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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Wednesday, April 12, 2006 - Vol. 39 N° 12

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Paquin): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre sa consultation générale et ses audiences publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. Pour la bonne marche des travaux, je vous invite tous à... vous savez qu'on n'a pas droit aux cellulaires... de bien vouloir éteindre vos cellulaires ou de les mettre sur vibrateur, s'il vous plaît.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par M. Valois (Joliette) et Mme Charest (Rimouski) par M. Charbonneau (Borduas). Voilà.

n (9 h 40) n

Le Président (M. Paquin): Merci. Nous allons recevoir, cet avant-midi... Notre premier groupe, ça va être Diabète Québec. Par la suite, vers 10 h 30, nous recevrons l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Et par la suite nous allons terminer l'avant-midi avec la Coalition Priorité Cancer au Québec.

Auditions (suite)

Nous débutons donc nos travaux avec les représentants de Diabète Québec. Je vous explique le fonctionnement de la commission. Vous avez une heure pour présenter votre mémoire, 60 minutes: 20 minutes pour nous faire part de vos idées dans votre mémoire, et par la suite 40 minutes de discussion avec les députés du côté parlementaire comme du côté de l'opposition. Je crois que c'est M. Langlois. M. Langlois, je vous invite donc à présenter la personne qui vous accompagne et nous faire part de votre mémoire.

Diabète Québec

M. Langlois (Serge): Merci, M. le Président. Merci à tous les membres de la commission de nous accueillir. Mon nom est Serge Langlois, je suis le président-directeur général de Diabète Québec et président de Partenairesanté-Québec. Et la personne qui m'accompagne est M. Marc Aras, qui est le directeur des communications à Diabète Québec et qui a une formation scientifique de physiologiste, donc qui pourra nous aider à plus d'un niveau dans nos commentaires.

Nous croyons que le titre de la consultation, Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité, campe bien évidemment les préoccupations de cette commission et de toute la population québécoise en matière de santé, des préoccupations qui... garantir l'accès, donc des notions de quantité et... quantité et qualité ? bien, on l'a souvent entendu dans la population. Et notre réseau d'une cinquantaine d'associations affiliées nous permet, à chaque année, de visiter grand nombre de régions, et on s'aperçoit qu'un peu partout évidemment c'est... la qualité, elle est indiscutable, les gens reconnaissent que la qualité des soins au Québec est exceptionnelle. Bien souvent, le commentaire qui revient, c'est d'avoir accès justement à ces services-là. Donc, garantir l'accès, c'est vraiment une préoccupation de toute la collectivité québécoise.

Et évidemment, bien, nous croyons que nous aurons besoin d'innovation à cet égard, tant au niveau du fonctionnement que du financement. Les manières de faire doivent être reconsidérées. Et évidemment, bien, chaque dollar qui ne sera pas dépensé est un dollar qu'on n'a pas besoin de trouver. Et notre approche va dans ce sens-là beaucoup, de dire: Bien, tentons de trouver comment on peut réduire justement les coûts un peu et éviter justement d'avoir à trouver des sommes un peu plus tard. Vous allez voir d'ailleurs que nous amenons une autre forme de partenariat, qui n'est pas mentionnée dans le document, entre le public et le privé. Nous croyons que le recours aux ONG, des organismes non gouvernementaux, serait une avenue innovatrice en ce sens et qui permet, comme nous le mentionnons, d'étirer les dollars. Les organismes tels que Diabète Québec en l'occurrence permettent justement cette image... Bien souvent, dans le réseau de la santé, ce qu'on reproche, c'est le coût justement qui vient avec la gestion du système. Et on le sait, si on engage une diététiste ou une infirmière, il y a déjà une proportion importante du budget alloué à cette embauche qui s'en va en pure administration, donc qui ne donne pas des soins aux patients, des services. Et ça, bien je pense que, si on avait recours à des ONG, il y aurait moyen d'étirer ces dollars-là au lieu de les voir raccourcir.

L'accès à des soins, bien, évidemment que le privé est une considération importante dans ce document. Nous ne croyons pas qu'on doive démoniser l'approche en privé, mais bien plutôt de bien encadrer la manière de faire. L'étanchéité, je pense que ça, c'est une considération importante. Cependant, il ne faut pas négliger le fait qu'au niveau du patient, bien, ce qui nous préoccupe, c'est l'accès à des soins, et que ces soins-là dans le privé, il y en a déjà beaucoup. Les dentistes, les optométristes, des tests de laboratoire, des résonances magnétiques, etc., tout ça, ce sont des soins qui sont dispensés déjà dans le privé, et on n'a jamais vu de manifestation dans les rues pour dire à quel point c'est un drame pour le patient d'avoir recours à ça. Évidemment qu'on ne veut pas non plus qu'il y ait des citoyens de première zone et des citoyens de seconde zone, mais plutôt de bien encadrer cette approche-là. Nous ne croyons pas que c'est un problème de société. Au contraire, c'est un... Le patient veut avoir accès à des soins, et le plus rapidement possible dans des situations qui sont graves. Alors, nous sommes ouverts, mais dans un encadrement qui soit rigoureux.

Évidemment, il faut éviter les débats stériles à cet égard. Et nous croyons que justement, si on peut accompagner la population dans une démarche de prévention, bien on va justement réussir à diminuer les complications et de ce fait, bien, le recours à des thérapies qui peuvent être très coûteuses à tous égards. Nous avons d'ailleurs dans notre document quelques exemples de programmes qui vont dans ce sens-là, des programmes structurés. Je vais demander à M. Aras de nous donner un premier exemple peut-être de ce qui se fait en Finlande, par exemple.

M. Aras (Marc): Oui. Alors, nous voulions nous pencher sur la question de la prévention, parce que, pour certaines maladies, il est possible effectivement de prévenir celles-ci. Et, nous qui sommes plutôt dans le domaine du diabète, on s'est rendu compte que, pour certains types de diabète, le type 2, ce diabète qui touche la plus grande partie de la population, il était possible de faire du travail en amont. On peut éviter cette maladie dans une certaine proportion.

Et des programmes bien structurés comme il y en a eu en Finlande, par exemple ? et il y a eu des expériences aussi aux États-Unis ? montrent que, lorsqu'une personne est suivie alors qu'elle est à risque de devenir diabétique, qu'elle est suivie autant au niveau alimentation qu'activité physique, dans un cadre bien spécifique, il est possible, à ce moment-là, de prévenir ou au moins de ralentir l'arrivée du diabète. Et, chaque année qui est gagnée, c'est une année de plus d'activité à l'intérieur et de coûts moindres.

Alors, ce qu'on a remarqué avec ces programmes bien structurés, c'est qu'il y avait moyen, sur cinq ans, auprès d'une population à risque, de réduire de 58 %, près de 60 %, les nouveaux cas de diabète, ce qui est énorme. Et on a fait plusieurs expériences dans différents pays, et là, maintenant, la Finlande a décidé, dans le cadre de sa stratégie sur la prévention du diabète, de l'appliquer. Et déjà une partie de la population va commencer à être rejointe, alors donc d'abord de déterminer qui est à risque, et ensuite de ça de développer des programmes structurés pour effectivement voir, sur de grandes populations, si on peut obtenir d'aussi bons résultats.

M. Langlois (Serge): Ce qui est intéressant dans une démarche comme celle-là, c'est que... Le diabète est la porte d'entrée d'un tas de problèmes de santé chroniques. Donc, on ne parle pas nécessairement seulement de diabète, mais, de façon beaucoup plus large, beaucoup moins spécifique, de problèmes de santé chroniques qu'on pourrait justement accompagner d'une démarche structurée.

Nous avons, par exemple, à Diabète Québec, toutes sortes de programmes d'éducation. Nous avons des services d'enseignement que nous finançons. Et, entre autres, on va même, pour donner un autre exemple de terrain, faire des visites à l'épicerie avec des diététistes pour que les gens puissent comprendre la lecture des étiquettes. Et ça fonctionne très bien. Il faut comprendre que tous ces programmes-là, on doit trouver le financement, et que c'est une des préoccupations constantes que nous avons, puisque Diabète Québec n'est pas subventionné pour ce faire. Alors, nous avons besoin de partenaires.

Et une autre considération qui est importante si on veut réussir à aller dans une démarche comme ça, c'est que les 95 CSSS de la province se mettent en contact avec des groupes comme nos associations régionales. Et ça, à l'heure actuelle, ce n'est pas encore une réalité dans un grand nombre de régions. En fait, il y a plus de régions où ce n'est pas une réalité que de régions où ça l'est devenu. Alors, je pense que, si on veut faire vraiment un travail concerté et utiliser les ressources qui sont là, les ressources volontaires ? donc qui ne sont pas des grands coûts pour la société ? bien je pense que les CSSS devraient travailler de concert avec nos groupes communautaires.

Nous amenons aussi le concept de gestion optimale de la santé. Lorsqu'on avait présenté, dans le contexte de l'utilisation optimale du médicament... on avait utilisé ce genre de concept. Bien, je pense que c'est pendant que la population est en santé qu'on devrait intervenir en amont afin d'éviter les coûts en aval. Et, dans ce sens, si c'est un système de santé, bien ça vaudrait la peine d'investir justement au niveau de la personne qui est encore en santé et à qui on peut éviter justement des problèmes. L'alimentation saine et équilibrée, l'activité physique, je pense que c'est par la jeunesse qu'on va réussir à avoir le plus grand succès durable, cette jeunesse-là qui doit être aussi un influenceur, on le sait bien. Dans le cas du tabagisme, le plus grand succès qu'on a connu, c'est peut-être justement quand les enfants se sont mis à dire à leurs parents: Ah non! Allume pas ça, on n'en veut pas. Et ça, ça fonctionne toujours très bien, parce que les influenceurs suprêmes sont les enfants, que l'on adore. Alors, je pense que c'est au niveau de la jeunesse qu'on doit travailler le plus activement pour, à moyen terme, réussir justement à avoir un succès à plus long terme et à moyen terme.

n (9 h 50) n

Prévenir par une approche standardisée de l'enseignement. Bien, au niveau diabète, il y a 500 000 personnes atteintes au Québec, et malheureusement il n'y a pas d'approche standardisée en matière d'éducation. Dans chaque région, les gens font un peu comme bon leur semble, et ça vaudrait peut-être la peine de pouvoir encadrer ça, comme il serait intéressant aussi qu'on se dote d'une politique sur l'alimentation, sur la nutrition. C'est quelque chose qui va être nécessaire pour justement réussir à contrer les problèmes de santé et en réduire le nombre.

Nous croyons aussi que la mise en place d'un suivi au niveau des aidants naturels peut être intéressante, et nous pouvons aussi contribuer là-dessus. Il faut, je pense, prolonger la vie active des gens, dans leurs capacités évidemment. Et nous avons inclus le triangle de Maslow, la pyramide de Maslow, parce qu'il ne faut pas oublier que, lorsqu'on a atteint un certain âge, bien les valeurs qui nous motivent sont des valeurs justement qui pourraient nous permettre de faire de l'accompagnement d'êtres chers et de partager justement nos capacités avec ces gens-là, et d'utiliser donc des ressources de la population. Si cette population est vieillissante, bien pourquoi ne pas essayer de leur trouver justement un rôle?

Enfin, il ne s'agit pas évidemment, dans notre proposition, de devenir un partenaire de prévention, il ne s'agit pas de se substituer aux professionnels de la santé, qu'on se comprenne bien, mais plutôt de démontrer qu'il y a des ressources complémentaires qui sont là. Je vous donne un exemple. Nous organisons, dans 13 régions, de l'aquaforme, de l'activité physique en piscine. Ça fonctionne très, très bien. Nous avons des professionnels, au niveau de l'éducation, comme moniteurs, mais tout le reste de cette organisation-là, la mise en place, la promotion, la réservation de salles, et tout ça, on n'a pas besoin de professionnels de la santé pour ce faire, et ce sont des groupes de volontaires qui y vont et qui réussissent à mettre en place à peu de frais ce genre de soutien. Et c'est un peu l'exemple qu'on... Ce sont les exemples qu'on donne pour justement démontrer que des ONG peuvent combler un rôle innovateur pour l'instant mais qui, je pense, est un rôle d'avenir. La conciliation de travail-famille, et tout ça, ce n'est pas facile. Donc, on pourrait justement favoriser un peu plus à cet égard.

Un compte santé, nous croyons que c'est une excellente avenue. Il faut que les gens puissent comprendre combien ça coûte justement, avoir recours aux services de santé, et ne pas donner des chiffres juste en milliards et en millions, mais plutôt faire comprendre aux gens combien coûte une résonance magnétique, combien coûte une hospitalisation, une radiographie, qu'ils puissent vraiment être en mesure d'évaluer ce que l'intervention à leur niveau a coûté.

Alors, écoutez, on ne veut pas prendre trop de temps dans la présentation, et je vous laisse peut-être sur une dernière proposition. C'est que nous avons développé une expertise même au niveau formation continue, formation médicale continue. Nous sommes reconnus par la SOFEDUC. Alors, là aussi, nous croyons que nous pourrions contribuer à la collectivité québécoise même en ce sens, à l'heure actuelle. Ce n'est peut-être pas la réalité de tous les groupes comme le nôtre, mais, pour ceux qui sont en mesure de le faire, bien je pense qu'on pourrait faire un bout de chemin pour essayer d'améliorer la situation. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci à vous. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Langlois, M. Aras, pour votre visite ce matin. Effectivement, l'exemple finlandais est intéressant. D'ailleurs, la fondation Chagnon, que vous connaissez certainement, utilise beaucoup le parallèle avec ce qui s'est fait en Finlande pour mettre de l'avant leurs priorités d'investissement.

Je suis très intéressé par les remarques que vous avez faites sur les centres de santé et de services sociaux. Effectivement, c'est à ce niveau-là, au niveau de la responsabilité de la population, que votre action conjointe m'apparaît la plus prometteuse. Vous avez dit qu'il y a des régions où le partenariat ne s'est pas encore noué; par contre, il y en a où il semble s'être noué. Pourriez-vous nous donner peut-être des exemples de ce qui s'est fait puis comment est-ce que vous voyez ce lien, comment est-ce qu'on pourrait spécifiquement agir pour que ce lien se fasse dans les 95 centres de santé et de services sociaux?

M. Langlois (Serge): Tout à fait. Il y a comme deux, trois situations. Il y a plusieurs endroits où il n'y a aucun contact qui s'est fait, d'autres où on a dit: Bien, on fait une prise de contact, on se reparlera, mais il n'y a pas de suivi. Mais, dans certaines régions, et il y en a une qui me vient en tête, dans la région de Saint-Jérôme, par exemple, pour ne pas la nommer, où, là, le contact s'est fait, et on est même en train de former un groupe qui va être mieux équipé pour intervenir dans la région et où on partage finalement l'expertise au niveau diabète mais aussi au niveau problèmes de santé chroniques. Et ça, cette réunion-là a permis justement, pour les intervenants, de se connaître et de savoir comment ils sont en mesure de diriger auprès des uns et des autres la clientèle diabétique.

Peut-être que tu pourrais rajouter? M. Aras a été impliqué.

M. Aras (Marc): Oui, certainement. Bien, enfin, le CSSS de Saint-Jérôme est en train de vérifier les 15 programmes de santé, et dont celui sur le métabolisme et puis le diabète, et actuellement on est en train de voir, à tous les niveaux, ce qu'on peut faire, depuis la prévention jusqu'aux traitements poussés, etc., et on en est encore aux premiers balbutiements. Il reste encore pas moins qu'une fois qu'on aura... qu'on sera arrivé à une conclusion, au niveau du diabète, c'est de s'assurer au moins que cette partie-là soit prise en considération, parce qu'après ça le CSSS va prendre des positions, il y aura des priorités, etc. Et, comme il y a 15 programmes qui sont de l'avant, il s'agit de s'assurer au moins que le diabète en fasse partie de façon intégrante. Alors ça, c'est dans un avenir rapproché. Il doit y avoir encore des rencontres avec les représentants. Et on espère pouvoir développer justement un travail à tous les niveaux, de prévention, etc. Et on pourrait avoir, à ce moment-là, une association spécifiquement régionale, parce que présentement c'est la région de Laval qui couvre Saint-Jérôme, nous allons avoir une association régionale autour de Saint-Jérôme possiblement pour pouvoir s'arrimer de façon encore plus grande avec les CSSS, et on espère effectivement de pouvoir en arriver justement à avoir peut-être une association pour les 95 qui existent au Québec.

M. Langlois (Serge): Peut-être juste donner un petit détail plus technique, là, plus... Par exemple, dans la région de Rimouski, par exemple, on a implanté des programmes de soins de pieds et de... une clinique, et tout ça, avec les ressources de Diabète Québec, et on a une infirmière puis une diététiste itinérantes dans la région. Malheureusement, bien souvent dans les régions, parce que les gens ne se connaissent pas, ils ignorent que ces ressources-là sont en place, et ce qu'on a constaté, c'est que, si les CSSS ne travaillent pas avec des groupes comme les nôtres, bien ils ne sauront pas le travail qui est fait de prévention, ou l'aquaforme, dont je donnais l'exemple tantôt.

M. Couillard: Écoutez, je vais certainement passer le message. Ça m'aiderait également si vous pouviez communiquer avec nous pour nous donner le bilan, là, que vous faites... les endroits, les CSSS où le lien se fait bien...

M. Langlois (Serge): Ça me fera plaisir.

M. Couillard: ...parce qu'on veut certainement que ce soit le cas partout. C'est certain que chaque CSSS doit tailler ses priorités à la lumière de la réalité de santé de sa population, mais je ne connais pas beaucoup de populations au Québec où le diabète n'est pas un problème de santé publique important; à l'inverse, il y en a même pour lequel il est particulièrement important. On pense en particulier aux territoires où il y a les populations autochtones, où la prévalence de diabète est très, très élevée.

Vous avez parlé de la prévention du diabète acquis, là, du diabète de type 2. Il y a quelque chose qu'on entend de plus en plus souvent, c'est qu'alors que cette maladie classiquement est diagnostiquée dans la cinquantaine ou la quarantaine, maintenant on en voit chez des gens beaucoup plus jeunes. Pourriez-vous nous donner des exemples de l'âge à partir duquel maintenant on commence à voir cette maladie, là, dans nos cliniques et dans nos hôpitaux?

M. Langlois (Serge): Bien, vous voyez, en 10 ans à peu près, on est passé de 50 ans et plus à 45 ans et plus. Là, on est à 40 ans et plus. Et malheureusement la nouvelle réalité, c'est que les enfants, les adolescents sont maintenant diabétiques de type 2, de plus en plus nombreux d'ailleurs. On parle, dans certains hôpitaux spécialisés montréalais, de 10 % à 15 % des nouveaux cas qui sont des cas de type 2 chez les enfants, chose qu'on n'a jamais vue auparavant. Et ça, c'est alarmant. C'est lié, entre autres, justement à de l'obésité, il y a l'ethnicité aussi qui a un rôle important là-dedans, mais c'est clair que c'est lié à un problème de poids et à un problème d'inactivité physique. Et malheureusement c'est vrai ici, chez nous, c'est vrai chez nos voisins du Sud aussi, où, là, les proportions sont encore plus importantes. Et ces considérations-là nous amènent justement à nous poser des questions, puisque, dans 20, 30 ans, si un enfant qui a 12 ans, 13 ans maintenant vit avec le diabète dès cet âge, bien, dans 30 ans, il ne sera pas âgé, il va avoir à peine le début de la quarantaine, mais, après 30 ans de diabète, il risque d'avoir des complications importantes. Donc, c'est à la fois au niveau personnel et à la fois au niveau de l'État que la préoccupation va devenir énorme, parce que c'est très coûteux, tout ça.

n (10 heures) n

M. Couillard: L'autre jour, on a reçu en commission le président de l'Association des ophtalmologistes du Québec et, au fil de la conversation, on a parlé des causes principales de cécité au Québec, et il y avait trois causes: le glaucome, la dégénérescence maculaire des personnes âgées et la rétinopathie diabétique. On sait qu'également cette rétinopathie peut être la manifestation initiale de diabète dans certains cas, où elle peut être dépistée de façon appropriée. Qu'est-ce que vous avez actuellement comme programme dans vos cartons, ou vos projets pour le dépistage précoce de la rétinopathie diabétique? Je pense que les optométristes sont intéressés également à travailler dans ce domaine-là, les ophtalmologistes; comment est-ce qu'on fait le lien avec tout ce monde-là pour essayer de dépister cette maladie-là au moment où elle peut encore être traitée, où le diabète sous-jacent peut être traité également?

M. Langlois (Serge): Vous voyez, lorsqu'est venu le temps même de faire le projet de recherche sur ce genre d'approche là avec les caméras, là, bien, c'est Diabète Québec, on est venu cogner à notre porte pour nous demander: Est-ce que vous pourriez nous aider à accompagner ce programme de recherche? Nos bénévoles dans la région de Varennes et avec le CLSC de la région ont implanté ce programme, ont pris les rendez-vous, ont trouvé et déniché les patients, ont fait tout le suivi d'accompagnement. C'est un bel exemple de travail qui peut être fait de concert.

Et ces caméras-là évidemment ont un avantage extraordinaire, c'est qu'on n'a pas besoin de faire la dilatation du fonds de l'oeil, ce qui fait que, pour les personnes diabétiques, cette dilatation-là était une charge tellement importante que bien souvent elles devaient prendre congé, cette journée-là, du travail, donc les personnes ne faisaient pas l'examen. Et malheureusement, après sept à huit ans... Lorsqu'on dépiste, c'est-à-dire, un diabète par l'oeil, ça fait déjà sept, huit ans en moyenne que la personne est diabétique, donc il y a déjà de l'usure qui est survenue. Ces caméras-là, nous, on croit que, oui, avec les optométristes et les ophtalmos, on pourrait réussir justement à avoir un meilleur suivi.

Ce qui nous a un peu déçus, c'est de voir que... Vous voyez, ça, c'est un bel exemple de raison pourquoi il faut encadrer, je pense, le privé de façon très rigoureuse. C'est qu'à l'heure actuelle le privé peut acheter ces caméras-là, faire des pratiques qui sont parfois pas très rassurantes, pas d'acte de consentement, des choses comme ça, de la part du patient, l'information du dossier du patient voyage dans plusieurs mains, ce qu'on ne souhaite pas. Alors, évidemment que nous avons une préoccupation à cet égard pour être sûrs de la qualité du service qui est donné à la personne diabétique.

Mais, s'il y avait un réseau de caméras comme celui-là, c'est sûr qu'on éviterait un grand nombre de cas de cécité. Et on est très favorables justement, mais il faudrait réussir à développer un réseau bien structuré de ça, parce que présentement c'est plus l'apanage de quelqu'un qui décide de s'acheter la caméra et de se promener à travers la province avec, alors ce n'est pas toujours de la même qualité et de bon aloi.

M. Aras (Marc): Est-ce que je pourrais rajouter quelque chose? La Grande-Bretagne s'est dotée d'une stratégie sur le diabète, et, dans les deux premiers éléments, c'était d'abord de comprendre l'état de la question, à savoir combien de gens sont affectés par la maladie, etc., les hospitalisations, et tout ce qu'on veut, et la deuxième partie, c'était le dépistage de la rétinopathie.

On a découvert ? et puis les chiffres sont à peu près les mêmes ici... Normalement, une personne diabétique devrait voir son ophtalmologiste une fois par année pour vérifier l'état de son oeil. Actuellement, on considère qu'entre 30 % et 40 % seulement des diabétiques le font de façon annuelle, et, dans ceux qui ne le font pas annuellement, ça peut durer trois, quatre, cinq ans. Alors, ce qui fait qu'on remarque au Québec, par exemple, que quelque 400 à 500 personnes perdent la vue par année à cause du diabète et de la rétinopathie. Avec un programme bien structuré de dépistage, il y aurait moyen de diminuer au moins de la moitié le nombre de cas de cécité.

Et vous pouvez comprendre quel est l'impact en termes de coûts et en termes aussi de la personne qui du jour au lendemain perd son travail. Nous avons des exemples chez nous de gens qui ont perdu la vue, et c'est extrêmement difficile pour elles de pouvoir avoir un rôle dans la société, parce que c'est beaucoup plus limité. Alors, c'est qu'on insiste beaucoup sur un tel programme. Et, comme je dis, la Grande-Bretagne s'en est doté d'une, et actuellement c'est fait de façon systématique pour toutes les personnes diabétiques en Écosse, et maintenant c'est en train de se répandre dans d'autres provinces anglaises.

M. Couillard: Donnez-nous un peu plus d'information sur ce biais que vous avez perçu dans l'utilisation non encadrée ou non... Il ne s'agit pas de démoniser des professions en particulier, là, mais donnez-nous l'exemple de ce qui arrive lorsque ces caméras sont utilisées de façon non judicieuse, là.

M. Langlois (Serge): Bien, par exemple, on a des cas où la caméra se promenait à travers la province ? elle se promène toujours, d'ailleurs ? entre autres dans des pharmacies, et la personne, le public qui va dans cette pharmacie a cet examen-là, croit malheureusement ? parce que l'information n'est pas adéquate, bien souvent; elle croit ? qu'elle a eu un examen de l'oeil, ce qui n'est pas le cas, elle a simplement eu un examen du fond de l'oeil. Alors, la personne a peut-être d'autres problèmes, et on affirme qu'on a fait l'examen au complet.

J'ai vu des cas où on affirmait que par ces caméras on était en mesure de dépister le glaucome, l'hypertension dans l'oeil, des choses comme ça, alors que, les ophtalmologistes nous le précisent encore, ce n'est pas le propre de ces caméras-là, on n'est pas en mesure de faire ce genre de chose là. Donc, au niveau de l'information qui est véhiculée, elle n'est pas toujours de bonne qualité. Et en plus, bien on a eu de nombreuses plaintes de patients qui nous disaient: J'ai eu l'examen puis je ne suis pas en mesure d'avoir le résultat, personne ne me rappelle, je tente de rejoindre les gens.

Alors, vous voyez qu'il peut y avoir vraiment de tout là-dedans. On utilise parfois des technologies qui sont plus ou moins adéquates pour déceler justement les problèmes qui commencent. Donc, encore là, au niveau de la technologie, ce n'est pas toujours adéquat.

Et n'importe qui peut s'improviser, là-dedans, pour prendre des photos. Ça peut vraiment être M. et Mme Tout-le-monde qui se retrouvent derrière, et justement qui travaillent dans ce milieu-là. Donc, il n'y avait pas de formulaire de consentement à aucun égard, beaucoup, beaucoup, beaucoup de règles de pratique qui, pour nous, ne nous semblent pas de bon aloi.

M. Couillard: Alors, disons qu'on voudrait... Parce que, moi, je suis très intéressé à cette question de la rétinopathie diabétique. D'ailleurs, il y a souvent des... vous-même, vous venez ici, à l'Assemblée nationale, avec parfois d'autres professionnels pour expliquer puis faire le dépistage. Voilà un bel exemple d'un partenariat, vous dites un partenariat ONG-public, là.

Avez-vous réfléchi à comment ça pourrait fonctionner? Ou, il faudrait prendre une région pour commencer, une région de démonstration, là, pour ne pas faire des erreurs à la grandeur du territoire. Mais comment est-ce que vous envisagez qu'on pourrait s'organiser, entre le système de santé, le CSSS, puis votre association, pour mettre sur pied un système qui est valide et puis qui remplit ses objectifs?

M. Langlois (Serge): Bien, vous voyez, dans plusieurs régions, lorsqu'on a fait ce genre d'activité, là, pas nécessairement au niveau de la caméra, mais dans d'autres secteurs, le groupe, l'association est connue dans sa région et véhicule déjà de l'information aux personnes qui sont membres, dans cette région-là.

Il ne faut pas oublier qu'on a près de 30 000 membres, à Diabète Québec, donc on a déjà une bonne liste de base. Et on est en contact, en général, avec le centre hospitalier, avec le CLSC, des choses comme ça. Donc, on est en mesure d'aller même dans les médias, ce qu'il est peut-être plus facile pour nous de faire, et de pouvoir dire à la population: Voici quelque chose qui est rassurant pour le patient.

Parce que, lorsque les gens voient notre nom, ils savent que nous n'avons aucun intérêt personnel là-dedans, que nous ne sommes pas liés à un profit quelconque ou à un intérêt, là, qui pourrait nous rapporter ou nous avantager. Alors, cette neutralité, si j'ose dire, d'un ONG comme le nôtre permet justement, pour le patient, de se sentir en sécurité et ouvre aussi des portes au niveau de la diffusion de l'information.

Mais, nous, on a déjà des réseaux, on a déjà des pharmaciens, des intervenants dans toutes les régions, qui sont là, donc on est en mesure facilement de diffuser l'information, de recruter des gens, de prendre des rendez-vous et de s'assurer du suivi, ensuite, qui soit de bonne qualité.

M. Couillard: Bien, c'est un projet que je serais très heureux de développer avec vous, au moins une région ou deux de démonstration, encore une fois. Le lien avec le CSSS est essentiel, parce qu'une fois que l'examen est fait bien il faut qu'il y ait rendez-vous, il faut qu'il y ait suivi et traitement. Donc, il faut absolument que le CSSS fasse partie du projet, là, je pense qu'on est d'accord.

M. Langlois (Serge): Et en ce sens nous avons... Je fais souvent un lien avec les Alcooliques anonymes et les diabétiques; ça peut sembler un peu étonnant, mais la personne diabétique a souvent besoin de parler à une autre personne qui vit le même problème. Donc, il y a un côté rassurant d'accompagnement là-dedans et d'acceptation de la démarche. Donc, oui, au niveau même du suivi de diagnostic, là aussi, on est habitués à faire ce travail d'accompagnement.

M. Couillard: Et ? je vais terminer là-dessus, M. le Président, là ? vous avez une approche, vous avez développé une approche d'enseignement, pour les diabétiques, assez standardisée. Vous avez même un processus d'agrément, je crois, pour vérifier que les gens qui font cette formation le font selon les standards que vous avez développés. Il me semble que c'est le genre de chose qu'il faudrait généraliser également, ce programme d'enseignement. Quels sont les obstacles actuellement pour la généralisation de ce programme de formation?

n (10 h 10) n

M. Langlois (Serge): Bien, écoutez, lorsqu'on parle de façons de faire différentes dans les régions, bien c'est sans doute un des obstacles, c'est que ce programme d'agrément est quand même assez lourd, c'est vraiment un centre d'excellence en matière d'enseignement, d'éducation en diabète, et, bon, les ressources ne sont pas toujours là; parfois, on a une infirmière, parfois on a une diététiste, on n'a pas nécessairement un médecin qui accompagne cette démarche-là, ou un psychologue, ou un pharmacien, ou des choses... Alors parfois les ressources ne sont pas utilisées de la même manière ou ne sont même pas impliquées dans certains cas.

Il y a aussi que peut-être qu'on a la fâcheuse habitude, chez nous, de vouloir réinventer la roue dans chacun de nos établissements, dans chacune de nos régions. Vous savez, le type 1 et le type 2, c'est le même partout au Québec, mais malheureusement les gens ont tendance à ne pas partager les meilleures pratiques, mais plutôt dire: Nous allons réécrire notre propre document et nous allons réinventer un centre d'enseignement. Alors, l'uniformisation à cet égard serait vraiment une économie de moyens, une économie de temps, d'effectif, mais aussi d'efficacité. Parce que bien souvent on essaie de faire comme on peut, mais dans plusieurs régions il n'y a jamais eu de volonté claire d'impliquer le médecin spécialiste, le pharmacien et les autres ressources. C'est la base même de ce genre de démarche.

Le Président (M. Paquin): On va poursuivre avec le député de Borduas, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. M. le député.

M. Charbonneau: Bien. M. le Président, je veux d'abord saluer nos invités ce matin et puis poursuivre. Vous dites: Il y a un problème de ressources, il y a un manque de ressources puis il y a aussi des ressources qui sont sans doute existantes mais pas conscientisées et pas mobilisées. Pour ce programme-là puis pour d'autres interventions, dans le fond, dans votre mémoire, vous mettez en évidence un certain nombre d'actions qui devraient être prises en termes de prévention pour avoir un impact significatif, important. Est-ce que vous avez pu pousser un peu plus loin votre analyse, votre réflexion pour savoir qu'est-ce que ça prendrait concrètement en termes de ressources? Par exemple, êtes-vous capables de chiffrer de la façon suivante: bon, si vous dites, je ne sais pas, moi, sur une base annuelle, si on avait 10, 15, 20 millions, on pourrait faire ça, ça, ça et être en mesure finalement d'atteindre un certain nombre d'objectifs?

Vous parliez tantôt de la fondation Chagnon. Bien, par exemple, la fondation Chagnon, pour un programme particulier, on avait investi, je pense que c'était 24 millions sur quatre ans. Bon, on a ciblé, il y avait 140 écoles, dans tant de communautés, qui ont été... et il y a eu 35 000 enfants. Donc, on sait combien ça a coûté, on savait dans combien de lieux on intervenait puis on était capables d'établir combien de personnes on a touchées, on a atteintes. Et puis je pense qu'ils se sont donné des moyens aussi pour mesurer l'efficience de ce programme-là, c'est-à-dire voir dans quelle mesure, après un certain nombre d'années d'accompagnement de ces jeunes-là dans des milieux défavorisés, on pouvait avoir modifié leurs comportements et leurs... leurs comportements en termes d'habitudes de vie, activité physique, alimentation, pour pouvoir mesurer finalement la valeur ou l'impact de l'investissement qu'on y mettait puis les énergies non seulement financières, mais humaines aussi, qu'on consacrait.

Avez-vous fait un peu cet exercice-là pour l'ensemble de vos propositions, pour dire: Bien, écoutez, si on voulait... le Québec voulait se donner de véritables stratégies de lutte ou de prévention au diabète, voici comment on devrait déployer des actions sur le territoire? Je ne dis pas, là, que c'est en un an. Par exemple, dans le cas en question, on avait un programme sur quatre ans, puis maintenant on est à... après une phase, disons, expérimentale, là on sait qu'on pourrait intervenir dans 500 écoles et puis, à ce moment-là, dans presque 120 communautés. Ça fait que là... puis on sait que ça nous coûterait une centaine de millions de dollars sur quatre ans. Alors, est-ce que vous avez fait cet exercice-là?

M. Langlois (Serge): Bon, on n'a pas l'exercice frais là-dessus. Bien souvent, vous savez, c'est que ce n'est pas tellement que les ressources ne sont pas là, c'est de travailler autrement. Et on n'a pas pris cette habitude-là encore. Ou encore, on pense qu'on va boucher le trou en disant: Bien, toi, un avant-midi à toutes les deux semaines, tu t'occuperas de diabète. Bien, ça ne fonctionne pas efficacement.

Dans certaines régions ? puis ensuite je vais demander peut-être à Marc de nous donner des exemples de ça, mais le... On a vu, par exemple, en Gaspésie, on avait une infirmière qui rencontrait systématiquement les nouveaux diagnostiqués, et, au bout de quelques années, on s'est fait couper dans les budgets par la régie ? à l'époque, c'étaient les régies régionales ? parce que tout à coup on nous disait: Bien, vous voyez, il y a moins d'hospitalisations qu'il y a trois ans en diabète. C'était la preuve que nos programmes d'éducation fonctionnaient bien. Mais, après ça, bien on se retrouvait à dire: Bien, vous voyez, on n'a pas vraiment un problème, alors que c'était le contraire, c'est qu'on arrivait justement, là, à faire de la prévention; cette infirmière n'a plus travaillé dans le secteur, et, depuis ce temps-là, bien il n'y a plus rien qui se fait à cet égard. Et peut-être un exemple peut-être qui va dans ce sens-là?

M. Aras (Marc): Bien, si on parle de prévention des complications chez les personnes diabétiques... Parce que, si on parle de prévention primaire, à l'heure actuelle, on parle d'environ 2 % de la masse d'argent du ministère de la Santé qui va à la prévention primaire, et là, bien entendu, on touche à différentes maladies chroniques ou problèmes de santé qu'on peut prévenir, alors il est très, très difficile de déterminer combien ça prendrait pour le diabète en tant que tel.

Mais, si une personne est diabétique, ce qu'on a remarqué, et il y a eu des études auprès des centres d'enseignement, il y a effectivement à l'heure actuelle un manque flagrant de ressources. Et un des problèmes, bien entendu, c'est la décentralisation du système, qui fait en sorte que ou les agences régionales, ou les conseils, les CSSS, par exemple, peuvent prendre... ou un CSLC, ou un hôpital peut garder une certaine somme d'argent et la donner au diabète. Ce qu'on remarque, c'est souvent qu'il faut apporter des priorités, les établissements ont des priorités, et malheureusement, souvent, le diabète est laissé pour compte.

Je peux donner un exemple. Par exemple, à l'Hôpital Charles-Lemoyne, on s'est retrouvé devant une telle situation que l'enseignement qui se donnait aux diabétiques, qui était de l'ordre de trois jours pour un cours, a dû être réduit à deux jours pour qu'effectivement on puisse répondre à la demande, mais on n'avait absolument aucun, aucun personnel supplémentaire ajouté. Alors, bien entendu, à un moment donné, on essaie de comprimer tellement l'argent et le temps qu'on ne donne même pas le temps aux gens de pouvoir comprendre leur maladie et de la contrôler. Le diabète est une maladie qui peut être contrôlée, mais elle est complexe, et il faut se donner le temps, y compris le fait d'avoir des rappels, peut-être un an ou deux ans plus tard, et même aller au niveau du privé. Ça ne doit pas toujours être au niveau du public. Une personne peut rencontrer bien entendu une diététiste en bureau privé puis être aidée là aussi. Mais il faut comprendre qu'il faut allouer plus de ressources.

Nous, on dit, et on le mentionne dans notre rapport, ici, que malheureusement on se retrouve encore dans l'état où une personne sur 10 atteinte d'un diabète de type 2 a un enseignement au niveau de notre service d'enseignement. Pour nous, il faudrait que ce soit 10 sur 10. Et c'est pour ça qu'on n'a pas présenté qu'une solution. Actuellement, c'est très relié aux hôpitaux. Là, actuellement, on est en train d'essayer de déplacer ça des hôpitaux aux CLSC, mais les CLSC doivent étirer l'argent, etc.

Et c'est pour ça que, nous, on arrive même à proposer d'autres solutions, y compris le fait d'avoir notre association incluse dans un tel enseignement. Mais il faudra absolument trouver des ressources, parce que c'est sur tout... c'est démontré depuis très longtemps que, lorsque bien contrôlé, le diabète peut effectivement... bien on peut retarder les complications de nombreuses années, et c'est ça qu'on veut faire, en fin de compte.

n (10 h 20) n

M. Charbonneau: Moi, en tout cas, je crois à l'importance de ce que vous dites, mais je comprends aussi que ce qui manque, c'est des mesures puis des cibles. Parce que finalement le risque, bien c'est de tomber toujours dans un discours vertueux, qu'on répète à toutes sortes d'occasions. Il y a la Semaine du diabète, là, vous venez à l'Assemblée une fois par année, on se rencontre, on fait des discours, tout ça, mais dans le fond, à un moment donné, si on veut mesurer l'impact d'une stratégie, il faut d'abord qu'on ait une stratégie. Il faut qu'on se dise, bien, par exemple: Il y a 95 CSSS; dans combien finalement les programmes sont implantés? Dans combien ils ne le sont pas? Combien d'endroits font comme l'Hôpital Charles-Lemoyne, par exemple, puis réduisent les ressources humaines? Ça voudrait dire que, si on voulait avoir un impact, ça prend quelles sortes de ressources, pour combien de jours par semaine? Ça veut dire... Et ça a un coût, ça.

Et ça nous permettrait, d'un côté ou de l'autre, hein... Le travail du Parlement puis de l'opposition, dans notre système parlementaire, c'est d'être là pour la reddition de comptes du gouvernement. Puis, le ministre, si j'étais à sa place, moi, je voudrais bien savoir finalement ce que mon réseau fait puis ne fait pas, puis être capable de mesurer puis de donner des directives ou de donner une impulsion. Mais encore là ça me prend une connaissance qui est celle d'identifier des cibles, d'évaluer le niveau de ressources que j'ai besoin de consacrer. C'est très différent si j'ai à mettre 5 millions puis si j'en ai à mettre 500, là.

Par exemple, vous rappeliez, puis il y a d'autres groupes qui sont venus, depuis la semaine dernière, nous dire que finalement le Québec met à peine 2 % de son budget santé et services sociaux en prévention, puis que, selon les normes internationales qui sont en train de s'établir comme critères de référence, ça devrait être 5 %. Mais là, là, déjà, on a une mesure. Puis ce que je disais hier à un des groupes ? je me demande c'était lequel, je ne me rappelle plus du nom, mais c'est... ? je leur disais: Est-ce que dans le fond vous suggérez à l'État québécois, au Parlement, au gouvernement, aux partis politiques de se donner ça comme objectif? Parce que là on va pouvoir mesurer, dans deux ans, dans cinq ans, dire: Est-ce que le Québec investit toujours 2 % en prévention, ou si c'est passé à 3 %, 4 %, 4,5 %, ou s'il a atteint une cible?

Puis je donnais l'exemple de l'aide internationale, il y a quelques années, où finalement, au plan international, on avait convenu que les États devaient donner à peu près, là, pas tout à fait 1 % de leurs budgets à l'aide internationale. Il n'y en a pas beaucoup qui l'ont fait. Mais on est capables de mesurer, parce qu'on a une cible, on sait que tels, tels pays ont atteint. On sait dans le fond qu'il n'y en a pas beaucoup qui se sont donnés la peine de le faire. Puis d'une certaine façon, parce qu'on sait que, par exemple, ici, au Canada, on n'a pas réussi à le faire, on est capables de mettre une pression et puis d'exiger des gouvernements puis des élus qu'ils respectent cet engagement qu'on avait pris sur la scène internationale.

Mais, à partir du moment où on n'a pas de cible puis on n'a pas d'objectif, c'est très difficile finalement de mesurer, encore une fois, la progression, et puis ce qui est fait, et ce qui n'est pas fait, puis...

M. Langlois (Serge): J'aurais peut-être une suggestion à cet égard. C'est que nous avons déjà... et la chose a été mentionnée il y a quelques minutes, nous avons déjà des centres qui ont reçu justement cet agrément, donc des centres qui sont reconnus comme des centres d'excellence en éducation. Il suffit de regarder combien ça coûte et comment ça fonctionne, ces centres-là, pour avoir exactement une idée de ce que ça coûte réellement, faire de l'éducation, voir est-ce que ces centres-là réussissent cependant à recevoir suffisamment de personnes. Et là il y a un manque dans toutes les régions du Québec.

Parce qu'évidemment que c'est tous les cas de type 1 ? ceux qu'on désignait comme diabète juvénile, mais, lorsque ça survient dans votre vie à 40 ans, vous êtes moins juvénile, donc on suggère maintenant le type 1 ? donc, tous ces gens-là doivent passer en priorité dans ces centres d'enseignement. Ensuite, les cas de problèmes, de complications, et des choses comme ça, les 90 % de type 2, bien eux n'ont pas accès à l'enseignement, ou de façon très, très, très modeste. Alors, c'est une solution à cet égard qu'il faut trouver.

Mais je pense que les centres qui ont déjà reçu l'agrément seraient en tout cas un bon gabarit pour savoir combien ça coûte, cette base-là. Et il est aisé ensuite de dire: Bien, combien ça coûterait, rajouter finalement la portion qui manque là-dessus? Et on a à cet égard développé, et c'est tout récent, là, c'est de cette année, on a développé des nouveaux modules, cinq nouveaux modules d'enseignement, et on a des infirmières diététistes qui se promènent à travers la province pour diffuser ces modules d'enseignement là. Donc, il y a déjà du matériel, il y a déjà de l'expertise qu'on pourrait partager et amener plus loin.

M. Charbonneau: Mais avez-vous l'impression, par exemple, quand vous allez revenir, je ne sais pas dans combien de temps, là, pour la Journée ou la Semaine du diabète...

M. Langlois (Serge): Au mois de novembre.

M. Charbonneau: ... ? au mois de novembre, bon, ça vous donne un certain laps de temps ? ...est-ce que ce serait possible, à ce moment-là, d'avoir des indications plus précises sur ce qui se fait, ce qui ne se fait pas, puis d'être en mesure de mesurer? Autrement dit, si vous revenez à l'Assemblée à cette occasion-là, qu'on ait un certain nombre d'indicateurs qui pourraient permettre aux élus de pouvoir suivre un peu l'évolution.

Par exemple, M. Aras, vous disiez, c'était quoi, c'était 10 % de gens qui finalement sont actuellement ? comment je pourrais dire? ? significativement ou positivement accompagnés par rapport à... Mais, tu sais, dans le fond, là, si on atteint à peine 10 %, ce qu'on sait, c'est qu'on a un gros contrat, là: on a 90 % de gens qui sont atteints ou potentiellement atteints de cette maladie-là qu'il faut rejoindre. Et encore une fois, si on le fait, si on investit ? parce que c'est ça, la notion de prévention; c'est que, si on investit ? maintenant d'une façon significative, la conséquence, c'est que ça va te coûter moins cher dans le système de santé dans les années à venir.

M. Langlois (Serge): Oui. Et, en ce sens, en France, on a développé un concept de maisons du diabète. Et, je me rappelle, à l'époque on en a lancé une où on fait de l'enseignement, où on fait des programmes, où on assure au niveau de la nutrition, au niveau de l'activité physique, et tout ça. Ces maisons de diabète ont grandi et maintenant ont fait boule de neige, au Luxembourg, en Belgique, et tout ça. Là il y a tout un réseau qui est en train de se créer, qui nous semble une excellente avenue, qui est simple mais qui est efficace. Et, bien, la Finlande aussi a d'excellents exemples à cet égard, où on a suivi des groupes, et on en a laissé d'autres sans le suivi, et on s'est aperçu que ceux qui avaient le suivi avaient un taux de complications, et tout ça, tellement réduit que c'est avantageux pour tous.

M. Charbonneau: Je ne sais pas jusqu'où ces pays-là ont de l'avance sur nous, mais est-ce que justement on peut penser qu'il y a un ou quelques pays qui seraient des modèles à imiter parce que leur intervention, depuis un certain nombre d'années ou je ne sais pas quand, a été suffisamment importante, autrement dit on y a mis l'importance, on y a accordé l'importance et les ressources, et là on voit un impact significatif parce qu'on a créé une masse critique, au niveau de l'intervention puis de la prévention, qui est suffisante pour avoir un effet mesurable, un effet...

M. Langlois (Serge): Je vais demander à M. Aras.

M. Aras (Marc): On revient à l'exemple de la Finlande, où effectivement il existe un plan de 10 ans de stratégie sur le diabète, y compris la prévention. Et le pays a décidé d'investir beaucoup d'argent dans ce domaine-là parce qu'il considère que c'était un problème national qui risquait d'avoir des répercussions énormes. Nous, ici, malheureusement, au niveau du Québec, on n'a pas encore tout à fait l'impression qu'on sait sur quelle bombe on se retrouve et qui malheureusement, si on n'y prend garde, va nous éclater à la figure d'ici quelques années.

Il faut bien comprendre qu'une personne sur trois qui passe en chirurgie cardiovasculaire est diabétique ? une personne sur trois. Alors, ça vous montre effectivement que ce n'est pas simplement une opération chirurgicale, ce sont des personnes diabétiques qui, parce qu'elles n'ont pas pu contrôler leur maladie, développent des maladies cardiovasculaires. Et alors donc, si vous vous promenez à l'Institut de cardiologie, vous verrez dans les salles des tas de personnes à qui on prend les glycémies, et puis ce sont des personnes diabétiques. Alors, c'est pour ça que, quand on parle d'investissement, il est important de le faire.

Pour nous, le seul problème, c'est que ? du ministère de la Santé ? on n'a aucune idée de la quantité d'argent qui est investi au niveau du diabète au Québec. Ça, on n'en a aucune idée. On sait qu'il existe des programmes. Il s'agirait peut-être pour nous de faire la recension, mais c'est assez difficile pour une association comme la nôtre de le faire. Je pense que c'est au ministère de la Santé à véritablement faire cette recherche auprès des différents centres, de vérifier, de contrôler quel est l'argent qui est mis à la disposition en enseignement et en prévention du diabète. Nous, on peut le faire mais de façon très, très partielle, dans la mesure où effectivement, si on demande à un établissement de nous donner des chiffres, on peut les obtenir, ce qui n'est pas toujours assuré. Mais je suis sûr que le ministère de la Santé pourrait aller chercher ces fameux chiffres.

M. Charbonneau: On va faire, comme on dit en anglais, un deal avec vous puis avec le ministre. Je lui donne un préavis, parce que, dans deux semaines, on va être à l'étude des crédits du ministère, puis on va être 15 heures ensemble, puis c'est justement l'exercice idéal pour poser ce genre de question là, alors je lui dis tout de suite, là: Je vais vous la poser, la question. Vous êtes mieux... Alors, vous avez deux semaines pour faire en sorte que les données soient à la disposition.

n (10 h 30) n

Mais ce que je trouve important dans ce que vous venez de dire, c'est que finalement il y a un pays, il y a un État qui s'est donné un plan stratégique de 10 ans, donc qui a évalué, a pris en considération l'ampleur de la problématique, a ciblé un certain nombre d'actions à mener, des cibles à atteindre puis des moyens pour les atteindre. Puis, je veux dire, j'imagine, j'espère qu'ils ont aussi des mécanismes de mesure, pendant ces 10 ans, pour voir la progression de...

M. Langlois (Serge): Il y a plus qu'un pays, en fait ? là, M. Aras nous a parlé de la Finlande, mais il y a la Grande-Bretagne, et tout ça ? qui se sont donné justement des...

M. Charbonneau: ...des stratégies.

M. Langlois (Serge): ...des stratégies quantifiables et qu'on peut vraiment évaluer.

M. Charbonneau: Ce que vous nous dites, là, à travers cet échange-là, c'est que le Québec devrait se doter d'une stratégie de cette nature-là?

M. Langlois (Serge): Évidemment. Évidemment. Je pense que... écoutez, c'est sans doute l'heure et le moment le plus approprié. On savait qu'on avait ce problème de diabète, et je pense qu'il n'ira pas en diminuant, il va juste aller en augmentant. Donc, il faut vraiment mettre des mesures massives pour intervenir à contrer le fléau. Ça risque d'être un tsunami, hein, il ne faut pas se...

M. Charbonneau: Bien, écoutez, moi, en tout cas, ce que je vous suggère en terminant, parce que...

Le Président (M. Paquin): Malheureusement, le temps est écoulé.

M. Charbonneau: Alors, je vais juste terminer en vous suggérant que ce combat que vous menez, là, maintenant, il soit ciblé sur l'obtention de ce plan stratégique là au cours des années. Puis je crois que, si on se donne rendez-vous au mois de novembre, pour la Semaine du diabète, on pourra déjà faire état un peu du niveau d'avancement d'un certain nombre d'actions, de préparations à cette stratégie-là puis d'acceptation qu'il y en ait une, stratégie, là.

Le Président (M. Paquin): MM. les représentants de Diabète Québec, merci de votre présentation. Nous allons poursuivre dans quelques instants avec l'association des conseillers, des médecins, dentistes et des pharmaciens du Québec. Donc, j'invite le représentant à prendre place le plus rapidement possible.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Donc, on poursuit avec l'Association des conseils ? je vais être plus précis cette fois-ci ? des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Je vous fais part un peu, mais je pense que vous êtes des habitués, du déroulement: vous avez une heure pour présenter... pour votre mémoire, une heure; 20 minutes de présentation et 40 minutes d'échanges par la suite. Et je pense que c'est M. Bolduc qui est le président. Donc, M. Bolduc, je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent et nous faire part de votre intervention.

Association des conseils des médecins, dentistes
et pharmaciens du Québec (ACMDP)

M. Bolduc (Yves): Moi, c'est Yves Bolduc. Je suis président de l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Je suis également médecin en clinique et directeur des services professionnels du CSS Lac-Saint-Jean Est et du CSS de Charlevoix. À ma droite, c'est le Dr Martin Arata, qui est le vice-président de l'Association des CMDP et qui est également directeur des services professionnels CSS...

M. Arata (Martin): ...de la région de Thetford.

M. Bolduc (Yves): ...de la région de Thetford ? avec les nouveaux noms, on commence à s'habituer ? puis il est également un médecin en pratique. À ma gauche, Mme Françoise Cloutier, qui est la directrice générale de l'association.

M. Charbonneau: ...un s dans vos... C'est CSSS, maintenant.

M. Bolduc (Yves): Oui, oui, les CSSS. Ça doit être la santé que j'ai oubliée; c'est les services sociaux qui me reviennent tout le temps. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, bon, dans un premier temps, on voudrait vous remercier de nous entendre.

Dans le cadre de la commission parlementaire de la Commission des affaires sociales, nous aimerions commenter d'abord le document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité dans son ensemble, quoique certaines sections aient sollicité davantage notre attention. Nous sommes d'accord avec plusieurs des énoncés du document ? presque la totalité du document ? avec quelques bémols.

Des changements structuraux de base ont été faits dans le réseau de la santé au cours des récentes années, et nous reconnaissons que des améliorations substantielles ont été initiées. Ça, on l'a toujours dit, on félicite le gouvernement actuel d'avoir fait le travail, là, de vraiment... de changements structuraux; quoiqu'on comprend qu'auparavant ça avait déjà été amorcé, là, dans les réformes. Puis c'est une évolution du système de santé qui a commencé depuis longtemps mais qu'on a vue beaucoup avec Dr Rochon, maintenant avec Dr Couillard, puis je me souviens également d'avoir travaillé avec Mme Marois. On était tous dans la même lignée de pensée. Les changements ont été amenés rapidement, et il est certain que plusieurs arrimages restent à se faire afin de finaliser les changements structuraux qui ont été amorcés. Au-delà des structures, nous pensons que l'amélioration du réseau passe aussi par l'implication personnelle et dédiée de chacun des professionnels de la santé.

Plusieurs sondages sur les services de santé au Québec ont démontré qu'une fois les patients pris en charge par le réseau ils étaient hautement satisfaits des services reçus. Il demeure cependant que la majorité des sondages font ressortir que c'est au niveau des temps d'attente que l'on retrouve une moins grande satisfaction. Des inquiétudes majeures demeurent au sein de la population car les temps d'attente comportent des risques pour la santé des québécois.

L'attente pour avoir accès aux soins de santé au Québec demeure donc une préoccupation constante pour la population du Québec, pour les médecins, pour les administrateurs du réseau de la santé et très certainement pour le ministère de la Santé et des Services sociaux. Plusieurs facteurs doivent être considérés afin de garantir cet accès.

Notre intention dans le cadre de la consultation en cours est de mettre l'accent sur différents écueils possibles et d'inciter notre ministre de la santé et son gouvernement à bien préparer l'opération visant à garantir l'accès aux soins. La résolution des problèmes d'attente à court terme occupe beaucoup de l'énergie des dirigeants de la santé, et nous devons poursuivre nos efforts pour atteindre le mieux-faire que nous sommes amenés à promouvoir. Cependant, nous désirons mettre la commission en garde, car l'amélioration de l'accès aux services médicaux et hospitaliers ne doit pas mettre en péril notre système universel. Devons-nous céder aux pressions parce que le sous-financement nous préoccupe et qu'il est difficile de revoir nos façons de faire? Ouvrir la porte à la prise en charge par le privé de certaines problématiques cliniques pour des patients qui seraient plus fortunés consiste à donner l'aval à une médecine à deux vitesses.

Ici, on va faire une distinction: il y a financement public, services publics; financement public, services privés; et financement privé, services privés. Où est-ce qu'on met beaucoup de bémols: sur le financement privé, services privés. Et puis, vous allez voir dans notre mémoire, on est parfaitement d'accord avec un financement public avec une collaboration des services privés.

L'autre enjeu majeur est de livrer un système de santé viable aux générations futures. À ce propos, nous avons une grande responsabilité collective. L'État-providence ne peut suffire à tout assumer par ses citoyens et il doit viser à les responsabiliser. Cela passe par l'éducation et par les débats publics. Nous insisterons dans notre mémoire sur la diffusion de la connaissance, autant pour les professionnels que pour la population. Nous sommes d'avis également que les citoyens doivent être amenés à faire des choix éclairés.

En résumé, la solution des problèmes d'accès à court terme ne doit pas mettre en péril l'universalité du système de santé, et nous avons un double défi de résoudre des problèmes courants et de livrer un avenir acceptable et même enviable aux générations futures.

La prévention comme facteur d'évolution du système de santé. L'ensemble du chapitre portant sur la prévention rappelle les principaux documents qui ont été déjà élaborés au cours des récentes années, et notamment l'orientation de la Politique de la santé et du bien-être. Nous sommes tout à fait à l'aise avec l'ensemble des grands axes de prévention énoncés dans ce chapitre du document Garantir l'accès. L'évolution des connaissances nous amène à une meilleure compréhension des problématiques cliniques, et en effet il faut de plus en plus axer nos interventions vers la prévention du développement de maladies chroniques, vers l'information du grand public et vers l'éducation des patients.

À notre avis, des études démontrant les bienfaits cliniques et économiques de la prévention doivent accompagner notre réflexion, et nous avons avantage à faire connaître aux professionnels de la santé et aux patients les conclusions de ces analyses. La prévention a un effet positif à long terme sur la santé, et la mission collective du réseau de la santé se doit d'inclure le programme de prévention. Cependant, soyons réalistes, tant que les problèmes du domaine du curatif ne trouveront de solution permanente, la prévention connaîtra des difficultés majeures à faire sa place. Il s'agit d'une préoccupation constante des membres de l'Association des CMDP.

Le chapitre sur l'amélioration de l'organisation et des modes de prestation des services revêt une importance toute particulière puisqu'il traite notamment de la consolidation des services de première ligne. Nous constatons que l'accès à la première ligne pose toujours un problème majeur, et c'est pourtant un des plus gros problèmes qu'on a au Québec actuellement, l'accès à un médecin de famille et à un consultant en première ligne. Les patients, dans plusieurs régions du Québec, ont peine à consulter un médecin omnipraticien lorsqu'une problématique de santé survient. Nous tenons à rappeler que plusieurs Québécois n'ont pas de médecin de famille, en partie faute de disponibilité de ces derniers. L'accès à la consultation dans un délai acceptable a des répercussions inestimables pour la santé et le bien-être des patients.

n (10 h 40) n

Il y a donc lieu de favoriser et d'assurer un meilleur accès au moment où le patient décèle une raison valable de consulter. En passant, la raison de la difficulté d'accès, c'est souvent une pénurie de main-d'oeuvre. Nous sommes confrontés malheureusement à un problème majeur de main-d'oeuvre et d'organisation de la première ligne. Nous souhaiterions qu'il y ait une utilisation des médecins omnipraticiens à meilleur escient; en exemple: la mise en place des GMF qui se fait actuellement au Québec, l'arrivée des infirmières cliniciennes. Nous pensons qu'il serait opportun de redéfinir le rôle des omnipraticiens. Ceux-ci, dévoués à leur tâche de médecin de famille, pourraient, s'ils étaient plus entourés par d'autres professionnels qualifiés, consacrer leurs efforts à recevoir les patients qui requièrent leur expertise. Nous parlons de cas de suivi comme le contrôle de l'hypertension, le contrôle du diabète ou l'éducation aux patients sur l'asthme, qui peuvent être partagés avec d'autres professionnels dans un contexte d'organisation de soins.

Puis personnellement, pour l'expérimenter en GMF actuellement, c'est beaucoup mieux fait par l'infirmière que par le médecin parce qu'elle peut y consacrer plus de temps. Et une des problématiques également qu'on voit, c'est que chaque médecin a peu de cas; bien, dans une clinique, il y en a plusieurs, ça fait que l'infirmière développe une plus grande expertise parce que justement elle en voit plus encore que chacun des médecins omnipraticiens.

Nous constatons très souvent un délai entre la manifestation du besoin du patient et le premier rendez-vous. La première rencontre devrait donc faire l'objet d'un délai amélioré. Nous pensons qu'il y a lieu de revoir la répartition des activités professionnelles entre les différentes professions de la santé. La redéfinition du rôle du médecin omnipraticien et la répartition des tâches entre les différentes professions selon les compétences ont été favorisées par l'adoption du projet de loi n° 90 qui redéfinissait les professions et les tâches réservées à chacun de ces professionnels.

L'association favorise l'interdisciplinarité. Nous avons présenté un colloque sur ce sujet il y a trois ans. Nous avons également offert des instruments didactiques permettant de mieux comprendre ce concept. Nous pensons qu'il y a là une voie de solution et qu'il faut poursuivre l'exploration des bonnes solutions offertes par ce concept d'interdisciplinarité. Nous pensons également que nous devons responsabiliser le patient. Les lignes Info-CLSC ont beaucoup contribué à offrir de l'information aux patients et à permettre à ceux-ci de mieux juger de la pertinence de se présenter dans les salles d'urgence. Nous croyons que le patient pourrait disposer d'outils lui permettant de vérifier lui-même les listes d'attente sur le Web.

Nous sommes d'avis que le réseau de la santé et des services sociaux aura un rôle important à jouer pour permettre aux gens d'être opérés dans un délai raisonnable. Il faudra être en mesure par la suite d'avoir des ressources pour répondre aux besoins, car il ne suffit pas de publier la liste d'attente, il faut aussi pouvoir répondre aux besoins exprimés par ces listes d'attente. Nous sommes d'accord pour que les patients en attente d'une intervention chirurgicale en mode électif et dont l'attente dépasse les délais prévus soient dirigés vers des solutions alternatives à l'extérieur de leurs milieux.

Comme de fait, actuellement, ce qu'on voit au Québec, c'est qu'il y a des endroits qui réussissent à contrôler leurs listes d'attente et à répondre aux besoins des clientèles, et il y a des endroits où vous aurez beau faire n'importe quoi, vous allez avoir de la difficulté actuellement de réussir à les opérer en temps... en un délai de moins de six mois.

La façon, c'est de réorganiser notre système pour permettre à ces gens-là peut-être d'être opérés à proximité, et puis également, on va le voir dans le document, c'est peut-être de développer des ressources alternatives, en parallèle avec le système public, de façon à ce que, toutes les fois qu'on a du débordement, qu'on puisse avoir un support de ces cliniques-là. Naturellement, ça prend aussi des cliniques qui peuvent être viables à long terme, donc des ententes de services, là, sur une façon permanente. Nous favorisons un système public fort, mais pour cela il faut pouvoir compter sur des ressources suffisantes. Il est vrai que certains types de problématiques cliniques peuvent facilement être prises en charge efficacement par le réseau privé. Et nous sommes également d'avis que l'État peut acheter certains services au secteur privé: un financement public, services privés.

Certains épisodes de soins sont simples à circonscrire et ne nécessitent pas absolument le support d'un milieu hospitalier. 60 % de nos chirurgies en milieu hospitalier actuellement, c'est de l'ambulatoire, hein? Les cataractes, qui est 90 % de la chirurgie des ophtalmologistes, ça prend 15 minutes et ça peut se faire en clinique externe. Donc, on n'a plus besoin de l'organisation d'un milieu hospitalier, et puis c'est le genre d'activités avec lesquelles on pourrait transférer soit à l'extérieur ou avoir des ententes de services, de permettre d'avoir un financement public, services privés.

L'avantage également d'avoir un système comme ça, c'est que la problématique d'un établissement, c'est souvent les urgences, les cas sont cancellés, et puis c'est toute la façon de travailler, c'est-à-dire que le bloc, il va fermer à 2 heures parce qu'il faut qu'on arrête à 3 heures, le chirurgien va commencer à 8 h 30 parce qu'il y a des délais. Dans un système où est-ce qu'il n'y a pas d'urgence puis où est-ce que les gens se consacrent seulement à cette tâche-là, ça pourrait nous permettre d'avoir un allongement des heures d'ouverture et d'offrir plus de résultats.

L'accès au système privé via le système public. Ces secteurs sont bien identifiés dans le document Garantir l'accès: chirurgie du genou, chirurgie de la hanche, cataracte. Par souci d'équité, il faudrait aussi prévoir l'élargissement progressif des améliorations d'autres problématiques qui touchent la population du Québec, là où nous observons des zones potentielles d'amélioration. Mais nous comprenons qu'il fallait commencer par ça. Parce que, si on avait essayé de tout faire en même temps, ça aurait été un échec, et puis après ça les gens auraient dit que ça ne marche pas. Je pense qu'on est mieux de circonscrire comme il faut qu'est-ce qu'on veut améliorer, dans un premier temps, et par la suite, lorsqu'on aura pris notre expérience, on pourra le faire pour les autres chirurgies. C'est certain, par souci d'équité, sur une période de quelques années, il va falloir que tout le système réponde à des délais inférieurs à six mois, au niveau de la chirurgie.

Nous faisons déjà très bien dans plusieurs secteurs, et notre système public couvre une partie significative des besoins. Nous partageons la vision actuelle concernant la gestion des listes d'attente et l'affichage de ces listes sur le Web du ministère et des établissements.

Nous suggérons aussi que les patients en attente d'une intervention puissent avoir accès, via un NIP, à l'état d'avancement de leur cas sur la liste. C'est tout simplement le principe de FedEx, hein? Vous commandez un livre en Europe, si c'est livré par FedEx, ils peuvent vous dire exactement où il est rendu. On pourrait avoir la même chose avec nos listes d'attente. Deux avantages. Un, c'est qu'on serait assuré que si... Il y a présentement des problèmes dans le système, c'est que les patients disent qu'ils sont inscrits, alors qu'ils ne sont pas sur la liste. Donc, ça permet au patient de vérifier s'il est bien sur la liste, ça permet de voir son état d'avancement également, et puis ça dit au médecin également qu'il faut qu'il s'en préoccupe. Parce qu'on ne se le cachera pas, un des problèmes des listes d'attente... Puis, moi, j'ai fait des études avec deux des 10 plus gros établissements du Québec, c'est que... ce qu'on avait remarqué dans l'étude, c'est qu'il y a des patients, ça faisait cinq ans qu'ils attendaient, mais, quand vous regardiez la production, c'étaient les patients qui avaient été inscrits depuis moins de trois mois qui étaient opérés, et ceux qui attendaient depuis plus de un an étaient comme mis en suspens. Donc, ça fait un effet un peu paradoxal. Puis c'est un des gros problèmes de nos listes d'attente actuelles, c'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement le patient qui attend depuis le plus longtemps qui va être opéré bientôt. Puis, en passant, on a vérifié, puis c'était le même niveau d'urgence.

La fixation d'objectifs quant à la période limite acceptable pour l'attente d'une chirurgie nous semble une avenue prometteuse. Cependant, nous aimerions faire une mise en garde car nous croyons que la mise en place d'un tel système n'est pas sans comporter quelques risques. Il est possible au tout début que l'on ne puisse pas répondre à la demande. Puis ça, il ne faudrait pas voir ça comme échec, c'est qu'en voulant répondre plus rapidement on va se rendre compte peut-être qu'il y a des cas qui vont apparaître qui n'étaient pas là auparavant. Parce que nos problématiques qu'on a dans notre système, c'est que les médecins gardent leurs listes d'attente dans leurs poches puis ils les déposent quand eux autres jugent qu'ils devront être opérés, alors que, dans le système que nous prônons, c'est que le patient devra voir son nom immédiatement, dès qu'on juge qu'il faut qu'il soit opéré. Donc, ce qui veut dire, dans un premier temps, vous verriez tous les patients en attente apparaître sur la liste, donc il pourrait y avoir un effet d'augmentation. Mais nous croyons qu'une meilleure gestion des listes d'attente pourrait nous amener à mieux saisir la nature de la demande. Dans les conditions de réussite ? puis ça, on insiste là-dessus, je pense que c'est une condition majeure ? il nous semble qu'une gestion rigoureuse doit offrir des listes fiables ? ce qu'on n'a pas au Québec actuellement ? en assurant l'enregistrement dans les systèmes d'information dès la mise en attente. Le système doit permettre d'avoir l'information juste en temps réel.

Afin de garantir l'accès aux soins spécialisés, nous favorisons la mise sur pied et le renforcement des activités de coordination des transferts des patients des médecins omnipraticiens vers les médecins spécialistes, ce qu'on appelle les consultations. Nous éprouvons, dans plusieurs régions du Québec, de sérieux problèmes pour faire l'adéquation entre les besoins identifiés par les médecins omnipraticiens et la disponibilité des spécialistes. La prise en charge de plusieurs problématiques cliniques dans le cadre des projets cliniques a permis de réaliser cet arrimage.

Le document Garantir l'accès élabore également sur les services aux personnes ayant une incapacité permanente. Nous sommes persuadés que cette section du chapitre de l'amélioration de l'organisation des modes de prestation des services mérite une attention toute particulière, car une meilleure gestion du milieu de vie permet effectivement d'utiliser les centres de courte durée à meilleur escient. L'évolution démographique nous force à utiliser des approches novatrices pour que nous trouvions des solutions qui vont dans le sens des changement sociaux pour favoriser la prise en charge de la santé de la population. Des milieux de vie adéquats répondant bien aux besoins des personnes fragiles représentent un facteur déterminant dans le maintien de la santé et le traitement des problématiques cliniques.

La hiérarchisation des services médico-hospitaliers: cohérence, continuité et complémentarité. L'architecture des services médico-hospitaliers comporte des réseaux à la fois complexes et complémentaires. Nous sommes d'avis que les différents RUIS font un travail d'analyse de complémentarité fondamental en ce moment, et les différents réseaux locaux font un important travail d'arrimage des différents services médico-hospitaliers. Une architecture de services médico-hospitaliers est donc au service du patient.

Plusieurs corridors de services sont à être définis pour garantir, à travers une approche populationnelle, des services équitables à toutes les populations du Québec, quelle que soit la région où elles habitent. Ça, on ne reviendra pas là-dessus, un des grands problèmes qu'on a actuellement au Québec, c'est les corridors de services. C'est-à-dire que, moi, quand je suis dans mon établissement puis que j'ai besoin de rejoindre un spécialiste dans un autre établissement, souvent il faut encore se battre. Et puis ça, on l'a dit plusieurs fois, ça, il va falloir qu'on ait des mécanismes en place de façon à ce qu'on ne refuse plus les transferts des patients puis qu'on ait des corridors de services déjà bien définis. Ces corridors de services seront définis dans des ententes favorisant pour tous une compréhension commune et facilitant les communications pour le cours normal des opérations ainsi que pour la prise en charge efficace des situations d'urgence. Nous voulons éviter que les ressources médicales rares de certains milieux soient condamnées à négocier à la pièce les soins requis par leurs patients.

Nous pensons également que le déploiement rationnel des ressources peut amener une meilleure prestation de services. À cette fin, nous sommes d'avis que les cliniques médicales affiliées peuvent jouer un rôle complémentaire. On s'est positionnés en disant qu'on est pour le rôle des cliniques médicales affiliées; par contre, il va falloir qu'il y ait certaines mises au point. La problématique, c'est que, si vous avez, mettons, un orthopédiste qui s'en va travailler là puis qui n'assume plus sa charge de travail dans son établissement, à ce moment-là, vous allez avoir ce qu'on a en omnipratique actuellement, c'est-à-dire qu'il y a des omnipraticiens qui démissionnent de l'hôpital, donc n'ont plus la charge hospitalière, s'en vont en clinique, ramassent ? ce que plusieurs vont dire ? un travail peut-être un peu plus léger, important mais peut-être plus léger, ce qui laisse encore plus de charge de travail aux tâches hospitalières.

n (10 h 50) n

Dans ce processus-là, si quelqu'un disait: Moi, je m'en vais juste en clinique privée, je fais juste la pratique facile, ce qui pourrait arriver, c'est qu'on pourrait avoir de la difficulté à avoir un système de garde. Donc, pour moi, la seule solution possible, c'est que, lorsqu'on va faire des ententes avec les cliniques médicales affiliées, les médecins qui devront y pratiquer devront nécessairement avoir un avis de conformité qu'ils assument leurs tâches hospitalières. À ce moment-là ? puis on l'a déjà, ce mécanisme-là; à ce moment-là ? c'est que, s'ils assument leurs tâches, ils vont pouvoir pratiquer. Et puis, quand on parle de tâches hospitalières, c'est surtout, principalement, la garde. Puis il ne faut pas oublier qu'il y a des activités de chirurgie qui vont être transférées vers les cliniques médicales, donc possiblement qu'on va avoir moins besoin de nos blocs opératoires, on va les utiliser plus pour des grosses chirurgies. On peut également mettre, à ce moment-là, dans l'entente, que, suite à une dérogation, avec entente avec l'agence puis possiblement le ministère, que, oui, certains médecins pourraient aller pratiquer là sans avoir de tâches hospitalières, mais ce seraient des ententes ad hoc.

Mais le grand principe qu'on aurait pour pratiquer dans une clinique médicale affiliée ? qui, en passant, est peut-être même une récompense pour certains, là ? ce serait une obligation d'avoir au moins à assumer leurs tâches dans un hôpital. Et puis ça, il faut que ce soit régi et par les établissements et par l'agence.

Le Président (M. Paquin): Je vous signale qu'il reste deux minutes pour votre présentation.

M. Bolduc (Yves): C'était le gros message que je voulais vous passer. Par rapport au reste, je pense que ce qui est important, c'est toujours la question de l'amélioration de la performance, puis il faut qu'on compare nos établissements entre nous autres. Mais je vous dirais, dans notre document, nous autres, ce qui nous concerne beaucoup, là, c'est vraiment l'accessibilité, par rapport aux délais, le six mois à respecter, des listes extrêmement... gérées de façon extrêmement rigoureuse, ce qui n'est pas du tout le cas au Québec.

Puis ça, juste pour prendre une minute là-dessus, moi, j'ai fait une étude dans deux des plus gros établissements, et puis, quand on a eu fini juste de faire les coups de téléphone pour enlever les patients qui n'avaient plus besoin d'être opérés ? puis il y en avait même, là-dessus, qui étaient décédés ? on avait enlevé plus de 30 % des patients qui attendaient depuis plus de six mois. Donc, seulement que faire le ménage, là, ça nous a permis déjà d'améliorer. Donc, il faut avoir une idée juste, à ce moment-là. Puis les travaux sont disponibles, j'en avais déjà parlé avec le ministère.

Puis, pour l'autre affaire, c'est vraiment le message que je vais vous parler: oui, on est d'accord pour un autre système, c'est-à-dire un financement public, services privés, sous forme de cliniques médicales affiliées, sur le même principe que les cliniques médicales. Le bémol qu'on fait: il ne faudrait pas que nos ressources dans le public s'en aillent dans le privé et puis qu'on ne soit plus capables d'assumer nos tâches hospitalières. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Merci, Dr Bolduc. Et nous allons débuter l'échange, et la parole est au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Bolduc, Dr Arata, Mme Cloutier, pour votre visite. D'abord vous dire à quel point le travail de votre association est apprécié en termes de formation des établissements puis en termes de manifestations publiques comme celle d'aujourd'hui. Puis on ne peut pas passer sous silence l'article récent de L'Actualité sur l'innovation et les bonnes pratiques dans votre région, à Alma, qui, on l'espère... qui ont d'ailleurs largement servi d'inspiration d'ailleurs pour la réforme qui s'est déployée, puis qui, on l'espère, vont se répandre ailleurs. D'ailleurs, si on a le temps, en fin d'échange, il faudrait que vous nous, peut-être, parliez concrètement comment vous gérez la liste d'attente dans votre établissement, parce que les résultats semblent et sont effectivement excellents.

Parlons de l'accès aux médecins de famille. On a bien sûr reconnu dès le début que c'était le problème d'accessibilité. Il n'est pas là spécifiquement dans le document, mais ce n'était pas le but d'ailleurs du document. Mais, si on demandait aujourd'hui aux Québécois, là: C'est quoi, votre problème d'accès au système de santé?, ils ne mentionneraient pas la prothèse de hanche, le genou ou la cataracte, ils mentionneraient l'accès aux médecins de famille. Puis là, bon, il y a des actions en cours, l'augmentation d'étudiants, la répartition régionale, on connaît les grands classiques de cette chose-là.

Mais il y a un autre point également qui est la façon de travailler, et puis ça, je pense que vous y avez fait allusion dans votre présentation. Si on regarde, par exemple, ce qui s'est fait en Grande-Bretagne, dans l'introduction de garanties d'accès, ils ont incorporé une garantie d'accès aux médecins de famille. Ils ont un nombre de médecins puis une répartition probablement plus uniformes; ils n'ont pas de régions éloignées, ça change également les choses. Mais, en pratique, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont déclaré que le patient devait avoir un rendez-vous avec son médecin de famille en dedans de 48 heures de la demande. Je pense que c'est ça, la norme qui a été accomplie. Et puis la grande surprise, c'est que ça a fonctionné.

Comment ça a fonctionné cependant, c'est qu'il ne fallait plus que les médecins prennent des rendez-vous d'avance: Venez me voir dans trois, quatre mois, puis je vous marque déjà sur mon cahier de rendez-vous, ou garder des plages, etc. La philosophie de prise de rendez-vous a complètement changé, puis ils ont réussi à atteindre cet objectif-là, tellement qu'apparemment maintenant, sur les lignes ouvertes, les gens se plaignent que ça leur a pris 72 heures au lieu de 48 heures pour voir le médecin de famille, puis c'est inacceptable. Le jour où on arrivera à ça au Québec, on va être bien contents.

Cependant, la rançon de ça, c'est qu'en Grande-Bretagne les gens sont inscrits et sont circonscrits à un médecin de famille, et ils n'ont pas vraiment d'option, là, d'aller dans un autre territoire, ce qu'on a voulu éviter. Puis également, le mode de rémunération des médecins en Grande-Bretagne, les médecins de famille, est très différent.

Est-ce que vous avez réfléchi à la façon dont on pourrait un jour incorporer l'accès aux médecins de famille lorsque les effectifs seront plus nombreux? Je pense que ce n'est pas réaliste de le faire actuellement, pas comme ça.

M. Bolduc (Yves): ...dans quelques années, ce ne sera plus un problème, parce que le nombre de médecins qui vont sortir au cours des prochaines années devrait régler la problématique des ressources. Mais, si les ressources continuent à travailler de la même façon, vous allez, comme vous le dites, avoir les mêmes listes d'attente au niveau des médecins de famille.

Je vous ferais remarquer qu'au Québec on a été innovateurs. À un moment donné, vous parliez qu'ils ont changé leur façon de penser en disant: Bien, on va travailler différemment. Au Québec, les laboratoires, si vous regardez voilà six ans, les délais d'attente à Montréal, c'était d'à peu près entre 90 et 120 jours avant d'avoir un rendez-vous pour avoir une prise de sang. On a apporté le concept, à l'époque ? moi, j'étais sur le comité des laboratoires ? du sans rendez-vous. Les gens disaient: Jamais, ça ne marche pas, il va y avoir des queues d'attente. On a installé du sans rendez-vous partout, et c'est le meilleur système qu'on ne peut pas avoir. Il n'y a pas plus de coûts qu'auparavant, même que ça coûte moins cher, parce que, quand vous faites l'étude des processus ? quand on parlait des listes d'attente tantôt, c'est l'étude des processus ? en performance, il faut d'abord éliminer les étapes inutiles.

Dans la façon de penser, je pense que ce que vous dites là, qu'on va installer au Québec, c'est qu'une fois que les ressources vont être suffisantes ? puis, chez nous, entre autres, à Alma, sans dire qu'on est à l'aise, on est quand même en ressources un peu suffisantes ? c'est qu'il faut y aller avec le concept de clinique médicale qui prend en charge une population via les médecins de famille, et puis on travaille en équipe pour être sûrs que son patient puisse avoir soit un sans rendez-vous ou soit un rendez-vous avec son médecin de famille de façon rapide. Et puis, la façon de le faire, on travaille également avec les infirmières de GMF.

Mais ce qui est important dans un changement comme, vous, vous le parlez, c'est qu'il faut que la rémunération suive, il faut que les gens aient un avantage à ne pas se céduler des patients trois mois d'avance. Puis de toute façon vous savez qu'un des problèmes, c'est qu'on vous dit: Retéléphonez dans trois semaines; puis, quand vous téléphonez, dans trois semaines, on vous redit de retéléphoner dans trois autres semaines. Dans la façon de travailler avec nos rendez-vous, il faut comprendre le concept «rendez-vous à court terme» et du sans rendez-vous. Parce que ce n'est pas pensable non plus que tu vas toujours voir ton médecin de famille, parce que, quand il est en vacances, bien il n'est pas là, quand il est de garde à l'hôpital, il n'est pas là. Il faut un mécanisme pour compenser pour ces phénomènes-là.

Mais, moi, je pense que, si on s'attaque, on peut le faire, mais, si on continue à pratiquer comme on fait là, on ne réussira pas. Il faut changer notre façon de pratiquer, dont, entre autres, la prise de rendez-vous.

M. Couillard: Bien d'accord avec ces idées-là. La question de la liste d'attente, la mesure de la liste d'attente, c'est tout à fait fascinant, hein? Vous avez donné 30 %; il y a un autre gros hôpital, là, pas loin de chez vous, où c'est quasiment 50 % de réduction des attentes, juste de prendre le temps d'appeler chaque personne qui est là depuis six mois.

M. Bolduc (Yves): C'est celle-là que j'ai faite, puis ça a été 50 %.

M. Couillard: 50 %.

M. Bolduc (Yves): Mais, l'autre établissement, ça avait été 30 %.

M. Couillard: C'est ça. C'est quand même assez significatif. Ça montre à quel point ces mesures sont grossières. Puis, on ne peut pas régler un problème qu'on ne mesure pas correctement. Je pense que c'est un problème général, là, qui s'applique très bien.

J'aurais juste un petit doute sur la question du NIP, là, puis de la possibilité de vérifier sa position sur la liste. Parce que je dirais... puis on me donnait l'idée du parallèle... vous avez fait le parallèle avec FedEx puis le livre qui vient d'Europe. Ce qui va arriver, c'est qu'on va dire au monsieur ou à la madame: Écoutez, votre livre, il est là, mais quelqu'un voulait le lire avant vous. Ce que je veux dire par là, c'est que l'ordre d'inscription sur la liste, il ne faut pas que le monde pense que c'est nécessairement l'ordre dans lequel les gens vont être opérés. Parce que le rôle du médecin, c'est de gérer la priorisation des cas.

M. Bolduc (Yves): Mais, l'objectif, ce n'est pas que tout le monde voie tous leurs cas, mais que le patient lui-même voit qu'il est inscrit sur la liste. O.K.? Puis, à partir de là, on pourrait lui donner une espérance raisonnable du temps d'attente. Et puis, je comprends très bien, ce qui est urgent va passer tout de suite, ce qu'on juge important peut passer avant. Puis, des fois, ça peut être une considération sociale, que la personne, après ça, va être partie six mois. Mais, de toute façon, si tous les patients sont opérés à l'intérieur de six mois, vous n'en aurez pas, de problème.

De toute façon, chez moi, là, les patients sont tous opérés à l'intérieur de six mois. Moi, j'ai un problème inverse, c'est-à-dire qu'ils ne veulent pas rentrer se faire opérer parce qu'ils savent qu'ils vont pouvoir rentrer quand ils veulent. Mes listes d'attente, présentement, moi, sont toutes opérées à l'intérieur de six mois. Ça fait que là le patient, il dit: Bien, moi, je ne suis pas prêt à rentrer tout de suite, je vais rentrer plus tard. C'est un heureux problème à gérer; j'aime autant gérer ça que de gérer des six mois et plus.

Mais, selon moi, que le patient sache qu'il est sur la liste et qu'il puisse aller vérifier qu'il est bien inscrit, c'est déjà une grosse affaire. Parce que le gros problème des listes d'attente, ce n'est pas nécessairement ceux que vous avez sur la liste, c'est ceux qui sont dans les poches des médecins. Là, les patients téléphonent puis ils apprennent que ça fait un an qu'ils attendent et qu'ils ne sont même pas sur la liste, parce que c'est le médecin qui décide.

Dans la transformation des listes d'attente puis la gestion des listes d'attente, je vais vous donner un des gros trucs que, moi, j'ai fait chez nous, là, il est très simple: ce n'est pas les docteurs qui gèrent la liste. Ils vont nous dire, eux autres, qu'est-ce qui est important, mais c'est des très mauvais gestionnaires de listes. Un chirurgien, c'est fait pour opérer; il peut avoir d'autres qualités, mais on l'apprécie pour ses qualités de chirurgien, pas pour ses qualités de gestionnaire de listes. Mais, s'il nous dit que ce patient-là, il veut le passer avant, on va le faire, mais on ne doit pas le laisser gérer sa liste, parce qu'il perd les papiers, il fait des promesses à des patients, qu'il ne peut pas tenir, et puis, nous autres, ce qui est très important, on n'a pas l'heure exacte par rapport à sa liste.

Et puis ça, c'est une chose que j'ai faite dans un autre établissement. C'est qu'on avait une liste puis, tout le monde, on disait: Non, non, je n'ai pas ma liste. Ça fait que j'ai dit: Apportez-moi-la. Comme de fait, j'ai constaté qu'un orthopédiste, il aurait fallu qu'il opère une fois par jour pour les deux prochaines années pour réussir à récupérer sa liste. Donc, c'est impossible à faire.

Après ça, comme gestionnaires, nous autres, on prend les listes puis on regarde comment est-ce qu'on peut faire pour les améliorer, ne serait-ce que par une redistribution du travail ou de donner l'heure juste aux patients.

n (11 heures) n

M. Couillard: Oui, puis je dirais que c'est un des deux gros éléments culturels à changer. Le premier, c'est la gestion des listes, il faut le dire. Il faut la retirer un peu, partiellement au moins, des mains du professionnel pour la donner à des gens dont c'est le métier de gérer ces listes-là d'accessibilité des gens, puis la mesurer correctement.

Puis j'ai une anecdote là-dessus qui va éclairer beaucoup les collègues puis les citoyens. Ça date de l'époque du gouvernement précédent, où je les ai aidés d'ailleurs, puis j'espère qu'ils vont m'en être reconnaissants! Dans un département que je connais bien, il y a un chirurgien qui a fait une sortie médiatique planifiée avec un patient. Alors, le titre c'était Scandale. Le patient est le numéro 52 sur la liste d'attente, puis je ne suis pas capable de l'opérer avant 15 mois, compte tenu de ci, de ci, de ça. Alors, c'est assez simple, on avait fait un relevé de tout ce qui avait été opéré par ledit chirurgien entre le jour où il avait inscrit le patient sur la liste d'attente puis le jour de la sortie médiatique, pour constater qu'il avait amplement eu le temps d'opérer le monsieur en question puis qu'il y avait beaucoup de chirurgies très mineures qui avaient été faites avant le cas de ce monsieur-là, qui était un cas véritablement prioritaire. Ça, c'est une anecdote qui montre l'aspect culturel qu'il faut changer dans la gestion de l'attente. Ça, c'est une culture à changer.

L'autre culture à changer, que, moi, j'ai très, très bien vécue quand j'étais dans les comités de gestion des hôpitaux... Puis, vous aussi, vous faites ça régulièrement. Puis ce n'est pas un blâme aux gestionnaires, parce qu'on leur demande, nous, le ministère, de nous donner ces choses-là. Ça fait que ce n'est pas de leur faute, là, ils font très bien avec les instructions qu'on leur donne. On avait des longues réunions où on pouvait tout savoir sur les heures travaillées, non travaillées, le coût des fournitures, le coût des médicaments; tout ça, c'est très important, mais l'indicateur de la mission fondamentale de l'établissement, qui est de donner des soins de qualité et sécuritaires au moment opportun, il n'était pas là. Curieusement, il y avait toute la périphérie qui était là, mais pas ça.

Alors, remettre la question de l'accessibilité des soins au centre de la mission puis de la préoccupation de l'établissement, comment est-ce qu'on transforme ça dans un établissement? Évidemment, nous, le ministère, il faut peut-être qu'on concentre les demandes qu'on fait aux gestionnaires en lien avec ça. Ça, c'est clair. Mais, à l'intérieur de l'établissement, comment est-ce qu'on fait que ça devient important puis qu'on ne dit pas juste: Bien, regarde donc ça, ce mois-ci, il y en a 2 000 sur la liste d'attente; bien, c'est ça, il y en a 2 000?

M. Bolduc (Yves): Ça, c'est une culture d'organisation, puis ça, ça passe par la mesure, le maintien des tableaux de bord et la mobilisation des professionnels. Ce qu'un chirurgien veut, là, il ne veut pas des lits, ce qu'il veut, c'est opérer des patients, O.K.? Ça, c'est également une image qu'on fait souvent, c'est qu'on pense que le chirurgien veut tout gérer. Ce n'est pas ça. Un chirurgien, ce que ça veut, c'est opérer. Nous autres, notre responsabilité en tant que CMDP puis en tant que gestionnaires, c'est de lui donner des outils pour opérer. Ça, ce que ça veut dire, il ne faut pas qu'il ait de tracas administratifs. Donc, on gère ses affaires et puis on s'assure également qu'il y ait, je vous dirais, au niveau des patients, une grande accessibilité en faisant une gestion au jour le jour.

Les gros problèmes qu'on a... Quand on disait, tantôt, les patients de plus de six mois, la majorité des patients de plus de six mois, là, ils attendent plus de six mois parce qu'il y en a qui sont opérés à l'intérieur d'un mois et qui ne devraient peut-être pas l'être, qui devraient attendre un peu plus longtemps. Et c'est cette gestion-là de la liste d'attente ? en tout cas, on parle de la chirurgie ? qui doit être rigoureuse, qui doit se faire à chaque semaine.

Nous autres, on parlait tantôt qu'on dirait peut-être un petit peu après comment on fait ça. Moi, ça me prend 15 minutes par semaine, gérer la liste d'attente en chirurgie, parce que j'ai un système qui est rodé. Tout ce que j'ai fait, je me suis toujours préoccupé des plus que six mois. Je me suis toujours organisé pour que les plus que six mois passent avant les patients plus récents. L'autre affaire qui est importante, si vous manquez toujours de ressources et puis que vous ne répondez pas aux besoins des patients, c'est sûr que vous allez être en inadéquation. Donc, il faut découvrir, à un moment donné, avoir le nombre de salles d'op, avec le type de chirurgien que vous avez, qui correspond aux besoins de la population. Puis, une fois que vous avez récupéré votre retard, il s'agit juste de faire un peu sur le principe de Toyota. Moi, mon principe de management, c'est celui de Toyota, en «just-in-time», là, c'est qu'il faut toujours que vous vous organisiez pour que vos ressources correspondent.

Je vais vous donner un exemple. Moi, j'ai une longue liste d'attente en orthopédie, et mes gynécologues n'utilisaient pas au maximum leur temps opératoire. Donc, j'ai diminué le temps de mes gynécologues, qui n'avaient pas de liste d'attente, puis j'en ai donné plus aux chirurgiens orthopédiques. Et puis, après un certain temps, tu es capable de trouver ton point d'équilibre. Tu sais, peut-être un des aspects importants, c'est le point d'équilibre à trouver entre les deux.

Puis l'autre affaire, si vous voulez être performant, c'est de toujours... Ce qui coûte cher dans le système, c'est les délais puis les doublons ? on appelle ça les doublons ? tu sais, de faire deux fois les mêmes affaires. Si votre patient a trop attendu longtemps, vous êtes obligé de lui faire son préop. Ça, ça coûte cher dans le système. Donc, quand vous travaillez en «just-in-time», sur le principe, encore là, de Toyota... Parce qu'un bloc opératoire, ça ne se gère pas comme une urgence, ça se gère comme une usine de production d'automobiles. C'est un patient qui rentre, un patient qui sort, un patient qui rentre puis un patient qui sort. Il faut juste que tu prévoies du temps pour tes urgences. À part de ça, le reste, c'est du «just-in-time». Et puis, une fois que vous avez mis ce système-là en place, ce que vous vous rendez compte, c'est que vous coûtez moins cher qu'ailleurs. Ça, c'est une réalité, parce que vous n'avez pas de temps perdu.

Puis, en passant, ces principes de management là, ils sont empruntés à d'autres organisations, mais, que ce soit dans la santé ou d'autres organisations, c'est les mêmes principes de management. Et puis, moi, je l'ai utilisé chez nous, puis, nos listes d'attente, vous pouvez vérifier sur le site Web de ce matin, on a probablement les meilleures listes d'attente au Québec parce qu'on s'en est toujours préoccupés. Ça, c'est vrai pour les 48 heures à l'urgence, les 24 heures à l'urgence, c'est vrai pour les examens de laboratoire, c'est vrai pour les examens de radiologie. Ça fait que, quand vous vous êtes préoccupés de chacun des systèmes comme ça, en termes d'accessibilité, à un moment donné vous avez un système qui roule très bien. De façon à ce que, si vous venez visiter notre établissement, malgré le niveau de production qu'on a, vous vous rendrez compte qu'il n'y a personne qui court. Tout le monde travaille fort, mais il n'y a personne qui court. Ça, c'est une caractéristique d'une bonne organisation. Puis c'est Drucker qui l'a dit, le père du management: Une bonne organisation, quand tu arrives là, il n'y a personne qui a l'air en crise. Tout le monde fait son travail comme il faut. C'est les grands principes.

M. Couillard: Pour ce qui est des cliniques affiliées, je note que vous êtes d'accord avec le principe. J'aurais deux séries de questions. D'abord, sur la question de la certification ou du permis à donner à ces cliniques-là, effectivement il y a une grosse réflexion en cours là-dessus, puis fondamentalement ce qu'on veut prévenir, c'est exactement ce que vous décrivez, donc qu'il y ait une sorte de certification ou d'attestation que le médecin qui va pratiquer à la clinique x a rempli toutes ses obligations, les obligations incluant la présence au bloc opératoire dans les priorités qui sont assignées, la clinique externe puis la garde. Essentiellement, c'est ces trois choses-là.

Est-ce que vous pensez que le directeur des services professionnels ? dans votre établissement, c'est vous ? est la meilleure personne pour donner cet avis-là, ou le CMDP? Comment est-ce que ça devrait fonctionner?

M. Bolduc (Yves): Bien, je pense que ça... Moi, je ferais coordonner ça par l'agence dans un premier temps. Et puis l'agence devrait parler avec chacun des établissements. Puis j'irais sur le principe de conformité, un peu comme les activités médicales particulières, mais adapté à la chirurgie. Ça, c'est pour avoir le privilège. Parce que c'est un privilège de pratiquer en clinique médicale affiliée. Vous allez tomber avec une pratique régulière et puis vous allez être capable d'avoir du volume. Donc, moi, je m'entendrais: coordonné par l'agence, parce qu'il y a des médecins qui peuvent venir de plusieurs secteurs, de plusieurs établissements, de façon à demander aux établissements: Est-ce que cette personne-là suffit à la tâche pour ses tâches hospitalières? Je dirais: pas plus compliqué que ça.

Comme directeur des services professionnels, ce n'est pas moi qui le contrôlerais, mais c'est moi qui donnerais un avis là-dessus au nom de l'établissement. Mais ça pourrait être également via le CMDP. Parce qu'il ne faut pas oublier, le CMDP de l'établissement est très concerné, parce que, quand vous avez une pénurie de main-d'oeuvre, votre système de garde est fait par vos membres, puis, au lieu d'être un en quatre, vous êtes un en deux. C'est un petit peu plus fatigant.

M. Couillard: Effectivement. Je regardais effectivement les statistiques sur les listes d'attente. Au Saguenay?Lac-Saint-Jean, dans votre établissement, elles sont très bonnes. Mais, dans la région en général, elles ne sont pas mauvaises du tout, incluant Chicoutimi. Y a-tu besoin de cliniques affiliées au Saguenay?Lac-Saint-Jean? Vous, est-ce que vous pensez que vous allez développer un projet avec vos médecins, ou vous n'en avez pas vraiment besoin?

M. Bolduc (Yves): Notre établissement n'aurait pas le volume pour le faire, mais peut-être que l'hôpital de Chicoutimi pourrait en avoir un. Mais je pense que la clinique médicale affiliée, c'est une alternative à l'hôpital. Mais, si vous regardez à long terme... Là, on part avec un projet, mais qui dit, dans 10 ans, que toutes les chirurgies ambulatoires ne se feront pas dans une clinique médicale affiliée? C'est possible. Ça, on laissera évoluer le système là-dessus. Mais actuellement je pense qu'il y a de la place pour les cliniques médicales affiliées, dans un premier temps, probablement à Montréal, Québec, pas certain à Sherbrooke, possiblement dans la Montérégie. Parce que, pour faire vivre une clinique médicale affiliée avec un «set-up» de bloc opératoire, là, qui fonctionne bien, ça prend un gros volume de patients. Et puis, nous autres, de toute façon, on est capables de suffire à la tâche actuellement. Mais, dans le futur, c'est peut-être quelque chose qui pourrait être regardable. Mais pas à court terme.

M. Couillard: Êtes-vous dans la situation actuellement où vous pourriez même offrir à vos régions voisines qui ne sont pas capables d'être dans les délais de les traiter?

M. Bolduc (Yves): ...sur la table.

M. Couillard: Pardon?

M. Bolduc (Yves): Les offres sont déjà sur la table. Entre autres, il y a une région sur la Côte-Nord qu'ils ne peuvent pas opérer leurs patients en orthopédie parce qu'il y a une pénurie d'orthopédistes. Donc, ce n'est pas parce qu'ils ne voudraient pas les faire, mais ils ne sont pas capables de les faire. À ce moment-là, nous autres, on a offert qu'on pourrait leur opérer un 10 à 20 cas facilement, là, au cours de la prochaine année. Et je sais que Chicoutimi a fait également cette offre-là. Ça, en passant, dans le système, c'est ça qui va être gagnant. Vous n'êtes pas nécessairement toujours capable d'offrir le service, mais vous avez l'obligation de vous assurer que votre patient va avoir le service. Dans un premier temps, vous devriez toujours chercher à avoir le service localement. Quand on n'est pas capable de l'avoir localement, ça devrait être régionalement. Quand on n'est pas capable de l'avoir régionalement, on devrait regarder à l'intérieur de notre RUIS. Puis si, à la fin, personne n'est capable à l'intérieur du RUIS, on devrait regarder au niveau provincial. Une dernière alternative, que j'espère qu'on ne fera jamais, c'est de les envoyer à l'extérieur, soit aux États-Unis ou en Ontario.

Moi, d'ailleurs, je préconiserais beaucoup plus que, si on avait un système de cliniques médicales affiliées qui nous permettait de bien développer notre système puis on s'assurait que notre population québécoise est bien desservie, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas des gens de l'extérieur qui ne viendraient pas se faire opérer ici. Deux raisons: système de santé compétitif au niveau du coût, contrairement à ce qu'on pense, puis, deuxième raison, c'est qu'on a un système d'excellente qualité. Ça fait que, plutôt que de les faire opérer dans certains endroits, on pourrait prendre... Puis, en fin de compte, souvent des gens vont au Mexique pour prendre du soleil, ils pourraient venir au Québec pour prendre de la santé.

M. Couillard: D'ailleurs, c'est loin d'être farfelu. Ce que vous dites là est loin d'être une idée banale, parce que je parlais récemment avec un économiste, puis on faisait le tour des avantages du Québec, puis un des avantages économiques qu'on a au Québec, qui ailleurs dans le monde serait un avantage énorme puis qu'au Québec on ne mousse pas assez, c'est qu'on est des... Si vous regardez ça dans la phraséologie économique, là, on a un produit de très haute qualité, la santé, le système de santé, à un prix très bas par rapport à ce que font nos voisins au sud, nécessairement. Et ça, en termes économiques, c'est un avantage, un avantage majeur.

Je voulais juste terminer sur les cliniques affiliées. Une préoccupation qu'on a également, c'est l'anesthésiste. C'est-à-dire que, si, chaque fois qu'il y a un chirurgien qui part opérer en clinique affiliée, il amène un ou une anesthésiste avec le chirurgien, on n'aura aucun gain dans l'hôpital. Alors, est-ce que vous ne pensez pas qu'au début on devrait exclusivement ou presque exclusivement faire de la chirurgie ambulatoire le plus possible sans anesthésiste?

n (11 h 10) n

M. Bolduc (Yves): Il y a déjà une bonne partie ? on parle, exemple, les cataractes, les tunnels carpiens ? il y a beaucoup de chirurgies qui pourraient être faites en clinique médicale affiliée, qu'on n'a pas besoin d'anesthésiste. Mais je vous dirais que, là-dessus, progressivement on serait probablement capable d'étendre à l'anesthésie en autant qu'ils offrent leur système de garde dans l'établissement, qu'ils font leurs tâches hospitalières.

Juste pour dire, sur l'autre commentaire, il faut voir qu'au Québec un des gros avantages quand les industries viennent s'installer au Canada, on l'a vu récemment en Ontario, notre système de santé nous permet d'offrir des coûts beaucoup moins chers aux entreprises, hein? Il ne faut pas oublier, GM, la plus grosse part de leurs coûts, c'est le système de santé et non pas l'acier. Puis ça, je pense qu'on devrait s'en servir beaucoup plus au niveau compétitif puis réussir à importer des choses de l'extérieur.

Le Président (M. Paquin): Merci. Au tour de l'opposition à poursuivre l'échange, et je reconnais le député de Borduas, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. M. le député.

M. Charbonneau: Bien. Merci beaucoup, Dr Bolduc, votre collègue, madame. Je suis content de vous retrouver, parce que j'avais assisté à votre présentation au colloque, à Montréal, il y a quelques semaines, et je vous avais trouvé assez bon, et je vous trouve encore très bon ce matin. J'espère que le Dr Chaoulli, qui est venu nous voir hier, est à l'écoute de nos travaux aujourd'hui. Je ne suis pas sûr que ça ne va pas lui sonner quelques cloches, là.

Moi, je vous écoute puis je me dis: C'est vrai, on en parlait au début, qu'il y a un problème de pénurie de main-d'oeuvre, mais dans le fond... Le ministre a utilisé l'expression «la façon de travailler». Vous, vous aviez parlé de la redéfinition du rôle des omnis. J'ai l'impression que vous venez de faire la démonstration qu'une bonne partie de nos problèmes actuellement de fonctionnement, c'est des problèmes d'organisation, et de gestion, et puis d'utilisation, de méthodes de travail qui sont appropriées ou pas appropriées. Et, moi, si j'étais ministre de la Santé ? mais je suis juste de ce côté-ci pour le moment, là; mais, si j'étais le ministre de la Santé ? je dirais à mes gens comment on peut prendre cette expertise-là puis de faire en sorte qu'elle soit maintenant à la disposition de tous nos établissements et nos gestionnaires d'établissement.

Parce qu'en bout de piste... Il n'y a pas de magie, hein? Je veux dire, il y a des gens, dans n'importe quel type d'organisation... Vous parliez tantôt de l'industrie automobile, il y a des entreprises qui sont plus performantes que d'autres puis qui ont développé des méthodes d'intervention ou d'opération plus adéquates que d'autres. Puis finalement les concurrents finissent parfois par s'en rendre compte puis décident qu'ils les adoptent, ces méthodes-là, puis avec des succès intéressants. Ou ils décident de penser qu'eux autres ont la vérité puis ne les adoptent pas, et finalement leur niveau de rendement n'est pas à la hauteur de leurs attentes. Je me demande si une des priorités, ce ne serait pas de mettre à la disposition de l'ensemble des établissements au Québec l'expertise que vous avez développée. Vous n'êtes peut-être pas le seul au Québec à l'avoir développée, mais je voudrais dire que vous êtes dans le peloton de tête. Bon. Tout le monde le reconnaît.

Et on disait plus tôt, ce matin, que souvent la tendance des gens de ? l'association du diabète ? c'était de réinventer les boutons à quatre trous puis d'essayer finalement, d'une fois à l'autre, de mettre en place des nouveaux processus, comme si finalement on ne voulait pas regarder ce qui marche ailleurs, ce qui fonctionne ailleurs puis qu'on était obligés, nous autres, de mettre bien du temps, bien de l'énergie, bien de l'activisme pour se donner l'impression que finalement on gagne bien notre salaire puis qu'on est efficaces, alors que dans le fond il y en a qui ont trouvé les affaires avant nous autres, puis, je veux dire, ce serait bien plus simple pour tout le monde, y compris pour le citoyen contribuable, de mettre cette expertise qui a été développée à la disposition de tout le monde. En tout cas, moi, j'espère que finalement on va le faire.

J'aurais le goût de vous poser la question, parce que vous avez dit tantôt: J'ai déjà sensibilisé le ministère. Ça a été quoi, la réponse du ministère?

M. Bolduc (Yves): Positive. Ils sont très, très positifs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Très bien. Alors, maintenant, est-ce que... Je suis content de savoir ça!

M. Bolduc (Yves): Très, très positive, parce que, lorsqu'il a lu notre article, le Dr Bureau m'a appelé pour savoir comment on fonctionnait, puis je lui ai expliqué ma méthode... d'ailleurs que j'ai rédigée puis que je vais peut-être remettre tantôt à M. le ministre. Ce n'était pas prévu, mais je le ferai parce qu'il l'a demandé. Mais ça a été très, très positif.

Puis, en passant, ce qu'on préconise puis ce qu'on fait chez nous, c'est ce qui est dans le document que vous avez là. Ça nous prend ça pour pouvoir passer à l'autre étape. Et puis, entre autres, il y a eu la création des CSSS, mais il y a toute la question de la garantie à l'accessibilité. Pour garantir l'accessibilité, il faut d'abord une obligation de la donner à l'intérieur de six mois. Chez nous, on se l'est donnée, mais ce n'est pas tout le monde qui avait cette obligation-là, en disant: Bien, on ne peut pas rien faire. Mais maintenant on va tous être obligés de le faire. Et puis là ça va obliger les gens d'aller voir les meilleures pratiques et puis de les importer. Et puis vous nous avez fait comme un petit cours de management, puis c'est absolument ce que vous dites, il faut sortir de notre système de santé puis aller voir dans d'autres entreprises qu'est-ce qui se fait de mieux pour qu'on puisse l'importer.

Tantôt, je vous disais FedEx. FedEx le fait. Si FedEx peut le faire, on peut le faire pour nos patients. Ça se fait très facilement. Les utilisations des techniques Web, on est capable de le faire également. Et puis, comme vous disiez tantôt, ça va se faire partout au Québec. Il y a toujours ceux qui sont précurseurs, puis les autres qui vont suivre. Puis, vous savez, quand le meilleur est la masse, c'est toujours la même distance. Ça fait qu'il faut continuer à s'améliorer tout le temps, puis c'est encore plus facile. Et puis, pour répondre à votre question, le ministère a été très, très ouvert à ça, puis on va le regarder ensemble.

M. Charbonneau: Je suis content de l'entendre dire. Maintenant, ce qui va être intéressant, puis ça va être notre responsabilité à nous, comme parlementaires... Parce que c'est ça, la job du Parlement par rapport au gouvernement, c'est de contrôler la façon dont le gouvernement performe puis s'acquitte de ses responsabilités. Je veux dire, nous, ce qui va être important, c'est que maintenant puis dans les années à venir, quels que soient ceux qui seront du côté de l'opposition... Parce que, dans notre système démocratique, en général c'est l'opposition qui fait la job du Parlement, c'est eux autres qui contrôlent le gouvernement. Quand on est du côté ministériel, on supporte le gouvernement, et c'est dans la nature de notre système parlementaire. On ne fera pas un grand cours sur ça, mais c'est clair qu'il va falloir que, nous, on soit en mesure d'évaluer. Quand je dis «nous», c'est l'opposition, quelle qu'elle soit. Ils seraient de l'autre côté dans six mois, dans un an ou dans un an et demi, ils vont devoir faire la même chose, c'est-à-dire d'être en mesure d'évaluer le niveau de rendement par rapport à ce que vous nous dites aujourd'hui.

Est-ce que, sans faire de pronostic, là, disons, naïf, mais est-ce qu'on est capable... Parce que dans le fond les entreprises, ils se donnent des objectifs puis ils se disent: Il faut qu'on ait atteint tel niveau de rendement à tel moment donné, parce qu'on a des obligations, puis on a comme une compétition, puis, si on ne le fait pas, on est morts. Est-ce qu'on pourrait, à votre avis, se donner des cibles de période de temps? C'est-à-dire que ce que vous dites... on vient de se donner un processus législatif auquel on a concouru pour faire en sorte que la reconfiguration du système, qui se faisait sur une base volontaire, soit partout. Maintenant, on a tout ça. Dans combien de temps on peut penser que finalement cette approche-là pourrait être implantée partout?

M. Bolduc (Yves): Entre trois et cinq ans.

M. Charbonneau: Entre trois et cinq ans?

M. Bolduc (Yves): Oui. Oui, puis je pense que c'est un pronostic qui est raisonnable. Il y a encore de la transformation à faire, mais dans trois ans les bonnes pratiques devraient être mises en place, surtout qu'il va y avoir des obligations. Et puis, pour changer une culture d'organisation, ça prend cinq ans. Ça fait que, moi, je me dis: Dans trois à cinq ans, on va être rendus là, dans le système, et puis on va travailler sur encore quelque chose de mieux. Ça, je suis convaincu de ça.

On parlait du financement. Je pense que le financement actuellement commence à être adéquat dans notre système. Je pense qu'il y a eu beaucoup d'ajouts au cours des dernières années, et puis il y a une grosse volonté du ministère ou du gouvernement de l'améliorer. Dans mon établissement puis dans la plupart des établissements que je vois au Québec, on commence à avoir un bon contrôle des coûts, sauf à un endroit ? puis ça, je pense que M. le ministre est au courant ? c'est la chimiothérapie, qui est en grosse croissance. Le reste, je pense que les bases budgétaires commencent à être équilibrées. En passant, j'ai été un de ceux qui l'ont dit ? puis j'avais rencontré le Dr Couillard à l'époque ? qu'il y avait du sous-financement, dans le système, de quelques milliards de dollars. Ils ont récupéré. Il m'avait dit à l'époque qu'ils récupéreraient, et c'est fait. Ça ne pouvait pas se faire en une journée, mais sur plusieurs années. Je pense qu'on a récupéré au niveau du financement. Maintenant, il faut contrôler les coûts, la croissance des coûts. Puis ça, si vous voulez mon avis, les États-Unis, les pays développés, on a tous le même problème. Donc, il va nécessairement y avoir une solution à ça d'ici deux ou trois ans, sinon c'est invivable. Mais il va y avoir des solutions qui vont apparaître, ça, je suis certain.

M. Charbonneau: Je reviens à la première ligne. Tantôt, vous parliez qu'il fallait redéfinir le rôle des omnis, tout ça, bon, puis vous avez placé le problème de l'incitatif puis du mode de rémunération. Le ministre a dit qu'il était d'accord avec vous sur un certain nombre d'énoncés, y compris ça. Mais là on est dans une dynamique, là, où on est en négociation. On ne fera pas la négociation ici, là, ce matin, mais est-ce qu'un mode de rémunération que vous envisagez ou auquel vous faites référence, c'est un mode de rémunération qui nécessite nécessairement... devrait amener l'État à investir un peu plus? Parce que...

n (11 h 20) n

M. Bolduc (Yves): C'est que, de la façon dont ça fonctionne, ils vont négocier la masse salariale, puis après ça on s'entendra de l'utilisation de la masse salariale pour donner les meilleurs services, O.K.? Je vais vous donner un exemple. Dans les GMF, en inscrivant un patient, ça donne tel montant au médecin. Donc, ça favorise les gens à s'installer en GMF, puis on est gagnant au long du terme. Mais c'est dans notre structure de répartition du prix des actes. Ça ne pourrait pas dire, à ce moment-là, qu'il n'y a pas un autre acte qui pourrait baisser, de façon à ce qu'il y ait un différentiel entre les deux plans d'organisation. Ce qui fait qu'il y a le niveau salarial puis il y a l'organisation de cette masse salariale, à l'intérieur de l'organisation de services. Puis, une des meilleures façons de modifier un comportement, on ne se le cachera pas, c'est par la rémunération. Si vous dites aux gens: Vous avez un prime parce que vous travaillez en équipe, ils vont travailler en équipe. Mais, si vous leur dites: Organisez-vous tout seuls, ils vont s'organiser tout seuls. Donc, c'est plus comme ça que, moi, je le vois.

Un exemple, si un clinique assure qu'un patient va être capable d'avoir un médecin de famille à l'intérieur de 48 à 72 heures, pour la clinique, il pourrait y avoir un genre de prime, qu'ils vont perdre s'ils ne le font pas; par contre, quand ils vont négocier les actes, il y a peut-être d'autres actes, exemple l'examen complet, qui pourraient baisser un petit peu, mais à la fin ça va être le même montant, mais la façon dont on va l'organiser va faire que, nous autres, on va changer notre organisation de services. Et c'est comme ça.

M. Charbonneau: Oui, mais je veux être bien sûr d'avoir compris. C'est-à-dire que, dans une enveloppe x qui... ? et vous dites: elle ne serait pas obligée d'être énormément plus grosse ? il y a moyen de faire en sorte que l'utilisation de cette enveloppe-là fasse en sorte.... Puis, quand vous dites: À quelque part, il faut qu'il y ait incitatif... Autrement dit, en bout de piste, il y a un certain nombre de médecins, s'ils adoptent certains comportements nouveaux, ils vont être mieux rémunérés. C'est-à-dire, à quelque part, l'incitatif, c'est qu'il y en a qui vont en avoir plus dans leurs proches parce que finalement ils vont adhérer a un mode de pratique différent.

M. Bolduc (Yves): Oui. Puis, en passant, on n'a pas besoin de... on a juste à prendre les augmentations salariales et les appliquer à la bonne place. Donc, tu peux faire un gel des activités actuelles, prendre ton augmentation puis la mettre à l'endroit que tu penses que ça devrait être favorable à l'organisation de services. Martin.

M. Arata (Martin): Dans les conditions de pratique ou dans l'organisation de première ligne aussi, on l'a soulevé tout à l'heure, le modèle de la Grande-Bretagne, il y a l'apport des professionnels. Au Québec, le lien entre le nombre de médecins et le nombre de professionnels qui encadrent est différent du modèle de la Grande-Bretagne. On parlait tout à l'heure d'investissement ou de façon de pratiquer. Il est peut-être à reconsidérer aussi les gens qui entourent les omnipraticiens et la prise en charge différente de ces clientèles-là. Alors, donner un rôle expert, entre guillemets, à l'omnipraticien et de valoriser les professionnels qui travaillent dans cette équipe-là. Alors, revoir la proportion de professionnels qui supportent la première ligne, donc favoriser une approche interdisciplinaire, là.

M. Charbonneau: C'est un peu ce que l'Ordre des infirmières et infirmiers est venu nous dire. C'est-à-dire, par exemple, ils disaient: Si on mettait, par exemple... à la limite on jumelait, dans les GMF, un médecin et une infirmière, plutôt qu'une seule infirmière par GMF, vous auriez une dynamique totalement différente. Puis je pense que ça va dans le sens dont vous parlez, là.

M. Bolduc (Yves): Nous autres, je l'ai... Comme je vous disais tantôt, nous autres, on est en GMF depuis à peu près une année et demie, et puis ça a changé nos pratiques. Puis ce qui est remarquable, c'est qu'on fait beaucoup plus ce qui nous concerne comme omnipraticiens, donc on peut s'occuper de plus de patients, mieux, puis l'infirmière, elle s'occupe des patients, un certain type de clientèle qui, elle aussi, est mieux prise en charge. On parlait du diabète, hypertension artérielle, les cliniques d'anticoagulation. C'est le respect de chacun des rôles. Il n'y en a pas un qui est plus important. Ça prend les deux, puis avec une bonne combinaison.

L'exemple également... Si vous regardez, voilà dix ans, la rémunération, un médecin était toujours payé le même prix, quel que soit le patient. Présentement, il y a un différentiel entre le patient qui est vulnérable, qui demande plus de soins, et l'autre patient. Ce qui fait qu'avant ça on avait des médecins que tout ce qu'ils voulaient faire, c'est du sans-rendez-vous rapide, tandis que, là, au moins c'est intéressant pour quelqu'un de prendre une clientèle en charge. Donc, je pense qu'il faut s'adapter. Puis, le ministère, ils sont très, très au courant de ça, puis je pense qu'ils travaillent fortement là-dessus. Puis je sais que notre fédération, au niveau de la FMOQ, également favorise, là, des arrangements comme ça. Puis il ne faut pas oublier que ce qui est important, c'est souvent le niveau de rémunération et non pas la façon dont on va le faire.

M. Charbonneau: En tout cas, on est dans une période critique, là, on va voir jusqu'où le message va avoir porté.

M. Bolduc (Yves): ...instances négocier leurs affaires.

M. Charbonneau: C'est ça, exactement. Moi, je ne veux pas vous amener à faire la négociation avec le ministère ici, là, puis on ne voulait pas le faire non plus avec la fédération. Ce n'est pas ici que ça se fait. Mais c'est clair que le problème, il est là aussi, là. C'est-à-dire, on ne peut pas faire abstraction qu'il y a une dimension qui est à ce niveau-là.

Je me suis déjà laissé dire par certains dirigeants d'établissement, là, de CSSS, que dans le fond, même si effectivement on a encore un problème d'effectifs médicaux, que, si on adoptait cette approche-là, celle dont vous venez de parler, actuellement, au Québec, avec le nombre d'omnis qu'on a, on pourrait avoir une prise en charge de l'ensemble de la population du Québec. Est-ce que c'est exagéré de dire ça?

M. Bolduc (Yves): Je pense qu'il y a tout de même une pénurie d'omnipraticiens qui est réelle, ça, puis comme il y a une pénurie d'infirmières qui est réelle, et puis ça va être comblé au cours des prochaines années. Mais par contre le fait de faire de la réorganisation du travail, ça, ça pourrait aider.

Parlons d'autres professionnels. Quand tu vois des infirmières bachelières faire des lits, O.K., et puis que ça fait partie de leurs tâches, et puis qu'elles n'ont pas fait leur organisation du travail, il faut se poser la question, voir si elle joue bien son rôle. Puis ça, eux autres mêmes le décrient. Je pense que c'est tout ça qu'il faut qu'on regarde, mais il ne faut pas négliger qu'il y a quand même une pénurie de personnel au niveau des soins. Puis, en passant, ça ne s'améliorera pas nécessairement, parce qu'au niveau des données quasiment tout ce qui sort des cégeps puis des universités devrait aller quasiment dans la santé, au cours des prochaines années, si on voulait combler les besoins.

Donc, il va falloir revoir notre façon de faire. Moi, je pense qu'il y a d'autre chose qu'il va falloir qu'on fasse et non pas juste augmenter les effectifs.

M. Charbonneau: Vous disiez tantôt: Une des cibles qu'on devrait avoir, c'est d'allonger les heures d'ouverture des blocs opératoires. Est-ce que c'est possible actuellement, là, de le faire?

M. Bolduc (Yves): Non, je ne favoriserais pas nécessairement ça.

M. Charbonneau: O.K.

M. Bolduc (Yves): O.K.? Je pense que ce qu'il faut, c'est une adéquation entre les besoins et les ressources, puis... Comme moi, chez moi, je vais vous avouer, j'ai même fermé une demi-salle, l'année dernière, puis j'ai augmenté ma performance, et je réponds très bien aux besoins. D'allonger les blocs opératoires, je ne pense pas nécessairement que c'est la solution. C'est sûr qu'on pourrait, à la limite, si les besoins étaient là, augmenter le nombre de salles. Puis peut-être avoir des combinaisons. Puis je vais vous donner un exemple. Chez moi, les urgences ne sont pas nécessairement faites le jour. Elles peuvent être faites le soir parce que j'ai une salle qui procède le soir. Quand j'ai fait mon analyse, ça me coûtait moins cher, faire ça, que d'essayer de passer des cas entre deux. Donc, il y a peut-être des façons différentes de faire, mais c'est vraiment une adéquation entre les ressources et les besoins, sans nécessairement avoir d'allongement.

M. Charbonneau: Quand vous parliez, tantôt, de l'utilisation... éventuellement qu'on pourrait même amener des gens de l'étranger à venir être opérés ici, est-ce que vous dites ce que le Dr Lamontagne dit, là, c'est-à-dire...

M. Bolduc (Yves): Non, pas... Bien, le Dr Lamontagne...

M. Charbonneau: Il faudrait peut-être... Parce que, là, dans l'opinion publique, sa déclaration circule beaucoup. Il faudrait juste créer...

M. Bolduc (Yves): Non. Non, c'est ça. Un, ça a sorti... Je n'ai pas lu le livre. Ça sort aujourd'hui, ça fait que... Non, moi, ce n'est pas du tout ça, là. Puis ce n'est pas demain matin, parce que vous ne seriez pas capables, parce que vous manquez de ressources. Mais, sur une longue période, ça pourrait être un avantage concurrentiel de pouvoir avoir des gens de l'extérieur qui viennent se faire... ici. Puis ça nous permettrait aussi de développer plus de main-d'oeuvre. Mais ce n'est pas du tout dans la même optique que le Dr Lamontagne, parce que... Je ne peux pas le commenter, je n'ai pas lu ses affaires, là. C'est vraiment...

M. Charbonneau: Non, non, non...

M. Bolduc (Yves): Même si on ne l'avait pas su, j'aurais dit le même commentaire aujourd'hui.

M. Charbonneau: Bon, O.K. Vous avez parlé tantôt qu'il y avait... Moi, j'ai été un peu estomaqué de voir ? puis j'aimerais ça que vous nous expliquiez comment c'est possible encore aujourd'hui ? au niveau des listes d'attente, que l'incohérence soit telle que finalement, pour le même niveau d'urgence, des gens peuvent avoir attendu un an et plus, alors que d'autres ont été opérés plus rapidement. Qu'est-ce qui s'est passé... ou qu'est-ce qui se passe dans ces cas-là?

M. Bolduc (Yves): C'est un phénomène très simple. C'est que le chirurgien, quand il voit un patient, le patient le plus important, c'est celui qu'il est en train de voir. Puis, quand sa liste d'attente est assez longue, il finit par oublier sa liste d'attente puis il dit au patient: Bien, moi, je vais vous opérer dans trois semaines. Puis, quand il l'opère dans trois semaines, il faut comprendre qu'il y en a un qui attendait depuis un an. Puis là c'est tout à fait humain. C'est sa gestion quotidienne qui lui fait faire ça, puis il n'a pas la vue d'ensemble. Et souvent, également, ils les ont dans leur poche. Ça fait que ce que tu as dans ta poche, tu ne le vérifies... Plus elle est grosse, puis moins il a tendance à la regarder, hein? C'est un phénomène tout à fait normal.

Donc, la façon de refaire ça, dans un premier temps, c'est d'avoir tous les noms sur une seule liste d'attente, de faire les délais et puis de se donner une stratégie, un, d'épuration ? parce qu'un patient qui... la liste a l'air longue, mais, quand tu as fini de les enlever, il n'y en a peut-être plus tant que ça ? et de toujours s'assurer que le plus loin va être opéré dans un délai raisonnable. Et puis ça n'empêche pas le chirurgien de nous donner des priorités. Et je vais vous donner...

Puis là les gens vont dire: Oui, mais, si c'est comme ça, c'est parce que c'est toutes des urgences. Je les avais, les listes opératoires, puis j'avais les programmes des deux prochains mois, là, puis ? je vais vous donner un exemple ? ce qu'ils opéraient, c'étaient des tunnels carpiens, puis il n'y avait aucune urgence là-dedans. Les gens essayaient de se défendre. C'est juste leur façon de gérer.

Juste le fait de faire ça... Dans l'établissement avec lequel j'ai travaillé, il y en a un qu'on ne l'a pas fait, puis je suis certain qu'on irait voir aujourd'hui, les patients décédés sont encore sur la liste. L'autre avec lequel on l'a fait, on a tout simplement épuré la liste en l'espace d'un mois, donc on a une liste beaucoup plus réaliste, puis après ça on peut s'attaquer à cette liste-là.

M. Charbonneau: Qu'est-ce qui fait que vous avez réussi à faire ça? C'est-u parce que vous avez fait une offre que les médecins ne pouvaient pas refuser et que vous aviez un pouvoir, une autorité pour le faire...

M. Bolduc (Yves): Non...

M. Charbonneau: ...ou juste parce que vous avez créé une dynamique positive qui a fait que les gens ont accepté de changer leurs façons de faire?

M. Bolduc (Yves): Bien, les chirurgiens les plus heureux sont à Alma, parce qu'ils n'ont pas besoin de gérer l'administratif, ils n'ont jamais manqué de lits depuis 10 ans...

Des voix: ...

M. Bolduc (Yves): Non, mais c'est vrai. Lui, il dit que c'est à Thetford Mines, moi, je dis que c'est à Alma. Mais, regardez, nos chirurgiens n'ont jamais manqué de lits depuis 10 ans parce qu'on s'est toujours préoccupés de ne pas canceller de cas parce qu'il y avait des chirurgies. Mon bloc opératoire, il n'y a pratiquement jamais de cancellation, donc il n'y a pas de reprise, donc je suis encore plus performant. Parce que, quand vous cancellez un cas, c'est un cas qui est perdu, hein? Les deux heures que vous n'opérez pas puis que vous avez tout votre personnel, ça vous a coûté aussi cher, mais vous n'avez pas fait la tâche, puis il va falloir la faire un jour, de toute façon. Et puis ils n'ont pas besoin de se préoccuper, parce que tous les patients sont opérés à l'intérieur d'un délai raisonnable. Le problème de certains de nos chirurgiens, c'est plus qu'il faut qu'ils soient capables de remplir leur temps opératoire.

M. Charbonneau: Moi, ce que je voulais savoir, c'est que... Aujourd'hui, vous avez fait la démonstration. Je suis convaincu que maintenant, là, ils vous croient sur parole. Mais, au départ, qu'est-ce qui vous a permis de les amener à changer leur approche?

n (11 h 30) n

M. Bolduc (Yves): C'est progressif, mais le succès entraîne le succès, hein? Quand ils ont vu que ça allait bien... Parce qu'on avait fait d'autres systèmes de changements. Entre autres, on avait installé un système, en radiologie, où est-ce qu'on pouvait accéder au système de dictée, au laboratoire, on a mis le sans-rendez-vous. Ça fait que, quand vous avez des succès comme ça dans l'organisation, puis qu'on arrive en chirurgie, puis qu'on offre une nouvelle stratégie qui est complètement différente en ce qui les concerne, ils ont confiance. Puis, quand ils embarquent puis qu'ils voient que ça donne des bons résultats, ils l'adoptent.

En passant, au Québec, en cardiologie, c'est quelque chose qui a été fait. Maintenant, c'est des listes d'attente puis, en cardiologie, ça va très bien. Un patient, pour avoir une coronaro, là, c'est très, très rapide parce que justement ils ont réorganisé le système. Les médecins et les chirurgiens sont très collaborateurs. Il faut juste avoir des stratégies de mobilisation, comme tout individu, de façon à ce qu'ils voient que ça aille bien, que c'est un bon système mis en place et qu'ils ont des gains également.

Mes chirurgiens, je n'ai pas de temps perdu. Ils n'ont pas besoin de se chicaner avec le patient pour savoir quand il va être opéré. Quand ils opèrent, ils sont sûrs que leur bloc opératoire ne sera pas cancellé, et puis ils opèrent le patient quand ils veulent. Sauf que, moi, je leur demande que, quand un patient arrive à un certain délai, il faut absolument qu'il soit vu avant. Puis, un des trucs pour ne pas qu'il soit dépassé six mois, ce n'est pas de les gérer à six mois, c'est de les gérer à quatre mois.

M. Charbonneau: Bien, Dr Bolduc, moi, ce que je ferais, là, si j'étais ministre, là, je prendrais, le service de l'Assemblée nationale, la cassette d'une heure qu'on vient d'avoir, là, puis je l'enverrais dans tous les établissements du Québec. Le témoignage que vous venez de nous livrer pourrait être entendu et réfléchi. Parce que je ne suis pas sûr que la plupart sont à l'écoute ce matin, là, ils doivent être dans leurs établissements. Mais, je veux dire, si c'était important pour nous de vous entendre, je pense qu'il y en a d'autres qui auraient intérêt à vous entendre aussi. Voilà, monsieur.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député. Dr Bolduc, Mme Cloutier, Dr Arata, de l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec, merci de votre participation à nos travaux.

Et j'invite maintenant les représentantes et les représentants de la Coalition Priorité Cancer au Québec à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Nous poursuivons nos travaux et nous souhaitons la bienvenue à la Coalition Priorité Cancer au Québec. Nous allons avoir le plaisir de passer une heure ensemble. 20 minutes vous est alloué pour présenter votre mémoire, et par la suite il va y avoir 40 minutes d'échange du côté ministériel et du côté de l'opposition. Donc, je vous invite à vous présenter et à nous faire part de votre mémoire.

Coalition Priorité Cancer au Québec

Mme Magnan (Nicole): Merci de votre accueil, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. membres de la Commission des affaires sociales. Je me présente. Je suis Nicole Magnan, de la Société canadienne du cancer, et, avec le Dr Pierre Audet-Lapointe, de la Fondation québécoise du cancer, nous sommes les porte-parole de la Coalition Priorité Cancer au Québec, qui compte 16 organismes et que nous représentons donc aujourd'hui. Alors, merci de nous permettre de présenter le point de vue de la Coalition Priorité Cancer au Québec dans le cadre de ces audiences publiques portant sur certains moyens de garantir l'accès aux services de santé. Étant donné que déjà vous avez pu prendre connaissance de notre mémoire, vous nous permettrez de relier davantage notre entrée en matière à l'actualité.

Ainsi, comme vous l'avez sûrement constaté à la lecture de vos journaux ce matin ou dans les bulletins de nouvelles hier, le cancer continue de faire des ravages considérables chez nous. Comme le démontrent les statistiques dévoilées hier par la Société canadienne du cancer, cette année seulement, au Québec, plus de 19 000 personnes mourront de cette maladie et au moins le double en recevra le diagnostic. À titre d'illustration, cela veut dire qu'en une seule année la population entière d'une ville comme Beloeil ou Westmount disparaîtrait...

Une voix: ...

M. Charbonneau: Sans compter le mien, là, hein?

Mme Magnan (Nicole): ...alors que tous les habitants d'une ville comme Boucherville ou Rouyn-Noranda apprendraient qu'ils ont le cancer. Et cela n'est pas une situation appréhendée, mais la réalité toute crue. Voilà pourquoi nous sommes ici.

Au risque de vous choquer davantage ? mais la situation est telle que nous devons le faire ? d'ici la fin de cette audience, soit dans moins de 55 minutes maintenant, il y aura au Québec deux nouveaux décès dus au cancer et quatre nouveaux diagnostics de cancer.

Il y a au moins une bonne nouvelle: même s'il est encore très difficile de comparer le Québec aux autres provinces, la mortalité par cancer semble se stabiliser ou diminuer légèrement pour certains d'entre eux. Mais la mauvaise nouvelle, c'est qu'avec l'augmentation de la population et le vieillissement de la population, qui est plus accentué au Québec qu'ailleurs, le nombre de cancers, en chiffres absolus, progresse très rapidement.

Alors même que nous parlons de créer une assurance contre la perte d'autonomie, la situation que nous venons de décrire nous porte à réfléchir sur les moyens que nous prenons pour lutter plus efficacement contre ce fléau qu'est le cancer, devenu, cette année, la cause première de décès au Québec.

Depuis plusieurs années maintenant, notre coalition réclame du gouvernement du Québec les ressources humaines, financières et organisationnelles nécessaires à l'implantation et à la réalisation du Programme québécois de lutte contre le cancer. Force est de constater que ce programme, lancé le 21 avril 1998, ne bénéficie toujours pas, huit ans après son adoption, des ressources qui permettraient d'endiguer une bonne fois pour toutes les carences de notre système de santé en matière de lutte contre le cancer.

Par ailleurs, tous les membres de la coalition s'entendent pour saluer l'initiative du ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Philippe Couillard, de vouloir réaliser une large consultation publique sur l'amélioration de l'accès aux services et de viser tout particulièrement la réduction des délais d'attente. Cette question des délais d'attente est cruciale, quand on sait l'importance primordiale que revêt la rapidité de réaction, notamment lorsqu'on fait face à un cancer nouvellement diagnostiqué. La personne atteinte, tout comme les intervenants, sont alors confrontés au défi ultime de la vie, et c'est précisément ce point de vue de la personne atteinte de cancer que désirent amener les membres de la coalition dans le cadre de leur participation à la consultation Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

M. Audet-Lapointe (Pierre): Alors à mon tour je vous remercie de nous accueillir. Mais maintenant je pense qu'on perd notre temps. On devrait tous déménager à Alma, après ce que je viens d'entendre tout à l'heure!

Sur la garantie d'accès et la notion de délais établis, d'entrée de jeu la coalition aimerait préciser que les délais établis en fonction de l'accessibilité demeurent inacceptables dans le cas du cancer. Bien sûr, il existe forcément certains délais pouvant être associés à chacune des étapes, allant du diagnostic du cancer jusqu'au suivi après traitement, qu'il s'agisse de rémission ou de soins palliatifs. Mais cette notion de délais établis amène celle, particulièrement préoccupante, de délais indus, en opposition à un temps d'attente normalisé et scientifiquement acceptable relié à la préparation du patient ou à un protocole de traitement.

n (11 h 40) n

À ce propos, le document de consultation Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité confirme nos appréhensions, car on peut y lire ce qui suit, et je cite: «À la suite de la rencontre fédérale-provinciale-territoriale des premiers ministres sur la santé en septembre 2004, la réduction des temps d'attente a été retenue comme principal objectif, prioritairement pour les services de radio-oncologie, de cardiologie, d'imagerie diagnostique, de remplacement des articulations et de restauration de la vue. Toutefois, dans plusieurs de ces domaines, les normes relatives à ce qui est médicalement acceptable ne sont pas encore déterminées; seulement un petit nombre d'interventions font l'objet de consensus entre les experts.» Fin de la citation.

Par ailleurs, il apparaît clairement aux membres de la coalition que la situation qui prévaut actuellement au Québec, à savoir que le cancer est maintenant, chez nous, au Québec, reconnu comme la première cause de mortalité ? c'est très important qu'on se rappelle que c'est maintenant la première cause de mortalité ? commande un ordre d'actions à privilégier absolument incontournable. Entre autres mesures, il serait impératif de consacrer en priorité au cancer toutes les ressources humaines et financières disponibles se rattachant à ce mécanisme de garantie d'accès visé par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Ainsi, nous avons été très heureux en juin 2003, lorsque le ministre, M. Couillard, a annoncé que le gouvernement du Québec faisait du cancer une priorité d'action. Toutefois, malgré d'importants investissements consentis dans le secteur de la radio-oncologie, qui appartient de fait au domaine du traitement, les efforts semblent encore dispersés, et les résultats, inconnus pour la plupart.

Malheureusement, nous disposons de peu d'instruments pour évaluer notre performance et savoir si nos actions ciblent les bonnes choses. Pour cette raison, nous demandons au ministre de faire des efforts supplémentaires pour rendre publics tous les délais d'attente dans le domaine du cancer. Nous attendons cette mesure depuis trois ans, maintenant. Or, hormis la radio-oncologie, où les délais de traitement sont maintenant réduits à moins de huit semaines dans l'ensemble du Québec ? et ceci est variable en fonction des dates, parce qu'hier ce n'était pas le cas ? il est encore impossible de savoir quels sont nos délais en chirurgie oncologique ou en chimiothérapie, par exemple.

Depuis le mois de décembre dernier, trois rapports publiés à l'échelle canadienne, dont ceux de l'Institut Fraser et de l'Institut canadien d'information sur la santé, présentent, par province canadienne, les délais d'attente sur les principales pathologies. En cancer, le Québec est absent. Pas de données, pas de résultats, rien. La lutte contre le cancer n'est pas ou ne doit pas être une question politique. Si nous sommes moins performants, mettons les chiffres sur la place publique, discutons-en. Peut-être nous permettront-ils de mesurer réellement le chemin à parcourir pour nous améliorer. Nous devons bien cela aux personnes atteintes du cancer.

Mais, plus encore, hier, dans le document de statistiques publié par la Société canadienne du cancer, lorsqu'il est question des taux de survie au cancer, il s'avère impossible de connaître le taux réel de survie au cancer au Québec, par rapport à celui des autres provinces canadiennes, parce que ? et nous citons le document de la société ? «la méthodologie ayant servi à ces analyses et les données présentées ici sont un résumé des résultats plus détaillés d'analyses de la survie publiées par Statistique Canada. Les données du Québec ont été exclues parce que sa méthode de détermination de la date du diagnostic des cancers diffère de celle utilisée par d'autres registres, ce qui rend l'estimation des durées de survie plus difficile.» Fin de la citation. Selon une note de Statistique Canada, on estime même que les chiffres fournis pour le Québec sont inférieurs. Ainsi, les taux de cancer de la prostate seraient supérieurs de 32 %, ceux de la vessie, 14 %, et le mélanome, 35 %.

Or, rappelons-le, les taux de survie au cancer dans une population donnent un aperçu du fardeau que représente cette maladie et reflètent en particulier la gravité variée des différents types de cancer. La survie relative est la méthode privilégiée d'analyse de la survie des personnes atteintes d'un cancer pour des études dans la population. Depuis trois ans, nous demandons la mise sur pied d'un registre national du cancer, comme il en existe ailleurs au pays et dans le monde. Pas un projet pilote pour étudier un programme qui bénéficiera aux experts ou aux fonctionnaires, mais un registre pratique et utile pour enfin savoir ce qui se passe, pour comparer nos meilleures pratiques et choisir le meilleur moyen de soigner les gens. Arrêtons d'attendre, car le cancer, lui, n'attend pas.

Par ailleurs, comme le reconnaît le document de consultation lui-même, la difficulté d'accès à un médecin de famille est extrêmement préoccupante. Dans le cas du cancer, cela dépasse la simple préoccupation, pour devenir un problème alarmant. Le médecin omnipraticien est le point de départ de la lutte contre le cancer, puisque c'est lui qui reçoit la personne et c'est lui qui enclenche l'épisode de soins conduisant au diagnostic, puis à la référence au médecin spécialiste et souvent aux ressources psychosociales. Des centaines de milliers de Québécoises et de Québécois n'ont pas accès à un médecin de famille. Que faire? Il y a là une priorité.

Mme Magnan (Nicole): Sur l'affiliation de cliniques privées et la hiérarchisation des services, dans son document de consultation, le ministre mise sur le développement de cliniques privées affiliées pour compléter et renforcer l'offre de service. En outre, il compte sur la hiérarchisation des services médicaux hospitaliers afin d'améliorer l'organisation des services de santé. Ainsi, en page 23 du document, on peut lire ce qui suit: «Une bonne organisation de services médicaux hospitaliers doit respecter deux conditions fondamentales. Premièrement, les services doivent être hiérarchisés, ce qui permettra d'offrir la bonne intervention au bon moment, au bon endroit, avec l'expertise et la technologie appropriées. [...]Cette hiérarchisation permet d'assurer le passage aisé du patient d'un palier à l'autre, en continuité et sans dédoublement des services. Deuxièmement, l'expertise de pointe doit être regroupée afin de traiter dans un même lieu une masse critique de patients et d'assurer la qualité optimale des interventions.» Fin de la citation.

Sur le plan des moyens identifiés, le ministre prévoit, entre autres, des corridors de services où la continuité et la complémentarité des interventions seraient assurées par des mécanismes de référence, des maillages et des ententes particulières convenues entre établissements. Les membres de la coalition se réjouissent des intentions du ministre de cibler la continuité et la complémentarité des services et applaudissent également à la volonté qu'il manifeste d'organiser les ressources de façon rationnelle. Mais, si, comme on le suppose, une telle approche favorisera la continuité des soins, gardons-nous de la technocratie et de la bureaucratisation de la santé.

Au regard de la lutte contre le cancer, nous sommes convaincus cependant que l'utilisation de cliniques privées affiliées ne réglera en rien la situation de pénurie des infrastructures dédiées au traitement de l'ensemble des cancers. Seule la mise sur pied d'institutions publiques consacrées principalement au cancer, comme il en existe ailleurs au Canada, permettrait de solutionner la problématique des ressources spécialisées en cancérologie. De telles institutions offriraient d'énormes avantages, dont celui d'offrir aux patients non seulement un cadre unique de traitement, mieux adapté à la vulnérabilité de la personne atteinte de cancer, mais surtout un véritable continuum de services spécialisés couvrant toutes les étapes de la lutte contre le cancer, et ce, dans un même lieu, comme le souhaite, encore là, le ministre dans son document de consultation.

Maintenant, sur la cible de la mauvaise alimentation, la coalition approuve entièrement l'orientation ministérielle relative à l'adoption de mesures ciblant la lutte contre la mauvaise alimentation, dans une optique de promotion de saines habitudes de vie, et elle reconnaît le leadership du gouvernement en matière de changement des comportements de la population québécoise. Nos membres considèrent la lutte contre la mauvaise alimentation comme un terrain tout à fait propice au partenariat public-privé et à la concertation avec les organismes communautaires. Ils appuient l'approche multidisciplinaire prônée par le ministère, telle que pratiquée dans le projet École en santé et qui est mentionnée dans le document de consultation, à la page 15, en guise de modèle d'intervention participative.

La politique alimentaire que l'on souhaite implanter semble un pas dans la bonne direction, mais il faudra faire plus et accroître les efforts de prévention et de promotion de la santé par l'alimentation. En effet, nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec devrait s'attaquer vigoureusement à la promotion de valeurs sociétales s'appuyant sur l'activité physique liée à la saine alimentation. Dans un contexte de vieillissement de la population et alors que nous constatons la montée de l'obésité et de la sédentarité chez les jeunes, il apparaît évident qu'il y a là une urgence d'agir.

Toutefois, le document de consultation ministériel ne mentionne que la mauvaise alimentation et les activités physiques, alors que la prévention des cancers touche à d'autres aspects tout aussi importants. La coalition aimerait préciser que cet intérêt gouvernemental, parfaitement louable, accordé à l'alimentation ne doit pas se faire au détriment de la lutte antitabac, puisqu'il est reconnu que le tabagisme est à l'origine de 30 % de tous les cancers. Incidemment, nous invitons le gouvernement à ne pas céder aux pressions des propriétaires de bars et de restaurants et à ne pas diluer la loi qui interdira complètement l'usage du tabac dans ces lieux publics.

n (11 h 50) n

M. Audet-Lapointe (Pierre): De plus, la prévention secondaire englobant le dépistage nous apparaît comme un autre champ d'intervention névralgique. À ce chapitre, la coalition croit qu'il est primordial de revoir l'organisation du programme québécois de dépistage du cancer du sein afin de le rendre plus efficient. Il est tout aussi essentiel de considérer sérieusement la mise sur pied d'un programme similaire de dépistage du cancer colorectal, étant donné l'importance de la morbidité de ce type de cancer.

La coalition aimerait souligner au passage l'impact économique positif de la prévention, et plus spécifiquement des programmes de dépistage, sur les coûts globaux de santé, quand on sait les dépenses particulièrement onéreuses du réseau associées à la chirurgie, surtout radicale et ultraradicale, à la chimiothérapie, à la radio-oncologie et aux soins palliatifs dans le domaine du cancer. Quant à l'importance du dépistage précoce de certains cancers, notamment celui du sein et du côlon, sur la guérison des personnes atteintes, ce lien n'est plus à démontrer.

La coalition endosse totalement l'intention du ministre de publier un relevé des coûts de santé et de services sociaux au Québec. Il s'agit là d'une question de transparence et d'imputabilité. Plus encore, tous les membres de la coalition souhaitent fortement qu'un tel relevé puisse identifier clairement, à tous les paliers, les coûts de santé imputables à la lutte contre le cancer. Ces informations essentielles permettraient de mieux évaluer les priorités d'action, de confirmer l'importance des campagnes de prévention ainsi que des programmes de dépistage précoce et de contribuer à l'amélioration des traitements.

En outre, la coalition désirerait ajouter la notion de comparabilité avec les autres provinces canadiennes et certains pays. De telles données pourraient positionner le Québec par rapport à d'autres administrations de santé et nous permettre de porter un meilleur jugement critique sur l'efficience de nos interventions. Rappelons ici que cet objectif fait partie de ceux visés dans le cadre de la présente consultation, Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme Magnan (Nicole): En guise de...

Le Président (M. Paquin): Mme Magnan, je vous signale qu'il vous reste trois minutes.

Mme Magnan (Nicole): D'accord. En guise de conclusion, alors qu'à l'échelle canadienne on anticipe encore que le cancer deviendra la première cause de mortalité au sein de la population, à l'heure actuelle, le Québec est déjà confronté à cette triste réalité. Malgré les efforts des autorités publiques et de l'ensemble des intervenants, le cancer est maintenant la première cause de décès chez nous et il continue de progresser. Au rythme actuel, on prévoit qu'à compter de 2010 une personne sur deux au Québec sera atteinte d'un cancer au cours de sa vie. Nous croyons que non seulement le tabagisme et les mauvaises habitudes de vie, mais aussi le degré de priorité accordé à la lutte contre le cancer, l'organisation et la coordination des services sont en cause.

À la lecture du document de consultation, nous nous interrogeons sur la pertinence et les conséquences d'une approche globale de l'organisation des services visant plutôt un ensemble de problématiques. Nous sommes inquiets devant la perspective que la lutte contre le cancer soit diluée au sein de l'organisation de programmes de gestion des maladies chroniques. Au contraire, le cancer est une pathologie complexe touchant plusieurs maladies et de nombreux organes. Traiter la complexité du cancer de manière similaire aux autres maladies chroniques, quand plus de 19 000 Québécois et Québécoises en mourront cette année, nous semble être une erreur stratégique considérable, qui risque de provoquer des conséquences incalculables.

M. Audet-Lapointe (Pierre): La situation du cancer au Québec est urgente, pour ne pas dire critique. C'est pourquoi tous les membres de la coalition souhaitent un débat public sur cette question qu'est la crise du cancer, qui, rappelons-le, est maintenant et pour longtemps la première cause de décès au Québec.

Depuis une année, nous observons les efforts remarquables consacrés, au Québec, à la prévention des conséquences d'une pandémie possible de la grippe aviaire. Les équipes de santé publique, les responsables de services, les gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux, nos médecins et nos infirmières, bref c'est le branle-bas de combat. Les réunions se succèdent pour échanger de l'information, pour se former, pour tout prévoir en cas de pandémie.

Loin de nous l'idée de questionner la pertinence d'une telle mobilisation sans précédent. Au contraire, si nous sommes capables d'une telle volonté face à la menace anticipée de 8 500 morts dues à la grippe aviaire, qu'en serait-il si le gouvernement du Québec décrétait un tel état d'urgence pour affronter un fléau qui, de manière certaine, sue et connue, tuera presque deux fois et demie plus de gens l'an prochain.

Nous demandons donc instamment au ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Philippe Couillard, ainsi qu'au gouvernement du Québec d'instaurer une commission de l'Assemblée nationale du Québec pour faire le point sur la lutte contre le cancer. Nous avons besoin d'un tel geste politique qui seul peut donner le signal à une mobilisation générale autour de la lutte contre le cancer au Québec. Et je terminerai en disant que c'est ainsi qu'aux États-Unis et en France le point de départ a été donné, dans un endroit par Nixon et, en France, par Chirac voici quelques années. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. On débute la période d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Audet-Lapointe. Mme Magnan. Merci pour votre visite. Vous êtes à l'origine, je crois, de cette annonce qu'on voit à la télévision, ces temps-ci, l'annonce où on voit une personne qui reçoit une annonce de diagnostic de cancer puis qui reçoit comme un impact en même temps? Je trouve que c'est une des annonces les plus percutantes que j'aie vues au cours des dernières années. Je pense que le message est très, très bien transmis.

D'abord, parlons de la situation du cancer au Québec. C'est très intéressant de faire, je dirais, la dissection fine des statistiques de mortalité. Vous avez fait allusion rapidement au fait que la mortalité se stabilise. Cependant, on voit que, selon le type de cancer qu'on considère, la situation n'est pas la même. Puis il faut tout de suite rajouter le fait que le cancer, ce n'est pas une maladie, c'est plusieurs dizaines, même centaines de maladies différentes, avec des comportements complètement différents.

Par exemple, pour le cancer du sein, on a des résultats qui se comparent à ailleurs. En poumon, on a une mortalité plus élevée mais qui correspond à une incidence plus élevée. En prostate, c'est comparable également. Il y a un type de cancer pour lequel on n'a pas une bonne performance par rapport à l'incidence puis les résultats, c'est le cancer colorectal. On voit que l'incidence au Québec est comparable à ailleurs, alors que le taux de mortalité est plus élevé. Et là-dedans il y a probablement à notre avis un problème de meilleure pratique puis d'unification ou d'intégration des prises en charge, là, qui varient. On est en train de faire l'évaluation de cette question-là.

Il y a également des actions qui sont en cours, qui vont exactement dans la direction de ce que vous mentionniez tantôt. D'ailleurs, je suis accompagné du Dr Loutfi, qui est notre directeur national de la lutte contre le cancer et qui est au coeur même de ces actions actuellement, tout en étant un oncologue pratiquant. Il tient à le faire, et encore une fois c'est à son honneur. Je ne sais pas où il trouve le temps et l'énergie, en plus des actions qu'il fait actuellement, de faire sa clinique externe ? hebdomadaire, je crois ? à l'Hôpital Royal Victoria. Puis c'est bien qu'il ait le contact terrain comme ça.

Cette année, on va pouvoir disperser des infirmières pivots sur les 95 territoires de centres de santé et de services sociaux. Ça, pour le citoyen, c'est quelque chose de très concret et de très utile. C'est un contact humain lors du diagnostic et du développement. Les équipes locales, régionales sont en voie d'être désignées.

Le registre, effectivement on partage votre objectif de créer un registre national. Pour avoir un registre national, il faut commencer à avoir des registres locaux qui sont valides. On a effectivement deux projets pilotes actuellement, Bas-Saint-Laurent et Montérégie, pour non pas retarder le processus, mais nous aider à choisir le bon logiciel. La technologie de l'information qu'on va choisir est très, très dépendante de ça. Alors, on va être capable de se doter d'un registre national. Les meilleures pratiques, également.

Le dépistage, c'est intéressant, le point du dépistage, parce que naturellement, pour le cancer colorectal, il en est question ces temps-ci. On a donné mandat à l'Institut national de santé publique de nous faire rapport là-dessus. Je ne sais pas quand le rapport doit nous parvenir?

Une voix: En décembre.

M. Couillard: En décembre. En décembre prochain. Effectivement, la question du dépistage, c'est... Quand on le regarde globalement, il est clair que le dépistage apporte un diagnostic plus précoce, puis le résultat est meilleur. Mais là il faut aller un peu plus loin dans l'analyse, sur le plan de la santé publique et de l'épidémiologie. Il faut déterminer, par exemple ? puis ça a été fait dans le cancer du sein ? quel est le pourcentage de participation de la population nécessaire pour obtenir un résultat visible quant à la réduction de la mortalité. Et, dans le cas du cancer colorectal, c'est ce qui fait difficulté, compte tenu des méthodes à utiliser.

Pour le cancer du sein, Dr Audet-Lapointe, vous-même avez été un ardent défenseur de la nécessité de revoir ce programme-là, particulièrement à Montréal. Parce que, dans d'autres régions, il fonctionne relativement bien, mais à Montréal il y a des problèmes. C'est en cours actuellement, la réorganisation, puis je pense qu'on a tiré parti vos remarques.

Maintenant, les délais pour les temps d'attente pour le cancer. Il faut d'ailleurs remarquer que vous avez dit: Le Québec n'est pas différent d'ailleurs au Canada. La situation, en termes de normalisation puis de description de délais souhaitables, n'est pas vraiment avancée plus ailleurs au Canada qu'ici. On l'a fait pour la radiothérapie et on est en train de le faire actuellement pour tous les types de cancer, en commençant par les plus fréquents. Puis, je pense, vous allez être contents de savoir que le cheminement qu'on veut faire inclut la démarche diagnostique à partir de l'omnipraticien: consultation, spécialiste d'imagerie, chirurgie. Et là-dessus on va être en mesure de donner des résultats. Et, à mesure que ces décisions seront prises, elles vont être publiées, de la même façon qu'on publie les délais d'attente acceptables pour la radio-oncologie. Ce n'est pas parce qu'on veut s'en tenir là. On veut aller plus loin. Et d'ailleurs on sait déjà que, dans la plupart des cas de chirurgie du cancer, les délais actuellement sont très, très corrects pour la chirurgie elle-même. On a fait une révision ici, à Québec, puis tous les patients du cancer du poumon sont opérés en dedans de quatre semaines.

Maintenant, il y a l'autre délai avant, également, qu'il faut ajouter, c'est-à-dire consultation au médecin, l'imagerie, le bilan, et c'est pour ça qu'on fait ce cheminement actuellement. Puis je suis certain que vous allez participer à notre colloque, en novembre prochain, avec les gens de première ligne, les spécialistes, les groupes communautaires, pour réfléchir à cette question d'accessibilité.

n (12 heures) n

Je dirais qu'on a donc des objectifs communs. Là où on diffère sur les moyens un peu, c'est que, vous ? puis c'est connu, on a juste un point de désaccord, Dr Audet-Lapointe et nous, sur l'organisation des choses; c'est que ? vous souhaiteriez qu'on se fasse une structure un peu comme il existe ailleurs au Canada, une agence québécoise du cancer. Nous, on pense ? puis, moi, je pense personnellement ? que c'est beaucoup mieux d'intégrer la lutte contre le cancer dans les travaux du ministère, parce que les besoins des gens atteints de cancer sont multiples: ils peuvent parfois inclure la santé mentale, les services sociaux, le soutien, également, psychosocial. Alors, il nous semble absolument nécessaire de le faire. Maintenant, on a toujours dit qu'on allait faire le bilan de ça puis qu'on verrait s'il faut changer d'attitude. Mais j'ai assez confiance dans cette direction d'intégration.

Et là vous nous dites également: Il faut que ce soit une priorité. Ça l'est. Dans les budgets de développement, encore une fois, cette année, avec ce qu'on peut retirer de budgets de développement, on en a consacré à la distribution des infirmières pivots. Mais il faut faire attention, non plus, à la hiérarchisation des problèmes. Par exemple, dans les priorités qu'on a identifiées, qui sont les quatre mêmes depuis le début du mandat, c'est-à-dire la santé mentale, la lutte contre le cancer, les personnes en perte d'autonomie puis les soins de santé aux populations autochtones, j'essaie de ne pas faire de hiérarchisation là-dedans. Et effectivement les nombres sont différents, mais, pour moi, par exemple, le taux de suicide chez les jeunes, les problèmes de santé mentale, c'est aussi important que le cancer, même si le cancer va tuer beaucoup de gens l'année prochaine. Alors, on essaie d'avoir cette vision, là, intégrée de ces priorités et les choix de gravité ou de... d'attention à porter sur un problème par rapport à l'autre soulèvent des questions éthiques particulièrement qui sont importantes.

Comment est-ce que vous voyez peut-être la question du dépistage? Prenons cette question d'abord. Il y a le cancer du sein, on sait qu'il y a des améliorations à faire dans le programme de dépistage. Mais prenons, par exemple, le cas du cancer colorectal. Quelle sorte de programme envisagez-vous ou nous suggéreriez-vous d'adopter pour le cancer colorectal?

M. Audet-Lapointe (Pierre): Bien, comme vous le dites, quand on parle de dépistage, c'est le sein, c'est le colorectal, c'est la prostate, puis le col. Le sein, disons que ? on l'a déjà dit, on le redit encore ? peut-être qu'on n'a pas la même opinion non plus sur la structuration ou l'efficience du programme. Sur le cancer du poumon, il n'y a pas de dépistage à faire. Sur le cancer de la prostate, je pense que scientifiquement il n'y a aucune assise reconnue pour choisir qu'il y ait un dépistage. Le cancer colorectal, il y a des expériences qui sont très concluantes, faites dans plusieurs villes, notamment en Europe puis aux États-Unis, et la preuve est souvent démontrée, par des études sérieuses, que, lorsque le patient est pris d'une façon prioritaire au tout début d'une symptomatologie ou encore d'une hérédité connue, si le traitement est fait le plus rapidement possible ? aujourd'hui, heureusement ou malheureusement, le traitement est surtout d'ordre chirurgical ? la survie de ces gens-là est nettement supérieure aux autres. Comme exemple, moi, j'ai préconisé auprès de la santé publique à Montréal qu'ils commencent au moins à faire une étude pilote dans la région de Montréal sur le dépistage du cancer colorectal.

Maintenant, quand on arrive au col, c'est évident qu'actuellement il y a beaucoup de dépistage opportuniste qui se fait, que nos résultats sont bons, mais j'aimerais connaître, un jour, quelle est la réaction du ministère quant à l'éventualité d'une vaccination contre le cancer du col, quand on sait que c'est à peu près le premier cancer connu pour lequel on peut avoir un vaccin, qui sera commercialisé en juillet probablement aux États-Unis... bien, sûrement aux États-Unis, très probablement en dedans de six mois au Canada.

M. Couillard: Bien, cette question est actuellement...

M. Audet-Lapointe (Pierre): Je m'excuse, je voudrais continuer... peut-être dire, à mon avis comment c'est important, le dépistage et la prévention, parce que de fait... Quand on traite les gens au tout début, les résultats sont meilleurs, les traitements sont plus faciles, sont plus facilement acceptables par la population, ça fait quelqu'un qui retourne dans la vie économique plus rapidement, qui coûte beaucoup moins cher à l'État, comme je le disais tout à l'heure, au point de vue traitements compliqués, tout l'arsenal, etc. Donc, je suis persuadé qu'il faut continuer à faire ce qui a été fait sous votre gouverne, continuer à faire une prévention intensive contre le tabac, c'est sûr, les conditions alimentaires, mais en plus ça m'apparaît capital d'en arriver à une meilleure organisation en dépistage du cancer du sein puis à l'établissement d'un dépistage du cancer colorectal. Moi, je suis persuadé qu'il y a des énormes ressources financières qui seraient sauvegardées de cette façon-là.

Mme Magnan (Nicole): Si vous me permettez, j'ajouterai quelques statistiques par rapport justement aux effets que pourrait avoir le dépistage précoce du cancer colorectal. On a évalué qu'à l'échelle du Canada on pourrait faire régresser ce cancer de... les décès dus à ce cancer de 17 %. Et on a fait le calcul pour le Québec hier: il y aura 2 350 décès au Québec, dans l'année 2006, dus au cancer colorectal; le dépistage précoce aurait pu en prévenir de 15 % à 33 %, donc de 350 à 775 décès qui pourraient être évités. Donc, c'est digne de mention.

M. Couillard: Mais encore une fois c'est la preuve de ce qu'on mentionnait tantôt: pour atteindre cette cible de 17 % de réduction de mortalité, ça prend une participation minimale de 70 % de la population au programme de dépistage.

Mme Magnan (Nicole): Évidemment.

M. Couillard: Et effectivement, pour la méthode initiale, qui est la recherche de sang occulte, ce n'est pas très difficile, ça, de mettre sur pied. La question se pose dans l'étape suivante, où il faut faire des interventions diagnostiques beaucoup plus poussées, comme les endoscopies, par exemple. Donc, ça prend également un réseau de cliniques d'accès rapide pour l'endoscopie, et c'est ce que l'Institut national de santé publique est encore en train d'ailleurs d'analyser. Puis vous savez que le Québec, actuellement, au Canada, est une... On a au moins montré une ouverture. Il y a d'autres provinces canadiennes qui sont un peu plus réservées sur cette question-là.

Je vous rassure également sur le tabac, là: on n'a pas l'intention de modifier de quelque façon que ce soit la Loi sur le tabac, puis les efforts de prévention se continuent dans la même direction.

Pour la question des cheminements de trajectoire de patients puis des normes, c'est là que la différence entre les différents types de cancers, d'après moi, devient particulièrement importante. Prenons le cancer du poumon puis le cancer de la prostate, c'est deux maladies totalement différentes. On voyait dans les journaux récemment ? évidemment, c'est les journaux grand public ? mais le fait que, pour certains cas limités de cancer de la prostate, peut-être qu'aucun traitement, dans le fond, était identique à un traitement. Alors, on voit donc qu'il y a deux maladies qui sont deux mondes à part sur le plan de l'évolution biologique, donc il est normal à mon avis qu'il y ait des normes différentes d'accessibilité selon qu'on parle d'un type de cancer ou de l'autre. Et, si on regroupait tout sous le même chapeau, alors on ferait des erreurs... donc d'ajuster les délais et les trajectoires de soins aux types de cancers dont nous parlons.

M. Audet-Lapointe (Pierre): Oui, mais les délais sont en fonction surtout de la symptomatologie ou encore des diagnostics. Dans le cancer du sein, ou en tout cas dans le dépistage du cancer du sein, le taux de participation est très variable, comme vous avez dit. Mais ce qu'on vit dans le quotidien... C'est pour ça que, tout à l'heure, vous avez flatté votre confrère à gauche en lui disant qu'il était encore en pratique. Moi, docteur... M. le ministre, je vais vous appeler «Dr Couillard», je vous suggérerais de faire une journée de clinique par semaine, et puis vous verriez, vous répondriez à beaucoup de téléphones de votre clientèle et puis de vos compatriotes qui vous demanderaient: Bon, mais écoutez, là, j'ai subi tel test et puis je ne sais pas où aller. Ou, deuxièmement, on m'a dit... Tiens, je vais vous donner un téléphone d'hier. On m'a dit: J'ai reçu la lettre du ministère pour une mammographie de dépistage, j'ai téléphoné, ce ne sera pas avant le mois d'août; est-ce que vous pensez, vous, Dr Audet-Lapointe, que ça a du bon sens? Ou encore une autre personne qui s'est adressée à nous: J'ai été voir mon chirurgien, qui me demande une gastroscopie; ce ne sera pas avant huit mois. Ou encore c'est un jeune homme de 30 ans pour lequel le consultant demande une consultation en chimiothérapie; ce ne sera pas avant deux, trois mois.

Alors donc, on s'aperçoit qu'il faut vraiment... en tout cas, c'est notre perception, que le cancer doit vraiment être... Écoutez, c'est la cause d'un grand nombre de mortalités au Québec. Le feu est dans la maison, il n'est plus dans la grange. Nous sommes convaincus qu'il faut qu'on fasse quelque chose en fonction du cancer. Et c'est vrai, nous sommes conscients qu'il manque de ressources, qu'il va en manquer, des ressources, mais peut-être qu'il y aurait un moyen de canaliser l'intérêt des gens en fonction de programmes de dépistage. Nous sommes convaincus de ça.

M. Couillard: De la clinique, là, Dr Audet-Lapointe, j'en ai fait plus de 20 ans; des téléphones, j'en ai fait en masse. Puis je dirais que c'est une des raisons pour laquelle je suis ici aujourd'hui. Et d'ailleurs ce genre de téléphones là que j'ai reçus, moi aussi, et que vous recevez, dans mon expérience ? ça rejoint ce que le Dr Bolduc nous disait, d'Alma, tantôt ? je sais bien qu'on est bien occupé quand on est en pratique, mais, quand on prend le temps d'appeler son collègue radiologue, son collègue chirurgien, il y a toujours une solution qui est offerte au patient. Ce que je déplore parfois, c'est une sorte d'attitude fataliste. Tu sais, on dit au patient: Bien, qu'est-ce que vous voulez, c'est le système; écrivez au gouvernement, c'est le système. Ça existait du temps du gouvernement précédent, c'était une attitude qui existait également ? je ne blâme pas le gouvernement, là, je parle d'une attitude des praticiens parfois sur le terrain ? alors que, quand on prend 10 minutes de plus pour faire le téléphone... Il n'y a pas une fois en 20 ans où je n'ai pas trouvé une solution pour mon patient. Quand je parlais à mon collègue radiologue, je disais: Écoute, je crains telle complication ou tel diagnostic chez ce patient-là; tu sais, normalement, la résonance magnétique, c'est dans six mois, mais, ce patient-là, je voudrais l'avoir d'ici trois semaines. Il n'y a pas une fois où je n'ai pas réussi à le faire, puis le Dr Bolduc l'indiquait tantôt.

Alors, oui, c'est vrai, il faut faire des efforts concertés, il faut que le réseau se mobilise, puis on veut le mobiliser avec vous également, le réseau, mais il faut également se libérer de cette attitude de passivité devant le système de santé. Le système de santé, c'est aussi les gens qui sont dedans, et puis il faut se répartir les responsabilités.

n (12 h 10) n

Mme Magnan (Nicole): Ce ne serait pas plus facile si on pouvait avoir l'assurance qu'il y aurait concentration pour les soins reliés au cancer dans certains établissements où d'emblée on saurait que la personne peut être prise en charge? Dans le moment, la question qui se pose, c'est qu'une personne déjà vulnérable de par le fait d'un diagnostic de cancer se voit confrontée à beaucoup d'insécurité par rapport au lieu physique où elle recevra ses traitements éventuellement, possiblement sa chirurgie et même son suivi. On a, nous, des gens qui viennent à Montréal pour la durée de leurs traitements en radiothérapie, qui logent à la Maison Jacques-Cantin qui les accueille pendant cette période-là, et ce sont de telles personnes qui disent: Bien là, moi, le jour où j'ai appris que j'avais le cancer, mon premier problème, ça a été de déterminer comment j'allais placer ma mère, parce que j'ai ma vieille mère à la maison, et je ne pouvais pas quitter puis m'en aller dans une autre ville pour mes traitements pendant qu'elle était là, alors que, si j'avais pu tout faire à la même place, il me semble que ça aurait été tellement plus facile, ça aurait été tellement plus vite, sauf que, d'une fois à l'autre, alors que j'évoluais au niveau du traitement, je ne savais pas où on allait m'envoyer et j'étais toujours confrontée à ce même problème. Nous, on dit que ce problème-là, il peut être résolu d'une façon efficace en concentrant les soins de santé reliés au cancer dans certains établissements bien identifiés, comme on en voit poindre à l'horizon. Alors, est-ce qu'on a raison d'espérer que c'est peut-être une tendance qui va se développer? Je pense à ce qui se fait à Charles-Lemoyne, je pense à ce qui se fait au Jewish General, par exemple.

M. Couillard: Bien, oui, oui... C'est-à-dire, oui, oui, il faut hiérarchiser les cas puis il faut que les patients... qu'ils soient rassemblés pour déterminer la masse critique puis avoir des meilleurs résultats, on est là-dessus. Mais il faut également mieux se coordonner.

L'exemple que vous donnez montre typiquement pourquoi il faut que ce soit intégré dans le système de santé. Placer sa mère, bien ça prend d'autre monde qu'un oncologue pour s'occuper de ça. Puis, si on est inquiet puis déprimé parce qu'on a le cancer, ce n'est pas nécessairement notre oncologue qui va nous aider là-dedans. Et ce qu'il faut changer, c'est les lieux physiques parfois, mais aussi la façon dont on travaille puis la façon dont on se coordonne ensemble. Parce que les gens, là... Les gens en Gaspésie, par exemple, là, eux autres, ils n'en ont pas, de radiothérapie, en Gaspésie. Alors, il faut qu'ils aillent à Rimouski, puis, s'ils ont besoin de chirurgie complexe, ils vont même aller à Québec. Pendant ce temps-là, ils n'ont pas d'emploi, puis la famille... Vous connaissez ces situations-là, vous les...

Mme Magnan (Nicole): Tout à fait.

M. Couillard: Alors, il faut faire un équilibre entre les deux. Oui à la concentration de certaines activités, mais également oui à la concertation puis à la coordination sur place, près des gens. C'est pour ça que l'infirmière pivot, à mon avis... Votre patient, là, elle l'aurait aidé, l'infirmière pivot, là-dedans. Puis je pense qu'on est d'accord. D'ailleurs, c'est en Montérégie que le concept a été développé, puis c'est un concept qu'on étend partout. Je vais arrêter là.

Le Président (M. Paquin): Parfait, M. le ministre, merci. On poursuit du côté de l'opposition officielle, et, M. le député de Borduas, vous avez la parole.

M. Charbonneau: Mme Magnan, Dr Audet-Lapointe, bonjour. Dr Audet-Lapointe, je suis content de mettre un visage sur le nom de... parce que je reçois vos dépliants régulièrement, vos sollicitations, puis... Bien là... En général, une fois par année, je fais mon don en me rappelant que ma mère est morte du cancer, il y a plusieurs années, du poumon. Elle a fumé toute sa vie et pensait qu'elle garderait sa taille de jeune fille en fumant toute sa vie, mais finalement, malheureusement, le destin l'a rattrapée un peu.

Je voudrais d'abord vous remercier, parce que c'est un mémoire sans complaisance, et je crois que c'est ça dont on a besoin si on veut avancer. Je crois qu'il faut reconnaître les avancées, mais il faut reconnaître aussi les problématiques puis mettre le doigt sur les bobos, autrement, finalement, l'exercice d'une consultation générale ne va pas donner grand-chose, parce que le monde n'osera pas venir dire au gouvernement, ou au ministre, ou aux députés ce qui doit être dit franchement et clairement, puis on va se contenter de voeux pieux.

Moi, je pense que vous avez mis le doigt sur un certain nombre de questions majeures, et ma compréhension, puis je l'avais dit lors de votre visite, en fait, il y a quelques mois, à l'Assemblée, et je pense que c'est à l'occasion aussi de la semaine sur le cancer, puis par la suite j'avais rencontré des gens de la coalition: je n'ai pas vraiment l'impression qu'on accorde à la lutte contre le cancer la priorité qui s'impose. Personne au Québec n'a l'impression que c'est une lutte de tous les instants, qui est de l'ampleur d'une lutte contre une pandémie. On pourra dire n'importe quoi, mais il n'y a personne qui croit ça. Puis, je veux dire, ce n'est pas ça qu'on fait. Tant qu'on n'acceptera pas de reconnaître que ce n'est pas ça qu'on fait, on va finalement se donner l'impression puis essayer de donner l'impression qu'on avance. Mais, je veux dire, c'est évident que les chiffres que vous donnez, ils sont dramatiques. On est déjà dans une pandémie. C'est ça que j'avais dit quand j'étais intervenu à l'Assemblée, on est déjà, en ce qui concerne le cancer, en pandémie, et c'est une pandémie qui s'accentue et c'est une pandémie qui ne reçoit pas la réponse publique adéquate actuellement.

Moi, j'aimerais ça que vous nous expliquiez... parce que, bon, le ministre dit: Vous, vous avez une approche; nous, on en a une autre. C'est quoi, votre approche? Puis dans quelle mesure elle est incompatible avec celle du gouvernement? Parce qu'on semble résister à l'idée de pouvoir adopter votre approche. Ce serait peut-être bien que vous nous disiez en quoi ça consiste, votre approche à l'égard de la lutte orchestrée, plus vigoureuse, plus musclée contre le cancer. En fait, on devrait dire contre les cancers.

M. Audet-Lapointe (Pierre): Je vous remercie de votre question. Et de fait notre philosophie de voir les choses n'est pas seulement différente de celle du gouvernement actuel, je pourrais vous dire qu'elle est différente des gouvernements qui se sont succédé au cours des 30 dernières années, au cours desquelles je me suis intéressé à la lutte contre le cancer. Je pense avoir rencontré à peu près tous les ministres de la Santé depuis 30 ans.

M. Charbonneau: Il y a beaucoup de fonctionnaires qui sont là et qui résistent et qui, eux, restent là en permanence, plus longtemps que les ministres de la Santé, d'ailleurs.

M. Audet-Lapointe (Pierre): Exactement. C'est un peu, je pense, la philosophie, que les ministres passent mais qu'eux restent là, de sorte que c'est très difficile de percer ce mur-là. Je dois dire que M. Couillard a été quand même le premier qui a manifesté un grand intérêt pour le cancer, qu'il en a déclaré une priorité. Quand vous posez la question, qu'est-ce qui nous différencie, bien c'est justement, je voulais prendre la balle au bond avec le Dr Couillard tout à l'heure, parce que de fait on a fait de part et d'autre un certain trajet l'un vers l'autre. Le Dr Couillard, au tout début, n'était pas tellement ouvert à notre façon de voir les choses, puis finalement il a dit ce qu'il a dit tout à l'heure, il a fait ce qu'il a dit, qu'à un moment donné si, devant l'évidence... peut-être qu'il se rallierait à notre point de vue. Et, nous, de notre côté, on s'est dit: Bon, bien, d'accord, on verra ce que ça va donner.

Alors, c'est que, M. Charbonneau, dans la majorité des autres provinces, la plus récente étant le Nouveau-Brunswick, il y a des agences. Là, maintenant, je vais ouvrir mon dictionnaire des synonymes, parce que la fonction publique, à laquelle vous avez fait allusion tout à l'heure, fait des réactions allergiques très marquées aux mots «agence» ou «institut», alors je ne sais plus trop quel mot employer. Mais de toute façon ils ont un organisme qui voit à l'organisation de la lutte contre le cancer dans leur territoire. En France, ils ont tout remanié, ils ont fait, permettez-moi l'anglicisme, un «task force» à la demande précise de Chirac, ils ont mis, ils ont fait ce qu'ils ont appelé le plan Cancer, en France, et maintenant l'organisme qui voit à la lutte contre le cancer en France, ça s'appelle l'Institut du cancer. Bon. Alors donc, c'est une organisation qui voit à la lutte contre le cancer dans son territoire.

Parce que le cancer, de fait, ce n'est pas simplement le voisin que vous rencontrez et qui développe un cancer du poumon, c'est beaucoup plus que ça. C'est la recherche fondamentale, la recherche scientifique, la prévention, le dépistage, toutes les modalités thérapeutiques, et après ça le suivi, puis finalement les statistiques. Donc, on peut mettre des étiquettes à chaque place. À la fin des statistiques, on pourrait parler du registre. Au tout début, on parle de la recherche. Après, on parle de la prévention. Or, à l'heure actuelle, il demeure que la lutte contre le cancer demeure quand même sous forme de silo. L'Institut national de la santé publique s'organise et s'occupe de la prévention et du dépistage, puis après ça c'est le Dr Loutfi qui a la responsabilité de toute la gouverne des soins. Donc, il n'y a pas de fil conducteur dans tout ça qui voit à l'organisation d'une façon générale contre la lutte contre le cancer, et c'est ça qu'on demande.

Maintenant, je suis content que M. Couillard me donne la chance de parler de ça, parce que de fait notre objectif ultime, c'est d'avoir notre propre commission parlementaire qui étudie la situation du cancer au Québec. Pourquoi est-ce qu'on demande ça? On se dit: D'accord, on peut avoir peut-être des différences sur l'organisation, sur la perception des organisations. Je vois très bien le réseau qui est en train de s'établir avec la première ligne, la deuxième ligne puis la quatrième ligne, mais pendant ce temps-là il y a 19 300 personnes qui meurent du cancer au Québec.

Donc, étant donné ? et je termine avec ça ? tous les secteurs qui sont englobés dans le cancer, étant donné les dollars que ça implique, étant donné l'équipement que ça implique, les ressources humaines, la formation, alors, à ce moment-là, est-ce qu'il ne serait pas le temps de faire une analyse bien précise de la question du cancer au Québec et d'en faire une commission parlementaire?

n (12 h 20) n

M. Charbonneau: Bien, écoutez, moi, j'appuie ça. Je peux juste vous dire que la commission qui serait mandatée pour faire ça, normalement ce serait celle-ci, la Commission des affaires sociales. Le problème, c'est que c'est la commission la plus surchargée de travail à l'Assemblée. Mais, dans nos mécanismes de fonctionnement, il n'y a rien qui nous empêcherait d'avoir une sous-commission qui aurait un mandat ad hoc qui est celui que vous proposez.

Parce qu'effectivement, dans le fond, si je comprends bien votre revendication, c'est que vous dites: C'est par ce mécanisme-là qu'on pourrait avoir une... augmenter le niveau de conscience des décideurs politiques et des décideurs gouvernementaux ? donc, ce n'est pas juste les décideurs politiques, les élus, mais aussi les décideurs administratifs, puis l'opinion publique aussi ? par rapport à la gravité de la situation puis à la façon dont on devrait répondre à cette situation-là.

Encore une fois, on peut se demander si, à l'égard de la grippe aviaire... Dans le fond, on en a une, approche stratégique actuellement à l'égard de la pandémie appréhendée, mais on n'en a pas une, si je comprends bien, à l'égard du cancer, qui est une pandémie actuelle et en développement. Alors, tu sais, si c'est bon pour la grippe aviaire qui n'est pas encore à nos portes et puis qui n'arrivera peut-être même pas, là, parce qu'on ne sait pas si un jour ça va arriver puis si le virus va muter d'une façon qui serait dangereuse, mais ce qu'on sait, c'est que la réalité du cancer, elle, elle n'est pas juste à nos portes, elle est dans la maison, puis dans bien des pièces, et puis elle fait ses ravages d'une façon pernicieuse et dramatique, et c'est ça que je pense que vous mettez en évidence.

Moi, je comprends aussi que... ce que vous dites, c'est que finalement, même si on a accepté, puis vous l'avez dit très franchement... bon, moi, je reconnais qu'on peut dire que c'est la priorité, mais, je veux dire, dire que c'est la priorité puis ne pas faire ce qu'il faut pour que ce soit la priorité dans l'action, c'est comme, tu sais, je veux dire... c'est qu'encore là il y a comme une marge entre l'action puis la parole. Et, moi, je crois que là on est rendus à l'étape de livrer la marchandise. Tu sais, vous nous rappelez... ça va être utile, cette présentation-là, à chaque fois que j'aurai à parler du cancer à l'Assemblée... Je le disais tantôt, puis vous étiez peut-être là pour un autre groupe, je pense que c'est ceux qui s'occupent du diabète, ce qu'on a de besoin, c'est des plans stratégiques, des mesures, des objectifs, des ressources, puis d'être capables de mesurer l'évolution de notre lutte, autrement on est un peu dans le flou artistique. Eux nous disaient; Regardez ce qui s'est passé dans quelques pays où on a mis en place un plan de 10 ans, dans certains pays, pour lutter contre le diabète, et puis on obtient des résultats parce qu'on a une stratégie, on a des ressources, on a des objectifs, on a les chefs d'orchestre qui finalement s'occupent de cette stratégie-là, puis elle se développe.

Quand vous parlez de votre agence ou de votre institut, est-ce que... Comment vous voyez l'intégration de cette instance-là dans le réseau reconfiguré, là? Tu sais, on a dans le fond 95 CSSS, puis une quinzaine d'agences à travers le Québec, puis on a un institut national de santé publique, puis un ministère. Comment vous voyez l'articulation? Parce que je présume que la crainte du ministre puis de ses fonctionnaires, c'est de dire: On vient de mettre sur pied maintenant un modèle mur à mur, et puis on ne va pas en mettre un autre parallèle juste pour une problématique de santé, même si elle est... qu'on pourrait la qualifier d'un niveau pandémique, là. Est-ce qu'il y a moyen de briser les résistances, d'une certaine façon, en comprenant comment l'intégration pourrait se faire?

Mme Magnan (Nicole): C'est sûr que c'est ça, la question qu'il faut absolument se poser, parce qu'on peut tout de suite imaginer la guerre de tranchées que ça pourrait engendrer pour le gouvernement de prendre une telle décision, que d'avoir une agence qui serait dédiée au cancer, sauf que je pense que, s'il nous manquait une justification pour le faire... on l'a depuis l'année dernière de par le seul fait que le cancer soit devenu la cause numéro un de mortalité au Québec. Et, quand on regarde ailleurs, ce n'est peut-être pas tellement qu'on peut se complaire en se disant: On n'est pas pires que les autres. Un de nos problèmes en fait, c'est qu'on ne peut pas se comparer. On ne peut même pas dire ça, parce qu'on n'a pas vraiment toutes les données nécessaires pour se comparer adéquatement aux autres, pas plus aux autres provinces qu'aux autres pays. Alors ça, c'en est un, problème de base. Et je suppose que c'est peut-être sécurisant de se dire: Bien là, vu qu'on ne se compare pas, on ne peut certainement pas se faire dire qu'on est pires que les autres. Commençons par être en mesure de se comparer honnêtement avec les autres, et je pense que ça, ça va être révélateur et ça va nous amener par la suite à vouloir prendre les moyens nécessaires pour pouvoir remédier aux lacunes qu'on va constater. Et un des moyens que nous préconisons, c'est évidemment la création de cette agence. Si d'autres pays l'ont fait avec succès, je pense que le Québec devrait au moins prendre la peine d'étudier ça de beaucoup plus près.

On avait reçu, au premier forum que la Coalition Priorité Cancer a organisé il y a trois ans, on avait reçu des représentants de trois provinces canadiennes qui étaient venus nous présenter leurs modèles de lutte contre le cancer. Ça nous a fait rêver pendant un bon moment. On s'imaginait, au Québec, là, pouvant avoir une telle agence. Bon. On avait été particulièrement impressionné par l'agence qui existe en Alberta. On s'était notamment informé du rôle qu'avaient au sein de cette agence les organismes communautaires comme ceux qu'on représente. Parce qu'on a souvent l'impression d'être les parents pauvres du système, on nous considère nettement comme des quantités négligeables ? il ne faut pas avoir peur des mots. Donc, on leur avait demandé: Est-ce que, dans vos grosses structures impressionnantes, est-ce qu'il y a un rôle pour les organismes communautaires? Et on nous avait répondu oui et on nous avait expliqué comment. Et c'est là qu'on avait constaté que le grand bienfait de ces agences, c'était évidemment ce maillage, cette concertation, cette concentration cancer qui faisait que tous les éléments étaient réunis pour faire face à un ennemi. Le cancer, c'est un ennemi de la population, un ennemi de l'individu. Et là on disait: On peut faire face à ça parce qu'on s'est ligués ensemble pour faire face à ça.

Quand on parle statistiques, je pense que c'est important de préciser que, si on prend les taux de... les cas de suicide, si on prend les accidents d'automobile, si on prend les cas de sida, même en mettant tout ça ensemble, on n'arrive pas à la moitié du nombre de décès qu'on va vivre, nous, cette année, par le cancer. Alors, vous voyez que le cancer, là, c'est un problème de taille qui mérite une solution de taille.

M. Charbonneau: Et une solution, si je comprends bien, exceptionnelle.

Mme Magnan (Nicole): Absolument.

M. Charbonneau: Je repose ma question puis j'ajoute à celle-là: Est-ce que vous avez pu mesurer, là où on a adopté cette approche-là, un changement en termes d'efficacité ou de rendement de la lutte sur le terrain, par rapport à notre réalité où on n'a pas orchestré de la même façon la lutte?

Mme Magnan (Nicole): Je vais uniquement vous citer les statistiques...

Le Président (M. Paquin): Mme Magnan, excusez, juste un instant. Juste un instant, permettez-moi. Avons-nous consentement pour poursuivre après 12 h 30? Consentement. Allez-y, Mme Magnan.

Mme Magnan (Nicole): Alors, j'allais vous citer tout simplement les statistiques. On constate que c'est dans l'Est du pays où il y a le plus grand nombre de cas de cancer, où la proportion des décès est la plus élevée, et c'est dans les provinces de l'Ouest, à partir de l'Ontario, où la situation du cancer est la moins déplorable. Uniquement ça nous permet de conclure que ce sont les endroits où, dans l'Ouest, où il existe des agences du cancer, où il existe une concentration de soins du cancer. Et, sans qu'on franchisse allègrement le pas, là, de cause à effet, là, qui n'est pas en tous points parfait, là, dans cette analogie, ça demeure qu'on a quand même d'emblée une image qui nous est fournie pour démontrer que, là où on n'a pas de telles agences, la difficulté est plus grande par rapport au nombre de cas et au nombre de décès.

n (12 h 30) n

M. Charbonneau: Est-ce que... Parce que, dans le document gouvernemental, une des questions qui est mise en débat ou en consultation, c'est l'idée qu'on devrait mettre maintenant de l'argent de côté, peu importe de la façon dont on le mettrait, pour prévenir des problématiques pour des gens de ma génération. Autrement dit, les baby-boomers comme moi, là, on va être une gang dans 30 ans. Alors, on serait mieux de commencer tout de suite à mettre de côté de l'argent pour pouvoir faire face. Mais, hier, avec d'autres groupes qui sont intéressés à la prévention, on a posé aussi... j'ai posé la question: Est-ce que dans le fond l'urgence, c'est de mettre de l'argent de côté pour des problèmes de santé dans 30 ans ou si c'est de s'organiser pour orchestrer la prévention maintenant avec un niveau d'investissement significatif pour qu'on ait un impact maintenant et sur une longue période au niveau de la santé des citoyens?

M. Audet-Lapointe (Pierre): Bien, moi, je pense que de fait il y en a assez, d'argent dans le système à l'heure actuelle. Je suis persuadé que c'est plus un problème de gestion et d'organisation que de demander des argents supplémentaires. Ça m'a toujours apparu une façon de voir les choses plus facile. Maintenant, je ne pense pas qu'on puisse pôner dans le temps en disant: On va organiser ça pour les gens qui vont être là dans 20 ans ou dans 25 ans, quand on a 19 400 personnes qui meurent à chaque année, 35 000 atteints et qu'on a des jeunes de 30 ans qui sont aussi atteints. Je suis persuadé que, si on dégraissait tout le système, toute la façon de procéder, et si on voulait faire la tentative du système que M. Couillard est en train de mettre en place, bien, à ce moment-là, qu'il y ait des corridors privilégiés à partir de la base jusqu'en haut et que ce dont... on a dit tout à l'heure, les corridors privilégiés qui existent par les téléphones qu'on fait, parce qu'on connaît des gens... Bien, vous savez, la question du cancer, ce n'est pas...

Les médecins généraux, on commence à leur en demander beaucoup, hein? On dit: La gérontologie, médecins généraux; toxicomanie, médecins généraux; diabète, médecins généraux; cardiaque, médecins généraux; cancer... Écoutez, il n'y a aucun, à ma connaissance à moi, aucun médecin général qui peut être assez compétent pour répondre à toutes ces questions-là. Et d'ailleurs, en Alberta, on a formé... en Alberta et en Colombie-Britannique, on forme des omnipraticiens en fonction du cancer, on forme des gynécologues en fonction des colposcopies, et, encore là, il y aurait beaucoup d'argent à sauver. Je suis certain que le Dr Couillard est au courant de ça, qu'il y a des colposcopies qui se font en masse, des examens qui se font en masse, des cytologies qui se font en masse.

Donc, si les choses étaient plus coordonnées au point de vue de gestion, avec moins de «red tape», si vous me permettez l'anglicisme, et des gens vraiment formés à l'intérieur du réseau, dans les GMF, vous seriez surpris de voir comment est-ce que les omnipraticiens ne connaissent pas la question du cancer, même au point de vue symptomatologie. Encore hier, moi, j'étais dans un CLSC, sur le boulevard Saint-Joseph, à Montréal, puis j'ai été surpris de voir les questions que les gens posent à propos du Programme québécois de dépistage du cancer du sein.

Donc, si on voulait tenter à l'intérieur de cette structure-là, bien il faudrait penser que le cancer est prioritaire, qu'on arrête de faire des comités et des commissions qui visitent tous les hôpitaux et qu'on établisse des priorités pour les examens pour le cancer, les consultations pour le cancer, les traitements pour le cancer. Je termine avec ça, M. le Président...

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît.

M. Audet-Lapointe (Pierre): ...dans certains hôpitaux, il y a des directeurs de département qui ont décidé que le cancer était prioritaire dans leur hôpital. Bien, c'est bien de valeur, mais c'est drôle, à ce moment-là, les patients atteints de cancer étaient traités plus rapidement que l'autre hôpital à côté.

M. Charbonneau: Dans le fond, vous nous dites que la méthode du Dr Bolduc pour les attentes...

Le Président (M. Paquin): M. le député, rapidement, s'il vous plaît.

M. Charbonneau: ...on devrait la prendre pour le cancer aussi?

M. Audet-Lapointe (Pierre): Absolument.

Le Président (M. Paquin): Merci. Donc, Mme Magnan, Dr Audet-Lapointe, de la Coalition Priorité Cancer au Québec, merci de votre participation à nos travaux. Ça a été très agréable.

J'ajourne maintenant les travaux de la commission sine die, en attendant un avis de la Chambre.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

 

(Reprise à 15 h 16)

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, à l'ordre!

Des voix: ...

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît, les collègues. La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. J'invite tous ceux et celles qui ont des appareils cellulaires à bien vouloir les mettre hors fonction pour ne pas déranger les travaux de la commission durant cet après-midi. Je vous remercie à l'avance de votre collaboration.

Cet après-midi, nous allons recevoir les directeurs de santé publique des agences de développement de réseaux locaux des services de santé et des services sociaux. Par la suite, nous allons recevoir monsieur... Oh! excusez. Au début ? désolé ? en premier lieu, nous allons recevoir la Fédération des physiothérapeutes en pratique privée du Québec, dans quelques instants; par après, les directeurs de santé, comme je vous l'ai mentionné; vers 3 heures environ... 17 heures, c'est-à-dire, M. Jean-François Guimond, et nous allons terminer avec Mme Lorraine Guay.

Donc, pour nos premiers intervenants, la Fédération des physiothérapeutes en pratique privée du Québec, et, je pense, M. René Joyal, qui est le président. M. Joyal, on vous souhaite la bienvenue. Ça nous fait grandement plaisir de vous recevoir ici. Nous avons une belle heure à passer ensemble pour discuter des sujets qui vous tiennent à coeur. Donc, la façon que ça fonctionne, M. Joyal, est: nous avons une heure, comme je vous ai dit, 20 minutes pour faire votre présentation, et par après 40 minutes d'échange avec les parlementaires, aussi bien du gouvernement que de l'opposition. Donc, je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous faire part de votre mémoire.

Fédération des physiothérapeutes
en pratique privée du Québec

M. Joyal (René): O.K. À ma droite, vous avez Christian Jobin, vice-président de la fédération; et ensuite M. Michel Bissonnette, directeur général; à ma gauche, vous avez Alain Besner, trésorier; et M. Pierre Boucher, économiste consultant pour la fédération.

Une voix: ...

Le Président (M. Paquin): M. Joyal?

M. Joyal (René): Bonjour, M. le Président, M. le ministre et Mmes et MM. les membres de la commission. Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de nous permettre de participer à ces audiences de consultation.

J'aimerais souligner au préalable que près de 60 % du volume des services en physiothérapie au Québec est donné dans le secteur privé, où l'on trouve quelque 540 cliniques situées en forte proportion dans des centres multidisciplinaires dispensant aussi des services médicaux. Le secteur privé en physiothérapie existe depuis plus de 30 ans. Il s'est créé peu à peu pour répondre aux besoins que le réseau public ne pouvait prendre en charge. Notre fédération regroupe la majorité de ces cliniques, qui emploient plus de 1 500 physiothérapeutes, près de 1 000 thérapeutes en réadaptation physique ainsi que bon nombre d'ergothérapeutes.

Un peu plus de la moitié des patients que nous recevons proviennent des régimes d'indemnisation publics, soit la SAAQ ou la CSST, les autres venant du domaine privé, notamment via des programmes d'assurance collective. Les constats que nous recueillons quotidiennement dans nos cliniques démontrent que les Québécois et Québécoises ne sont guère en forme et que les problèmes de santé qui en découlent affectent nettement et rapidement leur autonomie fonctionnelle.

n (15 h 20) n

Malheureusement, on oublie trop fréquemment que le vieillissement de la population a aussi pour corollaire le vieillissement de la main-d'oeuvre. Voilà pourquoi nous estimons qu'il faut se demander: Comment éviter que le Québec vieillissant devienne un Québec impotent? À cet effet, le document de consultation ne nous éclaire pas réellement et fait abstraction de l'impact du vieillissement sur la productivité et l'état de santé des travailleurs et des travailleuses.

Puisque vous avez pu parcourir notre mémoire préalablement à notre comparution, nous vous ferons grâce de la description détaillée de ce qu'est la physiothérapie pour simplement rappeler que le principe de la réadaptation est reconnu depuis longtemps, tant sur le plan curatif que préventif. Par exemple, il est démontré que les services de physiothérapie sont un élément clé du continuum de soins. Ils contribuent à améliorer la condition physique et à préserver l'autonomie fonctionnelle de la personne traitée. Ils facilitent aussi la réinsertion de la personne dans ses activités habituelles, notamment son retour au travail. Par exemple, on sait qu'une personne bénéficiant de services de physiothérapie récupère beaucoup plus vite et beaucoup mieux à la suite d'une chirurgie importante ou à la suite d'un traumatisme physique.

Malheureusement, pour plusieurs personnes aux prises avec une perte d'autonomie, l'accès à la physiothérapie est très difficile, voire impossible. Ainsi, dans le CHSLD, faute de services en physio ou en maintien de l'activité physique, trop souvent la condition physique des personnes âgées admises se détériore en quelques mois seulement après leur admission. Elles sont alors confinées à la chaise roulante ou au lit, devenant très rapidement impotentes. La situation est aussi précaire dans les services à domicile où, en l'absence ou insuffisance de services de physiothérapie ou d'aide à l'activité physique, bon nombre de personnes doivent être institutionnalisées, alors qu'elles auraient pu continuer à être actives et plus autonomes.

Ceci nous préoccupe au plus haut point. Tous les analystes prévoient que le nombre de personnes âgées doublera au cours des 20 prochaines années au Québec. Cette proportion sera encore plus grande sur les personnes dites très âgées. Le document de consultation aborde cette question sous un angle seulement, soit celui de l'offre de services dans le secteur de la santé et des services sociaux. Nous croyons que cela est nettement insuffisant. Nous pensons que la réflexion actuelle doit être élargie et que toutes les missions sectorielles du gouvernement de même que les principaux acteurs de la société civile soient concernés. Ceci nous amène à convier la commission à réfléchir sur les inégalités entre les programmes et les services en réadaptation physique et en physiothérapie.

L'offre de services en physiothérapie et les délais d'attente varient considérablement selon le régime d'indemnisation et d'assurance. Or, la réorganisation des soins et des services qui transforme actuellement le réseau de la santé et des services sociaux touche encore peu le soutien en réadaptation, notamment en physiothérapie, qui est apporté aux personnes qui sortent d'un établissement et retournent à domicile après une chirurgie ou des soins spécialisés. Nous constatons que les délais de prise en charge en clinique privée par un physiothérapeute varient sensiblement selon le régime public, le minimum se situant à cinq jours pour la CSST, sept jours pour la SAAQ. Dans le réseau de la santé et les services sociaux, soit les établissements, ce délai varie selon le degré d'urgence. L'attente peut aller jusqu'à plusieurs mois ou alors le service n'est pas disponible. Pour la clientèle privée, l'accès est directement lié à la capacité de payer de la personne, qu'elle ait ou non une assurance privée.

Comme tout le monde le sait, il existe un «fast track» dans nos hôpitaux, privilégiant certaines clientèles assurées, notamment celles de la SAAQ et de la CSST, discriminant carrément les autres personnes. D'ailleurs, entre tous les régimes, il vaut mieux subir une lombalgie d'abord dans un accident de la route et ensuite au travail. Le pire, c'est l'accident à la maison ou la blessure sportive.

Bien qu'à terme tout le monde finisse par se retrouver dans le système de santé et de services sociaux, chaque régime d'indemnisation fonctionne en vase clos, partageant difficilement les expériences, les modes de fonctionnement et les réussites, pas plus entre eux qu'avec la RAMQ ou le réseau de la santé. Au surplus, à notre connaissance, il n'existe encore aucun mécanisme se penchant sur l'harmonisation des services en physiothérapie entre les différents secteurs. En fait, et cela est très important, nos cliniques de physiothérapie sont au confluent de tous les régimes publics d'indemnisation ainsi que des programmes d'assurance, qu'ils soient privés ou publics. Nos cliniques subissent une pression continuelle et directe sur leur offre de services.

Dans le cas de la réadaptation, le dicton populaire «mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade» ne s'applique que trop bien. Un sondage, réalisé en 2003 dans nos cliniques, démontre que, devant la rémunération inadéquate versée pour le traitement de physiothérapie par la SAAQ et la CSST, dont les honoraires versés sont inchangés depuis 1994, les cliniques se tournent de plus en plus vers le secteur privé et réduisent leurs services aux clientèles du secteur public. On observe donc une diminution progressive et tangible de l'offre de services pour ces patients, alors qu'il faudrait au contraire tout mettre en oeuvre pour éviter qu'ils deviennent des cas chroniques. Soulignons que les honoraires payés par la CSST, la SAAQ et l'IVAC pour des services de physiothérapie sont maintenant inférieurs de 40 % à 60 % à ceux versés dans le secteur privé. De plus, nous pensons que l'inadéquation entre l'offre de services et les besoins de la population est à l'origine de l'éclosion de formes alternatives de thérapie non reconnues et potentiellement dangereuses pour la population, que l'on appelle la prolifération non encadrée des «peute» de toute nature.

Si vous le voulez bien, parlons maintenant de la croissance économique du Québec. Lorsqu'on la mesure en fonction du PIB, cette croissance repose sur deux facteurs principaux: la croissance de la main-d'oeuvre et les gains en productivité. Dans cette optique, vous conviendrez que la problématique d'une population active mais vieillissante revêt une grande importance.

La société québécoise est interpellée à deux niveaux. D'une part, il y a le volet du remplacement de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire le rapport de dépendance démographique, le ratio du nombre de travailleurs actifs par rapport aux retraités. D'autre part et étant donné que ce ratio se détériorera très rapidement au cours des cinq prochaines années, survient alors la délicate question de l'ajustement à cette tendance lourde, c'est-à-dire les mesures que nous prenons pour compenser la diminution de la main-d'oeuvre active. Comme vous le savez, ces mesures vont essentiellement de l'immigration massive à l'accroissement de la productivité. Il y a là un enjeu économique et social majeur, car il faut dès maintenant prévoir une main-d'oeuvre relativement plus âgée comparativement aux normes actuelles et qui, sur le plan de la condition physique, aura des besoins différents. Nous aurons le double défi de maintenir cette main-d'oeuvre active en bonne santé et de ramener rapidement les personnes victimes d'accident du travail ou de la route dans leur situation d'emploi.

Les gens âgés et sur le marché du travail requièrent des attentions particulières. La littérature scientifique disponible documente bien les besoins de traitement des gens âgés au niveau du maintien de la motricité. La prestation de traitements de physiothérapie constitue l'un des volets parmi les plus importants pour le quotidien de cette clientèle. Les interventions deviennent un prérequis pour bon nombre de ces travailleurs. Il suffit de mentionner que les résultats d'une étude récente menée en Colombie-Britannique auprès de 1 075 citoyens de plus de 70 ans indiquent que les personnes du groupe test suivant quotidiennement un programme d'exercice élaboré par des physiothérapeutes sont de loin plus en forme et plus fonctionnels que ceux qui n'ont pas suivi le programme. Ces résultats rejoignent ceux de la physiothérapie préventive, qui aide à prévenir les accidents du travail.

Une étude réalisée en 1990 par l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail sur les coûts indirects des accidents du travail indique que les budgets des programmes de réparation de la CSST ne constituent qu'une partie des coûts réels découlant des accidents du travail. Pour chaque dollar dépensé pour indemniser les accidentés, la société québécoise doit assumer un coût additionnel de 0,83 $. En appliquant cette conclusion de l'étude de l'IRSST et en tenant compte que, pour l'année 2002, les programmes de réparation de la CSST se sont chiffrés à un peu plus de 1 042 000 000 $, les coûts socioéconomiques additionnels pour la collectivité québécoise, dans le seul domaine du travail, seraient donc de 1 018 000 000 $.

n (15 h 30) n

En 2005, à la demande du Conseil du patronat du Québec, notre fédération a commandé une étude sur les coûts d'évitement découlant des traitements de physiothérapie concernant les indemnités payées aux accidentés du travail et de la route. Il s'agit de la première étude du genre réalisée au Canada. Elle s'appuyait notamment sur les résultats obtenus par l'implantation de l'approche Millard Health, en Alberta, un continuum de soins interdisciplinaire permettant de diminuer le nombre de traitements aux accidentés du travail et de les retourner à l'emploi plus rapidement. L'application de cette approche au Québec permettrait d'épargner 123,6 millions de plus en indemnisations, rien qu'en santé et sécurité au travail. La mise en place d'une approche plus systématique de physiothérapie préventive dans les entreprises les plus à risque réduirait aussi de manière importante les accidents, donc les coûts pour ces entreprises, de même que les indemnités versées.

Au Québec, ces dernières années, le programme de soins personnalisés de la SAAQ s'appliquant aux tissus mous et inspiré de l'approche Millard Health a permis de réaliser des gains en indemnisations de 9 $ pour chaque dollar investi en physiothérapie. Il s'agit d'un coût évité de 2 200 $ par personne accidentée référée dans ce programme. On pourra argumenter que ces données ne concernent que le secteur du travail ou du transport et qu'elles ne peuvent être prises en considération pour ce qui est de la santé et des services sociaux. Malheureusement, nous ne disposons que de peu de données sur les coûts et les impacts économiques touchant la réadaptation et les services de physiothérapie au Québec. Il y a longtemps qu'il aurait fallu procéder à de telles études dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Abordons maintenant les recommandations et les propositions que nous formulons dans notre mémoire. En premier lieu, nous traiterons de trois sujets abordés dans le document de consultation.

Premièrement, nous sommes favorables à l'idée d'ouvrir des cliniques médicales privées affiliées, à des conditions précises: la pratique d'interventions chirurgicales de la hanche et du genou. Il est intolérable que des personnes attendent 18 à 24 mois pour ces interventions. Puisque les orientations proposées indiquent que ces cliniques affiliées devront offrir le continuum de soins, incluant la réadaptation et les soins à domicile, le ministère doit assumer également les coûts des services privés de physiothérapie en clinique ou à domicile. Un patient opéré et laissé à lui-même, sans physiothérapie, peut développer des complications ainsi que des limitations fonctionnelles inutiles. Bien souvent, la réussite de l'intervention chirurgicale va dépendre du suivi en physiothérapie consécutif à l'opération.

Par ailleurs, les cliniques médicales affiliées au réseau soulèvent des questions éthiques touchant la propriété des cliniques. Qui sera propriétaire de ces cliniques? Advenant, par exemple, que les traitements de physiothérapie soient offerts et donnés par ces cliniques, quel sera le degré d'indépendance des physiothérapeutes? Devront-ils être propriétaires de leurs cliniques de physiothérapie ou seront-ils uniquement les employés? Un patient opéré dans une clinique affiliée pourra-t-il choisir la clinique de physiothérapie près de chez lui et être remboursé par l'État pour son suivi clinique en physiothérapie?

Deuxièmement, de plus en plus d'experts soulignent les dangers liés à l'obésité galopante chez les Québécoises et les Québécois. Sédentarité, manque d'activité physique, mauvaise alimentation: voilà quelques-uns des facteurs qui contribuent à détériorer l'état de santé et réduire l'autonomie fonctionnelle des gens. Par exemple, de plus en plus d'experts pensent que la génération qui suit la baby-boomeuse sera moins en santé que leurs aînés. La fédération appuie donc les intentions du ministre d'accroître l'activité physique chez les jeunes et leurs familles et, pour y parvenir, invite le gouvernement à oeuvrer dans le but de favoriser à long terme un profond changement de culture au sein de la population, valorisant l'activité physique et la saine alimentation.

Troisième point. L'idée d'une assurance contre la perte d'autonomie est intéressante, mais il faut éviter de créer une nouvelle bureaucratie. À cet égard, confier la gestion des opérations d'un nouveau régime d'assurance aux centres de santé et de services sociaux, selon nous, n'est pas une bonne piste. Nous pensons que le gouvernement devrait plutôt s'inspirer du régime d'assurance médicaments et laisser le réseau d'établissements réaliser pleinement sa vraie mission de soins et services à la population, d'autant plus, d'ailleurs, que, d'ici quelques années, il manquera de bras ne serait-ce que pour maintenir les services à un niveau acceptable.

Cela dit, ce projet ressemble assez à l'idée que nous avons de créer un fonds global assurant à la population un minimum de traitements de physiothérapie. Advenant que le gouvernement aille de l'avant avec cette assurance contre la perte d'autonomie, ce fonds devrait en faire partie mais géré de manière distincte. Par contre, si cette assurance n'est pas instituée, le fonds en physiothérapie et réadaptation pourrait quand même être créé sur le modèle de l'assurance médicaments, dont il pourrait même faire partie.

Par ailleurs, nous formulons quatre propositions. Première proposition: harmoniser les programmes et les services publics ? SAAQ, CSST, IVAC, RAMQ ? qui offrent des services de physiothérapie au Québec afin d'assurer leur pérennité et garantir un accès équitable à la population. Pour ce faire, nous demandons au ministre de la Santé et des Services sociaux de créer une table centrale de la physiothérapie incluant tous les acteurs concernés, du public comme du privé.

Deuxième proposition: dans le cadre de la mise sur pied des futurs réseaux locaux de services à la population, déterminer les ententes-cadres assurant une réelle complémentarité d'intervention, c'est-à-dire un continuum de services entre le service privé de la physiothérapie et le réseau d'établissements publics.

Troisième proposition: poursuivre la révision de certains actes professionnels de manière à favoriser une meilleure utilisation des physiothérapeutes, à réduire les délais d'attente et à accroître le potentiel de dépistage précoce de la perte d'autonomie. Nous pensons, entre autres, à l'accès direct aux physiothérapeutes, sans passer obligatoirement par un médecin omnipraticien, à l'intérieur du réseau par exemple, à la possibilité pour les physiothérapeutes de référer directement aux médecins spécialistes...

La Présidente (Mme James): Alors, M. Joyal, désolée, c'est pour vous aviser qu'il vous reste une minute.

M. Joyal (René): Une minute?

La Présidente (Mme James): Oui. Merci.

M. Joyal (René): ...de référer directement aux médecins spécialistes, dans certaines situations, sans passer obligatoirement par l'omni, un droit limité de prescrire certains médicaments anti-inflammatoires et analgésiques ainsi que certains examens de laboratoire, et, un exemple, utiliser les physiothérapeutes en urgence pour éviter les listes d'attente, pour les heures d'attente très, très longues en urgence.

Quatrième proposition: reconnaître l'apport des physiothérapeutes en pratique privée en offrant une rémunération équitable pour les services qu'ils rendent. Nous espérons que la révision de grilles de tarifs, de rémunération des services professionnels se fera rapidement et qu'elle comportera un mécanisme d'ajustement périodique, car, comme nous l'avons dit précédemment, les tarifs des physiothérapeutes ? CSST, SAAQ, IVAC ? sont gelés depuis 1994. Ce sont nos clients du secteur privé qui indirectement subventionnent notre clientèle publique. Cela ne saurait durer très longtemps encore.

En terminant, M. le Président, je vous remercie de votre attention... Mme la Présidente.

La Présidente (Mme James): Merci. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, MM. Joyal, Jobin, Bissonnette ? Besner? ? Besner et M. Boucher, merci de votre présence aujourd'hui. Je voudrais juste d'abord faire deux petites mises au point.

D'abord, les cliniques affiliées ne sont probablement pas destinées... et presque certainement pas destinées à accueillir des opérations prothèse de hanche, prothèse de genou, mais au contraire de dégager la chirurgie ambulatoire des hôpitaux pour faire plus d'opérations de prothèse de hanche et de prothèse de genou dans les centres hospitaliers. C'est un élément de confusion qui s'est glissé, probablement parce qu'il n'était pas rédigé de façon aussi explicite qu'il aurait dû, mais c'est la vision que nous avons.

L'autre chose, c'est que... Évidemment, je ne veux pas parler pour M. Ménard, qui viendra présenter son projet, mais il ne propose pas de faire gérer le régime dont il parle par les CSSS, il parle en fait de le faire gérer par un organisme central, mais que le CSSS doit avoir un rôle de validation, c'est-à-dire déterminer, sur le plan professionnel, le degré de perte d'autonomie et un peu la certification quant à l'orientation des services nécessaires pour la personne. Donc, il ne s'agit pas de leur faire gérer la caisse. Je pense, c'est un autre élément important.

Il y a un point sur lequel vous avez insisté à plusieurs reprises, c'est l'harmonisation des pratiques, et ça m'intéresse d'en savoir un peu plus long. Pourriez-vous nous donner des exemples concrets, entre, par exemple, un bénéficiaire de la CSST puis de la SAAQ? Quelles sont les différences? Puis pourquoi il y a un obstacle? Il me semble, normalement on devrait s'entendre pour unir les meilleures pratiques. Puis quel est l'obstacle à ça?

n (15 h 40) n

M. Joyal (René): L'exemple plus simple que je pourrais vous donner, c'est au niveau administratif. Un patient en CSST qui rentre dans notre clinique, on a des critères à suivre, on est assujettis à un règlement d'assistance médicale. On doit, par exemple, recevoir le patient en deçà de cinq jours suite à la référence, faire un rapport initial, faire un rapport d'étape aux 21 jours et faire un rapport final en deçà d'une semaine. La SAAQ, ce n'est pas la même façon de procéder. Puis notre clientèle privée, ce n'est pas la même chose. Et on s'aperçoit qu'un patient CSST ou SAAQ est privilégié par rapport aux autres clientèles dans le Québec. Et ce que l'on considère, c'est que, s'il y avait un système commun de communication entre les différents ministères pour que les gens se parlent, on pourrait améliorer la qualité des soins, l'accessibilité des soins à toute la population. Si vous voulez, Alain a...

M. Besner (Alain): Dans un hôpital, si quelqu'un se blesse à la maison ou dans un accident de sport, comme on disait tantôt, souvent les soins de physiothérapie ne sont même pas accessibles. Il n'y a pas de patients qui vont être vus s'ils n'ont pas été hospitalisés ou s'ils n'ont pas eu une opération. À ce moment-là, par contre, si le patient est un accidenté du travail ou un accidenté de la route, il va avoir un «fast track», c'est-à-dire qu'il va attendre, il va avoir un délai d'attente variant entre cinq et sept jours, puis ça, on trouve ça inacceptable qu'il y ait deux ou trois catégories de patients dépendamment d'où vient la blessure. Nous, dans nos cliniques, il n'y a pas ce genre de délai, là, que ce soit privé... SAAQ ou privé, c'est la même chose.

M. Couillard: Est-ce qu'il a effectivement... Mais, la solution, on va être d'accord avec vous pour dire que la solution, ce n'est pas de diminuer l'accessibilité des prestataires de la CSST, de la SAAQ mais d'augmenter celle de tout le monde, puis, entre autres, ça prend plus de gens. Puis vous avez montré que la démographie vous touche également.

Est-ce qu'il y a des exemples de relations, là, formelles entre les CSSS ou l'établissement de santé puis les cliniques privées de physiothérapie? On sait que, dans les cliniques privées de résonnance magnétique, ça existe, par exemple, entre l'agence régionale puis une clinique privée, éventuellement avec les cliniques affiliées. Est-ce qu'il existe des modèles de ce type-là, donc d'achat de services privés par le payeur public?

M. Joyal (René): Là, on connaît un physiothérapeute qui a un service à domicile, que les CLSC vont utiliser ses services. Personnellement, c'est très épisodique, mais j'ai eu une demande récemment d'un centre, Le Bouclier, dans ma région, qui, parce qu'il y avait une rareté de physiothérapeutes, m'a demandé de prendre en charge cinq patients. Et on a une entente financière, mais cas par cas. Ce n'est pas quelque chose d'établi à travers la province.

M. Besner (Alain): Par contre, il existe même le contraire de ce que vous dites, M. le ministre, c'est-à-dire qu'on est en compétition avec les hôpitaux. Par exemple, un patient CSST, l'hôpital est payé, est payé 35 $ pour voir ce cas-là. Donc, ils favorisent, dans plusieurs hôpitaux, la présence de ces gens-là pour financer, parce que c'est à l'extérieur de leur budget d'opération. Ces cas-là pourraient très bien être vus en clinique privée, par exemple, et offrir plus de services à la population en général qui ont ni assurance ni prix couverts par un régime public.

M. Couillard: Je vous dirais cependant que ces revenus, comme d'autres, n'échappent pas à l'oeil aguerri des vérificateurs du ministère de la Santé. Ils peuvent dire que c'est à l'extérieur du budget, mais c'est compté dans les revenus de l'établissement puis dans l'établissement du budget également.

M. Besner (Alain): ...des postes de physiothérapeute qui sont payés exclusivement par ces montants-là.

M. Couillard: C'est vrai, c'est vrai. Maintenant, il me semble, ? d'ailleurs, on y reviendra peut-être dans l'avenir ? c'est un modèle à explorer. Si on veut le faire pour les cliniques de résonance magnétique, pour les cliniques affiliées, il n'y a pas de raison de ne pas le faire également, dans certaines conditions, avec les cliniques de physiothérapie.

Il y a un domaine qu'on va essayer de clarifier à la faveur de ce débat-là, c'est le privé-privé, là, vous savez, les cliniques d'orthopédie ? il y en a surtout à Montréal, là ? de médecins non participants qui peuvent actuellement opérer quelqu'un légalement, là, pour une prothèse de hanche, par exemple, avec un coût assez élevé, on le sait. Et il nous semble que, pour éviter de déplacer, là... Parce qu'un des problèmes du privé financé privément, là, et prestations privées, c'est le déplacement d'un fardeau sur le réseau public: après qu'on a extrait, comment dire, la substantifique moelle du cas en question, mais, le reste, on l'envoie au réseau public, notamment l'épisode de réadaptation. Il nous semble que, lorsqu'un prestataire privé offre le service ou qu'un assureur privé, avec ce qui est proposé, offre une assurance pour le service, tout l'épisode de soins devrait être couvert par le prestataire en question, incluant la réadaptation, pour éviter par la suite de transférer ça sur le réseau public. Est-ce que vous pensez que c'est une approche qui doit être encouragée?

M. Besner (Alain): Ça existe déjà dans le centre orthopédique Duval. Il y a une clinique de physiothérapie qui donne, dispense des soins aux chambres, aux patients hospitalisés là, qui ont été opérés en privé, et les gens font le suivi de réadaptation dans cette clinique privée là aussi.

M. Couillard: Si on ajoute les assurances, je crois, à mon avis, qu'il faut demander que l'assurance défraie non seulement l'épisode chirurgical, mais tout le continuum de soins jusqu'à la réadaptation. Vous êtes d'accord avec ça?

M. Bissonnette (Michel): Le problème qu'on a, c'est celui de la cohérence entre les différents régimes puis les systèmes. Si vous prenez, par exemple, les trois régimes publics que nous avons, qui sont la CSST, la SAAQ et l'IVAC, ils ont des façons différentes de procéder, avec une couverture différente, d'une certaine manière, aussi, alors que, de l'autre côté, vous avez des régimes privés d'assurance qui ont des polices variables, là. Et puis il y a la RAMQ entre les deux, ou en tout cas le service public couvert par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Le problème, c'est la cohérence de tout ça ensemble. Donc, l'exemple qu'on donnait pour les cliniques affiliées, avec les soins couverts, c'est sûr que, dans une approche privée ou public-privé, bien il faut que le soin vienne avec, aussi. Et donc, quand vous donnez cet exemple-là de soins donnés en orthopédie privée, bien automatiquement il faudrait que le patient aussi défraie les coûts privés. C'est automatique. Mais en même temps la cohérence est nécessaire aussi.

M. Couillard: Il y a également une grande différence dans les modes de prise en charge d'une région à l'autre. Vous avez probablement des commentaires à faire là-dessus. Récemment, on a regardé la situation de la réadaptation sur l'île de Montréal, par exemple, où il y a beaucoup d'établissements de réadaptation, on le sait, et on a constaté qu'alors que dans la plupart des régions 90 % des personnes qui avaient subi une chirurgie orthopédique étaient prises en charge soit dans une clinique privée, avec un régime collectif, soit à domicile, via l'établissement, 90 %, à Montréal, c'est presque 60 % qui est en établissement public de réadaptation. Donc, on voit que, selon la disponibilité puis le mode de ressources, il y a eu un changement d'orientation du suivi ou du continuum de soins. Est-ce que vous observez également ces différences entre les différentes régions?

M. Joyal (René): On n'a pas de données exactement là-dessus. Ce que je peux juste vous mentionner, c'est que, nous, on existe parce que le réseau public, il ne fournissait pas à la demande. Moi, je me souviens, quand j'ai commencé, en 1984, à être en pratique privée, je n'étais pas certain d'être rentable, puis ça n'a pas été long qu'on a vu une demande qui a été en croissance puis en croissance constante. En 1975, il y avait à peu près 20 cliniques privées de physiothérapie au Québec; en 1984, il y en avait 100; maintenant, il y en a 540. Ça fait que ça démontre que le réseau, il ne répond pas à la demande de la population, le réseau public, et on existe uniquement parce que le réseau public n'a pas pu répondre à la demande.

Alors, ce qu'on propose, nous, ce qu'on croit, en voyant ce qui se passe là, c'est qu'il faut arriver à faire un travail d'équipe, privé et public, et un travail d'équipe entre les différents régimes qui couvrent les soins de physiothérapie. Que ce soit le ministère du Travail, Transports, le ministère de la Santé, il devrait y avoir une collaboration pour uniformiser ou mieux organiser le service pour que la population ait accès aux services de physiothérapie et que ce soit efficace, efficace au niveau de rapidité organisationnelle et rapidité au niveau traitement. Parce que plus on attend pour traiter un cas en physio, plus les chances de chronicité augmentent. Et les études le démontrent, là: plus on attend longtemps, ce qui veut dire plus d'un mois, la chronicité augmente en flèche; on attend deux mois, la condition se détériore. Et il y a des cas qui parfois vont avoir une entorse à la cheville simple non traitée, va se compliquer en arthrose de la hanche, qui va exiger une prothèse totale de la hanche 15 ans plus tard parce qu'ils n'ont pas été traités au bon moment.

M. Couillard: Je voudrais juste terminer sur la question, parce que je veux éclaircir votre position là-dessus, la propriété des cliniques affiliées. Je n'ai pas compris si vous favorisiez que les professionnels de la santé soient propriétaires ou partiellement propriétaires des cliniques ou non.

M. Joyal (René): On posait juste la question.

M. Couillard: O.K. Parce qu'on essaie d'avoir ici des éclaircissements ou des avis également. Les médecins nous disent qu'ils doivent absolument être des copropriétaires, d'autres nous ont dit qu'il ne faut pas que les médecins aient du moins la majorité de la propriété. Et vous pourriez effectivement être... On peut envisager qu'une clinique affiliée offre des services de physiothérapie aux frais du payeur public dans le cadre d'une entente. Mais quelle est votre... Est-ce que vous avez une position là-dessus?

M. Joyal (René): Bien, le seul point litigieux, ce serait pour le client qui voudrait aller voir sa clinique de physiothérapie près de chez lui. Parce qu'actuellement il y a des gens qui vont se faire voir, entre autres, chez le Dr Duval, à Laval, ils viennent de, mettons, Matane. Mais là, si on est une clinique affiliée, qu'on lui dit: Vous allez à Montréal, chez le Dr Duval, mettons, qui est affilié, puis il est obligé de rester là, à Laval, quand il peut aller à Matane, on ne voit pas la logique. S'il y avait... Un exemple, c'est un exemple, là. Ce qui fait que les gens, s'ils pouvaient avoir accès à leur clinique de physiothérapie dans leur région, selon leur choix, et être couverts par l'assurance, on éviterait un risque de conflit d'intérêts.

M. Couillard: Je vous indique très brièvement que dans les cliniques affiliées il y aura uniquement des médecins participant à la Régie d'assurance maladie du Québec. Donc, la clinique comme celle que vous mentionnez ne peut pas, par définition, être une clinique affiliée.

M. Joyal (René): Ça, c'est les nuances que je n'ai pas, là.

M. Couillard: Merci.

n (15 h 50) n

La Présidente (Mme James): Alors, merci. M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Alors, messieurs, vos tarifs sont gelés depuis 1994?

M. Joyal (René): Oui. Au niveau de la CSST, il y a un règlement d'assistance médicale qui a été voté en 1994, et, malgré toutes nos représentations auprès de la CSST, il n'y a jamais eu d'ajustement.

M. Charbonneau: Est-ce que c'est la même chose pour la SAAQ ou l'IVAC?

M. Joyal (René): La SAAQ, c'est la même chose, sauf que là, depuis janvier, nos cliniques ont décidé qu'on ferait des moyens de pression. Et on peut, selon la loi, facturer la différence au patient, et, depuis janvier, le mot d'ordre a été donné à nos cliniques de facturer la différence entre le tarif privé et le tarif payé par la SAAQ.

M. Charbonneau: Est-ce que vous avez évalué ça coûterait combien pour la CSST ou pour les autres, tu sais, dans le fond, si on faisait une tarification indexée?

M. Joyal (René): ...qui avait les chiffres, là.

M. Boucher (Pierre): Bon, alors, il y a deux ans, on nous a confié le mandat de vérifier qu'est-ce que ça coûtait, une prestation d'un service de physiothérapeute. Alors, on a élaboré, comme on le fait régulièrement, là, pour un service professionnel, on a adapté un modèle qui avait été utilisé en Alberta, et le coût, en 2003, de prestation d'un service de physiothérapie, c'est 44,20 $. Alors, c'est un coût qui est...

M. Charbonneau: ...44,20 $?

M. Boucher (Pierre): 44,20 $, un traitement. Et le coût est... Actuellement, les tarifs payés, bien vous les connaissez, à la SAAQ puis à la CSST. Alors, ce tarif-là, on pense qu'il est très, très, très conservateur, parce qu'on a demandé, en 2003, aux physiothérapeutes de nous fournir, aux cliniques participantes, de nous fournir une évaluation de leurs coûts de production ? salaires, le coût des loyers, des appareils, etc. Alors donc, cette évaluation en 2003 ne tient pas compte de l'évolution réelle subie en 1995, 1996, 1997, etc., par le coût des loyers dans les milieux, les centres d'achats où les cliniques sont localisées finalement, et même pour ceux qui sont localisés à la maison, n'eût été que le coût de la valeur d'entretien d'une maison en 1994 versus 2003. Alors ça, c'est une nuance qui n'est pas représentée par le coût de production, parce que c'est une photo qu'on a prise en 2003. Alors donc, 44,20 $, c'est le minimum pour que ces gens-là puissent fonctionner avec un profit acceptable. Si on emploie le mot «profit», là, c'est peut-être biaisé, là, mais avec un rendement sur leurs services qui est tout à fait normal.

M. Charbonneau: Actuellement, ils vous paient combien?

M. Boucher (Pierre): 32 $. 31 $ à 32 $.

M. Bissonnette (Michel): Mais il y a peut-être une chose qu'on doit rajouter à ça, c'est pour ça que ça revient dans le mémoire, cet aspect-là d'harmonisation des services, c'est qu'actuellement il y a 60 % des services de physiothérapie au Québec, là, peu importent lesquels, privés, publics, qui sont assumés par la première ligne de service qui est donnée dans les cliniques privées, et ça, c'est 60 % du total des services. Actuellement, ce qu'on observe à cause des inéquités ou des inégalités entre les régimes, et c'est extrêmement dangereux dans un contexte de vieillissement, c'est le déplacement progressif des services vers la clientèle privée qui paie ou qui a les moyens de payer, et ça, c'est très dangereux. Ce qui veut dire que tranquillement pas vite tu as une érosion des services publics ou des services donnés aux clients provenant des régimes publics dans les cliniques privées. Alors là, ça crée un gros problème. Comment ça va se poursuivre au cours des quatre ou cinq prochaines années? C'est là qu'on a un blocage.

M. Charbonneau: Est-ce que c'est la raison pour laquelle vous proposez une table centrale de physiothérapie, c'est-à-dire pour faire un ajustement?

M. Bissonnette (Michel): Entre autres.

M. Charbonneau: Entre autres?

M. Jobin (Christian): Il y a cet ajustement-là. Puis, juste en complément, ça revient un petit peu sur une question de M. le ministre tout à l'heure, il faut préciser qu'au niveau... quand on parle d'harmonisation, la SAAQ est une mutuelle d'assurance et la CSST est le règlement de l'assistance médicale. Donc, déjà là, on a deux façons de fonctionner complètement différentes. Ce qui fait que, pour la CSST, on est vraiment liés dans une façon de faire. Au niveau de la SAAQ, là, on a pu s'ajuster et même ajuster notre façon de traiter cette clientèle-là.

M. Charbonneau: Je ne comprends pas trop ça, là, je m'excuse...

M. Jobin (Christian): Bien, la SAAQ étant une mutuelle d'assurance, on a le droit de pouvoir facturer la différence au client, donc d'être en mesure d'atteindre notre rendement adéquat et de servir cette personne-là d'une façon qui est différente que le client CSST, qui est gelé dans le règlement d'assistance médicale, qui ne nous permet pas de facturer une différence, qui fait en sorte que, depuis 1994, le fait que les coûts ont augmenté, mais on est obligés d'ajuster les façons de faire.

M. Charbonneau: Remarquez qu'au-delà de... Ça s'est fait sur deux gouvernements, là, de toute façon. Mais, dans un cas comme dans l'autre, ça reste toujours une question un peu d'équité, là. Comment on peut penser qu'en 12 ans, là, finalement il n'y a rien qui a bougé? Je ne suis pas sûr que le salaire des présidents de ces organismes-là a été gelé pendant 14 ans, là, ou 12 ans, hein?

M. Bissonnette (Michel): L'effet pervers de ça, M. Charbonneau, c'est le ministre de la Santé qui va le subir ? excusez-moi, mais c'est ça ? c'est-à-dire qu'il y a une harmonisation qu'on doit faire. Actuellement, les cliniques commencent à recevoir des centres de santé et de services sociaux des lettres les invitant à participer à des rencontres pour travailler sur l'élaboration des projets cliniques. Vous savez le... Bon. Alors, évidemment, les cliniques sont au confluent de tous les régimes publics puis de tous les régimes privés. Alors, qu'est-ce que tu fais quand tu as un afflux de demandes comme ça? À un moment donné, tu as un problème, là, il faut que tu choisisses, à quelque part. Alors, avec en plus la pression provenant du réseau public de s'intégrer puis de travailler avec... c'est-à-dire de travailler avec le réseau privé dans les partenariats public-privé, on a donc ce noeud-là, là, à trancher, puis on ne sait pas comment le faire. C'est pour ça qu'on arrive à la commission en disant: Écoutez, il faut que quelqu'un, à quelque part, harmonise ou travaille à l'harmonisation. Et il y a un leadership à prendre à l'intérieur de l'appareil, et on pense que c'est le ministre de la Santé qui devrait le faire.

M. Charbonneau: Est-ce que je comprends bien ? parce que je ne suis pas sûr d'avoir saisi ? quand vous dites que vous avez maintenant des offres, d'une certaine façon, de collaboration, de partenariat avec les CSSS, est-ce que vous voulez dire qu'éventuellement, pour les cliniques de physiothérapie, ça pourrait être plus intéressant et plus rentable de travailler avec les CSSS que de travailler avec la CSST ou la SAAQ...

M. Joyal (René): Actuellement, ça l'est.

M. Charbonneau: ...qui finalement paieraient à la limite moins que ce que vous pourriez avoir contractuellement avec...

M. Joyal (René): Actuellement, c'est plus payant, accepter de faire un travail avec un CSSS, parce qu'on peut négocier notre tarif. Puis ils nous disent: C'est combien, votre tarif privé?, puis on demande notre tarif privé, puis ils nous paient notre tarif privé pour un patient du secteur public. Tandis que la CSST ne nous paie pas la différence.

M. Besner (Alain): Imaginez-vous, un instant, nos patients privés, on leur charge entre 50 $ et 60 $ du traitement puis on est payés 31 $ ou 32 $ du traitement. Le calcul est assez simple. Puis ce qui nous guette, c'est une érosion de l'offre, c'est-à-dire qu'on ne sera plus intéressés à traiter les accidentés du travail, les accidentés de la route. Mais on ne veut pas ça, on veut donner le service équitable à tout le monde, via un fonds, par exemple.

M. Charbonneau: Et est-ce que c'est ça qui explique ce dont vous parliez tantôt, des vitesses d'accès aux services de physiothérapie différentes selon qu'on est... ou si c'est un autre problème, ça?

M. Joyal (René): Bien, ça se tient ensemble. C'est parce qu'au niveau de la SAAQ et de la CSST, au niveau hospitalier, il y a des ententes. Comme, par exemple, pour un patient en CSST, en physiothérapie, l'hôpital reçoit 35 $ du traitement plutôt que 32 $. C'est une entente qu'il y a eu en 1994, ou en 1996. Au niveau de la SAAQ, tout ce qui s'appelle... il y a beaucoup de... quand c'est un gros accident, c'est clair que ça va en secteur public, mais, quand c'est un tissu mou, qu'ils appellent, les hôpitaux, ils n'ont pas de place pour les prendre en physiothérapie, ils les réfèrent automatiquement en privé. Mais ils sont pris quand même rapidement, parce que le privé répond à la demande rapidement.

La vitesse différente, c'est: vous, vous êtes chez vous, vous vous faites mal au dos, vous avez un lumbago, là, vous voulez aller où? Vous allez voir votre médecin de famille. Mais, votre médecin de famille, en physiothérapie, il n'y a pas de place en hôpital, il n'y a pas de place en réseau public, c'est six mois d'attente, c'est un an d'attente. Puis, à un moment donné, bien, parce que c'est un an d'attente, il n'y a pas de service offert. Ça fait que la personne qui veut se faire traiter en physio doit aller en privé. Et, nous, on le voit: ceux qui ont des assurances viennent sans problème, ceux qui ont les moyens sans assurance viennent sans problème; ceux qui n'ont pas d'argent, ils endurent leur mal ou ils viennent une fois avoir un conseil, puis ils nous disent: Je vais me débrouiller. Ça fait que ça fait une différence d'équité parmi la population du Québec. Nous, on le voit.

M. Charbonneau: Oui, j'imagine. Moi, je comprends très bien. Je veux dire, les députés de l'Assemblée, on a une assurance collective, puis les traitements de physiothérapie sont couverts. Moi qui fais de l'entraînement, j'ai de temps à autre des problèmes. Alors, bon, je veux dire, à la limite on peut même... Des fois, directement vers le physio qu'on peut connaître ou encore via le médecin de famille, on peut avoir accès, mais c'est vrai que le citoyen qui n'a pas une assurance collective, lui, il est poigné vrai, hein?

Une voix: Absolument.

M. Joyal (René): C'est ça qu'on dit, c'est ça qu'on dit dans notre présentation: ils sont coincés. Ils ont à choisir entre dire: Je me fais soigner ou je ne me fais pas soigner. Puis, s'ils n'ont pas accès aux soins du public, il faut qu'ils aillent en privé, puis là il y a... puis, comme on sait que la population... il y a une grande partie de la population qui n'est pas riche, bien il y en a qui subissent puis ils vivent avec leurs séquelles, qui ne sont pas nécessairement vitales mais qui sont nuisibles à la productivité et au fonctionnement quotidien.

n (16 heures) n

M. Charbonneau: Je vais vous dire, ça fait mal, tu sais, quand la douleur... Tu sais, moi, j'ai déjà vécu, dans mon propre corps, des expériences, alors vous pouvez vous imaginer la douleur que j'ai ressentie, j'ai pu avoir un traitement parce que, tu sais, je bénéficiais d'une assurance collective. Mais celui qui ne l'a pas, il a la même douleur dans son corps, là, hein, puis les mêmes handicaps ou les mêmes limitations pendant plusieurs jours, plusieurs semaines dans certains cas, là.

M. Besner (Alain): C'est pour ça qu'on propose que chaque citoyen du Québec ait un minimum de soins admissibles en physiothérapie, que ce soit en public ou en privé, pour justement répondre, vous le dites vous-même, à de l'entraînement, ou que ce soit du jardinage ou que ce soit quelque chose d'autre; on a tous des douleurs à un moment donné.

M. Charbonneau: Puis en plus ce serait logique, dans la mesure où on veut favoriser plus d'activité physique.

M. Besner (Alain): Bien oui!

M. Charbonneau: Plus d'activité physique, là, c'est inévitablement plus de problématiques, tu sais, parce qu'il y a des blessures sportives inévitables, là, qui viennent et des accidents en plus, aussi. Bon, les...

M. Besner (Alain): Oui et non, sauf que, si les gens font plus d'activités, ils vont demeurer actifs plus longtemps, mais ils vont avoir des petits bobos qu'on va régler assez rapidement. Mais, s'ils demeurent complètement inactifs...

M. Charbonneau: Oui, oui. Ça, c'est une autre dimension, c'est-à-dire, il y a la conséquence de l'inactivité, mais il y a aussi la conséquence à l'activité, là.

M. Joyal (René): Oui, mais je vous dirais que, pour l'activité, les risques, les conséquences sont beaucoup moins grandes que l'inactivité, et ça, ça se mesure au niveau socioéconomique. Et, pour l'activité qu'on parle, on ne parle pas d'une activité de niveau élite, on parle d'une activité de deux à trois fois semaine. Le risque de blessure est diminué de 50 % quand on fait deux à trois fois semaine versus cinq fois semaine. Ça fait que, si les gens font de l'exercice deux à trois fois semaine, une demi-heure, trois quarts d'heure à la fois, des blessures, on n'en a pas beaucoup, puis c'est uniquement dans les cas majeurs, style déchirure ligamentaire, que ça va être un coût élevé. Mais c'est moins cher, ça, encore qu'un diabétique toute sa vie ou d'un cardiaque, pontage coronarien, etc., puis l'obésité, puis les complications du diabète.

M. Charbonneau: Quand vous dites que tous les citoyens québécois, d'une façon ou d'une autre, devraient être assurés pour des soins physiothérapiques, est-ce que vous pensez à un modèle comme l'assurance médicaments? Parce que c'est un modèle...

M. Joyal (René): C'est ce qu'on a mentionné tantôt. Parce qu'actuellement, dans la Loi de l'assurance maladie... Moi, je ne suis pas un expert, là, en lois, mais, au début, la physiothérapie, ils couvraient partout. Dans les hôpitaux, la physiothérapie est couverte par l'assurance maladie.

M. Charbonneau: C'était dans le panier de services, comme on dit.

M. Besner (Alain): Jusqu'en 1973, en fait 1973-1974, la physiothérapie était dispensée sur la carte d'assurance maladie, mais après ça ils ont décidé de couper ça, en 1974, je crois. Donc, depuis ce temps-là, c'est pour ça qu'il y a des cliniques privées.

M. Bissonnette (Michel): Par ailleurs ? si vous permettez, M. le Président; par ailleurs ? ce qui est proposé, quand on parlait d'une caisse ou d'une espèce de fonds, l'idée, c'est qu'actuellement il y a des régimes d'indemnisation qui indemnisent chacun avec ses propres barèmes, et tout le monde a cet impératif-là d'éviter la croissance incontrôlée des coûts d'indemnisation. Il y en a qui sont assurés ? tant mieux pour eux ? puis d'autres qui ne le sont pas. L'idée, c'est de faire en sorte que cette caisse-là puisse accepter ou en tout cas centraliser les paiements ou les... mais que tout le monde ait accès à quelque part. Que tu sois indemnisé par la RAMQ, par exemple, parce que c'est public, que tu sois indemnisé par un régime privé, bien c'est le privé qui paie, mais au moins on sait qu'à quelque part tout le monde peut avoir accès à ça avec le remboursement de sa caisse, ou de son fonds, ou encore de sa CSST, ou de sa SAAQ, là.

M. Charbonneau: Est-ce que vous... Oui, allez-y.

M. Besner (Alain): Oui. La SAAQ, pour chaque dollar qu'ils ont investi dans le programme des tissus mous, ils ont sauvé 9 $ en indemnisation. Ce n'est pas rien, là. Pour 1 $ en physiothérapie, ils ont sauvé 9 $ en indemnisation, c'est-à-dire, 9 $, le patient va plus vite au travail, devient plus productif, etc. Donc, la physiothérapie, si on a un panier de soins, ça ne coûtera pas de l'argent, ça va sauver de l'argent.

M. Charbonneau: Ça, vous parlez à quelqu'un qui est convaincu, là, pour en avoir...

M. Besner (Alain): Mais je veux le dire à toute la commission, qu'on ne voit pas ça comme une dépense mais comme un investissement, à cause du vieillissement de la population, puis du vieillissement de la population active.

M. Joyal (René): On a fait l'analyse, dans l'étude de coût-évitement, là, si je me souviens bien, que, pour, par exemple, la CSST, en analyse coût-évitement, si on avait fait payer 44 $ du traitement, ça coûtait environ 8 millions de plus à la CSST, je pense. Mais on faisait sauver, avec cette approche-là, juste à la CSST, 126 millions, puis, au Québec, incluant le gouvernement, les employeurs et la CSST, près de 500 millions.

M. Charbonneau: Est-ce que vous avez calculé, là, quand vous faites le calcul de cette économie-là, est-ce que vous avez calculé le coût, par exemple, de la réintégration des soins de physiothérapie dans le panier de services ou tout au moins...

M. Joyal (René): Non. Non, ça, on n'est pas allés jusque-là. Nous, ce qu'on a fait comme étude, c'est ce que ça nous coûtait, nous, comme production. Puis, comme analyse de coût-évitement, c'était en fonction de qu'est-ce que ça coûte à la SAAQ, qu'est-ce que ça coûte à la CSST. On voyait la moyenne de blessures, de temps d'arrêt de travail, puis l'application de l'approche Millard, ça allait nous donner un tarif...

M. Charbonneau: Mais est-ce que ce ne serait pas utile...

M. Joyal (René): Là, M. Boucher a une idée à rajouter. Il est spécialiste là-dedans, là.

M. Boucher (Pierre): Théoriquement, si... Par la méthode du coût-évitement, ce qu'on a évalué, là, par le biais de la Société de l'assurance automobile du Québec, il y a un bénéfice net. Donc, si on intègre un panier de services de physiothérapie dans le panier de services universel, alors ça va se traduire par un bénéfice. C'est certain qu'il ne va pas y avoir une augmentation, là, tous azimuts, des coûts, il y a un bénéfice net qui va être mesurable, là, rapidement dans le temps.

M. Charbonneau: En tout cas, moi, je suis convaincu de ça, parce que je me dis... je regarde, tu sais, si je ne l'avais pas, l'assurance collective, là, tu sais, si je n'étais pas député puis j'étais autre chose, comme bien de nos concitoyens, de compatriotes, puis que je n'en avais pas, d'assurance collective, oupelaïe! Moi, en tout cas, j'ai l'impression que ce n'est pas pour... J'imagine qu'on voulait faire des économies en 1974, là.

M. Boucher (Pierre): Comment vous dites?

M. Joyal (René): Je n'ai pas compris votre...

M. Charbonneau: En 1974, c'est parce qu'on voulait faire des économies, on avait considéré que c'était...

M. Joyal (René): Bien, moi, je me souviens d'une histoire de scandale qui avait eu lieu, là...

M. Charbonneau: Ah oui?

M. Joyal (René): ...un genre de scandale, là. C'est qu'il y avait eu un physiatre, à Trois-Rivières, qui avait réussi à facturer 1 million à la caisse d'assurance maladie du Québec, par sa clinique de physiothérapie, puis c'est après ça que ça a été enlevé. Moi, je me souviens de ça, là ? j'étais jeune physio, là. Puis après ça, là, les gens ont dit: On va sortir la physiothérapie du privé sur la carte d'assurance maladie. Puis ça, ça a fait les premières pages de la presse dans ces années-là. Par la suite, les gens se sont organisés en offrant un service privé-privé. Mais le gouvernement, il a sauvé un problème qu'il y avait là d'un abus, mais ça n'a pas donné le service aux gens, puis le privé s'est développé avec les années, quand même.

M. Charbonneau: En fait, ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est que, dans les soins de santé qui ne sont pas couverts par l'assurance publique aujourd'hui, parmi les soins qui devraient l'être, soit par un régime universel, c'est-à-dire en l'intégrant carrément dans le panier de services d'assurance publique, ou tout au moins en ayant un régime complémentaire comme l'assurance médicaments, il faudrait que la physiothérapie soit remise dans...

M. Jobin (Christian): ...un petit peu plus loin en complétant, tout en étant d'accord avec ce que vous affirmez, c'est que présentement, dans le système de santé, de tous les professionnels qui traitent de la clientèle tant privée que publique, vous en avez deux seulement qui ont l'accès direct pour des blessures musculosquelettiques, c'est le médecin généraliste et le physiothérapeute. Le médecin généraliste, bien on sait qu'il ne fournit pas, il n'a pas les capacités de traiter les blessures comme on le fait. Donc, c'est juste une logique justement qu'on soit réintégrés dans un panier de services d'une façon quelconque, là.

M. Bissonnette (Michel): Puis il y a peut-être une autre chose, M. Charbonneau, qu'on pourrait rajouter, si vous me permettez. Au niveau de... Puisque le ministre intervient... enfin introduit dans son document la notion d'assurance perte d'autonomie, bien c'est pour ça qu'on intervient avec ça, parce qu'en se disant: Un, tu ne peux pas isoler le vieillissement de la population puis sa perte d'autonomie du vieillissement de la main-d'oeuvre et à toutes les conséquences qui découlent. Une personne âgée ou quelqu'un qui va vieillir, il vieillit aussi en conduisant une auto ou en travaillant, là, et donc les conséquences finissent toutes par aboutir au ministre de la Santé et à son système de santé et de services sociaux.

M. Charbonneau: Est-ce qu'il y a eu... Parce que, bon, il y a la table dont vous parlez, mais est-ce qu'il y a eu une étude qui a été faite au cours des dernières années qui permettrait d'évaluer, là... Tu sais, si, moi, je me retrouve ministre, là, demain matin, ou si le ministre a à se poser la question à la suite de notre rencontre d'aujourd'hui, je veux dire: Est-ce que je devrais aller dans cette direction-là ou pas, moi?, je veux dire, il va y avoir besoin finalement d'une évaluation: ça va coûter combien, puis je peux peut-être économiser combien? Puis, je veux dire, on a-tu fait des... Tu sais, y a-tu quelque chose qui a été fait ou, depuis 1974, on a fermé la shop, puis finalement on ne sait plus, là?

M. Boucher (Pierre): On a les données pour fournir cette information-là, même si ce n'était pas le but de tout ce qu'on a cumulé comme information pour la présentation d'aujourd'hui et pour d'autres démarches avec les tiers payeurs publics. Mais on a définitivement cette information-là, puis on pourrait la formater pour présenter différents scénarios.

M. Charbonneau: Bien, je pense que ce serait intéressant, parce que dans l'avenir il va falloir qu'on se la pose, la question, là.

M. Joyal (René): Il y a un chiffre qu'on connaît actuellement, c'est que...

Le Président (M. Paquin): ...temps est écoulé.

M. Joyal (René): O.K. Avec l'approche Millard Health, qu'on a parlé tantôt dans notre présentation, on sait qu'au niveau du coût-évitement on peut aller jusqu'à 500 millions d'économies pour un coût additionnel de physiothérapie de 8 millions, juste avec la CSST. Ça, on sait ça. Le reste, là, c'est des données qu'il faut analyser.

M. Boucher (Pierre): On peut le formater pour...

n (16 h 10) n

M. Charbonneau: Bien, en tout cas, moi, j'apprécierais recevoir...

M. Boucher (Pierre): Absolument.

Le Président (M. Paquin): M. Joyal, M. Jobin, M. Bissonnette, M. Besner et M. Boucher, de la Fédération des physiothérapeutes en pratique privée du Québec, merci de votre participation à nos travaux, c'était très apprécié.

J'invite maintenant les représentants directeurs de santé publique des agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Dr Lacombe et Dr Lessard, si vous voulez bien prendre place, s'il vous plaît, on va débuter.

Bonjour. Donc, Dr Lacombe et Dr Lessard, vous êtes les représentants directeurs de santé publique des agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, bienvenue à la commission parlementaire. Et je vous explique un peu le fonctionnement de nos travaux. Nous avons une heure ensemble: 20 minutes pour présenter votre mémoire et, après ça, 40 minutes d'échange des deux côtés; 20 minutes du comité ministériel, 20 minutes du côté de l'opposition. Je vous invite à nous faire part de votre mémoire.

M. Charbonneau: M. le Président, juste avant de... il me semble qu'avec la loi qu'on a votée, les développements, c'est fini, ça, là.

Une voix: ...

M. Charbonneau: C'est ça, hein?

Le Président (M. Paquin): Merci de la précision, M. le député. On vous écoute, messieurs.

Directeurs de santé publique des agences
de développement de réseaux locaux de
services de santé et de services sociaux

M. Lacombe (Réal): Les agences ont évolué.

Merci, M. le Président, merci de nous recevoir, nous, le directeur de santé publique des villes et celui des champs. Mon collègue est de la ville, je suis des champs, je suis de l'Abitibi-Témiscamingue, mais on va quand même parler au nom de tous nos collègues. Je voudrais juste vous signaler que je suis aussi directeur des affaires médicales dans ma région, et ça a de l'importance par rapport à ce qu'on va dire tantôt.

Dans un premier temps, j'aimerais vous résumer le plus brièvement possible notre mémoire, qu'on n'a pas voulu trop long et trop compliqué, et mon collègue Richard va ensuite vous adresser quelques opinions, quelques commentaires ou mettre en évidence, là, des éléments qui sont particuliers.

Ce qu'on a cherché à faire avec notre mémoire, c'est vraiment se placer dans le sillage de cette commission qui a été déclenchée par des événements qui révèlent une préoccupation extrêmement importante, qu'on pense, par rapport à la pérennité de notre système public de santé. Alors, on a voulu se placer dans cette perspective-là et regarder, comme directeurs de la santé publique, qu'est-ce que nous pouvions proposer non seulement pour sauver la santé, ce qui est notre credo, notre orientation et notre objectif habituel, mais, en sauvant la santé, contribuer à sauver le système public de santé. Alors, c'est comme ça qu'on a construit notre mémoire.

Nous sommes convaincus qu'en investissant davantage d'énergie en prévention, parmi tous les autres moyens, là, qu'il faut prendre... Étant donné que beaucoup de mesures préventives ont démontré, depuis longtemps et de plus en plus, leur rentabilité, on pense que ça peut permettre de dégager en aval des espaces, des espaces budgétaires mais aussi des espaces, au niveau des établissements, qui sont occupés actuellement par des personnes qui souffrent de maladies lourdes, qui ont besoin de services lourds et que ces espaces pourraient être remplacés... pourraient être occupés justement par toutes ces personnes qui attendent sur les listes d'attente. Ça aurait pour effet de rendre inutile, à notre point de vue, le débat sur la privatisation. On pense que par la prévention on peut faire un grand bout de chemin qui nous permettrait d'atteindre ces objectifs-là.

Ce qu'on a fait dans notre mémoire, on a voulu, dans une première partie, faire quelques démonstrations de la rentabilité de la prévention. Bien sûr, il y a beaucoup d'études qu'on aurait pu évoquer, qui ont été réalisées partout dans le monde, mais il y a des exemples de chez nous. Vous en retrouvez quelques exemples, par exemple, de ces mesures qu'on a prises à l'hôpital Le Gardeur et qui ont eu des effets majeurs: des simples mesures de lavage des mains qui ont eu des impacts majeurs en termes d'économies de coûts; par exemple, les programmes de prévention de la grossesse et des infections transmises sexuellement, qui démontrent qu'on peut atteindre des rendements de 10 pour 1 par rapport aux investissements initiaux. On a même des exemples de Californie, dans des domaines beaucoup moins traditionnels d'intervention en prévention, où on a développé des partenariats avec les communautés, et particulièrement les municipalités, le programme Healthy Cities, aux États-Unis, par exemple, où des évaluations ont démontré qu'on pouvait obtenir un effet de levier de 8 pour 1 en investissant en soutien à ces initiatives-là.

Nous rappelons aussi dans notre mémoire que le gouvernement dispose de trois grands leviers pour agir en prévention, les politiques publiques étant un énorme levier, un levier qui a d'ailleurs été utilisé jusqu'ici notamment dans la lutte qui a été menée contre le tabagisme depuis de nombreuses années, avec des résultats qui sont très intéressants. Outil qui pourrait être utilisé dans une lutte, une nouvelle lutte, que tout le monde est d'accord pour entreprendre, au niveau d'une épidémie majeure qui guette non seulement la santé et la qualité de vie de nos concitoyens, mais également la santé du système public de santé, et c'est celui de l'obésité, et évidemment je ne vous apprends rien là-dessus.

L'autre levier qui est important, c'est le financement. À ce chapitre-là, d'ailleurs, dans notre mémoire, on vous propose de créer un fonds dédié à la prévention... ou à la promotion de la santé, à l'image de ce qui a été fait dans plusieurs pays et notamment dans certains États d'Australie, avec des résultats extrêmement intéressants.

n (16 h 20) n

Le troisième levier majeur, c'est celui de l'organisation des services, et, là encore, nous avons voulu nous placer dans le sillage de ce qui a déjà été entrepris depuis quelques années et soulever toute l'opportunité que représente la réorganisation qui est en cours avec la création des centres de santé, qui rassemblent toutes les missions pour les rendre responsables non seulement de répondre aux besoins des personnes qui frappent à la porte, mais également aux besoins de l'ensemble de la population, responsables des soins aux individus mais aussi responsables de la prévention; les CSS, aussi, auxquels on a confié le mandat de développer des partenariats avec les autres acteurs de la communauté locale.

Et, à ce chapitre-là, si on mise sur cette opportunité-là, on identifie deux leviers qui peuvent avoir des impacts majeurs et à court terme. Le premier, c'est celui de favoriser ce qu'on a appelé une alliance stratégique entre la santé publique et les services de première ligne pour développer une approche globale de lutte aux maladies chroniques sur le terrain, une approche qui implique à la fois la promotion, et la prévention, et le suivi systématique des malades. Je reviens à mon chapeau d'affaires médicales, mon chapeau combiné d'affaires médicales et de santé publique, pour tout simplement vous l'illustrer, ce point-là, ce levier-là.

C'est que nous sommes, en Abitibi-Témiscamingue, à l'image aussi de plusieurs autres régions, à installer des équipes interdisciplinaires de lutte aux maladies chroniques qui vont faire à la fois cette prévention et le suivi systématique des malades. On a une petite expérience, dans ma région, depuis deux ans, où, avec cette approche-là, à Val-d'Or, on a réussi à suivre 400 patients souffrant de plusieurs maladies chroniques ou de maladies chroniques avec complications et orphelins de médecin, n'ayant pas de médecin, et à réduire, chez ces 400 patients là, de 50 % ? 50 % ? les visites à l'urgence et 50 % les hospitalisations. Cette approche combinée qui allie la santé publique et les gens de première ligne, à notre avis, a un potentiel de créer beaucoup d'espaces au sein des services lourds de nos institutions, espaces qui pourront effectivement être occupés par ceux qui attendent à la porte.

Le deuxième levier, et ça, c'est également dans le sillage de la réorganisation, dans la foulée en fait du rôle des centres de santé, qui doivent rallier leurs communautés pour créer les réseaux locaux de santé, c'est celui de soutenir davantage et mobiliser les partenaires qui ont des intérêts convergents avec nous. Il y a les municipalités au premier titre. Personnellement, je suis bien placé pour en parler puisque je connais bien le Réseau québécois de villes et villages en santé, que j'ai eu le plaisir de fonder il y a une vingtaine d'années maintenant. Il y a 145 municipalités, dans ce réseau-là, qui ont réalisé des milliers de projets qui ont contribué à améliorer la qualité de vie et la santé de la population de leurs communautés et qui sont toujours bien vivants. Il y a les Écoles en santé, on en parle beaucoup. Il y a beaucoup d'autres initiatives aussi dans les milieux. Je pense aux initiatives de Québec en forme, que beaucoup connaissent, qui sont un partenariat entre le gouvernement du Québec et la fondation Chagnon. Il y a, plus récemment, le groupe GP2S, groupe de promotion de la prévention en entreprise, qui pousse le concept d'entreprises en santé, qui vient tout juste d'être fondé. Là aussi, dans ma région, j'ai des exemples fort intéressants. Donc, il y a tout ce maillage-là qui peut être fait avec les partenaires des milieux locaux et constituer le lien important pour sauver, comme on l'a dit, à la fois la santé et le système public de santé et peut-être rendre caduc le débat sur la privatisation.

M. Lessard (Richard): Merci, Réal. M. le Président, M. le ministre. Nous avons accueilli avec beaucoup d'enthousiasme, dans le document de consultation, le fait que la prévention soit présentée comme une stratégie pour assurer la pérennité du système public de santé. Je pense que c'est une excellente idée puis, de notre part, je pense que ça ne vous surprendra pas qu'on encourage cette stratégie-là. La difficulté... Et d'ailleurs on a vu dans les documents récents de ce gouvernement-ci, dans le rapport Perreault et dans le rapport Ménard, l'idée d'utiliser la prévention davantage qu'on l'a utilisée jusqu'à présent.

Mais, pour bien positionner le propos que je viens de tenir, je vais vous demander qu'on se reporte... ? en tout cas les plus vieux d'entre nous, excluant M. le ministre, parce qu'il n'était probablement pas né en 1960 ? mais admettons qu'on se retrouve en 1960 ? vous aviez quatre ans ? et qu'on regarde et qu'on vient d'apprendre qu'en Angleterre il y a une étude qui a été faite qui démontre que, chez les médecins qui fument, il y en a plus qui décèdent de... il y a plus de médecins qui décèdent d'un cancer du poumon que ceux qui ne fument pas. Et on est en 1960, ça fait à peu près 4-5 ans qu'on sait ça, et là on attend peut-être, mettons, en 1965, et on sait qu'on est en train de créer une épidémie de cancers du poumon et de maladies pulmonaires avec le tabagisme.

Et là qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là? Bien, on n'avait pas beaucoup de connaissances sur l'impact à moyen et à long terme du tabagisme sur le système de santé. On ne savait pas exactement combien de lits ça prendrait pour traiter ce monde-là, on ne savait pas combien ça coûterait pour faire la chimiothérapie, combien ça prendrait en termes d'opérations, de salles d'opération et de chirurgies. On n'avait pas d'idée de ça. Mais on s'en est aperçu assez rapidement et on sait aujourd'hui, là, que c'est à peu près entre 7 000 et 10 000 décès par année au Québec, le cancer du poumon. On sait tout ce que ça prend comme ressources et on peut se demander: Est-ce qu'on a bougé assez vite, en 1960-1965, pour contrer l'impact de ce problème-là sur notre système de santé?

Bien, aujourd'hui, on est en 2006, puis ça fait une dizaine d'années qu'on sait que le phénomène de l'obésité a des bonnes chances d'avoir un impact aussi important, sinon plus important sur le système de santé et sur la santé de la population que le tabagisme, et la question qu'on doit se poser à ce moment-ci, c'est: Compte tenu de l'information qu'on a, compte tenu de l'impact qu'on peut mesurer maintenant, compte tenu des coûts que l'on peut mesurer maintenant sur le système de santé et sur la morbidité, c'est-à-dire l'hospitalisation, mais aussi les journées perdues à cause de la maladie, les problèmes de productivité que ça crée, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on attend ou on intervient? De toute évidence, ce gouvernement-ci a décidé d'intervenir, et évidemment je pense que c'est la bonne approche.

Mais jusqu'à quel point on doit intervenir? Et c'est là que je trouve que, comme société, on a une petite gêne à intervenir, on a une petite gêne à intervenir contre l'entreprise privée, les producteurs de risques. On pense que le marché doit être laissé libre. Et évidemment les producteurs de risques veulent que le gouvernement se contente de payer pour les conséquences de leurs produits. Mais pourquoi on n'embarquerait pas dans le marché, nous, avec les producteurs de risques? Pourquoi les quatre P du marketing, ce ne serait pas également les quatre P du ministère de la Santé et du gouvernement? Pourquoi le produit ne serait pas quelque chose sur lequel on travaille? Pourquoi le prix du produit, ce ne serait pas quelque chose sur lequel on travaille? Pourquoi la place du produit, c'est-à-dire l'autre côté du trottoir, par rapport à la polyvalente, là, le McDonald's en face de la polyvalente, pourquoi ça ne nous préoccuperait pas? Et pourquoi la publicité ou la promotion, l'autre P, pourquoi, nous aussi, on n'utiliserait pas ces outils-là? Quand on regarde les moyens utilisés par ces entreprises-là pour faire la promotion de leurs produits, qui est tout à fait légitime dans notre contexte, là, je ne conteste pas ça, mais tout ce que ça nous laisse comme rôle, nous, dans le réseau de la santé, c'est de payer pour les conséquences de la promotion de ces produits-là.

Donc, on s'aperçoit que ce n'est pas juste une question de choix individuels que les gens ont à faire, on leur crée un contexte dans lequel certains choix sont plus faciles que d'autres, et c'est ça qu'il faut virer. La petite gêne qu'on a à intervenir dans ce débat-là, là, il faut qu'elle tombe et qu'on investisse et qu'on intervienne avec la même quantité de moyens, sinon la même quantité... ou du moins avec les mêmes moyens, pour être capables de changer la donne. Ça n'a pas de bon sens que notre système n'ait comme rôle que de payer pour les conséquences. C'est comme si on était condamnés d'avance à faire faillite, c'est comme si on n'était pas un joueur actif dans ce débat-là, on était des catcheurs au lieu des lanceurs. Et il me semble que cette petite gêne, on devrait être capables de passer à travers.

Quand la population nous dit qu'elle veut conserver à tout prix les services de santé publics, qu'ils veulent de l'accès beaucoup plus rapide que ce qu'on a là, on s'aperçoit qu'il faut trouver d'autres manières de désengorger le système, sinon d'augmenter sa capacité, au moins de rendre sa capacité actuelle plus performante. Et, nous, on est convaincus, puis ce n'est pas juste une question de conviction, c'est que c'est démontré ? on a des études à l'appui ? qu'on peut intervenir avec des moyens pour lesquels on ne devrait plus être gênés d'intervenir, avec la bonne dose, pas des doses homéopathiques, des doses aussi importantes que celles que ce qu'on appelle dans notre document les producteurs de risques utilisent.

n (16 h 30) n

Évidemment, vous voyez un peu où on va avec ça. Le gouvernement a trois outils pour intervenir. Mon collègue Réal a parlé de la réorganisation des services de santé, et c'est quelque chose qui va très bien présentement. Il y a une opportunité qu'a créée la loi n° 83 et les changements qui ont été apportés depuis quelques années pour ouvrir le réseau de première ligne en particulier à plus de prévention. Quand on a donné la responsabilité de l'approche populationnelle aux CSSS, on leur a donné des outils, des moyens, une vision différente de ce qui était auparavant, et ce sont des actions extrêmement importantes. Ça a l'air de vocabulaire, ce que je vous dis là, mais dans les faits ça se traduit par des actions bien concrètes au niveau, par exemple, des directeurs généraux, qui doivent intervenir au niveau des commissions scolaires et des municipalités, des arrondissements dans le cas de Montréal, pour protéger davantage la population de risques qu'il y a dans leur milieu.

Mais il y a deux autres outils, qui sont les politiques publiques et le financement, qui sont vraiment des outils importants que le gouvernement a entre les mains. Si on disait: L'obésité, c'est un... On peut le regarder comme un problème de santé, l'obésité, là, on dit: Bon, bien, il y a des gens qui ont des problèmes de surpoids. Nous, ce n'est pas tellement à ça qu'on s'adresse plutôt qu'à une autre vision du phénomène, c'est...

Le Président (M. Paquin): Dr Lessard, permettez-moi de vous souligner qu'il reste environ 2 min 30 s pour votre présentation.

M. Lessard (Richard): Je conclus, merci ? vous avez coupé ma phrase, mais ce n'est pas grave. Oui, d'un point de vue de santé publique, le poids, le problème, c'est comment ne pas prendre une livre par année, comment ne pas prendre une livre par année pendant les 25 prochaines années? Comment faire en sorte qu'à partir de 20 ans, vu que notre métabolisme diminue, on ne serait pas capable de se rendre à 55 ans sans prendre une livre par année puis de créer le phénomène de l'obésité? Et là on s'aperçoit que ce n'est pas juste une question de décision individuelle, c'est beaucoup une question de: Est-ce que je suis obligé, ou c'est plus rentable de marcher pour aller au travail ou de prendre le transport en commun que de prendre mon auto? Les études démontrent très clairement que, si vous faites 10 km ou plus en voiture pour vous rendre au travail, vous avez plus de chances de vous retrouver, à 50, 55 ans, avec un problème de surpoids que si vous utilisez le transport en commun.

Donc, on voit que la société, nous, on peut se créer des conditions pour contrer le phénomène, pour empêcher que le phénomène arrive, mais il faut passer notre petite gêne d'intervenir dans le secteur privé, il faut passer notre petite gêne de passer des politiques publiques qui sont intéressantes mais qui ont le potentiel de changer les choses, puis il faut les financer adéquatement. Alors, là-dessus, j'ai conclu et je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Paquin): Merci à vous. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Lessard et Dr Lacombe, pour votre visite. Très intéressant de vous entendre. Puis je pense qu'on a une belle base de discussion. Je vous écoutais parler, puis vous avez tellement de passion dans ce que vous communiquez que ça a l'air intéressant, votre métier. Je dis ça parce que, quand j'ai fini les cours de médecine, vous le savez, hein, on choisit sa spécialité, moi, c'était en 1979 qu'on faisait... ? le Dr Robert était dans ma classe, le Dr Robert, c'est ça, qui est au collège ? alors on faisait le tour: Toi, qu'est-ce que tu choisis? Puis ceux qui étaient à l'époque, on disait, «médecine sociale et préventive», on regardait ça: C'est quoi? C'est mieux, les spécialités avec des grosses machines, de la technologie, puis sauver des vies. Bon. Puis, avec quelques années de recul, je me dis ? puis ce n'est pas en l'air, je le sens vraiment: Si c'était à refaire, si j'avais le même choix aujourd'hui à refaire ? mais on ne refait pas les choix dans la vie, là ? je trouve que c'est un rôle très important puis une belle façon de pratiquer la médecine.

Je veux juste corriger un peu: le débat sur la privatisation, nous autres, on l'envisage pour justement ne pas faire la privatisation du système de santé. Notre document est un acte de foi dans un système public, largement public, financement public avec un peu de prestations privées sous l'ombrelle du financement public, c'est comme ça qu'on se positionne.

Et la question de la prévention, maintenant, effectivement vous avez raison, elle est à l'avant-scène. Pourquoi? Parce qu'elle n'est plus folklorique. Avant, la prévention, c'était comme un luxe, tu sais: Ah! on pourrait parler également de chirurgie cardiaque, du cancer, puis on peut parler également de prévention. Alors que maintenant elle est au centre du système puis même de la société, parce qu'on en fait, nous, dans notre document, vous l'avez noté, un élément sur la pérennité du système de santé, un élément économique pour le Québec, également. Parce que toutes ces préventions de maladies chroniques, c'est un facteur de décroissance économique, si on n'est pas au rendez-vous.

Et puis tout ça nous amène au défi du financement. Puis, le grand défi de la prévention, de la promotion puis de la prévention, c'est que les bénéfices, c'est rare qu'on les voit tout de suite. C'est-à-dire qu'on peut... Il y a des exceptions cependant. Vous avez donné l'exception des infections nosocomiales, ça, c'est clair, un directeur général d'établissement qui investit quelques dizaines de milliers de dollars dans la prévention avec le lavage des mains, il va avoir un rendement immédiat de 10 fois ça, huit fois ça. À Le Gardeur, ils l'ont montré très bien. Le tabac également. Le tabac, si on arrête de fumer, bien on a assez rapidement une diminution de l'utilisation des soins. Mais, pour les autres trucs, notamment les habitudes de vie, l'exercice, l'alimentation, ce n'est pas tout de suite. On sait qu'on aura le bénéfice plus tard. Donc, le défi, c'est trouver une solution de financement qui ne nous amène pas à retirer des sommes de fonctionnement dans les autres parties du système de santé où les pressions sont énormes.

Parce que, vous avez raison, c'est beaucoup plus rentable, investir dans la prévention, mais on ne peut pas en même temps dire: Bien, je vais retirer de l'argent, disons, des soins à domicile ou du traitement du cancer ? dont on parlait ce matin ? puis je vais l'envoyer en prévention. Les gens qui sont victimes de ces maladies-là n'apprécieraient probablement pas. Donc, il faut nous trouver une façon de financer les activités de prévention et de promotion qui soit protégée, et identifiée, et récurrente. C'est de ça essentiellement qu'on parle. Dans votre proposition, vous suggérez de faire une taxation ciblée, vous en avez un peu parlé dans votre communication. Vous dites ? ce que j'ai cru comprendre, peut-être que je vous interprète mal: On va taxer les habitudes et les produits nocifs pour la santé, et on va visiblement affecter le produit de cette taxe à des budgets de prévention. Bon. On le fait un peu, là. Il y a une partie de la taxe des fumeurs, du Stade olympique, qui va dans les infrastructures sportives, mais ça, ça va prendre quelques années pour qu'on les ait sous la main.

Ça fait que finalement on a deux choix ici: ou bien on fait cette approche de taxation, sur la malbouffe par exemple, ? mais ce n'est pas si simple que ça, taxer la malbouffe, on est d'accord ? ou bien, moi, je me dis que, si un jour on propose à la population une façon de financer le système de santé à long terme, qui va de toute façon finir par une contribution x du citoyen, d'une façon quelconque, là, fonds dédié à l'autonomie ou fonds santé général, je pense, une des façons... Il y a deux façons de convaincre les gens de payer pour le système de santé ou de continuer à payer pour le système de santé: un, c'est de leur montrer que le système est capable de s'améliorer, de se reprendre en main, de donner des résultats, puis je pense qu'effectivement c'est de se commettre à un investissement de ce fonds-là dédié à la prévention et la promotion. C'est très... Vous savez qu'on a fait les forums régionaux, le Forum des générations. Quand on demandait aux gens: C'est quoi, vos idées pour la pérennité du système de santé? ? puis ce n'est pas des spécialistes du système de santé qui nous disaient ça ? le monde disait: Première chose, faire plus de prévention.

Donc, entre les deux, là, qu'est-ce que vous pensez qui serait le plus utile et le plus pratiquement possible entre prendre une taxation de mauvaises habitudes puis l'affecter à la prévention ou, dans le cadre d'un financement large du système de santé, annoncer qu'on réserve x %, avec un objectif, comme disait le député de Borduas, un objectif d'arriver à un pourcentage déterminé des investissements en santé et services sociaux en prévention-promotion? Il faut choisir l'orientation. Parce que ce que je crains un peu avec la taxation, par exemple, de la malbouffe... C'est assez complexe. D'abord, comment est-ce qu'on définit la malbouffe? Comment est-ce qu'on respecte les accords de commerce, la libéralisation des échanges avec nos voisins d'Amérique du Nord? On ne peut pas, tous seuls, au Québec, décider qu'on taxe le... ? j'allais dire une marque de commerce, je ne le ferai pas, là. Mais, de taxer une boisson gazeuse x ou un style de hamburger, on ne peut pas faire ça tous seuls, au Québec. Alors, comment est-ce que vous pensez qu'en pratique on peut faire ça?

M. Lessard (Richard): Merci beaucoup. Je pense qu'il n'y a pas juste une approche. Ce qu'on a appris en santé publique en tout cas, c'est que ça prend beaucoup plus qu'une ou deux stratégies pour être capable de changer les problèmes dont on parle.

La question du financement, on n'a pas voulu rentrer dans le détail, là, de qu'est-ce qu'on doit taxer ou pas, mais je pense qu'une taxe, par exemple, sur les boissons gazeuses riches en sucre envoie un message. L'idée, ce n'est pas de recueillir l'argent, mais que ça envoie un message, c'est que ce produit-là, on fait payer pour, tu sais, plus. Il y a des gens qui sont prêts, au cinéma, à payer 3,50 $ pour une bouteille d'eau. Je ne vois pas pourquoi ils ne paieraient pas 0,25 $ de plus pour une boisson gazeuse brune, hein, à 1 litre, dans le même cinéma, pour à peu près un 1 $ de plus. Bon. Puis je pense que ça envoie un message, et c'est une stratégie, c'est plutôt un message d'éducation, à ce moment-là, qu'un message de recueillir de l'argent, mais il en rentrerait un petit peu.

La raison pour laquelle on pense, puis vous l'avez bien dit, là, que ça prend un financement récurrent, stable, c'est qu'on s'embarque dans une affaire qui va durer 20 ans, hein, autant se le dire, là. Si on veut ramener les Québécois à un poids correct puis empêcher que ça ait des impacts négatifs sur la santé, il faut que les gens se mettent à bouger puis qu'ils mangent autrement. Bon. Puis il faut leur créer un environnement qui va faciliter ces choix-là. Bon. Et donc ça, c'est au moins 10, 15, 20 ans. Et, si on n'a pas cet argent stable et récurrent qui appuie un ensemble de mesures, dont la publicité mais aussi toutes sortes de programmes au niveau des écoles... Ce n'est pas avec 30 millions qu'on va créer du transport en commun, là, j'en conviens, mais il faudrait que ce soit accompagné aussi par ce genre de mesures là, qu'on ait au moins l'impression qu'il y a un programme à long terme qui se met en place.

Et c'est vrai qu'il va y avoir des résultats à long terme, mais je pense qu'il va y en avoir aussi à très, très court terme. Je pense que, quand la population va sentir qu'il y a tout un mouvement, que le gouvernement appuie une approche, que le gouvernement subventionne une approche avec un objectif aussi précis que de garder le système de santé public et accessible pour tout le monde, je pense que les gens vont être convaincus de faire leur part et je pense que, là, l'autre bout, c'est de convaincre la grande entreprise et ce qu'on appelle les producteurs de risques de jouer avec le gouvernement puis de contribuer à cet objectif-là.

n (16 h 40) n

Je ne pense pas que c'est un combat nécessairement avec l'entreprise privée. Idéalement, on devrait être convaincus de poursuivre les mêmes objectifs, mais on sait bien, dans les faits ? en tout cas on l'a vécu avec les producteurs de tabac ? que ce n'est pas évident qu'ils vont d'emblée être d'accord pour que les gens arrêtent de fumer et puis qu'ils vont utiliser toutes les stratégies possibles pour ne pas qu'on y arrive. Mais peut-être qu'en alimentation c'est autre chose, peut-être qu'en transport en commun c'est autre chose, puis peut-être qu'en activité physique également c'est autre chose.

Donc, ce qu'on dit, là, c'est qu'il faut penser 20 ans, il faut penser multiples stratégies, il faut penser coordination des politiques gouvernementales, des différents ministères, qui visent un objectif, et puis essayer d'être cohérents le plus possible. Quand on crée une autoroute puis qu'on fait du transport en commun dans le même coin, les messages ne sont pas clairs, on sait que ce sont des messages concurrents. Si on construit une autoroute, les gens vont l'utiliser, l'autoroute, parce que c'est plus rapide, on sauve du temps. Si en même temps on crée le transport en commun, bien on ne facilite pas nécessairement les choix des gens. Alors, je pense que ça, en tout cas dans une région comme Montréal ? je ne dis pas que c'est la même chose pour toute la province ? mais c'est extrêmement important de poursuivre de façon cohérente un ensemble de politiques publiques. Et je sais que c'est difficile, je sais qu'il y a beaucoup d'intérêts qui sont divergents, je sais qu'il y a beaucoup de pression sur les gouvernements, pour plusieurs groupes qui veulent obtenir des choses différentes, on est conscients de ça, on le vit et on connaît la difficulté, mais on pense que le résultat vaut la peine. Et évidemment, étant en santé, on préférerait que les choix soient constamment ? mais on connaît la réalité aussi; mais constamment ? cohérents avec le choix santé.

M. Couillard: Et je trouve intéressant... parce que, là, vous nous aidez un peu dans la réflexion sur la malbouffe. Moi, une difficulté que j'avais, c'est de dire comment... que je vous disais: Comment définir ça? Là, vous nous dites: Bien, prenons, par exemple, les boissons gazeuses à haute teneur en sucre. Il y a là un élément objectif, là, on peut dire: Une boisson gazeuse qui a une teneur en glucides plus élevée que tant devient un produit qu'on cible. Je pense que, là, il y a une avenue qu'on pourrait certainement au moins évaluer.

Mais, aujourd'hui, là, est-ce qu'il y a des gestes... Prenons Le Gardeur, ce qu'ils ont fait, avec la démonstration éclatante, là. Au début, on disait: Vous devriez mettre 100 millions pour les maladies nosocomiales. Vous vous souvenez, au début on disait: On va en mettre un peu pour partir la roue. Mais la meilleure décision budgétaire qu'un directeur d'établissement puisse prendre, c'est d'investir dans la prévention des infections nosocomiales, puis c'est démontré. Y a-tu des gestes qu'un dirigeant de CSSS peut poser aujourd'hui, de prendre de l'argent, prendre le risque... parce qu'on veut que les gens prennent des risques également, mais qu'il prenne le risque de prendre l'argent puis de le mettre dans une mesure de prévention de santé publique qui va lui donner des rendements à court terme puis qui ne le mettra pas dans le trouble pendant son année financière? Est-ce que vous avez des exemples que vous pourriez nous donner de ça?

M. Lacombe (Réal): Oui, M. le ministre, et c'est beaucoup dans le domaine des maladies chroniques et de la prévention aussi bien que du suivi, c'est-à-dire des approches intégrées. Dans ma région, on est en train... l'agence a décidé d'investir des budgets récurrents ? c'est de l'ordre de 150 000 $, là, récurrents, par centre de santé, à même les crédits régionaux ? pour mettre en place des équipes interdisciplinaires dans chaque centre de santé, qui vont faire à la fois des activités de prévention et du suivi systématique. Ça, c'est en train de se mettre en route actuellement, et les centres de santé sont en train de nous soumettre leurs plans.

Il y a des centres de santé qui d'une part ont décidé de mettre l'accent beaucoup sur la prévention. Il y en a un, celui de La Sarre, par exemple, près de chez nous, qui déjà, depuis deux ans, a créé un projet de santé en entreprise qui est en train de faire des petits, mais d'une façon assez spectaculaire, et qui a déjà des résultats très concrets. C'est-à-dire, c'est toute l'équipe qui intervient auprès des travailleurs ? au début, c'était une entreprise, ensuite deux, maintenant c'est rendu cinq entreprises, etc. ? et ils font à la fois de la prévention individuelle, de la prévention au niveau du milieu. Ils ont transformé beaucoup de choses au niveau du milieu, au niveau de l'accès à de la nourriture de qualité. Ils ont fait de l'éducation de groupe, individuelle. Ils ont fait également des... ils ont fait également, là, du suivi, du dépistage, etc. Et l'établissement a investi en pratique à peu près le double, un autre équivalent de 150 000 $ en ressources dans cette initiative-là.

Dans un autre secteur, à Ville-Marie par exemple, c'est la même chose: en sus du 150 000 $ qu'on a donné à ce centre de santé là, ils ont décidé d'investir l'équivalent de deux postes à plein temps pour créer une masse critique additionnelle suffisante au niveau de l'équipe. Nous, on pense, surtout avec l'expérience qui s'est vécue à Val-d'Or, le projet pilote à Val-d'Or, depuis deux ans, on pense qu'on peut... les établissements peuvent faire des économies suffisantes pour être capables de vraiment libérer de la place pour traiter davantage de gens.

Je me permets juste de vous signaler une petite étude qu'on est en train de faire sur les hospitalisations évitables, chez nous ? évitables par le suivi mais aussi par la prévention, qui est parfois secondaire, mais c'est tout de même de la prévention ? et on a identifié 891 patients de plus de 60 ans souffrant d'un certain nombre de maladies chroniques qui ont été hospitalisés plus de deux fois au cours de l'année 2004-2005. En fait, ils ont été hospitalisés entre deux et 15 fois. On a fait le calcul que, si 30 %, en fait le tiers de ces hospitalisations-là, étaient évitées, on pourrait épargner 4 millions de dollars dans notre région. C'est 4 millions, le tiers du coût de ces hospitalisations-là. Donc, de l'argent qu'on peut investir soit dans d'autres soins mais également, aussi, dans des activités de prévention.

M. Couillard: Et ce qu'on souhaite, c'est qu'avec l'intégration, les CSSS, il y ait des partages de meilleures pratiques, là. Donc, je suppose qu'il y a des forums où vous pouvez, avec vos collègues des autres CSSS, montrer ce que vous faites actuellement? L'évaluation est en cours ou elle est terminée, de ces...

M. Lacombe (Réal): En fait, l'évaluation est en cours. Le projet pilote de Val-d'Or, l'évaluation... Il y a une évaluation qui est complétée, mais cette équipe-là, à Val-d'Or, est en train de prendre beaucoup plus d'expansion parce qu'on est en train de rajouter des dimensions qui n'avaient pas été développées. Je vous donne un exemple. Une des clés de la prise en charge au niveau des maladies chroniques, c'est la participation des personnes qui souffrent de maladies chroniques à ce qu'on appelle les autosoins, c'est-à-dire c'est d'habiliter les personnes à bien se soigner, à bien se nourrir, à faire de l'activité physique, etc. On s'est inspirés... C'est un des volets qu'on est en train de développer puis rajouter à ce qui se faisait à Val-d'Or. On est en train...

On s'est laissé inspirer par un programme qui a été mis en place en Colombie-Britannique et qui donne des résultats, là aussi, extrêmement intéressants en termes de qualité de vie pour les personnes, de qualité de vie et également d'épargne pour les soins de santé. Ils ont créé un programme qui s'appelle Self Management, qui s'appelle Vivre en santé avec une maladie chronique ? ça peut paraître paradoxal, là, de parler comme ça ? et, dans le cadre de ce programme-là, ce sont des bénévoles qui forment des personnes atteintes, et encore là de façon à ce qu'elles puissent mieux se prendre en charge, et encore là les études ont démontré qu'il y a eu des résultats quand même assez spectaculaires.

M. Lessard (Richard): Si vous me permettez de rajouter un autre exemple rapide, là, mais, la prévention des grossesses à l'adolescence, si un D.G. de CSSS voulait investir là-dedans, les économies seraient assez rapides. On s'est retiré des écoles avec les années, on a peu de personnel maintenant bien formé pour intervenir dans les écoles. Donc, la prévention des grossesses, c'est quelque chose qui serait facile à mettre en place et qui donnerait des résultats rapides.

Puis il y a une autre chose qui a été faite chez Visa Desjardins et qui est intéressante, c'est que, chez Visa Desjardins, ils ont fait un programme de... j'appelais ça de prise en charge de la santé du personnel et de l'entreprise avec une approche, là, qui vise le personnel. Ça a duré trois ans, et, au bout de trois ans, pour chaque dollar investi, ils ont trouvé que ça leur avait rapporté à peu près 7 $. Et l'idée, c'est que tu t'occupes de ton personnel, tu t'assures que ton personnel est en santé, tu leur donnes des moyens pour se garder en santé ? cours, formation, questionnaires, interactions individuelles ? donc tu informes le personnel qui, avec une équipe, finit par s'informer. C'est une intervention du groupe Acti-Menu, et ce genre d'intervention là pourrait être faite dans nos CSSS ou auprès du personnel. Ce serait un bon moment pour le faire, parce qu'il y a une fusion organisationnelle d'un ensemble d'organisations, CLSC, hôpital, CHSLD, et c'est un moment évidemment, naturellement, qui génère un certain stress, et ce serait un excellent moment, si les D.G. de CSSS voulaient le faire, pour offrir ce genre de services là à leur personnel. Et on est convaincus que les dividendes seraient là et rapidement. Il y a plein d'exemples. Il s'agit de gérer autrement. Il n'y a pas de miracle dans ce qu'on dit là, ce n'est pas une pilule miraculeuse. C'est de réfléchir comment on gère un petit peu autrement, et ça donne des résultats.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. On va poursuivre avec le député de Borduas, qui est aussi porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. M. le député.

n (16 h 50) n

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. Finalement, ce matin, on a entendu le Dr Bolduc qui nous a fait une présentation, je pense, magistrale et qui nous a indiqué qu'en travaillant autrement ? c'est exactement ce que vous venez de nous dire ? en gérant autrement, on pouvait avoir un impact vraiment significatif sur l'organisation des soins, sur les listes d'attente, sur finalement... et pour éviter justement qu'on ait à s'engager dans un processus de privatisation puis de démantèlement finalement de notre système, puis pour qu'on ait une efficience au rendez-vous. Puis il avait ciblé, lui, que, dans son cas, entre trois et cinq ans, on pourrait, si on travaillait bien, là, avoir des résultats spectaculaires pour l'ensemble du Québec.

Je comprends qu'en prévention, là, le contrat est pas mal plus gros aussi puis plus complexe. Mais je suis content, parce que j'avais mis une des... En vous écoutant, une question m'est venue à l'esprit: Combien d'années pour obtenir un impact significatif? Vous avez établi une vingtaine d'années.

M. Lessard (Richard): Pour l'obésité.

M. Charbonneau: Pour l'obésité. Mais je pense que, si on travaille sur l'obésité, on travaille sur bien des choses en même temps. Parce que dans le fond, quand les gens sont venus nous voir... Il y a quelques groupes qui sont préoccupés puis il y a des coalitions, là, qui se préoccupent de la question de l'obésité puis du poids, mais c'est lié... On a eu, hier, la Fondation des maladies du coeur, aujourd'hui, le diabète, les gens qui s'occupent du cancer. Tu sais, tout ça, là, c'est, à quelque part, comme beaucoup lié aux saines habitudes de vie, c'est-à-dire tabagisme, alimentation, activité physique. On finit par arriver à quelques affaires fondamentales qui sont au coeur de nos façons d'être ou de vivre aujourd'hui. Et dans le fond ce que vous dites, c'est qu'on a besoin d'argent stable et récurrent. Et vous avez parlé de la gêne d'intervenir auprès des producteurs de risques, sinon des intoxiqueurs. Disons, moi, je pense que de temps en temps il faudrait peut-être aller jusque-là, parce qu'il y a certains types de produits qui sont vraiment des produits qui intoxiquent littéralement.

Et il y a la gêne, puis il y a aussi l'inconscience, l'inconscience des citoyens qui est l'inconscience aussi des élus, de tous côtés confondus. C'est-à-dire qu'aujourd'hui je vous écoutais puis je me disais: Dans le fond, le ministre de la Santé est là, son critique est là, quelques collègues sont ici; s'il y avait les deux chefs de parti qui étaient ici, là, puis s'il y avait les ministres des Finances, le critique des finances, puis les futurs ministres des Finances ? on ne sait pas qui ils seront, là, mais tu sais ? tu sais, s'il y avait quelques personnes stratégiques qui feraient qu'à un moment donné... Parce que le processus décisionnel de l'affectation des ressources budgétaires, ce n'est pas juste un membre du gouvernement qui est responsable de ça, et le problème, c'est que ? puis je l'ai vu, j'ai été membre du gouvernement pendant un peu plus qu'un an; le ministre actuel, ça fait trois ans qu'il est membre du gouvernement ? tu sais, ça tire les couvertes d'un bord puis de l'autre, puis c'est très difficile de vendre la prévention. C'est très difficile finalement d'avoir une écoute à la hauteur de l'ampleur des besoins, pour toutes sortes de raisons.

Puis je pense que le ministre avait raison de dire... Puis c'était vrai que... Moi, j'ai une formation en criminologie, puis c'est bien difficile de mesurer l'impact de la prévention sur les problèmes de criminalité, parce qu'on ne sait jamais jusqu'où finalement les interventions qu'on fait en bas âge, chez les enfants, vont éviter qu'ils deviennent des criminels dans l'avenir et puis qu'ils s'intègrent dans le monde de la criminalité professionnelle. Sauf qu'il y a quelque chose... Et c'est peut-être plus facile, dans le domaine de la santé, de mesurer que dans le domaine des problématiques sociales.

Mais il y a un pari par ailleurs, il y a un pari sur l'avenir. Mais vous, ce que vous dites, c'est que, le pari, les décideurs devraient se rendre compte qu'il y a des mesures qui ont été expérimentées ailleurs, il y a des expériences qui sont faites qui nous permettent de mesurer et de pouvoir dire aux décideurs politiques: Regardez, le pari que vous pensez avoir à prendre, il n'est pas si pari que ça, parce que dans les faits, si la décision d'affectation était différente, voici les rendements que vous auriez, d'une façon précise.

M. Lessard (Richard): Mais, si vous me permettez de reprendre à partir de là, le problème, ce n'est pas qu'on ne paie pas, c'est qu'on paie, on paie pour les conséquences. En criminalité, en décrochage, en prison, en chômage, on paie. C'est comme si, comme population, on était prêts à payer pour les conséquences, mais on n'est pas prêts à payer pour la prévention de ces conséquences-là. Puis là c'est à se demander pourquoi on n'est pas prêts à faire ça. Et souvent c'est parce qu'on blâme les individus plutôt que de regarder ça plus globalement puis voir si on ne peut pas créer des conditions qui sont plus favorables à tout le monde pour réussir.

Quand vous parlez de rendement, dans le 0-5 ans, il n'y a aucun doute que c'est la première place à intervenir, c'est la première place à investir, parce que, dès... Moi, je dis souvent, puis c'est confirmé par les gens qui travaillent dans le domaine, c'est que, quand les jeunes arrivent au préscolaire, à la maternelle, les professeurs peuvent vous dire qui va doubler sa première année, ils les regardent pendant un mois, là, puis ils peuvent le dire. Bon. Donc, ça veut...

M. Charbonneau: Ma femme est directrice d'école, là, puis elle me dit ça, là.

M. Lessard (Richard): Bon. Ça veut dire, ça, qu'on avait quatre ans pour travailler, pas pour changer la génétique des parents nécessairement, pas pour changer tout le monde, mais il y a des interventions sur la famille et le jeune qui ont été démontrées, depuis fort longtemps, comme étant très efficaces puis donnant des résultats. Bon. Et, comme société, c'est assez intéressant comme rendement, parce que, s'il ne double pas sa première année, il a peut-être des chances de finir son secondaire. Puis là on cherche du monde pour travailler, là, hein, qui ont plus qu'un secondaire, qui ont fini leur collégial. Donc, même sur le plan de la compétitivité mondiale, on a avantage à bien développer nos enfants. Juste comme positionnement de société dans ce monde-là, pour être compétitifs, on a avantage à avoir du monde ? puis pas mal de monde ? qui sont bons puis à diminuer nos coût sociaux, parce que ça vient diminuer aussi notre compétitivité.

Donc, ça demande une réflexion autre. Puis ce n'est pas la panacée à tout, là, ce dont on parle là, mais c'est une façon différente de penser. C'est qu'au lieu de toujours être prêts à payer pour les conséquences il faudrait se dire, petit à petit, qu'on devrait être prêts pour essayer d'en prévenir quelques-unes avec des moyens... Puis là je ne parle pas d'un pourcentage, je ne parle pas de 1,5 %, 2 %. On regarde le problème puis on regarde ce que ça prend pour le régler en partie ou totalement, et ce n'est pas une question d'enjeu... de pourcentage, c'est une question de: Est-ce qu'on veut le régler, le problème, ou est-ce qu'on veut l'atténuer de façon importante? Puis là on regarde les moyens que ça prend. Quand on dit: Ça prend... Je ne veux pas prendre d'exemple, là, trop... mais...

M. Charbonneau: Allez-y donc, là, entre nous, là.

M. Lessard (Richard): En santé, quand on dit: Ça prend tel moyen... Prenons, par exemple... Il y a des gens qui ont besoin de chirurgie cardiaque, mais on dit: Ça prend une salle de plus. Bien là, on a l'équipe, la salle, puis on trouve les chirurgiens, puis, tu sais, on y va, puis ça coûte pas mal plus cher que la prévention. Bon. Puis on se dit: C'est correct, parce que ces gens-là, il ne faut pas qu'ils meurent, il faut qu'ils soient soignés, et je suis d'accord. Mais, à un moment donné, il faut partir la machine un petit peu autrement, il faut que la boule d'argent qui s'appelle... ou de ressources qui s'appelle prévention, il faut la mettre assez grosse pour que, quand elle tourne, elle en ramasse un peu plus. Tandis que, là, il y a une petite boule qui en ramasse un petit peu plus, même si elle double, elle reste encore petite, puis il y a l'autre à côté qui est immense, puis, elle, quand elle fait un demi-tour, il ne reste plus rien pour l'autre. Bon. On ne dit pas d'en enlever là puis d'en mettre là, mais il faut se donner une façon de réfléchir qui... Il me semble, de plus en plus, la population le comprend. Il me semble que... En tout cas, comme M. le ministre le disait, au Forum sur les générations, dans toutes les régions, ce n'est pas nous... Évidemment, on était là pour parler de prévention, mais il n'y avait pas que nous pour parler de prévention, il y avait plein de monde qui en parlait.

Donc, c'est un peu ça. Ce n'est pas l'idée que ce n'est pas rentable, c'est que ça ne fait pas encore partie de nos moeurs que de voir les problèmes autrement. Mais je pense qu'avec un obstacle aussi important que celui du financement puis de la pérennité du système public de santé ? public ou privé, là, parce que ça va coûter un bras d'un bord ou de l'autre, là, bon, si on continue comme ça ? avec un obstacle comme ça, je pense que les gens sont plus prêts à accepter des politiques publiques qui sont un petit peu plus contraignantes sur certaines affaires.

Par exemple, à Montréal, on regarde le transport en commun beaucoup, et les gens, dans les sondages, nous disent: Si les gouvernements prennent des décisions qui vraiment appuient le transport en commun, on va le prendre, le transport en commun. Mais, tu sais, si ce n'est pas certain, bien là pourquoi on se priverait de notre char? Mais, avec les 3, 4 milliards d'annonces qui entonnent au printemps pour acheter des autos neuves puis plus d'autos, ce qui fait qu'à Montréal on a 500 000 autos de plus, là, dans la grande région métropolitaine, depuis sept, huit ans... Donc, on voit que ça prend les efforts qu'il faut. Puis, encore là, ce n'est pas une question de pourcentage, c'est une question de qu'est-ce qu'on veut atteindre comme objectifs puis quels efforts on est prêts à mettre pour y arriver.

n (17 heures) n

M. Charbonneau: Écoutez, quand vous dites ça, il faudrait faire attention, parce que le pourcentage... Il y a plusieurs groupes qui sont venus nous dire: Bon, bien, écoutez, l'État québécois met 2 % de son budget santé et services sociaux en prévention. Dans le fond, les standards, maintenant, internationaux voudraient nous amener à 5 %. Mais, au lieu de parler de pourcentages, si on parle de chiffres, bien, si on met 400 millions, il faudrait en mettre 1 milliard, et là on a une cible. Si on dit: Bon, bien, si on vise à mettre le plus rapidement possible l'équivalent de 5 %, c'est-à-dire 1 milliard, en parlant du... par rapport au budget de cette année, là, disons, bien là on a une mesure, c'est-à-dire que... puis on a des objectifs d'investissement pour dégager des ressources. Puis je dis ça, je reprends toujours l'exemple depuis quelques jours: on parlait de la fondation Chagnon. Je veux dire, on a mis, avec la fondation, 24 millions pour quatre ans, puis on a ciblé 140 écoles, dans le fond, puis on a été, disons... on a eu un impact positif sur 35 000 enfants. Mais on nous dit que, si on mettait 100 millions pour les quatre prochaines années, on ciblerait non pas 140 écoles, mais on interviendrait dans 500 écoles. Et puis là on n'interviendrait pas dans une trentaine de communautés, on interviendrait dans 120 communautés.

Mais là, là, des mesures, là, et... on le sait que, si on met plus d'argent, avec une cible, puis du travail, puis des ressources ? bien sûr parce que l'argent, c'est des ressources humaines, c'est la capacité de mettre ou pas des gens qui interviennent ? là, on est capables de mesurer. Puis ce qui est intéressant dans cette expérience-là, c'est que, quatre ans après, on est capables de dire que, oui, ces 35 000 enfants là, je veux dire, ça a eu un impact significatif sur leur comportement à eux, là, dans des milieux défavorisés.

Alors, moi, je crois qu'il faut avoir aussi l'audace et il ne faut pas être gêné, y compris sur la question de la mesure financière, parce que, si on n'ose pas le chiffrer, ce qu'on a de besoin, là, on va toujours avoir du monde qui va passer à côté. Moi, je me dis: Je préférerais avoir une contrainte, comme parti politique et comme décideur politique au Québec. Si l'État québécois, si tout le monde se commet à dire qu'il faut qu'on mette 5 %, bien, je veux dire, là, la mesure, c'est 5 %. On arrive-tu à ça ou pas? Puis on aura à se justifier, si on ne met pas ça puis on aura à évaluer les conséquences si on ne met pas le niveau d'investissement que nécessitent une série d'actions qui doivent être prises.

Parce que dans le fond c'est une stratégie à volets multiples, hein? Quand vous parliez, tantôt, les maladies chroniques, il y en a plusieurs, mais il y a une série de stratégies à développer dans différents milieux. Mais ça, ce n'est pas vrai qu'on ne va pas le faire. D'ailleurs, vous le dites vous-mêmes, là, un des gestes que le gouvernement pourrait poser, c'est la question de la taxe olympique, là, la... tu sais? Bon, bien, une partie devrait être affectée à un fonds dédié. Mais dans le fond, quand vous nous dites ça, si vous dites: Bon, bien, parmi ce qui manque, si on pouvait au moins prendre cet argent-là puis on le mettait dans ça... Par exemple, on pourrait très bien... Si le ministre réussissait à convaincre son collègue des Finances, bien il pourrait l'avoir, l'argent, lui puis son collègue de l'Éducation, pour faire le partenariat avec la fondation Chagnon, là, pour en viser 500, écoles dans les milieux défavorisés, pour le programme Québec en forme. Si on ne le fait pas, ça, là, je veux dire, on a un problème, là, on n'est pas cohérent par rapport aux propos puis à l'action.

Une voix: ...

M. Charbonneau: Allez-y donc.

M. Lacombe (Réal): Oui. En fait, quelques éléments. La première des choses, au-delà de la question de savoir si on doit mettre 3 %, 4 % ou 5 %, ce qui est important, c'est qu'on mette des ressources additionnelles dans des interventions qui sont bien ciblées puis qui sont efficaces. Ça, c'est important. Parce qu'il restera toujours que la prévention n'aura jamais, dans le public, même si les gens sont beaucoup plus sensibles à ça, le poids d'une salle d'urgence ou d'un «scan», ou d'un PETscan, etc. Même en santé publique, même en prévention, c'est toujours plus facile d'avoir d'un gouvernement qui des fois tire le diable par la queue des sous pour des secteurs un peu traditionnels d'intervention en protection, tu sais, des vaccins par exemple. Puis je ne suis pas contre les vaccins, au contraire, là. Ou encore, par exemple, il est arrivé la menace du virus du Nil à un moment donné. Bien, on l'a trouvé, l'argent, et tout ça.

M. Charbonneau: ...aviaire, on la trouverait, l'argent.

M. Lacombe (Réal): On la trouverait, l'argent. Mais on en met, des sous, là, dans la préparation pour la pandémie, puis tout ça. Et ça a été de tous les gouvernements, aussi. En fait, ce qui est difficile, c'est de s'assurer qu'on va investir suffisamment dans des interventions de promotion de la santé, au sens large du terme, avec des approches multiples, comme disait Richard tantôt, des approches à la fois de marketing social, des approches d'intervention auprès des individus, des approches d'intervention sur les milieux. Mais ça, il faut qu'on les cible. Ça, c'est majeur.

Deuxième élément que je voudrais vous rajouter là-dessus, il faut aussi penser effet de levier. Je vous mentionnais qu'une évaluation récente ? et c'est une des rares évaluations qui ont été faites de ce genre d'initiative là ? du programme des villes en santé en Californie démontrait que les investissements que les projets de Villes en santé avaient reçus d'une fondation privée ? en passant, qui s'appelle le California Endowment ? avaient eu un effet de levier de huit pour un, pour permettre aux communautés d'aller chercher des ressources ailleurs, pour toujours l'investir sur la prévention, la qualité de vie, etc.

Et, troisièmement, je vous répondrais, un des plus beaux exemples de fonds dédié comme celui qu'on a évoqué dans notre mémoire, c'est celui de Vic Health, Victoria Health, qui existe depuis 20 ans dans l'État de Victoria, en Californie, qui est à peu près de la taille du Québec, là, et...

Une voix: ...

M. Lacombe (Réal): Pardon?

Une voix: ...

M. Lacombe (Réal): En Australie, oui, oui. Je me rappelais de l'autre exemple, tantôt. En Australie donc, et qui a été évalué à maintes reprises. Ce qu'a permis cette... Parce que c'est une fondation publique, là, en pratique. Ce qu'elle a permis, c'est de justement focusser d'une façon intensive pendant une longue période de temps sur des priorités qui n'étaient pas nécessairement des priorités qui étaient faciles à vendre, là, d'année en année, etc. Ils sont dans la promotion de la santé mentale, ils sont dans la promotion de l'activité physique, ils sont dans la promotion d'une saine nutrition et ils sont aussi évidemment dans la lutte au tabagisme. Mais le fait de le faire d'une façon... Puis pourtant ils n'ont pas des si gros moyens que ça. Ils ont un budget de 30 millions de dollars australiens, qui est environ 25 millions ici, avec des résultats d'ailleurs assez spectaculaires.

Donc, ce que je veux dire essentiellement, c'est: il faut cibler, il faut s'organiser pour avoir des résultats rapides, en même temps qu'on veut avoir des résultats à long terme, et il faut y travailler avec un effet de levier sur l'immense capacité qu'ont nos partenaires dans la société ? il n'y a pas juste le réseau de la santé dans la société, mais nos partenaires ? pour justement travailler dans le même but.

M. Charbonneau: Une dernière question. Bon, vous venez... il y a plusieurs groupes qui sont venus puis il y en a d'autres qui vont venir pour parler de la prévention, puis tout ça. Est-ce qu'il existe une espèce de coalition québécoise de tous les organismes qui dans le fond voudraient qu'il y ait cette prise de conscience là, autant dans l'opinion publique que chez les décideurs politiques, qu'il y a un virage qui doit être pris? Ou, s'il n'y a pas encore... chacun fait son truc dans son coin pour faire un travail de sensibilisation, mais...

Parce que, bon, à notre niveau, il devrait y avoir une espèce de stratégie nationale, mais c'est un peu ça, la stratégie de santé publique 2003-2012. Mais, au-delà de ça, est-ce qu'il y a, dans la société civile, là, est-ce qu'il y a une coalition ou... Tu sais, est-ce que les gens arriment leurs efforts puis leurs messages?

M. Lessard (Richard): Bien, on s'aperçoit que la Fondation des maladies du coeur, la Société canadienne du cancer, la Fondation québécoise du cancer, l'association québécoise de santé publique, de plus en plus, arriment leurs messages. Et surtout en prévention, clairement. On ne peut pas dire qu'ils représentent une coalition d'organismes en faveur de la prévention, mais c'est une bonne idée que vous nous suggérez. Évidemment, comme directions de santé publique de l'appareil gouvernemental, nous, on ne peut pas s'embarquer là-dedans, mais c'est une excellente idée qu'on pourrait peut-être suggérer à d'autres.

M. Charbonneau: Bien, parce que finalement, à un moment donné, ça prend, face à l'État, encore une fois quels que soient les partis qui sont en responsabilité gouvernementale, là, tu sais... Il va falloir qu'il y ait dans la société, je veux dire, un poids politique qui, tu sais... un poids de pression, de parole, puissant et crédible, pour, à un moment donné, que la décision ou les actions finissent par être prises.

n (17 h 10) n

M. Lacombe (Réal): Sans avoir de coalition formelle, il y a ce que, moi, j'appellerais des réseaux de réseaux. Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de groupes, au Québec, en prévention. Richard en a mentionné plusieurs. Je vous donnais l'exemple, un peu plus tôt, du Réseau québécois de villes et villages en santé, qui est une association de municipalités. Il y a des événements aussi qui rassemblent beaucoup de gens de toute venue. Je prends l'exemple des Journées annuelles de santé publique, au Québec. C'est devenu vraiment un carrefour où les gens ne font pas juste se rencontrer. Je veux dire, ils s'inspirent mutuellement. Il se crée des contacts qui... Ça, c'est quand même très encourageant. Et, même si ce phénomène-là n'a pas juste pour effet de créer une pression ou un lobby, il a pour effet de mettre ces idées-là...

M. Charbonneau: ...

M. Lacombe (Réal): ...sur la mappe, comme on dit en québécois.

M. Charbonneau: Sur la mappe.

Le Président (M. Paquin): Dr Lacombe, Dr Lessard, représentants des directeurs de santé publique et des agences de santé et de services sociaux, merci pour votre présentation.

J'invite maintenant M. Jean-François Guimond à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): M. Guimond, bienvenue. Bienvenue. Je vous explique un peu de quelle façon nous procédons. Vous avez 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Par la suite, il va y avoir une période d'échange entre vous et les députés ministériels, et le tout va se terminer avec un dernier 10 minutes avec les députés de l'opposition. On vous écoute, M. Guimond. Faites-nous part de votre mémoire.

M. Jean-François Guimond

M. Guimond (Jean-François): O.K. Alors, je vous remercie, M. le Président ainsi que les autres membres de la commission, de me recevoir pour vous présenter mon mémoire. Pour mieux vous permettre de suivre ma présentation, je vous ai remis un document qui en fait résume en fait ma présentation.

Alors, le mémoire que je vous présente aujourd'hui s'articule autour des questions suivantes. Premièrement, l'impasse financière anticipée est-elle vraiment si importante et surtout incontournable? Deuxièmement, doit-on nécessairement recourir au privé pour améliorer l'accès aux services de santé? Et, si oui, quelles sont les conditions nécessaires pour que le recours au privé soit avantageux, c'est-à-dire qu'il réduise les coûts globaux? Et finalement existe-t-il d'autres solutions ou d'autres avenues de solution pour régler nos problèmes de financement anticipés?

Alors, je vais commencer par une brève mise en contexte de l'impasse financière anticipée. Alors, selon le document de consultation, qui reprend intégralement l'argumentation développée dans le rapport Ménard, le taux de croissance des coûts sera supérieur à celui des revenus, et la source principale de cette impasse est le vieillissement de la population. On doit donc agir maintenant pour limiter les dégâts et on nous propose essentiellement deux solutions principales, soit de réduire la dette et de recourir davantage au privé pour la prestation et le financement des services.

Ce constat d'échec anticipé quant au financement peut et doit être remis en question. Et mon but ici, ce n'est pas de faire une guerre de chiffres, mais plutôt de démontrer qu'il y a des lacunes importantes dans l'analyse, dont les effets sont de surestimer l'impasse financière, et je vais vous présenter les deux lacunes principales que j'ai identifiées.

Alors, la première lacune concerne la projection des coûts de la santé. Alors, de façon générale, je dirais qu'on fait une bonne analyse des problèmes et des améliorations qu'on pourrait apporter au système. On a aussi une bonne idée du coût de mettre en oeuvre chacune de ces solutions-là. Donc, on quantifie bien, en dollars, l'investissement qui est requis pour améliorer le système.

Par contre, ce qu'on ne semble pas faire de façon aussi précise, c'est la quantification des bénéfices attendus, en grande partie probablement parce que le système de santé n'est pas un centre de revenus. Donc, ce n'est pas facile d'identifier les revenus qui sont associés directement aux investissements en santé. Et je vais d'ailleurs revenir sur ce point-là un peu plus tard dans ma présentation. Alors, l'analyse des coûts est donc incomplète et biaise la projection des coûts à la hausse, d'autant plus que la projection sur 25 ans qu'on nous présente ne tient pas vraiment compte des améliorations qui sont proposées au cours de cette même période.

Alors, la deuxième lacune concerne la projection des revenus de l'État. Notez ici qu'on parle des revenus totaux du gouvernement et non pas ceux de la santé, puisqu'ils ne sont pas vraiment définis. Alors, l'argument principal est que les jeunes devront supporter un plus grand nombre de personnes âgées. À mon humble avis, ce raisonnement-là est un peu incorrect, car il ne tient pas compte des revenus de retraite, dont le but est justement de ne pas être dépendant financièrement de quelqu'un d'autre. Et ce qu'il y a de particulier à ces revenus-là qui proviennent des régimes de retraite, c'est qu'ils sont imposables. Donc, ça va être des revenus pour le gouvernement, ce qui permettra donc aux personnes âgées de contribuer leur juste part au financement des coûts de la santé.

C'est la même chose aussi, si on veut parler de la liquidation des actifs immobiliers que bien des gens possèdent. En fait, c'est l'actif généralement le plus important que les individus possèdent. Cet actif-là, une fois qu'on le vend, il va pouvoir être utilisé pour supporter la consommation des gens à la retraite, qui, elle, va ultimement être taxée par le biais des taxes à la consommation du gouvernement. Donc, le vieillissement de la population, je dirais, n'aura pas que des conséquences négatives sur les finances publiques. Et je dirais que ne pas en tenir compte dans la projection des revenus, en fait, de façon plus explicite a pour effet de sous-estimer les revenus de l'État.

Donc, en résumé, on se trouve, dans le fond, un peu à surestimer les coûts, dans nos projections, et à sous-estimer les revenus, ce qui fait en sorte qu'on se trouve à surestimer un peu l'impasse financière qui est anticipée.

J'ajouterais aussi que, si notre situation est aussi misérable qu'on le prétend, les marchés financiers devraient aussi s'en préoccuper, que ce soit au niveau de la cote de crédit du Québec ou des taux d'intérêt exigés sur la dette. Or, la cote de crédit du Québec, que je sache, s'est améliorée au cours de la dernière décennie. Et les taux d'intérêt exigés sur la dette sont actuellement à un taux historiquement bas. Le taux de rendement exigé sur la dette du Québec actuellement se situe en bas de 5 % pour des échéances allant jusqu'à 30 ans. C'est historiquement bas, et non seulement c'est bas, mais c'est même inférieur aux taux qui sont exigés sur la dette des États-Unis pour des échéances allant jusqu'à 10 ans. Bon, évidemment, ça ne signifie pas qu'on ne doive pas se préoccuper du futur, mais à mon avis rien ne justifie de prendre des décisions aussi hâtives.

Alors, maintenant, est-ce qu'on doit recourir au privé? Lorsqu'on évoque la prestation de services par le privé et surtout son financement, il y a deux craintes principales qui peuvent être exprimées ou qui sont généralement exprimées. Donc, pour les usagers, on peut craindre de ne pas avoir les moyens de payer ou que l'accès, dans le fond, au système soit dépendant du revenu. Et, pour le privé, bien on peut craindre de ne pas avoir un volume suffisant de clients pour rentabiliser les services offerts, en raison justement d'une incapacité de payer de ces mêmes clients là.

Alors, la proposition du gouvernement a le double avantage de sembler répondre aux deux craintes. En effet, la garantie, enfin selon l'analyse que j'en fais, c'est d'abord et avant tout une garantie de paiement au système privé pour pouvoir y accéder. Donc, on assure que cet accès-là ne dépendra pas du niveau de revenus des individus et que ces derniers pourront donc payer. Les entrepreneurs privés n'auront donc pas à supporter le risque d'incapacité de paiement de leurs clients. Par contre, pour le privé, cette garantie-là, ça constitue une condition nécessaire mais pas suffisante, dans la mesure où on a aussi besoin de garanties minimales, au niveau des prix et au niveau du volume de clients, dans les cliniques privées, ce qui dans un certain sens implique une certaine non-concurrence du public pour améliorer les délais avant l'échéance maximale.

Et je rajouterais que, bon, de plus, si l'objectif est de recourir au privé pour réduire la dette, il est presque certain que le public n'investira pas suffisamment pour améliorer ses équipements et certainement pas dans les mêmes domaines que le privé, celui où on aura développé... bon, c'est ça.

Pour ce qui est de recourir au financement privé, je pense que la véritable question, ce n'est pas tellement de savoir s'il est plus sain de le faire ou s'il y a un meilleur équilibre à obtenir, mais bien de déterminer la source de financement qui nous coûtera collectivement le moins cher. Malheureusement, comme nous n'avons pas beaucoup... en fait on n'a aucune information sur le contenu possible des ententes qui pourraient être conclues avec les cliniques privées, on ne peut pas vraiment statuer sur la pertinence de recourir au financement privé.

n (17 h 20) n

Par contre, nous pouvons analyser les conditions qui pourraient avantager le financement privé. Il y a essentiellement quatre différentes sources d'avantages possibles, pour le privé, pour réduire les coûts globaux. Ça peut être soit au niveau des ressources matérielles, des ressources humaines, des ressources financières ou de la flexibilité accrue pour le système public de recourir au privé. Je vais juste en faire une brève analyse.

Au niveau des ressources matérielles, je dirais que les cliniques privées n'auront pas vraiment un meilleur pouvoir d'achat que le gouvernement ou que le public, donc je ne pense pas que l'avantage se situe à ce niveau-là. Au niveau des ressources humaines, tant qu'on a une pénurie de ressources comme c'est le cas à l'heure actuelle, le privé devra donc payer plus cher que le public pour attirer des ressources humaines dans ses cliniques, et donc il n'y a pas vraiment non plus d'avantage à ce niveau-là.

Le Président (M. Paquin): M. Guimond, je vous avise qu'il reste 2 min 30 s pour la présentation de votre mémoire.

M. Guimond (Jean-François): Déjà? O.K.

M. Charbonneau: ...pose moins de questions pour que... si on arrive à la finale pareil, là.

Une voix: ...

M. Charbonneau: Bien, ça dépend. C'est parce que je voyais qu'il lui restait encore quelques acétates, là.

M. Guimond (Jean-François): Il ressort quoi, là?

Le Président (M. Paquin): Vous poursuivez. Poursuivez, M. Guimond.

M. Guimond (Jean-François): Donc, j'ai deux minutes ou j'ai plus que deux minutes?

Le Président (M. Paquin): Deux minutes environ.

M. Guimond (Jean-François): O.K. Donc, je vais parler de... Bon, bien je vais aller... Donc, au niveau des ressources financières, s'il y a un avantage, il faut qu'on parle d'un coût d'emprunt qui est nécessaire pour acquérir les équipements. Donc, dans la mesure où la dette publique est essentiellement un titre dit sans risque, le coût de financement du privé, que ce soit par dette ou par actions, sera forcément supérieur. Donc, il est loin d'être acquis que le privé va être capable de se financer à meilleur taux.

Il nous reste quoi? Il nous reste la flexibilité. Cependant, cette flexibilité-là, ce n'est pas gratuit, la flexibilité, et, sans le détail des ententes, il est impossible de se prononcer. Par contre, le gain de flexibilité, on sait qu'il devra au moins compenser pour les autres coûts, qu'on sait qu'ils sont déjà plus importants.

La lecture que je fais, et vous me corrigerez si j'ai tort, c'est qu'une partie des nouveaux équipements et même des infrastructures dont nous aurons besoin devra être financée par le privé et que le public dans le fond en devienne le locataire principal. Donc, ce qu'on propose, c'est d'échanger un montant d'intérêt pour un loyer.

Donc ? je suis conscient que je synthétise un petit peu rapidement mes propos ? je dirais que, si ma lecture du problème est bonne, on n'a pas besoin de faire vraiment un débat idéologique, voire émotif, sur la privatisation. Ce qu'on a besoin de faire, c'est d'évaluer les coûts de financement différents pour la location et l'achat d'équipement, et, ces deux options-là, bien on peut les valider quantitativement.

Mon analyse, c'est que la marche va être relativement haute, pour le privé, de réduire les coûts globaux. Je ne dis pas que c'est impossible, mais je pense que le public a un avantage concurrentiel énorme sur le privé, notamment au niveau du coût d'emprunt. Mais par contre, tant qu'on n'a pas le détail des ententes, on n'est pas capable de se prononcer. Et donc...

Alors, au niveau des informations nécessaires pour analyser la valeur de ces ententes-là, ce qu'on va avoir besoin de savoir, c'est... on a besoin d'avoir des ententes très précises, c'est-à-dire que tout ce qui implique des déboursés soit clairement déterminé avant de signer l'entente. On a aussi besoin de savoir toutes les garanties et les options qui seront disponibles, car cela se quantifie aussi. Et, comme on parle de considérer des investissements à long terme, il va falloir tenir compte de la valeur de l'argent dans le temps comme il faut, c'est-à-dire que 100 $ aujourd'hui, ça ne vaut pas la même chose que 100 $ l'année prochaine.

Donc, malheureusement je vais être obligé de terminer ici.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. Guimond. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Guimond, pour votre visite aujourd'hui. Je pense que d'emblée je voudrais peut-être corriger une perception qui à mon avis est peut-être inexacte, et probablement parce que le document n'est pas clairement rédigé, là. On ne propose en aucune façon le financement privé pour régler le financement de la santé. C'est plutôt le contraire. Toute l'économie du document a visé à protéger le système public de santé, incluant le financement public, contre les effets possiblement pervers d'une surinterprétation du jugement dans l'affaire Chaoulli et Zeliotis. Et, dans la presque totalité des cas, toutes les solutions proposées sont dans le domaine du réseau public de santé, établissements et financement publics, avec une petite possibilité, dans des zones urbaines largement peuplées, de prestation privée mais à financement public, également. Donc, l'introduction de l'assurance privée ne vise qu'à répondre au problème essentiellement technique, présenté par la Cour suprême, de liberté individuelle quant à la possibilité d'avoir recours à des assurances privées. Mais en aucune façon pour nous ce n'est une solution pour le financement ou l'accessibilité.

Une autre petite remarque, puis ensuite je voudrais parler avec vous spécifiquement de l'impact économique du vieillissement de la population, parce qu'il y a une partie de votre présentation qui touche à ça.

C'est vrai que le système de santé peut être rendu plus efficient, entre guillemets, et qu'on peut dégager un peu d'économies, mais à mon avis il y a un petit peu de pensée magique là-dedans. Et je ne parle pas de vous en disant ça. Mais, en disant que de penser que les gains d'efficience du système de santé vont pouvoir, par exemple, nous faire diminuer le rythme de croissance des dépenses de 5 %, 6 %, ce qui est le cas dans à peu près tous les pays de l'OCDE actuellement, à la moitié de ça ou à des niveaux correspondant aux revenus du gouvernement, d'après moi ça n'arrivera pas. Ce qu'on peut souhaiter, c'est que justement les gains d'efficience du système de santé nous permettent de garder la croissance annuelle du système de santé dans l'ordre de 5 %, 6 %. Et là le défi du financement, c'est de trouver une façon de combler la différence entre les revenus du gouvernement et ce rythme réel. Juste cette année, avec la rémunération, ça représente à peu près 67 % de l'enveloppe supplémentaire de 1,3 milliard qui est consentie. Puis, il n'y a pas grande compression d'efficience à faire dans la rémunération. C'est plutôt le contraire. Les pressions sont à la hausse continuellement.

Maintenant, le virage démographique. Vous avez raison, puis on l'a dit à plusieurs reprises dans les débats, il ne faut pas non plus dramatiser à outrance l'impact économique du vieillissement. Mais il ne faut pas non plus le béatifier ou le rendre plus rose qu'il ne va l'être. Vous avez raison, les gens vont rester travailler plus longtemps. Nous, notre génération, il y a plus de gens parmi nous qui ont des fonds de retraite qui vont être fiscalisés. Donc, il y aura des revenus du gouvernement. Les gens vont être actifs également de façon plus importante.

Mais il y a deux éléments quand même qui m'apparaissent importants. D'abord, c'est que le taux d'épargne des ménages n'est pas très fort, hein? On est d'accord avec... Incluant le pourcentage des gens qui contribuent à un REER actuellement, ce n'est pas très élevé. Et puis le problème, c'est que les modalités ou les modèles de financement personnel de la retraite, incluant les conseillers financiers qui rencontrent les gens, tablent sur une survie à l'âge de 75, 80 ans, alors qu'en pratique la longévité va faire que c'est la population de 85 à même 100 ans, dans les prochains 20, 25 ans, qui va augmenter, avec au départ un taux d'épargne qui n'est pas très élevé puis des modèles financiers personnels qui ne nous amènent pas jusqu'à ce moment-là.

Alors, oui, d'après moi il y a une exagération dans la peinture uniformément noire qu'on fait des impacts économiques du vieillissement, pour les raisons que vous soulignez vous-même. Par contre, il ne faut pas non plus à mon avis la rendre plus rose qu'elle ne va l'être. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a là un équilibre à retrouver, là?

M. Guimond (Jean-François): Bien, en fait, je ne vous dis pas qu'elle est plus rose. Je dis qu'on ne le sait pas, justement, et qu'il faut justement le quantifier, cet effet-là. On ne connaît pas vraiment le lien, ou on semble mal le connaître, entre les investissements qu'on fait en santé et notre richesse collective ou les revenus en fait collectifs, c'est-à-dire au niveau du PIB. Et ce qui est assez étonnant, c'est que le pourcentage des dépenses en santé qu'on a fait est relativement stable par rapport au PIB. Il se situe environ à 10 % pour l'ensemble des dépenses. Ça inclut le public et le privé. Le public, si je me souviens bien, ça correspond dans le fond à 70 % de ça. Donc, sur 100 $ de revenus que vous avez, on se sert dans le fond de 7 $ pour garantir notre accès au système public. Et ça, ça inclut les services sociaux, là, ce n'est pas que les services médicaux et hospitaliers.

Je dirais qu'en fait ? et c'est ce que j'aurais aimé avoir le temps de dire ? c'est qu'on analyse le système de santé comme si ce n'était qu'un poste de dépenses. C'est comme si on analysait la rentabilité d'une compagnie, et qu'on ne regardait que le poste de dépenses dans son état des résultats, et on regardait l'évolution de ça, et on disait: Bien, la compagnie n'est pas rentable, ses dépenses augmentent. On voit tout de suite qu'il manque un élément d'information. Et je pense que c'est ce qu'il manque un peu.

On devrait changer notre perspective d'analyse du système de santé pour voir comment est-ce qu'on peut s'en servir comme moyen de développement de l'économie, comme avantage concurrentiel. Parce que soigner les gens plus vite, avoir des meilleurs diagnostics, utiliser les médicaments pour éviter les hospitalisations, ça fait des gens qui sont absents du marché du travail moins longtemps, donc ça augmente la productivité des gens. Et ça, ce lien-là, on peut le quantifier, je crois. Je n'ai pas d'étude, je n'ai pas de meilleurs chiffres que vous à ce niveau-là, mais je pense qu'on peut le faire et qu'on doit le faire, parce qu'on oublie toute la dimension revenus des investissements qu'on fait.

M. Couillard: Mais le risque qu'on prend, à ce moment-là, c'est de dire, dans 10, 15 ans: Woups! les revenus ne sont pas au rendez-vous, puis on s'est peut-être trompés. Je pense qu'il faut faire attention de ne pas non plus faire des projections qui nous amènent à ne pas prendre des précautions maintenant, surtout pour la génération qui va nous suivre.

Et, lorsque vous citez les dépenses par rapport au PIB, vous avez raison. Cependant, le 70 % et le 30 %, il faut voir de quoi il est constitué. Dans le 30 % privé, il n'y a, à toutes fins pratiques, pas de services médicaux, dans notre système de santé, par rapport à d'autres pays.

Et l'impact du PIB doit être distingué de l'impact sur les dépenses de programmes du gouvernement. C'est-à-dire qu'il y a un fait mathématique. C'est que, chaque année, là, il faut comprimer les autres ministères que Santé et Éducation pour arriver à maintenir le rythme de croissance des dépenses. Et ça, par rapport au PIB, ce n'est pas visible comme impact, mais je peux vous dire que concrètement, chaque année, dans les dépenses du gouvernement, il y a un impact important. Alors, est-ce que vous faites une distinction entre les pourcentages de dépenses par rapport au PIB puis les pourcentages de dépenses gouvernementales en termes de programmes?

Puis, en passant, la raison pour laquelle on a un problème en santé, ce n'est pas uniquement parce qu'on dépense plus en santé qu'ailleurs. On dépense pareil par rapport au PIB. C'est qu'on a d'autres programmes qui sont beaucoup plus importants que dans d'autres provinces. Il y a pour à peu près 6-7 milliards de programmes de plus au Québec que dans d'autres provinces canadiennes, avec un niveau de richesse collective qui n'est pas au même niveau qu'ailleurs. C'est ça également qui... Et, la dette, je ne parle même pas de la dette collective. Alors, je pense qu'il faut distinguer le PIB, oui, globalement et puis l'économie interne des dépenses gouvernementales. Est-ce que vous avez fait cette distinction?

n (17 h 30) n

M. Guimond (Jean-François): Comme je l'ai dit, je n'ai pas de chiffres à opposer à votre raisonnement. Par contre, ce que je dirais, c'est que... Bon, j'ai perdu mon idée. J'ai complètement perdu mon idée. Là, j'ai l'air fou.

M. Couillard: ...aider à la retrouver. Ça nous arrive à tous les jours.

M. Guimond (Jean-François): Bien, moi aussi, comme professeur, je dois avouer que ça m'arrive assez souvent.

M. Charbonneau: Je vais vous dire, quand vous faites un discours devant 500 personnes, puis ça vous arrive, là, vous sentez ça dans l'estomac un peu.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, moi, je vais vous poser une question. J'aurais quasiment le goût de vous dire: Qu'est-ce que vous voudriez nous dire que vous n'avez pas eu le temps de nous dire tantôt?

M. Guimond (Jean-François): Bien, en fait, je peux peut-être poursuivre sur l'idée que j'avais commencé à développer.

Je ne pense pas que ça va nous prendre 10-15 ans pour avoir une idée, une meilleure idée de l'impact de l'évolution, par exemple, du coût du vieillissement. Je ne peux pas vous garantir qu'on peut avoir ça le mois prochain, mais je ne pense pas que ça va nous prendre 10-15 ans, dans un premier temps. Et je ne suis pas convaincu qu'il y a vraiment une urgence d'agir. Si j'avais à utiliser une image, je dirais qu'il se peut très bien qu'on soit dans... c'est-à-dire, il y a de la lumière au bout du tunnel, si tant est qu'on soit dans un tunnel, et cette lumière-là, ce n'est pas forcément celle d'un train. Donc, ça ne donne rien de se mettre à courir le plus vite possible et de risquer inutilement de trébucher. On peut dans le fond, tout simplement, calmement marcher vers la lumière, sans pour autant qu'on soit des illuminés.

Et un autre point qu'on devrait peut-être étudier, c'est l'effet, au niveau du vieillissement de la population, l'effet du bénévolat. Des gens en meilleure santé qui prennent leur retraite, c'est aussi des gens qui peuvent contribuer à l'économie et qui contribuent d'ailleurs souvent, justement, à aider les autres qui sont malades ou qui sont plus démunis, que ce soit aussi au niveau de l'aide aux enfants, l'apprentissage, faire les devoirs. Il y a des aînés qui font ça, maintenant. Et ça, c'est un travail qu'on ne considère pas ou qu'on considère peu.

On a un problème complexe à analyser, et je pense qu'il ne faut pas s'empêcher de le faire juste parce qu'on a l'impression que ça va être excessivement complexe. Projeter des interactions complexes, ça se fait couramment dans plusieurs secteurs d'activité, notamment pour projeter les opérations de compagnies d'assurance, les flux monétaires d'un régime de retraite. Même la gestion du portefeuille de dette du gouvernement se fait à partir de simulations ou d'optimisations. On a les outils pour faire ça. Il s'agit juste de se donner les moyens de le faire. Et, si on investit, si on parle d'investir en santé, il faut être conséquent, Il faut regarder le rendement et les revenus que ça génère, les gains que ça génère. Si on quantifie juste une partie du problème, on manque le bateau, à mon avis.

M. Charbonneau: Et dans le fond ce que vous dites, c'est que... Si on prend votre propos à la suite des propos qu'on a entendus depuis deux jours, des organismes qui sont venus parler de la prévention puis de l'importance d'investir en amont... ? c'est-u en amont ou en aval? Je mélange tout le temps ? mais avant, en tout cas, en termes de prévention finalement, là aussi, il y a une mesure qu'on pourrait faire. C'est-à-dire, plutôt que justement d'investir parce qu'on dramatise à outrance ce qui pourrait arriver demain, on serait peut-être mieux justement d'investir maintenant d'une façon signifiante dans la prévention pour avoir les revenus dont vous parlez encore plus au rendez-vous. Parce qu'ils ne seront pas au rendez-vous si finalement on ne fait pas attention à la santé publique et qu'on crée une dynamique où les gens, parce qu'ils ne seront pas en santé, ne seront pas capables justement d'être aussi efficients et productifs qu'ils pourraient l'être si on faisait attention maintenant.

M. Guimond (Jean-François): En fait, je vous dirais que, dans la mesure où ce qu'on a, c'est un régime public ou en fait c'est un assureur public, on peut faire l'analogie avec les compagnies d'assurance. Les compagnies d'assurance auto qui vous donnent des rabais de prime ou qui même, il n'y a pas si longtemps, finançaient l'achat d'un système antivol, c'est de la prévention. Le burinage contre la fraude, c'est de la prévention. Les compagnies d'assurance investissent dans la prévention pour justement réduire le coût des sinistres qu'ils ont à supporter. Cette logique-là, elle vaut autant au niveau du régime public, qui est un assureur, je le rappelle.

M. Charbonneau: Dans le fond, ce que vous dites, c'est que, là, actuellement on est en train de développer toute une approche sans s'équiper pour faire une mesure des revenus et du rendement d'un certain nombre d'actions qu'on devrait poser puis qu'on pourrait poser, qui auraient un impact positif dans l'avenir et qui dédramatiseraient la lecture que certains font de l'avenir, justement.

M. Guimond (Jean-François): En fait, je ne sais pas si ça va nécessairement dédramatiser, parce que je n'ai pas les chiffres. Par contre, on a effectivement besoin de le quantifier. Tant qu'on ne le quantifie pas, on reste dans le monde du qualitatif et des perceptions. Il y a moyen de quantifier ça de façon relativement objective, quitte à faire des analyses de sensibilité pour savoir l'effet de la sensibilité de certaines variables dans nos projections. Ça se fait. Déjà, ça nous rassure, quand on prend des décisions, de savoir les impacts possibles des différentes variables qu'on analyse.

M. Charbonneau: En tout cas, moi, je pense que c'est un rappel intéressant que vous faites aujourd'hui. C'est-à-dire que c'est possible de le faire, et on devrait le faire, et, à ce moment-là, on serait plus équipés, comme décideurs publics, pour quand on aura à faire les choix. Puis, si on ne le faisait pas, on ne prendrait pas, d'une certaine façon, nos responsabilités, si on compare à ce qui se fait dans certaines industries où on prend la précaution de faire ça, dans le domaine des assurances dont vous venez de parler.

M. Guimond (Jean-François): Bien, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Donc, M. Guimond, merci beaucoup de votre présentation et de votre présence pour nos travaux cet après-midi. C'était très agréable.

J'invite maintenant Mme Lorraine Guay à s'approcher pour nous présenter son mémoire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Mme Guay, bienvenue. Je vous explique de quelle façon qu'on va fonctionner. Vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre mémoire. Lorsqu'il va rester deux minutes, je vais vous faire signe. Par la suite, nous allons avoir une période d'échange avec les députés ministériels et une autre période d'échange avec les députés de l'opposition. On vous écoute, Mme Guay. Si vous êtes prête, nous vous écoutons.

Mme Lorraine Guay

Mme Guay (Lorraine): Oui. Alors, je vous remercie infiniment d'accepter de m'écouter en cette fin d'après-midi. Une longue journée, ça ne doit pas être facile, facile, mais enfin...

Alors, j'ai décidé de faire un mémoire personnel à triple titre, si on veut, comme j'indique dans l'introduction. D'abord, comme citoyenne tout simplement parce que je suis très préoccupée de l'évolution du système de santé. Aussi comme infirmière. Je suis infirmière et je travaille dans un hôpital de réadaptation. J'ai aussi travaillé pendant 15 ans à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, qui a été une des cliniques initiatrices, si on veut, des réseaux de CLSC. Et intervenante dans le milieu communautaire, en particulier dans les ressources alternatives en santé mentale.

Alors, je le fais aussi parce que j'ai vécu, comme plusieurs d'entre nous qui ont mon âge, j'imagine, quoique vous êtes beaucoup plus jeunes, dans un système, dans une époque de notre société où il n'y en avait pas, d'assurance hospitalisation ni d'assurance maladie, à une époque donc où les gens étaient obligés de s'assurer à différents systèmes d'assurance pour pouvoir faire face aux risques de la maladie, avec le coût que ça impliquait.

Et aussi, à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, parce que justement, dans ce quartier-là, à l'époque, hein, dans le début des années soixante, les gens étaient obligés d'être assurés pour aller voir un médecin de famille, tout simplement. Et je dis: Si la Cour suprême avait été saisie de l'état de santé des citoyens de notre quartier à l'époque, probablement qu'elle aurait invalidé le système d'assurance privé parce que c'était un système complètement inéquitable, discriminatoire et dangereux pour les patients. Il y avait quelques médecins, le Dr Mongeau, etc., qui acceptaient de soigner gratuitement les gens ou contre une faible rémunération, mais c'était rare à l'époque, hein?

n (17 h 40) n

Alors, quand je dis: Ça s'intitule D'amnésie et de cécité, j'ai l'impression qu'à l'heure actuelle, avec la proposition du gouvernement et ce qui s'est fait aussi avant... J'ai appelé ça une sorte de marche avant vers le passé. J'ai l'impression de revenir en arrière à ce niveau-là. Bien sûr, dans l'immédiat, c'est très juste de reconnaître que le gouvernement ne propose pas un système de santé parallèle privé. Ça, c'est tout à fait juste. Pas tout de suite, pas dans l'immédiat. Et, comme je le dis, peut-être l'analogie est mal choisie, mais en tout cas ce n'est pas tout de suite, hein, ce n'est pas tout de suite qu'on s'en va vers ça. Et il faut se réjouir de la modération, et là, moi, je ne m'en réjouis pas tellement, parce qu'elle nous annonce à mon avis des lendemains qui ne chanteront pas.

Ce n'est pas tout de suite, dans un système qui est déjà privatisé autour de 30 %. Et le système québécois et canadien est le deuxième plus privatisé à travers le monde. Il n'y a que les États-Unis qui viennent avant nous. Donc, on connaît aussi ça. On le connaît pour les soins dentaires bien sûr et on sait ce que ça fait, la santé dentaire des Québécois. Moi, je l'ai vécu aussi en santé mentale. L'accès à des services de psychologie, à part les services réduits qui sont donnés dans les CLSC, les gens qui n'ont pas les moyens, qui n'ont pas d'assurance doivent utiliser la psychiatrie lourde finalement, un système complètement contre-productif à ce niveau-là.

Donc, il me semble qu'à l'heure actuelle, compte tenu du contexte nord-américain dans lequel on est, compte tenu de la puissance des lobbys privés ? et on en a vu dernièrement des exemples importants ? compte tenu des accords de libre-échange aussi, ALENA et accord général sur la commercialisation des services, dont le Canada est partie prenante et donc le Québec, pour moi, ne pas fermer définitivement la porte au secteur privé dans la santé, c'est l'ouvrir définitivement.

Alors, il me semble qu'on poursuit dans l'amnésie et la cécité, si on veut, et qu'encore une fois on risque de s'en aller dans des directions complètement contraires à ce qu'on affirme par ailleurs dans les valeurs qui sont au tout début du livre blanc. Moi, je me situe, avec d'autres, dans celles et ceux qui veulent conserver un système public gratuit, accessible, de qualité bien sûr, pas seulement parce que c'est une machine à distribution de services, mais c'est parce que ça contribue à garder la cohésion sociale aussi. Si mon voisin ou mon parent ne jouissent pas des mêmes droits que moi, n'ont pas accès aux mêmes soins, il me semble que, là, ce système-là fait en sorte qu'il y a une rupture dans les liens sociaux importants.

Deuxièmement, je le fais comme une sorte de cri du coeur, un peu spontanément aussi à cause de l'expérience, mais, bon, un cri du coeur, «la tête dans le coeur», comme dirait la chanson d'Ariane Moffatt, là, c'est-à-dire raisonné un peu quand même, hein? Parce qu'on est, je dis... nos cerveaux sont devenus des territoires occupés par les idées de l'inéluctabilité de l'introduction du privé dans la santé, hein? C'est un peu comme si à l'heure actuelle on ne pose plus la question: Est-ce qu'il doit y avoir une plus grande place aux services privés et au financement privé dans le système de santé?, mais: De quelle manière? À quelle hauteur? Comment? Donc, il y a une question préalable, à mon avis, pour moi, qui devrait être posée aux citoyens, et il me semble que le gouvernement a une responsabilité non pas juste d'aller dans cette direction-là, mais de mettre aussi devant l'opinion publique des arguments qui ne sont pas nécessairement ceux de l'industrie privée et ceux de ceux qui proposent justement cette direction-là.

C'est assez paradoxal, dans le sens où, pour moi, on se retrouve exactement dans la situation inverse que dans les années soixante, hein? Comme je disais tout à l'heure, dans le début des années soixante, c'est parce que le régime assuranciel justement ne protégeait pas les droits des gens que politiciens, syndicats, organismes communautaires, en fait une grande partie de l'opinion publique sont allés dans le sens de mettre en place un système public. Et là on a l'impression que c'est l'inverse qui est en train de se jouer et qu'encore une fois cette occupation de nos cerveaux par uniquement les idées qui défendent l'introduction accrue du privé dans la santé est en train de gagner l'opinion publique, finalement. Et j'entendais encore le Dr Yves Lamontagne, hier, à Indicatif présent, reprendre les mêmes arguments. Donc, sa voix s'ajoute à celles que j'ai mentionnées dans le rapport, ici.

L'autre aspect de ma présentation, c'est que pour moi il y a une incompatibilité entre le respect du droit à la santé tel que le pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels le défend et encore une fois l'introduction de davantage de privé dans la santé, et qu'il faudra à mon avis avoir une vigilance beaucoup plus importante du gouvernement dans ce sens-là. J'attire l'attention, vous l'avez sûrement vu, sur le fait que déjà les promoteurs de cette privatisation-là disent que les choses risquent de se faire rapidement, sans l'appui des politiciens, sans la coopération des fonctionnaires et sans l'agrément des syndicats. C'est ce que MM. Castonguay et Forget mettaient de l'avant.

Alors, à solution publique, problème public. Je ne nie pas du tout qu'il y ait des problèmes publics, loin de là. Mais il y a des solutions publiques qui peuvent être mises de l'avant. On en nomme quelques-unes. Le mémoire des Médecins pour l'accès à la santé en met de l'avant aussi, ne serait-ce qu'une meilleure définition du temps d'attente et du délai médicalement requis. Et, pour travailler justement dans un hôpital de réadaptation où les gens sont opérés... c'est-à-dire viennent après une opération pour la hanche et le genou, etc., je disais... Je leur demande systématiquement, depuis très longtemps: Est-ce que vous avez beaucoup attendu? Comment avez-vous attendu? Et, la réponse, je suis toujours un peu surprise du fait que... Pas si longtemps que ça. Ce n'est pas si pire que ça. Non pas qu'ils n'ont pas attendu. Et le sentiment n'est pas à la catastrophe, comme on a l'impression de se le faire dire dans l'opinion publique. Alors, il me semble que c'est...

Le délai d'attente, c'est évidemment quelque chose d'éminemment subjectif. Donc, la question de la définition des délais d'attente médicalement et socialement acceptables, la coordination des listes d'attente, en se basant sur des expériences... Il y a déjà eu un colloque ? je pense que vous étiez présent, M. Couillard ? là-dessus. Il y a des progrès importants qui se sont faits partout au Canada, y compris au Québec, en termes de gestion de ces listes d'attente là. L'organisation de blitz éventuellement, de grands chantiers, si on veut, pour réduire des listes d'attente jugées trop longues, la création de centres de chirurgie ambulatoire publics, comme le proposent des jeunes chirurgiens des Médecins à l'accès de la santé, et le renforcement de la première ligne.

Bref, je vais arrêter ici pour ce qui est de ma présentation. Mais il me semble encore une fois qu'il y a des solutions publiques à ces problèmes publics là et qu'on n'a pas besoin de cliniques privées affiliées pour réduire ces listes d'attente là.

Le Président (M. Paquin): Merci, Mme Guay. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Guay, pour votre visite aujourd'hui. Je dirais qu'il y a plus de convergence que peut-être vous semblez en percevoir entre notre document et ce que vous présentez. D'abord, et évidemment on peut ne pas être d'accord là-dessus, mais pour nous notre document est fondamentalement un acte de foi dans le système public de santé et dans l'équité dans l'accès aux soins, parce que justement on y oppose une résistance très forte à ce que je qualifierais de surinterprétation du jugement de la Cour suprême, que d'ailleurs plusieurs sont venus nous présenter ici en nous reprochant de ne pas ouvrir assez. L'ensemble des solutions qui sont présentées sont des solutions à financement public, dans la très, très grande majorité dans les établissements publics et, dans quelques cas peut-être, dans certaines zones urbaines, dans des cliniques privées affiliées, sans contribution pour le patient et sans autre source de financement que l'État.

Maintenant, lorsque vous parlez d'assurance privée et puis des cliniques privées hors système, ce n'est pas du tout présenté comme une solution. Ce n'est pas ça que, nous, on met de l'avant, au contraire. Vous savez, lorsque vous faites votre évaluation du pourcentage d'activités privées dans le système de santé, il faut faire attention, je le dis souvent, de quoi est fait le 30 %. C'est vrai que c'est à peu près le même pourcentage qu'en Europe de l'Ouest, mais, si vous regardez les services médicaux, il y a une grosse différence entre les deux. Alors, qu'est-ce qu'il y a dans le 70 %, qu'est-ce qu'il y a dans le 30 %? C'est important de le considérer.

La question que la Cour suprême présentait, essentiellement c'est: Qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui veulent avoir recours puis qui peuvent avoir recours, aujourd'hui même, où on se parle ici, là, puis depuis longtemps ? ça ne date pas d'hier ou d'avril 2003, ça date de plusieurs années ? à des cliniques où il y a des médecins non participants au système d'assurance maladie? Il y en a une qui défraie les manchettes souvent, en orthopédie, où c'est tout à fait possible et légal aujourd'hui d'aller se faire opérer là moyennant un paiement de plusieurs milliers de dollars.

n (17 h 50) n

Alors, ma question, c'est: Est-ce que vous pensez que ces cliniques-là devraient être permises? Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi? Parce que ce qu'on ajoute à ça, ce n'est pas un nouvel accès à ces cliniques-là, c'est la possibilité d'avoir une assurance, d'ailleurs très coûteuse, hors de la portée de la majorité de nos concitoyens. C'est pour ça que ça n'aura aucun effet significatif sur l'accessibilité aux soins. Mais, dans votre vision, là, du système de santé ou des soins de santé, qu'est-ce qu'on fait avec la clinique du docteur x, là, en orthopédie ? je ne veux pas mentionner son nom, on n'est pas ici pour faire de la promotion commerciale, là ? mais docteur non participant au système de santé, donc complètement sorti du système d'assurance maladie? Moi, je peux y aller aujourd'hui, puis donner 12 000 $, puis avoir une prothèse de hanche. Puis ça fait des années que c'est comme ça puis c'est légal. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec une clinique comme ça?

Mme Guay (Lorraine): Évidemment, je ne serai pas très populaire, c'est sûr, mais, moi, je pense que la médecine et les médecins sont une profession de service public et non pas des entrepreneurs privés. Je sais que vous avez rapporté ce statut-là de médecin comme entrepreneur. Je sais que, comme je dis dans mon mémoire, à l'époque, les médecins de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, dans les années 1968, le Dr. Augustin Roy les traitait de médecins de médecine soviétique. Pas à cause de la qualité de leurs actes médicaux, mais parce qu'ils étaient à salaire, parce qu'ils avaient renoncé, d'une certaine façon, à ce statut-là d'entrepreneur privé. Alors, à mon avis, à mon humble avis, ça ne devrait pas être permis d'avoir des médecins qui pratiquent en dehors du système privé, sur une base strictement commerciale. Ça ne devrait pas être permis, des médecins non participants à un système public.

Les infirmières ne travaillent pas à l'acte, par exemple. Les infirmières ne sont pas des entrepreneures privées. Elle sont tout autant efficaces, tout autant capables de donner des services, etc. Alors, je sais que ça va contre la médecine libérale, ça va contre une certaine conception, encore une fois, du statut. Je pense qu'on joue, là, dans un secteur de la vie des gens, la santé, qui ne devrait pas être laissé au privé, quelles que soient les modalités de ce privé-là.

M. Couillard: Donc, à votre avis, il faudrait interdire la non-participation au système d'assurance maladie. Si on est médecin, on devrait obligatoirement être participant. Aucune possibilité de...

Mme Guay (Lorraine): À mon avis, oui. À mon avis, oui.

M. Couillard: Maintenant...

Mme Guay (Lorraine): Quand on fait son cours de médecine, quand on veut être médecin dans une société, hein, on le fait... Je ne plaide pas pour le salaire minimum pour les médecins, là, entendez-moi bien, hein? Je ne pense pas que ce soit ça, la... mais c'est une profession à mon avis qui devrait s'en aller dans cette direction-là. Et d'ailleurs le début des cliniques populaires, comme les CLSC après, s'en allait dans cette direction, comme d'ailleurs les avocats, quand ils ont mis en place les cliniques juridiques, s'en allaient dans ces formes de prestation publique d'une profession jadis considérée comme libérale, hein? Et il me semble que c'est dans cette direction-là qu'on devrait s'en aller.

M. Couillard: Et puis dans le paysage il y a également les cliniques des omnipraticiens. Évidemment, la clinique de Pointe-Saint-Charles... Je l'avais visitée d'ailleurs quand j'étais étudiant en médecine.

Mme Guay (Lorraine): Ah oui?

M. Couillard: Je me souviens très bien de ça. Mais il y a des polycliniques médicales privées qui...

Mme Guay (Lorraine): ...par exemple.

M. Couillard: Pardon?

Mme Guay (Lorraine): Vous ne les avez pas gardées, par exemple.

M. Couillard: On n'a rien touché, à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, là. On a laissé son statut...

Mme Guay (Lorraine): Non, je dis: ce qu'on avait proposé à l'époque, c'est... quand les CLSC se sont mis en place, on était tout à fait d'accord avec la venue des CLSC. On disait aussi: Dans les quartiers, dans les régions, dans les municipalités qui veulent avoir des cliniques populaires, donc plus participatives encore, de façon plus innovante, si on veut, dans les pratiques, laissez-les faire ce travail-là. Mais ça...

M. Couillard: Ce qui est ironique, c'est que la Clinique communautaire Pointe-Saint-Charles a un statut d'établissement privé conventionné. Alors ça, c'est la double ironie.

Mme Guay (Lorraine): Oui, tout à fait, parce que c'est le seul statut qui existe dans la loi.

M. Couillard: C'est ça.

Mme Guay (Lorraine): S'il y avait un autre type de statut, on l'aurait...

M. Couillard: Mais, pour revenir à la clinique d'omnipraticien, là, 80 % des gens entrent en contact avec le système de santé à travers la clinique ou le bureau privé de leur médecin de famille participant au système d'assurance maladie. Donc là, vous avez un concept de clinique financée par les fonds publics, avec l'entrepreneur autonome ou le professionnel autonome qui est le médecin, donc à but lucratif. Qu'est-ce que vous pensez de ca?

Mme Guay (Lorraine): À but lucratif, c'est complètement inacceptable. Encore une fois, complètement inacceptable. À mon avis, quand on a mis en place les GMF... Bon, d'ailleurs, à l'époque, et je pense que ça a été ça aussi pour les CLSC jusque dans les toutes dernières années, quand on a continué de permettre à des polycliniques de venir s'installer au coin d'un CLSC, hein, ou à deux pas de rue de là, on donnait un double message à la population et là on invitait au magasinage médical, si on veut. Alors, on a mis en concurrence deux types de services pour les mêmes patients, hein? On a tué dans l'oeuf... Puis après ça je le dis, là, je n'ai pas eu le temps de le dire publiquement, mais je pense que les CLSC ont fait l'objet, gouvernement après gouvernement, d'une mort annoncée, d'une chronique d'une mort annoncée et lente, parce qu'on ne leur a pas permis, hein, de remplir la mission qu'ils s'étaient donnée.

Et je mets de l'avant tout un certain nombre de caractéristiques, de pratiques qui nous permettaient de prendre en charge à peu près 90 % de la population d'un quartier. On connaît les gens, on a une connaissance intime de leurs besoins, on est capables de savoir sur quelle rue... où est-ce qu'il y a un taudis, qu'est-ce qu'il faut faire par rapport à ça. Il y avait à l'époque, hein, réponse au téléphone 24 heures sur 7, visites à domicile ? les visites à domicile, là, les soins à domicile, ça date, ça, ce n'est pas nouveau ? les soins dentaires, les soins médicaux. Les infirmières étaient pratiquement des infirmières cliniciennes, et tout ça évitait complètement le recours à l'urgence, des hospitalisations complètement inutiles dans plusieurs cas, un magasinage, hein, le magasinage des sans rendez-vous.

Seule une pratique de première ligne bien ancrée dans la vie des quartiers peut permettre ça. Et à l'heure actuelle les GMF, qu'on a rupturés, qu'on sort de ce type... sont en train de reproduire un peu... Parce qu'ils engagent un gestionnaire, ils engagent des infirmières, bientôt des CLSC, sous le contrôle des médecins par ailleurs, hein, et complètement en dehors du processus plus collectif de prise en charge des populations, hein? Il me semble qu'il y a un recul, une marche avant vers le passé. Puis on perd la mémoire. On a oublié notre histoire, on a oublié ce qu'on avait vécu, qui nous permettait d'être innovateurs par rapport au système.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, merci. Chers collègues, avant de poursuivre, avons-nous consentement pour dépasser 18 heures? Consentement? D'accord. M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Alors, d'abord, je voudrais saluer Mme Guay, que je connais. Alors, j'ai beaucoup apprécié sa présentation. Idéologiquement, je suis assez proche de votre façon de penser. Je pense que vous avez sans doute raison de dire en d'autres mots que les gouvernements successifs, depuis un bon bout de temps, ont peut-être saboté le modèle des CLSC, d'une certaine façon, ou ils ne lui ont pas donné la capacité de s'implanter comme ça avait été conçu à l'origine, avec les effets dont vous avez parlé. Le problème, c'est que maintenant le système s'est développé autrement. La question, c'est: Est-ce qu'on peut revenir en arrière? Je ne le sais pas, mais, moi, ce qui est clair, c'est que je ne pense pas que... Parce qu'on parle à deux niveaux, là. Vous avez beaucoup parlé dans le fond de la prestation de services privés, même à financement public, et ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas en faveur même de la prestation de services privés, pour les raisons que vous avez expliquées. Bon, je comprends ça. Mais le moindre mal, c'est au moins de ne pas l'ouvrir au financement privé, et, moi, je pense que...

Puis, le ministre l'a reconnu, dans le fond, c'est assez cosmétique, l'impact que ça va avoir, les trois ouvertures, mais il y a un risque qu'on crée une dynamique. Alors, si c'est cosmétique puis que ça n'a pas d'impact réel, on n'est pas obligé de le faire. Et, moi, je pense qu'effectivement il y a beaucoup de gens qui sont venus... Je pense juste au Dr Bolduc, aujourd'hui, dans le Saguenay?Lac-Saint-Jean, qui dans le fond fait la démonstration qu'on n'en a pas besoin, de financement privé, puis qu'on n'a pas besoin d'ouvrir pantoute aux assurances privées plus qu'elles sont déjà ouvertes.

Et, moi, je suis très sensible ? parce qu'on a tantôt reçu les physiothérapeutes; je suis très sensible ? au fait que, tu sais, la santé mentale et les psychologues, la santé motrice, c'est-à-dire tout ce qui touche la physiothérapie, puis la santé dentaire, là, que ce ne soit pas dans le panier de services publics. Et ça a à mon avis beaucoup de conséquences sur la santé des Québécois et ça a beaucoup d'effets pervers, qu'on mesure mal ou qu'on ne veut pas aborder. Le problème, c'est aussi une prise de conscience des citoyens des coûts, par exemple. Il y a un prix à payer pour éventuellement augmenter la couverture du panier de services publics, là.

n (18 heures) n

Qu'est-ce que vous pensez de la formule des coopératives? C'est-à-dire, là, vous venez de parler des GMF. Dans le fond, c'est des cliniques privées conventionnées d'un nouveau type, parce que... On dit «conventionné»parce que les médecins sont rémunérés avec une convention de rémunération négociée entre l'État puis leur fédération. Puis là il y a une convention additionnelle entre l'agence ou l'établissement plus la GMF pour justement faire en sorte qu'on ait une prise en charge populationnelle. Qu'est-ce qu'on... Il y a une formule, dont on nous a parlé, qui est les coopératives des citoyens dans un territoire qui décident, d'une certaine façon, de faire un peu comme à Pointe-Saint-Charles, là, peut-être, à une autre époque, puis de prendre en charge... Comment vous voyez ça, cette approche-là?

Mme Guay (Lorraine): Bien, moi, je pense qu'au niveau de la première ligne... Il faut se rappeler que la Clinique Saint-Jacques, hein, une des premières cliniques populaires, était une coopérative au début. Alors, des formules publiques, il peut y en avoir plusieurs. Les CLSC en étaient une. Mais des formules publiques où les gens participent, aussi, où il y a une participation citoyenne à l'orientation de ces institutions-là, c'est majeur, et là on peut innover. Oui, il peut y avoir des expériences pilotes extrêmement intéressantes, dans la mesure où ça reste du domaine public, encore une fois, prestation et financement. Et là on peut y aller. L'imagination au pouvoir pour essayer toutes sortes de formules. D'ailleurs, Saltman, un chercheur américain, met de l'avant un concept qui est la compétition au sein du secteur public, dans les systèmes publics. Il en parle au niveau de la Suède, au niveau des pays des Balkans. Mais il y a là une ouverture à chercher des façons différentes, plus conviviales, plus participatives, de donner des soins, oui.

M. Charbonneau: Est-ce que pour vous donc une coopérative, c'est dans l'ordre du public, à partir du moment où c'est à but non lucratif?

Mme Guay (Lorraine): Oui. À partir du moment où c'est à but non lucratif et que la formule encore une fois permet une participation citoyenne plus intéressante, il me semble que ça peut être quelque chose qui est recherché et expérimenté.

M. Charbonneau: Dans le fond, le hic qu'il faudrait évaluer, c'est d'éviter que la part sociale qui est exigée des citoyens pour devenir membres de la coopérative soit démesurément inaccessible, pour que finalement il y ait une inéquité. Une famille, là, qui aurait trois, quatre enfants, on ne peut pas leur exiger une part sociale qui ferait en sorte qu'ils n'auraient pas accès, là.

Mme Guay (Lorraine): Tout à fait. Ça peut être une part sociale symbolique. Ce n'est pas ça, le problème. C'est la participation, c'est l'implication qui est intéressante. En tout cas, si je peux terminer...

M. Charbonneau: Mais oui. Non, allez-y, Mme Guay.

Mme Guay (Lorraine): Oui? Bon, bien, il me semble que, parmi les solutions proposées, entre autres celle des cliniques privées affiliées, je répète avec d'autres, je pense que c'est une des solutions les plus coûteuses, qu'elle ne devrait pas être mise de l'avant. Et, moi, je peux vous gager, hein, je peux vous gager que, si cette solution-là est mise de l'avant, les patients vont attendre six mois, parce que c'est les médecins qui sont en charge, c'est les médecins qui gèrent les listes d'attente, et la confrérie des médecins va faire en sorte qu'on va assurer un flot continu de patients aux cliniques privées affiliées. J'en suis certaine, pour voir la pratique médicale se faire. Alors, les médecins à mon avis sont en conflit d'intérêts, avec ce type de solution là, ils sont en conflit d'intérêts complètement. Merci.

M. Charbonneau: Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Rapidement, quelques secondes.

M. Charbonneau: Bon, O.K. Juste une dernière. Vous dites qu'il y a eu des expériences qui ont été menées. En fait, ce que vous proposez en alternative, c'est des blitz, là, des espèces de chantiers où finalement on utiliserait la capacité publique pour créer... donner des coups ou de faire en sorte que finalement les listes d'attente soient réduites parce qu'on y met une concentration d'efforts, et d'énergie, puis de ressources.

Mme Guay (Lorraine): C'est ce que proposent d'ailleurs les Médecins pour l'accès à la santé, les jeunes chirurgiens, qui disent qu'on peut mettre en place des cliniques chirurgicales ambulatoires. Pas besoin d'utiliser le bloc opératoire central, qui est beaucoup plus coûteux puis qui est suréquipé pour ce type d'interventions là.

M. Charbonneau: Bon, ils vont venir devant nous, on va pousser la discussion avec eux encore plus loin.

Mme Guay (Lorraine): Oui, ce serait intéressant.

Le Président (M. Paquin): Mme Guay, merci beaucoup de votre participation à la commission et bonne fin de soirée.

La commission ajourne ses travaux au jeudi 13 avril, 9 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 18 h 4)


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