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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Wednesday, April 5, 2006 - Vol. 39 N° 9

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Borduas) remplace Mme Charest (Rimouski). C'est tout.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Ce matin, nous avons trois intervenants: l'Association d'orthopédie du Québec, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le Regroupement provincial des comités des usagers. Alors, je propose qu'on commence immédiatement ? je suis convaincu que les téléphones cellulaires ont déjà été mis hors tension ? en s'excusant, messieurs, pour le retard. Dans la vie parlementaire parfois, et la vie politique, il y a des événements qui occasionnent des retards, et on s'excuse et on vous prie d'accepter nos excuses.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je vous rappelle, messieurs de l'Association d'orthopédie du Québec, les Drs Lavallée, Desnoyers, Hould, que vous avez 20 minutes pour votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Alors, je ne sais pas si c'est Dr Lavallée, M. le président, qui commence. La parole est à vous. Pour les fins de transcription, je vous prierais de présenter vos deux collaborateurs puis enchaîner avec votre présentation.

Association d'orthopédie du Québec (AOQ)

M. Lavallée (Pierre): Oui, bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Ça nous fait plaisir d'être ici, à cette commission sur la santé. Nous voulons vous remercier de l'occasion qui nous est faite de venir vous dire ce qu'on pense du document ministériel Garantir l'accès: un défi d'équité et d'efficience.

J'ai avec moi, à ma gauche, le Dr Raymond Hould, qui est le président sortant de l'Association d'orthopédie, qui est impliqué beaucoup dans les plans d'effectif et qui travaille en périphérie; à ma droite, j'ai le Dr Jacques Desnoyers, qui va être le prochain président de l'Association d'orthopédie et qui travaille dans la région de Montréal, donc qui est plus dans un grand centre. Donc, à ma gauche, vous avez le passé, le présent et l'avenir. Le Dr Hould avait les cheveux à peu près comme le Dr Desnoyers quand on a commencé. Ça fait qu'il a trouvé ça dur, l'orthopédie.

Donc, si vous le voulez bien, je vais coller le plus possible à notre petit document pour ne pas oublier de choses, puis après ça je suis certain qu'il va y avoir des questions.

L'Association d'orthopédie du Québec est constituée en vertu des dispositions de la Loi des syndicats professionnels de la province de Québec. L'association regroupe les 305 orthopédistes de la province de Québec. La mission de l'Association d'orthopédie du Québec est de valoriser le statut professionnel de ses membres et de contribuer au développement de la chirurgie orthopédique par le biais d'activités de formation médicale continue. De plus, l'Association d'orthopédie est impliquée dans la gestion de ses effectifs médicaux et dans l'organisation des soins qu'elle a à offrir à la population.

Comme vous le savez, l'orthopédiste est sur le terrain. L'orthopédiste est un médecin spécialiste du traitement médical et chirurgical des lésions musculosquelettiques, il est le chirurgien traitant les lésions tumorales, traumatiques, inflammatoires ou dégénératives du système musculosquelettique. Au cours des dernières années, l'orthopédiste a été aux premières loges pour assister à la détérioration de l'accès au système de santé. Contrairement à d'autres spécialités chirurgicales qui ont vu diminuer leur champ d'intervention grâce au développement des traitements médicaux, l'orthopédie a vu l'étendue de son champ d'indications chirurgicales augmenter.

Le Président (M. Copeman): Dr Lavallée, M. le député de Borduas s'inquiète, question de l'utilisation du temps, et vous êtes libre de l'utiliser comme vous voulez, là, mais...

M. Charbonneau: C'est parce que je vous vois, là, lire votre mémoire puis, je vais vous dire, je ne suis pas sûr que vous allez vous rendre à la fin, que vous allez avoir complété votre lecture dans le temps qui vous est imparti, par expérience. Alors, je vous le dis tout de suite, si jamais vous voulez plutôt aller à des blocs essentiels. Faites ça comme vous voulez, là, c'est juste un conseil d'ami, là.

M. Lavallée (Pierre): Bon. Je vais faire un petit bout puis je ralentirai à un moment donné. Le grand succès des remplacements articulaires, surtout de la hanche et du genou, au cours des 25 dernières années, associé à une augmentation de la demande en relation avec le vieillissement de la population, a propulsé l'orthopédie dans les manchettes à plusieurs reprises pour dénoncer des problèmes d'accessibilité. La demande pour les prothèses articulaires a doublé au cours des 10 dernières années, et la courbe de croissance devrait se poursuivre. Le Québec a d'ailleurs le taux de remplacements articulaires le plus bas au Canada, si l'on compare pour un groupe d'âge équivalent.

Pendant ces années d'augmentation de la demande pour l'arthroplastie, l'orthopédiste a continué à développer et à assumer le traitement pour les autres pathologies du système musculosquelettique, incluant les traumatismes et les blessures reliés au développement des nouveaux sports ? comprendre ici la planche à neige, le patin à roues alignées, etc.

Comme dans d'autres spécialités, le nombre de médecins orthopédistes a stagné au cours des dernières années, les nouvelles arrivées suffisant à peine à combler l'exode vers l'étranger ou les départs à la retraite. La diminution des admissions dans les facultés de médecine a également conduit à une diminution équivalente dans les demandes de résidence en orthopédie. On estime qu'il manque 40 orthopédistes au Québec, actuellement. Ce résumé succinct de la situation explique en partie le déséquilibre de l'offre et de la demande de services et de la demande de soins en orthopédie.

Parallèlement à cette augmentation de la demande, l'orthopédiste n'a pu qu'observer l'augmentation des coûts associés au développement des nouvelles technologies. Tous les changements au niveau des implants employés sont accompagnés d'une augmentation de coûts, et il en va de même pour plusieurs autres pathologies. Nous sommes donc maintenant non seulement devant un problème d'offre et de demande, mais également devant un problème de plus en plus d'ordre financier, qui devient un problème éthique lorsque les contraintes financières confrontent les soins médicalement requis.

Quelle est l'opinion générale de l'orthopédiste quant à la place du public et du privé? Les orthopédistes, quoiqu'étant un très petit groupe, n'ont pas tous une pratique semblable, et les conditions de pratique peuvent être très différentes selon notre champ de surspécialisation et selon le fait que l'on travaille en périphérie, en région urbaine ou dans un centre universitaire. Les orthopédistes ne sont pas non plus un groupe monolithique pour ce qui est de leurs opinions face à la place que devraient occuper le privé ou le public dans notre système. Les variations dans les opinions rencontrées sont probablement aussi grandes que celles que l'on retrouve dans la société en général.

L'orthopédiste n'est ni un gestionnaire ni un économiste ou administrateur de la santé, mais il est l'expert incontournable dans l'évaluation des besoins du musculosquelettique et il devra être consulté. Nous avons développé une opinion sur beaucoup de points, que vous pourrez interpréter à la lumière de notre expertise.

n (10 h 20) n

Globalement, les orthopédistes sont pour un système public fort, efficace et bien organisé. Ce système public doit rester la base pour éviter toute discrimination et respecter les principes d'équité et d'accessibilité. Les orthopédistes ne demandent pas mieux que de participer à l'amélioration de l'efficience du système. Ce débat n'existerait d'ailleurs pas si l'accessibilité au système était adéquate et respectait les normes médicalement requises.

Amélioration de l'organisation des soins et des modes de prestation. Disons, pour résumer, qu'on est d'accord sur la plupart des choses qui ont été soumises dans le document, puis c'est des termes qu'on utilise déjà et des choses qu'on se sert déjà.

Regardons la réponse au jugement Chaoulli: Garantir l'accès. Garantir l'accès dans un délai médicalement acceptable est une excellente façon de vérifier l'efficacité et d'augmenter la performance pour les procédures ciblées. Il faudra s'assurer que l'augmentation d'accès pour certaines pathologies ciblées ne se fasse pas aux dépens de d'autres problèmes de santé nécessitant des chirurgies. C'est un point qui est souvent relevé par nos confrères orthopédistes. Sans ajout de ressources, il est probable ou certain que l'attente augmentera pour d'autres interventions chirurgicales, si on ne favorise que l'accessibilité aux arthroplasties de hanche et du genou.

Je voulais vous dire un mot sur le mécanisme suggéré dans le document pour garantir l'accès. Pour vous résumer, en 1998, l'Association d'orthopédie avait déjà établi des normes de pratique pour ce qui concerne des délais d'accès médicalement raisonnables. L'Association d'orthopédie, à ce moment-là, recommandait que ce soit fait en trois mois. Mais c'est des normes qui avaient été faites sur un consensus, sans trop de littérature scientifique, parce qu'il n'y en avait pas à cette époque-là. Depuis ce temps-là, il y a plusieurs comités qui se sont penchés là-dessus, dont le comité sur l'Alliance sur les temps d'attente, l'Association canadienne d'orthopédie, l'Institut de recherche en santé du Canada, qui a été mandaté par le gouvernement fédéral pour émettre des balises. Tout le monde arrive à la même conclusion, c'est que le délai maximum médicalement acceptable, c'est six mois. Puis ça, c'est prouvé ou démontré par de la littérature. Par exemple, une prothèse de genou, si on attend trop avant de l'opérer, le patient, il va moins bien aller. Si son genou est plus raide quand on l'opère, les résultats vont être moins bons. Donc, on a une cible, tous les spécialistes s'entendent pour mettre le délai maximum médicalement acceptable à six mois. Donc, tout patient qui est opéré pour une arthroplastie de la hanche ou du genou après un délai de six mois dépasse donc le délai médicalement requis. M. le ministre, pourquoi ne pas d'emblée essayer d'organiser un système qui permet de traiter les patients dans ce délai de six mois?

Dans le plan de l'amélioration de l'accès aux services visés, vous prévoyez qu'à partir de six mois d'attente des mesures seront prises, grâce à un suivi personnalisé, pour permettre au patient d'être traité soit dans un autre établissement public, dans une autre région ou dans une autre clinique affiliée. Après neuf mois, si le patient n'a pas été opéré, là on regardera s'il peut aller dans une clinique privée à l'extérieur du Québec ou à l'extérieur du Canada. Ce schéma suggéré permet facilement une augmentation d'au moins 60 % du délai maximum qui est médicalement acceptable.

Toujours dans l'organigramme suggéré, il est prévu qu'à partir du 30e jour de l'attente il y aura une responsabilité locale. Donc, à partir du 31 jours, dans chaque hôpital, dans chaque centre, il y aura une responsabilité de faire une gestion active de la liste d'attente et de déterminer au patient, de dire au patient quand est-ce qu'il va être opéré. Cette préinscription du patient est en soi une excellente idée, puisqu'elle permet au patient de prévoir la date de la chirurgie. Elle permet également et surtout une gestion offrant une garantie d'accès. Cette préinscription devrait d'ailleurs, selon nous, être étendue à toutes les chirurgies ? et, juste pour vous réconforter un peu, c'est déjà utilisé dans à peu près la moitié des centres en orthopédie, au Québec, actuellement. Toutefois, ce système de préinscrire le patient ne peut fonctionner que si l'attente n'est pas trop longue ? probablement trois mois, six mois, c'est probablement la limite ? et si les lits d'hospitalisation peuvent être garantis. Sinon, ce système est à toutes fins pratiques ingérable ? pour l'avoir déjà essayé.

Dès la détermination de la date de chirurgie, soit 30 jours, des mesures devraient immédiatement être prises. On le sait déjà, à 30 jours, s'il va pouvoir être opéré ou non dans les six mois. Il faudra déjà prendre les mesures pour prévoir ce qui va arriver et non attendre à neuf mois, 10 mois, 12 mois pour faire quelque chose. Au-delà de ce délai de six mois, le patient devrait immédiatement se voir offrir la possibilité de recourir au privé ou à un établissement hors Québec. Il s'agirait selon nous, fait de cette façon, d'une vraie garantie d'accès qui augmenterait grandement la crédibilité de la démarche, surtout si plus tard le ministre veut étendre sa garantie d'accès et mettre d'autres interventions. Si on sait que le délai va de toute façon doubler quand les mesures vont être prises, bien les gens vont être biaisés quand ils vont faire ça. Je pense que, si on veut faire une démarche crédible, il faut tout de suite essayer de faire un système qui va respecter le délai qu'on a dit qui était le délai raisonnable.

Nous croyons que cet objectif de garantir l'accès est réaliste si des ressources adéquates y sont attribuées. L'amélioration de l'accès dépend davantage de l'ajout de temps opératoire que de l'ajout d'effectifs médicaux en orthopédie. On vous dit partout qu'il manque d'orthopédistes, c'est vrai, mais il manque plus de temps opératoire. L'étape limitante, c'est le manque de temps opératoire. Si on était plus d'orthopédistes, on serait simplement plus d'orthopédistes dans le même temps opératoire. On ferait le même ouvrage, d'un point de vue chirurgical.

Nous ne croyons pas que le plan suggéré occasionnera une ouverture très grande au privé. Nous ne croyons pas que plusieurs orthopédistes vont choisir de se désengager de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Cette offre de services privés n'est limitée d'une façon pratique qu'aux grands centres urbains et elle est très restreinte dans le projet présenté dans ce document.

Quelle est notre opinion sur les cliniques affiliées? Il s'agit selon nous d'une ouverture qui est intéressante, quoique limitée à une certaine forme de privatisation ou de partenariat public-privé. Ces centres privés pourraient sous-contracter des activités pour les centres hospitaliers avec lesquels elles sont affiliées. Il y a toutefois peu de détails dans le document ministériel sur la nature exacte de ces cliniques. Sous quelle garantie d'achat de services pourraient-elles fonctionner? Comment les gens vont se décider d'investir là-dedans sans trop savoir qu'est-ce qu'on va faire avec puis exactement quelles vont être leurs possibilités? Il est probable aussi que ces cliniques seraient très limitées et exclusivement dans les centres urbains.

Avant ce document, les orthopédistes, et encore là, se faisaient plutôt l'idée de cliniques permettant des chirurgies moins invasives, ne nécessitant pas d'hospitalisation et permettant de libérer du temps opératoire dans les centres principaux, et pour plusieurs raisons. Un hôpital, un centre où on fait des gros cas mélangés avec des petits cas, si c'est un centre où on fait des gros cas, ce n'est souvent pas très efficace pour les petits cas, parce que c'est la même structure, c'est le même brancardier. C'est peut-être plus avantageux de sortir ces petits cas là que d'essayer de sortir les gros, surtout que, si on sort les gros, ça prend des gens qui vont couvrir la garde dans ces centres-là. C'est des centres qui vont sélectionner les cas plus faciles. Ce serait plus facile probablement de récupérer du temps opératoire pour faire la chirurgie dans les blocs opératoires qui fonctionnent déjà. Puis, même en faisant ça, il va y avoir quand même une concentration des arthroplasties. Les trois plus grands centres d'arthroplastie à Québec, ce sont les hôpitaux... dans la province, ça, c'est les hôpitaux généraux: le Jewish à Montréal, L'Enfant-Jésus puis à Trois-Rivières. Puis il peut y avoir à côté une place comme Jean-Talon, où il se fait plus de prothèses.

L'avantage... Bon. En tout cas, tout ceci reste à préciser. Nous croyons que ces cliniques devraient être ambulatoires selon nous et offertes à la région. Le principe de la clinique affiliée, je vais vous dire, on ne le comprend pas. Dr Dugré le comprend très bien, nous autres, on ne comprend pas trop. Nous autres, ce qu'on a besoin de plus, c'est un peu de temps opératoire, c'est tout. Les gens, ils ont des cliniques privées, ils sont déjà arrangés. Le but de la clinique affiliée, là, c'est un peu vague pour nous autres. Les médecins, pour leur part, auraient accès à ces cliniques-là, tout comme les patients, puis les médecins continueraient d'être rémunérés RAMQ. Ceci correspond, répond à notre demande principale qui est celle d'offrir l'accessibilité pour nos patients. Nous autres, en autant que les patients soient opérés dans le système puis que ça marche bien, peu importe qui investira dans ces cliniques-là, ça ne change pas grand-chose pour nous autres.

L'avantage principal selon nous est d'introduire un concept de compétitivité qui s'établira automatiquement avec le système public. Il pourrait être tentant pour les administrateurs de faire glisser vers ces cliniques affiliées des services qui peuvent être rendus d'une façon plus efficace. Il y aura donc l'introduction d'un certain concept de compétitivité. L'avantage pour nous autres, probablement, d'aller dans ces cliniques-là, s'il y avait de la petite chirurgie, c'est peut-être qu'au lieu d'en faire cinq par jour on va être capables d'en faire huit par jour, si ça fonctionne un petit peu plus, mais pas plus que ça. Puis ça, ça va automatiquement mettre de la pression sur le système public, parce qu'ils ne seront sûrement pas intéressés à voir glisser les choses vers ces petites cliniques là. Puis, à toutes les fois qu'on a vu un petit peu de compétition, ça n'a jamais été mauvais, on pense, dans notre système.

Il faudrait également préciser, dans le développement de ces cliniques, si celles-ci peuvent vendre des services à un médecin désengagé, à des actes non couverts par la RAMQ, à la CSST et à la SAAQ. Ce qui limite actuellement les orthopédistes de se désengager de la RAMQ, c'est bien sûr la demande des patients pour le privé, mais c'est les coûts associés à ça. Un orthopédiste qui veut faire des prothèses, il faut qu'il s'installe, puis ça coûte cher. S'il avait accès à une clinique où il peut faire des prothèses, où il peut le contracter à la pièce, ce serait beaucoup plus facile pour un orthopédiste qui veut se désengager. Ça, ça peut être bien vu ou mal vu, dépendant de la façon que vous voyez le problème, là, mais il faudrait se prononcer là-dessus.

n (10 h 30) n

Un mot sur la SAAQ et la CSST. Bon. Beaucoup des blessures, comme vous le savez, de la SAAQ et de la CSST sont des lésions du système musculosquelettique. Les orthopédistes voient souvent des patients qui sont en attente pour souvent de petites chirurgies, comme celles qui pourraient aller dans les cliniques affiliées ? des tunnels carpiens, des lésions méniscales ? puis les patients sont sans travail pour quatre à cinq mois pour des opérations qui, comme honoraires professionnels, nous donnent à peu près 200 $. On ne comprend rien là-dedans. On trouve que c'est de l'argent public, si on considère ces affaires-là comme des organismes publics, qui est mal utilisé. Juste le coût d'attente des gens dépasse de beaucoup le coût que ça coûterait pour acheter les services dans les cliniques privées pour le faire. Ça fait qu'il faudrait regarder comment la SAAQ, la CSST, ces affaires-là qui sont presque publiques peuvent s'intégrer là-dedans tant qu'il n'y aura pas une garantie d'accès fixe pour toutes les interventions. À ce moment-là, ça va rendre nul ce problème-là. Mais pour l'instant il est là.

L'ouverture à l'assurance privée. Juste un mot pour vous dire que la fenêtre est petite; s'il y a un système d'accès qui marche, il n'y en a pas. Puis on pense que le gars, il est peut-être mieux de ramasser son argent, puis il paiera dans le privé, dans quelques années plus tard, pour une petite couverture comme ça, que de souscrire à une police d'assurance. On n'est pas spécialistes là-dedans, mais on ne voit pas un gros marché là-dedans. Bon.

L'enjeu du financement public. Encore là, on n'est pas des économistes de la santé, on est sur le terrain, mais on remarque que la préoccupation principale dans nos blocs opératoires, c'est l'atteinte de l'équilibre budgétaire, et ceci, même aux dépens de la productivité. Un bloc opératoire, celui qui s'occupe de la gestion du bloc, il s'occupe pour que le budget balance à la fin de l'année, peu importe le nombre de cas qui va être fait là-dedans, ou à peu près. Puis, cette valorisation de l'équilibre budgétaire à tout prix réduit à un contrôle de l'offre de services, c'est-à-dire que, dans beaucoup de blocs opératoires, à 2 h 30, 3 heures, les salles d'opération vont arrêter pour ne pas que ça dépasse 4 heures. Encore là, difficile un peu à comprendre pour quelqu'un qui gérerait des affaires.

Le Président (M. Copeman): Dr Lavallée, il vous reste à peu près trois minutes.

M. Lavallée (Pierre): C'est à peu près le temps que ça va prendre.

Le Président (M. Copeman): Excellent. Il n'y aura pas de délai d'attente.

M. Lavallée (Pierre): Bon. O.K., c'est ça. Nous sommes, semble-t-il, près de la limite maximale à la contribution du système public. On pense, nous autres, que, le système, les deux courbes ne vont pas à la même vitesse. Le système est à bout de souffle. On pense que de mettre de l'argent là-dedans, c'est à peu près un gouffre sans fond, parce que c'est un problème qui est autant d'organisation que de ressources. Ça n'a pas de limite, ce qui peut être payé là-dedans. Les 20 millions que le ministre entend mettre là-dedans, c'est beau, mais, le 20 millions ? on le citait là-dedans ? ça correspond à peu près à ce qui a été mis en Alberta pour faire un petit projet pilote de 1 200 prothèses. Pour vous donner une idée, on en fait 8 500 par année. Ça peut aider à régler le problème des arthroplasties, mais ça ne réglera pas tout le problème d'accessibilité. Donc, ça représente un défi de gestion.

Nous autres, on pense qu'il faut adhérer à une médecine basée sur des données probantes, évaluer la courbe-bénéfice de ce qu'on fait, peut-être qu'il y a des affaires qui coûtent beaucoup trop cher pour le bénéfice que ça donne, puis, à un moment donné, laisser les assurances complémentaires ou commencer à introduire un peu de privé pour donner un peu d'air au système. Il faut qu'une partie du financement des hôpitaux soit fonction des services qui sont produits.

On peut peut-être regarder juste nos cinq recommandations. Comme le premier ministre Harper, on en a mis juste cinq. On se dit que ce ne sera pas compliqué:

Que soit établie une politique de garantie d'accès aux soins respectant les normes reconnues. La norme, c'est six mois. Tant qu'à faire de quoi, on devrait essayer de le faire pour que ça respecte six mois;

Que soit établi un système de gestion des listes d'attente de manière à pouvoir préinscrire très rapidement le patient à une date de chirurgie. Quand on va chez le dentiste, il ne dit pas: Je vais vous appeler dans six mois, un an, on verra, peut-être que je vais vous rappeler; il nous donne une date, sans ça, on en appelle un autre. Il faudrait que ça devienne éventuellement comme ça;

Que soit développé le concept de cabinet affilié. On pense qu'on devrait ouvrir une porte, là. La gestion devrait être au privé, pour voir un peu ce que ça va donner. Ces cliniques pourraient être des centres de chirurgie d'un jour qui pourraient bénéficier... on pense à une région plutôt qu'à un... Pourquoi faire une clinique affiliée à un hôpital à Québec, puis l'autre à côté, on ne peut pas s'en servir? Il faudra voir d'où l'argent va venir là-dedans, si elle va venir du budget de l'hôpital ou de l'agence. Si elle vient du budget de l'hôpital... qui sont déjà déficitaires... En tout cas, il y a tout un problème à régler là. Mais on pense que ça devrait être disponible, pour les petits cas, à tous les patients, à tous les chirurgiens;

Que les chirurgies ciblées, celles qui sont ciblées pour la garantie d'accès, les prothèses de hanche et de genou, soient budgétées dans les hôpitaux de manière à ce que ces interventions ne soient plus considérées comme des dépenses mais plutôt une source de revenus par les administrateurs. Avant, il y avait un budget global pour faire des prothèses, puis on disait aux gens: Faites-en plus. Il n'y a pas un administrateur qui va en faire plus. Il faut qu'il soit payé tant de la population, ou tant du patient, ou tant de la prothèse, et même croissant. C'est la seule façon... D'ailleurs, quand on arrive à la fin de l'année ? ils ont introduit un blitz prothèses ? on le sent, parce que les administrateurs nous disent: Forcez sur les prothèses. Bon. C'est sûr que peut-être qu'il y a d'autres chirurgies qu'on ne peut pas faire, mais il faut absolument que ce ne soit pas dans un budget global;

Et finalement que, dans la façon qui sera adoptée pour établir la garantie d'accès, on pense que les orthopédistes doivent être consultés, surtout si on commence à jouer dans les listes d'attente et essayer de se répartir les listes d'attente. Je m'excuse si j'ai peut-être défoncé d'une minute.

Le Président (M. Copeman): Vous êtes à l'intérieur de la garantie de temps. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Allez-y, M. le ministre.

M. Couillard: Merci, Dr Lavallée, Dr Hould et Dr Desnoyers, pour votre visite. Je trouve ça très intéressant d'abord que vous vous impliquiez comme ça. Je voudrais vous remercier, comme association, de vous impliquer avec nous pour étudier ce problème-là puis agir dessus.

Vous dites: Les médecins ne sont pas des gestionnaires. Il faut qu'ils le soient un peu. Ça a toujours été un de mes dadas, même quand j'étais en pratique. Le médecin ne peut pas dire: Bien, moi, je laisse toute l'administration de la gestion du système de santé aux administrateurs; moi, je fais juste m'occuper de mes patients. Ce n'est pas ce que vous faites, vous êtes impliqués, et il faut que la profession médicale joue un rôle également dans l'administration du système de santé. Moi, j'en suis profondément convaincu.

C'est vrai qu'il y a une sorte... je ne dirai pas de mystère, parce que les causes sont connues, mais un fait qui nous indique qu'il y a un découplage entre l'augmentation de volume, qui est nette ? on le voit, là, l'augmentation du nombre de chirurgies ? puis l'attente puis le besoin, qui restent toujours à un niveau élevé. Puis effectivement on parle du vieillissement de la population qui est un facteur, mais il y a d'autres facteurs également, vous le savez, les élargissements des indications: il y a des gens plus jeunes maintenant qui se voient offrir la chirurgie, puis des gens plus âgés, avec des conditions associées qui auparavant les écartaient du bloc opératoire, maintenant peuvent y aller parce qu'on les prépare mieux. Bon. Alors, il y a plusieurs raisons qui font que la demande augmente continuellement.

Ce que je vais prendre, je vais prendre vos cinq recommandations et rapidement y réagir, puis on pourra échanger là-dessus pour être certains de couvrir tous les éléments. D'abord, la question du fonctionnement de la garantie. C'est clair que le délai médicalement acceptable étant maintenant fixé à six mois, avec votre collaboration et celle des autres orthopédistes canadiens, il faudrait que ce soit le plus près possible de ça. D'ailleurs, ce qu'on remarque, c'est que, dans la garantie d'accès, ça commence à 30 jours, comme vous dites, la préinscription. Puis il y a beaucoup de patients qui vont être opérés avant six mois. Il ne faut pas non plus donner l'impression que personne n'est opéré avant six mois puis que ça commence seulement après ça. Mais je retiens votre remarque, là, on ne la prend pas à la légère, qu'effectivement on s'est donné un tampon, un tampon qui est peut-être un peu long ? peut-être que vous pourriez prendre des notes, parce que je vais réagir à chacune de vos recommandations, puis vous pourriez par la suite terminer. Donc, on est certainement disposés à rendre le dispositif encore plus efficace puis plus précoce.

Puis ça me fait un lien avec votre quatrième recommandation, qui est la préinscription. Moi, j'ai eu une époque, moi aussi, où je faisais de la chirurgie, puis je planifiais ma liste opératoire, puis, le jour où je me suis donné moi-même la discipline, quand je faisais une demande d'admission, de marquer une date de chirurgie... Ce que je faisais, je voyais des hernies discales ? vous le savez, là, c'était ma spécialité ? puis j'avais mes journées opératoires ? quand j'en avais, je n'en avais pas toujours, comme vous ? puis, chaque journée opératoire, j'avais un patient que je préinscrivais. Ça ne marchait pas tout le temps, mais ça marchait beaucoup mieux qu'auparavant, quand je ne le faisais pas.

Mais, pour ça, par exemple, ça prend un engagement des orthopédistes puis des autres spécialistes ? puis je sais qu'on va l'avoir avec vous. Les listes d'attente secrètes dans les poches de sarraus, on ne peut plus avoir ça, là. Tu sais, on arrive à la dernière minute avec trois, quatre patients: Bien, moi, c'est ces patients-là que j'opère cette semaine. Mais je pense qu'on est d'accord là-dessus.

Les cliniques affiliées, je vois qu'on ne l'a pas bien expliqué, parce qu'il y a des points qui pour nous sont clairs puis qui rejoignent exactement ce que vous nous dites. On n'a jamais pensé que les cliniques affiliées, c'était pour faire des prothèses de hanche puis de genou, fondamentalement. On a plutôt pensé que c'était bon pour dégager de la chirurgie mineure, pour faire plus de temps opératoire, pour faire des prothèses dans les hôpitaux. Ça fait qu'on est, là-dessus, exactement sur la même longueur d'onde.

La seule chose que je vous suggérerais ? peut-être que vous pourriez réagir à ça ? c'est que, si, pour faire la chirurgie mineure, on amène un anesthésiste à la clinique affiliée, on n'aura peut-être pas bien, bien plus de temps au bloc opératoire. Ce dont je me souviens, c'est que les collègues orthopédistes, où j'étais de plus en plus, étaient capables de faire un grand nombre de procédures plus mineures sous anesthésie locale ou régionale. Ils faisaient eux-mêmes la procédure d'anesthésie, et ça, c'est à considérer, parce que, si on amène un anesthésiste... Ce n'est pas le nombre d'orthopédistes, le problème, ce n'était pas le nombre de neurochirurgiens, le problème, moi, pour avoir du temps opératoire. En général, le problème, c'était l'anesthésiste, le nombre d'infirmières puis le nombre d'inhalothérapeutes puis de préposés. Alors, il faut faire en sorte de choisir que les procédures qu'on déplace vers la clinique affiliée ne soient pas les procédures qui n'ont aucun gain net en termes de disponibilité opératoire dans l'hôpital, parce que, là, on va finir par être... peut-être pas perdants, mais pas gagnants de façon nette.

Il n'y a pas rien d'impossible, que dans une région une clinique affiliée ait des contrats d'affiliation avec plusieurs hôpitaux, mais il faut qu'il y ait un lien avec les centres hospitaliers, parce qu'il faut que le CMDP des médecins qui sont actifs là puisse avoir un droit de regard sur la qualité de leur pratique, et je crois que là on est également sur la même longueur d'onde. Et c'est certain que, pour que des gens investissent dans ces cliniques-là, il va falloir que le contrat contienne une garantie de volume quelconque, et c'est comme ça qu'on l'envisage également.

Donc, vous voyez qu'on est pas mal enlignés de la même façon que vous. Ce que je retiens de plus significatif de votre présentation, outre les éléments que j'ai cités, c'est vraiment la nécessité d'avoir une approche beaucoup plus active sur la liste d'attente dès le début de l'inscription du patient, et non pas de l'activer de façon majeure rendu à six mois. On dit qu'on veut essayer d'arrêter la contemplation passive des listes d'attente, c'est un peu ça qu'on fait, historiquement et classiquement, dans le système de santé, puis c'est ce qu'on veut changer.

n (10 h 40) n

Puis je terminerais juste en vous disant, puis en vous laissant réagir après, que, vous savez, l'atteinte de l'équilibre budgétaire, dans 25 ans, ça va être encore ça. Il y aura toujours des budgets de centres hospitaliers puis il y aura toujours des budgets qui sont en deçà des besoins parce que les besoins en santé vont toujours être énormes. Ce qu'il faut, c'est l'utiliser le plus efficacement possible, cet argent-là. Puis c'est là que je vous rejoins également, lorsque vous dites: Les cliniques affiliées vont amener un élément de compétitivité, on va pouvoir comparer des coûts unitaires, par exemple entre la clinique affiliée et l'hôpital.

Moi, je pense qu'il y a un élément de progrès puis d'efficience pour le système de santé. Mais il ne faut pas laisser entrevoir aux citoyens qu'un jour quelque gouvernement que ce soit va envoyer un chèque en blanc au système de santé, il va dire: Faites tout ce que vous avez à faire, puis vous nous présenterez la facture à la fin de l'année. C'est impossible. D'ailleurs, même les systèmes privés ne fonctionnent pas comme ça. Ceux qui trouvent la Régie de l'assurance maladie difficile, dites-vous que les Américains qui négocient avec leurs compagnies d'assurance, ils trouvent ça difficile aussi, ce n'est pas nécessairement plus agréable.

Alors, en vrac, j'ai plusieurs réactions. Je voudrais peut-être vous laisser intervenir puis qu'on ait, dans le peu de temps qu'on a, un échange quand même productif.

M. Lavallée (Pierre): D'abord, M. le ministre, je veux vous dire que je vous trouve courageux de vous embarquer dans une réforme comme ça puis d'essayer... mais en tout cas, enfin! Quelques commentaires en vrac là-dessus.

Bon, je pense qu'on s'entend assez bien sur probablement toutes ces affaires-là. Le délai d'attente, moi, vous avez fixé 30 jours pour déterminer ce qui va arriver aux patients. Moi, je pense qu'il faut essayer de faire un système quand... cette date-là, à 30 jours. On le sait déjà, le gars qui a deux ans d'attente, on ne sera pas capable de l'opérer. On n'est pas obligé d'attendre qu'il soit rendu... le patient soit à six mois, il faut essayer de le faire le plus près de la norme. Puis la raison, c'est que, quand vous allez vouloir en refaire d'autres à un moment donné, on va savoir qu'on fait un vrai système avec une vraie garantie à telle date. Puis je pense qu'on est aussi bien d'essayer de le faire le mieux possible.

Vos commentaires sur la liste d'attente, on voit que vous êtes chirurgien et que vous avez été chirurgien. Une liste d'attente tant qu'à moi, il n'y a rien à faire avec ça, ce n'est pas fiable, c'est difficile à savoir, les docteurs se font souvent un orgueil d'avoir une liste d'attente; c'est tripoté de tous les bords, c'est difficile à suivre, les délais après neuf mois, des fois ce n'est pas des vrais délais. La meilleure façon de l'avoir, c'est si les patient sont préinscrits. Si les patients son préinscrits, la date est là, et tel docteur peut vous opérer à telle date. Le suivi de la liste d'attente devient beaucoup moins important, à ce moment-là c'est une question d'accessibilité. Puis, pour différentes raisons, à mesure qu'on va baisser la liste d'attente, lui, le docteur, il travaille pour augmenter sa liste d'attente, il travaille dans le sens contraire de ce que vous allez essayer de faire. Donc, il faut mettre un système qui va tenir compte de ça.

Pour ce qui est de votre remarque sur les cliniques affiliées, les locaux, vous avez absolument raison. D'ailleurs, une des premières choses qu'on a faites, on a envoyé un questionnaire à nos 49 chefs de service dans la province pour voir comment les gens utilisaient les ressources. Il y a encore beaucoup de blocs opératoires où il se fait des petites chirurgies qui n'auraient pas besoin de se faire là, qui pourraient se faire dans des chirurgies locales, à la clinique externe, genre les tunnels carpiens, les petites ablations de métal, un paquet de choses. Il y a dans certains hôpitaux où ça se fait parce qu'il n'y a pas de pression dans les blocs, puis c'est correct que ça se fasse de même. Il y a certains d'endroits, en région, où ils ont assez de temps opératoire, ça coûterait plus cher et ce serait plus compliqué, ouvrir une autre salle. Mais il y a encore des endroits où il y a un petit peu de ménage à faire là-dedans. Ça, je pense que c'est la première étape. Puis ce n'est tellement pas compliqué, faire des locaux, ça n'a pas besoin d'une grosse clinique affiliée, ça peut se faire dans une petite salle. Mais je pense qu'il y a du temps opératoire à aller chercher là.

L'autre place qu'il y aurait du temps, là, opératoire à aller chercher, si on veut, à un moment donné, s'il en manque, plutôt que de payer pour les cliniques affiliées ? de toute façon on paie tout le temps ? on pourrait payer pour augmenter un peu la durée du temps opératoire en salle d'opération, finir à 4 heures et 5 heures, disons, 6 heures, 5 heures. Il y a déjà des endroits... Tu sais, les places où ça force trop, peut-être payer une heure ou deux de plus la salle qui est déjà là, c'est peut-être moins dispendieux qu'en payer une autre qu'on fait bâtir. Nous autres, c'est un peu de même... Puis, les patients restent à la même place, les chirurgiens restent à la même place. En tout cas, il y a peut-être...

Dans mon financement ? je comprends très bien le financement ? tout ce que je voulais dire, c'est que l'administrateur qui voit venir des prothèses puis qui n'est pas financé à la pièce, il ne veut plus qu'on en fasse, ils font tout pour que ça ne roule pas, tandis que, s'il est payé pour chaque prothèse qu'il fait, ils ont l'impression qu'ils rentrent dans leur argent. C'est ça que je voulais souligner sur le financement. Une prothèse, ça coûte à peu près 10 000 $, 11 000 $ dans un hôpital. L'administrateur qui est en avant, puis qui a son budget déficitaire, puis qui voit qu'il y a des patients qui attendent en prothèse, il n'a pas intérêt à en faire une de plus, il est mieux d'en faire une de moins. Bon, c'est juste ça, le point. Donc finalement je pense qu'on n'a pas de grosses divergences.

Mes deux confrères... Si vous avez des questions, les plans d'effectif, il est champion, puis, lui, Montréal...

M. Couillard: Je voudrais juste... parce qu'il reste peu de minutes puis je voudrais être certain... Parce que je veux extraire de votre présence ? puis on aura l'occasion de continuer à discuter avec vous, là ? le plus d'indications pour les orientations qu'on doit donner au fonctionnement de notre garantie d'accès, là. C'est vrai qu'on est courageux puis on est déterminés, puis je pense qu'on est capables de le réussir. Ça va être difficile cependant.

Ça veut dire quoi, un patient prêt à être opéré? Je vais vous dire ma définition, puis vous allez me dire si vous êtes d'accord. Ça veut dire un patient dont on a fixé la date pour la chirurgie, qui a fait son bilan préopératoire puis qui a signé son consentement opératoire. On est-u d'accord avec ça, incluant le consentement opératoire? Parce que, moi, je sais qu'il y a des patients sur la liste qui sont là, parce qu'un jour, quand vous aurez besoin d'être opéré, on vous appellera, puis vous êtes déjà sur la liste, c'est une bonne affaire.

M. Lavallée (Pierre): Puis, avec la publicité puis tout ce qu'il y a, on voit des patients qui viennent nous voir pour se faire mettre sur la liste d'attente. Le gars, il ne veut même pas se faire opérer, il dit: Pouvez-vous me mettre sur la liste pour dans un an?

M. Couillard: C'est ça, au cas où, au cas où.

M. Lavallée (Pierre): Ça n'a plus de bon sens, là. Je veux dire, ils prennent des numéros. Moi, je pense qu'il faut que le patient accepte d'avoir une date, on lui donne une date, on signe le consentement, puis c'est là que vous allez être opéré.

M. Couillard: O.K. Le consentement signé, pour moi, c'est très important, parce que, dans mon expérience, ça arrive souvent, ce que vous dites là, puis: Ah! j'entends qu'il y a des problèmes de liste d'attente, mettez-moi donc tout de suite sur la liste d'attente. Mais, quand on signe le consentement, c'est qu'on veut être opéré.

M. Desnoyers (Jacques): Ça responsabilise le patient.

M. Couillard: Voilà, c'est ça.

M. Desnoyers (Jacques): Quelqu'un, le patient, il veut aller en Floride. Il y a eu une complication, sa belle-mère est morte, sa gardienne n'est pas là, il veut rester sur la liste, il y en a, de ça, puis on les laisse sur nos listes pareil parce que c'est vrai qu'à un moment donné il va se faire opérer, mais ce n'est pas un patient qui est vraiment en attente, tu sais, il est dans... la façon... ce n'est pas un patient qui nuit à la garantie d'accès, autrement dit.

M. Couillard: Si on vous demandait ? une question que je vais vous poser, très pratico-pratique, là; si on vous demandait ? que, pour que les services d'orthopédie du Québec, chacun d'entre eux fonctionne à l'intérieur de la garantie d'accès... C'est que, nous, on veut faire le plus d'efforts possible. On demande, je dirais, un contre-effort ? puis qui est là de votre part ? si on demandait que les gestions de listes d'attente soient faites par le service. Je m'explique de la façon suivante.

Si vous êtes six orthopédistes, puis il y en a un qui a une liste d'attente de même, pour quelque raison que ce soit, ça peut être la grande qualité de ses services, là, mais il y a peut-être d'autres raisons également, puis un autre qui a une liste d'attente comme ça, dans le même service, puis que, celui-là qui est là, ses patients arrivent à six mois, pourquoi l'autre, il ne peut pas les opérer ou qu'on ne l'offre pas au moins d'être opéré par le collègue? C'est difficile pour un médecin de faire ça, parce que le chirurgien particulièrement est convaincu qu'il est le meilleur au monde et que c'est une catastrophe pour le patient si ce n'est pas lui qui l'opère. Mais, dans une unité qui est bien faite, où il y a un bon climat de collaboration, il me semble que ça devrait se faire, ces choses-là, non?

M. Lavallée (Pierre): Vous soulevez un point qui est très important. Pour que ça marche, le premier, c'est la préinscription, puis, la deuxième, c'est ça, c'est une forme... Il va tout le temps y avoir un chirurgien qui a un an, un an et demi d'attente puis un patient qui va dire: Mon chirurgien ne peut pas m'opérer, un an et demi. C'est sûr, même si le gars, il opérait jour et nuit, il ne pourrait pas l'opérer. Ce qu'il devrait faire, c'est dire: Je ne peux plus vous opérer, d'être honnête puis que ce soient d'autres qui voient le patient. On a pensé à toutes sortes de façons d'essayer d'arrimer ça, mais... Puis, si on regarde le projet en Alberta, qui a marché, qu'ils ont réussi à baisser... en huit mois, ils ont fait fondre les listes d'attente, il n'y en a presque plus, en fait ils n'ont pas opéré bien, bien plus de patients, ils les ont répartis puis ils leur ont donné la possibilité... Ça n'a pas coûté une fortune, faire ça.

M. Couillard: ...d'ailleurs.

M. Lavallée (Pierre): Hein?

M. Couillard: Incluant dans les cliniques privées.

M. Lavallée (Pierre): Incluant dans les cliniques...

M. Couillard: C'est ce que beaucoup de monde ignore, hein? Le projet de l'Alberta, il y a un grand nombre de cas qui ont été faits dans les cliniques privées, à contrat.

M. Lavallée (Pierre): Ah! oui, oui. Ils sont payés tant du patient, mais...

M. Couillard: C'est ça.

M. Lavallée (Pierre): Ce que je vous dis, moi personnellement puis plusieurs des membres de l'association, oui, on pense que c'est une bonne façon. C'est difficile, par exemple. C'est difficile... Un patient qui attend pour une prothèse de hanche, ce n'est pas comme un accidenté qui arrive à l'urgence, ce n'est pas comme un gars qui a besoin d'urgence une chirurgie cardiaque, il veut un chirurgien, il ne les connaît pas. Le patient, il voit son docteur, des fois il connaît la réputation, des fois tu l'as déjà traité pour d'autre chose. C'est plus difficile, échanger ces patients-là. Mais je pense qu'il y a une avenue à regarder de ce côté-là.

En Alberta, ce qu'ils ont choisi, c'est qu'en amont, avant de voir leur orthopédiste, il y a quelqu'un d'autre qui les voit puis que, là, ils disent au patient: Bien, votre docteur, c'est tant d'attente; voulez-vous le chirurgien le premier disponible? Bon, ça, c'est acceptable parce que c'est avant que le patient prenne un contact. Un coup qu'il a déjà vu un médecin, la seule façon de le faire fonctionner, ce serait qu'il y ait une entente dans un service, que les gens diraient: On est un groupe, on veut offrir un service en arthroplastie en tant de temps, on prend les mesures pour que ça marche. Moi, dans ma petite tête, la seule façon que ça pourrait marcher, il faudrait que les gens aient un incitatif pour faire ça. De les convaincre moi-même, je ne serais pas capable. Je ne veux pas parler d'argent ici, là ? ça finit tout le temps comme ça, hein? ? mais, je pense, si on veut que quelque chose marche, on paie avec les caractéristiques de ce qu'on veut avoir.

Je vais juste vous dire en passant qu'un orthopédiste qui fait des prothèses de hanche... Parce que ça, je le vois dans les journaux, puis, à toutes les fois, ça me fait un petit croche, ils disent: Ah! s'ils font ça, les orthopédistes vont pouvoir opérer plus, ils vont faire plus d'argent. Oubliez ça. Les orthopédistes ne sont pas en chômage, le reste du temps, ils font d'autres choses. Puis, quand ils vont opérer, ils vont échanger d'autres choses qu'ils faisaient avec du temps opératoire. Puis, dans le cas de beaucoup de mes confrères qui font des évaluations médico-légales ou qui sont dans le privé, ils vont perdre de l'argent s'ils vont opérer. Donc, il ne faut pas penser que l'orthopédiste... L'incitatif financier à aller faire des prothèses, il n'est pas si fort que ça. On le fait parce qu'on aime ça, on est formés pour ça, c'est notre métier. On ne dit pas qu'on crève de faim à faire ça, mais la source financière ne nous pousse pas à faire ça. Je voulais juste dire ça.

M. Couillard: Je voulais juste vous préciser ? parce qu'on termine notre temps, puis l'opposition va vouloir échanger avec vous ? ça devrait être comme ça, puis on va le vérifier, ce que vous me dites, je vais le vérifier. Mais certainement que, pour le 20 millions, c'est de l'argent qui ne sera pas versé dans le budget global, c'est de l'argent qui va être attaché à des chirurgies identifiées, avec un nom de patient au bout puis une date de chirurgie au bout. Ça, je peux vous dire de façon très claire cette chose-là.

Puis je termine en vous remerciant pour votre créativité et votre participation. Je sais qu'on a des projets de cliniques multi, là, d'évaluation en cours, puis on veut les voir naître, avec Dr Hould, qui a été beaucoup à la base de ça. Et j'espère que l'ensemble des orthopédistes vont être avec nous dans cette démarche-là.

M. Lavallée (Pierre): La majorité des orthopédistes sont avec vous, puis on ne demande pas mieux à ce que ça marche, puis sans en tirer d'intérêts financiers. Là, je vous parlais d'intérêt, bien c'est juste pour que le système marche, parce que l'argent qu'il y a au bout, ça ne dérange pas trop. Mes deux confrères tapent du pied, peut-être qu'ils voudraient dire un petit mot. Dr Hould, as-tu des...

Le Président (M. Copeman): Brièvement, s'il vous plaît.

n (10 h 50) n

M. Hould (Raymond): Je ne veux pas briser l'ordre du jour...

M. Lavallée (Pierre): Excusez-moi, je ne suis pas bon dans...

M. Hould (Raymond): Je voulais parler du «médicalement requis», là, je ne sais pas, peut-être qu'on peut poser la question là-dessus.

Le Président (M. Copeman): Bien, écoutez, le...

Une voix: ...

M. Hould (Raymond): Bien, non, mais en fait c'est sur le «médicalement requis», là. Nous, on est trois orthopédistes, on est des docteurs, on va vous parler comme des docteurs. Donc, peut-être, je pense qu'il faut aussi qu'on débatte du «médicalement requis».

Quand on parle de données probantes sur le «médicalement requis», là on a dit que la période maximale pour des prothèses, c'était six mois. Donc, tout ce qui est fait à l'extérieur de six mois, là, ce n'est pas bon pour le patient, là, il se détériore. Puis les résultats des interventions qu'on fait sont moins bons.

Mais il y a un paquet d'autres pathologies. Les prothèses, là, c'est peut-être 10 %, 15 % de l'ensemble de notre clientèle. Plus on va faire des prothèses, moins on fait d'autres patients, parce qu'on a le même temps opératoire. Mais les données probantes sur des déchirures de ménisques de cultivateurs qui ont de la misère à traire leurs vaches, là, il n'y en a pas, de données là-dessus. Alors, il ne faut pas avoir un syllogisme qui dit: Si ce n'est pas prouvé qu'une déchirure de ménisque donne du trouble sur le cartilage à côté, donc on peut étirer l'élastique pour avoir une chirurgie à un an puis un an et demi. Tous les experts en orthopédie ? puis ça, je pense que c'est nous ? on va vous dire: Il y a une détérioration du cartilage en dessous, il y a une détérioration des choses.

Alors, cibler uniquement les prothèses dans le système, ça devient un peu un artifice. Puis, nous, ce qu'on voudrait, c'est organiser un système médicalement requis. Le «médicalement requis», nous, on a dit: Toutes les chirurgies électives, c'est en dedans de six mois. Est-ce qu'on est capable d'organiser le système pour qu'il fasse ça? Et voilà.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Mais, si on enchaîne sur ça, quand vous dites, à la page 6 de votre mémoire: «L'amélioration de l'accès dépend davantage de l'ajout de temps opératoire que de l'ajout d'effectifs médicaux en orthopédie», si je comprends bien ce que vous avez dit, vous et votre président, tantôt, le Dr Lavallée, dans le fond vous pourriez suffire à la demande si vous aviez plus de temps opératoire. Mais dans le fond, si vous aviez plus de temps opératoire, vous feriez plus de genoux et de hanches, et la conséquence de ça, c'est qu'il y aurait un effet pervers qui s'installerait malgré tout sur les autres pathologies dont vous venez de parler. Est-ce que je me trompe?

M. Lavallée (Pierre): Bon, il faut nuancer un petit peu. En fait, l'orthopédiste, la seule chose qu'il fait que les autres ne font pas, c'est qu'il opère. Il y a beaucoup d'autres choses, voir des patients... Des fois, on peut en voir tant qu'on veut, des patients qui ont mal partout, mais des fois il y a d'autres alternatives, c'est-à-dire qu'il y a des gens, des équipes multidisciplinaires, il y a d'autres gens qui peuvent les voir. Il y a certaines tâches qu'on peut laisser, qui vont se faire moins au détriment du patient.

Je vous parlais du médico-légal. Il y a beaucoup de confrères qui font des expertises pour toutes sortes de compagnies, pour toutes sortes de choses. Bien, ceux qui aiment encore opérer, je ne pense pas que ça ferait un gros tort, là, de... Ça fait que l'étape limitante, c'est surtout l'accès à la chirurgie. Le problème n'est pas si pire que ça. C'est parce que c'est... À des endroits, il y a des grosses attentes, à des endroits, ce n'est pas si pire. On n'est pas si loin de quelque chose qui serait réalisable, on pense. Le Dr Hould a peut-être un commentaire...

M. Hould (Raymond): Mais c'est qu'en fait, au niveau canadien, la norme, on considère, là, qu'un orthopédiste devrait avoir 1,5 jour de chirurgie par semaine pour faire sa chirurgie élective. Au Québec, nous, on estime, là, qu'on est probablement à 1, 1,1 journée. On calcule, puis on n'a pas les... on n'est pas capables de le chiffrer précisément, mais, si on avait une augmentation de l'ordre de 15 % du temps opératoire de plus, il n'y en aurait plus, de problème de liste d'attente et de problème de retard d'accès, et ce, pour toutes les pathologies orthopédiques confondues, pas uniquement pour les prothèses. Alors, nous, notre travail, c'est davantage sur la rationalisation, l'augmentation des ressources en interne qu'on a. Le but qu'on devrait avoir, c'est viser 1,5 par orthopédiste, et, si l'État ou les structures actuelles ne sont pas capables de l'offrir, là on peut avoir d'autres structures, qui peuvent s'appeler des cliniques affiliées, après, pour compenser.

M. Charbonneau: Mais est-ce que dans le fond on ne serait pas mieux justement de mettre un peu plus de ressources financières pour augmenter le temps opératoire, pour atteindre ce ratio-là d'une part, avant de se lancer dans des cliniques privées affiliées? Et est-ce que dans le fond, dans d'autres États, on n'a pas réussi justement, avec des cliniques externes publiques ou des centres à haut volume publics, à s'approcher justement de ce ratio-là?

M. Lavallée (Pierre): Bien, écoutez, les deux pourraient être débattables. Nous autres, en orthopédie, on pense que ce serait une bonne affaire de mettre un peu de privé dans... de faire un peu de compétition là-dedans. Écoutez, ça peut être controversé, là.

Mais je vais vous conter juste quand, à un moment donné, à Québec, il y a eu la désignation des hôpitaux universitaires. Les hôpitaux qui pensaient ne pas être dedans, si vous aviez vu à quelle vitesse ça roulait, ces blocs-là, ça marchait, parce que les gens sentaient un petit peu de compétition. Ce n'est pas malsain, là. Mais en tout cas...

M. Charbonneau: Moi, je peux comprendre...

M. Lavallée (Pierre): Nous autres, on demande le temps, peu importe d'où il va venir, on va vivre avec, là. Mais, si vous demandez le principe, la plupart des orthopédistes pensent que ? pas du privé pour nous autres, là, du privé de gestion ? peut-être que ce serait le temps de regarder ça puis d'ouvrir la porte un peu. Mais, comme vous dites...

M. Charbonneau: Mais ça, c'est une appréciation, moi, je ne dirais pas juste idéologique, là, mais on peut être pour ou contre ou être sceptique. Parce que, tu sais, la démonstration n'a pas toujours été faite partout, hein, parce que... C'est souvent une conception idéologique qui n'a pas toujours été établie scientifiquement.

M. Desnoyers (Jacques): Mais, au-delà de l'idéologie puis du fait qu'on ait quand même un besoin de voir le système public être challengé par un peu de privé ? parce que je pense que ce serait une bouffée d'air frais ? il y a quand même cette notion de voir qu'on sous-utilise des vaisseaux amiraux d'une façon... c'est catastrophique. Comment est-ce qu'on peut permettre à des gens, des individus qui se forment pendant 10 ans à l'université de pratiquer leur profession une journée par semaine? C'est inacceptable. Comment est-ce qu'on peut accepter qu'une fois qu'on lui donne cette journée-là, à partir de 2 h 30, 3 heures, les infirmières-chefs passent dans les salles puis disent: Bien, je pense qu'on ne pourra pas faire votre dernier cas parce que vous allez défoncer de 15 minutes? C'est aberrant.

Pour répondre à votre question, tout à l'heure: On ne risque pas d'avoir un effet pervers?, la réponse, c'est non. Parce que les prothèses, c'est des cas qui sont longs, il doivent être accompagnés de cas un peu plus légers. Le chirurgien ne peut pas driver ça, là, quatre cas par jour comme ça, là, il va faire ça pendant trois mois, puis il va lâcher.

Il faut comprendre aussi qu'il ne faut pas cannibaliser les ressources. C'est-à-dire que, si on cristallise tout vers les prothèses de hanche et de genou, on oublie le reste. On va être efficaces sur le six mois, sur les arthroplasties, puis on va être déficients sur les autres. Et ce n'est pas tous les chirurgiens qui font des prothèses. Ça fait que, quand on veut mettre en concert toutes les listes d'attente de plusieurs chirurgiens d'un département, s'il y en a qui font du dos et jamais de prothèses, s'il y en a qui font du pied et de l'épaule et jamais de prothèses, il faut prendre en considération ces gens-là, qui ont le droit également de faire du «pré-booking». Puis il ne faut pas non plus que l'administration se sente stressée parce qu'on va déborder, les chirurgiens qui font de l'arthroplastie vont déborder le six mois en contrepartie des autres chirurgiens qui n'en font pas. Ça fait qu'il ne faut pas transférer une liste d'attente vers une autre. Et c'est pour ça qu'en corollaire de tout ça il faut que tous aient accès, et, quand je dis «tous», c'est tous les patients et tous les chirurgiens.

M. Charbonneau: Est-ce que je vous comprends bien en disant que finalement vous seriez plutôt favorables plutôt qu'il y ait... en orthopédie, par exemple, plutôt qu'il y ait une garantie d'accès pour trois types de chirurgie élective, qu'il y ait une garantie d'accès pour l'ensemble des chirurgies en orthopédie?

M. Lavallée (Pierre): Absolument. Parce que de toute façon la préinscription ne peut pas se faire juste pour les patients de chirurgie, il faut qu'on sache qu'est-ce qu'on opère dans la journée. Donc, il faut que la préinscription se fasse pour toutes nos chirurgies, pour qu'on sache le temps disponible qu'on a pour opérer.

M. Charbonneau: Vous apportez une nuance importante entre la proposition gouvernementale, qui est pour trois types de chirurgie, et finalement une garantie d'accès qui serait pour l'ensemble. Parce que, là, on aborderait la problématique d'une façon plus globale et plus intégrée, si je comprends bien.

M. Desnoyers (Jacques): Je vous dirais que déjà, au niveau de certains organismes comme la CSST, ils ont déjà commencé à voir des délais d'attente augmenter dans les chirurgies ou les patients en attente de chirurgie. Parce que, dans les dernières années, ce n'est pas... Notre ministre Couillard apporte une grande bouffée, là, c'est une grande fraîcheur, avec une porte qui s'ouvre, là. On ne sait pas ce que ça va donner encore, mais ça sent très bon pour l'instant, là. Et ça fait quand même quelques années qu'on a plus d'argent pour les prothèses, ça fait quand même quelques années qu'il y a des hôpitaux qui ont encore des incitatifs nouveaux, maintenant, à faire des prothèses, et qu'est-ce qui est arrivé? La plupart des chirurgiens qui font ces choses-là se sont engouffrés là-dedans, au bien-être de la population âgée, mais en contrepartie on a déjà commencé à voir des délais augmenter dans les autres chirurgies.

M. Charbonneau: C'est ça que j'ai souvent dit, c'est-à-dire qu'on a des performances intéressantes...

M. Desnoyers (Jacques): Ça fait que c'est ça qui fait qu'on a une porte d'entrée. C'est un cheval de Troie, là, mais...

M. Lavallée (Pierre): Absolument. Nous autres, on a répondu au document Garantie d'accès en voyant la garantie pour prothèses de hanche et de genou comme un début. Puis après ça on s'est dit: Bon, bien, peut-être, si ça, ils sont capables de le faire... On l'a pris comme ça. Mais c'est sûr que, pour nous, l'idéal, ce serait qu'on ait la garantie six mois partout. Mais est-ce qu'on est capables de le faire? M. le ministre le jugera.

n (11 heures) n

M. Charbonneau: C'est que dans le fond, si on a une approche intégrée puis si dans le fond l'objectif, c'est d'utiliser, non pas comme vous l'aviez cru, mais comme le ministre l'indique, que le délai... non, que finalement on ait une approche avec l'utilisation des cliniques affiliées pour dans le fond faire des petites chirurgies orthopédiques, par exemple, et pouvoir faire les plus grosses, celles dont on parle, dans les centres hospitaliers, dans les faits, on commence déjà à avoir une approche intégrée. Parce que, si on dit qu'on va utiliser les cliniques affiliées pour les chirurgies plus mineures en ambulatoire puis les grosses en centre hospitalier, en quelque part il va falloir qu'on ait une intégration. On serait peut-être mieux dès le départ de prendre le risque d'y aller à fond de train et d'une façon plus intégrée.

M. Hould (Raymond): Si je peux me permettre. Effectivement, cibler juste les prothèses, là, c'est très, très artificiel. Si vous me permettez de donner un petit cas vécu, là. Il y a deux semaines, le chef de service d'un centre hospitalier universitaire du Québec, que le Dr Couillard connaît très bien, vient de donner sa démission pour retourner aux États-Unis. Ce docteur-là était un surspécialiste du traitement des lésions de la cheville et du pied, qui opère pas une journée par semaine. On vient encore de le perdre. On s'est battu pour garder le Shriners, mais on perd les gens de pointe d'excellence parce qu'on ne leur donne pas la capacité de faire leur travail. Puis je pense que, comme ça devient des secteurs qui sont de plus en plus spécialisés dans la pratique de l'orthopédie, cibler uniquement prothèses, c'est risquer de perdre et de perdre effectivement les gens qui font de la colonne, les gens qui font du genou, de la reconstruction ligamentaire, les gens qui font de l'épaule, des gens qui font de la réimplantation. C'est ça qu'on vit actuellement. On a perdu presque 70 orthopédistes de la province de Québec depuis 1992.

M. Charbonneau: Écoutez, parce que je sais que ma collègue voudrait poser une question, là, puis que le temps est limité. Juste autre chose que je voudrais préciser. Parce que dans le fond vous confirmez à la fois notre propos puis celui du ministre, puis je voudrais juste faire la conciliation. Quand vous dites, à la page 5: «Ce délai d'accès raisonnable pour les prothèses avait été fixé par consensus à trois mois...» Alors, nous, quand on disait, là, qu'on l'avait fait avec l'accord du milieu médical, vous le dites, là. On l'avait fait. Mais qu'est-ce qui a fait que, de trois mois, tout à coup c'est passé à six mois?

M. Lavallée (Pierre): Regardez, c'est parce que... Ça, ça a été fait par notre Association d'orthopédie avant qu'il y ait un débat national là-dessus, puis ça avait été fait par les gens qui étaient à l'exécutif dans ce temps-là, qui étaient assis comme ça, puis ils ont dit: Que c'est que ce serait raisonnable, une prothèse de hanche? Ils ont demandé à trois, quatre gars. Ils ont dit: Trois mois, ce serait correct, puis ils ont appelé ça «délai médicalement acceptable». Bon. Puis, quand c'est arrivé plus tard pour établir des vrais délais, bon, bien, là, les gens ont fait des comités plus gros, ils ont commencé à sortir des dossiers, puis là ils ont dit: On va établir le délai maximum médicalement acceptable. Le délai de trois mois, c'était comme un délai souhaitable ou idéal, là. Ça fait que, quand les gens ont fait le délai vraiment médicalement acceptable, puis ça a été fait trois, quatre fois, tout le monde est arrivé à six mois. Ça fait que, nous autres, on a dit, au Québec: Bien là, on n'est pas pour dire, au Québec, que c'est trois mois, puis ailleurs c'est six mois. Ça fait qu'on a embarqué sur les mêmes évidences scientifiques. C'est pour ça que les données ont changé un peu.

M. Charbonneau: O.K. Mais en même temps ce que je comprends du message, puis, hier, je pense que les médecins spécialistes l'ont dit aussi, c'est que... Dans le fond, il y avait trois mois, là on passe à six mois, mais dans les faits ça va être neuf mois plus... et plus.

M. Lavallée (Pierre): C'est le point souligné dans notre affaire. Il faut arrêter d'étirer, là. Tu sais, idéalement, ça devrait être deux, trois...

M. Charbonneau: C'est ça. Ça veut dire que, si on dit «six mois», il faudrait que ce soit vraiment six mois, là.

M. Lavallée (Pierre): Bien, six mois, c'est un délai maximum dans notre tête. Idéalement, là... Il y a des gens qui arrivent en chaise roulante, il y en a qui... On ne peut pas... Il y a différentes catégories là-dedans. Puis il ne faudrait pas que ce soit vu, six mois, comme de dire que le gars qui peut être opéré à deux mois, lui, il peut attendre plus longtemps. On a eu ça à Santa-Cabrini il n'y a pas longtemps. Ils ont coupé les budgets à la fin du mois de mars, puis la réponse qu'on a eue, c'est que les gens, ça ne faisait pas assez longtemps qu'ils attendaient, ça faisait deux mois. Il faut faire attention, là.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Autrement dit, le délai de trois mois, il ne faut pas qu'il devienne... ou bien le délai de six mois, il ne faut pas qu'il devienne le délai d'entrée dans le système mais plutôt le délai, là, de dernier recours, absolument. Finalement, et c'est sûr qu'en disant un délai comme ça, puis qu'on l'allonge, on a toujours tendance à toujours ? les humains sont faits comme ça ? aller un petit peu plus que ce qu'on a mis. On essaie toujours d'étirer notre temps. On le fait ici, en commission parlementaire, on doit le faire ailleurs.

Moi, ce sur quoi je veux revenir, c'est la SAAQ et la CSST. Quand vous dites, là, que, pour une chirurgie qui coûterait environ 200 $, quelqu'un va être... ne pourra pas travailler pendant plusieurs mois à cause de la liste d'attente, c'est aussi vrai pour ceux qui sont dans le privé, les travailleurs autonomes qui n'ont pas d'assurance, ou les assurances privées qui... Bon. Mais comment vous voyez ça? Pourquoi dites-vous que... Comment on solutionne ce problème-là? Parce que vous avez amené la question, là.

M. Lavallée (Pierre): C'est que la CSST, ils se sont aperçus un peu que les délais augmentaient, pour avoir jasé avec eux autres, puis, eux autres, s'il y avait un moyen d'aller plus vite pour que ça coûte moins cher, ils le feraient. Si on a des cliniques qui offrent des petites chirurgies, la question qu'on pose: Est-ce que la CSST ne pourrait pas, comme c'est de l'argent public, la même affaire... au lieu de la payer à la CSST, on ferait peut-être mieux de la mettre dans d'autre chose... avoir accès à ça?

Mme Roy: Est-ce qu'il y a une directive à cet effet-là à la CSST?

M. Lavallée (Pierre): La CSST actuellement, ils ne veulent pas aller dans la deux-vitesses, ils essaient... Ça, c'est le langage officiel. Il y a toutes sortes de petites entourloupettes, mais le langage officiel, c'est qu'ils essaient de ne pas avoir de médecine à deux vitesses. Si on a réussi à établir une garantie d'accès pour tout, à ce moment-là il n'y a plus de problème avec la CSST. Ils n'attendront pas non plus. On avait un réflexe naturel, quand c'est un patient qui est sur la CSST, de dire à notre secrétaire: Bien, lui, il est sur la CSST, il ne travaille pas, on va essayer de le passer. Mais là on ne fait plus ça. L'attente... On a perdu le contrôle. Puis c'est ça qu'il faudrait faire attention parce que ça engendre des coûts qui à notre avis n'ont pas de bon sens.

Mme Roy: Finalement, si c'est pour une question de dogme, là, et qu'il ne faut pas laisser souffrir le monde inutilement, je pense, moi, puis que c'est aussi valable...

M. Lavallée (Pierre): Absolument.

Mme Roy: ...pour les personnes qui vivent des prestations de la CSST que d'autres personnes qui sont aptes au travail.

M. Lavallée (Pierre): On a levé le problème des coûts, mais il y a le problème de la chronicisation: quand tu attends, des fois... des lésions, qu'on a marqué... qui est un problème social, qui est un problème financier aussi, vous avez raison.

Le Président (M. Copeman): Alors, Dr Lavallée, Dr Desnoyers, Dr Hould, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Association d'orthopédie du Québec. J'invite immédiatement les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à prendre place à la table et je demanderais à nos invités de tenter de faire cet échange le plus rapidement possible.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Imposez-vous, M. Dowd, imposez-vous!

Sans bousculer nos invités, nous avons cumulé un certain retard depuis, malheureusement, le début de la matinée, alors on essaie de faire, si je peux utiliser l'expression, rouler la commission le plus efficacement possible. M. le président par intérim, M. Dowd, bonjour.

M. Dowd (Marc-André): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation au nom de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et enchaîner immédiatement avec votre présentation.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Dowd (Marc-André): Très bien. Alors, je vous remercie. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Daniel Ducharme, qui est sociologue, chercheur à la Direction de la recherche et de la planification, qui est l'auteur du mémoire qui vous est présenté, et, à ma droite, de Me Daniel Carpentier, qui est coordonnateur de la recherche juridique à la commission.

Alors, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a reçu de l'Assemblée nationale le mandat de promouvoir les principes de la Charte des droits et libertés de la personne par toute mesure appropriée, y compris l'examen de documents soumis à la consultation publique par le gouvernement du Québec. Nous sommes également chargés de faire respecter les principes inscrits dans la charte, notamment le droit, en toute égalité et sans discrimination, à la vie, à la sûreté, à l'intégrité, à la liberté et à la dignité de la personne. Dans ce cadre-là, nous sommes évidemment très heureux de pouvoir participer à cette consultation.

Compte tenu du temps qui nous est alloué, notre présentation va s'articuler autour de quatre grands axes de discussion: premièrement, des remarques générales sur les fondements du régime de santé et de services sociaux québécois; deuxièmement, de façon précise, la proposition de garantie de soins du gouvernement québécois et le maintien de l'étanchéité de pratique entre le secteur privé et le secteur public; troisièmement, le financement du système de santé et une discussion sur l'instauration d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie; et enfin la reconnaissance du droit à la santé comme un principe structurant présidant aux choix en matière de programmes et de services de santé.

En ce qui concerne les remarques générales sur les fondements du régime, on remarque que les inquiétudes sont nombreuses quant à la capacité du système de santé québécois de répondre aux attentes de la population et de garantir un accès équitable à des soins de qualité pour tous. Entre les délais d'attente pour des chirurgies, l'engorgement récurrent des urgences hospitalières et la difficulté de trouver un médecin de famille ou encore des soins à domicile, il semble que la liste des griefs formulés par la population québécoise à l'égard du système s'allonge depuis quelques années.

Devant une telle situation, la commission reconnaît que des modifications significatives doivent être apportées, et ont commencé à l'être, dans l'organisation et le financement des soins pour permettre au réseau public de la santé et des services sociaux d'accomplir sa mission présente et future à l'égard de la population du Québec.

n (11 h 10) n

La commission considère toutefois que l'ouverture à un régime d'accès aux soins de santé privés fondé sur la capacité de payer irait à l'encontre des fondements du régime de santé et de services sociaux dont le Québec s'est doté, à savoir l'accessibilité, l'universalité et la gratuité. La commission demeure convaincue que ces trois acquis constituent des garanties nécessaires pour assurer à tous et à toutes l'exercice de leur droit à des services de santé et des services sociaux en pleine égalité, conformément aux exigences de la Charte des droits et libertés de la personne. En conséquence, il nous apparaît fondamental que ces acquis soient préservés.

En ce qui concerne la proposition de garantie de soins qui est présentée dans le document de consultation en réponse à l'arrêt Chaoulli, la commission est d'avis que le document de consultation soumis par le ministère de la Santé et des Services sociaux permet, par les mesures et les aménagements nouveaux qu'il propose, de préserver l'intégrité du système public de santé tout en garantissant au plus grand nombre possible d'individus d'avoir accès à des soins de santé de qualité dans des délais raisonnables. Elle souhaite cependant émettre des réserves à propos de quelques-unes des orientations qui sont privilégiées dans le document de consultation et qui pourraient avoir des effets dommageables sur certains segments de la population.

Je vais laisser à M. Ducharme le soin de continuer la présentation.

M. Ducharme (Daniel): En ce qui concerne la garantie d'accès aux services, on note que, dans le système de soins qui est actuellement en vigueur au Québec, l'accès universel aux services médicaux, sans égard à la capacité financière de l'individu, se trouve modulé par l'existence de listes d'attente. Il faut reconnaître que les cas urgents, où l'état de santé du patient est menacé, sont traités en priorité, mais il convient cependant de noter que, pour un nombre non négligeable de cas électifs, les délais d'attente dépassent les normes cliniquement reconnues.

Dans ce contexte, la commission se réjouit du fait que le gouvernement du Québec exprime la volonté d'offrir une garantie d'accès aux services qui permettra de réduire les délais d'attente pour certaines chirurgies électives visant des pathologies qui peuvent compromettre sérieusement le droit à l'intégrité de la personne, tel qu'il est garanti par l'article 1 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Cependant, la commission s'interroge sur l'impact qu'une intervention ciblée comme celle-ci pourrait avoir sur les délais d'attente concernant d'autres interventions médicales. La mobilisation de ressources humaines et matérielles pour répondre aux besoins liés aux chirurgies de la cataracte, du genou ou de la hanche n'allongera-t-elle pas globalement les délais pour l'ensemble de la population? N'aura-t-elle pas un effet préjudiciable pour les patients en attente d'autres services hospitaliers? À cet égard, la commission se préoccupe particulièrement du sort réservé aux enfants. On note en effet des délais d'attente supérieurs à six mois pour les interventions chirurgicales dans les établissements pédiatriques, un délai significativement plus élevé que dans les autres établissements. D'une manière globale, la commission estime qu'il importe que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'assure que les choix qui seront faits en matière de garantie d'accès aux services ne pénaliseront pas de façon excessive les usagers des services qui ne sont pas ciblés par cette garantie.

La commission reconnaît l'importance de déterminer des critères cliniques pour juger des services qui peuvent faire l'objet d'une garantie d'accès. Les critères définis par le gouvernement du Québec nous semblent rationnels et justifiés. Cependant, nous sommes d'avis que l'élargissement du mécanisme de garantie d'accès à d'autres soins doit s'effectuer de manière prudente. Les critères cliniques devront toujours dominer dans l'appréciation des services qui pourront faire l'objet d'une garantie éventuelle, pour éviter que l'arbitraire ne domine.

Par ailleurs, la commission se demande si la proposition gouvernementale ne permettra pas à certains patients de court-circuiter le mécanisme de garantie d'accès afin d'obtenir immédiatement des services dans une clinique à financement privé. Si tel est le cas, cette proposition officialiserait une médecine à deux vitesses qui permettrait aux patients qui ont les moyens d'acheter une assurance privée de bénéficier de soins dans un délai réduit, alors que ceux qui n'en n'ont pas les moyens devront se conformer aux contraintes du mécanisme de garantie d'accès et accepter des délais plus longs. Il y a lieu de préciser comment le gouvernement du Québec entend éviter ce genre de situation qui malmène le principe d'universalité des soins, car le scénario qu'il présente demeure évasif à ce sujet.

Enfin, la commission tient à souligner qu'elle s'inquiète du fait qu'il n'existe à l'heure actuelle aucun encadrement normatif explicite dans la gestion des listes d'attente. Cette gestion est laissée à l'entière discrétion des unités de soins de chaque établissement. Ce faisant, on note des délais d'attente qui peuvent varier significativement d'un établissement à un autre pour une même catégorie d'intervention. La commission pense qu'il serait opportun que le ministère de la Santé et des Services sociaux puisse mener une réflexion sur le sujet afin d'harmoniser les délais d'attente sur l'ensemble du territoire québécois de manière à favoriser un accès équitable aux ressources et aux services.

En ce qui concerne l'étanchéité de pratique, la commission accueille favorablement la volonté du gouvernement de maintenir l'étanchéité pour les médecins entre le secteur public et le secteur privé. Ce mécanisme a permis jusqu'à présent de garantir le maintien d'un service public fort: on ne dénombre actuellement que 97 médecins qui ont choisi de ne pas participer au régime public, soit un peu moins de 1 % de l'effectif médical total.

Cependant, l'extension du mécanisme de garantie d'accès à des interventions autres que les services de radio-oncologie, de cardiologie et de chirurgies électives qui sont actuellement envisagés pourrait inciter un plus grand nombre de médecins à ne plus participer au régime public de santé. En élargissant l'offre des services visés par le mécanisme de garantie d'accès, on peut raisonnablement penser que l'offre de services pouvant être couverts par l'assurance privée sera aussi élargie.

Dans un contexte où le système public vit une pénurie de ressources humaines, comme c'est le cas actuellement au Québec, il y a lieu de s'inquiéter qu'un recours à l'assurance privée duplicative entraîne une baisse de la capacité de production du secteur public au profit du secteur privé.

L'incitation à ne plus participer au régime public de santé peut s'avérer d'autant plus forte pour un médecin qu'il n'y a pas de mesures de plafonnement de la tarification dans le secteur privé. Devant une telle situation, la commission estime important que le gouvernement du Québec oblige les médecins non participants à accepter les honoraires qui sont fixés par la Régie de l'assurance maladie du Québec. En ne plafonnant pas la tarification pour les médecins qui oeuvrent dans le secteur privé, il nous semble que le gouvernement québécois encourage implicitement le développement de ce dernier secteur.

Je passerai maintenant la parole à Me Daniel Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): En matière de financement du système de santé, il est de mise aujourd'hui d'identifier le vieillissement de la population comme étant l'un des principaux responsables de l'inflation des coûts qui afflige les systèmes de santé des pays développés. Cette explication est devenue en quelque sorte un poncif qui est repris dans tout exercice de révision des modes de gouverne et de financement des systèmes de soins. Elle est généralement présentée comme une évidence qui s'impose d'elle-même et qui nous invite à se questionner sur la viabilité du système public de soins de santé et sur le besoin d'un recours accru au financement privé des services.

Pour trouver les meilleures solutions afin d'assurer la pérennité, l'accessibilité et la qualité de notre système de santé, la commission estime qu'il importe pourtant d'examiner rigoureusement les arguments invoqués pour soutenir une telle explication, car ces arguments sont loin d'aller de soi. En fait, la commission souhaite privilégier une approche systémique qui interdit de mettre le focus sur un seul élément qu'on décrète être un problème, par exemple le vieillissement, pour le mettre plutôt sur la relation qui existe entre cet élément et d'autres éléments qui le font apparaître.

La commission reconnaît que le vieillissement de la population représente un défi de taille pour l'organisation et le financement du système des soins de santé. Elle considère toutefois que le constat qui est dressé est alarmiste en ce qu'il s'appuie sur une conception traditionnelle du vieillissement qui associe la vieillesse presque exclusivement au déclin et à la dépendance et qu'il présente celle-ci comme une fatalité qui vient peser de tout son poids sur les finances publiques.

Sans nier pour autant la gravité et l'intensité des problèmes de santé auxquels sont confrontées les personnes âgées, il importe pourtant de lutter contre les préjugés âgistes qui sous-tendent cette conception du vieillissement. Ces préjugés ne permettent pas d'envisager de nouvelles politiques publiques qui favoriseraient une contribution positive des personnes âgées sans incapacités fonctionnelles, pourtant nombreuses, à l'activité économique et sociale du Québec.

C'est pour cette raison que la commission invite le gouvernement du Québec à examiner des politiques publiques de gestion intégrée des âges au travail, comme celle que s'est donnée la Finlande depuis bientôt 10 ans. En adoptant une telle stratégie, le gouvernement finlandais a permis d'atténuer considérablement et en un court laps de temps l'effet pressenti du vieillissement de la population finnoise sur les dépenses de l'État. Le maintien au travail d'un plus grand nombre de travailleurs âgés a permis à l'État finlandais de maintenir un niveau de revenus qui ne met pas en péril ses dépenses sociales en percevant des taxes, des cotisations sociales et des impôts auprès d'une population à laquelle on aurait autrement versé des prestations de retraite. Une telle solution nous apparaîtrait davantage souhaitable que celle recommandée dans le rapport Ménard et qui vise la création d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie.

n (11 h 20) n

Tel qu'exposé dans le document de consultation, les services par rapport à ce régime d'assurance contre la perte d'autonomie, les services visant à pallier la perte d'autonomie incluent notamment les soins de longue durée, le soutien à domicile, des services professionnels de base. Or, ces services font actuellement partie des services de santé et des services sociaux couverts par le régime d'assurance maladie. Même si les services actuellement offerts par le système de santé ne suffisent pas à la demande, on peut s'interroger sur l'opportunité de créer un régime distinct d'assurance, financé de façon distincte du régime d'assurance maladie. Certes, cette approche permettrait d'augmenter les contributions des personnes au financement du système, mais elle pourrait avoir des effets négatifs sur les fondements mêmes du régime public de santé.

Ainsi, en finançant ces services par une contribution individuelle plutôt que par les impôts sur le revenu, seuls les cotisants contribueraient au financement d'une partie du système de santé, contrairement à la situation actuelle où tous les contribuables, individus et entreprises, participent au financement des services.

De plus, le financement séparé de services risque de poser un problème en matière de coordination des services. Le financement séparé appelle généralement un cloisonnement des budgets. Dans ce cas, où certains services peuvent facilement être pris en charge par l'un ou l'autre des réseaux, ne sera-t-il pas tentant pour un intervenant d'un réseau de considérer que le service doit être rendu par l'autre?

Finalement, cette mesure conçue pour les personnes âgées en perte d'autonomie ne semble pas tenir compte de la situation particulière de certaines personnes handicapées, plus jeunes, qui sont également en situation de perte d'autonomie. Cette dimension doit à notre avis être prise en compte dans le débat sur l'assurance contre la perte d'autonomie.

La commission doit faire état d'une dernière préoccupation à l'égard de l'instauration d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie. Les besoins des personnes âgées sont de plusieurs ordres; il en est de même pour les personnes handicapées qui seraient également en perte d'autonomie. Ces besoins relèvent en partie des services de santé et des services sociaux. L'instauration d'une assurance spécifique pour les personnes en perte d'autonomie est-elle le prélude à d'autres fragmentations du système de sécurité sociale et de santé accessible, universel et gratuit dont s'est doté le Québec depuis plus de 30 ans?

M. Dowd (Marc-André): Je terminerais en parlant de la reconnaissance du droit à la santé, de la reconnaissance formelle. La commission a voulu aborder les propositions qui font l'objet du document de consultation Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité en fonction des principes inhérents au droit à la santé. Nous n'inventons pas ce concept, ce droit est inscrit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, qui peut être définit comme, et je cite: «...le droit de toute personne de bénéficier des programmes, biens, services, installations et conditions lui permettant de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu'elle puisse atteindre.» Fin de citation.

La commission tient à réitérer la recommandation qu'elle a faite, notamment dans son bilan des 25 ans de la charte des droits au Québec, d'enchâsser le droit à la santé dans la charte. Ce droit, nous semble-t-il, assurera la mise en place de balises présidant aux choix de programmes et de services, tout en offrant des critères permettant d'évaluer les résultats de l'allocation des ressources ? rares ? en matière de santé.

La commission considère cependant que, dans l'allocation des ressources relatives aux dépenses de programmes en matière de santé, une importance toute particulière doit être accordée au principe d'accessibilité inhérent au droit à la santé. Cette accessibilité prend bien évidemment une dimension physique et géographique ? on doit veiller à ce qu'il y ait une répartition équitable des équipements sur le territoire, des équipements, des services, des produits ? et une dimension reliée à la circulation de l'information, mais elle revêt, et c'est là-dessus que je veux insister, une dimension économique primordiale à laquelle la commission est particulièrement sensible.

Depuis plus d'un siècle, l'intervention sociosanitaire de l'État québécois a contribué grandement à améliorer la santé des populations. Il ne fait aucun doute que l'avènement d'un système de santé public fondé sur le besoin plutôt que sur la capacité de payer a permis d'enregistrer des gains importants en matière de lutte contre les facteurs de risque relatifs à la morbidité et à la mortalité.

Cependant, malgré de nettes améliorations de la santé globale des populations, on continue à observer d'importantes inégalités en santé. Pour la seule région montréalaise, un écart d'espérance de vie de 10,7 années est observé entre le territoire sociosanitaire le plus riche, CLSC Lac-Saint-Louis, où la moyenne est de 82,3 ans, et celui qui est le plus pauvre, CLSC des Faubourgs, où la moyenne est de 71,6.

Le Président (M. Copeman): M. Dowd, je veux vous signaler, il reste trois minutes.

M. Dowd (Marc-André): C'est beau. Pour l'ensemble de la province, les hommes les plus favorisés vivent environ neuf ans de plus que ceux qui sont les plus désavantagés. Cet écart est d'environ trois ans chez les femmes.

Ce que les études comparatives internationales sur les modes de gouverne des systèmes de santé nous enseignent, c'est que les sociétés qui tolèrent une distribution inégale de la richesse sont celles qui offrent un soutien moindre aux ressources humaines, matérielles, culturelles et communautaires en matière de santé. Ce sont aussi celles qui présentent les plus fortes inégalités en matière de santé physique et mentale.

Les effets néfastes de la pauvreté sur le bien-être physique et moral des individus et des collectivités ne sont plus à démontrer. De nombreuses études produites sur les causes des inégalités de santé nous ont enseigné que les facteurs qui contribuent à la construction de celles-ci sont multiples et qu'ils renvoient, pour une large part, à des déterminants qui sont indépendants du système de santé. Ces déterminants sont de nature sociale et économique. L'univers biomédical n'a que bien peu de prise sur ceux-ci.

Dans cet esprit, la commission tient à appuyer la volonté exprimée par le gouvernement dans son document de consultation, et je cite: «...de faire alliance avec les autres secteurs d'activité de la société pour s'attaquer aux causes structurelles de la pauvreté.» Fin de citation.

La commission considère que lutter contre la pauvreté, c'est lutter pour la santé. En ce sens, elle estime que le ministère de la Santé et des Services sociaux doit poursuivre sa réflexion sur la réduction des inégalités liées à la pauvreté en matière de santé et de bien-être. Elle estime que, pour agir favorablement sur l'état de santé des populations, il faut tenir compte des déterminants sociaux, économiques et environnementaux de la santé, au même titre que des déterminants biologiques. La commission est d'avis qu'une politique de santé qui fait de la prévention l'un de ses axes majeurs doit inclure notamment un droit à une alimentation convenable pour tous, un droit à un logement suffisant, un droit à un environnement sain. Ces droits sont également des droits économiques et sociaux que la commission propose d'inclure à la Charte québécoise des droits et libertés. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, messieurs. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre visite aujourd'hui. Évidemment, on n'aura pas le temps de tout couvrir, mais bien sûr on fait une étude approfondie de votre mémoire pour la réflexion en vue de bonifier notre proposition. Je commencerais par quelques remarques, puis je voudrais discuter particulièrement avec vous de la question du financement, telle que vous l'avez abordée via la proposition de M. Ménard, qui est l'assurance pour la perte d'autonomie.

Au début de votre présentation, de la partie de votre présentation sur la santé en général, j'étais un peu inquiet, mais vous m'avez rassuré à la fin, parce que je craignais au début que vous vouliez nous enjoindre de prendre des mesures d'obligation légalistes pour les résultats du système de santé, alors qu'on sait très bien que le système de santé compte pour 25 % à 30 % de l'explication de l'état de santé d'une population. C'est le tiers... même pas le tiers. Les autres facteurs sont beaucoup plus importants, notamment le statut socioéconomique, la qualité de l'environnement physique, qui sont... Juste l'environnement est au moins aussi important que le système de santé, puis le milieu socioéconomique, c'est 50 % du déterminant de l'état de santé d'une population. Alors, on sait que les pays qui ont introduit une obligation de type légal d'accessibilité ont tous échoué. La Grande-Bretagne, c'est le meilleur exemple de ça. Au début des années quatre-vingt-dix, ils ont décidé qu'ils allaient maintenir... ils allaient inclure dans la loi des garanties d'accessibilité: échec lamentable, total. En fait, ça se fait, ça, par des mesures administratives, par un financement, par une meilleure structuration, par une meilleure organisation à laquelle tous se commettent, mais jamais par des mécanismes légaux.

Par ailleurs, le droit à l'environnement est inclus dans la proposition du projet de loi sur le développement durable. Je pense qu'il y a là un progrès qui est assez important.

Et, si on regarde la... parce qu'il faut regarder, il faut des fois prendre une perspective internationale, là, de notre situation. On a actuellement parmi les meilleurs indices de santé de population au monde... Si vous regardez l'espérance de vie, même s'il y a des inégalités qui sont liées au milieu socioéconomique, là, disons-le clairement, les espérances de vie et les taux de mortalité périnatale au Québec sont parmi les plus avancés au monde. Le problème qu'on a avec notre système de santé, c'est un problème de prestation individuelle de services puis d'accessibilité. Ce n'est pas un problème de résultat en termes globaux ou en termes de santé de la population.

Bref commentaire avant d'arriver au financement, sur la garantie de services qui est proposée dans le document. Moi, je suis convaincu, puis j'en parlais tantôt avec les orthopédistes qui vous ont proposé... c'est un premier pas, ce qu'on essaie là, avec ces procédures qui sont identifiées, puis il y a des raisons pour lesquelles ces procédures ont été ciblées. J'aurais deux commentaires là-dessus.

n (11 h 30) n

D'abord, c'est qu'encore une fois, si on regarde les expériences internationales où la garantie initiale a été plus large, ça a toujours... ça n'a jamais marché. Et il y a des pays qui ont essayé trois, quatre, cinq fois. Puis je vais vous dire ce que je disais tantôt également aux collègues orthopédistes qui sont venus nous voir: mettons de côté, là, le type de gouvernement ou l'appartenance politique des prochaines années; si le système de santé du Québec ne réussit pas à mettre en place une garantie de services crédible pour au moins ces trois procédures-là, il y a une prédiction que je vais vous faire sans risquer de me tromper beaucoup: il n'y a pas un autre gouvernement qui va se réessayer sur le concept de garantie de services, un, parce que ça va être jugé trop risqué politiquement, puis, deux, parce que de toute façon la population n'y croira pas. Alors, c'est pour ça qu'on y va de façon prudente au début, en étant conscients cependant des biais que vous avez indiqués quant au glissement de priorités. On est très conscients de ça. Mais à l'inverse, si on avait introduit une garantie plus large, c'est la voie la plus désignée pour l'échec. On ne peut même pas garantir le succès actuellement de la garantie en question pour éviter les répétitions, mais on prend tous les moyens pour arriver à ce succès-là, parce que la capacité pour le système de santé de regagner la confiance de la population est étroitement liée à la capacité qu'on aura ou pas de réussir à démontrer qu'on est capable d'offrir une garantie de services. Une fois qu'on a fait ça, effectivement on peut l'étendre au rythme des ressources humaines et financières.

Parlons maintenant du financement. Je trouve vos remarques très intéressantes et je vous souligne que la proposition qui est dans le document est la proposition de M. Ménard. Ce n'est pas une proposition que nous avons faite nôtre, mais nous l'avons mise là comme illustration d'une proposition que nous voulons voir débattre. Je dirais que je rejoins plusieurs de vos observations à caractère négatif quant à la proposition, mais il faut quand même remettre les choses dans leur contexte.

C'est vrai que, si on regarde l'impact du vieillissement sur les dépenses en santé, des fois on exagère un peu, des fois on exagère un peu, mais pas tant que ça. C'est pour ça que je vais vous expliquer ma vision de ça. Vous avez raison, les personnes âgées sont en meilleure santé. On pense effectivement que les sociétés, puis le Québec ne fera pas exception, vont prendre des mesures pour garder les gens au travail plus longtemps, les rendre plus participants à la fiscalité plus longtemps dans la vie. Mais le problème qu'on va avoir, c'est une question bête et arithmétique de nombre absolu. C'est-à-dire que le monde de 85 à 100 ans, ils ne seront pas au travail, là ? on va s'entendre là-dessus ? puis ce nombre-là va augmenter de façon considérable et ça va représenter une charge financière qui est importante. La bonne nouvelle à ça, associée à ça, c'est que, si vous regardez l'évolution de chacun d'entre nous dans la salle, la plus grande partie des dépenses de santé qu'on va générer, on va les générer dans l'année qui précède notre décès. Et puis la bonne nouvelle, c'est qu'on meurt juste une fois, donc on va générer ces dépenses-là surtout à une reprise.

Et puis, les personnes âgées dont on parle, en passant, ce n'est pas les personnes âgées d'aujourd'hui. C'est moi, là, c'est nous, ceux qui ont actuellement près de 50 ans puis qui, dans 30 ans, vont avoir 80 ans. Les personnes âgées d'aujourd'hui, on ne leur demande pas de payer plus, là. On essaie de voir comment est-ce qu'on peut prévoir la situation en fait de notre génération qui va être massive à arriver dans ces âges avancés dans quelques années. Alors, prudence, oui, mais pas de lunettes roses non plus. Il ne faut pas... ce que je ne veux pas... ce que j'essaie de ramener toujours, c'est: d'accord, il ne faut pas peindre de vision catastrophiste du vieillissement, mais n'en peignons pas non plus une image jovialiste; il va y avoir une charge majeure sur les dépenses publiques.

Et là le choix, c'est: Comment est-ce qu'on ajoute du financement à la santé? Parce que, dans le système de financement actuel, moi, je vous le dis, là, je le gère, le système de santé, là, puis les budgets à chaque année, on ne peut pas le soutenir plus que quelques années encore. On va dans une impasse. On peut tenter de l'amoindrir, de la peindre comme étant moins pire que, etc. Je vous le dis, le mur qu'on nous annonçait très lointain, là, on commence à sentir le mortier, là. Il n'est pas si loin que ça.

Alors, on a dit aussi, hier, dans la communication que fondamentalement l'argent du système de santé, il vient d'où? Il vient des poches, de nos poches, des poches des citoyens. Il s'agit de voir quelle est la meilleure façon d'aller chercher cette contribution-là et de l'utiliser de façon socialement juste. Alors, il y a une façon que d'autres pays comme au sud de notre frontière ont dit, c'est qu'on va demander aux gens de s'acheter des assurances privées, puis ça, ça va nous permettre de prendre en charge le financement de la santé. Ça ne marche pas: un, parce qu'il y a peu de gens qui sont capables de se payer des assurances, puis deuxièmement, parce que les dépenses de santé en termes de PIB sont bien plus élevées aux États-Unis qu'ici, au Canada. Bon.

Donc, une fois qu'on a écarté cette voie-là, puis, moi, je ne pense pas non plus... et d'ailleurs, en passant, petite remarque, le financement privé, l'assurance privée qui est une partie extrêmement minoritaire de notre document n'est jamais présentée comme une solution au financement. J'ai même dit au contraire que c'était en aucun cas une solution. Donc, à partir du moment où on a tassé la question de l'assurance privée, comment est-ce que le citoyen paie plus pour la santé?

Bien là, la première hypothèse, c'est de harnacher le système de santé continuellement à la fiscalité générale. C'est un peu ça que vous avez dit. Mais ça ne marchera pas non plus parce que, si vous harnachez l'impasse du système de santé à la fiscalité, vous allez conduire la fiscalité dans la même impasse. Donc, il faut qu'il y ait quelque chose qui soit clairement lié au système de santé lui-même. Et là comment est-ce qu'on invente? Puis ça, je n'ai pas la réponse aujourd'hui, j'espère que des grands sages vont venir nous dire, en commission, leurs suggestions, parce que, là, il y a un grand danger, là, c'est que, si on commence à lier la consommation du système de santé au financement, comme les gens les plus malades sont les plus pauvres, on déplace le financement vers les plus pauvres.

Donc, vous voyez, on est dans une orientation de contribution spécifique à la santé d'une quelconque caractéristique, probablement pas ciblée pour une classe d'âge ? je vous rejoins là-dessus ? la plus déconnectée possible du rythme d'utilisation du système de santé, mais qu'est-ce qui reste à ce moment-là? Avez-vous réfléchi à d'autres solutions?

M. Dowd (Marc-André): J'irais à rebours des sujets que vous avez abordés.

Sur la question du financement, d'abord dire qu'effectivement ce sont nos premières réactions à la proposition comme telle. Alors, on n'arrive pas avec une solution. Cependant, il nous apparaît très clair que, et ça déborde le domaine de la santé, vous l'avez dit... Moi, j'ai été très impressionné du modèle de la Finlande, dans le sens... Je suis d'accord que ça ne change pas le fait qu'il va y avoir une pression supplémentaire. Elle existe, on le sait, on n'est pas naïfs là-dessus. Cependant, si on prend des mesures rapidement, dès les prochaines années, pour garder les gens le plus longtemps possible au travail, garder les gens âgés dans la population active, on amoindrit d'autant la pression sur le système de santé. Alors, on dit: Les deux démarches doivent se faire de pair: une politique qui vise les travailleurs âgés et également une politique qui vise le financement du système. Nous vous avons fait part de nos premiers commentaires eu égard à une proposition qui était présentée. Si des débats futurs ont lieu, on va être là aussi pour participer à ces débats-là.

Sur la question de la garantie de services, bien je pense qu'il faut voir dans notre document un appui très clair de la commission à la démarche qui est entreprise, dans le sens que ce qu'on trouve intéressant de cette démarche-là, c'est qu'elle est justement prudente, dans le sens où ce qu'on dit, c'est: Oui, nous sommes d'avis que ce que vous offrez est une réponse adéquate à ce qui était dénoncé dans l'arrêt... à la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Chaoulli. Cependant, on vous dit aussi: L'élargissement de cette garantie de services doit se faire de façon coordonnée, les critères cliniques doivent présider à toutes les décisions, il faut éviter l'arbitraire. Alors, ce que vous nous dites en disant que c'est une approche prudente, on croit que ça doit rester dans une approche prudente.

Finalement, et c'est peut-être le message le plus important, sur la question du droit à la santé, pourquoi j'y reviens? Parce que, bon, d'entrée de jeu, vous avez écarté l'idée d'imposer une norme légale. Il ne s'agit pas d'imposer une norme légale, il s'agit de reconnaître un engagement de l'État dans la charte. Votre gouvernement a choisi de le faire en ce qui concerne le droit à l'environnement. Vous avez fait le choix d'inscrire... vous voulez inscrire le droit à un environnement sain dans la charte, ça amène par la suite une obligation de l'État de prendre des mesures progressives pour assurer cette réalisation-là. Alors, ce n'est pas, je dirais, une norme légale bête. Quand on regarde ce qui s'est écrit sur les droits économiques, sociaux et culturels, ça préserve la capacité de l'État de faire des choix, ça tient compte des ressources qui sont disponibles, donc les aménagements sont là. Je ne peux... en tout cas, la commission ne peut que vous inciter à réfléchir à cette opportunité-là d'inscrire, dans le coeur de la charte, le droit à la santé, et ça devient à ce moment-là une grille d'analyse pour les questions qui concernent la gestion des services de santé et des services sociaux.

M. Couillard: Je vous remercie de vos réponses. Puis, ce qui est intéressant avec un organisme comme le vôtre, c'est qu'on peut situer le débat à un plan détechnicalisé, là; on ne parle pas vraiment du fonctionnement comme on a fait tantôt, en pratique comment ça va fonctionner, la plomberie, mais des principes.

Un petit mot sur la question de l'assurance privée qui est une minorité encore une fois de ce qu'on propose puis qui n'est en aucun cas un élément de solution structurelle. Il faut se souvenir, puis je le rappelle à chaque fois, là, le gouvernement n'introduit pas un système à deux vitesses. Il est possible aujourd'hui d'aller voir Dr X ? on va arrêter de faire de la publicité dans la commission parlementaire ? et payer de l'argent ? depuis longtemps, plusieurs années, ce n'est pas nouveau, là ? pour être opéré. Ce qu'on ajoute, c'est la possibilité d'avoir une assurance pour ça. Donc, on n'invente rien. À ce que je sache, la commission n'a jamais recommandé la fermeture de la clinique du docteur en question.

Mais la question que vous posez, c'est spécifiquement sur les honoraires. Mais je trouve ça intéressant parce que c'est un point de discussion qu'on met dans notre document. D'autres provinces canadiennes ont introduit le système de parité d'honoraires, c'est-à-dire que, si vous vous désengagez de l'assurance maladie, vous ne pouvez réclamer les mêmes honoraires que ce qui est inscrit au livre des tarifs. Mais, moi, j'y vois un problème philosophique cependant, puis une contradiction. Parce que la façon dont on justifie le maintien de l'étanchéité, outre le risque de glissement, c'est de dire au médecin qui choisit de se désengager: Écoutez, monsieur, madame, vous avez choisi de quitter le système de santé du Québec, c'est votre décision, vous devenez un entrepreneur privé, c'est à vous d'en assumer les risques et pas aux contribuables. Je pense que cette question-là m'apparaît correcte.

n (11 h 40) n

Quand on est dans l'assurance maladie, et, moi, j'y étais également, les tarifs qui nous sont donnés par l'assurance maladie du Québec, qui sont donnés aux médecins, n'ont aucun lien avec la valeur intrinsèque de l'acte posé, c'est-à-dire que, moi, on me donnait 1 000 $ pour opérer pendant 12 heures de temps une tumeur au cerveau. Il n'y a pas de rapport, là. C'est parce qu'on négocie des masses monétaires globales que les fédérations appliquent aux différents actes médicaux de façon à ce qu'on arrive au résultat global x. Mais il n'y a aucun lien entre la valeur intrinsèque, pour la société, de l'acte posé et puis la valeur de l'honoraire qui est négocié. Est-ce que ce n'est pas logique ? je vous pose la question ? sur le plan philosophique, à partir du moment où on décide qu'on quitte l'assurance maladie, d'avoir le droit, comme entrepreneur, de rétablir le lien entre la valeur intrinsèque de l'acte posé et l'honoraire?

M. Dowd (Marc-André): Ce que vous soulevez, on l'a soulevé en discussion avec les membres de la commission dans l'élaboration de la politique, et je vous dirai effectivement que c'était partagé par un certain nombre de membres autour de la table. Le consensus qui s'est fait par contre, c'est à l'effet de dire qu'il fallait tout faire, il fallait tout mettre en oeuvre pour éviter au maximum le glissement de médecins du secteur public au secteur privé. Le plafonnement de la tarification, c'est un des moyens qui est utilisé. Il y en a peut-être d'autres, moyens, ils peuvent être mis en oeuvre à ce moment-là. Ce qu'on dit, c'est que c'est évident par contre que l'ouverture qui est faite à l'assurance privée, même si minime soit-elle, contribue quand même... peut devenir un incitatif à développer le secteur privé, dans une certaine mesure. Alors, ce qu'on dit, c'est: Il faut se préoccuper de ça et mettre en oeuvre des moyens très concrets pour faire en sorte que... d'éviter le maximum de glissement pour qu'on préserve au minimum, sinon améliorer, la capacité de production du secteur public. C'est ce qu'on dit.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Toujours sur cette question-là, parce que dans le fond on parle de la parité tarifaire, là, on parle de la parité tarifaire, c'est ça que vous suggérez, là, et ça existe ailleurs, parce que dans le fond... au Canada, dans différents États, il y a trois mécanismes qui sont utilisés justement pour s'assurer que le système reste public et qu'il n'y a pas une espèce de fuite, là: il y a l'interdiction de l'assurance privée comme... le Québec avait choisi cet instrument-là, plus le maintien de l'étanchéité, et puis, ailleurs, bien on a... on n'a pas interdit l'assurance privée, mais on avait introduit la parité tarifaire. Dans le fond, ce que vous dites, c'est que, si le Québec ouvre la porte à la suppression de l'assurance privée même un peu, il devrait, à ce moment-là, ajouter un autre instrument de protection du système public qui est utilisé ailleurs. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Dowd (Marc-André): Tout à fait, c'est la position de la commission.

M. Charbonneau: O.K. Puis c'étaient quoi, les... comment vous avez pu faire l'arbitrage, là? Parce que, bon, vous dites qu'il y a des gens qui avaient la position que le ministre vient d'expliquer, puis finalement, bon, bien, vous avez fini par faire un consensus. Mais, au plan politique, éventuellement, il va falloir qu'il y ait aussi l'arbitrage des opinions puis à quelque part un choix politique qui... Ce serait peut-être intéressant de voir finalement qu'est-ce qui a prévalu dans votre propre processus de choix.

M. Dowd (Marc-André): Là où on se rejoignait tous, c'est sur la nécessité de préserver la capacité de production du système public. On se disait: Bon, c'est évident que cette ouverture-là même minime, si petite soit-elle, cette ouverture-là à l'assurance privée peut contribuer à rendre plus attrayante pour certains médecins la pratique privée. Alors, il faut éviter, dans un contexte de pénurie des ressources médicales, que de plus en plus de médecins ou de personnels de la santé fassent ce choix-là. Alors, on se dit: Il faut d'autres moyens pour limiter. C'est peut-être sur la question des moyens qu'on s'avance moins, là, mais... En tout cas, la position de la commission est certainement à l'effet de dire qu'il faut regarder le plafonnement comme étant intéressant.

M. Charbonneau: Par rapport au financement à long terme, parce qu'encore une fois, moi, je pense qu'il faut distinguer, dans cette commission, financement à court terme et financement à long terme. Là, vous avez parlé surtout du financement à long terme dans votre mémoire. Si je vous comprends bien, vous dites: On est contre, dans le fond, l'approche d'un financement spécifique ou séparé pour uniquement une catégorie de personnes, c'est-à-dire les personnes âgées en perte d'autonomie. Donc, l'idée d'avoir un régime assurance collective pour perte d'autonomie pour personnes âgées ou caisse vieillesse, que certains ont utilisé, ça, vous n'embarquez pas dans ça. Mais je comprends que vous n'êtes pas opposés à l'idée d'une caisse santé générale, là, c'est-à-dire, à ce moment-là, de créer un fonds qui serait utilisé non pas uniquement pour une catégorie de citoyens, mais pour l'ensemble des citoyens à l'égard des besoins du système de santé au Québec ou des services de santé...

M. Dowd (Marc-André): En fait, je vais être prudent dans mes commentaires parce qu'on s'est prononcé sur le document, mais je dirais que, dans la mesure où une formule permettrait de s'assurer que toute la société québécoise, individus et entreprises, participe à cet effort-là, que ce soit, je dirais, un fonds dédié spécifiquement pour améliorer, ça pourrait recevoir l'assentiment de la commission. Maintenant, il faut regarder les modalités.

Et aussi l'autre élément qui nous inquiétait, dans le projet comme tel, c'est la question de la coordination. C'est qu'on se dit: Si tu as un fonds dédié qui couvre certains services, les mécanismes mêmes de fonds dédié font en sorte que c'est un cloisonnement des budgets, c'est un cloisonnement des administrations. Et ce qui arrive, c'est que, quand un service peut être financé par deux, automatiquement il y a une partie de ping-pong en disant: Bien ça, ce n'est pas à nous à financer, c'est l'autre. On le voit dans certains secteurs, dans le secteur jeunesse notamment, lorsque des jeunes sont aux prises avec des problèmes de santé mentale; dans le réseau des centres jeunesse, c'est un peu le même principe. Donc, la question de la coordination nous apparaît centrale.

M. Charbonneau: Sur cette question-là, quand vous avez parlé de l'expérience finlandaise, bon, le ministre a donné l'impression, puis je ne le blâme pas, là, mais la façon dont il a répondu, c'est comme s'il disait: Nous autres aussi, au Québec, éventuellement, on va... on le fait ou on va le faire, de mettre en place des mesures pour inciter les gens à être actifs ou sur le marché du travail plus longtemps. Je ne suis pas sûr qu'on le fait vraiment actuellement, d'une part. Puis j'aimerais ça que vous nous parliez vraiment de l'expérience finlandaise, là, parce que je crois que finalement, là, si on peut facilement «surfer» sur l'impression que, nous autres aussi, on est d'accord avec ce principe-là, mais je ne suis pas sûr que ce que vous vouliez nous dire, c'est que... que c'est si simple que ça, c'est-à-dire qu'il y a comme un choix, là, politique qui a été fait, puis il y a vraiment des mesures très, très claires. Il y a un plan d'action gouvernemental, si je comprends bien.

M. Dowd (Marc-André): Vous avez raison de le souligner. Ce sont des mesures intégrées. C'est un choix politique. C'est un ensemble de mesures qui concernent beaucoup de secteurs de la société, pas seulement le secteur du travail, mais toute une campagne de valorisation des personnes âgées, etc., de lutte contre la discrimination fondée sur l'âge. Je vais peut-être demander à M. Ducharme, qui est l'auteur du document, de vous parler un peu plus spécifiquement du modèle de la Finlande.

M. Ducharme (Daniel): Bien, le choix qui a été fait par la Finlande, tout d'abord il faudrait dire que, pour ce qui est du maintien au travail, c'est un choix qui se fait sur une base volontaire, là. On n'oblige pas les travailleurs vieillissants à poursuivre l'effort de travail. Je suis d'accord pour dire que le Québec s'inscrit dans une logique où on veut promouvoir d'une certaine manière le travail des personnes âgées, mais, dans la mesure où l'âge au travail peut être un motif de discrimination... on ne peut pas discriminer sur la base de l'âge, mais on peut aller plus loin.

Et puis le contexte européen à cet égard-là est assez instructif, parce que, face à cette même réalité démographique là que toutes les sociétés occidentales dans le fond vivent, en fait tous les pays développés, on observe deux options politiques différentes. Il y a d'abord des modèles qui sont un peu plus en Europe continentale, je dirais, en Allemagne, en Belgique, surtout en France, aux Pays-Bas. On voit qu'il y a un très faible taux d'emploi des 55-64 ans. Il y a vraiment une culture de la sortie précoce de la vie active, de la préretraite, une sorte de liberté 55 qui est liée à une idée de la retraite solidaire. On dit: Mieux vaut un retraité qu'un chômeur. Bon, en termes de statistiques d'emploi, en termes d'emploi pour les jeunes, par exemple, si on veut parler de solidarité, ça ne se traduit pas toujours par des chiffres qui sont très éloquents. Bon, si on regarde juste la situation de la France, il y a un peu moins du tiers des 55-64 ans qui sont encore au travail, donc on se dit qu'il y a quand même une masse de gens qui prennent leur retraite entre 55 et 64 ans, mais ça ne se traduit pas nécessairement en termes d'emploi pour les jeunes. Il y a un taux de chômage assez élevé en France. C'est une situation qui est similaire en Allemagne.

Le contre-modèle, si on veut, c'est celui des pays scandinaves et du Japon qui ont une politique beaucoup plus active de l'emploi, qui se fait en direction des 45 ans et plus, une culture du droit au travail, je dirais, pour tous les âges, et puis c'est là peut-être qu'il y a des efforts à faire à ce niveau-là. L'idée, c'est de réhabiliter les travailleurs vieillissants dans emploi, valoriser le travail, valoriser l'expérience, requalifier les personnes âgées, éviter de les stigmatiser. En fait, c'est de développer le capital humain plutôt que d'indemniser le risque qui est lié à la prise de retraite.

Par rapport à ces modèles-là, je dirais, l'OCDE a émis un document, en 2004, où elle... je ne dirais pas enjoindre, elle suggérait fortement aux États membres d'aller vers un plan qui irait plus vers le développement du capital humain et des travailleurs vieillissants.

n (11 h 50) n

Donc, en 1995, la Finlande n'avait pas encore adopté son plan, elle l'a adopté en 1998, mais on observait que le taux d'emploi des 55 ans et plus était à peu près similaire à celui de la France qui est une des sociétés où la retraite, la prise de retraite se fait le plus jeune. Aujourd'hui, c'est une des sociétés, la Finlande, où le nombre de travailleurs vieillissants, le pourcentage de travailleurs vieillissants est un des plus élevés, avec la Suède et le Japon. La Finlande, malgré qu'elle a une population parmi les plus vieilles au monde, est aujourd'hui, grâce à cette mesure-là, grâce à 10 ans d'action en fonction de ça, à travers des plans de retraite qui sont... où on encourage le travail des personnes âgées, c'est aujourd'hui une des sociétés les plus compétitives au niveau de l'économie globale, surtout dans les secteurs liés à l'économie du savoir. Dans les biotechnologies, en pharmaceutique, en technologies de l'information, il y a une population vieillissante qui a été requalifiée, qui travaille dans ce domaine-là, et puis qui continue à contribuer... contribuer à...

M. Charbonneau: ...des choix politiques où le programme gouvernemental qui a été mis en place, ça a coûté de l'argent, c'est-à-dire qu'on a investi pour avoir un rendement maintenant, une dizaine d'années plus tard, économique qui dans le fond compense les coûts des déboursés pour mettre en oeuvre cette...

M. Dowd (Marc-André): Un plan sur cinq ans, hein, 1998-2002, c'est ça?

M. Ducharme (Daniel): Cinq ans, qui a été reconduit aussi, qui a donné des résultats intéressants, puis qui ne met pas en péril les programmes sociaux du gouvernement finlandais. Il faut voir aussi, par rapport à ce que le ministre Couillard a dit précédemment, que, si on regarde, par exemple, les statistiques de l'Institut de la statistique du Québec concernant la démographie pour les prochaines années, on note que, d'ici 2026, on aurait une perte en termes de travailleurs actifs au Québec de 100 000 personnes. 100 000 personnes, on peut se poser la question, on peut se dire: Bon... On ne dit pas que le modèle finlandais est le modèle parfait, on dit juste que ça peut être quelque chose qui peut être envisagé. Si on maintient une certaine partie des gens qui ont 55 ans et plus au travail, on peut amoindrir cette projection-là, qui reste une projection, qui ne tient pas compte aussi de d'autres variables, par exemple l'immigration, la natalité et effectivement le travail des personnes vieillissantes.

M. Charbonneau: ...que, dans le fond, s'il y avait un choix de société, un choix politique fait, dans le sens que la Suède le fait, ce qui n'est pas trop tard, pourrait avoir un impact signifiant sur les problèmes qu'on anticipe dans 25, 30 ans, et.... Parce que, finalement, c'est un peu ça, là, que vous mettez en relief.

M. Dowd (Marc-André): Dans le fond, il n'est jamais trop tard pour bien faire...

M. Charbonneau: Oui, c'est vrai.

M. Dowd (Marc-André): ...dans le sens où c'est... Tout ce qu'on peut économiser, dans le sens que l'objectif est de garder la population active comme participante à la fiscalité plutôt qu'en versements de prestations de retraite... Mais ça exige, et vous avez raison de le souligner, des politiques qui ne sont pas du domaine de la santé, mais qui interrogent, par exemple, le secteur de l'éducation, le secteur de la formation de la main-d'oeuvre, des campagnes de sensibilisation. Donc, c'est très large et c'est certainement plusieurs ministères qui sont interpellés par cette politique-là.

M. Charbonneau: Vous dites, à la page 12 de votre mémoire: «La commission se demande si la proposition gouvernementale ne permettra pas à certains patients de court-circuiter le mécanisme de garantie d'accès afin d'obtenir immédiatement des services dans une clinique à financement privé.» En fait, vous craignez qu'on officialise ou on crée une dynamique qui conduirait à une médecine à deux vitesses, là. Est-ce que vous pouvez un petit peu élaborer sur ça, parce que c'est une des craintes qu'on a, que beaucoup de gens ont au Québec, c'est-à-dire, même si on ouvre un peu au privé, qu'on se mette le bras dans le tordeur? Hier, la vice-doyenne de la Faculté de droit de l'Université McGill, c'est ça qu'elle nous a dit, hein, puis... C'est qu'on ouvre la porte, on donne l'impression que ce n'est pas beaucoup, que ce n'est pas dramatique, que ça ne porte pas trop à conséquence, que dans le fond... les orthopédistes l'ont dit, ce matin: Bon, il n'y a pas de problème, ça ne nous intéressera pas beaucoup. Mais il y a une dynamique, là, et... Est-ce que je comprends que, vous autres aussi, vous dites: Attention! parce que vous créez... vous pouvez avoir les effets pervers d'une dynamique en ne prétendant pas vouloir aller dans cette direction-là?

M. Dowd (Marc-André): Tout à fait, dans le sens où... Ce qu'on dit là-dedans, c'est que, oui à la garantie de services comme préservant les droits fondamentaux à la vie et à l'intégrité comme une réponse adéquate du gouvernement au jugement de la Cour suprême dans l'arrêt Chaoulli, mais ce qu'on se dit, c'est que l'ouverture qui peut être faite au recours à l'assurance privée, à ce moment-là... ça va dans le sens... si des gens... Bien, le ministre disait: C'est toujours possible de payer aujourd'hui un docteur X pour obtenir le service. Ce qu'on souhaite, c'est qu'on continue du côté... disons que, comme État, on limite au maximum le développement du secteur privé. Et vous avez raison de dire qu'on n'a pas demandé la fermeture des cliniques privées, on ne la demande pas non plus, mais ce qu'on dit, c'est que tous les efforts doivent être faits du point de vue des actions de l'État pour préserver la capacité de production et développer la capacité de production du secteur public. Alors, c'est dans ce sens-là.

M. Charbonneau: D'autant plus que, si le ministre reconnaît, comme il l'a fait hier puis encore aujourd'hui, que ça n'a pas d'impact sur le financement, ça n'ajoute pas dans le fond... ça n'aide pas la problématique du financement, ça ne fait pas diminuer des listes d'attente. Dans le fond, on nous disait hier: C'est un peu symbolique, là, c'est quasiment idéologique, c'est pour sauver la face de quelques-uns ou c'est pour finalement faire passer la pilule un peu, là. Mais en fait toutes ces raisons-là, ce n'est pas des bonnes raisons pour ouvrir une brèche qui pourrait justement avoir un effet pervers à moyen terme. Puis je comprends que vous réitérez... vous allumez à nouveau le même signal d'alarme, là, vous aussi.

M. Dowd (Marc-André): Tout à fait, tout à fait. On est constants dans notre position sur ces questions-là.

M. Charbonneau: Peut-être une... Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Une petite dernière.

M. Charbonneau: Bon, une dernière question, là. C'est drôle, parce qu'on avait l'impression que, bon, à cause du droit à la vie, le droit à la santé, c'était implicite. Ce que vous dites dans le fond, c'est que ce n'est pas implicite puis qu'on devrait clairement, dans notre Charte des droits et libertés, prévoir le droit à la santé parce que, un peu comme le Dr Chaoulli l'a utilisé, le droit à la vie, pour se retrouver en Cour suprême pour essayer d'avoir... pour l'abolition de l'interdiction de l'assurance privée, vous dites: Ça pourrait permettre à des citoyens à l'égard de la santé, à un moment donné, de forcer le jeu et de s'assurer que les dirigeants politiques, les pouvoirs publics, quels qu'ils soient dans le temps, seront toujours au rendez-vous des besoins de la population.

M. Dowd (Marc-André): C'est-à-dire que... Dans notre charte actuelle, on a un chapitre qui est original par rapport à d'autres législations sur les droits de la personne, par exemple au Canada, qui est le chapitre sur les droits économiques et sociaux. Donc, il y a déjà des droits économiques et sociaux qui sont reconnus dans notre charte. Le gouvernement s'est engagé récemment à reconnaître également le droit de vivre dans un environnement sain. Ce qu'on dit, c'est que le droit à la santé, c'est un droit qui existe, qui est reconnu par des conventions internationales, notamment le Pacte relatif aux droits économiques et sociaux de l'ONU, qui fait l'objet de développement, d'études très sérieuses. On sait en quoi ça consiste, on sait quels types d'obligations ça amène pour les États qui intègrent ça dans leur législation, et on se dit: Ce serait un engagement de l'État québécois que de l'inscrire dans sa charte et ça permettrait, je dirais, de présider à tous les choix difficiles que le gouvernement a à faire, à structurer la réflexion autour de ces choix-là en matière de santé. Parce que, quand on regarde les documents des Nations unies là-dessus, c'est... la réflexion est assez avancée sur ce que ça amène comme obligation des États à mettre en oeuvre. Alors, on pense que ce serait très intéressant d'avoir ce droit à la santé reconnu dans notre charte.

Le Président (M. Copeman): Mais, Me Dowd...

M. Dowd (Marc-André): Oui.

M. Charbonneau: Juste une... Parce que j'ai été tolérant pour...

Une voix: ...

M. Charbonneau: Oui, je le sais, mais c'était spécial pour vous autres. Mais juste une dernière, M. le Président, là. C'est votre droit à l'inquisition, là. Il y a des États qui sont allés dans cette direction-là. La réflexion autour des Nations unies, est-ce qu'il y a des États qui ont utilisé cette réflexion-là puis l'ont concrétisée dans leurs lois, dans leur législation?

M. Dowd (Marc-André): Il y a plusieurs États qui ont ratifié le pacte, le Canada d'ailleurs qui a ratifié le Pacte relatif aux droits sociaux et économiques. Donc, en ratifiant le pacte, on s'engage à l'introduire dans notre législation. Pour ce qui est de la ratification dans la législation interne, je pourrais vous revenir là-dessus, je n'ai pas l'information tout de suite.

n (12 heures) n

Le Président (M. Copeman): Me Dowd, Me Carpentier, M. Ducharme, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

J'invite immédiatement les représentants du Regroupement provincial des comités des usagers à prendre place à la table d'une façon la plus expéditive possible.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reçoit avec plaisir les représentants du Regroupement provincial des comités des usagers. M. Dumesnil, bonjour. Je sais que vous êtes un habitué. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Malgré votre participation fréquente devant cette commission, je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Regroupement provincial
des comités des usagers (RPCU)

M. Dumesnil (Jean-Marie): Bien sûr, M. le Président. Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires. Nous vous remercions de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire. Alors, mon nom est Jean-Marie Dumesnil, président du Comité des usagers du CHUM et également président du Regroupement provincial des comités des usagers. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. André Poirier, président du Comité des usagers du Centre de santé et des services sociaux d'Arthabaska-Érable, et M. Gérald Germain, président du Comité des usagers du Centre hospitalier universitaire de Québec. Les deux sont également membres du Comité provisoire du Regroupement provincial des comités des usagers.

Le Regroupement provincial des comités des usagers se veut le porte-parole de l'ensemble des comités des usagers des établissements de santé et de services sociaux. Nous avons préparé ce mémoire en nous inspirant des valeurs qui sont la base même de notre système de santé: la compassion, la solidarité et l'égalité.

Ce mémoire a été préparé en consultation avec les membres du Comité provisoire du regroupement, qui compte 17 personnes, représentant l'ensemble des missions des établissements de santé et des services sociaux.

Nous avons fait partie du Comité sur la pérennité du système de santé et des services sociaux, présidé par Jacques Ménard. Nous nous réjouissons du fait que les travaux de ce comité ont contribué à alimenter la réflexion du gouvernement et que des actions concrètes résulteront de ces travaux.

Les principaux sujets que nous abordons concernent les finances publiques et la dette, les personnes âgées, leur maintien à domicile et les conditions d'hébergement dans les CHSLD, la garantie d'accès aux services spécialisés et enfin les efforts de prévention.

En ce qui concerne les finances publiques et la dette, au moment d'écrire ces ligne, le budget du ministre des Finances n'avait pas encore été déposé. Le Regroupement provincial des comités des usagers reconnaît que l'État se dirige vers une impasse financière qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l'avenir s'il ne prend pas des mesures concrètes dès maintenant.

Nous ne sommes pas les seuls à le dire. Plusieurs experts se sont déjà prononcés sur la question. Permettez-nous de citer certains passages d'une lettre de M. Pierre Ouellette publiée dans La Presse l'été dernier. M. Ouellette, qui est professeur titulaire du Département des sciences économiques de l'UQAM, faisait également partie du comité Ménard. Il dit: Le point de départ du rapport est un secret de polichinelle: les finances de l'État québécois sont en piteux état, et le pire est à venir. Il suffit de regarder l'augmentation de la dette pour se rendre compte que cela va de mal en pis. Elle entraîne de graves problèmes d'équité entre les générations. La facture risque d'être payée par la prochaine génération. Cela est inéquitable et, à mes yeux de citoyen, immoral. Il dit également: On a le choix entre laisser le problème pourrir quelques années ou agir maintenant. La croissance des dépenses en santé est presque le double de celle du revenu du gouvernement. Si rien n'est fait, le pourcentage des dépenses en santé atteindra 75 % des dépenses des programmes en 2030, alors qu'il se situe présentement à 43 %.

M. Charbonneau: 65 %.

M. Dumesnil (Jean-Marie): 65 %, pardon. Vous écoutez!

M. Charbonneau: Et j'ai votre mémoire devant les yeux.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Quant à l'économiste Pierre Fortin, il affirme: «Faire payer par les générations futures les services publics [des] générations actuelles est inéquitable. En d'autres termes, se faire payer un party pour ensuite faire faire la vaisselle par [des] enfants n'est pas correct.» C'est une belle image.

L'économiste Claude Montmarquette soutient pour sa part: «Il faut mettre une croix sur les baisses d'impôt pour se concentrer sur la dette. Payer la dette, c'est baisser les impôts des futurs jeunes travailleurs.» Chef économiste du Mouvement Desjardins, François Dupuis nous met en garde. Il disait dernièrement: «Ça fait 15 ans que nous n'avons pas eu de récession. Si un ralentissement survient, son impact risque d'être dramatique. Il faut agir vite parce que la dette continue d'augmenter et que la hausse des taux d'intérêt la rend de plus en plus lourde à supporter.» Enfin, une coalition de jeunes de tous les horizons convient qu'il faut rembourser la dette. Ils estiment que les finances publiques ne peuvent soutenir le statu quo. Il faut agir, c'est une question d'équité entre les générations, disent-ils.

L'État ne peut rester indifférent à ces points de vue convergents. Comme représentants des patients citoyens ? ou on pourrait appeler usagers citoyens ? nous recommandons au gouvernement d'agir dès maintenant afin d'éviter que nos enfants et nos petits-enfants en paient le prix. C'est pourquoi nous déplorons que les centrales syndicales aient rejeté en bloc les recommandations du rapport Ménard. Ce qui frappe, c'est le refus d'admettre l'existence du problème. À leurs yeux, l'impasse financière relève d'un point de vue alarmiste, d'une dramatisation abusive. En niant l'urgence d'agir, les syndicats bloquent la recherche de solutions.

En ce qui concerne la création du Fonds des générations, il ne nous apparaît pas comme un fonds des illusions mais plutôt comme un premier pas timide pour éventuellement freiner l'augmentation de la dette. N'étant pas des experts en finances, il nous est difficile de commenter sur les différentes sources de revenus qui seraient dédiées au Fonds des générations. Par contre, la grande question que l'on peut se poser est de savoir quel sera le niveau de la dette avant de commencer à la rembourser, dans 15 ou 20 ans peut-être.

Les personnes âgées. Ça, c'est un sujet qui nous tient à coeur. Les personnes âgées constituent une clientèle vulnérable à maints égards, comme en fait foi le plan d'action 2005-2010 sur Les services aux aînés en perte d'autonomie ? Un défi de solidarité, publié à l'automne 2005. Ce document décrit bien, entre autres, les enjeux sur le vieillissement de la population ainsi que la nature et l'ampleur des besoins des personnes âgées.

Le maintien à domicile. De toute évidence, le maintien à domicile des aînés sera la pierre angulaire de l'efficacité du système de santé au cours des prochaines années. Il nous apparaît important de rappeler que le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie a aussi pour avantage d'alléger de façon significative les coûts du système de santé.

Nombreux sont ceux et celles qui prennent soin de leurs parents âgés vivant encore à domicile. Malheureusement, plus souvent qu'autrement, ces proches aidants ne peuvent suffire à la tâche malgré leur bonne volonté, que ce soit pour des raisons de santé, de disponibilité ou d'expertise. Ils souhaitent s'occuper de leurs parents le plus longtemps possible, mais ils voudraient partager cette importante responsabilité. Par manque de ressources, les CLSC ne peuvent pas toujours leur fournir l'appui dont ils ont besoin. Comme peu de solutions de rechange s'offrent aux patients aidants, ils n'ont souvent d'autre choix que de placer leurs parents dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée lorsqu'ils sont en perte d'autonomie.

Par ailleurs, pour diverses raisons, trop de familles sont peu ou pas disponibles. Elles laissent alors la société prendre en charge leurs parents. Pourtant, le soutien familial peut prolonger le maintien à domicile parfois de façon significative. Nous recommandons que le gouvernement organise de façon périodique une campagne afin de sensibiliser les familles à leur rôle et à leurs responsabilités envers leurs parents ou leurs proches.

Pour pallier le manque prévisible de financement et de services et pour permettre de maintenir le plus longtemps possible les personnes âgées dans leur milieu naturel, la création d'une assurance pour la perte d'autonomie s'avérerait une avenue intéressante. Un tel régime vise à constituer une réserve suffisante pour assurer les services nécessaires aux personnes âgées qui en ont besoin. Ils éviteraient d'imposer un lourd fardeau aux générations montantes.

Nous endossons la recommandation, formulée dans le rapport Ménard, que soit étudiée la possibilité d'allouer directement aux personnes en perte d'autonomie des prestations en espèces. Elles auraient ainsi la liberté d'acheter elles-mêmes les services de soutien à domicile dont elles auraient besoin, que ce soit auprès d'entreprises ou de leurs proches, tout en s'assurant que les dispensateurs concernés soient dûment accrédités par le réseau public.

Enfin, nous ne saurions passer sous silence le grand apport des bénévoles dans notre société en général, et particulièrement dans le réseau de la santé. Ce sont eux qui souvent constituent le lien avec l'extérieur pour les personnes âgées seules à la maison.

L'isolement des personnes âgées dans les CHSLD et les conditions d'hébergement. Les personnes qui résident dans des centres d'hébergement et de soins de longue durée méritent d'être traitées avec respect et dignité. Pourtant, un trop grand nombre d'entre elles souffrent d'isolement. Elles reçoivent très peu de visiteurs, voire pas du tout. Elles sont malheureusement délaissées, pour ne pas dire abandonnées par leurs familles. Il y a quelque mois, la journaliste Katia Gagnon, de La Presse, a arpenté pendant deux semaines les couloirs de deux CHSLD de Montréal. Les témoignages qu'elle a recueillis tant auprès du personnel que des résidents sont éloquents. À la suite de ce reportage, une lectrice qui avait passé trois semaines en convalescence dans un CHSLD écrivait: «Durant mon séjour, j'ai [...] vu des résidents lucides ne recevoir aucune visite, aucun téléphone. Pourtant, ils disaient avoir des enfants et des petits-enfants. Et je les ai vus pleurer. Pleurer d'ennui. Où étaient leurs enfants? Là, il n'y a aucune contrainte budgétaire.»

Malheureusement, il y a encore trop de personnes bien portantes qui se donnent bonne conscience en choisissant l'une des journées de fête de l'année, Noël, jour de l'An, Pâques, fête des Mères, fête des Pères, pour payer une visite à leurs parents ou leurs proches, alors que, pour toutes les autres journées de l'année, ces personnes n'existent plus ou si peu.

Encore une fois, nous recommandons que le gouvernement organise, de façon périodique, une campagne afin de sensibiliser les familles à leur rôle et à leurs responsabilités envers leurs parents et leurs proches. Et encore une fois nous insistons sur l'apport des bénévoles qui sont souvent les seuls à rendre visite à bon nombre de personnes vivant dans des centres d'hébergement et de soins de longue durée.

n(12 h 10)n

Un autre reportage paru dans La Presse faisait état de la situation du CHSLD Bourget, de Montréal. Ce centre, qui héberge 112 personnes entassées dans 31 chambres, attend depuis plusieurs années d'être relocalisé. J'ai eu l'occasion de visiter ce centre, il y a quelques années déjà, où une amie y résidait, et déjà les conditions d'hébergement correspondaient en tous points à ce qui a été évoqué dans le reportage. Et malheureusement c'est le cas d'un nombre important de CHSLD au Québec.

Il est évident qu'il y a urgence d'investir tant dans le rehaussement des soins et des effectifs que dans la rénovation des installations vétustes qui affectent la qualité de vie et l'organisation des services en CHSLD. Nous sommes ouverts à l'idée que le gouvernement ait recours aux partenariats avec le privé pour construire des centres d'hébergement et de soins de longue durée adaptés à la réalité d'aujourd'hui. L'on sait pertinemment que l'État n'a pas les moyens de financer seul de tels projets, quoi qu'en disent certains groupes de pression.

L'accès aux services spécialisés. Nous sommes d'accord avec les garanties d'accès que le gouvernement propose pour la radiothérapie, les chirurgies cardiaques ainsi que les chirurgies de la cataracte, du genou et de la hanche. Nous espérons toutefois que tous les patients seront pris en charge dès l'instant où ils seront inscrits sur une liste d'attente en vue d'une chirurgie, quelle qu'elle soit. Toutefois, une série d'étapes doit être franchie avant de pouvoir être inscrit sur une liste d'attente: premièrement, avoir accès à un médecin omnipraticien; deuxièmement, être référé par le médecin omnipraticien à un médecin spécialiste; troisièmement, un rendez-vous avec le médecin spécialiste; quatrièmement, passer les tests requis; et, cinquièmement, obtenir le diagnostic, ce qui demande parfois plusieurs mois.

Nous reconnaissons que le médecin est un acteur central du système de santé et des services sociaux. Il faut cependant admettre que les cliniques médicales privées se sont développées en parallèle sans que de véritables liens soient établis avec les services du réseau public, alors que les CLSC devaient à l'origine être la porte d'entrée du système de santé. L'implantation des groupes de médecine de famille devrait éventuellement faciliter l'accès à un médecin. Il s'agit cependant d'un processus long et complexe qui demande l'adhésion des médecins.

À l'heure actuelle, une majorité de médecins pratiquent uniquement dans les cliniques privées ou encore de jour seulement, du lundi au vendredi. Nous recommandons au gouvernement d'organiser les services de façon à assurer un suivi efficace des dossiers et de revoir le mode de rémunération des médecins dans le but de faciliter une véritable prise en charge. Le regroupement estime qu'il incombe aux médecins d'assurer des corridors de services fonctionnels et efficaces avec le réseau. L'omnipraticien devrait faciliter le rendez-vous de son patient avec un médecin spécialiste, qu'il y ait urgence ou non. Le médecin spécialiste devrait s'assurer que son patient est pris en charge de façon à ce qu'il ait accès aux tests requis et reçoive le diagnostic dans un délai acceptable.

Le temps généralement alloué à un médecin spécialiste pour effectuer des chirurgies se situe actuellement autour d'une journée par semaine. Une grande partie des 20 millions de dollars qu'injectera le ministère servira à accroître les heures d'ouverture des blocs opératoires. Encore faudra-t-il que les ressources en personnel soient disponibles.

La création des cliniques affiliées spécialisées construites, équipées et gérées par des partenaires privés ne nous inquiète pas. Seules les personnes souffrant d'une allergie incurable au secteur privé s'inquiéteront de cette évolution. Nous sommes cependant entièrement d'accord avec l'interdiction de la pratique médicale mixte, au public et au privé. Au Québec, les ressources humaines étant limitées, nous croyons qu'il faut éviter tout glissement des ressources du public au privé. Le droit à une assurance privée visant uniquement trois types de chirurgie nous semble une approche prudente.

Finalement, accentuer les efforts de prévention. Une étude publiée par Statistique Canada révèle que les problèmes de poids ont considérablement augmenté depuis 25 ans non seulement chez les adultes, mais aussi chez les jeunes, alors que le tiers des enfants de 2 à 17 ans affichent un surplus de poids. C'est une réalité qu'est venu confirmer le rapport Perreault, qui presse le gouvernement de passer à l'action. Le rapport Ménard, pour sa part, souligne l'importance de mettre l'accent sur la prévention de la maladie et la promotion de la santé et du bien-être.

De l'avis du regroupement, la prévention est un moyen sûr d'améliorer la santé de la population, d'améliorer sa qualité de vie, de réduire la pression sur le système et de préserver l'autonomie des citoyens. Nous sommes d'accord que la prévention s'avère un moyen efficace pour améliorer, au fil des années, le portrait de santé au Québec et nous souscrivons entièrement aux différentes mesures visant à redoubler les efforts en prévention tant auprès des jeunes que de l'ensemble de la population.

En conclusion, la proposition du gouvernement est à la fois prudente et ambitieuse. Prudente parce qu'elle limite l'ouverture au privé tout en garantissant un accès à certains services spécialisés, ambitieuse parce qu'elle fait le pari que les citoyens du Québec sont prêts à accepter des approches et des solutions qui sortent des dogmes bien polarisés que véhiculent les groupes d'intérêts. De récents sondages ont démontré que la population est ouverte à l'idée d'avoir recours au privé pour lui assurer certains services.

Une majorité de la population convient qu'il est impossible de soutenir le rythme des dépenses en santé. Dans quelques années, le gouvernement aura-t-il l'argent nécessaire pour accomplir les autres missions de l'État? La constitution d'un fonds patrimonial en créant un régime d'assurance pour la perte d'autonomie est une solution qui doit être sérieusement envisagée. Il faut se rappeler que les personnes âgées en perte d'autonomie constituent une clientèle particulièrement vulnérable. Nous encourageons le gouvernement à maintenir ses efforts pour répondre à leurs besoins tout en prenant les dispositions nécessaires pour sensibiliser les familles à leurs propres responsabilités envers leurs proches. Nous l'invitons également à mener une campagne provinciale de recrutement de bénévoles, qui pourrait très bien s'inscrire dans le cadre de la semaine du bénévolat, à la fin du mois d'avril.

Nous tenons à préciser que la réorganisation des services que nous souhaitons pour assurer un suivi efficace des dossiers et la révision du mode de rémunération des médecins, que nous suggérons pour faciliter une véritable prise en charge, visent aussi à préserver, voire à améliorer, la relation patient-médecin.

Enfin, il nous apparaît honnête de reconnaître qu'au cours des dernières années le gouvernement a engagé un train de mesures qui ont permis de réduire les listes d'attente, de dynamiser l'organisation du réseau et d'améliorer les services au citoyen. Nous espérons que nos commentaires et suggestions sauront vous guider dans vos décisions, qui seront déterminantes pour notre avenir comme collectivité et celui des générations à venir. Je vous remercie.

Le Président (M. Paquin): Oui. C'est terminé, messieurs?

M. Dumesnil (Jean-Marie): Oui.

Le Président (M. Paquin): Avant de donner la parole au ministre, je vais vous demander le consentement parce qu'on va dépasser 12 h 30. Il y a consentement? Consentement. Merci.

M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, on vous écoute.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Dumesnil, M. Poirier et M. Germain, pour votre visite aujourd'hui.

Je reprends un peu au vol ce que vous avez dit à la fin de votre présentation: il ne faut pas avoir peur d'innover dans le système de santé. On est en train. Puis on va avoir toutes sortes de couleurs dans cette commission parlementaire là. Il y a des gens qui vont nous dire qu'on devrait faire beaucoup plus de privé, transformer ça en marché libre, puis il y a des gens qui vont nous dire: Surtout, ne touchez pas au système de santé, c'est sacré. Et la seule chose que je dirais, c'est qu'on est l'un des seuls pays au monde qui a un système de santé de la structure comme la structure dont on s'est doté. Ce serait parfait si on avait le meilleur système de santé au monde, mais, en termes d'accessibilité notamment, même, malheureusement, souvent en termes de qualité, quoiqu'on fait énormément d'efforts pour ça, on ne peut pas dire ça. Alors, il ne faut pas avoir peur d'innover puis de réglementer, d'encadrer les choses pour que, si on introduit la prestation privée, ce soit dans le respect de nos valeurs et de la justice sociale. C'est tout à fait possible de le faire.

Je suis intéressé à votre recommandation sur une campagne de sensibilisation. Il ne faut pas non plus transférer le fardeau aux familles, là. Il ne faut pas non plus trop mettre d'emphase là-dessus. Mais vous avez touché là quelque chose de réel. Lorsqu'on fait la tournée des CHSLD, comme nos équipes d'inspection ou moi, quand je me déplace en région, on voit les ingrédients d'un CHSLD où ça va bien, hein? Souvent, c'est dans le même cadre budgétaire que ceux où ça ne va pas bien. Bon, il y a l'administration puis le personnel qui sont engagés ensemble dans la question du milieu de vie; il y a une sorte de mobilisation commune; il y a un comité des usagers qui joue un rôle actif dans l'établissement, puis nécessairement des familles présentes. Ça, on est toujours un peu gênés de le mentionner parce que c'est difficile, puis on a tous des vies très actives, puis les familles sont éclatées, puis c'est plus difficile qu'auparavant. Mais, vous avez raison, la solitude des personnes âgées en CHSLD, elle n'est pas uniquement due au système de santé lui-même. Elle est souvent due à l'abandon de leurs proches et de leur réseau social.

Alors, vous suggérez qu'on fasse une campagne de sensibilisation. Quel serait le message? Parce qu'il faut faire... C'est un message qui est délicat, hein? On ne peut pas donner l'impression que l'État ne veut plus assurer les services puis le soin des personnes. Puis on veut demander aux gens des réseaux familiaux de ces personnes-là de se souvenir qu'elles existent et qu'une visite régulière fait du bien. Comment est-ce que vous placeriez le message?

n(12 h 20)n

M. Dumesnil (Jean-Marie): Bien, écoutez, je pense qu'il faut être clair. Si on s'en va dans le milieu urbain... dans le milieu rural, pardon, souvent c'est beaucoup plus tricoté serré. Puis on remarque aussi que, dans le CHSLD, souvent les familles sont beaucoup plus présentes. Je dirais peut-être à 70 %, 75 %.

Au niveau de la ville, comme Montréal, j'ai une collègue, la semaine passée, qui me disait: Écoutez... Bien, sa mère est dans un CHSLD, et 80 % à 85 % des patients n'ont jamais de visite ou à peu près pas. Alors, c'est vrai que c'est délicat au niveau de la sensibilisation, mais je pense qu'il y a des périodes, à un moment donné, dans l'année où il y aurait peut-être une façon subtile de rappeler aux gens que l'État a beau vouloir prendre soin des patients, de leurs proches ou des familles, mais je pense que ce qui serait important, c'est de rappeler aux familles aussi que, même si l'État est toujours présent puis même si on leur donne des services, je pense, de rappeler aux familles qu'eux autres, ils ont une responsabilité aussi envers leurs proches et puis que ce n'est pas uniquement au gouvernement à prendre soin de leur famille, de leurs proches. Mais je laisserais peut-être mon collègue de droite commenter aussi peut-être au niveau de la suggestion.

M. Germain (Gérald): Il y a des événements qui se produisent lorsque les enfants ne vont pas voir leurs parents. À titre d'exemple, dans ma famille, j'ai une notaire qui travaille pour une grande institution financière, et, très, très souvent, les gens qui sont en CHSLD l'appellent pour faire modifier leur testament, puis ils déshéritent complètement leurs enfants parce qu'ils n'ont pas de visite depuis un an, deux ans, et il n'y a personne qui prenne soin d'eux. Ces gens-là deviennent très, très contrariés, et, à un moment donné, deviennent très malins, et ils posent des gestes comme déshériter leurs propres enfants, et ça a des conséquences. Il est bien évident que ça a des conséquences.

La campagne que M. Dumesnil parlait, ça peut être une campagne qui va peut-être mettre en lumière certains beaux faits. Lorsque les gens vont visiter leurs parents, il y a des gestes qui se posent, et qui entretiennent des bonnes relations, et font que les gens vivent mieux en santé, puis ils sont plus heureux. Et il y a d'autres fois, lorsqu'ils ne vont pas, bien il faudrait peut-être démontrer ça, ces gestes-là, lorsque ça ne se produit pas, que les gens sont plus souvent malades, et se détériorent, et ça a des conséquences. C'est dans ce sens-là qu'était mon intervention.

Le Président (M. Paquin): M. Poirier.

M. Poirier (André): Moi, des expériences en fonction de support ou d'inviter les familles... l'expérience, c'est que les gens ne savent pas comment agir avec leurs parents malades, dans les centres, en CHSLD. Ils se sentent démunis et impuissants. Et il y a une expérience, dans la région chez nous, qui a été faite dans un CHSLD d'une cinquantaine de personnes, où on a ramassé les familles, en tout cas on a invité les gens à venir, et c'est de la formation qu'on leur donne, en disant: Regardez comment on peut agir, des façons de faire. Je pense qu'il y a possibilité de faire une promotion, disons, si on parle publicitaire, dans le sens d'un petit plus pour votre personne qui est en CHSLD. Je pense que, dans la vie de tous les jours, plusieurs personnes se donnent occasionnellement le plaisir d'aller manger au restaurant, d'aller voir un film. Bien, peut-être que, pour la personne qui est hébergée, le petit plus, c'est la présence de leurs gens. C'est comme aller manger au restaurant, pour eux autres. Il y a des analogies qu'on pourrait faire qui ne seraient pas culpabilisantes pour les personnes qui y vont moins parce qu'elles se sentent moins à l'aise.

Je pense qu'il y a une partie aussi qui pourrait être en fonction des établissements. Avec le support des comités des bénévoles puis des comités d'usagers, je pense qu'il y a possibilité de sensibiliser les gens puis donner de la formation aux gens qui sont en hébergement. Quand quelqu'un entre en hébergement, ce n'est pas juste la personne qui rentre. Je me le fais dire souvent. C'est comme il faut ouvrir presque deux dossiers quand une personne rentre en hébergement: le dossier de la personne, mais aussi le dossier de la famille. Puis il faut les connaître, ces gens-là, il faut que l'organisation les connaisse, puis être capable d'être à leur portée, puis de les supporter, pour donner aux gens une certaine aisance. Ils ont un deuil. Des fois, ils se sentent très coupables, là, d'envoyer leurs parents dans un établissement. Et ce n'est pas en fonction de s'en débarrasser. C'est: Je ne suis plus capable d'en prendre soin, puis je voudrais, mais je ne suis plus capable. Et je pense qu'il y a des liens intéressants qui pourraient être faits, là, à ce niveau-là.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Peut-être, pour compléter rapidement, vous savez, la Société de l'assurance automobile fait des annonces, fait des publicités, en tout cas des campagnes de sensibilisation qui frappent. Bien, peut-être qu'à un moment donné il faudrait avoir quelque chose qui frappe un peu plus, qui frappe un peu plus que ce soit trop... Si c'est trop doux, si ça ne frappe pas suffisamment... Je pense qu'il faut que ce soit une campagne qui frappe aussi l'imagination.

M. Couillard: M. Dumesnil, j'aurais dû le dire en commençant, puis je m'empresse de corriger cet oubli, je voudrais reconnaître la contribution de votre organisation et de vous personnellement au système de santé. D'ailleurs, entre les branches, on me dit que la fondation de l'institution dans laquelle vous êtes actif va vous le manifester concrètement très bientôt. Alors, je vous félicite d'avance pour cet élément-là.

Vous avez abordé la question du financement du système de santé. Vous semblez en faveur... avec la proposition de M. Ménard d'une assurance pour la perte d'autonomie. Vous avez entendu, avant, l'échange qu'on a eu. Beaucoup de gens disent: Pourquoi faire un financement spécifique de la santé mais focussé ou concentré sur la question des personnes âgées? Est-ce qu'il n'y a pas lieu, là, de penser que c'est un message négatif envers le phénomène de vieillissement et les personnes âgées en général?

M. Dumesnil (Jean-Marie): À un moment donné, on disait, dans une entrevue, que ce n'est pas contre le phénomène du vieillissement, c'est la réalité. La réalité à laquelle on fait face, c'est que dans quelques années on va avoir, peut-être 10, 15 ans, deux travailleurs pour une personne âgée. Je pense que c'est le contraire. Il faut être en mesure de prévoir que le maintien à domicile en particulier, ça va demander des fonds. Puis, plus on va vouloir garder nos gens à domicile, plus le financement, je pense, va augmenter.

Dans ce sens-là, vous parliez tantôt des gens de 85 et même jusqu'à 100 ans. Ces gens-là, si on veut les garder chez elles, ça va prendre de l'argent quelque part. Puis, le financement, actuellement le système de santé est présentement saturé. Alors, il faut prévoir... Je pense que l'assurance perte d'autonomie, dans le temps, a fait l'objet d'énormément de discussions. Au niveau du groupe de M. Ménard, on était quand même 16 personnes, 17 personnes, et puis je pense qu'une majorité de gens disaient: Oui, il faut faire quelque chose. Si on ne le fait pas là, il faut le faire ailleurs, mais il faut trouver du financement. De dédier du financement pour le futur, je pense, de déjà penser à dire: On va amasser de l'argent pas seulement pour les personnes actuelles, mais pour les personnes âgées, pour dans le futur assurer le maintien à domicile en particulier, même les soins dans les centres d'hébergement, je ne vois pas d'autre avenue pour l'instant. C'est sûr qu'il y en a qui ne seront pas d'accord avec nous, là, mais, nous, je pense que c'est une des avenues les plus intéressantes. Parce que ça augmente actuellement... à 12 % ou 13 % actuellement, les personnes âgées de 65 ans vont monter bientôt à 30 %, 35 %.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je rejoignais un peu l'argument de la Commission des droits de la personne, dans le sens qu'il ne semblait pas logique de disloquer, par exemple, les dépenses d'hébergement institutionnalisé, CHSLD, de l'ensemble des dépenses du réseau alors qu'on fait une intégration de ces établissements-là. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

Mais un, par contre, des bien-fondés de la proposition de M. Ménard, je le vois pour les soutiens domestiques autres que l'hébergement, et notamment pour les aidants naturels. On voit à quel point les aidants naturels ? puis ça va être encore plus marqué au cours des prochaines années ? sont sollicités pour aider leurs proches à rester à domicile. Et, moi, je ne crois pas que, dans le cadre financier actuel, ça va être possible de substantiellement ? on va le faire, là, par des mesures fiscales, par des mesures de répit à travers les centres de santé et de services sociaux; mais de substantiellement ? soutenir les aidants naturels. À moins d'un financement spécifique ajouté, ça m'apparaît très difficile à envisager. D'ailleurs, il y a peu de pays au monde qui le font. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un argument qu'il faudrait pousser de l'avant peut-être plus que la question de l'hébergement?

Le Président (M. Paquin): M. Dumesnil.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Bien, oui, plus que la question d'hébergement, sûrement, mais je pense que, si en quelque part les aidants naturels... On parlait, à un moment donné, de donner des sommes en espèces pour aider les aidants naturels. Actuellement, les réductions qu'on donne même au niveau fiscal, si on regarde, ça prend des gens qui ont des revenus pour avoir... Bon, ceux qui n'ont pas de revenus ou très peu de revenus n'ont pas le droit à ces déductions fiscales là ou à peu près pas. Alors, il faut prévoir un mode, je pense, ce qui est important, prévoir un mode de financement, veux veux pas, pour les maintenir à domicile. Je laisserai mes collègues peut-être ajouter quelque chose. Mon ami...

Le Président (M. Paquin): M. Poirier.

M. Poirier (André): O.K. Bien, moi, j'élargirais la partie pas juste aux personnes âgées. Je veux dire, ça peut être quelqu'un qui est plus jeune aussi puis qui a besoin d'un support du réseau public et aussi du réseau familial, dans ce sens-là. Peut-être ma situation, je veux dire, où j'ai une fille qui est fibrose kystique, qui a 30 ans, puis qui est en attente de greffe, puis qui ne peut pas être autonome dans son logement aujourd'hui, qui doit être régulièrement à l'hôpital, mais qui à tous les jours a besoin de traitements. C'est comme quatre heures, quatre heures et demie de traitements par jour, une grande partie qu'elle assume elle-même, mais une partie que j'ai besoin de support du CLSC ou d'une physiothérapeute puis, une partie, c'est moi qui le fais ou quelqu'un d'autre de ma famille.

Alors, je pense que ce maintien à domicile là, pas juste en fonction des personnes âgées, mais en fonction des gens qui ont besoin et qui ne sont pas obligés d'être dans le réseau à plein temps... Je veux dire, dans les CHSLD, ce n'est pas tous des gens de 65 ans. Alors, moi aussi, j'ai... en tout cas, peut-être par rapport à d'autres collègues du regroupement, mais c'est plus global que juste les personnes âgées. Pour moi, c'est: Oui, il faut supporter ces gens-là, je veux dire, le réseau, mais aussi les gens. Puis il y a de la sensibilisation, puis il y a de la formation, puis de l'information, beaucoup d'information.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Couillard: Bien, d'ailleurs, je voudrais corriger. Tantôt, les interlocuteurs précédents ont mentionné que la proposition de M. Ménard ne touchait que les personnes âgées en perte d'autonomie. Or, c'est une perte d'autonomie en général. Ça inclut également les jeunes handicapés et les personnes, comme votre fille, qui ont besoin d'être maintenues en autonomie à domicile. Donc, c'est une vision plus large qu'uniquement le vieillissement. Mais, compte tenu du changement démographique, il est certain que c'est beaucoup dans le domaine du vieillissement que la perte d'autonomie va se placer.

M. Poirier (André): La masse va être là, mais...

n(12 h 30)n

M. Couillard: Pour revenir au financement de la santé, quels seraient d'après vous les ingrédients à réunir pour que le citoyen accepte l'idée de contribuer plus spécifiquement pour le système de santé? On sait qu'on est toujours, comme citoyens, très méfiants à tout ce qui vient augmenter nos charges, là, mais qu'est-ce que le système de santé doit préalablement réussir pour que les gens disent: Bien, j'ai confiance en ce système-là, on voit qu'il est capable d'être redressé et on est d'accord pour le soutenir, également?

Le Président (M. Paquin): M. Dumesnil.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Je vous dirais qu'à travers les sondages, même récents encore, quand on parle du système de santé, les gens, malheureusement, au niveau de la population, on semble dire que le système de santé, on est satisfait à 35 %, 40 %, 45 %, mais on n'est pas satisfait à 100 %. Ça fait que peut-être une préoccupation, c'est dans la façon de le vendre à la population. Je pense que la population, d'un côté, là, de par les sondages qu'on a vus, sont prêts à faire des concessions, je dirais, même financières. Mais par contre il faut...

Malheureusement, ce qu'on a de la difficulté, même nous, à comprendre, surtout au niveau de la population, comment se fait-il que les gens ne réalisent pas qu'il y a eu, par exemple depuis deux, trois, quatre ans, je pense, des pas importants qui ont été faits dans le milieu de la santé? Puis, quand on fait un sondage auprès de la population, les gens semblent dire: Bien, écoutez, on est satisfaits, mais à 30 %, 40 %. Vous allez dans les établissements, peu importent les établissements de santé, puis je vous dirais qu'à 85 %, 90 %, 95 % les gens sont satisfaits des soins qu'ils reçoivent. Ils ne sont pas satisfaits peut-être au niveau de l'accessibilité, puis là je pense qu'il y a une crédibilité énorme à aller chercher, au niveau de la crédibilité. Là, vous avez parlé d'un plan, évidemment au niveau des chirurgies, de l'accès aux services, mais je pense qu'il va falloir démontrer à la population que ça peut réellement fonctionner.

Autrement dit, on a l'impression que la population attend de voir que ça fonctionne très bien pour dire: Bien oui, on est satisfaits, puis ça fonctionne quand même déjà très bien. Mais les gens ne saisissent pas actuellement. Puis, quand on voit une insatisfaction de la population, je pense qu'on s'interroge beaucoup sur la façon peut-être dont le gouvernement, je pense, vend la situation à la population. Mais il y a une espèce d'incrédulité, malheureusement, qui existe au niveau de la population puis qui est loin d'exister à l'intérieur des différents milieux.

M. Couillard: Mais ? et je vais terminer là-dessus, M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Rapidement, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Couillard: ... ? vous savez que c'est un phénomène international. Je vais terminer sur une petite anecdote, puis ensuite on pourra... Comme vous savez, je dois vous quitter parce que je dois aller à une réunion. Je m'en excuse. Je parle souvent de la Grande-Bretagne. Moi, c'est un exemple que j'aime beaucoup, ce qui s'est passé en Grande-Bretagne, parce qu'on a investi dans le système public, on a diversifié l'offre de service puis on a objectivement amélioré beaucoup les choses en termes d'accès, soit aux médecins de famille, soit aux médecins spécialistes pour les traitements. Mais, cependant, si vous regardez les sondages, avant ça, en termes de satisfaction générale du système de santé du NHS, 65 % des gens étaient insatisfaits. Maintenant, vous avez une situation où objectivement les garanties d'accès sont la plupart du temps respectées, où l'accès aux médecins de famille est plus facile, donc on peut démontrer qu'il y a une amélioration substantielle, cependant encore 65 % sont insatisfaits. Il y a là le défi fondamental de tout service public. Tout service public au départ fait face à un défi de crédibilité. C'est pour ça que je pense que le...

M. Charbonneau: ...

M. Couillard: Je ne suis pas sûr de ce... Je n'irais pas trop loin, M. le député de Borduas, parce que la direction des dernières années du système de santé explique une grande partie des difficultés qu'on a aujourd'hui. Mais c'est pour ça que je crois que la capacité de réussir ce petit pas de garantie d'accès, c'est crucial. Il faut absolument qu'on réussisse ça, puis là les gens vont prendre confiance un peu, puis on va pouvoir aller plus loin.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Oui. Alors, je pense, M. le Président, que, quoi qu'en dise le ministre, un des problèmes de crédibilité dont il parlait, c'est aussi le problème de la crédibilité de la classe politique, et ça, ça date de bien longtemps, et, bien avant qu'il arrive en politique, c'était une réalité dramatique.

Vous avez parlé du financement à long terme, mais vous n'avez pas parlé du financement à court terme. Mais vous en parlez indirectement quand vous parlez ? puis ma collègue va revenir tantôt sur ça ? sur les besoins du maintien à domicile, des soins à domicile, qui ne sont pas au rendez-vous actuellement, là, du manque de médecins de famille, etc. Vous citez, à un moment donné, l'économiste Claude Montmarquette, qui dit qu'il faudrait peut-être «mettre une croix sur les baisses d'impôt pour se concentrer», bon, lui, sur la dette, d'autres, sur d'autres choses.

On a un contexte, là, on a un gouvernement, hier, là, qui annonce qu'il va baisser la TPS de 1 %, à Ottawa. C'est 1,3 milliard. Est-ce que ce ne serait pas opportun, dans cette philosophie-là, dans l'optique où vous disiez que les citoyens sont prêts à faire des concessions financières, sans alourdir le fardeau fiscal, puisque de toute façon on le paie actuellement, de récupérer cet argent-là de la part du gouvernement du Québec et de l'investir pour les soins de santé, les soins médicaux et hospitaliers, qui actuellement sont en déficit de financement?

La Fédération des médecins spécialistes nous l'a dit hier, le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal nous l'a répété hier, en fait tous ceux qu'on a entendus hier, y compris ce matin, mettent le doigt aussi sur les manques, les besoins actuels, pas juste les besoins quand, moi qui ai 56 ans, qui suis né en 1950, j'aurai 80 ans, mais actuellement. Est-ce qu'il n'y aurait pas quelque chose à faire là? Parce que vous ne nous en avez pas parlé, du financement à court terme. Pourtant, là, il y a comme un passage obligé, là, hein?

M. Dumesnil (Jean-Marie): Je pense que...

M. Charbonneau: La garantie d'accès, là, que vous saluez ? puis beaucoup de gens la saluent ? ça ne donnera pas grand-chose, comme disaient les médecins spécialistes hier, puis les orthopédistes ce matin, si en bout de piste on ne met pas plus de temps d'opération, hein? Puis ça, bien il va falloir mettre plus de financement pour ça, là. Et ce n'est pas dans 25 ans, c'est maintenant, là.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Quand vous parlez de temps d'opération, là, d'une façon ou d'une autre, ça prend les ressources aussi pour le faire. Quand on parle de ressources ? avant de répondre à votre question; quand on parle de ressources ? on peut avoir tous les médecins spécialistes que l'on voudra, si on n'a pas les ressources médicales, les ressources d'appoint pour les accompagner, peu importe... On parlait d'un 15, 20 minutes tantôt, là, à un moment donné, en orthopédie. Il reste 15, 20 minutes, on n'a pas de monde après ou on s'en va en surtemps. Il y a un problème majeur, puis il y a un problème au niveau du financement, puis je suis d'accord avec vous que... Comment aller chercher le financement actuel? On sait que, bon, on a augmenté le budget de cette année de 1,3 milliard, mais, dans une grande majorité, ça va pour la partie salariale.

Mais, pour répondre à votre question sur la baisse de la TPS, une des pistes dans le rapport Ménard, une des pistes qui mérite d'être regardée, on disait: Bien, écoutez, à un moment donné, si ce n'est pas l'électricité, ça peut être la TVQ, dans le fond d'augmenter peut-être la TVQ. Ça peut être le point, pourquoi pas? Ça pourrait être le point, ce qu'on parle, la TPS, la baisse de 1 %. C'est vrai que c'est dans le financement de l'éducation puis de la santé où il va y avoir le plus grand besoin dans le futur. Alors, pourquoi pas? Ça prend des avenues puis ça prend du financement. On a beau parler de déséquilibre fiscal, mais à quelque part ça va prendre quand même du financement.

M. Charbonneau: ...à un moment donné, ça ne règle pas le problème, là, et finalement, tu sais, je veux dire, ce n'est pas...

M. Dumesnil (Jean-Marie): Mais c'est une avenue, je vous parle, le 1 % de la TPS, je pense, qui est récupérable.

M. Charbonneau: Mais, tu sais, c'est parce que dans le fond là où on s'entend, je pense, avec votre réponse, c'est qu'il va y avoir besoin, pour l'avenir, d'une injection et d'une provision de fonds pour faire face à des besoins accrus, peu importent les pronostics, là. Tout le monde s'entend, même ceux qui sont moins alarmistes s'entendent qu'il y a une problématique à laquelle on va être confrontés, bon.

Mais on a aussi des besoins à court terme. Le passage obligé pour les besoins à court terme, là, c'est au-delà de la réorganisation du système. Puis vous êtes dans le coeur de la réorganisation, vous êtes sur le conseil d'administration du CHUM. J'aurais pu vous parler... Mais le ministre est parti. Je vais être fair-play, là, je ne parlerai pas de son dossier du CHUM.

Mais parlons du financement. C'est clair qu'il y a ce passage obligé là. Il faut que les citoyens soient conscients de ça. Il faut que les décideurs politiques aussi acceptent de faire face. On ne peut pas... Écoutez, on vient de mettre 20 millions de plus pour les listes d'attente cette année. Ça fait un total de 80. Dans le fond, ça ne fait pas le compte par rapport aux besoins actuels. Des gens qui attendent pour des chirurgies actuellement hors des délais médicalement acceptables, eux autres, là, ce n'est pas dans 25 ans qu'ils veulent être opérés, c'est comme maintenant. Ça fait déjà plusieurs mois qu'ils attendent. Alors, il y a une réalité, là, qui...

M. Dumesnil (Jean-Marie): Écoutez, je pense, moi... Je vais laisser mon ami Poirier répondre là-dessus. Une réalité qui n'existe pas partout, finalement. Il faut faire attention.

Le Président (M. Paquin): M. Poirier.

M. Poirier (André): C'est ça. En tout cas, si on parle de chirurgie, je veux dire, la région chez nous, je pense qu'on est attractifs. Les gens de la région, ils n'ont pas de problème à se faire opérer. Je veux dire, 40 % des prothèses de genou et de hanche se font des gens des autres secteurs. Et c'est l'organisation qui paie pour aussi puis c'est le choix des usagers de choisir.

Mais, oui, je pense qu'il y a de l'organisation à faire pour améliorer l'état de fait. Il y a aussi occasionnellement, je pense, une partie argent. Mais je pense que, la dimension organisation, il y a possibilité de faire différemment des choses qui vont faire que ça va améliorer, mais en même temps, oui, ça prend des sous et ça prend du personnel, et ça, je pense qu'un des grands manques du système à l'heure actuelle, c'est les ressources humaines qui ne sont pas présentes, que vous soyez à Montréal...

M. Charbonneau: C'est vrai, mais en même temps il faut faire attention quand vous dites ça, là. Hier, la Fédération des médecins spécialistes nous a dit: Oui, c'est vrai qu'il manque des médecins spécialistes, mais dans les faits, là, avec ceux qu'on a, si on nous donnait plus de temps d'opération, on pourrait finalement faire pas mal plus. Puis les orthopédistes nous ont dit la même chose ce matin. C'est qu'à un moment donné, là, il ne faut pas mettre des bémols où il ne faut pas en mettre. C'est-à-dire, à un moment donné, il faut dire clairement les choses. Et clairement les choses, c'est qu'il y a un problème de sous-financement actuel.

n(12 h 40)n

M. Poirier (André): Je suis d'accord avec vous qu'il y a un problème de sous-financement, mais je crois que le problème de ressources est aussi grand. Et allez dans les CHSLD demander combien il y a d'infirmières pour les quarts de soir, et de nuit, et de fin de semaine, vous allez voir qu'il y a plein d'endroits où il en manque, de monde. Des gens du sexe masculin pour prendre soin des gens de sexe masculin en hébergement, il en manque. Il y a plein d'endroits qui à l'heure actuelle acceptent des gens avec moindre formation pour pallier au manque de personnel.

En opération... Puis là je vais revenir à cette partie-là, parce, oui, il peut y avoir suffisamment d'orthopédistes. S'ils ont plus de temps, ils sont corrects, mais ça prend du monde sur les étages pour s'en occuper. Pour les avoir, ça prend des gens au niveau de la salle d'opération. Il n'y a pas juste un orthopédiste quand ils font l'opération. Et vous irez voir dans les hôpitaux, demander des statistiques sur le roulement de main-d'oeuvre, non pas le roulement, mais les gens qui s'en vont à la retraite dans les 10 prochaines années. Je vous dis, c'est un problème de formation, et important. Et ça aussi, ça prend de l'argent pour les former, là, je suis d'accord.

M. Charbonneau: Mais ça prend aussi de l'argent pour les payer assez bien pour qu'il y ait un effet attractif. Parce qu'on apprenait il y a quelques jours... C'est que, par exemple dans la grande région de Montréal ? c'est peut-être pareil au Québec, là ? les collèges publics, les cégeps, les inscriptions en soins infirmiers sont à la baisse. Alors qu'on a un besoin accru, considérable de nouvelles infirmières, nouveaux infirmiers, on a une baisse. Pourquoi? Parce que dans le fond cette profession-là, c'est bien moins attractif que d'autres où on travaille moins longtemps, on ne fait pas des heures les fins de semaine, on ne fait pas de chiffre de nuit, puis on n'a pas de vacances l'été de la même façon, etc., là, puis une fin de semaine sur deux à Noël, puis tout ça, là, tu sais. Autrement dit, la valorisation de la profession va aussi passer par un investissement dans cette profession-là.

M. Poirier (André): Je pense que vous donnez une description, quand vous dites qu'il y a moins d'étudiants qui s'inscrivent en soins infirmiers, par exemple, mais c'est ça. C'est quand les gens sortent, ils sont sur appel, ils ont des postes deux jours-semaine, ils travaillent sur la «swing», là, comme on dit, et ils font des quarts de soir, de nuit, de fin de semaine, et ils font ce qui reste. Mais c'est aussi ça, le métier, je veux dire. Parce que, je veux dire, les gens qui ont de l'ancienneté, puis c'est correct, ils choisissent les postes en CLSC. Le CLSC, au niveau des infirmières, vous n'avez pas de difficulté à faire du recrutement parce qu'ils sont habituellement de jour, de 8 heures à 7 heures le soir, puis souvent, les fins de semaine, c'est plus léger. Alors, il n'y en a pas, de problème. Vous savez, le problème, c'est en CHSLD puis en soins de courte durée. Et ce n'est pas juste l'argent, là, je veux dire, c'est aussi les conditions qui sont autour qu'il faut regarder.

M. Charbonneau: Qu'il faut améliorer.

M. Poirier (André): Mais on peut... C'est drôle, en tout cas, moi, j'ai déjà été malade, puis je n'ai pas été capable d'arrêter d'être malade le vendredi soir, à 5 heures.

Le Président (M. Paquin): ...

M. Dumesnil (Jean-Marie): Mais peut-être aussi, le problème... Je pense que c'est un bon point que vous soulevez. C'est que le problème de rétention... Je regarde au CHUM, là, la rétention est à peu près de 60 %, je veux dire, sur les nouvelles infirmières qui nous arrivent. Ce qui veut dire qu'à un moment donné on est toujours en manque d'infirmières, de 200, 300 infirmières, pour différentes raisons. Je pense que c'est un métier, c'est une profession qui est excessivement difficile, qui est demandante. Au cours des dernières années, c'est évident, je pense qu'on a vu de la réduction, de ce qui s'est passé dans le milieu de la santé, dans les cinq ou 10 dernières années. Alors, c'est évident que l'appel n'est peut-être pas toujours là pour les gens qui voudraient faire le travail.

Puis peut-être souligner aussi, c'est important... On parlait des CLSC tantôt, qui devaient être la porte d'entrée du système de santé, mais ils sont loin de l'être présentement, tu sais. Moi, je vais au CLSC Kateri, à Candiac. Il n'y a pas de médecin. Il y a un médecin de midi à 16 heures, du lundi au jeudi, mais, en dehors de ça, c'est une infirmière qui vous accueille, qui vous envoie à quelque part. On a un problème majeur, là, je pense, tant au niveau des médecins, tant au niveau des infirmières. Puis on nous disait que les inscriptions, quand même, ont augmenté de beaucoup, là. Je ne... pas que le ratio a été atteint dans les dernières années, mais on parlait peut-être, d'ici les prochaines années, de 3 000 médecins de plus, entre autres, tu sais.

M. Charbonneau: Les médecins, semble-t-il qu'on n'aura pas trop de problème, mais les infirmières...

M. Dumesnil (Jean-Marie): Les infirmières, il va toujours exister... Puis, comme disait André tantôt...

M. Poirier (André): Puis les omnis.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Mais, comme disait André tantôt, il y en a trop qui s'en vont encore à la retraite, là, qu'on a de la... Au fur et à mesure qu'il y en a 200 qui rentrent, il y en a 200 qui sortent. Alors, on a un problème majeur aussi, là, définitivement.

M. Charbonneau: Avant de laisser la parole à ma collègue, vous avez parlé de la révision du mode de rémunération des médecins. J'aimerais ça que vous élaboriez sur ça, parce que jusqu'à maintenant il n'y a personne qui nous avait souligné cette problématique-là. Je pense que ce serait important aussi de mettre ça en relief, là.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Je pense qu'au niveau des GMF en particulier, on sait que... Je pense qu'il y a 95 groupes de médecine familiale déjà qui sont en place. Il y en a d'autres qui s'en viennent. Mais ce qu'on entend dire de nos médecins souvent, c'est que, si le système de rémunération était différent, peut-être que, même si on pratique en clinique ce qu'on appelle privée, on aurait sûrement une certaine disponibilité pour travailler avec les GMF. Je pense qu'au niveau des GMF le recrutement des médecins n'est pas toujours nécessairement évident. Ce n'est pas tout le monde qui veut adhérer. Ce qui veut dire que le système, le principe même au niveau des quotas en particulier, c'est quelque chose qui doit être aboli. Tu sais, je veux dire, il y a un problème majeur à ce niveau-là, puis je pense que tu peux donner un exemple.

M. Germain (Gérald): Oui. J'ai un ami qui était propriétaire d'une clinique privée à Montréal, et il est bien évident, avec les quotas, ses semaines de travail ou ses mois de travail étaient diminués. Et il me disait tout bonnement, il dit: Moi, si j'avais une rémunération qui était standardisée, il dit, j'aurais des possibilités de prendre des nouveaux clients, pas voir des clients existants, là, mais des nouveaux clients, puis je serais leur médecin de famille. Et c'est sûr qu'après ça il y a le suivi à assurer, qui prend du temps, mais au moins les gens auraient la possibilité d'avoir un médecin de famille. Et il y en a beaucoup qui n'en ont pas, de médecin de famille. Ça fait que...

M. Charbonneau: Il y a un demi-million de Québécois qui n'ont pas de médecin de famille actuellement.

M. Germain (Gérald): C'est exactement...

M. Charbonneau: On devait avoir, en juin dernier, 300 groupes de médecine de famille. Il n'y en a même pas encore 120, là.

M. Germain (Gérald): C'est ça.

M. Charbonneau: Mais c'est clair que vous mettez le doigt sur un des problèmes, parce qu'on nous dit souvent: Bon, c'est parce qu'il manque de médecins. Ce n'est pas d'abord parce qu'il manque d'omnipraticiens, c'est parce que le mode de rémunération et la prise en charge populationnelle n'est pas arrimée, ce qui fait que finalement... Moi, je me suis fait dire par des gens du réseau qu'en bout de piste, avec les médecins que nous avons aujourd'hui, si on avait un mode de rémunération différent, plus intéressant et qui favorisait la prise en charge populationnelle, on ferait en sorte que tous les Québécois auraient actuellement un médecin de famille. Tu sais, c'est une affirmation qui est forte, là.

M. Germain (Gérald): Bien, c'est l'objectif à atteindre.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Bien, si vous permettez, peut-être une dernière remarque là-dessus. C'est que, nous, ce qu'on trouve anormal en tout cas, c'est qu'un médecin travaille, bon, trois jours-semaine dans sa clinique privée puis par la suite, bon, il n'y a pas de problème. Je veux dire, pourquoi ces médecins-là, à un moment donné, ne seraient pas disponibles dans les CLSC, ou peu importe, les fins de semaine, une fois par trois mois, par quatre mois, pour assurer l'urgence? Je veux dire, ce n'est pas normal que dans les périodes critiques de l'année, à un moment donné, les urgences sont comblées, mais excepté que les cliniques sont fermées, je parle, les CLSC n'ont pas de médecin, ou quoi que ce soit, service ? peut-être pas sur 24 heures... Mais pourquoi les médecins...

Ils ont beau jeu, dans le fond. Je pense que ce n'est pas négatif de le dire. Je pense que c'est une réalité. C'est que, le médecin, vous avez toute la difficulté du monde, premièrement, à avoir votre rendez-vous, à moins que vous ayez un très bon médecin de famille. Puis, deuxièmement, s'il travaille trois jours-semaine, quand il n'annule pas vos rendez-vous pour différentes autres raisons... C'est arrivé à beaucoup de monde puis ça arrive encore. Comment ça se fait que ces gens-là, en quelque part, on ne leur demande pas, à la Fédération des médecins omnipraticiens, de prévoir des aménagements en quelque part qui font que les gens deviennent, au moins une fois par trois ou quatre mois, disponibles une fin de semaine ou une soirée? Je veux dire, on comprend mal le système de santé, dans ce sens-là.

M. Charbonneau: Vous avez raison, mais ce qu'on nous dit aussi du côté des fédérations de médecins, c'est qu'on serait peut-être prêt à en faire plus, mais là on a un problème. On est en négociations, là, hein, puis dans le fond ? vous le savez très bien, vous êtes sur le conseil d'administration du CHUM ? ce problème-là est majeur, autant pour les spécialistes que les omnis. Mais, encore là, pour régler... Et je ne dis pas nécessairement de donner tout en fonction... parce qu'il y a une négociation, bon. Mais, juste pour faire en sorte qu'on ait un impact significatif sur le mode de fonctionnement des médecins, si la rémunération était plus attractive ? parce que c'est ce que vous suggérez ? bien, je veux dire, encore là, c'est le financement à court terme, c'est de l'argent maintenant. Si on ne le met pas, là, bien, je veux dire, on va pelleter bien des mots à cette commission-là puis dans l'avenir, mais on va continuer à se retrouver confrontés aux mêmes problématiques, là.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Nous, on fait part de nos commentaires.

Le Président (M. Paquin): ...temps est écoulé.

M. Charbonneau: Très bien. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Parfait.

M. Dumesnil (Jean-Marie): Merci.

Le Président (M. Paquin): Donc, malheureusement, chers amis, le temps que nous avions à notre disposition est écoulé. Ça fait que, M. Dumesnil, M. Germain, M. Poirier, du Regroupement provincial des comités des usagers, merci pour votre présentation.

En attendant un nouvel avis du leader, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

 

(Reprise à 15 h 6)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, la commission poursuit ses travaux, et je vais peut-être faire lecture de l'ordre du jour pour cet après-midi. Nous avons trois intervenants cet après-midi. Nous allons débuter dans quelques instants avec l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux; ce sera suivi, autour de 16 heures, par le Centre de recherche en prévention de l'obésité; et terminer l'après-midi avec l'Association médicale du Québec.

Je suis convaincu que les téléphones cellulaires ont déjà été mis hors tension pendant la durée...

M. Charbonneau: Nous arrivons de la shop, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): ... ? oui ? pendant la durée de nos séances. Et, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. M. le président Potter, bonjour.

M. Potter (Alex G.): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque groupe, je vous rappelle que la commission consacrera une heure pour l'audition, c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation de vos remarques; ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure dans le temps. Alors, je vous prie, M. Potter, de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner par la suite avec votre présentation.

Association québécoise d'établissements
de santé et de services sociaux (AQESSS)

M. Potter (Alex G.): Merci. M. le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le représentant de l'opposition officielle, cher membres de la Commission des affaires sociales, en tant que président de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, l'AQESSS, je vous remercie de permettre à notre association de présenter sa position sur la réponse du gouvernement québécois au jugement Chaoulli, sur la garantie de l'accès et sur le défi de la pérennité de notre système de santé et de services sociaux.

Permettez-moi de vous présenter les personnes de notre association qui m'accompagnent cet après-midi: Mme Lise Denis, directrice générale de l'AQESSS; M. Serge Vermette, premier vice-président de l'association et président du Centre hospitalier affilié universitaire de Québec; Mme Diane Drouin, deuxième vice-présidente de l'association et présidente du CSSS Drummond; et Mme Carole Deschambault, directrice générale de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Je me permettrais tout d'abord une brève mise en contexte de notre organisation. C'est au printemps dernier, 2005, que l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux est née de la fusion de l'Association des hôpitaux de Québec et de l'Association des CLSC-CHSLD du Québec. La nouvelle organisation est ainsi devenue le porte-parole de quelque 140 établissements membres. L'AQESSS a pour mission de rassembler, de représenter et de soutenir les établissements membres dans l'exercice de leur mission afin d'améliorer la qualité, l'accessibilité et la continuité des services de santé et des services sociaux pour la population du Québec.

n(15 h 10)n

D'entrée en jeu, en ce qui concerne notre position sur la réponse gouvernementale à l'arrêt Chaoulli, je dirai que celle-ci nous semble engagée dans une juste perspective. En situant sa réponse à la décision de la Cour suprême dans le cadre d'une approche globale du système de santé et des services sociaux et du rôle que peut y jouer le secteur privé comme un élément, le gouvernement du Québec a bien mesuré la portée du jugement et cerné avec justesse les intentions de la cour. Ce n'est pas fondamentalement la question de l'assurance privée qui est au coeur de la décision de la Cour suprême, c'est celle de l'attente déraisonnable des citoyens pour avoir accès aux services. Déraisonnable en ce qu'elle menace leur droit à la vie, à la sécurité et à l'intégrité. Dans cette perspective, l'apport du secteur privé n'est qu'un élément parmi d'autres des solutions à mettre en oeuvre pour assurer cet accès.

Conséquemment, nous appuyons le choix du gouvernement de proposer une garantie d'accès à l'intérieur du système public. Nous endossons le choix du gouvernement québécois de limiter pour le moment à trois interventions ciblées le recours aux assurances privées pour couvrir des services déjà assurés par le système public. Nous appuyons le gouvernement dans sa décision de maintenir l'étanchéité de la pratique médicale entre la participation et la non-participation au régime public.

En définissant la question de recours aux assurances privées comme un aspect d'un problème plus général de l'accès aux services dans un délai raisonnable, le gouvernement a rejeté la facilité. Cependant, à terme, cette solution nous semble en mesure de produire des bénéfices durables et équitables. Évidemment, dans un contexte de vieillissement de la population et de la montée en flèche des budgets de la santé, nous savons tous que nous aurons tôt ou tard à affronter le défi de la pérennité de notre système de santé et services sociaux. Dans le cadre de cette commission, le gouvernement nous convie à une vaste réflexion sur le sujet, et, afin de vous présenter les éléments de solution proposés par notre association, je cède maintenant la parole à Mme Lise Denis, directrice générale de l'AQESSS.

Mme Denis (Lise): Mesdames, messieurs, bonjour. Dans le document Garantir l'accès, le gouvernement propose trois ordres de solution: une garantie d'accès à certains services spécialisés, la consolidation des actions entreprises, particulièrement dans le secteur des services préventifs, des services de première ligne et des services médicaux et hospitaliers, et une réflexion sur le financement à long terme du système sociosanitaire dans le contexte plus global des finances publiques. Nous présenterons d'abord nos réflexions sur la garantie d'accès, qui est pour nous une facette d'une question beaucoup plus vaste.

En premier lieu, nous constatons que le dispositif proposé par le gouvernement pour garantir l'accès combine quatre pièces: une garantie d'accès pour certaines procédures médicales, la levée de la prohibition de l'assurance privée pour trois procédures couvertes par le système public, les cliniques spécialisées affiliées, le maintien de l'étanchéité de la pratique médicale entre la participation et la non-participation au régime public. C'est donc comme un ensemble que ce dispositif doit être évalué et c'est dans cette perspective que nous y apportons notre appui. Nous aimerions cependant examiner certains éléments de ce dispositif.

D'abord, nous appuyons sans réserve le maintien du principe d'étanchéité et d'exclusivité de la rémunération, qui interdit aux médecins qui participent au régime public d'assurance maladie de recevoir une rémunération privée pour un service assuré par ce régime. Le mérite principal de cette disposition est d'éviter le risque d'une aggravation de la pénurie d'effectif médical.

Ensuite, nous considérons que le respect par le système public d'une garantie d'accès aux interventions ciblées par le gouvernement ne peut que raffermir le lien de confiance entre la population et son système public de santé. L'approche graduelle qui est proposée amènera le réseau à développer et à expérimenter des mécanismes de garantie d'accès qui par la suite pourront être appliqués éventuellement à d'autres interventions. Dans cette éventualité, sera-t-il approprié d'autoriser le recours à l'assurance privée pour d'autres interventions? Sur ce point, nous réservons notre jugement mais demandons au gouvernement, avant de prendre toute initiative en ce sens, d'évaluer de façon rigoureuse les différentes répercussions qu'aura eues le recours à l'assurance privée pour ces trois premières interventions ciblées.

En appliquant la garantie d'accès, on introduit également un certain nombre d'inconnues. Si on veut réduire le risque d'effets secondaires indésirables, certaines conditions doivent être respectées. Il semble y en avoir cinq: d'abord, des mécanismes de coordination intrarégionale et interrégionale qui doivent être mis en place pour s'assurer que les patients en attente de ces chirurgies y aient accès de manière appropriée et équitable; deuxièmement, l'accès garanti à certaines chirurgies ne doit pas entraîner un transfert de priorités opératoires vers ces chirurgies aux dépens de d'autres interventions; troisièmement, la détermination et l'ajustement des délais cliniques d'attente adéquats devront avoir la souplesse nécessaire pour suivre le rythme souvent rapide de l'évolution des consensus scientifiques; quatrièmement, l'accent mis sur la gestion de l'accès ne doit pas reléguer à l'arrière plan l'importance d'optimiser le bloc opératoire et les lits d'hospitalisation, de mieux gérer l'offre de service, voire de l'augmenter; et finalement le réseau devra compter sur de nouvelles ressources financières pour être en mesure de respecter la nouvelle garantie d'accès proposée. Nous avons pris bonne note du 20 millions annoncé dans le budget il y a une dizaine de jours.

Par ailleurs, l'AQESSS et les établissements qu'elle regroupe s'engagent à collaborer avec le gouvernement pour favoriser et soutenir les initiatives suivantes: le développement d'un véritable partenariat entre les médecins et les établissements où ils ont des privilèges opératoires; la détermination par la concertation des acteurs concernés des priorités en chirurgie et le transfert, le cas échéant, de patients dans d'autres milieux si le délai de six mois est atteint; la mise en place de mécanismes intrarégionaux et interrégionaux pour régir le transfert d'un patient dans un autre milieu; l'implantation d'un système informatisé de gestion et de monitoring des listes d'attente.

Nous croyons en outre que le ministère devrait prendre de son côté les initiatives suivantes: définir les paramètres d'un système informatisé qui permettra à tous les établissements de se doter d'un système de gestion de l'accès; s'assurer qu'un groupe d'experts cliniciens définissent le délai d'attente raisonnable; adopter le financement par activité pour les interventions soumises à la garantie d'accès, afin que les établissements soient en mesure de faire face au volume généré par cette garantie. En revanche, la garantie d'accès ne doit pas nous faire perdre de vue l'existence de listes d'attente dans bien d'autres secteurs. Même si elle est moins bien documentée, cette attente est néanmoins bel et bien réelle dans des secteurs névralgiques, comme l'accès à un médecin de famille, à un médecin spécialiste, à des services de santé mentale, à des services psychosociaux pour les jeunes et les familles, à des tests diagnostiques.

La mise en place par ailleurs des cliniques spécialisées affiliées qui fourniraient des services dans le cadre du système public est une avenue qui pourrait améliorer la réponse aux besoins de la clientèle en attente d'une intervention chirurgicale élective. La proposition gouvernementale nous semble donc intéressante. Elle ne doit cependant pas nous faire perdre de vue les investissements effectués par le réseau public dans des ressources ambulatoires qui ont la capacité d'offrir un grand nombre d'interventions médicales et chirurgicales ne nécessitant pas un plateau technique aussi sophistiqué que le bloc opératoire traditionnel. Il serait donc contreproductif de développer des cliniques spécialisées affiliées financées par l'établissement alors que les ressources ambulatoires ne fonctionnent pas à leur pleine capacité.

En ce sens, avant de développer de telles cliniques, il faudra que le besoin en soit bien documenté et que les critères suivants soient respectés: d'abord, s'assurer que les cliniques spécialisées affiliées n'entraînent pas une diminution de la couverture médicale et de la disponibilité des autres ressources professionnelles dans les établissements; assurer l'utilisation optimale des plateaux techniques des établissements du réseau avant de permettre à des cliniques spécialisées affiliées d'offrir le même service; la décision de recourir à des cliniques spécialisées affiliées devra être dictée par les besoins des établissements; ces cliniques devront être gérées par des médecins membres du CMDP de l'établissement ? ou des établissements; elles devront être reliées à l'établissement par contrat pour un nombre déterminé d'interventions spécifiques; les coûts des interventions effectuées par ces cliniques devront être inférieurs à ceux des interventions réalisées en établissement; et ces cliniques devront offrir des garanties de qualité et de sécurité.

Ces conditions étant posées, l'AQESSS s'engage de son côté à soutenir ses établissements membres dans l'évaluation du recours à des cliniques spécialisées affiliées et dans la mobilisation de groupes de médecins membres du CMDP.

n(15 h 20)n

Nous croyons par ailleurs que le ministère doit prendre de son côté les initiatives suivantes: déterminer, avec les établissements et les agences, le tarif de référence qui sera payé par les établissements; préparer avec les acteurs concernés un modèle d'entente type entre une clinique spécialisée affiliée et un établissement; et déterminer les critères d'octroi de permis pour les interventions effectuées dans les cliniques spécialisées affiliées.

Nous allons maintenant aborder le deuxième ordre de solution visant à garantir la pérennité de notre système, soit la consolidation des actions déjà entreprises dans le réseau. L'intérêt de l'approche retenue réside dans le fait qu'elle ne se limite pas au seul dispositif de garantie d'accès mais qu'elle repose aussi sur la performance clinique du système dans son ensemble. C'est pourquoi il est impératif que cette amélioration de l'accès ne se fasse pas au détriment des autres services médicaux et psychosociaux, et encore moins aux dépens des services situés en amont, en prévention et en promotion notamment.

D'autre part, le réseau est déjà mobilisé dans une dynamique de renouvellement qui vise une plus grande intégration et une meilleure jonction des services. Nous croyons que la démarche dans laquelle nous sommes engagés mérite de se poursuivre mais qu'il convient d'y apporter des ajustements. Voici ceux que nous estimons prioritaires.

D'abord, nous considérons qu'on ne peut trouver de solution durable au problème d'accès sans que la population de chaque territoire puisse compter sur le contingent de médecins de famille, d'infirmières et d'autres professionnels nécessaires pour fournir des services adéquats de promotion et de prévention ainsi que les services de santé et les services sociaux courants. Les mesures prises par le gouvernement pour répondre à la pénurie d'effectif médical et infirmier devraient se traduire par des résultats tangibles sur le terrain.

Nous croyons cependant que trois mesures complémentaires s'imposent pour que cette hausse de l'effectif connaisse son impact maximal: il faudra appliquer avec une très grande rigueur les plans d'effectifs médicaux à l'échelle des établissements et des régions; il faudra donner aux CSSS la marge de manoeuvre nécessaire pour développer avec les médecins de leurs territoires une organisation de services qui colle à la réalité de ce territoire et aux besoins de sa population; et finalement il faudra faire aboutir les discussions entourant la profession d'infirmière praticienne en première ligne et sa contribution au réseau local de services.

Deuxièmement, on ne pourra agir efficacement sur l'accès des services de première ligne que si les médecins travaillant en cabinet privé deviennent partie prenante du projet clinique local. Parmi les moyens permettant d'accentuer l'adhésion des médecins à ce projet, notons des modalités de rémunération favorables aux pratiques de groupe, aux pratiques interdisciplinaires et à la prise en charge d'une clientèle; l'accès aux plateaux techniques et aux mesures de soutien nécessaires à la prise en charge des clientèles vulnérables du territoire; l'appartenance des médecins omnipraticiens au département de médecine générale et au CMDP du CSSS de leur territoire de pratique.

D'autre part, les centres hospitaliers universitaires, dans le cadre de leur mission d'évaluation des technologies, ont une expertise reconnue dans le développement et la généralisation des pratiques novatrices fondées sur des données et des pratiques probantes. Nous croyons donc que le ministère devrait faire appel aux CHU pour doter le réseau de mécanismes qui lui permettraient de mieux gérer l'utilisation des nouvelles technologies et de nouveaux médicaments.

Finalement, la responsabilité populationnelle et l'intégration des différents niveaux de services sont les principes qui doivent guider l'action de l'ensemble des acteurs du réseau local de services. Tous les établissements sont l'assise de cette organisation, le CSSS ayant le mandat particulier d'assurer la concertation qui doit en marquer le fonctionnement. Pour être conséquent avec les exigences associées à la responsabilité populationnelle, il est donc essentiel qu'on laisse aux acteurs du réseau local la marge de manoeuvre nécessaire pour adapter leur organisation et leur action aux besoins, aux attentes et à la dynamique de leur population.

Dans cette perspective, des conditions de différents ordres s'imposent. Il faut permettre une certaine asymétrie dans la façon de résoudre les problèmes qui se posent sur les différents territoires. Ensuite, la gestion du réseau doit se faire davantage en réseau. La réforme a donné lieu à un nouveau partage des responsabilités entre les acteurs. Une gestion plus collégiale doit refléter cette responsabilité commune face à la population. Enfin, les établissements doivent pouvoir compter sur des systèmes d'information qui permettront une circulation rapide des informations entre les acteurs des différents services d'un territoire.

Nous allons maintenant aborder le troisième et dernier axe de notre intervention, qui sera consacré à la performance et au financement du système sociosanitaire.

Le Président (M. Copeman): Mme Denis, tel que promis, je vous avise qu'il vous reste trois minutes.

Mme Denis (Lise): D'accord. Alors, sur la performance et le financement du système, essentiellement nous disons: Oui, il y a du travail qui a commencé à se faire sur les dépenses, il y a des établissements... l'ensemble des établissements ont travaillé à la réduction des dépenses. Nous croyons cependant que, même si on continue à assurer une diminution... ou un meilleur contrôle, je devrais dire, de nos dépenses, une meilleure performance clinique, nous n'arriverons pas à faire face aux coûts, qui s'annoncent importants dans les prochaines années, et d'où l'importance de trouver de nouvelles sources de revenus. Nous reprenons essentiellement les éléments du rapport Ménard, qui ont été d'ailleurs proposés dans le document déposé par le gouvernement, et nous souhaitons nous associer, si la réflexion va plus loin, à la réflexion sur l'AQESSS contre la perte d'autonomie.

Nous conclurons en rappelant que l'un des grands objectifs de la réforme en cours est de favoriser un usage optimal des ressources et des services en faisant en sorte que les services de promotion, de prévention et de première ligne jouent efficacement leur rôle et contribuent à réduire le recours aux services et aux ressources de deuxième et de troisième ligne, autrement plus lourds et plus coûteux.

En ce sens, l'objectif de l'accès raisonnable aux services ne peut être circonscrit aux seuls services de deuxième et de troisième ligne, et l'effort pour l'atteindre doit débuter bien en amont. C'est pourquoi, malgré l'urgence de trouver une solution aux délais inacceptables que l'on connaît pour certaines interventions, il convient de ne pas perdre de vue le plan d'ensemble dans lequel nous sommes mobilisés. La meilleure garantie d'accès aux services, c'est encore un réseau dont tous les maillons sont forts, à qui on donne le temps, les ressources et la marge de manoeuvre nécessaires pour mieux articuler ses services et ses actions, et ce, des soins préventifs jusqu'aux services surspécialisés.

La réforme est bien enclenchée, mais elle n'est pas achevée. Les établissements sont mobilisés plus que jamais, il est essentiel de ne pas compromettre cet élan, en donnant aux établissements le temps et les moyens d'atteindre les objectifs qu'on leur a fixés. Merci.

Le Président (M. Copeman): Reprenez votre souffle, Mme Denis, vous avez terminé même à l'intérieur du temps. C'est magnifique, fort apprécié par les membres de la commission. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, afin de débuter nos échanges.

M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Potter et Mme Denis, Mme Deschambault, Mme Drouin, M. Vermette, toujours agréable de vous revoir. Évidemment, on ne pourra pas couvrir toute l'étendue de votre mémoire en 20 minutes. Vous avez été très bonne de le résumer à l'intérieur du délai. D'ailleurs, vous êtes dans les délais, vous voyez, vous avez déjà un bon pas vers la garantie d'accès.

Je dirais, l'élément symbolique de votre présence aujourd'hui, il faut le répéter, vous y avez fait allusion au début, sauf erreur, c'est une des premières fois, sinon la première fois, que votre association nouvellement constituée se présente en commission parlementaire. Traditionnellement, on avait, en commission parlementaire, l'AHQ, ensuite on avait l'Association des CLSC et CHSLD, puis on avait toutes sortes de différences en termes de perception puis d'identité d'établissement. Et le fait que vous soyez là ensemble, pour moi, c'est un gros facteur de progrès dans notre système de santé, parce que vous vous occupez tous des mêmes personnes, autant les CLSC que les établissements de soins prolongés, que les centres hospitaliers.

Vous avez apporté un élément qui m'apparaît bien important, lorsque vous parlez de l'introduction graduelle de la garantie d'accès. Avant les débuts de nos conversations avec vous, on a indiqué qu'il ne fallait pas être trop ambitieux puis en prendre trop large d'un coup parce qu'on risquait d'échouer. Mais il y a un autre élément que vous apportez, c'est l'élément d'apprentissage: il faut qu'on apprenne à faire ça. Ce n'est pas une tradition, ça n'existe pas, cette façon de faire, encore, et il faut qu'on apprenne. On a commencé avec la radio-oncologie, avec succès, mais il faut qu'on apprenne à le faire pour la chirurgie élective, et je pense qu'il vaut mieux prendre notre temps.

Je voudrais passer un peu de temps sur les cliniques spécialisées affiliées, parce que bien sûr les établissements de santé vont être en étroit contact et vont être en fait en lien contractuel avec ces cliniques spécialisées affiliées. Je dirais, la première chose, c'est lorsque vous dites: Avant de faire les cliniques affiliées, il faudrait qu'on ait une utilisation optimale des plateaux techniques existants. Je comprends le principe que vous amenez, mais j'y vois une certaine... Je suis un peu craintif quand j'entends ça, parce que, dans la vie, quand on attend que tout soit optimal ou parfait, en général ça ne se produit jamais.

L'élément que les cliniques spécialisées apportent, c'est un élément également ? on y a fait allusion dans les débats ? de compétitivité sur la base des coûts unitaires. Et, quand vous dites: Il faut qu'on soit capables de comparer les coûts unitaires... ou plutôt il faut qu'on soit capables de démontrer que les coûts unitaires sont inférieurs en clinique affiliée, je dirais deux choses ? puis j'aimerais que vous commentiez là-dessus: un, encore faut-il qu'on soit capables de les calculer dans le réseau public actuellement, et, deux, que la comparaison se fasse sur le même pied, c'est-à-dire qu'on ne peut pas exclure des éléments de coûts d'un ou de l'autre, il faut que les coûts soient rigoureusement comparés de la même façon.

Est-ce que vous avez commencé à réfléchir à cette façon, un, de calculer vos coûts unitaires? Parce que, moi, j'ai une expérience personnelle où ça a été difficile. Pour arriver au coût unitaire d'un type de chirurgie, ça m'a pris plusieurs mois de rencontres et de comités, là, pour arriver à calculer. Est-ce qu'il y a des démarches en cours dans les établissements pour ça? Et est-ce que vous pensez que la comparaison va être équitable entre les coûts unitaires d'un établissement, sur la base de la méthode de calcul, et les cliniques affiliées, du moins les projets qui seront présentés?

n(15 h 30)n

Mme Denis (Lise): O.K. Peut-être d'abord reprendre quand vous indiquez, M. le ministre, que... La question, par exemple, des centres ambulatoires, est-ce qu'on doit attendre?, moi, je pense qu'un des éléments importants dans notre mémoire, puis ce qu'on a compris aussi dans le document qui a été déposé, c'est que dans le fond ce sont les besoins de la population et les établissements qui détermineraient si, oui ou non, ils doivent assumer ou contracter avec une clinique affiliée. Donc, on peut imaginer que l'établissement, compte tenu évidemment des coûts, là, dont on va parler, va être en mesure, elle... cet établissement-là, lui, va être en mesure d'évaluer quelle est la façon optimale, puisqu'il y aura un coût de référence aussi, donc qu'est-ce qui est optimal dans son cas pour être capable d'assumer la garantie d'accès.

On a aussi compris que, quand on parle de cliniques spécialisées affiliées, ces cliniques-là, c'étaient vraiment des cliniques et donc qu'elles pouvaient, dans les trois garanties d'accès, vraisemblablement assumer des interventions au niveau des cataractes, mais qu'en ce qui concernait le genou, la pose de prothèse de genou et de hanche, ça se faisait plus en milieu hospitalier. Par contre, le milieu hospitalier pourrait identifier des interventions plus légères en chirurgie d'un jour qui, elles, pourraient être transférées, O.K.? C'était notre compréhension.

Alors, il nous apparaît donc qu'il y a un coût unitaire à fixer. On pense que... Est-ce qu'on a fait des études? On pourra peut-être voir si, du côté de Mme Deschambault, il y a des choses qui... des réflexions qui se sont faites. Il n'y a pas eu, de notre part en tout cas, d'étude systématique avec les établissements au niveau des coûts unitaires. Cependant, on peut comprendre qu'un coût unitaire peut être moindre si on fait une production intensive dans un milieu qui demande moins, puisqu'on parle de chirurgie d'un jour, qui demande peut-être des plateaux techniques moins élaborés, et que, si l'établissement fait une entente avec une clinique affiliée, cet établissement-là ne confiera pas... je dirais, les cas les moins compliqués vont être assumés par une clinique affiliée, les cas les plus lourds restant à l'établissement.

Donc, on peut imaginer qu'il y a un coût; on n'a pas, comme je vous dis, d'étude spécifique là-dessus, que, si on arrive à traverser un coût unitaire inférieur, il peut y avoir intérêt effectivement. Mais ce qu'on dit, c'est qu'il faut tenter d'utiliser au maximum, parce qu'effectivement les plateaux techniques des établissements, ce qui existe, c'est qu'ils ne sont pas utilisés à leur pleine capacité, il faut tenter effectivement de les utiliser au maximum. Mais il y a des expériences ailleurs qui se font avec des coûts unitaires moindres, pour des types d'interventions qui sont confiées à des cliniques spécialisées ou qui sont confiées à un groupe qui, comme je vous dis, demande un plateau technique moins développé Je ne sais pas si Mme Deschambault voudrait...

Mme Deschambault (Carole): J'ajouterais peut-être qu'il y a une démarche modeste de financement par activité qui est commencée dans les régions. Au moment où on se parle, quand on a voulu diminuer les listes d'attente, disons, pour les patients, avec les cataractes, ou avec les hanches, ou les genoux, déjà les agences ont convenu d'un coût unitaire par chirurgie pour être en mesure de financer cette activité-là. Puis je vous dirais que c'est une démarche qui est modeste mais qu'il est essentiel de poursuivre, parce que c'est macroscopique, ce qu'on a comme coût, on nous dit: Une hanche, genou, un coût unitaire, à peu près 6 000 $. Bon. Donc, on y va sur le macroscopique, et je pense que... Mais nos systèmes ne nous permettent pas d'avoir un coût fin.

Là où je vous rejoins, c'est quand on parle à l'entreprise privée et puis qu'on dit: Il faut que vous arriviez avec un coût moins que ce qui se fait dans le système. Évidemment, la préoccupation qu'on pourrait avoir, c'est qu'on tient... dans nos coûts macroscopiques, on ne tient pas compte des coûts marginaux. Donc ça, c'est embêtant. Et, dans cette perspective-là où il y a une piste pour le réseau, au-delà de développer une approche plus fine, nous croyons que la clientèle qui sera traitée, ou qui aura le service dans ces cliniques, c'est une clientèle sélectionnée évidemment, c'est une infrastructure qui va permettre une augmentation d'activités. Prenez l'exemple du dossier des cataractes où, quand on a commencé ces dossiers-là, on pensait impossible de faire huit cataractes dans une même salle. Aujourd'hui, on va de 16 à 18 cataractes par salle. Donc, avec une infrastructure organisée, bien planifiée, sans arriver avec des urgences entre ça, je pense que c'est possible.

Donc, à partir de ces principes-là, ce qu'on vit, nous, dans le réseau, on s'imagine que, dans une organisation tout à fait organisée pour être en mesure de traiter dans une perspective rapide une certaine clientèle, il serait difficile de penser que ça coûterait plus cher. En tout cas, c'est la vision qu'on a à ce moment-ci.

M. Couillard: Mais d'ailleurs l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont est un centre de concentration de chirurgies ophtalmologiques, par exemple, et c'est un exemple d'une concentration qui a commencé dans les hôpitaux publics. Donc, l'un n'exclut pas l'autre.

Je dirais, pour poursuivre sur la lancée, il faut faire attention de ne pas amener les anesthésistes à la clinique affiliée, aussi, parce que les chirurgiens, il y en a beaucoup, il y en a beaucoup qui cherchent quoi faire pendant la semaine, une fois qu'ils ont fini leur journée opératoire, puis ils aimeraient ça opérer plus; par contre, ça prend un anesthésiste à chaque fois qu'il y a une chirurgie, puis ça, les anesthésistes, on n'en a pas autant. Alors, je pense qu'il va falloir planifier que ce soient les interventions surtout, encore une fois, surtout en local, régional, plutôt que sous anesthésie générale.

Mais, là où les coûts unitaires reviennent importants, puis peut-être d'intensifier la démarche, c'est que supposons... Mme Deschambault, vous êtes directrice générale d'un des hôpitaux les plus achalandés au Canada. On le sait, les volumes de patients que vous traitez sont énormes. On a en vu d'ailleurs des beaux succès que vous avez eus. Mais on voit qu'en chirurgie d'un jour, comme ailleurs d'ailleurs, il y a un gros volume de patients à traiter. Donc, si vous engagez une réflexion, par exemple, de dire: Bien, moi, je vais envoyer, par exemple, les arthroscopies à la chirurgie, à la clinique affiliée, ou d'autres types de chirurgies, ORL par exemple, pour être en mesure d'apprécier les propositions qui vont vous être faites, il faut que vous soyez déjà en mesure, dans votre réflexion, maintenant, d'avoir vos coûts unitaires pour ça. Où est-ce que vous en êtes là-dessus? Pas vous spécifiquement, mais en général dans le réseau, là.

Mme Deschambault (Carole): Moi, je dirais qu'en général les démarches sont modestes, elles sont modestes, mais on a commencé à travailler sur des diagnostics bien précis. On est en train de regarder si une... Dans le réseau en général, pour les chirurgies à volume, on est en train de regarder combien nous coûte une chirurgie donnée. Donc, il y a une volonté de le faire, puis il commence à y avoir des expériences. Je sais qu'au CHUM il y a des expériences assez précises de coûts unitaires. À Maisonneuve-Rosemont, on le fait pour d'autres diagnostics bien précis. Il y a une volonté, puis on est en train de le faire.

M. Couillard: Évidemment, vous avez également abordé la question du financement, et vous le faites avec justesse pour le financement à long terme. Je crois comprendre que vous êtes intéressés à la proposition de M. Ménard, de l'assurance pour la perte d'autonomie. Il y a d'ailleurs un rôle assez central des CSSS dans cette structure que M. Ménard suggère. Mais il y a des critiques qui sont adressées également. Alors, je voudrais d'abord vous demander de commenter les critiques, puis ensuite demander si vous avez d'autres éventualités en tête quant au mode de financement, qui doit obligatoirement ? on le sait, répétons-le ? passer par une contribution quelconque du citoyen, que ce soit par la fiscalité ou des primes, il y a toutes sortes de modalités possibles.

Les critiques qui sont adressées à la proposition d'assurance perte d'autonomie, c'est qu'on segmente une partie de la clientèle dans un mode de financement qui est un peu disloqué du reste du financement du réseau, que peut-être qu'on exagère, entre guillemets, un peu ? je ne pense pas qu'on exagère tant que ça, mais peut-être qu'on amplifie un peu ? l'impact financier du changement démographique et qu'il faut faire attention à la qualité des services qui sont obtenus. Donc, le rôle, encore une fois, du réseau public en termes d'orientation et d'évaluation de qualité est important. Donc, qu'est-ce que vous pensez de ces critiques? Et est-ce que vous avez d'autres hypothèses en termes de financement?

Mme Denis (Lise): D'abord, sur la question: Est-ce qu'on... Oui, effectivement, ça segmente, mais en même temps on sait, je pense, que les démonstrations sont faites à l'effet que c'est le vieillissement de la population qui a un des impacts les plus importants sur la croissance des coûts de système de santé dans les prochaines années. Mais il y a là un choix à faire. Nous, on dit: On est intéressés à regarder cette proposition-là de plus proche, mais effectivement il y a un choix à faire entre le fait de dire: c'est l'ensemble des clientèles dans le fond pour lesquelles on doit augmenter les revenus, ou on cible de façon plus importante le vieillissement.

Il nous semblait intéressant effectivement, comme je vous dis, de cibler le vieillissement de la population et de le faire de façon par contre... avec une certaine équité. Ce qu'on a compris qu'il y avait dans les propositions Ménard, c'est qu'il y a aussi une certaine équité entre les niveaux de contribution des personnes à cette caisse-là. On n'a pas, de façon très formelle, je dirais, dit: Oui, tu sais, on est d'accord avec ça. Ce n'est pas une position qui a été adoptée, je dirais, formellement, c'est plus une réflexion de contribution qu'on a eue à cette réflexion-là, et on se dit: Si le gouvernement allait un peu plus loin aussi dans le genre de modèle, ça permettrait effectivement qu'on s'assoie autour de la table puis qu'on regarde correctement qu'est-ce qui pourrait être fait. Est-ce que, dans ce genre de caisse là ou dans ce genre de fonctionnement là, il y a un rôle important effectivement pour les CSSS? Je pense qu'il mériterait d'être bien défini, parce que ce n'est pas très explicite, je dirais, c'est plus à l'état de concept que vraiment de projet.

Mais je pense qu'il y a des éléments de garantie d'accès qui doivent être donnés par le secteur public. Je pense que l'important, un peu comme quand on parlait des cliniques affiliées, c'est qu'il y ait un contrôle par le secteur public, qu'il soit celui qui évalue, hein ? dans ce cas-là, c'est celui qui évalue le besoin ? celui qui s'assure que les services sont dispensés par les éléments du réseau public ou autrement et celui qui contrôle la qualité. Mais je vous dirais, à ce moment-ci, qu'il nous apparaîtrait qu'il serait intéressant d'aller un petit peu loin que le concept de caisse pour contrer la perte d'autonomie puis de s'enligner peut-être plus... si c'est le choix, de s'enligner vers un projet un peu plus explicite, qu'on puisse regarder ces différents éléments là.

n(15 h 40)n

Quand vous demandez est-ce qu'il y a d'autres avenues qu'on a regardées, nous, on avait évoqué dans notre mémoire l'idée... Bon, c'est sûr, on parle tout le temps des transferts du fédéral, d'un côté. On avait évoqué l'idée aussi de remplacer, je dirais, la diminution de la TVQ par quelque chose d'équivalent au Québec... la TPS, excusez, au Québec. Bon, moi, je pense que ça, c'est un choix politique, et on a... je pense qu'il est dans l'actualité à l'heure actuelle, mais ça nous aurait peut-être semblé une avenue. Mais disons que ça ne nous appartient pas. Mais ce que ça vient dire cependant, c'est qu'on ne passera pas à travers s'il n'y a pas un ajout de contribution du citoyen, dans le fond, sous une forme ou sous une autre.

M. Couillard: Le but de la commission, ce n'est pas de clore le débat, c'est de le débuter. Alors, ce qu'on veut faire, c'est d'avoir au moins une sorte... On ne parlera même pas de consensus, on parlerait de grandes lignes, d'hypothèses. Avant de déployer des équipes de recherche, des actuaires, des équipes des ministères multiples pour étudier des hypothèses, on veut voir dans quelle zone on se trouve. Et la proposition qu'on met sur l'assurance perte d'autonomie est une proposition quand même que M. Ménard a assez bien étayée, qui pourrait être plus précisée ? d'ailleurs, il va venir la préciser certainement ici ? mais on est ouverts également à toutes les autres suggestions.

Je voudrais, en terminant ? parce que mon temps doit bientôt se terminer... la question des médecins qui vont oeuvrer dans les cliniques affiliées. En tête, on a les éléments suivants, c'est-à-dire qu'il faut que ces médecins-là soient membres des CMDP, comme vous avez dit, des hôpitaux avec lesquels... du ou des hôpitaux... Un hôpital comme Maisonneuve-Rosemont, à haut débit, probablement qu'une clinique va être nécessaire, mais il y a probablement plusieurs plus petits hôpitaux de Montréal qui peuvent se mettre ensemble pour faire affaire avec des cliniques affiliées. Donc, membres de CMDP.

Et là la question est: Comment est-ce qu'on s'assure que le médecin qui s'en va faire sa journée en clinique affiliée ne laisse pas une salle d'opération déserte ou une clinique externe annulée à l'hôpital? Bon. Et on pensait à un mécanisme, par exemple ? et bien sûr il faut qu'il y ait un permis pour ces cliniques affiliées là, c'est le but de la commission, c'est de voir comment est-ce qu'on établit des conditions, entre autres, du permis de clinique affiliée ? et un mécanisme dans lequel, par exemple, le directeur des services professionnels ou l'autorité hospitalière quelconque certifierait que Dr Untel ou Untel qui oeuvre à la clinique affiliée détenant permis numéro untel, en lien avec l'hôpital X, remplit toutes ses obligations à l'hôpital en termes de présence au bloc opératoire, clinique externe, la garde, etc. Est-ce que vous pensez qu'il est nécessaire de nous mettre ces garde-fous-là, ou on va le faire de façon différente à chaque centre?

Mme Denis (Lise): C'est-à-dire qu'on pense qu'il y a des garde-fous à mettre, il y a effectivement des garde-fous à mettre pour que l'hôpital s'assure de la couverture médicale requise et que les médecins ne laissent pas certains services à découvert. Donc, oui, il y a des garde-fous à mettre, nous semble-t-il. Cette cohérence-là pourrait ne pas empêcher des expérimentations différentes par certains centres hospitaliers, mais il me semble qu'il y a un minimum de garde-fous qui doivent être assurés, dont la couverture médicale.

Maintenant, ce que ça dit puis ce qui est derrière cette approche-là, c'est aussi que c'est à travers les besoins que l'hôpital a identifiés ? ou que les hôpitaux, hein, dans une région, ont identifiés ? comme besoins, et donc c'est vraiment, à travers ces hôpitaux-là, de bien voir quelle est la nature des services qui sont requis par ces médecins-là à l'intérieur des murs pour s'assurer qu'ils les ont, et là faire des ententes. Mais il nous semble qu'on puisse, tout en vivant ce que j'appellerais la richesse de nos différences, le faire dans une certaine cohérence, au niveau des garde-fous qu'il nous faut assurer dans un hôpital. Je ne sais pas si, Carole, tu veux...

Mme Deschambault (Carole): Bien, moi, je pense que c'est essentiel. Peut-être que le mot que je vais utiliser est péjoratif, mais il faut assurer une production donnée dans nos établissements publics, et, dans cette perspective-là, les médecins sont les acteurs principaux ? pas les seuls, mais ce sont les acteurs principaux. On vit, on a des expériences dans certaines spécialités où les gens investissent déjà dans leurs cliniques, puis, à 10 heures le matin, ils ne sont pas là parce que... ils ne sont pas au golf, ils sont dans une clinique, puis, à 3 heures, c'est la même chose. Donc, moi, je pense, à l'expérience, il faut absolument exiger une production donnée des médecins dans le service public avant d'aller investir ou travailler ailleurs. Puis je comprends ça pour les chirurgiens, je suis bien à l'aise avec ça, mais il y a une production à assurer dans notre système public. Je pense qu'il n'y a pas d'autre façon... Peut-être que, dans 15 ans, ce sera une chose, mais, maintenant, je pense qu'il n'y a pas d'autre façon de le faire que de mettre des garde-fous. Je suis bien à l'aise avec ça.

M. Couillard: Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Je suis rassuré de voir que vous avez des démarches d'approche de coûts unitaires puis de mesure d'activité. C'est très bien.

Une observation que je m'étais faite lorsque j'étais en pratique ici, au Québec, puis j'avais commencé à m'intéresser à la gestion du système de santé dans un centre hospitalier ? d'ailleurs, un centre hospitalier qui n'est pas représenté à la table, ici, alors soyez sans crainte, c'est une remarque générale que je faisais ? c'est que, dans les réunions de comités de direction, on avait toutes sortes de données sur les heures travaillées, les heures non travaillées, le nombre d'admissions, durée de séjour, coût des fournitures, mais la mesure de l'activité fondamentale de l'hôpital, qui est de donner accès aux services, il fallait la demander. Et, moi, je pense que ça doit être... En fait, tout devrait être centré sur quoi? Des soins de qualité accessibles, et tout le reste vient renforcer ça. Et donc ça devrait être la mesure principale qu'on fait. Et, lorsqu'on avait commencé à mesurer, on s'était rendu compte qu'on ne savait pas mesurer, que ce qu'il y avait sur les listes d'attente, on n'était pas sûrs. Par exemple, chirurgie d'un jour, c'est un immense sac de plusieurs centaines de procédures différentes.

Où est-ce qu'on en est dans... Juste me donner des exemples de ce qui se fait dans les établissements pour mesurer comment se comporte... Outre les listes d'attente sur Internet, là, comment est-ce qu'on mesure ça, que l'accessibilité, elle s'améliore ou elle se détériore dans un établissement?

Mme Deschambault (Carole): On y va avec du personnel. Je vais vous donner un exemple. Pour faire le nettoyage des listes d'attente, hein, si je peux m'exprimer comme ça, on n'a pas des systèmes comparables à SGAS ? qui a ses défauts mais qui est extraordinaire, on est capables de suivre les choses. Je vous dirais qu'on a pris 200 patients d'un diagnostic donné, on a appelé chacun des patients. Donc, on a pris du personnel pour appeler chacun de ces patients-là pour savoir où ils en étaient. Puis on s'est aperçus que 25 % des 200 patients, ce qui est assez important, avaient d'autres... avaient été se faire opérer ailleurs. Ça fait que, moi, je n'ai pas de moyen de savoir s'il est sur deux listes d'attente ? avaient décidé de ne pas se faire opérer ou enfin avaient pris une autre décision. Pour la gestion des listes d'attente à l'intérieur de l'hôpital, on est encore à des moyens assez archaïques, on utilise du monde pour le faire, on le fait ponctuellement, mais on sait très bien que ça a ses biais. Donc, j'apprécie beaucoup qu'on parle de délai d'accès plutôt que de liste d'attente, parce qu'on pourrait avoir une liste d'attente de 1 500 personnes ? ce qui a l'air impressionnant ? mais, si on respecte les délais, bien ça y est, on a rendu le service, là. Ça fait que j'apprécie beaucoup qu'on parle plus de délai d'accès que de liste d'attente.

Le Président (M. Copeman): Merci. Très brièvement, Mme Denis.

Mme Denis (Lise): Juste indiquer, pour ce qui est de mesurer l'accès, la qualité aussi, on en est pour l'ensemble des établissement, pas juste par rapport à la mission hospitalière, mais je pense qu'on a encore beaucoup de travail à faire pour améliorer nos systèmes d'information. Il y a plusieurs projets qui sont sur la table dans ce sens-là, mais ils vont être fondamentaux, ne serait-ce que, par exemple, le suivi des clientèles. Bien, ça en est une, façon d'être capables de capter l'activité principale. Mais on en est encore à des éléments d'implantation, de définition d'implantation. Alors, les gens travaillent, oui, mais ils le font souvent chacun avec les moyens du bord.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, je vais poursuivre sur cette lancée-là. Dans le fond, il faut faire juste attention en termes de... parce que, quand on parlait des listes d'attente, il y a comme deux listes. Il y a une espèce de liste générale, là, on avait toute la.. tu sais, on avait peut-être 100 quelques mille personnes qui étaient en attente d'une chirurgie, puis après ça on avait introduit les délais médicalement acceptables alors. Puis là on vient de raffiner un peu plus et puis là on parle de délai raisonnable, etc. Bon. Il ne faut pas juste... Il ne faudrait pas donner l'impression que finalement ça, c'est comme tout à coup arrivé, là. Il y a eu un processus, je pense que vous en conviendrez.

Moi, j'aimerais savoir si de votre point de vue, le point de vue des établissements... Les médecins spécialistes, hier, les orthopédistes, aujourd'hui, nous disent que, sur ces délais-là, là, ce qui serait important, là, c'est de s'en tenir aux six mois pour les chirurgies orthopédiques. Autrement dit, on est passé de trois mois, délai acceptable, à six mois. Puis dans le fond, dans le plan qui est proposé, il y a le six mois plus trois mois, ça fait neuf mois, plus après ça. Alors, ce qu'ils nous disent, eux, c'est qu'il faudrait que ce soit strict, il faudrait que les gens aient été opérés dans les six mois pour que ce soit vraiment un délai médicalement ou scientifiquement acceptable, autrement, finalement, on crée une illusion. Quel est votre point de vue sur ça?

Mme Denis (Lise): Dans le fond, je pense qu'on parle de six mois. Dans le cas des trois chirurgies ciblées, on parle de six mois.

M. Charbonneau: C'était trois mois avant qu'on commence à enclencher le processus d'aller à l'extérieur, là.

Mme Denis (Lise): Oui, mais je dirais deux choses là-dessus. D'abord, la détermination du est-ce que c'est six mois?, est-ce que c'est trois mois?, je pense que ça appartient au clinicien, là. Ce n'est pas...

M. Charbonneau: Non, non, non, ça, je...

n(15 h 50)n

Mme Denis (Lise): Et ce qu'il faut bien voir aussi, c'est que, lorsque quelqu'un est en attente, son médecin peut toujours évaluer ou réévaluer. C'est le professionnel qui doit aussi indiquer le niveau de priorité que ça doit avoir, soit à l'intérieur même du six mois. Je pense que, pour nous, on n'a pas plus que ça, je dirais, d'éléments là-dessus, à moins qu'on ait d'autres choses...

M. Charbonneau: Bon. Écoutez, je comprends que dans le fond c'est plus l'affaire des médecins, qui sont venus nous voir, qui nous donnent une expertise d'un point de vue professionnel.

Mme Denis (Lise): Je pense que ça appartient aux cliniciens de fixer ces délais-là. Ce serait bien, je pense, inapproprié que ce soit nous qui le fassions.

M. Charbonneau: O.K. Vous avez mis des bémols. En fait, vous avez dit que ça prenait des garde-fous avant d'aller... il fallait qu'on documente bien avant de se lancer dans l'affiliation avec des cliniques privées, là. Et puis vous avez finalement fait état d'expériences qu'on avait amorcées qui ont bien fonctionné, notamment chez vous, à Maisonneuve, centre de concentration à l'intention des centres opératoires à haut volume, c'est ça qu'on avait mis en place.

Est-ce que dans le fond, si on regarde ce que vous avez fait chez vous pour les cataractes, l'ophtalmologie et ce qu'on peut faire ailleurs, est-ce qu'on ne serait pas mieux, pendant un certain temps, de développer? Parce qu'il y en a plusieurs qui nous disent ça dans des mémoires, là, avant d'envisager de permettre l'ouverture de cliniques privées affiliées, de mettre les énergies dans des blocs opératoires ou dans les plateaux techniques des hôpitaux publics et à la limite d'en créer à l'interne, des centres opératoires à haut volume ou à spécialisations particulières, pour justement s'attaquer à certains types de problématiques où il y a une attente plus grande, où il y a un nombre plus grand de personnes qui ont besoin de certains types de chirurgies. On pense justement, là, au remplacement des genoux puis de la hanche, là.

Mme Denis (Lise): Peut-être, dans un premier temps, indiquer que je pense que c'est le sens de notre mémoire, c'est: le réseau public se doit d'être mobilisé pour garantir l'accès, et d'être mobilisé dans ses murs, et utiliser au maximum ses ressources, la clinique affiliée étant un moyen possible, mais que l'optimisation du réseau public doit être sûrement la priorité. On peut imaginer aussi que des cliniques affiliées, il n'y en aura pas des dizaines non plus, là, et la situation va se présenter différemment d'une région à l'autre. Mais je pense que l'idée de base, pour nous en tout cas, c'est: le réseau public doit se mobiliser pour garantir l'accès. Il a des moyens à sa disposition, dont un est des affiliations possibles.

M. Charbonneau: Est-ce que c'est nécessaire... Par exemple, dans le fond ce qu'on nous dit, c'est quoi, c'est que vous avez la même interprétation que le ministre et qu'on nous a communiquée aussi, que dans le fond les grosses chirurgies vont se faire à l'hôpital, puis on enverrait des chirurgies plus légères dans... Mais, les chirurgies plus légères, on les fait déjà à l'hôpital. Bon, il y a des problèmes de temps pour le bloc opératoire. Est-ce que dans le fond, là, on ne pourrait pas faire les deux à l'hôpital, comme on le fait actuellement, mais en injectant plus de financement pour faire en sorte que le temps d'utilisation des blocs opératoires soit allongé, pour qu'on puisse finalement... Le temps, ça veut dire le temps du personnel, toutes les personnes qui font en sorte que ce n'est pas juste: on allume la lumière, puis tout à coup on ouvre la clé dans la porte de la salle d'opération, il y a tout un... tu sais, il y a un processus, là.

Mais est-ce que ce n'est pas ça, la priorité dans l'immédiat, plutôt que de créer l'illusion... Même si on en ouvre juste quelques-unes, par exemple, dans les grandes agglomérations urbaines comme Montréal ou Québec... est-ce qu'à Montréal ou Québec justement on ne serait pas capables, avec l'expertise qu'on a développée puis l'ampleur des centres hospitaliers, de faire les deux? Est-ce qu'on a vraiment besoin d'avoir recours à cette approche-là? Puis je le dis avec, je veux dire, autant de, comment je pourrais dire, candeur que... même dans le plan que le gouvernement précédent, que le gouvernement du Parti québécois avait présenté en novembre 2002, on disait, nous aussi, qu'on essaierait d'utiliser cette approche-là. Mais est-ce que c'est, dans l'immédiat, l'approche à privilégier, ou est-ce qu'on ne serait pas mieux justement de, comme vous le dites... Mais, tu sais, c'est ça qu'on comprend, là, c'est que vous dites: Dans le fond, on devrait concentrer, là... Donnez-nous les ressources; nous autres, les établissements publics, on va la faire, la job. C'est ça que vous nous dites dans le fond?

Mme Denis (Lise): On dit: Le réseau public doit se mobiliser pour garantir l'accès. Il est clair que, si je prends dans plusieurs régions du Québec, tout va se passer dans le réseau public. On dit dans le fond: Oui, c'est le réseau public qui doit optimiser ses installations, s'assurer que les médecins travaillent le plus possible à l'intérieur de l'établissement, mais, si on veut assurer, pour les citoyens et citoyennes, l'accès vraiment à l'ensemble des services, est-ce qu'il y a des moyens qui peuvent être envisagés? Puis là, moi... Ce qui est important pour nous, c'est que c'est l'établissement qui doit décider de la façon dont il peut garantir cet accès-là, chez lui ou avec d'autres, en association avec une clinique dont il contrôle, je dirais, l'activité pour ces éléments-là. Mais je ne sais pas si Mme Deschambault veut peut-être rajouter...

Mme Deschambault (Carole): J'ajouterais peut-être que les hôpitaux sont des infrastructures lourdes puis, par définition, pour des clientèles lourdes. Dans la mesure où on est capable d'avoir l'accès privilégié pour l'ensemble de la clientèle, ça va. Mais, vous voyez, sur les listes d'attente actuelles, c'est vrai que les gens qui attendent, c'est les gens avec des plus petites chirurgies. Parce qu'évidemment les urgences, les cancers, ces chirurgies-là sont faites, là, mais il y a une partie de la clientèle qui ne reçoit pas le service dont il a besoin, d'une part parce qu'il y a un manque de ressources. Mais aussi, si ultimement on pousse ça au bout, moi, je pense que les hôpitaux doivent être réservés pour des clientèles qui ont besoin d'une infrastructure lourde. Puis, s'il y a des gens qui peuvent recevoir un service dans des infrastructures plus légères, tout en garantissant l'accès, bien je pense qu'il y a une ouverture là. Donc, on ne dit pas: Au détriment du service public, pas du tout, mais aussi dans une perspective d'efficacité puis d'efficience. Ça coûte cher, faire une petite chirurgie dans un grand bloc opératoire qui peut faire des chirurgies complexes aussi. Je pense qu'il faut le regarder des deux côtés de la médaille.

M. Charbonneau: Remarquez que c'est pour ça que finalement, quand on était là, nous aussi, on n'avait pas fermé la porte à ça. Même, on l'avait même proposé dans le plan, c'est-à-dire... Je ne dis pas, moi, que ce n'est pas une approche à utiliser, mais ce que je dis, c'est qu'il y en a plusieurs qui nous disent: Attention!, parce qu'on risque d'enlever des ressources. Parce qu'en bout de piste, là, je veux dire, il va falloir de l'argent de plus, puis ça, vous l'avez dit en réaction au budget, hein, vous l'avez dit clairement, là: Il apparaît évident que les établissements ne disposeront pas, cette année, de toutes les ressources pour donner leur pleine impulsion aux différents plans d'action ministériels. Tu sais, vous ne pouvez pas dire une chose puis son contraire ? puis je ne dis pas que c'est ce que vous dites. Mais c'est à partir du moment où vous dites que vous n'avez pas de ressources, si on met juste 20 millions, là, puis ça s'ajoute aux 60, pour être très franc, là ? ça fait 80 ? ce n'est pas assez dans le réseau. Alors, tu sais...

Qu'un hôpital ait un contrat de services avec une clinique affiliée, mais en bout de piste le budget, là, il va falloir qu'elle l'ait, ce budget-là, pour faire le contrat avec la clinique privée ou bien le faire dans ses propres locaux et avec son propre système. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il faut qu'elle l'ait, le budget, là, parce que sinon, là, je veux dire, c'est une illusion de penser que, même si on va utiliser une ressource ou des équipements plus légers... En bout de piste, tout ça est conditionné aux moyens financiers qu'on va mettre à la disposition des établissements pour faire la job.

Mme Denis (Lise): Mme Drouin.

Mme Drouin (Diane): Peut-être pour ajouter quelque chose. On parle ici de cliniques spécialisées affiliées. Nous, ce qu'on voit, c'est que bien sûr le centre hospitalier va faire ses chirurgies, mais, si on a besoin de libérer le bloc opératoire pour des chirurgies plus majeures, pourquoi que l'établissement ne pourrait pas passer un contrat avec une clinique qui ne ferait que des hernies ou qui ne ferait que des tunnels carpiens, qui ne ferait que ça et, avec le volume, pourrait réduire les coûts? Alors, pour nous, ça pourrait être plus avantageux parce qu'eux autres travailleraient sur un volume et sur une spécialité, on libère notre bloc opératoire pour faire nos chirurgies. C'est dans ce sens-là qu'on le voit. On ne met pas les deux, là, en compétition. C'est simplement en complément, tout simplement, et ça doit être fait avec nos médecins et ça doit être fait avec l'établissement par un contrat spécifique.

M. Charbonneau: Mais encore une fois, moi, comme je vous dis, je ne suis pas opposé à ça. La preuve, c'est qu'on l'avait accepté, nous autres aussi, là. La seule chose que je dis, c'est que, dans un cas comme dans l'autre, si vous voulez être efficients, vous allez peut-être faire un certain nombre d'économies, là, justement parce que vous allez aller... mais à la marge, par rapport à l'importance des problématiques puis du nombre de personnes qui sont en attente de chirurgie... C'est ça que je dis, là. Et dans le fond il y a une problématique de ressources financières, vous l'avez identifiée, là.

n(16 heures)n

Mme Denis (Lise): Moi, j'aimerais juste revenir là-dessus, parce que dans le fond ? puis c'est probablement dans la deuxième partie de notre mémoire, quand on parle des problématiques qui confrontent l'actuelle réforme, l'implantation de la réforme, puis quand on réagissait au budget ? ...c'est que dans le fond on dit: Cette réforme-là... Bien sûr, ici, on parle de la garantie d'accès, mais il y a un plan d'action pour les personnes âgées, il y a un plan d'action puis une loi, qui se modifient, pour les jeunes et leurs familles, nos établissements sont grandement interpellés, en santé mentale, il y a aussi des orientations et un plan d'action, et on dit: Sur l'ensemble des services, y compris l'accès à des services médicaux et spécialisés mais aussi sur des services de première ligne, l'accès à un médecin de famille, oui, le besoin de ressources est là. Et on dit: L'argent n'est pas effectivement complètement au rendez-vous cette année.

Et, si on se rappelle, dans la commission Ménard, l'évaluation qui était faite par la commission Ménard des besoins pour les cinq prochaines années, au-delà des indexations et des montants pour suivre, je dirais, l'évolution comme telle du réseau, c'était 300 millions par année pendant cinq ans. C'est ce que le comité Ménard avait apprécié. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit: Oui, il en manque. Puis, pour arriver à ce que cette réforme-là se complète et que chaque maillon joue son rôle correctement, puis qu'on l'ait, cet accès à un médecin de famille, qu'on ait cette première ligne forte, et qu'on envoie les bonnes personnes à la bonne place, bien, oui, il y a une situation financière qu'il faut réussir à corriger dans le temps. Et, comme je vous dis, M. Ménard, là, la commission évaluait ça à 300 millions par année pendant cinq ans, ce qui faisait 1,5 milliard.

M. Charbonneau: Exactement ce que le ministre Legault à l'époque avait évalué, puis c'est à peu près ce que le Parti libéral évaluait aussi en campagne électorale, 1,7 milliard, 1,8 milliard. Mais, dans les faits, ça, c'était pour des réajustements, mais, si on ajoute ce qui avait été promis au niveau du réinvestissement, c'était plus que ça, là, de l'autre côté. Je ne veux pas faire un débat qu'on a déjà fait de l'autre côté, à l'Assemblée, là, mais c'était... Écoutez, c'était au total, pour un mandat, là, c'était un total de réinvestissement de 8,9 milliards, là, c'était quasiment 9 milliards.

Mme Denis (Lise): Oui, juste... quand je parle du 300 millions... parce que je ne veux pas me mêler de ces discussions-là entre vous autres, là, ce n'est pas mon propos, pas du tout...

M. Charbonneau: Non, non, non, ce n'est pas mon objectif.

Mme Denis (Lise): Mais, quand je parle du 300 millions, c'est au-delà du 5 % des... O.K.

M. Charbonneau: Oui, oui, c'est ça, exactement. Non, mais... C'est ça. Bien, le 5 % plus le 300 millions par année, là, ça n'arrive pas même à ce qu'ils avaient promis, c'est moins.

Mais, ceci étant, il y a une autre chose dont vous avez parlé, c'est les modalités de rémunération nouvelles ? vous avez fait allusion à ça, à un moment donné, dans votre mémoire ? et une allocation des budgets qui respecte la logique populationnelle. J'aimerais ça vous entendre un peu plus sur ça, là.

Mme Denis (Lise): O.K. Quand on parlait des modalités de rémunération nouvelles, on parlait des modalités de rémunération des médecins...

M. Charbonneau: C'est ça.

Mme Denis (Lise): ...et on pense... c'est parce que... je pense que le ministère est en négociation actuellement avec les fédérations médicales. Je pense que ce n'est pas une cachette.

M. Charbonneau: Non, c'était dans les journaux encore aujourd'hui.

Mme Denis (Lise): C'est ça. Mais on pense qu'il y a des modalités de rémunération qui doivent faciliter, pour les médecins, l'intégration dans les projets cliniques, qui doivent faciliter la prise en charge de clientèles difficiles, plus lourdes, plus vulnérables, que ces modalités-là peuvent, je dirais, être adaptées à la réalité d'aujourd'hui et favoriser des pratiques interdisciplinaires, favoriser des prises en charge mixtes, et donc, sans être... Évidemment, là, on n'est pas à la table de négociation, peut-être malheureusement, mais l'idée, c'est que les modalités de rémunération qui soient négociées, qui soient négociées, permettent sur le terrain, hein, de s'assurer d'une pleine participation des médecins à la prise en charge des clientèles et à l'association aux différents projets locaux.

Quand on parlait par ailleurs de l'allocation budgétaire en disant de respecter la logique populationnelle, il y a un mode d'allocation budgétaire qui a été établi, convenu, discuté, auquel tous les acteurs, à ce moment-là, ont souscrit. Nous, ce qu'on veut souligner, c'est que ce mode d'allocation budgétaire là, il faut corriger les effets pervers rapidement, et peut-être qu'il faut avancer le plus rapidement possible en tenant compte des caractéristiques des populations, qui sont évolutives, mais qu'il faut peut-être avancer plus rapidement dans l'application plus complète, je dirais, de ces modes d'allocation budgétaire selon les populations des territoires.

M. Charbonneau: On m'a dit, puis c'est quelques-uns de vos membres qui me disaient que finalement, même si on reconnaît tous que, si on avait plus de médecins omnipraticiens, par exemple, pour la médecine de famille, ça aiderait tout le système, là, mais que malgré tout, avec le nombre de médecins qu'on a, si justement on avait les modalités de rémunération nouvelles dont vous parlez et une approche populationnelle... ou une logique populationnelle vraiment installée partout, qu'on pourrait finalement régler une bonne partie, sinon la totalité de la couverture, dans le fond, de médecine de famille ou de médecins de famille pour l'ensemble de la population du Québec. Est-ce que l'association a regardé ça?

Mme Denis (Lise): Bien, c'est-à-dire que, nous, on a la conviction qu'il y aurait une amélioration sensible de l'accès avec des modalités de rémunération différentes, avec une approche populationnelle par territoire. Par exemple, on suggère que les médecins omnis fassent partie du département de médecine générale du CSSS de leur territoire. Donc, il y a un partage de cette responsabilité populationnelle entre les établissements, avec les éléments du réseau local, notamment les cliniques privées. On pense que ça améliorerait. Ça n'enlèvera pas cependant la pénurie qui existe au niveau des médecins, omnis comme spécialistes, et du fait que, pour donner vraiment, je dirais, une couverture meilleure, plus complète, bien, qu'il faille réussir à combler ces effectifs-là aussi. Mais il y aurait une amélioration sensible, c'est ce que plusieurs de nos membres effectivement pensent.

Ceci étant dit, vous le savez, la réalité diffère selon les territoires aussi, la densité de la population ou sa dispersion, et donc il faut tenir compte de ça aussi.

M. Charbonneau: Est-ce que l'association s'est penchée sur la suggestion de certains d'introduire la parité tarifaire justement pour éviter qu'il y ait une espèce d'effet trop attractif, parce qu'on ouvre aux assurances privées, là, et vous... Et donc je ne sais pas si... Vous n'avez pas manifesté de crainte, mais vous dites: On reconnaît que c'est minimaliste pour le moment. Mais, même dans ce contexte-là, il y a des gens qui nous disent qu'on devrait accepter l'idée d'avoir une poignée de sécurité additionnelle puis d'introduire le concept de parité tarifaire, là. Est-ce que...

Mme Denis (Lise): Honnêtement, là, nous n'avons pas vraiment fouillé la question.

M. Charbonneau: Vous n'avez pas regardé ça, de votre côté.

Mme Denis (Lise): Ce qu'on se dit, c'est: Effectivement, les dispositions qui sont là... la garantie d'accès est offerte par le public, puis on ouvre, pour ces trois chirurgies-là, par ailleurs la possibilité à des produits d'assurance privée. On n'a pas vraiment fouillé ça, mais on se dit que, s'il y avait des effets pervers, le gouvernement a dans les mains les leviers, que ce soit de la réglementation ou la législation, pour être capable de corriger des effets pervers, s'il y en avait. Au-delà de ça, on n'a pas regardé de façon plus spécifique la question de la parité tarifaire.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, il reste peu de temps. Finalement, votre proposition dont vous parliez tantôt, de la TPS recyclée, serait intéressante, là. Je veux dire, je sais que le premier ministre l'a rejetée cette semaine; de notre côté, certains sont réticents, mais en bout de piste c'est 1,3 milliard, là, hein, et, si on en prenait juste la moitié pour le système de santé, cette année, ce serait intéressant, là, en termes d'injection de fonds. Quand vous parliez que vous n'avez pas les ressources financières, à un moment donné, là, il va falloir qu'on regarde clairement ce que ça veut dire. On ne peut pas, tu sais, garder son gâteau puis le manger en même temps. Tu sais, à un moment donné, si on veut avoir les services, il va falloir accepter d'en payer le prix, puis on ne peut pas à la fois... Je veux dire, j'ai de la misère à comprendre comment on pourrait tout faire en même temps, là. Et, à un moment donné, si on veut qu'il y ait des ressources... Parce que le financement, là, dont vous avez parlé avec, tantôt, le ministre, là, puis dans votre mémoire, c'est le financement à long terme. Ce dont on a parlé tantôt, c'est le financement à court terme, et c'est à court terme, là, que les besoins se font sentir. Les listes d'attente puis vos problématiques dans les hôpitaux, là, c'est aujourd'hui, demain, dans six mois puis dans un an, là. Ce n'est pas dans... quand, moi, j'aurai 75 ans ou 80, là, pour les baby-boomers, là. C'est maintenant qu'il y a un manque de ressources. Le 300 millions dont vous parliez tantôt, par année, là, c'était aussi maintenant.

Alors, cette suggestion-là, je comprends que vous dites que ça... que la décision appartient à un niveau politique, mais le simple fait que vous l'ayez inscrite dans votre mémoire à ce moment-ci, vous n'aviez peut-être pas fait le timing qu'on en parlerait, je veux dire, à la fois à l'Assemblée ou chez les députés, ici, à l'Assemblée nationale, et à Ottawa, mais le fait est que ça pose à nouveau la question franchement et clairement, là.

Mme Denis (Lise): C'est que dans le fond, pour nous, puis je pense que c'est un peu ce qui est dans notre mémoire, que ce soit cette avenue-là, hein, de récupérer cette taxe-là, que ce soit la caisse retraite, ça veut dire que, malgré des transferts fédéraux qui seraient bonifiés, malgré des efforts supplémentaires, je dirais, de performance clinique, il y a besoin de revenus supplémentaires, et ça, ça va vouloir dire, à court ou moyen terme, une autre façon d'aller rechercher de l'argent et donc une façon, je dirais, de s'adresser à des questions comme celle-là, et rapidement.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Potter, Mme Denis, Mme Deschambault, Mme Drouin, M. Vermette, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux.

J'invite immédiatement les représentants du Centre de recherche en prévention de l'obésité à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Paquin): La Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et nous recevons maintenant le Centre de recherche en prévention de l'obésité. M. Roch Boucher, bienvenue. Si vous voulez bien nous présenter votre collègue et nous faire part de votre mémoire, vous avez 20 minutes pour le présenter, et par la suite vous allez avoir 20 minutes de discussion avec les députés du gouvernement et 20 minutes de discussion avec les députés de l'opposition. On vous écoute.

Centre de recherche en prévention de l'obésité

M. Boucher (Roch): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition, mesdames messieurs, membres de l'Assemblée nationale. Tout d'abord, merci de nous recevoir et de nous donner l'opportunité de vous présenter nos commentaires. Bien entendu, nos commentaires ne susciteront pas autant de débats que ceux de l'arrêt Chaoulli. Par ailleurs, nous comprenons que le gouvernement du Québec entend accorder une priorité à la prévention, notamment la prévention de l'obésité chez les enfants. Donc, nos propos porteront essentiellement sur cet aspect. D'ailleurs, pour nous, la prévention est un maillon très important en ce qui concerne l'efficience et la prestation des services de santé et services sociaux.

Je vous présente le Dr Angelo Tremblay, qui m'accompagne. Moi, j'occupe la fonction de directeur général du Centre de recherche en prévention de l'obésité. Le Dr Tremblay possède plusieurs titres dont je vais essayer de les résumer. Le Dr Tremblay est professeur titulaire et chercheur au Département de médecine préventive et sociale de la Faculté de médecine de l'Université Laval. Il est également titulaire de la Chaire du Canada sur le bilan énergétique, nutrition et activité physique. Il est également conseiller au CRPO. Donc, je résume ses titres, et je pense que la présentation du Dr Tremblay, tout à l'heure, vous allez vous rendre compte que ses titres débordent largement ceux que je vous ai présentés.

Le Centre de recherche en prévention de l'obésité salue l'initiative du gouvernement du Québec dans sa démarche de consultation visant à améliorer la capacité de notre système de santé et de services sociaux à répondre aux besoins des Québécoises et des Québécois. Cette initiative devrait permettre, à notre avis, de renforcer les liens existants entre le gouvernement et les citoyens et surtout favoriser une nouvelle approche visant la mobilisation de tous les acteurs autour de la recherche de stratégies efficaces en prévention de l'obésité.

Dans le document de consultation, nous comprenons que la prévention, et plus particulièrement la prévention de l'obésité chez les enfants, constitue une priorité pour le gouvernement: «...Jean Perrault [d'ailleurs] sonnait l'alarme sur l'obésité chez nos jeunes et insistait sur l'importance de la prévention comme moyen d'améliorer la qualité de vie des citoyens et de mieux contrôler les coûts de la santé.»

C'est en s'appuyant sur les propos du ministre de la Santé, que l'on retrouve dans le document de consultation, que le CRPO entend présenter ses commentaires sur la problématique de la prévention de l'obésité chez les enfants et formuler des recommandations en regard de la recherche-action en réponse aux besoins des programmes d'intervention et sur les pratiques les plus prometteuses.

Ayant pour mission le développement du savoir pour réduire et prévenir l'obésité chez les enfants, le CRPO centre ses actions sur la réponse aux besoins de l'intervention dans la perspective de fournir de meilleurs outils non seulement aux professionnels de la santé, mais aussi à tous les intervenants des différents niveaux oeuvrant auprès des enfants, sans oublier, bien entendu, la participation des parents.

Le Centre de recherche en prévention de l'obésité est un organisme à but non lucratif issu d'un partenariat entre la Fondation Lucie-et-André-Chagnon, l'Université Laval et l'Hôpital Laval. Ce partenariat prend tout son sens dans le fait que l'Université Laval a développé au cours des années une pointe d'excellence en obésité et est reconnue internationalement tant pour son enseignement que pour la recherche en obésité, que l'Hôpital Laval exploite un centre de recherche relié à l'obésité, la pneumologie et la cardiologie, dans le domaine de la recherche fondamentale et clinique, et enfin que la Fondation Lucie-et-André-Chagnon a pour mission de contribuer au développement et à l'amélioration de la santé par la prévention de la pauvreté et de la maladie en agissant principalement auprès des enfants et de leurs parents. Ce partenariat, qui n'existe que depuis quelques années, c'est-à-dire septembre 2003, compte également sur la participation et l'expertise de l'Institut national de santé publique, du Fonds de recherche en santé du Québec, du Fonds québécois de recherche sur la société et la culture, de l'Institut de recherche en santé du Canada, le volet nutrition, métabolisme et diabète, ainsi que le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le CRPO concentre ses actions sur la réponse aux besoins de recherche des programmes d'intervention. Pour ce faire, il regroupe chercheurs et intervenants de différentes disciplines afin de promouvoir les échanges et de dégager des axes de recherche. Il s'articule avec les fonds de recherche actuels dans un contexte de partenariat pour l'appel de propositions ainsi que le financement. Il contribue également au transfert des connaissances et à la dissémination des résultats de la recherche.

De façon à bien saisir et comprendre les besoins de l'intervention, le CRPO a conduit jusqu'à maintenant des consultations sous la forme de forums locaux, de sondages, de «focus groups» auprès des intervenants de différents secteurs tels que la santé, l'éducation, les municipalités, l'agroalimentaire, les organismes non gouvernementaux et le communautaire. Cet exercice a permis notamment de partager une vision commune sur la problématique de l'obésité, de dégager les principales actions en prévention de l'obésité et d'identifier des axes de recherche dans le domaine de l'intervention, pour lesquels nous élaborerons davantage au cours des prochains chapitres de notre mémoire. Notons que le CRPO travaille actuellement, en collaboration avec le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture et le Fonds de recherche en santé du Québec, à l'organisation d'un forum regroupant chercheurs et intervenants dans le but de créer une synergie favorisant l'émergence d'approches novatrices sur les meilleures pratiques en prévention de l'obésité et d'établir des mécanismes de transfert des connaissances visant à rendre facilement accessibles les résultats de la recherche à l'ensemble des intervenants. Il nous apparaît opportun à ce moment-ci de spécifier que le CRPO a agi jusqu'à maintenant comme fonds subventionnaire en s'associant à des processus d'appel de propositions des fonds de recherche et en finançant, en partenariat, les projets de recherche répondant à ses critères de pertinence, à savoir principalement la réponse aux besoins de l'intervention.

n(16 h 20)n

Nos avis sur le document de consultation. Comme on l'a dit d'entrée de jeu, nos commentaires sur le document de consultation porteront principalement sur la prévention comme facteur d'évolution du système de santé et plus spécifiquement sur la prévention de l'obésité chez les enfants et la nécessité de développer la recherche-action dans une perspective de soutenir l'intervention et de mieux travailler ensemble.

La création de 95 centres de santé et de services sociaux au Québec constitue une étape importante dans le plan de réorganisation des services de santé et des services sociaux en jetant les bases d'une meilleure coordination des services et d'une concertation plus efficiente des responsabilités de chacun des établissements sur un territoire donné. En confiant à une instance locale le mandat de s'assurer que l'ensemble des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux se mobilisent pour améliorer l'état de santé et le bien-être de la population, cette approche donne ouverture, à notre avis, à une meilleure participation non seulement de la population en général, mais aussi à différents organismes issus de la communauté, du domaine scolaire, du secteur municipal, de l'enseignement et de la recherche.

Le Forum des partenaires mis sur pied par les CSSS nous apparaît comme une avenue porteuse d'avenir auquel devrait être étroitement associée la dimension recherche-action. Pour bien répondre aux besoins des intervenants dans l'élaboration d'un plan d'action local découlant éventuellement des priorités gouvernementales et de l'évaluation de celui-ci, la recherche-action et le transfert des connaissances constituent un soutien indispensable permettant de mieux outiller les organisations et les professionnels de la santé et des services sociaux. Mettre à profit toutes les compétences y incluant ceux de la communauté, voilà une façon d'adapter les pratiques aux besoins dans un domaine aussi complexe que la prévention de l'obésité, complexe en raison principalement des multiples facteurs susceptibles d'influencer la prévalence de l'obésité.

Des réseaux universitaires engagés et adaptés aux besoins. Nous adhérons à l'orientation ministérielle visant à accentuer la collaboration et le partage entre les réseaux universitaires intégrés et les établissements du réseau de la santé et des services sociaux afin de favoriser une meilleure complémentarité entre les trois paliers de services et au sein de ceux-ci. Plus particulièrement dans le domaine de la santé, à la fois les enseignants et les étudiants doivent obligatoirement être exposés à la dimension clinique et aux préoccupations du terrain afin de mieux cerner les besoins et les pratiques et d'appliquer les mesures appropriées. Nous profitons de cet énoncé pour souligner l'importance de rapprocher la recherche de l'action afin, d'une part, que la recherche soit en réponse et en soutien aux besoins de l'intervention et, d'autre part, que les résultats de la recherche constituent une valeur ajoutée aux programmes d'intervention et aux actions découlant de ceux-ci.

Nous croyons que les établissements ainsi que le réseau des partenaires devraient favoriser l'ouverture à la recherche-action, qu'il s'agisse lors de l'élaboration des programmes ou de leur évaluation. Les orientations contenues dans le document de consultation au chapitre de la prévention nous invitent à agir tôt au cours du développement de la personne pour atteindre des résultats à long terme.

La mise sur pied d'activités éducatives visant à sensibiliser les jeunes et leurs parents à l'importance d'une saine alimentation doit être au centre d'une politique en matière de saines habitudes de vie et devrait être intégrée non seulement au programme scolaire, mais également à faire partie du volet éducatif en milieu de garde. L'utilisation d'outils éducatifs traitant de saines habitudes de vie adaptés aux enfants selon leur groupe d'âge devrait faire partie des diverses mesures lors de l'élaboration et de l'application d'une telle politique. Une telle politique doit également prendre en considération la dimension socioéconomique et certaines caractéristiques des ménages. Selon les données récentes, la fréquence de l'obésité est plus importante auprès des groupes à faibles revenus en comparaison avec les groupes à revenus moyens et supérieurs, 18 % comparativement à 12 %. Également, il est mentionné qu'une personne sur cinq n'ayant pas de diplôme secondaire se situe dans la catégorie de l'obésité, en comparaison aux personnes détenant un diplôme universitaire où le rapport est de une personne sur 10. Ces constats nous imposent donc d'aller plus loin et de mieux intervenir dans les différents milieux.

Le faible prix des aliments de fast-food, la proximité de ce type de restauration des écoles, les compétences parentales, l'offre alimentaire dans les quartiers défavorisés, le niveau de revenu des familles versus leur capacité d'achat de fruits et de légumes, le temps consacré à l'activité physique, l'accès aux installations sportives, voilà quelques axes d'intervention pour lesquels les chercheurs et intervenants devraient conjuguer leurs efforts afin de mieux cerner toutes les dimensions de la problématique du surpoids et de l'obésité et d'identifier les meilleures pratiques susceptibles de contrer la prévalence de l'obésité.

Tel que mentionné précédemment, le CRPO a procédé à diverses consultations, particulièrement dans la région de Québec, notamment par la tenue récemment de trois forums locaux en collaboration avec les CSSS de la région de Québec, la Direction de la santé publique de Québec et l'Université Laval. Cet exercice qui regroupait plus de 150 professionnels de la santé et d'intervenants des secteurs municipal, scolaire, agroalimentaire et communautaire a permis de dégager une vision commune sur la problématique du poids et d'identifier des secteurs d'intervention ainsi que des axes de recherche en matière de prévention de l'obésité. Précisons que cette activité à caractère local faisait suite aux forums participatifs sur la problématique du poids dirigés par l'Association pour la santé publique du Québec avec la collaboration des directions de santé publique.

L'ensemble des participants aux forums locaux considèrent que l'on doit intervenir prioritairement auprès des enfants et de leurs parents. Cette cible devrait tenir compte des caractéristiques socioéconomiques et sociodémographiques des familles.

En second lieu, agir prioritairement dans les milieux défavorisés fait l'unanimité des intervenants en raison de la prévalence du surpoids et de l'obésité plus élevée dans ces milieux. Il ne faudrait pas toutefois ignorer l'influence des autres milieux dans l'application de plans d'intervention, influence par les pairs.

Mobiliser la population sur une base locale dans les choix d'actions les plus prometteuses et favoriser leur adhésion et leur participation dans l'application des plans d'action locaux.

Mettre en place sur une base locale des mécanismes permanents de coordination entre les différents acteurs et programmes tels qu'Écoles en santé, Québec en forme, Kino-Québec, Bien dans sa tête, bien dans sa peau, sport étudiant. En fait, il y a toute une gamme d'organismes non gouvernementaux qui interviennent dans le domaine de la prévention de l'obésité. On pense également qu'on aurait de très grands bénéfices à coordonner les actions de ces organismes.

Également, informer les intervenants sur les pratiques les plus prometteuses dans le domaine de l'alimentation et de l'exercice physique et favoriser la mise à jour des connaissances dans ces différents domaines. La création d'un observatoire sur les meilleures pratiques en prévention de l'obésité nous apparaît comme un moyen efficace auquel devraient être associés chercheurs et intervenants ainsi que différents organismes tels que l'Institut national de santé publique du Québec, la chaire de recherche en obésité, le Centre de recherche en prévention de l'obésité et également le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Parmi les axes de recherche, développer le savoir. Beaucoup de recherches ont été effectuées dans le domaine de l'obésité, notamment dans le domaine de la recherche fondamentale et clinique. En prévention primaire, domaine faisant appel à une approche multidisciplinaire et multisectorielle, les travaux sont plutôt modestes. Le développement des connaissances visant le changement des habitudes de vie favorisant un mode de vie sain et actif demeure un domaine de recherche à privilégier, à notre avis. Afin de pouvoir agir efficacement sur les facteurs déterminants, il est impératif de bien les comprendre.

Développer le savoir-faire. Comment intervenir auprès des jeunes et leurs parents en tenant compte des différents facteurs démographiques et socioéconomiques suppose une bonne connaissance des meilleures pratiques existantes ainsi que le développement et l'évaluation de projets pilotes sur les saines habitudes de vie.

Développer le savoir-faire-faire. La recherche dans le domaine de la mobilisation et de la prise en charge de la prévention de l'obésité par la communauté représente à notre avis un potentiel encore inexploité dont les bénéfices peuvent être considérables. Dans une récente publication, l'Institute of Medicine insiste sur la nécessité d'investir sur le «community-based intervention research». La recherche dans ce domaine apparaît comme porteuse de résultats prometteurs, compte tenu de la rareté des ressources et de la complexité de la problématique entourant la prévention de l'obésité.

Agir sur des facteurs autres que l'alimentation et l'exercice physique, tels que le sommeil, le stress et le tabagisme... sont également des avenues à explorer. À ce titre, je laisse le Dr Tremblay poursuivre la présentation.

Le Président (M. Paquin): Nous vous écoutons.

M. Tremblay (Angelo): Merci. Je joins ma voix à celle de M. Boucher pour vous remercier de l'opportunité qui nous est donnée d'être ici. Il m'a prêté toutes sortes de mérites, donc je m'en permettrai un en conformité avec ses propos, celui de me comporter un petit peu comme un politicien en citant en ouverture les propos de notre ministre des Finances, M. Audet, qui nous rappelle assez souvent que l'on est surendettés et surtaxés. Il a probablement raison et il aurait probablement tout aussi raison s'il disait aux Québécois que la population est surmenée.

n(16 h 30)n

Dans le rapport que l'on vous dépose, la petite section scientifique qu'on a incluse nous indique, nous présente quelques résultats qui nous suggèrent que le stress de la vie de tous les jours n'est pas seulement que source de burnout potentiel, il peut être source d'un désir de manger accru. C'est la même chose pour le manque de sommeil et notre obsession pour le travail du savoir. Ça peut donc nous mener au surpoids, et, à ce moment-là, le politicien sera même tenté de dire qu'une autre cause de l'obésité, potentielle, pourrait trouver ses racines dans notre nouvelle façon de travailler et dans notre nouvelle façon de vivre.

C'est assez contrariant, parce que le surpoids, si on se fie aux statistiques de santé publique qui sont actuellement disponibles, survient et se manifeste d'une façon particulièrement prononcée alors que l'espérance de vie de la population continue d'augmenter. Mais l'espérance de vie active, l'espérance de vie sans maladie, elle, a commencé à baisser. Alors, ça pose évidemment une question qui contrarie: Comment une population qui a de bonnes dettes, que l'on décrit comme surtaxée, va prendre en charge son système de santé, alors que les gens vivent de plus en plus vieux, mais ce sont aussi des gens chez qui la maladie apparaît de plus en plus tôt? Si vous me permettez de caricaturer, je vous dirais, un bref instant, qu'au cours des dernières années le gain d'espérance de vie qu'on a eu est un gain dans une chaise berçante.

Le Président (M. Paquin): Dr Tremblay, permettez-moi juste de vous signaler qu'il reste deux minutes pour votre présentation.

M. Tremblay (Angelo): Alors donc, en deux minutes, je vous dirai que le rapport qu'on vous a déposé attire aussi l'attention sur d'autres rubriques susceptibles de favoriser le gain de poids. On trouve dans la littérature récente des arguments qui ne contribuent pas à nous faire aimer davantage le tabagisme. On voit dans la littérature récente que le tabagisme de grossesse, bien sûr, ça donne un bébé de petit poids, mais ça donne un enfant plus corpulent quelques années plus tard. Le travail de nos collègues psychiatres nous révèle aussi que les antipsychotiques de nouvelle génération bien sûr contribuent à la prise en charge des psychoses mais ont aussi comme effets pervers un excès d'apport calorique et le gain de poids à moyen terme.

Donc, la recherche-action qui est proposée par le CRPO, elle a bien sûr comme objectif d'établir des partenariats avec les professionnels de la santé. Elle a ultimement comme objectif de permettre au ministre... aux réseaux scolaires et aux réseaux hospitaliers de faire de manière optimale ce qu'ils devraient faire et de donner le meilleur exemple possible.

Les projets auxquels M. Boucher a fait référence et l'offre de partenariat déposée par la Fondation Lucie-et-André-Chagnon il y a quelques mois se veulent une contribution potentielle pour aider notre gouvernement à générer des projets, des projets préliminaires, qui vont nous aider, comme le disait tantôt M. le ministre, à mieux comprendre la réalité opérationnelle des enjeux et à mieux nous aider à travailler dans un authentique contexte de prévention. Voilà.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Boucher, M. Tremblay, pour votre visite. On a quelques groupes qui viennent nous voir au cours de la commission pour parler de la partie prévention du dossier, puis, pour nous, il était essentiel de l'inclure dans le document. Certains y voient un lien très lointain ou même ténu donc entre la prévention et l'arrêt Chaoulli. Or, il y a un lien très fort, parce que l'arrêt Chaoulli, de quoi parle-t-il? Il parle de l'accessibilité aux soins, donc de la capacité de maintenir et d'améliorer le système de santé. Donc, il est clair qu'à long terme tous les efforts qu'on peut mettre pour produire moins de maladies dans la société vont nous aider à contrôler et garder notre système de santé.

Et, lorsqu'on parle plus spécifiquement du problème de l'obésité chez les jeunes... Et, moi-même, ma vie est un long combat contre le surpoids, je dirais, parfois gagné, parfois perdu, dépendant des années, et je connais un peu la complexité, comme beaucoup de gens qui nous écoutent, de cette question-là. Mais parlons des jeunes plus particulièrement. Il y a une partie du problème sur laquelle l'État peut et doit intervenir, puis il y a une partie qui est de la responsabilité des personnes également, de la population. Et souvent on entend dire: Bien, l'obésité augmente chez les jeunes, les enfants passent le temps devant la télévision ou l'ordinateur; que fait le gouvernement? Bien, d'accord, mais il faut également que les familles retrouvent également l'importance de ces choses-là.

Alors, lorsqu'on parle de la prévention chez les jeunes, on parle de l'alimentation. Vous avez vu, récemment la question de la malbouffe à l'école est venue sur le plancher. L'activité physique, les infrastructures sportives, le tabagisme, les grands axes d'action, on les connaît. Ce que vous amenez dans votre document, dans votre mémoire, est particulièrement intéressant. C'est le lien entre le niveau socioéconomique et les problèmes de surpoids. Par exemple, on sait que ? vous l'avez dit vous-même ? l'accès à des aliments sains est plus difficile pour les gens de niveau socioéconomique bas, parce que paradoxalement les aliments sains sont parfois plus chers que les aliments qui ne le sont pas. Même chose pour l'accès aux infrastructures sportives.

Donc, est-ce que vous avez pensé à des modulations des actions qui sont en cours, que ce soit au niveau de la malbouffe ou de la pédagogie alimentaire, si je peux m'exprimer ainsi, que ce soit au niveau de l'infrastructure sportive, en rapport... Est-ce qu'on devrait prioriser donc le déploiement d'infrastructures sportives, par exemple, dans les milieux socioéconomiquement plus défavorisés? Et également, la question de la malbouffe à l'école, par exemple, devrait-elle être plus accentuée dans ces milieux-là, ou il faut faire une approche plus générale de la population?

M. Boucher (Roch): Je me permettrais, M. le ministre, je me permettrais une première réponse, laissant au Dr Tremblay le soin de poursuivre. D'entrée de jeu, M. le ministre, vous dites que ce n'est pas juste une affaire du gouvernement, c'est aussi une affaire des gens, hein, des parents, des enfants, de la communauté en général, et c'est l'approche qu'on privilégie dans une action de type communautaire et local. Ce qu'on pense, c'est que tous les principaux acteurs sur une base locale devraient être interpellés. À la fois les écoles, les conseils d'établissement, les municipalités, les organismes communautaires, les organismes non gouvernementaux devraient se regrouper sur une base locale.

Est-ce que, maintenant, on doit privilégier l'exercice physique, l'alimentation, l'accès à une saine alimentation, l'offre alimentaire? Nous, ce qu'on pense, c'est que, dans chacune des communautés, appartient à cette communauté-là, après avoir fait un diagnostic: Quelle est la situation?, il appartiendrait davantage à la communauté de choisir quelles sont ses priorités sur lesquelles elle doit intervenir et quels sont les plans d'action les plus appropriés. Par la suite, ce qu'on pense, c'est que, dans la communauté, ces gens-là étant regroupés, les principaux acteurs, qui ont chacun leur champ de compétence, pourraient déterminer leur contribution, leurs actions dans un programme.

Et ce qui manque, à notre point de vue, et de là on pense que le gouvernement devrait agir, notamment le ministère de la Santé, à l'intérieur de son réseau: Qui devrait assumer... quelle est l'instance qui devrait assumer un tel leadership? Nous, on pense que les CSSS, de la manière avec laquelle vous les avez institués dans la nouvelle loi, ils ont une nouvelle responsabilité... nous, on pense que les CSSS, en collaboration avec des organismes non gouvernementaux, devraient assumer ce leadership-là de regrouper sur une base locale les principaux acteurs et que ces acteurs-là déterminent leurs priorités et leur plan d'action.

M. Couillard: Oui. D'ailleurs, dans les CSSS, il y a un des programmes dont ils sont responsables, c'est la santé publique, incluant la prévention-promotion au niveau populationnel, là, très près des gens. Puis je sais que la Fondation Chagnon, avec laquelle vous collaborez, est très intéressée par ces projets issus de la communauté. Donc, faire le lien entre... Je pense que c'est l'étage du système de santé au niveau duquel il est le plus utile de faire des liens, effectivement.

M. Boucher (Roch): Voilà.

M. Tremblay (Angelo): J'ajouterais, M. le ministre, quelques commentaires relativement à certains points que vous avez posés qui sont forts importants. C'est une opinion personnelle, mais je me permettrai de dire que, quand vous parlez de l'éducation à la saine alimentation, c'est un des rendez-vous manqués de l'histoire de l'éducation au Québec de ne pas avoir considéré l'éducation à comment bien manger comme étant une discipline scolaire. On nous a appris comment bien écrire, on nous a appris comment bien calculer, mais on ne nous a pas appris comment bien manger, et, à certains moments, ça pose problème. Vous questionniez, à savoir: Est-ce qu'il y a des initiatives qui ont été entreprises? Oui, il y en a, il y a des outils pédagogiques qui ont été développés, et c'est surprenant de voir l'amélioration qu'on observe chez les jeunes dans leur tendance à faire de bons choix quand on leur permet d'être exposés, à l'élémentaire, à des contenus pédagogiques qui sensibilisent au bien-manger. Donc, à ce moment-là, ça, c'est un point qui nous apparaît important.

Tout le reste est également important, y compris bien sûr que l'école donne le bon exemple. Est-ce que le gouvernement optera un jour pour une formule française, où la saine alimentation à l'école sera garantie à un prix raisonnable pour tous? Il y aura un choix politique derrière ça. Nos collègues français le réussissent assez bien. Et, de cette façon-là, eh bien, on en vient à bout de composer avec le problème qui fait que manger santé tout le temps, ça coûte peut-être effectivement plus cher un peu que de donner des grosses portions de frites et de mettre du steak haché avec de la sauce brune, de teneur en gras moyenne. Alors, les traiteurs connaissent la recette; quand ils ont des quotas de prix donnés, eh bien ils savent comment faire des profits, et, à partir du moment où on amène plus de pommes, plus d'oranges, plus de yogourt, la facture change un petit peu, et les gens les plus démunis peuvent être en situation de problème là-dessus.

Il y a beaucoup de choses importantes auxquelles on fait face en même temps. On ne peut pas tout régler au même moment. Mais encore une fois il y a un rendez-vous historique, là, qui a été raté, et je pense qu'on doit faire de notre mieux pour rattraper le train le mieux possible.

n(16 h 40)n

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Chambly.

Mme Legault: Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Dites-moi, un peu dans la même veine, est-ce que vous avez des moyens à nous suggérer ou des pistes à examiner pour maximiser le transfert, par exemple, de vos connaissances aux intervenants du réseau de la santé, par exemple? Comment on pourrait enrichir les collaborations?

M. Tremblay (Angelo): Bien, écoutez, on va parler de notre expérience vécue au Centre de recherche en prévention de l'obésité. Comme l'a mentionné M. Boucher, il y a eu, en 2005, une approche qui s'est faite en partenariat avec trois CSSS de la région de Québec, qui nous a amenés à prendre contact auprès des professionnels du milieu. Alors, à ce moment-là, on les a questionnés, on a été informés de leurs priorités, on leur a évidemment présenté un certain bagage d'information, et ils ont été à même de nous dire: Voilà, telle chose, pour nous, c'est important; on a besoin de telle chose pour nous aider à fonctionner.

Ceci dit, au-delà de l'information et de l'amorce de partenariat, par-delà ce qu'on a obtenu dans notre questionnaire sous ces rubriques-là, on a été aussi à même de constater le grand intérêt des professionnels de la santé. Il y a des gens qui ont l'âme missionnaire, vous savez, en ce qui a trait à la prévention dans le réseau de la santé. J'ai la chance, moi, de collaborer avec quelques personnes dans cet environnement-là, notamment dans le giron de la santé mentale, où on s'est donné comme objectif de promouvoir de saines pratiques alimentaires, de saines pratiques d'activité physique pour contrer l'effet pervers des antipsychotiques, même de nouvelle génération, sur le problème d'obésité qu'on crée chez les patients qui ont des problèmes de psychose. Le résultat est intéressant, mais... Et je vous dirai qu'on a été accueillis à bras ouverts au Centre hospitalier Robert-Giffard, qui nous donne un financement d'appoint, qui nous a supportés dans la recherche de support privé auprès de compagnies pharmaceutiques. Et bien sûr on tend la main à des partenaires externes comme la Fondation Chagnon pour donner encore davantage d'envergure à notre initiative.

Moi, je pense que la démarche qui a été expliquée par M. Boucher est une démarche qui favorise la proximité entre les chercheurs, les spécialistes du savoir-faire et les intervenants, et il y a certainement une volonté dans le réseau d'aller chercher tous les 0,25 $ disponibles pour progresser dans cette direction-là.

Le Président (M. Paquin): Ça va, Mme la députée? C'est complet du côté ministériel? Du côté de l'opposition, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. M. le Président, merci. Je voudrais vous dire, et puis ce n'est pas un blâme, là, ne prenez pas ça pour un blâme, mais que vous faites porter assez récemment la prise de conscience gouvernementale sur la question de la prévention, vous parlez du rapport Perrault. Mais je voudrais vous signaler qu'avant le rapport Perrault, là, il y a eu, en 2003, la publication par l'Institut national de santé publique du Programme national de santé publique, et ce Programme national de santé publique, là, La prévention: un engagement national. Et ça, ça faisait suite à la loi, que nous avions adoptée à l'Assemblée nationale et que nous avions proposée quand on était au gouvernement, qui visait justement à donner des orientations au niveau de la santé publique. Et par la suite il y a eu... La principale mesure de cette loi-là, c'était d'arriver avec un plan national de santé publique. Et tout ce que vous dites dans votre mémoire, là, et plus encore, se retrouve dans ce plan national qui a été publié il y a déjà quelques années. Et, si jamais vous n'en avez pas eu de copie, je pense qu'on pourrait vous en faire parvenir des copies, puis il y a même un programme... une version abrégée.

Je dis ça parce qu'il y a une chose dont vous ne parlez pas dans votre mémoire, et je pense que, quand des citoyens viennent en commission parlementaire, il faut qu'ils présentent non seulement un certain nombre d'objectifs, mais aussi... à quelque part, il faut que vous vous adressiez à la problématique fondamentale. Pourquoi je parle de ça en référence à ce que vous nous dites aujourd'hui? C'est parce que vous n'avez pas parlé de fric, vous n'avez pas parlé des ressources, puis je vais vous en parler un peu. Je ne dis pas que... personne n'est parfait, là, mais je vous dis que... Par exemple, vous parlez d'activité physique à l'école. Il y a eu, au mois de décembre 2002, un programme qui avait été lancé, Horizon 2005 ? Ça bouge après l'école, qui visait... et c'est un programme justement de partenariat entre le milieu et... les organismes du milieu et le gouvernement, de 102 millions de dollars sur quelques années, sur trois ans, et ce programme-là, là, après les dernières élections, il a été aboli pour être remplacé par un petit programme de publicité du bonhomme bleu qui a coûté... qui coûte 2 millions de dollars. Alors, je crois que... Puis là il y a une autre dimension qui doit être...

Dans le Programme national de santé publique, il y avait toute une série de cibles qui avaient été identifiées, avec des actions qui devaient être faites. Par exemple, le programme contre la malbouffe, là, une politique alimentaire, il y en avait une au Québec mais qui devait être réactualisée. Ça fait trois ans qu'elle aurait dû être faite. On vient de l'annoncer et on nous propose dans le fond des approches incitatives qui, je ne suis pas certain puis j'aimerais ça vous entendre, vont donner les résultats. En Grande-Bretagne, ils viennent de décider, eux, d'aller d'une façon beaucoup plus ferme, puis le ministre utilise beaucoup l'exemple de la Grande-Bretagne pour les PPP de ce temps-ci, pour la construction de ses deux hôpitaux universitaires à Montréal... en Grande-Bretagne, on a décidé d'avoir une approche coercitive et d'interdire la malbouffe à l'école. Est-ce qu'on ne devrait pas aller dans cette direction-là? Ça, c'est une première question.

La deuxième, c'est en regard de l'offre de partenariat que la Fondation Chagnon a faite au gouvernement: Est-ce qu'il y a eu une réponse du gouvernement? Ça, ce serait intéressant de le savoir.

Troisièmement, je vous signale, parce que vous avez indiqué qu'il fallait agir prioritairement dans les milieux défavorisés... La semaine dernière, vendredi dernier, s'est terminée une entente de quatre ans, 2002-2006, entre le gouvernement du Québec, que nous avions signée, à la Fondation Chagnon, pour un programme de 24 millions qui s'appelle Québec en forme. Vous en parlez dans votre mémoire. Et ce programme-là a permis une intervention auprès de 35 000 enfants dans les milieux défavorisés, dans 140 écoles de 30 communautés au Québec et de huit régions au Québec. Et j'ai parlé aux gens de la fondation puis à d'autres personnes, et, dans le fond, l'objectif qu'on aurait après ces quatre années-là, d'abord c'est de reconduire le programme, et actuellement il n'y a pas de réponse gouvernementale, on ne sait pas si ça va être reconduit ou pas, mais ce qu'on nous a dit, c'est que l'expérience est tellement concluante que ce qu'il faudrait maintenant pour aller dans le sens que vous le proposez, c'est de viser à peu près une centaine de communautés ? on me parlait entre 90 et 120 communautés ? c'est-à-dire 500 écoles et non plus 140, pour justement avoir un impact significatif. Ça, ça voudrait dire qu'au lieu de mettre juste 24 millions pendant les quatre dernières années, comme on l'a fait, d'en mettre 100 au cours des quatre prochaines années pour vraiment faire en sorte que là on ait un impact réel, significatif auprès de beaucoup de milieux défavorisés au Québec. Parce que, si on ne fait pas ça, là, je veux dire... Moi, ça fait longtemps que je suis à l'Assemblée nationale, puis la prévention, là, ça fait longtemps que j'en entends parler, puis j'étais... J'ai une formation en criminologie, puis, je vais vous dire, la prévention, dans toutes sortes de domaines, la prévention de la criminalité, dans le domaine des services sociaux, tout le monde se gargarise de la prévention et tout le monde sait qu'il faut en faire, mais, quand ça vient le temps de mettre les budgets puis les ressources puis d'y croire vraiment, là c'est une autre paire de manches. Et, moi, je vous pose la question, puis il y a des questions... je vous ai parlé de ces deux programmes-là avec la fondation, puis la question de la malbouffe... En bout de piste, là, si vous ne nous parlez pas du manque de ressources, là, est-ce que vous ne passez pas à côté de quelque chose qui est la vraie affaire pour mettre en oeuvre ce que vous nous proposez?

Le Président (M. Paquin): M. Boucher, Dr Tremblay, à votre choix.

n(16 h 50)n

M. Boucher (Roch): Bien, écoutez, il y a trois questions. Je répondrai dans un premier temps à la première et peut-être à la deuxième. La question la plus facile: Est-ce que la fondation a reçu une réponse du gouvernement? Je ne le sais pas, parce que je ne suis pas de la fondation, je suis du centre de recherche. Je pense que la question devrait s'adresser davantage à la fondation.

M. Charbonneau: En vous l'adressant à vous, je l'adresse aussi au gouvernement, parce que la réponse, elle doit venir du gouvernement.

M. Boucher (Roch): J'ai présumé que vous l'adressiez à M. Couillard. Alors, je vais laisser M. Couillard répondre, je pense que ça lui appartient. Alors, c'est une réponse facile, quant à moi.

M. Charbonneau: On aura une étude des crédits dans quelques jours, et puis je lui annonce tout de suite, déjà, que ça, ça fait partie des questions dont je voudrais avoir une réponse.

M. Boucher (Roch): Concernant, maintenant, M. le député, la référence au document dont vous nous parlez, écrit il y a trois ans, oui, effectivement, on est courant du plan, on est au courant d'un ensemble de stratégies qui ont été mises de l'avant. Cependant, force nous est de constater que, sur le terrain, il y a beaucoup d'acteurs, il y a beaucoup d'actions, et très peu de ces actions-là sont concertées et coordonnées. Il n'y a pas de leadership actuellement significatif sur le terrain, et on le déplore.

Nous, on est un centre de recherche, et ce qu'on dit dans la recherche-action et dans la recherche en réponse aux besoins de l'intervention: On est là pour supporter ce type d'action là. Les meilleures pratiques dans le domaine de la prévention de l'obésité, il y en a une multitude. Pour les intervenants sur le terrain, les enfants, les enseignants, les parents, c'est excessivement confondant. Quelles sont les meilleures pratiques? Quelle est la meilleure façon d'intervenir? Nous, ce qu'on dit: Il y en a une multitude. Tous les acteurs sur le terrain devraient concerter leurs actions et coordonner leurs gestes, et évaluer entre eux leurs compétences respectives, et dire: Voici, moi, comment j'interviens et quels sont les résultats escomptés. Je pense que c'est une avenue... un incontournable.

Le document existe depuis trois ans, et je pense que vous êtes d'accord avec nous pour dire que, sur le terrain, comparativement à ce que vous aviez annoncé à l'époque, il se fait très peu de choses actuellement. Il s'en fait, mais pas à la hauteur de ce que vous aviez annoncé.

M. Charbonneau: Justement, c'est parce que, bon, je veux dire, on a annoncé, puis, depuis trois ans, on n'est pas là, là, mais, je veux dire, il y a quelqu'un d'autre qui est en commande de l'action gouvernementale. Puis je ne veux pas, là, je veux dire, juste... blâmer le nouveau gouvernement, parce que ce je comprends... Moi, ce que j'essayais de mettre en évidence, c'est qu'il y a un problème de ressources, puis, vous, vous ajoutez une autre dimension, il y a aussi un problème d'identification du leadership qui doit finalement donner l'impulsion. Et ce que j'ai compris... Est-ce que j'ai bien compris votre intervention tantôt? Vous dites: Ce leadership-là, il devrait venir maintenant, compte tenu de la réforme des structures organisationnelles, des établissements. On a rencontré, juste avant vous, l'association de ces établissements-là, là, 95 CSSS à travers le Québec, donc ce serait... Et tous ces établissements-là actuellement sont dans l'obligation de préparer un plan d'intervention clinique sur leur territoire. Et ce que vous nous dites, c'est qu'on devrait porter une attention particulière, au niveau gouvernemental, dans la vérification de l'adéquation de ces plans-là avec les besoins, sur le fait que ces établissements-là devraient exercer un leadership organisationnel et opérationnel pour mettre en oeuvre, là, les stratégies qui sont identifiées, à partir notamment des recherches qui ont été menées puis que vous continuez de mener, notamment vous autres. C'est ça que je...

M. Boucher (Roch): Une excellente conclusion.

M. Tremblay (Angelo): Moi, j'ai quelques commentaires à donner en réponse à votre remarque, M. Charbonneau. Si, justement, on prend comme référence le moment où vous êtes entré à l'Assemblée nationale, vous avez raison, on en a parlé à moult occasions, de la prévention, et ça a toujours été le parent pauvre du système de santé ? on peut comprendre pourquoi, on n'est pas si riche que ça. Et, à la rigueur, si je vous donnais le choix d'investir pour soulager les misères de votre père dans l'urgence d'un hôpital versus d'investir dans la bouffe des enfants qui, s'ils ne mangent pas bien, sont plus à risque de devenir diabétiques dans 38 ans, la décision, elle ne serait pas difficile à prendre. On est souvent confrontés à ce type d'urgence du moment dans un contexte où on manque d'argent.

Et ceci dit, quand vous faites référence à la reconnaissance des actions passées, je profiterais du moment présent pour rendre hommage à votre ex-collègue à l'Assemblée nationale, M. Bertrand, qui avait fait un travail exceptionnel en ce qui a trait à la promotion de l'activité physique dans les écoles.

Ceci dit, on a besoin de progresser. Notre mémoire n'est pas... n'omet pas de reconnaître ce qui s'est fait par le passé. Il ajoute cependant que le problème qui nous intéresse plus particulièrement, l'obésité, qui est jusqu'à un certain point le baromètre de la bonne santé, là, de la population, est quelque chose dont le déterminisme est pas mal plus grand qu'on ne l'a mentionné et qu'on ne l'a considéré jusqu'à présent.

Vous avez aussi parlé du financement dans le contexte du projet Québec en forme. C'est vrai que ça va croître, et ça va croître de manière exponentielle, mais, dans un premier temps, une des choses qu'il nous fallait faire est expressément de tenir compte de ce que le Dr Couillard a mentionné plus tôt, aujourd'hui, quand il parlait à Mme Denis, c'est-à-dire qu'il nous faut apprendre à travailler dans un environnement qui a le potentiel de changer des choses et qui a le potentiel de donner un résultat probant. On a à établir une tradition de collaboration santé dans le réseau scolaire, c'est une des grandes missions du projet Québec en forme. Ça a commencé il y a trois, quatre ans, avec un budget plus modeste que ce sera dans le futur parce qu'il nous fallait apprendre à travailler. Mais ce qui est offert par le CRPO, c'est une incitation à profiter aussi du partenariat avec la Fondation Chagnon, parce que les perspectives que vous décrivez, elles sont réelles et elles ont les intentions décrites à la grandeur du Québec, et ça a le potentiel d'être un acteur significatif dans un environnement de santé préventive.

M. Charbonneau: ...bien, docteur, parce que, dans le fond, le programme, au départ, quand on l'avait annoncé, il était pour quatre ans, puis il était dans le fond... il était, à la limite, quasiment expérimental...

M. Tremblay (Angelo): Absolument.

M. Charbonneau: ...et c'est pour ça qu'on l'avait limité. Mais ce que j'ai compris des informations qui m'ont été transmises récemment, c'est que là, maintenant, après quatre ans, on est en mesure de tirer un certain nombre de conclusions, puis on se dit: Là, là, si on veut vraiment avoir un impact significatif, si on veut vraiment être sérieux, là, là, ce n'est plus 140 écoles qu'il faudrait viser, c'est 500, dans 120... dans une centaine de communautés à travers le Québec. Et, si on faisait ça... Puis ça, ça veut dire 100 millions, là, tu sais, il faut être clair, là, ça veut dire une centaine de millions. Puis je sais que la Fondation Chagnon est prête à mettre pas mal d'argent au cours des années à venir pour que, dans le fond, de l'étape expérimentale on passe à une étape d'implantation sur l'ensemble du territoire québécois. Parce que la problématique, là, ce n'est pas juste dans certains coins, là. On a fait 140 écoles, mais dans le fond il y en a trois fois plus, au moins, d'identifiées, dans des milieux défavorisés, qui méritent et qui ont besoin puis qui attendent finalement une intervention de la nature de celle qui a été faite au cours des quatre dernières années.

Mais, moi, dans le fond, ce que je dis, à travers cet échange-là, aujourd'hui au ministre puis au gouvernement ? il y a probablement le ministre de l'Éducation aussi, dans ça, qui s'occupe des sports et loisirs... Mais on attend la réponse. Le programme est terminé depuis vendredi passé. La date, là, c'était le 31 mars. À ma connaissance, il n'a pas été renouvelé encore. Alors, il y a comme une urgence, là, de savoir que cette expérience-là, concluante, ne tombe pas dans le vide puis qu'on accepte la responsabilité. Tu sais, on ne peut pas avoir un livre blanc, puis commencer le livre blanc avec un gros chapitre sur la prévention, puis dire qu'on y croit beaucoup, puis finalement pas renouveler, au minimum, cette entente-là, puis pas lui donner dans le fond l'ampleur qu'elle devrait prendre au cours des prochaines années, d'autant plus qu'on a un partenaire financier majeur qui est prêt à être un acteur déterminant dans ça, dans la mise en oeuvre de cette opération-là.

Autre chose. Bon, je vous ai posé une question tantôt, puis, bon, bien, dans le type d'échange, on l'a peut-être perdue de vue. C'est quoi, votre opinion, là, par rapport aux deux approches, là, par rapport à la malbouffe à l'école? Est-ce qu'on doit se contenter d'essayer d'éduquer, d'encourager par la publicité, ou si, à quelque part, on ne devrait pas être plus ferme? Je ne le sais pas, moi, je n'ai pas de... je ne suis pas un expert, mais je regarde... Nous, on choisit un niveau, d'être incitatif, et dans d'autres pays on choisit une approche plus ferme, plus coercitive. Laquelle devrait être utilisée et empruntée?

n(17 heures)n

M. Tremblay (Angelo): Il y a pas mal d'avis là-dessus qui sont susceptibles de diverger. Moi, je vous dirais en tout cas que, dans un premier temps, je pense que l'école a le devoir de donner le bon exemple. Alors, nos enfants vont à l'école pour, on espère, optimiser leur développement personnel avec les apprentissages et les contextes auxquels on les expose, et le savoir bien-manger et le bien-manger sont des choses qui devraient être transmises par l'école. Est-ce que ça doit aller plus loin? Bien, en fait, à partir du moment où on fixe, à la cafétéria, un menu plus santé, ou bien les élèves mangent, ou bien ils ripostent, ou bien ils vont chez le McDonald's qui est en face de l'école s'ils ont la possibilité d'y aller. Je crois que l'école devrait donner le bon exemple et permettre.. et avoir une offre alimentaire en ses lieux qui peut être décrite comme étant une alimentation raisonnable.

M. Charbonneau: En réaction à cette annonce-là la semaine dernière, entre la coercition, c'est-à-dire le bannissement carrément de la malbouffe à l'école, puis juste une approche éducative d'inciter les jeunes à bien manger, je ne me rappelle plus quelle est l'association ? j'ai entendu ça dans les nouvelles ? qui a répliqué en disant: Au moins, on devrait obliger les écoles à offrir des repas santé.

M. Tremblay (Angelo): Bien, moi, je dirais, au moins, en tout cas, qu'on devrait inciter et favoriser la promotion de la saine alimentation grâce à des conditions gagnantes. Alors, c'est important, des conditions gagnantes, et ça va aussi pour l'alimentation à l'école. Alors, jusqu'où... comment ça s'opérationnalise? Ça peut être plus ou moins coercitif, mais il me semble que l'école devrait au moins faire ça. Ce n'est pas du tout la tendance qu'on a prise. On a plutôt, dans certains milieux, décidé d'ajouter l'insulte à l'injure en négociant des partenariats de financement avec des compagnies de boissons gazeuses sur le dos de la santé des enfants. On est allé jusque là. Alors, je pense que l'école et peut-être aussi les cafétérias d'hôpitaux... je ne sais pas comment c'est au Parlementaire, ici...

M. Charbonneau: ...que vous disiez ça, parce que je vous écoutais, mais je me suis dit: Si j'étais président de l'Assemblée nationale encore, je vous demanderais de venir vérifier à la fois la cafétéria de l'Assemblée puis le restaurant pour voir si finalement ce qu'on nous offre est de santé. Parce que ça serait cohérent avec ce que j'ai fait quand j'étais président.

Parce que j'ai installé un gymnase à l'Assemblée, puis, je vais vous dire, il a fallu le faire quasiment en catimini parce qu'on ne voulait pas que les journalistes nous rentrent dedans puis nous ridiculisent. Parce que ça avait déjà été envisagé, puis, à ce moment-là, finalement, je veux dire, les gérants d'estrades médiatiques avaient finalement fait des gorges chaudes parce que les parlementaires se donnaient des équipements pour faire de l'exercice physique.

Aujourd'hui, le gymnase est installé, il y a plusieurs députés qui l'utilisent, et finalement il n'y a personne maintenant qui dit quoi que ce soit, parce que dans le fond c'est plein de bon sens. Ce n'est pas super luxueux, mais j'ai une collègue, que je vois presque quotidiennement, qui est une assidue de l'utilisation du gymnase, puis elle sait comme moi, puis on l'a dit la semaine dernière au ministre... Lui, je ne l'ai pas vu encore, mais je comprends qu'il a un gros agenda, là. Mais honnêtement c'est parce qu'en général je n'ai pas vu un seul ministre là; malheureusement, leurs bureaux sont à l'extérieur de l'Assemblée. Mais, néanmoins, il y a un travail même auprès des élus, parce que finalement...

Le Président (M. Paquin): M. le député de Borduas, c'est drôle en effet, mais qu'est-ce qui est moins drôle, c'est qu'il reste à peine 30 secondes.

M. Charbonneau: Bon. Bien, M. le Président, je vais laisser au Dr Tremblay et au président le mot de la fin, là.

M. Tremblay (Angelo): Roch, vas-y.

M. Boucher (Roch): Bien, écoutez, j'aimerais dire quelques mots, M. Charbonneau, sur votre intervention. Je pense qu'il ne faut pas trop blâmer les écoles, parce que, même si on bannit la malbouffe des écoles et on traverse la rue puis on va à l'aréna, qui appartient à la municipalité, puis il y a de la malbouffe dans l'aréna puis on n'offre pas de la saine alimentation, et la même chose au niveau des repas familiaux... l'école a un rôle à jouer, mais je pense qu'il faut agir sous différents fronts, il faut attaquer différents fronts.

Donc, le problème de la malbouffe n'est pas juste un problème d'école, c'est un problème à la fois des parents, un problème des municipalités puis un problème des installations auxquelles les enfants sont exposés. Et, si on ne vise que l'école, je pense qu'on rate une belle occasion.

Là-dessus, M. le Président, merci infiniment. Et je réitère la collaboration du Centre de recherche en prévention de l'obésité à toutes les interventions gouvernementales susceptibles de travailler dans le domaine de la prévention de l'obésité. Alors, on est là pour travailler avec vous avec notre expertise et nos moyens financiers.

M. Charbonneau: On va parler de votre offre au président de l'Assemblée pour...

Le Président (M. Paquin): On en prend bonne note, M. Boucher et M. Tremblay, représentants des centres de recherche de prévention en obésité. On vous remercie infiniment de votre visite. Passionnant. J'invite maintenant les représentants de l'Association médicale du Québec à s'approcher, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Nous recevons maintenant les représentants de l'Association médicale du Québec. Et, je crois, le président est M. Robert Ouellet, sauf erreur. M. Ouellet, bienvenue. Je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous faire part de votre mémoire. Vous avez 20 minutes pour faire part de votre mémoire; par la suite, on va poursuivre des discussions du côté ministériel, 20 minutes, et du côté de l'opposition, 20 minutes aussi. On vous écoute, M. Ouellet.

Association médicale du Québec (AMQ)

M. Ouellet (Robert): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition en matière de santé et membres de la commission, permettez-moi tout d'abord de vous présenter Mme Claudette Duclos, directrice générale de l'Association médicale du Québec, et M. Robert Nadon, directeur des affaires professionnelles à l'Association médicale du Québec.

Dans un premier temps, permettez-moi de remercier la Commission des affaires sociales d'avoir accepté de recevoir l'Association médicale du Québec, que je représente. Comme vous le savez, l'AMQ n'étant pas un syndicat professionnel, elle n'a pas la mission de négocier les conditions de travail ou de rémunération des médecins. Elle peut donc apporter un éclairage parfois différent de celui des autres organisations médicales.

Je n'ai pas l'intention de lire au complet le mémoire que nous avons fait parvenir au secrétariat de la commission. Pour les fins de cette présentation, je me contenterai de reprendre quelques-uns des passages qui m'apparaissent les plus significatifs et de reprendre brièvement les diverses recommandations qu'on retrouve à la fin du mémoire.

D'entrée de jeu, même si nous l'avons écrit en toutes lettres dans le mémoire, je tiens à rappeler aux membres de la commission que l'approche de l'AMQ se veut guidée par le désir bien sincère d'améliorer la qualité de notre système de santé, dont l'accessibilité constitue une composante essentielle. Elle respecte, croyons-nous, le délicat équilibre entre la liberté individuelle du citoyen, le principe d'équité dans l'accès au système de santé et le maintien de la relation privilégiée patient-médecin. C'est l'intérêt du patient qui nous a guidés dans toutes nos réflexions. Notre approche est donc pragmatique et non idéologique.

Les médecins que nous côtoyons nous font état presque quotidiennement des difficultés qu'ils rencontrent dans leur pratique professionnelle. Ces contraintes sont principalement liées à des problèmes d'accessibilité: accès aux médecins omnipraticiens, accès aux spécialistes, accès aux plateaux technologiques, accès aux chirurgies électives, accès à tout un ensemble de procédures diagnostiques ou thérapeutiques. Ces médecins sont aussi très bien placés pour entendre les doléances de leurs patients et les suggestions que ceux-ci veulent bien faire pour aplanir les difficultés d'accès.

L'AMQ est à l'écoute de la population et des membres de la profession médicale. Elle a commandé un sondage, réalisé par la firme Léger Marketing, dont les résultats préliminaires nous ont été communiqués en début de soirée, hier, et que nous voulons partager avec les membres de la commission. Ces données n'apparaissent évidemment pas dans notre mémoire. Les résultats seront disponibles dans les prochains jours.

En voici quelques-uns. 81 % des Québécois sont d'avis que le recours à des assurances privées devrait être permis pour des interventions autres que la hanche, le genou et les cataractes; ce pourcentage est de 72 % chez les médecins. 73 % des Québécois considèrent qu'on devrait permettre aux patients qui le désirent d'avoir accès plus rapidement à des soins de santé en souscrivant à une assurance privée ou en payant de leur poche le coût de ces services. 77 % des Québécois ? 70 % chez les médecins ? sont favorables à ce que les médecins puissent exercer leur profession à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé. Parmi ce nombre, 90 % croient que les médecins devraient assurer un nombre minimal d'heures dans le secteur privé avant d'oeuvrer dans le secteur public... l'inverse.

Ces données, bien que fragmentaires, illustrent bien, croyons-nous, l'ouverture dont font preuve les médecins et l'ensemble de la population du Québec face à des façons novatrices et différentes en matière de santé.

n(17 h 10)n

Pour sa part, l'Association médicale du Québec croit que le secteur privé peut contribuer davantage à améliorer l'accessibilité des services de santé. S'il est adéquatement balisé, le recours au privé peut constituer une incitation à l'efficacité et contribuer à introduire une saine émulation entre les établissements qui offrent des services de santé.

Avant d'aborder nos recommandations, nous soumettons à votre attention un certain nombre de considérations reliées à trois points majeurs. Les questions suivantes nous apparaissent au coeur du débat et constituent la partie la plus importante des orientations que nous avons retenues: un, le principe de l'étanchéité entre les dispensateurs de services à financement public et ceux à financement privé; deux, le rôle des cliniques spécialisées affiliées, dont le fonctionnement est décrit dans le document de consultation du ministère; et enfin, troisièmement, le principe du recours aux assurances privées, dont l'interdiction a été levée par la Cour suprême en juin 2005.

Dans son document de consultation, le ministère soumet à la discussion publique un certain nombre d'options. Après avoir analysé attentivement les options reliées au statu quo et à l'approche d'un marché libre, l'AMQ les considère comme non viables, pour les motifs exposés dans notre mémoire. Nous désirons plutôt soumettre une approche qu'on peut qualifier d'hybride. Cette approche pourrait être l'amorce d'une réponse du gouvernement au jugement de la Cour suprême. Elle respecte, comme nous l'avons dit plus haut, le délicat équilibre entre la liberté individuelle du citoyen, le principe d'équité dans l'accès au système de santé et le maintien de la relation privilégiée patient-médecin.

L'AMQ est d'avis que des modalités plus souples devraient être retenues concernant l'étanchéité entre les dispensateurs de services à financement public et ceux à financement privé.

La santé, on le sait, est une juridiction provinciale et non fédérale. Toutefois, l'adoption de la Loi canadienne sur la santé, en 1984, est venue établir les conditions d'octroi et de versement applicables aux services de santé assurés et aux services complémentaires de santé. Les provinces doivent respecter ces conditions pour avoir droit au versement intégral de la contribution pécuniaire au titre de transfert canadien en matière de santé.

Dans les faits, la Loi canadienne sur la santé accorde passablement de latitude sur la façon dont les provinces déterminent leur propre cadre de gestion de l'interface public-privé. La loi est muette sur des enjeux aussi importants que les modalités de désengagement des médecins, sur l'assurance privée sur les services médicalement requis et sur le statut public-privé sans but lucratif ou privé avec but lucratif des professionnels et des établissements. De plus, les principes de la loi canadienne ne s'appliquent pas aux services de santé offerts à l'extérieur des établissements publics, ce qui touche une part significative des dépenses en santé.

Dans ce contexte, les provinces ? et on va vous en donner des exemples ? ont développé des approches souvent différentes dans la gestion du cadre législatif et réglementaire de l'interface public-privé. Les principales variantes sont les suivantes.

Le désengagement des médecins. Toutes les provinces, sauf l'Ontario, permettent aux médecins de se désengager du régime public d'assurance maladie.

La facturation additionnelle par des médecins participant au régime public. Cette pratique est interdite par toutes les provinces, sauf l'Île-du-Prince-Edouard, où elle est tolérée mais de façon très marginale.

Le plafonnement de la facturation pour les médecins non participants. Dans trois provinces, Nouvelle-Écosse, Ontario, Manitoba, les médecins sont limités aux tarifs prévus aux ententes pour leur facturation.

L'interdiction des assurances privées pour des services assurés. Six provinces, incluant le Québec jusqu'à date, interdisent légalement de telles assurances. C'est justement cette interdiction qui a été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli et Zeliotis. Les provinces où une telle pratique est permise sont la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve? Labrador et la Saskatchewan.

Comme on peut le voir, les approches varient d'une province à l'autre. La Loi canadienne sur la santé offre suffisamment de souplesse pour que les provinces puissent procéder à des réaménagement afin de permettre et baliser un recours plus important au secteur privé dans le financement et dans la prestation de soins de santé au Québec.

À l'occasion du colloque national sur les temps d'attente, qui avait lieu pas plus tard que la semaine dernière, à Ottawa, vous avez mentionné, M. le ministre, que votre document de consultation, et je cite, «touche à des enjeux qui viennent bien au-delà de l'autorisation de recourir à des assurances privées». Fin de la citation. C'est également notre avis.

Pour les besoins de la présente démonstration, nous appellerons «pratique double» la possibilité qu'ont les médecins de pratiquer à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé. Cette pratique double est presque actuellement impossible au Québec. Certains médecins peuvent pratiquer dans le secteur public et compléter leur pratique en offrant, sur une base privée, des services non assurés par le régime public. Mais travailler à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé en offrant des services couverts par le régime public est interdit.

L'Association médicale du Québec est en faveur, de façon générale, du maintien du principe de l'étanchéité entre le secteur public et le secteur privé en ce qui a trait à la participation des médecins dans la prestation des services de santé. La sévère pénurie de médecins que nous connaissons milite en faveur de ce principe d'étanchéité.

Cela étant dit, il faut bien reconnaître que dans certaines circonstances il peut être tout à fait approprié, voire souhaitable, que les médecins puissent être autorisés à exercer une double pratique. Dans les cas de spécialités chirurgicales, il est de notoriété publique que nos chirurgiens ne bénéficient pas suffisamment de temps opératoire. De nombreux chirurgiens n'opèrent guère plus qu'une journée par semaine dans les établissements publics. Le rationnement imposé connaît des causes multiples, vous le savez: ressources financières limitées, pénurie de personnel spécialisé, limitation dans la disponibilité des lits, etc.

Dans le cas de médecins omnipraticiens, la situation est moins claire. La pénurie d'omnipraticiens est perçue et ressentie autant par les médecins que par les nombreux citoyens québécois qui n'ont pas accès à un médecin de famille. On aurait toutefois tort d'attribuer cette pénurie seulement au nombre insuffisant d'omnipraticiens. Un ensemble de facteurs expliquent la disponibilité limitée des omnipraticiens. Outre le nombre d'omnipraticiens, jugé insuffisant par la plupart des observateurs, il existe des considérations reliées à l'organisation du travail qui doivent également être considérées.

Plusieurs médecins, en particulier les omnipraticiens, consacrent une partie beaucoup trop importante à la recherche d'information sur leurs patients, information qui pourrait être facilement partageable si les systèmes d'information adéquats étaient mis en place. De plus, l'absence de soutien technique qui sévit dans un grand nombre de cabinets et de cliniques constitue une contrainte importante à l'efficacité. Un soutien de cette nature est bien sûr possible, quoique de façon limitée, dans les groupes de médecine familiale, les GMF. Des efforts sont faits cependant en ce sens actuellement, on le sait. Cependant, est-il nécessaire de rappeler qu'une majorité très significative des omnipraticiens ne travaillent pas dans des GMF? L'AMQ l'a dit à plusieurs reprises à d'autres tribunes: Les cliniques indépendantes sont une composante essentielle du réseau de la santé, et le succès de la présente réforme des services de première ligne est largement tributaire des liens efficaces que les réseaux locaux sauront tisser avec elles.

L'AMQ est d'avis que lorsque l'offre de service est excédentaire le gouvernement devrait permettre aux médecins de pratiquer à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé. Mais cette double pratique devrait respecter un certain nombre de critères incontournables. Elle devrait faire en sorte que pour l'ensemble de la population cette pratique se traduise par l'amélioration de l'accessibilité des services, deuxièmement, l'augmentation de la capacité du système de santé et, troisièmement, la diminution des temps d'attente. Le ministre devrait donc s'assurer d'éviter un glissement des ressources du secteur public vers le secteur privé. Il aurait donc, selon cette proposition, la responsabilité de mettre en place les mécanismes permettant un monitorage serré faisant en sorte que cette ouverture au privé ne se traduise pas par une détérioration du secteur public. Si tel était le cas, des mesures correctrices devraient être mises en place rapidement. Nous faisons confiance au gouvernement pour les mesures de contrôle.

En somme, l'AMQ est d'avis que le gouvernement pourrait autoriser les médecins, dans certaines circonstances, à exercer une pratique double en autant que les critères mentionnés plus haut soient respectés. Il faut absolument agir face à la sous-utilisation de certains spécialistes et augmenter la capacité du système. Dans certaines spécialités chirurgicales, la levée de la barrière étanche entre la pratique publique et la pratique privée permettrait vraisemblablement d'accroître le nombre d'interventions sans avoir à investir dans les infrastructures. Cela serait aussi un facteur de rétention non négligeable pour les spécialistes formés à grands frais dans les facultés de médecine québécoises. Et c'est le patient qui sortirait grand gagnant de cette amélioration de l'accessibilité.

En ce qui a trait aux cliniques spécialisées affiliées, la description sommaire que nous retrouvons dans le document de consultation nous laisse perplexes. Bien que la gestion de telles cliniques relève du secteur privé, le fait que leur débit de production soit tributaire à un contrôle exercé par le système public risque d'en limiter singulièrement la portée. Il est difficile d'imaginer qu'une clinique gérée privément puisse investir dans des infrastructures et prévoir la disponibilité de personnel qualifié sans avoir au moins une garantie de volume. De plus, les nombreuses contraintes qui seraient imposées aux cliniques affiliées nous semblent être autant de freins à un fonctionnement efficace.

n(17 h 20)n

Selon la proposition du gouvernement, l'intervention des cliniques affiliées spécialisées se ferait uniquement dans les cas d'intervention faisant l'objet d'une garantie de traitement, c'est-à-dire certaines chirurgies orthopédiques ? la hanche, le genou ? et les cataractes. Cette approche nous semble trop limitative. Le contexte actuel, notamment les réponses à donner au jugement de la Cour suprême, constitue une occasion en or pour remettre en question un certain nombre de pratiques ayant cours dans notre système public. Ainsi, il est grand temps de se questionner sur la pertinence de continuer à offrir en milieu hospitalier un ensemble de services et d'interventions qui pourraient être faites par des ressources plus légères. Plusieurs de ces interventions ne nécessitent pas une infrastructure hospitalière, caractérisée par un environnement spécialisé et un plateau technologique lourd.

Il nous apparaît que les cliniques spécialisées pourraient apporter beaucoup plus en termes d'amélioration de l'accessibilité en réalisant tout un éventail d'interventions médicales et chirurgicales et non seulement agir comme une soupape de sécurité pour un système de santé public qui a déjà de la difficulté à répondre à la demande. Ce serait là une façon bien concrète d'améliorer l'accessibilité tout en améliorant l'efficience, sans que ne soient remis en cause les plus hauts standards de qualité.

Enfin, un mot sur notre troisième point de discussion, qui est un peu le corollaire du deuxième, à savoir le principe du recours aux assurances privées, dont l'interdiction a été levée par la Cour suprême en juin 2005.

La proposition gouvernementale prévoit que toute personne aurait le choix de s'assurer privément pour une couverture de services privés, pour les cas électifs définis par règlement, et qui sont également couverts par la garantie d'accès aux services dans le régime public. Dans les faits, on parle évidemment de chirurgies du genou, de la hanche et des cataractes, qui pourront faire l'objet d'une couverture privée quand les délais prévus à la politique de garantie d'accès seront écoulés.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il s'agit là d'une interprétation extrêmement restrictive du jugement de la Cour suprême. La proposition gouvernementale est tellement restrictive qu'elle ferme, à toutes fins utiles, la porte à l'utilisation des assurances privées pour des services couverts par le régime public. L'AMQ est d'avis que la possibilité pour un citoyen de contracter une assurance privée devrait être étendue à l'ensemble des interventions médicales et chirurgicales qui répondent aux critères énoncés dans la section précédente et non pas se limiter aux interventions électives faisant l'objet de la garantie d'accès.

Voici maintenant les recommandations que formule l'AMQ sur les points qui précèdent et aussi sur plusieurs autres questions soulevées dans le document de consultation.

L'Association médicale du Québec recommande:

que, tout en maintenant le principe général de l'étanchéité entre les dispensateurs de services à financement public et ceux à financement privé, le gouvernement permette cette double prestation lorsque l'offre de service est excédentaire, à condition que cette pratique, pour l'ensemble de la population, se traduise par l'amélioration de l'accessibilité des services, l'augmentation de la capacité du système de santé et la diminution des temps d'attente;

Que le gouvernement, dans une démarche négociée avec ses partenaires, instaure des modes de rémunération et des conditions de pratique facilitant la prise en charge des personnes souffrant de maladies chroniques;

Que les cliniques spécialisées affiliées puissent offrir un ensemble le plus large possible d'interventions médicales et chirurgicales, en particulier celles ne nécessitant pas le recours à l'infrastructure lourde de l'environnement hospitalier, afin d'améliorer l'accessibilité des services et de réduire les listes d'attente;

Que le gouvernement lève l'interdiction de contracter une assurance privée couvrant un ensemble d'activités médicales et chirurgicales et non pas limitée aux interventions électives faisant l'objet de la garantie d'accès;

Que le gouvernement mette en place les mécanismes appropriés de monitorage afin de s'assurer que l'ouverture au privé ne se traduise pas par une détérioration du secteur public et, le cas échéant, qu'il applique les mesures correctrices nécessaires;

Que le gouvernement étudie la possibilité d'introduire des mesures incitatives, notamment fiscales, s'adressant aux personnes qui choisissent d'adopter de saines habitudes de vie et aux entreprises qui faciliteraient un tel choix;

Que le gouvernement abolisse tous les plafonds salariaux des médecins;

Que le gouvernement procède à la mise sur pied d'un compte «santé et services sociaux» regroupant toutes les dépenses de santé et services sociaux, accompagné d'un exercice statutaire annuel de reddition de comptes;

Que le gouvernement procède à l'instauration d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie, dont la caisse serait administrée de façon indépendante par la Régie des rentes du Québec.

Voici l'essentiel de notre propos. Nous voulons réitérer le fait que nos orientations sont d'abord axées sur les besoins de nos patients. Tous les jours, nos membres nous font part de situations difficiles. Le temps est venu pour le gouvernement de sortir des sentiers battus et de faire preuve d'audace. Nous sommes convaincus que le secteur privé peut contribuer davantage à améliorer l'accessibilité des services de santé. Il sera toujours temps d'ajuster le tir si le besoin s'en fait sentir. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Ouellet. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Dr Ouellet, Mme Duclos, M. Nadon, bienvenue parmi nous. Merci également de votre présentation. Certains nous trouvent trop audacieux et d'autres, pas assez; vous allez voir, ça va être des thèmes récurrents au cours de la commission parlementaire. Je voulais juste vous souligner en passant, j'ai noté la participation d'un de mes collègues du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, Dr Brendan Kenney, à votre groupe de réflexion. Vous lui transmettrez donc mes salutations.

Le sondage que vous nous communiquez, c'est classique, hein? Si on pose ces questions à la population, c'est toujours le genre de chiffres qu'on retrouve. Mais ça ne confère pas au principe une validité automatique. Et je sais que notre collègue de Borduas est attaché à la démocratie participative, mais là on voit les limites de la démocratie participative. Oui, c'est bien, mais justement le rôle de leadership d'un gouvernement doit s'exercer, et c'est là qu'il est le plus délicat, même dans les moments où une majorité de la population souhaite une mesure ou une décision, pour expliquer que dans le fond ce n'est peut-être pas une bonne idée. Parce qu'actuellement il y a des problèmes qui ne sont pas visibles.

Dans le cas de l'assurance privée, il y a des mythes, hein? Il y a deux mythes en fait. Le premier mythe, c'est que ça va régler le problème de financement de la santé. Il n'y a aucun exemple international pour le démontrer, puis je mets au défi quiconque d'en citer un. Puis l'autre mythe, c'est que ça va agir de façon significative sur les listes d'attente.

Parce que les gens ont l'intuition... 80 % des gens au Québec gagnent moins de 50 000 $, hein? Les gens ont l'impression: Bien, si je laisse les gens plus riches aller se faire opérer rapidement, moi, je vais aller plus vite dans la liste d'attente puis je vais être opéré plus vite. Mais en pratique le docteur qui va être en train d'opérer les gens qui ont l'assurance, il ne sera plus là pour opérer la personne qui gagne 30 000 $ par année. En pratique. Alors, un jour, la situation va changer, quand on aura plus d'effectifs médicaux. J'y reviendrai, là, quand on parlera de la pratique double.

Les systèmes d'information, vous avez raison, c'est essentiel. D'ailleurs, je vous annonce... une préannonce: assez proche, là, à un moment assez proche, on va annoncer un investissement majeur dans ce domaine-là, plus le déploiement des systèmes. Ça fait longtemps que les médecins et les patients du Québec l'attendent.

Pour ce qui est de la pratique double, là, privé-public, actuellement, vous l'avez noté, elle est interdite par la loi en vertu de la règle du payeur unique. Pour expliquer aux gens qui nous écoutent, la pratique double, elle existe pour des médecins participants qui font en plus des actes non assurés. Ça, c'est correct, c'est permis. La question de la pratique double, c'est pour les actes assurés. Moi, je dirais que personnellement je n'ai pas de problème fondamental avec la notion de pratique double, mixte, en général. Sortons du Québec puis regardons au niveau international: c'est ce genre de discussion là que les Européens trouvent presque exotique, là, quand ils nous écoutent parler de ça. Alors, pour eux, c'est une chose qui est acquise.

Le problème fondamental qu'on a, c'est actuellement la question des effectifs médicaux. Et, le jour où on aura beaucoup, beaucoup de médecins... D'ailleurs, il y en a à peu près 3 000, au plus, au net; dans 10 ans, bien peut-être que ça va être très différent. La question que je me pose, c'est la suivante: C'est qu'en région particulièrement, à partir du moment où il y a une pratique double possible, c'est quoi, l'intérêt d'aller travailler la médecine spécialisée à Shawinigan ou à Rivière-du-Loup, tu sais? Il va y avoir un gros problème, là. Et les plans d'effectifs sont là. Mais ça va être beaucoup plus intéressant de pouvoir faire de l'ORL à Montréal puis d'aller travailler dans la clinique privée en même temps, avec les assurances privées, qu'aller faire de l'ORL à Grand-Mère ou à Rimouski. Ça, c'est un point sur lequel il va falloir réfléchir.

Lorsque vous dites: C'est dommage qu'il y ait des chirurgiens qui soient disponibles puis relativement désoeuvrés, vous avez raison. J'en étais un moi-même. C'est déprimant, là: tu fais 11 ans de formation universitaire puis tu te retrouves à travailler une journée par semaine pour ce que tu as appris. Je peux vous dire que c'est extrêmement déprimant comme situation, puis je comprends bien ça.

Mais le problème, c'est que ce n'est pas juste un chirurgien que ça prend, puis une opération, c'est des anesthésistes, c'est des infirmières, c'est les inhalothérapeutes, c'est les employés d'entretien. Et souvent le manque de temps opératoire n'est pas dû... en fait, il n'est jamais dû au manque de chirurgiens, il y en a en masse qui attendent d'opérer, il est dû au reste de la chaîne, qui n'est pas en nombre suffisant.

Et là je vais peut-être vous poser une question sur laquelle vous pourrez répondre ? puis vous pouvez peut-être la prendre en note ? c'est la question de l'offre excédentaire. Vous dites: Quand il y aura une offre excédentaire... ou quand il y a une offre excédentaire ? c'est un peu ce que je vous dis, là, sous d'autres mots ? là on peut permettre la pratique double. Mais comment est-ce qu'on définit ça, une offre excédentaire? À ma connaissance, il n'y a aucun secteur du système de santé actuellement dans lequel on a une offre excédentaire. Mais vous pourrez peut-être nous en indiquer quelques-uns.

Je vais terminer rapidement pour être certain de couvrir vos remarques. Les cliniques affiliées. C'est certain qu'il doit y avoir ? puis il va y avoir ? une garantie de volume ? sinon, pourquoi quelqu'un se lancerait dans une entreprise semblable; une garantie de volume ? établie par les hôpitaux et les régions selon leurs besoins spécifiques, puis selon des normes déterminées, puis le type de chirurgie déterminé. Puis je répète que clairement on n'a pas expliqué assez clairement dans le document: au contraire, on ne souhaite pas que les prothèses de hanche et de genou soient faites dans les cliniques affiliées. On souhaite plutôt que les petites chirurgies mineures, la chirurgie d'un jour notamment, sans anesthésiste ? parce qu'il ne faut pas amener les anesthésistes dans la clinique affiliée ? soient faites dans ces milieux-là. Je pense qu'on est sur la même longueur d'onde là-dessus.

Quand aux restrictions sur la... c'est un point qu'on va entendre souvent dans la commission, le type de levée d'interdiction d'assurance privée qu'on propose, qui est très limitée, à trois chirurgies qui font l'objet d'une garantie de service ? ça a déjà commencé, d'ailleurs ? il y a des gens qui vont nous dire: Même ça, vous n'avez pas besoin de faire ça; vous auriez tout simplement pu continuer vos efforts d'amélioration de l'accès et avoir un dialogue avec la cour, au cours des prochaines années, selon les procédures qui seraient intentées, et ce n'était pas nécessaire même de faire ce geste-là. Il y en a d'autres qui vont nous dire, un peu comme vous le faites: Bien, ce n'est pas normal de le lever seulement pour trois chirurgies, vous auriez dû le faire également pour les autres chirurgies.

Là, je vous dirais, tu sais, il y a des orientations. Évidemment, on est en consultation puis on est ouverts à tous les commentaires, comme disait la chanson de Plume Latraverse ? «si vous payez le cognac», qu'il disait aussi, mais on ne vous en demandera pas tant ? mais il y a des choses qui sont fondamentales, là...

n(17 h 30)n

M. Charbonneau: ...

M. Couillard:«À six heures», le député de Borduas a dit. Il faut être très prudent avec ça. Si on l'avait fait largement, je pense qu'on aurait créé beaucoup de problèmes dans notre système de santé. Je vous dirais que cette approche réduite, elle va probablement demeurer jusqu'à la fin de notre consultation. J'irais même plus loin: le sens de la relation entre la garantie d'accès puis l'assurance privée n'est pas celui que les gens pensent. En d'autres termes, ce ne sera pas automatique, chaque fois qu'on va ajouter une procédure à la garantie de service, qu'automatiquement elle va être à l'assurance privée. Chaque fois, il va falloir faire une évaluation très précise.

D'ailleurs, les critères de cette évaluation-là, ça va être un sujet important. Quels types de chirurgies? Si on ajoutait, par exemple... J'ai donné le même exemple l'autre jour: si on décidait d'ajouter, après avoir commencé notre expérience, appris comment faire fonctionner une garantie de service ? la première chose qu'il faut faire dans le réseau de la santé ? disons qu'on rentre ça avec la... qu'on rentre la chirurgie bariatrique là-dedans, la chirurgie des grands obèses, où il y a un gros problème d'accessibilité ? sans jeu de mots, là ? je ne vois pas le rôle de l'assurance privée là-dedans. Donc, on pourrait avoir ajouté une procédure chirurgicale à la garantie de service mais pas à l'assurance privée; par contre, pour des petites chirurgies autres, peut-être que oui. Donc, ça va être au cas par cas, selon les critères dont il va falloir se doter.

Donc, peut-être que vous pourriez revenir sur cette question d'offre excédentaire, là, parce qu'il faut définir. Moi, ma compréhension, c'est qu'il n'y a pas d'offre excédentaire actuellement, mais peut-être que ce n'est pas votre définition.

M. Ouellet (Robert): Ce qu'on a voulu dire, dans l'offre excédentaire, ce sont les chirurgiens qui se tournent les pouces, qui n'opèrent qu'une journée par semaine. Pour nous, c'est une offre excédentaire, dans le sens que ces gens-là ont été formés, puis vous le savez vous-même, vous avez été formé pendant 11 ans. Ce n'est pas normal qu'actuellement on ait des gens qui attendent. Pour nous, ça, c'est une offre excédentaire, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui sont obligés de se trouver d'autre chose, de faire de l'expertise, de faire toutes sortes de choses en dehors parce qu'ils ne peuvent pas opérer. Il faut leur trouver une façon de faire, et il ne faut pas... Il faut leur trouver avant qu'ils décident de s'en aller ailleurs, aussi. Parce que les gens se font offrir des choses: par exemple, aux États-Unis, vous allez opérer deux jours, trois jours, quatre jours, vous opérez comme vous voulez. Ça, c'est de l'offre excédentaire, à notre avis. C'est le plus bel exemple.

M. Couillard: Mais là je reviens: c'est excédentaire pour le chirurgien, mais ce n'est pas excédentaire pour le système de santé, parce qu'il n'y a pas plus d'anesthésistes, il n'y a pas plus d'infirmières, là. Moi, j'aurais pu opérer trois jours par semaine. J'avais le goût, je vais vous dire, j'avais des patients, aussi, pour opérer trois jours par semaine, mais je n'avais pas d'infirmières, je n'avais pas d'anesthésistes, je n'avais pas d'inhalos, puis des fois il n'y avait pas de lit parce que l'urgence était très occupée.

L'autre chose, c'est que la comparaison avec la pratique américaine, moi, je la prends avec un grain de sel. Puis, quand on me dit: Bien, c'est le paradis de pratiquer la médecine aux États-Unis, on en connaît qui sont revenus, hein? Puis ceux qui trouvent que la Régie de l'assurance maladie du Québec est tatillonne et lourde, attendez de parler à Kaiser Permanente puis aux assureurs privés, là, où il faut négocier quasiment chaque opération avec l'assureur avant d'avoir le droit de la faire. Mais disons que ça, c'est des décisions que les gens prennent pour leurs propres carrières.

Mais cette question de l'offre excédentaire, vous voyez, elle est plus large que seulement le chirurgien. C'est certain que, si vous regardez juste le chirurgien, il y a bien des chirurgiens qui aimeraient ça, aujourd'hui, opérer puis qui ne peuvent pas opérer. Mais, ils ne peuvent pas opérer, ce n'est parce qu'ils ne sont pas là, eux, c'est parce qu'il n'y a pas l'anesthésiste à côté, il n'y a pas l'infirmière.

M. Ouellet (Robert): Si je peux me permettre, c'est ce qu'on veut dire aussi quand on dit «des choses plus légères». C'est que ce n'est pas pour aller faire nécessairement des prothèses de la hanche. Il y a certaines chirurgies qui pourraient se faire qui n'ont pas besoin d'avoir tout le staff d'hôpital, tout le... l'anesthésiste, même. Et vous en avez parlé tantôt, dans une autre commission, là, dans une autre partie de la commission, qu'il y avait des gens qui pouvaient faire des chirurgies sous-locales ou régionales: des fois, ce n'est pas toujours un anesthésiste qui est nécessaire, là, et on n'a peut-être pas toujours besoin d'avoir quatre infirmières, deux en interne, deux en externe, avec le brancardier dans le corridor qui attend, pour certaines chirurgies très mineures. Et c'est là que les cliniques affiliées peuvent aider aussi, et c'est là que l'apport du privé, on le pense, pourrait aider.

M. Couillard: C'est bien.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Charbonneau: Avec quelques nuances, parce que je ne suis pas un chirurgien, mais je pourrais dire: De temps à autre, le ministre et moi, on est sur la même longueur d'onde, à un point où, si j'étais de l'autre côté aujourd'hui, je tiendrais à peu près le même discours. Et ce qu'on doit vous dire, aussi franchement que ça, c'est que, d'un côté ou de l'autre de la table, on n'a pas été élus avec le mandat d'aller aussi loin que vous vous voulez aller, puis on a même promis qu'on ne ferait pas ça. Alors, c'est très difficile aujourd'hui, d'un côté ou de l'autre de la table, je veux dire, de recevoir ce type de proposition là, alors qu'on a fait campagne, d'un côté ou de l'autre, en s'engageant à ne pas faire ça, parce qu'on a la conviction que ce n'est pas dans cette direction-là qu'il faut aller.

Moi, je pense que... Le ministre a donné les détails sur la problématique des effectifs médicaux, tout ça, et toutes les autres qui sont en périphérie, mais il y a un principe fondamental: notre système est basé sur le système public, les interventions sont publiques, avec des principes de base. Et c'est clair qu'aller dans votre direction, là, c'est l'ouverture à un système de santé à deux vitesses. C'est ça, un système de santé à deux vitesses. Parce que vous pouvez bien dire que le recours aux assurances privées aussi élargi que vous le souhaitez... Parce qu'on c'est ça qu'on craignait, nous, au départ.

Parce que la réponse aurait pu être effectivement ce que vous souhaitiez... souhaitez, c'est-à-dire qu'au lieu de ne limiter l'assurance qu'à trois types de chirurgie, qu'on la permette pour toutes les chirurgies, uniquement pour les médecins non participants. Mais, vous, vous ajoutez en plus même les médecins... que même cette idée de médecins participants-non participants devrait être revue, puis que l'étanchéité ne devrait pas être absolue, et on devrait justement envisager une pratique double. Imaginez-vous, là, ça, ça veut dire, dans la réalité, là, une médecine à deux vitesses. Ça veut dire que des gens qui ont les moyens de se payer les assurances, bien

ils passeraient avant les autres, et ça veut dire aussi que ceux qui sont plus jeunes, je veux dire, eux autres, on les inciterait à prendre une double assurance.

Parce que dans le fond les gens, là, qui attendent pour des chirurgies électives, là, qui vous préoccupent puis qui nous préoccupent aussi ? vous êtes médecins, vous aimeriez opérer plus ? il n'y a pas un de ces citoyens-là, de nos concitoyens, qui est assurable. Alors, les gens qui actuellement prendraient des assurances, là, c'est pour dans 10 ans, dans 15 ans, dans 20 ans, dans 25 ans, mais ils paient déjà, avec leurs taxes puis leurs impôts, ce type d'assurance là, parce que finalement ils sont assurés par les assurances publiques. Pourquoi ils s'appauvriraient, dans le fond, pour payer des assurances, alors que dans les faits, si on injectait ? et c'est ça même que vos collègues de la Fédération des médecins spécialistes nous ont dit ce matin... hier, que vos collègues de l'Association des orthopédistes nous ont dit aujourd'hui; que dans le fond si on injectait ? les fonds suffisants, on pourrait être en mesure de faire en sorte qu'on développe... on augmente le nombre d'interventions chirurgicales et qu'on baisse d'une façon significative les listes d'attente?

Je vais vous dire, moi, je n'arrive pas à... Et puis, de part et d'autre, on convient que ça n'a pas d'impact sur le financement, d'ouvrir les assurances privées, ça ne fera pas plus... tu sais, ça ne mettra pas le système en plus grande disponibilité financière et ça ne réduira pas les listes d'attente. Ça va juste introduire quelque chose de totalement inacceptable au plan des principes. Ça va faire en sorte qu'au Québec, alors qu'on se refuse à ça depuis la création de notre système de santé public, on introduirait une médecine à deux vitesses. Est-ce que vous êtes conscients que c'est ça que vous nous proposez, là? Sous des... vous n'avez pas utilisé une fois l'expression, mais dans les faits, je veux dire, soyons clairs: C'est ça que vous nous proposez puis ce serait ça qu'il y aurait comme conséquence.

n(17 h 40)n

M. Ouellet (Robert): Bon, tout d'abord, la médecine à deux vitesses, vous savez fort bien comme moi qu'elle existe déjà, elle existe dans plusieurs domaines. C'est une médecine de connexions, c'est une médecine de privilèges, c'est une médecine de qui on connaît, qui, vous, vous connaissez, comme médecin ou comme employé d'hôpital, qui va vous permettre d'avoir un rendez-vous plus rapidement. Est-ce que ça, c'est plus juste? Non. On ne pense pas. La médecine existe, avec de la médecine privée et de la médecine publique, dans à peu près tous les pays du monde. Tout le monde donne toujours les mêmes pays, là, où ça n'existe pas, mais ça existe ailleurs. Ici, on s'y refuse. Bon, on s'y refuse, c'est une question de principe.

On a essayé de dire: Bien, il ne faut pas être dogmatique, dire, bon: C'est un dogme, c'est absolument ça qu'il faut faire. Nous, on s'est dit: Il y a une commission parlementaire, il y a une ouverture qui existe. Depuis toutes les commissions parlementaires, personne n'avait le droit de parler de privé. Personne n'en a parlé. Romanow est arrivé, il a dit: Bon, le privé, c'est réglé, on n'en parle pas. Toutes les commissions, c'était un sujet tabou. Pour la première fois, on a le droit d'en parler.

Écoutez, on sait très bien qu'on fait une intervention et que ça ne veut pas dire que vous allez prendre notre mémoire, puis vous allez dire: Voici, c'est ce qu'on fait demain matin. Mais, d'un autre côté, ça nous donne l'occasion d'ouvrir sur quelque chose et de voir qu'il y a peut-être des possibilités, sans qu'on mette à terre complètement le système public. Et ce n'est pas ça, le but qu'on veut faire, ce n'est pas de mettre à terre le système public, c'est d'essayer de dire: Bon, il y a des choses qui peuvent peut-être être faites avec l'aide du privé; si c'est possible ailleurs, pourquoi ce ne serait pas possible ici?, et que ce ne soit plus un tabou absolu de dire: Bon, il faut que ce soit absolument public, public, public. C'est une religion, à un moment donné, et il faut peut-être regarder d'autres possibilités. Et on est contents qu'il y ait au moins une discussion là-dessus.

On n'est pas sûrs d'être capables de vous convaincre, mais on a au moins l'opportunité d'aller dire quelque chose d'autre que nos membres nous disent. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec la façon dont les sondages sont faits ou ce que les sondages disent, mais il reste quand même qu'il existe des exemples où c'est possible qu'on puisse avoir recours au privé pour améliorer les listes d'attente. Nous, on croit que ça peut être possible. Et nos membres, les médecins, qui sont omnipraticiens ou spécialistes, pensent ça aussi.

M. Charbonneau: Je peux vous rassurer, parce que, bon, le débat se fait, c'est le gouvernement actuel qui l'a initié; si ça avait été nous, il aurait été fait aussi, parce que c'était un des engagements qu'on avait pris dans le plan 2002 du prédécesseur, la nécessité d'un débat public. Et, moi, je crois qu'en démocratie il n'y a pas de sujet tabou. Il n'y a pas de sujet tabou. Moi, je n'adhère pas à l'idée qu'on ne pouvait pas en parler avant. Si on n'en parlait pas, c'est parce que le monde était timoré, ou qu'il n'osait pas en parler, ou qu'on ne leur donnait peut-être pas la tribune. Très bien. Mais je ne crois pas, en démocratie, qu'on puisse dire qu'il y a des sujets tabous. Je crois que vous avez le droit, puis n'importe qui dans notre société a le droit d'exprimer des points de vue et, à la limite, de confronter les idées reçues et les institutions ou les systèmes comme ils ont été conçus, y compris le nôtre.

Moi, ce que je vous dis, c'est que la démonstration... beaucoup de gens sont venus puis d'autres, encore plus, vont venir, et, comme le disait encore une fois le ministre, la démonstration n'a pas été faite de l'efficience de ce que vous dites. Si elle avait été faite, peut-être qu'on serait prêts à regarder, mais, dans le contexte québécois, compte tenu de... tu sais? On ne part pas à zéro, là, on ne fait pas table rase d'un système de santé puis en disant: Théoriquement, maintenant, si on avait à concevoir le système, voici comment il fonctionnerait. Je veux dire, on l'a assis sur quelques décennies de pratique, de changements, de réformes qui se sont succédées, qui ont amélioré constamment, toujours sur un certain nombre de valeurs puis de principes, et, ces principes-là, on veut les conserver.

Et c'est clair que, moi, j'avais dit d'entrée de jeu: C'est à vous à faire la démonstration, autrement dit, c'est aux partisans d'un changement radical d'approche de faire la démonstration que ça marcherait et que ça aurait une plus-value. Pour le moment, la démonstration n'a pas été faite. Puis je comprends que vous dites: Bien, écoutez, il y en a, des passe-droits. C'est clair qu'il y a des médecins, pour toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons, ils ne sont pas meilleurs ni pires que les autres citoyens dans... chacun... tu sais, les gens ont des zones grises. Alors, il y a des passe-droits, et ils peuvent accepter, puis sans trop paraître... Mais on ne peut pas...

Est-ce qu'à cause de ça on devrait institutionnaliser le passe-droit et faire en sorte que ce soit le fondement organisationnel du système? Maintenant, si tu as de l'argent, tu n'as plus besoin d'avoir des contacts; si tu as de l'argent pour te payer une assurance, tu passes. En plus, si tu es jeune, bien on va te dire: Tu devrais t'assurer pour que, dans 30 ans, tu n'aies pas de problème. C'est comme si dès le départ on faisait l'affirmation que le système, il ne s'améliorera pas et qu'il sera à ce point pervers ou dangereux dans les années à venir qu'on est bien mieux de ne pas prendre de chances puis on est aussi bien, à 20 ans, de prendre des assurances, au cas qu'à 75 ans on ait besoin d'une chirurgie de la hanche, puis qu'à ce moment-là on aura payé toute notre vie deux fois pour avoir une chirurgie qu'on pourrait avoir, dans le fond, à l'hôpital plus rapidement, si on améliore encore le niveau de performance de notre système. C'est ça, là, qui est la réalité aussi des choses, là. Est-ce que vous reconnaissez ça?

M. Ouellet (Robert): Bien, ce qu'on peut reconnaître, c'est que, si on fait tant de commissions d'enquête puis de commissions sociales, et tout, c'est que peut-être que le système, il n'a pas fait ses preuves qu'il était capable de fonctionner, le système public actuellement, qu'il était capable de fonctionner complètement, là. C'est peut-être ça qu'on a aussi comme problème. C'est que, si on a toutes ces commissions d'enquête là et des solutions qui sont apportées par l'un et par l'autre, c'est peut-être parce qu'il y a un problème dans le système public.

On semble des fois se dire: Bien, non, le système public est beau, tout est beau. Il y a un problème d'accessibilité, et les gens nous le disent tous les jours. Les patients vous le disent, qu'il y a un problème d'accessibilité. Ils nous le disent à nous, et on le sait, ça. Alors, il faut essayer de trouver des façons de le régler. Quand on dit: Bon, bien, il n'y a que le système qui est comme ça, puis on va essayer de l'améliorer, on va mettre plus d'argent, on va mettre plus d'argent, oui, mais il faut trouver peut-être... Et on ne dit pas que c'est le privé, l'accès au privé qui va solutionner tous les problèmes, on dit: Essayons de mettre le maximum de choses qu'on peut mettre ensemble, et il faut travailler surtout en même temps.

M. Charbonneau: Écoutez, quand vos collègues les médecins spécialistes nous disent: Écoutez... Parce que dans le fond l'idée du privé, là, c'est deux choses: c'est les assurances privées, donc c'est le financement privé. La prestation de services privés, a priori on n'est pas, tu sais, contre. La preuve qu'on n'était pas contre: c'était dans le plan d'action du gouvernement précédent, les cliniques privées affiliées, donc les cliniques spécialisées affiliées, là, de médecins spécialistes. On peut se poser la question, si c'est là qu'on devrait commencer, mais, je veux dire, il y a du pour puis il y a du contre, mais il n'y a pas une objection de principe sur ça.

Donc, on n'est pas contre le privé nécessairement, dans la santé. De toute façon, 30 % du système de santé est privatisé d'une certaine façon. Mais la question, c'est: Est-ce que ça... au niveau du financement privé... Parce que la médecine à deux vitesses, ce n'est pas la prestation de services privés, c'est le financement. Si tu n'as pas d'argent pour te prendre une assurance ou pour payer cash, là tu es en trouble.

Là, aujourd'hui, tu sais, la réponse, encore une fois, que vous nous avez faite tantôt, écoutez: Si tu as des bons contacts, tu vas passer avant les autres, encore une fois, est-ce qu'on doit institutionnaliser ce système de passe-droits qui existe en médecine comme, tu sais, dans bien d'autres domaines? C'est ça, le fondement, là, tu sais, philosophique, à quelque part. Parce que vous nous amenez, dans votre opposition, à questionner puis à se remettre en question, alors faisons-le, mais à ce moment-là c'est de part et d'autre qu'on doit avoir des interrogations.

M. Ouellet (Robert): Écoutez, c'est sûr qu'on n'est pas en accord avec l'institutionnalisation des passe-droits tel que ça existe actuellement, c'est quelque chose qui ne devrait pas exister. Le monde est fait comme le monde est fait, donc ça va exister encore, c'est bien sûr. Ce qu'on essaie de dire, c'est qu'il y a peut-être des gens qui pourraient fournir une contribution supplémentaire dans le système de santé, mais c'est sûr que ça leur permettrait peut-être d'avoir un service plus rapide.

Je vous donne un exemple d'un avion. Vous avez un avion, il y a la classe affaires et la classe économique; l'important, c'est que vous montiez à bord de cet avion-là, que tout le monde monte à bord. Autrement dit, c'est qu'on n'ait pas un système à l'américaine où quelqu'un, s'il n'a pas du tout d'argent, n'a pas de services. Mais quelle est la difficulté qu'on a à ce que la personne qui monte en classe affaires passe plus vite, par exemple, à l'enregistrement ou ait un siège un peu plus large? Elle paie cinq fois le prix de l'autre qui est en arrière. Si elle empêche quelqu'un d'entrer en arrière, ça, c'est un problème, mais, si elle ne l'empêche pas puis qu'elle a quelque chose de plus et que... même, on le sait fort bien, que, dans un avion, la classe affaire fournit une bonne partie des frais pour payer la classe économique. Pourquoi pas?

C'est un peu la question qu'on pose. Est-ce que c'est une iniquité, est-ce que c'est inégal, à ce moment-là, que quelqu'un qui paie ses taxes, qui paie la même chose, qui paie donc son billet d'avion, qui n'empêche pas l'autre de monter dans l'avion mais qui va un peu plus vite, est-ce que c'est inéquitable? C'est peut-être inégal, oui, mais peut-être pas inéquitable.

n(17 h 50)n

M. Charbonneau: La question, c'est, dans le contexte actuel puis pour encore un bon bout de temps... la réalité, c'est que, si on permet ça, là, bien celui qui a le moyen d'avoir des assurances puis de passer avant les autres, bien ce qui va arriver, c'est que, pour que lui soit bien servi, bien il y a des infirmières qui travaillent dans les hôpitaux qui vont aller travailler pour lui, au lieu de travailler à l'hôpital, puis il y a des médecins qui vont arrêter de travailler pour le secteur public, ils vont aller travailler pour leur compte, tout seuls.

Puis la réalité, là, c'est que, moi, non seulement... ? je veux dire, je parle comme si j'étais un citoyen, là, comme la majorité de nos concitoyens ? moi, je n'ai pas d'argent, là, non seulement je vais voir l'autre passer avant moi, mais je vais me retrouver peut-être à attendre encore plus parce que finalement il va avoir cannibalisé les ressources du système public sur lesquelles je comptais pour me faire opérer. On a un gros problème, là.

Puis ça, ce n'est pas juste le discours du Parti québécois, c'est le discours du Parti libéral aussi, là. Il y a un autre parti, qui n'est pas ici aujourd'hui, là, mais, eux autres, ils sont plus proches de vous autres, au plan de ce discours-là. Je ne vous dis pas que vous êtes un partisan de l'ADQ, mais, je veux dire, soyons conscients, là: la réalité, là, c'est que, pour faire ce que vous dites, là, la conséquence la plus dramatique et la plus perverse, ce serait d'amener une partie des ressources qui travaillent dans le réseau public puis de l'amener vers le privé. Oupelaïe! Nous, on a une responsabilité pour éviter ça, là.

M. Ouellet (Robert): Si je peux me permettre quand même, on n'a pas dit qu'on... et je pense qu'on a été clairs, qu'on n'a pas dit qu'on ouvrait le système complètement à un système public. On a dit... Dans le fond, on dit: Non, mais. Peut-être qu'on peut faire certaines choses. Et là, quand on parle d'excédentaire ou qu'on parle de possibilité pour faire quelque chose de plus, pour donner un accès meilleur au patient, on ne parle pas de faire tout un système public et un système privé parallèle complet. On dit: Est-ce qu'il y a des gens qui actuellement sont... ne sont peut-être pas occupés?

Il y a des omnipraticiens, le vendredi, qui ne sont pas là parce qu'ils ont plafonné, par exemple. Bon. Ça ne réglera pas le problème au complet de l'accessibilité, mais pourquoi garder un médecin chez lui parce qu'il est plafonné, alors qu'on sait qu'il en manque? Il y a un problème, là, dans ça. Et, si on ne le fait pas en augmentant... C'est toujours d'augmenter, d'augmenter et d'augmenter. Vous êtes rendus à 43 % du budget; à un moment donné, il va y avoir un sommet qui va s'atteindre, là. On en a parlé, de ces difficultés-là. On essaie de trouver d'autres solutions.

M. Charbonneau: Mais l'abolition de... il reste peu de temps là, mais l'abolition de tous les plafonds salariaux. Il y en a déjà, là, qui ont été abolis. En tout cas, à ma connaissance, les chirurgiens, il n'y a plus de plafond. Mais, le problème, ce n'est pas qu'il n'y ait plus de plafond, c'est qu'il leur manque justement la capacité opératoire. Mais, en bout de piste, là, est-ce qu'on ne peut pas autrement faire en sorte que votre capacité... votre volonté d'opérer plus soit au rendez-vous, soit entendue, et qu'on vous donne des facilités? Parce que c'est ça, le défi du système public, c'est de permettre à ses médecins de pouvoir opérer pas mal plus qu'ils peuvent le faire actuellement. C'est ça, notre défi actuellement, là.

M. Ouellet (Robert): Bien, je vous parlais des omnipraticiens qui restent chez eux parce qu'ils sont plafonnés. C'est peut-être quelque chose qui ne devrait plus exister. Puis encore là on ne fait pas de négociation avec le gouvernement. Ce n'est pas notre rôle actuellement. Mais on essaie de trouver toutes les façons de dire: Enlevons certaines embûches, enlevons certains obstacles qu'on a à l'accessibilité pour les patients. C'est ça qu'on regarde, là.

M. Charbonneau: Une dernière question, docteur. À la fin, vous avez parlé... bon, vous êtes favorable à l'idée d'une caisse santé puis aussi à l'idée de... la recommandation du rapport Ménard sur une assurance collective pour perte d'autonomie, en fait ce que certains ont appelé la caisse vieillesse. Vous êtes pour les deux approches ou pour une plutôt que l'autre? Moi, j'ai compris que vous étiez pour les deux, mais est-ce que...

M. Ouellet (Robert): Je vais laisser les finances à ma directrice.

Mme Duclos (Claudette): Bien, je crois que les deux ne poursuivent pas nécessairement le même objectif. Donc, quand vous parlez d'assurance contre la perte d'autonomie, je crois que le but, c'est vraiment de supporter ces personnes-là qui sont en perte d'autonomie.

Je pense qu'il faut être conscient aussi de la difficulté que tout le monde, chacun... Chaque Québécois actuellement voit alentour de lui ce qui se passe par rapport à la démographie; même pas nécessaire d'avoir des études devant nous, là. Donc, je pense, il faut se préparer à faire face à ça. Ça prend un moyen. Ça peut être ce moyen-là. Ça prend nécessairement un moyen. Ça ne serait pas normal que ce soient les plus jeunes qui paient pour ça.

Cinq personnes au travail actuellement qui en supportent une, bien, dans une dizaine d'années, ça va être deux qui vont en supporter une. Si on n'est pas conscient qu'il faut trouver des solutions aujourd'hui, bien là je pense qu'on va complètement manquer le bateau. Il faut être équitable face aux générations qui s'en viennent. La faisabilité appartient au gouvernement. C'est sûr qu'il faut regarder, il faut se pencher, comment le faire. Pour moi, pour nous et pour les médecins, c'était une évidence, absolument.

Et le compte santé, bien, c'est-à-dire de savoir un état de revenus et dépenses, là: est-ce qu'on peut mettre ensemble tous les argents qui vont à la santé, et après ça de regarder dans sa globalité la façon que les dépenses sont effectuées en courant d'année, et, comme tout bon gouvernement, prendre la responsabilité de rendre des comptes à sa population par rapport à cet état de fait?

M. Charbonneau: Juste pour qu'on clarifie, là, le compte santé, c'est une chose, la caisse santé, c'est une deuxième. Dans le fond, moi, j'avais compris que, quand vous parliez de caisse santé, c'était un peu l'équivalent de la caisse vieillesse ou du régime qui était proposé uniquement pour les gens en perte d'autonomie, mais que là, au lieu de créer un fonds pour ce type de personnes là, que ce fonds-là servirait à ajouter des ressources financières pour l'ensemble des besoins du système de santé.

Mme Duclos (Claudette): Non. Nous, ce qu'on a défini comme compte santé, c'est: l'argent qui est taggé en santé, qu'elle va bien en santé.

Le Président (M. Copeman): Alors, Dr Ouellet, Mme Duclos, M. Nadon, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association médicale du Québec. Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain matin, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 56)


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