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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Tuesday, May 16, 2006 - Vol. 39 N° 28

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Nous sommes réunis afin de poursuivre les consultations générales et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Charbonneau (Borduas) va remplacer Mme Charest (Rimouski); M. Valois (Joliette), Mme Champagne (Champlain). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle, chers collègues, que l'utilisation des téléphones cellulaires et d'autres appareils semblables est défendue...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): ... ? semblables, exact, comme les BlackBerry et d'autres appareils ? défendue pendant les séances de la commission. Je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Nous avons une pleine journée, sept auditions aujourd'hui. Nous allons débuter dans quelques instants avec la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Autour de 10 h 30, nous allons recevoir M. Claude Castonguay, Mme Joanne Castonguay et M. Claude Montmarquette; terminer la matinée avec l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux. Et je ferai lecture de l'ordre du jour de l'après-midi une fois que nous avons poursuivi nos travaux.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à M. Fahey, M. le vice-président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Bonjour.

Fédération canadienne
de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Fahey (Richard): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): M. Fahey, vous avez 20 minutes pour votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Au besoin, je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes, pour mieux vous aider à conclure dans le temps. Alors, la parole est à vous.

M. Fahey (Richard): Merci, M. le Président. D'abord, mes excuses aux députés pour le port du jeans aujourd'hui. C'est la Journée nationale du denim, et comme, à la FCEI, on supporte la bataille contre le cancer du sein qui affecte nos concitoyennes, c'est ce qui explique le port du jeans. Et ce n'est pas par manque de déférence auprès de cette Assemblée.

M. Charbonneau: J'étais en jeans. J'aurais dû rester en jeans, M. le Président.

M. Fahey (Richard): Je vous invite, M. le député, pour un maigre 5 $, à mettre vos jeans, puis je vous donnerai un petit fanion.

Le Président (M. Copeman): Ce serait possiblement une entorse à notre règlement de décorum, par contre. Alors, mieux que vous soyez habillé tel quel, M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Ah! M. le Président, bien, regardez, si j'étais comme notre invité, de toute façon ça ne paraîtrait pas ni pour lui ni pour moi.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Fahey.

M. Fahey (Richard): Sans vouloir créer de contentieux, écoutez, Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité, c'est une orientation que la FCEI supporte globalement. En 2002, c'était d'ailleurs ce qu'on avait proposé dans un rapport qu'on a publié en septembre, qui s'intitulait Une approche équilibrée: Les perspectives des PME à l'égard du système de santé canadien. Je vous explique le contexte.

n (9 h 40) n

À l'époque, on était dans l'ère de la commission Romanow qui analysait les défis des systèmes de santé du Canada, et on avait fait à l'époque un sondage auprès de 15 000 PME qui ont répondu au sondage et un questionnaire qui avait été préalablement transmis à tous les ministres de la Santé du Canada et approuvé par ces ministres-là. Et donc les orientations qui sont dans ce document-là guidaient et, on l'a constaté, ont guidé plusieurs réformes des systèmes de santé dans les différentes provinces.

Si on regarde les principales recommandations de nos membres, à la page 11 du rapport, on parle à l'époque que 95 % des PME du Canada voulaient une amélioration de l'efficacité et une baisse des coûts de santé, parce qu'ils constataient déjà que les coûts de santé étaient complètement hors contrôle; la deuxième recommandation ? et j'y reviendrai: de la prévention en santé; et finalement une participation accrue du secteur privé dans le réseau de la santé, notamment, notamment aussi, il faut le souligner ? et j'y reviendrai en conclusion ? des tickets modérateurs entre 5 $ et 25 $, qui étaient jugés appropriés par nos membres en 2002.

Donc, prenons-les en ordre. Amélioration, efficacité du système de santé. Cette amélioration-là, on l'a vu, a débuté au Québec avec les développements informatiques, la mise en réseau des institutions. Et ? et c'est là peut-être l'étape subséquente que la FCEI voudrait voir développer ? c'est la présence un peu plus grande des services privés mais dans des soins non médicaux ? on parle notamment d'entretien ménager, cafétérias, ainsi de suite ? pour en quelque sorte donner de l'oxygène au système, donc développer des partenariats avec l'entreprise privée ou de la sous-traitance qui permettrait en quelque sorte de dédier les sommes, qui sont criantes dans le secteur de la santé, vers les soins comme tels qui sont requis par nos concitoyens, et donc ces services non médicaux privés étaient supportés par 77 % des PME canadiennes. Et donc il y a là un partenaire, que l'on croit, un partenaire privé qui peut aider le gouvernement à faire des économies, à améliorer son efficacité et son efficience tout en maintenant des soins de santé de qualité. Et je voudrais, dans toute la mesure du possible, dans mon intervention, aujourd'hui, éviter encore une fois qu'on démonise le privé, que, le privé, tout est méchant et veut simplement profiter du système. Non. On est pour encore une fois, comme le titre du rapport, une approche équilibrée qui va aider le gouvernement à offrir de meilleurs services aux concitoyens.

Là-dessus, on salue les mesures qui sont prises, au chapitre 4, sur l'optimisation de la qualité des soins et des services. Bien entendu, quand on parle d'optimisation, ça commence par une première évaluation, mais ça passe nécessairement, et c'est ce qu'on évoque ici, par la transparence, la publication des éléments de performance du régime, un genre de bulletin ou d'analyse de comment notre système public opère. Il ne faudrait pas, et ce serait une déception si c'était le cas, simplement imposer des mesures de qualité ou d'optimisation de la qualité seulement au secteur privé, aux entreprises privées qui offrent des soins complémentaires de santé, que ce soient les CHSLD ou autres, et donc, à notre avis, la recherche de l'efficience doit interpeller tous les partenaires du système de santé.

Au niveau de la prévention, qui était la deuxième priorité des entrepreneurs canadiens et québécois, bien entendu, dans une proportion de 90 %, ici, il faut dire que le Québec arrivait dernier, donc que le défi est encore plus grand, au Québec, d'investir en prévention, justement parce que ? on le sait ? un investissement aujourd'hui, ça va diminuer les dépenses demain. Et donc le défi est d'autant plus grand ici, au Québec, et donc on salue des campagnes du type Vas-y ou l'activité physique à l'école qui aident justement nos jeunes, nos concitoyens à être en meilleure santé.

Passons maintenant à l'étape qui m'apparaît la plus cruciale ou la plus importante, l'avancée la plus importante dans le document gouvernemental, soit la garantie de l'accès, garantie de l'accès à des services de santé. En 2003, dans notre rapport, à la fin de 2002, 59 % des PME souhaitaient l'utilisation d'assurances privées pour garantir l'accès. En 2005, immédiatement après le jugement Chaoulli, la FCEI a conduit, a réalisé un sondage auprès des entreprises québécoises et canadiennes, et là cette proportion-là passait de 59 % à 69 %, et à 75 % pour les entreprises québécoises. Donc, il y a un certain appétit pour l'utilisation de l'assurance privée, par les PME, pour l'accès à des services de santé.

Mais, il faut le dire, la garantie à la prestation de services de santé ne passe pas simplement par l'assurance privée. Il faut améliorer les services, les cliniques 24 heures, on le voit par les GMF et les cliniques-réseaux, sont supportés par 80 % de nos membres. La consultation d'une infirmière praticienne, on voit les premières infirmières diplômées qui vont pouvoir alléger en quelque sorte les actes médicaux nécessaires ou pratiqués préalablement par des médecins. Finalement, la disponibilité sur l'information sur la santé, le partage du dossier informatique patient est aussi une bonne mesure qui va permettre en quelque sorte à tous les acteurs du service de santé d'avoir l'information.

Donc, l'accès aux services privés qui est souhaité par 75 % des entreprises québécoises actuellement, tel que proposé, est restreint à certaines chirurgies. Je laisserai de côté la radio-oncologie et la cardiologie, qui est déjà traitée par des critères spécifiques, mais la hanche, le genou, la cataracte et le cancer, qui est prévu dans le document, pour nous, ça constitue un premier jalon. Bien entendu, nos PME souhaiteraient une ouverture complète, mais on reconnaît cette première étape, une première étape qui va nous donner des enseignements. L'expérience va nous dire comment cette garantie de traitement à l'intérieur de six mois, entre six et neuf mois et ensuite après neuf mois, comment on fera appel au privé. À l'expérience, on va voir si le régime, l'approche développée fonctionne, fonctionne bien et si on peut ensuite l'étendre à d'autres chirurgies.

Je vous dirais, d'entrée de jeu, que la FCEI souhaiterait une extension à d'autres chirurgies mais qu'on est prêts à faire ce premier pas avec le gouvernement pour voir en quelque sorte comment ça se réalise vraiment sur le terrain. Si on prenait, dans le futur, la décision de ne s'en tenir qu'à ces quatre chirurgies-là, nous croyons qu'il faudra expliquer, à ce moment-là, à la population, de façon très, très spécifique comment l'ouverture au secteur privé, à l'assurance privée fait augmenter les coûts de santé. Parce qu'il y a une affirmation dans le document où on dit: Ça se peut que ça fasse augmenter les coûts de santé, et donc on n'est pas trop sûrs de cette approche-là. Moi, a priori, nationalement, je crois qu'au contraire ça va donner de l'oxygène, mais, si ce n'était pas le cas, je pense que la population serait en droit d'avoir une explication très claire de ça.

Dernier élément, M. le Président, avant de passer peut-être à la période de questions: toute la question du financement. On le sait, la population du Québec vieillit de façon rapide, en fait le plus rapide dans le monde, sauf le Japon, et donc on va assister à une explosion des coûts de santé qui va en quelque sorte, pour emprunter l'expression de quelqu'un d'autre, vampiriser les autres missions du gouvernement, et donc il faut absolument trouver des nouvelles façons de financement de notre régime. 83 % des entrepreneurs souhaitent une réaffectation des dépenses existantes à ce niveau-là, le gouvernement l'a fait au cours des dernières années, mais seulement 49 % veulent l'adoption d'une caisse santé. Donc, on n'est pas rendu, dans la population, à accepter de mettre de l'argent dans un compte, dans une caisse qui assurera en quelque sorte nos vieux jours. L'approche de l'assurance privée est certainement plus acceptée pour l'instant.

n (9 h 50) n

Donc, l'approche qui est proposée de développer un compte santé ? M. Mazankowski, Don Mazankowski avait fait la même recommandation en Alberta, à ce niveau-là ? c'est en quelque sorte une approche de transparence envers les contribuables, qui savent exactement quels services ils contractent avec l'État au niveau de la santé, et donc il y a comme un état de compte, sans nécessairement des déboursés, de connaissances au niveau de l'information de santé. Et ça, là-dessus, je pense que c'est une bonne façon d'éduquer la population sur les véritables coûts que représente notre système de santé, et Dieu sait qu'ils sont colossaux et le seront encore plus pour les années à venir.

Finalement, on est un peu déçus de ne pas voir apparaître, dans le document de consultation, l'idée du ticket modérateur ? ou bien je l'ai mal lu, mais, à la relecture, hier soir, on ne le voyait pas ? et, je vous dirais, c'est une option qui... Déjà, en 2002, 70 % des entrepreneurs, sept entrepreneurs sur 10, privilégiaient un ticket modérateur, mais là il faut être très clair: un ticket modérateur qui devrait être entre 5 $ et 25 $. Passé 25 $, à notre avis, ça crée une contrainte à l'accès aux services, et ça, nous ne serions pas en faveur de tels tickets modérateurs, les entrepreneurs étant très clairs: s'il y a un ticket modérateur, qu'on peut en quelque sorte aider encore une fois à donner de l'oxygène au système de santé, il ne faut pas que ça devienne une barrière à l'entrée au système de santé. Et donc un ticket entre 5 $ et 25 $ apparaissait comme raisonnable.

M. le Président, ce sont là les commentaires que je voulais passer ce matin, et je suis disponible aux questions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Fahey. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Fahey, pour votre présentation. Je voudrais faire quelques remarques et puis ensuite aborder des thèmes précis avec vous.

D'abord, je ne suis pas certain que je suis tout à fait d'accord avec la façon dont vous posez le problème du financement de la santé, lorsque vous dites qu'il y a une situation qui est, je vous cite, «complètement hors de contrôle», etc. Je pense que le problème n'est pas le contrôle des dépenses de santé. On pourrait même faire l'argument contraire, que le contrôle est assez bien établi. Puis la plupart des économistes de la santé constatent qu'un rythme de croissance entre 5 % à 6 % est inévitable et qu'il faut en fait trouver des solutions pour faire l'équilibre entre la croissance des dépenses de santé structurelle et la croissances des revenus de l'État. C'est là que le problème se pose, et non pas un problème de manque de contrôle, parce que Dieu sait que, même entre 5 % et 6 %, qui est vraiment l'élastique des finances publiques étiré au maximum, on ne satisfait pas tous les besoins, là. Il y a toujours inadéquation entre les besoins puis les ressources publiques qui sont disponibles. Mais vraiment le défi qui est devant nous, puis on aura l'occasion d'en discuter tantôt, également, c'est de trouver une façon qui peut être maintenue à long terme de combler cet écart entre les revenus du gouvernement et le rythme d'augmentation du financement de la santé.

J'aimerais aborder deux thèmes avec vous qui touchent plus précisément l'entreprise privée: d'abord, le thème de la prévention puis, deuxièmement, le thème de l'assurance privée. Il me semble que, dans le domaine de la prévention, voilà là un domaine où les entreprises ? d'ailleurs, elles ont commencé à le faire ? peuvent agir également. Je prends, par exemple, les caisses Desjardins qui ont un programme de prévention incluant les problèmes psychosociaux, la gestion du stress. Et en fait il y a des études, comme vous le savez, qui sont très révélatrices quand au fait que ça épargne de l'argent, c'est bon financièrement pour une entreprise d'investir dans la prévention auprès de ses employés. Quelle est l'attitude de votre association des... est-ce qu'ils sont prêts eux-mêmes à mettre en place des... Parce que bien sûr, dans une commission parlementaire, on demande au gouvernement de faire plus et de financer plus, mais est-ce que l'entreprise elle-même ne devrait pas faire des efforts constants et ciblés pour la prévention auprès de ses employés?

M. Fahey (Richard): Tout à fait. Là-dessus, M. le ministre, tu sais, 80 % de nos membres disaient que la deuxième stratégie en fait pour améliorer notre système de santé, c'était de préserver la qualité ou de prévenir les problèmes de santé et donc d'investir en prévention. Est-ce que les entrepreneurs sont prêts à le faire? La réponse, c'est oui, M. le ministre, M. le Président.

Ceci étant dit, la prévention peut prendre une multitude de facettes, que ce soit à la cafétéria dans l'entreprise, par les activités physiques, par le financement de certaines activités, par la diminution du stress, par exemple, les gens le réalisent souvent, par exemple un type de transport, utiliser un type de transport au lieu d'être poigné dans la circulation et être stressé parce qu'on est en retard, et ainsi de suite. Le transport en commun peut être un élément de diminution du stress. Et donc le développement d'un milieu de travail sain, je pense que là-dessus les entrepreneurs du Québec et du reste du Canada sont certainement en faveur de ça, y contribuent, y investissent, et, à ce niveau-là, ça fait partie du changement culturel qu'on entreprend ici, au Québec. Et, on le voit, on est plus en retard par rapport au reste du Canada là-dessus, mais ça fait partie du changement que les entrepreneurs sont prêts à faire, en collaboration avec le gouvernement.

M. Couillard: Oui. Parce que 70 % des hospitalisations, on considère, sont en rapport avec des pathologies associées à des modes de vie, que ce soit le tabagisme, le manque d'exercice ou les habitudes alimentaires, en combinaison souvent l'une avec l'autre. Alors, dans les trois cas, l'entreprise peut agir bien sûr en favorisant la mise en place, l'application de la Loi sur le tabac et d'autres dispositions semblables. Au niveau de l'exercice, j'étais avec mon collègue député de Saint-Jean, récemment, au cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui ont aménagé un grand circuit de marche. Alors, les employés, les professeurs, les étudiants font de la marche à bon rythme tous les jours, et c'est certainement quelque chose qu'il est possible de faire au niveau de l'entreprise.

J'aimerais maintenant passer au thème de l'assurance privée, et là, pour moi, il y a toujours un paradoxe. C'est que bien sûr l'ouverture qu'on fait est extrêmement limitée, là, pour trois procédures, en rapport avec la garantie de service, et il est certain que, s'il y a un marché pour ce type d'assurance là ? ce qui n'est pas certain et ce qui n'est pas le rôle de l'État de déterminer si, oui ou non, il y a un marché ? ça va passer par les régimes collectifs, puis les régimes collectifs, c'est payé par l'entreprise en grande partie. Alors, on sait que le fait d'avoir un système de santé à payeur unique public, ça améliore la compétitivité des entreprises canadiennes par rapport au contexte nord-américain. Alors, je suis surpris de voir les représentants d'entreprises demander qu'on introduise plus d'assurance privée, alors qu'ils devraient savoir que les impôts ne diminueront pas, le rythme de dépenses en santé ne diminuera pas pour ça, ça fait que ça risque d'ajouter aux charges des employeurs. Est-ce qu'il n'y a pas une incohérence, là?

M. Fahey (Richard): Absolument pas, M. le ministre. Au niveau de l'assurance collective des entreprises, ça a toujours été un défi pour la FCEI et pour les PME qu'elle représente parce que la plupart des programmes d'assurance collective étaient certainement bien adaptés pour la très grande entreprise, donc qui a beaucoup d'employés, mais très peu pour les PME et surtout les travailleurs autonomes. Or, ça fait deux ans que la FCEI négociait un programme d'assurance collective justement pour les PME, et nous l'avons annoncé au mois d'avril, et, au début du mois de mai, ça entre en vigueur. Et là les PME du Québec et les travailleurs autonomes bénéficient d'une assurance collective qui est comparable à la grande entreprise. Et, je peux vous dire, M. le ministre, dès aujourd'hui, tiens, en moins de trois semaines en quelque sorte d'introduction du programme, on arrive à plus de 70 demandes d'entreprises qui veulent se doter d'un programme d'assurance collective, qui veulent en quelque sorte investir en santé pour leurs travailleurs. Et donc je pense que c'était un problème d'adéquation entre la demande, surtout au niveau des PME qu'on connaît bien, et l'offre qui était là, et on a été en mesure de s'asseoir avec un assureur qui a adapté ses programmes, qui a adapté ses analyses de risques à la réalité de la PME. Et, à ce moment-ci, il existe des programmes d'assurance collective qui vont en quelque sorte aider le régime d'État.

n (10 heures) n

Finalement, et j'aurais peut-être dû le dire en introduction, beaucoup de gens pourraient se poser la question: Pourquoi est-ce que la FCEI a investi autant de ressources dans un rapport sur la santé qui n'est pas un thème particulièrement... Ce n'est pas parce qu'on a beaucoup d'entreprises PME qui oeuvrent dans le secteur, mais simplement parce que nos entrepreneurs, ils sont en interaction avec le régime à trois niveaux. Le premier niveau, ils sont bien entendu des patients, donc ils utilisent des services; deuxièmement, ils ont des assurances collectives, donc ils contribuent partiellement à l'offre de services par l'entremise d'assurances privées; et finalement ces gens-là doivent faire face à des défis de pénurie de main-d'oeuvre, et donc, s'il y a des délais d'attente pour des chirurgies, s'il y a des délais pour des traitements, ça fait en sorte que les gens sont plus éloignés du marché du travail pour longtemps, et ça, à un moment donné, ça affecte la production de l'entreprise. Et, comme vous l'avez référé, M. le ministre, il y a clairement aussi un impact sur les impôts, les taxes que ces gens-là paient au gouvernement. Et donc ils cherchent comme vous des façons à diminuer les pressions sur les coûts grandissants du système de santé tout en aussi contribuant, eux personnellement, par l'entremise de l'assurance collective.

M. Couillard: Mais je dirais que, plutôt que d'amenuiser la question que je vous posais, votre réponse la renforce, parce qu'effectivement les PME, si elles ont maintenant accès à un régime d'assurance collectif ? et c'est bien qu'elles l'aient ? vont rapidement découvrir les pressions liées à la partie assurance médicaments du régime collectif, autant pour les employés que pour les employeurs, et encore une fois, le jour où hypothétiquement le Québec permettrait un vaste régime d'assurance collective pour obtenir des soins qui sont également assurés dans le réseau public, la demande va être immense de la part des syndicats pour justement, comme vous dites, dans le cas de la compétition pour la main-d'oeuvre, l'assurer, et ça, c'est des coûts très importants.

Moi, je me demande s'il n'y a pas un degré d'ignorance à la limite, de l'impact, sur les entreprises, de telles choses. Je vous donne un exemple. En France, où il y a un régime d'assurance complémentaire, c'est jusqu'à 12 %, 15 % des revenus des entreprises qui sont grugés par ça, puis les impôts n'ont pas été baissés. C'est qu'il y a une sorte d'idée mythique que, si on permet le financement privé, on va baisser les impôts puis on va baisser le financement de la santé. Ce n'est pas ça qui va arriver. Il n'y a pas un pays où c'est arrivé. Le rythme de dépenses publiques va continuer d'augmenter au même niveau parce que tout simplement le bassin de financement fait en sorte que ça n'a pas d'effet significatif sur la demande de soins, qui est immense de toute façon. Alors, moi, je crois que les entreprises devraient y penser à deux fois avant de vouloir aller dans cette direction.

Je vous dirais même que, dans une rencontre que j'ai eue avec des dirigeants d'entreprises importants au Québec, l'un d'entre eux a dit très explicitement: Le gouvernement, s'il vous plaît, protégez-nous de l'assurance privée. Alors, il y a... en voulant dire... pas que l'assurance privée, ce n'est pas bon, là, mais en voulant dire: Protégez-nous des impacts financiers sur notre entreprise; d'ajouter aux taxes sur la masse salariale qu'on paie déjà et aux autres charges une charge de l'assurance collective, qui va être très... Ça va coûter très cher, l'assurance collective des soins de santé. Mais je suis quand même... Je suis un peu perplexe devant cette attitude des entreprises québécoises.

M. Fahey (Richard): Mais, écoutez, ce qui est clair, ce qui est clair ? puis c'est un peu difficile pour nous de dire pourquoi est-ce que les entrepreneurs souhaitent des méthodes alternatives de financement du système de santé ? ce qui est clair, c'est qu'ils sont prêts à faire leur contribution. Ils souhaitent que le gouvernement aussi trouve des façons alternatives de financer le système parce que, comme vous le dites, les coûts des médicaments augmentent, le coût du diagnostic augmente. Il y aura toujours une nouvelle machine ou une nouvelle pilule qui va être plus efficace que les contribuables vont vouloir obtenir. Et donc je pense que c'est un effort collectif. On a un premier jalon ici d'ouverture à l'assurance privée. Oui, il y a des coûts, mais cette assurance privée là, M. le ministre, est perçue, pour les entrepreneurs, comme un investissement dans leur main-d'oeuvre, comme un investissement dans la rétention des travailleurs, et ça, c'est une dépense que les entrepreneurs sont prêts à faire, comme le démontre l'attrait du programme qu'on a lancé récemment.

M. Couillard: Et, pour répondre à la question que vous posiez quant au niveau de dépenses, il est clair que l'ajout d'une autre source de financement, ça augmente les dépenses en santé globales par rapport au PIB. Ça, c'est assez clair. Il y a des exemples également qui montrent que la possibilité d'avoir une réduction des dépenses publiques en santé par l'introduction d'assurances privées est largement mythique. Par exemple, dans tous les pays de l'Europe de l'Ouest qui ont des assurances privées complémentaires, toutes ces nations ont des dépenses publiques de santé de plus de 70 %, en fait plus élevée qu'au Québec, et le rythme de croissance est exactement le même qu'au Québec. C'est entre 5 % et 7 % dans tous les pays de l'OCDE, à part, je pense... les seuls, c'était Chypre et la Grèce, je crois, qui avaient moins de 70 %. Mais tous les autres pays d'Europe de l'Ouest ont des dépenses publiques plus élevées que le Québec. Alors, je pense qu'il y a un rôle... il y a un esprit qui est largement exagéré quant au potentiel bénéfique, pour la société, de ça. Moi, je dirais que, si potentiel il y a, c'est d'offrir plus d'options aux gens qui en ont les moyens ou qui peuvent vouloir se les permettre collectivement ou individuellement. Ça, en soi, ça peut être bien, puis on peut en discuter. Mais, d'avoir un impact réel sur le contrôle des dépenses en santé, moi, j'en doute énormément.

Vous parliez également de l'état de compte, je veux juste clarifier quelque chose: il ne s'agit pas, dans notre proposition, d'envoyer une facture individuelle à chaque personne, hein? Vous avez compris que c'est un état de compte général, revenus-dépenses, du secteur santé et services sociaux de façon à ce qu'on puisse développer la discipline, au Québec, d'identifier les sources de revenus collectifs lorsqu'on veut se doter de nouveaux services ou les maintenir. Je pense qu'en soi ça a un rôle important.

Alors, écoutez, je pense que ça met un terme aux choses que je voulais discuter avec vous. Cependant, j'insiste possiblement sur la nécessité, au-delà même de l'assurance privée, pour les entreprises du Québec, qui se donneraient un beau visage aux yeux de la population en le faisant, de développer des programmes de prévention et de promotion des bonnes habitudes dans les milieux de travail. Je pense qu'il y a là un potentiel extraordinaire qui va avoir un impact certain non seulement sur l'état de santé de la population, mais également sur les feuilles revenus et dépenses des entreprises, compte tenu du problème justement d'absentéisme et d'assurance collective. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci...

M. Fahey (Richard): ...

Le Président (M. Copeman): Allez-y. Un commentaire, M. Fahey? Oui.

M. Fahey (Richard): Bien, en fait, simplement, je pense que, du point de vue de l'entrepreneur, investir en prévention, c'est surtout investir dans une plus grande productivité de son entreprise, parce que les employés sont là, ne sont pas absents et donc diminution de l'absentéisme, et ça, c'est certainement positif.

Le Président (M. Copeman): Bien. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, M. le Président, je suis plutôt sur la même longueur d'onde du ministre, ce matin, par rapport aux commentaires. Bon, moi aussi, là, je vais vous dire, je ne suis pas très impressionné par le fait que vos membres pensent ça, ça, ça. Dans le fond, le problème qu'on a à déterminer, c'est entre l'opinion que les gens ont et la raison pour laquelle ils ont... ou le fondement de cette opinion-là. Moi, quand vous me dites... Puis vous nous dites: Nos membres jugent appropriée l'introduction d'un ticket modérateur. Sur quelle base ils fondent leur jugement? Autrement dit, moi, je peux bien comprendre que les gens pensent ça, mais est-ce qu'ils ont raison de penser ça, et quel est leur raisonnement qui les amène à penser que ce serait plus efficace?

Puis on va en discuter pendant deux heures ce matin ? parce que je vois M. Castonguay en arrière, là, avec, je crois, sa fille ? alors, je veux dire, on est dans ça pour deux heures ce matin, là. Mais, tu sais, la réalité, là, c'est la démonstration concrète, je veux dire, de la plus-value de cette option-là. On peut penser qu'une option est bonne, mais où est-ce qu'elle est, la démonstration? Vos membres pensent ça parce que, dans l'air du temps, il y a bien du monde, là, qui alimente les gens d'affaires. Puis le milieu, ce qu'ils lisent en général, les chroniqueurs... Puis, tu sais, il y a toute une catégorie de gens qui façonnent l'opinion publique, ou du moins l'opinion publique des gens qui sont dans le domaine des affaires, qui va dans ce courant de pensée là. Alors, ce n'est pas surprenant qu'ils pensent ça, les gens d'affaires puis les gens des petites et moyennes entreprises, mais ça veut-u dire qu'ils ont raison? Sur quoi vous vous fondez pour penser que l'introduction, par exemple, d'un ticket modérateur serait extraordinaire?

M. Fahey (Richard): Je pense que, dans le rapport, à la page 16, c'est relativement précis, il y a deux bénéfices à leur avis. Le premier, c'est de fournir, un, davantage de fonds au système. Donc, l'argent qui serait recueilli, encore une fois entre 5 $ et 25 $, cet argent-là pourrait contribuer au financement et à la croissance des coûts du système de santé. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est aussi l'utilisation rationnelle de ce système de santé là. Bien entendu, quand une personne qui n'est pas satisfaite d'un diagnostic va voir un autre médecin, bien ça a un coût dans le système de santé. À l'époque que je travaillais, moi, comme étudiant, jeune étudiant dans un centre hospitalier, à l'époque ça coûtait 85 $, ouvrir un dossier. On n'avait pas vu de médecin, là, c'était juste, là, documentation du dossier dans les archives de l'hôpital. Mais ça, ça a un coût. Donc, ça responsabiliserait ? et c'est la perception encore de nos membres aussi; responsabiliserait ? l'utilisateur des services de santé en ayant un ticket modérateur.

n (10 h 10) n

Vous avez les commentaires des entrepreneurs, là: «J'estime que des frais modérateurs minimes amélioreraient énormément la situation sans mettre en péril l'accès aux soins de santé.» Et là je vais faire l'analogie, M. le député, avec la perception des entrepreneurs. Des fois, les gens se disent: Ah! les entrepreneurs, ils ne comprennent pas pourquoi, ils ne comprennent pas tous les éléments complexes de l'équation. Mais je vais faire l'analogie. Après le 11 septembre, la FCEI sondait ses membres à chaque semaine pour savoir c'était quoi, les conséquences économiques. On a été la seule organisation au Canada ? ici, à Québec, auprès du ministre des Finances, mais, à Ottawa, auprès du ministre des Finances, qui était M. Martin à l'époque ? à dire: L'économie va bien aller, ne chambardez pas votre budget, ça va bien aller. Et ça a été quoi, la réalité? Ça a bien été. Et donc on peut dire que cette perception-là n'est peut-être pas fondée, mais ces gens-là vivent sur le terrain quotidiennement.

Et encore une fois, dans le domaine de la santé, c'est peut-être juste des perceptions, mais, quand on parle d'ouvrir des cliniques 24 heures sur 24, intéressant de constater que le gouvernement du Québec, par l'entremise des GMF et des cliniques affiliées, va dans le même sens: la mise en réseau, l'utilisation des données et le développement informatique du dossier, tous ces éléments-là, des choses qui ont été suggérées par les entrepreneurs canadiens. Est-ce que c'est bon? Est-ce que ce n'est pas bon? On...

M. Charbonneau: Je voulais juste vous faire remarquer: quand vous me dites ça... Il y a des choses qui se font actuellement, puis on est dans cette direction-là. La question, ce n'est pas ça. C'est que vous proposez un ticket. Moi, quand les gens d'affaires me donnent une opinion sur le comportement qu'eux et leurs collègues ou l'environnement d'affaires vont avoir après un drame puis un incident comme le 11 septembre, ça, c'est une chose, au plan de l'impact économique. Je comprends qu'ils sont dans leur univers, puis ils connaissent ça. Mais ce n'est pas vrai que leurs connaissances sur l'impact du ticket modérateur...

Tu sais, vous dites, dans le fond: Ça va donner plus d'argent dans le système. Dans le fond, plus d'argent dans le système, là... Je veux dire, on est 7,5 millions de patients potentiels. Tu sais, c'est ça, là, je veux dire, on le prend... De toute façon, on va le prendre dans nos poches: ou bien on le prend dans nos poches à partir d'une fiscalité quelconque ou on le prend dans nos poches parce que certains vont payer plus cher. Parce que dans le fond, pour des assurances qu'on a déjà, on va en plus se payer un ticket modérateur, puis en plus on va avoir une assurance privée pour dédoubler l'assurance publique qu'on... Parce que c'est une chose d'avoir de l'assurance collective ou de l'assurance privée pour des services qui ne sont pas couverts par l'assurance publique, mais, moi, comme citoyen, là, je paie des taxes puis des impôts pour une assurance publique. Là, on me dit: Tu devras en payer encore pour avoir une assurance privée, puis en plus tu devrais payer un ticket modérateur.

Moi, je veux dire, à la limite, là, ce que je pense, c'est que la question fondamentale, c'est: Comment on répartit l'effort de tout le monde dans la société pour faire en sorte que le système de santé puisse avoir le niveau de financement adéquat? Et la question, c'est: Est-ce qu'on paie assez de taxes et d'impôts ou si on n'en paie pas assez? Puis là vous dites, vous autres: Il ne faudrait pas aller vers la fiscalité. Sauf que vous avez juste oublié une chose, tu sais, vous ne nous avez pas parlé qu'on en paie à deux places, puis qu'à un endroit il y a des surplus, puis qu'à un endroit, là où il y a des surplus, à un moment donné, quand le système a été bâti, quand M. Castonguay a mis ça en place, là, bien ils payaient quasiment 50 % de la facture. Aujourd'hui, ils ne paient même pas 25 %, tu sais. Puis ça a descendu, ils remontent un peu, ils sont peut-être à 22 %. Mais il y a une conséquence à ça, là. Ce n'est pas qu'on n'en paie pas, des taxes et des impôts, c'est que peut-être que l'affectation de ce qu'on paie à deux endroits n'est pas à la hauteur des besoins qui se sont développés dans une société où il y a un vieillissement de la population puis il y a des nouvelles technologies, etc.

Mais, tu sais, si on a besoin de 1 milliard ou 1,5 milliard de plus par année ? parce qu'actuellement le coût de système, c'est 5,1 %, 5,2 %, c'est ce qu'on met à peu près, 1 milliard ? mais que dans le fond il faudrait en mettre une couple de centaines de millions, peut-être 1 milliard, disons, par année de plus, où est-ce qu'on le prend, le milliard? Dans le fond, on va peut-être faire payer une partie des gens 25 $, 20 $ à chaque fois qu'ils vont aller chez le médecin pour faire une cagnotte de 1 milliard, de 800 millions, de 900 millions, ou bien on va les amener à prendre des assurances privées.

Et la démonstration... Moi, je vais vous dire, j'attends la démonstration. Quand je regarde deux avis qui ont été faits, un du Groupe de recherche interdisciplinaire en santé de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, les gens nous disent: Écoutez, l'assurance privée dans les services de santé actuellement favorise les favorisés. «En France, ils sont les mieux assurés contre les tickets modérateurs. En Australie, ils reçoivent le gros des subventions publiques pour l'assurance privée; au Royaume-Uni, ils sautent les files d'attente. Ni les tickets modérateurs français ni l'assurance privée pour les soins hospitaliers en Australie [ou] au Royaume-Uni n'ont réduit les listes d'attente. Dans ces [...] pays, les médecins ont réduit leur offre de services dans le système public et, en Australie, l'argent est littéralement pompé des fonds publics vers les poches des plus aisés. [D'autres leçons] à tirer de ces expériences? Pour régler le problème des listes d'attente, investissons dans le régime public.» Ça, c'est le Groupe de recherche interdisciplinaire de la Faculté de médecine.

Là, on a un avis du Conseil du bien-être et de la santé du Québec, de novembre 2002, puis il y a tout un passage que probablement vos membres n'ont pas lu et que je ne suis pas convaincu qu'il y a beaucoup de gens qui viennent ici qui nous parlent du ticket modérateur ont lu, mais il y a un passage sur le ticket modérateur puis les coûts reliés, puis les mythes aussi. Et, moi, la question que je me dis, c'est que je veux bien qu'on me dise que c'est valable, mais, quand les recherches démontrent qu'ailleurs ça n'a pas eu les impacts et que ça a des effets pervers, moi, je veux avoir la démonstration que les effets pervers, quand on nous fait cette proposition-là, on les a pris en compte.

Tu sais, quand je regarde ici puis je dis: L'imposition du ticket modérateur engendre des effets indésirables..., notamment «l'effet dissuasif du ticket modérateur semble s'appliquer tout autant aux visites dites intempestives qu'aux visites justifiées. Autrement dit, la perspective de payer [5 $, 10 $] ? ou même plus ? pour une consultation peut décourager un patient, et ce, même si la visite s'impose objectivement. En termes strictement utilitaires, l'effet pervers est ici de reporter, pour cause de "dissuasion monétaire", des visites nécessaires à un stade ultérieur de la maladie, lorsque cette dernière se sera aggravée et que les traitements coûteront plus chers», qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Fahey (Richard): Écoutez, M. le député, beaucoup de choses à répondre. Premièrement, si on se cantonne dans le statu quo, on va simplement, encore une fois, vampiriser les autres missions de l'État parce que la santé va ramasser le gros de l'augmentation des dépenses, puis l'État va être en quelque sorte obligé d'augmenter les taxes et impôts. Ça, là-dessus, nos membres sont très clairs: la coupe, là, jusqu'ici. Donc, il est clair qu'il faut trouver des méthodes alternatives. Et ça, si on n'accepte pas ça comme prémisse de base que le vieillissement de la population au Québec va chambouler complètement nos services, pas juste en santé, en éducation, en transport, en habitation, en ci et en ça, si on n'est pas prêts à accepter cette prémisse-là, moi, je vois peu de pertinence à regarder des approches alternatives.

Ceci étant dit, ce qu'on dit au graphique 7, à la page 17, pour aborder la question du déséquilibre fiscal que vous sous-entendiez, ce que les entrepreneurs veulent dans une proportion de 83 %, c'est une réaffectation des dépenses gouvernementales. Ils n'ont pas dit «des dépenses provinciales», O.K., c'est «des dépenses gouvernementales». Donc, traditionnellement, le fédéral a mis de l'argent en santé, il y a un rôle là, sous la juridiction provinciale, bien entendu, mais il y a une réaffectation des sommes existantes ? et, on le sait, l'argent est plus à Ottawa qu'à Québec; il y a une réaffectation des sommes existantes ? qui doit se faire, et c'est ce que les entrepreneurs attendent. Mais penser simplement que, ah!, on va simplement augmenter les impôts pour faire face à la croissance des dépenses de santé, c'est se mettre la tête dans le sable. On ne sera pas capables, notre économie ne sera pas capable de soutenir ça. Et donc il faut trouver des méthodes alternatives. L'assurance collective ? juste me permettre de conclure, s'il vous plaît...

M. Charbonneau: Allez-y, M. Fahey.

M. Fahey (Richard): ... ? l'assurance collective, c'est une étape. On l'a restreinte à quatre chirurgies, on l'a restreinte à quatre chirurgies, c'est une première étape, c'est un premier jalon. Voyons comment l'expérience va se développer, et on verra si on doit l'étendre à d'autres choses.

Le ticket modérateur, c'est une autre approche. Le ticket modérateur, pour nous, c'est une responsabilisation, et ça trouve aussi des moyens de développer des ressources supplémentaires pour le système de santé. C'est simplement, simplement, un principe très bien reconnu de l'utilisateur-payeur, et qui dit utilisation payée dit responsabilisation dans la consommation et d'éviter le gaspillage. C'est vraiment ça. Ça n'a pas besoin d'être un montant important. Même à 5 $, on aura une responsabilisation, une plus grande responsabilité dans la consommation des services de santé.

n (10 h 20) n

M. Charbonneau: Je disais: Le problème, c'est que ceux qui ont regardé ça, ils disent: Quand on nous dit ça, il y a des effets pervers dont on ne veut pas parler, mais, en bout de piste, en bout de piste, encore une fois, on est 7,5 millions, qu'on le paie par une fiscalité différente, c'est-à-dire qu'on augmente les impôts ou qu'on augmente... Indépendamment, là, de la récupération du fédéral, moi, je pense qu'il y a une bonne part de la solution qui est dans une récupération de ce qu'on paie déjà. Mais, quand je regarde, par exemple, tu sais, les formations politiques qui ont choisi actuellement de dire: Bon, bien, on permet à Ottawa... on ne chiale pas trop parce qu'Ottawa réduit la TPS de 1 %, mais c'est 1 milliard, ça, hein? Bon, bien, ce milliard-là dont on parle pour le ticket modérateur, peut-être qu'il est là, là. On n'aurait pas à augmenter les taxes sur les impôts, on les aurait juste réaffectées autrement. Alors, on peut prendre ça, on peut décider qu'on impose un ticket modérateur à une partie des citoyens qui sont des patients à un moment donné ou l'autre, puis on peut décider que la fiscalité va être organisée autrement. Mais, en bout de piste, là, de toute façon, c'est nous autres qui allons payer. Alors, la question, c'est: Est-ce qu'on a un système de contribution au système de santé qui est basé sur un élément d'équité puis de solidarité ou si on introduit des mécanismes de financement qui vont faire en sorte qu'on va ajouter à l'inéquité et qu'à la limite on pourrait créer des effets pervers? La question est là aussi.

M. Fahey (Richard): Mais il y a une réalité au Québec, hein? Il y a 40 % des gens qui ne paient pas d'impôt, et ça, avec le vieillissement, bien là les ressources de l'État vont diminuer, la capacité de faire face aux dépenses va diminuer aussi, et là le choix qu'on va avoir, rendus là-bas... Parce qu'aujourd'hui on peut voir venir, hein? Il nous reste sept, 10 ans avant le choc brutal du vieillissement de la population. Aujourd'hui, on peut prendre des mesures qui vont nous donner plus d'oxygène dans 10 ans ou on peut dire simplement: Laissons aller, ne changeons rien, maintenons le statu quo, puis, quand on va frapper le mur dans 10 ans, bien là nos options vont être bien plus limitées, notamment on va devoir couper les services. Est-ce que c'est ça qu'on veut pour nos contribuables? Moi, je ne crois pas.

Puis, si on parle de fardeau fiscal, on le sait, regardez les annexes du budget, la compétitivité fiscale personnelle et corporative n'est pas là, on est en retard par rapport au reste des provinces. Donc, l'option d'augmenter simplement les impôts, alors qu'il y en a déjà 40 % qui n'en paient pas, ce n'est pas une option, ce n'est pas une vraie option parce que ça nuit à la compétitivité de notre économie.

M. Charbonneau: Autrement dit, ce que vous dites: ceux qui ne paient pas d'impôt devraient en payer, ils devraient en payer par un ticket modérateur.

M. Fahey (Richard): Non, ce que je dis, c'est que tous ceux qui paient de l'impôt et ceux qui n'en paient pas mais qui consomment des soins dans le service de santé devraient payer un ticket modérateur de façon que tous les utilisateurs consomment ces services-là de façon raisonnable et responsable.

M. Charbonneau: Mais encore une fois ça suppose qu'on paie actuellement un niveau de taxation qui fait en sorte qu'il n'y a pas de surplus. Moi, je vais vous dire une chose: Tant qu'il va y avoir des surplus, là, il va falloir qu'on me fasse la démonstration que ces surplus-là, ils ne pourraient pas être réinjectés en santé plutôt qu'être réinjectés dans d'autres types de dépenses, militaires ou ailleurs, là.

M. Fahey (Richard): Mais là-dessus, sur les surplus, M. le député, la FCEI a été très claire à Ottawa: le gouvernement doit diminuer de façon importante son niveau de taxation avec un plan de réduction des impôts et taxes, que ce soit pour les particuliers comme pour les entreprises, parce qu'il collecte tout simplement trop d'argent. Cette marge de manoeuvre fiscale pourra être ensuite, au choix des provinces, utilisée d'une façon ou d'une autre. Mais là, à ce moment-là, au niveau d'Ottawa, il faut qu'ils arrêtent de créer des surplus en laissant l'argent dans l'économie, puis là, après ça, les provinces pourront...

M. Charbonneau: Mais là vous me dites: Baisser les impôts... Vous dites: Baisser les impôts, diminuer les charges fiscales puis finalement taxer autrement en mettant un ticket modérateur puis en introduisant un système d'assurance privée, parce que c'est ça. Parce qu'en bout de piste, là, si vous ne la prenez pas dans le trésor public, là, l'argent pour financer les services de santé, vous allez la prendre ailleurs. Mais de toute façon le trésor public, il la prend dans nos poches. Alors, s'il ne la prend pas directement dans nos poches pour la fiscalité, il va la prendre dans nos poches directement parce qu'on va être obligés de payer 25 $ ou 20 $ à chaque fois qu'on va aller voir le médecin ou encore on va être pris à s'assurer en double.

Parce que, quand on parle de l'assurance privée, là ? soyons clairs, on parle d'assurance privée ? c'est ou bien pour se payer des assurances pour des services qui ne sont pas assurés par l'État... Tu sais, les députés de l'Assemblée nationale, on a une assurance collective, ce n'est pas pour dédoubler ce qu'on paie comme contribuables, nous autres aussi, c'est pour, tu sais, avoir comme... tu sais, complémentaire. Ça, ça va. Mais la question, c'est: On va-tu demander aux citoyens dans le fond de s'assurer deux fois... c'est-à-dire de payer deux fois des assurances? Parce que c'est ça, l'assurance privée, là, c'est qu'on va dire aux gens: Vous autres, vous avez plus d'argent, là, payez une double assurance, puis vous allez peut-être... l'avantage que vous allez avoir en faisant ça, vous allez passer plus vite que les autres.

M. Fahey (Richard): Là, à ce niveau-là, M. le député, je pense qu'on est... Il est très clair, là, c'est une question d'accès aux services. Si les gens n'ont pas accès aux services, ce qu'ils nous disent ? le rapport, très clair: Améliorez votre fonctionnement, diminuez les listes d'attente, favorisez l'accès aux services, puis, si tu n'es pas capable de faire ça, donne-moi la permission, donne-moi le choix, donne-moi le choix et la permission d'aller contracter dans le privé. C'est ça qu'ils nous disent. En ce moment, la capacité de l'État à offrir des services, à donner accès à ces services-là devient de plus en plus limitée compte tenu des pressions, et, à ce niveau-là, je pense qu'il est souhaitable, il est raisonnable d'offrir le choix, de permettre aux gens d'avoir accès à des services de santé privés si on n'est pas capables de leur donner accès aux services publics.

M. Charbonneau: Mais la prétention actuellement, c'est qu'on est capables à condition d'organiser les affaires autrement puis à condition de régler le problème du sous-financement. Puis encore une fois, le sous-financement, on peut peut-être le régler autrement que par un ticket modérateur puis l'introduction de l'assurance privée. On peut peut-être justement le régler, le problème du sous-financement, en bonne partie en utilisant, je veux dire, des surplus. Vous dites, vous autres: Ces surplus-là ont été constitués parce qu'on paie trop d'impôt. Mais, tu sais, à quelque part, là, encore une fois, en bout de piste, ça revient à un choix politique et de société sur comment on va chercher l'argent dans les poches des citoyens: par la taxation, par un ticket modérateur, par le fait qu'on va leur dire de s'assurer deux fois, tu sais. Mais, au bout du compte, là, c'est 7,5 millions de Québécois, patients éventuels, potentiels qui vont avoir à assumer la charge de leur système de santé.

M. Fahey (Richard): M. le député...

Le Président (M. Copeman): Très, très brièvement, M. Fahey.

M. Fahey (Richard): Très brièvement, et ce sera la conclusion. Le graphique 4 qui est en page 11 du rapport ne dit pas juste: La seule solution ou le «silver bullet», là ? pour reprendre l'expression anglaise ? c'est le ticket modérateur. Il y a plusieurs options, il y a plusieurs façons d'améliorer notre système de santé. Vous avez parlé d'efficacité, on parle d'efficience ici, amélioration des services dans le système, prévention, très fort. Deuxièmement, participation du secteur privé, oui, il y a un rôle pour le privé, oui, il y a une utilité pour le privé, qu'il soit balisé, certes, mais il y a un rôle là qu'on pourra aller chercher, et les tickets modérateurs qui seraient une autre option. Ce sont là des options, ce sont là des choix. Vous êtes le législateur, et donc, ces choix-là, le gouvernement, et l'Assemblée nationale, doit les faire. Mais il ne faut pas penser que c'est juste le ticket modérateur qui va sauver le système de santé. Ça va être un équilibre, un mixte, une...

Une voix: Combinaison.

M. Fahey (Richard): ...une combinaison ? merci, M. le député ? de toutes ces options-là, et probablement d'autres aussi, qui vont faire en sorte qu'on va avoir un système de santé, aujourd'hui et pour demain, qui va subvenir aux besoins de nos concitoyens.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Fahey. Si je me fie aux manchettes dans les journaux, je crois que c'est une conversation qu'on va poursuivre avec le prochain groupe.

Alors, M. Fahey, merci beaucoup pour votre présentation au nom de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Et j'invite M. Claude Castonguay et Mme Joanne Castonguay à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 29)

 

(Reprise à 10 h 31)

La Présidente (Mme L'Écuyer): Bonjour. Je veux souhaiter la bienvenue à M. Castonguay et Mme Joanne Castonguay. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et après on passe à une période de questions; on commence avec le ministre, et après on va à l'opposition. M. Castonguay, Mme Castonguay, la parole est à vous.

MM. Claude Castonguay
et Claude Montmarquette,
et Mme Joanne Castonguay

M. Castonguay (Claude): Merci. Et merci de nous recevoir. Le mémoire que nous avons présenté, c'est le mémoire des trois signataires: Claude Montmarquette, économiste, professeur à l'Université de Montréal, Joanne Castonguay, économiste, et moi-même, dans le cadre des travaux de CIRANO. Mais c'est l'opinion personnelle des trois signataires et non pas un mémoire de CIRANO.

La question de l'accessibilité aux services de santé est liée à celle du financement de notre système de santé de façon très étroite. Et le défi, à notre avis, auquel nous faisons face dans la santé en est principalement un de financement. C'est pourquoi le financement est l'objet principal de notre mémoire.

Il y a deux grandes questions qui sont soulevées dans le document Garantir l'accès; on a voulu, nous, discuter principalement la question du financement. Et je vais demander à Joanne de présenter, disons, le fondement, là, de notre mémoire au plan de la discussion du financement, et, moi, je reviendrai sur la question des options telles que nous les voyons.

Le Président (M. Copeman): Mme Castonguay.

Mme Castonguay (Joanne): Donc, avant de passer à l'évaluation des options ou l'examen des options qui s'offrent à nous, mon exposé a pour objet d'exposer les contraintes qui sont imposées, d'une part, par le modèle économique de financement de la santé, puis, d'autre part, par les contraintes qui sont associées au contexte économique dans lequel on se trouve.

Donc, dans le contexte de notre évolution économique et démographique, est-ce qu'il est possible de continuer à développer l'offre de services de santé tout en préservant le modèle actuel de gratuité des services pour tous dans un système public? Une chose est certaine, c'est que nous devons faire des choix et surtout accepter que toute solution exigera inévitablement des conciliations. Les solutions proposées par le gouvernement dans le document Garantir l'accès vont continuer de faire pression sur l'augmentation des coûts de santé. Puisque des fonds additionnels devront nécessairement être injectés pour garantir l'accès aux services pour les patients qui sont affligés de certaines pathologies, les autres vont forcément souffrir d'une diminution des ressources, à moins que les sources de financement soient augmentées.

Les enjeux auxquels nous faisons face sont de nature économique. C'est par une analyse économique de la situation que les solutions vont s'imposer.

Le régime d'assurance maladie, lorsqu'il a été implanté, répondait à un problème criant d'accessibilité aux services de santé des moins bien nantis. À cette époque, la fiscalité québécoise était compétitive, la dette publique était pratiquement nulle et la pyramide d'âge faisait que le financement des services publics par la fiscalité n'imposait pas un fardeau aussi important sur les finances publiques. En outre, les services de santé étaient beaucoup moins développés qu'aujourd'hui sur les plans scientifiques, technologiques, et l'innovation était beaucoup moins rapide, si bien qu'il y avait beaucoup moins de pression sur la demande des soins.

Aujourd'hui, la réalité est tout autre: la pyramide d'âge est en voie de s'inverser, la proportion des personnes en âge de travailler et qui paient des impôts est beaucoup plus faible et le développement des technologies rapides font pression sur le modèle financier du système.

Ce document explique en termes simples comment le modèle économique de notre système de santé engendre des problèmes d'accès. Dans le contexte d'un bien échangé sur le marché et dont l'offre est limitée, là, comme c'est le cas pour les services de santé, la quantité consommée et le prix sont généralement déterminés par le point de rencontre entre l'offre et la demande: c'est le point d'équilibre. Ce point détermine le prix auquel la quantité demandée correspond à la quantité que les producteurs sont prêts à fournir. C'est un point qui est atteint lorsque les forces de marché sont en équilibre. En l'absence de prix, il n'y a pas d'équilibre. Puisque les services de santé sont financés publiquement, le coût du consommateur est nul. En conséquence, nous n'avons pas de marché, et la quantité consommée est déterminée essentiellement par le budget qui est disponible, en réponse à d'autres considérations ? par exemple, des considérations politiques.

Étant donné que le prix est nul pour le consommateur, la quantité demandée est très élevée, potentiellement infinie. Et on le voit en fait, les gens sont très attachés à leur santé, c'est ce qu'on a de plus précieux. Donc, face à une menace finalement, on a une demande qui est infinie. Parce qu'il ne paie pas, l'usager a le sentiment que sa consommation ne va pas affecter celle des autres. Il est complètement déresponsabilisé quant à l'impact de ses décisions de consommation.

En bref, l'offre est limitée parce que le budget gouvernemental, lui aussi, est limité. Et la demande, elle, est potentiellement infinie. La différence entre les deux, c'est ce qui... ça représente une demande qui est non comblée. Et une partie de cette demande-là est nécessaire. Il y en a une partie qui peut être déplacée ? par exemple, elle pourrait être déplacée des hôpitaux vers les services ambulatoires ou les services en clinique ? et il y en a une autre qui est superflue. L'offre rationne la demande, et ce sont les plus futés, les plus connectés, les plus patients ou ceux dont le problème est plus urgent qui obtiennent les services. Ce qui se traduit par des exemples... des problèmes chroniques d'accès que nous connaissons et dont on entend parler tous les jours dans les médias. On a juste à regarder l'analyse qui a été faite sur les urgences et qui a été publiée la semaine dernière, dans les médias.

Les efforts visant à améliorer l'efficacité et la qualité des services de santé ne peuvent avoir qu'un effet limité sur la problématique. Au cours des 10 dernières années, les gouvernements qui se sont succédé se sont engagés dans de multiples réformes des services de santé dans le but d'améliorer la productivité. Augmenter la productivité des services de santé est équivalent à une augmentation de budget. La marge financière dégagée par les réformes vont permettre d'augmenter le nombre d'interventions qui peuvent être effectuées par un budget donné. C'est fort souhaitable. Toutefois, le succès de ces mesures est limité, d'une part, parce qu'elles exigent des investissements importants pour leur mise en oeuvre, à un moment où les finances publiques sont en crise, et, d'autre part, parce qu'elles n'ont aucun impact sur la demande qui sera toujours fortement excédentaire tant que le prix va être nul.

La seule politique proposée par le gouvernement ayant un impact sur la demande est celle qui vise l'augmentation des allocations en prévention des maladies. Une telle stratégie sur la demande a un effet inverse à ceux associés au vieillissement de la population et à l'enrichissement. Il s'agit d'une excellente nouvelle en soi. Mais l'impact est nettement insuffisant pour contrebalancer les pressions actuelles sur les coûts, notamment parce que la prévention équivaut à accroître les diagnostics, parce que l'impact de la prévention ne se fera sentir qu'à long terme, et enfin parce que tant et aussi longtemps que le prix des services de santé est nul, il va y avoir un rationnement.

La rationalisation de la demande excédentaire, pour être significative, nécessite une incitation à la consommation plus responsable des services. Sans politique qui modère la demande, il n'y aura pas de correction durable de la problématique.

Maintenant, les problèmes... Là, je passe aux contraintes qui sont associées aux problèmes structurels de l'économie. Les problèmes structurels de l'économie québécoise limitent de façon importante nos options pour financer la croissance des dépenses de santé. L'état des finances publiques, le contexte démographique est à la base de plusieurs problématiques qui font les manchettes au cours des derniers mois. Mais, puisqu'à notre avis la question du financement de la santé est intimement liée à celle des finances publiques, on souhaite rappeler quelques données dont la prise en compte est absolument essentielle dans le développement des solutions.

Tout d'abord, le taux de croissance annuel des dépenses de santé au cours des 20 dernières années a été systématiquement plus élevé que le taux de croissance de la richesse. En conséquence, les dépenses de santé représentent une partie de plus en plus... une proportion de plus en plus élevée des dépenses de programmes du gouvernement. Et le ministère de la Santé entrevoit le moment où elles représenteront 50 % des dépenses de programmes, une éventualité que le ministère présente de façon un peu fataliste, c'est-à-dire comme si c'était une question qui était immuable et que... auquel on ne peut rien changer. Or, cette éventualité est difficilement envisageable, surtout si nous souhaitons préserver les autres programmes sociaux en place.

Et la productivité des travailleurs du Québec ? un deuxième élément: la productivité des travailleurs au Québec ? est inférieure à celle de nos partenaires commerciaux. Le PIB par habitant du Québec accuse un retard sur le plan canadien et nord-américain. Il représente 88 % du PIB par habitant canadien, et on fait le même constat, là, par rapport aux autres pays de l'OCDE.

n (10 h 40) n

En plus d'affecter notre capacité de redistribuer la richesse dans la même mesure que celle de nos partenaires, un PIB par habitant comparativement faible affecte notre capacité à attirer des investissements étrangers et aussi notre capacité à attirer des travailleurs de haut niveau. Il est donc doublement important d'éviter toute politique qui pourrait avoir un impact négatif sur l'activité économique du Québec, déjà fragile.

Ensuite, au niveau de la fiscalité des particuliers, le constat est le même: le Québec est la deuxième province la plus imposée au Canada, lui-même parmi les pays de l'OCDE les plus imposés après la France et l'Italie. Au niveau de la fiscalité des sociétés, le constat est identique. Son accroissement apparaît donc peu souhaitable.

Ensuite, l'endettement du Québec est le plus important au Canada. Lorsqu'on compare le niveau de l'endettement du gouvernement du Québec à celui des autres provinces canadiennes, un constat saute aux yeux: le Québec est très endetté. En outre, le poids du service de la dette des trois niveaux de gouvernement, c'est-à-dire les intérêts seulement, est de 0,18 $ sur chaque dollar perçu. Nous calculons que ceci veut dire que tous les contribuables du Québec paient en moyenne 5 446 $ par année pour payer les intérêts seulement sur la dette, un montant pour lequel ils ne reçoivent aucun biens et services. En plus des problèmes budgétaires causés par l'ampleur de l'endettement public au Québec, son remboursement pose un problème d'équité intergénérationnelle important.

Enfin, la décroissance démographique est une menace pour notre économie parce qu'elle se traduira, dès 2010, par une diminution de son apport à la croissance économique puis par un impact négatif sur la croissance du PIB à partir de 2030.

Finalement, en somme, les problèmes structurels de l'économie québécoise ont pour conséquence de limiter de façon importante les options pour financer la croissance des dépenses de santé. En d'autres termes, nous devons éliminer d'emblée toute proposition qui aura pour effet d'alourdir le fardeau fiscal, de diminuer la capacité concurrentielle du Québec, d'aggraver l'iniquité intergénérationnelle ou encore de réduire le financement des autres missions de l'État. Je passe la parole à mon père.

M. Castonguay (Claude): Alors, on ne peut pas y échapper, les choix qui s'offrent vont devoir être soumis à de sérieuses contraintes. Il n'y a pas tellement de choix en fait. Et nous avons identifié trois options.

Le statu quo, selon nous, n'est pas une option, car, du point de vue des finances publiques, le système de financement actuel ne peut que continuer d'aggraver la situation. Et on se souvient d'ailleurs des dégâts causés lorsqu'en 1995 l'opération des coupures budgétaires pour l'atteinte du déficit zéro... dans une situation de crise, les décisions qui ont été prises, enfin on en ressent encore aujourd'hui les effets négatifs. Alors, c'est pour ça que nous croyons que nous devons examiner des solutions autres que le statu quo. Autrement, on s'en va vers une situation qui, à un moment donné, va devenir intenable.

La première option que nous avons examinée est celle du régime d'assurance contre la perte d'autonomie, proposition qui était formulée dans le rapport Ménard et dont on fait état, là, dans le document Garantir l'accès. Ce régime couvrirait un ensemble de services de base liés à la perte d'autonomie, et son financement proviendrait de primes de l'ordre d'environ 400 $ par année, et, selon le rapport Ménard, ces primes augmenteraient avec le temps, et, toujours selon le rapport Ménard, le régime serait partiellement capitalisé.

Cette proposition, à notre avis, comporte des graves lacunes. D'ailleurs, le financement du régime par une contribution obligatoire, c'est l'équivalent d'une nouvelle taxe, et on croit que ce n'est pas la voie qui doit être prise étant donné le niveau actuel de notre fiscalité. Deuxièmement, la couverture de soins non couverts présentement aurait pour effet d'augmenter les dépenses publiques de santé, qui sont déjà très élevées, comme on l'a dit, et ces dépenses ne seraient pas couvertes par les contributions dont il est question dans le projet, là, de régime. En fait, on a calculé qu'une prime d'environ 400 $ par année couvrirait à peu près 20 % des coûts du maintien à domicile d'une personne qui est en perte d'autonomie.

Alors, le régime donc serait déficitaire, surtout qu'on l'implanterait au moment où les baby-boomers arriveraient à la retraite, à un moment où déjà, là, leurs coûts pour un tel type d'assurance seraient beaucoup plus élevés que les primes. Alors, on aggraverait en fait, en introduisant un tel régime, la situation au point de vue, là, des finances publiques. On augmenterait la dette ou on augmenterait les impôts, et de toute façon on accentuerait le problème de la dette, que l'on est en voie de passer, là, aux générations qui nous suivent.

Alors, ce régime, qui aurait pu être justifié si on l'avait établi il y a 20, 25 ans de telle sorte qu'il puisse se capitaliser et que les gens qui arrivent présentement à la retraite aient pu bâtir une réserve, aujourd'hui, le mettre en application, ce serait à notre avis aggraver la situation plutôt que l'aider.

La deuxième option qu'on a examinée serait un régime mixte d'assurance pour les soins primaires, enfin un régime comme notre régime d'assurance médicaments, dans lequel les gens seraient couverts pour tous leurs soins primaires, les employeurs paieraient la prime pour la couverture d'un tel régime, comme ils le font dans le moment pour l'assurance médicaments, et les personnes qui n'ont pas d'employeurs, les travailleurs autonomes, les personnes sans emploi seraient couverts par la partie publique du régime. Mais encore là on se trouverait d'une part à augmenter directement les dépenses de santé, les dépenses publiques, et on ajouterait une nouvelle charge aux employeurs au moment où les charges salariales au Québec, sur les employeurs, sont beaucoup plus élevées que dans les autres provinces, ce qui est évidemment contre-indiqué.

Un tel régime par contre aurait eu bon nombre d'avantages, c'est-à-dire de donner des fonds additionnels aux médecins, particulièrement pour le développement des cliniques médicales bien organisées et des cliniques efficaces qui auraient eu pour effet de soulager un peu les hôpitaux en déplaçant la demande de soins primaires vers les hôpitaux.

Alors, cette option-là d'un régime mixte, on la met de côté pour ces raisons-là, étant donné, tout comme pour le régime d'assurance contre la perte d'autonomie, que ça ne contribue pas vraiment au problème de financement, qui est le problème majeur.

Alors, il ne reste en définitive qu'une seule option, c'est celle d'une contribution individuelle de la part des usagers, et l'introduction de tels frais ferait participer directement l'individu au financement. On a calculé qu'une contribution individuelle de 25 $ ? un exemple, on a pris un chiffre qui nous apparaissait assez réaliste ? si elle avait été imposée en 2005 pour les soins, là, de première ligne, on en aurait... ça aurait résulté en une dépense additionnelle de santé de l'ordre d'à peu près 785 millions. Et comme notre régime et comme notre système de santé... ou nos dépenses de santé sont inférieures à celles des autres provinces, une telle injection de fonds ne serait définitivement pas exagérée. Ça apporterait une certaine dose d'oxygène souhaitable dans le système.

Ça a été mentionné par d'autres que nous, l'addition d'une contribution des usagers aurait pour effet de responsabiliser les patients ou les utilisateurs, parce qu'il y a définitivement une demande qui est superflue. Et, à ce sujet-là, je voudrais simplement mentionner que tous les pays de l'OCDE ont des contributions de la part des usagers. Évidemment, on peut dire qu'en France ça fonctionne plus ou moins bien, on prend peut-être, là, l'exemple qui est le pire. Moi, j'aime mieux regarder du côté des pays scandinaves, qui ont été un modèle pour nous: la Suède, le Danemark, la Hollande, où on trouve des frais modérateurs beaucoup plus élevés que ceux que nous mentionnons.

Le Président (M. Copeman): M. Castonguay, il vous reste trois minutes.

M. Castonguay (Claude): Pardon?

Le Président (M. Copeman): Il reste trois minutes.

M. Castonguay (Claude): Il me reste trois minutes? Alors, je vais aller au plus pressant. Je signale que cette option des frais modérateurs, ce n'est pas une option parfaite, ce n'est pas une option qui réglerait tous les problèmes, mais c'est celle qui à notre avis présente le plus d'avantages et le moins de désavantages. Elle nécessiterait évidemment des changements à la Loi canadienne sur la santé et, si je comprends bien, à la loi québécoise. On en a fait abstraction, de ces deux lois, pour pouvoir vraiment discuter le problème, là, tel qu'il se présente sans les contraintes législatives.

n (10 h 50) n

J'aimerais ajouter un dernier commentaire. En 1970, lorsqu'on a introduit l'assurance maladie, moi, j'ai combattu pour la gratuité des soins. J'ai même fait face, et le gouvernement, à une grève extrêmement pénible de la part des médecins spécialistes en pleine crise d'Octobre. Les médecins spécialistes voulaient pouvoir faire de la surfacturation. On a résisté à ces pressions. De l'autre côté, il y avait des pressions pour qu'on introduise les frais modérateurs, et on a résisté aussi à ces pressions-là. Alors, j'ai été aussi convaincu que quiconque en la nécessité de la gratuité des soins. Je crois aussi qu'on doit protéger notre système public. Mais, pour le protéger et le conserver, il faut trouver de nouvelles sources de financement, et, moi, je crois que l'imposition de frais modérateurs est la meilleure source qui se présente présentement. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. M. et Mme Castonguay, bienvenue parmi nous. Je suis soulagé, d'entrée de jeu, de voir que déjà à l'époque vous aviez des conversations animées avec les médecins spécialistes. Comme vous le voyez, plus ça change, plus c'est pareil. Mais je constate qu'à votre époque elles étaient probablement encore plus animées qu'elles le sont actuellement.

Je voudrais, M. Castonguay, bien sûr souligner votre grande contribution à notre société, et le fait que vous vous présentiez aujourd'hui, plus de 35 ans après avoir bâti un des programmes collectifs les plus importants au Québec, pour témoigner sur sa pérennité, à mon avis, est un geste d'une grande générosité. Vous auriez fort bien pu couler des heures tranquilles. D'ailleurs, votre ouvrage récent, Mémoires d'un révolutionnaire tranquille? d'ailleurs intéressant, là, à ce sujet, j'invite les auditeurs à le consulter ? vous... aurait pu vous amener dans ce rôle-là. Le fait que vous vouliez intervenir dans un débat semblable, je pense, doit être apprécié par l'ensemble des Québécois.

Vous apportez aujourd'hui une suggestion qui doit certes faire l'objet de discussions et d'analyses sur le plan des concepts, et vous avez bien illustré les concepts. Et je pense que, dans un propos semblable, il faut éviter les attitudes de dogmatisme et de fermeture d'esprit. Au moins, qu'on a le droit de faire des débats et de discuter de certaines choses au Québec, je pense que c'est bon signe, c'est un signe de vitalité de notre société. Et, si on prend la proposition que vous faites, ce qui m'a attiré mon attention... Et c'est vrai, que le Canada est un des seuls pays au monde où il n'y a pas de formule comme celle que vous suggérez. Il y a peut-être des raisons pour ça, on va en discuter lorsqu'on va parler des concepts. Et les pays où c'est appliqué incluent des pays qui ne sont pas socialement moins avancés que le Canada ou le Québec et qui même, souvent, ont été gouvernés par des gouvernements classés comme étant de gauche, notamment dans les pays scandinaves. Bon.

Il est certain que le débat sur le financement du système doit débuter. D'ailleurs, on a pris l'opportunité de cette consultation pour le commencer. Cependant, il n'y a pas d'échéance à court terme pour le terminer et le compléter, je voudrais bien expliquer ça de façon claire. Toute l'énergie actuellement du gouvernement est tournée vers les conversations avec les ordres de gouvernement de notre fédération pour essayer d'améliorer ce qu'on appelle le déséquilibre fiscal ou les arrangements fiscaux entre les ordres de gouvernement, et je crois là-dessus qu'il y a une piste de solution à court terme. Mais vous posez la question du moyen et du long terme, et je pense que c'est ça qu'il faut avoir comme conversation aujourd'hui.

Le constat que vous faites est partagé par de nombreuses personnes, et vous n'êtes pas les premiers aujourd'hui à faire ce constat de l'impasse financière qui guette notre système de santé si on ignore le problème mathématique et inéluctable du financement, que vous avez bien illustré dans votre mémoire. Comme je l'indiquais tantôt, la question des arrangements fiscaux, dans notre fédération canadienne, est une partie de solution, mais c'est une grave erreur de penser que c'est la solution. C'est une solution qui peut apporter un peu d'oxygène et un peu de survie au système de santé, mais ça n'empêche pas l'aspect inéluctable de l'impasse financière dans quelques années. Et donc on est là pour parler du long terme.

Cependant, on a pu démontrer, au cours des dernières années, qu'il y a des éléments d'amélioration qui sont possibles dans l'état actuel du système de santé. D'ailleurs, l'exemple que vous citiez, madame, sur ce qui a été publié dans La Presse sur les urgences est une preuve de ça. Il y a dans ce portrait, si on le regarde de façon très attentive, des endroits où il y a eu des améliorations très significatives. Donc, les recettes sont connues, les ressources sont disponibles, et il s'agit de les appliquer, et, quand on les applique, ça marche.

Parlons maintenant spécifiquement du mode de financement ou de la solution à long terme qu'on doit apporter. Il est clair que toute solution passe par un financement qui provient des poches des citoyens ou du contribuable ? et/ou. Alors, quelles sont les options? D'abord, la fiscalité générale, je suis d'accord avec vous que ce n'est pas une option. Outre la perception d'une augmentation du fardeau fiscal, il y a également le fait à mon avis, pour un actuaire comme vous et un économiste, qui doit être évident: c'est que, si on harnache la croissance des dépenses en santé à la fiscalité, on va reproduire tout simplement, transférer l'impasse du côté de la fiscalité, et on va y arriver de toute façon.

Les contributions fiscales ciblées sous forme de caisse santé ou de perte d'autonomie, vous en avez très bien discuté dans votre présentation. L'assurance privée, mixte ou pas, également, vous l'avez touchée. Mais vous apportez une contribution aujourd'hui originale avec cette proposition de ce qu'on appelle le ticket modérateur ou le copaiement réservé à l'utilisateur. Je voudrais donc entreprendre avec vous une conversation sur les concepts qui sous-tendent cette proposition-là.

D'abord, je ne crois pas qu'on puisse démontrer qu'il y a un abus de consommation. Vous dites qu'il y a peut-être une partie d'offre superflue, peut-être pourriez-vous nous indiquer comment vous faites cette évaluation, comment est-ce qu'on montre... Moi, dans mon travail, le vôtre que vous faisiez également ici, à ma place, on a plus contact, là, jour après jour, avec des gens qui ne trouvent pas les services plutôt que ceux qui les consomment de façon exagérée. Peut-être pourriez-vous nous aider à clarifier cette question de la surconsommation possible ou non des soins de santé.

Bien sûr, l'État est le gardien de l'équité sociale, et on aura l'occasion, à la fin de la discussion, de revenir sur cette question d'équité sociale à même l'application éventuelle de ce que vous proposez. Mais parlons d'abord de la mécanique de finances publiques. Et, s'il y a quelqu'un qui connaît bien la mécanique des finances publiques, M. Castonguay, c'est bien vous, et madame également. Vous connaissez le caractère fondamental des dépenses en santé, il s'agit de dépenses qui sont récurrentes et additives. Alors, pour nos concitoyens qui écoutent, je vais essayer d'expliquer de façon la plus claire possible.

Prenons l'hypothèse que nous produisons cette année, avec ce que vous proposez, 700 ou 800 millions de dollars que nous attribuons à l'enveloppe du système de santé. Ce 700 ou 800 millions de dollars est inclus à la base, doit donc être reproduit l'année suivante, plus une partie de l'indexation qui vise à couvrir les augmentations de coûts inévitables de 5 % à 6 % par année. Donc, on est dans une mécanique où non seulement le ticket modérateur doit être fixé à un endroit qui est productif, mais doit s'accompagner d'une augmentation constante par la simple nature justement du caractère récurrent et additif.

Alors, comment vous envisagez ce lien entre le caractère additif, l'accumulation ? c'est comme la boule de neige qui grossit en descendant la pente ? de ces dépenses-là, et ce que vous proposez? Parce qu'il ne faut pas non plus laisser croire aux gens que, si on appliquait ça... Exemple, je prends uniquement l'exemple que vous donnez, 25 $: c'est impossible de le laisser à 25 $, par la nature même de la croissance des dépenses, il faut que ça augmente de façon constante.

M. Castonguay (Claude): D'abord, je voudrais juste faire un commentaire, là, en réaction à votre commentaire plus général. C'est clair qu'en apportant cette proposition notre but est d'alimenter le débat. On ne croit pas qu'une telle mesure peut être introduite, là, subitement. On a vu assez bien, là, dans les derniers mois, les dernières années, que des changements de cette ampleur-là doivent être discutés, mûris, et que la population doit être assez consciente du bien-fondé d'un changement de cette nature-là avant qu'il devienne possible pour le législateur de l'introduire. On a fait une proposition qui est simple pour qu'on puisse discuter du principe en premier lieu, pas tellement des modalités. Et c'est clair que, si l'idée fait son chemin et qu'on en arrive un jour à vouloir l'implanter, il y a un travail assez important à faire au plan des modalités.

Pour revenir au point que vous mentionnez, celui que les dépenses de santé augmentent, et, si le frais modérateur demeure fixe, bien, il perd de son importance relative. Je pense qu'on a vu dans le cas, par exemple, de l'assurance médicaments comment il aurait été important d'indexer dès le départ les paramètres du régime d'assurance médicaments. Parce que ce régime-là assez rapidement a perdu... en fait, le rapport entre la dépense totale et la contribution qui est appelée à porter les assurés, le lien s'est brisé et il a fallu, à un moment donné, donner un coup de barre assez drastique.

Alors, ce qui arrive... ce qui pourrait être fait, c'est qu'au lieu que ce soit un frais fixe en dollars, comme dans bien des pays, ça pourrait être un pourcentage, ou encore on pourrait déterminer une formule d'indexation comme on en retrouve, par exemple, dans le régime de rentes, qui chaque année indexe les prestations de telle sorte qu'elles ne perdent pas leur valeur par rapport à l'augmentation des prix ou à l'indice des prix à la consommation. Alors, il y a des formules, et c'est clair qu'il faudrait tenir compte de ce point-là.

n (11 heures) n

Maintenant, vous avez signalé, vous avez soulevé une autre question: Est-ce que vous avez une appréciation quant à l'ampleur des abus que l'on peut trouver? D'abord, on mentionne dans notre mémoire que de tels frais modérateurs ne s'appliqueraient pas aux soins hospitaliers. Ce sont les soins d'abord qui coûtent le plus cher pour le patient, et généralement le patient n'a pas un mot à dire lorsque la nécessité d'une intervention, d'une hospitalisation, d'une intervention en milieu hospitalier se présente. Alors, c'est pour ça qu'on a exclu les frais modérateurs des soins hospitaliers.

Au niveau des soins primaires, des soins courants, ce que je peux dire, moi, c'est que, lorsque le régime d'assurance médicaments a été introduit, on a pensé que ça pourrait avoir un effet négatif sur la consommation de médicaments au Québec. Et les études et les données aujourd'hui, après 10 ans, démontrent que les effets négatifs, il n'y en a pas eu qui se sont produits. Est-ce que ça restreint une certaine demande excédentaire dans le cas de la consommation de médicaments? Je ne le crois pas. Je crois même qu'on constate qu'il y a une surconsommation des médicaments.

Alors, en matière de soins médicaux, je pense qu'il y a une marge. Je vais laisser Joanne ajouter, là, à cette question-là, elle a été étudiée. Mais, est-ce qu'il est possible de la quantifier? Je lui pose la question à mon tour.

Mme Castonguay (Joanne): Bien, en fait, pour le moment, on n'a pas essayé de la quantifier. Il n'y a pas eu de travaux de recherche au Canada qui ont été faits sur cette question-là. Par contre, ce que je peux dire, c'est qu'il y a eu des travaux de recherche qui ont été faits aux États-Unis pour voir quel était l'impact sur la demande marginale d'une augmentation des contributions des usagers. Est-ce que ça avait un impact sur la demande nécessaire? Est-ce que ça avait un impact sur la demande qui était superflue? On a trouvé qu'effectivement l'impact marginal sur la demande superflue était significatif de même que sur la demande qui était nécessaire. Toutefois, on a trouvé que ça n'a eu aucun impact sur l'état de santé des individus. Ça, c'est d'une part.

D'autre part, il y a moyen aussi d'utiliser les contributions des usagers pour diminuer des effets pervers d'autres éléments dans notre système. Je donne un exemple. C'est-à-dire qu'on sait tous aujourd'hui qu'il y a trop de personnes qui se présentent aux hôpitaux, à l'urgence des hôpitaux et qui devraient plutôt se... pour obtenir des soins, là, qu'ils auraient pu obtenir autrement dans les cliniques médicales, ou dans les CLSC, ou dans les GMF. Bref, si la contribution des usagers était plus élevée lorsque les patients se présentent à l'hôpital et qu'ils auraient dû être ailleurs, bien, à ce moment-là, ça les encouragerait justement à se présenter où ces soins-là devraient être obtenus finalement à un coût qui est moindre pour le... C'est le genre d'exemple, quand on dit: Il y a une demande qui est superflue, il y a une demande qui est nécessaire, mais il y a une demande qui pourrait être déplacée.

Enfin, je pense qu'on est tous... on entend tous des anecdotes tous les jours de gens qui nous disent qu'il y a de la consommation, soit... Bon, je vais vous donner un autre exemple: si ce n'est qu'à cause de l'absence du dossier médical électronique on est obligé de répéter les diagnostics maintes et maintes fois parce qu'ils ne sont pas disponibles puis que les médecins ne les ont pas. C'est un autre exemple d'abus d'utilisation du système.

Bref, la contribution des usagers serait un moyen de conscientiser non seulement l'usager, mais l'ensemble de la population sur le fait que, quand on consomme des services de santé, il y a un coût qui est associé à ça. Et, pour le moment, les gens ne sont pas conscientisés à ça. Les gens pensent que leur consommation des soins de santé n'a aucun impact sur la consommation des autres ou sur le fait que les autres vont pouvoir obtenir des services ou non.

M. Couillard: Je dirais qu'on a chez nous un système de santé qui coûte cher mais qui comporte parfois l'illusion de la gratuité, alors qu'il est loin d'être gratuit. Il y a un élément de concept également... Puis notre président veut vous adresser la parole également, de sorte qu'on va essayer de réduire nos échanges peut-être pour six, sept minutes si on peut.

Le Président (M. Copeman): Je vais vous aider, M. le ministre.

M. Couillard: Oui, ça, je sens ça. Je sens qu'il va m'aider. Le concept est le suivant, c'est qu'un des déterminants de santé les plus forts: c'est le niveau socioéconomique de la personne. Donc, pour raccourcir, plus on est pauvre, plus on est malade, ou plus on est malade, plus il y a de chance qu'on soit pauvre. Alors, si on lie la contribution à la consommation du système de santé, est-ce qu'on ne transfère pas de facto une partie du financement de la santé sur les couches les plus défavorisées de la société?

Mme Castonguay (Joanne): Tout d'abord, je dirais que d'une part on peut moduler, là. C'est-à-dire que ce n'est pas vrai qu'imputer ou décider d'avoir une contribution individuelle ça doit être fait de la même façon pour tous, qu'il ne peut pas y avoir une limitation. Même chose, il peut y avoir des exemptions pour les gens qui sont les plus démunis. Donc, essentiellement, ce qu'on dit, c'est que c'est le principe qu'on voudrait avoir l'opportunité d'analyser et qu'on n'a pas eu l'opportunité d'analyser les modalités.

D'autre part, c'est vrai que les personnes les moins bien nanties sont les personnes qui vont être souvent les plus vulnérables et qui ont un état de santé, là, qui est souvent moindre, moins bien, là, que l'état de santé des mieux nantis, mais c'est aussi les personnes qui ont plus de temps à octroyer pour aller dans les urgences. Donc, il y a un coût marginal, là, qui est associé, qui est moindre pour ces personnes-là à aller attendre dans les urgences, etc. Donc, bref, il faudrait analyser, là, l'impact de l'ensemble du système sur les différentes populations.

M. Couillard: Un dernier élément, puis je vais finir là-dessus, M. le Président, c'est la question qui fait... qui produit la réalité que notre débat d'aujourd'hui est un peu théorique, parce que la Loi canadienne sur la santé, comme vous le savez, existe.

Brièvement, pour nos concitoyens et concitoyennes qui sont à l'écoute, il y a cinq principes et deux interdictions dans la Loi canadienne sur la santé. La Loi canadienne sur la santé ne régit pas le système de santé du Québec mais cependant régit des transferts financiers entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec. Alors, les cinq principes sont: l'accessibilité, l'universalité, l'intégrabilité, la transférabilité et la gestion publique ? non pas la prestation publique, mais la gestion publique ? du système de santé. Et là on arrive aux deux interdictions formelles qui sont: la surfacturation ? on vous en avait parlé tantôt, lorsque vous rappeliez les premières années du régime ? et deuxièmement le ticket modérateur.

Donc, en pratique, si, aujourd'hui, un gouvernement d'un État fédéré canadien instituait un ticket modérateur, le montant généré par le ticket serait retiré des transferts fédéraux, donc le gain serait nul.

Je repose la question un peu au politicien que vous avez été, M. Castonguay: Quelle est, dans votre avis, la perception que vous avez de l'espace politique canadien, pour les prochaines années, et les ouvertures possibles à revisiter ces principes et ces interdictions? Est-ce que vous pensez que c'est productif pour des gouvernements de s'engager là-dedans, ou de toute façon on fait face à une situation qui est figée pour encore plusieurs années?

M. Castonguay (Claude): À mon avis, la Loi canadienne sur la santé, qui date, là, d'un bon nombre d'années et qui a été modifiée en 1981-1982, lorsque Monique Bégin était ministre de la Santé, pour la rendre encore plus stricte et lui donner un caractère punitif ? ce qui, à mon avis, était contre-indiqué parce que les provinces après tout ont des gouvernements responsables et ont voulu gérer leurs régimes de façon responsable ? cette loi-là a eu pour effet de freiner, surtout dans la façon qu'elle était appliquée et dans l'esprit dans lequel elle a été appliquée, de freiner l'évolution de notre système. Et je pense que la pression monte de plus en plus pour une réévaluation de cette loi-là. Le gouvernement de la Colombie-Britannique l'a indiqué encore récemment, le gouvernement de l'Alberta le demande, et je pense, moi, que c'est un mouvement qui va aller en s'accentuant.

Encore là, à Ottawa, nous avons un gouvernement minoritaire. Je pense bien que la question est assez délicate politiquement. Je ne crois pas que cette loi-là va être réouverte, là, au cours des prochaines semaines, des prochains mois, mais je pense qu'avec le temps on va voir le jour où un examen sérieux de cette loi-là va s'imposer et va être accepté comme étant une nécessité et que c'est une réalité qui va se produire plus tôt que plus tard.

Le Président (M. Copeman): C'était, en effet, un des points que je voulais aborder avec vous, M. et Mme Castonguay, l'effet pas mal hypothétique de cette source de financement additionnelle de 785 millions, dans le sens que, on le sait bien, les contributions individuelles sont défendues selon la Loi canadienne sur la santé, et on peut prévoir que le gouvernement fédéral retrancherait dollar pour dollar toute somme qui serait imposée.

Deuxièmement, dans le 785 millions dont vous faites référence, j'imagine que vous avez appliqué à tous les consommateurs de services de première ligne, tandis que je pense que tout le monde est d'accord que, s'il faut aller de l'avant, il faudrait protéger les plus démunis, les gens qui n'ont pas les moyens. Alors, je pense que cette somme-là est potentiellement même surestimée, si jamais un gouvernement allait de l'avant avec un système de ticket modérateur afin de protéger les gens les plus pauvres qui sont largement des consommateurs des services de santé, n'est-ce pas?

n (11 h 10) n

M. Castonguay (Claude): Bien, on a voulu donner des ordres de grandeur. En fait, le but, dans la présentation de notre mémoire, était, comme je l'ai dit tantôt, là, de provoquer le débat sur cette question-là et non pas d'arriver avec des modalités précises, les montants précis, et c'est uniquement des ordres de grandeur qu'on a voulu donner. Je pense que, si on avait parlé de 100 millions comme contribution possible, bien on aurait dit: Ça ne vaut pas la peine d'en parler. Si, par contre, on était arrivés avec des chiffres exorbitants, bien on aurait dit: On impose des frais modérateurs qui sont trop élevés, et la population n'accepterait pas de payer de tels frais. Alors, on a essayé de donner deux ordres de grandeur qui nous apparaissaient raisonnablement réalistes, c'est tout, pas plus.

Le Président (M. Copeman): Mme Castonguay.

Mme Castonguay (Joanne): J'ajouterais à cet élément que le ticket modérateur de 25 $ ajouterait des fonds, c'est vrai, mais, puisque la demande est illimitée, c'est l'offre, qui est limitée, les personnes qui décideraient de ne pas consommer ou qui seraient exemptées seraient remplacées par d'autres personnes. Donc, c'est vrai que c'est un chiffre qui est surestimé, mais l'objectif, comme l'a dit M. Castonguay, c'était de donner un ordre de grandeur, d'une part.

En ce qui concerne la Loi canadienne, c'est vrai, on n'a pas l'opportunité, à l'heure actuelle, de décider parce qu'on est contraints par la Loi canadienne. Sauf que, si on commence à figurer au nombre des provinces qui supportent ou qui examinent cette opportunité-là, on influence le débat au niveau canadien.

Le Président (M. Copeman): Peut-être une dernière question. Vous dites, dans votre mémoire, à la page 28: «La littérature démontre que les frais d'utilisation réduisent en effet la demande de soins, tant en ce qui concerne la demande "nécessaire" que la demande "superflue". Une telle pratique soulève donc d'épineuses questions.» Un peu plus tard, vous indiquez par contre que, selon une étude de Lévy-Garboua, Montmarquette et Villeval, il n'y a pas d'incidence sur la santé publique ou très peu d'incidences de type... pour le ticket modérateur. J'ai cru comprendre que les auteurs sont également associés à CIRANO, de cette étude. Est-ce qu'il y en a d'autres, études, qui vont dans ce sens-là, qui indiquent qu'il n'y a pas d'effet majeur sur la santé publique suite à l'imposition d'un ticket modérateur?

M. Castonguay (Claude): Écoutez, tous les pays de l'OCDE ont des frais modérateurs, et je pense bien qu'il n'y en a pas un qui tolérerait le maintien des frais modérateurs, qui sont beaucoup plus élevés que ce qu'on propose, s'il y avait vraiment un effet négatif sur l'état de santé de la population. Alors, ça, je pense que c'est une donnée, là, qui est fort importante.

Maintenant, si on va au niveau des études, il y a celles, là, qui ont été mentionnées, mais peut-être que justement, comme on ne s'engage pas, là, dans la voie de l'imposition des frais modérateurs demain matin, c'est peut-être une question qui mériterait d'être documentée davantage. Évidemment, nous, avec les moyens limités que nous avions, on a fait un certain recensement de ce qui existait, mais je pense bien que ce serait important de voir un peu plus loin cette question-là et essayer d'apporter des données un petit peu plus complètes et un peu plus précises.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer M. et Mme Castonguay, et en particulier saluer l'éminent citoyen qui a contribué à l'avancement du Québec d'une façon remarquable, et lui dire que je suis assez admiratif de voir le père et la fille côte à côte. Il y a beaucoup de pères qui, aujourd'hui, vous écoutant, seraient envieux et espéreraient qu'un jour ils puissent faire une prestation publique avec leur fils ou leur fille. Alors, à cet égard, comme père de famille, je vous envie. Et je ne sais pas si j'aurai un jour cette chance-là. Il faut dire que, si ça ne se présente pas, ce n'est pas nécessairement parce que nos enfants sont moins bons que votre fille, mais peut-être que leur parcours est différent, mais... néanmoins, il y a quelque chose d'assez intéressant et exemplaire.

Bon. Ceci étant dit...

Le Président (M. Copeman): Peut-être que les pères sont moins bons.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Bien, ça, M. le Président, je peux bien comparer ma paternité avec la vôtre, si vous voulez, mais... Ceci étant, on a dit que ça prend un débat, mais, un débat, c'est une confrontation d'idées puis de propositions et, moi, je voudrais confronter votre proposition ou votre thèse avec une autre thèse.

Je citais tantôt au porte-parole de la Fédération des entreprises indépendantes l'avis sur le financement prévu et les services médicaux et hospitaliers du Conseil de la santé et du bien-être, qui a été déposé au gouvernement du Québec le 23 décembre 2002, et à la page 19 de cet avis-là il y a un chapitre qui s'intitule Le «ticket modérateur» et les coûts reliés au financement privé des services médicaux et hospitaliers: le mythe et la réalité. Et je veux juste lire quelques passages parce que je pense que c'est important, ça campe bien finalement les deux thèses.

«Argument en faveur du financement privé. Le "ticket modérateur" est crédité de nombreuses vertus, notamment celle de décourager l'usage intempestif des urgences [dans] les problèmes mineurs. Exiger un paiement, même très partiel, pour les services médicaux et hospitaliers aurait la vertu d'amener les utilisateurs potentiels à une utilisation rationnelle de ces services ? c'est ce que vous disiez tantôt. Ainsi, la quantité des services dispensés diminuerait, faisant chuter en conséquence les coûts qui y sont associés. De plus, le financement privé permettrait d'en avoir plus pour [notre] argent.»

«Cet argument est-il fondé?», se posait la question... se demandait le conseil. Et «deux constats s'imposent», et le premier, c'est le suivant: «L'imposition du ticket modérateur engendre des effets indésirables... Tout d'abord, quelle est la réalité des abus invoqués? Sont-ils vraiment attribuables aux utilisateurs? Et le paiement direct [des] frais modérateurs a-t-il réellement pour effet de réduire ces abus?

«Il est très difficile de démontrer l'utilisation abusive des services médicaux et hospitaliers. En supposant qu'elle se vérifie. Il est aussi difficile d'identifier les fautifs.

«Plutôt que de parler d'abus, précisons que d'importantes variations dans la pratique de certaines procédures chirurgicales ont été observées au Québec, au Canada et aux États-Unis sans [qu'on] puisse toujours les associer à l'état de santé des populations. Les pratiques médicales et chirurgicales varient selon les habitudes, la formation et le jugement des praticiens.

«Dans notre système qui repose largement sur un accès direct, en première ligne, aux omnipraticiens, seule la visite spontanée chez ces derniers pourrait être marquée par des abus d'utilisation. Les abus s'appliqueraient alors à une portion très réduite des coûts totaux des services médicaux et hospitaliers.

«De plus, l'effet dissuasif du "ticket modérateur" semble s'appliquer tout autant aux visites dites intempestives qu'aux visites justifiées. Autrement dit, la perspective de payer 5 $ ou 10 $ pour une consultation peut décourager un patient, et ce, même si la visite s'impose objectivement. En termes strictement utilitaires, l'effet pervers est ici de reporter, pour cause de "dissuasion monétaire", des visites nécessaires à un stade ultérieur de la maladie lorsque cette dernière se sera aggravée et que les traitements coûteront plus cher.

«Cet exemple infirme l'hypothèse selon laquelle l'imposition de contraintes financières aux utilisateurs entraînerait automatiquement une utilisation plus rationnelle des services médicaux et hospitaliers. Plusieurs études sur ce sujet ont démontré que le paiement direct réduisait l'utilisation des services médicaux, qu'elle soit nécessaire ou non.»

Et un des auteurs de cet avis-là, qui est aussi un des membres du groupe de recherche interdisciplinaire en santé de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, publiait, avec ses collègues, en décembre dernier, donc trois ans après cet avis, un texte dans Le Devoir, où on reprenait tous les éléments de la rhétorique qui est présentée, puis on disait: «La présence de "tickets" modérateurs[, par exemple,] en France constitue une entrave à l'accessibilité et à l'équité sans pour autant permettre de résoudre les tensions du système.» Bon, vous disiez que le système français n'est pas nécessairement le meilleur. Mais, dans les faits, est-ce que vous ne reconnaissez pas qu'il peut y avoir des effets pervers à l'imposition d'un ticket modérateur et qu'en bout de piste le ticket modérateur n'est qu'une façon différente d'aller puiser dans la poche des citoyens?

Je l'ai dit tantôt au groupe précédent, le ministre a repris l'argument, puis je le reprends à nouveau. Tu sais, on est 7,5 millions de Québécois, utilisateurs potentiels du système de santé, puis c'est bien rare ceux qui, un jour ou l'autre dans leur vie, ne l'utiliseront pas ? les chanceux peut-être, mais il n'y en a pas beaucoup. Sauf qu'on contribue par différents moyens à ce système-là, et, que ce soit le ticket modérateur, ou une augmentation de la fiscalité, ou une fiscalité ciblée, ou encore un dédoublement des assurances par l'assurance privée qui nous amènerait à payer en double ce qu'on paie déjà au niveau de l'assurance publique, en bout de piste, là, ça vient de nos poches. Mais est-ce que, le fait d'utiliser un ticket modérateur, vous ne reconnaissez pas qu'il peut y avoir aussi des effets pervers dont il faut tenir compte?

n(11 h 20)n

M. Castonguay (Claude): Bon, j'aimerais faire deux, trois commentaires. D'abord, je connais très bien, là, les gens qui ont rédigé, là, ce que vous nous avez lu, et il y a une question d'idéologie, là. Dans le cas de M. Contandriopoulos, qui est le directeur, là, de ce centre-là, c'est clair que, pour lui, la gratuité, c'est un principe absolu. Sauf qu'on est dans la réalité, et il y a un problème de financement.

Alors, nous autres, on a abordé et on aborde la question des frais modérateurs non pas du point de vue: Est-ce que c'est bon? Est-ce que ça peut avoir un petit effet pervers sur la demande? Est-ce qu'on connaît très bien toute l'ampleur... la réalité, là, de cet effet ou de ces effets pervers, oui ou non? On dit qu'à notre avis c'est la source de financement qui présente le plus d'avantages et le moins de désavantages. Parce que, si on ne prend pas cette voie-là, ça va être la voie de la fiscalité encore une fois, et on sait que, rendu à 43 % des budgets de l'État qui vont à la santé, si on ne fait rien, les budgets de la santé continuent et vont continuer de gruger sur les autres missions essentielles du gouvernement, que ce soit l'éducation, l'environnement, etc.

Alors, s'il y avait une autre solution devant nous qui apparaissait plus réaliste, plus... qui comporte plus d'avantages, je dirais: Très bien, examinons vite cette autre proposition. Mais je n'en vois pas et je ne pense pas que M. Contandriopoulos et son équipe en apportent non plus.

Mme Castonguay (Joanne): Je pense que... je pense que déjà tu as dit le point, mais essentiellement je mettrais le point sur le fait, là, qu'on est dans une impasse au point de vue des finances publiques et que, si on continue à augmenter les impôts, on diminue notre capacité à créer de la richesse. Or, si on diminue notre capacité de créer la richesse en attirant des investissements, en attirant des cerveaux et en retenant surtout nos cerveaux, à ce moment-là, notre capacité d'augmenter notre PIB ou même de le maintenir est réduite, et ce qui fait qu'on va avoir de moins en moins le potentiel de redistribuer.

Maintenant, si on regarde l'évolution démographique, cette croissance de l'économie ou de notre richesse va être lourdement affectée, dans les années à venir, justement parce que notre population va commencer à décroître, donc notre capacité à la redistribuer va diminuer. Donc, si on a d'autres effets pervers sur l'économie dans son ensemble ? en augmentant la fiscalité, par exemple ? on va être obligé de réduire le financement.

Maintenant, il y a un des éléments que vous avez apportés dans la première citation que vous avez faite, qui disait que, si on impose des frais... un ticket modérateur, que, ce que ça va faire, ça va faire chuter les coûts. Ça ne peut pas faire chuter les coûts. Ça va permettre à d'autres personnes de se faire soigner. Je veux dire, les coûts ne peuvent pas chuter. Les coûts sont déterminés par le budget gouvernemental. La demande, elle est infinie. S'il y a quelqu'un qui ne se fait pas soigner, il y en a un autre qui va se faire soigner.

M. Charbonneau: Écoutez, moi, je voudrais juste vous dire, M. Castonguay, avec tout le respect, je ne crois pas qu'à, disons, la réplique de dire qu'ils sont des idéologues, eux autres, puis qu'ils sont... et que, nous, on ne l'est pas, fait avancer votre thèse très bien, là. Je ne suis pas sûr que c'est le meilleur de vos arguments que j'ai entendus. Je pense qu'à la limite, moi, je préférerais que vous répondiez sur le fond de l'argumentation puis pas parce que les gens de l'Université de Montréal seraient des idéologues puis pas vous, là.

M. Castonguay (Claude): Bon, écoutez, je vous donne raison, là, c'était peut-être un peu exagéré de ma part. Sauf que j'ai déjà entendu des arguments de M. Contandriopoulos qui m'ont fait réagir assez négativement. Mais c'était peut-être un petit peu une accumulation, là, qui m'a fait dire ces choses-là.

M. Charbonneau: Incidemment, dans ce cas-là, c'est vrai qu'il a signé le texte, mais celui qui a signé l'avis du conseil, c'est son collègue François Béland, qui était membre du Conseil de la santé et du bien-être.

Mais, au-delà de ça, dans le fond, toute la thèse que vous développez tourne autour du fait qu'il y a une trop grande consommation puis il y a une irresponsabilité des citoyens. Parce que dans le fond, les citoyens, si on les imposait... Si dans le fond on avait une taxe à la consommation. Parce que c'est ça, un ticket modérateur, tu sais? On va consommer un service de santé, alors on impose dès le départ une taxe, et puis on ne veut pas l'appeler comme ça, on appelle ça un «ticket modérateur», «contribution du citoyen», puis on dit: Bon, bien, cette taxe-là, elle serait modulée; si on est plus pauvre, on ne la paierait pas, et ça va faire en sorte que tout à coup les gens vont se responsabiliser, puis là ils vont peut-être consommer moins. Ce n'est pas démontré, ça.

M. Castonguay (Claude): Non. Vous nous faites dire, là, des choses qu'on n'a pas dites. On n'a pas dit du tout que la proposition que nous faisons, c'est à cause en premier lieu qu'il y a des abus dans le système. C'est une proposition qui s'adresse au problème de l'impasse financière dans laquelle nous sommes et qui va aller en s'aggravant. Et on essaie d'examiner quels effets cette proposition-là pourrait avoir, et on croit que, tout compte fait, c'est une proposition qui, au point de vue de l'état de santé de la population, n'aurait pas d'effet négatif.

Est-ce qu'elle pourrait avoir quelques petits effets? Ça, c'est une des choses qu'il faudrait peut-être examiner un peu plus en profondeur. Mais, dans l'ensemble, il reste que tous les pays qui l'appliquent, dans les pays de l'OCDE, des pays qui ont une tradition sociale-démocrate plus vieille que la nôtre, même, n'ont pas trouvé que ça avait des effets négatifs; au contraire, ça fait des années qu'ils ont des frais modérateurs, et ils continuent de les utiliser.

M. Charbonneau: Est-ce que ce n'est pas dans le fond, le ticket modérateur... J'utilise l'expression, puis je fais exprès, là, parce que je pense que c'est ça, en bout de piste, là. À partir du moment où c'est l'État qui l'impose, là, le ticket modérateur, c'est une taxe à la consommation. Je veux dire, qu'on utilise... ou qu'on ne veuille pas utiliser le mot parce que ça passerait mieux dans le fond, c'est quoi, la différence entre une taxe à la consommation ou une fiscalité qui, elle aussi, est progressive, qui serait adaptée aux besoins du système de santé?

En bout de piste, on va-tu dire une fois pour toutes aux Québécois: Écoutez, ça coûte plus cher pour payer le système de santé dorénavant, dans l'avenir aussi, puis, de deux choses l'une: vous ne payez pas assez de taxes et d'impôt ou vous ne payez pas assez à l'État, on va faire en sorte que, d'une façon ou d'une autre, vous en payiez plus; ou bien vous en payez assez, puis là on va essayer de récupérer ce que vous payez assez puis le ramener dans le système de santé?

Parce qu'encore une fois, là, on a toujours l'impression, quand on fait ce débat-là ici, à l'Assemblée nationale, qu'on est déjà un pays, puis que dans le fond on paie à une place, et que dans le fond les Québécois paient dans un trésor public qui est celui de l'État québécois. Mais, tu sais, on en paie à deux places, vous le savez très bien. Quand vous avez instauré... vous avez été un des fondateurs de notre système public, le fédéral payait 50 % ou presque de contribution. Aujourd'hui, il ne paie pas ça.

Tantôt, le porte-parole de la Fédération des entreprises indépendantes disait: Bien, il faudrait faire en sorte que le fédéral baisse ses surplus pour... Mais, en bout de piste, s'il baisse ses surplus, en diminuant par exemple la TPS, puis qu'on ne le récupère pas, en bout de piste, ce qu'on va faire, c'est qu'on va le récupérer autrement, on va taxer les gens par un ticket modérateur qu'on ne voudra pas appeler «taxe à la consommation des soins de santé», mais ça va en être un pareil... ça va en être une pareille, taxe, voyons donc.

M. Castonguay (Claude): C'est clair que ce sont les citoyens qui paient, par une façon ou par une autre, les soins de santé. Ça, c'est très clair. Maintenant, on dit que le canal de la fiscalité, il a été surutilisé, nos impôts sont très élevés, ont même des effets négatifs, quand on parle des effets des impôts sur les sociétés, sur les investissements privés, et ce que nous disons, c'est que c'est clair qu'il n'y a pas de miracle dans ça, c'est qu'on devrait utiliser un autre canal que la fiscalité pour faire en sorte qu'il y ait une source de financement additionnelle à la santé.

Maintenant, les frais de santé, ils augmentent, ils augmentent plus rapidement, pour des facteurs, des causes qui sont hors du contrôle. Le vieillissement de la population, les progrès scientifiques et techniques, ce sont des choses que personne ne veut freiner, du côté des progrès scientifiques, et le vieillissement, bien, c'est une réalité avec laquelle nous devons composer. Et on sait que, d'ici quelques années, la main-d'oeuvre qui va être appelée à supporter les personnes à la retraite va être beaucoup moins grande qu'elle ne l'est aujourd'hui. On s'en va vers une impasse. Il s'agit de trouver des modalités qui apparaissent les plus acceptables, et c'est tout ce que nous proposons.

M. Charbonneau: Est-ce que...

Le Président (M. Copeman): Mme Castonguay aimerait ajouter. Allez-y.

M. Charbonneau: Oui, allez-y, madame.

Mme Castonguay (Joanne): Oui. J'aimerais ajouter deux éléments, c'est-à-dire qu'effectivement, là, l'argent va sortir des poches des contribuables d'une façon ou d'une autre. Par contre, augmenter les impôts, c'est un élément qui a un impact sur l'équité intergénérationnelle, qui est déjà fortement affectée par l'endettement qui est très élevé. Donc, d'un point de vue, là, générations, ce n'est pas une excellente option non plus.

En outre, j'aimerais ça ajouter, M. Borduas, sur les...

M. Charbonneau: Je n'ai pas encore donné mon nom à un comté, Mme Castonguay. C'est Charbonneau.

Mme Castonguay (Joanne): Ah! Excusez-moi.

n(11 h 30)n

M. Charbonneau: Puis, Borduas, il est pas mal plus célèbre que moi, en tout cas!

Mme Castonguay (Joanne): Excusez-moi. M. Charbonneau. Donc, en fait, les travaux de recherche que vous avez cités, il y a un élément additionnel qui n'a pas été ajouté à ce que vous avez dit ou ce que vous avez lu, c'est-à-dire que, sur l'état de santé... les travaux de recherche ont démontré également qu'il n'y avait pas eu d'impact sur l'état de santé des populations. Donc, c'est un élément qui est important parce qu'en bout de ligne c'est ce qu'on cherche à préserver.

M. Charbonneau: Bien, deux choses: d'abord ? parce que le président en a parlé tantôt ? moi, j'aimerais bien que, la littérature dont vous parlez dans votre mémoire, vous puissiez nous donner des références pour qu'on puisse éventuellement...

Mme Castonguay (Joanne): On vous les a données: il y a le RAND study, entre autres; celle de Lévy-Garboua a été publiée sur le site du CIRANO, là, récemment...

M. Charbonneau: ...études aux États-Unis. Est-ce qu'il y en a en Europe?

Mme Castonguay (Joanne): En fait, je dois vous... Bien, je pense qu'il y en a, mais je dois vous dire qu'on n'a pas fait une analyse exhaustive, parce qu'effectivement ce qu'on analysé, c'était d'un point de vue, là, des enjeux puis des limitations qu'on avait, quelles étaient les options qu'on devrait examiner davantage, qui auraient le moins d'impact sur les limitations puis les enjeux auxquels on faisait face.

M. Charbonneau: Dernière chose, parce que le temps malheureusement est restreint: Est-ce que vous êtes consciente qu'avec le vieillissement de la population puis la problématique des maladies chroniques, donc, les gens qui sont plus âgés puis qui ont des problèmes de santé chroniques vont souvent voir leurs médecins de famille? Alors, ce que vous proposez, là, comme approche, c'est que finalement les gens qui vont devoir... ou qui vont régulièrement puis qui vont aller régulièrement voir leurs médecins, eux autres, ils vont payer pas mal plus souvent, hein?

Mme Castonguay (Joanne): On a parlé de modalités...

M. Charbonneau: Parce que, si c'est 25 $ à chaque fois, je vais vous dire...

M. Castonguay (Claude): Dans ce cas-là, il est très facile d'imposer un maximum de tant par année, et si, après trois visites, on dit: C'est fini, le maximum est atteint ? comme, dans l'assurance médicaments, il y a un plafond à ce que les personnes peuvent être appelées à payer dans une année ? alors c'est possible de régler ces problèmes-là assez facilement.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Lotbinière, pour un bref échange avec les Castonguay.

Mme Roy: Merci. Je veux à mon tour saluer votre implication, votre implication pour le Québec. Vous continuez à maintenir le cap et venir participer à nos débats. Je veux vous en remercier très sincèrement, en mon nom personnel et au nom de l'ADQ.

J'ai bien compris que... Je pense que le terme «ticket modérateur», c'est le mot qui fait peur parce que «modérateur», en fin de compte, ça ne modérera pas grand-chose: les personnes qui ont de l'argent, l'attente dans les urgences est déjà le modérateur en soi, puis, pour celles qui n'en ont pas et qui peuvent attendre, de toute façon, ils n'auront pas de ticket. Peut-être que l'ambiguïté vient du terme employé qui crée une image de: on va modérer la demande, alors que je pense que toutes les démonstrations, là, font état, là, que l'offre va rester la même, et la demande, ça ne changera rien, puis ça risque de ne pas avoir beaucoup d'impact sur la surconsommation, peut-être, mais en tout cas ce n'est pas documenté. On ne peut pas prendre une décision sur cette seule prémisse là, sur la seule prémisse qu'on va enrayer la surconsommation par un ticket modérateur. Je pense qu'il y a d'autres choses à... Ce que j'entends de vos paroles, c'est que c'est aussi pédagogique: quand on va aller chez le médecin, on va savoir qu'il y a un coût, parce qu'on a trop tendance à penser que ça ne coûte rien parce qu'on ne paie rien, là, quand on se présente.

Par contre, M. Castonguay, je vous ai entendu sur plusieurs autres tribunes, et vous remettiez encore plus de choses en cause dans notre système, et peut-être parce que, là, vous parlez au nom du groupe CIRANO, la pérennité du système de santé versus un apport du privé, vous n'en avez pas discuté ici. Ça m'étonne qu'on n'en ait pas plus parlé. Est-ce que vous avez des opinions à ce sujet?

M. Castonguay (Claude): Bien, d'abord, sur le premier point, nous, on a parlé de contribution de l'usager. L'expression «ticket modérateur» a été développée en Europe, il y a des années, et on a beau essayer d'apporter un nouveau terme, «frais modérateurs», «ticket», ça revient toujours à la surface. Les journalistes, les médias ont l'air d'aimer ça. On a beau parler de contribution, eux parlent de ticket modérateur. Bon. Alors, on n'y peut rien.

Sur la question de l'assurance privée, je crois, moi, que l'assurance privée facultative, là, optionnelle, où les gens pourraient s'assurer pour des soins déjà couverts par le régime d'assurance maladie, ça ne peut pas constituer une source de financement importante. C'est pour ça d'ailleurs qu'on n'en a pas parlé, là, dans la discussion qui a eu lieu. Maintenant, je crois par contre que, suite au jugement de la Cour suprême à la cause Chaoulli, où on dit que le fait que l'assurance privée est bannie, ne peut être accessible, ça va à l'encontre de la Charte des droits, moi, je crois qu'on devrait ouvrir la porte à une assurance sur les soins primaires, facultative, que les gens pourraient payer s'ils le désirent. Et je pense que l'expérience des pays que l'on a examinés montrerait qu'un nombre assez limité de personnes prendrait cette voie-là, et sûrement qu'au plan du financement, ce ne serait pas un apport significatif. Mais ça donnerait une liberté de choix aux personnes, alors que présentement il y a cette prohibition sur l'assurance privée qui leur est imposée.

Mme Roy: Sans parler... Bien, on peut parler de l'assurance privée, mais on peut aussi parler de l'accès à des soins privés aussi. Allez-y.

M. Castonguay (Claude): L'accès à des soins privés, si vous avez des assurances privées qui vous permettent de vous couvrir pour des soins déjà couverts par l'assurance maladie, évidemment ça implique que ces soins-là pourraient être donnés aussi en parallèle aux soins donnés dans le cadre du régime public. Mais en même temps, si la porte était ouverte de ce côté-là, ça demanderait un certain encadrement de telle sorte que les médecins aient à remplir certaines obligations avant de pouvoir aller un petit peu plus loin du côté privé.

Mme Roy: Ce dont vous nous parlez, c'est une prestation qui doit être faite dans le public en premier lieu, puis l'excédent pourrait se faire dans le privé. Si vous précisiez votre pensée.

M. Castonguay (Claude): Bien, dans le moment, on sait que les médecins, dans bien des cas, sont soumis à des limites, ne peuvent fonctionner ou pratiquer autant qu'ils le voudraient. On sait qu'il y en a même qui ont suffisamment de temps pour aller pratiquer à l'extérieur pour complémenter leurs revenus, être davantage... Alors, on croit qu'une telle ouverture apporterait une addition à l'offre de services, d'autant plus que les fonds qui pourraient être générés par les frais modérateurs à notre avis pourraient permettre aux médecins de développer davantage leurs cliniques médicales, les rendre plus efficaces, mieux équipées, et qu'il y aurait une addition à l'offre de services, et non pas un simple transfert du public vers le privé.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, nous avons déjà dépassé de quelques minutes le temps alloué. M. Castonguay, Mme Castonguay, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire. Et j'invite les représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

 

(Reprise à 11 h 43)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux. Monsieur, mesdames, bonjour. Mme Gonzalez, bonjour. Mme la présidente, vous avez 20 minutes pour votre présentation commune, si vous le souhaitez. Je vais vous aviser quand il reste trois minutes, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Nous sommes à l'écoute.

Alliance des communautés
culturelles pour l'égalité dans la santé
et les services sociaux (ACCESSS)

M. Di Giovanni (Jérôme): Merci beaucoup. Je voudrais vous présenter la délégation d'ACCESSS: à ma droite, c'est Mme Carmen Gonzalez, qui est la présidente du conseil d'administration, est également directrice générale du Centre d'orientation paralégale et sociale des immigrants, COPSI; à ma gauche, Mme Gloria Lizama, qui est directrice du Mieux-être des immigrants, situé à Québec; et, à sa gauche, Mme Henriette Kandula, qui est vice-présidente d'ACCESSS et aussi directrice de Chantier d'Afrique Canada. On tient à remercier le ministre ainsi que l'opposition de nous avoir reçus.

Pour nous, le titre en soi du livre blanc est extrêmement important, Garantir l'accès; c'est presque inscrit dans notre nom de l'organisation. Par ailleurs, garantir l'accès, ce n'est pas uniquement de dire qu'on va mettre en place des systèmes privés, des services privés parallèles au public. Garantir l'accès, ça signifie également d'avoir un certain nombre de préalables pour les Québécois et Québécoises qui ne sont ni francophones ni anglophones, qu'on appelle ça communautés ethnoculturelles, communautés culturelles, immigrants, ainsi de suite, là, disons qu'on ne s'enfargera pas dans la terminologie en tant que telle.

Il est important que, lorsqu'on parle de garantir l'accès, cela signifie de faire différemment au niveau de la santé et des services sociaux. Presque jour pour jour, on était ici pour le projet de loi n° 83. Un certain nombre des recommandations qu'on a faites au ministre, elles sont faites dans le présent mémoire, dont une, c'était de dire: Il est important de faire différemment, on est dans une société en pleine mutation démographique tant au niveau des pratiques religieuses, culturelles, ainsi de suite, et on lui avait proposé de mettre en place un mécanisme opérationnel pour s'assurer que la réforme de la santé et des services sociaux puisse vraiment établir une réelle égalité d'accès aux services de santé pour les communautés ethnoculturelles. Lorsqu'on arrive ici, on est en parfaite santé, parce qu'on doit passer un examen médical, mais les données nous démontrent que, quelques années plus tard, notre santé se détériore, pour un certain nombre de raisons.

Lorsqu'on parle de préalables, on signifie de revoir toute la planification budgétaire du gouvernement au niveau du réseau de la santé et des services sociaux pour s'assurer qu'on tient compte des spécificités ethnoculturelles. Ça signifie également d'être inclus dans les recherches qui se font de façon structurante et non pas de façon ponctuelle, comme ça existe aujourd'hui. Ça signifie d'être inclus dans les plans d'action du gouvernement, parce qu'en bout de piste, là, c'est l'accès aux services de santé ? puis on va revenir par rapport à l'accès aux services. Lorsqu'on parle d'être inclus dans les plans d'action du gouvernement, on pense au plan d'action sur la santé mentale, on pense au plan d'action de lutte contre la pandémie de grippe aviaire, on pense à des plans d'action qui touchent des personnes âgées, ainsi de suite. C'est vraiment d'en tenir compte par rapport à ça.

Garantir l'accès, ça ne signifie pas uniquement de faire mieux, mais aussi de faire différemment. Et garantir l'accès, ça signifie une meilleure formation du personnel du réseau de la santé et des services sociaux, tant des cadres que du personnel médical, pour savoir comment mieux intervenir auprès des communautés ethnoculturelles, tenir compte de leur spécificité. Et garantir l'accès, ça signifie également d'établir un réel partenariat avec les organismes des communautés ethnoculturelles.

Nous sommes une fédération de plus de 90 organisations membres des communautés ethnoculturelles. Lorsque nous étions ici pour le projet de loi n° 83, on était 60 organismes membres. En dedans de un an, ça a augmenté de 30 organisations. Ces organismes-là, ce sont des vrais organismes de première ligne du réseau de la santé et des services sociaux. C'est eux qui souvent vont permettre une meilleure accessibilité aux services de santé, une meilleure efficience aussi du réseau de la santé et des services sociaux. Et cette reconnaissance de partenariat là, il faut le reconnaître de diverses façons. Il y a beaucoup d'obstacles également par rapport aux services de santé.

Et, sur ce, je vais passer la parole à notre présidente, Carmen Gonzalez.

Mme Gonzalez (Carmen): Merci, Jérôme. Pour moi, c'est la deuxième fois que je me présente dans cette salle. La première fois, on est venus aussi parler d'ACCESSS, et surtout on présentait toutes les préoccupations des communautés culturelles. Sur la consultation, on vous félicite et on attend surtout les résultats. C'est une des choses... Et, pour le mémoire qu'ACCESSS a présenté, c'est une équipe de travail, mais, derrière les documents, il y a tous les organismes de notre association.

Et, comme le disait Jérôme, le nom Garantir l'accès est pour nous que c'est travailler pour l'égalité dans les services de santé et services sociaux. C'est notre mission. Alors, je pense qu'on réunit la mission et le travail qui se présentait dans le livre blanc du ministère. Par contre, pour ce faire, il faut tenir compte de notre expérience comme organisme communautaire qui travaillons avec les communautés culturelles. C'est vrai qu'on parle d'un partenariat, mais il faut voir aussi comment on présente le partenariat, et pour ça je vous amène à la page n° 10, parce que, c'est vrai, on parle de partenariat, mais jusqu'à date, quand on parle de partenariat, c'est surtout dans les programmes de dépistage du cancer du sein, mais, pour les autres programmes, on n'a pas de partenariat. Et c'est une des questions qu'on a présentées dans notre mémoire.

n(11 h 50)n

Et il y a des questions qu'on se fait et qu'on présente aussi dans le mémoire, et c'est des questions sur la façon comment on va s'organiser pour la prestation des services. Parce que pour nous il y a des choses à faire, et une des questions qu'on soulève, c'est: Pourquoi l'agence de santé et des services sociaux a aboli son comité des communautés culturelles? Comment, dans la formation du personnel du réseau, la composante ethnoculturelle est intégrée? Comment l'allocation des ressources a été faite pour respecter la diversité ethnoculturelle de la population? Qui est le responsable de l'application de la loi n° 143 dans le réseau de la santé et des services sociaux? Et à quand le programme d'accès à l'égalité dans les secteurs de la santé et des services sociaux?

Comme je vous le dis, on avait consulté nos organismes, et ça, c'est un document produit par nos organismes. Jérôme a présenté le mémoire, enfin un résumé du mémoire, mais ce qu'on demande, c'est d'implanter des programmes d'accès à l'égalité en matière de services sociaux et de santé pour les communautés culturelles. C'est vrai, les communautés culturelles, ça fait à peu près 10 % de la population, mais il faut tenir compte des besoins spécifiques pour eux et pour les organismes communautaires qui donnent les services de base. Pour ça, nous avons identifié cinq paliers ? des moyens plutôt ? pour arriver à l'accessibilité aux services de santé et services sociaux.

Le palier n° 1, c'est la prestation des services de santé dans l'égalité; le deuxième, c'est l'embauche des minorités ethnoculturelles au sein du réseau; le troisième, c'est l'adéquation des ressources offertes aux organismes communautaires des communautés ethnoculturelles; le quatre, c'est la participation des minorités ethnoculturelles au sein des instances décisionnelles au réseau de la santé et des services sociaux; et le cinquième, c'est le développement des compétences en intervention interculturelle, la formation continue et de base des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux. Et je pense que, pour les recommandations, je donne la parole à Mme Henriette.

Mme Kandula (Henriette): O.K. Donc, à partir du mémoire qu'on a présenté, il y a des recommandations qui en sont découlées.

La première, c'est que nous demandons que le ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaisse ACCESSS comme organisme expert-conseil et établisse un partenariat public-communautaire en matière d'adaptation des modes de soins de santé et des services sociaux aux caractéristiques des communautés ethnoculturelles.

Deuxième recommandation, que le ministère de la Santé et des Services sociaux, en collaboration avec le réseau et ACCESSS, élabore et implante un programme d'accès à l'égalité dans le domaine de la santé et des services sociaux pour les communautés ethnoculturelles.

Troisième recommandation ciblée, que le ministère de la Santé et des Services sociaux abolisse le règlement sur le délai de carence de trois mois en matière d'accès au régime de l'assurance maladie pour les immigrants.

Quatrième recommandation, que le ministère de la Santé et des Services sociaux fasse inclure, dans les politiques et programmes de recherche du gouvernement du Québec, la composante ethnoculturelle.

Et la cinquième recommandation, que le processus de reconnaissance de formation acquise à l'étranger soit accéléré et que la formation d'appoint et des stages soient rendus plus accessibles afin de permettre aux professionnels ayant des formations acquises à l'étranger de pratiquer rapidement leurs professions.

Mme Lizama (Gloria): Moi, je vais continuer les autres recommandations.

Alors, la sixième, c'est que le ministère de la Santé et des Services sociaux réalise, avec la collaboration d'ACCESSS, une enquête pour déterminer dans quelle mesure les services liés à la santé mentale offerts par ses services ? c'est-à-dire psychiatriques, lignes d'écoute, assistance, maisons d'hébergement, conseillers, etc. ? sont adéquatement préparés pour desservir les clientèles issues des communautés ethnoculturelles.

Sept, que le ministère de la Santé et des Services sociaux réalise, avec la collaboration d'ACCESSS, une enquête sur la problématique des jeunes des communautés ethnoculturelles pour déterminer les facteurs qui produisent une proportion importante de ces jeunes au sein des centres jeunesse ainsi que dans le bassin des clientèles d'autres institutions vouées à la réduction des tensions raciales dans la société québécoise.

Huit, que le ministère de la Santé et des Services sociaux réalise, avec la collaboration d'ACCESSS, une enquête pour identifier les barrières d'accès aux services vécues par les personnes aînées des communautés ethnoculturelles et pour trouver des solutions avec la collaboration des représentants des organismes communautaires voués à la défense des droits de ces communautés.

Neuf, que le ministère de la Santé et des Services sociaux procède à l'analyse, avec la collaboration d'ACCESSS, de ses programmes de développement des compétences en intervention interculturelle et de formation continue et de base des intervenants du réseau ainsi que des étudiants des professions du domaine de la santé et des services sociaux.

Dix, que le ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaisse les organismes communautaires des communautés ethnoculturelles en tant qu'organismes communautaires québécois au pied d'égalité avec tous les autres organismes et qu'il réserve une enveloppe budgétaire, pour ces organismes, proportionnelle aux clientèles qu'ils desservent.

M. Di Giovanni (Jérôme): Pour nous, pour nous, vous voyez qu'on a dépassé le simple fait de dire: On met-u en place des cliniques privées pour des interventions au niveau du genou, de la hanche et de la cataracte? Ça allait beaucoup plus loin que ça, et ça doit aller beaucoup plus loin que ça. La mise en place d'un réseau public... privé, c'est-à-dire, ça signifie une limitation d'accès pour les communautés ethnoculturelles et ça signifie également une autre structure qu'il faut comprendre et comment on doit l'expliquer, comment qu'ils doivent naviguer à l'intérieur de cette structure-là. Ça signifie des assurances privées. Considérant qu'économiquement parlant ils sont au niveau de la catégorie des Québécois pauvres en immigrant ici, surtout au niveau des nouveaux arrivants et des immigrants, si on établit des tickets modérateurs, ça signifie un coût additionnel de plus. Et si on veut rendre efficients le service de santé et les services sociaux, et si on veut dépasser le discours...

Parce qu'actuellement c'est ça qu'on remarque au niveau d'ACCESSS, qu'il y a un discours d'égalité. On vous réfère au point IV ? en chiffre romains ? de notre mémoire, où on intitule Du discours à l'action: Illusion ou réalité. Nous, on vous offre, une fois de plus, une façon d'agir qui est différente, un partenariat qui est réel et aussi une manière de rendre notre système de santé et services sociaux, que ce soit au niveau des soins primaires, que ce soit au niveau des soins aux personnes âgées... une façon d'intervenir et de travailler qui va les rendre beaucoup plus efficaces que ça existe actuellement.

Et c'est ça qu'on vous propose; il s'agit maintenant de voir comment ça va retomber au niveau de la législation. C'est vraiment une question également de droit. La Cour suprême, elle a raison de dire: C'est une question de droit. Notre charte québécoise, lorsqu'on s'y réfère, c'est une question de droit. Et, si le Québec veut intervenir sur la scène internationale, à ce moment-là, il faut qu'il respecte également les conventions et les pactes internationaux au niveau des droits, tant au niveau de la lutte contre le racisme qu'au niveau du pacte international des droits économiques et sociaux, et on est ici dans le domaine des droits économiques et sociaux, au niveau de l'action service santé et services sociaux. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Gonzalez, M. Di Giovanni, Mme Lizama et Mme Kandula, pour votre présence aujourd'hui et votre contribution. J'aurais quelques remarques à faire.

D'abord, vous savez que, suite à l'adoption à l'unanimité, par l'Assemblée, de la loi n° 83, un comité pour les communautés culturelles et l'adaptation des soins de santé aux communautés culturelles a été créé. D'ailleurs, il y a un membre de votre groupe qui siège sur ce comité. Ce comité a émis des avis pour plusieurs actions du gouvernement, donc il a été consulté effectivement, d'abord pour la loi n° 83, parce que le comité existait de façon informelle avant qu'on le crée de façon légale, et également pour le plan d'action sur la santé mentale. Donc, il y a une consultation qui est constante au niveau de ce comité.

Il ne faut pas non plus doubler les consultations. Le mécanisme légal qui a été créé à la faveur de la loi n° 83, c'est ce comité d'accès sur lequel vous êtes représentés. Mais je suis persuadé que vous allez pouvoir également, à travers ce comité, continuer à faire des actions qui sont les vôtres. Je dirais que votre organisation également est un bon mode de collaboration à Montréal, surtout pour deux éléments: je mentionne les programmes de dépistage du cancer de sein où vous avez une contribution qui est déjà soulignée, vous pouvez remarquer... les gens ont déjà remarqué l'importance de votre contribution; et également, dans le cas de la violence conjugale, on me dit que vous avez un colloque sur la question d'ailleurs, à l'automne, qu'il sera intéressant de suivre.

n(12 heures)n

Lorsque vous... Brièvement, je dirais également, sur la question des médecins étrangers: Il y a des progrès importants qui sont en train de se faire, bien sûr pas aussi rapides que tous le voudraient, mais il faut remarquer, par exemple, que le nombre de diplômés hors Canada, États-Unis a augmenté de 20 fois, depuis 2003, dans nos facultés de médecine, que le taux de succès aux examens du Collège des médecins est passé de moins de 20 % à plus de 50 % et que le nombre de permis pour médecins étrangers attribués n'a jamais été aussi élevé qu'il l'est actuellement. Mais il faut aller plus loin puis il faut continuer sur ce rythme-là, mais il ne faut pas non plus donner l'impression qu'il n'y a pas de progrès de ce côté-là, parce qu'il y a des progrès réels qu'on voit sur le terrain.

Lorsque vous parlez de la participation à la gouverne, moi, je vous dirais qu'il y a une occasion, là, qui est très prochaine, de vous inscrire ? quand je dis «vous», je veux dire «les communautés culturelles en général» ? dans la gouverne de notre système de santé et de services sociaux, à la faveur du renouvellement des conseils d'administration des établissements à l'automne. Vous savez que la loi indique que les conseils d'administration doivent refléter la composition culturelle des territoires pour les CSSS, également des régions, pour les agences régionales, alors il y a d'une part une surveillance qui va être faite au niveau du gouvernement, lors des nominations, pour s'assurer que ces critères de représentativité sont là, mais également, de votre côté, il y aurait peut-être lieu de souligner les élections. Il y a quatre postes, et également deux postes pour le comité des usagers, mais quatre postes pour la population, de type électif, alors une façon également de faire, ce serait de susciter des candidatures des communautés, particulièrement dans les régions... particulièrement à Montréal ou dans certaines régions où les communautés de nouveaux arrivants sont très, très, très représentées. Une fois l'intégration des nouveaux arrivants faite, je ne suis pas certain que les deuxième et troisième générations veulent avoir cette différenciation. Je pense que le problème est surtout au niveau des premières générations et des nouveaux arrivés.

Et il faut faire attention également lorsque vous parlez des groupes communautaires, les groupes communautaires qu'on finance, par exemple dans le domaine de la santé mentale ou du maintien à domicile servent toutes les clientèles, y compris les clientèles des communautés culturelles. Alors, il ne faut pas non plus, là, confondre les genres.

Mais je dirais que, sur le plan de la représentativité dans les organismes de décision, il y a un espace qui s'ouvre. Est-ce que vous avez pensé à un moyen de susciter des candidatures? Parce qu'il y a deux types de personnes qui vont être nommées sur ces conseils d'administration là, soit des personnes déléguées par les collèges électoraux particuliers ou élues par la population, dans le cas des centres de santé et de services sociaux. Est-ce que vous avez en tête une façon de susciter des candidatures pour la formation de ces conseils?

M. Di Giovanni (Jérôme): On connaît très bien, M. le ministre, le mécanisme de représentation au niveau des structures. Par ailleurs, qu'est-ce qu'il faut considérer, ceci, c'est que ça prend des préalables de succès à ces représentations-là, et un des préalables de succès, c'est la stabilisation des organismes communautaires. Nos organisations membres, il y en a beaucoup, on est très présents, on est très fragiles également, au niveau de la fragilité, en termes de financement, en termes de personnel, et si on veut vraiment qu'il y ait une réelle représentation, qu'on nous donne à ce moment-là les moyens pour qu'on puisse susciter des candidatures, les supporter et assurer à nos organismes qui veulent siéger sur ces conseils-là, ces structures-là d'avoir les moyens pour le faire. Je vous dis franchement: Actuellement, il y a beaucoup, beaucoup... la très grande majorité de nos organisations, il y a une très grande fragilité financière et de ressources humaines, et des fois ils sont 1, 1,5, 2, 3,5, puis on n'a pas les ressources, on n'a pas les moyens pour aller siéger sur les structures qui ont été mises en place. On voudrait bien y aller, on voudrait bien le faire puis on connaît l'importance de le faire, à ce moment-là qu'on nous donne les moyens pour le faire.

Mme Gonzalez (Carmen): Et, moi, j'ajouterais que ce n'est pas seulement le fait d'inviter, c'est aussi le fait d'aider et accepter, encadrer aussi, parce que des fois on veut participer, mais on ne connaît même pas la façon de faire. C'est juste une question d'encadrer et d'accepter les autres avec leurs façons de faire et juste tenir compte de ça aussi.

M. Di Giovanni (Jérôme): Je voudrais revoir une de vos remarques. Oui, il y a des organisations communautaires, comme santé mentale, qui interviennent auprès des communautés ethnoculturelles, mais elles interviennent de façon ponctuelle, et c'est un gros dossier, tellement que ces organismes-là viennent cogner à la porte d'ACCESSS pour avoir des outils, pour développer les outils. Lors de votre consultation, on a soumis un mémoire. De ce mémoire-là est émané un groupe de discussion qui siège à ACCESSS. Ce sont des intervenants des communautés ethnoculturelles qui interviennent dans la santé et les services ? mais qui interviennent en santé mentale ? qui se réunissent pour échanger, pour discuter des cas, pour discuter des moyens d'intervention. On est en train de réfléchir sur des séries de colloques pour répondre à ces besoins-là et possiblement à organiser des formations qu'on fait un peu comme dans le dossier du cancer du sein.

Mais, oui, ils interviennent, mais il y a beaucoup de recherches, il y a beaucoup d'outils qu'il faut développer, et c'est de ça qu'on parle. On ne nie pas qu'il y a eu des progrès. S'il n'y avait pas eu de progrès, on ne serait pas ici. On ne le nie pas, absolument pas. Mais ce qu'on parle, c'est d'avoir une meilleure façon de le faire, d'avoir quelque chose de plus structurant, plus...

Une voix: Un partenariat.

M. Di Giovanni (Jérôme): ...un partenariat, c'est ça, et plus planifié, qu'on arrête de travailler de façon ponctuelle, donc qu'on arrête de travailler pour éteindre des feux.

Un autre exemple. On a un comité sur les personnes âgées à ACCESSS. C'est en train de champignonner, là. Vraiment, là, c'est hallucinant, on reçoit des appels des CLSC, des CSS, de tout le monde disant: Vous avez un comité, on veut... On reçoit des appels de chercheurs d'université. On veut un lieu d'échange, on veut un lieu pour travailler en commun. Tout le monde est en train de... C'est parti d'un comité de cinq à six, on est rendus à peu près à plus de 15 dans ce comité là où tout le monde vient pour exposer, pour essayer d'établir des liens de partenariat, de recherche, pour identifier aussi des «focus groups». On le fait, on le fait sur le bras parce qu'on n'a pas les moyens financiers pour le faire, mais on sait que c'est extrêmement important de le faire. Oui, il y a du progrès. Mais est-ce qu'on peut s'asseoir puis s'assurer que ce progrès-là soit structurant, qu'il soit le moins fragile possible?

M. Couillard: Si vous avez des activités telles que des colloques ou des organisations semblables, on est tout à fait disposés à les soutenir, hein? Vous savez comment nous contacter, puis, avec un programme bien précis puis un budget, là, on est tout à fait disposés à apporter un soutien sur ces questions-là.

Votre présence me donne l'occasion de faire quelque chose que je fais très souvent au cours des derniers mois, c'est une remarque sur la question des médecins étrangers pour les régions. À chaque région où je vais, souvent on me parle du problème des pénuries d'effectifs médicaux. Or, il existe actuellement ? et peu de gens le savent, c'est pour ça que je le répète souvent, et pour vous c'est important de le savoir également ? il existe à Recrutement Santé Québec ? que vous connaissez probablement, ce qu'on a créé pour l'accueil des médecins étrangers d'ailleurs qui veulent venir au Québec ? une banque de plus de 120... au moins 120 médecins qui sont prêts, c'est-à-dire que leur formation a été vérifiée, ils sont prêts à venir d'abord établir un contact avec une région, un établissement qui les parrainerait, faire une vidéoconférence de contact, faire un stage d'évaluation que nous financerons, et curieusement ? et je m'interroge sur les raisons profondes et quoi faire pour accélérer le mouvement ? ils ne sont pas parrainés. Alors, moi, j'ai dit aux régions: Écoutez, je ne comprends pas que, lorsque je passe chez vous, vous me parliez du problème d'effectifs médicaux et de pénurie, qu'on met à votre disposition une banque de plus de 100 professionnels prêts et que vous ne l'utilisiez pas.

Je vous indique ça, comme organisme qui représente les communautés culturelles, pour vous démontrer que les changements dans les sociétés, en termes d'attitudes, se font lentement, hein, et puis il faut de notre côté qu'on continue à agir là-dessus. Puis la raison pour laquelle je dis ça maintenant, c'est parce que je sais que c'est public, puis ça va être écrit, puis ça va être également dans les enregistrements de la commission. Il faut que la population du Québec sache qu'on est prêts, nous, demain, là, à accélérer les demandes de parrainage des médecins. Mais il faut que ça vienne des établissements et des régions dans un premier lieu, et j'ai lancé un appel à toutes les régions pour qu'elles tiennent partie de cette occasion qui est offerte à eux.

Est-ce que vous vivez, vous, parfois ce... Je suis certain que vous le vivez, ce mouvement trop lent, là, en termes d'actions spontanées de la part des régions, particulièrement en dehors de Montréal, pour attirer ou vouloir attirer les professionnels étrangers.

Mme Lizama (Gloria): C'est sûr que, moi, en représentant un organisme de Québec, je pourrais vous dire que les besoins et tout ce qui concerne Québec, c'est sûr que c'est différent. Et, quand vous parlez des... C'est concernant les médecins que vous parlez? C'est le parrainage?

M. Couillard: Parrainage, par les régions, de médecins qui sont prêts maintenant. Leur formation a été vérifiée. Donc, la prochaine étape, c'est qu'une région ou un établissement dise: Bien, moi, je veux parrainer ce médecin de telle spécialité ou ce médecin de famille, établisse un contact. On s'organise pour les faire venir pour... Il y a un stage d'évaluation à faire, que l'on paie maintenant. Alors, ce que je dis, c'est qu'il y a une sorte de double discours où d'autre part on parle beaucoup de pénurie d'effectifs, surtout en région, et on n'utilise pas cet instrument qui est disponible dès maintenant.

Mme Lizama (Gloria): Je ne pourrais pas... Pour le moment, je ne suis pas prête pour vous répondre à ça, mais je tiens compte de ça puis je vais voir qu'est-ce que je peux faire pour vous contacter puis voir si je peux faire quelque chose ici, au niveau du Québec.

n(12 h 10)n

M. Couillard: ...les représentants des associations des groupes des communautés culturelles en région surtout de se manifester auprès de leurs agences régionales de santé puis de signaler cette chose. D'ailleurs, il y a eu des lettres déposées à l'Assemblée nationale récemment qui ont été envoyées aux agences régionales sur la question.

M. Di Giovanni (Jérôme): Effectivement, je crois qu'il y a quelque chose à faire. Et des fois on reçoit des appels de certains médecins, ils disent: On cherche un stage, on cherche un parrainage, où est-ce qu'on s'en va? C'est de choses comme ça qu'on parle. C'est d'établir un mécanisme où, de part et d'autre... Et il ne faut pas nous voir comme en opposition à ce que vous faites au niveau du ministère, mais il faut nous voir comme un partenaire qui veut faciliter tout cela. Et, par rapport à ce dossier-là, effectivement, bon, il y a des échos qu'on reçoit. Mais, si on peut établir un mécanisme de dire: Bon, on a telle région, il y a telle chose, nous, on pourrait enclencher avec nos organisations membres qui sont dans ces régions-là ? on en a dans Québec, l'Estrie, on en a dans l'Outaouais, on en a ailleurs ? et voir comment est-ce qu'on peut faciliter ça.

Lorsqu'on reçoit un appel ? puis j'en ai reçu un il y a quelques semaines: Je me cherche un stage, qu'est-ce que je fais?, c'est de voir comment est-ce qu'on va pouvoir répondre à ces choses-là. C'en est un, exemple de dire: Il y a des choses qui se font de part et d'autre. Nous, on est à la croisée de tout cela. C'est d'avoir un mécanisme pour qu'on puisse dire: Bon, ici, là, c'est comme ça qu'on va le travailler, voici nos contacts, voici nos points de référence, voici le dossier, voici comment est-ce qu'on va l'acheminer. C'est dans ce sens-là, c'est de ça qu'on parle également, là.

Mme Gonzalez (Carmen): Mais il faut faire aussi un travail des deux côtés, dans le sens que, d'un côté, il y a la personne qui veut faire le stage, qui veut travailler, et, d'un autre côté, c'est les employeurs qu'il faut sensibiliser justement à la différence. C'est une des choses qu'on fait, que, dans les organismes communautaires, on travaille aussi, et on participe dans beaucoup de réunions justement pour faire l'autre partie, c'est la sensibilisation des employeurs.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, monsieur, bienvenue à la commission. Ce que je comprends, c'est que vous mettez le doigt, outre... sur le fait que les organismes communautaires qui sont membres de votre regroupement ont des difficultés de financement et donc de capacité de rendre, d'accomplir leurs missions respectives, vous dites: Le système de santé québécois renferme des problèmes ou présente des problèmes d'égalité face à l'accès aux services et présente aussi des problèmes d'adéquation ou d'adaptation de ces services-là aux différentes réalités des citoyens d'immigration récente ou d'origine ethnique minoritaire. Quand vous dites ça, est-ce qu'il y a des secteurs qui sont plus vulnérables que d'autres ou il y a des communautés qui sont plus...

Parce qu'il y a deux façons. Il y a une formation du personnel soignant aux réalités multiples des différentes origines qui peuvent exister dans un secteur de dispensation de services, dans un territoire; par exemple, je ne sais pas, à Montréal, il y a des quartiers où il y a beaucoup de citoyens de différentes origines. Alors, quelle que soit l'origine des personnes soignantes, je crois qu'il y a une importance à ce que les gens qui traitent ou qui soignent, quelle que soit la catégorie d'emploi, soient sensibilisés aux exigences particulières et aux sensibilités particulières des réalités des origines ethniques différentes. Puis il y a aussi le fait qu'idéalement, ce qui peut être aussi utile dans un système comme le nôtre, c'est que du personnel soignant soit issu des différentes communautés pour faciliter justement l'adaptation ou la compréhension.

Est-ce que malgré tout il y a des communautés qui sont plus dépourvues et est-ce qu'il y a des secteurs qui sont plus dépourvus que d'autres par rapport à ces réalités dont vous avez parlé?

Mme Gonzalez (Carmen): Vous avez touché beaucoup, beaucoup des éléments dans votre question. Et, moi, je suis directrice d'un organisme communautaire qui fait l'accueil, mais on a juste la subvention du ministère, par le programme SOC. Alors, justement, on avait un programme que c'est d'année en année. C'était un programme pour les familles, donner des services pour les familles qui ont des enfants de zéro à cinq ans. Et c'était un programme qu'à l'époque c'était géré par l'agence de la santé et, les dernières années, a été distribué aux CLSC, qui maintenant sont devenus les centres SSS. Alors, dû à ça, parce que notre organisme communautaire reçoit des gens de partout de Montréal et de l'extérieur de Montréal et parce que la subvention, c'est géré par quartiers, on a risqué de la perdre et finalement, cette année, on ne l'a plus parce que nous avons changé de quartier, et, dans le nouveau quartier, c'est géré différemment, c'est pour trois années. Alors, un service qu'on donnait depuis au moins 17 ans, on vient de le perdre parce que c'est la façon comment sont gérées les subventions dans divers programmes du ministère. Ça, c'est une des choses.

Par contre, quand vous dites «la formation», aussi les intervenants en santé doivent avoir une formation et parler une langue différente, on a beaucoup de pain sur la planche à discuter sur ça. Mais je vous donne un cas qui est arrivé, ça fait à peu près un mois, à notre organisme. Il y a une infirmière du CLSC du quartier qui nous appelle parce qu'elle avait une nouvelle maman dans le quartier, mais cette maman venait juste d'arriver, et c'était une femme qui venait de la Colombie. Alors, elle a téléphoné à notre organisme, juste quelque chose de simple: faire juste un appel téléphonique pour prendre rendez-vous et expliquer à la dame les services du CLSC, le suivi et tous les services offerts. Sauf que, quand on a téléphoné à la personne, ce n'est pas la mère qui nous a répondu, c'est la grand-mère. C'est sa belle-mère à elle qui nous a répondu, et d'abord elle avait paniqué parce qu'elle avait reçu des appels du CLSC, mais pour eux c'était le gouvernement, et elle venait d'un pays... et c'étaient des réfugiés. Alors, déjà, le choc, c'était assez épouvantable pour la famille, qui nous ont dit en plus qu'ils n'avaient pas besoin d'infirmière parce qu'il y avait la grand-mère qui allait s'occuper du bébé et de la nouvelle maman et de demander à l'infirmière de ne plus téléphoner à la maison. Et en plus c'était la semaine où, mon intervenante, je ne pouvais plus la garder parce que je n'avais pas de subvention pour suivre.

Alors, on a une dame, une femme... une nouvelle arrivante qui a besoin de services de santé, j'ai perdu ma travailleuse sociale, mon intervenante communautaire parce que je n'ai pas la subvention pour continuer, et l'infirmière qui nous raccroche au nez pour nous dire: Ah! je m'attendais à un meilleur service. Alors, vous voyez, c'est question... Je pense qu'il y a les moyens et je pense qu'il y a une volonté, mais c'est une question de s'organiser différemment justement pour donner les services et aller chercher aussi les utilisateurs, les personnes qui ont besoin de ça.

M. Di Giovanni (Jérôme): Il y a un certain nombre d'éléments, de dossiers... Ensuite, une de nos collègues pourrait intervenir. Je veux dire, bon, il y a certaines communautés, du fait que, dans les pays d'origine, c'est une autre structure, un autre mode de fonctionnement, une autre culture, et, arrivé ici, comprendre comment le réseau fonctionne, c'est extrêmement problématique... Il y a la question de la barrière de la langue, il y a la question de la barrière aussi de la culture: comment qu'on approche le monde social et le monde médical. Ce n'est plus une immigration de l'Europe de l'Ouest comme dans le cas où mes parents sont immigrés. Après la Deuxième Guerre mondiale, on a eu une masse d'immigration de l'Europe de l'Ouest. La culture Europe de l'Ouest, elle est très près culture québécoise. Maintenant, on a des gens qui viennent de d'autres continents, de d'autres façons de vivre, d'autres façons de faire les choses, et ça, il faut en tenir compte.

Deuxièmement, lorsqu'on parle... On a parlé de la santé mentale. La santé mentale, il y a des facteurs culturels puis il y a d'autres types de facteurs. Il faut vraiment s'y pencher sérieusement. Même si, à ACCESSS, on a un groupe d'intervenants des communautés ethnoculturelles qui interviennent auprès de la santé mentale, on le fait bénévolement. Ces gens-là se réunissent une fois par mois. On est en train de planifier des choses bénévolement. C'est de ça qu'on veut dire qu'il faut avoir des choses plus structurantes si on veut augmenter l'immigration, si on veut faire baisser... C'est une question de prévention, hein? Si on veut faire baisser les coûts du réseau de la santé et des services sociaux, il faut prévenir, il faut travailler sur la prévention, sur un meilleur accès aux services. Il y a la question... M. le ministre a parlé du dossier de violence conjugale. On va être un des premiers colloques, au Québec, sur la violence conjugale et les hommes. Il y a la question de la jeunesse et des personnes âgées. L'immigration de fin...

Une voix: ...

M. Di Giovanni (Jérôme): ... ? c'est ça ? de fin des années... après la guerre, maintenant ces gens-là, ce sont des personnes âgées. Donc, il faut comme intervenir par rapport à ça. Il y a une foule d'éléments. Je crois qu'on a les ressources, qu'on a l'expertise, mais il s'agit de voir si on a la volonté du changement. Oui?

n(12 h 20)n

Mme Lizama (Gloria): Je voudrais seulement ajouter quelque chose par rapport à... que Jérôme vient de parler de personnes âgées, et la barrière de la langue, puis tous ces processus que vous reconnaissez, l'apprentissage de la langue, mais il y a un rythme différent, même dans une famille on peut trouver différentes situations. Si on tient compte, par exemple, des personnes âgées, dans notre organisme, nous, on a un groupe de personnes âgées, lesquelles vraiment... tous les membres de la famille ont déjà fini d'apprendre la langue puis ils essaient de s'intégrer, pour les personnes âgées, c'est que c'est très difficile. Et là, quand ils ont besoin d'avoir des services, il y a toujours... la barrière de la langue est toujours là. Puis les services qui sont donnés pour les nouveaux arrivants, il y a une limite aussi, il y a un certain temps pour les nouveaux arrivants, mais ensuite il y a ceux de la société, mais qu'ils ne peuvent pas utiliser tout de suite parce que leur rythme est différent. Alors, dans la problématique de l'immigration, par tranches d'âge, il y a des difficultés différentes aussi, et, les personnes âgées, je trouve que ce sont des personnes qui se trouvent vraiment très vulnérables parmi tous les immigrants.

M. Charbonneau: Est-ce que je vous comprends bien et je vous interprète bien si je dis que le message que vous nous envoyez, c'est que, pour les citoyens issus d'immigration récente en particulier, et même, peut-être, deuxième ou troisième génération, là, il y a un besoin d'interface entre les dispensateurs des soins ou des services de santé et de services sociaux et les citoyens, il y a besoin d'un interface qui est accompli par les organismes communautaires, il y a un rôle de facilitateur et d'adaptateur qui est peut-être plus important, plus stratégique, et ce rôle-là est compromis actuellement par une problématique de reconnaissance et de financement? Parce que tantôt l'exemple que vous donniez, il y a un problème de reconnaissance aussi du rôle de l'organisme dans un quartier ou dans un secteur, puis il y a les problèmes aussi de la capacité de l'organisme d'avoir les ressources pour accomplir sa mission, là.

Mme Lizama (Gloria): Exactement.

Mme Kandula (Henriette): Et ça, justement, c'est vrai que les organisations communautaires, nous sommes des facilitateurs justement pour toutes nos clientèles, et, je pense, ce qui est important, après tout ce qu'on a dit, au niveau des adaptations, il y a beaucoup de choses, que ce soit au niveau des jeunes, au niveau des familles, au niveau des aînés ? on aurait beaucoup de choses à dire, cependant on n'a pas le temps ? et surtout que la relation au système santé et services sociaux n'est pas la même avec justement les nouvelles immigrations.

Et les organismes sont là, mais, si ACCESSS compte plus de 80 organisations, c'est parce qu'on a senti le besoin justement, cette interface-là, on... Seuls, c'est difficile que, nous, on puisse être là tout le temps, agir avec le ministère, avec les différentes agences, mais, regroupés autour d'ACCESSS... Ce serait bon qu'on reconnaisse ACCESSS comme un organisme expert-conseil dans toutes les manières touchant les communautés culturelles au niveau santé, services sociaux, parce que, nous, nos doléances, c'est autour d'ACCESSS qu'on vient les soumettre, aller chercher des actions, réfléchir sur les moyens d'intervention, mais, avec le ministère, c'est vraiment ACCESSS qui serait comme notre représentation.

Et, moi, je pense, aujourd'hui, c'est un peu le message qu'on est venus dire, avec toutes les recommandations qu'on a dites: oui, ce sont des réalités que nos clientèles vivent, que les personnes immigrantes vivent; nous sommes les représentants des organismes communautaires, mais on aimerait qu'avec toutes les difficultés qu'on rencontre au quotidien ? parce que nous sommes aussi très sollicités au niveau des CLSC, au niveau des écoles, au niveau des centres jeunesse... il faudrait, à un moment donné, qu'il y ait comme un plan d'action sur lequel on pourrait se référer, et ACCESSS serait vraiment l'organisme adéquat pour ce genre de relation avec le ministère.

M. Charbonneau: Est-ce que vous avez fait une évaluation budgétaire? C'est-à-dire, si... Je comprends que vous souhaiteriez que l'organisme parapluie que vous êtes, ACCESSS, soit mieux supporté financièrement, puis je présume aussi que, dans les 80 organismes, là, qui sont membres de ce regroupement-là ou de cette table de concertation, il y en a plusieurs qui pensent qu'ils devraient être mieux supportés aussi. Alors, est-ce que vous avez comme une espèce d'inventaire de la demande, autrement dit, tu sais? Vous dites aux députés, aujourd'hui: Écoutez, ça nous prendrait un montant annuel additionnel de tant, réparti dans nos 80 organismes et pour le fonctionnement de l'organisme parapluie; avec ça, on serait en mesure de mieux supporter, de mieux accomplir nos missions. Est-ce que vous avez chiffré cette...

M. Di Giovanni (Jérôme): O.K. Je vais vous répondre. Il y a deux modes de financement: au niveau d'ACCESSS, comme fédération, notre financement vient, en très grande majorité, du programme SOC du ministère, le programme national; deuxièmement, au niveau de nos organisations membres, le financement vient au niveau des agences de la santé et des services sociaux, et certains de ces organismes-là sont également financés par le MIQ, le ministère de l'Immigration et des Communautés ethnoculturelles, O.K., et très peu par le SACA.

Nous, on est totalement conscients que l'État ne peut pas financer à 100 % tous nos besoins, d'autant plus que les besoins sont en croissance exponentielle, O.K., et, pour cette raison-là, ACCESSS est en train de mettre sur pied une stratégie d'autofinancement qui va venir compenser le manque de financement de l'État. C'est une nouvelle façon de faire les choses. On ne nie pas les enveloppes budgétaires de l'État. Au contraire, on veut ajouter à cela et, pour faire cela, on est en train de mettre sur pied une fondation ACCESSS qui va nous permettre d'aller chercher les manques à gagner par rapport à ça.

Deux autres éléments à ce que vous venez juste de dire. Chiffrer en tant que chiffrer, nous, on a proposé des mécanismes pour vraiment chiffrer cela. On avait proposé, lors du projet de loi n° 83, un comité opérationnel ministériel, et je me souviens très bien ? c'est moi qui avais fait la proposition, on pourrait aller voir dans le verbatim ? lorsqu'on a fait la présentation, on a dit: qu'il y ait un comité temporaire où on va asseoir le ministère Santé et Services sociaux, ACCESSS, le Conseil du trésor, le ministère des Finances. Donc, on va regarder ça, toute cette question de financement. On n'aura pas le choix, l'immigration est en constante augmentation au Québec, et, à Montréal, on va être la majorité dans quelques années. Donc, prévenons puis regardons les modes de financement des organisations membres d'ACCESSS et ACCESSS.

Deuxième élément, et on le mentionne rapidement dans notre mémoire: on avait proposé à l'Agence de la santé et de services sociaux de Montréal le même mécanisme. On les avait rencontrés mai-avril 2005, on avait dit: On restructure le réseau de la santé et des services sociaux, vous êtes en train de vous donner une politique de financement, une nouvelle façon de faire les choses; Montréal ? et ça s'en vient à grand pas ? majorité communautés ethnoculturelles, pas uniquement Europe de l'Ouest, mais des autres continents; mettons en place un comité temporaire ? on a dit six mois ? pour regarder tout le cadre de financement, pour regarder comment les analyses populationnelles vont se faire et comment les projets cliniques vont se faire.

On s'est rencontrés ? il y avait Mme Gonzalez, il y avait moi et un autre membre de mon personnel, avec M. Levine et M. Côté ? avril, mai 2005. On a eu le mandat, M. Côté et moi, de mettre sur... de rédiger un plan d'action, septembre 2005. Première réunion du comité, octobre 2005. On s'est entendus sur la nécessité de faire cela et de se réunir une fois par mois. Les réunions ont été annulées. Janvier 2006, on a eu une rencontre, et l'agence nous dépose une lettre qui abolit le comité ? avant même qu'il commence ses travaux ? nous disant: Bien, on a un comité central de tous les organismes, allez vous asseoir là, puis on va discuter là. Bon.

Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? Nous, on était prêts à s'asseoir. On a dit: On va regarder comment le cadre de financement va s'appliquer. On ne dit pas: On veut avoir de l'argent des autres organisations. Il va y avoir de nouveaux argents qui s'en viennent, regardons les nouveaux besoins puis chiffrons ça. Nous, on ne peut pas le chiffrer tout seuls. On sait les besoins, on est en train de prendre certaines actions, comme organisation, mais on a besoin de travailler avec le ministère puis avec les agences. On voulait le faire avec l'agence de santé de Montréal parce que c'est la plus grande, c'est là que c'est la plus grande concentration, puis utiliser ça comme modèle pour Montérégie, l'Estrie, l'Outaouais et la Capitale-Nationale, mais malheureusement ça a été aboli.

n(12 h 30)n

M. Charbonneau: Je pense que le message a été bien envoyé, et maintenant, la réception, on verra à ce que la...

M. Di Giovanni (Jérôme): ...le problème ne s'en ira pas, hein, qu'on utilise cette approche-là, le problème va aller en s'amplifiant. Nous, on est dans le mode prévention, planification, coordination, concertation. On ne veut prendre la place de personne.

Le Président (M. Copeman): Mme Gonzalez, M. Di Giovanni, Mme Lizama, Mme Kandula, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux, l'ACCESSS.

Et sur ce, malgré le fait qu'il est prévu que nous siégeons cet après-midi, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous avons des auditions avec quatre groupes, cet après-midi, ou individus. Nous allons débuter dans quelques instants avec l'Association des établissements privés conventionnés en santé services sociaux; par la suite, ce serait Mercer, Consultation en ressources humaines; autour de 17 heures, Clinique médicale Viau; et, autour de 17 h 30, M. Richard Danylewick; et terminer pour l'ajournement le plus proche, à 18 heures, possible, j'imagine, n'est-ce pas? Exact.

Alors, sans plus tarder, ça me fait plaisir d'accueillir M. Simonetta et M. Côté, de l'Association des établissements privés conventionnés en santé services sociaux. Bonjour, messieurs. Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je sais que vous n'êtes pas à votre première expérience en commission parlementaire. Je vais vous aviser, le cas échéant, quand il vous restera trois minutes. Et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je ne sais pas si c'est M. Simonetta qui commence ou... Allez-y, M. Simonetta, nous sommes à l'écoute.

Association des établissements
privés conventionnés-santé
services sociaux (AEPC)

M. Simonetta (Vincent): M. le Président, M. le ministre, M. Charbonneau, mesdames messieurs, nous vous remercions de nous fournir l'opportunité de formuler nos commentaires sur le document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. Mon nom est Vincent Simonetta, je suis président de l'Association des établissements privés conventionnés, et j'ai avec moi M. André Côté, vice-président exécutif de notre association.

L'Association des établissements privés conventionnés, AEPC, représente des entrepreneurs indépendants qui, sur une base contractuelle, gèrent 67 établissements de santé totalisant environ 7 000 lits, et ce, à l'intérieur du réseau public. Notre relation avec l'État est essentiellement contractuelle, et nos membres sont présents dans 12 des 18 régions administratives du Québec. Pour la très grande majorité, soit 6 500 lits, nos membres opèrent des établissements de type centres d'hébergement en soins de longue durée, en plus de deux centres hospitaliers de réadaptation physique, un centre de réadaptation en déficience intellectuelle et un centre de réadaptation pour jeunes mères en difficulté.

Nous hébergeons et soignons une clientèle en lourde perte d'autonomie. Les coûts d'hébergement et les services pour nos clients sont régis par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, tout comme les centres publics. Au plan de l'imputabilité, nos contrats prévoient que tout déficit est à la charge de l'entrepreneur. Les taxes et impôts que paient les établissements sont sources de revenus pour le gouvernement. Notre entente avec le gouvernement prévoit que le taux d'occupation de nos lits doit être de 99 %, autrement il y a des pénalités.

Afin de garantir la qualité des services, le renouvellement de nos contrats est assujetti, depuis 1998, à l'obtention d'un certificat d'agrément. L'État, par le biais du ministre de la Santé et des agences régionales, assure, en plus de la qualité des services, le contrôle des fonds qui sont confiés à nos établissements. Tout comme les CHSLD publics, nos établissements sont couverts par les visites d'évaluation du ministère.

C'est avec satisfaction que notre association a pris connaissance, en février dernier, du document de consultation Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. En plus de présenter une solution aux délais d'accès de certaines chirurgies, le document poursuit la réflexion sur le financement futur des services de santé, et ce, suite aux travaux importants réalisés par le comité Ménard, à l'été 2005. Naturellement, conformément aux activités de nos établissements membres, nos commentaires sur ces deux aspects s'attarderont un peu plus longuement sur les aspects touchant le financement futur et la possibilité de créer une assurance contre la perte d'autonomie.

La garantie d'accès. Nous appuyons fermement la nouvelle stratégie gouvernementale de garantir l'accès à des services médicaux dans un délai clinique acceptable. Nous croyons en effet que, dans un souci d'équité pour la population, cette nouvelle garantie doit devenir un objectif incontournable pour le réseau de la santé. Par cette évolution, le gouvernement réitère son engagement à maintenir un système public fort, dans le maintien des valeurs et des acquis qui caractérisent la société québécoise, tout en permettant au secteur privé d'y jouer un rôle plus important.

Cette ouverture ciblée et évolutive à l'assurance privée nous apparaît pertinente, car elle permettra à des milliers de citoyens québécois un accès plus approprié à des chirurgies qui amélioreront grandement leur qualité de vie. Le système proposé est flexible, en ce sens qu'il pourrait toucher éventuellement plusieurs autres types de chirurgies et services importants. Nous sommes d'avis que, dans le futur, compte tenu des avancées technologiques, cette flexibilité sera utilisée. Nous ne pouvons qu'espérer que ce nouveau mécanisme officiel et transparent pourra déterminer des nouveaux délais d'accès, selon l'importance de la situation.

De plus, ultimement, ces réflexions pourraient aussi toucher les clientèles vulnérables du réseau qui sont affligées par un handicap ou une perte d'autonomie permanente et qui doivent subir des délais d'attente importants pour certains services. La création de ce nouveau système nous rassure sur les moyens qui seront pris afin de maintenir un équilibre nécessaire dans les effectifs médicaux qui pourraient éventuellement évoluer dans le secteur privé ou dans le secteur public.

Nous souhaitons ardemment que l'accessibilité à des services via des ressources privées puisse augmenter, mais nous sommes conscients que cette transition doit être contrôlée par l'État afin d'assurer une disponibilité appropriée des ressources professionnelles.

Nous aurions possiblement apprécié une liste plus importante des chirurgies qui seront intégrées au départ dans la nouvelle garantie d'accès, mais nous comprenons que le système proposé représente une solution pertinente pour le contexte actuel. De plus, le caractère évolutif de cette solution permettra, au cours des prochaines années, d'adapter cette garantie d'accès aux besoins changeants de la population québécoise.

Les enjeux de financement du système de santé et de services sociaux. Comme le mentionne le document de consultation, plusieurs comités de travail se sont penchés, au cours des dernières années, sur les enjeux et le financement futur du système de santé et des services sociaux. Il y a à peine quelques mois, le comité Ménard présentait aussi une série de recommandations à cet effet. J'ai participé activement à ces travaux, et notre association endosse toujours pleinement les recommandations du comité. Le constat qui est présent dans le rapport Ménard est véridique et incontournable, nous ne pouvons pas le mettre en doute.

Les enjeux de ce débat sont à plusieurs égards extrêmement importants pour la société québécoise. Pour notre association et ses membres qui sont principalement impliqués dans l'hébergement des personnes en lourde perte d'autonomie, la responsabilité et l'équité intergénérationnelles représentent une préoccupation majeure, la préoccupation majeure bien démontrée par le rapport Ménard.

Je passerai la parole à M. Côté.

M. Côté (André): Nous pensons donc que les enjeux du financement futur devront inévitablement inclure un rehaussement des transferts du gouvernement fédéral. La suggestion du document de créer un compte santé et services sociaux afin de bien informer la population nous apparaît utile en termes de sensibilisation mais moins pertinente pour l'enjeu important que représente le financement.

Certains pourraient penser que le financement actuel est suffisant et que même de nouvelles économies pourraient générer de nouveaux services. Nous rejetons cette pensée magique. Les gestionnaires et les propriétaires de notre groupe ont réalisé, tout comme les établissements publics, des efforts gigantesques de rationalisation et d'efficience au cours des 15 dernières années.

De plus, à chaque année, une pression supplémentaire s'accumule, car, malgré les indexations importantes du budget de la santé, les augmentations des dépenses telles que les médicaments, les fournitures médicales, l'utilisation des agences de services compte tenu de la pénurie de personnel, les multipathologies et les nouvelles technologies sont de plus en plus importantes. Croire que plus d'efforts solutionneraient le besoin de financement futur est une erreur. Dans la plupart des cas, même marginalement, si de nouveaux efforts sont possibles, l'efficience qui en résulte est retournée en services auprès des clientèles qui ne cessent, surtout comme en CHSLD, de s'alourdir.

Considérant le domaine majeur dans lequel notre association est quotidiennement impliquée, la perspective de la création d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie nous interpelle directement. Nous croyons en effet, comme le souhait de la commission Clair en 2000, qu'un tel régime assurerait un équilibre entre les générations consommatrices et les générations qui auront à payer, au cours des 40 prochaines années, les coûts importants reliés à la perte d'autonomie. Cette responsabilité importante de la société québécoise aurait dû être considérée durant les années quatre-vingt-dix, et déjà les retards accumulés imposent des paiements et une capitalisation plus ardus à un éventuel régime d'assurance.

Nous souhaitons donc ardemment la création d'un tel régime d'assurance, et ce, le plus tôt possible. Ce régime devra obligatoirement bénéficier d'une capitalisation importante afin d'être en mesure, prévoit-on vers 2015, d'aider réellement la société québécoise à faire face aux besoins importants des personnes très âgées en lourde perte d'autonomie. Manquer ce rendez-vous inévitable de l'histoire du Québec serait une immense erreur, à notre avis.

n(15 h 20)n

Présentement, près de 200 000 personnes au Québec bénéficient de services de l'État à cause d'un perte d'autonomie temporaire ou permanente. De ce nombre, près de 39 000 personnes ont besoin d'une aide complète et permanente en CHSLD. Tenter d'évaluer précisément les besoins de la population en 2020 ou en 2030 est un exercice difficile, mais tous les experts s'entendent pour prédire une pression immense et inédite sur le réseau de la santé.

Comme le mentionnent les recommandations de la commission Clair et du comité Ménard, ce nouveau système d'assurance pourra aussi prendre en charge les ressources actuelles dédiées par l'État à ces clientèles. Au moment venu, nous aimerions cependant être consultés sur les modalités précises de la création ou de l'utilisation d'un organisme public qui serait responsable de gérer ce nouveau programme d'assurance. Nous aurions à ce moment beaucoup d'éléments à faire valoir afin de s'assurer que la création de ce nouveau système n'entraîne pas une bureaucratie supplémentaire inutile au réseau de la santé et services sociaux.

De plus, nous croyons que, préalablement au choix de cet organisme et à la mise sur pied du régime, un débat supplémentaire devrait éventuellement déterminer le panier de services à offrir aux personnes en perte d'autonomie, les modalités de l'offre de ces services et même, éventuellement, les garanties d'accès et les niveaux de services appropriés à leurs conditions.

Plusieurs discussions concernant ces sujets ont toujours été reportées, et les différences entre le Québec et plusieurs autres provinces canadiennes ne font que s'accentuer. Citons un exemple concernant les services d'hébergement que nous connaissons très bien. Certaines provinces ont des tarifications mensuelles qui, tout en tenant compte de la capacité financière des citoyens, peuvent représenter jusqu'à 3 000 $ par mois pour ceux qui ont la capacité de payer. Au Québec, le maximum exigé est présentement un peu plus de 1 500 $, soit la moitié moindre. Pour des milliers de lits, une telle différence mensuelle peut effectivement représenter plusieurs centaines de millions par année pour le financement futur.

La réflexion, et le débat qui suivra, doit aussi se faire au niveau du panier de services offerts aux personnes en perte d'autonomie. Que cette clientèle soit à domicile, en ressource intermédiaire ou en hébergement, il faut se poser la question, à savoir: Quels sont les services qui sont réellement la responsabilité collective et solidaire de la société québécoise et quels sont les autres services qui doivent demeurer une responsabilité personnelle?

Les enjeux futurs sur le financement doivent passer par ces débats et ces précisions importantes du panier de services et des contributions qui y sont associées. Ces enjeux sont trop grands et importants, on ne peut et on ne doit pas éviter ces réflexions. D'ailleurs, que ce soit pour les services aux personnes en perte d'autonomie ou pour les services du réseau de la santé, la commission Clair proposait, en 2000, par sa recommandation n° 23, une réflexion pertinente et éthique sur les différents paniers de services du réseau. Cette recommandation n'a toujours pas eu de suite. Pourtant, là aussi, les résultats de réflexions plus précises pourraient représenter annuellement plusieurs centaines de millions de dollars d'économies ou de dépenses additionnelles, dépendant des choix qui seraient faits.

Lors de l'instauration d'un système d'assurance contre la perte d'autonomie, les choix des futurs organismes ou établissements qui seront responsables de la distribution des services ne doivent pas non plus être sous-estimés. Compte tenu de la demande accrue et des attentes additionnelles du ministère de la Santé au niveau de la qualité, les choix futurs devront respecter ces exigences. Ces responsabilités doivent être comblées par des organismes ou des établissements qui seront responsables, par la loi, de la qualité et des niveaux de services. L'expertise en la matière, la stabilité des ressources humaines et la fonctionnalité des installations utilisées sont des critères incontournables pour l'évaluation des futurs dispensateurs de services. Le financement d'activités d'hébergement doit aussi être constant et garanti, car cette clientèle ne peut être déplacée sans conséquences sérieuses.

Il faudra donc, dans l'avenir, tout comme c'est le cas présentement pour les établissements privés conventionnés, prévoir des responsabilités législatives et contractuelles précises afin d'assurer une qualité de services appropriés. Agir autrement, selon des lois simples du marché ou selon au plus bas prix coûtant, serait un manque de respect important pour les personnes qui ont la malchance de vivre leur fin de vie avec une perte d'autonomie importante. Il est donc primordial que l'implantation de ce nouveau système se réalise non pas seulement sur des incitatifs financiers, mais aussi par un souci constant d'assurer les services appropriés à ces personnes.

Le financement futur du réseau de la santé et des services sociaux est un sujet capital pour le bien-être de la population québécoise. Nous devons y réfléchir et en débattre, mais nous devons aussi, à la lumière de nombreuses réflexions, prendre rapidement des décisions. Notre association croit que certaines de ces décisions ont déjà trop tardé et qu'entre autres un régime d'assurance contre la perte d'autonomie devrait être mis sur pied rapidement.

L'Association des établissements privés conventionnés réitère au ministre de la Santé et des Services sociaux ainsi qu'au gouvernement sa disponibilité afin de participer activement et positivement à l'instauration d'un tel régime. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, merci pour votre communication.

Le premier point que j'aimerais aborder avec vous est la question de la qualité des services. Vous avez noté, dans votre présentation, que la qualité des services dans les établissements privés conventionnés est encadrée de plusieurs façons, d'une part par les visites d'appréciation, mais également par un processus d'agrément, hein, vous devez bien sûr détenir un agrément pour voir vos contrats être renouvelés. Dans la perspective de création de cliniques spécialisées affiliées, qui sont un peu des cliniques conventionnées dans un sens, est-ce que vous pensez que cette façon de procéder, c'est-à-dire... pour un agrément, est une façon efficace de maintenir un niveau de qualité?

M. Simonetta (Vincent): Je ne peux pas vous dire si c'est la plus efficace, mais définitivement il va falloir que ce soit le Conseil canadien d'agrément ou le Conseil québécois d'agrément. Il devrait y avoir un programme spécifique au niveau des cliniques affiliées pour s'assurer que l'ensemble des services soient rendus de façon pas seulement efficiente et efficace, mais avec la qualité qu'on doit s'attendre.

M. Couillard: Pour ce qui est du tarif exigé aux personnes pour l'hébergement, c'est toujours bien, comme vous l'avez fait, de le mettre en relation avec ce qui existe ailleurs au Canada, dans d'autres provinces. On a souvent l'impression que c'est toujours plus cher ou pire au Québec qu'ailleurs, mais là vous venez de montrer que ce n'est pas tout à fait le cas, hein? Par exemple, au Québec, comme vous l'avez mentionné, la contribution de l'adulte hébergé est à un maximum d'environ 1 500 $ par mois, et ça, ça inclut le gîte et le couvert, tandis qu'ailleurs ça peut aller ? vous le dites vous-même ? jusqu'à 3 000 $. Mais il y a des grosses différences. Dans les autres provinces canadiennes, comme vous le savez, on ne dispose en général pas d'un réseau public étendu d'établissements d'hébergement comme c'est le cas au Québec, et le tarif de 3 000 $ inclut, à ma connaissance, l'assistance puis les soins aux personnes en plus du gîte et du couvert.

Comment est-ce que vous expliquez cette différence-là? Expliquez-nous un peu plus la différence entre le 3 000 $ des autres provinces puis le 1 500 $ qu'on demande au Québec.

M. Côté (André): Je pense, M. le ministre, effectivement qu'une grande partie de la réponse vient aussi dans la détermination du panier de services, effectivement. Bien, il y a bien sûr les frais qu'on pourrait mettre sur le chapeau de l'hôtellerie, qui sont peut-être évalués différemment dans d'autres provinces, mais il peut y avoir aussi certains services. Nous, on n'a pas scruté en détail tout cet élément-là, on s'est basés sur certaines analyses qui avaient été faites par le Conseil canadien des hôpitaux du Canada, là, comme tel, qui a fait des recherches et qui a fait un inventaire des frais. Ça donnait certains détails sans aller dans toute la description des paniers de services, mais c'est certain que les éléments peuvent être différents. Mais, même au niveau quelquefois de services d'hôtellerie, les évaluations peuvent varier d'une province à l'autre. D'une façon totale, on voit cette différence-là, on voit que certaines provinces ont des maximums plus importants, mais tout le monde n'a pas de minimum, parce que les montants qui sont chargés sont indépendants effectivement de la capacité de payer du citoyen.

M. Couillard: Mais qu'est-ce qui arrive, dans les autres provinces, pour les personnes démunies? Il y en a aussi, dans les autres provinces, des personnes démunies, à bas revenus. Alors, quelle est leur situation pour l'hébergement?

M. Côté (André): C'est semblable au Québec. C'est semblable au Québec. Alors, les personnes qui ne peuvent pas payer les montants qui sont demandés, elles ont des exemptions, comme on a au Québec, et une personne va payer jusqu'à 400 ou 500 $ par mois, c'est-à-dire beaucoup moindre comme tel, si elle est jugée qu'elle n'est pas capable de payer les autres montants. Donc, dans la fourchette qu'on retrouve dans d'autres provinces du Canada, c'est plus le maximum qui est différent du Québec que le minimum.

M. Couillard: O.K. Pour ce qui est du financement du système de santé, je vois que vous abordez la question de la proposition de M. Ménard ? qui viendra d'ailleurs ici, en commission, la réitérer et l'expliquer de façon plus approfondie ? d'une création d'une caisse d'assurance pour la perte d'autonomie. Je note qu'à date, et c'est une observation factuelle que je fais, parmi les propositions diverses qui peuvent être faites sur le financement de la santé, c'est cette proposition qui semble recueillir jusqu'à maintenant le nombre de propositions d'appui le plus grand. Mais c'est uniquement une observation que je fais sur les témoignages sans du tout engager le gouvernement dans une décision à cet effet-là. Mais vous dites, dans votre proposition, dans votre document, qu'il faudrait bien encadrer l'administration de cette caisse-là pour ne pas que ça ajoute une bureaucratie supplémentaire. Alors, expliquez-nous. Parce que M. Ménard, il est assez précis quand même dans la façon dont il le ferait gérer, la perte d'autonomie serait évaluée par les intervenants de CSSS, avec l'Outil d'évaluation multiclientèle que vous connaissez. Donc, on aurait un niveau de perte d'autonomie auquel correspondrait une allocation, je suppose croissant, selon le niveau de perte d'autonomie, et la personne pourrait l'utiliser, bien, pour les services ou pour des aidants naturels, par exemple. Mais comment est-ce que vous voulez aller plus loin dans l'administration?

n(15 h 30)n

M. Simonetta (Vincent): Un des éléments qui est très utile dans la commission Ménard, et c'est un petit peu ça qu'on rapporte, c'était d'éviter de créer un autre organisme qui viendrait chapeauter ça. C'est d'utiliser un organisme qui existe déjà, qui administrerait ou qui gérerait les fonds sans venir rajouter un autre palier, en d'autres mots, que la majorité de l'argent puisse s'en aller directement vers la personne qui en a besoin, l'usager, plutôt que transiter par une bureaucratie additionnelle qui viendrait couvrir ça. Je suis sûr qu'à l'intérieur de l'appareil gouvernemental... l'assurance maladie qui pourrait le gérer ou d'autres organismes qui pourraient venir, ce n'est pas à nous d'établir lesquels, mais c'est d'éviter d'ancrer une autre structure parallèle qui viendrait gérer le fonds pour les personnes âgées.

M. Couillard: Oui, certains ont parlé de la Régie des rentes du Québec, par exemple, qui pourrait jouer ce rôle-là.

M. Simonetta (Vincent): Ça pourrait être très bien la Régie des rentes. C'est qu'on dit seulement... la seule mise en garde qu'on fait, c'est à l'effet de s'assurer que ce ne soit pas strictement une question économique qui va dicter le choix vers où la personne va être orientée, mais que le gouvernement s'assure que la ressource qui doit recevoir la personne soit en mesure de pouvoir donner l'ensemble des services, ne soit pas basée strictement sur... La loi d'ailleurs, c'est ça qu'elle stipule, les intentions derrière, que tout doit être certifié ou accrédité.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Vous avez parlé que, bon, au sujet du régime d'assurance collective pour perte d'autonomie, il faudrait procéder à une capitalisation importante. Ce serait de quel ordre, à votre avis? Quand vous dites «importante», vous pensez à quoi, puis vous pensez à comment?

M. Simonetta (Vincent): Bon, disons qu'elle pourrait être capitalisée à seulement 50 % dont... 50 % qui serait mis dans le fonds, et l'autre 50 % qui viendrait de cotisations d'assurance. Il faudrait que la cotisation qui soit payée ne pénalise pas les jeunes qui vont profiter des services éventuellement mais beaucoup plus tard, donc qu'ils paient beaucoup moins cher, et que, plus on avance dans l'âge et qu'on a toujours les moyens de payer, on paie plus pour profiter des services qu'on va avoir besoin plus rapidement, et tout ça pour avoir une équité intergénérationnelle et ne pas pelleter à nos enfants les services que, nous, on va avoir besoin.

M. Charbonneau: Mais ça, ça veut dire que, par exemple, ceux qui ont 50 ans, 55 ans aujourd'hui, mais qui vont avoir besoin de ces services-là dans 20 ans ou dans 25 ans, c'est eux qui seraient appelés à cotiser d'une façon plus importante, là?

M. Simonetta (Vincent): En fonction de leurs... disons qu'il faudra établir le mécanisme détaillé, mais, en fonction de leurs revenus, ils devraient contribuer de façon plus large ou plus forte pour les soins qu'ils vont avoir besoin après. Ils ont profité d'un système gratuit jusqu'à aujourd'hui beaucoup plus qu'un jeune de 20 ans peut en avoir profité, c'est normal qu'ils paient plus cher, c'est une question d'équité, tout simplement.

M. Charbonneau: Ce matin, on a entendu M. Castonguay qui, lui, ne croyait pas tellement à cette proposition-là, il ne croyait pas qu'on puisse, dans le délai qui reste entre maintenant puis le moment où il y aura la pointe des besoins, constituer une caisse qui soit suffisamment, disons, adéquate, d'une part, puis qui ne constituerait pas une charge trop lourde, une charge fiscale trop lourde. Il préférait le ticket modérateur. C'est quoi, votre point de vue par rapport à ça?

M. Simonetta (Vincent): Personnellement, je n'ai pas un point de vue plus précis et je n'ai jamais abordé la question sur un ticket modérateur. Ça peut être une solution aussi envisageable. Nous, on préfère la caisse retraite, compte tenu que, oui, il va y avoir... Il y a déjà des argents qui sont versés au moment où on se parle, qui sont payés en soins de longue durée, en maintien à domicile, en toutes sortes de services. Ces argents-là sont encore disponibles et ils continueraient à être envoyés dans le fonds de retraite, si on veut, ou dans la caisse retraite, et ils serviraient à payer ce qu'il y a dans l'actuel, avec les indexations qui sont déjà données, ça pourrait permettre d'y aller... L'argent qui serait versé en primes d'assurance servirait pour plus tard. Donc, on aurait quand même encore peut-être quelques années avant d'arriver au mur de 2015-2021 qui va nous frapper de pleine force.

Puis ça se peut qu'il soit nécessaire avant ça d'aller par un ticket modérateur. Qu'il soit de 25 $ ou que ce soit 5 $, c'est de l'argent de plus qui va revenir. Ce qu'il faut arrêter surtout, c'est de croire en la pensée magique, qu'il n'y a pas de problème, qu'au Québec on est capable, par toutes sortes de miracles, de faire l'impossible. C'est surtout ça qu'il faut commencer à enlever comme image, parce que c'est mentir à l'ensemble de nos concitoyens si on leur fait croire qu'il n'y a pas de problème et que, d'une façon ou de l'autre, soit par une immigration accrue, soit par plus de fonds qui vont arriver du fédéral, soit par une diminution des dépenses ou un meilleur contrôle, on va être capable de résoudre le problème. Le problème, il est là. Ça fait longtemps qu'on sait qu'il est là. La pyramide des âges, ce n'est pas quelque chose d'inventé, c'est un fait, elle se renverse. Et il y a d'autres pays qui souffrent déjà en Europe. On est parmi les premiers, au Canada, à être frappés de plein fouet, on a une population plus vieillissante qu'ailleurs, mais tout le monde va y passer, sauf peut-être l'Australie et une couple d'autres pays où c'est l'inverse, ou l'Alberta, au Canada, d'ailleurs qui... on a le phénomène contraire. Mais, au-delà de ça, de mémoire, je ne connais pas beaucoup d'autres places où la problématique ne se présentera pas. Donc, il va falloir trouver... Ça peut être ça, ça peut être d'autres moyens. Tout ce qu'on dit: ça nous semble être une bonne solution, il faut la regarder comme il faut, mais il faudra arrêter aussi de vouloir pelleter la décision à plus tard, à quelqu'un d'autre, à un autre moment donné. Il faut un courage politique qu'il va falloir assumer si on veut régler le problème.

M. Charbonneau: Et, vous, là, vous fixez, comme on dit dans le jargon journalistique, le «deadline», le moment, là, où on aura... où la décision devrait être prise... vous la fixez à quand?

M. Simonetta (Vincent): Bien, je vous dirais que la décision, d'après moi, elle aurait dû avoir déjà été prise il y a longtemps. Le plus rapidement possible, hier si possible, il faudrait qu'elle soit prise. Si ce n'est pas hier, c'est demain. Mais, à chaque jour qui passe ou à chaque année qui passe, le problème empire et ne s'améliore pas. Et on le voit, que, nonobstant les efforts qui ont été consentis dans les dernières années au niveau budgétaire des établissements, où on a eu des indexations supérieures au coût de la vie, le réseau continue, nonobstant tout ça, nonobstant cette oxygénation, à ne pas être capable de répondre plus que ce qu'il peut.

Les besoins, ils augmentent, ils augmentent continuellement, les personnes aussi en exigent de plus en plus, elles en veulent de plus en plus pour leur argent, et la technologie avance à des pas de géant, on peut en donner plus. C'est difficile de dire à quelqu'un: Je ne peux pas te le donner parce que je n'ai pas le budget pour le faire. Et, vous savez, quand je dis ça, c'est parce qu'on n'a pas... on n'a pas les budgets, mais, si on continue, on n'aura pas assez d'argent, le Québec va devenir un immense hôpital. L'ensemble du... pas l'ensemble, mais 50 %, 60 % du budget de la province, il va s'en aller au complet dans la santé. Donc, la rapidité ou la nécessité d'agir, c'est le plus rapidement possible, je pense. Et ça devrait transcender toute position politique ou toute couleur politique, d'après moi. C'est un problème sérieux que ça prendrait un appui de tous les gens en place.

M. Charbonneau: En fait, pour considérer que le financement à long terme est un problème, je pense qu'il n'y a pas de... tu sais, il n'y a pas de difficultés de part et d'autre à considérer. La question, c'est: Quelle est la façon maintenant, quelle est la méthode? En tout cas, il y en a un certain nombre sur la table. Mais, en bout de piste, ce sont les citoyens... on est 7,5 millions, c'est nous autres qui allons payer, ce n'est pas les autres qui vont payer pour nous. Alors, la question, c'est de savoir comment on va le prendre dans nos poches, par quel biais, puis de quelle façon on va assurer l'équité dans le paiement ou dans la contribution additionnelle qu'on va devoir faire pour se payer le niveau de services qu'on veut avoir.

M. Simonetta (Vincent): Je suis d'accord avec vous, sauf que je pense que la question qu'il faut se poser, il y a celle-là définitivement, mais il y a l'autre: Est-ce qu'on a le choix de se poser des questions ou est-ce qu'il faut qu'on agisse? C'est plus au niveau... Les moyens, oui, il faut peut-être trouver les meilleurs moyens. On peut peut-être s'attarder, mais on ne peut pas s'attarder trop longtemps non plus. Qu'on prenne une décision, n'importe laquelle, qu'on commence à le regarder ou essayer de résoudre le problème, et par la suite, s'il faut le peaufiner, s'il faut trouver une façon, une meilleure façon d'y arriver, on pourra prendre le temps de le faire. Mais il y a une urgence d'agir.

Je suis bien où je suis, là, de ne pas être à votre place pour prendre la décision, parce que vous allez... Peu importe, même si vous êtes d'accord, il y a toujours la personne qui va dire: Non, il y a trop d'argent; il y a de l'amélioration qui peut être au niveau de l'efficacité, de l'efficience; on est taxé, c'est une forme de taxe indirecte et différente; non, ce n'est pas vrai, on a assez d'argent; non, on n'a qu'à arrêter de gaspiller. On peut entendre toutes sortes de discours, on peut... disent aussi qu'il n'y a pas de problème. Parce que, quand on était sur la commission Ménard, je ne veux pas mentionner quels groupes, mais il y avait toutes sortes de groupes autour de la table, et il y en a qui disaient que le problème n'existait pas et que les personnes âgées, il n'y en avait pas, de personnes âgées quasiment, ou que la pyramide des âges n'était pas du tout celle qu'elle était, et que tous ces problèmes-là allaient être réglés par toutes sortes d'autres pensées magiques.

M. Charbonneau: Ce que j'ai compris, c'est qu'il y a des gens ? puis il y en a d'autres qui vont venir devant nous ? qui disaient que, oui, le vieillissement existe, mais ça... En tout cas, certains soutiennent qu'on dramatise ou qu'on exagère, disons, l'aspect négatif de ce vieillissement-là pour les années à venir. Moi, je ne pense pas qu'il n'y ait personne qui dit que ce n'est pas un problème, sauf qu'il y a des gens qui considèrent qu'on a un discours alarmiste inutile, d'autres qui considèrent au contraire, comme vous peut-être, que le temps est venu et que le danger pointe à l'horizon, puis qu'on le voit venir, là.

n(15 h 40)n

M. Simonetta (Vincent): C'est que ces mêmes personnes là, elles disaient... elles allaient aussi loin que dire que l'avancée technologique ou la prise en charge par les personnes de façon préventive de leur santé, de leur état de santé ou de leur état physique allait amener un virement... qu'il n'y avait plus de problème, presque. O.K., je caricaturise un peu, mais c'était comme... pour des raisons bien particulières, que je respecte, qu'ils avaient, ils essayaient de balayer la problématique en disant qu'il n'y avait rien, même si l'ensemble des groupes qui sont venus, même si l'ensemble des études ou des analyses qui ont été présentées et qui ont été regardées avec sérieux avaient tendance à démontrer le contraire. Tout le monde a identifié qu'il y avait un problème, sauf peut-être quelques groupes que... pour eux, il n'y avait pas de problème parce que, comment je pourrais vous dire...

M. Charbonneau: ...je dirais que vous avez minimisé un peu cette option-là, et pourtant vous en avez parlé dès le départ, vous avez dit qu'une des choses dont il faut parler aussi, c'est le rehaussement des transferts fédéraux. On ne peut pas tenir un discours et son contraire. Si vous pensez qu'il faut rehausser les transferts fédéraux, on ne peut pas dire qu'une partie de la solution n'est pas là. Je pense que...

M. Simonetta (Vincent): Non, mais c'est pour ça qu'on l'a mis aussi. C'est qu'au-delà de cette problématique-là, qui peut être adressée relativement vite s'il y a une volonté de la part des parties ? c'est pour ça que je disais qu'il faut que ça transcende toute couleur politique ou tout type d'idéologie ? il faut trouver des solutions dans ce qu'il est possible d'avoir. Mais même cette solution-là... Il y a de l'argent peut-être aujourd'hui, mais est-ce qu'il y aura de l'argent dans 10 ans, dans 15 ans, dans 20 ans? La population vieillit dans l'ensemble du Canada, les payeurs de taxes vont diminuer dans l'ensemble du Canada. Donc, le transfert d'aujourd'hui, est-ce qu'il va être encore là pour être transféré dans 10 ans, dans 15 ans ou dans 20 ans? À court terme, ça peut aider, ça peut pallier, mais je ne pense pas en tout cas que ce soit une solution... que juste cette solution-là réglerait le problème pour toujours, ça viendrait tamponner.

M. Charbonneau: Non, c'est clair que... Finalement, il y a des surplus pour un certain nombre de raisons. Si on prend des décisions puis qu'on les élimine... Par exemple, si on réduit la TPS à chaque année pendant quelques années, là, il n'en restera plus, là, tu sais. Mais en même temps la question, c'est: Est-ce que c'est responsable de faire ça et est-ce que, dans ce moment-là, on n'aura pas un choix à faire aussi? Si on retourne de l'argent aux citoyens... De toute façon, il va falloir aller la rechercher dans leurs poches pour qu'ils se paient puis pour leur donner les services publics en santé puis en hébergement de soins de longue durée, et, à ce moment-là, qu'on aille la rechercher par la fiscalité, quel que soit le palier de gouvernement, ou qu'on aille la chercher par une prime d'assurance pour une perte d'autonomie, ou qu'on aille la chercher par une assurance, une taxe à la consommation qu'on pourrait appeler «ticket modérateur», payée par ceux qui avaient les moyens... En tout cas, en bout de piste, là, c'est le même citoyen, puis ceux qui sont en général... on va tous essayer de trouver des mécanismes qui vont faire en sorte que les plus pauvres ne paieront pas ou ne paieront pas beaucoup. Alors, après ça, dans le fond, là, quand ils vont venir la chercher dans nos poches, là, je veux dire, on peut peut-être changer le vocabulaire de la ponction puis désigner ça avec des mots différents, mais, au-delà du compte, ça coûte... ou bien c'est l'État qui vient le chercher, et puis, à ce moment-là, à quelque part, bon, bien, la question, c'est comment on... à quel niveau on vient en chercher puis est-ce que ça va être suffisant?

M. Simonetta (Vincent): Écoutez, je ne suis pas en mesure, je ne suis pas un expert pour vous répondre à l'ensemble de cette question-là, mais ce qu'on avait regardé aussi au niveau des données, c'est que c'est au Québec où il y a le moins de personnes avec des revenus supérieurs à 100 000 $ pour pouvoir dire: Bien, les plus riches paient et les plus pauvres paient moins. Donc, on a essayé de trouver, et c'est pour ça qu'on a pensé, entre autres, à une caisse retraite, où l'argent était bien identifié, c'était l'usager qui avait de l'argent qui le payait. Ça élargissait un peu... Mais c'est sûr que l'argent, quelqu'un va le payer. Mais ce n'est pas le jeune qui commence qui va payer pour moi, ce n'est pas mon fils qui va payer pour moi, lui va avoir des choses à payer pour lui ou essayer de maintenir et garder des éléments, et, moi, je vais payer pour tout ce que j'ai pu profiter de l'État-providence, duquel j'ai profité pendant un bon nombre d'années. Mais je trouverais, et on trouvait, tout le monde, ça faisait l'unanimité autour de la table, c'était ça, c'était de venir dire: C'est une façon de ne pas pelleter à nos enfants, que, déjà, à 1,6 ou 1,4, je ne sais plus à combien on est rendu... Ils ne seront pas là pour pouvoir subvenir.

M. Charbonneau: Il n'y en a pas 2.

M. Simonetta (Vincent): Hein?

Une voix: Il n'y en a pas 2.

M. Charbonneau: Il n'y en a pas 2, c'est 1 point quelque chose.

Le Président (M. Copeman): M. Côté, ça va?

M. Côté (André): Ça va. C'est correct.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Simonetta, M. Côté, merci beaucoup pour votre... Oui, excusez-moi.

M. Couillard: Je voudrais féliciter M. Simonetta pour la description si réaliste de la condition humaine quand il a dit à un moment donné: On va tous y passer. Je me souviens de ça.

Le Président (M. Copeman): Messieurs, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association des établissements privés conventionnés-santé services sociaux.

J'invite les représentants de Mercer, Consultation en ressources humaines, à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

 

(Reprise à 15 h 47)

Le Président (M. Paquin): On reçoit maintenant Mercer, Consultation en ressources humaines. M. Alain Robillard, mesdames, bienvenue. J'explique un peu le déroulement, la façon que ça fonctionne. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, on a 20 minutes de discussion avec le ministre, du côté ministériel, et 20 minutes du côté de l'opposition. Si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent, et on vous écoute.

Mercer, Consultation
en ressources humaines ltée

Mme Champagne (Diane): Alors, permettez-moi, M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Oui, madame.

Mme Champagne (Diane): Je suis Diane Champagne, je fais faire la présentation. Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, nous vous remercions d'avoir invité Mercer, aujourd'hui, afin de nous permettre de partager avec vous notre perspective sur votre document de consultation en matière de santé au Québec.

Alors, je me présente, je suis Diane Champagne, conseillère principale chez Mercer. Je suis spécialisée dans le domaine de la santé organisationnelle, incluant la prévention et la promotion de la santé, et je compte plus de 20 ans d'expérience dans ces types de programmes en milieu de travail. Je suis accompagnée de M. Alain Robillard et Mme Monique Giguère, conseillers principaux chez Mercer, et tous deux Fellows de l'Institut canadien des actuaires.

Permettez-moi de prendre quelques instants pour introduire Mercer. Mercer est une société de consultation en ressources humaines oeuvrant dans 41 pays à travers le monde, et nous comptons 1 500 employés au Canada, dont 475 dans nos bureaux de Montréal et de Québec. En tant que conseillers experts, nous possédons des compétences de pointe dans tous les aspects des ressources humaines, soit les programmes de santé, l'assurance collective, les autres avantages sociaux, la communication et le capital humain.

Notre présentation, aujourd'hui, visera quatre points de votre document de consultation, soit la prévention, l'assurance privée, la diffusion de l'information et l'assurance pour la perte d'autonomie. Alors, nos commentaires reflètent un consensus d'un certain nombre de nos conseillers principaux, également nos clients employeurs dont nous avons relevé les opinions lors de tables rondes que nous avons organisées en mars dernier.

Alors, je vais débuter avec la partie sur la prévention, M. Robillard enchaînera avec les autres parties, et Mme Giguère est à votre disposition également pour répondre à des questions.

D'abord, je tiens à féliciter le gouvernement pour sa vision et pour les actions qu'il planifie entreprendre auprès des jeunes dans les écoles. En tant qu'éducateur physique de formation et ayant enseigné pendant 10 ans au niveau scolaire au début de ma carrière, je suis très heureuse de constater que le gouvernement finalement réalise l'importance de l'activité physique et des saines habitudes de vie chez les jeunes. Alors, des changements de comportement chez les jeunes vont avoir un impact durant toute leur vie et un impact sur notre système de santé, on le sait bien.

n(15 h 50)n

Toutefois, ce qui est un peu décevant est que l'intervention est très axée chez les enfants et que les dépenses de santé par habitant croissent avec l'âge et que présentement c'est la population adulte qui présente les facteurs de risque à la maladie. Prenons, par exemple, l'excès de poids. Alors, vous avez eu, je pense, plusieurs organismes qui sont venus vous parler de l'obésité. Alors, je ne vous apprends rien de nouveau en vous disant que 57 % de la population adulte a un excès de poids, dont 14 % sont obèses, comparativement à 26 % chez les enfants, par rapport à un excès de poids, et 8 % qui sont obèses. Alors, l'intervention auprès des jeunes est très louable, et on verra sans doute des retombées à court terme, mais ce sont des retombées plutôt à long terme que nous allons constater en se basant sur l'hypothèse que les enfants qui adoptent de saines habitudes de vie seront moins malades à l'âge adulte et plus tard dans la vie.

Mais qu'en est-il pour la population adulte qui présente des facteurs de risque et qui sont responsables présentement des coûts élevés des soins de santé? Alors, permettez-moi de vous citer le rapport Perrault qui dit que «le problème de l'alimentation inadéquate et [...] la sédentarité ne touche pas seulement les jeunes, mais également leurs familles et l'ensemble des individus. Si les jeunes s'alimentent moins bien et sont peu actifs, leurs parents sont bien souvent dans la même situation.» Or, la majorité des parents des enfants d'âge scolaire sont sur le marché du travail, que ce soit un parent ou deux, et, si l'on rejoint les enfants à l'école, eh bien, on rejoint les parents, les adultes en milieu de travail. De là l'importance d'offrir des programmes de promotion de la santé et de mieux-être dans les milieux de travail.

À notre avis, une intervention par le gouvernement, une intervention immédiate et ciblée en milieu de travail est essentielle pour trois raisons: d'abord, pour freiner l'augmentation des coûts de santé qu'on connaît actuellement dans la population adulte; deuxièmement, pour soutenir les enfants dans l'adoption de saines habitudes de vie par l'exemple des parents ? on sait bien que les habitudes alimentaires, d'activité physique, ça commence d'abord à la maison; soutenir les employeurs dans leurs efforts pour contenir leurs coûts liés à la maladie de leurs employés, un important facteur dans la féroce compétitivité mondiale qu'on connaît de nos jours. Alors, on sait que c'est tout un défi pour les employeurs souvent d'investir dans ces types de programmes parce que la rentabilité à court terme prend beaucoup d'importance, et ce sont des retombées plutôt à moyen et à long terme qu'on voit avec ces types de programmes.

Alors, comme solution, comme nous l'avons proposé dans notre mémoire, nous croyons que le gouvernement doit soutenir les employeurs dans leurs initiatives en matière de prévention et de promotion de la santé en poursuivant les objectifs suivants: d'abord, d'identifier les actions qui peuvent avoir une certaine influence sur les comportements de consommation des services de santé et les habitudes de vie en vue d'améliorer la santé; d'étudier les déterminants en matière de santé dans les milieux de travail; et d'identifier les actions spécifiques qui comportent un haut niveau de retour sur investissement en termes de réduction de l'absentéisme, d'augmentation de la productivité et de réduction des coûts d'assurance.

J'aimerais vous citer un exemple que le gouvernement pourrait s'inspirer, c'est un programme, un projet qui a été lancé en Grande-Bretagne, qui s'intitule «Well At Work». C'est un programme qui a été fait en collaboration avec le British Heart Foundation. Le projet est financé par le ministère de la Santé, Département des sports et de la loterie. C'est un programme de deux ans, dont le budget est l'équivalent de 3 millions canadiens. Or, l'objectif du programme est de découvrir les changements dans le milieu de travail qui aideront à améliorer les habitudes de vie et de les maintenir. Alors, si on aide à améliorer les habitudes de vie chez l'adulte, ceci va avoir un impact, on le sait bien, sur nos enfants.

De plus, en tant que solutions, le gouvernement pourrait développer un modèle d'intervention qui est vraiment centré sur le milieu de travail et jouer un rôle dans la diffusion des connaissances nécessaires en matière de promotion de la santé en développant des bases d'information, par exemple sur un portail Internet que les entreprises pourraient consulter, pour donner des exemples de modèles d'intervention, de connaissance, de sensibilisation et d'outils pour les aider à implanter ces types de programmes. Puis finalement offrir des incitatifs fiscaux. Alors, on sait que les entreprises sont très serrées de nos jours, particulièrement au niveau des dépenses dues à la compétitivité mondiale. Alors, des incitatifs fiscaux qui pourraient soutenir les entreprises qui investissent dans des programmes de promotion de la santé.

Puis un exemple que j'aimerais... un deuxième exemple que j'aimerais vous citer, c'est un exemple ici, au Canada, qui a été fait chez DaimlerChrysler, dont les objectifs étaient d'améliorer la qualité de vie des participants et leur productivité. C'était un programme cardiovasculaire. Et un autre objectif était d'alléger le fardeau financier de l'entreprise mais également du système de santé. Alors, dans ce programme, comme résultats, la moitié des participants ont perdu en moyenne 15 lb ? hein, on parle beaucoup d'obésité comme facteur de risque ? et les actuaires ont évalué une économie de 2 millions sur 10 ans. Alors, les actuaires ne sont pas les actuaires de Mercer, mais quand même ça a été fait selon les bonnes normes.

En conclusion, j'aimerais... on aimerait vous proposer de vous pencher sur la prévention des maladies et la promotion de la santé auprès des adultes via le milieu de travail, en étroite collaboration avec les employeurs. On trouve que c'est une formule gagnant-gagnant non seulement pour le gouvernement qui pourra atteindre ses objectifs de communication aux citoyens en matière de saines habitudes de vie, mais aussi pour les employeurs pour pouvoir diminuer le taux d'absentéisme dû à la maladie et les coûts liés à l'invalidité.

Et je termine en citant le rapport Ménard, qui dit que «l'amélioration de la santé [...] est un noble objectif auquel contribuent tous les acteurs sociaux: publics, privés et communautaires[, et que] l'action intersectorielle en faveur de la santé et du bien-être doit être soutenue et développée».

Alors, je vous remercie de votre attention et je passe la parole à mon collègue, M. Robillard.

Le Président (M. Paquin): M. Robillard, on vous écoute.

M. Robillard (Alain): Oui. Merci, Mme Champagne... M. le Président, pardon. Alors, la suite de notre intervention portera essentiellement sur les trois éléments suivants, soit le recours à l'assurance privée comme alternative au financement du système de santé public, l'amélioration de la diffusion de l'information sur la santé et le financement à long terme du système de santé.

Tout d'abord, nous souhaiterions souligner notre appui au gouvernement dans ses efforts en vue d'améliorer l'efficience du système de santé et de favoriser l'accès aux soins dans un délai raisonnable. Cette notion d'accès est une préoccupation importante pour les employeurs. En effet, les problèmes d'accès aux soins se traduisent par une augmentation de l'absentéisme et une baisse de la productivité. Mais il importe de souligner que les enjeux relatifs aux délais d'attente ne sont pas les mêmes pour les personnes retraitées ou les personnes âgées que pour les travailleurs. Bien que, sur le plan personnel, leur souffrance soit la même, l'absence d'un travailleur engendre également des coûts pour l'employeur ? et on n'a qu'à penser, ici, au salaire de remplacement, à la formation, etc.

À ce chapitre, les besoins des entreprises et de la population active ne sont pas pris en compte dans le document de consultation, surtout lorsque l'on considère les trois chirurgies électives énoncées, soit le remplacement de la hanche et du genou et la cataracte, qui touchent dans le fond plus une population âgée que la partie des travailleurs. Donc, si on considère que l'âge moyen des travailleurs varie entre 40 et 45 ans, on constate que ces trois chirurgies ne rencontrent pas les besoins de cette population. De plus, il y a lieu de se demander si le marché de l'assurance serait en mesure d'offrir des produits d'assurance à prix abordable et qui rencontreraient les besoins réels de ces employés et des employeurs.

Toutefois, nous reconnaissons que des mesures telles que la consolidation des services de première ligne, le recours à des infirmières spécialisées ainsi que l'augmentation du nombre de places dans les facultés de médecine paraissent souhaitables pour atteindre les objectifs d'efficience et améliorer la performance du système de santé et ainsi ne pas mettre en risque la compétitivité des entreprises québécoises, qui est déjà fragilisée par un dollar élevé.

J'aborde maintenant mon premier thème, soit le recours à l'assurance privée. Sur ce sujet, mentionnons que nous supportons l'ouverture à l'assurance privée proposée par le gouvernement, et ce, malgré le fait que cette ouverture soit restreinte et peu ciblée vers la population active.

Nous supportons l'ouverture à l'assurance privée en raison principalement des quatre éléments suivants: l'ouverture permet d'élargir l'éventail des choix offerts aux entreprises et aux individus; elle offre une alternative pour limiter les pertes de productivité et les jours perdus; elle crée un climat propice à l'innovation, qui est un élément essentiel à l'évolution du système de santé, en introduisant un élément de concurrence et des argents neufs dans le système de santé.

n(16 heures)n

Finalement, elle permet une démocratisation de l'accès, à l'ensemble des travailleurs, aux services privés. À ce chapitre, mentionnons que, dans un récent sondage effectué par notre firme auprès de 185 employeurs canadiens, 56 % de répondants indiquaient que, si l'assurance privée était offerte, ils envisageraient d'inclure cette assurance dans leur programme d'avantages sociaux, selon des modalités de partage de coûts entre les employés et l'employeur à déterminer. Les employeurs sont toutefois préoccupés que cette ouverture, si elle venait à inclure d'autres traitements, pourrait alourdir sensiblement les coûts de régime collectif d'assurance maladie, qui augmentent déjà d'environ 10 % par année, selon les tendances démontrées pas nos bases de données nationales. Et cette préoccupation est d'autant plus importante que le gouvernement a déjà manifesté son intention d'élargir cette liste.

Dans un contexte où l'accès à l'assurance privée par les employeurs permettrait de réduire la pression sur le système public auquel ils contribuent déjà fortement soit par des taxes ou des cotisations, il serait nécessaire que des allégements fiscaux soient introduits pour protéger la compétitivité des entreprises et soulager le fardeau fiscal des employés. À ce titre, nous n'avons qu'à penser que ça pourrait être... soit il y a une réduction ou une élimination des avantages imposables découlant des primes payées par l'employeur en assurance maladie ou soins dentaires ou encore une fois l'élimination ou la réduction de la taxe de vente de 9 % sur les primes.

Maintenant, au niveau de mon deuxième thème, l'amélioration de la diffusion de l'information sur la santé, notre expérience à titre d'experts en avantages sociaux acquise auprès de notre clientèle démontre que l'accès à des renseignements pertinents sur le coût des soins et les résultats attendus conditionnent les comportements des employés et des employeurs. De plus, un changement des comportements est essentiel pour amorcer le virage nécessaire vers la prévention. Ainsi, une amélioration des connaissances sur le rapport coût-efficacité de divers traitements disponibles ainsi que sur le mérite d'approches préventives qui réduisent, comme on le sait, les coûts futurs, cela contribuerait fortement à rendre les choix des employés et des employeurs plus judicieux.

C'est pourquoi nous encourageons fortement le gouvernement à diffuser aux employeurs l'information sur les coûts prévisibles des services pour lesquels l'assurance duplicative serait permise. Au niveau des employés, on pourrait penser à la transmission d'un relevé personnalisé détaillant le coût des soins et des services dispensés à chaque patient par le système public. D'ailleurs, si on fait le parallèle avec les avantages sociaux sur base collective, il est vraiment, de plus en plus, une tendance d'illustrer aux employés le coût et l'évolution de ces coûts afin justement de sensibiliser et responsabiliser les employés à cet égard.

Concernant le dernier thème, soit le financement à long terme du système de santé, nous souhaiterions commenter la proposition du gouvernement à l'effet d'instaurer un régime d'assurance contre la perte d'autonomie. Sur ce volet, la position des employeurs exprimée dans le cadre de nos tables rondes est très claire: dans le contexte financier actuel, l'instauration d'un régime universel du même type que, par exemple, celui du régime d'assurance médicaments ou du Régime québécois d'assurance parentale serait inquiétante, d'autant plus que selon eux cela équivaudrait à la mise en place d'une nouvelle taxe pour les employeurs.

Dans un tel contexte, nous privilégions plutôt la mise en place d'un véhicule d'épargne sous forme de régime d'accumulation de capital, soit le fameux REER santé, qui permettrait aux contribuables de mettre des sommes à l'abri de l'impôt pour l'achat éventuel d'une police d'assurance individuelle pour les soins de longue durée ou l'affectation directe des fonds à l'achat de tels soins ou services. Il est à noter que des produits d'assurance existent actuellement et qu'on ne pourrait que profiter de ceux-ci.

En terminant, mentionnons que nous supportons le gouvernement dans sa proposition de mettre en place un compte de santé et services sociaux permettant un meilleur appariement des revenus et des dépenses, comme il se fait à la Régie des rentes du Québec, à la SAAQ et à la CSST. Nous croyons que c'est une saine mesure de gouvernance. De plus, nous appuyons une recommandation de 2002 de l'Institut canadien des actuaires visant la création d'un bureau de l'actuaire de l'assurance maladie dont le rôle serait d'évaluer de façon indépendante les coûts du régime public d'assurance maladie et de recommander, s'il y a lieu, des mesures destinées à en assurer la viabilité financière à long terme. D'ailleurs, l'institut a reconduit cette recommandation dans son récent mémoire déposé auprès de cette commission.

Nous vous remercions encore une fois de l'occasion qui nous est donnée de présenter notre mémoire sur cette importante question. Et mes collègues et moi sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Paquin): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Mme Champagne, M. Robillard et Mme Giguère, donc deux actuaires sur trois. Je me souviens quand venait le temps de choisir une carrière, j'avais regardé ça, l'actuariat, mais ça avait l'air bien long puis bien compliqué, puis il y avait bien des examens là-dedans. Ça fait que finalement j'ai pris la médecine, c'était plus simple.

Je voudrais parler avec vous de deux éléments surtout, la question de la prévention et l'assurance privée, puis, si on a le temps dans notre bloc, la question du financement du système de santé. Pour ce qui est de la prévention, bien sûr c'est une bonne idée qu'on rende l'information disponible pour les saines habitudes de vie au moyen d'un portail Internet, par exemple, c'est une belle suggestion. Mais, au-delà de ça, je me demande pourquoi on devrait faire plus que ce qu'on fait pour la population en général ou pour les entreprises, compte tenu du fait que c'est très rentable pour une entreprise d'investir dans la prévention puis la diminution d'absentéisme. Il y a des études qui le montrent, des cas concrets qui le montrent très bien. D'ailleurs, je suis surpris, moi, qu'il n'y ait pas plus d'employeurs qui se lancent déjà dans des programmes de sensibilisation pour les bonnes habitudes de vie, de gestion de stress parce que ça a un impact direct sur les taux d'absentéisme puis les coûts d'assurance salaire. Il me semble que d'ajouter dépenses publiques par-dessus ça, dans ce domaine-là, m'apparaît plus ou moins justifié compte tenu des autres pressions qu'on a. Est-ce que vous ne pensez pas que la démonstration est déjà ample pour les entreprises qui ont tout intérêt à embarquer dans ces programmes-là?

Mme Champagne (Diane): Certaines entreprises le font déjà, sont très convaincues. On voit aussi, dans les statistiques, que presque 50 % des entreprises font une activité quelconque au niveau de la promotion de la santé; en effet, vous avez raison. Comme je l'ai mentionné tantôt, par contre les retombées sont plutôt à moyen et long terme, alors qu'on sait qu'aujourd'hui les entreprises sont dans des situations où le court terme compte beaucoup, le retour sur l'investissement, le retour aux actionnaires, et on regarde les chiffres trimestriellement, alors que, pour une personne, pour améliorer ses habitudes de vie, avoir un impact sur, par exemple, l'absentéisme, ça peut prendre six, 12 mois et même au-delà. Alors, on ne voit pas nécessairement les retombées immédiatement.

Je crois qu'il y a encore lieu de sensibiliser les employeurs sur les bienfaits, les retombées, c'est la raison pour laquelle nous avons suggéré un genre de portail où on pourrait justement faire la démonstration aux employeurs qu'il y a des retombées à leur avantage et leur donner des modèles, parce que, comme vous le savez, ils ne sont pas spécialisés dans ce domaine-là, alors comment le faire et comment évaluer les retombées également. Alors, je crois que le gouvernement aurait un rôle à jouer en tant que support aux employeurs. Le citoyen, la personne est sensibilisée via la publicité qu'on fait dans la communauté. Par contre, quoi de mieux, là, que d'aller la chercher dans son milieu de travail, là, où il passe plusieurs heures par jour, comme moyen ou comme milieu pour l'atteindre. Alors, c'est tout simplement renforcer le message. On sait très bien que, dans les changements de comportement des habitudes de vie, il faut répéter, répéter, répéter.

Mme Giguère (Monique): Est-ce que je peux me permettre d'ajouter quelque chose? Il y a l'appariement effectivement des débours et des retombées qui est un critère important. Il y a l'information aussi. Selon nos sondages, il y a 50 % des employeurs qui considèrent qu'ils font effectivement de la promotion de la santé, alors que ? vous, d'ailleurs vous l'avez mentionné ? il y a quand même une très petite proportion des employeurs qui font véritablement un programme de santé. Les programmes de santé que les employeurs souvent ont en tête, c'est les régimes d'aide aux employés, qui coûtent peut-être légèrement autour de 0,1 %, 0,15 % de la masse salariale. Donc, dans un contexte comme ça, on voit que l'information, l'information sur les épargnes relatives aux programmes de santé manque. Alors, c'est pour ça que nous suggérons un portail et aussi des incitatifs fiscaux de façon à neutraliser l'impact des dépenses sur les coûts de main-d'oeuvre.

M. Couillard: Je vais vous dire d'emblée: Le portail, oui, l'information, oui, les avantages fiscaux, douteux qu'on double l'investissement. N'oubliez pas qu'on est en contexte où on essaie de limiter les dépenses, de contrôler les dépenses puis nous aider à financer le système de santé, alors il ne faut pas que les suggestions visent également à augmenter les dépenses d'autres façons, soit diminuer les revenus du gouvernement ou les augmenter. Mais, pour ce qui est de leur donner l'information sur les méthodes à employer, ou des exemples de résultats, ou la littérature qui montre la rentabilité pour l'entreprise, je pense que c'est une très bonne idée.

Pour ce qui est de l'assurance privée et de l'effet de l'accès aux soins, vous avez noté, M. Robillard, dans votre présentation, qu'on ne faisait pas de différence entre la question des personnes âgées et les travailleurs. C'est volontaire, on ne fait pas de différence entre les citoyens selon qu'ils sont chômeurs, âgés, pauvres ou pas, pour ce qui est de l'accès aux soins de santé. Je pense qu'il faut être bien conscient de ça.

n(16 h 10)n

Puis là vous avez également abordé la question des assurances collectives puis de la compétitivité. Il y a deux questions que j'ai, moi. D'abord, jusqu'à quel point les gens sont vraiment conscients des coûts que ça représente, une assurance duplicative pour des soins de santé, notamment pour des interventions chirurgicales? Au Québec, on n'a pas cette culture, puis au Canada non plus, cette habitude des véritables coûts du système de santé. Je vais vous donner un exemple. Dans la fonction publique, récemment, il a été question d'ajouter un programme dentaire au coût de 50 $ par mois, je crois, au programme d'assurance collectif, puis ça a été refusé. Combien ça va coûter juste pour les trois procédures? Remarquez, comme on l'a dit souvent, ce n'est pas à nous de le déterminer, ça, c'est aux compagnies d'assurance de déterminer s'ils veulent offrir le produit ou pas. Mais il y en a qui vont se réveiller, là, ils vont voir c'est quoi, les véritables coûts du système de santé. Si ça avait ça comme effet pédagogique, ce serait d'ailleurs très bon, qu'on voit quels sont les véritables coûts des services que nous nous offrons collectivement, actuellement. Première question, donc: Jusqu'à quel point les gens sont conscients des coûts, les employés, les employeurs?

Deuxième question, vous parlez de compétitivité, vous avez raison, parce qu'une chose qui nous différencie, au Canada, par rapport à nos voisins du Sud, c'est que les employeurs que vous servez, là, n'ont pas à contribuer à ces immenses assurances pour des soins médicaux.

Puis troisièmement, là c'est une autre réponse d'emblée que je vous donne pour la question des allégements fiscaux: non, on ne prévoira pas de dégrèvements fiscaux pour les assurances duplicatives. Pourquoi? Parce que, nous, on assure déjà à haut prix les patients ou les citoyens dans le cadre de l'assurance publique. Alors, on n'ira pas en plus se priver de revenus fiscaux pour soutenir l'assurance privée, ce n'est pas logique.

Donc, ce que ça veut dire, ma remarque finale, c'est que c'est les coûts réels qui vont être transférés dans les régimes collectifs. Alors, est-ce que les gens sont conscients des coûts réels? Comme... avez-vous déjà pensé combien ça pourrait coûter juste pour les trois procédures par année, une prime d'assurance collective? Puis deuxièmement, la compétitivité.

M. Robillard (Alain): Alors, au niveau d'être conscient ou non des coûts, je vous dirais que les employeurs le sont. Actuellement, c'est un grand questionnement à savoir qu'est-ce que les employeurs peuvent faire pour essayer de contrôler et mieux contrôler ces coûts-là, et vous, comme gouvernement... je pense qu'on a tous un peu les mêmes problématiques, mais... et la façon qu'on essaie de justement... ou qu'on répond à nos employeurs là-dessus, c'est justement, on l'a dit, c'est par diffuser de plus en plus d'information pour rendre dans le fond les choix des employés... ou essayer d'influencer les comportements. Et, par exemple, on note de plus en plus, auprès de nos employeurs, une meilleure communication de l'évolution de ces coûts-là, pour essayer dans le fond, là, de favoriser des meilleurs comportements.

Quant à votre question, à savoir: Est-ce qu'on est conscients des coûts des trois chirurgies, par exemple?, évidemment il faut que les statistiques soient disponibles. On regardait justement que certaines informations sont disponibles pour peut-être les 65 ans et plus, moins pour la population de moins de 65 ans. Tout ça reste à voir, et, si on avait des statistiques intéressantes, je pense qu'on pourrait relativement aisément calculer justement quel serait un prix juste pour ces coûts-là.

Au niveau des avantages fiscaux, ce que j'aimerais peut-être mentionner, il ne faut pas oublier aussi que les employeurs paient déjà, évidemment, pour un service pour... une taxe, là, évidemment, de 4,26 % pour avoir accès à ces services publics là, mais les délais d'attente sont ce qu'ils sont, et il vaut mieux parfois souscrire à une police d'assurance privée pour justement essayer de contrer ces absences que les employés ont en raison d'une condition particulière. Donc, des fois, c'est une question, là, d'analyse de coût-bénéfice à ce niveau-ci, et dans le fond ce que l'on milite pour, peut-être, c'est vraiment le choix, de donner le choix aux employeurs d'offrir ou non ces produits d'assurance privée là. Et évidemment il faudra après ça, à l'interne, décider comment est-ce qu'on se paie tout ça. Est-ce qu'on a les moyens de se le payer? Et ça, la question est bonne. Il y a des employeurs qui vont dire oui, des employeurs qui vont dire non. Mais, à tout le moins, on aura le choix et on aura laissé une concurrence de ce côté-là.

M. Couillard: Bien, la proposition, moi, dans ce sens-là, c'est aux assureurs, un, de décider s'ils veulent offrir le produit, s'ils veulent l'offrir en individuel ou en collectif, ou les deux, puis ensuite c'est aux employeurs puis aux employés de faire l'exercice de déterminer s'ils sont capables de se le payer.

Mme Giguère (Monique): ...juste trois chirurgies, c'est difficile de développer un produit qui vise, comme vous le savez, comme c'est marqué dans votre document, une population âgée. Ce ne sont pas nécessairement les acheteurs d'assurance, nonobstant bien de la publicité à la télévision sur l'assurance vie, là, jusqu'à, je ne sais pas, 90 ans, là, mais ce n'est pas les acheteurs d'assurance.

M. Couillard: Remarquez bien, là-dessus, vous avez entièrement raison. Puis votre question nous amène à une autre considération. Nous, on n'a volontairement pas étudié cette question du marché du produit, ce n'est pas notre devoir, ce n'est pas notre mission de faire des études de marché pour les compagnies d'assurance, ils le font très bien eux-mêmes. Mais là vous soulevez quelque chose de très intéressant et qui revient à une discussion qu'on avait tantôt, c'est que, dans les problèmes d'accès qu'on connaît dans le système de santé, ils touchent relativement peu ? je dis bien «relativement peu» ? les populations de travailleurs salariés, qui sont des gens, vous l'avez dit, d'âge 40, 45 ans, assurance collective, revenus stables. Ces gens-là, ils ne consomment pas beaucoup de soins de santé. Les problèmes d'accès réels qui sont visés... qui sont vécus surtout, justement dans le type de procédure auquel on s'adresse ici, pour la population vieillissante... Moi, j'ai pratiqué quand même pendant longtemps dans les hôpitaux puis je peux vous dire que, pour les gens en bonne santé qui ont des problèmes ponctuels, en général il n'y a pas grand problèmes d'accès. C'est surtout pour les personnes âgées, cependant.

Mme Giguère (Monique): Je répondrais à ça que, oui, effectivement, le coût de ces procédures-là pour les travailleurs est moins élevé que pour la population vieillissante, comme vous utilisez l'expression dans votre document de consultation. Par ailleurs, ce n'est qu'une partie des coûts, parce que, quand l'employé doit attendre chez eux pendant neuf mois, O.K., pour une opération, bien là la question des services de première ligne, de deuxième ligne entre en considération et se répercute sur la productivité des employeurs du Québec.

On avait, à notre table ronde, d'ailleurs des employeurs qui ont des activités aux États-Unis et qui nous disaient, et on le voit aussi chez nos clients: Dès qu'il y a un employeur américain, la pression est vraiment pour intervenir très précocement lorsqu'il y a une absence pour un événement grave. Aux États-Unis, le choix existe, évidemment par l'assurance privée, pour traiter la personne. Ce n'est pas vraiment disponible ici pour des services qui sont couverts par le régime public.

M. Couillard: On sait d'ailleurs qu'il y a maintenant plus de 50 millions d'Américains qui n'ont pas de couverture d'assurance. Et, quand on change d'emploi maintenant, aux États-Unis, on ne garde pas son assurance. Il y a juste le Massachusetts récemment qui a rendu l'assurance obligatoire. On n'a pas fait le choix de cette société-là au Québec, puis je ne pense pas que la population nous suit dans cette direction-là non plus.

Mme Giguère (Monique): On a parlé juste d'une option, je m'excuse, l'option d'assurance privée.

M. Couillard: Oui, O.K. Parce qu'effectivement il faut voir à qui on s'adresse et qui on veut servir. Mais de toute façon on ne voudra pas aller plus loin là-dedans, je pense qu'on a parlé des concepts de façon assez large.

Pour le financement... D'ailleurs, en passant, je vous félicite, votre mémoire touche toutes les parties de la proposition, c'est bien. Souvent, les gens se concentrent sur un ou un autre élément, vous avez vraiment touché l'ensemble. Pour le financement, plutôt que la proposition de M. Ménard, qui n'est pas la proposition du gouvernement, qui est celle qu'on a incluse dans le document comme étant celle du groupe Ménard, sur l'assurance perte d'autonomie, vous, vous allez plutôt sur ce que M. Clair à l'époque avait suggéré, qui était la constitution d'une épargne personnelle, style REER, à l'abri de l'impôt, qu'on peut utiliser par la suite, lorsque le moment vient, pour des dépenses liées à la perte d'autonomie.

Ma question est... Théoriquement, ce serait possible... Vous avez dit vous-mêmes: Il existe des assurances actuellement basées sur la perte d'autonomie qui sont là; les produits d'assurance existent, ce qu'il faudrait ajouter en fait, c'est la création d'un modèle fiscal pour mettre à l'abri de l'impôt ces épargnes-là. Mais la question est la même: Compte tenu du pourcentage de la population qui cotise à leurs REER, quel serait le pourcentage de la population qui cotiserait à une caisse semblable? Peut-être plus dans les milieux de travail, de façon collective.

M. Robillard (Alain): Effectivement, on pense que, dans un contexte de marché du travail, cette... Je vous dirais que les soins de longue durée ainsi que les produits d'assurance pour maladies critiques sont vraiment les deux volets d'assurance qui connaissent la plus forte croissance au Québec et au Canada. Et je vous dirais qu'encore une fois de laisser le choix aux individus de souscrire dans un programme, là, du style REER santé serait peut-être plus adéquat que de créer une infrastructure, une gestion qui alourdirait encore les choses et que, là, beaucoup d'obstination sur la capitalisation de tout cela et... Alors, pourquoi créer des structures lourdes lorsqu'on peut quand même offrir des véhicules qui peuvent être intéressants, et en ajustant ou en donnant justement des incitatifs fiscaux intéressants malgré tout?

Une voix: C'est ressorti dans nos tables rondes.

M. Robillard (Alain): Oui.

M. Couillard: Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. On retourne du côté de l'opposition, et c'est le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé qui a des questions très pertinentes à vous poser. M. le député.

M. Charbonneau: Ah! vous présumez, M. le Président. J'espère qu'elles sont à la hauteur de votre introduction, là.

M. Couillard: De la publicité gratuite, ça, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): C'est complètement gratuit.

n(16 h 20)n

M. Charbonneau: Alors, mesdames monsieur, si on revient au dossier des assurances privées, est-ce que vous ne reconnaissez pas que la conséquence d'introduire des assurances privées pour des services qui sont déjà couverts par l'assurance publique, ce serait un appauvrissement pour les citoyens et pour les entreprises? Autrement dit, à partir du moment où les citoyens paient déjà pour les services, pourquoi on les amènerait à payer une deuxième fois pour les mêmes services qui sont déjà couverts par une assurance?

Moi, je veux bien payer pour une assurance pour des services que je n'ai pas payés, qui ne sont pas couverts par mon assurance publique. Les députés puis les... beaucoup d'entreprises qui ont des assurances collectives, c'est des assurances complémentaires. Mais pourquoi je me priverais d'un revenu pour payer pour une assurance privée pour des services qui sont déjà couverts par mon assurance publique simplement parce que je pense qu'on n'arrivera pas à résoudre le problème de l'accessibilité?

M. Robillard (Alain): Alors, évidemment qu'à ce niveau-là tout est une question, comme on le disait, de ratio coût-bénéfice, et on a des exemples concrets, nos employeurs nous le disent, que, dans la gestion de leur invalidité et les absences, le système de santé actuel fait en sorte que les absences se prolongent et que les individus et les employés s'absentent au-delà de six, 12 et même plus. Ce qui fait en sorte que, lorsqu'on considère les pertes ? qui sont importantes, là ? les pertes financières importantes qui résultent en termes de jours perdus, en termes de remplacement de cette main-d'oeuvre-là, de formation, etc., ils pourraient... et je vous dirais que la majorité de nos employeurs sont prêts... de nos clients sont prêts à considérer l'ajout de ces protections-là à l'intérieur de leur système, parce que c'est économiquement rentable pour la plupart d'entre eux.

M. Charbonneau: Je ne comprends pas, c'est-à-dire que ce que vous dites, c'est que, parce qu'il y a des problématiques d'attente, ça coûte plus cher.

M. Robillard (Alain): Bien, ce qui arrive, c'est que mon employé, par exemple, si, au lieu d'attendre six mois pour avoir accès à un service quelconque, je suis en mesure, via le privé, d'obtenir un rendez-vous dans une semaine ou dans deux semaines, bien ce six mois de salaire là... que normalement il resterait chez eux parce qu'il est incapable de travailler, bien je peux agir plus rapidement et ramener mon employé au travail de façon plus rapide. Donc, ces économies-là de productivité ou de jours perdus, lorsqu'on cumule tout cela, c'est très important: au niveau de l'assurance salaire de courte et de longue durée, c'est quasiment 50 %, entre 40 % et 50 % des coûts des régimes d'assurance collective, et là on ne compte que les coûts directs. Si on se met à compter, comme je vous disais, les coûts indirects de remplacement, de salaire, de la formation, etc., on peut aller même jusqu'à deux, trois fois ces montants-là. Donc, d'agir rapidement pour essayer de ramener les gens au travail, c'est la volonté des employeurs, et l'assurance privée est une alternative qui permet d'agir en ce sens-là.

M. Charbonneau: Le problème reste le même, c'est-à-dire que, quand vous faites ça, vous coupez la file d'attente pour permettre à vos employés de passer avant d'autres citoyens qui, eux autres, attendent, d'une part. Puis, deuxièmement, bon, bien, finalement, est-ce que la qualité du service va être plus grande? Tu sais, pourquoi, moi, je serais en attente puis que tout à coup, parce que, je ne sais pas, moi, vous, vous êtes dans une entreprise qui avez un régime puis qui cotisez, alors vous passeriez avant moi?

Puis en plus le problème, c'est qu'il n'y a pas plus de médecins demain matin, là, il n'y a pas plus d'infirmières. Donc, la réalité, c'est que le personnel soignant ne va pas augmenter d'une façon exponentielle tout à coup. Et, s'ils vont soigner vos employés, le fait est, c'est qu'ils ne soigneront pas d'autres citoyens.

M. Robillard (Alain): Bien, il y a plusieurs...

M. Charbonneau: On n'est pas dans un contexte de surplus, là, de personnel soignant, là.

M. Robillard (Alain): Et, ça, on le reconnaît. Toutefois, il ne faut pas se le cacher et se mettre la tête dans le sable, là: actuellement, hein, si tout le monde ici, on connaît un médecin, on peut, le lendemain ou très rapidement, avoir accès à des soins, et, si on est prêt à débourser des sommes importantes, on peut obtenir même une chirurgie quelconque. Et ça, c'est un point important, de rendre accessible via l'assurance privée de telles conditions, on vient démocratiser, donc on vient donner à l'ensemble des travailleurs accès à ces systèmes de santé là à des coûts abordables. Parce que le principe de l'assurance, c'est vraiment de convertir des risques importants en un montant qui va être plus abordable et de répartir ces sommes-là sur l'ensemble des travailleurs. Donc, je ne dis pas... au contraire, mais ça vient un peu, là, démocratiser cette... et donner accès à l'ensemble de la population de travailleurs, qui est quand même importante, à ce type de soins là.

M. Charbonneau: Je comprends, mais, moi, j'ai bien de la misère avec le concept de démocratisation dans ce contexte-là parce que...

M. Robillard (Alain): Actuellement, il y a un peu une ségrégation. C'est que, si on est prêt à mettre de l'argent, on est moindrement riche, on est prêt à payer... j'ai accès, moi, je passe la queue par rapport à un autre qui n'a pas accès.

M. Charbonneau: Ce que vous nous dites, c'est: Institutionnalisez donc les passe-droits. C'est ça, là, que vous dites dans le fond. Malheureusement, dans n'importe quel système, il n'y a rien de parfait, alors il y a du monde qui ont des passe-droits, mais, comme il y en a, bien institutionnalisons-le. C'est ça, là?

M. Robillard (Alain): Bien, ce qui arrive, c'est... Je reviens à la notion de choix, il faut donner le choix aux employeurs, je pense, à pouvoir accéder ces types de soins là. Mais je suis d'accord avec vous, il y a moyen de mettre des mécanismes par lesquels la qualité des soins... l'exode des médecins serait freiné ou interdit, et c'est déjà en place actuellement. Et il y a plusieurs pays ? écoutez, je ne suis pas un expert de tout ce qui se passe partout dans les pays; mais il y a plusieurs pays ? où l'assurance privée cohabite bien avec le public, et on n'a pas assisté à des détériorations majeures du système de santé public, là.

M. Charbonneau: Mais je voulais juste vous citer le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé de la Faculté de médecine ? c'est ce qu'ils disent, eux autres, là ? qui disent, par exemple: «En Australie ? parce que c'est le système d'assurance ? [les citoyens] reçoivent le gros des subventions publiques par l'assurance privée; au Royaume-Uni, ils sautent les files d'attente.» Alors: «...ni l'assurance privée pour les soins hospitaliers en Australie [ou] au Royaume-Uni n'ont réduit les listes d'attente. [Puis, dans ces pays], les médecins ont réduit leur offre de services dans le système public, et, en Australie, l'argent est littéralement pompé des fonds publics vers les poches des plus aisés.» Alors, d'une certaine façon: «L'introduction de l'assurance privée en Australie a accru les coûts des services de santé, augmenté l'inégalité du financement des services de santé et n'a eu aucun effet observable sur [l'efficience] des services.»

À partir de ces constats-là, pourquoi on irait dans cette direction-là, alors qu'en plus on n'a pas de surplus de personnel soignant, là? Pourquoi on prendrait le risque?

M. Robillard (Alain): Vous me citez une étude, alors qu'on peut en trouver bien d'autres qui démontrent que ça a eu... pas eu l'effet inverse, mais que ce n'est pas si détériorant comme au niveau de l'aspect santé. Et l'idée ici, effectivement, c'est: il ne faut pas que le système permette un exode des médecins ou une détérioration majeure du système de santé. L'idée, et je le répète, c'est d'amener des choix qui vont faire en sorte que les deux peuvent très bien cohabiter, et tout en étant complémentaires, et permettre dans le fond à une bonne partie de la population d'avoir accès peut-être plus rapidement à ces soins-là, s'ils désirent se le payer.

Et c'est l'idée aussi de répartir ces coûts-là pour avoir accès à ces services-là à des primes abordables. Plutôt que de dire: Toi, si tu as de l'argent, vas-y, paie 15 000 $ pour obtenir la chirurgie, c'est plutôt de dire: S'il y a une masse importante d'assurés qui peuvent avoir accès à ça, ça va être une façon tout simplement additionnelle d'avoir accès à ces services-là, pas nécessairement en sautant par-dessus les gens, là. Et on pourrait limiter; par exemple, ça ne s'applique qu'aux médecins qui font de la pratique privée, qui ne sont pas enregistrés à la RAMQ, par exemple.

M. Charbonneau: ...au Québec, il y en a 100, là... puis le ministre a le pouvoir de faire en sorte qu'ils soient limités. Parce que, l'objectif, c'est justement, on ne veut pas augmenter le nombre de médecins non participants. Tu sais, moi, je pense qu'il y a une grosse illusion dans ce que vous dites, là, tu sais, une espèce d'illusion que tout à coup, dans cette direction-là, il y aurait une solution, là.

M. Robillard (Alain): Ce n'est pas la panacée, ce n'est pas la Terre sainte. Ce qu'on pense là-dessus, c'est qu'on est mal pris, on va rentrer dans le mur bientôt, il faut regarder une multitude de solutions. La prévention en est une, mais on pense que l'assurance privée serait un des moyens pour nous aider à passer à travers ce qu'on vit au niveau de perte de contrôle de coûts. Et on peut la limiter, on peut l'encadrer, j'en conviens, mais je pense que ce n'est pas le démon que de permettre dans le fond l'assurance privée en santé. On a cette perception-là très forte ici, au Québec, à ce niveau-là.

Des voix: ...

M. Robillard (Alain): Les employeurs aussi nous le disent, les employeurs sont prêts à regarder et à faire l'analyse coût-bénéfice, de permettre ou non cette assurance privée là. Et, en bout de ligne, encore une fois, on revient à la notion de choix.

n(16 h 30)n

M. Charbonneau: Mais, en bout de ligne, là, le choix, moi, je veux bien, là, qu'il y ait le choix. Mais le choix, là, quand il n'y a pas un surplus de personnel soignant, le choix, c'est le choix du plus fort puis le choix du plus riche. Ce n'est pas particulièrement les valeurs sur lesquelles notre système est fondé, puis ce n'est pas le mandat que les gens qui sont autour de la table ont eu, là, d'un côté ou de l'autre. Ça, il faut que ce soit clair aussi, là.

M. Robillard (Alain): Oui, oui. Mais évidemment qu'on peut limiter aussi les honoraires du côté de la pratique privée. Il y a toutes sortes de choses qui peuvent être faites, comme on le disait tantôt, qu'il n'y a pas l'exode et que les médecins pratiquant en privé ne deviennent plus riches que celui ou celle qui pratique dans le domaine public.

M. Charbonneau: J'aimerais ça que vous m'expliquiez... le ministre en a parlé un peu avec vous tantôt, mais, bon, il y a des gens, aujourd'hui, qui nous ont dit qu'il serait mieux de prendre le ticket modérateur plutôt que le régime d'assurance pour perte d'autonomie. D'autres nous ont dit qu'au contraire ce serait mieux de prendre le régime d'assurance perte d'autonomie. Puis là vous venez nous dire: Nous autres, c'est ni l'un ni l'autre, ce serait une troisième option, c'est un REER santé, l'épargne personnelle. Ça fait que quelle serait la différence... Quel est l'avantage que vous voyez dans votre proposition par rapport aux deux autres propositions qui nous ont été formulées, entre autres aujourd'hui même?

M. Robillard (Alain): Je mettrais en parallèle l'assurance perte d'autonomie avec le REER santé. Le ticket modérateur est selon moi une autre question qui est tout aussi valable. Et, si vous voulez peut-être mon avis personnel là-dessus, le ticket modérateur existe, comme l'a dit M. Castonguay ce matin, dans beaucoup de juridictions, et je pense qu'effectivement ça pourrait être un élément intéressant à introduire ici, au Québec. Il y aurait peut-être lieu de se pencher sur l'effet par contre de la Loi canadienne sur la santé, est-ce qu'il faudrait faire un amendement de ce côté-là?

Mais, si on regarde le parallèle au niveau des régimes d'avantages sociaux, effectivement que la franchise... ou le ticket modérateur joue un rôle important, et y est présent depuis belle lurette, et a vraiment un effet, lorsqu'il est bien dosé, là... Parce que, si la franchise est trop petite, ça n'a pas d'effet, si elle est trop élevée, bien là c'est détériorant, si elle est bien dosée, ça a vraiment un effet qui peut être intéressant dans le contrôle des coûts et, à tout le moins, d'éduquer et de responsabiliser l'utilisateur et qu'il soit conscient que, si ça fait quatre fois qu'il va voir le médecin sur la même cause, bien peut-être qu'à un moment donné, là, ce n'est pas correct. Alors donc, ce principe d'utilisateur-payeur là est une notion, en tout cas d'un régime d'assurance collective, qui est très fréquente et pour lequel on pourrait sûrement être en faveur.

Toutefois, évidemment, d'instaurer ce ticket modérateur là aurait par contre, peut-être, un effet de déversement des coûts vers les régimes privés. Parce que les régimes privés sont structurés de la façon suivante: la plupart du temps, le régime privé va dire: On paie tout, sauf ce qui est remboursé par le gouvernement. Donc, si, par exemple, il y avait ce ticket modérateur là ? on parlait de 25 $ ? est-ce que ce 25 $ là irait automatiquement ou serait éligible comme dépense au niveau des régimes privés? Donc, est-ce que ce ne serait pas l'employeur et les employés, via le système privé, qui absorberaient cette dépense-là pour ceux qui sont couverts, évidemment?

Et donc on a peut-être une recommandation qu'on aimerait faire au gouvernement, si jamais le ticket modérateur est envisagé, c'est: Est-ce qu'on ne pourrait pas mentionner que la couverture de ce ticket modérateur là ne se fait pas automatiquement dans les régimes privés, mais plutôt se fait seulement si les parties en ont décidé ainsi? Donc, au lieu que ce soit un transfert ou un dévidoir automatique et que l'assurance privée ramasse tout ce coût-là, il y aurait peut-être lieu de s'assurer, là... ou en tout cas de mettre en place des éléments qui font en sorte qu'on va donner le choix aux employeurs et aux employés de couvrir ou non ces éléments-là à l'intérieur de leurs régimes.

M. Charbonneau: Mais pour ce qui est du REER santé?

M. Robillard (Alain): Ce qui arrive, comme je le disais tantôt, nos employeurs, ce qu'ils nous ont dit, c'est que... ou nos clients, c'est que de créer une structure additionnelle qui pourrait être lourde, où il va falloir faire des évaluations actuarielles, problèmes d'interfinancement, de financement intergénérationnel, etc. On a déjà beaucoup de débats, comme vous le savez, avec la RRQ, la SAAQ et même le Régime québécois d'assurance parentale, qui fait en sorte que: Est-ce qu'on a vraiment besoin, comme société, au Québec, d'un autre programme dans lequel on va investir beaucoup d'argent en termes d'administration, etc.? Pourquoi est-ce qu'on n'utiliserait pas plutôt les éléments en place pour favoriser l'utilisation de ces polices-là ou de ces véhicules-là en place actuellement?

M. Charbonneau: Peut-être, juste une dernière chose. Moi, je crois par ailleurs, effectivement, à l'effet positif de l'exemple des adultes sur les enfants. Mais, si on veut avoir une intervention immédiate et ciblée, comme vous le souhaitiez, il faudrait aussi qu'on ait un impact puissant et rapide. À quel niveau vous situez, tu sais, la contribution ou l'effort des entreprises pour qu'il y ait un impact puissant et rapide et a l'effet d'exemplarité qui se produise rapidement?

Parce que, tu sais, on peut faire... On en parle, de la prévention. Moi, je le dis souvent, depuis le début de la commission: Ça va faire 30 ans que j'ai été élu le 15 novembre, là, puis la prévention, j'en ai souvent entendu parler, des discours de prévention. Mais le problème, c'est que, que ce soit par l'État, ou par les entreprises, ou autrement, là, tant qu'on ne met pas un niveau d'efforts puis un niveau d'investissement significatifs, on n'a pas grand résultat. On a des résultats mais à la marge. Si on veut avoir un impact majeur, il va falloir qu'on consente des efforts puis des changements de comportement. On ne sent pas ça, là, chez les entreprises, on ne sent pas, au Québec, tout à coup, une mode, là, asiatique, là, à la japonaise, là, par exemple, puis de dire que finalement, là, on prend une heure par jour puis on amène nos employés à faire de l'exercice, puis à quelque part, à la limite, ils n'ont quasiment pas le choix, là. Tu sais, on n'est pas là, là.

Jusqu'où, culturellement, nos employeurs autant que nos employés sont prêts à faire, tu sais, le virage et les investissements nécessaires pour avoir l'impact significatif dont vous parliez au début?

Mme Champagne (Diane): On a besoin de sensibiliser les employeurs justement aux retombées que ces programmes-là peuvent avoir et de les évaluer afin de leur démontrer que, oui, en effet, ça a un impact sur la santé des employés, sur la santé organisationnelle et sur les soins de santé du système de santé public. Alors, il existe présentement des programmes qui connaissent beaucoup de succès. Il y en a beaucoup plus, comme vous dites ? peut-être que c'est culturel; mais il y en a beaucoup plus ? en Ontario qu'il y en a au Québec. Les programmes qui ont été développés ici, au Québec, qui ont été soutenus pendant plusieurs années, ont connu du succès, ont connu des bons résultats. Alors, il s'agit de sensibiliser les employeurs sur le fait qu'une intervention soutenue, à long terme, va avoir des retombées positives sur l'entreprise et tout le système du gouvernement, donc sauver, économiser de l'argent dans le système même.

Alors, M. Couillard disait tantôt qu'on cherche justement à couper les dépenses de santé et non dépenser encore plus d'argent, mais c'est un retour sur investissement, et les programmes en milieu de travail qui ont été évalués, soutenus, bien implantés, bien réfléchis, avec des objectifs spécifiques, ont connu des retours sur investissement de 3 $ jusqu'à 9 $ par dollar investi dans ces types de programmes.

M. Charbonneau: Puis est-ce qu'on a mesuré l'impact sur la santé? Est-ce qu'on est capable de dire: Dans une entreprise de 100 ou de 500 employés, par rapport à une autre où il n'y aurait pas eu de programme, voici le résultat non seulement en termes financiers, mais en termes de santé? Est-ce qu'il y a des comparaisons qui existent?

Mme Champagne (Diane): Absolument. Je peux vous parler d'un programme dans lequel on a été impliqués, où justement on a travaillé ? c'était en milieu industriel ? avec des gens qui présentaient des problèmes d'obésité ? ici, je parle d'obésité et non d'excès de poids ? référés par des médecins dans un programme spécifique de perte de poids. Les résultats ont été mesurés: pertes de poids qui variaient entre 15 lb et 100 lb. On a suivi ces gens-là pendant une période de cinq ans et on voyait une diminution, au niveau de l'absentéisme, de 50 %. Et, dans 50 % ou dans la... plus que ça, je pense que c'était 60 %, la majorité des gens avaient maintenu une certaine perte de poids. Alors, quand on voit quelque chose, quand on est vraiment dans le milieu, on voit une personne qui perd 100 lb, 50 lb, qui le maintient à long terme, ce sont des économies dans le système de santé, ce sont des économies également pour l'employeur. Alors, c'est vraiment gagnant-gagnant à ce moment-là.

Et il existe des programmes. Le problème, c'est qu'on n'en fait pas assez la publicité, on ne partage pas les connaissances, on ne partage pas les succès qu'on a eus parce qu'il n'y a pas de tribune où ces employeurs-là peuvent partager. Et ce que nous recommandons au gouvernement dans le fond, c'est de créer cette tribune-là pour pouvoir échanger, parce que justement ça va être gagnant-gagnant, ça va être gagnant autant pour le gouvernement, en termes de soins de santé, que pour les entreprises.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Parfait. Donc, Mme Champagne, Mme Giguère, M. Robillard, représentants de Mercer, Consultation en ressources humaines, merci pour votre mémoire.

J'invite maintenant les représentants de la Clinique médicale Viau à prendre place. On va suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 40)

 

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Paquin): Donc, messieurs, bienvenue. Nous avons 30 minutes à passer ensemble, et ça va se dérouler de la façon suivante: 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, 10 minutes de discussion avec le ministre et les députés du côté ministériel, et le tout va se terminer avec 10 minutes du côté des députés de l'opposition. Donc, je vous invite à vous présenter et à nous faire part de votre mémoire.

Clinique médicale Viau inc.

M. Cameau (Frantz): M. le Président, M. le ministre, M. le député de l'opposition, mesdames messieurs, permettez-moi de me présenter, Frantz Cameau. Je me présente ici en tant qu'administrateur de la Clinique médicale Viau, accompagné du Dr Anis Khalil, qui est responsable de la radiologie.

On va essayer d'intervenir en deux points. Mon intervention va se baser uniquement sur l'aspect administratif de la clinique ? avec le peu d'expérience que j'ai dans le domaine. Et juste vous dire que la clinique fonctionne avec environ une cinquantaine de médecins, dont 27 omnipraticiens, et un noyau de 25 employés en personnel infirmier, et de bureau, et de soutien.

Avec l'expérience que j'ai faite, depuis un an, avec le programme CMA et cliniques-réseaux, on a vu que les sommes qui ont été injectées et certains assouplissements dans la politique du ministère ont permis à la clinique d'augmenter la productivité des médecins. On parle de 400 à 500 patients par jour présentement, facilement. On a pu aussi améliorer les services qui y sont fournis. On a pu notamment encourager monétairement le personnel, qui travaillait déjà depuis un certain temps sans aucune augmentation de salaire. Et puis on a aussi créé quelques postes, dont le mien, par exemple ? même si c'est à temps partiel, mais c'est créé. Et on a amélioré nos systèmes, les équipements, surtout au niveau de l'informatique, l'informatisation et la communication électronique avec nos partenaires des autres organismes. Donc, ce sont ces constats positifs qui m'amènent à croire que ce à quoi j'ai pensé, les deux suggestions que je propose aujourd'hui, que je fais aujourd'hui, pourrait, sans aucune prétention, contribuer à probablement faire augmenter le rapport qualité-prix, et on parle en termes de services de santé, réduire les temps d'attente probablement, mais surtout, et je le répète, c'est du point de vue administratif, je me confine dans mon coin d'administrateur, c'est faciliter la vie, là, à des administrateurs, là, des cliniques privées.

La première suggestion, ce serait d'élargir le concept de cliniques spécialisées affiliées à la pratique des médecins généralistes. Bon, je pense que cela pourrait diminuer en fait quelques soucis majeurs des gestionnaires de cliniques privées, en termes de salaire du personnel. D'ailleurs, je pense avoir vu quelque part que ça a été démontré par le ministère dans une étude antérieure, que c'est une pratique... en tout cas, ce genre de services là, dans un tel système, seraient moins coûteux que les services actuellement offerts par les CLSC. De plus, je pense que c'est un système qui nous amènerait à mettre les choses à leur place, les différents services dans leurs cadres respectifs. Par exemple, je pense que les cliniques privées pourraient avoir le rôle de faire des consultations de première ligne, des interventions mineures, des radiologies de base; et les CLSC, comme vocation, pourraient s'occuper des prises en charge des patients et les suivis prolongés, les programmes familiaux; et les hôpitaux, comme de raison, pourraient prendre en charge les cas complexes et les opérations majeures, les séjours prolongés, les études et tests avancés en laboratoire ainsi que les formes de radiologie élaborées, comme scanning, échographies, etc.

La deuxième suggestion, je pense qu'on pourrait permettre aux médecins exerçant dans le régime public d'exercer aussi sous financement privé, pourvu que ces médecins respectent les quotas exigés par l'État en termes de volume d'activité devant être fourni sous financement public. Bon. Je pense que cela... D'abord, pour nous, les gestionnaires administrateurs, cela pourrait constituer de meilleurs éléments incitatifs pour aller recruter et garder nos médecins. Et puis aussi je pense que les gestionnaires s'efforceraient d'aller chercher d'autres formes de financement. On envisage, par exemple, le financement privé, assurance privée pour tout service rendu par les professionnels, lorsque demandé, pour un résident, par un organisme, un groupe ou un employeur. Et on pourrait probablement bénéficier du pouvoir réglementaire du ministre pour des ajouts, à l'article 22, concernant la liste des médicaments déjà assurés. Je pense que ça pourrait représenter une forme de retombées plus substantielles.

Et, financement direct des patients, on parle des tickets modérateurs et des assurances privées. Donc, je vais laisser la deuxième partie de la présentation à mon collègue le Dr Anis Khalil, puis, s'il y a des questions, on sera là pour ça.

Le Président (M. Paquin): M. Cameau, on vous écoute. Vous voulez intervenir ou si c'est complet?

M. Cameau (Frantz): Moi, en ce qui me concerne, c'est complet.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Très bien. Donc, on va poursuivre avec la période d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Une voix: Le Dr Khalil veut poursuivre.

Le Président (M. Paquin): Vous n'aviez pas terminé votre mémoire?

M. Khalil (Anis): Moi, je n'ai pas commencé encore.

Le Président (M. Paquin): Bon, allez-y, mon cher, on vous écoute. M. Cameau.

M. Khalil (Anis): O.K. M. le Président, M. le ministre, M. le député, mesdames et messieurs, je m'excuse, je n'ai pas eu le temps de me préparer un document écrit à votre intention, c'est juste même avant de venir que j'ai finalisé les documents avec ma secrétaire, et il y a eu beaucoup d'erreurs, alors j'ai demandé à madame si je pourrais fournir le document corrigé par après. Alors, je vous remercie quand même de me donner l'occasion de me présenter. Alors, moi, je suis Dr Khalil, le propriétaire du centre de radiologie à la Clinique médicale Viau.

Alors, à mon sens, la réponse du gouvernement au jugement de la Cour suprême est d'abord minimale et pourrait à la rigueur être qualifiée de maigre. Deuxièmement, elle pourrait être rentable juridiquement à court terme mais pas à long terme, car elle n'assure pas la survie du système. Selon moi, la réponse adéquate devrait satisfaire le juridique tout en assurant la survie du système et ainsi elle devrait inclure deux choses: un ticket modérateur et ouvrir l'assurance privée plus largement, tout en protégeant les plus démunis. Le ticket modérateur et l'ouverture de l'assurance, d'abord je qualifie chaque item, et je dirai les effets de chaque.

n(16 h 50)n

Alors, le ticket modérateur, ses qualificatifs. C'est un ticket modérateur qui pourrait être modulaire ? et c'est important, le mot «modulaire» ? en fonction du revenu des citoyens et pourrait contenir un maximum, et le citoyen serait supposé payer une partie de ce maximum selon ses propres moyens. Ce maximum pourrait être un montant fixe ou un pourcentage du coût du service. Exemple: une carte d'assurance maladie pourrait avoir la couleur bleue, la personne ne paie rien du maximum, zéro du maximum; quelqu'un qui a la carte actuelle, il paierait 100 % du maximum; entre les deux, il y a cartes x, y qui pourraient payer 25 %, 50 %, 75 %.

Quel est l'effet du ticket modérateur? Ce ticket modérateur garantit l'accès aux démunis ? je vais dire plus tard pourquoi ? il constitue un frein à l'excès et il a d'autres avantages. Alors, ce ticket modérateur permet de garantir un accès illimité aux plus démunis, qui n'auront à rien payer, et en même temps il oblige les plus nantis à participer au financement du système public selon leurs moyens. Un frein: le ticket modérateur pourrait agir comme frein, comme frein à la consommation superflue des services. En troisième lieu, ce ticket modérateur, jumelé à l'ouverture de l'assurance ? dont je parlerai tout à l'heure ? à l'assurance privée, permet de soulager les finances publiques, diminuer les listes d'attente, diminuer les frustrations de ceux qui sont empêchés d'investir dans leur santé comme ils investiraient dans leurs autres dépenses, comme maison, habits, voyages, etc., et en même temps il pourrait débloquer les négociations actuelles et futures avec les fédérations des médecins.

Le deuxième: Comment ouvrir l'assurance? Comment l'ouvrir? Ouvrir progressivement ? et j'insiste sur le mot «progressivement»; ouvrir progressivement ? l'assurance privée au-delà des trois actes, et cela, selon la progression ? j'insiste sur le mot ? progression de la disponibilité des professionnels et la certitude ? aussi, j'insiste; certitude ? de la viabilité du système public.

À mon sens, immédiatement, on pourrait étendre le champ d'application de l'assurance au-delà des trois actes, genou, hanche et cataracte. Quant à la disponibilité progressive des professionnels, on peut avoir deux options: soit conserver une étanchéité parfaite en permettant un pourcentage de plus en plus grand des professionnels pratiquant hors du système, soit en permettant aux médecins une pratique double où le privé ne constitue qu'une partie de l'activité professionnelle. Personnellement, je suis très bien placé pour savoir que les moyens gigantesques de la régie sont capables de gérer cela.

Maintenant, après avoir décrit comment on ouvre l'assurance, qu'est-ce que c'est, les effets de cette assurance? Alors, les effets de l'ouverture de l'assurance, il y a trois effets: l'effet sur le jugement de la Cour suprême, effet sur la population et effet sur les professionnels de la santé.

Les effets sur le jugement de la Cour suprême: l'ouverture de l'assurance donne une réponse juridiquement convenable. L'effet sur la population, sur les plus démunis: ils n'ont pas à s'en occuper, car ils continuent à avoir une couverture complète, sans aucune limite, sans aucun déboursé de leur part, étant donné que leur carte bleue ne paierait rien de surplus. Pour les nantis, cette ouverture leur permet d'avoir des services désirés en payant une partie selon leurs moyens. Troisièmement, la liste d'attente... elle diminue. Les effets sur les professionnels de la santé: ça permet au gouvernement de dénouer les négociations actuelles avec les médecins sans renier son engagement lors de l'entente de 2003 ? concernant la lettre de l'ancien ministre, M. Legault ? et en ouvrant une porte à une injection de fonds dans le système sans alourdir les finances publiques. À noter qu'une telle ouverture pourrait faciliter les négociations futures en modulant cette ouverture selon les circonstances futures.

Le Président (M. Paquin): Je vous invite à conclure, Dr Khalil, parce qu'on a déjà dépassé le temps prévu.

M. Khalil (Anis): Je termine en vous demandant... en vous remerciant. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Cameau et Dr Khalil, pour votre visite aujourd'hui. Vous avez, M. Cameau, initialement parlé de la clinique-réseau. Votre clinique est devenue une clinique-réseau. Est-ce que c'est ce que vous disiez?

M. Cameau (Frantz): Oui, oui.

M. Couillard: Pourriez-vous nous dire concrètement qu'est-ce que ça change pour et les médecins et surtout, d'abord, pour les patients qui viennent à la clinique? Qu'est-ce qu'ils ont de plus qu'ils n'avaient pas auparavant?

M. Cameau (Frantz): On voit plus de patients, pour la simple et bonne raison que nos méthodes ont été un peu améliorées. Et, côté ? comment je pourrais dire, là? ? enregistrement, bon, maintenant, on s'est arrangés pour informatiser nos services, et, même au niveau des résultats, et des lettres, puis des choses qu'on émet aux patients, ça va beaucoup plus vite. Et en plus j'avais mentionné que les interconnexions qu'on a avec nos partenaires, là, les autres hôpitaux puis le ministère, etc., se sont améliorées aussi parce qu'on est équipés présentement.

Du point de vue salaire, je l'avais dit tantôt, ça a permis en fait de donner un petit coup, un souffle additionnel à la clinique, à la gestion des deniers de la clinique pour pouvoir satisfaire un peu le personnel qui est là, qui souffrait énormément, parce que ce n'était pas compétitif avant, et ça nous a permis d'aller... Il y a trois postes qui ont été créés: un poste en administration, le mien, un poste en secrétariat et un autre poste de pigiste pour les fins de statistiques et de suivi, O.K.?

Aussi, on a fait des approches pour aller chercher des médecins additionnels pour répondre à la demande. Et c'est peut-être pour ça que ça m'a amené à présenter mes choses, là, parce qu'on fait face à quelques difficultés de ce côté-là: les contingentements, là, le PREM puis d'autres formes d'exigences, là, qui empêchent l'embauche, le recrutement de médecins. Mais par contre tout est là, les ouvertures sont là, les possibilités sont là, et mon approche, c'est que, si on peut continuer dans cette veine d'aller chercher quelque chose de substantiel, du financement additionnel, bien on peut faire mieux.

M. Couillard: Oui, puis, pour la question salariale, je suppose que... pour les situations d'abstinence depuis cinq ans, qui peuvent parfois être très douloureuses, effectivement, je suppose que ça peut arriver à apporter une solution.

M. Cameau (Frantz): Ça a apporté une solution, définitivement, oui, on vous remercie, on vous remercie pour ça. Et c'est sûr qu'on peut toujours faire mieux, c'est sûr que ceux qui ont obtenu un petit soulagement voudraient en avoir plus, mais c'est à nous, les gestionnaires, là, de mettre les pieds à terre puis de dire: Voilà, et c'est ça qu'on a, c'est ça qu'on peut faire et puis c'est le mieux qu'on peut faire.

M. Couillard: Mais le but de la clinique-réseau également, c'est de donner une autre solution aux personnes, aux patients plutôt que d'aller à la salle d'urgence de l'hôpital. Est-ce que vous êtes capables de les accueillir, là, tard, en dehors des heures habituelles, d'avoir les résultats d'examen qui les empêche d'avoir à consulter à l'hôpital? Comment ça se passe pour les examens?

n(17 heures)n

M. Cameau (Frantz): Comment ça se passe? C'est que présentement il y a en fait un corridor de liaison qui s'est créé entre... en tout cas entre notre clinique à nous, je pense qu'on essaie de faire ça à l'échelle de toutes les cliniques-réseaux, et il y a un corridor de liaison qui s'est formé pour les cas urgents, les cas qui ne peuvent pas attendre. Toutes les consultations, là, les cas simples, etc., bon, qu'on a l'habitude de traiter, aucun problème, ça se fait rapidement. Supposons qu'on a, par exemple, des radios à sortir très rapidement ou des tests à sortir très rapidement, nous sommes capables présentement de communiquer avec des hôpitaux comme Santa-Cabrini, et, bon, il y a d'autres hôpitaux qui s'en viennent, mais pour l'instant nous sommes encore au stade d'essai, toujours, là. Mais c'est quand même assez bien rodé, on peut répondre à beaucoup de demandes, là, d'exigences. Lorsqu'on a des patients qui se présentent avec des problèmes aigus, des problèmes, O.K., qui demandent un soin particulier, on peut les acheminer rapidement par le biais de ce corridor de liaison, O.K.? On a une infirmière ? c'est encore un autre poste qui a été créé, là ? une infirmière de liaison et qui a comme mandat, comme vocation d'établir les liens avec les médecins des autres hôpitaux dans le cas de demandes bien spécifiques.

M. Couillard: Mais, lorsque vous suggérez de transférer le concept de cliniques spécialisées affiliées aux omnipraticiens, est-ce que ce n'est pas ce que ça représente finalement, la clinique-réseau puis le GMF ou la combinaison des deux?

M. Cameau (Frantz): C'est un pas vers ça justement. Et, ce que je voulais mentionner par là, c'est que je sais que, dans un tel concept, bon, les gestionnaires n'auront peut-être plus à se casser la tête avec les salaires du personnel, parce que, dans un tel concept, je pense que soit l'État ou le financement privé vont venir s'ajouter pour améliorer la situation.

Ce que je veux dire par là, c'est, dans un tel concept, les salaires des employés de soutien et employés... personnel infirmier, etc., sont pris en considération, O.K., par le système, précisément ça. Mais aussi, je pense que par le fait même qu'on pourra comparer vraiment les mêmes services donnés dans un même contexte, c'est pour ça que je dis: On pourra mieux situer, mieux cadrer les services qui se donnent pour catégoriser. Par exemple, on parle de consultations de première ligne, on parle de prise en charge, etc., et je pense que c'est un suivi qui pourra être mieux fait dans un tel contexte.

M. Couillard: Par ailleurs ? puis je terminerais là-dessus, M. le Président ? on vous remercie pour vos remarques quant au ticket modérateur et l'assurance privée, hein, c'est une analyse qui est intéressante. Mais je voulais vous demander: La question du ticket modérateur, comment vous l'envisagez, Dr Cameau? Vous avez mentionné tantôt les circonscriptions où on aurait un pourcentage à payer de l'acte selon le niveau de revenus, mais qui obtiendrait le ticket modérateur, c'est le médecin ou le système de santé?

M. Cameau (Frantz): Le ticket modérateur, c'est le médecin qui l'obtient. Le ticket modérateur, c'est le médecin qui l'obtient. Alors, le patient, chaque patient... Il va y avoir différentes catégories d'assurance maladie et qui seront couvertes selon le revenu ou les capacités du patient. Supposons un patient sur l'aide sociale, il ne peut pas payer, alors, lui, il a une carte bleue, supposons, il ne paie rien du supplément. Alors, le supplément, comme j'ai dit, il peut être un montant fixe, supposons 5 $, ou un pourcentage de l'acte. Alors, celui qui a la carte bleue automatiquement, arrivant chez le médecin, le médecin sait qu'il ne paie rien, lui. Alors, il faut lui donner le service selon le tarif de la régie, exactement.

Alors, celui qui a la carte actuelle, supposons qu'il est supposé payer 100 % du ticket modérateur, supposons qu'elle constitue 25 % de l'acte, alors, lui, il paie 25 % de l'acte. Ceux qui ont les autres cartes, les autres sortes de cartes, selon le pourcentage qu'ils ont, ils paient. Pour répondre à votre question, le montant va au médecin.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, à vous la parole.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Concernant la première recommandation, j'ai de la difficulté à suivre la logique. Parce que vous dites dans le fond d'élargir le concept de cliniques spécialisées affiliées à la pratique des médecins généralistes. Dans le fond, les médecins généralistes, ils sont... en général, à part ceux qui sont dans les CLSC, là, ils sont dans des cliniques privées conventionnées et pour les services des omnis. Dans le fond, les cliniques spécialisées affiliées, ce seraient des cliniques privées conventionnées pour des services hospitaliers, des services de chirurgie, dans le fond.

M. Cameau (Frantz): Mineures, oui, interventions mineures, oui.

M. Charbonneau: C'est ça. Mais pourquoi vous dites: Élargir le concept? Puisque dans le fond, c'est plutôt l'inverse, c'est-à-dire on prend le concept qu'on a pour les omnis puis on l'applique pour des chirurgies mineures. Et ce n'est pas donc...

M. Cameau (Frantz): N'oubliez pas, dans mon préambule, là, j'avais mentionné que c'était du point de vue administratif. O.K.? Pourquoi je dis ça? C'est parce que je pense que le concept, à mon humble avis, des cliniques spécialisés, c'est que tout le personnel ? je dis bien, là, côté salarial, etc. ? est pris en charge par le système. Ce qu'on n'a pas, ce que... les médecins généralistes dans les cliniques privées, ça, on n'a pas ça. C'est à même le pourcentage qu'on prélève de la facturation à l'acte qu'on fait l'administration en entier, là, de toutes les cliniques privées. La différence est là.

M. Charbonneau: O.K. Puis ce que vous dites: Ce qui n'est pas le cas pour les cliniques-réseaux?

M. Cameau (Frantz): Bon, ce n'est pas tout à fait le cas pour les cliniques-réseaux. Et c'est pour ça que j'avais mentionné, le surplus, tout ce que ça nous a donné comme avantage, là, ce qu'on est allés chercher, là, les sommes qui ont été injectées sous forme de subvention, etc., ça a aidé justement à compenser partiellement. Ça nous a aidés de ce côté-là, donc.

M. Charbonneau: C'est que, pour les cliniques de médecins omnipraticiens, vous souhaiteriez qu'il y ait une formule qui fasse en sorte que, plutôt qu'il y ait un pourcentage de la rémunération des médecins qui va pour les services administratifs, c'est que les services administratifs soient pris en charge dans une convention différente?

M. Cameau (Frantz): Exactement.

M. Charbonneau: Mais pourquoi vous n'avez pas choisi, par exemple, la formule groupe de médecine de famille? Pourquoi vous avez choisi finalement la formule...

M. Cameau (Frantz): Bon, en fait, est-ce que c'est un choix? Non. On fonctionne d'une façon, là, présentement, et ce n'est pas par choix. C'est que, bon, la clinique a été instituée, puis on n'a pas choisi ce qui est là actuellement. Comment je pourrais dire? Les preneurs de décisions en fait, maintenant, ont décidé d'y aller avec la formule qu'on a présentement. C'est que tout ce qu'on a... c'est qu'on cherche des solutions, on cherche des choses, là, qui pourraient nous faciliter la vie, diminuer un peu, là, les difficultés qu'on rencontre avec le système actuel, la façon de fonctionner actuellement.

M. Charbonneau: En ce qui concerne l'autre dimension ? je dirais que c'est notre journée «ticket modérateur», là, il y en a plusieurs, aujourd'hui, qui nous ont proposé ça; mais ? le fait est que dans le fond, le ticket modérateur, c'est une taxe additionnelle, hein? Dans le fond, là, au bout du compte, ce qu'on dit, c'est que... vous dites: Les mieux nantis paieraient plus. Bon. Il y a différentes façons de payer plus. On peut imposer un ticket modérateur qui va dans la poche, direct, des médecins ou qui va à l'État, puis par la suite l'État bonifie la rémunération, par exemple, ou faire autre chose avec, là, l'injecte dans le système public. Mais, en bout de piste, est-ce que vous ne convenez pas que d'une certaine façon, le ticket modérateur, c'est une façon différente de taxer le citoyen utilisateur du système de santé?

M. Cameau (Frantz): Non. Quand la santé occupe 43 % et bientôt 53 %, on n'a pas le choix, il va falloir soit augmenter les impôts, soit diminuer le budget des autres ministères ou bien aller chez le public d'une certaine manière. Alors, c'est une taxe, c'est vrai, mais du fait... quand je dis que c'est un ticket modérateur modulaire, elle peut être modulée en fonction du revenu. Vous allez me dire: C'est un genre d'impôt progressif. Oui. Mais on a dans la population, actuellement, une certaine lassitude quant aux listes d'attente, qu'il y a des gens qui sont prêts à payer. Et, si je me rappelle, dernièrement, il y a à peu près 65 %... c'est au Québec surtout que les gens sont prêts à payer pour avoir plus de services, tout en connaissant en connaissance de cause que c'est une taxe.

Maintenant, c'est aberrant qu'une personne qui peut avoir une maison de 1 million, s'il peut, il peut aller voyager, avoir son avion privé, mais, quand il s'agit de sa santé, il ne peut rien mettre. Il y en a, des gens qui sont frustrés, puis c'est la majorité. Alors, ça constitue un impôt, c'est vrai, mais je croirais que, dans la société, cet impôt, il est mieux placé, il est accepté, surtout ? surtout ? que le citoyen peut la cibler exactement là où il veut. Il n'y a personne qui va pouvoir jouer là-dedans. Lui, il veut le service de la santé? Il le met dans le service de la santé. S'il y a une assurance à côté, il peut prendre l'assurance qu'il veut, la minimale, la moyenne, la Cadillac, selon ses moyens. Mais l'État n'a rien à faire là-dedans.

n(17 h 10)n

M. Charbonneau: L'État a à faire quelque chose. Parce qu'il faut faire la différence entre le ticket modérateur puis l'assurance privée: le ticket modérateur est une forme d'impôt progressif, ça pourrait être une façon de le voir, alors que l'assurance privée, c'est autre chose, c'est une contribution personnelle. Et puis le ticket modérateur ne vous donne pas un accès plus rapide, mais c'est clair que, l'assurance privée, votre objectif, c'est de pouvoir passer plus vite que les autres. Et pourquoi, parce que vous avez 1 million de revenus, vous passeriez avant moi, pauvre député qui n'a pas 1 million de revenus par année, là?

M. Khalil (Anis): Non, non, je vais vous le dire, je vais vous le dire. Et d'autant plus qu'actuellement je suis en train de lire le livre de M. Dubuc, là, Éloge à la richesse. Ça tombe très bien.

C'est vrai que je n'ai pas plus de droits que vous. Mais, dans la nature et dans tous les jours, là, si je peux avoir une voiture qui est meilleure que l'autre, il n'y a personne qui se choque de ça. Ma maison, elle pourrait être meilleure ou moins bonne que d'autres dans la hiérarchie où je suis. Mais pourquoi, dans la santé, si je peux, je ne peux pas acheter ce que je veux?

Maintenant, vous m'avez dit de ne pas passer devant l'autre. Je comprends ça. Mais l'autre, lui, si on lui dit que, par le ticket modérateur modulaire... S'il n'a pas les moyens, il va avoir accès à 100 % sans aucun sou. Maintenant, dans la liste d'attente, au lieu d'être le 100e, si je m'en débarque, il est le 99. C'est comme ça.

M. Charbonneau: Mais ça, je dois vous dire, les études à l'étranger ont montré que ça n'a pas réglé le problème d'accessibilité, là. Parce qu'il faut faire la distinction, là, vous mêlez les deux, docteur. Le ticket modérateur, c'est une chose, c'est de charger une taxe additionnelle, autrement dit, c'est un coût pour tout le monde, sauf peut-être pour les moins nantis, là, et, à ce moment-là, c'est une taxe. Puis l'assurance privée, ça, c'est une autre affaire. L'assurance privée, ça vous donne quoi? Ça vous donne la possibilité d'aller chercher le service plus rapidement.

M. Khalil (Anis): L'assurance privée...

M. Charbonneau: Moi, je ne vois pas pourquoi faire, parce que vous êtes pas mal plus riche que moi...

M. Khalil (Anis): Je m'excuse. Moi, je vois l'assurance...

M. Charbonneau: ...vous iriez chercher votre service, juste parce que finalement, c'est la loi du plus fort puis que c'est la loi de la nature qui fait que, quand tu es gros, je veux dire, tu passes avant l'autre, là. Moi, je veux dire, je ne comprends pas cette... je n'accepte pas cette logique-là. Surtout dans un contexte où il y a une pénurie. Il n'y a pas un surplus de personnel, là.

M. Khalil (Anis): J'ai de la difficulté à comprendre que vous ne comprenez... J'ai de la difficulté... vous ne comprenez pas. Il y a des salles d'opération actuellement, dans les hôpitaux, qui ne fonctionnent pas. Alors, elles ne fonctionnent pas ni pour le riche ni pour le pauvre. Elles ne fonctionnent pas. Alors, qu'est-ce qui empêche qu'il y a 100 personnes sur la liste d'attente dont 10 sont des riches... Bon, ils sont prêts à payer les dépenses de ces salles d'opération le soir, à minuit, à 3 heures du matin. Ils sont prêts à payer le coût, alors ils passent avant les autres, c'est vrai. Ils passent avant les autres, mais ils ont enlevé 10 sur la liste d'attente.

M. Charbonneau: Le médecin qui va vous opérer à 3 heures du matin, là, parce que vous avez de l'argent pour passer avant moi, là, hein, bien, lui, il va être fatigué, le lendemain, il ne pourra pas... Tu sais, il n'opère pas 24 heures par jour. Dans le fond, dans le contexte où il y a une pénurie de personnel soignant, faisons pas accroire aux Québécois que ce système-là leur permettrait d'avoir un règlement du problème d'accessibilité, là. Ce n'est pas vrai, ça.

M. Khalil (Anis): Votre question est très pertinente. C'est pourquoi j'ai insisté sur: ouvrir progressivement et selon la disponibilité progressive des professionnels. D'abord, il faut assurer la survie du public au moins telle qu'elle est maintenant, minimum, telle qu'elle est maintenant. Mais, à partir de là, si on peut donner des services supplémentaires, on est capables.

D'ailleurs, le ministre, actuellement, sur la table de la négociation avec les fédérations, il dit: Je vous donne ce que je donne aux employés, comme tout l'État, mais je suis prêt à payer plus si vous faites plus d'ouvrage, si vous donnez plus de services. Mais avec le ticket modérateur, on donne plus de services, et aux médecins on leur permet de faire plus de revenus. C'est à eux de gérer leur temps. Maintenant, si vous me dites que le médecin va opérer 24 heures, je ne crois pas.

M. Charbonneau: Juste pour... puis je termine avec ça parce que, malheureusement, le président me dit qu'on n'a plus le temps, mais la réalité, c'est que le ticket modérateur, si jamais on acceptait de l'introduire, il y a un autre niveau de gouvernement ou il y a un autre Parlement qui va devoir se prononcer. Et donc la solution à court terme, là, pour la négociation des médecins spécialistes, là, et même des autres médecins, ce n'est pas le ticket modérateur. D'ailleurs, dans le fond, le ticket modérateur serait pour les médecins omnis plus que pour les médecins spécialistes, selon en tout cas les propositions qui ont été faites.

Mais, dans un cas comme dans l'autre, avant que ce soit introduit, ça va prendre pas mal d'années, puis, je vais vous dire, il va peut-être y avoir une couple de négociations qui vont avoir eu lieu avant que... si jamais... que ce soit introduit. Alors, ça ne peut pas être une solution à court terme au problème actuel, là, la problématique, là, qui est posée par les fédérations médicales, là, qui veulent faire un rattrapage au niveau de leurs conditions de salaire, là. C'est clair qu'à court terme, là, on ne peut pas laisser croire aux fédérations médicales puis aux médecins que, si on introduisait le ticket modérateur puis qu'on augmentait donc l'injection de fonds, on pourrait diriger ces argents-là vers les médecins puis régler le problème du rattrapage. Ça va prendre du temps. Si jamais on décidait, il faudrait que... il y a deux niveaux d'État qui vont devoir se concerter. Ce n'est pas demain la veille, là.

M. Khalil (Anis): Oui. Je conçois qu'il y a différents gouvernements qui peuvent penser différemment, et personnellement je me permets de penser différemment... de penser différent de vous. Et on est là pour présenter les différentes opinions.

M. Charbonneau: Et un débat, c'est la confrontation d'opinions divergentes.

M. Khalil (Anis): Exact.

M. Charbonneau: Très bien. Merci beaucoup, docteur.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député. Dr Khalil, M. Cameau, représentants de la Clinique médicale Viau, merci de votre mémoire.

Donc, oui, j'invite maintenant M. Richard Danylewick à bien prendre place, s'il vous plaît. Et je suspends les travaux de la commission pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

 

(Reprise à 17 h 34)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons le Dr Richard Danylewick. Docteur, bonjour. La commission a décidé, pour des particuliers, d'accorder une audition de 30 minutes, c'est-à-dire vous avez droit à une présentation de 10 minutes, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 10 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Si jamais la personne qui vous accompagne va intervenir, on vous demanderait de vous identifier par la suite, et immédiatement enchaîner avec votre présentation.

M. Richard Danylewick

M. Danylewick (Richard): O.K. Merci beaucoup. Moi, je suis Richard Danylewick; le monsieur à ma gauche, c'est mon père, Jerry Danylewick.

Merci d'avoir patienté pour les quelques minutes. J'avais visionné une autre session aujourd'hui, un peu plus comme médecin formel, avec présentation PowerPoint. Mais, grâce à l'équipe, vous avez tous les photocopies noir et blanc. C'est sûr, ça va manquer un peu le punch des images en couleurs, mais au moins j'apprécie que vous ayez ça.

Moi, je suis un chirurgien vasculaire. Je travaille à l'Hôpital Jean-Talon, à Montréal. Je vais réviser mon mémoire, mais le but, c'est d'évaluer le problème que j'expérimente avec l'accès à la chirurgie des varices. C'est un problème particulier, et, avec la présentation, vous allez avoir plus d'idée qu'est-ce qui est la réalité.

Ma liste d'attente est rendue à 550 patients. Il y a une raison pour ça que je vais élaborer aussi. Et, si on calcule, la liste d'attente dépasse trois ans. Donc, c'est très décourageant, quand je reçois quelqu'un au bureau, et on décide de faire une intervention chirurgicale, et je leur dis: Dans trois ans, je vais être capable de vous opérer.

Ma présentation est divisée en trois parties. Je vais définir des termes parce que... juste pour que ce soit clair, un chirurgien vasculaire, pour les gens qui ont peut-être besoin des précisions des termes «maladie artérielle», «maladie veineuse». Deuxième partie, je vais faire un exposé de la maladie veineuse et vous mettre en contexte, c'est quelle sorte de problèmes que je soigne, et je parle aussi de mes collègues chirurgiens vasculaires, et de faire un résumé du mémoire.

Les termes qu'on va réviser sont les suivants. Chirurgien vasculaire, pour vraiment savoir qu'est-ce qu'on fait, nous sommes des chirurgiens spécialisés dans la maladie des vaisseaux. Et il y a deux côtés de la circulation: les artères et les veines. Un chirurgien vasculaire va soigner la maladie artérielle qui consiste surtout en l'artériosclérose, comme on dit, les artères bouchées, les anévrismes, qui sont des vaisseaux qui sont dilatés. Ce côté du problème de la maladie vasculaire, la maladie artérielle, est un problème menaçant. Pour les jambes, les gens peuvent avoir la gangrène, et ça peut amener à l'amputation, peuvent faire des accidents cérébrovasculaires, et la maladie peut aussi menacer la vie. Donc, c'est comme on dit, c'est la grosse pathologie.

Suivante, on voit juste des images d'une aorte sténosée, un anévrisme qui peut rupturer et un accident cérébrovasculaire dû à un blocage de la carotide.

Les chirurgies pour la maladie artérielle, la chirurgie est majeure, c'est des opérations qui durent longtemps. Ici, on voit une image d'un pontage au niveau de l'aorte, et à droite on voit un pontage dans la jambe. C'est des opérations qui durent longtemps, c'est des risques associés, des patients hospitalisés. Ça prend, je peux dire, peut-être quatre heures pour chaque opération. Donc, pour une priorité opératoire d'un jour, quand on a sept heures et demie, on peut faire juste deux de ces pathologies-là.

L'autre côté de la circulation: la maladie veineuse. Ça, c'est dû à une dysfonction valvulaire. Les valves sont des structures dans les veines qui empêchent le sang de descendre dans le sens inverse, et quand les valves ne fonctionnent pas, la pression à l'intérieur de la veine va former des varices.

Suivante, on voit une image de la veine saphène, qui est la veine qu'on voit le plus fréquemment malade. On voit à droite une image des bosses, les varices sous le genou, et le dessin démontre le trajet de la veine qui est malade, les valves qui ne fonctionnent pas. Donc, l'origine du problème est à l'intérieur.

La chirurgie typique, c'est ce qu'on appelle une saphénectomie ou un stripping. Le but de cette opération, c'est, en deux incisions, enlever le circuit qui est malade, et la veine est enlevée, et le sang va être redirigé vers les veines profondes. Puis aussi, on peut enlever les varices de surface.

n(17 h 40)n

Un chirurgien vasculaire a eu beaucoup de formation. Au total, 14 ans. Ça, ça inclut l'université, quatre ans de médecine, un certificat en chirurgie générale et un autre deux ans en vasculaire, donc beaucoup d'années de formation. Un peu décourageant: on est formés pour pratiquer des actes chirurgicaux pour traiter nos patients, mais l'accès à la salle d'opération, dans notre système public, est limité. Pour être contents, il faut qu'on se contente à un jour seulement par semaine à la salle d'opération. Les autres jours, on ne fait pas de la chirurgie.

Suivante, je montre qu'un chirurgien vasculaire, avec les priorités, typiquement, va opérer 95 % de leur temps des problèmes artériels. Moi, comme vous allez voir tout à l'heure, moi, je fais l'inverse, ma pratique actuellement est plus dévouée vers le problème des maladies veineuses.

Pourquoi il y a beaucoup de chirurgiens aussi qui sont moins intéressés ou font moins de chirurgies veineuses? Il y a plusieurs raisons pour ça. Un, comme on vient de voir, il y a peu de temps opératoire disponible: un jour-semaine. Les pathologies artérielles sont des maladies graves et, si on peut juste faire deux de ces cas par jour, c'est sûr, on ne peut pas faire plus dans une même priorité, et la priorité, c'est pour soigner les artères qui sont menaçantes au patient. L'autre aspect, c'est que la rémunération de la RAMQ est, on peut dire, pauvre et aussi, en un autre sens, inéquitable. Parce que, si l'opération dure 40 minutes ou 2 h 40 min, c'est la même rémunération. Ça, ça décourage beaucoup de chirurgiens.

Moi, par contre, la façon que je me suis organisé depuis quelques années, j'ai développé une expertise dans le traitement de la maladie veineuse, et ça, c'était surtout dû à l'utilisation d'un Écho-Doppler. C'est un appareil qui nous laisse préciser le diagnostic des problèmes des veines et de planifier l'opération comme il faut. Donc, avec ça, on est plus précis et on peut adresser le problème d'une façon plus précise. Malheureusement, dans les hôpitaux, on n'a pas accès à ces appareils-là. Moi, je fais ça dans mon cabinet privé.

Ce qui m'aide, avec cette échographie, surtout pour planifier ? j'ai montré ici un simple problème opératoire ? c'est de marquer le trajet de la veine; on peut planifier les incisions, on est plus précis et on augmente toutes les chances d'avoir un bon résultat. Avant l'arrivée de cette technologie, comme chirurgiens, on opérait vraiment aveugle et les résultats étaient moins bons.

Mapping pré-op, pour un cas complexe, comme vous voyez, ça signifie beaucoup de dessins, mais le lendemain, à l'opération, c'est très, très simple et très précis.

J'ai mentionné que la maladie artérielle est grave, mais ça ne veut pas dire que les veines, les problèmes de veines, c'est quelque chose qui est négligeable. Et c'est pourquoi il y a plusieurs images ici que je vous démontre, qui indiquent que... on ne voit pas bien, mais on peut voir comme un eczéma au-dessus de la cheville. Ça peut amener à des problèmes de saignement. Ici, on voit un pied d'un homme de 80 ans qui a eu des problèmes d'hémorragie, puis ça l'a amené à l'hôpital deux fois, par l'urgence, pour des problèmes de saignement. Puis les complications de la maladie veineuse, c'est la dermatite de stase, où on a une décoloration de la peau. On voit, au milieu, un oedème de son mollet droit et une jambe qui est plus... très souffrante. Donc, ce n'est pas vraiment des problèmes esthétiques comme peut-être les gens considèrent.

Et finalement, la pire complication, c'est le développement d'un ulcère, et j'ai montré une image de ça.

Le Président (M. Copeman): Docteur, je sais que ça passe très vite, là, mais il reste moins que deux minutes.

M. Danylewick (Richard): Correct. Merci. Donc, la maladie n'est pas un problème esthétique, mais plutôt un problème qui avec le temps, pas traité, va amener des problèmes de santé assez importants.

Dans mon mémoire, je liste quelques points. La liste d'attente, comme j'ai dit, est très longue: 550 patients. Je veux faire remarquer que mes patients viennent de plusieurs régions du Québec parce qu'il y a de moins en moins de chirurgiens qui opèrent dans les régions; ça veut dire de Montréal, plusieurs hôpitaux, incluant des centres universitaires, la région des Laurentides, Lanaudière, Trois-Rivières, Cantons-de-l'Est et même Gatineau.

Quand on fait les calculs, ma liste d'attente est trois ans. Ça, c'est parce qu'il y a des quotas imposés par la régie. Pour la chirurgie artérielle, il n'y en a pas; pour la maladie veineuse, il y en a. Des facteurs qui limitent l'accès à la chirurgie, c'est tout à fait ça: le problème de temps disponible dans un milieu hospitalisé puis les quotas qui nous limitent pour nos chirurgies.

Donc, ma proposition était la suivante, deux points importants: d'utiliser les cliniques hybrides et aussi abolir les quotas. J'ai déjà essayé une autre solution: d'avoir des priorités dans un autre centre hospitalier pour être capable de travailler plus; j'ai eu un jour par mois qui était ajouté dans ma pratique. Mais le problème, c'est qu'après quelque temps je n'étais plus capable d'avancer sur le problème de patients avec problèmes veineux.

Donc, ma proposition, c'est d'utiliser ces cliniques hybrides qui vont aider à augmenter l'accessibilité aux soins, diminuer le temps d'attente et aussi partager les coûts. Les cliniques hybrides, le côté public, les médecins, chirurgiens et anesthésistes, sont couverts... payés, rémunérés par la carte-soleil, mais les assurances des patients remboursent pour les produits anesthésiques, des pansements, matériaux et des frais administratifs.

Deuxième proposition, c'est abolir les quotas pour libérer les contraintes. Et de permettre aux médecins de travailler conjointement n'est pas exclu; ça veut dire dans les deux centres, milieu hospitalier public et dans les cliniques hybrides. Il y a deux ? et ça achève; il y a deux ? ... à Montréal, la région de Montréal, déjà deux cliniques hybrides qui existent, donc c'est les ressources qui sont déjà en place, avec nouvelles installations, des salles d'opération neuves et modernes: il y a Opmedic à Laval et IPM à Montréal.

Donc, en conclusion, je vous présente la situation pour les listes d'attente, pour moi, puis il y a des chirurgiens aussi qui ont des listes aussi longues et peut-être encore plus longues. Donc, ma proposition, c'est de considérer l'utilisation de ces cliniques hybrides pour diminuer les listes ? parce que chaque patient opéré en clinique hybride va libérer automatiquement une place dans le système public ? et aussi abolir les quotas en chirurgie veineuse. Et ça, ça va donner plus d'occasions d'opérer plus de patients. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Merci, docteur. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, docteur, de votre présentation. Le temps est passé vite, hein, le 10 minutes est passé très vite. Je voudrais savoir: Dans quelle association de la FMSQ êtes-vous membre actuellement?

M. Danylewick (Richard): Chirurgie générale. Il n'y en a pas, de vasculaire.

M. Couillard: O.K. Je vous demandais ça parce que, selon mes informations ? parce que vous avez beaucoup parlé des quotas, là, de la Régie de l'assurance maladie du Québec, il faut donner des explications ? dans l'association de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, il n'y a pas de telle chose. Ces quotas s'appliquent à l'Association des chirurgiens généraux, qui font de la vasculaire avec une spécialité en vasculaire, comme vous, et ce n'est pas des quotas qui s'appliquent à la chirurgie mais aux examens préopératoires. À la demande de la Fédération des médecins spécialistes du Québec d'ailleurs, lors de la dernière négociation, on a décidé de demander, de la part de la fédération, un quota général de 89 000 $ par trois mois pour l'ensemble des chirurgiens qui font ces examens préopératoires.

Alors, moi, ce que je dirais, c'est que la Régie de l'assurance maladie du Québec, elle applique les ententes avec la fédération. Si, dans la prochaine négociation qui est en cours, la fédération veut revisiter cette question-là, c'est possible de le faire.

Est-ce que vous avez fait des représentations au niveau de votre association, pour la fédération, qu'elle mette ça dans ses objectifs de négociation?

M. Danylewick (Richard): Pas encore, parce que jusqu'à maintenant j'avais juste une priorité par semaine, puis, avec une période de six mois, j'étais à la veille de plafonner, comme on dit. Donc, maintenant, avec l'occasion de travailler dans un autre centre, c'est sûr que je travaille plus, je vais comme plafonner plus vite. Donc, je n'ai pas eu l'occasion encore d'aborder ça avec l'association.

M. Couillard: Oui. Bien, je répète que ces plafonds s'appliquent aux examens préopératoires et non pas aux chirurgies. Mais peut-être que la fédération pourrait converser là-dessus avec vous.

Maintenant, j'aimerais que vous nous expliquiez votre concept de clinique hybride. Vous parlez de cliniques ? je veux bien comprendre ? un peu comme la clinique de polychirurgie à Montréal, je suppose, avec des médecins qui sont les participants au régime d'assurance maladie du Québec, qui font des actes assurés et puis qui ont le droit également de demander des tarifs administratifs ou pour des produits anesthésiques aux patients. Mais ça, ça existe déjà, c'est entièrement légal de le faire.

C'est quoi, le problème, là? C'est parce que ça existe, ces cliniques-là, puis il y en a d'autres qui ouvrent, il n'y a pas de... Actuellement, il n'y a pas de problème légal à ça. On ne parle pas du concept de cliniques affiliées, là, on parle de cliniques hybrides, comme vous dites, qui sont Opmedic ou la clinique de polychirurgie de Montréal, qui existent déjà. C'est déjà possible de faire ça. Donc, quel est le problème?

M. Danylewick (Richard): M. le ministre, peut-être, l'impression que j'avais, ce n'était pas encore accepté ou c'était encore... oui, accepté. C'est vraiment...

M. Couillard: ...tout à fait légal, hein? Ça existe actuellement. Ça existe depuis plusieurs années. La clinique...

n(17 h 50)n

M. Danylewick (Richard): Oui. Je sais que ça existe. Mais je me rappelle, comme pour le IPM, à un moment donné, les chirurgiens qui... les médecins que je connaissais, à un moment donné, il y avait un problème, puis c'est comme ils ont arrêté leurs activités, puis c'était considéré comme pas complètement légal, comme vous me dites, puis ce n'était pas, comme on dit en anglais, «clean». Ça, c'est l'impression. Peut-être que c'était un problème de... mes informations, mais c'était ça qui était, dans mon milieu, pas clair.

M. Couillard: Bien, il faut voir. Disons qu'on ne parlera pas des détails du cas, là, mais tant que les tarifs exigés, ce qu'on appelle les frais accessoires pour justement soit l'administration, soit des produits chirurgicaux ou anesthésiques... C'est quelque chose qui devrait d'ailleurs être mieux clarifié, là, on y reviendra plus tard, dans ce débat-là, mais c'est quelque chose qui existe et qui est légal. Peut-être que le problème a été qu'on demandait des contributions pour l'acte chirurgical lui-même, ce qui... Ça, ce n'est pas permis.

M. Danylewick (Richard): C'est possible. Mais ça, comme je vous dis, ça, c'est... Je travaille là-dessus pour trouver d'autre temps opératoire depuis l'automne, depuis vraiment octobre, donc.

M. Couillard: O.K. Mais dans l'optique où on ferait des cliniques affiliées, qui sont des cliniques comme, disons, celles-là, mais qui ont une entente de contrat avec un hôpital, comme votre hôpital, par exemple, Jean-Talon, il est possible pour l'hôpital, si on considère qu'il y a un problème d'accessibilité important pour un type de chirurgie dans le modèle de clinique affiliée, de faire une entente avec la clinique affiliée pour faire ces chirurgies-là dans ce milieu privé affilié à l'hôpital, mais sans contribution pour le patient. Et c'est dans le document de consultation.

Est-ce que vous ne pensez pas que, s'il y a un besoin réel d'accessibilité à votre hôpital, c'est le genre de solution qui pourrait être apportée?

M. Danylewick (Richard): Oui. Moi, je pense que, ça, c'est une façon de procéder, oui.

M. Couillard: Est-ce que toutes vos chirurgies sont faites sous anesthésie générale ou...

M. Danylewick (Richard): Non.

M. Couillard: Non? C'est plutôt...

M. Danylewick (Richard): La plupart des anesthésistes préfèrent... recommandent rachi.

M. Couillard: O.K. Donc, on voit que, et à la fois dans le système actuel puis à la fois dans ce qu'on propose comme clinique affiliée, il y a peut-être des progrès à faire en termes de disponibilité de salles d'opération, là. C'est exactement la direction qu'on propose dans le document.

M. Danylewick (Richard): Je ne suis pas sûr, M. le ministre, que...

M. Couillard: C'est que, ce qu'on dit, dans le document, c'est que, pour permettre d'avoir plus de temps opératoire, plus de disponibilité de salles d'opération, en plus de maintenir les activités dans les hôpitaux publics, en plus, on va permettre à un hôpital de faire un contrat avec une clinique affiliée pour faire un nombre déterminé de procédures par année. Par exemple, votre Hôpital Jean-Talon pourrait décider de confier par année, je ne sais pas, moi, 100 procédures veineuses à un hôpital pour un tarif x.

M. Danylewick (Richard): Parce que, moi, je vais vous dire, pour les patients que je vois actuellement, c'est... pour les problèmes de veines, depuis quelques mois... Avant, je les voyais à l'hôpital, et je les vois encore, je fais encore la clinique externe à l'hôpital, mais pour au moins la préparation pour l'opération, les gens vont passer une échographie pour préciser l'opération. Le problème, c'est qu'à l'hôpital je n'ai pas accès à cet appareil, donc je me suis organisé pour avoir cet appareil pour faire la chirurgie comme il faut. Mais, pour moi, l'Hôpital Jean-Talon, c'est juste un endroit, pour moi, où je peux faire mes opérations, et tout ce que je peux avoir, c'est un jour par semaine, et ma demande est vraiment excessive. Et, comme je vous ai montré, j'ai une demande qui dépasse la plupart des chirurgiens vasculaires, la moyenne. Donc, moi, la raison pourquoi je mentionne ici ces cliniques hybrides, c'est parce que, pour moi, c'est une notion qui n'était pas encore claire.

M. Couillard: O.K. D'ailleurs, bien, je pense que les gens d'Opmedic viennent à la commission, puis on aura l'occasion d'échanger avec eux sur le concept qu'ils veulent mettre de l'avant.

M. Danylewick (Richard): M. le ministre, je ne comprends pas pourquoi l'hôpital devrait être impliqué avec une clinique comme une clinique hybride, que les patients.... Vous dites que les... Parce que je trouve que, pour les patients, un montant d'argent de 400 $ ou 500 $ pour leur... il y a beaucoup de gens à qui je parle déjà qui sont très intéressés d'avoir ça fait dans un autre milieu qu'un centre hospitalier, pour toutes sortes de...

M. Couillard: Notre préoccupation, nous autres, c'est les gens qui ne peuvent pas payer le 400 $, 500 $.

M. Danylewick (Richard): Non, non. Mais c'est ça. C'est pourquoi je dis: On devrait garder... j'aimerais travailler comme dans les deux sphères.

M. Couillard: On va arrêter là.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Écoutez, M. le Président, peut-être une question qui... C'est quoi, la conséquence d'attendre trois ans... deux ans, trois ans pour la personne, pour ce type de problématique là, là?

M. Danylewick (Richard): Parce que la maladie ne guérit pas sans le traitement. C'est une maladie chronique et ça se détériore avec le temps. Pas tout le monde est pareil. Trois ans, c'est sûr que je peux dire, en général, ce n'est pas des grosses détériorations. Moi, je dis aux patients: Cinq, 10 ans, pourquoi je dis qu'il faut faire quelque chose prochainement.

Mais, c'est sûr, de vivre avec ça, il y a des complications, comme j'ai montré: les gens peuvent faire des phlébites de surface, il y a des ulcères, il y a des problèmes de peau, eczéma; ce n'est pas souvent, mais aussi les malaises, les jambes qui font mal, les gens qui sont supposés de porter leurs bas supports. Donc, il y a une morbidité associée avec ça aussi. Mais la raison que j'ai montré les images des veines, ce n'est pas juste un problème esthétique, il y a des problèmes médicaux associés avec cette pathologie-là.

M. Charbonneau: Mais est-ce que vous, comme médecin, est-ce que vous pouvez faire la distinction, c'est-à-dire est-ce que vous pouvez prioriser pour des raisons justement de santé et d'urgence? Parce qu'il y a une différence entre l'esthétisme puis...

M. Danylewick (Richard): ...un peu comme les chirurgiens vasculaires font pour les maladies artérielles; c'est sûr qu'une artère bouchée va passer avant des veines. Moi aussi, même, ce n'est pas juste «first-come, first-served», premier arrivé, premier servi. Il y avait un diapo que je n'ai pas parlé, mais c'est une femme de 65 ans avec deux jambes très malades, enflées, maux de jambe, risque de saignement. Moi, je ne peux pas la mettre à la fin de la liste, donc ça veut dire que je l'avance, on essaie de l'opérer plus rapproché. Mais c'est sûr que les personnes qui sont arrivées avant elle vont attendre encore plus long.

M. Charbonneau: Juste une dernière chose. Est-ce que j'ai bien compris, puis peut-être que le ministre même pourrait clarifier, c'est-à-dire qu'actuellement c'est légal et c'est permis d'aller dans une clinique chirurgicale privée conventionnée... bien, c'est-à-dire, je ne sais pas trop, là, mais en tout cas il y a des cliniques chirurgicales externes privées où on peut faire ce type de chirurgie là, mais il y a un prix à payer. Et, la nuance, c'est que, si c'étaient des cliniques privées affiliées, là, comme le livre blanc le propose, à ce moment-là, il n'y aurait plus de frais. J'aimerais ça que le ministre... parce que je ne suis pas sûr que les gens qui nous écoutent, là, ils ont compris. En tout cas, moi, je n'ai pas compris, là.

M. Couillard: Oui, puis c'est un monde assez compliqué, hein? Alors, dans les cliniques médicales où il y a des médecins participants, c'est-à-dire des médecins qui sont dans le système de l'assurance maladie, ils ont le droit de faire les actes chirurgicaux. Ça existe depuis des années, là. À Montréal, en particulier, il y a des exemples comme ça. Ils ne peuvent pas demander une contribution au patient pour l'acte chirurgical lui-même, ça, c'est illégal, mais ils ont le droit cependant de demander une contribution en termes de frais accessoires pour des choses telles que l'administration ou des produits, compresses, produits anesthésiques, par exemple. Le problème qu'on a actuellement, c'est que c'est souvent peu itémisé, puis le patient ne sait pas trop, on lui présente une facture de 400 $, 500 $ parfois, puis il ne sait pas qu'est-ce qu'il y a là-dedans, qu'est-ce qui est le produit anesthésique, qu'est-ce qui est le produit x ou l'administration. Donc, ça, c'est légal, ça existe déjà.

M. Charbonneau: O.K. Mais c'est-à-dire que c'est légal, mais, néanmoins, si quelqu'un n'a pas les moyens de payer, il est pénalisé?

M. Couillard: Bien, c'est-à-dire qu'il ne peut pas aller dans cette clinique-là, de toute évidence.

M. Charbonneau: Il va être sur la liste d'attente pour attendre d'être opéré à l'hôpital?

M. Couillard: Et l'idée d'ajouter la formule de clinique affiliée, c'est de prendre soit ces cliniques qui existent déjà ou d'en créer des nouvelles, de les associer avec un hôpital, et, pour un volume de chirurgies prédéterminé, il n'y a même pas de frais accessoires, c'est-à-dire que c'est comme si on allait à l'hôpital, il n'y a pas de contribution d'aucune sorte pour le patient.

M. Charbonneau: En tout cas, je pense que ça clarifie, en tout cas ça clarifie pour moi, puis, je pense, pour les gens qui nous écoutent, puis j'ai l'impression que pour vous aussi.

M. Danylewick (Richard): Donc, si je comprends bien, vous proposez, pour moi, comme un chirurgien, je peux travailler dans un centre hospitalier public, dans une clinique qui est affiliée puis aussi dans une clinique qui est non affiliée mais, comme on dit, hybride? Est-ce que c'est ça, les trois possibilités?

M. Couillard: C'est-à-dire qu'il y a trois possibilités. Alors, on peut être traité par un médecin non participant, c'est-à-dire que, si, vous, vous décidez de vous retirer du régime d'assurance maladie du Québec, et là vous pouvez charger les honoraires aux patients, là, un peu comme le Dr Duval, si vous voulez. O.K.? Ça, c'est l'état actuel des choses. C'est d'ailleurs un paysage qu'il faut clarifier, et puis tout ce débat nous donne l'occasion de le clarifier. On y reviendra lorsqu'on regardera le texte législatif.

Mais, si vous êtes participant au régime d'assurance maladie du Québec, là, actuellement, vous pouvez également faire des chirurgies dans ce que vous appelez une clinique hybride, et il est possible et légal de demander des frais accessoires aux patients ? ce n'est pas nouveau, là, ça fait des années que c'est comme ça ? pour couvrir des dépenses telles que des produits ou des dépenses administratives, mais pas pour l'acte chirurgical lui-même.

n(18 heures)n

Si on introduit une nouvelle façon de faire, qui s'appelle la clinique affiliée, qui date de la commission Clair puis qu'on a reprise, là, dans le document actuel, c'est que vous prenez, disons, cette clinique-là, et elle fait un contrat avec l'hôpital, par exemple l'Hôpital Jean-Talon; l'Hôpital Jean-Talon décide de faire faire, je ne sais pas, moi, 200 opérations par an de celles que vous pratiquez à la clinique affiliée, et, à ce moment-là, c'est le système de santé qui paie un tarif à la clinique pour chaque chirurgie, le médecin, lui, facture à la Régie de l'assurance maladie du Québec, donc il n'y a pas de frais par le patient. C'est ce qu'on ajoute dans la proposition.

M. Charbonneau: ...

M. Couillard: C'est-à-dire qu'il faut... Parce que je comprends que le docteur fait presque uniquement de la chirurgie veineuse, là, il nous a expliqué. Il faudrait que l'hôpital qui fait un contrat avec la clinique affiliée décide que, pour eux, c'est un problème d'accessibilité important qu'ils veulent pallier ou juguler avec la clinique affiliée. Ça, c'est une décision qui se prend hôpital par hôpital, selon les problèmes d'accessibilité qui se vivent. Ou il peut déjà, de toute façon, pratiquer dans une clinique de type polychirurgie avec la question des frais accessoires. Mais là le volume... Il y a des patients qui sont capables de payer ces frais accessoires, d'autres non.

M. Charbonneau: Bien, en fait, le problème, ça va être... le débat ou la discussion, pour les établissements publics, c'est de se demander si, pour le service public, on ne pourrait pas faire baisser les listes d'attente pour des gens qui n'ont pas les moyens en ayant des cliniques affiliées conventionnées.

M. Couillard: Exactement le concept des cliniques affiliées.

M. Charbonneau: Bien.

Le Président (M. Copeman): Alors, merci beaucoup, Dr Danylewick, pour votre participation à cette commission parlementaire.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain matin, ici, dans la salle du Conseil législatif. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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