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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, May 6, 1997 - Vol. 35 N° 81

Consultations particulières sur le projet de loi n° 39 - Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui (titre modifié)


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Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Remarques finales


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Rémy Désilets
Mme Solange Charest
*Mme Lise Hébert, Fédération québécoise des sociétés Alzheimer
*M. Pierre Deschamps, idem
*Mme Linda Furlini Mulé, idem
*M. Charles Bernard, CMQ
*M. Rémi H. Lair, idem
*M. Denis Lepage, idem
*M. Louis Letellier de St-Just, FCLSCQ
*M. Denis Perras, idem
*Mme Suzanne Pelchat, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures sept minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Nous avons le quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières – on devrait dire «terminer cette partie-ci» – et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. L'ordre du jour est adopté, à moins d'avis contraire. Alors, j'invite immédiatement Mme Hébert, directrice générale et représentante de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, à commencer votre présentation et présenter les gens qui vous accompagnent.


Auditions


Fédération québécoise des sociétés Alzheimer

Mme Hébert (Lise): Très bien, merci. Alors, M. le Président, mesdames, messieurs, nous sommes très heureux aujourd'hui de représenter la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer et tous ses membres dans le cadre des audiences publiques de la commission des affaires sociales.

J'aimerais vous présenter, immédiatement à ma droite, Mme Linda Furlini Mulé, présidente de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, et à ma gauche, Me Pierre Deschamps, professeur à la faculté de droit de l'Université McGill et membre du comité consultatif de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer.

Vous avez, avant la tenue de ces audiences, pris connaissance du mémoire qui vous a été soumis dans le cadre de la consultation sur le projet de loi, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives.

Essentiellement, le projet de loi vise à compléter les dispositions actuelles du Code civil du Québec qui concernent, premièrement, la garde en établissement d'une personne qui, en raison de son état mental, présente un danger pour elle-même ou pour autrui. Et, deuxièmement, l'examen psychiatrique visant à déterminer la nécessité d'une telle garde, de même que l'aptitude d'une personne à subir son procès.

Mais ce projet de loi va au-delà de ce que je viens d'énoncer car il assujettit à un même ensemble de règles l'aptitude d'une personne à subir son procès et sa détention sur ordonnance du tribunal... et non pas l'aptitude, mais son degré de dangerosité.

(9 h 10)

Considérant que vous avez déjà pris connaissance de notre mémoire, nous aimerions vous présenter, ce matin, des considérations importantes se rapportant à de principaux éléments tirés du mémoire tels que présentés par la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer et qui ont, à notre avis, une portée significative sur les personnes qui sont atteintes et touchées par la maladie d'Alzheimer.

Mais, tout d'abord, qu'est-ce que la maladie D'Alzheimer? C'est une maladie neurologique, donc d'ordre organique, qui implique la dégénérescence de cellules vitales au cerveau, principalement les neurones. Les atteintes pour la personne qui souffre de l'Alzheimer sont au niveau de la cognition, de son fonctionnement quotidien, de ses comportements, de l'affect et, évidemment, de déficits neurologiques. La neuropathologie nous enseigne que le cerveau des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer est infiltré par des plaques séniles, des enchevêtrements neurofibrillaires, et que toute cette neuropathologie engendre des déficits de neurotransmetteurs.

Ultimement, cette maladie aboutit à la mort. Au moment où l'on se parle, c'est 1 % de la population québécoise qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer et c'est également la quatrième cause de décès chez les personnes âgées. Des 60 000 personnes qui sont présentement atteintes de la maladie d'Alzheimer, ce chiffre triplera, et ça, dans les 20 prochaines années.

Sa cause est encore inconnue et il n'y a pas de traitement outre le fait qu'elle soit symptomatique. Évidemment, les victimes cachées de cette maladie sont également les aidants naturels, dont 40 % souffrent de dépression grave. Pourquoi? Parce qu'ils sont isolés, parce qu'ils ne sont pas validés dans leur intervention quotidienne, et par le manque de ressources suffisantes et adéquates pour pallier au fardeau qu'engendre la maladie d'Alzheimer.

Elle fait ses ravages partout, dans toutes les strates de la société et quelle que soit l'origine ou l'ethnicité de la personne. C'est ce qu'on appelle une maladie démocratique, entre guillemets. Elle touche des figures publiques; on a qu'à se référer à l'ancien président des États-Unis, M. Ronald Reagan, qui souffre de la maladie d'Alzheimer, et, plus près de nous, du député du Nouveau-Brunswick, M. Maurice Dionne. C'est donc une maladie envahissante qui nous concerne tous. C'est vous, c'est nous qui sommes touchés maintenant par cette maladie.

Cette maladie organique engendre chez certaines personnes des manifestations neuropsychiatriques qui parfois sont à l'origine d'un degré de dangerosité pour elles-mêmes ou pour autrui. Et c'est pour cette raison que nous avons cru faire valoir les besoins inhérents se rapportant à la maladie d'Alzheimer, et qui doivent être considérés dans la rédaction de la loi.

Nous aimerions souligner les intentions nobles du législateur en déposant le projet de loi n° 39. Nous désirons toutefois vous faire part des inquiétudes que ce projet de loi soulève en regard des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer.

Le projet de loi et le Code civil du Québec sont appelés, à cet égard, à régir des situations où une personne, habitant chez elle, devient un danger pour elle-même ou pour autrui et où il devient nécessaire qu'elle soit évaluée pour statuer de son degré de dangerosité et comment la contrôler.

Le projet de loi et le Code civil du Québec sont également appelés à régir des situations où des personnes se trouvant déjà en établissement de santé et qui représentent un danger pour elles-mêmes ou pour autrui ne veulent pas y demeurer. Les inquiétudes que nous désirons soulever se rapportent principalement au titre du projet de loi ainsi qu'aux articles 2, 8, 9 et 24, et j'y reviendrai un à un.

D'entrée de jeu, nous aimerions vous parler du titre de ce projet de loi. Comme je le précisais auparavant, la maladie d'Alzheimer est une maladie organique qui peut comprendre des manifestations neuropsychiatriques menant parfois à des situations où le danger prédomine. En conséquence, les gens qui sont atteints de maladie d'Alzheimer ne sont pas des personnes atteintes de maladie mentale mais bien d'une maladie organique, dont l'état mental peut parfois les amener à poser des gestes qui peuvent représenter un danger pour elles-mêmes et pour autrui.

Alors, afin de prendre en considération cette distinction, nous croyons opportun de proposer que le titre de ce projet de loi soit révisé pour respecter et refléter la réalité des multiples problématiques qui sont concernées par ce projet de loi.

Le premier article dont j'aimerais vous entretenir est l'article 2, soit l'examen psychiatrique, et qui se lit comme suit: «Tout examen psychiatrique auquel une personne est tenue de se soumettre en vertu de la loi ou d'une décision du tribunal doit être effectué par un psychiatre. Toutefois, s'il est impossible d'obtenir les services d'un psychiatre en temps utile, l'examen peut être fait par tout autre médecin.

«Celui qui fait l'examen ne doit être ni un conjoint ni un proche parent de la personne qui subit l'examen ou qui en a fait la demande.»

Si l'on veut respecter les philosophies sous-jacentes qui ont donné lieu à deux réformes législatives récentes, soit le Code civil du Québec et la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui stipulent les droits fondamentaux des individus et qui définissent la place du citoyen, nous croyons que l'accent doit être mis dans un premier temps sur l'évaluation du degré de dangerosité et, dans un deuxième temps, que cet examen en soit un d'ordre médical et psychosocial et non pas psychiatrique.

Nous croyons qu'une évaluation médicale et psychosociale permettra dans un premier temps de mieux évaluer l'état mental menant à un état de dangerosité pour déterminer si la personne doit être ou non mise sous garde. Ce type d'évaluation permet également d'englober le contexte des soins de santé requis par la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, incluant toutes les activités de la vie quotidienne, les relations interpersonnelles, la communication verbale ou non verbale, le respect, l'individualité et la fierté.

Dans le cas où la personne doit être mise sous garde, nous reconnaissons qu'un examen psychiatrique s'impose, en maintenant toutefois la collaboration étroite et obligatoire avec l'équipe de la première évaluation.

Le travail interdisciplinaire entre le médecin, l'équipe psychosociale et, s'il y a lieu, le psychiatre permettra de mettre en place un programme détaillé de soins se basant sur les résultats de l'évaluation ainsi que de refléter les points forts et les besoins de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer et de ses proches.

L'autre article que nous aimerions porter à votre attention est l'article 8, qui a trait aux agents de la paix et qui se lit, partiellement, comme suit: «Un agent de la paix peut, à la demande du titulaire de l'autorité parentale, du tuteur au mineur ou de l'une ou l'autre des personnes visées par l'article 15 du Code civil du Québec et s'il a des motifs sérieux de croire que l'état de santé mentale de cette personne présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui, amener une personne contre son gré auprès d'un établissement visé à l'article 6.»

Nous croyons qu'il serait important et nécessaire de modifier le libellé de cet article parce que, bien que l'on conçoive facilement que l'on doive par moment amener quelqu'un dans un établissement et que l'on doive faire appel à un agent de la paix, pour une personne qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer, se faire amener, entre guillemets, dans une auto ou une voiture de police peut tout simplement accentuer les comportements difficiles se rapportant à la maladie d'Alzheimer et peut donc déranger énormément même les services qui s'ensuivront.

Alors, pour responsabiliser la famille à prendre les actions nécessaires, nous aimerions conseiller la modification suivante, qui se lirait comme suit: «...le conjoint d'une personne qui présente, en raison de son état mental, un danger imminent pour elle-même et pour autrui, un proche parent ou toute autre personne qui manifeste un intérêt particulier pour la personne peut demander l'aide d'un agent de la paix afin de faire admettre contre son gré cette personne dans un établissement pour fins d'évaluation médicale et psychosociale ou pour examen psychiatrique.»

Nous croyons que cette modification maintient le sens de l'article original mais permet au conjoint, aux proches, aux mandataires, au titulaire ou au représentant légal de faire appel lui-même à l'aide et peut-être même de faire appel au 9-1-1 plutôt qu'à un agent de la paix. Alors, c'est donc une recommandation en ce sens.

(9 h 20)

Maintenant, le troisième article est l'article 9, qui s'intitule: Garde autorisée par un tribunal en application de l'article 30 du Code civil du Québec. L'article mentionne que seuls les établissements exploitant un centre hospitalier, un centre de réadaptation, un centre d'hébergement et de soins de longue durée ou un centre d'accueil et disposant des aménagements nécessaires pour recevoir et traiter les personnes atteintes de maladie mentale peuvent être requis d'admettre une personne sous garde à la suite du jugement du tribunal rendu en application de l'article 30 du Code civil du Québec.

Nous devons manifester nos inquiétudes et vous sensibiliser dans le choix des établissements jugés adaptés à l'inscription et\ou à la mise sous garde d'une personne dont l'état mental représente un danger pour elle-même ou pour autrui. Si cette personne souffre de la maladie d'Alzheimer, les critères de sélection des établissements pouvant accepter ces personnes doivent respecter des conditions d'aménagement physique, humain et spécialisé beaucoup plus élevées que la moyenne. Comme mentionné dans le mémoire, l'environnement doit réduire l'état confusionnel, les ressources humaines doivent être supérieures et l'on doit faire appel aux ressources communautaires.

Maintenant, en ce qui a trait à l'article 24, qui traite des mesures de protection et qui se lit comme suit: L'utilisation dans une installation maintenue par un établissement de santé et de services sociaux de la force, de l'isolement, des moyens mécaniques ou des substances chimiques pour empêcher une personne atteinte de maladie mentale, qu'elle soit sous garde ou non, de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions, doit être minimale et doit tenir compte de l'état physique et mental de la personne.

À ce chapitre, nous croyons qu'à quelque étape du processus d'application de la loi et des soins pour les personnes atteintes de maladies mentales il est essentiel que l'utilisation des contentions ne soit pas, non pas minimale, mais bien une mesure d'exception.

Dans le cas d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, les comportements qui nécessitent des contentions chimiques ou physiques peuvent souvent être éliminés par la mise en place de dispositions comprenant un environnement sûr, du personnel formé et de bons programmes médicaux et psychosociaux.

En conclusion, ce projet de loi a des impacts importants pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et sur leurs proches. La maladie d'Alzheimer soulève la question de l'incapacité mentale et le déficit des facultés cognitives. La maladie d'Alzheimer affecte également tous les aspects de la vie de la personne atteinte et de ses proches. En conséquence, les soins de santé et les services sociaux, ainsi que les normes législatives élaborées doivent donc respecter de la même façon tous les aspects de leurs besoins.

Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme Hébert. J'invite maintenant M. le ministre de la Santé et des Services sociaux à débuter l'échange.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Je veux d'abord vous remercier beaucoup d'être venus nous rencontrer et d'avoir préparé un mémoire qui fait le tour de l'ensemble du projet de loi. Comme vous le dites dans votre introduction, la maladie d'Alzheimer est un problème de santé important. On n'en connaît pas la cause. On connaît encore mal son histoire naturelle, je pense, et, avec le vieillissement de la population, quand on va dans des établissements de soins de longue durée, on s'aperçoit que, pour une grande majorité de personnes, l'autonomie est perdue à cause d'un problème intellectuel plus que d'incapacité physique.

Il y a seulement une clarification ou deux. J'aimerais vous demander de nous préciser, à la suite de votre présentation, quant au titre de la loi, d'abord, vous suggérez qu'on ait un titre qui puisse refléter plus les différents aspects de la maladie mentale. C'est toujours la difficulté quand on choisit un titre à une loi ou à d'autres choses de vouloir être succinct, d'une part, mais d'être le plus complet possible et de ne rien laisser tomber. Là, on parle de malade mental. Vous avez peut-être des idées? Si vous y avez réfléchi, dans quel sens... à moins que j'aie manqué, là, vous ne nous suggérez pas un autre titre? Si vous pouvez nous suggérer dans quelle piste on doit chercher pour améliorer le titre de la loi, je pense que ça pourrait nous aider beaucoup.

Deuxième question – je pense que je vais la poser tout de suite, M. le Président, ça permettra peut-être d'enchaîner les réponses – qui est en lien avec vos commentaires au sujet de l'article 8. Vous suggérez que l'article puisse, si j'ai bien compris, là, identifier plus de personnes qui seraient des personnes significatives qui puissent demander si besoin l'intervention d'un agent de la paix pour aider. Maintenant, l'article 8 tel qu'il est libellé fait référence à l'article 15 du Code civil en disant que: en plus de la personne qui est titulaire de l'autorité parentale, du tuteur, dans le cas d'un mineur, ou toute autre personne visée par l'article 15 du Code civil...

Est-ce que les personnes que vous suggérez qui doivent être visées ne sont pas déjà celles qui sont mentionnées aussi à l'article 15 du Code civil? La référence au Code civil, j'avais l'impression que ça rejoignait votre suggestion. Il y a peut-être quelque chose qu'on a manqué. Ça serait les deux éléments que j'aurais, pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. Deschamps.

M. Deschamps (Pierre): M. le ministre, pour ce qui est du titre, un titre qu'on pourrait suggérer – mais, je suis d'accord avec vous pour dire que, avec le peu de mots qu'on a à mettre dans un titre, c'est souvent difficile – ça pourrait être la «Loi concernant les personnes présentant un danger pour elles-mêmes ou pour autrui». Alors, je comprends que ce n'est pas tout à fait complet, mais l'accent est plus mis sur les personnes que sur la maladie mentale et l'ensemble du projet touche beaucoup aux personnes qui présentent un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Je vous donne ça comme suggestion.

En ce qui concerne l'article 8, le problème que l'on y voit, c'est que, d'entrée de jeu, on part avec un agent de la paix. Ce qui est suggéré, c'est «des personnes», en quelque sorte, de l'article 15 du Code civil, mais c'est de dire que ces personnes-là peuvent faire appel à un agent de la paix qui peut aider à amener une personne dans un établissement de santé. La crainte que l'on exprime, c'est qu'un agent de la paix, se sentant autorisé par l'article 8, puisse aller chez quelqu'un, prendre la personne, la mettre dans la voiture de police et l'amener à l'hôpital en voiture de police plutôt qu'en ambulance. C'est une crainte que l'on a au niveau de ce que ça pourrait entraîner comme interprétation. Alors, il s'agit, plutôt que de commencer avec l'agent de la paix, on garde la substance de l'article et c'est de dire que quelqu'un peut faire appel à un agent de la paix pour l'aider à amener dans un établissement de santé une personne. C'est là qu'est le sens de la suggestion que l'on fait, pour éviter de mettre trop l'accent sur le pouvoir de l'agent de la paix, mais plutôt aller dans le sens du Code civil et de dire: la responsabilité appartient aux aidants immédiats, et de mettre, disons, l'accent là-dessus.

M. Rochon: M. le Président, je voudrais une clarification, là, mais c'est vous le juriste, Me Deschamps. Je ne veux pas argumenter avec vous, là, mais juste bien vérifier. L'article dit: «Un agent de la paix peut, à la demande du titulaire de l'autorité parentale [...] et s'il a des motifs sérieux de croire...» Ça semble être les deux balises.

M. Deschamps (Pierre): Non, mais, si on continue, «amener...»

M. Rochon: C'est ça, mais «il peut, à la demande [...] et s'il a des motifs [...] amener...»

M. Deschamps (Pierre): Oui, mais, moi, ma crainte, c'est de voir un agent de la paix qui va amener manu militari quelqu'un qui est atteint de la maladie d'Alzheimer dans sa voiture de police, avec ce que ça comporte, et que la personne arrive à l'hôpital dans la voiture de police plutôt que, je dirais, en ambulance. Ce que l'on suggère, si je reprends le libellé, c'est que le conjoint et, je pense, les autres personnes puissent demander l'aide d'un agent de la paix afin de faire admettre contre son gré cette personne dans un établissement. Donc, l'agent de la paix est appelé, mais il ne fait qu'aider et ce n'est, ultimement, non pas en voiture de police, mais plutôt en ambulance que la personne serait amenée. C'est la crainte que l'on a et c'est une nuance. Peut-être, comme on dit, on ne révise pas l'article de fond en comble, mais c'est pour être soucieux d'éviter, éventuellement, des problèmes d'autorité policière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Rochon: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Brome-Missisquoi.

(9 h 30)

M. Paradis: Oui. Peut-être dans la même foulée ou dans le même sens, au-delà du titre, parce que parfois, le titre, ça traduit également une orientation, dans un projet de loi. Dans le mémoire soumis, vous y allez de façon assez drue, là, en disant: Votre approche est psychiatrique, si je peux résumer ainsi, elle n'est pas psychosociale, et vous faites fausse route. Là, on parle plus que du titre du projet de loi, là, on parle d'une remise en question de l'approche médecine dure – si je peux utiliser l'expression – à une approche psychosociale.

Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, si le projet de loi est mal orienté dans sa base même, même si on fait quelques ajustements par la suite, on part d'une mauvaise assise, finalement.

Mme Hébert (Lise): Je peux commencer et, ensuite, la présidente va poursuivre. Ce qu'on suggère, c'est que, lorsqu'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer est en situation de crise et qu'on doive faire appel à la loi pour enclencher un processus, nous croyons sincèrement qu'un processus identifiant l'examen psychiatrique comme première étape, d'entrée de jeu, fait fausse route.

Nous croyons que, si le premier examen est d'ordre médical et psychosocial, il serait possible de déterminer l'état de dangerosité sans avoir recours à l'examen psychiatrique et ça permettrait dès le départ de commencer à statuer sur la forme de soin à donner à cette personne-là, d'entrée de jeu.

Alors, si, tout de suite, on a recours aux contentions chimiques par examen psychiatrique et que la personne atteinte de maladie d'Alzheimer se retrouve dans une salle en cure fermée pour 48 heures, d'après notre expérience, les comportements difficiles ne disparaîtront pas en 48 heures. Et c'est pour ça qu'on privilégie définitivement, dans un premier temps, une approche médicale et psychosociale, pour que le respect et la dignité de la personne et que les points forts qui demeurent encore soient assumés dès le départ. Et si on a recours immédiatement à l'examen psychiatrique, les réactions catastrophiques, c'est-à-dire les comportements difficiles qui ont pu initier cet élément de dangerosité, ne vont que s'aggraver.

Alors, dans le cas de notre problématique, c'est pour ça que nous privilégions un examen médical et psychosocial, dans un premier temps. Et si l'on considère que l'état demeure et qu'il y a lieu d'enclencher un second processus, à ce moment-là, l'évaluation doit être évidemment validée et vérifiée par un psychiatre. Et là, les mesures, nous le comprenons, doivent être respectées. Mais, dans un premier temps, nous croyons vraiment que plusieurs des problèmes pourront être solutionnés par un encadrement psychosocial plutôt que psychiatrique et qu'on va même, probablement donc, diminuer les problèmes de cette façon-là.

Je pourrais passer la parole à Mme Mulé.

Mme Furlini Mulé (Linda): J'aimerais juste ajouter que le diagnostic d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer est toujours avec l'élément du psychosocial, et il ne faut pas l'oublier. Et là, ma crainte, c'est que, si on fait simplement un examen psychiatrique, on ne voit pas tous les aspects de la maladie. Et c'est fort possible qu'une personne soit gardée en hôpital et que l'interprétation des symptômes ne se fasse pas comme il le faut. Et le traitement, ensuite, n'est pas adéquat.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Peut-être une question d'information de base. On parle du fait que 1 % de la population est affectée par l'Alzheimer comme tel. Dans ce 1 % là, quelles sont les proportions qui sont en institution, en famille?

Mme Hébert (Lise): En institution, 45 %, et à domicile, 50 %.

M. Paradis: Dans votre mémoire, vous faites référence à toute la question de la contention et vous dites: «Une contention ne devrait jamais être utilisée pour alléger la tâche du soignant.» Et, deux pages plus loin, vous mentionnez: «Le roulement de personnel et de bénévoles devrait être évité.» On comprend votre message, finalement. Dans la perspective – pour la partie de la population en institution – des départs qui vont avoir lieu au cours de l'été dans le personnel accompagnant ces gens-là dans leur quotidien, l'Ordre des infirmières, hier ou ce matin, tirait une sonnette d'alarme au ministère de la Santé en disant du personnel âgé de 50 ans et plus que, dans ces domaines-là, c'est plus de 25 % qui risquent de partir au cours de l'été. Vous, partagez-vous l'avis de l'Ordre des infirmières comme tel ou pensez-vous plutôt, comme le ministre, que tout va bien aller et qu'il n'y a pas de problèmes à l'horizon au cours de l'été?

Mme Hébert (Lise): Une belle situation, Ha, ha, ha! Il est évident que nous sommes inquiets du roulement de personnel et du départ du personnel à suivre dans les établissements hospitaliers, les centres d'accueil, les centres d'hébergement et soins de longue durée. Il est évident que le ratio entre le personnel et les personnes qui sont touchées par la maladie d'Alzheimer va donc être diminué et donc les soins, le temps alloué à la compréhension de la personne qui est atteinte, à son bien-être va être directement affecté. Il y a toute une question également de formation du personnel qui demeurera en place.

Il est évident que présentement les connaissances dans les institutions du personnel infirmier, hospitalier, il y a beaucoup de chemin à faire à cet effet-là. On ne comprend pas bien la maladie d'Alzheimer. On ne comprend pas les impacts, et si, en plus, il y a une réduction de personnel, ça va certainement engendrer des problèmes. On va limiter les déplacements des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer dans ces centres. On doit se poser la question: Y aura-t-il plus de contention pour permettre au personnel qui demeure en place de remplir sa tâche quotidienne? Alors, oui, on doit se poser la question et, oui, on soulève des inquiétudes quant à la qualité de vie des personnes qui y demeureront et qui sont atteintes de la maladie d'Alzheimer. Tout à fait.

M. Paradis: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui, merci, M. le Président. D'abord, juste une mise au point. Le ministre est capable de se défendre tout seul, mais juste pour compréhension, c'est que je suis quasiment placé du même côté de la Chambre que vous, presque, et puis j'ai souvent entendu en période de questions le ministre de la Santé répliquer ou répondre à vos questions, puis je ne l'ai jamais entendu dire qu'il n'y avait pas de problèmes. Je ne l'ai jamais entendu dire ça. On travaille à élaborer des solutions, on travaille à corriger la situation, c'est ce que j'ai toujours compris, mais je ne l'ai jamais entendu dire qu'il n'y avait pas de problèmes. Ce n'est pas tout à fait pareil. Pourtant, je suis du même côté de la Chambre, physiquement, physiquement. C'est pour ça que je pensais que, des fois, en arrière, le son peut être différent, mais, là, je suis...

Une voix: Vous avez une bonne audition.

M. Désilets: Entre-temps, ma question pour Mme Hébert, c'est juste d'ordre général, parce que, souvent dans votre mémoire, vous mentionnez la collaboration ou le travail que le ministère devrait faire avec la Fédération. J'ai deux, trois petites questions avec ça. Les liens que vous entretenez avec le communautaire, est-ce qu'ils sont bons et est-ce que c'est les mêmes liens dans chacune des régions du Québec, avec le communautaire? Et, les services que vous offrez à vos membres ou à ceux atteints d'Alzheimer, est-ce que c'est des services directement que vous, votre association, vous délivrez à vos membres ou si c'est le communautaire qui en fait une partie? Quel lien il y a entre les deux?

Mme Hébert (Lise): D'accord. Alors, la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer est un regroupement de 22 sociétés Alzheimer qui chapeautent presque toutes les régions du Québec. La structure que nous nous sommes donnée, évidemment, nous sommes un organisme communautaire dans tout le sens de la définition telle qu'elle vient d'être adoptée au Secrétariat à l'action communautaire autonome. Nous étions à la table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles pour travailler sur cette proposition. Alors, la Fédération et les sociétés Alzheimer s'inscrivent entièrement dans cette définition en utilisant l'approche globale et en plaçant la personne atteinte et ses proches au milieu, au centre de notre travail et de nos préoccupations.

Les liens que nous entretenons avec le communautaire, c'est donc un lien de collaboration, lorsque nécessaire, et ça va du CLSC jusqu'aux organismes comme les centres d'action bénévole, donc les organismes du milieu. Les sociétés Alzheimer sont très au fait de l'imbrication qu'il doit y avoir pour assurer une qualité de vie aux personnes qui soit sont encore à domicile ou sont déjà en centre d'hébergement et que les familles sont donc aux prises avec des problèmes.

(9 h 40)

Quels sont les services que notre regroupement offre? Alors, à la Fédération, notre organisme est responsable de l'éducation au public, donc tous les programmes de sensibilisation. Nous sommes responsables de développer et d'assurer un bon développement des sociétés déjà en place, donc d'élever les compétences, d'harmoniser les services, etc., dans les sociétés Alzheimer. Nous sommes responsables de la promotion de la recherche et nous sommes responsables de la représentation auprès des autorités concernées au nom des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de leurs proches et des sociétés Alzheimer.

Les services directs auprès des familles, auprès des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et auprès des établissements en région sont assurés par les sociétés Alzheimer, donc par nos 22 membres. D'accord? C'est donc régional. C'est 22 sociétés régionales.

Une voix: O.K.

Mme Hébert (Lise): D'accord? Parce que leur mandat est plus que municipal. C'est vraiment régional. Quand on parle des Laurentides, c'est toute les Laurentides. Quand on parle de la Mauricie, c'est donc toute la région de la Mauricie. Et les services sont très étendus. On parle d'information. On parle de centres de documentation. On parle de médiation. On parle de groupes de soutien. On parle de sessions de formation. On parle de liens avec le réseau. On parle de représentation sur les tables régionales des organismes communautaires, sur les ROCCQ, etc., sur les tables assurant le lien entre les CLSC, etc. On parle, parfois, de répit à domicile, parce que ça prend des ressources financières pour le faire, mais, ça, on le fait habituellement en collaboration avec les CLSC. Ce sont des ententes qui se font entre les deux niveaux. Nous avons également la Maison Carpe Diem, de Trois-Rivières, qui est le premier établissement au Québec spécialisé pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, et qui relève de la Régie régionale Mauricie–Bois-Francs. C'est une ressource en hébergement communautaire et non une ressource intermédiaire. Alors, c'est la gamme de services qui sont disponibles par la Fédération et les sociétés Alzheimer, et, oui, nous sommes des organismes communautaires à part entière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs, pour votre présentation. Tout à l'heure, je vous écoutais et vous avez répondu à la question de M. le député de Brome-Missisquoi à l'effet qu'il y avait 50 % des patients à domicile et 45 % en établissement. Par rapport à ça, vous savez, il y a différentes écoles de pensée au niveau de garder les patients soit à la maison ou de les hospitaliser, dépendamment de l'état d'avancement de la maladie. Moi, j'aimerais savoir, la Fédération, compte tenu que vous avez quand même 22 associations, c'est quoi, votre école de pensée? Sur quelle école de pensée vous travaillez?

Mme Hébert (Lise): Alors, nous préférons ne pas privilégier les établissements ou le maintien à domicile, de façon générale.

Mme Charest: Répétez-moi ça? Je m'excuse.

Mme Hébert (Lise): Nous désirons ne pas privilégier une école ou l'autre. D'accord? Ce que nous assurons, c'est la qualité de vie de la personne, et chaque situation pour chaque famille est différente. Chaque cas, chaque personne qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer a une évolution différente et a un encadrement familial différent. Chez certaines familles, on parle de 10 enfants, d'autres, on parle d'un enfant unique qui vit à Sherbrooke et la mère est à Alma. Alors, chaque situation est très, très, très différente, et c'est en concertation, c'est de ça qu'on parle lorsqu'on parle d'une approche psychosociale.

Il faut d'abord s'asseoir, évaluer ce qui est disponible dans le milieu, l'état d'épuisement du proche qui s'occupe de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. Est-ce qu'on a les ressources nécessaires, dans un cadre très près de la personne, pour assurer pendant les 10 prochaines années, pendant les 20 prochaines années, le soutien de cette personne-là, parce que la maladie d'Alzheimer peut durer entre 10 et 25 ans. Et, ensuite, évidemment, c'est une maladie évolutive. Au début, la personne a beaucoup de capacités résiduelles. Elle demeure encore très autonome et, évidemment, avec sa progression en perte d'autonomie, il faut continuellement réévaluer le cadre familial, le soutien possible. Et c'est pour ça que ce qu'on privilégie évidemment au départ, c'est le maintien à domicile lorsque possible, parce que, pour une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, de demeurer où elle est déjà, si le cadre est bon, c'est ce qui est à privilégier. De par la définition de la maladie d'Alzheimer, c'est la mémoire à long terme qui demeure présente le plus longtemps possible et c'est donc où elle est demeurée le plus longtemps qui va la réconforter le plus, auprès de ses proches.

Mme Charest: Donc, vous avez quand même, je dirais, un penchant naturel pour le maintien à domicile.

Mme Hébert (Lise): Non, pas du tout. Lorsque la maladie évolue, il faut, à ce moment-là, réévaluer, d'accord, le statut de la personne et, comme je le mentionnais tout à l'heure, l'état d'épuisement des proches qui ont à assumer les responsabilités...

Mme Charest: Oui, je veux bien. Je comprends.

Mme Hébert (Lise): ...et là, à ce moment-là, les établissements deviennent une ressource nécessaire à l'encadrement de la maladie d'Alzheimer.

Mme Charest: Je comprends votre explication. Ça, c'est l'approche psychosociale, une approche globale, et tout ça. Ça me va, moi. Ça me rejoint, et tout ça, mais ça ne répond pas tout à fait à ma question. Parce que, même si on a une approche psychosociale, compte tenu des caractéristiques de l'évolution de la maladie et des contextes qui sont différents, il y a lieu d'avoir aussi, en tout cas, une très bonne idée de qu'est-ce qui est le plus favorable au patient; et, à ce moment-là, quand on part du patient, il me semble que je fais le parallèle avec les personnes âgées, hein, compte tenu de leur autonomie, et on sait très bien que pour maintenir leur autonomie fonctionnelle il est préférable de les garder dans un milieu familial, donc chez soi, à domicile le plus longtemps possible, malgré certaines contraintes d'enfants éloignés, de services qui sont plus ou moins éloignés dépendamment si on est en milieu urbain ou si c'est en milieu rural.

Enfin, pour chaque situation il y a des contraintes et, au-delà des contraintes, on sait pertinemment que l'idéal pour maintenir l'autonomie fonctionnelle d'une personne âgée, c'est de la maintenir dans un milieu naturel, donc chez elle, à domicile. C'est beaucoup plus favorable que de la mettre en institution ou dans un établissement d'hébergement, et c'est la même chose, c'est dans ce sens-là que je vous pose la question. Ce n'est pas sur votre approche. Ça, je l'ai très bien compris de par vos commentaires et vos questions, et c'est pour ça que je vous ramène sur l'école de pensée, parce que je me dis: Si vous partez de l'individu et de la maladie comme tels, qu'est-ce que votre expertise et votre expérience auprès de ces patients-là vous amènent à constater?

Parce qu'on n'a pas de solutions aux problèmes comme tels. On sait qu'on ne connaît pas bien, bien les pourquoi et les comment et on ne peut pas tout justifier ce qui se passe dans l'évolution de cette maladie, même dans l'origine, et tout ça. Alors, c'est dans ce sens-là que je vous pose ma question. Ce que vous dites, là, ce n'est pas ça que je veux entendre, c'est autre chose, si vous avez autre chose à me rajouter par rapport à ça.

Mme Furlini Mulé (Linda): Je ne sais pas si je vous réponds.

Mme Charest: Oui, si vous voulez parler plus fort pour que je vous comprenne.

Mme Furlini Mulé (Linda): Oui. Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais je crois que ce dont les familles ont besoin, c'est un choix, parce qu'on ne peut pas dire, bon, ils ont besoin de rester à la maison, la personne atteinte, elle a besoin de rester à la maison ou soit être hébergée. Qu'est-ce que je trouve? Si on garde quelqu'un à la maison, on a besoin de ressources, et s'il y a un placement, il faut des services adéquats. C'est important de prendre en compte les stades de la maladie. Quelqu'un qui est en phase précoce, sûrement, dans une situation, on ne le mettrait pas dans un CHSLD. Ensuite, ce qui est plus important, comme on a notre maison Carpe Diem, à Trois-Rivières, c'est une ambiance familiale pour la personne pour garder son autonomie. Je vois plus une atmosphère familiale pour garder l'autonomie, mais, que ce soit à la maison ou que la personne soit placée en hébergement, ça reste toujours pareil.

Mme Hébert (Lise): Le mot d'ordre, c'est le cadre familial centré sur les besoins de l'individu et de ses proches.

Mme Charest: Oui. Parce que, vous savez, les contraintes, on peut travailler pour les abattre, les contraintes. Alors, si on part de l'individu, la situation dans laquelle il est, après, on regarde le contexte et là on voit les obstacles et on peut travailler sur les obstacles. Alors, c'est dans ce sens-là que je posais la question. Je vous remercie, mesdames.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Rochon: Oui. Je vais peut-être revenir sur les commentaires que vous avez faits sur l'article 24. Bon. La question de la contention. C'est toujours un sujet très délicat. Je pense qu'on est tous soucieux que, si la contention doit être pratiquée – et c'est ce que le projet de loi veut, là – c'est que ce soit fait avec toutes les balises possibles et vraiment pour la protection de la personne, d'abord, qui a un problème de comportement important, et de son entourage.

(9 h 50)

Votre suggestion, si j'ai bien retenu, vous dites qu'on devrait qualifier la contention non seulement de minimale, mais d'exceptionnelle. Ma question est d'essayer de voir, par votre expérience, est-ce qu'il y a des raisons de croire que, dans la culture du milieu, on aurait une propension à utiliser beaucoup de la contention? Parce que, moi, j'ai l'occasion, probablement vous aussi, là, mais on ne voit peut-être pas nécessairement du même oeil les mêmes situations... je veux profiter un peu de votre expérience, là, pour bien éclairer notre lanterne.

Moi, j'ai visité pas mal d'établissements de soins de longue durée. J'ai cru pouvoir constater qu'il y a une évolution importante qui s'est passée de ce côté-là, dans ce type d'hébergement. Importante d'abord par le type de personnes qui y sont maintenant, ce sont des gens qui ont besoin de beaucoup de soins. Les soins sont beaucoup plus intensifs. On parle de deux, trois heures, quatre heures et même plus, d'heures de soins par patient par jour.

Donc, ça, c'était une première évolution importante, la lourdeur des situations, des problèmes des gens, sur le plan clinique. Et, deuxièmement, aussi, dans la philosophie d'approche, où à peu près tous les soins d'hébergement de longue durée, je pense, visent vraiment à créer, comme on dit dans le jargon du réseau de la santé et des services sociaux, un milieu de vie substitut.

Ce n'est pas la même philosophie que l'hôpital de courte durée, c'est vraiment de créer un habitat pour les gens, en compensant les problèmes qu'ils peuvent avoir à cause de leur incapacité pour une cause physique ou intellectuelle. Et j'ai cru voir beaucoup dans ces endroits-là un effort énorme qui est fait, même pour des gens avec des problèmes importants comme la maladie d'Alzheimer, où on les fait vivre et où on les stimule le plus possible.

Donc, qu'il y ait une contention minimale, c'est ce que le projet de loi voulait mettre. Mais est-ce que vous nous suggérez qu'on devrait essayer de profiter de resserrer des balises aussi parce que vous avez vu des situations où peut-être on a tendance à utiliser trop de contentions chimiques ou autres? Ou si c'est une crainte que vous avez, que vous souhaitez que ça n'arrive pas, et qu'on veut être sûr que ça n'arrivera pas?

Parce qu'il a des choses qu'on peut baliser dans une loi, d'autres dans des pratiques professionnelles, aussi. Il existe beaucoup, de plus en plus, de codes de pratique. Il y a une éthique que des professionnels ont, et par ces moyens-là aussi on peut... Parlant d'éthique, je pense que là je vais rejoindre M. Deschamps sur un de ses terrains qu'il connaît bien. Est-ce que ce n'est pas plutôt par ces voies-là qu'on peut toujours s'assurer que les soins sont donnés de façon des plus appropriées, et autant par la formation, l'éducation et l'encadrement des pratiques professionnelles que d'avoir des raisons d'intervenir, là, dans un texte de loi?

M. Deschamps (Pierre): Je pense que, si, au niveau des mesures, des contentions, si le message est envoyé qu'il faut que ça demeure exceptionnel, je pense que c'est un bon message à envoyer aux gens du réseau de la santé pour qu'ils l'aient toujours à l'esprit cet élément-là.

Il faut comprendre aussi que chaque conseil d'administration, pour avoir été moi-même membre d'un conseil d'administration durant 10 ans dans un centre de longue durée, on doit adopter un règlement sur les contentions, en vertu de la loi sur les services de santé.

Là aussi, il y a des éléments à mettre en place, et chaque établissement a peut-être ses propres normes, et aussi une certaine confusion quant à ce qui constitue une mesure vraiment de contention puis une mesure de sécurité. Et c'est pour ça que, s'il y a quelque chose que le projet de loi peut faire, c'est, à tout le moins, envoyer un signal clair que ça doit demeurer exceptionnel et que, je suis d'accord avec vous, il faut, après ça, s'en remettre au conseil d'administration, au personnel, pour que quotidiennement il y ait une éducation qui soit faite puis qu'on soit alerte à cet élément-là, pour ne pas que ça devienne la solution de facilité.

Mme Hébert (Lise): Moi, j'abonde dans le sens de Me Deschamps. Il est évident qu'il y a des efforts qui sont faits présentement dans les centres d'hébergement soins longue durée, ou même dans les centres hospitaliers. Toutefois, le niveau de contention est encore très élevé, de par même l'exigence des soins qui sont requis et parfois la lourdeur et toutes les responsabilités qui sont décrites au personnel de ces centres.

Toutefois, moi, je réitère notre demande d'en faire une mesure d'exception, parce que c'est un premier pas vers une nouvelle orientation et un assentiment, aussi, à une ouverture pour une meilleure formation, une meilleure compréhension que nécessite la maladie d'Alzheimer.

M. Rochon: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Mais, peut-être une précision, là. Moi, j'ai cru détecter dans votre témoignage que le niveau de contention est assez élevé, puis j'essaie de marier ça avec le règlement que chaque institution doit se donner.

Est-ce que les règlements, généralement, sont trop larges et en permettent trop, de contention? Ou est-ce que le règlement est correctement décidé ou adopté par le conseil d'administration puis n'est pas appliqué, à ce moment-là? Où est la distorsion qui donne, dans le quotidien, un niveau de contention qui est trop élevé? Est-ce que c'est au niveau de la prise de décision par le conseil d'administration ou la prestation des soins par ceux qui ont les rentes?

M. Deschamps (Pierre): Un des éléments, c'est qu'on ne s'entend pas sur le terme «contention». Si on lève les barreaux de lit d'une personne, si on considère ça comme une contention, dans un règlement... Si on compare les statistiques entre établissements, on va s'apercevoir qu'à tel endroit il y en a beaucoup plus qu'ailleurs. Ce n'est pas parce qu'on utilise davantage les contentions; c'est peut-être que la définition, on a de la difficulté à cerner ce qu'on entend par contention. Il y a la camisole de force, si ça existe encore, qui était vraiment une véritable contention, et la personne qui est attachée à son lit, ça, on s'entend pour dire que ce sont des contentions. Mais d'autres éléments comme les barreaux de lit ou une ceinture de taille pour un temps très limité, est-ce que ça constitue vraiment une contention? Ça demeure, au niveau de ces règlements-là, sujet à beaucoup d'interprétations.

M. Paradis: Mais, plus précisément, est-ce que les règlements que vous connaissez, vous, d'expérience, sur la contention, sont des règlements qui sont corrects, qui reçoivent l'approbation de votre Fédération, généralement?

Mme Hébert (Lise): Nous avons déposé une proposition de stratégies de soins pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Ça fera partie du processus d'évaluation, d'accord. Mais ce serait incorrect de vous répondre aujourd'hui, parce que nous devons le faire dans les mois qui viennent, pour que la Fédération statue sur cet élément. D'accord?

M. Paradis: À ce moment-là, est-ce que ce sont les institutions comme telles qui vous font parvenir ce type d'information ou c'est le ministère? De quelle façon ça fonctionne?

Mme Hébert (Lise): On peut facilement l'obtenir par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

M. Paradis: Puis, à ce moment-là, vous allez être en mesure de mesurer si c'est au niveau réglementaire comme tel ou au niveau de l'application du règlement.

Mme Hébert (Lise): Oui.

M. Paradis: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mmes, monsieur, au nom des membres de la commission, merci beaucoup de votre présence et de la préparation de votre mémoire.

J'invite maintenant les représentants du Collège des médecins du Québec à se présenter.

(Suspension de la séance à 9 h 59)

(Reprise à 10 h 7)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse pour le petit délai.

Alors, nous recevons maintenant les représentants du Collège des médecins du Québec. M. Lair, est-ce que c'est vous qui débutez? Vous présentez les gens et c'est M. Lair qui débute?


Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Bernard (Charles): Charles Bernard, oui, c'est ça. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, c'est avec plaisir qu'on vous présente le mémoire concernant le projet de loi n° 39.

Permettez-moi d'abord de me présenter: Charles Bernard, médecin et vice-président du Collège des médecins. À ma gauche, vous avez le Dr Rémi Lair, secrétaire général adjoint au Collège des médecins, et, à ma droite, le Dr Denis Lepage, spécialiste en psychiatrie, vice-doyen de la Faculté de médecine de Sherbrooke et également administrateur au bureau du Collège des médecins.

Alors, permettez-moi aussi de vous rappeler la mission du Collège des médecins. Alors, le Collège regroupe les 17 000 médecins pratiquant dans la province de Québec. Notre mission est de promouvoir une médecine de qualité pour protéger le public et contribuer à l'amélioration de la santé des Québécois.

Alors, notre mandat premier, comme vous le voyez, est la protection du public, puis on s'est fixé comme objectif une médecine de qualité et la promotion de la santé des Québécois. Alors, la présentation de ce mémoire s'inscrit dans la poursuite de notre mission et de nos objectifs.

La présentation formelle sera faite par le Dr Rémi Lair, et ça nous fera plaisir de répondre à vos questions par la suite. Alors, Dr Lair.

M. Lair (Rémi H.): Bonjour, mesdames, messieurs. Le Collège des médecins du Québec a cru nécessaire de présenter un mémoire à la commission parlementaire concernant le projet de loi n° 39 parce que ce projet de loi aborde spécifiquement diverses questions relatives à la pratique de la psychiatrie et à la prise en charge des patients présentant une maladie mentale.

Nos commentaires porteront sur les chapitres du projet de loi traitant de l'examen psychiatrique, de la garde, des droits et recours et des mesures de protection, en référant aux besoins et à certaines dispositions du Code civil du Québec, de la Loi médicale, de la Loi sur les services de santé et services sociaux, du règlement sur l'organisation et l'administration des établissements et sur le Code de déontologie des médecins.

En premier lieu, concernant l'examen psychiatrique: La Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale, comme la loi qu'elle remplace, a comme élément central la notion de dangerosité. Cette loi a pour conséquence de priver une personne de sa liberté lorsqu'elle présente un danger pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental. Statuer sur une telle dangerosité requiert une compétence particulière dans le domaine de la psychiatrie.

Nous sommes donc tout à fait d'accord avec le libellé de l'article 2 du projet de loi qui spécifie que tout examen psychiatrique auquel une personne est tenue de se soumettre en vertu de la loi ou d'une décision du tribunal doit être effectué par un psychiatre. Nous sommes également d'accord que cet examen pourrait être fait par tout autre médecin si c'est impossible d'obtenir les services d'un psychiatre en temps utile.

(10 h 10)

Nous avons, par ailleurs, quelques suggestions à faire à la commission. Le bureau du Collège des médecins, en vertu de l'article 35 de la Loi médicale, accorde, sur la base d'une équivalence de formation, des permis restrictifs à certains médecins qui ne remplissent pas toutes les conditions fixées pour l'obtention des permis réguliers. Ces permis restrictifs permettent à ces personnes de pratiquer la médecine et aussi, plus particulièrement, de poser des actes relatifs à certaines disciplines telles que la psychiatrie, dans un milieu donné, sans pour autant détenir un certificat de spécialiste émis par le Collège.

Nous croyons donc qu'il faudrait également permettre que l'examen psychiatrique de l'article 2 du projet de loi puisse être fait d'emblée par tout médecin autorisé en vertu d'un permis restrictif à poser des actes relatifs à la psychiatrie.

Par ailleurs, la référence au délai «en temps utile» pour déterminer la possibilité d'obtenir les services d'un psychiatre entraîne, selon nous, des difficultés d'interprétation. La formulation de l'article 3 de la loi actuelle, sur la protection du malade mental, qui évalue la disponibilité régionale d'un psychiatre en tenant compte de l'urgence, de la distance et des autres circonstances nous apparaît d'application plus facile.

Nous avons aussi, au niveau de l'article 3, décelé certaines difficultés, notamment en regard de l'alinéa quatrième. Lorsque l'examen psychiatrique a pour objet de déterminer la nécessité d'une garde en établissement, l'article 29 du Code civil du Québec prévoit déjà que le rapport du médecin doit comporter des considérations reliées à la dangerosité du patient pour lui-même ou pour autrui. Il s'agit là d'un élément primordial pour que le tribunal puisse décider s'il y a lieu d'autoriser la garde en établissement. Par ailleurs, il peut arriver que, dans ce premier rapport, le médecin ne puisse donner son opinion formelle sur la gravité de la maladie et ses conséquences probables.

Nous croyons aussi que l'alinéa cinquième de l'article 3 n'a pas sa place dans ce projet de loi. En effet, la question de l'aptitude de la personne à subir l'instruction de sa cause lors d'une poursuite pénale se pose plutôt dans le cadre d'une accusation de nature criminelle. Nous estimons donc qu'il y a lieu de bien distinguer l'examen psychiatrique nécessaire pour déterminer si une personne est dangereuse pour elle-même ou pour autrui de l'examen requis quant à l'aptitude d'une personne à subir un procès.

Le Collège croit que ce dernier type d'examen relève plutôt du Code criminel et nécessite une évaluation spécifique. Il y a donc lieu, selon nous, d'enlever de ce projet de loi cette disposition qui peut entraîner une confusion entre deux situations tout à fait différentes, à savoir celle d'une personne qui présente un danger pour elle-même ou pour autrui en raison de son état de santé et qui peut alors requérir des soins et celle d'une personne qui fait l'objet d'une poursuite pénale et qui pourrait chercher à être déclarée inapte à subir un procès.

Nous avons, finalement, certaines réserves quant à l'alinéa sixième du même article. Que le médecin a l'obligation d'indiquer dans son rapport les motifs et les faits sur lesquels il fonde son opinion et son diagnostic va de soi. L'obliger en même temps à distinguer dans le même rapport les faits qu'il a lui-même observés et ceux qui lui ont été communiqués par d'autres personnes est problématique, compte tenu des dispositions de l'article 18 de la Loi sur les services de santé, qui dit: «Un usager n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication de renseignements le concernant et contenus dans son dossier qui a été fournie à son sujet par un tiers et dont l'information de l'existence de la communication permettrait d'identifier le tiers, à moins que ce dernier n'ait consenti par écrit à ce que ce renseignement et sa provenance soient révélés à l'usager.»

Au niveau de l'article 4, nos commentaires sont les suivants. Quant à la transmission du rapport de l'examen du médecin au tribunal qui a imposé l'examen psychiatrique, nous comprenons facilement que cette responsabilité puisse être assurée par le directeur des services professionnels ou, à défaut, par le directeur général de l'établissement. Nous croyons, par ailleurs, qu'il existe des circonstances où, en l'absence de ces deux personnes, un représentant désigné par l'établissement devrait aussi avoir la possibilité de transmettre un tel rapport au tribunal.

Nous n'avons pas de commentaires particuliers en rapport à l'article 5, nous sommes d'accord avec la formulation de cet article.

Au niveau de la garde. Tout d'abord, la garde provisoire. La disposition de l'article 6 définit la catégorie d'établissements qui peuvent être requis de recevoir une personne sous garde afin de lui faire subir un examen psychiatrique. Pour qu'un centre hospitalier soit requis de recevoir une personne sous garde dans le but de lui faire subir un examen psychiatrique, le centre hospitalier, tout comme le CLSC, doit disposer des aménagements et des ressources nécessaires, et nous croyons qu'il serait utile de le mentionner dans le projet de loi.

Au niveau de l'article 7, on a ici une référence à la possibilité pour tout médecin exerçant en établissement, tel que défini à l'article 6, de décider de la garde provisoire d'une personne atteinte de maladie mentale lorsque son état présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui, et ceci malgré l'absence de consentement ou sans autorisation du tribunal et sans qu'un examen psychiatrique ait été effectué. Cette garde provisoire aurait une durée de 48 heures, à moins que le tribunal n'ordonne une prolongation afin que soit fait un examen psychiatrique. Essentiellement, l'on constate que cet article reprend le contenu de l'article 21 de la Loi sur la protection du malade mental. Cette disposition, telle que formulée, permettrait donc à tout médecin de garder une personne dans un établissement pour une période de 48 heures sans examen psychiatrique. En l'absence d'un examen psychiatrique, le projet de loi, selon nous, devrait prévoir à tout le moins une obligation que soit fait un examen mental sommaire afin de déterminer, d'une part, la nécessité de la garde provisoire et, d'autre part, les mesures de surveillance requises par l'état du patient et, si nécessaire, un plan de traitement. Cette notion d'examen à être fait par un médecin avant une admission sous garde provisoire se retrouve d'ailleurs au deuxième paragraphe de l'article 8 du projet de loi.

Il s'agit pour l'instant de garder une personne dans un établissement malgré l'absence de consentement de sa part ou même contre son gré. Étant donné qu'un CLSC ou un centre hospitalier pourrait procéder à cette garde, soit au niveau de la salle d'urgence, soit au niveau de la clinique externe, sans qu'il y ait nécessairement une admission au sens du règlement sur l'organisation et l'administration des établissements, il serait sans doute préférable d'ajouter ici la notion d'inscription à la notion d'admission.

Il faut de plus prévoir la possibilité qu'un établissement, ne disposant pas des aménagements nécessaires, ait à transférer un patient dont l'état présente un danger imminent pour lui-même ou pour autrui vers un centre hospitalier mieux équipé en ressources psychiatriques pour que le patient puisse recevoir les soins requis. Cette possibilité de transférer un patient sous garde provisoire sans son consentement vers un autre centre hospitalier possédant des ressources en psychiatrie devrait être prévue dans la loi.

Les dispositions de l'article 7 s'appliquent sans doute aux cas où il n'y aura pas eu d'examen psychiatrique au préalable. Nous nous demandons ce qui arrive si le patient refuse d'emblée l'examen psychiatrique. Faut-il alors s'adresser au tribunal avant l'expiration de ce délai de 48 heures?

Par ailleurs, advenant que le médecin qui a requis la garde provisoire ait pu procéder à un premier examen psychiatrique, il pourrait vouloir faire confirmer – et on rencontre ça souvent dans la pratique – son opinion relativement à l'imminence de la dangerosité par un deuxième examen psychiatrique. Advenant l'obtention d'un second rapport dans ce sens, nous nous demandons s'il ne serait pas alors utile que la garde provisoire soit prolongée jusqu'à 96 heures, ce qui donnerait suffisamment de temps pour entreprendre les procédures en vue d'obtenir du tribunal une ordonnance de garde.

Il semble que cette période additionnelle de 48 heures pourrait permettre de stabiliser suffisamment l'état du patient et qu'alors le recours au tribunal ne serait plus nécessaire. Il faut tenir compte que certains délais seront inévitables pour l'obtention du recours au tribunal et il faut comprendre également que les procédures devant les tribunaux entraînent pour tous, y compris les établissements, des coûts importants.

Au niveau de l'article 8, il s'agit d'un article qui introduit l'intervention de l'agent de la paix dans certaines circonstances pour amener une personne contre son gré dans un établissement. Nous recevons très bien cette nouvelle disposition. Nous croyons, par ailleurs, qu'il faut ajouter les médecins à la liste des personnes pouvant demander une intervention d'un agent de la paix. Compte tenu que les médecins sont souvent demandés auprès des patients qui présentent un état de santé mentale de ce type.

En regard de la garde autorité par un tribunal à l'application de l'article 30 du Code civil du Québec, nous avons les commentaires suivants à faire. Au niveau de l'article 10, étant donné qu'une ordonnance de garde peut être décrétée à l'égard d'une personne, non pas au moment de son admission, mais j'entends par ça au moment de son hospitalisation ou encore au moment de son premier examen psychiatrique, mais ultérieurement, alors qu'elle est déjà hospitalisée, nous pensons que les périodes de 21 jours, de trois mois et de six mois doivent être considérées à partir de la date où l'ordonnance de garde a été prononcée. Nous prenons, par ailleurs, pour acquis que les examens psychiatriques mentionnés à l'article 10 seront effectués conformément aux dispositions de l'article, c'est-à-dire prioritairement par un psychiatre.

(10 h 20)

Au niveau de l'article 11, nous comprenons facilement que, pour une personne admise sous garde suite à une ordonnance du tribunal, il puisse être utile que cette personne soit transférée auprès d'un autre établissement ayant les ressources requises afin de se rapprocher de sa famille. Cependant, il n'est pas pour nous tellement réaliste de croire qu'une personne qui a pu refuser de subir un examen psychiatrique ou d'être admise ou traitée en milieu hospitalier va consentir ensuite à être transférée dans un établissement ou à ce qu'une copie de son dossier soit remise au nouvel établissement qui doit la recevoir. Comme il est possible qu'un transfert vers un centre hospitalier spécialisé devienne nécessaire afin que le patient puisse recevoir les soins requis, un tel transfert devrait pouvoir se faire sur recommandation ou sur prescription médicale sans qu'il soit nécessaire, dans de telles circonstances, d'obtenir le consentement du patient.

Nous questionnons aussi l'obligation qui est faite au médecin traitant d'attester par un certificat motivé que ce transfert ne présente pas de risque sérieux et immédiat pour cette personne ou pour autrui. Cette personne demeure sous garde précisément parce que, compte tenu de son état mental, elle présente toujours un risque pour elle-même ou pour autrui. Quand ce risque, nous vous demandons, devient-il sérieux et immédiat? Le transfert d'une telle personne va toujours présenter un risque calculé, et tout ce que l'on devrait demander au médecin, c'est de s'assurer que le transfert se fasse avec des mesures de sécurité appropriées.

On comprend aussi que le médecin référant doive assumer, en vertu du code de déontologie des médecins, la responsabilité du patient tant que le nouveau médecin n'en a pas pris charge. Il nous semble, de plus, que le dossier médical ou à tout le moins un sommaire de ce dossier doit être acheminé avec le patient sans que ne soit requis le consentement de ce patient. Je vous réfère à l'article 60 du Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements et aussi à l'article 2.04.09 du code de déontologie des médecins où on retrouve des dispositions qui prévoient que des informations pertinentes du dossier médical ou les informations susceptibles d'aider au traitement du patient doivent être adressées à l'établissement où le patient est transféré ou encore au médecin à qui ce patient est référé.

Nous recevons très bien la disposition de l'article 12 permettant un congé temporaire et nous croyons qu'elle pourrait devoir s'appliquer même si la personne n'est pas sous garde depuis plus de 21 jours. Comme nous l'avons fait pour l'article 11, nous questionnons la justification du certificat motivé exigé du médecin traitant au fait que cela ne présente pas de risque sérieux et immédiat pour cette personne ou pour autrui. De toute évidence, le patient présente encore un danger pour lui-même ou pour autrui, à défaut de quoi la garde ne serait plus nécessaire. Par ailleurs, je vous souligne que le degré de dangerosité n'est pas toujours facile à préciser. En remplacement d'un certificat, nous favorisons plutôt une note documentée déposée au dossier médical et expliquant les motifs du congé temporaire.

Nous sommes d'accord avec l'article 13, plus spécifiquement au fait que le médecin traitant doive mettre fin à la garde dès qu'il arrive à la conclusion que le patient ne présente plus de danger pour lui-même ou pour autrui. Quant à l'exigence que cela se fasse sous la forme d'un certificat délivré par un médecin traitant, nous croyons qu'il serait suffisant de procéder par voie de note rédigée par le médecin et déposée au dossier du patient.

En regard des droits et recours, l'article 15, nous avons ici une disposition qui réfère au rôle de l'agent de la paix, à son obligation d'informer la personne du fait qu'elle est amenée auprès d'un établissement suite à une ordonnance du tribunal et à sa responsabilité face à cette personne jusqu'à sa prise en charge par l'établissement. Étant donné qu'il revient au médecin de constater après examen la dangerosité de la personne pour elle-même ou pour autrui, la prise en charge, à notre avis, ne pourra se faire tant que le médecin n'aura pas formulé son diagnostic. Comme c'est l'examen du médecin qui va décider de l'admission en établissement de la personne examinée, nous croyons alors qu'il revient plutôt au médecin de dégager l'agent de la paix de sa responsabilité à l'égard de la personne soumise à l'examen psychiatrique.

Il y a une partie de l'article 20 qui pose problème. En effet, l'avis par écrit demandé à l'établissement, dans le cas d'une décision d'un médecin d'admettre une personne sous garde provisoire, en vertu de l'article, est irréaliste. Il s'agit, je le précise, d'une garde provisoire qui ne doit pas durer plus de 48 heures. Ceci constitue à notre avis un délai trop court pour valider un avis par écrit. Dans ce cas précis, nous pensons qu'un avis téléphonique avec note au dossier médical à cet effet serait une meilleure formule.

En regard des mesures de protection, j'ai constaté, avec le groupe qui a précédé, que ce sujet préoccupe les membres de la commission. L'article 24 contient une disposition qui réfère à des mesures de protection, à savoir l'utilisation de la force, de l'isolement et des moyens mécaniques ou des substances chimiques pour empêcher une personne atteinte de maladie mentale de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions. Il est précisé dans cette disposition que l'utilisation de ces mesures doit être minimale et tenir compte de l'état physique et mental de la personne.

Nous ne sommes pas d'accord avec l'expression «minimale», qui n'est définie ni dans le projet de loi ni ailleurs. Nous pensons que l'utilisation de ces mesures doit être plutôt optimale. En vertu de l'article 6 du Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements, le conseil d'administration d'un établissement public ou privé doit adopter un règlement pour tous les mécanismes à mettre en place afin d'assurer le contrôle de l'utilisation de la contention et de l'isolement à l'égard des bénéficiaires.

Dans le but d'aider les conseils d'administration et les CMDP des établissements à se doter du meilleur règlement possible, le Collège avait publié en 1986 un guide regroupant diverses recommandations concernant les modalités applicables dans les cas de contention et d'isolement. Ces recommandations ont fait l'objet d'une mise en jour en 1989, et une nouvelle version de ce guide est actuellement en cours. En révisant ces recommandations concernant les contentions, l'objectif que nous poursuivons, au Collège, tout d'abord, est de situer la contention physique dans un contexte clinique. La contention peut se justifier dans des situations d'urgence, lorsque le patient a un comportement dangereux pour lui-même ou autrui et qu'aucune alternative n'est possible. Nous croyons, par ailleurs, qu'il faut encourager et rechercher diverses alternatives à la contention, tels qu'un réaménagement de l'environnement et une formation accrue des divers intervenants. Et c'est dans ce sens-là que le Collège est actuellement en train de rédiger une nouvelle version du guide sur les mesures de protection et de contention.

Quant à l'utilisation de substances chimiques comme mesure de protection, nous sommes déjà fort sensibilisés à cette question. Nous avons déjà émis des avis à l'intention de nos membres en les incitant à la prudence quant à la prescription des neuroleptiques. Et nous préparons actuellement un guide spécifique concernant l'utilisation des neuroleptiques dans la schizophrénie. Nous pensons que ce genre d'information à la profession médicale sera de nature à favoriser une utilisation plus judicieuse des neuroleptiques dans le traitement des conditions psychiatriques. Nous sommes, par ailleurs, d'accord que les mesures de protection mentionnées à l'article 24 du projet de loi doivent être utilisées en tenant compte de l'état physique et mental du patient. De plus, comme mentionné dans le projet de loi: «Ces mesures de protection doivent faire l'objet d'une note détaillée inscrite au dossier du patient», nous sommes tout à fait d'accord avec ceci.

En conclusion, nous recevons favorablement le projet de loi n° 39 dans la mesure où ce projet de loi va permettre une meilleure protection et une meilleure qualité des soins aux personnes atteintes de maladie mentale. En effet, le patient présentant une maladie mentale jouit d'un certain nombre de droits et de libertés, tout en ayant, par ailleurs, des besoins évidents d'assistance et de soins face à sa maladie et aux dangers qu'il peut présenter pour lui-même ou pour autrui. Le médecin appelé à intervenir auprès de ce patient doit, par ailleurs, se conformer à des règles de pratique. Il doit respecter aussi les droits et libertés de la personne humaine, tout en ayant à sa disposition des moyens d'intervention permettant de procéder à une évaluation du patient et de lui administrer les traitements requis par son état de santé. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je remercie aussi les représentants du Collège, qui ont vraiment fait une analyse exhaustive, article par article, du projet de loi. Je pense que c'est important qu'on ait votre point de vue, vos commentaires et vos suggestions avant d'adopter ce projet de loi.

J'aurais trois questions de précision en lien avec votre présentation. La première concerne l'article 2. En fait, celle-là, ce n'était pas pour clarifier ce que vous avez dit mais pour en profiter pour vous demander votre opinion par rapport à d'autres commentaires qui nous ont été faits. S'agissant d'examen psychiatrique, certaines représentations ici, en commission, ont fait valoir qu'il serait peut-être préférable de revenir, comme dans la loi actuelle, à deux examens psychiatriques avant de prendre une décision. Et je pense qu'il y a des opinions différentes.

Est-ce que la situation d'un patient peut, rapidement, dans les premières 24 ou 48 heures, 72 heures, évoluer si rapidement que c'est important qu'il y ait deux examens pour voir comment ça se stabilise? Ce n'était pas toujours clair. Ou est-ce que c'est pour des raisons d'être plus sûr de la décision, compte tenu qu'il y a beaucoup d'impondérables et d'aspects peut-être plus suggestifs que clairement objectifs dans les conclusions d'un examen psychiatrique pour un patient dans cette situation?

(10 h 30)

Alors, votre avis là-dessus: Jusqu'à quel point qu'avec un examen psychiatrique on est en position assez solide? Parce qu'il y a aussi une pression du temps pour une décision à prendre dans des circonstances comme ça. Ou jusqu'à quel point le risque est-il vraiment trop grand puis que c'est important de considérer sérieusement un deuxième examen psychiatrique? Et, si oui, comment on balise l'un par rapport à l'autre? Ma première question. Est-ce que je suis aussi bien d'y aller avec les trois, puis vous pouvez peut-être vous... ou je vous laisse répondre, peut-être puis... D'abord, qu'est-ce qui est plus pratique, là? Qu'est-ce que vous...

M. Lair (Rémi H.): Est-ce qu'on peut répondre à la première question, puis on passera à la deuxième ensuite?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lair?

M. Lepage (Denis): Dr Lepage.

M. Rochon: O.K. Ha, ha, ha! Parce que j'ai appris ça de mon collègue d'en face, de faire des rafales de questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lepage.

M. Lepage (Denis): Oui. Bien, je pense que la question est très pertinente, et, là, il faut distinguer la pratique sur le terrain des exigences de la loi. Je pense que le fait que le projet de loi propose de n'exiger qu'un seul examen psychiatrique n'empêchera certainement pas le psychiatre sur le terrain, le cas échéant, de requérir l'avis d'un collègue. Ça, c'est définitif qu'il va continuer de la faire. Alors, la question est beaucoup plus de l'ordre de l'obligation versus de la prérogative de le faire.

Je pense que, en général, les psychiatres sont souvent confortés par ce deuxième avis. Mais je pense que ça va dans l'intérêt du malade, comme ça va dans l'intérêt, souvent, des psychiatres, lorsqu'il y a des situations limites à juger, à trancher, qui ne sont pas claires, effectivement. Mais, du point de vue du Collège, le fait que ceci ne soit pas exigé dans le projet de loi ne change rien au fait que toute bonne pratique médicale implique qu'un clinicien va faire appel à un collègue dans les situations de doute ou dans les situations où il a l'impression que sa compétence ne lui suffit pas, hein?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

M. Rochon: Donc, vous seriez favorables à ce qu'on laisse la souplesse au jugement clinique du médecin...

M. Lepage (Denis): Tout à fait.

M. Rochon: ...plutôt que de mettre plus de rigidité...

M. Lepage (Denis): Tout à fait.

M. Rochon: ...dans...

M. Lepage (Denis): Tout à fait.

M. Rochon: Merci. Vos commentaires, maintenant, ma deuxième question, en regard de l'article 5 et plus spécialement votre suggestion de retrancher l'item 6 ou partie de l'item 6, spécialement, singulièrement, là, à ce qui réfère à faire mention de ce qui a été observé par le médecin lui-même ou ce qui a été communiqué par d'autres personnes, et vous confrontez ça à l'article 18 de la Loi sur les services de santé et des services sociaux, où on dit, et vous citez l'article dans votre mémoire, à la page 3: L'article 18 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux disant qu'un usager n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni recevoir communication d'un renseignement, bon, etc., qui aurait été communiqué par un tiers en identifiant le tiers...

Mais l'item 6 de l'article... excusez, pas l'article 5, de l'article 3 du projet de loi, tel que je l'avais compris, voulait amener... et il me semblait que c'était peut-être la règle de pratique, de toute façon, de ce qui se fait, que le médecin distingue bien ce qui a été observé dans son examen, par rapport à ce qui lui a été dit, sans nécessairement identifier qui. Ce n'est pas un rapport de police, là, qui était visé là-dedans. Ce n'était pas d'identifier qui a dit quoi, mais ce que le médecin a su d'informations venant de différentes personnes, par rapport à ce qu'il a lui-même observé ou validé.

Alors, en lisant les deux articles, je n'avais pas l'impression que ces deux articles-là s'opposaient, qu'on pourrait quand même protéger la confidentialité, si vous voulez, dans cette situation.

M. Lair (Rémi H.): Peut-être qu'on n'a pas fait la même analyse que vous. Nous, on y voyait une certaine opposition. On comprend que le médecin doit distinguer, dans son rapport, les choses qu'il constate lui-même lorsqu'il rencontre le patient. C'est sûr que, quand un médecin rencontre un patient, il constate des choses et il apprend également, il reçoit de l'information de la part du patient.

Le problème qu'on a, finalement, quand il note dans son rapport les informations qu'il a reçues, s'il commence à distinguer celles qu'il a reçues de son patient de celles qu'il a reçues, peut-être, de son voisin, des membres de sa famille, ainsi de suite, ça pourrait possiblement contrevenir à l'article 18.

Quand je dis «contrevenir», c'est que ça pourrait effectivement mettre dans le dossier du patient certaines informations qui viennent de tiers, et là on a un problème, à ce moment-là, à ce que l'usager ou le patient prenne connaissance de son dossier. Il a le droit.

M. Rochon: Donc, ce sera une question à faire vérifier, là, quitte à avoir une opinion juridique, et jusqu'à quel point...

M. Lair (Rémi H.): Oui, une question d'accès.

M. Rochon: ...il risque d'y avoir conflit.

M. Lair (Rémi H.): Conflit...

M. Rochon: Entre les deux articles.

M. Lair (Rémi H.): Nous, on veut, dans le fond, que deux lois ne se contredisent pas, et là il semblait y avoir une certaine contradiction.

M. Rochon: Donc, ce n'est pas quant au fond que vous en avez, c'est éviter qu'il y ait une contradiction entre les deux lois.

M. Lair (Rémi H.): Exactement.

M. Rochon: Merci. Troisième, dernière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Rochon: L'article 24. Vous faites un commentaire à l'effet de la difficulté, peut-être, d'interpréter le mot «minimal», qu'il n'y a pas de définition, dans le projet de loi, du mot «minimal». Je ne sais pas si ça vaut toujours, j'ai le vague souvenir de règle d'interprétation de loi où on dit qu'à moins qu'il y ait une définition particulière de précisée dans le projet de loi, le sens des mots sont ceux qu'on leur donne dans le langage courant ou ce que le dictionnaire définit de ces mots-là. Donc, ça voudrait dire que «minimal» est mis là pour le sens qu'on lui donne normalement.

Maintenant, vous suggérez qu'on le remplace par «optimal». Est-ce qu'on n'aura pas le même problème de toute façon pour savoir qu'est-ce qu'optimal veut dire? Ça m'amène à dire que c'est peut-être plus au-delà de choisir «optimal» ou «minimal», le concept qui est derrière ça, ou ce qui est vraiment visé, qu'est la question, non pas de savoir quel est le sens du terme. Là, j'ai l'impression, je voudrais bien comprendre votre avis là-dessus, qu'on a peut-être deux approches différentes par rapport à d'autres avis qu'on nous donne, aussi. Certains nous disent que, s'agissant de mesures de contention, il faut que la loi mette des balises les plus restrictives possible. Il y en a qui nous ont dit: non seulement on devrait dire «minimal», mais, ce matin, d'autres qui vous ont précédés disaient qu'on devrait dire, aussi, «exceptionnel» et «minimal». De mémoire, je ne me rappelle pas des détails, mais on a eu pas mal de commentaires à l'effet qu'on ne sera jamais assez restrictifs pour baliser des mesures de ce genre-là.

Vous, vous référez à une approche plus clinique, à l'opinion des cliniciens, de ce qui serait mieux, pour le bien du patient, que la contention fasse partie de la panoplie des soins ou des interventions qu'on peut utiliser. Moi-même, je viens de comprendre votre sentiment là-dessus, parce que c'est un article important du projet de loi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Lepage.

M. Lepage (Denis): Je pense qu'il n'y a pas vraiment de contradiction; je ferais une distinction ici. Si on parle de la fréquence avec laquelle on recourt à des mesures de contention, je suis d'accord avec le mot «minimal», puis je suis même d'accord avec le mot «exceptionnel». Sans vouloir jouer sur les mots, il est évident que ça ne peut pas être la règle; ça ne peut donc qu'être une exception. Mais, une fois qu'on a pris la décision, pour des raisons cliniques, d'utiliser une forme quelconque de contention, je pense qu'il y a un certain risque à pousser les gens vers le minimum, parce que c'est toujours une situation de compromis, on est toujours dans des situations de compromis, en médecine; de deux maux, il faut toujours choisir le moindre.

Il y a, d'un côté, une notion de liberté à respecter, et de l'autre, une notion de sécurité à assurer. Ces deux notions-là s'affrontent. Alors, faire en sorte que l'une prédomine sur l'autre, d'emblée, au niveau des principes, ça risque, à mon avis, d'amener des conséquences négatives. Sur le terrain, on voit souvent que, lorsqu'une mesure de contention doit être prise, il faut la prendre correctement, il ne faut pas hésiter. Il faut hésiter avant de prendre la décision, mais, une fois que la décision est prise, il faut y aller sans trop lésiner, sinon on a des mesures qui ne fonctionnent pas, l'effet escompté prend du temps à survenir et, entre-temps, la dangerosité persiste ou, même, s'accroit.

Alors, c'est au niveau de la nature ou de l'intensité, si je peux dire, de l'intervention, que le mot «optimal» nous apparaît plus approprié que le mot «minimal», mais, sur le plan de la fréquence des interventions, je suis tout à fait d'accord même pour aller jusqu'au mot «exceptionnel».

M. Rochon: Bonne distinction, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, merci. Un peu dans le sens de la première question que le ministre vous a adressée, quant aux deux examens comme tels. Vous avez peut-être eu l'avantage d'assister à la présentation du groupe qui vous a précédés et qui représentait la Fédération Alzheimer. À ce niveau-là, ils ont préconisé dans leur mémoire une approche qui était beaucoup plus psychosociale que psychiatrique. De quelle façon vous verriez une addition des examens; un examen psychosocial pour débuter, comme ils l'ont mentionné, et, si nécessaire, un examen psychiatrique? Est-ce que vous pensez que les buts recherchés par le ministère et par la loi seraient atteints en prévoyant deux types d'examens, mais différents; le premier, psychosocial, et, au besoin, psychiatrique?

(10 h 40)

M. Lepage (Denis): Je ne crois pas. Ce qu'il s'agit ici de baliser, c'est les interventions qu'on doit faire lorsque la dangerosité présumée ou démontrée est la conséquence d'une perturbation de l'état mental. Il ne s'agit pas de déterminer la dangerosité en fonction des déterminants psychosociaux. Autrement dit, il ne s'agit pas de voir si quelqu'un est dangereux parce qu'il a des problèmes, parce qu'il a des conflits familiaux, parce qu'il vient de perdre son emploi, mais si son état mental est perturbé par un processus pathologique. Et, ça, l'évaluation psychosociale n'y répondra pas.

M. Paradis: On peut peut-être revenir à l'article 24, là. Au niveau de la terminologie, on a vu les nuances qui peuvent être apportées dans l'utilisation d'un vocabulaire usuel. Je n'en suis pas sur le vocabulaire. J'en suis simplement sur une question d'information comme telle. Est-ce que la contention part voie médicale apporte, chez certains ou chez plusieurs des patients, un niveau de dépendance à la médication?

M. Lepage (Denis): Les médicaments traditionnellement utilisés pour obtenir ce qu'on appelle une contention chimique n'entraînent pas de dépendance. Dans les dernières années, on a commencé à utiliser une combinaison de médicaments qui a pour effet d'assouplir un peu, physiquement, parce que les médicaments qu'on utilisait traditionnellement pour la contention chimique, ça avait des effets secondaires – ce ne sont quand même pas des médicaments inoffensifs – particulièrement désagréables, cette espèce de raideur qu'on voit, là, parfois dans certaines... lorsqu'on veut caricaturer l'effet des médicaments psychotropes utilisés chez les grands malades. C'est finalement ce qu'on met de l'avant.

Alors, on utilise en association un autre médicament qui appartient, lui, à une famille de médicaments pouvant susciter la dépendance. Mais la dépendance en question ne survient pas après l'usage de quelques doses, comme c'est le cas lorsqu'on veut calmer ou avoir un effet de contention. Elle ne survient qu'après un usage prolongé et à dose élevée, et donc, à toutes fins utiles, le risque que les médicaments ou les combinaisons de médicaments utilisés pour obtenir l'effet contention provoquent une dépendance est très minime.

M. Paradis: O.K. Peut-être une troisième question, là, qui touche un petit peu le coeur de la problématique. On aura beau s'entendre sur un projet de loi qu'on veut le plus parfait possible, au niveau de l'application, vous pouvez prendre connaissance, ce matin, dans Le Devoir , d'une lettre de Jean Péloquin, qui est le chef du département de psychiatrie à l'hôpital Charles-Lemoyne. Le titre, c'était: Des soins mal répartis . Il conclut de la façon suivante: «Donc, avec trois fois moins de professionnels et d'argent dans le département de psychiatrie de notre région – il parle de la Montérégie – nos patients demeurent, et ce, depuis des années, prisonniers de la pauvreté de leur secteur, et cela, c'est fondamentalement injuste. Sur papier, la politique de santé mentale du ministère, dont un bilan d'implantation vient d'être déposé en février, exprime pourtant clairement l'intention de favoriser l'équité. Mais, dans la réalité et dans nos hôpitaux, nos malades et leurs familles continuent de souffrir d'un manque flagrant d'équité.»

Dans le cadre de cette lettre ou de cette dénonciation de soins, là, pour une des plus grandes régions du Québec, la région de la Montérégie, dans le processus de désinstitutionnalisation comme tel, jumelé aux coupures de personnel – on a fait état tantôt de la sortie de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec ce matin quant à ce qui est appréhendé pour le personnel spécialisé qui risque de quitter dans des proportions supérieures à 25 %, si on suit l'éligibilité – vous vous situez comment, vous, à la veille de cette réforme-là, comme Collège?

M. Bernard (Charles): Vous n'aurez pas une réponse complète ce matin, parce que, justement, un comité est à se pencher sur cette problématique-là, au Collège des médecins, actuellement. À partir du moment où le virage ambulatoire a été amorcé, le Collège s'est interrogé sur cette question et il s'interroge de façon plus pointue sur la distribution des soins en santé mentale au Québec, qui fait problème. Alors, on a fait des tournées à travers le Québec, puis on s'est rendu compte qu'une des priorités que le Collège devait toucher était la santé mentale, ou, surtout, la distribution des soins. Alors, je peux vous dire qu'actuellement il y a un groupe de travail qui fonctionne depuis déjà quelques mois et qui est dirigé par le docteur Joëlle Lescop, qui est la secrétaire générale du Collège, et qui inclut des psychiatres de toutes les régions, des infirmières et des intervenants qui vont produire un rapport d'ici l'automne 1997, c'est-à-dire à la fin de l'année, et on pourra peut-être, à ce moment-là, vous apporter des précisions.

Mais je peux vous dire que c'est une situation très préoccupante pour le Collège, et on a pris action dès le début de ce virage-là, mais je n'ai pas la réponse actuellement. Mais, cette lettre-là, on en est très conscient, puis ce n'est pas juste depuis cette semaine ou depuis l'article du Devoir . L'interrogation est bien antérieure à celle-là.

M. Paradis: Moi, ce que j'ai compris, c'est que le collège a jugé la situation suffisamment préoccupante pour former un comité spécialisé pour s'adresser à la problématique et que votre rapport va être connu à l'automne et qu'on pourra s'en inspirer à ce moment-là, du côté législatif et politique. C'est ce que j'ai compris de votre réponse, puis... ça va, pour le moment, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, M. le Président. Ma question s'attache surtout à l'article 7, concernant les gardes provisoires sans consentement. Je suis pris, moi aussi, comme plusieurs, entre la liberté de la personne ou encore la garder sans son consentement. Je m'imagine plein de scénarios, puis il faut agir.

Mais, quand vous dites qu'il faudrait la transférer même parce qu'il n'y a pas de services adéquats au centre hospitalier où la personne est gardée en garde provisoire, qu'il faut la transférer dans un autre centre hospitalier, je ne sais pas si vous faites référence, là, de plus en plus, soit à Montréal ou Québec. Ou avez-vous, dans le cadre du virage ambulatoire, pensé aux CLSC, qui pourraient peut-être bien faire, CLSC ou des établissements spécifiques dans chacune de nos régions, qui pourraient se développer? Avez-vous pensé à d'autres éléments que maintenir un centre hospitalier, dans le cadre du virage ambulatoire?

M. Lepage (Denis): Je ne sais pas si je perçois bien votre question, en tout cas vous en jugerez à ma réponse. Mais tout ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il peut fort bien arriver que l'établissement, qu'il s'agisse d'un CLSC ou un centre hospitalier, qui reçoit un individu qui présente une dangerosité significative en rapport avec un trouble mental ne soit pas en mesure de le prendre en charge parce qu'il n'a pas les aménagements ou les ressources qu'il faut.

Dans des circonstances comme ça, le transfert dans un établissement mieux pourvu, quel qu'il soit, ça peut-être d'un CLSC, un centre hospitalier, ça peut être d'un CLSC à un autre, à la limite, là – ça me surprendrait! – ça peut être d'un hôpital régional à un hôpital plus central, ça peut être vers un hôpital tertiaire... Bon. Exemple, un institut comme Pinel, ou des choses comme ça. Et là le transfert est requis, et je pense qu'il serait illusoire d'avoir le consentement du patient. On ne l'a même pas eu pour le garder, comment l'aurait-on pour le transférer?

M. Désilets: Bien, ma question, c'était plus pour savoir, dire, je suis bien conscient qu'on ne transfère pas un patient à un endroit où il n'y a pas de services, il faut qu'il y ait des services. Mais je pense que c'est le groupe qui vous a précédés tantôt, concernant la Fédération pour l'Alzheimer, qui parlait d'une Maison Carpe Diem, à Trois-Rivières. Une personne qui est en problème, exemple, ce serait un des cas, au lieu de transférer le patient dans un hôpital quelconque, il pourrait l'envoyer, un peu comme ma collègue disait, dans les ressources alternatives mais reconnues, avec des services, et non dans un autre centre hospitalier.

Je prends quelqu'un en difficulté, en détresse, pour un cas de suicide, si dans chacune de nos régions on a des personnes dans un établissement quelconque, un centre de prévention, qui peut, face au suicide, donner des éléments, donner un suivi ou un certain encadrement de la personne, pouvait s'occuper du cas en question dans le cadre du virage, puis se servir des éléments ou des services qui se développent dans chacune de nos régions, et non le maintenir dans un centre, ou Montréal, Québec, comme on avait tout le temps l'habitude... C'est les deux grands centres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Lepage (Denis): On a peut-être un biais de ce côté-là, parce qu'on fait face aux cas les plus lourds. Mais je pense qu'il faut préciser que, lorsqu'on parle de ressources ou d'aménagement, c'est toujours en fonction du problème présenté.

(10 h 50)

Alors, si vous avez quelqu'un qui présente une problématique suicidaire en rapport avec une maladie mentale, mettons les gros cas comme une dépression psychotique, pour donner un exemple, bien, je doute que ça puisse se prendre en charge en dehors d'un centre hospitalier.

Mais si la problématique en question est en rapport avec des problèmes plus d'ordre psychosocial, comme monsieur mentionnait tantôt, on peut effectivement envisager que l'individu puisse être pris en charge dans une ressource alternative.

Mais là, à ce moment-là, vous parlez d'un individu, généralement, qui va consentir, alors que nous, on se place dans la perspective d'une problématique qui inclut le refus du sujet, où monsieur ne consent pas. Alors, c'est pour ça qu'on n'a pas tendance à penser, dans ces situations-là, à des ressources alternatives, parce qu'elles ne sont généralement pas aménagées ou pourvues pour faire face à des situations de refus comme celle-là.

Mais, en principe, je suis tout à fait d'accord avec vous. Et d'ailleurs, on l'a fait couramment, on réfère couramment à des ressources alternatives des gens qui présentent, par exemple, un certain risque suicidaire mais dont on pense qu'il peut être contenu à l'intérieur de ressources de cet ordre-là.

L'autre exemple, si vous référez aux gens qui ont parlé avant nous, de la maladie d'Alzheimer. On est en face, généralement, d'une personne âgée, relativement débilitée sur le plan physique, qui peut présenter un danger pour sa sécurité sans nécessairement présenter de danger majeur pour autrui, ne serait-ce qu'en fonction des limites physiques qu'elle vit. On peut très bien imaginer, à ce moment-là, qu'une ressource non hospitalière puisse faire face. Pourquoi pas? En pratique, les situations qu'on rencontre, les principales situations que vise un projet de loi comme celui-là, c'est le patient dangereux d'une façon significative, qu'il a le potentiel physique d'actualiser le danger en question, qui refuse et qui est malade.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, et bienvenue à la commission. Vous êtes sûrement au courant, pour en avoir probablement rencontré dans le cadre de votre pratique, que des groupes de plus en plus d'ordre communautaire se sont formés au cours des deux dernières décades dans l'intention de défendre les droits et accompagner, souvent, aider les patients qui ont des problèmes de santé mentale, en cours de traitement, que ce soit à l'interne ou à l'externe des établissements.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée de les reconnaître officiellement. Parce que eux, c'est ce qu'ils veulent, qu'ils aient une reconnaissance officielle. Et, s'il y a reconnaissance officielle, j'aimerais que vous nous disiez quel type de reconnaissance on pourrait éventuellement leur accorder.

M. Bernard (Charles): Ce que vous nous demandez, c'est en dehors de ce que...

Mme Charest: Bien, vous ne vous êtes pas prononcés dans votre mémoire, mais ça fait partie des recommandations et des propositions qu'on a reçues, et j'aimerais avoir une idée. Si vous avez une opinion par rapport à ces groupes, quel type d'opinion vous avez et comment vous percevez, dans le futur ou dans la continuité de ce qui se passe, leur participation à...

M. Lepage (Denis): La première des choses, pour être franc avec vous, madame, je ne crois pas que j'aie ou que nous ayons, soit en tant que psychiatres ou en tant que Collège, à délivrer une reconnaissance de ces organismes-là. Je ne pense pas que ce soit pertinent à notre rôle et à notre mission.

Mme Charest: Comme organisme de soutien?

M. Lepage (Denis): À accorder des reconnaissances officielles, le genre où vous semblez parler d'une reconnaissance officielle, je ne vois pas en quoi ça me regarde de reconnaître officiellement un organisme comme ça. Là où ça me regarde, c'est si ces organismes-là peuvent jouer un rôle de soutien dans le cheminement de quelqu'un atteint d'une pathologie mentale. Oui, pourquoi pas? Ça se fait d'ailleurs.

Mme Charest: Je n'ai pas compris la fin de votre phrase.

M. Lepage (Denis): Je dis «pourquoi pas?». Je dis que ça se fait, que le recours à des ressources dites alternatives, on n'a pas à parler de ça au futur, ça se fait couramment.

Mme Charest: Parce que les groupes, ils existent présentement. Il y en a dans chacune des régions du Québec, ou à peu près, où ces groupes-là sont des individus qui sont très sensibles à la situation que vivent les personnes prises avec des problèmes de santé mentale. Et je ne vous apprends rien à l'effet que ces groupes-là se sont souvent formés suite à ce qu'on peut appeler, selon eux, des abus du pouvoir médical par rapport aux traitements en psychiatrie, etc., et ces gens-là veulent être reconnus.

Écoutez, vous avez sûrement eu connaissance que, au cours des 20 dernières années au Québec, ces groupes-là ont pignon sur rue et accompagnent très souvent les patients dans leurs démarches et même servent souvent de guide à certaines personnes pour décider si elles vont poursuivre telle thérapie ou tel traitement, et tout ça. Alors, vous avez sûrement eu à discuter de ça à un moment donné à l'intérieur du Collège. Je ne peux pas croire que ça ne fait pas partie du décor, excusez le terme, là, mais...

M. Lepage (Denis): Si ces gens-là dénoncent ce que vous appelez des abus de pouvoir médical, ils dénoncent probablement des gestes qui ont été posés dans le cadre de la loi que ce projet-là vise à remplacer.

Mme Charest: C'est vrai. Tout à fait.

M. Lepage (Denis): Donc, les balises vont en être fixées aujourd'hui. Alors, vous ne pouvez pas en même temps demander aux médecins de se soumettre à ce projet de loi là, parce que ce projet de loi, tout comme la loi qu'il vise à remplacer, n'est pas une loi qui donne aux médecins des privilèges mais des devoirs. Alors, vous ne pouvez pas, je pense, demander à un médecin de faire son devoir d'intervenir lorsqu'il est en présence de quelqu'un qui est dangereux en raison d'une maladie mentale et en même temps marcher main dans la main avec quelqu'un qui dénonce ces gestes-là et qui, dans ses interventions, incite les patients à se soustraire aux traitements qui sont recommandés. Je pense que vous ne pouvez pas demander ça, là, c'est une contradiction.

Mme Charest: Non. Mais je ne pense pas que les organismes dénoncent seulement. Ils peuvent dénoncer certaines choses, mais ils sont d'accord aussi avec certaines autres pratiques, d'autres types de pratiques.

M. Lepage (Denis): Alors, il n'y a pas de problème.

Mme Charest: Ils ne sont pas juste des groupes de dénonciation, ils sont des groupes de soutien et de support à la personne, et je ne pense pas qu'ils sont contre nécessairement, de façon absolue, tous les actes médicaux ou tous les actes professionnels qui peuvent être proposés dans le cadre d'un traitement ou...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Bernard.

M. Bernard (Charles): Mais la question, c'est dans un cadre beaucoup plus large. J'ai répondu tantôt qu'il y a un groupe, actuellement, de travail qui se penche, au Collège, sur la distribution, la dispensation des soins en santé mentale au Québec. C'est plutôt dans le cadre de ce groupe de travail là que vous aurez vos réponses dans un avenir très prochain. Disons que le cadre de ce matin est un petit peu plus spécifique pour le projet de loi n° 39. Alors, nous, on vous livre nos commentaires là-dessus, si vous voulez. C'est parce qu'on ne voudrait pas court-circuiter le travail de gens qui se penchent là-dessus actuellement puis vous donner notre opinion plutôt personnelle.

Mme Charest: Je comprends.

M. Bernard (Charles): On a tous une opinion personnelle là-dessus, madame; ça me ferait plaisir de vous donner la mienne, mais je ne voudrais pas engager tous mes collègues, les 17 000 médecins du Québec, sur ma seule et unique opinion. Vous comprendrez ça sûrement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup.

Mme Charest: O.K. J'aurais une autre question. Je m'excuse, M. le Président. La dernière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière. On a déjà dépassé le temps, de ce côté-ci.

Mme Charest: Vous savez, en tant que députée, je ne suis pas une spécialiste de la question des traitements ou, enfin, de la pratique dans le domaine de la santé mentale et je considère que je suis à l'image de la population que je représente. Mais, avant de voter sur un projet de loi, je veux être sûre que je comprends bien la substance et les nuances de ce qu'on nous propose, et je sais qu'en vertu de l'article 12 dans le projet de loi, concernant la garde à distance, vous proposez qu'on accepte des notes documentées au dossier plutôt qu'un certificat motivé. J'aimerais que vous nous expliquiez ça davantage. J'ai une idée de ce que doit être une note documentée au dossier par rapport à un certificat motivé, mais j'aimerais ça que vous nous l'expliquiez bien clairement, parce que tout ce qui est dit ici est enregistré et l'ensemble de la population peut s'y référer si besoin il y a.

M. Lepage (Denis): Alors, c'est le mot «certificat» qui nous agace un petit peu. C'est que, un certificat, c'est une attestation dans laquelle on affirme quelque chose, puis c'est assez catégorique. Ça ne fait pas de place à des nuances, un certificat. On pense que, dans une note au dossier, dossier que...

Mme Charest: Un certificat, est-ce que c'est quelque chose qui est beaucoup plus légal? Non, pas nécessairement.

(11 heures)

M. Lepage (Denis): Oui. Bien, en tout cas, c'est le sens qu'on y donne. On parle, voyez-vous, qu'il atteste par un certificat motivé. Alors, on donne une attestation, on donne un certificat, on affirme quelque chose, alors que, dans une note au dossier, on est beaucoup plus capables de peser le pour et le contre, de donner un compte rendu de la situation et de la démarche qui nous fait prendre le risque calculé, hein. C'est toujours une situation de compromis. On trouve que c'est peut-être trop demander que de délivrer un certificat dans une situation qui ne se prête pas à ça parce que c'est une situation de compromis. On le signale dans le commentaire.

Si la personne est toujours sous garde, c'est que la dangerosité n'a pas été éliminée. On pense qu'elle est atténuée suffisamment, on pense que le caractère imminent de la dangerosité est disparu, mais, si on prend la peine de garder la personne sous garde, c'est qu'il y a encore un risque, mais qu'on pense ne pas interdire ce genre de décision – comme, par exemple, la laisser dans sa famille pour la fin de semaine – ça, pour moi, ça se fait dans un rapport au dossier. Un certificat; qu'est-ce qu'on écrirait sur le certificat? Je certifie et j'atteste que la dangerosité... Bon. C'est l'aspect un peu plus compromettant et légal de la chose qui fait problème ici.

Mme Charest: Parce que ça ne vous permet pas de nuancer autant votre jugement et votre décision, alors que la note, vous pouvez donner plusieurs possibilités de...

M. Lepage (Denis): Ça nous permet d'expliciter notre démarche, parce que ce qui est important là-dedans... On a le droit de se tromper à la fin, mais on doit avoir une démarche qui est rigoureuse et qui est justifiée. Et c'est plus important pour nous de justifier notre démarche que de prouver qu'on a raison.

Mme Charest: Je vous remercie parce que ça me donne une meilleure idée pourquoi vous penchez plus sur la note documentée. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Drs Lair, Bernard et Lepage, merci beaucoup au nom des membres de la commission.

J'invite maintenant les représentants et la représentante de la Fédération des CLSC du Québec à se présenter.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons comme dernier groupe – et nous procéderons aux remarques finales après – la représentante et les représentants de la Fédération des CLSC du Québec. M. Letellier, j'imagine que c'est vous qui commencez? Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.


Fédération des CLSC du Québec (FCLSCQ)

M. Letellier de St-Just (Louis): Merci, M. le Président. Alors, vous me permettrez quelques secondes pour placer un peu nos notes. On a eu à saluer les gens qui nous précédaient.

Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les membres de la commission parlementaire, c'est donc au tour de la Fédération des CLSC du Québec de vous présenter ses commentaires quant à ce projet de loi n° 39. Pour m'accompagner, j'ai, à ma gauche, le docteur Suzanne Pelchat, qui est médecin oeuvrant à temps complet au CLSC de la Jacques-Cartier, où elle travaille à plein temps au sein du programme de santé mentale; et, à ma droite, Denis Perras, qui est avocat permanent à la Fédération des CLSC du Québec. Tous deux ont travaillé à l'étude de ce projet de loi là qui a mené au document que nous soumettons aujourd'hui. Pour ma part, Louis Letellier de St-Just, c'est en ma qualité de vice-président aux affaires associatives de la Fédération des CLSC du Québec que je m'adresse à vous aujourd'hui.

Alors, vous me permettrez, en guise d'introduction, M. le Président, de vous rappeler très rapidement la mission des CLSC, qui est d'intervenir, bien sûr, en première ligne avec une philosophie bien campée dans des valeurs de prévention et de promotion de la santé, et nécessairement très proche de ses communautés. Donc, une approche populationnelle très présente. Intervention constante aussi auprès de nos clientèles, notamment en matière de santé mentale.

En matière de santé mentale, les intervenants du réseau CLSC interviennent autant dans les secteurs de maintien à domicile que dans les services courants, que dans les programmes de santé mentale comme tels, et on peut penser aussi à certains éléments liés à la violence familiale, violence conjugale notamment.

Aujourd'hui, compte tenu des fusions, des regroupements d'établissements, que l'on connaît, nos membres se retrouvent maintenant, pour peut-être la moitié d'entre eux, avec deux missions à gérer: une mission de CLSC – une mission de première ligne – et une mission de longue durée; et, pour certains autres, avec une troisième mission de courte durée. Alors, vous comprendrez que, dans ce contexte-là, nous nous sentons interpellés par les dispositions du projet de loi.

Je me permettrai aussi, M. le Président, de faire un parallèle et un parallèle essentiel avec la politique de santé mentale que le ministère a mise de l'avant pour discussion au cours des dernières semaines, et ce projet de loi là, donc, s'inscrit dans le sillon de l'exception, dans le sens qu'on cherche malgré tout à respecter autant que possible des valeurs fondamentales que sont les droits et la liberté de l'individu, le respect de son intégrité. Et on voit, derrière ça, l'importance qu'a eue la Charte québécoise des droits et libertés, qui a influencé nos pratiques dans le secteur de la santé et des services sociaux, et particulièrement en matière de santé mentale.

La désinstitutionnalisation s'inscrit là-dedans. C'est une nouvelle façon de faire, mais il ne faut pas perdre de vue qu'en matière de santé mentale respecter l'intégrité de l'individu veut parfois dire aussi agir sans son consentement.

Je fais un bref rappel à la politique de santé mentale de 1989 qui, sans commenter davantage ici, n'a pas été nécessairement une réussite. On se reprend aujourd'hui avec de nouvelles orientations en matière de services de santé mentale.

Ce qu'on doit faire maintenant, et je pense que le projet de loi s'inscrit dans cette même foulée, c'est nous assurer que les services de support à la clientèle que l'on vise soient, cette fois-ci, véritablement mis en place afin de donner enfin au milieu toutes les ressources dont il doit disposer pour agir efficacement auprès de cette clientèle-là.

Si on ne prend pas tous les moyens nécessaires pour agir de la sorte, non seulement il n'y aura aucun gain, mais en même temps on ne protégera personne, on desservira la communauté plutôt que de la soutenir et on aura un effet pervers, qui n'est pas souhaité par personne, c'est-à-dire que ce projet de loi là devienne un outil d'utilisation fréquente, donc devienne le principe plutôt que l'exception. C'est donc pourquoi on exige une cohérence qui soit de mise cette fois-ci, afin que l'on évite tous les dérapages dans ce secteur-là.

Ce qui nous amène, dans le corps de notre mémoire, et j'irai de façon sommaire... Je n'ai pas l'intention de vous lire ce document-là puisque vous l'avez déjà tous lu, et je ferai certains commentaires, donc, en y allant section par section.

Le premier commentaire concerne l'intervention d'un agent de la paix. Alors, un peu à l'instar du Collège des médecins qui nous a précédés, je pense que cette suggestion qui, à l'article 8, nous permet d'amener un agent de la paix dans ce processus qui vise à protéger l'individu, je pense que c'est une amélioration importante et souhaitable. Alors, jusqu'à maintenant, nous avions des dispositions pour nous permettre de garder quelqu'un en établissement dans un contexte de dangerosité, mais nous n'avions pas et nous n'avons toujours pas de dispositions qui nous permettent de l'amener vers l'établissement de façon plus coercitive. Alors, on se retrouve donc devant une certaine impasse pour les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux, et, aussi, c'est un contexte de stress très évident pour nos familles.

Alors, ce qui fait que le recours aux forces policières est donc un atout, ce sont des choses qui se font dans le quotidien, non pas toujours avec beaucoup d'empressement. On peut comprendre les forces policières d'être parfois un peu timides dans leurs interventions, ce qui fait que cette recommandation est sûrement bien appropriée, sauf qu'on doit constater qu'il y a inégalité à l'heure actuelle au niveau de l'intervention des services policiers. Alors, nous sommes en accord avec cette intervention policière, et c'est l'objet, donc, de notre première recommandation.

(11 h 10)

Quant aux balises, par contre, qui doivent mener à cette intervention policière là, nous avons quand même certaines réserves et on considère que le projet de loi n'est pas suffisamment précis. Alors, on doit considérer cette intervention policière ou, en fait, la possibilité que nous amenions un individu qui est dans un contexte de dangerosité vers un établissement qui pourrait le prendre en charge, on considère que ça doit être un dernier élément de contrainte, donc une attitude de dernier recours, ce qui donne à ce projet de loi là, de toute façon, tout son caractère d'exception. Donc, on a des réserves, ici, à la manière dont le pouvoir discrétionnaire du policier est décrit. On considère qu'il n'y a pas suffisamment de balises qui permettent au policier, qui est une personne qui n'a pas nécessairement la formation, aujourd'hui, pour intervenir, et c'est dans ce sens-là, M. le Président, qu'on vous recommande fortement que ce projet de loi puisse retrouver, qu'on puisse y retrouver des balises bien identifiées, pour permettre au policier d'avoir recours à des informations qui pourront le guider dans sa décision.

Alors, ce qu'on vous recommande, c'est que le policier puisse rejoindre – et on est dans un contexte d'urgence – des intervenants, des professionnels du réseau que seraient un médecin, un travailleur social, un psychologue, une infirmière ou un infirmier, par exemple, pour n'en nommer que quelques-uns, de manière à expliquer la situation pour savoir si nous sommes devant une situation où il est nécessaire d'amener de force un individu dans un établissement pour qu'on puisse le prendre en charge.

Je vous donne un exemple à ce titre-là. C'est un exemple qui est maintenant en place, c'est le projet d'urgence psycho-sociale au CLSC des Faubourgs, où, dans un contexte pour éviter une judiciarisation excessive au niveau de certains individus – on pense beaucoup aux itinérants qui commettent certains délits mineurs et qui se retrouvent trop souvent dans les portes tournantes du système judiciaire – nous avons institué, avec certains corps policiers de l'île de Montréal, un lien, une coordination importante qui permet aux policiers de rejoindre d'urgence un travailleur social, par exemple, une infirmière ou un infirmier du CLSC pour qu'on puisse intervenir avant qu'on judiciarise une situation et permettre peut-être des attitudes un peu subsidiaires et moins coercitives.

Donc, c'est l'essence de notre deuxième recommandation. Et, en ce sens-là, je pense qu'il n'est pas superflu de dire à ce stade-ci qu'une bonne planification de cette organisation-là est essentielle. Les régies régionales doivent être mises à profit ici, et on doit donc identifier les intervenants qui pourront être rejoints dans nos différentes régions.

Toujours dans le même chapitre de l'intervention de l'agent de la paix, on considère que cette liste qui nous permet de dire qui peut solliciter l'intervention d'un policier, elle est incomplète. Alors, au moment où on se parle, ça correspond – ceux qui peuvent faire intervenir un policier – à la liste qui est déjà là pour que nous puissions consentir à des soins. Et on exclut évidemment, dans ce contexte-là, tous les professionnels de la santé qui sont impliqués avec les individus dans le quotidien, qui sont donc au courant de certains agissements et qui, par le fait de l'article 8, ne peuvent pas intervenir.

Alors, on souhaiterait – et c'est le sens de notre troisième recommandation – pour que le policier puisse intervenir, dans le fond, ça a un effet apaisant, un effet rassurant pour le policier, si c'est à la demande d'un professionnel de la santé, aussi, que cette intervention policière s'inscrit. Et, dans ce contexte-là, il serait peut-être approprié de penser à modifier les différentes lois qui concernent la protection du secret professionnel, pour ces différents intervenants qui auraient à solliciter l'aide policière dans un cas de dangerosité.

La seconde section du mémoire, qui concerne la garde provisoire. Le projet de loi fait donc une distinction très nette entre la garde et l'examen clinique psychiatrique, de sorte qu'on comprend qu'il ne soit pas nécessaire – et il n'est pas recommandé, dans le projet de loi – d'avoir deux examens cliniques psychiatriques, comme c'est le cas dans l'actuelle Loi sur la protection du malade mental. Donc, nous avons une intervention au niveau de la garde provisoire; il y a un examen clinique psychiatrique qui mène donc, si nécessaire, à une garde comme telle. Alors, il n'y a pas nécessité, donc, d'un second examen clinique psychiatrique.

Alors, l'approche, pour nous, nous apparaît équilibrée. Nous ferions quelques recommandations. Lorsque nous sommes dans un contexte de garde provisoire, l'article 7 mentionne l'obligation d'aviser immédiatement le directeur des services professionnels ou le directeur général. On vous suggère de modifier cette notion d'agir immédiatement pour peut-être remplacer cette notion pour dire qu'on doit agir le plus tôt possible, pour que ce soit beaucoup plus près de la réalité institutionnelle.

D'autre part, il se peut qu'une personne consente à un examen clinique psychiatrique et consente aussi à la garde. Dans ce contexte, il n'y a pas de problème, comme tel. Mais le problème peut survenir lorsqu'on a un consentement à un examen clinique psychiatrique mais que, par la suite, il n'y a pas de consentement à la garde. Il nous apparaît que le projet de loi ne prévoit pas cette situation-là, de sorte qu'il faudrait que l'on s'assure que la garde puisse être prolongée pour qu'on ait le temps de retourner devant un tribunal pour obtenir cette ordonnance de maintenir l'individu en garde, comme le suggère l'examen clinique psychiatrique. C'est l'objet de notre cinquième recommandation.

Même chose, M. le Président, si la personne est déjà admise avec son consentement et qu'elle refuse en cours de route et qu'il y a un danger imminent, c'est le même principe qui devrait s'appliquer, on devrait pouvoir maintenir cette personne-là en institution malgré son refus et nous permettre, donc permettre à l'établissement d'aller chercher les ordonnances nécessaires pour poursuivre cette garde en établissement.

Au niveau de la détermination des établissements où on peut admettre une personne sous garde provisoire, encore là, je pense qu'il y a une intervention, il y a une planification importante au niveau des régies régionales. Je pense que l'on devrait prévoir d'emblée quels sont, par région, les établissements capables de recevoir nos personnes qui manifestent un danger soit pour elles ou pour autrui, de façon à éviter des retards, des situations dommageables où on serait obligé de transférer alors qu'on n'aurait pas dirigé l'individu vers l'établissement approprié. Donc, ici, une recommandation quant à l'organisation de nos services est importante.

Dans le même ordre d'idées, la recommandation 8 s'intéresse au transfert. Si nous avons amené un individu dans un contexte de garde provisoire et que l'établissement ne s'avère pas bien muni pour faire face à une telle situation, d'une part, on considère qu'il n'y a pas besoin d'obtenir de consentement de cette personne-là, et le projet de loi devrait nécessairement, donc, le prévoir, mais que le délai pour maintenir un individu en garde provisoire ne se modifie pas, il demeure à 48 heures dans ce contexte-là. C'est l'objet de la recommandation 8.

Section III, l'examen psychiatrique, encore une fois, si on fait référence un peu, à l'instar du Collège des médecins, on cherche ici, je pense, à éviter des contradictions entre le Code civil du Québec et la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale.

Alors, il y a déjà des dispositions très précises au niveau de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et il faudrait, et on comprend très bien que les informations devraient, les informations pertinentes doivent se retrouver dans le rapport du médecin au tribunal, mais qu'on ne devrait pas nommer qui que ce soit dans ce rapport-là. D'autant plus qu'en vertu du Code civil les parties ont accès à ce rapport. Donc, c'est le sens de notre neuvième recommandation.

Notre dixième recommandation s'inscrit, encore une fois, dans un souci de mieux protéger l'individu, et il nous apparaît que le médecin, qui parfois doit intervenir soit dans un contexte d'examen clinique psychiatrique ou de garde, n'a pas toutes les informations appropriées. Et, dans ce contexte-là, on trouverait approprié que ce médecin puisse, si c'est possible de le faire, rejoindre d'autres établissements et d'autres professionnels qui connaissent le cas de la personne qui manifeste un danger pour elle ou pour autrui, de façon à mieux documenter l'approche qui nous permettra de prendre les meilleures décisions en rapport à cette personne-là.

Quant à la garde en établissement, à la section IV, je vous avoue, M. le Président, que cette notion de congé temporaire est, à première vue, surprenante, parce qu'il y a dangerosité ou il n'y en pas, il y a garde ou il n'y a pas garde. On peut dire, en utilisant un vocabulaire qui n'existe plus dans les faits, celui de la cure fermée. Alors, il y a cure fermée ou il n'y en a pas.

Par contre, on n'est pas en désaccord avec cette politique-là, et, encore une fois, il est important que nous ayons des balises très claires, de sorte que, lorsque l'individu a reçu ce certificat qui lui permet un congé temporaire, l'on soit avisé dans la communauté si jamais il y a un problème particulier, qu'on ait un recours aux instances compétentes. Donc, organisation régionale, collaboration de la régie régionale, déterminante et cruciale, ici.

Cinquième section, et je vais quand même y aller rapidement, M. le Président, autant au niveau de l'ordonnance de l'examen clinique psychiatrique que de l'ordonnance de garde. En résumé, on considère que le contexte actuel qui nous a obligé à judiciariser est fort lourd pour les familles, fort lourd aussi lorsqu'il faut intervenir de façon urgente dans un esprit et un souci de protection de l'individu. Et on suggère, d'une part, d'alléger les procédures qui sont en place, de revenir à des notions beaucoup plus près de ce que nous disait l'article 14 de la loi sur la protection du malade mental, de façon à simplifier la protection, les recours, les procédures, pour nous permettre une meilleure protection de l'individu.

(11 h 20)

Alors, vous voyez l'essence de nos recommandations 11 et 12, qui sont quand même assez substantielles, lorsqu'on demande l'abrogation pure et simple des dispositions du Code de procédure à cet égard-là.

Nous sommes d'accord avec le maintien, au niveau de l'examen clinique psychiatrique, de l'intervention des tribunaux de droit commun, mais, par contre, on verrait d'un meilleur oeil qu'en matière de garde ce soit la Commission des affaires sociales qui puisse avoir une juridiction exclusive à ce niveau-là.

Quant à la dernière recommandation, M. le Président, évidemment, ça fait référence à l'article 26 du Code civil, et, pour consentir soit à un examen clinique psychiatrique ou à une garde en établissement, on voit, de manière tout à fait appropriée, on comprend encore difficilement pourquoi les proches et les conjoints ont été exclus de cette liste, ce qui les oblige ni plus ni moins à recourir aux tribunaux, contrairement à ce qu'un mandataire, un curateur ou un tuteur à la personne ou un représentant de l'autorité parentale peut faire sans avoir nécessairement un recours aux instances judiciaires.

Alors, en conclusion, il ne faut pas perdre de vue que la personne atteinte est pour la plupart du temps dans un état qui ne lui permet pas de prendre des décisions éclairées et que son refus de recevoir de l'aide n'est pas une manifestation d'une volonté réelle mais plutôt une caractéristique de sa maladie. Alors, rien ne nous dit que, si elle était pleinement consciente de la situation dans laquelle elle se trouve, elle ferait alors les mêmes choix. Il faut donc faire attention de considérer son droit à la liberté et à l'inviolabilité de sa personne comme étant absolu et prioritaire au droit à son intégrité, qui est également en jeu. Alors, il faut regarder ce que notre milieu peut offrir et s'assurer que, dans ce projet de loi là, nous ayons des balises très nettement identifiées pour éviter tout dérapage.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je remercie aussi les représentants de la Fédération des CLSC de venir nous donner le résultat de leur analyse du projet de loi n° 39 et leurs commentaires et suggestions. Moi, j'aurais une question en rapport avec les commentaires qui ont été faits au sujet de l'article 8, et plus directement votre recommandation à l'effet que des professionnels dans le domaine de la santé devraient être mentionnés à l'article 8 comme étant des gens avec qui l'agent de la paix... Je ne sais pas si vous disiez «pourrait» ou «devrait»... C'est ça, vous disiez «devrait».

Bon. Je fais un commentaire puis je vous pose une question. Je pense que l'article 8 a été écrit en voulant référer à tous les gens soit qui sont mentionnés dans l'article 8 ou dans l'article 15 du Code civil du Québec, pour identifier les gens qui peuvent être habilités à se substituer à une personne pour donner un consentement en son nom, si cette personne n'est pas en mesure de le faire, et de s'en tenir à ça, parce qu'il s'agit vraiment d'une demande d'une intervention particulière pour amener quelqu'un contre sa volonté et pour possiblement, à la suite d'un examen, avoir une garde, aussi, contre sa volonté. Donc, ça veut être limité, je pense, à des gens qui peuvent, d'après nos lois, prendre une décision au sujet d'une autre personne qui ne peut pas agir, donner un consentement en son nom.

À ce moment-là, ça sera difficile d'ouvrir l'article et d'introduire d'autres personnes là-dedans, surtout, qui devraient être consultées, si c'est pour d'autres fins que de donner leur consentement, et c'est plutôt d'intervenir, si je comprends bien votre intervention, avec l'agent de la paix pour que l'intervention soit la plus interdisciplinaire possible et qu'on assure le meilleur service, la meilleure intervention à la personne qui en est l'objet.

Maintenant, est-ce qu'on ne devrait pas, comme je pense que c'est déjà le cas habituellement à différents degrés et selon les endroits, s'en remettre plus à des protocoles d'intervention, à des guides de pratique convenus entre des professionnels, avec des établissements? Je pense que, dans la région de Montréal surtout, la police communautaire, comme on l'appelle, je pense, travaille déjà en collaboration étroite avec des groupes communautaires, avec des CLSC, et ça existe, en fait, il y a des protocoles d'établis et les gens savent ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils doivent faire. Et ce n'est peut-être pas l'objet de cette loi-là, qui a un objectif très précis, là, le projet de loi qui vise la protection du malade mental dans des conditions particulières, qui devrait commencer à déborder trop puis aller encadrer les pratiques, aussi, qui de toute façon n'ont peut-être pas besoin d'être encadrées dans une loi, mais par des moyens plus souples, plus flexibles et qui s'ajustent mieux à l'évolution des interventions et, aussi, qui s'ajustent mieux aux réalités différentes, selon les endroits où on est, au Québec...

M. Letellier de St-Just (Louis): M. le ministre, je ferai un bref commentaire pour permettre à Denis Perras de le compléter. Notre intervention se situe effectivement, au niveau de l'article 8, à deux niveaux. D'abord, pour permettre au policier d'aller chercher de l'information additionnelle, d'aller chercher des données additionnelles pour lui permettre de mieux appliquer son jugement, et, dans un autre ordre d'idées, on demandait aussi à ce qu'on puisse modifier l'article 8 pour permettre aussi à des professionnels de la santé qui sont impliqués au quotidien et qui sont témoins de certains agissements, de certaines circonstances, de requérir, en fait, la participation des policiers. Sur le premier plan, qui est d'aller chercher de l'information additionnelle, je comprends votre remarque concernant les protocoles, mais c'est justement parce qu'on est un petit peu inquiet. Il y a beaucoup d'inégalités dans l'application de ces protocoles-là, et il y a des endroits où il n'y en a carrément pas. Et je pense qu'on donne beaucoup trop de liberté aux policiers, ici, pour agir seuls. Ils ont besoin d'un complément d'information et de support, et c'est dans ce sens-là que notre premier commentaire s'inscrirait. Denis.

M. Perras (Denis): Peut-être pour compléter sur la possibilité d'un intervenant du réseau de la santé et des services sociaux de requérir cette action-là du policier, n'oublions pas qu'il y a beaucoup de personnes, particulièrement dans les milieux urbains, qui sont seules au monde, qui n'ont pas de parents, qui n'ont pas de conjoints ou qui ne sont pas représentés légalement et qui se retrouvent dans des situations où, souvent, le seul lien qu'ils ont avec l'extérieur est à peu près au CLSC ou, à un moment donné, ils vont aller dans un établissement et là ils vont rencontrer soit un travailleur social, un médecin, une infirmière, et on va détecter qu'il y a un danger imminent, là, qu'il faut intervenir. Il n'en a pas, de proche, et la personne est dangereuse, puis l'infirmière ou la travailleuse sociale ou même le travailleur social ne dispose pas, là, des moyens de contention requis pour amener cette personne-là dans un lieu adéquat. Alors, il ne faut pas oublier ça, là.

Vous savez qu'aujourd'hui, avec les familles éclatées, il y a beaucoup de monde qui demeurent seuls et il n'y a pas un environnement, autour d'eux, qui peut les protéger. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on considère que l'intervention d'un médecin ou d'un professionnel à l'emploi d'un établissement peut s'avérer pertinente. N'oublions pas qu'on n'est pas en matière de consentement aux soins, non plus, là. On est en matière, justement, de contrainte. On peut faire l'analogie ici, là, pour juger de la pertinence, avec l'article 27 du Code civil qui permet à un médecin ou à tout intéressé d'adresser au tribunal une requête pour soumettre une personne à un examen clinique psychiatrique.

Alors, si on autorise un médecin ou un intéressé à faire cette requête-là devant le tribunal dans un contexte de judiciarisation, pourquoi cette personne-là ne pourrait être également autorisée par la loi à s'adresser à un agent de la paix afin que la personne soit amenée dans un lieu où elle pourrait être admise sous garde provisoire? Le Code civil prévoit déjà ça en matière de s'adresser devant les Tribunaux, alors pourquoi ne pas le faire au niveau de l'agent de la paix? L'article 27 du Code civil.

M. Rochon: Je ne veux pas partir une argumentation là-dessus ce matin. Ce n'est pas le temps. Mais, juste pour aller jusqu'au bout de l'information, l'article 15 du Code civil, après avoir identifié les différentes personnes qui peuvent prendre ce type de décision pour quelqu'un, le conjoint ou..., on dit: «...ou à défaut de conjoint ou en cas d'empêchement de celui-ci par un proche parent ou par une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier.» Et, ça, je crois comprendre que ça peut couvrir, dans le genre de situation, le professionnel de santé à défaut de toute autre personne...

M. Perras (Denis): Mais j'ai en ma connaissance des jugements qui ont été rendus où, à un moment donné, les juges ont dit que: «Ne pouvaient être inclus dans la notion de personne qui démontre pour le majeur inapte un intérêt particulier des personnes à l'emploi d'un établissement de santé et de services sociaux.» Il me semble avoir vu, par rapport à des requêtes en soins, ce genre de jugement là.

M. Rochon: O.K.

(11 h 30)

M. Perras (Denis): Et donc, c'est pour éviter justement cette ambiguïté-là que... Il y a eu des jugements sur la Rive-Sud de Montréal, à ma connaissance, où des CLSC étaient impliqués, et ils se sont fait dire par le juge: Vous n'êtes pas une personne qui démontre un intérêt pour le majeur. Vous ne pouvez pas être à la fois celui qui dispense et celui qui consent, dans un sens. Mais, maintenant, on n'est pas en matière de consentement, quand on requiert l'intervention de l'agent de la paix.

M. Rochon: C'est ça. Bien, merci. Je pense que c'est une bonne vérification qu'on aura à faire pour s'assurer qu'il n'y a pas d'exclusion là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: À votre recommandation n° 12, vous y allez avec une modification qui, si elle était retenue, serait très importante quant au rôle que la commission des affaires sociales, au niveau de la garde comme telle, aurait à jouer en substitution aux tribunaux de droit commun. Est-ce que votre recommandation est adoucie, se tient, se maintient, compte tenu du libellé de la Loi sur les tribunaux judiciaires, qui fait présentement l'objet d'étude dans une autre commission, aujourd'hui même? Est-ce que vous en avez tenu compte ou si ça ne change en rien votre recommandation?

M. Letellier de St-Just (Louis): M. Paradis, je vous répondrais assez rapidement là-dessus. C'est évident que la Loi sur les tribunaux judiciaires, qui n'est pas adoptée – on n'a pas de loi d'application à l'heure actuelle – c'est ni plus ni moins que l'abrogation de la Loi sur la Commission des affaires sociales. Alors, c'est évident que, à ce moment-là, tout est concentré au niveau de la Loi sur les tribunaux judiciaires, qui crée une instance particulière pour traiter des situations, tout à fait. Mais, comme la loi n'est pas adoptée, on ne peut pas présumer de son adoption à ce stade-ci. C'est pour ça qu'on a traité ça...

M. Paradis: Non, le but de la question – et si je comprends bien votre réponse – est, que la loi soit adoptée ou non... vous, ça ne change pas votre orientation au niveau du mémoire, que ce soit la Commission des affaires sociales ou la section sociale des tribunaux administratifs, ça ne change pas le fond de votre intervention.

M. Letellier de St-Just (Louis): Non, ça ne change pas le fond d'intervention.

M. Paradis: À la page 9 de votre mémoire, vous dites: «Nous en profitons pour souligner aux membres de cette commission qu'il est important d'investir dans les ressources de la communauté pour supporter dans leur milieu des personnes atteintes de maladie mentale. Notre proposition trouvera en effet sa pleine mesure si chaque territoire est doté de ressources compétentes et en nombre suffisant.»

Dans le contexte actuel où beaucoup d'intervenants dénoncent le manque de ressources, si la loi est adoptée à peu près telle quelle, il manque combien de ressources pour donner un service adéquat au niveau de la province? Puis, est-ce qu'il y a des régions qui sont plus déficitaires que d'autres quant aux ressources?

M. Letellier de St-Just (Louis): Je ne vous apprendrai rien, M. Paradis. De toute façon, je pense que, pour nous, nous sommes venus ici pour discuter de ce projet de loi là. Votre question fait référence, aussi, à toute la politique de santé mentale.

M. Paradis: Et il y a votre mémoire.

M. Letellier de St-Just (Louis): Il y a notre mémoire aussi, mais, ce qu'il est important de retenir, c'est que, si on veut avoir ces ressources adéquates, tout dépend de la réallocation des ressources qui devra se faire dans chacune des régions. C'est évident, compte tenu de la transformation du réseau que l'on vit actuellement, qu'il y a des milieux qui vont un petit peu moins bien que d'autres. On manque de ressources mais tout est en place. On attend effectivement cette réallocation des ressources pour pouvoir maintenir un niveau de services adéquat.

M. Paradis: Vous parlez de réallocation des ressources. Est-ce que vous partez de la prémisse où les ressources actuelles sont suffisantes mais mal distribuées – je ne parle pas d'une distribution optimum sur le terrain – ou est-ce qu'on est en déficience de ressources actuellement?

M. Letellier de St-Just (Louis): Je ne peux pas vous répondre. Peut-être que le Dr Pelchat pourrait répondre de façon plus précise à cette question-là. Mais, pour un, c'est évident que, dans le contexte du virage ambulatoire, de la réorganisation du réseau, il y a une énorme désorganisation. Et on est en train tranquillement, du mieux qu'on peut, de mettre en place ces ressources-là. Il y a sûrement une insuffisance de ressources à certains endroits, mais on est surtout en attente de réallocation des ressources appropriées pour que les services soient adéquats.

M. Paradis: Je tentais de peut-être préciser un petit peu, vu qu'on est en déficience à certains endroits, je pense que tout le monde l'admet. Est-ce qu'il y a des endroits où on est en surplus de ressources?

M. Letellier de St-Just (Louis): Je ne pourrais pas vous répondre de façon spécifique à cette question-là. Dr Pelchat, peut-être?

Mme Pelchat (Suzanne): Moi non plus, je ne connais pas l'ensemble de la province. Je travaille dans un CLSC de la région de Québec. Il y a des inégalités importantes entre les différents CLSC. Déjà, à notre niveau, on constate ça. Il m'apparaît que les ressources dans la région de Québec seraient suffisantes si elles étaient distribuées différemment, actuellement.

Mais, pour les autres régions? Moi, je fais de la clinique, alors, je ne suis pas vraiment au courant de ce qui se passe partout. Mais, dans la région de Québec, ça m'apparaît quand même, dans la mesure où les ressources vont suivre, par exemple, de Robert-Giffard, etc., l'expertise que ces gens-là ont, il m'apparaît qu'on devrait être assez bien pourvu dans la région de Québec. Mais je pense bien qu'il y a des territoires où c'est beaucoup plus pauvre que ça.

M. Perras (Denis): Un des problèmes, selon les régions, est qu'un moment donné il y a eu de la désinstitutionnalisation. Les gens sont sortis des centres hospitaliers, mais l'argent n'est pas sorti avec eux autres, de sorte que ça a créé des difficultés dans le milieu. Les organismes communautaires ont de la misère à desservir ces gens-là parce qu'ils manquent de ressources, les ressources financières ou professionnelles, à la limite, étant demeurées dans les centres hospitaliers, dans le cadre de la dernière opération de désinstitutionnalisation. C'est pour ça qu'on souhaite... et c'est pour ça qu'on y faisait référence.

À l'époque, on ne connaissait pas encore les orientations que le ministère a livrées dernièrement, – je vous rappelle que le mémoire a été écrit en février – de sorte qu'on voulait lancer un message, on voulait profiter, justement, de la commission parlementaire pour lancer un message de dire: allez-y avec une réallocation, avec une redistribution adéquate vers le milieu, vers les organismes communautaires, vers les établissements locaux pour qu'on puisse supporter la personne de manière à éviter de recourir à des mesures d'exception ou des lois contraignantes comme la Loi sur la protection de la personne atteinte de maladie mentale.

Qu'on s'assoie vraiment, en dernier recours, et, si on est capable d'intervenir dans le milieu, de soutenir les personnes qui sont en besoin, dans le milieu, on va peut-être éviter, justement, le phénomène des portes tournantes, de quelqu'un qui rentre, qui sort, qui rentre et qui sort.

M. Paradis: Comme vous êtes les derniers témoins que nous entendons, nous avons eu des représentations de différents groupes et il y a des écoles de pensée qui peuvent être valables, dépendant du point de vue où on se place. Vous avez eu l'avantage d'entendre le Collège des médecins, tantôt, qui avait une approche plus médicale, et je pense que c'est normal lorsque c'est le Collège des médecins qui témoigne. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre la représentante de la Fédération d'Alzheimer, avant, qui préconisait davantage une approche psychosociale au début de l'ouverture du dossier. Au niveau de la Fédération des CLSC, vous vous situez où, comme tel? Est-ce que l'approche médicale vous sourit et que c'est l'orientation que vous préconisez, ou vous pencheriez davantage, sur le plan de l'orientation, vers une approche psychosociale?

Mme Pelchat (Suzanne): Au CLSC, chez nous, c'est toujours des travailleurs sociaux qui font l'accueil; alors, nécessairement, il y a une approche psychosociale au départ. Mais je pense qu'il faut démêler les situations. Cette loi-là s'applique pour des personnes qui sont malades et qui présentent un niveau de dangerosité imminent pour elles-mêmes ou pour autrui. Alors, à ce moment-là, l'approche psychosociale fait partie intégrante de notre travail. Le médecin n'est qu'un rouage de la machine, au CLSC. Ce n'est même pas le rouage le plus important, la plupart du temps. Alors, c'est certain que l'approche psychosociale est essentielle si on veut prévenir des crises, et tout ça, mais, quand on est rendu à l'étape où la personne présente une dangerosité imminente pour elle-même ou pour autrui et que là on a besoin d'avoir un diagnostic, bien, la loi actuelle dit que c'est les médecins qui font des diagnostics, alors, on n'est pas capable de les éviter, les docteurs, c'est dans ce sens-là. Mais il faut qu'à un moment donné quelqu'un puisse faire un examen mental pour déterminer de quoi il s'agit vraiment.

Si la personne est hallucinée, il faut être capable de l'identifier puis apporter la suite des soins. C'est évident que l'approche psychosociale est majeure, c'est ce qui permet, souvent, l'apparition de nouvelles crises puis la fidélité au traitement pharmacologique et au traitement de réinsertion, à toutes les approches de réinsertion. Si la personne est très bien supportée à ce niveau-là, c'est prouvé que ça réduit le nombre de crises. Une approche médicale pure, c'est voué à l'échec, mais on ne peut pas éliminer les médecins de ce genre de dossiers-là non plus.

M. Paradis: Merci beaucoup.

(11 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom des membres de la commission, je vous remercie beaucoup. Je vous souligne que, effectivement, vous étiez le 27e groupe. Nous allons procéder, nous, aux remarques finales; vous pouvez demeurer là et attendre quelques minutes, si vous le désirez.


Mémoires déposés

Avant de procéder aux remarques finales, je vais procéder au dépôt de huit mémoires pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission. Je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus par la commission dans le cadre de la présente consultation, soit: Dr Georges-Étienne Cartier, Centrale de l'enseignement du Québec, Comité des bénéficiaires de l'hôpital Douglas, Fédération des policiers du Québec, groupe de citoyens de Ville-Marie et autres, Mouvement des personnes d'abord de Drummondville, Projet PAL, Ressources alternatives en santé mentale, RAIDDAT, Groupe régional de défense des droits en santé mentale de l'Abitibi-Témiscamingue et le Comité des usagers et usagères du centre hospitalier Malartic. Alors, pour les remarques finales, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, M. le député de Brome-Missisquoi, à procéder, tout en lui rappelant que nous avons 15 minutes chacun maximum.


Remarques finales


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président. Je n'ai pas pu participer, malheureusement, aux premiers mémoires qui ont été déposés en commission, mais, s'il y a une tangente ou une constance qui se dégage de la part des divers intervenants, c'est que chacun, traditionnellement, a travaillé à l'intérieur de ce qu'on peut appeler une certaine chasse gardée. Il semble se dégager de la part de tous les intervenants un besoin de collaboration comme tel.

À l'intérieur de ce besoin de collaboration, moi, j'inviterais tout simplement le ministre à porter une attention particulière aux mémoires des groupes qui représentaient directement ou indirectement les patients, les personnes qui sont concernées. Les groupes structurés ont habituellement les moyens de suivre le projet de loi à partir du début jusqu'à la fin. Parfois, les groupes qui représentent les bénéficiaires n'ont pas ces mêmes moyens. Dans le doute, peut-être relire les mémoires des gens qui représentaient, comme tel, des citoyens.

Je prends également très sérieusement l'intervention du Collège des médecins. Ces gens-là ont une expertise sur le terrain et sont à finaliser une étude. Moi, je pense qu'on aurait avantage, comme législateur, de bénéficier des lumières de l'étude du Collège des médecins avant de poser le diagnostic final, si je peux utiliser l'expression. On sait que ça va nous arriver au plus tard à l'automne. Je ne sais pas, sur le plan du calendrier, si le ministre peut s'accommoder ou non de ce calendrier, mais, compte tenu de l'importance que le Collège des médecins accordait à cette étude et des conclusions qu'ils peuvent en retirer et être bénéfiques pour l'ensemble de la population, moi, j'invite le ministre à y porter une attention particulière.

Au-delà de tout ça et malgré la modernisation de la législation comme telle, ce n'est pas à tous les jours qu'on ouvre une loi de cette importante qui affecte autant de gens. Est-ce qu'on va assez loin dans la modernisation de notre loi? Les approches médicales et psychosociales, comme viennent d'en témoigner les médecins, ne sont pas incompatibles. Elles peuvent s'ajouter et bénéficier davantage à la clientèle qui est visée. Est-ce que le projet de loi, tel que libellé présentement, fait suffisamment de place à cette approche psychosociale comme telle? L'approche médicale, traditionnellement, était là; elle est encore très présente au niveau du projet de loi.

Au-delà de tout ça, est-ce qu'on a planifié les ressources humaines correctement? Moi, j'ai pris note d'un engagement, la première journée en commission, du ministre à l'effet qu'il n'y aurait pas de continuité dans la désinstitutionnalisation sans que les ressources nécessaires apparaissent a priori, pas a posteriori, sur le terrain. Nous avons réagi, nous, en nous disant: Si le ministre tient parole et que les ressources apparaissent a priori sur le terrain, nous l'accompagnerons dans cette démarche. Mais, si le passé est garant de l'avenir dans cette situation-là... Et la Fédération des CLSC l'a mentionné, il y a eu de la désinstitutionnalisation, et les ressources, on ne les a pas retrouvées sur le terrain. On ne peut pas continuer comme ça.

Moi, j'aimerais entendre du ministre, outre son engagement qu'il a pris devant cette commission, de quelle façon, quels sont les budgets, quel est l'échéancier, etc., de façon à rassurer les intervenants du milieu qui vont finalement être aux prises avec cette problématique sur le terrain.

Je ne peux pas passer sous silence, non plus, à ce moment-ci... Parce que ce n'était peut-être pas là au moment où le ministre a fait sa planification, tout ce qui va arriver sur le plan des ressources humaines au cours de l'été. Comment, en même temps qu'on fait ça, on peut s'assurer qu'il n'y a personne qui va tomber, qu'il n'y aura pas de victime, finalement, de tout ça? Moi, quand les médecins s'inquiètent, quand les infirmiers et les infirmières s'inquiètent, quand tous les intervenants s'inquiètent, je me dis – les échéances ne sont pas tellement loin; on parle du 2 juillet, on parle de 60 jours: Ça ne laisse pas beaucoup de temps pour tout mettre ça en place.

Je demande au ministre d'avoir une préoccupation additionnelle, dans le cadre de ce projet de loi, sur l'aspect des ressources humaines. Parce qu'une réforme sans planification des ressources humaines, M. le Président, ce n'est pas – malgré qu'il soit docteur – le Dr. Rochon, si vous me permettez l'expression, qui va s'occuper des gens dans le quotidien. Puis ce n'est pas l'opposition non plus. Ce sont les gens qui oeuvrent au niveau de chacun des établissements, dans les milieux, dans les groupes socioéconomiques qui supportent la population. Ce n'est pas nous qui le faisons, en définitive. Et ça, je n'ai pas vu d'éléments de planification, pour donner suite, et je suis inquiet. Et j'en fais part au ministre, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député. J'invite maintenant M. le ministre de la Santé et des Services sociaux à procéder à ses remarques finales.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, moi, je veux remercier tous ceux qui sont venus nous présenter un mémoire. C'est un nombre impressionnant: 35 au total, dont 27 sont venus en commission pour discuter de leur mémoire. Et, de tout ça, il y a sûrement un consensus très clair, je pense, qui se dégage. Tout le monde nous a dit que cette loi est voulue; qu'on a à apporter certaines précisions quant à certaines modalités, mais, depuis le nombre d'années qu'on en discute, de ce projet de loi, et à la suite de cette dernière synthèse qui a pu être faite, s'il y a un consensus qui se dégage, c'est sûrement qu'on en a besoin et qu'on a en besoin maintenant.

Les thèmes qui ont été soulevés. C'est quand même un projet de loi qui est assez ciblé sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale. On verra si le titre sera modifié ou pas, compte tenu de plusieurs suggestions qu'on a eues. Mais c'est quand même un projet de loi, sans en faire un résumé exhaustif, qui cible sur un certain nombre de concepts:

La question de dangerosité, qui est centrale de cette loi-là, comme base à la protection du malade mental;

La question des gardes, soit provisoire ou à distance, qui fait partie aussi de l'encadrement dans un but de protection qui va être assurée aux gens;

Il y a toute la question de l'intervention de différentes personnes, dont l'agent de la paix, qui peuvent aider à ce qu'une personne puisse recevoir des traitements sans son consentement, compte tenu des balises qu'on aura à y mettre, dans le but, encore, de protéger la personne et son environnement;

Il y a toute la question de la contention: jusqu'où peut-on aller? Et comment peut-on utiliser des moyens de contention?

Et, finalement, un élément très important qui est celui de l'information: l'information à laquelle la personne qui a un problème de santé mentale et ses proches ont droit; et, aussi, les conditions dans lesquelles ça peut se faire.

C'est déjà un bon morceau, je pense, que veut rejoindre ce projet de loi. Mais il faut le voir dans son contexte. Je ne pense pas qu'on puisse refaire l'organisation des services de santé à travers ce projet de loi; ce serait le dénaturer. Et il faut tenir compte qu'il y a au moins deux éléments qui évoluent en parallèle. Et ce projet de loi, pour moi, prend son sens si on le sort du contexte. Et c'est sûr qu'il y a des éléments qui ne sont pas là. Il faut s'assurer qu'ils ne sont pas ailleurs ou qu'ils ne devraient pas être ailleurs.

Ailleurs, j'en mentionnerais deux. Deux «ailleurs» importants: un qui est toute la réorganisation du réseau qui se fait présentement, où le souci de la continuité des services vise l'ensemble des services qu'on donne, y compris, bien sûr, les services pour les gens qui ont un problème de santé mentale; et l'autre élément important qui se passe ailleurs, ou qui commence, c'est la consultation et les actions qui ont commencé à se prendre et qui vont continuer en regard des orientations en santé mentale, qui, là aussi, sont le souci de travail, d'un travail qui a été fait de longue main jusqu'à maintenant et qui vise, il faut bien le rappeler... la prochaine étape en santé mentale ne vise pas de reprendre une désinstitutionnalisation.

La désinstitutionnalisation, je pense, au Québec, a été faite, essentiellement. Le problème auquel on est confronté présentement – et il y a des groupes qui nous l'ont dit, dont ceux qui sont venus faire la conclusion avec nous, à la Fédération des CLSC – on n'est pas allé assez loin pour faire suivre les ressources qui doivent aller dans la communauté et dans les établissements de première ligne pour bien s'occuper des gens qui sont déjà dans la rue. Alors là, on ne vise pas à désinstitutionnaliser, essentiellement, mais on vise essentiellement à aller s'occuper des gens qui sont là.

(11 h 50)

Et je comprends le souci de mon collègue de l'opposition de bien s'assurer que le passé ne sera pas garant de l'avenir, dans ce sens que les ressources vont être là pour s'occuper des gens. Et je voudrais le rassurer du mieux que je peux, M. le Président, en lui disant que, comme l'avenir a changé de couleur par rapport au passé, on devrait avoir une meilleure chance que l'avenir soit différent que ce qu'a été le passé. Parce que c'est depuis quatre ou cinq ans que la politique n'a pas suivi. Alors, je ne veux pas politiser la question, mais il faut qu'on réalise qu'au Québec présentement on n'essaie pas de désinstitutionnaliser encore plus. On veut s'occuper des gens qui ont été désinstitutionnalisés et qui n'ont pas l'encadrement, qui n'ont pas les services qu'il leur faut présentement. C'est ça qu'on vise.

Donc, les orientations en santé mentale et les actions qui vont se faire pour aider les gens, leurs familles et leurs proches dans la communauté, l'ensemble de la transformation du réseau et ce projet de loi viennent dans ce contexte-là pour voir spécialement l'aspect de la protection du malade mental. Et, bien sûr, l'action est prévue pour être même intersectorielle, parce que, pour s'occuper des gens en santé mentale, il y a des services de santé et des services sociaux, mais il y a aussi la subsistance, il y a aussi le logement. Alors, on doit aller jusque là dans les actions dans les prochains mois et les prochaines années, et c'est ce qu'on veut faire, c'est ce que les intervenants, pour prendre le jargon du réseau, ont commencé à faire et veulent faire, en plus.

Alors, voilà, M. le Président, il me semble que, grâce à tout ce qu'on a eu comme information, on est en bonne position pour entreprendre l'étude du projet de loi article par article. Je voudrais aussi remercier mes collègues, le personnel du ministère qui a fourni un appui et qui aura à travailler encore beaucoup pour compléter le projet de loi, de même que le secrétaire et le personnel de la commission, et vous-même, M. le Président, pour votre patience et votre constance. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission et de tous les membres, merci à chacune et à chacun des collaboratrices et collaborateurs, merci à tout le monde. La commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 52)


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