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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Tuesday, May 23, 2006 - Vol. 39 N° 31

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre notre consultation générale et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par M. Valois (Joliette); Mme Charest (Rimouski), par M. Charbonneau (Borduas). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Je vous rappelle, chers collègues ainsi que tous ceux qui sont présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite pendant les séances de la commission. Je prierai tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Nous avons les auditions de trois groupes ce matin. Nous allons débuter dans quelques instants avec l'Association de l'industrie des technologies de la santé; suivie, autour de 10 h 30, par l'Institut canadien des actuaires; terminer la matinée avec Groupe Opmedic inc. Il est prévu que nous siégeons cet après-midi, je ferai lecture de l'ordre du jour après la période des affaires courantes.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association de l'industrie des technologies de la santé. M. le président du conseil, Larouche, bonjour.

M. Larouche (Louis): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Bonjour. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, je vais vous aviser quand il vous reste trois, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximum de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.

Je vous prie de présenter vos collaborateurs et d'enchaîner avec votre présentation par la suite.

Association de l'industrie des
technologies de la santé (AITS)

M. Larouche (Louis): Tout d'abord, je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma droite, M. Jean Rousseau, qui est membre de l'exécutif de l'AITS et directeur exécutif, Affaires stratégiques, pour le Québec, pour les Produits médicaux Johnson & Johnson; à ma gauche, vous avez M. Daniel Laplante, qui est directeur général de l'AITS.

M. le ministre, M. le critique de l'opposition officielle en matière de santé, Mmes et MM. les parlementaires, au nom de l'Association de l'industrie des technologies de la santé, l'AITS, j'aimerais remercier les membres de la Commission des affaires sociales de nous avoir invités, ce matin, à nous exprimer sur le document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. D'entrée de jeu, nous tenons à dire qu'à l'AITS nous croyons à un accès garanti aux soins de santé pour tous. Nous sommes donc en faveur de toute proposition de financement qui permettra un tel accès. Nous préconisons également toute approche visant à améliorer la qualité des soins et l'efficience du réseau de la santé. Nous souscrivons donc aux propositions soulevées dans le document de consultation, à savoir la hausse des transferts provenant du gouvernement fédéral, la mise en place d'un compte santé de services sociaux et un régime de financement contre la perte d'autonomie.

Notre objectif aujourd'hui consiste à sensibiliser les membres de cette commission à l'importance majeure que devront jouer les technologies de la santé dans la recherche d'une gestion plus optimale du réseau de santé au Québec. D'ailleurs, nous profitons de l'occasion pour souligner à nouveau notre satisfaction à l'égard de la décision du ministre de la Santé et des Services sociaux de lancer les travaux d'informatisation du réseau. Tout comme le ministre, nous croyons fermement qu'un accès rapide à de l'information pertinente, fiable, organisée et à jour constitue un élément essentiel au succès des réseaux locaux de services. Pris dans un sens plus large, une telle décision aura un impact important sur le développement économique de ce secteur. Il est important de dire que les technologies de la santé améliorent la qualité de vie des citoyens non seulement par leurs effets thérapeutiques, mais aussi par la richesse et la création d'emplois qui découlent de ce secteur économique.

Permettez-moi d'abord de prendre quelques instants pour vous présenter notre association. L'AITS est un regroupement volontaire de membres provenant d'entreprises de recherche, de développement, de fabrication et de distribution de matériel, d'équipements, de fournitures, de services et de produits informatiques destinés au milieu de la santé. Sa mission, c'est de stimuler le développement de l'industrie destinée au marché de la santé et de promouvoir sa valeur économique et sociale. L'AITS sert de carrefour à l'établissement de liens d'affaires sur les marchés local, national et international.

n (9 h 40) n

Porte-parole de l'industrie, l'AITS regroupe et représente les entreprises des technologies de la santé. Le secteur des technologies de la santé représente, au Québec, quelque 600 entreprises et plus de 15 000 emplois, soit autant que l'industrie biopharmaceutique. On entend par technologies de la santé les systèmes, instruments, appareils et dispositifs médicaux ainsi que les fournitures et les technologies de l'information et des communications. Ces technologies sont utilisées pour la prévention, le dépistage, le diagnostic, les traitements, la réadaptation ainsi que l'organisation et la livraison des soins et services. Enfin, notre industrie regroupe tous les supports technologiques reliés à la santé, à l'exception des médicaments. L'industrie pharmaceutique est en effet un secteur à part, avec des caractéristiques et des enjeux bien différents.

L'AITS dévoilait, la semaine dernière, son étude des enjeux stratégiques accompagnée de politiques d'action pour l'industrie des technologies de la santé au Québec. Cette réflexion est le résultat d'une vaste consultation auprès des industriels et des partenaires institutionnels, dont le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cette étude a permis de bien déterminer l'arrimage entre l'offre et la demande des technologies de la santé. Cette question d'arrimage est au coeur de nos préoccupations comme association, au point où nous avons travaillé, durant plus de trois ans, d'une manière très détaillée sur cette question. Nous avons, au cours de nos travaux, analysé en profondeur la manière dont l'offre et la demande interréagissent dans notre secteur. Cette analyse, que nous désirons brièvement porter à votre attention, interpelle directement le réseau de la santé.

Nous croyons que, du côté de la demande, les décideurs devraient être plus sensibles aux avantages des produits et services et mieux évaluer les bénéfices et la fonctionnalité de ceux-ci. Il arrive souvent que les avantages économiques et sociaux des technologies de la santé soient mal évalués. Il en résulte une aversion au risque et à l'innovation de la part du secteur public. Il arrive aussi que les décideurs soient peu enclins à opter pour de nouvelles technologies uniquement à cause de mauvaises expériences passées avec des technologies qui n'ont pas livré leurs promesses. Pourtant, les bénéfices potentiels liés aux solutions technologiques sont importants. Les nouvelles technologies sont synonyme de nombreuses possibilités. Elles permettent non seulement d'améliorer les soins, mais également de rendre les services de manière plus efficace et souvent à moindres coûts.

Nous comprenons qu'il n'est pas simple pour un décideur public de faire des choix technologiques dans un environnement en pleine mutation, de contraintes économiques qui s'accentuent et de renforcement de la sécurité sanitaire et informationnelle. Pour mettre en oeuvre de manière efficace des stratégies technologiques au sein d'une organisation, il faut nécessairement évaluer les besoins, les priorités et la capacité de l'organisation en matière de technologies. L'évaluation adéquate des besoins constitue à notre avis la pierre angulaire du processus décisionnel.

Du côté de l'offre, nous sommes conscients que nos entreprises doivent privilégier un virage vers les produits novateurs répondant aux besoins des patients et des professionnels de la santé. Le besoin clinique doit être au centre de nos préoccupations. Par exemple, il faut établir une meilleure interrelation entre l'industrie et les cliniciens et les professionnels de la santé, car ils sont impliqués à toutes les étapes du développement et de la commercialisation des technologies de la santé, à savoir la recherche et le développement, l'achat de technologies, la fabrication, le soutien technique. Seule une meilleure proximité des acteurs à toutes les étapes du processus d'acquisition, d'adoption et d'utilisation des technologies permettra au réseau de maximiser son potentiel. Par ailleurs, ce meilleur arrimage entre l'offre et la demande conduira à une compréhension mutuelle afin de mieux contribuer à l'atteinte de nos objectifs respectifs.

L'industrie, en partenariat avec le réseau de la santé, peut amener une plus grande efficience des milliards investis et une meilleure qualité de vie pour les citoyens. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous sommes en désaccord avec l'affirmation du document selon laquelle le coût des nouvelles technologies médicales contribue aussi à l'alourdissement du fardeau financier que représente notre système de santé et de services sociaux. C'est une affirmation que nous désirons réfuter, car elle est réductrice. Elle traduit une comptabilité par silos, par addition de chiffres dans une seule colonne. Si cette méthode d'évaluation est maintenue et l'analyse qui la sous-tend entretenue, elle entravera à coup sûr les démarches que vous proposez et même celles déjà réalisées, comme le regroupement des institutions à l'intérieur des 95 CSSS. Comment, dans ce contexte, aborder aussi votre projet d'informatisation du réseau, la réalisation de trois centres hospitaliers universitaires et un vaste programme de maintien à domicile pour une population vieillissante? Si ces chantiers tentent d'éviter le fardeau des nouvelles technologies, à quoi ressembleront-ils?

Les technologies de la santé souffrent souvent d'une méconnaissance. Il n'est pas rare qu'on parle de ce secteur comme étant une source de coûts incontrôlables et dont les bénéfices sont difficilement évaluables. Nous pensons au contraire que les technologies, lorsqu'elles sont bien choisies, bien implantées et bien utilisées, conduisent à plus d'efficacité, de sécurité, d'efficience et améliorent la santé. Sur la question des coûts, nous aimerions faire la mise au point suivante: les derniers crédits budgétaires du ministère de la Santé et des Services sociaux indiquent que, sur des dépenses totales de 20 milliards de dollars, on estime qu'on achète pour près de 800 millions en équipements médicaux, ce qui exclut le secteur distinct des médicaments; c'est donc moins de 5 % du budget.

Les travaux du Dr Guy Paré, professeur aux HEC, prouvent la nécessité d'une bonne gérance dans l'utilisation de la technologie pour que son usage amène des économies et augmente la productivité. Des études économiques internationales démontrent que, si l'on amortit le coût des technologies dans l'épisode de soins, on en diminue le coût global. Ainsi, la désinstitutionnalisation permet d'économiser, les technologies de télésoins permettent de diminuer les coûts résultant des hospitalisations et des déplacements. D'autre part, alors que les interventions traditionnelles plus traumatisantes nécessitent plusieurs jours de rétablissement, les nouvelles pratiques médicales basées sur les technologies récentes permettent des interventions moins invasives et traumatisantes, produisant un temps d'hospitalisation moins long et donc une diminution du coût par épisode de soins.

Nous devons également regarder l'accroissement de la productivité et l'efficience globale gagnée par tout le réseau, car la meilleure façon de préserver l'accès à long terme, c'est d'assurer la performance du système de santé pour chaque dollar investi. Qui peut mettre en doute que de nouveaux plateaux techniques permettent des chirurgies d'un jour et aident ainsi à la diminution des listes d'attente? Un autre exemple: le tableau de PricewaterhouseCoopers, cité en page 7 de notre mémoire, qui fait état d'améliorations considérables suite à l'informatisation d'hôpitaux. Selon les données tirées de ce rapport, les erreurs médicales diminuent de 20 à cinq par mois, la satisfaction des physiciens augmente de 25 % à 75 %, de 30 000 transcriptions et dictions de tableaux, nous passons à seulement 2 000, et les coûts imputés aux infirmières diminuent de 25 % à 5 %, etc. D'autres travaux du Dr Guy Paré démontrent que la numérisation de l'imagerie radiologique, via les «picture archiving and communication systems», les PACS, a amélioré l'efficience de notre système, notamment en éliminant les déplacements et des recherches d'images, en permettant un accès plus rapide et en tout temps aux images et en augmentant le nombre de patients examinés.

Par ailleurs, les dossiers-patients électroniques qui seront implantés dans le cadre du plan d'informatisation du réseau de la santé et des services sociaux devraient favoriser une meilleure continuité des soins et services, une meilleure sécurité et qualité des soins et services, une plus grande pertinence dans l'utilisation des ressources, l'interdisciplinarité, la prise en charge des maladies chroniques, une amélioration de la productivité et une meilleure maîtrise des coûts. Ce plan d'informatisation améliorera ainsi non seulement le mieux-être des patients, mais permettra également une plus grande efficience des cliniciens. Grâce à cette décision, il y aura réduction des erreurs de traitement du fait qu'il y aura moins de pertes d'information. On arrivera à ces résultats en réduisant le travail clérical, et en éliminant les retranscriptions d'information, et en réduisant le dédoublement d'examens ou la perte de requêtes.

n (9 h 50) n

Voici un bel exemple de l'apport des technologies de l'information et des communications au réseau de la santé. Les dossiers-patients électroniques sécurisés ainsi que l'autonomisation des patients ont d'ailleurs été la pierre angulaire de l'amélioration marquée de l'offre des services de soins de santé par le US Veterans Health Administration, VHA, qui était, avant cette transformation, peu reconnue pour la qualité de ses soins. La presse faisait ses choux gras de sa gestion, les vétérans étaient insatisfaits des services reçus, et le Congrès songeait même à impartir les services de santé. Grâce à de nouvelles méthodes de gestion et aux nouvelles technologies implantées, le VHA a maintenu stable le coût des traitements par patient durant la période de 1995 à 2004, alors qu'on assistait à une augmentation de près de 40 % dans le système Medicare. Globalement, l'appréciation par les patients de la qualité des soins promulgués par le système de VHA y est même devenue meilleure qu'au sein du système commercial ou privé de soins.

L'informatisation du réseau de la santé et de services sociaux nous permettra de rattraper un important retard dans ce domaine alors que nos investissements en technologies de l'information sont de l'ordre de 1 % à 3 % des budgets, comparativement au double, soit de 3 % à 6 %, en moyenne, dans les autres industries. Ainsi, comment imaginer la performance des institutions bancaires aujourd'hui sans la valeur ajoutée des millions de guichets automatiques qui font maintenant partie de notre quotidien? Dans notre système de santé, comment gérer les listes d'attente pour les opérations sans l'accès immédiat et en temps réel aux données? Comment gérer un épisode de soins à domicile sans recourir à la fiabilité des systèmes de suivi à distance via les nouvelles techniques de communication et d'analyse à distance? Par cette productivité accrue, les technologies de la santé permettent de plus d'atténuer la pénurie de personnel médical, un phénomène que l'on observe aisément dans les laboratoires hospitaliers, notamment.

Ainsi, les technologies ne sont pas seulement un centre de coûts, elles génèrent aussi des gains importants en matière de productivité, d'amélioration de la performance et parfois même de contrôle global de coûts par épisode de soins. Ainsi, elles sont un incontournable partenaire du système. Nous serions plus qu'heureux de participer à la bonne utilisation des ressources. Nous sommes d'avis qu'il faut en tout temps avoir la bonne technologie pour le bon usage, au bon moment, pour le bon patient. La technologie a ses limites et doit être utilisée dans un contexte clinique optimal. Combinée à d'autres facteurs critiques que nous relèverons, la technologie sera utilisée avec succès. Nous pourrons ainsi contribuer à atteindre l'efficience recherchée dans notre réseau.

Nous avons suivi très attentivement les travaux de la commission et y avons trouvé de nombreux exemples plus reliés à l'acquisition, l'implantation, l'utilisation et la gestion des technologies qu'aux technologies elles-mêmes, autant de facteurs critiques qui doivent être pris en compte. Notamment, la gestion du changement doit faire partie intégrante de l'implantation d'une technologie. Il faut être conscient que, lorsqu'on décide d'implanter une nouvelle technologie, on entre inévitablement dans un processus de changement. L'importance de ce changement ne doit pas être escamotée, et son succès dépend de la coopération et de l'action combinée des fournisseurs et utilisateurs multiples.

Pour préparer le changement, il faut poser des diagnostics appropriés, c'est-à-dire que nous devons nous demander: Pourquoi changer? Quoi changer? Et comment le changer? À l'instar des propos de Léonard Aucoin, président d'InfoVeille Santé et ex-président de la commission Aucoin, lors de notre première conférence annuelle sur les technologies de la santé, qui réunissait plus de 260 participants, en mars dernier, avant de gérer le changement, il faut le comprendre. Les organisations médicales doivent être impliquées dans la planification et la mise en oeuvre des projets de nature régionale et nationale. Ainsi, même si le dossier de santé électronique touche tous les cliniciens, le médecin est le joueur clé critique dans l'adoption et la diffusion de celui-ci. De même, une bonne implantation de l'informatisation est un préalable au déploiement d'un système centré sur le continuum de soins au patient. Ensuite, lors de l'implantation de la solution retenue, nous devons nous demander où nous conduira le changement, formuler les objectifs de performance et nous demander ce que nous voulons améliorer.

Le Président (M. Copeman): M. Larouche, il reste trois minutes.

M. Larouche (Louis): Nous sommes convaincus, à l'AITS, que, mise en place correctement, la technologie améliore non seulement les services, mais elle contribue aussi à l'amélioration du milieu de travail pour les employés qui sont appelés à fournir ces services. L'une des constantes du succès de l'implantation d'une nouvelle technologie est la participation et l'engagement du personnel. La modification des pratiques permettra d'augmenter la qualité des soins. D'ailleurs, plusieurs entreprises québécoises ont réussi avec brio de nombreuses implantations technologiques tant au Québec qu'à travers le monde.

En ouverture du chapitre 2 du document de consultation, vous écrivez: «Le système de santé et de services sociaux doit s'adapter pour faire face à l'évolution des besoins de la population et intégrer les pratiques et les technologies qui permettront de toujours mieux y répondre.» Nous adhérons à ce propos et, tout comme vous, nous sommes persuadés que l'implantation des nouvelles pratiques et technologies est incontournable. Un sous-investissement de la part du gouvernement dans ce secteur aggraverait la situation actuelle et entraverait l'accessibilité.

Le système devra aussi s'adapter afin de permettre la responsabilité professionnelle et légale des cliniciens qui désirent établir des diagnostics et promulguer des traitements via les technologies de l'information. La loi n° 83 fait déjà un pas important dans ce sens en permettant la circulation de l'information. Le mode de rémunération des médecins devra également s'adapter afin de permettre la juste rétribution des actes posés dans le cadre de la pratique de la télésanté. De plus, une technologie mal utilisée, sous-utilisée ou mal optimisée représente un coût plus grand qu'il ne devrait l'être. Les salles de chirurgie sous-utilisées représentent un coût unitaire très élevé.

En conclusion, nous croyons fermement que la mise à profit des technologies de la santé au service du mieux-être des patients constitue un des principaux moyens d'améliorer les soins de santé et de circonscrire l'augmentation des coûts de système. Les technologies de la santé doivent maintenant faire partie intégrante des stratégies en matière d'organisation des soins de santé. Nous ne sommes pas seulement un centre de coûts, mais aussi un partenaire incontournable du système. De fait, nous sommes convaincus que les technologies de la santé peuvent contribuer à élargir l'accès aux soins et jouer un rôle dans l'amélioration et l'optimisation des soins de santé.

En terminant, l'AITS salue l'initiative de réflexion et de consultation proposée par la présentation du document Garantir l'accès, publié le 24 février dernier. Nous sommes d'accord que le gouvernement doit conserver son rôle d'administrateur général, de coordonnateur et de régulateur de l'ensemble du système de santé. Nous souhaitons cependant que ce rôle s'exerce de plus en plus en collaboration avec le milieu privé. Cette collaboration pourrait prendre la forme, dans un premier temps, d'une table de consultation sur les technologies. Le recours aux nouvelles technologies ne peut plus être considéré comme un luxe ou un superflu. L'apport des technologies au virage en santé et aux enjeux du système est incontournable, et l'AITS se veut un acteur important au coeur du débat afin d'aider le gouvernement du Québec à vous aider à atteindre ces objectifs. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Larouche, M. Rousseau et M. Laplante, pour votre communication aujourd'hui. Je dirais, d'entrée de jeu, que tous ici sont des amis et des partisans des technologies. Vous ne trouverez pas ici personne qui est contre les technologies. On est bien sûr en faveur du déploiement de ces technologies lorsqu'elles améliorent la qualité, et la continuité, puis l'efficacité également de notre système de santé.

Je voudrais juste faire quelques observations sur votre présentation. Je dirais qu'il peut être risqué de comparer des budgets de fonctionnement aux dépenses d'immobilisations en technologies. Comme vous le savez aussi bien que moi, c'est deux postes budgétaires qui sont très différents dans toutes les organisations, le fonctionnement annuel et l'acquisition d'équipements. Si vous regardez dans le domaine du financement récurrent annuel, vous allez le trouver, le soutien aux technologies, à plusieurs endroits dans l'indexation spécifique, et, assuré depuis 2003, dans le financement des nouvelles installations, et également dans tous les achats d'appareils qui sont faits sous le vocable «remplacement» ou «rénovation», qui souvent signifient des appareils neufs qui rentrent dans les établissements.

Vous avez mentionné les dossiers des CHU. Bien, il y a des centaines de millions de dollars spécifiquement... Si vous avez vu le document de M. Gignac, là, il y a des centaines de millions de dollars qui sont spécifiquement dirigés vers l'acquisition de technologies et technologies de l'information. J'hésite à citer de mémoire le chiffre, mais, si je me souviens du chiffre du tableau de M. Gignac, c'est autour de 300 millions pour le CHUM, par exemple, technologies et technologies de l'information. Mais vous pourrez avoir le détail de ça auprès de son organisation.

Il y a effectivement, actuellement... Il y a beaucoup de déploiement de technologies. Les résonnances magnétiques maintenant sont déployées dans les régions, à Alma récemment, Saint-Georges, Baie-Comeau, Sept-Îles. La radiochirurgie, c'est un exemple classique de ce que vous disiez tantôt, les technologies qui empêchent le recours à la chirurgie traditionnelle. La radiochirurgie pour les lésions du cerveau maintenant est disponible dans les quatre régions universitaires du Québec. La tomographie à émission de positrons la plus avancée au Canada, c'est au Québec qu'on la trouve. Et il y a une observation d'ailleurs intéressante à ce niveau-là, je vais y revenir tantôt dans l'évaluation. Puis vous avez de toute façon, de façon très adéquate, fait allusion au programme d'informatisation qui inclut... y compris l'archivage numérique des radiographies qui est très avancé sur tout le territoire québécois actuellement.

Maintenant, le paysage dans lequel votre organisation et les entreprises qui en font partie vont évoluer va ressembler de plus en plus au paysage des médicaments. D'ailleurs, médicaments et technologies sont deux versants de phénomènes qui se comparent. Il y a des distinctions, mais il y a également des points communs entre les deux, et souvent on dit que les médicaments devraient être considérés comme des technologies. Vous savez que ce paysage d'évaluation, maintenant, bon, il y a l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé qui existe depuis plusieurs années mais dont le rôle va certainement se renforcer et devenir un peu le pendant du Conseil du médicament, avec les universités également, pour que l'évaluation soit faite de façon académiquement correcte, avec les réseaux universitaires intégrés de santé, avec les professionnels également.

n (10 heures) n

Le meilleur exemple que je puisse donner là-dessus, c'est justement la tomographie à émission de positrons où c'est en consortium et en collaboration avec les nucléistes qu'on a déterminé le nombre d'appareils nécessaires, les indications de volume d'examens attendu. Donc là, il y a un bel exemple.

Mais est-ce que vos organisations sont prêtes à entrer en lien avec ce paysage très changeant? Vous savez, il y a 10, 15, 20 ans, les technologies étaient un peu dispersées sur le territoire sans qu'il y ait vraiment une planification en termes des réseaux universitaires, en termes de besoins, en termes également de calculs d'opportunité. Ça va devenir, je dirais, aussi serré pour les médicaments que pour les technologies. Est-ce que vous êtes confiants que vous allez être capables d'aborder les dossiers sur la base de la valeur probante et de ce qui est scientifiquement démontré?

M. Larouche (Louis): Moi, je répondrais oui à cette question-là. Ce qu'on a fait la semaine dernière: on a relâché ou rendu publique, là, une vaste consultation qui nous permettait d'établir les enjeux stratégiques pour les entreprises de technologie et aussi d'élaborer les pistes d'action. Dans ces pistes d'action là, bien entendu, là, il y a une relation, une interrelation qui doit s'établir, qui doit se renforcer entre justement, là, le milieu des cliniciens ? le milieu qui change, là, très rapidement ? et puis les entreprises. C'est ce qu'on veut proposer dans notre discours de ce matin aussi, c'est de pouvoir justement, là, être un partenaire, puis être aussi consultés, et pouvoir donner notre avis sur les différents points de vue pour s'assurer que, nous aussi, on comprend bien les changements qui sont en train d'opérer pour pouvoir justement ajuster puis revenir à nos entreprises membres pour leur dire: Bon, bien, voilà les normes qui changent, voilà le réseau qui change, voilà les besoins maintenant. Puis, comme j'ai dit aussi dans mon discours, on veut absolument qu'on produise des produits et services novateurs, O.K., qui sont vraiment, là, basés sur des besoins et non sur de la technologie pour de la technologie. Ça fait que ce serait ma réponse, là, à cette question-là, M. le ministre.

M. Couillard: Parce qu'effectivement, lorsqu'on aborde les évaluations sur le plan scientifique tel que... Il y a une spécialité maintenant qui s'appelle l'évaluation en économie. Puis, en économie de la santé en particulier, toute la question de la valeur ajoutée se pose, hein? C'est comme ça qu'on prend les décisions. La technologie x, ça existe, d'accord, mais est-ce qu'elle apporte véritablement une valeur ajoutée au paysage de la santé? Et, pour avoir touché des dossiers en technologie avant 2003, je peux vous dire que la faiblesse la plus fréquente de ces dossiers-là, c'est qu'ils sont toujours présentés en termes d'économie pour le système de santé. Or, à part peut-être l'informatisation, j'ai encore à voir une technologie qui va sauver de l'argent au système de santé. La raison pour laquelle ça n'existe pas, c'est que, si vous traitez plus de gens plus rapidement, la demande est telle qu'il va y avoir autant de gens qui vont se présenter pour avoir d'autres soins. Je pense qu'il faut vraiment l'axer en termes de qualité, de sécurité également des soins; les technologies permettent maintenant des soins plus sécuritaires, et de continuité également. Je pense que ça devrait être l'argument principal. Est-ce que vous avez conscience de cette réalité-là?

Je suis toujours frappé lorsque je rencontre des gens du milieu des technologies qui me disent: Bien, avec cette technologie-là, on va vous économiser x millions par année, alors que je sais pertinemment que ce n'est pas le cas: on va traiter plus de gens, donc faire plus de place dans le réseau pour traiter encore plus de gens, et, en bout de ligne, les dépenses ne diminueront pas, mais la qualité des soins offerts aux gens qui auront bénéficié des technologies cependant va être fortement améliorée de même que la sécurité. Est-ce que vous ne devriez pas axer plus vos arguments de ce côté-là?

M. Larouche (Louis): Bien, je pense qu'en répondant, là, que... Si on fonde nos priorités sur les besoins cliniques comme tels, on évite peut-être l'écueil, là, comme tel de vouloir pousser une technologie puis d'avoir le discours que vous avez sûrement entendu et, oui, qui est existant. Je ne sais pas si mes collègues veulent rajouter à cette réponse.

M. Rousseau (Jean): Bien, si je peux juste me permettre, M. le ministre, le mouvement d'évaluation des technologies est un mouvement mondial. Alors, il ne faut pas seulement le restreindre au fait que le Québec est victime, si je peux utiliser cette expression-là ? je ne veux pas nécessairement traduire votre pensée, mais c'est souvent ce qu'on nous propose comme mot ? mais, à travers le monde, on est exactement au diapason, le Québec se pose exactement les mêmes questions, vise exactement les mêmes buts. Et c'est la raison pour laquelle l'évaluation des technologies, et surtout des technologies médicales, est en train de prendre un virage important, et d'après moi tout ce qui va se faire dans les cinq à 10 prochaines années, minimum, sinon dans les trois à cinq prochaines années, va devoir soutenir une rationnelle qui suit exactement la logique que vous avez présentée.

On ne peut plus arriver avec des dispositifs, des équipements ou des fournitures qui semblent intéressants mais qui ne répondent pas à un besoin clinique, dans un premier temps, et surtout qui n'ont pas la preuve qu'ils amènent une diminution du risque, une augmentation de l'efficacité qui est strictement basée sur des effets perçus dits cliniques. Il faut vraiment amener ce qu'on appelle en anglais «evidence-based medicine», c'est-à-dire vraiment amener l'évidence en bonne et due forme que le dispositif ou l'instrument en question fonctionne selon des critères bien établis.

M. Couillard: Puis, dans l'évaluation, il y a également l'évaluation postinstallation de l'appareillage. Je m'explique. C'est que, lorsqu'on justifie l'acquisition de technologies, on le fait sur la base d'articles scientifiques qui, dans des groupes sélectionnés ? c'est toujours des groupes sélectionnés ? dans des établissements sélectionnés, montrent que la technologie x permet d'avoir tel bénéfice.

Exemple très concret: les tuteurs médicamentés pour les problèmes coronariens. Alors, on est rendu maintenant à près de 40 % des tuteurs qui sont installés de cette façon-là. Mais, dans la base argumentaire qui sous-tendait l'introduction de cette technologie-là, on disait que ça diminuait de beaucoup le nombre de récidives ou de nouveaux problèmes, donc on avait moins de patients à opérer ou sur lesquels il fallait réintervenir. Mais là le problème, c'est comme les médicaments, c'est de faire la traduction entre l'expérience publiée dans les centres de très haut niveau puis la vraie vie.

Alors, je pense que ce qu'il faut faire maintenant, et on a commencé à le faire ? je prends l'exemple des tuteurs parce qu'on l'a fait avec les tuteurs médicamentés, et le réseau québécois de cardiologie tertiaire, puis l'Institut de cardiologie de Montréal ? c'est qu'il faut, au Québec, qu'on prenne l'habitude, une fois qu'on introduit une technologie, de l'évaluer en termes de résultats concrets sur le terrain, qui peuvent parfois être mieux, pareils ou pires que ce qui a été publié. Est-ce que vous êtes prêts à vous engager dans ces évaluations également post-mise en marché ou postinstallation de vos produits?

M. Larouche (Louis): Bien, j'ai cité un exemple, là, une étude du Dr Guy Paré qui recommandait quand même et qui regardait ? postinstallation aussi ? certains projets qui ont eu lieu puis qui déterminait quand même certaines optimisations de coûts grâce à certaines technologies, que ce soient les PACS ou que ce soient les télésoins à domicile. Ce sont des études indépendantes, là, qui permettaient d'arriver à ces conclusions.

M. Couillard: L'autre ? puis je vais terminer là-dessus, M. le Président; l'autre ? élément qui va changer le paysage, je vous l'ai mentionné brièvement tantôt, ce sont les réseaux universitaires intégrés de santé. Pourquoi ça va changer beaucoup le paysage? C'est qu'historiquement vos entreprises faisaient des efforts, louables et tout à fait corrects, là ? c'est votre métier de le faire ? de mise en marché un peu dispersée dans le réseau, souvent au niveau des hôpitaux régionaux ? avant les CHU ? pour créer, entre guillemets ? je ne dis pas que c'est une intention préalable; mais créer ? un état de fait, dans l'hôpital régional, qu'il faut absolument suivre au CHU après, et plusieurs se demandaient comment ça se faisait que les nouveaux appareils n'étaient pas d'abord déployés dans les milieux d'enseignement et de recherche pour être évalués.

Avec les réseaux universitaires intégrés de santé, maintenant c'est comme ça que ça va se faire, c'est-à-dire que les nouvelles technologies vont d'abord être implantées dans les centres universitaires pour faire l'objet d'une évaluation et par la suite être déployées, d'abord dans les autres centres à désignation universitaire puis ensuite dans les centres régionaux.

Encore le meilleur exemple, c'est les TEP. Les TEP n'auraient pas été déployées comme ça il y a 10 ans. Ils ont été déployés dans cette logique-là. Est-ce que vous êtes conscients également de ce changement de paradigme là?

M. Laplante (Daniel): Oui, mais ce que je pourrais vous dire, c'est qu'au niveau de la gouvernance on comprend très bien la nouvelle gouvernance quand même du réseau, et, nous, en tant qu'industrie privée, c'est sûr qu'on s'en va où il y a des acheteurs potentiels de technologies, ce qui fait qu'avant ça il y avait des acheteurs un peu partout dans le réseau, puis c'est là qu'on allait. Je crois qu'on se conforme très bien, là, à la nouvelle gouvernance maintenant puis le changement.

Pour l'industrie, qu'est-ce qui est un petit peu plus difficile, c'est certain, c'est le temps que ces structures-là mettent à être en place, là. Donc, ça crée un genre de flottement aussi au niveau de l'industrie pour que justement les RUIS tombent en place, que les gens soient, dans ces organisations-là, prêts à prendre des décisions. Mais, pour le reste, oui, on accepte pleinement, là, cette nouvelle gouvernance là puis on agit très bien avec, je crois, là.

M. Couillard: Remarquez... Puis il y a déjà des exemples de succès concrets: les TEP, encore une fois, on l'a fait de cette façon-là, les tuteurs médicamentés également. Et je crois que c'est tout à votre honneur de vous inscrire dans ce courant, qui n'est pas un courant proprement québécois, qui est un courant d'ailleurs, comme vous l'avez dit, courant mondial actuellement.

M. Larouche (Louis): C'est ça. Je réitère aussi qu'on appuie vraiment, là, le rôle d'administrateur général du ministère, puis, nous, on écoute qu'est-ce qui se passe puis on essaie justement, là, de jouer les règles qui sont mises en jeu.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Par rapport à l'Agence d'évaluation des technologies, la table de consultation que vous proposez, vous la voyez comment, là?

M. Larouche (Louis): Vous dites, là, par rapport à l'évaluation?

M. Charbonneau: Oui, bien, c'est parce qu'il y a une agence, là, qui s'occupe, là, de l'évaluation des technologies, là.

M. Larouche (Louis): Oui, oui, l'AETMIS.

M. Charbonneau: C'est ça, et puis, vous, vous proposez une table de consultation sur les technologies, c'est-à-dire ce n'est pas uniquement sur l'évaluation.

n (10 h 10) n

M. Larouche (Louis): Exact, ce n'est pas uniquement sur l'évaluation, mais c'est un peu sur tout ce qui se fait en termes de planification. On est conscients qu'il y a des nouveaux processus, soit de qualification de fournisseurs, bien, nous, on voudrait faire deux rôles un peu là-dedans: être à une table pour pouvoir en discuter, mesurer les impacts sur nos entreprises pour donner notre avis, et ensuite, aussi, en deuxième lieu, être capables de dire à nos entreprises qu'est-ce qu'ils doivent faire maintenant pour vendre aux réseaux et d'une manière, là, qui est optimale. Donc, si c'est des normes, si c'est des méthodologies, peu importe quoi, on sera capables de bien représenter la volonté du gouvernement face à nos entreprises.

M. Charbonneau: Oui, allez-y.

M. Rousseau (Jean): Si je peux me permettre, il existe un modèle, en Grande-Bretagne, qui est un institut d'évaluation technologique, qui s'appelle NICE, N-I-C-E, National Institute for Clinical Excellence, et essentiellement il y a un processus de consultation qui est incorporé, où l'organisation publique en question fait une liste des différents sujets qu'ils vont adresser au cours des 18 à 24 mois, demande à l'industrie de fournir l'information publiée, en bonne et due forme, dans des revues scientifiques pour aider justement à ramasser cette information-là de façon plus rapide et aussi d'entrer en interaction, à savoir exactement, bien, où ces produits-là s'en vont, quels sont les futurs développements vis-à-vis certaines technologies. Ce processus-là, dans certains pays, existe. Alors, on dit: Peut-être que, s'il a été adopté par certains pays, dont la Grande-Bretagne, ce serait peut-être intéressant qu'il puisse aussi être entrevu comme tel au Québec.

M. Charbonneau: Cette réalité-là des entreprises québécoises, en fait des entreprises qui sont dans les technologies, est-ce que... Si on allait un petit peu plus rapidement, là, vous dites qu'il y a... ou en tout cas c'est 600 entreprises au Québec. C'est quoi, l'état de la contribution du savoir québécois dans ces... Est-ce que c'est des technologies... Est-ce que c'est 600 entreprises qui sont des succursales de vente ou des antennes de vente d'entreprises étrangères qui ont développé les technologies chez eux puis qui vendent naturellement sur le marché mondial, y compris au Québec, ou si on a, au Québec, une part dans la conception, puis dans l'innovation, puis la création de nouvelles technologies?

M. Larouche (Louis): O.K. Pour le bénéfice de tous les membres ici, on va déposer les résultats de notre étude, qui donne quand même plusieurs de ces informations-là. Ce que je pourrais peut-être citer, c'est quelques exemples qui vont vous permettre, je pense, de mieux figurer quels genres d'entreprises nous avons.

Dans le domaine de la cardiologie, nous n'avons qu'à penser à CryoCath Technology; c'est un leader mondial dans le développement et la commercialisation de produits destinés au traitement des affections cardiovasculaires.

Dans le domaine musculosquelettique, nous aimerions citer l'exemple entre des travaux de recherche, une innovation technologique et finalement le début d'une collaboration entre des universités, une école affiliée à une université, l'École de technologie supérieure et une firme française pour la commercialisation. Les établissements d'enseignement de même que les hôpitaux investissent beaucoup pour la recherche dans ce domaine, et ceci donne de belles technologies comme le système EOS, développé par une équipe de chercheurs québécois et français. Cette nouvelle méthode d'imagerie est un système inédit de radiographie biplan pour l'imagerie 2D et 3D des structures ostéo-articulaires et à très faibles doses d'irradiation.

On retrouve aussi, dans le secteur des TIC santé, de grands joueurs comme Logibec, MédiSolution, Emergis, Purkinje CGI, IBM Canada, HP Canada, qui ont d'importants équipements dédiés à la santé et d'autres joueurs en croissance, comme système informatique CHCA, au niveau des dossiers électroniques, Omni-Med, New IT Santé. En imagerie, on peut citer ART Recherches et Technologies avancées, qui est un chef de file de produits d'imagerie optique moléculaire destinés aux industries de soins de santé et pharmaceutiques, ou encore Intelerad Medical System, un fournisseur de PACS; finalement, les dispositifs et instruments diagnostiques, comme ceux développés par Resonant Médical, une entreprise en forte croissance qui développe et commercialise les systèmes d'échographie 3D servant à la radiothérapie assistée par imagerie. Ça fait que ça vous donne quand même quelques exemples de technologies, là, et d'entreprises québécoises.

M. Charbonneau: Quand on parle des nouvelles technologies, on parle beaucoup aussi, disons, des changements puis de la durée de vie des technologies, parce que finalement, quand on évalue les coûts, c'est aussi, quand on investit, on investit pour combien d'années? Est-ce qu'on a des données sur ça, pour savoir un peu quelle est la moyenne de durée de vie des nouvelles technologies puis à quelle fréquence il faut les changer puis s'adapter? Tu sais, autrement dit, on construit des nouveaux hôpitaux universitaires, là, on va avoir des technologies de pointe, je présume, dans certains... ces équipements-là vont être valables pour combien de temps? Ou les équipements qu'on introduit actuellement sur le marché, dans bien des domaines, dans combien de temps il va falloir les changer?

Parce que les technologies... Qu'on regarde juste la question de l'informatique, les ordinateurs, les logiciels, à quelle fréquence ça modifie... Nous autres, à l'Assemblée nationale, ils nous changent le cellulaire à tous les six mois, là. Tu sais, on a des technologies qui sont constamment en évolution. Comment on peut planifier puis comment on peut évaluer, là, la durée de vie, la contribution en regard de ces changements constants, là, qui font qu'à un moment donné, là... Il faut-u toujours s'acheter les bebelles les plus récentes? Est-ce que c'est toujours... Parce que les bebelles les plus récentes coûtent nécessairement plus cher avant que, disons, les entreprises aient réussi à dans le fond rentrer dans leurs investissements de production puis de développement, pour faire un peu de profit, là, ça...

M. Larouche (Louis): Oui. C'est une excellente question. Dans mon discours, je parlais vraiment, là, d'avoir des... Ce qu'on veut que nos entreprises fassent, c'est de développer des produits novateurs, O.K.? Puis l'innovation, ça nous donne une fenêtre à peu près, je dirais, de 18 à 24 mois. S'il n'y a pas d'amélioration sur un produit, sur une nouvelle version sur un logiciel en dedans de 18 à 24 mois, vous êtes rattrapé et dépassé. Ça fait que ce chiffre-là vous donne une idée à peu près, là, je dirais, de la durée de vie d'une technologie comme telle. Ça ne veut pas dire qu'elle doit être remplacée, ça veut dire probablement qu'elle doit être améliorée, ou «upgradée», ou un logiciel.

M. Charbonneau: Ça veut dire aussi, je présume, que, dans 18 ou 24 mois, il va y avoir de la pression de la part des gens dans le système qui auront eu connaissance de la nouvelle technologie la plus récente, de la dernière génération de la technologie pour que finalement ils puissent utiliser la nouvelle technologie plutôt que celle d'il y a 18 ou 24 mois.

M. Larouche (Louis): C'est exact. Puis une des problématiques, ou des différences aussi, c'est que, quand on introduit une nouvelle technologie, il faut introduire la nouvelle technologie, il ne faut pas la dupliquer par-dessus une technologie qui est existante. Parce que souvent qu'est-ce qui se passe, c'est qu'on introduit une nouvelle technologie, et on utilise encore l'ancienne technologie, ce qui fait qu'il y a deux technologies qui sont utilisées en duplication, ce qui fausse les données. Puis c'est une des différences aussi, pour revenir peut-être au niveau et du médicament et des technologies, qui est très, très différente: le cycle de développement des technologies est beaucoup plus court au niveau des médicaments, et, un coup que le médicament est sorti, lui, vous pouvez parler d'une durée de vie de 10 à 15 ans, et la technologie, elle, oui, elle va pouvoir être utilisée pendant 10 à 15 ans, mais elle ne peut pas rester stable pendant 10 à 15 ans, là. C'est des cycles qui sont totalement différents, là. Je ne sais pas si Jean veut rajouter.

M. Rousseau (Jean): Puis c'est peut-être la raison pour laquelle on propose justement une table de concertation. C'est justement pour être capable de se projeter rapidement dans l'avenir, considérant que les cycles de vie de ces produits-là sont beaucoup plus compacts et beaucoup plus rapides versus peut-être d'autres interventions, comme les produits pharmaceutiques, où est-ce que le cycle de développement est plus long, mais aussi le cycle de vie est beaucoup plus long. Alors ça, c'est un.

L'autre chose qui est peut-être le danger, où il faut peut-être éviter de tomber, c'est de... En anglais, le mot «health technology assessment» décrit très bien ce que ça veut dire comme processus de réflexion. En français, malheureusement, on n'a qu'un seul mot pour décrire deux choses, c'est les évaluations de technologies. En anglais, il y a deux phénomènes: «technology appraisal» puis «technology assessment». «Technology assessment», c'est beaucoup plus un processus pour évaluer comment on peut modifier des pratiques à partir de technologies, les garder et mises à jour, les garder sécuritaires et performantes. «Appraisal», c'est beaucoup plus pour dire: Bien, ah! celle-là, on ne peut pas se la payer parce que c'est trop cher. Alors, c'est vers où la table de concertation... ou la proposition de table de concertation voudrait aller, beaucoup plus vers la partie «assessment» que vers la partie «appraisal».

n (10 h 20) n

M. Charbonneau: Est-ce qu'on a une évaluation ou des données qui nous permettraient de dire: Bon, bien, la technologie utilisée dans le système de santé, au Québec, est à, je ne sais pas, moi, 50 % désuète, à 60 % désuète, à 10 % désuète? Est-ce que finalement... Comment on se compare comme société puis comme... et, notre système de santé, comment il se compare à d'autres en regard de l'utilisation des technologies puis de la présence des technologies?

M. Larouche (Louis): C'est une question qui va nous prendre le reste du temps à répondre sûrement. Il y a probablement plusieurs points de comparaison. Parce que je ne pense pas qu'on peut sortir juste un constat global pour répondre, à dire: On est 20 % en arrière, ou quelque chose comme ça. Il faut les prendre, je crois, item par item, ou on parle, mettons, de l'implantation d'un dossier santé électronique, là peut-être qu'on pourrait se comparer puis dire: Aïe! on est en retard par rapport aux États-Unis, à la Norvège, les pays scandinaves. Puis après ça, bien là, il faudrait presque les prendre...

Si on parle du parc d'équipements, là, qu'il y a dans les hôpitaux, si on parle des ordinateurs personnels, la plupart du temps, ce qu'on voit, c'est des ordinateurs personnels qui ont une vie d'à peu près cinq ans, alors que, dans l'industrie, après trois ans, on dit que c'est plus ou moins fonctionnel ou c'est moins fonctionnel à tout le moins. Ça fait que j'aurais difficilement une réponse à vous dire: Regardez, c'est exactement ça, là, le pourcentage. Je ne sais pas s'il y a une meilleure réponse qu'on peut vous donner.

M. Charbonneau: J'imagine que la réalité, c'est qu'aussi, dans le système de santé, il y a un paquet de congrès à chaque année, dans les différentes disciplines ou spécialités, et que les gens du Québec sont en contact avec des collègues qui sont sous-équipés dans des pays en voie de développement mais qui sont en tout cas, sans doute, plus équipés ou mieux équipés dans certains autres pays, puis ça aussi ça crée une dynamique de pression sur la demande ou sur le système.

M. Larouche (Louis): Moi, je suis d'accord avec votre affirmation. Comme je vous dis, d'avoir une réponse, là, toute large... Si on revient puis on se dit: Regardez, là, avec une nouvelle technologie, on peut répondre à un besoin clinique, à améliorer l'efficience du réseau, à donner des meilleurs soins, à donner de l'accès aux patients qui ne l'ont pas, à regarder aussi la population vieillissante et comment on va traiter cette masse de gens qui vont être probablement à la maison dans quelques années, qui auront besoin de soins, c'est plus de cette façon-là qu'il faut le regarder que de se situer, là, par rapport à un chiffre, là.

M. Rousseau (Jean): Si je peux me permettre, M. Charbonneau...

M. Charbonneau: Oui, oui, allez-y.

M. Rousseau (Jean): ...je vous référerais à... Il y a eu deux rapports du Conference Board, en 2004, qui ont vraiment regardé ça pour le Canada puis qui ont comparé aussi avec d'autres pays qui sont sensiblement avec le même niveau de vie et de richesse. Il y a aussi l'Institut canadien d'information en santé qui publie régulièrement, minimum à tous les deux, trois mois, sur des sujets très, très précis, en ce qui concerne soit les pratiques, soit l'utilisation des technologies, ou les deux ensemble, qui fait une mise à jour continuellement. Et finalement je vous référerais aussi à l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé du Québec qui fait régulièrement des rapports relativement ? et je dis bien «relativement» ? élaborés, pour ne pas dire très, très, très complexes sur un paquet de sujets, qui pourraient vous donner une idée du retard ou de l'avance, tout dépendant du sujet.

M. Charbonneau: Bien. Bien, merci, M. le Président. Merci beaucoup de vos précisions.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Larouche, M. Rousseau, M. Laplante, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association de l'industrie des technologies de la santé.

Et j'invite immédiatement les représentants de l'Institut canadien de actuaires à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 24)

 

(Reprise à 10 h 26)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Institut canadien des actuaires. Mme Lacroix, M. Ferguson, bonjour. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, il y aura un échange, d'une durée maximale de 20 minutes, avec les parlementaires de chaque côté de la table. Nous sommes à l'écoute.

Institut canadien des actuaires (ICA)

Mme Lacroix (Marthe): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle, messieurs, mesdames, bonjour. Mon nom est Marthe Lacroix. Je suis actuaire et je suis également membre du conseil d'administration de l'Institut canadien des actuaires. Je suis accompagnée de M. Claude Ferguson, qui est actuaire également, et M. Ferguson est actuellement président de la Commission de pratique en matière de santé de l'Institut canadien des actuaires.

Nous vous remercions de l'opportunité qui est offerte à l'ICA de venir vous exprimer un point de vue sur l'avenir financier du système de santé du Québec. L'Institut canadien des actuaires est l'organisme national de la profession actuarielle au Canada. Il compte plus de 3 700 membres à travers le pays. Environ la moitié d'entre eux oeuvrent dans le domaine des assurances. Dans ce cadre, les services des actuaires sont notamment utilisés pour assurer que les besoins financiers des régimes sont bien identifiés afin d'en permettre le financement adéquat dans le futur.

Les coûts et le financement à long terme du système de santé préoccupent l'ICA, de même que les réformes requises pour assurer la viabilité du système. Par son expertise dans l'évaluation des coûts et dans l'évaluation de la santé financière des régimes d'assurance, la profession actuarielle peut également jouer un rôle important dans la prévision et la gestion des coûts du système de santé. Les commentaires de l'ICA porteront donc sur le dernier chapitre du document de consultation, soit les enjeux du financement du système de santé et de services sociaux.

M. Ferguson (Claude): Alors, comme ma collègue vous le mentionnait, les coûts et le financement à long terme de notre système de santé préoccupent l'Institut canadien des actuaires au plus haut point, et nous nous préoccupons aussi de notre capacité d'entreprendre ou de développer les réformes requises pour assurer la viabilité du système. Par contre, ou malheureusement, jusqu'à ce jour, la science actuarielle n'a pas occupé la place qui lui revient dans les discussions qui portent sur ces questions.

Alors, d'entrée de jeu, comme actuaires, nous sommes heureux de constater que le gouvernement envisage la création d'un compte santé et services sociaux. Ça peut sembler simple comme première étape, par contre, comme on sait que notre système de santé souffre autant de sous-financement, d'instabilité financière et probablement, à certains égards, de gestion non optimale des fonds alloués, la création du fonds ou d'un compte séparé pour la santé va amener naturellement les gestionnaires du système à procéder à un examen régulier de sa position financière, comme c'est le cas pour d'autres régimes publics, comme la Régie des rentes du Québec, le Régime de pensions du Canada, la CSST ou la SAAQ.

n (10 h 30) n

Mais encore l'utilité d'un compte santé et services sociaux peut et doit aller plus loin, en termes de gouvernance, qu'une simple appropriation comptable dans les livres de l'État. La compréhension des coûts, suite à des analyses scientifiques, sera un intrant important au processus de décision qui devra déterminer notre futur. Il servira même de base aux investissements en santé, dont les retombés positives pourront enfin être escomptées sur plusieurs années.

Évidemment, il n'appartient pas à l'Institut canadien de dicter le mode de gouvernance à privilégier, mais nous croyons que le gouvernement pourrait s'inspirer de plusieurs modèles qui... dans des contextes connexes ou semblables... pour lesquels il pourrait s'inspirer. À terme, le gouvernement pourrait même envisager la création d'un bureau de l'actuaire de la santé, tel que nous l'avons proposé à plusieurs reprises sur d'autres tribunes de consultation sur l'avenir du système de santé. Tout comme le Vérificateur général, ce bureau indépendant pourrait présenter directement et sur base régulière à l'Assemblée nationale le bilan de santé des différents programmes parrainés par l'État, en matière de santé, et tels qu'établis par une équipe multidisciplinaire bien outillée, tenant compte évidemment de l'évolution des profils de pratique médicale, des nouvelles connaissances, de l'impact des changements amenés dans l'environnement de la santé.

Mais pour l'instant tout reste à faire. Comme vous le savez, les responsables du réseau de la santé ne se sont pas encore dotés d'un processus public et scientifique de suivi et d'intégration des connaissances sur les coûts de la santé et leur progression dans le temps. Cette faiblesse affecte à la fois notre capacité de gérer le régime actuel, notre aptitude à générer des nouvelles idées et à les évaluer, et évaluer l'impact financier des changements requis pour en assurer le maintien dans le futur. Alors, une bonne compréhension des coûts constitue d'après nous une première étape indispensable afin d'orienter les actions qui viseront à contrôler, ou même à tenter de réduire les coûts, ou encore à modifier les façons de faire ou des comportements.

Actuellement, de nombreux organismes et intervenants véhiculent des informations variées, souvent contradictoires, sur l'état de notre réseau de santé et ce gui est nécessaire pour assurer son avenir. Sans des données adéquates et fiables, il est difficile pour nous même de faire la part des choses lorsqu'il est question de poser un diagnostic; imaginez créer un consensus... Notre société gagnerait donc à être mieux informée sur ce que l'avenir réserve pour son réseau de santé.

Récemment, le groupe de réflexion sur la pérennité du système de santé dirigé par Jacques Ménard a fait un constat sans équivoque dans son document de consultation, c'est-à-dire que le coût des soins de santé augmente sans cesse et la capacité de payer du gouvernement ne suit pas. La situation du Québec est particulièrement difficile par rapport à ses voisins, puisque le niveau des revenus par habitant y est plus bas, qu'on y retrouve un niveau d'endettement et de taxation plus élevé qu'ailleurs et que les défis démographiques qui l'attendent seront plus prononcés. Dans ces circonstances, on voit difficilement comment le Québec pourrait maintenir le niveau de services offert en maintenant le statu quo dans sa façon de faire ou de concevoir les choses.

De prime abord, quatre options peuvent s'offrir aux Québécois:

1° accepter la situation actuelle et continuer à payer en augmentant les impôts des contribuables. Évidemment, dans l'état actuel des choses, ce n'est guère très attirant.

2° réduire les services ou réduire l'accessibilité aux services pour maintenir un contrôle des dépenses. Ça aussi, je crois que ça a des limites.

3° réduire les coûts du système en améliorant l'efficacité, la productivité du réseau. Il y a eu beaucoup d'efforts faits dans ce sens-là, et on applaudit, je pense, les résultats, surtout au niveau de la restructuration des établissements de santé, l'organisation du travail, l'intégration des technologies. Il y a plusieurs choses qui ont été faites, mais nous constatons cependant que les dépenses continuent d'augmenter à un rythme alarmant.

4° enfin, il nous reste l'option de susciter le développement de nouvelles dynamiques favorisant l'injection de nouvelles ressources qui vont permettre de créer un nouvel équilibre entre les intérêts des intervenants et des patients ou d'influencer les comportements, bien que l'argent ou les ressources nouvelles qui parviendront au système viendront essentiellement des mêmes citoyens, qu'il s'agisse d'introduire de nouveaux programmes ou de dégager de nouvelles options individuelles. Ces nouvelles options pourront s'avérer des plus prometteuses, si la confiance et la performance sont améliorées.

Parmi ces options, nous en avons relevé quelques-unes évidemment qu'on ne prétend pas exhaustives. D'abord, la création d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie, évoqué dans le document de consultation du gouvernement, constitue une mesure très valable, et nous encourageons le ministère à aller de l'avant avec ce projet. Un tel régime devra toutefois être capitalisé convenablement et géré comme un véritable fonds d'assurance. Une fois créé, son administration devra être libre de toute ingérence politique.

Le gouvernement peut aussi envisager d'accroître ses revenus via la taxation sur soit des produits ou des comportements jugés néfastes pour la santé, ou l'introduction de frais modérateurs, ou la constitution de comptes individuels de santé. L'exercice régulier d'appariement des revenus et des dépenses futurs nous amènera naturellement à explorer ces nouvelles avenues en les modulant selon le contrôle que nous pourrons exercer.

Évidemment, la récente décision de la Cour suprême dans le dossier Chaoulli ouvre également la porte à l'injection d'argent neuf dans le système. Il peut paraître aberrant en effet que certains citoyens puissent avoir accès à des services et les financer à même leurs propres économies sans que le reste de la population n'ait accès aux mêmes technologies via des instruments traditionnels d'assurance ou de partage de risque avec leurs concitoyens. Selon nous, il est à prévoir que les contributions privées prendront de plus en plus de place en assumant un rôle complémentaire au régime public, que ce soit sous forme de contribution directe, d'assurance privée, d'appartenance à des groupes d'usagers ou même du développement d'options individuelles au sein des régimes publics.

Mme Lacroix (Marthe): Les défis posés par le vieillissement de la population et l'explosion des coûts de soins de santé sont de taille. L'ICA applaudit les efforts consentis par le gouvernement pour trouver des solutions et assurer la pérennité du système. Ainsi, parmi les moyens financiers qui favoriseront la viabilité à long terme du système de santé, l'ICA supporte la création d'un compte santé favorisant la transparence et l'imputabilité, appuie l'adoption de modes de gouvernance rigoureux, incluant des évaluations actuarielles visant à déterminer la santé financière des programmes de l'État, en matière de santé, sur le modèle déjà en place pour d'autres régimes publics.

L'ICA propose l'établissement de méthodes scientifiques fiables permettant de mesurer la progression dans l'avenir des coûts en matière de santé, reflétant les changements démographiques et les répercussions des nouvelles méthodes pour prodiguer les soins.

L'ICA appuie l'adoption de nouveaux modes de financement, comme la création d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie, l'introduction de taxes spécifiques sur certains produits nocifs à la santé et l'introduction de l'assurance privée.

L'ICA encourage le gouvernement à poursuivre ses réflexions en ce sens, tout en ayant le souci de préserver les valeurs d'universalité et d'accès aux services qui sont fondamentales pour la survie du régime. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Alors, merci beaucoup, madame, monsieur. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation qui est très axée sur l'économie du système et bien sûr son avenir financier. Votre provenance n'est certes pas étrangère à ce thème. J'expliquais l'autre jour, à la blague ? je ne sais pas si vous m'avez entendu le dire ? qu'après mes études j'ai pensé être actuaire. Mais je trouvais ça trop difficile puis trop long, ça fait que j'ai pris la médecine à la place.

Vous êtes d'accord avec le compte santé comme illustration d'une confrontation revenus-dépenses. En soi, il y a un acte, je dirais, de pédagogie. Je n'aime pas le terme, là, parce que la population, ce n'est pas des enfants, là, mais d'illustration des défis. J'aime mieux le dire comme ça.

Vous avez parlé de sous-financement du système. J'aimerais ça vous soumettre quatre définitions de «sous-financement» qui ne sont pas exclusives l'une de l'autre pour voir comment, vous, vous analysez ça. Comment est-ce qu'on définit le sous-financement? Si on prend comme repère le produit intérieur brut, donc la richesse collective, le système au Québec, en termes de pourcentage de la richesse collective, n'est pas sous-financé parce que c'est le même pourcentage que les autres provinces ou les autres pays de l'OCDE.

Si on prend le modèle per capita, là il y a une différence, et on sait que c'est étroitement lié à la première parce que... la richesse collective étant telle, les programmes sociaux étant tels que les niveaux de rémunération sont plus bas, et ça explique une grande partie de la différence.

La troisième partie, c'est par rapport aux besoins. Mais là comment est-ce qu'on chiffre les besoins? Comment est-ce qu'on détermine le niveau acceptable ou socialement acceptable de besoins qu'il faut remplir, compte tenu du fait qu'il n'y a aucun système de santé au monde qui comble tous les besoins, sauf ceux où on va payer comptant tout de suite pour avoir le service demain? Ça existe même à Montréal un peu, là, mais ce n'est pas la majorité des systèmes de santé qui sont comme ça.

n (10 h 40) n

Et le quatrième mode, ce serait par rapport aux équilibres budgétaires. Alors, le gouvernement a un budget de fonctionnement, puis on regarde les équilibres budgétaires en fin d'année. Comme cette année, le déficit... pas accumulé, mais le déficit d'opération devrait être autour de 155 millions. Donc, on pourrait faire l'argument que le système est sous-financé d'autour de 1 % de son budget de fonctionnement, autour de 150, 155 millions.

Comment est-ce que vous évaluez ça? Comment est-ce que, comme actuaires, vous évalueriez entre ces quatre méthodes: la richesse collective, le per capita et la rémunération, les besoins, les équilibres budgétaires? Vous allez me dire: Tout ça ensemble, là, probablement, mais comment est-ce que vous les pondérez, ces éléments-là? Parce que, si ? je vous laisse le temps de réfléchir, là; si ? on veut se faire un scénario de financement à long terme, il faut qu'on détermine c'est quoi, le niveau de financement à long terme, donc qu'on détermine c'est quoi, le niveau de financement par rapport à tous ces éléments-là qu'on veut atteindre et maintenir. Si on ne fait pas ça au début, on n'a pas de cible, on ne sait pas ce après quoi on court.

M. Ferguson (Claude): Moi, d'entrée de jeu, je dois vous dire que je ne suis pas nécessairement à l'aise avec les mesures per capita ou en pourcentage du produit intérieur brut parce que, bien que ça nous donne une outil pour se comparer avec nos voisins, ça ne fait aucune référence à la richesse qu'on va créer dans notre société et puis c'est cette richesse-là qui nous permet de se payer les soins qu'on veut se payer. Parce qu'en bout de ligne c'est les besoins, c'est votre troisième mesure qui dicte vraiment là où on doit aller et c'est évidemment la richesse qui nous dicte jusqu'où on peut s'en payer. Donc, tout ça va ensemble, mais au départ il faut y aller en fonction des besoins.

Et puis, nous, ce qu'on apporte en plus de ça, ce n'est pas simplement les besoins aujourd'hui, mais les besoins de la manière où ils vont évoluer dans le temps parce que notre société évolue autant démographiquement qu'économiquement, que socialement. Et il y a des technologies. C'est-à-dire la pratique médicale ? vous êtes bien placé pour le savoir; la pratique médicale ? elle aussi, évolue. On voit des tendances. Il y a des nouvelles technologies qui naissent à chaque année. Il y en a qui sont plus prometteuses que d'autres. Il y en a qui sont porteuses d'un certain espoir parce qu'elles laissent la possibilité non seulement d'être plus efficaces, mais, avec les déploiements nécessaires, les investissements, on peut en arriver peut-être même à réduire les coûts unitaires.

Donc, quand on regarde l'avenir, on ne peut pas simplement regarder les besoins, ou les pourcentages de PIB, ou des choses comme ça. Ça nous donne un guide de ce qui est acceptable, mais au départ il faut avoir des programmes pour générer la richesse collective et il faut nécessairement regarder les besoins en parallèle et faire l'équation à long terme.

M. Couillard: Vous avez mentionné au passage les coûts unitaires. Est-ce que vous pensez, comme Michel Clair, que le réseau doit développer plus cette philosophie ou cette habitude de pouvoir rendre compte de ces coûts unitaires et de les comparer? Ce qui n'est pas vraiment dans la culture, là, du système.

M. Ferguson (Claude): Oui. Je pense que la plupart des régimes, des régimes publics de santé, que ce soit ailleurs dans le monde ou ailleurs au Canada, ont fait ce virage-là. Ça prend du temps. C'est normal, on a quand même un héritage, une histoire. Nécessairement, si on veut investir, si on veut déployer notre système de santé, on ne peut pas penser simplement en termes de coût marginal, on ne peut pas regarder simplement les coûts marginaux ou les coûts d'opération. À court terme, si on fait ça, ça signifie la mort du système. Donc, il faut avoir la capacité de se régénérer et de tenir en compte nécessairement les coûts de capitalisation des investissements qu'on peut faire.

Mais nécessairement ce qui empêchait peut-être de faire cette étape-là, c'était qu'on n'avait pas l'outil pour reconnaître l'obligation ou l'engagement que notre société prend envers sa population et reconnaître, en termes actuels, la valeur présente ou l'engagement, en termes financiers, que cela peut représenter sur plusieurs années. Lorsqu'on vient pour faire des investissements, c'est difficile de les justifier si on n'a pas ce mode de capitalisation là pour les soutenir.

M. Couillard: Vous avez parlé d'un poste d'actuaire-chef de la santé. Je vous dirais que le Commissaire à la santé qui va bientôt entrer en fonction doit s'entourer d'adjoints. Le seul adjoint qui est prescrit, c'est l'adjoint à l'éthique, mais il n'y a rien en théorie qui l'empêche de se doter d'un adjoint qui est un économiste de la santé ou un actuaire. Alors, votre association professionnelle pourra peut-être faire des représentations en ce sens au niveau de la personne qui sera nommée. Parce qu'effectivement avoir cette vision du financement à long terme des équilibres de population, ce que votre science fait finalement, ça me semble bien important.

M. Ferguson (Claude): Je vous remercie de l'ouverture que vous faites sur ce point-là. Effectivement, l'éthique sur la pratique ou notre capacité de répondre aux besoins vont nécessairement de pair avec un financement qui est stable pour le système.

M. Couillard: Bien sûr, là, on parle du financement. On a discuté un peu de la définition du sous-financement pour voir que ce n'est pas évident de pondérer un facteur par rapport à l'autre. Il y a une chose sur laquelle la plupart des pays de l'OCDE s'entendent, de même que la commission Clair, de même que le groupe que présidait M. Ménard, c'est que le taux de croissance, ouvrez les guillemets, «naturel», fermez les guillemets, d'un système de santé moderne, dans un pays industrialisé, est probablement entre une fourchette de 5 et 6 virgule quelque chose pour cent par année, et le défi bien sûr est de combler la différence entre les revenus du gouvernement et ce rythme d'augmentation qui, en passant, ne permet pas de combler les besoins. C'est un rythme d'augmentation qui permet de maintenir et de développer un peu les services, mais il y aura toujours un hiatus entre les besoins puis les ressources disponibles.

Mais, parmi les scénarios de financement à long terme que vous décrivez dans votre document ? je pense que vous en faites bien le tour ? il y a la fiscalité générale, puis vous vous y opposez ? c'est-à-dire faire juste une traduction de l'impasse financière du système de santé dans l'échelle d'impôt, on va créer une impasse dans les impôts au même rythme que celle du système de santé ? une caisse santé plus générale, une caisse santé spécifique, comme celle que présente M. Ménard, contribution d'usager... Ça, je ne vous ai pas entendu... votre opinion là-dessus.

M. Castonguay est venu, la semaine dernière, parler d'une possibilité de réclamer une contribution aux usagers qui est un peu théorique, là, parce que la loi canadienne ne le permet pas. Mais j'aimerais savoir si, sur le plan actuariel, vous avez réfléchi à cette stratégie-là. Et vous introduisez bien sûr l'assurance santé comme source de fonds supplémentaires. Mais je porterais à votre attention le fait que j'ai déjà souligné à plusieurs reprises dans cette commission, c'est que l'assurance santé ne réduit jamais le niveau de dépenses publiques et le pourcentage d'augmentation des dépenses publiques en santé. Elle apporte une disponibilité de fonds supplémentaires pour les personnes qui sont dotées d'assurance mais ne change en rien l'économie générale d'un système de santé public.

Donc, vous pouvez peut-être faire des remarques sur notamment la proposition de M. Castonguay et confirmer que votre solution, celle que vous recommandez, c'est un peu la solution de M. Ménard, la caisse spécialisée dans une partie des besoins, perte d'autonomie.

M. Ferguson (Claude): Oui. Bon, donc, on a tous entendu parler évidemment de la déclaration de M. Castonguay sur sa proposition pour les contributions des usagers. C'est probablement une proposition faite très rapidement, et, comme vous l'avez dit, ça ne cadre pas du tout dans le contexte de la Loi canadienne de la santé, et je ne crois pas non plus que ça cadre nécessairement dans le contexte social qui est le nôtre. Par contre, il y a d'autres alternatives semblables à celle-là qui pourraient probablement aussi cadrer dans le cadre de la Loi canadienne de la santé, qui sont peu connues parce qu'on n'a pas eu la chance de les explorer ici, parce que ce n'est peut-être pas aussi très facile, pour des organismes sous contrôle, disons, politique ou contrôle gouvernemental, de faire l'exploration en société, là, de ces options-là.

Par exemple, si on parle des comptes... Il y a une terminologie qui peut être ambiguë, là, mais on parle de comptes individuels de gestion santé. C'est un compte, par exemple, où on octroie à des individus un certain nombre de crédits pour utiliser des services sur lesquels on présume qu'ils ont un certain contrôle. Et alors, à ce moment-là, on peut amener des incitations positives, plutôt qu'une contribution qui est vue souvent comme une incitation négative, donc une incitation positive à faire un usage parcimonieux des ressources publiques. Alors, dans un contexte comme ça, on pourrait facilement développer des outils ou en tout cas explorer des outils qui inciteraient les gens à une bonne utilisation mais évidemment en tenant compte du profil de santé des individus. De dire qu'un individu et tous les individus sont égaux face à la santé, je crois que c'est un petit peu réducteur. Quand on a 20 ans, on n'a pas la même problématique que lorsqu'on a une pathologie complexe et qu'on avance en âge.

Pour ce qui est de l'assurance comme méthode, comme moyen de financement, l'assurance privée, vous avez raison, ça ne réduit pas les coûts. Par contre, c'est un bel outil de budgétisation, qui permet une certaine flexibilité aux différents segments de la population, qui n'ont pas tous les mêmes besoins, de se doter d'une complémentarité qu'eux jugent plus appropriée que, par exemple, ce que pourrait juger un autre groupe dans leur société. Donc, il y a certains travailleurs peut-être pour qui certains accès à des soins orthopédiques vont être plus urgents ou plus importants dans leur schème de valeurs, alors que pour d'autres ce sera peut-être un soutien psychologique face à des situations difficiles.

Je veux dire, notre régime public ne peut pas nécessairement donner tout, à tous les niveaux, à tout le monde. C'est à lui de définir la plus-value, jusqu'à quel point il est prêt de financer un régime public. Par contre, on peut laisser aux individus le choix de tailler sur mesure une protection complémentaire qui pourrait être assurée.

n (10 h 50) n

Mme Lacroix (Marthe): Peut-être, si vous me permettez, un commentaire sur la contribution individuelle telle que proposée par M. Castonguay. Ça peut paraître alléchant à première vue, mais il faudrait aussi anticiper l'effet que ça pourrait avoir sur la décision de l'individu à aller chercher un soin de santé ou non. Si le fait d'avoir une contribution fait en sorte que la personne reporte la consultation et qu'au bout de la course elle a besoin de soins additionnels qu'elle aurait pu éviter, on n'a pas nécessairement rencontré l'objectif initial d'accès à la santé et d'accessibilité. Donc, c'est important, dans une mesure comme celle-là, de vraiment jauger l'effet que ça aurait ou l'effet pervers que ça pourrait avoir sur la dispensation des soins comme tels aux individus.

M. Couillard: D'ailleurs, le même raisonnement peut s'appliquer également à la formule que vous avez évoquée, celle d'un compte santé individualisé. D'ailleurs, dans la commission Romanow, il y en avait une analyse assez poussée. Parce qu'outre l'âge, qui est un facteur de prédiction de l'état de santé, un facteur aussi puissant, c'est le niveau socioéconomique. Donc, toutes ces mécaniques-là ont comme caractéristique commune de transférer le coût du système de santé vers les plus grands utilisateurs, qui sont souvent les plus pauvres de la société. Là, il y a un problème fondamental, là, de transfert de coût qu'il est très difficile de justifier.

M. Ferguson (Claude): Il n'y a pas un système qui va être parfait puis qui va répondre aux besoins de tout le monde, mais au départ je pense qu'il y a lieu de le définir pour l'ensemble de la population, c'est-à-dire la vaste majorité, qui ne sont pas nécessairement pauvres. Les gens qui ont besoin d'assistance au niveau financier, je pense qu'il va falloir toujours être là pour les aider et les soutenir face à l'adversité.

M. Couillard: À la page 6 de votre document, il y a une phrase sur laquelle je vous demanderais d'apporter des éclaircissements. Vous dites en gros ? et je ne veux pas résumer... déformer vos propos, là, mais vous dites en gros ? que l'assurance permet de démocratiser le système de santé. Compte tenu du fait que 80 % des contribuables québécois gagnent moins de 50 000 $ par année ? donc pour eux ces assurances sont des données hypothétiques pour le mieux, là ? comment est-ce que vous qualifiez la démocratisation que l'assurance privée peut apporter au système de santé?

M. Ferguson (Claude): Bien, je peux vous donner un exemple très, très simple, qui puise un peu dans l'actualité, si on parle d'un traitement à l'Herceptin que le gouvernement, dans certains cas, hésitait à octroyer à tout le monde parce qu'il était très coûteux et parce que peut-être aussi c'était un traitement qui était relativement nouveau. C'est un traitement qui coûte au bas mot 20 000 $ par année, facilement au moins dans la première année, si ce n'est pas la deuxième. Alors, quelqu'un qui n'a pas ce 20 000 $ là qui traîne quelque part ou qui n'est pas prêt à hypothéquer sa maison pour faire ça n'a pas accès à cette technologie-là, si le gouvernement n'est pas là pour lui fournir le traitement. Par contre, si des individus, collectivement, se mettent ensemble et souscrivent une assurance, ils entrent dans ce contrat-là ensemble, de bonne foi. C'est un acte de solidarité qui, par exemple pour une prime qui va varier entre 50 $ et 100 $, va leur permettre d'avoir accès à une technologie qui, si elle était nécessaire, leur coûterait 20 000 $ qu'ils n'ont pas. Donc, à 50 $, tout le monde peut se payer ça, et ça leur donne accès évidemment, par la loi des grands nombres, à une technologie qui est beaucoup plus coûteuse, qui serait, dans ce cas-là, réservée aux gens les plus pourvus.

M. Couillard: Mais là là-dessus, moi, j'ai un problème. D'abord, l'Herceptin, on le finance, là. C'est la démonstration...

M. Ferguson (Claude): Oui, maintenant, oui.

M. Couillard: Oui, mais...

M. Ferguson (Claude): Mais c'était un exemple. Il y en a d'autres. Il y en aura à tous les jours.

M. Couillard: Mais le point que je veux faire, c'est le suivant: c'est que la décision pour laquelle on a financé l'Herceptin, c'est basé sur les critères du Conseil du médicament, dont la valeur thérapeutique, puis la valeur thérapeutique est apparue indubitable pour l'Herceptin. Donc, on a rapidement, plus rapidement que beaucoup d'autres provinces, décidé de le rembourser dans les établissements. Et le modèle que vous soulignez, que vous proposez ferait en sorte que les gens qui ont des assurances auraient accès à des médicaments dont peut-être la valeur thérapeutique et la valeur ajoutée n'est pas démontrée. Il me semble que ce n'est pas cohérent, là, comme façon de gérer le système de santé entre la majorité de la population puis ceux qui ont accès aux assurances, qui seront la minorité.

Je vais vous donner un petit exemple. Vous dites une prime de 50 $ à 100 $. Récemment, il y a eu, il y a quelques mois, je pense, dans la fonction publique, une offre d'un programme dentaire supplémentaire de 50 $ par mois, puis les gens ont dit non. Alors, il ne faut pas surestimer le nombre de personnes qui sont prêtes à débourser ces montants-là.

M. Ferguson (Claude): Vous avez raison, la valeur thérapeutique, c'est ce qui prime dans notre capacité, là, de juger de ce qui devra être inclus dans le régime public ou non. Par contre, c'est aux individus aussi de décider ce qui est bon pour eux ou pas. Et puis, si on leur laisse la possibilité de le faire, à ce moment-là, s'il n'y a pas d'offre qui se développe, qui réponde à leurs besoins, vous n'avez rien à craindre pour le développement d'un réseau privé parallèle qui pourrait miner, si vous voulez, la solidité du régime public. Ça ne se fera pas. Mais par contre ça peut permettre de jouer les rôles de précurseurs, de développer des technologies, ou de développer l'évidence, ou de montrer le support public pour des technologies qui sont amenées sur le marché.

M. Couillard: Oui, effectivement. Mais par contre, moi, je trouve que ça mettrait le système de santé et ses dirigeants dans une situation intenable, là. On aurait une situation où ? et là je parle de l'expérience avant 2003, là ? on est toujours persuadé, sur une base anecdotique, que tel médicament nous a sauvé la vie ou telle technologie nous a passé la vie, ce qui n'est pas une preuve. Alors, on aurait la situation où la vaste majorité de la population qui reçoivent l'aide de l'État pour leurs soins de santé se feraient dire par les gestionnaires du réseau: Bien, on considère, avec les avis experts, qui ne sont pas les avis de fonctionnaires, mais des avis extérieurs au réseau de santé, que, écoutez, ce médicament-là n'est pas valable sur le plan de la valeur ajoutée. Par contre, on dirait que ceux, dans la minorité, qui peuvent avoir accès à une assurance peuvent y avoir accès.

Vous voyez tout de suite le genre de situation dans laquelle ça nous place. Je pense qu'elle est politiquement intenable. J'évalue le nombre de jours qu'on peut tenir, dans une affaire de même, peut-être à huit jours. Je ne sais pas si mon collègue, qui est expérimenté...

M. Charbonneau: Ça dépend si on est en session intensive.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ferguson (Claude): Mais, sans vouloir vous heurter, quand même ce système-là existe ailleurs et il s'en porte très bien. Prenez la France, par exemple, où la capacité de complémenter le régime public est beaucoup plus grande qu'ici, à différents égards. Et il y a même des regroupements de travailleurs qui se sont faits, au fil du temps, pour justement amener une offre complémentaire qui réponde à leurs besoins propres et d'une certaine façon avec l'assistance de l'État qui, lui, s'assure que personne ne soit privé d'accès à des soins de la collectivité à laquelle il appartient faute d'avoir des revenus nécessaires pour se les payer.

Donc, il y a quand même, là, des options à regarder pour se réinventer parce que notre système, notre étanchéité, telle qu'on l'a conçue et qu'on tente de la maintenir, elle est quand même unique, et puis je ne crois pas que ce soit la fin du monde, le jour où on va regarder ça en face et peut-être regarder des alternatives.

M. Couillard: Moi, je suis d'accord avec vous. J'ai dit la même chose à plusieurs reprises. Cependant, il faut être certain que ce qu'on apporte est un élément de valeur ajoutée ? je reprends le terme ? valable pour le système puis la majorité de la population parce que notre société n'acceptera pas qu'on trouve une solution pour la minorité.

Mais la France, vous avez raison, a bâti un système de santé sur des bases totalement différentes du nôtre, basé sur des bases bismarkiennes, avec des corporations professionnelles, et je ne pense pas qu'on puisse revenir...

M. Ferguson (Claude): Mais elle converge. Avec la réforme de 2000, la France s'est dotée d'un régime qui ressemble autant au nôtre maintenant, là, c'est-à-dire un régime plus beveridgien, si on veut prendre le terme à l'origine. Et ces systèmes-là, au niveau mondial, maintenant, au niveau des pays de l'OCDE, convergent vers des systèmes qui se ressemblent de plus en plus. Et c'est normal parce que la conscience sociale est là, parce que les outils financiers sont là, mais aussi parce que l'éducation permet de faire beaucoup plus de choses en toute conscience de cause.

Et les gouvernements et votre gouvernement tentent aussi de responsabiliser les gens face à des décisions qui sont les leurs. C'est certain que, face à une entrée à l'urgence qu'on ne contrôle pas et un traitement préventif pour éviter le développement d'une condition cardiaque dans 20 ans, il y a tout un monde entre les deux, et ce fossé-là ou cette différence-là n'existait pas il y a 30 ans ou 40 ans, lorsqu'on a conçu notre système d'assurance maladie.

M. Couillard: Merci, M. le président. D'où l'importance de définir et d'atteindre l'équilibre, hein? Voilà.

n (11 heures) n

Le Président (M. Copeman): Brièvement, M. Ferguson, en ce qui concerne les mesures de financement ou sous-financement, vous avez exprimé un peu vos réticences face aux différentes mesures. C'est sûr que je pense qu'il n'y a aucune mesure qui est idéale, sauf que... Vous avez, entre autres, objecté à la mesure per capita, en termes de pourcentage du produit intérieur brut, parce que ça ne contient pas un élément de création de richesse. Mais il me semblait effectivement que le produit intérieur brut est à peu près la seule façon de tenter vraiment de mesurer la richesse d'une société. On le voit par des projets de recherche avec mes fils, mes enfants, dans tous les atlas, c'est à peu près le seul mécanisme, faillible tel qu'il soit, pour mesurer un peu la richesse d'un pays. Et il me semble que la dépense de santé, en termes de per capita de PIB, est à peu près la seule vraie mesure qu'on peut utiliser.

M. Ferguson (Claude): C'est une bonne mesure, à certains égards. Par contre, la relation entre ce qu'on peut se payer et notre niveau de richesse n'est pas linéaire. Donc, à mesure qu'on crée de la richesse, on peut mettre de plus en plus de l'argent de côté pour des choses qui viennent améliorer notre état de santé. Ça, c'est le point peut-être que je pourrais amener pour justifier, si on veut, là, scientifiquement l'adoption ou non de la mesure. Par contre, nous, ce qui nous préoccupe aussi, c'est la progression à long terme. Donc, quand on regarde à long terme qu'est-ce qui va se passer, il y a de la richesse collective qui devrait normalement se créer. Il faut la privilégier. Il y aura aussi des travailleurs en certain nombre, et donc on sait que le nombre de travailleurs qui seront là pour supporter l'ensemble de l'appareil de l'État sera beaucoup moindre. Donc, il faut susciter le développement de cette productivité-là pour ces travailleurs-là. C'est un élément qui est bien important dans l'axe développement économique.

Mais, lorsqu'on veut juger de ce qui sera nécessaire ou du développement ou de l'évolution du panier de soins qui sera nécessaire, à ce moment-là, il faut regarder la démographie, il faut regarder les profils de santé de ces gens-là, il faut voir comment ça va évoluer. Il faut voir aussi comment la technologie ou la pratique médicale va se coller à cette nouvelle réalité là. Et puis peut-être faire des exercices de perspective. Peut-être que ça pourrait justifier des développements ou des investissements collectifs plus importants dans certains secteurs.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Madame, monsieur, premier élément, là, disons, de mise en contexte, beaucoup de gens sont venus devant nous pour nous parler du chiffre de 43 % des dépenses de santé. Mais, quand on regarde ça, là ? puis on nous en a parlé la semaine dernière ? finalement ce n'est pas 43 %, c'est 32 % parce qu'on inclut les services sociaux dans ça et ailleurs on ne les inclut pas. Alors, quand on fait des comparaisons entre le Québec puis les autres sociétés ou les autres États, si ailleurs on n'inclut pas les services sociaux, puis, nous autres, on les inclut, ça donne l'impression qu'on dépense une portion pas mal plus importante en santé que ce n'est le cas, en réalité. Une société qui a des dépenses de 43 % pour ses soins de santé, ce n'est peut-être pas si dramatique que ça, si ce n'est pas 43 %, mais si c'est plutôt 32 % ou 33 %, là. Alors, c'est un élément que je voulais souligner.

Moi, je pense que, quand vous dites: Les assurances privées pour complémenter, disons, le régime public, la réalité, c'est que, moi, je veux bien. Les députés, on paie une assurance collective pour se payer des éléments qui ne sont pas couverts par l'assurance publique qu'on paie, comme citoyens, par la fiscalité. Complémenter, ça va, mais, si on est pour doubler ou dédoubler, pourquoi les citoyens seraient amenés à payer deux fois pour des services, tu sais... autrement dit, s'assurer deux fois? C'est ça, la question. Puis, en bout de piste, on peut bien vouloir éloigner la problématique de la fiscalité, mais, tu sais, une caisse santé ou une caisse vieillesse, c'est-à-dire un régime d'assurance collective pour une fin spécifique, d'une certaine façon, c'est une forme de... c'est une ponction de l'État aussi. Éventuellement, si on embarquait dans l'approche de ceux qui proposent un ticket modérateur ? puis je l'ai dit à M. Castonguay la semaine passée ? c'est aussi une taxe, c'est aussi une ponction décrétée par l'État sur un service à l'entrée, à la consommation.

Alors, dans le fond, il ne reste pas grand choix: ou bien on va chercher des ponctions additionnelles en n'utilisant pas le mot «taxe» ou «impôt», mais le prélèvement va être là pareil, ou on a un niveau, disons, de transparence plus grand puis on se dit: De toute façon, puisqu'on doit aller les chercher, ça va être par la fiscalité. Et, la fiscalité, l'important, c'est que cette ponction-là se fasse de façon progressive, en fonction du niveau de richesse des uns et des autres puis du choix de solidarité. Parce que notre fiscalité est basée sur un choix collectif qu'on a pu faire, par élus interposés, que le type de solidarité ou de soutien mutuel qu'on se donne, dans notre société, est à tel ou tel niveau, de telle ou telle façon.

C'est pour ça que je vous dis: Est-ce que ce n'est pas se raconter des histoires que d'essayer finalement de présenter d'autres alternatives comme n'étant pas de la fiscalité, pas une ponction fiscale quelconque, alors que dans les faits, de toute façon, à partir du moment où c'est décrété par l'État, ça reste, je veux dire, quelque chose qui s'apparente pas mal à une taxation ou à de la fiscalité?

M. Ferguson (Claude): Bien, d'abord, sur le 33 % ou le 43 %, vous comprendrez que... et vous ne m'en voudrez pas, comme actuaire, de ne pas m'émouvoir devant les chiffres justement parce que justement ces chiffres-là cachent une réalité qui est tout autre, et il faut toujours en arriver à essayer de comparer des pommes avec des pommes. Ce qui n'est pas toujours possible et, lorsqu'on essaie de se comparer avec les États-Unis, c'est la même chose, avec nos voisins, c'est la même chose. Ce serait à 100 % et ça ne me jetterait pas à terre. Si c'est ça qu'on veut se donner comme système puis qu'on est capables de se le payer, bien je pense qu'on aura fait le bon choix.

Pourquoi permettre aux gens de s'assurer et faire double emploi, dans le fond, de leur contribution à la société? Bien, les individus peuvent avoir toutes sortes de raisons. C'est certain que, si ça ne répond pas à des besoins, ils ne le feront pas, et puis, à ce moment-là, si on veut, le libre choix les aura guidés vers la bonne réponse.

On sait que, par exemple, à certains moments ? je retourne loin en arrière pour prendre un exemple bien simple ? par exemple lorsque c'était difficile d'avoir des tests sanguins en milieu hospitalier, il y a eu une offre complémentaire qui s'est développée via les assurances collectives, qui existe encore mais qui est un peu un anachronisme, d'une certaine façon, puisque, depuis ce temps-là, le système public s'est mieux organisé et puis maintenant on peut aller dans des cliniques qui sont organisées de façon très efficace et avoir des prélèvements sanguins dont les résultats seront obtenus très rapidement, malgré le fait qu'on pourrait aller dans une clinique privée à côté et sans peu ou avec peu ou pas de valeur ajoutée. Donc, à ce moment-là, qu'on ait permis qu'une offre complémentaire privée se développe, ça a permis peut-être de donner une soupape à la population qui avait besoin de ces tests-là. Ça a permis aussi au système public de se comparer, de s'améliorer, d'avoir des motivations pour aller plus loin et de se reprendre en main. Bien, aujourd'hui, la situation est réglée, puis on l'a oubliée. Il y en a d'autres qui se sont développées, il y en a d'autres qui se développeront tout le temps.

Je pense que c'est normal d'avoir un contrepoids pour pouvoir répondre à des besoins qui, dans certains cas, sont différents. On n'a pas tous les mêmes besoins, et ce... Puis en fait c'est un des éléments qu'on a soulevés dans notre mémoire, malgré l'interdiction d'assurer des soins qui sont présentement assurés par le régime public, il s'est développé quand même un régime parallèle d'assurance pour un produit qu'on appelle les maladies critiques, où les gens souscrivent pour un contrat privé, puis en assez grand nombre maintenant, pour obtenir des montants forfaitaires, au cas où des maladies graves se développeraient chez eux ou avec les membres de leur famille.

Donc, malgré ce qu'on va faire, il y aura toujours cet attrait-là. Et puis peut-être la meilleure façon d'y faire face, c'est de le regarder de façon objective. Mais, en y faisant face, d'une certaine manière peut-être qu'on le contrôlera mieux, c'est-à-dire que ce sera fait de façon ouverte, qu'on pourra permettre aussi ou qu'on obligera les assureurs ou les intervenants dans ce milieu-là à avoir des meilleures divulgations soit des clauses qui sous-tendent ces contrats-là et peut-être de l'utilisation qui pourra en être faite plus tard.

Votre dernier point: Est-ce que c'est une taxe ou pas, les frais modérateurs, est-ce que de toute façon on arrive toujours à une taxe au bout du compte? Oui et non. Je crois que, comme le besoin change, il y a certains soins qui deviennent plus... qui ne font pas l'unanimité, qui ne sont pas le besoin de tout le monde. À ce moment-là, est-ce que l'assiette fiscale de l'ensemble de la société devrait payer tout parce que nécessairement on voudrait... on se dirait que la personne se le paierait de toute façon? Je crois qu'en bout de ligne la capacité du gouvernement est limitée, puis ils sont obligés de faire des choix, mais c'est des choix, même éclairés, qui ne sont pas les mêmes de tout le monde.

M. Charbonneau: Vous avez raison, mais de toute façon, actuellement, on ne paie pas tout, hein?

M. Ferguson (Claude): Non, c'est ça.

n (11 h 10) n

M. Charbonneau: Nos soins de santé, ils ne sont pas tous couverts par l'assurance publique. Une partie importante, 30 % de nos soins de santé ne sont pas assurés par... Tu sais, dans le fond on a les soins de base, et dans le fond les soins de base, c'est les besoins qu'en général tout le monde risque d'avoir, un jour ou l'autre, à faire face. Et, dans ce sens-là, on pourrait même penser que notre assurance publique n'en couvre pas assez, de besoins de base. Il y a des gens qui pourraient plaider, puis ils n'auraient peut-être pas tort, qu'on aurait dû garder puis on pourrait augmenter les soins dentaires. Ou, quand on regarde nos problématiques de santé mentale, on pourrait penser aussi que, tu sais, toutes les questions de soutien psychologique pourraient être aussi...

Donc, c'est clair qu'il y a eu des choix de faits, mais je ne pense pas... Puis je ne vous dis pas que c'était l'intention que vous avez, mais l'interprétation qu'on pourrait donner à vos propos, c'est de penser qu'actuellement on se les paie tous, là. On ne se les paie pas tous, loin de là. Et puis je ne pense pas que ce soit demain la veille qu'on soit en mesure justement d'avoir collectivement la capacité d'avoir un panier de services mur à mur, là.

M. Ferguson (Claude): ...mais vous voyez comme... L'exemple des soins dentaires que vous prenez, c'est un bon exemple parce que justement on a convenu, jusqu'à un certain moment, de défrayer, à même les fonds de l'État, les soins dentaires pour les enfants jusqu'à 18 ans ou quelque chose comme ça. Et, à un moment donné, on s'est rendu compte que ce n'était pas absolument nécessaire, que ça aurait été très agréable de pouvoir tout se payer, mais ça, si on avait quelque chose à nécessairement laisser aux gens, en termes de responsabilité, bien c'était un élément qu'on pouvait, à ce moment-là, retourner à la responsabilité individuelle. Par contre, on a quand même maintenu des soins de santé dentaire ou des soins dentaires pour les enfants jusqu'à 12 ans. Donc, on fait des choix. On se dit: Passé un certain niveau, ça devient la responsabilité individuelle et, en deçà de ça, il y a une prise en charge collective. Le 30 % donc que vous citez, c'est un bel exemple de ça.

Par contre, lorsqu'on regarde plus minutieusement au niveau des soins médicaux ou hospitaliers, bien là on parle de 99,9 % public. Donc, il n'y a pas eu de choix qui se sont faits, et puis c'est un petit peu là-dedans que ça a de l'air à être un petit peu difficile. Malgré le développement et l'évolution de la pratique médicale et des habitudes de consommation de la population, dans les 40 dernières années, il y a certaines technologies ou certains soins qu'on pourrait retourner, de la même manière, à la responsabilité individuelle.

M. Charbonneau: Mais le ministre et moi, on ne partage pas nécessairement la même lecture pour l'avenir, mais en tout cas, dans l'immédiat, il y a au moins une réalité sur laquelle on s'entend, c'est que ça, c'est bien beau en théorie, mais, quand on est dans une dynamique où on n'a pas encore suffisamment de ressources soignantes, donc de personnel soignant pour faire face, là, on ne peut penser que, d'une façon idéologique, on va changer la donne rapidement. Et, si on ne la change pas rapidement, ça ne sert à rien de laisser croire aux gens que la solution au problème fondamental du financement est dans cette direction-là. Elle n'est pas là à court terme, puis elle ne sera pas là avant un bon bout de temps.

M. Ferguson (Claude): Bien, vous êtes... Oui et non, là. Vous avez raison, on aggraverait notre situation si on ouvrait sans tenir compte de la réalité du terrain. Par contre, cette réalité-là, c'est celle qu'on a créée. Il y a quelque part où est-ce qu'on peut, avec des travaux de prospective, permettre, là... On pourrait déterminer quand et comment on pourra permettre le développement d'une offre privée. On sait par contre que, dans certaines spécialités, présentement, il y a déjà une capacité qui n'est pas utilisée à sa pleine valeur. Donc, dans certains secteurs, ça peut exister aujourd'hui, peut-être pas demain. Il faut qualifier, comme vous dites, la disponibilité de ces ressources-là et il faut l'utiliser de façon intelligente, sinon on va tout simplement empirer notre situation.

M. Charbonneau: Bon, vous êtes des actuaires. Pourquoi vous choisissez une caisse ? certains appelaient ça la caisse vieillesse, c'est une caisse... ? une assurance collective pour perte d'autonomie, plutôt qu'une assurance collective santé globale? Il y a des gens qui... On a eu les deux thèses en fait, des représentants ou des partisans des deux options. Puis il y en a une troisième dont on parle moins souvent, là, c'est la possibilité de développer ? semble-t-il, aux États-Unis, ça existe ? une espèce de REER santé, là.

M. Ferguson (Claude): C'est ça, oui.

M. Charbonneau: Bon, j'aimerais ça que les actuaires que vous êtes puissent nous éclairer un peu, là. Pourquoi un modèle devrait être privilégié aux autres, là, d'un point de vue actuariel?

M. Ferguson (Claude): Bien, je crois que la... Pour ce qui est de la caisse unique, je crois que c'est quand même préférable. C'est un but ultime à viser pour le régime public parce qu'on ne pourra pas économiser d'un côté ce que l'on dépensera de l'autre et puis... Mais quand même, même si c'est un pas modeste dans cette direction-là, la caisse ou le régime contre la...

Une voix: Perte d'autonomie.

M. Ferguson (Claude): ...la perte d'autonomie ? merci ? nous amène dans une dynamique, une meilleure structure, une discipline qu'on voudrait se donner pour l'ensemble du régime mais qu'on pourra prendre pour un pas important des soins, en tout cas surtout quand on regarde l'avenir qui est devant nous.

Maintenant, est-ce qu'il y aura des alternatives privées pour complémenter ça? Quand vous me parlez des REER de santé qui existent ailleurs, c'est nécessairement un outil privé de responsabilisation qui permet de complémenter ce que le régime public, aux États-Unis, ne donne pas. Alors, à ce moment-là, est-ce qu'on veut explorer ces possibilités-là? Je pense qu'au départ on ne peut pas dire que ces alternatives-là sont bonnes. Je pense qu'il faut se poser des questions et les étudier, regarder l'impact que ça peut avoir sur notre société, les valeurs qu'on veut supporter et puis avoir un débat ou une discussion éclairée entre nous pour créer ce consensus-là. Parce que, si on arrive avec des solutions déjà toutes faites, imposées, encore pire, imposées d'ailleurs, bien, à ce moment-là, ça ne répondra pas aux besoins, puis il n'y a personne qui va suivre. Ce n'est pas ça qu'on veut.

M. Charbonneau: On parle de responsabiliser les citoyens. Dans le fond, ce que vous dites, c'est que, pour certains types de consommation de services de santé, on pourrait responsabiliser les citoyens pour qu'ils consomment différemment. Mais est-ce que là où on a utilisé certains des mécanismes que vous nous suggérez, est-ce qu'on a vu un changement par rapport aux habitudes de vie? Parce que dans le fond consommer des services de santé, c'est parce que tu as creusé ta tombe avant, là. Souvent, là, tu sais... Autrement dit, tu as eu des comportements toxiques dans toutes sortes de domaines qui font que tu te retrouves avec des problèmes de santé. Alors, tu te paies plus d'assurance ou paies plus de protection au cas où... tu sais. Est-ce que ça a eu un effet de responsabilisation au-delà de la consommation, sur le comportement qui ferait que la consommation serait réduite parce qu'on aurait des habitudes de vie qui seraient plus saines?

M. Ferguson (Claude): Je pense qu'il y a plusieurs exemples qui montrent que les comportements changent ou que les gens s'adaptent à la nouvelle réalité. Vous avez juste à prendre, par exemple, le tabagisme. Alors que ça faisait partie de la normalité des choses il y a 20 ou 30 ans, tranquillement on a commencé à refléter l'impact du tabagisme sur les prix de l'assurance vie qui était disponible sur les marchés et on a donné des primes aux gens aussi qui cessaient de fumer ou qui n'avaient pas fumé. Ça a été plus loin que ça, par la suite. Il y a des polices d'assurance maintenant qui vont vous donner une prime si vous faites de l'exercice régulièrement, si vous maintenez un taux de cholestérol ou une tension artérielle à l'intérieur des fourchettes normalement optimales, et puis tout ça, ça contribue peut-être à aider, à encourager les gens à faire de l'exercice, à adopter des nouveaux styles de vie. Puis, bon, il y aura toujours des irréductibles, mais en même temps ça devient des choix privés qu'on respecte tous. Mais, oui, je pense qu'il y a des choses qui changent tranquillement avec les bons incitatifs et les bons messages. Et il faut que ce soit quand même...

Et la contrepartie à la question dans le fond que vous apportez, c'est qu'il pourrait y avoir des changements drastiques qui ne seraient pas souhaitables. Ma collègue l'a fait remarquer en entrée de jeu un peu plus tôt, si vous taxez de façon sauvage, d'une certaine façon, des comportements qui dans le fond seraient souhaitables, vous allez probablement y perdre au compte, alors ce n'est vraiment pas ça, notre objectif. C'est pour ça justement qu'on veut amener une dynamique un petit peu plus ouverte pour discuter de ces options-là, en intégrant des connaissances sur la recherche qui existent, mais aussi en suscitant le développement de nouvelles recherches pour répondre à des questions pointues que, nous autres, comme société, au Québec, on peut se poser pour aller à une étape plus loin, mais pour lesquelles il n'y a pas eu de recherche encore, ni ici ni ailleurs, et qui pourraient probablement permettre d'assembler tous les morceaux, finalement. Parce qu'il manque un ou deux morceaux, des fois ça ne nous permet pas d'aller plus loin. Mais des fois, avec un ou deux morceaux de plus, on peut aller à l'étape suivante.

M. Charbonneau: Bien. Alors, on m'indique que le temps est à peu près terminé, alors merci beaucoup de votre contribution.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Lacroix, M. Ferguson, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Institut canadien des actuaires.

J'invite immédiatement les représentants du Groupe Optimed inc. à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 20)

 

(Reprise à 11 h 26)

Le Président (M. Paquin): La commission parlementaire reprend ses travaux, et nous recevons maintenant le Groupe Opmedic inc. Dr Pierre St-Michel, bienvenue. Voici la façon que nous procédons, docteur. Nous allons passer une heure ensemble en trois parties. Première partie, 20 minutes pour faire valoir votre mémoire. Par la suite, 20 minutes d'échange avec le ministre et les députés du côté ministériel. Et on va terminer le tout avec un dernier 20 minutes avec les députés de l'opposition. Donc, je vous invite à présenter la personne qui vous accompagne et à nous faire part de votre mémoire. Vous avez 20 minutes. Merci.

Groupe Opmedic inc.

M. St-Michel (Pierre): Alors, merci. Je vous présente Sylvie Milliner, qui est mon assistante, qui est responsable des communications du Groupe Opmedic.

Alors, on commence. Mesdames, messieurs, bonjour. Mon nom est Pierre St-Michel. Je suis un médecin spécialiste, surspécialisé en infertilité, et président et chef de la direction du Groupe Opmedic inc. Cette société ouverte offre des services de soins de santé et des installations aux patients et aux chirurgiens. Au nom de tous mes collaborateurs, partenaires du groupe, je tiens à remercier la commission parlementaire en santé de nous recevoir en audition publique.

Compte tenu de son secteur d'activité, le Groupe Opmedic a décidé d'intervenir sur la section 5 du document de consultation, intitulée L'amélioration de l'accès aux services médicaux et hospitaliers pour réduire les délais d'attente. Plus spécifiquement, les propositions du Groupe Opmedic répondront à l'option 2 présentée par le gouvernement en consultation publique et intitulée Une ouverture au financement et à la production de services par le secteur privé. Elle peut s'échelonner entre une ouverture minimale et une ouverture totale.

Un bref aperçu de notre historique. Le Groupe Opmedic a été fondé par trois docteurs, les Drs St-Michel, Marc Villeneuve, Jean-Yves Fontaine, le 12 décembre 2002, par l'achat d'actifs auprès d'une compagnie semi-publique, Procrea Biosciences, et de Procrea Centre de cryoconservation, sociétés pour lesquelles les trois médecins avaient travaillé et qu'ils avaient établies depuis 1990. Le 5 octobre 2005, la compagnie a modifié sa dénomination sociale de Repro Cliniques inc. à Groupe Opmedic inc., et ce, afin de mieux refléter le côté multidisciplinaire de ses services.

Le Groupe Opmedic est une compagnie ouverte qui assure les prestations d'une vaste gamme de services professionnels en matière de fertilité et de génétique, par l'intermédiaire de sa division Procrea Cliniques, des services de congélation de sperme par l'intermédiaire d'une autre filiale, Procrea Cryoconservation, et des installations et des services en matière de chirurgie élective par l'intermédiaire de sa division Opmedic. L'effectif global de l'entreprise compte présentement plus de 100 personnes, dont environ 25 médecins et chirurgiens. L'équipe de gestion est relativement élaborée et répond aux exigences d'une compagnie ouverte listée au TSX.

De façon générale, nous savons que le vieillissement de la population au Canada continuera de créer une demande pour de nouveaux services de soins de santé et plus particulièrement pour les interventions chirurgicales. En effet, l'incidence des maladies et des blessures tend à augmenter avec l'âge. D'ici 2026, le nombre de Canadiens âgés d'au moins 65 ans devrait doubler pour passer à près de 8 millions, soit 21 % de la population totale au Canada. En 2002, l'espérance de vie moyenne pour les Canadiens a augmenté de 1,7 année pour ainsi s'établir à 79,7 ans. Au cours des 20 dernières années, il y a eu une augmentation stable du nombre d'interventions chirurgicales exercées au Canada. Les découvertes de nouveaux plateaux technologiques vont réduire davantage le caractère invasif de bon nombre d'interventions chirurgicales, les rendant ainsi plus sécuritaires, plus efficaces, plus faciles à exécuter.

n (11 h 30) n

Au même moment, des consommateurs de mieux en mieux informés et ayant une espérance de vie de plus en plus longue vont créer une demande pour des interventions chirurgicales électives. Selon le rapport de Statistique Canada, 262 000 patients ont subi des interventions chirurgicales non urgentes au Québec, en 2003. Parmi les exemples courants d'interventions chirurgicales non urgentes, citons les interventions anorectales, les cures d'hernies, certaines arthroplasties du genou et les opérations pour les cataractes. Le Groupe Opmedic estime que cette tendance se poursuivra pour les chirurgies électives, ce qui entraînera une augmentation des périodes d'attente et le besoin d'installations publiques et/ou privées pour répondre aux exigences de la population.

Quelles seraient les conséquences du déficit financier du système de santé? Dans un reportage du journal La Presse du 1er décembre dernier, le journaliste Yves Boisvert faisait état d'un médecin spécialiste en orthopédie, le Dr Marc Beauchamp, qui avait quitté le système public au printemps de 2005 dans le but de soigner un plus grand nombre de gens. Le Dr Beauchamp a indiqué que les hôpitaux du Québec pratiquaient en tout premier lieu une compression dans le domaine des chirurgies électives. Afin d'illustrer ses propos, le médecin a indiqué que ses collègues nord-américains opéraient l'équivalent de deux à trois jours par semaine, rencontraient les patients le reste du temps. Le Dr Beauchamp a également précisé que, dans les hôpitaux québécois, pour contrôler les coûts, on le limitait à une seule journée opératoire par semaine.

Le 16 février dernier, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui regroupe près de 8 000 membres répartis dans 34 spécialités, affirmait, par voie de communiqué de presse, qu'il manquait actuellement 1 000 médecins spécialistes au Québec. Dans ce même communiqué, la fédération se disait d'ailleurs convaincue que le système de santé devait demeurer en grande majorité public tout en bénéficiant de l'aide ponctuelle du privé dans certains cas. «Les propositions que nous avons faites aux commissions Arpin, Clair et Romanow ont [ainsi] été entendues et suivies: la création de cliniques ou cabinets spécialisés affiliés permettra de réduire les listes d'attente», a déclaré le président de la fédération, le Dr Yves Dugré. Selon la Fédération des médecins spécialistes, il n'y a ni mystère ni secret: les médecins doivent avoir la possibilité d'opérer plus souvent pour répondre à la demande, que ce soit dans les hôpitaux ou dans de nouvelles cliniques affiliées.

Par ailleurs, nous savons que, pour accéder à une chirurgie élective, le patient doit d'abord rencontrer le spécialiste. Une enquête sur l'accès aux services de santé de Statistique Canada fournit des précisions sur les temps d'attente pour rencontrer un spécialiste. Au cours de la première moitié de 2005, 12 % des adultes canadiens, soit plus de 3 millions de personnes, ont dit avoir rendu visite à un spécialiste. De ce nombre, une personne sur cinq, 18 %, a rapporté s'être heurtée à des difficultés et 65 % d'entre elles disent avoir attendu trop longtemps pour un rendez-vous. De tous ceux qui ont vu un spécialiste en 2004, 88 % avaient attendu trois mois ou moins. Ainsi, les temps d'attente pour rencontrer un spécialiste devraient être intégrés au temps d'attente total associé à certaines chirurgies électives.

Le rapport Ménard a fait état du fait que le gouvernement n'était pas en mesure d'accroître suffisamment les dépenses d'immobilisations et d'équipements spécialisés pour réduire les durées d'attente importantes qui perduraient pour l'accès à certains services hospitaliers. Il est de notoriété publique, et le rapport Ménard en fait d'ailleurs mention, que plusieurs centres hospitaliers ont déjà recours à l'achat de services d'imagerie spécialisée ? résonance magnétique, échographie et tomodensitométrie ? auprès de cliniques privées existantes. Ceci permet au réseau public d'alléger les pressions sur certaines listes d'attente.

D'autre part, grâce à l'évolution de la technologie, de plus en plus d'interventions chirurgicales peuvent, aujourd'hui, être avantageusement effectuées en chirurgie élective d'un jour par des cliniques privées, ceci libérant ainsi les blocs opératoires des hôpitaux publics pour des chirurgies plus complexes, plus spécialisées ou urgentes. Ceci permettrait également d'alléger les pressions sur certaines listes d'attente pour des chirurgies électives.

En juillet 2005, la Cour suprême du Canada a enjoint le gouvernement du Québec de lever l'interdiction légale de souscrire à une assurance privée pour obtenir des soins assurés par le secteur public, tout en maintenant les acquis du système existant.

En réponse à ce jugement, le gouvernement a publié un document de consultation intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. Ce document présente trois options envisageables pour améliorer l'accès à des services de santé: l'option 1, le statu quo en matière de financement des services de santé; l'option 2, une ouverture au financement et à la production de services par le secteur privé; l'option 3, un plan d'amélioration de l'accès aux services visant à réduire les délais d'attente.

Le gouvernement a choisi de privilégier l'option 3, un plan d'amélioration de l'accès aux services visant à réduire les délais d'attente. Le mécanisme pour garantir l'accès aux services sera instauré par étapes, en fonction de l'évolution de la disponibilité des ressources humaines et financières. Le scénario proposé introduit aussi la possibilité pour le citoyen de s'assurer dans le secteur privé pour certains services hospitaliers qui pourraient être déterminés par règlement. Ces services seraient pour l'instant réservés à certaines chirurgies électives, notamment pour la hanche, le genou, opération pour les cataractes, pour lesquelles une garantie d'accès serait offerte.

On continue à la page 8. Quelle est l'option privilégiée par le Groupe Opmedic? Afin de répondre aux différentes problématiques décrites au point 3, le Groupe Opmedic a analysé les trois options présentées par le gouvernement en consultation publique qui privilégie l'option 2, soit une ouverture au financement et à la production de services par le secteur privé, en recommandant que cette ouverture s'échelonne vers une ouverture intermédiaire ou totale.

En premier lieu, le Groupe Opmedic préconise l'augmentation du nombre de cliniques privées de chirurgies électives ainsi qu'une augmentation des partenariats public-privé dans ce domaine.

Les partenariats public-privé doivent être testés le plus rapidement possible sur au moins une clinique privée existante et répondant à la plupart des critères déterminés par le ministère de la Santé et des Services sociaux dans le cadre du projet de création de cliniques affiliées.

La vente d'assurance privée pour les services médicaux et hospitaliers doit être légalisée et étendue pour toutes les chirurgies électives d'un jour couvertes par la RAMQ et non pas seulement pour les chirurgies de la hanche, du genou et des cataractes.

Pendant la période transitoire correspondant à l'attente d'un règlement sur la vente d'assurance privée pour les services médicaux et hospitaliers pour les chirurgies électives d'un jour couvertes par la RAMQ, le gouvernement doit permettre à tous les patients en liste d'attente de plus de six à neuf mois pour ces chirurgies de se faire soigner dans une clinique privée au Québec plutôt que dans un établissement public hors Québec.

Le délai de six à neuf mois expiré, le ministère de la Santé et des Services sociaux doit s'engager à payer tous les frais reliés à l'intervention chirurgicale pour les patients qui auront choisi de se faire soigner dans une clinique privée au Québec.

Pour être réaliste, acceptable et représenter l'intérêt du patient, le délai de six à neuf mois pour la garantie d'accès de l'obtention d'une chirurgie élective d'un jour couverte par la RAMQ doit absolument inclure l'étape de l'obtention d'un rendez-vous avec le spécialiste.

Les médecins affiliés au régime public doivent pouvoir continuer d'exercer librement dans le secteur privé à partir du moment où ils ne reçoivent pas de rémunération supplémentaire à celle de l'intervention chirurgicale déjà payée par la RAMQ.

Le patient doit toujours avoir la liberté de choix afin de recourir à une intervention chirurgicale élective dans le secteur privé une fois le délai de six à neuf mois expiré. Si, pour des raisons professionnelles et/ou familiales, un patient préfère débourser les frais pour se faire opérer plus rapidement et au Québec, il doit également avoir la liberté de faire ce choix. Il ne s'agit d'ailleurs pas forcément de patients mieux nantis que la moyenne mais souvent de patients incommodés, désirant retrouver leur autonomie afin de répondre à leurs obligations familiales et/ou professionnelles.

Une clinique de chirurgie répondant aux exigences de l'option 2 présentée par le gouvernement en consultation publique existe. Il s'agit de la clinique Opmedic, à Laval, l'une des divisions de notre Groupe Opmedic.

Opmedic Laval, une des premières cliniques privées entièrement dédiée à la chirurgie élective d'un jour, s'est déjà alignée pour répondre aux exigences et aux critères de l'option 2, soit une ouverture intermédiaire ou totale au financement et à la production de services par le secteur privé.

Opmedic Laval garantit un rendez-vous avec un spécialiste dans un délai de un mois et a prévu des bureaux de consultation à la disposition des chirurgiens et des patients.

Opmedic Laval propose une structure de facturation adaptée aux besoins du gouvernement, du patient et des chirurgiens. Pour toutes les chirurgies électives d'un jour couvertes par la RAMQ, le chirurgien demeure rémunéré par la RAMQ et ne reçoit aucune autre norme de rémunération pour son acte chirurgical. La RAMQ rembourse également les rencontres de consultation et de suivi pour le patient. Le patient par contre doit couvrir certains frais connexes à la chirurgie comme les pansements, la médication, certaines prothèses spécialisées ou des soins infirmiers complémentaires. Grâce au recours à des assurances privées, le patient pourrait se faire rembourser le montant de certains de ces frais connexes. Dans le cas où le patient est dirigé vers le secteur privé en raison de délais d'attente trop longs, le ministère de la Santé et des Services sociaux pourrait rembourser le patient pour des frais connexes à l'acte chirurgical, dans le cas où le patient n'est pas déjà couvert par des assurances privées.

n (11 h 40) n

L'accueil immédiat par Opmedic Laval, en partenariat public-privé, des patients qui n'ont pas eu accès à leur chirurgie élective d'un jour à l'intérieur d'un délai de six à neuf mois permet de répondre à la demande urgente des patients en attendant que les compagnies d'assurance commencent à s'organiser pour être en mesure d'offrir leurs nouveaux services pour l'ensemble des chirurgies électives d'un jour.

Opmedic Laval rencontre presque tous les critères exigés par le gouvernement pour devenir une clinique affiliée. Ainsi, le groupe souhaite que soient testés au sein de sa division les premiers rouages du fonctionnement d'une clinique affiliée et développer ainsi un partenariat public-privé pragmatique et efficace.

En mettant à la disposition des chirurgiens des équipements à la fine pointe de la technologie, Opmedic attire et retient des médecins qui auraient peut-être choisi de quitter la province pour exercer ailleurs et dans de meilleures conditions.

Les chirurgiens d'Opmedic demeurent affiliés à la RAMQ mais peuvent répondre aux besoins de leurs patients en exerçant ponctuellement au sein d'une clinique privée. L'étanchéité du système est préservée dans la mesure où le médecin ne perçoit aucune autre rémunération pour son acte chirurgical que celle de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Les patients qui rencontrent les chirurgiens chez Opmedic ont toujours le choix de décider de se faire opérer par ce même chirurgien dans le secteur public.

Chez Opmedic, actuellement, le délai d'attente pour accéder à une chirurgie élective d'un jour est de moins de huit semaines.

Les installations d'Opmedic Laval ont été construites selon les standards de la ville de Laval et répondent à toutes les exigences sécuritaires et qualitatives nécessaires au fonctionnement d'une clinique médicale avec salles de chirurgie d'un jour. Les équipes médicales et de gestion du groupe sont constituées de personnes qualifiées ayant une expérience de plus de 15 ans dans les services médicaux spécialisés. La division Procrea Cliniques Montréal et Québec regroupant les services de procréation médicalement assistée, de laboratoires et de chirurgies gynécologiques et urologiques spécialisées en infertilité représente un modèle efficace de partenariat public-privé. Cette division est actuellement la plus grande clinique de fertilité au Canada.

En conclusion, le Groupe Opmedic a voulu démontrer dans son mémoire que, parmi les trois options proposées en consultation publique par le gouvernement, l'option 2, une ouverture au financement et à la production de services par le secteur privé, s'avère pragmatique et efficace pour répondre adéquatement à la problématique de l'amélioration de l'accès aux services médicaux et hospitaliers pour réduire les délais d'attente.

De plus, les recommandations du groupe quant à l'échelon «intermédiaire ou total» de cette ouverture au financement et à la production de services par le secteur public ont tenu compte des principes à respecter auxquels le gouvernement du Québec adhère et se dit attaché.

En proposant l'option de l'ouverture intermédiaire ou totale au financement et à la production des services par le secteur privé, le Groupe Opmedic estime avoir opté pour une solution raisonnable qui ne met pas en danger le système public ni les efforts entrepris par le gouvernement pour remédier à la situation. Toutefois, l'ouverture au moins intermédiaire ou totale telle que définie par le Groupe Opmedic semble inévitable compte tenu de la réponse attendue suite au jugement de la Cour suprême, de la situation financière du système public et de la demande de la population.

L'expertise et le professionnalisme de l'équipe médicale et de gestion du groupe est gage du respect de tous les standards de qualité d'un service de chirurgie d'un jour d'un hôpital public, et même davantage.

En préconisant le maintien du droit pour les médecins de pratiquer à la fois dans le secteur privé et dans le secteur public pour l'ensemble des chirurgies électives, à condition qu'il n'y ait pas de surfacturation de l'acte chirurgical couvert par la RAMQ, le Groupe Opmedic n'accentue pas les problèmes de pénurie de personnel médical. Pour ce qui est du personnel infirmier, il est de la liberté de chacun de choisir d'exercer dans le secteur privé ou dans le secteur public. Ceci étant dit, notre expérience de 15 années dans le secteur privé nous a démontré que le personnel infirmier renonce difficilement à ses avantages et à la sécurité d'emploi du secteur public.

En s'engageant dans de réels partenariats public-privé, le système public de santé pourrait bénéficier de l'expertise de gestion du secteur privé en termes de productivité et de contrôle des coûts et améliorer ainsi ses propres méthodes de gestion. L'option intermédiaire ou totale du Groupe Opmedic privilégie le partenariat et la complémentarité avec le secteur public afin de répondre à une demande croissante de la population. Cette option est de l'ordre de la collaboration et du soutien et non de la disparition du système public.

Pour terminer, j'ajouterais que le Groupe Opmedic serait très fier de devenir l'un des premiers partenaires privés du système de santé du Québec. En tant que président et chef de la direction de ce groupe et également en tant que médecin exerçant dans le réseau, je serais très fier de participer au nouveau virage entrepris par le système de santé du Québec. Il est important de se rappeler que finalement les secteurs public et privé de la santé oeuvrent pour les mêmes objectifs et pour les mêmes causes, à savoir soigner, soulager et guérir des patients. Seuls les moyens utilisés pour y parvenir sont différents. Notre décision de devenir une compagnie ouverte a été prise en vue de trouver les moyens et les fonds pour répondre aux besoins non satisfaits de notre clientèle. Au centre de ces deux modes de fonctionnement, public et privé, il existe un milieu pouvant être celui de réels partenariats établis dans la transparence, l'efficacité et le souci constant de répondre aux attentes des patients, ceci tout en préservant l'acquis de notre système public. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Paquin): Dr St-Michel, merci. Nous allons débuter notre période d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr St-Michel et Mme Milliner, pour votre visite, aujourd'hui. Avant d'aller dans l'échange proprement dit, je veux juste vous donner quelques précisions qui permettront peut-être d'envisager l'avenir.

Il y a deux points qu'il m'apparaît important de souligner. D'abord, c'est que nous sommes totalement commis à l'étanchéité totale entre les médecins participants et non participants. Donc, je ne sais pas s'il y a les médecins non participants à l'intérieur de votre clinique, mais il va falloir faire un choix. Ça, je peux déjà vous dire ça à l'avance: ou bien on a des médecins participants ou on a des médecins non participants.

Deuxièmement, dans le cadre de la garantie d'accès qui est proposée, il faut réaliser que des trois procédures visées, parce qu'il faut commencer progressivement pour apprendre à faire fonctionner cette garantie-là, seule la chirurgie de la cataracte pourrait, de façon réaliste, être pratiquée dans une clinique affiliée, parce que les chirurgies de remplacement articulaire, ce n'est pas des chirurgies qu'on va faire en chirurgie d'un jour, et qu'à ce moment-là il n'y aura pas d'autoréférence. Je veux juste corriger un élément que vous avez soumis. Ce n'est pas une situation où, après le délai, le patient va où il veut puis il nous présente la facture. C'est que, nous, on aura prédéterminé des endroits avec lesquels il y aura des ententes de prises, et donc l'élément de compétition va entrer en jeu ici. Je pense que, si on est dans le système privé, on doit vivre avec cet élément de compétition.

Je voudrais vous faire préciser certains éléments du fonctionnement actuel de votre clinique. Je pense que vous avez bien décrit. C'est tout à fait légal d'ailleurs d'avoir des médecins participants qui font des procédures assurées par la Régie de l'assurance maladie du Québec et de demander aux patients ce qu'on appelle des frais accessoires ou des frais supplémentaires. J'aimerais d'abord vous demander: Comment ces frais accessoires là sont-ils justifiés auprès de votre clientèle? Est-ce qu'ils sont détaillés, ou c'est un montant global, ou est-ce qu'on le détaille ligne par ligne, c'est tant pour le pansement, tant pour le médicament anesthésique, tant pour l'administration? Est-ce que c'est précis comme divulgation?

M. St-Michel (Pierre): De plus en plus, les compagnies d'assurance surtout vont nous demander de les détailler. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a plusieurs compagnies d'assurance actuellement qui optent pour payer certains frais, sinon la totalité des frais accessoires. La médication, par exemple, en est un exemple, certaines prothèses. Les lentilles flexibles en ophtalmologie que le réseau public d'ailleurs charge au patient, certaines compagnies paient ces prothèses... ces lentilles flexibles.

Nous, on a l'expérience... Écoutez, en clinique de fertilité, on est les pionniers probablement au Canada, et notre partenariat public existe sur la foi d'un crédit d'impôt qui était mis en place avant votre gouvernement et qui fonctionne admirablement bien. Alors, on a réussi à développer. Et actuellement il y a des provinces qui regardent jalousement un petit peu notre modèle d'activité, c'est-à-dire qui nous permette d'assurer ou de donner des soins qui ne sont pas assurés. Comme vous savez, la procréation médicalement assistée, dans la plupart des provinces, exception faite de l'Ontario, lorsqu'il y a un facteur tubaire irrémédiable, sont remboursés. Toutes les autres provinces chargent actuellement le patient. Et, nous, on a appris avec le temps à travailler avec les compagnies d'assurance, avec le gouvernement, sous la forme de crédit d'impôt, à aider les patients à payer ces frais qui sont relativement importants. Une procréation médicalement assistée, actuellement la moyenne de coûts est d'à peu près 6 000 $, et c'est des techniques reconnues à travers le monde, ça fonctionne. Et on s'est servi beaucoup de cette expertise-là pour développer d'autres champs d'activité.

n (11 h 50) n

Écoutez, les modèles... je veux dire, il ne faut pas faire l'autruche, le système privé existe au Québec pour beaucoup de services, et probablement certains d'entre vous l'ont déjà utilisé. Alors, je pense qu'il faut commencer à parler des vraies choses, arrêter de se cacher derrière des fossés qui n'existent plus. Inévitablement, c'est la société qui va faire le choix. Le gouvernement évidemment peut encadrer. Mais, tant qu'il va y avoir une charte de libertés et droits de la personne, la personne a le droit de choisir et elle va mettre énormément de pression sur la société pour exercer ce droit-là. Le jugement de Chaoulli en est un exemple, et ça va aller en... Il y a beaucoup de pression actuellement dans notre société, et je peux en parler parce que je suis très actif en tant que médecin surspécialisé en fertilité ? on n'est pas nombreux au Québec, on est à peu près 10, 12... Et notre clientèle, l'achalandage ne cesse d'augmenter. Pourquoi? C'est-u parce qu'on est privé? Non, parce qu'on offre des bons soins, tout simplement.

Et plus que la technologie va se développer, plus que les gens, surtout avec la venue de l'Internet et de l'information de la clientèle... C'est sûr que les gens consultent, et s'informent, et vont vers cette technologie-là. Et, que ce soit pour les tests prénataux qu'on a encore une fois mis sur le marché avant que le gouvernement le fasse, puis on est encore les pionniers pour les tests prénataux que le gouvernement n'assure pas, il y a plein de technologies qui s'en viennent, qui ont fait les preuves à travers le monde, et le Québec ne peut pas dénier ça, là, on va être obligé de regarder ça.

Alors, pour répondre à votre question, oui, les frais sont payés. Oui, de plus en plus, on est obligé de détailler les frais accessoires et dans le but d'aider le patient pour qu'il soit remboursé presque totalement par les compagnies d'assurance.

M. Couillard: Oui. Puis d'ailleurs vous parliez du contrôle des coûts, je veux juste vous rassurer: le système de santé du Québec n'est pas le seul système au monde à pratiquer le contrôle des coûts.

M. St-Michel (Pierre): ...

M. Couillard: Aux gens qui vont pratiquer au sud de notre frontière, je leur dis des fois: Si vous trouvez la RAMQ tatillonne, bonne chance avec les compagnies américaines, d'assurance américaines.

M. St-Michel (Pierre): Ah! je connais bien, je connais très bien le système américain pour y avoir pratiqué, là. Je suis très informé.

M. Couillard: Mais on a parlé des soins non assurés avec la procréation, revenons aux interventions assurées. Je veux juste préciser également ce que vous savez probablement en ayant lu notre document, c'est que, s'il y avait une entente de type clinique affiliée, il n'y a pas de frais accessoires, c'est-à-dire que le coût unitaire payé par le système de santé inclut l'ensemble et non pas uniquement le tarif médical.

Vous avez parlé des infirmières. Effectivement, c'est ce que j'ai vu ailleurs, également: les infirmières qui pratiquent dans ces cliniques-là n'abandonnent pas leurs postes dans le réseau parce qu'elles y tiennent en raison des nombreux avantages collectifs. Soit elles complètent un horaire de travail, soit elles décident tout simplement de travailler dans ce réseau-là.

J'ai plus de questions cependant pour la main-d'oeuvre médicale, parce que vous avez parlé du temps opératoire. Le temps opératoire n'est pas dû au manque de chirurgiens. J'en étais un moi-même; j'opérais 0,8 journée par semaine. Ce n'est pas parce qu'on manque de chirurgiens, mais, quand les salles d'opération arrêtent de fonctionner, dans la grande majorité des cas ? puis je le sais parce que c'est moi qui les barrais, là, à la fin de la journée, lesquelles on arrêtait ? c'est par manque d'infirmières puis d'anesthésistes. Bon.

Alors, je voudrais savoir: Dans votre pratique actuelle, Opmedic, quel pourcentage des procédures sont faites avec un anesthésiste? Et puis comment... Est-ce qu'il y a quelqu'un qui vérifie que l'anesthésiste qui vient travailler chez vous, il n'a pas laissé une salle vide à la Cité de la santé de Laval ou à un autre hôpital?

M. St-Michel (Pierre): Écoutez, il y a beaucoup de médecins actuellement, vu l'impossibilité pour... à cause des PREM, que vous connaissez très bien, qui est un autre dossier très vaste dans lequel je ne veux pas m'engager parce qu'on va passer trop de temps à en parler, mais il y a des...

M. Couillard: Ça me ferait plaisir.

M. St-Michel (Pierre): Oui, c'est ça. Sauf que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a beaucoup de spécialistes actuellement ou de spécialités où la moyenne d'âge frôle les 60 ans, sinon ne dépasse 60 ans ? je pense à la chirurgie générale. Il y a des médecins du réseau qui sortent actuellement à cause des pressions difficiles qui s'exercent à l'intérieur du réseau. Le climat de travail est excessivement difficile. On va le vivre de plus en plus avec les médecins spécialistes, à cause de la réunion du 30 mai qui s'en vient. Il y a beaucoup d'insatisfaction dans ce réseau de la part des médecins spécialistes et des autres médecins. Et il y a beaucoup de gens actuellement qui essaient de regarder des alternatives.

M. Couillard: Pour les anesthésistes, s'il vous plaît, spécifiquement, là, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, là.

M. St-Michel (Pierre): Les anesthésistes, il y a des gens actuellement qui sont sortis du réseau et il y a des gens actuellement ? je pense à certains hôpitaux ? qui ne peuvent pas travailler plus que quatre jours parce qu'ils n'ont pas de salle ouverte à cause du personnel infirmier. Ils complètent leur semaine en venant travailler dans le réseau privé parce qu'ils n'ont pas de possibilité.

M. Couillard: Ce que je retiens, c'est qu'il n'y a personne qui vérifie que docteur X, anesthésiste à la Cité de la santé de Laval, qui vient chez vous...

M. St-Michel (Pierre): Dr Couillard, ils ne ferment pas des salles, les salles sont déjà fermées.

M. Couillard: Si je n'avais jamais été dans les hôpitaux, je dirais comme vous, mais je sais que ce n'est pas toujours ça.

M. St-Michel (Pierre): Ce n'est pas toujours ça, c'est souvent ça.

M. Couillard: Oui, mais ce n'est pas toujours ça, puis il faut faire attention.

M. St-Michel (Pierre): Oui, moi aussi, j'ai été pas mal dans les hôpitaux, puis plus longtemps que vous probablement, puis ce n'est pas...

M. Couillard: Ah! je ne le sais pas.

M. St-Michel (Pierre): Oui, je suis un petit peu plus vieux que vous, puis j'ai été chef de département, tout ça, ça fait que je connais le réseau très bien. Écoutez, c'est plus souvent parce qu'ils ne sont pas capables d'ouvrir leurs salles et non pas parce qu'ils ferment une salle. Je ne pense pas que les docteurs font exprès pour travailler moins, c'est leur source de revenus. Surtout pour un anesthésiste, c'est son seul gagne-pain d'opérer.

M. Couillard: Je vais juste indiquer, Dr St-Pierre, pour qu'il n'y ait pas de surprise, là...

M. St-Michel (Pierre): St-Michel.

M. Couillard: ... ? pardon, St-Michel ? il va y avoir un contrôle.

M. St-Michel (Pierre): Je n'ai pas de problème avec ça.

M. Couillard: Alors, quand il y aura des cliniques affiliées, on va vérifier que les médecins, incluant les anesthésistes, ont rempli toutes leurs obligations à l'hôpital, puis je pense que vous ne pouvez pas être contre ça, là.

M. St-Michel (Pierre): Je ne suis pas contre ça, mais je ne pense pas que ça va être la problématique, ça ne changera rien.

M. Couillard: Bon, on verra.

M. St-Michel (Pierre): On verra.

M. Couillard: Si ce n'est pas un problème, donc tout le monde va être d'accord, donc on va s'entendre.

M. St-Michel (Pierre): Bien, c'est ça, je pense que ce n'est pas un problème.

M. Couillard: Il y a une autre question également dans les cliniques médicales, c'est l'encadrement légal. Ce que vous faites actuellement, c'est dans le flou juridique parce que les actes assurés par la RAMQ ne peuvent être pratiqués que dans trois endroits: les établissements avec permis, les cabinets privés de médecins, puis les laboratoires. Donc. on est un peu dans une zone grise, là, une zone grise quant à la définition légale et également quant au contrôle de la qualité de l'acte médical. Alors, et je sais que vous avez le Collège des médecins qui normalement s'occupe de ça, mais est-ce que vous avez un dispositif de vérification de la qualité de l'acte comparable à un CMDP?

M. St-Michel (Pierre): On a un conseil médical, on a un comité d'éthique, on a des projets de recherche, on a les publications. C'est un centre sérieux, là, ce n'est pas...

M. Couillard: Donc, vous n'auriez pas d'objection à vous soumettre à une procédure d'agrément probablement?

M. St-Michel (Pierre): Pas du tout, on le fait déjà en fertilité avec le Collège canadien d'agrément.

M. Couillard: C'est une très bonne nouvelle. Ça va vous rendre...

M. St-Michel (Pierre): C'est nous qui avons établi ces cadres-là avant le gouvernement provincial, hein?

M. Couillard: C'est très bien parce qu'effectivement je pense qu'il y a...

M. St-Michel (Pierre): On est un petit peu en avance sur vous, là.

M. Couillard: Ouf! regardez, Dr St-Michel, la question d'avance...

M. St-Michel (Pierre): D'ailleurs, ça a été discuté, parce que je fais partie évidemment des directeurs de cliniques de fertilité, parce qu'on en a deux ici, et les comités canadiens d'agrément, et c'est venu de la part des cliniques de fertilité, parce que Procrea est avant tout une clinique de fertilité, et notre agrément, et tout ça, ça fait partie de nos critères d'efficacité puis de compétence pour nous, là. De toute façon, le projet de loi C-6, puis votre projet de loi qui s'en vient en infertilité, la réglementation, et tout ça, ce n'est pas encore pondu, là, on attend encore les textes définitifs.

M. Couillard: Mais ça me paraît important que nous clarifiions cette question juridique parce que le flou actuellement n'est pas une bonne chose, hein, le flou juridique quant à des endroits où sont pratiqués les actes médicaux, l'encadrement de la qualité des services est à toutes fins pratiques inexistant. À moins qu'il y ait des initiatives comme la vôtre de vous y soumettre, il n'y a rien dans le cadre légal actuellement qui...

M. St-Michel (Pierre): ...le flou juridique, il n'y en a pas beaucoup, là. Si on regarde en procréation médicalement assistée, il n'y a aucun flou juridique. C'est non assuré, là.

M. Couillard: Mais je ne parle pas des services non assurés, je parle des services assurés. Restons dans...

M. St-Michel (Pierre): Les services assurés, oui, il y a... Écoutez, oui, il y a des choses qui sont effectivement dans un flou juridique, et ce flou juridique là perdure pour... depuis plusieurs décennies, entre autres, là.

M. Couillard: Mais je peux vous dire également: on va revenir sur la question du temps opératoire, puis il n'y a pas de doute qu'il faut que les chirurgiens opèrent plus, là...

M. St-Michel (Pierre): C'est sûr.

M. Couillard: Mais, pour revenir à notre discussion de tantôt, moi, pendant deux, trois ans, là, je faisais des revues de priorités opératoires puis je barrais celles qu'on ne pouvait pas utiliser. Puis jamais la raison a été: manque de budget. La raison était: manque de monde, dont souvent le manque d'anesthésistes: pas d'anesthésiste, pas d'anesthésiste, pas d'anesthésiste. Même chose pour les fins de programmes. Les fins de programmes sont interrompues parce qu'il n'y pas assez d'infirmières pour faire marcher les salles. Normalement, si les salles marchaient jusqu'à 6 heures tous les jours, il n'y aurait pas grand problème, là, hein?

M. St-Michel (Pierre): Je pense que, dépendant du centre hospitalier dans lequel vous êtes, la réalité peut changer d'un centre à l'autre. Je suis d'accord avec vous que, dans certains centres, c'est une pénurie d'anesthésistes; dans d'autres centres, c'est des pénuries d'infirmières; dans d'autres centres, c'est la pression des urgences. Si on prend Sacré-Coeur, par exemple, c'est l'exemple typique. Souvent, les programmes vont fermer tôt parce qu'il y a tellement d'urgences à faire qu'on n'a pas le temps de faire les programmes d'électives. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans un département de chirurgie, puis, moi, j'ai été et sur le conseil d'administration d'un hôpital et j'ai été chef de département, que la façon la plus simple de contrôler nos coûts lorsqu'on arrive en fin d'année fiscale puis qu'on veut arriver dans notre budget, c'est de couper les blocs opératoires parce que c'est très onéreux à rouler de l'heure. C'est vrai pour les soins intensifs, c'est vrai pour le bloc. Surtout lorsqu'on rentre en spécialité, surtout l'orthopédie, on en parle beaucoup de ce temps-ci, c'est une des spécialités qui coûte le plus cher comme infrastructure d'investissement, l'ophtalmo en est une autre. Alors, je suis bien placé pour le dire parce qu'on est en train de regarder un petit peu la mise en place, et la mise de fonds est substantielle pour ces spécialités-là à cause des plateaux technologiques. Et plus qu'on est en chirurgie d'un jour, plus c'est difficile parce qu'évidemment toutes nos chirurgies se font presque en endoscopie et, chaque fois qu'on équipe une salle d'endoscopie, on parle de 400 000 $ à 500 000 $ juste pour le plateau technologique de base. Ça ne comprend pas les prothèses puis évidemment les fines pointes d'appoint.

Alors, il ne faut pas... il faut comprendre que... et c'est là la participation du privé. C'est sûr que le privé, de par sa mise en structure, bon, il y a différentes modalités pour financer une compagnie publique ? sans rentrer dans ce discours-là ? que je connais très bien... Je veux dire, pour nous, évidemment il y a des sources de disponibilité de fonds qui sont là, puis on fait juste regarder l'offre et la demande. Je veux dire, les cliniques privées n'existeraient pas s'il n'y avait pas une demande. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, là.

M. Couillard: On va s'entendre, moi, je n'ai aucune objection aux cliniques privées, là.

M. St-Michel (Pierre): Moi non plus.

M. Couillard: Bon. Mais par contre je pense...

M. St-Michel (Pierre): Au contraire.

M. Couillard: ...je pense qu'il faut que ce soit encadré...

M. St-Michel (Pierre): Ça, je suis d'accord.

M. Couillard: ...et il faut que ce soit socialement équitable. Alors, c'est ça qu'on vise comme objectif.

M. St-Michel (Pierre): Oui, et nous aussi.

M. Couillard: Puis d'ailleurs les chiffres, ce matin, dans La Presse l'indiquent: le gros volume de chirurgies, alors qu'on a vu que les chiffres diminuent dans beaucoup d'autres secteurs, le gros volume de chirurgies où l'attente reste stable, c'est la chirurgie d'un jour.

M. St-Michel (Pierre): Tout à fait.

M. Couillard: Parce que, comme vous dites, c'est la première victime, hein, quand il y a de la pression.

n (12 heures) n

M. St-Michel (Pierre): C'est la première chirurgie cancellée...

M. Couillard: Alors, je pense que... Voilà.

M. St-Michel (Pierre): ...parce qu'on ne veut pas canceller l'urgence, on ne veut pas canceller les patients hospitalisés parce que ça coûte cher. Qui on cancelle en fin de programme? Les patients qui sont en électif en un jour. Et cette pression-là s'exerce à tel point que c'est ces patients-là qui consultent pour aller dans le privé. Ils ont raison.

M. Couillard: Mais ça valide tout à fait l'orientation des cliniques affiliées, parce que...

M. St-Michel (Pierre): Tout à fait.

M. Couillard: ...la clinique affiliée va spécifiquement s'adresser à ce volume de cas, puis il ne faut pas dire des chirurgies mineures, parce que, quand c'est le patient, pour lui, c'est important, tu sais.

M. St-Michel (Pierre): Non, ce n'est pas mineur. Non, non, il n'y a pas de chirurgie mineure de toute façon quand on est chirurgien.

M. Couillard: Mais c'est de la chirurgie qui est toujours tassée, parce qu'il y a beaucoup de pression de la chirurgie majeure ou importante, plus importante, puis la chirurgie des urgences. Alors, je crois que le fait qu'on développe des cliniques affiliées surtout dans les zones urbaines à haut volume, je pense que ça va améliorer considérablement l'accès aux services. Puis je vois que vous êtes déjà, là, dans l'ère des cliniques affiliées. Mais comment vous voyez, vous, l'initiation d'un projet? Est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir un appel d'offres? Est-ce que vous pensez que les gens devraient spontanément présenter un projet au niveau de l'agence?

M. St-Michel (Pierre): Si je peux vous parler de mon expérience. Évidemment, nous, avant, d'une part, d'investir, on a regardé différentes situations. Je vais reprendre certains points, puis je suis tout à fait d'accord avec vous, ce n'est pas toutes les régions au Québec qui ont besoin de cliniques affiliées, ou de cliniques, ou le partenariat, ou la complémentarité du privé. On est tous d'accord avec ça. Nous, par exemple, on en a ciblé deux ou trois, régions au Québec, et je pense qu'après ça il faut s'asseoir, et gouvernement et cliniques privées, pour regarder: la demande serait où? Et là c'est là qu'on peut s'aider.

C'est sûr qu'il y a des régions qui sont faciles à concevoir ou à décerner. Pour nous, la région de Laval en était une. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a un seul hôpital. Le bassin de population est énorme. La demande est énorme. Le revenu moyen per capita était plus élevé que dans les autres régions. Évidemment, on est dans une compagnie. Nous aussi, quand on y investit, c'est tout à fait une autre mesure. On a une vocation sociale, mais on a une vocation pour être capable d'exister le lendemain. Si on n'existe pas le lendemain, bien on a manqué notre coup, parce qu'on ne pourra pas continuer à développer.

Et pourquoi qu'on est en commission parlementaire, aujourd'hui? C'est sûr qu'on est une des premières cliniques, sinon la première clinique à s'ouvrir ouvertement. De toute façon, vous pouvez regarder nos chiffres. On est une compagnie au TSX. Vous avez nos bilans. Vous avez notre structure. On ne peut pas être plus ouvert que ça. Alors, on ne peut pas faire preuve de plus de transparence que ça contrairement à beaucoup d'autres cliniques privées, comme vous le savez très bien. Et, nous, notre but, autant social que professionnel, c'est de s'asseoir avec nos partenaires, puis on pense que le partenaire indéniable en soins de santé est le gouvernement. Et il faut s'asseoir puis regarder: Y aurait-il une autre façon de faire pour améliorer le service à la clientèle? C'est parce que... je veux dire, notre prérequis, c'est le service à la clientèle. Et je suis heureux de vous entendre, parce que les points que vous avez ressortis tantôt par rapport aux chirurgies électives sont exactement les mêmes points qu'on a faits, nous, de par notre expérience en tant que médecin spécialiste et de par notre expérience par gestionnaire.

Et c'est là qu'on doit s'asseoir. Puis, oui, on est ici pour dire puis offrir nos services au gouvernement. On est conscient qu'on doit s'asseoir puis on doit se parler. Il y a de l'information bilatérale.

M. Couillard: Je veux juste terminer, parce qu'il me reste juste deux minutes, là...

M. St-Michel (Pierre): Oui, je ne prendrai pas de votre temps.

M. Couillard: ...puis je veux être certain que j'ai couvert tous les points avec vous. Il y a des gens, comme vous le savez, qui viennent ici puis ils s'objectent même au principe de cliniques affiliées, avec deux arguments: d'abord, qui disent qu'on a juste à faire plus de centres ambulatoires puis financer plus les centres ambulatoires dans l'hôpital, puis, deuxièmement, que la compétition ou la comparaison des coûts unitaires d'une clinique comme la vôtre, d'un hôpital comme la Cité de la santé de Laval, est injuste. Qu'est-ce que vous avez à répondre à ces deux arguments?

M. St-Michel (Pierre): Je vais commencer par la deuxième question parce qu'elle est plus facile à répondre. Je pense qu'effectivement ce n'est pas comparer les mêmes fonctionnements. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on n'a pas toute la structure évidemment mise en place par le gouvernement, ne serait-ce que pour la syndicalisation, la protection des revenus, etc. On est très compétitif. Actuellement, nous, notre masse salariale, on paie le même salaire à nos professionnels qu'on paie dans le secteur public. De toute façon, si on ne faisait pas ça, on ne pourrait pas recruter. La comparaison est simple. Et même parfois on offre plus pour certains cadres où qu'on a de la difficulté à recruter. Donc, ils ont les mêmes conditions de salaire. On a une assurance évidemment santé, protection de salaire, etc., qui fonctionne très bien.

Alors ça, oui, ça nous coûte probablement moins cher à l'heure d'opérer un bloc opératoire dans le privé, et ça, c'est un avantage, ce n'est pas un inconvénient. Si on est capable de démontrer, puis je pense qu'on est capable très bien de le démontrer, qu'on peut faire, à cause de nos... surtout quand on a des centres surspécialisés. Alors, nous, actuellement, quand on développe une salle, on essaie de la développer dans un ou deux secteurs pour justement garder un professionnalisme puis surtout une expertise de nos gens. Alors, de telle façon que, quand les gens font des cataractes, ils deviennent tellement efficaces qu'ils sont capables d'en faire plusieurs. Au lieu d'en faire 10, ils peuvent en faire 12, 13, 14 dans une journée...

M. Couillard: Il nous reste une minute. Pourriez-vous... l'autre point. Parce que les gens nous disent: Bien, on a fait, puis on a nous-mêmes fait des concentrations de chirurgies, par exemple, à Maisonneuve, puis ici, à Québec. Effectivement, les coûts unitaires baissent, puis on fait plus de chirurgies.

M. St-Michel (Pierre): Absolument. C'est indéniable.

M. Couillard: Donc, est-ce que les deux sont exclusifs, d'après vous?

M. St-Michel (Pierre): Non, ils sont complémentaires. Ils sont complémentaires. Si on choisit les bons secteurs, je pense qu'on pourrait démontrer à la population qu'on peut donner des aussi bons, sinon des meilleurs services, avec un coût moindre pour l'État.

M. Couillard: Ça va. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci. On va poursuivre du côté de l'opposition avec le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. M. le député.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Dr St-Michel, écoutez, je vais rester sur le même sujet pour un petit bout de temps, là, parce que finalement, effectivement, un des arguments, c'est ? on ne peut pas le rejeter du revers de la main, là ? quand des gens dans le réseau viennent nous dire: Écoutez, nous, là, on le sait que, plutôt que de prendre l'argent du public, d'aller contracter avec une clinique privée affiliée, prioritairement on devrait prendre cet argent-là puis faire en sorte que les centres ambulatoires qu'on avait conçus soient opérationnels puis fonctionnent. Vous, vous dites: Oui, mais en même temps, si on avait des cliniques privées affiliées, elles pourraient être complémentaires. Eux, ce qu'ils nous disent, c'est que dans le fond il n'y a pas à être... ils n'ont pas à être complémentaires, ils ont juste à faire ce pour quoi on les mettrait en place, dans le fond. Les centres ambulatoires, c'est des centres justement pour les chirurgies d'un jour.

Alors, encore une fois, en rappel, on n'est pas idéologiquement contre l'idée, sauf qu'on est très sensible à l'argument de ceux et celles qui nous disent: Avant d'aller dans cette direction-là, pourquoi ne pas faire fonctionner les centres ambulatoires qu'on avait conçus, dans certains cas construits, qui sont prêts à être développés ou en tout cas à être... Qu'on leur donne la pleine capacité opérationnelle, puis vous allez voir que finalement les quelques cliniques privées qu'on envisage, on n'en aura peut-être pas besoin. Parce que, vous-même, vous reconnaissez qu'il n'y en aura pas des dizaines, de cliniques privées affiliées. Alors, s'il n'y en a pas des dizaines, pourquoi on commencerait par ça plutôt que de ne pas commencer par investir dans les centres ambulatoires déjà planifiés?

M. St-Michel (Pierre): Je pense que c'est une question de bon gestionnaire. Je veux dire, si le gouvernement a en tête d'essayer d'augmenter son efficacité de services à la population, il faut que vous regardiez tous les modèles qui sont offerts. Si le réseau privé, de façon complémentaire ou compétitive... je veux dire, il ne faut pas dénier qu'à un moment donné il va y avoir une compétitivité dans ce système-là, et vous allez exercer un contrôle des coûts par la compétition ou la compétitivité des groupes. L'entreprise privée est basée sur la compétition, ce que vous n'avez pas nécessairement dans le réseau public. Et ça, n'importe quel gestionnaire a tendance à créer de la compétition, c'est ce qui va contrôler vos coûts, vous allez exercer une pression dans vos coûts.

Que, moi, je sois en compétition avec une autre clinique... Je le suis d'ailleurs. En fertilité, on est trois cliniques, quatre cliniques à Montréal, on est en compétition. Qu'est-ce qui est arrivé à nos coûts pour le traitement d'infertilité? Ils sont restés stables depuis les 10 dernières années. Est-ce que ça a été bénéfique pour le patient? Je pense que oui. Savez-vous ce qui a augmenté? Les médicaments. Les médicaments ont fait ça, puis, nous, on est restés stables. Parce qu'on est conscients que la population ne peut pas payer plus que ça. Donc, nous, on est obligés, comme gestionnaires, d'acheter en masse, de surveiller nos coûts, de gérer notre personnel. 80 % de nos dépenses, c'est des salaires. Écoutez, c'est sûr que ça va... Puis il ne faut pas avoir peur de regarder ça. Je veux dire, oui, vous allez avoir des arguments de taille des mouvements syndicaux qui vont vous dire: Écoutez, ça nous écoeure royalement parce qu'eux autres, ils vont être compétitifs, puis qu'est-ce qu'ils vont faire... Bien oui, mais, messieurs, on est rendu là dans notre société.

M. Charbonneau: Mais encore une fois la... Je comprends votre argument, mais les gens qui viennent devant nous puis qui nous disent: Écoutez, nous, là, on peut être aussi compétitifs qu'une clinique privée affiliée et puis, dans le fond, si vous faites les comparaisons sur les mêmes bases... Qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. St-Michel (Pierre): Bien, je veux dire, je vous réponds: «Let's try it.» Moi, je suis prêt à regarder ça, cette compétitivité-là, n'importe quand.

M. Charbonneau: O.K., mais entre-temps?

M. St-Michel (Pierre): C'est parce que vous allez avoir un choix. Allez-vous investir dans les deux?

M. Charbonneau: Bien, c'est ça, la question, là.

n (12 h 10) n

M. St-Michel (Pierre): Je pense que non. Vous allez peut-être avoir une autre possibilité de choix. C'est sûr que, comme gouvernement, vous devez assurer des soins à toutes les régions. Il est clair qu'il y a des régions au Québec où on n'a pas la masse critique pour arriver à ce qu'on appelle en anglais notre «break-even point» d'opération pour une clinique privée. Il n'y a pas de honte à dire ça dans l'entreprise privée parce que l'entrepreneur n'investira pas s'il n'est pas capable de voir son retour sur son argent. C'est clair. C'est ça, le principe d'une compagnie.

Par contre, où on a la masse critique de population et où la demande est suffisante, on va être capables de suppléer parce que, nous, à ce moment-là, on va voir... ce qu'on appelle notre «break-even point» va être couvert, et on va être capables de dire: Oui, mon modèle mathématique, je suis capable d'amortir mes coûts, d'aller chercher mon retour sur mon argent dans trois ans, quatre ans, cinq ans. Et là on regarde notre modèle mathématique comme n'importe quel investisseur, puis on va dire: C'est rentable, je suis prêt à mettre tant de millions là-dedans. C'est ça qui se passe dans le réseau public, là. On est des financiers. Moi, j'ai l'avantage d'être un petit peu les deux. C'est sûr qu'on est aidé par des consultants. Écoutez, c'est une grosse équipe, on n'est pas une petite affaire, là. Et j'ai des institutionnels là-dedans, j'ai des investisseurs, moi, là, ça gère des milliards, là, ce n'est pas... Vous aussi, mais eux autres aussi.

Alors, je pense que le gouvernement actuellement, on est dans une pierre angulaire, on est sur une plaque tournante où on a des choix à faire comme société, et, moi, je suis juste ici pour dire: Écoutez, c'en est un possible, je ne sais pas si vous allez le prendre ou non, je pense que ça... je pense que ce serait un bon choix, personnellement, parce que, dans certains secteurs, et c'est là que... Écoutez, c'est difficile de trouver des intervenants qui ont une expertise et qui ont en même temps la structure de financement pour faire des cliniques privées. Vous pouvez les... En tout cas, à ma connaissance, il n'y en a pas beaucoup. La seule compagnie qui est publique au TSX, puis le TSX, c'est quand même canadien, là, c'est nous... il n'y en a pas 25... qui est structurée comme on est...

Alors, on fait juste vous dire: Écoutez, on l'a fait, l'exercice; notre bulletin est sur la table, vous pouvez aller sur le SEDAR, puis voir qui est-ce qu'on est puis ce qu'on a comme structure financière. Et, oui, on est prêt à s'asseoir avec le gouvernement. D'ailleurs, c'est ce qu'il faut faire. On n'a pas le choix, il faut le faire. Moi, comme entrepreneur, je suis ici en vous disant: Je n'ai pas le choix, je dois m'asseoir avec les intervenants, parce que je suis convaincu qu'on a des choses à faire ensemble qui vont être bénéfiques pour le patient, qui vont diminuer les coûts d'opération pour notre réseau.

Écoutez, là, je suis un gros payeur de taxes, hein? Je peux parler, là. Si on me donnait les minutes en nombre d'impôt que je paie, je pense que je pourrais parler plusieurs minutes. Mais, moi aussi, j'ai tout intérêt à ce que mes taxes n'augmentent pas, puis ma situation financière ne le fasse pas. Écoutez, là, tant mieux si nos impôts diminuent parce que je pense que c'est une pression qu'on doit faire au Québec si on veut être compétitifs ? je ferme la parenthèse là-dessus ? mais tout ceci en étant plus performants. Et tantôt je vous l'ai dit, ce n'est pas les plus nantis qui utilisent des chirurgies. Vous seriez surpris. C'est un choix de vie. Au lieu de changer votre voiture, si vous avez décidé de vous faire opérer pour votre hernie parce que vous n'êtes plus capable de travailler puis ça fait deux ans que vous attendez, bien, moi, là, qu'est-ce que vous voulez que je dise au patient? Je pense qu'il a raison.

M. Charbonneau: Mais comprenons-nous bien, là. Il y a une différence entre une clinique privée, où le financement serait privé, et une clinique privée affiliée, où le financement est public. Vous, vous dites: Nous autres, on est dans le financement public. Mais une question à laquelle vous n'avez pas répondu: Est-ce que vos médecins sont tous participants ou vous avez une partie non-participants puis une partie participants?

M. St-Michel (Pierre): C'est à peu près 40-60. Pour qu'une clinique privée arrive à couvrir ses fonds...

M. Charbonneau: Êtes-vous conscient que là, là, vous allez devoir être 100 %, là, participants?

M. St-Michel (Pierre): C'est-à-dire... Moi, je vais m'asseoir, je vais regarder si le modèle financier tient debout. S'il ne tient pas debout, je vais vous le dire. Écoutez, je ne suis pas gêné. C'est sûr...

M. Charbonneau: En tout cas, vous n'êtes pas gêné. Vous êtes un bon promoteur de votre compagnie, hein?

M. St-Michel (Pierre): Non...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Michel (Pierre): Bien oui, mais écoutez...

M. Charbonneau: Ce qui n'est pas un péché, là.

M. St-Michel (Pierre): ...je ne suis pas juste un promoteur de ma compagnie. On offre des services qui n'étaient pas offerts par le gouvernement. L'infertilité, ce n'était pas couvert, là. Il faut faire attention, là. Ça, il y a des choses que je n'accepte pas, là. On ferme la parenthèse encore une fois. Je pense qu'il y a des services que vous ne couvrez pas que vous devriez couvrir. Nous autres, quand on a pris ce choix-là, c'est parce qu'à l'hôpital on n'était pas capable de donner des soins aux patients parce que ce n'était pas couvert. C'est différent, là. Bon. O.K. Mais on a fait ce choix-là, ça va bien. On ferme la fertilité.

Mais je veux dire, je pense que, dans notre réseau... c'est sûr que, nous, on va regarder avec vous le modèle, parce qu'il n'y a pas de règles d'établies... Je pense que le ministre ne serait pas capable, aujourd'hui, de me dire: Voici les modalités d'application d'un partenariat public-privé. Je pense que personne, on le sait.

M. Charbonneau: Attention! Mais attention! Mais la loi qui s'en vient éventuellement, ce que le ministre nous a indiqué, c'est que la loi prévoirait...

M. St-Michel (Pierre): Ça va être l'histoire du tout ou rien, de ce que je perçois. Ce n'est pas la première fois qu'il dit ça d'ailleurs, le ministre. Je respecte ça, mais là il y a peut-être des gens qui vont avoir des choix à faire et incluant nos professionnels. Est-ce que ça va être le meilleur choix? Je ne suis pas sûr. Je ne suis pas sûr.

M. Charbonneau: En tout cas...

M. St-Michel (Pierre): Il y a peut-être des gens qui vont se désengager, hein?

M. Charbonneau: Autre question, parce que malheureusement...

M. St-Michel (Pierre): Ça n'aidera pas les effectifs médicaux, ça, là, là.

Une voix: C'est leur décision personnelle.

M. St-Michel (Pierre): C'est ça. C'est des payeurs de taxes. Ils ont le droit de choisir puis ils sont libres.

M. Charbonneau: Vous disiez tantôt que les... on devrait couvrir... les assurances privées devraient couvrir toutes les chirurgies électives d'un jour, couvert.

M. St-Michel (Pierre): Je vais vous dire pourquoi. Parce qu'actuellement des trois chirurgies, les arthroplasties de la hanche et du genou... Comme vous le savez fort bien, M. le ministre, faire une arthroplastie, un remplacement de la hanche, ça ne se fait pas en chirurgie d'un jour.

M. Charbonneau: Non, non, puis ça ne se fait pas en clinique affiliée, là, ça va être à l'hôpital.

M. St-Michel (Pierre): Pas du tout, on ne veut pas faire ça non plus. Une des chirurgies qui s'apprête très bien, qui est un très beau modèle, c'est les cataractes. Les autres chirurgies où ça s'apprête très bien, c'est toutes les pathologies anorectales, qui sont très mal couvertes actuellement. Toutes les chirurgies vasculaires, veineuses entre autres, sont négligées dans la population. Tout ce qui est colonoscopie: colonoscopie de dépistage, colonoscopie courte, longue, chirurgies inguinales, toutes les hernies inguinales, abdominales, inguinales... il y en a... Savez-vous qu'actuellement 70 % des chirurgies faites sont en un jour? Le «trend» américain, là, 70 %. Si vous ne le savez pas, je vous dis ça, là. Et on s'en va... ça ne cesse d'augmenter. Pourquoi? Parce que la...

M. Charbonneau: On me souffle à l'oreille que c'est... au Québec, c'est 70 %, là.

M. St-Michel (Pierre): Puis c'est très bien. Puis pourquoi? Bien, moi, je peux vous dire pourquoi, parce que la seule façon pour nous de faire des pressions puis de rentrer le plus de patients à cause du problèmes des blocs opératoires et des anesthésistes, parce que, chez nous, on avait ce problème-là... c'est qu'on avait développé des techniques, entre autres, pour l'hystéroscopie avec l'ablation de l'endomètre en un jour, parce qu'au lieu de faire une hystérectomie chez une patiente qui avait des ménorragies, on avait découvert que la technologie nous permettait de faire des ablations d'endomètre par endométrectomie, cautérisation, etc. Et ça fonctionne super bien, c'est rendu le «state of the art» actuellement, en 2006, en gynéco. Nous autres, on a commencé ça il y a huit ans.

M. Charbonneau: Moi, j'essaie de comprendre, parce qu'il y a deux affaires dans la proposition gouvernementale, puis dans votre énoncé... Il y a le fait qu'on puisse aller en chirurgie légère ou d'un jour à l'extérieur. À l'extérieur peut être extérieur privé, affilié, donc partenariat, ou extérieur public, c'est-à-dire centre ambulatoire. On a eu cette discussion tantôt, là. Puis là on ajoute un autre élément. Vous, vous dites que, quand on va à l'extérieur, on devrait pouvoir s'assurer en double pour toutes les... Autrement dit, toutes les chirurgies d'un jour, là, finalement le citoyen devrait pouvoir s'assurer deux fois, payer deux fois, avoir une assurance publique puis une assurance privée, parce que c'est ça, la... Tu sais, quelqu'un qui s'assure au privé, là, pour des services qui sont déjà assurés à la régie, c'est parce qu'il paie deux fois des assurances, là.

M. St-Michel (Pierre): Relisez le texte où est-ce qu'on dit qu'on doit... Je pense qu'on pourrait laisser le choix au patient s'il veut être opéré dans un laps de temps minimum. C'est au gouvernement puis au ministère d'établir c'est quoi, le minimum requis acceptable pour avoir une chirurgie d'un jour. À ceci, on dit qu'on devrait inclure dans ce délai-là, et je ne prononce pas de mois, là, on devrait inclure le temps d'attente pour la consultation, parce que le patient, il souffre de son malaise pendant ce temps-là. Alors, le délai entre l'attente devrait partir au moment où le patient a un diagnostic par un généraliste ? par exemple, il a une hernie inguinale ? ça devrait inclure au moment qu'il a son diagnostic jusqu'à ce qu'il ait sa chirurgie. Là, on pourrait avoir... Écoutez, c'est un modèle, ce n'est pas celui-là que je vous dis que vous allez prendre, c'est un modèle. Si, après un délai x, le patient n'a pas eu accès au réseau public normal qu'on connaît tous, à ce moment-là, on pourrait, via un partenariat public-privé pour toutes les autres chirurgies, dire: L'État va t'envoyer te faire opérer dans une clinique affiliée privée, et on couvre tous les frais, la RAMQ, les honoraires du professionnel et les frais accessoires. Je suis tout à fait d'accord avec ça.

M. Charbonneau: Ça, c'est différent de dire: On a...

M. St-Michel (Pierre): Bien, c'est ça qu'on dit dans notre mémoire.

M. Charbonneau: O.K. C'est parce que tantôt vous parliez de l'assurance privée pour toute chirurgie, donc... Ça, là, on ne parle pas d'assurance privée, on parle de garantie d'accès, délai x...

M. St-Michel (Pierre): Exactement.

M. Charbonneau: ...puis, si on ne peut pas le faire dans les centres publics, on le fait dans les centres privés affiliés.

M. St-Michel (Pierre): Exact. Pourquoi réinventer la roue s'il y a déjà des partenaires qui existent? Vous pouvez le faire si vous avez les moyens, vous avez de l'argent. Je pense que vous êtes déficitaires cette année, ça fait que je pense que j'essaierais de sauver de l'argent, là.

Une voix: ...

M. St-Michel (Pierre): Je pense.

M. Charbonneau: Nous sommes. Vous autres...

M. St-Michel (Pierre): Vous l'êtes, oui, je pense.

M. Charbonneau: Vous aussi, hein?

M. St-Michel (Pierre): Ce n'est pas une surprise, là, mais en tout cas.

M. Charbonneau: Non, non, non.

M. St-Michel (Pierre): Si on pouvait sauver une couple de millions, c'est déjà mieux que de les dépenser, là.

M. Charbonneau: O.K. Mais donc on a clarifié, là. Ça veut dire que dans le fond vous ne proposez pas d'ouvrir à l'assurance privée plus que ce que la proposition est faite. Ce que vous dites, c'est: Ouvrez plus à des partenariats avec... pour la dispensation de services.

n (12 h 20) n

M. St-Michel (Pierre): C'est une possibilité, c'est-à-dire... Bon. Dans le texte, là, vous le relirez, on parle de deux possibilités. Oui, on pourrait ouvrir aux assurances pour le citoyen qui veut le faire, ou le contribuable, ou l'usager qui veut bien le faire, et lui aurait le droit et le privilège de le faire. Si lui ne veut pas attendre, pourquoi qu'on ne le laisse pas souscrire à une assurance? De l'autre côté, le contribuable qui n'a pas les moyens, ou pas le goût, ou pas le désir de s'assurer, il devrait avoir, entre guillemets, une garantie de soins. Il paie pour ça, le contribuable, «anyway».

M. Charbonneau: Mais là, quand on dit «il devrait avoir la garantie», finalement, est-ce qu'on convient qu'actuellement, là, tous ceux qui attendent pour une chirurgie, là, je veux dire, eux autres, ils ne sont pas assurables en partant? Ça fait que dans le fond....

M. St-Michel (Pierre): Non, parce que le sinistre est déjà connu.

M. Charbonneau: Bien, c'est ça. Alors, dans le fond, créer l'illusion que, parce qu'on ouvrirait plus à l'assurance privée, tout à coup, là, l'attente serait diminuée pas mal, ce n'est pas vrai, ça. Dans le fond, aujourd'hui...

M. St-Michel (Pierre): Ça dépend. Les actuaires qui étaient ici tantôt, peut-être que, s'il y avait une assurance collective dans laquelle tout le monde pourrait souscrire, c'est sûr que la prime, à ce moment-là, pourrait être moindre parce que ? je ne suis pas un actuaire ? mais le risque serait analysé sur une masse importante d'individus. Vous savez qu'en assurance...

M. Charbonneau: C'est ce qu'on appelle la caisse santé générale. Autrement dit, on aurait une contribution capitalisée, là...

M. St-Michel (Pierre): J'ai écouté tantôt la présentation des actuaires, là, mais...

M. Charbonneau: ...on aurait une contribution capitalisée. Ce n'est pas ça dont vous parlez, là?

M. St-Michel (Pierre): Non, pas nécessairement. Mais c'est-à-dire que, si on laissait la possibilité aux gens... parce que, oubliez... Quand on parle du contribuable ou du travailleur qui peut avoir une assurance, ça ne veut pas dire que c'est nécessairement complètement lui qui va la payer. Il y a beaucoup de sociétés ou d'employeurs qui vont vouloir souscrire à cette assurance-là. Si, moi, je suis un employeur, puis j'en suis un, je suis capable d'aller chercher une police d'assurance pour que mon employé puisse revenir au travail plus rapidement parce qu'il attend moins longtemps pour sa chirurgie, c'est rentable pour mon entreprise de faire ça. Pourquoi je ne souscris pas à son assurance?

M. Charbonneau: Mais est-ce qu'aux États-Unis on ne se rend pas compte que les entreprises qui avaient pensé comme ça. aujourd'hui, se disent: Oupelaïe! c'est rendu que la facture me coûte pas mal plus cher? Autrement dit, ce que je peux économiser d'une main en ayant mes gens plus rapidement au travail, je veux dire, l'assurance vient tout me le chercher puis pas mal plus encore, là, et, en bout de piste, je n'ai pas vraiment une plus-value. Il y a bien des gens aux États-Unis, dans les entreprises, qui commencent à considérer que, dans leurs coûts de production, là...

M. St-Michel (Pierre): Oui, mais vous comparez deux systèmes. Le système américain, ce n'est pas du tout notre système ici, là.

M. Charbonneau: Non, non, mais c'est parce que, si on introduit les assurances dans cette optique-là, on ouvrirait plus le marché à l'assurance dans cette optique-là, bien c'est l'optique américaine.

M. St-Michel (Pierre): N'oubliez pas qu'on parle d'un système mixte et complémentaire ici, ce ne sera jamais le système des États-Unis. Si on parle de GM ou GMAC, on parle de GE, écoutez, c'est d'autres problématiques, surtout à cause des fonds, là. Mais, je veux dire, c'est complexe comme dossier, là.

M. Charbonneau: Vous, là, aujourd'hui, là, si vous aviez à expliquer pourquoi faire on attend puis pourquoi des chirurgies sont reportées, je veux dire, ce serait quoi, votre réponse aujourd'hui, vos explications?

M. St-Michel (Pierre): Je pense, elle sont multifactorielles. Si vous faisiez le tour de 10 ou 15 centres hospitaliers, vous auriez des réponses différentes. Il y en a beaucoup que c'est à cause du manque de personnel infirmier; beaucoup de blocs opératoires actuellement sont en carence. Un petit peu moins pour les anesthésistes; ça a été vrai il y a cinq ans, six ans; en tout cas, quand, moi, j'étais chef, c'était vrai. C'est un petit peu moins vrai. Actuellement, la pression principale, c'est le manque d'effectifs spécialisés pour nous aider à opérer, et je pense surtout aux infirmières. Et ça, ça crée une pression énorme dans le réseau. Pourquoi les gens en sortent? Bien, écoutez, les raisons sont multiples. Vous n'êtes pas sans savoir qu'actuellement il y a une pénurie de main-d'oeuvre incroyable surtout dans le bloc, les soins intensifs. Certains hôpitaux, c'est dramatique. D'autres hôpitaux, ce n'est pas vrai. D'autres hôpitaux, c'est des pressions qu'ils exercent, eux, à cause que la salle d'urgence est débordée, puis actuellement, bien, le ministre n'aime pas que la salle d'urgence soit débordée, on hospitalise les patients surtout en période, par exemple, de maladies chroniques, on pense aux maladies pulmonaires obstructives chroniques, et, à ce moment-là, on ferme toutes les chirurgies électives parce que c'est ce qui est le plus facilement opérable, qu'on peut gérer en dedans de 24 heures. Tu ne peux pas mettre dehors un patient qui attend pour un pontage, là.

M. Charbonneau: Autrement dit, un des éléments que vous ajoutez aujourd'hui puis que vous précisez, c'est qu'une des raisons importantes, c'est que, budgétairement parlant, c'est plus facile de faire ça que de faire d'autres affaires plus compliquées. À un moment donné, on dit: C'est assez, on ferme le robinet puis on les reporte.

M. St-Michel (Pierre): Oui.

M. Charbonneau: Et c'est ce qui fait dire à votre président de Fédération des médecins spécialistes, aujourd'hui, que finalement, si on investissait plus, c'est-à-dire, si, dans le fond, les budgets des hôpitaux étaient plus importants, bien ils ne seraient peut-être pas obligés de faire ça.

M. St-Michel (Pierre): Je ne suis pas sûr. Parce qu'actuellement ce qu'il oublie, puis je pense que c'est plus complexe, parce que... même si vous allez mettre des milliards, puis vous en avez mis, des milliards dans le réseau, et si vous regardez les chirurgies électives, puis ça a sorti ce matin, dans La Presse, ça n'a pas diminué.

M. Charbonneau: Ça n'a pas diminué.

M. St-Michel (Pierre): Ça n'a pas diminué. Alors là vous êtes obligés de reconnaître que vos milliards n'ont pas servi. Allez-vous continuer sur le même modèle? En tout cas, moi, je suis un investisseur, si je vois que je fais un mauvais placement, j'essaie de ne pas le refaire. Faites autre chose.

M. Charbonneau: Bien, à ce moment-là, comment vous expliquez... Bien, vous dites que ça n'a pas servi, très...

M. St-Michel (Pierre): Ça n'a pas servi parce que ce n'est pas juste l'argent qu'on met dans un réseau, c'est tout le fonctionnement, et la structure, et les opérations, et la gestion tout à fait, qui... Écoutez, c'est lourd comme structure. On ne peut pas, demain matin, là, faire un 180 degrés dans le réseau de la santé. Il faut, je pense, cesser de regarder le problème toujours sous le même angle, puis je pense qu'on doit commencer à tourner, puis faire pivoter un peu notre cube, essayer de le regarder pour voir si c'est encore un cube, et c'est une des façons de régler des problèmes. Si vous n'êtes pas capables de le régler d'une façon, arrêtez de le regarder de la même façon, regardez votre problème différemment. Il y a probablement des intervenants... Puis, moi, je peux le dire, parce que je suis pas mal dans le milieu financier, il y a beaucoup d'intervenants qui sont prêts à regarder un investissement en soins de santé. Pour les 10, 15 prochaines années, un des secteurs qui va plus se développer au point de vue financier, c'est des services de santé à travers les pays mondialisés.

M. Charbonneau: Mais, quand vous dites ça, docteur, moi, j'ai...

M. St-Michel (Pierre): On a dépassé notre temps, je pense.

M. Charbonneau: Oui, une dernière, là. Parce que, quand vous dites ça, j'essaie de voir la corrélation avec le fait qu'on disait tantôt, qu'on ne sera pas... le marché puis la répartition territoriale de la population fait qu'une bonne partie des régions, on ne sera pas capable... ce ne sera pas rentable. Alors, est-ce que, quand vous dites ça, qu'il y a des entreprises qui sont intéressées... Si on dit qu'il y a quelques cliniques affiliées qui vont s'ouvrir, quelques, est-ce que c'est un si grand appétit que ça, ces quelques, pour les...

M. St-Michel (Pierre): Écoutez, le Québec, c'est une chose. Quand les gens regardent les investisseurs... Moi, je suis un investisseur, la société ne regarde pas juste le Québec, là. Ça, c'est... elle regarde bien d'autres choses.

M. Charbonneau: La remarque que vous faisiez, c'est pour l'ensemble.

M. St-Michel (Pierre): On regarde bien d'autres provinces puis on regarde le monde, nous autres, quand on investit, là.

M. Charbonneau: O.K., mais c'est ça, là.

M. St-Michel (Pierre): On ne regarde pas juste le Québec, là.

M. Charbonneau: Donc, votre remarque, ce n'était pas juste pour le Québec, c'était pour l'ensemble.

M. St-Michel (Pierre): Là, je suis avec des Québécois, on va parler du Québec, mais je pourrais très bien être à Toronto, en Alberta, en Colombie-Britannique, puis on va parler leur langage, alors... Le système de santé, comme vous savez, au Canada, parce qu'on ne parlera pas des États-Unis... chaque province a un peu sa philosophie, sa façon de fonctionner. L'Alberta avec Ralph Klein, vous savez très bien ce qui s'est passé, donc ça va être un moratoire, ça va revenir... Alors, écoutez, une compagnie qui est publique comme nous, on regarde plusieurs scénarios d'investissement. Ça peut être au Québec, ça peut être ailleurs. Notre modèle de laboratoire, de clinique de fertilité fonctionne admirablement bien ici. On peut l'exporter tellement que c'est «tight» comme modèle.

Le Président (M. Paquin): Le temps est écoulé et de beaucoup.

M. St-Michel (Pierre): Il est écoulé, là.

M. Charbonneau: Bien, Dr St-Michel, merci.

M. St-Michel (Pierre): Ça m'a fait plaisir.

Le Président (M. Paquin): Dr Pierre St-Michel, du Groupe Opmedic, merci de votre présentation ce matin, à l'Assemblée nationale.

J'ajourne maintenant les travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

 

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, la commission poursuit ses travaux selon l'ordre de la Chambre. Je vais vous faire lecture de l'ordre du jour de cet après-midi. Nous allons débuter dans quelques instants avec le Pr François Béland, et, autour de 16 heures, ce sera l'audition de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, et nous allons terminer l'après-midi avec les représentants du Parti québécois, autour de 17 heures.

Sans plus tarder, Pr Béland, je vous souhaite la bienvenue. Je vous avise, comme je le fais pour chaque groupe, que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes, pour mieux vous aider à conclure, et par la suite il y aura une période d'échange, d'une durée maximale de 20 minutes, avec les parlementaires de chaque côté de la table. Nous sommes à l'écoute, professeur.

M. François Béland

M. Béland (François): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM., Mmes les députés. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'écouter. Alors, voici, je vous présente peut-être un arrière-grand-père ou un grand-père du ministre Couillard qui était peut-être médecin, sinon quelqu'un de son entourage, et qui se rend, n'est-ce pas, à une visite à domicile, dans le bon vieux temps, ce qui n'existe à peu près plus dans notre régime. Je vais, étant donné que je suis professeur et qu'il est difficile pour un professeur de ne pas parler sans béquille, vous présenter ici quelques données qui feront l'objet de ma présentation. Alors, vous devriez avoir devant vous, à part le mémoire, deux papiers: un qui s'appelle un abrégé, qui est la présentation que je vais vous faire, l'autre est l'ensemble de la présentation, ce que je donne en classe ou à peu près. Alors, voilà.

J'aurais deux histoires à raconter sur l'évolution des dépenses gouvernementales en santé, et ces deux histoires proviennent d'observations que j'ai eu l'occasion de faire, et qui m'ont énormément interrogé, et qui continuent à m'interroger. La première est la suivante: il s'agit de la projection des dépenses de santé sur les dépenses de programmes du gouvernement du Québec et de l'Ontario à partir des données de l'ICIS. L'ICIS est l'Institut canadien d'information sur la santé. M. le ministre et d'autres le connaissent très probablement, le ministère de la Santé et des Services sociaux collabore étroitement avec l'Institut canadien d'information sur la santé, et ces données sur les coûts, les dépenses et l'utilisation des services de l'ICIS proviennent essentiellement du ministère, si je ne me trompe pas, corrigez-moi, M. le ministre, si je me trompe.

Alors, nous avons ici la projection sur près de 30 ans des dépenses de santé sur les dépenses de programmes selon l'ICIS, il s'agit du tableau B.4.4. Alors, nous avons en rouge l'Ontario et en bleu le Québec, et, lorsque nous regardons ce qui se passe selon l'ICIS, nous avons l'Ontario qui, en 1975, dépensait 30 % de son budget en santé sur ses dépenses de programmes et, en 2003-2004, environ 45 %. Pour le Québec, nous avons une projection essentiellement linéaire qui tourne alentour de 30 % ? alors on laissera tomber les petites variations. Cette projection en bleu, qui est stable, alentour donc de 30 % sur une trentaine d'années, est évidemment en contradiction, apparente en tout cas, avec ce graphique que nous trouvons dans Garantir l'accès, où nous voyons que les dépenses cette fois-là du ministère de la Santé et des Services sociaux, sur les dépenses de programmes du fonds consolidé de la province évoluent de 32 %, en 1985, si je ne me trompe pas, jusqu'à 43 %, le fameux 43 %, 44 % ? ici, j'ai arrêté... le document arrêtait en 2005-2006.

Alors, il y a là, n'est-ce pas, deux portraits extrêmement différents des dépenses de santé sur les dépenses de programmes, et il faut s'interroger pourquoi et qui dit vrai, quel est le portrait le plus exact, entre autres, qui nous donne une idée de l'engagement de l'État du Québec vis-à-vis les services de santé. Est-ce que c'est la première figure, celle de l'ICIS, ou est-ce que c'est celle que l'on retrouve dans Garantir l'accès? Je laisse la question ouverte, et, au cours des questions, de la période de questions, on pourra y revenir certainement.

Ensuite, autre interrogation, c'est sur les dépenses de santé au Québec, et les types de dépenses de santé au Québec, et l'utilisation que l'on fait souvent des statistiques. Alors, ce que vous avez en rouge, ce sont les dépenses de santé sur les dépenses de programmes du gouvernement du Québec; c'est à peu près la même courbe, vous voyez qu'elles représentent 38 % ici. Alors, pour l'ICIS, les dépenses de santé sur les dépenses de programmes sont alentour de 38 %. En fait, ce pourquoi j'ai 38 % ici, c'est pour la bonne raison que j'ai pris les dépenses de santé de l'ICIS et je les ai divisées par les dépenses de programmes du fonds consolidé de la province, n'est-ce pas, et, au lieu d'avoir 44 %, 43 % au cours de la dernière année, nous obtenons 38 %, puisqu'il s'agit uniquement ici des dépenses de santé et non pas de l'ensemble des dépenses du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Et, lorsque l'on parle maintenant... Comme, dans Garantir l'accès, lorsque l'on parle des dépenses de santé assurées ? parce que Garantir l'accès, n'est-ce pas, est préoccupé par les dépenses de santé qui sont couvertes par le régime d'assurance santé public et universel, essentiellement les services médicaux et les services hospitaliers ? nous voyons que l'évolution va de 22 %, 22,5 %, en 1975, pour atteindre le chiffre de 26 % des dépenses de programmes du gouvernement du Québec. L'évolution est donc d'alentour de 22 % jusqu'à 24 %. Là-dessus, ce que je dirais, c'est la chose suivante: C'est qu'on ne peut pas utiliser un chiffre comme le 44 % ou le 43 %, ou le 38 % si l'on veut ici, pour par la suite critiquer le régime public et universel de santé au Québec, puisque ce régime-là n'a rien à faire avec le 38 %, mais bien avec un 24 %, et que ce régime-là aussi n'est pas celui qui explique en majeure partie la progression des dépenses, d'ici 30 % à 38 %, mais qu'il s'agit plutôt d'une évolution qui va de 22,5 % à environ 26 %. Finalement, la croissance des dépenses qui sont dues à la partie publique et universelle du système de santé est beaucoup moindre que les dépenses sur les services de santé.

Ce que nous avons ici, ce sont les projections des dépenses, les mêmes projections de tantôt, mais cette fois-là sur les revenus du Québec. Pourquoi sur les revenus du Québec? C'est que, dans Garantir l'accès? et à trois occasions, les pages, je pourrais vous les citer, je pense que c'est 53, 59 et 60 ? le problème structurel que le document Garantir l'accès identifie, le problème structurel est donc entre les revenus du gouvernement du Québec ? et non pas ses dépenses de programmes, c'est bien le langage qu'emploie Garantir l'accès; donc entre le revenu ? et d'autre part les dépenses de santé. Alors, en fait, il me semble que... je pourrais peut-être me tromper, mais il me semble que, si le problème structurel est entre les dépenses de santé et les revenus du Québec, il faut à ce moment-là projeter, n'est-ce pas, calculer la part des dépenses de santé sur les revenus du Québec, même si, évidemment, le rapport entre les dépenses de santé sur les dépenses de programmes peut aussi nous indiquer quelque chose d'important.

J'ai donc fait cette division entre les dépenses de santé par l'ICIS et les revenus selon le fonds consolidé de la province, et ce que nous obtenons, en rouge, c'est essentiellement une ligne qui varie, sur 30 ans, entre 30 % et 34 %, comme vous pouvez voir, et, en ce qui concerne la partie assurée publiquement, la partie des services qui sont compris à l'intérieur du régime public et universel, c'est-à-dire essentiellement les médicaux et hospitaliers, nous voyons qu'il y a en fait une baisse, une diminution de ces dépenses par rapport aux revenus: en 1975-1976, ils représentaient un peu plus que 24 %; en 2005, nous en sommes alentour de 23 %.

n (15 h 20) n

Alors, autre chiffre, M. le président, au cours de la prestation des actuaires, a parlé du PIB, n'est-ce pas, alors une occasion donc de revenir au PIB, et ce que vous avez ici, c'est, depuis 1981 jusqu'en 2005, la part des dépenses de santé, différentes dépenses de santé sur le PIB. Vous avez en bleu la ligne habituelle que l'on voit. En fait, la ligne en bleu, la ligne supérieure représente les dépenses totales de santé: publiques, privées, etc. Ce que l'on s'aperçoit, c'est qu'il y a bien sûr la partie, la bosse qu'on peut appeler, qui correspond exactement à la crise économique du début... fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, où, grâce à l'action gouvernementale et malgré les difficultés qu'on connaît, il y a eu une résistance, certaines résistances des dépenses de santé par rapport à la crise économique, et c'est pour ça qu'il y a eu cette bosse. Et par la suite le montant diminue, on voit que la proportion a diminué, pour par la suite augmenter au cours des cinq, six dernières années. On voit les cinq, six dernières années où il y a une certaine hausse.

La ligne en rouge représente les dépenses gouvernementales en santé, et ce que l'on peut voir, c'est qu'il y a, en général et jusqu'à peu près en 1999, la même courbe, la ligne rouge suit la ligne bleue, mais on s'aperçoit qu'il y a une stabilité des dépenses gouvernementales sur le PIB. Les dépenses gouvernementales en santé ont été alentour de 6,3 % à peu près, 6,1 %, 6,3 %, au Québec, ce qui est à peu près d'ailleurs ce que l'Ontario dépense.

Et vous avez en vert les dépenses essentiellement assurées pour les médecins et les hôpitaux, et on voit qu'il y a, là aussi, au cours des presque 10 dernières années, une stabilité très forte. On est loin du 10 % ici, on est alentour de 4,5 %, environ.

Alors, si les dépenses totales de santé augmentent tandis que les dépenses gouvernementales de santé restent semblables, c'est que l'augmentation vient d'ailleurs. Elle vient effectivement des dépenses privées, et on voit la ligne en brun, la ligne en haut, où il y a une augmentation constante des dépenses privées. Maintenant, les dépenses privées, on peut les diviser en deux, soit les dépenses directes des ménages, en bleu, la ligne bleue qui est la ligne médiane, c'est-à-dire c'est l'argent que l'on doit dépenser directement de notre poche, et on voit qu'elle est essentiellement stable de 1988 à 2002. Ce qui augmente, ce sont les dépenses des assureurs privés. Les assureurs privés, les dépenses dans l'assurance privée représentaient un peu moins de 8 % du total des dépenses de santé en 1988, tandis qu'en 2002 elles représentaient 12 %. C'est une augmentation de 50 %. En fait, si le Canada était vraiment la Corée ou Cuba, il y aurait quelques assureurs privés qui se retrouveraient dans des camps de rééducation populaire.

Ici, maintenant, ce que nous avons, nous avons le rapport des dépenses de programmes et des revenus du Québec par rapport au PIB. Vous allez retrouver cette figure-là dans les documents du ministère des Finances, d'ailleurs. Il s'agit bien des dépenses de programmes et des revenus du fonds consolidé de la province. Alors, ce que l'on s'aperçoit, c'est qu'à part la période encore une fois de crise économique du début des années quatre-vingt-dix, où on voit la bulle des dépenses, alors ce qu'on voit, c'est que les dépenses de programmes sur les opérations budgétaires, qui étaient de 23 % du PIB en 1981-1982, représentent maintenant alentour de 18 %. Les revenus ont baissé mais de façon moindre. C'est d'ailleurs pourquoi on peut voir que les dépenses de santé au Québec augmentent en proportion des dépenses de programmes, tandis qu'ils sont stables par rapport aux dépenses... par rapport aux revenus du Québec.

En ce qui concerne le vieillissement maintenant, j'aurais une ou deux réflexions qui m'apparaissent importantes. Premièrement, les fameux taux de dépendance. Alors, on le sait, on le connaît, on dit qu'on va passer de cinq travailleurs pour une personne âgée à deux travailleurs pour une personne âgée dans les années 2030, 2040, etc. Vous avez ici les taux de dépendance. Vous avez en vert, en haut, le taux de dépendance total. Ce que l'on s'aperçoit, c'est qu'actuellement, c'est-à-dire alentour de 2005-2006, n'est-ce pas, et jusqu'à 2011, les taux de dépendance n'auront jamais été aussi faibles au Québec. Dans les années soixante, dans les années cinquante, les taux de dépendance étaient beaucoup plus élevés, vous les avez à gauche du graphique, tandis que vous voyez qu'effectivement il va y avoir une augmentation, et vous voyez en bleu et en rouge le changement évidemment dans la composition des taux de dépendance, c'est-à-dire que les taux de dépendance des jeunes diminuent, tandis que les personnes âgées augmentent. Mais ce qu'il est important de voir, c'est que les taux de dépendance n'ont jamais été aussi faibles et qu'en fait, en ce qui concerne le Canada, les taux de dépendance, même en 2041, seront inférieurs aux taux de dépendance des années cinquante. Évidemment, on pourra revenir là-dessus, n'est-ce pas, et parler plus tard de la conséquence de ces taux de dépendance soit des personnes âgées ou des jeunes.

Mais d'autre part ce pourquoi on parle du taux de dépendance et du travailleur, c'est qu'on est intéressé par les revenus que vont générer ces travailleurs-là, n'est-ce pas? Or, il y a un travail, il y a un travail très intéressant qui vient tout juste de sortir du gouvernement fédéral, c'est un programme de recherche, le programme de recherche en politiques publiques, et, plutôt que de se fier sur les taux de dépendance, on s'est demandé: Oui, mais combien d'heures sont travaillées par personne, au Canada, et quelle est leur évolution? Et, quand je parle ici des heures travaillées par personne, je parle autant des enfants qui viennent de naître que des personnes âgées de 90 ans. Ce que l'on s'aperçoit, c'est qu'en 1971 le nombre d'heures travaillées par habitant, au Canada, nombre d'heures travaillées et rémunérées, qui gagnent de l'argent, qui peuvent payer des services à d'autres, sont d'environ 760 en 1971. Ils ne seront jamais aussi élevés qu'en 2011, alentour de 980, un peu plus que 980, tandis qu'en 2041 ils seront stabilisés alentour de 930. En 1971, c'est-à-dire au moment où nous avons adopté le régime d'assurance maladie du Québec, le nombre d'heures travaillées par personne, au Canada, était de 750 ? nous pouvions nous le payer; en 2041, le nombre d'heures travaillées par habitant, au Canada, sera de 930.

Alors, conclusion: de tout ça et de cet amalgame de chiffres, ce qui me semble absolument important, c'est d'obtenir une estimation de l'ensemble des engagements financiers de l'État du Québec vis-à-vis les services de santé, indépendamment de la juridiction du MSSS et des conventions comptables. Il y a énormément de chiffres qui circulent. Les actuaires, ce matin, nous l'ont dit, il faut clarifier ce genre de choses pour voir qu'est-ce que ça veut dire exactement, ces chiffres, et surtout il faudrait tenter d'établir quels sont les engagements financiers de l'État vis-à-vis les services de santé. Ces engagements financiers ne se limitent pas au ministère de la Santé et des Services sociaux, ils dépassent les frontières du ministère de la Santé et des Services sociaux, tout comme le ministère de la Santé et des Services sociaux ne se consacre pas uniquement aux services de santé.

Ensuite, plutôt qu'un périmètre comptable, puisqu'autant Garantir l'accès que le rapport Ménard utilisent les données du fonds consolidé de la province essentiellement, donc, et se basent sur ce qu'on peut appeler le périmètre comptable, ce qu'il nous faut, c'est un périmètre des politiques de santé et calculer les coûts en fonction des politiques de santé.

Ensuite, bien sûr, il est difficile d'établir des projections des dépenses gouvernementales dans l'avenir si on ne peut obtenir un portrait juste des engagements passés et actuels de l'État, et c'est pour ça, entre autres, que je crois qu'effectivement un compte santé serait extrêmement utile, à la condition bien sûr que le compte santé ne fait pas que reproduire le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux; il doit dépasser le cadre des engagements du ministère de la Santé et Services sociaux pour se préoccuper de l'ensemble des engagements de santé.

Et par la suite, aussi, je pense qu'en ce qui concerne le vieillissement il faut être extrêmement prudent avant de s'engager dans un langage catastrophique en ce qui concerne les conséquences du vieillissement sur les dépenses de santé. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, professeur. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Béland. Fort intéressant comme exposé. Ça me rappelle mes bonnes vieilles années dans le milieu académique, dont il m'arrive de m'ennuyer sur le parquet de l'Assemblée nationale, je le confesserais. Je dirais que, sur le plan du financement de la santé, vous avez raison, il ne faut pas mettre de lunettes noires, mais pas de lunettes roses non plus, il faut trouver l'équilibre ici. Parce que je peux vous dire que l'équilibre, il se vit chaque année, autant les dernières années que les prochaines années. C'est le dilemme fondamental de trouver l'argent pour combler le déficit entre les croissances des revenus du gouvernement puis ce qu'il faut assurer au système de santé, puis, ça, je peux vous dire que ce n'est pas théorique comme problème, c'est un problème qui est très réel.

Le problème que je vois essentiellement dans votre présentation, M. Béland, c'est le suivant, c'est que vous faites une distinction du périmètre assurable avec les services médico-hospitaliers parce que ce sont les services assurables au départ du système de santé, là. Lorsque le député de Borduas, mon collègue, parle de l'époque où c'était 50-50, le coût partagé du système de santé, c'était l'époque où le périmètre n'était que ça. Et en fait certains disent que c'est là que les décisions fondamentales, qui expliquent l'état actuel des choses, ont été prises. Il aurait été loisible à l'époque, pour les gouvernements, de restreindre tout développement autre que le périmètre, de le garder uniquement médico-hospitalier pour le public et laisser le reste pour un financement partagé, ce qu'ont fait d'autres pays par exemple, alors qu'on a choisi, comme société ? puis ce n'est pas un mauvais choix ? non pas d'augmenter l'assurabilité, parce que, sur le plan strictement légal, vous avez raison, les services assurables sont les services médico-hospitaliers, on a choisi de faire prendre en charge par l'État beaucoup plus que le périmètre médico-hospitalier.

Parce qu'à l'époque de la loi canadienne de 1970 les soins à domicile, c'était plus ou moins connu, perte d'autonomie, même la santé mentale n'était pas dans le périmètre de la Loi canadienne sur la santé. Peu de gens savent ça, ce n'était pas inclus, la santé mentale, c'était à l'extérieur. De sorte que, lorsque vous faites une distinction entre les dépenses médico-hospitalières et les autres, ça m'apparaît un peu artificiel, si vous me le permettez, parce que ça montre l'évolution du système de santé puis des besoins et des pratiques. C'est clair, puis je l'ai déjà dit plusieurs fois, que les dépenses des hôpitaux puis des docteurs, au fil des années, sont restées à peu près stables. C'est les autres dépenses qui ont augmenté. Et puis, si vous regardez les trois grands classiques des pressions financières sur le réseau, la démographie des médicaments et des technologies, il y en a deux sur trois qui ont surtout un impact à l'extérieur du périmètre médico-hospitalier, notamment la démographie puis les médicaments, alors que la technologie, elle, est surtout vécue dans le périmètre hospitalier. Alors, je trouve qu'évidemment ça sert la démonstration, mais de faire une distinction entre les deux à mon avis remet sur le tapis qu'on a décidé collectivement, comme société, de prendre en charge, par financement public, bien plus que le périmètre initial.

Est-ce que vous ne devriez pas illustrer ça également dans vos diapos? Ce qui était convenu d'assurer initialement puis ce qu'on assume publiquement maintenant, il y a une immense différence.

n (15 h 30) n

M. Béland (François): Bon. Quelques remarques là-dessus. Pour commencer, la distinction, je la fais pour une raison particulière: à cause de la nature du débat que nous avons présentement. Le débat que nous avons présentement, lorsque l'on parle de désassurer les services, lorsque l'on dit que le Canada est une exception parce qu'il y a des services qui ne sont pas assurables par le privé, je crois que ce débat-là, il est effectivement dans le public, et on semble vouloir dire... on semble vouloir isoler le cas canadien de cette façon-là et miner le régime d'assurance qui est, lui, public et universel. Je crois qu'il y a un débat social alentour de ce thème des services publics et assurés universellement, et où il n'y a pas de frais. Et c'est précisément à ce type de débat, à ce débat-là auquel je fais référence.

Maintenant, aussi, ce pourquoi je fais la distinction... Parce que quand même ma ligne rouge concernait l'ensemble des dépenses de santé, hein, alors j'en parle, de l'ensemble des dépenses de santé, ce n'est pas vrai que je n'en parle pas. Et j'ai bien dit aussi que l'augmentation des dépenses de santé hors du périmètre du régime d'assurance est plus importante qu'à l'intérieur du périmètre de l'assurance publique universelle. Donc, je l'ai effectivement mentionné. C'est d'ailleurs dans ces services-là qui ne sont pas entièrement publiquement assurés qu'il y a une augmentation la plus importante, et ça aussi, c'est peut-être une question qu'il faut se poser. Pourquoi est-ce que l'augmentation est plus importante dans les secteurs où l'État n'a pas un régime d'assurance public et universel? C'est aussi une question qu'il faut se poser.

Mais c'était surtout pour... Il y a un argument qui me fatigue royalement, c'est lorsque j'entends dire qu'étant donné que le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux est de 44 %, donc il est nécessaire d'instaurer l'assurance privée des services médicaux et hospitaliers. Ce n'est pas votre argument...

M. Couillard: Ce n'est pas ça qu'on dit, du tout, là.

M. Béland (François): C'est ça, ce n'est pas votre argument, mais c'est un argument que j'entends, que nous entendons. Et encore une fois... Par exemple, Michel David, dans Le Devoir, dans une colonne du Devoir, je pense, la semaine dernière, revenait encore sur ce thème-là, tentait de justifier une revue des modes de financement, mais en particulier des modes de financement des services médicaux et hospitaliers, par le fait que nous dépensons 44 %.

Donc, étant donné que c'est une commission parlementaire, étant donné que vous avez appelé un débat social sur le système de santé en général, et non pas uniquement sur ce que vous dites dans Garantir l'accès, voilà pourquoi j'ai mentionné cet aspect-là. Je suis particulièrement conscient, étant donné que je suis le promoteur, entre autres, avec plusieurs collègues, du système SIPA, de l'intégration des services de santé... Et j'y crois vraiment, à l'intégration des services de santé. Mais, pour l'argumentation politique, et pour le débat politique, et le débat social qu'il y a actuellement au Québec, je crois que c'est important de faire cette différence-là.

M. Couillard: Mais je croyais important également... Puis je pense que c'est important de le répéter, le changement de l'horizon du périmètre assurable par rapport à 1970 et maintenant, c'est les choix sociaux collectifs qui ont été faits, au Québec et ailleurs, de faire évoluer la prise en charge publique de façon très considérable par rapport à ce qui était initialement prévu.

Maintenant, pour ce qui est de l'exception canadienne, j'y reviens, elle se vérifie quand même, parce qu'effectivement vous utilisez l'argument ? et je ne dis pas que c'est une mauvaise exception, je la souligne; vous utilisez l'argument ? des pourcentages de dépenses privées et les assurances. C'est souvent l'argument qui est présenté. Cependant, ce qu'on oublie, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de pays au monde ? et je pense que c'est moins que les doigts d'une main, là ? où il y a un monopole de financement public sur les soins médicaux hospitaliers. Les soins assurés par le privé sont les soins non assurables à l'extérieur du périmètre médico-hospitalier. Mais je reviens souvent sur cette analogie-là. Moi, comme vous, probablement, avec vos fonctions académiques, il m'arrive de converser avec des gens d'autres pays européens, en particulier. Ils se demandent pourquoi il faut qu'on discute ces trucs-là. Pour eux, là, la question de la mixité des sources de financement pour le médico-hospitalier, ce n'est même pas un sujet de débat social.

Alors, l'exception canadienne ? bonne ou mauvaise, on ne la qualifie pas ? se trouve dans l'exclusion du périmètre médico-hospitalier du financement privé. Ça, on ne peut pas le nier. Est-ce que c'est une bonne chose ou pas? Ça, c'est un autre débat. Mais il n'y a pas beaucoup d'autres pays, que je sache, qui ont ce système de type monopole sur le financement public. Exemple, la France, vous pourriez peut-être y faire allusion. Puis je vous poserais une question là-dessus. Lorsque vous faites l'évaluation des pourcentages de dépenses de la santé par rapport au PIB, vous savez certainement qu'on est à peu près au même niveau que la France ou les pays de l'Europe de l'Ouest. Or, c'est le contenu du pourcentage qui est très variable. C'est que là-bas on semble avoir développé un service de santé qui est largement public, avec un financement public important, on le sait, auquel d'ailleurs l'assurance privée ne change rien, là, j'ai eu l'occasion de l'expliquer souvent, mais dans lequel il y a une sorte de mixité des sources de financement, et personne n'en fait un débat social, et il ne semble pas y avoir de problèmes d'accessibilité majeurs là-bas.

Comment vous expliquez ces différences? Est-ce que c'est les différences de culture ou la façon dont les systèmes de santé ont évolué? Il y a quand même une différence majeure, là, entre deux pays, pour un même niveau par rapport au PIB.

M. Béland (François): Oui. Je vais répondre à celle-là, je vais quand même répondre très rapidement à la première en ce qui concerne le paramètre historique qui ne comprend que les services médicaux et les services hospitaliers.

Si on se réfère au rapport du juge Emmett Hall, qui est à la source, n'est-ce pas, de notre système d'assurance maladie, c'est très clair que le juge Emmett Hall prévoyait et proposait une introduction graduée de l'ensemble des services de santé, et en particulier les services à domicile étaient dans son rapport. C'est l'histoire, n'est-ce pas, qui s'est arrêtée, et non pas l'intention première. Donc, notre système s'est peut-être figé mais s'est figé pour toutes sortes de raisons qui sont trop longues ici à énumérer.

En ce qui concerne les régimes, bon, pour commencer, il y en a au moins un, ça va peut-être vous surprendre, mais l'Australie. L'Australie, par exemple, malgré son introduction du... et de tout temps l'Australie a eu de l'assurance privée et, malgré son introduction assez récente... enfin 1999, à peu près, 1998-1999, de l'assurance privée hospitalière, interdit l'assurance du ticket modérateur pour les services médicaux et pharmaceutiques, ticket modérateur qui est public.

M. Couillard: ...pour les soins hospitaliers, vous venez de le dire, là.

M. Béland (François): Oui, c'est ça, mais d'autre part il y a une interdiction, hein? Vous voyez, ils interdisent, ils font des choses puis ils interdisent d'autres choses, hein?

Alors, la France a un ticket modérateur, mais par ailleurs il est assuré, et, pour s'assurer que tout le monde puisse s'assurer, l'État assure ceux qui ne peuvent pas s'assurer. Et non seulement ça, mais les employeurs, lorsqu'ils offrent un régime d'assurance privée contre le ticket modérateur, lorsque 50 % des employés y adhèrent, reçoivent une déduction fiscale, bon, et ainsi de suite.

Alors, ce qu'il est important de comprendre, c'est qu'il n'y a pas un pays qui n'ait pas sa propre exception en ce qui concerne les services de santé. Alors, c'est pour ça en fait, pour moi, ce n'est pas un argument. À peu près tous les pays le sont. L'Allemagne, c'est un système tellement complexe qu'un chat ne trouve pas ses chattes... une chatte ne trouve pas ses chatons, et il y a là de multiples couches. Il y a bien sûr, en plus, le régime d'assurance de longue durée qui est très, très spécifique, qui est séparé, etc., qui commence à être imité un peu partout. En fait, c'est la Hollande qui a commencé avec l'AWBZ, et, si on regarde la Hollande, alors on va trouver un tout autre système et une histoire aussi extrêmement différente, et, malgré les tentatives d'introduction, en Hollande, de l'assurance privée, on s'aperçoit que la part de l'assurance privée, en Hollande, a diminué, au cours des 20 dernières années, de 24 % jusqu'à 14 %. Alors, chaque pays est son exception.

Donc, le fait de dire que le Canada est une exception en ce qui concerne les services médicaux et hospitaliers, je crois, comme argument, ne nous mène pas bien loin dans la mesure où tous les pays sont leur propre exception, et on pourrait parler à ce moment-là aux Australiens, leur dire: Écoutez, il y a des tickets modérateurs qui sont assurés en France, pourquoi, chez vous, vous ne pouvez pas assurer le ticket modérateur pour les médicaments et les services des médecins, et ainsi de suite?

M. Couillard: Il me semble qu'on esquive, là, le fait... Puis je n'en fais pas un argument parce que, moi, je ne propose pas le financement privé du système de santé, on ne le propose pas comme gouvernement, mais c'est indubitable et incontournable qu'il y a un financement exclusivement public des soins médico-hospitaliers au Canada, là. Je n'en fais pas un jugement de valeur, c'est un fait.

Maintenant, pour ce qui est de la question de l'effet de la démographie, c'est intéressant ce que vous amenez parce que vous amenez le taux de dépendance et évidemment les revenus, également ? je ne me souviens plus des détails ? pour montrer... Ce que d'autres nous disent également, c'est qu'il faut mitiger un peu ces prédictions, là, très sombres de l'impact du vieillissement ou du changement démographique. C'est de nous que nous parlons, en passant. Je le disais, l'autre jour, à un groupe, ça a eu l'air de les surprendre, c'était un groupe de personnes âgées. J'ai dit: Écoutez, on ne parle pas des personnes âgées d'aujourd'hui, on parle de nous, là, dans 20, 25 ans. Il n'en reste pas moins qu'il y a un problème de nombre absolu et là, je veux dire, que même...

n (15 h 40) n

C'est pour ça d'ailleurs que vous n'êtes pas affirmatif sur votre dernière diapo, vous dites qu'on ne peut pas conclure encore. Je suis assez d'accord avec vous. Mais est-ce qu'il n'y a pas une certaine précaution à prendre? C'est-à-dire que, pour un État qui doit être au rendez-vous, dans 20 ans ou dans 25 ans, pour une population dont la démographie sera presque inversée, est-ce qu'on peut se permettre de dire: Bien, on va continuer comme on fait là, «tax as you go», comme dit M. Ménard, et puis on verra dans 20 ans si on s'est trompés? Est-ce qu'on ne devrait pas entreprendre dès maintenant de prendre des mesures pour se prémunir non pas contre un taux de dépendance qui augmente, parce que vous démontrez clairement que le taux de dépendance n'augmente pas, mais sur une simple question de numerus, là, de nombre de personnes âgées en perte d'autonomie qu'il va falloir servir dans 10, 15, 20 ans?

M. Béland (François): Bon, encore une fois, étant donné que le débat en tout cas devrait... le débat ici devrait être... devrait dépasser ces quatre murs-ci mais aussi être un débat social... C'est un argument que l'on entend très souvent, et on fait très souvent mention du vieillissement comme un argument et on l'utilise de façon catastrophique de telle sorte que l'on propose cette façon-là, l'introduction de toutes sortes de mesures qui ont peu à voir avec la nature du problème. Donc, c'est à ce genre de choses que je fais allusion ici.

Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il faut se croiser les bras. Et encore une fois je reviens à l'exemple du SIPA. Ce n'est pas pour rien que nous avons présenté un programme de cette nature, qui voulait, un, proposer: un, responsabilité de population et, deux, intégration des soins, donc, n'est-ce pas, deux mamelles d'une réforme récente, n'est-ce pas, que nous connaissons. Et, dans mon rapport, entre autres, je dis: C'est effectivement à ce genre de choses qu'il faut s'attarder, là. Il y a une nécessité de changer effectivement ce qui se passe. Le régime que nous avons adopté est un régime qui valait lorsque la population était jeune. Il a évolué.

Et d'ailleurs son évolution était aussi dans ses gènes. Quand vous avez dit tantôt qu'on aurait pu arrêter l'évolution du système, en fait je ne pense pas qu'on aurait pu arrêter l'évolution du système, et ce qui s'est passé alentour, par exemple, de la réforme des programmes établis dans les années soixante-dix-sept l'a bien montré, n'est-ce pas? Ce sont les provinces qui ont forcé Ottawa à revoir ses façons de financer, qui ont forcé Ottawa à revoir ses façons de financer les services de santé, puisqu'il interdisait aux provinces, entre autres, de financer, par exemple, des services à domicile, et etc., hein? Là, l'hospitalisation était en train de changer à cette époque-là. Donc, il y avait des choses dans les gènes du système. Alors, ce n'est pas vrai qu'on aurait pu l'arrêter. Les provinces se sont aperçues par eux-mêmes qu'on ne pouvait pas l'arrêter.

Et d'autre part il y avait des phénomènes qui sont encore là, comme par exemple: les personnes âgées occupaient des lits d'hôpitaux, tandis que ce n'est vraiment pas la place. Les personnes âgées à long terme, il vaut mieux les mettre ailleurs, n'est-ce pas, dans des logements qui sont faits pour eux ou dans des résidences qui sont faites pour eux.

Alors, effectivement, le système a évolué, mais il reste que maintenant 50 % des séjours hospitaliers, ou à peu près, sont des séjours hospitaliers pour personnes âgées. Certaines sont en santé: opération de la prostate, on rentre, on sort, très bien, c'est réglé; d'autres restent là beaucoup plus longtemps, et effectivement c'est de cet aspect-là dont il faut s'occuper.

En ce qui concerne les aspects du financement, puisqu'il va certainement y avoir une augmentation des sommes, à savoir si l'économie va croître de façon suffisante pour absorber ces coûts, c'est une autre question.

En ce qui concerne les dépenses de l'État jusqu'ici, mais, par rapport à la richesse nationale, on a vu qu'il n'y avait pas d'augmentation substantielle de ce côté-là.

En ce qui concerne les dépenses de programmes, du moins celles de l'ICIS, on peut toujours revenir là-dessus, si vous voulez, en ce qui concerne les dépenses de santé sur les dépenses de programmes telles qu'estimées par l'ICIS, l'évolution, on est toujours alentour de 30 %. Alors, autrement dit, il n'y a pas de crise majeure en ce qui concerne ces aspects-là, mais d'autre part, effectivement, et je suis d'accord avec vous, si on ne fait rien, alors là, dans 20 ans, effectivement, on va être devant la catastrophe. Et je l'ai déjà dit, je peux le répéter ici: la nature du problème, la nature du défi... Maintenant, le défi, c'est intéressant, tandis que... Le défi est intéressant et le défi nous permet de réfléchir, et nous permet d'avoir un débat sain, et nous permet de voir des solutions logiques. La catastrophe nous met dans une situation de panique et nous fait souvent regarder des solutions ailleurs, que d'autres sociétés ont adoptées, tandis qu'ils ne sont absolument pas adaptables ici. Donc, oui, il y a un défi à entreprendre. Dans une certaine mesure, la réforme que vous avez entreprise, moi, je l'aurais faite différemment, mais la nature...

M. Couillard: Venez-vous-en en politique.

M. Béland (François): ... ? je n'ai jamais été invité, mon Dieu! Au moins, ces deux orientations majeures que vous avez prises, je pense, sont fondamentales. Mais ça a des exigences, et, une des exigences, je pense que les CSSS, comme les régions, ne peuvent pas être responsables des populations, ne peuvent pas intégrer les services s'ils n'ont pas l'autonomie financière nécessaire pour le faire, s'ils ne sont pas financés pour le faire, s'ils ne sont pas responsables pour leur financement, et non pas avoir un budget quasiment ligne par ligne et programme par programme, si le ministère, entre autres, ne se libère pas de certaines de ses mauvaises habitudes, qui est toujours vers la centralisation, malgré des tendances historiques, n'est-ce pas...

M. Couillard: Là, je suis obligé de vous dire que je ne suis vraiment pas d'accord. Le mouvement, depuis quelques années, de gestion dans le réseau est au contraire un mouvement de décentralisation très marqué, là.

M. Béland (François): Bien, j'ai eu certains contacts, certains contacts avec certains responsables de CSSS, qui sont très inquiétants, qui sont très inquiétants.

M. Couillard: Ah oui? Ils ont trop d'argent, quoi?

M. Béland (François): Non, c'est le contrôle. Mais je pense que c'est moins l'argument, je pense que l'argument, c'est de dire que les CSSS, s'ils veulent véritablement être responsables de la santé des populations et intégrer leurs services, doivent avoir, un, la responsabilité budgétaire nécessaire pour pouvoir prendre les décisions qui orientent leurs actions vis-à-vis la santé pour laquelle ils sont responsables et qui leur permet véritablement d'intégrer les services. Je pense que c'est ça qui est important.

M. Couillard: Mais c'est ce qu'on fait, là, actuellement, en tout respect. Les CSSS ont chacun leurs projets cliniques, ils sont très différents les uns des autres. Ce qu'on fait, nous, c'est avec les régions, c'est des ententes de gestion sur des objectifs nationaux à atteindre, puis là-dessus c'est notre rôle de le faire. Mais je dirais qu'il y a beaucoup plus d'autonomie de moyens qu'auparavant, où on organisait les services littéralement ligne par ligne, comme vous le disiez, à partir de Québec, là.

M. Béland (François): Alors, vous me rassurez, et j'en suis enchanté. Et là-dessus ce que je dirais, c'est que, voilà, ce genre de chose, n'est-ce pas, est nécessaire, et c'est plutôt vers ce genre de réforme, vers cette... c'est plutôt de travailler dans cette perspective que nous allons pouvoir affronter les problèmes, entre autres, du vieillissement.

M. Couillard: Et je dirais que la prémisse ? je vais terminer là-dessus, M. le Président; la prémisse ? on se rejoint là-dessus, c'est que l'évolution ultime de la réforme d'intégration et de territorialité avec la responsabilité de population, c'est de faire cheminer la grande majorité du financement à partir du territoire local vers le haut, vers les soins spécialisés. Mais le prérequis à ça, c'est avoir les effectifs et les infrastructures qui sont uniformément répartis, et, comme vous savez, on n'en est pas là. La première pierre a été posée, d'autres viendront pour poser les pierres subséquentes. Qui sait, vous aurez peut-être une implication politique et vous pourrez peut-être faire des gestes prochains. Mais je pense que, si on n'avait pas adopté cette façon de s'organiser, on ne pouvait pas aller plus tard vers le système de financement et de budgétisation dont vous parlez actuellement, où, par exemple, en Angleterre, si je me souviens bien, 75 % à 80 % des fonds cheminent par les organisations de première ligne pour ensuite remonter vers les soins spécialisés.

M. Béland (François): J'attends que vous fassiez ce mouvement.

M. Couillard: Si ce n'est pas moi, ce sera un autre.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. M. Béland, bonjour. J'aimerais bien profiter de votre présence pour aller un petit peu plus dans la clarification d'un chiffre qu'on utilise beaucoup. Vous en avez parlé assez, mais je voudrais juste voir si l'explication qu'on nous a donnée, la semaine dernière, pour le nuancer est valable, parce que je ne le retrouve pas dans votre présentation. On utilise souvent le chiffre de 43 %. Puis, la semaine dernière, je pense, je ne sais pas si c'est la Fédération des infirmières et infirmiers ou si c'est la CSN, un des deux nous ont dit: Dans le fond, faites attention parce qu'ailleurs au Canada, dans les statistiques, on ne prend pas les services sociaux, puis ici vous les prenez.

Le 43 %, est-ce qu'il comprend les services sociaux ou pas? Et qui a raison dans... Et comment on doit le voir? Parce que dans le fond ce que vous disiez tantôt, ce n'est pas tout à fait 43 %. Vous, aujourd'hui, vous ne nous parlez que des dépenses de santé et pas des... Est-ce que vous incluez les dépenses des services sociaux aussi? Et, si on les excluait, les dépenses de services sociaux ? si jamais vous les incluez ? qu'est-ce que ça fait comme portrait comparatif? Parce que dans le fond, là, on fait un débat, là... Puis Garantir l'accès, là, c'est un débat sur la santé, pas sur la santé et les services sociaux, là.

M. Béland (François): Alors, si on regarde bien ça, je vais... Regardez, vous l'avez là. Vous devriez avoir deux textes, hein, deux paragraphes. Bon. Alors, un, c'est un abrégé et l'autre, c'est un ensemble de stats et qui est beaucoup plus vaste, et vous allez trouver ce graphique-là. Bon, pour commencer, le 44 %... Ça, c'est compliqué, là. Parce qu'un le 43 %, c'est le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux, si j'ai bien compris. Alors, un, il y a donc des services sociaux là-dedans. Alors, la portion des services sociaux peut être variable, là, mais il semble que c'est alentour de 12 %, 15 %. Mais il y a d'autre part, aussi, des services de santé qui ne sont pas inclus dans le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux. Et là ça va absolument partout.

n (15 h 50) n

D'ailleurs, si vous regardez, par exemple, dans Garantir l'accès, hein, dans le document Garantir l'accès, vous voyez à un moment donné qu'on se réfère à la CSST et à la Société de l'assurance automobile du Québec. La CSST, le budget de la CSST, j'ai essayé de le retrouver un peu partout, mais je ne l'ai pas retrouvé dans les documents du ministère. C'est à part, on va sur le site de la CSST et là on s'aperçoit que la CSST dépense environ 1 milliard de dollars en services de santé, hein, plus ou moins 1 milliard de dollars, si je me souviens bien, des pinottes. Puis il y a un certain transfert, je pense, la CSST, je crois, fait un certain transfert au ministère, ou quelque chose dans le genre, mais ça n'a rien à voir avec le milliard de dollars. En ce qui concerne... Donc, il y a 1 milliard de dollars qui est là, là, et qu'on ne retrouve pas ou on ne peut retrouver qu'une petite partie, qui se trouve à être le transfert de CSST. Mais je ne suis pas sûr que la CSST le fait, ma mémoire est vraiment terrible.

Mais une chose qui est certaine, la SAAQ, c'est-à-dire la Société de l'assurance automobile du Québec, c'est alentour de 120... non, c'est alentour de 140 millions de dollars en services de santé, dont un transfert de 19 millions, à peu près, à Urgences-Santé, plus un transfert au gouvernement du Québec, je pense que c'est au ministère directement, d'environ 88 millions, je pense. Donc, il y a à peu près... Si je ne me trompe pas, là, c'est à peu près ça, hein? Donc, il y a à peu près 140 millions de la SAAQ qu'on ne voit pas mais qui est une dépense de l'État en santé et qui devrait être légitimement dans le document puis... qui devrait être légitimement dans les dépenses de santé, puisque Garantir l'accès dit: Voilà, c'est un programme disponible à l'ensemble des Québécois admissibles, n'est-ce pas?

Et il y en a d'autres comme ça. Et il y a, par exemple, pour... Les établissements de santé génèrent à peu près, si je me souviens bien, 1,7 milliard de revenus autonomes. Or, les établissements de santé sont hors du périmètre comptable, ce n'est pas compris, hein? Donc, il y a 1,7 milliard de dollars qui, en tout cas je ne crois pas, ne sont pas dans le fonds, hein, dans les opérations budgétaires du fonds consolidé du Québec. Alors, il y a donc une série de choses qui se passent dans le système... Pardon?

M. Couillard: Je veux juste... C'est parce que les revenus autonomes des établissements sont soustraits de leur... sont pris en compte dans l'établissement des budgets.

M. Béland (François): Oui, exactement, c'est ça, mais d'autre part ils ne sont pas dans le fonds consolidé.

M. Couillard: C'est-à-dire qu'ils sont dans le fonds consolidé à cause du résultat de la soustraction. S'il n'y avait pas les revenus autonomes, leurs budgets seraient...

M. Béland (François): Oui, mais quand vous prenez les dépenses de programmes du fonds consolidé, ils sont exclus, ils ne sont pas dans les dépenses de programmes du fonds consolidé.

M. Couillard: Vous voyez l'illustration du compte santé dans le document de consultation, les revenus autonomes des établissements sont... ce qui explique la différence entre les dépenses réelles et les dépenses budgétées.

M. Béland (François): C'est ça, mais, quand, par exemple, vous faites votre 43 %, qui est le 43 % qui est votre budget du ministère de la Santé et des Services sociaux, le 1,7 milliard n'est pas là.

M. Couillard: Il serait dedans si on ne le soustrayait pas, c'est-à-dire qu'il est quelque part... il est là.

M. Béland (François): Bien, on ne le retrouve plus, parce que, quand on regarde... Par exemple, quand on regarde ici ce qui se passe... Bon, ça ici, ce sont les administrations. Alors, ici ce sont les différents chiffres de l'administration, et, quand on regarde l'évolution, par exemple, des dépenses de programmes, bon, quand on regarde les dépenses de programmes du fonds consolidé, qui est la ligne en rouge, n'est-ce pas, on s'aperçoit qu'il y a une certaine évolution ici qui le met à environ, le budget du Québec, enfin les dépenses de programmes du Québec, à environ 46 milliards, en 2005, à peu près. Quand on regarde les dépenses de programmes de l'ICIS, et c'est là que vient le fameux 32 %, les dépenses de programmes de l'ICIS vont chercher en fait les dépenses de l'administration générale, ce que le système général... ce que le système de gestion financière de Statistique Canada appelle le système de gestion financière, qui est là pour comparer les différentes provinces et qui va chercher les différentes pièces.

Maintenant, il y a un autre élément du système de gestion financière de Statistique Canada qui s'appelle l'administration provinciale, et là qui est en vert, vous voyez, et les dépenses du Québec, en fait les dépenses de programmes du Québec selon le système de gestion financière, section administration provinciale qui, elle, va chercher les dépenses des établissements, des établissements scolaires et des établissements de santé, en plus des dépenses pour les fonds de retraite non provisionnés, mais les dépenses du Québec, en 2005: environ 67 milliards. Alors, ça, tout ça fait que... Et là, effectivement, on a calculé, on a mis, à ce moment-là, l'ensemble des dépenses, l'ensemble des dépenses du gouvernement du Québec. Et c'est précisément parce que la base de calcul des dépenses de programmes est différente qu'on obtient le 32 %. Le 32 % de l'ICIS, il est obtenu sur la ligne bleue.

M. Charbonneau: Mais si je voulais simplifier, là, puis si j'étais journaliste, puis je vous écoutais ? mais je l'ai déjà été dans une autre vie, là ? puis j'avais à écrire un article demain, là, finalement, là, est-ce que dans le fonds, si on enlève les services sociaux...

M. Béland (François): 38 %.

M. Charbonneau: 38 %. Donc, ce n'est pas 32 %, ce n'est pas 43 %, c'est 38 %.

M. Béland (François): Si on enlève les services sociaux et qu'on prend l'ICIS, les données de l'ICIS et qu'on divise les données de l'ICIS par les dépenses de programmes du fonds consolidé du Québec, c'est 38 %. Si on prend les dépenses de santé de l'ICIS et qu'on divise par l'estimation de l'administration générale du système de gestion financière de Statistique Canada, on obtient 32 %. C'est là que vient le 32 %. Et l'ICIS, ce qu'elle publie, c'est 32 %, dans son tableau B.4.4, c'est effectivement les dépenses, ses dépenses de santé telles qu'estimées sur les dépenses de santé de l'administration générale.

M. Charbonneau: Et, si on compare le Québec aux autres pays occidentaux, aux autres sociétés occidentales, on est-u si épouvantables que ça?

M. Béland (François): Bien non, si on regarde l'Ontario... D'ailleurs, l'Ontario vient d'entreprendre une réforme intéressante, en 2006, cette année, de ses budgets. Si le Québec faisait la même chose, on se rapprocherait beaucoup plus de la ligne verte, hein, c'est-à-dire du 67 milliards de dollars, que du 47 milliards. On ajouterait presque 20 milliards de dollars, pas tout à fait, parce que ça dépend, il y a les organismes non budgétaires là-dedans puis de la façon dont c'est ajusté, etc., là. Alors, si on prend l'Ontario, par exemple, alors l'Ontario on a vu que, basée sur l'administration générale, tantôt, la proportion du budget ontarien, la proportion des dépenses de programmes de l'Ontario, des dépenses de santé, c'est 45, à peu près, mais c'est dû...

Il y a toutes sortes de choses qui se passent en Ontario. Premièrement, les dépenses de santé du gouvernement sur le PIB ontarien sont exactement les mêmes qu'au Québec, alentour de 6,1 %. Deuxièmement, les dépenses de programmes du gouvernement ontarien sont alentour de 14 % du PIB, et, au Québec, c'est de 21 %. Puis, troisièmement, les mesures à risque ont diminué les impôts, en 2005, d'environ un montant de 17 milliards de dollars. Au Québec, les mesures Landry ont réduit les dépenses... on a réduit l'impôt d'à peu près 5 milliards de dollars, cette année. Alors, il y a toutes sortes de... C'est difficile de faire des comparaisons terme à terme, entre province à province, et surtout quand on parle des dépenses de santé sur les dépenses de programmes, dans la mesure où les modes de financement, l'importance des dépenses gouvernementales sur l'ensemble de l'économie de la province, etc., tout ça, c'est extrêmement différent, ça varie d'une façon absolument incroyable.

M. Charbonneau: O.K. Quelques autres questions. Vous avez dit, dans votre mémoire, que vous n'étiez pas pour l'option d'une caisse vieillesse ou d'un régime d'assurance collective pour perte d'autonomie. Vous n'avez pas eu l'occasion tantôt de l'expliquer en commission. Pourquoi?

M. Béland (François): Bon. Pour commencer, j'ai dit qu'une caisse... j'ai dit qu'il fallait faire la différence entre une assurance dépendance et son mode de financement. L'assurance dépendance, je pense qu'elle est extrêmement importante, il faudrait en avoir une. À savoir de quelle façon est-ce qu'on doit la financer, c'est une autre question.

Il y a de plus en plus de pays occidentaux qui le font. L'Espagne vient d'adopter, il y a à peu près un mois, en l'appelant son quatrième pilier, la sécurité sociale, un système d'assurance dépendance, qui n'est pas seulement lié à l'âge d'ailleurs mais qui va aussi pour les handicapés. Alors, une chose, et donc un régime d'assurance dépendance, et d'autre part la façon de le financer. Je pense que... Et, contrairement à plusieurs choses que l'on a entendues, je crois que la dépendance est intimement liée à la maladie, qu'une approche véritablement gériatrique et gérontologique exige que l'on considère l'ensemble du portrait de la personne âgée, et la personne âgée qui rentre à l'hôpital après une chute, doit avoir une procédure chirurgicale quelconque, habituellement, elle rentre d'une certain façon et elle ne sortira pas de la même façon. Sa dépendance va s'être accrue.

n (16 heures) n

C'est très difficile de séparer de fait la dépendance de la maladie, que ce soit la maladie chronique, que ce soit à la suite d'accident. C'est très difficile de séparer l'apparition de la fragilité, de quelque façon qu'on la définisse, avec ses conséquences, que ce soient ses conséquences médicales, ses conséquences sociales. Si on sépare le financement des services de dépendance du financement des services médicaux et hospitaliers, je crois qu'on se trompe et je crois qu'à ce moment-là on va rendre extrêmement difficile l'intégration dont on a parlé tantôt, c'est-à-dire qu'on va vouloir avoir des services qui sont intégrés sur le terrain, tandis que le financement, lui, va être désintégré et en silos.

M. Charbonneau: Est-ce que je vous comprends en disant qu'à ce moment-là mieux vaut avoir ce qu'on appelle une caisse santé plutôt qu'une caisse vieillesse et que la façon de la financer, ce serait plus par la fiscalité générale que par une caisse capitalisée?

M. Béland (François): Bon. Si on parle de caisse générale, caisse santé, on ne parle pas de fiscalité générale, on va parler de contribution. Là-dessus, ma position n'est pas nécessairement très, très arrêtée, mais l'idée de caisse santé me pose certains problèmes. Bon, évidemment, pour l'État, c'est absolument merveilleux. Si la caisse santé est l'équivalent d'un Hydro, à ce moment-là on élimine du déficit et des dépenses budgétaires, n'est-ce pas, un gros morceau. Tout dépend évidemment de son statut et de la façon dont ça va être organisé, etc.

D'autre part, si on s'imagine que de cette façon le ministre, en Chambre, va être délivré de répondre à certaines questions, il faut se rappeler qui a été, n'est-ce pas, responsable, en Chambre, de l'ouverture d'une porte à Manic. C'est le premier ministre qui a répondu à la question, si je ne me trompe pas, n'est-ce pas?

M. Couillard: Quelle porte, excusez?

M. Béland (François): C'est le premier ministre qui a répondu à la question quand un journaliste a réussi à rentrer dans un barrage. Oui. Bon. Alors, ça va être la même chose.

M. Charbonneau: ...ça, c'est clair que...

M. Béland (François): Alors, autrement dit, la...

M. Charbonneau: On ne se fait aucune illusion sur le fait que...

M. Béland (François): On ne se fait... Il faut...

M. Charbonneau: ...c'est toujours le politique qui va prendre le coup, hein?

M. Béland (François): Exactement. C'est toujours le politique. Alors, c'est... Alors, quel est l'avantage?

D'autre part, un des désavantages majeurs d'une caisse, surtout si elle est financée à l'extérieur de la fiscalité générale et si elle a son propre fonds de financement, c'est que c'est presque une garantie que toute augmentation des coûts va être passée automatiquement aux usagers sans un véritable contrôle. C'est qu'il suffit, à ce moment-là... Si jamais il y a un problème, les administrateurs... C'est un peu comme les tarifs d'électricité. Bon, on pourra toujours avoir une commission parlementaire, etc., mais la responsabilité, n'est-ce pas, du financement n'est plus politique, à ce moment-là. Elle est plus administrative, et je suis loin d'être sûr que c'est ce que l'on veut. Est-ce qu'un arrangement pour l'électricité, comme par exemple Hydro-Québec pour le paiement de l'électricité, est-ce que c'est ce genre de chose, avec ce type de responsabilité de l'Hydro-Québec vis-à-vis le monde politique, est-ce que c'est ce genre de responsabilité que l'on veut de l'Assemblée nationale vis-à-vis les engagements de l'État pour les services de santé? Ça, je suis loin d'être sûr. Et personnellement j'ai quelques problèmes avec cet arrangement-là, entre autres pour cette raison, n'est-ce pas, de responsabilité.

M. Charbonneau: Il nous reste peut-être un peu de temps encore, alors je voudrais profiter du fait que vous êtes l'auteur de l'avis du Conseil de la santé et du bien-être sur le financement privé dans les soins de santé. On nous a parlé des tickets modérateurs puis des bienfaits ? encore aujourd'hui ? de l'assurance privée. Vous aviez des opinions puisque vous avez fait des recherches puis que vous avez participé, sinon été l'auteur principal de l'avis du conseil. En quelques instants, là, comment répondre à ces deux thèses-là ou à ces deux propositions-là?

M. Béland (François): D'accord. Bon, une certaine correction, premièrement. Je suis l'auteur du rapport qui a servi à la rédaction de l'avis, d'accord?

M. Charbonneau: Ah bon.

M. Béland (François): Et j'étais membre, à ce moment-là, du conseil, donc j'ai participé de façon très proche à la préparation de l'avis.

Effectivement, habituellement, le ticket modérateur ne fait à peu près rien de ce que le ticket modérateur veut faire. Habituellement, un, bon, il peut toujours ramasser des fonds. Maintenant, il faut savoir si c'est la meilleure méthode pour ramasser des fonds. C'est à peu près tout ce qu'il peut faire, c'est-à-dire ramasser de l'argent. Maintenant, évidemment, il va avoir des conséquences. D'une part, si on l'appelle ticket modérateur, c'est que le ticket doit modérer quelque chose, n'est-ce pas? Or, ce que le ticket modérateur modère d'habitude, c'est l'utilisation pour laquelle la personne doit payer le ticket modérateur. Alors, ce qu'il va modérer ici, c'est donc l'utilisation des médecins. Comme les médecins sont encore en grande majorité payés à l'acte, ça veut dire qu'il y aura moins d'actes, donc que la rémunération des médecins va diminuer. C'est que toute dépense est, dans le système de santé, nécessairement un revenu, et lorsque, n'est-ce pas, 80 % des dépenses de santé vont en rémunération, c'est clair qu'à un moment donné ça va avoir une conséquence. Alors, autrement dit, si on veut instaurer un ticket modérateur, on demande aux médecins de baisser leurs revenus, si on veut que le ticket modérateur modère l'utilisation.

Or, on sait très bien que ça ne se produit pas. Il y a eu l'expérience de la Saskatchewan en 1963 qui l'a montré. Il y a eu un déplacement de l'utilisation. Par un ticket modérateur de 1,50 $ à l'époque, en 1963, les gens à revenus faibles ont diminué leur utilisation, tandis que les gens à revenus plus élevés ont augmenté leur utilisation, de telle sorte que l'utilisation générale était exactement la même. Alors, on l'a tout simplement déplacée. Et c'est à peu près ce que fait le ticket modérateur.

Maintenant, c'est bien sûr que, s'il y a un ticket modérateur, surtout à 25 $, ça veut dire essentiellement qu'il y aura des assurances pour le ticket modérateur, à moins qu'on fasse comme en Australie, qu'on interdise l'assurance du ticket modérateur. Alors, s'il y a une assurance du ticket modérateur, cela veut dire que ce sont les travailleurs qui sont les mieux syndiqués, qui travaillent dans les entreprises les meilleures, les entreprises publiques... Probablement que tous ces gens-là vont avoir une assurance contre le ticket modérateur. Comme ils vont être payés probablement... bon, il va y avoir, je ne sais pas, un remboursement d'environ 80 %, etc., le ticket modérateur va représenter, je ne sais pas, moi, peut-être 5 $ la visite pour ces gens-là. Et ceux qui n'auront pas accès à une assurance pour le ticket modérateur seront ceux qui ont les emplois les moins bien protégés et souvent... et aussi les moins bien payés.

Donc, le ticket modérateur, finalement on sait très bien ce que ça va faire. Ça ne modère pas grand-chose, et habituellement ce que ça fait, ça déplace l'utilisation des soins des gens les plus pauvres aux gens les plus riches. En fait, ce n'est rien de moins que, comme vous l'avez dit une fois, une taxe. Ce que ça fait essentiellement, c'est transférer des fonds des malades aux bien-portants et des riches vers les pauvres, lorsqu'on sait quelle est la relation entre le revenu et la santé.

M. Charbonneau: J'aurais aimé vous entendre sur les assurances privées, mais le président... Est-ce qu'on peut...

Le Président (M. Copeman): Il reste 30 secondes, si vous êtes capable de nous répondre en dedans d'à peu près ça, professeur.

M. Béland (François): Bon, les assurances privées... Bon, ça prendrait un cours sur les assurances privées.

M. Charbonneau: Oui, je sais.

M. Béland (François): C'est ça, oui.

Le Président (M. Copeman): Mais on n'a pas le temps pour un cours.

M. Béland (François): Non, je le sais qu'on n'a pas le temps pour un cours. Alors, bravo, n'est-ce pas?

Bien, les assurances privées, ça ne fera pas grand-chose. En fait, les assurances privées, ça va être encore les syndiqués qui vont les avoir. Je suis désolé, là, mais c'est certain... Et surtout, bon, les trois opérations chirurgicales pour lesquelles on veut couvrir... Bon, je suis professeur à l'Université de Montréal. Dans mon fonds, hein, ce que ça va coûter probablement, surtout quand on regarde l'âge et la distribution d'âge sur ces trois opérations chirurgicales là, ce qui va se passer, c'est que ça va me coûter, comme cotisation, probablement l'équivalent d'un cadeau dans une boîte de Cracker Jack, hein? Ça va peut-être coûter 3 $ par année, m'assurer pour ça. Alors, à peu près tous les assureurs...

Écoutez, regardez les distributions. Regardez les distributions. Les cataractes, ce n'est pas les gens qui travaillent qui ont ça. Les opérations de la hanche, ce n'est pas les travailleurs qui ont ça, c'est les personnes âgées. Il y a à peu près uniquement l'opération du genou où, là, il y a un certain nombre de personnes d'âge moyen qui l'ont. Mais ce sont surtout les jeunes qui l'ont puis en bas de 24 ans. Regardez la distribution puis regardez comment effectivement il va y avoir... Quelle est la probabilité que des gens qui travaillent ont effectivement ces besoins pour des opérations chirurgicales comme celles-là? Minime, minime. Alors, ça ne coûtera à peu près rien.

Donc, à peu près tous les assureurs-employeurs vont effectivement couvrir ces frais-là, tandis que ceux qui n'ont pas ce genre de protection là n'auront pas d'assurance parce que les assureurs ne seront pas intéressés à offrir des assurances individuelles pour ces trois opérations-là.

Le Président (M. Copeman): Merci, Pr Béland, pour votre participation à cette commission parlementaire.

Et j'invite immédiatement les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

 

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à la commission. M. le président Massé, bonjour.

M. Massé (Henri): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Vous n'êtes manifestement pas à votre première expérience en commission parlementaire, vous savez comment ça marche. Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il vous en restera trois pour mieux vous aider à atterrir dans le temps. Et par la suite il y aura un échange d'une durée maximum de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation, par la suite.

Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): À ma droite, c'est Serge Cadieux, qui est directeur du Syndicat des employés professionnels et de bureau et vice-président de la FTQ; à mon extrême gauche, Raymond Forget, du Syndicat des employés de service, qui est principalement dans le secteur hospitalier au Québec; et, à ma droite, Monique Audet, qui est responsable... qui est au service de l'information, qui est dans le dossier des affaires sociales, la santé.

Je voudrais d'abord vous remercier de l'invitation. On sait que c'est sur la fin du processus, ça fait que je ne sais pas si vous allez avoir le courage de nous écouter. Je vous voyais tantôt jaser un peu, mais en tout cas on va essayer de vous faire ça assez vite.

Pour la FTQ, la réponse au jugement Chaoulli, on vous le dit d'entrée de jeu puis bien carrément, nous, ça aurait été le nonobstant ou la clause de dérogation, et pas pour autant assis sur le statu quo. Il faut rappeler que, quand l'affaire a été portée en cour, la longueur des listes d'attente, là, dépassait l'imagination. Ça fait qu'il y avait déjà un mouvement qui était fait, et on pense que, si on avait accéléré le mouvement, il n'y aurait plus de cause, aujourd'hui, pour un cas semblable à Chaoulli. Et il me semble que ce n'est pas gênant, dans ce temps-là, de le dire quand les choses ont bougé. Puis on comprend ça, là, le jugement Chaoulli. On l'avait critiqué, nous autres, au départ, mais, quand on a pris le temps de le lire comme il faut, là, il y avait quelque chose, là, dans les longueurs des délais d'attente, puis tout ça. Mais on pense que, les choses travaillées comme elles étaient travaillées, on aurait pu passer outre.

Nous, dans notre mémoire, ce qui nous fait bien peur, puis on vous le dit tout de suite, tout de suite, tout de suite, là, aussitôt qu'on ouvre la porte à l'assurance privée, même si on dit que c'est bien encadré, là... Quand vous avez sorti ça sur la place publique, dans les premiers temps, on a fait: Ouf! Mais en même temps on est convaincus que les pressions vont être énormes, d'abord des compagnies d'assurance. Moi, j'ai déjà vu un document d'une compagnie d'assurance, là. Placé tel que c'est là, ce n'est pas intéressant, mais ils sont intéressés, par exemple. Ça fait qu'ils vont certainement faire de la pression. La pression des entreprises privées, des multinationales qui sont là-dedans. Pression de certains médecins aussi. Je pense que la majorité des médecins au Québec croient à un système public, mais il y en a qui aimeraient ça aller faire un peu plus, un peu plus d'argent. Surtout par les temps qui courent, là, ils ont l'air à être serrés dans la rémunération. Ça fait qu'il va y avoir de la pression, là aussi, et on ne pense pas que ce soit... Même l'assurance privée bien encadrée, on trouve que c'est très dangereux. Ça fait qu'on est donc contre la levée de l'interdiction de l'assurance privée puis on questionne la pertinence de certaines solutions avancées dans le document de consultation.

La première chose qu'on veut vous soulever, là, c'est que, les listes d'attente et les délais, pourquoi se limiter aux spécialistes? Et, une fois rendus là, bien on dit que les problèmes de santé sont parfois fort aggravés parce qu'au départ on n'a pas eu accès, dans des délais acceptables, à un omnipraticien ou à un médecin de famille. Et des efforts immenses doivent être mis pour résoudre le problème d'accès, pas juste aux spécialistes mais aux autres aussi.

Quant aux cliniques spécialisées affiliées, avant de parler de nouvelles patentes, on aimerait que vous regardiez l'ensemble des possibilités qui se présentent dans le réseau des établissements publics actuels. Puis on a beaucoup de questions. D'abord, là, peut-être que je caricature un peu, mais, nous, on a l'impression que les salles d'opération fonctionnent à peu près à moitié au Québec. Et comment expliquer, par exemple, qu'un orthopédiste, pour prendre un exemple bien précis, soit acculé à n'opérer qu'une journée par semaine et parfois moins? Comment expliquer que des salles d'opération ne soient pas ouvertes sept jours par semaine au moins huit, neuf heures par jour? Après consultation auprès de plusieurs spécialistes ? puis on s'est donné la peine de le faire puis dans toutes les régions du Québec ? on constate que les médecins opèrent à peine six heures par jour, en temps réel, là, et cela n'a aucun sens. Et on peut facilement comprendre que le médecin qui a étudié une dizaine d'années pour pouvoir exercer sa profession moins d'une journée par semaine, il soit tenté d'aller voir ailleurs.

Et, si vous dites que c'est parce qu'il y a un problème de ressources, de manque d'infirmières, d'anesthésistes, de préposés en salles d'opération, le problème reste entier même avec des cliniques spécialisées. C'est au problème du manque de ressources qu'il faut alors s'attaquer, mettre l'accent sur la formation, sur l'accroissement des admissions, sur les mesures d'attraction de la main-d'oeuvre, la levée de certains quotas, de certaines restrictions. Et les spécialistes qui vont partir pour les mégacliniques vont certainement empirer le problème. Ils ne viendront pas le réduire au niveau des ressources dans les...

Et l'autre question qu'on se pose puis bien honnêtement, à la FTQ: Pourquoi les hôpitaux vont se forcer le derrière pour améliorer le rendement au niveau des salles d'opération, au niveau de ces services-là? Quand il y a une soupape, on dit: Bien, tiens, les surplus, ça s'en ira à des cliniques privées. Ça fait que ces mégacliniques-là, là, nous, on ne pense pas que ça règle les autres problèmes d'accessibilité.

Puis, je reviens encore là-dessus, comment expliquer que près de 2 millions de Québécois n'ont toujours pas de médecin de famille? On continue d'imposer des quotas aux médecins généralistes. Puis avoir accès à un médecin de famille, c'est aussi ça, la prévention. C'est aussi, dans certains cas, la voie d'évitement d'une aggravation des problèmes de santé. Alors, et justement parce que plusieurs médecins ne peuvent pas travailler comme ils le voudraient, pourquoi ne pas mettre de l'avant une utilisation plus judicieuse des cabinets de médecin, des cliniques ambulatoires, des polycliniques, qui pourraient sans doute jouer en partie le rôle qu'on veut donner aux cliniques spécialisées, à savoir l'exécution de chirurgies mineures ne nécessitant pas la présence d'anesthésistes? Plusieurs chirurgies qui n'ont pas besoin de l'attirail lourd des hôpitaux et qui ne mettent pas la vie en danger pourraient sans doute y être faites en plus grand nombre. On parle de kystes, de corps étrangers, d'abcès, de sutures de plaie, de vasectomies, d'opérations de tendon, biopsies, drainages, et j'en passe.

À moins que vous nous convainquiez du contraire, l'idée de créer de nouvelles cliniques spécialisées affiliées nous apparaît discutable. C'est vrai que le document de consultation n'est pas très clair là-dessus, mais ce qu'on voit poindre à l'horizon, ce sont des mégacliniques privées, avec des médecins participants, qui en font déjà saliver plusieurs, d'autant plus qu'on leur donnera des garanties de volumes d'interventions. Il y a quelque chose d'un peu contradictoire dans ce que vous proposez. D'un côté, vous dites: On veut améliorer les services de santé publics et, de l'autre, vous pouvez garantir un certain volume d'interventions aux cliniques spécialisées privées. Il nous semble qu'on devrait alors s'attendre à ce qu'il n'y ait pas trop d'efforts accomplis dans les établissements publics, à partir du moment où on sait que ces interventions pourraient être effectuées dans des cliniques affiliées. En plus, une telle garantie pourrait sans aucun doute exercer une certaine attraction auprès des médecins et du personnel des établissements publics, qui seraient alors tentés par la garantie de volume donnée aux cliniques spécialisées.

Zone grise, le document parle souvent de garder la plus grande étanchéité possible dans le financement entre le secteur public et le secteur privé, de la possibilité de maintenir les conditions actuelles qui régissent les médecins participants et non participants. Nous croyons que les conditions actuelles doivent être reconduites: exclusivité de la rémunération du médecin, impossibilité d'être à la fois participant et non participant, exercice du droit du ministre de plafonner le nombre de médecins autorisés à pratiquer dans le secteur privé à titre de médecins non participants ? ça, c'est l'article 30. Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais on a découvert ça, là ? plafonnement dans la tarification selon les barèmes de la RAMQ partout pour les services offerts par le régime public.

Puis finalement deux mots sur les enjeux du financement. Sur les chiffres, depuis quelque temps, dans les documents gouvernementaux, dans différents rapports, comme Ménard, dans le manifeste des lucides, dans plusieurs débats publics, on assiste à une guerre de chiffres à la fois sur l'état des finances publiques et sur les aspects démographiques, le vieillissement de la population, entre autres. On n'a pas l'intention de vous présenter notre point de vue là-dessus aujourd'hui, mais on pense sérieusement qu'il faut jeter toute la lumière sur la situation, et on recommande la tenue d'une commission parlementaire ou d'un débat public sur l'ensemble de ces questions.

n (16 h 20) n

Sur le financement, on n'a pas l'intention de jouer à l'autruche et on vous dit qu'on est conscients du problème de financement des services publics de santé. Et on serait d'accord, à la FTQ, pour mettre sur pied une caisse santé séparée du fonds consolidé de la province ? et, contrairement à celui qui nous a précédés, là, nous, là, ce n'est certainement pas pour que le ministre échappe à ses responsabilités parce qu'on aime toujours ça tapocher sur un ministre, à la FTQ. Ça fait que, si on propose ça, là, on veut que vous restiez là pareil, on a encore une job à faire ? un peu comme à la SAAQ, où les contributions seraient à la mesure des revenus des individus et des entreprises, sans plafond et sans échappatoire. Et, en attendant, on croit que les employeurs pourraient contribuer un peu plus au fonds de santé.

Quand on regarde les impôts au Québec, là, il y avait juste la taxe sur le capital où on était un petit peu plus élevés, puis c'est en train de tout se régler, y compris au Canada, là. Mais au niveau de la participation des employeurs au fonds santé, quand on compare ça aux assurances privées aux États-Unis, c'est le jour puis la nuit, là. Nous autres, on a des syndicats, là, qui sont nord-américains. On sait ce qui se paie ailleurs. Il y a une marge de manoeuvre, là. On ne peut pas ramener ça au même taux qu'aux États-Unis, mais on pourrait facilement augmenter la participation des entreprises, puis ensuite des particuliers, mais encore une fois dans une politique qui est progressive, où les moins nantis paient moins et ceux qui ont la chance de gagner plus paieront davantage.

Et, compte tenu des avantages d'un fonds santé, on pense qu'un des plus grands avantages, c'est d'avoir quelque chose qui est clair. C'est de l'argent qui est dédié à la santé. Et, moi, je pense que, la population au Québec, quand vous regardez dans les sondages, la santé est encore une des premières priorités. Je pense que le monde sont prêts à payer pour un bon régime de santé. Et, si on avait une caisse santé où c'est clair ? ça va à la santé, on sait comment c'est dépensé ? on a l'impression que ce serait accepté par la population, même si on est obligé de mettre la main un peu plus dans notre poche.

Au comité Ménard, M. le ministre, vous connaissez très bien... On s'était dissociés du comité Ménard pour des raisons très simples. C'est qu'à la dernière minute il a déposé une dizaine de recommandations qu'il n'a jamais discutées avec nous autres, et il a décidé que c'étaient des recommandations qui avaient été discutées au comité. Et, à la FTQ, on ne travaille pas de même. Quand on veut nous associer à des travaux, on va aller jusqu'au bout. On va avoir le courage de faire le travail puis de...

Mais on avait appuyé qu'il pouvait y avoir de l'argent d'Hydro-Québec qui aille aussi à la caisse santé, mais dans le cadre d'une vraie politique, d'une véritable politique énergétique encore une fois, là, où, les plus démunis, on s'en occupe, là, pour ne pas leur faire payer des tarifs supplémentaires, où on garde les tarifs très, très, très concurrentiels parce que notre électricité, ça aide à développer notre économie puis ce ne sera pas le temps d'aller tuer l'économie. Mais, quand on regarde, par exemple, l'augmentation des coûts du pétrole, ce n'est pas pour diminuer demain. Le coût du gaz, on pourrait avoir une marge de manoeuvre, en mettre un peu plus à la santé puis avoir encore des taux très compétitifs. Ça fait qu'on allait jusque-là, à la FTQ, pour alimenter une caisse santé.

Ça fait qu'en conclusion je voudrais vous dire qu'on partage votre profession de foi, la vôtre, M. le ministre, et celle du premier ministre, envers le système public de soins de santé et de services publics. Nous ne sommes pas des partisans du statu quo. Notre mémoire est assez volumineux, je n'en ai pas fait le tour, mais il vise à proposer des moyens concrets pour améliorer notre système de santé.

Mais il y a une chose qui est très claire, c'est que, nous, on pense que l'arrivée du privé en santé, même le plus circonscrit possible, ne voudra jamais dire que les gens seront moins malades, tout juste qu'ils risquent d'être moins soignés s'ils tombent malades. Et pour nous, à la FTQ, là, les mégacliniques privées, c'est du gaspillage tant qu'on n'aura pas utilisé le réseau public à sa pleine capacité. À l'heure actuelle, on trouve qu'il est sous-utilisé. Et, on vous le dit bien humblement, M. le ministre, on se serait attendus que le ministre dise: Ça va faire. On va faire en sorte que nos salles d'opération vont opérer. Encore une fois, on trouve que six heures... cinq heures et demie, six heures réelles par jour, ça n'a aucun sens. Par jour, pour un spécialiste, là. Souvent, il opère une journée par semaine, puis il va être limité à cinq heures, six heures réelles. On le voyait, ce matin, dans le journal La Presse, là: 9 000 opérations annulées [...] à Montréal. Bon nombre, là, c'est des affaires comme ça, manque de ressources parce qu'il y a des limites, puis tout ça, et je pense qu'il y a moyen de régler ça.

Ça fait qu'on pense qu'il y a une aberration à ouvrir des cliniques privées lorsque le système public est encore une fois abomineusement sous-utilisé. On a tout ce qu'il faut pour répondre à la demande de soins, mais on trouve qu'on les rationne encore à l'excès. C'est un peu comme une épicerie qui est pleine à craquer, puis il y a une file d'attente parce qu'on va l'ouvrir une journée par semaine. Et ça, ce n'est pas tout de la faute du gouvernement actuel. Il y a des décisions qui se sont prises dans le passé. Il y a toutes sortes de décisions que, nous, on trouve... qui auraient pu être prises autrement.

Quand on a imposé des quotas pour les médecins, les spécialistes de toutes sortes, c'est un peu comme si on avait trouvé que le bicycle était un peu trop pesant puis là il fallait l'alléger absolument pour aller plus vite. Puis, ce qu'on a fait, bien la première pièce qu'on a enlevée, qu'on trouvait trop pesante, c'est le pédalier. On ne va pas loin avec ça.

Et encore une fois on vous demande de regarder la sous-utilisation de nos institutions publiques de santé, avant de s'orienter encore une fois dans des cliniques privées où on va avoir des pressions de toutes sortes, là, pressions du monde qui veulent aller faire de l'argent là, des hôpitaux encore une fois qui ne mettront pas les moyens pour régler les problèmes chez eux, des cliniques privées qui, avant d'investir, vont certainement exiger des quotas, des montants fermes de... puis, chemin faisant, quand ce sera le temps de réinvestir, parce que Dieu sait comment ça change vite dans la santé...

À la FTQ, là, le Fonds de solidarité, on a investi beaucoup dans les sciences de la santé. C'est un domaine où c'est changement total, complet, où les investissements sont à refaire à tout bout de champ. Une même clinique peut-être exigera encore des surplus pour des opérations de toutes sortes pour être capable de refaire ces investissements-là. Je pense que... Encore une fois, qu'on utilise mieux les services publics.

Si on était assurés, là, qu'on a tout fait ça, tout fait ça puis comme il faut, puis là ça prendrait une espèce de mégaclinique pour venir régler ce qui reste, peut-être qu'on pourrait dire: C'est la solution ultime. Il reste ça à faire, puis on ne peut pas faire autrement. Mais on pense qu'on peut faire autrement.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Massé. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Massé et vos collègues également, pour la présentation. C'est toujours intéressant de vous entendre, et certainement que vous ne cachez pas vos opinions. C'est une de vos qualités d'ailleurs qu'on apprécie.

Écoutez, il y a quelques points que je voudrais discuter dans les minutes qui nous sont réservées. D'abord, on est d'accord avec vous que le principal problème d'accessibilité dans le système de santé, actuellement, c'est l'accès à l'omnipraticien. On l'a dit dès le début, lorsqu'on a publié le document, et là-dessus tout est en place, autant l'augmentation des places de faculté de médecine que les modes de pratique alternée. La négociation en cours avec les omnipraticiens également devrait nous permettre de faire des gains sur les services à la population.

Je vais quand même juste brièvement toucher un élément que vous avez mentionné. Par la suite, je voudrais terminer avec les cliniques affiliées, si on veut prendre plus de temps là-dessus. Lorsque vous dites, M. Massé, qu'on ouvre la porte au privé, c'était la même chose dans un article, ce matin, dans Le Devoir, que j'ai trouvé assez intrigant, par ailleurs. C'est comme si le privé n'existait pas. Les cliniques privées de médecins non participants, elles existent aujourd'hui même. Il y a peut-être même de vos membres, aujourd'hui, qui se font opérer, là, dans une de ces cliniques-là, et c'est légal. Ça existe hors système d'assurance maladie, un paiement direct. Le patient y va avec 12 000 $ puis il paie 12 000 $ pour avoir son opération. Ce n'est pas nouveau, on n'amène pas ça, là.

Alors, quand on dit qu'on introduit le privé, c'est faux. Tout ce qu'on dit, c'est, de façon très circonscrite, que, si on donne le droit, dans notre société, ce qui est le cas et ce envers quoi vous ne vous objectez pas ? parce que, dans votre mémoire, je ne vois pas que vous vous objectiez à l'existence de ces cliniques-là ? si on permet aux gens de payer 12 000 $ pour se faire opérer par le Dr Duval, pour ne pas mentionner son nom, à Montréal, c'est quoi, le problème de leur faire prendre une assurance pour ça, là?

Ou bien on est pour ou bien on est contre le privé puis la prestation privée selon le revenu des gens. Si on est contre, bien il faut dire que ces cliniques-là ne doivent pas exister. Ce n'est pas spécieux, comme disait quelqu'un ce matin dans le journal, c'est une logique qui m'apparaît assez fondamentale, là. On ne peut pas être à moitié pour ou à moitié contre. Si on est contre le fait que les gens qui ont de l'argent se fassent opérer avant, on ne peut pas laisser ces cliniques-là exister. Si on les laisse exister ? puis ça fait des années qu'elles existent, ce n'est pas nous autres qui les avons ouvertes ? à ce moment-là, le fait d'avoir théoriquement accès à une assurance ? qui ne sera d'ailleurs peut-être pas rendue disponible par le marché de l'assurance ? ne me semble pas être un problème, là, de cohérence. Au contraire, ce serait incohérent de ne pas le faire, non?

M. Massé (Henri): Mais à date ils n'ont pas le droit...

M. Couillard: C'est-à-dire qu'ils ont le droit...

M. Massé (Henri): ...de s'assurer.

M. Couillard: Ils n'ont pas le droit de s'assurer, mais ils peuvent aller, aujourd'hui, payer 12 000 $. C'est encore pire.

M. Massé (Henri): Oui, mais ils n'ont pas le droit de s'assurer.

M. Couillard: Oui, mais c'est quoi, la différence, sur le plan du concept?

M. Massé (Henri): Il y en a une grosse. Il y en a une grosse...

M. Couillard: Expliquez-nous ça.

M. Massé (Henri): ...et j'ai vu l'intervenant tantôt, là, la soulever un petit peu, là. D'abord, on sait qu'on manque de spécialistes de toutes sortes au Québec. J'ai lu un peu les minutes, là, des commissions parlementaires, et c'est votre réponse, à tout bout de champ, de dire: Bon, on a un manque de ressources. Quand on s'en va dans le privé puis on augmente dans le privé, là, c'est les mêmes ressources, là. Ça fait que c'est un vase communicant, ça. Ce qu'on va siphonner du côté du privé, il va venir de l'autre bord, là.

M. Couillard: Écoutez, on mélange tout, là. Là, je parle des médecins non participants. C'est un gros risque, sortir du régime d'assurance maladie, je peux vous le dire, là.

M. Massé (Henri): Oui, oui, mais il y en a 100 au Québec à l'heure actuelle, là.

M. Couillard: Bien, c'est ça, ce n'est pas beaucoup.

M. Massé (Henri): Oui, mais, si on embarque dans la business de l'assurance, moi, je pense qu'on peut en avoir pas mal plus. Et, l'intervenant de tantôt le disait, là, là il y a les riches qui vont commencer à aller s'assurer.

M. Couillard: Mais ils vont déjà se faire opérer, les riches.

n (16 h 30) n

M. Massé (Henri): Non, non, mais il y a les riches qui vont commencer à s'assurer. Après ça, vous allez avoir les cadres supérieurs des entreprises qui vont aller s'assurer. Puis, après ça, vous nous regarderez dans nos conventions collectives. Ça va être un fait. Ça va être un fait. S'il y a une médecine à deux vitesses... Et, à l'heure actuelle, à chaque fois qu'il y a un trou ? puis il y en a, du privé, dans la médecine au Québec, ce n'est pas tout public ? mais les assurances, on se dépêche à combler. Ça fait que, moi, je pense que c'est la pire des solutions. Vous allez arriver avec un marché de l'assurance, puis il y en a d'autres qui vont vouloir aller s'assurer. Puis je suis convaincu, moi, qu'il y a du monde chez nous, malgré le principe, là, qui vont dire: Aïe! si on est capable d'aller plus vite parce qu'on a un régime public qui est trop long puis un régime privé qui est pas mal plus vite, il va y avoir des pressions énormes.

Je ne sais pas, le président du Conseil du patronat, à l'heure actuelle, s'il comprend ça, mais je sais que l'ancien, M. Taillon, comprenait ça. Vous ne l'avez jamais vu réclamer... Il était contre l'introduction de permettre l'assurance privée dans la médecine. Et c'était bien simple, là, il voyait les coûts qui venaient au niveau des entreprises.

M. Couillard: Je veux dire, ça, il y a bien des données qui le démontrent également, mais, je reviens encore là-dessus, là, on n'introduit pas deux vitesses, là. C'est déjà légal de se faire opérer par des médecins non participants, c'est déjà légal d'être assuré pour aller se faire opérer hors Québec. Là, les très riches, ils le font en masse, hein? On n'ajoute rien, là, il n'y en aura probablement pas, de marché d'assurance, de toute façon. On répond à une question de droit qui a été soulevée par la Cour suprême. De quel droit le gouvernement empêche-t-il les gens de posséder une assurance? Puis, si vous lisez le jugement correctement ? puis je vois que vous l'avez lu correctement ? le tribunal, dans son opinion majoritaire, dit qu'on peut arriver à des niveaux d'accessibilité améliorés sans avoir cette interdiction-là.

Alors, le choix aurait pu être de la lever complètement. Il y a des endroits, ailleurs dans le monde puis au Canada, où il n'y a aucune interdiction, quelle qu'elle soit, pour l'assurance privée. On l'a restreint, là, en peau de chagrin, et non seulement on l'a restreint, on a également mentionné, dans la commission parlementaire, qu'il n'y aura pas ? parce que je lisais ça dans votre texte, là; il n'y aura pas ? d'augmentation automatique parce que la garantie de service va s'étendre à l'assurance privée. Ce n'est pas... Il n'y a pas d'automatisme entre les deux.

Et ce qu'on a mentionné également ici, c'est que ce serait par voie législative et non pas réglementaire qu'éventuellement on pourrait ajouter des procédures à l'assurance.

Alors, je pense que, là, il ne faut non plus gonfler la question hors de proportion, là. Et vous dites que vous recommandez la clause dérogatoire. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est banaliser un peu une question, là, quand même qui touche les libertés fondamentales des gens, là, de tout de suite avoir recours à la clause dérogatoire dans un problème semblable?

M. Cadieux (Serge): Bon, écoutez, si vous me permettez, sur la question de... le jugement de la Cour suprême, bon, on doit dire qu'actuellement, légalement, la loi, elle interdit d'avoir une assurance privée. Il y a des médecins engagés, il y a des médecins non engagés. Donc, historiquement, on l'a fait, ce débat-là, et on a choisi que ça pouvait être dangereux. Si on permettait à des gens de s'assurer, ça pouvait permettre un certain système à deux vitesses, avec la pratique.

Bon, maintenant, la seule et unique raison pour laquelle la Cour suprême a déclaré que c'était... que ça allait à l'encontre de la charte, c'est à cause des délais des listes d'attente. Aujourd'hui, au moment où on se parle, ces délais-là, les délais qui existaient au moment de la décision n'existent plus. Donc, aujourd'hui, probablement, si la Cour suprême avait à se pencher, elle ne lèverait pas l'interdiction.

Et pourquoi utiliser la clause «nonobstant»? Parce que c'est un outil extraordinaire qui est mis à la disposition de l'Assemblée nationale, pas pour rester sur le statu quo, mais pour prendre le temps de reculer, d'examiner ce qui doit être fait pour améliorer les correctifs nécessaires. Ce à quoi M. Bourassa avait répondu, en 1980... je ne me souviens plus... sur la langue d'affichage... Il n'a pas maintenu le statu quo, il s'est reculé et il a examiné qu'est-ce qu'il devait faire. C'est un outil qui est mis à la disposition de l'Assemblée nationale pour se donner le temps, non pas d'appuyer sur un bouton de panique, de... Parce que, si on répondait ponctuellement à la décision de la Cour suprême, on lèverait l'interdiction de s'assurer au privé. Mais on se rend bien compte que ce n'est pas ça qui va améliorer notre système de santé, c'est d'autres gestes qui doivent être posés qui ont commencé à être posés. Alors donc, je pense que c'est pour ça qu'il est important de prendre le temps, de continuer à faire le travail, mais en utilisant la clause dérogatoire, pour ne pas être en infraction de la décision de la Cour suprême.

Le Président (M. Copeman): M. Forget.

M. Forget (Raymond): Oui. Et, si on regarde les habitudes de consultation des citoyens du Québec, M. le ministre... Regardons, il y a peut-être une quinzaine d'années, les médecines douces. On ne retrouvait pas des couvertures d'assurance à l'intérieur de nos conventions collectives... ou il y avait peu d'assurances qui offraient ce genre de couverture. Maintenant, aujourd'hui, 15 ans plus tard environ, c'est assez rare que les employeurs ne couvriront pas, dans les conventions collectives, ou les assureurs ne couvriront pas les médecines douces. Alors, il y a eu une augmentation de consommation sur les médecines douces parce qu'il y a plusieurs possibilités de compagnies d'assurance qui offrent maintenant cette couverture-là. Alors, on peut croire que, s'il y a des compagnies d'assurances qui offrent aux Québécois ce genre de couverture, bien il va y avoir une utilisation beaucoup plus élevée que nous en avons là.

M. Couillard: Bien, c'est parce que les gens n'ont pas conscience des coûts que ça va représenter. C'est des coûts énormes, ces assurances-là. D'ailleurs, ce n'est pas une mauvaise affaire parce que les gens vont prendre conscience des coûts réels de la santé, qui sont souvent dissimulés sous l'illusion de la gratuité. Vous le savez très bien, le système de santé n'est pas gratuit au Québec, il coûte très cher, et souvent, lorsque les gens vont voir ça vaut quoi, là, une assurance pour des procédures semblables, puis c'est une petite partie seulement du paysage chirurgical, il y a une prise de conscience certaine qui va s'opérer.

Moi, je vous dis, là, M. Massé, je vous écoutais tantôt, puis vous dites: Bon, nous, on n'est pas pour le statu quo puis on veut que les choses changent. Puis, d'un côté, vous voulez qu'on fasse la clause dérogatoire, puis de l'autre côté, les cliniques affiliées, il ne s'agit pas de quelque chose révolutionnaire, c'est du financement public égal pour tout le monde sans contribution pour les patients, pour des chirurgies bien, bien qualifiées, des chirurgies ambulatoires. Ce n'est pas «rocket science», là. Je veux dire, on n'est pas dans la révolution sociale, là. Je ne comprends pas que vous disiez en même temps que vous ne voulez pas le statu quo puis que, pour des modifications qui sont loin d'être révolutionnaires, là, que vous vous objectiez de cette façon-là. Il me semble qu'il y a moyen d'éviter, moi, ce que j'appelle la fossilisation un peu du système, là. C'est: on va faire comme si le jugement de la Cour suprême n'était pas arrivé. On va faire comme s'il ne fallait pas regarder ce que Clair et compagnie ont dit depuis des années, puis d'autres également pas juste lui, même le Parti québécois, dans son document de fin 2002, puis on va laisser les affaires comme elles sont là, en finançant plus, puis en continuant de faire plus de la même affaire. Je reçois ça comme une contradiction entre ce que vous me dites, que vous ne voulez pas le statu quo, puis ce à quoi vous vous objectez, finalement qui est de garder le système comme il est là.

M. Massé (Henri): Pour moi, vous avez mal lu notre mémoire, puis, deuxièmement, j'ai dû mal m'exprimer.

M. Couillard: Bien, recommençons.

M. Massé (Henri): On va recommencer. Nous, on dit: On aurait préféré la clause «nonobstant». Bon, on voit bien que ce n'est pas l'enlignement du gouvernement, là. On dit on aurait préféré ça. Ça, ça aurait fermé, là, sur la question de l'assurance privée. On parle d'assurance, là, assurance privée, fermer ce bout-là. Je vous le dis, si vous l'ouvrez, à long terme, moi, je pense qu'on va le regretter.

Maintenant, sur la question des mégacliniques, on n'a pas fermé la porte...

M. Couillard: Pourquoi vous dites toujours «mégacliniques», là? Pourquoi...

M. Massé (Henri): Comment vous les appelez, vous? Les cliniques?

M. Couillard: Bien. C'est des cliniques. Méga, c'est comme une affaire monstrueuse, là.

M. Massé (Henri): Bon, des petites cliniques d'abord, des petites cliniques avec des gros médecins.

Le reproche qu'on fait puis qu'on vous fait, c'est qu'on dit ça, là, puis on l'a ouvert, la porte, sur... On a dit: Bon, il faudrait la cerner, cerner encore ça un petit peu plus serré que vous le faites, là, vous, là. On va jusque-là, là, dans notre mémoire, on dit ça, là. Mais on dit: Avant d'arriver là, c'est-u possible qu'on fasse opérer nos salles d'opération? C'est une aberration, ça. C'est une aberration. Moi, il n'y a personne qui va nous faire comprendre ça, qu'une salle d'opération va fonctionner six heures par jour, qu'un médecin va arrêter à 2 heures de l'après-midi parce que, s'il continue, il va finir à 4 h 30 puis ça dépasse le 4 heures, puis il y a du temps supplémentaire. Ça va venir dégrever... grever le budget de l'hôpital, donc il n'y a pas de permission. Ça, on a vu plusieurs spécialistes qui ont dit... Nous autres, on avait parti, la FTQ, avec l'idée d'opérer sept jours par semaine, 24 heures par jour. Et là on a rencontré bien du monde. Ils ont dit: Bien, vous êtes fous, là. D'abord, là, c'est vrai qu'on n'a pas les ressources, là, puis c'est impossible de faire ça. Mais la plupart nous ont dit: Si on était capables d'opérer en temps réel, huit, neuf heures par jour, surtout quand on a juste une journée pour le faire, là, le spécialiste, on passerait deux puis trois patients de plus, des fois. Juste ça, là, ce serait déjà énorme.

Et là c'est là qu'on dit, nous autres: Il faudrait peut-être s'équiper puis les faire fonctionner, nos salles d'opération. Moi, j'en ai vu, des affaires aberrantes, là. Tu sais, j'ai vu, à un moment donné, à la CSST, puis on a appris ça par après, là, la CSST, quand elle... pour faire passer son monde plus vite, payait des infirmières puis du monde pour opérer de nuit, puis payait le temps et demi puis le temps double, puis là, pour faire fonctionner le... Tu sais, on est rendus là, là. Et on dit, nous autres, si on était capables de faire fonctionner nos...

Bon, là, on dit: On manque de ressources. On va les envoyer dans les cliniques privées, les petites cliniques privées dont vous parlez, là. Ils ne seront plus dans le public, puis, deuxièmement, quand on regarde ça, par exemple, les anesthésistes sont 12 ou 13 semaines en moyenne arrêtés au Québec parce qu'ils ont atteint leur quota. Là, on dit: Il manque d'anesthésistes, tu sais. En tout cas.

M. Couillard: M. Massé, il faut que je vous arrête tout de suite, il n'y a aucun plafonnement de rémunération pour les spécialistes. Je vais vous expliquer, là, les salles d'opération parce que, moi aussi, j'ai une vision assez concrète de ça, là, puis je l'ai dit en Chambre tantôt, avant 2003, j'opérais, moi, puis j'ai fait 11 ans de formation pour devenir neurochirurgien, là, puis j'opérais 0,8 journée par semaine. J'avais calculé ça, à un moment donné. C'est une des raisons pour laquelle je...

M. Massé (Henri): C'est pour ça que vous vous êtes lancé en politique.

M. Couillard: Oui. Parce que je me dis: Je vais arrêter de chialer, là, puis je vais aller essayer de faire quelque chose pour le système de santé. C'est effectivement pour ça que j'ai fait ça. Pas parce que je n'avais pas autre chose à faire, M. Massé, je vous l'assure. Mon comptable se demande encore qu'est-ce qui m'a pris, d'ailleurs.

n (16 h 40) n

Mais je vais vous dire, là, les cliniques affiliées, il n'y a pas de magie là-dedans. D'abord, on a très bien entendu la question des anesthésistes. C'est pour ça que le gros des... Regardez les chiffres d'aujourd'hui dans La Presse, toutes les chirurgies, les listes d'attente sont en baisse, les grosses chirurgies, chirurgies cardiaques, les hanches, les genoux, cataractes. Celles qui restent de même, qui ne montent pas, c'est la chirurgie d'un jour, dont la plus grande partie se fait sur une base ambulatoire, puis de plus en plus c'est en anesthésie locale, sans anesthésie générale.

Alors, il me semble que ce n'est pas révolutionnaire de prendre un volume de ces chirurgies-là, continuer à opérer autant puis plus dans les hôpitaux ? je vous rejoins là-dessus, là ? puis de transférer ça sous financement public sans aucune contribution du patient. Ça ne m'apparaît pas, là, dangereux pour la société de faire ça. Puis, dans la réalité, moi qui ai géré les blocs opératoires, là, la raison la plus souvent qu'on arrêtait d'opérer... moi aussi, ils sont rentrés dans ma salle: Une heure et demie, deux heures, vous ne pourrez pas faire l'autre cas parce qu'on n'a pas d'autre salle. La raison principale, ce n'était pas qu'il n'y avait pas d'argent nécessairement; c'est parce qu'il n'y avait pas de monde pour les faire fonctionner, les salles.

Maintenant, dans les cliniques affiliées, lorsque vous parlez du personnel, dans les cliniques affiliées, il y a ? des expériences d'autres provinces le montrent très bien ? ce n'est pas les infirmières des hôpitaux publics qui quittent leur emploi pour aller travailler là. Elles ne veulent pas quitter leur emploi. Elles ont la sécurité d'emploi, elles ont des bénéfices marginaux, elles ne veulent pas perdre ça. C'est des gens qui veulent compléter un horaire de travail, ou travailler dans un milieu moins sous pression, ou des gens qui sont dans le privé. Il y a bien des infirmières maintenant qui ne travaillent pas dans le réseau, qui travaillent ailleurs, qui voudraient retourner dans ce genre d'environnement là. Et, si on restreint la chirurgie à la chirurgie à haut volume avec le moins d'anesthésie possible, on n'aura pas de drainage, si on encadre comme il faut.

Je l'ai lu effectivement, le mémoire. Vous dites: On ne sait pas, puis il faut l'encadrer correctement. Vous avez raison, puis c'est le texte de loi qui va dire comment qu'on va encadrer ces choses-là, notamment pour la question du personnel.

Mais, moi, je reçois ça, comme citoyen, un peu comme le message est le suivant: Tout est correct. Qu'on continue... faire de plus comme on fait d'habitude, qu'on continue à mettre bien de l'argent régulièrement dans la même façon de faire, puis tout va s'arranger. Je ne pense pas que ça va arriver de même, si on ne se donne un peu le droit d'avoir de l'imagination, puis de trouver de nouvelles façons de faire. Ça ne veut pas dire fermer les salles d'opération. Ça veut dire opérer plus dans les hôpitaux, puis en plus faire les chirurgies de haut volume dans les cliniques affiliées.

Puis vous parliez tantôt du budget pour les chirurgies, là, pour les hôpitaux. C'est parce que le budget, il est réservé au cas-par-cas, c'est-à-dire qu'on ne donne pas, là, le 80 millions. Quand on est arrivés, c'était 47. Là, c'est 80 millions qu'on met là-dedans, là, le volume de chirurgies prioritaires. L'argent n'est pas dans le budget des hôpitaux, il est dans le budget sur présentation des résultats puis du nombre de chirurgies qu'ils font. Ça fait que les hôpitaux, c'est comme n'importe quelle organisation: ils veulent avoir leur budget puis ils veulent avoir des entrées de fonds. Alors, ils ont des résultats à rencontrer. Il faut qu'ils opèrent tant de patients puis qu'ils atteignent les délais de telle façon.

S'ils rencontrent les délais sans clinique affiliée, aucun problème avec ça. D'ailleurs, dans la plupart des régions du Québec, ça va être comme ça que ça va se faire. Mais, dans les régions comme Montréal, là, justement dont on parlait ce matin, Montérégie, les grosses régions densément peuplées avec beaucoup de pression de salles d'urgence puis les grands hôpitaux complexes qui font une panoplie de procédures, encore une fois, moi, je n'ai pas de problème, là. Je n'ai aucun problème philosophique, là, puis j'en suis un, moi aussi, défenseur du système de santé public, là. Je n'ai aucun problème avec le concept de clinique affiliée, s'il est bien encadré, bien défini, puis ce ne sera pas un grand nombre, là. On parle de peut-être cinq, six cliniques, méga, comme vous dites, là, dans le Québec.

Est-ce que vous ne trouvez pas qu'on s'enlève un peu le droit à l'imagination puis à l'innovation, là, quand on procède comme ça?

M. Massé (Henri): Il y a peut-être de l'innovation, mais en même temps, nous, on a l'impression que ça ne forcera pas les hôpitaux qui devraient apporter des correctifs à les apporter. Ça ne forcera pas le gouvernement non plus, dans certains cas, là, à changer certaines situations qui devraient être changées, si on veut être capables de rendre encore une fois nos hôpitaux plus performants au niveau des salles d'opération. Ça fait que... Puis il va y avoir de la pression sur notre système. Encore une fois, là, ceux qui vont investir dans ces cliniques-là, là, tu sais...

M. Couillard: ...solidarité va investir dans ces cliniques-là.

M. Massé (Henri): Je suis pas sûr. Si jamais on fait ça, je pense que je vais perdre ma job.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): C'est l'impression qu'on a. Et, si vous nous étiez arrivé avec un plan en disant: Bien là, on va s'organiser pour que, dans les hôpitaux, ça marche mieux encore, puis on va fonctionner pas mal mieux, puis on va corriger pas mal de situations, bien on serait moins nerveux un peu. Mais c'est parce qu'on n'en entend pas parler de ce bout-là. On entend parler juste de ces cliniques-là qui, par, tu sais, bon, enchantement, vont venir régler tout ça. Puis on sait que les ressources... Puis ça, ça nous inquiète parce que, nous, on discute avec les médecins, on discute avec les spécialistes. C'est vrai qu'elles sont rares, les ressources, au Québec. Il faut les utiliser mieux. Mais ce qu'on va sortir du public pour envoyer au privé... Parce qu'il va y avoir...

M. Couillard: On ne sort rien du public. On fait... c'est la chirurgie excédentaire, des volumes supplémentaires qu'on va faire là. C'est ça qu'il faut comprendre également. Et toute la question du mode de fonctionnement de l'administration de l'attente, vous avez raison, vous y avez touché brièvement tantôt. Dans la solution qu'on amène pour améliorer l'accès, on se dit: On va commencer par apprendre à le faire avec trois chirurgies parce que les pays qui ont fait ça à grandeur, ils se sont cassé la margoulette, là, royalement. Il y a ce qu'on appelle la gestion centralisée des listes d'attente. Il y a quelque chose qui ne marche pas dans plusieurs hôpitaux, puis on est en train d'y remédier, puis on va y remédier même de façon législative. C'est que les listes d'attente, personne ne sait c'est quoi puis où est-ce qu'elles sont. C'est le docteur X puis le docteur Y qui se promènent avec leurs listes d'attente dans le sarrau, puis ça, c'est la liste d'attente de l'hôpital. Puis on sait que, dès qu'on met un processus centralisé ? le Dr Bolduc est venu ici d'Alma, là, faire une présentation remarquable là-dessus ? dès qu'on confie la gestion de la liste d'attente à l'établissement public, le problème ne prend plus du tout la même ampleur puis il est géré de façon beaucoup plus correcte.

Alors, à ça, vous dites: On veut entendre l'autre boutte. Bien, l'autre boutte, c'est ça, c'est la gestion individualisée de la liste d'attente, la gestion active plutôt que juste la contemplation des listes d'attente, comme on disait, puis la gestion centralisée dans l'établissement de la liste d'attente. Le patient qui n'est pas sur une liste d'attente gérée par l'établissement, à mon avis, il n'est pas sur la liste d'attente. Ça, je vais vous dire, vous connaissez le système de santé aussi, c'est un gros changement de culture dans le réseau, là. Ça accompagne le reste, ce n'est pas une partie seulement de la chose.

Le Président (M. Copeman): Mme Audet.

Mme Audet (Monique): Oui, deux mots. Moi, ce qui m'étonne un peu, c'est que vous disiez, M. le ministre, que les personnels dans les cliniques spécialisées, ça n'enlèverait rien au secteur public, puisque c'est, par exemple, des individus qui veulent compléter leurs horaires ailleurs que dans le secteur public. Moi, je vous dirais, ça fait 20 ans que je suis impliquée dans les négociations du secteur public et notamment avec des syndicats de la santé qui sont affiliés à la FTQ, on a 60 % de notre personnel syndiqué à la FTQ qui est à temps partiel occasionnel, et tout. J'ai été aussi amenée même dans les négociations qui ont trait à la retraite à examiner les raisons pour lesquelles les gens s'en vont à la retraite et, moi, je peux vous dire que c'est une crainte que j'aurais, une très grande crainte que j'aurais, de voir des individus qui peuvent aller compléter leurs horaires dans des cliniques spécialisées privées et y trouver, le cas échéant, des emplois à temps complet. Bien, je pense qu'il devrait y avoir plusieurs personnes qui seraient d'ailleurs intéressées par du travail à temps complet, alors que ça fait des années qu'on revendique de transformer les postes à temps partiel, qui ne cessent d'augmenter, en postes à temps plein.

Et il y a beaucoup de personnel aussi qui quitte le secteur public et qui s'en vont travailler pour des agences parce que... bon, pour une série de raisons, parce qu'ils travaillent plus avec les agences que dans le secteur public où ils sont à temps partiel ou sur appel. Et là je vous rappellerais aussi, M. le ministre, que, là, c'est des coûts qui sont supplémentaires pour vous, quand vous faites appel à des agences pour placer de ce personnel de soins.

Alors, moi, je vous dis, vraiment vous ne réussissez pas à me convaincre qu'il n'y aura pas de problème de mouvement de personnel là-dedans.

M. Couillard: J'ai envie de dire qu'il n'y aura pas de problème, puis je termine là-dessus, M. le Président...

M. Massé (Henri): Surtout avec les salaires que vous payez, hein?

M. Couillard: Que vous me payez, moi, ou...

M. Massé (Henri): Non, non, non, que vous payez à vos employés.

M. Couillard: O.K. Je pensais déclencher des moyens de pression, justement.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, nous avons déjà dépassé de quelque peu le temps imparti. Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Alors, madame, messieurs, bon après-midi. Moi, je suis assez sur la même longueur d'ondes avec vous sur trois éléments puis je voudrais qu'on explore le quatrième dont je vais parler, les enjeux sur le financement, là.

Mais disons, d'entrée de jeu, que, moi, personnellement, je pense que c'était de deux choses l'une: si l'argument du ministre de dire: On répond à une question de droit, est vrai, il aurait fallu lever totalement l'interdiction; si ce n'est pas si vrai que ça, pourquoi la lever juste partiellement? De deux choses l'une: l'interdiction, on la lève complètement ou on la maintient complètement.

Il y avait deux options pour la maintenir complètement, l'interdiction. On peut utiliser la clause «nonobstant». On peut simplement aussi dire que le Québec et l'État québécois fait ce qui doit être fait et que justement le jugement porte sur une réalité qui était antérieure et que cette réalité-là ayant changé puis étant en évolution, on n'a pas à lever l'interdiction, là, on peut la maintenir et que finalement ceux qui pensent nécessaire de retourner devant la Cour suprême y retournent.

Parce que dans le fond, là, si on la lève partiellement... C'est ça qu'on dit. On dit: Pour toutes les autres chirurgies où il y a une interdiction d'utiliser l'assurance privée, parce qu'on la lève juste pour trois... Dans le fond, c'est ça qu'on dit, qu'on adopte comme raisonnement. Alors, ou bien le raisonnement vaut pour tout ou il ne vaut pour rien. Mais on ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Puis d'ailleurs, le ministre lui-même l'a reconnu, dans le fond, c'est un peu cosmétique. Il pense qu'il n'y aura pas beaucoup de marché, ce ne sera pas très intéressant. Mais encore là, l'argument, ou bien on répond au jugement puis, à ce moment-là, on ne peut pas y répondre à moitié, aux trois quarts. Ou bien on la lève totalement, l'interdiction, ou bien on ne la lève pas du tout parce qu'on est capables de régler le problème qui est soulevé par la Cour suprême différemment. Ça, c'est la première chose.

n (16 h 50) n

La deuxième, je pense qu'on s'entend tous, mais ce n'est pas juste de s'entendre, c'est que l'attente, ce n'est pas uniquement pour des chirurgies. C'est une chaîne, tu sais, de problématiques qui... et le bout de la chaîne, souvent, c'est la chirurgie. Mais l'attente, c'est les médecins de famille; l'attente, c'est d'avoir... de pouvoir avoir... rencontrer son spécialiste en temps rapide; l'attente, c'est de pouvoir faire en sorte qu'on ait des tests diagnostiques rapidement, etc., pour pouvoir faire en sorte que notre médecin de famille puisse nous référer correctement. Tu sais, il y a une série d'éléments qui sont des problématiques d'attente, et l'attente, ce n'est certainement pas uniquement juste les chirurgies dans les trois secteurs qui ont été ciblés pour la garantie d'accès.

Troisième chose, c'est qu'idéologiquement on n'est pas contre la prestation de services privés avec financement public. Des cliniques privées spécialisées, là, affiliées, c'est ça. Sauf que ce qu'on dit, c'est qu'avant d'aller là... Puis vous n'êtes pas les premiers à nous le dire. Il y a beaucoup de gens qui sont venus nous dire... ? qui connaissent le réseau: des centrales ou des gros syndicats, mais aussi des médecins puis d'autres ? qui nous disent: Écoutez, commencez par utiliser à pleine capacité non seulement les capacités des hôpitaux, mais les capacités des centres ambulatoires qu'on a mis en place puis qui n'ont pas été développés comme ils auraient dû l'être pour toutes sortes de bonnes puis de mauvaises raisons. Tu sais, dans le fond, c'est comme si les gens nous disaient: Finissez la réforme Rochon puis finissez la réforme Couillard au plan de l'organisation administrative, puis vous allez être pas mal en business. Pourquoi ajouter un troisième élément qui est dans le fond d'ouvrir à une prestation additionnelle privée, avec financement public, alors que c'est possible en l'utilisant à pleine capacité?

Puis c'est ça que vous venez de nous redire aujourd'hui, puis l'argument que vous avez présenté, c'est que ? puis je pense qu'il doit être pris en considération ? c'est qu'il y a comme... C'est très choquant, j'imagine, pour les gens qui travaillent dans le réseau public puis qui s'investissent dans le réseau public d'avoir l'impression qu'on ne leur fait pas confiance puis que tout à coup ils ne sont pas capables de performer, puis que le discours ambiant d'une catégorie de personnes dans la société qui sont des faiseurs d'opinion, c'est de dire: Public, ce n'est bon à rien, il y a juste le privé qui est bon. Je veux dire, on peut lire Alain Dubuc et plein d'autres chroniqueurs politiques qui, quotidiennement ou régulièrement, finalement, finissent par façonner l'opinion publique comme si toute la prestation qui était faite dans le secteur public n'était pas d'aussi bonne qualité, pas aussi performante, alors que, dans les faits, quand on compare, on se rend compte que, la comparaison, le public est capable de la soutenir.

Et... Bon. Ça, c'est les trois éléments sur lesquels je suis d'accord avec vous.

L'autre élément, c'est l'enjeu du financement. Vous dites dans le fond: Nous, on serait d'accord pour qu'on fasse une lecture plus fine de la réalité. Et, si je vous comprends bien, ce que vous auriez aimé avoir sur la table, c'est justement des options documentées, parce que, là, on amorce une consultation, le gouvernement dit qu'elle n'est pas terminée, cette consultation-là, elle commence, mais le problème, c'est qu'on n'a pas sur la table les données. Tantôt, on a eu un universitaire qui est venu nous donner un éclairage très différent de la lecture que le ministère fait de la réalité ou que même la commission Ménard faisait de la réalité. Donc, il y a différentes lectures de la réalité. À un moment donné, on peut-u les confronter, ces différentes lectures là, puis finir par avoir un portrait réel et sur lequel il y aurait un consensus: Voici la réalité, voici comment elle se lit, celle d'aujourd'hui puis celle qu'on va avoir à vivre dans les années à venir, puis quand il y aura le pic, là, quand les baby-boomers, comme plusieurs d'entre nous, seront à l'âge de la retraite, puis pas juste de la retraite, mais à l'âge où là ils vont avoir... ils vont être plus fragiles, plus mal en point.

Mais entre-temps, une fois qu'on aurait cet éclairage-là, là, vous dites: Nous autres, on n'est pas contre l'idée d'une caisse santé, et... à condition que ce soit à contribution progressive. J'aimerais ça que vous vous expliquiez. Parce qu'il y avait l'option de la caisse vieillesse ou d'une espèce de régime d'assurance collective pour perte d'autonomie. Il y a l'autre idée d'un régime d'assurance collective mais pour l'ensemble des soins de santé ? ça, certains appellent ça la caisse santé ? et dans le fond...

Parce que finalement vous avez dit tantôt: Nous autres, on a quitté la table ou en fait on n'a pas été des signataires du rapport majoritaire du comité Ménard pour un certain nombre de raisons, pas nécessairement les raisons pour lesquelles... sur lesquelles les gens pensent qu'on a quitté la table, mais sur d'autres raisons. J'aimerais ça que vous élaboriez sur votre façon de voir la problématique du financement à long terme, puis on reviendra après ça sur le financement à court terme.

M. Massé (Henri): Bien, quand on parle d'une caisse santé, dans le fond c'est un fonds santé qui est à part du fonds consolidé et où on doit rentrer des cotisations, des revenus pour être capables de payer des services de santé. Moi, je...

M. Charbonneau: Qui est capitalisé.

M. Massé (Henri): Qui est capitalisé à la longue.

M. Charbonneau: Un fonds dédié.

M. Massé (Henri): On ne sera... Un fonds dédié. On ne sera certainement pas capable de capitaliser ça en partant, là, et encore, là-dessus, on dit, c'est les employeurs qui vont payer une cotisation, c'est les particuliers. Quand on dit: C'est progressif, bien on se tient à un pourcentage du salaire, bon, mais on veut que ce soit progressif parce que, dans le comité Ménard, c'était un des problèmes majeurs, la caisse était pour... caisse vieillesse principalement, là, mais en même temps c'était un taux uniforme pour tout le monde. Ça fait que le petit qui gagnait 20 000 $ par année payait la même chose que le gros qui gagnait 500 000 $ par année. On trouve que ça ne se tenait pas, là, et... Ça fait que c'est aussi simple que ça. Puis on dit: On peut l'alimenter de l'extérieur aussi, là, on avait été aussi loin que de dire qu'une véritable politique énergétique, là, où est-ce qu'on protège tout le monde...

M. Charbonneau: Mais la source, ce n'est pas nécessairement les contributions directes.

M. Massé (Henri): Non.

M. Charbonneau: Ça peut être la fiscalité...

M. Massé (Henri): Exactement.

M. Charbonneau: ...ça pourrait être la tarification dédiée.

M. Massé (Henri): Il rentrerait 1 milliard d'Hydro-Québec par année dans la caisse santé, là, ce n'est pas une affaire qui nous achalerait, à la FTQ. Mais encore une fois qu'on n'aille pas assommer les petits consommateurs qui gagnent 20 000 $, 25 000 $ par année. Ça prendrait une politique gouvernementale, pas à travers les tarifs, là, mais pour régler le problème de ce monde-là, mais on pense que c'est pensable.

Pour revenir sur l'utilisation du privé, tu sais, 40 % du réseau de la santé, à l'heure actuelle, c'est privé. Puis, à la FTQ, on n'est jamais montés aux barricades puis dire: Il faut que ce soit tout public, puis tout ça. Mais on veut s'assurer que tout soit bien fait dans le secteur public avant d'aller au privé, et...

On va attendre que le ministre nous écoute, après ça, on continuera.

Dans le... Juste vous donner un exemple. Nous, ce qu'on trouve qui n'a pas d'allure, par exemple, à la CSST, il y a une quinzaine d'années, la physiothérapie était accomplie par les hôpitaux, par le secteur public. Puis c'était des revenus pour les hôpitaux. Et finalement la CSST a décidé d'aller donner ça au privé parce que les délais d'attente étaient de 13 mois en moyenne. Et on a fait je ne sais pas combien de pèlerinages auprès du ministre de la Santé, auprès des spécialistes, auprès de l'Association des hôpitaux du Québec, pour dire: Y a-tu moyen, y a-tu moyen qu'on fasse autrement puis qu'on opère, au lieu de s'en aller au privé? On voulait rester au public, y compris les employeurs à la CSST. On n'a jamais été capables de régler le problème. Aujourd'hui, la physiothérapie est rendue au privé, on a un autre problème. On n'a plus de délais d'attente, mais des fois le patient reçoit deux fois puis trois fois le nombre de traitements qu'il devrait avoir, puis dans certains cas même c'est dommageable pour la santé parce qu'on lui a sauté sur le dos trop vite puis trop de traitements. Ça fait que tu sais, c'est...

Mais comment ça se fait, ça, qu'on n'a pas été capable de s'organiser dans les hôpitaux, à ce moment-là, pour garder la clientèle de la CSST? Puis c'est un peu ça qu'on voit, aujourd'hui, à travers les... pas les mégacliniques mais les petites cliniques. C'est ça qu'on a peur, qu'au lieu de s'organiser, moyenne... s'organiser pour être capable de donner un bon service puis que ça opère pour le vrai, dire: Bon, bien, on va se débarrasser de ça puis on va aller... Pas fermé à toute solution, M. le ministre, ce n'est pas vrai, mais la voie de la facilité des fois, là... Je pense qu'il y a un «shake» à donner encore, dans ? excusez-moi l'anglicisme, mais dans ? le secteur hospitalier là-dessus.

M. Charbonneau: En fait, ce que vous dites, c'est qu'il y a encore un potentiel de progrès au niveau de l'efficience puis pas juste...

M. Massé (Henri): Énorme.

M. Charbonneau: ...énorme, qui devrait être utilisé à la fois pour une question de finances publiques, mais aussi pour une question de dynamique positive dans l'intérieur même du système. Parce que j'imagine que finalement, encore là, il n'y a pas de magie, là, hein? Je veux dire, un personnel x soignants potentiels au Québec, il y en a qui sont sortis du système, ce n'est pas vrai que tous les retraités vont revenir travailler dans les cliniques privées, là. Puis c'est vrai par ailleurs qu'il y en a qui attendent peut-être que les cliniques privées soient ouvertes pour sortir du système parce que, tu sais, les heures puis... Tu sais, dans le fond, la qualité de vie pourrait être plus intéressante pour certains que de travailler à l'hôpital avec des horaires plus difficiles. Tu n'as pas à faire des chiffres de nuit, puis etc., là. Ça aussi, c'est une réalité. C'est-à-dire qu'il va y avoir une effet attractif à cause du milieu de travail particulier que vont constituer ces cliniques privées là, qui ne vont pas opérer 24 heures par jour, là, tu sais. Elles ne vont pas être ouvertes 24 heures par jour, sept jours par semaine, comme un hôpital doit l'être. Alors, c'est clair que des infirmières et du personnel soignant qui pourraient être intéressés à avoir ce type d'environnement, on peut les comprendre, mais en même temps le problème, c'est qu'on n'est pas en surplus, là, d'effectifs, là. Oui.

n (17 heures) n

M. Cadieux (Serge): Peut-être juste sur... Vous souleviez la question d'ordre légal tantôt sur l'interdiction de recourir au privé. La question de droit qui était posée ? il faut faire attention, hein? ? ce n'est pas en soi illégal d'interdire de recourir au secteur privé. C'était dans la loi et ce n'était pas illégal. Ce qui l'est devenu, ce sur quoi la Cour suprême s'arroge son pouvoir d'intervention, c'est, en vertu de la charte, le droit à l'intégrité, à la santé, etc., du seul fait de la longueur des listes d'attente. Si les listes d'attente n'avaient pas été de cette longueur, la Cour suprême, par déduction, aurait dit: Non, ce n'est pas illégal, le régime est conforme. Et, aujourd'hui, on ne serait pas en commission parlementaire pour savoir si on doit lever l'interdiction ou pas. Donc, à partir du moment... Ce qu'on dit: À partir du moment où le gouvernement s'est attaqué à la problématique, pourquoi ouvrir une partie du système à l'assurance privée? Ce n'est pas nécessaire, ce n'est absolument pas nécessaire, puisqu'on s'est attaqué à la solution.

Maintenant, sur la question légale, vous disiez: Pourquoi recourir à la clause «nonobstant», ils ont juste à retourner devant la Cour suprême aujourd'hui? Là, je ne suis pas certain sur le plan légal, parce que quand même il y a un jugement rendu par la Cour suprême, la Cour suprême donne un an au gouvernement pour adresser la question. Bien, adresser la question, je pense que ça implique aussi que le gouvernement doit poser un geste, utiliser les outils légaux qu'il a à sa disposition, dont la clause dérogatoire.

M. Charbonneau: Mais ça, il y a deux thèses en tout cas: il y a celle-là qui prévaut, puis il y a d'autres avocats, Me Prémont, par exemple, qui est la vice-doyenne à la Faculté de droit de l'Université McGill, nous dit, puis d'autres juristes également nous disent: Ce n'est même pas nécessaire et... de toute façon, ce n'est pas nécessaire parce que le jugement s'appuie sur une problématique, une lecture d'une problématique qui n'est plus... qui n'est pas...

M. Cadieux (Serge): Qui n'est plus d'actualité.

M. Charbonneau: Qui n'est plus d'actualité.

M. Cadieux (Serge): Oui, oui, absolument.

M. Charbonneau: Et, dans ce contexte-là, s'il y a des gens qui prétendent que la réponse gouvernementale de maintenir l'interdiction puis d'accélérer ou de continuer dans ses efforts d'amélioration du système, ce n'est pas suffisant, qu'ils retournent devant la Cour suprême. De toute façon, la Cour suprême, qu'est-ce qu'elle va faire, là? Elle va envoyer la police après le gouvernement du Québec?

M. Cadieux (Serge): Non, mais je pense qu'il y a une chose importante... De dire... Tantôt, M. le ministre disait: Il faut faire attention parce que, là, on parle des droits fondamentaux. «Il faut faire attention», je pense que c'est exagéré, dire ça. Ce n'est pas vrai, les droits fondamentaux... Ce n'est pas un droit fondamental de recourir à l'assurance privée. Ce qui est un droit fondamental, c'est de recevoir des soins dans un délai raisonnable, et ça, on s'attaque à cette situation-là. Donc, il ne faut pas sortir des épouvantails à moineaux: c'est de restreindre les droits et libertés des personnes quand le Parlement utilise la clause dérogatoire. Ce n'est pas vrai. Il faut que ce soit utilisé à bon escient puis il faut l'expliquer à la population, dans quel contexte. Je pense que c'est dans ce sens-là qu'on dit que c'est un outil intéressant pour le gouvernement.

M. Charbonneau: Une dernière question, là, parce que le temps file, puis il y a un autre groupe qui doit terminer la séance de cet après-midi. Vous avez parlé, bon, dans votre mémoire, du dossier du déséquilibre fiscal puis toute cette problématique-là. Parce que, là, il y a le financement... Là, on parlait de financement à long terme, mais il y a le financement à court terme. À court terme, c'est aussi la capacité pour les établissements de santé d'avoir les budgets adéquats, c'est le fait qu'il y a un problème de rattrapage dans le système qui n'a pas été fait, et le ministre lui-même en convient. Tu ne peux pas promettre 8,9 milliards d'investissement en cinq ans, 7,3 qui devaient avoir été faits sur quatre ans, puis en avoir livré 4,2, et puis penser que finalement le manque d'investissement à court terme, il n'y a pas de conséquence. Dans le fond, il y a une conséquence. Et cet argent-là n'est pas nécessairement dédié juste... et à la limite on pourrait même geler la rémunération du personnel soignant, puis il y aurait encore l'utilisation de ce manque-là qui aurait dû être investi pour toutes sortes de tâches pour bonifier l'efficience du système. Ça, c'est un élément.

Mais, à partir du moment où on considère qu'il y a un surplus à aller récupérer, comment vous le voyez? Parce que finalement on a l'impression que, quand on parle de ça, là, c'est comme si: Bien, voyons donc! ça, c'est sûr, mais on n'a rien à espérer. On a l'impression qu'on est dans une situation où on est comme... ça n'existe pas, Ottawa, là, on ne paie pas des taxes à un autre niveau de gouvernement, ce n'est pas important d'établir un rapport de force, ce n'est pas important de fixer des objectifs de récupération, ce n'est pas important de se poser la question: Est-ce que, oui ou non, le fédéral qui payait un pourcentage important des dépenses en santé à une époque, qui a baissé considérablement... ce n'est pas important de se demander la question, c'est: Est-ce qu'il ne devrait pas relever, tant qu'on est dans un système à deux niveaux de gouvernement, qui ne devrait pas faire en sorte que les États fédérés aient les moyens d'assumer leurs responsabilités constitutionnelles?

M. Massé (Henri): Là-dessus, on a appuyé le gouvernement actuel d'ailleurs quand c'était le temps d'aller en chercher un peu plus. On pense que, dans la question du règlement complet du déséquilibre fiscal, il faut aller chercher une part encore plus importante pour la santé.

Mais, ceci étant dit, on ne veut pas se mettre la tête dans le sable puis penser que tout va être réglé avec la question du déséquilibre fiscal. C'est pour ça, nous autres, qu'on aimerait qu'il y ait une commission parlementaire sur le financement. Nous autres, ce qui nous déplaît, là, énormément à l'heure actuelle... quand on a siégé au comité Ménard, même quand il y a eu le sommet, là, du gouvernement, à l'automne, là, le Forum des générations, tu sais, on part avec des prémisses disant: Dans 15 ans, dans 20 ans, 80 % du budget du Québec va aller à la santé. Mon oeil! Pas vrai. Pas vrai. Il y a des choses qui vont changer. Tu sais, si on prend, par exemple, la journée d'hospitalisation aujourd'hui, si on avait fait une projection en 1970, il y aurait trois fois plus de journées d'hospitalisation aujourd'hui. Qu'est-ce qui a changé entre-temps? Le virage ambulatoire, les médicaments qui évitent toutes sortes d'opérations, puis... Bon. Il y en a, des changements aussi dans la réorganisation.

Et, nous, au comité Ménard, ce qu'on n'a pas aimé, on a... Le monde qu'on a entendu là, les spécialistes, les démographes, là, c'était la gang des pessimistes. Il y a deux écoles là-dedans, hein, peut-être trois, il y en a une entre les deux, là, puis... Bon. Mais il y a les optimistes, puis les pessimistes, puis il n'y a personne qui dit: Il ne faut pas prendre ça au sérieux, là. Mais il y a une école, c'est noir, noir, noir. Puis, quand c'est noir, noir, noir, là... Si on dit: Le 80 %, c'est vrai, cette affaire-là, là, qu'est-ce qu'il reste à faire? Bien, coupe puis charge des frais modérateurs. Moi, je n'appelle pas ça de même, parce que je ne comprends pas qu'on parle de ticket modérateur. Quelqu'un qui va se faire soigner, ça prend assez de temps à voir un médecin, puis à voir un spécialiste, puis on attend assez longtemps dans une salle d'urgence, il ne doit pas y en avoir bien, bien qui aiment ça, là. Mais ceux qui y vont pour rien, c'est parce qu'ils sont malades quelque part, là. On devrait au moins trouver un autre mot. Mais, si on part avec ce 80 % là, je sais ce que ça veut dire, on sait ce que ça veut dire, à la FTQ, là, on scrape la moitié du système de santé, là. Moi, je pense qu'il y a un juste milieu, puis on aimerait que l'autre côté de la médaille se fasse entendre aussi, ceux qui ont une autre vision de l'avenir. Ils ne disent pas qu'il n'y aura pas d'augmentation des coûts de santé, mais c'est pas mal moins dramatique que l'autre.

Je pense que, si on prenait le temps de faire ce débat-là comme du monde, comme du monde, sans faire peur à personne, puis pas de bonhomme Sept-Heures, je suis curieux de voir comment on sortirait à la fin. Probablement qu'on serait plus unanimes qu'on peut le penser. Parce qu'encore une fois la santé des Québécois puis des Québécoises, je pense qu'ils sont prêts à mettre un peu... ils sont prêts à mettre la main dans leurs poches. Si on trouve quelques autres solutions originales, puis quelques changements ? on n'est pas réfractaire aux changements, c'est toujours difficile, mais on pense qu'il y a des affaires à faire ? je pense qu'on y arriverait. Mais ça prendrait un débat sur le financement de la santé, puis qu'on soit bien outillés, puis qu'on ait les différentes écoles qui nous exposent leurs points de vue.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti à cet échange. Alors, M. Massé, M. Cadieux, Mme Audet et M. Forget, merci beaucoup pour votre participation à cette commission au nom de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

J'invite immédiatement les représentants du Parti québécois à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 9)

 

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Parti québécois. Mme la présidente du conseil exécutif national, Mme Richard, bonjour.

Mme Richard (Monique): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous indiquer quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure dans le temps. Et par la suite il y aura un échange d'une durée maximum de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter vos collaborateurs et d'enchaîner avec votre présentation.

Parti québécois (PQ)

Mme Richard (Monique): Merci, M. le Président. Alors, je vous présente les personnes qui m'accompagnent: à ma droite, M. François Aumond, qui est médecin de famille sur la rive sud de Montréal, et, à ma gauche, M. François Rebello, qui est président de la commission politique du Parti québécois.

Alors, dans un premier temps, merci de nous offrir l'opportunité d'intervenir dans le cadre de cette consultation. Cette consultation, c'est un défi de taille tant au niveau de toute la question de l'accessibilité réelle aux soins médicaux, aux soins hospitaliers, en partant du médecin de famille jusqu'aux chirurgiens les plus spécialisés, et c'est en même temps un défi de taille pour la pérennité de notre système de santé et de services sociaux. Il faut donc faire preuve d'innovation, d'imagination, d'engagement pour être en mesure de relever ces défis, tout en consolidant et en améliorant la grande qualité du système de santé que nous avons présentement au Québec.

De plus, il sera important bien sûr de prendre des décisions qui... avant de prendre ces décisions, de peser toutes les avenues possibles afin d'être en situation de faire les bons choix. En ce sens, je trouve dès maintenant important de dire qu'il appert que de faire appel au secteur privé comporte des conséquences qu'il faut mesurer très sérieusement. Nous sommes convaincus qu'il est possible de faire mieux actuellement avec notre système de santé de façon à ce qu'il réponde de façon judicieuse et de façon plus diligente aux besoins des concitoyens et des concitoyennes. Nous voulons un système public qui soit fort et qui soit sans financement privé, et c'est en ce sens que nous devons travailler.

Pour parler d'assurance privée maintenant, est-ce que c'est un incontournable? Est-ce que la preuve est faite qu'on doit aller à l'assurance privée? En faisant cela, on crée une brèche importante, on crée un précédent et on se place en difficulté de fermer une porte qu'on ouvre déjà.

À long terme, il est déplorable de constater que, sur différentes formes de financement, on n'a pas en main actuellement des études d'impact et d'inconvénients, que ce soient les études d'impact pour l'État comme pour les bénéficiaires, être en mesure de savoir les tenants et aboutissants des conséquences de l'assurance privée, de la caisse santé, du ticket modérateur ou de toutes sortes de bonnes idées qu'on a entendues lors de cette commission parlementaire qui s'étend sur un bon nombre de mois, où tout le monde tente d'avoir des bonnes idées. Tout à l'heure, on parlait avec les intervenants de commissions parlementaires. Moi, je pense que, sur toutes ces questions de consultation publique, toutes ces questions du financement soulèvent un questionnement en termes d'expertise actuellement qu'il faudrait être en mesure de creuser.

Pour ce qui est de la question des cliniques spécialisées affiliées, qu'en est-il? Je vous pose la question en vous disant: Où on en est rendu avec les centres ambulatoires? Et je me souviens, peut-être dû à mon âge, à un certain moment donné où on parlait de la mise en place des CLSC qui étaient une solution miracle au réseau de la santé et des services sociaux. On n'a jamais donné aux CLSC la capacité de relever les défis de services de proximité avec la population. On a mis en place des centres ambulatoires. Où on en est rendu avec cela? Et maintenant, on parle de cliniques spécialisées.

Alors, à notre avis, le réseau des services de santé peut répondre aux besoins actuellement. Il faut mettre en place un plan d'action tant au niveau des ressources humaines que des ressources financières et faire en sorte que les services soient disponibles sans utilisation du privé. Et, quand on parle aussi de cliniques spécialisées affiliées, on parle en même temps d'hôpitaux qui devront être en mesure d'aller chercher ces services-là, d'aller acheter ces services-là. Où prendront-ils l'argent? Et est-ce qu'il ne serait pas moins onéreux de donner ces services en centre hospitalier sous la responsabilité des centres hospitaliers et de faire en sorte qu'on puisse, là, faire des économies d'échelle et être en mesure d'assurer à tout le monde une accessibilité au niveau des services de santé?

Je passe maintenant la parole à M. Aumond.

M. Aumond (François): Merci. M. le Président... Bon, nous, on veut réagir au niveau des délais. C'est clair qu'on ne peut pas être contre la vertu. Déjà, le Parti québécois, il y a quelques années, avait amené des délais comparables, même de trois mois. Il y avait déjà des actions qui avaient été entreprises.

On a une certaine inquiétude sur le projet actuel au sens où, après six mois, le patient peut être orienté vers un autre établissement et il peut aussi décider de rester sur la liste d'attente. Ce n'est pas évident que les personnes âgées qui doivent subir une arthroplastie, qui doivent aller en réadaptation vont vouloir nécessairement s'éloigner de 200, 300 km pour passer un petit peu plus vite, et on pense que le projet actuel pourrait, dans les faits, augmenter les délais.

Nous prétendons aussi que ces délais-là, c'est la pointe de l'iceberg. Je sais que ça a déjà été dit. M. Massé tantôt parlait de l'épicerie qui est ouverte une fois par semaine. Moi, ma prétention, c'est qu'il n'y aura pas grand monde à la caisse si les gens ne savent pas comment entrer dans l'épicerie ou se perdent dans les rangées. Actuellement, dans le système de santé, il y a un grand, grand nombre de délais. Si on regarde en particulier les chirurgies ciblées, typiquement c'est des personnes âgées qui ont une maladie chronique; ils peuvent avoir de l'arthrose, de l'arthrite rhumatoïde.

Jusqu'à 40 %, selon les régions, des patients n'ont pas de médecin de famille, vont consulter un omnipraticien au sans rendez-vous. Ce n'est pas dit qu'il va nécessairement les orienter en quelques minutes à la bonne place. Ces patients-là doivent subir des évaluations spécialisées, en physiatrie, en rhumatologie. On parle de six à 12 mois d'attente pour ces spécialités-là, puis on parle dans les grands centres; en région, il n'y en a carrément pas. Les examens de plus en plus de résonance magnétique sont nécessaires. On parle de six à neuf mois d'attente pour avoir une résonance magnétique dans les hôpitaux. En privé, évidemment, c'est plus rapide, mais on parle de 800 $ environ. Et ça, c'est le patient qui est bien informé, qui est bien renseigné. On peut parler d'une souffrance physique et même psychologique à faire face à tous ces délais-là. Il n'y a pas grand-chose dans le plan actuel qui prévoit une amélioration. Donc, on s'occupe vraiment de la pointe de l'iceberg pour les chirurgies de cataracte, d'arthroplastie de hanche et d'arthroplastie du genou. On pense que donc il faudrait documenter tous ces délais-là. Évidemment, le point central de ça, ça va être de faire en sorte que la première ligne soit mieux organisée. Les délais acceptables, je pense, doivent être établis dans la majorité des pathologies et non pas seulement pour les arthroplasties du genou et de la hanche et pour les cataractes.

Si on regarde maintenant les pathologies qui font l'objet de la garantie de services, actuellement, outre la chirurgie cardiaque et le traitement de radio-oncologie, on parle des trois chirurgies mentionnées, on ne parle pas du tout des autres chirurgies. Un patient qui a un mélanome, combien de temps qu'il va attendre, combien de temps qu'il devrait attendre? Un patient qui a besoin d'une arthroplastie mais de l'épaule, qui ne peut pas se déplacer... qui ne peut pas travailler à cause de ça, il n'y a pas vraiment de garantie de services, et on parle d'une chirurgie orthopédique de la même manière. Donc, on pense qu'il faut aller chercher un petit peu plus loin.

Puis là on parle toujours de chirurgies, mais il y a les interventions médicales. Pour éviter justement une arthroplastie, des fois une référence en physiatrie peut être nécessaire. Un an d'attente à l'institut de physiatrie de Montréal. Donc, on a une certaine inquiétude par rapport à la garantie d'accès, qui n'en est pas vraiment une actuellement.

On peut parler de l'hémodialyse. Les centres sont saturés. Je sais qu'il y a des gens qui sont venus de la Montérégie en parler, la semaine passée.

Maintenant, si on parle des services non médicaux. On sait qu'un enfant de deux ans, trois ans qui a un retard de langage va attendre un an et demi avant d'être vu en orthophonie à l'Hôpital Sainte-Justine. C'est inquiétant. Il n'y a pas de garantie d'accès à ce niveau-là non plus.

Et surtout le point de base, c'est l'accès aux services de première ligne. On sait évidemment qu'il manque de médecins de famille, mais on sait aussi qu'il n'y a aucun moyen pour les patients de savoir s'il y a des médecins de famille. Il y a des médecins de famille qui prennent des patients. Il n'y a pas moyen de savoir, les gens doivent faire du magasinage, aller sonner à la porte des cliniques ou trouver le numéro de téléphone dans un bottin. Les agences ne sont pas renseignées sur les médecins de famille disponibles. On devait, avec le plan Legault 2002, avoir 300 groupes de médecine familiale; aujourd'hui, on en a 108, du moins lors de la rédaction du rapport, du mémoire. Donc, 10 % de la population est suivie par des groupes de médecine familiale qui sont un petit peu plus efficaces dans leur organisation avec une infirmière. On parle de développer des cliniques-réseaux, mais, hors Montréal, ce n'est pas encore là. Ça coûte de l'argent, il faut investir dans la première ligne.

n (17 h 20) n

Nous, on pense donc qu'il faut d'une part, évidemment, investir dans la première ligne. C'est sûr que, bon, après que le Parti libéral a coupé les admissions au début des années quatre-vingt-dix, ça a été augmenté et ça continue d'être augmenté, donc c'est un des moyens d'augmenter les médecins de famille, 50 % des médecins vont devenir médecins de famille. Mais il y a aussi moyen de réorganiser la première ligne, joindre des infirmières aux groupes de médecins. Je sais que le gouvernement avait envisagé d'autres modèles que les GMF, et c'est pour ça que les cliniques-réseaux sont arrivées. C'est une bonne idée d'envisager d'autres modèles. Il faut outiller les médecins de famille. Actuellement, le médecin de famille est aussi perdu qu'un patient. Il doit le référer en rhumato. Le rhumatologue, c'est-u mieux à Montréal, c'est-u mieux dans sa région? C'est quoi, les attentes? Le médecin n'a pas nécessairement le temps d'aller sur Internet, et de toute façon, quand on téléphone, on ne le sait pas, cette attente-là.

Enfin, si on regarde le dernier aspect qui est le financement à court terme avec la porte ouverte au privé, il y a évidemment deux aspects: les soins privés à financement public et les soins privés à financement privé. Les cliniques spécialisées affiliées, évidemment qu'on ne peut pas être contre la vertu si ça aide. Mais actuellement je ne pense pas qu'il y a quelqu'un qui a énoncé qu'il y a trop de chirurgiens dans un hôpital. C'est assez clair que les salles d'opération ne fonctionnent pas le soir, la nuit, la fin de semaine. Dans mon hôpital, on va fermer 80 lits pendant un mois, cet été. C'est bien évident qu'on ne peut pas faire de rattrapage de chirurgie dans ce modèle-là.

On n'a pas l'impression que ça va être rentable pour la société d'investir dans du béton puis de la peinture pour bâtir des cliniques où les médecins qui exercent déjà en centre hospitalier et qui sont disposés et disponibles à y exercer davantage vont aller et s'absenter de l'hôpital et parfois être dans la non-disponibilité pour assurer certains services de garde, d'enseignement, de recherche ou d'administration. Donc, on pense qu'il faut d'abord utiliser l'infrastructure qui existe. Évidemment, il y a des modèles. Il y a Jean-Talon qui avait pris une grande partie de la chirurgie orthopédique à Montréal. C'est des modèles qui peuvent permettre d'être plus efficaces, mais on n'investit pas dans du béton à ce moment-là, on investit dans des services.

L'autre aspect qui sont les cliniques privées à financement privé, évidement que ça, c'est permis. Ça ne changera pas. Actuellement, c'est très marginal comme pratique. On a l'inquiétude que l'ouverture aux assurances privées duplicatives vont amener la prolifération de ces cliniques-là. Évidemment, il n'y en aura pas 2 000 au Québec, mais il suffit qu'il y en ait quelques-unes pour enlever des chirurgiens qui sont en nombre très limité. Il y a des orthopédistes qui ne prennent plus de patients sur leurs listes d'attente. Il y a des plasticiens qui sont en manque partout au Québec. On pense que ces gens-là vont être moins disponibles pour le réseau public. Il suffit de quelques chirurgiens en moins dans chaque région pour aller carrément contrer l'effet voulu sur la garantie d'accès.

On n'aura pas le choix d'augmenter le niveau de financement dans le secteur public plutôt que de demander à un hôpital de payer pour une clinique spécialisée affiliée. On craint aussi un drainage des ressources infirmières. Je pense que ça a été maintes fois dit que les infirmières sont souvent sur une liste de rappel, ont un poste à temps partiel qui compte tant bien que mal. Quand elles se font offrir un poste à temps plein dans une clinique, même si ça peut être un petit peu moins rémunérateur, on pense qu'on va perdre des infirmières.

On propose donc au gouvernement de renoncer à l'assurance privée duplicative. On est en faveur, comme ça s'est dit par plusieurs groupes, de maintenir l'étanchéité des pratiques médicales privées et publiques, d'augmenter les budgets consacrés aux chirurgies électives et aux autres formes d'attente. Merci.

M. Rebello (François): M. le Président, peut-être vous amener à considérer l'autre section de notre mémoire; à la page 26, vous allez trouver des recommandations concernant la question des infirmières praticiennes.

En fait, en humble citoyen, je me suis rendu compte à plusieurs occasions que souvent on aurait pu me proposer des services d'une infirmière très compétente praticienne, ça aurait pu me sauver deux heures d'attente dans la salle d'attente. Et là je pose la question au ministre aujourd'hui: Quand? Parce que je regarde les articles dans les journaux des dernières semaines qui nous disent que, dans les autres provinces, ça a bougé. Mais ici il faut que ça aille plus vite, il y a des... Et, dans le mémoire, on explique différents enjeux. On a consulté les gens du milieu, ils nous ont expliqué qu'il y avait vraiment des blocages à ce niveau-là, donc ça va prendre un leadership politique important pour qu'on ait des résultats rapidement en matière d'infirmières praticiennes.

Sur la question de la prévention aussi, vous dire qu'on y croit vraiment, à la prévention. On a eu des résultats importants, que ce soit dans la lutte au tabagisme, que ce soit dans les campagnes pour les ceintures de sécurité dans les voitures. On ne voit pas pourquoi on n'aurait pas les mêmes résultats au niveau, par exemple, de l'obésité pour les jeunes, mais il faudrait vraiment en faire une priorité, et ça, agir au niveau, entre autres, de l'alimentation et de l'activité physique des jeunes. Il faut aller très loin au niveau de l'alimentation dans les écoles. On a vu dans les reportages récemment, sur l'éducation entre autres, qu'en Europe il y a plusieurs pays où les repas du midi des enfants sont carrément offerts par l'État de façon à s'assurer qu'on contrôle la qualité de ce qu'ils mangent. Sans aller jusque-là, en tout cas il y aurait des moyens à faire pour aider les écoles à être capables d'offrir un menu de qualité à nos enfants et de rendre vraiment... d'éliminer la malbouffe des écoles très rapidement.

Au niveau du sport aussi, vous dire qu'à l'heure actuelle, dans plusieurs écoles du Québec, il y a des jeunes qui voudraient en faire cinq soirs par semaine, du sport. Mais malheureusement ils vont en faire une fois, deux fois. Pourquoi ne pas leur en offrir cinq soirs par semaine? Donc, il y a des engagements à prendre, il y a du travail à faire au niveau du sport.

Sur la question du financement, je vous amène à la page 43 de notre mémoire pour vous souligner en fait simplement que, bon, les libéraux ont amené la question du financement, ont mis sur la table, comme d'ailleurs on l'avait fait, nous, auparavant, comme gouvernement, les enjeux de financement à long terme. Cependant, pour l'instant, il n'y a pas de proposition sur la table. Le Fonds des générations, c'est clairement insuffisant pour faire face aux enjeux de long terme du financement dans la santé. Qu'on prenne un scénario ou l'autre, il y a quand même lieu de mettre de l'argent de côté. C'est un peu comme un régime de retraite, je veux dire, il faut quand même prévoir le pire; tant mieux si on en a un peu trop. Donc, il y a des questions à se poser sur: Quelles sont les solutions pour le financement à long terme? Et, à chaque année qu'on attend, on est de plus en plus dans le trouble, dans le sens que la marge de manoeuvre va être plus difficile à trouver. Donc, je pense que le gouvernement libéral ne devrait pas... devrait cesser de reporter ce débat-là et vraiment prendre le sujet au sérieux et proposer des solutions rapidement pour qu'on puisse, nous, les plus jeunes de notre société, pouvoir avoir une vision à long terme de la social-démocratie, savoir que, dans 20 ans, 30 ans, on ne sera pas obligés de reculer puis de s'en aller dans un système à l'américaine où, vraiment, seulement les plus riches vont pouvoir avoir des services de qualité.

Donc, en conclusion, je vous dirais, M. le ministre... La situation actuelle, en tout cas quand on regarde La Presse de ce matin, quand on regarde les propos de mes collègues ici, entre autres du Dr Aumond, on voit que la situation actuelle n'est pas rassurante, la situation actuelle est difficile encore dans les hôpitaux, dans le système de santé pour les citoyens. En fait, je vous dirais, c'est beaucoup trop grave, la situation actuelle, pour se permettre de pavoiser. Puis je vous dirais, M. Couillard: Parlez donc à M. Charest là-dessus, là, pour lui dire d'adopter un ton un peu moins triomphaliste après trois ans de gouvernement où il y a eu des efforts de faits, mais les résultats ne sont pas encore probants.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Richard, Dr Aumond et M. Rebello, pour votre présentation. Je dois dire que, dans l'anticipation de votre venue à la commission, je me suis dit: On va avoir une discussion sur les concepts, on va essayer de se tenir loin des discussions partisanes. Bien, c'est un engagement que je vais m'efforcer de tenir pendant 20 minutes. Je vous invite à me suivre sur ce terrain-là.

J'aurais juste deux remarques à vous faire. Effectivement, on n'est pas triomphalistes, on est contents d'avoir inversé la tendance, puis les faits le démontrent, mais il y a encore beaucoup de travail à faire en avant de nous puis pour les prochaines années, c'est clair.

Deuxièmement, pour ce qui est de la question des admissions en médecine, Dr Aumond, j'aime bien quand on touche ce thème parce que je redéposerais avec plaisir, pour la 15e fois, ce que Mme Harel avait déposé ici, à l'Assemblée, le 4 novembre 2003, qui va vous raconter la véritable histoire des admissions en médecine au Québec, et là-dessus ça pourrait peut-être vous aider. Je pourrais vous le donner tantôt, là, quand on se saluera.

Je voudrais parler d'abord des cliniques spécialisées affiliées. Je voudrais connaître la position de votre formation politique sur cette proposition-là parce que, dans le document de M. Legault, le député de Rousseau, de novembre 2002, on amène cette solution-là, on la propose. Est-ce que, là, maintenant, le Parti québécois tourne le dos puis n'est plus d'accord avec les cliniques affiliées? Est-ce que vous avez clarifié votre position sur la question? En avez-vous une? Si c'est le cas, quelle est-elle?

M. Aumond (François): La fonction du parti n'est pas d'être contre les cliniques spécialisées affiliées, c'est d'abord de s'assurer leurs besoins par secteur, et actuellement on pense que l'efficience du système n'est pas là pour maximiser la capacité des hôpitaux actuellement. Mais on ne s'oppose pas si ça devient nécessaire pour un secteur. Vous avez parlé que plus probablement l'ophtalmologie serait sortie des hôpitaux. Si ça devient une évidence, on n'est pas contre la clinique spécialisée affiliée.

Mme Richard (Monique): Mais il est bien entendu que c'est vraiment à l'intérieur du réseau qu'on veut que les premières énergies soient mises, et on veut que la preuve nous soit vraiment donnée que les cliniques spécialisées privées vont être un plus pour le réseau. Parce que, nous, on fait l'évaluation que, dans le réseau actuellement, dans le système, dans nos hôpitaux, on est capables de donner des services, on est capables d'organiser les chirurgies d'un jour, on est capables aussi, si jamais il y avait des problèmes, de répondre aux problèmes, on est capables de donner des garanties. Et là-dessus je pense, moi, que, quand on envisage toute la question des cliniques privées spécialisées, il faut aussi travailler sur toute la question des garanties de la qualité des services. Il faut aussi faire le point sur les ressources ? tout à l'heure, il en a été question, des ressources. Et on sait pertinemment que, quand on ouvre un pan de mur supplémentaire, qu'on génère des besoins, on va générer des besoins en ressources humaines, qu'en est-il des besoins en ressources humaines dans les hôpitaux actuellement, où on doit donner ces services-là?

n (17 h 30) n

Alors, l'engagement qu'on voudrait de la part du gouvernement, ce n'est pas de fermer la porte à cette question-là, mais c'est de l'ouvrir toute grande pour le réseau public à l'intérieur des institutions actuellement et de rentabiliser au maximum ce qu'on peut donner, parce qu'on pense qu'on est capables, en mettant en place un plan d'action progressif sur les ressources, sur l'allocation des ressources comme sur l'allocation de financements adéquats... on pourrait être en mesure d'éviter possiblement la mise en place de cliniques privées spécialisées.

M. Couillard: Mais là-dessus on est d'accord, puis il y a d'ailleurs des exemples, là, qui montrent que des progrès importants peuvent être faits, puis, dans la plupart des régions, il n'y aura pas besoin d'avoir recours à la clinique spécialisée affiliée. Mais qu'est-ce qu'il y a, et je reprends la question que je posais à M. Massé tantôt, qu'est-ce qu'il y a de péché, ou de rébarbatif, ou de catastrophique à ce qu'il y ait cinq ou six cliniques affiliées au Québec, notamment à Montréal ou en Montérégie, au Québec?

Mme Richard (Monique): Bien, moi, je vous dirai, M. le ministre: Je ne vois pas ça comme un péché ? puis il y en a qui ne sont pas sans intérêt. Mais ce que j'ai envie de vous dire, c'est: Si on peut l'éviter, évitons-le. Moi, je pense que notre système public actuellement, c'est un fleuron au Québec. Bien sûr, il est perfectible, il y a des choses à améliorer, mais on a un système de qualité dans lequel on doit continuer de s'investir, et à mon avis créer un appendice avec des cliniques privées spécialisées dont on ne sait pas trop quel sera le nombre et le besoin réel, bien, moi, je me dis: Donnons-nous donc comme priorité d'investir dans le réseau et de faire en sorte que les hôpitaux puissent être en mesure de répondre.

M. Couillard: On peut faire les deux. Pourquoi s'interdire d'innover, là? Il y a comme cette ambiance, là, que je retrouve ? puis ce n'est pas juste votre présentation, mais l'autre également ? comme si on voulait, à toutes fins pratiques, s'accrocher au système comme il est au lieu de se concentrer sur les valeurs. Ce qu'on doit défendre, c'est les valeurs du système de santé, qui est l'accessibilité universelle pour tous puis le financement public. Le mode de prestation de services, on peut-u se donner le droit, au Québec, d'imaginer des formules différentes? Pourquoi pas?

Le Président (M. Copeman): M. Rebello.

M. Rebello (François): Oui. Ce qui est important, par contre, là, pour quelqu'un de l'extérieur qui regarde ça objectivement, là, il se dit: La clinique affiliée, là, privée, là, elle va prendre où ses docteurs? Où c'est qu'elle va les prendre? Elle ne les prendra pas en Chine, elle va les prendre dans les hôpitaux, O.K.? Ça, c'est la réalité. Donc, à quelque part, il y a déjà là une mathématique de 1+1=2 qui n'est pas de votre côté dans ce sens-là. C'est-à-dire que tous les médecins qu'on sort des hôpitaux, on va les avoir en moins pour soigner les gens dans le système public. Donc, c'est vous qui avez le fardeau de la preuve de ramener la nécessité de sortir des médecins des hôpitaux pour les envoyer ailleurs. Donc, je vous le dis, on n'est pas fermés, on n'est pas idéologiquement contre l'existence des cliniques privées. La seule chose, c'est qu'il faut faire la démonstration que c'est au bénéfice du bien public et non pas de ceux qui vont vouloir s'ouvrir des cliniques privées, parce que ça, vous comprendrez les citoyens de se poser certaines questions avant d'autoriser certaines personnes de faire de la business avec la santé au Québec.

M. Couillard: Je n'enfoncerais pas la porte que vous m'avez ouverte sur le fait de sortir les médecins du système de santé, n'ayez crainte. Les médecins, on ne les prendra pas en Chine, on va les prendre dans les hôpitaux. Moi, j'ai expliqué tantôt à M. Massé, là: avant 2003, j'opérais 0,8 journée par semaine. J'aurais aimé ça, faire plus. O.K.? Alors, les médecins, il va y en avoir qui vont aller là. La seule catégorie de médecins qu'il faut surveiller, c'est les anesthésistes.

M. Rebello (François): Vous auriez aimé ça, les faire, les opérations, à l'hôpital, non?

M. Couillard: Si vous saviez ce que j'ai vécu pendant des années. Mais je n'entrerai pas là-dedans.

M. Rebello (François): Bien, pourquoi pas ouvrir l'hôpital plus, tu sais, la salle?

M. Couillard: On va le faire, on fait les deux. Alors...

M. Rebello (François): Bon, commencez par faire ça, puis après ça..

Le Président (M. Copeman): Mais ce que je comprends, c'est un dialogue, mais je pense qu'il est préférable au moins de permettre à tous et chacun de terminer une phrase avant de dialoguer.

M. Couillard: Alors, effectivement, M. le Président, on va tout faire ça, on fait ça, on augmente le financement, on augmente le volume de chirurgies, on concentre les chirurgies dans les hôpitaux publics, puis, dans 90 % des cas, ça va être ça, la solution. On est toujours dans le domaine du financement public.

Puis vous parliez tantôt des débats ésotériques. Oui, je reviens toujours sur cette affaire-là. Ça me sidère de voir à quel point quelque chose qui est si fondamentalement normal ou banal, qu'on diversifie les modes de prestation dans le cadre d'un financement public équitable pour tous les citoyens, fasse l'objet de tant de discussions. Je vais vous dire, pour d'autres pays qui ne sont pas moins socialement avancés que notre État, ici au Québec, là, c'est une discussion qui est presque surréelle. Ils se demandent comment est-ce qu'on peut remettre en question ces éléments-là. La raison pour laquelle on le remet en question ici, c'est qu'on s'attarde non pas à la fonction puis aux principes éthiques qui sont dans le système de santé, mais au système lui-même. On s'accroche au système pour le protéger comme il est plutôt que d'innover puis de se donner des modes de prestation différents qui peuvent être dans les hôpitaux publics, mais également à l'extérieur des hôpitaux publics sous financement public. Pour moi, c'est le système de santé public. Tant que c'est financé par le public, il n'y a pas de contribution de l'usager, il n'y a pas de différence d'accessibilité, c'est financé par le public.

Mme Richard (Monique): Mais, à partir du moment où on met en place une nouvelle forme de services, on génère des coûts à la mise en place de cette nouvelle forme de services. On génère aussi des conséquences au niveau des ressources. Écoutez, si on calcule qu'au Québec il y a un potentiel x de médecins, de chirurgiens, de spécialistes, d'infirmières, tout l'appareillage humain et financier qu'il nous faut pour cela, si on investit dans ça, c'est de l'investissement qui fait en sorte qu'on n'a pas ailleurs en ressources humaines comme en ressources financières. Ça ne peut pas ne rien coûter. Et pourquoi ne pas prendre cet argent-là, l'investir dans le réseau et innover dans nos façons de faire dans le réseau actuellement?

Et je vous dirai, moi, que les travailleurs et les travailleuses qui sont dans le réseau de la santé et des services sociaux, ils auraient le goût aussi de voir des choses changer, de voir des choses innover et de pouvoir s'investir dans un système qu'ils ont... là, il ne faut pas que je change de chaise, c'est un peu automatique, mais... de voir qu'on investit dans un système qu'ils ont tenu à bout de bras pendant bien des années, et il serait, je pense, moi, très intéressant pour ces personnes-là de pouvoir, à l'intérieur des établissements de santé actuels, changer des façons de faire pour répondre aux besoins de la population sans en faire quelque chose d'à côté qui a le nom de privé, qui semble être meilleur parce qu'on crée ça à côté d'autre chose qui existe déjà et qui performe malgré tout.

M. Couillard: Mais il n'est pas question de payer pareil ou payer moins. Ça va coûter plus cher. Faire plus de chirurgies, ça coûte plus cher. Alors, il s'agit de voir dans quelles conditions on les fait, sur quel plateau technique, puis à quel coût unitaire? Ce que Michel Clair nous a fait remarquer ici, puis on le connaît, Michel Clair, vous le connaissez aussi très bien, c'est que le réseau de la santé n'a pas été habitué à raisonner en termes de coût unitaire puis de se comparer à d'autres. Alors, si on veut faire, je ne sais pas, 2 000 chirurgies de plus ? de plus, pas de moins, de plus ? bien il y a une grande partie de ces chirurgies-là qui vont être faites dans les hôpitaux publics. Si on peut les faire dans un autre endroit sans frais pour le patient à coût unitaire moindre, pourquoi pas?

Mme Richard (Monique): Bien, la preuve est de votre côté.

M. Couillard: Ah! bien oui.

Mme Richard (Monique): Parce que c'est sûr que là-dessus, là, pour nous, il est très important d'investir dans le réseau. Comme on le dit, on n'a pas mis la croix sur ces cliniques-là, mais notre priorité, c'est vraiment dans le réseau, où on est capable d'atteindre des seuils de performance, de qualité de services, de continuité de services et de faire en sorte aussi de répondre à des critères de qualité. Parce qu'on le connaît, le réseau public, on est capable d'en répondre et on veut garder ce contrôle. Et est-ce qu'on aura le même contrôle et la même capacité d'intervenir dans le cadre de cliniques spécialisées privées?

M. Couillard: C'est un très bon point, hein, c'est un très bon point parce que tout est dans l'encadrement puis la définition, puis la définition légale, puis l'encadrement notamment du personnel, des relations contractuelles, et ça, c'est le texte législatif qui va le révéler. Mais je dirais qu'on a, dans cette commission, beaucoup de suggestions intéressantes et importantes sur la façon d'encadrer cette question-là.

Dr Aumond, peut-être une question. Vous êtes médecin de famille, je pense?

M. Aumond (François): Oui, oui.

M. Couillard: Pourquoi il y a une baisse d'intérêt des médecins actuellement pour les groupes de médecine de famille, notamment, là, dans plusieurs régions du Québec?

M. Aumond (François): Je veux juste compléter sur l'autre sujet rapidement, là. Juste dire qu'au-delà du coût unitaire il faut voir aussi le coût global en termes de non-disponibilité des ressources, puis des choses très simples... Vous savez que la majorité des chirurgies ORL pourraient être faites dans une clinique spécialisée affiliée. Mais l'ORL, entre ses salles d'opération, s'il a besoin de venir voir un patient à l'urgence, s'il a besoin de venir voir un patient sur les étages, ce n'est pas un gros débit. Je ne pense pas qu'il va y avoir un ORL qui va être présent à l'hôpital une journée complète. Ça fait qu'il y a des effets néfastes à ça. Puis, au niveau des infirmières, c'est encore plus évident. C'est pour ça qu'on pense qu'il faut favoriser quand même... Évidemment, on ne peut pas être contre la vertu.

Donc, pourquoi il y a un désintérêt?

M. Couillard: Il y a une baisse d'intérêt des médecins omnipraticiens pour les groupes de médecine. Et c'est très clairement dit et très explicitement dit par la FMOQ même.

M. Aumond (François): Je vais vous dire, moi, pour côtoyer les résidents dans un hôpital d'enseignement, c'est difficile pour un résident... en médecine familiale qui termine actuellement. Ils sont assez peu informés. On sait que le mécanisme de sélection pour remplir les postes dans le plan de répartition des effectifs médicaux s'ajuste avec le temps. Les résidents ne sont pas nécessairement bien informés. On leur dit, d'une part: On va vous... on veut un engagement de votre part à faire de la première ligne, à faire du suivi, de la prise en charge, et, d'autre part, on leur présente les priorités d'activités médicales particulières: un, l'urgence; deux, l'hospitalisation, ce qui devient un petit peu conflictuel. Les médecins qui commencent ont souvent besoin de se camper davantage dans une pratique plus sécuritaire. Évidemment, les groupes de médecine familiale offrent cette sécurité-là, il y en a quand même peu actuellement par rapport à la quantité d'omnipraticiens en bureau. Mais d'autre part les besoins dans les hôpitaux, les besoins d'omnipraticiens font que le nouveau médecin de famille est facilement aspiré par ses activités hospitalières. Il y a, à un moment donné, une zone de confort qui s'installe. On lui demande de combler des gardes à l'urgence. À un moment donné, il se fait dire: Fais-en donc un petit peu plus. Financièrement, ça lui assure un salaire qui est confortable. Ce médecin-là ne va pas aller faire de la prise en charge en bureau qui est éminemment moins payante, beaucoup plus lourde en termes de responsabilités en dehors des heures travaillées. Moi, je vois ça un petit peu comme ça, alors qu'il faut favoriser effectivement le support de ces nouveaux médecins là via les groupes de médecine familiale... avec un réseau ou toute autre forme. Et je sais qu'il y a déjà des choses qui ont été présentées par la FMOQ, notamment un certain montant d'installation en échange d'une prise en charge de clientèle vulnérable.

n (17 h 40) n

M. Couillard: Oui, d'ailleurs, la négociation en cours ? on n'entrera pas dans les détails ? devrait nous permettre de faire des avancées significatives dans ce domaine-là.

Bien, M. Rebello, vous avez parlé des infirmières praticiennes. Effectivement, le Québec a plusieurs années de retard sur cette question-là, qui sont essentiellement dus, ces retards, à des blocages corporatistes. Je pense qu'on va être d'accord là-dessus, sinon comment pourrait-on expliquer qu'au Québec on n'en a presque pas, alors que partout en Amérique du Nord, c'est quelque chose qui est très répandu? Les infirmières praticiennes spécialisées sont quand même là, elles commencent.

Pour ce qui est de l'infirmière praticienne en première ligne, puis vous parliez de volonté politique, je peux vous dire que, s'il n'y avait pas une volonté politique que ça se fasse, ça fait longtemps que le dossier serait enterré, croyez-en ma parole. On veut effectivement que ça se fasse. Les travaux sont en cours actuellement pour la rédaction d'un règlement qui va définir la profession avec la formation, la reconnaissance des formations antérieures des personnes qui sont déjà sur notre territoire. Donc, je pense que... Vous avez très bien dit... comme patient, vous-même, vous aviez l'impression que plusieurs choses pourraient être prises en main par l'infirmière, et la majorité des citoyens voient ça de façon favorable. Je pense qu'enfin on va arriver là, mais après, comme vous l'avez dit, de longues années d'attente et de retard. Puis je dois dire qu'actuellement et la Fédération, l'Ordre des infirmières et le Collège des médecins travaillent de façon constructive. On dirait que maintenant le concept n'est plus aussi rébarbatif qu'il l'a déjà été. Alors, je pense répondre à votre question de cette façon-là.

Pour ce qui est du financement, le dernier point que vous avez abordé, le débat ne se termine pas aujourd'hui, on ne fait qu'aborder un élément du rapport Ménard. Il est certain que ça va prendre un débat beaucoup plus large et beaucoup plus concentré sur certaines options. Le but un peu de la commission, ici, c'est de déterminer quelles sont les avenues. On en a fait la liste plusieurs fois, le député de Borduas et moi, parce que la liste n'est pas exhaustive. Les options, là, fondamentalement, ça vient du citoyen, là, le financement de la santé. Les options sont... pas plus que six ou sept, alors fiscalité, caisse santé, perte d'autonomie, la proposition de M. Castonguay, assurance privée. Alors, une fois qu'on aura recueilli un peu de support pour une ou plusieurs de ces propositions-là, il y aurait lieu de faire un autre débat en les étudiant de façon beaucoup plus approfondie, avec les pour, les contre et les aboutissants, mais ce n'est que... je vous rassure, là, le débat ne fait que commencer sur le financement.

M. Rebello (François): J'espère juste, M. le ministre, qu'il ne durera pas trop longtemps parce qu'on arrive déjà à un moment crucial à ce niveau-là. Il faut prendre des décisions, là, d'ici quelques mois, sur le financement à long terme, sinon on va avoir beaucoup de difficultés à faire face au décaissement de 2030, 2040, si on n'a pas planifié comme il faut ces questions-là.

Puis je vous ramènerais aussi toute la question du déséquilibre fiscal. Vous le savez comme moi, c'est comme payer la dette, là. On l'a vu, les libéraux, dans le contexte canadien, à cause du déséquilibre fiscal, ils voient bien les limites. Il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre. Donc, il faut vraiment se poser la question si ça ne vaut pas la peine de se donner un pays assez rapidement pour se donner tous les moyens pour pouvoir faire les choix de mettre l'argent de côté pour faire face à nos besoins futurs en santé. J'espère que vous pourrez y réfléchir sérieusement.

M. Couillard: Bien, j'espère que, par la même occasion, vous réfléchirez comment, dans une hypothèse semblable, que vraiment je vais combattre, mais je le fais amicalement parce que chacun a droit à ses opinions et ses convictions, puis je les défends aussi passionnément que les vôtres, comment, dans un contexte semblable, avec une dette publique à financer de près de 200 milliards, vous allez réussir à financer le système de santé. Mais là c'est un autre débat qu'il serait fort intéressant d'avoir dans un autre lieu, à un autre endroit.

Alors, merci, M. le Président. J'espère que le député de Borduas va suivre la tradition que j'ai établie. Vous avez vu comme j'ai été réservé et correct dans le débat, qu'on est resté sur la base de concepts, et je suis certain que le député de Borduas va entreprendre la discussion de la même façon.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas, qui est libre de ses paroles et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que j'ai besoin de faire une profession de foi sur le type d'intervention que je vais faire? Je choisis mes forums et mes styles d'intervention dépendant du lieu ou des enjeux.

Mais, moi, je voudrais profiter, parce que... Écoutez, n'importe quel autre groupe, c'est différent, mais c'est les gens de mon parti. J'ai travaillé, collaboré à préparer le mémoire, je suis un peu, là... il ne faut pas faire semblant que. Alors, la réalité, c'est que je partage les points de vue qui sont exprimés là. Je vais plutôt utiliser le temps que j'ai pour essayer de clarifier un certain nombre d'éléments qui n'ont peut-être pas été mis en évidence dans la discussion autant que dans la présentation jusqu'à maintenant.

Parce que dans le fond la proposition gouvernementale sur les cliniques privées affiliées, le ministre l'a dit, dans le fond, ça se ramène à la conviction que ça va coûter moins cher parce que l'idée du coût unitaire, c'est plus avantageux dans les cliniques privées affiliées que dans les centres ambulatoires publics, et toute la question est là. Ce serait quoi, l'intérêt d'aller vers le privé si, en bout de piste, on ne pensait pas que ça coûterait moins cher? Puis le docteur tantôt a indiqué qu'il fallait nuancer ça un peu, cette question des coûts unitaires là. J'aimerais ça que vous élaboriez un peu plus sur l'explication que vous aviez donnée, parce que je pense que ça nous permet de regarder cette dimension-là de l'intérêt d'aller chercher... d'aller dans cette direction-là en fonction de la prétention que des gens ont que ça coûterait moins cher avec eux, même en ajoutant leurs marges de profit. Parce qu'il y a un médecin qui est venu aujourd'hui, là, qui a une grosse clinique, qui voudrait bien être une des premières cliniques privées affiliées, et il ne se cache pas, c'est très correct, tu sais, il y a de l'argent à faire là, il y a un profit à aller chercher.

Alors, comment, même avec le profit autorisé, accepté, on peut penser qu'on va offrir un coût unitaire moins élevé que ce qui peut se faire dans les centres ambulatoires publics?

M. Aumond (François): Écoutez, c'est possible qu'il y ait un coût unitaire plus faible au niveau d'une clinique spécialisée affiliée dépendamment de comment vont être payés les employés, dépendamment des normes qui vont être respectées. Évidemment, l'environnement hospitalier est assez lourd de normes, de temps pour désinfecter une salle d'opération. Comme vous l'avez vu dans La Presse, ce matin, le Dr Desnoyers, qui est orthopédiste dans mon centre hospitalier, qui dit: À 1 h 10, on ne commencera pas une chirurgie de trois heures parce qu'elle va finir à 4 h 10, puis il ne faut pas que ça dépasse 4 heures. Donc, il s'en va chez eux.

Évidemment, ce genre de raisonnement là n'aurait pas lieu dans une clinique spécialisée affiliée parce que sinon, rapidement, le coût unitaire augmenterait. Donc, moi, je pense qu'il faut davantage aller voir l'esprit qui sous-tend les entrepreneurs de cliniques spécialisées affiliées puis essayer, dans la limite du raisonnable, des normes existantes dans les hôpitaux, d'appliquer ces principes de bonne gestion là, et on devrait pouvoir arriver avec un coût unitaire qui n'est pas vraiment plus élevé considérant l'économie sur le profit et l'économie sur le béton.

M. Charbonneau: Au sujet des assurances privées, vous n'en avez pas beaucoup parlé, là. Je pense que ce serait peut-être important que le Parti québécois mette sur la table... parce que dans le fond est-ce qu'on n'a pas tous, comment dire, laissé aller un soupir de soulagement quand le ministre a dit: Bon, bien, je vais juste l'ouvrir pour trois types de chirurgie? Est-ce que ce n'est pas un moindre mal? Parce que beaucoup de gens ont pensé ça et continuent de penser ça.

M. Aumond (François): Si c'est un moindre mal, c'est un mal.

M. Rebello (François): Sur la question des assurances, je dirais... Moi, je vais vous dire, M. le ministre, je vous comprends mal sur cette question-là de l'assurance parce que fondamentalement, là, tous les progressistes au Québec, comme vous l'êtes aussi parce que vos textes que vous avez publiés avant d'être en politique allaient clairement dans ce sens-là, c'était important de garder le financement public. Pas besoin de financement privé. À la limite, on peut accepter le privé dans la gestion des services, des cliniques, et tout ça. Personne n'a été dogmatique là-dessus. Mais, sur le financement, c'est important de maintenir ça public.

Là, vous m'arrivez, vous nous arrivez avec une proposition où il faut absolument permettre ça, puis vous nous dites: Ça ne va rien changer. Mais pourquoi le permettre si ça ne va rien changer? Puis, tous les avis légaux le disent, il n'y a pas nécessité de faire ça d'un point de vue légal, puis, si jamais il y avait nécessité, dans le contexte actuel, bien la Cour suprême pourrait toujours faire un avis en disant: Dans le contexte actuel... puis on pourrait toujours y réfléchir. Vous savez ce que je veux dire?

L'important, tu sais... C'est symbolique, c'est très important pour les Québécois de savoir qu'il y a un système à une vitesse, puis pourquoi permettre l'assurance privée si ça va ouvrir à deux vitesses ou si ça ne change rien? Il n'y a pas de... On comprend mal pourquoi vous allez vers ça. Puis je vais vous dire: Mon grand-père, qui est mort l'année passée, m'a raconté des histoires de jeunesse où, dans ce temps-là, justement, il y avait des soins de santé privés qui existaient, puis il y a des gens qui devaient vendre leur maison. Mais c'était ça pareil, il y a des gens qui vendaient leur maison parce qu'il y avait quelqu'un de malade dans la maison. Mais, moi, je n'ai pas le goût de revivre ça. Puis je pense qu'on a eu des avancées, puis c'est important, puis je pense que vous partagez ces valeurs-là.

Mais pourquoi pas ? je vous pose la question ? pourquoi pas affirmer clairement le fait qu'on va maintenir un système à une vitesse puis qu'on n'a pas besoin d'ouvrir à l'assurance privée?

Le Président (M. Copeman): M. Rebello, vous pouvez bien poser la question, nous sommes sur le temps du député de Borduas. C'est lui qui a posé la question. Normalement, le dialogue est entre vous deux.

M. Charbonneau: C'est ça. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Il en a eu pas mal, de temps, y compris la période des questions.

Une voix: ...votre question en même temps.

M. Charbonneau: Oui, oui. Mais...

Mme Richard (Monique): Mais je pense que là-dessus il faut aussi dissocier le fait qu'on donne une garantie d'accès puis, comme automatiquement, il faudrait aller à l'assurance privée. Moi, je pense qu'on est capable de donner une garantie d'accès sans aller à l'assurance privée. On n'est absolument pas obligé de passer par là. Et peut-être qu'à partir du jugement de la Cour suprême on s'est créé une obligation, mais, moi, je pense que... Le jugement prenait des assises sur une réalité de 1997, on l'a répété. Les choses ont changé maintenant. Il y a eu des choses qui se sont améliorées. On est capable de faire la preuve qu'on améliore les choses sans être obligé de dire: Le moyen pour avoir des résultats, ça va être l'assurance privée. On est capable absolument de passer à côté de ça.

n (17 h 50) n

M. Charbonneau: Et d'ailleurs, moi, je le disais tantôt aux gens de la FTQ puis je le répète, la logique, c'est: si on a une obligation légale de lever l'interdiction, pourquoi... à ce moment-là, l'obligation légale, elle est pour toutes les chirurgies, pas pour juste trois.

Mme Richard (Monique): Juste trois, bien oui.

M. Charbonneau: Et, si, dans le fond, il n'y a pas une obligation légale ou si on est prêt à prendre le risque que, pour toutes les autres chirurgies, sauf trois en particulier, on ne la lève pas, l'interdiction, c'est peut-être que dans le fond, même pour ces trois-là, ce n'est pas nécessaire et qu'on fait la démonstration que légalement on n'a pas une obligation de le faire, on fait un geste symbolique, cosmétique. Mais, encore là, la question, c'est: Est-ce qu'on ne crée pas une dynamique et on n'engage pas un engrenage qui, un jour, quand ceux qui sont autour de la table ne seront plus là, dans un autre contexte social ou politique... des gens voudront utiliser cette brèche-là pour dire: Bien, maintenant, on y va...

M. Rebello (François): J'ajouterais aussi: si jamais il y a des paiements à faire pour cette fameuse assurance supplémentaire là, ça va coûter de l'argent au gouvernement, notamment qui est employeur, hein, employeur de gens qui ont des assurances. Donc, il y a des risques aussi de dérapage en termes de coût parce que, bon, tout le monde qui travaille... Moi, je travaille dans le domaine de la finance, je peux vous dire qu'il y en a une, prime sur des assurances. Ce n'est pas juste le coût, c'est le coût plus 25 %, plus 10 %, plus d'autres éléments qui... Justement parce qu'il n'y a pas une diversification maximale avec des assurances privées, ça augmente le coût finalement pour les citoyens.

Ça fait que tout cet aspect-là... je pense qu'avant d'aller de l'avant avec des questions d'assurance privée il faut mesurer l'implication. Je ne suis pas sûr, moi, que les travailleurs du secteur public vont accepter qu'il existe des assurances privées mais qu'eux autres ne pourraient pas vraiment y avoir droit, là. Il y a des gens qui vont le revendiquer dans les négociations, puis, au bout de la ligne, il y a quelqu'un qui va payer pour, puis ça va être le citoyen, là, souvent, ou même les grandes entreprises qui n'ont pas besoin de ça. En ce moment, on le voit dans les débats, aux États-Unis, sur la santé; le plus gros problème, c'est les coûts, pour les employeurs, de la santé. Nous, on a la chance d'avoir un système où les employeurs n'ont pas à supporter des coûts d'assurance santé. Donc, il faudrait faire attention à notre compétitivité aussi avant d'aller dans ce sens-là.

Mme Richard (Monique): Là-dessus, moi, je voudrais ajouter une chose. C'est sûr... En introduction, je parlais de brèche qu'on ouvrait et je suis profondément convaincue que d'ouvrir cette porte-là, ça l'ouvre pour énormément de demandes. Quand on regarde la question des délais pour ces trois types de chirurgie, oui, mais il y en a d'autres aussi. Tout de suite au lendemain de l'annonce d'une hypothèse comme celle-là, on a entendu combien de groupes intervenir pour dire: oui, mais tel type de chirurgie ou tel type de soins, et ainsi de suite. Alors, moi, je suis convaincue que la réalité va créer une demande qu'on va avoir de la difficulté à contrer, et il y a des gens qui vont apprendre à faire du profit avec la maladie de certaines personnes et qui vont vouloir développer aussi. On n'est pas naïf, ici, pour penser que, quand on ouvre à un certain secteur au niveau de l'assurance privée, penser que ça va s'arrêter là, puis que ça va être bien tranquille, puis que, même à un moment donné, quand on aura résorbé nos besoins, ça peut même se fermer. Alors, moi, je pense qu'on n'a pas à ouvrir cette porte-là pour répondre aux services qu'on doit donner.

M. Charbonneau: Pourquoi vous proposez la caisse santé plutôt que la caisse vieillesse? En simplifiant... c'est-à-dire pourquoi une caisse... ou une assurance... un régime collectif d'assurance pour perte d'autonomie versus un régime d'assurance collective pour l'ensemble des soins de santé?

M. Rebello (François): En fait, ça permet de voir les choses de façon plus large. D'avoir une caisse santé, ça permet d'anticiper l'ensemble de la progression des coûts reliés au vieillissement mais aussi aux autres facteurs, parce qu'on le sait qu'il n'y a pas juste le vieillissement qui fait en sorte que les coûts de santé augmentent, il y a d'autres réalités, comme les progrès technologiques, qui font en sorte qu'à un moment donné il faut planifier d'avoir assez d'argent pour faire face aux coûts de santé en fonction d'une réalité démographique mais aussi des progrès technologiques qu'on aura connus. Donc, c'est pour ça qu'on préfère avoir une approche globale au niveau des soins de santé. Puis il faut voir aussi que les bénéfices de cette caisse santé là ne seront pas juste pour les personnes âgées de ce moment-là auxquelles ils vont pouvoir... à ce moment-là, ces citoyens vont pouvoir recevoir des services, mais pas juste eux, l'ensemble des citoyens québécois qui vont avoir besoin des soins de santé, même les enfants, les adultes, etc., vont pouvoir avoir accès au financement de cette caisse-là. Donc, ça a une fonction aussi plus... disons, ça favorise l'équité intergénérationnelle que de voir la question de la santé d'une façon globale et non pas simplement comme une question reliée au vieillissement, parce que ce n'est pas que ça, on en est tous conscients.

Mais on sait une chose, qu'on s'ostine midi à quatorze heures pour savoir si le vieillissement engendre une augmentation de x ou y des coûts de santé, on sait de toute façon que les coûts vont monter de façon importante et que donc, pour faire face à ces coûts-là, c'est important de mettre de l'argent de côté et d'avoir les moyens de faire des choix judicieux au moment opportun.

M. Charbonneau: Dans le fond... comment la caisse santé... La FTQ disait tantôt qu'à la limite ils seraient prêts à envisager une tarification dédiée, par exemple, d'Hydro-Québec, l'augmentation des tarifs d'Hydro et modulée selon la capacité de payer pour ça. Est-ce que...

M. Rebello (François): Il y a une chose qui est sûre, c'est qu'il faut mettre de l'argent dedans. Là, cet argent-là, il peut venir de différentes formes de taxation, il peut venir des profits d'Hydro-Québec, il peut venir des profits des ressources naturelles, il peut venir de différents endroits. O.K.? Mais, grosso modo, de façon générale, il y a quand même une capacité fiscale générale à regarder du gouvernement. Puis c'est clair que, dans le contexte du déséquilibre fiscal à l'heure actuelle... je me rappelle, même au moment où on était au gouvernement, en avoir discuté avec les ministres, et tout ça, il n'y avait pas... ce n'était pas évident d'arriver puis dire: On va couper dans des soins immédiats pour mettre de l'argent de côté dans un contexte de déséquilibre fiscal.

Mais, si on regarde les choses où on règle le problème du déséquilibre fiscal, notamment en se donnant un pays, là on a des choix à faire. Et là, sur notre marge de manoeuvre, nous, on dit: Il faut en mettre de côté pour faire face aux moments plus exigeants futurs. Donc, ça va être... Je pense, à cette question-là, des choix vont être plus faciles à faire dans un contexte où on aura réglé la question du déséquilibre fiscal, et, à ce moment-là, toutes les questions seront à poser. Mais, je veux dire, qu'on les prenne dans les profits d'Hydro-Québec ou qu'on les prenne ailleurs, c'est l'argent... au total, c'est l'assiette fiscale du gouvernement qui va devoir être amputée d'un montant x qui va faire partie de la capitalisation de cette caisse-là.

M. Charbonneau: Bon, vous avez parlé de la nécessité de la prévention puis des saines habitudes de vie, etc. Il y a des gens, aujourd'hui, qui nous ont proposé, puis il y en a d'autres aussi éventuellement, de... Puis Michel Venne, je me rappelle, de l'Institut du Nouveau Monde, a écrit un texte il n'y a pas longtemps, où, parmi les suggestions qui étaient faites, il y avait, entre autres, la possibilité de dire: On va taxer certains produits néfastes, on va... donc, on va avoir une attitude qui va décourager la consommation de certains produits ou encore qui va décourager le maintien de certains comportements.

M. Rebello (François): Bien, écoutez, comme économiste, je peux vous dire que des fois les taxes peuvent avoir un effet dissuasif, mais ce n'est pas toujours évident que c'est juste ça qui fait marcher le monde, là, tu sais. Par exemple, moi, je pense que c'est beaucoup plus... à court terme, là, c'est beaucoup plus efficace de regarder la problématique des cafétérias scolaires en disant: Qu'est-ce qu'il manque aux écoles d'aujourd'hui pour qu'elles puissent offrir un repas de qualité en bas du prix des hamburgers, là? Qu'est-ce qu'il leur manque pour pouvoir le faire puis financer ça à court terme? Je trouve que c'est pas mal plus... ça va avoir plus d'impact sur la qualité de l'alimentation de nos jeunes que si on augmente le hamburger de 0,10 $ parce qu'on a augmenté les taxes sur la malbouffe. Donc, moi, je pense qu'à quelque part, là... Ce n'est pas une suggestion à éviter, je pense qu'il y a moyen de regarder ces questions-là. Mais, encore là, encore une fois, il y a des lignes à tracer qui ne sont pas toujours évidentes. Joe la patate, au coin de la rue, il vend des hot chicken, il vend des hamburgers; lequel qui est de la malbouffe, lequel qui ne l'est pas? Ça fait que ce n'est pas évident non plus à tracer une ligne sur la taxation pour un sujet comme ça.

M. Charbonneau: O.K. Mais il y a une réalité, par exemple, c'est que, si on investit en prévention, puis qu'on l'investit actuellement à 2 %, à la hauteur de 2 % du budget consacré à Santé et Services sociaux, puis que tout le monde nous dit que, si on voulait avoir un impact réel et vraiment signifiant, il faudrait l'investir à la hauteur de 5 %, ça veut dire que, là aussi, il y aura un coût à payer. C'est-à-dire, ce n'est pas vrai que, y compris pour la prévention, qu'il n'y aura pas un déboursé additionnel significatif à accepter.

M. Rebello (François): Mais, encore une fois, je vous dirais, sur la question, par exemple, du sport, les sommes à investir souvent sont très peu importantes par rapport à d'autres dépenses. Vous savez, c'est des sommes à la marge qui peuvent avoir un impact très significatif à long terme. Ce n'est pas toujours des sommes si importantes que de pouvoir investir en prévention, puis s'assurer, par exemple, que nos jeunes puissent avoir des activités sportives tous les soirs à l'école. C'est des investissements parmi les moins chers qui rapportent le plus que celles de... par exemple, des investissements dans le sport ou de l'alimentation de nos jeunes le midi.

n (18 heures) n

Mme Richard (Monique): Mais je pense que ce que ça nous démontre aussi, c'est l'importance d'un débat beaucoup plus large sur la question qui va nous amener à tenir compte de toutes les composantes d'un service de santé qui est bénéfique aux citoyens et aux citoyennes, qu'on parte de la prévention et qu'on aille jusqu'au bout de la ligne, et qu'on soit en mesure de voir l'interaction des différentes composantes de cela et de voir comment on peut y investir. Donc, c'est un débat sur toute la question du financement, mais dans chacune des composantes de ce qui nous permet d'avoir une population en santé, et je pense qu'il y a là ? tantôt, on en parlait ? un débat fort important à faire.

Bien sûr, il y a de l'argent à aller chercher à Ottawa, dès maintenant. Moi, je pense qu'il faut qu'on soit très clair sur... On ne parle pas de n'importe quoi, on parle du pain et du beurre, on parle de la santé des gens, des jeunes comme des moins jeunes. Et, à ce moment-là, il faut absolument avoir des interventions très fortes à l'égard du gouvernement fédéral actuellement pour que les argents qui doivent venir au Québec pour répondre à notre mandat qui est d'assurer la santé et les services de santé pour nos concitoyens et aussi nos concitoyennes, on ait la capacité de leur donner. Et ça, bien sûr qu'on peut faire la parade chacun notre tour, aller à Ottawa chercher dans cette situation qu'on est actuellement, mais, en attendant d'être dans une autre situation, il faut le faire et il faut absolument revendiquer ces moyens-là parce que les personnes qu'on soigne sont ici, l'argent pour les soigner est ailleurs. Alors, on peut faire ici tout ce qu'on peut à l'intérieur de notre réseau, mais il faut aussi aller chercher les moyens en même temps qu'on fait un débat beaucoup plus large sur qu'est-ce qu'on est prêt, comme société, à investir à nouveau dans notre système de santé.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas, il vous reste à peu près trois minutes. Nous sommes rendus à 18 heures. Est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre quelques minutes?

M. Charbonneau: Une dernière question.

Le Président (M. Copeman): Consentement donné. Allez-y, M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Est-ce qu'on ne... Parce que, là, actuellement, on a comme des débats distincts qui sont pourtant interreliés. On fait actuellement, à l'Assemblée nationale, un débat sur la question de la dette par la loi sur... le Fonds des générations. Mais est-ce qu'il n'y a pas un lien entre la discussion qu'on a sur la façon dont on va prioriser la question de la dette par rapport à la priorisation qu'on doit faire pour les services de santé dans l'avenir? C'est-à-dire, à un moment donné, là, ce n'est pas vrai que c'est distinct. On priorise quoi puis de quelle façon? La caisse santé, on ne peut pas à la fois constituer une caisse santé, puis constituer une autre caisse pour la dette, puis constituer une autre caisse pour autre chose. À un moment donné, il va falloir se poser les questions: Quelles sont les priorités? Puis on commence par quoi? Puis c'est quoi, l'interrelation entre... d'éléments, là?

M. Rebello (François): Dans le mémoire qu'on a présenté, on parle d'une initiative que M. Clinton, aux États-Unis, avait lancée, là, l'espèce de «Budget Office» du gouvernement fédéral américain, avec une planification à long terme des questions financières et des questions du financement des services publics. Et c'est à ce moment-là qu'il y a eu des décisions de prises, entre autres pour sauver le système de santé américain, là, leur espèce de caisse, là, pour les personnes âgées au niveau du système de santé. Il a fallu qu'il y ait une photo de l'avenir qui soit prise pour qu'on puisse ensuite prendre des décisions.

Donc ça, ça pourrait être une initiative intéressante que d'avoir ce type d'institution là au niveau de l'Assemblée nationale, ça pourrait relever de l'Assemblée nationale, pour avoir justement une vision globale du problème du financement des services publics à long terme puis qu'on ne fasse pas les débats à la pièce, comme vous l'avez soulevé. Je pense que c'est tout à fait juste, ce que vous dites, M. Charbonneau.

Mme Richard (Monique): Mais c'est sûr qu'avec justesse il faut évaluer la capacité de payer des citoyens et des citoyennes du Québec, les grands défis que sont les nôtres dans cette société, autant la dette que l'éducation et la santé, et tout ça, c'est des vases communicants, puis, quand on fait un choix, bien il y a des incidences sur l'autre. Alors, c'est pour ca que le débat sur toute la question du financement, oui, mais ça ne pourra qu'être interrelié avec les grands défis qu'on a comme société, autant la dette que l'éducation, que le défi de l'environnement bien sûr. Alors, c'est un tout.

Le Président (M. Copeman): Je crois, M. Rebello, que l'initiative de M. Clinton portait plutôt sur la «social security» qui n'a rien à voir avec la santé aux États-Unis mais plutôt notre système de pension de vieillesse, l'équivalent de notre système de pension de vieillesse.

Alors, Mme Richard, Dr Aumond, M. Rebello, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Parti québécois.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain, mercredi le 24 mai, à 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 3)


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