

M. St-André: Merci, Mme la Présidente. Il va de soi que, lorsqu'on parle de famille, on parle – et mon collègue le député de Saint-Hyacinthe a insisté sur ce point-là – de quelque chose qui est absolument fondamental et qui doit constituer, pour le gouvernement, pour l'État et pour l'ensemble de la société, une priorité absolue. Et il faut reconnaître en toute objectivité que le présent gouvernement a eu le courage, dans un contexte extrêmement difficile, de s'attaquer à cette dimension-là. J'entendais tantôt mon vis-à-vis de l'opposition faire ses remarques préliminaires et je dois vous admettre que je trouve que ça prend un certain culot pour venir dire ici, en commission, à l'Assemblée nationale qu'on s'en va un peu dans toutes les directions. D'ailleurs, j'ai trouvé à certains moments les propos du député de l'opposition un peu incohérents. Dans un premier temps, il nous disait: L'État se débarrasse de ses responsabilités sur les parents. Puis, après ça, il disait: L'État veut organiser la vie des parents. Je dois vous admettre que je n'ai pas très bien compris le fil de son intervention.

(12 h 40)

Dans mon esprit, en tout cas, il y a un point qui est clair – puis, là-dessus, je suis d'accord avec le député de Jacques-Cartier – la responsabilité première des enfants, c'est d'abord la responsabilité parentale. C'est une responsabilité qui appartient aux parents, et ça, je crois que, dans les politiques qu'on a mises de l'avant, c'est le fil conducteur. Je donne tout simplement deux exemples. Récemment, la ministre de l'Éducation a déposé un projet de loi à l'Assemblée nationale, une refonte des structures scolaires, et, à partir de très bientôt, dans chacune des écoles, dans chacun des établissements scolaires, les parents vont être appelés à jouer un rôle de premier plan, on le reconnaît. Pour parler également des garderies, bien, les garderies sans but lucratif, ce n'est pas une structure d'État. Ce n'est pas une entreprise d'État, ça. Ce sont des corporations sans but lucratif, donc privées – il faut bien le dire, ça n'appartient pas à l'État – et qui sont gérées par des conseils d'administration formés de parents.

Alors, qu'on ne vienne pas nous dire que l'État, le gouvernement veut s'occuper de tout dans ce domaine-là puis qu'on veut arracher les enfants des familles. C'est faux, ce n'est pas ce qu'on est en train de faire. Au contraire, on confie des responsabilités supplémentaires aux parents dans ce domaine-là. Et, d'ailleurs – puis ça, c'est un fait que c'est un problème. Je suis convaincu que la ministre va y revenir tantôt dans son intervention – les horaires de travail dispersés qui font en sorte que, parfois, les grilles horaires des garderies ne sont pas adaptées aux horaires des parents et aux horaires changeants, aux exigences du marché du travail, c'est une préoccupation qui est réelle, et ça, j'ai entendu la ministre, il n'y a pas tellement longtemps, s'exprimer là-dessus. C'est présent à notre esprit, et, de ce côté-ci de la Chambre, on le sait. Bien, à mon avis, le fait que les parents soient impliqués, justement, dans la gestion des garderies, bien, ils vont en parler sur leur conseil d'administration et, ensemble, ils vont pouvoir trouver des solutions à ce problème-là, et l'État, le gouvernement, par la suite, va pouvoir les supporter.

Mais, dans un premier temps, je pense que ce qui était important dans le domaine des garderies et là où le gouvernement, à mon avis, va de l'avant, bien, c'est qu'on va créer, au cours des prochaines années, des dizaines de milliers de places supplémentaires en garderie. Et on sait qu'au Québec on avait un déficit important dans ce domaine-là. Le présent gouvernement le fait. Il faut reconnaître que nos prédécesseurs, pendant les 10 années où ils ont occupé les fonctions ministérielles, à cet égard-là, ils n'ont absolument rien fait puis qu'ils ont laissé les choses aller. Ça il faut le reconnaître. Et, nous, de façon très courageuse, à mon avis, à cause des exigences financières imposées par l'assainissement des finances publiques – encore un héritage du gouvernement précédent, il faut le mentionner – bien, on a trouvé des façons créatrices, à mon avis, de s'engager dans une politique de garderies qui va permettre de combler des dizaines de milliers de places dont on avait besoin au Québec, que ce soit par les garderies sans but lucratif ou les agences en milieu familial. Alors, ça, à mon avis, ça m'apparaît extrêmement important.

C'est évident que la politique familiale ne répond pas à tous les besoins des familles, puis ça, je pense que, en toute modestie, il faut bien reconnaître que ces besoins-là sont tellement vastes que ça aurait été compliqué à remplir dans le cadre de la politique qu'on a amorcée. Mais là, encore une fois, il faut rappeler que, dans les dix années où les gens d'en face ont occupé le pouvoir, à cet égard-là, ils n'ont pratiquement rien fait, alors que, nous, on s'attaque à des besoins qui étaient criants puis qui ont été exprimés il y a 30 ans dans le rapport Bouchard, entre autres, et dans le rapport Parent au début des années soixante. Quand on parle de la maternelle temps plein, ce n'est pas quelque chose qui date d'hier, ça. Les libéraux, avant nous, n'ont rien fait à cet égard-là, et, nous, on le fait.

Puis, d'ailleurs, je vais vous admettre que ça me fait un petit peu rire quand on parle de maternelle temps plein, parce que, au fond, la maternelle mi-temps, actuellement, c'est deux heures et demie par jour, je pense. Bien, la maternelle temps plein, ça va être environ quatre heures par jour. Moi, je vous avoue que, peut-être en termes de positionnement, il y a quelque chose à explorer de ce côté-là aussi, mais, pour moi, quatre heures par jour, ce n'est pas du temps plein ça. Mais, pour l'enfant, ce deux heures supplémentaires là, pour son développement, sa socialisation, ça va être capital, ça va être crucial.

Et il faut se souvenir, dans les années soixante, lorsque l'État a mis sur pied la maternelle mi-temps, le type d'objections qu'on entendait à ce moment-là était à peu près le même qu'aujourd'hui. Bien, il y a deux ou trois ans, on n'entendait plus personne dire que la maternelle mi-temps, c'était épouvantable et que ça pourrait nuire au développement. Il n'y a personne qui disait ça. Ça a été tellement bien accepté qu'environ 98 % des enfants qui y avaient droit étaient inscrits à la maternelle mi-temps, et, de façon générale, je pense, les parents étaient satisfaits des services qu'ils obtenaient de ce côté. D'ailleurs, ils en sont tellement satisfaits, si je peux bien comprendre, qu'ils réclament le maintien de la maternelle mi-temps.

Mais tout ça pour vous dire que, à mon sens, peu importent les difficultés et que les objections soulevées à l'égard de la maternelle, je les comprends bien, ces objections-là. Il y a plusieurs mères de famille qui sont venues me rencontrer au bureau de comté, et je les ai écoutées avec beaucoup d'attention. D'ailleurs, j'ai moi-même deux jeunes enfants – quatre ans, deux ans – et je pense que, quand on a de jeunes enfants, on est mieux en mesure de comprendre ce qui se passe et de mieux saisir les objections soulevées par ces mères de famille là. Dans les premiers temps, parce que c'est un nouvel apprentissage pour les parents aussi que de vivre avec de jeunes enfants, il faut bien se le dire, c'est exigeant, bien, les mères, il faut bien le reconnaître, je l'ai vécu avec ma conjointe, elles ont tendance à se sentir un petit peu coupables.

Au début, lorsqu'on avait notre poupon, bien, ce n'était plus possible de sortir le samedi soir. Une bonne gardienne, ça n'existait pas. Pour aller souper ensemble ou pour aller au cinéma, ça n'existait pas. Mais, à un moment donné, à force de creuser la question et à force de s'en parler, on a réalisé que c'est toujours un petit sentiment de culpabilité d'abandonner ses enfants à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas ça du tout. Et, finalement, on en a trouvé, des bonnes gardiennes, et ça c'est bien fait. Puis les enfants sont heureux de voir la gardienne. Puis je peux vous dire que, dans mon cas, les miens, ils arrivent à 7 h 30 à la garderie le matin – quatre ans, deux ans, 7 h 30 – et ils rentrent à la maison vers 18 heures. Malgré les fonctions que j'occupe, ça m'arrive parfois d'aller les chercher entre 17 h 30 et 18 heures: Papa, papa, pas fini de jouer. Ha, ha, ha! Ils aiment ça.

Je crois très sincèrement qu'il est profitable pour un enfant de voir autre chose que ses parents pour sa socialisation, pour son développement. Et c'est même indispensable. Tantôt, le député de Saint-Hyacinthe parlait de polissage. C'est une très belle image, et, moi, je suis convaincu que, malgré les objections qui sont soulevées et que je comprends et que je trouve tout à fait légitimes, dans deux ou trois ans, on n'entendra plus parler de la maternelle temps plein. Ça va faire partie de nos us et coutumes et ça va être, à mon avis, un grand acquis et un grand progrès pour l'ensemble de la société québécoise.

Il y a bien d'autres choses dont je voudrais parler, mais je pense que ça serait plus profitable si on engageait l'échange avec la ministre. Il y a beaucoup de questions à aborder du côté de la famille. Je voudrais rassurer, cependant... Dernier point, là, tantôt, le député de Jacques-Cartier a parlé du 500 000 000 $ de factures additionnelles aux municipalités. Je n'ai entendu dire ni du ministre des Affaires municipales, ni du premier ministre, ni du ministre des Finances qu'il s'agissait d'augmenter les taxes foncières des municipalités. Il y a des pourparlers qui ont été amorcés la semaine dernière avec les municipalités – je vois les représentants de l'opposition rire – mais la réalité des choses, c'est qu'on veut trouver des aménagements pour leur permettre d'assumer des responsabilités supplémentaires pour 500 000 000 $ de plus et tenter de le faire sans hausser le fardeau fiscal. D'ailleurs, nous, c'est ce qu'on a fait avec les employés de l'État. Bien, c'est le même exercice auquel on a invité les municipalités à participer, et on ne veut pas augmenter le fardeau fiscal des familles. Qu'on n'essaie pas de faire une bouillabaisse en mélangeant la question des Affaires municipales, le 500 000 000 $ puis la famille. Ce sont deux questions distinctes, puis je pense que, ce matin, on devrait concentrer nos interventions sur quelque chose de fondamental dans notre société, c'est-à-dire la famille. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Malavoy): C'est moi qui vous remercie. Je vous passe la parole, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste avant ça, est-ce que mon collègue de L'Assomption accepterait que je lui pose une question selon l'article 213 de notre règlement?

La Présidente (Mme Malavoy): Est-ce que vous accepteriez une question?

(12 h 50)

M. St-André: Avec plaisir, Mme la Présidente.

M. Kelley: Est-ce que le député, parce qu'il a dit que les libéraux n'ont rien fait... Combien de places en garderie ont été créées au Québec entre 1985 et 1994?

M. St-André: Je suis convaincu que, en bon avocat, mon collègue d'en face connaît la réponse, alors...

M. Kelley: Le gouvernement a réussi à doubler le nombre de places en garderie en neuf ans. Alors, de 30 000 à 60 000 places.

M. St-André: Mais c'est merveilleux! Alors, tantôt, la ministre va nous dire...

M. Kelley: Alors, de ne rien faire, je pense que c'est exagéré, Mme la Présidente.

M. St-André: ...de combien de places on va les augmenter dans les deux ou trois prochaines années.


Discussion générale

La Présidente (Mme Malavoy): Bien, ceci termine les remarques préliminaires. Je passerai maintenant à l'étude des crédits proprement dits. M. le député de Jacques-Cartier, je vous invite à poser une première question.


Estimation des besoins en services de garde

M. Kelley: Merci beaucoup. Je veux revenir sur les prévisions, sur les besoins en services de garde pour le mois de septembre, parce qu'on est à la recherche de voir... Selon l'étude de Mme Rose, il y a 95 000 enfants de quatre ans au mois de septembre. Je ne sais pas si ça, c'est le chiffre exact ou plus ou moins, en tout cas... Parce que je vois, dans vos livres, tous les estimés, le taux de couverture, mais nos estimés du taux de couverture sont basés sur un système où le crédit d'impôt existe. Et il y a d'autres choix comme embaucher une gardienne à la maison, etc., qui existent, qui, progressivement, vont être éliminés. Alors, c'est quoi, les estimés pour... Parmi les 95 000 enfants, de combien de places est-ce qu'on a besoin à partir de septembre? Parce que le programme des crédits d'impôt déductibles est un programme universel, alors il faut le remplacer par un programme universel aussi. Alors, combien d'enfants auront besoin soit dans une garderie, soit dans un milieu familial et quel pourcentage de ces besoins est-ce qu'on peut combler à partir de septembre de cette année?


Politique familiale

Mme Marois: Alors, merci, Mme la Présidente. Je remercie le député de sa question. J'aimerais aussi remercier l'ensemble des collègues qui sont intervenus jusqu'à maintenant pour la pertinence de leurs propos. Je pense que c'est intéressant de voir comment on peut défendre très positivement les propositions que nous avons faites à partir d'expériences personnelles qui sont tout à fait justes et où on trouve le ton juste pour le dire aussi. Je veux le mentionner aux membres de la commission. Je pense à mes collègues de l'Assomption et de Saint-Hyacinthe qui ont vécu chacun à leur façon des expériences qu'ils ont partagées avec nous, mais qui rejoignent essentiellement, justement, les fondements de ce que l'on veut faire et qui les expliquent, d'ailleurs.

Puis je veux faire une autre remarque aussi sur le fait qu'on ne semble pas préparé à cette politique. Écoutez, au contraire, c'est une politique, justement, qu'on a tellement bien imaginée qu'on l'a étalée sur un certain nombre d'années quant à son application parce qu'on sait qu'elle a des conséquences, qu'on sait qu'elle comporte ses coûts, ses réajustements au plan de l'organisation des services, et nous arrivons avec une vision intégrée de la politique à la petite enfance. Je sais qu'on nous a fait des remarques en nous disant: Est-ce que c'est vraiment une politique familiale au sens de ce qu'on entend généralement par une politique familiale? Non, c'est une partie d'une politique familiale qui s'adresse particulièrement à la petite enfance, et je pense que ça comporte donc ses limites dans ce sens-là, mais aussi tout son potentiel. C'est donc une politique qui a été imaginée pour se mettre en oeuvre sur une période de cinq ans et qui permet justement, au fur et à mesure, les réajustements utiles. Je vais revenir, d'ailleurs, à la question précise du député sur cela. Ça permet des réajustements utiles, et c'est évident qu'on n'a pas les réponses à tout, sur tout immédiatement, mais on voit qu'il y a des pièces de cette politique qui viennent plus tard. Je pense au congé parental. Il y a aussi des pièces qui se sont ajoutées en cours de route. Je pense au budget fédéral qui vient modifier sa prestation fiscale en deux temps: en un premier temps, en juillet 1997 puis, en un second temps, en juillet 1998.

Alors, là, le député de Jacques-Cartier, Mme la Présidente, ne peut pas dire que, dans le fond, on n'était pas prêt ou qu'on avait mal planifié nos choses. Quand arrive un événement à travers le cours d'une décision que nous avons prise, bien, on peut faire fi de cet événement ou essayer de voir comment on va arrimer nos politiques respectives. Alors, en ce sens-là, même le ministre des Ressources humaines, M. Pettigrew, le ministre fédéral, a mentionné et a souligné la qualité de la politique québécoise en disant qu'elle était en avance sur la sienne et que c'est ce qu'il souhaiterait pour toutes les autres provinces, un modèle semblable, évidemment adapté, et que chaque province pourra adapter à sa façon. Mais c'est ce qu'il souhaitait. Alors donc, ça ne doit pas être si mauvais, cette politique que nous proposons, que nous défendons, et elle s'instaure, dans une perspective de planification, sur un certain nombre d'années, sachant que les ressources seront rendues disponibles progressivement, mais qu'il y a aussi des ajustements à faire dans l'organisation des services très concrètement. Les centres à la petite enfance sont déjà définis en partie dans nos cartons, mais, très formellement et officiellement, nous rendrons publics des documents à cet égard et nous déposerons un projet de loi qui viendra modifier la loi actuelle et définir, donc, ce que seront les centres à la petite enfance.

Et j'annonce, Mme la Présidente, si vous me le permettez, peut-être pour rassurer aussi mes collègues de la commission, que nous tiendrons des audiences sur les projets de loi que nous déposerons, particulièrement sur la question, éventuellement, de l'allocation unifiée ou d'autres éléments de la politique familiale. Mais nous le ferons, évidemment, sur invitation. Cependant, nous le ferons. Donc, en ce sens-là, si ça peut rassurer mes collègues et particulièrement le député de Jacques-Cartier, nous le ferons, mais sur invitation, parce qu'il y a déjà eu, je dirais, des audiences, d'abord, dans le cadre du livre vert de la sécurité du revenu et que, d'autre part, pour ce qui est des maternelles, on se comprend bien, il y a eu un an et demi de consultations par la Commission des états généraux, il y a eu un avis du Conseil supérieur, il y a eu le rapport Bouchard, auquel nous faisions allusion, quant à l'aide aux enfants en difficulté. Alors, je pense qu'on a un éventail suffisamment grand, et les prises de position aussi des grandes associations de parents sont rassurantes à cet égard-là.


Implantation de la maternelle à plein temps

Et nous ne reviendrons pas sur ces questions-là malgré que je puisse comprendre – et je suis très sensible à ça – la crainte – et mon collègue de Saint-Hyacinthe le traduisait bien tantôt, de L'Assomption aussi – la crainte des parents. Quand on voit partir son petit bout de chou puis qu'on l'a un peu protégé, c'est normal, on le fait tous. Ce n'est pas un blâme, hein? On le fait, puis c'est notre façon à nous aussi d'être parents et c'est normal que ça se passe comme ça. Je comprends la résistance des parents. Il y avait aussi sûrement, dans cette résistance, une partie d'inquiétude liée aux conditions matérielles dans lesquelles allaient s'implanter les maternelles, et ça, je l'ai senti très souvent lorsque j'ai rencontré des parents, parce que j'ai pris la peine de rencontrer des regroupements soit lorsque j'ai eu une consultation, entre autres, sur la question du livre blanc sur la politique familiale ou que j'ai procédé à des rencontres à mon bureau de comté ou en tournée ministérielle, et, chaque fois, ce que j'ai ressenti, c'était cette crainte de la façon dont on allait offrir le service aux enfants et, entre autres, les locaux – ça, c'était la première crainte, évidemment – la surveillance, l'encadrement, le transport scolaire.

Alors donc, dans ce sens-là, à partir du moment où on sait que, non, il n'y aura pas de sous-sols d'églises pour les enfants ou que ce sera exceptionnel et que ce sera temporaire, parce qu'on a maintenant le résultat des travaux qui seront entrepris par les commissions scolaires et que nous savons que, pour plus de 90 % des cas, ce sera dans des locaux ou neufs ou réaménagés que se retrouveront les enfants... Il y aura un peu de location pour des besoins temporaires, parce que les populations diminuent ou se réorganisent autrement, de telle sorte que l'école disposera de locaux plus tard. Et il y a des locations temporaires dues au fait qu'une construction viendra un peu plus tard. Mais c'est vraiment la minorité des locaux. On parle d'une trentaine de locaux, je pense, dans ces circonstances-là, mais je n'ai pas le chiffre précisément devant moi. Donc, ce sont des éléments pour rassurer les parents.

(13 heures)

Revenons maintenant... Et puis il y a beaucoup d'autres choses sur lesquelles je pourrais revenir quant à ce qui s'est dit jusqu'à maintenant, Mme la Présidente, mais je pense que les questions nous permettront sûrement d'y revenir et, pour aussi, je dirais, calmer certaines inquiétudes, entre autres ces inquiétudes qui apparaissent à différentes reprises sur le Conseil de la famille, alors on aura l'occasion de répondre à cela très clairement pour ne pas qu'il y ait de craintes inutiles qui apparaissent.


Estimation des besoins en services de garde (suite)

Alors, il serait peut-être intéressant de rappeler d'abord globalement que nous souhaitons ajouter aux services de garde près de 75 000 places nouvelles pour les cinq prochaines années, ce qui veut dire qu'on doublerait, nous aussi, le nombre de places de garde par rapport à celles que nous avons maintenant, mais d'une façon planifiée et en ramenant la garde aux zéro-quatre ans, étant entendu qu'il y a des services éducatifs de maternelle à compter de cinq ans, et la garde qui sera offerte, évidemment, aussi sur la base de services éducatifs. On se comprend bien? Je pense que ça fait longtemps, d'ailleurs, que les agences de garde et les garderies, en particulier, nous demandent de voir leur nom modifié.

Mais, au-delà du nom, c'est le concept que l'on modifie. C'est l'organisation que l'on modifie pour qu'on devienne justement des centres à la petite enfance où on fait référence à un ensemble de services pouvant être offerts à la petite enfance, allant du conseil aux parents en passant évidemment par les services de garde, mais de type éducatif, avec des activités de développement offertes aux enfants. D'ailleurs, il y a un programme qui existe, qui a été développé par l'Office des services de garde. Alors, progressivement, on va donc changer et le concept et les noms, ce qui nous permettra, évidemment, de rendre compte plus justement de ce qui se passe dans nos services à la petite enfance.

Comment fait-on pour estimer les besoins? Bien, je pense qu'on connaît un peu la formule. C'est un sondage qui se fait auprès des parents. Ce sondage se fait auprès des parents quant à leurs préférences en termes de besoins de garde. D'abord, il y a la notion de besoins de garde; après ça, c'est la préférence quant au type de services pour la garde des enfants. Donc, il y a un sondage qui se fait auprès des parents et, de là, on construit essentiellement l'offre de services.

Évidemment, on construisait cette offre de services dans un contexte où la couverture n'était pas assurée comme elle va l'être maintenant, mais c'est le même modèle que l'on applique maintenant, à savoir, à partir du sondage, à partir des ressources dont on dispose, on planifie la couverture de ces besoins. C'est dans cette perspective-là qu'on l'a fait sur une base de cinq ans, en commençant par offrir les places aux quatre ans, à 5 $, dès cette année, allant progressivement vers les zéro-quatre ans.

C'est juste de dire que le nombre d'enfants qui naissent ou le nombre d'enfants qui arrivent au Québec par voie d'immigration représente, par exemple pour les quatre ans, en 1995, 91 121 enfants. Il y a un certain nombre de ces enfants qui sont gardés de façon régulière. On parle d'environ 40 000 enfants qui sont gardés de façon régulière. On évalue que le nombre de places pour accueillir ces 40 000 enfants serait de l'ordre d'une trentaine de mille places. On parle d'un peu plus de 30 000 places parce que, évidemment, ces enfants ne les occupent pas à temps plein, il y a du temps partiel.

Après ça, on va un peu plus loin puis on demande le type de garde que l'on souhaiterait avoir, le type de service que l'on souhaiterait avoir. Et là on se retrouve avec de la garde en garderie, pour 21 000 enfants, et en milieu familial, pour 11 000 enfants, ce qui totalise les 33 000 places que l'on croit nécessaire de rendre disponibles, mais étant entendu que ce n'est pas 33 000 places, comme telles, en garderie; on parle de 21 000 places en garderie. Et, dans les 11 000 places en milieu familial, évidemment, il y a une partie couverte par la garde en milieu familial sous type d'agences, régie et supervisée par les agences, ou la garde familiale décidée par le parent lui-même.

Et là je veux corriger ce qu'a dit le député de Jacques-Cartier. Je peux comprendre qu'au départ c'est un élément qu'on retrouve dans la politique à la petite enfance et dans le livre blanc, à savoir que nous reverrions éventuellement le crédit d'impôt remboursable pour frais de garde. Or, il est apparu très clairement – et c'est une décision que nous avons prise – au discours du budget que nous maintiendrions ce crédit d'impôt remboursable pour les frais de garde, de telle sorte que la garde en famille où on va chercher un reçu d'impôt pour éventuellement obtenir une réduction de son impôt et même un remboursement était maintenue. On le retrouve au discours du budget. Ce n'est pas énoncé de cette façon-là, mais on pourrait le retrouver éventuellement. Ça se retrouve dans toutes les notes explicatives.

Donc, dans les faits, sachant cela, appliquant le tout à la garde au choix ou à la préférence du type de garde pour les parents, je pense que nous pourrions répondre aux besoins des parents avec la planification à laquelle nous avons songé. Donc, l'ajout de 73 000 places s'inscrit dans cette perspective-là. La transformation des places de cinq ans vers les quatre ans, l'ajout progressif de places de zéro à quatre ans, ce qui fait qu'on se retrouverait avec un total, pour cette année, en septembre, de 20 000 places pour les quatre ans alors que nous en avons 13 000 actuellement. C'est beaucoup, quand on pense qu'on ajoutait 7 000 places...

M. Kelley: Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît, Mme la ministre?

Mme Marois: Regardez, comme comparaison, on ajoute au total 7 000 places par année quand on fait du développement en ne tenant pas compte de la politique qui est là. Alors, là, finalement, on libère les places de cinq ans, qui sont de l'ordre de 6 000, et on les transforme en places de quatre ans. Alors, juste pour un groupe d'âge...

M. Kelley: Mais pouvez-vous répéter les chiffres?

Mme Marois: ...on libère 6 000 places. C'est le nombre total qu'on développait pour les zéro-cinq ans, ça. Alors, ça vous donne une idée du nombre important de places que l'on développera.

M. Kelley: Mais, pardonnez-moi, Mme la ministre, juste le chiffre des quatre ans que vous allez subventionner, c'était quoi?

Mme Marois: Attendez un peu. Ce n'est pas ça, la question. Là, on a posé la question sur le nombre de places qui allaient être rendues disponibles pour les enfants de quatre ans, et c'est 20 657 places. Ça, c'est dans les garderies sans but lucratif. Quand on ajoute les garderies à but lucratif, nous pourrions aller jusqu'à une hauteur de 8 000, ce qui amène donc à 28 600 places pour les quatre ans.

Maintenant, évidemment, dans notre évaluation, on ne pense pas nécessairement que toutes les garderies à but lucratif souhaiteront se transformer, surtout avec l'existence du crédit d'impôt remboursable qui reste disponible. À ce moment-là, on évalue qu'environ 50 % des places pourraient se transformer, soit en transformation ou en location – c'est à voir – ce qui nous amène au total de 24 600 places, en fait, qui seraient rendues disponibles pour les enfants de quatre ans.

M. Kelley: Vous m'avez donné un chiffre de 20 000, pour les quatre ans?

Mme Marois: 20 600 plus 4 000. Ça, ce sont déjà des places offertes, disponibles dans les garderies...

M. Kelley: Pour les quatre ans et les cinq ans.

Mme Marois: ...sans but lucratif et dans les agences de garde en milieu familial – voilà – pour les quatre et cinq ans. Toutes les places libérées de cinq ans, on les transforme en places quatre ans, ce qui est quand même de l'ordre de 6 000 places, et on évalue que la moitié des places dans les garderies à but lucratif se transformeraient. Donc, sous garde régie à raison d'un coût de 5 $ par jour, c'est le nombre de places que nous offririons aux quatre ans, 24 000 places.

Maintenant, si je reviens à l'évaluation...

La Présidente (Mme Malavoy): Oui, je vous en prie, continuez votre intervention.

(13 h 10)

Mme Marois: D'accord. Si je reviens maintenant à l'évaluation du besoin de places, sachant qu'il y a une préférence importante... En fait, on est au-dessus des besoins exprimés pour la garde en garderie. Mais, évidemment – et je ne disconviens pas de cela; ce serait incorrect d'en disconvenir, d'ailleurs – il pourra y avoir un changement de comportement. C'est pour ça que la disponibilité du crédit d'impôt remboursable permet justement de peut-être nous assurer que ces changements de comportement puissent être portés par l'ensemble du système, si on veut, et qu'on puisse continuer à répondre aux besoins des parents.


Crédit d'impôt remboursable pour frais de garde

M. Kelley: Sur la question du crédit d'impôt, je veux une clarification. Dans le budget, effectivement, avec ce rythme de croisière, le ministre des Finances entend économiser 110 000 000 $ sur le crédit d'impôt remboursable. Dans votre document de réponses aux questions de l'opposition, 168, le montant total est de 175 000 000 $. De ça, il faut déduire les frais de garde pour les enfants de cinq ans et plus qui doivent être quand même impartis. C'est pour ça que nous avons demandé cela ventilé. On n'était pas capables d'avoir ça dans les réponses données par année. Alors, il y aura toujours un crédit d'impôt pour les enfants de cinq ans et plus. Mais, si, au rythme de croisière du gouvernement, il entend économiser 110 000 000 $, à toutes fins pratiques ça veut dire qu'on va abolir le crédit d'impôt.

La Présidente (Mme Malavoy): Mme la ministre.

Mme Marois: D'abord, il y a une autre chose sur laquelle il faut revenir aussi pour compléter nos chiffres. N'oubliez pas que nous offrons aussi un service de maternelle demi-temps ou de services éducatifs pour les quatre ans qui vont venir, évidemment, prendre en charge les enfants qui, autrement, n'occuperont pas de places quatre ans dans nos services éducatifs en centre à la petite enfance. Donc, il y a vraiment...

M. Kelley: Ça, c'est 11 000 ou quelque chose...

Mme Marois: On parle de 7 500. C'est beaucoup.

M. Kelley: Je vais revenir sur les chiffres, Mme la ministre. Mais, si je peux juste vider cette question du crédit d'impôt... Parce que ce n'est pas clair. Je veux juste faire l'arrimage entre le budget, à la page 246, où, à ce rythme de croisière, le ministre des Finances entend économiser 110 000 000 $ pour les frais de garde et la portion remboursable. Ça, c'est les chiffres du gouvernement. Dans le document fourni à l'opposition, à la question 168 dans votre document qui fait partie de nos études de crédits, l'enveloppe totale, c'est 175 000 000 $. Mais, de ça, il faut soustraire les frais de garde remboursables pour les enfants de cinq ans et plus qui ne sont pas affectés, si j'ai bien compris. Alors, c'est pourquoi nous avons demandé une ventilation qui n'est pas fournie ici. Mais ça représente quoi? 40 000 000 $ ou 50 000 000 $, les frais de garde pour les enfants d'âge scolaire? Je ne le sais pas. Mais, en bout de ligne, le ministre des Finances attend de vous autres que vous abolissiez tous les frais de garde remboursables pour les moins de cinq ans. Il faut admettre que, si les économies prévues sont de 110 000 000 $, ça doit être la totalité.

Mme Marois: C'est justement ce qu'on ne fait pas. On n'abolit pas le crédit d'impôt pour frais de garde.

M. Kelley: À la page 246 du budget...

Mme Marois: Attention, il ne sera plus accessible pour les enfants qui fréquenteront des milieux de garde à raison d'une place à 5 $ par jour. Effectivement, ces personnes n'auront pas accès au crédit d'impôt remboursable parce qu'on croit que, d'abord, elles ont un service évidemment beaucoup plus important, on le sait et on en convient, que le coût qu'elles assument. C'est la façon de reconnaître, dans le fond, la contribution gouvernementale. On se comprend? Pour ceux et celles qui utiliseront la garderie ou le centre à la petite enfance et qui pourront avoir accès à cette place à 5 $ par jour, ils ne seront plus admissibles au crédit d'impôt remboursable. Cependant, tous les autres parents qui ont des enfants de zéro à 18 ans...

M. Kelley: De zéro à 16 ans.

Mme Marois: ...de zéro à 16 ans... Je savais qu'il y avait une différence, mais je ne me souvenais plus...

M. Kelley: Dernière année pour mon aîné.

Mme Marois: On pourrait en reparler avec nos enfants en faisant nos rapports d'impôts. Tous les enfants de zéro à 16 ans continueront d'être couverts, les frais de garde des parents continueront d'être couverts selon les modalités que je viens d'expliquer. En ce sens-là, on couvrira aussi les zéro-cinq ans. D'accord? C'est important parce que ça permet justement de dire aussi – puis je pense qu'il faut être clair sur ça – aux garderies à but lucratif: Si vous souhaitez continuer, compte tenu que nous ne vous versions rien auparavant, dans certains cas, vous savez que les parents n'ont pas accès à l'exonération.

Donc, les nouvelles garderies à but lucratif qui sont apparues depuis quelques années, qui ont obtenu des permis, n'obtiennent aucune somme de subvention de l'Office des services de garde. C'est essentiellement traité comme une entreprise et c'est donc sur le plan fiscal qu'elles peuvent évidemment tenir compte de leur réalité. Cependant, les parents qui les fréquentaient et qui les fréquentent toujours avaient et auront toujours accès au crédit d'impôt remboursable, ce qui permet donc de dire: Si votre bassin de population vous permet de continuer à offrir des services et que les parents veulent continuer à le faire selon le statut que vous avez, ça permet d'offrir un libre choix. Parce que c'était une des remarques qui avaient été faites et j'avoue qu'on y avait songé aussi. Ça a été une discussion que nous avons eue et nous avons souhaité maintenir le crédit d'impôt remboursable. Est-ce qu'il sera maintenu pour la vie? Ça, c'est une autre chose.

Un gouvernement peut modifier certaines mesures fiscales, mais, jusqu'à nouvel ordre, il est prévu qu'il sera disponible. Mais le fait, cependant, que de moins en moins de parents – parce que leurs enfants fréquenteront des garderies où ils paieront 5 $ – l'utiliseront, c'est ça qui fait l'économie sur le crédit d'impôt. Quand on dit «non-admissibilité de la contribution parentale au crédit d'impôt remboursable pour frais de garde», c'est ça. Et, si vous regardez, ça suit exactement la cédule d'implantation. L'agenda d'implantation des services de garde, la première année, c'est des petites économies de rien. Parfait. Je ne trouve pas que c'est des petites économies quand on cherche les millions et les centaines de milliers de dollars partout, mais il reste que, sur un crédit d'impôt de l'ordre de 170 000 000 $, c'est une économie de 8 000 000 $ la première année, on pense 43 000 000 $ la seconde année, etc. Mais il reste accessible pour les autres parents.

La ventilation n'est pas faite. On a fait un certain nombre d'hypothèses et on a présumé que, au nombre de places qui s'ouvriraient, c'est ces parents-là qui ne réclameraient plus et que les autres pourraient continuer à réclamer, toutes choses étant égales, par ailleurs, ne prévoyant pas une hausse du nombre de naissances sensible pour les prochaines années, le rythme étant celui que nous connaissons maintenant. Ça, par exemple, ça va me permettre, Mme la Présidente, de revenir sur un des fondements de la réforme que nous proposons. Moi qui me définis comme quelqu'un qui croit à la reconnaissance de l'égalité entre les hommes et les femmes et qui, à cet égard, me définis comme une féministe – parce que je pense que c'est ça, être féministe – j'ai toujours eu un peu de difficulté avec des allocations importantes à la naissance, je le dis, pour fins et croyant que cela allait augmenter le taux de natalité. Parce que c'était le fondement de la politique des allocations familiales plus généreuses à la naissance et pendant les premières années de la vie du jeune enfant.

Ma prétention et les analyses qui ont été faites sur ces questions à travers le monde, le nôtre – notre petit monde à nous – et le monde universel, nous amènent à la conclusion que les États qui ont réussi à avoir une certaine influence soit pour maintenir ou rehausser légèrement le taux de natalité sont ceux qui ont offert des services aux familles plutôt que des allocations généreuses aux familles. Et des services, il y en a deux ou trois possibles et nécessaires: c'est d'abord le congé parental, quand on décide d'avoir des enfants – c'est le troisième volet de notre politique – la seconde mesure, ce sont des services de garde de qualité – c'est aussi un des volets de notre politique – et ce sont des services éducatifs intéressants et stimulants – c'est une autre partie de notre politique – ce qui ne nous enlève pas l'obligation, cependant, comme gouvernement, de nous assurer que les besoins de base des enfants soient autrement couverts si une famille n'a pas les ressources nécessaires pour ce faire. Et c'est là qu'apparaît une allocation qui est sélective au sens où elle est versée aux enfants qui vivent dans des familles à bas revenus, que le revenu vienne d'une prestation de sécurité du revenu ou qu'il vienne du travail, donc une allocation versée aux enfants qui vivent dans ces familles, qui diminue progressivement au fur et à mesure que le revenu familial augmente.

(13 h 20)

En plus, dans notre cas, on s'est assurés qu'il y avait une base universelle qui allait être maintenue. Peu importe la situation de revenu des familles, que ce soit un très haut revenu ou un très bas revenu, il y a la mesure universelle qui est le crédit d'impôt de base, c'est-à-dire faire en sorte qu'à chaque fois que j'ai un gain, je fais un rapport d'impôts, je peux déduire immédiatement des sommes gagnées ce que représentent les besoins à couvrir d'un enfant dans une famille et je l'enlève immédiatement de mon revenu gagné, de telle sorte que je ne suis imposé que sur la portion qu'il reste. Évidemment, je vous fais grâce de toutes les autres mesures fiscales, mais ça, c'est la mesure de base, je vous dirais, que nous avons conservée, c'est la mesure universelle. Et s'ajoutent à cela, en plus, d'autres mesures fiscales qu'a annoncées le ministre des Finances, dans son discours du budget, pour réduire le coût de l'impôt des familles à bas et moyen revenus.

Si je reviens maintenant – et on pourrait aller encore plus loin pour les préciser...

M. Kelley: Et augmenter la taxe de vente. Alors...

Mme Marois: Pardon?

M. Kelley: Et augmenter la taxe de vente. Alors, on arrive kif-kif.

Mme Marois: Non, non, non. La taxe de vente, vous savez, pour les familles à bas revenus, là aussi, il y a une formule qui le prévoit, n'est-ce pas...

M. Kelley: Très bas revenus.

Mme Marois: ...qui prévoit des crédits, et tout ça.


Politique familiale (suite)

Cependant, je veux revenir à l'essentiel de la politique familiale. On pourrait parler pendant des heures des politiques fiscales, qui sont aussi des choses qui m'intéressent beaucoup, mais...

Si on revient à l'essentiel de la politique familiale, donc, ce sont des services qui sont offerts aux familles, et c'est ça, le fondement même de notre politique. Il faut être clair, c'est d'essayer d'aider les familles là où existent des besoins. D'ailleurs, c'est ce pourquoi j'ai décidé de trancher très clairement entre les zéro-quatre ans qui allaient être reçus dans les centres à la petite enfance, où les parents eux-mêmes allaient éventuellement pouvoir recevoir des services. Ce n'est pas maintenant, je conviens de ça, mais j'ai une perspective, j'ai une vision dans ce sens-là. Il m'apparaît que c'est important qu'on le dise aux gens.

Rome ne s'est pas faite en un jour. Nous commençons là maintenant, mais pour aller vers quelque chose qui serait encore plus complet, mieux arrimé avec les services sociaux et les services éducatifs. Mais ce pourquoi j'ai dit: Les zéro-quatre ans, dans les centres à la petite enfance; même pour les quatre ans, les services éducatifs de type prématernelle que nous connaissons dans nos écoles vont s'offrir dans les centres à la petite enfance... L'école, elle, interviendra à compter de cinq ans et plus, pour ses maternelles, mais évidemment devra offrir conséquemment des services de garde, des services d'encadrement, je ne reviens pas là-dessus.

Pourquoi j'ai fait ça? Pour permettre aux parents de se retrouver devant des services qui ne les obligent pas à promener leurs enfants: deux heures le matin, je l'envoie à la garderie ou à l'agence de garde en milieu familial; deux heures l'après-midi, je l'envoie chez ma voisine, je l'envoie chez mes parents. Ça n'a pas de bon sens. On fait subir aux parents les effets pervers de nos politiques, quand on fait des choses comme ça, et aux enfants, en plus, parce qu'on les transporte d'un endroit à l'autre. Ça a été ça, le choix que j'ai fait, et c'était très consciente que je faisais ce choix-là, parce qu'il ne plaisait pas nécessairement à tout le monde. Les commissions scolaires auraient souhaité continuer à offrir les services de prématernelle quatre ans. D'ailleurs, la preuve en est que M. Pallascio a dit que je l'obligeais à fermer ses prématernelles quatre ans et que ça faisait partie de ses compressions. Je ne l'oblige pas, c'est le résultat d'une politique: les services seront pris en charge par les centres à la petite enfance.

Alors, j'ai pensé aux parents et aux enfants, quand j'ai fait ça. Et la politique familiale, c'est ça, sa base, c'est vraiment répondre aux besoins des enfants et aux besoins des parents, sachant que c'étaient – et je le répète – eux, les premiers responsables de leurs enfants et sachant que, normalement, des politiques comme celle-là ont généralement un effet positif sur le taux de fécondité et le taux de natalité, pas nécessairement toujours très significatif, mais ont un effet positif que n'ont pas les allocations généreuses à la naissance et même pendant les premiers âges de la vie. J'aimerais pouvoir vous dire... C'est plus simple, une politique comme ça. Une politique d'allocations, c'est beaucoup plus simple parce que, dans le fond, on prend aux uns et on redistribue aux autres. Ça demande une certaine habileté administrative pour ne pas se tromper et pour bien gérer ça, mais c'est beaucoup plus simple. C'est pas mal plus compliqué d'offrir des services comme ceux qu'on veut offrir, surtout dans un contexte où ce n'est pas facile au plan budgétaire. L'argent ne nous sort pas par les oreilles, comme on dit en bon québécois.

Donc, il faut essayer de faire des choix et de les faire, je dirais, dans une perspective de temps, où on ne peut pas tout faire le même jour. Mais c'est vraiment ça. Je pense que c'est important de le redire à l'occasion parce que parfois ça peut échapper. On voit arriver une partie puis on se dit: Ah! on nous enlève des allocations puis, finalement, on va être défavorisés. L'objectif, ce n'est pas ça, c'est de transformer les allocations en services, parce qu'on pense qu'on répond mieux aux besoins quand on fait cela. On a essayé de garder un certain libre choix, dans nos politiques, par des mesures fiscales. Le fait que l'on puisse déduire aussi, qu'il y ait un crédit pour la personne qui prend en charge des enfants à la maison si un seul des deux conjoints travaille, est là, et c'est un crédit qui reconnaît très concrètement le fait qu'il y a un rôle social joué par une mère ou un père. Même si on sait que c'est majoritairement des femmes qui le font, il reste qu'on le reconnaît, et ça, c'est particulier et propre aux mesures fiscales aux familles. Alors, ça, c'est une partie qui permet de fonder le libre choix. Ce n'est pas parfait, bien sûr, mais c'est une partie.

L'autre partie, qui, elle, est plus universelle, c'est le crédit de base pour l'enfant; puis la troisième, c'est le crédit d'impôt remboursable pour frais de garde, puis il y a l'allocation unifiée. Alors, il y a donc là un ensemble, une gamme d'allocations arrimées avec des services qui a une perspective. Il faut être clair, on sait où on s'en va, on sait pourquoi on veut y aller, puis on sait avec quels moyens on va y aller. Qu'il y ait des ajustements, que tout ne soit pas parfait, que ça prenne un certain temps, j'en conviens. Mais je vous dirai que c'est majeur, comme virage, ce qu'on prend là. D'ailleurs, c'est ce qui fait que ça suscite tant de réactions. Je les vois bien, les réactions. Je serais complètement, je me dis, aveugle de ne pas voir que des parents sont en désaccord, que des groupes sont critiques. D'ailleurs, actuellement, on essaie de voir ce que l'on pourrait intégrer dans la nouvelle politique de l'allocation unifiée, quant aux remarques qui nous ont été faites et en commission parlementaire, sur le livre vert – on les a toutes, ces remarques-là – toutes les analyses fiscales qui nous ont été faites, pour voir quelle sorte de correctifs on pourrait apporter, sachant en plus qu'il faut tenir compte d'Ottawa. Notre budget, bien, ça, on le voyait plus venir, mais Ottawa, avec sa nouvelle politique... Alors, tout ça mis ensemble, on va essayer de corriger certains aspects de l'allocation unifiée. Je ne disconviens pas qu'on essaie d'arriver à la meilleure allocation qui soit.

Mais, comme on sait qu'on est dans une perspective dans le temps, on se dit: On pourra faire un bout maintenant, on fera un autre bout plus tard. Mais, surtout, ça s'inscrit dans un ensemble, et ça, pour moi, c'est tellement essentiel de le rappeler. Sinon, on a l'air de vouloir, encore une fois, en pénaliser un, puis offrir quelque chose à l'autre, puis ne pas reconnaître celui qui vient. Ce n'est pas ça, ce n'est pas une politique à la pièce. C'est une politique globale, et il y a une philosophie qui la porte, et elle va s'implanter selon un échéancier que l'on essaie d'accélérer, bien sûr, mais qui nous apparaît raisonnable, compte tenu des ressources dont nous disposons actuellement.

Le Président (M. Dion): M. le député de Jacques-Cartier, vous aviez quelque chose à terminer, je pense.


Subvention des places en garderie

M. Kelley: Oui. J'ai beaucoup de questions et je peux poser les questions, M. le Président, mais on va passer plus vite si on peut se concentrer sur l'essentiel des questions. À l'intérieur des 21 000 places – on va laisser de côté la question de l'avenir des garderies à but lucratif pour le moment – vous avez indiqué 21 000 places quatre ans, subventionnées à 5 $ à partir de septembre, si j'ai bien compris. Selon une étude de Mme Rose, faite pour le Conseil supérieur de l'éducation, chaque place coûte environ 5 700 $; et 5 $ multiplié par 240 jours par année, c'est 1 200 $, c'est la contribution des parents. Alors, est-ce que je dois comprendre que le prix, pour l'État, de subventions pour ces places est de l'ordre de 95 000 000 $, c'est-à-dire 4 500 $ par place multiplié par 21 000 places?

(13 h 30)

Mme Marois: Pas tout à fait. Je pense qu'on pourrait vous donner plutôt des... Est-ce qu'on a les tableaux? Parce que vous faites une déduction à partir d'un document fait par une personne fort intéressante par ailleurs, mais qui l'analyse avec son point de vue à elle et avec ses données à elle. Ce qu'on a comme...

M. Kelley: Parce que je pense que je cherche... Juste pour compléter ma question, entre le 5 $ par jour et le vrai coût du service, comment est-ce que ça va être calculé? Parce qu'il y a beaucoup de garderies qui m'ont posé la question suivante: En ne sachant pas la formule pour arriver au vrai coût, comment est-ce qu'on peut fixer notre budget pour le mois de septembre de prochain et notre tarif aux parents des autres âges en conséquence?

Mme Marois: Des quoi?

Une voix: Des autres âges.

Mme Marois: Des autres âges, O.K. D'accord. Bon. Alors, effectivement, la discussion que nous avons actuellement avec les garderies à but lucratif, mais que nous avons aussi avec les garderies sans but lucratif, c'est de voir à établir quel est le coût moyen qui va être retenu, et c'est ça, l'objet de nos échanges et de nos discussions. Et, pour ce faire, évidemment, on possède quand même des informations assez complètes parce que chaque milieu de garde doit faire rapport annuellement, bien sûr, et nous possédons bien les données sur ces questions-là. Cependant, il y a un travail qui mérite d'être fait, qui est à se finaliser, qui n'est pas terminé actuellement.

Mme Ruth Rose-Lisée, je pense, a fait un certain nombre d'hypothèses. Elles valent ce que valent, évidemment, les chiffres sur lesquels elle est partie. Je ne dis pas qu'elle n'est pas bonne, mais elle a pris les chiffres qu'elle avait et elle fonctionne avec cela. Nous avons des chiffres, évidemment, plus complets, plus précis, et c'est ce à quoi nous travaillons et c'est ce que nous devrions rendre public et connu auprès de l'ensemble des garderies des services de garde du Québec, autant celles à but lucratif que celles sans but lucratif, dans les jours qui viennent, enfin la semaine et demie qui vient, les deux semaines qui viennent, tout au plus.

(Consultation)

Mme Marois: Je vais en profiter pour demander, peut-être, à ma collaboratrice de vous expliquer la base qui a servi de démarrage, puis ça va vous donner des chiffres un petit plus fins, là, si on veut.


Budget supplémentaire

M. Kelley: Mais, si je peux juste ajouter un complément de question: Où est-ce qu'on trouve ces montants dans les crédits qu'on va voter d'ici la fin de l'après-midi?

Le Président (M. Dion): Pour l'enregistrement, est-ce que vous pourriez vous...

Mme Marois: Avant de passer la parole, M. le Président, si vous permettez, je vais juste revenir sur ça. Aujourd'hui, nous étudions les crédits tels qu'ils ont été identifiés au livre des crédits, déposés par mon collègue le président du Conseil du trésor et qui nous donnent un éventail de budget selon qu'on parle du Conseil de la famille, de l'Office des services de garde ou du Secrétariat à la famille, et ce sont ces crédits-là que nous voterons. Le ministre des Finances a annoncé, au discours du budget, que la hauteur de l'effort au net pour le gouvernement allait être de 314 000 000 $ – c'est au discours du budget – qui seront éventuellement ventilés, repartagés, parce que, comme c'est au net, autant il y a des gains du côté de la location ou des services, autant il y a donc des vases communicants. Autrement dit, c'est le résultat de vases communicants, et, donc, nous procéderons par les voies habituelles, en venant en budget supplémentaire pour présenter la ventilation de cela. Nous aurons le plaisir de nous revoir sûrement et de rediscuter de ces questions, donc, d'une façon plus précise.

Et je peux vous dire que le gouvernement ne fera pas d'économies sur le dos des familles. C'est plutôt l'inverse. Vous verrez, là, on est en train de fignoler ces documents, de les préciser. Encore là, je vous le dis, c'est important de savoir ça parce que, sans ça, on pourrait avoir l'air de désordre. Mais, à partir du moment où le ministre des Finances d'Ottawa nous dit: Voici les changements que, moi, j'apporte, puis je les apporte à compter du 1er juillet 1997, puis j'en apporte d'autres à compter du 1er juillet 1998, ça vient nous obliger à refaire les scénarios. Il y a des réajustements aussi dus à notre propre budget, bien sûr, qui permettent de revoir certains éléments dans les seuils ou autrement, puisqu'on a repoussé le seuil où les personnes ne paieront pas d'impôts, et ce sont les familles surtout. Donc, tout ça, ce sont des ajustements nécessaires, mais je peux vous dire – et vous pourrez le constater lorsque nous déposerons formellement ces budgets – que le gouvernement n'économisera pas. Il devra sans doute ajouter quelques ressources qui sont prévues dans cet ensemble budgétaire, évidemment, et planifiées. Ça, ce n'est pas une surprise pour le président du Conseil du trésor, mais il reste qu'il n'y aura pas d'économies. Parce qu'on avait dit que, cette année, il risquait d'y avoir une économie de l'ordre de 25 000 000 $, je crois.

Une voix: ...

Mme Marois: C'était 14 000 000 $? C'est-à-dire que, au départ, on avait vu une possibilité de 25 000 000 $ et que, après ça, ça s'est ramené à 14 000 000 $. Mais je peux vous dire qu'il n'y en aura pas. Donc, tout va revenir aux familles et peut-être même un peu plus.

Maintenant, je demanderais à Mme Jacqueline Bédard, qui est la présidente de l'Office des services de garde, de nous présenter le principe sur lequel on s'est appuyé pour commencer nos travaux.

Le Président (M. Dion): Mme Bédard.


Subvention des places en garderie (suite)

Mme Bédard (Jacqueline): Oui, M. le Président. Alors, vous aviez raison, tout à l'heure, au niveau du principe de la modalité du calcul. Ce qu'on va établir, c'est le coût de fonctionnement par place au niveau des garderies, probablement sur la base d'une moyenne provinciale ou bien de trois moyennes. Pas selon les régions, parce qu'on est très conscient que la tarification peut varier à l'intérieur d'une même région. Donc, supposons qu'il y a une moyenne provinciale qui établirait un coût par jour au niveau du fonctionnement, duquel on déduit le 5 $ de contribution parentale, ça, ça va nous permettre d'établir le montant qui sera donné à chacun des centres à la petite enfance en septembre prochain, tenant compte des rapports d'activité qui nous sont fournis par les garderies sans but lucratif. Une formule semblable va être développée avec les garderies à but lucratif, mais le principe des garderies sans but lucratif, c'est basé sur leur rapport d'activité et une moyenne provinciale.

Le Président (M. Dion): Est-ce que ça répond à votre question?

M. Kelley: Voulez-vous juste répéter ça, Mme Bédard. On va fixer un tarif provincial, mais comment est-ce qu'on va tenir compte des exigences d'une région? Ou milieu urbain versus rural, etc.?

Mme Bédard (Jacqueline): Il existe déjà, basé sur les rapports d'activité qui nous sont fournis, un chiffre au niveau provincial, et on pourra établir trois groupes. Certaines vont se retrouver dans la médiane, d'autres peuvent se retrouver en bas de la médiane. À ce moment-là, on va les ramener à la moyenne. Et les garderies qui seraient supérieures à cette médiane-là, bien, à ce moment-là, on peut les geler pendant un certain nombre de mois, le temps que la médiane les rejoigne, de façon à ne pénaliser vraiment personne de ce côté-là, au niveau de la tarification.

M. Kelley: Mais je ne comprends pas la dernière réponse, parce que, si, mettons, on est au centre-ville, où le coût du loyer ou d'autres coûts sont plus élevés que la moyenne provinciale, en gelant les budgets, comment est-ce que... Je dois couper ailleurs pour arriver. Si je dois louer une place pour faire ma garderie à Place Ville-Marie, mettons, mes coûts risquent d'être beaucoup plus élevés que de louer une place dans la couronne nord, où les taux de location sont nettement moins élevés. Alors, en faisant ce gel, est-ce qu'on va pénaliser les personnes qui ont des loyers supérieurs?

Mme Bédard (Jacqueline): Pour ceux qui ont des coûts supérieurs, on va voir. C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure que c'est cette formule-là qui est envisagée et qui est discutée à l'heure actuelle, vraiment, avec les représentants du milieu au niveau des garderies et au niveau des agences en milieu familial. Alors, ce travail-là, il se fait vraiment avec eux de façon à ne pénaliser personne.

M. Kelley: Mais, selon vous, le chiffre que Mme Rose a utilisé dans son étude, que ça coûte environ 5 700 $ par année, est exagéré? Je trouve ça surprenant qu'elle ait basé toute une recherche sur un chiffre et que, maintenant, j'apprends que...

Mme Bédard (Jacqueline): Il faudrait que je voie les chiffres. Le 5 500 $, c'est peut-être beaucoup, oui. Ça dépend ce qu'elle couvre avec son 5 500 $. Alors, avant de dire si c'est le chiffre réel ou pas, encore faudrait-il voir comment il se décompose.

Le Président (M. Dion): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Mais avez-vous des chiffres? Les coûts moyens pour une place en garderie au Québec, ça doit exister.

Mme Bédard (Jacqueline): Dans une garderie sans but lucratif, c'est d'environ 4 000 $ par place.

M. Kelley: Alors, la subvention, on peut le deviner, va être de l'ordre de 60 000 000 $, 70 000 000 $?

Mme Marois: Bien, si vous faites...

(13 h 40)

M. Kelley: 2 800 plus ou moins fois...

Mme Marois: C'est parce que, là, vous enlevez le 5 $ puis, après ça, vous refaites le calcul et vous dites: La subvention pourrait être de cet ordre-là. Bon.

M. Kelley: 50 000 000 $?

Mme Marois: Alors, c'est une hauteur de subvention qui se rapproche de ce que l'on peut imaginer verser.

M. Kelley: Mais, moi, si je parle de 50 000 000 $, je suis un «ballpark figure»?

(Consultation)

M. Kelley: Mais juste vite, vite, 21 000 places, 2 800 plus ou moins, ça donne 50 000 000 $, 55 000 000 $. Qui a la calculatrice?

(Consultation)

Mme Marois: Actuellement, M. le Président, ce sont des données qui sont évidemment en train d'être intégrées avec l'ensemble du budget de transfert de l'Office, parce que, là, on ne peut pas tenir compte seulement d'un bout, hein? Comme Office, on a l'ensemble de la responsabilité et aussi des transferts qui se font vers les zéro-trois ans. Mais la somme à laquelle vous faites référence est une somme qui va apparaître justement dans le budget supplémentaire de façon plus fine, plus précise, à savoir combien est transféré vers les nouveaux centres à la petite enfance et combien s'en ira dans le régime plus régulier, si on veut, d'exo ou autrement. Et, effectivement, c'est un chiffre qui est de l'ordre de ce que vous soulignez.

Cependant, sur les chiffres de Mme Ruth Rose, nous ne les avons pas regardés pour cette question-là. Je sais que nous avons été en contact avec elle pour d'autres données sur les questions de l'allocation unifiée, mais, effectivement, selon les bases qu'elle utilise, bien, évidemment, ça donne un résultat ou l'autre. Nous, on essaie de fonctionner et on fonctionne avec les données réelles que nous possédons.

M. Kelley: Juste à titre de référence, Mme la ministre, c'est le tableau 3, page 7, de son étude Les coûts et les bénéfices d'un programme éducatif préscolaire universel, facultatif et gratuit , publiée en mai 1996. Juste pour fins de référence sur où j'ai trouvé ces chiffres. Ce n'est pas inventé.

Mme Marois: Non, non, je n'avais pas dit ça, d'ailleurs.

M. Kelley: Non, non. J'ai dit ça.

Mme Marois: Vous savez, d'ailleurs, que, moi, je n'aime pas qu'on me prête des propos que je ne tiens pas et j'essaie de faire la même chose pour mes collègues, d'appliquer la même médecine.


Qualité des services de garde

M. Kelley: En même temps, parce que je sais qu'il y a beaucoup de questionnement aussi, on a un réseau en pleine expansion, mais il demeure toujours la question de qualité. Je pense que ça, c'est l'enjeu éternel entre ajouter des places et bonifier les places existantes. Des fois, c'est difficile de faire les deux en même temps, et il y a beaucoup d'inquiétudes qui ont été soulevées par les représentants des garderies quant au... On va diminuer le ratio des éducatrices d'enfants, surtout pour les quatre ans. Alors, ç'a été soulevé comme question que, parmi les moyens d'élargir l'offre ou d'étendre l'offre à un plus grand nombre de familles, on va jouer avec le ratio de un à huit existant. Ça, c'est une question.

Et aussi il y a la demande de longue date d'être plus exigeant face à la formation. On a une éducatrice sur trois, maintenant, qui doit détenir... Est-ce que c'est le diplôme ou l'attestation? Il y a une certaine confusion aussi. C'est le diplôme, le D.E.C. en petite enfance? Parce qu'il y a aussi la question des cégeps qui offrent un cours, maintenant, une attestation qui semble être moins exigeante que le D.E.C. Est-ce que je me trompe, Mme la ministre?

Mme Marois: Oui, je vous écoute. Vous savez comment on est, nous, les femmes, on peut entendre et puis, en même temps, aller rechercher une autre...

M. Kelley: Non, non. C'est juste pour voir si j'ai bien saisi la terminologie. Il y a une attestation, il y a un diplôme et...

Mme Marois: Je sais exactement à quoi vous faites référence. On va sortir le règlement et les normes, puis on va le... C'est Diplôme d'études collégiales en techniques de services de garde ou l'équivalent. Parce que, évidemment, écoutez, je pense à des gens qui vont vers toutes les techniques d'éducation et qui sont spécialisés à la petite enfance ou à l'enfance, bien, on peut considérer que c'est, évidemment, l'équivalent. Mais notre intention n'est pas de réduire le nombre de diplômés dans nos services de garde. Au contraire. Et j'ai eu formellement des demandes de la part d'étudiantes et d'étudiants qui finissent en techniques de services de garde. Surtout que, vous savez, la commission d'évaluation des cégeps se donne chaque année des mandats d'évaluation de certaines formations, et l'un de ces mandats a consisté à évaluer ce qui se faisait du côté des techniques de services de garde, et je dois dire que le résultat de cette évaluation s'est avéré très positif. C'est très bon. On a fait des remarques sur le programme, mais ce n'était pas sur le fond du programme et sur la qualité de la formation des diplômés qui en sortaient.

Moi, si je me laissais aller complètement, je demanderais que tout le monde ait une formation. Bon. Mais je pense qu'il faut quand même insister sur le fait que l'expérience aussi peut parfois combler pour une formation, et il faut être capable de le reconnaître et de le noter. Pour l'instant, on n'a pas l'intention de modifier de façon significative ces conditions d'exercice en milieu de garde, mais, s'il y avait modification, ce serait dans le sens d'augmenter le ratio du nombre de personnes diplômées, plus spécifiquement autour soit des techniques de garde, ou en techniques spécialisées, ou en éducation en général, que de le réduire.

L'autre question, c'est la question des ratios. Je vous dirai qu'on a évalué, qu'on a soupesé différentes hypothèses. On sait que, dans les maternelles, on a augmenté légèrement le ratio. Il passe maintenant à 1-20, 1-22 – c'est bien ça? Là, je ne veux pas... – de 1-18, 1-20 qu'il était. Il y a des maximums, minimums, là, il y a des règles pour l'application. Alors, on l'a augmenté. Il y a eu différentes hypothèses qui ont été faites en ce qui a trait aux services de garde, et une des hypothèses est même allée jusqu'à 1-16, ce qui est complètement, je le dis, farfelu. Ça n'a pas de bon sens, parce que, là, ce n'est pas comme dans une maternelle avec des services éducatifs, hein? On reçoit en plus l'enfant pendant deux heures et demie, le matin, ou deux heures vingt, deux heures vingt l'après-midi. C'est le même groupe, etc., mais, là, en centre à la petite enfance, bien, des fois, l'enfant – notre collègue de L'Assomption le mentionnait – arrive à 8 heures, le matin, repart à 18 heures, le soir et il fait partie d'un groupe d'enfants de son âge même si, parfois, évidemment, tous les groupes peuvent être mêlés dans la cour ou dans des activités plus collectives, si on veut. Il reste que ça fait beaucoup d'enfants de cet âge-là à surveiller et surtout à soutenir dans leur développement.

Parce que la surveillance, c'est une chose, mais, comme la surveillance n'est qu'une petite partie de la fonction assumée en milieu de garde, c'est plus le développement de l'enfant, le jeu, voir à ce qu'il fasse un certain nombre d'apprentissages, quand ce ne serait que d'apprendre à vivre dans un petit groupe. Comme le disait notre collègue de Saint-Hyacinthe, il faut que les pierres se polissent. Alors donc, on a effectivement statué sur le ratio qui, non seulement ne sera pas 1-16, ou 1-14, ou 1-12, mais on le ramènerait simplement à 1-10. Et ça nous apparaît raisonnable dans les circonstances, de 1-8 qu'il est actuellement à 1-10.

(13 h 50)

C'est comparable aussi à l'effort qui sera fait du côté de la maternelle, sachant cependant, avec la nuance suivante, que, dans le cas des maternelles en milieu défavorisé, c'est 1-18. Ce n'est pas 1-20, comme je le mentionnais tout à l'heure. Il y a quand même des adaptations de cette réalité-là. Alors, ça m'apparaît quand même correct, ce qui est proposé, et c'est vrai qu'il y a eu des hypothèses, je le mentionne, qui sont allées beaucoup plus loin et qui apparaissaient à leur face même, là, irrecevables. Une des hypothèses qui a été le plus envisagée, cependant, ce n'est pas 1-10, c'était 1-12, mais on a préféré revoir certaines parties budgétaires, justement, dont on fera état plus tard pour pouvoir le ramener à 1-10.

M. Kelley: Juste une précision. C'est 1-10 pour les quatre ans ou les 2 à 4 ans? C'est quoi?

Mme Marois: C'est 1-10, quatre ans, oui. Les autres ne bougent pas.

M. Kelley: La couche des quatre ans. Juste pour une précision parce que...

Mme Marois: Oui. Les autres ne bougent pas. Ce sont les mêmes ratios que l'on avait.

M. Kelley: C'est 1-5 pour les poupons, puis 1-8 pour le reste.

Mme Marois: C'est ça. Exactement.

M. Kelley: O.K. Parfait.

La Présidente (Mme Malavoy): J'ai une question, depuis déjà un moment, du député de Maskinongé. Je pourrais peut-être alterner et je vous reviens ensuite? Vous permettez?

M. Kelley: Parfait.

La Présidente (Mme Malavoy): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer de faire ça vite pour vous laisser la parole un peu plus, mais j'ai quand même quelques... De rien.

Mme Marois: C'est bien, quand même, hein? C'est vraiment... Bien, on dit souvent, si vous me permettez, Mme la Présidente, que les crédits, c'est l'affaire de l'opposition, hein? On dit ça souvent. Alors, c'est pour ça que mon collègue est très délicat dans son intervention. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Malavoy): Mais j'offre une petite pause au député de l'opposition à l'occasion. Ha, ha, ha!

Mme Marois: Ha, ha, ha! Mais il reste qu'on a vu par les interventions de nos collègues... Je pense que c'est le moment, dans le fond, de faire le point sur beaucoup de dossiers, et, en tant que parlementaires, peu importe de quel côté on est, c'est utile et pertinent qu'on puisse intervenir, poser des questions et creuser certains aspects du dossier.

La Présidente (Mme Malavoy): Allez-y, M. le député.

M. Désilets: Vous me facilitez un peu la tâche. Ha, ha, ha!

Mme Marois: Bon. D'accord. Ha, ha, ha!

M. Désilets: Je vais vous lancer quelques questions, et vous y répondrez dans l'ordre que vous voudrez bien. Mais, tout d'abord, j'aime beaucoup la politique de la petite enfance que vous avez lancée. Je me sens confortable, je me sens à l'aise avec ça. Avec mes deux collègues, tantôt, j'étais d'accord avec leur vision, la façon dont ils sont intervenus, et c'est pour ça que je n'ai pas demandé une intervention, j'aurais répété la même affaire. Mais, contrairement à mon collègue, tantôt, de L'Assomption, moi, présentement, j'ai un petit bébé et une deuxième famille, un bébé de trois ans. Des enfants, à 40 ans, on ne réfléchit pas...

Mme Marois: C'est moins rare, et tant mieux!

M. Désilets: C'est moins rare, mais j'en ai de 19. Ça fait qu'on ne réfléchit pas tout le temps pareil, et puis le bébé de trois ans et demi, il va en garderie à temps plein. Les autres n'ont pas connu ça. Et, contrairement à mon épouse, c'est moi qui avais de la difficulté avec ça. Puis j'ai l'avantage d'être député et de ne pas être ministre.

Mme Marois: Ha, ha, ha!

M. Désilets: Je peux arranger mon horaire un peu plus malléablement quand je suis dans le comté...

Mme Marois: C'est plus facile, peut-être, un peu. Pas nécessairement beaucoup, mais un peu.

M. Désilets: ...et, à 15 h 30, ça m'arrive souvent d'aller la chercher. Et puis, contrairement à ce que je pensais, elle veut rester là jusqu'à 17 heures, 17 h 30 avec ses amis, puis je suis dérangeant quand je vais la chercher à 15 h 30. Je suis vraiment le monsieur à tasser. Elle veut vraiment rester là. Elle est avec ses amis puis elle est bien. Mais ça m'amène quelques questions, quelques questionnements. Je vais vous les amener un petit peu comme... J'ai pris un paquet de notes, mais je suis tout mêlé dans mes papiers, dans mes notes.

Un, une des questions qui me préoccupent, c'est: Comment va se faire le redéploiement des centres intégrés de la petite enfance dans le milieu? Parce qu'il n'en existe pas partout. Et ça va se faire à quelle vitesse? Et, quand vous parlez d'un milieu défavorisé, la définition d'un milieu défavorisé va émerger de quoi? Parce que, dans certaines municipalités, si on prend la carte des services à l'impôt, là, qui sont supposément riches financièrement, bien, par contre, autour d'une école, il y a trois, quatre ou plusieurs, huit, 10, 20 blocs-appartements où, là, habituellement, c'est des femmes monoparentales qui se retrouvent là, pas d'argent, et on peut avoir des poches de pauvreté à l'intérieur d'une ville riche et on n'a pas de services au niveau de l'école pour ces personnes-là. Ça fait que comment on va évaluer ça?

Une autre petite question que j'ai notée, là. J'en avais trois, quatre. Comment allez-vous, à l'interne – je ne sais pas si vous allez pouvoir me répondre à ça – dans le système, dans l'appareil, gérer démocratiquement – je pense à ça, là – la guerre de pouvoir qui pourrait s'établir entre le centre de services à la petite enfance, les services de garde en milieu familial gérés par les associations, les garderies sans et avec but lucratif, les garderies en milieu familial, tout ça, ce milieu-là? Parce que vous changez l'ordre établi présentement. Il y avait une façon de faire, et là on injecte plusieurs sous là-dedans. Ça fait qu'il y a une guerre de pouvoir qui va essayer de s'établir. Mais vous allez la gérer de quelle manière? Moi, ça m'intéresse, la façon dont, démocratiquement, on va se positionner là-dessus.


Création d'un ministère consacré à la famille

Et il y a une autre qui va un peu de pair. Le fait d'avoir une politique de la petite enfance qui intègre, comme vous l'avez mentionné, plusieurs aspects d'une politique familiale, mais qui n'est qu'une partie de la politique familiale – encore une fois, je vais voir comment vous allez me répondre – comment vous positionnez-vous face, ultérieurement, à un ministère de la Famille? Voyez-vous ça dans un avenir proche, long, excessivement long, la pertinence d'un ministère familial pour regrouper, avoir vraiment une vue globale de l'ensemble de la problématique? Parce que la petite enfance, c'est un aspect, vous l'avez très bien mentionné, mais c'est plus vaste que ça. Et est-ce qu'on peut avoir des yeux qui voient l'ensemble, pas juste l'argent, mais les services offerts à une famille? On parlait tantôt d'allocation unifiée, mais on pourrait revenir aussi avec l'allocation de base pour le bien-être social qui, dans ma tête, est vraiment insuffisante. Mais on peut résoudre ça d'une manière cohérente. Dans ma tête, là, s'il y avait un ministère, ça serait plus facile de gérer tout ça. Mais je ne suis peut-être pas dans les plans, je ne suis pas dans...

La Présidente (Mme Malavoy): Est-ce que ça fait le tour de vos questions, M. le député?

M. Désilets: Oui, ça fait trois, quatre. Je ne sais pas si vous les avez toutes prises ensemble, mais je reviendrai si vous en avez oublié. Moi, je les ai prises en note.

La Présidente (Mme Malavoy): Vous les aviez qualifiées de petites questions. Je ne sais pas si Mme la ministre les trouve si petites, mais...

M. Désilets: Oui. Bien, ça n'a pas été trop long.

La Présidente (Mme Malavoy): Ça n'a pas été long, non.

M. Désilets: C'est parce que je n'ai pas pris tout mon vingt minutes. J'ai n'ai pris que quelques minutes.

La Présidente (Mme Malavoy): Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, je remercie le député de ses questions. Effectivement, disons que ce n'est pas des petites questions tout à fait légères. Mais ce sont des questions, par contre, intéressantes et pertinentes. Bon, d'abord, je vais prendre la dernière question et, après ça, je reviendrai avec les autres aspects. La dernière question, dans le fond, seul le premier ministre peut répondre à cette question. Alors, je ne me permettrai pas, ici, de vous dire: Oui, ça prend un ministère. Ou non, ça ne prend pas un ministère et de quoi ça aurait l'air. Alors, je pense que, ça, c'est une responsabilité du premier ministre qui choisit le véhicule pour reconnaître, cependant, les responsabilités de son gouvernement à l'égard de la famille et comment il veut les assumer.

(14 heures)

Mais, moi, je vous dirai cependant que, pour ce qui est d'avoir une politique à la famille, ça c'est autre chose. Que ce soit dans un ministère, dans un secrétariat ou dans un office – parce que vous n'êtes pas sans savoir qu'on travaille, évidemment, sur une restructuration de tout ce qui concerne la famille – je vous dirai, c'est important de le mentionner maintenant, que ce n'est pas dans l'intention de diminuer la visibilité des questions et des politiques familiales au gouvernement, mais plutôt de leur donner toute leur amplitude, si on veut.


Avenir du Conseil de la famille

Et je vais en profiter pour répondre à une question qui n'était pas posée, mais qui était une inquiétude soulignée dans les propos de notre collègue de Jacques-Cartier lorsqu'il a fait ses remarques préliminaires ou ses remarques générales, cette crainte sur le Conseil de la famille. Alors, je le rassure, il n'y a pas de crainte à y avoir à cet égard, il continuera d'y avoir un Conseil de la famille, et nous voulons garder visible au sein des fonctions ministérielles la notion de famille. Je pense que le président du Conseil ne m'en voudra pas de citer ici les propos qu'il a tenus à l'occasion d'un commentaire écrit qu'il me faisait parvenir et qu'il m'a mentionnés de nouveau verbalement, à savoir que réapparaisse dans les dénominations ministérielles, c'est-à-dire au niveau du titre ministériel, la notion de famille qui rendait visible à nouveau l'importance qu'on devait accorder à cette question. Et je ne disconviens pas de ça avec lui, je suis d'accord. Bon. Et ça a été le souhait et le voeu du premier ministre en ce sens, et je pense qu'on peut être heureux de ça.


Politique familiale (suite)

Maintenant, peu importe où ça se passe – et on en est à cette étape-là – l'état de ma réflexion est le suivant sur cela, sur les questions de la politique familiale. D'abord, bien sûr, c'est vrai, je le dis souvent, il y a comme pas mal de dossiers d'engagés et qui sont sous ma responsabilité, mais je pense que ça ne m'enlève pas l'obligation et la responsabilité de définir aussi ce qu'on devrait à nouveau ramener à la surface en termes de politique familiale, parce que, je l'ai dit tout à l'heure à l'occasion d'une question, je pense, ce qu'on présente maintenant, c'est une partie d'une politique familiale. On se comprend bien. Elle concerne la petite enfance, elle concerne les jeunes familles et puis elle concerne les familles avec des enfants un petit peu plus âgés, quand on pense à tous les frais de garde qui concernent aussi les enfants plus âgés et l'allocation unifiée, mais il reste que c'est une partie.

On pourrait ensuite se poser des questions sur les politiques de logement. On pourrait se poser des questions sur les politiques de loisirs qui s'adressent aux familles, sur la politique culturelle, sur la politique d'accès aux services pour les familles, particulièrement les familles nombreuses. D'ailleurs, j'ai souvent des suggestions sur ça, parce qu'on nous dit que tout est fait, dans nos sociétés, pour des familles de quatre: un père, une mère – même si c'est une famille reconstituée – avec deux enfants. Or, qu'est-ce que voulez, il y a des familles où il y a quatre enfants puis où il y a cinq enfants. Elles ont toujours l'air d'être complètement marginalisées dans nos sociétés.

Une voix: ...

Mme Marois: Le député de Jacques-Cartier dit que c'est les meilleures. Je sais qu'il a aussi quelques enfants, comme moi, d'ailleurs. Alors, qui dépasse deux, quoi. Et c'est sûrement les meilleures. Ha, ha, ha! Non mais... Donc, dans ce sens-là, j'ai souvent des demandes sur ces questions. Bon.

Alors, c'est évident qu'il faut, à mon point de vue, essayer de refaire le point sur ça. Il y a eu un énoncé, il y a eu des plans d'action. On est rendu au troisième plan d'action. On va le terminer, je crois, à la fin décembre, c'est ça, et on va faire le bilan de ce plan d'action. Est-ce qu'on se réengage à nouveau dans un quatrième plan d'action – ça peut être une avenue – ou est-ce qu'on prend le temps pour essayer de consolider un peu mieux une politique familiale qui ferait encore mieux ressortir ce qu'on veut faire dans d'autres champs que ceux de la petite enfance, par exemple? Et, moi, je suis à une croisée des chemins, je le dis, sur cette question. Je vais voir cela avec mon équipe de collaborateurs et de collaboratrices, mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a la création, dans le fond, d'un portefeuille famille et enfance. Soit-il assumé sous un office ou par un ministre responsable de, ou par un ministère, ça, c'est une autre question, et le premier ministre pourra répondre à cette question-là. Mais la constitution, cependant, d'un portefeuille famille et enfance vient bien marquer, je crois, l'importance que nous accordons à cette question-là.

Alors donc, vous voyez un petit peu où on s'en va aussi, parce qu'il faut faire le point sur l'ensemble des gestes qui ont été posés depuis un certain nombre d'années, faire un bon bilan. En fait, j'ai perdu le portefeuille de la famille pendant quelques mois à peine, mais j'étais au forum de l'année dernière sur les tables de concertation famille, et ça a été extraordinaire, cette espèce d'engagement qu'on a pu constater de la part de tous les groupes de la société québécoise qui disent: Moi, je vais faire telle chose. Je suis le Conseil du patronat. Je suis un regroupement d'entreprises. Je suis un syndicat. Je suis un organisme gouvernemental. Et, actuellement, il y a quoi? Il y a six tables de travail qui engagent des partenaires et qui n'engagent pas que des intervenants gouvernementaux.

Alors, je pense qu'il faut rendre témoignage que ce qui s'est fait jusqu'à maintenant est très intéressant. Nous franchissons, évidemment, un pas de géant avec les mesures que nous annonçons par la politique famille, mais orientée plus vers la petite enfance, ce qui ne nous empêche pas de continuer à réfléchir et à s'imaginer comment on pourrait relancer encore davantage le dossier famille avec une vision encore plus intégrée.

Et ça, je vous dis que ce sont mes préoccupations à l'heure actuelle. On va d'abord finaliser le plan d'action pour la politique actuelle, parce qu'elle est quand même très exigeante. Je ne vous cacherai pas que ce n'est pas nécessairement très facile. C'est beaucoup, beaucoup, de variables différentes à mettre ensemble, et c'est normal que ça prenne un peu de temps. Je sais que ça impatiente le député de Jacques-Cartier. Je suis aussi impatiente que lui, alors qu'il se rassure. Mais c'est que c'est complexe à mettre en oeuvre, bien sûr, et, tant qu'à faire cela, je pense qu'il faut essayer de le faire de façon ordonnée et correcte. Et, comme je l'ai dit, il y a des variables qui ont changé en cours de route, mais, là, qui étaient hors de notre contrôle.

Alors, ça nous oblige à certains réajustements. Et puis, même si ça n'apparaissait pas toujours évident, on a, par la consultation qui s'est tenue sur le livre vert, entendu beaucoup de personnes qui sont venues sur la question de l'allocation unifiée et on a tous ces mémoires-là par devers nous, les débats qu'il y a eu à la commission, et tout, hein? Il y en a eu une, consultation sur ça, et on trouve important que certains ajustements se fassent. Bon. Dans ce sens-là, je vous le dis, on met nos énergies, actuellement, davantage sur cet aspect de la politique familiale, mais ça ne nous empêchera pas de procéder, je dirais, à une redéfinition peut-être un peu plus globale de là où on veut aller, des outils qu'on veut privilégier pour y arriver. Et, quant au statut ministériel, bien, là, je pense que ça c'est entre les mains, vraiment, du premier ministre. Évidemment, je peux me permettre de faire des suggestions, mais je ne vous dirai pas lesquelles je lui fais. C'est mon privilège et le sien. Bon.

M. Désilets: On se parlera dans d'autres lieux.


Implantation des centres de la petite enfance

Mme Marois: Ha, ha, ha! Effectivement, il y a peut-être d'autres endroits où on pourrait en parler. Bon. Maintenant, revenons aux questions plus concrètes sur le redéploiement des centres à la petite enfance: À quelle vitesse? La définition de milieu défavorisé. Qui aura accès? Et comment gérer la guerre de pouvoir? Je pense que j'ai bien ramassé vos questions.

Bon, d'abord, pour le redéploiement des centres à la petite enfance, nous avons décidé de partir des institutions existantes, donc, pour éviter d'avoir à définir un concept uniquement théorique puis d'obliger les gens à se conformer à ce concept et, à partir de là, devenir un centre à la petite enfance. On va définir, oui, une orientation et un concept de centre à la petite enfance, mais on va prendre pour acquis au départ que toutes les institutions, qu'elles soient des garderies, ou qu'elles soient des garderies sans but lucratif, ou qu'elles soient des agences de garde en milieu familial, deviennent de facto des centres à la petite enfance et devront commencer à déployer et à offrir une gamme de services de plus en plus diversifiés.

Et là on met à profit, vous le savez, nos conseils régionaux de développement pour ce qui est de la consultation quant aux lieux où s'implanteraient de nouveaux centres, s'il y a lieu, parce qu'il y a des déficits dans les besoins. Alors, il y a des consultations dans ce sens-là. Rien n'empêcherait, non plus, qu'il y ait une association d'agences de garde et de garderies pour former un seul centre à la petite enfance avec différentes possibilités, mais ce qui est sûr, c'est que la perspective, c'est d'essayer de faire en sorte que chaque centre à la petite enfance puisse éventuellement déployer une gamme de services qui iront de la halte-garderie, en passant par le jardin d'enfants, par les services éducatifs et par la garde et même offrir, justement, de la garde en milieu familial.

(14 h 10)

Une des questions qui ont été soulevées par notre collègue, tout à l'heure, le député de Jacques-Cartier, qui rejoint votre préoccupation, c'est qu'il y a beaucoup de parents qui travaillent en heures brisées. Ça a été, depuis le début, depuis que j'ai assumé des responsabilités ministérielles, en 1994, ma préoccupation. Combien de fois j'ai dit à l'Office qu'il faut qu'on trouve des façons de répondre aux besoins de ces parents qui ont des besoins de garde la nuit, qui ont des besoins de garde les fins de semaine, etc.? Les agences de garde en milieu familial sont une ressource, parfois, pour ce faire, mais elles ont aussi leurs limites, et on ne demandera pas non plus à un centre à la petite enfance qui fait surtout de la garderie d'offrir ses services 24 heures sur 24, là, pour un enfant ou deux. Il y a peut-être des modèles, et là je pense qu'on est en train de trouver des façons de faire intéressantes qui pourraient être, par exemple, d'accréditer certaines gardiennes, certains gardiens, qui, donc, étant accrédités, reconnus, qu'on pourrait référer aux familles.

Alors, il y a, je pense, des perspectives comme celle-là. Parce que ce n'est pas non plus très agréable. Quand on a des enfants, on sait ce que ça veut dire que de prendre un petit à minuit, le soir puis de le déplacer de son petit lit vers la gardienne. Ce n'est pas très drôle non plus. Encore là, je vais vous dire, ma préoccupation est toujours la même. Évidemment, expérience aidant, j'ai vécu tout ça aussi, mais, gros bon sens aidant. Il me semble, tu sais, qu'il faut appliquer le G.B.S. parfois. C'est très, très utile, au-delà de tout ce qu'on peut imaginer, hein? Bon. Alors, transporter un enfant la nuit, ce n'est pas une bonne idée. Est-ce qu'on peut s'assurer qu'à domicile il puisse y avoir de la garde? Maintenant, il faut que ce soit dans des conditions x, etc. Donc, ce sont des avenues que nous cherchons. Mais un centre à la petite enfance pourrait offrir éventuellement une telle gamme de services en garderie, je dirais, en milieu de halte, en jardin d'enfants, etc. Alors donc, on part des institutions existantes qui vont se transformer, se redéployer progressivement et apparaîtront éventuellement, à neuf, des centres à la petite enfance qui, dès le départ, devront répondre à un certain nombre d'exigences et de réalités.

Alors, si on était dans un univers de trop grande offre, ça, la guerre de pouvoir, elle commence. Mais, à partir du moment où on est dans un univers de rareté actuellement... C'est-à-dire que, à quelques exceptions près – parce que ça existe, quand même – on ne couvre pas les besoins exprimés par les parents. Donc, il y a des besoins de places nouvelles. Il y a des besoins qui existent et qui ne sont pas comblés actuellement. Évidemment, on est en croissance jusqu'à un certain point, et là ça évite parfois certaines guerres de pouvoir qui, autrement, seraient apparues. Ça ne les élimine pas complètement. J'ai vu ça, moi, entre les milieux de garde et les milieux scolaire, ce n'était pas facile, toujours, et c'est pour ça qu'on a rendu les choses claires maintenant. Bon. Mais je pense que ça les évite en grande partie, parce que c'est vrai qu'il y en a un risque et c'est normal qu'il y en ait un. Ça ne l'élimine pas complètement, cependant, mais, à partir du moment où on part des institutions existantes, je pense que c'est rassurant.

Parce que, là, ça aurait pu être: C'est moi qui deviens le centre à la petite enfance de tel secteur et c'est moi qui vais vous organiser et diriger vos destinées. Ça ne marche pas toujours comme ça, puis les gens ne sont pas toujours très heureux dans des situations comme celles-là. Puis je les comprends, j'aurais probablement la même réaction. Je crois que, avec le modèle qu'on développe et compte tenu qu'on est dans un contexte de rareté, on pourra fonctionner de façon plus harmonieuse. Puis, là où il y aura des difficultés, bien, on essaiera d'aider les intervenants à gérer tout ça positivement sans que la qualité des services ne puisse souffrir, parce que c'est toujours ça en bout de piste, hein? Ces petites batailles, souvent, elles se font au détriment des enfants qui ont des besoins.

Maintenant, l'autre question qui est soulevée par mon collègue, c'est la définition de «milieu défavorisé» et qui aura accès. Ah oui, il y avait la vitesse, mais, pour la vitesse, on va déposer le projet de loi, les centres à la petite enfance seront reconnus, et, au fur et à mesure que les développements de places pourront se faire, bien, ça va correspondre au rythme de développement des places jusqu'à ce qu'on atteigne un rythme de croisière qui se situe, selon les prévisions actuelles, autour de 2001, finalement, puisqu'on aura élaboré et couvert la gamme des besoins pour les zéro-quatre ans en centres à la petite enfance et qu'on aura aussi, bien sûr, développé une expertise dans le type de services qui pourront s'offrir.

Moi, je rêve du jour où les centres à la petite enfance pourront accueillir les parents, faire de l'animation avec les parents. D'ailleurs, ils commenceront à en faire avec le programme Passe-Partout qu'ils appliqueront aussi: recevoir les parents, les accompagner, les aider dans la compréhension des problèmes de leurs enfants. Pourquoi pas, par exemple, imaginer que certaines immunisations pourraient être offertes ou disponibles dans le centre à la petite enfance parce qu'on aurait une entente avec le CLSC qui dégagerait une ressource qui viendrait là? C'est pas mal plus simple que de demander à tous les parents de venir avec leurs enfants. Ceux qui viendraient ensuite, ce seraient seulement ceux qui n'utiliseraient pas les services. Parce qu'il y a toute une gamme de services qu'on peut imaginer, et c'est très intéressant. Remarquez qu'il ne faut pas trop rêver parce qu'il y a quand même des sous que ça implique, mais il y a des choses qui n'impliquent pas de sous, qui impliquent tout simplement une façon autre de faire.

M. Désilets: Le rêve fait progresser.


Services éducatifs offerts dans les milieux défavorisés

Mme Marois: Voilà. Exactement. Maintenant, la définition de «milieu défavorisé» et qui aura accès. D'abord, je vous dirai que, à l'Office des services de garde, essentiellement, dans un premier temps, les enfants qui auront accès à des services éducatifs gratuits, ce sont les enfants qui sont à la sécurité du revenu. On se comprend bien?

Sinon, il y a une autre formule, évidemment, qui entre en ligne de compte là aussi. Il y a la... Non, elle ne sera pas concurrente aux mêmes enfants. C'est parce qu'on est en transition. La formule d'exo continuera de s'appliquer. On essaie de la simplifier un peu, par exemple. Ce qui reste ma hantise, cette fameuse formule, et on essaiera de la simplifier. Mais, dans les faits... J'avais un petit papier ici. Bon, voilà. C'est ça, mon document pour que ce soit bien clair. En fait, on se comprend bien qu'on rendrait accessibles des services éducatifs gratuits pour 23 h 30 min par semaine aux enfants de quatre ans qui sont référés, et, généralement, c'est le CLSC qui nous les réfère. Mais, lorsqu'ils sont à la sécurité du revenu, à l'aide sociale, on prend pour acquis qu'ils remplissent cette condition et on les recevra gratuitement pour ce temps-là, ce qui est quand même assez intéressant, je crois, parce qu'on couvre des besoins réels.

Et, d'autre part, pour ce qui est de la façon de le décrire pour les écoles... Parce que, actuellement, il y a un système qui existe déjà pour les écoles, et, particulièrement sur Montréal, là, on a le problème que vous soulevez pour les écoles, dans le sens où c'est une école au complet qui dit: Moi, je suis en milieu défavorisé. Et là il y a une grille et des critères qui sont analysés et appliqués par le conseil scolaire de l'île qui établit – c'est un peu triste qu'on se dise ça en 1997 – la carte de la pauvreté de Montréal et qui dit: Dans tel quartier, dans tel secteur, ça dépasse tel seuil, donc on doit offrir des services supplémentaires. Et c'est comme ça qu'on va identifier nos services de pré-maternelle ou le service éducatif quatre ans à certaines écoles plutôt qu'à d'autres. Mais cela, évidemment, couvre telle école, donc tous les enfants de cette école pourront y avoir accès, ou de ce quartier dans lequel se trouve l'école.

Cependant, ça ne couvre pas – et c'était ça, le sens de votre question – l'enfant ou les quelques enfants isolés dans un quartier qui est plus favorisé et qui n'est pas considéré comme un quartier à risque. Donc, l'enfant est mis de côté, mais son besoin réel à lui, il est là. Et c'est là que, par l'intermédiaire de la politique de l'Office, on pourra donner des services éducatifs à ces enfants-là à coût nul pour le parent. Donc, ça vient couvrir ces cas isolés. Mais, pour ce qui est de l'île, dans un premier temps, on fonctionne avec cette carte pour les écoles où on rend des services disponibles. En fait, on continue les services là où ils étaient déjà disponibles, parce qu'on n'en ajoutera plus dans les écoles compte tenu que ça va se passer dans les centres à la petite enfance, même pour les services éducatifs aux quatre ans.

Je ne sais pas si ça couvre bien, je ne voudrais pas oublier de choses. Oui, ça va. Alors, c'est donc comme ça que l'on compte procéder.

La Présidente (Mme Malavoy): Mme la ministre, je vous offre, si vous le souhaitez, une pause de cinq minutes. Je l'offre à l'ensemble de l'assemblée, mais vous êtes, depuis 11 h 30, sans arrêt, en train d'intervenir, et je pense que le porte-parole de l'opposition est d'accord, mes collègues aussi. Donc, on prend...

Mme Marois: On prend cinq minutes.

La Présidente (Mme Malavoy): ...cinq minutes de pause.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Excellente idée, d'ailleurs.

La Présidente (Mme Malavoy): Voilà.

(Suspension de la séance à 14 h 19)

(Reprise à 14 h 28)

La Présidente (Mme Malavoy): J'invite les membres de la commission à reprendre leurs places, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît. Je vous invite à reprendre vos places.

MM. les députés, s'il vous plaît. Ce ne sera pas long, Mme la ministre, on va être prêt dans quelques secondes.

Je m'excuse, j'ai...

Mme Marois: C'est à 16 heures ou 15 h 30 qu'on finit?

La Présidente (Mme Malavoy): C'était 16 heures, mais, avec le temps que nous avons pris au départ, c'en est rendu à 16 h 10 à peu près. Environ 16 h 10. M. le député de Jacques-Cartier, je vous cède la parole.


Retard dans la nomination de nouveaux membres au Conseil de la famille

M. Kelley: Juste très rapidement, en complément de la question de mon collègue de Maskinongé. Sur le Conseil de la famille, je comprends très bien l'engagement de la ministre, mais j'ai posé la même question, il y a un an, à son prédécesseur dans le dossier de la famille: Si c'est si important que ça, est-ce qu'on peut procéder rapidement à la nomination des membres? Et la réponse du député de Gouin, l'année passée, était insatisfaisante à mon avis, parce que ce n'est pas des gros salaires, c'est des bénévoles avant tout. Alors, il n'y a pas de coûts pour l'État pour les nommer, et, au moment d'une décision de transformer ça en un mécanisme autre, ce n'est pas comme s'il fallait annuler des grands contrats, quelque chose comme ça. J'ai croisé M. George, un des membres du Conseil, vendredi passé, et, chaque fois qu'il y a un rhume, on ne peut pas faire le quorum, alors on ne peut pas entériner un avis, et tout ça. Et, je ne comprends pas, nous avons demandé à votre collègue le député de Gouin, il y a un an, de procéder, et il m'a donné toutes sortes de réponses insatisfaisantes. Alors, je pense que ça prend un engagement de procéder très rapidement juste pour le bon fonctionnement du Conseil.

(14 h 30)

Mme Marois: Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faille le faire et, en ce sens-là, j'ai bien l'intention de procéder assez rapidement. Cependant, je veux qu'apparaissent ou soient redessinées clairement, justement, les nouvelles responsabilités de l'Office ou d'autre chose, comme l'aurait souhaité un de mes collègues, si j'ai bien compris, en ce qui a trait à la petite enfance et à la politique familiale, qu'on voie apparaître ça aussi au niveau soit, comme on le disait, de la fonction, du portefeuille famille-enfance et que le Conseil reflète cette réalité-là aussi. Le conseil d'administration du Conseil, on se comprend bien.

Mais on va procéder avec diligence, parce que je suis très au fait de cela et j'étais au fait de cela aussi quand j'avais le dossier. Et je l'ai eu quand même jusqu'à la fin janvier 1996 parce que j'avais conservé le dossier comme ministre des Finances aussi. Et, après ça, évidemment, c'était un peu normal, parce que mon collègue entrait dans le dossier, il a donc pris un certain temps. Il faut accepter ça, c'est normal, surtout que, dans son cas, il avait beaucoup de choses à restructurer. Et là je viens de me voir confier à nouveau le dossier. J'ai expliqué dans quel scénario je travaillais. Mais, à partir de maintenant, on va essayer de mettre les bouchées doubles à cet égard, comme on le fait pour l'autre partie de la politique, de telle sorte qu'on puisse procéder éventuellement aux nominations.

M. Kelley: En tout cas, c'est juste dommage que votre collègue de Gouin n'ait pas accepté ma suggestion de l'année passée de les nommer pour un an en attendant...

Mme Marois: Ha, ha, ha! Oui, c'est vrai.

M. Kelley: ...parce que ça aurait assuré un meilleur fonctionnement.

Mme Marois: Mais, vous savez, quand on prend des décisions comme celle-là, c'est toujours en pensant bien faire et en voulant faire mieux que ce qu'on faisait avant. C'est tout. Des fois, le temps peut nous manquer.


Qualité des services de garde (suite)

M. Kelley: Je veux revenir sur la question de la qualité, parce que l'annonce de la ministre sur les ratios, ça va être quand même difficile pour le milieu. J'imagine que ce n'est pas quelque chose qu'ils vont applaudir, le fait qu'on passe de 1-8 à 1-10. J'ai fait les calculs assez rapidement, et ça coupe 500 emplois, parce que, à 1-8, pour 21 000 personnes, ça donne 2 625 éducatrices ou éducateurs nécessaires pour combler les besoins. À 1-10, évidemment, c'est 2 100. Alors, il y a 525 postes de moins, en conséquence, pour faire garder les enfants de quatre ans à partir de septembre. Je vois que la ministre n'est pas d'accord avec mes calculs, mais...

Mme Marois: Non, c'est-à-dire que, si c'était «toutes choses étant égales par ailleurs», vous auriez raison, mais, à partir du moment où changent les paramètres, on augmente le nombre de places, on transforme les places cinq ans vers les places quatre ans. Alors, à ce moment-là, l'effet du ratio est nul sur l'emploi, et, au contraire, les autres aspects viennent ajouter des postes. C'est-à-dire que, avec l'ajout d'enfants dans les services de garde quatre ans, on nous dit qu'il y a plus ou moins 600 postes qui s'ajouteraient. Alors, non seulement, ça n'arrive pas...

M. Kelley: Non, non, mais, quand même, l'annonce a l'impact...

Mme Marois: Mais, toutes choses étant égales, par ailleurs, vous auriez raison si rien d'autre ne bougeait. Sauf qu'on fait bouger beaucoup d'autres paramètres, et ces autres paramètres font qu'on crée. Alors, non seulement on préserve les emplois qui sont là, mais on en crée.

M. Kelley: Surtout la notion de l'assurance de la qualité des services, parce que je sais que l'inspectorat de l'Office des services de garde est limité. Il fait ce qu'il peut faire avec les ressources disponibles. Mais, une des raisons, si j'ai bien compris votre logique, en faisant ça, Mme la ministre, c'est de décentraliser, de donner plus de pouvoirs. Alors, est-ce que c'est prévu que les centres à la petite enfance auront un rôle à jouer comme inspectorat? Est-ce que ça va être eux autres? Parce que, s'ils sont responsables pour... Vous avez mentionné plusieurs choses, à la fois les agences dans leur coin... Peut-être, s'il y a des contrats de services avec les garderies à but lucratif... Est-ce que ça va être toujours l'Office centralisé ou on va dire aux centres de la petite enfance: C'est vous autres qui allez surveiller la qualité des agences, des ententes de services avec le secteur privé et autres? Comment est-ce que ça va fonctionner pour bonifier la qualité? Parce que, comme je dis, il y a toujours le double enjeu, ici, à la fois d'améliorer la qualité des services existants puis d'agrandir l'offre de services aux familles qui ne sont pas desservies. Mais, dans le volet pour améliorer les services existants, est-ce qu'on s'est penché sur la possibilité de donner certains pouvoirs d'inspection aux centres à la petite enfance?

Mme Marois: Alors, reprenons la façon dont on va redéployer – comme le questionnait mon collègue tout à l'heure – les centres à la petite enfance. Dans le fond, ce qu'on fait, c'est qu'on part des institutions existantes qui se transforment en centres à la petite enfance et qui, progressivement, vont modifier leur statut, leurs services, bon, etc. Alors, ce serait un petit peu difficile, je crois, de leur confier leur autoévaluation. Ils en font jusqu'à un certain point, une autoévaluation, bien sûr, comme n'importe quel organisme, mais nous conservons plutôt cette responsabilité au niveau central, au niveau de l'Office des services de garde.

Je fais un parallèle avec ce que je fais du côté de l'éducation. C'est sûr que les établissements auront une responsabilité de s'autoévaluer. Ils devront présenter des critères disant à la population du quartier dans lequel oeuvre cet établissement, cette école: Voici ce que nous poursuivons comme objectifs. Voici les moyens que nous entendons prendre. Et ensuite: Voici les résultats une fois qu'on a appliqué ce plan, ces moyens et ces orientations. Cependant, la commission scolaire conserve une responsabilité de contrôle et d'évaluation. Alors, là, comme on n'a pas, dans le cas des services de garde et des centres à la petite enfance, d'intermédiaires, confier à l'organisme lui-même sa propre évaluation, je pense que ça pourrait présenter des risques. Pas nécessairement que ça manque de rigueur, mais ça pourrait présenter des risques. Alors, on conserve cette fonction d'inspection au niveau de l'Office des services de garde. Peut-être serait-il intéressant de vous donner quelques informations – je ne crois pas que vous ayez cela – sur ce à quoi nous avons procédé comme inspections en 1996-1997.

Ce n'est quand même pas rien, hein, il y a eu 1 201 interventions du côté du service d'inspection et du traitement de plaintes, et ces inspections se sont réparties de la façon suivante. Il y a eu 493 inspections complètes de services de garderie de municipalités, même dans les commissions scolaires, dans les coopératives, bon, etc. Il y a eu des inspections de rappel. Évidemment, j'imagine que c'est pour couvrir des situations qui n'apparaissaient satisfaisantes lors d'une première inspection et qu'on est retourné voir ce qui se passait. Et il y a eu des inspections partielles dans 192 cas. Alors, ce n'est quand même pas négligeable.

Où se sont trouvées, en termes de nombres, ces inspections? En termes de chiffres absolus – je ne les ai pas ici en pourcentage – cinq coopératives ont été vues; 550 garderies sans but lucratif dirigées par les parents, c'est-à-dire avec un conseil formé majoritairement de parents; sans but lucratif, autres – on sait qu'il y a des organisations soit par des communautés religieuses ou autres – neuf; dans les municipalités, cinq; dans les commissions scolaires, sept; et, dans les garderies à but lucratif, 621. Alors, ce qui totalise le nombre de plaintes qui ont justifié une intervention, comme je dis, soit d'inspection complète, de rappel, ou partielle.

(14 h 40)

Les objets, maintenant, des infractions, ça, c'est quand même intéressant de le savoir, parce qu'il y a des choses, je dirais, auxquelles on doit être plus sensible que d'autres. Il y a la qualification du personnel qui a fait l'objet de plaintes plus importantes chez les but lucratif que chez les sans but lucratif. C'est infime chez les sans but lucratif, mais plus important chez les but lucratif. Les cours de premiers soins. Bon, les personnes autorisées à administrer un médicament, le registre des médicaments, l'entreposage des médicaments et produits toxiques, ça, là, c'est normal, d'ailleurs. Quand vous voyez le règlement, il est assez complet, mais, évidemment, il faut prendre des précautions, parce que, qu'est-ce que vous voulez, comme il y a parfois des enfants qui ont besoin de soins, comme on assume quand même la place des parents temporairement quand on les reçoit, il faut pouvoir administrer les médicaments. Donc, il y a des règles très strictes à suivre et il y a un protocole. Évidemment, quand on s'éloigne de ce protocole, on essaie d'intervenir pour ne pas qu'il y ait quelque risque que ce soit qui soit pris par nos garderies. Bon, la liste de numéros de téléphone à afficher ou conserver et les informations devant apparaître à la fiche d'inscription. Ce sont les infractions les plus fréquentes qui ont été fondées. Alors, je pense qu'on a fait le tour.

Maintenant, si on s'interroge sur la question de la qualité, ce n'est pas directement proportionnel, évidemment, mais il y a quand même un lien. On a discuté tout à l'heure avec le député de Jacques-Cartier, Mme la Présidente, de la question de la formation: qui est formé, qui ne l'est pas, c'est quoi, le ratio et quelles étaient mes intentions sur cela. Et, effectivement, si on pouvait avoir plus de ressources, je vous dirais que mon intention serait d'augmenter le ratio de gens formés ou en techniques de garde ou en d'autres techniques reliées à l'éducation et à l'animation auprès d'enfants, au développement des enfants. Mais, évidemment, on fonctionne dans un contexte et on pense quand même que c'est raisonnable là où on en est et, éventuellement, on devrait donc procéder à une augmentation de ce ratio.

Mais, quand on regarde comment se répartissent les personnels entre les garderies sans but lucratif et les garderies à but lucratif, selon que les éducatrices ont ou non de l'expérience ou une formation reconnue, on se rend compte qu'il y a un écart assez considérable entre les deux. En fait, du simple au double dans un cas. Par exemple, l'expérience de plus de cinq ans dans les garderies sans but lucratif, c'est 57 % du personnel et, dans les garderies à but lucratif, c'est 24 %. Dans la formation reconnue, dans les garderies sans but lucratif, 72 % a une formation reconnue et, dans les garderies à but lucratif, c'est 53 %. Il y a donc là, évidemment, une différence. Bon, je vous redis ce que j'ai dit tantôt, l'expérience, quand elle est de qualité, peut compenser. Bon, ici, on voit qu'il y a quand même une différence de nombre d'années d'expérience, mais l'expérience peut compenser parfois la formation même si la formation est moins importante dans un cas que dans l'autre. Mais, par contre, comme on voit que le niveau d'expérience est aussi plus bas, bien, on ne peut pas dire, là, que, chez les garderies à but lucratif, il y a compensation, parce que, dans les garderies sans but lucratif, on constate qu'il y a vraiment 57 % de plus de cinq ans et formation reconnue dans 72 % des cas. Alors, ce sont des critères, évidemment, qui ne sont pas parfaits, mais qui nous permettent d'évaluer aussi la qualité.


Implantation des centres de la petite enfance (suite)

M. Kelley: Mais ça me surprend quand même qu'on va exiger de ces centres à la petite enfance – à la 24 de la politique familiale – de peut-être faire des ententes avec les garderies à but lucratif et qu'il n'y ait aucun pouvoir d'inspection. Je trouve ça curieux. Pour un autre volet, parce qu'une des choses qui explique l'écart...

Mme Marois: Mme la Présidente, c'est parce que, dans le fond, il y a deux concepts possibles. Initialement, on avait imaginé définir, je dirais, très strictement, un centre à la petite enfance qui se serait constitué... Il y a eu deux modèles d'étudiés, autrement dit: un centre à la petite enfance qui se serait constitué d'une agence de garde, d'une garderie, d'une halte-garderie déjà existantes, puis de dire on les regroupe ensemble et on fait un centre à la petite enfance. Alors, il y avait cette possibilité-là, puis l'autre possibilité c'était de dire: On a une garderie, on a une agence de garde en milieu familial, on a d'autres types de services, mais les institutions qui deviendront des centres à la petite enfance seront constituées à la base de l'une ou l'autre de ces institutions, soit une garderie ou une agence de garde plutôt que de les faire intervenir ensemble dans un centre à la petite enfance. On a considéré que c'était plus pertinent à ce moment-ci pour faire en sorte que, plus rapidement, on puisse offrir les services.

Et, dans le cas des garderies à but lucratif, bien, là, il y a différentes hypothèses qui sont devant nous. D'une part, pour leur transformation, elles pourraient devenir aussi des centres à la petite enfance, et, sinon, il pourrait y avoir éventuellement aussi des ententes de services entre un centre et une garderie à but lucratif – on se comprend bien – mais, à ce moment-là, d'autant plus, à mon point de vue, que l'inspectorat ou les services de plaintes doivent se trouver à un niveau central. Alors, c'est le choix qu'on a fait. On aurait pu en faire un autre, mais c'est celui qui nous semblait le plus pertinent à ce moment-ci.


Augmentation salariale des éducatrices en garderie

M. Kelley: Sur l'autre chose, la bonification de la qualité. À date, les deux gouvernements – le gouvernement précédent et le gouvernement actuel – ont reconnu que les salaires des éducatrices ne sont pas suffisants, et il y avait des démarches qui ont été prises d'une manière ou d'une autre pour essayer d'augmenter les salaires, soit par des subventions directes, soit en bonifiant le crédit d'impôt en frais de garde. En tout cas, il y a d'autres manières qui ont été essayées pour augmenter ces salaires, mais, à date, le frein sur les salaires était toujours la capacité de payer des parents, parce que, au bout de la ligne, s'il faut payer tout le monde 27 000 $ par année – pour prendre un chiffre en l'air – le taux quotidien va devenir insupportable pour les parents.

Avec le nouveau système, est-ce que la ministre peut déposer les prévisions sur les salaires pour les années à venir? Parce que, c'est évident, en éliminant graduellement le frein sur les salaires, c'est-à-dire la capacité de payer des parents qui ne sera plus un critère maintenant parce que les parents vont payer 5 $... Si les éducatrices gagnent 12 $ l'heure ou 22 $, ça ne change pas le 5 $ pour eux autres, au niveau des parents. Pour le contribuable, c'est une autre paire de manches, mais... Est-ce que vous avez fait des prévisions sur l'augmentation des salaires pour les années à venir? Et, si oui, est-ce que ça va être calculé dans les crédits supplémentaires à déposer?

Mme Marois: Bon, d'abord, vous savez que ça a été aussi une de nos préoccupations, mais, actuellement, je dirais, dans les mesures budgétaires qu'on a appliquées aux services de garde, même l'année dernière, dans la façon qu'on a eue de traiter l'aide aux services de garde, on a justement privilégié une aide directe plus importante, ce qui a permis de corriger certaines situations. Pas de corriger parfaitement mais de corriger certaines situations. Pour l'instant, ce que nous prévoyons, c'est une forme, je dirais, de statu quo, dans un sens. Évidemment, les taux d'inflation aidant, je dirais l'indice des prix à la consommation étant ce qu'il est, ça ne nuit pas, parce que, comme il est très bas, ça a moins d'effet sur le revenu disponible. Alors donc, on n'a pas touché à cette question-là.

Nous faisons notre prévision sur la base des coûts actuels, de l'allocation à laquelle nous songeons pour les services de garde et du coût pour les parents. Et ce sera matière à révision d'une année sur l'autre et, éventuellement, dans un plan triennal. Moi, je rêve d'un plan triennal à cet égard-là autant pour le gouvernement que pour les institutions. Je pense que c'est souhaitable. On avait commencé en ce sens, d'ailleurs, au Conseil du trésor, et ça y viendra sûrement. Un plan triennal, et là, d'une année à l'autre, évidemment, on verra quelle forme d'allocation on pourrait réviser ou verser autrement, qui viendrait reconnaître une nécessité de hausse ou de progression salariale. Mais, pour l'instant, on a fait notre planification sur la base des chiffres que nous avons.

M. Kelley: Parce que, on comprend que, au moment du rythme de croisière de ce système, quand la plus grande partie de l'argent vient de l'État, on peut dire – et je comprends très bien la distinction – que ça demeure une corporation privée à but non lucratif.

Mme Marois: Oui.

M. Kelley: Mais les employés sont-ils les employés de l'État?

Mme Marois: Vous lisez dans mes pensées.

M. Kelley: Parce que, quoi, 80 % ou 75 % des revenus des garderies vont venir de l'État. Alors, on peut dire que c'est les parents qui gèrent, mais, au bout de la ligne, les décisions sur les niveaux de salaire vont être prises au niveau du gouvernement et pas au niveau de la corporation. Alors, je pense que c'est très important de commencer à calculer dans nos estimés de coûts, parce que ça risque d'être très dispendieux, et de ventiler comment on va faire progresser les salaires dans les nouveaux centres à la petite enfance.

(14 h 50)

Mme Marois: Vous aurez, bien sûr, remarqué que j'utilise souvent cette expression «toutes choses étant égales par ailleurs». Évidemment, d'une année sur l'autre, il y a des modifications qui sont apportées, et, à ce moment-là, on tient compte de la conjoncture et d'autres paramètres. Je vous donne un exemple. Nous savons que, Ottawa intervenant avec la politique de prestation unifiée – c'est comme ça qu'ils l'appellent, je crois. Enfin, de toute façon, c'est exactement ce que l'on veut faire aussi au niveau de l'allocation unifiée – évidemment, eux vont verser des sommes aux enfants et aux parents, en fait, moindres que ce qu'on avait prévu, mais qui viennent nous permettre, probablement, de dégager des ressources par rapport aux sommes qu'on avait prévu verser. Et ça, ça a été annoncé par le discours du budget, et on a toujours dit que les sommes versées aux familles resteront aux familles.

Bon. À ce moment-là, est-ce que ces sommes qui arriveront nous permettront de remoduler autrement l'allocation, de revoir les seuils ou de voir comment le développement des centres à la petite enfance peut être accéléré ou consolidé, si on veut? Je sais que ça sera une question pratique dans quelques années. Pour l'instant, ça reste une question théorique parce que ça restera encore pour quelques années une entreprise privée, au sens où l'État transfère des sommes, mais n'assume pas la majorité des sommes nécessaires pour le système. Mais ça viendra, vous avez raison, où ce sera l'État, à partir du moment où toutes les places seront offertes à 5 $. Est-ce que ça commandera, à ce moment-là, une révision même du modèle? On pourrait se poser la question.

Moi, où je suis cependant plutôt favorable au modèle que l'on a, c'est lorsqu'on constate que ce sont les parents qui sont les premiers responsables de leurs services et des centres à la petite enfance. On essaie de retrouver ça dans nos écoles, évidemment, avec un équilibre et tout le reste, et dans un contexte différent, mais on essaie de le retrouver dans les écoles. Sauf que c'est évident que ça aura une influence, sans doute, sur le modèle, et, à ce moment-là, on pourra revoir ce qu'il sera utile de revoir. Pour l'instant, dans la perspective des deux ou trois prochaines années, je pense qu'on peut fonctionner avec ce que nous connaissons maintenant, et c'est ce que nous avons planifié.

M. Kelley: Juste pour conclure sur ça, il ne faut pas se faire d'illusions. Je comprends qu'on peut donner des responsabilités, mais au niveau où c'est le gouvernement qui fixe le financement, la marge discrétionnaire des parents est limitée, parce que, si j'ai des salaires à payer, des locations à payer, oui, il c'est évident que ça va être le comité des parents qui va signer les chèques, mais les décisions seront prises par le gouvernement. Et, si vous me donnez 500 000 $ pour gérer mon école primaire en face, je peux faire telle ou telle chose. Si vous me donnez 750 000 $, je peux faire d'autres choses.

Mme Marois: Je suis d'accord. Ha, ha, ha!

M. Kelley: Alors, le bailleur de fonds prend beaucoup de décisions préalablement, et ça va devenir de plus en plus le cas avec les garderies, où ça va être les négociations et le calcul de la base moyenne provinciale et l'écart entre ça et 5 $ qui va être octroyé aux garderies. Ça va être avec cet exercice que les décisions vont se prendre, et le reste, ça va être quelque chose... Oui, peut-être, on va acheter un ordinateur, aujourd'hui, ou d'autres jouets pour la cour extérieure ou il y aura quelques décisions, avec ça, à prendre, mais le gros des décisions sont prises au moment où le taux de financement de l'État est fixé. Alors, il ne faut pas... Je veux aller sur un autre...

Mme Marois: On continuera, cependant, à demander qu'il y ait une part de financement local. Je pense que c'est important que la communauté se sente un peu...

M. Kelley: Non, non, ça, je comprends, mais vous conviendrez avec moi...

Mme Marois: Oui. Je suis d'accord. Je ne relève pas ça. Je suis d'accord que la portion la plus importante viendra du fonds consolidé. On se comprend bien.


Augmentation du nombre de places de garde en milieu familial

M. Kelley: L'autre chose qui a soulevé des questionnements, c'est qu'il y a un programme d'expansion très ambitieux au niveau du nombre de places en milieu familial. Je pense qu'on prévoit aller de 12 000, maintenant, à 65 000 – je pense que, ça, c'est les chiffres dans le libre blanc – plus ou moins. Alors, c'est de trouver, d'ici cinq ans, pas loin de 6 000 responsables, 1-9. Et on en cherche 53 000. Alors, je sais qu'il y en a quelques-uns qui sont 1-6, etc. Mais on cherche 6 000 à 7 000 foyers nouveaux à travers le Québec dans cinq ans. Alors, c'est ambitieux.

Il y a beaucoup d'inquiétudes, peut-être, des fois, exagérées. Il y a eu, au niveau des garderies, une couple d'incidents regrettables récemment avec des personnes qui étaient coupables de crimes d'abus sexuels sur des enfants, et tout ça. C'est quoi, les mesures de sécurité mises en place? Parce que d'aller d'un réseau très petit, 12 000 places, en milieu familial, régi en ce moment, d'aller jusqu'à à 65 000, de trouver, de vérifier, comme je l'ai dit, 6 000 ou 7 000 maisons nouvelles ou 6 000 ou 7 000 responsables nouvelles, et tout ça, c'est une tâche de taille. Alors, c'est quoi, vos intentions? C'est quoi, les mécanismes mis en place pour faire – je cherche le mot en français. En anglais, c'est le «screening» – le «screening» nécessaire de ces personnes afin d'assurer aux parents...

Mme Marois: La sélection.

M. Kelley: La sélection de ces responsables. Parce que peut-être que les craintes sont exagérées, mais j'ai parlé au directeur d'une garderie pas loin de mon comté qui a dit que, même après ces incidents, comme homme, c'était la première fois, dans le milieu, qu'il sentait que les parents le regardent un petit peu. Et c'est quelqu'un qui a passé sa vie à se dévouer à la cause, mais, tout d'un coup, ça prend deux, trois manchettes, et les parents deviennent inquiets. Alors, c'est quoi, vos intentions quant à la sélection nécessaire pour assurer la protection des enfants?

Mme Marois: D'accord. Je suis très sensible, comme vous, et, vous avez bien raison de le souligner, ça prend juste quelques manchettes pour défaire, d'une part, des réputations parfois. Mais, si c'est vrai, bien, là, c'est plus grave, parce qu'il faut s'assurer que des événements comme ceux-là ne puissent pas se reproduire et que ça reste l'extrême exception. Ça ne devrait jamais se produire. Il n'y a pas de tolérance à ça acceptable. Bon.

Vous posez bien la question dans le sens de l'effort qui sera considérable à consentir pour arriver à recruter, former, encadrer ces personnes. D'abord, pourquoi aller plutôt vers la garde en milieu familial que vers la garde en milieu de garde collectif, si on veut, ou de garderie? Essentiellement, parce qu'on répond aux besoins exprimés par les parents, n'est-ce pas? Quand on se demandait, au début de l'après-midi, comment on établissait les besoins, bon, sur la base d'un sondage, bien, c'est la même base qui nous sert à arriver à ce chiffre-là, parce que, sans ça, on aurait pu choisir d'aller vers une autre avenue. Et c'est la même base de chiffres, et aussi il faut dire que, évidemment, c'est beaucoup exprimé, ces besoins de garde en milieu familial pour les enfants plus petits. On a une espèce de crainte que, s'il se retrouve dans des garderies où il y a des services de pouponnière, l'enfant ne va pas nécessairement être aussi confortable ou aussi bien pris en charge. Moi, je ne le pense pas, mais il faut comprendre aussi un peu les parents dans ça. Alors, ils choisissent souvent, pour les zéro-trois ans, davantage la garde en milieu familial. Par contre, comme on le dit, les comportements changeront peut-être, et il faudra peut-être réajuster aussi cela, mais, pour l'instant, c'est l'hypothèse de base et c'est là qu'on s'en va.

Alors, maintenant, comment recruter et comment encadrer? Ça, c'est une de mes préoccupations majeures. Je crois qu'il faut se servir des expériences que nous avons vécues avec l'implantation des agences actuellement. Évidemment, beaucoup de ces agences sont nées au départ encadrées par les CLSC, hein? C'était une base de départ, souvent... C'étaient des professionnels... Les premières. Les premières agences, c'est comme ça qu'elles sont nées. Après ça, c'est des initiatives locales, des gens qui ont suggéré la mise en place d'agences, et, donc, évidemment, ça se faisait autrement.

Moi, je pense que cela demandera une formation formellement de la part de l'Office pour offrir un cadre réglementaire et un cadre de programmation, si on veut, pour essayer de préparer ces gens à occuper cette fonction. On ne peut pas, comme ça, recruter tout le monde et son père et penser que, au départ, ils sont compétents. Comme je le dis, on ne naît pas mère de famille et on ne naît pas père de famille. On le devient, et ça s'apprend, prendre soin des enfants, et il y a des gens, même, qui sont formés pour le faire. Bon. Alors donc, je crois qu'il faudra accompagner ces gens, qu'il faudra les encadrer et qu'il faudra les former. Ça va de soi.

(15 heures)

Par contre, ce qui est intéressant, c'est que c'est évident que, si on doit recruter de 6 000 à 7 000 personnes ou foyers, c'est un emploi que ça crée chez ces personnes qui, souvent, le font dans des conditions qu'elles ont choisies et qui sont assez intéressantes aussi. Il reste que c'est un des plus beaux métiers du monde, prendre soin des enfants. Moi, je pense que c'est le plus beau métier du monde et, en ce sens-là, évidemment, moi, je pense qu'on aura des offres de service.

Sauf qu'il faut s'assurer de la qualité, et, comme je dis, il y a un encadrement à fournir, et l'Office va recevoir un mandat ferme sur cette question, parce qu'on ne peut pas laisser aller comme ça, je dirais, sans avoir et un programme et sans avoir un certain nombre de critères. Donc, on le fera, quitte à ce que, pour ce faire, il y ait du travail de fait avec les cégeps qui offrent la formation, avec les agences existantes qui ont une bonne réputation et qui travaillent bien, avec les centres à la petite enfance qui apparaîtront. Là, on pourrait développer des modèles un petit peu particuliers, parce que, vous savez, on part des institutions existantes, mais, éventuellement, cette institution qui est la garderie qui devient un centre à la petite enfance offrirait, là, de la garde en milieu familial puis offrirait une gamme d'autres services.

Mais, inversement, l'agence de garde en milieu familial devrait pouvoir, éventuellement, offrir des services de halte et des mini-garderies. On pourrait imaginer cela aussi, parce que le concept d'agence, quand on l'a mis en place... Je m'en souviens parce que j'étais responsable, à l'époque aussi, déjà, de ces services. Quand on l'a mis en place, ce concept d'agence – c'est-à-dire que c'est Denis Lazure, avant moi, qui l'a fait, puis, nous, on l'a consolidé – on avait deux raisons. Une première, c'était la réponse aux besoins des parents, tels qu'ils s'expriment encore d'ailleurs, et c'était donc un concept assez léger qui permettait que, dans une maison familiale, des parents, une famille ou une personne puissent recevoir les enfants chez eux à condition, évidemment, qu'ils remplissent certaines exigences. La deuxième raison, c'était pour pouvoir servir des communautés qui ne justifiaient pas l'implantation d'une garderie à 25, 30, 40 enfants. On pense à toutes les petites communautés rurales du Québec – et elles sont nombreuses – à des régions éloignées où même, des fois, le taux de chômage est assez élevé, les parents ne sont pas nombreux à être sur le marché du travail, mais ceux qui y sont réclament et ont besoin d'aide. Alors, c'est dans cette perspective-là et dans ce contexte-là que s'est implantée la garde en milieu familial.

Maintenant, on a progressé, on arrive à un contexte de maintenant et on peut imaginer qu'une mini-garderie puisse se développer même dans un village, avec l'aide de la municipalité – ce serait la portion communautaire de l'implantation du service – et, donc, l'agence elle aussi pourrait développer d'autres types de services, ce qui ne nous enlève pas l'obligation de rigueur et d'exigence, et, sur ça, on va être à tolérance zéro pour toutes ces questions, entre autres, qui concernent les problèmes de harcèlement sexuel. Moi, chaque fois que j'en parle, j'ai des frissons parce que je me dis que c'est des enfants tellement petits, tellement sans défense qu'on ne peut pas accepter ou tolérer quoi que ce soit. Malheureusement, des incidents comme ceux-là arrivent, puis je pense qu'il n'y a personne qui est bien, bien heureux de ça, au contraire. Mais, évidemment, quand quelqu'un veut camoufler, il fait tout pour camoufler. Alors, on ne peut pas non plus être à l'abri complètement de ça.

La Présidente (Mme Malavoy): M. le député de Jacques-Cartier, j'ai une question du député de L'Assomption, vous permettez, et je reviens à vous. M. le député de L'Assomption.


Décisions du gouvernement fédéral concernant les services à la famille

M. St-André: Merci beaucoup. D'abord, en tant que souverainiste, pour moi, on va pouvoir élaborer une véritable politique familiale une fois qu'on va avoir récupéré l'essentiel des outils, mais, d'ici à ce qu'on arrive à ce moment-là, il reste tout de même que le gouvernement fédéral a pris un certain nombre de décisions. Il y en a une, entre autres, qui me vient à l'esprit, c'est la prestation nationale pour enfants qui est carrément, quant à moi, une intrusion et une introduction dans un champ exclusif de compétence provinciale. D'ailleurs, la ministre a fait des représentations à cet égard-là et a formulé des demandes au gouvernement fédéral. Dans la politique familiale qu'on est en train de mettre en branle, il y a un volet qui touche les congés parentaux, et la ministre s'est également adressée au gouvernement fédéral afin de récupérer la portion de l'assurance-chômage, là, où on gère les congés parentaux et les congés de maternité. Et il y a également la question des crédits d'impôt fédéraux, parce que le gouvernement fédéral a aussi une disposition qui permet de réclamer un crédit d'impôt pour frais de garde, et, avec les mesures que nous avons annoncées, avec les frais de garde à 5 $ par jour, bien, il y a une économie, pour le gouvernement fédéral, à récupérer de ce côté-là. Donc, j'aimerais que Mme la ministre nous fasse un peu le bilan des démarches qu'elle a effectuées auprès du gouvernement fédéral dans ces trois dossiers-là et comment elle entrevoit l'avenir de ces pourparlers avec le gouvernement fédéral là-dessus.

Mme Marois: Bon. J'aime bien qu'on reprenne cette question, je ne l'ai, d'ailleurs, malencontreusement pas abordée jusqu'à maintenant. Enfin, j'étais tellement, je dirais, obnubilée par le contenu. Mais ce n'est pas rien, ce que soulève notre collègue de L'Assomption. Et j'ai été un peu déçue. En fait, puis-je dire, je pensais que ça risquait de se passer comme ça, mais je pense que c'était mon devoir de le faire. J'ai été très déçue, évidemment, par la réponse de M. Pettigrew, la semaine dernière, lorsque je lui ai demandé qu'on puisse respecter la juridiction québécoise, parce que, le député de L'Assomption a totalement raison, c'est essentiellement de juridiction québécoise que les services sociaux et à la famille. Et, à plusieurs reprises, d'ailleurs, pas seulement notre gouvernement, le gouvernement qui nous a précédés, on a été toujours dans la même ligne, on a souhaité qu'Ottawa n'intervienne pas ou que, s'il voulait le faire, il nous transfère les sommes.

Nous, on est allés plus loin comme gouvernement, on a demandé qu'on nous transfère les points d'impôt de telle sorte qu'on puisse avoir l'assiette fiscale utile pour faire ce que nous voulions, et à notre façon et selon notre responsabilité et notre juridiction. Je pense qu'on est allés plus loin dans ce sens que le gouvernement qui nous a précédés, puisque réclamer des points d'impôt, on l'a fait d'abord aux Finances pour la question du transfert social canadien, et ensuite je l'ai refait, comme demande, la semaine dernière pour ce qui est de la prestation fiscale fédérale. Le gouvernement qui nous a précédés, lui, avait cependant demandé aussi des transferts inconditionnels, à une exception près, c'est que, si on transfère des sommes pour la famille, ça puisse rester à la famille, et ça, je pense que c'est normal aussi, là, évidemment, parce que le point d'impôt, lui, nous permet de dire: On choisira si c'est à la famille qu'on le verse ou pas, tandis que le transfert financier, lui, bon, pouvait être lié, mais pas lié à telle politique ou à tel élément. Bon.

Alors, là, ce fut une fin de non-recevoir, malheureusement, et même cela, on ne l'accepte pas. Donc, évidemment, nous, on choisira nos stratégies pour reprendre ça et assumer ça comme responsabilité, cette décision qui est prise unilatéralement par Ottawa sur ces questions. Il est évident qu'on n'a pas l'intention de divertir des sommes vers d'autres fonctions que celles qui concernent l'aide à la famille, mais il reste qu'on est contraint de dire: C'est pour ça que vous le versez. Ça va bien parce qu'on a prévu une allocation unifiée puis qu'on peut harmoniser tout ça, mais ça ne facilite pas nécessairement les choses, hein? On se comprend bien. Bon. Ça, c'est pour un premier élément.

(15 h 10)

Les autres éléments, bien, ça, c'est très piégeant à chaque fois, quand on veut bonifier une politique. C'est vrai du côté de la politique du congé parental et ça peut être vrai du côté des services de garde. Vous savez, je me suis battue pendant des années avec Ottawa sur la question de la couverture des frais pour les services de garde. On voulait qu'il y ait chez nous un test de besoins, c'est-à-dire que, nous, on couvrait universellement les services de garde, dans le sens où on versait directement aux garderies une somme fixe, et puis le reste étant variable, et Ottawa disait non. Puis habituellement tous les services étaient partagés à 50 %. Le coût de ces services était partagé à 50 %: 50 % Ottawa, 50 % Québec. Mais Ottawa voulait absolument qu'on fasse un test de besoins, pour dire: Ça couvre tant de personnes parce que, elles, elles ont plus de difficultés, etc. Ils ne nous laissaient pas la possibilité de décider quelles étaient nos politiques et la façon, nous, de les appliquer.

Alors, on a eu des batailles qui n'en finissaient plus. Ils ne reconnaissaient pas certains coûts dans nos frais aux services de garde, de sorte que les transferts couvrant les investissements faits par le Québec en services de garde sont toujours restés à hauteur de 30 % plutôt que d'aller au 50 %. Puis je ne sais pas comment s'est terminé le contentieux, mais le contentieux n'était pas terminé lorsque, moi, j'ai quitté le dossier au milieu des années quatre-vingt.

Alors, c'est la même chose. Imaginons qu'on regarde la politique des congés parentaux. On dit: L'allocation versée ne sera pas imposable. Mais, si elle est imposable à Ottawa, ça veut dire qu'on bonifie une politique et que les gens se voient immédiatement confisquer cette partie de bonification par l'imposition fédérale. Alors, oui, nous sommes en discussion, actuellement, sur tous ces aspects-là. Le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes est impliqué comme coordonnateur, cela va de soi, puisque c'est sa responsabilité. Chez nous, soit l'Office ou la Régie des rentes – parce que la Régie des rentes, évidemment, est impliquée aussi – discutent et sont associés à cette politique. Le Secrétariat à la famille, lorsque utile, est consulté et, évidemment, le ministère des Finances, ça va de soi, c'est le b.a.-ba, je vous dirais, et ils sont là, bien sûr. Mais ce n'est pas nécessairement très facile.

Et les économies faites chez nous ne sont pas nécessairement reconnues par un transfert éventuel de fonds qui viendrait, et ça, je peux vous dire que, dans un cas, ça pourrait même être très freinant pour le rythme de développement de certaines parties de la politique. Et je garde des espoirs, et on travaille très sérieusement sur ça, mais c'est évident que, si, à chaque fois qu'on met 1,00 $, 50 % en est confisqué par Ottawa, bien, là, je veux dire, on n'a pas avancé d'un pas. On se dit: Ne le faisons pas, hein? Bon. Alors, on cherche des façons de faire. Je pense, entre autres, au congé parental. C'est un exemple, mais aussi les réductions, effectivement, ou les économies que l'on fait, ou les coûts supplémentaires qu'on a à assumer, s'ils ne sont pas reconnus, par ailleurs, ou pas tenus en compte et qu'on ne nous transfère pas les sommes, bien, là, ça coûte une fois et demie au Québec ce que ça coûterait ailleurs à cause d'une politique que, nous, on a rendue plus intéressante sous certains aspects.

Mais, en fait, je vous dirai que ça démontre, justement, ou que ça démonte, là, chacune des pièces de ce régime, lequel, quand on l'améliore d'un côté, on est pénalisé de l'autre. C'est la trappe de la pauvreté, comme on le mentionnait, vue sous un autre angle. Évidemment, ce n'est pas le même événement qui se passe, mais c'est exactement le même principe. Plus on est pauvre, plus on nous transfère des sous. Plus on améliore notre situation, plus on nous en enlève. Alors, c'est vraiment un cercle vicieux éternel. Et, avec le transfert social canadien, bien, là, ça l'amplifie, parce que là il y a une baisse réelle dans le montant du transfert, et le transfert n'est plus lié aux risques encourus par le Québec: aux risques encourus à la Sécurité du revenu, aux coûts encourus à l'Éducation, à la Santé. On dit: On prend une base, puis, à partir de là, nous, on baisse les sommes qu'on vous versait pour ces fins-là et on en fait un tout plutôt que de le départager entre les différentes fonctions et plutôt que de suivre la clientèle. On dit: Fini, ça. Merci beaucoup. On fait un global puis on le réduit. Alors, ça n'a pas facilité les choses non plus, hein? C'est 1 200 000 000 $, si mon souvenir est bon, au moins, dans les deux dernières année. C'est plus que ça, c'était 800 000 000 $ puis 1 200 000 000 $ la deuxième année. Alors, c'est près de 2 000 000 000 $. En fait, on aurait éliminé quasi notre déficit si ça ne s'était pas passé. Alors, ça, c'est effectivement la réalité devant laquelle on est.

Mais, je rassure les membres de la commission, je peux vous dire que je fais les démarches à chaque fois que c'est justifié de le faire, comme je l'ai fait à la dernière conférence fédérale-provinciale qui a touché ces questions. Je fais ces démarches poliment, mais résolument et rigoureusement. Et nous en faisons d'autres, actuellement, avec les discussions qui sont en cours. Évidemment, l'élection qui s'est annoncée, hier, a ralenti un petit peu ces discussions, mais on espère que ce sera pour pas trop longtemps. Évidemment, selon l'issue aussi, on ne peut pas présumer du résultat.

La Présidente (Mme Malavoy): M. le député de Jacques-Cartier.


Négociations avec les représentants des garderies privées

M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. Maintenant, j'ai deux séries de questions sur où on est rendu avec l'engagement pris par la ministre devant la Chambre de négocier une véritable entente avec les garderies à but lucratif. Je trouve que la ministre, en partant, a vraiment limité les sujets sur l'ordre du jour dans ce comité de travail qu'elle a créé. Je pense qu'il y a plusieurs modèles. L'Alliance des garderies privées, qui est un des deux groupes à la table, a déposé le 7 mars, je pense, toute une offre de partenariat. Il existe, au secteur de la santé et des services sociaux, dans mon comté, par exemple, un hôpital privé conventionné qui est une corporation à but lucratif qui donne des soins longue durée aux patients depuis une quarantaine d'années – des services de qualité – qui fait des économies pour l'État et qui fait des profits. Alors, c'est faisable. Il y a un modèle qui existe.

Moi, je suggère que même les responsables d'une agence – ce n'est pas une entreprise, j'en conviens – que les madames acceptent quelques enfants dans leur maison, paient pour leurs coûts et que, ce qu'il reste, elles le mettent dans leur poche. D'où je viens, je pense que, ça, c'est un profit. Mais peut-être qu'il y a un autre mode pour le faire ou une autre façon de le décrire. Alors, ils font un profit en faisant ça. Je ne comprends pas pourquoi la ministre n'est pas prête... Si elle est prête à le faire à court terme, c'est-à-dire d'avoir les locations avec le secteur privé, je trouve ça curieux que, la semaine passée, un communiqué de presse est venu dans nos bureaux, de son collègue le président du Conseil du trésor: Création d'emplois grâce à un partenariat avec le secteur privé. Elle a vanté tous les avantages pour l'État dans la nouvelle façon de faire des partenariats avec le secteur privé. Celui-là était dans le domaine de l'informatisation.

Alors, le même gouvernement est capable de faire un partenariat. Le même gouvernement était même, avec ses garderies, prêt à faire des garanties de prêts dans le plan Paillé. Alors, il y avait plusieurs de ces entreprises pour lesquelles on a dit comme gouvernement: On va vous appuyer, on va vous faire une garantie de prêt. Mais on arrive maintenant, et leur avenir comme entreprise, oublie ça. On ne peut même pas le discuter. Et ça, je ne comprends pas. Je pense que la ministre peut tirer ses conclusions, mais, au niveau où on est maintenant, c'est un comité pour faire une consultation, pour formuler quelques recommandations à la ministre, si j'ai bien compris son mandat. Alors, je ne comprends pas pourquoi ce comité ne peut pas se pencher sur toute la gamme, y compris la possibilité d'examiner... Il existe des exemples, déjà, de partenariat, même dans des domaines très sensibles. L'informatisation, qui a été signée la semaine passée, ça touche la protection des renseignements personnels. C'est vraiment des choses où l'État a un rôle très, très important à jouer, et là ils sont prêts à faire un partenariat. Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas envisager cette possibilité au lieu de dire: L'entreprise privée, dans le domaine des garderies, c'est fini. Ce que la ministre est en train de faire.

Mme Marois: Bon. Alors, Mme la Présidente, si vous permettez, on va départager l'intervention en deux: d'abord, sur les orientations de fond; après ça, je vais demander à Mme Bédard de rappeler exactement comment on a procédé à l'Office, parce que c'est important qu'on parle des mêmes faits, et, comme c'est le mandat qu'a reçu l'Office, on va faire état de ces événements et de ces discussions qui sont engagées, de ces consultations qui se font. Par la suite, je pourrai revenir quant à la question de fond.

(15 h 20)

Je l'ai déjà mentionné à quelques reprises au député de même qu'aux membres de la commission, et, en tout respect pour les membres de la commission, effectivement, il y a, derrière la proposition que nous avons défendue et que nous défendons dans la politique familiale, un préjugé très clair envers les garderies sans but lucratif contrôlées par les parents. C'est très clair. Je ne l'ai jamais caché, les gens le savent. J'ai été très honnête tout le temps du processus. Je le suis tout le temps, mais, je dirais, j'ai encore fait plus attention pour être sûre qu'il n'y avait pas de mésinterprétation de mes propos. Cependant, on a prévu, malgré tout cela, qu'il y ait un espace pour que les garderies à but lucratif puissent continuer d'offrir des services, et c'est par le crédit d'impôt remboursable qui reste disponible. Et le statut d'entreprise peut toujours, évidemment, leur être accessible, ça va de soi.

Cela étant, le deuxième élément, c'est qu'on a dit, et je le redis, je ne souhaite pas et nous ne souhaitons pas subventionner d'une façon universelle des entreprises dont l'objectif est de faire des profits. Quand on fait un parallèle avec les agences ou le milieu familial, si on croit que ce n'est pas suffisamment clair et que c'est vraiment un type de rémunération sans en être un formellement lorsqu'une personne reçoit des sommes pour garder des enfants, on pourra penser à des règles d'encadrement plus serrées, mais c'est sûr que l'objectif n'est pas, là, de faire des profits. Bon. Je n'ai pas dit, en disant ça, cependant, que les profits étaient démesurés, que ça n'avait pas de bon sens. Je suis très consciente que, souvent, le profit, c'est soit un revenu plus élevé ou que, quand ce n'est pas un revenu plus élevé, ce sont des avantages fiscaux liés aux actifs, ce qui fait que ça peut être intéressant. On ne va pas faire des sommes faramineuses dans ces entreprises, je suis consciente de ça. Mais il y a un principe pour moi, je m'y tiens, à savoir qu'on ne subventionnera pas de façon systématique des entreprises à but lucratif.

À partir de là, cependant, c'est vrai – puis je ne l'ai pas nié non plus – que l'implantation des nouveaux services éducatifs et à la maternelle et aux quatre ans à raison d'un coût de 5 $ aux parents, évidemment, rend impossible la concurrence pour une institution qui offre les mêmes services, même à qualité complètement égale ou même supérieure, si c'est à 25 $ et que le parent ne peut pas aller chercher, en contrepartie, une réduction de son impôt ou même un crédit remboursable. Or, c'est ça que nous avons maintenu, à savoir cet accès au crédit d'impôt qui permet de couvrir aussi une autre réalité. Le ministre des Finances ne l'a pas fait pour ça seulement. Il l'a fait en partie aussi pour cela, mais il l'a fait aussi pour couvrir la réalité des personnes qui ont quelqu'un à la maison pour garder les enfants. Ça, ça avait été des remarques, d'ailleurs. Il faut être au clair, hein? On écoute, en ce sens-là, les remarques qui nous sont faites. On ne les retient pas toutes, mais on les écoute et on en retient un certain nombre.

Donc, c'est un fait qu'il n'y avait plus aucune soupape, là. On voyait bien apparaître ça. Si on éliminait complètement le crédit d'impôt remboursable pour garde, bien, à ce moment-là, la personne qui a trois enfants, qui a un intérêt à faire garder à la maison pour toutes sortes de raisons, parce que ça peut être compliqué dans certaines circonstances et qu'elle a les moyens de le faire, bien, évidemment, elle, on lui disait: Tu n'as pas le choix. Ou tu les envoies à la garderie ou au centre à la petite enfance, puis ça te coûte 5 $ – il faut que je m'habitue avec mon langage aussi, hein – ou tu n'as plus rien. On ne va pas reconnaître de crédit d'impôt. Là, c'était vraiment enlever une possibilité qui existe, qui est réelle et qui est surtout utilisée, c'est-à-dire une façon de faire qui est utilisée. Donc, on l'a conservée aussi pour cette raison-là.

Mais là ça ouvre donc des plages aux institutions pour qu'elles puissent continuer à fonctionner. Par contre, certaines d'entre elles nous disent: Non, on n'est pas intéressé. On est intéressé, plutôt, à se convertir. Et, nous, sommes-nous intéressés à ce qu'elles se convertissent? Et là on a engagé un processus avec les garderies à but lucratif, processus qui a été engagé par l'Office des services de garde. Alors, je vais demander à Mme Jacqueline Bédard, qui est la présidente de l'Office, de dire exactement comment ça s'est passé jusqu'à maintenant.

La Présidente (Mme Malavoy): Mme Bédard.

Mme Bédard (Jacqueline): Bonjour, Mme la Présidente. Je rappelle brièvement les événements qui se sont passés suite au mandat qui nous a été donné par la ministre, Mme Marois, de formuler des recommandations. Il y a eu une première rencontre avec le Regroupement de l'Alliance privée du Québec ainsi que l'Alliance des garderies privées qui représentait notamment l'Association des garderies privées. Lors de cette rencontre-là, nous nous sommes entendus sur le mandat du comité de travail comme tel, et, je me permets de le dire, le mandat du comité était de formuler des recommandations à la présidente de l'Office des services de garde afin de définir les conditions des contrats de location et les modalités d'application ainsi que de préciser les conditions de la conversion des garderies à but lucratif en garderies sans but lucratif ou en centres à la petite enfance ainsi que des modalités d'application.

On a également statué – et toutes les parties étaient d'accord – sur la composition du comité qui devait être formé de trois représentants du Regroupement des garderies privées, de trois représentants de l'Alliance pour les garderies privées, d'un représentant d'une garderie financée et d'un représentant d'une garderie non financée qui ne font partie d'aucune de ces deux associations. Également, il y avait des représentants de l'Office. Donc, lors de cette première rencontre, toutes les parties ont accepté ces conditions et ces modalités. Également, il a été question de la logistique du fonctionnement du comité de travail.

On s'est revu pour la semaine suivante, ce qui était pour la deuxième réunion du groupe de travail, et, à ce moment-là, l'Alliance des garderies privées s'est présentée non pas avec trois représentants, mais un quatrième représentant, et on nous demandait si c'était possible que leur conseiller juridique, qui était la quatrième personne, soit un observateur à ce comité-là. Après discussion – parce que c'était quand même venir changer les règles du jeu qui avaient été préalablement établies et convenues entre toutes les parties – avec les autres membres du groupe de travail, notamment avec le Regroupement des garderies privées, nous avons acquiescé à leur demande d'avoir une quatrième personne, mais, il va sans dire, pour la journée du lendemain ou pour la prochaine réunion, étant entendu que le Regroupement, qui s'était déplacé de Québec à Montréal, ne pouvait pas faire venir comme ça, spontanément, sa quatrième personne.

Donc, ceci a été approuvé par les deux parties, et c'est à ce moment-là que l'Alliance des garderies privées s'est présentée. Je les ai informés de l'accord des deux côtés, et là ils se sont présentés à la réunion de travail me disant qu'ils avaient des documents à déposer, ce qu'ils ont fait, d'ailleurs. Dans le dépôt des documents, là, c'étaient des demandes pour qu'ils puissent avoir non pas trois représentants, non pas quatre représentants, comme on venait d'en convenir, mais en avoir cinq plus un conseiller juridique, plus une sténo. Alors, vous voyez que là on n'était pas rendu encore dans le contenu du dossier. On parlait davantage des modalités que du fond, et, comme le temps pressait aussi, on a cru bon, la semaine dernière, de reporter la réunion qui était prévue le mercredi, parce qu'on s'est dit qu'il y aurait peut-être lieu de réviser les discussions ou les approches avec les deux groupes compte tenu des discussions en cause, et, contrairement, peut-être, à ce qui a pu être véhiculé ou dit, le comité de travail n'est pas arrêté, loin de là, il a été suspendu momentanément. Il y a une pause de réflexion, et on doit reprendre, probablement cette semaine ou la semaine prochaine au plus tard, les discussions qu'on considère très importantes, à faire très rapidement, compte tenu de l'échéancier du premier septembre.

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous en prie, Mme la ministre, complétez.

(15 h 30)

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je trouvais ça important, parce qu'on s'est questionné l'autre jour en Chambre. Le député de Jacques-Cartier m'a posé la question, et puis, bon, évidemment, c'est toujours un peu court quand on veut répondre. Donc, c'est le genre de détail qu'on peut rarement donner et d'une façon aussi élaborée. Mais je trouvais ça important pour qu'on voit bien qu'il n'y avait pas, de notre part, une volonté d'arrêter les discussions, une volonté de ne pas écouter ce qui nous était proposé.

Et ce n'est pas une négociation, à ce moment-ci, au sens strict, dans le sens où c'est une recommandation qui doit être faite à la présidente de l'Office. C'est évident que, dans ces échanges, plus on arrive à des projets qui font consensus, plus c'est facile, ensuite, de faire une recommandation et, pour nous, de prendre des décisions. Sauf qu'on ne peut forcer personne. On ne peut pas forcer un coeur d'aimer, hein? Bon. On ne peut pas forcer un consensus s'il n'est pas là.

Alors, à ce moment-là, on va cheminer, et la présidente fera une proposition et, après cela, commenceront les discussions et les négociations pour, concrètement, procéder. Et, moi, ça m'apparaît correct de respecter ce que nous avons adopté en Chambre et de respecter l'esprit de ce que l'on veut faire et les objectifs que nous poursuivons en tout respect pour les personnes qui sont là. On n'est pas là pour blâmer qui que ce soit, mais en tout respect pour les personnes qui sont là. On n'est pas là pour blâmer qui que ce soit, mais en tout respect pour les personnes qui sont là.

Je voudrais ajouter une dernière chose à ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet de ce qui me guide quant à l'orientation des services dans les centres à la petite enfance, des services de garde, des services éducatifs. Vous savez, j'ai voulu que les parents occupent une place plus significative en termes, en tout cas, de possibilité d'influencer les conseils d'établissements dans les écoles, dans les écoles primaires, dans les écoles secondaires. J'ai la chance d'avoir une loi, à l'Office des services de garde, qui prévoit que ce sont les parents qui président aux destinées des centres à la petite enfance – actuellement garderies – et, en ce sens-là, je trouve que c'est tellement précieux, et ça confirme tellement ce qu'on dit, à savoir que ce sont d'abord et avant tout les parents qui sont, au premier chef, responsables de leurs enfants et que, nous, comme gouvernement, on vient supporter ce que font les parents soit par la voie de services, soit par la voie d'allocations ou, autrement, par des mesures fiscales.

Et, dans le fond, le modèle qui est dans notre loi, qui a fait l'envie, d'ailleurs, des observateurs des autres provinces qui s'en sont inspirés dans certains cas, je me dis: C'est le modèle auquel nous croyons, sur lequel nous nous appuyons et c'est celui-là que nous voulons continuer à développer. Et c'est ça, l'esprit qui nous guide et la philosophie qu'on a. Ça ne veut pas dire que les 40, 50 ou 60 parents de la garderie vont tous s'impliquer. Ce n'est jamais comme ça que ça fonctionne, hein? On sait toujours qu'il y a un pourcentage, dans un milieu, de gens qui s'impliquent, mais ils sont parents, et c'est en leur qualité de parents qu'ils s'impliquent pour définir les programmes, pour voir les grandes orientations de la garderie avec les professionnels qui y sont, et, à date, le modèle a fait ses preuves. Bien sûr, il y en a toujours des conflits et des problèmes, mais, généralement, je vais vous dire que c'est plutôt positif, ce que l'on a comme rétroaction – j'allais dire, entre guillemets, comme feedback – jusqu'à maintenant, de ce qui se passe dans nos milieux de garde, et c'est la philosophie que je veux continuer de maintenir.

M. Kelley: Je comprends tout ça, mais je pense qu'il y a de la place, toujours, pour les deux modèles, parce que, comme vous l'avez dit, ce n'est pas tous les parents qui veulent s'impliquer, et tout ça, et, dans le système existant, il y a le choix entre les deux. Alors, une garderie sans but lucratif pour les parents qui veulent s'impliquer davantage que les autres parents pour des raisons autres. J'ai un titre ici: Parents épuisés . Il y a une limite quand même à ce que l'État peut attendre de nos parents. Moi, comme je dis, je veux vendre mes oranges, mes pamplemousses, mes tablettes de chocolat, les campagnes de financement, je suis coach d'une équipe de soccer, et ça continue. Alors, je comprends fort bien l'importance du bénévolat des parents, et tout ça, mais il y a des limites.

Mais, pour revenir... Merci beaucoup, Mme Bédard, pour les précisions sur le fonctionnement du comité, mais j'aimerais prendre une occasion où les autres, Mme Drouin et les représentantes du Regroupement, également Mme Desmarais et les représentantes de l'Alliance pourraient expliquer leurs affaires. Ce n'est pas le moment, ici, pour le faire. Je suis heureux que le comité continue, mais je trouve quand même que ce que l'Alliance a apporté à la table, c'est son sentiment de panique, parce que c'est son avenir économique qui est en jeu. Ce sont des personnes qui ont lancé les petites entreprises, qui ont travaillé très fort. C'est un travail exigeant, je pense que tout le monde en convient, de lancer une entreprise comme ça, surtout pour une femme, et la majorité de ces entrepreneurs sont des femmes qui ont décidé de lancer une entreprise, de créer un emploi, d'aller emprunter de l'argent auprès de leur banquier, qui ont signé un bail, et tout ça. Alors, ce n'est pas évident.


Transformation de garderies privées en garderies sans but lucratif

Mais, si on accepte la logique de la ministre que la seule façon de procéder, c'est vraiment la transformation, on est, aujourd'hui, à l'étude des crédits, alors j'aimerais savoir c'est quoi, les fonds laissés à côté pour payer ces transformations. Parce que, je regarde, maintenant, on a une situation où il y a une garderie qui, peut-être, vaut, la bâtisse, les équipements, etc., 250 000 $, juste pour fins d'argument. C'est le propriétaire qui est le propriétaire de son propre édifice et des équipements. Ces parents décident, dans la logique de la ministre, qu'ils vont transformer cette entreprise en une garderie sans but lucratif avec un comité des parents, etc. Alors, l'Office des services de garde va donner combien pour les frais de démarrage à ces parents, soit pour acheter ou louer l'édifice, les équipements qui sont sur place? Parce qu'on ne veut pas si c'est vraiment un propriétaire qui décide. Moi, si, maintenant, je veux accepter l'offre de la ministre, alors, s'il faut répéter ça, la ministre a dit dans ses calculs que la moitié des garderies vont embarquer. Alors, c'est 220, environ, 210 entreprises qui vont embarquer. Alors, c'est combien d'argent laissé à côté pour les frais de démarrage, pour donner les outils aux parents pour acheter, louer ces édifices et ces entreprises? C'est quoi, les prévisions que la ministre a faites pour ça?

Mme Marois: Alors ce sont, effectivement, des discussions qui touchent ces questions qui ont cours actuellement, et, quand on déposera la proposition, on déposera le tout. Un peu comme je le mentionnais au député tout à l'heure, on devra revenir, évidemment, en budget supplémentaire pour présenter la ventilation de toutes les sommes nécessaires et disponibles soit pour faire des transformations, soit pour faire des locations, soit pour offrir les services directs. Peu importe, là, tout cela va venir en une étude de crédits propre, hein, c'est comme ça que ça se passe généralement. Enfin, ce n'est pas une étude de crédits à ce moment-là, mais c'est l'étude du budget supplémentaire qui permet de voir ce pourquoi on le fait, comment on le fait, dans quel contexte, et, à ce moment-là, on aura l'occasion de vous présenter la ventilation. Mais il y a, effectivement, des sommes qui seront prévues, qui le sont, mais qui seront ventilées et qui seront étalées dans le temps pour procéder.

Maintenant, vous avez raison aussi, si j'ai bien compris, que c'est évidemment avec les parents qu'on va discuter, parce que c'est par l'intermédiaire des parents que ça va se passer et qu'ils deviennent, dans le fond, les responsables de la garderie. Alors, là, il y a un travail à faire de ce côté-là, bien sûr, ça va de soi, pour constituer l'institution, pour l'établir au sens juridique du terme, tel que la loi le prévoira et, ensuite, si ce sont des locations d'actifs, si ce sont des achats d'actifs, s'il y aura des frais liés à l'implantation. Alors, tout ça fera partie de la proposition ou, du moins, un certain nombre d'éléments seront clarifiés sur ces questions. Et, pour le reste, des crédits devront être alloués, évidemment, et sont prévus et seront ventilés, et nous aurons l'occasion d'en débattre lorsque, formellement, je pourrai déposer le tout.

Je pense qu'il y a une chose qui est importante à ce moment-ci, c'est qu'effectivement on soit assez au clair sur les chiffres, à savoir combien de sous vont se transférer par place. C'est comme ça qu'on va fonctionner, on l'a débattu tout à l'heure. Alors, dès que nous pourrons statuer sur cela – et on devrait le faire assez rapidement – à ce moment-là, je pense que ça va faciliter les discussions, parce que les gens vont voir réellement à quoi ça correspond, ce que ça signifie, et je pense que ça éclairera le débat. J'espère aussi que ça le facilitera, parce qu'on est de bonne foi dans la discussion qu'on a. Je pense qu'il faut le considérer comme ça.

Évidemment, c'est sûr que j'ai un point de vue comme ministre et que des associations peuvent avoir un point de vue différent. Je respecte ça. C'est Voltaire, je pense, qui disait: Vous pouvez avoir un point de vue que j'exècre, avec lequel je suis en profond désaccord, mais nous sommes dans une démocratie, et je vais me battre pour que vous puissiez le dire, cependant, et l'exprimer, ce point de vue. Donc, je ne veux pas les amener nécessairement à mon point de vue à moi, ces organisations-là, mais je veux bien défendre le mien, comme elles veulent bien défendre le leur, on en convient. C'est juste d'essayer de retrouver un espace puis un climat qui va faire qu'on va pouvoir le faire calmement.

(15 h 40)

Bon. Mais mon intention, ce n'est pas de bousculer les choses, ce n'est pas d'écarter les gens, c'est d'essayer de voir ce que nous pouvons faire dans les circonstances et quelles sont les avenues les plus intéressantes à envisager qui vont satisfaire un tant soit peu les personnes qui sont là, sachant quand même qu'on ne satisfera pas tous, c'est évident, mais, par contre, qu'il y a aussi une possibilité de continuer avec les nouvelles règles fiscales et budgétaires dont nous avons fait état dans le discours du budget.

La Présidente (Mme Malavoy): M. le député, poursuivez.


Budget supplémentaire (suite)

M. Kelley: Je trouve cette dernière réponse étonnante, parce que le manque de renseignements, c'est grâce à la ministre. On a, aujourd'hui, un exercice qui est un petit peu bizarre, parce qu'on va voter sur 265 000 000 $ de crédits sur un budget de 579 000 000 $. Alors, presque la moitié des dépenses pour cette année en matière de famille sont inconnues, et ce n'est pas la faute de l'opposition.

Mme Marois: Non, mais je n'ai jamais dit...

M. Kelley: Et, quand on parle de la question des garderies...

Mme Marois: C'est surtout la faute à Ottawa. Ha, ha, ha!

M. Kelley: Oui, on peut mettre la cassette, blâmer quelqu'un d'autre. Ça, c'est l'argent déjà prévu par ce gouvernement. Ils vont dépenser 579 000 000 $ pour la famille cette année, et on va discuter aujourd'hui de 265 000 000 $. Et le reste, c'est à venir un jour, et, en tout cas...

Mme Marois: Bien, moi, de toute façon... Attention, Mme la Présidente...

M. Kelley: Non, non, mais c'est vous qui avez dit de procéder de manière éclairée, et on est dans la noirceur comme législateurs, effectivement, parce qu'on n'a pas la moindre idée où va le 314 000 000 $ annoncé par votre collègue ministre des Finances il y a maintenant, déjà, quatre semaines. Alors, je peux faire mes calculs. J'ai essayé de voir sur le coût de l'offre pour les places en garderie pour les quatre ans: un 50 000 000 $ plus ou moins, si j'ai bien compris. Alors, j'essaie d'identifier les morceaux à l'intérieur de 314 000 000 $, mais je dois procéder... Même, j'ai oublié ma calculatrice, alors, même sans calculatrice...

Mais, quand on revient à la question d'une offre aux garderies à but lucratif, je pense que, si on veut procéder avec une certaine clarté, c'est à la ministre de dévoiler certains paramètres. Règle générale, les frais de démarrage pour une garderie, si je ne me trompe pas, c'est de l'ordre de 300 000 $ pour...

Une voix: 250 000 $.

M. Kelley: 250 000 $?

Mme Marois: La subvention au démarrage est de 150 000 $, me dit-on, mais le coût...

M. Kelley: Pour ça, mais il y a tous les autres coûts qui vont être assumés. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait rapidement. Alors, est-ce qu'on peut présumer ce que ça va être, le budget, l'ordre de grandeur pour une transformation d'une garderie à but lucratif en garderie sans but lucratif? Parce qu'on cherche à mettre une certaine clarté dans ces chiffres, mais je vois mal...

Je parle aux personnes, et il y a quelqu'un dans votre comté qui m'a appelé, qui a une garantie de prêt de votre gouvernement dans le plan Paillé pour ouvrir une garderie. Il a également une garantie de prêt du programme des petits entrepreneurs du gouvernement fédéral. Alors, comme contribuable, j'ai tout intérêt à voir ce qui va se passer avec son entreprise, parce que, s'il fait faillite, c'est nous autres qui assurons le crochet parce que c'est nous autres qui avons 300 000 $ de garantie de prêt dans cette entreprise. Alors, je pense que, comme contribuables, on a tout intérêt à voir combien ça va coûter, c'est quoi, l'ordre de grandeur.

Est-ce que, à l'intérieur du 314 000 000 $, nous avons réservé 50 000 000 $, 75 000 000 $, 100 000 000 $? Je pose la question pas pour un chiffre précis aujourd'hui, mais un ordre de grandeur sur le 314 000 000 $ dans les prévisions faites par l'Office, par votre... Ce n'est pas un ministère, alors c'est un portefeuille. Je ne sais pas si un portefeuille fait les décisions. Mais c'est quoi, les prévisions? Est-ce qu'on a des fonds d'environ 100 000 000 $ pour la transformation de ces entreprises?

Mme Marois: Bon. Alors, on va clarifier les choses. Nous sommes sur les crédits qui concernent l'Office, qui concernent le Secrétariat, qui concernent le Conseil de la famille pour l'année à venir, ne tenant pas compte des crédits que nous devrons injecter ou réorganiser pour la nouvelle politique familiale parce que ceux-ci viendront, par l'intermédiaire d'un budget supplémentaire, être ventilés. Alors, je ne pense pas qu'il y ait du désordre dans ça et qu'il y ait quelque chose d'anormal. C'est nos règles, je dirais, parlementaires, et les règles budgétaires du gouvernement prévoient que c'est comme ça que ça fonctionne. Le net a été annoncé par le discours du budget, et nous reviendrons plus tard pour la ventilation, et, en ce sens, on adopte les crédits qui sont connus, ventilés, annoncés tel que prévu.

Et, lorsque viendra le budget supplémentaire, nous aurons une séance de travail – c'est toujours comme ça que ça procède – habituellement, de quelques heures. Ça va jusqu'à sept heures, je pense, si mon souvenir est bon, même plus quand on a un budget supplémentaire, parce que, parfois, j'oublie les heures, et tout. Mais enfin, il y a quand même un nombre d'heures considérable, et, comme ce sera un sujet important, j'imagine qu'on devrait passer un petit moment ensemble. Bon. Et, à ce moment-là, on verra, d'une façon très fine, les ventilations. Mon intention, c'est que, d'ici un mois, tout ça soit fait. On se comprend? Ça donne donc une échéance. D'ici un mois, je voudrais que cela soit fait.


Transformation de garderies privées en garderies sans but lucratif (suite)

Oui, ce sont des hypothèses qui sont à envisager, tel que vous le mentionnez, à savoir s'il y aura de l'aide à la transformation, la reconnaissance comme s'il apparaissait une nouvelle organisation. Ce sont des avenues qu'on explore actuellement, bien sûr, et sur lesquelles on pourra revenir lorsqu'on aura bien attaché les fils, ce qui ne saurait tarder si nous pouvons continuer à bien travailler avec les regroupements de garderies. Je pense que c'est possible de le faire, et, même si ce n'était pas le cas, bien, à ce moment-là, ça nous donne tout simplement plus de latitude. Mais ce n'est pas nécessairement de l'intérêt des regroupements, parce que les absents... On a tort, hein, quand on n'est pas là. Mieux vaut être là. Bon. Est-ce qu'il y aura des crédits prévus pour la conversion? Oui, il y en aura dans le budget. Je pourrai en donner la ventilation lorsque nous le déposerons, et il n'y aura rien de caché. On se comprend bien? De toute façon, on ne peut pas le faire. Puis ce n'est pas souhaitable qu'on le fasse, et on ne le fera pas. Bon. Il y a une idée que j'avais qui m'a échappé. Donc, on viendra avec une ventilation des différentes sommes, où elles s'allouent et comment.

C'est sur cela que je voulais revenir. Si, effectivement, on doit aussi revoir certaines parties de l'allocation unifiée suite au budget fédéral, il reste qu'il y a par ailleurs aussi certaines remarques qui nous ont été faites sur l'allocation unifiée. Si nous pouvons corriger certains aspects irritants, nous le ferons. Alors, on essaie de prendre le temps pour vraiment refaire une bonne planification dans ce sens-là et essayer de faire en sorte que tout ça s'engage, je dirais, positivement comme changement.

M. Kelley: Selon les manchettes, la présidente suit ça de près, alors...

Mme Marois: La présidente, elle suit ça de très, très près, et...

M. Kelley: La présidente de la commission.

La Présidente (Mme Malavoy): Juste un petite aparté...

Mme Marois: Oui, mais je sais qu'elle le sait, et elle a raison puis elle fait ça très bien, hein? J'aime bien, d'ailleurs, être suivie de près par et avec mes collègues parce que c'est ensemble qu'on les bâtit, les politiques puis, après, c'est ensemble qu'on les vit et qu'on doit les présenter aussi à nos concitoyens et concitoyennes. Et je suis très à l'aise avec ça. Il n'y a pas de problème.

M. Kelley: Une autre question. Dans votre planification sur ça, une revendication de plusieurs de ces propriétaires de garderies, c'est: Est-ce qu'il y a moyen de prévoir dans la transformation qu'ils puissent continuer de travailler dans le métier? Parce qu'il y en a plusieurs qui aiment travailler avec les enfants, et, juste au niveau théorique, je vois que ça va être très difficile, vu qu'ils sont propriétaires des actifs, d'être impliqués des deux côtés parce qu'ils doivent négocier avec le comité de parents. Mais ils sont plusieurs qui ne sont pas prêts à prendre leur retraire, au contraire, qui sont dévoués aux enfants.

Et, je le répète, c'est un métier exigeant. Les propriétaires sont là, à la porte, à 7 heures le matin, ils travaillent avec les enfants jusqu'à 18 heures, 18 h 30, le soir. C'est des journées longues. C'est beaucoup de bottes à mettre aux pieds des enfants, des tuques, et tout ça, mais ils aiment faire ça. Ils sont passionnés par ça, même, et ils veulent voir dans la transformation la possibilité de continuer à travailler, et je vois mal où on se dirige maintenant. Il faut qu'ils jouent un rôle de garder leurs actifs où ils ont une partie des deux parties à faire dans la transformation. Ils vont être une des deux parties à la table. Comment, avec cette expertise, on peut avoir une continuité? Parce qu'il y en a plusieurs qui m'ont dit: M. Kelley, peu importe, je veux continuer à travailler avec les enfants. C'est ça que je cherche dans tout ça. Alors, est-ce que vous vous êtes penchée sur cet aspect de la question? Comment est-ce que ces personnes peuvent continuer de partager leur expertise avec la société québécoise?

(15 h 50)

Mme Marois: Alors, c'est très intéressant ce que le député de Jacques-Cartier soulève comme question parce que ça explique aussi en partie, à mon point de vue, la réaction assez vive qu'ont eue certaines garderies à but lucratif aux changements. Parce que, bon, c'est sûr qu'elles en tirent un revenu et qu'elles en tirent un profit, soit-il léger ou plus important, selon le cas. Il y en a aussi qui font des profits un peu plus significatifs. Mais ces personnes sont très dévouées à la tâche et font, dans la grande, grande majorité des cas, un très bon travail et sont très fières de ce travail qu'elles accomplissent.

Et, évidemment, donc, ça amène une insécurité. Au-delà de la question, même, financière, à partir du moment où on trouve une solution à cette question-là, il y a une insécurité humaine qui est de dire: Bien, moi, je pense que je fais bien mon travail, et la preuve en est, d'ailleurs, que j'ai des gens qui fréquentent ma garderie. Si je ne faisais pas bien mon travail, j'imagine qu'ils ne me confieraient pas leurs enfants. Bon. Et ça, je peux très bien comprendre ça, et l'objectif, ce n'est pas que ces gens-là, demain matin, ne puissent pas continuer. Au contraire, c'est que ces personnes puissent continuer à assumer leurs fonctions. Sauf que c'est évident qu'on change le statut des services de garde s'ils se transforment, et il y a un comité de parents qui devient responsable. Mais, écoutez, ça va être le comité de parents qui fréquentent déjà la garderie. Ce ne seront pas des parents inventés quelque part.

Alors, j'essaie de voir concrètement comment – c'est parce que, moi, je suis une femme très pragmatique aussi, hein, très pratique – ça va se passer. Je me dis que c'est les parents qui sont déjà à la garderie, qui ont déjà inscrit leurs enfants et la personne propriétaire et en même temps responsable, directrice qui dit: «Je suis prête à travailler dans une perspective de transformation» qui va rencontrer, j'imagine, certains de ces parents et qui va constituer avec eux une organisation qui va permettre de faire la démarche, bon, etc. Mais j'imagine que, si les parents lui ont déjà fait confiance pour prendre en charge les enfants et que, demain matin, elle continue d'assumer ça comme fonction, ça devrait normalement, tout ça, bien se passer. Je vois ça très positivement et très sereinement, je vous dirais.

Là, sur la question entre les actifs et tout le reste, c'est sûr qu'il faudra qu'elle ait, à l'occasion, cette personne deux chapeaux, mais c'est des choses qui sont possibles. Ce n'est pas impensable. Tant que les choses sont claires, que c'est transparent comme information et que les données sont bien connues, pour le reste, on peut vivre cela. On peut posséder des actifs. Écoutez, de toute façon, ce seront les parents, à ce moment-là, qui seront responsables de la négociation et des discussions avec les gens. Évidemment, l'Office pourra accompagner, aider, soutenir. Mais, moi, je vois ça réalisable, sans trop d'embûches même s'il y en a quelques-unes, bien sûr.

La Présidente (Mme Malavoy): M. le député de L'Assomption, rapidement, et ensuite je vous laisse le reste du temps...

M. St-André: C'est précisément sur le sujet... Si le député de Jacques-Cartier me permet, j'aimerais bien comprendre, parce que ça m'apparaît fondamental, cette question-là. Au fond, ce que la ministre explique, si je comprends bien, c'est que c'est le comité de parents, dans cette nouvelle corporation là sans but lucratif, qui va engager le personnel de la garderie.

Mme Marois: Comme c'est le cas maintenant.

M. St-André: Exactement, tout à fait. Mais on parle dans la perspective d'une transformation, là, parce que le propriétaire, dans une garderie à but lucratif, c'est lui qui décide qui il engage, alors que dans...

Mme Marois: En fait, attention. Dans nos garderies sans but lucratif, après ça, c'est la directrice ou le directeur qui choisit le personnel.

M. St-André: Oui, oui, on s'entend.

Mme Marois: On se comprend. Selon un programme, selon des règles du jeu qu'on s'est données, etc. Mais, c'est vrai, c'est le comité de parents. Cependant, des parents, un jour, qui ont été très heureux d'envoyer leurs enfants dans une garderie dirigée par une personne qui avait des compétences qu'on lui connaissait déjà et qui continuent à fréquenter cette garderie, j'imagine que, quelque part, ces parents sont satisfaits des services qu'ils y trouvent. Il peut arriver, des fois, de dire: Il n'y a pas d'autres services ailleurs, puis je suis obligé d'aller là. Mais je vous dis qu'on sait comment on fonctionne avec nos enfants, hein? On ne fait pas des choix de cet ordre-là très souvent. On choisit la garderie et puis, en plus, on fait des remarques, généralement, quand on n'est pas content, puis on le dit, puis etc. Moi, le sentiment que j'ai, c'est que, à partir du moment où on prend pour acquis qu'il y a de la compétence, qu'il y a un service de qualité, que les parents l'utilisent, demain matin, ils vont continuer à vouloir utiliser ce service de qualité dirigé par la personne qui est là. Il y a comme une espèce de logique dans ça.

M. St-André: C'est important de préciser cette question-là parce qu'il y a beaucoup d'inquiétudes, effectivement, qui circulent chez les propriétaires de garderies à but lucratif actuellement. Puis il y a même des rumeurs qui circulent, et c'est pour ça, je pense, que c'est important de clarifier ce point-là. Il y a des rumeurs qui circulaient à l'effet que l'Office des services de garde à l'enfance...

Mme Marois: Ah non! On ne commencera pas à se mêler de ça.

M. St-André: ...empêcherait que des comités de parents puissent engager d'ex... Alors, ça, là, on dissipe tout malentendu de ce côté-là?

Mme Marois: Ah oui! Complètement. Et, je le répète, si je peux le dire haut et fort, écoutez, ce n'est pas une chasse aux sorcières. Loin de là, au contraire. Et, donc, les parents, comme je l'ai dit, qui ont été satisfaits un jour, j'ai un peu de difficulté à les imaginer, tout d'un coup, devenir très insatisfaits de la personne qui est là et ne pas continuer à travailler avec cette personne-là. Mais ce sont eux, oui, ce n'est pas l'Office.

La Présidente (Mme Malavoy): Rapidement, s'il vous plaît, parce qu'il reste peu de temps.

M. St-André: Juste une courte question. Je finis là-dessus. Quand on parle de la négociation dans le cadre des actifs, c'est clair qu'il y a certaines personnes qui vont se retrouver, probablement, à porter deux chapeaux. Mais on s'entend bien sur une chose, par exemple, en ce qui concerne le transfert des actifs, c'est une négociation qui va se tenir une fois, puis, une fois que la négociation est terminée, c'est fini?

Mme Marois: Bien oui, c'est évident.

M. St-André: Merci.

La Présidente (Mme Malavoy): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste une précision sur ça. Mais, si les parents optent pour une location à long terme et que le propriétaire est choisi comme gérant, le gérant est en conflit d'intérêts. Et ça va être très difficile. On peut dire, dans le meilleur des mondes, qu'il n'y a jamais de problèmes entre les locataires et les propriétaires dans notre société, mais j'ai travaillé au ministère des Affaires municipales pendant quelques années, et il y a quelques chicanes que j'ai vues entre les locataires et les propriétaires. Ça existe dans notre société. Si, moi, je suis parent et que je dis à mon gérant ou à ma gérante: On a des problèmes, le toit coule ou on n'est pas satisfait avec l'enlèvement des déchets, et la gérante est également la propriétaire, alors la gérante va se parler à elle-même en disant: Je pense que vous... Ah non! Mais... Ça ne marche pas.

Et je pense que ce n'est pas si simple que ça. Je sais que la ministre veut prendre un ton rassurant, et tout ça, mais ça va être très difficile. Comme je dis, moi, il y a un autre débat s'il faut faire ça ou non, mais, à l'intérieur de sa propre logique, d'assurer une place pour ces personnes, ce n'est pas si évident que ça parce qu'il y aura toujours la possibilité des conflits d'intérêts. Surtout, si on tombe dans une situation de location, il y aura toujours des chicanes locataires-propriétaires. C'est normal, ça arrive. Et je ne vois pas comment on peut facilement faire tout ça. Avec tout le respect, Mme la ministre, je pense que ça va être beaucoup plus compliqué.

Et ce n'est pas l'insécurité de ces personnes, c'est la panique de ces personnes. Alors, si elles arrivent à une table avec un avocat, et tout ça, qui gagne un certain salaire, sans doute, comme plusieurs avocats dans notre société, ils ne font pas ça juste pour compliquer la vie de Mme Bédard, ils font ça parce que, effectivement, ils sont en panique quant à leur avenir et quant au dévouement qu'ils ont à un certain métier. Alors, il faut comprendre ça. Et on peut être rassurant, mais je pense que, dans la logique même, il y a toujours des négociations. Et ce n'est pas simple comme le député de L'Assomption l'a dit – une fois que la négociation des actifs est faite, c'est complet – parce que, si c'est une location, si c'est quelque chose à moyen terme, il y a toujours cette possibilité que ça va être trop difficile de supporter les deux chapeaux en même temps.

Mme Marois: Non, je suis consciente aussi de ces risques que cela pose, mais ça peut toujours se baliser, ça, à mon point de vue. Les conflit d'intérêts, ils arrivent quand? Ils arrivent quand on a un intérêt double, bien sûr, mais parfois dans des situations comme celle-là, et, normalement, dans des situations comme celle-là, on est capable de se donner un encadrement et d'établir un certain nombre de balises et de critères qui font que l'on dissocie, je dirais, certaines fonctions et que, avec ces balises, on peut gérer ce risque de conflit d'intérêts pour l'éliminer au complet.

(16 heures)

Et Mme Bédard me soulignait en vous entendant, elle me disait: C'est justement ce genre de choses que l'on veut préciser, et c'est pour ça qu'on veut être capable d'en discuter à la table à ce moment-ci pour voir quelles seraient les hypothèses et puis essayer de voir, dans le meilleur des mondes, ce qu'on peut faire. Écoutez, moi, j'aimerais ça qu'on soit au clair aussi là-dessus. L'idée, ce n'est pas d'aller pénaliser les gens, de les tasser, puis de dire: On ne reconnaît pas ce que vous avez puis on ne reconnaît pas la valeur de vos investissements. Puis on ne reconnaît pas la valeur de votre travail. Puis, dans le fond, ce qu'on veut, c'est vous virer. Ce n'est absolument pas l'attitude que nous avons. On a une philosophie, je le dis et je n'y reviens pas. Mais, à partir de là, on ne veut pas nécessairement pénaliser les gens, et surtout pas pénaliser les gens.

Alors, essayons de trouver la façon de faire qui va donner satisfaction aux personnes qui sont actuellement propriétaires de ces garderies à but lucratif, qui ont investi – je comprends ça, ça aussi – et prévoyons l'avenir, comment on va gérer la suite des choses. Les problèmes que vous soulevez sont des problèmes réels, mais je pense qu'il y a possibilité de trouver une solution à cela, et c'est en échangeant avec les gens des regroupements qu'on pourra avoir des pistes en ce sens, et, nous, on les traduira par une proposition formelle. Mais si on est là pour en parler. Et, moi, je trouve qu'on n'a pas de raison de paniquer, parce que ce qui aurait été très, très paniquant, c'est de dire: Bien, voilà, merci beaucoup. Nous, on ne veut rien vous offrir puis on ne veut pas discuter avec vous. C'est votre trouble, on implante les...

Parce qu'on aurait pu faire ça aussi, ce qui n'a pas beaucoup d'allure. On aurait pu dire: On implante, nous, notre nouveau système, puis vous vous débrouillez. Or, je n'ai jamais dit ça. On a dit: On implante un nouveau système, et il aura un impact sur les garderies à but lucratif. Nous voulons en débattre et avoir des propositions à leur formuler. On n'a pas dit: Merci beaucoup, on est bien heureux, on est bien content. Non, pas du tout. Mais, non seulement ça, il y a une plage ouverte à ce moment-ci, qui n'était pas aussi clairement ouverte, en tout cas qui se fermait beaucoup plus lorsqu'on avait envisagé l'ensemble des mesures reliées à la politique familiale, c'est le crédit d'impôt remboursable. Et, donc, si on travaillait en disant, comme je le mentionnais: On veut vous tasser puis sans aucune reconnaissance sur ce que vous avez fait, on n'aurait sûrement pas l'attitude qu'on a eue jusqu'à maintenant.

C'est tendu, cependant, je le vois bien et vous le voyez aussi. C'est tendu, il y a des oppositions, on voudrait avoir des réponses à tout, tout de suite surtout. Et, nous, on le fait en toute bonne foi, en prenant la peine de faire correctement les choses. On souhaite, au contraire, que les parents, justement, puissent retenir les personnes en qui ils font confiance maintenant, pour leurs enfants, au sein de l'institution nouvelle qui se créera ou qui se constituera. C'est ça, la philosophie qu'on a, puis l'Office n'a pas l'intention de se substituer aux parents, là. Je me dis, on en a plein les bras, déjà, avec ce qu'on a comme responsabilités, on ne va pas en rajouter.


Remarques finales

La Présidente (Mme Malavoy): Le temps est presque écoulé. Est-ce que vous souhaiteriez conclure, M. le député?

M. Kelley: Est-ce que c'est prévu, quelques remarques de conclusion ou...

La Présidente (Mme Malavoy): Si vous le souhaitez, je vous l'offre et je l'offrirai à Mme la ministre avant qu'on passe à l'adoption du programme.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Oui, juste en terminant, je pense qu'on est allé sur les éléments de la réforme les plus essentiels. Il reste beaucoup d'autres questions. Moi, je vais continuer d'insister, d'utiliser tous les forums possibles pour soulever ce débat. Je reviens toujours à la demande que, quand tous les morceaux de ce casse-tête seront mis en place, je pense, devant cette commission ou une autre commission, les parlementaires puissent regarder l'ensemble de la politique familiale. Ce serait souhaitable parce que c'est un travail difficile, un travail où on cherche un petit peu les chiffres. J'essaie de les calculer le plus rapidement possible, de deviner, d'estimer, mais je préférerais faire quelque chose d'une façon beaucoup plus ordonnée pour voir ce qui arrive à la famille à 35 000 $, ce qui arrive avec la famille avec 40 000 $. J'aimerais voir les questions claires, précises, qu'on mette tout ça ensemble pour regarder une famille qui n'utilise pas un service de garde, qui a 35 000 $, c'est quoi le net, net dans tout ça.

Je pense que c'est un exercice très important. J'aimerais avoir l'occasion de le faire, et, comme je l'ai dit aussi, je comprends fort bien l'engagement de la ministre pour le Conseil de la famille, mais on se limite aujourd'hui à une discussion sur les services de garde. C'est un débat très important, j'en conviens, mais il y a beaucoup d'autres choses, et, je veux répéter, entre autres, partisanerie à part, que je pense que, derrière le virage ambulatoire, il y a une demande énorme faite auprès de nos familles quant aux soins des personnes, à la nécessité des répits. Nous avons vu ça à la fois pour les parents des enfants handicapés ou pour les enfants des parents âgés et toutes les exigences que ça comprend.

Et, avec le virage ambulatoire, toute la notion de désinstitutionnalisation, il y a un fardeau additionnel émotif, de temps, de ressources financières pour la famille, et je pense qu'il faut être conscient de ça. Je pense que c'est quelque chose où nous devrons regarder ce qu'on peut faire, parce que la chose qui m'a frappé comme candidat recrue, la première fois, en 1994, c'était, juste en faisant le porte-à-porte, le nombre de familles qui sont touchées par une personne, un époux, une épouse frappée par l'Alzheimer, des maladies chroniques, qui sont à la maison. Je sais que nos CLSC, nos programmes de maintien à domicile essaient de combler les besoins, mais ils sont insuffisants, et, avec le virage ambulatoire, je pense qu'on va augmenter ce fardeau pour les familles qui, au-delà du fardeau fiscal, comme je dis, est un fardeau, sur le plan émotif, important. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à regarder d'autres volets d'une politique familiale, parce que la petite enfance, la ministre l'a dit, j'en conviens, c'est juste un volet, mais il y a des besoins criants. Il y a de plus en plus, dans les familles, les parents épuisés, le stress, et tout ça, et nous devrons regarder ça davantage, parce que...

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît.

M. Kelley: Oui, juste en conclusion, je pense qu'il y a ces volets et je pense entre autres que, à un coût modeste, le Conseil de la famille a toujours partagé une perspective distincte sur ces genres de questions. Je suis heureux que ça n'ait pas été fusionné avec le Conseil des aînés ou les autres possibilités qui étaient dans l'air il y a un an, mais je pense qu'on a tout intérêt à procéder à une bonification des travaux du Conseil. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie. Mme la ministre, un mot de conclusion si vous le souhaitez.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Oui, très brièvement. J'accueille favorablement les propos de mon collègue de Jacques-Cartier, comme ceux de mes collègues du côté gouvernemental. Je pense qu'on a eu une discussion sereine et intéressante sur l'avenir de la politique familiale au Québec et de certains de ses éléments et de certaines de ses institutions. Je reste disponible pour qu'on ait des échanges plus en profondeur sur toutes ces questions, parce que ce sont des dossiers à facettes multiples. Il ne s'agit pas, je dirais, d'un sujet unique où, une fois qu'on a défini qu'on va d'un point a à un point b, on choisit le revêtement de la route et la qualité de ce revêtement et on dit: Voilà, la route sera construite.

Une politique familiale, c'est une multitude d'embranchements différents avec des réalités propres à chaque univers, et, en ce sens-là, ça demande justement une grande capacité, je dirais, d'intégration, de concertation et une vision et une perspective pour que les familles sentent où nous voulons aller avec elles, ce que nous sommes prêts à faire comme bout de chemin, comme gouvernement, ce qu'on est prêt à offrir, un peu comme lorsque j'ai repositionné, cet après-midi, la question des services à la petite enfance. Il y a une philosophie derrière ça, il y a une volonté et il y a une orientation. Je crois qu'il faut retrouver cela. C'est implicite actuellement. Il faut peut-être se le redire et le réarticuler au niveau de la politique familiale dans son ensemble, et c'est un des mandats que je me donne à moi-même, parce que je pense qu'il est important qu'on reconsolide tout ça. Le Secrétariat est déjà associé, le Conseil le sera aussi. Alors, merci, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie.

Mme Marois: ...et merci aux collègues de la commission de même qu'aux personnes qui m'ont accompagnée pour me permettre de vous donner les informations que vous avez obtenues aujourd'hui.


Adoption des crédits

La Présidente (Mme Malavoy): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant mettre aux voix le programme. Est-ce que le programme 1, intitulé Services à l'enfance et à la famille est adopté?

M. St-André: Adopté.

M. Kelley: Sur division.

La Présidente (Mme Malavoy): Adopté sur division. J'ajourne la séance. Pardon! Est-ce que les crédits budgétaires de la Famille et de l'Enfance pour l'année financière 1997-1998 sont adoptés?

M. St-André: Adopté.

M. Kelley: Sur division.

La Présidente (Mme Malavoy): J'ajourne donc la séance de la commission des affaires sociales jusqu'à demain matin, 9 heures, où nous entreprendrons l'étude des crédits de la Sécurité du revenu.

(Fin de la séance à 16 h 9)


Document(s) related to the sitting