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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Thursday, April 13, 2006 - Vol. 39 N° 13

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 

Mme Diane Legault, présidente suppléante

M. Jean-Pierre Paquin, président suppléant

M. Philippe Couillard

M. Jean-Pierre Charbonneau

Mme Noëlla Champagne

* Mme Dominique Verreault, APTS

* M. Michel Clair, Groupe Santé Sedna inc.

* Mme Marianne Le Roux, idem

* Mme Anne Côté, idem

* Mme Hélène Simard, CCQ

* M. Jacques Lemieux, idem

* M. Alban D'Amours, idem

* Mme Marie-Joëlle Brassard, idem

* M. Pierre J. Durand, Faculté de médecine de l'Université Laval
et les établissements de santé membres du RUIS de l'Université Laval

* M. René Rouleau, idem

* M. Claude Poirier, idem

* M. Paul-Guy Duhamel, OPDQ

* Mme Louise Lavallée Côté, idem

* Mme Ginette Caron, idem

* M. Normand Danis, Ordre des chiropraticiens du Québec

* M. François Auger, ACQ

* M. Paul Saba, Coalition des médecins pour la justice sociale

* Mme Saideh Khadir, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures quarante-quatre minutes)

La Présidente (Mme Legault): Alors, bonjour. La Commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre sa consultation générale et ses auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Alors, pour la bonne marche de nos travaux, je vous rappelle que l'usage du téléphone cellulaire et du téléavertisseur est interdit. Alors, je demande à tout le monde de bien vouloir les mettre hors tension pour la durée de notre séance.

Mme la secrétaire, avons-nous des remplaçants?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, M. Charbonneau (Borduas) va remplacer Mme Charest (Rimouski). Voilà.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Legault): Merci beaucoup, Mme la secrétaire.

Je fais lecture de l'ordre du jour. Ce matin, nous entendons l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, à 9 h 30. Ce sera suivi, à 10 h 30, du Groupe Santé Sedna et, à 11 h 30, du Conseil de la coopération du Québec. Alors, nous ferons lecture de l'ordre du jour de l'après-midi en début de séance, cet après-midi.

Vous êtes présents, Mme Verreault et M. Côté, je vous remercie d'être là. Vous savez que nous disposons d'une période de 60 minutes. Alors, vous allez nous faire votre présentation donc pour une durée de 20 minutes, et puis ce sera suivi d'un échange entre les deux groupes parlementaires. Alors, Mme Verreault, peut-être pouvez-vous vous identifier et identifier la personne qui vous accompagne? Merci.

Alliance du personnel professionnel et technique
de la santé et des services sociaux (APTS)

Mme Verreault (Dominique): D'accord. Alors, M. le ministre, Mme la Présidente, M. le critique en matière de santé de l'opposition officielle, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Dominique Verreault, je suis coprésidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux et je suis en compagnie de M. Denis Côté, qui en est le coprésident. Nous sommes très heureux d'être avec vous aujourd'hui. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de débattre de l'avenir du système de santé du Québec.

L'APTS, rapidement, c'est une organisation syndicale qui représente 26 000 membres; 85 % sont des femmes. Ce sont tous et toutes des diplômés collégial et universitaire qui oeuvrent dans le réseau de la santé et des services sociaux.

D'entrée de jeu, pour nous, la prémisse du document Garantir l'accès est biaisée. La question n'est pas de savoir comment le privé peut aider le public mais plutôt, pour nous, le public peut faire mieux et à moindre coût. Je crois que le ministre de la Santé doit faire confiance au personnel du réseau de la santé et des services sociaux. Et, à l'aide d'exemples, je vais tenter, dans ma présentation, de vous faire la démonstration de cette théorie qui n'est pas un dogme pour nous. Alors, quatre exemples: la radio-oncologie, les laboratoires, la réadaptation et les cliniques privées de radiologie.

La radio-oncologie. Alors, l'APTS représente environ 350 des 400 technologues en radio-oncologie qui oeuvrent au Québec. Une crise a éclaté en 1999, les délais d'attente étaient de 25, 30 semaines pour être traité, au Québec, en radio-oncologie. Il y avait pénurie de médecins et de technologues. La solution imaginée par le gouvernement de l'époque était de faire traiter ces patients aux États-Unis afin de diminuer les délais d'attente. Nous avons, de concert avec le ministère de la Santé de l'époque, convenu d'une entente où les technologues en radio-oncologie ont accepté de travailler plus d'heures par semaine en contrepartie d'une rémunération, de façon à diminuer les listes d'attente et les délais d'attente pour ces patients. Les technologues ont accepté de le faire. Cette solution 100 % publique a coûté moins cher à la population québécoise et a permis de traiter ces patients près de chez eux. L'évaluation qui a été faite, c'est que l'envoi de patients aux États-Unis coûtait environ 13 000 $ par patient, alors que le traitement fait au Québec, avec l'entente qu'on avait, coûtait environ 3 000 $ par patient. Alors, ces deniers publics ont permis de sauver de l'argent et de l'investir ailleurs pour la population du Québec.

Depuis 2000, plusieurs ententes ont été signées entre le ministère de la Santé et notre organisation de façon à traiter ces patients au Québec. À chaque fois qu'on a mis fin à ces ententes, les délais et les listes d'attente ont augmenté. La dernière entente se termine dans quelques semaines. Nous verrons si nous pourrons maintenir les listes d'attente au niveau où elles sont aujourd'hui, parce que nous sommes très fiers, comme le ministre Couillard l'est, des résultats qu'on a obtenus par cette entente.

Deuxième exemple, les laboratoires, alors les analyses de laboratoire. Le Québec est l'un des endroits actuellement en Amérique du Nord qui est le plus performant. Le Québec a encore un système 100 % public pour offrir ces services à la population. Dans les provinces de l'Ouest canadiennes, ces provinces sont allées vers un partenariat privé-public. Alors, les examens sont couverts par le public, mais les services sont offerts par le privé. Une étude faite en 2001-2002 nous démontre qu'au Québec, à ce moment-là, il en coûtait 61 $ par habitant, pour les analyses de laboratoire, par année, sur une moyenne annuelle, alors qu'en Colombie-Britannique il en coûtait 110 $, un peu plus de 110 $, près de 50 % de plus; en Ontario, plus de 33 % de plus, on était autour de 90 $ par habitant, par année; et, dans les autres provinces de l'Ouest, c'était entre 74 $ et 78 $. Alors, voilà encore une belle preuve, selon nous, de ce que peut faire le public mieux et à moindre coût.

Autre exemple, la réadaptation. La réadaptation, ce sont des physiothérapeutes, des thérapeutes en réadaptation physique, des ergothérapeutes qui travaillent dans le réseau public. Je vais me servir d'un exemple encore une fois pour vous illustrer une situation qui a été vécue dans le réseau. Alors, je vais me servir de l'exemple d'un établissement régional où oeuvrent, dans un service de réadaptation, une vingtaine de professionnels.

n (9 h 50) n

Il y a huit, 10 ans, l'établissement public avait des contrats avec deux organismes gouvernementaux, soit la SAAQ et la CSST. Ces contrats étaient, je dirais, très avantageux, ce sont des contrats très avantageux en termes monétaires. Les établissements publics signaient ces contrats d'engagement avec la CSST et la SAAQ pour traiter, prendre en charge leurs patients, leurs clientèles rapidement. Alors, le réseau public devait évaluer et traiter les patients provenant de ces organismes rapidement, dans des délais qui étaient convenus par entente. L'établissement régional qui a signé cette entente, cela lui a permis d'embaucher deux professionnels de plus dans son équipe pour offrir le service sur la base, là, qui était demandée dans le contrat, alors rapidement. Comme ces deux personnes n'étaient pas occupées à temps plein pour traiter les patients de la SAAQ et de la CSST, elles pouvaient traiter des patients du public qui étaient sur les listes d'attente en réadaptation. On pouvait traiter jusqu'à 20, 25, 30 patients de plus par semaine à même ces deux ressources supplémentaires là.

À un moment donné, ces contrats-là ont glissé vers le privé. Alors, ce sont les propriétaires de cliniques de physiothérapie ou de physiatrie qui ont obtenu ces contrats-là très avantageux avec la SAAQ et la CSST. L'hôpital régional a dû fermer les deux postes qu'il avait créés pour traiter cette clientèle-là, et du même coup c'est de la population, c'est des gens qui étaient sur les listes d'attente qui ont perdu la possibilité d'être traités plus rapidement au public. Pour ces gens, ils doivent faire le choix d'aller vers la clinique privée s'ils ont des assurances, s'ils ont les moyens de les payer, ou sinon de se passer des services des physiothérapeutes et des thérapeutes en réadaptation physique. Alors, un autre exemple où, selon nous, avec de l'argent du public, investi dans le public, on peut donner de meilleurs services à la population à moindre coût.

Autre exemple, les cliniques médicales de radiologie, cliniques privées qui existent depuis de nombreuses années au Québec dans les milieux urbains à haute densité. Ces cliniques sont la propriété de médecins radiologistes qui sont également les mêmes qui travaillent dans le réseau public, alors dans l'hôpital souvent en face, l'autre bord de la rue. Les examens faits par la clinique privée sont couverts par la RAMQ, à l'exception de trois examens: les échographies, certaines échographies, la résonance magnétique et les scans. Actuellement, dans le réseau public, les examens de scan, de résonance magnétique, qui sont des examens de haute technologie, souvent il y a des délais d'attente de six mois, huit mois, un an pour obtenir un examen de ce type. Alors, on invite les patients à aller de l'autre côté de la rue, à la clinique privée, où, là, ils doivent débourser 500 $, 700 $, 1 000 $, pour obtenir le même examen, et, dans un délai d'une semaine, on obtient cet examen.

Alors, nous croyons que, si l'argent qui actuellement est investi dans les cliniques privées, au niveau des entrepreneurs privés, pour donner des soins, des services médicaux, était investi dans le public, nous croyons, cela permettrait d'avoir, d'obtenir des ressources qui pourraient travailler plus longtemps, de plus longues heures dans le public. Si l'on permettait aux médecins de travailler de plus longues heures dans le public, on ferait une meilleure utilisation des équipements de haute technologie qui sont payés par le public et qui souvent, après 5 heures, ne sont plus utilisés, ni le soir ni la fin de semaine, ce qui permettrait de traiter plus de patients au public.

Nous croyons également qu'il faudra regarder toute la question de la gestion des listes d'attente de façon à en faire une gestion efficace et à bien comprendre qui et combien de patients sont sur les listes d'attente aujourd'hui. Actuellement, dans le réseau de la santé, cette situation est difficile à suivre, je vous dirais.

Nous croyons également qu'il faudrait, en plus de bien gérer les listes d'attente ? excusez-moi ? établir des délais maximums pour l'ensemble des interventions au Québec. Dans le document Garantir l'accès, on voit qu'on va vers cette voie-là en prévoyant des délais maximums pour trois chirurgies particulièrement. Nous croyons que c'est un exercice qui devrait être fait pour l'ensemble des interventions qui devraient être faites, et permettre ainsi de connaître quels sont les délais maximums médicalement acceptables, et faire en sorte du même coup que le public, que le réseau public puisse répondre à ces délais maximums. Parce qu'il ne faut pas seulement les établir, il faut aussi donner les moyens au public d'être en mesure d'y répondre, et nous croyons que cette chose est possible.

Il faudra également attirer et retenir la main-d'oeuvre qualifiée dans le réseau public. Et ça m'amène à vous parler d'un autre point très important, toute la question de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée au Québec. Alors, on le sait, ça a été dit à multiples reprises, il est très difficile actuellement d'avoir accès à un médecin de famille, il est difficile également d'avoir accès à des médecins spécialistes, mais il est également difficile d'avoir accès à plusieurs professionnels dans le réseau public, actuellement. Je vais encore là me servir d'un exemple qu'on vit quotidiennement parmi les membres qu'on représente et qui illustre encore une fois la difficulté qu'il y a entre le public et le privé à répondre à la demande.

Il existe actuellement, au Québec, des agences, des agences privées, mais, entre autres, pour les ergothérapeutes, pour offrir des services d'ergothérapie. L'APTS représente 1 800 ergothérapeutes sur 2 500 qui oeuvrent actuellement, là, au Québec. Il y a une pénurie importante de ces professionnels pour répondre aux besoins de la population du Québec. Actuellement, le réseau public a de la difficulté à recruter et à retenir des ergothérapeutes dans le milieu public, alors qu'au niveau des agences privées on réussit à trouver ces ressources-là. Et actuellement l'hôpital qui a besoin d'une ergothérapeute rapidement et qui n'est pas capable d'en avoir contacte les agences privées pour obtenir cette ressource-là et réussit à l'obtenir, évidemment à coûts plus élevés parce que les agences évidemment se servent au passage quand elles facturent l'établissement public. Les ergothérapeutes inscrites à l'agence évidemment ont un salaire horaire plus élevé, ont également la possibilité d'une organisation du travail plus flexible, ce qui correspond mieux souvent à leurs besoins. Alors, l'hôpital qui embauche, via une agence, une ergothérapeute paie plus cher, et la population, selon nous, est moins bien servie parce que cette ergothérapeute-là n'est que de passage dans cet établissement-là. Alors, elle est là pour répondre à un besoin très pointu. Elle ne connaît pas les pratiques médicales, les approches thérapeutiques, elle ne connaît pas le roulement de l'hôpital et elle a moins d'intérêt à s'investir dans cet établissement, comme elle n'est que de passage. Alors, voilà un exemple qui montre encore une fois comment, entre le privé et le public... quelle est la difficulté entre le public et le privé pour répondre aux demandes.

Il y a environ 19 titres d'emploi qu'on représente à l'APTS, pour lesquels il y a eu un exercice de planification de main-d'oeuvre qui a été fait par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Des rapports ont été émis, et, dans ces rapports, il y a des recommandations. Nous souhaitons fortement que les recommandations qui apparaissent dans ces rapports de planification de main-d'oeuvre voient le jour. Certaines ont été concrétisées; par contre, d'autres, on est toujours en attente de résultats. Ces rapports permettent de constater que la pénurie de main-d'oeuvre pour les techniciens et les professionnels de la santé et des services sociaux n'ira pas nécessairement en diminuant. Dans ces rapports, on retrouve certaines recommandations, et il est important...

Une des recommandations, un des moyens intéressants et importants pour retenir et attirer les ressources professionnelles dans le réseau public est toute la question de la formation en cours d'emploi et du perfectionnement. Pour les techniciens et les professionnels qu'on représente, c'est quelque chose qui est très important parce que les approches médicales, les approches thérapeutiques, les changements de technologie se font très rapidement, de nos jours, ce qui fait que ces gens-là ont besoin, sur une base quasi annuelle, d'avoir de la formation, du perfectionnement pour être capables de répondre à la commande.

Je vous donne encore un exemple. Dans les établissements spécialisés en cardiologie ? l'Institut de cardiologie, pour donner un bel exemple ? il se fait de moins en moins d'opérations à coeur ouvert pour régler des problématiques. De plus en plus, les interventions se font directement dans les salles d'angiographie et d'hémodynamie. Alors, directement dans la salle où on fait le diagnostic de la problématique, on intervient chez le patient pour régler le problème. Alors, c'est des approches qui font en sorte que les gens qui travaillent dans ces salles-là, les technologues en radiologie qui oeuvrent dans ces salles-là évidemment ne peuvent pas se permettre d'apprendre sur le tas, comme on dit dans notre langage, doivent bien connaître les approches, doivent être à l'aise avec l'appareillage qu'ils ont à utiliser, avec les pratiques médicales, de façon à faire en sorte que les résultats de ces interventions-là soient un succès.

n (10 heures) n

Alors, pour cela, il faut avoir des formations, souvent des formations qui se donnent par des formateurs qui viennent de l'extérieur du Québec, de l'extérieur du Canada, qui coûtent cher et qui sont très pointues. Souvent, là, on doit bâtir le cours spécifiquement pour chacun de ces titres d'emploi. Alors, ce sont des coûts importants. On reconnaît que, lors de la dernière période de négociations, des efforts ont été faits et des sommes d'argent ont été prévues dans les conventions collectives pour permettre ce type de formations là. Nous croyons que c'est un début, mais il va falloir en mettre un peu plus que cela. Et notre inquiétude, au moment où on se parle, c'est de s'assurer que les établissements de santé auront véritablement en leur possession les sommes d'argent pour faire en sorte de permettre cette formation-là aux techniciens et aux professionnels qu'on représente. Je dirais que d'investir dans la formation des ressources humaines du réseau de la santé, c'est, selon nous, faire preuve de vision.

Une autre façon de faire preuve de vision est également d'investir dans la prévention. La prévention est quelque chose d'excessivement important. Et actuellement les investissements se font beaucoup du côté du curatif, souvent au détriment de la prévention. On a pu déjà constater, nous, à l'APTS, que, dans les nouveaux CSSS qui ont été constitués dans la dernière année, il y a déjà un glissement qui se fait. On utilise l'argent qui était prévu pour la mission CLSC pour combler les besoins en mission CH. Alors, évidemment, on a des inquiétudes. On verra comment tout cela se concrétisera, mais déjà on a des indices qui nous portent à croire que ça pourrait être la réalité.

Nous sommes très conscients qu'il faut beaucoup de courage politique pour investir en prévention parce que la prévention ne donne pas de résultats à court terme, la prévention donne des résultats à long terme. Mais toutes les études prouvent que la prévention permet à long terme de garder la population en santé, en meilleure santé et à coût moindre sur plusieurs années. Alors, pour nous, nous préconisons une approche en trois volets en termes de prévention: prévention primaire, prévention secondaire et prévention tertiaire.

La prévention primaire, pour empêcher l'apparition de maladies, je pense que tout le monde la connaît, hein, c'est la base de la prévention. Alors, pour vous donner un exemple, nous représentons des hygiénistes dentaires, nous, qui travaillent auprès des jeunes en milieu scolaire et qui montrent à ces jeunes comment bien prendre soin de sa santé buccale. Malheureusement, il n'y en a pas assez pour permettre une bonne prévention. Et on voyait dernièrement, dans les médias, que 50 % des jeunes qui arrivent à la maternelle ont déjà un problème de carie dentaire. Alors, il faut agir également plus rapidement auprès de ces jeunes.

La prévention secondaire, pour dépister la maladie et la traiter de façon à en atténuer les effets. Alors, un bel exemple de cela: en santé mentale, les enfants atteints d'autisme. Actuellement, pour ces enfants et leurs parents, il est excessivement difficile d'avoir accès, dans le public, à des services de soutien. On parle ici d'ergothérapeutes, de psychoéducateurs et de physiothérapeutes. Alors, actuellement, souvent, les délais d'attente sont de 20, 24, 30 mois pour avoir un premier rendez-vous pour diagnostiquer et pour élaborer un plan de traitement. On sait que, dans ces situations où on parle d'enfants atteints d'autisme, c'est avant cinq ans que les interventions permettent à cet enfant et à sa famille d'avoir une meilleure qualité de vie. Alors, lorsqu'il y a 24, 30 mois d'attente, on comprendra que ça vient hypothéquer grandement la qualité de vie de cet enfant pour l'avenir. Alors...

La Présidente (Mme Legault): Mme Verreault, je m'excuse de vous interrompre. Il vous reste un petit peu moins de deux minutes. Alors, je vous invite à conclure. Merci.

Mme Verreault (Dominique): D'accord, je vous remercie. Alors, je veux juste glisser un mot sur la prévention tertiaire. Il faudra s'en occuper aussi. Ce sera une manière de garder la population en santé et près de son milieu de vie.

Alors, en conclusion, je vous dirais que, dans le réseau de la santé, dans les 20 dernières années, on a vu passer 11 ministres de la Santé, 11 ministres qui, chacun, chacune, avaient un projet de restructuration du réseau qui n'a pas toujours donné les résultats escomptés. Les professionnels et les techniciens de la santé sont le coeur et les poumons de ce réseau. Nous demandons au ministre de la Santé de leur faire confiance et d'investir dans le public. Selon nous, cela coûte moins cher et permet à la population du Québec d'être mieux desservie. Alors, je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Legault): Merci beaucoup, Mme Verreault. Nous allons débuter notre période d'échange. Alors, je cède la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Verreault, M. Côté, bonjour. Toujours la même chose à corriger: le document de consultation qui est devant nous, ici, n'est pas un document qui introduit ou qui fait la promotion d'un système de santé à deux vitesses. C'est le contraire, c'est un document qui veut empêcher la médecine à deux vitesses, ce que certains ont cru voir en surinterprétant le jugement Chaoulli. Alors, c'est totalement le contraire de ce que parfois on laisse entendre.

Il y a des exemples, il y a plusieurs exemples concrets que vous avez touchés, puis je vais les commenter brièvement, pour par la suite aborder certaines questions avec vous.

Prenons la radio-oncologie. Ça, c'est l'exemple typique de la non-convergence parfois des intérêts particuliers puis des intérêts généraux de la population. C'est vrai qu'il y avait eu des ententes qui avaient été faites auparavant, des ententes que plusieurs établissements nous suppliaient d'interrompre parce qu'elles avaient des effets pervers. C'était probablement bon pour les technologues en termes financiers, mais ça ne réduisait pas les listes d'attente, parfois ça les aggravait parce que la façon dont l'entente était faite arrivait au contre-objectif qu'on voulait poursuivre.

Alors, effectivement, on a eu, avec votre association, des discussions qui ont été difficiles, parce que c'est toujours difficile de vivre une situation où on met, d'un côté, les listes d'attente de personnes qui luttent pour leur vie, là, puis, de l'autre côté, des considérations de conditions de travail. Et je dois dire que j'ai trouvé cet épisode particulier. Mais au moins on a fini par avoir une entente qui fonctionne bien. Puis, je vous rassure, on veut qu'elle se poursuive, l'entente, certainement, et puis qu'on ait également... qu'on continue à avoir les bons résultats qu'on a actuellement en radio-oncologie.

Résonance magnétique. C'est un peu rapide, ce que vous avez fait comme portrait parce que, si vous regardez la réalité, c'est que, depuis quelques années, il y a eu un gel du nombre de cliniques privées de résonance magnétique. Il n'y en a pas plus. Il y a 14 cliniques au Québec, puis c'est les mêmes 14 depuis trois, quatre ans. Pourquoi il n'y en a pas plus? Parce qu'on déploie rapidement des appareils dans le réseau public. On est à peu près à quatre ou cinq appareils d'avoir la norme d'appareils recommandée par les autorités internationales. Et récemment il y avait le chef de radiologie de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont qui nous expliquait que, depuis qu'on a installé un deuxième appareil dans son hôpital, la liste d'attente a diminué de moitié pour les appareils de résonance magnétique.

Même chose pour les TEP, les tomographes à émission de positrons. Vos membres vont être des techniciens qui vont s'occuper de ces appareils-là. On a eu de nombreuses propositions de cliniques privées qui nous disaient: Occupez-vous pas de ça, les TEP, on va les développer, nous autres, en clinique privée, puis on fera des contrats. Ce n'est pas ce qu'on a fait. On va les déployer de la façon la plus rapide au Canada, et d'ailleurs dans les établissements publics. Alors, il ne faut pas... Il faut avoir une lecture de la réalité qui correspond à ce qui se passe réellement sur le terrain.

Et, dans le cas des examens radiologiques, il y a un aspect qui échappe totalement à vos membres parce que ça regarde surtout les médecins, c'est toute la question de la pertinence des examens. Moi, je peux vous dire, d'expérience, là, ce n'est pas vrai que tous les examens qui sont en attente actuellement pour les imageries de résonance magnétique ou autres technologies complexes sont pertinents. Puis ça, ce n'est pas de la responsabilité du tout de vos membres, c'est de la responsabilité de la profession médicale de s'autogérer, puis de se contrôler, puis de s'assurer de la pertinence des examens. Mais vous pourrez peut-être nous répondre tantôt.

De la même façon qu'on a réglé le problème en radio-oncologie, est-ce que vos membres sont prêts à travailler... à nous garantir plus d'heures de présence au travail pour améliorer la chose? Alors, on peut discuter de cette question-là. Si on nous offre des garanties de deux heures et demie ou de trois heures de présence supplémentaire par jour, bien on peut certainement envisager d'augmenter la production d'examens radiologiques.

L'autisme. Effectivement, vous savez qu'on a créé un programme de toutes pièces, là. Il n'y avait absolument rien, là. Alors, on a investi 32 millions. On a créé un programme de formation pour les intervenants. Il y a des progrès qui vont se continuer. Mais de dire que la situation est catastrophique, ça ne correspond pas à la réalité. Il y a des améliorations importantes, puis les parents qui sont là sont là pour le témoigner également. Il y a encore des délais, puis on continue de les vivre.

Mais ce que je note dans votre discours, c'est une sorte de vision apocalyptique, là, comme si tout se détériorait: Les choses ne s'améliorent pas, c'est terrible, le gouvernement va vendre le système de santé; alors que c'est complètement à l'opposé, ce qui se passe. Vous avez devant vous le gouvernement qui a investi largement dans le système de santé public, qui a utilisé les ressources du réseau public, qui, dans un document de consultation, réaffirme sa foi dans le système public de santé. Et je trouve ça injuste d'entendre ce discours répétitif, là, qui vient beaucoup des organisations syndicales et autres, qui dit que le gouvernement ne fait pas confiance au système de santé public, qu'il le délaisse, qu'il l'abandonne, alors que c'est le contraire. Et on prend même le risque politique d'en faire une priorité, alors qu'on sait par définition que c'est un système dans lequel les besoins sont tellement grands que par définition on ne les satisfait jamais complètement. Alors, je pense qu'il faudrait que ce soit apprécié, cette question-là.

Pour la question des CSSS également, de la façon dont vous le présentez, ça montre pourquoi il fallait faire ça. Ce n'est pas une mission CLSC puis une mission hôpital, c'est des missions intégrées pour l'ensemble de la population. C'est justement ça qu'il a fallu abandonner dans notre système de santé, cette sorte de corporatisme d'établissement qui existait. Alors, une chance qu'on a intégré ça. D'ailleurs, M. Clair, qui va vous suivre, recommandait ça dans sa commission. Puis ça avait commencé spontanément dans quelques territoires du Québec avec de bons résultats. Et les ressources financières ont été investies, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, largement vers la première ligne plutôt que dans les hôpitaux. Les hôpitaux n'ont eu, à toutes fins pratiques, aucun développement budgétaire, depuis 2003. Ils ont eu l'indexation incluant l'indexation spécifique, ils n'ont pas eu de développement budgétaire. Les développements sont tous allés dans les missions de proximité. Il y a également une réalité, là, qui est celle-là.

Donc, revenons à l'imagerie. Comment est-ce que vous voyez ça, vous, comme organisation syndicale? Est-ce que vos membres sont prêts et prêtes à garantir des présences au travail supplémentaires ou des plages horaires supplémentaires pour les appareils de résonance magnétique et de tomodensitométrie, comme on a fait pour la radio-oncologie?

n (10 h 10) n

La Présidente (Mme Legault): Mme Verreault.

Mme Verreault (Dominique): Avant de répondre à votre question sur la résonance magnétique, si vous me permettez, je veux revenir sur ma présentation. Écoutez, je ne pense pas que je vous aie fait une présentation ou une démonstration apocalyptique du réseau de la santé. Je vous ai traduit ce que, nous, on entend à tous les jours de la part des techniciens et des professionnels que l'on représente. Alors, oui, évidemment, c'est vrai, vous avez raison que la lecture en 20 minutes, le portrait tracé est peut-être, là, du côté du drame plutôt que des bons résultats. Je ne nie pas qu'il y a eu des avancées, qu'il y a eu des bonnes choses qui ont été faites pour le réseau, mais en même temps je ne pense pas vous démontrer une vision apocalyptique.

Quand je vous parle de personnes en attente depuis 20, 24 mois pour avoir un service pour un enfant autiste, je ne vous parle pas de ce qui s'est passé il y a 10 ans, là, je parle de ce qui s'est passé en 2005. Alors, évidemment, c'est un cas, puis peut-être que c'est une exception, là, mais, nous, ce n'est pas ce qu'on entend. Alors, ce qu'on vient vous dire aujourd'hui, c'est que le réseau public jusqu'à maintenant a bien fait, selon nous, a bien fait avec les moyens qu'il avait et qu'il faut continuer à lui faire confiance et à lui donner les moyens de continuer à bien faire.

Je suis contente de vous entendre quand vous dites que ce n'est pas votre souhait. Parce que, là, encore la semaine dernière, on a vu aux nouvelles un entrepreneur privé qui annonçait la construction d'une mégaclinique à Montréal, là, quelque chose d'extraordinaire qui était mieux que le Reine Elizabeth, puis qui invitait la population du Québec à venir utiliser leurs services. Alors, je suis contente de vous entendre dire que c'est des choses qui ne se feront pas au Québec et qu'on va continuer à investir dans le réseau public, parce qu'évidemment, quand on entend cela dans les médias et qu'ils nous annoncent une construction qui sera terminée en 2007, alors que, pour le CHUM et le CHU McGill, on est encore à se demander quand est-ce que ça va se faire, bien, évidemment, je crois, on est en droit de se poser des questions.

Sur la question des investissements qui ont été faits du côté des TEP, des résonances, oui, oui, encore là, il y a eu des annonces d'investissement de faites. Maintenant, entre l'annonce et la concrétisation, bien il y a des choses qui sont en attente. Vous avez raison quand vous dites qu'il y a un bout qui appartient aux médecins. Dans le domaine de la radiologie, qui est un domaine que je connais bien, dans les 25 dernières années, il y a eu des avancées technologiques importantes. Alors, au début, quand j'ai commencé ma pratique, moi, dans ce domaine-là, on faisait des lavements barytés. À un moment donné est arrivée l'échographie, mais on faisait le lavement baryté et l'échographie aux patients qui en avaient besoin. Puis, quand est arrivé le scan, on a fait le lavement, l'écho et le scan. Puis, quand est arrivée la résonance, on a fait le lavement, l'écho, le scan et la résonance. Donc, on a multiplié évidemment les examens, tout ça pour le bien-être du patient, mais également peut-être parce qu'il y a un resserrement à faire au niveau des médecins pour voir la meilleure utilisation des équipements technologiques et faire en sorte que ce soient les bons patients qui aient droit à ces services-là au bon moment. Et je sais que c'est un débat qui n'est pas facile et qui est très éthique. Et c'est difficile pour un médecin de dire: Bien, mon patient n'aura pas droit à l'ensemble de cette panoplie de services là. Alors, c'est pour ça aussi qu'il faut se questionner sur la pertinence des examens qui sont demandés et qui sont faits.

Quant à la question que vous posez sur la volonté de nos membres d'investir, bien, écoutez, je pense qu'en radio-oncologie on en a fait l'exemple. Vous avez dit que ça a été une période difficile. Je vous dirais que, de notre côté, syndicalement, ça n'a pas été une négociation si difficile que ça à faire, contrairement à bien d'autres qu'on a vécues, que ce dossier-là de la radio-oncologie. Pour nous, en tout cas, je vous dirais qu'on a réussi à convenir d'une entente qui, je crois, permettait au ministère d'atteindre ses objectifs, a permis aux technologues en radio-oncologie aussi d'y trouver leur compte et à la population du Québec de baisser les listes d'attente.

Là où je ne suis pas d'accord avec vous, c'est quand vous parlez que ce qui s'est fait en 1999, 2000, 2001 a eu des effets pervers et que vous avez dû y mettre fin. Je ne suis pas d'accord avec vous. Ce qui s'est fait à ce moment-là s'est fait d'une façon différente de l'entente qu'on a actuellement, mais, je dirais, sur la même base: un nombre d'heures de travail en échange d'une rémunération. C'est vrai que c'était fait sur la base d'un montant par traitement, mais c'est de la même façon qu'on rémunère les médecins actuellement, hein? Sur la base d'un acte médical, on leur donne une rémunération. Et, à chaque fois qu'il y a eu des blitz en fonction de cette entente-là sur la base d'un paiement par traitement, on a vu les listes d'attente baisser. Mais évidemment, à cette époque-là, en 2000, on parlait de 1 200, 1 300 patients sur les listes d'attente. Alors, c'est sûr que les effets de la diminution se sont fait sentir.

Et je vous accorde qu'à ce moment-là l'entente ne permettait pas à l'ensemble des technologues en radio-oncologie de tous les services ? il y a huit, ou 10, ou 12 services de radio-oncologie au Québec ? ne permettait pas à tous d'y participer, parce qu'on a fait participer ceux dans les endroits où les listes d'attente étaient le plus élevé. Alors, c'est sûr que l'effet a été... Et en même temps, là, on ne se cachera pas que d'autres mesures ont été mises en place. On a offert aux patients d'une région qui étaient en attente depuis de longs mois ou de longues semaines d'aller être traités ailleurs. Alors, les patients qui ont accepté de le faire ont pu être traités dans une autre région plus rapidement. Il y a des mesures. Et on a bonifié, je dirais, on a bonifié, là, entre 1999 et aujourd'hui, l'entente qui a permis de diminuer les listes d'attente en radio-oncologie.

Alors, écoutez, je pense que, sur cette question-là, notre vision n'est peut-être pas partagée, mais on doit quand même se dire qu'on a réussi, je pense, à avoir des résultats fort intéressants. Et, sans prendre un engagement ferme ici, devant vous, que les technologues en radiodiagnostic qui travaillent en résonance magnétique accepteraient la même chose, parce que je ne les ai pas consultés sur ça, il y a une chose que je peux vous dire, c'est que c'est clair qu'il y a une volonté de la part des professionnels et des techniciens dans le réseau de la santé d'améliorer les services qu'ils peuvent offrir à la population, et ça, je dois vous dire que c'est une préoccupation que nos membres ont. Au-delà du syndicalisme, au-delà de leurs propres intérêts pécuniaires, je pense que les travailleurs du réseau de la santé ont à coeur les services qu'ils offrent à la population qu'ils desservent. Alors, dans ce sens-là, je vous dirais qu'il y a sûrement une volonté.

M. Couillard: Bien, effectivement, vous avez tout à fait décrit l'effet pervers dont je parlais tantôt. On a fait l'erreur d'appliquer la même logique, qui parfois est déficiente, de la rémunération à l'acte aux technologues de radio-oncologie. Alors, les effets pervers, ça a été, vous le savez très bien, les mauvaises allocations, les mauvaises décisions du type de cas qui étaient faits, à quelle heure, ce qui fait qu'on a paralysé les listes de traitement de radio-oncologie. On a eu une amélioration très partielle mais qui était plafonnée. Puis encore une fois les établissements nous suppliaient d'arrêter ça. Alors, on l'a fait puis on l'a remplacé, je crois, par une méthode qui est plus efficace parce qu'elle garantit la présence sur place quel que soit le type de programme qu'on fait. Mais on peut toujours améliorer les choses, puis on veut encore les améliorer, c'est une preuve.

Regardez, Mme Verreault, c'est encore une preuve... Tu sais, je le disais tantôt, c'est un discours un peu incomplet, là. Vous avez donné comme exemple le reportage à la télévision sur la clinique privée, comme si, d'une façon quelconque, vous sous-entendez que le gouvernement était un peu en arrière de ce projet-là puis qu'il était d'accord. Il me semble que, dans votre introduction, vous auriez dû dire: D'ailleurs, on a remarqué, le lendemain, que le gouvernement, par la voix du ministre de la Santé, s'est opposé à ce projet-là puis qu'il est rendu dans les boules à mites. Mais c'est parce qu'il faut... C'est ce que je regrette. Puis ce n'est pas juste les syndicats, hein? Les autres groupes qui ont des intérêts particuliers ou des intérêts spécifiques présentent les choses toujours de l'éclairage dont on veut les présenter. Mais, moi, je m'objecte un peu à ce type de présentation publique, parce que, si on n'avait écouté que ce que vous avez dit sans ma réponse, la perception d'un citoyen, c'est: Ah, ah, le gouvernement était probablement en arrière de ce projet-là, il était en train de l'encourager, il voulait que ça arrive, alors que c'est contraire à la vérité.

Effectivement, les négociations, ce n'est jamais facile, hein, on le sait. Et puis ce n'est pas pour vos membres, c'est aussi vrai pour les médecins que n'importe qui. Moi, j'ai une profonde antipathie, là, à l'utilisation d'un rapport de force basé sur des situations d'attente de personnes dont la vie est en danger, qui mène à des revendications. Moi, je ne suis pas... Comme médecin, je n'étais pas capable. Quand il y a eu les moyens de pression de la FMSQ ? je ne sais pas si vous vous en souvenez, là ? moi, j'étais contre ça. Quand on est dans une profession de la santé, on n'utilise pas les situations d'attente ou de pression de services pour faire des gains professionnels. Mais ça, c'est mon opinion personnelle, puis on a chacun une façon de voir les choses.

Donc, également, vous avez parlé des laboratoires. Voilà un autre exemple. Combien de propositions vous pensez qu'on a reçues de laboratoires privés pour prendre en charge des analyses de laboratoires publics? Beaucoup. En pratique, est-ce qu'il y en a eu qui ont été mis sur pied? Moi, je leur disais: Écoutez... Et c'est ça qui est paradoxal, c'est comme si vous essayiez de nous convaincre de choses dont on est déjà convaincus. Je leur disais: Écoutez, si vous nous présentez des propositions qui sont meilleures en termes de coûts unitaires que nos laboratoires actuels, on va regarder, mais je pense que vous avez du chemin à faire. C'est exactement ça que je leur disais. Puis c'est d'ailleurs pour ça qu'il n'y a pas eu de déploiement des laboratoires publics.

Puis ça va être la même chose avec les cliniques affiliées. La bonne chose du déploiement limité, en passant, des cliniques affiliées, c'est qu'on va être obligés de faire avec le reste des soins qu'on donne la même chose qu'on a faite avec les laboratoires. Vous êtes capables de démontrer maintenant, dans vos laboratoires, que vous avez des coûts unitaires très supérieurs à ce qui se fait non seulement au Québec, mais ailleurs au Canada, vous l'avez très bien expliqué. Mais pourquoi on n'est pas capables de faire cette démonstration-là également pour une chirurgie de la cataracte ou pour une arthroscopie? Il faut faire ça, il faut qu'il y ait une sorte d'illustration des coûts unitaires. Puis celui qui va vous suivre d'ailleurs à votre table, M. Clair, va probablement nous parler beaucoup de cette question des coûts unitaires.

n (10 h 20) n

Alors, vous avez prouvé que, lorsqu'on met en place un mécanisme qui vise à introduire un élément de compétition basé sur les performances, ce n'est pas vrai que le système public est toujours perdant. Au contraire, dans les cas d'analyses de laboratoire, il l'est. Cependant, il y a peut-être des cas de chirurgie à faible infrastructure où ça peut être l'opposé, parce que, le problème, dans un grand hôpital général spécialisé, bien, on a toute une grosse infrastructure pour faire des chirurgies qui normalement n'ont pas nécessairement besoin de ce type de cas là.

Dans la question des cliniques affiliées, la question du glissement de personnel nous préoccupe. On veut être certains que les hôpitaux continuent de fonctionner de façon correcte et pleine, que le volume de production se maintient et que c'est un volume excédentaire qu'on va faire dans les cliniques affiliées, dans les quelques cliniques affiliées qu'il y aura, puis il n'y en aura pas beaucoup. Comment est-ce que vous nous suggérez de procéder dans l'encadrement de ces cliniques-là? On a déjà des bonnes idées pour les médecins, on est venu nous présenter des idées ici pour les médecins. Mais comment nous suggérez-vous de procéder pour le personnel tel que les infirmières, ou technologues, ou inhalothérapeutes, ou bien, dans le cas de votre organisation, le personnel qui pourrait peut-être être appelé à participer à ces cliniques-là? Comment est-ce qu'on encadre ça? Ça s'est fait ailleurs, d'ailleurs. Mais, pour le Québec, qu'est-ce que vous nous suggérez?

Mme Verreault (Dominique): Je vous dirai que je n'ai pas de réponse à cette question parce que, compte tenu de la pénurie de main-d'oeuvre qu'il y a actuellement, il est difficile de voir comment on peut utiliser les mêmes ressources qui sont actuellement au public, là, dans des cliniques affiliées. Alors, écoutez, je crois qu'il faut prendre le temps de s'asseoir et de regarder ça de près parce que...

Je reprends un exemple encore là que je vous ai cité tout à l'heure. Du côté de la radiologie, il y a des cliniques de radiologie privées, il y a des technologues qui travaillent dans ces cliniques-là, il y en a au public, alors c'est sûr qu'il y a un jeu d'offre et de demande qui se fait à un moment donné. Et évidemment, là, il y a un maximum d'heures que les gens travaillent dans la semaine, alors ce qui fait qu'on a de la difficulté parfois à recruter du côté du public parce que les conditions offertes au privé sont meilleures. Évidemment, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, c'est souvent ce qui se passe. Alors, il faudra trouver des façons de faire.

Je n'ai pas de réponse instantanée à votre question, mais c'est sûr qu'il y a une analyse à faire de la situation. Je vous dirais qu'actuellement le réseau public a de la difficulté à retenir, bon, à cause de la compétition du privé et des offres qui sont faites au privé, mais il y a sûrement des moyens.

Je vous dirais que, quand on... Je vous parlais tout à l'heure des comités de planification de main-d'oeuvre qui ont émis des rapports. Il y a des recommandations dans ces rapports-là. Je pense qu'il faut partir de cela, hein? Augmenter les cohortes d'étudiants dans les collèges, dans les universités, ça, ça a déjà été fait, mais malheureusement les étudiants ne s'inscrivent pas dans ces programmes-là parce que l'intérêt est peut-être moins grand que pour d'autres programmes. S'assurer de la permanence, là, que les gens obtiennent une garantie d'emploi dans le réseau public. Je vous parle des 26 000 membres que je représente. Encore 40 % de ces 26 000 membres là sont à statut précaire, ce sont des temporaires inscrits sur des listes de disponibilité chez deux, trois, quatre employeurs. Alors, évidemment, ça ne fait pas en sorte de garantir à l'employeur qu'il aura cette ressource-là disponible quand il en aura besoin.

Bon, évidemment, bien, on ne se cachera pas non plus que, dans le réseau public, on doit être là 365 jours par année, 24 heures par jour. Et on voit que les changements de génération font en sorte que les jeunes d'aujourd'hui, bien, travailler le soir, la nuit, le samedi soir de 4 à minuit, ça ne leur plaît pas beaucoup, et je vous dirais qu'ils sont capables de dire non à ça, eux autres, là, ils sont capables de se dire: Bien, je vais aller voir ailleurs qu'est-ce qui se passe. Alors, on a également cette problématique-là, je dirais, de génération et de difficulté à attirer les jeunes dans ça. Alors, il faut trouver des moyens. Puis, bon, je suis obligée de vous dire que l'un des moyens évidemment est un moyen financier, là. Pour tout le monde, là, au-delà de la grandeur d'âme, bien les gens travaillent pour un salaire. Alors, évidemment, s'il y a un intérêt à travailler le soir ou la nuit plus grand parce que le salaire est plus élevé ou il y a une prime qui est rattachée à ça, bien c'est sûr qu'on finit par attirer des gens.

J'aimerais revenir sur ma présentation quant aux laboratoires. Écoutez, j'en ai fait la démonstration non pas pour critiquer ce qui est fait, mais bien plutôt pour faire la preuve qu'il y a des bonnes choses qui se font au public. Je pense que c'est un bel exemple qui permet de démontrer qu'on est capables, quand on quantifie les choses et qu'on les compare, de faire mieux au public.

La Présidente (Mme Legault): Alors...

Mme Verreault (Dominique): Et puis je ne voudrais pas... excusez, je ne voudrais pas que vous pensiez que j'ai laissé entendre que le gouvernement était derrière la fameuse annonce de clinique privée qui s'est faite la semaine dernière. En tout cas, je n'ai pas voulu dire ça. Par contre, ce que j'ai entendu de votre part, ce soir-là, aux nouvelles, c'est: Bien, tout ce qui peut permettre de diminuer les listes d'attente au Québec, on est prêts à le regarder. Alors, ça laissait entendre... en tout cas pour moi, ça m'a laissé entendre que cette clinique-là pouvait être une solution pour vous. Alors, c'est dans ce sens-là que je vous dis que je suis contente de vous entendre dire que ce n'est pas votre vision de la chose.

La Présidente (Mme Legault): Je vous remercie beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, je vais dire que je regrette un peu que finalement le ministre ait choisi de s'en prendre un peu au discours syndical, comme si finalement des gens qui viennent ici, qui sont des représentants de travailleurs et de travailleuses du réseau de la santé ne peuvent pas être en mesure de parler aussi objectivement que des médecins qui viennent ici, que d'autres qui viennent ici, qui ont d'autres sortes d'intérêts évidents.

Moi, je pense que chacun a ses intérêts, puis, au-delà de ses intérêts, il y a, au-delà de ça, là, une analyse de situation qui doit se faire, et notre responsabilité, c'est de la faire en écoutant ce que les gens disent puis en départageant ce qu'on peut considérer comme des intérêts légitimes mais particuliers de l'intérêt général. C'est ça, la responsabilité politique, là. On ne peut pas dire que vous avez un discours incomplet puis faire aussi un discours incomplet, tu sais. Parce que, si on voulait faire un bout sur le discours incomplet, on pourrait parler... Le ministre dit: Bon, bien, on a investi beaucoup en santé. Ce n'est pas vrai qu'on a investi beaucoup en santé. Je veux dire, on avait promis d'investir...

Une voix: ...

M. Charbonneau: On avait promis d'investir pendant le mandat 8,9 milliards; on a investi 3,9. Nous, on dit 3,9. Le ministre puis le gouvernement disent 4,2. On n'est pas tellement loin. Je veux dire, on ne se chicanera pas pour 300 quelques milles, là... 300 millions, là. Tu sais, on va donner 4,2. Mais, entre 4,2 puis 8,9, il y a une sacrée marge, là. Puis la différence, c'est que, si ces argents-là qui n'ont pas été investis alors qu'ils auraient dû l'être, qu'ils avaient promis de l'être, ne l'ont pas été, ça a une conséquence. Ce n'est pas vrai que ça n'a pas de conséquence. Je veux dire, les gens sont venus nous dire, depuis deux semaines, qu'il y a un problème de sous-financement dans la santé puis ils sont venus nous parler des problèmes que ça crée. Bon, bien, je veux dire, on ne peut pas tenir un discours puis le contraire, là. On ne peut pas à la fois soutenir qu'on investit assez, alors que tout le monde vient nous dire qu'on n'investit pas assez, puis dire qu'il n'y a pas de conséquence à l'acte, là. Tu sais, il y a quelque chose d'incohérent.

Et, moi, dans le fond, ce que je comprends de votre plaidoyer, ce matin, c'est que vous nous dites exactement la même chose que le Dr Bolduc est venu nous dire hier dans son créneau de spécialité ou d'intérêt et puis d'expertise. Lui, il nous dit: Écoutez, dans le fond, dans notre secteur, au Lac-Saint-Jean, là, on a été capables, en modifiant des façons de travailler, je veux dire, d'avoir un impact significatif avec notre ressource, nos ressources publiques, notre réseau public, nos établissements publics pour faire baisser les listes d'attente. Et puis, dans le fond, ce qu'on a tous compris, le ministre aussi, hier, c'est que, si cette approche-là était généralisée dans le réseau, là, ça changerait. Puis il nous a dit hier: Écoutez, là, que les gens prennent l'approche que, nous, on utilise puis, dans trois à cinq ans, vous allez voir une différence partout au Québec.

Moi, quand j'entends ça, là, puis que j'entends votre discours, ce matin, qui nous dit exactement la même chose pour d'autres éléments... Ce que vous nous dites, c'est qu'on a pu faire la démonstration qu'avec des opérations ciblées où on accepte dans le fond de mettre plus de ressources dans le public, dans le fond le résultat, c'est que ça nous coûte moins cher que de le faire faire au privé ou de le faire faire à l'étranger et qu'en plus on a un impact significatif sur le bien-être puis la santé des gens. C'est ça, l'objectif aussi. Si on baisse des listes d'attente, c'est parce qu'il y a moins de monde qui souffrent, il y a moins de monde qui attendent.

n (10 h 30) n

Moi, je ne dis pas que l'entente qui a été faite en 1999 était parfaite, sauf que finalement elle procède d'une logique qui est la même que la garantie d'accès qui est actuellement sur la table. Parce que, dans le fond, ce qu'on nous dit dans la garantie d'accès que le gouvernement propose, c'est que, si, à un moment donné, après tous les efforts qu'on aura tentés dans le système public puis même avec des cliniques affiliées, si ça ne marche pas, bien on n'hésitera pas à les faire opérer aux États-Unis puis à payer pour. Bien, c'est exactement ce qu'on a fait en 1999. Est-ce que l'expérience méritait d'être bonifiée, améliorée? Évidemment. Il n'y a personne qui peut prétendre qu'on ne doit pas faire une analyse critique d'une façon de faire puis se demander: Bon, bien, après coup ou en cours de route, est-ce que notre façon de faire est bien, est-ce que ça ne crée pas d'effet pervers dans certains cas puis est-ce qu'on ne peut pas améliorer? C'est ça, la responsabilité politique aussi, là. Au-delà des considérations partisanes, là, il y a quelque part une continuité. Et, vous l'avez bien montré, ce n'était pas la fin du monde avant puis ce n'est pas le paradis maintenant, là, tu sais. Il y a comme un processus évolutif, et on essaie de le bonifier. Moi, en tout cas, ce que j'entends aujourd'hui, là, c'est un pari qui est identique à celui que d'autres on fait ici. Puis, c'est drôle, hier, on les a tous applaudis, là, tu sais. Le Dr Bolduc, là, tu sais, on l'a monté...

Une voix: ...aux nues.

M. Charbonneau: ...tu sais, on l'a porté aux nues puis on en fait quasiment un héros. Et à quelque part on avait raison. On a tous applaudi, tu sais, c'était extraordinaire comme présentation. Mais, je veux dire, dans le fond le même propos est tenu ce matin, et je ne vois pas pourquoi finalement la réception serait différente.

Ce que je comprends, c'est que vous avez donné un certain nombre de cas, et le ministre dit: Bien, dans certains cas il y a eu des améliorations, dans certains cas on a dû corriger le tir. Très bien. Mais le message de fond, ce n'est pas de prendre des détails. Le message de fond, vous nous dites: Dans certains cas, on a fait la démonstration qu'on peut mieux utiliser les ressources privées, puis attention avant d'utiliser le secteur privé pour faire la livraison de services. C'est ça que vous nous dites. Et, moi, je crois que c'est ça qu'il faut entendre.

A priori, les cliniques privées affiliées, là, on ne fera pas une démonisation de ça, on les avait proposées, nous autres aussi, dans le plan d'action. On ne peut pas dire une chose et son contraire. Puis, moi, ce n'est pas mon genre, en tout cas. Alors, si c'était bon en 2002, ce n'est pas mauvais maintenant. Mais en même temps est-ce que c'est la priorité? Parce que, même si on avait proposé ça, on avait tenté un certain nombre de blitz en radio-oncologie, pour aussi les problèmes ophtalmologiques, puis on a eu des succès dans un certain nombre de blitz. Et je crois que les blitz, l'idée, c'est d'utiliser plus efficacement les ressources qui existent.

Est-ce que j'ai bien compris votre message, ou si ce n'est pas ça que vous vouliez nous dire, ou c'est d'autre chose que vous vouliez nous dire ce matin?

Mme Verreault (Dominique): Écoutez, je pense que le message, d'entrée de jeu, était très clair, c'est celui-là, c'est: Le public peut faire mieux et à moindre coût que le privé.

C'est clair que l'entrepreneur privé, qu'il soit propriétaire d'une clinique, qu'il offre un service d'analyse de laboratoire, va viser à rendre le service et à faire un profit, alors que le réseau public, l'argent qui y sera investi servira à traiter la population en place. Je pense que j'en ai fait la démonstration dans les exemples que je vous ai faits ce matin, exemples qui peuvent être boiteux à certains égards, j'en conviens, mais qui visaient à démontrer comment le public peut faire mieux.

Moi, je pense que la majorité des médecins ont fait des études de médecine non pas pour être entrepreneurs privés puis s'occuper de la gestion d'une clinique, mais généralement pour exercer leur métier. J'ai entendu la présentation de l'Association des orthopédistes, la semaine dernière, et c'est exactement ce que le président disait: On n'a pas fait des études pour gérer une clinique privée; ce qu'on veut, c'est plus de temps opératoire pour être en mesure d'exercer notre profession. Mais c'est un peu le même message que je lance à différents niveaux.

Je pense que, le réseau public, on achète des appareils de résonance magnétique, on achète des TEPscan, c'est pour servir la population du Québec. Tentons d'utiliser à bien et le plus longtemps possible ces équipements-là dans le réseau public plutôt que de faire en sorte que la clinique privée, l'autre bord de la rue, qui a déjà une résonance, utilise la sienne, et qu'on paie pour l'acte médical du radiologiste qui fait la résonance, et qu'on paie un montant d'argent pour administrer cette clinique-là et couvrir les frais d'administration. Alors, utilisons l'argent qui est actuellement investi pour donner des soins et des services à la population du Québec, utilisons-le au public et tentons de trouver les ressources qu'il faut, permettons aux ressources en place de pouvoir offrir ces services-là à la population pour le mieux-être de la population. Et je pense qu'il ne faut pas oublier également toute la question de la prévention, qui est un domaine excessivement important pour augmenter la qualité de vie de la population québécoise.

M. Charbonneau: Écoutez, il y a beaucoup de groupes qui sont venus ? hier, on en a entendu, je pense, trois, puis plusieurs depuis deux jours, puis même la semaine dernière aussi ? qui nous ont parlé de prévention dans le détail, là. Et le propos général, c'est que le Québec devrait se doter d'une véritable stratégie de prévention, tu sais, un plan stratégique national et avec des cibles, et surtout des cibles ? comment je pourrais dire? ? d'investissement, sinon finalement on va continuer d'être le parent pauvre.

Les gens nous disaient: Écoutez, Québec investit 2 % à peu près de son budget dans la santé et les services sociaux pour la prévention ? santé et problématiques sociales ? et il devrait investir 5 % parce que finalement, au plan international, maintenant, on se rend compte que les impacts sont considérables en termes d'économie sur l'avenir et d'impact financier. Ce n'est même pas sur la question de la santé. À la limite, là, on pourrait juste prendre un raisonnement très économique, là, puis voir un impact. Sauf que, si on se ne se dit pas qu'on veut 5 %, si les gouvernements ne s'engagent pas, si les partis politiques ne s'engagent pas sur des cibles précises, ça va être quoi, la capacité de mesurer les progrès, puis jusqu'où les citoyens vont être en mesure de dire: Bien, on a fait, tu sais, ce qu'il fallait?

Moi, je reprends l'exemple que je donne souvent, je l'ai donné hier. Puis peut-être que, les citoyens qui écoutent, qui suivent les travaux de la commission d'une journée à l'autre, ils vont dire: Oui, il reprend son exemple. Mais il y en a d'autres qui ne sont pas là, puis, vous, vous n'étiez pas là. Mais, écoutez, quand la Fondation Chagnon, avec le gouvernement, investi 24 millions pendant quatre ans pour intervenir auprès de 35 000 enfants dans 120 écoles d'une trentaine de communautés... On a eu un montant précis, on avait quatre ans pour faire les interventions puis on a ciblé. Et là, ils nous disent dans le fond, eux puis les gens qui ont travaillé à ce projet-là: Si vous mettiez non pas 24 millions, mais 100 millions sur quatre ans, on pourrait intervenir dans 500 écoles de 120 communautés ? puis on parle des communautés défavorisées, là ? et là on aurait un impact réel, en termes de prévention, sur une quantité beaucoup plus importante d'enfants qui sont à risque et qui actuellement présentent toutes sortes de potentiels de développer des problématiques de santé dans l'avenir.

Sauf que ça, là, il y a une mesure, là, il y a une cible, puis on se dit: Il faut l'atteindre. Sinon, à chaque fois, là ? puis vous l'avez un peu indiqué finalement ? le budget va aller vers le curatif. La dynamique va faire en sorte que, si on ne s'impose pas une règle, n'importe quel ministre de la Santé va être poigné à finalement, à un moment donné, dire: Bon, bien, l'argent, j'ai un paquet d'autres priorités puis je vais le mettre juste dans le curatif, puis finalement je ne le mettrai jamais en santé. S'il n'y a pas une obligation, tu sais, s'il n'y a pas un engagement ferme puis une obligation de le faire, on ne le fera pas.

Parce que ça fait je ne sais pas combien de décennies qu'on parle de prévention, au Québec. Là, on en parle un peu plus, il y a comme un discours qui commence à s'articuler, qui est le même un peu partout. Mais là c'est aussi un problème de ressources financières. Ce n'est pas vrai que tout ça, là, ça va se faire par la magie du Saint-Esprit, là, tu sais? Tu sais, quand on parlait de 24 millions par rapport à 100 millions, bien, je veux dire, il y a une différence entre intervenir dans 120 écoles puis intervenir dans 500 écoles. La différence, c'est: on a de l'argent ou on n'en pas pour le faire. Parce que le monde qui intervient, il faut qu'ils soient payés, puis ils ont besoin d'équipements, puis ils ont besoin d'un certain nombre de choses pour faire la job.

Et, moi, je vous pose la question: Est-ce que vous considérez qu'on devrait cibler, c'est-à-dire qu'on devrait s'imposer une obligation d'établir une cible, un niveau d'investissement en prévention pour qu'on puisse finalement atteindre les résultats que vous pensez qu'on devrait atteindre, prévention primaire, secondaire et tertiaire, là?

Mme Verreault (Dominique): Bien, évidemment, je pense qu'on ne peut pas agir en prévention sans avoir des cibles, sans avoir des budgets et sans s'assurer que ces budgets-là seront dédiés à répondre et à atteindre ces cibles-là. Alors, je pense qu'il faut absolument avoir un plan d'action en prévention et y adhérer.

Ce qu'on a vu, nous, par rapport aux CSSS, quand je dis le glissement, là, des budgets, malheureusement on doit constater... Évidemment, les CSSS sont à leur naissance. On verra comment ils vont se structurer, comment ils vont s'organiser. C'est sûr que c'est une période où on peut difficilement évaluer ce qu'ils font actuellement, mais on doit quand même faire le constat que, dans ces nouveaux réseaux là qui ont à répondre à l'ensemble des missions, CH, CLSC, CHSLD, encore une fois les budgets, là, vont plus pour la mission CH parce que les besoins sont tellement grands qu'on délaisse parfois les missions. Quand je dis la mission CLSC, c'est aussi une mission de prévention, là, primaire, secondaire et tertiaire. Alors, il faut absolument, je pense, là, bien cibler, bien déterminer les budgets qui vont être alloués à cette prévention-là et faire en sorte de s'assurer que les argents seront donnés et que les moyens seront mis en place pour permettre cela.

M. Charbonneau: Vous avez abordé... Il me reste combien...

La Présidente (Mme Legault): Vous avez encore cinq belles minutes.

n (10 h 40) n

M. Charbonneau: Bon, bien, merci beaucoup, Mme la Présidente. Vous avez abordé le problème dans le fond des pénuries des ressources humaines puis de la rétention de la main-d'oeuvre. Autrement dit, il manque de monde, puis ceux qu'on a, on n'arrive pas à les retenir puis, même si on a les capacités, on n'arrive pas à intéresser des jeunes à s'engager dans ces professions-là. Fondamentalement, quelles sont les raisons principales?

Vous avez parlé de problématiques financières. Puis je pense qu'il ne faut pas se cacher, là, c'est clair que tout le monde est pareil, il n'y a pas un citoyen qui va faire du bénévolat, tu sais, quand il a besoin de nourrir sa famille puis qu'il veut... tu sais, qu'il est en plein âge de productivité puis de travail. Alors, est-ce que c'est le seul élément, est-ce que c'est l'élément déterminant ou s'il y en a d'autres aussi qui créent... sur lesquels on pourrait intervenir? Vous dites: Il y a eu des recommandations, des rapports sur la planification de la main-d'oeuvre, là. Vous n'avez pas tellement élaboré sur ça, là.

M. Verreault (Dominique): Bien, dans ces rapports-là, je vous dirais que la trame de fond des recommandations est toujours ou très souvent la même: tenter d'augmenter le nombre d'admissions dans les écoles d'enseignement, faire en sorte de rendre permanentes les ressources, de stabiliser les ressources du réseau public, donc d'offrir des garanties d'heures aux techniciens et aux professionnels qu'on embauche, de façon à ce qu'ils aient le goût de rester dans cet établissement-là et de s'investir dans cet établissement-là.

Je l'ai dit rapidement dans ma présentation, quand on est sur une liste de dispo et qu'on a trois, quatre employeurs, bien, on attend le téléphone, le matin, où on nous appelle pour nous dire: Bien, j'ai besoin de toi aujourd'hui ou j'ai besoin de toi cette semaine. Évidemment, ça rend la chose difficile pour les gens. Je le disais également dans ma présentation, nous représentons 85 % de femmes. Alors, ce n'est pas rien que de faire une gymnastique, quand on est une jeune femme, qu'on a de jeunes enfants, qu'on a à s'occuper de la garderie ou de s'assurer que nos enfants sont en sécurité avant d'aller travailler, et qu'à chaque jour on ne sait pas si on va travailler, où on va travailler, et à quelle heure, et pour combien de temps. Alors, je pense qu'il y a à augmenter, je dirais, là, les garanties d'heures pour ces gens-là pour les retenir au privé.

Je pense qu'il faut revoir également toute l'organisation du travail pour permettre peut-être, là, d'adapter cette organisation du travail là, oui, aux besoins de la population et des établissements, mais également de ces travailleurs-là, ces travailleuses-là. Je le disais tout à l'heure, hein, la jeune génération n'a pas nécessairement les mêmes valeurs que d'autres ont, et c'est ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui les jeunes qu'on vient d'embaucher nous disent: Bien, moi, ce n'est pas vrai que je vais travailler à Noël, ce n'est pas vrai que je vais travailler au jour de l'An, ça fait que, bon, ça ne fait pas, je m'en vais, je vais aller ailleurs, je vais aller voir ailleurs.

On ne se cachera pas qu'également, hein, dans tous les secteurs, on le dit, il y a pénurie de main-d'oeuvre au Québec à cause de la décroissance des naissances, et évidemment il y a des secteurs peut-être plus intéressants, en termes de conditions de travail, que le réseau public. Alors, il faut trouver des façons d'attirer et de garder ces gens dans le réseau là.

Je vous dirais que les gens qui y sont actuellement sont des gens qui sont très dédiés et qui ont à coeur ce réseau-là. Alors, je pense qu'ils sont prêts à y investir leur carrière, mais il faut leur permettre d'avoir des moyens pour le faire. Alors, c'est de l'organisation du travail, c'est une certaine flexibilité, c'est de l'adaptation des horaires. C'est également de la rémunération, on ne se le cachera pas. Ces gens-là ne sont pas non plus, là, des... Ce sont des gens qui travaillent pour vivre et faire vivre leurs familles. Et on ne peut pas se cacher que les conditions qu'on a eues dans les dernières années, là, ne sont pas très attrayantes pour attirer des jeunes dans notre réseau.

M. Charbonneau: Mais la moyenne des gens que vous représentez, ils gagnent combien par année?

M. Verreault (Dominique): Du côté des groupes techniques, là, la moyenne se situe à peu près à 40 000 $ par année. Du côté des diplômés universitaires la moyenne se situe autour de 57 000 $, 58 000 $ par année.

M. Charbonneau: Ce n'est pas la fin du monde, là.

M. Verreault (Dominique): Alors, je ne viens pas dire que ce sont des pauvres, hein, ce n'est pas ça que je dis, mais...

M. Charbonneau: Non, non, mais ce n'est pas des riches non plus. On s'entend, là.

M. Verreault (Dominique): C'est ça, c'est des gens qui gagnent honnêtement leur vie, qui sont dans la classe moyenne, qui paient leurs impôts et qui, je pense, méritent tout au moins, hein, le coût de la vie comme augmentation de salaire à chaque année, je pense, comme bien des gens dans la population du Québec.

M. Charbonneau: Bien, Mme la présidente, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Legault): Alors, Mme Verreault, M. Côté, je vous remercie beaucoup pour votre présentation de ce matin. Je vous souhaite une belle journée.

M. Verreault (Dominique): Merci.

La Présidente (Mme Legault): Et j'invite les représentants du Groupe Santé Sedna à s'approcher et à prendre place.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Legault): Bonjour, M. Clair, mesdames. Je sais bien que vous connaissez les règles qui régissent nos travaux, je vous les rappelle tout de même. Alors, vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation, puis votre présentation sera donc suivie d'un échange avec les collègues des deux partis.

Je vous inviterais, M. Clair, à présenter les personnes qui vous accompagnent. Et, si vous me permettez, deux minutes avant la fin de votre présentation, je vous indiquerai juste «deux» avec les doigts. D'accord? Alors, on ira comme ça.

Groupe Santé Sedna inc.

M. Clair (Michel): Merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir de vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Me Anne Côté, qui est vice-présidente, Affaires corporatives de Groupe Santé Sedna; à ma droite, Mme Marianne Le Roux, directrice du développement de projets, également chez Sedna.

Groupe Santé Sedna est une entreprise privée fondée en 1992. Elle est la propriété d'investisseurs institutionnels, dont principalement la Caisse de dépôt et de placement du Québec et via une société en commandite du nom de Perseis, le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario et le Régime de pension du Canada. Groupe Santé Sedna est propriétaire unique de deux filiales de premier rang: Groupe Champlain, dans les soins de longue durée privés conventionnés, bien connu, et Accès Services Santé.

Le document sur lequel porte la présente consultation s'intitule Garantir l'accès. Cette garantie repose sur une volonté gouvernementale d'améliorer l'offre de services, entre autres, en adaptant les services à domicile, en diversifiant les modes d'hébergement pour personnes âgées en perte d'autonomie et en introduisant des cliniques affiliées pour améliorer à la fois l'efficience systémique et l'accès à des services médicaux et soins spécialisés.

D'entrée de jeu, notre groupe souscrit aux solutions proposées dans ces trois secteurs d'activité et souhaite, aujourd'hui, par son mémoire, avoir une contribution positive en précisant quelques éléments clés qui, selon nous, sont essentiels pour garantir le succès de ces initiatives. En vue de respecter le temps qui nous est alloué, je me limiterai à mettre en exergue quelques principes fondamentaux et valeurs qui, croyons-nous, doivent animer l'entreprise privée dans le domaine de la santé, et également nous aborderons ensuite directement les garanties d'accès et les cliniques affiliées.

Groupe Santé Sedna est une entreprise qui supporte activement les principes de solidarité, d'accessibilité, de justice et de compassion qui sont à la base d'un système à financement public. Nous supportons aussi clairement le fait qu'il appartient aux autorités sanitaires publiques d'assumer la planification, l'administration générale et la coordination de l'ensemble du système de santé en vue d'assurer à la fois la complémentarité dans les rôles respectifs du public et du privé dans la livraison des services et d'établir à cet effet des règles du jeu honnêtes, claires et transparentes.

Les opposants à toute contribution significative du secteur privé dans la dispensation de services de santé financés publiquement mettent souvent en opposition, entre guillemets, le privé aux valeurs de solidarité, d'accessibilité, d'équité, de justice et de compassion qui sont, je le disais à l'instant, à la base même d'un système de santé financé publiquement. Pourtant, dans bien des pays, comme la France, la Suède, le Royaume-Uni, la livraison des services par le secteur privé est beaucoup plus importante qu'au Canada et au Québec, et ces entreprises privées mobilisées dans la prestation de services de santé financés publiquement sont alors perçues comme de vraies partenaires de l'administration publique de leurs pays respectifs et aucunement comme une menace à la pérennité d'un financement public. Rappelons que les trois pays submentionnés, France, Suède, Royaume-Uni, ont respectivement 78 %, 85 % et 83 % des dépenses qui sont publiques, soit beaucoup plus que le Québec, qui est légèrement sous la barre des 70 %.

n (10 h 50) n

La subsidiarité, la complémentarité et l'imputabilité sont aussi des principes de base que nous appuyons et avec lesquels le secteur privé est familier. Je souligne particulièrement la complémentarité, qui est un principe fondateur des relations entre le secteur privé et le secteur public, et en tout cas qui doit l'être. Il doit d'ailleurs exister le plus clairement possible des zones de dispensation de services réservées à la dispensation publique ? je pense aux grands centres universitaires, par exemple ? d'autres, des zones réservées à la prestation privée et d'autres encore à partager selon des règles connues. Une chose est certaine, la complémentarité ne peut pas se définir comme étant une zone imprécise de tolérance variable dans le temps et une zone imprécise de tolérance d'une présence privée qui est plus ou moins reconnue, comme c'est trop souvent le cas présentement.

L'efficience, la transparence, l'efficacité et l'économie dans l'utilisation des ressources financières engagées pour la prestation de services dispensés par les établissements, qu'ils soient publics ou privés, sont autant d'obligations pour les gouvernants dans la gouvernance moderne des États. L'expérience montre d'ailleurs que la plupart des pays occidentaux ont justement comme objectif d'améliorer l'efficience systémique de leur appareil de production de services par l'introduction de la concurrence à l'intérieur d'un périmètre à financement public. Les pays scandinaves, le Royaume-Uni, la France utilisent chacun à leur façon le secteur privé comme un outil pour accroître la productivité de leurs systèmes, améliorer la qualité et l'accessibilité des services de santé, diminuer les coûts unitaires et augmenter la transparence. Pour obtenir cette transparence, cette efficience et cette économie dans l'utilisation des ressources financières, il est essentiel d'établir des règles du jeu claires et transparentes. Cela veut dire établir un «level playing field» pour tous, tant le public que le privé.

Abordons maintenant plus spécifiquement la contribution du secteur privé dans les garanties d'accès et les cliniques affiliées, qui sont à notre avis deux volets d'une même stratégie. Nous désirons d'abord établir clairement que notre groupe appuie à la fois l'introduction des garanties d'accès au Québec et le développement cliniques affiliées. Disons également de manière transparente que notre groupe a développé, est intéressé tant par l'investissement que par la gestion de telles cliniques affiliées. D'ailleurs, notre entreprise a complété depuis plusieurs mois déjà le développement d'un modèle opérationnel et légal applicable, notamment la chirurgie de la cataracte.

À nos yeux, l'introduction de garanties d'accès et le développement de cliniques affiliées vont de pair. On constate d'ailleurs que les pays qui ont développé de telles garanties d'accès ont tous à notre connaissance un secteur de livraison de services... une livraison privée, pardon, de services financés publiquement. Il nous semble hautement stratégique que l'introduction de garanties d'accès ne soit pas l'occasion d'une fuite de ressources humaines et financières vers un système privé parallèle, mais plutôt l'occasion d'une diversification des modes de livraison de prestations de services à l'intérieur du périmètre du système financé publiquement et d'un renforcement de la totalité des prestataires, publics ou privés.

J'explique notre point de vue. L'expérience étrangère, notamment suédoise et anglaise, indique bien que l'introduction des garanties d'accès ouvre une nouvelle ère, comme l'a affirmé le premier ministre lors du lancement du document de consultation. Il n'y aura pas de retour en arrière. Les citoyens et donc leurs dirigeants seront de plus en plus exigeants quant aux délais d'accès, et, au cours des prochaines années, ces garanties couvriront inéluctablement un ensemble de plus en plus large de services.

La mise en place de cliniques affiliées se fera inévitablement sur de nouvelles bases budgétaires, soit des coûts complets pour un épisode de soins donné. Cela sera certainement une source d'évolution des modes d'allocation des ressources également pour le secteur public. L'observation de la situation en France, en Suède, au Royaume-Uni, pour ne nommer que ces pays, montre bien qu'en introduisant des prestataires de services privés, les modes d'allocation des ressources évoluent rapidement vers une budgétisation de type DRG ou par épisode de soins pour tout le système, et cela, au bénéfice de l'ensemble de la société.

Le développement, même limité, d'un marché interne à l'intérieur du périmètre des services financés par l'État a des effets bénéfiques pour le payeur et donc la collectivité en poussant vers une transparence et une vérité des coûts unitaires, éléments dont on ignore souvent même la notion dans un environnement monopolistique. Il est donc très stratégique que l'État développe, ici comme ailleurs, ce marché interne pour plusieurs raisons: donner aux citoyens, y compris à ceux qui ne peuvent s'offrir le système parallèle ou le voyage à l'étranger, un choix réel de fournisseurs de services dans certaines spécialités à haut volume; deuxièmement, assurer les citoyens que l'État connaît et contrôle les coûts unitaires de ses services, qu'il crée une certaine concurrence sur des bases économiques saines plutôt que sur des bases politiques et finalement qu'il s'assure que l'argent investi dans les garanties d'accès sera globalement dépensé dans le système financé publiquement et non dans un système privé parallèle indépendant.

En d'autres mots, l'introduction de garanties d'accès sera un succès pour renforcer la solidarité sous-jacente à un financement public, si celles-ci sont réellement effectives, efficaces et exécutées à l'intérieur du périmètre des établissements ou cliniques affiliées financées publiquement. Sinon, le système public nourrira un système privé parallèle et ces garanties d'accès ne feront que miner davantage la confiance des citoyens à l'égard du système à financement et gestion publics. Ce serait un échec aux effets désastreux.

Rappelons que ce concept de clinique affiliée a fait quatre fois, depuis 1999, l'objet de recommandations favorables. Malheureusement, aucun projet n'a vu le jour et peu de groupes ont travaillé à développer des environnements légaux opérationnels concrets. Notre groupe l'a fait et désire partager certaines des conclusions.

L'un de celles-ci, c'est certainement la nécessité d'avoir un processus de sélection adapté et transparent. Une clinique affiliée, là, à notre sens, aura nécessairement une existence pérenne, basée sur des contrats d'assez longue durée ? sept à 10 ans ? pour intéresser des investisseurs et des professionnels sérieux, permettre l'obtention de coûts unitaires optimaux ? ce qu'il est impossible d'avoir sur des contrats marginaux d'un an ou deux ? surtout, également, pour répondre de façon durable et avec efficience et qualité aux besoins de la population. Tant pour des motifs de transparence et d'intérêt public que pour attirer et sélectionner les projets les meilleurs, il est essentiel d'établir un processus de sélection adapté, transparent, connu. Cela veut dire quelque chose de plus sophistiqué qu'un appel d'offres basé seulement sur les prix.

À notre avis, ce processus doit prévoir principalement l'évaluation d'un projet donné sur la base de sa pertinence en regard de la réponse à un besoin identifié dans le temps et dans l'espace, sur l'expérience des gestionnaires, la solidité et l'appui d'une équipe médicale volontaire, les mécanismes proposés pour assurer les liens fonctionnels avec un ou des centres hospitaliers, la capacité financière des proposants à réaliser le projet et à tenir leurs engagements sur une longue période.

Nous croyons que, pour réaliser cela, un groupe ad hoc devrait être constitué par le ministre, avec mandat d'établir ce processus, les critères de sélection, les faire approuver par celui-ci, les rendre publics, communiquer les domaines d'activité et régions retenus par le ministre pour l'implantation de celles-ci, recevoir les propositions, les analyser, les recommander, s'il y a lieu, pour approbation finale par le ministre. Nous sommes d'avis que seule une approche de type groupe ministériel ad hoc et voie rapide permettra aux premières cliniques affiliées de naître. Autrement, celles-ci seront l'occasion d'un rapport de force entre les centres hospitaliers, les agences, le ministère pour justifier des demandes de budget additionnel et les cliniques affiliées ne verront jamais le jour.

L'analyse financière maintenant des propositions de prix pour tout projet de clinique affiliée présente des difficultés particulières aux décideurs du système de santé québécois. Les modes d'allocation des ressources ne sont aucunement basés ici sur la reconnaissance de coûts unitaires comptabilisés à coût complet. Les systèmes d'information ne permettent pas non plus aux gestionnaires du système public de connaître facilement ou véritablement leurs coûts réels par épisode de soins.

La conséquence de cet état de fait, c'est que les gestionnaires et analystes des établissements et des agences réfléchissent généralement en termes de coût marginal partiel pour toute nouvelle activité ou augmentation de volume. Ainsi, on ne tient pas compte du service de la dette assumée par le gouvernement pour les immobilisations, on exclut les investissements, on exclut le coût du maintien des actifs, on considère que l'administration générale de toute façon est déjà payée et parfois même qu'un entretien ménager est déjà prévu pour l'ensemble de l'établissement, alors de façon à ce qu'on en vienne à estimer au fond un coût marginal très partiel pour réaliser telle ou telle chirurgie et en ne retenant alors qu'une partie des coûts directs variables, dont la main-d'oeuvre, les consommables et autres éléments facilement identifiables. C'est particulièrement vrai pour les services rendus en ambulatoire, où nos systèmes d'information sont peu développés.

n (11 heures) n

Or, seule une analyse basée sur l'établissement et la comparaison de coûts complets établis selon des principes généralement acceptés permettraient de déterminer le coût réel par épisode de soins dans le secteur public et de s'en servir comme comparateurs pour analyser des propositions des cliniques affiliées. Malheureusement, de tels coûts n'existent pas au Québec, et il faudrait se rabattre inévitablement sur de la recomposition et du balisage international, ce qui est faisable pour juger des propositions à cet égard-là.

Avant d'aborder maintenant le thème de la propriété de telles cliniques affiliées, il importe, à ce stade-ci, de bien préciser... d'apporter certaines précisions pour différencier certaines réalités. Il y a d'abord les médecins qui désirent s'incorporer pour mettre en commun leurs rémunérations provenant de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Voilà une première réalité.

Une deuxième réalité à considérer, c'est la clinique comme entité juridique autonome. Une clinique est généralement une personne morale qui peut être formée en compagnie, parfois même en coopérative. La clinique comme telle ne rend pas de services médicaux. La clinique offre aux médecins qui rendent des services médicaux des locaux, des équipements, plateaux techniques, des services administratifs et de support requis. En d'autres mots, la clinique est une organisation de support à la pratique médicale. Elle n'est pas la pratique médicale.

Dans les petits cabinets privés, les deux réalités sont souvent confondues en une seule, puisqu'à ce moment-là les médecins opèrent alors en solo, ou en leur nom, ou en petite société nominale. Cependant, dès que l'on considère des organisations plus conséquentes, on assiste généralement à la séparation des activités médicales proprement dites et des activités plus administratives.

Nous considérons, en traitant du sujet de la propriété des cliniques affiliées et de leur gouvernance, qu'il s'agit en l'occurrence, ici, de la propriété de cette infrastructure de services, de sa gestion et aucunement de la prestation de services médicaux proprement dite. Les médecins qui pratiqueraient en cliniques affiliées, comme tous les autres médecins, pourraient choisir de s'incorporer ou non pour la gestion de leurs revenus d'honoraires de la RAMQ si le législateur le permet. C'est une chose. Cependant, les investisseurs de la clinique affiliée devraient être interdits d'être actionnaires dans de telles sociétés de médecins. L'étanchéité à cet égard est fortement souhaitable. Et, si des médecins par ailleurs, à titre individuel, sont actionnaires de la clinique-infrastructure, leur patrimoine personnel et leurs revenus de la RAMQ n'y sont pas engagés, sauf à la hauteur d'un investissement limité consenti.

Certains soutiennent que la propriété de telles cliniques devrait être soit réservée à des médecins, soit être sans but lucratif. Ces deux modèles, quoique d'apparence attrayante sur le plan sociopolitique, présentent de très sérieuses limites pour la protection réelle de l'intérêt public à long terme.

Traitons d'abord de l'hypothèse de la propriété par des médecins uniquement. Une telle approche limiterait considérablement la taille, la nature et la pérennité de projets qui ne peuvent pas être soumis aux aléas de la vie d'un individu. Le patrimoine personnel d'un médecin ou d'un groupe de médecins est généralement insuffisant pour supporter le risque inhérent à une infrastructure qui coûte des millions de dollars. Toutefois, si des médecins prennent seuls un tel risque financier qui engage leur patrimoine personnel et leurs revenus de pratique professionnelle, ils consacreront inévitablement beaucoup de temps à la gestion, et les inquiétudes financières, si elles devaient survenir, influenceront possiblement leur pratique médicale.

Il y a ici un risque réel de glissement déontologique. Quand les revenus de la clinique-infrastructure sont insuffisants pour en assurer la viabilité économique, on observe ailleurs et on observerait sans doute ici aussi alors une subvention versée à celle-ci à même les revenus de pratique médicale. Cela crée inexorablement une pression sur l'augmentation des revenus médicaux, avec les effets pervers que l'on peut imaginer. Et ça, ce n'est de l'intérêt de personne, ni des patients, ni du gouvernement, ni des médecins, de personne. Pour éviter cela, il est donc préférable de séparer très clairement les enjeux reliés à la rémunération des médecins et ceux reliés à l'investissement et à la gestion de telles cliniques affiliées et de les payer séparément.

L'expérience française des 30 dernières années a bien démontré d'ailleurs les limites de cliniques chirurgicales bâties sur quelques médecins et leur patrimoine. Après avoir assisté à la naissance d'un grand nombre de ces petites cliniques, on a bien constaté que c'est avec la professionnalisation de la gestion et de l'investissement, dans les années 1980-1990, qu'on a pu assurer une pérennité.

J'irai rapidement sur le recours à des formules sans but lucratif, qui présente lui aussi des limites importantes malgré son intérêt a priori. S'il s'agit d'une extension de l'hôpital financée à même les fonds publics, ce n'est qu'une variante du système actuel, on a déguisé un centre hospitalier en clinique affiliée. Si c'est une façade qui sert à camoufler des intérêts privés lucratifs, des fabricants d'équipements ou de biens consommables, qui proposent abondamment ce genre de solution dans des pays en développement, la transparence recherchée est pour le moins mal servie. Nous incitons donc les parlementaires à la prudence dans l'analyse des formules sans but lucratif, qui peuvent manquer de transparence sur le fond des véritables intérêts en cause et des vrais gains pour la société.

En terminant, en tout état de cause, nous sommes de ceux qui croyons qu'il est important... qu'il sera important d'établir des règles de gouvernance transparentes qui assurent notamment que les décisions cliniques qui sont prises par les médecins sont basées strictement sur des considérations médicales et non financières et qu'à ce compte-là les règles établies seront extrêmement importantes.

Donc, en conclusion sur ce sujet, nous sommes convaincus que le déploiement de quelques cliniques affiliées ? quelques cliniques affiliées ? notamment dans la région métropolitaine de Montréal, aurait un impact favorable majeur sur la satisfaction des besoins de la population visée, serait un puissant levier de rétention et de remobilisation de médecins spécialistes à l'intérieur du périmètre du système public et donnerait l'occasion aux dirigeants du système de santé québécois d'en évaluer au fil des ans la pertinence réelle, plutôt que d'en discuter, comme on le fait présentement, au Québec, depuis 1999, des valeurs que ça pourrait avoir sur papier. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Legault): M. Clair, je vous remercie beaucoup. Vous rendez ma tâche extrêmement facile. Alors, je cède maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Clair et vos consoeurs, de vous présenter avec nous aujourd'hui. Et je voudrais tout d'abord saluer votre contribution encore une fois, aujourd'hui, au débat public. Tout le monde connaît votre carrière politique et également la fameuse commission qui porte d'ailleurs votre nom. Est-ce qu'on doit se féliciter qu'un jour une commission porte notre nom, ou un rapport? Ça, c'est une autre question.

D'ailleurs, je peux vous dire que les recommandations que vous avez faites, vous avez dû constater qu'elles sont progressivement mises en place. Et je pense que ça a été un travail qui a fait école dans l'histoire du système de santé, comme d'ailleurs la commission Rochon l'avait fait avant sur d'autres plans. Donc, il y a une sorte de continuité, là, à laquelle je fais souvent allusion.

Je vais parler avec vous, M. Clair, essentiellement des cliniques affiliées. J'aimerais qu'on parle de trois choses: d'abord, l'initiation d'un projet; deuxièmement, la question des coûts unitaires puis de la compétition; puis, troisièmement, la question de la propriété. Moi, c'est trois aspects qui m'intéressent particulièrement.

Parlons d'abord de l'initiation d'un projet. Vous avez fait de la politique, M. Clair, déjà. Ça prend une bonne dose de naïveté pour se lancer dans l'action politique. Je le dis sans contexte péjoratif, on est là parce qu'on pense qu'on veut améliorer les choses, la société, on va faire une contribution. Ce qu'on souhaite, c'est qu'on garde un peu de cette naïveté jusqu'à la fin de notre passage dans la politique, mais c'est difficile parfois.

Il y a également une tendance au système à s'auto-protéger. J'avais un professeur d'histoire, un jour, qui me disait: Si on regarde la cause des conflits ou de l'évolution de sociétés, il y a un principe fondamental qui est là toujours, dans toute société humaine, c'est que le monde aime ça de la façon que ça marche, et pourquoi changer? Parce que ça a toujours été de même, dans le fond. Alors, il y a une sorte de force d'inertie qui est là dans tout système et qu'il faut vaincre.

Puis c'est pour ça que, depuis 1999, on parle de cliniques affiliées puis qu'il n'y en a pas: c'est parce que tout le monde est d'accord sur papier puis que c'est bon, même l'opposition également est d'accord avec ça, mais, pour en faire la première... Une fois qu'il y en aura une ou deux, vous savez comme moi que ça va progresser. Mais ça prend une force considérable.

Et je pense que la question que vous avez soulevée est essentielle: Comment est-ce qu'on initie un projet? Comment est-ce qu'on l'approuve? Deux choses. Il faut que le projet ait une connexion ou un rapport avec la réalité d'une région en termes de besoins dans le temps et dans l'espace. Quand je vous dis «dans l'espace», ça veut dire: la région de Montréal, ce n'est pas pareil que Trois-Rivières ou Québec. Bon.

Si on attend passivement, au ministère, que des projets nous soient soumis par des agences régionales, quels que soient la bonne volonté puis le désir des gens sur place, mon intuition me dit qu'il n'en aura pas. Ce n'est pas que je veux être pessimiste, mais j'ai l'impression que... Parce que c'est un mouvement, c'est un changement considérable, hein, c'est un effort considérable à faire. Si par contre on l'initie au niveau du ministère, sans aucune relation avec la réalité de la région, ça ne marche pas non plus.

Alors, vous, vous nous suggérez de faire une sorte de groupe ministériel. Mais on ne peut pas, nous autres, recevoir indépendamment, au ministère, un projet de la région de Montréal sans que la région de Montréal en ait discuté un peu, notamment les médecins. On a créé la table des chefs de département de médecine spécialisée; moi, il me semble qu'il y a là un élément, là, à s'accrocher.

Décrivez-moi donc, pour vous, c'est quoi, le cheminement d'un projet, comment ça commence, comment c'est validé, comment ça se rend au ministère puis comment ça retourne dans la région.

n (11 h 10) n

M. Clair (Michel): Écoutez... D'abord, merci pour les aimables commentaires concernant la commission que j'ai présidée. Effectivement, je suis toujours heureux de voir que la contribution des neuf personnes que je présidais ? parce que c'était une commission de groupe, hein ? plusieurs années plus tard, ça continue d'inspirer l'action des dirigeants des deux côtés de la Chambre. Alors, merci de cette remarque.

Quant à l'initiation des projets, écoutez, je pense que, oui, il faudra certainement associer le ou les CSSS qui seraient concernés, l'agence ou les agences. Parce qu'il n'est pas impossible qu'on veuille concevoir les premières cliniques affiliées comme ayant une vocation suprarégionale, pour commencer à petits pas. Je pense que donc la taille des projets va être importante. Les domaines de spécialités aussi vont être importants, si on pense à la chirurgie de la cataracte.

Maintenant, ce qui va être déterminant à mon sens, ça va être aussi beaucoup, hein, la mobilisation d'une équipe médicale. Je vous parle d'une expérience que nous avons eue et qui est assez connue, même si elle n'a jamais été très largement diffusée. Au cours des deux dernières années, nous avons travaillé en particulier avec une équipe d'ophtalmologistes dans le but de démarrer une telle clinique affiliée dans la région de Montérégie. Alors, je vous dirais, les éléments qu'on peut retenir: d'abord, l'absence d'un cadre décisionnel d'un processus reconnu a été totalement nocive au projet. Parce que c'est sûr que, même si, au départ, quand nous avons eu des discussions avec les hôpitaux et l'agence concernés, ils nous disaient: Ah, le processus, ce n'est pas important, c'est la réponse à un besoin réel qui compte, alors que, nous, on se doutait bien que l'absence d'un processus formel, rendu à la fin, là, quand viendrait le moment de décider, ce serait complexe parce que ça engage l'avenir pour cinq, sept, 10 ans peut-être. Autrement, on ne peut pas faire des choses de ce type-là pour un an ou deux, là. Ce n'est pas une cabane à patates frites qu'on était en train de construire, là.

Alors donc, ce qui a été facilitant: certainement, la mobilisation d'une équipe médicale qui y croit. Ça, là, c'est une très, très grande force parce qu'à ce moment-là il y a un alignement des intérêts naturel qui se développe entre des gestionnaires professionnels comme nous sommes, qui ont également une capacité d'investir, et le désir de professionnels qui sont confrontés aux difficultés d'accès à des plateaux techniques pour pratiquer leur profession, de dire: Wo!, si je pouvais avoir un plateau technique qui soit disponible pour la chirurgie de la cataracte, et seulement pour de la chirurgie de la cataracte, sans aucun autre incitatif financier ou de problème d'éthique, l'accès a un plateau technique qui rendrait un service aux gens dans la région, dans leur proximité... C'est sûr que, ça, c'est des éléments qui sont très mobilisants.

Et, moi, je pense que, vous savez, si on parle d'une clinique de chirurgie de la cataracte, par exemple, l'impact pour les syndicats, le nombre de travailleurs concernés, c'est très petit, hein, ce seront de très, très petits nombres. Alors, moi, je crois que, si on veut faire évoluer l'opinion publique, si on veut, je pense que ce serait important que tous les partis politiques qui ont supporté cette vision-là de cliniques affiliées manifestent concrètement leur support à l'expérimentation des premières. Et c'est normal que les premières vont faire l'objet d'un suivi plus rapproché peut-être que d'autres établissements publics traditionnels.

M. Couillard: Et là ça nous amène sur la question du processus décisionnel dans la comparaison des coûts, les coûts unitaires, le deuxième élément qu'on veut couvrir. Parce que, lorsqu'on va demander, par exemple, des évaluations comparatives, il y a deux modèles qui vont être présentés: il y a d'une part... Prenons la chirurgie de la cataracte. Il y a d'une part le modèle dont vous faites la promotion et que, nous également, on soutient, le modèle de la clinique affiliée, mais également des exemples concrets où, dans des établissements publics, on a concentré la chirurgie. On l'a fait à Maisonneuve-Rosemont. D'ailleurs, le chef d'ophtalmo, l'autre jour, est venu nous dire que les délais, dans son centre, maintenant, c'est deux mois, pour eux. Alors, les gens vont dire: Bien, regardez, on a réussi dans le réseau public. Ici, à Québec, le Centre de l'oeil commence, il se fait jusqu'à une vingtaine de cataractes par jour, par chirurgien. C'est presque deux fois plus que ce qui se faisait dans le modèle classique.

Un, dans une comparaison comme ça, est-ce que la clinique affiliée demeure pertinente? Je vous donnerais un élément de réponse à moi, puis vous me direz si j'ai raison. Deuxièmement, comment est-ce qu'on fait le calcul des coûts unitaires? Puis là, je veux juste brièvement, M. Clair, vous dire pourquoi ça demeure pertinent. C'est que, si on ne fait plus de cataractes à l'hôpital, si on fermait des salles d'opération, ce ne serait aucunement pertinent, mais, si on utilise les salles d'opération ouvertes pour faire plus de chirurgies d'importance ? sans être péjoratif, là ? en termes d'infrastructure, là ça devient valable.

Une voix: Plus lourdes.

M. Couillard: Plus lourdes, c'est ça.

M. Clair (Michel): C'est évident que, comme il y a de l'attente pour d'autres types de chirurgies, c'est évident qu'il y a immédiatement, quand on déplace une activité comme de la chirurgie de la cataracte en clinique affiliée, il y a un temps opératoire qui est libéré et que la pathologie qui va être traitée peut-être va être plus coûteuse. Donc, c'est sûr que ça va entraîner globalement un ajout de ressources.

Maintenant, si on revient à la notion de coûts unitaires, ce que je peux expliquer, c'est simplement dans le fond que, dans le contexte québécois tel qu'on le connaît, à mon avis une des plus grandes difficultés que nous avons, si je reviens à ce que l'intervenante précédente mentionnait, les comparaisons public-privé en laboratoire ou en autre, c'est que nos modes d'allocation budgétaire sont désuets parce qu'ils ne sont pas basés sur des coûts unitaires coûts complets par épisode de soins, ce qui fait que toute comparaison est extrêmement difficile à faire entre les établissements.

Maintenant, pourquoi les coûts unitaires peuvent être plus faibles en clinique affiliée? Prenons l'exemple de la chirurgie de la cataracte. Premièrement, parce que ce sont des infrastructures monovocationnelles. Alors, il y a un prix élevé à la polyvalence des équipements. Et le coût de ce que j'appelle la transaction, dans un environnement complexe polyvalent, est toujours plus élevé. La flexibilité qu'offre une petite structure qui est concentrée sur une pathologie spécifique permet de réaliser aussi des gains d'efficience, de productivité qui théoriquement pourraient être atteints aussi dans le secteur public, mais disons que le plus souvent, à cause de sa taille, de sa polyvalence, le secteur public a énormément de difficultés à réaliser ça.

Encore davantage, pourquoi les pays européens qui aujourd'hui, là, utilisent massivement... Écoutez, la France, là, 75 % de sa chirurgie ambulatoire est réalisée aujourd'hui en clinique privée conventionnée, comme on les appelle. 75 %. On ne parle pas d'un phénomène marginal. Pourquoi ce choix-là est fait? Ce choix-là est fait parce qu'on dirige vers le secteur de gestion et de production privée, toujours dans le cadre d'un financement public, des types de pathologies qui se prêtent bien, avec l'évolution technologique, à une intensification de l'expertise clinique sur un besoin donné, et le tout dans le cadre d'une amélioration de la qualité réelle et perçue par les clients.

Donc, quand on parle d'introduire ici des cliniques affiliées, à mon avis on doit poursuivre... on poursuit normalement au moins deux objectifs simultanés. Le premier, c'est sans doute pour améliorer l'efficience du système. Autrement, on n'a pas de raison d'introduire du privé dans le domaine de la santé, pourquoi on ferait ça? C'est également pour améliorer l'accessibilité et la qualité des services. Et c'est en gérant, entre guillemets, l'outil de la clinique affiliée pour atteindre ces objectifs-là que l'État va pouvoir, de cette manière-là, utiliser progressivement les cliniques affiliées comme un outil pour mieux connaître ses coûts unitaires et être capable d'établir ce que j'appelais tantôt un «level playing field» qui va permettre à l'État de savoir exactement qu'est-ce qu'il achète, pour quel prix. Est-ce que ma collègue veut compléter?

Mme Le Roux (Marianne): Je pense qu'il y a une difficulté majeure dans la mesure des coûts: c'est la mesure de ce qui est produit, qu'est-ce qui est réellement produit. Donc, effectivement, on dispose aujourd'hui d'un certain nombre d'outils de manière générale permettant de déterminer la lourdeur des cas et d'associer réellement une mesure de la production. Donc, on bénéficie déjà de cet outil finalement qui pourrait servir à établir des coûts. C'est en tout cas le cheminement qui a été choisi en France, et qui est utilisé aujourd'hui, et qui a permis de déterminer qu'il y avait des différences de coût significatives pour une prestation réellement comparable. Voilà.

n (11 h 20) n

M. Couillard: ...M. Clair et vos consoeurs, c'est toujours pour moi une source d'étonnement de voir à quel point, au Québec, ce débat est complexe, alors qu'ailleurs dans le monde il coule de source. Pour moi, c'est une source d'étonnement presque renouvelé tous les jours. Parce qu'il y a toujours des visions fragmentées ? je parlais tantôt des visions fragmentées de la réalité. Les défenseurs du privé débridé et non réglementé oublient que, dans les pays où l'accessibilité est supérieure, les dépenses publiques ont également été augmentées de façon importante; à l'inverse, les défenseurs de la fossilisation, comme je dis parfois, du système dans son état actuel oublient de dire que des exemples comme l'exemple albertain...

C'est curieux, parce que les gens qui protègent le système comme il est utilisent beaucoup l'exemple de Calgary sur les chirurgies de la hanche sans savoir qu'il y a un bon pourcentage des chirurgies qui ont été faites là qui ont été faites dans des cliniques de type conventionné privées. Et, encore une fois, si les Européens aujourd'hui nous écoutaient, ils se demanderaient sur quelle planète on est. Alors, tu sais, pour moi, c'est un...

M. Clair (Michel): Exactement. C'est ce que j'appelle, moi, une légende universitaire canadienne ou québécoise à l'effet que l'augmentation de la prestation privée dans le cadre d'un financement public signifie automatiquement un glissement vers le financement privé. C'est exactement le contraire qui est démontré en Europe, exactement le contraire, et à grande échelle.

Même chose quand j'ai lu des personnes que je respecte beaucoup, qui sont venues ici, à ce micro, venir nous dire qu'elles craignaient l'arrivée de grandes entreprises en rapport avec la baisse des conditions de travail des infirmières, par exemple, ou la baisse de la qualité des services. Je vous invite... Je souhaiterais, comme citoyen, que la commission parlementaire, qui en a le pouvoir, se donne un mandat d'initiative et aille visiter des géants aujourd'hui ou des grandes entreprises européennes comme Générale de santé, comme Capio, comme beaucoup d'autres. Je veux dire, pas plus tard que l'année dernière, j'accompagnais une délégation de l'Association des hôpitaux de l'Ontario visiter de tels établissements en Suède. Alors, je veux dire, il faut avoir la berlue, là, à quelque part pour penser que production privée égale baisse de la qualité, exploitation des travailleurs, et baisse de l'accessibilité, puis privatisation du financement. C'est une légende universitaire dont je ne peux pas comprendre la source ici, hein?

M. Couillard: Ce qui prouve que la pensée unique nous menace tous, de quelque côté qu'on soit du spectre politique, hein?

M. Clair (Michel): Tout à fait.

M. Couillard: Dans la question de la propriété, je pense que votre contribution sur cette question-là aujourd'hui est particulièrement significative parce que vous apportez un nouveau principe. Dans le document, on amène le principe de l'étanchéité de la pratique du médecin, qu'on veut maintenir, entre le médecin qui est participant à l'assurance maladie et celui qui est non participant, au moins pour quelques années, jusqu'à temps que les effectifs soient suffisants.

Vous, vous apportez un autre principe d'étanchéité: c'est l'étanchéité entre la gestion de la clinique et puis la pratique de la médecine. Ça, c'est la première fois qu'on l'a de façon si claire. Vous savez que les médecins sont venus nous dire qu'ils devraient être propriétaires de la clinique. Eux autres, ils ont une vision inverse. Mais je dirais qu'intuitivement je favorise plutôt votre vision de la chose pour exactement les mêmes raisons que vous avez mentionnées.

Cependant, il existe au Québec quelques groupes de médecins qui sont différents des autres. Je vais vous en donner un que je connais, moi, très bien, qui est la Société des médecins du Centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke. Vous savez que c'est des médecins en centre universitaire qui se sont dotés d'un mode de pratique, plan de pratique qui maintenant va être étendu dans les hôpitaux universitaires de Montréal, avec des variables bien sûr. Ces médecins-là ont créé une société de gestion commune qui s'appelle la Société des médecins de l'Université de Sherbrooke. Le chiffre d'affaires actuellement doit atteindre les 60 millions.

Est-ce qu'il y a un problème à ce que, par exemple, cette organisation de gestion, dans laquelle il y a des gestionnaires d'ailleurs payés par les médecins ? communément, ils paient des gestionnaires dans cette société-là ? est-ce que vous voyez un problème qu'une organisation comme ça soit également propriétaire d'une clinique conventionnée ou affiliée?

M. Clair (Michel): La réponse: Clairement, non. Je pense qu'il peut y avoir non pas tant des exceptions, mais ça dépend un peu, je dirais, de la solidité historique de certaines organisations. D'ailleurs, tout autant j'ai été tranché dans ma présentation, si vous allez dans notre mémoire, on est plus nuancés, pour dire que c'est possible. Mais il faut être extrêmement prudent parce qu'à ce moment-là c'est sûr que le point déontologique qu'on soulève, nous, c'est celui du risque de glissement de revenus de pratique médicale pour supporter... améliorer la rentabilité ou au contraire sauver la non-rentabilité de l'infrastructure.

Maintenant, je pense que la société des médecins à laquelle vous référez, que je connais bien également, oui, elle a un historique, elle a une solidité financière. Mais je pense que tout va dépendre des règles de gouvernance qui vont être établies. Et j'aimerais peut-être que ma collègue, Me Côté, élabore un petit peu sur le concept, comment, nous, on voyait la contractualisation différente entre des médecins et la clinique, la clinique et un centre hospitalier. Alors, peut-être, ce serait utile. Anne.

Mme Côté (Anne): Sur la base du projet qu'on a élaboré. D'abord, vous précisez d'abord que ce sont des... à l'initiative des médecins. Vous avez parlé tantôt comment nous avions pris cette initiative-là. Ce sont des médecins qui nous ont contactés, donc le besoin était là, des médecins qui souhaitaient opérer, qui sont venus nous contacter.

C'est sûr que nous sommes devant un état de droit nouveau, je dirais. Nous avons créé de nouveaux contrats qui n'existaient pas. Nous avons élaboré d'abord un contrat d'affiliation, un contrat d'affiliation qui s'établissait entre deux parties contractantes, c'est-à-dire l'établissement de santé et la clinique. Nous avons également élaboré un contrat de prestation de soins entre... dans notre cas c'était l'établissement, mais elle pourrait tout autant avoir eu lieu entre l'agence et la clinique. Il s'agissait là simplement de gérer le flux budgétaire qui contractait finalement avec la clinique. Dans le cas d'espèce, il a été décidé que c'était le budget alloué à l'établissement, octroyé par l'agence, qui nous était sous-traité finalement. Et finalement nous avions un autre contrat qui était le contrat d'exercice professionnel entre la clinique et les médecins.

Dans les contrats de prestation de soins et dans le contrat d'affiliation, nous avions prévu une obligation de la part des médecins de faire partie du CMDP, du comité des médecins, des pharmaciens et des dentistes de l'établissement, et en plus que les médecins devaient respecter leurs obligations face à comité-là, c'est-à-dire assumer leurs gardes. En cela, je pense qu'on répond à certaines de vos inquiétudes, et vous le mentionniez dans votre document pour consultation publique. En tout cas, au niveau du glissement du corps médical, nous avions prévu que les médecins qui faisaient partie et qui exerçaient au sein d'une clinique devaient respecter leurs responsabilités de garde au sein d'un établissement financé et avec une prestation publique.

La Présidente (Mme Legault): Me Côté, je vous remercie beaucoup. Je dois céder la parole au collègue député de Borduas.

M. Charbonneau: Bien. Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Clair, je n'utilise pas le prénom parce qu'on est dans l'officiel, mais disons qu'on a été collègues à une autre époque et on est entrés à l'Assemblée nationale en même temps, en 1976, jadis, il y a 30 ans presque, maintenant. Je veux saluer vos collègues également. Et je vais un peu poursuivre puis je voudrais ajouter des éléments dans la discussion parce que je ne veux pas vous ramener à répéter les choses que vous avez dites, là.

Une des préoccupations que beaucoup de gens nous témoignent, quand ils sont réticents ou opposés à l'ouverture de cliniques privées affiliées... avec lesquelles on n'est pas en désaccord, là, encore une fois, on l'avait proposé aussi. Le relais a été pris par le gouvernement, par l'autre parti, le parti ministériel, puis c'était... Bon, le temps faisant les choses, bon, l'on arrive maintenant à vouloir expérimenter le modèle.

Mais les gens qui craignent, ce qu'ils craignent d'abord, c'est la fuite des ressources humaines. Comment on peut faire en sorte que le système public, que le réseau public, que les établissements publics ne voient pas dégarnir leurs ressources humaines et ne les voient pas finalement quitter, par toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons, vers des ressources privées dont on parle, là? Ça, c'est ma première question.

La deuxième. Qu'est-ce qu'on répond à ceux qui... Et vous l'avez entendu, le groupe avant vous, puis il y en a d'autres qui sont venus nous le dire hier, le dernier témoin, Mme Guay, c'est un peu sa thèse aussi, plusieurs, c'est qu'on devrait investir dans le public, c'est-à-dire on devrait utiliser à pleine capacité le potentiel existant, qui n'est pas utilisé actuellement, plutôt que de commencer à faire ces types d'expérimentations. Il y a des gens qui sont idéologiquement contre ce modèle-là, d'autres qui ne sont pas nécessairement idéologiquement contre mais qui disent: On devrait faire ça dans une deuxième étape et concentrer nos investissements publics pour augmenter l'utilisation à pleine capacité des ressources publiques.

n (11 h 30) n

La troisième question ? je vais vous en poser trois, puis on reviendra tantôt. Quand vous avez parlé de la propriété, une des questions que vous n'avez pas abordées, c'est la propriété québécoise versus la propriété étrangère. Est-ce qu'on voudrait, au Québec, voir des entreprises... Comme la vôtre, par exemple, elle est plutôt québécoise. La Caisse de dépôt, on ne peut pas dire que ce n'est pas très québécois, ça. Il y a quelques autres partenaires qui sont non-québécois mais qui sont plutôt canadiens. Mais est-ce qu'on voudrait des entreprises américaines, des entreprises de l'Arabie saoudite ? que le ministre connaît bien ? des entreprises françaises, des entreprises chinoises éventuellement ouvrir parce qu'elles auront les ressources financières et la capacité de gestion? Avez-vous une opinion sur ça?

Je vais commencer par ces trois-là puis j'aimerais ça par la suite, peut-être, aller aussi sur un élément dont on n'a pas parlé ? la fin de votre mémoire, vous n'en avez pas fait état ici ? mais c'est toute la dimension des soins de longue durée pour personnes âgées, la contribution du privé. Parce qu'encore une fois ? puis avant de vous laisser la parole ? je crois que ce qui est clair, c'est qu'il y a une différence entre le privé dans la prestation de services puis le privé dans le financement. Et, nous autres, on est contre le financement, y compris même l'ouverture légère que le gouvernement a faite. Mais on n'est pas contre la prestation de services par le privé. La question, c'est: Comment on encadre ça puis on balise ça?

Vous avez d'ailleurs proposé des mécanismes d'encadrement intéressants, personne n'avait été aussi loin dans les propositions à cet égard-là, jusqu'à maintenant. Et, moi, je pense qu'effectivement le groupe ad hoc dont vous parliez devrait être une suggestion retenue par le ministère. Puis je pense aussi que le processus d'appel d'offres, là, ce n'est pas nécessairement au moins cher l'offre, là, parce que, là, je veux dire, on pourrait... Puis le ministre et moi, on est très au courant d'Urgences-Santé, à Montréal, qui a passé par la mentalité du plus bas soumissionnaire pour essayer de renouveler sa flotte d'ambulances puis s'est planté, justement parce qu'ils n'ont pas tenu compte d'une série d'autres considérations, puis, aujourd'hui, bien, je veux dire, ils sont obligés de constater que c'est un échec. Alors, j'arrête là puis je vous laisse répondre aux questions.

M. Clair (Michel): Un commentaire sur ce dernier commentaire. Vous savez, d'où ça vient, d'où ça origine, ça, cette idée-là, dans le domaine de la santé, d'acheter le moins cher? C'est parce qu'encore une fois toute l'analyse, la façon de réfléchir des gens qui budgètent, c'est sur une base de coût marginal partiel. Donc, ils trouvent toujours que ce qu'ils achèteraient dans le privé est extrêmement cher parce que, quand tu transiges avec le privé, tu es sur une base de coût total. Je veux dire, il n'y a pas de coût caché, là, qui est payé par, tu sais, le service de dette du gouvernement ou... ça fait partie du budget général. Mais je veux revenir à vos questions.

La première, la crainte de fuite des ressources humaines. Écoutez, moi, je suis content que vous posiez cette question-là parce que le développement de cliniques affiliées va avoir exactement le résultat inverse, c'est-à-dire d'accroître la productivité, l'efficience, la qualité de services produits par des ressources humaines rares. La clinique affiliée, elle ne travaille pas pour le réseau parallèle, elle fait partie intégrante du périmètre de production de services financés publiquement. Donc, ce n'est aucunement une fuite, c'est au contraire simplement d'utiliser un mode de prestation différent pour tenter d'accroître la productivité, diminuer les coûts unitaires et en améliorer l'accès, avec bien souvent un sceau qualitatif. Parce que c'est sûr que d'aller faire faire une chirurgie de la cataracte dans un grand ensemble, tu sais, du type universitaire Royal Vic ou bien donc Centre hospitalier universitaire de Montréal, je dis que ce n'est pas nécessaire d'avoir cet environnement-là, hein?

Alors donc, la réponse, c'est de dire: Il faut qu'il y ait des mécanismes bien sûr qui viennent prévoir, par exemple, comme le disait ma collègue, que les médecins qui vont pratiquer en clinique affiliée vont assumer l'entièreté de leur responsabilité de garde, d'être sous le contrôle de la qualité d'un établissement, etc., assumer leur responsabilité. Donc, ils ne sortent pas, ils restent dans le périmètre des services financiers publiquement, et on en accroît la productivité.

Quant à investir dans le public pour utiliser le potentiel existant, écoutez, moi, je dis: On consacre déjà, là, 10 %, 10,5 % de notre produit intérieur brut à des dépenses de santé. On pourra toujours dire que ce qu'on devrait faire, c'est d'en rajouter dans un système. Moi, je pense, depuis que j'ai quitté le gouvernement, en 1985, c'était ma conviction à l'époque comme président du Conseil du trésor, l'une des grandes faiblesses de notre système de budgétisation dans le domaine de la santé, c'est que nous n'allouons pas les ressources sur une base de coûts unitaires, ce qui fait que tout un chacun met de la pression sur le ministre pour accroître les ressources, mais qu'en est-il de l'économie, de l'efficience, de l'efficacité du projet qui est réellement déposé devant le ministre?

Donc, moi, je dis: On ne peut pas aborder si on ne remet pas en cause fondamentalement deux idées, là, bien, bien ancrées. La première idée, c'est qu'on ait un mode de budgétisation qui est adéquat. Moi, je pense qu'il n'est pas adéquat. Le mode de budgétisation favorise, j'allais dire, les moins bons gestionnaires plutôt que les meilleurs, favorise ceux qui ont le plus de punch politique sur le ministre plutôt que ceux qui ont les coûts unitaires les plus bas. Première chose qu'il faut remettre en cause. La deuxième, tant qu'on ne remettra pas en cause l'idée que de la prestation de services de qualité peut tout aussi bien se faire par du privé que par du public, la conclusion évidente que tout un chacun va venir ici dire, c'est: Mettez plus d'argent dans le système, monsieur ou madame. Ça va être la conclusion. Donc, moi, je pense que, si on veut investir davantage dans le public, c'est bien possible qu'on devrait investir davantage, mais, si on avait des coûts unitaires transparents, on saurait à qui et pourquoi le donner.

La troisième, la propriété québécoise ou étrangère, je laisserai ma collègue, là, peut-être préciser sur les moyens de faire ça. Écoutez, là, il y a une décision. Si, pour se sécuriser socialement, on pense qu'il faut réserver la propriété à des entreprises canadiennes ou québécoises, ça appartient au législateur de le faire. Maintenant, ce que l'on peut constater encore une fois en Europe, c'est que... Je prends l'exemple de Capio. Je pense qu'aujourd'hui ils gèrent des hôpitaux dans une dizaine de pays européens, et, à ce moment-là, il y a sûrement des mécanismes de contrôle spécifiques. Et je laisserai ma collègue, Anne Côté, préciser un petit peu là-dessus.

Mme Côté (Anne): Bien, je dirais rapidement qu'à la page 49 du document pour consultation on spécifie que «la clinique spécialisée affiliée devrait détenir un permis». Donc, il y a là la délivrance d'un permis qui sera fait en fonction d'un certain nombre de critères sur lesquels nous avons des propositions mais certainement qui dépendront de la qualité des professionnels, de la solidité financière, de l'absence de conflit d'intérêts.

On pourrait, et nous ne sommes absolument pas opposés à ce qu'on ajoute à cette réglementation-là une clause de changement de contrôle. Si une entreprise à qui on octroierait un permis, dans la vie corporative de cette entreprise-là, il y aurait un changement de contrôle, le ministre pourrait avoir la discrétion ministérielle d'accepter ou de refuser que le changement soit... qu'il y ait un changement de contrôle au niveau des actionnaires.

Maintenant, sans me prononcer sur le mérite, évidemment l'objectif des cliniques affiliées, c'est qu'il y ait qualité. S'il y a qualité dans des grands groupes européens, comme on le constate, c'est sûr que la délivrance d'un permis et le mérite de conserver ce permis-là reposent essentiellement sur la qualité des services qui sont rendus et non pas sur la propriété. Mais ce serait là un mécanisme pour gérer cette question-là si elle inquiète.

M. Clair (Michel): J'ajoute un élément. Voyez-vous, en termes de préoccupation, c'est quoi, la vraie préoccupation qu'on doit avoir? Je vous parlais tantôt des fabricants d'équipement et des pharmaceutiques. J'ignore si c'est dans la législation européenne, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'aucune grande entreprise de gestion de services de santé n'est, en Europe, propriété d'une pharmaceutique ou d'un fabricant d'équipement, alors que, dans les pays, disons, qui sont moins outillés à cet égard-là, ça existe. Et là, à ce moment-là, c'est de maquiller, parfois sous un bel emballage d'organisme sans but lucratif, des contrats très intéressants de fourniture de consommables pour des longues périodes ou de fourniture d'équipement et d'entretien d'équipement pour des longues périodes.

Donc, vous avez raison de dire que la propriété d'une clinique affiliée, c'est un enjeu réel. Nous, ce qu'on dit simplement: La première chose qu'on pense qui est souhaitable, c'est de bien séparer le mode de rémunération d'un médecin qui pratique des actes médicaux puis d'une clinique à infrastructure, que j'appelle, qui est autre chose, et de s'assurer qu'il n'y a pas d'intérêts croisés, là, de conflit d'intérêts entre les deux. Alors, on pense que ça, c'est important.

On pense aussi qu'il faut être vigilant par rapport à des gens qui sont déjà présents dans le marché. On n'a rien contre eux, mais, je veux dire, il faut que les choses portent un nom. Et puis, quand ça s'appelle du capital privé, une entreprise de gestion de services de santé, ça doit s'appeler comme ça, être rémunéré comme ça et ne pas utiliser de façon déguisée dans le fond, là, des véhicules juridiques ou bien donc des médecins pour poursuivre leurs objectifs.

n (11 h 40) n

M. Charbonneau: Juste une petite... avant d'aller sur la question des soins de longue durée puis la place de la prestation de services que vous proposez. Est-ce que, dans les études ou dans les analyses que vous avez faites à travers le monde, vos voyages et vos contacts, est-ce qu'il y a une différence entre l'approche européenne et l'approche américaine, par exemple?

M. Clair (Michel): Ah, totale. Totale.

M. Charbonneau: Parce que c'est ça que je parlais tantôt quand...

M. Clair (Michel): Totale, parce que souvent aussi les gens vont invoquer, par exemple, que le risque des cliniques affiliées ? j'ai entendu ça souvent ? ça va être le deux-vitesses, comme si automatiquement, parce qu'il y aurait une clinique affiliée, cette entreprise-là ne respecterait pas les règles d'exclusivité qu'elle va avoir conclues avec l'État.

Écoutez, prenons l'expérience au Québec des CHSLD privés conventionnés. Ils existent depuis bien 40 ans, je n'ai jamais ouï dire qu'il y avait eu une plainte qui avait été reçue ou acceptée pour dire qu'ils avaient fait du deux-vitesses dans les CHSLD. De la même manière, en Europe, les entreprises privées qui sont dans le cadre d'un financement public qui leur est propre, avec les mécanismes qui sont les leurs, je veux dire, ce n'est pas un enjeu. Aux États-Unis d'Amérique, bien là c'est une tout autre affaire. C'est des entreprises privées et qui ont, je veux dire, un système multivitesse, alors qu'ici ce n est pas de ça dont on parle, pas du tout, hein?

M. Charbonneau: Ça, ça veut dire que... C'est important ce que vous dites, parce que dans le fond ce que vous... Ma question n'était pas ça, mais dans le fond vous avez répondu d'une autre façon, vous avez ajouté un élément additionnel, c'est-à-dire que ce que vous dites, c'est qu'il ne faudrait pas que ce soit une clinique où une partie de la clinique a un contrat avec le système public, disons, 40 % de son temps est consacré à remplir des contrats publics puis le reste de son temps, 60 %, est dans le privé total, là.

M. Clair (Michel): Absolument. Écoutez, la clinique affiliée doit être assujettie à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et même ? c'est ce que je disais dans notre présentation ? c'est très important que les garanties d'exécution se fassent à l'intérieur du périmètre public, autrement... Prenons l'ophtalmologie. Puis encore une fois, là, je veux dire, ce n'est pas l'idée de blâmer qui que ce soit. Si, moi, je suis ophtalmologiste et que je regarde les listes d'attente, ça peut être intéressant de dire: Si nous nous désengageons, deux, trois ophtalmologistes, nous connaissons bien l'impact qu'on va avoir sur la file d'attente, et le marché, entre guillemets, va pouvoir porter un tarif de 2 000 $, 2 500 $ la chirurgie de la cataracte, tout comme c'est le cas présentement. S'il n'y avait pas de liste d'attente, eh bien, il n'y en aurait pas, de deuxième vitesse. Et c'est là qu'on dit, nous, que c'est extrêmement stratégique pour l'État que les garanties d'exécution se fassent à l'intérieur du périmètre à financement public et non pas en allant dans le privé.

Ça, c'est une réflexion, hein, j'ai entendu des dirigeants d'agences dire: On devrait aller en appel d'offres dans les cliniques privées d'ophtalmologistes déjà désengagés. Mon Dieu!, mais c'est vouloir la fin du système, ça. C'est sûr, de dire: Si je vais contracter chez quelqu'un qui vit des listes d'attente, qui s'est placé en position, entre guillemets, d'arbitrer le marché, si je lui dis: En plus, l'État va te faire un cadeau de t'en contracter quelques centaines pas cher pour combler tes heures qui sont non remplies, là c'est courir tout droit à la catastrophe.

C'est pour ça qu'on dit qu'il faut que l'ensemble de la gouvernance de tout ce qui va être mis en place favorise rapidement l'arrivée de quelques cliniques affiliées pour qu'elles soient bien perçues comme faisant partie du périmètre des établissements à financement public et offrant véritablement une alternative. Et comme, elles, elles vont être budgétisées sur une base d'épisode de soins, parce que je suis certain que le gouvernement, il ne budgétera pas une clinique affiliée sur une base historique, tu sais, globale...

Des voix: ...

M. Clair (Michel): Je ne m'attends pas à ça, je ne le demande même pas. Mais c'est sûr qu'à ce moment-là aussi, je veux dire, ça va être un outil de comparaison avec le système public. Vous savez, il se fait plus ou moins 50 000 chirurgies de la cataracte au Québec, 55 000, je pense, 56 000 ? je retiens le chiffre de 50 000 pour mon exemple, c'est plus simple. À plus ou moins 700 $ le coût de fonctionnement, le coût complet pour une chirurgie de la cataracte, on parle de 35 millions de dollars sur un budget de 22 milliards. Difficile de justifier qu'il y a de l'attente en chirurgie de la cataracte quand on sait par ailleurs que, si les ophtalmologistes avaient accès à des plateaux techniques monovocationnels, les listes d'attente fondraient. Le public a bien fait, il a fait un gros effort mais avec les contraintes qu'il a, et sans qu'on connaisse les véritables coûts unitaires, puis sans qu'on connaisse non plus l'impact sur d'autres personnes qui sont dans la liste d'attente, qui attendent pour d'autres types de chirurgies.

M. Charbonneau: On n'aura pas le temps, je pense, d'aborder la question des soins de longue durée parce que c'est presque terminé. Mais juste dans ce cas-là, pour poursuivre sur cette lancée-là, vous parlez des cliniques monovocationnelles par rapport à polyvocationnelles. Est-ce que ce que vous dites aussi, c'est que, s'il s'ouvre une clinique, là... Parce que, de la façon dont on a envisagé ça, on disait: On va faire des contrats avec des cliniques affiliées pour des chirurgies mineures. Mais là ça veut-u dire qu'on va mettre des orthopédistes avec des ophtalmologistes puis avec quelques autres qui vont faire... autrement dit, on va avoir une clinique, là...

Une voix: Multifonctionnelle.

M. Charbonneau: ...multifonctionnelle, plusieurs spécialités qui vont se mettre ensemble, puis qui vont offrir... tu sais, qui vont opérer dans le périmètre à financement public mais sur différents fronts, là, de...

M. Clair (Michel): On va laisser le soin au ministre et à son équipe de déterminer, là, comment ils voient la meilleure configuration. Mais le point qu'on a voulu faire, c'est de dire: Vous savez, entre faire de la chirurgie de la cataracte dans un centre universitaire ultraspécialisé et avoir une structure monovocationnelle, la comparaison est évidente. Après ça, il y a des types de pathologies qui peuvent ? comment je vous dirais donc? ? s'amalgamer plus facilement que d'autres, mais ça dépendra de l'analyse. On parle beaucoup de chirurgies mineures, spécialisées en orthopédie, chirurgies de la hanche, du genou, chirurgie de la cataracte. Bon, il faut voir les localisations, les volumes, la situation, la localisation optimale. C'est tous des éléments qu'il faut voir, là.

La Présidente (Mme Legault): Je vous remercie beaucoup, M. Clair, Mme Le Roux, Me Côté, pour votre présentation.

Et j'invite les représentants du Conseil de la coopération du Québec à s'avancer, s'il vous plaît. Merci.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Legault): Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue. Mme Simard, vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation, puis votre présentation sera suivie d'une période d'échange avec les collègues des deux côtés de la table. Alors, nous sommes à votre écoute.

Conseil de la coopération du Québec (CCQ)

Mme Simard (Hélène): Alors, merci. Je vais vous présenter en premier M. Jacques Lemieux, qui est vice-président du Conseil de la coopération et qui est responsable du dossier de la santé au conseil. M. Lemieux va faire la présentation des personnes qui sont ici avec nous et aussi qui sont très connues, mais aussi vous présenter un peu le conseil. On commencerait comme ça, si vous acceptez.

M. Lemieux (Jacques): Bonjour, Mme la Présidente. Alors, évidemment, Mme Simard, qui est présidente du conseil; M. Alban D'Amours, qui est président et chef de la direction du Mouvement des caisses Desjardins, qui a participé à la commission Arpin et qui a été également président pendant sept ans du conseil d'administration du CHUQ; à la droite de Mme Simard, Mme Marie-Joëlle Brassard, qui est responsable de la recherche et du développement au Conseil de la coopération du Québec. Il y a également avec nous, dans l'assistance, plusieurs représentants du mouvement coopératif qui nous accompagnent.

Très brièvement vous présenter le Conseil de la coopération du Québec. C'est un organisme de troisième niveau qui a été créé en 1940, qui regroupe 40 organisations, 3 000 coopératives, 39 mutuelles et qui totalise 7 millions de membres et au-delà de 79 000 emplois au Québec. En 1998, on avait au-delà de 100 coopératives dans le domaine de la santé, et le Conseil de la coopération a mis sur pied un comité de santé pour faire de la recherche au niveau de la formule et essayer de faire la promotion de la formule comme un outil innovateur dans le domaine de la santé.

Alors, je laisserais la parole à Mme Simard qui va vous faire le plan de la présentation, et également M. D'Amours succédera pour son allocution.

n (11 h 50) n

Mme Simard (Hélène): Alors, merci. Alors donc, le Conseil de la coopération est intéressé à la question de la santé depuis très longtemps. En 1942, un forum avait lieu au Conseil supérieur de la coopération pour parler des besoins de la population en matière de santé, et une des conclusions de cette activité était la volonté de doter chaque village et chaque quartier d'un médecin et, pour éviter l'assistance et l'appauvrissement des familles, développer une base d'assurance mutuelle de façon à protéger la population. Ça a donné lieu au développement, entre autres, de la mutuelle de santé SSQ qui par la suite a évolué vers maintenant notre modèle d'assurance maladie universel. Alors, notre intérêt pour toute la question de la santé, les coopérateurs le portent dans leur coeur depuis extrêmement longtemps parce que justement répondre aux nouveaux besoins des populations, innover, ça fait partie de nos racines et de nos gênes.

Alors, nos travaux de recherche, depuis quelques années, au conseil, nous ont permis d'observer une forme de partenariat avec l'État qui s'est développé dans plusieurs secteurs, des partenariats qu'on pense réussis, desquels on peut tirer des conclusions, mais dans lesquels aussi on pourrait tirer des solutions aux problématiques qui sont soulevées par le ministre dans son mémoire, notamment en matière d'accessibilité et de prévention. Et je parle de partenariats qui ont porté, entre autres, sur la gestion des services ambulanciers au Québec, les services à domicile, le développement de cliniques de santé coopératives et l'habitation pour les personnes aînées.

Nos recherches ont porté notamment sur naturellement un inventaire de ces initiatives qui avaient lieu, qui émergeaient partout sur le terrain; un positionnement éthique parce que, dans la coopération, on pense que c'est important, là, de ne pas aborder ce sujet-là de façon trop spontanée mais de bien réfléchir aussi au positionnement éthique du mouvement coopératif dans cette question-là. On a étudié les facteurs de réussite et les facteurs de contrainte aussi liés à ce développement, les impacts sur le développement local de la présence de coopératives en santé. On a suivi des innovations, actuellement on suit plusieurs innovations dans le domaine et on essaie justement de voir l'évolution de modèles différenciés et en quoi ils peuvent concourir à répondre aux problématiques du Québec liées à ces questions. Nous avons, depuis deux ans, rencontré les médecins, des élus municipaux, des développeurs, des acteurs de la santé et des organismes nationaux, et tenu un séminaire important pour présenter les initiatives, et les innovations, et les réflexions, et nos recherches en matière de santé.

Pourquoi la voie coopérative pour les citoyens dans la gouverne de leur santé? J'inviterais M. Alban D'Amours à vous présenter la réflexion sur cette question.

M. D'Amours (Alban): Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, merci de nous accueillir. J'ai le goût de vous dire que, dans le monde de la santé, nous avons assisté, au cours de la dernière décennie, à un foisonnement d'initiatives coopératives tout à fait dignes de mention ? Mme Simard vient d'en mentionner quelques-unes. Donc, près d'une centaine de nouvelles coopératives ont ainsi vu le jour dans le domaine des services à domicile, de l'hébergement, des services ambulanciers et dans celui des cliniques médicales.

Chaque fois, c'est une collectivité qui se mobilise pour prendre en charge la satisfaction de ses besoins. Chaque fois, la grande polyvalence, la grande malléabilité du modèle coopératif représentent un avantage indéniable. Chaque collectivité qui se lance dans l'aventure coopérative a en effet la possibilité d'adapter le modèle à sa situation et à son environnement particulier. Je suis à ce sujet convaincu que c'est parce que le modèle coopératif est un modèle vivant qu'il est pour l'avenir encore un modèle gagnant.

En plus de répondre aux besoins exprimés par les forces vives du milieu, nous sommes en mesure de constater que les cliniques coopératives soulèvent de plus en plus l'intérêt d'un certain nombre de médecins. En effet, les jeunes médecins de même que les plus âgés qui se dirigent vers leur retraite choisissent de se consacrer davantage à leur pratique médicale plutôt qu'à la gestion administrative d'une clinique médicale. La clinique coopérative a, pour eux, l'avantage de gérer les affaires administratives, soit, par exemple, la facturation, la location des locaux à d'autres professionnels de la santé, la gestion du personnel, l'entretien physique des lieux, et j'en passe.

Outre les motivations et le contexte qui expliquent la création de ces cliniques coopératives, les travaux du Conseil de la coopération du Québec permettent de croire que ces dernières ont aussi un impact important sur le développement de leur milieu.

Une recherche récente menée par l'économiste Pierre Péloquin visait à mesurer les impacts économiques et sociaux de la présence de la coopérative clinique santé sur la communauté d'accueil de Saint-Étienne-des-Grès, soit la municipalité qui a vu naître une première clinique coopérative en 1996. La méthodologie utilisée a consisté à comparer l'évolution de plusieurs indicateurs de développement à Saint-Étienne-des-Grès avec 450 municipalités de même taille.

La comparaison des indicateurs économiques et sociaux sur une période de 10 ans laisse voir des résultats intéressants à Saint-Étienne-des-Grès. Qu'il s'agisse de la baisse du chômage, de l'accroissement de la population ou de l'évolution des déclarants d'impôt, les résultats de l'étude permettent d'affirmer que la prise en charge citoyenne a un effet levier qui contribue à améliorer les conditions économiques et sociales d'une communauté.

C'est souvent en réaction à la perte de ressources spécialisées en santé que les citoyens se mobilisent pour créer leur clinique coopérative. La formule de clinique médicale coopérative représente également une formule intéressante dans la mesure où elle constitue une réponse au problème d'accessibilité à des services de santé, en plus d'être une alternative à la marchandisation de la médecine dans certains milieux à plus petite densité de population.

Ce dernier phénomène est en train de transformer la prestation de services de santé au Québec. Les recherches conduites par le Conseil de la coopération du Québec ont permis d'identifier l'émergence d'un nouveau modèle d'affaires à l'échelle mondiale et au Québec. Ce modèle consiste à intégrer des services multiples en santé en un seul lieu ? pharmacie, épicerie-supermarché et clinique médicale. Il encourage l'établissement des cliniques médicales là où il existe une masse critique de consommateurs et il généralise le «sans rendez-vous» sans mettre l'accent sur le suivi médical.

Le développement de ce modèle d'affaires a un impact sur la répartition infrarégionale des effectifs médicaux, et ce, sur la base des forces du marché de consommation. Ainsi, de 1 500 cliniques privées avec médecins en l'an 2000, on en retrouve aujourd'hui presque deux fois moins, soit 840. Les agents économiques facilitent l'établissement de médecins en leur fournissant les services clés en main: locaux, équipement, facturation, avec comme objectif d'augmenter l'achalandage des commerces localisés dans le même environnement. Ce modèle a aussi l'inconvénient d'évacuer toute la question de la prévention en santé, ce qui est pour sa part étroitement associée à l'approche coopérative.

Nous ne pouvons pourtant pas collectivement laisser les coûts du curatif exploser littéralement comme ils le font du seul fait de l'évolution démographique du Québec sans faire tout ce qui est en notre pouvoir pour en freiner le rythme en mettant notamment les citoyens au centre de la gestion de leur santé.

Le modèle de coopérative de solidarité santé que nous préconisons est à distance de celui représenté par le tandem grande surface en pharmacie et clinique médicale privée qui s'est imposé au cours des 20 dernières années dans toutes les régions du Québec. Ce dernier modèle est ainsi en train de concentrer le corps médical dans les villes d'un minimum de 10 000 habitants et il représente, pour cette raison, une réelle menace pour les stratégies de développement des petites collectivités. C'est justement pour contrer la fragilisation des communautés causée par la perte de services de santé qu'émergent des expérimentations marquées par la volonté des citoyens de trouver une réponse à leurs besoins. Les citoyens se mobilisent alors pour créer leur propre clinique coopérative.

n (12 heures) n

Le mouvement coopératif peut jouer un rôle de premier plan dans la responsabilisation des personnes vis-à-vis leur santé et la réussite d'une approche préventive dont les effets se feront sentir à moyen et à long terme. Parce que nous voyons l'avenir en termes de pérennité, que notre structure de propriété nous délivre de la tyrannie du trimestre et que nous pouvons ainsi plus librement travailler dans une perspective de long terme, nous sommes certes parmi les mieux placés pour valoriser l'effort de longue haleine et la persévérance obligatoirement associée à toute approche préventive.

Dans le mémoire de consultation, la référence à la coopérative, elle est associée à la formule des cliniques affiliées. Bien sûr, c'est un mode d'organisation qui peut être très approprié. Mais ce que nous voulons envoyer comme message, c'est qu'il manque un chapitre au mémoire de consultation et ce chapitre devrait porter sur le modèle coopératif. La formule coopérative dans le secteur de la santé est bien plus qu'un modèle d'organisation administrative, elle a l'avantage de situer les citoyens au coeur de la gestion de leur santé et, pour cela, elle mérite d'être reconnue.

Le mouvement coopératif ne demande pas qu'on lui consacre plus de ressources ou d'attention que celles qui sont allouées au développement des entreprises privées classiques. Il ne demande qu'une pleine reconnaissance du potentiel qu'il représente. Tout le reste, de la mobilisation collective à l'organisation, de la prestation des services à la responsabilisation des personnes, le mouvement coopératif est capable de l'encadrer. Je vous remercie de votre attention.

Mme Simard (Hélène): Alors, pour poursuivre notre présentation, comme je vous en faisais part au début, je vais vous présenter un peu les avantages des approches coopératives déjà existantes dans le secteur de la santé dans quatre secteurs, les enjeux reliés actuellement au développement de ces potentialités en réponse aux deux problématiques notamment de prévention et d'accessibilité et quelques recommandations qu'on adresse au gouvernement liées à ces préoccupations-là, à ces enjeux.

Alors, en premier, le partenariat avec le secteur des ambulanciers. Au Québec, depuis les années quatre-vingt, les coopératives ambulancières représentent une forme... ce sont des coopératives de travail. Il y a 1 100 travailleurs qui gèrent leurs entreprises et offrent des services ambulanciers ou paramédicaux au Québec dans sept coopératives ambulancières et qui répondent à 80 % des appels. Ils excluent notamment Montréal et Laval qui sont dans le réseau public.

Elles fonctionnent, ces coopératives, par un partenariat négocié avec l'État. Donc, les besoins sont exprimés par les agences, et elles sont ensuite encadrées aussi par les agences. La souplesse d'adaptation aux nouvelles normes gouvernementales, la rapidité décisionnelle, l'implication des coopératives ambulancières dans leur équipement... On parlait tout à l'heure des achats d'ambulances et des achats... mais au coût le plus faible. Les travailleurs réunis en assemblée générale, quand ils choisissent d'investir une partie des excédents de l'entreprise dans de l'équipement, ils choisissent le meilleur équipement, c'est eux qui l'utilisent et c'est eux qui voient à quel point c'est utile pour préserver la santé.

La polyvalence des employés aussi dans le travail de gestion permet d'avoir une qualité de gestion et d'encadrement de haut niveau. Et j'ajouterais les investissements dans la communauté qui sont, je dirais, une marque de commerce aussi du modèle coopératif. On compte plus de 2 000 heures investies dans les causes sociales, les écoles, la formation et le maintien d'emplois pour les jeunes en région, juste dans le secteur, là, des paramédics.

Actuellement, ces entreprises vivent certaines problématiques, certains enjeux en termes de potentialité. J'en souligne un qui les préoccupe de façon particulière et pour lequel ils se montrent très ouverts à répondre à des problématiques liées à la prévention. Les compétences des travailleurs dans les services ambulanciers sont reconnues. Maintenant, ces travailleurs font un métier qui est physiquement difficile, et il y a des périodes de leur cycle de travail où ils doivent... ils ne sont plus aptes à poursuivre des tâches lourdes, et leurs compétences quand même en santé restent là. Alors, elles pourraient être très utiles en ajoutant un élargissement, dans le fond, à leur panier de services comme agents de prévention, de sensibilisation et d'éducation auprès des jeunes, des personnes âgées. Ils pourraient, entre autres, faire aussi certains suivis de personnes et permettre des éléments... on parle de formation sur les signes vitaux, les prises de glycémie, la formation au RCR. Alors, il y a tout un élément de compétence qui existe dans ce réseau-là, auprès de ces travailleurs-là, qu'ils voudraient mettre à la disposition du partenariat qu'ils ont avec l'État en élargissant cette offre de services là.

Du côté des services à domicile, nous comptons une quarantaine de coopératives en services à domicile. Elles ont un double objectif: création d'emplois et offre de services pour le maintien des personnes âgées et handicapées dans leur milieu de vie. Il y a 2 750 emplois reliés aux coopératives de services à domicile. Elles offrent 2,6 millions d'heures de services aux personnes. C'est les données de 2003.

Les grands avantages de cette formule: en plus de contrer le travail au noir, qui est malheureusement très florissant, elles réduisent les coûts des services hospitaliers en permettant le maintien à domicile, elles garantissent l'accessibilité des services aux personnes. Et dernièrement, nous le soulignons, le gouvernement a reconnu leur apport positif en bonifiant le programme d'exonération financière au soutien à domicile et en reconnaissant les frais de gestion que doivent assumer ces entreprises du fait d'encadrer un programme.

Il reste quand même peut-être certains enjeux importants à continuer à suivre dans le développement de ces entreprises-là. Nous parlons de celui de la formation des travailleurs, nous parlons de celui de la taxe de vente sur les services, qui actuellement font que... qui annulent l'effet de la concurrence avec le travail au noir, et nous parlons de la CSST qui actuellement... C'est un enjeu majeur pour les entreprises, leur classification à la CSST va rendre les coûts de leurs services presque inacceptables.

Alors, sur ces enjeux-là, nous recommandons de travailler très fortement à la question de la formation adéquate des travailleurs et des travailleuses dans les services à domicile. C'est un potentiel sur lequel le gouvernement peut miser en termes d'accessibilité et de prévention, mais il faut poursuivre et travailler cet aspect. Il faut soustraire la taxe de vente sur les services d'aide à domicile aux personnes inscrites au PEFSAD. Et il faut continuer à travailler fortement pour que ces travailleurs-là ne soient pas reconnus dans un segment isolé à la CSST mais reconnus avec un ensemble de travailleurs notamment de la santé et des services.

Je poursuivrais avec les coopératives d'habitation, qui ont évolué de plus en plus vers des coopératives de services aux aînés. Cette ouverture à ces nouvelles formes là a été faite avec le soutien de programmes d'accès, dont AccèsLogis à la Société d'habitation du Québec. Cependant, ces coopératives pour personnes âgées notamment ont des soutiens uniquement pour les frais d'immobilisations, il n'y a pas de couverture des frais de services, et, quand il y en a, quand il y a eu des projets pilotes ou des ententes avec le ministère de la Santé, ça a été des ententes à court terme, alors qu'il faut envisager, quand on s'occupe d'aînés vieillissants, d'ententes à long terme.

Alors donc, la capacité de s'organiser en réseau de ces coopératives-là, les liens avec la communauté, l'ancrage local, alors donc il y a plusieurs potentialités dans ces entreprises-là, dans ces coopératives-là, mais il faut absolument, en termes d'enjeux, faire un meilleur arrimage entre le logement, la SHQ et la santé, le ministère de la Santé et des Services sociaux. Il faut des programmes nationaux pour soutenir les personnes âgées en habitation collective. Il faut planifier déjà des protocoles pour permettre le transfert, quand les clientèles deviennent trop lourdes, vers les services plus spécialisés, notamment les CHSLD.

Alors, les coopératives en santé, M. D'Amours les a bien traitées en termes d'objectifs. Nous croyons que le gouvernement pourrait donner des signaux clairs de reconnaissance de cette approche des citoyens qui veulent prendre en main leur santé et leurs services, reconnaître le temps des médecins qui accordent leur engagement dans la coopérative et apporter certaines mesures dont on fait part dans le mémoire, qui permettraient le plein épanouissement de cette formule-là.

En terminant, on a parlé de coopératives au Québec, mais il y a différents modèles à travers le monde de gestion de la santé par la formule coopérative. Et on fait part, dans notre mémoire, de quelques formules, dont, au Brésil, Unimed, ou différentes formules. Mais celle qui inspire le plus les Québécois et les coopérateurs québécois, c'est le modèle japonais, où il y a vraiment tout un système de gestion coopératif de la santé mais qui part d'un modèle préventif, les «hans groups», un modèle lié à vraiment une approche de la base, de prévention, et une approche aussi de solidarité dans les communautés. Il y a 2,4 millions de familles...

La Présidente (Mme Legault): Mme Simard, Mme Simard...

Mme Simard (Hélène): Oui. O.K.

La Présidente (Mme Legault): Il y aura peut-être l'occasion d'ajouter avec la période d'échange qui suivra. Alors, je cède la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous, M. D'Amours, M. Lemieux, Mme Simard et Mme Brassard, merci pour votre visite. Je suis content que vous ayez souligné l'entente récente pour le programme d'exonération financière. Je m'attends à ce que mon collègue de Borduas me félicite d'un moment à l'autre pour cette entente, mais peut-être qu'il le fera dans sa réplique. Il y a deux éléments que je voulais toucher avec vous sur la question des coopératives...

M. Charbonneau: Je trouve que vous faites ça bien tout seuls...

n (12 h 10) n

M. Couillard: Non, mais, comme ils ont créé le programme et que, nous, on le soutient, je pense qu'il y aurait lieu de souligner cette continuité. Bon.

D'abord, il faut clarifier, je pense qu'on doit tirer parti du débat actuel pour clarifier ce concept de coopérative de santé puis je pense qu'on devrait le faire à la lumière de certains éléments d'actualité récente, en Mauricie, en particulier. D'abord, c'est un mouvement qui vient de la communauté, il vient des citoyens. Je ne pense pas que l'État doit déployer des incitatifs financiers pour ça. Je vais être assez clair là-dessus, là, le mouvement doit venir de la communauté et il ne doit pas devenir un programme gouvernemental. Je pense que là-dessus on va s'entendre.

Prenons l'exemple de la Coopérative de santé de Saint-Étienne, qui a fait l'objet d'une évaluation. Le problème qu'on voit actuellement, c'est qu'il semble y avoir un glissement du modèle vers l'exclusion des non-cotisants à l'accès au système de santé. Ça, clairement, ce n'est pas acceptable sur le plan des principes du système de santé. Alors, comment vous nous recommandez de clarifier cette question? Ce que les citoyens veulent, je crois, c'est que nul ne soit privé de l'opportunité de voir un médecin ou d'avoir accès aux soins médicaux parce qu'il n'est... ou pas cotisant de la coopérative en question. Il faut qu'il y ait un mur, là, qui soit très, très clair.

Mme Simard (Hélène): C'est actuellement de plus en plus... c'est clair, c'est sûr que les milieux sont en expérimentation sur ces questions-là. Et en général les médecins qui sont dans ces coopératives continuent à donner le service et à l'ouvrir à tous les citoyens. La coopérative, la cotisation donne accès... c'est la prise en charge souvent de l'équipement, de certains services que la communauté veut se donner et c'est aussi une façon de... Par exemple, les membres d'une coopérative dans un milieu peuvent avoir accès à des groupes de prévention ou bien avoir accès à des gratuités en termes de... pour remplir, par exemple, des papiers pour les assurances ou... Alors, la cotisation de membre ne sert pas nécessairement... ne sert pas à donner accès aux services médicaux de base.

Maintenant, dans les communautés, ce que les gens font, en se prenant en main de cette façon-là, c'est qu'ils répondent à un problème, ils répondent à un besoin. Souvent, ils sont obligés de s'éloigner de leur communauté pour avoir accès aux services. On le soulignait tout à l'heure avec M. D'Amours, il y a une concentration actuellement des médecins dans les zones à forte densité de population. On est passé de 1 500 cliniques médicales, au Québec, à 847, là, entre 2000 et 2005. Alors, naturellement, celles qui ont tendance à fermer sont soit dans les quartiers moins glamours peut-être et dans les villages ou dans les communautés... les petites communautés rurales, notamment.

Les coûts de cotisation, actuellement, ce qu'on a pu voir, qui sont de 50 $ à 100 $ par année ? et il y a des coopératives qui n'en chargent aucun, là ? sont souvent nécessaires pour faire face à la gestion des infrastructures, parce qu'il n'y a plus assez de médecins pour générer, avec les moyens... À une dizaine, 10, 12 ou 15 médecins, la part consacrée aux infrastructures permet de maintenir l'infrastructure dans le milieu. Quand il reste deux ou trois médecins dans une communauté ou quand on veut en attirer quelques-uns, on n'a plus cette facilité-là. Alors, les membres de la coopérative décident d'investir, d'utiliser leurs capacités économiques, à faibles coûts, je dirais. Je regardais les documents, les premières mutuelles ou les premières formes de coopératives dans les années cinquante, et c'était 0,25 $ par semaine. Là, on est rendu à 1 $ par semaine dans certains milieux. Alors, on peut se dire que, oui, il faut mettre des messages clairs en termes d'accessibilité aux médecins, que ce ne soit pas une barrière, mais il faut aussi laisser cet espace-là à l'expression de la vitalité.

Vous avez souligné le fait qu'il ne fallait pas que l'État s'en mêle. Je pense qu'il va falloir que l'État joue un rôle pour rebalancer la distribution médicale des médecins, des effectifs, intrarégionale. Et la façon de pouvoir le jouer, il y a différentes façons, et il y a peut-être justement d'encourager les médecins à être partenaires des communautés et à rester investisseurs. Et ça, c'est des formes peut-être qui peuvent se prendre par des mesures fiscales. Il y a des façons d'encourager justement les communautés qui souhaitent le faire à s'associer aux médecins. Je pense qu'on ne peut pas laisser non plus le vide total à ce niveau-là. La volonté des gens est là. Ceux qui l'expérimentent sont satisfaits, il se crée une très belle dynamique. Mais probablement que, si on veut que le mouvement de concentration ne se fasse pas vers les centres commerciaux, il va falloir agir. Et, en ce sens-là, nous vous suggérons quelques mesures d'appui dans notre mémoire.

M. Couillard: Bien, je vous dirais qu'on a déjà des formules qu'on soutient, comme les groupes de médecine de famille. On ne se redispersera pas, là, tu sais. J'aime autant vous donner l'heure juste directement là-dessus.

La question qui m'est venue à l'esprit en vous écoutant... Puis, hier, il y avait les gens de Diabète Québec qui étaient là puis les directeurs de santé publique, puis je vous écoute, puis il me semble y avoir un concept intéressant. Peut-être que c'est une idée que j'ai, mais vous allez me dire si elle a du sens.

Prenons le concept du centre de santé et de services sociaux qui est responsable d'un territoire, d'une population donnée, qui a la responsabilité de toute la population et non pas seulement des patients, ou des malades, ou des gens qui ont besoin de services, donc qui inclut fortement la mission de santé publique, de prévention et de promotion. Là, on se demande comment est-ce qu'on ferait pour soutenir ? on a discuté de cette question à plusieurs reprises ? soutenir la prévention et la promotion à travers un budget de santé dans lequel les demandes et les pressions sont énormes. Alors, on nous a dit, par exemple: Bien, vous pourriez taxer les boissons gazeuses à haute teneur en sucre, taxer la malbouffe, faire un fonds dédié, une idée intéressante.

Mais, comme fondamentalement la prévention-promotion n'est pas un service assuré au sens légal du terme, pourquoi en plus des budgets... Puis, je le dis, il n'est pas question de retrancher les budgets de santé publique qui sont déjà là puis qui vont croître, là. Mais pourquoi, en plus de ça, on ne créerait pas dans ces territoires-là une coopérative de citoyens pour prendre en main eux-mêmes tous ces programmes de prévention et de promotion, avec des organismes comme Diabète Québec, avec les nutritionnistes, avec les gens dans les écoles puis dans les centres de loisirs pour faire faire du sport aux jeunes? Est-ce qu'il n'y a pas un beau modèle là pour faire le lien entre le besoin de prévention et de promotion puis les acquis du modèle coopératif?

M. D'Amours (Alban): Le modèle japonais est un modèle de cette nature, hein, où les citoyens de quartier ou de village se forment cette coopérative et ensemble gèrent leur santé, gèrent la prévention, et ça donne des résultats tout à fait extraordinaires, et c'est dans le cadre d'une coopérative. L'idée, M. le ministre, que vous émettez, est tout à fait réalisable et même souhaitable. Dans le domaine de la prévention en particulier, on ne cesse de le répéter, voilà... Le domaine de la prévention, c'est celui qui peut être privatisé, hein, et qui peut être pris en charge par une coopérative. Alors, dans ce sens-là, oui, il y a une piste fort intéressante.

M. Couillard: Parce que, dans le domaine de... Les tensions de financement dans le réseau, dans le système de santé, elles sont de plusieurs ordres. Il y a également des tensions avec le financement central régional puis le financement local. Puis on sait, par exemple, que la Fondation Chagnon, avec raison, insiste beaucoup sur les initiatives à des parts locales ou communautaires. Il me semble qu'il y a là une belle piste, là, d'ailleurs qui, d'après moi, est possible légalement. On n'a pas besoin de créer un cadre légal pour ça, c'est tout à fait possible de le faire. Mais comment est-ce qu'on ferait pour susciter ces initiatives? Je pense qu'il suffirait d'un ou deux territoires de CSSS qui le feraient comme démonstration pour susciter énormément d'intérêt puis d'adhésion partout au Québec.

M. Lemieux (Jacques): D'ailleurs, en complément de réponse, M. le ministre, ça fait partie de nos travaux de recherche au comité de santé. Et on a dans notre plan d'action d'inviter des représentants de votre ministère pour siéger au comité et nous aider à trouver des pistes dans ce sens-là. Parce qu'il est clair que, dans nos orientations, on veut faire un virage qui est plus préventif que seulement axé sur le curatif. Alors, on est rendus à cette étape-là dans notre réflexion. Et bien sûr tous ces travaux-là, lorsqu'on met d'avant un projet pilote, on veut le faire avec l'agence, et il est fort probable qu'au cours des prochains mois on ait quelque chose qui s'aligne dans ce sens-là.

M. Couillard: Peut-être une suggestion: de prendre un territoire de CSSS comme base de référence peut-être plus en région qu'en région urbaine, pour commencer, parce que, là, les gens sont plus homogènes, sont plus facilement mobilisables.

M. Lemieux (Jacques): Moi, je peux vous dire à ce stade-ci... Je suis d'abord président de la Coopérative de développement régional Centre-du-Québec?Mauricie. Et on a déjà des bonnes collaborations avec l'agence à ce niveau-là. Il y a des pistes qu'on veut envisager à court terme à cet égard-là.

M. Couillard: Je ne peux pas laisser passer votre présence, particulièrement celle de M. D'Amours, avec nous pour aborder la question du financement à long terme du système de santé. Bien sûr, vous introduisez le modèle coopératif comme une partie de remède ou de solution, mais vous savez qu'il y a beaucoup d'autres solutions qui sont débattues. Il y a le modèle que M. Ménard propose, d'assurance pour la perte d'autonomie. Il y a également des modèles de caisses santé généralisées avec contribution santé mais non concentrées sur une activité particulière. Il y a des modèles de copaiement, vulgairement appelé ticket modérateur, mais qui existent dans beaucoup de pays. Votre réflexion peut-être, M. D'Amours, récente sur le financement à long terme du système de santé, elle vous amène vers quelle piste à travers ces grandes solutions là?

M. D'Amours (Alban): D'abord, je dois vous dire d'entrée de jeu qu'il m'apparaît que le système de santé doit demeurer public et les sources de financement doivent être... le payeur doit être l'État. Les formules qui sont mises de l'avant dans votre mémoire de consultation, touchant les cliniques, les cliniques affiliées, qui sont les formules, je pense... pour lesquelles, je pense, l'analyse faite par M. Michel Clair, tout à l'heure, est assez éloquente, hein, dans le sens où elle va permettre à notre système de santé de chercher des pistes d'efficience, réduire nos coûts unitaires, faciliter le financement d'interventions plus spécialisées.

Bien sûr, il faut, dans ce contexte-là, trouver des pistes, et les pistes qui sont dans votre mémoire de consultation, M. le ministre, je pense qu'elles sont des pistes intéressantes. Celles que vous mettez sur la table sont toutes des initiatives qu'il faut d'une certaine façon mettre à l'épreuve du temps. Jusqu'à maintenant, on constate que nous ne pouvons plus laisser évoluer notre système, le financement de la santé à la manière que nous l'avons fait jusqu'à maintenant. Il faut déblayer du terrain nouveau, et les initiatives suggérées, elles m'apparaissent intéressantes à explorer.

n (12 h 20) n

M. Couillard: Et l'apport du milieu coopératif, du mouvement coopératif ou de la formule coopérative, est-ce que ça se situe dans l'axe de solution comme celle qu'on vient d'envisager, un peu en marge, surtout pour les services techniquement non assurés qui sont essentiels pour l'avenir du système de santé? La prévention, la promotion, l'éducation populaire, c'est une partie très importante de la pérennité.

M. D'amours (Alban): À cet égard, la formule coopérative représente un atout considérable dans le domaine de la prévention et bien sûr la prise en charge par les citoyens de leurs besoins de base et de leur santé, que constitue leur santé. Je dirais, j'élargirais même sur le sens de la responsabilité à l'ensemble des entreprises, quelles qu'elles soient. Par exemple, tout le domaine de la prévention, on sait fort pertinemment qu'il y a là une source d'efficacité et d'efficience pour le régime de santé. Alors, on éloigne le curatif et on peut éliminer le curatif éventuel, l'écarter. Alors, dans ce sens-là, il y a une économie, il y a de l'efficience.

Les sociétés, les entreprises en général, et je cite Desjardins en particulier, nous investissons considérablement dans le domaine de la prévention, du mieux-être de nos employés, qualité de vie, gestion du stress, jusqu'à, par exemple, prendre en compte la relation travail-famille qui est une source de stress et une source de maladie. Alors, nous investissons, je le dis, plusieurs millions de dollars annuellement et nous anticipons même avoir un retour financier intéressant parce qu'en améliorant la condition de vie, les milieux de travail, la qualité de vie, bien sûr on améliore aussi la productivité de l'entreprise. Et j'estime que c'est une responsabilité de l'ensemble des entreprises que de s'investir dans la prévention.

Et la formule coopérative s'y prête peut-être davantage, compte tenu que cette dépense à l'égard de la prévention est une dépense qui est justifiable à long terme. Dans une coopérative, l'horizon d'une coopérative est un horizon beaucoup plus éloigné, beaucoup plus long que celui d'un trimestre. On sait la bataille que livrent les entreprises capitalistes devant les exigences du marché. À chaque trimestre, elles doivent faire montre d'une rentabilité, d'une profitabilité qui satisfont les actionnaires, alors que, dans une coopérative, on n'a pas ce souci du trimestre, on a un souci de long terme, et c'est conciliable avec l'idée de la prévention qui, elle, demande de la persévérance. Et là on peut mobiliser beaucoup plus facilement les gens autour du concept de la coopérative pour gérer et réduire ces coûts.

La Présidente (Mme Legault): Merci beaucoup, M. D'Amours. Avant de céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, je vais vous demander tout de suite le consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de 12 h 30. Nous avons le consentement? Très bien, merci.

M. Charbonneau: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, M. D'Amours, M. Lamoureux, Mme Simard et Mme Brassard.

Une voix: M. Lemieux.

M. Charbonneau: C'est Lemieux ou Lamoureux?

Une voix: C'est Lemieux.

M. Charbonneau: Lemieux. Je m'excuse, M. Lemieux. Mon prof de chimie, quand j'étais au secondaire, disait que c'était une erreur de génie. Je n'irais pas jusque-là, là, c'était juste une erreur tout court.

Bien, écoutez, d'abord, d'entrée de jeu, moi, j'aime bien l'idée des citoyens au centre de la gestion de leur santé. Ça me rappelle, quand j'étais ministre de la Réforme des institutions démocratiques, il y a un document de consultation publique que j'avais intitulé Le pouvoir aux citoyens, et, pour faire cette consultation publique, je suis allé chercher votre prédécesseur, M. D'Amours. J'avais demandé à Claude Béland de présider les états généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Alors, c'était cette idée du pouvoir aux citoyens. Donc, ça me rejoint beaucoup.

Maintenant, ce qu'il est important de voir, c'est dans l'opération... Je ne sais pas si j'ai bien compris la remarque du ministre tantôt, qui a dit: Écoutez, nous autres, on a le modèle GMF, on ne changera pas le modèle. Mais, c'est drôle, je n'ai pas l'impression que c'est incompatible, parce que dans le fond le modèle GMF, c'est un modèle où une clinique privée conventionnée a un contrat de services avec un établissement public. Mais une clinique privée conventionnée pourrait être une coopérative qui pourrait devenir dans le fond... qui pourrait opérer comme un GMF et, à ce moment-là, finalement, on a ce dont on parle, là.

Une voix: ...

M. Charbonneau: Hein? O.K. C'est parce que la remarque tantôt donnait l'impression que les GMF, ça ne peut pas se mixer avec la formule coopérative, alors...

M. Couillard: ...

M. Charbonneau: Bon, il y a ça. Mais, comme le ministre nous dit que ce n'est pas ça qu'il voulait dire, alors on ne perdra pas notre temps à...

Une voix: À tergiverser là-dessus.

M. Charbonneau: ...à taponner sur ça.

M. Couillard: ...si vous voulez, M. le député.

M. Charbonneau: Mais là je trouve que vous avez pris pas mal de temps, vous allez me laisser le mien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Alors, moi, ce qui me préoccupe, c'est que, je regarde, actuellement, il y a une expérience controversée à Shawinigan. Et quelle leçon on peut tirer? Parce que là-bas une clinique existante de médecins décide de se transformer en coopérative, puis là on exige des coûts d'adhésion à la coopérative ou des parts sociales qui, oupelaïe! sont assez élevés. Et là ça a fait bondir une partie des citoyens et citoyennes, y compris les députés des deux bords, là.

Et donc, là, est-ce que, le modèle coopératif, pour des cliniques, dans le fond, de soins médicaux ou de soins hospitaliers, est-ce qu'il n'y a pas des barèmes qu'on devrait mettre en place? Et qui devrait les mettre, c'est le mouvement coopératif ou c'est l'État, pour s'assurer qu'un citoyen ne serait pas privé d'être membre de sa coopérative territoriale parce qu'il n'a pas les moyens de payer une part sociale, surtout si la part sociale, là, ce n'est pas par famille, mais c'est par individu? Tu sais, si on dit: C'est 50 $ par personne par... mais, s'il y a une famille de cinq personnes, là, ça commence à être pas mal plus cher. Et puis surtout si, cette famille-là, les gens sont sur le chômage ou sur l'aide sociale, là, ça commence à être encore... Qu'est-ce qu'on fait dans ce temps-là?

Mme Simard (Hélène): C'est sûr que c'est dans une phase expérimentale. Hein, les premières coopératives, là, on référait à Saint-Étienne qui a une dizaine d'années. Et, comme je le disais, les citoyens, quand ils prennent en main, quand ils s'impliquent, c'est pour préserver un service et ils essaient de trouver une solution économique.

Le modèle coopératif, nous, on considère que la responsabilisation exige aussi un investissement économique. Donc, la part sociale, c'est ce principe-là d'autonomie. En général, il est à un coût raisonnable, c'est les membres qui l'établissent. Une fois que la roue est partie, hein, que la coopérative est créée, l'assemblée générale des membres, c'est eux qui statuent des coûts en fonction de la réalité dans laquelle ils vivent. Naturellement, s'il n'y a pas de revenus pour faire vivre le projet, les membres vont décider s'ils continuent ou s'ils se chargent des coûts, comment ils financent ou autofinancent une partie des services.

Naturellement, quand je parlais de partenariat avec l'État, dans le cas des cliniques privées, actuellement, les cliniques entrepreneuriales de médecins qui sont propriétaires de leurs cliniques, il y a un partenariat avec l'État parce que c'est la RAMQ qui rembourse les actes, et là-dedans il y a un coût pour le système, pour gérer les infrastructures. C'est quand on arrive avec des petits groupes, des médecins en trop petit nombre et que, là, il faut aussi assumer l'infrastructure que souvent les communautés... Ou bien, quand la communauté, les membres veulent développer des nouveaux services, se disent: Nous, on veut que notre coopérative nous offre tels services d'accueil, tels bénéfices de plus, bien, à ce moment-là, on va se partager les coûts.

Alors, ce qu'on peut voir sur le terrain actuellement, c'est que c'est ça, la part sociale, dans la plupart, n'est pas une limite importante à la participation des membres. Où il y a eu des cas problématiques ? on l'a vu à Saint-Marc, la question a été soulevée ? c'est quand les gens justement se questionnent sur la cotisation annuelle. La réponse souvent des gens des communautés, c'est de nous dire: On économise tellement en transport et en autres désavantages, que ce soit de l'accompagnement de nos personnes âgées chez le médecin, et tout ça, que, jusqu'à un certain point, on est prêts à le prendre en main.

Mais c'est certain que, je dirais, le modèle coopératif, si on regarde le modèle Desjardins ou la plupart, on n'a pas de coopérative au Québec où l'adhésion est un problème. La libre adhésion et l'accessibilité, ça fait partie de nos principes. Donc, les membres qui adhèrent et qui sont encadrés dans la Loi des coopératives sous forme coopérative ont une organisation démocratique dans laquelle ils vont prendre ce type de décision là. Et naturellement il y a là-dedans des décisions sociales et de solidarité puis il y a des décisions économiques, et c'est la combinaison des deux. Nous, on pense que c'est le meilleur modèle pour le gérer ensemble, les personnes, plutôt que d'imposer des balises. Mais on a quand même une réflexion éthique, dans le milieu coopératif, pour justement... On ne veut pas de dérapage et on pense que les membres en général ont la sagesse de ne pas occasionner ce type de dérapage là.

Et je pense que, dans le cas de Shawinigan, il y a eu une rectification. Je pense qu'en termes de communication les gens n'avaient pas distingué l'accès à la coopérative de l'accès aux médecins. Il y avait une erreur dans la communication du message, alors qu'il y en a une dans les faits, là, une différenciation. Je ne sais pas, monsieur...

n (12 h 30) n

M. Lemieux (Jacques): Oui, en complément. Ce qu'on veut faire au niveau du comité de santé, c'est sûr qu'avec l'agence le mouvement coopératif, on va réguler cet aspect-là et mieux préparer nos accompagnateurs de façon à ce qu'on ne répète pas l'erreur, parce que finalement ça s'est corrigé quelques semaines plus tard, mais c'est, pour nous autres, une leçon aussi.

M. Charbonneau: Bien, c'est parce que, je pense, vous comprenez le problème. C'est que, moi, je suis convaincu que la majorité des gens qui se lancent dans la formule ou qui en font la promotion, tout ça, sont non seulement de bonne foi, mais ils ont des principes éthiques, tout ça, mais il peut arriver que, dans des milieux, à un moment donné, la règle de la majorité, je veux dire, se fasse au détriment de la minorité pauvre, et c'est ça qui me préoccupe. Le reste, moi, je n'ai pas trop de problèmes. Dans le fond, plutôt que d'introduire dans notre système de santé ce que certains voudraient voir introduit, c'est-à-dire une espèce de ticket modérateur, c'est une façon différente d'amener le citoyen à contribuer au-delà de ses taxes et de ses impôts, mais, à ce moment-là, il est partie prenante de la gestion, puis c'est ses affaires, là, tu sais. C'est ça, là.

Mme Simard (Hélène): Il est propriétaire.

M. Charbonneau: Il est propriétaire. Il peut être impliqué dans la gestion puis l'organisation de la coopérative, ce qui n'est pas le cas quand tu paies un ticket modérateur classique et puis que finalement tu n'as rien à dire.

M. D'Amours (Alban): Ça tient à la difficulté très souvent qu'on a à faire bien comprendre la formule coopérative, hein, qui est une organisation, une association de personnes qui se donnent une organisation qui est gérée démocratiquement aussi, qui est dirigée démocratiquement, et c'est en assemblée générale que ses cotisations sont levées, sont décidées, et bien sûr à la majorité. Mais il faut bien dissocier ça de la prestation de services de santé. Alors, bien sûr qu'il doit y avoir une étanchéité parce que, là, ce serait incongru, dans le fond tout le monde le reconnaît, la coopérative ne jouerait pas son rôle d'accessibilité.

Mme Brassard (Marie-Joëlle): Peut-être pour compléter. Concernant la clinique coopérative, il faut la voir comme une réponse de la communauté, que la communauté se donne à un problème d'accessibilité, ce qui veut dire qu'à la base il y a déjà une mobilisation qui se produit dans le milieu.

Et tantôt j'entendais tout le monde dire: Là où il y a de la mobilisation, on va les mobiliser pour qu'ils aillent vers la prévention, la prévention étant une économie de coûts du financement de la santé, on le sait. Maintenant, l'idée, ce n'est pas celle-là. C'est que les gens en amont de la prévention sont déjà mobilisés et, en ce sens-là, ils sont un terroir fertile pour justement se prendre en main et aussi gérer leur propre santé et trouver des moyens, un peu comme les «hans groups» auxquels on réfère dans le mémoire, où les gens vont finalement se regrouper pour glisser vers la gestion collective de leur santé en se dotant de d'autres services, où ils vont, par exemple, aller chercher un nutritionniste, agir sur leurs habitudes de vie, parce que déjà il y a une cohésion dans le milieu qui est présente.

Et ça, on ne pourra pas, nulle part, avoir la prétention de dire: On va mobiliser les milieux. En amont, on doit avoir des milieux mobilisés. Et ça, c'est intéressant parce que les cliniques santé sont une démonstration qu'il y a des gens qui sont déjà mobilisés, et ces forces vives là, elles sont inestimables. C'est quelque chose sur lequel on n'a pas de prise puis qu'eux ont une prise. Et, dans ce sens-là, ils se donnent un pouvoir d'agir sur leurs conditions de vie, d'agir sur les déterminants sociaux de la santé. Et là il y a un potentiel très, très large pour aller beaucoup plus loin en termes de gestion de la santé par les citoyens, de prévention et d'éviter des coûts justement liés au curatif.

M. Charbonneau: Un autre élément de précision. Ce qu'il faut voir, c'est que, si on a une coopérative de santé, que ce soit... polyvalente, c'est-à-dire à la fois impliquée dans toute la dynamique ou la problématique de la prévention et dans la prestation de soins médicaux ou hospitaliers ? mais, disons, médicaux pour le moment, là, le défi, c'est que... Est-ce que tous les gens du territoire doivent être membres de la coopérative pour pouvoir avoir des services de la coopérative?

Mme Brassard (Marie-Joëlle): Selon la Loi des coopératives, on n'oblige pas les gens à être membres d'une coopérative, ça fait partie de la loi d'être... l'adhésion libre et volontaire. Maintenant, les gens sont conscients, les médecins comme la population, qu'il y a une loi sur l'accessibilité des services de santé, elle est là, ils vont la respecter. Quand ils sont membres, ils sont membres par solidarité parce qu'ils veulent se garder des services dans leur milieu, et ça, ça permet justement d'y avoir accès.

M. Charbonneau: O.K. Donc, c'est ça qui peut permettre de résoudre le problème dont on parlait tantôt. C'est-à-dire qu'à la limite tu peux avoir, je ne sais pas, moi, disons 75 % des citoyens d'un territoire qui disent: Nous autres, on est membres de notre coopérative, puis il y en a 25 % qui ne le sont pas, mais les 25 % ne sont pas mis au ban...

Mme Brassard (Marie-Joëlle): Ils ne sont pas marginalisés.

M. Charbonneau: Ils ne sont pas marginalisés, puis l'accès aux services ne leur est pas interdit, là.

Mme Brassard (Marie-Joëlle): Tout à fait.

M. Charbonneau: Bien, c'est ça qui était la crainte, le litige. Avant de passer à un autre sujet, ma collègue voulait...

La Présidente (Mme Legault): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Merci. Alors, bonjour à vous tous. J'ai une petite question concernant les coopératives. On parle de coopératives en termes de soins de santé. Bon, on connaît Saint-Étienne parce que c'est dans notre région. On connaît également Shawinigan puis on sait que le litige portait sur l'accessibilité, là, des gens qui avaient cotisé ou pas. Alors, ça s'est réglé en fait en partie, si j'ai bien compris, là, de par mon collègue de Saint-Maurice.

Je vais vous parler maintenant d'autres formes de coopératives qui donnent ce qu'on appelle des services de restauration, de nettoyage, d'accompagnement. Exemple: L'Interville, à Cap-de-la-Madeleine, ville de Trois-Rivières, secteur Cap-de-la-Madeleine. Je trouve un peu embêtant et même très dérangeant le fait que tu es subventionné par le fameux programme PEFSAD ? qui est l'exonération qu'on donne pour les gens qui donnent ce genre de services là ? quand tu fais de la restauration, tu fais du nettoyage, de l'accompagnement, mais, quand tu vas voir une personne âgée pour l'aider soit en alimentation, en nettoyage ou autrement, il arrive souvent qu'elle te demande d'autres petits services, de l'aider à se lever, donc arrive le soin de la personne, et cette partie de soins là n'est pas couverte par le PEFSAD.

Est-ce que votre association, votre regroupement fait des réclamations, des récriminations présentement... plutôt des demandes, je devrais dire, pour que les coopératives de services, si elles donnent des services à la personne, puissent également avoir accès à ce fameux programme là? Parce que la différence, la glace est tellement mince, là, ça ne se fait quasiment pas, la différence. Tu arrives dans une maison... Moi, j'ai vu des cas qui m'ont été racontés où la dame va dire: Regarde, viens donc m'aider à autre chose à la place, ce n'est pas de ménage dont j'ai besoin. Or, la personne qui est là va possiblement donner une certaine forme d'aide, c'est même allé parfois jusqu'à l'aide au bain, et on le sait que ce n'est pas reconnu. Alors, est-ce que votre association fait des réclamations à ce niveau-là ou est-ce que vos coopératives vous sollicitent là-dessus?

Mme Simard (Hélène): Les coopératives sont regroupées en fédération. Donc, il y a une fédération des coopératives de services à domicile. Et elles sont très interpellées par ces questions-là. Et c'est des questions délicates parce que justement il y a un programme d'exonération qui est dédié à l'aide, au support financier des personnes qui utilisent des services d'aide domestique, maintenant on sait bien que les besoins... Et d'ailleurs, dans la politique récente au niveau des personnes âgées et du maintien à domicile que M. Couillard a rendue publique, on voit aussi que la personne, il faut la voir de façon globale et qu'il y ait une continuité dans les services. Donc, ces questions-là restent présentes.

Les coopératives ayant comme esprit... elles sont propriétés de leurs membres, quand les membres expriment des besoins, elles cherchent à trouver des réponses. Mais il y a des contraintes aussi. Ces réponses-là doivent se faire dans le respect des programmes existants pour le moment. Mais il y a recherche, et, on le voit de plus en plus, on le voit sur le terrain, ces gens essaient de trouver des solutions.

Il y a des solutions sous forme de partenariat avec... anciennement c'étaient les CLSC, maintenant les CSSS. Il y a sûrement dans les... D'ailleurs, dans les annonces de M. Couillard sur le PEFSAD, je pense qu'il y avait toute la question de l'arrimage avec le réseau de la santé. Il a annoncé, là, qu'il y aurait une préoccupation dans la révision du programme pour favoriser cet arrimage-là. Et je pense que les réponses vont venir un peu au fur et à mesure, que de toute façon il va falloir développer les services aux personnes. On le voit, là, on en a entendu beaucoup parler, des aidants naturels, toutes sortes de formes.

Les coopératives sont au coeur du lien avec le besoin de l'usager, parce que les personnes expriment des besoins, mais elles ne peuvent pas rentabiliser tous les services s'il n'y a pas un lien avec l'État sur ce type de services là ou une définition claire de ce qu'elles peuvent faire. Dans certains cas même, elles n'ont même pas accès... il y a certains clients qui n'ont pas accès au PEFSAD, entre autres. Donc ça, il y a dans... Ce programme-là avait été créé dans un esprit, il vient d'être renouvelé. Et je pense que ça appartient beaucoup au ministre de la Santé de définir ce champ-là.

n (12 h 40) n

Mais la Fédération des coopératives de services à domicile est préoccupée, réfléchit à ces questions-là, mais naturellement il faut trouver un équilibre entre ce qui appartient aux services responsabilité de l'État et donnés par les établissements de l'État et ce qui appartient à ce qui peut être organisé sous forme d'entreprises coopératives. Et, dans ce cas-là, on est parfois sur les terrains limites. On voit d'ailleurs des établissements de santé préférer donner un chèque à une personne pour qu'elle achète les services d'un voisin. Ça lui donne le libre choix. Mais en même temps, nous, on pense qu'on aurait intérêt à renforcer des structures d'appropriation de services pour augmenter la qualité, la disponibilité des services sur le territoire aussi, et le lien aussi entre l'usager et le service, ne pas le rendre à proximité tellement exacte de la personne qui rend le service qu'à un moment donné ça devient une relation de dépendance aussi.

La Présidente (Mme Legault): Je devrai conclure. Alors, Mme Brassard, Mme Simard, M. D'Amours, M. Lemieux, je vous remercie pour votre contribution, ce matin.

Nous ajournons nos travaux sine die, en attendant le prochain avis de la Chambre. Et puis, les collègues, je vous avise que vous pouvez laisser vos documents ici, il n'y a pas de problème. Voilà. Merci. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 12 h 41)

 

(Reprise à 15 h 31)

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Je rappelle à tous ceux et celles qui ont des cellulaires de bien vouloir les mettre hors fonction. C'est interdit d'avoir des cellulaires ou de s'en servir dans cette salle. Merci de votre compréhension.

Nous recevons quatre groupes, cet après-midi. Pour débuter, nous allons recevoir la Faculté de médecine de l'Université Laval et tous les établissements de santé membres du RUIS de l'Université Laval; par la suite, l'Ordre professionnel des diététistes du Québec; à 16 h 30, l'Ordre des chiropraticiens du Québec et Association des chiropraticiens du Québec. Nous allons terminer cette belle journée avec la Coalition des médecins pour la justice sociale.

Donc, nous débutons avec la Faculté de médecine de l'Université Laval et tous les établissements de santé membres du RUIS de l'Université Laval. Et je pense que c'est M. Durand qui va être le représentant principal du groupe. Je vous explique le fonctionnement de la commission. Nous avons une heure à passer en votre charmante compagnie: 20 minutes pour présenter votre mémoire, 20 minutes de discussion par la suite, d'échange du côté ministériel, et 20 minutes du côté de l'opposition. Nous vous écoutons.

Faculté de médecine de l'Université Laval
et les établissements de santé membres du
Réseau universitaire intégré de santé de
l'Université Laval (RUIS de l'Université Laval)

M. Durand (Pierre J.): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Pierre Durand, je suis doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval. Je suis accompagné, aujourd'hui, par M. René Rouleau, directeur général du Centre hospitalier universitaire de Québec, et le Dr Claude Poirier, coordonnateur du Réseau universitaire intégré de santé de l'Université Laval. Nous sommes honorés d'avoir été invités à présenter le mémoire de la Faculté de médecine de l'Université Laval et des établissements de santé à désignation universitaire qui font partie de son réseau académique.

Dès sa parution, le document de consultation Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité a suscité de très nombreuses réactions. La preuve, plus de 100 mémoires ont été déposés à la Commission des affaires sociales. Notre participation veut renforcer le message central que nous avons pu décoder dans ce document particulièrement parce que la mission que vous avez confiée à la Faculté de médecine et à ses établissements à désignation universitaire à l'intérieur du RUIS de l'Université Laval va requérir toute l'énergie et toute l'attention des professionnels qui y oeuvrent, particulièrement celles des médecins. Ces derniers ne doivent pas être distraits par une ouverture possible de leur désengagement au système public.

Le message central du document, nous le décodons comme suit. Comme le premier ministre du Québec, l'honorable Jean Charest, le dit dans la lettre d'introduction du document de consultation, le réseau de la santé et des services sociaux a obtenu jusqu'à présent des progrès considérables à l'intérieur du réseau de la santé et des services sociaux publics. La diminution des listes d'attente en cardiologie tertiaire, pour ne donner que cet exemple, a été faite par des efforts ciblés à l'intérieur du réseau public.

Nous sommes donc heureux que la réponse du gouvernement du Québec à l'arrêt Chaoulli se situe, comme dit le ministre de la Santé et des Services sociaux à la page 5 du document, «dans la poursuite et dans l'actualisation d'une réflexion globale sur notre système de santé et de services sociaux et sur le rôle que peut y jouer le secteur privé comme un des éléments de son adaptation à nos défis». Fondamentalement, ce que vous nous dites, c'est: Nous avons fait un bout de chemin considérable ensemble depuis 1970, il en reste encore beaucoup à faire dans l'avenir.

L'architecture du système qui nous permettra de traverser les prochaines années dans notre réseau public a fait l'unanimité de tous les partenaires et est enchâssée dans la loi n° 83. S'il reste des problèmes d'attente qui mettent la sécurité des personnes en danger, malgré toute l'intensité que nous mettrons pour les éliminer, on doit permettre aux citoyens de se doter d'un mécanisme qui leur permettra de recevoir les services dans des délais médicalement acceptables. Ce mécanisme sera financé par l'État, ou les personnes qui le peuvent pourront se procurer une assurance privée.

Dans une rencontre sur invitation organisée en novembre 2005 par la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, deux des trois messages importants et centraux qui sont ressortis de cette rencontre sont les suivants: les données probantes obtenues à l'étranger révèlent qu'une augmentation importante de la demande pour des assurances privées est peu probable en dépit de l'arrêt Chaoulli, cette demande serait même plus faible si on parvenait à réduire les temps d'attente; deux, l'expansion graduelle du financement privé demeure toutefois inévitable, il est donc urgent de planifier la gestion et la réglementation de son rôle et de ses effets sur les systèmes publics.

C'est dans ce cadre que nous vous présentons notre mémoire. Il ne commente cependant pas les solutions qui concernent les scénarios de financement proposés par le livre blanc. Dans une région universitaire comme la nôtre, le maintien d'un système public est le gage du maintien d'une formation professionnelle axée sur le maintien des principes à respecter dans la gestion du réseau de la santé et des services sociaux, qui sont mentionnés à la page 40 du document de consultation, c'est-à-dire: l'universalité et l'équité du régime public de santé; l'intégration des services comme mode d'organisation privilégié; le maintien et l'amélioration de la qualité des services; la disponibilité des ressources humaines dans le secteur public; l'accroissement de la productivité et un meilleur contrôle des coûts du système de santé.

L'ouverture au financement privé et à la distribution des services médicaux par les médecins désengagés. Nous sommes heureux de la solution du gouvernement qui renoue sa profession de foi envers le financement public dans notre système de santé et envers le maintien de l'étanchéité entre la participation et la non-participation des médecins au régime d'assurance maladie.

Les causes des listes d'attente sont multiples. D'ailleurs, dans un système financé par le public, l'attente est un mécanisme de régulation qui peut être nécessaire: l'accès au système ne peut être instantané, sauf dans des situations d'urgence. D'ailleurs, dans la rencontre sur invitation de la Fondation canadienne de recherche sur les services de santé de novembre dernier, certains experts ont mentionné: que les principales préoccupations du public ne sont pas le fait de devoir attendre ou la longueur des listes d'attente mais que c'est plutôt l'assurance de savoir que ceux qui passent avant eux ont des besoins plus pressants et la façon dont ils sont traités pendant leur attente; deux, que les gens n'ont rien contre le fait d'attendre dans la mesure où l'attente est juste, transparente et sans conséquence dommageable pour leur santé, mais, si le système ne fonctionne pas pour eux, ils se tourneront vers les soins de santé privés, probablement par le biais d'une assurance privée.

Nous croyons donc qu'il serait préférable de ne pas placer la rencontre des objectifs de la diminution des listes d'attente en parallèle aux autres objectifs de transformation du réseau, bien décrits dans le document de consultation, mais bien de les intégrer dans un cadre de priorisation des actions à prendre en vue de garantir l'accessibilité à l'ensemble des services en monitorant et en cernant les principales causes des listes d'attente sur chaque territoire des instances locales, en ciblant celles qui apparaissent hors normes et en introduisant des interventions ponctuelles à l'intérieur des investissements publics actuellement octroyés pour moderniser le système de santé afin de les diminuer.

La solution ultime recommandée par le gouvernement dans le cas des délais d'attente médicalement inacceptables est une réponse intelligente et originale au jugement de la Cour suprême et à l'arrêt Chaoulli. Cependant, certaines mises en garde doivent être apportées. L'ouverture au financement privé des services assurés devrait être encore plus balisée que les mesures annoncées dans le livre blanc, car cette ouverture, même si elle est minime, risque de distraire ceux pour lesquels l'adhésion est essentielle pour opérer les changements engendrés par cette nouvelle transformation et pour maintenir le haut niveau de formation professionnelle qui est actuellement prodigué aux étudiants, aux externes et aux résidents en médecine: les médecins.

En effet, le passage d'un système où les services sont ponctuels et donnés à l'intérieur d'un établissement à un système où les services sont donnés à l'intérieur d'un continuum de services et en réseau demande une adaptation importante des médecins et requerra des modifications importantes dans l'organisation de leur travail.

n (15 h 40) n

Une plus grande ouverture à la possibilité de se séparer du système public distraira les médecins de leur obligation de s'impliquer encore plus pour assurer la réussite de notre transformation et la rencontre des objectifs d'une médecine véritablement académique. Cette ouverture créera, pour les médecins, une force centrifuge potentielle hors du réseau public qui les éloignera de leurs responsabilités premières, qui sont de soigner et d'enseigner à l'intérieur d'un système public. L'écologie médicale risque d'en souffrir: les médecins qui sont dans une spécialité où les délais sont importants auront la possibilité de sortir du système public et ainsi de ne pas avoir à se soumettre aux contraintes nécessaires à la jouissance des privilèges en établissement public, qui sont beaucoup plus exigeantes.

Nous croyons que le gouvernement doit être sensible aux problèmes potentiels suivants, qui risquent de se produire lorsque sera introduite la possibilité que certains actes diagnostiques et thérapeutiques soient fournis par des médecins désengagés du système d'assurance maladie et payés par le financement privé.

Un, le mécanisme qui peut être utilisé par les médecins pour allonger les listes d'attente est l'élargissement des indications cliniques pour l'acte diagnostique ou thérapeutique qui est ciblé par le ministre pour être potentiellement financé par une assurance privée ou l'élargissement des indications cliniques d'un acte quelconque pour augmenter la liste d'attente dans le but de le faire reconnaître dans la liste des actes où les délais seront jugés excessifs, créant ainsi une liste d'attente artificielle. Comme ce sont les médecins eux-mêmes qui définiront les délais médicalement acceptables, on craint ainsi l'ouverture au financement privé.

Deux, le glissement des budgets publics importants pour réduire les listes d'attente d'un acte diagnostique ou thérapeutique plus médiatisé, parce que plus technique ou spectaculaire, afin qu'il ne devienne pas accessible au financement privé risque de détourner des fonds qui seraient plus utiles ailleurs, pour des services moins médiatisés et à des clientèles qui sont plus vulnérables.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux a, d'après le document de consultation, la responsabilité de définir les procédures qui seront admissibles à un financement privé par règlement. Avec cette responsabilité, il court le risque de subir des pressions importantes de la part de très nombreux groupes de pression, qu'ils soient médecins ou qu'ils représentent des associations de malades, afin de faire reconnaître, sur la base de critères qui ne sont pas nécessairement ceux qui ont été retenus par le gouvernement, une considération particulière pour leurs maladies, l'accès à un traitement ou une technique désirés.

À partir de critères qui touchent la qualité de vie des personnes, l'importance des listes d'attente, l'ampleur des volumes de production requis, on peut entrevoir une hiérarchisation des délais d'attente, certains étant moins importants que d'autres, et une possible judiciarisation des processus pour faire reconnaître tel ou tel acte diagnostique ou thérapeutique comme étant essentiel à la qualité de vie des personnes, permettant ainsi au médecin qui pratique cet acte d'avoir accès à une voie de financement privé et ainsi de créer une opportunité pour ces médecins de quitter le système public. Dans ce contexte, l'introduction d'une garantie de service par le ministre, même si elle doit faire partie de la solution, constituera un mécanisme de révision de nature quasi judiciaire qui permettra aux individus qui jugent excessifs certains délais pour obtenir un traitement ou porter plainte de porter plainte et d'obtenir une référence vers un autre établissement public et privé.

Nous recommandons au ministre de créer une structure similaire au Conseil du médicament pour dépolitiser le processus d'autorisation des actes et ainsi permettre à un groupe d'experts de lui faire des recommandations.

Il y a risque que le gouvernement doive garantir des services d'activité minimaux afin d'assurer la rentabilité des investissements qui seront nécessaires pour construire les infrastructures qui permettront d'effectuer des actes ciblés par le ministre. La détermination de ces volumes minimaux de services sera déterminant.

Finalement, on doit anticiper de nombreux problèmes qui surgiront lors de la gestion des listes d'attente des actes qui seront ciblés par le ministre. Il y a risque d'une bureaucratisation excessive des processus, car chaque cas éligible au financement privé devra être autorisé par un fonctionnaire d'une agence en plus d'avoir été géré à 30, 60 et 90 jours pour obtenir les consentements des patients à toutes les étapes critiques du processus. Il faudra de plus créer des mécanismes de contrôle pour éviter que quelqu'un qui détient une police d'assurance pour un acte éligible au financement privé ne coupe la ligne et aille directement se faire opérer dans le privé, sans s'inscrire sur une liste d'attente publique. Le document d'ailleurs prévoit déjà ces problèmes: «Plus l'ouverture à l'assurance privée est grande, plus sa mise en oeuvre nécessite des mesures de contrôle variées, ce qui rend plus complexe la gestion de l'ensemble du système.»

Pour éviter d'avoir recours à toute cette procédure d'ouverture aux services médicaux assurés financés par le privé, nous croyons que le gouvernement devra être proactif dans la façon dont il répondra aux problématiques de délais d'attente. Deux solutions sont suggérées: la première est d'augmenter la disponibilité en soins et services anesthésiques et, la deuxième, à l'instar de ce qui est proposé dans le document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité, l'ouverture au travail par les médecins spécialistes dans des cliniques spécialisées affiliées. M. Rouleau va continuer le texte ici.

Le Président (M. Paquin): M. Rouleau, on vous écoute.

M. Rouleau (René): Merci, M. le Président. Augmenter la disponibilité en soins et services anesthésiques. Nous croyons qu'actuellement le réseau public des hôpitaux du territoire du RUIS de l'Université Laval pourrait augmenter le nombre de procédures chirurgicales, les plateaux techniques et les chirurgiens étant disponibles. Une des plus grandes contraintes à cette augmentation de volume est l'accessibilité aux médecins anesthésiologistes. Plusieurs variables expliquent cette pénurie: d'abord, une pénurie artificielle causée par une moyenne de semaines non travaillées par les anesthésiologistes de l'ensemble du Québec qui est de 10 à 12 semaines par année; les difficultés de recrutement des anesthésiologistes en milieu urbain, là où se trouvent les listes d'attente, à cause de la pénurie d'anesthésiologistes en région; et la règle d'un anesthésiste par salle, quelle que soit la complexité des cas qui s'y retrouvent.

Nous croyons que le ministère de la Santé devrait impliquer de façon plus importante les anesthésiologistes dans la problématique des listes d'attente afin de les amener à augmenter leur disponibilité là où ce sera requis. Nous croyons aussi, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres champs cliniques, en particulier pour les infirmières praticiennes surspécialisées en néphrologie, en néonatalogie et en salle d'opération, que le ministère pourrait créer des postes de professionnels surspécialisés en techniques et soins anesthésiques, par exemple des inhalothérapeutes spécialisés, pour augmenter, sous la supervision des médecins anesthésistes, la capacité opératoire du réseau de la santé.

La deuxième solution: les cliniques spécialisées affiliées. Le ministère de la Santé et des Services sociaux devra concentrer toutes ses énergies à intéresser les médecins spécialistes à sa nouvelle transformation basée, entre autres, sur le travail en réseau. L'ouverture au travail dans les cliniques spécialisées affiliées apparaît intéressante si elle est accompagnée du maintien, pour les médecins qui vont y oeuvrer, de l'ensemble des obligations rattachées à la pratique de la médecine en établissement public. Ces obligations sont rappelées dans notre mémoire.

La plus grande transformation dans la distribution des services est celle du passage à une médecine pratiquée majoritairement sur des patients alités à une médecine pratiquée sur des patients ambulants. De plus, les organismes d'agrément obligent maintenant à ce que plus de 15 % de la formation au premier cycle et dans les programmes de résidence soit effectuée auprès d'une clientèle ambulatoire. Finalement, les 95 CSSS du Québec doivent, dans le cadre de l'élaboration de leurs projets cliniques, assurer l'accès à leurs clientèles aux services diagnostiques et aux services spécialisés et ultraspécialisés à l'intérieur de corridors de services dans le cadre d'ententes de services avec les établissements qui desservent la population de leur territoire.

Nous croyons qu'il y a donc une opportunité de rallier les médecins spécialistes à des objectifs d'amélioration d'accessibilité aux services spécialisés ambulatoires et la rencontre des critères d'agrément des programmes de formation pour les externes et les programmes de résidence en les associant à des projets de modernisation des immobilisations dans notre réseau d'établissements publics. Ce réseau est de plus en plus vétuste, n'a pas été construit et structuré pour la distribution de soins et de services ambulatoires, encore moins pour la formation des médecins et des résidents à la médecine ambulatoire.

Si le privé doit jouer un rôle accru dans la distribution des services de santé, nous préférons que les solutions qui seront retenues privilégient des services de santé dont le financement et la coordination demeurent publics, qui sont donnés par les médecins participant au régime d'assurance maladie mais qui pourraient être distribués dans des installations privées, appelées cliniques spécialisées affiliées, mais qui, tout en étant adjacentes aux établissements publics, devront rencontrer certaines conditions.

Le précédent existe, le gouvernement a favorisé la création des GMF et des cliniques médicales affiliées pour assurer à la population une accessibilité à des services médicaux de première ligne notamment aux heures défavorables. Ces nouvelles structures peuvent être en CLSC, en unité de médecine familiale ou en clinique privée. Le ministère a donc déjà investi des ressources autant dans des structures privées que dans des structures publiques pour rencontrer ses objectifs de prise en charge de la population, mettant ainsi fin à un débat idéologique entre les CLSC et les cliniques privées qui durait depuis 40 ans.

Le Président (M. Paquin): M. Rouleau, permettez-moi de vous souligner qu'il reste environ deux minutes pour votre présentation.

M. Rouleau (René): J'arrive à la conclusion, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): D'accord, formidable.

n(15 h 50)n

M. Rouleau (René): L'objectif de résultat doit prédominer sur les moyens utilisés à la condition que le financement demeure public, que les médecins soient participants au régime et que les cliniques remplissent certaines obligations, qui sont présentées en détail dans notre mémoire.

En conclusion, la Faculté de médecine de l'Université Laval et les établissements de santé à désignation universitaire membres du RUIS de l'Université Laval considèrent que le gouvernement du Québec a répondu de façon originale au défi que pose la réponse du système de santé aux listes d'attente. Ils considèrent que tous les efforts doivent être faits pour remédier aux principales listes d'attente à l'intérieur du système de santé public. Tous les efforts doivent être faits pour que les compagnies d'assurance n'aient pas d'incitatifs suffisants à offrir un produit intéressant à la population. Tous les efforts doivent aussi être faits pour limiter les effets secondaires potentiellement néfastes que peut créer cette ouverture au financement privé, dont l'augmentation artificielle des listes d'attente et l'option d'introduire une forme de garantie de services pour une multitude de techniques et problèmes de santé, ce qui entraînerait une judiciarisation excessive des processus de soins.

Les médecins spécialistes doivent concentrer leurs efforts à participer à cette nouvelle étape de la modernisation du réseau de la santé qui est le travail en réseau. À cette fin, une implication supplémentaire des médecins anesthésiologistes doit être sollicitée, et la mise en place de cliniques médicales affiliées, financées par le public mais construites et gérées par le secteur privé, peut amener les médecins spécialistes à augmenter leur offre de services dans le cadre de la demande supplémentaire de services que créera la mise en place des projets cliniques des CSSS et qui est essentielle à la formation des professionnels de la santé de demain. La mise en place de ces cliniques doit cependant être accompagnée d'obligations bien circonscrites pour les médecins qui y participeront. Nous vous remercions, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Monsieur, merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Durand, M. Rouleau. Excusez-moi, monsieur, je me...

Une voix: Poirier.

M. Couillard: M. Poirier. Je m'excuse, j'ai eu un trou de mémoire. Effectivement, vous avez, je dirais, largement fait une bonne lecture du document de consultation. La solution qu'on propose est entièrement dans le financement public, soit par prestations publiques également soit, dans quelques cas, surtout dans le milieu urbain probablement ? quelques cas, là, il n'y en aura pas des centaines, loin de là ? de cliniques affiliées, exactement sur le modèle que M. Rouleau a mentionné, c'est-à-dire avec des contrôles d'obligations remplies dans les hôpitaux et des ententes qui partent de l'établissement, d'ailleurs. C'est l'établissement qui est contractant avec la clinique affiliée, avec ses médecins de CMPD. Donc, il y a un élément de contrôle majeur là.

Il y a toujours une petite perception que je corrige à chaque fois, c'est qu'à cause de l'obligation ou de la forte insistance amenée par le jugement de la Cour suprême, que nous ne surinterprétons pas ? par rapport à d'autres personnes qui voyaient là la permission d'une ouverture très large à un libre marché dans les services médicaux, ce n'est pas du tout la lecture qu'on a faite ? on a fait une petite ouverture à trois procédures pour l'assurance privée. Mais il ne faut pas créer la perception dans le public qu'on vient de créer quelque chose de nouveau. Aujourd'hui même, vous pouvez, vous, aller à Montréal vous faire opérer par un médecin non participant en payant de l'argent, là. Mais je le dis parce que des fois les gens ont l'impression qu'on vient d'annoncer le début de ce phénomène-là, alors que c'est un phénomène qui existe depuis des années. Le seul point qui a été ajouté, c'est la question de l'assurance, qui n'est en soi ni une solution au financement de la santé ni une solution significative au problème d'accès, tout le monde en convient. D'ailleurs, les preuves sont bien établies.

Je vais peut-être profiter de votre présence, M. Rouleau, pour nous parler de l'intérieur d'un établissement, comment tout ça se vit. Puis je ne veux pas cibler votre établissement. Je vous le dis tout de suite, il n'y a pas de piège, là. Je ne connais pas la situation, je n'ai pas regardé les chiffres de votre établissement avant de venir ici. Je veux qu'on échange sur la réalité d'un directeur général et de ses équipes médicales, comment est-ce qu'on fait ce travail-là de réduire les listes d'attente. On a eu ? je ne sais pas si vous avez vu ? hier, la déposition du Dr Bolduc, qu'on connaît tous bien, là, d'Alma, qui a une belle démonstration de la façon dont les choses se font.

Et il y a trois éléments que je voudrais aborder avec vous: d'abord, la question de la gestion de la liste d'attente; deuxièmement, la question des coûts unitaires, parce que, lorsqu'on va faire des évaluations de projets de cliniques affiliées, la question des coûts unitaires va entrer en jeu; puis, troisièmement, j'aimerais ça aborder la question des anesthésistes ? Dr Durand l'avait abordée tantôt ? sans les stigmatiser ou les culpabiliser non plus, mais quand même voir certaines réalités.

Alors, prenons d'abord la liste d'attente. Moi, je suis assez persuadé, puis persuadé par l'expérience concrète qu'on vit dans quelques établissements depuis quelques semaines, que, si on fait, dans un établissement, sous l'impulsion du directeur général, des chefs de département, une opération toute simple de ne faire que téléphoner à chaque patient qui est sur la liste d'attente depuis plus de six mois, d'abord on dégonfle énormément le problème perçu de liste d'attente, parce qu'on constate qu'il y a beaucoup de ces patients-là dont eux-mêmes ne savent même pas des fois qu'ils sont sur la liste d'attente, ou qui ont déjà été opérés, ou qu'ils ne veulent plus être opérés. Une fois ceci fait, il faut faire suite avec ce que le Dr Bolduc nous disait. Si on fait l'exercice encore une fois simple de prendre tous nos patients hors délai puis les faire opérer en priorité, il n'y en aura plus, de patients hors délai, ou presque plus. Et, ayant vécu moi aussi dans un centre hospitalier, je sais que, quand on fait ça, ça fonctionne.

Alors, il n'y a rien qui nous empêche de faire ça maintenant. On n'a pas besoin d'attendre qu'on ait déposé un projet de loi puis qu'on ait mis en place les mécanismes de garantie d'accès. Alors, où est-ce qu'on en est dans les établissements ? puis encore une fois je ne cible pas votre établissement, M. Rouleau, là ? où est-ce qu'on en est, dans les établissements, pour cette opération simple, qui n'est pas lourde en termes d'organisation puis qui va nous donner des beaux résultats, où on pourra montrer aux gens: Écoutez, on est très près de la solution ou on a peut-être besoin d'une aide pour les cliniques affiliées, pour un petit volume de tels types de chirurgies, puis c'est tout?

M. Rouleau (René): Vous avez raison. D'abord, je pourrais avec fierté vous dire que nos résultats sont très bons, cette année.

M. Couillard: Je n'en doutais pas.

M. Rouleau (René): On a fait tous les blitz, on a fait une production vraiment très importante. Effectivement, la première étape, c'est de s'asseoir avec nos médecins puis d'accepter avec eux de gérer la liste d'attente dans le sens que vous l'avez demandé, ou les gens appellent ça le nettoyage de la liste d'attente, où on fait systématiquement une analyse des cas, et ça rentre dans la culture, hein? On connaît un peu les «caseloads» de nos cliniciens, on travaille là-dessus. Puis ce n'est pas une chasse à trouver celui-là qui fait des doublons. Ça, c'est la première étape à faire. Quand elle est faite de façon positive, constructive, je pense que le bon sens prend le dessus, puis les choses arrivent, ça, c'est bien évident. C'est la première chose.

Des patients hors délai, il y en a de moins en... en tout cas, il y en a... À ma connaissance, ce que je vis depuis plusieurs années dans le système, des patients hors délai en situation de dangerosité, il n'y en a pas, là. Des patients qui ont le cancer ou qui ont... Il y a des délais des fois où il faut prendre le délai de temps pour bien faire le diagnostic, préparer le patient à recevoir son traitement. Mais des patients hors délai où la morbidité est très haute, c'est quelque chose sur lequel le Québec s'est attelé de façon globale, puis on a une performance remarquable à ce niveau-là.

Où ça devient un petit peu plus difficile, c'est dans l'électif, dans le secteur électif. Et où c'est encore un peu plus difficile, c'est quand on a des grosses urgences à gérer. Vous savez, là, qu'il y a un peu des coûts de friction, j'appellerais, entre la gestion parfaite d'une urgence et la gestion des lits que ça prend pour faire les chirurgies électives.

Donc, il faut vraiment avoir une fine analyse, période par période, de nos «peaks» ? excusez-moi l'expression ? des urgences puis nos «peaks» en chirurgie pour trouver l'équilibre dans un centre hospitalier. Et c'est là parfois que la collaboration des anesthésistes, des spécialistes est très importante, c'est là qu'il faut vraiment les associer à la lecture de ces réalités-là pour aller chercher le maximum, le maximum de ces systèmes-là.

Par contre, je pourrais vous dire aussi que ? on y a réfléchi, là, chez nous ? on pourrait, avant d'ouvrir des cliniques affiliées, peut-être vous offrir des blocs d'heures non traditionnelles, par exemple de 6 heures à 9 heures, où nous pourrions, nous, à des coûts unitaires extrêmement compétitifs, en collaboration avec nos équipes médicales, offrir à la population des surblitz, si vous voulez, de façon à encore une fois diminuer les temps d'attente.

Dernière dynamique pour laquelle on fait une très grande attention, surtout en région extrêmement étendue comme la région du RUIS de l'Université Laval, on fait maintenant une analyse très précise de la provenance de nos clients et on fait très attention, dans les cas où on doit absolument arrêter des chirurgies parce qu'on a trop chargé le programme opératoire, on fait attention à ne pas canceler des citoyens qui viennent de très loin des centres hospitaliers, parce qu'on connaît le désagrément, ce que ça veut dire. Donc, on travaille avec les codes postaux, on fait attention de façon à ce qu'un citoyen de Rimouski qui vient chercher une chirurgie à Québec bien on le traite en premier par rapport à un citoyen qui peut venir de L'Ancienne-Lorette ou de Sillery ? pour dire quelque chose. Donc, on fait attention dans l'électif, on a une pensée pour les citoyens à ce niveau-là. Et, à ma connaissance, à Québec, le problème est un peu moins aigu qu'à Montréal.

M. Couillard: Oui, effectivement, il y a une différence. Puis, même à Montréal, le travail de validation des attentes n'est pas fait partout, là. Il y a juste à regarder les chiffres, puis je sais déjà quel hôpital a fait le travail puis quel hôpital ne l'a pas fait encore.

Il y a certains principes qui m'apparaissent importants. D'abord, votre suggestion pour des heures étendues, on est d'accord, on en a parlé aux associations. Tu sais, finalement, M. Rouleau, là, il va falloir que les hôpitaux nous présentent un plan, il y a une ressource financière qui est mise à la disposition, puis que les résultats sont là. Comme disait le Dr Durand, puis vous, dans votre présentation, on n'est pas obsédés par le moyen. Le jour que les citoyens vont être traités dans les délais, je pense que tout le monde va être satisfait. Puis je pense que vous êtes en mesure de commencer à le faire. C'est pour ça qu'on le fait progressivement avec trois chirurgies. Parce que, si on vous annonçait pour dans six mois une garantie d'accès pour toutes les chirurgies à six mois, je pense que, là, on aurait de la misère. Mais commencer... apprendre à se servir de cet outil-là pour ensuite l'étendre, je pense que c'est une bonne chose.

Mais les listes d'attente, puis comme ancien médecin praticien moi-même, là, je le dis avec beaucoup de liberté, on est d'accord qu'il faut qu'elles sortent des sarraus des médecins puis qu'il faut qu'elles soient centralisées puis gérées centralement. C'est une condition préalable, un. Puis, deuxièmement, il faut qu'on définisse c'est quoi, un patient ou un malade prêt à être opéré. Moi, j'ai des définitions, j'ai une définition pour ça: c'est un patient qui a eu tout son bilan préopératoire, qui a signé son consentement opératoire puis chez lequel on a fait une préinscription. Sinon, ce n'est pas un patient... pour moi, ce n'est pas un patient en attente de chirurgie.

Alors, est-ce que vous pensez que cette gestion centralisée ? quand on dit «centralisée», on ne veut pas dire au ministère, là, on veut dire dans l'établissement ? de la liste d'attente, la possibilité d'avoir recours à des heures... Tu sais, si vous voulez l'opérer le samedi matin, votre patient, moi, je n'ai aucun problème avec ça. Il faut que ça rentre par contre dans votre arrangement que vous allez avoir avec l'agence puis le ministère et puis également la question des disponibilités en termes de salle d'opération. Mais, si on fait juste ça, là, moi, je suis... évidemment, on a tous des grandes ambitions, là, mais, si on fait juste valider nos listes, les gérer centralement, embarquer les médecins avec nous pour montrer que c'est comme ça que tout le monde va opérer plus un jour si on devient plus efficaces dans le système de santé, je pense qu'on va réussir.

n(16 heures)n

M. Rouleau (René): Vous avez raison. Dans le fond, même la gestion pourrait être peut-être même régionale, parce qu'il faut travailler dans un réseau d'hôpitaux, parce qu'il y a des périodes où... Nous, par exemple, dans un de nos centres, on traite beaucoup de cas de cancer. Donc, c'est la priorité. Donc, on pourrait probablement gérer ça en réseau, ce qui est très important. Il ne faut pas oublier quand même les services périphériques, autour, en réadaptation, ces choses-là, parce qu'il ne faut pas recréer un goulot d'étranglement.

La dernière chose que je dois vous dire, c'est que la demande est un peu élastique, la demande est élastique. C'est que plus nous allons travailler, bien travailler, plus on va diminuer les délais, ce qu'on disait un peu dans notre mémoire. Il faut avoir ? excusez l'expression anglaise ? des «guidelines» pour savoir qu'est-ce qu'on accueille puis qu'est-ce qu'on n'accueille pas en matière de chirurgie. Parce qu'un médecin aussi a la capacité de générer une certaine forme de demandes. Et, avec le vieillissement de la population, avec les besoins de la population, on va avoir une demande en accélérant dans les types de chirurgies que vous avez demandés, là, hanche et genou. Puis il faut avoir aussi une bonne finesse d'analyse, parce qu'on est rendu à la deuxième génération d'interventions en hanche et genou, on est rendu dans les révisions de prothèses de hanche et genou, et ça, c'est onéreux. Bon, il y a des choses de cette nature-là qu'il faut analyser comme il faut. Mais on a toute l'information, on a la capacité. Il faut que tous les partenaires s'associent autour de ça puis en fassent une priorité absolue.

M. Couillard: Et, moi, je pense qu'on va y arriver ensemble, à cet objectif-là. Mais je pense, je crois profondément, comme a dit Michel Clair ce matin, que les cliniques affiliées, c'est une bonne innovation dans notre réseau. Encore une fois, on est dans le parapluie du financement public, une relation formalisée établie avec un établissement public, les mêmes médecins, on n'est pas dans un domaine de réseau parallèle, là. Mettons-nous ça comme il faut en tête.

J'ai l'impression que, si on se projette, avec les années là, cinq, 10 ans, un établissement comme le vôtre qui est un établissement de haut niveau, un centre hospitalier universitaire, il y a probablement toute une gamme de procédures chirurgicales que vous pourriez dégager de votre plateau technique dans ces cliniques affiliées là, quel que soit le reste des efforts qu'on fait. Vous ne croyez pas?

M. Rouleau (René): Oui, je crois. Puis d'autant plus que la technologie évolue aussi. J'ai participé à des simulations où on m'a expliqué que, dans quelques années, plusieurs chirurgies qu'on fait aujourd'hui qui nécessitent un plateau technique élaboré, qui demandent un certain temps d'hospitalisation, il y en a même qui croient qu'on pourra les faire en un jour, si on travaille de façon optimale. Donc, la technologie va nous aider aussi à diminuer les délais.

Mais la chose la plus importante, au-delà de la technologie, c'est vraiment de s'assurer d'avoir la disponibilité des médecins, des anesthésistes en particulier, actuellement, là. On a insisté là-dessus dans notre mémoire parce qu'on voit un peu une dynamique particulière dans cette surspécialité-là, cette spécialité-là, et on voudrait vraiment qu'ils soient associés à la solution avec nous. Parce que ça part de là, hein? Si on n'a pas la disponibilité des anesthésistes, puis on n'est pas capables d'ouvrir, par exemple, à la pratique avancée en soins infirmiers, puis on veut faire les volumes, on va arriver dans un problème, là...

Moi, par exemple, un de mes grands problèmes, c'est qu'on est un centre important au niveau de l'obstétrique et de la gynéco, et, quand on arrive en concurrence, par exemple, pour faire une césarienne, versus certains programmes opératoires hanche et genou, c'est sûr et certain que mes anesthésistes vont aller faire les césariennes. Donc, dans un établissement surspécialisé comme le nôtre, ça peut être aussi contradictoire ce qu'on peut amener.

C'est que ce serait peut-être plus rentable d'avoir des établissements dédiés, par exemple, à la petite et moyenne chirurgie, qui ne serait pas en compétition avec les grandes chirurgies. Vous avez été médecin, vous savez, les neurochirurgiens, par exemple, dans l'hôpital, ça, c'est la première priorité. Mais c'est comme ça que ça fonctionne.

M. Couillard: ...que vous voyiez ça de même.

M. Rouleau (René): C'est comme ça que ça fonctionne: chirurgies cardiaques, chirurgies au domaine du cancer, c'est les deuxième, troisième priorités. Mais on arrive après ça, bien là il faut faire des choix. Moi, je pourrais voir, par exemple à Montréal aussi peut-être à Québec, qu'on ait des centres dédiés dans certaines typologies de chirurgies moins invasives puis qu'on aurait vraiment un programme opératoire bien balisé, avec des gens dédiés particulièrement là-dessus. Et là on ferait du volume.

M. Couillard: Puis le bon côté des cliniques affiliées, on en parlait ce matin avec Michel Clair, c'est que ça crée des plateaux techniques qui sont protégés, entre guillemets, de la pression de la salle d'urgence, à laquelle vous faisiez allusion tantôt. Alors, il y a un élément de qualité de pratique professionnelle également qui entre en jeu. Bon.

Deuxièmement, la question des coûts unitaires. On a eu une discussion là-dessus. Parce que c'est certain que, lorsqu'on va faire l'évaluation des projets, les gens vont nous dire: Bien, on est capables de vous faire ? je ne sais pas, moi, je prends un exemple ? 1 500 arthroscopies dans une année au coût unitaire de tant. Puis là ce qu'on va faire, c'est qu'on va regarder l'offre, puis on va regarder, chez vous, 1 500 arthroscopies à tant, ça coûte combien. Mais là ce que Michel Clair nous dit, c'est qu'on ne compare pas honnêtement. C'est-à-dire que, lui, on lui demande l'ensemble de son coût pour arriver à son coût unitaire, puis, vous, vous allez enlever ? je dis «vous», les établissements ? vous allez enlever l'effet du service de la dette, l'entretien ménager, les frais d'administration puis vous allez finalement présenter un coût qui est un coût marginal. Donc, on n'a pas un terrain de jeu égal ? «level playing field» ? dans notre comparaison des coûts unitaires et de ceux présentés par la clinique affiliée. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Rouleau (René): Bon, bien, moi, je ne suis pas d'accord avec Michel Clair là-dessus. Écoutez, l'État, la société paie des infrastructures de toutes sortes de façons avec ses taxes et impôts. Moi, je serais d'accord, M. le ministre, si vous nous mettez en compétition correcte. Vous dites: J'ai 1 500 arthroscopies de la hanche ou du genou, je fais un appel d'offres puis je voudrais avoir, pour la population, accès à ce nombre-là. Puis vous nous mettez en compétition. Puis on va essayer de répondre à votre appel d'offres. On va vous dire notre partie de coûts fixes puis nos coûts variables, puis on va vous sortir un coût marginal, puis vous l'analyserez avec les crédits publics, parce que c'est un financement public. Et, moi, je pense que vous devriez profiter des infrastructures qui ont été payées par la population pour les optimaliser puis les rentabiliser. Puis que Michel Clair, bien, baisse ses coûts unitaires, il va faire juste un petit peu moins d'argent.

M. Couillard: Il n'y a pas de mal à faire de l'argent, en passant, là. Tu sais, il ne faut pas démoniser ça non plus, là. L'important, c'est que ce soit financé par le public, puis qu'il y ait un accès égal pour les citoyens, quel que soit leur niveau de revenus, puis que la qualité des services soit au rendez-vous. Je pense que, tu sais, si on regarde autour de nous dans le monde, là, on est un des seuls pays à avoir un système comme on a là, actuellement. Mais on peut être ouverts à évoluer un peu.

La question des anesthésistes, là, je dois dire qu'on a une belle collaboration avec l'Association des anesthésistes, pour les régions. Je ne sais pas si j'ai avec moi... Je ne pense pas qu'aujourd'hui on l'ait, mais... On l'a-t-u? Oui? On va la faire circuler. Je vais illustrer c'est quoi, la situation, exactement ce que vous dites, Dr Durand. On va la sortir.

Une voix: ...

M. Couillard: O.K. Tiens, on va transmettre ça aux collègues, puis vous pourrez en avoir copie également. C'est le bilan de l'an dernier: les hôpitaux, il y a eu zéro anesthésiste pendant combien jours. Vous allez voir que le nombre est assez impressionnant. Mais j'essaie, moi, de comprendre la réalité de ça. Parce que, si je regarde notre nombre d'anesthésistes au Québec par rapport au nombre d'anesthésistes ailleurs, il n'est pas tellement différent, hein? C'est quoi, le problème de fonction, là, qui fait qu'on a ce problème-là apparemment plus au Québec qu'ailleurs puis qu'on se retrouve, comme vous le dites, avec des anesthésistes qui ne sont pas disponibles? Comment est-ce que vous expliquez ça? Fascinant, d'ailleurs, cette liste-là.

M. Rouleau (René): Alors, moi, je peux risquer une réponse, peut-être M. Poirier pourra compléter. Mais je pense que la clé est dans peut-être le mode de rémunération pour les incitatifs, là. Moi, je pense qu'il y a une partie de ça qui est là-dedans. Parce que, tu sais, la légende urbaine, c'est qu'il y a certains médecins anesthésistes qui font leur ancien plafond ou leur besoin de rémunération en un certain nombre de temps, puis ils choisissent d'intervenir en région, où il y a des bonifications à leur rémunération, puis, à partir d'un certain nombre de semaines puis un programme bien élaboré, bien, en 30, 32, 34 semaines, eux autres, ils disent: Nous, pour la rémunération marginale, ça nous intéresse moins. Bon.

M. Couillard: Pensez-vous qu'on est en train de créer un système de plan de carrière un peu involontaire, là, de disponibilités mal réparties, avec des activités de remplacement couplées à une activité de pas tout à fait temps plein dans un hôpital?

M. Rouleau (René): Ce n'est pas ça qu'on veut, mais des fois ça peut s'apparenter à ça. Moi, j'en ai, des anesthésistes, chez nous, qui acceptent d'aller, par exemple, aider aux Îles-de-la-Madeleine ou en Gaspésie.

M. Couillard: On est contents qu'ils y aillent.

M. Rouleau (René): On est bien contents, puis on les encourage. Puis, comme RUIS, c'est ce que vous nous demandez, puis on les incite à faire ça. Sauf qu'on donne une valeur à cette activité-là, ce qui fait qu'eux... je ne sais pas exactement la valeur qu'on donne à cette activité-là, mais, eux, ils deviennent moins disponibles pour chez nous, bon, par défaut. Et là, bien, il faut trouver l'équilibre dans ça. Puis, quand ils reviennent, parfois, bien, ils diversifient un peu leurs tâches, ils font les cliniques de la douleur, ils font d'autres activités qui ne sont pas les activités qu'on souhaiterait faire. Ils n'aiment pas toujours les horaires irréguliers. Vous savez, ce n'est pas toujours facile d'être disponible de soir, de nuit, pour faire les urgences, etc. Bien, ils vont plutôt se réfugier dans des horaires réguliers de jour en région périphérique puis ils réussissent à faire le même niveau d'activité.

Donc, je ne pense pas qu'on a incité ça, mais à la résultante, des fois, on observe des comportements comme ça, surtout quand la personne avance en âge, puis que c'est dur de faire des gardes, puis que c'est difficile, puis c'est complexe, c'est compliqué.

M. Couillard: Parce qu'écoutez c'est très dur, la pratique, là. Ils font des gardes la nuit, ils ne dorment pas du tout, puis le lendemain... Plus on avance en âge, plus c'est difficile de récupérer de ça.

M. Rouleau (René): Exact.

n(16 h 10)n

M. Couillard: Au moins, on a plusieurs résidents, là, qui vont être en voie de formation, on espère qu'on va pouvoir contrôler le problème. Peut-être ? M. Poirier, avant que vous interveniez sur la question ? la question de l'anesthésiste par salle. On sait que, dans d'autres juridictions en Amérique du Nord, pour certaines opérations plus simples, l'anesthésiste... C'était comme ça avant, au Québec, également, puis ça a cessé dans le milieu des années quatre-vingt, un peu.

M. Poirier (Claude): C'était là-dessus que je voulais intervenir.

M. Couillard: Oui, allez-y. Oui.

M. Poirier (Claude): J'ai été directeur de services professionnels pendant plusieurs années, dont le CHUQ, et cette contrainte, cette rigidité-là m'apparaissait comme étant une contrainte importante. Par exemple, vous avez des inhalothérapeutes maintenant à chaque chevet de patient et vous avez aussi, dans les hôpitaux universitaires ? comme le CHUQ où j'étais ? les résidents, à tous les niveaux, qui sont là. Et ce qu'on voit, c'est que les patrons vont s'absenter de la salle pour aller faire une tournée aux soins intensifs ou pour aller faire quelques cas de douleur. Mais par contre il y a comme un système où théoriquement l'anesthésiste est au chevet, mais il n'est pas physiquement au chevet.

Et donc la question que je me suis toujours posée, c'est: Comment se fait-il que, si vous avez 10 salles ou 12 salles, comme dans la majorité des hôpitaux de la région de Québec, comment se fait-il que vous ne pourriez pas avoir 11 ou 10 anesthésistes avec une obligation... Il ne peut pas y avoir 12 arrêts cardiaques simultanément, là, quand on gère comme il faut le risque. Donc, c'est une question de gestion de risque. Et cette ouverture-là ne m'apparaît pas, moi... mais sauf qu'elle doit être négociée, mais elle ne m'apparaît pas comme étant une ouverture possible. Et, même si on fait beaucoup d'entrées dans le réseau, quand on regarde, exemple, le territoire du RUIS de l'Université Laval, où on a 52 % des établissements en région éloignée juste dans notre RUIS à nous, ça fait que l'approche populationnelle est très difficile, donc on se dit: Comment peut-on faire pour assurer un minimum d'anesthésistes dans chacune de ces salles-là tout en maintenant une charge clinique qui va augmenter considérablement dans les milieux?

Alors, je pense que les effectifs sont certainement une solution, M. le ministre, mais il doit y avoir quelque part une ouverture à cette espèce de spécialité qui va être plus apte de monitorer des paramètres vitaux des patients et pouvoir intervenir en cas de crise, en attendant qu'un anesthésiste, qui est à l'autre salle, puisse venir intervenir. C'est ça qu'on mentionnait. C'est une ouverture. Mais je sais que c'est nord-américain, ce n'est pas juste québécois, là, ça, c'est un standard nord-américain. C'est très basé sur du médicolégal. Mais dans les faits les anesthésistes ne sont pas toujours au chevet. C'est ça.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. Poirier. On va poursuivre avec le député de Borduas, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. M. le député.

M. Charbonneau: Merci beaucoup, messieurs. Est-ce que je vous ai bien compris quand vous disiez que finalement... Ou est-ce que je décode bien? C'est que vous dites que finalement, si la rémunération était plus attractive pour les anesthésistes, on pourrait, en investissant un peu plus de fonds publics pour améliorer cette rémunération-là, combler une bonne partie des problématiques de présence d'anesthésistes, outre les problèmes organisationnels dont on vient de parler, et qu'on serait mieux de faire ça avec des fonds publics que de prendre des fonds publics pour faire un contrat de services avec des cliniques privées.

M. Rouleau (René): Ça va prendre de toute façon des anesthésistes, qu'ils soient en public ou en privé. Moi, je ne peux pas m'immiscer dans les négociations entre les fédérations médicales. Ça se travaille, ça. Mais actuellement, effectivement, nous, on pense qu'il y a encore moyen d'aller chercher une participation accrue des anesthésistes, soit par des mécanismes de gestion plus articulés, puis de recalibrer peut-être leur présence en ville et en région, là. Parce qu'il y a un recalibrage. On veut les avoir en région, donc on donne une valeur importante à l'activité en région. Mais il y a encore un peu de marge de manoeuvre. Sauf qu'il faut regarder attentivement la démographie médicale, l'âge des praticiens. Puis je pense qu'il y a moyen encore d'avoir de l'imagination, il en arrive des nouveaux sur le marché, on est un peu en pénurie, on pourrait susciter leur adhésion, avoir un peu plus de disponibilité. Moi, je pense qu'il y en a encore de la marge de manoeuvre.

M. Poirier (Claude): Je pourrais rajouter, si vous demandez... L'Association des anesthésistes, on est sur un comité, là, d'effectifs médicaux, et eux-mêmes le disent: Quand vous regardez le nombre de jours travaillés en moyenne pour chaque anesthésiste au Québec, c'est 200. Ça, c'est 40 semaines. Donc, ils ont 12 semaines en partant où ils ne sont pas disponibles. Si c'est ça que, comme société, on considère qui est la contribution au travail d'un groupe de professionnels et qu'on dit: C'est la base, «fine»! Mais peut-être que c'est quelque chose avec lequel on doit aussi aborder une discussion avec le groupe des anesthésistes. Est-ce que c'est normal? Est-ce que c'est à ça qu'on s'attend? Quelle est la comparaison avec les autres groupes de médecins? Je pense qu'il y a une discussion de base à avoir, parce que ça crée quand même... À 12 semaines, il n'y a pas beaucoup de travailleurs et de professionnels qui peuvent quand même avoir ce genre de vie là. Même si maintenant ils sont en prégarde, en postgarde... Tu sais, ils travaillent, les gens travaillent fort. Mais le quantum, comme société, on a une question certainement à se poser là-dessus, sans aucun doute.

M. Charbonneau: C'est intéressant parce que finalement ça apporte une perspective un peu différente quand on regarde ça, parce que, si dans le fond ? d'une façon sociétale et donc politique aussi parce que... ? on décidait d'aborder ce problème-là de cette façon-là, ça créerait une dynamique différente dans l'impact sur le nombre d'opérations qui pourraient être réalisées, hein, et, à ce moment-là, la performance du système public serait peut-être améliorée beaucoup et sa crédibilité accrue également, là.

L'autre chose, quand vous parliez de centres ou d'établissements dédiés, là, pour les petites chirurgies, parliez-vous de la possibilité de faire en sorte que des établissements publics se créent des unités plus légères pour des chirurgies plus petites ou si vous parliez des cliniques affiliées, là?

M. Rouleau (René): Bien, notre esprit, moi, mon esprit, c'est plus un... On pourrait très bien avoir une clinique affiliée à l'établissement, où nos médecins participent dans un plateau technique dédié, par exemple pour faire les chirurgies du genou ? pour dire quelque chose ? puis faire du volume, comme on fait en ophtalmologie par exemple. En ophtalmologie, là, avec l'évolution de la technologie, les pratiques, on peut faire beaucoup plus d'activités qu'avant puis dans un bloc opératoire beaucoup moins construit, là, et se rapprocher plus du mode ambulatoire. Moi, je pense qu'il y a de l'avenir pour ça.

M. Charbonneau: Mais, quand vous dites qu'il y a de l'avenir, c'est-à-dire... C'est parce que je n'ai pas saisi. Ce type de centre là dédié, il serait privé conventionné ou il serait public, là?

M. Rouleau (René): Moi, dans mon esprit, là, la propriété n'est pas tellement importante, quant à moi, là, dans le sens que c'est vraiment la capacité de produire les services. Ça pourrait être une entreprise privée qui construit, dans l'esprit des partenariats privé-public, qui construit un plateau technique pour faire une activité intensive de chirurgie. Et, à ce moment-là, il y aurait, par contractualisation... on paierait la valeur locative de ce plateau technique là, mais les crédits viendraient du domaine public.

M. Charbonneau: Oui, ça, c'est clair. Parce que dans le fond c'est ça, la proposition qui est dans le document, c'est-à-dire dire qu'on permet à des cliniques spécialisées affiliées... Une affiliation, c'est par contrat. Donc, c'est des privées conventionnées. Tu sais, dans le fond, les omnis, c'est des cliniques privées conventionnées pour des soins médicaux. Là, on aurait des privées conventionnées pour des soins hospitaliers légers ou des chirurgies petites.

Mais c'est parce qu'il y a des gens aussi... Vous disiez tantôt: Notre performance, cette année, est très bonne, on a fait les blitz nécessaires. Est-ce que vous ne venez pas de faire la démonstration que ce n'est peut-être pas nécessaire? En tout cas, c'est ce que certains nous disent. Il y a des gens qui viennent ici puis qui nous disent: Écoutez, dans le fond, notre système, on ne l'utilise pas à pleine capacité, puis, si on l'utilisait à pleine capacité d'une part puis si on faisait des blitz quand il se présente des situations où il y a une augmentation inacceptable des listes d'attente, on n'aurait même pas besoin, je veux dire, d'avoir recours à ce modèle de privées ? indépendamment des arguments, là, que Michel Clair et d'autres ont avancés, parce que je voudrais qu'on y revienne, sur ça, là.

M. Rouleau (René): Bien, écoutez, il faut objectivement regarder la situation, ce que le Dr Couillard disait tout à l'heure, d'abord il faut nettoyer la liste d'attente, hein, il faut faire ça comme il faut. Ensuite, il faut regarder la capacité de production du système public. On a parlé, dans notre mémoire, de quelques solutions, là, pour l'améliorer.

Moi, mon propos est le suivant, c'est que j'aimerais ça être mis en compétition pour optimaliser mon offre de services. J'aimerais ça. Mais en même temps il faut que je gère mes urgences, tu sais. Il faut que je gère mes urgences. Mais une bonne analyse des flux de patients, là, me permettrait peut-être d'offrir un 10 %, 12 %, encore plus, en collaboration avec mes équipes cliniciennes de soins spécialisés, surspécialisés. Je pense que cet exercice-là, il est en train de se faire. Mais il va rester quand même, dans certains secteurs à très haute densité de population, un peu de place pour avoir des plateaux dédiés, qu'ils soient fournis par l'entreprise privée ou en partenariat. Et ça s'objective, ça, on peut les mesurer, les citoyens, hein? On les connaît, nos citoyens. Sur nos listes d'attente, là, on a les codes postaux, on est capables de suivre nos patients.

Donc, moi, je pense qu'il y a encore du travail à faire, d'abord via le public, optimaliser encore la performance. Sauf qu'il y a des périodes où ce n'est pas possible. Quand la grippe arrive ou qu'on tombe en novembre, décembre, janvier, février, puis vous êtes en attente pour avoir une chirurgie de la hanche et du genou, puis que la grippe est prise, puis ça ne va pas bien, puis les personnes âgées tombent parce que les trottoirs sont glacés, etc., il y a un engorgement de système, hein, puis on voudrait avoir une soupape. C'est à peu près ça qu'on dit.

n(16 h 20)n

M. Charbonneau: Et le problème de la soupape ? je vais vous donner la possibilité de parler, mais juste... Mais la soupape, c'est que, si vous voulez avoir une soupape privée, il faut que vous garantissiez un volume, disons, d'affaires significatif pour que finalement ils soient intéressés à investir pour les infrastructures puis à rester en opération. Ça ne peut pas être une patente qu'on va avoir pour... comme un «back-up», tu sais, à temps partiel, là.

M. Rouleau (René): Mais c'est comme le marché, ça. Si vous avez un garage d'automobile, puis il n'y a pas beaucoup de population, puis il n'y a pas d'auto, bien vous ne serez pas capable de rester en affaires. Il y a des endroits au Québec où on pense qu'il y aura probablement une demande de services qui peut justifier une offre supplémentaire organisée de cette façon-là.

M. Poirier (Claude): Bien, ce que je trouve... ce qui est dommage un peu dans tout le débat qu'on a là, c'est qu'on cible beaucoup sur des procédures chirurgicales. Puis un des musts pour arriver à cette transformation-là avec les centres de santé, la prise en charge populationnelle, c'est de permettre au patient qui va aller voir un omnipraticien d'avoir accès à plusieurs plateaux techniques. Il faut qu'il ait accès au plateau de la colonoscopie, de la gastroscopie, de la bronchoscopie. Il faut qu'il ait accès à l'ensemble de... Donc, c'est dire: Comment peut-on organiser mieux ce réseau-là pour permettre...

Si on dit qu'il y a peut-être des incitatifs dans un contexte de mise en place de structures dont les hôpitaux ont des difficultés à mettre en place à cause d'une désuétude puis d'une vétusté, il y a peut-être un intérêt là pour permettre aux centres de santé de réussir leur approche populationnelle et vraiment cette prise en charge là au moins pour l'ensemble des spécialités. D'avoir un rendez-vous en spécialité, autant dans la région de Québec que dans la région de Montréal, c'est quelque chose qui prend du temps. Alors, comment peut-on amener les cardiologues, les endocrinologues, les rhumatologues, les pneumologues, les cardiologues à augmenter leur accessibilité? Parce que, là, c'est beau, on parle de la hanche, mais, je veux dire, le gros de la population, c'est d'avoir accès à ces multitudes de spécialités là. C'est-à-dire, il faut essayer d'amener un incitatif.

C'est sûr que, dans chacun des établissements comme celui de M. Rouleau, il y a des incitatifs à améliorer, mais, si tu le prends sur une base beaucoup plus régionale, il y a peut-être là un intérêt de créer un engouement pour amener les médecins à augmenter si tu mets à leur disposition des choses ultramodernes, beaucoup plus performantes, qui vont permettre de rencontrer des objectifs. Parce que, là, ça va être du cas-par-cas avec chaque médecin, dans chacun des milieux. C'était ça dans le fond que le mémoire disait: Comment amener ces spécialistes-là à embarquer dans la transformation de la première ligne et de l'approche populationnelle? C'était ça, le message aussi, là, dans le contexte des cliniques médicales affiliées.

M. Charbonneau: Je ne sais pas si vous avez entendu la présentation de Michel Clair ce matin. En tout cas, je vais vous lire un passage. Il dit, bon: «...la mise en place de cliniques affiliées se fera inévitablement sur de nouvelles bases budgétaires, soit des coûts complets pour un épisode de soins donné. Cela sera certainement une source d'évolution des modes d'allocation des ressources également pour le secteur public. L'observation de la situation en France, en Suède et en Angleterre, pour ne nommer que ces pays, montre bien qu'en introduisant des [prestations] de services privés les modes d'allocation des ressources évoluent rapidement vers une budgétisation de type Diagnosis Related Groups ou par épisode de soins, et cela, au bénéfice de l'ensemble de la société. Le développement, même très limité, d'un marché interne à l'intérieur du périmètre des services financés par l'État a des effets bénéfiques pour le payeur et donc la collectivité en poussant vers une transparence et une vérité des coûts unitaires dont on ignore souvent même la notion dans un environnement monopolistique prépayé avant la livraison du service.» Êtes-vous d'accord avec ça, vous?

M. Rouleau (René): Vous savez, j'ai travaillé un petit peu au Conseil du trésor, puis j'ai fait le rapport Bédard, là, sur les DRG puis les NIRU, puis j'ai tout regardé ça beaucoup. Tu sais, on est capable de...

M. Charbonneau: ...Michel Clair?

M. Rouleau (René): Puis j'ai fait la commission Clair, j'étais secrétaire de la commission Clair.

M. Charbonneau: C'est intéressant.

M. Rouleau (René): J'ai tout fait ces affaires-là. Mais, regardez, ça, c'est vrai ce qu'il dit, en théorie, c'est vrai, c'est toujours les intrants que tu vas décider de mettre ou ne pas mettre dans tout ça. Si on va jusqu'au bout de la réflexion de Michel Clair, bien il faudrait mettre le salaire du médecin, de l'anesthésiste puis tout l'ensemble du protocole.

Mais on a réussi, nous, à le faire assez bien, par exemple, dans des procédures relativement simples. On est capables de vous dire comment ça coûte, un accouchement, au Québec, un accouchement régulier, un accouchement complexe par césarienne, on a tout. Bon. On a essayé de multiplier ça par le nombre d'actes pour faire la budgétisation des hôpitaux. Théoriquement, c'est bien beau, tout ça, mais on n'y arrive jamais parfaitement, le Dr Couillard sait ça.

On l'a essayé, là, de le mesurer parfaitement. Il y a toujours des coûts intangibles puis il y a toujours des coûts, je pourrais dire, de mise à niveau des installations, l'usure des machines, bon, etc. Il y a quelques coûts reliés à des approches professionnelles, la syndicalisation. Dans mon établissement, par exemple, moi, il faut que je fasse de l'enseignement, donc il faut que... On montre en même temps qu'on soigne des gens. Bon. Il y a des coûts un petit peu plus complexes, etc.

Tout ça pour dire que la meilleure façon de s'assurer qu'on en a pour notre argent, c'est de ramener des activités pas trop complexes, de moins en moins complexes vers la première ligne, puis éviter les hôpitaux universitaires, puis éviter les grands centres, pour baisser nos coûts globaux. On l'a fait pas mal, au Québec, en faisant le virage ambulatoire, en faisant beaucoup de services externes, etc., on a fait des gains assez faramineux. Là, on rentre dans la pointe, chirurgie de la hanche, du genou et de l'ophtalmo, puis on fait un débat spécifique là-dessus pour avoir l'accès, puis c'est l'arrêt Chaoulli qui nous a conduit vers ça. On est capables de garantir ces volumes-là.

Mais je vous dis que l'exercice de mesurer coûts unitaires et tous les intrants qu'on met dans un épisode de soins, ce n'est pas un exercice qui est nécessairement facile à faire parce qu'il y a beaucoup de variables qui entrent en ligne de compte. Par exemple, le programme Médicaments, il va-tu rentrer dans la clinique spécialisée ou le patient va sortir de son épisode de soins avec un programme de médicaments à suivre par rapport à sa chirurgie, etc.? Ça va rentrer où, ça, dans l'épisode? Ça va-tu être dans le coût? Est-ce qu'on va faire juste le coût de l'activité chirurgicale dans la mesure de M. Clair ou on va faire l'ensemble du protocole? C'est tout ça. C'est des débats, là, sur qu'est-ce qu'on...

M. Charbonneau: Quelle est votre opinion par rapport à... Parce que, même des petites chirurgies, il peut y avoir après ça des besoins de... des complications, un, puis des services postopératoires, là, donc de la réadaptation, etc. Qui va les prendre en charge?

M. Rouleau (René): Normalement, la première ligne. Quand une activité chirurgicale est bien faite, là, il y a un protocole. On sait, par exemple, que notre patient va sortir le lendemain de sa chirurgie. Il y a un mécanisme de concertation qui se fait entre l'hôpital qui a fait la chirurgie et le réseau local, CLSC ou les soins à domicile, puis là il y a des infirmières pivots qui font l'interconnexion. Puis on attend la patiente à domicile, on stabilise sa situation. Puis on a déjà programmé autant que faire se peut un peu sa réadaptation: soit on peut la faire à domicile ou, quand c'est un choc un peu plus grand, bien là ce serait dans un centre plus spécialisé.

Le réseau, là, il fonctionne comme ça, il est assez... C'est assez intéressant de voir le parcours d'un patient à travers de tout ça. Il y a quelques ruptures parce que des fois la demande est très, très grande, justement quand il y a des «peaks», mais en général vous n'en entendez pas parler parce que ça fonctionne relativement bien. Ça, vous mettez, ça, où, ça, dans le centre de coûts? Vous mettez ça dans le réseau public? Jamais dans l'unité de production privé-public? C'est tout ça qu'il faut regarder.

Moi, ça ne me fait rien, je peux vous prendre un patient du moment où qu'il a été admis, qu'on le prépare, jusqu'au moment où il est réhabilité, je peux vous faire un épisode avec ça, puis vous trancher ça en rondelles assez précises, là, combien ça coûte. L'important, c'est que ce soit payé par le système public.

M. Charbonneau: Tantôt, vous disiez qu'on pourrait offrir des blocs d'heures additionnelles. Dans le contexte actuel, comment on pourrait faire ça? Puis, je veux dire, je n'ai pas trop... je ne suis pas un spécialiste, là, alors, ça me...

M. Rouleau (René): Bien, je vais vous donner un exemple. Il fait beau pendant trois mois, O.K.? Juin, juillet, août, les gens sont en vacances, sont heureux, ils ne sont pas venus à l'urgence, etc. Puis là, moi, j'ai une liste d'attente. Puis je peux dire, par exemple: Du 10 août au 15 septembre, moi, mon urgence est bien gérée, je connais depuis cinq ans mes «peaks», là, puis là j'ai une offre dédiée, puis les anesthésistes sont revenus de vacances, mes médecins sont reposés...

M. Charbonneau: Sont de bonne humeur.

M. Rouleau (René): ...sont de bonne humeur, le ministère m'a bien doté en crédits, je n'irai pas en déficit, on y va. Et c'est faisable, ça. Et je pense qu'il y a encore cette place-là, avec des bons incitatifs à la performance. Si on se comportait de façon exemplaire dans nos hôpitaux et on avait la possibilité d'acquérir un petit peu plus vite nos technologies pour être à jour, il y aurait une effervescence autour... Il faut mettre ce système public là aussi en compétition puis lui donner les bons signaux. Puis les gens, ils veulent bien faire, vous savez, ils vont se dépasser, puis on va réussir.

M. Charbonneau: Juste une dernière chose. Dans votre établissement... Ce matin, on a vu des gens qui sont venus nous parler de la prévention... vous aussi. Est-ce que c'est possible... Je veux dire, quel est le niveau de sensibilisation ou de conscience que la direction de votre établissement a par rapport au besoin de consacrer des fonds additionnels ou des ressources à la prévention? Est-ce que vous êtes en mesure actuellement, avec ce que vous avez comme capacité, de pouvoir augmenter d'une façon significative les interventions de prévention qui devraient être faites ou bien si... Parce que, là, on me disait: Écoutez, à un moment donné, il ne faut pas se raconter d'histoires, dans les établissements, quand ça vient le temps de choisir entre la prévention puis les soins, on va d'abord prendre les soins.

n(16 h 30)n

M. Rouleau (René): Bien, c'est de l'information, c'est l'information, de la communication et de l'explication. On a un centre d'information sur le cancer. On fait de l'éducation à nos patients suite à un cancer, etc. Mais, si vous demandez à des centres hospitaliers universitaires de faire de la prévention... Je vous disais tantôt de ne pas utiliser les centres hospitaliers universitaires qui ont un plateau technique lourd, des surspécialistes, pour faire ce niveau d'activité là.

Il faut toujours penser que, nous, on a une mission qui nous est dédiée. On peut faire de l'information, communication scientifique, des documents accessibles, vulgariser, puis on peut faire de l'éducation à la maladie, etc., mais on n'a pas le réflexe de partir avec notre bâton de pèlerin pour faire la prévention. On demande à la première ligne, on demande aux groupes communautaires, on demande aux gens qui sont peut-être plus habiles que nous, en plus, à le faire, de bien faire ça.

M. Charbonneau: Bien. Le président m'indique que le temps est écoulé. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Malheureusement, M. le député, messieurs. Donc, Dr Durand, Dr Poirier, M. Rouleau, représentants de la Faculté de médecine de l'Université Laval et de tous les établissements de santé membres du RUIS de l'Université Laval, merci pour votre présence, cet après-midi.

J'invite maintenant les représentants de l'Ordre professionnel des diététiciennes du Québec de prendre place, s'il vous plaît.

On va suspendre les travaux de la commission pour deux petites minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Paquin): La commission reprend ses travaux. Et nous recevons l'Ordre professionnel des diététistes du Québec.

Mesdames messieurs, bienvenue. Nous avons 30 minutes pour faire le tour de la question: 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, 10 minutes par la suite de discussion du côté ministériel et 10 minutes du côté de l'opposition. Je crois que c'est M. Paul-Guy Duhamel qui est le président. Donc, M. Duhamel, je vous invite à présenter vos collaboratrices et nous faire part de votre mémoire.

Ordre professionnel des
diététistes du Québec (OPDQ)

M. Duhamel (Paul-Guy): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle, Mmes, MM. les députés. Alors, je vous remercie beaucoup de nous avoir invités aujourd'hui à cette commission parlementaire. Et, pour la présentation, je serai épaulé, à ma droite, par Mme Louise Lavallée Côté, qui est conseillère aux affaires professionnelles, à l'Ordre des diététistes, et, à ma gauche, j'ai Mme Ginette Caron, qui est coordonnatrice à l'inspection professionnelle, toujours à l'Ordre des diététistes.

Alors, l'ordre, comme vous le savez, est constitué en vertu du Code des professions du Québec. Nous avons pour mission d'assurer la protection du public en matière de nutrition humaine et d'alimentation par le contrôle de l'exercice de la profession, le maintien et le développement de la compétence professionnelle de nos 2 200 diététistes et nutritionnistes.

Nous contribuons à l'amélioration de la santé de la population et des individus en favorisant l'accès à des services professionnels de qualité ainsi qu'à une information judicieuse, rigoureuse et d'intérêt public qui permette une prise de décision éclairée en matière d'alimentation. Les diététistes nutritionnistes sont les seuls professionnels de la santé reconnus par le Code des professions, bien entendu, qui ont fait de la nutrition et de l'alimentation humaine leur champ d'expertise. Nous sommes heureux que l'arrêt Chaoulli ait donné l'occasion de réfléchir sur l'accès aux services de santé dont fait partie la nutrition clinique et la nutrition en général.

Notre présentation se fera en trois temps: d'une part, la prévention, d'une part, la pertinence des services en nutrition clinique et, d'autre part, la garantie d'accès aux soins en nutrition clinique, et je conclurai par la suite.

D'entrée de jeu, le document de consultation dresse un tableau pertinent sur la situation en mentionnant la grande prévalence des maladies chroniques au Québec et leur impact sur le réseau de santé. Au Québec, les coûts liés aux maladies chroniques s'élèvent à près de 18 milliards. Le budget de la santé au Québec en compte quelque 20 milliards. Nous sommes donc heureux de constater que la prévention, l'intervention la plus efficace pour contrer les maladies chroniques, soit la première piste d'action proposée par Garantir l'accès.

Par contre, les mesures de prévention nous apparaissent un petit peu timides, notamment à la lumière des recommandations du rapport Perreault. Nous avons besoin d'une véritable stratégie en prévention qui permette de travailler sur nos environnements pour les rendre favorables à la santé. Nous le disons depuis plusieurs années, nous avons besoin d'une politique alimentaire nationale qui dépasse le milieu scolaire. Ce qui est annoncé est un excellent premier pas, mais c'est insuffisant. Une politique en nutrition et en alimentation, pour être efficace, doit être large et d'autre part obligatoire pour l'ensemble des services alimentaires publics, du centre de la petite enfance au casse-croûte et aux restaurants qu'on retrouve dans les services gouvernementaux, aux résidences de personnes âgées.

Le principal frein à la santé, c'est l'écart grandissant entre les pauvres et les riches. Si nous sommes tous susceptibles d'être malades, les moins favorisés le sont plus que les autres. L'insécurité alimentaire, qui est en hausse au Québec, vient accentuer ce phénomène. L'action en prévention pour les jeunes est certes une excellente idée, mais il faut également penser à nos concitoyens plus âgés.

Enfin, nous regrettons de constater que, dans le document de consultation, il n'est dit aucun mot sur les besoins financiers liés à la prévention. Selon nos sources, moins de 3 % du budget de la santé irait à la prévention, alors que les experts internationaux recommandent d'y investir 5 % de notre budget national.

n(16 h 40)n

Mme Lavallée Côté (Louise): En fait, je dois vous entretenir de l'importance d'assurer le soin nutritionnel et sa continuité. Dans le mémoire Garantir l'accès, vous faites état de l'épidémie des maladies chroniques telles que l'obésité, les maladies cardiovasculaires et le diabète. Le monde médical est bien au fait que la nutrition est un des facteurs causals du développement de plusieurs pathologies. Mais, outre les différents programmes de sensibilisation et de modification des habitudes de vie pour en prévenir l'occurrence, il est reconnu que la nutrition est un facteur déterminant du traitement de ces maladies.

Vous ne citez que les maladies chroniques dont la prévalence est élevée et dont les coûts de traitement représentent des sommes croissantes, mais il faut savoir que le diététiste intervient auprès de la personne de tout âge s'il estime qu'une intervention nutritionnelle peut lui être bénéfique.

À titre d'exemple, le Manuel de nutrition clinique de l'ordre, guide de pratique pour les diététistes de la province, comporte 134 chapitres portant sur l'intervention et le traitement nutritionnel de pathologies ou affections différentes: 134. Chez la personne aux prises avec plusieurs pathologies, il est souvent impératif, pour l'obtention du meilleur traitement, de combiner des approches thérapeutiques nutritionnelles. Certaines conditions élèvent les risques de dénutrition, surtout si elles surviennent chez des clientèles physiologiquement et psychologiquement vulnérables.

Le diététiste s'intéresse particulièrement à la problématique de la malnutrition. La malnutrition augmente le risque de morbidité et de mortalité, qu'elle affecte les capacités fonctionnelles et cognitives, l'immunocompétence ou l'efficacité du système immunitaire, le processus de guérison et par conséquent la qualité de vie des personnes atteintes. La détérioration de l'état nutritionnel ralentit la croissance chez la clientèle pédiatrique, entraîne chez d'autres clientèles un amaigrissement, une fonte musculaire, une diminution des capacités aérobiques et musculaires tels que la force, le tonus et l'endurance, et cause de l'asthénie chez la personne qui en est atteinte. Ces altérations fonctionnelles, entre autres chez la personne âgée, vont augmenter les risques de chute, réduire l'autonomie de la personne et engendrer d'autres complications graves comme la dysphagie, la déshydratation et les escarres de décubitus, que l'on appelle aussi les plaies de pression. Il faut se rappeler que la malnutrition augmente de deux à six fois la morbidité infectieuse et multiplie le risque de mortalité par deux à quatre fois, notamment chez les personnes âgées.

À la suite du virage ambulatoire et avec la restructuration du système de santé, la durée de séjour est raccourcie, les patients hospitalisés sont plus malades. Afin de prévenir des hospitalisations ou, le cas échéant, s'ils sont hospitalisés, ceux-ci doivent pouvoir recevoir les meilleurs soins nutritionnels qui favoriseront un rétablissement ou permettront de traiter leur maladie où qu'ils soient: en préadmission de chirurgie ? on en a parlé tantôt ? en ambulatoire, en CH, en clinique externe, à domicile. Et, une fois qu'un patient s'est vu déterminer un plan de traitement nutritionnel, on devrait pouvoir assurer la surveillance de son état nutritionnel sur le continuum de soins. La surveillance consiste à faire le suivi rigoureux de l'état nutritionnel des personnes, à évaluer la réponse au traitement et à redéfinir ce traitement au besoin.

La nutrition est une science qui a beaucoup évolué depuis une vingtaine d'années. Les diététistes possèdent une expertise et des compétences particulières par rapport aux différents intervenants. Après une évaluation minutieuse de l'état nutritionnel, ils décident de la stratégie d'intervention nutritionnelle personnalisée la plus appropriée afin de restaurer ou de maintenir un état nutritionnel optimal.

Outre ses aspects thérapeutiques, l'alimentation revêt un caractère socioaffectif indéniable. En effet, le goût représente un des critères important qui guident les choix d'un individu pour l'aliment, et le diététiste en tient compte dans ses recommandations. Vous conviendrez que la nutrition est un facteur important. Je vais céder la parole à Mme Caron. Merci.

Mme Caron (Ginette): Alors, mon point va toucher les limites observées à l'accès, dans le modèle proposé. Dans votre document de consultation, vous mentionnez que le système doit s'adapter pour faire face à l'évolution des besoins de la population et intégrer des pratiques qui permettent de toujours mieux y répondre, et ce, en rencontrant des objectifs d'amélioration de services et avec une méthode de hiérarchisation qui vise un soutien des personnes dans la communauté, et particulièrement les personnes qui nécessitent des soins de longue durée et les plus vulnérables aussi à ce niveau-là.

Dans cette étape d'exercice, nous vous présentons un bilan des limites observées à l'accès aux services selon le principe de continuité et de non-dédoublement des services.

En ce qui concerne les services de première ligne ? je vais parler des CLSC, et ainsi de suite, ce qu'on observe ? dans les milieux: environ 11 sur 144 CLSC, soit pas tout à fait 8 %, n'offraient aucun service en nutrition à la population, en 2004. Et la situation n'a guère changé. Le ratio de diététiste par lit... Pardon, c'est pour les CHSLD.

Alors, la majorité des diététistes aussi dans les CLSC oeuvrent dans les programmes en général de famille, enfance et jeunesse, alors qu'il faudrait aussi augmenter les effectifs pour les programmes santé courants et maintien à domicile, puisqu'avec une clientèle qui est plus vulnérable et vieillissante on a un peu plus besoin de les soutenir. Si on veut qu'elles sortent des centres hospitaliers, il faut du soutien, notamment au niveau de l'alimentation et parfois de soutien nutritionnel, s'ils sont dénutris, comme pour des gavages, par exemple.

En CHSLD, pour les centres publics, c'est environ un sur trois, et les centres privés, un sur deux qui sont en mesure d'offrir des services en nutrition à la clientèle, alors que ces centres présentent la clientèle âgée la plus à risque de malnutrition. Si vous regardez dans le mémoire, c'est vraiment dans les CHSLD qu'il y a le plus de risques: 85 % de la clientèle présente un risque. Souvent, tous doivent être revus, les mesures de dépistage des fois étant moins nécessaires, puisqu'on sait dans toute la littérature que c'est au moins 85 % des gens qui sont avec des risques de malnutrition. Et, au Québec, ce qu'on remarque, c'est qu'il y a un ratio d'environ 1,3 diététiste par 1 000 lits, alors qu'en Ontario c'est un ratio de 2 par 1 000 lits. Et cette année, en Ontario, ils envisagent d'augmenter, de doubler le ratio.

Je passe aux centres hospitaliers. Là, ici, on a peu de données pour présenter un tableau précis de situation. Ce qu'on sait, c'est que, pour ce qui est du développement ambulatoire, il y a des listes d'attente qui peuvent atteindre jusqu'à 12 mois pour certains services. Certainement, qu'il y a des structures qui ont été refaites. Moi, notamment, je travaillais en...

Le Président (M. Paquin): Mme Caron, je dois vous demander de conclure, s'il vous plaît, le temps est écoulé.

Mme Caron (Ginette): Oui? Parfait. Alors, ce que je peux dire, c'est que la situation, avec l'instauration des centres des services régionaux, il peut y avoir de l'amélioration pour peut-être aider à ce qu'il y ait une structure qui soit incitative à travailler dans le réseau, mais ce n'est pas toujours évident. Il faudra peut-être faire participer l'ordre ou les membres pour bien connaître c'est quoi, les besoins de clientèles.

Et, au niveau des groupes de médecins de famille, de médecine familiale, ici, ce qu'on demande, c'est de travailler encore là conjointement avec le gouvernement pour mieux faire connaître les bénéfices de l'intervention nutritionnelle, puisqu'en général la majorité des groupes médecins de famille ne recourent pas aux services de diététistes. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Duhamel, Mme Lavallée Côté, Mme Caron, pour votre communication. M. Duhamel, vous aviez participé au groupe Perreault, je crois, puis également d'autres de vos collègues. Je ne sais pas si mesdames également étaient participantes. Non?

M. Duhamel (Paul-Guy): ...

M. Couillard: Mais de coeur, certainement, oui.

M. Duhamel (Paul-Guy): Tout à fait.

M. Couillard: Vous avez parlé, comme beaucoup, de la nécessité d'un effort soutenu en prévention, puis la prévention sur le plan alimentaire est certainement une des plus importantes. En fait, les pourcentages ont souvent été mentionnés, il faut savoir comment on les calcule, c'est quoi, le dénominateur. Mais mettons de côté cette question des chiffres, ce qui est nécessaire, c'est un effort qui est soutenu et récurrent pour la prévention puis la promotion des bonnes habitudes de vie.

Il y a quelques solutions. On a eu, au cours des derniers jours, deux types de solution. On a des gens qui nous ont dit: Bien, on pourrait, par exemple, taxer la malbouffe. Là, au début, c'est assez vaste, hein, la malbouffe? Comment est-ce qu'on... Tu sais, une tourtière avec bien du porc dedans, à la rigueur, s'il y en a trop, ça peut être de la malbouffe. Puis là finalement on a rétréci ça aux boissons gazeuses très sucrées. Ça, je pense, c'est plus facile. Est-ce que vous pensez que c'est possible, au Québec seulement, de taxer la malbouffe, définir la malbouffe puis la taxer?

M. Duhamel (Paul-Guy): L'exercice de définir ce qu'est la malbouffe est un exercice qui n'est pas terminé encore. Ce qu'on constate, c'est qu'il y a plusieurs définitions. Il n'y a pas de consensus sur ce qu'est la malbouffe. C'est pour ça, c'est précisément pour ça que, dans le rapport Perreault, il y a une recommandation à l'effet, au lieu de faire sortir la malbouffe des écoles, de plutôt parler de l'autre côté, c'est-à-dire de déterminer les besoins des clientèles et de pouvoir donner aux institutions le pouvoir de discriminer pour pouvoir répondre à ces besoins-là. C'est beaucoup plus souple. D'ailleurs, ça a une connotation positive: donc, on part de ce qu'on veut avoir dans une alimentation et on discrimine en fonction de ce qu'on veut avoir. Et ça permet justement d'éviter le discours et puis les définitions interminables, les discussions interminables sur ce qu'est la malbouffe.

M. Couillard: Vous avez cité les différences de statistiques entre le nombre de nutritionnistes au Québec puis en Ontario. Bon, certainement, là comme ailleurs, les revenus doivent être différents, là. Il n'y a pas beaucoup de professions où il n'y a pas une différence de revenus entre le Québec et l'Ontario. Mais il doit y avoir d'autres facteurs qui expliquent la différence. Quels sont ces facteurs-là? Est-ce que c'est l'attrait de la profession? Est-ce que c'est l'introduction plus ancienne dans le système de santé que chez nous? Est-ce que vous avez fait une comparaison, une analyse de la raison de cet écart?

M. Duhamel (Paul-Guy): Il n'y a pas eu à mon sens de comparaison.

n(16 h 50)n

Mme Lavallée Côté (Louise): En fait, quand on parlait de cette statistique comparée Ontario et Québec, je pense qu'on s'adressait surtout au ratio de diététistes dans les milieux de soins prolongés. Alors, ils en ont fait un règlement, et je crois que ça date des années quatre-vingt-dix, 1990 ou 1991. On établissait un temps minimum d'intervention de soins cliniques auprès de cette clientèle-là et qui excluait au départ, là, si l'on veut, l'évaluation nutritionnelle d'admission, qui peut prendre 1 heure, 1 h 30 min. Alors, je pense qu'on accordait 15 minutes par patient, par mois. Alors, ils ont établi ce ratio à partir de ça et ils ont développé, élaboré un mémoire récemment pour essayer de faire augmenter cette norme, de la doubler parce que c'est considéré comme insuffisant.

Et, quand on parle de soins nutritionnels, on parle de soins avec un diététiste, pas avec un technicien plus un diététiste, là. C'est vraiment uniquement le diététiste. Parce qu'il y a du travail technique en dehors de ça.

M. Couillard: Beaucoup de gens on parlé, avant votre visite, de l'alimentation de jeunes, des enfants. C'est très à la mode, hein, on le voit avec la question de l'obésité, et tout. Vous, vous abordez pour la première fois ici la question du statut nutritionnel des personnes âgées, dont on parle très peu, hein? Alors, comment est-ce qu'on inclut l'alimentation des personnes âgées dans une politique d'alimentation, là, qu'on est en train de développer? Quels sont les aspects particuliers, chez les personnes âgées, qui doivent être pris en compte par rapport au reste des âges?

Mme Lavallée Côté (Louise): Sans apporter toutes les solutions, récemment on a été consultés pour un programme de certification pour les personnes âgées. Quand on parle d'essayer de maintenir le plus longtemps possible les personnes à domicile, il faut penser que ces personnes-là ont des pathologies parfois multiples et parfois aussi elles sont en perte d'autonomie mais pas suffisamment pour être institutionnalisées, disons. Alors, il faut prévoir que ces gens-là aient accès plus facilement à des soins nutritionnels, que ce soit au CLSC, en clinique, en hôpital ou même en soins à domicile, parce que c'est un volet qui est de plus en plus... qui devrait être de plus en plus développé. Il l'est pour certains aspects, mais pas autant qu'il le devrait. Alors, ces clientèles-là qu'on espère garder à domicile, je pense qu'il faut prévoir que, si on veut les garder longtemps à domicile, il faut qu'on fasse en sorte qu'elles gardent leur autonomie le plus longtemps possible. Et je pense que la nutrition en fait est un de ces aspects-là.

Et vous le mentionnez au départ de votre document Garantir l'accès, vous parlez de l'autonomie, d'ajustements au niveau de l'ergothérapie, mais il n'y a pas de mention au niveau de l'alimentation, alors que souvent, si la personne devient veuve, que ce soit l'homme ou la femme ? en fait c'est plus fréquent chez l'homme ? ils deviennent démunis au plan de l'alimentation, ils ne savent plus comment s'organiser. Alors, il faut prévoir des services.

M. Couillard: Oui, souvent, c'est la personne âgée seule, l'homme seul, âgé, qui oublie tout simplement, il ne se fait pas à manger.

Mme Lavallée Côté (Louise): Il oublie de manger.

M. Couillard: Il ne se fait pas à manger.

Mme Lavallée Côté (Louise): Ou il ne peut pas toujours se mobiliser pour aller faire ses achats. Des fois, c'est des problèmes de compétence, de préparation alimentaire. Alors, il y a toutes sortes d'éléments qu'il faut regarder, maintenant. Il y aurait plusieurs solutions.

M. Couillard: Dans les hôpitaux de soins aigus, je pense qu'on a fait quand même des progrès en termes de compréhension et de perception de cette réalité-là. Il y a une anecdote que je racontais aux étudiants, qui est tout à fait illustrative. Lorsque j'étais en formation, dans les années soixante-dix, quatre-vingt ? ça trahit un peu notre âge, mais enfin on va l'accepter ? on avait des patients, par exemple, en coma, des traumatisés crâniens qui étaient là depuis quatre, cinq, six, huit semaines. Ces gens-là devenaient progressivement squelettiques. On les regardait, c'étaient des personnes qui ressemblaient aux photos historiques qu'on voit dans les famines ou dans les milieux carcéraux. Et c'était considéré comme une conséquence normale d'avoir un traumatisme crânien et d'être hospitalisé.

Il y a un déclic qui s'est fait puis on considère maintenant que la nutrition fait partie également, je dirais, de la guérison du corps, là, certainement. Mais est-ce qu'il y a des zones encore de résistance? Est-ce que vous considérez qu'il y a des zones de résistance dans votre intervention, dans les milieux hospitaliers, par exemple?

Mme Lavallée Côté (Louise): Je ne sais pas. Peut-être, Mme Caron...

Mme Caron (Ginette): Des zones de résistance pour impliquer...

M. Couillard: Avec les autres professions. Parce que, moi, quand...

Mme Caron (Ginette): Avec les autres professions pour...

M. Couillard: Les médecins, par exemple, d'intervenir dans le...

Mme Caron (Ginette): Non. En général, la demande est là, mais c'est au niveau des budgets. En tout cas, lorsque... Ce n'est pas toujours évident. Les effectifs sont demeurés pas mal les mêmes et les cas dans les institutions s'alourdissent, puisqu'on a développé l'ambulatoire. Donc, la charge, le «caseload» des membres, des diététistes est augmenté, mais le besoin est là, ce n'est pas... Heureusement, les équipes interdisciplinaires ont facilité, là, à pallier à cette surcharge de travail. Elles deviennent nécessaires, même, on ne peut plus travailler sans ça maintenant, puisque c'est une clientèle alourdie, mais, le besoin... Ce n'est pas par manque de collaboration. Les gens veulent, les médecins, les infirmières, nous aussi, mais les diététistes en général n'arrivent pas à la tâche.

Par exemple, dans les soins de gériatrie, parfois il y a des heures dédiées, mais ils ne savent plus où donner de la tête parce qu'en général les gens dédiés en gériatrie vont aussi faire les soins prolongés. Alors, parfois, pour le relais, ils ont quand même des cas à suivre, plus lourds, en soins prolongés, comme on pouvait voir, puisque ces gens-là, si, après une hospitalisation en soins prolongés, ils sont moins... en tout cas s'il n'y a pas de programme pour faciliter la reprise de la forme puis ils s'alimentent moins, bien ça demande plus de travail aux membres pour travailler là.

M. Couillard: C'est bien.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre.

Mme Caron (Ginette): Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Borduas. Nous vous écoutons, M. le député.

M. Charbonneau: Messieurs mesdames, il y a quelques messages importants que vous avez envoyés au gouvernement puis à l'Assemblée, je pense, qui méritent d'être rappelés à nouveau, là. Les mesures de prévention qui sont proposées dans le document gouvernemental sont bien mais timides. Et, quand je regarde, par exemple, finalement... Et, vous le dites, dans le fond on se consacre uniquement au milieu scolaire puis de façon un peu timide.

Mais ce qu'il faut avoir à l'esprit, c'est qu'on avait, en 2003, un programme national de santé publique où le gouvernement ? et il y a une espèce de continuité ? le gouvernement comme institution, non pas comme parti politique, là, mais l'institution gouvernementale, s'engageait à réviser la politique québécoise en matière de nutrition, qui datait de 1977. On est en 2006, puis on nous annonce que la révision n'est pas encore faite, elle va peut-être se faire éventuellement.

On disait aussi que les orientations en matière d'alimentation dans le milieu scolaire, qui dataient de 1988, devraient être à nouveau révisées. On est en 2006, puis on disait ça en 2003, tu sais? Je pense qu'il faut être conscient, là, qu'il y a comme un retard qu'on accumule d'année en année à l'égard, tu sais, de ce qui doit être fait. On sait ce qui doit être fait. Parce que finalement, ce document-là de 2003-2012, était précédé d'un autre document qui était de 1997 à 2002, puis il devait y en avoir d'autres avant.

Mais, là où vous avez mis le doigt sur le bobo principal, puis vous le redites, à un moment donné, puis je suis content que vous le disiez clairement, parce que vous êtes probablement le premier groupe à le dire aussi clairement, c'est que finalement il faut qu'on ait un financement garanti pour une stratégie d'intervention en matière de prévention. Autrement, finalement, là, on va continuer à se faire plaisir mutuellement, à tenir un beau discours vertueux sur la prévention, son importance, etc., mais dans les faits, si on n'arrive pas à garantir un financement adéquat, on n'y arrivera jamais.

Et vous le dites, parce que, bon, vous rappelez que finalement on met à peu près... en fait, certains disent 2 %, moins de 3 %, mais c'est plus proche de 2 %, notre réalité, en termes de financement, en termes de prévention au niveau gouvernemental, et on devrait en mettre 5 %. 5 %. Mais, selon vos calculs à vous... Je n'ai pas fait le calcul, je pensais que c'était 1 milliard, mais vous, vous dites que dans le fond ça équivaudrait, selon le budget de cette année, 2006-2007, à 2,5 milliards. C'est pas mal d'argent, là. Et dans le fond ce que je comprends du message, c'est que, si on ne garantit pas ce financement-là, on n'y arrivera pas. On peut avoir toutes les stratégies sur papier puis avoir les bonnes cibles, mais, si on ne met pas les budgets à la hauteur des cibles qu'on a établies, on n'y arrivera pas.

M. Duhamel (Paul-Guy): Je pense que ce que vous venez de dire est éloquent. Ce qu'il est important de comprendre, c'est qu'on a beau avoir les plus beaux programmes au monde, si on n'est pas en mesure de les mettre en oeuvre, il y a une difficulté. Vous faisiez état de la politique alimentaire qui date de 1977. À l'époque, elle était reconnue comme étant une excellente politique. Néanmoins, elle n'a jamais été vraiment mise en oeuvre. Donc, je veux bien...

M. Charbonneau: Puis on a notre part de responsabilité, hein? Je veux dire, on a été après ça longtemps au gouvernement, puis après ça il y a eu le Parti libéral, puis après ça on est revenu au gouvernement, puis éventuellement on a... Donc, depuis 1977, il y a eu une belle alternance, là, de responsabilité.

n(17 heures)n

M. Duhamel (Paul-Guy): Oui, en effet. Mais c'est pour ça que ce qu'on essaie de dire, c'est qu'il faut se doter d'une politique en prévention qui soit pertinente, qui soit utile, compte tenu des maladies chroniques. On sait que, la prévention, c'est le meilleur outil pour leur faire face. Et, pour ça, au-delà de la politique, il faut les moyens qui viennent avec.

Donc, les moyens, oui, sont d'une part en prévention, on l'a dit, mais, comme mes collègues l'ont expliqué mieux que moi, c'est qu'une fois que les gens sont atteints de ces maladies-là il y a aussi un travail à faire, et la nutrition est un facteur déterminant de l'intervention auprès de ces individus. Et ce qu'on remarque, c'est que ce travail-là ne se fait pas de manière aussi pertinente ou adéquate qu'on le souhaiterait pour justement éviter des coûts supplémentaires au réseau de la santé. Alors, c'est bien important de voir, oui, la prévention, mais aussi de voir que la nutrition ne s'arrête pas qu'à la prévention, la nutrition est aussi un élément du traitement. Et ce qu'on constate dans l'élément du traitement, c'est que, un, la garantie de service, si elle était appliquée à la nutrition, serait une avenue extrêmement intéressante pour le public actuellement pour pouvoir avoir accès aux services en nutrition auxquels ils n'ont pas accès actuellement.

Il faut bien comprendre qu'on vit dans une de situation carrément à deux vitesses, en nutrition. C'est que, si vous êtes dans le réseau de la santé, vous pouvez peut-être avoir accès à une diététiste si la diététiste est présente dans l'institution avec laquelle vous faites affaire, mais, si vous décidez d'aller à l'extérieur, la diététiste qui travaille en privé ? parce qu'il y en a ? les services généralement ne sont pas couverts par les assurances privées, donc vous le payez entièrement et uniquement de votre poche.

Alors, au moins, ce qui est annoncé dans le document, si ça s'appliquait aux diététistes, ce serait aussi quelque chose d'intéressant pour justement assurer un meilleur accès à ces services-là et faire qu'il puisse y avoir de la prévention à différents niveaux: oui, prévention globale, générale des maladies, mais, une fois que la maladie s'est installée, une prévention pour éviter que la maladie ne cause encore plus de problèmes.

M. Charbonneau: Est-ce que votre ordre a des données comparatives avec d'autres sociétés avancées qui se seraient dotées d'approches et qui auraient investi pas mal plus pour mesurer dans le fond les performances que ces sociétés ont eu ou que ces États-là ont pu...

Mme Lavallée Côté (Louise): On n'a pas de données comparatives comme telles, mais en fait je sais qu'aux États-Unis, comme le système de santé est très différent et qu'on fonctionne beaucoup avec ce qu'on appelle les tiers partis, il y a beaucoup d'études qui démontrent l'impact ou l'efficacité de certaines interventions nutritionnelles, et c'est à partir de ça qu'on va établir certaines exigences ou certaines normes, là, par rapport aux soins nutritionnels. Alors, ça se fait beaucoup aux États-Unis. Et c'est certain que les États-Unis sont beaucoup plus volumineux que nous, ils ont beaucoup plus de ressources et de sous pour faire ces études-là. Nous, au Québec, il y en a moins.

M. Charbonneau: Est-ce que je vous comprends bien quand vous parlez de la situation du Québec? C'est qu'on n'a pas actuellement... on ne mesure pas le niveau de soins nutritionnels qu'on donne, on n'est pas capables... Est-ce qu'on peut dire, au Québec, par exemple, que, sur une population qui est en traitement, qui représenterait 100 % de la population en traitement, on réussit à rejoindre 100 %, 10 %, 50 %? Est-ce qu'on est en mesure d'avoir une donnée qui nous permettrait de savoir jusqu'où on rejoint ceux et celles qui devraient dans le fond bénéficier des soins nutritionnels? Ça, je parle quand on est rendu à l'étape des soins, là.

Mme Caron (Ginette): Les statistiques qui sont demandées en général pour les membres, là, qui ont à en établir, ce ne sont que des statistiques d'ouverture de dossier et on ne tient pas ces données-là. Par contre, je suis certaine, si c'était demandé, il y aurait de la collaboration, puisque ça pourrait aider à établir des normes pour certaines activités et faire des mesures.

Mme Lavallée Côté (Louise): Si je puis me permettre de rajouter que, bon, on n'a pas de statistiques sur les demandes de services nutritionnels, mais on peut certainement, à partir de prévalences de maladies, notamment le diabète, les maladies cardio-vasculaires, ce sont des maladies ou des pathologies où la nutrition est un facteur essentiel du traitement, et je pense qu'à partir de ça on pourrait déterminer le nombre de personnes ou l'importance du besoin, en tout cas pour ce qui est des maladies chroniques. Mais, comme je le disais tantôt, il y a un grand nombre de pathologies pour lesquelles les diététistes vont intervenir, mais...

Et, quand on parlait des maladies chroniques ? vous en parlez dans Garantir l'accès ? ce sont des maladies sur un long parcours, et on parle de prévention avant l'apparition, avant l'occurrence de la maladie, mais, quand on traite une maladie adéquatement, pas seulement avec la nutrition, mais avec beaucoup d'autres éléments, là, d'autres modes de traitement, on diminue aussi les risques de complication de ces maladies-là. Alors, je pense qu'il faut le voir comme quelque chose de... comme un potentiel qui va diminuer les coûts aussi.

M. Charbonneau: Il ne nous reste plus de temps. Alors, bien, merci beaucoup.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Paquin): M. Duhamel, Mme Caron, Mme Lavallée Côté, représentants de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec, merci pour votre présence, cet après-midi.

J'invite maintenant les représentants de l'Ordre des chiropraticiens du Québec et Association des chiropraticiens du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Nous recevons maintenant l'Ordre des chiropraticiens du Québec et Association des chiropraticiens du Québec.

Bonjour, madame, bonjour, messieurs. Je vous fais part un peu du fonctionnement de la commission: vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, par la suite 10 minutes de discussion avec le ministre et 10 minutes de discussion avec les députés de l'opposition. Donc, je crois que c'est M. Normand Danis qui est le président de l'ordre? M. Danis, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent et nous faire part de votre mémoire, nous vous écoutons.

Ordre des chiropraticiens
du Québec et Association des
chiropraticiens du Québec (ACQ)

M. Danis (Normand): Avec grand plaisir. Alors, M. le Président, M. le ministre, M. le représentant de l'opposition officielle, Mmes, MM. les députés, ça me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, Me Louise Taché-Piette, procureur de l'Ordre des chiropraticiens du Québec, et, à ma droite, mon collègue Dr François Auger, chiropraticien, président de l'Association des chiropraticiens du Québec.

Alors, d'abord, nous tenons à vous remercier de nous recevoir à cette commission concernant la garantie d'accès aux soins de santé, et ce, avec, comme toile de fond, l'équité, l'efficience et la qualité. Le gouvernement du Québec, dans son document de consultation Garantir l'accès, réaffirme son engagement envers un système public et accessible à l'intérieur duquel le secteur privé peut jouer un rôle complémentaire. Le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, déclarait à cet égard: «Une perspective d'élargissement futur de la garantie d'accès, sur la base d'indicateurs fondés sur la preuve scientifique et développés en partenariat avec les praticiens concernés. Cet accroissement serait effectué au rythme des ressources humaines et financières disponibles, et le choix des procédures additionnelles s'effectuerait en fonction de critères préétablis.»

En tant que président d'un ordre professionnel et membre du Conseil interprofessionnel du Québec, je me dois de souligner que la mission première du système professionnel est d'assurer la protection du public. Ce mandat comporte deux volets, soit garantir l'accès aux services et assurer la qualité optimale de ces derniers. Ce que nous vous proposons aujourd'hui, c'est une meilleure utilisation des soins de santé du secteur privé de façon à mieux supporter et appuyer le système public, et ce, de manière à en assurer la pérennité. Nous vous offrons quelques pistes de solution afin de favoriser et inciter les citoyens et citoyennes du Québec à consulter les professionnels de la santé les plus compétents dans leurs domaines d'intervention respectifs. Ces nouvelles avenues permettraient une plus grande accessibilité aux soins, une efficience accrue et un allégement des pressions que subit présentement le système public de soins de santé du Québec.

Et avant de céder la parole à mon collègue le Dr Auger, j'aimerais, juste en complément d'information, vous annoncer qu'hier on a eu une excellente nouvelle, c'est la création d'une chaire de recherche chiropratique en neurophysiologie, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui prendra effet au mois d'août. Et le titulaire sera le Dr Jean-Sébastien Blouin, qui est un diplômé de Trois-Rivières et qui est allé effectuer deux postdoctorats en neurophysiologie à l'Université de Colombie-Britannique. Donc, nous rapatrions les connaissances que nous avons mises en place au Québec et nous contribuerons ainsi à améliorer les connaissances scientifiques pour le plus grand bien de la population. Alors, sans plus tarder, Dr Auger.

M. Auger (François): Je vais vous faire donc un résumé du mémoire qu'on vous a présenté. Les docteurs en chiropratique assurent le diagnostic, le traitement et la prévention de troubles se rapportant à la colonne vertébrale, au système nerveux, au système musculaire et au système squelettique. On les retrouve dans 70 pays, sous le chapeau de la Fédération mondiale de chiropratique. En fait, au niveau international, les docteurs en chiropratique, les médecins et les dentistes représentent les trois plus importantes professions de la santé, détenteurs d'un doctorat.

L'Association des chiropraticiens que je représente est un syndicat professionnel volontaire qui regroupe la grande majorité des chiropraticiens du Québec. C'est un organisme sans but lucratif existant depuis 1966. L'ACQ, l'Association des chiropraticiens, a pour mission la défense des intérêts professionnels socioéconomiques de ses membres. Pour ce faire, elle s'engage à offrir des services à ses membres; défendre pour tous les Québécois et Québécoises un accès libre et équitable aux soins chiropratiques complets, conformes aux standards de pratique internationaux; s'engage à mettre en oeuvre des projets éducatifs visant l'amélioration de la santé publique via l'approche chiropratique; informer le public des avantages de l'approche chiropratique; faciliter la recherche en chiropratique; et promouvoir l'intégration sectorielle de la chiropratique dans le système de santé québécois.

n(17 h 10)n

Le diagnostic et le traitement chiropratiques couvrent l'ensemble des lésions neuromusculosquelettiques, à l'exception de celles qui sont de nature réfractive ou qui requièrent une chirurgie. Le Québec compte présentement plus de 470 laboratoires de radiologie diagnostique chiropratique au service de la population, et ce, avec une distribution démographique équilibrée. Plus de 840 000 Québécois et Québécoises consultent annuellement l'un ou l'autre des 1 100 chiropraticiens du Québec membres de l'ordre ou de l'association. Au Canada, 6 100 chiropraticiens reçoivent au total plus de 4 millions de patients par année. On compte plus de 68 000 chiropraticiens au États-Unis.

Le doctorat en chiropratique de l'Université du Québec à Trois-Rivières existe depuis 1993. D'une durée de cinq années, 245 crédits universitaires de premier cycle de 5 000 heures, le programme de doctorat s'étend sur 11 trimestres. Les étudiants reçoivent une formation complète qui leur apporte une préparation pertinente à l'exercice de la chiropratique. L'enseignement comporte trois axes: le premier, une formation fondamentale en santé, soit l'anatomie, la dissection de cadavre, la biologie, la microbiologie, la physiologie, l'histologie, la neurologie, les sciences biochimiques et la pathophysiologie; une formation spécialisée dans tous les aspects de la discipline chiropratique ? on compte ici le diagnostic clinique et radiologique, les analyses biomédicales, les sciences neuro-physiologiques; et une formation théorique et pratique d'une durée de 18 mois dévolue spécifiquement aux stages et à l'internat.

Plusieurs recherches ont été faites dans le milieu de la chiropratique, principalement sur le traitement des douleurs lombaires. Plusieurs études ont été publiées dans The Archives of Internal Medicine ? qui est la revue de l'association médicale américaine ? le British Medical Journal. Des rapports internationaux ont été faits dans plusieurs pays; au Royaume-Uni, dans le Clinical Standards Advisory Group. En Nouvelle-Zélande, en 1997, des guides cliniques ont été faits sur les douleurs lombaires. Le Danish Institute for Higher Technology Assessment, en 1999, nous laissait savoir que la prévention des douleurs lombaires via la manipulation vertébrale était très efficace. Le Royal College of General Practitioners, au Royaume-Uni, en 2001, nous laissait savoir qu'il y avait des preuves démontrant que la manipulation vertébrale peut à court terme contribuer au soulagement de la douleur et à l'amélioration du niveau d'activité, en plus d'obtenir un taux de satisfaction des patients plus élevé que tout autre traitement.

Les lignes directrices de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents de travail de l'Ontario nous laissaient savoir que la manipulation est plus efficace pour le traitement à court et à moyen terme des douleurs lombaires chroniques que les soins courants de médecine générale, le repos au lit, les analgésiques et la massothérapie. 25 % des dossiers ouverts et acceptés par la CSST en 2004, au Québec, concernaient des blessures au dos, à la colonne vertébrale. Au niveau des accidentés de la route, le Manitoba Public Insurance nous laisse savoir ? le penchant donc de la Société de l'assurance automobile du Québec au Manitoba ? qu'il y avait des économies de l'ordre de 33,5 % en indemnités de remplacement de revenus, avec les soins chiropratiques, et des économies de plus de 30,5 % en honoraires professionnels face aux lésions des accidentés de la route.

Un citoyen qui contribue par ses impôts et taxes au système de soins de santé public devra débourser plus de 3 % de son revenu ? et là il y a une coquille dans notre mémoire, c'est marqué «revenu brut» et ça devrait être marqué «revenu net» ? et ce, sans aucune déduction possible. L'abrogation de ce ticket modérateur déguisé encouragerait une plus grande participation du secteur privé, avec les effets bénéfiques qui en découleraient pour le système public, sans addition d'argent supplémentaire.

La CSST et la SAAQ sont les seules régies ou sociétés gouvernementales au Canada et aux États-Unis à exiger une prescription médicale pour consulter un chiropraticien. Ce faisant, on crée des délais inutiles nuisant à la qualité des soins et à l'accessibilité aux soins chiropratiques, qui est nettement diminuée. En effet, au Canada, 25 % des accidentés de la route et du travail consultent des chiropraticiens. Au Québec, cette statistique est de 0,5 % par le biais d'une prescription médicale.

Depuis plus de 20 ans, les études gouvernementales et privées ont démontré que les soins chiropratiques étaient plus efficaces et moins coûteux que les soins médicaux traditionnels en ce qui a trait aux lésions neuromusculosquelettiques. Si l'un de nos objectifs santé de demain est que les Québécoises et les Québécois guérissent plus vite et que le système public, les employeurs et les citoyens fassent des économies, nous suggérons au gouvernement quelques-unes des voies à suivre.

Les 1 100 chiropraticiens et chiropraticiennes du Québec sont prêts à accueillir non seulement les accidentés de la route et du travail, mais aussi toutes les personnes qui souffrent de troubles se rapportant aux systèmes nerveux, musculaire et squelettique. De plus, nous souhaiterions que ces personnes puissent utiliser les services chiropratiques et de tout autre professionnel de la santé du secteur privé reconnu par le Code des professions sans être pénalisées par cette limite de 3 % du revenu net.

L'application des suggestions de ce mémoire pourrait, nous l'espérons, améliorer la qualité des soins, accélérer les interventions, diminuer les délais et procurer des économies substantielles à l'État québécois dans un domaine aussi névralgique que celui de la santé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Danis, M. Auger, Mme Taché. Ce qui a trait véritablement au financement de la santé et à l'accessibilité, dans votre mémoire, c'est essentiellement cette suggestion de lever la limite de 3 % du revenu pour les déductions pour les dépenses de santé obtenues dans le secteur privé, qui sont en général des dépenses non assurées, là, tels que les traitements de chiropratiques hors CSST ou SAAQ. Mais là vous dites: Sans addition d'argent supplémentaire. Mais en fait c'est des pertes de revenus pour l'État, ça équivaut... Pourquoi ce serait rentable pour l'État de lever cette limite-là? Parce que ce n'est pas vrai que c'est sans dépenses supplémentaires. Oui, techniquement, on ne dépense pas plus d'argent, mais on se prive de revenus. Alors, quel est l'impact final sur les finances publiques?

M. Danis (Normand): En fait, il est double. Un, si le citoyen, la citoyenne consulte un professionnel de la santé du secteur privé, automatiquement il n'a pas consulté au système public. Donc, il y a une économie au niveau du système public, d'entrée de jeu. Dans un deuxième temps, la question fiscale et de transfert des argents: si un professionnel de la santé du secteur privé reçoit un patient qui lui paie des honoraires, le professionnel de la santé du secteur privé paie des impôts, donc il y a une récupération qui se fait, et c'est un peu des vases communicants auxquels on a droit. La grande différence... Et puis ce faisant, on a désengorgé le système public et on crée une capacité pour la population du Québec, un plus grand accès. Exemple, en chiropratique, bon, on est 1 100, il y a 470 laboratoires de radiologie et l'accès au niveau de la distribution démographique est très bien équilibré. Donc, l'accès est augmenté, il n'y a pas de nouveaux argents d'injectés par le gouvernement et la qualité des soins également est garantie.

M. Couillard: Vous avez parlé également de l'accès direct aux soins chiropratiques sans prescription médicale. Je pense que vous voulez dire dans le parapluie CSST-SAAQ. Parce que les patients, les citoyens peuvent aller voir directement un chiropraticien, là. Mais ce que vous déplorez, c'est que, dans le système CSST-SAAQ, il y ait une obligation de prescription médicale pour avoir accès au remboursement de vos services. Je pense, essentiellement, c'est ce que vous dites. Quels sont les résultats de vos conversations avec la CSST et la SAAQ sur cette question-là?

M. Danis (Normand): Les discussions vont bon train. Je ne sais pas si...

M. Auger (François): Tout à fait. On est en discussion présentement, à la SAAQ, pour un projet de recherche dans ce sens. Et puis, au niveau de la CSST, les dernières discussions qu'on a eues remontent à plus de trois ans, et elle n'était pas très favorable à cet aspect, là, qui touche l'accessibilité sans prescription médicale.

M. Couillard: Mais vous avez des conversations avec la SAAQ actuellement, là-dessus?

M. Auger (François): Tout à fait. Présentement, oui.

M. Couillard: Il va falloir que vous leur démontriez les économies, ces temps-ci, là. Vous avez vu l'actualité, là? Alors, je vois que vous avez des données sur ce qui s'est fait au Manitoba, par exemple. Je pense que cet angle d'attaque m'apparaît souhaitable.

M. Danis (Normand): Bien, en fait, le message qu'on veut livrer, il est fort simple, c'est d'avoir une utilisation plus cohérente des professionnels de la santé qui ont été formés au niveau des universités québécoises et qui ont des services à offrir. Et, si, en offrant leurs services, en facilitant l'utilisation de leurs services à la population, le système public se sent dégagé, allégé et qu'il n'y a pas de nouveaux argents injectés par le gouvernement, moi, je pense que c'est une situation gagnant-gagnant.

M. Couillard: Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, madame. Je n'arrive pas à comprendre la cohérence au Québec. C'est-à-dire, à partir du moment où on reconnaît la chiropratique, on a accepté de créer un ordre par la loi et que finalement on a même, dans une université publique, l'Université du Québec à Trois-Rivières, non seulement... je ne sais pas si c'est une faculté ou un département, en tout cas...

M. Auger (François): Un département.

n(17 h 20)n

M. Charbonneau: ...un département d'enseignement et un cursus qui va même jusqu'à un doctorat, j'ai de la misère à comprendre pourquoi deux organismes étatiques résistent? Quelles raisons ils invoquent, là? Parce que finalement est-ce qu'ils ont une expertise médicale tout à coup particulière, eux autres, qui ferait qu'il faut qu'ils exigent, eux, un processus qu'on n'est pas obligé d'avoir ailleurs? Je n'arrive pas à comprendre c'est quoi, leur logique, là.

M. Auger (François): On a une particularité au Québec, dans ce domaine-là, qui est celui du médecin traitant, et le système québécois nous a amené à passer au travers ce filtre-là, alors qu'il n'est pas existant dans les autres provinces canadiennes et dans les États américains. Donc, le patient a le loisir de pouvoir choisir, s'il est accidenté de la route ou accidenté du travail, le professionnel qu'il va aller consulter, soit le chiropraticien, soit le médecin. Ici, bien, on a fait un entonnoir qui s'appelle le médecin traitant...

M. Charbonneau: Ça, c'est dans la loi de ces deux organismes-là?

M. Auger (François): C'est dans la loi et dans les règlements. Parce que c'est enchâssé dans la loi dans la CSST, mais c'est une procédure de réglementation au niveau de la Société de l'assurance automobile du Québec.

M. Charbonneau: Mais ce n'est pas très cohérent pour le législateur québécois, entre nous, là.

M. Auger (François): Je suis tout à fait d'accord avec cette position-là. Elle manque de cohérence, c'est sûr.

M. Danis (Normand): Un éditorialiste avait même écrit sur le sujet que nous étions distincts, même dans nos maux de dos.

M. Charbonneau: Oui. En tout cas, moi, je n'ai pas de honte à dire que je bénéficie régulièrement...

M. Auger (François): Il y avait une barrière...

M. Charbonneau: ...d'un chiro de mon coin, puis j'en ai utilisé une couple dans ma vie, là, pour des épisodes de soins ou des épisodes de malaises particuliers. Mais je n'arrive pas, là... Je ne sais pas si le ministre de la Santé actuel peut aider à faire en sorte que la solution se règle, mais il y a une espèce de taponnage, d'anachronisme qu'on traîne dans le décor. Parce que, de deux choses l'une, là, hein? Je veux dire, ou on pense que finalement on veut subordonner la pratique de la chiro au Collège des médecins puis aux médecins, ou bien non. Puis, si c'est non, bien ça devrait être non partout. Puis, si c'est oui, c'est oui partout.

M. Danis (Normand): C'est pour ça que nous vous exposons ces états de fait, pour qu'en tant que législateurs vous puissiez corriger la situation.

M. Charbonneau: Mais là les ministres titulaires... En fait, c'est parce que dans le fond ça devrait passer par les ministres titulaires des deux organismes, si je comprends bien, pour qu'il y ait une législation. Est-ce qu'au-delà des discussions avec l'appareil administratif de ces deux organismes-là, est-ce qu'il y a des conversations avec les ministres donc les décideurs politiques, là, qui sont concernés?

M. Danis (Normand): Il y a eu des rencontres, et on a décidé d'abord de peaufiner, si vous voulez, la chose avec l'organisme comme tel pour qu'ensuite ils puissent aller voir leur ministre, faire rapport, et le ministre sera plus en mesure de prendre une décision éclairée.

M. Charbonneau: Moi, ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est, que ce soit la CSST ou la SAAQ, quelle est la capacité d'expertise qu'ils ont, eux, tout à coup, que d'autres n'ont pas dans la société pour pouvoir évaluer que ça nous prend un médecin ? comment vous avez appelé ça, là? ? ...

M. Danis (Normand): Un médecin traitant.

M. Charbonneau: ...un médecin traitant pour l'ensemble des problèmes. Dans le fond, ce n'est même pas à eux à la limite de déterminer ça.

M. Danis (Normand): En fait, quand on les rencontre, et Dr Auger pourrait corroborer, cette expertise-là, elle n'existe pas dans les faits, puisqu'il n'y pas de chiropraticien attitré à ces organismes-là pour les conseiller, etc., comme c'est le cas pour les médecins. Alors, lorsqu'on arrive là, ils on fait des démonstrations de diverses études gouvernementales de façon à ce qu'ils puissent même être en mesure d'apprécier que le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord à ne pas offrir un accès direct aux soins chiropratiques. Au-delà de ça, bien, ça devient politique et...

M. Charbonneau: Non, c'est parce que je me dis: Dans le fond, si, au Québec, par loi, on a permis de créer un ordre, on a créé un ordre, on permet l'enseignement puis on permet aux citoyens d'aller se faire traiter directement... Moi, quand j'y vais, ce n'est pas mon médecin qui me prescrit, là, je suis capable d'y aller tout seul puis je décide d'y aller, hein? Bon. Et puis alors, dans ce contexte-là, si c'est permis, pourquoi il y a une catégorie, là? Tout à coup, j'aurais un accident de la route puis là je ne pourrais plus aller voir mon chiro? Ou là je serais obligé de passer par mon médecin ou leur médecin à eux? En tout cas, je trouve que...

M. Auger (François): La rhétorique est simple. Vous pouvez avoir accès à nous, mais vous devez passer par un filtre. Bon. Si on...

M. Charbonneau: Mais le filtre, on le paie, là, hein?

M. Auger (François): Tout à fait.

M. Charbonneau: Parce que c'est ça, le problème, c'est que dans le fond, là, on paie. Quand vous parliez d'engorgement du système, c'est que, tu sais... Je ne sais pas combien d'argent ça nous coûte pour passer par un filtre inutile. À moins qu'on fasse la démonstration que le filtre est essentiel. Mais, si le filtre est essentiel là, pourquoi il ne serait pas essentiel ailleurs?

M. Auger (François): Il est unique en Amérique du Nord.

M. Charbonneau: En tout cas, moi, je le dis, j'espère que le neurochirurgien qui occupe la fonction de...

Une voix: ...

M. Charbonneau: Oui, mais il n'a pas d'influence dans le gouvernement. Il a un sex-appeal, on a appris ça ce matin, mais il n'a pas...

M. Couillard: Jaloux!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Mais il n'a pas d'influence dans le gouvernement. C'est...

M. Couillard: Jaloux!

M. Auger (François): J'aimerais juste rappeler qu'il y avait une barrière qui existait, qui était celle du diagnostic. Le diagnostic chiropratique était contesté par le Collège des médecins, était contesté par l'Office des professions, et la Cour d'appel du Québec s'est prononcée très clairement sur cette question-là en février dernier, en février 2005, à l'effet qu'un chiropraticien exprimait son opinion professionnelle par le biais d'un diagnostic, c'est-à-dire l'établissement de la cause de la problématique. Et ça, dans les causes précédentes qui nous ont amenés, l'Association des chiropraticiens, avec la CSST, il y avait une ambiguïté à cet effet-là, à savoir: Est-ce qu'on avait la capacité, en tant que chiropraticiens, d'exprimer notre opinion professionnelle par le diagnostic? La Cour d'appel a tranché ça de façon très claire et cinglante à l'effet qu'un chiropraticien exprime son opinion professionnelle par le biais d'un diagnostic, c'est-à-dire l'établissement de la cause de la problématique. Depuis ce temps-là, on s'attendait à beaucoup plus de collaboration de la part de la CSST et, bon, on a une certaine collaboration de la part de la SAAQ, mais c'est froid.

M. Charbonneau: Il y a un médecin qui a voulu forcer le jeu, qui s'appelle le Dr Chaoulli, puis, bon, avec les conséquences qu'on connaît. Est-ce que, vous autres, vous avez déjà pensé à forcer le jeu au plan légal? C'est-à-dire à la limite est-ce que légalement il n'y a pas une incohérence?

M. Auger (François): Il y en avait une; on l'a corrigée.

M. Charbonneau: Oui, mais est-ce qu'il n'y a pas encore...

M. Auger (François): C'était supposé d'être la barrière. C'était l'excuse qu'on nous servait lors des discussions: Vous n'avez pas de diagnostic, votre diagnostic n'est pas reconnu, donc vous ne pouvez pas avoir les personnes en accès direct, puisque vous n'exprimez pas votre opinion professionnelle par le diagnostic. Depuis février 2005, cette barrière-là est tombée. Et on s'attendait à une certaine facilité à pouvoir faire percer ces deux régies gouvernementales là. Et, bon, là on y va vers un projet de recherche pour encore une fois avoir des données purement québécoises, puisque les données manitobaines ne sont pas satisfaisantes ici.

M. Charbonneau: Encore une fois, c'est vraiment tordu. Parce que, de deux choses l'une, là, ce n'est pas compliqué, il me semble que c'est le bon sens même: ou bien, je veux dire, votre profession est à risque puis on vous met en tutelle par rapport à une profession supérieure, qui aurait une connaissance scientifique supérieure à la vôtre, ou bien ce n'est pas le cas. Si c'est le cas, alors qu'on le fasse pour tous les citoyens. Puis, si ce n'est pas le cas, bien, je veux dire, qu'on libère... qu'on permette.

Je l'avais déjà dit, pour un autre dossier, au ministre, sur la question d'hyperbare. Tu sais, finalement on se fait dire que ce n'est pas bon scientifiquement par certains, mais en même temps on accorde un crédit d'impôt pour permettre aux citoyens d'aller. Ça fait que, de deux choses l'une: on n'accorde pas de crédit d'impôt parce que ça n'a pas de valeur scientifique, mais, si ça a une valeur scientifique, à ce moment-là, on devrait le reconnaître dans le panier de services et non pas de faire à semblant d'essayer de l'écarter en supposant qu'il n'y a pas d'évidence scientifique. De deux choses l'une: il y a une évidence scientifique ou il n'y en a pas. Puis il y a une conséquence logique à un choix ou l'autre dans ce sens-là. Voilà, M. le Président, j'ai terminé.

n(17 h 30)n

Le Président (M. Paquin): Bien, M. le député, merci. Dr Danis, Dr Auger, Mme Taché-Piette, de l'Association des chiropraticiens du Québec, merci de votre présence, cet après-midi.

J'invite maintenant les représentants de la Coalition des médecins pour la justice sociale à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Donc, nous recevons maintenant la Coalition des médecins pour la justice sociale.

Bienvenue, madame, monsieur. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, nous allons avoir une période d'échange avec le ministre et par la suite avec les députés de l'opposition. Je pense que c'est le Dr Saba qui va faire la présentation, si je ne me trompe pas?

Coalition des médecins pour la justice sociale

M. Saba (Paul): Oui. À ma gauche, c'est le Dr Khadir, que je vous présente.

Le Président (M. Paquin): Nous vous écoutons.

M. Saba (Paul): O.K. Merci. Merci, M. le Président de l'assemblée. Merci, M. le ministre, M. Charbonneau, de nous accueillir ici. La Coalition des médecins pour la justice sociale est un organisme sans but lucratif qui milite pour la conservation et l'amélioration de notre système public de santé. La coalition est un réseau de médecins qui défendent des valeurs de justice sociale et d'équité, qui croient que la santé n'est pas une marchandise et que tous, peu importe le niveau économique, ont droit à des soins de qualité.

Le livre blanc Garantir l'accès est la réponse du gouvernement du Québec au jugement de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Chaoulli. La garantie d'accès a comme objectif d'assurer un accès dans un temps raisonnable pour certaines chirurgies, celles de la hanche, du genou et des cataractes. Pour réaliser cette garantie, le livre blanc propose entre autres la mise en place de cliniques spécialisées affiliées privées. Donc, quand je dis ça, ça, ce n'est pas le seul objectif du livre blanc, mais je fais juste... Parce qu'on va discuter ce point ici.

La Coalition des médecins pour la justice sociale n'est pas d'accord avec cette proposition et recommande plutôt un renforcement du système de santé public. La coalition milite pour le maintien du système de santé public actuel, basé sur l'assurance maladie. Nous pensons que le système est bien conçu. Même s'il y a des problèmes évidents dans son fonctionnement, nous ne pensons pas que ces problèmes découlent d'un vice fondamental inhérent au principe de l'assurance maladie.

Nous soutenons quand même que, même s'il existe de sérieux problèmes dans notre système de santé, ils ne constituent pas une crise et ne nécessitent pas un changement fondamental de philosophie dans l'organisation ou dans l'engagement d'un financement public intégral du système. Nous croyons que les problèmes résultent des mauvaises décisions faites dans les années quatre-vingt-dix, avec la fermeture de neuf hôpitaux communautaires à travers du Québec, dont sept sur l'île de Montréal, avec la fermeture des urgences et des blocs opératoires, une diminution de lits d'hospitalisation et de lits de soins intensifs et une diminution du personnel de première ligne en santé tel que les médecins et les infirmières. La diminution de la disponibilité des services et le financement instable ont fait en sorte que les listes d'attente ont augmenté à tous les niveaux dès le contact entre les médecins de famille, les spécialistes et les patients, pour la prise de tests diagnostics et pour des interventions médicales ou chirurgicales.

On minimise souvent les effets pervers des fermetures des hôpitaux communautaires du milieu des années quatre-vingt-dix. Par contre, les études menées aux États-Unis et au Canada ont démontré clairement que la fermeture des hôpitaux communautaires urbains ou une diminution de lits d'hospitalisation ont eu comme conséquences une diminution d'accès, surtout pour la population défavorisée, une augmentation des listes d'attente, des effets pervers tels que des décès pour la population desservie et, en fin de compte, une augmentation des coûts.

Le système de santé subit un assaut féroce, en disant, par exemple, que le système de santé, dans la forme actuelle, n'est pas viable, nous n'avons pas les moyens de nous payer un tel régime d'assurance maladie, les coûts augmentent en flèche et deviennent incontrôlables. La solution offerte pour guérir le système est une plus grande place à l'entreprise privée, présentée comme la privatisation, ou un système à deux vitesses public-privé, ou un partenariat entre les secteurs public et privé, ou encore l'introduction de cliniques spécialisées affiliées privées.

Néanmoins, ces conséquences peuvent être résolues en utilisant des solutions qui s'adressent directement aux problèmes et non pas à effectuer une réforme complète du système. Étant donné que la privatisation et l'inquiétude face aux coûts de santé font l'actualité et sont les pires menaces au système public, nous porterons notre attention sur ces questions. Il y a ceux qui proposent un partenariat public-privé pour, par exemple, la construction et l'opération des hôpitaux ou le recours à des cliniques spécialisées privées afin de réduire le temps d'attente dans le système public. Quelle est la validité de telles propositions?

Je ne veux pas aller en détail, parce qu'on ne parle pas juste de ce sujet, mais ça a été bien étudié, l'expérience, et ça a été rapporté dans le British Medical Journal, où ils ont dit, en fin de compte, que même la construction des hôpitaux, dans les partenariats privé-public, était plus coûteuse à cause des coûts de financement. Puis il y avait moins de lits, augmentation des coûts, des salles plus petites et moins d'argent pour payer les soins. Puis, en fin de compte, même le ministre de la Santé récemment a bloqué 10 projets pour la construction des hôpitaux dans les PPP.

Des études publiées dans le New England Journal... Je saute la page 13... je ne sais pas quelle page. Des études publiées dans le New England Journal of Medecine, le Journal of the American Medical Association et le Canadian Medical Association Journal démontrent que la qualité des soins de santé, mesurée selon des critères bien établis, est moins bonne dans les institutions à but lucratif et que le taux de décès y est plus élevé comparativement à ce qui prévaut dans les hôpitaux et cliniques sans but lucratif.

La commission Romanow a analysé les cas où les autorités régionales de la santé ont signé des contrats avec des établissements privés à but lucratif fournissant des services chirurgicaux précis tels que les chirurgies de la cataracte ou certaines chirurgies d'un jour. La conclusion n'a pas démontré que cette pratique est plus efficiente ou moins coûteuse que les services fournis dans un établissement à but non lucratif possédant des ressources adéquates. La commission a conclu que les services de santé doivent être dispensés dans des établissements publics à but non lucratif.

Les partenaires fonctionnent à leur meilleur lorsque les partenaires partagent les mêmes objectifs. L'objectif du gouvernement est le bien-être de la population, alors que celui des investisseurs, c'est le profit. Ces derniers sont mal placés pour construire et gérer des hôpitaux ou des CSA. Et maintenant je cède la parole au Dr Khadir.

Mme Khadir (Saideh): En Angleterre, on a des exemples de mauvaise qualité de soins avec des coûts plus élevés dans les cliniques spécialisées affiliées. Également, un article dans le British Medical Journal de 2006 a démontré que les opérations de remplacement de la hanche faites dans les CSA, c'est-à-dire les «independent sector treatment centers», étaient de faible qualité, que la supervision était inadéquate et qu'il n'y avait pas de système pour évaluer et corriger les problèmes, comme des comités d'évaluation d'actes ou de décès. En effet, dans ces centres d'analyse, le taux d'échec était de trois à 10 fois plus élevé que dans les hôpitaux publics.

Pourquoi alors le recours aux cliniques privées, si la recherche démontre qu'il y a moins d'efficacité, moins de qualité de soins et des coûts plus élevés? Le gouvernement a déjà raccourci les listes d'attente dans plusieurs domaines de la santé, tels que la radio-onco et la chirurgie cardiaque, à l'intérieur du système public. Pourquoi ne pas continuer dans la même direction?

En utilisant les cliniques privées, le gouvernement ouvre la porte vers un système à deux vitesses. Comment? Premièrement, il y a moins d'incitatifs pour le gouvernement de renforcer le système public. Deuxièmement, cela augmente les investissements dans les cliniques privées, faisant en sorte d'augmenter leur nombre ainsi que les médecins qui seront tentés d'aller y travailler, privant le public de ses ressources humaines. Quelle assurance a-t-on qu'elles ne vont pas exiger progressivement des frais supplémentaires auprès des patients, chose courante maintenant? Par exemple, il est bien connu que, pour contourner la loi de l'assurance médicale, les patients paient, entre autres, pour la location de la salle, ou des frais de location d'équipement, ou des matériaux anesthésiques, ou des gouttes ophtalmologiques, ou des lentilles pour les cataractes, soi-disant de plus haut de gamme.

n(17 h 40)n

Comment améliorer le système public? Il est possible de garantir des soins dans un délai raisonnable pour une gamme de services essentiels tels que le traitement du cancer et les soins cardiaques. La priorité des soins ne doit pas être envisagée selon la maladie du jour, mais plutôt selon une liste prédéterminée annuellement, mise en place par des experts de tous les domaines de la santé. La problématique des listes d'attente dans les disciplines de chirurgie est bien connue, mais il y a aussi de longues listes d'attente pour les services en santé mentale, dans les services à domicile, dans les modalités diagnostiques radiologiques, par exemple. Si un délai déraisonnable est dépassé, un coordonnateur de l'hôpital doit le signaler aux médecins de l'hôpital et voir la possibilité pour le patient d'être opéré en priorité.

Est-ce que l'hôpital peut donner plus de temps au chirurgien pour opérer? Ne doit-on pas augmenter le budget de l'hôpital pour s'assurer que le patient soit opéré dans un délai raisonnable? Si le patient ne peut être opéré dans le délai adéquat par le premier médecin, est-ce qu'un de ses collègues ne peut pas prendre en charge le patient? Donc, toute une coordination peut et doit être faite dans la perspective d'assurer des soins de qualité et dans un délai raisonnable. Une centralisation des listes d'attente par spécialité et la révision périodique de ces listes peuvent réduire significativement l'attente à peu de frais.

Pourquoi assurer des soins dans le contexte du public et non dans un système privé parallèle? Les études sont claires, le système public offre des soins de qualité et à meilleur coût. Le Journal de l'Association médicale canadienne démontre que, dans les hôpitaux à but lucratif, aux États-Unis, la mortalité est plus élevée que dans les hôpitaux à but non lucratif. Une autre étude, aux États-Unis, démontre que la qualité des soins est moindre dans les cliniques privées, et la mortalité des patients hémodialysés est supérieure de beaucoup. Pour les patients du Medicare assurés par le gouvernement fédéral, aux États-Unis, les coûts pour le même diagnostic sont beaucoup plus élevés dans les hôpitaux privés ou dans les modes de prestation privés que dans les hôpitaux publics.

Une analyse de 149 études portant sur 20 ans a évalué l'accès, la qualité des soins et la rentabilité des soins. Cinq fois plus d'études concluent que les centres à but non lucratif ont un meilleur rendement que les centres à but lucratif.

Y a-t-il un avantage maintenant de traiter les patients dans le privé? Pour le gouvernement, c'est une fuite en avant pour ne pas investir et améliorer le système maintenant. Pour les patients, c'est une illusion d'avoir peut-être un remède immédiat pour leurs problèmes de santé.

C'est quoi, les inconvénients de tels propos? Premièrement, les fonds qui pouvaient alléger le système public seront contournés vers les cliniques privées. Cet argent qui provient des contribuables pourrait être utilisé, par exemple, pour ouvrir des blocs opératoires dans les hôpitaux publics. Prenons comme exemple, au Québec, la croissance des centres de radiologie privés, qui est la plus importante à l'échelle du Canada. Mais en même temps on observe une plus grande liste d'attente pour les scanners et les échographies qu'ailleurs.

Deuxièmement, on ne peut pas contrôler la qualité des services dans un système privé, alors qu'il existe des normes dans les hôpitaux publics. Par exemple, on a dit: Les décès et la qualité de l'acte des patients doivent être examinés par un comité d'évaluation.

Troisièmement, le fardeau financier est mis sur les citoyens. Présentement, une police d'assurance de la Croix Bleue, au New Hampshire, pour un père de famille de 40 ans travailleur autonome, avec une femme enceinte de 35 ans, coûte 22 000 $ CAN par année. En tenant compte que moins de 1 % de la population gagne 100 000 $ par année, il est fort probable que la majorité des Québécois n'auront pas recours aux assurances privées. De plus, il est bien connu que les assureurs ne vont pas assurer les personnes avec des maladies préexistantes, des personnes âgées par exemple, à moins qu'elles ne paient des sommes faramineuses.

Finalement, en ouvrant la porte au privé dans les services de santé, on ne pourra pas se substituer aux ententes commerciales comme l'ALENA, et le Canada sera obligé de donner les mêmes avantages à des compagnies étrangères, sous peine de poursuites très coûteuses, comme le stipule le chapitre 11 du traité commercial.

M. Saba (Paul): Comment répondre au...

Le Président (M. Paquin): ...je vous signale qu'il vous reste cinq minutes.

M. Saba (Paul): Merci. Comment répondre au jugement de la Cour suprême? Il faut améliorer l'accès pour les services de santé pour tous et dans le système public. Pour réduire les listes d'attente dans les chirurgies priorisées par le gouvernement, il n'est pas nécessaire d'avoir recours au CSA. Nous avons des modèles de cliniques spécialisées déjà existants et fonctionnels dans nos hôpitaux de soins aigus, au Québec. Il faut simplement reproduire ces modèles dans nos hôpitaux québécois.

Un exemple de ce genre est le centre d'ophtalmologie qui fonctionne au sein du Centre hospitalier de Lachine depuis 10 ans. L'année dernière, plus de 2 500 chirurgies de cataracte ont été réalisées. Ce modèle a été dupliqué ailleurs, où il existe présentement plusieurs centres d'ophtalmologie dans les hôpitaux, au Québec.

L'importance de faire des chirurgies d'un jour, telles que les cataractes, dans un hôpital est évidente. Premièrement, il y a des économies de coûts. Il ne s'agit pas de construire un bâtiment neuf mais seulement de réaménager un hôpital existant. Deuxièmement, les chirurgies d'un jour sont faites souvent sur des personnes âgées avec une multitude d'autres problèmes de santé, nécessitant souvent un accès aux soins intensifs qui ne se retrouvent que dans un hôpital de soins aigus.

Au Centre hospitalier de Lachine, par exemple, les chirurgies d'un jour telles que les hernies, dans un groupe de patients opérés ? plus de 60 ans ? 74 % de ceux-ci, souvent des personnes âgées, avaient des problèmes existants, comme le diabète, des problèmes cardiaques, nécessitant un séjour aux soins intensifs. Donc, c'était avantageux, au niveau des coûts et de la sécurité des patients, que les chirurgies d'un jour soient faites dans un centre hospitalier de soins aigus public plutôt que dans les cliniques spécialisées affiliées privées. Il faut mentionner qu'au niveau de la performance, dans la dernière analyse de résultats 2002-2003 pour la chirurgie d'un jour, le Centre hospitalier de Lachine avait un rendement supérieur par rapport à tous les hôpitaux du Québec, avec un taux cible de 95 %.

Présentement, au Québec, il y a des dizaines de salles de bloc opératoire fermées faute de fonds suffisants pour engager du personnel pour les faire fonctionner. Les salles doivent être réouvertes et consacrées aux chirurgies prioritaires. Le gouvernement doit maintenir l'interdiction aux médecins de pratiquer dans les deux systèmes en même temps. Il est évident que faire autrement va diminuer le nombre de médecins qui pratiquent dans le public.

Avec une amélioration des services du système de santé public, le gouvernement du Québec aura respecté l'exigence et l'esprit du jugement de la Cour suprême. Il peut réduire les listes d'attente déraisonnables et assurer une meilleure accessibilité aux soins pour l'ensemble de la population, et ce, sans avoir recours aux assurances privées et aux cliniques affiliées à but lucratif.

Nous recommandons les suivantes:

1. Réduire les listes d'attente en chirurgie spécialisée comme dans toutes les autres listes d'attente prioritaires avec un registre centralisé.

2. Augmenter les investissements dans les hôpitaux communautaires pour les attentes prioritaires pour désengorger les listes d'attente.

3. Encourager les spécialisations dans les hôpitaux communautaires sans nuire à leur mission de base de soins généraux, tels que l'hospitalisation, les soins intensifs, l'urgence 24-7 et la chirurgie générale.

4. Ne pas ouvrir la porte aux cliniques spécialisées privées.

5. Maintenir l'étanchéité entre médecins participants et non participants.

Et finalement avoir la possibilité d'acheter une assurance privée pour les contribuables mais pour des services de santé à l'extérieur du Canada. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci à vous. Avant de vous donner la parole, M. le ministre, avons-nous consentement pour poursuivre après 18 heures? Oui? D'accord, consentement.

Une voix: ...c'est notre devoir.

Le Président (M. Paquin): C'est votre devoir. Très bien. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, on vous écoute.

M. Couillard: Merci, M. le président. Merci, Dr Saba, Dr Khadir. J'ai cru comprendre que la ressemblance physique entre le Dr Khadir d'aujourd'hui et le Dr Khadir d'il y a quelques jours n'est pas une coïncidence.

M. Saba (Paul): Je pense qu'elle est beaucoup plus jolie que son frère.

M. Couillard: Ah, bien là c'est vous qui l'avez dit, là. Jamais je ne me hasarderais sur ce terrain, Dr Saba.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: ...constater que vous avez raison, néanmoins.

n(17 h 50)n

M. Couillard: Alors, écoutez, Dr Saba, Dr Khadir, on se rejoint sur plusieurs éléments, là. Parce que, là, on crée l'impression de différences majeures, mais, pour nous, il est clair que le document qu'on présente milite également pour la protection du système de santé public, milite pour l'égalité de tous devant la maladie, pour un financement public des soins, pour la prise en charge individualisée, pour la gestion centralisée des listes d'attente, pour l'augmentation de capacité des hôpitaux. C'est comme ça d'ailleurs que le problème d'accessibilité va se régler dans la vaste majorité du territoire du Québec.

Là où on diffère, c'est essentiellement dans votre appréciation de la proposition des cliniques affiliées qui, pour nous, pour moi, font partie du système public de santé. La source de financement étant la même, les médecins étant les mêmes, reliés par le CMDP pour la vérification de la qualité de leurs actes, par un encadrement rigoureux qui les amène à maintenir leurs obligations dans l'hôpital qui est en relation contractuelle avec la clinique, pour moi, il n'y a aucune différence fondamentale entre une clinique affiliée conventionnée, financée par les fonds publics, et le système santé. Il y en aurait une si on arrêtait de travailler dans l'hôpital pour tout envoyer à la clinique affiliée. Ce n'est pas le cas. On continue de travailler au maximum dans l'hôpital et en même temps on fait des trucs dans la clinique affiliée. Puis il ne faut pas non plus créer l'impression qu'il va y avoir 150 cliniques affiliées au Québec. En pratique, il va peut-être y en avoir, d'ici cinq ans, peut-être trois ou quatre. Donc, ce n'est pas la situation, la conclusion ou la solution qui va être amenée.

C'est vrai que le système de santé, dans son mode de financement actuel, n'est pas viable. Ça ne veut pas dire qu'il faut l'abandonner. Ça veut dire qu'il faut le sauver. Et la façon de le sauver, c'est de trouver un financement dédié pour combler la différence entre les croissances des revenus du gouvernement et des coûts du système de santé. Parce que la recette classique, c'est de couper les fonds au système de santé pendant quelques années pour les ramener au niveau de la croissance des revenus du gouvernement puis là créer le désastre que vous avez très bien décrit tantôt, puis après on est obligé de surcompenser pendant quelques années pour rattraper le temps perdu. Alors, je n'ai pas entendu de votre part de proposition quant au financement à long terme du système de santé. Je serais intéressé de savoir quelle est votre proposition là-dessus.

Je fais quelques mises au point. Il est déjà possible d'avoir des assurances privées pour des services de santé obtenus hors Québec. Il y a d'ailleurs des organisations, professionnelles surtout, qui se sont dotées de ces polices d'assurance là. Donc, c'est quelque chose qui existe déjà. Prenons, par exemple...

Moi, j'ai lu également tous les articles que vous avez mentionnés, autant sur les partenariats public-privé que sur le recours aux cliniques conventionnés ou... Là-bas, ça s'appelle autrement, là, «surgical and diagnostic centers». Il y a toutes sortes de noms par rapport aux cliniques affiliées. Mais, si la réalité était si apocalyptique que vous le présentez actuellement, comment est-ce que vous expliquez que le pourcentage de procédures chirurgicales, en Angleterre, faites dans ce type de cliniques-là augmente année après année et que le gouvernement Blair ? qui n'est pas le gouvernement conservateur, là, hein, qui n'est pas le gouvernement précédent en Angleterre ? en 2008, va introduire la liberté totale de choix du prestataire de services publics ou privés par le citoyen? Si c'était mauvais... Ce n'est pas des méchants là-bas, ils ne veulent pas le mal de leurs citoyens, ils ne veulent pas que les gens meurent, ils ne veulent pas que les gens aient des problèmes.

Pourquoi ils font ça? Est-ce que vous ne pensez pas qu'ils ont fait la part des choses puis ils ont réalisé que, oui, effectivement, ce que vous dites est vrai? S'il y avait des hôpitaux privés assoiffés de profits, possiblement que ce serait mauvais pour les gens, mais, quand c'est bien encadré et que c'est fait dans l'esprit de l'intérêt public, ça peut fonctionner très bien. Il me semble que, si ces conclusions, les conclusions du gouvernement britannique étaient celles que vous donnez aujourd'hui, il n'irait pas de l'avant, là, il n'irait pas vers la liberté totale de choix du prestataire en 2008. Et je ne pense pas que l'Angleterre peut être décrite comme un pays qui est socialement retardé, là, par rapport au Québec ou au Canada. Comment vous interprétez cette réalité par rapport à ce que vous avez présenté?

Mme Khadir (Saideh): Si je peux me permettre...

Le Président (M. Paquin): Dr Khadir.

Mme Khadir (Saideh): C'est-à-dire, le problème au départ, c'était de régler les problèmes d'attente, de listes d'attente et d'accessibilité. C'est pour ça qu'on s'est dirigé vers ces cliniques... cette forme de prestation là. Mais ça n'a jamais réglé le problème. Ultimement, le gouvernement a dû réinjecter pour sauver en fait le système de santé d'un genre d'état de délabrement. Et depuis, finalement, peut-être qu'il y a un phénomène où on ne peut pas retourner en arrière parce qu'on s'est déjà... Finalement, il y a déjà des cliniques d'ouvertes, déjà une culture d'établie, donc c'est difficile de reculer sur certaines choses.

D'autre part, je pense que le système britannique diffère beaucoup de celui d'ici. C'est que nos ressources, par exemple, de médecins sont beaucoup inférieures. Donc, eux peuvent se permettre d'avoir un certain bris d'étanchéité entre des médecins qui pratiquent dans ces cliniques-là et le système public. Mais ce que, moi, je réalise, c'est que ce n'est pas du tout un système ou un modèle de système européen qui est à suivre ou qui est idéal. Nous, nos valeurs se rapprochent plus des pays scandinaves comme le Danemark ou alors comme la France, où les systèmes sont beaucoup plus complets, universels et démocratiques. Il y a beaucoup d'inéquités dans le système britannique où... Bon.

M. Couillard: Mais, en passant, en Grande-Bretagne, il y a le même nombre à peu près de médecins par habitant qu'au Québec, là. C'est en France que la différence est la plus importante. Puis, moi, j'en connais beaucoup de Français, j'ai une bonne partie de ma famille qui est là, puis ils se demandent sur quelle planète on vit. Je leur donne le genre de débat qu'on a aujourd'hui, puis ils se demandent comment ça se fait qu'on peut même avoir ce genre de débat là. Alors, pour eux, c'est tout à fait naturel qu'il y ait de la prestation privée encadrée, qu'il y ait de la prestation publique encadrée, prestation privée conventionnée, que ce soit tout géré et organisé par l'État. Ce n'est même plus quelque chose qui est débattu en France.

Et ce qui me sidère, c'est comment on a de la difficulté à faire le moindre mouvement en dehors de la façon dont on fait les choses depuis 35 ans. Évidemment, on veut tous la même chose, on veut tous garder le système de santé puis on veut le bien de la population. On ne nie pas les bonnes intentions de part et d'autre, j'en suis certain. Mais ma crainte, c'est qu'on est en train de présenter des positions qui visent à congeler le système de santé comme il est depuis 1970: surtout pas rien faire de plus ou de différent, de différent surtout. Et ça, ça va mettre en péril le système de santé. Moi, je suis personnellement convaincu que, si on ne laisse pas le système de santé faire l'expérience d'autres méthodes, d'autres approches, d'autres façons de donner les soins, on le condamne à sa perte, malgré nos grandes, nos nobles intentions.

M. Saba (Paul): Je pense que, Dr Couillard, M. le ministre, vous avez déjà fait des bons progrès dans plusieurs domaines et je vous félicite: en cancer, en traitement du cancer, les listes d'attente en radio-oncologie et en chirurgie cardiaque. Parce que, moi, je sais, par exemple, quand je suis à Lachine puis on a un patient cardiaque, j'appelle à Saint-Luc puis ils l'acceptent immédiatement, surtout quand on peut donner un lit de soins intensifs chez nous, quand on rapatrie le patient. Mais ça, c'est un grand progrès, c'est formidable. Chirurgie de cataracte même, je sais, lors de nos réunions, souvent on discute comment on peut augmenter le volume pour des patients de cataracte parce que les ophtalmologues commencent à être un peu affamés, il n'y a pas assez de patients qui sont aveugles.

Et donc ça, c'est du bon progrès que nous avons fait à la québécoise, que vous avez fait comme ministre de la Santé et que vous êtes capable de continuer à faire. Et, par exemple, pourquoi, en Angleterre, il y a plus de recours dans les cliniques spécialisées, même avec les failles dans le système? Je pense que souvent il y a une pression quand même par les médecins. Je sais que pas tous nos collègues croient dans juste un système public. Il y a une grande pression parce qu'il y a quand même plus d'argent à gagner dans le système privé, même s'il y a une limite, mettons, il y a beaucoup de restrictions qui sont mises par le gouvernement. Donc, ça, c'est une chose qui... Par exemple, même en Angleterre, ils étaient obligés de mettre des restrictions parce qu'ils ont reconnu que, quand il y avait le système public-privé, les listes d'attente sont devenues plus longues dans le public parce que c'était plus intéressant pour les médecins de pratiquer dans le privé.

Même, regardez, maintenant des médecins, par exemple, qui font les colonoscopies, qui sont payés par le gouvernement, c'est 100 $, mais ils font payer le patient pour les frais de location de la salle où ils sont partenaires eux-mêmes dans ces cliniques privées. Donc, c'est rentable pour eux, il y a plus d'argent à gagner. Donc, je ne suis pas contre le profit, mais pas au détriment du patient qui va... Ce n'est pas tout du monde qui sont capables de payer les assurances, ni qui peuvent payer de leur poche, même s'ils sont exigés.

Au niveau du financement ? vous avez touché un sujet très important ? je pense que peut-être c'est un peu exagéré quand on regarde les statistiques. J'ai regardé le rapport du Dr Béland, et ils ont... C'est un peu controversé. Est-ce que notre pourcentage du PIB augmente autant que ça ou c'était stable? Selon les statistiques canadiennes, ici le pourcentage du PIB reste quasiment le même depuis 30 ans.

Et, si M. Ménard est correct dans son analyse qu'on n'est pas capables de financer le système, peut-être la Banque de Montréal comme la Royal Bank doivent investir un peu plus, payer une plus grande partie des impôts, leur juste part, je veux dire. Parce que, nous, les classes moyennes, nous payons notre juste part, 50 % souvent, quand on gagne un salaire comme un médecin. Et les grandes compagnies d'assurance, les grandes compagnies de finances, les grands pétroliers, ils ne vont pas quitter le Québec ou le Canada si on augmente ou on leur donne un... J'aimerais voir une taxe de santé, et pas une caisse de vieillesse ? on n'est pas d'accord ? mais une taxe de santé parce que... remettre un peu d'argent, qu'est-ce qu'ils prennent de nous, parce qu'ils font des profits faramineux.

n(18 heures)n

On n'est pas contre le profit, mais, quand ça met en péril le système de santé et on a des longues listes d'attente où le gouvernement doit gratter pour chaque sou parce qu'il n'y a pas assez d'argent pour donner des budgets adéquats aux hôpitaux, je pense que maintenant ils doivent aussi contribuer. C'est bon de critiquer, mais aussi être une partie de la solution, et j'aimerais voir ça dans les grandes sociétés. Je ne parle pas des PME qui paient leur juste part et qui contribuent beaucoup à la société.

Au niveau de l'assurance, pourquoi on propose une assurance à l'extérieur? Tout le monde sait que, si on voyage à l'extérieur, on va aux États-Unis en vacances, on peut acheter une assurance privée. Mais, moi, ce que je parle, c'est des gens qui veulent vraiment avoir une assurance, qui ne prévoient pas voyager. Normalement, quand tu dois...

M. Couillard: Ça existe déjà.

M. Saba Paul: Oui. O.K. Donc, peut-être renforcer ça pour montrer à la Cour suprême que nous avons déjà... peut-être ce n'était pas valorisé, et on va valoriser ça. Disons, comme ça on peut aussi respecter la loi canadienne de la santé et respecter le droit d'assurance privée mais aussi ne faire rien pour nuire au système public. Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos questions.

M. Couillard: Oui. Mais c'est bien intéressant. Puis vous savez que les entreprises du Québec participent déjà au fonds de santé à travers leurs taxes sur la masse salariale. Vous dites: Bien, les plus grosses entreprises, on devrait leur demander plus. Et puis là il y a toute la question du fait qu'on est dans un contexte nord-américain. On ne peut pas créer, au Québec, une condition fiscale non compétitive pour même les grandes entreprises parce que ces grandes entreprises là sont partie de notre croissance économique, de notre richesse collective dont on a besoin pour payer les services. Et au moins M. Ménard a le mérite de nous proposer une solution.

Vous n'êtes pas d'accord avec la recommandation de la caisse autonomie, là, mais je pense que vous êtes d'accord, j'ai compris, avec une contribution santé surtout centrée sur les entreprises pour une caisse spécifique. C'est un peu ce que j'ai compris de votre...

M. Saba (Paul): Oui. Et parce qu'on ne veut pas ? et Dr Khadir peut parler plus de ça ? on ne veut pas morceler le système de santé. Parce que, dans votre réforme, le 25, vous avez parlé... Et on croit dans la continuité des soins, de la naissance jusqu'à la vieillesse, et on voit ça comme un continuum. Et on ne veut pas cibler les personnes âgées et dire: Regardez, on va vous donner tel montant d'argent parce que vous êtes plus de 65 ans puis... Parce qu'on sait, et dans votre document, que, plus on vieillit, plus on dépense le système de santé. Mais ça c'est normal.

Mais par contre on sait aussi, au Japon, où il y a un pourcentage de personnes âgées plus élevé que le nôtre, que ça n'a pas créé de problème au niveau du coût. Le PIB, ça n'a pas augmenté en flèche. Et on sait aussi, avec une population plus en santé, que ça a aussi diminue les coûts, avec beaucoup de programmes, par exemple, de prévention, que nous avons de plus en plus des vaccinations pour les personnes âgées. Et, si on fait de plus en plus de la prise en charge selon la réforme, je pense que ça va aussi diminuer les coûts, ça va améliorer la fiscalité du système.

Et c'est sûr qu'une autre chose qu'on dit ? je ne sais pas, je n'ai pas regardé les études ? que plus on vieillit, plus il y a de chances de réduire les coûts à la fin d'une vie parce que, si vous arrivez à 100 ans, vous n'allez pas traîner si long vers la mort parce que...

M. Couillard: Ça va arriver plus rapidement.

M. Saba (Paul): Oui, c'est ça. Donc, je pense qu'on peut être un peu plus optimiste et moins pessimiste au niveau des dépenses.

M. Couillard: Très bien.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Alors, Dr Saba, Dr Khadir, bonjour. Juste un commentaire de départ. Je pense que vous allez reconnaître qu'un certain nombre de progrès dont vous avez parlé n'ont pas commencé le 14 avril 2003, hein? Tu sais, la vie, ça ne se sépare pas comme ça, là: le bon et le méchant, puis tout était pourri avant, puis tout est extraordinaire maintenant. Je pense qu'il y a comme un peu de nuances à mettre. Le ministre aime ça des fois corriger le tir à son avantage. Je pense que ce qui est correct aussi, c'est de présenter finalement les réalités puis les évolutions d'une façon correcte et équilibrée, sinon finalement on tombe dans la bêtise partisane. On peut bien faire ça, là, ça va être bien beau, là, mais...

M. Saba (Paul): Non, ce n'est pas l'intention, pas du tout.

M. Charbonneau: Non, je sais.

M. Saba (Paul): O.K.

M. Charbonneau: Mais c'est parce qu'il y en a un, de l'autre bord, qui des fois a des tentations un peu, là, gentilles...

M. Couillard: Ce n'est pas moi qui ai parlé du milieu des années quatre-vingt-dix, M. le député de Borduas, là.

M. Charbonneau: Oui, oui. Non, mais vos commentaires de récupération étaient éloquents, M. le ministre. Ceci étant, dans le fond, on est face à deux conceptions. Parce qu'on a déjà un système... Bon, moi, je suis d'accord avec vous, là, le financement privé, on n'en a pas besoin. On n'avait pas besoin puis on n'a pas besoin d'ouvrir, même symboliquement ou cosmétiquement, aux assurances privées pour des services qui sont déjà couverts par l'assurance publique, même si on balise puis on limite. Puis le ministre le sait très bien, il l'a dit encore lui-même. Je veux dire, dans le fond on le sait que ça n'aura pas de... En principe, là, ça ne règle pas la question du financement puis ça ne règle pas les questions d'attente. mais on le fait parce que, je veux dire, bon, on pense qu'il faut le faire un peu. Je veux dire, il y a une dynamique aussi, là.

Tantôt, les gens de l'Université Laval, en fait du centre hospitalier, du RUIS de Laval, à Québec, ont dit qu'il y a une dynamique, là, puis il y a plusieurs qui nous disent: Faites attention, c'est peut-être symbolique, mais vous créez une dynamique. Ça, bon, je pense que, le message, vous le reprenez aussi.

Mais là où vous avez mis le focus beaucoup, dans votre présentation, c'est... Vous dites: C'est même dangereux d'envisager la prestation de services privés. Le problème, c'est qu'on a un système où finalement, par exemple, toutes les cliniques médicales, tous les choix médicaux sont dans des cliniques privées conventionnées. Les omnis travaillent dans des cliniques privées conventionnées. Et puis nos GMF bien, je veux dire, ils sont encore plus conventionnés, mais ils sont privés aussi, à but lucratif, puis, dans certains cas ? on a vu le Conseil de la coopération ? pourraient être à but non lucratif si on développait des formules coopératives. Bon. Puis là dans le fond il y a maintenant la possibilité d'ajouter les cliniques de spécialistes conventionnés, contractuellement, là, comme un peu l'approche GMF.

Puis là on entend deux discours, là: le discours faites-le pas, de toute façon c'est dangereux; ou faites-le pas, on peut très bien donner du rendement attendu dans le système public, actuellement. Le Dr Bolduc, hier, a fait une démonstration éloquente que ça peut marcher, le système public. Les gens, tantôt, de l'Université Laval ont fait un peu la même démonstration aussi puis ont dit: Attention, là, regardez, donnez-nous la capacité de compétitionner. Mais en même temps il y a des gens qui disent, comme le ministre puis Michel Clair, plus tôt, aujourd'hui: Bon, bien, finalement, ça va créer une dynamique de compétition, ça va peut-être forcer le système public à être encore plus performant, ça va peut-être obliger une modification de la façon dont on évalue les budgets dans le système public pour pouvoir avoir une plus-value éventuelle.

Dans le fond, est-ce qu'en bout de piste le choix n'est pas un choix plutôt idéologique, c'est-à-dire on y croit, on n'y croit pas puis on l'essaie, on ne l'essaie pas? Parce qu'encore là on est comme confrontés à deux thèses. Il y a des gens comme vous qui dites: C'est dangereux, là, il y a des études qui montrent que finalement la performance n'est pas au rendez-vous puis la qualité n'est pas au rendez-vous. Puis il y en a d'autres comme M. Clair aujourd'hui qui dit: Non, non, dans le fond c'est une légende urbaine, regardez ce qui se fait en Europe, puis le standard de qualité est là, puis c'est... Bon. Alors, en bout de piste, là, à un moment donné, là, il va falloir faire le départage des faits et des opinions. Comment vous réagissez à ça?

n(18 h 10)n

Mme Khadir (Saideh): Je réagis que le gazon du voisin est toujours plus vert, surtout quand c'est en Europe puis on n'a jamais vraiment eu contact avec le système. Ils ont leurs propres problèmes. Il y a des points où, nous, on peut leur apporter et des points où eux peuvent nous apporter. Puis nos réalités, nos conditions de pratique ne sont pas les mêmes. Les salaires des médecins ne sont pas les mêmes. Le nombre des médecins n'est pas le même. Puis il y a aussi des points où on ne connaît pas. Ça veut dire, en France, il y a le même pourcentage de soins privés qu'ici, c'est juste que c'est différent. Ils ont un système parallèle de prestations privées. D'autre part, les soins dentaires, les soins de médecine reproductive, les médicaments, la physiothérapie, les soins à domicile, tout ça est couvert par le régime. Donc, nous, si, en plus des choses qu'on paie déjà, on devait payer encore plus le privé... Donc, c'est tout le débat qui peut se faire longuement.

L'autre chose, c'est par rapport aux formes des CSA. Ce n'est pas tout à fait la prestation privée qui existe déjà, qui est sur une échelle petite où les médecins sont propriétaires. En fait, c'est une forme inédite de prestation privée où ce n'est pas tellement finalement balisé dans le rapport Garantir l'accès, hein? C'est très flou. On ne sait pas qui va être propriétaire. Il va y avoir de la pratique hybride ou il n'y en aura pas. L'assurance privée va couvrir ou pas. Puis c'est quoi, le statut des médecins qui vont pratiquer là-dedans? Est-ce qu'ils vont avoir des charges, des responsabilités de suivi des patients qui compliquent, à l'hôpital, l'enseignement, etc.?

M. Charbonneau: Faisons l'hypothèse que certaines de vos craintes sont répondues éventuellement, c'est-à-dire que le contrat éventuel de service avec le système public, des établissements publics est très cadré et que plusieurs, disons, des éléments, là, pervers ou négatifs que vous mettez en évidence seraient pris en compte, est-ce que votre opinion resterait la même?

Mme Khadir (Saideh): Oui, je saisis ce que vous dites. En fait, parfait, si on nous fait la preuve, à travers les études, à travers les expériences étrangères, que ça marche, on y est tout à fait ouverts, tout ce qui peut améliorer l'accessibilité, qui est un problème réel actuellement, qu'on reconnaît et qu'on cherche à solutionner. Par contre, on ne voit pas ça. Ce n'est pas concret du tout, pour nous, c'est très abstrait, c'est très théorique, le bénéfice qu'on peut tirer.

Puis ce qu'on pense aussi, c'est que d'investir encore dans des nouvelles structures... On a fermé des hôpitaux. Là, on va faire les centres affiliés, encore de l'argent dans des structures. Ne peut-on pas maximiser le potentiel des structures existant actuellement? Par exemple, en ophtalmologie, on a réussi à faire fondre comme neige au soleil les listes d'attente. Pourtant, c'était la principale cible pour laquelle le rapport Garantir l'accès propose les CSA. Donc, c'est juste...

M. Charbonneau: ...décisions qui avaient été prises par l'ancien gouvernement.

Mme Khadir (Saideh): C'est toutes ces contradictions qu'on ne comprend pas. Est-ce qu'on ne peut pas faire fondre le reste avec les structures existantes et de la bonne volonté de la part du gouvernement et des praticiens, des professionnels de la santé?

M. Charbonneau: Ce que vous appelez, vous, des espèces de... Le Dr Saba parlait de ce qu'on a fait à l'Hôpital Lachine. Dans le fond, on a créé des centres à haut volume puis on a créé une espèce de culture de blitz, là. On a spécialisé, là, puis on a dit...

M. Saba (Paul): Oui, et ça fonctionne dans les hôpitaux existants parce qu'on a toutes les structures, on a des médecins, aussi de «back-up», parce que, dans, par exemple, les cliniques en orthopédie, souvent, bien, c'est pratiqué sur les personnes âgées, qui ont beaucoup plus de risques cardiaques, diabétiques. Quand vous êtes plus âgé, vous avez plus de problèmes cardiaques, problèmes, risques, instabilité qui... Dans un hôpital où il y a un soin intensif, des médecins sur place, ça peut stabiliser ces patients-là. Parce que, quand c'est clinique affiliée, bien ça ne compte pas trop dans leurs statistiques.

M. Charbonneau: Vous avez raison. Vous avez mis le doigt sur un problème important, c'est-à-dire qu'il y a des types de chirurgies qui peuvent être plus à risque pour certains types de personnes. Mais supposons que... Parce que, semble-t-il, l'intention, c'est de ne pas faire des lourdes chirurgies dans les cliniques affiliées, ça serait de faire de la chirurgie légère. Est-ce que, même pour les chirurgies légères ? vous êtes des médecins ? est-ce qu'il peut se retrouver des situations où même une chirurgie légère peut virer à la catastrophe, si on n'a pas un «back-up», justement?

M. Saba (Paul): Moi, j'ai, même pour l'ophtalmologie... On ne pense pas, en ophtalmologie, qu'on va avoir des problèmes, mais nous avons eu des patients, quand ils ont mis un peu de pression sur l'oeil, ils ont eu des arythmies qui nécessitaient une intervention, un transfert à Saint-Luc pour une angioplastie. Imaginez pour la chirurgie de la hanche, où il y a beaucoup de perte de sang, qui a quand même des changements hémodynamiques importants. Ces patients souffrent beaucoup de complications.

M. Charbonneau: Je ne veux pas faire du surf, là, mais je vais vous dire une chose. Ça, je veux rendre à César ce qui revient à César. Je veux dire, ce qu'on nous a dit, c'est qu'il n'y en aurait pas de chirurgie de la hanche, là, dans des... Autrement dit, ces grosses chirurgies là se feraient à l'hôpital. Puis ce seraient des plus petites chirurgies, par exemple tunnel carpien ou des trucs comme ça.

M. Saba (Paul): Même avec ça, quand on parle avec nos spécialistes, ils disent qu'ils ne veulent pas opérer dans ces cliniques spécialisées sans comme un «back-up» en soins intensifs. Il y a des médecins quand même qui sont prêts à faire ça, mais les médecins que nous avons sondés, ils ont dit ça que ce n'est pas dans leur intérêt. De préférence, toujours c'est d'avoir du «back-up». Mais c'est ça, ce qu'on a dans les hôpitaux communautaires. Donc, je pense que c'est important de valoriser et de renforcer nos hôpitaux existants.

Au niveau du financement, si je peux retourner à la question du financement, on ne l'a pas abordé, mais, par exemple, on peut faire des économies... On sait que les médicaments, ça, c'est un des coûts les plus croissants, 15 % du budget de santé. Et les médecins doivent apprendre plus l'utilisation des médicaments génériques et une meilleure utilisation des médicaments par, par exemple, des programmes de formation, que le gouvernement peut investir davantage. Parce que c'est sûr que les compagnies pharmaceutiques de brevets ne sont pas intéressées à nous encourager d'utiliser des anciennes molécules. On sait, par exemple, des études récentes démontrent que les diurétiques Hydrodiuril, s'ils coûtent quelques sous par comprimé, c'est plus efficace que les nouveaux antihypertenseurs qui coûtent une couple de dollars pour chaque comprimé.

Aussi, je pense qu'on est tous d'accord, les deux côtés, le Parti québécois comme les libéraux, que le fédéral doit augmenter sa contribution comme transferts fédéraux. Maintenant, ils contribuent, ils vont contribuer jusqu'à 25 % du budget de santé. Pourquoi pas 33 %? Avant, ils allaient jusqu'à 50 %. Et...

M. Charbonneau: Sur ça, on est assez d'accord, merci, hein?

M. Saba (Paul): Oui, c'est ça. Ça, c'est juste une autre petite recommandation au niveau d'assurer une meilleure fiscalité.

M. Charbonneau: C'est ça. Bon, quand vous parliez de la fiscalité, bon, encore là, il y a des opinions divergentes. Moi, je crois que c'est vrai qu'il faut qu'on ait une fiscalité qui soit compétitive, mais il ne faut pas qu'on ait une fiscalité complètement inéquitable non plus. Je pense qu'il y a des entreprises qui ne paient pas leur juste part, puis ça, il faut savoir le reconnaître, bon. Mais, je veux dire, il y a le discours puis il y a la réalité. Quelle est l'importance de ce phénomène-là? Ça fait longtemps, moi, que je n'ai pas vu de données qui permettraient de dire: Bon, bien, finalement, au Québec, quand on regarde la fiscalité des entreprises, voici les failles puis voici... tu sais. Parce que, là, ça donne l'impression que toutes le entreprises ne paient pas leur juste part. Vous le disiez vous-mêmes, de toute façon, les PME en général paient leur part. C'est les grandes entreprises. Est-ce que c'est toutes les grandes entreprises ou certaines...

M. Saba (Paul): Bien, moi, je pense qu'on ne peut pas faire ça en silo. Je suis d'accord avec le ministre de la Santé qu'on ne peut pas juste mettre une loi en disant qu'on va... Mais, en travaillant avec nos partenaires fédéraux, parce qu'on habite... les lois canadiennes de la santé, c'est ici... les lois de taxation, c'est aussi fédéral que provincial que... Il faut peut-être assurer que des compagnies qui veulent vendre leurs produits ici, comme des assureurs, des compagnies d'assurance, elles dépensent un certain... elles investissent ici puis aussi elles paient leur juste part d'impôt ou on va peut-être diminuer leur accès au marché. Et...

M. Charbonneau: Vous avez... Oui, excusez, allez-y.

M. Saba (Paul): Et, au niveau du marché libre comme une façon pour améliorer les coûts et l'efficacité, les études qui ont été faites, qu'on a regardées, en New Zealand puis en Angleterre, quand on a essayé de mettre le marché libre, par exemple la concurrence de consultants ou concurrence des centres diagnostics, il n'y avait pas aucune preuve que ça a amélioré les coûts ou l'efficacité.

M. Charbonneau: En tout cas, ce qui va être important, j'ai l'impression, pour la suite des choses, c'est qu'à un moment donné on ait comme une espèce de tableau comparatif. On dirait qu'il y a des études ? puis vous en citez un certain nombre ? qui soutiennent la thèse que vous défendez puis il y en a d'autres qui disent le contraire.

n(18 h 20)n

M. Saba (Paul): C'est cinq sur un, si on compare les études, 149 études. Cinq à un, ça dit que cinq fois plus montrent que le coût est moindre et une meilleure efficacité dans le système public.

Et, quand on parle du système de la France, je pense que c'est différent, quand même. On ne dit pas que le système français est le meilleur ou pas le meilleur. Et, si on veut regarder, par exemple, ce qui est arrivé en 2003, avec la canicule, 10 000 décès, est-ce que ça a entré dans les statistiques quand les personnes âgées, en soins à domicile, dans les centres d'accueil, étaient abandonnées parce que les médecins et les infirmières étaient en vacances? Parce qu'en France ils ont un système de... tout le monde prend leurs vacances en été. Je ne sais pas si ça a entré aussi dans les statistiques. Et je pense qu'on ne peut pas dire qu'on veut reproduire le système à la française quand on a un bon système ici, quand même. Et le gouvernement, au fur et à mesure, pendant des années, a amélioré le système ici. Je ne dis pas que tout ce que le Parti québécois a fait était mauvais, les années quatre-vingt-dix...

Le Président (M. Paquin): Dr Saba, je dois vous arrêter, le temps est terminé.

M. Saba (Paul): Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): Donc, Dr Saba, Dr Khadir, représentants de la Coalition des médecins pour la justice sociale, merci de votre participation, cet après-midi. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 21)


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