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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Friday, May 29, 1998 - Vol. 35 N° 128

Consultations particulières sur le projet de loi n° 444 - Loi sur le tabac


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Table des matières

Documents déposés

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Solange Charest, présidente suppléante
Mme Marie Malavoy, présidente suppléante
M. Jean Rochon
M. Pierre Marsan
M. Jean-Claude St-André
M. Robert Benoit
M. Léandre Dion
M. Russell Williams
M. Rémy Désilets
M. André Boulerice
*M. François Damphousse, Association pour les droits des non-fumeurs
*M. Éric LeGresley, idem
*M. Fernand Turcotte, idem
*M. Gaston Gourde, Conseil des directeurs de la santé publique
*M. Alain Poirier, idem
*M. Laurent Marcoux, idem
*M. Michel Létourneau, Ralliement pour la liberté de commandite
*M. Normand Legault, idem
*M. Léon Méthot, idem
*M. Gaétan Piché, idem
*Mme Christine Mitton, idem
*Mme Caroline Jamet, idem
*M. Richard Legendre, idem
*M. Louis Gauvin, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
*Mme Heidi Rathjen, idem
*M. Robert Cunningham, idem
*Mme Françoise Bouchard, ASPQ
*M. Jean-Pierre Bélanger, idem
*M. Jocelyn Cormier, APQ
*M. Daniel Coutu, OPTJQ
*M. Jean-Guy Asselin, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux, et j'en profite pour souhaiter la bienvenue à tout le monde.

Est-ce que le quorum a été constaté, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Le mandat de la commission: la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) va remplacer Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Concernant l'ordre du jour, je vous informe tout de suite qu'il y a modification à l'ordre du jour pour ce soir. D'abord, nous serons toujours dans Papineau, jusqu'en fin de soirée. Ce soir, nous commençons à 19 heures au lieu de 20 heures, et il y a des changements, évidemment, de groupes. Vous remarquerez que l'horaire de lundi, c'est la même heure, mais les groupes sont un petit peu différents. Nous avons dû discuter avec certains groupes pour réussir à faire ça de façon à terminer, ce soir, à 22 heures.


Documents déposés

Avant de débuter les audiences, je dépose les lettres d'appui au projet, tel que demandé par le député de Nelligan. S'il y en a d'autres d'ici à lundi, nous les déposerons. Un coup déposées, on va tout de suite donner des copies à tous les membres de la commission.

Oui, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Ce serait une question d'information au ministre, et je le laisse bien libre de répondre. S'il a vraiment l'intention d'adopter le projet de loi avant la fin de la session – on a eu la déclaration du premier ministre qui laissait sous-entendre que peut-être que non – moi, j'aimerais savoir de façon très claire: Est-ce qu'on travaille pour rien ou est-ce que, vraiment, ça va être utile d'écouter nos invités aujourd'hui et ceux qu'on a déjà reçus?

(11 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est sûr que la question est toujours posée. Il y a seulement une partie de la question avec laquelle j'ai de la difficulté, parce que, même si une loi est reportée ou l'adoption est reportée, il reste que le travail en commission... Moi, je suis tellement un fervent croyant de ce qu'on fait en commission que je ne mets pas de doute que le travail qu'on fait en commission a sa valeur et son utilité. M. le ministre.

M. Rochon: Je ne sais pas s'il y a lieu d'avoir une longue discussion là-dessus. Moi, ce que j'ai compris dans la réponse du premier ministre, c'est que, si les travaux progressent bien, comme c'est parti là, et si on avance et que tout est prêt à la fin de la session, on va l'adopter à la fin de la session. Et j'ai plus compris que le premier ministre disait que, de toute façon, on aura cette loi-là. Si jamais on n'était pas capables de l'adopter à cette session-ci, on va finir par l'adopter de toute façon. Mais, si ça continue à bien aller comme ça et ça progresse et on est prêts à la fin de la session, on va l'adopter à la fin de la session. Moi, ça, c'est mon objectif de toute façon et je vais travailler pour ça avec tous les moyens dont je peux disposer. Ça, je peux vous l'assurer, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Alors, tout est correct?

Nous commençons tout de suite en recevant l'Association pour les droits des non-fumeurs. M. Damphousse, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent. Et j'aurais peut-être tout de suite un petit commentaire. Étant donné qu'un de vos invités est unilingue anglais...

M. Damphousse (François): Anglophone, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...vous m'avez demandé d'informer les membres de la commission...

M. Damphousse (François): Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...et vous vous organiserez pour qu'il y ait un échange facile de communications.


Auditions


Association pour les droits des non-fumeurs

M. Damphousse (François): Parfait. Merci beaucoup, M. le Président, M. le ministre et les membres de la commission. À ma droite, il y a M. Éric LeGresley, qui est avocat de notre Association à notre bureau d'Ottawa; il est unilingue anglophone – je voulais juste tenir à vous en informer. Il va parler surtout des recommandations pour améliorer la loi. Alors, il va faire attention pour, justement, parler pas trop vite, pour répondre aux questions sur la loi. À la droite de M. LeGresley, on a le Dr Fernand Turcotte, qui est professeur de médecine à l'Université Laval. Il représente aujourd'hui les quatre facultés de médecine du Québec: de l'Université Laval, de l'Université McGill, de l'Université de Montréal et de l'Université de Sherbrooke.

Avant de laisser la parole à mes collègues, j'aimerais faire les quelques commentaires suivants. Tout d'abord, nous félicitons le gouvernement du Québec et appuyons avec enthousiasme le projet de loi n° 444. Enfin un gouvernement qui a le courage d'intervenir pour contrôler la première cause de décès évitables au Québec et, en ce faisant, qui protège un de nos droits les plus fondamentaux: la santé. Nous souhaitons vivement que les membres de la commission ainsi que le gouvernement ne perdront jamais de vue cet objectif si important qu'on essaie malheureusement de reléguer continuellement à l'arrière-plan par les opposants au projet de loi. D'ailleurs, nous voulons vous mettre en garde au sujet des scénarios catastrophiques qu'on aime bien vous dépeindre, depuis quelques jours, par les opposants à la loi, si celle-ci est adoptée.

Premièrement, il est absolument impossible de concilier la protection de la santé publique avec la protection des intérêts financiers de l'industrie du tabac. En tant que législateurs, vous avez un choix à faire en voulant diminuer la consommation du tabagisme. Il est certain que les chiffres d'affaires de l'industrie du tabac seront éventuellement affectés. En échange, la diminution de la consommation du tabac permettra aux consommateurs de disposer d'un plus grand pouvoir d'achat qui stimulera d'autres secteurs économiques.

De plus, suite à la menace lancée hier, par l'industrie du tabac, de déménager sa production à l'extérieur de la province, je voudrais déposer, aujourd'hui, à la commission, comme réplique à cet argument, l'étude économique suivante, intitulée Le faux dilemme , qui a été rédigée et révisée par des économistes de réputation internationale, dont le professeur Pierre Fortin, de l'UQAM. Dans cette étude, des chercheurs stipulent que l'industrie du tabac aurait dû déménager depuis longtemps sa production à l'extérieur du pays, en vertu des avantages que lui offre l'Accord de libre-échange nord-américain. En gardant un pied à terre au Québec, elle peut, justement, profiter de la situation pour menacer les gouvernements avec la perte d'emplois, si on tente de trop la réglementer.

Il est également important de mentionner que l'industrie du tabac a gonflé ses chiffres à propos de la perte d'emplois. Il existe tout au plus quelques centaines de personnes qui travaillent dans les usines pour fabriquer les produits du tabac. En général, tout est automatisé. Tous les autres emplois sont dans les secteurs de la distribution et de la vente. Or, même si les usines quittent le Québec, ces emplois devront rester au Québec si l'industrie du tabac veut continuer à y vendre ses produits.

Deuxièmement, en ce qui concerne les scénarios catastrophiques pour les autres groupes, cette stratégie n'est certainement pas nouvelle. Elle est continuellement utilisée à travers le monde par les opposants aux mesures de contrôle du tabac. Toutefois, entre ce qui est prédit et ce qui s'est réellement produit, il existe deux mondes. Laissez-moi vous donner quelques exemples. Lorsque la France a adopté, en 1993, sa loi Évin qui, entre autres, interdit la commandite des produits du tabac, la Fédération internationale du sport automobile a menacé de canceller la tenue de la course de formule 1. Malgré l'application de la loi, la course a eu lieu en 1993, 1994, 1995, 1996, 1997. Cette année, elle n'aura pas lieu, mais ce n'est pas à cause de la loi Évin, c'est à cause d'une dispute pour la télédiffusion.

Lorsque le débat a eu lieu sur la première loi fédérale interdisant la publicité du tabac, en 1988, l'Association canadienne de l'affichage extérieur a prédit la perte de millions de dollars de chiffre d'affaires et de centaines d'emplois. En 1995, sept ans plus tard, le président de cette Association a déclaré que l'interdiction de la publicité du tabac a été l'une des meilleures choses qui pouvaient arriver à leur industrie. Elle a incité leurs membres à mettre au point d'autres catégories de publicité, de sorte que la perte de recettes provenant des produits du tabac a été complètement épongée et la situation s'est même améliorée.

Lorsque les municipalités, en Californie, ont commencé à interdire l'usage du tabac dans les restaurants, on prédisait que ces derniers étaient pour perdre jusqu'à 30 % de leur chiffre d'affaires. Une étude des reçus de caisse des restaurants a pourtant démontré que ces règlements municipaux n'ont eu aucune incidence sur les recettes de ces établissements, et on parle ici d'une interdiction complète de fumée dans le restaurant. Ici, on parle de section fermée avec système de ventilation indépendant pour les fumeurs. Alors, l'impact va être encore moins élevé ici. Finalement, vous avez entendu les témoignages, hier soir, lorsque l'Ontario a décidé d'interdire la vente de tabac dans les pharmacies à compter de janvier 1995. Le dirigeant de Pharmaprix – et je rappelle, une des compagnies avec Imperial Tobacco qui appartiennent à Imasco – a également prédit de sombres scénarios au niveau de la perte d'emplois à cause de cette mesure. Un an après sa mise en application, 50 pharmacies ont fermé leurs portes. Toutefois, on en a ouvert 120 nouvelles, pour un gain net de 70 pharmacies.

Comme vous pouvez le constater, on essaie uniquement de vous faire peur pour vous empêcher de faire votre travail. Nous souhaitons vivement que vous ne tomberez pas dans ce piège et que vous saurez prendre une décision éclairée lorsque viendra le temps d'adopter cette loi longuement attendue pour protéger la santé des Québécoises et des Québécois.

Je vous remercie de votre attention. Maintenant, je cède la parole à mon collègue Éric LeGresley qui vous présentera quelques recommandations pour améliorer le projet de loi.

La Présidente (Mme Charest): Merci, monsieur. M. LeGresley, s'il vous plaît.

M. LeGresley (Éric): Thank you very much, Madam President. First of all, I'd like to beg the indulgence and make an apology to the commission. Much to my shame and to my regret, I'm a unilingual Anglophone, so, with your indulgence, I would like to proceed in English, if I could. Thank you.

You obviously realize that unlike most health issues that you have to address, you have a significant opponent on this one. There's no lobby group for AIDS, there's no well-funded group trying to promote most other diseases that we have in society, but you have one here. You have to understand the nature of these individuals and what motivates them in order to understand what it is you need to do. You've seen them appear before you yesterday, you know what a bully is like, you've seen the threats that they make. I'm someone who works on tobacco control all around the world. I've seen them make the same threats around the world. I've seen the same individuals. I've seen Simon Potter appear around the world making those sorts of threats. They do it because of the same companies around the world. It's not a Québec problem, it's not a Canadian problem, it's a global problem.

And as I read through this legislation, legislation that our organization very strongly supports, I'm struck most of all not only by it's comprehensiveness, but by the fact that we're having a convergence around the world, and Québec is doing those very things that other jurisdictions around the world are doing, and you're doing it fairly well. I'm going to make recommendations that I believe would improve your legislation, but Québec is not out of step here with the rest of the world, at all. I see the same language appearing. I think this is a very well-crafted piece of legislation. So, with that introduction, I'd like to proceed into some of the specific elements of the bill.

(11 h 20)

Now, of course, as I said, the tobacco industry is a significant opponent, and they are very cunning. You have a moving target here. They will not stand still, so the situation today will not be the situation you'll face tomorrow. So you need to have a very broad authority and regulations to respond to the inevitable attempts to evade the law once it comes into force. The tobacco industry will do everything within its power... the intent of this bill. That's why we believe that you need authority delegated down into regulations, and you need the scope of the bill to be very broad to cover all aspects of it.

For example, the definition of «tobacco» in this bill is... it includes any product containing tobacco. Imperial Tobacco sells right now tobacco sticks and filters. If you, for example, wanted to prevent them from introducing ammonia into their cigarettes – something wich you may have seen in the press lately that Imperial Tobacco was studying, ammonia increases the nicotine hit – they could move the ammonia from the tobacco into the filter. Now, if they sold the filters separately as opposed to sell them in the package with the cigarettes, they would be able to get around that. What you need to do is to make the bill more encompassing, so that you address every means by which they may try to subvert the intent. And I think you need to do that by way of regulations. So that's a suggestion to broaden the scope.

With respect to the restrictions on tobacco use, I think we should take the regulatory authority to go further than that which is stated in a specific provision and embed it right within that provision. It does two things, in my mind: it limits the tobacco companies' arguments against what you're doing and, probably more importantly, it's signals to the bureaucrats that it was within the contemplation of the Government that they should not be limited by the specific words on the page here, that you need to be able to address new issues as new scientific evidence comes up and as new industry evasion tactics appear. We don't want the bureaucrats to feel too constrained, they need to have a comfort margin. They need to feel that it's acceptable to go there, that you intended them to go there. I think that's quite important.

Some of the sort of minor improvements I think the bill could stand with would be, for example, in section 2. Section 2 deals with smoking being prohibited at recreational activities that are intended for minors. It's a very subjective term. I'm going to suggest to you that it's not what organizers intend, but it's what minors attend which is important. An event can be intended for adults but attended overwhelmingly by minors. We need to get rid of that subjective element of the intention of the individuals.

Another suggested change comes up in section 12. Clause 12 is an invitation for there to be continuing lobbying of the Government for people to receive special treatment. I think you need to have a threshold, first of all, that not anybody can ask for this, that you have to first demonstrate some undue hardship, that the bill will treat you more onerously than everyone else, and that the means of addressing your specific concern do not further endanger public health, essentially that this is a health bill, and health comes before any other issue involved here. So, if we set a threshold, we can stop the Government from being harassed time and time again as every single restaurateur, every single operator seeks special treatment.

With respect to promotion, and advertising, and packaging, in section 21, I think there is a fatal flaw. Section 21 says that you cannot offer rebates, you cannot give an incentive for someone to start to smoke or to smoke, and we are attempting to stop those sorts of incentives on all sorts of fronts, but you can't do that otherwise than as part of regular marketing operations. The industry, of course, will argue that price cutting, that price competition is a part of regular marketing operations. I doesn't even define that it is regular marketing operations of the tobacco industry, it just says «part of the regular marketing operations». So, if you want to stop price cutting, if you want to stop them from introducing an addictive product at a low cost in order to induce people into an addiction which then will take care of itself, you have to remove the exception for regular marketing operations.

With respect to the very important provision, very well-drafted provision dealing with controlling the composition of the product, I think we have to make sure we have two things. One, that we are not only controlling the product as it is being sold, but we are controlling the product in the nature in which it is consumed. If we said: You cannot have a certain chemical in the cigarette, but we don't say that you cannot have that chemical in the smoke generated by the cigarette upon combustion, we haven't achieved the objective there, have we? Because people do not consume unlit cigarettes. So we need to insure that the Government is controlling cigarettes upon combustion, not just cigarettes upon sale. The chemistry changes very dramatically as soon as you light the end of it.

We also need to control more than just the chemistry of the cigarette. As I said, the tobacco industry is very cunning. If you leave them control over some aspect of product design, they will alter that element that they have control over in order to subvert the changes that you are mandating on another front. We have to control the genetic make-up of what is going with cigarettes. We have to control the physical design of the cigarettes. They can change the physical characteristics of the cigarette even if they are not changing the chemical characteristics of the cigarettes and achieve many of the same effects. So, again, just broaden your scope to control all aspects of cigarettes, not just the chemistry of the cigarette.

In chapter VI, with respect to reporting, I think that there is a lot more information out there that we need to get from the tobacco companies. We know that the companies, we know from leaked tobacco industry documents that they have better information on smoking prevalence, they have better information on the demographics of who is smoking that any health agency does and any government does. They have those documents sitting in their own studies, they should be required to report those. They should be required to report the marketing studies. They should be required to report their scientific studies as to the harm their products are doing. They are a treasure trove of information, as the Americans are finding out through litigation, and Québec should find out through reporting requirements.

And, finally, I'll just conclude with the chapter dealing with the final provisions. I think there are two changes that need to be made. One, we need to fix a date upon which this bill will enter into force. British Columbia has sat with authority and not done anything with it for about 20 years. Now, I understand the desirability of having the Government have some control over the date upon entry into force, coming into force of the bill or of specific provisions of the bill, but I wouldn't want to see that drag out interminably. You can do both, you can say the bill will come into force on a specific date or such earlier date as the Government may decide. But we have stopped it from dragging out forever.

(11 h 30)

And finally, with respect to section 77 dealing with the Minister's report. As I understand it, the Minister is required to table a report within five years, essentially addressing the efficacy of the bill in achieving its objective. I think you should move that date a little bit: either earlier or later. I really don't care which one, but there are some other aspects, some other activities that are going to go on about five years hence which may detract from the Minister's report. We know that the phase-out on Formula 1 will be taking place about that time. We can appreciate that there is likely going to be an election in Québec about five years from now, assuming that we have one this autumn. So the Minister's report may be embroiled in other issues at that time, and the intent of that report may be lost. So if it was four years, or six years, I would feel more comfortable than having it five years. So, finally, I just want to say I know you probably are getting threats from the industry. If you want to avoid litigation over this bill, you have to do nothing or pass a legislation which will have no effect. Litigation against your bill means the tobacco industry takes it seriously, and it's a badge of honor you should be wearing. It's going to come. They have unlimited resources, they are going to threaten you with litigation, it will come. So don't be afraid of that, the health of Quebeckers is far too important to back down based on the threats of the tobacco industry. Thank you very much.

La Présidente (Mme Charest): Thank you.

M. Damphousse (François): Je vais laisser la parole maintenant au Dr Fernand Turcotte.

La Présidente (Mme Charest): Alors, M. Turcotte, s'il vous plaît.

M. Turcotte (Fernand): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Je me fais le porte-parole des quatre facultés de médecine du Québec pour vous dire que nous endossons sans réserve l'intention du Parlement d'adopter une loi pour enfin commencer à s'attaquer sérieusement à la principale cause de mortalité et de morbidité évitable dans notre population. Je voudrais m'en tenir à quelques aspects qui marquent les résonnances internationales de l'initiative que vous vous apprêtez à prendre, et m'en tenir à ceci, compte tenu de ce que sont les questions que, je pense, vous avez posées au moins depuis trois jours que j'assiste à vos délibérations.

La première concerne l'efficacité des méthodes d'intervention sur le tabagisme, qui s'adressent spécifiquement aux jeunes. J'ai fait préparer la copie d'un article qui est paru cette semaine dans un périodique annuel de grande réputation, The Annual Review of Public Health , qui révise toute la documentation scientifique disponible en langue anglaise sur cette question-là, et ça répond à plusieurs des questions que vous avez posées et, aussi, ça identifie un certain nombre d'aspects pour lesquels nous n'avons pas de réponse convenable à apporter aux questions que vous avez posées. Et j'ai demandé à la secrétaire de vous en donner chacun une copie, ce qu'elle fera un petit peu plus tard.

La Présidente (Mme Charest): Nous avons bien reçu la copie, M. Turcotte. Soyez sans crainte, nous allons en prendre connaissance.

M. Turcotte (Fernand): Vous avez, dans un deuxième temps, plusieurs d'entre vous, en tous les cas, posé des questions concernant la solidité de la démonstration scientifique concernant les effets néfastes de l'exposition à la fumée de tabac dans l'environnement. Et nous sommes chanceux, puisque la semaine dernière, dans le Journal of the American Medical Association , est paru un excellent article de revue de 106 articles de revue de cette question-là. Et je dois vous dire qu'en 30 ans de métier, c'est la première fois que je vois un document aussi surprenant, puisqu'on y montre que le risque d'identifier ou le risque de ne pas reconnaître d'effets néfastes à la santé humaine d'exposition à la fumée de tabac est 88 fois plus élevé quand l'auteur est un auteur financé par l'industrie du tabac.

Moi, un risque relatif de 88, je n'avais jamais vu ça jusqu'à maintenant. Et je vous avoue que, lorsqu'on regarde l'article avec un intervalle de confiance qui établit que la vérité se trouve entre la borne inférieure 16 – risque relatif de 16, ça veut dire 16 fois plus élevé – et la borne supérieure 476 – c'est-à-dire près de 500 fois plus élevé – je ne connais pas de meilleure démonstration mathématique de ce qu'est une entreprise d'intoxication de l'opinion publique. Et j'ai pensé que vous seriez intéressés par la lecture de cet article-là que je vous ai fait préparer aujourd'hui.

Finalement, depuis trois jours, j'ai été frappé par la répétition, à Québec, d'un argumentaire qui est rodé depuis pratiquement une quarantaine d'années partout dans le monde. Et, comme par hasard, USA Today publiait dans son édition d'hier une analyse thématique d'une campagne publicitaire qui vise à bassiner vos collègues du Congrès américain, qui, cette semaine, sont en vacances dans leurs circonscriptions, puisqu'ils sont en relâche intersessionnelle, et j'ai pensé que vous seriez amusés de regarder cet article-là, puisqu'on a l'impression qu'il a été rédigé par quelqu'un qui a siégé ici au cours des trois derniers jours. C'est donc vous dire que les arguments avec lesquels on essaie de vous impressionner, comme l'expliquait M. LeGresley tout à l'heure, sont des arguments qui sont utilisés partout, de la même façon, avec la même intention, contre les mêmes personnes, c'est-à-dire les citoyens qui ont été élus pour défendre l'intérêt collectif. Et, à ce titre-là, il est important que vous ne vous laissiez pas distraire d'un travail qui est déjà si magnifiquement amorcé. Et j'espère que la lecture du USA Today vous fera rire un peu, de la même façon que ça nous fait sourire. Et, là-dessus, Mme la Présidente, merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, monsieur. Nous allons débuter la période d'échanges avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.

M. Rochon: Merci, Mme la Présidente. Merci d'être venus nous rencontrer et pour le travail que vous avez fait, je sais, pas seulement pour préparer votre mémoire et cette rencontre, mais pour le travail de santé publique très actif que vous menez sur le terrain depuis plusieurs années. Je dois dire que, depuis que j'occupe ces fonctions, presque bientôt quatre ans, c'est la première fois que je suis dans une situation de véritable débat de santé publique, où les deux thèses sont bien soutenues et débattues dans l'opinion publique par deux lobbys bien organisés. En général, notre société de lobbys, au Québec, qui est le type de démocratie qu'on connaît maintenant dans différents pays, n'a pas les lobbys qui font le contrepoids, de sorte que le gouvernement est toujours dans une situation d'avoir une thèse très fortement développée, de devoir soutenir l'autre thèse pour faire le contrepoids et d'arbitrer en même temps. Alors, dans ce sens-là, c'est même encore plus facilement démocratique comme processus, et votre action là-dedans est très importante.

M. Damphousse (François): Merci beaucoup, M. le ministre.

M. Rochon: J'aurais une seule question, pour le moment en tout cas. Je vais donner la chance à d'autres d'intervenir après. C'est un élément que je voudrais bien comprendre, qui a été soulevé par M. LeGresley, et je suis peut-être aussi bien de la poser directement en anglais, ce qui va sauver des étapes.

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y, M. le ministre.

M. Rochon: So yes, to you, Sir. Thank you, first, for your comments. We can see that you know quite well the subject, and I do appreciate that we have this opportunity to have additional information on the international experience, because there are no absolute standards with those matters. Then we have to be very well informed on what's going on in other countries, in other jurisdictions.

I should like you to expand a bit on what you've been explaining with respect to section 29 and be very sure that my understanding is quite correct. I take it that you're explaining to us that you might have some substances in the air through the smoke which are not, as such, present in the tobacco, in the cigarette, and it is the lighting of it which will create a chemical reaction in sort of creating a new product that will come out of the cigarette. And, if that's good understanding, are there ways and means to be sure, to know that as a fact? And is the industry, normally, in a position to experience, test out that before they come out with the product on the market?

La Présidente (Mme Charest): Mr. LeGresley.

M. LeGresley (Éric): Thank you, thank you very much. If we think about it, what do smokers consume? They don't consume cigarettes, they consume cigarette smoke. So we need to control what it is they consume. That's why I am saying you have to be very clear that the authority for the Government to regulate is to regulate that which is caused in the harm, and it is the smoke.

(11 h 40)

Some elements that are in the cigarette end up in the smoke. Some elements that are in the cigarette do not end up in the smoke. Some elements that are not in the cigarette end up in the smoke. I'm a lawyer, I'm not a chemist, so I can't purport to give you any great details about the chemistry of cigarette smoke. All I know is that we're missing the most important element of this if we're only addressing the cigarette itself. It may be true that, for some problems, for some carcinogens, for example, removing them from the cigarette also removes them from the smoke. But it may not be true for everything else. There are some things we know on the cigarette that are not harmful, but they make the cigarette more palatable. Menthol, for example, is one thing. One of my colleagues describes it as saying: The Kool-Aid in the Jonestown massacre did not kill people, but it made the cyanide palatable to ingest. So we do need to address some things that are just in the cigarette. But we need to go further than that. We need to get at that which is in the smoke. And chemistry of smoke is very well known to the tobacco companies. If we get back to our reporting requirements, we will learn a lot there. It is very well known to a very large number of scientists, and I can direct you to some of those. Your department officials will know many of those as well. So that is the chronology: We start with a cigarette, we move to cigarette smoke. I hope that... Does that address all of your questions?

M. Rochon: Yes, thank you.

La Présidente (Mme Charest): Ça va? Alors, M. le député de Robert-Baldwin, à vous maintenant.

M. Marsan: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier M. Damphousse, Me LeGresley et le Dr Fernand Turcotte pour la qualité de leur présentation. J'apprécie aussi la présence du Dr Turcotte pour présenter les quatre facultés de médecine du Québec et sûrement les plus importantes. Donc, c'est très, très intéressant de recevoir tous vos commentaires.

Vous avez, d'entrée de jeu, mentionné que vous supportez très fortement le projet de loi qui est présenté par le ministre de la Santé. Tantôt, j'ai manifesté une inquiétude et j'écoutais hier, comme vous possiblement, la déclaration du premier ministre qui laissait entendre que le projet de loi pourrait être reporté. J'aimerais, dans un premier temps, entendre vos commentaires à ce sujet.

M. Damphousse (François): Merci beaucoup, M. Marsan. C'est sûr que les organismes de santé, notre organisation, à tout le moins, on est très inquiets par rapport aux déclarations du premier ministre Bouchard. Nous aimerions, comme vous, que la loi soit adoptée le plus rapidement possible, parce que plus de temps avant qu'on adopte la législation, plus de temps qu'on donne à l'industrie du tabac qui dispose de ressources énormes pour pouvoir mettre de la pression sur vous, comme on vous a mentionné ce matin, pour essayer de dérailler le débat et aussi de faire en sorte que la loi ne soit pas adoptée ou, à tout le moins, affaiblie énormément.

Ce qui m'inquiète aussi, c'est que M. Bouchard a eu l'opportunité de rencontrer les dirigeants des fabricants de tabac une semaine après le dépôt de la loi. Ça fait un an qu'on demande de le rencontrer pour pouvoir émettre notre point de vue sur la législation, et on n'a jamais eu de réponse positive pour pouvoir le rencontrer. On souhaite bien qu'il puisse nous rencontrer, nous et les représentants d'autres organisations, parce qu'on trouve que c'est un problème de première importance au Québec, puis on a besoin de lui expliquer, justement, pourquoi cette intervention-là, elle est si importante.

M. Marsan: Je vous remercie. On rappelle l'objectif de la loi, qui est d'abord et avant tout un objectif de santé publique: empêcher ou arrêter nos jeunes de consommer les produits du tabac. Est-ce que vous pensez que ce projet de loi tel qu'il est formulé actuellement atteint vraiment cet objectif? Je sais que dans votre préambule vous mentionnez: «Ce projet de loi représente un grand pas malgré certains défauts apparents qui, selon nous, peuvent facilement être corrigés.» J'aimerais avoir des exemples de quelques défauts apparents.

M. Damphousse (François): Pour répondre, justement, à la dernière question que vous avez mentionnée, M. LeGresley vient juste de faire la présentation sur certaines recommandations qu'on veut faire pour améliorer la loi.

Mais, pour répondre à votre première question, c'est, oui, cette loi-là va avancer le dossier sur le tabac et c'est à cause que le projet de loi touche à différents aspects des activités commerciales de l'industrie du tabac que ça va être efficace. On parle du contrôle de la publicité. On a mentionné hier, justement, on a cité des documents de l'industrie comme quoi le premier objectif, c'est de cibler les jeunes. On parle du contrôle de la vente de tabac auprès des mineurs; c'est très important. Et on parle aussi du contrôle du tabagisme dans des lieux que les jeunes vont fréquenter, comme les écoles. Alors, c'est un ensemble de mesures, et ça fait des années qu'on essaie d'informer le gouvernement que ce n'est pas seulement une chose qu'il faut faire, c'est plusieurs choses qu'il faut faire pour pouvoir contrôler le tabagisme, et d'ailleurs ça marche. Je vous donne un exemple puis je le dépose aujourd'hui à la commission. Il y a un rapport qui a été soumis à la Chambre des communes de l'Angleterre, qui a étudié la question de la publicité pour savoir si c'était efficace. Et le rapport dit que dans les pays qui ont adopté des législations pour contrôler efficacement la publicité et qui faisaient des mesures de prévalence du tabagisme au cours des années après – on parle de la Norvège, la Finlande, le Canada, ici, et la Nouvelle-Zélande – il y a un diminution de la consommation des produits du tabac.

Et aussi j'aimerais vous lire, et je vais le déposer aussi aujourd'hui en commission parlementaire, un document de l'industrie du tabac qui est remis à ses actionnaires: c'est l'industrie du tabac Imperial Tobacco, en Angleterre. Et voici ce que les directeurs ont dit à leurs actionnaires à propos des mesures de contrôle du tabac. Je m'excuse, c'est en anglais: «The tobacco industry in the U.K. and elsewhere in the world has been subject to regulatory and other pressures from governments, health officials and antismoking groups, principally due to claims that cigarette smoking and tobacco products are harmful to health. These actions have resulted in a number of significant restrictions on the marketing and advertising of cigarettes and other tobacco products. The directors believe that such regulations and restrictions, including taxation, have had and are likely to continue to have a detrimental effect on market size.»

Ça fait qu'on ne peut pas l'avoir aussi clair que ça: c'est les gens de l'industrie du tabac qui informent leurs actionnaires.


Document déposé

Alors, M. Marsan, je le dépose aujourd'hui à la commission parlementaire.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Marsan: Non, j'aurais une autre question à Me LeGresley.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'accord. Oui, allez-y.

M. Marsan: I would like to have your opinion regarding the double jurisdiction that we have here. As you are aware, we have the Bill C-71 coming from the Federal Government and, well, maybe sooner or later, you never know, we will have the Bill 444. I would like to know what's your opinion regarding which one will be more predominant, which one we will have to follow?

M. LeGresley (Éric): Simply, you have to follow them both.

M. Marsan: The most severe one or...

M. LeGresley (Éric): The individuals on the ground, the restaurateur, the vendor, those individuals... Obviously, the National Assembly does not have to follow the dictates of C-71, in Ottawa. The Supreme Court, in the 1995 decision RJR-Macdonald, is very clear that there is concurrent jurisdiction over these areas. The tobacco industry back then argued that only the provinces have jurisdiction, and I believe, here, they'll probably argue that only the Federal Government has jurisdiction. But nine out of nine Supreme Court justices, both those who found the whole Tobacco products control Act unconstitutional and those that found it constitutional, were unanimously of the opinion that it was split jurisdiction between the provinces and the Federal Government. So there's legitimate jurisdiction here for Québec to exercise, and in the exercising of joint jurisdiction, the most onerous provision would apply, so would the least onerous provision, but if you can meet the least onerous provision by meeting the most onerous provision, then you've covered yourself up.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Marsan: Oui, merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. Une seule question. Dans votre présentation, vous avez fait référence à une étude qui a été conduite entre autres par l'économiste Pierre Fortin, étude qui semble démontrer que, basé strictement sur les dispositions de libéralisation des échanges économiques, l'industrie du tabac aurait déjà dû déménager ses activités ailleurs, c'est bien ça?

M. Damphousse (François): Effectivement.

M. St-André: Est-ce qu'on doit comprendre, à ce moment-là, que l'industrie du tabac se prépare à déménager ses activités pour des raisons qui n'ont rien à voir, finalement, avec le projet de loi qui est sur la table?

M. Damphousse (François): La première situation qu'on a dans le rapport, ce qui est mentionné, c'est qu'on révèle que la production des produits de tabac aux États-Unis, elle est beaucoup plus rentable qu'au Canada, comparativement au Canada. Alors, compte tenu... Les compagnies de tabac, si elles veulent améliorer leur performance, auraient dû déjà déménager leurs «plants» de production de tabac aux États-Unis. C'est dans le rapport, les économistes ont dit: C'est un fait accompli, s'il n'y avait pas les questions de réglementation de la part des gouvernements. Une des raisons pourquoi elles restent, c'est pour pouvoir vous menacer quand vient le temps de vouloir adopter des législations efficaces pour contrôler le tabac, comme elles l'ont fait hier. Elles vous ont menacé de déménager leurs compagnies à l'extérieur de la province, alors que les mêmes dispositions pour lesquelles elles vous donnent la raison pourquoi elles déménageraient se retrouvent dans la loi fédérale, dans la loi ontarienne, dans la loi en Colombie-Britannique. Si elles déménageaient, elles feraient l'objet des mêmes dispositions. Puis, en plus, si elles déménagent, elles ne seront plus en mesure de vous menacer après. Alors, c'est une stratégie qui est reconnue depuis longtemps par les fabricants de tabac, et ce n'est pas seulement ici que ça se produit, ça se passe ailleurs, au niveau international.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. St-André: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'aurais besoin du consentement des membres pour permettre au député d'Orford et à Mme la députée de Rimouski d'intervenir, s'il y a lieu. Ça va? M. le député d'Orford.

(11 h 50)

M. Benoit: Oui, merci, M. le Président. M. Damphousse, votre coéquipier, Me LeGresley, disait, à la fin de sa présentation, qu'il y aurait des menaces de faites sur les politiciens. Ce matin, nous voyons que l'industrie nous annonce qu'elle pourrait fermer ses usines au Québec advenant que ce projet n° 444 soit passé. Quelles sont les autres tactiques, ou pressions, ou menaces qui sont mises sur nous, les humbles politiciens, pour que nous changions nos points de vue?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'ai remarqué que vous avez souligné le mot «humble», beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Damphousse (François): J'aimerais que M. LeGresley réponde à la question.

M. LeGresley (Éric): Yes, there are many, and there is a standard approach to it. At this point in the debate on any piece of legislation, the tobacco industry waltzes in, makes legal claims hoping that you will roll back the legislation a little bit in order so that they can deter the negative effect on their industry, but not have to test their legal claim in court.

When South Africa moved to put health warnings on cigarettes, the tobacco companies claimed that it would be an expropriation of their trademarks. You couldn't even put a health warning on a cigarette package. Well, the South African Parliament shrunk down the size of the warning, allowed it to be in colors, made it a little less conspicuous, the tobacco industry did not ever try their argument about the trademark infringement.

When Canada was considering introducing generic packaging of cigarettes, the tobacco industry flew in all of the suits from the United States, brought in their high-powered lawyers arguing that it would be an expropriation of their trademarks again. The Government backed off on that piece of legislation.

When Hong Kong was seeking to implement an advertising restriction, the tobacco industry did the same sort of thing. It's the standard operation of the industry to make threats, to make legal threats in a political forum, and then never have to actually test their legal arguments in court.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va, M. le député? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Ma question portera sur un point très précis, d'ailleurs en continuité avec ce qu'a dit le député d'Orford. C'est que tout le monde a vu hier le reportage de RDI qui a porté presque uniquement sur l'importance économique de l'industrie du tabac et cette belle grande photo de Imperial Tobacco avec du Maurier en haut, qui était quelque chose d'impressionnant. Et évidemment ces gens-là ont le moyen de s'organiser pour faire peur au monde.

Mais la question que je voudrais poser, donc, c'est la suivante: Seriez-vous en mesure de nous donner la courbe suivante? On sait que toutes les industries, quelles qu'elles soient, sur la base de la modernisation de leurs équipements, la robotisation, la mécanisation, licencient des gens, restructurent et licencient. Pourriez-vous nous dire un peu la courbe de diminution d'emplois dans l'industrie du tabac liée à la nécessité d'améliorer les profits des compagnies, par rapport à la courbe de diminution d'emplois qui a eu lieu dans les endroits où on a eu des restrictions sur la propagation du tabac?

M. Damphousse (François): Merci beaucoup pour la question, M. Dion. Vous avez la réponse dans le faux dilemme, justement. Les économistes ont regardé cette question-là. Et probablement 50 %, si je me souviens bien, des emplois qui ont été perdus dans le secteur de la production des cigarettes étaient attribués à la modernisation des «plants» et à l'automatisation des «plants». Et aussi, l'autre 50 %... Et ce qui arrive aussi, c'est que les emplois ne sont pas perdus du jour au lendemain. Le contrôle du tabac n'aura pas un impact où les gens vont arrêter de fumer du jour au lendemain; c'est graduel. Alors, les pertes d'emplois qu'il va y avoir dans l'industrie, avec le contrôle du tabagisme, vont se faire graduellement et peuvent se faire quand les gens vont partir à la retraite. C'est comme ça qu'ils vont pouvoir contrôler ce problème-là.

Et d'ailleurs, un des avantages d'éliminer le tabac, c'est que les gens vont avoir un plus grand pouvoir d'achat et vont pouvoir l'investir dans d'autres secteurs économiques qui pourraient être beaucoup plus bénéfiques pour le Québec, au lieu de l'investir dans le tabac qui cause des problèmes et des coûts de santé qu'on essaie depuis bien des années de contrôler de la part de votre gouvernement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va, M. le député? M. le député de Nelligan.

M. Damphousse (François): Je pense que le docteur voulait la parole.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Excusez. Oui, oui, allez-y.

M. Turcotte (Fernand): M. le Président, j'aurais aimé juste ajouter un élément de complément à la réponse sur les discussions et les aspects économiques. On a entendu parler de beaucoup d'aspects économiques dans cette salle depuis trois jours, mais la question importante en termes économiques, on n'en parle jamais: c'est celle des coûts externes qui sont liés à la consommation de tabac dans la société et qui ne sont pas assumés par l'industrie.

Et, si vous vous référez au compromis hors cour qui est survenu il y a trois semaines au Minnesota, un règlement hors cour qui mettait fin à un procès qui durait depuis pratiquement quatre mois, les compagnies de tabac ont accepté de verser au Minnesota 6 100 000 000 $ pour payer les soins médicaux causés par le tabac chez les seuls assistés sociaux de l'État du Minnesota. C'est un État qui compte un peu plus de 4 000 000 d'habitants. En faisant un ajustement au prorata, ça voudrait dire que – en supposant que nos deux populations se ressemblent, ce qui n'est pas déraisonnable dans le cas du Minnesota – c'est à peu près 12 600 000 000 $ que l'industrie du tabac devrait au Québec pour le seul remboursement des seuls soins médicaux des assistés sociaux du Québec, en supposant qu'on puisse séparer ce qu'ils ont coûté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y en a autour de la table qui voient déjà ce qu'ils pourraient faire avec cet argent-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Dr Turcotte. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et merci pour votre présentation ce matin. Hier, nous avons discuté plusieurs questions sur l'usage du tabac, et j'ai profité des audiences d'hier pour questionner sur le marketing, parce que, jusqu'à date, tout le monde qui a présenté est pour le principe, si on dit que le principe c'est d'empêcher les jeunes de commencer à fumer, si on accepte ça comme un des grands principes – j'espère qu'il va y avoir les autres, aussi, de cessation de fumer, etc. – si on décide que c'est le grand principe d'encourager que les jeunes ne fument pas.

Je voudrais mieux comprendre. Selon vous, l'impact et les cibles de marketing des compagnies de tabac... J'ai cité une partie d'une décision de la Cour suprême qui dit – et ce n'est pas mes mots, et je n'ai pas ça avec moi – effectivement qu'une partie de la publicité est de cibler nos jeunes. Plus tard, nous allons rencontrer les autres groupes, et j'ai un document ici qui dit effectivement que la stratégie de marketing pour les événements aussi cible les jeunes, selon quelques compagnies de tabac. Il y a quelques citations, et ça va être tout mon 10 minutes, M. le Président, de citer tout. Ils disent que, dans quelques campagnes, c'est les jeunes hommes de 12 à 24 ans; dans quelques autres, c'est les femmes, si j'ai bien compris les chiffres, entre 12 et 17 ans. Et, selon l'information devant moi, si j'ai bien compris, effectivement, les jeunes sont ciblés. Je voudrais savoir votre commentaire sur ça. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que vous avez plus d'information sur ça?

Because I think that the crux of all this is marketing aimed young people. And we want to fully understand whether or not that is a target group, and I'd like to give you a chance to respond to that.

M. Damphousse (François): La meilleure façon dont je peux vous répondre à ça, c'est le témoignage de M. Victor Crawford, qui est un lobbyiste, pour cinq ans, de l'industrie du tabac. Il est décédé en 1996 d'un cancer de la gorge, et, finalement, quand il a commencé à avoir son cancer à cause du tabagisme, il a changé de bord...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, j'en profite pour demander, parce que je ne l'ai pas fait au début, et...

M. Damphousse (François): ...dans son témoignage, il a mentionné que l'industrie du tabac sait très bien que l'ensemble de la population des fumeurs commence à fumer avant l'âge de 18 ans et que l'industrie du tabac sait que ce n'est pas éthique pour eux de cibler les jeunes. Par contre, lui, il a menti à plusieurs reprises en disant que ce n'était pas la stratégie de l'industrie du tabac.

Aussi, l'année dernière, la compagnie de tabac Liggett, aux États-Unis, qui est actuellement en train de collaborer avec le ministère de la Justice, parce qu'actuellement les compagnies de tabac font l'objet d'une enquête criminelle pour parjure pour leur témoignage devant le Congrès américain... J'aurais aimé ça qu'ils témoignent sous serment hier, mais ça ne s'est pas produit. Mais c'est ce qui s'est passé aux États-Unis, ils font l'objet d'une enquête criminelle. Et la compagnie Liggett, collaborant avec eux, a admis que toute l'industrie du tabac cible les jeunes avec leur marketing.

Alors, on n'a pas de meilleure preuve que ça, quand les gens, même les dirigeants, viennent de l'avant et viennent de l'admettre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

(12 heures)

M. LeGresley (Éric): If I could just step in briefly. On your point about this being wrapped up and marketing aimed at children, I'm concerned if that's the focus only. I'm interested in marketing that affects children, not marketing that's aimed at children. It's back to my point I made earlier about the intentions, how do we identify who it is they're aiming it at, and that is when Mr. Victor Crawford comes out and tells us what's was going on behind the scenes.

There's a very interesting document that I think you should read. Do you remember, back in the 1980's, RJR-Macdonald introduced a brand of cigarettes called Tempo? It would have a very young advertising campaign, and the health groups at the time were up in arms saying: They're aiming this at children, it should be withdrawn. The product failed in the marketplace because children don't smoke in order to be like children. The way you get the children is by giving them the imagery associated with adulthood. You can draw them in. It's a coming of age issue for many children. So identifying what's aimed at children will be difficult. And if it is aimed at children, sometimes it fails because children don't smoke to be like children.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Turcotte.

M. Turcotte (Fernand): C'était dans la continuité à la réponse qu'avait posée précisément le député de Nelligan hier et qui s'est fait dire par le procureur d'Imperial Tobacco que la question, qui contenait une citation tirée d'un rapport de recherche réalisé pour Imperial Tobacco, concernait les enfants de 16 ans. Bien, c'est un mensonge franc, puisque le rapport de recherche intégralement... Et la citation qu'utilisait le député de Nelligan était une citation du rapport de recherche et qui tirait des conclusions de l'analyse faite dans le groupe 12 à 16 ans, O.K.? Mais on vous a répondu de manière à vous laisser croire que, dans l'ancien temps, on pouvait faire du marketing des cigarettes auprès des enfants de 16 ans, alors que, dans les faits, la recherche de Kwechansky Marketing Research Inc. est un document qui est resté secret en dépit du fait qu'on a forcé son dépôt pendant le procès de 1989 et dont on a pu enfin prendre connaissance publiquement grâce aux procédures judiciaires du Minnesota d'il y a quelques semaines.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, avec les chiffres que nous avons entendus par le Collège des médecins hier, je pense qu'il y a un large, large consensus d'agir très vite. Il y a une urgence à agir. Peut-être que le large consensus n'inclut pas le premier ministre, mais nous allons essayer de le convaincre parce que... J'espère que le ministre va faire son possible pour ça parce que c'est loin d'être clair. Mais... Non, il n'y a pas répondu, il a eu une chance de dire oui aujourd'hui, il n'a pas dit ça en Chambre. En tout cas, il y a une urgence d'agir, mais on vit dans la vraie vie aussi. Est-ce que vous acceptez que nous avons besoin d'une période de transition pour s'adapter économiquement à une nouvelle réalité? Est-ce que vous croyez que... Sans entrer dans le débat – si vous voulez, vous le pouvez – de c'est quoi, la période de transition, est-ce que vous acceptez que, effectivement, on a besoin d'une période de transition une fois qu'on accepte le principe que nous allons agir?

M. Damphousse (François): Je crois déjà que dans la loi... Bien, je crois... Vous avez tous vu la loi, elle a déjà des périodes de transition pour justement accommoder les différents groupes qui sont affectés par la loi. Vous avez tenu compte des arguments qui ont été avancés par les groupes qui s'opposent au projet de loi, et, habituellement, on ne s'est jamais opposé à ces périodes de transition là, à l'exception, peut-être, des mesures de contrôle du tabagisme dans les restaurants. Dix ans, on trouve que c'est très long, on aurait aimé ça que ça soit plus court, mais on va vivre avec si le gouvernement va prendre la décision d'adopter cette législation-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député, ça va?

M. Williams: Oui, merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission et j'invite les représentants du Conseil des directeurs de la santé publique à s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, nous recommençons nos travaux en recevant la représentante et les représentants du Conseil des directeurs de la santé publique. M. Gourde, vous allez nous présenter, s'il vous plaît, les gens qui vous accompagnent et vous pouvez débuter votre mémoire.


Conseil des directeurs de la santé publique

M. Gourde (Gaston): Alors, merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. de la commission. Alors, mon nom est Gaston Gourde. Je suis président de la Conférence des régies de la santé du Québec. J'aimerais vous présenter, à ma gauche, le Dr Alain Poirier, qui est médecin spécialiste en santé communautaire à la Direction de la santé publique de la Montérégie; à ma droite, Mme Marie Jacques, du Comité provincial de santé publique sur le tabac; ainsi que le Dr Laurent Marcoux, porte-parole du Conseil des directeurs de la santé publique et directeur de la santé publique de Lanaudière.

Alors, ce mémoire présente la position de la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux et de son Conseil des directeurs de la santé publique en regard, évidemment, du projet de loi sur le tabac déposé à l'Assemblée nationale le 14 mai dernier par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Cette prise de position s'inscrit dans le mandat des directeurs de la santé publique, tient compte de leurs responsabilités à l'égard de l'application de la Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics, s'inspire de l'expérience acquise depuis 1994 dans la mise en oeuvre régionale du plan d'action de lutte au tabagisme et fait suite au mémoire Recommandations pour une loi globale québécoise considérant les produits du tabac et leur usage qui a été déposé en mars 1996 à la Direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le directeur de la santé publique est aussi responsable d'informer la population de l'état de santé général, des principaux facteurs de risque et des interventions qu'il juge les plus efficaces. De plus, suite au transfert des responsabilités associées à l'application de la Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics du ministère de l'Environnement au ministre de la Santé et des Services sociaux en 1994, les régies régionales et leurs directions de la santé publique se sont vu confier les responsabilités suivantes: premièrement, promouvoir au niveau régional la loi auprès des organismes publics visés par cette loi; deuxièmement, agir en tant qu'experts-conseils auprès des responsables de son application; troisièmement, assurer l'information et la gestion des plaintes de la population portant sur l'application de la loi sur le territoire régional; et, quatrièmement, implanter, suite aux amendements apportés au Code de procédure pénale, les modalités d'application de la loi sur la protection des non-fumeurs visant la fonction d'inspecteurs, notamment la formation de ceux-ci.

(12 h 10)

En 1994, après la mise en place de mesures pour enrayer le commerce illégal du tabac, leur engagement s'est intensifié et s'est concentré vers la réalisation au plan régional des objectifs proposés par le plan d'action triennal de lutte au tabagisme du ministère. L'approche préconisée dans le plan d'action vise la prévention, particulièrement auprès des jeunes, la protection et la cessation qui annonçaient d'ailleurs la volonté d'adopter une loi améliorant la protection des non-fumeurs et diminuant l'accessibilité du produit auprès des jeunes.

La Conférence des régies régionales de la santé tient d'abord à féliciter l'initiative du ministre de la Santé et des Services sociaux et du gouvernement. Ce projet de loi est une solution essentielle et satisfaisante pour freiner l'une des principales épidémies qui affectent la santé des Québécois et Québécoises. Il contribue également à ralentir les coûts associés au tabagisme au Québec qui se chiffrent à 2 367 000 000 $ par année. Et vous verrez en annexe, du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie, une étude à cet effet.

Le projet de loi reconnaît le tabac et la fumée de tabac comme des produits dangereux et propose des mesures pour améliorer le contrôle de la vente, de la commercialisation et de la fabrication du tabac et de ses dérivés. Il propose des règles applicables à l'usage du tabac et à la protection de la santé. La Conférence applaudit sa globalité. La Conférence des régies régionales et des services sociaux souhaite toutefois apporter des recommandations qui permettraient une meilleure protection des Québécois face à la fumée de tabac dans l'environnement, amélioreraient l'efficacité de l'application de la loi et assureraient un financement.

Premièrement, au titre de l'amélioration et de la protection des Québécois contre la fumée de tabac dans l'environnement, depuis plus d'une décennie, les conclusions sur les conséquences désastreuses de la fumée de tabac dans l'environnement sur la santé ne font que s'accumuler. Nos recommandations s'appuient sur les conclusions récemment publiées en Grande-Bretagne, en Australie et en Californie et sur le mandat des directeurs de la santé publique responsables entre autres de voir à la mise en place des mesures nécessaires à la protection de la santé de l'ensemble de la population.

Sous le chapitre des effets sur la santé de l'exposition à la fumée de tabac dans l'environnement, la gestion des contaminants dans l'environnement susceptibles d'affecter la santé publique s'appuie sur une démarche scientifique universelle qui peut être résumée par la réponse à six questions.

Premièrement, connaît-on les effets sur la santé de ce contaminant qu'est le tabac? Oui, c'est évident, mais je rajoute les études de causalité qui démontrent aussi qu'à chaque augmentation du niveau de consommation du tabac correspond une proportion plus élevée de la fréquence des maladies associées. On n'observe donc pas chez les fumeurs l'existence d'un seuil de consommation sécuritaire. De plus, les contaminants de la fumée aspirée par le fumeur – 43 cancérigènes sont reconnus – sont tous présents dans la fumée secondaire et, pour plusieurs, à des concentration plus élevée.

Deuxièmement, les non-fumeurs sont-ils exposés aux contaminants? Quand on mesure la concentration de polluants dans l'air, on s'aperçoit que plus des neuf dixièmes proviennent du tabac. En effet, les particules respirables en suspension atteignent entre 15 et 35 microgrammes par mètre cube dans nos maisons et nos bureaux quand il n'y a pas de tabagisme, alors que la présence de fumeurs fait grimper cette concentration à 150 et 200 microgrammes par mètre cube – soit une dizaine de fois plus – dans les mêmes lieux et jusqu'à 350 microgrammes par mètres cube dans les restaurants déjà ventilés, et même au-delà de 1 000 microgrammes dans certaines salles non ventilées.

Troisièmement, les contaminants sont-ils absorbés par les non-fumeurs? Oui. Des milliers de produits chimiques sont contenus dans la fumée, mais le niveau de nicotine de l'air constitue le meilleur indicateur du degré de fumée de tabac dans l'environnement. Une fois absorbée chez l'humain, la nicotine est transformée en cotinine, une molécule facilement mesurée dans divers liquides biologiques – salive, sang, urine – et qui reflète le degré de contamination des non-fumeurs.

Quatrièmement, retrouve-t-on plus fréquemment des maladies chez les non-fumeurs exposés à la fumée des autres? Plusieurs études s'accumulent depuis le début des années quatre-vingt. Ces études comparent les taux de maladie chez les non-fumeurs exposés dans leur foyer et/ou au travail par rapport au même taux chez des non-fumeurs qui n'ont pas été exposés au tabagisme dans leur environnement. La plus exhaustive de ces recensions de la littérature, celle de l'Agence de protection environnementale de la Californie, conclut qu'un lien causal a été démontré avec la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires, au syndrome de mort subite du nourrisson de même qu'au cancer du poumon et des sinus. Une association causale est aussi retenue pour plusieurs maladies infantiles telles l'asthme, la bronchite, la pneumonie, l'otite moyenne, l'insuffisance de poids à la naissance et la prématurité.

Il a été démontré dans deux études récentes que les taux de maladies cardiovasculaires et le cancer du poumon chez les non-fumeurs étaient proportionnellement plus élevés chez ceux où était plus élevée la concentration de cotinine urinaire, démontrant encore une fois l'effet direct entre la dose et la réponse même chez les non-fumeurs exposés à la fumée des autres.

L'exposition à la fumée passive, illustrée par la concentration de nicotine dans les lieux publics, varie de un à 100 microgrammes par mètre cube. L'exposition de 1 000 personnes pendant 40 ans à un niveau moyen de 7,5 microgrammes entraînerait 10 décès par maladie cardiaque et un décès par cancer du poumon. À l'échelle du Québec, on estime qu'au moins 1 100 personnes décèdent chaque année à cause d'une exposition involontaire à la fumée des autres, dont au moins 100 par cancer du poumon et 35 par mort subite du nourrisson.

Cinquième question. Ce risque justifie-t-il une intervention gouvernementale? Le niveau acceptable de risque habituellement retenu pour les autres toxines ou carcinogènes environnementaux dans l'air, l'eau ou les aliments est d'un décès pour 1 000 000 de personnes exposées. Quand le tabagisme passif est comparé aux autres contaminants, on parle d'un risque 10 000 fois plus élevé.

Six. Comment peut-on réduire ce risque? La relation entre le risque et le contaminant étant linéaire, si on ne voulait que réduire le risque du cancer du poumon au niveau de un sur 100 000 – parfois utilisé avec des populations plus petites – il faudrait augmenter la ventilation 226 fois, l'équivalent d'une tornade. Les ingénieurs en ventilation reconnaissent qu'on peut difficilement doubler les niveaux de ventilation des édifices sans s'exposer à des coûts exorbitants, alors le seul contrôle possible de ce risque à l'intérieur des édifices consiste soit à interdire totalement le contaminant ou à isoler dans un espace fermé et ventilé indépendamment ceux qui choisissent de s'y exposer volontairement sans imposer ce risque à des non-fumeurs comme condition de travail.

La Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux et son Conseil des directeurs de la santé publique déposent les recommandations suivantes – et on pourra aller dans le détail, évidemment, lors des questions:

Que l'adoption et la mise en vigueur du projet de loi sur le tabac se réalisent dans les plus brefs délais;

Que, dans les lieux prévus par l'article 4, l'usage du tabac ne devrait être permis que dans des fumoirs tels que définis à l'article 3; et, dans les lieux prévus à l'article 5, l'usage du tabac ne devrait être permis que dans les chambres;

Qu'une définition du terme «lieu fermé» soit ajoutée, ce qui nous semble être défini nulle part;

Que l'usage du tabac soit totalement interdit dans tous les restaurants du Québec cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente loi;

Que le projet de loi prévoie, dans les casinos, bars et bingos, l'aménagement de sections réservées aux fumeurs, fermées, séparées et dûment ventilées et n'occupant pas plus de 40 % de la superficie totale des lieux;

Que, pour la santé des travailleurs non-fumeurs qui pourraient avoir à travailler dans des sections fumeurs des casinos, bars, bingos, le législateur devrait reconnaître la fumée de tabac dans l'environnement comme un contaminant du milieu de travail, tel que défini à l'article 1 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, et offrir aux travailleurs exposés des mesures compensatoires appropriées.

Par ailleurs, au niveau de l'application de la loi, nous recommandons que le pouvoir des municipalités soit maintenu afin qu'elles puissent interdire par règlement de fumer dans toute autre catégorie de lieux situés sur son territoire et de prescrire toute autre mesure non incompatible avec la présente loi;

Que l'obligation soit faite au ministre ou à une municipalité locale de nommer des personnes pour remplir les fonctions d'inspecteur;

(12 h 20)

Que l'exploitant ait le devoir d'assumer l'application de l'ensemble des mesures prévues par la loi concernant son établissement, lieu ou commerce;

Que, dans le but d'assurer des services d'inspection efficaces, un numéro 1-800 soit créé afin de recueillir plaintes et commentaires relatifs à l'application de la Loi sur le tabac;

Que la fonction d'inspecteur soit exercée par des agents de paix habilités à émettre des constats d'infraction. Nous recommandons également que la fonction d'inspecteur soit exercée par des personnes déjà responsables de fonctions similaires, mais, autant que possible, que ces inspecteurs ne soient pas des employés des milieux visés par l'application de la loi;

Que l'industrie du tabac assume les coûts liés à la mise en application de la Loi sur le tabac;

Que le gouvernement prévoie un prélèvement financier de l'industrie pour la mise en place de diverses mesures d'éducation et de recherche dans le domaine de la santé.

Alors, mesdames et messieurs, nous sommes disposés à répondre à toute question sur ce que je vous ai présenté et également sur toutes les autres mesures de la loi, et, évidemment, j'ai des gens qui sont habilités à nous aider à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. Gourde, et j'invite immédiatement M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: M. le Président, je remercie beaucoup la Conférence des régies régionales et les directeurs, directrices de santé publique d'être venus nous rencontrer et j'apprécie que vous ayez ciblé un sujet sur lequel on avait peut-être eu moins d'information et de réactions depuis le début des consultations qui est celui du contrôle ou du risque de la fumée dans l'environnement. C'est vraiment une situation de santé publique classique puis importante, et je ne sais pas si c'est de l'information que vous avez, là, sur le plan technique, mais, en me référant peut-être plus particulièrement à la page 12 de votre mémoire, l'item c, quand on dit comment réduire le risque, en rapport à vos remarques sur la ventilation, vous y avez fait un petit peu référence. D'une part, les restaurateurs, et il y a un autre groupe aussi, les hôteliers... Je pense, les restaurateurs et les hôteliers nous ont parlé – parce que je n'avais jamais entendu parler de ça avant, là, ils vont nous envoyer, probablement, de l'information – d'un système nouveau, d'une modalité nouvelle de ventilation qui pourrait permettre, sans faire d'endroits complètement fermés et ventilés séparément, par une efficacité spéciale de la ventilation, d'atteindre le même objectif, qu'il n'y ait pas de risque pour les non-fumeurs.

Alors, d'abord, est-ce que, vous autres, vous avez de l'information là-dessus? Est-ce que c'est possible sans avoir un effet de tornade, comme vous décrivez dans votre mémoire? Et une question reliée à ça, c'est: Si c'est quelque chose qui existe et qui peut être utilisé, est-ce qu'on a vraiment des moyens de contrôle de l'air ambiant, avec quelque chose qui peut s'utiliser dans une pratique courante de santé publique, pour s'assurer que le système est vraiment efficace? Si c'est le cas, est-ce qu'on sait quoi mesurer puis est-ce qu'on peut le mesurer de façon routinière sans que ça implique des coûts énormes pour le contrôle de l'application de la loi?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Poirier.

M. Poirier (Alain): Les systèmes d'élimination des polluants dans l'air, c'est des systèmes qu'on peut appeler, comme on le dit ici, linéaires, c'est-à-dire que, quand tu doubles l'échange d'air, tu diminues de moitié la concentration des polluants. Alors, vous voyez que, ici, tout dépend de la mesure du risque qu'on prend. Si le risque qu'on mesure, en termes de fumée dans l'environnement par rapport aux autres normes pour les autres polluants, est 10 000 fois plus élevé, quand on double l'échange d'air, on est encore 5 000 fois trop élevé en termes de polluants. Donc, pour tomber aux normes acceptables pour les autres polluants, vous vous doutez... Juste pour le risque du cancer du poumon, on a fait un calcul ici – puis ce n'est pas le plus élevé, puisque le taux de base des maladies cardiovasculaires est beaucoup plus élevé – il faudrait l'augmenter, ici on le dit, de 226 fois. L'échange d'air, ici, il est meilleur dans les zones... C'est habituellement sept changements d'air par heure. Pour doubler ça, c'est à peu près le maximum, sans changer tout le système de ventilation, que les ingénieurs peuvent obtenir... Donc, doubler un système d'échangeur d'air, ça ne fait que réduire de moitié ce risque qui est, dépendamment du calcul... Ici, on en a fait un qui est 10 000 fois plus élevé que pour les autres polluants.

Donc, la seule stratégie pour éliminer les polluants, c'est d'éliminer la source du problème, la prévention à la source, donc le tabac lui-même. Toute autre mesure, c'est des mesures de cohabitation sociale. C'est plus sympathique, un endroit qui a un bon échange d'air. La norme qu'ils vous ont présentée il y a deux jours, l'Association des restaurateurs, sur 1 000 parties par million... Il faut savoir que le bioxyde de carbone, j'en produis, moi, vous en produisez tous. Il n'y a pas de cigarette ici, or, il y a un niveau... On en produit, et les plantes le bouffent. On est bien fait, on est complémentaire. Donc, c'est normal d'avoir du «carbon dioxide», bioxyde de carbone, dans l'air, et cette norme-là, c'est une norme de confort pour les tours à bureaux quand il n'y a pas de cigarette. Si ça dépasse ça, ça veut dire qu'il commence à y avoir trop de monde. Par exemple, dans les garderies dans les sous-sols où on admet trop d'enfants, on a des problèmes parfois: mal de tête ou d'autres symptômes aigus parce que ce taux-là reflète... Ce n'est qu'un indicateur d'autres concentrations de polluants qu'il pourrait y avoir dans les édifices.

Ça, c'est de façon générale, pas pour le polluant du tabac. Ces normes-là qui ont été promulguées il y a plusieurs années aux États-Unis, ça a été avant qu'on connaisse justement tous ces risques associés aux cancérigènes du tabac. Maintenant qu'on les connaît et qu'on les mesure, on s'aperçoit que c'est impossible, avec le contrôle juste du niveau de bioxyde de carbone, de réduire de façon suffisante les normes. C'est pour ça qu'on dit que, même en améliorant la ventilation, on n'arrive pas à baisser le risque à un niveau satisfaisant. On améliore la cohabitation sociale entre les gens. C'est pour ça que, à l'article où il y a des aires réservées aux fumeurs, c'est peut-être sympathique de ne pas se faire souffler la fumée dans le visage, mais c'est comme faire pipi dans le coin d'une piscine, ça n'empêche pas le pipi d'aller dans l'autre coin de la piscine. C'est ça que ça fait, une aire. Et, lorsqu'on l'a mesuré dans les restaurants ou dans des lieux où il y a des aires, c'est vrai qu'il y a une différence entre les deux aires, mais cette différence-là... Dans un restaurant où on fume beaucoup, il y a autant de tabac dans la section non-fumeurs – et, parfois beaucoup plus, parfois cinq fois plus – que dans une section fumeurs d'un autre restaurant parce que le facteur qui prédit le niveau, c'est le nombre de fumeurs puis le taux de changement d'air. C'est des relations linéaires. Donc, on n'y arrive pas avec des méthodes de ventilation, c'est clair et net.

On a appelé hier aux États-Unis à l'Environmental Protection Agency pour leur parler de cette norme avec laquelle ils ont des problèmes depuis des années pour vérifier avec les meilleurs experts, et c'est exactement ce que je viens de vous dire, après avoir entendu la proposition de l'Association des restaurateurs.

M. Rochon: Bon. D'accord, ça, ça veut dire que, de votre point de vue, ce n'est pas une solution, mais, quant aux mesures de contrôle, est-ce que ça existe aussi, de toute façon, ou s'il y a des difficultés là aussi... De prélèvements qui peuvent se faire?

M. Poirier (Alain): Les mesures, vous voulez dire?

M. Rochon: Oui, supposons que...

M. Poirier (Alain): Le contrôle par des inspecteurs ou la mesure dans l'air?

M. Rochon: La mesure dans l'air. Est-ce que c'est quelque chose qui se fait, qu'il y a une pratique d'établie, qu'on sait mesurer le risque de la fumée par certaines composantes? Eux proposaient, les restaurateurs, le CO2, on parle de nicotine, est-ce que ça existe ou pas?

M. Poirier (Alain): La meilleure et la plus spécifique, c'est la nicotine, justement parce qu'elle est spécifique et qu'elle reflète très bien la cigarette. Toute autre chose... Je prends le bioxyde de carbone, j'en produis plein en parlant en ce moment ou juste en ayant chaud, mais la nicotine est spécifique. Donc, quand on la mesure dans l'air, on sait qu'elle reflète exactement les autres polluants, les autres cancérigènes. C'est la meilleure, et elle est spécifique.

Encore plus génial, quand elle entre chez l'humain, on peut la mesurer. Pas tellement en nicotine parce qu'elle se dégrade rapidement, puis ça varie beaucoup selon si on est quelques heures... C'est la cotinine qui, elle, est transformée par le foie. C'est un transformé de la nicotine. D'ailleurs, il y a une étude récente, vous avez vu, qui a été publiée à la fin du mois d'avril chez les travailleurs de la restauration où, en vertu de ce degré de cotinine chez les travailleurs de la restauration, on évaluait que, sur 100 travailleurs, au bout d'une vie de travail dans ce milieu-là... Tous vont décéder au bout d'une vie, ça, on est d'accord, mais 11 vont décéder de façon prématurée juste par leur exposition à ce milieu-là. Onze sur 100... Si je vous disais qu'il y a un risque ici, il y aurait une évacuation dans les cinq prochaines minutes du salon, ici, parce que 11 sur 100, comme risque, ce n'est toléré pour aucune autre toxine.

Alors, pour les travailleurs de la restauration, ce qu'on dit ici, c'est que, en milieu ventilé ou non, ils vont être forcés d'être exposés. Même chose évidemment pour les restaurants en bas de 35 places. Donc, pour une mesure de santé publique, une politique publique saine, il y a d'autres critères d'acceptabilité, de faisabilité dont vous devez tenir compte, mais, nous, notre opinion comme spécialistes en santé publique, on est obligés de vous dire que ce n'est pas efficace et on est obligés de vous dire que les poumons dans les restaurants en bas de 34 places sont tout à fait pareils aux poumons dans les 35 places et plus. Donc, ça, on est obligés de vous le dire. En termes de santé, je pense que c'est assez évident.

Et, donc, on peut mesurer par la cotinine chez les gens le risque auquel ils s'exposent dans un milieu donné. La présentation, il y a un mois, de cette étude-là a été faite chez des travailleurs de la restauration dans trois régions du Québec, et on arrivait à ce risque effarant que je vous ai montré. Vous allez penser peut-être que j'exagère, mais, finalement, ce qu'on réalise maintenant en comprenant mieux les risques associés à la fumée passive... Dans le cas, par exemple, du cancer du poumon, les spécialistes les meilleurs au monde sont rendus à réaliser que peut-être que des cancers du poumon, il n'y en a à peu près pas dans la population générale, il ne devrait pas y en avoir, sauf que 90 %, 95 % des gens, même ceux qui ne le savent pas, sont exposés à la fumée passive. Donc, ces fameux cancers qu'on disait qu'ils surviennent naturellement chez des gens non exposés, on pense maintenant que la très grande majorité viennent de leur exposition secondaire à la fumée passive. Avec toutes les découvertes qu'on a depuis à peu près 20 ans, les publications, elles s'accumulent tout le temps. M. Turcotte en a mentionné une qui est sortie cette semaine, il y en a tout le temps. Là, maintenant, on commence à mesurer puis à rechercher des effets que, il y a encore 20 ans, quand j'ai fait mon cours de médecine, on ne nous enseignait pas. Maintenant, la littérature le fouille spécifiquement, et on trouve des risques associés à la fumée ambiante qui sont effarants.

(12 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le ministre?

M. Rochon: Oui. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Je vous remercie M. le Président. À mon tour, M. Plourde, de vous remercier pour votre excellente présentation.

Vous savez, des fois on est très critique par rapport aux régies régionales. Ce n'est sûrement pas mon propos ce matin, mais j'aimerais souligner sûrement l'unanimité certaine de notre formation politique quant à la qualité et à l'excellent travail accompli par les directions de santé publique à travers le Québec. Vous êtes accompagnés par d'excellents représentants. Je vois aussi, dans l'assistance, le Dr Richard Lessard qui dirige la direction de la régie de Montréal.

Alors, lorsque vous vous présentez ici puis que vous nous apportez votre mémoire, nous, on s'attend – et c'est ce que vous faites aujourd'hui – à ce que ce mémoire représente vraiment ce que les meilleurs experts de santé publique ont à nous dire sur le projet de loi. On constate en le lisant et en le parcourant, comme on vient de le faire avec vous, que vous voulez aller plus loin aussi que le projet de loi, et je pense que vous avez de bonnes raisons qui peuvent étayer plusieurs de vos recommandations.

Ma première question. Vous avez entendu comme moi, hier, la déclaration du premier ministre, à TVA, qui disait: Bien, ce n'est pas impossible qu'on reporte ce projet de loi. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

M. Gourde (Gaston): Bien, écoutez, mes commentaires... Je ne les ai pas entendus. Je vous dirai tout simplement que nous sommes prêts. Je trouverais malheureux qu'on reporte tout simplement le projet de loi à ce moment-ci. On verra, là. Je n'ai pas pris connaissance de façon intégrale. C'est vous qui me le rapportez. Oui. Dr Marcoux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Marcoux.

M. Marcoux (Laurent): J'aimerais, dans le fond, en relation avec votre question, vous sensibiliser très fort sur le fait que vous avez vu les dernières statistiques québécoises en matière de consommation, en particulier chez les jeunes. Il faut vraiment comprendre actuellement qu'on en est rendu à une limite au niveau des possibilités de l'intervention qu'on fait en matière de santé publique. Ça, c'est extrêmement important à réaliser, et il y a une situation d'urgence à corriger.

Quand je parle des taux, là, on parle de 40 %, on parle de taux qui dépassent, dans certaines clientèles, les taux qu'on obtenait dans les années soixante, en particulier chez les tout jeunes.

Alors, les stratégies éducatives, l'approche d'information, de sensibilisation, ça a ses limites. Ce qu'il faut, actuellement, c'est une loi de l'envergure de celle qui est présentée actuellement au Québec. Alors, on a besoin, pour qu'une stratégie éducative soit réellement efficace, qu'elle soit épaulée par des modifications au niveau de l'environnement, et la meilleure façon d'en arriver à des modifications dans l'environnement, c'est par une loi comme celle qui nous est proposée. On a besoin d'une loi qui vient débanaliser le tabac, une loi qui vient dénormaliser la consommation du tabac. Le projet de loi actuel, il est global, il est intéressant. Il répond, je pense, à cette exigence. Quand on dit: Dénormaliser, débanaliser, changer l'environnement, on parle de réduire l'accès aux produits du tabac. On parle de réduire sa consommation dans les endroits, milieux de travail, publics et autres. Éliminer la publicité et la commandite qui est un élément clé qui est utilisé pour la modalisation sociale. Le contrôle du produit, un autre élément important qui est apporté dans le projet de loi.

Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est qu'on le sent sur le terrain, qu'on a besoin d'un ajout, on a besoin de renforts au niveau de notre approche stratégique. Et l'approche législative, la loi qui est sur la table, est réellement complémentaire à tout ce qu'on fait. Plus que ça, si on n'a pas cette loi-là – je parlais du plateau ou de la hausse qu'on atteignait tout à l'heure – bien, on va avoir un découragement des troupes. On a un réel problème sur les bras si on n'a pas cette législation-là. Et ça se traduit en termes de santé publique sur la consommation.

M. Gourde (Gaston): Et j'ajouterais, en termes de sensibilité politique, si besoin était de parler ainsi, qu'on sent carrément, dans le milieu... On est près des gens – on dira toutes sortes de choses sur les régies – nous sommes près des gens. On sent qu'il y a un large consensus dans la population pour adopter un projet de loi qui ressemble à celui-là qui est là. Quant à nous, le fruit est mûr et il est prêt à être consommé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.

M. Marsan: Je voudrais ajouter une question à vos commentaires. D'un côté, on a le projet de loi. Il y a d'autres mécanismes aussi qui peuvent intervenir. J'aimerais vous entendre sur la possibilité d'associer le projet de loi à une augmentation des taxes sur le tabac. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire si une augmentation des taxes, ça améliore la santé publique ou ça ne l'améliore pas? Est-ce que vous avez quelques études ou des points de vue là-dessus?

M. Gourde (Gaston): Moi, je ne vous parlerai pas d'études. Probablement que mes collègues autour de moi en ont, là, ou enfin, ont des allusions à cet effet-là. Vous savez que, quand on augmente les taxes, on n'a pas beaucoup de contrôle là-dessus, nous autres, sauf qu'on a eu des épisodes un petit peu malheureux au cours des dernières années. Si ça venait à ce genre d'épisode là, je vous dirais non, peut-être que ce n'est pas la façon. Je ne sais pas s'il y a des études sur le genre d'événements qui sont arrivés au cours des trois ou quatre dernières années. Ça, je le saurais... Je ne sais pas si le Dr Poirier ou Mme Jacques ou Dr Marcoux...

M. Poirier (Alain): Bien, pour ce qui est de l'augmentation, dès 1994, le Conseil des directeurs de la santé publique, lorsque le gouvernement avait décidé de réduire les taxes, nous nous étions opposés, sachant très bien que le prix a beaucoup d'effets sur n'importe quel produit de consommation. Pas beaucoup chez les adultes fumeurs. Il y en a un peu, mais pas beaucoup, et pour une raison très simple, c'est qu'il y a une dépendance. Quand tu as une dépendance physiologique très claire, très démontrée au point de vue biochimique au niveau du cerveau, des variations, qui sont graduelles, d'ailleurs, n'ont pas beaucoup d'impact chez les fumeurs adultes. Il y en a un peu parce que, comme il y a bien d'autres motifs pour commencer ou pour cesser de fumer, c'est souvent le dernier coup de pied au derrière pour certains qui disent: Bien là, ça suffit, la taxe, je quitte. Donc, à travers les années, quand on a observé les augmentations de taxes au niveau canadien, il y avait toujours un petit «notch» dans la réduction; avec chaque augmentation de prix, il y avait une petite diminution.

Là où ça a le plus d'impact, les études internationales le montrent, c'est chez les jeunes. Trois fois plus d'impact. Ces variations-là sont trois fois plus importantes. Quand on a réussi à le mesurer, indépendamment de plein d'autres facteurs... Parce que ce n'est pas vrai qu'il y a juste les taxes. On n'a jamais dit ça. C'est un des éléments, tout le monde le dit ici. C'est la globalité du projet de loi associée à d'autres mesures éducatives et des mesures fiscales, comme la taxe. Donc, juste la taxe elle-même, si tu fais ça et rien d'autre, il n'est pas sûr que ça va avoir un impact, malgré que, chez les jeunes, ça en a un et il est trois fois plus fort, pour deux raisons: un, ils ont moins d'argent – celle-là est évidente – puis l'autre, ils sont dans un processus de début d'initiation et, pour certains, ils ne sont pas encore accrochés, ils ne sont pas encore dépendants. C'est au début qu'ils sont le plus vulnérables, d'ailleurs, aux messages des publicités. C'est au début qu'ils ont le plus de symptômes. Dans les études psychosociales, on nous parle de rébellion, tous les facteurs psychosociaux. Mais la façon de tabler là-dessus, c'est de leur offrir un produit avec des images d'adultes qui viennent compenser cette image de difficulté.

Dans des études où on a mesuré les symptômes anxiodépressifs chez les jeunes, ceux qui en avaient le plus – anxiété, stress à l'école, etc... D'abord, ils étaient deux fois plus élevés chez les filles que chez les garçons – la question a été posée ici – ces symptômes-là, quand on les mesure. Pour une raison ou pour une autre, à l'adolescence, les jeunes filles en ont plus, et chez ceux qui en avaient le plus, c'est ceux qui commençaient le plus à fumer. Alors, c'est là-dessus que la publicité doit tabler. Alors, ces symptômes sont plus sévères chez les plus jeunes, et là la publicité peut avoir un effet d'attirance plus grand en leur présentant des modèles de solutions adultes. Mme Lapointe, hier, a dit: On n'utilise que des mannequins adultes. Bien oui, c'est ça qu'il faut faire. Tantôt, on a parlé du projet Tempo qui avait ciblé spécifiquement les jeunes en donnant des modèles de jeunes. Ça ne marche pas. Ce n'est pas ça qu'il faut faire. Donc, quand ils disent: On cible les jeunes, il faut donner des images d'adultes. C'est, pour eux, vu comme une solution à leurs problèmes, les difficultés de l'adolescence.

Alors, si vous ajoutez à ça le prix, parce qu'ils n'ont pas encore beaucoup d'argent, à 12, 13 ans, là où ça a le plus d'attrait, bien, c'est sûr que le prix a un effet rajouté aux autres éléments: interdiction de publicité, difficulté d'accès. Donc, les autres éléments ensemble font que le prix va avoir une action.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, ça va? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Évidemment, il y a deux axes principaux à la loi: un qui touche la protection des tiers contre la fumée secondaire et l'autre qui touche la protection des enfants contre l'habitude de fumer, je pense. Je voudrais abonder dans ce sens-là pour vous poser la question suivante. J'aimerais avoir votre évaluation personnelle. C'est sûr que l'objectif qu'on poursuit dans la loi, c'est d'avoir une loi efficace; pour qu'elle soit efficace, il faut qu'elle soit acceptée puis il faut que les moyens atteignent les faits qu'on recherche.

Alors, on vient de parler des prix comme étant un élément dissuasif pour les jeunes. Ma question est la suivante, parce que des gens m'ont fait une suggestion, alors je veux la soumettre à votre évaluation: Est-ce que, par exemple, si on proscrivait toute vente de tabac en quantité moindre que la cartouche de 182 cigarettes, ça aurait un effet dissuasif significatif sur les jeunes? Est-ce que ça pourrait entraîner, par exemple, un rejet de la société, comme étant une mesure inutilement abusive? Est-ce que ça aurait comme effet d'entraîner de la contrebande? Qu'est-ce que ce serait, l'effet d'une mesure comme celle-là?

(12 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dr Poirier.

M. Poirier (Alain): Je vous ai entendu dans les jours précédents poser la question. Je suis assez rassuré, il n'y a personne qui a de réponse. Je n'en ai pas, moi non plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Poirier (Alain): Je peux vous dire cependant, en lien avec ça, que les normes de production qui inquiètent tellement l'industrie, c'en est une. Ce n'est pas rien qu'une norme de vente, 200 à la fois ou pas moins de 20, etc. Les pays se donnent des pouvoirs. Les juridictions se donnent des pouvoirs, actuellement. Le fédéral l'a, cette norme-là. Les gens l'ont dit avant moi, qui ont passé ici.

Mais ce qui est intéressant, et les experts de l'Organisation mondiale de la santé, les experts internationaux, réunis un an à Toronto, ont dit ceci: Tant que les pays ne vont pas travailler ensemble pour avoir une norme et une expertise ensemble, les pays, tous les phénomènes de contrebande amenés par un contrôle du produit lui-même vont s'opérer. Donc, l'Organisation mondiale de la santé travaille actuellement. Et travailler, actuellement, avec 191 États membres, ça ne veut pas dire que la réponse est dans deux mois. On nous parle d'un projet de quatre ou cinq ans pour qu'il y ait un consensus large au niveau des États membres sur la façon d'arriver à des normes.

Donc, si vous vous donnez, comme gouvernement, le pouvoir de contrôler le produit, je pense qu'il n'y a à peu près personne qui irait se mettre la tête sur le billot puis dire: Ici, ça va être telle, telle norme. Il y a des pays qui commencent à le faire légèrement, à modifier le niveau de goudron. Mais, par exemple, la nicotine, est-ce qu'il faut complètement enlever la nicotine ou, au contraire, il faut l'augmenter? Les deux thèses sont possibles. L'augmenter pour que les gens fument moins, parce que la nicotine, ça ne crée pas de problème à part la dépendance. Ça ne tue pas le monde, la nicotine. Donc, on pourrait dire: On l'augmente, on va fumer moins de cigarettes pour notre dose. D'autres disent l'inverse: Il faudrait enlever la nicotine. Comme ça, personne ne va être accroché, on va pouvoir cesser plus facilement. Il n'y en a pas, de consensus d'experts, actuellement, juste sur le contrôle de la nicotine. C'est un poison qui nous accroche, mais est-ce qu'on l'augmente pour ne pas fumer du goudron ou si on le diminue pour ne pas accrocher les jeunes? Voyez-vous, ça, il n'y en a pas, de consensus, actuellement. Donc, le gouvernement doit se donner ce pouvoir-là, comme celui de réglementer le nombre, etc. Mais le mettre en action dans un règlement, je pense que ce n'est pas demain la veille que les juridictions vont le faire toutes seules, parce que ça va amener justement des phénomènes de contrebande, d'autres sortes de problèmes.

Donc, de plus en plus de monde va avoir ce pouvoir-là quand les experts se seront branchés. Le gouvernement du Québec, du Canada ou les autres juridictions pourront dire: Bien là, on sait quoi faire avec le goudron, avec tel cancérigène, avec la nicotine. À date, il n'y a pas vraiment de consensus là-dessus, sauf qu'on sait qu'il y a là une piste. Il faut travailler sur le produit.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va, M. le député?

M. Dion: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Dr Poirier, on demande à la société de prendre ses responsabilités. On demande aux écoles, vis-à-vis de la cigarette, de prendre leurs responsabilités. La plus belle et la plus petite des communautés, c'est encore celle de la famille. Tous, un bon jour, on a appris que notre adolescent ou notre adolescente avait, dans la cour de l'école avec les copains et les copines, essayé de fumer. La question qu'on se pose ce soir-là: Y «a-tu» quelque chose que je n'ai pas fait de correct? «J'aurais-tu» dû m'y prendre autrement? «J'aurais-tu» dû l'empêcher ou faire de l'éducation? Parce que ça m'est arrivé et ça arrive à plein de mes voisins. C'est quoi, l'approche qu'on doit prendre avec nos enfants avant, pendant et après le moment où on a appris que, dans la cour d'école ou l'autre bord de l'école, ils ont fumé leur première cigarette? Et on l'a fait nous-mêmes, pour tout dire.

M. Poirier (Alain): Ma fille a 12 ans et elle a fait ça il y a quelques mois. Alors, qu'est-ce que je n'ai pas fait? Je pense que ce que j'ai fait, c'est qu'elle n'a pas continué. Elle l'a essayé, comme tout le monde. Je ne connais pas beaucoup de gens qui ne l'ont pas essayé. Je ne dis pas qu'elle ne va pas fumer l'an prochain, là. Parce que, quand on questionne les enfants en quatrième année, je pense que c'est 97 % qui disent qu'ils ne fumeront jamais. Donc, l'éducation existe, ils connaissent les risques. Ouache! Papa, maman, on ne fume pas. Pourquoi tu fumes? Ça, c'est facile, en quatrième année.

Quand arrivent les insécurités de l'adolescence, le modèle de stress, comme je le disais tantôt, beaucoup d'études l'ont mesuré sur des échelles, le symptôme de difficulté. C'est là que s'opèrent d'autres habilités qu'on peut développer chez nos enfants, sur des programmes éducatifs qui sont, en passant, aussi bons pour le tabac comme pour la drogue, comme pour toutes sortes d'autres risques qu'on peut choisir. C'est ce qu'on appelle les habilités fondamentales. Le programme d'éducation préscolaire, qui donne des compétences de résolution de problèmes, de communication puis qui donne la confiance en soi, c'est l'autre pendant du désir de rébellion face aux parents. Ma fille est en confrontation avec son père. Ça, c'est clair. Maintenant, le moyen qu'elle va choisir pour s'affirmer puis devenir grande, ça «va-tu» être en fumant, ou en faisant d'autre chose, ou en m'envoyant promener, ou en disant des gros mots? Elle choisira. Mais, quand le produit est accessible puis qu'il est là, sur la tablette, puis elle l'a, celui-là: Tiens! Tu me fais chier, toi; je vais fumer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Poirier (Alain): C'est ça, le message. C'est un rite de passage au niveau adulte. C'est ça qu'ils font, les jeunes. Quand le produit est accessible, qu'il n'est pas cher puis qu'elle peut en acheter n'importe où, c'est un des moyens qu'elle peut utiliser pour devenir une adulte. Quand on lui a développé, par des programmes éducatifs et dans la famille, d'autres outils pour réagir, pour mieux négocier ses difficultés et les stress avec son père, par exemple, elle va utiliser – je parle de ma fille, là – vos filles, vos garçons, ils vont utiliser d'autres moyens pour faire ça. Alors, quand ils l'essaient, ne vous suicidez pas. Continuez le travail, la compréhension et le discours. Mais il faut que le milieu scolaire, les parents travaillent sur la base fondamentale de l'éducation. C'est essentiel. On ne vient pas dire ici qu'il ne faut pas faire d'éducation, il faut juste une loi.

Parce qu'il y a une chose qui est fondamentale avec les jeunes: c'est qu'un programme qui leur dit: Ce n'est pas bon pour les jeunes, comme on le dit ici depuis trois jours, c'est contre-productif si on ne dit que ça. Le vrai message, c'est que ce n'est pas bon pour toute la société. Puis, si on ne veut pas que les jeunes commencent, ce n'est pas pour la même raison que l'industrie, eux autres. Elle l'a dit, hier, à la fin de la présentation, Mme Lapointe. Elle a dit: On va attendre qu'ils aient 18 ans. Ce n'est pas ça, la logique. Puis on ne peut pas être pour l'économie de cette industrie-là si on dit ça. On ne peut pas dire: On va préserver l'économie de l'industrie du tabac parce que... pour toutes sortes de raisons, alors qu'on veut diminuer le tabagisme chez les jeunes. Si on veut le diminuer chez les jeunes, ce n'est pas pour qu'ils fument à 19 ans. Il n'y a pas un jeune qui meurt du tabac à 18 ans. C'est après. C'est dangereux pour les vieux, le tabac. Si c'est dangereux chez les jeunes, c'est parce que ça répond à un profil psychosociologique du jeune, puis c'est là qu'ils commencent. Après 19 ans, on ne commence pas.

C'est pour ça qu'on cible les jeunes. Ce n'est pas parce que c'est dangereux chez les jeunes. C'est dangereux chez nous, les vieux. Puis on est accroché, quand on est jeune. Donc, par rapport aux jeunes, il faut faire de l'éducation puis il faut leur présenter un environnement, éliminer la publicité qui vient répondre à leur profil psychosociologique de jeunes, l'éliminer, ce produit-là, puis, graduellement, on va retrouver ce qu'on avait, on va retourner vers une baisse. Surtout ne pas se rendre à ce que des gens vous ont suggéré. L'ultime message contradictoire auprès des jeunes, c'est de leur dire: C'est illégal, puis on va vous donner des... Ça, il y a des gens qui l'ont proposé, là. C'est le discours classique du fruit défendu. Le fruit défendu, ce n'est pas aux jeunes. C'est celui qui vend et qui fait des profits, celui en amont du produit, le vendeur et le producteur qui doivent être ciblés dans toute lutte au tabac. Pas le jeune, sinon on fait exactement l'inverse: on l'incite à en vouloir encore plus pour faire chier les grands.

M. Benoit: Merci, Dr Poirier.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député? M. le député de Maskinongé. Je ne sais pas si vous allez nous parler du fruit défendu ou d'autre chose, là.

M. Désilets: Non, mais vous faites bien ça. Deux ou trois petites questions rapides. Les moyens prévus dans le projet de loi pour contrer le tabac chez les jeunes, est-ce qu'ils répondent ou s'il y a des points majeurs qu'il faudrait modifier? La deuxième question: les non-fumeurs. Quand je pense à ça, je pense à l'article 2, l'alinéa 9°, la fumée, entre autres, dans les taxis, pour les chauffeurs de taxi, ceux qui fument et ce qui se passe avec ça. C'est des fumeurs, mais des non-fumeurs... Ou quel lien on peut faire? Est-ce qu'on peut... Est-ce qu'il y a un petit bout où on pourrait faire plus là-dessus ou si c'est correct, ce n'est pas pire? Et la dernière: les machines distributrices. On a vu, hier, il y avait des gens qui venaient avec une télécommande. On peut avoir un certain contrôle sur les distributrices de cigarettes. Si on n'a pas de distributrices, le danger qui peut arriver, c'est le marché noir ou la contrebande qui pourrait s'introduire. Vous en pensez quoi, dans ces trois-là? Je résume vite les objectifs. Ça va?

Une voix: Dr Marcoux, allez-y.

M. Marcoux (Laurent): Le premier, concernant si le projet de loi est assez englobant pour l'intervention, pour prévenir l'initiation du tabagisme, je pense que ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'il ne faut pas commencer, dans le sens où, quand on regarde les études, les fumeurs sont devenus des fumeurs dépendants avant l'âge de 19 ans. Lorsqu'on interroge les jeunes à 13, 14 ans, il y en a 60 %, 70 % qui pense qu'à 19 ans ils ne fumeront plus. Mais ils fument. Il y a 80 % de ces jeunes-là qui continuent à fumer.

Alors, c'est l'initiation. Dans le projet de loi, ce qu'on voit comme mesures, à mon sens, importantes, il y a l'accès au produit, quand on parle de limiter, d'empêcher l'accès aux moins de 18 ans, lorsqu'on parle de tout le volet relié à la commandite et à la promotion des produits du tabac. Ce sont des éléments clés.

Le troisième qui a été apporté tout à l'heure, qui n'est pas réellement décrit, c'est la taxation. C'est sûr que c'est un moyen efficace. Ça, au niveau de la prévention, c'est un moyen efficace, sauf qu'il s'applique dans des conditions particulières. On a vécu, au Québec, des difficultés. Alors, il faut contrôler les effets secondaires de ça. Mais c'est une mesure qui est efficace, d'accroître les prix.

M. Désilets: O.K. Quand vous parlez de taxation, c'est en fonction du taux de nicotine? Vous avez laissé...

M. Marcoux (Laurent): Non. C'est-à-dire...

M. Désilets: Non?

M. Marcoux (Laurent): Là je parlais de la taxation du produit, le prix. L'autre volet, c'est sûr que ce qui fait qu'un jeune devient dépendant, c'est le taux de nicotine. Alors, comme le disait Alain tout à l'heure, le consensus n'est pas obtenu sur les doses et les concentrations de ce produit-là, mais c'est sûr que, au départ, on était heureux de constater, dans le projet de loi, qu'il y a un article qui se veut général, mais en même temps englobant et qui ne laisse pas place à toute modification, compte tenu des recherches qui vont venir...

M. Désilets: L'article 29?

M. Marcoux (Laurent): Oui.

(12 h 50)

M. Désilets: O.K.

M. Marcoux (Laurent): ...à en arriver à modifier le produit. En m'en venant ce matin, je voyais que l'industrie du tabac, dans une entrevue que Mme Lapointe réalisait avec M. Arcand, à Montréal, militait beaucoup contre cet article-là, et c'est un article majeur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Désilets: Pour cette question-là, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez une autre...

M. Désilets: J'ai deux autres questions que j'avais posées tantôt.

M. Poirier (Alain): Il en avait deux autres. Pour ce qui est des taxes, ce que ça amène, c'est l'utilisation de ce qu'on appelle la courtoisie. C'est ça, les gens doivent s'entendre, puis: Voulez-vous, ne voulez-vous pas, ou le demander... Évidemment, ça, c'est toujours amené par l'industrie du tabac: Mieux vaut s'entendre, mieux vaut pas de loi, mieux vaut pas de règles claires. Quand il n'y a pas de règles, la courtoisie, c'est bien sympathique, mais, avec des inconnus, ça ne s'opère pas.

J'ai une étude devant moi qui vérifie que, dans les lieux publics, seulement 4 % des non-fumeurs ont demandé à des fumeurs de s'empêcher de fumer. Il faut être un peu baveux pour aller voir un fumeur: Aïe! Veux-tu arrêter de fumer? Tu risques d'avoir une claque sur le nez. T'es dans le taxi d'un autre, ou vice versa, ça prend du front, un front de boeuf, pour faire ça. Ce n'est pas juste de la courtoisie ou de la politesse, ça ne s'opère pas très bien. Vaut mieux avoir des règles claires que supposer ou espérer que tout le monde va avoir le courage d'aller faire ça. Alors, ce genre d'entente dans un... Puis, quand tu travailles avec d'autres dans un camion – on a vu des exemples, ici, Hydro-Québec ou d'autres – ce n'est pas facile. C'est des amis. On ne va pas aller leur dire.

Moi, personnellement, chez nous, quand les gens viennent et qu'ils fument, je les laisse fumer. Malgré tout ce que je viens de vous dire, je pense que, dans des lieux publics généraux, l'État doit me protéger. Mes amis à moi, quand ils viennent chez moi puis qu'ils fument, s'ils veulent aller dehors, tant mieux, mais, s'ils me demandent pour fumer puis qu'il fait -20 °C, puis c'est le verglas, ou je ne sais pas quoi, j'ai des cendriers de cachés chez nous.

Donc, ça, la courtoisie, ça marche avec des amis, mais, dans des lieux publics, dans des milieux de travail, dans des lieux gérés avec des inconnus, ça ne marche pas. On voudrait bien que ce soit aussi sympathique que dans nos maisons, mais ça ne marche pas bien. Donc, par rapport aux taxis, ce serait ma réponse.

Pour ce qui est des télécommandes des distributrices, ça marche un peu mieux au début, quand il y a une télécommande que quand il n'y en a pas. C'est sûr que, quand il n'y a pas de télécommande, personne ne demande l'âge. Mais la personne à qui tu demandes, c'est la même chose qu'un vendeur. Ces gens-là habituellement connaissent moins bien leurs responsabilités, parce que s'ils ont justement une distributrice dans la place, c'est parce qu'ils ne veulent pas gérer du tabac. Donc, la loi, ils ne la connaissent pas très bien.

Dans une étude aux États-Unis, au début, 19 % des jeunes pouvaient acheter, même quand il y a une télécommande, dans des mesures d'achat de contrôle, 19 %. Une année plus tard, c'est 39 % des jeunes, même dans les endroits où il y avait une machine avec télécommande, qui pouvaient... Autrement dit, la règle importante, c'est le vendeur. Et c'est lui qui la donne ou qui déprogramme à distance. C'est le vendeur qui doit être bien surveillé sur la vente.

Ce que ça fait, pour un produit aussi dangereux, s'il y a des distributrices, vendeurs ou pas, c'est que c'est des gens qui ne sont pas très préoccupés par la vente. Ils ont d'autres choses en tête, principalement un restaurant, etc. Donc, tout le contrôle, la préoccupation du tabac, ils ne s'en préoccupent pas vraiment. Ce n'est pas leur métier que de vendre. Ce n'est pas ça, leur job principale. Donc, de se reposer sur ces gens-là pour contrôler l'accès aux jeunes, on ne pense pas que ce soit une très, très bonne solution, la notion de distributrice.

M. Désilets: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présentation aujourd'hui. Je pense que c'est une excellente démonstration de l'importance de la direction de santé publique. J'espère que le ministre tient compte que c'est loin d'être nécessaire d'avoir un institut national de santé publique, de déménager tous vous autres des territoires pour bâtir une autre petite institution à Québec. J'espère qu'il va en tenir compte et qu'il va vous inviter en commission parlementaire sur ce projet de loi qui s'en vient bientôt. Avec ça, je pense que vous avez démontré une excellente connaissance des territoires, et c'est assez important. Je sais qu'avant de commencer les élections il veut faire une autre boîte, mais j'espère que vous allez le convaincre que vous êtes assez importants chez vous.

Sérieusement, j'ai...

Une voix: Parce que là ce n'était pas sérieux.

M. Williams: Je pense que le ministre est loin d'être sérieux dans cette affaire-là. Health Canada, Health Protection Branch, Office of Tobacco Control, décembre 1997, une étude Nielsen démontre qu'une pharmacie sur deux vend aux mineurs. Pire que ça, quand nous avons décodé cette étude, le Québec était le pire. Encore là, au Québec, 51 % sont... Le chiffre le moins élevé, c'est le pire. Avec ça, 50 % vendent aux mineurs. À Montréal, c'est 54 % qui résistent à vendre aux mineurs. Les pires territoires, incidemment, selon cette étude Nielsen, au Québec, c'est à Jonquière. Peut-être que ça explique la position du premier ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: On essaie de comprendre le premier ministre aujourd'hui, là, parce qu'il patine pas mal. Mais ma question est tellement sérieuse: Qu'est-ce que santé publique va faire dans les territoires pour réagir dans les situations comme ça? Parce qu'on peut faire toutes les études, on peut encourager nos jeunes, on peut faire les programmes dans nos écoles, mais, quand nos vendeurs ne respectent pas ce principe, les détaillants – c'est ça que je comprends... Est-ce qu'il y a un programme de santé publique dans les territoires pour répondre à ce phénomène? Parce qu'il me semble que les chiffres que j'ai cités, incluant ceux de Jonquière, sont vrais. Et je voudrais savoir: Est-ce qu'il y a une stratégie de santé publique qui peut répondre à ce problème?

M. Gourde (Gaston): Juste avant que le Dr Poirier intervienne. Effectivement, c'est un problème et, à mon avis, on sent que c'est plus sensible. Je sais que le gouvernement du Canada a commencé, lui aussi, à faire du travail pas seulement dans les pharmacies, mais à faire du travail de propagande – je ne dis pas ça au sens négatif du terme – et à faire de la publicité dans les dépanneurs, un peu partout maintenant où il est indiqué, de façon très claire, qu'il est interdit de vendre à des mineurs. On s'aperçoit... En tout cas, moi, je pense personnellement qu'il y a eu une petite amélioration de ce côté-là.

C'est évident que, le projet de loi étant adopté, il va falloir mettre en place les mécanismes qui vont faire en sorte qu'effectivement la loi va être respectée. Ce n'est pas juste d'avoir une loi, il faut qu'elle soit respectée. Alors, quelle forme ça pourrait prendre? Ça, je pense que le Dr Poirier pourrait répondre.

Je veux juste dire – parce que je sais que ça va se terminer bientôt, et ça, c'est à l'intention de la commission, c'est à l'intention du gouvernement – que ce que les gens de santé publique font actuellement, comme c'est dans leur mandat, ils donnent des avis aux régies, ils donnent des avis au ministre, ils donnent des avis à la population, et l'avis qu'ils vous donnent aujourd'hui, c'est que le tabac, c'est dangereux.

Ce qu'ils vous disent, finalement, c'est que, si on adopte la loi qui est là, ça n'aura peut-être pas des conséquences immédiates, demain matin, ça va avoir des conséquences à moyen et à long terme sur la santé des Québécois. Mais, si on veut atteindre le sommet, il faut franchir la première marche. Et la première marche, c'est maintenant.

M. Williams: Merci. Dans votre mémoire, à la page 8, vous avez dit que, depuis le 9 janvier 1995, les régies régionales ont reçu quatre enveloppes budgétaires avec une somme totale de 7 500 000 $, pendant trois ans, plus ou moins. Mais, si mon calcul est correct, pendant ces mêmes trois ans, le gouvernement a reçu 1 200 000 000 $ de taxes qui vient de la vente de tabac, plus ou moins, plus qu'un milliard. Pensez-vous que 7 500 000 $, c'est assez pour répondre à ce besoin? Et est-ce que vous pensez que vous avez assez d'argent de ce ministre pour vos programmes?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: C'est le temps de passer le message, là.

M. Gourde (Gaston): Dr Marcoux.

M. Marcoux (Laurent): Une de nos recommandations qui sont passées inaperçues jusqu'à maintenant, c'est qu'on demande au gouvernement du Québec d'investir. On parlait d'une stratégie globale tout à l'heure, et donc, la législation. Il y a la stratégie éducative d'information et de promotion qui est importante, puis on demande justement que soit renforcé également ce volet-là.

Ce qui se passe, c'est que, comme ça s'est manifesté dans les États américains et autres, pour obtenir un succès, on a parlé tout à l'heure d'une approche globale. Il y a la loi et il y a la stratégie promotionnelle et de communication, et il faut investir beaucoup en termes de communications au public en général par rapport à ça.

Alors, ce que je crois, moi, c'est que, avec le plan de tabac qui avait été annoncé, il y a eu un respect de cet agenda-là, et là on est rendu aujourd'hui à une phase où, vraiment, on sent, de la part du gouvernement du Québec, qu'il y a une prise de position. Il va y avoir une prise de position claire en matière de réduction du tabagisme et on demande dans notre mémoire, justement, que soient également renforcés tous les volets reliés à la stratégie éducative.

M. Williams: Merci. J'espère que la réponse que vous allez avoir du ministre va être plus claire que la réponse que nous avons eue du premier ministre aujourd'hui.

Dernière question. Vous avez ciblé la question des casinos et des bars. J'ai entendu beaucoup de mots, beaucoup de commentaires sur cet article de loi. Est-ce que vous trouvez que c'est vraiment une contradiction, au moins une contradiction de l'esprit de la loi, d'avoir les exceptions – je vous lis l'article – spécifiquement pour les casinos?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une courte réponse, s'il vous plaît, le temps étant dépassé.

M. Gourde (Gaston): Je pourrais juste vous rapporter à l'article 1 de la loi qui dit: «La présente loi lie l'État.» Pour dire que, oui, c'est peut-être une contradiction à ce niveau-là. Dr Poirier.

(13 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très court, Dr Poirier.

M. Poirier (Alain): Bien, je pense que dans ces lieux-là... Il y en a trois, par exemple, des casinos, à ma compréhension, au Québec. Ce serait assez facile de contrôler l'organisation de trois casinos. On dit qu'il y a déjà des aires réservées – fumeurs, non-fumeurs – au casino. Je ne le sais pas, mais on m'a dit ça. Il me semble qu'à la superficie qu'ils ont ce serait possible d'en réserver 40, 60 – vous déterminerez ça comme vous voudrez – pour dire que, dans les casinos, on pourrait séparer... Il me semble que ce serait possible sans trop de coûts, vu les revenus importants qu'ils génèrent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée Sherbrooke, vous auriez une minute.

Mme Malavoy: C'est mieux que rien, M. le Président. Je vais la prendre avec plaisir. Vous avez mis l'insistance, entre autres choses, sur l'impact de la fumée pour les gens qui ne fument pas. J'avoue que je me pose des questions pour essayer de comprendre cet impact-là. On comprend bien que des gens puissent avoir des effets nocifs, entre autres, sur leurs propres poumons. Mais j'aimerais que vous m'expliquiez deux choses dans les incidences: d'abord, le fait que ce soient surtout des maladies cardiaques qui soient la conséquence d'une exposition à la fumée passive, et ensuite – probablement parce que c'est très frappant et c'est certainement très douloureux – l'idée qu'il y ait des morts subites de nourrissons qui soient directement reliées aussi à cette question-là, ce que, je dois dire, je ne savais pas. S'il y a des choses qui sont un peu démontrées, ce serait important pour moi, en tout cas, de savoir ce que vous pouvez partager avec nous là-dessus.

M. Poirier (Alain): L'augmentation tant des maladies cardiaques que du cancer du poumon par la fumée passive est proportionnellement la même. C'est le taux de base qui est 10 fois plus petit, pour ce qui est du cancer du poumon. La première cause de décès, dans tous les pays développés, c'est les maladies cardiovasculaires – ça doit être 40 %, ou peu importe le chiffre. Le cancer vient en deuxième lieu, mais c'est tous les cancers. Le cancer du poumon, c'est un de ceux-là. Quand on augmente de 30 % l'incidence des deux, comme un part beaucoup plus haut – en fait, 10 fois plus élevé – c'est pour ça que la charge des maladies associées – cette augmentation de 30 %, pour les non-fumeurs, du risque des maladies cardiovasculaires – augmente de beaucoup plus la charge totale de morts qui viennent des maladies cardiovasculaires. C'est ça, l'étonnement.

Au début, avec les premières études, on a cherché ce qui était évident. Le cancer du poumon est tellement directement associé à la fumée qu'on a dit: Ça doit être évident, là. Ça l'est, mais de 30 % de l'augmentation du taux de base. Puis là on s'est dit: Bien, les fumeurs ont aussi plus de maladies cardiaques, on va regarder ailleurs. On a trouvé le même phénomène, d'à peu près 30 % – puis il y a des études qui disent plus que ça. Mais, parce que le niveau de base est beaucoup élevé dans la population en général, cette même augmentation relative nous donne beaucoup plus de maladies cardiaques.

Deuxième chose..

Mme Malavoy: La mort subite du nourrisson.

M. Poirier (Alain): Pour ce qui est de la mort subite, c'est un problème... c'est une mortalité subite qu'on ne comprend pas tellement bien, mais qui est très, très rare. Ce qu'on découvre maintenant, c'est qu'effectivement le tabagisme – et là il est surtout familial, soit dit en passant, pas beaucoup de contrôle de l'État à ce moment-là – des parents semble avoir un effet. On sait que les études aiguës à court terme sur ce qui se passe sur les molécules, dans notre sang... Entre autres, le taux de monoxyde de carbone lié à la fumée change des choses au niveau de notre hémoglobine et au niveau, par exemple, de la façon dont est véhiculé l'oxygène dans le sang. Ça change en dedans d'une demi-heure, chez les non-fumeurs, avec des mesures biochimiques, la façon dont les plaquettes vont adhérer. Il y a toutes sortes de modifications chimiques à très court terme qui se passent chez les non-fumeurs, même après une demi-heure. Il y a une étude qui a été publiée, la semaine dernière, dans Circulation . En dedans d'une demi-heure, les antioxydants – qui nous protègent du cancer – sont diminués après une demi-heure d'exposition, chez les non-fumeurs. Donc, il y a des...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie...

M. Poirier (Alain): ...phénomènes très rapides, que je pourrais expliquer, chez les gens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...et je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux en recevant les représentants du Ralliement pour la liberté de commandite, qui comprend évidemment beaucoup de groupes. Je demanderais aux membres de la commission de bien noter les noms des personnes et surtout de bien noter à qui vous voulez poser la question lorsqu'on passera à la période des questions. La présentation va durer environ 1 h 15 min, sans arrêt. Donc, préparez vos questions en indiquant bien à qui vous voulez adresser ces questions pour que ce soit très efficace. Alors, on aura 1 h 15 min de présentation et 1 h 45 min d'échanges.

Si je comprends bien, M. Létourneau, c'est vous qui présentez les gens qui vous accompagnent et c'est vous qui allez aussi vous assurer que le temps est respecté pour qu'en 1 h 15 min tout le monde ait dit ce qu'il avait à dire. Allez-y.


Ralliement pour la liberté de commandite

M. Létourneau (Michel): Je ferai de mon mieux, M. le Président. Tout d'abord, merci d'avoir accepté de nous rencontrer. J'aimerais apporter peut-être une première correction. Il est vrai que nous sommes membres du Ralliement pour la liberté de commandite, mais je pense qu'ici chacun parle au nom de son propre événement. Le communiqué du Ralliement sortira au moment opportun. Donc, j'aimerais qu'on note ça.

Donc, dans un premier temps, il me fait plaisir de vous présenter mes collègues. Il y a deux groupes, en fait. Il y a un groupe...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau, il n'y a pas de mémoire pour tout le monde. Vous allez tous vous exprimer...

M. Létourneau (Michel): Voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est ça?

M. Létourneau (Michel): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Juste pour ne pas qu'on attende de mémoire, autour de la table.

M. Létourneau (Michel): Et, d'après ce que je comprends de mes collègues, notre présentation à tous et chacun et chacune sera assez courte. Nous croyons que les périodes de questions pourraient être plus propices à des échanges et à des explications.

Donc, le groupe se divise en deux, «diviser» étant le terme qu'il faut prendre au pied de la lettre. Du côté droit, il y a le sport et, du côté gauche, il y a la culture, le côté du coeur. Normand Legault, du Grand Prix du Canada; Léon Méthot, du Grand Prix...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse. Juste pour être sûr que, pour les fins d'enregistrement, c'est très, très bien compris, est-ce que c'est à votre extrême droite? C'est ça?

M. Létourneau (Michel): Extrême.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): O.K. Juste pour être sûr que, pour l'enregistrement, tout est fait correctement.

M. Létourneau (Michel): Donc, Léon Méthot, du Grand Prix Player's de Trois-Rivières, et Gaétan Piché, à l'extrême droite, du Rallye international de motoneiges de Chibougamau; à côté de moi, Caroline Jamet, du Festival international de jazz de Montréal; Christine Mitton, qui représente les Internationaux de Benson & Hedges; Richard Legendre, qui nous arrive tout fraîchement de Roland-Garros, donc qui sera ici dans quelques minutes; et Michel Létourneau, du Festival d'été international de Québec.

Écoutez, sans plus tarder, Normand Legault, du Grand Prix Player's, je vous invite à être court, bref, clair et touchant. Merci.

M. Legault (Normand): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, j'aimerais avant tout vous remercier de l'invitation que vous nous avez lancée de venir, à titre de représentants du Grand Prix du Canada, vous faire part de nos impressions sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac. D'entrée de jeu, je dirai que, bien que définitivement très sévère à l'endroit des commandites d'événements comme le nôtre par les entreprises manufacturières de produits du tabac, la loi n° 444 est fidèle à une tendance politique mondiale affectant le milieu des événements. Cette tendance consiste à limiter, voire même interdire ce type de commandite, tout en prévoyant néanmoins une période de transition suffisamment étendue pour permettre aux organisateurs d'événements de s'acclimater à la nouvelle donne.

(15 h 10)

L'article 72 de l'actuel projet de loi est fidèle à cette tendance en prévoyant une période de transition de deux ans pour les événements déjà commandités par l'industrie du tabac et une période de transition de cinq ans pour les écuries participant à des épreuves de course automobile comme la nôtre. Cette distinction entre le deux ans pour les commandites des événements et le cinq ans pour les participants illustre très bien la façon indirecte dont une situation défavorable devant laquelle un événement comme le Grand Prix du Canada est placé lorsqu'une loi de la nature, celle qui nous occupe aujourd'hui, est votée.

Pour corriger certaines faussetés colportées à gauche et à droite depuis l'avènement de projets de loi antitabac à Québec et à Ottawa, je tiens à rappeler que le Grand Prix du Canada ne touche aucun revenu de la présence de commanditaires du tabac sur les voitures ou sur les uniformes des membres des écuries qui y participent. Donc, il est faux de prétendre que le Grand Prix jouit d'un avantage par rapport aux autres événements parce que ce projet de loi prévoit une période de transition de cinq ans pour les écuries. Nous avons toujours déclaré que nous étions prêts à relever le défi de tenter de remplacer notre commanditaire Player's, mais que, si les écuries participantes ne pouvaient respecter leurs ententes individuelles avec leurs commanditaires, cet exercice de financement deviendrait purement académique.

Le dernier point que j'aimerais aborder avec vous aujourd'hui n'est guère rassurant. En dépit des périodes de transition prévues à l'article 72, il y a fort à prévoir que, si, au chapitre de la permission accordée aux écuries participantes, la loi fédérale C-71 ne s'harmonise pas avec l'éventuelle loi québécoise, nous pourrions bien vivre notre dernier Grand Prix le week-end prochain. Les amendements promis par le gouvernement fédéral, il y a de cela 13 mois maintenant, n'ont toujours pas été présentés. Nous n'en sommes plus qu'à quatre mois de l'entrée en vigueur des restrictions à la commandite prévues par la loi C-71. Devant cette absence d'harmonisation entre les deux lois, nous craignons que la période de transition prévue au projet de loi n° 444...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pour les fameux cellulaires, s'il vous plaît, tout fermer ou sortir de la salle. Merci.

M. Legault (Normand): ... – merci – ne s'avère inutile.

Alors, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je m'excuse de vous avoir interrompu, j'ai oublié de le dire au début. Parce que, dans une salle où il y a beaucoup de monde...

M. Legault (Normand): Je vous en prie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...ça devient dérangeant. Le suivant.

M. Létourneau (Michel): Oui. J'invite M. Léon Méthot, du Grand Prix Player's de Trois-Rivières.

M. Méthot (Léon): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, je vous remercie également de nous recevoir ici aujourd'hui. Évidemment, on reste un peu dans le même domaine du sport automobile. Ce que j'aimerais souligner spécifiquement ici, devant vous, aujourd'hui, c'est un peu les différences qui peuvent exister au niveau du sport automobile, au niveau des différentes catégories de séries et des différents marchés dans lesquels ces événements-là peuvent se produire.

Évidemment, Normand vous l'a bien souligné, en ce qui a trait à l'affichage voiture par rapport à la commandite d'événements, je pense que le dossier est très bien compris. Cet élément-là est très bien souligné, d'ailleurs, dans le projet de loi tel qu'il est rédigé actuellement. De la façon dont ça fonctionne, les séries de courses, à Trois-Rivières également comme à Montréal, pourraient continuer encore à venir se présenter à notre événement annuellement. Le problème réside plutôt dans la constitution des marchés. Vous savez, pour présenter un événement de sport automobile comme le Grand Prix de Trois-Rivières, ça nécessite des sommes colossales. Je ne vous dirai pas que le challenge s'annonce tellement simple par rapport à la période qui va nous être accordée pour retrouver d'autres commanditaires.

Nous également, on est prêts à se relever les manches. D'ailleurs, actuellement, on a engagé des nouvelles ressources au Grand Prix pour faire la recherche de nouveaux commanditaires, mais ce que je peux vous dire, à ce stade-ci: Il n'y a personne qui se rue à nos portes pour prendre la relève. On constate que deux ans, pour un événement comme Trois-Rivières, dans le marché dans lequel il se trouve, c'est très peu pour être capable de passer à travers.

Ce qui se dégage du projet de loi tel que rédigé actuellement: le financement provenant des commanditaires de tabac se terminerait après une période de deux ans. Ensuite de ça, on a l'article 74 qui stipule que le gouvernement peut accorder une subvention aux personnes ou aux organismes qui, en application de l'interdiction, perdent une partie de leur financement. C'est évident que ça va arriver à court terme. Et là, selon ce qui a été donné, les déclarations qui ont été faites par vous, M. le ministre, le fonds de remplacement en question serait de l'ordre de 75 %, la première année, 50 %, 25 %... En tout cas, ce n'était pas définitif, effectivement. Ça, on a compris ça. Maintenant, ce qu'on comprend, c'est que nos coûts, nous, comme événement, sont toujours grandissants. Notre développement nécessite de nouveaux engagements financiers parce que Montréal dispose de la formule 1. Juste le mentionner, c'est magique. C'est aussi magique pour moi, un promoteur de courses. Mais, nous, notre programme qu'on a toujours poussé au fil des ans et avec lequel on a eu beaucoup de succès, ça a été un programme tripartite, je dirais. Nos courses populaires à Trois-Rivières, c'est la formule atlantique. C'est là-dedans que Jacques Villeneuve, d'ailleurs, a fait ses débuts en 1992. C'est là-dedans que Patrick Carpentier s'est fait un nom, surtout, d'ailleurs, à Trois-Rivières, là où il a gagné deux courses.

Donc, tout ça a fait en sorte que ces gens-là ont pu graduer. Mais ce qui arrive, c'est que le coût qu'un commanditaire est prêt à payer pour un événement de formule atlantique n'est pas le même que pour un événement de formule 1. Ça ajouté au fait que, lorsqu'on se trouve dans un marché comme celui de Trois-Rivières, on n'est pas dans un marché comme celui de Montréal, Toronto ou Vancouver où sont nos trois autres gros événements de sport automobile au Canada. Mais la recherche de commandite est d'autant plus difficile que le marché dans lequel tu te trouves est restreint. Donc, on a une double commande dégagée. On a grandi, on a connu une croissance, au fil des années, de l'ordre de 15 % à 35 % pendant les cinq dernières années. Mais ce que vous venez nous couper en dedans de deux ans, c'est, finalement, un peu le moteur de notre croissance avec laquelle on a travaillé depuis les dernières années.

Les pilotes que je vous ai mentionnés, les Patrick Carpentier, les Jacques Villeneuve, les Alex Tagliani, ces gens-là sont issus de la filière Player's, qui est toujours le même commanditaire, mais ce sont des gens qui ont attiré beaucoup et qui nous ont aidé à croître et à accueillir encore plus d'amateurs à notre circuit. Donc, en dedans de deux ans, vous nous sortez de ce réseau-là et on se réveille avec une diminution de nos revenus, un programme avec lequel nos réseaux sont coupés et pas beaucoup de perspectives pour l'avenir.

C'est de là, d'ailleurs, notre position. Ce qu'on dit, c'est: Écoutez, ça a été important pour nous depuis l'histoire. Lorsqu'il y a eu la relance, en 1989, c'est Player's qui est devenue notre commanditaire majeur. On a évolué avec. Je pense qu'une période de cinq années – c'est ce qu'on vous a demandé – serait de nature à pouvoir essayer, justement, de développer de nouveaux commanditaires qui pourraient prendre la relève de ces pilotes-là et assurer peut-être une continuité en ce qui a trait à notre événement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Suivant.

M. Létourneau (Michel): M. Gaétan Piché, du Rallye international de motoneiges de Chibougamau.

M. Piché (Gaétan): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, le Rallye international de Chibougamau a évidemment ses acteurs. On fonctionne exclusivement dans la motoneige, qui est un sport, quand même, qui devient de plus en plus populaire au Québec. Nous, on est là depuis 32 ans. On a commencé, évidemment, avec une petite compétition et, au fil des années, on a été capables de faire une compétition d'envergure provinciale et même nationale.

Évidemment, avec les années, pour être capables de rester compétitifs dans ce secteur d'activité là et d'attirer des coureurs... Parce que, quand on parle d'une région comme Chibougamau, M. le Président, on parle quand même de la région Ungava. Vous savez très bien que le territoire est grand et aussi très éloigné des grands centres. En tout cas, c'est ce que ceux de Montréal nous disent. Nous autres, on se trouve près de Montréal et Montréal se trouve loin de Chibougamau.

Alors, pour nous, c'est quand même très difficile d'être capables de maintenir des choses, d'être capables d'offrir, finalement, au monde de courses de motoneiges des bourses qui les attirent en région, comme c'est notre cas à nous. On a un milieu qui n'est quand même pas très grand – on parle d'une population de 8 000 à 10 000 habitants, à Chibougamau, avec toutes les réserves autochtones alentour de la région – et on n'est pas capables de dégager beaucoup d'argent du milieu. Je pense qu'on est rendus au maximum, à l'heure actuelle. Donc, la capacité du milieu n'est pas capable, nécessairement, d'assumer le développement d'une organisation pour être capable d'en assumer aussi la poursuite.

On a été à la recherche d'un commanditaire depuis de nombreuses années. Finalement, il y a deux ans, on a eu une approche avec la compagnie RJR-Macdonald, Export «A», qui est venue commanditer notre événement. Ça, vous avez pu vous apercevoir probablement, pour ceux qui restent à Montréal, à Québec ou même à Trois-Rivières, de tout l'impact publicitaire qui a pu être dégagé suite à la venue de ce commanditaire majeur pour nous. C'est des choses qui sont complètement impossibles pour notre organisation, d'être capable de continuer à faire ou de faire évoluer le sport de la motoneige.

(15 h 20)

On sait, M. le Président, dans la région Nord-du-Québec, on parle beaucoup, actuellement, des axes de développement qui sont alentour de la motoneige. On parle beaucoup de tourisme européen. On parle beaucoup de tout le secteur Nord-du-Québec, l'attrait touristique de ces événements-là. Et un événement comme le Rallye, évidemment, attire beaucoup de monde. Avec toute la visibilité qu'on a pu avoir cette année, surtout, en particulier... On sortait de l'aéroport à Dorval et partout on voyait Rallye international de Chibougamau. Ça a fait connaître cette région-là, quand même, qui est une région nordique par rapport à la province.

Alors, M. le Président, si on regarde l'impact pour nous, pour notre organisation, d'avoir un commanditaire majeur comme celui qu'on a, évidemment, ça nous aide au niveau de notre fonds de roulement pour nous permettre de maintenir ces bourses-là. Parce que la journée où on perdrait ces commanditaires-là, on serait obligés de couper nos bourses en deux. Faire ça veut aussi dire qu'on redevient un événement – excusez l'expression – de fond de cour. C'est qu'on ne sera plus capables de rester un événement provincial ou international. On devra se limiter à devenir un événement local.

Dans les régions nord, comme les régions comme Chibougamau, M. le Président, ce n'est pas facile, mais, même pour la population, c'est essentiel d'avoir une activité hivernale. C'est la seule activité dans la région Nord-du-Québec qui permet à la population d'avoir un «break» – excusez l'expression – dans l'hiver nordique qu'on connaît dans ces régions-là. Ce n'est pas toujours facile. Le côté culturel n'est pas très développé dans les régions. On est loin de plusieurs services et ça prend quelque part un événement comme celui-là pour être capable de maintenir les choses.

C'est important aussi, M. le Président, pour toute la vie économique, évidemment, des communautés de Chibougamau, de Chapais ou des réserves autochtones qui sont alentour. Pendant ces 10 jours de festivités là qui sont organisées alentour de notre activité qui est le Rallye international, je veux dire, à ce moment-là, la vie économique est rehaussée de beaucoup. Et, évidemment, il y a plusieurs coureurs. Quand il y a 80 coureurs qui viennent participer avec leurs mécaniciens, avec la population ou avec leurs amis qui les accompagnent en région, à ce moment-là, la vie économique de la communauté subit un impact énorme. Pour eux autres, c'est nécessaire d'avoir cette activité-là dans ce secteur-là. Alors, évidemment, M. le Président, quand on regarde ça... Bon, on nous parle, à un moment donné, de moyens compensatoires ou d'un fonds pour être capable de nous permettre, à un moment donné, d'assumer une partie de ces pertes-là qu'on aurait.

Je peux vous dire, si on regarde l'impact qu'on a actuellement, nous, en tout cas, avec notre commanditaire, à l'heure actuelle, la campagne publicitaire qui a dû être faite... Puis je pense que ça a été très visuel, au niveau provincial, cette année. On parle quand même, à ce moment-là, de quelques millions de dollars, en plus de la contribution directe qui nous permet de maintenir notre fonds de roulement pour nous permettre, en tout cas, de continuer à grossir comme activité nordique.

Alors, évidemment, M. le Président, pour ces raisons-là, on a quand même un peu de difficulté avec ça. Ce qu'on vous dit, finalement, nous aussi, notre position, c'est de dire: Donnez-nous cinq ans à l'intérieur de cette période-là. Ça nous a pris du temps à trouver un commanditaire. On ne pense pas être capables de le refaire dans l'espace de deux ans non plus. Mais avec le temps...

Dans le fond, on fait de la planification, un peu comme n'importe quelle entreprise. On a des plans quinquennaux. On regarde nos plans de développement et on essaie de s'ajuster. À partir du moment où on a des données connues pendant une période de temps, nous sommes capables à ce moment-là de planifier des choses et de fonctionner. De fonctionner avec des fonds discrétionnaires, ou ces choses-là – de toute façon, ça demanderait d'énormes fonds pour être capables de combler ça – je pense que ça ne serait pas nécessairement la bonne solution à l'heure actuelle. Nous, on aime mieux procéder avec un délai plus long, un délai qui nous permette, en tant qu'organisation, de planifier des choses, de retourner à la recherche, parce que trouver des commanditaires dans une région comme la nôtre, ce n'est pas facile et ce n'est pas évident, je peux vous le dire.

Alors, évidemment, M. le Président, MM. les membres, pour toutes ces raisons-là, nous, notre position dans ce dossier-là, c'est: Donnez-nous le temps de faire nos choses. On ne demande pas au gouvernement de le faire à notre place. On se dit: On est capables de le faire, mais on ne le fera pas dans l'espace d'un an ou de deux ans. Donnez-nous une période plus longue. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

M. Létourneau (Michel): Je passe tout de suite la parole à Mme Christine Mitton, des Internationaux Benson & Hedges de Montréal.

Mme Mitton (Christine): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission. Merci de m'avoir invitée aujourd'hui. J'aimerais faire une précision. Je représente la Société du Parc des Îles qui produit l'événement que sont les Internationaux Benson & Hedges. Parce que je vois que mon nom est marqué: «Christine Mitton, L'International Benson & Hedges». Donc, j'aimerais juste faire cette précision-là.

À la Société du Parc des Îles, on produit cet événement-là. On est à notre 14e année, cette année. La compétition de feux d'artifice de Montréal est considérée dans le milieu comme la plus importante compétition à travers le monde. Nous recevons des compétiteurs à travers tous les pays, et Benson & Hedges est avec nous depuis le début. Benson & Hedges représente dans notre budget total... qui est de 3 000 000 $, 1 000 000 $, ce qui est énorme pour nous. On est peut-être ici, à la table, l'événement où, en pourcentage de commandite, c'est le plus important au niveau de la commandite de tabac. J'aimerais préciser que l'événement attire, à chaque soir de feux à Montréal, 200 000 personnes qui regardent les feux, dont 30 000 personnes sur le site qui ont payé pour regarder les feux. Nous employons, pour cet événement-là, au-dessus de 100 employés qui travaillent à temps plein, en ce moment, pour produire l'événement qui va se dérouler à partir de samedi prochain.

À la lecture du projet de loi, M. le ministre et membres de la commission, notre inquiétude repose sur le délai de deux ans. On aurait aimé – et on avait déjà fait la demande au niveau fédéral – avoir un délai de cinq ans qui pourrait nous permettre de pouvoir retrouver peut-être un commanditaire ou de pouvoir s'harmoniser plus et de ne pas se retrouver, tous les membres ici, à la table en même temps pour rechercher des commanditaires. Trouver un commanditaire, ce n'est pas une mince affaire. Il n'y en a pas beaucoup sur le marché. Se retrouver en même temps et cogner aux mêmes portes, ça va causer un problème au niveau de la tarte de la commandite au Québec.

Donc, on aurait aimé avoir un délai de cinq ans, et on aimerait bien voir le projet de loi s'harmoniser avec le projet de loi fédéral. Pour l'instant, je pense qu'on n'a aucune indication, jusqu'à ce jour, qu'il va s'harmoniser. D'autant plus qu'on aurait bien aimé avoir plus d'explications au niveau du fonds, le fonds compensatoire, ou comment on l'appellera. Je pense que ce serait important qu'on en discute. Pour nos événements et les retombées économiques qu'on génère à chaque année à Montréal et pour la visibilité que les événements donnent au niveau international pour Montréal, je pense que c'est important qu'on ait des discussions sérieuses et qu'on s'assoie autour de la table pour trouver une solution, surtout s'il y a un fonds compensatoire, qu'on puisse avoir vraiment des garanties et qu'on puisse arriver à s'entendre pour bien remplacer la perte directe des commanditaires de tabac qui sont de plus de 30 000 000 $ au Québec.

Alors, je suis brève, mais je pense que nos deux interrogations pour les Internationaux Benson & Hedges, pour la Société du Parc des Îles, c'est au niveau du délai et du fonds compensatoire. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Létourneau (Michel): Oui. Mme Caroline Jamet, du Festival international de jazz de Montréal.

Mme Jamet (Caroline): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, les membres de la commission. Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Le Festival de jazz, comme vous le savez sûrement, est reconnu internationalement comme étant l'une des plus importantes manifestations culturelles du genre. Notre organisation et l'aspect convivial et sécuritaire de l'événement qui se déroule dans un cadre urbain font du Festival de jazz de Montréal un événement de cette ampleur unique au monde et envié par plusieurs grandes villes.

Le Festival de jazz est le plus grand festival de jazz au monde en termes d'assistance et de spectacles présentés aussi. L'an dernier, la revue Jazz Times , qui est une revue très importante américaine... Les lecteurs de cette revue ont nommé le Festival de jazz de Montréal comme étant le plus important. Alors, je n'ai pas besoin de vous rappeler l'importance de l'événement.

Chaque année, on a 1 500 000 personnes qui prennent part au Festival de jazz. Les retombées économiques générées par la tenue de l'événement représentent 77 000 000 $, dont 31 000 000 $ proviennent des touristes. Il y a plus de 300 000 touristes qui étaient présents à l'événement l'année dernière. Le Festival crée plus de 2 000 emplois-année et embauche au-delà de 2 000 artistes à chaque année.

Le Festival célébrera aussi, l'année prochaine, en 1999, son 20e anniversaire, et nous sommes actuellement plongés dans un climat d'incertitude en raison des lois fédérale et provinciale sur le tabac. Ainsi, le budget de préparation des célébrations du 20e anniversaire, soit quelque 44 000 $ prévus en 1998 pour consolider le positionnement international du Festival et maximiser ses retombées économiques, a été amputé, compte tenu de l'incertitude de la situation financière de l'événement en 1999. En plus, cette situation génère également de l'inquiétude auprès de nos autres partenaires financiers. Cette incertitude et le manque d'arrimage entre les lois provinciale et fédérale sur le tabac menacent le financement du Festival de jazz de Montréal sans nous donner l'assurance quant à des solutions de remplacement équitables.

Le Festival de jazz ne s'objecte pas à une loi qui a pour but la promotion de la santé. Toutefois, une telle loi suscite de vives inquiétudes puisqu'une grande partie du financement provient des compagnies de tabac. D'ailleurs, c'est suite aux recommandations du gouvernement que nous nous sommes tournés de plus en plus vers le secteur privé, les subventions s'épuisant. Ainsi, après avoir effectivement diversifié notre financement, nous nous trouvons, par une telle loi, coupés d'une source de financement considérable. Aujourd'hui, 46 % du budget du Festival de jazz provient des commandites, comparativement à 11 % seulement des fonds publics.

(15 h 30)

Par conséquent, le Festival de jazz demande au gouvernement qu'il y ait au plus tôt arrimage entre la loi provinciale et la loi fédérale et que les deux gouvernements s'entendent sur un même délai de mise en vigueur de leur loi respective: que l'application de la loi n° 444 soit retardée de cinq ans. Ce délai raisonnable permettrait de mieux planifier le remplacement des commandites provenant des compagnies de tabac.

Toutefois, comme le report de cinq ans de l'application de la loi résulterait tout simplement en un report du problème, nous proposons plutôt que le gouvernement mette aussi en place un fonds de transition. Ce fonds de transition, en compensant le manque à gagner, encouragerait les événements à accepter d'autres commandites qui n'offrent pas la parité financière avec les compagnies de tabac. Cette mesure, étalée sur cinq ans, éviterait que tous les bénéficiaires de la commandite du tabac ne se retrouvent en même temps sur le marché et permettrait aux nouveaux secteurs impliqués dans la commandite d'événements de prendre graduellement la relève de l'industrie du tabac, laquelle injecte actuellement au Québec quelque 30 000 000 $. Que ce fonds rende éligible tout événement qui avait des contrats de commandites de compagnies de tabac au moment de l'annonce de la loi fédérale sur le tabac, au mois d'avril 1997. Depuis cette date, les effets d'incertitude, quant aux lois fédérale et provinciale et à leur application, ont eu des répercussions néfastes sur les événements bénéficiant des commandites de compagnies de tabac. Il est important de définir rapidement la loi n° 444 afin de cesser cette incertitude qui entoure cette dernière.

Et j'aimerais ajouter, en terminant... Je ne voudrais pas répéter ce que M. Méthot a dit, mais trouver de la commandite – on l'a déjà dit beaucoup, mais j'aimerais le répéter – c'est très difficile. Si on voulait maintenir le statu quo, il faudrait que 30 000 000 $ soient injectés demain matin dans l'industrie de la commandite. Nos événements sont en développement. Comme vous le savez, on est à l'aube de notre 20e anniversaire. Avoir un fonds, comme vous l'avez proposé, qui est en diminution, ça serait, pour nous, gérer la décroissance de nos événements. Et c'est pour ça qu'on propose plutôt un fonds de transition. Alors, je vous remercie de nous avoir accordé du temps aujourd'hui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Le dernier arrivé; on ne lui demandera pas de nous conter son voyage.

M. Létourneau (Michel): M. le Président, M. le ministre. Écoutez, je peux parler tout de suite puis passer la parole à mon collègue, si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, c'est vous qui...

M. Létourneau (Michel): Alors, bonjour à tous les membres de cette commission. Le Festival d'été de Québec est un citoyen corporatif responsable, qui a toujours été soucieux d'offrir aux Québécois une manifestation de très grande qualité et qui dessert tous les publics. À Québec, nous nous considérons en quelque sorte comme un service public connu à travers le monde.

Les efforts de diversification, afin de supporter nos projets de développement, nous ont tout naturellement porté à développer du partenariat avec l'entreprise privée et avec du Maurier, depuis trois ans. Ce partenaire représente 25 % de notre portefeuille de commandite, qui, lui-même, représente 50 % de l'ensemble du budget d'opération de notre événement. Tant dans l'élaboration des paramètres de visibilité de notre partenaire que dans la pratique sur le terrain, du Maurier et le Festival ont toujours été soucieux de protéger les zones et les produits qui s'adressaient aux clientèles mineures. Si nous avions eu, M. le Président, l'intime conviction que le chapitre IV du projet de loi n° 444 aurait un impact positif dans l'atteinte des objectifs de santé publique, particulièrement chez les jeunes, le Festival aurait décliné une invitation de venir témoigner ici aujourd'hui.

Malheureusement, 20 mois après ce qu'on pourrait appeler le début de la saga du tabac au Québec et au Canada, nous n'avons rien lu ni entendu qui ait réussi à nous faire changer d'avis. Un logo de bière, M. le Président, ne donne pas soif. L'ami Francis de mon fils est beaucoup plus préoccupant pour la mère et le père que je suis que le Festival d'été de Québec, ou le Grand prix de Montréal, ou encore que Gilles Villeneuve.

Nous devons souligner que M. le ministre a bien compris la problématique de nos événements, puisqu'il nous propose deux ans de délai. Cinq ans pour les écuries de la course automobile, ça m'a un peu surpris de lire ça, je ne comprenais pas bien l'intention du législateur. Comme le gouvernement fédéral n'a pas encore rempli ses promesses d'amender d'une quelconque façon, je ne peux que constater que les deux ans de délai proposés par le projet de loi représentent un fausse bonne nouvelle pour les événements. Manifestement, nous sommes en plein brouillard fédéral-provincial.

En terminant, à propos du fonds, pour prendre la balle au bond de ma collègue Jamet, je suis assez d'accord avec l'articulation de son projet de transition. Mais, pour le moment, le trop peu d'information sur les tenants et aboutissants d'un éventuel fonds de sevrage, comme le disait avec beaucoup d'humour notre ministre... On demeure perplexes, inquiets, d'une part, de savoir que le seul montant qui a été annoncé, 12 000 000 $, et que vous avez le 12 000 000 $ alentour de la table, ici... Et il reste probablement 75 autres événements au Québec et artistes et opéras et orchestres symphoniques qui n'en auront pas. Et encore un peu perplexes devant l'éventualité qu'il soit géré par des gens de la Santé.

En résumé, on demande au gouvernement la même chose que tous mes collègues ont demandé, c'est-à-dire de porter le délai de deux à cinq ans, de faire tout ce qui est en votre pouvoir, au gouvernement du Québec, pour convaincre M. Rock de bouger, et dans les meilleurs délais.

Je ne veux pas revenir, comme les autres, sur l'importance et la difficulté qu'on a de trouver du financement. Je pense que ça a été largement documenté. Vous me permettrez, en ce vendredi, de vous faire ma petite considération judéo-chrétienne. En fin de compte, M. le Président, nous ne perdons jamais de vue que l'homme est et restera pécheur et mortel. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Létourneau (Michel): M. Legendre, directement de Roland-Garros.

M. Legendre (Richard): Merci. J'ai un petit problème. Pour vous voir, il faut que je porte mes lunettes, mais pour lire, il faut que je les enlève.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legendre (Richard): Alors, je vais essayer de ne pas lire.

M. Létourneau (Michel): ...

M. Legendre (Richard): Ce n'est pas drôle, vieillir.

Alors, bien, un petit peu comme tout le monde, évidemment, je veux vous remercier de nous avoir accordé du temps aujourd'hui. Je pense que quelques minutes, dans notre cas, pour vous parler d'un partenariat de 19 ans, on trouvait ça juste et raisonnable. Effectivement, ça fait maintenant 19 ans que nous sommes en mesure de présenter du tennis international au Québec, à Montréal. Il faut se souvenir qu'avant 1980 l'événement en question, les Internationaux de tennis du Canada, était présenté exclusivement à Toronto. Comment on a fait pour déloger, à la fin des années soixante-dix, un événement de Toronto à Montréal? Bien, c'est simple, c'est grâce à notre commanditaire, Imperial Tobacco. En particulier à l'époque où son président, M. Paul Paré, un grand Montréalais qui avait été sollicité pour qu'il devienne le nouveau commanditaire, a dit: Bien, oui, on va devenir le nouveau commanditaire à une condition: qu'il y ait un tournoi à Montréal. D'où l'alternance que vous connaissez peut-être, qu'il y a maintenant un tournoi à Toronto et un tournoi à Montréal, alternant hommes et femmes, d'année en année.

À l'époque, les bourses offertes, juste pour vous donner une idée, pour attirer l'élite internationale, les deux tournois, c'était environ 300 000 $, en 1980. Et, 19 ans plus tard, c'est 5 000 000 $ pour continuer de rester au sommet de la pyramide. Et c'est grâce à l'implication d'Imperial Tobacco qu'on a pu rester, justement, au sommet de la pyramide.

Au fil de ces années-là, Tennis Canada a grandi comme jamais. On est devenu une véritable PME du tennis. On est passé de trois ou quatre employés à environ 40 à 45, dont une quinzaine maintenant au bureau de Montréal. Évidemment que du côté du développement de notre sport, ça s'est complètement transformé, à la fois du côté des athlètes, des entraîneurs, des programmes. Et pourquoi on a été capable de faire beaucoup plus? Essentiellement à cause des profits que l'on fait avec les deux tournois; des profits majeurs. Mais, dans notre cas, évidemment ce ne sont pas des vrais profits, puisqu'on est un organisme à but non lucratif. Donc, on réinjecte ces profits-là dans le développement de notre sport. Et c'est comme ça qu'on est capable de développer le sport et au Québec et à travers le pays, grâce aux profits qui... Il faut bien l'admettre: il n'y en aurait pas de profits, si la contribution du commanditaire principal n'était pas aussi importante. Juste vous souligner que la commandite de du Maurier, à ce moment-ci, c'est de l'ordre de 5 000 000 $ pour nous, par année, pour les deux tournois, d'argent direct, plus un autre 3 000 000 $ d'argent indirect. Alors, somme toute, si on pense Tournoi de Montréal, c'est de l'ordre de 4 000 000 $, la contribution de du Maurier. Alors, 8 000 000 $ pour deux tournois de tennis, c'est énorme. Et, vous l'avez entendu, je pense, à maintes reprises aujourd'hui, n'importe qui dans le milieu va vous dire que c'est très difficile à remplacer.

(15 h 40)

Tennis Canada. On développe le tennis à travers le pays, mais quand on parle de développement de tennis, je pense qu'on est pas chauvin en disant que le Québec est un chef de file en développement et un leader, que ça soit les athlètes, les noms de Lareau, Larose, Robichaud, Popescu, la jeune Marie-Ève Pelletier. On est vraiment fort en tennis au Québec. La Fédération québécoise de tennis, qui est un de nos partenaires, travaille très fort également. Vous savez tous que maintenant on a réalisé un projet extraordinaire au Centre de tennis du parc Jarry, la construction d'une nouvelle installation qui fonctionne 12 mois par année et qui attire environ 8 000 nouveaux usagers en tennis, ce qui nous a permis d'attirer des foules records à cause de la qualité du stade et qui nous permet de créer des nouveaux programmes.

Alors, de notre côté, je pense qu'il n'y a aucun doute dans notre esprit que nous contribuons de façon tangible et très importante à la santé et au mieux-être de notre communauté. Je pense que, du côté de la jeunesse, nous sommes un acteur important pour, justement, les aider à faire du sport et à être en santé. C'est pour ça aussi que le projet de loi n° 444, un peu comme pour tout le monde, nous inquiète énormément. Nous, on est frappés trois fois: l'Omnium du Maurier à Montréal, l'Omnium du Maurier à Toronto et le stade du Maurier. L'Omnium du Maurier à Montréal, 4 000 000 $; l'Omnium du Maurier à Toronto, 4 000 000 $; le stade du Maurier, 3 000 000 $. Si, ça, ça ne vous inquiète pas au niveau du remplacement de ça, nous, ça nous inquiète énormément. Ça nous inquiète parce qu'on pense vraiment que deux ans c'est trop court et que c'est extrêmement risqué ou bien de ne pas trouver du tout ou, presque aussi pire dans notre cas, de trouver à mi-chemin. Parce qu'évidemment si on ne réussit pas à remplacer au même niveau, bien, comme je vous l'expliquais tout à l'heure, ce sont les profits qui baissent et c'est tout le développement de notre sport qui en souffre.

Tout le monde a parlé de la difficulté de trouver des commanditaires. Juste vous donner une autre petite idée en ce qui nous concerne: Oui, on a d'autres commanditaires dans notre tournoi. C'est clair qu'on en a d'autres. On en a des importants, mais je vous parlais de 4 000 000 $ par année, de la part de du Maurier. Le deuxième commanditaire en importance, dans notre tournoi, il est d'environ 200 000 $, 225 000 $ par année. Alors, ça passe de 4 000 000 $ à 200 000 $ pour notre deuxième gros commanditaire; il y a une énorme différence.

Qu'est-ce que l'on souhaite – on dirait qu'on s'est parlé, mais, moi, j'étais loin, alors, c'est sûr qu'on ne s'est pas parlé – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legendre (Richard): ...bien, on souhaite la même chose. On a besoin de plus de temps. On a besoin de plus de temps que deux ans. On ne dit pas qu'on n'est pas capables de trouver et on va chercher. Mais, encore une fois, c'est extrêmement risqué, à ce moment-ci, de tout défaire ce qu'on a bâti depuis 19 ans. Et je me dis un peu que, si des voitures étrangères peuvent avoir cinq ans, peut-être que des événements québécois pourraient également avoir cinq ans. Alors, nous recommandons cinq ans également. Comme tout le monde, c'est impératif que les deux lois s'arriment. Actuellement, nous, notre tournoi va être légal au Québec, en 1999; illégal à Toronto. Ça, ce n'est pas si pire. Mais le stade du Maurier, lui, il va être illégal au Québec, à un moment donné; encore légal en Ontario. Ça, c'est moins bon. On ne le mettra pas sur des roulettes pour l'envoyer à Toronto. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on est plutôt confus.

En terminant, j'aimerais souligner aux membres de la commission que Montréal est extrêmement bien positionnée pour l'avenir, et l'avenir nous réserve des choses potentiellement très excitantes en tennis international. Il y a un virage à l'horizon qui fait que nous pourrions avoir accès à une plus grande participation encore au sein des tournois de tête. Avec le nouveau stade que l'on a, on est vraiment très, très bien positionnés à la fois à l'intérieur du pays et à la fois sur la scène internationale. Il faut donc absolument que le gouvernement du Québec nous aide à garder Montréal au sommet de la pyramide. Nous aussi, on est d'accord avec l'objectif du projet de loi. C'est d'ailleurs ce qu'on essaie de faire à tous les jours, de garder le monder en santé. Tout ce que ça nous prend, c'est du temps, plus de temps. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. On est loin d'avoir dépassé notre temps. Est-ce qu'il y en a parmi vous qui aimeraient ajouter? J'ai encore quelques minutes avant qu'on commence l'échange.

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, ça va? Alors, au niveau des membres de la commission, j'ai réparti le temps de la façon suivante: 60 minutes de chaque côté. J'ai pris un petit peu de temps sur celui que vous nous laissez. Alors, je prends 60 minutes de chaque côté. C'est sûr que le député de l'opposition, si je lui donne 60 minutes sans arrêt, on va avoir des problèmes à quelque part.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vais garder le système d'alternance tout en vous faisant remarquer, les membres, que vous pouvez revenir pour poser deux, trois questions et revenir si vous voulez. Je pense qu'on peut se permettre, on doit se permettre le plus de temps possible dans ce qui nous est alloué. M. le ministre, si vous voulez débuter l'échange.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Bonjour. Merci de vous être déplacés pour qu'on puisse discuter de ce projet de loi. Je serais tenté d'être comme M. Létourneau, un peu biblique, en partant, ou faire dans le même style. J'ai entendu dire qu'on est tous pour la vertu. C'est quand on la définit de façon concrète qu'on s'entend moins un peu, mais on est d'accord sur l'objectif fondamental. Non, je blague un peu. Mais, pour bien cerner ce qui reste à préciser, je veux d'abord valider ce que j'entends. Je comprends que, sur les objectifs d'une telle législation, on est d'accord qu'il y ait une législation de santé publique pour protéger les jeunes, protéger les non-fumeurs et essentiellement avec ce qu'on retrouve dans cette loi-là.

Comme vous avez dit, le Québec là-dedans ne fait pas une grande innovation. On s'inscrit dans un mouvement, une tendance mondiale, et tôt ou tard on pouvait s'attendre à ce que ça se passe aussi chez nous, parce qu'on vit sur la planète Terre, comme ça se passe à peu près dans tous les pays. Bon. Et ce que vous nous dites, si je comprends bien, c'est que, comme vous êtes dans une situation où il y a, comme certains nous ont dit ici, devant la commission, une dépendance des événements vis-à-vis de l'industrie du tabac. Ça prend une période de transition, et c'est là-dessus qu'on a à s'entendre: quelle est la longueur raisonnable de cette période-là pour fonctionner dans un environnement qu'on sait qu'il sera différent de toute façon. Bon. Alors, pour définir la période, vous dites essentiellement: Le projet de loi nous dit deux ans, puis on a besoin de cinq ans. Là, je vais essayer de vous dire un peu sur quelle logique on a essayé de placer cette période-là, parce qu'on a quand même parlé à beaucoup de monde. On vous a parlé, on savait quelle était votre situation, on n'avait aucune intention de vous causer des problèmes plus qu'il faut. On est bien conscients que, quand on change quelque chose qui existe, ça dérange, puis il faut se réajuster autrement. Mais je pense que ça se sent dans le projet de loi qu'il y a eu un souci pour vous, pour tout le monde qui doit changer des habitudes puis s'organiser autrement, de donner le temps au monde de s'ajuster, étant d'accord sur l'économie générale du projet et sur les objectifs qui sont visés.

Bon. Ce qu'on a considéré... Puis j'aimerais avoir votre réaction à ça pour voir comment on peut s'ajuster les uns sur les autres. On a regardé ce qui se passe ailleurs. La Communauté européenne a pris une position très nette maintenant. Ça, c'est 15 pays auxquels on se compare, et leur décision, c'est qu'en 2003 toute publicité est terminée sur tout. Et, eux, ils ont donné quelques années de plus, jusqu'en 2006, je pense que c'est ça, aux écuries. Alors, ça, on avait ça comme balise sur laquelle on peut s'ajuster, si on s'inscrit dans un mouvement mondial. À côté de nous, aux États-Unis, on partage sur la même information. Les Américains devraient avoir, à moins que les choses se passent autrement que ce qu'ils ont prévu, à la fin de l'année en cours, 1998, une cessation de toute publicité à peu près immédiate. Ce qu'on a fait, c'est de se placer un peu entre les deux. On dit: On est en Amérique du Nord, et c'est là que sont notre principale compétition et le terrain sur lequel on fonctionne. Mais peut-être que nos points d'attraction sont différents de certains endroits aux États-Unis. Par contre, on n'est pas dans la situation de la Communauté européenne. Alors, on s'est placés un peu entre les deux avec ce qu'on a proposé, en se disant: On vise deux ans, avec une période additionnelle de transition à ajuster, plus par voie réglementaire, pour être capables d'être plus flexible là-dessus et ajuster selon l'évolution. Parce que, si ça se trouve plus vite qu'on pense, des options alternatives, bien, les argents prévus peuvent aider d'une façon. Si ça se trouve sur une période plus longue, bien, on utilise les fonds différemment. Alors, on a voulu se garder de la souplesse.

(15 h 50)

C'est pour ça que j'ai dit, dès le début, quand on a déposé le projet de loi, ce à quoi on pense essentiellement, c'était de couvrir une période de cinq ans, avec une transition: deux ans où on peut garder la commandite actuelle, même en la renouvelant à l'intérieur de la période de deux ans. S'il y a des contrats qui se terminent dans six mois ou dans un an, après l'adoption de la loi, on peut les renouveler jusqu'à deux ans. Donc, c'est un premier deux ans couvert à 100 %, et, dès que ça se termine, on prévoit une période de trois ans pour couvrir. Donc, on dit qu'on se place dans quelque chose qui est assez raisonnable, parce que sur notre période totale, on rejoint en fait le délai de la Communauté européenne. Mais, avec quelques années... Là, on a proposé des modalités; c'est à discuter. Mais, si on a une approche décroissante, ça donne le temps de trouver quelques commandites qui remplacent. On n'est pas obligés de tout trouver d'un coup.

On a considéré aussi, en prenant un projet comme ça, que, dans le fond, on le sait un peu tous que ça va venir. On peut se rappeler, par exemple, que ça fait 10 ans qu'il y avait une première loi fédérale qui a visé les mêmes objections en 1988 et qui visait le même objectif quant à la publicité et la commandite. Mais, de la façon dont la loi a été écrite, on m'a expliqué qu'il y a eu un trou qui a pu être utilisé et qui a permis de contourner, de la part des compagnies de l'industrie du tabac et des événements qu'elles ont choisis, de contourner cette loi-là et réussir, pendant cette période-là, à continuer. Mais il y avait déjà un message de lancé assez clairement. Le fédéral est revenu à la charge à la fin de 1996, avec son projet de loi qui a été adopté en avril 1997, finalement, où, là, il y a eu le message encore plus précis. Donc, ce n'est pas d'hier matin qu'on sait qu'au Canada il y a quelque chose qui s'en vient aussi. La tendance mondiale est là. On fait partie du monde, c'est nos partenaires, et il y a déjà des messages qui étaient lancés.

Alors, c'est pour ça que je comprends très bien qu'on est à... Je me demande qu'est-ce qu'on dit de si différemment. Est-ce que vous nous dites que vous préférez qu'au lieu de deux ans ça puisse durer encore cinq ans, puis là ça finit – ça va vous donner plus de possibilités de trouver des options alternatives pour prendre la relève après – plutôt que de dire deux ans, mais, nous, on vient pendant trois ans? Ou nous demandez-vous cinq ans encore pour faire continuer la commandite puis là aussi avoir après ça une période de transition pendant un certain nombre d'années?

Je voudrais d'abord mieux comprendre ce que vous souhaitez puis peut-être m'expliquer plus jusqu'à quel point ce n'est vraiment pas réalisable si on prévoit deux ans, plus deux, trois ans qui suivent... Je dis deux, trois ans, parce qu'il y en a dont le contrat finissait dans un an après la loi puis que ce n'est pas renouvelé. Eux, le fonds de transition vient aider, puis ça fera peut-être une période un peu moins longue que cinq ans au total. Mais tout le monde aura quatre ou cinq ans. Qu'est-ce qui nous distance tant, là? Puis surtout qu'on y va de façon progressive pour donner une chance de prendre la relève. Si on s'entend que de toute façon il faut y arriver puis qu'on joue dans ce créneau-là, je ne vois vraiment pas qu'est-ce qui nous sépare tellement, là, dans ce que vous dites, avec quoi vous êtes capables de vivre et ce qu'on a l'impression d'être capables d'avoir pu proposer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Étant donné que vous êtes sept puis que peut-être il y en a d'autres qui veulent ajouter à ce qu'un ou une va dire, seulement me faire signe et je vais essayer de contrôler ça. M. Létourneau, vous êtes le premier.

M. Létourneau (Michel): Je vais plonger le premier en vous disant, M. Rochon: Effectivement, vous posez assez bien le choix cornélien qu'on doit faire tous dans cette chose-là, à savoir cinq ans fermes, deux ans plus trois ans, ce qui est dans la loi, ou le cinq ans et ce que je comprends être aussi le fonds de transition suggéré par Mme Jamet, qui aurait pour but d'être une mesure d'encouragement pour qu'on ne prenne pas la voie facile de dire: Je reste pendant cinq ans avec mon partenaire de tabac, mais je continue mes recherches, et, si je réussis, au lieu d'avoir 500 000 $, j'en ai 300 000 $, j'ai accès à une partie du dédommagement, et ça en fait un de moins dans l'assiette au beurre. C'est important de suivre, parce que, ce qu'on a décrié depuis de nombreuses années, c'est l'effet domino. J'ai un collègue... Je ne sais pas si mon collègue du Carnaval est encore là, mais il sait très bien que, quand je vais revenir dans le marché de la commandite, ça peut avoir des implications ne serait-ce que dans la région ici, à Québec. Ça, je pense que tout le monde l'a assez bien compris.

D'entrée de jeu, il manque d'argent dans votre fonds de transition pour faire la job. Ce qu'on entend... Vous avez pour 16 000 000 $ à 17 000 000 $ alentour de la table. Et là on n'inclut pas l'Opéra de Québec, l'Orchestre Symphonique, on n'inclut pas les designers de mode. Alors, il y a un problème d'argent. Je comprends que vous sollicitez la collaboration de votre collègue du fédéral, mais, là-dessus, il ne semble pas – surtout M. Martin – avoir le coeur plus sensible qu'il faut pour délier sa bourse de 100 000 000 $. Alors, je pense que fondamentalement il manque d'argent pour faire la job. Et, dans les trois hypothèses, comme il n'y a pas d'argent... Et ça m'étonnerait, parce que, par ailleurs, on vit avec le gouvernement sur des subventions de toutes natures, tous autant qu'on est, puis il ne semble pas que l'objectif du déficit zéro laisse beaucoup de place à un ministre des Finances là-dessus. En tout cas, c'est ma perception. Vous pouvez me corriger.

Cela étant dit, moi, je vous encourage, et on sera avec vous pour faire des pressions sur M. Rock pour que, d'une part, on arrête de se demander comment... Ça a l'air de deux fils de téléphone qui ne sont pas accrochés ensemble. Et ça, ça contribue à entretenir – en tout cas, au moment où on se parle – une espèce de stress qui est tout à fait inutile, à tous autant qu'on est, à quelques semaines de nos événements. Donc, n'ayant pas d'argent pour finalement livrer ce que vous avez là-dedans, c'est-à-dire un deux ans fermes, plus un trois ans de transition, régressif, à mon avis, en tout cas, du Festival d'été, moi, je n'achète pas ça. J'ai un problème à vivre avec ça parce que je vois mal comment ça pourrait s'opérationaliser. Le cinq ans fermes et pas de fonds de transition, je ne le sais pas, je laisserai mes collègues discuter. Moi, ça me laisse un petit peu tiède. Celui du cinq ans fermes, avec des mesures d'encouragement pour qu'on se sèvre, m'apparaît quelque chose de jouable; jouable, je dirais, du côté des événements et jouable aussi du côté des tabatières. Et, ma foi, on avait déjà dit au fédéral qu'on était prêt à vivre avec le plus de civilité et d'encadrement possible quant à protéger les clientèles mineures. Je le réitère au nom du Festival, je l'ai placé dans mon mot au début parce que ça nous préoccupe et, à mon avis, nos partenaires sont aussi préoccupés de ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre? Oui, madame.

Mme Jamet (Caroline): Oui, j'aimerais ajouter... Comme vous le savez, la commandite est difficile, la carte aussi. Les commanditaires potentiels, à qui nous pouvons nous adresser pour remplacer le tabac, sont petits. Il n'y a pas beaucoup d'industries qui ont ce genre d'argent là. De plus, on a des événements qui ont plusieurs commanditaires. On ne peut pas s'adresser à des compétiteurs de nos commanditaires. On ne peut pas avoir deux brasseries. On ne peut pas avoir deux compagnies aériennes, etc. Donc, on élimine naturellement énormément d'entreprises. Donc, il y a peu d'entreprises, finalement, à qui on peut s'adresser. Et ce fonds dont on vous parle, ce fonds de transition là, les entreprises, il y en a peu. Ces entreprises-là, des fois, n'ont pas les montants équivalents. Et c'est pour ça que, nous, on vous propose ce fonds-là de transition, parce qu'en cinq ans je pense que ces entreprises-là...

Premièrement, les événements, on ne les perdrait pas parce qu'on est en croissance, et un fonds régressif, pour nous, c'est catastrophique. Je veux dire, il n'y a aucune industrie, je pense, qui serait contente d'avoir un budget régressant pour les prochaines années. Et, pour nous, on risque de se retrouver... On trouve un remplaçant, on est tous à l'entour de la table à chercher en même temps un même commanditaire. Deux ans, c'est très court. Le fédéral a annoncé sa loi l'année dernière. Est-ce que vous avez entendu dans l'année qui a encouru des nouvelles commandites qui se sont signées? Moi, je n'en ai pas entendu. Vous avez parlé des banques. Ça a été largement discuté, et il n'y a aucune banque, à ma connaissance, qui est entrée dans le jeu de la commandite. Alors, nous, ce qu'on propose avec ce fonds-là, c'est d'encourager les industries à commanditer, et, nous, ça ne nous place pas dans une situation facile pour négocier. On est autour de la table, tous, à demander à des nouveaux commanditaires. Si quelqu'un vient nous voir et nous dit: Bien, au lieu de 1 200 000 $, on vous offre 800 000 $. Est-ce qu'on va dire non? Peut-être pas. Mais je pense que ce manque à gagner là est très important à considérer, et c'est ce qu'on vous propose pour que nos compagnies continuent à croître.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une question du ministre avant de revenir à vous, M. Legendre.

M. Rochon: Juste pour clarifier pour être sûr, parce que votre suggestion, je la trouve, à prime abord, intéressante à analyser, mais je veux être bien sûr que je la comprends comme il faut. Vous dites, et comme la reprenait aussi M. Létourneau... La période que vous demandez, cinq ans, vous nous dites, au lieu d'avoir un modèle mur à mur où pour tout le monde, après trois ans, 75 %, après 50 % et 25 %, il faudrait que ça soit plus applicable sur mesure pour que chacun des événements, s'il y en a qui trouvent une bonne cagnotte, puis tout de suite il peut remplacer une partie, bien, on aide, et l'autre... Bon. Alors, qu'on ajuste plus sur mesure selon chacun des événements, d'avoir une approche mur à mur sur la période de cinq ans avec le fonds auquel on pensait nous autres aussi.

M. Létourneau (Michel): Oui. Il m'est d'avis que vous allez sauver les plus petites organisations sur l'ensemble du territoire du Québec, M. le ministre.

M. Rochon: Non, non, mais je comprends. Je voulais être sûr de bien comprendre, parce qu'il y a quelque chose d'analysable de ce côté-là. La question d'avoir assez d'argent dedans ou pas, ça, ça fait partie de la situation, mais c'est autre chose. Mais je m'aperçois que vous avez l'air à faire moins confiance au fédéral que nous autres on voulait encore leur faire confiance, que peut-être qu'ils vont quand même...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Legendre. Mme Jamet, je reviendrai à vous.

M. Legendre (Richard): Nous, quand on demande cinq ans, c'est clair que c'est cinq ans pour trouver un nouveau commanditaire. Ce n'est pas cinq ans pour, au bout du cinq ans, s'attendre à être subventionnés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Mme Jamet, vous voulez revenir?

(16 heures)

Mme Jamet (Caroline): Oui. Ce que j'aimerais ajouter, c'est que, nous, on ne veut pas se retrouver le bec à l'eau, parce que, si on a un commanditaire, on n'aura pas droit au fonds de compensation, sauf qu'on va avoir une perte quand même, et c'est ça qui nous inquiète, cette perte-là. D'autre part, ce que j'ai souligné aussi, c'est au niveau de la date d'entrée en vigueur, parce que, de la façon dont votre projet a été rédigé, en tout cas, peut-être qu'on l'a mal analysé, mais, après deux ans, là, le fonds de compensation devenait éligible. Sauf que les commandites sont peut-être déjà perdues. Imperial Tobacco a déjà annoncé...

M. Rochon: ...là-dessus, ça, ce qu'on avait prévu, c'est que la commandite en cours...

Mme Jamet (Caroline): En ce moment?

M. Rochon: ...est encore autorisée et même renouvelable pour une période de deux ans. Et, après ça, là, on prévoirait aider à sortir sur trois ans. Donc, ça couvrait cinq ans.

Maintenant, si le contrat en cours, qui était d'encore six mois ou d'un an, n'est pas renouvelé, si la compagnie dit: C'est fini et, vu que la loi a changé, nous autres, on s'en va tout de suite, là, le fonds commençait à intervenir tout de suite.

Mme Jamet (Caroline): O.K. Je comprends.

M. Rochon: À ce moment-là, il restait à voir: Est-ce que ça va vouloir dire quatre ans, par exemple, encore un an plus trois ans, ou si on étire autrement? C'est pour ça qu'on a voulu, compte tenu de l'argent qu'on aura et des besoins qui seront dans le milieu, comment on peut l'utiliser pour aider les gens, se garder de la flexibilité de ce côté-là. Mais on ne prévoyait pas laisser un trou d'un an où le fonds ne viendrait pas puis que la commandite serait perdue, O.K.?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Méthot.

M. Méthot (Léon): Oui. En fait, pour faire un peu d'histoire, le Grand Prix, à Trois-Rivières, existe depuis 1967. C'est le plus vieux circuit urbain en Amérique du Nord. Il a fonctionné de façon continuelle jusqu'en 1985. Et là, pour des causes de... Et, à travers ces années-là, ce n'est pas compliqué, les commanditaires qui ont commandité le Grand Prix, ça a été Labatt, Molson, Molson, Labatt. Ils se sont joué à la balle d'une année à l'autre. À part les brasseries, il n'y a pas eu de commanditaires en titre de l'événement du Grand Prix.

Au niveau du programme de courses, les séries qu'on a tenues pendant toutes ces années-là, Player's a toujours été intimement lié au sport automobile. On sait que c'est le premier commanditaire à amener la formule 1 au Canada, et ça a évolué en formule atlantique, le Challenge Player's, etc., et tout ça a existé à Trois-Rivières jusqu'en 1985.

Pour cause de retrait d'un commanditaire – à l'époque, Labatt, qui a décidé de se retirer – il n'y a pas eu de Grand Prix, effectivement, à Trois-Rivières en 1986, 1987 et 1988. Ça a créé un gros trou. Vous savez, le Grand Prix, à Trois-Rivières, c'est colossal comme événement, dans une région comme celle-là, en retombées économiques: on parle de 8 000 000 $ à 10 000 000 $; en visibilité: télédiffusion dans 142 pays. Si on connaît Trois-Rivières un peu partout, c'est parce qu'il y a ce Grand Prix là qui est télédiffusé. On a une présence médiatique qui est importante, on a eu beaucoup de grands noms du sport qui ont évolué là. Ça a toujours été important et c'est tout le temps resté dans l'esprit des Trifluviens que, on l'a eu, on devrait le ravoir.

En 1989, le président de la Chambre de commerce du temps, Jerry Lessard, a réussi à créer un mouvement pour repartir, effectivement, le Grand Prix, et ça a reparti en 1989 avec l'appui de Player's. Sans Player's, il n'y aurait pas eu de départ de cet événement-là, et la croissance qu'on a connue depuis est intimement liée au réseau qu'on a réussi à développer avec ce commanditaire-là. Le fait que, bon, la filière Player's existe, qu'il y ait des nouveaux pilotes – en fait, ça a débuté à Trois-Rivières avec Jacques Villeneuve, cette filière-là qui s'est développée – nous a amené de nouvelles vedettes, ce qui nous a permis d'attirer plus de monde, ce qui nous a permis, en 1994, d'accueillir une nouvelle série de courses qu'on appelle la Indy Lights. On a connu, cette année-là, d'ailleurs, une croissance de l'ordre de 30 %, beaucoup plus d'Américains qui sont venus dépenser à Trois-Rivières, qui ont aidé à développer l'événement.

Je vous dis tout ça pour vous expliquer une chose, c'est que, actuellement, et ça fait deux ans où... Nous, nos contrats sont généralement d'une durée de trois à cinq ans avec différentes sortes d'options. Ces contrats-là sont signés avec des séries américaines. Lorsqu'on signe, on doit s'engager, démontrer une stabilité financière, démontrer qu'on sera capable de les accueillir, de payer nos comptes à la fin de l'opération, et cette crédibilité-là, on l'a obtenue parce que, effectivement, on était associé à un commanditaire très important en sport automobile qui est Player's. Et, ce n'est pas nouveau, ça date de longtemps, et, aux États-Unis, on reconnaît ça. Donc, ça nous a ouvert des portes là-bas, et c'est très difficile de dire: Bon, bien, c'est correct, on élimine ce commanditaire-là sur une période de deux ans, et là on a une espèce de fonds dont on ne connaît pas les paramètres qui entrera en vigueur, qui est régressif. On n'est pas capable de démontrer, selon ce cadre-là, une stabilité, une crédibilité qu'on est capable de coucher dans un plan d'affaires pour leur démontrer qu'on peut les signer à long terme.

Ce que ça crée actuellement – et on vit la pression de façon très importante – c'est que la première question, là, pour être signés... Parce que ces contrats-là doivent être signés à très court terme, et, dû à cette instabilité-là, la loi provinciale, la loi fédérale avant vous... Et, en plus, le manque d'harmonisation entre les deux crée une incertitude qui fait en sorte que c'est absolument impossible de dire dans quel cadre on va fonctionner et sur quelles bases on va être capable de voir à nos engagements financiers.

Une période de deux ans, dans ce contexte-là, à éliminer un partenaire comme Player's, qui a une importance capitale au niveau crédibilité en sport automobile, fait en sorte qu'on n'a plus d'intérêt. Vous savez, le sport automobile, actuellement, c'est très populaire. La venue de Jacques Villeneuve, tout ça, Patrick Carpentier, on a des pilotes, des Canadiens et des Québécois, qui performent très bien à plusieurs niveaux. Et, aux États-Unis aussi, c'est des événements qui ont beaucoup de succès, ça se développe, il y a des nouvelles pistes qui se développent, ce qui fait en sorte qu'il n'y a pas une ville aux États-Unis, actuellement, qui n'est pas à la recherche de sa course. Ils veulent tout – ils veulent leur club de hockey, ils veulent leur club de baseball, ils veulent leur date de course – et ça crée une pression à la hausse quant aux coûts d'obtenir ces sanctions de course là.

Ce que ça fait aussi, c'est que, évidemment, ces gens-là profitent qu'il y ait de l'instabilité de ce côté-ci de la frontière pour essayer d'attirer ces courses-là, nos dates de course, à une autre place. Et, si on échappe cette espèce de solidité, je vous dirais, au niveau organisationnel de par nos liens qu'on peut avoir avec Player's comme commanditaire et de par notre histoire, il est fort possible qu'ils décident d'opter pour une date à Seattle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et votre recommandation par rapport à la question du ministre, c'est quoi?

M. Méthot (Léon): Le cinq ans en question est une bonne solution. Comme commanditaire, de pouvoir conserver ce commanditaire-là, de développer des nouveaux liens et, effectivement, développer de nouvelles compagnies qui s'intéressent à ce mode de communication qui est la commandite, parce que je pense que ça peut être efficace. Mais, sur une période de deux ans, on risque de jeter le bébé avec l'eau du bain.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau, c'est toujours sur la même chose?

M. Rochon: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre avant?

M. Rochon: Il y a encore des courtes précisions, là, je ne veux pas prendre de votre temps. D'abord, c'est intéressant de remarquer que... Je n'avais pas réalisé qu'il y avait eu un arrêt de 1985 à 1988 et que c'est reparti en 1988, le Grand Prix, l'année où le fédéral a passé sa législation pour dire que ce genre de commandite là ne devrait pas exister, législation qui a toujours été contournée. C'est juste une coïncidence, là. Il y a des choses qui coïncident, comme ça, dans la vie.

Mais il faut se rappeler d'une chose, là, parce qu'on veut vraiment s'ajuster pour vous rendre ça le plus possible pour vous, faire tous les efforts qu'on peut dans ce sens-là. Mais, aux États-Unis, à partir de l'année prochaine, à moins qu'il se passe quelque chose d'imprévu, de contraire, ils n'en auront plus de commandites, eux autres. Ils auront peut-être un délai pour les écuries, je ne le sais pas, mais, avec la législation américaine qui est censée être en application à l'automne de cette année, vous n'aurez pas de problème d'incertitude de ce côté-ci de la frontière à cet égard. C'est plus eux autres qui vont être dans une situation moins favorable que nous par rapport à la commandite du tabac.

M. Méthot (Léon): Oui, mais je vous dirais là-dessus, M. le ministre, que, si tout le monde est dans le train en même temps, il n'y a pas de problème. Si tu es en avant du train, tu risques de te faire écraser...

M. Rochon: Bien, là, dans ce sens-là, on va être en arrière.

M. Méthot (Léon): ...et c'est actuellement le problème.

M. Rochon: Bien non! Là, on va être en arrière du train.

M. Méthot (Léon): Actuellement, on est en avant du train, parce que, aux États-Unis, cette pression-là dont vous parlez, les gens avec qui on fait affaire dans les différentes sanctions de courses, ils ne la ressentent pas du tout. Ils voient des contestations éventuelles, ils voient une longue période avant une application formelle pratico-pratique. Laissons faire que ce soit...

M. Rochon: Ah, ils prévoient qu'il va y avoir des contestations devant les tribunaux, puis tout ça, puis que ça ne s'appliquera pas.

M. Méthot (Léon): Ils pensent à ça, et c'est leur perception qui fait en sorte qu'ils ne sont pas contrariés outre mesure, à ce stade-ci, par ces législations-là qui sont annoncées par ailleurs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Rochon: Donc, l'être humain est pareil partout. On dit: Ça va venir, mais ce n'est pas pour demain, on verra. Ha, ha, ha!

M. Méthot (Léon): Non, mais, écoutez, est-ce que... Ça, c'est la réalité...

Une voix: C'est mortel, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Méthot (Léon): Non, mais c'est la réalité...

M. Rochon: Ah oui.

M. Méthot (Léon): ...et, nous, on doit oeuvrer dans ce marché-là et on essaie de conserver, justement, les meubles qui sont ceux dont on dispose actuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Létourneau (Michel): La perfection n'étant pas de ce monde, en Europe particulièrement, je connais des festivals qui effectivement ne peuvent pas recevoir de commandites de produits de tabac, mais, par ailleurs, ils peuvent vendre des cigarettes sur les sites, et c'est de cette façon-là que... Bien, la perfection, hein?

(16 h 10)

Non, moi, je voulais juste rajouter, quant à la recherche de solutions positives, que, tant qu'à analyser sérieusement l'hypothèse que Mme Jamet a mise sur la table, donnez donc des mesures fiscales majorées aux entreprises qui investissent dans les événements culturels et sportifs comme vous le faites dans le cinéma. Parce qu'il est vrai que, que ce soit le jazz ou nous, on travaille avec Bell, on travaille avec Desjardins, on travaille avec IBM, on travaille avec Hydro. Nommez-les, on les a tous, les «blue chips»! On fait quoi après? Dans la région de Québec, premièrement, ou, encore pire, dans la région de Chibougamau, il y aurait peut-être, du côté de la fiscalité, des mesures incitatives pour redonner ce marché qui est en train de s'effondrer à cause du retrait d'un gros joueur sur la bourse des commandites. Tu sais, la bourse, M. le ministre, quand elle perd quatre points, on panique. Alors, là, elle va en perdre 25 points, la bourse des commandites. Alors, il faudrait qu'on se penche peut-être sur l'autre partie de solution qui est de stimuler par des mesures fiscales adéquates l'investissement, parce que, de toute façon, M. le ministre, vous savez très bien que, plus on a de commanditaires, moins on est chialeux avec les gouvernements.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Et, à mon tour, de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier de participer à nos audiences aujourd'hui. Et je voudrais d'abord féliciter chacun d'entre vous pour le dynamisme de vos organisations et la qualité aussi des événements que vous nous présentez. C'est toujours très apprécié de pouvoir y participer.

M. le Président, je voudrais peut-être d'entrée de jeu demander à chacun d'entre vous... Nous venons tout juste d'avoir votre mémoire, et je n'ai pas eu le temps d'en prendre note comme il faut. L'objectif du projet de loi, c'est d'abord et avant tout un projet de loi sur la santé publique, et un des objectifs majeurs auquel l'ensemble des gens qui se sont présentés devant nous souscrivent et, je pense, aussi l'ensemble des députés, c'est de réussir à empêcher nos jeunes à commencer à consommer ou encore essayer de les arrêter s'ils ont commencé. C'est vraiment l'objectif central du projet. Je ne vous ai pas entendu parler sur cet objectif-là, je souhaiterais, au fur et à mesure des échanges, que vous puissiez, j'espère, nous indiquer que vous êtes entièrement d'accord avec l'objectif qui est poursuivi. J'aimerais commencer le questionnement d'abord par le Grand Prix du Canada et demander à M. Legault si ça existe, un Grand Prix où il n'y a pas de commandite de cigarette et, si oui, nous expliquer un peu comment ça fonctionne. Sinon, bien, nous l'affirmer, nous le confirmer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Legault.

M. Legault (Normand): Bien sûr. Alors, en réponse à votre première question, oui, au niveau du Grand Prix du Canada, on souscrit à l'objectif du projet de loi. Oui, ça existe, un Grand Prix comme celui-là, c'est le Grand Prix de France où, suite à l'adoption de la loi Évin il y a quelques années, on interdit toute commandite des produits du tabac et des boissons alcooliques également dans le cadre de la présentation de l'événement et...

Mme Charest: ...

M. Legault (Normand): Pardon?

Mme Charest: ...la France, l'Allemagne, l'Angleterre et la Belgique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, vous aurez le temps d'intervenir, Mme la députée. Allez-y, M. Legault.

M. Legault (Normand): Merci, M. le Président. Oui, le Grand Prix de France. Au Grand Prix de France, il n'y a aucun marquage sur les voitures qui apparaît. Et, au Grand Prix d'Angleterre et d'Allemagne – je dis bien le Grand Prix d'Allemagne et non pas les grands prix qui se déroulent en Allemagne, je reviendrai là-dessus – il y a des marquages différents qui, bien qu'interdisant les marques de produits du tabac, permettent une identification assez proche des voitures des emballages des produits du tabac.

Je spécifiais, dans le cas de l'Allemagne, qu'il se déroule, dans le cadre du championnat du monde de formule 1 qui compte 16 épreuves... Il y a deux épreuves qui sont présentées en territoire allemand, l'une qui est le Grand Prix d'Allemagne, qui a lieu en juillet sur le circuit d'Hockenheim où, effectivement, les marquages sur les voitures sont interdits et, en fait, sont laissés de côté suite à un code volontaire de la part des manufacturiers, à ma connaissance.

Il y a également une deuxième course qui se déroule en territoire allemand qui est le Grand Prix du Luxembourg et qui se tient au circuit d'Hockenheim et dans le cadre duquel le gouvernement allemand décrète un principe d'extra-territorialité pour le circuit de Nürburgring et permet que la législation allemande ne s'applique pas sur ce territoire durant les trois jours parce que, au Luxembourg, il n'y a pas de loi antitabac. Donc, au Grand Prix du Luxembourg qui a eu lieu en septembre dernier, il y avait des marquages sur les voitures, il y avait des marquages sur les combinaisons des pilotes, et pourtant le chancelier Kohl était présent sur le podium, on était bien en territoire allemand, mais, pour trois jours, on n'y était pas. Enfin.

Donc, le seul Grand Prix où, effectivement, c'est entièrement banni, c'est le Grand Prix de France, et il y a un Grand Prix qui a été réinstauré au calendrier de la formule 1 il y a à peine deux mois pour une année et dont le sort à long terme est encore sujet à révision. Évidemment, je dois dire que, à ce niveau-là, il y a une question en ce moment entre la législation française et la législation qui est proposée par la Communauté européenne, auxquelles M. le ministre faisait référence un peu plus tôt. Donc, il y aura probablement une certaine harmonisation de ce côté-là, et là la position de la Fédération internationale de l'automobile face à un Grand Prix de France sera possiblement révisée selon leur bon vouloir.

M. Marsan: Pour le Grand Prix de France, est-ce que ça peut avoir des conséquences économiques, le fait que les commandites de tabac ne sont pas autorisées? Est-ce qu'ils sont en difficultés financières?

M. Legault (Normand): Le Grand Prix n'est pas commandité... L'événement n'est pas commandité par...

M. Marsan: Ce sont les écuries.

M. Legault (Normand): Ce sont les écuries, et je vous dirais que, à date, il n'y a pas eu de conséquences, probablement à cause de l'investissement massif qui était consenti en formule 1 par des grandes industries françaises, dont la Régie Renault, dont la Société Peugeot, dont les pétrolières Elf et Total qui, à elles quatre, consentent des investissements d'environ 200 000 000 $ et qui ont certainement fait valoir ces investissements dans la balance auprès de la Fédération internationale de l'automobile, qui siège également à Paris, qui a son siège social à Paris.

M. Marsan: Je veux simplement revenir sur le fait que vous avez vraiment mentionné – ça me surprend, mais je l'apprends de vous – qu'un Grand Prix, comme tel, ne reçoit pas de revenus des compagnies de tabac. C'est bien ça que vous nous dites?

M. Legault (Normand): Le Grand Prix de France. Le Grand Prix de France ne reçoit pas de...

M. Marsan: Le Grand Prix du Canada aussi?

M. Legault (Normand): Le Grand Prix du Canada reçoit des revenus de Player's pour la première fois, l'année dernière, à titre de commanditaire principal, pour la deuxième fois cette année. Et, en novembre dernier, Player's nous a fait part de son retrait de l'entente qui nous lie à elle après l'édition de cette année.

M. Marsan: Et, finalement, dernière question, M. le Président, pour le Grand Prix du Canada: Si on ajoutait au délai qui est inclus dans la loi, est-ce que ça correspondrait aux voeux ou aux doléances que vous souhaitez, en tout cas?

M. Legault (Normand): Le délai face aux commandites ou le délai des voitures?

M. Marsan: Aux commandites, particulièrement. Puis aux voitures.

M. Legault (Normand): Écoutez, moi, je ferai remarquer que je ne demande rien.

M. Marsan: Mais c'est un peu le point, parce que je n'avais pas de notes. Alors que les autres demandent un délai, vous, ce que vous souhaitez, c'est quoi? Le retrait de ces articles-là, à ce moment-là? Ou qu'on n'applique pas la loi ou le projet de loi sur le Grand Prix du Canada?

M. Legault (Normand): Je dirais que, aujourd'hui, ce que je souhaite, c'est que le ministre de la Santé fédéral soit aussi généreux envers les équipes de formule 1 que l'est le projet de loi n° 444, sinon on a l'intention de se conformer à la loi telle qu'elle sera adoptée. Et je tiens à préciser que, bon, certains de mes confrères, ici, sont tout à fait maîtres de leur événement. Dans notre cas, on doit s'inscrire à l'intérieur d'un calendrier international. Je crois que le ministre a mentionné un peu plus tôt... J'ai l'impression, à la lecture du projet de loi n° 444, qu'il a une très bonne compréhension du cadre dans lequel on s'inscrit au niveau international, au niveau de la Communauté économique européenne, au niveau de la Fédération internationale de l'automobile.

La Communauté européenne propose un moratoire pour les équipes seulement jusqu'en 2006. Le président de la Fédération internationale de l'automobile, M. Max Mosley, a même récemment fait part de son intention de proposer aux équipes membres de cette association un moratoire de cinq ans, de limiter ce moratoire à cinq ans en commençant en 1999. C'est donc dire que, si les équipes s'entendent toutes là-dessus, il y aurait coïncidence entre le cinq ans proposé par le projet de loi n° 444 et le cinq ans que met de l'avant le président. Je tiens à préciser que ça n'a pas encore été adopté, mais c'est néanmoins le président de la Fédération internationale de l'automobile. Donc, il y aurait coïncidence. Alors, ça ne serait pas pertinent pour moi de demander à cette commission un délai plus long de ce côté-là. L'important pour nous, c'est d'essayer de s'harmoniser dans un contexte international, de ne pas se retrouver en porte-à-faux, qu'il y ait cessation avant ou après. Mais la décision de présenter ou de ne pas présenter l'épreuve en territoire québécois suite à la législation ne m'appartient pas, elle appartient au président de la Fédération internationale et aux équipes elles-mêmes.

M. Marsan: Si l'harmonisation – juste une, M. le Président – allait dans le sens du projet de loi n° 444 et que le fédéral adoptait, par exemple, les articles qui sont ici, est-ce que, à ce moment-là, le Grand Prix Player's du Canada, vous seriez satisfaits des délais que vous avez?

M. Legault (Normand): Le Grand Prix du Canada, oui. Ça ne serait plus le Grand Prix Player's du Canada, mais le Grand Prix du Canada pourrait continuer à présenter son épreuve de course automobile, oui.

M. Marsan: Et ça rejoindrait les préoccupations que vous avez?

M. Legault (Normand): Absolument.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Mme la députée de Rimouski.

(16 h 20)

Mme Charest: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. Je vous souhaite la bienvenue à la commission. Les objectifs du projet de loi, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de les voir de près, ils se résument à très peu de choses, dans le fond. À beaucoup et à très peu, dans le sens qu'ils ne sont pas nombreux, c'est de prévenir le tabagisme chez les jeunes, c'est également de protéger les citoyens et les citoyennes contre la fumée du tabac et, à moyen et à long terme, c'est vraiment favoriser l'abandon du tabagisme comme usage courant ou quotidien. Et ce que j'ai cru comprendre de vous tous, c'est que vous étiez en accord avec ces objectifs-là. Est-ce que je me trompe ou vous êtes d'accord là-dessus? Il n'y a pas d'objection à ces objectifs?

M. Létourneau (Michel): On ne peut pas être contre la vertu, madame. Ça, je pense que même M. le ministre l'a admis, hein?

Mme Charest: Non, mais je voulais m'assurer que, comme porte-parole d'organismes qui recevez de la commandite...

M. Létourneau (Michel): D'organismes responsables.

Mme Charest: ...vous êtes en accord avec les objectifs du projet de loi. C'est juste ça que je vous demande.

M. Létourneau (Michel): Oui, madame.

Une voix: Oui, ça va.

Mme Charest: Oui, ça va? Et j'aimerais vérifier auprès de vous si vous êtes au fait – et je pense que vous devez l'être, ça me surprendrait, le contraire – des conséquences de l'usage du tabac. La publicité et la commandite, on sait tous que ça rejoint les jeunes. Et on sait par ailleurs aussi que, dans le fond, le tabac, lorsqu'on l'utilise comme commandite, c'est en quelque sorte pour normaliser son usage, c'est pour mieux le faire accepter aussi par des adhérents potentiels ou déjà utilisateurs du produit.

Et on sait que, dans le cas de du Maurier, entre autres, il y a un rapport direct entre le conditionnement et la manifestation spéciale. On sait que du Maurier cherche à plaire avant tout aux jeunes un peu plus raffinés. Eux, ils vont chez la clientèle, je dirais, aisée qui a des revenus élevés et qui est mieux instruite et qui s'intéresse, entre autres, au jazz et aux sports à cheval. Alors, là, on voit que du Maurier cible une clientèle plutôt d'élite avec de bons revenus, et tout ça. On voit aussi que Player's, elle, cible les jeunes qui s'intéressent aux voitures et à la course automobile. C'est quand même des sports dispendieux, c'est quand même des sports d'élite également. Et, Matinée, bien, elle, elle est un peu plus dans le sens commun, je dirais, elle s'intéresse à la mode et aux femmes. Je pense que c'est pour ça qu'elle a mis sur pied une fondation pour la mode. Alors, vous voyez un peu comment les commandites de tabac vont chercher des clientèles que vous rejoignez à travers vos activités, et ça, je voulais qu'on partage cette information-là parce que la question qui s'en vient, j'aimerais que vous ayez ça aussi comme en tête.

Et je voudrais aussi vous faire partager l'information qu'on a à l'effet que les coûts de santé qui sont reliés à l'usage du tabac sont de l'ordre de 661 000 000 $, et ça, c'est en dollars de 1992. Ce n'est pas en dollars de 1998, c'est en dollars de 1992. Et on nous dit qu'il y a en moyenne 10 000 personnes qui décèdent de l'usage du tabac par année, alors que sur les routes, bon an mal an, c'est 800 personnes à peu près, en moyenne, qui décèdent; par l'alcool, c'est 1 600; et, par des drogues illicites, c'est 200. Alors, on voit très bien que l'usage du tabac a un impact direct sur les taux de mortalité. Et, sur les taux de morbidité, c'est encore plus désastreux. On parle du cancer du poumon, que tout le monde connaît, que tout le monde sait. On parle du cancer de la trachée, des bronches, des maladies pulmonaires et également des maladies cardiaques, hein? Ça va très loin et ça a un impact majeur. Alors, le projet de loi, dans le fond, c'est tout ça. C'est un projet de santé publique et c'est important.

Et, moi, à la lumière de ce que j'ai entendu, j'ai entendu que c'était un problème de sous. Vos objections sont strictement par rapport à l'argent que ça vous enlèverait pour financer vos activités. Soit dit en passant, vos activités, c'est toutes des choses qu'on suit de très près et qu'on ne voudrait pas voir disparaître – je pense, entre autres, au Festival d'été de Québec; enfin, je ne les nommerai pas tous – et, là-dessus, je pense que les députés sont très conscients de ça.

Je voudrais savoir: En sachant les objectifs du projet de loi, en sachant les impacts de l'usage du tabac, est-ce que vous tenez absolument à ce que la commandite, ça soit absolument le tabac ou si d'autres types de commandite seraient acceptables pour vous? Parce que je pense, entre autres, au Carnaval de Québec qui est allé chercher Kellogg, qui est dans un tout autre domaine.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Mitton.

Mme Mitton (Christine): D'abord, j'aimerais juste préciser qu'on est très heureux que vous suiviez nos événements, mais on est un moteur économique important pour la ville de Montréal et pour les autres communautés, que ce soit Trois-Rivières... Quand je pense au Grand Prix de Trois-Rivières qui mobilise quasiment une région complète; quand je pense au Festival d'été de Québec; quand je pense à nos événements à Montréal qui mobilisent une bonne partie de l'été beaucoup; et quand je pense à mon événement particulier qui est le festival L'International Benson & Hedges, qui rassemble 200 000 personnes qui vont regarder le feu, qui a un effet domino dans l'économie montréalaise, que ce soit le bateau-mouche qui mobilise les soirs de feux... Donc, c'est plus... On a des événements, mais on a des retombées économiques importantes dans Montréal. Donc, ça, je tiens à le préciser. Je pense qu'on ne l'a pas assez dit aujourd'hui et je veux retourner là-dessus.

Et je pense qu'on n'est pas ici pour être contre le projet de loi. Au contraire, je pense que c'est très louable dans notre société de voir des projets de loi qui sont présentés, comme ça, pour inciter les jeunes à ne pas fumer, mais c'est sûr que c'est un problème de sous pour nous. Et un délai de cinq ans serait très acceptable, et je tiens à le préciser vis-à-vis de M. le ministre, que, quand ma collègue Caroline Jamet parle du fonds, on aimerait bien le voir entrer en vigueur en même temps que le délai de cinq ans, parce que nos commanditaires... Dans ma partie à moi, mon contrat termine bientôt, je vais devoir resigner avec lui et je ne suis pas sûre s'il va revenir dans le même ordre et avec le même montant. Donc, si on a un fonds de compensation qui entre en vigueur dès maintenant, on va pouvoir s'ajuster pour les cinq prochaines années et pouvoir tenir et maintenir le niveau de nos événements au niveau où ils sont actuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. Légendre.

M. Legendre (Richard): C'est Legendre, il y a un accent de trop. Mais c'est sur votre feuille, alors... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Legendre, je m'excuse. Ça ne fait pas assez longtemps que je vous connais, M. Legendre.

M. Legendre (Richard): Je voudrais juste souligner, d'abord – à moins que je ne me trompe – qu'on est tous ici en train de parler de la date d'extinction – sans mauvais jeu de mots – de la commandite du tabac: deux, trois, quatre, cinq. Bien, on parle de cinq, le gouvernement nous a parlé de deux. Alors, quand vous nous faites votre présentation sur les côtés négatifs du tabac, on est justement ici pour parler de quand est-ce que ça finit. Alors, je pense que, en soi, on n'est pas en train d'essayer de gagner du temps pour qu'il y ait un autre cinq ans après avec le tabac. Je pense que ça, c'est clair.

Ceci étant dit, vous me permettrez d'avoir des doutes quand même sur... Si quelqu'un vient me dire que, moi, depuis 10 ans que je suis à Tennis Canada, impliqué avec l'Omnium du Maurier, je fais fumer le monde, je vais avoir de la misère avec celle-là un petit peu. Quand les gens sortent du stade, chez nous, je les regarde aller, il n'y en a pas une qui s'allume une bonne «cig» avant de partir, mais ils ont tous l'air d'avoir envie de faire du sport puis de jouer au tennis. Alors, d'enlever les pancartes chez nous, si c'est le seul moyen que la société prend pour que nos jeunes ne fument pas, je me permettrais de dire à nos autorités gouvernementales qu'on fait fausse route. Le problème du tabac est beaucoup plus complexe et compliqué qu'une pancarte, ou deux, ou trois, ou quatre. Et je vous ferai remarquer que notre clientèle... On ne vend pas pour 1 000 $ de cigarettes pendant notre tournoi, puis, du rouge, ils en ont plein la face. Si ça influençait tant que ça, ils iraient tous s'en acheter, ma foi! Alors, bon, je ne veux pas rentrer sur ce débat-là, je dis d'entrée qu'on est ici pour parler de la date d'extinction, de finition de la commandite. Alors, je pense que notre position est assez claire là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Létourneau (Michel): Écoutez, moi, je perçois le projet de loi n° 444, à l'instar du C-71, comme étant un train de mesures qui commence là puis qui finit là... Oui. M'entendez-vous?

Une voix: ...

M. Létourneau (Michel): On est ici, nous, aujourd'hui pour parler de l'article 4. Il y en a 11, articles. On parle de la restriction dans les lieux publics, on parle de la composition du produit du tabac, on parle d'un train de mesures. Nous, ce qu'on vient vous demander dans le train, c'est que le wagon n° 4, il prenne cinq ans à se mettre en gare, c'est tout. Et, madame, sauf votre respect, je comprends que vous avez très bien compris le marketing 101, mais, en même temps, n'essayez pas de nous attendrir. Ce n'est pas parce qu'on vient parler d'économie et d'impact du sociogramme des événements au Québec qu'on n'en est pas moins des citoyens responsables, qu'on n'en est pas moins préoccupés par la santé de nos collègues. Et, qu'on soit fumeur ou pas, madame, je vous le dis bien candidement...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sur ce, je suspends les travaux pour 10 minutes. De retour à moins 16 h 40, et je commence les questions avec ceux et celles qui vont être là. Donc, 16 h 40 pile.

(Suspension de la séance à 16 h 30)

(Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Legault et M. Legendre, on en a au moins deux sur six ou sept qui sont ici. Pas Legault, M. Piché. Les plus loin, ça paraît. Les plus loin, c'est...

Alors, étant donné... Je vais me permettre quand même... Là je sais que Mme la députée de Rimouski n'avait pas fini, M. le député de Papineau n'y est pas. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous allez l'air d'un gars prêt.

M. Dion: Certainement, M. le Président, et ça ne sera pas très long. Si les autres n'arrivent pas, ça va être un problème pour eux...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Dion: ...parce que la session sera terminée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est ça. Allez-y, M. le député. On vous écoute.

M. Dion: Merci, M. le Président. D'abord, je pense qu'on tombe tout à fait d'accord. Je m'attendais peut-être à une position un peu différente de votre part. On tombe d'accord sur le fait de la nocivité du tabac, et tout ça. Nous, on perçoit bien que, pour vous qui dirigez des événements d'importance – d'importance économique, et pas seulement pour vous, mais pour l'ensemble de la société; au plan touristique, c'est très important – on est conscients que la fin de la commandite, ça crée un problème pour vous.

Par contre, vous nous proposez une façon de gérer ça qui serait raisonnable eu égard à vos préoccupations, parce qu'on ne veut pas non plus qu'il y ait un intermède qui risquerait d'étouffer les événements. Alors, vous proposez cinq ans ferme de façon à avoir une situation simple et claire, quitte à aménager à l'intérieur de ce cinq ans, selon les organismes, des ententes de tout ordre. Vous en avez donné plusieurs exemples, de vos besoins particuliers, et qui ont été reçus en bonne part par M. le ministre et qui, moi, pour ma part, je trouve que c'est des choses qui doivent être regardées avec attention de façon à ce que l'objectif poursuivi soit atteint. On est tous d'accord qu'un délai de 20 ans est plus nocif qu'un délai de un an. Alors, là-dessus, quand il s'agit de gérer si ce sera deux ans, trois ans, quatre ans ou cinq ans, je pense qu'il y a moyen de s'entendre d'une façon raisonnable.

Alors, ce qui fait que, après avoir écouté tout ce que vous avez dit, comme je n'ai pas été le premier à poser des questions, je n'en poserai pas non plus, et je vous remercie de la présentation que vous avez faite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, monsieur. Est-ce que ça amène une intervention? Non? Tout est beau? Alors, M. le député de... J'avais Mme la députée de Sherbrooke. M. le député de...

M. Létourneau (Michel): M. le Président, je voudrais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau, oui.

M. Létourneau (Michel): Excusez-moi. Je ne veux pas enlever le droit de parole. Le seul commentaire que je ferais, c'est que, si on poursuit dans l'analyse des hypothèses – en fait, les deux principales: celle de la fiscalité et celle, à l'intérieur du cinq ans ferme, des mesures d'encouragement au sevrage – qu'on soit associés à cette réflexion plus – il faut bien l'admettre, M. le ministre – qu'on ne l'a été jusqu'à maintenant, dans ce processus de recherche équitable des objectifs de tout le monde. Et je vous ai déjà fait la blague, dans d'autres circonstances, que la santé des Québécois et des Québécoises, c'est la santé physique, mais aussi la santé mentale. Et, là-dessus, je pense qu'on joue un rôle thérapeutique, si je peux m'exprimer comme ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le ministre, oui.

M. Rochon: Je me permets juste un petit commentaire là-dessus. Vous voyez, c'est pour ça qu'on a mis dans le projet de loi – et on verra comment on va évoluer... Mais on avait ce souci de ne pas tout essayer de régler les fins détails d'une chose comme ça dans une loi, parce que, surtout si vous proposez des façons différentes, plus sur mesure, moins mur à mur, ça veut plus dire qu'il faut aller vers le cadre réglementaire et d'autres encadrements administratifs, une fois que la loi a donné des grands paramètres; comme si la loi dit: C'est cinq ans maximum, c'est cinq ans, et qu'il y ait un minimum de périodes de... Bon. Alors, il y a quelques paramètres qu'on met dans la loi, mais on est bien d'accord qu'on aura à discuter après pour voir concrètement comment ça se fait pour être viable, et c'est pour ça qu'on veut se donner un cadre plus souple, pour aller dans les détails. Autrement, on ne va pas y arriver, on ne va jamais y arriver. On n'adoptera jamais une loi s'il faut avoir fixé le plus fin détail de son application avant d'avoir adopté la loi. Alors, on est d'accord, essentiellement, là-dessus.

M. Létourneau (Michel): Oui. Vous connaissez les effets pervers d'y aller avec une loi-cadre et de la réglementation.

M. Rochon: Non.

M. Létourneau (Michel): Les règlements sont publiés dans la Gazette . C'est difficile à suivre pour tout le monde, en fait. Comprenons-nous bien, là.

M. Rochon: Oui. Mais non. Écoutez, je pense que c'est la façon normale de fonctionner toujours, ça. On ne peut pas... Moi, ça fait quatre ans que je vis cette situation-là. Les gens te demandent toujours: Oui, mais, si jamais il arrivait quelque chose dans trois ans, qu'est-ce qu'on fait maintenant? Si on s'entend que c'est là qu'on veut aller, on va s'entendre puis on va commencer à y aller. Puis, bien souvent, le «si jamais que», il ne se présente même pas. Puis c'est d'autre chose que tu n'as même pas prévu, au moment où tu en parles, qui se présente, puis il faut être prêt à faire face à cette situation-là.

Alors, je suis d'accord avec vous sur le principe, puis je vous dis... la commission... On s'en était parlé. Peut-être qu'on aurait dû vous parler plus souvent puis plus longtemps, mais on n'a quand même pas trop mal compris ce qu'il vous fallait, parce qu'on n'est pas tellement loin de la cible, là.

M. Létourneau (Michel): Vous aviez plusieurs sources d'information, M. le ministre, là-dessus, je peux vous le dire. Ha, ha, ha!

M. Rochon: C'est le résultat qui compte. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais continuer un peu les interrogations. Peut-être prendre l'exemple du Grand Prix de Trois-Rivières, parce que vous êtes le premier à avoir parlé du fonds de substitution, mais ça peut être bon pour toutes les autres organisations.

D'abord, je veux souligner que j'ai une inquiétude. Quand le gouvernement met dans un projet de loi qu'il va accorder des subventions... Ce n'est pas un fonds de substitution, on parle de subventions. Bien, là, ça fait quatre ans. On sait ce qui arrive souvent avec des subventions. Puis là c'est le ministre de la Santé qui dit qu'on va accorder des subventions. Ça fait que, là, j'ai une double crainte. En tout cas, je fais sûrement attention.

La crainte, c'est davantage comment ça va fonctionner, le fonds. Je ne sais pas si, vous autres, vous avez des indications. Nous, nous n'en avons pas. Moi, je souhaiterais peut-être comprendre davantage ce que vous voulez. Madame, tantôt, vous avez parlé d'une harmonisation au niveau des délais. Est-ce que vous voulez que le fonds commence avec l'application du projet de loi et qu'il y ait une gradation lorsque, je ne sais pas, vous perdez des commanditaires, que le fonds puisse entrer en jeu ou si c'est plutôt au moment où le délai serait appliqué?

J'aimerais ça qu'on puisse juste échanger sur ce point de vue là. Je vous écoute, un ou l'autre. Vous étiez le premier à en parler. C'est pour ça que je vous ai interrogé.

M. Méthot (Léon): Écoutez, c'est sûr que, lorsqu'on prend le texte de la loi, on voit que... Si on veut le reprendre textuellement: «Le gouvernement peut accorder une subvention aux personnes ou aux organismes qui, en application de l'article 22 – qui, lui, stipule l'interdiction de commandites – perdent une partie de leur financement.»

C'est évident que... «Il fixe, par règlement, les conditions suivant lesquelles cette subvention est accordée. Il peut notamment subordonner celles-ci à la diffusion par les demandeurs, dans le cadre de leurs activités, de messages attribués au ministre et portant, entre autres, sur les effets nocifs du tabac sur la santé.»

Ce qu'on comprend là-dedans – et j'en reviens un peu à ce que je disais – c'est que, sur la base d'un article comme celui-là, c'est évident que, nous, on n'est pas capables de faire un plan d'affaires puis de dire aux gens avec qui on négocie: Voici quel va être le cadre dans lequel on va fonctionner au cours des cinq prochaines années. Voici les sources de financement dont on disposera. Il n'y a rien, là-dedans. C'est complètement discrétionnaire. Il n'y a pas de durée, il n'y a pas de montant et on ne sait pas quoi. Ce qu'on a entendu... Lors d'une réponse, M. le ministre avait mentionné qu'il était pour être régressif. On mentionnait certains pourcentages qui n'étaient pas complètement déterminés. Mais c'est clair que, nous, sous cette forme-là, ça ne nous donne pas les outils dont on a besoin pour être capables de s'assurer que... Écoutez, cinq ans; je suis capable de resigner trois ans avec option. Je m'enligne, mon ami, puis je vais être capable de voir à mes obligations financières.

(16 h 50)

Ça, c'est le premier volet. Subvention aussi. La durée, quelle est la pérennité de ça? Comment ça fonctionne? Comment on peut s'assurer? Parce que, écoutez, je pense que, tous autour de la table, tous ce qu'on en est, d'une manière ou d'une autre, on bénéficie de certaines sommes de l'État, que ce soient des subventions de tourisme, des programmes quels qu'ils soient. Mais on ne se fera pas de cachette, ce n'est pas des sommes d'argent sur lesquelles on est capables... On sait qu'elles vont arriver, mais il y a toujours des délais, il y a toujours des ci et des ça. Donc, on n'est pas capables de dire: Notre principale source... Nous, dans notre cas, ce serait notre principale source de revenus pour être capables de stabiliser notre programme, qui serait là-dessus. Et ça devient très difficile d'être capables de gérer une affaire là-dessus.

C'est pour ça qu'on dit: Bon, cinq ans pour l'événement avec le commanditaire dont on dispose là. S'il y a des mesures incitatives... Parce qu'il y a eu d'excellentes idées, d'après moi, ici, qui ont émané cet après-midi. L'aspect fiscal. C'est évident que notre plus gros problème, c'est de développer de nouveaux commanditaires. Je pense qu'on est tous d'accord, parce que c'est notre métier. La commandite comme moyen de communication, c'est très efficace, mais ce n'est pas toutes les entreprises au Canada qui comprennent ça et qui comprennent exactement comment tu peux en profiter. Puis il y a différentes façons, d'ailleurs, de l'utiliser pour en retirer un maximum de bénéfices commerciaux. C'est sûr qu'un incitatif fiscal ferait en sorte qu'il y a beaucoup d'entreprises qui auraient peut-être un intérêt à opter pour ce mode de communication là par rapport à un autre mode de communication. Donc, toutes ces choses-là peuvent être prises en considération. Mais ce qui est clair, c'est que le fonds en question doit absolument être d'une clarté absolue qui nous permette d'avoir les outils. C'est pour ça que, tel que rédigé, ça ne réussira pas à faire le travail.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est beau? Ça va? Allez-y.

M. Marsan: Je vais peut-être faire un commentaire sans interpeller le ministre, mais quand même mentionner que ça va être très, très important de comprendre, peut-être au moment où on étudiera article par article, mais de savoir exactement ce qu'il en est de ce fonds-là, comment ça va fonctionner, comment eux vont pouvoir faire une planification par rapport aux objectifs qu'ils ont, chacun dans son secteur. Je pense que c'est un des éléments importants du projet de loi. Il faut qu'on ait ces informations-là au moment où on va en discuter article par article. Je pense qu'on va s'apprêter à le faire possiblement bientôt. J'espère, en tout cas.

Alors, moi, je vous remercie de cet échange-là. Je reviendrai tantôt.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. Bonjour, mesdames, messieurs. Je suis consciente qu'on aborde, cet après-midi, un dossier qui est important. Ce qui m'intéresse, moi, honnêtement, ce sont les alternatives. Pour comprendre les alternatives, il faut comprendre aussi comment marche ce qui existe actuellement, donc un peu comment marche la commandite.

Dans le document qu'on nous a remis et qui semble nous donner les résultats d'une étude importante, je crois, faite par SECOR – le document qu'on nous a passé tout à l'heure – on dit des choses que je ne comprends pas tout à fait. Alors, j'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus si vous en connaissez le contenu.

On dit d'abord: «Une entreprise ne se sert pas d'une commandite pour passer un message spécifique.» On dit ça à la page 14. Peut-être que je ne comprends pas le langage utilisé. Moi, j'avais l'impression que c'est spécifique comme message, quand on a des marques de vendeurs de tabac, que le message spécifique, c'est que c'est bon d'en consommer, et que ça fait plaisir, et que c'est bien d'associer ça à des événements dans lesquels les gens sont heureux. Alors, j'aimerais comprendre le sens de cette phrase-là, si c'est des opinions que vous partagez.

Mais, au-delà de ça, ce qui est peut-être plus intéressant pour moi encore à comprendre, c'est qu'on indique dans ce document qu'une des raisons pour lesquelles les entreprises offrent des commandites aux grands événements sportifs ou culturels, les raisons pour lesquelles elles sont attirées par ça, c'est qu'elles n'ont pas d'autre moyen, donc elles sont prêtes à payer beaucoup pour ça. Elles ne peuvent pas, par exemple, utiliser la télévision. Alors donc, elles vont mettre plus d'argent dans une commandite.

En même temps, on dit, à la page 15 – je vais vous lire la phrase telle qu'elle est écrite parce que je veux être sûre qu'elle est bien écrite: «Il ne faudrait pas croire que les entreprises qui ont accès à un éventail plus grand de véhicules – donc, moi, je comprends les entreprises qui peuvent aussi faire de la publicité dans les médias traditionnels – ne paieront pas autant que les manufacturiers de tabac et ne valoriseront pas la commandite au même titre.» Si cette phrase est vraie, ça veut dire que d'autres types de commanditaires, même s'ils ont accès à différents médias publicitaires, pourraient investir beaucoup dans la commandite, et donc, il s'agit de les trouver, il s'agit de les dénicher.

Alors, j'aimerais savoir si cette phrase est vraie et ce que vous avez comme alternatives possibles. On a évoqué tout à l'heure les banques, mais en disant: Pour le moment, il n'y a pas grand-chose qui débloque. Il y a peut-être d'autres milieux possibles. Vous avez évoqué des incitatifs au plan fiscal. Ça, c'est une balle que vous nous relancez qu'on pourrait regarder. Mais est-ce qu'il y a d'autres types de commanditaires, qui investissent dans différents médias publicitaires, qui pourraient être intéressés à investir chez vous de façon, malgré tout, massive? Là je n'entre pas dans les délais. Mais, peu importent les délais, que ce soit dans deux ans ou dans cinq ans, il faudra trouver des alternatives.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Létourneau (Michel): Oui. Mme Malavoy, je vais tenter de répondre à tout ça, de faire la différence entre l'objet même d'une commandite par rapport à ce qu'on appelle de la publicité et de la promotion. Vous parlez, heureusement, à un ancien gars d'agence de publicité, ça fait qu'il peut peut-être essayer rapidement de démêler les deux formes d'investissement et les deux objectifs.

Au fond, quand les brasseries Molson investissent au Festival d'été, elles se font un positionnement de corporation. Sur le site est vendu le produit Molson Dry. Dans le cas du jazz, c'est l'autre. Donc, c'est la même approche. C'est une approche promotionnelle, parce qu'il y a du produit d'impliqué là-dedans.

IBM, au Festival d'été, fait une commandite de positionnement, puisqu'elle ne vend pas d'ordinateurs sur les sites. Évidemment, son investissement, à IBM, chez nous est moins important que celui de Molson et, ultimement, que celui de du Maurier, pour les mêmes raisons, parce que le choix qu'a IBM dans la brochette de possibilités pour à la fois positionner son produit, sa notoriété d'entreprise, la notoriété du produit spécifique qu'est l'IBM PC, elle a l'embarras du choix, que ce soit en envoi direct chez vous, elle peut aller dans les journaux, elle peut aller à la télévision, ce qu'elle fait, par ailleurs. La commandite, dans le cas d'IBM, je dirais que c'est un investissement complémentaire à son positionnement de marque et aussi, comme diraient les Anglais, à ce qu'elle peut retirer de bénéfices d'être un bon citoyen dans sa communauté.

Le cas de du Maurier, c'est un peu pareil, au fond. La Fondation du Maurier existe depuis 1970, et là, bien avant toute cette prise de conscience de notre société par rapport à l'objet même du pourquoi on se rencontre aujourd'hui et on en parle. Parce que, moi, quand j'étais petit, dans les téléromans, ça fumait. René Lévesque fumait à la télévision, en pleine émission. Bon, on s'entend qu'on a quand même, en 25, 30 ans, changé un petit peu notre mentalité là-dessus.

Mme Malavoy: Comme je le disais hier, pour prendre une autre image, quand on a bâti le pavillon des sciences sociales à l'Université de Montréal où j'ai étudié, quand on l'a bâti, neuf, on a intégré aux places, dans les amphithéâtres, des cendriers. À chaque trois étudiants, il y avait un cendrier.

M. Létourneau (Michel): Ça faisait partie des meubles.

Mme Malavoy: Oui, ça faisait partie des meubles. Ça fait donc un certain temps, mais quand même.

M. Létourneau (Michel): Non, mais, écoutez, il y avait beaucoup de choses, en 1970, qui faisaient partie des meubles, vous savez, Mme Malavoy. Je pense qu'on peut convenir qu'à la fois le pot faisait partie des meubles, les cheveux longs faisaient partie des meubles. Il y avait une façon de vivre, en tout cas. La coccinelle faisait partie des meubles. Il y avait toutes sortes de symboles.

Mme Malavoy: C'est bien. On ne révélera pas tout, parce que tout est enregistré, mais quand même!

(17 heures)

M. Létourneau (Michel): Non. Mais tout ça pour vous dire qu'au fond une entreprise comme du Maurier qui n'a pas, effectivement, d'autre choix pour demeurer positionnée dans un marché... Il y a quand même 30 % de fumeurs. Il y a toutes sortes d'études, et je ne voudrais pas qu'on embarque là-dedans, parce que peut-être que ça prendrait trop de place par rapport à d'autres questions. Il y a 9 % de fumeurs qui changent de marque. Chaque point dans le marché représente des centaines de millions, etc. Donc, le positionnement pour une entreprise comme du Maurier est extrêmement important. De la même façon que le positionnement pour les brasseries Molson par rapport aux microbrasseries, par rapport aux Américains qui dumpent sur le marché des trucs beaucoup moins chers, il y a un positionnement important. Et, eux, en plus du terrain, ils bénéficient du produit. Puis, en plus, ils ont le droit de faire des panneaux Mediacom, de l'annonce journal pour dire: Eh! qu'on est contents d'être au Festival d'été, ou encore au Festival de jazz, dans le cas de Labatt, ou... Alors, bien sûr que là il y a une espèce de disproportion.

Mais, globalement, ce qu'il faut comprendre du marché de la commandite, c'est que – je ne sais pas combien, je ne me souviens plus du chiffre exact – au Canada, il y a tant de commandites. On va en retirer, d'ici un an, deux ans, trois ans, cinq ans, mettons cinq ans, 30 % de ça. Alors, il va y avoir un ajustement de marché, il y a une correction de marché qui doit se faire. Je pense que, nous, on a envie d'être responsables là-dedans, et c'est pour ça qu'on a mis toutes sortes de solutions alternatives là-dessus.

Le fait de convaincre – c'est un peu mon métier d'aller chercher des sous, tant publics que privés – un nouveau partenaire qui n'a jamais essayé le médium de la commandite chez nous, il y a un peu de pédagogie à faire, mais j'ai besoin d'être aidé. S'il est aidé par des mesures fiscales et si je suis moi-même aidant en lui disant: Regarde, tu peux commencer chez nous moins cher que du Maurier, on a là des leviers de développement sérieux. On se donne une autoroute de développement. Et là je pense que mon discours changerait, puis mon stress existentiel depuis les 20 derniers mois changerait également.

Mme Malavoy: Je vous souhaite tout ce bonheur. Nais est-ce que les pistes, on peut en parler ou bien c'est encore trop mince? Ce que j'appelle les pistes, c'est-à-dire les alternatives concrètes, les types d'entreprises qui pourraient devenir des partenaires et qui, jusqu'ici, n'ont jamais cru bon d'investir dans les commandites.

M. Létourneau (Michel): Bien, c'est curieux, on a parlé de Kellogg par rapport au Carnaval d'hiver de Québec. Il est vrai que Kellogg avait une tout autre attitude par rapport à la commandite il y a 10 ans, par exemple. Il y a une mouvance dans le marché des céréales dans le monde, du mode de vie des gens, du déjeuner sur le pouce avec la petite barre granola, etc. Alors, Kellogg n'est plus seule à le faire. Donc, Kellogg a choisi de développer un médium par rapport à un événement qui est un événement festif, etc. Elle a choisi d'essayer ça pour les deux ou trois prochaines années. C'est quand même étonnant, parce que Kellogg avait une habitude européenne par rapport au sponsoring – comme ils disent en France – mais elle ne l'avait pas ici, en Amérique. En Amérique, elles ont de la compétition. Que ce soient des biscuits Leclerc, de Québec, que ce soit de Viau, il y en a toute une panoplie qui s'en vont toutes à la même place, parce que maintenant on s'alimente mieux et on ne veut plus de céréales très sucrées, puis... Alors, elles font une commandite de positionnement en donnant le produit à goûter dans le cadre d'un événement qui est un événement familial. C'est un exemple. Il y en sans doute d'autres, mais on épuise rapidement. Qu'on pense à l'alimentation, à l'essence, à tous les besoins de base en télécommunications, on épuise vite. Évidemment, le trou noir là-dedans, c'est les banques, et ça, on le dit ça fait des mois. Tout le monde convient que... Mais les banques vont vous répondre: Nous, on aime mieux investir sur des athlètes, encourager la carrière d'un athlète. On n'est pas intéressées à aller dans un événement comme tel. Nous, on aime mieux Myriam Bédard, on aime mieux Claude Machin... Bon. Elles ont une autre culture de ça.

Il faut donner le temps à de grandes entreprises au Québec et au Canada. Bombardier est un bel exemple. C'est inimaginable, le peu d'argent que donne la Fondation Bombardier. Ce n'est pourtant pas parce que c'est une entreprise qui est en difficultés financières. Il faut que le gouvernement aussi, par des mesures fiscales entre autres, et que nous, avec le petit côté pédagogique qu'on peut avoir à certains moments dans notre travail, on soit en mesure de convaincre du Maurier, par exemple, d'être un petit peu positionnée par rapport à ça. Et, comme on est des événements internationaux, elle a intérêt, du Maurier, à être présente. Elle avait intérêt à être présente chez nous avec un projet irlandais parce qu'il y a un enjeu sociopolitique, à Dublin. Mais ça, on est rendus dans la haute voltige de la commandite internationale aussi, et là il y a peut-être des solutions pour des organisations comme les nôtres qui ont, de fait, un rayonnement international, que ce soit aux États-Unis...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Mitton.

Mme Mitton (Christine): Juste pour répondre à Mme Malavoy. Je serai brève aussi. C'est pour ça qu'on demande cinq ans, pour nous donner le temps d'aller solliciter des compagnies qui n'auraient peut-être pas vu... Parce que le marché de la commandite... Une commandite, ce n'est pas juste: On met notre nom sur un événement. On contribue aussi au développement de l'événement. Je pense à Benson & Hedges, qui est avec nous depuis 14 ans, ils nous ont permis de développer notre événement et de travailler avec nous. C'est un partenaire. Donc, cinq ans, ça va nous donner la chance, autour de la table, d'aller chercher d'autres commanditaires ou d'autres compagnies et d'aller les voir, de s'asseoir avec eux et de développer, cas par cas, événement par événement, une commandite adéquate pour eux.

Si Kellogg a décidé de s'investir dans le Carnaval de Québec, ce n'est pas pour rien. C'est sûrement parce qu'il y a des intérêts, à Québec, de développer la céréale de cette façon-là, et que le marché québécois aussi est très différent du marché même ontarien, ou albertain, ou de la Colombie-Britannique.

Donc, c'est pour ça qu'on demande cinq ans. Et ce n'est pas impossible de retrouver d'autres commanditaires, mais il nous faut du temps, nous, comme organisateurs d'événements, parce que ça prend du temps pour aller chercher un commanditaire. Ce n'est pas juste cogner à une porte. C'est de développer l'aspect total de la commandite, dans son ensemble, qui n'est pas juste de placarder un événement.

Je ne sais pas si je suis assez...

Mme Malavoy: Oui, oui, ça m'éclaire. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Jamet, un court, puis on va changer de sujet parce qu'il y a d'autres questions.

Mme Jamet (Caroline): Je veux tout simplement faire un point aussi concernant... Quand on dit «deux ans», la réalité des événements, ce n'est pas vraiment deux ans. Parce qu'un événement, ça ne s'organise pas la veille. Ça s'organise un an à l'avance. Si, à six mois avant la fin d'un échéancier, on n'a pas de commanditaire... Si, au mois de mars l'année prochaine, au Festival de jazz, on n'a pas de commanditaire, je veux dire, l'événement ne sera pas le même. La commandite, il faut la connaître un an à l'avance. Quand vous donnez un délai de deux ans, dans les faits, pour nous, c'est un an, parce que ça se négocie à l'avance et on commence à travailler un an avant nos événements. On a besoin de ces assurances-là. C'était tout simplement ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke, est-ce que vous avez terminé?

Mme Malavoy: Oui, oui, ça va aller.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: O.K. Parce que c'est vraiment en ligne avec ça, là. Je voudrais vraiment qu'on comprenne un peu plus ce que vous proposez pour être capables de travailler de façon utile là-dessus. Parce que nous autres, il faut être capables de gérer ça, aussi. Si on prévoit un fonds d'un certain montant, il ne faut pas que la formule fasse que ça peut se monter de façon exponentielle puis qu'on ne soit plus capables de suivre à un moment donné.

Pourriez-vous nous donner un exemple de comment ça pourrait se passer pour vous, ou à peu près le même montant? Je comprends que votre idée, au lieu d'être donné en 75, 50, 25, vous pourriez l'utiliser autrement. Pouvez-nous nous donner, concrètement, comment ça se passerait dans votre cas, par exemple?

Mme Jamet (Caroline): Écoutez, si, par exemple, on a un commanditaire, qu'on va appeler A, qui vient nous voir et qui nous dit: Nous, on est prêts à essayer la commandite cette année, pour toutes sortes de raisons, au lieu... En ce moment, on a 1 500 000 $ qui nous vient de du Maurier.

M. Rochon: O.K.

Mme Jamet (Caroline): Ce commanditaire-là, parce qu'on est plusieurs à demander, parce qu'on est dans une situation où il y a plus de demandeurs, finalement, on est plus dans un marché où il y a beaucoup de demandes, le commanditaire a un plus beau jeu que nous, finalement. Et ce commanditaire-là vient nous voir, il nous dit: Au lieu de 1 500 000 $, nous, on vous propose 1 000 000 $, par exemple. Est-ce que, nous, on va accepter, oui ou non? Si on accepte, à ce moment-là, nous, ce qu'on aimerait, c'est que le manque à gagner, qui est le 500 000 $, on soit capables d'aller au fonds et dire: Ce manque à gagner là, on aimerait qu'il soit comblé par le fonds de transition.

M. Rochon: Pendant cinq ans.

Mme Jamet (Caroline): Peut-être que, l'année suivante, il sera de 300 000 $ et peut-être que, l'année suivante, il sera de 100 000 $. Mais on sait que c'est cinq ans. On met des dates. Et je pense qu'en cinq ans ça peut se faire de façon graduelle et qu'éventuellement on va pouvoir ajuster. L'expérience de la commandite aura peut-être fait que le commanditaire pourra s'ajuster au marché. C'est ce qu'on propose, parce qu'on ne veut pas se retrouver entre deux chaises, comme je vous ai expliqué tout à l'heure. On a un commanditaire qui est remplaçant, mais il n'est pas remplacé à la même hauteur. Alors, on a un manque à gagner. C'est ce manque à gagner là qu'on veut.

M. Rochon: Mais comment on garde l'incitatif, à ce moment-là...

M. Létourneau (Michel): C'est ça, là. Je faisais...

M. Rochon: ...dont vous parliez pour que, pendant les cinq ans, vous alliez chercher au plus vite l'autre 500 000 $?

Mme Jamet (Caroline): Bien, l'incitatif, c'est M. Létourneau qui va en parler.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Rochon: O.K. Il peut peut-être y avoir l'incitatif. Ça, je comprends que l'autre proposition fiscale, c'est pour vous aider...

M. Létourneau (Michel): L'incitatif fiscal, c'est pour créer des conditions favorables chez le commanditaire.

Mme Jamet (Caroline): Chez nos commanditaires.

M. Rochon: C'est ça. Ça, c'est une chose, comme tel, qu'on va voir. Mais, ceci étant là ou pas, revenons à la façon d'utiliser le fonds, là. Je veux être bien sûr qu'on ne s'embarque pas dans quelque chose qui peut faire exploser le fonds; autrement, ça ne marchera pas.

M. Létourneau (Michel): Absolument. Bien, j'ai fait un petit calcul rapide. Prenons l'hypothèse qu'il y a 30 000 000 $ de commandite au Québec.

M. Rochon: O.K.

(17 h 10)

M. Létourneau (Michel): Prenons l'hypothèse que, l'année prochaine, on change tous de commanditaires pour aller ailleurs que chez les tabatières et prenons aussi l'hypothèse qu'on a une chute, au marché, de 30 % de notre commandite. Ça coûte combien au fonds dans l'an 1? 9 000 000 $. Obligez-nous à dénoncer au moins le contrat du majeur, dans cette perspective-là. Si, dans l'an 2, le commanditaire qui essaie à moins 30 % devient moins 20 %, le fonds devient dégressif. Il est dégressif, au besoin. Il m'apparaît que c'est assez simple.

M. Rochon: Mais il «pourrait-u»... Pour chacun des événements qui viennent, il faudrait qu'on convienne d'un montant maximum, total, qu'il va avoir sur la période de cinq ans. Non?

M. Létourneau (Michel): Écoutez, si je perds...

M. Rochon: Parce que vous dites: Il est dégressif, au besoin. Mais, par contre, vous dites: C'est un incitatif qu'on veut...

M. Létourneau (Michel): Non, mais je parle globalement.

M. Rochon: Oui, oui.

M. Mitton (Christine): Qui pourrait être le montant total qu'on avait en commandite de tabac pour chaque événement. C'est ça que vous voulez dire?

M. Létourneau (Michel): Si la commandite est 1 000 000 $, je signe un deuxième partenaire à 700 000 $ et je vais chercher 300 000 $ au fonds, moi, je n'ai pas de perte. Le fonds a déboursé seulement 300 000 $.

M. Rochon: O.K. Alors, vous avez donné le même exemple que madame. Au lieu de 1 500 000 $, vous êtes à 1 000 000 $. Mais...

M. Létourneau (Michel): Non, mais là...

M. Rochon: ...le 300 000 $ qu'on vous donne...

M. Létourneau (Michel): Oui.

M. Rochon: ...que le fonds vous donne, c'est-à-dire, c'est sur combien d'années?

Mme Jamet (Caroline): Sur cinq ans.

M. Rochon: Sur cinq ans.

M. Létourneau (Michel): Dans l'hypothèse où c'est dans l'an 1. Mais, si je trouve un commanditaire de remplacement dans la 4, il reste deux ans à la transition. On s'entend que le cinq ans est toujours le même...

M. Rochon: O.K. Donc, dans les paramètres, il faudrait qu'il y ait que, pour avoir le fonds, vous devez avoir un commanditaire de remplacement qui couvre au moins un pourcentage x du total.

Mme Mitton (Christine): Oui.

Mme Jamet (Caroline): Oui, effectivement.

M. Rochon: Vous ne pouvez pas dire: Moi, j'en ai trouvé un qui me donne 100 000 $ sur 1 000 000 $, donc donnez-moi le reste.

M. Létourneau (Michel): Non, non.

Mme Mitton (Christine): Non. C'est ça, exactement.

M. Rochon: O.K.

M. Létourneau (Michel): Non. On est d'accord avec ça.

M. Rochon: Donc, il faudrait s'entendre sur une proportion, de voir...

Mme Mitton (Christine): 70 %, par exemple.

M. Rochon: ...ce qui est réaliste, et le reste, et là de voir que ce qu'on aurait prévu qui est dans le fonds, ça en «laisse-tu» assez pour l'utiliser pour la proportion autre qu'on garde, qui, au lieu d'être dégressive, serait constante pendant cinq ans, mais on utiliserait le même montant autrement.

M. Létourneau (Michel): Mais étant entendu que l'hypothèse où on change tous la même année est peu probable.

M. Rochon: C'est-à-dire qu'au lieu de vous donner, par exemple, 75 %...

M. Létourneau (Michel): Sur le plan statistique...

M. Rochon: ...50 % et 25 %, vous auriez 25 % pendant une plus longue période de temps.

M. Létourneau (Michel): Oui.

Mme Mitton (Christine): Oui.

M. Rochon: Par exemple.

M. Létourneau (Michel): Par exemple.

Mme Jamet (Caroline): Par exemple, oui.

M. Rochon: Ça pourrait être quelque chose du genre.

Mme Mitton (Christine): Oui.

M. Rochon: O.K. Ceci dit, là-dessus...

M. Létourneau (Michel): Non, mais on peut faire un petit meeting là-dessus.

M. Rochon: Non, parce que j'ai une autre question complémentaire. Mais, si c'est là-dessus, on peut peut-être y aller.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Jamet voulait revenir là-dessus, M. Méthot aussi.

M. Rochon: Parce que je pense que ça va nous aider, pour être sûrs qu'on est sur une voie utile pour travailler.

Mme Jamet (Caroline): O.K. C'est moi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'ai trois interventions là-dessus, rapides. Mme Jamet.

Mme Jamet (Caroline): O.K. Il y a une chose aussi, je pense, qui serait importante, c'est que, par exemple, si ce commanditaire-là est un compétiteur d'un de nos commanditaires secondaires et que, pour l'accepter, on doit perdre une commandite secondaire, il faudrait aussi que ce fonds-là puisse couvrir cette perte-là d'un fonds secondaire, je pense.

M. Rochon: Ça peut commencer à vouloir dire pas mal d'argent, ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Jamet (Caroline): Mais, écoutez, je vous propose... J'en parle parce que c'est une...

M. Létourneau (Michel): On en manquait déjà, M. le ministre.

Mme Jamet (Caroline): ...réalité. On n'a pas une si grande carte de joueurs à table. Je fais juste vous dire que ça pourrait être une éventualité, parce que ça pourrait être un commanditaire qui s'affirme à un montant assez élevé. Est-ce qu'on va avoir une perte là aussi?

M. Rochon: Non, non. Ça, je comprends ça.

Mme Jamet (Caroline): Alors, je fais juste vous dire qu'il faut aussi garder ça en tête.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Méthot.

M. Méthot (Léon): Oui. Écoutez, si on parle au départ du 12 000 000 $ en question et qu'on dit: Lui, au lieu de le marcher en trois ans, on le marche en cinq ans, c'est évident qu'il va y avoir des conséquences à très court terme, parce qu'on ne vit pas, comme je le disais tout à l'heure, dans les mêmes conditions de marché. Il est beaucoup plus difficile d'être capable d'aller remplacer 500 000 $ et au-delà à Trois-Rivières, pour un événement, qu'il peut être difficile de remplacer 500 000 $ à Montréal, juste pour des considérations purement de marché. On vit dans un endroit où ce n'est pas très grand. Si on parle de notre marché régional comme tel, les entreprises qui sont là, même dans la petite et la moyenne et grande entreprise, c'est plutôt industriel. Donc, il n'y a rien.

Quand on parle de commandite, généralement, si on regarde les entreprises qui commanditent à des hauts niveaux, on parle, toutes, de «consumer goods» – excusez le terme – de biens de consommation. Ces biens de consommation là, ces entreprises-là visent les gros marchés. Le Canada, à toutes fins pratiques, sur un plan commercial, c'est Vancouver, Toronto et Montréal. Donc, pour nous, si on dit: On vous réduit, on vous garantit 25 %, c'est évident qu'on n'aurait pas là, nous, les outils pour être capables de continuer à fonctionner.

M. Rochon: Alors, comment ça pourrait marcher pour vous, la formule que Mme Jamet propose?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que je pourrais permettre à M. Piché, de l'Ungava, qu'on ait la version de l'Ungava?

M. Rochon: Oui. Excusez.

M. Piché (Gaétan): Sûrement.

M. Boulerice: C'est quand même la moitié du Québec, l'Ungava.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Piché (Gaétan): C'est à peu près 49 % de la province.

M. Létourneau (Michel): Un député qui a un très beau nom, en plus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Piché.

M. Piché (Gaétan): Non. Je pense qu'effectivement, je veux dire, en région, c'est beaucoup plus difficile parce que le marché est quand même très limité. Quand on parlait tantôt d'incitatif fiscal, à un moment donné, ça, ça permettrait probablement à des entreprises régionales de nous donner un coup de main. Parce que actuellement, quand elles le font, c'est un don pur et simple et, je veux dire, il n'y a pas de... nécessairement, pour elles, sauf d'être un bon citoyen, je veux dire, au niveau de la corporation, de le faire. Elles n'ont aucun avantage à le faire, sauf le fait de nous aider et de dire... À l'intérieur d'une région, c'est vrai que la solidarité est peut-être plus facile à développer; l'importance des activités sociales est très importante pour l'entreprise.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous voulez dire qu'un don, exemple, de 50 000 $ à votre organisme, dans une compagnie, il n'est pas déductible d'impôts? Est-ce que c'est ça que vous avez voulu dire?

M. Piché (Gaétan): Non, ce n'est pas ce que je dis tel quel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À ma connaissance, c'est déductible d'impôts. Non?

M. Piché (Gaétan): Bien, c'est sûrement déductible d'impôts. J'espère, mais je ne pense pas qu'ils le fassent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Juste pour être sûr qu'on comprend bien.

M. Piché (Gaétan): Oui. Mais ce que je veux dire, finalement, c'est qu'il n'y a pas d'incitatif quand même majeur à le faire. Elles le font parce que, je veux dire, elles ont des employés qui ont besoin aussi, quelque part, d'avoir une vie sociale et d'être capables de se changer les idées. Le moral est important aussi, dans ces régions-là.

C'est sûr que, pour nous, de toute façon, même quand on parle de cinq ans, ça va être très difficile, voire même pratiquement impossible de remplacer ce qu'on a là. Ce que je dis, c'est qu'on va devoir trouver, à l'intérieur de toutes les structures, une manière différente de faire les choses. Je ne le sais pas, comment on va le faire, mais, en région, on est habitués de se débrouiller puis de le faire quand on a le temps. Ça fait que ce qu'on demande, c'est le temps de le faire, d'essayer d'être capables d'analyser les choses.

Nous, chez nous, on fonctionne avec un organisme qui fonctionne entièrement avec des bénévoles. On n'a aucun directeur général pour aller courir la province puis aller chercher des commanditaires. On est un bureau de direction d'à peu près une trentaine de personnes qui mettent des centaines d'heures de bénévolat pour préparer des événements puis, la journée des événements, on a encore à peu près 200 bénévoles qui se rajoutent à ça. C'est le seul moyen qu'on a trouvé, dans le Nord, d'être capables de faire vivre cette activité-là.

Ça fait que, quand on parle des commandites, notre problème est doublement grand. Comment on est capables de le faire? Cette année, on a eu des difficultés climatiques très... C'est bizarre dans le Nord, mais on a manqué de neige. C'est évident que les entreprises nous ont beaucoup aidés. Les contracteurs nous ont fourni beaucoup de machinerie. On a voyagé de la neige pendant quatre jours pour être capables de faire notre circuit de course cet hiver. C'est quand même à peu près impensable dans le Nord, mais c'est ce qui nous est arrivé cette année. Mais les moyens sont limités.

Aujourd'hui, on fait affaire à une concurrence qui est beaucoup plus grande. Si on recule il y a 32 ans, lorsqu'on a décollé le Rallye international à Chibougamau, il y avait deux événements, à peu près, de motoneige au Québec. Aujourd'hui, on en retrouve 10, plus les raids qui s'additionnent, que ce soit le raid des Braves, que ce soit l'Harricana, que ce soit Challenge Canada, qui, eux autres, évidemment, ont beaucoup plus de visibilité et beaucoup plus de subventions gouvernementales. Alors, ça devient très difficile pour nous. Donc, c'est de trouver les incitatifs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous voulez intervenir?

M. Rochon: O.K. Alors, ça, je comprends ça, que, dépendant du type d'événement puis dépendant de l'endroit où ça se passe au Québec, le marché de la commandite est assez différent. Mais ce que je veux vraiment essayer de saisir, puis avec l'équipe du ministère autour pour qu'on travaille sur des simulations, quitte à vous reparler après sur les détails, puis ça, j'ai encore un petit peu de difficultés...

Mais prenons un autre exemple, comme ce que vous nous disiez, M. Méthot, vous, pour le Grand Prix de Trois-Rivières. Ça pourrait marcher comment, dans votre cas, la substitution sur un modèle qui est proposé par Mme Jamet plutôt que le modèle plus sur mesure que le modèle plus standard qu'on avait à l'esprit?

M. Méthot (Léon): Bien, écoutez, vous allez trouver que je reviens souvent avec le même discours, mais, après avoir analysé cette question-là depuis déjà 20 mois, on en arrive à la conclusion que la meilleure façon... Parce que là on parle d'une mécanique très compliquée, lorsqu'on parle d'un fonds comme ça qui va marcher. Peut-être que cette solution-là peut faire pour Mme Jamet mais ne pas faire pour moi, ne pas faire pour l'autre monsieur. Ça devient très compliqué d'être capable d'uniformiser, parce que, vous, vous êtes dans le domaine législatif. Donc, ce qui va s'appliquer là-dedans va s'appliquer uniformément pour tout le monde qui va s'y trouver.

M. Rochon: Bien, encore là, ça dépend. Si on s'entend qu'on va le développer pour l'ajuster, ça veut dire qu'on ne met pas tout dans la loi. On va mettre les paramètres dans la loi. C'est sûr que, si on essaie d'avoir tout le détail puis d'identifier qui va décider quoi, on ne passera jamais de loi.

M. Méthot (Léon): Mais, pour les spécificités propres à Trois-Rivières, la solution de cinq ans, avec le commanditaire qu'on a là... Vous, de ce que je comprends – puis corrigez-moi si je me trompe – vous cherchez l'incitatif, pour l'événement qui conserve son commanditaire, d'en retrouver un nouveau. Est-ce que je comprends bien le fond de votre opération? C'est ça?

M. Rochon: C'est-à-dire... Oui, c'est ça.

M. Méthot (Léon): Bon. Mais, à cette réponse-là, je vais vous dire une chose.

M. Rochon: Puis d'aider en même temps pour faire le transfert.

M. Méthot (Léon): Oui. À cette raison-là, je vais vous dire une chose. C'est clair que cinq ans, c'est ce qu'on cherche, c'est ce dont on a besoin et, fondamentalement, on ne veut pas travailler pour qu'ils ferment après cinq ans. Le but, c'est d'essayer d'en développer de nouveaux et d'être capable de fonctionner. L'«incentive» de mourir dans cinq ans, c'est très fort et...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Méthot (Léon): ...ça nous pousse fortement...

M. Rochon: À ce moment-là, ça peut être pas mal plus simple pour nous autres. C'est qu'on va dire: Vous nous demandez de passer de deux à cinq ans. On passe à cinq ans, puis on va avoir le fonds de transition, puis bonjour. Vous avez le temps d'en trouver, puis l'«incentive» est fort, vous allez en trouver. Dans cinq ans, ça va être réglé. C'est ça que vous venez de me dire?

M. Méthot (Léon): Oui, c'est effectivement ce que j'ai dit. Parce que je comprends que votre fenêtre est une fenêtre de cinq ans, dont deux ans où on conserve sensiblement notre commanditaire...

M. Rochon: Si vous voulez.

M. Méthot (Léon): ...et trois ans où on commence à vivre un sevrage, peu importe la formule dégressive. Pour nous, ça ne fait pas le travail.

(17 h 20)

M. Rochon: Mais ce qu'on pensait faire, c'est de dire... Puis il faut bien se comprendre là-dessus. J'ai l'impression que ce qu'on proposait, peut-être que ça vous aiderait plus que vous ne pensez. On dit: Dans cinq ans, c'est fini. Ça, on s'entend tous là-dessus. Nous autres, on comprend que, le temps de trouver quelqu'un d'autre, ça prend un an d'avance, et tout ça, donc on dit: On va mettre deux ans, nous autres. L'événement qui s'en vient dans six mois, dans huit mois ou dans neuf mois, c'est déjà fait. Le temps de préparer l'autre, et le reste. On a travaillé à peu près sur un an. On a dit: On va doubler la mise pour être sûrs qu'on n'est pas au mois près. Donc, c'est deux ans. Vous pouvez continuer avec ce que vous avez là. Ça donne deux ans pour trouver une substitution qui va commencer la troisième année.

Maintenant, le temps que ça prend, ça... Puis c'est sûr que, quand votre commanditaire du tabac lâche, il lâche au complet, lui. Probablement qu'il n'acceptera pas de vous donner encore 50 % de ce qu'il vous donnait parce que vous avez trouvé juste 50 % pour le remplacer puis qu'il va accepter de sortir de façon progressive. Peut-être, mais peut-être peu probable.

M. Létourneau (Michel): ...pas l'argent.

M. Rochon: Alors, on s'est dit: Pour vous, de trouver tout ce que le 10 % ou le 15 % de votre budget que représentait le commanditaire du tabac, vous, vous avez deux ans, vous en trouvez un bout, mais vous n'êtes pas capables de tout trouver. On s'est dit: O.K. On va leur demander, pour la troisième année, d'en avoir trouvé 25 %, par exemple. C'est une formule qu'on pensait. S'ils ont trouvé juste 25 %, on va leur donner 75 % puis une année de plus pour trouver un autre 25 %. Nous autres, on va payer 50 % la quatrième année. Mais la dernière année, ils auront trouvé encore un autre 25 %, puis on va encore y aller pour 25 %, nous autres, à ce moment-là. Et là, l'autre année après, c'est fini.

Ça, c'est le genre de formule qu'on avait prévu, qui pourrait se faire. Là vous pouvez nous dire: On «joue-tu»... Ça va être entre 20 % et 30 %, ou quelque chose du genre. Ça, c'est une formule standard, mais qui peut avoir des modalités d'ajustement. On pensait que c'était plus réaliste, ça, pour vous dire: L'incitatif de cinq ans, il est très fort, il est là, mais on vous aide à faire la sortie sur trois ans ou deux ans plutôt que de dire: Pendant cinq ans, pas de problème; vous avez cinq ans pour le trouver, mais il faut qu'il vienne à 100 %, dans cinq ans, autrement vous êtes coincés. Alors, on pensait que ça y allait plus facilement comme ça.

Puis là j'essaie de voir comment ça, ce serait bonifié, en essayant de le mettre sur mesure mais sans que ça devienne quelque chose où, à un moment donné, ça ne sera plus gérable parce que ça va vouloir dire un montant trop grand. Vous voyez un peu mon dilemme, là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Legendre.

M. Legendre (Richard): Oui. Ça devient un peu un fonds d'escompte à la commandite, dans le fond, cette idée-là, et c'est difficile de gérer le montant total de ce que ce sera. Parce qu'il y en a qui pourraient s'en prévaloir et il y en a peut-être qui ne s'en prévaudraient pas. Et ça prend encore un commanditaire. Si, par exemple, vous mettiez la barre que, pour pouvoir avoir accès à ce fonds-là qui va permettre un escompte, il faut obtenir 75 % du montant total, de notre côté, via un commanditaire – il faut encore en trouver un à 75 % – possiblement que, comme dans le cas de Léon, à ce moment-là, ce que l'on cherche, c'est de continuer avec la commandite du tabac jusqu'à la limite du cinq ans, en essayant de trouver un commanditaire pour au bout du cinq ans. Et ça peut créer une dynamique assez intéressante, ce cinq ans là, dans le sens que je ne suis pas sûr, moi, que tout le monde va se prévaloir du cinq ans au complet, non plus. Parce que, comme Léon l'a dit, au bout de cinq ans, on sait que c'est fini...

M. Rochon: Tu as intérêt à...

M. Legendre (Richard): ...on ne cherchera pas à la quatrième année. Alors donc, il faut chercher possiblement quasiment dès maintenant.

M. Rochon: Oui.

M. Legendre (Richard): Et ça crée une dynamique assez spéciale aussi avec notre commanditaire actuel.

M. Rochon: Oui, il faut que ça veuille dire ça, parce que là il y a eu une loi en 1988 puis on l'a contournée. La loi fédérale est revenue en 1996-1997. On a entendu encore: Peut-être bien qu'ils ne la passeront pas, ou bien: Ils vont la passer, mais ça va aller devant les tribunaux puis elle ne passera pas encore. Là je suis d'accord avec vous. Il faut qu'on comprenne que là c'est vrai.

M. Legendre (Richard): Moi, je pense que l'intention est bonne. La problématique de tout ça, c'est combien il faut prévoir de sous, et je...

M. Rochon: Oui, ou mettez ça autrement. Nous, on ne peut pas prévoir plus qu'un certain montant, à un moment donné.

M. Legendre (Richard): C'est ça. À ce moment-là, ça devient...

M. Rochon: Alors, il faut qu'on vive avec ça.

M. Legendre (Richard): ...un pot d'argent qui est là, qui est disponible pour faire en sorte que tout le monde soit motivé à changer le plus vite possible, dans la mesure où il trouve quelqu'un qui...

M. Rochon: Oui, oui.

M. Legendre (Richard): ...va au moins faire 75 %, et qui font application, puis, quand il n'y en a plus, il n'y en a plus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Jamet, sur le même sujet. M. Létourneau, on changera.

Mme Jamet (Caroline): Je voulais tout simplement dire que je pense que c'est important que le cinq ans soit ouvert comme ça, parce que, si on dit après deux ans, on se retrouve au même fil d'arrivée en même temps. Puis c'est un problème, ça. Alors, si on a cinq ans, il y en a qui vont peut-être commencer tout de suite, il y en a qui vont peut-être attendre un an. C'est ça aussi qui est important: qu'on ne soit pas tous en même temps. Puis ça a un gros impact quand on négocie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Rochon: Mais il faudra qu'il y ait un paramètre probablement pour dire: Il faut, pour avoir accès au fonds, que l'événement ait trouvé, comme vous dites, M. Legendre, un minimum. Il ne peut pas dire: Moi, j'ai trouvé quelqu'un qui remplace à 10 %, financez-moi 90 % pendant cinq ans.

Mme Jamet (Caroline): Tout à fait. Je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Létourneau (Michel): Non, non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau, une dernière là-dessus.

M. Létourneau (Michel): C'est juste un commentaire. La seule donne à laquelle il faudrait faire attention pour ne pas l'oublier, c'est la donne régionale.

M. Rochon: Ça, je comprends ça. Je pense qu'il faudra faire un travail technique pour avoir des simulations réalistes qui marchent bien. Maintenant, il y a deux questions associées à ça. Une importante qui n'est pas spécifiée comme ça dans le projet de loi mais qui, pour nous autres, était assez claire, c'est que les montants dont on parle qu'il faut remplacer, qu'il faut combler en partie pendant qu'on remplace selon la formule qu'on a convenue, on parle du montant qui existe actuellement. On ne parle pas d'un montant qui sera doublé pendant les deux prochaines années, par exemple, puis qu'on part d'un montant qui est le double de ce qu'il est actuellement. On part d'une situation qu'on veut remplacer, qui est la situation actuelle, au moment où on se parle, en termes de niveau de financement du commanditaire du tabac. Ça, je présume qu'on a tous bien compris ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Létourneau (Michel): Oui. Bien, c'est justement dans le cadre de ma question, M. le ministre: Le 12 000 000 $ vient d'où?

M. Rochon: Non, non, ce n'est pas de ça dont je vous parle. Le 12 000 000 $, ça, c'est notre problème de le trouver.

M. Létourneau (Michel): Non, non, je ne vous dis pas: Il vient d'où, dans quelle poche de qui, là. Ce chiffre-là, pourquoi 12 000 000 $? Pourquoi pas 14 000 000 $? Pourquoi pas 10 000 000 $? Pourquoi pas 9 000 000 $?

M. Rochon: Non, non. Le genre de calcul qui avait été fait, c'est que, sur la base de l'évaluation de ce que représentait la commandite au Québec, on avait une évaluation de l'ordre de 24 000 000 $, 25 000 000 $, à ce moment-là, que ça représentait au total, selon l'étude d'impact qu'on avait faite, et le 12 000 000 $ a été fixé pour être la moitié de ça. La logique, c'est que le fédéral donne l'autre moitié. C'est de même que ça a été raisonné.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Votre deuxième question.

M. Rochon: Donc, on est d'accord que ce dont on parle, le montant de remplacement, c'est le 24 000 000 $, ou le 25 000 000 $, ou le 30 000 000 $. Vous autres, vous avez dit 30 000 000 $ tout à l'heure. Les études se sont raffinées, et nous autres aussi. Une fois qu'on sait ce qui est sur le marché actuellement, c'est ça qu'on remplace. Parce qu'il ne faudrait pas que le tabac puisse décider de tripler la donne au cours des 12 prochains mois et qu'on soit pris avec ça. Ça, on a tous compris ça.

M. Létourneau (Michel): Mais il est par année aussi, M. Rochon.

M. Rochon: Oui, oui, en présumant que ce que vous avez actuellement aurait été maintenu. Oui, oui, il faut remplacer le montant actuel. Bon.

M. Létourneau (Michel): Et récurrent.

M. Rochon: L'autre chose, dans le projet de loi, vous avez vu – et je veux être bien sûr que vous avez lu ça puis qu'on s'entend là-dessus, parce que, pour nous autres, ça a sa valeur aussi, ça – l'article 74, où on parle qu'on peut accorder une subvention. On dit, dans le deuxième paragraphe: «Il fixe, par règlement, les conditions suivant lesquelles cette subvention est accordée. Il peut notamment subordonner celles-ci – la contribution qui est faite – à la diffusion par les demandeurs, dans le cadre de leurs activités, de messages attribués au ministre et portant, entre autres, sur les effets nocifs du tabac sur la santé.» Autrement dit, le nouveau commanditaire, qui est le gouvernement, vous demande aussi, en échange, de transmettre des messages de santé. On remplace l'argent, mais on remplace le message aussi. Je veux être bien sûr que vous avez lu ça et que vous d'accord là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Létourneau.

M. Létourneau (Michel): Ne nous faites pas le coup de Sheila Copps, M. Rochon, s'il vous plaît.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Ce n'est pas nécessairement un drapeau qu'on va vous demander de mettre, là. Ha, ha, ha!

M. Létourneau (Michel): Écoutez, c'est le principe, ce n'est pas une question de couleur.

M. Rochon: Non, non, mais, en fait, on poursuit le même objectif. Si on dit qu'il y a des objectifs, c'est un peu de l'argent de commanditaire que le gouvernement met, il remplace un commanditaire. Est-ce que ce n'est pas normal que ça veuille dire qu'on y ajoute un message aussi, à la place du message du commanditaire, un message de santé?

M. Létourneau (Michel): Écoutez, M. Rochon, on est bons joueurs, je pense que c'est manifeste dans la qualité des échanges qu'on a, mais c'est un peu drôle pareil. Au fond, du Maurier ne dit pas: Fumez du Maurier, elle a bien meilleur goût. Ça fait déjà 30 ans qu'on ne fait plus ça, ou 20 ans qu'on ne fait plus ça. On ne peut pas s'appeler le festival du poumon vert non plus, ou de la trachéo... Non, mais, écoutez, ça, on peut en mettre et on peut bien s'amuser là-dessus.

M. Rochon: Elle fait quoi, du Maurier, pour ce qu'elle vous donne? Elle vous demande quoi? Non, mais, la commandite de du Maurier, pour ce qu'elle vous donne, c'est quoi?

M. Létourneau (Michel): C'est quoi quoi?

M. Rochon: La commandite, vous mettez son nom quelque part.

M. Létourneau (Michel): C'est un positionnement, le nom. Alors, on peut mettre Jean Rochon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Un positionnement en santé.

M. Létourneau (Michel): Ministère de la Santé.

Une voix: C'est déjà fait.

M. Rochon: J'ai parlé d'un positionnement en santé, pas Jean Rochon, quand même.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Maskinongé.

M. Létourneau (Michel): Non, non, mais j'avais néanmoins quelque chose de sérieux, malgré le fait qu'on commence à s'amuser à 17 h 30. C'est que je reçois une contribution financière modeste – mais quand même importante, il n'y a pas de mauvais dollars dans notre type d'événements – de la Société de l'assurance automobile du Québec, et le message est un message sociétal, une publicité sociétale. Ils ne me demandent pas des panneaux de 40 X 60. Ils ne veulent pas signer la scène principale de mon événement en disant: Ne prenez pas un coup, parce que, «by the way», j'ai un autre million avec la bière. Non, non. On s'entend là-dessus. Bon. En tout cas – je parle pour moi, je ne veux pas parler pour mes collègues – on peut être bons joueurs, mais je pense que la raison doit nous guider, là-dedans, dans les messages du ministre.

M. Rochon: Oui, puis quelque chose qui va bien dans le cadre de l'événement ou quelque chose du genre, dans le cadre d'un festival où on peut avoir un message sociétal, un message santé. Un message sociétal, c'est facile de faire un message santé avec ça.

(17 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Létourneau (Michel): On peut se joindre à vos thématiques de publicité dans les journaux, à la télévision, etc.

M. Rochon: O.K. Je sens qu'on va se comprendre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci beaucoup. D'abord, on ne peut pas parler des absents, mais...

M. Létourneau (Michel): Ça, c'est dommage, par exemple.

M. Désilets: Oui, c'est dommage des fois, mais au moins on peut parler un peu de ceux qui sont ici. Je voudrais au moins... Le ministre du Tourisme est ici, David Cliche, et c'est déjà beaucoup parce qu'il peut nous donner un coup de main. Tantôt, je sais que Guy Julien était ici pour la première partie. Il était assis en arrière. Ça fait en sorte qu'il y a un intérêt pour la cause que vous défendez. Je n'ai pas une question précise, mais juste un constat pour vous féliciter du travail que vous avez fait, que vous faites pour le développement dans chacune de nos régions, pour chacun de vos créneaux. Vous développez, vous avez à coeur, vous tenez le flambeau à bout de bras, autant pour le tenir en vie financièrement, et avec vos bénévoles, tout ça... En tout cas, moi, c'est dans ce sens-là que je veux dire qu'on est conscients de l'ouvrage qu'on vous demande. En plus, vous adhérez au principe, mais, comme n'importe qui qui a à tenir à bout de bras un événement, que ce soit le tabac, que ce soit autre chose, on prend l'argent et il faut s'organiser.

Pour avoir organisé une couple de petits événements chez nous, dans le territoire, des fois dans une école – il ne faut pas de ci, il ne faut pas de ça, il ne faut pas McDo, parce qu'on incite... en tout cas – trouver des commandites à droite et à gauche, ce n'est pas facile, puis vous réussissez à le faire d'une façon correcte jusqu'à présent. C'est pour vous dire qu'il y a quand même une grande ouverture de faite jusqu'à présent de votre part. Vous êtes arrivés avec une ouverture d'esprit. Là, ce que je comprends, on s'en va sur cinq ans. On s'en va sur la possibilité peut-être de travailler sur la fiscalité et travailler en concertation avec une équipe, avec le ministère pour essayer de trouver des pistes.

C'est pour vous dire, au bout de la ligne, merci de développer comme vous développez présentement, et il y en a plusieurs qui ont le même discours que moi, comme député.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, ceci était un commentaire d'appréciation.

M. Désilets: Un commentaire, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin, ce sera votre dernière intervention.

M. Marsan: Oui. D'abord, vous remercier bien sincèrement de l'excellente présentation et de la qualité des échanges que nous avons eus cet après-midi. Ça nous a permis de mieux comprendre la dynamique de votre industrie. Je pense aussi qu'il y a eu des commentaires extrêmement intéressants pour votre regroupement. Le cinq ans, en tout cas, je pense que le ministre en a parlé. Le fonds de substitution et le fonds de transition, je pense qu'il y a des choses intéressantes. Nous, notre formation politique, on va vraiment s'assurer que ça puisse être clair rapidement. Vous êtes tous des gestionnaires en plus de toutes les autres qualités que vous avez et c'est important de savoir, dans votre colonne de revenus, comment ça va fonctionner. Nous, on va vraiment demander au gouvernement, lorsqu'on étudiera le projet article par article, comment ça va fonctionner, et que ça puisse vous permettre de faire une meilleure gestion.

Ça allait bien jusque-là, jusqu'à temps que le ministre nous dise: Bon, on va faire de la publicité. On va passer des messages. Là, ça pourrait se compliquer. On va espérer que ça va demeurer à l'intérieur de la santé publique. Je pense qu'on va peut-être trouver des terrains d'entente.

En terminant, finalement, j'avais une petite crainte, mais on en a discuté suffisamment, je pense. C'était l'harmonisation avec le fédéral. Si elle ne se fait pas, qu'est-ce qui va arriver? Je pense qu'on pourra continuer la discussion sur d'autres tribunes aussi.

Alors, encore une fois, un gros merci pour la qualité de votre présentation et ce que vous faites également.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, pour votre conclusion.

M. Rochon: Ça va être tout simple. Je veux essentiellement vous remercier beaucoup. Je me rappelle que, quand ces discussions-là ont commencé il y a deux ans, même encore il y a un an, c'était très difficile de s'entendre sur les objectifs et d'avoir une façon ordonnée de progresser de ce côté-là. Je pense que vous vous êtes comportés de façon très, très, très responsable. De notre côté, on a essayé, sincèrement, d'être très fermes sur l'objectif, mais de trouver toute la souplesse qu'on peut, utilisant et respectant l'objectif dans la façon de l'atteindre. Je suis content de voir qu'on est, je pense, sur une même piste, autour de la même scène – pour prendre l'exemple et du sport et de la culture – pour monter le spectacle.

Alors, dans les prochains jours, parce que je pense que c'est important qu'on cristallise ces choses-là rapidement... Il y a un momentum actuellement et on s'entend tous qu'il ne faut pas le perdre. Ce serait important – je l'ai dit une couple de fois – qu'on mette ce qu'il faut dans la loi pour qu'on ait la base qu'on sent suffisante de part et d'autre pour se faire confiance, pour attacher les détails et se garder de la souplesse pour l'attacher. Et j'apprécierais – je ne sais pas si, avant de partir, vous pourriez nous identifier rapidement quelqu'un qui pourrait être le point de contact, si on veut, sur le plan technique, au cours des prochains jours – aller un petit peu plus loin dans les scénarios pour être bien sûrs qu'on comprend les mêmes affaires et qu'on mette dans la loi ce qu'il faut qui donne l'ouverture qu'on cherche pour mettre au point les bonnes formules, mais en s'assurant qu'on ne risque pas un dérapage qui fasse qu'on n'est plus capables de rencontrer nos engagements, d'une part, ou que ça fasse un glissement qui va contre l'objectif du projet. C'est important et on ne peut pas jouer avec ça. Mais, sur les façons de l'atteindre, dans les mêmes cadres, ça, on va prendre toute la souplesse qu'il faut là-dedans. Alors, on va s'identifier nos gens de part et d'autre...

M. Létourneau (Michel): C'est-à-dire que le problème que vous nous donnez, c'est une lourde responsabilité. En fait, il faudrait être un peu légitimés. Et je peux bien dire, moi, pour la fiscalité, ça va me tenter de travailler sur un comité... Évidemment, étant entendu que...

M. Rochon: Comprenons-nous bien là-dessus. La fiscalité, moi, je m'en réfère à mon collègue ministre des Finances. Ça «pourra-tu» être dans ce projet de loi là ou pas? Ça, je ne le sais pas. Mais là je comprends que vous nous dites quelque chose d'important, que et vous autres et l'État, il y a peut-être moyen... D'ailleurs, vous savez qu'à Québec on avait fait une étude d'impact sur la fiscalité des grands événements. Bien, il y a déjà une voie qui est ouverte de ce côté-là pour montrer que le gouvernement peut être un peu un partenaire en faisant certaines ouvertures parce que ça rapporte d'autre chose de toute façon. C'est un peu une relation d'affaires plus que juste de demandes de subvention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, est-ce que je peux vous suggérer simplement... Parce que je déteste les formules où on est tous à la table et dire: Moi, je m'invite. Est-ce que je peux vous suggérer que vous preniez quelques minutes tout de suite après et que vous fassiez connaître au ministre la personne qui pourrait être le lien?

M. Rochon: O.K. Bon, alors, sur cette base-là, merci beaucoup, puis je pense qu'on peut être assez confiants qu'on va arriver à nos fins.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça peut être deux, soit dit en passant. Vous n'êtes pas obligé de vous limiter à un.

M. Létourneau (Michel): C'est préférable. Même trois, c'est un triangle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais pas neuf.

Alors, au nom de la commission, merci beaucoup. Ça a été très intéressant. Je suspends les travaux jusqu'à 19 heures, ce soir, et non 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 37)

(Reprise à 19 h 11)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux, et je vous fais remarquer que nous avons trois groupes à recevoir. Nous allons essayer de garder le même rythme, c'est-à-dire être pratiques et efficaces.

Nous commençons en recevant la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. J'aimerais quand même, avant de vous laisser la parole, rappeler le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac. Alors, M. Gauvin, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter la présentation de votre mémoire.


Coalition québécoise pour le contrôle du tabac

M. Gauvin (Louis): Merci, M. le Président. Alors, je vous présente, à ma droite, Mme Heidi Rathjen, qui est directrice de campagne à la Coalition, et Me Robert Cunningham, qui est avocat et expert des questions juridiques sur le tabac.

M. le Président, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir conviés à présenter notre point de vue sur ce projet de loi. Nous tenons tout d'abord à féliciter le ministre de la Santé pour la détermination dont il a fait preuve à garder le cap sur cette question aussi sensible et controversée, et nous lui signifions notre appui à ce projet de loi. Au cours de nos présentations, mes collègues et moi vous ferons part d'améliorations que nous souhaiterions voir apporter au projet de loi, mais cela n'affecte en rien l'endossement non équivoque que nous apportons.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, quelques brefs mots sur la Coalition que nous dirigeons. La Coalition a été lancée il y a tout juste deux ans par huit groupes qui d'ailleurs sont venus présenter ou présenteront devant vous. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec plus de 670 organismes, ce qui en fait probablement, et même sûrement, avons-nous appris, la seconde en importance au monde. Ce nombre croît de semaine en semaine, et on parle ici de représentants de milieux municipaux, d'éducation, de milieux de jeunes, de groupes écologiques et communautaires et évidemment des milieux de santé, comme les hôpitaux, les CLSC et des regroupements de professionnels de la santé. Le Collège des médecins est au nombre de la Coalition, l'Institut de cardiologie de Montréal, des associations de médecins spécialistes ainsi que la plupart des groupes de santé qui sont venus témoigner devant vous. D'autres membres ont aussi adhéré à notre Coalition parce qu'ils se sentent concernés à titre personnel par le problème du tabagisme, soit en qualité de parents, d'éducateurs ou de jeunes. Qu'on pense à des groupes scouts, des associations d'étudiants de cégeps, d'universités, des maisons de jeunes et des écoles primaires et secondaires ainsi que des comités de parents.

Une dernière précision concernant notre membership; elle est importante. Pour chacune des 670 organisations membres, nous détenons une résolution officielle proposée, appuyée en bonne et due forme par le conseil d'administration de l'organisme ou, dans le cas de municipalités, par le conseil de ville.

Maintenant, M. le Président, et avec votre permission, plutôt que de faire une lecture fidèle de notre mémoire, qu'on vous a déposé, je propose aux membres de la commission de m'accompagner dans chacune des annexes, qui est en fait un onglet d'une page en général; les commentaires que je ferai résumeront l'essentiel de notre point de vue. Et, juste avant de tourner le premier onglet, une précision sur l'étendue de la question que nous allons couvrir. Des organismes et des groupes de santé qui nous ont précédés ont très bien couvert les mesures qui concernent l'usage du tabac dans les lieux publics ou l'accès du tabac chez les jeunes. Ils ont également cité des données fiables sur la consommation de tabac et sur ses effets sur la santé, de telle sorte que nous n'aborderons pas ces questions et nous ne reprendrons pas leurs données. Nous traiterons de deux aspects: l'interdiction de la commandite, à cause de son influence auprès des jeunes, et nous répondrons spécifiquement à un point en particulier qui a été abordé cet après-midi, sur le délai demandé; le second, c'est le contrôle de la composition et de la fabrication des cigarettes.

Il a été dit ici que l'industrie doit chercher à rendre la cigarette acceptable et attrayante chez les jeunes, parce qu'elle n'a pas le choix de recruter de nouveaux fumeurs, et c'est vrai. Elle doit remplacer les fumeurs adultes qui cessent de fumer ou ceux qui décèdent d'une maladie liée au tabagisme. C'est pourquoi la commandite d'événements culturels et sportifs et prestigieux tient une place si importante dans les moyens de publiciser le tabac.

Si vous voulez tourner l'onglet 1. On voit ici une photo de Jacques Villeneuve au dernier Grand Prix de la saison 1997, alors qu'il était sacré champion du monde des coureurs de formule 1. Il est difficile de croire que Rothmans a dépensé en commandite des dizaines de millions de dollars juste pour tenter de convaincre un fumeur de Player's de 45 ans de changer de marque. En restant au même onglet, tournons la page. On voit une publicité qui est parue dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec le vendredi 15 mai. Donc, c'est récent, il y a à peine deux semaines. Aujourd'hui, Jacques Villeneuve court pour Winfield. On commence tout juste à retrouver cette marque chez nous. On ne la voyait pas avant. À votre avis, qui seront les premiers consommateurs à en faire usage, à l'essayer, pour faire comme Jacques Villeneuve? Des jeunes, sans aucun doute. Ce n'est pas un fumeur adulte qui fume sa marque depuis 20 ans qui va changer.

Onglet 2. Voyez le véhicule aux marques et aux couleurs de Rothmans dans lequel courait Jacques Villeneuve l'année dernière. L'industrie sait parfaitement qui peut être séduit par un tel bolide, si ce n'est un jeune qui valorise le courage, qui adore le risque et qui tente aussi de prendre sa place dans la société, qui défie des interdits.

Onglet suivant. En parlant de formule 1, je vous assure que l'industrie ne lésine pas sur les moyens, comme l'indique cette page de publicité parue dans la revue Tobacco Reporter , de 1994, qui est une revue produite par l'industrie du tabac. L'annonce décrit le placement de commandites de formule 1 comme étant... Et le premier paragraphe sous le véhicule dit: «L'espace publicitaire le plus puissant au monde. Le nom d'une marque de cigarette rejoint 18 000 000 000 de téléspectateurs dans 102 pays à travers le monde.» Et on vous fait des conditions, s'il vous plaît. Pour 50 000 $, vous pouvez apposer votre nom quelque part sur le véhicule pour une course. Pour 40 000 000 $, vous pouvez probablement faire comme Malboro et l'inscrire pour toute la saison quelque part en lettres très visibles. Mais, en plus, BAT Industries, la grande multinationale britannique à qui appartient, ici, Imasco et Imperial Tobacco, s'est même payée le luxe d'acheter une écurie pour elle toute seule, Tyrrell, pour 500 000 000 $US. Alors, les investissements de cet ordre n'ont rien de philanthropique et n'ont rien pour faire changer un fumeur de marque. C'est pour gagner de nouveaux fumeurs chez les jeunes. Québec, Montréal et bien d'autres villes au Québec seront, cet été, le théâtre de nombreux autres événements que la formule 1, commandités par l'industrie du tabac, événements aussi très appréciés. La présence des couleurs et des marques de cigarette devient alors tellement envahissante qu'on peut avoir l'impression de vivre à l'intérieur même d'un paquet géant de cigarettes. Je vous en donne quelques exemples.

Onglet 4. Omnium du Maurier, dans le stade du Maurier, aux couleurs du Maurier.

Onglet 5. Les arts du Maurier, qui présentent les événements du Maurier, sur la scène du Maurier du Festival de jazz de Montréal. Et la ville entière est pavoisée d'affiches du Maurier.

Onglet suivant. L'arche Craven A du Festival Juste pour Rire. Même la mascotte, vous vous en souviendrez peut-être, qui était verte, a changé de couleur. Elle a la couleur Craven A.

Onglet 7. L'International Benson & Hedges, les feux d'artifice, toujours aux couleurs du paquet de cigarettes.

(19 h 20)

Comment un jeune, à votre avis, peut-il demeurer insensible à l'attrait évident de cette publicité pernicieuse? La réponse nous est donnée dans un article, à l'onglet suivant, de Protégez-vous de mai 1997 où l'on peut lire: «On peut comprendre la volonté des autorités canadiennes et américaines de limiter, par exemple, la publicité aux enfants quand on apprend, dans une étude publiée en septembre dernier dans le American Journal of Public Health , que plus un jeune est exposé à de la publicité sur le tabac, plus il risque de fumer.» C'est l'information qui suit qui est intéressante. «Les chercheurs de l'université ont découvert que cette exposition joue un rôle plus important que le fait d'avoir des parents, un frère ou une soeur qui fument», contrairement à ce qu'ont prétendu hier les fabricants de l'industrie du tabac.

Ces résultats confirment les résultats d'une autre étude. Claude Cossette, très bien connu, à l'onglet suivant, écrivait un article dans le Fil des événements , le bulletin d'information de l'Université Laval, l'an dernier, dans lequel il dit, en encadré, au centre de la page: «La commandite, c'est de la publicité qui influence les jeunes. Le lobby pro-tabac fait de la désinformation.» Et, à l'onglet suivant, il poursuit: «Au primaire, on a lavé le cerveau des jeunes. On leur a dit que la cigarette, c'était mauvais. Mais, quand ils vont dans des événements sportifs qui sont intéressants, le tabac, qui était un produit mal vu, finit par acquérir des qualités positives.»

Un chercheur des Hautes Études commerciales – juste dans l'encadré à droite – M. Normand Turgeon, a fait une étude, une enquête en 1990 auprès de 150 entreprises commanditant des événements sportifs et culturels. Il leur a demandé quels objectifs visait leur commandite, et, parmi les principaux buts recherchés, on trouve: augmenter les ventes. Cela est vrai surtout, a constaté le professeur Turgeon, pour les commandites d'événements sportifs, dans le cas d'entreprises des secteurs de l'alimentation, des alcools, du commerce et du tabac. Alors, le journaliste lui demande: «Du tabac?» «Mais, M. Turgeon, ce n'est pas ce que les fabricants de tabac nous disent.» Alors, M. Turgeon lui dit: «Oui, c'est vrai. Ces résultats sont effectivement en contradiction avec ce que disent les fabricants de tabac.» Le journaliste lui demande: «Comment expliquez-vous ça?» M. Turgeon répond: «C'est parce que les fabricants de tabac ne vous révèlent pas la vérité.»

En conclusion à cette première partie, nous vous demandons de maintenir l'interdit sur toute activité de commandite. Cet après-midi, les événements commandités ont demandé un délai de cinq ans. Avec les quelques illustrations couleur que nous venons de vous montrer, qui montrent comment une ville est présentement en été, Montréal, Québec ou ailleurs, où on a l'impression de vivre dans un paquet de cigarettes géant, qu'est-ce que vous pensez que ça aura l'air dans cinq ans? Et, si les événements aujourd'hui ont de la difficulté à résister à la commandite, qu'est-ce que ce sera dans cinq ans? Ils viendront vous revoir dans cinq ans, et ce ne sera plus 25 événements commandités qui viendront demander d'autres délais, ça va être 175 ou 250 événements qui seront à la porte, dehors, à le demander. Nous vous demandons de maintenir fermement les délais les plus courts possible. Le ministre Landry a annoncé une aide financière, ce qui nous convient parfaitement.

Le deuxième point sur lequel nous désirons insister, c'est – et le retrouve, ce point, dans la loi fédérale – sur les comptes que l'industrie du tabac devra rendre dorénavant au gouvernement sur la composition de ses produits, sur ses procédés de fabrication, ce qu'elle a réussi à bloquer jusqu'à maintenant. C'est important à nos yeux, parce que, depuis plusieurs décennies maintenant, les gouvernements sont convaincus que les citoyens ont le droit de savoir ce qu'ils mangent, ce qu'ils boivent et ce qu'ils respirent, sauf les fabricants de cigarettes. Avec l'aide d'une armée d'avocats et de lobbyistes, quand ce n'est pas par des menaces, ils sont toujours parvenus à faire exempter leurs produits de ces normes de fabrication maintenant répandues et à tenir secrets leur processus et leurs recettes de fabrication, et ils sont les seuls dans ce cas. Le projet de loi actuellement à l'étude permettra de corriger cette lacune, et ainsi pourrons-nous souhaiter que, dans un avenir pas trop lointain, nous saurons vraiment tout ce qui entre dans l'organisme d'un fumeur et que, grâce à ce projet de loi, le gouvernement aura le pouvoir de contraindre les fabricants à réduire ou à retirer totalement les toxiques contenus dans le tabac.

Dans la revue Colors , de Benetton, si vous regardez la page suivante, ils ont illustré à leur façon certains produits toxiques que l'on retrouve dans le tabac. Il y a de la laque, un vernis à bois, de la naphtaline dans les boules à mites, du phosphore, du cadmium, qu'on retrouve dans les batteries, de l'arsenic. À la page suivante, on voit aussi de la térébenthine, de la formaldéhyde. Ce sont des produits qu'on retrouve actuellement dans le tabac. Ce ne sont certainement pas des produits qu'on accepterait d'ingérer, certainement pas. Quant à la nicotine, son niveau, par le projet de loi, pourra être progressivement réduit afin d'offrir des cigarettes qui créent de moins en moins de dépendance, de façon à ce qu'il soit plus difficile d'accrocher les jeunes mais aussi plus facile, pour les fumeurs qui le désirent, de s'en défaire. Mais, actuellement, c'est exactement le contraire qui se passe: le taux de nicotine ne baisse pas, il augmente. Santé Canada, à l'onglet 13, a fait réaliser une étude par un laboratoire spécialisé qui arrive à la conclusion que la quantité de nicotine présente dans la partie primaire de la feuille utilisée dans la fabrication de cigarettes a augmenté de 53 % entre 1965 et 1995, et ça accroît d'autant le pouvoir d'asservissement de la nicotine.

Les documents confidentiels de l'industrie, qui ont été déposés en procès, ont montré aussi des pratiques commerciales, par exemple la manipulation des taux de nicotine par l'utilisation de plans génétiques ou l'utilisation de l'ammoniaque pour augmenter le pouvoir dispersant de la nicotine dans l'organisme du fumeur. Quand l'industrie dit que l'ammoniaque a été utilisé pour des questions de goût... L'ammoniaque, on retrouve ça dans les produits de nettoyage. Moi, quand je sens ça, je vous avoue que ça ne me donne pas le goût du tout d'essayer de mettre de l'ammoniaque dans mes plats de cuisine. Je ne sais pas, eux, comment ils voient que ça peut améliorer le goût d'un produit, mais ce n'est manifestement pas le cas. L'industrie du tabac aurait également tenté de rendre le tabac plus acceptable auprès des autorités et de la population plutôt que de faire des recherches pour produire des cigarettes moins dangereuses, selon des directives qui ont été rendues accessibles au public, récemment. Alors, en terminant, M. le Président... Et c'est cette même industrie qui est venue devant vous hier proposer la création d'un comité gouvernement–industrie, soi-disant pour en arriver à un consensus raisonnable. C'est comme si les industries polluantes proposaient au gouvernement de l'aider dans la rédaction de règlements environnementaux.

Pour tous les motifs que nous venons d'exposer, nous sommes d'avis que les articles qui concernent le contrôle gouvernemental de la composition et de la fabrication des cigarettes, ainsi que l'information que l'industrie devra divulguer sur ces produits, constituent sans aucun doute l'une des dispositions majeures de ce projet de loi, en termes de protection de la santé publique, et ils doivent être maintenus à tout prix.

En terminant, nous sommes convaincus que le gouvernement va dans le bons sens en décidant de surveiller étroitement cette industrie. Par son comportement passé et présent, elle représente à nos yeux le type même du citoyen corporatif irresponsable dont la seule préoccupation est le profit, sans aucun égard pour la santé de la population. Peut-être qu'un jour, comme à l'onglet 23, pourrons-nous voir d'autres enfants, comme Gabriel qui a huit ans, dire à une cigarette, comme Lucky Luke: Ne fume pas, sinon je te transforme en passoire! Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. Gauvin, pour votre présentation. J'inviterais maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci beaucoup. Je pense que vous vouliez peut-être continuer?

M. Gauvin (Louis): S'il vous plaît. C'est possible?

M. Rochon: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ah! Je m'excuse, oui, oui.

Mme Rathjen (Heidi): Il y a deux autres parties à la présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse. Alors, allez-y, madame.

M. Rochon: Bon, bon. Il me semblait qu'il y avait des bouts qu'on n'avait pas vus, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je pensais que la façon dont M. Gauvin... Moi, je pensais que vous aviez terminé. Allez-y.

Mme Rathjen (Heidi): M. le ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, bonsoir. Cette partie de la présentation touchera essentiellement les amendements que nous vous proposons. Vous trouverez, dans notre mémoire, à la deuxième partie, à la page 10, une liste de 28 amendements qui sont divisés en trois parties.

Le premier bloc contient des amendements qui ont uniquement comme but de protéger les mesures du projet de loi ainsi que des mesures qui existent déjà.

Le deuxième bloc comprend essentiellement des amendements de fond. Il y en a beaucoup. Il y en a parmi eux qui sont plus importants que d'autres pour nous, et nous les avons mis au début sous la rubrique Prioritaires.

Enfin, le troisième et dernier bloc touche des amendements qui visent à appuyer l'application du projet de loi.

J'aimerais souligner que, contrairement à beaucoup d'autres groupes qui sont venus devant vous avant nous, les demandes que nous vous adressons ne devraient pas être perçues comme des plaintes. Nous ne cherchons pas à enrayer une ou plusieurs mesures clés contenues dans le projet de loi, et les propositions que nous faisons ne sont pas conditionnelles pour maintenir notre appui au projet de loi. Ces demandes d'amendements ont le seul et unique but de renforcer les mesures proposées d'une manière qui respecte, selon nous, l'intention du législateur et l'esprit de la loi.

(19 h 30)

Je ne vais pas parler en détail de chaque amendement. La liste complète contient des explications, et nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions. Mais, cependant, j'aimerais prendre le temps d'en souligner quelques-uns que nous trouvons les plus importants.

D'abord, je vais commencer avec le bloc 1. L'industrie du tabac ne cessera jamais de bloquer, d'essayer de retarder, d'affaiblir et de miner l'application des mesures efficaces pour réduire le tabagisme. C'est sa nature même. Pour survivre et pour prospérer, elle doit protéger ses profits et augmenter son volume de ventes. Le fait qu'elle s'oppose aussi vigoureusement à ce projet de loi est une preuve de plus que la loi sera vraiment efficace. L'industrie est là depuis des décennies, et, malgré ce qu'elle vous a dit hier, elle n'a aucune intention de partir et elle continuera d'utiliser tous les moyens et les ressources à sa disposition pour défendre ses intérêts. Mais, nous, nous ne savons pas où nous allons être dans 10 ans. Nous ne savons pas quel sera le prochain gouvernement, qui sera le ministre de la Santé et quelles seront leurs priorités et nous osons croire que le ministre et les membres de la commission souhaitent que la loi puisse résister aux pressions futures de l'industrie du tabac.

Ce serait donc déplorable qu'elle soit un jour diluée ou dissolue à cause de lacunes qui pourraient être réparées maintenant, d'où l'amendement 1, le plus important pour nous. Nous demandons à la commission d'ajouter au projet de loi une date limite de mise en vigueur et nous proposons qu'elle soit fixée à six mois après l'adoption de la loi. C'est-à-dire une période de transition pour une certaine mesure, par exemple, de deux ans débutera au plus tard six mois après l'adoption de la loi. Alors, nous trouvons ça assez raisonnable.

Maintenant, l'amendement 2. Nous demandons que soit maintenu le pouvoir dont disposent actuellement les municipalités pour limiter l'usage du tabac sur leur territoire. C'est un pouvoir acquis qui, jusqu'à ce que les restaurateurs aient témoigné avant hier, a été pratiquement incontesté. Une municipalité qui désire dépasser les normes minimum de la province devrait pouvoir le faire, et il est important de noter que, historiquement, l'industrie du tabac appuie ce type de pouvoir uniforme et restrictif. Aux États-Unis, c'est pratique courante pour l'industrie d'appuyer des lois d'État qui limitent le pouvoir à l'État et enlèvent le pouvoir local. Alors, il faut s'assurer que les municipalités puissent maintenir ce pouvoir-là.

Le troisième amendement le plus important concerne à éliminer et resserrer l'article 12 concernant les exemptions ou restrictions à l'usage du tabac. On comprend qu'il puisse y avoir des exemptions, mais qu'on les adresse spécifiquement et qu'on n'ouvre pas la porte à la possibilité d'exempter tous les milieux visés dans l'article 2.

Pour les autres, je vais juste les nommer un à un, je pense que le temps passe vite: l'amendement 4 au sujet d'étendre les restrictions pour la protection contre la fumée de tabac aux autres milieux où il y a beaucoup de jeunes; l'amendement 5 qui étend les commandites santé qui sont proposées dans le projet de loi aux autres groupes qui n'ont jamais reçu la commandite de tabac, éventuellement au moins; l'amendement 6 qui définit plus précisément le fardeau de la preuve en ce qui concerne la vente illégale aux mineurs, c'est-à-dire que ça soit clair qu'il faut demander une carte d'identité. Utiliser ça comme... C'est la seule défense pour avoir vendu du tabac à un mineur.

L'amendement 7. Comme beaucoup d'autres groupes l'ont demandé, cinq ans, c'est suffisant pour les restaurants de se conformer aux restrictions concernant les cloisons.

L'amendement 10, un peu plus loin. S'il est interdit de fumer dans une section de restaurant, pourquoi ne pas interdire les cendriers? Un restaurateur qui ne serait pas d'accord avec les principes du projet de loi pourrait, en toute légalité, mettre des cendriers dans les endroits où il serait interdit de fumer.

L'amendement 16. Vous avez reçu, je crois, avec le mémoire un exemple de publicité d'un produit non tabac qui n'est pas vendu au Québec, et nous voulons être certains que ce type de publicité sera couvert dans la loi. Alors, ce n'est pas clair, il y a un peu de confusion, ce qui est expliqué dans le mémoire, puis on aimerait faire en sorte que l'industrie du tabac ne pourra pas argumenter qu'elle aurait le droit de faire ce type de publicité au Québec.

L'amendement 17. On trouve qu'il serait utile de pouvoir étendre les types de message qui pourraient apparaître sur les emballages. Par exemple, si on pense que la plupart des fumeurs veulent arrêter, je ne pense pas qu'il y aurait une meilleure façon de rejoindre ces fumeurs-là et de communiquer de l'information sur les programmes d'aide et de cessation que sur les paquets de cigarettes.

Et, enfin, le dernier, l'amendement 26. La loi inclut une clause grand-père et une période de transition pour les contrats des événements commandités, mais il ne semble pas y avoir de limite sur le montant que l'industrie du tabac peut dépenser avec ces commandites pendant la période de transition. Alors, afin d'éviter l'augmentation de la promotion et aussi de la dépendance financière des événements, nous vous demandons tout simplement d'imposer un plafond sur les dépenses en commandite de l'industrie à ce qu'elles étaient dans l'année 1997. Et voilà les amendements principaux.

M. Cunningham (Robert): D'une manière très brève, M. le Président, j'aimerais essayer de répondre à nombre d'arguments qu'on a entendus pendant les derniers jours. On a entendu les fabricants nier qu'ils ont ciblé les jeunes. C'est une déclaration qui a été rejetée par la Cour suprême du Canada. De plus, on a fait circuler un chapitre du livre La guerre du tabac qui cite plusieurs autres documents qui indiquent clairement qu'ils ont ciblé les jeunes. De plus, on a le témoignage de Donald Brown, sous serment, devant la Cour supérieure du Québec où il avoue que la compagnie Imperial Tobacco a ciblé les jeunes... commencé à l'âge de 15 ans.

On a entendu que les mesures pour contrôler la publicité et la promotion ne seront pas efficaces. Au nom de la Coalition, M. Gauvin a déjà déposé au secrétaire de la commission des douzaines et des douzaines d'études qui viennent de parmi le monde pour votre considération pendant l'étude de ce projet de loi.

On a entendu que, dans le projet de loi, le contrôle du marketing se trouve comme une violation de la Charte canadienne et de la Charte québécoise... liberté d'expression. Je ne suis pas d'accord, le projet de loi suit les recommandations d'une majorité de la Cour suprême du Canada. Particulièrement au sujet de l'interdiction totale sur les commandites, la Cour suprême du Canada disait que secteur publicité style de vie, on pourrait l'interdire parce que ça augmentait la consommation. Et, la publicité style de vie pure, on n'a pas d'information sur le produit.

Au sujet des lois fédérale et provinciale, il n'y a pas de conflit. La loi la plus sévère s'applique, et il n'y a pas de conflit entre les deux lois, les deux niveaux de gouvernement.

On a entendu que l'article 27 du projet de loi était une infraction à l'ALENA. Ce n'est pas correct, des provisions semblables dans les lois fédérales n'ont pas créé d'implications avec l'ALENA pendant la dernière année.

On a entendu qu'on pourrait avoir une réglementation sur la qualité de l'air comme alternative à des chambres indépendantes et ventilées; les experts scientifiques des organisations ont dit: Non, ce n'est pas acceptable comme alternative, du point de vue de la santé.

Et, dernièrement, au point de vue de la commandite, juste pour réitérer les commentaires de M. Gauvin, on voit que, déjà, avec la période de transition dans le projet de loi, c'est généreux, c'est déjà un compromis. Et on voit que, en Belgique, c'était moins que deux ans; en France, moins que deux ans; aux États-Unis, c'était deux ans; en Australie, moins que deux ans. Donc, pour allonger jusqu'à cinq ans, ça va avoir un délai sur les... réussir des objectifs de santé. On va avoir plus de cas de cancer, plus de jeunes vont fumer, et on ne devrait pas allonger ça. Merci.

(19 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie beaucoup. On peut commencer l'échange? Oui? Alors, j'invite M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Je veux d'abord vous remercier pour tout le travail que vous avez investi au cours des dernières années dans votre mission de santé publique sur le terrain et aussi dans la préparation de ce que vous nous soumettez ce soir. Moi, à ce stade-ci, je vais laisser la chance aux collègues de vous poser aussi un certain nombre de questions dans le peu de temps qu'il nous reste.

Il y a une chose que j'aimerais préciser un peu avec vous pour connaître mieux ce qui vous apparaît raisonnable. On comprend bien la suggestion que vous nous faites – quelques autres groupes l'ont faite aussi – à l'effet que, à la fin de la loi, l'article 79 qui dit – et c'est votre principale recommandation – qu'on devrait préciser la date d'entrée en vigueur... On a vérifié un peu après avoir eu cette suggestion-là une première fois, et, six mois, semble-t-il, est un peu court si on considère tout ce qui peut et doit être fait pour s'assurer que la mise en application a un bon suivi.

Pour les fins que vous poursuivez ou de l'argumentaire que vous avez à cet effet, pensez-vous qu'on rejoint les mêmes objectifs si on joue un peu plus sécure, dans un sens, en parlant peut-être de 12 mois au lieu de six mois, quitte à préciser que des articles spécifiques pourront – ou des sections de la loi – entrer en vigueur plus rapidement, dans la mesure où on sera prêt à les mettre, mais que, au maximum six mois après, tout y serait? Est-ce qu'on rencontre à peu près le même objectif en se donnant un peu plus de temps, mais un peu plus de souplesse d'agir aussi à l'intérieur de cette période-là?

M. Gauvin (Louis): En termes de dispositions concrètes, c'est la date d'entrée en vigueur de la loi qui met en route ensuite et qui enclenche ensuite toutes les autres dates pour les milieux de travail, pour les restaurants, pour la commandite, et tout. Si vous nous demandez: Est-ce que six mois, c'est ferme? Ce qui est ferme pour nous, c'est qu'il y ait une date de fixée. Si vous avez jugé que, dans une année, c'est un délai raisonnable pour arriver à ce que le loi puisse être mise en application, alors que dans un an la date soit fixée. C'est pour nous ce qui est vraiment très important.

M. Rochon: Merci. Peut-être une autre question, M. le Président. Quand vous nous proposez de maintenir aux pouvoirs municipaux les attributions et les pouvoirs qu'ils ont déjà en vertu de la loi qui existe, la capacité, donc, d'aller plus loin et de réglementer sur le territoire de la municipalité et possiblement même pour des endroits non fermés, par exemple, est-ce que vous nous proposez ça sur la base d'un certain nombre de contacts avec des gens du monde municipal qui souhaitent... On a eu quelques municipalités qui ont communiqué avec nous pour faire la même demande, alors on va devoir consulter un peu, probablement, les municipalités pour connaître leurs réactions à cette proposition. Mais, si, déjà, vous nous dites que vous avez eu un certain nombre de contacts, ça faciliterait notre consultation et la compréhension de jusqu'où va la volonté des municipalités à cet égard.

M. Gauvin (Louis): Je vais demander à ma collègue de répondre à cette question.

Mme Rathjen (Heidi): Il faut dire qu'on n'a pas eu beaucoup le temps de consulter nos municipalités membres, mais je sais que, à la ville de Montréal, ils en parlaient et que, à Hull, les gens de la santé publique qui ont travaillé longtemps sur une loi locale qui va plus loin que la loi qui est proposée, ils s'inquiètent aussi beaucoup du recul du progrès qu'ils ont fait. Mais, plus que ça, on était, je pense, à Québec la plupart du temps depuis le dépôt du projet de loi.

M. Rochon: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il faut dire que vous avez assisté à presque toutes les séances.

Mme Rathjen (Heidi): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Et merci à vous, M. Gauvin, Mme Rathjen et Me Cunningham. Je pense que c'est une présentation extrêmement documentée, préparée avec beaucoup de soin et de temps, sûrement. Je voudrais faire référence à la déclaration du premier ministre hier. Et, ce matin, en Chambre, je l'ai questionné là-dessus, et il nous disait que le projet de loi n° 444 pourrait subir un délai. J'aimerais ça vous entendre commenter, s'il vous plaît.

M. Gauvin (Louis): Nous ne remettons pas en doute la détermination du premier ministre à l'égard de ce projet de loi. Cependant, au moment où le gouvernement en est présentement dans son mandat, on peut s'attendre à ce qu'il y ait un échéancier électoral qui soit déposé dans les mois qui vont venir sans qu'il y ait d'autres précisions. Notre crainte, c'est que le projet de loi meure au feuilleton et qu'on se retrouve, après une campagne électorale où un parti, quel qu'il soit, prend le pouvoir, dans l'obligation de reprendre le travail. Non pas que le travail qui a été fait au ministère de la Santé serait mis de côté, mais l'industrie, vous la connaissez un peu maintenant pour l'avoir rencontrée, est extrêmement vigilante et mettra certainement tous les bâtons dans les roues qu'on lui connaît pour faire en sorte de gagner d'autres délais.

Je me souviens de la première fois que le ministre de la Santé a pris la parole à Radio-Québec, en janvier 1995, où il annonçait déjà son intention qu'il y ait un projet de loi. Nous en sommes maintenant quelques années plus tard, et, s'il fallait que cette remarque du premier ministre se matérialise, pour le moment, je vous avoue qu'on ne voit pas quand le projet de loi pourrait être adopté.

M. Marsan: Je vous remercie de votre réponse. Ma deuxième question: Vous savez que ce projet de loi est d'abord et avant tout un projet de loi qui vise à améliorer la santé publique et, particulièrement, à empêcher nos jeunes de commencer à consommer ou essayer de leur interdire, si c'est possible. Est-ce que vous croyez que le projet de loi, dans sa forme actuelle et peut-être avec quelques amendements qui pourraient être retenus dans ceux que vous nous suggérez... Est-ce qu'on atteint l'objectif visé par le projet de loi?

M. Gauvin (Louis): C'est un très bon projet de loi. Il couvre l'ensemble des mesures. C'est un projet de loi – et ce n'est pas péjoratif – ambitieux, dans le sens que je crois qu'il a tenu compte de ce qui s'était fait de mieux un peu partout jusqu'à maintenant. En 1986, la première loi au Québec, protection des non-fumeurs, déposée par M. Lincoln, adoptée à l'unanimité de l'Assemblée nationale à cette époque, a été la première loi en ce sens au Canada, et les autres se sont progressivement ajustées et améliorées. La loi actuelle tient compte de toutes ces améliorations-là, touche la protection dans les lieux publics, les milieux de travail, l'accès aux jeunes, la publicité, la commandite. Je crois qu'il y a là vraiment une pièce législative majeure, et, comme le disait le ministre à l'Assemblée nationale lorsqu'il a déposé son projet de loi, associé à des programmes d'aide à la cessation, à des programmes d'éducation, je pense qu'on se retrouverait au Québec avec vraiment les outils qu'il faut pour lutter contre le tabagisme maintenant.

M. Marsan: Une question, peut-être, un peu de curiosité, vous parlez qu'on peut... pas jouer, mais, en tout cas, faire augmenter ou diminuer le niveau de nicotine, c'est ça, je voudrais vous demander: Quelqu'un qui décide d'arrêter de fumer aujourd'hui, est-ce que ça va être plus difficile pour cette personne-là d'arrêter aujourd'hui qu'une personne qui l'a fait il y a 10 ans ou il y a 20 ans?

M. Gauvin (Louis): Il y a 53 % plus de nicotine maintenant dans la cigarette. Sans être un spécialiste de cette question, le gros bon sens nous dit que le jeune qui commence à fumer, il est certainement accroché plus vite, et le fumeur, aujourd'hui, qui veut cesser de fumer a certainement plus de difficulté qu'un fumeur, par exemple, dans les années soixante, avant que l'augmentation de la nicotine se retrouve. Parce que c'est la substance qui crée la dépendance.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quand vous dites 53 %, c'est 53 % par rapport à...

M. Gauvin (Louis): Par rapport au taux qu'il y avait d'enregistré en 1968. Rob, tu peux compléter cette information?

M. Cunningham (Robert): Oui. Le pourcentage du tabac qui est de la nicotine par gramme, qu'on mesure de cette manière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va, M. le député de Robert-Baldwin?

M. Marsan: Oui, monsieur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai plusieurs questions à poser, mais je vais commencer par en poser une puis, peut-être, plus tard, si j'ai encore le temps, je pourrai revenir. Vous serez indulgent à mon endroit?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Comme d'habitude.

(19 h 50)

M. Dion: Merci. Alors, bien sûr, comme tout le monde, j'ai beaucoup apprécié votre présentation qui était pour le moins très illustrée et qui démontrait, je pense, une des choses qui, moi, à l'origine me préoccupait... C'est-à-dire que je n'accordais pas, peut-être, beaucoup d'importance à tout ce qui est la publicité, la commandite. Je voyais difficilement la relation parce qu'il n'y a pas de démonstration vraiment scientifique de l'effet qu'a telle commandite ou telle publicité. Mais, sur l'ensemble du phénomène, il est certain que la publicité et la commandite ont un effet. Autrement, comment expliquer cette générosité millionnaire qui déborde abondamment, généreusement sur les activités sportives et culturelles?

Mais la question qui me préoccupe, c'est: Pourquoi est-ce que, au fond, vous êtes absolument opposés au fait que, pour la cessation de toute commandite, on puisse avoir un délai ferme, définitif – ce qui a été demandé, c'est cinq ans, ça pourrait être quatre ans, je ne sais pas – mais qui aille au-delà un peu du deux ans, étant entendu que ce n'est pas illogique de penser que deux ans, en pratique, c'est une année de sécurité pour les gens qui font ces événements-là et l'autre année est plus ou moins aléatoire, étant donné les réservations qui doivent être faites à l'avance, et tout ça? Bon.

Vous dites que, évidemment, le gouvernement peut changer, qu'il peut arriver 56 choses et puis que, là, le délai soit prolongé, et tout ça. S'il y avait, par exemple, détermination... Prenons l'hypothèse de cinq ans. Ça peut être quatre ans ou autre chose, mais prenons l'hypothèse de cinq ans comme étant la limite ferme pour toute commandite et qu'il y aurait des dispositions qui feraient que la commandite, par année, ne peut pas dépasser le niveau de 1997 que vous avez déjà mentionné, qu'on ne peut pas commanditer de nouveaux événements, donc il n'y a pas possibilité de passer de nouveaux contrats s'il n'y avait pas déjà une situation qui était déjà réalisée. Ne pensez-vous pas que, au fond, il n'y aurait pas de danger réel, de danger important réel? C'est sûr qu'on peut imaginer les situations les plus catastrophiques, mais, en étant objectif puis réaliste, est-ce qu'il y a vraiment un danger réel que ça puisse reporter de façon infinie le délai final? Je pense qu'une loi comme ça, c'est une loi de non-retour, hein? Parce que, avec le consensus social sur lequel elle s'appuie, ce n'est pas possible qu'une autre situation législative, qu'un autre gouvernement revienne en arrière là-dessus, il me semble. J'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Gauvin, allez-y.

Mme Rathjen (Heidi): Est-ce que je peux...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ou madame, oui.

Mme Rathjen (Heidi): Je vais juste répondre rapidement – puis mes collègues peuvent compléter – avec un exemple. La loi fédérale qui a été adoptée maintenant il y a plus d'un an, c'est une loi qui était ferme, finale, qui était en vigueur. Le délai était jusqu'au 1er octobre, et on ne sait pas comment, mais il semble que le débat n'est jamais fini. Tout le monde attend que le gouvernement fédéral, maintenant, agisse pour allonger les périodes, donner des exemptions, alors que la loi a été adoptée et tout le débat a été fait comme il se fait maintenant. Nous sommes certains qu'on va approcher la prochaine limite, le même débat va reprendre et, encore une fois, on va être dans la situation où tout le monde dit: Il y a un problème, il faut agir, et ce ne sera jamais fini. Il faut garder les délais les plus courts possible. On a maintenant un mécanisme de support, je crois que c'est suffisant. Alors...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Gauvin, vous voulez ajouter?

M. Gauvin (Louis): Oui. C'est vers ce mécanisme de support, M. Dion, qu'il faut aller. Dans notre plateforme, dès le début, nous avons demandé à ce qu'un fonds, ou une aide, ou un support financier soit consenti aux événements commandités, parce que c'est sûr que la commandite de l'industrie est une commandite importante. Dans certains cas ça peut aller jusqu'à 10 %, 15 % du budget de fonctionnement. Et nous croyons que la solution, elle est là parce qu'elle respecte à la fois les objectifs de santé publique, mettre un terme à la visibilité des produits qui incite les jeunes à les consommer et, de l'autre côté, supporter la santé financière des événements. Le ministre Landry a déjà fait une annonce, il a été prêt à faire la moitié du chemin. Nous avons fait d'énormes rencontres de... et d'information au fédéral pour aller dans ce sens-là. Le sénateur Kenny a déposé au Sénat un projet de loi. On a déposé un mémoire l'appuyant parce qu'il voulait, là aussi, venir en aide aux événements commandités. La venue de solutions qui respectent à la fois les objectifs de santé publique et la santé financière des événements, pour nous, elle est là.

M. Dion: J'insiste quand même parce que... Bon, c'est sûr qu'on partage le même objectif, hein, c'est de trouver le meilleur moyen pour y arriver. Et c'est peut-être erroné, mais la perception que j'ai eue à l'origine, c'est que la loi fédérale apparaissait peut-être comme intransigeante, et ça explique peut-être le pas en arrière qu'on a fait après. Et, entre l'intransigeance et le laxisme, il s'agit de trouver la bonne mesure. Vous dites que c'est deux ans. C'est ça que vous dites?

M. Gauvin (Louis): C'est le délai qui est inscrit dans la loi présentement – dans la proposition de loi – et c'est le délai que l'on retrouve... Me Cunningham vient de nous faire état que c'est ce qu'on a retrouvé aux États-Unis, en Australie, en France et en Belgique. Je crois que ça nous semble un délai raisonnable.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député? Peut-être juste souligner aux membres avant de continuer que, étant donné que c'est enregistré en direct, ça serait important que vous parliez plus directement parce que c'est plus facile pour tout le monde qui s'occupe du volume. M. le ministre, je pense que vous voulez ajouter un commentaire ou une question.

M. Rochon: Bien, je veux revenir sur une question... Pas vraiment sur votre mémoire, mais sur un commentaire que vous avez fait en rapport avec ça qui est en lien avec la discussion qu'on a eue cet après-midi. Vous avez une longue expérience sur le terrain dans ce domaine-là, vous avez vu les choses évoluer sous différentes juridictions et vous avez vu, cet après-midi, qu'on a voulu chercher avec les gens qui doivent se libérer de la dépendance du tabac quant à leurs événements, mais tout en étant capables d'assurer l'avenir des événements. Tout le monde cherche une formule pour voir comment on peut correctement passer dans un autre système. La loi, nous, on a simplement prévu à ce moment-ci que la publicité finit dans deux ans et que le gouvernement peut aider par voie de subventions à faire une sortie. Les gens semblent nous dire que ça va leur prendre à peu près cinq ans pour un sevrage complet, si on comprend bien, avant de s'être vraiment rétablis sur une autre formule.

Dans les scénarios qu'on avait faits, nous, pour le système de fonctionnement de la subvention, on avait prévu que ça pourrait être un support ou un soutien qui serait nécessaire sur une période, effectivement, de quelques années, au-delà du deux ans qui est permis. Là, on a convenu avec eux qu'on verrait exactement quelle proposition ils ont en tête et, dans l'assouplissement qu'ils demandent, comment ils pourraient assurer les objectifs de la loi et assurer, peut-être même de façon plus efficace, ce transfert-là. Et, vous, vous semblez nous dire que d'avoir un délai le plus court possible pour que, peu importe la formule qu'on prenne, la commandite, elle, cesse, quitte à voir comment le soutien financier s'organise, sur la base de l'expérience que vous avez, c'est assez péremptoire, que ça pourrait même mettre en péril l'application à moyen terme de cette loi-là. J'aimerais peut-être un peu, sur la base de votre expérience, que vous nous... Si vous pouviez développer un peu là-dessus.

M. Cunningham (Robert): Pour les fabricants de tabac, à l'heure actuelle, c'est la commandite qu'est-ce qu'ils font comme promotion. C'est la manière dont on attire les personnes avec un style de vie quelconque: masculin, féminin, statut, richesse, etc. Si on allonge la période pour les commandites, ils vont continuer à faire leur promotion. Même si l'événement est déjà complété, on peut avoir à 1 000 km de l'événement, deux mois après l'événement, encore de la publicité parce que, pour eux, l'événement est seulement un prétexte. Donc, pour les raisons, les objectifs de santé, on veut éliminer le plus tôt possible les promotions de commandite. Oui, les fonds pourraient aider les événements après ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Mme la... Oui, M. Gauvin.

M. Gauvin (Louis): Est-ce que ça répond à votre question?

(20 heures)

M. Rochon: Oui, en partie. Le délai de deux ans vous apparaît un délai raisonnable pour cesser la commandite dans le contexte québécois. Parce qu'on s'était dit, nous, qu'on s'était fixés un peu à mi-chemin entre ce qui semble s'en venir, ce qui est annoncé pour les États-Unis où, la fin de 1998, toute publicité, y compris la commandite, serait interdite, la Communauté européenne qui a projeté jusqu'en l'an 2003... Et on s'était mis un peu entre les deux, là, pour dire: On n'est ni l'un ni l'autre, mais on est peut-être plus près du contexte nord-américain. Puis on avait donc mis deux ans. Ça vous apparaît raisonnable comme délai ou trop long, trop court?

M. Gauvin (Louis): Je me souviens, en conférence de presse, quand vous avez présenté le projet de loi, vous disiez exactement – c'est un peu ce raisonnement: Il faut tracer une ligne quelque part. Et il faut se rappeler que Mme Marleau, l'ancienne ministre de la Santé au fédéral, en décembre 1995, avait déposé son livre bleu qui contenait des dispositions concernant la commandite. On parle de 1995. C'était il y a quand même quelques années. Le projet de loi fédéral n'est pas allé aussi loin que les propositions qu'il y a là. On peut s'attendre... Les événements le savaient. Ils savent que c'est vers ça qu'on s'en va, et ça fait des années qu'on va vers ça.

Le premier projet de loi sous les conservateurs, en 1988, annonçait déjà des couleurs dans ce sens-là. Et ce que ma collègue disait, c'est vraiment, c'est toujours une façon de temporiser, de gagner du temps. Et ce que nous vous encourageons à faire, c'est d'y aller. Vous avez mis une date de deux années. On s'est dit: Bien, voilà, je pense que c'est une date raisonnable. Vous l'avez assortie d'un support financier qui est aussi quelque chose qui va très bien dans le sens des événements commandités aussi. Puis le raisonnement que vous avez tenu, il nous apparaît plein de bon sens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je vous permettrais, M. le député de Maskinongé et Mme la députée de Sherbrooke, chacun deux minutes, de façon très exceptionnelle. Mme la députée de Sherbrooke, si vous voulez commencer.

Mme Malavoy: Merci. Je vais enchaîner sur la question des commandites, d'abord en disant que je reconnais tout à fait avec vous qu'il y a un genre de tromperie en laissant entendre que les jeunes qui ne fument pas encore ne sont pas visés par les commandites. Là-dessus, je suis bien persuadée que c'est tout à fait juste et que les images qu'on voit avec leur héros ou bien encore les magnifiques machines que sont les voitures, les bolides de courses, je suis bien persuadée que ça les attire.

Il reste que les événements qui sont commandités par l'industrie du tabac sont des événements dont on reconnaît la qualité et la pertinence. Je ne pense pas qu'on veuille les éliminer en soi. On lutte contre la commandite du tabac, mais les événements eux-mêmes, ils font partie de notre environnement culturel et sportif. Et ce que je crois comprendre, c'est que, sous sa forme actuelle, le délai de deux ans, pour lequel vous nous dites: Tenez bon, apparaît court pour une industrie qui nous explique, entre autres choses, que souvent il faut que tout soit bouclé un an à l'avance pour être capable d'être prêt à temps. Donc, deux ans, c'est même à la limite un an dans leur planification.

Et, d'autre part, je crois comprendre aussi que les alternatives ne sont pas si évidentes que ça. Bien sûr, nous disons: Nous offrons, dans une période de transition, un fonds avec une formule dégressive, mais il reste que l'alternative à la commandite du tabac, personne, moi, ne m'a expliqué qu'elle était vraiment évidente et qu'on pouvait être sûr que demain matin, bien, demain matin ou dans deux ans, on était capable vraiment de remplacer ça par autre chose. Alors, même si j'adhère tout à fait à votre objectif et que je reconnais comme vous qu'il faut donner un coup de barre dans ce domaine-là, j'essaie quand même de voir comment, de façon intelligente et en même temps respectueuse des événements qu'on veut préserver, on peut tracer une ligne et en même temps imaginer des alternatives qui prennent le relais de ce que le gouvernement peut faire pendant quelques années mais ne peut pas faire de façon définitive.

M. Cunningham (Robert): Quelques commentaires. Comme M. Gauvin l'a déjà indiqué, avec la loi fédérale, cette première lecture était en décembre 1996. Donc, déjà, on a une période de transition complétée de un an et demi, plus deux ans avec ce projet de loi: c'est trois ans et demi. Plus un fonds qu'on ne voit pas dans les autres provinces. Ça prolonge la période de transition, et c'est beaucoup plus que ce que l'on trouve dans les autres pays. En Australie – c'est un bon exemple – la juridiction des États particuliers où le même débat a eu lieu, et les prédictions, les événements qu'ils étaient prêts à annuler étaient les mêmes arguments. Mais après que la date finale fut arrivée, les événements continuaient, parce que les événements étaient bons pour attirer la population. Et je connais les événements ici, dans la province. Ces événements vont continuer, particulièrement trois ans et demi peuvent être une transition, et pour les événements qui ont de la difficulté. Et on a entendu M. Legault dire que, pour le commanditaire titre, il va en trouver un autre. Donc, pour ceux qui ont un peu de problèmes, on a un fonds de remplacement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Maskinongé, vous avez, encore une fois, la conclusion.

M. Désilets: Merci beaucoup. C'est plus un commentaire qu'une question. Tantôt, vous avez mentionné que le projet, vous trouviez, dans son ensemble, qu'il était excellent. J'aborde dans le même sens que vous; je partage votre opinion. Mais, par contre, en même temps, vous nous informiez, vous nous mettez en garde pour avoir plus de fermeté et de rigueur dans le projet de loi. J'aborde encore sur ça, à la nuance qu'il semble se dégager une espèce de consensus ou de démarches ici, au Québec, présentement, en écoutant. Puis je vais donner comme exemple: Tantôt, les groupes qui vous ont précédé parlaient d'une limite de cinq ans.

À supposer qu'on va dans la limite de cinq ans, là, ça prend de la rigueur et là ça prend beaucoup de fermeté et une démarche, à l'intérieur des cinq années, pour s'assurer qu'il va y avoir un point final, pour être sûr de ne pas revenir. Quant à moi, on va en discuter, on n'est pas encore à l'adoption du projet de loi article par article, mais, dans ma tête, j'aime mieux prendre un peu plus de temps, mais qu'il y ait un point final de non-retour plutôt que de faire plaisir à certains, aller plus vite, mais que ce n'est jamais fini. C'est dans ce sens-là que je me dis: De la rigueur, oui, ça en prend, mais ça en prend pour en arriver aussi à une espèce de consensus au niveau de l'ensemble de la population et pour être certain de se faire respecter, ce consensus-là, mais de le suivre mois par mois ou année par année, pour en arriver au résultat final qu'on veut, qui est l'amélioration de la qualité de vie de chacun.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député, pour votre commentaire. M. Gauvin, j'ai dû vous refuser la présence avec vidéo, mais je dois souligner la qualité du document que vous nous avez présenté.

M. Gauvin (Louis): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission.

M. Gauvin (Louis): M. le Président, je vous remercie de votre indulgence en ce qui concerne notre utilisation du temps.

(20 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et j'invite maintenant l'Association pour la santé publique du Québec et l'Association pulmonaire du Québec à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons deux associations: l'Association pour la santé publique du Québec et l'Association pulmonaire du Québec. Mme Bouchard, si j'ai bien compris, c'est vous qui nous présentez les gens qui vous accompagnent et qui débutez le premier mémoire.


Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) et Association pulmonaire du Québec (APQ)

Mme Bouchard (Françoise): Merci. Je suis le Dr Françoise Bouchard, présidente de l'Association pour la santé publique du Québec. Avec moi, de l'Association pour la santé publique du Québec, M. Jean-Pierre Bélanger, président sortant de l'Association, et à mes côtés, M. Jocelyn Cormier, président de l'Association pulmonaire du Québec. Je veux remercier les membres de la commission parlementaire de nous recevoir ce soir pour nous permettre de présenter le point de vue de l'Association pour la santé publique du Québec.

L'Association pour la santé publique du Québec existe maintenant depuis 55 ans. C'est une association qui a longue vie parce qu'elle ne fume pas. Et elle ne commencera pas à fumer. On regroupe actuellement plus de 300 membres actifs, individuels et institutionnels. Nous sommes connus surtout par l'organisation d'événements, de colloques et de prises de position pour faire progresser la santé publique au Québec. Vous comprendrez pourquoi on a à coeur de venir ici aujourd'hui vous présenter le point de vue de l'Association sur le projet de loi.

On a trois points principalement qu'on voudrait aborder avec vous: la question de la santé des jeunes Québécois, qui nous préoccupe énormément; pourquoi nous croyons que la loi est importante et qu'elle va jouer un rôle important; et on pense qu'on doit aussi aborder la question des coûts économiques ou de la discussion, du débat économique qui peut peut-être faire dévier le vrai débat. Pour les deux premières parties, je vais faire la présentation, et mon collègue du bureau, M. Jean-Pierre Bélanger va faire sa partie. Pour m'aider dans ma présentation, vous avez, à la fin du mémoire des graphiques pour illustrer et que vous pouvez, j'espère, diffuser parmi vos collègues qui, on pense, lancent un message important.

Lorsque j'entendais, tantôt, des questions sur les délais, je pense qu'on est dans une situation où les délais sont coûteux pour la santé des jeunes Québécois, et ce que j'aimerais vous souligner dans la question de la santé des jeunes Québécois, c'est qu'on a actuellement un groupe, les 10-14 ans, qui est particulièrement très vulnérable et pour lequel le Québec a un retard énorme, en fait, est dans une situation, je pense, catastrophique au niveau de la consommation du tabac. Je pense que c'est un élément peut-être qui doit décider de la priorité où est-ce qu'on veut agir au niveau de la loi. Pourquoi on veut une loi pour la santé de nos jeunes Québécois? Comme le disait un des députés: Pour prévenir que les jeunes Québécois commencent à fumer. Ou est-ce qu'on veut une loi pour d'autres raisons qui ne justifient pas l'objectif ultime de la loi?

Au niveau de la santé des jeunes Québécois, les 10-14 ans, une étude qui a été faite en 1994 nous permet de comparer le Québec avec les autres provinces canadiennes. Au Québec, en 1994, il y avait 21 % de nos jeunes de 10 à 14 ans qui étaient des fumeurs ou des fumeurs qui commençaient à fumer, par rapport à 12 % dans les autres provinces. On n'a pas de mesures plus récentes, mais je pense que déjà le chiffre parle par lui-même. Les autres provinces nous rattrapent dans les 15-19 ans, mais je pense que l'élément crucial, ici, c'est les 10-14 ans. La consommation en termes de quantité, chez nos 10-14 ans encore, on a un écart important avec le reste des autres provinces: 7,7 cigarettes par jour, versus 5,7 pour les jeunes de 10-14 ans des autres provinces. Et là on commence à regarder tout le contexte social dans lequel vivent nos jeunes de 10 à 14 ans dans lequel... Lorsqu'on a demandé à ces jeunes s'ils pensaient arrêter de fumer sérieusement, on a, chez nos 15-19 ans, 68 % seulement qui disent avoir pensé sérieusement arrêter de fumer, par rapport à 86 % chez les autres provinces. Ceci indique, je pense, que nos jeunes Québécois qui ont commencé dans les 10-14 ans ont eu le temps de s'accrocher pendant plus longtemps à la cigarette, ont eu le temps de devenir plus dépendants et donc auront beaucoup plus de difficulté peut-être à penser à arrêter de fumer.

C'est une autre question aussi... Aujourd'hui, j'étais à un panel, vous savez que ça va être la Journée de l'organisation mondiale de la santé sur le tabac et les jeunes, et j'avais été invitée à présenter un panel et j'étais fière de pouvoir dire que, au Québec, actuellement, on pourrait être un leader dans notre lutte contre le tabac au niveau des jeunes. C'était reconnu, et les gens étaient très heureux d'entendre ça. Et la personne qui animait le panel parlait que son jeune avait commencé à fumer et que ça lui avait pris du temps à s'en apercevoir. En fait, la majorité des parents ne savent pas que leurs jeunes fument. Donc, par le temps qu'ils sont accrochés, il est un peu tard pour réagir, comme parents. Mais, au Québec, moins de parents, en fait, ne savent pas qu'ils fument. C'est-à-dire que les parents, au Québec, savent plus que leurs jeunes fument. Donc, peut-être que c'est une indication qu'on a une acceptation sociale, vraiment, que nos jeunes commencent à fumer, une tolérance plus grande. Encore là, c'est chez les 10-14 ans.

On a parlé beaucoup de publicité et de marketing. Je vais juste vous citer quelques éléments qui, je pense, sont importants. Mais avant, je vais parler aussi qu'au Québec on a dit que l'accès était important pour favoriser de fumer. Lorsqu'on a demandé aux jeunes où est-ce qu'ils se procuraient leurs cigarettes, 51 % des jeunes Québécois, de 10-14 ans encore, étaient capables de se procurer leurs cigarettes facilement chez le dépanneur, versus 18 % dans les autres provinces. Quand on demandait aux jeunes quelle quantité de cigarettes ils achetaient, encore là, 70 % des jeunes achetaient des paquets de 25 cigarettes. C'est 70 % des jeunes de 10-14 ans qui achetaient des paquets de cigarettes de 25. Ce n'était pas une qu'ils bummaient, deux qu'ils bummaient, trois qu'ils bummaient; 70 % des jeunes fumeurs achetaient des paquets de 25, comparé à 39 % ailleurs.

(20 h 20)

Sur le marketing des produits du tabac, 80 % des jeunes fumeurs établis, actuels, fument toujours la même marque. Ils ne prennent pas la marque qui est à leur disponibilité, ils vont chercher une marque bien spéciale. Le tiers des jeunes de 13 à 15 ans peuvent reconnaître un événement sportif par la marque de cigarette qui le commandite; à 19 ans, c'est la moitié. Et la moitié de tous les jeunes déclarent se rappeler une annonce spécifique de cigarette reliée à un événement sportif, musical ou culturel. Malgré le fait que les fabricants de produits du tabac affirment ne pas destiner leur publicité aux jeunes non-fumeurs, il est clair que leurs campagnes de marketing sont bien pensées, très visibles et qu'elles ont un effet sur les jeunes.

J'aurais aimé aujourd'hui qu'on ait à se réunir pour autre chose que de parler de contrôler le tabac. Finalement, si nous étions ou vous étiez les membres de la Food and Drug Administration, aux États-Unis, et que vous aviez à décider d'approuver un produit aujourd'hui qui n'existe pas encore sur le marché et que la compagnie vient vous dire: Bien, selon les études, le produit va tuer 12 000 Québécois dans la prochaine année, va probablement rendre dépendants une grosse proportion, va causer des cancers, des maladies cardiovasculaires, je pense qu'on ne se réunirait pas longtemps. On aurait fini notre rencontre, pas longtemps... Mais on est dans une situation aujourd'hui où est-ce que le seul moyen qu'on a pour agir contre ce produit-là, c'est de le contrôler, c'est d'empêcher que des futures générations en subissent les conséquences. Donc, sur la question des 10-14 ans, je pense qu'on ne peut plus être sur la clôture, et vous avez les recommandations que nous avons.

Nous sommes extrêmement contents du projet de loi. Je pense qu'il est en support à une orientation pour vraiment rendre un message clair auprès des jeunes de notre société que fumer, c'est inacceptable, prendre le tabac, c'est inacceptable à ce moment-ci. Je ne peux pas m'empêcher de faire une relation, quand on parle du deux ans de délai, avec le bogue de l'an 2000. Actuellement, on est tous dans le système informatique et on nous dit: Le bogue de l'an 2000. On ne peut pas donner un délai à ça; on va tourner l'an 2000. Pourtant, on va être prêt puis on va y arriver. Ça fait déjà trois, quatre ans qu'on parle d'un projet de loi pour contrôler la commandite, pour, justement, diminuer la publicité qui va atteindre les jeunes. Je pense que l'an 2000, il est incontournable; on va tous s'y rendre, à l'an 2000, comme on va s'y rendre avec le système informatique. Une loi va être extrêmement efficace, puisqu'elle va permettre de donner un message social important que, comme gouvernement, comme société, on a à coeur la santé de nos jeunes. Il y a beaucoup de programmes d'éducation actuellement mis en place dans le réseau, et je pense qu'il faut les louer, mais ces programmes vont atteindre une efficacité qui va être limitée et qui doit être absolument supportée par ce projet de loi.

En fait, il y a trois facteurs qui vont influencer la consommation de tabac: la loi, le prix – et ça, on est d'accord avec la hausse du prix de la cigarette qui a été faite dans les dernières années – et les valeurs de notre société. Finalement, le projet de loi va permettre d'adresser deux éléments importants: c'est la question des mesures coercitives, pour empêcher l'accès chez les jeunes, et une loi ferme qui lance un message social. Je vais passer la parole à M. Jean-Pierre Bélanger, sur la question économique.

M. Bélanger (Jean-Pierre): Alors, l'industrie du tabac essaie de faire la démonstration que les retombées positives du tabagisme l'emportent sur les coûts pour les gouvernements. Cela n'est possible qu'avec une interprétation tordue de la réalité. On a beau être un chantre du libéralisme à tout prix, il y a quand même des réalités qu'on ne peut nier. La mortalité par maladie respiratoire double à tous les cinq ans au Québec, actuellement. Les décès surviennent le plus souvent au terme d'une longue incapacité qui a des conséquences économiques importantes pour la société et les gouvernements, mais d'abord pour les personnes elles-mêmes. À combien peut-on chiffrer la douleur quotidienne des personnes qui doivent vivre avec de tels problèmes respiratoires, des problèmes circulatoires, des problèmes cardiaques, etc.? Cela échappe à toute comptabilité, et il faut avoir l'esprit tordu pour prétendre le contraire.

Mais la question fondamentale de l'analyse des coûts, du type d'analyse que propose l'industrie du tabac, en est une de finalité de notre système économique. À quoi sert finalement le développement économique? À produire simplement de la richesse économique pour la richesse en elle-même ou à l'amélioration de la qualité de vie et du niveau de bien-être du plus grand nombre possible de personnes pendant le plus longtemps possible? À la limite, un cynique pourrait même poser la question suivante: À quoi cela sert-il de créer de la richesse, s'il n'en reste plus que quelques-uns pour en profiter, finalement?

Ce qu'on veut nous faire croire, c'est que toute activité économique, quelle qu'elle soit, est bénéfique pour la population, et on inclut toutes ces activités dans le produit national brut, qui devient le barème ultime de notre niveau de richesse collective. On inclut donc ainsi les activités de production et de fabrication des cigarettes de même que les activités de réparation de santé qui découlent du tabagisme. De la même façon qu'en matière de l'environnement, on calcule les activités de production qui ont des effets négatifs sur l'environnement et les activités de restauration qui sont nécessaires par la suite. Mais, ce qu'on crée alors, c'est une croissance artificielle qui ne veut plus rien dire pour les personnes. C'est une croissance qui devient même néfaste et qui contribue à alimenter le malaise profond que vivent les sociétés occidentales. Ce malaise devient de plus en plus évident: la corrélation qu'on a longtemps prise pour acquise entre le développement économique et le niveau de bien-être de la population n'est plus aussi évidente. Il y a même un fossé croissant entre les deux.

Un chercheur américain du nom de Marc Miringoff, qui travaille pour le Fordham Institute for Innovation in Social Policy, à Washington, a élaboré un indice de santé sociale en prenant en compte des éléments comme la proportion de bébés de petit poids – donc qui risquent plus tard d'avoir des problèmes de santé – le niveau de pauvreté, l'espérance de vie, le taux de délinquance, etc. Il a amalgamé ça dans un indice qu'il appelle «l'indice de santé sociale». Or, il constate un écart croissant, aux États-Unis, entre le développement économique et l'indicateur de santé sociale de la société américaine. Ce dernier indicateur évolue même de façon très négative à partir de 1967, aux États-Unis. Je vous incite à regarder le graphique que vous retrouvez à la page 10 du mémoire, qui illustre l'évolution des deux indices: le PNB, vous voyez très bien qu'il augmente de façon constante, et l'indice de santé sociale qui, aux États-Unis, se met à baisser rapidement à partir de 1967. Le même exercice a été fait par Statistique Canada pour, justement, essayer d'évaluer ce qui se passait chez nous. L'indicateur de santé sociale descend moins qu'aux États-Unis, mais il tend à demeurer stable depuis 1975. L'écart s'accroît donc par rapport au développement économique qui, lui, continue à augmenter. C'est très bien illustré dans les courbes que vous retrouvez au graphique que je mentionnais.

C'est le type de développement économique qu'on veut nous proposer quand on affirme que l'industrie du tabac a finalement des retombées positives pour les gouvernements et pour la population. Soutenir que ces retombées économiques sont positives tient du mensonge le plus éhonté. On aura beau utiliser les méthodes les plus sophistiquées pour arriver à étayer ce point de vue, le fond de la question n'en est pas un de méthode mais de finalité du système économique. On dit que l'industrie du tabac est responsable de la création de 12 000 emplois. C'est ce qui est apparu dans les journaux au moment où on a écrit le mémoire. Depuis, le chiffre qui circule est de 5 000, plutôt. Ce n'est pas négligeable, et ces emplois seraient évidemment fort bienvenus s'il ne fallait pas aussi mettre dans la balance les 11 841 décès qui se produisent par année, selon l'évaluation qui a été faite en novembre 1996, et au Québec, évidemment, 11 841 décès. Voulons-nous vraiment d'emplois qui, chaque année, entraînent deux décès pour chaque emploi? Est-ce là le développement économique que l'on veut? À ce compte-là, nous finirons tous collectivement très riches, mais nous ne serons plus nombreux à en profiter.

Quant au rôle des médias, maintenant. Les médias jouent un rôle important, à la façon dont les débats sont rapportés et comment ils peuvent influencer l'opinion publique. Nous avons procédé, à cet égard, à une analyse de contenu des débats menés autour du projet de loi fédéral C-71. De juillet 1996 à juin 1997, on a regardé 537 titres dans La Presse , Le Devoir , Le Soleil , Le Journal de Montréal , le Globe and Mail , etc. Ça se fait maintenant avec des instruments informatiques, ça se fait même relativement bien. Alors, les titres des médias traduisent le débat en un rapport social d'affrontement où on trouve, d'une part, le gouvernement et les groupes de santé et, de l'autre, l'industrie du tabac et les organismes commandités.

(20 h 30)

Ce qu'on constate à l'analyse, c'est que le message qui vient de l'industrie du tabac et des organismes commandités est très bien coordonné, tandis que, quand on parle du gouvernement et des groupes anti-tabac, on met surtout l'accent sur les divergences qui existent entre les groupes. Et on voit très bien qu'il y a là une stratégie évidente de relations publiques en arrière de ça, et elle est extrêmement efficace.

En conclusion, donc, compte tenu de l'importance que la présente loi soit adoptée et qu'elle ait un impact maximal possible, nous encourageons tous les membres de l'Assemblée nationale à voter unanimement en faveur de la loi. Nous les encourageons aussi à voter unanimement une résolution invitant le gouvernement fédéral à contribuer au fonds de transition pour les commandites qui est déjà prévu ou, à la rigueur, à mettre sur pied son propre fonds de transition.

Enfin, on a beaucoup parlé de la diminution des commandites, ça pouvait prendre combien d'années, etc. On pense, comme association, qu'on pourrait même aller jusqu'à envisager, si le délai de deux ans n'était pas suffisant et si le montant prévu pour le fonds de transition n'est pas suffisant, plutôt que d'allonger indûment les délais, avec les dangers que ça comporte, on préférerait de loin, quant à nous, augmenter encore une fois le prix du paquet de cigarettes. Il y a encore de la place pour une augmentation dans ce secteur-là. Cette nouvelle augmentation pourrait être consacrée entièrement à augmenter le fonds de transition de commandites. Ça nous semblerait un meilleur moyen pour atteindre l'objectif qui est visé dans la loi, plutôt que de reculer indéfiniment. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. Bélanger. M. Cormier, si vous pouviez nous faire ça dans un délai très, très raisonnable.

M. Cormier (Jocelyn): Ça ne sera pas facile. Alors, l'Association pulmonaire, j'aimerais vous la présenter. Nous aussi, nous sommes parmi les organismes les plus âgés au Québec. On célèbre notre 60e anniversaire cette année et on en est très fiers, d'ailleurs. Depuis toujours, nous avons essayé de protéger et de convaincre les non-fumeurs de le demeurer et aussi de convaincre les fumeurs de poser un geste qui leur sauvera la vie, c'est-à-dire cesser de fumer.

On parle de 12 000 victimes. Je pense que vous connaissez très bien les statistiques; on ne reviendra pas là-dessus. Les victimes en question, ces 12 000 victimes-là, ce sont des fumeurs. On le verra plus loin dans la présentation. Pour nous, je pense que l'Association pulmonaire du Québec veut qu'on porte une attention particulière aux victimes du tabagisme que sont les fumeurs. Souvent par dérivés, ou je ne sais trop, et eux-mêmes se sentent aussi visés, les fumeurs, ils prennent ça très personnel, comme on dit. On s'attaque au produit et, souvent, certaines réactions nous démontrent que le fumeur considère son tabagisme ou sa cigarette comme une extension de lui-même. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas comme ça qu'on veut négocier le problème du tabagisme avec les fumeurs. On va continuer un dialogue. D'ailleurs, c'est un de nos slogans préférés: Encourageons le dialogue entre fumeurs et non-fumeurs . On pense que c'est la seule et unique façon d'aider ces personnes-là à s'en sortir.

Je pense que le message de l'Association pulmonaire du Québec est très clair. Nous appuyons le projet de loi n° 444 qui deviendra, nous en sommes certains, une loi. Pour nous, c'est un geste très courageux du gouvernement, malgré qu'on l'attendait, évidemment, beaucoup plus tôt. On aurait voulu l'avoir plus tôt. Mais on en est là, et je pense que c'est courageux, dans le sens qu'il y a des mesures là-dedans qui vont certainement aider. On en parle un peu plus loin. La publicité, par exemple, la vente aux mineurs, les commandites et la restauration. On trouve que les délais sont acceptables, pour les raisons qui ont été décrites dans le projet de loi. Un aspect nébuleux, cependant, c'est la compensation pour commandite. Devons-nous subventionner des organismes ou des activités qui se sont nourries au cours des années par l'argent du tabagisme? On se demande si certaines de ces activités-là... On disait tantôt qu'elles étaient très importantes pour la communauté, j'en conviens. Si elles sont si importantes, elles trouveront probablement un financement. Sinon, elles ne seraient issues que de la poche des cigarettiers. Pour certaines de ces activités-là, on se demande si elles existeraient si l'argent du tabac n'était pas là. Est-ce que c'est la responsabilité d'un gouvernement, d'une société, de subventionner à nouveau des organismes qui n'ont vu le jour que par l'argent du tabac qui, je vous le rappelle, tue 12 000 personnes par année? Alors, c'est cet aspect-là qui nous chicote un peu. On a parlé tantôt d'augmentation des taxes. C'est souvent la façon la plus simple d'aller subventionner ce dont on a besoin pour combler, par exemple, la commandite, etc.

C'est toujours très difficile, parce que le projet de loi, comme il est présenté, ou n'importe quelle législation qui va restreindre l'accès des fumeurs à leurs produits ou encore qui va les empêcher de fumer dans certains endroits, ils voient ça – et c'est facile à comprendre – comme étant une atteinte personnelle à leur activité préférée qui est souvent le tabagisme. Je pense que ce projet de loi doit être présenté aux fumeurs non pas comme une agression, comme une répression, mais bien comme quelque chose qui s'inscrit dans une pensée globale, c'est-à-dire que la société se dirige vers ça, qu'on ne s'attaque pas à eux en particulier, c'est le bien commun qu'on essaie d'obtenir. Quand on parle de taxation, cependant, là ça les touche plus particulièrement. On déplore qu'on ne s'attaque pas suffisamment aux principaux coupables, dans ce dossier-là, qui ne sont pas les fumeurs, ce sont les victimes. C'est eux qui paient de leur vie, à coup de 12 000 par année, le tabagisme. Qu'est-ce qu'on fait vraiment pour nuire aux compagnies de tabac?

J'ai personnellement, à une époque où j'étais président d'un autre organisme – d'ailleurs, je suis directeur général de l'Association pulmonaire et non pas président – le Conseil québécois sur le tabac et la santé, et on s'est présentés ici, au parlement, pour qu'on ne baisse pas la fameuse taxe sur les produits du tabac. Pour des raisons que vous connaissez très bien, ça a été fait. On savait que ça allait avoir une implication directe sur la consommation des jeunes, et on a vu, par une étude du ministère, que le tabagisme a doublé à l'école secondaire. Alors, on en est là et on se dit: Peut-être qu'il faudrait trouver d'autres moyens qui... Par exemple, pour la contrebande, peut-être qu'on peut aller jusqu'à taxer à la source. Ça s'est déjà fait au niveau fédéral, et ça éviterait beaucoup de choses, je pense. Il me semble que ce soit la façon la plus facile que d'aller toujours redemander de l'argent aux fumeurs. On est d'accord, d'ailleurs, pour remonter le prix du paquet de cigarettes, mais j'aimerais qu'on s'attaque plus particulièrement aux compagnies de tabac.

Il y a déjà des propositions qui ont été faites pour qu'on limite les profits des compagnies de tabac. Voilà peut-être une solution. Est-ce qu'on ne pourrait pas les taxer, elles? Et l'argent qu'on récupérerait sur la vente, on pourrait peut-être faire autre chose que le placer dans un endroit où les gens... Vous vous souvenez, il y a quelques années, les gens disaient: Oui, je fume, laisse-moi fumer, moi, je paie le Stade olympique. Vous avez entendu ça comme tout le monde. Alors, si on place encore l'augmentation du prix du tabac et qu'on se sert du fumeur pour le décrire comme étant coupable de sa propre consommation, là on se retrouve devant un problème où le fumeur se coupe de toute conversation avec les personnes qui pourraient l'aider à se sortir de son problème. Évidemment, l'Association pulmonaire travaille, depuis près de 25 ans maintenant, avec les semaines sans fumée, etc., et, tout au cours de l'année, à la cessation. La prévention, c'est bien. Les jeunes qui ne fument pas, qu'on essaie de comprendre et qu'on veut qu'ils ne soient jamais fumeurs, mais la cessation, c'est 12 000 personnes qu'on essaie de sauver chaque année. Il y a aussi les maladies que ça entraîne, et c'est un fardeau extraordinaire sur le système de santé québécois.

Alors, faisons ce que nous pouvons, mais essayons, s'il vous plaît, de ne pas placer la victime au banc des accusés. Il y a certainement moyen de le faire. Je pense que le gouvernement, le ministère de la Santé, est ouvert à toutes sortes de propositions qui vont démontrer aux principales victimes qu'on pense aussi à elles en proposant une loi comme celle dont on parle aujourd'hui. Moi, je dis que le produit est légal, sa vente et sa consommation le sont aussi, mais il est certainement immoral de laisser 40 % d'un peuple s'empoisonner en fumant. Alors, s'il vous plaît, agissons.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite immédiatement M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer et d'avoir préparé une synthèse de vos réflexions sur le sujet du tabac et de la législation qui a été présentée. Je sais que vos deux associations ont une longue expérience d'actions dans ce domaine-là, et c'est à cet égard-là que je voudrais vous poser une question. Je vais vous demander d'élaborer un peu sur un commentaire que certains nous font, ceux qui s'opposent ou qui peut-être, sans s'opposer fortement, émettent des doutes quant à la nécessité d'avoir une législation, répétant que ce qui est vraiment important, c'est l'information, c'est l'éducation pour que les jeunes, dans leur contexte familial, en suivant l'exemple de leurs parents, le modèle de l'école, et que, pour ceux qui ont pris l'habitude de fumer, si on avait plus de programmes de cessation de fumer, finalement, on pourrait arriver aux mêmes objectifs sans avoir une législation qui vient, avec plus de rigueur, intervenir en plus.

C'est clair qu'en présentant cette législation, pour le gouvernement, pour le ministère de la Santé, on a pris plus une option reconnaissant que ces actions sont nécessaires dans un programme de santé public, mais qu'il faut aussi une législation sur les points qu'on a nommés. Bon, nous, on pense ça. De connaître votre position, sur la base de votre expérience, les deux associations, je pense que ce serait intéressant pour nous valider et mettre des bémols si on doit en mettre.

(20 h 40)

Mme Bouchard (Françoise): Pour répondre à votre question, j'aimerais regarder deux exemples de législation qu'on a dans notre société actuellement. Celle sur la ceinture de sécurité, qui, je pense, est le plus bel exemple où on a réussi à diminuer l'impact des accidents d'automobile sur la vie et la santé de nos Québécois. Si on n'avait pas eu une législation sur le port de la ceinture de sécurité automobile, on n'aurait pas aujourd'hui les taux qu'on a de port de la ceinture. Je pense que c'est le bel exemple où, en termes de protection de la santé publique, une mesure législative est venue renforcer les messages éducationnels, les messages qu'on avait auprès de notre population québécoise de l'importance du port de la ceinture, mais une législation est venue renforcer ce message-là comme message social.

Un autre exemple, c'est l'alcool au volant. On sait qu'il y a une réglementation et qu'il y a des mesures coercitives assez importantes. Si on se fait arrêter avec un taux d'alcool chose, on perd notre permis immédiatement. Donc, ce sont toutes des mesures que seuls une société ou un gouvernement peut se donner, je pense, pour renforcer les messages de promotion de la santé.

M. Cormier (Jocelyn): Nous, à l'Association pulmonaire, on a toujours dit qu'il y avait 1 000 dossiers du tabagisme, il n'y en a pas qu'un seul. La question que vous posez là, souvent on l'entend mentionner. Ces commentaires-là viennent souvent de fumeurs qui ne veulent pas arrêter de fumer. C'est genre: Laissez-nous tranquilles, on paie nos taxes, etc. Je pense que la quantité de dossiers... Il y a la vente aux mineurs, la commandite, l'accessibilité des produits. Il y a des produits qui sont offerts, qui devraient être offerts en vente libre et qui vont être placés derrière le comptoir de la pharmacie, bon, parce qu'on veut faire un peu de consultation. Nous, on pense que tout doit être rendu disponible, parce qu'il n'y a déjà pas beaucoup qui se fait actuellement.

Quand on parle de cessation, j'ai eu beau chercher, dans la dernière année, pour trouver un service de cessation, c'est-à-dire un groupe d'entraide, une session d'arrêt tabagique, où que ce soit au Québec, qui soit offert tout le temps gratuitement à toute la population. Ça n'existe pas. On parle de 12 000 victimes sans ressources. Alors, comment on va régler ça? Avec une législation, oui. On va régler ça avec l'accessibilité à la gomme et à la patch de nicotine. Il y a même un nouveau produit qui s'en vient, une pilule extraordinaire qui va aider, en combinaison avec des groupes de soutien, les gens à cesser de fumer. On ne sait pas quelle est la meilleure méthode.

Je pense que, comme la législation n'est pas la meilleure méthode, ça fait partie d'un ensemble, il y aura une législation forte qui va réglementer ce milieu-là qui est tout à fait malsain. Tuer 12 000 personnes par année, ce n'est pas une activité banale. Alors, il faut une bonne législation. Il faut évidemment des campagnes de sensibilisation très fortes. Il faut inciter les gens qui ne fument pas à demeurer non-fumeurs. Il faut inciter les autres à cesser de fumer. Il faut leur démontrer que fumer est une plaie sociale pour eux-mêmes comme pour leur environnement, le respect envers les non-fumeurs. Enfin, il y en a des quantités incroyables. Je pense que – je reviens à mon élément de tantôt – il faut absolument que ces victimes du tabagisme là reviennent à la source et disent: Ce n'est pas contre nous qu'on fait ce qui est fait mais bien pour que l'ensemble de la population en bénéficie. Je pense qu'il va falloir mettre un accent particulier là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le ministre?

M. Rochon: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez une autre question?

M. Rochon: Pas pour le moment. Je vais laisser la chance à d'autres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. À mon tour de vous remercier pour la qualité de votre présentation. Quelque chose qui m'intrique, et vous l'avez dit tout de suite au début, ce sont les 13-14 ans. Vous avez qualifié les 13-14 ans de retard énorme. J'aimerais savoir pourquoi on a pris du retard au niveau de la prévention chez les 13-14 ans. Et est-ce qu'il y a des mesures correctives qui peuvent être apportées? Comment se fait-il que vous ayez bien ciblé les 13-14 ans?

Mme Bouchard (Françoise): Je vous invite à lire Le tabagisme chez les jeunes . C'est clair que, quand on regarde cette démarcation-là entre le Québec et les autres provinces, on n'a pas toutes les réponses. C'est pourquoi, au Québec, la situation des 10-14 ans... J'ai essayé un peu de vous donner des éléments qui étaient dans les réponses qu'on avait, le genre d'acceptation sociale qui est peut-être plus grande au Québec. Bien des éléments. Je pense que ça, c'est à fouiller, c'est clair. On n'aura peut-être pas toutes les réponses tout de suite. Mais les 10-14 ans, au Québec, il y a des 10-14 ans qui se comportent aussi... L'acquisition, je pense, l'accessibilité du tabac semble jouer un facteur important. On a des mesures dans votre projet de loi qui vont permettre, je pense, de contrecarrer cette... C'est inacceptable que des jeunes actuellement puissent aussi facilement avoir accès au tabac. C'est des mineurs. C'est des jeunes. C'est vos enfants. C'est mes enfants.

Si vous me permettez, j'aimerais enlever mon petit chapeau de professionnelle de la santé publique, ici, et vous parler comme parent. J'ai une fille de 14 ans. Il y a à peu près un mois et demi, sa grand-mère est décédée. Elle est décédée d'un cancer du poumon. C'était la dernière qui mourait. On est allé vider l'appartement. On fouille dans les photos et on trouve des photos de nos grands-parents alors qu'ils étaient jeunes. Ma fille a trouvé la photo de sa grand-mère alors qu'elle avait 18 ou 19 ans. Elle était assise sur un tabouret, très élégante jeune femme, comme nos grands-mères à 18, 19 ans, avec une belle, longue cigarette, étalée comme ça sur un tabouret. Et ça l'a frappée. Elle savait que sa grand-mère avait fumé jusqu'à la dernière minute. Et ça l'a frappée, ça, de voir sa grand-mère belle, à 18 ans, avec la cigarette à la bouche.

Je ne sais pas si vous vous souvenez de l'image de la cigarette dans la publicité qu'il y avait à ce moment-là. C'était un signe d'émancipation sociale pour les femmes, de fumer. Si on fumait, on était des femmes... Et sa grand-mère a été une femme extraordinaire, impliquée vraiment dans la communauté sociale, qui a travaillé, et tout ça. Donc, c'était vraiment l'image sociale des femmes, de fumer. Je pense qu'on est en train de continuer encore, 40 ans plus tard, à laisser permettre ça, l'association pour nos jeunes, avec des images sociales où fumer est associé à un style de vie. On se retrouve avec des personnes qui décèdent et qu'on perd jeunes; 66 ans, maintenant, pour moi, c'est une mort prématurée. J'ai terminé.

M. Cormier (Jocelyn): J'aimerais ajouter à ce que Mme Bouchard vient d'exprimer. C'est peut-être là le coeur même du problème du tabagisme. On a beau avoir des lois, des campagnes de sensibilisation, etc., il y a quelque chose qui attire indéniablement les jeunes vers le tabagisme. Il n'y a pas d'adultes qui commencent à fumer. C'est entre 12, 14 ans, jusqu'à 18 ans. Si on a passé cette étape-là, on est correct, c'est-à-dire qu'on ne tombera pas dans le piège du tabagisme, ou à très peu de pourcentage. Alors, qu'est-ce qui fait ce cercle? Ce n'est pas une loi qui va régler ça. C'est quelque chose de psychologique, mais c'est un ensemble de choses. On ne réglera pas un si vaste problème. Quand bien même on l'enlèverait de sur les tablettes, quand bien même on dirait aux jeunes que ce n'est pas bon pour la santé... Ils le savent très bien. Quand quelques membres de la commission, ici, étaient des fumeurs – je suis sûr que vous avez commencé vous-mêmes très jeunes – à cette époque-là, ceux qui ont fumé – et j'en suis un, moi aussi – on n'avait jamais entendu parler d'un message de santé. On ne savait pas que fumer n'était pas bon pour la santé. On savait que, si on fumait, on serait émancipé, autant garçons que filles, là. Alors, on se retrouve avec ce même problème aujourd'hui. Et pourtant, l'information est là. Les jeunes savent que ce n'est pas bon pour la santé, mais ils adhèrent à ça comme si c'était une religion. Alors, il va falloir trouver des solutions très spécifiques à un problème très particulier.

Mme Bouchard (Françoise): J'ajoute à ça que je pense que les compagnies de tabac ont très bien compris comment attirer les jeunes au tabac.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Je vous remercie de vos réponses, mais particulièrement de votre témoignage aussi. Je pense que c'est révélateur. Je voudrais terminer non seulement en vous remerciant, mais, tantôt, Mme Bouchard, vous nous avez invités, l'ensemble des députés, à voter. Encore-faut-il que l'on ait le projet de loi devant nous, qu'on ait franchi toutes les lectures et qu'on soit rendus en troisième lecture. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'était un message.

Mme Bouchard (Françoise): Avant l'été, j'espère.

M. Cormier (Jocelyn): Est-ce qu'on pourrait faire une dernière recommandation à la commission?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On n'a pas fini. On continue, là.

M. Cormier (Jocelyn): Parfait. Parce que j'aurais une dernière recommandation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous aurez sûrement l'occasion de la passer. M. le député de Maskinongé.

(20 h 50)

M. Désilets: Merci. On parle de victimes. Moi, je pense qu'on est tous victimes. Autant les jeunes, les fumeurs, les non-fumeurs, on est tous dans le même bateau. Aussi les personnes qui essaient d'arrêter de fumer, elle sont victimes, elles aussi. Mais je reviens encore sur les plus jeunes, les 10-14 ans. Si on veut bâtir une société, un pays qui a de l'allure, il faut commencer par la base. Comment pouvons-nous expliquer – vous avez essayé de répondre un petit peu tantôt à mon confrère de l'opposition – qu'on ait le double des jeunes de 10-14 ans? On en a 21 %, et, ailleurs dans le pays, dans le reste du Canada, c'est 11 %. Donc, on est deux fois moins performants qu'eux autres là-dedans. On peut l'expliquer de quelle manière? Y a-t-il des lois de l'autre bord? C'est quoi qui se passe? Ça, c'est un peu la question. Mais aussi, on peut devenir performants à quelle vitesse puis à quel rythme? Je comprends que le projet de loi peut toujours être utile, mais il y a aussi de l'éducation, que j'ai compris, pour mettre tout ça en même temps. Mais, tout en disant tantôt qu'on va être des leaders, au Québec, avec notre projet de loi, à quel article vous faites plus mention que d'autres?

Mme Bouchard (Françoise): Il y a 10 des 12 provinces actuellement qui ont des législations de contrôle sur le tabac, donc qui ont déjà pris des moyens pour contrecarrer, actuellement, la montée du tabac chez leurs jeunes. Au Québec, on a à prendre notre moyen. Dans le projet de loi, je pense que...

M. Désilets: Excusez. C'est fait depuis quand dans les autres provinces?

Mme Bouchard (Françoise): Je n'ai pas toutes les dates exactes.

M. Désilets: À peu près?

Mme Bouchard (Françoise): Au cours des cinq dernières années. C'est clair que le problème existait déjà au Québec, la différence avec les autres provinces. On pourrait en débattre. Mais il y a des questions très simples. Je pense que le milieu social dans lequel les jeunes évoluent est extrêmement important. Si vous remarquez, au Québec – et là je lance une explication possible – c'est que le secondaire, les jeunes tombent tout de suite, dès l'âge de 10 ans, au secondaire.

M. Désilets: Douze ans.

Mme Bouchard (Françoise): Ma fille, elle a... elle était au secondaire à 14 ans. Ça fait trois ans. Ça fait que 11 ans... 10, 11 ans... Et le changement d'école est plus tard, dans les autres provinces. Il y a peut-être une explication là, en termes du contexte social et du milieu social, et d'être exposé beaucoup plus à des jeunes déjà plus vieux qui fument. Si tu as un copain de 16 ans, 17 ans, 18 ans qui fume dans ton école, tu es dans un environnement, alors que, si tu es à l'école primaire... Alors, c'est ça, peut-être, la chose...

Mais, dans les mesures de la législation qui sont là, les mesures législatives, je pense, qui vont lancer un message, c'est les interdictions de fumer dans les lieux fréquentés par les jeunes. Je pense que c'est ça qui est un message important au niveau des mesures législatives dans le projet de loi, actuellement. Et, s'il y a des amendements qu'on propose, c'est justement d'étendre cette interdiction-là comme dans les centres commerciaux, complètement l'interdiction de fumer. Les centres commerciaux, c'est un havre pour nos jeunes. C'est la place où ils fréquentent, et tout ça.

Donc, comme message social, que tous les lieux que fréquentent nos jeunes, si on pouvait contrôler l'interdiction de fumer dans ces milieux-là, je pense que déjà on crée un environnement pour que les jeunes ne soient pas exposés.

M. Désilets: Est-ce que le projet de loi va aussi loin ici que dans les autres provinces? Parce que, quand vous me dites ça, vous me dites que ça fait cinq ans à peu près qu'il s'est passé des projets de loi dans d'autres provinces; 1998 moins cinq, ça fait 1993. Ça revient à peu près à 1993, aux limites. Les statistiques partent de 1994. Donc, je pense qu'en dedans d'un an il n'y avait peut-être pas eu le temps d'y avoir des effets. Pourtant, les statistiques...

Mme Bouchard (Françoise): On a eu le tabac, là-dedans, la réduction de la taxe sur le tabac, avant. Je pense que ça, ça a eu un impact énorme quand on a eu, au Québec, la réduction de la taxe juste dans l'année avant.

M. Cormier (Jocelyn): Un élément, peut-être. Je ne suis absolument pas un expert en lois intercanadiennes, etc., c'est compliqué, mais il y a une chose. Je vivais, moi, à Vancouver, il y a 20 ans, même 25 ans de ça, et il y avait déjà des sections non-fumeurs dans les restaurants, avec un marteau, là, pour 200 $ d'amende pour les gens qui ne respectaient pas ça.

Je regarde, au Québec, dans les régions qui sont plus anglophones – ça part de là – il y a une sensibilité plus forte au phénomène du tabagisme et une consommation inférieure chez les anglophones, dans la plupart des cas, et c'est répandu dans tout le Canada. Il faut comprendre que, dans le contexte nord-américain, on est dans une mer anglophone où l'information des quelque 200 ou 300 postes américains de télévision et de radio pénètre facilement le marché canadien, ce qui n'est pas nécessairement vrai pour le Québec. Peu de jeunes sont bilingues, donc ne reçoivent pas l'information, et ça se poursuit comme ça.

Donc, l'information pertinente sur le tabagisme et toutes les campagnes de sensibilisation qui ont pu être faites dans l'ensemble du Canada et des États-Unis ne rentrent pas chez nous de la même façon. Et ça, c'est un fait que l'Association pulmonaire a des bureaux dans toutes les provinces canadiennes. Le taux de tabagisme est plus faible partout et la conscientisation populaire est plus forte par rapport au tabagisme. Dès qu'on veut lancer une campagne sur le tabagisme, tout le monde adhère facilement, les levées de fonds se font facilement. Au Québec, c'est une tout autre histoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député, ça va? Oui, allez-y.

M. Bélanger (Jean-Pierre): Ce que je voulais dire simplement, c'est que ce n'est pas une seule mesure qui va expliquer la différence, c'est un ensemble de mesures. Il y a trois types de mesures qui sont particulièrement, en tout cas, importantes. Il y en a une que c'est le prix. Chez les jeunes en particulier, il y a une relation proportionnelle. Vous augmentez le prix du paquet de cigarettes, la consommation baisse. Il y a, reliée au prix, une question d'accès. Ce que les statistiques démontrent à partir de l'enquête, je veux dire, fédérale, du tabagisme chez les jeunes, c'est que les jeunes Québécois ont plus facilement accès à l'achat de cigarettes chez le dépanneur que dans toutes les autres provinces, et la différence est notable.

Le deuxième élément important, c'est une question d'interdiction, pour bien manifester dans quelle direction la société s'en va. C'est quoi, la valeur dominante d'une société? Ça, au Québec, ça n'a pas toujours été évident. Quand on permet aux jeunes de fumer en sortant de l'école ou de fumer dans la cour de récréation au secondaire, là le message commence à être pas mal ambigu. Quand c'est la même chose qui se produit au cégep, etc., il y a une ambiguïté dans le message quelque part.

Le troisième élément, c'est les valeurs sociales, quand on entretient, au niveau des valeurs sociales, une espèce de tolérance à l'égard de la cigarette. C'est à ce niveau-là que la commandite a un effet, si on veut, un peu pervers, un peu pernicieux. C'est celui de rendre la consommation de cigarettes comme étant quelque chose d'acceptable, finalement, socialement parce que ça aide à financer de la musique, ça aide à financer des sports. Alors, je veux dire, mettez-vous dans la tête d'un jeune qui a accès à un paquet de cigarettes qui n'a pas coûté trop cher pendant un certain temps, qui faisait face à un message relativement ambigu parce qu'on le laissait fumer dans la cour d'école puis ses chums lui passaient des cigarettes, et, en plus de ça, qui va, le samedi soir, à des événements culturels qui sont commandités par des compagnies de tabac... Alors, je veux dire, le message n'est pas toujours évident.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonsoir. Je trouve ça fort intéressant comme discussion, en même temps assez inquiétant de se rendre compte que, chez nous, l'incidence du tabagisme chez les jeunes, les jeunes adolescents, est plus grave qu'ailleurs.

Mon collègue posait des questions pour essayer de comprendre pourquoi les jeunes sont plus mal en point chez nous qu'ailleurs. J'ajouterai à ça: Pourquoi avons-nous un laxisme plus grand chez les vendeurs de cigarettes qu'ailleurs? Pourquoi, par exemple, est-ce plus facilement accessible chez nous? Pourquoi les dépanneurs refusent-ils moins facilement? D'après les informations que vous nous donniez tout à l'heure, on a cette impression que, chez nous, on contrôle moins, on fait moins attention à ça, comme si ça n'apparaissait pas très grave de fournir des cigarettes aux jeunes.

Puis j'enchaînerai sur la question, aussi, de la contrebande. C'est-à-dire qu'il y a la vente légale de cigarettes, avec cet aspect d'illégalité quand on vend à des jeunes qui n'en ont pas l'âge, puis il y a aussi un autre volet qui a toujours été très présent dans ce dossier, celui de la contrebande, pour lequel, d'ailleurs, dans votre mémoire, vous recommandez une augmentation des pénalités. Alors, j'aimerais savoir si vous pensez que la contrebande a un effet important et s'il faut effectivement qu'on augmente les pénalités dans les cas de contrebande. J'aimerais donc avoir vos réactions sur ces deux aspects: la vente illégale, mais quand même par une voie qui, en principe, est légale, et puis l'aspect contrebande.

M. Bélanger (Jean-Pierre): C'est sûr qu'actuellement les contrôles par rapport à la contrebande semblent plus efficaces qu'il y a quelques années. Mais, quand on compare à d'autres types de pénalités... Par exemple, un braconnier qui se fait prendre à braconner, soit en matière de pêche ou en matière de chasse, il risque de se faire saisir son véhicule. Quelqu'un qui se fait prendre avec de l'alcool au volant, son véhicule est saisi presque immédiatement sur place. S'il y avait le même type de contrôle, analogiquement, par rapport à la contrebande de cigarettes, ça en ferait peut-être réfléchir un certain nombre.

Il y a eu par le passé, donc, je dirais, un certain laxisme. On constate actuellement que les contrôles semblent plus efficaces, ça semble poser moins de problèmes. Mais, s'il devait se développer à nouveau une psychose de la contrebande comme celle qu'on a connue, je pense qu'il faudrait éventuellement pouvoir mettre en oeuvre des moyens qui soient à la hauteur de la psychose qu'on essaie de créer.

(21 heures)

Je me permettrai d'extensionner la réponse en allant jusqu'à dire que, deux fois, à deux occasions, l'industrie du tabac a réussi à faire dévier le débat des effets nocifs du tabac. La première fois, ça a été en matière de contrebande, avec tout le mouvement qu'on a connu de mobilisation des dépanneurs qui protestaient contre à la fois le prix du tabac, mais qui était relié à une question de contrebande. Ce dont on parlait à ce moment-là... On ne parlait plus des effets nocifs du tabac, on parlait de la contrebande. La deuxième fois, c'est en matière de commandite. On ne parle plus des effets nocifs du tabac, on parle de la perte de commandite pour des événements culturels. Alors, je pense qu'il ne faut jamais perdre de vue l'objectif premier qui est de lutter contre le tabagisme, et en particulier chez les jeunes.

Mme Malavoy: Qui est une question de santé publique d'abord et avant tout.

Mme Bouchard (Françoise): Oui, définitivement.

M. Bélanger (Jean-Pierre): Oui.

M. Cormier (Jocelyn): Pour poursuivre la réflexion, je pense que ce serait une avenue impraticable. La seule raison pour laquelle la contrebande peut exister, c'est que les cigarettiers sont capables d'expédier des cigarettes sans taxe du côté américain et qu'elles reviennent tout de suite; ce sont des cigarettes québécoises. Dans notre mémoire, nous avons dit: Pourquoi ne nous attaquons-nous pas plus aux compagnies de tabac? Pourquoi ne pas réglementer la sortie de l'usine des compagnies de tabac, voir si les ventes augmentent de façon faramineuse et taxer à la source? Si le paquet de cigarettes qui sort de l'usine est automatiquement taxé, il n'y a plus possibilité de contrebande, c'est impossible, parce que quelque contrebandier que ce soit le paie le même prix que le marché courant. Toutes les autres mesures, ça s'appelle de la répression. Ça coûte trop cher, on se fait tirer dessus, on a peur, puis etc. On l'a vu ce que ça a donné: ça ne fonctionne pas. Et on parle maintenant de hausser le prix à nouveau. On est d'accord avec ça, puisque, c'est reconnu, plus le prix est bas, plus les jeunes vont fumer, et, inversement, c'est vrai aussi. Donc, s'il faut remonter le prix du tabac, il faut, avant de le faire, prévoir un mécanisme qui fera que la cigarette sera taxée dès qu'elle sortira de la ligne de montage.

Mme Malavoy: Est-ce que ça a déjà été essayé quelque part, ça?

M. Cormier (Jocelyn): Ça a été essayé au fédéral en 1992. Et vous êtes habitués aux menaces des compagnies de tabac: elles ont menacé, à cette époque-là, de quitter le pays. Alors, ça nous en fait une belle jambe, ça, sauf qu'on sait très bien qu'une industrie qui fait facilement 500 000 000 $ de profits par année ne va pas quitter le pays, et, si quelqu'un qui fait un profit comme ça quitte le pays, 12 autres vont prendre la place. C'est un fait. Alors, les compagnies de tabac ne quitteront jamais le pays, je ne suis pas inquiet de ça, et, si elles quittent, bien, il faudrait peut-être faire une réception pour fêter ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée.

Mme Malavoy: Oui, je vais arrêter, je ne ferai pas d'autres commentaires.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Bon, j'ai beaucoup apprécié votre présentation, mais je vais prendre la discussion là où elle est présentement. Vous dites qu'elles ne quitteront pas le pays, et je veux bien croire comme vous que ce ne serait peut-être pas dramatique, mais il reste qu'elles vont vendre autant de tabac même si elles quittent le pays, hein, même si elles les fabriquent aux États-Unis, au Mexique ou ailleurs, elles n'en fabriqueront pas moins. Elles vont en fabriquer autant, elles vont en vendre autant ici, on va s'empoisonner autant, sauf qu'on aura perdu un peu de bénéfices qui viennent de la taxe du tabac. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Cormier (Jocelyn): Bien, je trouve ça un peu immoral d'avancer des arguments comme ceux-là, je regrette. Je vous trouve bien sympathique, et ce n'est pas personnel du tout. Et l'impression que vous avez là, jusqu'à un certain point, on peut la partager, on peut dire: Oui, c'est vrai, nous perdrons certains emplois. Est-ce que c'est ça qui doit primer sur la santé? Est-ce que 12 000 victimes justifient tant d'argent, ou 500 emplois, ou 1 000 emplois? On sait très bien que l'industrie du tabac réduit, année après année, le nombre de travailleurs québécois sur la chaîne de montage parce que les machines à cigarettes sont de plus en plus performantes, et que jamais elles n'affichent qu'elles ont de moins en moins d'employés. Alors, jusqu'où on va tolérer une industrie du crime?

M. Dion: Bon, regardez, moi, je ne veux pas défendre les compagnies de tabac. Vous me répondez que c'est immoral, parce que vous dites: Quel poids que ça a par rapport à la santé? C'est que le fait qu'elles fabriquent le tabac ici ou ailleurs, ça ne change rien quant à la santé, le problème n'est pas là. C'est pour ça que je vous dis: Tant mieux s'il y a une solution là, tant mieux, mais...

M. Cormier (Jocelyn): Je pense qu'il faut la chercher.

M. Dion: ...il me semble que la démonstration n'est pas faite. Mais, comme il y a très peu de temps, j'aimerais plutôt aller sur un sujet qui, moi, me préoccupe beaucoup plus et dont on a parlé d'ailleurs amplement. J'aimerais y revenir, et c'est toute la question des jeunes. Parce que, on dira ce qu'on voudra, l'aspect le plus important de cette loi-là, c'est la protection qu'on veut apporter à nos jeunes contre la pression sociale qui encourage, c'est-à-dire qui oriente le besoin de révolte qu'ils ont à l'adolescence à le manifester par l'usage du tabac.

M. Cormier (Jocelyn): Certains jeunes. Il faut faire attention. J'ai entendu un sociologue, à un moment donné, dire que c'était un rite de passage normal. Ça vaudrait dire que 60 % de nos jeunes n'ont pas de rite de passage, qu'ils restent enfants, eux autres, parce qu'ils ne fument pas. Alors, c'est peut-être un des rites pour certains groupes de jeunes. Et 40 % des jeunes qui fument, actuellement, c'est un scandale, j'en conviens. Il n'empêche que pas moins de 60 % des jeunes vont se rendre à l'âge adulte, sont stressés comme tout le monde, ont des difficultés, doivent affronter l'adolescence et tous ses revers et ne passent pas par ce rite-là, de fumer. Donc, certains jeunes, oui, vont passer par là, et c'est à nous de voir comment s'y prendre pour faire renverser ça.

Vous savez qu'au Canada les jeunes chiquent du tabac, et c'est un problème énorme. Heureusement, on n'a pas celui-là. Mais qu'est-ce qui pousse ces jeunes-là à chiquer du tabac? C'est un autre problème, il faudra peut-être le prévoir un jour.

M. Dion: Je suis très heureux de vous entendre, parce que vous dites en d'autres mots la même chose que moi. C'est bien sûr que c'est juste une des manifestations, bon. La loi prévoit un certain nombre de choses pour limiter, en tout cas, rendre plus difficile l'accès au tabac pour les jeunes. Ma crainte, c'est que ça ne soit pas très efficace.

M. Cormier (Jocelyn): C'est un des éléments, mais ce ne sera certainement pas efficace au point de faire réduire de 50 % le nombre de jeunes qui fument, parce qu'ils vont réussir, le 50 % qui va rester, à encore se trouver les produits du tabac. Ils sont attirés à ça comme un aimant. C'est ça qu'il faut désamorcer; il faut trouver une solution. Si on était capables de la trouver, la solution, on l'aurait déjà appliquée.

Il est certain que la loi va servir. Parce que, quand on s'est aperçu que la taxe a baissé, on s'est aperçu tout de suite, d'ailleurs ça avait commencé avec la contrebande, qu'il y avait une augmentation de la consommation. Donc, c'est vrai qu'augmenter le prix fait diminuer un peu la consommation. Mais, si on se retrouve avec les prix qu'on avait avant la contrebande et avant la baisse de taxes, on se retrouverait avec 19 % de fumeurs. C'est encore beaucoup. Alors, ces 19 % là, il faudrait trouver des solutions pour désamorcer cet engouement qu'ils ont pour le tabac. Ce n'est pas bon au départ. Il y a quelque chose qui les attire vers ça: le goût de s'affirmer, le goût de ci, le goût de ça, d'appartenir à un groupe, etc. C'est là-dessus qu'il va falloir travailler, mais ce n'est pas facile. Mais la loi ne joue pas dans ça là. L'attirance qu'ils ont pour le tabac, la loi ne peut pas régler ça. Elle peut régler le prix, elle peut régler l'accessibilité, la publicité, la commandite, etc. Mais il y a aussi, comme on le disait tantôt, un millier de dossiers du tabac; il n'y en a pas qu'un seul. Puis les solutions aussi sont nombreuses, mais on n'en a pas encore vu peut-être la moitié d'appliquées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Dion: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je vais me permettre, comme président, quelque chose que je ne me permets pas souvent. Depuis le début, depuis mardi qu'on fait des auditions, M. le ministre a expliqué beaucoup au début que le projet de loi, si on voulait atteindre les objectifs visés, c'était vraiment à long terme et sur les jeunes. Tout le monde, sans exception, tous les groupes, sans exception, reconnaissent que ça prend une loi, reconnaissent qu'il faut faire quelque chose, sans exception, fabricants, producteurs, vendeurs, ceux qui sont dans la santé, etc., sans exception. Je vais profiter un petit peu de votre présence, parce que vous êtes le dernier groupe sur le plan santé. On a encore quelques groupes, mais, sur le plan santé, vous êtes le dernier groupe.

Moi, je vous avoue que, que les gens viennent puis que les manufacturiers, exemple, veuillent sauver des emplois, je suis un homme d'affaires, je suis capable de comprendre ça, que les gens viennent, que les organisateurs d'événements, je suis capable de comprendre ça aussi, que chacun et chacune vienne défendre ses intérêts, je suis capable de comprendre ça. Mais, par rapport à l'objectif de la loi, qui est assez précise par le ministre, c'est-à-dire à long terme, une société qui va se sauver de ça, je trouve que, on en a eu qui sont intervenus, mais, quant à moi, on n'en a pas eu assez.

Et, quand je regarde les tableaux que vous nous avez fournis, je pense que ces tableaux-là, on va se faire un devoir d'essayer de les faire circuler. Parce que, quand je regarde ces tableaux-là qui disent qu'entre 10 ans et 14 ans il y a 20 % qui fument, puis qu'entre 15 ans et 19 ans, il y a 32 %, c'est beaucoup. Quand je regarde: Nombre moyen de cigarettes fumées par jour, selon le groupe d'âge, 7,7, tout près de huit, pour en bas de 14 ans; et 11 cigarettes entre 15 et 19, c'est aussi beaucoup. Un autre tableau qui dit que les parents ne savent pas que les jeunes fument; ça, c'est assez renversant aussi. Pourcentage de fumeurs qui rapportent avoir pensé à arrêter, 75 % des jeunes, puis que ça n'arrête pas. On le sait, tout le monde le dit que ça n'arrêtait pas. Un autre tableau: Fumeurs qui se procurent habituellement leurs cigarettes au dépanneur. Ça, je vous avoue que je suis totalement renversé: 51 % entre 10 ans et 14 ans; et 72 % entre 15 ans et 19 ans.

(21 h 10)

Je m'en vais à une autre feuille – et c'est là que j'ai un problème sérieux – où vous dites, c'est-à-dire selon les études, sondages, les jeunes qui se sont fait demander leur âge, entre 10 ans et 14 ans, seulement 50 %; entre 15 ans et 19, seulement 33 %; se sont fait refuser, entre 10 ans et 14 ans, seulement 54 %; entre 15 ans et 19 ans, 27 %. Il y a beaucoup de monde qui sont venus ici, devant nous, qui avait des responsabilités, soit des dépanneurs, peu importe, là où ça se vend, tout le monde là où ça se vend. On nous a parlé de machines, de contrôle à distance, etc.

Moi, je veux savoir de vous qui êtes docteure, qui êtes mère de famille, etc., et messieurs qui êtes des spécialistes, vous êtes le dernier groupe où on a la chance d'avoir, je pense, cette opinion-là. Tous les autres sont tous d'accord et tous ceux qui vont venir vont être tous d'accord. J'ai rarement vu, depuis quatre ans que je suis en politique, une loi aussi désirée, tout en acceptant le fait que chacun veut protéger ses affaires. Si je suis l'objectif du ministre, qui est de changer une société à long terme, qui dit qu'il faut commencer par nos jeunes, j'ai rarement entendu quelqu'un... Et là je veux vous entendre avant que vous ne partiez. C'est quoi qu'il faut faire de plus précis?

Mme Bouchard (Françoise): Adopter le projet de loi avant l'été.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que c'est suffisant?

M. Cormier (Jocelyn): Non.

Mme Bouchard (Françoise): C'est la première étape. Vous avez là un outil qu'on va se donner comme province, comme société nationale, comme Québécois, pour enfin lancer un message que, dans notre société, en tant que gouvernement, on va prendre des mesures. Je pense que, là, vous avez un outil. Moi, je suis fière de ce projet de loi là, et vous devez en être fiers. On devrait en être fiers comme société parce que, finalement, on attaque le problème, comme société. Moi, je vous encourage et j'espère que vous allez le voter avant l'été. Ce n'est pas le temps d'attendre, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Cormier, un dernier commentaire.

M. Cormier (Jocelyn): Ça presse, c'est vrai. Mais aussi, il faut parler de son application. Un bon projet de loi doit aussi avoir des dents. Un dentier édenté, on ne va pas loin avec ça, ça ne mâche pas beaucoup. Alors, ça prend cette loi-là applicable et, dans les faits, réalisable. Et ça va prendre par la suite ce qu'il faut aussi pour rejoindre tous les groupes concernés: fumeurs, ex-fumeurs, non-fumeurs, futurs fumeurs. Alors, ça va prendre des programmes aussi qui vont aller avec ça pour supporter. Et j'aurais une demande toute spéciale. C'est ça que je voulais dire tantôt. S'il vous plaît, aidons les organismes du milieu qui sont déjà là depuis très longtemps et qui ont besoin de support. Pour une fois, on voit une avenue très claire prise par le gouvernement. On veut investir ce domaine-là et on veut en sortir les compagnies de tabac et protéger notre population. Alors, on a besoin d'aide. Tous les organismes qui se sont présentés devant vous sont dans le même cas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, au nom de la commission, merci beaucoup pour votre présentation et votre présence. J'invite l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons pour ce soir le dernier groupe, les représentants de l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec. M. Coutu et vos représentants, bienvenue, et je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent et à débuter votre mémoire.


Office des producteurs de tabac jaune du Québec (OPTJQ)

M. Coutu (Daniel): Merci, M. le ministre et M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Seulement M. le Président, ça va faire, et adressez-vous toujours au président, ça va être moins compliqué.

M. Coutu (Daniel): Mesdames et messieurs, le vice-président de l'Office, M. Jean-Guy Asselin; le secrétaire de l'Office, M. Richard Desmarais. M. le ministre. Je voudrais tout d'abord remercier la commission des affaires sociales de nous recevoir pour nous entendre et souligner par le fait même un merci personnel à M. Gilles Baril, député de Berthier, qui nous a permis de nous faire entendre. Soyez assurés que je me sentirais beaucoup mieux assis sur mon tracteur à la ferme qu'être ici ce soir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Soyez à l'aise et soyez assuré qu'on vous comprend.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Coutu (Daniel): Je n'en suis pas sûr.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ah oui, oui, on vous comprend, mais soyez très à l'aise. Il n'y a pas de problème.

Mme Malavoy: Imaginez-vous sur votre tracteur.

M. Coutu (Daniel): Malgré que, ce soir, je m'aperçois que ça ne sera pas si pire, parce que c'est un vendredi soir, la plantation de tabac se terminait cette semaine et puis on n'annonce pas de gel ce soir. Ça fait qu'on va pouvoir s'en retourner chez nous puis dormir tranquille.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On espère qu'on ne vous gèlera pas, nous autres non plus.

M. Coutu (Daniel): Je pense que vous avez tous une copie de notre petit mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Coutu (Daniel): Si vous voulez bien, on va débuter par la page 8. C'est tout simplement un historique du tabac au Québec. Ça fait environ 60 ans que la production du tabac au Québec a débuté. Elle a débuté par sept producteurs qui ont produit 20 000 livres de tabac dans ces années-là. À cause de la qualité du tabac – si ça ne vous fait rien, je vais récupérer mon – ...

La Présidente (Mme Malavoy): Il faut nous excuser, il y a des changements comme ça de temps en temps, mais ça ne sera pas long. Alors, allez-y calmement. On vous suit très bien jusqu'ici.

(21 h 20)

M. Coutu (Daniel): ...qui s'est produit au Québec, du tabac industriel, des compagnies ont semblé être intéressées à acheter le tabac du Québec. Ça a été encouragé très fortement par les gouvernements du temps. Ainsi, moins de cinq ans après les débuts de cette culture, c'est-à-dire vers l'année 1938, le nombre de tabaculteurs s'élève à 60 et la production augmente de 1 500 000 livres. En 1941, on compte 245 producteurs assurant une production totale de 4 300 000 livres. En moins de 10 ans, l'évolution a été fulgurante. Artisanale au début et produisant en... a revêtu une importance majeure, car elle est multipliée par 215... Il en résulte évidemment des retombées économiques pour l'ensemble du Québec et tout particulièrement pour les régions productrices de tabac: création d'emplois directs et indirects... Et ainsi l'industrie québécoise de transformation d'engrais, etc.

Jusqu'au début des années quatre-vingt, la production québécoise de tabac augmentait de façon constante. En 1984, après une certaine rationalisation des activités, la production annuelle totale de tabac jaune du Québec s'éleva à 15 500 000 livres. Le nombre de producteurs passait à 145. Depuis lors, la production s'est mise à décliner de façon accélérée provoquant du même coup une chute majeure du nombre d'entreprises se consacrant à la culture du tabac. De 1984 à 1996, la baisse représente en gros une perte de 50 % des effectifs de production et une chute de 50 % de la production du tabac jaune au Québec. Comme l'indique le tableau qui figure en annexe, durant la période visée – ça, c'est le tableau de la page 9, s'il y en a qui veulent en prendre connaissance – les producteurs, en effet, sont passés de 145 à 61, pour l'année 1998, et, par le fait même, la quantité de tabac produit est passée de 15 500 000 livres, qu'elle était en 1984, à 6 200 000 livres, pour l'année 1998.

Phénomène digne de mention: l'essentiel de cette chute dramatique survient lors de la période durant laquelle le gouvernement adopte diverses mesures à l'égard du tabac, car, entre autres, ces mesures entraînent des conséquences destructives pour le tabaculteur québécois. L'Office des producteurs de tabac jaune du Québec trouve la situation présente extrêmement ironique. De fait, le gouvernement actuel s'acharne à détruire ce que les gouvernements antérieurs ont construit en versant des subventions pour la mise en valeur des terres qui, au départ, constituaient des terres incultes. Ça, ça veut dire que les terres où c'est qu'il s'est fait du tabac dans la région de Joliette, avant qu'il se fasse du tabac, c'était des terres tout simplement de bouleaux, abandonnées. Il ne se produisait aucune culture là-dessus.

Si vous voulez bien, on va revenir à la page 3, un peu l'image de l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec. L'Office des producteurs de tabac jaune du Québec, l'OPTJQ, comme on l'appelle, est un organisme à but non lucratif qui regroupe tous les producteurs de tabac jaune du Québec. La plupart des entreprises de production de tabac jaune du Québec se situent dans la région de Lanaudière et de Joliette et quelques-uns en Mauricie. Le siège social de l'Office se situe à Saint-Thomas de Joliette. La fonction première de l'Office consiste à représenter ses membres et à les défendre lors des interventions socioéconomiques. C'est ainsi que depuis le 21 juin 1958, l'Office administre le «Plan conjoint des producteurs de tabac jaune du Québec», lequel a été constitué en vertu de la loi de la mise en marché des produits agricoles et des pêches du Québec. En outre, l'Office est l'agent de vente exclusif du tabac jaune du Québec. Ce type de tabac est strictement, uniquement fabriqué pour la consommation de cigarettes canadiennes. Du fait que le tabac jaune sert seulement à la production de cigarettes, le projet de loi sur le tabac du gouvernement québécois pourrait avoir un impact majeur sur la production du tabac jaune au Québec par rapport à l'Office.

C'est en raison de cette force politique et à cause de son manque de représentation et de défense des intérêts des producteurs que l'Office tient à faire connaître ses vues sur diverses matières les concernant et qui font l'objet soit de certaines mesures législatives mises de l'avant dans le projet de loi, soit de certaines analyses figurant dans les études commandées par le législateur. Excusez-moi, ça se replace tranquillement.

La Présidente (Mme Malavoy): Ça va, de toute façon...

M. Rochon: Ça s'entend très bien.

La Présidente (Mme Malavoy): ...on vous suit bien.

M. Coutu (Daniel): Ça allait bien. Si ça ne vous fait rien, je vais laisser le vice-président continuer quelques secondes.

La Présidente (Mme Malavoy): Très bien. Alors, M. Asselin, je vous en prie, allez-y.

M. Asselin (Jean-Guy): Mme la Présidente, distingués membres du panel, à l'égard du projet de loi sur le tabac du gouvernement du Québec, les producteurs de tabac membres de l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec ont des positions de principe claires.

Premièrement, les producteurs souscrivent sans réserve aux objectifs poursuivis par le gouvernement en ce qui touche les jeunes et la consommation du tabac. L'usage du tabac constitue une activité réservée aux adultes qui le désirent.

Deuxièmement, quant à l'information sur les risques associés à la consommation du tabac, les producteurs sont d'accord avec les initiatives propres à renseigner le public. Ces initiatives doivent cependant reposer sur des connaissances rigoureuses et tenir véritablement compte du droit de fumer légalement, reconnu à chaque citoyen adulte.

Troisièmement, le respect des droits et libertés des fumeurs et des non-fumeurs doit être sauvegardé. L'Office des producteurs de tabac jaune du Québec s'oppose fermement à toute mesure législative ou réglementaire qui pourrait avoir pour effet de porter atteinte aux droits et libertés de chaque classe de la société, quelle qu'elle soit. Réciproquement, l'Office ne s'oppose en rien aux mesures qui permettent au gouvernement de poursuivre ses objectifs en respectant les droits et libertés de tous et chacun.

Partant de la prémisse d'après laquelle il y aurait toujours des fumeurs au Québec, même si le nombre diminue, l'Office s'estime justifié de demander qu'on lui laisse la possibilité de produire ici le tabac qui est consommé ici. Il n'y aurait aucun avantage à ce que les fumeurs de chez nous consomment du tabac cultivé ailleurs, au profit de producteurs et de travailleurs ainsi que de gouvernements étrangers. Pour cette raison, l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec s'objecte vigoureusement à toute mesure fiscale ou autre susceptible d'entraîner une hausse excessive du coût de produits du tabac et, par conséquent, de relancer la contrebande. Dans un tel cas, en effet, même s'il n'y a aucune baisse de consommation, il peut y avoir importation de tabac étranger et donc exportation de l'emploi, ce qui surviendrait au détriment des entreprises du Québec.

(21 h 30)

L'impact économique et la culture du tabac. Ce nombre est passé de 145 au début des années quatre-vingt, on devrait dire ici plutôt des années quatre-vingt-dix, fin quatre-vingt, à 61 aujourd'hui: une perte de 84 fermes. Le nombre d'emplois dans le secteur s'établit présentement à 1 150 employés, plus de 1 100 emplois ont été perdus dans le secteur depuis la fin, on devrait dire la fin au lieu du début, des années quatre-vingt. Les salaires versés dans le secteur s'élevant présentement, en 1997, à 9 300 000 $, ceci encore de la fin des années 1980 jusqu'à maintenant, les salaires perdus se chiffrent à 9 000 000 $ par année.

Les revenus à la ferme sont présentement de 21 000 000 $. La perte précipitée de 84 fermes représente donc pour l'économie régionale une perte de revenus à la ferme de l'ordre de 20 000 000 $.

La valeur des intrants. Annuellement, la charge que représentent les intrants s'établit de 6 500 000 $.

En moyenne, les investissements par ferme sont de 950 000 $.

La superficie totale des fermes de production de tabac est passée de 7 300 acres en 1980 à 3 900 en 1997.

Pour une large part, il semble que le projet de loi sur le tabac du gouvernement du Québec prenne appui sur une étude d'impact effectuée par Pierre-Yves Crémieux et Pierre Ouellette, et autres. Étant donné que l'étude précitée présente à certains égards des renseignements plutôt inexacts, tantôt incomplets et tantôt imprécis, il y a lieu de rectifier ici quelques faits marquants.

En ce qui a trait à l'apport économique de la région de Lanaudière, le tabac occupe la quatrième place, contrairement à ce que d'aucuns laissent entendre. Il n'est donc pas une composante négligeable pour l'économie locale.

De 1984 à 1996, il y a eu une chute de production de tabac jaune au Québec. Comme le montre l'annexe à la page 9, qui figure à la fin du présent document, cette chute ne correspond pas à une baisse de la demande. Par exemple, en 1990 et en 1995, la demande de tabac jaune au Québec a été supérieure à la production qui a été faite. Si l'on exclut la variation de la production attribuable aux phénomènes naturels, il faut se rendre à l'évidence que la chute de production coïncide avec l'augmentation exagérée de la taxation, laquelle a relancé la contrebande.

L'étude d'impact parle de revenus de 10 000 $ par hectare de culture de tabac, ce qui représente une sous-estimation d'environ 20 %, puisque les revenus bruts de l'hectare se situent autour de 12 000 $ pour la culture de tabac.

L'étude d'impact présente comme négligeable la perte de revenus encourue par les agriculteurs qui passeraient de la culture du tabac à d'autres cultures, notamment celle de la pomme de terre. Ce qui appelle trois remarques. Un hectare de pommes de terre rapporte 4 600 $ au lieu de 12 000 $ que rapporte l'hectare de tabac. C'est une différence qui n'est nullement négligeable. Sur les 84 producteurs qui ont quitté la production de tabac, deux seulement produisent de la pomme de terre sur des terres à tabac et ils le font avec difficulté. Le programme fédéral de recherche sur le remplacement de la culture du tabac a procédé à l'évaluation de 40 types de cultures de rechange différentes au point de vue agronomique, économique, et le reste, et aucun des 40 types n'a été reconnu comme étant rentable. Comme il a été mentionné plus tôt, les terres à tabac, ce sont des sables très pauvres. C'est la culture de tabac qui s'adonne bien, mais aucune autre culture ou presque pas peut se faire sur ce type de sol. Le programme fédéral de recherche n'existe plus, alors on nous a laissés à nous-mêmes.

Les conséquences d'une baisse de consommation de 7 % qui générerait une baisse de production, elle aussi, de 7 % sont nettement plus importantes que ce que laisse entendre l'étude d'impact. La perte réelle résultant d'une telle baisse serait de l'ordre de 560 000 livres de tabac, ce qui représente un montant de 1 400 000 $. Une telle baisse entraînerait l'équivalent de la perte de cinq fermes, ce qui se traduirait par la suppression d'une centaine d'emplois saisonniers et familiaux et non pas de 14 comme le prétend l'étude. Les salaires payés à l'employé ainsi perdus totalisent 700 000 $ par année.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Est-ce que c'est terminé?

M. Asselin (Jean-Guy): Oui. Je peux continuer. S'il y avait des questions, ça me ferait plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Ça n'a pas été trop, trop dur? C'est pire que sur un tracteur, d'après ce que j'ai compris.

M. Asselin (Jean-Guy): Bien, ça a peut-être été dur pour vous autres...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, ça n'a pas été dur.

M. Asselin (Jean-Guy): ...de l'entendre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez très bien fait ça. Ça a été très facile pour nous. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Bien, bonsoir. Merci d'avoir fait tout le trajet depuis votre région jusqu'ici pour venir nous rencontrer. Sachez qu'on l'apprécie beaucoup. Comme vous le dites dans votre mémoire, on partage les mêmes objectifs. Je pense qu'on veut tous – et vous le dites très bien – avoir le genre de programme de santé publique avec une bonne législation qui empêche nos jeunes de fumer. On est le seul endroit de toutes les provinces canadiennes, présentement, où, au lieu d'avoir une situation stable ou en décroissance quant aux jeunes qui commencent à fumer, nous, on monte. Vous savez que ça a doublé dans les cinq dernières années, à peu près, la proportion de jeunes qui commencent à fumer. Par contre, comme vous le dites, on est tous d'accord aussi de respecter les choix libres que veulent faire des adultes et tout en protégeant ceux qui ne fument pas de la fumée du tabac. Alors, on s'entend sur les objectifs.

On reconnaît que, en passant une législation comme ça, ça produit des changements, et on veut donner le temps à tout le monde de faire les ajustements nécessaires, si la réalité peut changer. J'aurais peut-être voulu vous entendre un peu plus sur les possibilités de conversion, là. Je comprends que vous dites que c'est des terres où on ne peut pas faire grand-chose de plus pour différentes raisons. Alors qu'on n'avait pas de législation, la production a baissé de beaucoup, comme vous le démontrez. Qu'est-ce qui est arrivé de tous les endroits où on produisait du tabac puis où on n'en produit pas maintenant? Il y a eu de la conversion pour d'autres cultures ou... Puis est-ce qu'il y a des possibilités au cours des 25 à 30 prochaines années? Parce que, avant que la production baisse de façon importante... On ne se fait pas d'illusions, si on réussit à arrêter les jeunes de commencer à fumer, à diminuer la proportion des jeunes qui commencent à fumer, graduellement, avec une nouvelle norme sociale qui fait qu'il y a de moins en moins de gens qui fument, on est quand même réaliste, après toutes les prévisions que les experts nous font, c'est 20, 25, 30 ans avant qu'il y ait un impact majeur sur la consommation de tabac, l'utilisation de tabac.

On est entièrement d'accord quand vous dites, par exemple, au début de votre document, qu'il n'est pas question de rendre la production de tabac illégale. Tant qu'il se consommera du tabac au Québec, aussi bien le produire chez nous pour les gens qui le consomment ici. Ça, il n'y a pas de problème là-dessus. Le sentiment qu'on avait, c'est que l'impact que ça peut avoir, c'est graduel, c'est que, au cours des 20 à 30 prochaines années, on peut le voir venir et prendre graduellement des mesures alternatives de sorte que les gens n'en souffrent pas de ça. Alors, ma première question: Qu'est-ce qui est arrivé de toute la transformation des endroits de culture où, visiblement, on ne produit plus de tabac? Est-ce qu'il y a quand même des possibilités de conversion si le gouvernement développe des programmes à cet égard? Conversion de cultures, là.

M. Coutu (Daniel): Présentement, il n'y a aucun programme pour transférer à une autre culture. Les terres qui étaient en tabac antérieurement, je peux vous en montrer un exemple, mon voisin, c'est une terre abandonnée, tout simplement: mauvaises herbes, les arbres qui se remettent à pousser.

M. Rochon: Il n'y a pas eu, dans votre région, de conversion de cultures du tout?

M. Coutu (Daniel): Dans certains coins, il y a des terres... Dans certains secteurs, il y a des terres qui étaient un peu plus riches que certaines autres terres qu'ils ont réussi à transformer en culture de pommes de terre. Ils faisaient beaucoup d'irrigation. Ça prend beaucoup plus d'engrais, donc beaucoup plus, entre parenthèses, de contamination des sols. Beaucoup plus d'engrais, beaucoup plus d'irrigation, ce qui va donner des rendements plus ou moins intéressants, mais, vu que c'est des terres sablonneuses qu'ils vont pouvoir cultiver un peu plus tôt au printemps, ils vont pouvoir embarquer sur le marché hâtif et, même si les rendements sont moins bons, ils vont réussir à sortir avec un certain prix raisonnable. Mais ce n'est pas des terres recherchées par les producteurs de pommes de terre, entre autres. C'est quasiment à 100 % des terres qui ont été abandonnées, qui ont laissé la culture du tabac... qui n'ont pas été abandonnées, ils se sont en allés dans la culture de pommes de terre.

(21 h 40)

Pour faire une petite remarque, c'est vrai que la consommation du tabac, elle a augmenté chez les jeunes. Elle a augmenté, même, d'un pourcentage dans certains pays puis même un peu au Canada, mais, au Québec, je vous ferai la remarque qu'on n'a pas eu la production de la consommation qu'il y a eu probablement parce qu'on est rendu dans un monde où tout est mondialisé puis que tous les pays cherchent à vendre leurs produits. Et puis, nous, comme Office, nous espérons bien que, tant qu'il va y avoir de la consommation au Québec, on ait le droit d'avoir de la production. Il y a même un pays qui nous a approchés pour avoir de l'expertise, pour qu'on leur donne de l'expertise pour qu'ils... Ils veulent commencer à produire du tabac. Bien, soyez en assurés qu'on n'est pas prêt à donner de l'expertise pendant que, nous autres, on est en pleine diminution.

M. Rochon: Sur ce point que vous avez mentionné, là, je pense que je peux vous rassurer, je n'ai jamais entendu aucune discussion pour dire que, tant qu'il va se consommer du tabac au Québec, on voudrait l'importer.

M. Coutu (Daniel): Mais il s'en importe déjà.

M. Rochon: Oui, je sais, mais ce n'est pas le gouvernement qui va vouloir diminuer la production au Québec si cette production-là peut être consommée au Québec pour aller plutôt l'importer. Là-dessus, je voudrais au moins vous rassurer, là.

M. Coutu (Daniel): Parce que, présentement, on fait seulement de la production pour la consommation domestique canadienne.

M. Rochon: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Rochon: Moi, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. C'est à mon tour de vous remercier, M. Coutu. J'ai bien apprécié aussi votre courage de vouloir aller jusqu'à la fin de votre présentation. Puis, moi, j'ai une question simple à vous poser: Il «est-u» bon, votre tabac?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Coutu (Daniel): Notre tabac?

M. Marsan: Que vous produisez. Il «est-u» bon?

M. Coutu (Daniel): Certainement. On produit une qualité... Moi, je n'aime pas le mot «qualité», parce que chaque pays, chaque province a sa qualité, mais, au Québec, on produit une qualité qui est recherchée. Il y a 10 % de notre tabac québécois qui est dans la cigarette canadienne, qui donne un certain goût à la cigarette puis qui est beaucoup recherché par les petites compagnies québécoises parce qu'il a une très belle couleur puis il n'est pas, disons, dur pour les personnes qui le consomment. C'est pour ça qu'on voit présentement sortir le phénomène des petites compagnies indépendantes qui sortent sur le marché avec du tabac... Ils aiment ça, avoir un pourcentage de tabac canadien pour, bien souvent, adoucir les tabacs plus forts de l'Ontario.

M. Marsan: C'est quoi, les meilleures régions – je pense que vous êtes de Lanaudière – pour la production du tabac? Est-ce que c'est seulement Lanaudière? Est-ce qu'il y a d'autres endroits au Québec où on a de la bonne qualité aussi, de la bonne production?

M. Coutu (Daniel): Antérieurement, il y avait, dans l'Outaouais, le comté de Pontiac qui faisait du tabac. Il y a sur la rive sud, dans le bout de Sorel, mais, question de qualité, ça a tout le temps été la région de Lanaudière.

M. Asselin (Jean-Guy): Joliette, Berthier...

M. Coutu (Daniel): C'est les deux comtés, là, le comté de Joliette et le comté de Berthier, où il y a seulement la production, excepté deux qui sont dans la région de Trois-Rivières.

M. Marsan: La production, comme ça, sur la terre, combien ça peut faire vivre de familles, le savez-vous, à peu près?

M. Coutu (Daniel): Il y a déjà eu 145 producteurs, puis chaque producteur faisait vivre à peu près deux à trois familles. Présentement, on est 61 producteurs, puis chaque producteur a... on appelle ça un «premier homme» qui travaille régulièrement sur la ferme. Ils font vivre de deux à trois familles, en plus des femmes et des jeunes qui viennent travailler l'été chez nous pour se ramasser des sous pour faire leurs études.

M. Marsan: Est-ce que vous réussissez à garder vos jeunes aussi sur les fermes à ce moment-ci ou si c'est le même phénomène...

M. Coutu (Daniel): La relève est très intéressée. La plupart des producteurs qu'il y a présentement, quand ils transfèrent, ils transfèrent à leurs jeunes. C'est impossible, aujourd'hui, de transférer à un étranger. Selon la valeur des fermes.

M. Marsan: Juste en terminant, M. le président, j'apprécie beaucoup, tout de suite au début de votre mémoire, vous avez placé les jeunes et le tabac, vous avez bien situé, je pense, les démarches qui sont faites ou l'étude que nous faisons actuellement. Alors, vous souscrivez sans réserve aux objectifs, là, de réduire la consommation chez les jeunes et aussi de les empêcher de fumer, et ça, je pense que c'est important, puis c'est aussi à votre honneur à vous autres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député. J'invite maintenant Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Je comprends fort bien que ce dont on discute aujourd'hui ait de l'importance pour vous parce que la production du tabac, c'est votre gagne-pain, je le comprends bien. Une chose que j'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu plus, c'est comment vous calculez l'impact d'une baisse de production et de consommation sur le nombre d'emplois. Vous dites que l'étude à laquelle on se réfère est une étude qui ne donne pas les bons résultats, qu'elle indique une baisse simplement de 14 emplois, alors que vous parlez d'une centaine d'emplois saisonniers et familiaux, j'aimerais comprendre comment vous calculez ça. Et, là encore, est-ce que vous êtes capable d'imaginer un certain étalement dans le temps? Parce que, évidemment, la loi dont on parle, elle n'aura pas un effet immédiat demain matin, alors j'aimerais que vous m'expliquiez comment vous faites votre raisonnement pour arriver à ce chiffre-là.

M. Asselin (Jean-Guy): Eh bien, chaque ferme emploie de 15 à 20... jusqu'à 25 employés par ferme. Si vous multipliez, tout de suite en partant, une perte de 84 fermes, vous pouvez en arriver à ces chiffres.

Mme Malavoy: Est-ce que je peux vous demander si ce sont des emplois surtout saisonniers? Parce que 20, 25 employés par ferme, c'est quand même beaucoup, c'est...

M. Asselin (Jean-Guy): Durant la récolte, c'est régulier, chaque ferme entre 20 et 25.

Mme Malavoy: Et la récolte dure combien de temps?

M. Asselin (Jean-Guy): Le plus gros de la récolte va durer alentour de deux mois, de neuf à 10 semaines.

Mme Malavoy: Donc, la plupart des emplois dont vous me parlez, ce sont des emplois saisonniers. Là-dessus...

M. Asselin (Jean-Guy): Il y a des saisonniers. Il y en a durant la récolte des employés réguliers. On va avoir sept à huit employés réguliers. Bien, je veux dire, réguliers, à partir du printemps aller à la fin de la récolte. Mais, au moment de la récolte même, c'est là qu'on a le plus fort de nos emplois. Maintenant, pour la plantation, qui dure environ 15 jours, disons qu'on a un boom. Ensuite, ça se stabilise à sept, huit, puis, durant la récolte, on peut monter à 20, 25, en tout, par ferme.

Mme Malavoy: O.K. Mais les réguliers sont aussi saisonniers, c'est-à-dire qu'ils sont du printemps à la récolte, mais...

M. Asselin (Jean-Guy): On en a un ou deux par ferme qui sont à l'année, réguliers.

Mme Malavoy: Qui sont généralement les propriétaires, j'imagine.

M. Asselin (Jean-Guy): On a des employés qui ne sont...

Mme Malavoy: Des employés aussi.

M. Asselin (Jean-Guy): Oui, soit le fils ou un membre près de la famille.

Mme Malavoy: Et ce sont des gens qui ont quelles caractéristiques, vos employés saisonniers? Est-ce que ce sont des jeunes? Est-ce que ce sont des employés spécialisés dans ce type de récolte?

M. Asselin (Jean-Guy): Oui, ce sont des employés spécialisés dans ce type de récolte. Il y a des jeunes aussi. Bien, c'est devenu de plus en plus difficile d'employer des jeunes pour la récolte parce que la récolte se prolongeait jusqu'à la mi-septembre.

Mme Malavoy: Ils vont à l'école.

M. Asselin (Jean-Guy): L'école. Là, on les perd au milieu d'août, ça fait qu'on se retrouve avec rien. Il y a le phénomène qui se produit depuis une dizaine d'années, je dirais, des travailleurs étrangers qui viennent prendre l'ouvrage parce que c'est très difficile de recruter de la main-d'oeuvre par ici malgré le chômage et le BS qu'on connaît. C'est des emplois qui sont quand même assez bien rémunérés, mais nos gens, nos Québécois – on a un problème de société – ils refusent de travailler sur les fermes. D'ailleurs, on fait venir des travailleurs étrangers, des Mexicains, de Jamaïque, de la Barbade aussi.

Mme Malavoy: Donc, quand vous calculez des emplois qui seraient perdus, ça comprend ces emplois ponctuels de la période de la récolte?

M. Asselin (Jean-Guy): Oui.

Mme Malavoy: On a parlé tout à l'heure de la reconversion possible en d'autres cultures, et vous semblez dire qu'il y a eu des tentatives et qui ont toujours achoppé, qui n'ont pas donné de résultats.

M. Asselin (Jean-Guy): Oui, il y a eu... Excusez...

Mme Malavoy: Bien, je voudrais juste savoir s'il y a d'autres lieux dans le monde où on fait de la recherche aussi ou bien si vous considérez qu'il n'y a plus rien à faire. Autrement dit, une terre qui n'est pas utilisable pour le tabac, il n'y a plus qu'à l'abandonner, et puis c'est désespéré.

(21 h 50)

M. Asselin (Jean-Guy): En Ontario, il y a la ferme expérimentale qui est devenue presque subventionnée par les acheteurs de tabac parce que le gouvernement s'implique de moins en moins dans la recherche. Ici, au Québec, on avait une ferme, à L'Assomption, fédérale qui a été fermée il y a deux ans. Le provincial s'implique de moins en moins avec le MAPAQ. On a eu des expériences qu'on a faites, des essais dans la production de tomates. Malheureusement, les canneries ont fermé, elles sont presque toutes sorties du Québec. On n'a plus grand canneries alentour qui pourraient acheter nos produits. Il y a eu des tentatives de faites dans le ginseng. C'est très, très dispendieux, et il y a des problèmes de maladies qui s'incorporent là-dedans. Et là, en Ontario, que j'ai visité cet hiver, on m'a offert des fermes à rabais.

Mme Malavoy: C'est quoi, des fermes à rabais?

M. Asselin (Jean-Guy): Avec un prix dérisoire. Parce que c'était un marché assez lucratif au début quand il n'y en avait pas beaucoup, le ginseng, mais, maintenant que ça s'est propagé, le prix a chuté. Étant donné que la production est très dispendieuse, ce n'est plus rentable, ce n'est plus viable. J'ai essayé personnellement des oignons, de l'ail, des tomates, des lentilles, ça ne marche pas.

Mme Malavoy: Le problème, c'est la terre ou c'est le marché pour ces légumes-là?

M. Asselin (Jean-Guy): Le sol par lui-même.

Mme Malavoy: Le sol?

M. Asselin (Jean-Guy): Le sol par lui-même. C'est un des sols les plus pauvres. Vous pouvez vous imaginer, là, du sable de plage, on cultive sur des plages.

M. Coutu (Daniel): C'est le meilleur sol pour produire du tabac.

M. Asselin (Jean-Guy): C'est à peu près représentatif parce que, je vous dirais, un sable de plage qu'on a travaillé, amélioré puis engraissé avec des amendements, on réussit à faire du tabac sur ça. Mais, à part de ça...

Mme Malavoy: Même pas du reboisement avec certaines espèces qui poussent là-dedans?

M. Asselin (Jean-Guy): Bien, je ne sais pas si je pourrais vivre longtemps avec du reboisement là-dessus, moi, attendre 40 ans avant que ça rapporte.

Mme Malavoy: Non, il y a un problème de délai...

M. Asselin (Jean-Guy): Moi, je pense que je vais lâcher avant. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: Je ne pensais pas uniquement à vous, je pensais à l'utilisation du sol. Je pensais à long terme à l'utilisation du sol, là, je comprends bien que ça ne règle pas votre problème demain matin.

M. Asselin (Jean-Guy): Non, non. Mes enfants ne vivraient pas gros avec ça, dans 40 ans, si je commence à bûcher. Non, je souhaiterais d'autres choses que ça. J'imagine qu'il y a quelque chose à faire avec. S'il y avait de la recherche, j'en suis convaincu, en tant qu'agriculteur, qu'il y a possiblement quelque chose à faire, mais il va falloir qu'il y ait de la recherche et de l'implication gouvernementale pour nous aider à trouver la culture et les marchés nécessaires, parce que ce n'est pas à produire des radis chinois... Vous savez, le radis chinois, ce n'est pas tout le monde qui en mange. Des choses semblables, des choses exotiques, là, ça ne va pas.

Mme Malavoy: Mais est-ce que je comprends – et je termine là-dessus, M. le Président, je ne veux pas abuser – que, si on trouvait une alternative ou si on trouvait une piste qui soit viable, qui soit rentable, qui soit réaliste, avec un marché, vous pourriez envisager une reconversion? Peut-être pas totale parce qu'on comprend bien qu'il y a aura de la consommation de tabac au Québec et qu'on continuera à fumer, mais, si on devait faire face, à cause, entre autres, de l'impact d'une loi antitabac, à une diminution, mais que, par ailleurs, on trouvait une alternative, vous ne seriez pas fermé à l'idée, ce que vous dites, c'est: Nous, on ne veut pas tout simplement que ce soit une perte sèche parce que, là, évidemment, ça nous cause des problèmes majeurs.

M. Asselin (Jean-Guy): Bien, c'est exactement ça qui se produit, actuellement, il y a 4 000 acres qu'il y en a qui s'en vont à l'abandon, puis il y a des fermiers qui sont disparus, puis, parmi les 84 qui sont disparus, il y en a qui auraient souhaité ardemment avoir une culture de remplacement. Mais c'est difficile pour un producteur de faire de la recherche et de la culture, et faire vivre sa famille, et progresser.

M. Coutu (Daniel): À 100 %, les producteurs ont déjà essayé d'autres choses. Cent pour cent des producteurs, avant de lâcher, ils ont déjà essayé d'autres choses. Même ceux qui sont en place, souvent, ils essaient encore d'autres choses. Mais, pour arriver sur la compétition du marché, que ça soit avec des asperges, que ça soit avec des framboisiers, que ça soit avec des fraises, les producteurs qui sont déjà dans la culture connaissent leur marché puis ils ont déjà leur marché. C'est très dur, pousser l'autre pour embarquer. C'est tout le temps la question de prendre la place du marché aussi.

M. Asselin (Jean-Guy): Et puis, j'ajouterais à cela, on parle de 7 300 acres qui étaient en tabac, le tabac, c'est une plante qui se fait en rotation. Ça fait que ça veut dire qu'il y avait 15 000 acres de terre. Quand on parle de 7 300 acres, c'était de la culture de tabac. Ça fait que, une année, c'est en seigle, l'autre année... Il y a une rotation. Ça fait qu'il y a un 15 000 à 20 000 acres de terre. Ça fait que je n'imaginerais pas, demain matin, arriver avec 15 000 acres de fraises sur le marché de Montréal parce que ça ferait bien de la confiture, ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, Mme la députée?

Mme Malavoy: Oui, oui, très bien. J'ai appris beaucoup de choses. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je veux juste dire quelques mots. J'ai beaucoup apprécié votre présentation et votre ouverture d'esprit aussi. Je pense qu'on s'est tous rendu compte, grâce aux questions de Mme Malavoy, ma collègue députée de Sherbrooke, à quel point ce n'est pas simple pour vous. D'abord, le simple phénomène de la rotation vous crée un problème qu'il faut résoudre et, ensuite de ça, la diminution de la consommation du tabac avec laquelle vous êtes d'accord même si vous n'aimez pas ça. Et puis, quand je considère que, après avoir fait toutes sortes de recherche... On a bien vu que vous avez suivi avec beaucoup d'attention toutes les recherches qui se sont faites au Québec et ailleurs pour trouver une solution à ce problème-là et valoriser votre patrimoine, et, malgré ça, vous avez affirmé que vous partagiez entièrement les objectifs de la loi. La seule chose, c'est que vous souhaitez que, dans la mesure où il se consomme du tabac au Québec, bien, qu'on le produise au Québec. Je ne puis que partager votre point de vue là-dessus. Je vous en félicite et, en ce qui me concerne, je vous remercie de votre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Au nom de la commission, messieurs, merci beaucoup.

La commission ajourne ses travaux au lundi 1er juin 1998, à 19 h 30, à la salle du Conseil législatif, soit le salon rouge. Bonne fin de semaine à tout le monde. Alors, merci.

(Fin de la séance à 21 h 56)


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