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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Thursday, May 25, 2006 - Vol. 39 N° 33

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures sept minutes)

Le Président (M. Copeman): Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. La formule ne varie pas beaucoup, hein. Je vous rappelle que nous sommes ici afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, pour faire changement, je vais vous demander s'il y a des remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par M. Valois (Joliette) et Mme Charest (Rimouski), par M. Charbonneau (Borduas). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Je vous rappelle, à tous ceux qui ont une certaine tendance à utiliser les téléphones cellulaires, qu'ils sont défendus pendant les séances de la Commission des affaires sociales et toutes les commissions, d'ailleurs. Je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Nous avons une journée bien remplie aujourd'hui, et nous allons débuter dans quelques instants avec l'audition de la Fédération des chambres de commerce du Québec; et par la suite il y aura l'Ordre des pharmaciens du Québec; suspension à 13 heures ? je fais lecture de tout l'ordre du jour parce que le mandat est pour la journée, l'avis a été donné pour la journée au complet; suspension à 13 heures ? 15 heures, le Protecteur du citoyen; à 16 heures, M. Réjean Hébert; 17 heures, le Groupe de réflexion sur le système de la santé du Québec; suspension évidemment, habituelle, de 18 à 20; à 20 heures, Médecins pour l'accès à la santé; et 21 heures, on termine la journée avec le Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada. C'est large, ça, mais c'est une bonne journée.

Auditions (suite)

Alors, je vous rappelle... Je devrais évidemment, en premier lieu, souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. M. le vice-président Hogue, bonjour. Je sais, vous savez comment ça marche, mais je vais vous rafraîchir la mémoire: vous avez 20 minutes pour votre présentation, et il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vais vous aviser quand il vous restera trois minutes pour mieux vous aider à conclure dans le temps. Je présume que c'est M. Robillard qui est à côté de vous. Ce n'est pas trop compliqué, pas besoin de présenter la délégation. Alors, nous sommes à l'écoute, M. Hogue.

Fédération des chambres de
commerce du Québec (FCCQ)

M. Hogue (Bernard): Bonjour. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour. La FCCQ remercie les membres de la commission d'avoir accepté d'entendre son point de vue concernant la place du privé dans les services de santé du Québec. La manière dont le système de santé est conçu, géré et financé est de première importance pour le Québec à cause de son impact sur notre compétitivité, notre économie et nos choix de société. Toutefois, le débat devra aussi se faire au niveau canadien, car la Loi canadienne sur la santé impose un modèle plutôt restreint à l'inclusion du privé dans les services de santé.

n (11 h 10) n

Tout en étant conscients qu'il faut être prudents dans l'utilisation des comparaisons nationales et internationales, nous croyons que l'information sur l'expérience d'autres provinces et d'autres pays peut contribuer à faire progresser la discussion. Ainsi, la preuve présentée devant la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli a établi que plusieurs pays occidentaux qui n'imposent pas un monopole en matière de prestations de soins de santé réussissent à fournir à leurs concitoyens des services médicaux de qualité à prix plus abordable et, finalement, plus accessibles que ceux offerts actuellement au Canada et au Québec.

La FCCQ croit donc que le gouvernement peut améliorer la performance du système de santé en mobilisant davantage le secteur privé pour diminuer les pressions à la hausse sur le financement et la prestation de services, sans compromettre pour autant l'accès garanti aux soins pour tous.

Nous appuyons le gouvernement dans ses efforts pour améliorer l'efficience du système de santé public, qui fait présentement face à des problèmes sérieux quant à l'accès aux services et l'augmentation vertigineuse des coûts. En effet, la FCCQ est particulièrement favorable à la proposition du gouvernement de permettre une ouverture au secteur privé. Cependant, l'ouverture proposée nous semble beaucoup trop timide. La FCCQ estime qu'il faut aller au-delà des trois chirurgies électives proposées et permettre une ouverture plus grande au secteur privé. Compte tenu des pressions actuelles sur le système de santé public, l'ouverture au secteur privé nous semble non seulement souhaitable, mais nécessaire.

Tel qu'indiqué par le rapport Ménard, la croissance structurelle des dépenses en santé, de 5,1 % par année, devrait être beaucoup plus rapide que celle des revenus budgétaires, qui est estimée à 3,5 % par année. Cette croissance structurelle aura pour effet de créer un écart qui atteindrait 1,7 milliard de dollars en 2010 et plus de 25 milliards de dollars en 2030. À moins d'un changement de direction majeur, les ajustements ponctuels au système de santé ne feront que retarder le moment des véritables choix pour les Québécois et des décisions pour le gouvernement. Il nous apparaît donc nécessaire que le gouvernement cherche un nouvel équilibre entre le financement public et le financement privé, autrement la viabilité du système en sera menacée.

Le plan proposé par le gouvernement prévoit un investissement de 20 millions de dollars supplémentaires afin de mettre en oeuvre le programme de garantie d'accès seulement pour les trois chirurgies proposées. Il ne nous apparaît pas productif que la revalorisation du rôle du privé s'accompagne d'investissements supplémentaires dans le système public de santé puisque ceci a pour effet de décourager l'expansion du secteur privé et d'empêcher qu'il apporte une contribution positive à la performance du système de santé. Le recours au privé doit être conçu à la fois comme un moyen permettant de maîtriser l'augmentation des dépenses de santé et pour contribuer à la stimulation de l'innovation et de la performance du système.

La FCCQ croit que les problèmes actuels du système de santé ne se régleront pas seulement par le biais d'investissements supplémentaires puisque déjà la part des dépenses de santé et de services sociaux dans les dépenses de programmes du gouvernement est passée de 31,9 %, en 1985-1986, à 43,1 % en 2005-2006. La FCCQ estime donc que des investissements supplémentaires dans le système de santé ne permettront pas à eux seuls d'assurer la pérennité d'un système de santé efficace. Nous croyons qu'il faut, entre autres, revenir à la source du problème en revoyant en profondeur la gestion du système de santé afin d'en contrôler les coûts et d'en augmenter la productivité pour assurer la viabilité du système à long terme.

Nous appuyons pleinement le gouvernement dans ses efforts en vue d'accroître l'efficience du système, car une meilleure gestion permettra d'améliorer les délais d'attente et la qualité des soins. Par exemple, certains disfonctionnements du système pourraient être corrigés par l'introduction du dossier médical informatisé. Assorti de garanties de confidentialité des données médicales, ce dossier permettrait non seulement d'optimiser les soins, mais aussi de décourager les surconsommations injustifiées.

Par ailleurs, la FCCQ estime que le recours au secteur privé pour la prestation de services de santé permettrait d'introduire une saine concurrence dans le domaine des soins de santé. Cette émulation favoriserait l'accroissement de l'efficacité du système public et une meilleure maîtrise du rythme de croissance des coûts. Encadré par une réglementation appropriée, le recours au secteur privé au sein du système public de prestation de soins de santé devrait favoriser une plus grande accessibilité aux soins et la réduction des coûts à la charge de l'État. De plus, l'ouverture au privé pourrait contribuer à revitaliser certains services par l'apport de la grande capacité d'innovation, la rapidité de réaction et l'efficacité propres au secteur privé. Le recours au secteur privé pour la prestation de services de santé pourrait aussi contribuer à réduire les coûts pour le système public, tout en maintenant la qualité et l'accès aux services.

Ceci dit, la FCCQ s'interroge sur l'efficacité de l'approche proposée par le gouvernement, qui consiste à acheter des services auprès de cliniques spécialisées affiliées. Nous craignons que ces cliniques dédiées finissent par souffrir d'un excès de contrôle bureaucratique et d'un manque de souplesse. L'objectif d'efficacité ne peut être atteint sans un juste équilibre entre un contrôle étroit et la marge d'autonomie nécessaire pour motiver le secteur privé.

De plus, nous croyons que, dans son analyse des solutions permettant d'améliorer la performance et l'efficience de la prestation de services de santé, le gouvernement devrait aussi évaluer la possibilité de rentabiliser certaines installations des établissements publics en favorisant leur utilisation par le secteur privé par voie de location ou autres ententes contractuelles. Les installations dont le volume d'utilisation est limité pour des raisons de rationnement des services et par le système public sont génératrices de dépenses élevées dont une partie pourrait être prise en charge par le secteur privé si on permettait la location de ces ressources. Cette approche pourrait favoriser une utilisation optimale des ressources existantes sans nuire par ailleurs aux services à la population, tout en créant de nouvelles sources de financement au système public.

Nous croyons, pour les mêmes raisons et de manière encore plus pressante, que la révision des façons de faire passe inévitablement par une volonté de revoir l'ensemble de la question de la place du privé dans la prestation des services de support aux établissements de santé. Et nous pensons ici, par exemple, à la question des lingeries-buanderies. Le traitement de la lingerie des établissements de santé et de services sociaux est un domaine où l'utilisation accrue des buanderies privées pourrait générer des économies importantes. Cette approche avait déjà été identifiée comme prometteuse dans les orientations adoptées par le ministère de la Santé et des Services sociaux, en 1997, à l'égard des services administratifs et de support. Cependant, les buanderies privées attendent toujours l'occasion de faire leur contribution.

La FCCQ est aussi en accord avec la proposition qui vous a été faite au cours des derniers jours, concernant l'introduction d'une franchise lors de chaque visite chez un médecin de famille, non pas dans la perspective de réduire l'accès aux services, mais plutôt comme une contribution normale de l'assuré, comme c'est le cas lors de réclamations auprès des compagnies d'assurance lors d'un sinistre ou d'une perte de biens. Nous sommes d'avis que cette mesure, si elle est bien dosée et que le législateur prend soin d'en exclure certaines catégories de citoyens comme les citoyens âgés, les citoyens moins nantis et les malades chroniques, pourrait rapporter des millions au trésor public, qui serait ainsi en mesure de le réinvestir dans le budget de la santé.

La FCCQ estime également que l'ouverture au financement privé devrait s'étendre, dans une seconde étape, au-delà des trois chirurgies électives proposées, après que le gouvernement en ait évalué l'efficacité. À l'instar de la proposition du gouvernement, cette ouverture pourrait se faire par le biais de l'assurance duplicative. L'assurance duplicative permettrait ainsi de donner plus de choix aux citoyens. Tout en restant couverts par le système public, les citoyens pourraient choisir de payer plus pour se faire traiter par un système privé parallèle sans que les fonds publics ne soient engagés pour couvrir ces soins. Le recours au financement privé pourrait alors être avantageux pour le gouvernement puisque les citoyens qui s'en prévaudraient continueraient de contribuer au financement du système public. L'assurance privée duplicative serait donc en sus de la couverture publique universelle. L'ouverture au financement privé, tout en contribuant à la réduction des délais d'attente, pourrait alors engendrer des économies pour le système public.

Toutefois, la FCCQ est consciente que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, même si elle injecte des ressources supplémentaires dans le service de santé, l'assurance maladie privée ne soulage pas automatiquement les régimes publics de tous leurs maux. En effet, les études sur le sujet démontrent que, malgré leur participation à une assurance duplicative, les assurés continuent souvent de se faire soigner dans les hôpitaux publics. Malgré cela, bien que l'assurance privée ne soit pas une panacée à tous les maux, elle permet toutefois de soustraire une partie de la clientèle au système public, ce qui est à notre avis souhaitable pour diminuer la charge du système public.

En effet, l'exemple des provinces canadiennes où un système privé est autorisé, soit la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, démontre que les services de santé publics ne sont pas menacés par l'assurance privée. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement permet aux médecins de fixer eux-mêmes leurs honoraires. En Saskatchewan, ce droit est limité aux médecins non participants; le coût n'est pas remboursé par le régime public, mais les patients peuvent s'assurer pour ces coûts. Pour sa part, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador accepte de rembourser aux patients les frais payés aux médecins non participants jusqu'à concurrence de la somme couverte par le régime public, et les patients peuvent souscrire à une assurance privée pour couvrir la différence. Ces exemples démontrent clairement que l'ouverture au privé ne menace pas l'intégrité du système public mais peut agir en complémentarité.

n (11 h 20) n

L'assurance duplicative est aussi disponible dans un grand nombre de pays dont la France, la Suède, le Royaume-Uni et la Finlande. En Suède, la possibilité de souscrire à une assurance-maladie privée ne semble pas avoir nui au système de santé public. Enfin, selon une étude de l'OCDE, dans les pays où elle joue un rôle prépondérant, l'assurance privée a injecté des ressources dans le système de santé, élargi le choix offert aux consommateurs et rendu ces services plus réactifs. Dans des pays tels que la France, la Suisse ou l'Allemagne, tous les individus, qu'ils soient assurés par le secteur public ou privé, ont un accès rapide aux soins de santé, et ces pays n'ont pratiquement pas de délais d'attente pour les chirurgies électives.

La FCCQ est consciente que l'ouverture au privé risque de se traduire par une hausse des coûts des régimes privés d'assurance collective. Cependant, nous considérons que, dans le contexte démographique de vieillissement de la population et de pénurie de la main-d'oeuvre, ce risque est acceptable, car l'ouverture au privé permettrait de traiter plus rapidement les patients et de déduire ainsi des périodes d'invalidité en ramenant les employés plus rapidement au travail. Les entreprises y trouveraient ainsi leur compte par ce gain de productivité. De plus, la réduction des périodes d'invalidité pourrait possiblement diminuer les coûts des régimes d'assurance invalidité offerts par les employeurs, venant ainsi contrebalancer les hausses possibles des régimes privés d'assurance collective.

Par ailleurs, nous croyons que, si l'ouverture au secteur privé permet d'alléger les pressions sur le système public, elle devrait être soutenue par des incitatifs fiscaux. Les mesures fiscales viendraient ainsi encourager les entreprises qui désirent offrir de l'assurance collective duplicative à leurs employés. Les entreprises jouent déjà un rôle important en matière de santé, elles contribuent de façon considérable au financement des médicaments et de certains soins de santé, notamment par le régime d'assurance collective. Le gouvernement devrait reconnaître et stimuler davantage le rôle des entreprises par des mesures fiscales qui encouragent les entreprises qui contribuent au financement des soins de santé. Si cette approche est valable en matière de transports collectifs, combien encore plus pertinente cette approche incitative serait-elle en matière de santé?

La FCCQ considère aussi que les médecins devraient avoir plus de latitude pour pouvoir desservir le secteur privé une fois qu'ils ont atteint leur plafond de revenus dans le système public. Bien que nous soyons conscients de la disponibilité limitée de la main-d'oeuvre médicale, nous estimons qu'il n'est pas justifié, dans le contexte actuel, de maintenir l'obligation de l'exclusivité de la rémunération des médecins.

Actuellement, un médecin est incité à arrêter de travailler dès qu'il a atteint les plafonds salariaux qui lui sont imposés, même si des patients continuent à souffrir sur des listes d'attente. Au Royaume-Uni, où le ratio de médecins en activité par 1 000 habitants est inférieur au ratio québécois, on permet aux médecins spécialistes d'exercer dans le privé jusqu'à concurrence de 10 % de leurs revenus. De plus, le personnel hospitalier peut travailler dans le privé pendant ses temps libres, et les hôpitaux peuvent louer leurs équipements lorsqu'ils ne sont pas utilisés.

Nous invitons donc le gouvernement à reconsidérer le principe de l'étanchéité de la pratique médicale. Une plus grande souplesse pourrait favoriser une organisation plus rationnelle de l'activité des professionnels de la santé. Elle rentabiliserait le coût de leur formation et se traduirait par une optimisation des ressources humaines disponibles.

Le document de consultation indique clairement que la situation financière actuelle du système de santé apparaît difficilement soutenable. Le vieillissement de la population et l'utilisation de nouvelles technologies continueront à exercer des pressions à la hausse sur les coûts du système de santé. Dans ce contexte, il est difficilement concevable qu'un régime public d'assurance contre la perte d'autonomie soit mis en place. L'administration par le gouvernement d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie équivaudrait à la mise en place d'une nouvelle taxe. Le fardeau fiscal des Québécois est le plus lourd au Canada, il ne nous semble pas souhaitable de l'alourdir davantage.

De plus, il existe déjà sur le marché canadien des polices d'assurance individuelles couvrant les soins de longue durée. Par exemple, l'Association nationale des retraités fédéraux propose à ses adhérents un régime d'assurance de soins prolongés. La FCCQ estime que le gouvernement devrait encourager l'accès aux véhicules privés qui sont déjà en place, par exemple en permettant aux citoyens d'accumuler des sommes à l'abri de l'impôt pour l'achat éventuel d'assurances individuelles couvrant les soins de longue durée ou pour l'achat direct de tels services. Nous croyons qu'il y a là une piste intéressante à explorer.

En terminant, j'aimerais rappeler que la FCCQ est favorable à la proposition du gouvernement de permettre une ouverture au secteur privé. Nous croyons toutefois que le gouvernement du Québec devrait saisir l'opportunité qui s'offre à lui pour faire une plus grande place au secteur privé dans le domaine de la santé, ceci pour le mieux-être de la population du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Hogue. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Hogue et M. Robillard, pour votre présentation. C'est une commission intéressante, parce que tantôt on se fait reprocher d'aller trop loin, tantôt on se fait reprocher de ne pas aller assez loin. Alors, chaque fois, ça nous rassure sur la position d'équilibre dans laquelle on s'est placés.

Je dirais que la définition que nous faisons de la mobilisation du secteur privé est différente de la vôtre. C'est-à-dire que la mobilisation que nous proposons est une mobilisation relativement limitée dans le paysage général du système de santé, est une mobilisation en termes de prestation de services mais à financement public. Pourquoi? Parce que le financement privé ? et ça, les preuves en sont nombreuses ? n'améliore en rien la situation financière du système de santé. C'est un mythe qu'il faut dissiper, là. Les pays que vous avez cités ont tous des dépenses publiques de santé plus importantes que celles du Québec, par rapport à leurs dépenses totales de santé, et ont tous des rythmes d'augmentation annuelle des dépenses de santé qui sont les mêmes que celles du Québec. Donc, il n'y a aucun impact sur la viabilité financière du système de santé.

Cependant, là où il y a un impact, et c'est ce que l'OCDE dit, c'est qu'effectivement ça augmente la quantité de fonds disponibles dans la santé en termes de dépenses totales de la population en santé, ça rend le système plus réactif et ça donne une plus large ouverture en termes d'options pour les personnes qui ont besoin de soins. Ça, c'est vrai. Cependant, il faut concentrer les avantages là où ils sont véritablement, parce que la même OCDE conclut également que souvent, et dans plusieurs exemples de pays modernes, le système privé parallèle conduit à un alourdissement des listes d'attente dans le système public s'il n'est pas encadré et il n'est pas bien régulé.

Alors, je pense qu'il faut se concentrer sur la question de la prestation privée des services plutôt que du financement, qui n'améliorera pas la facture. Ce n'est pas parce qu'il y a un patient de moins... Ce n'est pas parce qu'un patient paie une assurance, un, qu'il va arrêter de payer ses impôts puis, deux, que le rythme d'augmentation des dépenses en santé va diminuer. Ça ne diminuera pas d'un iota. Il y a tellement de monde qui attendent à la porte pour avoir des services que le patient qui aura accès à la chirurgie avec son assurance privée, il va être remplacé par au moins trois patients qui n'ont pas d'assurance privée et qui attendent d'être traités. Et ça, c'est démontré dans tous les États, et il n'y a pas aucun exemple, là, qui montre quelque chose de différent.

Vous parlez des autres provinces canadiennes également. Il faut faire attention. C'est vrai, la Cour suprême elle-même l'a noté, que dans d'autres provinces canadiennes il n'y a pas de prohibition d'assurance privée, mais il n'y a pas de système privé, il n'y a quasiment pas de désengagement médical. Le désengagement médical est encore plus restrictif qu'il l'est chez nous, par plusieurs méthodes. Alors, c'est comme ouvrir la permission d'avoir une assurance pour un secteur privé qui n'existe pas. C'est un peu virtuel. Et ça, c'est également quelque chose qui est bien démontré.

Je dirais que la partie de votre mémoire, moi, qui m'interpelle le plus, et il m'apparaîtrait peut-être nécessaire, je vous le dis amicalement, de peut-être la redéfinir ou de la retravailler, c'est lorsque vous dites: Ça ne marchera pas, si on laisse le privé s'introduire puis qu'on continue à augmenter le financement dans le public. C'est ce genre, je dirais, de dérive là qui va accentuer l'opposition au privé. Parce que là vous illustrez tout à fait la crainte de ce qu'on appelle la vampirisation ou la canibalisation des ressources du secteur public vers le secteur privé.

Le meilleur exemple, c'est la résonance magnétique. Je me suis déjà fait reprocher, moi, d'ouvrir trop de résonances magnétiques publiques ? pas dans une activité publique, là. Mais on m'a dit: Laissez donc les cliniques privées de résonance magnétique s'ouvrir puis plutôt que, vous, acheter des appareils puis les installer dans les hôpitaux. Mais qui c'est qui va installer une clinique privée de résonance magnétique à Baie-Comeau puis à Alma? Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'investisseurs intéressés.

Alors, je pense qu'au contraire il faut maintenir la disponibilité des ressources publiques. Vous remarquez d'ailleurs, puis ça correspond sur certains points à votre présentation, que, depuis que le nombre d'appareils de résonance magnétique augmente au Québec, dans les établissements publics, un, la liste d'attente diminue dans les établissements, exemple Maisonneuve-Rosemont, puis, deux, le nombre de cliniques privées a plafonné: il y en avait 14, il y a trois, quatre ans, puis il y en a encore 14. De sorte que ça devient de plus en plus financièrement risqué d'ouvrir un appareil privé de résonance magnétique.

Alors, est-ce que vous pensez vraiment que la façon logique de faire, c'est d'arrêter d'investir ou de freiner les investissements dans le public pour laisser le privé éclore? Je ne comprends pas le message puis je pense que la population a de la difficulté à comprendre ça, aussi.

M. Hogue (Bernard): Alors, pour être plus clair, en fait, ce qu'on dit, ce n'est pas qu'il faut cesser d'investir. On dit qu'on fait deux choses en même temps: d'abord, on ouvre une place pour le privé et du même coup on investit des sommes supplémentaires pour limiter le flot de population vers le privé. Alors, ça nous semble un peu... Et ça nous semble aussi lancer le message que, oui, il va falloir investir encore plus dans les services de santé.

Et, comme vous le dites, c'est un gouffre presque sans fond. Quand une personne est... bien, quand vous me dites: Quand une personne quitte pour se faire soigner par le privé, on sait qu'il y en a peut-être trois autres qui vont arriver; alors, si on sait qu'il y en a trois autres qui vont arriver, si on laisse cette personne-là, qui aurait eu l'occasion d'aller vers le privé et qui aurait contribué différemment, il n'y en a pas trois, mais il y en a quatre qui sont en file.

n (11 h 30) n

Alors, oui, on le dit d'ailleurs à plusieurs reprises, ça ne nous semble pas le remède à tous les maux. Et ça, c'est clair, on le comprend très bien, on ne s'attend pas qu'en ouvrant la porte au privé on ait réglé le problème. Mais on pense que l'approche, elle a le mérite de commencer à s'intéresser au privé, à y laisser une place, mais on croit que cette place-là devrait être un peu plus grande et qu'on devrait, par le fait même, faire une place plus grande et au financement aussi des services de santé sans nécessairement... et très certainement sans permettre au citoyen de se retirer, là, de sa part de participation au système public.

M. Couillard: Là où également j'apporterais une nuance: moi, je ne crois pas que le système de santé est un gouffre sans fond. Je crois que, si on est capables, au cours des prochaines années, de maintenir un investissement régulier prévisible pour le réseau, disons, de 5 % à 6 %, avec les effectifs qui vont être en place, le niveau d'accessibilité va s'améliorer. Il y aura toujours des gens qui vont attendre. D'ailleurs, il n'y a pas beaucoup de systèmes de santé où il n'y a personne qui attend, et c'est presque exclusivement lié à la question d'effectifs et d'investissements publics. De sorte que ce n'est pas un gouffre sans fond, là. Ce qui est un problème, c'est l'impasse entre la croissance des dépenses de santé, que Ménard lui-même, dans son rapport, fixe à autour de 5 % à 6 %, qui est la croissance observée dans la majorité des pays de l'OCDE, et la croissance des revenus de l'État. Donc, le gouffre, il est là, il n'est pas dans une sorte de trou noir dans lequel on ne sait pas d'avance si, la santé, ça va monter de 15 % ou de 10 % ou de 5 % ou de 3 %.

Si on communique avec la population, la chose réelle, c'est que notre système de santé peut être maintenu. Il peut être maintenu au prix cependant de dépenses collectives plus importantes et régulières qui nécessitent d'abord, bon, des arrangements fiscaux entre les paliers de gouvernement, ça, c'est une chose, mais surtout que collectivement on trouve une façon de combler le déficit. Puis là le débat, c'est: D'où vient l'argent? L'argent, il vient du citoyen, de toute évidence. Alors, est-ce qu'il vient du citoyen par les impôts, par des contributions spécifiques santé ou par l'assurance privée? Mais l'assurance privée, elle ne comble pas ce... Vous voyez où je veux en venir? L'assurance privée ne comble pas l'intervalle.

Alors, étant donné que l'assurance privée ne réduira pas le taux de croissance des dépenses publiques en santé, quelle est votre solution ou votre recommandation en termes de contribution du citoyen ? parce que c'est là qu'on va en venir un jour ou l'autre ? pour maintenir cette croissance régulière des dépenses en santé entre 5 % à 6 %? Est-ce qu'on irait dans la fiscalité générale, la fiscalité des entreprises ? je crois deviner votre réponse à ce sujet-là, mais... vous l'avez exprimée d'ailleurs dans votre communication ? dans une contribution sélection pour la santé, dans une contribution spécifique pour un secteur de la santé comme la perte d'autonomie, dans des contributions d'usagers, ce qu'on appelle... ce que M. Castonguay appelle le ticket modérateur? Dans cet éventail-là, où vous situez-vous comme organisme?

M. Hogue (Bernard): Je dirais que, là où il y a une différence entre la position que vous nous présentez et la nôtre, c'est que nous sommes persuadés que l'arrivée du privé pourrait contribuer et que tout ne résulte pas dans la contribution au système de santé via le système public.

On peut arguer pendant longtemps, évidemment, sur le fait que certains pays n'ont pas trouvé la solution ultime en faisant participer le privé, et c'est vrai, et on met, je pense, beaucoup de bémols là-dessus, on ne croit pas que ce sera la réponse finale. Mais il est certain que d'autres expériences nous démontrent que l'arrivée du privé a permis un certain allégement. Et, dans ce sens-là, nous, on ne regarde pas la problématique en augmentant la contribution des entreprises, certes, et celle des citoyens qui sont déjà les plus taxés au Canada, en augmentant cette contribution-là. De la même façon, créer un fonds santé ou créer une assurance pour des soins de longue durée ou des soins aux personnes en perte d'autonomie, c'est, à toutes fins pratiques, créer un impôt supplémentaire auquel on donne un nom différent et qu'on administre différemment, mais ça demeure encore une fois aller piger dans la poche de l'ensemble des citoyens.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des citoyens qui, par choix, peuvent décider, eux, de continuer à payer leurs impôts et, parce qu'ils ont une insécurité différente de celle de d'autres ? il y a des gens qui s'assurent beaucoup, qui assurent leur maison pour plus que sa valeur, d'autres pour moins, d'autres ne s'assurent pas ? certains citoyens qui en ont plus les moyens, qui peuvent plus contribuer ou, parce qu'eux en font le choix, de ne pas changer leurs voitures, de ne pas faire ci ou faire ça et d'investir dans un système d'assurance privé, on croit que ça pourrait certainement apporter une partie de la solution.

Peut-être qu'il devra y avoir, en parallèle à ça, une plus grande participation venant de la poche des citoyens au système public. Mais il nous apparaît difficilement concevable que la place du privé dans le système public ne produise aucun effet, comme on nous le dit actuellement, comme si c'était à rejeter du revers de la main en disant: Bien, ça ne fera rien, il ne se passera rien, il va arriver trois autres patients. Bien, si j'en ai soustrait un et qu'il en arrive trois autres, il n'y en a plus quatre à la porte, il en reste trois. Et ça garde quand même le citoyen qui contribue de sa poche au système public, et ça, on ne le remet pas en cause, tout citoyen doit contribuer.

M. Couillard: Mais je suis avec vous sur plusieurs éléments, mais pas sur d'autres, naturellement, c'est pour ça qu'on est là à discuter. Quand vous parlez de choix, on ne choisit pas d'être malade; c'est ça, le gros problème. Moi, je peux choisir d'avoir une grosse maison ou une petite maison, un gros char ou un petit char, mais je ne choisis pas, demain, d'avoir un diagnostic de cancer, tu sais? Alors là, il faut penser aux gens qui n'ont pas les moyens puis qui n'auront jamais les moyens d'avoir de l'assurance, puis qu'eux autres la maladie leur tombe dessus aussi, puis, bon, ils n'en ont pas, d'options, là.

M. Hogue (Bernard): Ils ont le système public.

M. Couillard: Oui, mais le système public, pour qu'on continue à le maintenir... Puis 80 % des Québécois déclarent moins de 50 000 $ par année de revenus ? 80 %. Il faut qu'on maintienne le rythme des dépenses au même niveau. Les pays européens qui ont des systèmes mixtes ont tous, sauf Chypre et la Grèce, des dépenses de santé de plus de 70 %, supérieures aux nôtres en fait. Et c'est ça qu'il faut retenir.

Un point cependant où je converge avec vous, c'est la question de ce que vous appelez la concurrence, et je pense qu'il y a quelque chose d'intéressant là-dedans qu'il ne faut pas balayer du revers de la main. Une petite anecdote. Une fois, j'ai reçu un ministre français de la Santé qui était là pour quelques jours puis qui a visité notre système de santé. Puis vous savez que, lorsqu'on visite un pays étranger, on aime être poli, on aime dire aux gens comment ils sont bons puis c'est extraordinaire chez eux. Bon. Alors, on a eu une discussion privée, un peu privée, là, puis je lui ai dit: Écoutez, là, vous avez vu le système de santé pendant quatre, cinq jours, vous avez dit que c'est très beau, le CLSC, très bonne chose, l'intégration, bon, mais c'est quoi, à votre avis, qui manque dans notre système de santé? Il m'a dit: Deux choses ? puis tout de suite il a répondu ? il y a deux choses qui manquent, il dit: D'abord, la notion d'émulation, ce qu'on appelle la concurrence, en termes moins élégants, et deuxièmement la responsabilisation, la responsabilisation des citoyens et des professionnels qui donnent les soins. Il dit: Si vous ne réussissez pas à introduire ces deux éléments dans votre système de santé, à mon avis, me disait-il amicalement, vous allez toujours avoir de gros problèmes parce que vous allez toujours être en train de courir après votre queue, comme un chien, là, qui n'est pas capable de se rattraper.

Alors, la notion d'émulation, moi, je la vois un peu dans l'apparition des cliniques affiliées, qui sont de la prestation privée à financement public, où on va amener le réseau de la santé à entrevoir ses activités sous forme de coûts unitaires comparatifs, ce qui n'a jamais été fait historiquement, dans le système de santé. Est-ce que vous ne pensez pas, là, qu'il y a quand même une once ou un germe d'amélioration en termes de perception puis de responsabilisation justement?

M. Hogue (Bernard): Oui, nous croyons qu'il y a là une ouverture, et nous l'avons répété à plusieurs reprises, nous sommes pour cette première avancée. Toutefois, elle nous semble quelque peu timide. On croit qu'on devrait ouvrir à plus de types de chirurgies. Et peut-être que vous me direz: Bien, on commence par trois et, avec les résultats de ces trois-là, on verra comment on peut aller à d'autres. Mais c'est là où on dit: Vous ouvrez à la fois à un système privé, mais vous investissez en même temps pour vous assurer que les gens aient moins besoin d'y avoir accès, pour qu'ils puissent être servis plus rapidement dans les hôpitaux publics. Alors, on trouve qu'il y a là, dans le discours, une contradiction qui nous semble difficilement compréhensible.

M. Couillard: Bien, c'est-à-dire que ? et là on a un petit écart entre nous ? moi, je trouve que c'est ça qu'il faut faire socialement et éthiquement envers la société, tu sais, pour servir l'ensemble de la population.

L'étanchéité, on va vous décevoir un peu, là, ça va rester là. Cependant, j'ai exprimé à plusieurs reprises qu'à plus long terme, lorsque la situation des effectifs se corrigera ? puis elle va se corriger avec le nombre d'étudiants en médecine qu'on a actuellement ? on pourra envisager ça. Moi, je n'ai pas une objection fondamentale, philosophique, dogmatique à ça, mais ce serait extrêmement risqué, encore pour quelques années, compte tenu de la situation d'effectifs qu'on a.

Vous avez parlé des plafonds de rémunération des médecins. Vous savez, il y en a beaucoup moins que les gens pensent. Pour les spécialistes, ils sont extrêmement limités; pour les omnipraticiens, il y en a exactement en cabinet, et on nous dit souvent que c'est un frein important à l'accessibilité. Je dois vous dire qu'il y a peut-être des changements importants qui s'en viennent là-dedans, et on pourra constater si, oui ou non, ça a un impact sur l'accessibilité. Il y a peut-être d'autres facteurs également qui, n'étant pas apparents parce que cachés derrière le plafond, ne sont pas dépistés, puis il va falloir les dépister à ce moment-là.

Je vais juste terminer sur la vision plus globale que les entreprises du Québec ont du système de santé. Parce que, dans votre mémoire, vous dites: Bien, ça ne nous dérangerait pas, entre guillemets, de payer des assurances collectives parce que nos employés, étant traités plus rapidement, seraient plus productifs puis on y gagnerait dans la balance. Mais avez-vous vraiment fait cette évaluation-là? Parce que je regarde les chiffres des entreprises américaines ou françaises, par exemple, en France, selon mes souvenirs, c'est environ 12 % des revenus des entreprises qui vont dans des régimes d'assurance complémentaire santé et sécurité sociale.

Alors, dans les entreprises du Québec, est-ce que ce n'est pas un facteur compétitif très positif d'avoir un système de santé à payeur unique dans lequel on épargne relativement... relativement parce que vous payez la taxe sur la masse salariale, là, mais dans lequel les entreprises sont relativement épargnées par rapport à ce qui se passe au sud de la frontière ou dans d'autres pays?

M. Hogue (Bernard): Je vais laisser mon collègue répondre à ça.

n (11 h 40) n

M. Robillard (Alain): C'est sûr que, par rapport au sud de la frontière, là, on n'est pas dans les mêmes eaux. Mais il est clairement démontré que d'investir, par exemple... qu'au niveau de l'assurance, que, lorsque justement on répartit cette richesse-là parmi une population et qu'on a un nombre suffisant, les coûts, à ce moment-là, sont beaucoup plus supportables par les entreprises, et d'investir que ce soit dans la prévention ou même dans l'achat de ces assurances-là peut être une décision qui peut être rentable en bout de ligne. Et c'est justement, c'est le coût-bénéfice.

Et il faut créer donc l'environnement pour que ce système d'assurance là soit aussi performant. Et le fait de limiter ça à seulement quelques chirurgies fait en sorte que la demande... ou l'offre d'assurance ne peut pas être la plus optimale possible. Mais je pense que d'avoir un système où il y aurait un choix justement d'essayer de répartir ces risques-là pourrait être effectivement rentable pour les entreprises, et, à ce moment-là, on gagnerait à s'assurer pour justement payer pour les pertes de productivité, si on veut, que ça engendre, qui sont quand même très élevées là, il ne faut pas s'en cacher, là.

M. Couillard: O.K. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Alors, messieurs de la Fédération des chambres, bon matin. Bien, écoutez, pour l'essentiel, pas pour la totalité, j'aurais pu être de l'autre côté puis à peu près reprendre les mêmes propos. Alors, je peux les répéter ou bien je vais juste vous préciser les nuances, c'est-à-dire là où on est encore moins d'accord que... sur tout ce que le ministre vous a dit. C'est clair, pour nous, qu'on n'est pas du tout d'accord à ouvrir, même un petit peu, au financement privé. Et je ne crois pas que vous avez réussi à faire la démonstration si percutante qu'on serait en droit de s'attendre pour pouvoir éventuellement modifier la loi puis aller dans la direction qui est proposée.

Alors, nous, on considère que même l'ouverture que vous trouvez trop timide est déjà trop grande. Pas parce qu'en soi elle va porter beaucoup à conséquence. D'ailleurs, c'est pour ça que vous demandez à ce qu'elle soit plus grande, parce que vous savez très bien qu'elle ne porterait peut-être pas à conséquence à court terme. Mais ça crée une dynamique avec laquelle on n'est pas prêts à vivre parce qu'on considère que ce n'est pas dans cette direction-là puis que la démonstration n'a pas été faite. Autrement dit, les arguments de plus d'efficacité et de plus de valorisation du système n'ont pas été démontrés.

En fait, ce qu'on regarde, c'est que les groupes de recherche qui sont venus ici puis qui étudient les systèmes de santé pas mal plus finement que vous pouvez le faire ? puis ce n'est pas un blâme, je veux dire, votre mandat, ce n'est pas de faire des études sur les systèmes de santé, là; mais la réalité, c'est que ceux qui ont la responsabilité puis qui ont le mandat de le faire puis de les étudier finement ? bien, la démonstration est faite que ce que vous dites, ce n'est pas exact, et que les avantages que vous voyez, ils ne sont pas vrais, et que c'est nulle part aussi beau et aussi intéressant que vous le laissez entendre. Et, dans ce contexte-là, moi, je vous le dis, je ne peux pas adhérer à un discours comme ça ou à une présentation comme ça. Parce que j'ai entendu d'autres présentations, notamment hier, qui font une démonstration pas mal plus percutante et plus fine de là où il ne faut pas aller et puis de l'inutilité d'aller dans cette direction-là.

Quant à la prestation de services par le privé, moi, je n'ai pas de... on n'a pas de problème idéologique parce que de toute façon il y en a, de la prestation privée. Les cliniques médicales d'omnipraticiens sont des cliniques privées conventionnées. Alors, qu'il y ait des privés, qu'il y ait des omnipratiques en privé conventionné, si les spécialistes, les chirurgiens pratiquaient en privé conventionné, on pourrait dire que c'est dans la même logique.

La vraie question, c'est qu'on a payé pour développer puis mettre en place des centres ambulatoires dans des établissements de santé. Le problème, c'est qu'on n'est pas allés au bout de ce qu'il fallait faire pour les rendre opérationnels. Et pourquoi on mettrait de l'argent public pour aller faire des contrats de services avec des cliniques privées affiliées qui sont dans une dynamique de profit?

Puis le profit en soi, ce n'est pas un péché, sauf que ce n'est pas la fin première pour laquelle on paie nos taxes et nos impôts. Et la finalité, c'est d'avoir un système de soins de santé qui soit le plus efficace possible. Alors, pourquoi on paierait pour aller contracter des services quand la démonstration nous est faite par plusieurs qu'il y a moyen d'améliorer encore beaucoup le rendement des installations publiques qui sont existantes?

Moi, je me dis: Si on arrive à faire cet exercice-là puis qu'après la démonstration est faite que, malgré ça, on n'est pas encore en mesure de livrer la marchandise, très bien. Mais là on ne peut pas tenir un discours en supposant que finalement le service public n'est pas efficace. D'abord, il n'est pas si inefficace que ça, puis, là où il n'est pas aussi efficace, c'est parce qu'il y a différents problèmes qu'on a bien identifiés et il y a un problème de financement, il y a un problème de choix qui va faire en sorte qu'on investisse pour faire en sorte que ce qui manque pour que notre système public soit encore plus performant soit dans le système. Autrement, c'est facile, après ça, de dire: Si on ne le met pas, finalement on va aller au privé. Moi, je vous dis: Ce n'est pas a priori à écarter, mais ce n'est pas le choix que, nous, on privilégie au départ. Alors, c'est évident que, sur ça, on ne peut pas s'entendre.

Mais, encore là, c'est une question d'appréciation. Le ministre dit: Bon. Il y a des plaidoiries qui ont été faites, ça va augmenter ou favoriser la saine émulation, la concurrence, ça va obliger les établissements publics à avoir des comparatifs avec quelques établissements. Mais en même temps on nous dit: Il n'y en aura pas tant que ça, de cliniques privées. Alors, ça ne sert à rien de créer l'illusion qu'on va développer une espèce de système de services hospitaliers ou de soins chirurgicaux à deux niveaux, privé et public, parce qu'on veut qu'il y ait une saine émulation, si on dit qu'il va avoir trois, quatre cliniques privées affiliées spécialisées, je veux dire. Est-ce que ça va être suffisant pour créer la saine émulation dont on parle puis de faire en sorte que les éléments de comparatifs de fonctionnement puissent éventuellement permettre une plus-value pour le système public? Je ne le sais pas. Vous autres, vous pensez que oui, mais, je veux dire, la démonstration, là aussi, elle n'est pas faite. Mais encore une fois, ce qu'on nous dit, c'est que... Regardez là où on a permis à des centres ambulatoires de fonctionner à pleine capacité puis d'une façon correcte. C'est drôle, les rendements ont été là au rendez-vous. Quand il y a des médecins qui viennent nous dire puis des spécialistes qui ont analysé la façon dont on gère les listes d'attente, qui nous disent: Regardez, on a géré autrement les listes d'attente, puis, c'est drôle, on a réglé une bonne partie des problèmes, puis on n'a pas eu besoin de rouler une clinique spécialisée affiliée, qu'est-ce que vous dites à ça?

C'est-à-dire: autrement dit, est-ce que vous êtes prêts, vous aussi, à écouter l'autre versant de l'analyse de la situation et à reconnaître que peut-être que finalement le meilleur usage qu'on pourrait faire des fonds publics puis des taxes et des impôts qu'on paie déjà, là, c'est de les affecter dans des établissements qui sont déjà construits, là? C'est-à-dire: les centres ambulatoires, ils sont là, puis le problème, c'est qu'on ne les utilise pas comme il faudrait qu'ils soient utilisés. Pourquoi on irait payer en plus... ou on irait détourner une partie des ressources puis qu'on ne poursuivrait pas dans le fond le travail qui avait été amorcé? Pourquoi arrêter, alors qu'on a fait 80 % de chemin?

M. Robillard (Alain): Bien, à ce niveau-là, je pense que tout le monde est d'accord pour dire que le système public doit être favorisé, et qu'il y a une meilleure efficience qu'il faut... il faut qu'on atteigne une meilleure efficience, et ça, ces gains-là qui se font vont pouvoir être réinvestis. C'est excellent. Sauf qu'au niveau du privé on voit cette alternative-là comme un choix et une façon de permettre à des individus de pouvoir aller se faire soigner ou indemniser, si on veut, pour des services médicaux de façon peut-être plus rapide dans certains cas.

Pourquoi est-ce que... Par exemple, un des produits d'assurance privée le plus en évaluation actuellement, c'est les produits contre les maladies graves. Pourquoi est-ce que... Donc, c'est un produit où on identifie une quinzaine de conditions, et, si on est atteint de l'une de ces conditions-là, bien on reçoit une somme d'argent qu'on peut utiliser pour se faire soigner. Pourquoi est-ce que, ça, c'est en demande? C'est qu'il y a des besoins inhérents dans la population, qui se sont créés, et il y a eu un marché pour ça, et les gens sont prêts à l'acheter.

Et il y en a une partie, de ces gens-là, qui utilisent ces sommes-là pour aller se faire soigner à l'extérieur. Pourquoi est-ce qu'on ne s'organiserait pas pour qu'ils restent ici, et qu'on mette en place peut-être une structure, par la médecine hybride, par exemple, la pratique hybride, où on pourrait peut-être effectivement permettre à ces gens-là de se faire opérer ici ou de se faire traiter, et ça créerait de l'économie, la richesse resterait ici, au lieu d'envoyer ça et de pelleter ça à l'extérieur, à ce niveau-là?

M. Charbonneau: C'est vrai qu'il y en a quelques-uns qui vont se faire opérer à l'extérieur: ceux qui ont les moyens de le faire, hein?

M. Robillard (Alain): Bien, c'est que... c'est avec le produit de l'assurance qu'ils s'en servent. Mais, si...

M. Charbonneau: Non, non, actuellement, ils ne sont pas assurés pour ça, ils n'ont pas le droit de prendre des assurances.

n (11 h 50) n

M. Robillard (Alain): Bien non, mais il y a les produits de maladie grave, l'assurance maladie grave. C'est que, si je suis diagnostiqué avec cette maladie-là, je reçois tout de suite un montant d'argent que j'utilise pour aller me faire soigner ailleurs. Alors donc, si, ça, ça existe, puis s'il y a 500 000 Canadiens qui en ont actuellement, c'est qu'il y a une faiblesse et que certains sont prêts à payer pour se faire traiter à ce niveau-là.

M. Charbonneau: Je comprends. Mais, moi, ce que je vous dis, là, c'est que... tu sais? Parce qu'il y a deux... On fait la discussion, là, puis tantôt je disais ça au ministre aussi, là, des fois... depuis le début, il y a comme une discussion entre deux éléments. Ne mélangeons pas le financement privé puis la prestation de services privée.

M. Robillard (Alain): Vous avez raison.

M. Charbonneau: C'est deux affaires différentes. Moi, je vous parlais tantôt, dans mon intervention, après avoir fait un commentaire sur le financement privé, je vous ai parlé de la prestation privée. C'est-à-dire les cliniques privées affiliées, là, elles vont être sous financement public puis très encadrées. Vous, vous dites: On ne devrait pas trop les encadrer puis leur sacrer patience. Le problème, là... C'est parce que vous dites dans le fond: Sinon, elles vont devenir dans le fond des espèces d'annexes des hôpitaux. Bien, d'une certaine façon, c'est la raison pour laquelle on pense que tant... qu'elles soient des pseudo-annexes, parce qu'elles vont être très encadrées. Effectivement. Le ministre nous annonce une loi qui va faire en sorte qu'on va baliser beaucoup leurs façons d'opérer puis le contexte dans lequel elles vont opérer. Moi, je pense qu'on devrait carrément, avant d'aller dans cette direction-là, finir par faire... finir le travail qui a été amorcé, puis après ça on verra, après ça on verra. Il n'y a pas de... tu sais? Ce n'est pas vrai.

Parce que, tantôt, ce qui m'a frappé, c'est que, dans l'argumentation, je ne sais pas si vous vous en êtes rendu compte, vous avez dit: Dans le fond, on va capitaliser ? parce que c'est ça que ça veut dire: on va capitaliser ? sur l'insécurité de certains puis sur la richesse des autres, tu sais, donc on va... tu sais? Les gens très insécures, ils vont être incités à prendre des assurances, puis, peu importe qu'ils en aient besoin ou pas, là, on va jouer sur leur insécurité, donc on va développer un marché parce qu'il y a du monde qui sont insécures, à tort ou à raison ? puis souvent à tort ? et on va aussi développer un marché basé sur la richesse d'un petit nombre de Québécois. La conséquence de ça, c'est qu'on va...

Et puis en plus vous dites: Il ne faut pas qu'il y ait de contribution additionnelle des citoyens puis des entreprises. Mais ce n'est pas vrai, ça. On ne peut pas arriver comme ça. La contribution... puis le ministre l'a dit tantôt, mais je vous le redis aussi, la contribution, si tu paies une assurance privée, bien ça sort de ta poche; si tu paies un ticket modérateur, ça sort de ta poche; si tu paies une prime d'assurance pour la perte d'autonomie plus tard, ça sort de ta poche; si tu paies la fiscalité progressive, ça sort de ta poche aussi. En fait, ça sort toujours... Alors, tu sais, ne laissons pas croire aux gens, là, qu'on protège le fait qu'ils sont déjà très taxés puis qu'on ne va pas alourdir leur contribution.

Il y a deux façons de ne pas alourdir leur contribution... en fait il y en a probablement une seule, une seule: on va d'abord aller chercher l'argent qu'on paie puis qui n'est pas utilisé là où il devrait être utilisé, puis après ça, puisque ce ne sera probablement pas suffisant, hein, on va aussi se poser la question: Comment on en sort maintenant de plus de nos poches pour ajouter à ce qu'on a déjà sorti puis qui n'est pas dirigé à la bonne place, tu sais? Ce n'est pas vrai, là, qu'on vit dans un pays unitaire; le Québec, il n'est pas encore indépendant. Alors, on en paie la moitié, de nos taxes, et plus à Ottawa, puis il y a des surplus là-bas. Puis le gouvernement, même, dans son livre blanc, reconnaît qu'il y a une partie de la solution... puis le ministre l'a dit encore la semaine dernière, une partie de la solution, c'est dans la récupération des sommes qui sont là. Récupérons-les, on va pouvoir les injecter. Là, ce n'est pas l'alourdissement du fardeau fiscal, là. On ne paie pas une cent de plus de nos taxes et de nos impôts: on va simplement récupérer l'argent qu'on paie déjà puis on va le rediriger.

On peut très bien convenir que ce ne sera pas éventuellement suffisant. Mais là, à ce moment-là, la vraie question qu'on devrait se poser... puis est-ce que vous ne devrez pas reconnaître ça, si vous ne voulez justement pas que les citoyens paient trop, puis que les entreprises ne paient pas trop, que peut-être que la vraie question, c'est: Comment on peut faire pour qu'on puisse faire une sortie additionnelle... une ponction additionnelle dans nos poches de façon équitable, juste et en tenant compte finalement de valeurs de société qui font qu'on essaie de faire en sorte que le plus pauvre ne paie pas trop par rapport au plus riche et puis qu'il ne paie pas un montant plus important qu'il ne le devrait ou qu'il ne le peut? Ça revient à ça, la vraie question, là.

M. Hogue (Bernard): Bien, en fait, la réponse qu'on y donne justement, c'est: Faisons participer ceux qui ont les moyens de participer. Et vous-même vous posez la question que, nous, on se pose: Comment peut-on faire pour éviter d'aller fouiller dans la poche des moins bien nantis et mettre à contribution ceux qui sont plus nantis?

Et, quand vous dites qu'on ne s'est peut-être pas aperçu, en disant que, bon, il fallait jouer sur l'insécurité des gens. Écoutez, vous achetez une assurance auto, vous, vous achetez une assurance maison; êtes-vous obligé d'assurer votre maison? Non. Pourtant, vous achetez une assurance maison. Vous prenez peut-être un montant x, et votre voisin, avec la même maison, la même valeur, prend peut-être un montant y parce que, lui, il sent le besoin d'être plus assuré. Nous, on dit: Laissons ça au citoyen. Laissons le citoyen décider. C'est une grande personne. C'est un payeur de taxes. Et laissons-le décider. Mettons certaines balises, certes, on pense que ça ne doit pas être débridé, et je pense qu'on l'a répété à plusieurs reprises. Ça ne doit pas être débridé, ça doit être encadré, on doit y aller prudemment, on doit ouvrir prudemment au privé, et on doit aussi aller de l'avant en laissant plus de place.

Maintenant, quand on entend le discours selon lequel nous sommes à côté de la track, si vous me permettez l'expression, parce que, dans d'autres études, on nous a démontré que ça ne contribuait pas assez pour faire une différence, bien, nous, il nous semble qu'il n'y a pas un système qui est parfait sur le globe, et nous n'avons pas un système parfait non plus. Ce qu'on vous dit, c'est: Peut-être qu'on pourrait tenter d'ouvrir à d'autres modèles, prudemment, mais d'ouvrir à d'autres modèles.

Sur la question d'est-ce qu'on devrait continuer et permettre au système de démontrer ses limites et, dans un an, trois ans, cinq ans, 10 ans, dire: Bien, écoute, on ne cesse de mettre de l'argent dans ce système-là et ça ne fonctionne pas, ouvrons donc au privé, on pense que la preuve est faite que ? on n'appellera pas ça «un gouffre sans fond»; mais ? pour le moins on est encore obligés d'ajouter 20 millions supplémentaires pour trois chirurgies, trois types de chirurgie. Est-ce qu'on sera obligés, dans un an, d'en ajouter 20 autres pour trois autres et, l'année d'après, 20 autres pour trois autres, en plus de l'augmentation régulière des coûts qu'on va rencontrer? On dit: Il y a là... On ne pense pas qu'on a la solution parfaite, mais on ne voudrait pas qu'on se borne à rester sur le système actuel en disant: Il n'y a rien d'autre à considérer parce que ça ne semble pas être parfait dans un autre pays, ça ne semble pas être parfait dans une autre province. On dit: Allons-y prudemment.

On est conscients qu'il faut être prudent. Et on ne croit pas que l'assurance privée, ce soit un péché et que ce soit immoral de dire aux gens: Vous êtes insécures, vous préférez, vous, plutôt que changer votre voiture ou aller en vacances, prendre une assurance, vous êtes une grande personne. Soit, prenez votre assurance; s'il vous arrive, comme disait M. le ministre, un malheur et qu'il vous tombe sur la tête une difficulté, si vous êtes plus nantis et vous avez pris une assurance, tant mieux, vous aurez cette assurance-là qui pourra contribuer à vos soins. Si vous ne l'êtes pas, vous serez couvert par le régime universel.

Et c'est pour ça qu'on dit aussi: Tous les citoyens doivent continuer à contribuer au régime universel, qu'ils choisissent de s'assurer en plus ou qu'ils choisissent de ne pas le faire.

M. Charbonneau: Mais il y a un principe, M. Hogue, pour nous, qui est fondamental, ça a été la base de la construction de notre système puis c'est relié au financement, pas à la prestation de services, c'est le principe que le système doit être à une vitesse et que tout le monde doit être sur le même pied d'égalité. Et, à partir du moment où vous introduisez un financement privé, la conséquence, c'est que vous faites passer... vous permettez à des gens d'être soignés plus rapidement.

Parce que... qui va être soigné plus rapidement? Je veux dire, ceux qui ont les moyens puis ceux qui sont plus insécures. Puis, dans certains cas, leur insécurité va les amener à s'appauvrir puis à payer deux fois pour des assurances alors qu'il n'en auraient pas besoin, tu sais? Puis je pense que la responsabilité collective, dans une société, des pouvoirs publics, c'est justement d'organiser le bien commun. Bien, moi, je veux bien qu'il y ait la liberté sur tout, toute la ligne, mais, à un moment donné, ce n'est pas comme ça que les sociétés fonctionnent, si on veut qu'à un moment donné il y ait une espèce d'équité dans...

On fait des choix sociaux, politiques, qui sont la base finalement du fonctionnement dans notre société. Moi, je suis contre l'idée, tu sais, viscéralement contre ? puis c'est ça, notre position ? l'idée de permettre ou d'introduire quoi que ce soit qui va faire en sorte qu'on va mettre le système à deux vitesses, même pour une petite minorité. Et on pense que cette valeur-là, là, elle est fondamentale, c'est un des principes de base sur lesquels on s'est entendus.

Puis, en bout de piste, quand vous disiez tantôt: Bien, peut-être que finalement il ne faudrait pas attendre que le système montre son inefficacité, au contraire, moi, je crois que les éléments de démonstration ou des éléments qui sont sur la table font en sorte qu'on a actuellement... on peut dire qu'on peut très bien prendre ce pari-là et que ce pari-là est probablement beaucoup plus sûr que le pari de dire: On pense qu'on va trouver la solution en développant à la fois un financement privé puis, en plus de ça, en élargissant beaucoup à la prestation de services privés. Parce que, vous, vous allez encore pas mal plus loin que le gouvernement veut aller sur la prestation de services, et puis, écoutez, c'est clair qu'on ne partage pas ce point de vue là.

M. Hogue (Bernard): C'est vrai...

Le Président (M. Copeman): Ça va terminer l'échange. Allez-y, M. Hogue.

n (12 heures) n

M. Hogue (Bernard): C'est vrai, sauf que toutefois, vous le dites vous-même, on a choisi que tout le monde soit au même pied, et on voit ce que ça donne aussi. C'est votre parti, je pense, qui, depuis quelques jours, fait part, dans les journaux, des difficultés que les gens rencontrent à l'entrée et des chirurgies qui sont remises et qui sont reportées. Alors, on pense que c'est tenir deux discours. Ou on choisit le système à une vitesse où tout le monde doit passer par le petit trou, et on voit ce que ça donne actuellement, ou on choisit un système... et de l'appeler deux vitesses, ça a un côté un peu réducteur. Je pense que c'est plutôt un choix qu'on donne aux citoyens. Ils contribuent, tous les citoyens contribuent, ce sont des adultes, ce sont des grandes personnes, ils contribuent comme tout le monde. On s'entend là-dessus, tout le monde doit contribuer afin de s'assurer que les moins nantis puissent avoir le même accès que les plus nantis.

Maintenant, je peux faire le choix, moi, demain matin, parce que je ne me sens pas bien soigné ici, de prendre l'avion et d'aller aux États-Unis ou d'aller ailleurs et de le faire. Et je peux faire ce choix-là...

M. Charbonneau: Allez-y, mais je ne suis pas obligé, moi, d'organiser mon système social en fonction de cette approche-là puis de cette mentalité-là. C'est ça que je vous dis. Moi, je veux bien que, si vous voulez aller aux États-Unis, vous avez les moyens, allez-y, mais ne demandez pas que la société québécoise soit organisée en fonction de cette valeur-là puis de ce principe-là.

M. Hogue (Bernard): Alors, pourquoi, à ce moment-là, un citoyen, plutôt que de prendre l'avion, ne viendrait pas plutôt dans une clinique ici, localement, réinvestir...

M. Charbonneau: Je vais vous le dire pourquoi, parce que...

M. Hogue (Bernard): ... ? laissez-moi terminer, s'il vous plaît ? réinvestir ici l'argent qu'il irait investir ailleurs? Pourquoi ce serait immoral? Pourquoi ce ne serait pas correct? Pourquoi ce serait correct qu'il le fasse, s'il a les moyens, en allant ailleurs et que ce n'est pas bien qu'il le fasse ici?

M. Charbonneau: Je termine avec ça. Parce que maintenant puis pendant encore un bon moment, quand vous... si on vous permet de faire ça, là, bien les gens qui vont vous soigner, vous, puis vos chums, puis tous ceux qui ont les moyens de prendre des assurances ou de payer comptant, là, parce que, si on allait puis on élargissait ça, là, bien ça, ça veut dire qu'il y a des médecins de moins dans les hôpitaux puis des infirmières de moins. Parce que c'est ça, la réalité. Puis le ministre l'a dit souvent ? on n'en a pas trop parlé ce matin ? la pénurie actuelle qui va durer encore un certain temps fait en sorte qu'on ne peut pas aller dans cette direction-là. Puis tenir le discours que... je disais: On peut aller rapidement dans cette direction-là, c'est justement de ne pas vouloir accepter la donnée de base actuelle. On peut bien être bon dans 10 ans, mais ce n'est pas bon. Puis, dans 10 ans, on en reparlera.

Le Président (M. Copeman): M. le député, nous avons... M. Hogue, je regrette, nous avons largement dépassé le temps imparti à l'opposition officielle. Alors, je vous remercie, M. Hogue, M. Robillard, pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

J'invite les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques petits instants.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

 

(Reprise à 12 h 4)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous recevons les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. M. le président Gagnon, bonjour.

M. Gagnon (Claude): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque groupe, je vous rappelle nos façons de faire. Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il reste 17... quand il reste, pardon, trois minutes, rendu à 17 minutes, pour mieux vous aider à conclure. Et ce sera suivi ensuite d'un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation.

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

M. Gagnon (Claude): Donc, m'accompagnent, aujourd'hui, M. Marc Parent, vice-président de l'Ordre des pharmaciens, et Mme Manon Lambert, secrétaire générale.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la Commission des affaires sociales, l'Ordre des pharmaciens du Québec est heureux de vous présenter ses commentaires sur le document à l'étude. L'Ordre des pharmaciens du Québec remercie les membres de la Commission des affaires sociales de lui permettre d'exprimer son opinion et ses réflexions sur les enjeux et les défis qui se posent actuellement à notre système de santé, mais surtout sur les solutions envisagées pour y répondre.

L'amélioration et le maintien de la santé sont les raisons d'être d'un système de santé et elles doivent demeurer ses objectifs premiers. L'accessibilité à des services de qualité dans un délai raisonnable et médicalement acceptable est donc un principe inaliénable.

L'organisation et le financement du système de santé doivent garantir un accès équitable pour tous les citoyens. Il est indispensable que les individus ne soient pas confrontés au dilemme entre les dépenses ruineuses ou la perte ou la dégradation de leur santé. En effet, le système de santé diffère des autres systèmes sur deux points. Le premier est lié au caractère aléatoire de la maladie et l'incertitude entourant sa gravité qui rendent incontournable le recours à une assurance. Le deuxième est la présence d'externalités où les retombées positives touchent plus de personnes que l'utilisateur des services, que l'on pense aux programmes de vaccination ou de prévention des infections. Ceci rend pratiquement obligatoire l'intervention de l'État par le biais de subventions.

Il est possible que plusieurs soient tentés de simplifier le débat et prétendent que la santé est un bien de consommation comme les autres devant être traitée comme tel, en se pliant aux lois du marché. Il nous apparaît donc important de réaffirmer que la santé est un bien essentiel. C'est pour cette raison que nous croyons sans fondement l'argument voulant que la santé soit un bien de consommation ordinaire que le citoyen devrait être libre d'acheter à un prestataire de services privés, et ce, sans aucun mécanisme de régulation.

Finalement, l'Ordre des pharmaciens du Québec n'a pas l'intention de se prononcer sur les diverses options de financement à long terme qui sont proposées dans le document de consultation, puisque cela s'écarte de sa mission et de son expertise.

D'abord, dans notre système de santé, l'intégration de la prévention se fait généralement au sein des services de première ligne. De la compréhension générale, les composantes très importantes de la première ligne sont les CLSC, les CHSLD et les omnipraticiens, qu'ils soient regroupés ou au sein de GMF, de cliniques affiliées ou de cabinets privés.

Une autre composante importante de la première ligne, souvent oubliée par les décideurs, est le réseau des pharmacies privées au Québec. Ce réseau, composé de plus de 1 600 établissements, regroupe au-delà de 4 000 pharmaciens qui exercent leur profession dans toutes les régions du Québec. Il s'agit d'une force vive dont on n'utilise pas les compétences à la mesure de la contribution qu'elle pourrait apporter au système de santé. L'accès facile à la pharmacie en fait un lieu privilégié pour dispenser des services préventifs. Reconnaître et accroître leur participation permettrait d'augmenter l'accès et la qualité des services préventifs. Effectivement, le rôle des pharmaciens consiste à donner de l'information ou à diriger les patients vers les intervenants appropriés. De plus, l'intervention directe des pharmaciens dans divers programmes à visée préventive a donné des résultats intéressants. Les pharmaciens sont des professionnels bien formés qui contribuent déjà, de façon importante, au counselling, à la détection des facteurs de risque et à la mise en place de mesures préventives les plus précoces possible. Toutefois, l'absence de reconnaissance explicite de la valeur professionnelle du travail dans ce domaine rend difficile leur généralisation.

Compte tenu de leur formation, les pharmaciens sont en mesure de contribuer à la promotion de la santé et à des activités préventives visant les maladies chroniques. De plus, tenant compte de la nature des traitements utilisés, les personnes atteintes de maladies chroniques fréquentent assidûment une pharmacie et développent souvent un lien de confiance avec le pharmacien, ce qui lui permet de faire des interventions pertinentes et efficaces. Cette force pourrait être mise à profit si les pharmaciens étaient intégrés dans les plans de prévention élaborés par les autorités. Illustrons d'autres exemples d'intérêt d'utiliser les compétences du pharmacien au service de la promotion et de la prévention.

Sur le plan des maladies cardiaques, les pharmaciens sont en mesure de faire du dépistage et du counselling sur les habitudes de vie. Ils peuvent également contribuer à prévenir ces maladies et leurs complications, notamment par la prise régulière et le suivi de la tension artérielle chez des groupes ciblés. Cette dernière intervention peut conduire les pharmaciens à référer le patient à un professionnel habilité ou encore à réaliser un ajustement de la dose des antihypertenseurs consommés par le patient dans le cadre du suivi de la thérapie médicamenteuse qu'ils effectuent.

Plus encore, les pharmaciens peuvent également être utiles en procurant aux patients un programme de suivi du cholestérol sanguin. En effet, le projet ImPACT: Hyperlipidemia a démontré que l'intervention d'un pharmacien a un impact positif sur la fidélité au traitement et sur l'atteinte des résultats thérapeutiques.

En outre, les pharmaciens peuvent jouer un rôle important dans la cessation tabagique, puisque le tabac constitue un facteur de risque important dans le développement de maladies cardiaques et de certains cancers. Le pharmacien peut contribuer aux diverses actions mises en place par les autorités de santé publique en agissant comme un effet de levier et de diffusion de l'information. Plus encore, les pharmaciens peuvent être habilités, par ordonnance collective, à initier des aides pharmacologiques à la cessation du tabac.

n (12 h 10) n

Enfin, le dernier exemple concerne le rôle bénéfique des pharmaciens en prévention relativement aux chutes des personnes âgées, l'accident le plus important chez ce groupe d'âge causant une mortalité et une morbidité élevées. La prévalence des chutes chez ces dernières est en effet élevée, 25 % à 50 %, et augmente avec l'âge. Les coûts financiers et de santé liés aux chutes sont importants, et il importe de s'en préoccuper. En effet, les chutes provoquent des blessures ou des fractures qui entraînent différents problèmes de santé aigus ou chroniques et qui, à terme, peuvent précipiter l'hébergement d'une personne auparavant autonome. Les chutes chez les personnes âgées résultent le plus souvent d'une combinaison d'une condition médicale sous-jacente, de la thérapie médicamenteuse consommée, de risques environnementaux et de facteurs sociaux. Une combinaison d'actions à visée préventive peut aider à les prévenir, même si la condition médicale sous-jacente peut en être endiguée.

Plusieurs études ont démontré que des actions visant à modifier la thérapie médicamenteuse, particulièrement celle ayant des effets dépresseurs sur le système nerveux central, pouvaient contribuer à diminuer de façon significative le nombre de chutes. Il appert que les pharmaciens, compte tenu de leur expertise unique pour réaliser une révision de la thérapie médicamenteuse, ont un rôle à jouer dans la prévention des chutes. Des pharmaciens d'établissements contribuent déjà à ce genre de service.

Ceci étant dit, l'Ordre des pharmaciens du Québec recommande que le réseau québécois des pharmacies privées soit considéré comme faisant partie intégrante de la première ligne et la contribution de la pharmacie privée à l'accès et à la qualité des services préventifs doit être organisée, systématisée et valorisée.

Nous voulons maintenant souligner l'implication des pharmaciens dans les mesures visant à protéger la population en cas de menace à la santé. Par exemple, l'Ordre des pharmaciens du Québec a récemment donné son appui à un programme intégré de récupération des seringues et aiguilles usagées qui, comme on le sait, représentent un risque de piqûre accidentelle et de transmission des infections. En outre, notre ordre a déjà été interpellé par le ministère de la Santé dans le cadre de la mise en place de son plan d'intervention contre une pandémie d'influenza. Malheureusement, il s'agit d'un autre exemple où le réseau des pharmacies privées a été exclu de la première ligne. L'ordre a entrepris des démarches afin de s'assurer que, d'une part, on s'assure du maintien des services dans les pharmacies privées pour éviter les détournements des clientèles vers les urgences des centres de santé et de services sociaux et, d'autre part, de l'utilisation optimale des compétences des pharmaciens dans ce domaine, qu'ils pratiquent en pharmacie privée ou dans les établissements.

Les pharmaciens sont des partenaires importants pour protéger la population en cas de menace à la santé. Le système de santé ne doit pas hésiter à recourir à leur expertise, le cas échéant.

Nous profitons de l'occasion pour rappeler notre recommandation: le plan de lutte québécois contre l'influenza ou tout autre plan qui vise à agir en matière de catastrophe menaçant la santé de la population doit prévoir et soutenir le maintien des services dans les pharmacies privées.

Passons à ce qui concerne l'organisation des services, notamment la nécessaire consolidation des services de première ligne. Une meilleure organisation demande que l'on mette l'accent sur la coordination, la concertation et la communication basées sur des faits. À notre avis, la création des centres de santé et de services sociaux est un pas dans la bonne direction. Elle permet notamment une meilleure hiérarchisation et continuité des services pour une meilleure prise en charge des clientèles vulnérables. Il reste maintenant à augmenter le nombre de groupes de médecine familiale et de cliniques médicales affiliées qui entrent en interaction avec eux, mais aussi à intégrer la pharmacie privée au sein des réseaux locaux de services. Il est certain que, pour l'Ordre des pharmaciens, une consolidation des services de première ligne ne saurait être réalisée sans tenir en compte l'expertise unique des pharmaciens dans le suivi de la thérapie médicamenteuse. Pour faciliter le recours à cette expertise et l'offrir plus largement, l'Ordre des pharmaciens croit qu'une réflexion s'impose sur les modalités de rémunération en pharmacie. En effet, la rémunération exclusivement à l'acte n'est probablement pas compatible avec une intensification de la prise en charge de la thérapie médicamenteuse complexe des personnes vulnérables.

Ainsi, l'Ordre des pharmaciens recommande que les parties négociantes entreprennent une réflexion sur les modalités de rémunération en pharmacie de façon à inciter à l'intensification la prise en charge de la thérapie médicamenteuse complexe des personnes vulnérables par les pharmaciens.

Le document de consultation aborde la question de hiérarchisation des services médicaux hospitaliers. Cependant, cette dernière ainsi que la spécialisation des services concernent également la pharmacie. Auparavant, les services pharmaceutiques plus spécialisés étaient offerts de façon cloisonnée en milieu hospitalier, et les services généraux l'étaient en pharmacie privée. Mais l'avènement du fractionnement des épisodes de soins avec la responsabilité partagée entre le pharmacien d'établissement et le pharmacien de pratique privée de la prise en charge de la thérapie médicamenteuse qui en découle, jumelé à la complexification de la thérapie en cours d'année, a amené l'Ordre des pharmaciens à effectuer une réflexion sur la question. D'ailleurs, nous avons formé un groupe de travail dont le mandat consiste à proposer un règlement qui permettra à l'ordre de délivrer des certificats de spécialistes à certains de ses membres.

La présence de niveaux de soins en pharmacie est déjà indéniable; la spécialisation, dans ce contexte, permettra de favoriser la continuité et la qualité des services ainsi que la prise en charge des clientèles vulnérables sur le plan pharmaceutique en favorisant une hiérarchie des services. L'ordre croit que cette démarche est directement en ligne avec la volonté du gouvernement d'améliorer l'organisation des services de santé sur le territoire québécois.

Conséquemment, nous croyons nécessaire que le ministère de la Santé et des Services sociaux donne son appui à la délivrance de certificat de spécialiste en pharmacie pour améliorer l'organisation et favoriser la hiérarchisation des services en pharmacie.

Toujours en ce qui a trait à l'organisation des services, nous soulignons l'importance de mettre à profit toutes les compétences. Des divers motifs militant en faveur d'un travail interdisciplinaire, deux apparaissent comme les plus importants: la fragmentation des savoirs scientifiques et la complexification de la santé ou du moins de la connaissance que nous en avons. Nous estimons que c'est en passant par la reconnaissance de la contribution spécifique de chacun que l'on peut attendre de tous les intervenants une motivation et une implication maximale et, de ce fait, des soins de qualité. La progression du travail interdisciplinaire devrait contribuer à asseoir la reconnaissance des différentes compétences professionnelles et, par ce fait, valoriser l'action de chacun. Toutefois, à la lecture du document de consultation, il est étonnant de constater que, malgré la présence de près d'une quinzaine de disciplines dans le domaine de la santé, les auteurs font majoritairement référence à deux seules disciplines: les médecins et les infirmières. Il faut savoir qu'au-delà de ces deux disciplines qui ont des portées larges il en existe plusieurs autres, plus spécialisées, qui apportent des solutions particulières à des problèmes précis.

La loi n° 90 a revu les champs d'exercice et attribué des activités réservées à 11 professions. La mise à profit de toutes les compétences nécessite donc, de la part des décideurs, une vision large et ouverte sur la contribution que chacun des professionnels peut fournir au système de santé.

En ce qui concerne les pharmaciens, l'Ordre des pharmaciens recommande de prendre les moyens nécessaires pour maintenir l'intégration des pharmaciens d'établissement au sein des équipes interdisciplinaires, et ce, malgré la pénurie profonde d'effectifs, et favoriser l'intégration des pharmaciens de pratique privée au sein des équipes interdisciplinaires de première ligne.

Maintenant, l'optimisation de la qualité des services préoccupe également notre ordre. D'ailleurs, la sécurité des patients est un aspect fondamental de la qualité des soins. Les conclusions de l'étude publiée récemment sur les événements indésirables au Canada sont les mêmes que d'autres études internationales. En fait, les événements indésirables sont fréquents et à l'origine de près de 8 % des hospitalisations. Pourtant, plus du tiers de ces événements sont évitables. Par ailleurs, cette même étude démontre qu'au Canada les accidents et incidents médicamenteux constituent une fraction importante des événements indésirables: 24 %. Les efforts qui visent à améliorer l'utilisation sécuritaire des médicaments jouent donc un rôle important dans l'amélioration de la sécurité globale des patients dans les hôpitaux.

Dans ce contexte, pour assurer des soins et services pharmaceutiques sécuritaires, une collaboration entre le MSSS et l'Ordre des pharmaciens serait souhaitable. Sans nier l'impact des accidents pharmaceutiques évitables dans les établissements de santé, il n'en demeure pas moins que la majeure partie des médicaments est consommée à l'extérieur des établissements de santé. Puisque le MSSS désire utiliser des approches de système, il faudra considérer l'intégration de la consommation des médicaments à domicile aux diverses approches de système. Cette recommandation est d'autant plus importante qu'il survient fréquemment des accidents évitables au moment charnière d'un épisode de soins que représente l'entrée ou la sortie d'hôpital.

Dans le même ordre d'idées, il est certain que la pénurie de pharmaciens, particulièrement dans les établissements de santé, est un phénomène qui inquiète grandement notre ordre sur le plan de la qualité des services. Cette préoccupation concerne l'impact de la pénurie sur notamment le retrait observé des pharmaciens des équipes interdisciplinaires dans les établissements qui peut contribuer à l'augmentation des accidents évitables. En effet, une vaste étude américaine a démontré qu'il existait une forte corrélation entre la présence de pharmaciens cliniciens sur les unités de soins et le nombre d'incidents/accidents liés à la pharmacothérapie. L'impact le plus grand a été observé dans les établissements où les pharmaciens réalisaient des histoires pharmacologiques ayant permis une réduction de 51 % des accidents et incidents. On a également noté une prévalence moindre d'accidents dans les établissements où les pharmaciens géraient la pharmacothérapie à l'aide de protocoles, soit une réduction de 38 %, et où ils participaient aux tournées médicales, une réduction de 29 %. L'étude a également permis d'observer une corrélation inverse lorsqu'au contraire les pharmaciens étaient confinés à des activités de distribution.

Ceci étant dit, nous recommandons que les efforts du MSSS pour corriger ou atténuer la pénurie de pharmaciens soient maintenus et continus. À cet effet, l'Ordre des pharmaciens du Québec offre toute sa collaboration au MSSS.

Pour assurer la qualité des services, le document de consultation prévoit l'utilisation de nouveaux leviers, notamment la certification des résidences privées. L'Ordre des pharmaciens comprend que, compte tenu de la pression que le vieillissement de la population exercera, il faille modifier l'offre de services actuelle afin de mieux soutenir les personnes en perte d'autonomie.

n (12 h 20) n

Néanmoins, cette volonté de diversification et probablement de recours au secteur privé doit prévoir des mécanismes d'encadrement des services offerts dans la communauté, notamment ceux offerts dans les résidences privées. L'Ordre des pharmaciens a déjà salué l'intention du ministre d'adopter un règlement relatif aux critères sociosanitaires devant servir à la certification de conformité des résidences pour personnes âgées. Notre organisation a d'ailleurs donné son point de vue sur la question en février 2006. Sans reprendre toutes les recommandations précises qui ont été faites à cette occasion, nous voulons profiter de la présente tribune pour insister sur deux aspects importants dans ce dossier.

Premièrement, les personnes âgées sont des utilisateurs importants de services pharmaceutiques et de médicaments, puisqu'ils sont fréquemment affligés de multiples pathologies nécessitant une médication complexe. Le pharmacien est donc un intervenant majeur auprès des personnes âgées. Malheureusement, son importance à cet égard est souvent sous-estimée.

Deuxièmement, la possibilité que des personnes âgées en résidence privée soient privées de leur droit de recourir au professionnel, et ce, au pharmacien, de leur choix pour obtenir des services a été évoquée à plusieurs reprises en 2005. L'ordre a mis en oeuvre plusieurs actions pour identifier et corriger les situations problématiques, mais croit toujours que des actions doivent être prises à d'autres niveaux pour assurer le respect de ce droit. D'ailleurs, l'ordre a participé activement aux travaux du groupe de travail ministériel qui a réfléchi au développement des critères.

À cet effet, il nous apparaît important que le droit du résident à choisir le pharmacien de son choix constitue un critère de certification des résidences privées et soit prévu au règlement.

Le Président (M. Copeman): M. Gagnon, il vous reste trois minutes.

M. Gagnon (Claude): Merci. Par ailleurs, il est également important que cette prestation de services dans la communauté puisse faire l'objet de la même surveillance de la part des ordres professionnels que si elle était offerte dans les établissements de santé.

Ainsi, nous recommandons que la mission de surveillance des pratiques professionnelles confiées aux ordres professionnels s'exerce dans les résidences privées en permettant que les représentants des comités d'inspection professionnelle des ordres s'y présentent en tout temps pour y évaluer les services rendus par leurs membres.

Poursuivons avec l'agrément des services de santé et des services sociaux envers lesquels le MSSS a exprimé des attentes. Or, bien que les ordres professionnels ne donnent pas d'agrément aux établissements de santé, l'Ordre des pharmaciens, à travers son comité d'inspection professionnelle, s'intéresse non seulement à la pratique de ses membres, mais au processus complet d'utilisation des médicaments, soit la chaîne du médicament. Des guides de pratique pour les établissements de santé ont été développés dans le passé et sont actuellement en révision. Ils contiennent des normes qui sont de nature à améliorer la qualité des services pharmaceutiques, si elles sont respectées. Dans le contexte où l'Ordre des pharmaciens inspecte les individus et non les établissements, il est parfois difficile de les convaincre, les établissements, de se conformer aux normes de pratique reconnues en pharmacie. D'autant que l'article 18 de la Loi sur la pharmacie vient davantage diminuer la portée de l'intervention de l'ordre dans le milieu hospitalier.

Donc, comme il ne me reste plus beaucoup de temps, je vais sauter les points qu'il me restait. J'espère qu'on pourra y revenir au niveau des questions. Mais, en conclusion, il importe que les éléments structurels du système soient articulés de manière à favoriser l'atteinte des objectifs de santé. Au-delà des questions relevant de l'organisation générale du système, c'est au niveau de la réorganisation des modes de dispensation des soins que l'ordre identifie plusieurs pistes de solution. Partant du principe que le réseau de la santé aurait avantage à mieux utiliser les compétences spécifiques de chacun des groupes de professionnels qui en font partie, nous souhaitons que les membres de cette commission aient pu prendre conscience de la contribution positive que les pharmaciens apportent déjà et du fait que l'expertise de ces derniers est malheureusement sous-utilisée notamment, mais non exclusivement, dans la prestation des services de première ligne.

M. le Président, nous vous remercions, et les membres de la commission de leur attention, et sommes prêts à répondre aux questions.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Gagnon. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Gagnon, M. Parent et Mme Lambert, pour votre visite aujourd'hui. On a eu, l'autre jour, la visite des étudiants en pharmacie. Je dois vous dire que c'était très rafraîchissant de les voir prendre du temps pour présenter un mémoire, le préparer et venir ici, en commission parlementaire. Et, aujourd'hui, ce sont leurs aînés, pas si vieux que ça bien sûr, mais leurs aînés qui viennent nous adresser la parole.

Je comprends que vous auriez aimé que les pharmaciens soient plus fréquemment cités ou mentionnés dans le document. Mais, vous savez, c'est le sort en général des documents gouvernementaux qui sont thématiques; ce n'est pas parce qu'on ne les mentionne pas qu'ils ne sont pas importants. À l'opposé, lorsqu'on a parlé de la Politique du médicament, on a beaucoup parlé des pharmaciens, et d'autres nous disaient: Bien, vous ne parlez pas de nous. Alors, vous voyez, il y a toujours cette chose à considérer.

Je prends bonne note de votre remarque sur la pandémie d'influenza et le plan de préparation. Votre remarque sera transmise à nos officiels de santé publique. Bien sûr, il faut, pour ces entreprises que sont les pharmacies en communauté ou les pharmacies privées, prévoir un taux d'absentéisme, échelonné sur plusieurs semaines, d'environ un tiers. Alors, c'est les simulations... Peut-être que, par le biais de votre ordre également et de l'Association des pharmaciens propriétaires, il y aurait lieu d'envoyer un feuillet d'information, en termes de simulation d'absentéisme, pour que les gens puissent au moins avoir une idée de la préparation. Maintenant, il ne faut pas non plus agiter le spectre de la pandémie qui n'est pas à nos portes, là, mais qu'au moins on puisse faire correspondre les deux plans d'action.

Il y a également, comme vous le savez, suite aux discussions qu'on a eues au cours des derniers mois et autour de la Politique du médicament, des lieux de concertation qui apparaissent, notamment le comité régional sur les services pharmaceutiques. J'ai hâte de voir quelles seront les actions qu'on pourra montrer, qui seront suite à l'existence de ce comité-là. J'ai souvent donné comme exemple le Bas-Saint-Laurent, Rivière-du-Loup en particulier, où il y avait des actions qui faisaient un lien entre le pharmacien d'établissement et le d'officine.

Je vous félicite pour votre action pour les résidences privées. Lorsque les éléments que vous avez mentionnés sont apparus dans les médias, on a tous noté la vigueur et la rapidité d'intervention de l'Ordre des pharmaciens. Je pense que ça a beaucoup contribué à, je dirais, rehausser le... pas rehausser, parce qu'il était déjà élevé, mais maintenir et même augmenter le niveau de prestige de la profession... dans la profession.

Effectivement, les critères de certification, que nous terminons actuellement pour les résidences privées, incluent des éléments liés aux médicaments, notamment l'administration, le stockage sécuritaire, ce genre de questions là. Ce que vous demandez qu'on ajoute, c'est qu'on garantisse le libre choix. Or, le libre choix n'est-il pas un élément déjà garanti par la loi? Pourquoi faudrait-il... Et puis ce n'est pas logique pour un gouvernement, s'il y a quelque chose qui est déjà assuré par les textes de loi, d'aller le répéter dans le règlement, non?

M. Gagnon (Claude): Écoutez, c'est parce qu'actuellement ce qu'on entend dire souvent, c'est que, dans les baux mêmes, c'est qu'on brime ce droit-là, parce que c'est écrit que vous devrez faire affaire avec telle institution si vous signez votre bail, et, à ce moment-là, ce droit-là est brimé, et les gens ont peur de le dénoncer parce qu'ils ne veulent pas perdre le droit de demeurer là où ils vont être. Et l'importance de ce droit-là, pour nous, c'est aussi parce qu'il se développe des liens de confiance. Les gens qui s'en vont en résidence pour personnes âgées, souvent ce n'est pas parce qu'ils ont perdu leur autonomie, c'est qu'ils veulent vendre leur maison, aller dans un endroit où il y a moins d'entretien, être capables de continuer à vivre et avoir une qualité de vie, et profiter des moments qu'ils ont de capacité, et ils veulent continuer à faire affaire avec les gens avec qui ils ont développé un partenariat de relations, que ce soit leur médecin, que ce soit leur pharmacien ou autre professionnel de la santé ou autre intervenant dans lequel... Je ne sais pas, moi, quelqu'un va à l'épicerie, il va toujours voir le même épicier, là, voir le même monde. Ils ne veulent pas se dépayser nécessairement, ils veulent garder ce climat de confiance. Et, quand on sait que, dans une guérison, la confiance et la relation qui existe entre des professionnels et le patient sont peut-être déjà la moitié de la guérison, bien je pense qu'on crée une insécurité et on enlève ce facteur qui est important de la confiance entre les intervenants et le patient.

Mme Lambert (Manon): J'ajouterais que le fait effectivement que ça se retrouve au niveau des critères, malgré que ce soit présent au niveau de la loi santé et services sociaux, on en convient, serait un outil de sensibilisation assez puissant pour les propriétaires de résidences privées qui, dans toute la crise qui est survenue en 2005 autour effectivement des ententes, se sont un peu mis la tête dans le sable par rapport à ça. Donc, nous, on croit... on a fait un certain nombre de démarches auprès de nos membres. D'ailleurs, on est en train de faire une opération éclair dans toutes nos pharmacies pour tenter de régler le problème du côté des pharmaciens, mais on pense qu'il faut absolument la contrepartie pour s'assurer effectivement que le droit qui est inscrit à la loi santé et services sociaux soit respecté.

M. Couillard: Vous avez mentionné, comme beaucoup, la nécessité de concertation et de mouvement plus accentué vers l'interdisciplinarité. Évidemment, les textes de loi existent, mais on ne décrète pas les changements de culture ou d'attitude. Moi, j'ai été frappé, lors de la commission justement à laquelle, je crois, vous avez participé ? j'en suis sûr même ? sur la Politique du médicament, par les différences de perception entre les corps professionnels sur un sujet, par exemple, tel que l'intention thérapeutique. Il y a une limite jusqu'où le gouvernement peut aller en termes d'actions coercitives, et, je pense, cette limite est là. On a déposé des textes de loi, on a établi des intentions. Dans la loi n° 130, qui a été adoptée à l'unanimité, on a aménagé une place pour l'intention thérapeutique, je pense qu'on va se servir de ça comme exemple. Mais est-ce que le reste du chemin ne doit pas être fait par les professionnels eux-mêmes entre eux?

M. Gagnon (Claude): Absolument. Les changements de culture, vous en avez parlé, et j'écoutais tantôt les commentaires suite aux premiers intervenants, les remarques que vous aviez faites, et je les partage. Ce n'est pas en mettant plus d'argent dans le système qu'on va régler tous les problèmes, c'est en changeant les façons de faire de chacun des gens qui sont des intervenants du milieu actuellement, qui donnent ces soins de santé là, qu'il va pouvoir y avoir une nette amélioration dans le système de santé, et pour ça il faut qu'on s'ouvre. Je pense que la loi n° 90, actuellement, c'est sûr que c'est un début. On écrit des textes, on apprend à voir qu'est-ce que ça va autoriser, pas autoriser, bon. Mais je pense que les chasses gardées commencent à s'ouvrir, et ça, ça devient important. Et il faut absolument qu'on apprenne à travailler en multidisciplinarité, mais de la vraie multidisciplinarité, et qu'on délègue les tâches qu'on peut déléguer de façon à permettre de faire le principal de ce qu'on sait mieux faire et que chacun fasse confiance aux autres. Je pense qu'il y a beaucoup de climat de confiance à se développer dans les relations interprofessionnelles qu'avec différents corps professionnels.

n (12 h 30) n

On en parlait tantôt, il y avait les médecins, les infirmières, il y a les pharmaciens, mais il y avait quand même 11 autres corps dont les actes vont être à embarquer un peu dans les champs de chacun, et on va devoir se respecter là-dedans. Mais je sais très bien que je ne peux pas faire mieux qu'une nutritionniste le travail de la nutritionniste, puis je ne pense pas qu'elle puisse mieux faire le travail que je fais, que, moi, je sais faire. Mais il y a une chose que je sais, c'est qu'il y a des choses qu'elle peut faire que je peux faire, et c'est une collaboration qui doit se faire, mais il faut connaître les limites de chacun et que le citoyen ait accès au meilleur professionnel au bon moment pour la bonne prestation des soins.

Mme Lambert (Manon): Et j'ajouterais que l'Ordre des pharmaciens, à cet égard-là, prend ses responsabilités, puisque nous avons développé des comités conjoints avec nos deux principaux partenaires. Nous avons un comité conjoint avec le Collège des médecins avec lequel nous travaillons intensément actuellement à travailler à développer des modèles d'ordonnances collectives et nous venons de mettre sur pied ce même modèle de travail là avec les infirmières. Et d'ailleurs on aura un premier exemple de collaboration intéressante dans la mesure où les infirmières avaient obtenu le droit de vacciner, mais on n'avait pas pensé comment elles se procureraient les médicaments. Donc, l'Office des professions va recevoir bientôt une demande conjointe de l'Ordre des pharmaciens et de l'Ordre des infirmières pour modifier la réglementation, s'assurer que tout ça coule de source et que ça fonctionne bien. Donc, on prend nos responsabilités. Évidemment, il y a des textes de loi... des textes de loi, on arrive chacun avec notre bagage, chacun avec notre interprétation, mais on pense que ces lieux de discussion là sont de nature à contribuer justement à changer les mentalités et les cultures.

M. Couillard: Puis je suis content de vous entendre parler de ce sujet-là. Je n'avais pas pensé à l'aborder, mais, vu que vous l'avez vous-même ouvert, j'aimerais le faire. Effectivement, on a eu, pendant quelque temps, je ne dirais pas un contentieux, mais une difficulté dans l'application des ordonnances collectives des infirmières praticiennes qui seront de plus en plus nombreuses, là, et les infirmières spécialisées et celles en première ligne, dans les pharmacies. Est-ce que, de ce côté-là, il y a également des progrès?

M. Gagnon (Claude): Dans les pharmacies, eux-mêmes, actuellement le... ça s'est développé dans le champ, sur le terrain, mais, je dirais, sans organisation, et ça, c'est toujours la même problématique. Quand il arrive des ouvertures comme ça, évidemment les gens de terrain sont toujours plus rapides que les... Je pense, écrire une politique, c'est un peu plus long que de réagir le matin en ouvrant la porte puis de se côtoyer...

M. Couillard: Heureusement.

M. Gagnon (Claude): Heureusement. Sauf que des fois ça se fait un petit peu... chacun le fait à sa façon sans connaître les réglementations. Il faut quand même que ce soit respectueux de la réglementation et des lois. On ne peut pas faire n'importe quoi, il y a des responsabilités. Et, dans ce contexte-là, le champ a commencé et le champ a donné des idées qui ont levé... je dirais, ça sème des graines, et maintenant on essaie de regarder comment ça pousse puis qu'est-ce qu'on peut faire avec ça et en faire des meilleures graines. Et c'est là qu'on est rendu, les étapes évoluent très bien, et les relations sont super bonnes avec, je pense, l'Ordre des infirmières à ce niveau-là. Et on essaie de faire évoluer en fonction de ce que... Évidemment, il faut y aller avec ce que le Collège des médecins, ce que la loi permet de faire. Et, bon, les spécialistes ont... les infirmières spécialisées ont reçu le droit de prescrire dans un contexte x, y, z, et c'est comme ça que ça fonctionne. Et je pense qu'en communautaire, ce qu'il restait à faire, c'est plus du technique: comment on les identifie, comment on les reconnaît, parce que, là, un médecin, c'est facile, on connaissait ça. Alors, il faut tout simplement développer des nouvelles façons de faire et des encadrements, puis je pense que la Régie de l'assurance maladie a développé les outils nécessaires, et on va aller de l'avant avec ça.

En ce qui concerne les infirmières de première ligne, bien, elles n'avaient pas reçu ce droit de prescrire là, mais il faut trouver une façon de travailler qui permet, dans une ordonnance collective, à chacun de jouer le bon rôle au bon moment, au bon niveau. Et je pense que c'est ce que ces discussions-là sont en train d'éclaircir.

Le Président (M. Copeman): M. Parent.

M. Parent (Marc): Si vous me permettez deux commentaires. Dans le dossier des infirmières praticiennes spécialisées, au moment où on se parle, aucune n'a passé les examens de certification, donc on n'est pas encore rendu à la conclusion où elles peuvent exercer leur droit de prescrire. Cependant, la dernière année a été fortement occupée. La mécanique autour de ce droit de prescrire là est extrêmement lourde, notamment la rédaction de règles d'utilisation par les établissements pour chacun des médicaments de l'annexe I qui sont visés. Alors, c'est extrêmement lourd. Les règles d'utilisation est une notion qui n'est pas récente, mais qui avait été très peu utilisée dans le passé, donc c'était une gymnastique... les gens ont dû inventer ou réinventer des façons de faire. Et il y a eu beaucoup de tâtonnements, je pense, dans cette façon de réorganiser le réseau et beaucoup d'initiatives locales qui ont émergé mais qui devront, un jour, converger pour qu'on ait un système cohérent. Alors, il y a beaucoup de nouvelles réalités derrière ces pratiques-là qui sont encore en expérimentation, qui vont probablement accoucher d'un système plus cohérent et plus fonctionnel dans les prochains mois ou années.

M. Couillard: On espère que ça ne prendra pas de forceps.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Je veux juste terminer brièvement en vous encourageant, là. Actuellement, les travaux sont avancés entre l'Ordre des infirmières et le Collège des médecins pour le règlement sur enfin l'infirmière praticienne de première ligne au Québec. Je ne voudrais pas qu'on arrive à une situation où on publie le règlement puis on se rend compte après que toute la partie de l'ordonnance collective n'est pas attachée. Alors, je ne sais pas si vous participez à ces travaux-là actuellement, puis vous pouvez y mettre votre grain de sel pour ne pas qu'on soit dans le... après coup se rendre compte qu'il aurait fallu faire ceci, ceci, cela.

Mme Lambert (Manon): En fait, on participe de façon indirecte par nos deux comités. Effectivement, on est en train de travailler avec elles.

Ceci étant dit, au niveau des infirmières praticiennes spécialisées, il n'y a pas eu de tâtonnements tant que ça, ça a été plutôt de mettre la mécanique en place, comme on disait, parce que... comme mon collègue le disait, les premières prescriptions ne sont même pas arrivées sur le terrain. Donc, ça a été plutôt de dire: O.K., les règles d'utilisation, qui est responsable de valider quoi? Qui fait quoi? Mais je dirais que le tâtonnement au niveau des infirmières praticiennes spécialisées, ça n'a pas été là qu'a été le problème le plus important.

Et, au niveau des infirmières praticiennes de première ligne, en fait, pour ce qu'on en sait, effectivement il y aura une liste de médicaments qu'elles auront le droit de prescrire. Et ça, les pharmaciens sont assez habitués à ça. Je dirais que c'est peut-être plus... ça rentre peut-être plus dans la façon de faire qu'on a vue précédemment que la question des règles d'utilisation qui, là, était peut-être quelque chose qui était plus connu des pharmaciens d'établissement mais peu des pharmaciens de pratique privée.

Dans le cas des listes de médicaments, il faut savoir que les optométristes ont déjà le droit effectivement de prescrire sur des listes de médicaments, les sages-femmes sur des listes de médicaments. Donc ça, c'est un concept auquel les pharmaciens de pratique privée sont beaucoup plus habitués, et je pense que ça devrait se faire... En fait, la compréhension du principe devrait se faire beaucoup plus rapidement.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Bien, écoutez, c'est assez difficile de faire une discussion ou un débat avec vous parce que, d'une certaine façon, vous avez choisi ? puis c'est très correct comme ça ? de ne pas aborder les sujets controversés. Et puis, dans le fond, vous avez choisi de cibler sur la contribution plus efficiente que pourraient avoir les pharmaciens dans le système de santé. Je reconnais ça, puis je pense qu'on en avait déjà parlé quand vous étiez venus en commission sur la Politique du médicament. Vos jeunes recrues en ont parlé également, puis eux aussi ont mis le doigt sur des problèmes d'interdisciplinarité ou d'échange puis de cloisonnement, y compris juste de faire des partys à l'université, je veux dire, c'est bien difficile d'avoir des médecins puis des pharmaciens dans le même party, hein? Alors, ça commence déjà à l'université, cette espèce de mentalité ou en fait de culture de clivage puis de travail en silo, puis je crois qu'il faut, à chaque fois qu'on a l'occasion de la dénoncer pour que...

Puis, à cet égard-là, je comprends, mais je veux juste nuancer, je comprends que ce n'est pas en mettant plus d'argent dans le système qu'on va changer les comportements, mais par ailleurs il ne faut pas donner l'impression qu'on n'a pas besoin de plus d'argent. Je ne suis pas sûr que c'est ça que vous vouliez dire, j'espère que non.

M. Gagnon (Claude): Non, pas du tout.

M. Charbonneau: O.K. Très bien. Alors, on se comprend.

M. Gagnon (Claude): Il faut qu'il soit investi au bon endroit, mais les changements de culture, les changements d'habitudes peuvent aider à en économiser d'autres ou à en mettre ailleurs pour être utilisé.

M. Charbonneau: Exactement. Ça, je suis d'accord avec vous. Puis parfois le problème, c'est que... c'est quoi... tu sais, dans le fond, quand on est en responsabilité politique, la question, c'est: Quel est le dosage entre soutenir les changements de façon, disons, volontaire, puis quand est-ce qu'il faut peser sur l'accélérateur ou même encadrer un peu le changement pour qu'il aille dans la bonne direction plus vite, puis à la limite que les gens n'aient pas tellement le choix, là? Alors, je pense qu'il y a tout... Tout ça, c'est une question de dosage, jusqu'où on est coercitif, jusqu'où les lois ou la réglementation obligent à changer les comportements puis à les changer plus rapidement, jusqu'où on adopte des approches qui laissent au temps de faire son oeuvre. Mais parfois ça prend bien du temps, c'est ça qui... Tu sais, les citoyens des fois ont de la misère à comprendre comment ça se fait que, tu sais, en 2006, là... je veux dire, ils ne comprennent pas ça, là. Ils ont encore bien plus de difficultés à comprendre ça quand le pharmacien puis les médecins sont dans le même édifice. Alors, ils se disent: Ils ne se parlent pas, ce monde-là, là, ils travaillent tout seuls, ils ne collaborent pas ensemble? Ça donne quoi dans le fond d'être dans le même milieu si le cloisonnement est encore si important que ça?

Mme Lambert (Manon): Je pense qu'il faut quand même faire attention. On a toutes sortes, je dirais qu'on a toute la gamme de collaborations actuellement sur le terrain. Donc, on a des pharmaciens et des médecins qui travaillent en solo, et même des médecins par rapport à d'autres médecins, là, qui se retrouvent encore seuls dans leur cabinet. On a effectivement des équipes, des duos, des partenaires de pharmaciens et de médecins qui travaillent ensemble jusqu'à aller à de grosses équipes interdisciplinaires où finalement c'est médecin, pharmacien, infirmière, nutritionniste, diététiste, et tout ça. Alors, moi, je pense que... J'ai lu un peu le passage de nos étudiants, je pense qu'ils ont dressé un portrait juste, mais je pense aussi qu'il y a une gamme, il y a une gamme de situations, et peut-être que le fait qu'ils n'ont pas encore une pratique très élargie ne leur a pas permis de juger de façon suffisante tout le progrès qui avait été accompli. Mais je peux garantir... moi, j'ai terminé en... ça va révéler mon âge, mais j'ai terminé en 1985 et...

M. Charbonneau: Ah! vous êtes plus jeune que nous, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

n (12 h 40) n

Mme Lambert (Manon): Et je peux vous garantir que ce qui se passe aujourd'hui, en 2006, versus ce qui se passait il y a 20 ans, c'est mer et monde, là, je veux dire, c'est complètement différent. Donc, moi, je suis probablement une éternelle optimiste, et je peux vous dire que la collaboration est importante.

Il faut faire aussi parfois attention de ne pas se faire une idée de la collaboration par rapport à des groupes d'intérêts. Alors, c'est sûr que, quand on arrive au niveau des groupes d'intérêts, des associations, des syndicats, là on va revendiquer chacun de notre côté un peu les choses qu'on a... qu'on veut préserver. Mais, si vous regardez l'expérience sur le terrain, effectivement, souvent, c'est bien différent du discours officiel qu'on entend.

M. Charbonneau: Alors, par ordre, disons, hiérarchique, même si je ne suis pas toujours en faveur...

M. Gagnon (Claude): Il a levé la main avant, je vais le laisser parler.

M. Charbonneau: C'est bien, ça, M. le Président, on va laisser votre vice-président...

M. Parent (Marc): Merci. Alors, je voudrais simplement souligner que je pense que les relations entre notamment les médecins et les pharmaciens ont progressé, comme Mme Lambert le mentionnait, de façon fulgurante, mais beaucoup grâce au contact quotidien qui s'est vécu dans l'établissement de santé, et particulièrement les milieux de formation. Et je m'en voudrais de passer sous silence la pénurie qu'on vit actuellement en pharmacie d'établissement, qui fait que cette exposition à la base même, là, qui fait partie de la formation, elle est potentiellement menacée, et je pense que ça influence de façon potentiellement très grave l'évolution des pratiques et l'accessibilité des soins pharmaceutiques, mais notamment... cette expérience interdisciplinaire. On voit énormément de milieux qui sont en contraction, puis on ne parle pas juste de régions éloignées, là, on parle de situations où il y a eu 40 % de postes vacants sur l'île de Montréal. C'est clair que l'exposition diminue, la qualité de services diminue, puis ça a un impact à de nombreux niveaux. Alors, on est très, très préoccupé par cette situation-là qui va avoir un impact sur l'organisation des soins, sur l'interdisciplinarité, sur plein de volets.

M. Charbonneau: Mais, par rapport à ce que vous dites, comment on devrait s'attaquer à ce problème-là que vous identifiez, là?

M. Parent (Marc): Bien, la première étape, il faut s'assurer de combler nos postes dans ce qu'on appelle la résidence, donc la maîtrise en pharmacie d'hôpital. Il y a 70 postes qui ont été prévus pour ça, et on a de la misère à avoir 40, 45 candidats. Alors, il faut s'assurer de bien comprendre les raisons qui font que les étudiants ne choisissent pas ce secteur-là. Il y en a un certain nombre qui ont été identifiées, mais clairement les correctifs qui ont été mis en place ont été insuffisants pour augmenter l'intérêt. Alors, il faut s'assurer d'avoir la production minimale qu'on a besoin et pour assurer donc l'attraction et s'assurer de la rétention des jeunes pharmaciens dans le milieu. Alors, il y a énormément de conditions de travail au travers de ça. Et ce qui est désolant, c'est... plus la pénurie s'accentue, plus les conditions de travail se détériorent et moins le milieu de travail est attrayant. Ça fait qu'on est dans une spirale assez inquiétante actuellement.

M. Gagnon (Claude): Un autre facteur que j'aimerais porter à votre attention, c'est que vous savez qu'on est en train de rédiger un nouveau code de déontologie qui va apparaître à l'Assemblée nationale bientôt et qui demandera à être entériné, et qu'on espère qui sera entériné de toute façon. Et dans ce cas vous allez remarquer que la profession de pharmacien... Nous, on veut bien que, dans le terrain, on fasse des efforts, mais on les conscientise également. Alors, vous allez voir qu'on a maintenant l'obligation d'un suivi thérapeutique. Donc, quand un patient prend une thérapie, maintenant on a l'obligation du suivi. Donc, on veut assurer une continuité entre le transfert de l'hôpital au privé, mais en même temps, en plus, on va devoir s'assurer que la thérapie qu'on donne, elle porte fruit.

Donc ça, c'est un pas plus loin, c'est une obligation qu'on fait à la profession. On pourrait peut-être le faire sans obligation, mais c'est l'engagement que les pharmaciens prennent pour démontrer leur engagement à donner le meilleur d'eux-mêmes pour améliorer la santé des patients.

Il faut comprendre que le patient devra aussi être réceptif, il y a un changement de culture. Quand les gens vont à la pharmacie, il ne faut pas toujours qu'ils arrivent pressés puis venir chercher des bonbons. Ils viennent chercher des médicaments, dans un cas oui, mais aussi les conseils et le counselling qui va avec, le suivi. Il faut qu'on prenne le temps. Moi, je disais toujours... Avant, quand quelqu'un entrait dans une pharmacie, il trouvait qu'elle était bonne, la pharmacie, parce que ça n'avait pas pris de temps. Moi, je dis toujours aux patients d'aujourd'hui: Si vous trouvez que ça a été long, c'est parce que c'est une bonne place.

Alors, tu sais, le discours doit changer, mais il va falloir que les gens comprennent qu'il faut qu'ils changent aussi leur perception de c'est quoi, une pharmacie. Ce n'est pas juste un endroit où on passe vite puis on est pressé. Il faut prendre le temps d'écouter, d'aller chercher l'information et de prendre le temps de l'accueillir. Et ça, on a un changement de culture aussi à faire. Alors, il y a beaucoup de monde qu'il faut former, mais l'information, c'est le nerf de la guerre, et je suis convaincu que, si on se sert bien des outils qui sont à notre disposition, on devra être capables ensemble, la société, de faire ce virage-là.

M. Charbonneau: Finalement, vous avez souligné que votre contribution, elle est à la fois au niveau des soins, donc il y a une espèce d'interdisciplinarité puis de contribution au niveau des soins, mais elle est aussi au niveau de la prévention. Et, à cet égard-là, il y a des gens qui sont venus nous dire que... Il n'y en a pas beaucoup qui ont abordé cette question-là, mais je ne sais pas comment vous recevez ça, puis, si jamais vous y avez réfléchi, je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais, je crois, il y a quelques jours, je ne sais pas quel groupe avait proposé qu'on crée un fonds dédié; plutôt qu'on ait une caisse santé ou une caisse vieillesse, qu'on ait une caisse prévention, prévention et promotion. Dans le fond, qu'on se dote d'un fonds capitalisé, mais pour justement faire en sorte qu'on ait rapidement... qu'on investisse plus rapidement à la hauteur de ce qui devrait être investi puis fait au niveau de la prévention. Quand on dit qu'on met 2 % du budget du ministère de la Santé et des Services sociaux en prévention, alors que, tu sais, les standards internationaux nous disent qu'il faudrait en mettre 5 %, bien 5 % sur 22 milliards, c'est pas mal plus d'argent que 2 %. Alors, il faut faire le choix de le faire. Mais est-ce que, vous qui voulez puis qui nous dites que vous devriez être plus impliqués même au niveau de la prévention, est-ce que... comment vous recevez cette...

M. Gagnon (Claude): Mme Lambert voudrait répondre. Je vais la laisser répondre, puis je mettrai un petit commentaire après.

Mme Lambert (Manon): Je vous dirais que c'est un peu le même débat que vous avez eu tantôt avec nos collègues de la Chambre de commerce dans le sens où, à un moment donné, d'où que provienne l'argent, c'est le même payeur en bout de ligne et c'est le citoyen québécois qui va payer. Donc, qu'on le mette dans une caisse à part ou qu'on l'intègre au réseau, à l'enveloppe globale qui est dans le système de santé, pour nous, c'est peu important. Ce qu'il faut par ailleurs, c'est qu'il y ait cette volonté réelle là d'agir en prévention. Et on sait que notre système de santé, par les années passées, a été beaucoup hospitalocentré. C'est-à-dire que c'est très spectaculaire, l'hôpital, hein? Un patient qui arrive à l'urgence en infarctus et qu'on présente ça... ça fait même l'objet de téléséries, hein, Urgence, et tout ça. Donc, c'est sûr que ça frappe l'imaginaire. Et, quand on prend des décisions, à un moment donné, de donner du financement, bien, c'est un peu gênant, quand nos urgences débordent, de ne pas donner du financement, là. Mais je pense qu'il faut qu'il y ait une certaine forme de courage et s'assurer effectivement que l'hôpital qui demeure un élément important, une structure importante dans notre système de santé, ne continue pas à gruger finalement tout l'investissement de ressources, et qu'on ait effectivement le courage d'investir dans le domaine de la prévention. Finalement, le problème dans le domaine de la prévention, par ailleurs, c'est que les effets sont rarement à court terme et rarement, je dirais, sur un terme de quatre ans. Donc, c'est difficile, à un moment donné, de maintenir l'investissement en prévention quand on ne voit pas les résultats demain matin.

M. Gagnon (Claude): D'un autre côté, on fait déjà... La société, l'État québécois, le choix qu'on a fait de dire... On a quand même fait un choix de prévention. Si on regarde, quand j'ai commencé... en tout cas, quand j'ai commencé en pharmacie, la plupart des médicaments qu'on donnait ou qu'on distribuait ou que les gens consommaient, c'était du curatif. On prend énormément de médication aujourd'hui pour faire de la prévention de maladies. Donc, on en fait déjà beaucoup, l'État investit beaucoup. Ce n'est pas le même type de prévention, mais, pour protéger la qualité de vie et diminuer les coûts de santé à d'autres niveaux, on fait de la prévention en investissement. Le médicament est une sorte d'investissement qui a servi à faire de la prévention.

M. Charbonneau: C'est comme l'aspirine pour éviter d'avoir un infarctus.

M. Gagnon (Claude): Exemple. C'en est un, exemple. Mais, tu sais, le cholestérol, on prend... beaucoup prennent des antilipidémiants parce qu'ils veulent éviter d'avoir un problème cardiovasculaire. Mais on en fait beaucoup, de prévention, mais il n'y a pas rien qu'elle. Nous, ce qu'on parlait, c'est de l'autre, celle qui est en avant de celle-là. O.K.? Donc, c'est au niveau de la nourriture, au niveau du conditionnement physique, au niveau... Bon. Les pharmaciens n'ont pas toute l'information. On le fait sur une base individuelle, on dit qu'elle n'est pas structurée. Quand on dit que les gens viennent chez nous une fois par mois, ou régulièrement on voit les patients, c'est que, si on avait tous ces outils-là à notre disposition dans une organisation de l'État qui, lui, à l'intérieur de son réseau, les connaît, tous ces outils-là.... Le nutritionniste, c'est qui? Il est à quel endroit? On ne les connaît pas tous. Et on dit qu'à ce niveau-là, si on était des partenaires du réseau, on aurait, nous aussi, ces informations-là, qu'en première ligne... qu'on pourrait envoyer ces gens-là au bon endroit au bon moment. Souvent, on ne les connaît pas, ça fait qu'on les renvoie, on dit: Bien, allez au CLSC ou allez à l'hôpital. Mais souvent c'est tellement un dédale d'aller voir n'importe qui qu'à un moment donné ils se tannent puis ils restent chez eux. C'est ça que ça fait.

M. Charbonneau: La loi qui a été votée, en fait les deux lois qui ont été votées, celle qui avait le mandat de créer des réseaux de santé et de services sociaux, bien, dans un réseau de santé et de services sociaux sur un territoire, les pharmaciens, à mon avis, ils devraient être dans le coup, puis ils doivent être dans le coup.

M. Gagnon (Claude): Ils devraient être dedans, et c'est ce qu'on demande.

M. Charbonneau: Ils doivent être dans le réseau, là. Je sais qu'ils sont dans le réseau, mais, je veux dire, ce que je comprends, c'est que, pour plusieurs, selon les vieilles habitudes, ça ne va pas de soi que le pharmacien est dans le réseau, alors que ça va de soi que la clinique médicale, elle, elle l'est.

M. Gagnon (Claude): Elle est dans le réseau, exact.

Mme Lambert (Manon): C'est un peu ce qu'on disait tantôt, c'est qu'une loi, ça ne change pas les comportements, ça ne change pas les attitudes. Donc, effectivement, les pharmacies privées sont intégrées... ont été intégrées avec le projet de loi n° 83 au sein du réseau local de santé, mais effectivement, pour le moment, ils n'y sont pas intégrés. Nous, à l'instar de ce que le ministre a dit tantôt, nous souhaitons vivement que les comités régionaux de services pharmaceutiques soient un point d'appui au niveau régional pour l'intégration des pharmacies, et d'ailleurs l'Ordre des pharmaciens a beaucoup investi dans la création de ces comités-là. On a travaillé avec le ministère de la Santé pour établir des règlements, on est présents au niveau des assemblées d'ouverture, actuellement, qui se passent avec les pharmaciens, et on espère que ces comités-là vont justement créer ou contribuer à changer la culture régionale à ce niveau-là.

n (12 h 50) n

M. Charbonneau: À cet égard-là, est-ce que vous pouvez nous dire si les pharmaciens sont impliqués dans la conception actuelle des plans d'effectifs médicaux puis des plans... pas d'effectifs médicaux, mais des... Comment on l'appelle, le plan santé, là...

Une voix: Le projet clinique.

M. Charbonneau: Le projet clinique, pardon... Pas vraiment? C'est un peu incroyable. Vous dites que les pharmaciens ne sont pas impliqués actuellement par les établissements qui ont la responsabilité de préparer les projets cliniques.

Mme Lambert (Manon): Je dirais que ça varie d'un établissement à l'autre, effectivement. Dans certains établissements où le département de pharmacie a une importance, je dirais, politique plus importante parce que, bon, je ne sais pas, le chef de département est peut-être un petit peu plus politique ou parce que l'équipe est peut-être plus mobilisée, oui, dans certains cas, les pharmaciens y sont. Dans d'autres cas où effectivement le département de pharmacie est encore considéré comme un service du deuxième sous-sol, bien, souvent on n'aura pas tendance à descendre jusque-là et on ne le consultera pas. Alors, je dirais, c'est très variable d'un établissement à l'autre.

Ceci étant dit, ce n'est pas avec la loi effectivement qu'il faut changer ça. Il faut que les pharmaciens eux-mêmes par ailleurs, dans ces établissements-là où ils n'ont pas pris la place qu'ils devraient, la prennent. Je pense qu'il y a déjà une première responsabilité de la profession elle-même à prendre sa place à ce niveau-là, mais il y a probablement effectivement un changement de culture au niveau des gestionnaires aussi pour s'assurer qu'ils vont penser à cette bibite-là qu'est le pharmacien, mais... bon, je dirais que ça commence à s'améliorer, encore là, à ce niveau-là.

M. Charbonneau: Sauf qu'il ne faudrait pas se retrouver avec des plans qui vont être soumis par approbation aux agences puis au ministère, où, finalement, vous n'aurez pas été impliqués, parce que, là, on va se retrouver... Tu sais, dans le fond, c'est le temps, là. Tu sais, il y a comme un moment donné, là. On peut bien attendre des changements de culture, mais là, là, c'est comme: Si vous n'êtes pas dans le coup, ça va créer une problématique, là, tu sais, il va manquer quelque chose.

Mme Lambert (Manon): En fait, vous avez raison. C'est systématiquement un peu cette situation-là. Je vous donnerais deux exemples précis où effectivement on a changé les règlements, puis où les pharmaciens n'ont pas été impliqués, puis on se retrouve à ramer à contresens: les ambulanciers, l'administration de médicaments par les ambulanciers. On avait juste comme oublié qu'à un moment donné, pour administrer des médicaments, il faut se les procurer, et, pour se les procurer, c'est un encadrement. Vous savez, le médicament, ce n'est pas un produit de consommation. Il y a une réglementation fédérale à laquelle toutes les personnes sont assujetties, et on n'avait pas pensé qu'il fallait qu'à un moment donné ils se les procurent. Donc, trois ans plus tard, on est en train de corriger ça avec l'Office des professions.

La vaccination, c'est un peu la même chose. Les infirmières avaient le droit de vacciner, mais elles n'avaient pas le droit de se procurer les médicaments. Et quand les pharmaciens ne sont pas là, mais ne serait-ce que ces questions-là, qui sont très pratico-pratiques, d'acquisition des médicaments... ne sont pas tenues en compte, mais, au-delà de ça, au-delà de la distribution de médicaments, effectivement il faut s'assurer que la perspective particulière, hein, le fait qu'on est un professionnel différent comme les 11 autres... les 12 autres professionnels dans le réseau de la santé, on a chacun notre perspective, et c'est en mettant ensemble toutes ces perspectives-là qu'on réussit finalement à avoir, je dirais, une idée plus juste de la situation.

M. Gagnon (Claude): Peut-être un dernier commentaire qui a donné l'impression... Quand, M. le ministre Couillard, tout à l'heure, vous disiez, puis ça semblait plus ou moins bien parti ou ça ne semblait pas... ça semblait bloquer dans le dossier des infirmières, entre autres, c'est qu'on n'avait pas été du tout, du tout impliqué dans la mise en place de tout ça. Et, quand ils sont arrivés pour... comment ça marche avec les médicaments? on va parler à l'ordre. Mais là il faut regarder ça puis qu'est-ce qu'on peut faire avec les lois, avec les lois existantes. On ne peut pas demander aux gens de faire quelque chose qui n'est pas dans la loi. On prend la loi, puis on l'applique, puis, à partir de là, on va essayer d'être ouvert. Mais, ceci étant dit, il faut qu'on se parle au bon moment. Et, vous avez raison, quand on est consulté en tout dernier recours, ça fait comme une remorque. Mais évidemment on est ouvert aux solutions, puis on a essayé de les trouver puis de les écrire, et je pense que ça va très bien, puis la relation est super bonne. Ça prouve qu'en se parlant on trouve des solutions. Mais il faut qu'on se parle, il faut qu'on intervienne au bon moment d'un processus. Et souvent on nous oublie, on nous amène à la fin du processus.

Le Président (M. Copeman): M. Parent.

M. Parent (Marc): Peut-être en complément. Aussi réaliser que, dans certains endroits, notamment la région de Québec est un bon exemple, les CSSS qui ont été constitués ont été constitués à partir d'un noyau de soins de longue durée ou de CLSC, où ces établissements-là avaient très peu de ressources pharmaceutiques, et les CLSC, souvent, pas du tout. Alors, ce qui fait qu'on s'est retrouvé avec deux ou trois pharmaciens qui se retrouvaient en haut d'un CSSS avec une charge importante de malades hébergés, plus des nouveaux mandats, et somme toute fort peu de temps pour s'investir dans ces choses-là. Il y a le quotidien à faire rouler et la nouvelle réalité à créer, à s'impliquer, à être présent pour qu'on pense à nous, etc. Donc, le défi est assez colossal pour relativement peu de personnes.

M. Charbonneau: Ma collègue... Est-ce qu'on a encore du temps?

Le Président (M. Copeman): Il reste une minute et demie, là. C'est à peine le temps de dire bonjour, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Champagne: Petite question. À la page 12 de votre mémoire, vous faites la recommandation suivante: «le droit du résident ? on parle de résident bien sûr en centre d'accueil, là ? à choisir le pharmacien de son choix constitue un critère de certification des résidences privées». Vous en faites une recommandation. Je sais l'importance qu'ont les personnes âgées d'être desservies par le pharmacien en qui ils ont parfois confiance depuis 20 ans. Je suis tout à fait d'accord avec ça, là, pour l'avoir vécu avec ma mère.

Or, est-ce que la recommandation, elle est là parce que vous avez compris qu'il existait peut-être des pressions pour que certaines résidences, pour faciliter les choses, aillent toujours à la même pharmacie. Est-ce qu'il y a eu des choses qui vous ont été rapportées là-dessus?

M. Gagnon (Claude): Écoutez, on a entendu beaucoup de rumeurs, c'est pour ça qu'on a mis une commission... pas une commission, mais on a fait ce qu'on appelle un blitz de vérification sur nos plus gros fournisseurs de résidences pour personnes âgées pour savoir s'il n'y avait pas des liens mal appropriés. Mais, soit dit en passant, qu'il y ait lien ou pas, pour l'instant on n'a pas rien, on n'a pas conclu encore parce que c'est en train de se faire. Ce qu'on sait par contre, et ça, on le sait, c'est que beaucoup de résidences, dans leurs baux, ont cette obligation-là de faire ça. Alors, est-ce qu'il y a quelque chose qui est glissé en arrière ou autre, ça peut être présomptueux, mais on se dit: Il faudrait éliminer ça pour éliminer justement tous ces processus-là.

Deuxièmement, quand une résidence devient avec des cas lourds, il faut comprendre, là, qu'on ne parle pas d'empêcher qu'il y ait une relation étroite entre un comité multidisciplinaire d'une résidence où il y a des soins médicaux, et d'infirmiers, et de médicaments et que les personnes sont en perte d'autonomie. Donc, ils n'appellent même plus à la pharmacie directement, c'est une autre personne qui le fait pour eux. Qu'il y ait un regroupement là pour avoir une meilleure qualité de services, ce n'est pas ça qu'on vise, hein? C'est les personnes qui sont complètement autonomes, entre guillemets, qu'on fait quasiment chanter en disant: Là, vous perdez votre autonomie en rentrant ici. Moi, je pense que ce n'est pas correct et c'est irrespectueux du droit de la personne. Et c'est ce qu'on ne voudrait pas, que, par souci d'autonomie, le gouvernement n'a pas vu venir ou n'a pas pris conscience qu'il devait l'encadrer. Dans cette réglementation, lorsqu'il va certifier les résidences, qu'il s'assure que ce respect de cette automonie-là et de cette loi-là, que le respect soit fait et non pas brimé par un contrat qui, lui, n'est pas conforme à la loi. Et c'est ce qu'on demandait. C'est ce qu'on a dit quand on est allés à la commission pour présenter, c'est ce qu'on répète aujourd'hui, parce que, nous, on pense que c'est un pouvoir et un droit essentiel qu'ont les personnes, nos aînés, et c'est le droit qu'on aimerait probablement avoir, nous autres aussi, plus tard.

Mme Champagne: Tout à fait. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Gagnon, Mme Lambert, M. Parent, merci beaucoup pour votre présentation à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

 

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Paquin): À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, à l'ordre! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Je vais vous rappeler le mandat de la commission: la Commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre sa consultation générale et ses audiences publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

J'aimerais rappeler à toutes les personnes présentes, s'il vous plaît, que l'usage des cellulaires est défendu dans la commission, pour ne pas déranger les travaux de la commission. Donc, si vous avez des cellulaires, vous les mettez à la fonction vibration ou vous les éteignez.

On reçoit, cet après-midi, dans un premier temps, les représentants du Protecteur du citoyen, mais c'est plus Mme la Protectrice des citoyens, je crois, qui s'appelle Mme Raymonde Saint-Germain. Madame, messieurs, bienvenue. Je vous rappelle un peu le fonctionnement de notre commission. Nous passons une heure ensemble pour discuter de votre point de vue: 20 minutes pour présenter votre point de vue, par la suite 20 minutes de discussion avec le ministre et les députés du côté ministériel, et on termine le tout avec 20 minutes du côté de l'opposition.

Mme Saint-Germain, si vous êtes prête, et je pense que c'est le cas, vous présentez les personnes qui vous accompagnent et vous nous faites part de votre mémoire.

Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, je vous remercie. Et je vous remercie aussi, tous les membres de la commission, d'offrir au Protecteur du citoyen l'occasion de commenter le document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. Je vous présente aujourd'hui le premier mémoire qui a été préparé conjointement par le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux et le Protecteur du citoyen qui, comme vous le savez, forment une seule et même institution depuis le 1er avril dernier.

Je suis accompagnée de deux personnes qui ont été les maîtres d'oeuvre du mémoire que je vous présente: à ma droite, M. Pierre-Paul Veilleux, qui est vice-protecteur à la santé et aux services sociaux, et, à ma gauche, Mme Fernande Rousseau, qui est coordonnatrice aux plaintes au Protecteur du citoyen.

n (15 h 10) n

Depuis 35 ans, du rapport Castonguay-Nepveu au rapport Ménard, les enjeux de la santé et des services sociaux ont ponctué et façonné l'évolution du Québec. Les valeurs de solidarité, d'égalité et d'universalité en ont été le leitmotiv, et le même souci d'équité et d'accessibilité à des soins de qualité leur a servi de trame. Ces valeurs sont aussi le fondement du point de vue du Protecteur du citoyen.

Notre principale fonction en matière de santé et de services sociaux est d'examiner les plaintes des usagers en dernier recours lorsqu'ils sont insatisfaits du traitement que ces plaintes ont reçu dans un établissement ou dans une agence régionale. Le Protecteur du citoyen peut aussi intervenir de sa propre initiative s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne ou un groupe de personnes a été lésé ou pourrait l'être dans un établissement ou dans une ressource de santé et de services sociaux.

Au cours de chacune des trois dernières années, les citoyens ont formulé environ 12 000 plaintes par année, à l'exclusion des plaintes qui concernent les actes médicaux et qui ne sont pas de la compétence du Protecteur du citoyen. Environ 500 de ces plaintes se sont rendues chez nous, donc en deuxième instance, et une proportion constante de ces plaintes concernent l'accès aux services et leur continuité, plus précisément l'attente à l'urgence, l'attente pour subir des tests diagnostiques et l'attente pour recevoir des services spécialisés en réadaptation.

Ces constats nous renvoient directement aux droits et au respect des droits des usagers. Dans notre société où l'équité et la solidarité sont au rang de repères fondamentaux, le Protecteur du citoyen ne voit pas les droits individuels et l'intérêt collectif comme antinomiques ou divergents mais plutôt comme essentiels les uns aux autres et se renforçant mutuellement.

Pour toutes ces raisons, la meilleure façon selon moi de garantir à chaque individu l'accès aux soins et aux services auxquels il a droit, c'est encore de garantir à l'ensemble des citoyens un accès équitable aux services auxquels tous ont droit. De prime abord, il me semble que l'approche retenue par le gouvernement du Québec pour répondre à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli-Zeliotis se situe dans cette perspective. C'est une approche qui vise à assurer le respect des droits individuels des usagers, mais sans chercher à le faire pour autant au détriment du droit de l'ensemble à un accès équitable, dans des délais raisonnables, à des services d'une même qualité.

Et c'est en me situant dans cette perspective et surtout en ayant en tête les plaintes que les citoyens nous adressent que je vous soumets maintenant quelques commentaires et recommandations. D'abord, j'aimerais vous parler d'une seule et même garantie de qualité. Ce qui me préoccupe essentiellement, c'est d'obtenir l'assurance que le mécanisme de garantie d'accès qui est proposé, et plus particulièrement la clinique affiliée, peut s'inscrire dans le système de santé en respectant les valeurs et les droits qui sont reconnus à l'ensemble des citoyens et sans égard que les services soient dispensés en secteur public ou en secteur privé. L'examen des plaintes des usagers qui vivent dans les centres d'hébergement public et privé de même que nos interventions dans des ressources d'hébergement privé ont mis en lumière des écarts de qualité. Et pourtant, les usagers reçoivent des services du secteur privé... qui reçoivent, pardon, des services du secteur privé ou d'un établissement public s'attendent, comme ils sont en droit de le faire, à y obtenir dans les deux cas des services de qualité.

Certaines mesures adoptées récemment ? je réfère notamment à l'introduction du processus de certification des résidences privées pour personnes âgées, aux visites d'appréciation de la qualité et aussi à l'agrément des établissements ? témoignent de la volonté du ministre et de l'Assemblée nationale d'améliorer la qualité des services ainsi que d'assurer le respect des droits de tous les usagers sans égard à la dispensation publique ou privée de ces services. Dans l'intérêt des usagers, je crois essentiel que la qualité des services fournis dans ces cliniques soit soumise à la même évaluation que celle qui prévaut dans les établissements publics avec lesquels ces cliniques sont liées par entente. Il m'apparaît important que les règles d'encadrement soient clairement énoncées et connues autant d'ailleurs des acteurs du réseau que des citoyens.

C'est pourquoi je recommande de rendre public, une fois qu'il sera terminé, le cadre normatif des cliniques spécialisées affiliées. Ce cadre devrait à mon avis prévoir, entre autres éléments, les critères de reconnaissance de ces cliniques, les normes d'appréciation de la qualité de leurs services et les mesures de contrôle qui leur seront imposées. Il devrait également préciser quelle sera l'instance responsable d'en assurer l'application.

Je vous formule aussi dans le même sens une deuxième recommandation qui est de proposer à l'Assemblée nationale une modification à l'article 107.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour obliger les cliniques spécialisées affiliées à solliciter un agrément de leurs services au même titre que les établissements publics.

J'aimerais maintenant vous parler d'un même accès au mécanisme de plaintes. Les modifications récentes au régime d'examen des plaintes renforcent le rôle et la place du commissaire local au sein de l'établissement. Cette reconnaissance illustre l'importance pour le ministère de rendre accessible aux usagers un mécanisme de plaintes à la fois souple et efficace, et nous appuyons cette approche. Grâce à ces modifications, une partie du régime d'examen des plaintes concernant le commissaire local ou le commissaire régional et, en deuxième instance, le Protecteur du citoyen s'appliquera de facto lors d'ententes de services entre l'établissement et un partenaire qui n'appartient pas au réseau public. Je dis «une partie» seulement, parce que le régime ne s'applique pas lorsque la plainte concerne un médecin, un dentiste, un pharmacien ou un résident. Le seul recours de l'usager est alors le Collège des médecins.

Tous les citoyens, qu'ils reçoivent des services du secteur public ou du secteur privé, devraient avoir les mêmes droits et les mêmes recours. C'est pourquoi je suis d'avis que le régime d'examen des plaintes devrait s'appliquer en totalité lorsqu'une entente de services est conclue entre les cliniques ou un autre partenaire et l'établissement de qui l'usager reçoit des services.

Je recommande donc de proposer au législateur une modification à la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour permettre aux usagers référés par le réseau public par le biais d'ententes de services d'avoir recours aux médecins examinateurs et aux comités de révision afin d'assurer les droits reconnus dans la loi, leur accordant ainsi les mêmes droits et recours que dans le système public. Et c'est dans la même logique que je vous recommande que le régime d'examen des plaintes en matière de santé et de services sociaux soit accessible aux usagers qui seront référés par un établissement pour y recevoir des services de réadaptation et de soutien à domicile, quels que soient les dispensateurs de services.

J'aimerais maintenant vous parler de la continuité des services. L'augmentation des chirurgies, en particulier de la hanche et du genou, entraînera certainement une plus grande demande de services en réadaptation et en soutien à domicile. Il faut s'assurer d'apporter une réponse adéquate à cette pression supplémentaire sur les services postopératoires. Or, l'examen des plaintes que nous avons reçues des usagers montre que les services de réadaptation et de soutien à domicile dans le réseau public sont fortement en demande et que les délais pour y avoir accès sont déjà très longs. Le manque de personnel de réadaptation est un facteur qui entre également en ligne de compte.

En outre, l'utilisation des ressources disponibles paraît soumise à des exigences divergentes et concurrentielles: d'un côté, un système public universel à la fois de santé et de services sociaux qui doit répondre aux besoins de l'ensemble des citoyens; de l'autre, deux régimes particuliers d'assurance, un pour les accidentés du travail ? le régime bien connu de la CSST ? et l'autre pour les accidentés de la route ? celui de la Société de l'assurance automobile du Québec ? deux régimes qui offrent des conditions plus intéressantes aux fournisseurs de services.

Comment avoir la garantie que les usagers non assurés ne subiront pas des délais interminables, après une chirurgie dans le réseau privé, pour recevoir des services de réadaptation et de soutien à domicile, dans leurs régions d'origine, par le réseau public, ou par une clinique, ou par un organisme privé, souvent un organisme communautaire? Je recommande donc que le ministère de la Santé et des Services sociaux prépare un plan d'action pour remédier aux difficultés d'accès aux services de réadaptation et de soutien à domicile. Ce plan d'action devrait assurer une prise en charge des usagers fondée sur leurs besoins réels, sans égard aux régimes qui assurent le coût de ces services. La pénurie de main-d'oeuvre pour les professionnels, par exemple les ergothérapeutes et les physiothérapeutes, mérite, dans la préparation de ce plan, je crois, une attention particulière.

J'aimerais maintenant vous parler de l'information, qui est importante pour les usagers, on le constate dans le traitement de nos plaintes, l'information personnalisée et pertinente. La prise en charge personnalisée des patients est l'une des assises de la stratégie gouvernementale en matière de garantie d'accès. Pour suivre et gérer de façon standardisée les listes d'attente qui sont normalisées, il est proposé de mettre en place un système d'information intégré qui, selon ma compréhension, se compare au système d'information qui est déjà implanté pour les secteurs de radio-oncologie et de cardiologie tertiaire. Ce scénario me semble bien respecter les droits reconnus à l'usager dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Toutefois, pour être en mesure d'exercer ses droits, un usager a besoin, comme le prévoit le document de consultation, d'être tenu informé de sa situation. Comment le sera-t-il? L'information en ligne est certainement un moyen d'information adéquat pour un nombre important et croissant de citoyens, mais l'expérience nous enseigne aussi que plus de 60 % des usagers qui portent plainte sont des personnes âgées dont certaines ne sont pas toujours familières avec ces technologies. Pour elles, il faut chercher à obtenir un moyen de communication approprié.

n (15 h 20) n

C'est pourquoi je recommande de s'assurer que les établissements informent régulièrement et de façon adaptée, de façon personnalisée si possible, les usagers inscrits sur les listes d'attente pour les chirurgies de la cataracte, du genou et de la hanche, dans le respect de l'article 8 de la loi.

J'estime par ailleurs, comme le propose le document de consultation, que la gestion d'un telle liste doit faire l'objet d'une coordination centrale. Je recommande donc que la gestion des listes d'attente soit confiée à une autorité centrale qui ait également le mandat de définir des paramètres qui tiendront compte des particularités des usagers et de la capacité de prise en charge des cliniques vers lesquelles ils seront dirigés.

J'aimerais maintenant vous faire part de certains écarts que nous sommes d'avis qu'il faut corriger par équité pour les usagers. Les programmes d'aide financière aux déplacements des usagers varient en fonction de la maladie ou du type d'incapacité. Par exemple, on rembourse des frais occasionnés par les déplacements d'un patient en radio-oncologie, mais le patient qui doit se rendre dans une autre région pour recevoir d'autres types de services spécialisés doit de son côté assumer ces frais pour les premiers 250 kilomètres de parcours. Il se présente ici, je crois, une occasion d'harmoniser les programmes.

Je recommande donc que l'on revoie l'ensemble des règles qui gouvernent l'attribution d'une aide financière à l'usager qui doit se déplacer parce qu'il ne peut recevoir des services dans son établissement d'origine.

Le document de consultation assure que l'usager qui sera dirigé vers une clinique spécialisée affiliée pour y être traité n'aura pas de frais supplémentaires à assumer. Je comprends par là que l'usager ne devrait pas avoir à payer des frais exigés par la clinique. Or, certains centres privés exigent présentement des frais, par exemple, pour l'ouverture d'un dossier alors que ces frais, on le sait, ne sont pas exigés dans le système public.

Pour éviter de tels écarts, je recommande que l'on s'assure que les usagers dirigés vers les cliniques spécialisées affiliées n'aient pas à assumer des frais qu'ils n'auraient pas à payer s'ils étaient pris en charge en établissement public.

En concluant, je vous ai fait part d'un constat qui ne se dément pas. Dès ma prise de poste, j'ai constaté que les plaintes des citoyens réfèrent toujours à des situations très concrètes, pas à des normes, pas à des programmes, mais à des situations concrètes et qui ont un impact direct sur eux et sur leurs proches. Ces plaintes et ces signalements que nous recevons sont éclairants sur la manière dont le réseau de la santé et des services sociaux peut répondre à leurs besoins. Chaque plainte est un clignotant qui s'allume, aussi un signal qui, s'il est pris en compte et décodé adéquatement, peut devenir une information précieuse pour ceux et celles qui veulent améliorer la réponse aux besoins sociaux et sanitaires de la population du Québec. En somme, si garantir l'accès présente un défi d'efficience et de qualité, cela s'inscrit également dans une perspective de continuité des services qui garantiront à tous un accès équitable aux soins et aux services de qualité dont ils ont besoin.

Alors, je vous remercie et je suis disposée, avec mes collègues, à répondre à vos questions.

Le Président (M. Paquin): D'accord. Merci, madame. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Saint-Germain, M. Veilleux et Mme Rousseau, pour votre visite, et je dois dire qu'une grande partie des recommandations que vous formulez sont déjà incluses dans notre réflexion qui va mener à un texte ou un projet de loi qui va être déposé à l'Assemblée nationale. Vous aurez bien sûr l'occasion d'y trouver beaucoup de correspondances, autant sur la question de la qualité que sur les autres aspects que vous avez mentionnés, notamment l'agrément qui nous semble une question très importante et qui effectivement insuffle un vent de recherche de la qualité dans le réseau de la santé et des services sociaux qui est très favorable. Souvenons-nous que le but des plaintes, ce n'est pas de punir quelqu'un, c'est d'améliorer le service pour la prochaine personne qui va y avoir accès, et ça, c'est très important toujours de le répéter.

Maintenant, si on regarde le mécanisme de traitement des plaintes, effectivement on pourrait théoriquement se contenter d'assimiler la clinique affiliée à un milieu lié par entente avec un centre ayant un permis. Dans ce cas-là, le Protecteur des usagers, maintenant dans votre bureau, a accès au milieu, mais cependant le traitement initial, là, des plaintes échappe aux mécanismes standards. Et ce que vous recommandez, c'est que le même mécanisme qu'on retrouve dans l'établissement s'applique dans la clinique affiliée, autant pour les plaintes générales que pour celles qui touchent les médecins résidents ou patrons. Donc, le médecin examinateur intervient dans la clinique affiliée. Je comprends que c'est l'essence de votre recommandation.

J'aurais deux points à discuter. D'abord, cette question a été soulevée également pour les groupes de médecine de famille, qui sont des groupes de médecins qui sont des gens qui sont liés contractuellement au système de santé d'une façon quelconque, pas avec un établissement cependant, mais avec le système de santé, et on a incorporé ? et je crois que c'était dans la loi n° 83 que nous l'avons fait ? le traitement des plaintes sur l'aspect de l'entente administrative qui lie le groupe de médecine de famille au système de santé. Par exemple, si l'entente stipule que le groupe de médecine de famille doit assurer une accessibilité sept jours-semaine et qu'un usager constate que cette accessibilité n'est pas offerte, il peut ou elle peut déposer une plainte pour cet effet-là. Cependant, les plaintes concernant l'acte médical lui-même étaient référées au Collège des médecins, étant donné que c'est un établissement distinct... pas un établissement, mais une entité distincte d'un établissement du réseau. Comment faites-vous la comparaison entre le groupe de médecine de famille et la clinique affiliée sur le plan du concept, puis de la relation avec le réseau, puis le pouvoir d'intervention des mécanismes de traitement des plaintes?

Et il y a les problèmes pratiques auxquels il faut songer. Par exemple, il est possible qu'une clinique affiliée ait des relations contractuelles avec deux ou trois hôpitaux différents et que même certains de ses médecins, ce qui est déjà le cas, aient des privilèges également dans deux, trois de ces hôpitaux. Alors, quel médecin examinateur va intervenir au sujet du docteur X qui travaille dans une clinique ayant des contrats avec trois hôpitaux différents ou le docteur X lui-même ayant des privilèges dans deux ou trois de ces hôpitaux? Il y a un point, là, assez pratique, concret. Comme vous dites, c'est souvent des situations concrètes et très terrains qui nous sont présentées, mais je ne sais pas si vous avez réfléchi à cet aspect, là, concret de la situation.

Le Président (M. Paquin): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Dans un premier temps, je vous dirai que, si on fait cette recommandation, c'est dans l'intérêt des usagers et c'est aussi pour s'assurer qu'ils développeront un lien de confiance avec ces cliniques. Et je me dis que les cliniques, si elles sont soumises à ce mécanisme, leur crédibilité en sera d'autant, je pense, acquise. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est un atout pour tout le monde.

On a essayé d'être concret dans les recommandations et pragmatique effectivement. Je pense que des solutions peuvent être trouvées entre les établissements et les médecins examinateurs. Par exemple, il y a un établissement qui réfère à une clinique; il est possible, s'il y a une plainte, qu'on réfère au médecin examinateur de cet établissement. Ou encore une autre hypothèse serait que le médecin qui normalement a des dossiers plus importants en nombre avec un établissement plutôt qu'un autre, on réfère au médecin examinateur de cet établissement.

Je pense qu'il y a des solutions qui peuvent être trouvées, mais c'est surtout en fonction, je dirais, à la fois de la protection des usagers mais aussi de la crédibilité et de la garantie de qualité au niveau des cliniques.

M. Couillard: Pour ce qui est de l'agrément effectivement, je vous l'indiquais, je dirais que c'est presque incontournable, comme élément de crédibilité, le fait de rassurer la population quant à la qualité qui sera offerte dans ces cliniques-là. Nous avons déjà indiqué par ailleurs que, dans les cliniques affiliées, il n'y aurait aucuns frais à payer pour l'utilisateur autres que ceux qu'on paie normalement dans le réseau public, dans les établissements. Alors ça, c'est déjà acquis, et ce sera inscrit comme tel dans le texte de loi qui sera proposé à l'Assemblée nationale.

Pour ce qui est de la réadaptation maintenant, est-ce que vous pensez que la clinique affiliée devrait, dans son contrat, avoir à offrir tout le continuum de soins jusqu'à la réadaptation plutôt qu'uniquement l'acte chirurgical, lorsque c'est nécessaire? Souvenons-nous qu'en clinique affiliée, contrairement à une impression qui a été dégagée dans les premières semaines, il n'y aura pas de chirurgie lourde, là. Les hanches et les genoux, ce n'est pas là qu'ils vont être opérés, là. Ça va probablement être de la chirurgie d'un jour, hein, à faible débit, sous locale. Dans ce temps-là, il n'y a pas grand réadaptation à faire, mais, advenant le cas où, pour une procédure particulière, il y aurait un peu de physiothérapie à faire, par exemple, pour quelques jours, après la chirurgie, est-ce que vous pensez que l'épisode de soins décrit dans le contrat devrait inclure cette période-là également?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Je vous dirai, M. le ministre, qu'à partir du moment où les cliniques sont assujetties, comme vous le dites, à l'agrément ? et je pense que c'est une bonne nouvelle ? qu'aussi le mécanisme de plaintes s'applique, ce qui est sans doute le plus simple pour l'usager serait qu'il y ait ce continuum de services à partir de la clinique, et, à ce moment-là, nous n'avons pas de réserves ou d'objections. L'important est que le continuum de services puisse s'appliquer de manière universelle et avec le même accès.

M. Couillard: Oui, puis effectivement, si vous reprenez les trois chirurgies qui sont décrites dans la garantie d'accès puis qui sont là pour apprendre à faire fonctionner une garantie d'accès... Parce que faire fonctionner une garantie d'accès signifie aussi ? autre de vos recommandations ? se doter d'un mécanisme centralisé de gestion de la liste d'attente avec un contact personnalisé d'une personne de l'établissement avec la personne qui est sur la liste d'attente. Ça, ça va être là, hein, ça va être là également. Mais, parmi les trois chirurgies, je pense que seulement la chirurgie de la cataracte, en pratique, va être faite dans la clinique affiliée, les autres procédures étant dans le grand panier qui est un peu un fourre-tout de ce qu'on appelle la chirurgie d'un jour, qui en général consiste en des procédures de moins grande importance.

n (15 h 30) n

La capacité de prise en charge. Vous dites que la liste d'attente devrait tenir compte de la capacité réelle de prise en charge des cliniques spécialisées affiliées et relever d'une autorité centrale. Nous, on a prévu dans le document que les contrats d'affiliation justement précisent ces choses-là, notamment le volume d'activité par rapport aux besoins qui sont déterminés dans les établissements de santé. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire, finalement?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Ce que l'on veut dire, ça rejoint cela, d'une part, et, d'autre part, ce que l'on veut surtout dire, c'est qu'il faut que les besoins des usagers sur les listes d'attente soient pris en charge selon un ordre prioritaire, en fonction de leurs besoins immédiats, qui sont sociosanitaires, et non pas en fonction d'une disponibilité, là, administrative et de certaines contraintes qui sont d'ordre administratif. Alors, dans ce sens-là, les propos que vous avez tenus, M. le ministre, je pense, rejoignent la préoccupation que nous avions, et ces mesures que vous semblez prendre pour faire en sorte que la liste ait une portée plus centrale et soit bien coordonnée rejoignent nos préoccupations.

M. Couillard: D'ailleurs, une petite anecdote, en passant, sur la gestion centralisée et l'importance de bien gérer les listes d'attente, il y a un collègue de l'Assemblée nationale qui, aujourd'hui même ? je ne l'identifierai pas, bien sûr ? a reçu, il y a quelques heures, un téléphone de l'hôpital près de chez lui qui l'informait qu'il était sur une liste d'attente pour une chirurgie orthopédique. Or, il n'avait nulle connaissance d'être sur la liste d'attente pour quelque chirurgie que ce soit. Et, ce genre de chose là, là, on le voit quand même... je ne dis pas que c'est fréquent, mais ce n'est pas rare. Alors, il n'y a pas possibilité d'améliorer la liste d'attente si on ne se dote pas d'un mécanisme de gestion centralisé dans l'établissement de la liste d'attente et de validation de la liste d'attente. Je pense que cet épisode, qui est une anecdote quand même, est une anecdote révélatrice, parce qu'il y a des éléments qui existent comme ça.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Une anecdote qui révèle aussi l'importance du consentement préopératoire par l'usager.

M. Couillard: Oui, bien, tout à fait. Moi, j'ai souvent dit, dans cette commission, que la définition d'un patient ou d'une personne sur la liste d'attente, c'est, un, de savoir qu'il doit être opéré ? hein, ça paraît évident ? et, deuxièmement, d'avoir eu la préparation, incluant la signature du consentement opératoire. Mais ça, c'est quelque chose... On serait surpris de voir dans quelle proportion c'est fait en réalité sur les listes d'attente qui sont actuellement colligées.

Également, vous faites des remarques sur le régime que M. Ménard propose pour la perte d'autonomie. D'ailleurs, le présentateur suivant va être très disert sur cette question, là, il vous suit dans quelques minutes. On entend dans cette commission, de tous les côtés... il y a des gens qui disent: Oui, c'est une bonne idée, c'est un besoin futur important; d'autres qui disent: Bien non, on surestime les impacts du vieillissement, d'une part, puis, d'autre part, on disloque le financement de la perte d'autonomie du reste du système de santé, alors qu'on est dans une ambiance d'intégration plutôt.

Vous ne vous prononcez pas vraiment sur la nécessité ou non de ce régime-là. Est-ce que vous avez formé une opinion ou vous préférez ne pas vous prononcer sur cette question-là?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Bien, je ferai deux remarques. Dans un premier temps, je suis très prudente quand on parle du citoyen, quand on parle des jeunes ou des personnes âgées. Je pense qu'il n'y a pas un citoyen monolithique, une personne âgée monolithique, et je pense que les besoins varient selon des personnes, selon des situations et des contextes. Nous nous sommes surtout prononcés sur l'importance d'un régime équitable, universel d'accessibilité pour tous les citoyens, et, à ce stade-ci, je ne crois pas que nous ayons, sur ce régime d'assurance, suffisamment de données pour émettre un avis qui soit éclairé. Et de toute façon notre perspective, qui est celle des plaintes des citoyens, ne nous amène pas à avoir documenté cette question. Alors, c'est pourquoi nous sommes prudents à ce stade-ci.

M. Couillard: Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. On va aller du côté de l'opposition. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Alors, Mme Saint-Germain, monsieur, madame, bienvenue à la commission. Quand je vous entends, j'ai la conviction... ça me confirme dans l'importance du rôle du Protecteur du citoyen, dans cette institution-là, parce que, jusqu'à maintenant, ces éléments que vous avez mis sur la table aujourd'hui, personne ne les avait mis sur la table. Mais, d'une certaine façon, c'est un peu normal parce que ce n'était pas leur responsabilité. Mais il doit y avoir une instance, dans une société démocratique comme la nôtre, et cette instance existe, qui se préoccupe de ces questions-là puis qui finalement pointe les éléments, là, à ne pas oublier.

Moi, je n'ai pas très bien compris, parce que je ne suis pas un spécialiste, mais quand vous parliez qu'il y ait les mêmes exigences pour les cliniques spécialisées affiliées que dans des établissements et les GMF. Je n'ai pas très bien compris le sens de la réponse que vous avez donnée au ministre tantôt. J'aimerais ça que vous repreniez cette explication-là. Oui, c'est ça, là.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Très bien. Alors, dans un premier temps, je me permets de faire le lien avec vos premières remarques, sur l'importance du Protecteur du citoyen, et vous dire que ce que je traduis ici, c'est aussi le reflet de toute une équipe qui est vraiment très près des citoyens et qui souhaite contribuer de façon très constructive à l'avancement des dossiers, et des services publics, et aux conseils aux parlementaires. Alors, je vous remercie de cette remarque qui, je pense, fera plaisir à toute l'équipe.

Ce que nous voulions dire ? et je vais laisser la parole à mon collègue le vice-protecteur dans quelques instants, là-dessus ? c'est que pour nous l'important, c'est que les citoyens, qu'ils aient accès à des services en établissement public ou en établissement privé, puissent avoir la même garantie de service et avoir les mêmes recours quant à une insatisfaction qu'ils puissent avoir, quant à une qualité qu'ils jugent insuffisante, et, dans ce sens-là, nous sommes d'avis que les cliniques doivent faire l'objet d'agrément et que les cliniques aussi doivent être soumises au même régime de plaintes que ceux qui s'appliquent au niveau des établissements publics, et nous croyons qu'un établissement public est très en mesure, par le commissaire local, par le médecin examinateur, d'assumer cette charge de travail additionnelle, compte tenu que, pour l'instant, on prévoit qu'il y aura trois, ou quatre, ou un maximum de cinq cliniques, je crois. Alors, je pense que c'est le prolongement de l'établissement public, au niveau des plaintes, qui devrait s'appliquer.

M. Charbonneau: Puis ? juste avant que le vice-protecteur réponde ? qu'est-ce que le Protecteur nous dirait si... Parce que, cette suggestion-là, on ne l'a pas testée avec les gens qui sont venus, parce qu'elle nous arrive aujourd'hui, mais j'entends déjà des gens de l'entreprise privée qui pourraient dire: Écoutez, là, ça, on veut bien faire des contrats avec le gouvernement, mais on ne veut pas que le gouvernement finalement s'immisce dans nos affaires, et on n'est pas un établissement public, on est un établissement privé, et dans le fond le mécanisme de plaintes ou en fait le mécanisme de plaintes et de traitement des plaintes ne doit pas s'appliquer à nous, là. Vous nous diriez quoi à ce moment-là, quand on va... Parce qu'on va nous faire, d'ici la fin, ici, si les groupes le font... mais vous arrivez juste après le Conseil du patronat puis la Fédération de la chambre de commerce. Si vous étiez arrivés avant, j'aurais aimé ça voir leur réaction, là. Mais disons qu'on ne leur a pas posé la question, mais je devine qu'ils n'aimeraient pas ça trop, trop, là. Qu'est-ce qu'on fait, là?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Je vous dirais d'abord que j'aurais été prête à venir avant et à rester pendant. Je vous dirais aussi qu'à mon avis il n'est pas incompatible... la recherche de la qualité, la recherche de l'efficacité et d'une certaine rentabilité, pour les cliniques, avec la qualité des services, parce que je crois que, si une clinique ne rend pas des services de qualité, rapidement les citoyens se plaindront et qu'une clinique qui est en affaires ne pourra pas rester longtemps en affaires.

Je suis aussi préoccupée par le fait que, si les citoyens... Prenons l'exemple a contrario, si les citoyens n'ont pas ce recours au système de plaintes, le même que les établissements publics, qu'est-ce qu'il leur restera? Le système judiciaire, qui est quand même, en tout respect, un système où il y a des frais, un système plus long et complexe, ou, s'il s'agit d'une plainte à l'égard de la qualité d'un professionnel de la santé, de la qualité des services, bien c'est le Collège des médecins, qui est une instance, dans son processus, sa façon de faire, quasi judiciaire. C'est beaucoup plus lourd, c'est plus long. Alors, je crois que l'intérêt des citoyens, qu'à mon avis l'entreprise privée ne doit pas laisser de côté et ne laisse pas de côté généralement, je crois, milite en la faveur de cet assujettissement.

M. Charbonneau: Je ne voulais pas vous priver de parole, M. le vice-protecteur.

M. Veilleux (Pierre-Paul): En fait, ce que j'ajouterais en complément aux propos de Mme Saint-Germain, c'est le suivant, c'est que les dernières modifications introduites par l'adoption du projet de loi n° 83 faisaient en sorte que les centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes pouvaient accompagner, comme le nom le dit, les personnes qui ont besoin de support pour intervenir auprès du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Donc, compte tenu que les centres d'accompagnement aux plaintes peuvent aider l'usager même dans un aspect médical ? parce que le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, c'est médical ? on se dit: Si la clinique affiliée, il y a une certaine reconnaissance de la clinique affiliée par le groupe du CMDP de l'hôpital, n'y aurait-il pas là une passerelle pour faciliter l'application d'un système?

n (15 h 40) n

La beauté du système public, c'est que c'est l'accompagnement, et il n'appartient pas à l'usager de faire la démonstration de la preuve, alors que d'avoir affaire par le Collège des médecins, il y a des avocats dans les dossiers et il y a un fardeau de la preuve qui se déplace. Et on considère qu'une personne qui pourrait être en clinique affiliée pour une seule intervention, par exemple cataracte, pour prendre cet exemple-là, pour nous c'est difficile d'expliquer à un usager qui s'adresse à nous, en plainte, de dire: Si vous avez besoin d'interventions pour une cataracte, vous ne pourrez pas avoir le support du centre d'assistance et accompagnement, et vous ne pourrez pas aller au conseil médecins, dentistes et pharmaciens. Donc, on pense qu'il y aurait peut-être une passerelle là. Je reconnais que c'est très différent, et ce serait plus facile d'expliquer à l'usager que le fait de passer par le secteur privé ne le prive pas d'un droit, même pour le milieu dit médical, alors qu'à l'intérieur il y a un support du cap régional et local.

M. Charbonneau: Quand vous avez parlé du dossier de la réadaptation, vous avez dans le fond mis en évidence le fait que, quand le citoyen utilisateur de services de soins de santé est en situation d'aller recueillir des soins, s'il obtient les soins via son assurance... en fait via la CSST ou via la SAAQ, à ce moment-là, il y a un traitement, d'une certaine façon, de faveur par rapport au citoyen qui n'est pas accidenté de la route ou qui n'est pas accidenté du travail. Et vous dites donc, dans votre recommandation 5, qu'on devrait faire en sorte que finalement il y ait une même approche. Parce que, là, ce que vous constatez ? il y a beaucoup de gens qui nous disent ça ? c'est que dans le fond c'était le malheur mais en même temps le bonheur parce que, pour le même problème de santé, si tu es accidenté du travail ou si tu es à la CSST, tu vas être traité plus rapidement que si tu es un citoyen victime de problématique mais qui ne rentre pas dans le système via un accident de la route, un accident du travail.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Effectivement, c'est ce qu'on a constaté, c'est ce qui se documente, et notre point de vue est de dire: Bien, dans l'intérêt du citoyen, ça devrait être son besoin médical et la priorité de sa prise en charge qui comptent en premier. Et c'est ça, l'intérêt d'ailleurs du système universel, c'est selon l'ordre de priorité. Une liste d'attente ne doit pas être fonction que de l'ordre d'arrivée, mais également d'une analyse fine avec l'urgence et la priorité médicales.

M. Charbonneau: Ça veut dire que, dans le concept de la gestion centralisée des listes d'attente, on devrait intégrer tout le monde, indépendamment de leur catégorie, disons, de problématique, en regard de l'origine de leur situation de santé, là.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Nous croyons que c'est l'intérêt du citoyen de le faire et que c'est aussi parmi les valeurs et les priorités du système de santé, que c'est aussi la meilleure façon d'agir.

M. Charbonneau: À l'égard de l'aide au déplacement, ce que vous dites, c'est que, si on est prêts à payer les frais pour du déplacement à l'extérieur de la région, quand le mécanisme de garantie d'accès entre en ligne de compte, on devrait être en mesure de le faire pour n'importe quel citoyen qui se retrouve dans l'obligation, au-delà du fait qu'il n'est pas couvert par une garantie d'accès... Parce que la garantie d'accès, pour le moment, elle va être limitée. Est-ce que je vous ai bien compris en disant que tout citoyen qui doit se déplacer pour recevoir des soins médicaux ou hospitaliers hors de sa région devrait être compensé pour ce déplacement-là, et pas juste les gens qui seraient couverts par la garantie d'accès? Est-ce que c'est ça que vous vouliez dire?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Nous, ce que l'on fait ressortir, c'est la différence de... je dirais, l'incohérence entre certaines façons de faire et certaines facturations, selon qu'on se déplace pour des programmes ou des motifs qui sont, par exemple, liés à la radio-oncologie, que l'on trouve par ailleurs une raison et un motif suffisants. Ce que l'on dit, c'est qu'il y aurait une belle occasion d'harmoniser ces programmes et que, de façon générale, le citoyen ne choisit pas de se déplacer dans une autre région, mais, parce que la situation du système de santé ou de la disponibilité du service au moment opportun fait en sorte qu'il doit se déplacer, il y aurait une cohérence et un intérêt à ce que ces régimes soient harmonisés.

Et, j'ajouterais aussi, nous avons constaté que ? et c'est souvent le cas dans beaucoup d'aspects dans notre société ? souvent les gens qui sont les plus pénalisés par ces approches qui ne sont pas, là, cohérentes, ce sont ceux qui n'ont pas l'accès aux régimes d'assurance privés ou à certains régimes d'assurance publics, donc une partie de la population qui est toujours entre, je dirais, tous les régimes, qui n'est pas non plus à l'Emploi, à la Solidarité sociale, qui n'a pas une assurance collective. Alors, on pense que ce serait là... il y aurait là un beau créneau, au moins pour ces clientèles, compenser l'inconvénient, y compris l'inconvénient financier qui leur est apporté.

M. Charbonneau: Ce serait une façon pour l'État de faire en sorte que les citoyens, tous les citoyens, soient sur le même pied d'égalité, là.

Mme Saint-Germain (Raymonde): D'équité, oui, c'est l'équité.

M. Charbonneau: D'équité, là, parce qu'il y a un principe d'équité...

Mme Saint-Germain (Raymonde): Tout à fait.

M. Charbonneau: ...c'est-à-dire que tu ne devrais pas être pénalisé parce que tu vis dans une région éloignée, tu es né dans une région éloignée, ou parce que l'offre de services étatique ou même privée n'est pas disponible dans ton milieu, ou encore parce que tu es entre deux chaises, tu n'es pas assez riche pour te payer des assurances privées, mais tu n'es pas en mesure de.

Mme Saint-Germain (Raymonde): C'est ce que nous croyons effectivement, puisque, dans certains cas, ça nous paraît d'ailleurs moins coûteux que d'instaurer certains services très spécialisés, ultraspécialisés même, dans certaines régions. Alors, on pense que ce serait une façon équitable d'équilibrer et de compenser.

M. Charbonneau: Bon. Comment vous recevez... Bon. Le ministre dit qu'il ne pouvait pas faire ça tout d'un coup. C'est une explication qui peut se tenir. Mais le fait que la garantie d'accès couvre uniquement trois types de soins et des soins parce qu'ils sont à haut volume, pas nécessairement parce qu'ils sont les plus souffrants ? je ne dis pas que ce n'est pas souffrant, là ? mais est-ce que vous vous êtes penchés, comme instance, comme institution, compte tenu de la protection que vous... compte tenu de votre mandat, au fait que justement la garantie d'accès, elle ne couvre pas tous les soins médicaux et hospitaliers et que le choix a été fait sur la base, par exemple, entre autres, des chirurgies qui sont nombreuses, donc un volume...

Puis on veut faire réduire les listes d'attente, on dit: On va prioriser ça. Mais, à partir du moment où la garantie d'accès n'est pas donnée à tout le monde, sur tout, là, tu sais, à un moment donné, il va falloir qu'on se demande pendant combien de temps ça va rester quelque chose d'inéquitable par rapport au fait que, tu sais, si j'ai un problème de cataracte, ou de hanche, ou de genou, je vais avoir droit à une garantie d'accès, si j'ai un autre type de problème, ça va peut-être prendre combien d'années avant que j'aie la même garantie d'accès. Parce que la notion de garantie d'accès fait en sorte que, là, à quelque part, on commence à dire au citoyen d'une façon plus claire: Vous avez un droit d'accès, là, puis on va vous donner la garantie. Mais, si on ne la donne pas à tout le monde en partant, sur tout, comment on fait la discrimination de ce qu'on privilégie ou ce qu'on devrait privilégier?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Bon. Écoutez, je n'aurai pas une réponse très exhaustive à votre question parce qu'on a, dans un premier temps, considéré qu'il s'agissait plutôt d'une question qui réfère à la gestion et l'organisation des services de santé au Québec, et notre expertise n'est pas en cette matière. Toutefois, nous avons néanmoins noté deux choses.

Une première, c'est que l'approche nous semble prudente, c'est-à-dire qu'on va pouvoir l'évaluer. Je comprends et, si mon souvenir est bon, j'ai lu dans certains documents qu'après cinq ans il y aurait une réévaluation. Donc, on a noté qu'il y a quand même une approche prudente plutôt que de commencer trop largement et ensuite devoir interrompre le service.

Et d'autre part nous croyons aussi que, le service public, notamment, certaines urgences, certaines salles de chirurgie, puisqu'il s'agit, comme vous le disiez si bien, de haut volume, vont pouvoir être dégagées dans les établissements publics pour faire d'autres types de chirurgies. Alors, ça nous semble, dans cette perspective-là, prudent et, je dirais, sous réserve d'une évaluation, là, plus grande, possiblement dans cinq ans, il y aura lieu d'en tirer les enseignements.

M. Charbonneau: Bon. Dernière question. Hier, le Groupe de recherche interdisciplinaire de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal est venu nous mettre en évidence un problème, le problème de la pertinence des soins, c'est-à-dire que beaucoup de soins, beaucoup d'interventions chirurgicales entre autres, mais beaucoup d'autres actes médicaux, mais beaucoup d'interventions chirurgicales en particulier, ne sont pas pertinents et souvent ont même un effet négatif sur les gens. Alors, il y en a beaucoup, semble-t-il, beaucoup plus qu'on pense.

Est-ce que le Protecteur des usagers va s'intéresser à cette question-là? Je sais que l'arrimage est nouveau, là, mais il y a quelque chose, là aussi, qui est préoccupant, là, parce que, pour un usager, d'apprendre que tout à coup, là, un nombre considérable, une proportion considérable d'interventions dans un... concernant une problématique qu'il peut avoir, ça peut être sacrément préoccupant. Qu'est-ce qui me protège... Qu'est-ce qui me garantit qu'on va avoir bien évalué ma situation puis que finalement les soins qu'on va me proposer, dans lesquels on va me diriger sont pertinents? Est-ce que je prends le risque de me faire opérer? Qui est responsable? Il y a toute une série de questions à partir du moment où on constate que ce n'est pas banal, là, comme problématique, qu'il y a beaucoup plus, peut-être, qu'on le croyait d'interventions ? en tout cas dans certains domaines, là ? qui ne sont pas pertinents. C'est un peu renversant, là.

n (15 h 50) n

Mme Saint-Germain (Raymonde): La compétence du Protecteur du citoyen ne couvre pas la question des actes médicaux ou, je dirais, des actes proprement sociosanitaires. Dans ce sens-là, strictement, nous ne pourrons pas nous intéresser à cette question sous cet angle-là. Je dirais cependant que des organismes comme ceux que vous mentionnez, les centres de recherche universitaires, et aussi les professionnels de la santé s'intéressent de plus en plus, selon moi, à des questions qui sont d'ordre éthique, et nous allons certainement prendre connaissance avec attention de leurs conclusions, et, si nous constatons que des plaintes des citoyens, même du côté médical, vont dans ce sens-là, je vous dirais que l'attitude que je serais portée à avoir, c'est de favoriser, et possiblement auprès du ministère, une information plus adéquate des citoyens et, je dirais, des mesures de surveillance sur la pertinence des actes. Mais, à proprement parler, bien que ce soit un dossier de grand intérêt, il n'est pas de la compétence du Protecteur du citoyen, qui, je dirais, a déjà un bon champ de compétence dont on souhaite s'occuper avec profondeur et sérieux.

M. Charbonneau: Alors, bien, bon mandat, Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Je vous remercie, je vous remercie.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député. Donc, Mme Saint-Germain, Mme Rousseau et M. Veilleux, merci pour votre présence cet après-midi. C'était bien apprécié.

Et j'invite maintenant M. Réjean Hébert à prendre place.

Je suspends les travaux de la commission pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

 

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Paquin): La Commission parlementaire des affaires sociales reprend ses travaux, et nous recevons M. Réjean Hébert. M. Hébert, bienvenue à la commission. Nous allons passer une heure ensemble. Ça va fonctionner de cette façon-ci: 20 minutes maximum pour présenter votre mémoire; par la suite, 20 minutes de discussion avec le ministre et les députés du côté ministériel; et par après, 20 minutes de discussion avec les députés de l'opposition. Si vous êtes prêt, M. Hébert, on vous écoute.

M. Charbonneau: M. le Président, peut-être juste avant, pour les citoyens qui sont à l'écoute, peut-être juste pour dire que M. Hébert est non seulement docteur, mais qu'il est le doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, une université que le ministre connaît bien. Alors, il est en lien d'autorité sur le ministre, c'est intéressant. Mais c'est parce que, même si tous les citoyens sont égaux, disons que c'est intéressant, pour les citoyens, de savoir que c'est un citoyen qui en principe connaît un peu ça, là, qui se présente devant nous.

Le Président (M. Paquin): Je remercie le député de Borduas pour cette formidable précision. Donc, nous vous écoutons, M. Hébert.

M. Réjean Hébert

M. Hébert (Réjean): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci d'abord de me donner l'opportunité d'apporter ma contribution à ce débat. Et je salue, d'entrée de jeu, le ministre de susciter un tel débat sur notre système de santé, et ce débat-là est important parce que le système de santé, c'est un élément qui fait la fierté de la population québécoise, qui est aussi la pierre d'angle des mesures sociales dans ce pays et dans cette province et qui fait l'envie de plusieurs autres pays. Mais il fait aussi l'objet de critiques, notamment en rapport avec les problèmes d'accès liés à des programmes de financement, en grande partie.

Au cours de mon intervention et dans mon mémoire, je vais cibler trois thèmes, en fait l'amélioration et l'organisation des modes de prestation de services, l'amélioration de l'accès et enfin les enjeux du financement, pas parce que les trois autres thèmes ne sont pas importants, mais parce que ce sont ceux sur lesquels je pense être en mesure d'apporter une expertise à la lumière non seulement de ma carrière universitaire comme professeur et comme doyen, mais aussi de mon expérience et mon expertise dans le domaine des soins aux personnes âgées et de la gérontologie. Et on a souvent invoqué le vieillissement de la population comme étant une menace, moi, je voudrais plutôt souligner que c'est une opportunité, une opportunité d'adapter notre système de santé à la population vieillissante, et je commencerais par cette opportunité pour l'organisation et les modes de prestation des services.

En fait, le vieillissement nous oblige à recentrer notre système de santé. On a un système qui a été bâti au siècle dernier, à un moment où on avait surtout des maladies aiguës, une population jeune. Et on l'a bâti autour des hôpitaux, et je crois que c'était approprié de faire un système de santé autour de la réponse la plus fréquente aux problèmes de santé aigus, c'est-à-dire les hôpitaux. Avec le vieillissement de la population, on voit arriver de plus en plus de maladies chroniques. Les populations vieilles souffrent de maladies chroniques et nécessitent des soins à long terme et de longue durée, et là les hôpitaux sont un peu moins appropriés, et, on le voit, il y a plusieurs signes de cette mésadaptation de l'hôpital pour s'intéresser et pour traiter des malades qui nécessitent des soins à long terme, qu'on pense à l'engorgement des salles d'urgence, qu'on pense à l'occupation de lits de courte durée par des gens en attente d'hébergement.

Il faut donc, pour être capable de mieux répondre aux besoins des personnes âgées et des maladies chroniques, centrer le système de santé autour du domicile, de là où habitent les personnes âgées, les personnes qui ont des maladies chroniques et qui nécessitent des soins à long terme, et ça, ça veut dire qu'il faut passer d'un système hospitalo-centrique vers un système basé autour du domicile, autour des soins à domicile, autour des soins de première ligne. Et, comme le domicile est un carrefour beaucoup plus complexe que l'hôpital, ça nécessite aussi l'intégration des services. Or, les soins à domicile, il faut bien le réaliser, c'est le parent pauvre du système. Au Canada, il y a quelques années, on considérait que 4 % seulement des dépenses de santé sont affectées aux soins à domicile, et le virage ambulatoire qu'on a connu au cours des 15 dernières années a créé une nouvelle catégorie de soins à domicile, qui sont les soins posthospitaliers, et, comme il n'y a pas eu de réinvestissement important, bien ce qui est arrivé dans les soins à domicile, c'est qu'il y a eu moins d'argent pour les soins à domicile à long terme, pour être capable d'accueillir cette nouvelle clientèle qui quittait l'hôpital prématurément pour recevoir des soins à domicile.

Donc, on a été capable même de documenter ça avec certaines études qui montrent vraiment qu'on est passés d'un taux de réponse à domicile autour d'une douzaine de pour cent vers 8 %. Donc, les soins à long terme pour les patients âgés ont souffert et, je dirais, souffrent encore parce que, dans la catégorie soins à domicile, on met à la fois les soins à domicile à court terme posthospitaliers et les soins à long terme pour les personnes âgées qui souffrent de maladies chroniques, et, lorsqu'on injecte des fonds, bien souvent ces fonds-là vont surtout à ce qui est le plus urgent, ce qui est le plus pressant, c'est-à-dire les soins posthospitaliers, et pas vraiment au niveau des personnes âgées.

Hier, on révélait les données d'une étude en Montérégie, sur deux années. Malgré un réinvestissement en soins à domicile de plusieurs millions, on observe un taux de réponse aux besoins à domicile pour les personnes âgées, à long terme, qui est passé de 8,4 % à 8,6 %. Alors, c'est un maigre 0,2 % malgré une injection importante, pas parce que les sommes ont été détournées ailleurs, mais parce que les besoins des clientèles posthospitalières sont extrêmement importants et vont venir empêcher l'augmentation des services au niveau des personnes âgées nécessitant des soins à long terme. Au moins, on a arrêté l'hémorragie, au moins il n'y a plus de transfert. On a stabilisé le financement des personnes à long terme, mais il faut l'augmenter davantage si on veut avoir un système qui puisse répondre aux besoins d'une clientèle vieillissante.

n (16 heures) n

Deuxième élément bien sûr qui est extrêmement important, c'est l'accès à des soins de première ligne, et là toute l'approche des groupes de médecine de famille est une approche extrêmement intéressante, où les médecins ne sont plus non seulement soucieux de leurs clients, mais sont soucieux d'une population à desservir. Et cette approche populationnelle là est extrêmement importante et probablement le changement le plus majeur de paradigme qu'on a connu dans le système de santé, au cours des 20 dernières années.

Autre élément: à domicile, c'est beaucoup plus complexe d'organiser les soins. On n'a pas un lieu géographique unique avec tous les services à proximité, il y a plusieurs organisations qui interviennent, d'où l'importance d'intégrer les services et de coordonner les différentes organisations et les différents services qui donnent des soins. Et je pense que la réforme qui a mené à la création des CSSS est une intégration structurelle intéressante, mais il faut aller au-delà des structures, il faut que l'intégration soit aussi dans le fonctionnement, il faut que les programmes soient intégrés.

Et j'ai participé, au cours des cinq dernières années, à une expérience qui s'appelle PRISMA, où on a intégré, dans une région, les services aux personnes âgées avec la mise en place de gestionnaires de cas, d'un guichet unique, de systèmes d'information et de gestion, et on a révélé, hier encore, que l'impact, après cinq ans, sur les clientèles, était une réduction de 7 % de la perte d'autonomie, une amélioration sensible de la satisfaction des personnes âgées par rapport aux services, de leur «empowerment», c'est-à-dire de leur implication dans la prise de décision, une réduction de l'utilisation de l'urgence, et tout cela à coût égal; c'est-à-dire, avec le même investissement, on peut produire des résultats plus intéressants.

Alors, il est important de poursuivre et généraliser ce type d'intégration de façon à ce qu'on puisse réellement utiliser, de façon la plus efficiente possible, les ressources. Le problème de l'intégration actuellement, c'est la disponibilité des ressources de soutien à domicile, le panier de services. On est rendus, comme disent les gestionnaires de cas, on est rendus au fond du panier très rapidement. Alors, il est important que le panier de services soit amélioré de sorte qu'on puisse avoir les ressources et les utiliser de la façon la plus efficiente possible.

Deuxième élément au niveau de l'amélioration de l'accès: ce qui est proposé dans le document ministériel, c'est une approche qui cible trois chirurgies. Et là vous voyez encore l'approche hospitalo-centrique où on cible d'abord des éléments hospitaliers, et je pense qu'il faut regarder, considérer l'accès avec une vision beaucoup plus globale et regarder l'accès, d'une part, non seulement à partir du moment où le patient est mis sur une liste d'attente, mais à partir du moment où il a un besoin de santé et qu'il doit trouver réponse à son besoin, c'est-à-dire que l'attente commence au moment où la personne attend pour avoir son rendez-vous chez l'omnipraticien, attend pour avoir son rendez-vous chez le spécialiste et ensuite attend pour avoir une réponse à son problème de santé. D'autre part, l'accès dans un système qui n'est plus hospitalo-centrique, c'est un accès qui va cibler, qui va donner une priorité à l'accès aux soins de première ligne, à l'accès aux services à domicile, à l'accès aux soins de premier niveau, et je pense qu'on devrait donner une priorité à ceci si on veut être capables de désengorger l'hôpital, qui actuellement répond à des demandes qui devraient être répondues plus précocement et ailleurs qu'à l'hôpital. Et je pense que c'est à domicile qu'on doit d'abord trouver réponse pour désengorger le système hospitalier. L'engorgement hospitalier n'est qu'un symptôme, il faut aller à la source, et la source, c'est les soins à long terme, les soins à domicile.

On parle beaucoup de liste d'attente, mais il faut bien examiner ce que veut dire une liste d'attente, hein? Il y a, sur les listes d'attente, comme le soulignait M. le ministre tout à l'heure, des gens qui ne le savent même pas, et il faut, si on veut être capables de monitorer des délais d'attente, avoir une gestion des listes d'attente qui soit beaucoup plus serrée que celle qu'on connaît actuellement. Et je donnerais l'exemple des centres d'hébergement. Dans les années quatre-vingt, il y avait des listes d'attente interminables dans les centres d'hébergement. Je me souviens, ma mère, lorsqu'elle a eu 65 ans, elle a mis son nom en attente dans une liste d'hébergement, alors qu'elle était tout à fait autonome. Il n'y avait pas vraiment de contrôle. Dans les années quatre-vingt, on a instauré une évaluation rigoureuse, un comité d'allocation, et les gens maintenant qui sont sur les listes d'attente d'hébergement... La liste, d'abord elle a fondu comme neige au soleil. Il y a une trentaine, une quarantaine, selon les centres d'hébergement, de personnes qui attendent et il y a une priorité qui est donnée, et on connaît exactement qui est sur la liste d'attente, depuis combien de temps et pourquoi. Alors, je pense que c'est important de faire le même exercice rigoureux au niveau de la chirurgie, au niveau des autres types d'attente pour avoir une meilleure idée de ce que c'est, une liste d'attente.

Et, dans le document, on fait référence au privé pour répondre à ce besoin-là, puis il y a beaucoup de mirages et de mythes autour du privé, hein? Le premier mirage, c'est que le privé, ça coûte moins cher. Bien, notre voisin du Sud, on a des beaux exemples où, pour produire la même quantité de services, ça coûte plus cher dans le privé, même pour la gestion du système de santé: aux États-Unis, 31 % des dépenses de santé sont au niveau de la gestion, alors que c'est juste 16 % au Québec et au Canada. On économise de la gestion en ayant un système public qui ne comporte pas un système de gestion qui vise à pouvoir identifier qui va payer. Et tout le monde se lance la balle. Et je pense que c'est important de bien réaliser qu'il n'y a pas de démonstration que le privé peut générer des soins de santé à moindre coût.

Et l'autre risque d'un système de santé privé, c'est le drainage du personnel et des professionnels dans un contexte de pénurie. Alors, si on a un système privé qui s'installe, il y aura drainage des médecins, des infirmières, qui sont déjà rares et qui deviennent de plus en plus rares, et aussi certaines interrogations, comme le soulignait la présentation précédente, au niveau de la qualité des services. Il y a des études qui ont démontré que la qualité des services dans un système privé n'était pas comparable à celle du système public et qu'il fallait mettre en place des mécanismes de contrôle, des mécanismes d'agrément. Il faut bien réaliser aussi que le système privé s'intéresse peu aux personnes âgées, aux clientèles vulnérables. Ce ne sont pas des clients intéressants pour eux, et donc ce n'est pas une réponse intéressante pour les privés et pour le système de santé aux besoins actuels et futurs du système de santé, qui vont être surtout... ils vont surtout viser une clientèle âgée.

Les solutions proposées dans le document me posent problème, puisqu'ils créent deux brèches dans notre système de santé public. D'une part, au-delà du délai d'attente de neuf mois, on va autoriser des services chez des médecins non participants avec un financement public, et ça, c'est une brèche dans l'étanchéité entre les participants et les non-participants, qui est une brèche qui me préoccupe beaucoup. Deuxièmement, on permet l'assurance privée pour certains types de chirurgies, et d'une part la plupart des gens qui ont besoin de ces types de chirurgies là, que ce soit la cataracte ou les chirurgies du genou ou de la hanche, c'est les personnes âgées qui ne sont pas assurables, et, deuxièmement, le risque qu'on a là-dessus, c'est qu'il y ait une augmentation des médecins non participants avec l'augmentation de la pénurie, et je pense que c'est une préoccupation également. Moi, je voudrais non seulement qu'on empêche ces deux brèches-là, mais qu'on colmate les brèches qui existent déjà en termes d'imagerie médicale, par exemple, en termes de surfacturation de certains actes chirurgicaux et en termes de résidences privées d'hébergement pour les personnes âgées qui accueillent des clientèles en perte d'autonomie et où c'est vraiment une brèche dans notre système public.

Finalement, M. le Président, en ce qui concerne le financement, on fait référence au rapport Ménard qui présente vraiment une approche catastrophique du vieillissement. Sans être un angélique, je pense que le vieillissement n'est pas une tare, c'est le propre des sociétés évoluées, et je pense qu'il faut être prudents dans les prédictions, et cette prudence-là n'était pas présente dans le rapport Ménard. D'une part, les prédictions se basent sur l'offre et la demande et se basent sur la situation actuelle. Or, on sait très bien que l'offre des services de santé et des services sociaux se modifie. Le plus bel exemple, c'est la diminution de moitié de lits de courte durée qu'on a observée, au cours des 20 dernières années, au Québec et au Canada. Alors, l'offre se modifie.

Mais la demande aussi va se modifier. On ne peut pas baser des prédictions sur la situation actuelle des personnes âgées. Les baby-boomers vont entrer à la retraite, dans le groupe des personnes âgées en bien meilleure santé que les générations précédentes, et ça, il y a des données assez fermes qui le montrent. Il faut être également prudents dans la prédiction de la croissance économique, et il y a d'autres économistes qui soulèvent un certain nombre d'effets tampons qui vont permettre une croissance économique en dépit d'un vieillissement de la population, qu'on pense à la richesse plus importante des nouvelles générations de personnes âgées, à l'imposition de revenus différée, par exemple dans les régimes de retraite, ou encore à l'augmentation des salaires qui va accompagner inévitablement les pénuries de personnel, et donc des revenus supérieurs pour l'État. Alors, tout ceci nous amène à être prudents dans les projections. Le rapport Ménard disait qu'on aurait des besoins qui augmenteraient de 5,6 % avec des revenus de 3,5 %, donc un écart de 2,1 %, mais, si on réduisait de 0,5 % les dépenses escomptées par le rapport Ménard dues au vieillissement et qu'on augmentait la croissance économique de 0,5 %, on n'aurait plus un écart aussi important. Il faut faire très attention avec ces prédictions-là.

n (16 h 10) n

De plus, quand on cible le vieillissement comme source de coûts importante, on oublie quatre autres sources de coûts qui sont à mon avis beaucoup plus importantes et sur lesquelles on peut avoir une action: le coût des médicaments, qui est probablement le coût le plus préoccupant; le coût des nouvelles technologies, et je pense qu'il faut bien évaluer les indications de ces nouvelles technologies là et les utiliser avec à-propos; troisièmement, l'utilisation inappropriée de l'hôpital, parce que les gens n'ont qu'une seule... il y a seulement un service de santé ouvert 24 heures par jour, sept jours par semaine, dans notre système, c'est l'hôpital, et je pense qu'il y a une utilisation inappropriée, et, si on pouvait redonner à l'hôpital son vrai rôle, à mon avis il y a des coûts importants qui pourraient être sauvés; et finalement l'introduction du système privé qui va générer des coûts, ne seraient-ce que les coûts de gestion, dans le système.

On propose, dans ce rapport Ménard, et le document du ministère le reprend à son compte, une assurance contre la perte d'autonomie, en fait une caisse vieillesse, comme certains l'ont appelée. En plus d'être discriminatoire, à mon point de vue, parce qu'on crée deux catégories de citoyens, les personnes âgées et les autres, en termes de financement du système de santé, une telle caisse contre la perte d'autonomie est un élément désintégrateur. Je vous ai parlé tout à l'heure de la nécessité d'intégrer les services. Le ministre l'a bien démontré en intégrant les structures, les établissements, par la création des CSSS, et là on viendrait désintégrer le financement. Les autres pays nous envient l'intégration du financement que l'on a; la France, les États-Unis nous envient ceci parce qu'on n'a pas à mettre en place des mécanismes de coordination pour le financement. Alors, il faut absolument. Une caisse contre la perte d'autonomie aurait une conséquence néfaste et même des effets pervers où l'hôpital voudrait refiler la facture à l'assurance contre la perte d'autonomie, et ça amènerait des effets pervers également sur l'utilisation des services.

Moi, ce que je propose, c'est: allons plus loin qu'une caisse contre la perte d'autonomie, créons une caisse santé. La population est prête à payer plus cher pour la santé. Elle n'est pas prête à payer plus d'impôt par contre. La population est prête à payer plus, tous les sondages le montrent, et même les gens veulent s'assurer dans le privé. Alors, créons une caisse santé, une caisse pour tous, une caisse qui est séparée du budget du gouvernement, comme la Régie des rentes par exemple, où on ne pourrait pas aller puiser pour combler un déficit, une caisse où les surplus pourraient être réinvestis pour les générations futures, et on pourrait même ajuster les primes pour prévoir, anticiper des dépenses futures, une caisse où on contribuerait selon la richesse et non pas suivant l'état de santé, sans abris fiscaux, sans crédits, sans échappatoires, une caisse où on pourrait établir un certain nombre de surprimes pour des habitudes de vie qui sont associées à des risques, comme la cigarette par exemple, une caisse où les primes seraient basées sur les besoins de santé de la population et sur la couverture que le régime de santé doit assurer. Actuellement, on établit un budget du gouvernement et on dit aux hôpitaux puis aux établissements de santé: Faites avec ça. Alors, c'est l'inverse qu'il faut faire. Il faut regarder quels sont les besoins, quelle est la couverture qu'on veut assurer et ajuster la prime pour répondre à ces besoins-là, pour avoir un système qui puisse être accessible, équitable et demeurer public.

Alors, en résumé, je pense que le vieillissement, c'est une opportunité pour changer notre système de santé, le recentrer autour du domicile, autour des soins de première ligne, avec une intégration des services. Il faut que l'attente et l'accès soient d'une part... débutent au niveau des besoins et soient plus globaux. Il faut éviter des brèches dans le système de santé. Je me méfie des prédictions catastrophiques, il faut s'en méfier. Je pense qu'il faut réinvestir dans notre système de santé public parce que c'est le meilleur moyen de faire face au vieillissement de notre population. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, je vous donne la parole.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Hébert. Je dois ici déclarer mon conflit d'intérêts, étant professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, en congé de service indéfini, renouvelable chaque année par le doyen. Alors, vous comprendrez que je vais être prudent. J'aimerais ça avoir une job après la politique, quand même.

Écoutez, c'est vrai, puis on doit le rappeler souvent, que le système de santé qu'on a actuellement a été bâti en fonction d'une autre réalité sociale et, je dirais, sanitaire de celle d'aujourd'hui. Une de ces réalités, vous l'avez dit tantôt, c'est l'âge de la population et les maladies chroniques qui sont apparues, mais qui s'est transmise et traduite de façon très concrète dans ce qu'on appelait à l'époque les centres d'accueil. Moi, je me souviens très bien, à l'époque, les gens avaient leurs autos, là, les gens qui résidaient dans le centre d'accueil avaient leurs autos puis ils allaient magasiner. Disons, on s'entend pour dire que ce n'est plus tout à fait ça dans les CHSLD actuellement.

M. Hébert (Réjean): Il fallait un certificat de bonne santé pour entrer au centre d'accueil, dans les années soixante-dix.

M. Couillard: Oui, il fallait être aussi bien portant que possible, effectivement. Effectivement, on a un système également, historiquement, qui était ? le mot est devenu à la mode, là ? hospitalo-centrique, et pour des bonnes raisons initialement, vous l'avez bien dit, parce qu'on traitait des gens plus jeunes, avec des problèmes aigus. Je dirais que récemment ça s'inverse. Évidemment, on voudrait que ça aille mieux et plus rapidement, mais, si vous regardez les dernières années, le milieu hospitalier n'a presque eu aucun développement budgétaire. Tous les développements budgétaires sont allés en extrahospitalier nécessairement, incluant dans la perte d'autonomie et les autres services de proximité.

L'interaction de structures, vous avez raison, ce n'est pas un préalable obligatoire ou, je dirais, automatique pour l'intégration des programmes et des pratiques, mais je dirais que c'est un prérequis cependant, c'est-à-dire que, si on ne fait pas ça, si on attend que le monde, par bonne volonté, s'assoit ensemble pour dire qu'on va travailler ensemble pour faire quelque chose, s'ils ne sont pas dans un projet fixé ou focussé comme le projet SIPA, qui a été fait avant qu'on fasse l'intégration des services, ça ne marchera pas. Et je vois des exemples concrets de ça où, maintenant, les gens commencent à réaliser qu'ils peuvent s'entraider puis mieux fonctionner en intégrant ces services-là.

Je fais quelques remarques puis j'arriverai... Je vais prendre le gros de la discussion sur le rapport Ménard puis la question du vieillissement. Si on a choisi trois chirurgies, c'était essentiellement pour apprendre à gérer convenablement une liste d'attente puis offrir une garantie d'accès. Si on le fait pour plus de chirurgies que ça, je peux vous garantir que ça va être un échec total, là. Il faut d'abord savoir et apprendre ensemble comment faire pour gérer une liste d'attente. On a des bons exemples au Québec. On parle souvent du Dr Bolduc à Alma, là, puis il y en a d'autres également où, quand on valide une liste d'attente puis qu'on la gère de façon centralisée, on a déjà en partie des meilleurs résultats.

Puis brièvement ce qu'on propose, ce n'est pas un système américain. Loin de là, là, c'est une ouverture légère à la prestation privée sous financement public, avec les cliniques affiliées, on l'a vu tantôt puis avec les réponses que j'ai faites, encadrée par des critères de qualité tels que l'agrément, le traitement des plaintes. Donc, de ce côté-là, il ne faut pas non plus aller dans un scénario, là, de type américain.

Prenons le rapport Ménard maintenant. La proposition Ménard, on a bien précisé, n'est pas notre proposition. Elle est dans le document comme étant une illustration récente d'une solution concrète apportée par un groupe ? à qui il faut quand même rendre hommage d'avoir consacré quelques mois de leur vie à réfléchir à la question ? et on veut s'en servir pour susciter et initier, non pas terminer mais initier, le débat sur le financement de la santé. Puis évidemment vous êtes un expert dans ce domaine-là... Puis d'ailleurs votre visite était attendue justement pour... À la suite de votre présence, quand M. Ménard va venir, bien on va lui poser les questions que vous soulevez ici.

Mais, si je résume ce qu'on entend actuellement, si on prend d'une part les arguments des gens qui sont en faveur de la proposition de M. Ménard ? il y en a eu, hein, qui ont dit que c'était une bonne idée ? les arguments apportés sont d'abord le besoin ? vous l'avez très bien dit; le besoin ? du long terme de maintien à domicile par rapport au court terme posthospitalier ? dans le scénario de financement actuel, je me demande si, un jour, on va réussir à rétablir cet équilibre-là. La pression du posthospitalier, elle ne diminuera pas dans les 20 prochaines années, et comment est-ce qu'on va faire pour rehausser ce qu'on donne en maintien à long terme? ? premièrement; deuxièmement, que le besoin associé à la perte d'autonomie est un besoin mesurable et, jusqu'à un certain point, inévitable, peut-être surévalué. Mais on sait qu'il y a un nombre x de personnes âgées, chaque année ? c'est nous dont on parle, ce n'est pas les personnes âgées d'aujourd'hui ? qui vont avoir besoin de services pour la perte d'autonomie.

Il y a, d'après M. Ménard, un impact sur le vieillissement, là, qui est financier, sur les charges, puis c'est ce que vous mettez en doute dans vos arguments. Mais je dirais que ce n'est pas lui rendre justice de dire qu'il dit que le vieillissement est une tare. Ce n'est pas le message que je reçois quand je lis son document. Quand je lis son document, ce qu'il me dit, c'est: Le vieillissement comporte des enjeux de financement et des enjeux de services auxquels il faut se préparer justement pour préserver le système public de santé. Alors, c'est une lecture que j'en fais qui est différente, et je pense que son opinion est légitime là-dessus.

Maintenant, parmi ceux qui émettent des craintes par rapport à sa proposition ? puis vous avez très bien illustré les deux arguments principaux, dont, je dirais, un me touche plus que l'autre ? il y a le premier élément qui est la surévaluation de l'impact financier du vieillissement. Vous avez illustré tous les arguments, puis je pense que ça va être très difficile là-dessus d'en arriver au scénario. Qu'est-ce qui va vraiment arriver? Bien, on en est réduits à des hypothèses d'un côté ou de l'autre. Bon. Mais, moi, l'argument qui attire le plus mon attention ? c'est pour ça que je l'ai mentionné tantôt ? c'est... Étant moi-même l'auteur, avec les collègues du ministère, là, d'une réforme importante qui vise à intégrer et rassembler des services dans une même organisation, j'ai beaucoup de misère, en termes de fonctionnement, là, de cohérence, à aller prendre ce qui va être la pression de service la plus importante des prochaines années puis disloquer son financement du financement plus général du réseau. Je crois que c'est la meilleure... À mon avis, à mon avis, pour moi, c'est l'argument le plus solide pour probablement éviter cette voie-là.

n (16 h 20) n

Mais je voudrais vous demander, il y a des expériences quand même internationales de ce type de financement là; l'Allemagne, par exemple, et la Hollande ont mis sur pied des... Ce n'est pas identique à ce que le groupe Ménard propose, mais ils appellent ça une assurance pour la perte d'autonomie ou la dépendance: Est-ce que vous avez fait un bilan de ces expériences internationales, quant aux craintes que vous soulevez, d'une part, la surévaluation de l'impact financier lié au vieillissement et, deuxièmement, l'effet de la dislocation d'une partie du financement du système de santé? Rappelons que ces pays n'ont pas un système intégré comme le nôtre, cependant.

Le Président (M. Paquin): M. Hébert.

M. Hébert (Réjean): Alors, au niveau des pressions du post-hospitalier, c'est important, et ça, je conviens que, sur le plan politique, au sens noble du terme, il est difficile à vendre que le problème qu'on doit régler, il se trouve ailleurs que là où on pense qu'il se trouve, c'est-à-dire à l'hôpital, et je pense qu'il est important de bien faire comprendre à la population que, si on a des problèmes d'engorgement hospitalier et de déficit hospitalier, c'est peut-être que la source du problème est ailleurs et qu'en essayant de traiter la fièvre, par exemple, en faisant tomber la fièvre, si on ne traite pas avec des antibiotiques l'infection qui est sous-jacente, on ne fait pas grand-chose d'utile.

Concernant l'intégration, je participe à plusieurs activités scientifiques sur l'intégration des services, et je dois vous dire que les Américains et les Européens en général nous envient notre intégration financière, parce que nous, c'est déjà fait, on a déjà une intégration financière, et eux doivent, par exemple aux États-Unis, composer avec les assureurs privés, le Medicaid, le Medicare, et essayer de trouver une structure par laquelle ils vont faire un block funding, si vous voulez, pour une clientèle de personnes âgées. Alors, il y a toutes sortes d'expériences qui sont faites et de systèmes de gestion qui sont mis en place justement pour pallier l'intégration financière, avant même d'aller à l'intégration des structures puis à l'intégration du fonctionnement. Alors, nous, on a cet avantage de n'avoir qu'un seul agent financeur, et ça, c'est un avantage important dont on sous-estime l'importance, à mon avis.

Et, pour prendre l'exemple des pays européens, il faut dire que les pays européens, la France, l'Allemagne entre autres, ont un système un peu différent du nôtre. Ce n'est pas un système de couverture universelle, ils ont un système qui vient de Bismarck, d'assurance contre certains risques, et ils ont développé récemment, l'Allemagne entre autres, une assurance contre le cinquième risque, qui est le risque de la perte d'autonomie. Donc, ils ont une logique d'assurance dans laquelle on peut comprendre cette évolution de leur système vers un autre risque, celui de la santé ou celui des services sociaux.

Dans notre système à nous de couverture universelle, moi, je pense que c'est beaucoup moins approprié: on a déjà une intégration. Assurons-nous que la perte d'autonomie est répondue de façon adéquate dans notre système. Et ce pourquoi il n'y a pas vraiment de services à domicile très bien développés au Canada, c'est que ce qui est médicalement nécessaire, ce qui est couvert dans la loi sur la santé du Canada, c'était approprié dans les années soixante, soixante-dix, parce que ce qui était médicalement nécessaire, c'était ce qui était donné à l'hôpital. Mais ce qui est médicalement nécessaire dans les années 2000, c'est beaucoup plus flou, c'est beaucoup plus difficile d'en faire une interprétation. Et, moi, je pense que, si on réussit à bien déterminer qu'est-ce qui est couvert pour répondre à la perte d'autonomie des personnes âgées par notre système public, on n'a pas vraiment besoin d'avoir une caisse séparée pour faire ça.

On peut identifier ce qui est nécessaire, d'où l'importance de se doter de systèmes de gestion, d'évaluation des besoins, de systèmes de gestion ? et vous savez, M. le ministre, que j'ai contribué à cet exercice en essayant de doter le réseau d'un système d'évaluation et de gestion contre la perte d'autonomie qui nous permet de mesurer l'écart entre ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins des individus et ce que l'on fournit au niveau de l'État ? et je pense que ces systèmes de gestion là peuvent faire en sorte qu'on n'a pas besoin d'avoir une autre caisse pour payer ça, mais on peut, à même la caisse, être capables de gérer les sommes qui sont attribuées à la perte d'autonomie. Et je pense que c'est une voie beaucoup plus intéressante, qui est d'ailleurs beaucoup plus conforme à ce que les Européens du Nord font en termes d'évolution de leur système de santé.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Couillard: Et, lorsqu'on évalue les coûts associés à la santé, les pressions de coûts, la triade classique, hein, c'est la démographie, les médicaments et technologies, c'est toujours ceux-là qu'on mentionne. Puis vous dites: Oui, attention parce que médicaments et technologies sont des origines de pression plus grandes encore que le vieillissement. Mais est-ce que ce n'est pas un peu contourner la question? Parce que statistiquement les personnes âgées prennent plus de médicaments puis consomment plus de technologies. Quand on pense aux tuteurs coronariens, par exemple, bien on les utilise plus après 60 ans qu'à 30 ans, là, même chose pour les médicaments. Il y a quand même une relation, là, entre le vieillissement puis ces deux autres facteurs de pression, non?

M. Hébert (Réjean): Oui, mais, quand on identifie le vieillissement de la population puis qu'on fait des équations assez simplistes sur: il y aura tant de vieillissement, et on projette la situation actuelle dans 10 ans, moi, je pense qu'on fait des prédictions qui sont farfelues, à mon point de vue, et je pense que ces prédictions-là ne tiennent pas. C'est comme si on essayait de prédire, comme le faisait l'almanach dans le bon vieux temps, la météo qu'il va faire l'année prochaine. Alors, moi, je ne suis pas sûr qu'on est capables de faire ça.

M. Couillard: Il y a les pêcheurs aussi qui font ça.

M. Hébert (Réjean): Oui, les pêcheurs qui font ça. Alors, il faut faire bien attention à ça. Et, quand on se sert de ça pour faire des modifications importantes dans le système de santé, pour dire: On n'aura plus les moyens de payer, je pense qu'il faut faire attention de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, comme disent les Anglo-Saxons, et je pense qu'il faut être prudents.

Moi, ce que je dis, c'est que les prédictions qui sont là ? je ne suis pas un angélique, là, je ne dis pas que le vieillissement de la population n'a pas d'impact, ce n'est pas ça que je veux dire, il y a un impact indirect, comme vous le soulignez, sur certaines technologies ? mais je dis: Il faut les prendre, il faut faire une analyse de sensibilité, en d'autres termes. Si elles n'étaient pas si importantes que ça, les augmentations dues au vieillissement, qu'est-ce qui arriverait? Comment est-ce qu'on pourrait boucler ça? Alors, on pourrait avoir des scénarios, et je pense que c'est ce qui manque lorsqu'on fait ces analyses-là.

Il faut bien réaliser aussi que le vieillissement de la population n'a pas que des inconvénients. Vous savez que la majorité des dépenses de santé sont faites dans la dernière année de vie, et on sait que, plus la dernière année de vie est à un âge avancé, moins les dépenses sont importantes. Alors, si vous mourez plus tard, en d'autres termes, il y a des dépenses moins grandes que si vous mourez à l'âge de 40 ou 50 ans, où là il y a une concentration de dépenses, dans la dernière année de vie, qui est extrêmement importante. Alors, avec le vieillissement de la population, lorsqu'on regarde ça sur ce point de vue là, et il y a des gens qui ont fait des simulations là-dessus, on voit qu'on peut moduler l'augmentation des dépenses, qui est moins importante que ce qu'on pourrait moduler avec des équations très simples.

M. Couillard: Puis la bonne nouvelle à ce sujet-là, c'est que, c'est vrai... Je pense, 40 % des dépenses de santé qu'on va encourir, chacun d'entre nous dans cette salle, vont être encourues dans les six derniers mois de notre vie. Puis la bonne nouvelle, c'est: jusqu'à preuve du contraire, on meurt juste une fois. Ça fait qu'à ce moment-là ça...

M. Hébert (Réjean): Exact. Et plus on meurt vieux, moins ça coûte cher.

M. Couillard: Il y a une idée pour le financement. Évidemment, vous parlez d'une caisse santé puis vous dites: Bien, il faudrait trouver les moyens pour que les gouvernements n'aillent pas piger dedans, là. Mais vous savez que les citoyens qui nous écoutent, ils disent: Ouais! Tu sais, parce qu'on a un exemple sous les yeux avec l'assurance automobile ? puis là les deux partis politiques en sont coupables, là ? où théoriquement c'était une caisse qui était là pour assurer sa propre pérennité puis à l'écart de tout, puis, à deux occasions, les gouvernements sont allés faire des prélèvements importants.

Il y a une proposition, moi, de laquelle on avait déjà discuté à la faveur d'une autre consultation, puis qui a été répétée et ramenée, qui commence vraiment à germer, puis je voudrais savoir votre opinion là-dessus. Parce que finalement, dans les solutions pour le financement de santé, tout passe par le financement par le citoyen, d'une façon quelconque. Et, moi, je ne crois pas, comme vous, du tout que l'assurance privée est une... quelque solution que ce soit ni pour le financement ni pour l'accessibilité aux services. Mais, si on essaie de réfléchir pourquoi on veut assurer le financement de la santé à long terme, c'est parce qu'on veut soutenir les pressions à long terme qui vont être consécutives à la demande de soins, puis on sait ça va être quoi: maladies cardiaques, cancers, diabète, etc.

Donc, est-ce qu'un fonds capitalisé, ou partiellement capitalisé plutôt, mais dédié exclusivement à la prévention et à la promotion de la santé ne serait pas quelque chose qui serait encore plus acceptable pour le citoyen que de dire: Bien, on va vous charger plus pour aller à l'hôpital, d'une façon quelconque, qu'ils vont percevoir comme une autre taxe ou un autre impôt, tandis que, si on dit qu'on se mobilise collectivement pour développer un niveau de financement des activités de promotion de la santé et des bonnes habitudes de vie, par exemple comparables à ce que l'OMS recommande, qui est 5 % du budget, pas des 22 milliards, mais du budget de santé, parce que, dans le 22 milliards, il y a plusieurs composantes, est-ce qu'il n'y a pas quelque chose qui pourrait susciter plus d'adhésion puis qui aurait aussi un impact? Parce que, si on agit maintenant et d'ici cinq, 10 ans, normalement, nous, les personnes âgées de demain et d'après demain, on devrait être en meilleure santé et avoir moins besoin de soins.

n (16 h 30) n

M. Hébert (Réjean): Mais pour moi un fonds, c'est quelque chose qui nous permet de capitaliser pour l'avenir. À mon avis, les activités de prévention et de promotion, si on veut avoir des bénéfices dans l'avenir, c'est maintenant qu'il faut les financer. Et, deuxièmement, ça ne règle pas vraiment le problème du financement du système de santé, qui est insuffisant actuellement. Je pense, moi, qu'il faut absolument convaincre le citoyen qu'on doit investir plus dans la santé. Et puis regardez les sondages qui sont faits, hein? Et la plus belle preuve, c'est l'assurance privée: les gens sont prêts à en prendre une, assurance privée. Mais plutôt que de prendre une assurance privée, et en plus des impôts qu'ils paient, pourquoi ils ne prendraient pas une assurance publique et qu'ils ne contribueraient pas de façon plus importante au système de santé? Le problème des citoyens actuellement, c'est qu'ils ont l'impression que tout ça va dans une espèce de magma sur lequel ils n'ont pas de résultats tangibles, alors que, s'il y avait une caisse santé qui est dédiée spécifiquement... Et puis, écoutez, je comprends que... Vous donnez l'exemple de la Société de l'assurance auto, mais il y a l'exemple de la Régie des rentes aussi dans laquelle on n'a pas été pigé, là. Et il y a moyen de rendre ça hermétique, à l'abri des aléas politiques ou des aléas budgétaires de gouvernements futurs. Moi, je pense qu'il y a moyen de le regarder.

Ce que je vous dis, c'est ? et là je n'ai pas la solution toute prête à vous déposer aujourd'hui; je dis: N'y aurait-il pas lieu d'examiner cette solution-là, de se pencher dessus? Moi, je n'ai jamais vu de document, là, étayé, où on regarde une approche alternative du financement de la santé avec une caisse santé. J'aimerais ça voir ça. J'aimerais ça au moins qu'on réfléchisse à cette question-là, qu'on en fasse un débat public et qu'on dise: Oui, ça vaut la peine, et on va aller chercher l'adhésion du public à un changement, à une réforme majeure du financement de la santé. Moi, c'est ça que je demande, je demande d'examiner cette idée-là.

M. Couillard: Bien, c'est ça qu'on commence... En fait, la commission en cours, qui vise surtout à discuter des propositions qui font suite au jugement de la Cour suprême, au problème d'accessibilité, nous sert également à introduire la question du financement parce qu'on ne peut pas dissocier le financement de l'accès. Mais, le financement, la discussion ne se termine pas ce mois-ci ou le mois prochain. Ce qu'on veut faire avec la commission... Il y a tellement de groupes... Il y a 150 groupes qui vont venir en commission. Chacun a quelque chose à dire sur le financement, en général. Alors, on a essayé de voir quelles sont les zones de convergence, quels sont les endroits où ça vaut la peine de mettre encore plus d'énergie pour bien étudier des scénarios, les présenter à la population, les resoumettre à une consultation qui sera cette fois uniquement centrée sur la question du financement, plutôt que diluée dans un plus grand tout.

Mais, vous savez, pour la promotion, je vous dirais, le problème, c'est comme le posthospitalier puis le maintien à domicile à long terme parce que, de la façon que ça marche actuellement, il faut aller le chercher dans les soins aigus, puis on ne peut pas le faire. Alors, on n'a pas la marge actuellement pour faire ça. De façon réaliste, si on ne change pas le paradigme de financement du système de santé, on ne l'aura pas plus dans 10 ans. Puis c'est vrai que, les activités de promotion de la santé, il faut les faire maintenant, mais il va falloir les faire dans 20 ans aussi. Les jeunes dans 20 ans aussi, il va falloir les faire bouger, les faire manger correctement et les éduquer. En tout cas, pour moi, il y a une source de réflexion qui m'apparaît intéressante.

Je pense qu'on a fait assez bien le tour de la question puis je retiens très bien vos remarques sur la proposition de M. Ménard. Puis, vous allez voir, quand il va venir, on va faire un peu comme avec vous, on va faire l'avocat du diable puis lui demander de nous redémontrer la viabilité de son projet et également soulever avec lui les objections qui ont été présentées. Merci.

M. Hébert (Réjean): Je voudrais juste ajouter que...

Le Président (M. Paquin): Oui, allez-y, M. Hébert.

M. Hébert (Réjean): ...le reste du rapport Ménard contient des éléments de solution extrêmement intéressants. L'argent suit le client, par exemple, avec évaluation des besoins et financement de la réponse aux besoins à partir de ces besoins-là. C'est des éléments extrêmement importants, riches, qu'il faut aussi utiliser. J'ai ciblé sur un élément avec lequel je ne suis pas d'accord, mais il y a beaucoup d'autres éléments qui sont tout à fait intéressants dans ce rapport.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Couillard: Juste, moi aussi, une dernière petite remarque. Je vais faire une prédiction de devin qui va probablement être vraie. Dans 20 ans, nos successeurs à tous, pendant qu'on sera, je l'espère, à domicile, à domicile et en bonne santé, vont être en train de débattre ici, à l'Assemblée nationale, de l'inadéquation des besoins et des ressources en santé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): Bon. M. le député de Borduas ? c'est à votre tour ? et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, on vous écoute.

M. Charbonneau: Seigneur du bon Dieu! Je ne puis pas sûr que vous auriez dit ça en campagne électorale, il y a trois ans et demi, mais en tout cas...

M. Couillard: ...

M. Charbonneau: C'est bien, mais... Merci, M. le Président. Dr Hébert, je voudrais juste poursuivre la réflexion. La caisse santé, comme vous en parlez... Parce qu'il y a comme une double compréhension qu'on peut avoir. C'est-à-dire que tout ce qu'on met déjà dans le système de santé, donc la contribution des citoyens au système de santé... Disons que, sur le 22 milliards ? je ne sais pas combien il y en a pour les services sociaux, mais il y en a au moins, quoi, les deux tiers de ça, je ne sais pas, moi...

M. Couillard: ...

M. Charbonneau: ...à peu près ? disons, pour fins de discussion, là, il y a 17 milliards, là, qui vont à la santé, pour fins de discussion, ou 15 milliards, disons. Sur le 15 milliards... Ce 15 milliards là, qui ne sera pas suffisant ? c'est ce que je comprends aussi ? est-ce que la ponction qu'on va chercher... Parce que ce 15 milliards là, il vient de nos poches, là. Est-ce que vous proposez que ce 15 milliards là plus une ponction additionnelle soient dans une caisse santé et que la totalité du financement du système de santé, au Québec, maintenant ne soit pas par le fonds consolidé, mais par une caisse santé qu'on alimenterait?

Autrement dit, ça reste une contribution publique, ça reste une décision publique, là, mais ça veut dire que tout le système de santé, à partir de ce que vous disiez tantôt, c'est-à-dire évaluer les besoins puis après ça regarder combien ça coûte, puisque la fiscalité... Souvent, on nous dit: La fiscalité, c'est progressif, il faut l'utiliser. Ce que vous dites, c'est qu'on pourrait, au lieu de prendre la fiscalité, prendre un mécanisme d'assurance progressive ou d'assurance dont les primes varieraient selon la capacité des citoyens et faire en sorte que finalement le montant qu'on a besoin pour maintenant et pour l'avenir soit dans une caisse et, à chaque année, dans le fond on utilise les besoins annuels pour les soins médicaux et hospitaliers puis on pige dans la caisse. C'est ça? Est-ce que j'ai bien compris?

M. Hébert (Réjean): Oui, vous avez bien compris. C'est ça, ma proposition. C'est ça que je voudrais qu'on examine pour qu'on puisse en fait ajuster la prime qu'on paie pour la santé en fonction des besoins de santé de la population puis de la couverture que collectivement on veut se donner comme système de santé. Alors, à partir de ces deux éléments-là... Puis, si vous demandiez à un assureur privé, demain matin, de remplacer l'État pour gérer le système de santé au Québec, c'est exactement ce qu'il ferait. Il regarderait: C'est quoi, les besoins? C'est quoi, ce que je veux couvrir? C'est quoi, ma projection actuarielle sur l'évolution des besoins? Et je vais établir ma prime en fonction de ça. C'est un exercice qu'on ne fait pas au Québec, qu'on n'a jamais fait.

Parce que ce qui limite l'accès, au Québec, au-delà des problèmes de pénurie de professionnels ? parce que ça, c'est un problème de limitation d'accès ? c'est le budget des établissements. C'est comme ça qu'on limite l'accès. Quand on dit garantir l'accès, là, bien la principale limite de l'accès actuellement, c'est le financement. Alors, moi, je pense qu'il faut régler le problème du financement, si on veut garantir l'accès aux services. Ce pourquoi il ne se fait pas plus de chirurgies de hanche, en dehors de la pénurie d'anesthésistes ? parce que c'est plus les anesthésistes que les orthopédistes qui sont en pénurie là-dessus ? bien c'est les disponibilités opératoires et puis le budget de l'établissement. Enlevons cette limitation-là, puis on va le garantir, l'accès.

M. Charbonneau: Parce qu'un des problèmes, là, actuellement, c'est qu'on a une assurance publique, mais dans le fond on n'a pas de prime. On ne voit pas la prime parce qu'on la paie à travers notre fiscalité générale.

M. Hébert (Réjean): C'est ça.

M. Charbonneau: C'est-à-dire ce que vous dites, dans un premier temps, avant de payer plus, si des citoyens... Puis c'était peut-être ça, l'idée du compte santé. C'était de dire: Bon, bien, vous payez un montant x par année en impôts puis en taxes. De ce montant-là, il y en a 40 % ou 35 % qui va à la santé. Voici ce que ça veut dire. Vous paieriez dans les faits une prime annuelle de tant, si vous payiez non pas directement en impôts, mais si vous payiez sous la forme d'une prime d'assurance. Comme de toute façon on appelle ça l'assurance maladie, c'est que dans le fond le concept d'assurance est là, mais elle est en fonction d'une fiscalité.

M. Hébert (Réjean): Elle est cachée. Elle est incluse dans un magma d'impôts.

M. Charbonneau: Elle est cachée, alors... Mais...

M. Hébert (Réjean): Et ce qui me fait sursauter aussi, c'est les promoteurs de l'assurance privée qui, d'une part, font la promotion du privé et, d'autre part, disent: Il faudrait que les cotisations à l'assurance privée soient déductibles d'impôt. Bien là... Bien là, là... C'est quoi, qu'ils demandent, là? Le beurre, et l'argent du beurre, puis les faveurs de la crémière aussi, là? À mon avis, il faut bien réaliser que, si c'est le privé qui paie, c'est le privé. Ce n'est pas le public de façon déguisée, là. Et je pense que les gens qui tiennent ce discours-là, c'est un discours qui n'a pas de substance, qui ne sert qu'à générer des profits pour des actionnaires de compagnies d'assurance. Et je pense qu'il faut faire attention à ça.

Les gens sont prêts, et je le redis, ils sont prêts à contracter... Le citoyen est prêt à contracter des assurances privées. Pourquoi est-ce qu'on ne lui propose pas une assurance publique, à la place, qui s'ajouterait à la contribution qu'il fait déjà via les impôts? Et on pourrait rassembler, dans cette caisse santé là, et ce qu'il donne déjà à l'impôt et ce qu'on demande en surplus pour avoir un système qui soit vraiment accessible et qui soit de la qualité dont on veut se doter.

M. Charbonneau: Mais est-ce que ce ne serait pas encore plus intéressant si, au lieu de dire: On continue de payer, disons, par la fiscalité puis on ajoute une assurance, si tout le pot santé était dans une caisse santé capitalisée? Est-ce que le montant global et les rendements de ça ne seraient pas encore plus importants que si on en prenait juste une partie, dire: On va ajouter à ce qu'on a déjà dans le...

M. Hébert (Réjean): Ah non, non! Moi, je voudrais qu'on transfère ce qu'on a déjà...

M. Charbonneau: Donc, il y aurait un transfert pour créer une...

M. Hébert (Réjean): Oui. Parce que sinon, écoutez, ça va être facile, là. On va aller piger dans l'assiette gouvernementale puis on va augmenter... Il va y avoir des vases communicants, là. Ça n'a pas de bon sens, là. Alors, il n'y aura pas l'étanchéité dont le M. le ministre était préoccupé tout à l'heure, entre le budget gouvernemental et cette caisse santé là. S'il y a deux pots d'argent, il va y avoir, à un moment donné, des vases communicants. Alors, il faut vraiment que la caisse santé soit une entité à mon avis qui couvre l'ensemble des besoins et a l'ensemble des contributions des citoyens.

n (16 h 40) n

M. Charbonneau: Ça veut dire que la responsabilité politique, ce serait de définir, à chaque année, je veux dire, le niveau de besoins et de services en fonction d'une lecture des besoins de la population puis, après ça, de dire à la caisse: Voici... Puis, si c'est nécessaire, l'ajustement des primes se fait en fonction, je veux dire, des besoins de services qu'on aura choisis à travers le processus politique et donc de représentation politique.

M. Hébert (Réjean): Tout à fait. Puis je pense que c'est comme ça qu'il faut que la couverture... Il y a deux déterminants: quels sont les besoins... Et ça, on les constate, les besoins, hein, on ne les décrète pas. Mais, la couverture, elle, on la décrète, c'est-à-dire on peut décréter qu'on couvre tel aspect mais pas tel autre, ou qu'on couvre tel aspect à hauteur de tel niveau, comme font les assurances privées, en fait. Lorsque vous contractez une prime, vous contractez une couverture. Et je pense que c'est là que la décision politique se prend, c'est-à-dire quelle est la couverture qu'on veut se donner, comme société? Et ça, c'est nos politiciens qui sont bien placés pour être capables de débattre de ceci pour représenter la population. Mais, une fois qu'on a déterminé le besoin, la couverture, qu'on est capables de faire des projections actuarielles, le reste, c'est un établissement de primes. Et je pense que, là, la prime, elle peut être gérée par la caisse santé de même que la gestion de l'efficience et de l'efficacité du système lorsqu'on donne la prestation de services.

M. Charbonneau: Et la décision d'augmenter la prime, à ce moment-là, le conseil d'administration de cette caisse-là, c'est le gouvernement puis c'est l'Assemblée, là. Parce que finalement...

M. Hébert (Réjean): Bien, écoutez, les mécanismes, on y réfléchira, là. Je pense qu'on va loin dans... Et je pense que c'est là-dessus que je veux qu'on réfléchisse: Quelle va être la structure de gestion de ceci qui va permettre d'entendre le citoyen, d'avoir une reddition de comptes, au plan politique, et en même temps de prendre des décisions basées sur des données probantes, c'est-à-dire les besoins et la couverture d'assurance? Alors, quelle est la structure qui va répondre à ça? Je pense qu'il faut y réfléchir. Je n'ai pas d'a priori. Je pense qu'il faut consulter les experts là-dessus. Et là je sors de mon champ de compétence. C'est pour ça que je ne veux pas vous répondre de façon formelle là-dessus.

M. Charbonneau: Il y a une chose que je vois un peu comme difficile, là, dans le contexte politique actuel, c'est comment on fait pour que l'utilisation de nos taxes et nos impôts à Ottawa, là, soit ramenée... Tu sais, ce n'est pas vrai que le Québec est un pays pour le moment, là. Et puis, tant qu'on ne l'est pas puis qu'on paie plus que la moitié de nos taxes et de nos impôts à Ottawa, si finalement la composition du pot, là, en fait de ce qu'on va chercher dans nos poches, là... Tu sais, il n'y a pas juste quelqu'un qui vient piger dans nos poches, il n'y a pas juste un État, il y en a deux. Qu'est-ce qu'on fait pour faire en sorte que la contribution de l'autre niveau soit à la hauteur et soit correcte par rapport, je veux dire, aux besoins de cette caisse-là, en fait à l'idée de la caisse puis à la façon dont on va devoir établir, disons, les primes en fait, donc, d'une certaine façon, le coût, là?

M. Hébert (Réjean): Bien, je pense que, comme le disait le rapport Ménard ? il le dit très bien ? il faut aller chercher ce qui est à Ottawa, en termes de transferts, pour avoir notre part pour financer le système de santé. Ça, je pense que c'est important. Et tous les gouvernements, qu'ils soient de tous les partis politiques, ont toujours eu cette préoccupation. Et j'espère qu'on pourra aller chercher ces transferts-là au fédéral, qui est une partie de la solution à mon avis au financement du système de santé.

M. Charbonneau: Ça veut dire que, si, par exemple, on retournait à un système qui fait que bon, bien, on dit: Le fédéral est prêt à payer presque 50 %, si on disait que le fédéral paie 40 %, le 40 % qu'on irait chercher, bien, je veux dire, ce serait versé dans la caisse aussi, là.

M. Hébert (Réjean): Oui, ah oui. Parce que sinon, si on maintient deux caisses, bien, d'une part, on désintègre le financement, mais, d'autre part, on permet, par des vases communicants, des échanges d'argent qui ne sont pas souhaitables, comme le disait M. le ministre tout à l'heure.

M. Charbonneau: Tantôt, vous disiez que dans le fond l'introduction... Une des brèches que vous voyez, c'est que, quand on introduit le concept d'assurance privée, même de façon limitée, ce que vous dites, c'est que, dans cette logique-là, on crée un effet pervers ou une dynamique qui pourrait éventuellement... Parce qu'une brèche, c'est un petit trou qui peut éventuellement s'élargir puis devenir un immense trou, là, donc un immense passage. Et ce que je comprends, c'est que vous craignez que cette petite ouverture maintenant finisse par être un immense passage, un jour ou l'autre. Et ce que j'ai retenu et qui est intéressant parce que c'est la première fois qu'on nous le disait, c'est que finalement notre intégration financière est enviée. Alors, j'ai l'impression que, plus on va permettre à la brèche de s'élargir, plus on va tirer dans nos buts ou on va ? comment je pourrais dire? ? faire en sorte que l'effet intéressant qu'on voit à l'extérieur de notre système devienne moins intéressant.

M. Hébert (Réjean): Oui, bien, écoutez, quand on permet l'assurance privée pour les trois chirurgies en question, alors ou bien on dit: Écoutez, les gens qui ont ces chirurgies-là, c'est des personnes âgées qui ne sont pas assurables, puis il n'y en aura pas vraiment beaucoup plus, de médecins non participants, alors, moi, je me dis: Pourquoi on fait ça? À l'opposé, si jamais c'était intéressant puis si jamais il y avait de plus en plus de médecins non participants qui se désengageaient du système public, bien là on a un drainage de ressources importantes qui pourrait amener une diminution d'accès, dans le système public, à des clientèles vulnérables non assurables.

Alors, ou bien ça va être efficace pour augmenter le nombre de chirurgies faites dans le privé, et là j'ai des craintes par rapport à l'accessibilité au système public, ou bien ce n'est pas efficace, puis là je me dis: Pourquoi on fait ça? Et je pense que, là, il y a une brèche inutile, à mon point de vue, qui pourrait avoir des effets pervers sur l'accessibilité, dans le système public, à cause du drainage de professionnels qui, je vous le rappelle, est un élément majeur de limitation pour l'accès aux services actuellement et pas seulement en termes de chirurgiens, mais surtout en termes d'anesthésistes, actuellement. Moi, ce que je vis dans l'hôpital universitaire où je suis, c'est les anesthésistes qui limitent l'accès à la chirurgie beaucoup plus que les chirurgiens, en fait.

M. Charbonneau: Vous avez parlé d'une expérience à laquelle vous avez été associé, le projet PRISMA, je crois.

M. Hébert (Réjean): Oui, PRISMA.

M. Charbonneau: Bon, sur un territoire donné, semble-t-il que ça a donné des rendements intéressants puis que, pour le même niveau d'investissement, vous avez réussi finalement à faire mieux et plus que dans un territoire comparable où on n'utilise pas cette approche-là. Est-ce que vous pensez que cette approche... J'aimerais ça que vous parliez un peu de cette approche-là parce que ceux qui ne connaissent pas ça, là, ne savent pas de quoi vous parlez. Puis deuxièmement est-ce que cette expérience pilote là est rendue à ce point concluante qu'il serait temps qu'on la généralise?

M. Hébert (Réjean): O.K. Alors, l'expérience PRISMA, c'est d'établir une structure de coordination dans un territoire donné, mettons un réseau local. On établit une concertation de tous les organismes privés, publics ou bénévoles qui ont affaire à donner des services aux personnes âgées, qui se réunissent autour d'une même table pour convenir d'une approche populationnelle de comment on va utiliser le panier de services pour donner des services à la population. Et on a, avec ces tables-là, des tables de gestionnaires qui vont voir comment on modifie les processus pour être capable d'offrir le bon service à la bonne personne, au bon endroit, par la bonne organisation.

On crée un guichet unique, alors un numéro de téléphone unique, couplé à la ligne Info-Santé, où la personne et sa famille peuvent appeler pour obtenir tout service disponible pour les personnes âgées. On assigne un gestionnaire de cas. Un gestionnaire de cas, c'est un clinicien qui fait une évaluation, qui convient, avec le patient et sa famille, des services qui sont nécessaires, et qui fait un plan de service, et qui a un rôle de courtier, donc qui s'assure que les services soient rendus par la bonne organisation. Puis c'est une espèce de casque bleu, là, qui a la légitimité d'intervenir, peu importe où le patient se trouve, s'il est à l'hôpital, à domicile, en centre de réadaptation, etc. On couple à ça des outils de gestion, pour monitorer la gestion du système, et un dossier clinique informatisé. Et c'est donc ces six éléments-là qui permettent d'améliorer la continuité des services pour des clientèles fragiles comme les personnes âgées en perte d'autonomie.

Alors, ce qu'on a fait, c'est qu'on l'a expérimenté dans les Bois-Francs, dans une région du Centre-du-Québec, et ensuite on a repris le modèle pour l'étendre à l'ensemble de la région de l'Estrie. Et on a, au cours des cinq dernières années, d'une part monitoré l'implantation, alors quels sont les facteurs favorisants, contraignants à l'implantation, quel est le degré de mise en oeuvre de ces mesures-là. Et on a aussi suivi 1 500 personnes âgées vulnérables, la moitié dans la zone de l'Estrie, l'autre moitié sur la Rive-Sud de Québec, dans une des zones géographiques comparables en termes de couverture de services.

n (16 h 50) n

Et on a donc évalué ces gens-là, là, sur cinq années et ce qu'on observe, c'est: une réduction de 7 % de la perte d'autonomie ? c'est quand même important; une amélioration de la satisfaction des personnes âgées ? quand on leur demande leur satisfaction par rapport à la prestation et à l'organisation des services, il y a une augmentation sensible; une augmentation de l'«empowerment», c'est-à-dire de l'implication des personnes âgées dans la prise de décision; une réduction des visites à l'urgence. Et tout ceci à coût égal, c'est-à-dire que, ce que ça a coûté pour implanter le système, on le récupère en fait au niveau des coûts du système public et même des systèmes privés. Alors, à coût égal, on a un système plus efficient.

Et ce qu'on a présenté hier ? et c'était le quatrième colloque PRISMA; ce qu'on a présenté ? c'est ces résultats-là. Et maintenant, bien, c'est prêt pour la généralisation. Et d'ailleurs, dans le plan d'action ministériel que M. Couillard a rendu public, on annonçait déjà la complétion des réseaux intégrés de services. Et, nous, quand on a commencé ça il y a cinq ans, on n'allait pas jusqu'à dire qu'il fallait intégrer les structures. Bon, on l'a fait. Je pense que ça pouvait se faire sans intégration de structures. C'est sûr que ça favorise l'intégration fonctionnelle, mais, lorsque les réseaux locaux vont élaborer les projets cliniques ? ils sont en train de faire ça ? il faut absolument intégrer ces éléments de coordination là dans le projet clinique, de sorte que l'intégration ne soit pas seulement structurelle, mais qu'elle soit aussi fonctionnelle, et je pense que c'est la prochaine étape.

Moi, je suis assez confiant de la généralisation. En tout cas, il y a une volonté ministérielle puis au niveau des agences de poursuivre dans cette voie-là. C'est une expérience qui a eu un impact significatif, et c'est rare qu'on fait des expérimentations, au Québec, sur des modifications de structure puis qu'on sait à l'avance que ça va avoir un impact positif. La majorité des modifications de structure qu'on a faites, on ne s'était pas donné la peine ou le temps de faire des évaluations rigoureuses. Et je pense que, là, on a là une expérience qui fournit aux dirigeants puis aux preneurs de décisions des éléments probants pour être capables de prendre une décision éclairée.

M. Charbonneau: Pour le citoyen usager ou le citoyen payeur de taxes qui vous écoute, là, dans combien d'années qu'on pourrait penser que l'ensemble du territoire québécois fonctionnerait de cette façon-là?

M. Hébert (Réjean): Écoutez, nous, ça nous a pris quatre ans, implanter une expérimentation. C'est sûr que, lorsqu'il y a déjà un modèle qui est bien campé, c'est beaucoup plus rapide. Moi, je pense qu'en quelques années, dans le projet clinique, on est capables d'arriver à des degrés de mise en oeuvre satisfaisants pour avoir des impacts sur la population.

M. Charbonneau: Vous me disiez, monsieur le... Dr Hébert... que le temps est terminé, alors...

Le Président (M. Paquin): Il reste quelques secondes, M. le député.

M. Charbonneau: Bon. Merci beaucoup de votre participation, Dr Hébert. Je pense que ça nous a beaucoup éclairés.

M. Hébert (Réjean): Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président (M. Paquin): Donc, Dr Réjean Hébert, merci de votre participation. C'était très apprécié.

J'invite maintenant les représentants du Groupe de réflexion sur le système de santé du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

Et je suspends les travaux de la commission pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

 

(Reprise à 16 h 56)

Le Président (M. Paquin): La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Et nous recevons le Groupe de réflexion sur le système de santé du Québec, et c'est Mme Lucie Dagenais, je crois. Mme Dagenais, bienvenue. Monsieur, bienvenue. Nous allons passer une heure ensemble, et on procède de la façon suivante, en trois étapes: première étape, 20 minutes pour présenter votre mémoire; la deuxième étape, c'est des discussions et des échanges avec le ministre et les députés du côté ministériel; et on termine le tout, un autre 20 minutes, avec les députés de l'opposition. Donc, Mme Dagenais, je vous invite à présenter la personne qui vous accompagne et à nous faire part de votre ménage... de votre mémoire, excusez. On vous écoute.

Groupe de réflexion sur le
système de santé du Québec

Mme Dagenais (Lucie): M. le Président, M. le ministre et M. le représentant de l'opposition, mesdames et messieurs de la commission, d'abord je vous remercie de votre invitation et je vous présente le Dr Paul Lévesque, qui est urgentologue à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Le Groupe de réflexion sur le système de santé du Québec, que nous représentons, a été formé au lendemain de l'arrêt Chaoulli. Il comprend une trentaine d'universitaires, juristes, médecins et autres professionnels de la santé de diverses disciplines et de diverses régions du Québec, tous préoccupés du maintien de l'intégrité de notre système public de santé. Six de ses membres, juristes des diverses universités du Québec, ont publié en novembre dernier leur interprétation du jugement. On vous produit d'ailleurs ce document-là en annexe. Et le groupe a ensuite avancé des propositions susceptibles d'améliorer l'accès aux soins.

Notre présentation aujourd'hui tient compte des débats de votre commission, que nous avons suivis de près. Alors, ça ne contredit pas notre mémoire, mais c'est peut-être un petit peu différent.

Alors, nous abordons aujourd'hui d'abord la question de l'ouverture à l'assurance privée duplicative, nous reprenons ensuite nos propositions, actualisées en regard du plan proposé au chapitre V de votre document, pour terminer avec la question des cliniques spécialisées affiliées. Nous ne traitons pas spécifiquement du financement. On en dit un mot, mais nous n'avons pas étudié attentivement cette partie du document Garantir.

Alors, je voudrais d'abord faire quelques remarques préliminaires parce qu'on dit beaucoup de bien et beaucoup de mal de notre système de santé, plus de mal qu'il en mérite, je crois. Moi, j'ai pu, comme membre de la Régie de l'assurance maladie de 1969, donc un an avant la mise en application de la loi, jusqu'en 1985, apprécier beaucoup certaines caractéristiques de notre système québécois ? qui est unique, c'est vrai. Je pense qu'il y a très peu de systèmes qui se comparent de a à z, mais je pense qu'on peut être fiers, dans l'ensemble. Alors: son caractère universel d'abord quant aux soins hospitaliers et médicaux ? il est un peu pauvre sur le reste, mais, dans ce domaine-là, c'est assez complet; le fait que les médecins soient tenus de choisir leur camp; la liberté de choix des patients quant au médecin et à l'établissement ? c'est toujours relatif, mais c'est une valeur qui est importante dans notre société; une grande autonomie professionnelle ? trop parfois, comme on a vu avec les listes d'attente; la possibilité de collecter de façon très systématique l'information qui est publiée chaque année par la RAMQ, qui est un outil exceptionnel pour la recherche et la planification; enfin, ce qui n'est pas négligeable, la simplicité des procédures pour les usagers et pour les professionnels de la santé, et des coûts administratifs relativement bas.

n (17 heures) n

Il s'agit d'une construction originale, négociée en quelque sorte entre l'État, la profession médicale et, jusqu'à un certain point, avec les forces sociales. Ceux qui ont voulu s'en exclure, peu nombreux, ont dû assumer les conséquences de leur choix, et nous souhaitons que ça se poursuive de la même façon.

De nombreux accommodements ont vu le jour au cours des dernières décennies, pour assurer en particulier une meilleure répartition des médecins sur le territoire. Beaucoup d'autres s'imposent, mais nous croyons que ces changements peuvent se faire dans le système public, sans remettre en cause l'économie générale du régime.

Nous venons aujourd'hui vous livrer deux messages principaux. Premièrement, nous croyons essentiel de maintenir le caractère public, universel des soins médicaux et hospitaliers, sans permettre l'assurance privée duplicative, qui ne peut qu'introduire des inégalités face à la maladie. Deuxièmement, nous nous objectons à la création des cliniques spécialisées affiliées, qui n'ont rien en commun avec les cabinets privés de médecins participants que nous connaissons maintenant, dont nous ne contestons pas l'existence, bien qu'un meilleur encadrement parfois de ce mode de prestation serait souhaitable.

Premier point, l'ouverture à l'assurance privée. M. le ministre et mesdames et messieurs de la commission aussi, comme vous avez eu l'occasion de discuter avec Marie-Claude Prémont ici même de l'aspect juridique de cette question, nous nous contenterons de rappeler que votre proposition découle d'un choix purement politique et non juridique. Il n'y a pas d'ordre de la cour, affirment les juristes. L'introduction de l'assurance privée, même limitée au départ à trois interventions, représente un virage majeur par rapport aux mesures adoptées par le Québec et plusieurs autres provinces pour diriger le maximum de ressources vers le système de santé public.

M. le ministre, à plusieurs reprises au cours des travaux de cette commission, vous avez affirmé ou laissé entendre que permettre aux cliniques de médecins non participants d'être financées par une assurance privée duplicative ne changeait pas grand-chose par rapport à l'existence actuelle et non contestée des cliniques de médecins non participants. Nous faisons une lecture différente de la vôtre. L'ouverture à l'assurance privée pour les cliniques de médecins non participants représente une nouvelle politique publique claire qui peut favoriser la multiplication de ce type de cliniques et du nombre d'actes médicaux pratiqués en marge du système public. En termes clairs, l'ouverture à l'assurance privée est une garantie que le nombre de médecins non participants, actuellement au nombre de 100, pourrait à terme être décuplé.

Les grandes organisations syndicales se sont toutes objectées à cette ouverture. L'on vous a notamment prévenu hier que la disponibilité d'une assurance privée se traduit par une quasi-obligation, pour les entreprises et les syndicats, d'inclure ce type de couverture pour leurs employés ou membres. L'expérience nationale, avec les médicaments, et internationale démontre également que l'ouverture à l'assurance privée se traduit vite par des exemptions fiscales pour l'entreprise ou les individus qui y sont associés, de sorte qu'elle se transforme rapidement en financement public de l'assurance privée.

Nous sommes alors propulsés dans un monde totalement différent de la clinique privée à financement privé, type Dr Duval. C'est pourquoi le choix politique que vous proposez est loin d'être anodin, puisqu'il bouscule les priorités de l'allocation des ressources publiques dans le domaine des soins de santé. Il ne faut pas oublier que l'assurance privée est par essence contraire à l'équité dans l'accès aux soins de santé fondé sur le besoin clinique. Elle constitue la pierre d'assise du développement d'un système à deux vitesses auquel vous dites vous opposer. Nous avançons donc des propositions pour améliorer l'accès aux services pour l'ensemble de la population, et non de façon différente pour ceux qui pourraient s'assurer, solutions tout à fait réalisables dans le cadre du régime public actuel.

Nos propositions s'articulent autour de cinq thèmes. Premièrement, rétablir l'intégralité de la couverture publique. Au départ du régime d'assurance maladie, les choses qui étaient exclues n'avaient aucun rapport avec le rétablissement de la santé et couvraient surtout les soins esthétiques ou des choses comme ça. Avec le temps, à partir de 1980, il y a eu une série d'exclusions, surtout dans le domaine des moyens diagnostiques: échographie, tomographie, résonance magnétique, et ça concerne surtout les nouveaux moyens diagnostiques, donc souvent des moyens plus efficaces. La situation actuelle est grandement injuste parce que, selon que vous êtes dans un... Si vous êtes dans une région où il n'y a pas de clinique privée, vous n'aurez pas ce problème-là. À Montréal, c'est un très gros marché, et il y a des écarts énormes dans les temps d'attente, selon que l'on attend à l'hôpital ou qu'on attend à la clinique privée. Et c'est les mêmes médecins qui sont dans les deux endroits. Ce n'est pas contraire à la loi. Ils sont participants pour la partie qui est couverte puis ils sont non participants pour la partie qui n'est pas couverte. Alors, ils ne sont pas nécessairement en conflit d'intérêts, mais ça ressemble à ça. Et c'est souvent responsable d'une grande partie du temps d'attente avant la décision d'être mis sur la liste d'attente du chirurgien.

Notre deuxième point: adapter le financement public aux changements dans l'organisation des soins, en particulier éliminer le paiement, par l'usager, des frais accessoires. C'est une autre chose qui s'est beaucoup développée dans les dernières années. La nature ayant horreur du vide, les chirurgiens se sont mis à faire de plus en plus de chirurgies dans leurs cabinets, et il y a des frais accessoires qui peuvent être chargés aux malades. Il y en a qui sont peut-être incorrectement chargés, par exemple, mais il semble que les frais accessoires octroyés aux chirurgiens ne suffisent pas à combler les services.

Notre troisième point: utiliser pleinement les ressources existantes. Le Dr Lévesque va développer davantage là-dessus.

Et le quatrième point: étendre le suivi des listes d'attente à l'ensemble des services médicaux, y compris aux maladies silencieuses. Parce qu'actuellement c'est mieux de ne pas avoir de varices ou de maladies qui ne font pas mourir, là, souvent qui présentent beaucoup d'inconvénients, mais qui sont très secondarisées dans les listes d'attente.

Et enfin renforcer l'étanchéité en l'appliquant aux cabinets eux-mêmes, et non seulement aux médecins individuellement, et en modifiant les délais pour le changement de statut des médecins. Actuellement, c'est très, très facile de s'engager et de se désengager, et nous croyons que ce serait important de resserrer ces dispositions-là. Il y a quand même une légère augmentation des médecins participants dans les dernières années et dans les spécialités qui ne sont pas esthétiques.

Alors, je passe maintenant la parole au Dr Lévesque, qui va...

M. Lévesque (Paul): Alors, je voudrais surtout, moi, porter mon attention aux problèmes des listes d'attente et des solutions qui sont proposées par le gouvernement, c'est-à-dire qu'essentiellement le gouvernement propose, pour réduire les listes d'attente, le transfert hors du milieu hospitalier de certaines chirurgies d'un jour, par le biais de la sous-traitance avec des cliniques spécialisées affiliées. Ici comme ailleurs, le gouvernement souhaite recourir à la solution fétiche des partenariats public-privé, avec la conviction qu'il s'agit là d'une avenue plus économique et plus efficace. On entend donc, par l'entremise des agences régionales ou des hôpitaux, octroyer des contrats à certaines cliniques privées pour le traitement des cataractes ainsi que pour la plupart des interventions électives qui relèvent de la chirurgie d'un jour et pour lesquelles les listes d'attente semblent en ce moment les plus problématiques.

n (17 h 10) n

Deux remarques s'imposent. Tout d'abord, le postulat selon lequel une telle façon de procéder est plus économique ne résiste pas à la logique la plus élémentaire. On a beau faire valoir que l'État est à court de ressources et que, dans ces conditions, l'apport du privé est essentiel, il est de notoriété publique que les gouvernements sont toujours en mesure d'obtenir du financement à meilleur compte que n'importe quel investisseur privé. De plus, comme il est question d'entreprises à but lucratif, il est clair que les bénéfices des investisseurs doivent être inclus dans le calcul des coûts. Dans ces conditions, il est évident qu'à long terme cette idée de sous-traiter avec des entrepreneurs privés ne pourra que coûter plus cher et que la réduction des coûts, pour le gouvernement, est du même type que celle qu'on réalise en louant une voiture au lieu de l'acheter: on évite peut-être la mise de fonds initiale, mais, au bout du compte, le coût total est toujours considérablement plus élevé.

Par ailleurs, l'expérience des pays étrangers, en particulier celle du Royaume-Uni, démontre que, même à court terme, les PPP n'ont en aucune façon répondu aux attentes. Ils ont souvent donné lieu au pillage des fonds publics, et le coût des mécanismes bureaucratiques pour pallier à cette éventualité est venu annuler en grande partie, sinon en totalité, les économies qu'on aurait pu escompter.

Deuxièmement, le document gouvernemental propose, lorsque les délais d'attente dépassent neuf mois, d'inclure, dans la liste des sous-traitants éventuels, des cliniques privées hors réseau qui emploient des médecins non participants. Nous sommes d'avis qu'une telle idée est extrêmement mal avisée, et notre groupe de réflexion s'oppose à tout détournement de fonds publics vers des cliniques où oeuvrent des médecins non participants. En soi, l'existence de ces établissements est le résultat des ratés du système actuel, et, si le gouvernement souhaite, comme il le dit, renforcer le système public, le comble de l'aberration serait qu'il contribue à leur financement à même les fonds publics. La prolifération de ce genre de cliniques ne peut avoir qu'un effet corrosif sur un système public déjà fragilisé et à court de ressources. Il faut donc maintenir rigoureusement ce principe fondamental du système de santé selon lequel les fonds publics ne doivent en aucune façon servir à subventionner la création d'un réseau privé parallèle, susceptible de cannibaliser les ressources déjà rares du secteur public.

Mais ce n'est pas tout. Comme urgentologue, je suis à même de constater le dumping que doivent forcément pratiquer ces cliniques à l'endroit du réseau public, lorsqu'inévitablement surviennent les complications dont le risque est inhérent à toute chirurgie. Nous devons régulièrement accueillir et traiter, à l'urgence, des patients qui présentent des infections, des phlébites, des embolies ou d'autres complications survenues par suite d'interventions pratiquées dans le privé, qu'il s'agisse d'interruptions de grossesse, de chirurgies plastiques ou plus récemment de mise en place de prothèses articulaires. Nous sommes ici en présence d'un pattern éprouvé et bien connu: les profits sont empochés par l'entrepreneur, alors que le risque et le coût des complications sont assumés par le public. Si, à vrai dire, le phénomène est plutôt marginal en ce moment, c'est que le nombre de cliniques privées où se pratiquent ces interventions est restreint, mais il est évident qu'il ne pourrait que s'amplifier si elles se mettent à proliférer.

Et, dans l'éventualité où la loi le permettrait, ceux qui voudront se prévaloir du jugement de la Cour suprême dans l'arrêt Chaoulli et souscrire des assurances privées pourront certes recourir à de telles cliniques, mais, pour protéger l'intégrité du système public et en assurer la pérennité, il est impératif de maintenir une étanchéité rigoureuse en ce qui concerne la pratique médicale. En d'autres termes, il faut interdire que des médecins participants et non participants, chirurgiens ou anesthésistes, travaillent dans un même établissement. Comme le prévoit déjà la Loi de l'assurance maladie à l'article 36, l'utilisation de ces cliniques par le système public ne doit être envisagée qu'en cas de force majeure, de façon ponctuelle et marginale.

Reste donc la question des cabinets privés tenus par des médecins participants, mais plus ou moins intégrés à leur pratique hospitalière. Chacun sait que bon nombre de ces cabinets éprouvent actuellement des difficultés considérables du fait qu'ils doivent être financés à même les honoraires des médecins. Il s'agit là d'un problème bien réel, mais il faut bien se rendre compte que les listes d'attente résultent principalement du fait que les ressources déjà disponibles en milieu hospitalier sont largement sous-utilisées, faute de financement. Maisonneuve-Rosemont, par exemple, dispose d'un centre ambulatoire avec plusieurs salles d'opération parfaitement équipées, mais qui ne sont utilisées que quelques heures par jour. On voit mal dans ces conditions la pertinence d'octroyer à des investisseurs privés des contrats à même les fonds publics pour exploiter des cliniques qui viendraient faire double emploi avec celles de l'hôpital.

Bien sûr, toutes les régions ne disposent pas d'un centre tel que le nôtre. Mais, si les contrats proposés par le gouvernement visent à permettre la mise sur pied d'infrastructures compatibles avec la chirurgie d'un jour, nous comprenons mal pourquoi les sommes en question ne pourraient pas être utilisées pour créer des centres semblables dans un certain nombre d'établissements hospitaliers choisis en fonction des populations qu'ils desservent et des ressources qu'ils possèdent déjà. Rien n'empêcherait dans ces conditions les cliniques privées de jouer un rôle complémentaire et de pratiquer certaines interventions nécessitant des investissements de moindre importance.

Le recours à la sous-traitance est non seulement inutile, mais il nécessite toujours la mise en place d'une bureaucratie lourde et coûteuse pour garantir la qualité des services et prévenir la malversation et les abus. C'est ce qui amenait, en août 1999, le New England Journal of Medicine à publier un éditorial au titre évocateur: When money is the mission ? The high costs of investor-owned care, un éditorial pour mettre à nu cette contrevérité que le privé coûte moins cher. L'insistance du gouvernement en ce qui concerne la sous-traitance soulève une inquiétude à laquelle il n'a toujours pas répondu. Le transfert d'interventions actuellement effectuées dans les hôpitaux ne serait-il pas au fond un simple subterfuge pour refiler aux patients les coûts de certains services que les hôpitaux, en vertu de la loi canadienne, sont actuellement tenus d'offrir gratuitement...

Le Président (M. Paquin): Dr Lévesque, je veux vous préciser qu'il reste seulement qu'une minute.

M. Lévesque (Paul): ... ? parfait; sont actuellement tenus d'offrir gratuitement ? en particulier les médicaments mais aussi la physiothérapie et l'ergothérapie, particulièrement importantes en orthopédie? Comme chacun le sait, la pierre angulaire, en matière de santé, est le refus du principe de l'utilisateur-payeur, un principe qui équivaut à une taxe régressive sur la maladie, régressive en ce qu'elle frappe d'autant plus durement que l'on est démuni, surtout si l'on tient compte du fait que les plus pauvres sont souvent les plus malades.

Chacun sait également que, dans l'état actuel des choses, les cliniques privées recourent à toutes sortes de stratagèmes pour soutirer aux patients des sommes qui sont parfois significatives, notamment avec le trou béant que constitue, dans notre système, le problème des médicaments. Comme la loi permet aux cliniques de facturer les médicaments utilisés pour une intervention, les patients se voient souvent dans l'obligation de payer des sommes sans commune mesure avec le coût véritable du produit administré, sous peine de se voir refuser les soins nécessaires ou l'accès à la clinique. La situation étant ce qu'elle est dans les cliniques actuelles, où la plupart des interventions sont plutôt mineures, on peut imaginer ce que ce sera si ces mêmes cliniques en viennent à pratiquer des interventions plus lourdes et en plus grand nombre.

On aimerait que le ministre nous dise que le patient ne sera pas tenu de payer toutes sortes de frais, anesthésiques, solutés, jaquettes d'hôpital, et quoi encore, tout en faisant valoir qu'au fond rien n'est changé puisque les honoraires du chirurgien sont couverts par la carte-soleil. En d'autres termes, le Groupe de réflexion demande des garanties que le transfert d'interventions chirurgicales vers des cliniques privées ne se résume pas à une extension du principe de l'utilisateur-payeur et au désengagement de l'État.

Des propos alarmistes fusent actuellement de toutes parts selon lesquels la croissance des dépenses du gouvernement en matière de santé est telle que nous courons à la catastrophe, à moins que des mesures énergiques ne soient prises pour faire plus de place au financement privé et aux mécanismes du marché, soit justement au principe de l'utilisateur-payeur. À ce sujet, nous voudrions faire remarquer qu'en réalité les dépenses de santé sont stables et que, depuis au moins une dizaine d'années, elles ne comptent pour pas plus de 10 % du produit intérieur brut, au Québec comme au Canada. Si elles représentent une fraction plus importante qu'auparavant des dépenses de l'État, c'est que ce dernier a coupé ses dépenses dans à peu près tous les autres domaines en se déchargeant d'une grande partie de ses responsabilités sur le dos des municipalités et des particuliers.

En fait, le seul secteur où les dépenses de santé échappent à tout contrôle est précisément celui où le gouvernement se contente d'être un simple acheteur, celui du médicament, contrôlé quasi totalement par l'entreprise privée. Nous invitons le ministre à réfléchir à cette réalité, maintes fois démontrée, qu'en matière de santé...

Le Président (M. Paquin): Dr Lévesque, nous vous arrêtons. On a dépassé déjà de deux minutes. Je pense que c'est bien clair, les règles, c'est 20 minutes pour le mémoire, 20 minutes du côté ministériel, 20 minutes du côté de l'opposition, et on applique ça pour tout le monde.

M. Lévesque (Paul): Bon, parfait.

M. Charbonneau: ...laisser trois, quatre minutes de mon temps.

Le Président (M. Paquin): Oui? Allez-y, le député de l'opposition vous offre son temps.

M. Lévesque (Paul): Bon. Je vous remercie. Alors, nous invitons le ministre à réfléchir à cette réalité, maintes fois démontrée, qu'en matière de santé l'augmentation des coûts va de pair avec le désengagement de l'État. Refuser de voir cette réalité en se cachant derrière la prétendue nécessité de réduire les impôts, c'est cibler et frapper le plus durement les classes pauvre et moyenne de la société. Comme le disait le ministre Couillard lui-même, dans un article de La Presse, le 3 octobre 2002, alors qu'il polémiquait avec l'ADQ: «Ne commettons pas l'erreur d'affaiblir notre système de santé gratuit et universel au profit de l'entreprise privée qui s'est avérée incapable, partout où on lui en a donné l'occasion, d'offrir des services aussi accessibles et peu coûteux qu'un régime basé sur la taxation universelle.» Il découle de ces propos que, si le système de santé connaît des problèmes de financement, comme cela semble faire l'unanimité, la solution la plus économique et la plus équitable consiste à mettre à contribution l'assiette fiscale, quitte à forcer la main du gouvernement fédéral, et non à imposer des frais aux malades sous quelque forme que ce soit. Et, si le ministre n'est plus de cet avis, nous aimerions qu'il nous fasse part des considérations qui l'ont amené à changer d'idée. Je vous remercie.

Le Président (M. Paquin): Merci, Dr Lévesque. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, vous avez la parole.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je suis tout à fait de cet avis encore aujourd'hui. La différence, c'est qu'on a une définition différente de ce qu'est le système public. Le système public de santé, pour moi, est tout ce qui est payé par le payeur unique de l'État, que la prestation soit privée ou publique, en autant qu'elle n'est pas associée à des contributions de l'usager. Alors, en clair, là, une clinique affiliée ? je mentionne, en passant, pour répondre à une autre de vos interrogations, il n'est prévu aucune contribution différente de celles qui sont demandées dans les centres hospitaliers; il y en a très peu, là ? pour moi, ça fait partie du système public de santé. Mais je pense qu'on ne sera pas d'accord là-dessus, alors je vais laisser ça...

Pour moi, je vais vous dire, Dr Lévesque ? puis vous pourrez peut-être me faire un commentaire ? quand j'écoute la communication que vous venez de faire, le message que je reçois, c'est: Ne changez rien. Mettez plus d'argent dedans, augmentez nos impôts s'il le faut, surtout ne changez rien et puis n'essayez pas d'imaginer des choses différentes, des façons de faire différentes. Je vais vous dire franchement, si des gens de gauche d'Europe de l'Ouest entendaient ce qu'on vient d'entendre, ils se demanderaient qu'est-ce qui se passe ici, sur quelle planète qu'on vit. Même les gouvernements socialistes en France puis ailleurs ont maintenu un système où il y avait une grande partie de prestations de soins de santé privés, financés par l'État et même, oh! horreur, parfois à l'extérieur du financement public.

n (17 h 20) n

M. Lévesque (Paul): ...ce que vous dites. Je veux dire, en France ou en Angleterre, le financement privé est de 30 % et n'est pas plus élevé, en fait est aussi élevé ici que...

M. Couillard: Mais ce n'est pas ça que je vous dis, là, hein? Ce n'est pas ça que je vous dis, là. En France, là, en Angleterre puis en France, même sous Mitterrand et les autres gouvernements socialistes, ils ont gardé les établissements à but lucratif, ils ont gardé la pratique privée libérale, ils ont gardé toutes sortes de choses que vous vouez aux gémonies et qu'on...

M. Lévesque (Paul): Oui, mais en revanche ils ont une couverture...

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît! M. le ministre, Dr Lévesque, s'il vous plaît!

M. Couillard: ...et qu'on ne propose même pas. On ne propose pas ça, nous autres. On...

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, juste un instant. Je vais juste établir, pour qu'on se comprenne fort bien: une personne parle à la fois. Ça va être plus facile. Donc, le ministre a la parole. Vous allez avoir la parole après, mon cher ami, puis on va vous l'accorder avec beaucoup de plaisir, mais un à la fois. Sans ça, on ne pourra pas suivre. M. le ministre.

M. Couillard: Ce que je veux juste vous dire, Dr Lévesque, amicalement, là, c'est que je trouve que le blocage total que vous présentez envers toute modification, que ce soit de la façon dont on organise le système puis on donne les services, pour moi, c'est la plus grande menace à l'existence d'un système de santé, à moyen ou à long terme, parce que c'est la fuite en avant, finalement. Tout va bien. On va continuer à faire plus pareil, puis tout va être correct dans quelques années.

Le Président (M. Paquin): Dr Lévesque.

M. Lévesque (Paul): Il faudrait que vous répondiez à la question suivante. Je vous signalais qu'à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont nous avons des ressources qui sont largement sous-utilisées, et on ne voit pas la nécessité de faire financer l'établissement ou la mise sur pied de réseaux parallèles, alors que ce que nous avons à l'hôpital est, à toutes fins pratiques, dysfonctionnel.

M. Couillard: ...tout de suite à ça.

M. Lévesque (Paul): Alors, je ne propose pas un immobilisme, je propose de faire marcher ce qui ne marche pas à l'heure actuelle.

M. Couillard: Je vais vous répondre tout de suite à cette question-là. Si, lorsqu'on demande à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont d'éliminer tous les hors-délai sur sa liste d'attente juste pour trois chirurgies ? parce qu'on veut donner le temps aux hôpitaux de s'habituer à gérer correctement une liste d'attente ? s'ils nous disent qu'ils sont capables de le faire totalement en utilisant les fonds qu'on met à leur disposition dans le cadre de la garantie d'accès pour faire fonctionner leurs salles d'opération plus longtemps ou leurs centres ambulatoires, je n'ai aucun problème. Par contre, il faut qu'ils le fassent avec les fonds disponibles puis qu'ils prouvent qu'ils sont compétitifs puis qu'ils livrent les résultats.

Moi, ce que je veux, c'est les résultats. Les moyens, c'est à la disposition des établissements et des agences de le faire. On leur met un outil de plus dans la boîte à outils, libre à eux de l'utiliser ou pas. Par contre, s'ils choisissent de ne pas l'utiliser, il va falloir qu'ils justifient après pourquoi ils n'ont pas été capables d'atteindre les cibles que peut-être d'autres auront atteintes en utilisant cette façon de faire. Alors, c'est un jugement que la communauté de l'établissement où vous appartenez va avoir... un jugement qu'ils vont avoir à poser, une décision qu'ils auront à prendre. Mais la livraison du résultat, elle, elle compte, par exemple.

M. Lévesque (Paul): Mais vous savez fort bien que la raison pour laquelle les ressources hospitalières sont sous-utilisées, que les salles d'opération, ça travaille de 9 à 5 et... enfin soit à peine plus... Vous devez certainement en savoir quelque chose, puisque vous avez été chirurgien. Il y a un certain nombre de cliniques, au centre ambulatoire de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, de salles d'opération qui sont fermées je ne sais trop combien d'heures par semaine, faute de budget. Alors, pourquoi, si ces cliniques et ces installations, ces équipements ne peuvent pas fonctionner faute de budget, pourquoi utilise-t-on l'argent des fonds publics pour mettre sur pied des cliniques semblables qui vont fonctionner à l'extérieur de l'hôpital et qui seront gérées par des investisseurs?

M. Couillard: Bien, Dr Lévesque, on ne forcera personne à le faire. Mais, quand la directrice générale ou l'équipe de direction de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont va avoir à présenter un plan ? puis ils auront à présenter un plan concret, avec des résultats livrables ? pour éliminer les patients hors délai, avec les fonds nouveaux qui seront disponibles ? non pas avec les mêmes fonds, mais avec des fonds nouveaux qui seront disponibles ? il va falloir qu'ils s'associent à leurs partenaires de l'hôpital, dont les syndicats, pour voir comment est-ce qu'on fait pour garder un bloc opératoire ouvert jusqu'à 6 heures. Puis là vous allez peut-être avoir quelques surprises ? probablement pas, parce que vous connaissez aussi bien que moi le milieu hospitalier ? vous allez voir que les blocages ne viennent pas tous de l'endroit dont on pense qu'ils viennent. Et, à ce moment-là, il faut comparer toutes les options qui seront disponibles.

Alors là, je suppose que la direction de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, ayant comme mission d'assurer l'accessibilité à sa population dans des délais acceptables pour ces trois chirurgies-là, fera d'ailleurs... D'ailleurs, c'est ce que je crois qu'elle fera parce que j'ai rencontré la directrice générale puis j'avais l'impression, compte tenu des immenses succès qu'ils ont eus en chirurgie ophtalmologique, à Maisonneuve-Rosemont ? on sait que là-bas l'attente a été réduire de presque les deux tiers, là, en concentrant les activités; j'ai eu l'impression ? qu'elle ne prévoyait pas utiliser des cliniques affiliées. Cependant, elle va devoir mettre en place des mécanismes, en utilisant les fonds nouveaux qui seront à sa disposition, pour livrer les résultats de l'élimination des patients hors délai.

Moi, si les résultats étaient au rendez-vous, qu'elle n'ait pas utilisé la clinique affiliée, grand bien lui fasse! Par contre, si les résultats ne sont pas au rendez-vous, et qu'un autre établissement voisin a utilisé l'outil, et qu'il a réussi à arriver au résultat demandé, ils vont avoir une certaine justification à faire, c'est clair. C'est un mode de gestion qui est tout à fait correct.

M. Lévesque (Paul): Alors, fort bien. Mais, cela dit, une autre question qui me préoccupe grandement, c'est ce transfert vers les cliniques privées. Est-ce que... Bon, vous dites qu'il n'y aura pas de frais afférents autres que ceux qui sont déjà facturés au patient. Moi, je peux vous faire part d'une expérience personnelle. J'ai dû payer 50 $ pour avoir une goutte dans l'oeil. Et je vous parle en tant que patient...

Une voix: ...

M. Lévesque (Paul): Non, dans une clinique privée...

M. Couillard: Mais je vous dis que c'est à l'hôpital.

M. Lévesque (Paul): ...où j'ai dû aller, dans une clinique, comme patient en ophtalmologie, et on m'a chargé 50 $ pour me mettre une goutte dans l'oeil. Alors, moi, si ce... Bon, je comprends que c'est une anecdote. Comme vous disiez tout à l'heure, une anecdote, ça ne...

M. Couillard: Non, ce n'est pas une anecdote, c'est très fréquent, ça, que les...

M. Lévesque (Paul): Bon, c'est très fréquent. Alors...

M. Couillard: Mais, dans les cliniques affiliées, il n'y aura aucune contribution que celles utilisées dans l'établissement public. Je vais vous donner un exemple très précis. Dans l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont où vous êtes actuellement, lorsqu'on opère pour la chirurgie des cataractes, on installe une lentille rigide, et, comme dans tous les hôpitaux du Québec, si le patient choisit d'utiliser une lentille flexible, il doit débourser 200 $. C'est déjà comme ça, ça fait des années que c'est comme ça.

M. Lévesque (Paul): Oui, oui.

M. Couillard: Alors, ça va être la même chose, mais il n'y aura pas d'autres frais à payer que ça. Ce que vous décrivez actuellement, la goutte dans l'oeil, là, ce sont ce que madame appelait tantôt les frais accessoires, et ça, dans le cadre des cliniques affiliées, il n'y aura pas de frais accessoires, et ça a été clairement exprimé à plusieurs reprises, dans le document, d'ailleurs.

Mme Dagenais (Lucie): M. le ministre, cette remarque que vous faites était déjà dans le programme du Parti libéral. Pourquoi attendre les cliniques affiliées pour la mettre en exécution? Pourquoi...

M. Couillard: Mais je vous parle des cliniques affiliées. C'est ça qu'on propose, là.

Mme Dagenais (Lucie): Oui, mais il y a beaucoup de cliniques qui existent actuellement. Pourquoi est-ce que vous n'assumez pas les frais accessoires? Pourquoi est-ce que ce serait seulement dans les nouvelles cliniques affiliées de nouveaux investisseurs, plutôt que dans l'ensemble des cabinets de médecin?

M. Couillard: On va clarifier parce qu'il y a un flou là-dedans d'ailleurs et on va profiter de l'occasion de légiférer pour clarifier ce flou-là, mais on n'a pas l'intention de payer les frais accessoires autres que les frais qui sont en relation avec des cliniques pour lesquelles il y aura un contrat, avec l'État et le système public de santé, qui engage à un volume de chirurgies prédéterminé. Ça, c'est la définition d'une clinique affiliée.

Maintenant, les frais accessoires, qui sont, comme vous le savez, demandés dans les cliniques avec des médecins participants, exemple la goutte dans l'oeil du Dr Lévesque, exemple médicament anesthésique X, exemple pansement Y, ils sont là depuis des années, puis autant le gouvernement précédent que le gouvernement actuel n'a pas l'intention de modifier ça. Cependant, ce qu'il faut faire, c'est les rendre plus explicites. Moi, j'ai un peu de difficulté quand quelqu'un me dit qu'on lui a présenté une facture de 400 $, 500 $ de frais accessoires puis qu'il ne sait pas trop c'est quoi, ça. Qu'est-ce qui constitue la somme, je pense que c'est le minimum qu'on doive demander.

Mais, pour répondre de façon très explicite à votre question, pas plus que le gouvernement précédent on n'a l'intention d'interdire les frais accessoires, en autant qu'ils sont compatibles avec la Loi de l'assurance maladie du Québec, ce qu'ils sont, et bien itémisés et transparents. Mais je répète que, dans les cliniques affiliées, donc entrant en contrat avec l'État et le système public de santé, il n'y aura aucuns frais accessoires à payer, de la part de l'usager, autre que ceux qui sont demandés rarement dans les hôpitaux, déjà.

Mme Dagenais (Lucie): Mais ce que je ne comprends pas bien, M. le ministre, c'est pourquoi les cabinets existants ? en ophtalmologie, par exemple, il y a une large pratique en cabinet privé ? pourquoi est-ce qu'ils seraient moins avantagés que les nouvelles cliniques d'investisseurs qui sont là pour faire des affaires? C'est ça qu'il est difficile de comprendre. Il me semble que, si vous voulez améliorer l'accessibilité, il faudrait peut-être regarder ce qui existe déjà, corriger les situations qui semblent anormales, mais assumer le coût des frais comme si le patient était traité à l'hôpital. C'était ça qui était dans votre programme du Parti libéral.

M. Couillard: Non. Ce qui était dans le programme, c'est les cliniques affiliées. Les cliniques affiliées, c'est un cabinet privé qui a un contrat avec un établissement de santé ou du système de santé, et, lorsque ce contrat existe ? et il faut qu'il y ait un incitatif pour que ce contrat existe, là, effectivement, où on prend en charge ce qui est appelé normalement les frais accessoires ? donc le tarif qu'on va payer, que l'établissement hospitalier paierait à la clinique inclut tout, y compris la goutte dans l'oeil, y compris le pansement, y compris le papier de la table d'examen, ce qui est demandé comme frais accessoires actuellement, dans les cliniques de médecins participants. Alors, si une clinique de médecins participants veut être libérée de la difficulté d'avoir à demander des frais accessoires, la façon de le faire, c'est d'entrer en relation avec le système de santé et de déposer un projet de clinique affiliée dont on jugera la pertinence et la compétitivité selon les coûts qui sont présentés. Ce n'est pas parce que quelqu'un va présenter un projet qu'il va être automatiquement approuvé.

Dr Lévesque, il y a un point que vous avez mentionné. Je voudrais à mon tour vous demander des éclaircissements parce que c'est un aspect qui me préoccupe. Vous dites que, dans votre pratique, à l'urgence, vous voyez des complications de chirurgies faites ? on ne nommera pas de nom, là ? dans les cliniques de médecins non participants, parfois des chirurgies assez importantes, là, de remplacement articulaire. Et, moi, je dois dire, j'ai un dilemme dans cette question-là, parce que je réalise également, comme vous l'avez très bien dit, que, là, on transfère, une fois que le cas se met à aller mal, là, on...

M. Lévesque (Paul): ...dans le système public.

M. Couillard: Bon. Maintenant, quel est le remède à ça? Est-ce que... De toute évidence, on ne peut pas pénaliser le patient pour ça. Le patient est assuré pour les soins. Est-ce qu'on devrait aller récupérer les coûts associés au traitement de la complication à la clinique qui a fait la chirurgie?

n(17 h 30)n

M. Lévesque (Paul): Écoutez, moi, là, je ne pense pas qu'il y ait de remède à ça. Je pense que c'est un mal avec lequel il faut nécessairement composer. Je pense que ce qu'il faut faire, c'est de limiter le plus possible la prolifération de ces cliniques où il y a des médecins non participants, et c'est pour cette raison qu'on s'oppose à l'introduction des assurances privées, et faire en sorte de prendre toutes les mesures possibles et imaginables pour limiter au maximum la prolifération de ce genre de cliniques. Bon, on pourrait toujours imaginer qu'on puisse facturer la clinique éventuellement pour le patient qui vient de chez eux et qu'on traite, mais on peut imaginer facilement le genre de litige et de contentieux que ça risque de provoquer et les frais juridiques et autres que ça risque éventuellement d'entraîner.

Alors, je ne pense pas que ce soit là une solution praticable. La seule façon, c'est de faire en sorte qu'il y ait le moins possible de médecins non participants.

M. Couillard: D'ailleurs, sur cette question, qui est également un point très important, il existe, comme vous le savez, actuellement des leviers législatifs pour limiter, au besoin, le nombre de médecins désengagés. Je ne sais pas si vous êtes au courant, dans la loi santé et services sociaux, il y a possibilité de décréter, pour un territoire donné, l'interruption du désengagement pour une période x, qu'on peut renouveler, si on considère que le mouvement de désengagement menace l'accessibilité. Est-ce que vous pensez que ces leviers suffisent ou il faudrait en ajouter d'autres?

M. Lévesque (Paul): Écoutez, ça dépend. Si le ministre a suffisamment d'audace pour l'utiliser comme il se doit, je pense que ça suffit.

M. Couillard: L'audace, je n'ai pas trop de problème. Je n'ai pas trop de problème avec l'audace en général, là. Mais il faut penser à long terme, là. On ne veut pas non plus qu'il y ait une prolifération de désengagement. D'ailleurs, la plupart des médecins, comme vous le savez, ne sont pas trop intéressés. La plupart des médecins savent que c'est assez confortable, la Régie de l'assurance maladie du Québec. Malgré les critiques qu'on lui agite sous le nez de temps en temps, incluant ces jours-ci, là, il y a quand même là, là, je ne dirais pas un refuge, mais une garantie de revenus qui est assez considérable et qui est assez unique, la Régie de l'assurance maladie du Québec. D'ailleurs, vos collègues mêmes qui font l'expérience du désengagement dans votre domaine d'activité, je ne sais pas quelle est leur expérience concrète, mais je ne suis pas certain que c'est de tout repos.

M. Lévesque (Paul): Je suis bien d'accord.

M. Couillard: Donc, est-ce que vous pensez qu'on devrait...

M. Lévesque (Paul): Non, je pense que... À mon avis, les mesures actuelles... les dispositions législatives qui existent actuellement sont suffisantes.

M. Couillard: En autant qu'elles sont appliquées, bien sûr.

M. Lévesque (Paul): Exactement, en autant que le ministre ou que la personne responsable de les appliquer sache le faire au moment opportun.

M. Couillard: O.K. Vous savez, Mme Dagenais, tantôt, vous avez mentionné les résonances magnétiques, les cliniques d'imagerie. J'ai deux observations à ce sujet-là. La première est une remarque sur les évolutions des dernières années. En fait, le nombre de cliniques privées de résonance magnétique a arrêté d'augmenter depuis quatre ans environ. Parallèlement, tous les nouveaux appareils de résonance magnétique installés au Québec ont été installés dans les hôpitaux publics, incluant un deuxième appareil à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, qui a eu pour impact de diminuer, je pense ? Dr Barrette qui me le disait récemment ? la liste d'attente de presque de moitié. Alors, on m'a même reproché, ce matin ? je ne sais pas si vous avez entendu la communication de la Fédération des chambres de commerce ? de freiner l'explosion du... le développement du privé par un investissement trop important dans les infrastructures publiques. Alors, vous voyez sous quel feu je me trouve, parfois d'un côté, parfois de l'autre, et c'est ça, l'essence du jeu politique.

Mais, Mme Dagenais, la deuxième réflexion que m'inspirait cette remarque que vous faisiez sur les cliniques d'imagerie, c'est que vous dites: Bien, on devrait tout couvrir, c'est-à-dire qu'on devrait élargir le panier de services en incluant également les examens de résonance magnétique ou de scanner en cabinet privé qui actuellement ne sont pas assurables, ne l'étaient pas auparavant et ne le sont pas actuellement. Mais là, si on augmente le panier de services, on ne peut pas faire autrement que de parler du financement, là. Je sais bien que vous n'avez pas voulu parler du financement dans votre mémoire, puis déjà ce qu'on veut, nous, c'est maintenir le panier de services, mais comment est-ce qu'on fait pour l'augmenter si on n'a pas un scénario de financement approprié?

Mme Dagenais (Lucie): M. le ministre, d'abord, je pense que c'est les échographies qui sont le très, très grand nombre d'examens, et, si le malade ne l'a pas au moment opportun, soit... Souvent, quand on voit un médecin, il dit: Il faut faire telle chose. Si c'est à l'hôpital, vous avez un délai de tant de mois; si c'est à la clinique, vous pouvez le faire immédiatement. Bon.

Le délai qui est encouru par le patient, s'il n'est pas en mesure de payer ? et dans certains cas c'est des frais assez élevés, hein? ? ça peut occasionner l'aggravation de sa maladie pendant ce temps-là. Ça fait qu'il peut être en congé de maladie plus longtemps aussi, et ça, c'est des frais qui ne sont pas dans la caisse de l'assurance maladie mais qui sont assumés par les citoyens.

C'est beaucoup d'inquiétude aussi. L'Institut canadien d'information sur la santé a identifié, dans les coûts non monétaires des attentes, le problème de l'évaluation et du diagnostic comme étant majeur dans l'ensemble du problème.

Et c'est aussi très injuste, M. le ministre. Je sais que les ressources sont limitées, mais c'est très injuste que, moi, je peux l'avoir, un autre ne peut pas l'avoir, uniquement pour une question d'organisation, à Montréal surtout. C'est Montréal qui est le lieu où s'est développée énormément cette pratique de faire les examens en cabinet privé. On transfère même du Département de cancérologie du sein à l'Hôtel-Dieu, on transfère, même chez les malades qui ont eu des cancers et qui sont suivis, les... Désormais, les mammographies sont automatiquement à la clinique privée. Dans ce cas-là, elles sont payées. Mais l'autre patiente qui a un diagnostic de son généraliste d'une bosse au sein puis qui veut aller plus rapidement, elle, elle va payer. C'est une situation qui est très inéquitable dans notre société. Et ce n'est pas des volumes insignifiants, là.

M. Couillard: Bien, sauf erreur, pour la mammographie dans les centres de dépistage accrédités, il n'y a pas de contribution du patient non plus.

Mme Dagenais (Lucie): Non, non, c'est ça que je dis.

M. Couillard: Mais, pour ce qui est d'échographies, un bon exemple actuellement, c'est les cliniques-réseaux, à Montréal, qu'on développe autour des hôpitaux, où l'imagerie est assurée parfois en cabinet privé mais sans frais pour le patient. Alors, je pense qu'il y a là une réponse, qui est une réponse partielle. Je suis d'accord avec vous qu'il y a des examens d'imagerie qui sont faits en cabinet actuellement.

Dr Lévesque, je voudrais juste terminer quelques minutes, parce que c'est un sujet, moi, qui m'intéresse, puis je n'osais pas l'aborder jusqu'à ce que quelqu'un le fasse pour nous hier, c'est la question de la pertinence des actes médicaux, la pertinence des interventions médicales. Je cite... Je suis très prudent, là, parce que je ne veux pas me faire accuser de toutes sortes de vilaines choses, là. M. Contandriopoulos fils est venu hier et nous a cité une étude de Colombie-Britannique, où apparemment... je voudrais d'ailleurs voir l'étude, mais ce qu'il disait, c'est qu'en Colombie-Britannique on avait constaté que 30 % des patients qui étaient opérés pour la cataracte n'avaient pas d'atteinte visuelle en préopératoire et 25 % avaient une aggravation de leur vision en postopératoire. Alors, il illustrait ça pour témoigner de la question, et c'est une question très valide qu'il a posée, parce qu'il a dit: Si vous voulez augmenter le volume d'actes médicaux, il faut augmenter l'accessibilité; comment vous allez faire pour assurer la pertinence associée à l'augmentation de volume? Et également en imagerie. D'ailleurs, vous savez très bien, en imagerie, le même problème se pose.

Comment est-ce que vous voyez ça dans votre pratique, cette question de pertinence, puis comment est-ce qu'on peut la mesurer? Ce n'est pas l'État qui va aller intervenir là-dedans, là. Il faut que ce soient les médecins eux-mêmes. Mais comment ça peut fonctionner?

M. Lévesque (Paul): Écoutez, je pense qu'on touche une question qui est vraiment fondamentale, c'est une question pour laquelle il n'y a pas de réponse bureaucratique pour remédier à ce problème-là. Je ne sais pas comment ça se passe au niveau chirurgical, les indications qui sont plus ou moins élastiques, plus ou moins relatives, mais je peux vous dire qu'en médecine générale, de par le nombre de patients qui nous sont référés de l'extérieur par des cliniciens de... en tout cas, des clients, des patients qui nous viennent de toutes sortes de provenances, il y a une proportion considérable ? je n'ai malheureusement pas de chiffres à l'appui ? qui sont des consultations qu'on pourrait qualifier d'inutiles. Alors, jusqu'à quel point ce phénomène-là... quelle proportion ça représente dans les coûts des sommes qui sont versées aux médecins à titre d'honoraires? C'est extrêmement difficile pour moi de le dire, c'est extrêmement difficile à documenter. Je ne crois pas que... Je ne suis même pas sûr que ce soit faisable de concevoir une étude qui puisse le documenter.

Comment est-ce qu'on peut faire maintenant pour remédier à cette situation dans un contexte où la demande augmente, où on met plus de fonds à la disposition des cliniciens? Je n'ai malheureusement pas de solution miracle. La seule solution en fait, c'est de compter sur l'éthique professionnelle, et puis on sait que, de nos jours, ce n'est pas quelque chose qui est particulièrement à la vogue, ce n'est pas quelque chose dont on aime parler, les questions de morale, les questions d'éthique. En général, ça ne fait pas bon ménage avec la politique. Alors...

M. Couillard: ...j'ai essayé au cours des derniers jours, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Legault): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

n(17 h 40)n

M. Charbonneau: Bien, merci, Mme la Présidente. Madame, monsieur, bon après-midi. Bien, écoutez, les raisons que vous avez expliquées à l'encontre de la brèche que le gouvernement s'apprête à faire pour les assurances privées duplicatives, c'est la raison pour laquelle on ne veut pas embarquer dans ça. Et encore une fois, ce que j'espère, puisque le ministre a accepté de modifier certaines choses en cours de route, notamment, par exemple, sur la question des cliniques spécialisées affiliées, que, si jamais il fallait aller... c'est-à-dire pour la garantie... pour l'ouverture à plus, s'il fallait le faire, ça se ferait par législation plutôt que par décret, sur l'assurance, peut-être qu'il pourrait y repenser deux fois puis se dire: Dans le fond, pourquoi on le fait? Si, puis c'est le discours qu'il tenait tantôt, s'il n'y croit pas, à l'efficacité de ça, en se disant: Dans le fond, c'est une petite brèche, il n'y a pas grand danger, inquiétez-vous pas, ça ne portera pas à conséquence, pourquoi le faire? Parce que de deux choses l'une: Si on fait quelque chose qui n'aura pas vraiment d'impact, on n'est pas obligés de le faire, mais, si on pense que ça va avoir un impact, la question, c'est qu'il faut mesurer quelle sorte d'impact ça va donner puis qu'est-ce que ça va être, les conséquences de ça. Et, moi, ce que je comprends de ce que vous nous dites, c'est que les conséquences, comme bien des groupes nous l'ont dit, puis bien des gens qui sont venus ici, les conséquences risquent d'être beaucoup plus néfastes pour le fonctionnement du système, pour le drainage des ressources humaines, pour la cannibalisation des ressources, et puis pour... et ça va créer un dysfonctionnement.

Moi, le discours, là, que, ailleurs, ils trouvent un peu ésotérique nos débats, je m'en sacre comme dans l'an quarante. Je veux dire, moi, ce qui m'importe, c'est de savoir... puis, ici, on a mis sur pied un système, il y avait des fondements philosophiques, les choix de société qu'on a faits, est-ce qu'on peut améliorer ce système-là en gardant l'essence et les fondements de ce système-là? Si la réponse, c'est oui, alors allons-y. Si la réponse, c'est non, très bien. Mais, si la réponse, c'est non, faites-nous la démonstration que c'est non. Moi, il n'y a personne qui est venu ici pour nous faire la démonstration.

Les chambres de commerce, aujourd'hui, n'ont pas fait la preuve. Ils ont sorti des chiffres qui sont toujours contestés par les gens qui se donnent la peine d'étudier les réalités. C'est la même chose, hier, pour le Conseil du patronat, présidé par l'ancien président de l'Institut économique de Montréal. Et puis tous ceux qui tiennent ce discours-là, là, je veux dire, ils ne sont pas capables de faire la démonstration qu'il y a une plus-value à ouvrir aux assurances privées. Alors, si on ne veut pas aller dans cette direction-là, puis le ministre dit: Moi, dans le fond, je ne veux pas y aller, bien, je veux dire, allez-y pas, point à la ligne, faites pas... tu sais, ne prenez pas le risque de créer une dynamique qui risque, un jour, d'être pas mal plus toxique que ce que peut donner l'impression que ce l'est actuellement.

Encore une fois, une brèche, une petite ouverture, mais une brèche qui, à un moment donné, devient un trou béant, on a un problème, là, ça peut faire couler le bateau, hein? Et je pense que... j'espère que le message que vous ajoutez à d'autres messages va finir par être entendu: Si ce n'est pas nécessaire, allons-y pas.

Alors, l'autre... Oui?

M. Lévesque (Paul): Simplement, un commentaire à rajouter là-dessus, c'est que: ou bien on le fait de façon symbolique prétendument pour obéir à un jugement de la Cour suprême, mais le problème, c'est que, si on s'engage effectivement sur cette avenue, peut-être que ce sera effectivement juste symbolique dans les années et dans les mois qui viennent, mais qu'éventuellement, pour une raison ou pour une autre, si le système public se trouve dans des difficultés beaucoup plus importantes, la tentation, à ce moment-là, sera grande de dire: Bah! «so what!», puisque, de toute façon, les gens peuvent s'assurer, puis ils s'organiseront avec leurs problèmes. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on peut ouvrir... on ouvre en quelque sorte une boîte de Pandore qui, bon, à court terme ou à l'heure actuelle, peut sembler à peu près inoffensive, mais le danger est qu'à long terme, devant des... surtout si on se trouve avec un gouvernement qui décide de couper à bras raccourcis dans les soins de santé, le prétexte pourra, à ce moment-là, être invoqué que les gens de toute façon peuvent s'assurer et puis que ça n'aura que peu d'influence sur la santé publique.

M. Charbonneau: Par rapport à ça, bon, bien, il y a la question des médecins participants et des non-participants. Vous avez donné, tous les deux, ou dit des choses un peu contradictoires. J'aimerais ça essayer de faire la conciliation, là.

Dr Lévesque, quand vous avez répondu au ministre qui vous demandait dans le fond si on peut rendre plus difficile le désengagement, vous dites: Ah! dans le fond, il s'agit juste d'appliquer la réglementation ou la loi telle qu'elle est là, et c'est une question d'audace du ministre. Moi, je pense que ? je suis en politique depuis assez longtemps ? l'audace en politique, puis de part et d'autre, ça n'a pas de rapport avec la couleur politique, là, c'est à géométrie variable, hein? Alors, l'audace, un jour, tu l'as, puis, tout à coup, pour des raisons acceptables ou inacceptables, avouables ou pas avouables, elle est disparue ou minée pas mal plus tard, et dans le fond... Et Mme Dagenais, dans sa présentation, elle, elle disait: Il faut rendre plus difficile le désengagement. Si vous dites qu'il faut rendre plus difficile, vous devez peut-être avoir une idée de comment le faire, puis, si la réponse du Dr Lévesque, c'est, dans le fond: On ne peut pas vraiment le faire autrement que par l'audace, est-ce que vous trouvez que c'est... je trouve que, là, il y a comme un danger, là, de se fier juste à quelque chose qui est pas mal aléatoire, là.

Mme Dagenais (Lucie): M. Charbonneau, ce que nous demandons dans le mémoire, c'est de réviser les délais.

M. Charbonneau: Ah bon!

Mme Dagenais (Lucie): C'est ça qui...

M. Charbonneau: Expliquez-nous ça un petit peu.

Mme Dagenais (Lucie): Parce qu'actuellement on sait que ça se fait ? c'est un médecin non participant qui en a parlé ? on peut se désengager très rapidement et revenir très rapidement. Alors, un médecin peut très bien décider d'aller faire du dépannage pendant trois mois, sur le système public, puis se réengager en revenant. Alors, c'est de cette façon-là qu'on pense qu'il faut resserrer la non-participation...

M. Charbonneau: O.K., d'accord. Là, je comprends.

Mme Dagenais (Lucie): ...que ça ait des conséquences si quelqu'un décide de devenir non-participant. Et l'autre point, on veut que les médecins non participants ne soient pas dans les mêmes cliniques que les participants.

M. Charbonneau: Oui.

Mme Dagenais (Lucie): Actuellement, on sait qu'il y a...

M. Charbonneau: Bien, cette semaine, on a eu une entreprise, propriété d'un médecin...

Mme Dagenais (Lucie): Oui. Opmedic, oui.

M. Charbonneau: ... ? c'est ça ? qui est venue, puis qui nous a avoué que, quoi, c'était 40-60, la proportion de participants, non-participants. Je veux dire, c'est la démonstration... Le ministre nous a dit à ce moment-là: Ce ne sera pas possible de... s'ils veulent avoir le statut de clinique spécialisée affiliée...

Mme Dagenais (Lucie): Si vous me permettez...

M. Charbonneau: Il n'avait pas l'air très content de ça, là. J'ai l'impression que...

M. Lévesque (Paul): Ça devrait ne pas être possible même actuellement.

M. Charbonneau: Oui, c'est ça.

Mme Dagenais (Lucie): Si vous permettez, la clinique Opmedic, elle a des médecins... elle a deux sortes de non-participants...

M. Charbonneau: Ah!

Mme Dagenais (Lucie): ...ceux qui... comme les radiologistes à la Clinique Léger, il y a des services qui sont exclus de... des services de... certains services de procréation assistée sont exclus de la couverture de l'assurance maladie. Alors, ils ont cette catégorie-là qui est très développée, et ils en ont d'autres. Mais il y a aussi les cliniques d'omnipraticiens où, quand vous appelez, on vous demande: Voulez-vous payant ou pas payant? Et ça, c'est à Montréal, à la Place Desjardins.

M. Charbonneau: Bon. Bien, en tout cas...

Mme Dagenais (Lucie): Alors, c'est ça qu'on voudrait éviter parce qu'évidemment ça brouille les cartes complètement, et c'est sûr que les listes d'attente ne sont sûrement pas les mêmes dans les deux cas.

M. Charbonneau: Oui, Dr Lévesque.

M. Lévesque (Paul): Moi, quand je disais que tout dépendait de l'audace du ministre, ce que je voulais signifier, c'est simplement que je ne crois pas qu'il soit possible d'interdire à un médecin de se désengager, mais que... Bon, c'est tout... l'audace...

M. Charbonneau: Ce que je comprends, c'est que... O.K. Là, il faut comprendre votre réponse avec ce que vient de dire Mme Dagenais, c'est-à-dire: On ne peut pas l'empêcher, mais on peut lui compliquer la vie, puis on peut rendre ça moins attrayant.

M. Lévesque (Paul): Voilà.

M. Charbonneau: Donc, on peut ajouter à l'audace du ministre la non-attraction... une non-attraction plus grande.

M. Lévesque (Paul): Ou diminuer au moins les incitatifs.

M. Charbonneau: Bon. O.K., on se comprend.

Mme Dagenais (Lucie): Et personnellement, moi, je n'ai aucune objection à ce qu'il y en ait, des non-participants, mais qu'ils assument les conséquences de leur choix. Et ça a été la position traditionnelle des organisations syndicales, entre autres. Moi, je suis un peu biaisée parce que j'ai travaillé 30 ans à la CSN ? je ne sais pas si c'est un biais, mais en tout cas...

M. Charbonneau: ...

Mme Dagenais (Lucie): Dès le départ de l'assurance maladie, on a exprimé ça très clairement, qu'on ne souhaitait pas que les gens soient forcés d'être participants, mais que, s'ils voulaient être non participants, ils devaient assumer leur choix.

M. Charbonneau: Oui. D'ailleurs, ceux qui prônent la responsabilité... Bien, la responsabilité, c'est d'assumer aussi les choix qu'on fait, là, hein?

Moi, il y a une chose que... En tout cas, je ne sais pas comment vous... J'aimerais ça qu'on aille un petit peu plus loin, parce que le ministre a essayé de donner une espèce d'assurance tantôt en disant: Bon, bien, par exemple ? la discussion avec le Dr Lévesque, sur l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont ? si votre hôpital, avec le budget qu'on va lui donner, considère qu'il n'a pas besoin de cliniques, très bien, on va lui demander des comptes, on va vérifier le rendement pour voir si finalement votre centre ambulatoire, que vous pourriez peut-être améliorer avec le budget, va être performant comme une autre... Mais le problème, c'est que... là, on nous dit qu'il n'y en aura pas beaucoup, de cliniques. Donc, l'hôpital en question, là, si on veut que les cliniques soient acceptées, il y a quelqu'un qui va les agréer. Le quelqu'un, ce ne sera pas un hôpital, ça va être le ministère, probablement le gouvernement, une agence, mais probablement le gouvernement. Il va y avoir... Donc, qu'est-ce qui va arriver, là? Dans les faits, il va y avoir peu de cliniques. Et, si on veut que ces cliniques fonctionnent, là, ce qui va arriver, c'est que plusieurs hôpitaux vont se mettre ensemble, ce ne sera plus juste la décision des dirigeants de votre hôpital, ça va être la décision de plusieurs.

n(17 h 50)n

Et est-ce que, vous qui êtes du Groupe de réflexion sur le système de santé, est-ce que vous considérez que ce choix-là ou cette décision-là doit revenir à des administrateurs ou que ça devrait être un choix politique, donc de gens qui ont finalement un mandat des citoyens de prendre cette décision-là? Parce qu'en bout de piste, là, si on va dans cette direction-là puis qu'on laisse croire que ça va être des administrateurs localement puis peut-être qu'ils n'iront pas dans cette direction-là, bien, je veux dire, de deux choses l'une: ça va être possible puis on va peut-être vouloir y aller. Puis qui va décider sur quelle base? Puis ça va-tu vraiment se faire hôpital par hôpital?

M. Lévesque (Paul): Moi, je suis d'avis que ces décisions-là doivent être des décisions politiques parce que les politiciens doivent répondre d'abord devant la population de leurs choix et de ce qu'ils font et, bon, ce sont des... Comme je parlais de l'hôpital... je disais, dans ma présentation tantôt, que l'on parlait de l'Hôpital Maisonneuve. Évidemment, ce ne sont pas tous les hôpitaux qui ont le même genre de centre ambulatoire. Mais, en fonction des caractéristiques d'une population donnée, en fonction des ressources qui existent déjà, je pense qu'il faut prendre la décision la plus rationnelle possible et puis je pense que ça doit être une décision politique.

M. Charbonneau: Juste pour qu'on se comprenne bien, là. Il y en a un, centre ambulatoire dans votre hôpital, puis, dans le fond, comme un certain nombre d'autres au Québec qui ont été installés, il n'est pas vraiment, là, opérationnel... c'est-à-dire, il n'opère pas ou il ne fonctionne pas comme il devrait fonctionner.

M. Lévesque (Paul): Bien, c'est-à-dire, c'est comme le reste de l'hôpital, là, ce n'est pas juste le centre ambulatoire. Dans ma perspective à moi, bon, l'hôpital lui-même, en général c'est réservé aux chirurgies plus lourdes, mais tout ce qu'on appelle chirurgies d'un jour, ce pourrait être fait dans le centre ambulatoire. Mais le centre ambulatoire étant ce qu'il est, étant soumis au même mode de fonctionnement qui a été traditionnel dans l'hôpital, si on veut, ça fonctionne de 9 à 5. Alors donc, souvent, c'est telle ou telle salle d'opération qui est fermée pour toutes sortes de raisons, parce que la fin de l'exercice financier arrive, on n'a pas de budget pour l'ouvrir, et ainsi de suite. Alors, si on est pour mettre de l'argent dans le système pour rendre disponibles des chirurgies d'un jour, pourquoi ne pas donner le budget nécessaire à l'hôpital pour qu'il puisse le faire?

M. Charbonneau: Autrement dit, pour que les établissements utilisent ce budget-là et fonctionnent différemment dans leurs centres ambulatoires que dans...

M. Lévesque (Paul): Écoutez, je ne suis pas administrateur, ce n'est pas moi qui ai à dealer avec les syndicats d'employés, avec les horaires de travail à gérer, et toute cette question-là, mais à mon avis il n'y a aucune raison pour laquelle ça ne pourrait pas se faire.

M. Charbonneau: Le ministre, lui... Mme Dagenais, peut-être que vous avez des... Il me souffle à l'oreille... je veux dire, dans le fond... Est-ce que les empêchements sont des empêchements d'ordre de convention collective, puis d'organisation du travail, puis syndical ou bien si c'est autre chose?

Mme Dagenais (Lucie): Absolument pas de convention collective, premièrement, parce que la convention collective prévoit le nombre d'heures et comment elles doivent être planifiées, mais ne prévoit pas les horaires. Il y a toutes sortes d'horaires dans les hôpitaux. Deuxièmement, les employés ont intérêt à ce que leur hôpital marche. Ils ne sont pas intéressés à paralyser l'hôpital. Je trouve qu'il y a des propos qui sont tenus qui donnent l'impression que les syndicats, c'est juste des emmerdements dans les hôpitaux. Il y a un problème là-dedans, là. Et il y a toutes sortes de façons... C'est sûr que, si on demande aux gens qui sont là, un jour donné, de faire du temps supplémentaire... Ce n'est pas toujours facile d'ajuster sa vie personnelle, on parle beaucoup de conciliation travail-famille, et il n'y a pas juste des gens qui ont des familles, d'ailleurs, qui ont des choses à concilier. Il faut qu'il y ait une planification.

Moi, quand j'étais infirmière, à la salle d'op, il y avait deux chiffres: on faisait du 8 à 4, puis il y avait du 10 à 6. Les cas de fin évidemment, il y avait des gens qui étaient là à la fin de la journée ordinaire. Dans les salles de radiologie, c'est complètement transformé. L'hôpital que je fréquente le plus, là, parce que j'ai beaucoup de proches qui sont malades... En radiologie, à l'Hôtel-Dieu de Montréal, il y a du travail le soir. Les syndicats n'ont pas du tout empêché ces choses-là. C'est vraiment, je trouve, de la démagogie de dire que ce sont les syndicats qui empêchent de mieux fonctionner quant aux horaires de travail dans les hôpitaux.

M. Charbonneau: C'est-à-dire que, si on utilisait des fonds qu'on veut utiliser pour acheter des services dans une clinique privée affiliée, si on les utilisait pour permettre à ce que les facilités techniques soient disponibles plus longtemps, ce n'est pas les conventions collectives puis l'organisation actuelle du travail qui empêcheraient justement d'aller chercher la fonctionnalité nécessaire.

Mme Dagenais (Lucie): Absolument.

M. Charbonneau: Parce que ça...

M. Lévesque (Paul): Je n'ai pas d'opinion là-dessus.

Mme Dagenais (Lucie): Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des gens qui vont s'objecter. Ça, c'est une autre chose. Mais ce n'est pas la convention collective qui va empêcher de faire des horaires mieux ajustés aux besoins. Et ça se fait. Ça se fait.

M. Charbonneau: Mais là, de toute façon, il y a une chose. Moi, je ne suis pas non plus un spécialiste, mais de deux choses l'une: tant mieux si c'est vrai, ce que vous dites, puis, si jamais il y avait des problèmes, bien là, à quelque part, ça va être le moment de vérité. C'est-à-dire que tu ne peux pas, comme monde syndical, tenir un discours contre puis avoir par la suite des blocages ou des comportements qui bloqueraient dans le fond le fonctionnement d'une utilisation additionnelle plus efficiente de l'installation publique. C'est de deux choses l'une: si tu veux que le public fonctionne puis si tu plaides pour le public, il faut que le public soit opérationnel, puis, à quelque part, il faut qu'on adapte l'organisation du travail pour que ça se fasse. Tant mieux si actuellement c'est possible. Moi, je ne sais pas, je ne les ai pas lues, les conventions collectives, ce n'est pas ma spécialité, mais c'est clair qu'il y a comme une... à quelque part, tout le monde a une responsabilité. On ne peut pas interpeller le Conseil du patronat et la Fédération des chambres de commerce pour les remettre devant leurs contradictions puis ne pas faire la même chose si jamais c'était l'obligation pour le monde syndical. Tout le monde va devoir livrer la marchandise, hein? Tu ne peux pas tenir un discours puis faire le contraire sur le terrain.

En tout cas, moi... en tout cas, vous connaissez ça plus que moi. Vous nous dites qu'il n'y a pas de problème, tant mieux. Mais c'est clair que ce ne serait pas acceptable publiquement qu'on accepte d'aller dans la direction que vous proposez puis que, par la suite, on se rende compte qu'il y a des problèmes et que ça aurait été plus souple d'utiliser les cliniques privées affiliées, puis que dans le fond on ne l'a pas fait pour un choix, puis, en bout de piste, ça ne marche pas parce qu'il y a du monde qui s'organise pour que ce soit trop lourd, trop compliqué, puis... Alors là, tout le plaidoyer, je veux dire, des gens qui proposent les cliniques privées affiliées, bien elles seraient justifiées puis, à ce moment-là, confirmées. À quelque part, il y a du monde qui vont devoir aussi livrer la marchandise de leurs propres propositions, on s'entend.

Mme Dagenais (Lucie): Et tout le rattrapage qui a été fait en radiologie, M. Charbonneau, ça a été fait avec la collaboration des syndicats qui ont modifié considérablement la pratique qu'ils avaient des heures de travail.

M. Charbonneau: Juste une... en fait, une demande, puis je ne pense pas que vous ayez la réponse aujourd'hui, mais c'est plus... Je ne sais pas si vous avez entendu le Dr Hébert tantôt avant vous, ce serait bien qu'un groupe de réflexion sur le système de santé s'intéresse à la proposition de la caisse santé, comme il l'a fait, parce que dans le fond le débat n'est pas terminé. Vous avez choisi de ne pas trop aborder cette question-là, mais je crois que ça vaudrait la peine que votre groupe s'intéresse aussi à cette proposition-là dans le sens où ça nous a été exposé, là. Il n'y a pas beaucoup de gens qui sont venus nous en parler dans ces termes-là jusqu'à maintenant, et ça vaudrait la peine, pour la suite des choses, que ceux qui s'intéressent justement au système de santé, à sa pérennité, puissent accorder un intérêt et de l'attention à cette question-là.

M. Lévesque (Paul): Cette proposition m'a semblé particulièrement intéressante, effectivement, parce que c'est un fait que les gens sont disposés à payer plus pour les soins de santé. S'ils sont disposés à acheter de l'assurance privée, pourquoi ne le mettraient-ils pas dans un système public?

M. Charbonneau: Je pense que ce serait une bonne contribution du groupe de réflexion.

M. Lévesque (Paul): Absolument.

Mme Dagenais (Lucie): Et surtout que...

La Présidente (Mme Legault): Merci beaucoup, Mme Dagenais, Dr Lévesque. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de cette commission. Et je suspends nos travaux jusqu'à 20 heures. J'informe mes collègues qu'ils peuvent laisser leurs documents dans cette salle en toute sécurité. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

 

(Reprise à 20 h 5)

La Présidente (Mme James): Bonsoir. Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette session de la Commission des affaires sociales sur la consultation générale et auditions publiques sur le document concernant les services de santé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Je souhaite la bienvenue à nos invités de Médecins pour l'accès à la santé. Docteur, bonsoir. Je vous rappelle que vous aurez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Ensuite, nous procéderons à une période d'échange d'une part avec le côté ministériel et ensuite avec l'opposition officielle. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter ainsi que le monsieur qui vous accompagne. La parole est à vous.

Médecins pour l'accès à la santé

M. Constantinides (Prometheas): Oui, bonsoir. Merci de nous recevoir à la commission. Je m'appelle Prometheas Constantinides. Je suis médecin psychiatre à l'Hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, à Montréal, et porte-parole du groupe Médecins pour l'accès à la santé. À ma gauche, Dr Turcotte, qui est médecin résident en chirurgie générale à l'Université de Montréal, qui est porte-parole aussi du groupe et coordonnateur.

Alors, peut-être vous présenter dans un premier temps le groupe Médecins pour l'accès à la santé, qui est un nouveau groupe indépendant d'une centaine de médecins de diverses régions du Québec qui comprennent des généralistes, des spécialistes, des universitaires, des médecins de la Santé publique et des médecins aussi en formation. On compte aussi un certain nombre de chercheurs dans notre groupe. Notre groupe s'est formé dans la foulée, là, du jugement Chaoulli et a pour mandat de proposer des solutions concrètes et équitables aux délais d'attente.

On vous présente donc aujourd'hui des solutions qui sont le fruit de nos recherches, de nos travaux et aussi de notre expérience de terrain comme vous allez voir, et ce sont des solutions qui ont déjà fait leurs preuves tant ici, au Québec, qu'ailleurs au Canada pour améliorer l'accessibilité aux soins.

Alors, sans plus tarder, et comme la commission a déjà vu défiler un grand nombre de participants, on va passer rapidement sur certains aspects pour pouvoir se concentrer sur d'autres qui ont été peut-être un peu moins abordés. Notre groupe partage les principes généraux d'équité, d'efficience et de qualité mis de l'avant par le gouvernement. Nous sommes d'accord avec le consensus qui se dégage, à savoir, d'une part, qu'il faut maintenir l'étanchéité entre les médecins participants et non participants, d'autre part, que l'assurance privée duplicative n'est pas une solution valable aux problèmes d'accessibilité et enfin qu'il faut continuer à renforcer la première ligne articulée autour des CSSS, des groupes de médecine familiale et des cliniques-réseaux. Alors, là-dessus, on s'entend.

Aujourd'hui, on aimerait peut-être se concentrer davantage sur les délais d'attente en santé, et particulièrement en chirurgie, puisque le livre blanc nous convie un peu à regarder ces trois aspects-là. On va faire un diagnostic un peu sommaire de la situation, mais, lorsqu'on regarde l'évolution du système de santé ces 15 dernières années, on constate d'une part que les technologies modernes permettent de plus en plus de réaliser des chirurgies courantes d'un jour en dehors des blocs opératoires traditionnels.

Toutefois, ce qu'on remarque aussi, c'est que le système public, pour différentes raisons et différentes contraintes qui ont été abordées durant la commission, a eu de la difficulté à s'adapter à ce tournant jusqu'à un certain point, de sorte qu'il s'est créé une congestion dans le bloc opératoire principal des hôpitaux ? si on veut, les chirurgies majeures, mineures, urgentes et électives sont entrées un peu en conflit ? de sorte qu'il y a plusieurs chirurgiens qui, face à cette absence de délocalisation des soins de l'hôpital vers l'extérieur ? finalement, c'est comme si le virage ambulatoire en chirurgie avait été incomplet, hein ? se sont tournés vers des cliniques privées de leur propre chef ? on pense en particulier à l'ophtalmologie, à l'orthopédie ? donc se sont tournés vers des cliniques privées.

Mais ce sont des médecins participants qui ont donc offert des soins en mode ambulatoire mais où ils ont demandé aux patients au fond des frais accessoires ? bon, ça a été mentionné à plusieurs reprises dans cette commission ? alors que ce sont généralement des opérations qui sont couvertes entièrement à l'hôpital. Ces frais peuvent comprendre effectivement les médicaments, le tarif horaire pour financer l'utilisation d'appareils coûteux, etc. Par exemple, en 2005, pour une procédure arthroscopique du genou de 30 à 40 minutes, on pouvait demander jusqu'à 300 $ par tranche de 10 minutes. Alors, si on fait un calcul rapide, là, on monte à certainement 1 000 $ et parfois plus pour ce genre d'opération là.

n(20 h 10)n

Alors, comme le système public n'a pas pris le virage ambulatoire au niveau de la chirurgie de façon complète, ça a amené un phénomène que, nous, on a appelé la privatisation passive ? ça n'a pas été décidé en tant que tel, mais c'est ce qui s'est passé ? où le patient finalement est mis devant un dilemme: au fond, il peut attendre plusieurs mois pour être opéré à l'hôpital ou alors payer des frais accessoires supplémentaires pour être vu rapidement à la clinique du coin.

Alors, face à ces délais d'attente qui ont été créés dans ces circonstances-là, notre groupe propose trois axes de solution. Le premier axe, qui a été discuté ici de façon très éloquente, je pense, par le Dr Bolduc et par l'équipe de M. Contandriopoulos, c'est d'améliorer les délais d'attente et d'améliorer en les gérant mieux finalement, de travailler de façon innovatrice et moderne à mieux gérer ce qui, de premier abord, semble compliqué. En fait, on a démontré qu'en centralisant par hôpital et par région et en révisant régulièrement les listes d'attente on pouvait les faire d'une part réduire de façon considérable. On a fait l'expérience, particulièrement à l'Hôpital Louis-H.-Lafontaine où je travaille, qu'un simple coup de fil permet de se rendre compte que certains patients, là, n'ont plus besoin d'intervention, qu'ils l'ont déjà reçue ailleurs, qu'ils ne la veulent plus ou même qu'ils ne savent même pas qu'ils sont sur la liste d'attente, là. Ça, c'est quelque chose qui est courant, là.

À Louis-H.-Lafontaine, bon, c'est là que je travaille, et j'aimerais peut-être vous partager l'expérience qu'on a faite récemment. On avait plusieurs cliniques externes de psychiatrie de secteur avec chacune leur liste d'attente. Et récemment on a donc créé un guichet unique avec une centralisation récente des listes d'attente, et ça, ça a permis de faire passer notre liste d'attente de 465 patients à 175 patients, donc une réduction de 62 %. Et, quand on mentionne ça, ça veut dire qu'on a fait ça en rajoutant uniquement un équivalent de poste infirmière à temps plein. Donc, la réorganisation simplement: le déplacement d'effectifs, la création d'un guichet unique et la révision régulière des listes d'attente nous a permis de réduire de façon très considérable nos listes d'attente.

Cette diminution-là, ce n'est pas juste une diminution sur papier. Ce n'est pas une diminution théorique, là. C'est parce qu'en fait on évite les fameuses cases vides et le gaspillage des ressources, parce qu'un patient qui ne se présente pas, c'est des ressources qui sont perdues à jamais. Par exemple, on a dénoté une clinique à Halifax, dans une étude, là, canadienne, qui montrait qu'un taux de 10 % de rendez-vous perdus dans une clinique de radiologie, ça équivalait à une perte de 1 400 échographies par année. Ces écographies-là sont payées par le contribuable, parce que le radiologiste est sur place, parce que le technicien est sur place, parce que les appareils sont payés. Bon. Alors, au fond, une meilleure gestion de la liste d'attente permet aussi une meilleure utilisation, une utilisation plus efficience des ressources. Bon.

Il est aussi possible de réduire les délais d'attente par une réorganisation plus stratégique des soins, puis ça, on peut le voir aussi dans le cas du cancer du sein. Au lieu au fond qu'une patiente qui doit passer une mammographie et qui, dans le cas échéant, aurait peut-être une bosse au niveau du sein doive passer une biopsie, doive attendre donc deux fois, on pourrait simplement faire ces deux interventions-là au besoin le même jour, lors du même rendez-vous. Au fond, théoriquement, on n'utilise pas plus de ressources, mais on diminue par contre le temps d'attente, hein?

L'autre façon de faire effectivement et que, nous, en psychiatrie, on connaît bien, c'est le travail en équipe multidisciplinaire. Au fond, au lieu qu'un médecin voit un patient et uniquement que le médecin prenne en charge les patients et qu'il consulte au besoin d'autres professionnels, c'est qu'une équipe au complet prend en charge le patient. Ce qui fait que plusieurs études ont montré, par exemple aux États-Unis, qu'un médecin qui travaille en équipe multidisciplinaire peut voir jusqu'à six fois plus de patients, peut prendre en charge jusqu'à six fois plus de patients. Donc, c'est ce genre de modèle là, de réorganisation là qui nous permettrait au fond aussi sans doute de faire diminuer les délais d'attente.

L'autre axe de solution qu'on aimerait aborder, c'est la fameuse existence donc, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, de médecins participants au régime, l'assurance maladie du Québec, mais qui demandent des frais accessoires et qui ont créé donc un certain nombre de cliniques privées où il se fait de la chirurgie ambulatoire. Ce qu'on propose au fond, c'est de mieux les intégrer. Ils existent, les ressources sont là, et au fond le fait que les patients doivent payer pour ces frais accessoires, ça pose un problème, d'une part, d'équité, et, d'autre part, on n'arrive pas à tirer le plein potentiel de ces cliniques-là. Alors, ce qu'on dit, nous, au fond, c'est qu'avant de penser construire de nouvelles infrastructures, avant d'investir dans du béton, il nous semblerait avantageux d'utiliser les ressources qui sont en place.

Et ça, ce n'est pas théorique, là. Ça s'est fait au Canada. Il y a un exemple très patent à Winnipeg: la Clinique Pan Am qui était une clinique, bon, une grosse clinique, une polyclinique de chirurgie, qui était privée et qui a été récupérée par le gouvernement manitobain, qui est devenue publique. Et ça s'est fait de façon très compétitive. Ça a permis au fond d'utiliser la marge de profit qui était utilisée par la clinique privée auparavant, de la réinvestir dans l'équipement de cette clinique-là. Donc, au fond, cet exemple-là montre qu'on peut intégrer ce qui est le fruit de la privatisation passive des dernières années.

Notre troisième axe de solution. Au fond, si une meilleure gestion des délais d'attente ne nous permet pas d'arriver à des listes d'attente qui sont raisonnables et si en plus l'intégration des cliniques qui sont déjà existantes ne nous permet pas d'arriver à nos fins, ce qu'on propose à ce moment-là, c'est de créer effectivement des centres ambulatoires ? un peu sur le modèle de ce qui existe à Maisonneuve-Rosemont ? qui nous permettraient au fond de diriger un volume de patients à faible risque chirurgical en dehors des blocs traditionnels pour libérer du temps pour la chirurgie majeure et en même temps accélérer les interventions pour la chirurgie dite d'un jour. Ce genre de centre là aurait pour avantage de ne pas limiter les interventions uniquement à un type d'intervention, comme la cataracte ou comme le genou, mais de permettre toutes les chirurgies, tous les genres de chirurgie ambulatoire. Donc, c'est beaucoup plus polyvalent.

Ce même genre de centre là aussi, bon, affilié à un hôpital permet au fond de continuer à faire l'enseignement, de s'inscrire dans les structures d'enseignement qui existent déjà et de continuer à faire l'évaluation de la qualité des soins de la même façon que c'est fait actuellement. Aussi, les chirurgiens qui travailleraient dans ce centre-là pourraient continuer à avoir la responsabilité des patients hospitalisés et à faire leurs tâches nécessaires comme les gardes, les activités d'enseignement, etc.

Je terminerais ma partie en disant que ce genre de centre là existe aussi ailleurs au Canada, et on note l'exemple à Toronto, là, du Trillium Queensway Surgicenter, qui est un gros centre, et qui fonctionne avec 20 000 chirurgies par année, et qui est entièrement public, et qui est très efficient.

À ce stade-ci, je laisserais Dr Turcotte continuer.

La Présidente (Mme James): Alors, Dr Turcotte.

M. Turcotte (Simon): Alors, bonsoir à tous. Merci, Dr Constantinides. Je continuerai en formulant une critique de ce qui nous semble rester à débattre au cours de cette commission, soit les cliniques spécialisées affiliées telles que proposées. Il faut voir à l'analyse si le triple mécanisme de clinique spécialisée affiliée, contractualisation et temps d'attente garanti représente un avantage tant du point de vue de l'organisation des soins que des coûts. Ce qu'on propose ici, ce qui était proposé dans le livre blanc puis s'est précisé dans les travaux, c'est... Dans le fond, la métaphore est celle d'une usine de cataractes dont les exigences de rentabilité demandent que des contrats d'une durée de sept à 10 ans soient conclus et que la clientèle y soit dirigée par des garanties de soins, des garanties d'accès qui sont en réalité des garanties de volumes d'actes chirurgicaux pour l'entrepreneur en question.

Donc, j'en formulerai une critique en quatre temps. Le premier d'abord pour le choix de la procédure qui semble s'être limitée, comme je disais, à la cataracte. Comme les ophtalmologistes vous l'ont rappelé dès le début de cette commission, c'est un problème qui est en partie réglé, surtout dans la région montréalaise. Il existe en ophtalmologie d'autres problèmes de santé où le délai avant d'être traité a des conséquences plus sérieuses ? on parle des gens qui deviennent aveugles quand ils ont une rétinopathie diabétique, le glaucome, etc. ? et c'est surtout qu'il existe plusieurs autres chirurgies, plusieurs autres procédures qui peuvent être réalisées en mode ambulatoire et qui concernent la population active, comme la cure de hernie inguinale, la cholécystectomie par laparoscopie, les opérations des tunnels carpiens. Alors, ceci remet en question de miser préférentiellement sur des centres monovocationnels, en particulier sur une usine à cataractes.

Le deuxième point de cette critique porte sur la contractualisation sur une période de 10 ans, ce qui est exigé par les exigences de rentabilité pour l'entrepreneur. Cette façon de faire apparaît incompatible, parce que trop rigide, avec l'organisation des soins de santé et la pratique médicale, qui a affaire à des variables éminemment dynamiques: les listes d'attente fluctuent à travers le temps, les priorités changent, la hiérarchisation de ces priorités-là, le personnel change, les traitements changent, la technologie évolue, les indications opératoires changent. Alors, acheter des soins par contrat peut certainement être utile dans certaines circonstances. On l'a rappelé à quelques reprises, que, par exemple, quand on a fait traiter des patients en radio-oncologie à Plattsburgh, ça a permis, pendant un certain temps, d'aménager des choses dans le système public. Mais la solution Plattsburgh sur 10 ans ne nous apparaît pas comme un modèle nécessairement avantageux sur le plan de l'organisation des soins.

n(20 h 20)n

Alors, nous vous demandons alors qu'est-ce que la rigidité des contrats conclus viendrait introduire de meilleur en termes d'organisation des soins et de pertinence des soins de santé au Québec.

Troisième point, c'est en ce qui a trait aux coûts. Bien que nous ne soyons pas des économistes de la santé comme la majorité des gens dans cette salle, je pense que c'est relativement facile de comprendre que l'achat d'un lot de soins dans une clinique, la facture doit comprendre l'amortissement d'un équipement acheté à plus haut taux d'intérêt que si c'était acheté par les fonds publics, le gouvernement, il faut payer un nouveau palier d'administrateurs, il y a une partie du risque financier qui doit être négociée aussi, la marge de profits à dégager pour le retour sur... le retour à l'investisseur doit être épongé, pour les actionnaires aussi si l'entreprise est cotée en bourse. Donc, pour ces raisons et un ensemble d'autres raisons, en Grande-Bretagne, en 2004, les soins qui étaient achetés dans l'équivalent des CSA là-bas coûtaient 50 % plus cher. C'est ce qui était rapporté dans le Financial Times.

Comme on propose ici d'établir des contrats sur 10 ans, on risque en plus de perdre la flexibilité qui est voulue de payer plus cher les interventions que si on avait investi dans le système de façon plus cohérente et flexible. La démonstration en cette commission parlementaire n'a pas été faite que d'investir de cette façon-là est une façon avantageuse sur le plan des coûts.

Enfin, pour terminer cette critique, lorsqu'on veut introduire dans l'économie du système de santé une forme de commercialisation des soins chirurgicaux, on ne peut pas faire abstraction des règles de commerce qui nous lient particulièrement aux États-Unis. Selon les règles habituelles de la concurrence, les entreprises américaines pourraient avoir droit au même traitement que les entreprises locales et éventuellement bénéficier des mêmes subventions. Il nous semble que tout dans ce domaine incite à la prudence et demande à ce que les nouvelles initiatives en santé demeurent explicitement hors ententes de commerce.

Alors, la question à notre avis reste entière: Pourquoi aller dans la direction la plus difficile, celle qui risque de nous détourner, de détourner des ressources pendant des années de la mise en place de solutions éprouvées qu'on a invoquées au début de cette présentation, solutions qui sont constructives et tournées vers l'avenir, qui tiennent compte de l'évolution de la pratique médicale?

Et en conclusion j'aimerais d'abord rappeler les deux mises en garde que nous voulions faire aux parlementaires ce soir: d'abord, que liste d'attente ne signifie pas qu'il y a un problème de capacité dans le système de soins, ce n'est pas une équation à sens unique; que, même si le financement reste public ? on est tous d'accord sur cette question-là ? toutes les formes de privatisation de la prestation médicale ne sont pas égales et que certaines sont certainement à éviter.

Finalement, nous pensons que le gouvernement aurait avantage à faire en sorte que le patient soit couvert pour des traitements médicalement requis lorsqu'ils sont pratiqués hors l'hôpital, conformément à l'évolution de la pratique médicale, et, en ce faisant, mettre fin au développement passif d'une deuxième vitesse à l'intérieur du système public où les soins sont devenus en partie payants. Merci.

La Présidente (Mme James): Alors, merci beaucoup. Nous débuterons notre premier bloc d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Drs Constantinides et Turcotte, pour votre présentation. Je dois vous dire qu'on n'aura pas beaucoup d'arguments; moi, je suis d'accord avec la quasi-totalité des recommandations que vous faites. Il y a quelques points à clarifier cependant de toute évidence.

Lorsque vous dites: Surveillance intégrée des délais d'attente, vous avez entièrement raison, c'est ce qu'on propose, la gestion centralisée de l'attente, de l'approche personnalisée. Et ce que vous avez mentionné sur la vérification des listes d'attente à Louis-H.-Lafontaine se vérifie tous les jours. Je ne sais pas si vous étiez là aujourd'hui, je racontais l'histoire d'un collègue de l'Assemblée nationale qui a reçu un téléphone, dans le cadre de cette vérification, de son hôpital, où il a appris qu'il était sur une liste d'attente depuis deux ans pour une chirurgie à l'épaule, ce dont il n'avait absolument aucune idée lui-même. Pas au courant de ça, là.

Alors, effectivement, il y a des gens qui sont véritablement en attente de soins puis il y a aussi des gens qui ont déjà été opérés, qui sont en attente sur plusieurs sites à la fois, qui ne veulent plus être opérés et qui sont comptabilisés quand même dans les listes d'attente. Donc, il n'y a pas de possibilité de vraiment agir sur un problème qu'on ne mesure pas correctement. Donc, c'est une condition sine qua non.

L'autre chose, c'est que ? Dr Turcotte qui est un résident en chirurgie, là ? ça nécessite que les médecins confient la gestion de la liste d'attente centralisée à l'établissement. Ça veut dire que les listes d'attente dans les poches de sarraus, qu'on promène à gauche à droite, qu'on agite des fois sous le nez des administrateurs, ça ne peut plus fonctionner comme ça. Et je pense que c'est important de le répéter parce qu'effectivement, vous avez raison, il y a eu des succès importants et intéressants depuis quelque temps au Québec, notamment la chirurgie de la cataracte; c'est un très bon exemple où le temps d'attente, à Montréal, s'est réduit du deux tiers littéralement. Personne n'aurait cru ça possible il y a trois ans, là, on l'a réalisé. Donc, surveillance intégrée des délais d'attente, définition de ce que c'est, l'attente, mesure, validation, vous avez entièrement raison.

Renforcement de la première ligne, on est là-dedans avec les groupes de médecine de famille, les cliniques-réseaux, vous savez qu'il y en a 12 déjà à Montréal, on en prévoit 32. Il y en a une que je suis allé inaugurer au Lakeshore, il y a quelque temps, puis une autre en Montérégie, la première en Montérégie, où je vais aller dans quelques jours. Alors, c'est une belle formule, ça, d'accessibilité puis c'est tout à fait gratuit pour les patients. On est là aussi.

Miser sur le développement de centres de chirurgie ambulatoire publics. D'accord. Je ne sais pas si vous étiez là tantôt quand Dr Lévesque est venu. On a dit que les cliniques affiliées, personne ne serait obligé d'en faire. Ils sont obligés de donner les résultats, par exemple. On verra s'ils sont capables, par exemple. Si l'hôpital décide de ne pas utiliser l'outil qui est à sa disposition qu'est la clinique affiliée, dit qu'il est capable de livrer les résultats, il faut qu'il livre. Parce que sinon, si l'hôpital voisin qui a utilisé l'outil le fait et livre les résultats, on va demander des comptes, le contribuable va demander des comptes également. Et il y a peut-être certaines rigidités internes aux organisations hospitalières qui vont rendre ça assez difficile. On le verra.

C'est un défi qu'on va lancer également au réseau public, de continuer sur la lancée de ce qui a été accompli pour les cataractes, par exemple, et de montrer qu'ils sont capables, en maximisant l'utilisation de leur ressources, en ouvrant les salles d'opération plus longtemps. Moi, je n'ai pas de problème avec ça, l'argent qu'on met, le 20 millions qu'on met, s'ils veulent l'utiliser pour ouvrir la salle d'opération jusqu'à six heures le soir ou même opérer certains jours non ouvrables, je n'ai aucun problème, aucune difficulté avec ça. Il va falloir le faire, par exemple, puis vous allez voir que ce n'est pas simple dans le cadre d'une organisation si lourde parfois qu'est un grand hôpital spécialisé.

Mieux intégrer les cabinets privés déjà existants. Vous avez parlé des frais accessoires. Effectivement, c'est un problème... bien un problème, un fait qui est répandu depuis longtemps. Ce n'est pas nouveau, hein, ça fait des années que c'est comme ça. Et le mode de clinique affiliée signifie aucuns frais accessoires. Alors, moi, je veux bien prendre en charge les frais accessoires, comme État gestionnaire des fonds publics, en autant que la clinique entre en relation formalisée avec l'État puis le système de santé, s'assujettit à des normes de qualité, ça veut dire agrément, ça veut dire contrôle de l'acte médical, ça veut dire engagement sur les résultats en termes de nombre de chirurgies, par exemple. Ça, je n'ai aucun, aucun problème avec ça.

Éviter les formes de prestations dommageables pour le système de santé. Là, vous parlez de clarification pour les cliniques spécialisées affiliées. Il y a eu plusieurs clarifications qui ont été données dans cette clinique. D'abord, il n'est pas prescrit que ça doit être juste des cataractes, on n'a jamais marqué ça nulle part. Les gens peuvent choisir ce qu'ils veulent faire là. En général, ça va être de la chirurgie d'un jour. Si les ophtalmologues veulent déposer un projet, Dr Constantinides, pour faire de la chirurgie de glaucome ou de la rétinopathie diabétique, traitement au laser, qu'ils le fassent, mais qu'ils démontrent le problème d'accessibilité, la façon d'y arriver pour dégager justement, comme vous le dites, les structures plus lourdes à l'hôpital, pour faire plus de chirurgies de hanche et genou puis arriver au résultat de la garantie de soins.

Puis sur la question des cliniques affiliées, il y a toujours quelque chose qui me fait sourire, puis c'est arrivé à plusieurs reprises dans cette commission parce que les gens, ils parlent beaucoup de l'expérience britannique et de l'expérience albertaine récente pour la diminution des temps d'attente pour la hanche et le genou justement, et souvent ces personnes qui nous parlent de ces expériences oublient de mentionner, souvent parce que ce n'est pas connu, qu'en Angleterre, par exemple, 15 % des chirurgies qui ont été faites pour arriver à la garantie de services ont été faites dans les modes style clinique affiliée et qu'en Alberta également l'expérience pilote sur la hanche et le genou a été faite également en grande partie dans des chirurgies privées financées par le public.

Ça me pose des questions, je dois dire. Je suis surpris qu'un concept aussi simple, élémentaire qu'est la prestation publique, payeur public, équité totale sociale, aucune variation d'accès selon le revenu, fasse l'objet de tant de débats alors que c'est quelque chose qui est normal dans le monde entier. On serait comme les seuls au Québec à ne pas avoir le droit d'imaginer quelque chose comme ça.

M. Constantinides (Prometheas): J'aimerais peut-être répondre à ce point-là parce qu'au fond, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut aller au-delà des clivages privé-public. Ce que l'on dit, c'est qu'il y a plusieurs formes de prestations privées et ce que l'on dit, c'est qu'il y en a certaines qu'il faut sans doute favoriser par rapport à d'autres. Mais ce n'est pas une question idéologique ni dogmatique certainement. Ce n'est certainement pas notre tasse de thé. Nous, ce qui nous importe, c'est de bien utiliser l'argent à bon escient. Au fond, c'est comment on peut maximiser des ressources qui sont quand même limitées. Nous, c'est ça qui nous intéresse.

n(20 h 30)n

Et ce qu'on a constaté en faisant nos recherches, en lisant des études, en regardant les expériences canadiennes et québécoises, c'est que, dans le système public, il y a des façons de faire qui nous permettent au fond de donner des soins qui sont excellents aux patients et qui ne nous coûtent pas les yeux de la tête. Et ce qu'on regarde, c'est que, par exemple, faire un contrat avec une clinique privée, d'un an, ce n'est pas la même chose que de faire un contrat sur sept à 10 ans, hein, ça ne nous amène pas dans le même genre de rapport. Sept à 10 ans, là, la pratique médicale évolue, les problèmes évoluent, ce n'est pas les mêmes... Un jour, c'est la cataracte, demain matin, c'est la rétinopathie diabétique. Ça amène une structure de soins qui n'est certainement pas assez flexible et ce qu'on dit...

On n'est pas contre qu'il y ait des contrats, mais ce qu'on dit, c'est que, si on est pour faire ça, il faut d'abord, peut-être, payer pour chaque coût unitaire, éviter qu'il y ait des effets planchers, c'est-à-dire payer pour des choses qui ne se feront pas. Si, par exemple, on paie pour 3 000 cataractes, puis finalement la clinique en fait 2 500, parce que c'est dans le contrat qu'on va quand même payer 3 000, bien je pense que c'est quelque chose qui n'est pas du tout avantageux pour le système de santé.

Et c'est ça que, nous, au fond, on est venus dire aujourd'hui. C'est qu'on n'est pas contre l'idée ? d'ailleurs c'est ce qu'on propose ? on dit: Il faudrait intégrer davantage des cabinets de médecins participants qui demandent des frais accessoires. Ce que, nous, par contre... Ce que, nous, on veut dire, c'est que ce n'est pas normal qu'un patient qui fait partie d'un système public et qui a besoin d'une intervention qui est supposément couverte par la Régie de l'assurance maladie du Québec dans un hôpital doive payer si c'est fait sous forme ambulatoire. C'est ça qui n'est pas normal et c'est ce virage-là que notre système doit prendre. C'est très important, ça.

M. Turcotte (Simon): Moi, j'aimerais apporter aussi des précisions par rapport au projet qui a été fait en Alberta. On a justement parlé, il y a quelque temps, aux gens du Bone and Joint Institute de Calgary. C'est un projet qui était très intéressant parce qu'il tient compte de tout le continuum de soins, hein, de la consultation aux généralistes, pour qui on fait de l'enseignement, pour que les consultations orthopédistes soient plus... disons, mieux dirigées vers l'orthopédiste. Et ensuite il y a les équipes multidisciplinaires pour toute la réadaptation, la physiothérapie, etc. Et c'est un projet qui a été établi, un projet provincial, sur trois sites: Calgary... Et, vous avez raison, à Calgary, c'est une clinique de médecins participant au régime public, qui est de prestation privée, qui a été recrutée comme centre dédié, dans un contrat d'un an, pour réaliser ce projet pilote là, mais, à Red Deer et dans une autre ville ? qui m'échappe, là, ça doit être Edmonton ? c'était la création de salles dédiées dans les hôpitaux publics existant dans ces endroits-là.

Alors, comme a dit le Dr Constantinides, au-delà de la fameuse querelle privé-public, il y a des formes de prestation privée, il y a des formes de prestation publique. Les innovations et l'efficience ne sont pas l'apanage de l'entrepreneur privé. Il y a certainement des formes de contractualisation qui sont acceptables, mais pas toutes, ça dépend de ce qui est dans le contrat. Puis, un contrat sur 10 ans, j'aimerais bien vous entendre là-dessus, je pense que ce n'est pas approprié.

M. Couillard: Je ne comprends pas parce que, moi, je n'ai jamais personnellement proposé de contrat sur 10 ans, là...

M. Turcotte (Simon): Mais c'est ce que l'entrepreneur, le Groupe Sedna, proposait la semaine dernière, et vous sembliez d'accord, Dr Couillard.

M. Couillard: Mais l'entrepreneur peut bien dire ce... Il peut bien dire ce... Il peut bien dire ce qu'il veut, l'entrepreneur, mais ce n'est pas comme ça que ça va finir, là. Si vous regardez les expériences internationales, en Grande-Bretagne, les cliniques semblables ont des contrats de trois à cinq ans. C'est les contrats qui sont en place actuellement. Alors, il faut rester dans la... Vous savez, il y a des gens qui nous ont dit toutes sortes de choses dans cette commission-là.

M. Turcotte (Simon): Certainement. Mais c'est rassurant de vous entendre dire ça ce soir. Merci.

M. Couillard: C'est assez incroyable d'ailleurs parce que, dans la même journée, on passe d'un spectre total à l'opposé, en termes politiques, puis ce qui est intéressant également pour voir de quoi la société est constituée chez nous: une grande diversité d'opinions.

M. Constantinides (Prometheas): Mais, Dr Couillard, j'aimerais peut-être vous poser une question à ce stade-ci ? parce que la commission a quand même avancé pas mal: Comment vous voyez la contractualisation avec une hypothétique CSA? Quels seront les paramètres de la contractualisation? Parce que ça n'a pas été abordé, ça.

M. Couillard: O.K. Bien, évidemment, vous allez voir beaucoup de détails dans le projet de loi qui va être déposé après la commission, mais il y a déjà certains paramètres qu'on peut discuter. D'abord, c'est que le besoin... ou le contrat éventuel doit être basé sur un besoin clinique identifié par le système de santé du Québec et non pas par les médecins qui en font la promotion. Donc, il faut que l'hôpital, l'agence régionale constate que ça rentre dans le continuum de soins, que ça fait partie des besoins, qu'il y a un problème d'accessibilité mesurable pour lequel il faut apporter une solution.

Deuxièmement, il faut que l'hôpital fasse le choix d'utiliser; le ministère ne va pas forcer aucun hôpital à faire des contrats de clinique affiliée. Il faut que ce soit bien clair, là. On dit aux gens comment faire: Voilà un outil que vous pouvez utiliser. On a déjà fait des concentrations de chirurgies ophtalmologiques dans les hôpitaux, puis là, à Jean-Talon, en orthopédie, ça fonctionne très bien. Alors, l'exemple que je donnais ce matin, c'est que, si l'hôpital dit: Bien, moi, je n'ai pas besoin d'utiliser ça, je vais prendre l'argent que vous donneriez en contrat à la clinique et je vais faire opérer mon monde jusqu'à 6 heures le soir, puis on va concentrer les chirurgies puis on va y arriver, moi, je n'ai absolument aucun problème avec ça. Moi, ce que je veux, c'est les résultats. Puis le patient puis la population, c'est ça qu'ils veulent aussi. Par contre, s'ils nous disent ça, il va falloir qu'ils livrent le résultat. Puis, si, l'autre côté de la rue, il y a un autre hôpital qui, lui, a choisi d'utiliser l'outil puis qu'il arrive au résultat, ou vice versa, bien on va se demander qui est-ce qui a eu raison puis comment ça se fait qu'on a pris cette décision-là.

M. Constantinides (Prometheas): Vous n'avez pas répondu concernant la contractualisation, quels seront les paramètres. Au-delà de l'indication, est-ce que ça va se faire sur un an, deux ans, trois ans? Est-ce qu'il va y avoir des planchers dans les contrats? Sur ce genre de choses là, parce que c'est ça qui nous inquiète, nous, c'est ce genre de contractualisation là qui peut avoir des effets, je dirais, pervers sur le système, là.

M. Couillard: Bien, regardez les expériences internationales. Je ne peux pas vous donner trop de détails encore, mais je vous ai cité l'exemple britannique où c'est des contrats de trois à cinq ans.

Puis il y a toujours des planchers d'activité, sinon il n'y a personne qui va avoir une clinique qui va être intéressée à faire une clinique affiliée. Mais qui détermine le plancher? Ce n'est pas l'entrepreneur, tout seul dans son bureau, avec son plan d'affaires, là. Il faut que ce soit basé sur le volume attendu puis le volume nécessaire. Ça se calcule assez bien, ça se calcule assez bien, le volume de chirurgies qu'il y a à faire. C'est une question de volume supplémentaire à produire, hein? Et, quand on a des listes d'attente validées, ce n'est pas difficile de le faire. Puis il faut voir quel est le besoin également qu'on veut remplir. Toute la question de la qualité de l'acte médical, la surveillance va être couverte, la qualité des services, l'agrément, la jonction avec les CMDP, les hôpitaux en lien contractuel, le rôle du traitement des plaintes ? on en a parlé tantôt avec le Protecteur des citoyens. En fait, vous allez voir que ça va être assez complet comme précision.

Mais il est clair que, sur la base du concept, c'est absurde de proposer des engagements contractuels sans plancher, mais c'est absurde également de le faire trop long, comme vous avez très bien dit. Donc, on va se guider sur les expériences internationales pour fixer une durée de contrat qui, d'une part, permet à la clinique de s'engager avec un degré de sécurité suffisant et, d'autre part, permet de se réajuster également à l'intérieur d'un délai qui est correct. Mais je pense que ce sera en gros ce qui va être proposé.

M. Turcotte (Simon): Nous sommes contents de vous entendre parler de la qualité des soins. Par contre, quand on évoque l'exemple de la Grande-Bretagne, je pense qu'il ne faut pas passer sous silence ce qui paraissait dans le British Medical Journal, en mars dernier, que la qualité des soins de ces chirurgies-là qui ont été réalisées dans les cliniques privées dont vous parlez, donc à contrats de quatre à cinq ans, a réellement souffert parce que, pour honorer les contrats, on a engagé du personnel qui n'était pas nécessairement qualifié et puis qu'il a fallu reprendre une prothèse sur cinq dans le système public. Je n'agite pas ça comme épouvantail, mais je pense que c'est un bel exemple pour illustrer que les contrats pourraient introduire des effets pervers sur la qualité des soins.

M. Couillard: Il n'y aura pas de prothèse là, d'abord, ce n'est pas de ce type de chirurgie qu'on va faire; c'est de la chirurgie d'un jour, essentiellement, et avec un système de contrôle de l'acte tout à fait équivalent avec ce qui existe dans les hôpitaux publics, en fait le même système de contrôle de la qualité de l'acte et des services.

Tu sais, je reviens encore là-dessus parce qu'il y a tellement de... Puis je ne vous en fais pas reproche à vous, vous avez manifesté une belle ouverture dans la façon que vous avez présenté votre mémoire. Mais il y a tellement d'attitudes de fermeture dès le départ, dès qu'il y a le mot «privé» ou le mot «public», selon qu'on est le Conseil du patronat ou d'autres organisations ? vous en avez vu aujourd'hui l'exemple, là ? on est d'un côté ou de l'autre de la barrière puis on refuse de regarder ce qu'il y a de l'autre côté. J'ai trouvé, moi, votre présentation équilibrée là-dessus. Mais il ne faut pas non plus... C'est comme si on s'interdisait, au Québec, de penser à d'autres façons de faire, des nouvelles façons d'aborder la prestation des services, qui ne mettent absolument pas en jeu l'équité sociale ou l'accessibilité universelle pour les citoyens du Québec.

Lorsque vous dites: On pourrait incorporer les cliniques de médecins participants qui demandent des frais accessoires, c'est possible. Ils peuvent demander d'être une clinique affiliée, puis, à ce moment-là, on va couvrir les frais accessoires pour les chirurgies qui sont couvertes par la relation contractuelle. Mais, si vous me dites: On doit couvrir tous les frais accessoires de toutes les cliniques, là vous me demandez d'augmenter le panier de services, puis je vais vous demander comment vous allez financer ça, quelle est votre solution pour le financement de la santé. On ne peut pas dire juste: Ah! bien, vous allez payer plus, vous allez élargir ce que vous payez, puis on...

M. Turcotte (Simon): Dr Couillard, on veut investir en santé. On parle des investissements massifs pour le CHUM, on parle... Vous allez devoir investir dans les cliniques spécialisées affiliées. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'actuellement il y a un problème d'équité patent et qu'il semble qu'il n'y ait pas d'initiative gouvernementale pour le régler. On pourrait prendre cet argent-là qui sera investi, par exemple, dans les cliniques pour régler un problème d'équité majeur. Les Montréalais n'ont pas accès à de la chirurgie ambulatoire de façon équitable, et ça nous apparaît comme étant un problème qui est certainement d'ordre politique.

M. Couillard: Mais, de la façon dont, nous, on l'approche... Puis je vais vous donner l'exemple de la résonance magnétique. Moi, les cliniques privées de résonance magnétique, ça ne me fait pas perdre une demi-seconde de sommeil par nuit, ça, là. Par contre, la façon dont on a abordé le problème... Et c'est la raison pour laquelle, depuis trois ans, il n'y a plus une seule nouvelle clinique privée qui s'est ouverte, c'est qu'on a une multiplication sans précédent du nombre d'appareils de résonance magnétique dans les hôpitaux publics. Il y en a dans toutes les villes, dans toutes les régions, maintenant: à Baie-Comeau, à Alma, il y a des résonances magnétiques; il y en a une deuxième à Maisonneuve-Rosemont. C'est ça, ma réponse. Pourquoi vous allez... Pourquoi on enlèverait de la capacité plutôt que de rehausser la capacité du reste du réseau?

On m'en a même fait le reproche aujourd'hui. Le Conseil du patronat... ou la Fédération des chambres de commerce plutôt m'a dit: Ce n'est pas correct parce que vous dites que vous ouvrez au privé puis vous n'arrêtez pas d'investir dans le réseau public. Alors, vous voyez sous quel type de feu je me trouve, hein?

n(20 h 40)n

M. Turcotte (Simon): Oui, mais, dans l'évolution actuelle des choses, on pense qu'il faut participer, il faut formuler des projets qui redéfinissent ce que c'est qu'un centre ambulatoire et qui certainement redéfinissent ce que c'est qu'un soin médicalement nécessaire, qu'il soit fait à l'hôpital ou dans d'autres structures. La couverture d'assurance maladie doit évoluer, elle aussi, puis doit inclure ça.

M. Couillard: Il va falloir que le financement évolue. On n'aura pas d'argent pour ça, Dr Turcotte. Vous n'aurez pas d'argent, dans 10 ans, pour payer ça.

M. Turcotte (Simon): Je ne suis pas sûr que je partage cette vision un peu alarmiste, là, de la situation.

M. Couillard: Bien, c'est une simple réalité mathématique.

M. Turcotte (Simon): Bien, quand on écoute des économistes de la santé qui n'ont pas d'intérêt particulier, et etc., qui sont indépendants, je pense qu'ils sont assez convaincants dans leur analyse qu'il ne faut pas crier au loup. Si on avait écouté les tenants de ce genre de discours là en 1980, ils nous disaient déjà que, dans les années 2000, 100 % du budget allait passer à la santé. Bon, je ne pense pas que ce soit ça qui soit arrivé.

M. Couillard: Non, ce n'est pas ça qu'on disait dans les années quatre-vingt, du tout. J'y étais dans les années quatre-vingt, on ne s'en préoccupait même pas. On ne pensait même pas qu'un jour on aurait des listes d'attente puis un problème avec le système de santé. Ça, je peux vous dire ça. Une liste d'attente, là ? moi, j'étais étudiant en médecine puis interne à ce moment-là ? on ne savait pas c'était quoi. Une liste d'attente, ce n'est pas un problème: le patient venait au bureau, il était opéré la semaine suivante. C'était ça, la réalité à l'époque. Mais la société a changé, la population qu'on traite a changé, l'économie a changé, puis on est devant un dilemme fondamental qui est le suivant: c'est que les dépenses en santé augmentent plus vite que nos revenus collectifs puis qu'on a...

M. Turcotte (Simon): Par rapport au PIB, je ne pense pas que ce soit le cas. Puis l'autre chose, c'est que la fiscalité a changé aussi, puis ça, il va falloir tenir compte de ça à un certain moment donné.

M. Couillard: Je ne comprends pas votre point, là.

M. Turcotte (Simon): Bien, qu'il y a un certain nombre de dépenses fiscales. Bon, les gens sérieux qui se penchent sur ces questions-là, je pense qu'ils ont fait des démonstrations convaincantes que la tarte, l'assiette fiscale, il y a une portion de cette assiette fiscale là qui repose essentiellement sur la classe moyenne, et de plus en plus. Bon. Moi, je ne suis pas... je ne veux pas être dogmatique par rapport à ça, je ne maîtrise pas les chiffres, je ne peux pas vous les sortir tout de suite de ma poche de sarrau, mais je pense que c'est une réalité aussi dont il faut débattre puis tenir compte dans l'évolution de la fiscalité au Québec.

M. Couillard: Mais donc augmenter les impôts indéfiniment, jusqu'à temps qu'on soit capables de payer... tant qu'on ne sera pas capables de payer la santé.

M. Constantinides (Prometheas): Dr Couillard, pour continuer sur cette discussion-là, je pense qu'il faut faire très attention dans les prévisions qu'on voit dans le rapport Ménard. Je prends une analogie, là, avec le trafic aérien. Les prévisions des années soixante nous ont amenés à construire l'aéroport Mirabel. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on a fait avec Mirabel? Vous savez tous la suite de l'histoire, c'est fermé parce qu'il y a eu des changements dans la technologie aérienne, qui a fait en sorte qu'aujourd'hui on n'avait plus besoin de ce genre d'aéroport là, que Montréal n'était plus une plaque tournante, et tout ça. Et c'est un peu la même chose, c'est très difficile, c'est très hasardeux de faire des projections dans l'avenir. Je pense que c'est important effectivement de préparer l'avenir, c'est important de voir les tendances, mais il y a plusieurs économistes qui ont fait la démonstration que ce genre de projections là, sans tenir compte des variables démographiques, des variables de l'immigration, des variables de changement de la technologie, il faut faire attention, là, parce que les discours peuvent être facilement utilisés à d'autres fins, là.

M. Couillard: Il ne faut jamais disqualifier les discours de ceux qui ne sont pas d'accord avec nous. Je vous suggère... Faites attention. Quand vous dites: Les gens sérieux qui se penchent là-dessus disent ça, les gens qui disent autre chose aussi sont sérieux, puis ils sont aussi convaincus, puis il faut respecter ce qu'ils disent, et puis écouter, et puis essayer de départager, puis trouver l'équilibre, hein? Ça, c'est important également.

M. Constantinides (Prometheas): C'est pour ça qu'on est là.

M. Couillard: C'est pour ça que vous êtes là. Alors, maintenant, dans la vie quotidienne, là, annuelle de la gestion des fonds publics, je peux vous dire que chaque année, c'est encore plus difficile que l'année précédente réunir les sommes d'abord pour indexer le système de santé puis ensuite pour développer des nouveaux services. Ça, c'est la réalité concrète qu'on vit actuellement et qui ne s'améliore pas à chaque année.

Deuxièmement, il arrive les technologies, les médicaments. On a rentré, cette année, l'Herceptin sur la liste de médicaments des établissements, pour le cancer du sein. Vous êtes en chirurgie générale, vous savez à quoi ça sert. Ça va coûter 30 à 40 millions de dollars, un médicament. Ça, c'est les réalités qu'on vit.

Alors, nous, ce qu'on fait ici, ensemble, avec votre participation, c'est essayer de trouver des façons de préserver notre système de santé, d'abord trouver des façons de l'organiser mieux puis trouver des façons plus efficaces de donner les services, incluant dans le réseau public, et pas exclusivement avec le privé mais incluant le réseau public, puis également avoir une réflexion sérieuse sur le financement.

La Présidente (Mme James): Alors, sur ça, M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci. Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, tout d'abord vous saluer, M. Constantinides, M. Turcotte. Merci beaucoup de votre présence ce soir, à cette commission. Vous comprendrez que quelquefois les circonstances font en sorte que le porte-parole à la santé ne peut pas être celui qui vous pose les questions, et il s'en excuse très certainement. Autrement, vous dire aussi, là, que je suis peut-être le seul, dans cette intervention présente, qui ne peut pas porter le titre de docteur, et je m'en excuse presque, quoique, quoique j'ai...

M. Couillard: C'est même un atout.

M. Valois: Je ne suis même pas avocat, imagine-toi. J'ai plein d'atouts comme ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois: Mais, au-delà de...

M. Constantinides (Prometheas): Mais vous êtes parlementaire.

M. Valois: Mais je suis parlementaire, exactement. Il faut bien avoir quelque chose. Mais, en ce sens-là, à la lecture de votre... bien, à l'audition de votre présentation, à la lecture de votre document, je comprends très bien que vous êtes arrivés ici non pas avec une série de convictions très, très étalées, en disant: Nous nous situons d'un côté versus l'autre côté, mais avec une série d'inquiétudes et de considérations que vous voulez qu'on prenne en considération. Et elles sont nombreuses, ces inquiétudes-là, à la lecture de votre document, les séries de mises en garde que vous... bien, je les vois comme ça, ou des réflexions que vous voulez qu'on approfondisse sont somme toute très importantes. Seulement, seulement, la page 9 de votre document, lorsque vous nous référez à un débat démocratique éclairé où justement... Et, à force de suivre cette commission, nous pouvons même, nous-mêmes, nous en rendre compte, plusieurs personnes vont établir des faits ou qu'ils considéreront être des faits, mais qui s'appuient sur quoi à partir du moment où est-ce que justement les autres théories peuvent très bien cohabiter avec celle-là? Vous nous en faites ici... notamment sur l'impact de la privatisation où les solutions pourraient découler de cette privatisation-là.

Et vous nous faites une série de mises en garde qui se continuent, notamment à la page 16 de votre document, là, où vous revenez. Mais, lorsque vous revenez ? et c'est pour ça que je veux vous entendre un peu plus longuement là-dessus; lorsque vous revenez ? jusqu'à un certain point, vous... J'aimerais vous entendre un peu plus longtemps parce qu'à la page 16... notamment lorsque vous nous dites qu'il y a une impression qui est que les coûts de chirurgies faites en cliniques privées sont moindres qu'à l'hôpital, basés sur des comparaisons de deux actes chirurgicaux différents, et que dans le fond ? et c'est à la lecture de votre document ? les coûts pourraient être bien inférieurs du côté public. Mais ça, il me semble qu'on doit élaborer lorsqu'on amène, vous-mêmes, de ces choses-là. À partir du moment où est-ce que ? le début de votre document ? vous statuez qu'on doit faire des débats éclairés, à partir du moment où est-ce que vous tentez de dire qu'amener ces choses-là, ce serait quelque chose de trop simple, bien, moi, je veux vous entendre élaborer sur le fait que... bien, pourquoi c'est trop simple et quelle est votre partie d'argumentaire pour contrer ce type d'argument là.

M. Turcotte (Simon): Bien, merci. C'est sûr que le mémoire est composé dans des circonstances, dans un délai de temps qui est relativement court puis qui a ses forces et ses faiblesses. Je pense qu'on a essayé d'être le plus rigoureux possible.

Ce qu'on dit en fait dans ce passage-là, c'est qu'il faut cesser de comparer des pommes et des oranges dans certaines circonstances, il faut comparer des pommes et des pommes. Souvent, dans le discours actuel, on dit: Bien, la chirurgie qui est faite à l'hôpital coûte plus cher que la chirurgie qui est faite en clinique privée. Mais là on compare des pommes et des oranges, on compare le bloc opératoire traditionnel, complet, qui demande un certain nombre d'infirmières par cas, qui demande, bon, toute une infrastructure qui, bon, oui, a sa lourdeur mais qui est essentielle pour faire de la chirurgie majeure, à des modes de chirurgies ambulatoires qui actuellement sont plutôt développés dans des cliniques de prestation privée.

Nous, ce qu'on dit, c'est: Dans les lieux où on a intégré ces solutions efficientes là de faire de la chirurgie d'un jour, par exemple dans des centres ambulatoires, les coûts peuvent s'avérer les mêmes et souvent sont inférieurs. Quand on a parlé récemment à l'administrateur de la Clinique Pan Am, la clinique du Manitoba, une clinique de Winnipeg, qui est un exemple très intéressant ? puis je pense qu'il est très instructif pour contribuer à ce débat-là ? c'était une clinique de médecins participant au régime public mais de prestataires privés, d'orthopédistes, et ils pouvaient faire un certain nombre de procédures orthopédiques de cette manière-là, mais le patient, comme dans les cliniques montréalaises, devait payer la composante administrative, etc. Donc, le médecin était rémunéré par Medicare, l'équivalent de la RAMQ, mais le patient devait payer une certaine somme pour amortir les coûts administratifs, les équipements, etc.

n(20 h 50)n

Quand le gouvernement a changé, après le gouvernement conservateur ? je ne peux pas vous sortir les années ? on a cessé, on a dit que ces formes de pratique là n'étaient pas acceptables, pour des raisons relativement évidentes, et il s'est trouvé à y avoir un financement public qui a assumé les coûts pour ne pas que le patient ait à les assumer. Mais les mêmes administrateurs de ces cliniques privées là sont donc passés... ont donc été mieux intégrés au système public, et maintenant, ces dernières années, cette clinique-là, Pan Am, a été entièrement intégrée. Elle a été achetée par la régie régionale de Winnipeg, elle a été transformée en clinique à but non lucratif, et des contrats d'un an sont négociés avec la régie régionale, et on fait un certain nombre de procédures, 3 500 procédures orthopédiques, 500 cataractes par année, puis le coût de ces actes-là, que nous disait le Dr Hildahl, l'administrateur, est de 700 $ par procédure, le même coût que dans l'hôpital, comparativement aux cliniques privées où le coût de la cataracte est de 1 000 $, 1 200 $. Donc, il arrive, dans cette structure-là, à faire des chirurgies au même coût que dans la structure hospitalière, et même il dégage une marge de profit qui lui permet de réinvestir dans les équipements de sa clinique, pour le bénéfice de l'ensemble de sa communauté, parce que c'est une forme de clinique qui est à but non lucratif.

Donc, bon, c'est un exemple, on ne peut pas nécessairement généraliser... on ne peut certainement pas généraliser à partir d'un exemple, mais il ne faut pas... il faut juste défaire l'espèce de mythe que, puisque c'est privé, de prestation privée, c'est moins cher, parce que c'est public puis c'est dans l'hôpital, c'est plus cher. En fait, ce dont on parle, c'est de façons de pratiquer la chirurgie très efficientes, puis elles peuvent être mieux, elles peuvent être appliquées au système public.

M. Valois: Sur la même lancée, lorsque vous parlez de toute votre section sur l'achat des volumes de soins par contrats, parce que c'est bien ce qui vous fait notamment écrire et pousser énormément vos réflexions, mais il y a quand même toute la section sur le partage du risque où ce type de cliniques là, pour vous, semble poser aussi un certain nombre de problèmes par rapport au fait que ça demeurera une structure qui sera privée, par rapport à la capacité d'un gouvernement de pouvoir réellement, pour tout ce qui s'appelle l'information, la propriété des administrateurs, tout ça... Et, encore là, vous ouvrez quelque chose, une réflexion qui semble intéressante. Mais je veux vous entendre un peu plus longuement là-dessus. C'est à la page 16 et 17, en haut, là, de votre document, où c'est bien beau, là, de s'entendre avec ce type de cliniques là et d'arriver avec l'ensemble de ce que le ministre veut arriver, avec toute une série, là, d'agréments, et tout ça, mais vous semblez quand même considérer qu'il y a... bien qu'il y a d'autres considérations à l'intérieur de ces cliniques-là et d'autres problématiques, notamment la RAMQ et ses pouvoirs d'enquête, ou ces choses-là.

Je veux juste vous entendre un peu plus longuement, parce qu'encore une fois, là, c'est une phrase qui, moi, m'a intéressé. Je veux aller plus loin, je veux en savoir plus et je veux vous entendre là-dessus.

M. Constantinides (Prometheas): Bon, il y a différents aspects dans votre question. Je commencerais peut-être par l'aspect du partage du risque.

En fait, ce qu'on dit, c'est que c'est sûr qu'à court terme, si l'État n'a pas à construire une clinique ou une infrastructure, bon, il ne s'endette pas immédiatement, hein, pour construire cette infrastructure-là. Toutefois, l'entreprise privée doit rentabiliser sa construction et ses investissements, et donc ça va apparaître tôt ou tard dans les dépenses de l'État mais ailleurs. Ça n'apparaîtra pas dans l'endroit où on comptabilise pour la construction, mais ça va apparaître dans des dépenses, bon, du coût unitaire, par exemple, pour combien ça coûte faire une opération de cataracte dans cette clinique privée qui a été construite par l'entrepreneur. Parce que l'entrepreneur, il faut qu'il finance de toute façon sa clinique, donc, dans le prix, hein, du coût unitaire, il va demander quelque chose pour compenser ça. Donc, l'État finalement va se ramasser à devoir financer la construction de cette clinique-là indirectement, au fur et à mesure, hein? Au fond, c'est: Achetez maintenant, payez plus tard, hein? C'est un peu l'image qu'on peut utiliser dans cette circonstance-là.

Donc, ce qu'on veut juste dire, c'est que c'est sûr que l'entrepreneur privé va partager les risques aussi avec l'État et va faire payer l'État. Donc, c'est un peu un mythe de croire que l'État va sauver de l'argent ou que ça va coûter moins cher, pour revenir aussi à votre question précédente, là. Donc ça, c'est pour la première partie.

Maintenant, pour l'autre volet de votre question, peut-être, vous pouvez le répéter, là...

M. Valois: Oui. Bien, l'autre volet, c'est parce que c'est la fin du paragraphe où justement vous abordez cette question-là, et par la suite la fin du paragraphe, c'est: «Dans une structure privée, qui n'est pas soumise à la loi de l'accès à l'information, et [...] la RAMQ n'a aucun pouvoir d'enquête, si ce n'est sur la tarification des médecins, le privilège de l'information restera propriété des administrateurs de la clinique.» Alors là, vous, vous allez aussi non seulement sur...

Sur le coût, il y a partage de risques et en même temps, bon... par la suite, bon, un épisode de soins, ça coûte combien, comment?, bon, la façon dont le contrat se fait entre la clinique et le gouvernement pour s'assurer, là, qu'il y a une offre de services. Puis ces contrats-là existent. Mais par la suite vous semblez aussi réfléchir... Et c'est la fin de ce paragraphe-là qui, moi, m'a intéressé, c'est aussi sur, bien, le suivi, le suivi qu'on doit mener à partir du moment où est-ce qu'il y a des fonds publics. Et là vous semblez même questionner à ce niveau-là: Est-ce qu'on va avoir tous les pouvoirs pour faire ce suivi-là?

M. Turcotte (Simon): Bien, c'est-à-dire qu'on ne peut pas miser essentiellement sur ces structures-là où la loi d'accès à l'information fait en sorte qu'effectivement on n'aurait pas accès aux livres, aux coûts unitaires des procédures. Ces coûts-là doivent être calculés dans le système public pour des chirurgies qui sont faites dans des modes de pratique similaires; là on parle de chirurgies d'un jour, de chirurgies ambulatoires, puis c'est tout à fait possible de les calculer, les coûts unitaires, à l'intérieur du système public. L'administration au départ n'a pas fait en sorte que c'était une façon de faire qui était privilégiée, sauf que c'est une façon de faire qui est de plus en plus opérante, du moins c'est l'information qu'on a des administrateurs de plusieurs hôpitaux à Montréal. Ils parviennent à calculer très bien leurs coûts unitaires, particulièrement quand ils développent ces modes de chirurgies ambulatoires. Alors là, on est peut-être plus à même de négocier des contrats sur une base plus avantageuse, là, ou du moins égale de part et d'autre.

M. Valois: D'accord. Un autre sujet ? puis je veux vraiment vous entendre là-dessus ? c'est sur l'étanchéité. Là aussi, votre document en fait grand état, et d'ailleurs c'est un des points que vous avez abordés et que vous avez mis en introduction tout de suite, là. Lorsque vous nous donnez les points, là, que vous allez toucher par la suite, un de ces points-là ? c'est votre point 7 ? c'est maintenir l'étanchéité entre les médecins participants et non participants. Mais, dans votre document, vous semblez dire que, de la façon dont on fonctionne, on risque d'ouvrir la porte à une certaine mixité à la limite, du moins à une cohabitation, ou quelque chose. Vous semblez, là, encore une fois, avoir une réflexion qui nous dit: Attention, là, l'étanchéité, elle semble importante, mais il y a peut-être aussi une réflexion à y avoir sur s'assurer que cette étanchéité-là puisse se maintenir dans le temps aussi. Est-ce que je comprends, là? Du moins, remettez-moi sur la ligne, là, si...

M. Constantinides (Prometheas): Absolument, absolument. Je pense que l'étanchéité entre les médecins participants et non participants est essentielle, là, pour la sauvegarde d'un système public qui est efficace, efficient, qui va donner des soins de qualité à tout le monde au fond, particulièrement dans un contexte de pénurie d'effectifs médicaux, ou pénurie relative du moins, permettre, là, une pratique double.

Puis ça a été prouvé, là, dans à peu près tous les endroits du monde où ça a été fait, qu'il y a une fuite d'effectifs vers le privé, il y a une diminution des services rendus dans le système public, qui est là pour la majorité des patients, puis que les listes d'attente, au lieu de diminuer, augmentent, tout simplement. Donc, c'est un rappel à des notions de base, qui sont bien répertoriées, bien documentées, qu'abolir l'étanchéité entre les médecins participants et non participants, c'est vraiment faire courir un risque majeur, je dirais, pour les besoins de la population, là. Et ça, c'est bien documenté, c'est quelque chose qui est bien connu, là. Donc, pour nous, c'est un élément essentiel.

M. Turcotte (Simon): La mise en garde qu'on faisait aussi, c'est que, dans les garanties de soins, bon, qui sont proposées dans le livre blanc, après neuf mois, on peut avoir recours aux médecins non participants. Bon, donc, ça, c'est introduit, c'est inclus dans un mécanisme de garantie de soins, le recours aux médecins non participants. Quand les choses qui doivent être faites sont faites à l'intérieur du système public, c'est... Bon, probablement que ces situations-là n'arriveraient pas ou peu souvent, mais, si ce qui doit être mis en place dans le système public, pour régler les délais d'attente, n'est pas mis en place, bien là on vient d'utiliser...

On utilise les fonds publics pour rémunérer des médecins non participants, puis ça, c'est une sorte de bris d'étanchéité, quand on l'officialise dans un mécanisme, là, mais qui est l'image miroir, là, de l'étanchéité dont Dr Constantinides parlait. Celle dont on parlait en premier lieu, c'est, bon, le médecin participant qui est rémunéré directement par la poche du patient, qui peut le placer en situation de conflit d'intérêts, etc. L'image miroir, c'est les fonds publics qui dans le fond supportent la pratique de médecins qui sont non participants. Alors, on croit vraiment qu'il faut garder cette étanchéité-là pour que le système ait une cohérence.

n(21 heures)n

M. Valois: O.K., mais, d'un autre côté, on se donne aussi, on se donne aussi des obligations de notre côté pour s'assurer, là, que, bon, ce soit en dernier recours. Mais, même à ce niveau-là, vous dites: Bien, à un moment donné, à partir du moment où est-ce qu'il peut y avoir une pression puis des listes d'attente qui peuvent être très grandes, à la limite, tu sais, on pourrait les voir s'accroître, bien là il pourrait y avoir justement, de ce côté-là, des médecins non participants qui pourraient, sur la base... advenant que ces choses-là arrivent, là, mais ils pourraient quand même recevoir... Des gens pourraient être traités par des médecins non participants, à des frais publics, mais...

M. Turcotte (Simon): Ce qui est important, c'est de dire... Par exemple, comme on a fait à Plattsburgh, pour la santé des gens, ce qui se passe en premier lieu, ça peut être une solution temporaire d'avoir recours à des médecins non participants, certainement. Sauf que, dans une perspective à long terme de cohésion d'un système de santé puis de continuer à adapter le système de santé, ce n'est pas un mécanisme sur lequel on devrait miser. C'est ça, la nuance.

M. Constantinides (Prometheas): Tout à fait. Puis j'aimerais peut-être rajouter que la mise en place d'un mécanisme de garantie de soins avec, en bout de piste, l'utilisation de médecins non participants, bien, effectivement, il faut faire attention que ça ne devienne pas une double contrainte pour le système, dans la mesure où est-ce qu'on prévoit déjà l'échec de ces garanties-là puis on prévoit déjà au fond qu'est-ce qui pourrait être fait si ça ne fonctionne pas, puis c'est l'utilisation des médecins non participants. Et ce qu'on dit, c'est: Attention, parce que, si on met les garanties, puis qu'on n'investit pas dans le système public, puis qu'on ne fait pas en sorte qu'on augmente l'accessibilité et qu'on respecte ces garanties-là, bien, finalement, on s'en va vers un drainage des fonds publics vers une minorité de médecins qui au fond, de toute façon, par leur nombre, ne peuvent probablement même pas être efficaces pour faire face au flot de patients qui pourraient arriver, mais par contre ça pourrait encourager une désaffiliation plus grande de médecins, auquel cas le gouvernement serait sans doute obliger de réagir. Mais, bon, on peut imaginer toutes sortes de complications, là.

M. Valois: Mais ça, c'est une autre... Bien, je comprends qu'on est plus en mode mise en garde, lorsque vous ouvrez ça, à la limite, sur des brèches qui, aujourd'hui, ont l'air très limitées, très circonscrites, mais qui à terme, on ne sait pas... à partir du moment où est-ce qu'on ne sait pas justement, là, dans... bien, ce que nous réserve l'avenir. Jusqu'à un certain point, ces brèches-là pourraient devenir des façons de...

M. Turcotte (Simon): Et c'est pour ça que ? ce qu'on disait au Dr Couillard ? il est important au fond d'investir dans ce qui est éprouvé et efficace pour diminuer les délais d'attente, donc une meilleure gestion, une intégration des cliniques privées déjà existantes et la création ou le renforcement des centres ambulatoires qui existent. C'est pour ça que ces solutions-là sont importantes, pour ne pas qu'on se retrouve demain matin à devoir dire: Bien, regardez, on n'a pas été capables de respecter les garanties, on va devoir faire appel aux médecins non participants au lieu d'envoyer aux États-Unis. Ce n'est pas ça qu'on veut pour notre système et ce n'est pas ça qu'on veut pour notre population, là.

M. Valois: Je peux bien comprendre, mais c'est parce qu'on pourrait discuter de ces séries de mises en garde là, de toutes ces structures, des listes d'attente, des médecins participants, non participants, de mécanismes qu'on peut bien se donner, de réseau qui déjà, bon, pourrait peut-être, à l'intérieur de lui-même, offrir des solutions qui sont avantageuses, ces choses-là, mais ça nous revient quand même. Et je comprends, là, que, bon, on pourrait avoir des grands débats là-dessus, mais il y a une autre section... il y a une autre réflexion qu'on doit avoir, c'est celle des ressources. Jusqu'à un certain point, on ne doit pas évacuer ce débat-là sur comment est-ce qu'on le finance puis comment ces choses-là peuvent se mettre de l'avant. Est-ce que vous voulez continuer la réponse que vous avez commencé à donner tout à l'heure au ministre?

M. Turcotte (Simon): Non, mais c'est pour ça qu'on parle des solutions les plus efficientes à appliquer au système public, hein? Non, mais c'est ça, je veux dire, ce n'est pas plus compliqué que ça. Si c'est réputé plus coûteux, moins avantageux d'avoir recours à certaines solutions, mais on ne fera pas un pas dans cette direction-là, peu importe la question des ressources. L'organisation du système, c'est une question qui antécède la question du financement du système, que je suis entièrement d'accord qui est importante, mais on a voulu mettre l'emphase sur notre analyse qu'on connaît, le terrain, la littérature sur ces choses-là. Et il y a d'autres intervenants qui sont intervenus plus spécifiquement sur la question du financement. On reconnaît leurs compétences, qui sont probablement meilleures que les nôtres dans ce domaine-là.

M. Constantinides (Prometheas): Ceci étant dit, par rapport au financement, nous, ce qu'on aimerait souligner, c'est qu'il y avait beaucoup, beaucoup d'éléments dans ce livre blanc et que, bon, le financement, au fond ça prendrait un autre débat, un débat beaucoup plus complet et beaucoup plus prolongé, je dirais, sur la question du financement, et, nous, ça nous ferait très plaisir de revenir sur une commission sur le financement, là. Je pense que c'est absolument essentiel.

La Présidente (Mme James): Alors, sur ça, merci, Dr Constantinides et Dr Turcotte, de votre participation, présentation de la part de Médecins pour l'accès à la santé.

J'inviterais maintenant les représentants du Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada à venir prendre place, s'il vous plaît.

Je vais suspendre les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 5)

 

(Reprise à 21 h 7)

La Présidente (Mme James): Alors, la commission reprend ses travaux. Bienvenue aux membres de TCA-Québec. Alors, je comprends, M. Desnoyers, que vous allez être le porte-parole pour le groupe. Je vous rappelle évidemment que vous aurez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et ensuite nous procéderons à la période d'échange, de questions habituelle, d'une part, du côté ministériel et par la suite du côté de l'opposition officielle. Alors, je vous demanderais de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent avant de débuter votre présentation. La parole est à vous.

Syndicat national de l'automobile,
de l'aérospatiale, du transport et des
autres travailleurs et travailleuses
du Canada (TCA-Québec)

M. Desnoyers (Luc): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM., Mmes les députés, dans un premier temps, à ma gauche, Jean-Pierre Fortin, directeur régional des TCA, qui a contribué à préparer ce mémoire-là; Robert Dean, chercheur et conseiller pour les TCA; et Sylvain Martin, représentant national, qui a aussi contribué énormément à la préparation de ce mémoire.

Nous, ça va se faire dans un préambule de ma part, et Robert va expliquer le détail de notre mémoire. Donc, dans un premier temps, peut-être pour vous souligner ce que nous représentons: environ 75 000 Québécois et Québécoises membres, retraités, conjoints, conjointes, et qui ont contribué sous plusieurs formes à la préparation de ce mémoire-là, dans un premier temps, tout le leadership syndical, comité des jeunes, comité de la condition féminine, retraités, et c'est un sujet où il y a eu énormément des débats chez nous. Et souvent on s'est fait poser la question aussi, à la commission Clair où on avait préparé un mémoire, et on nous disait: Pourquoi un syndicat du secteur privé de l'automobile tient à présenter un mémoire dans la santé? Et on avait répondu: Chez nous, nos membres ne se font pas soigner dans des garages mais bien dans des hôpitaux, des CLSC ou des CHSLD. Donc, pour vous démontrer que c'est une grande préoccupation chez nous. Et, quand je vous parle de cette consultation-là, ça a été fait pendant plusieurs heures de débat.

Les grands points et grands objectifs visés à l'intérieur de ça, c'est bien sûr de préserver tout l'aspect de la gratuité, de l'universalité, de l'accessibilité, la transférabilité, l'intégralité, d'accélérer les investissements dans la première ligne, ce qu'on appelle les CLSC, qui, depuis nombre d'années, ont été mis en place historiquement, depuis nombre d'années où malheureusement on n'a pas mis tous les efforts, je pense, depuis nombre d'années, pour les développer, ce qui aurait empêché la progression importante des cliniques privées qu'on a aujourd'hui chez nous et évité éventuellement de se retrouver aussi avec d'autres types de privatisation.

n(21 h 10)n

On pense que c'est important d'invoquer, pour le gouvernement en tout cas, la clause «nonobstant» pour les cinq prochaines années, il nous reste du temps. Comme on le sait, la clause «nonobstant» est un outil important. On parle d'amélioration dans les listes d'attente, et, comme on dit, on n'est pas des spécialistes de la médecine, nous non plus, là, puis on n'est pas des avocats, comme M. le député le disait tout à l'heure, on est des... Ça a été fait par du monde ordinaire et préparé par du monde ordinaire, et on pense que c'est important de préserver ce système de santé là, donc.

Et, dans un dernier temps, je pense que c'est aussi important de s'assurer de ne pas avoir de mise en place de ces cliniques privées ou affiliées qui viendraient éroder finalement notre système de santé, qui a été mis en place à l'origine par un gouvernement libéral, si on se rappelle, mais par un vouloir collectif de se donner vraiment un système de santé. Il faut dire qu'on est peut-être... Ce n'est pas venu au monde chez nous. C'est venu historiquement au monde ? je ne me rappelle pas dans laquelle des provinces, Manitoba ou Alberta ? à l'époque...

Une voix: ...

M. Desnoyers (Luc): Saskatchewan, bon. Mais par contre, quand c'est arrivé chez nous, on y a mis toute notre conviction et tout notre vouloir collectif de se donner cet outil-là, et j'insiste, économique important. Et vous allez voir que Robert va vous détailler ça dans quelques instants.

Donc, c'est un peu la prémisse que je voulais faire. Robert Dean, qui est notre conseiller chercheur maintenant, va vous expliquer le détail de ça, et par après on sera prêts à répondre à toutes vos questions. Donc, sans plus de préambule, j'invite Robert à vous faire la présentation.

La Présidente (Mme James): Alors, M. Dean.

M. Dean (Robert): Merci, Mme la Présidente. Mes salutations, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. On vous fournit, ce soir, une version expurgée, raccourcie un peu, mais pas assez pour rentrer dans les 15 minutes qu'il me reste, donc je vais faire vite.

Nous avons profité de l'occasion pour vous faire une suggestion, M. le ministre, quant à la reconnaissance, dans notre loi de santé et sécurité, notre filiation avec les Nations unies, avec l'OMS, avec notre partage de leur définition de santé et l'importance de la santé dans la société.

Nous voulons aussi saluer très chaleureusement l'évolution, depuis 2003, dans le système de santé, les orientations et les pas concrets qui ont été pris, développer une réorganisation dynamique des services fondée sur une première ligne intégrée qui assume pleinement son rôle d'accessibilité, de continuité et de qualité en conformité avec les besoins de la population. Nous accueillons l'accent mis sur la prévention, parce que nous sommes très conscients des ravages du tabac, des dépendances, de l'obésité. Nous saluons aussi le concept de la hiérarchisation des services ? j'ai toujours un problème avec ça ? aussi l'ouverture grande des portes de la formation des médecins, des infirmières, des techniciens, des technologues et les travailleurs de la santé; la consolidation et extension des unités de médecine de famille en plusieurs régions; l'établissement d'unités de formation médicale à Trois-Rivières, à Saguenay; la formation d'infirmières cliniciennes; la reconnaissance plus rapide des compétences des personnes immigrantes et aussi l'introduction accélérée d'équipements de haute technologie, qui fait passer le Québec, en quelques années, de parent pauvre de la technologie de pointe à quasiment, pas tout à fait, un gras dur, mais en route vers cet...

Avec toutes ces félicitations, nous constatons que le travail est loin d'être fait et que ça prend, selon les calculs... et c'est pour nous, les pauvres non-économistes, les seuls calculs de coûts sur lesquels on pouvait se baser, c'étaient les calculs de M. Legault, dans son document, en 2002, et où la première ligne, la prévention et y compris les centres d'hébergement nécessitaient peut-être 1,5 milliard d'investissement. Nous reconnaissons que plusieurs millions ont été investis à date, mais nous concluons que nous demandons au gouvernement d'investir 200 millions d'argent neuf par année, pendant les cinq prochaines années, pour nous mettre le plus proche possible d'être au niveau. Et nous allons parler des sources de financement, parce que nous avons beaucoup d'idées, plusieurs idées.

Nous croyons aussi que les gradués en médecine de famille soient obligés de consacrer leurs cinq premières années de pratique au travail en CSSS, que la formation d'infirmières cliniciennes spécialisées et de première ligne soit accélérée, que les fonds soient alloués pour faire fonctionner les salles d'opération en soirée, en fin de semaine, en garantissant les horaires à temps plein au nouveau personnel infirmier et en ayant recours, à temps partiel ou temps plein, au personnel infirmier d'expérience mis à la retraite, et ce, à titre tant de personnel d'expérience dans les salles d'opération qu'à celui de mentor auprès des jeunes professionnels en formation, et que les équipements de diagnostic et de traitement, notamment de haute technologie, soient en fonction en tout temps ou, disons, en disponibilité en tout temps et que les technologues soient formés en conséquence.

Nous croyons aussi, et nous réfléchissons là-dessus... Nous voyons ce qui s'est fait en Suède, pendant 15 ans, où les médecins, dans les hôpitaux, se sont confié la pleine responsabilité de la gestion du personnel, des finances de leur département, et l'expérience, après 15 ans, était très concluante que c'était une façon de beaucoup améliorer la relation qualité de soins et coût de ces soins-là. Et nous pensons que ce serait peut-être bon que, les médecins... soient confiés plus de responsabilités dans la gestion. Je ne veux pas être méchant, mais moins de M.B.A. puis plus de M.D., ça nous paraît comme une bonne idée.

Le cas Chaoulli-Zeliotis. Évidemment, nous sommes un peu désarçonnés par le caractère démocratique d'une société qui permet à une seule personne, par l'entremise de la Cour suprême, de bouleverser un système qui a été démocratiquement établi par les élus du peuple et bien aimé et bien appuyé par la population depuis 35 ans. Il y a quelque chose, là, qui cloche. Et nous sommes convaincus aussi, en vue de tout ce que je viens de dire, que, si la même décision était faite aujourd'hui, dans le contexte d'aujourd'hui, nous sommes presque sûrs, la décision de la Cour suprême serait le contraire de ce qu'elle a été, parce qu'on a amélioré la situation et on continue à améliorer, on devrait continuer à améliorer la situation.

Le privé. Plus de privé, nous sommes contre, pas parce que nous sommes contre le privé, mais parce que le Québec, et le Canada, est déjà en queue de peloton du pourcentage de soins financés par le privé. Les seuls qui sont pires que le 30 % du privé chez nous, c'est des pays comme le Mexique, la Turquie et d'autres pays qui ne sont pas... la Corée, etc. Tandis que tous les pays industriels avancés dépensent beaucoup plus. Et la Suède, qui est souvent l'objet d'information véridique ou moins véridique par les temps qui courent, c'est seulement 15 %, et le système suédois couvre non seulement les hôpitaux et les médecins, mais aussi les médicaments, la réadaptation, les soins à domicile, et tout le kit, comme on dit. Le Dr Hugh Scott, l'ex-directeur du centre universitaire de McGill, a fait une recherche qui a constaté que l'augmentation des dépenses annuelles de santé, de 1993 à 2003, au Canada, étaient attribuables à des dépenses privées et que plus de la moitié a servi au financement de composantes extérieures au régime d'assurance maladie.

n(21 h 20)n

Nous sommes d'accord de préserver notre système, et nous croyons qu'avec les innovations, les initiatives de M. le ministre dans la continuité, qu'il est souvent prêt à reconnaître, dans plusieurs interventions, la continuité de Castonguay, Rochon, Legault, Couillard... sauf que M. Couillard a le privilège peut-être d'être en mesure de prendre plus d'actions dans le court terme que les prédécesseurs. Sauf que, si on ne règle pas la question financière, notre crainte, c'est que, si la première ligne n'est pas bien implantée cette fois-ci, dans les cinq prochaines années, la crédibilité de la réforme encore une fois, et par rebondissement la crédibilité du ministre, va être entachée certainement.

Nous sommes contre les cliniques affiliées et privées ? nous sommes en bonne compagnie parce que nombreux autres intervenants ont exprimé leurs réserves ? parce que nous croyons que ce qu'on a fait à date pour améliorer le système public peut continuer, et on peut faire dans le public ce qu'on propose de faire dans le privé. Parce que, prenons la clinique affiliée financée par le public, d'où viennent les médecins, les infirmières, les technologues? S'ils viennent du public, s'ils sont dans le public, ils sont rémunérés par le public en surcroît dans les cliniques affiliées. Mais pourquoi ne pas les faire travailler plus fort et plus longtemps dans leur hôpital? Pourquoi utiliser les espaces vides par des coupures, par des fermetures de lits, et tout ça dans nos établissements publics, pour installer des concentrations de spécialités selon toutes sortes, pour faire des actions innovatrices de soins?

Et, l'accès à l'assurance privée limitée, nous disons qu'ouvrir ou même déverrouiller la porte aux services assurés par le privé ressemble au fait d'offrir une goutte de sang à un requin. La goutte de sang rend le requin fou, assoiffé de sang, et nous savons tous qu'il y a des requins, des petits requins qui nous attendent très proche de chez nous, et il y a des gros requins qui nous attendent de l'autre côté de la frontière, des immenses corporations internationales qui ne demanderont pas mieux que de rentrer avec leurs grosses bottines dans notre système et de dénaturer complètement le système.

Alors, nous sommes pleinement d'accord avec l'idée d'une garantie d'accès aux services, mais on souhaiterait que le ministre refasse ses devoirs dans le contexte de tenter de garantir ces accès à ces services dans le contexte du système public. Bon. De plus, nous appuyons et faisons nôtres les propositions du Groupe de réflexion sur le système de santé du Québec et nous spécifions les différentes initiatives.

Là, on va parler de la pérennité du système de santé. Aux pages 23 et 24 de notre mémoire, le premier, celui qui était déposé au début, nous voyons Roy Romanow, de la commission du même nom, le Groupe de travail de l'IRPP, Mme Monique Bégin, l'ex-ministre libérale fédérale de la Santé, et les trois grands de l'industrie de l'automobile qui expriment leur appui au système public et qui voudraient ajouter aux services couverts les soins à domicile et les médicaments, parce que c'est un plus, c'est un facteur d'incitation d'investissement des entreprises au Canada, au Québec. Vous allez me dire que GM n'est pas le meilleur exemple à citer, avec le désastre qu'ils ont accompli dans mon coin, mais le fait demeure que ces grosses entreprises, elles sont allées devant les commissions sénatoriales à Washington aussi pour dire: On veut un système comme le Canada, c'est bon pour les entreprises, c'est bon pour la productivité, c'est bon pour nos coûts de production, c'est bon pour la vie de nos employés, et ces compagnies-là ne cessent pas de défendre ce système. On vous a fourni aussi, ce soir, trois ou quatre soit lettres ou articles qu'on a pigés dans les journaux américains ou canadiens-anglais qui parlent de comment d'autres jaloux voient notre système avec beaucoup d'envie.

La Présidente (Mme James): M. Dean, juste vous aviser qu'il reste environ trois minutes.

M. Dean (Robert): Parce que, là, j'ai...

La Présidente (Mme James): Ah! il vous reste encore trois minutes, oui, oui.

M. Dean (Robert): Trois minutes? O.K. Alors, le financement. C'est faux puis il y a une série de sommités qu'on a citées aussi dans notre mémoire qui disent que c'est faux de dire qu'on ne peut pas, on n'a pas les moyens de payer un système de santé public. Un économiste du travail suédois a dit qu'il s'agit d'une question politique et non économique. C'est de la foutaise de dire que les gens n'ont pas de choix de financer davantage le système de santé.

Nous sommes pour le compte de santé et services sociaux évoqué dans votre document, qui vient de la Commission Ménard et aussi qui était dans les propositions faites à la Commission Clair par M. Denis Bédard, qui a fait une oeuvre dans ce contexte-là, une recherche dans le contexte et qui pour... Donc, nous sommes en accord avec la proposition du document de consultation de créer un compte de santé et services sociaux, et nous croyons que c'est utile en termes de transparence, de démocratie ainsi que compréhension de la part de la population et d'appui aux problèmes et aux besoins du système de santé, y compris le fait de contribuer davantage, s'ils sont convaincus que l'argent va aller à la santé et pas dans un fond de baril quelque part.

Maintenant, nous croyons qu'il y a énormément de façons encore de financer la santé: commencer par renoncer aux réductions d'impôt promises et d'utiliser ces fonds-là pour la santé et l'éducation, les infrastructures; de revendiquer au fédéral une part de 25 % des coûts de santé à court terme et de 50 % d'ici cinq ans. Pour vendre l'idée de l'assurance santé, dans les années soixante, le fédéral s'est engagé auprès des provinces de fournir 50 %, puis là ils ont réduit ça à 25 % en 1984, et, avec toutes les coupures fédérales et les coupures... au Québec, bon, on s'est ramassés à 12 % de financés par le fédéral. Là, c'est remonté à 15 %. On a fait un calcul basé sur les chiffres dans votre document, M. le ministre, et, à moins que mon arithmétique n'est pas trop bien, monter la contribution fédérale de 15 % à 25 % vaudrait à peu près 2 milliards. Aussi, il y a le Fonds de services de santé des employeurs. Nous proposons d'augmenter le niveau actuel de 2,7 % à 4,26 % au niveau d'au moins 4 % à 6 %, et ce, sur une fenêtre de cinq ans, et, avec ça, il y aura un autre 2 milliards récurrent.

n(21 h 30)n

Nous proposons de verser à la santé, en tout ou en partie, les taxes sur l'alcool, le tabac, les loteries, les casinos ainsi qu'une nouvelle taxe sur la malbouffe, si nos brillants fiscalistes peuvent trouver une façon de le faire. Et j'attire votre attention sur un livre très intéressant, rédigé par Mme Brigitte Alepin, qui est une comptable fiscaliste et haut placée dans une compagnie internationale de fiscalité, que je sache. Son livre s'appelle Ces riches qui ne paient pas d'impôts. Nous ne sommes pas ici pour faire une lutte marxiste, mais nous trouvons immoral et inacceptable que, par toutes sortes de truchements, des entreprises rentables, grosses et riches trouvent le moyen de ne pas payer de l'impôt ou de le retarder tellement longtemps qu'à toutes fins pratiques elles ne le paient pas. Nous trouvons que c'est injuste et nous trouvons... Ça fait au moins 40 ans, je suis assez vieux de me rappeler de tous les projets de réforme fiscale au Canada et au Québec, et on n'en a jamais réalisé une. Et dans l'absence... dans le vacuum créé par l'inaction des gouvernements, bien on a trouvé des moyens de faire en sorte que même un premier ministre du Canada puis un ministre des Finances du Canada mette ses fonds d'entreprises dans des paradis fiscaux et emploient des étrangers sur ses bateaux et fait... Et je trouve que le peuple canadien n'a pas un sens moral bien développé d'avoir toléré ça.

Nous proposons donc de revoir une réforme fiscale globale. Je sais qu'on est rendu dans les grosses affaires compliquées, mais, il y a 40 ans, entre les individus et les entreprises, la balance n'était pas loin de 50-50. Aujourd'hui, le pauvre diable qui travaille paie 83 % des impôts et les entreprises et les riches, tout ce beau monde, paient seulement que 17 %. Nous croyons qu'on pourrait imposer une surtaxe sur les profits excédentaires indécents des banques, des pétrolières et des pharmaceutiques. Je n'ai pas besoin...

Et je termine en disant qu'aussi il y a des choses très valables qui pourraient être faites si on peut convaincre nos politiciens fédéraux de travailler dans le même sens. S'ils veulent avoir plus de fonds à transférer au Québec dans le déséquilibre fiscal, on peut les aider à chercher des fonds, par exemple de mettre vraiment fin au scandale des paradis fiscaux et aussi de travailler sur le plan international pour développer un consensus des nations en faveur de l'imposition d'une taxe sur les transactions financières, qui s'appellent la taxe Tobin, pour éliminer la pauvreté dans le monde, aider des pays en développement et financer les programmes sociaux dans tous les pays.

On calcule qu'il y a 1 800 milliards de dollars en transactions financières chaque jour dans le monde, dont 2 % seulement financent la vraie économie, c'est-à-dire les investissements réels. Le reste, c'est des manipulations de papier. J'ai fait encore des calculs: à une demie de 1 %, ça donne 9 milliards par jour, 2 340 milliards par année dans le monde. Et, avec ça, on peut faire une lutte à la pauvreté qui a de l'allure et on peut aussi financer des systèmes sociaux, et tout ça. Et ça, c'est le fruit d'un prix Nobel. Ce n'est pas moi qui serais candidat au prix coco. Merci beaucoup pour votre attention.

La Présidente (Mme James): Alors, M. Dean, merci. Je sens que vous avez encore beaucoup à dire, vous pourrez continuer votre échange maintenant avec les parlementaires. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, à vous la parole.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Dean, d'abord, M. Martin, M. Fortin et M. Desnoyers également. M. Dean, je vais vous redire un peu ce que j'ai dit à M. Castonguay, qui est plus jeune que vous, qui est venu l'autre jour ici, en commission. J'ai dit à M. Castonguay: Après avoir été actif pendant des années au service public, alors que vous pourriez être chez vous à cultiver votre jardin, de vous voir nous revisiter pour discuter les enjeux publics, c'est extraordinaire. Puis, à l'heure qu'il est, là, M. Dean, je dirais que c'est encore mieux, dans votre cas.

M. Dean (Robert): Si je vous disais que je me suis levé à 3 heures pour finir mon texte et que je n'ai pas dormi depuis.

M. Couillard: Puis, en passant, M. Fortin, vous avez dit: C'est du monde ordinaire qui ont contribué. C'est très bien fait...

Une voix: Desnoyers.

M. Couillard: Pardon, M. Desnoyers, c'est très bien fait, le mémoire. Moi, je le trouve très balancé, puis très bien conçu, puis je vous félicite pour ça.

Comme c'est tard dans la soirée, je vais essayer de faire un peu de philosophie avec vous puis rester dans les grands principes. Là, on ne rentrera pas trop dans la mécanique. Moi aussi, je crois à ça, au système de santé, sinon je ne serais pas ici, je serais resté où j'étais. Ça allait bien où j'étais. Mais je me disais: On va faire une contribution, on va aller faire un tour de roue à ce système-là pour essayer de le garder, pas seulement pour nous autres, mais pour ceux qui vont nous suivre.

La seule différence qu'on a entre nous quand je vous écoute, là, j'écoute ce que vous dites, puis je suis pas mal d'accord avec tout ce que vous dites, la seule différence qu'on a entre nous actuellement, c'est la question des cliniques affiliées. Parce que, pour moi, la clinique affiliée, qui est une prestation privée à financement public, ça fait partie du système public de santé du Québec. Ce n'est pas quelque chose qui est une créature à part du système de santé. Ça fait partie de notre système de santé. Puis, comme je l'expliquais tantôt, ce n'est pas un outil qui est obligatoire.

Tu sais, nous autres, on ne va pas imposer à personne de faire des cliniques affiliées. On va les définir de façon que la qualité des services soit encadrée, que la façon dont les contrats soient faits soit bien expliquée et également encadrée, puis là on va demander, maintenant qu'on a donné cet outil-là puis des fonds supplémentaires puis on met de l'argent de plus, on va demander aux hôpitaux, là: Vous allez nous livrer la chirurgie dans les délais pour trois chirurgies. Ce n'est pas énorme, ce qu'on demande, là, on demande trois chirurgies d'arriver dans les délais.

Puis là ils ont le choix d'utiliser ou de ne pas utiliser l'outil. Dans la grande majorité des régions, ils n'auront même pas besoin d'y penser, il n'en ont pas besoin. Honnêtement, là, à part les grandes régions urbaines, je pense qu'ils ne vont même pas se poser la question. L'autre jour, j'étais en Abitibi; là, il n'y a plus aucun patient en attente de plus de six mois pour la cataracte. Le Saguenay?Lac-Saint-Jean, ils sont quasiment dans les cibles, c'est peut-être 10, 15 patients à opérer de plus, puis ils vont être dans les cibles, alors la question ne se posera même pas là-bas. La question va se poser beaucoup dans nos grands centres urbains, là, surtout à Montréal, peut-être Québec, Montérégie, où il y a une pression énorme, grosses salles d'urgence, beaucoup, beaucoup de chirurgies de toutes sortes la même journée. Puis là les gens vont avoir à se demander si, oui ou non, ils veulent utiliser l'outil. Mais, moi, je n'en fais pas une déviation de notre système de santé. Je l'inclus, moi, dans ma vision du système de santé du Québec. C'est la seule chose... Je vous écoutais, là, puis c'est une des seules affaires qui nous sépare dans ce que vous avez dit. Puis je ne sais pas si on peut se réconcilier là-dessus, je ne suis pas sûr.

M. Dean (Robert): ...

M. Couillard: Oui. Ça ne marche pas toujours, ça, vous le savez, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dean (Robert): ...

M. Couillard: Puis je vais continuer, si vous me permettez, à faire de la philosophie un peu, parce que c'est très gentil ce que vous avez dit sur la façon dont vous situez mes actions par rapport à celles de mes prédécesseurs auxquels j'ai souvent rendu justice d'ailleurs ? vous l'avez noté vous-même ? et ce que je fais est beaucoup dans la continuité de ce qui a été fait par le passé. Puis j'apprécie également que vous ayez mentionné le nom du sous-ministre, M. Iglesias, dont la contribution au Québec est extraordinaire. Évidemment, ça passe toujours un peu plus sous silence que celui de l'homme public qu'on voit à la télévision puis à la Chambre, à l'Assemblée nationale, mais c'est bon que vous l'ayez fait, puis je vous remercie de l'avoir fait en son nom.

Puis, si on fait un petit peu un survol historique, là, vous avez dit: Castonguay, Rochon, Legault puis votre serviteur. Si on essaie de faire un recul historique puis voir dans l'avenir... M. Castonguay, il a fondé le système d'assurance maladie, puis il est venu ici l'autre jour, puis il nous a dit: Bien, à l'époque, j'avais refusé de faire la surfacturation, puis d'autres éléments comme ça, puis il y avait eu une grève assez dure d'ailleurs des médecins spécialistes à l'époque. Puis là il revient maintenant, 36 ans plus tard, en nous disant: Bon, bien, maintenant, peut-être qu'il faudrait aller vers une contribution des patients, etc. Je ne pense pas qu'on aille dans cette direction-là, mais j'illustre la transformation qui s'est faite en 35 ans.

Ensuite, M. Rochon. M. Rochon, pour moi, c'est un peu... je ne veux pas dire le mot trop fort, mais c'est presque une tragédie dans l'histoire du système de santé du Québec, parce qu'il avait toutes les bonnes idées. Tu sais, le virage ambulatoire, la première ligne, c'était tout très clair, ce qu'il fallait faire. Il est arrivé juste dans les mauvaises années, hein? Puis, s'il était là, peut-être pas qu'il le dirait en public, mais il le dirait certainement, puis vous le savez également, M. Dean.

M. Legault également a fait certaines actions de gestion qui sont valables puis il a publié ce document, en novembre 2002, qui était essentiellement cependant un document de besoins financiers. Ça n'expliquait pas comment on allait financer, mais ça disait: Si on était dans un monde idéal, là, Pleasantville, comme on dit, là, tout va bien, là, voici l'argent qu'il faudrait avoir pour notre système de santé.

Là, nous, on arrive avec des actions qui sont effectivement la continuité de ce qui a été fait auparavant: les rapports du Conseil médical, la commission Rochon, la commission Clair, puis on en arrive là. Il n'y a pas grand-chose qu'on a inventé là-dedans. hein? La mise en réseau, l'organisation du travail, les RUIS, c'est toutes choses qui étaient là sur le tapis, puis que, nous, on a décidé de faire, puis qu'on a eu la chance de faire parce qu'on est un gouvernement qui s'était engagé avec la santé comme priorité.

Puis là où je veux en venir, c'est la chose suivante, puis on ne pense pas souvent à la chose de cette façon-là. C'est que notre gouvernement a pris le grand risque politique de choisir la santé comme priorité. C'est un risque politique, parce que tout le monde dit: C'est un gouffre sans fond, ça ne marchera pas, c'est un trou noir, les gens ne sont jamais satisfaits, vous n'êtes pas capable d'améliorer le système. On a un grand défi, là, non seulement parce qu'on en a fait notre priorité, mais que, si, par malheur, on ne créait pas la perception auprès de la population et la réalité qu'effectivement le système de santé est dans la bonne direction maintenant, et je pense qu'on peut montrer qu'il est maintenant dans la bonne direction, je ne pense pas qu'il y ait un autre gouvernement dans l'avenir, quelle que soit la couleur politique, qui va prendre le risque de dire que la santé, c'est sa priorité. Alors, on est vraiment dans une période assez critique actuellement où il faut qu'on accepte, comme vous dites, qu'il y a encore beaucoup de travail à faire puis que tout n'est pas réglé, loin de là, mais qu'on reconnaisse également ce qui est amélioré, puis vous le faites bien dans votre document.

n(21 h 40)n

Et vous arrivez après sur la question de la pérennité. Vous n'esquivez pas la question du financement. C'est bien, parce que beaucoup de gens sont venus en commission dire: Bien, vous devriez payer ci, payer ça, puis payer plus de ci, payer plus de ça. Mais, quand on arrivait à la question: Oui, mais comment on le paie? bien là, ce n'était pas très, très clair.

Juste une remarque avant d'arriver à ce que vous recommandez pour le financement. Pour ce qui est de la participation du gouvernement fédéral, si vous regardez dans le document de consultation, c'est à la page ? vous regarderez plus tard, là, ce n'est pas pour maintenant, là ? 53 et 59. Si vous regardez le tableau à la page 53, le gouvernement fédéral, on remarque ici sa participation au financement, 15 %. Mais, si vous allez à la page 59, qui est le document... la partie du document présentée par le ministère des Finances, eux l'établissent à 25 % parce qu'ils ajoutent la valeur de l'abattement fiscal du transfert de points d'impôt. Parce que c'est ça que le gouvernement fédéral fait quand il nous envoie les transferts, il déduit la partie qui est déjà comptabilisée dans les transferts de points d'impôt, et, si vous incluez les transferts de points d'impôt qui ont été négociés ? vous étiez là, je pense, il y a maintenant longtemps ? ça arrive à 25 %. Mais ça, c'est une question technique d'économistes puis de fiscalistes. C'est juste pour vous dire que les chiffres, ils varient, selon la façon dont on les regarde.

Mais, quand on envisage la question de la pérennité financière du réseau, ce qu'on dit finalement, c'est qu'il va falloir que quelque part les citoyens contribuent plus pour le réseau de santé. Vous, vous nous dites: Ne baissez pas les impôts, allez chercher de l'argent plus au fédéral. Moi, je dis qu'il y a une limite à ça parce que, même l'argent qu'on va aller chercher au fédéral, il n'y en aura pas assez pour combler l'impasse du système de santé. Il va falloir trouver une autre solution. Puis, si on se fie juste sur l'impôt, je l'ai dit à quelques reprises dans la commission, si vous connectez l'impasse financière relative, là, du système de santé à l'impôt, bien vous allez spiraler l'impôt comme vous spiralez la santé puis, à un moment donné, vous ne serez plus capables... les gens vont se révolter, là. À un moment donné, il y a une limite à ce que les gens acceptent de payer comme impôt.

Alors, les autres scénarios de contribution des citoyens, il n'y en a pas beaucoup, hein? Il y a le ticket modérateur que M. Castonguay est venu nous présenter l'autre jour, il y a la caisse santé générale, il y a la caisse santé spéciale pour la perte d'autonomie, par M. Ménard, puis peut-être l'assurance privée, mais, moi, je ne pense pas comme vous que c'est une solution pour le système de santé. Donc, c'est quoi là-dedans, votre solution à long terme? Parce qu'à court terme, moyen terme, on peut toujours trouver des façons de passer d'une année à l'autre. C'est ça qu'on fait depuis 30 ans... non, pas depuis 30 ans, depuis, disons, 10 ans. Chaque année, on donne un coup pour essayer de se rendre à l'année suivante, puis l'autre année, puis l'autre année. On n'est pas capable de dégager une vision sécuritaire pour le réseau qui dépasse le court terme. Mais c'est quoi, pour vous, l'horizon de long terme, moyen terme? Comment on va financer le système de santé?

M. Dean (Robert): Bien, je pense qu'on a donné un certain nombre de pistes. D'abord, ce n'est pas la lutte des classes qui m'inspire, mais c'est sûr que, si les... et je me base sur les oeuvres comme celle de Mme Alepin pour dire que, si c'est perçu que les compagnies rentables, puissantes trouvent les moyens de ne pas payer leurs impôts, vis-à-vis de la population ça va être une... le monde va réagir contre ça. Mais, si on fait un effort dans ce sens-là, de faire payer leur part aux entreprises en utilisant la certitude que c'est dans leur intérêt, c'est l'intérêt de la compagnie... Et les déclarations de GM, Ford et Chrysler, puis un autre article ici, qui vient de l'éditrice de The Nation magazine, que beaucoup d'entreprises réalisent... Bien, on peut citer un chiffre de syndicat, du système de... du secteur de l'automobile. Chaque auto, aux États-Unis, 1 500 $, c'est les coûts de la santé dans le prix d'une auto et, au Canada, c'est 200 $. C'est une méchante incitation à l'investissement, d'autant plus qu'aux États-Unis, de plus en plus, et même les compagnies comme GM sont tellement écrasées par un système privé qui est hors de contrôle qu'elles sont en difficultés financières.

Et je pense qu'on peut aller, si on le vend bien, si on n'est pas terrorisé, on peut aller les chercher parce qu'un certain nombre... ce ne sont pas toutes des compagnies exploiteurs à 100 %. Il y a des compagnies qui respectent leurs employés, qui fournissent... qui paient une partie ou la totalité des régimes supplémentaires de... Alors, si le public va chercher une plus grande partie de ça, au fond, pour bien des compagnies, il n'y aura pas un ajout à leurs dépenses, c'est juste un transfert de la poche privée dans la poche publique. Et les sondages au Canada, au Québec ont révélé de façon répétée que, si la population savait, était confiante en eux que l'argent qu'on ajoute, et là on parle de votre compte de santé qui serait transparent, le monde qui sont convaincus qu'on peut présenter le problème... cette année pour ajouter tel service ou pour maintenir tel service, ça coûterait tant globalement, ça pourrait coûter tant. Les sondages, pendant des années, ont révélé que, la santé étant la priorité de la population, que le monde serait prêt. Et je cite les exemples, et ce n'est pas juste moi qui cite les exemples, The Economist entre autres, qui n'est sûrement pas un journal socialiste...

M. Couillard: Non, je ne pense pas non plus.

M. Dean (Robert): ...qui cite la Suède, la Finlande, la Norvège en exemples de pays où le taux d'imposition est fichument plus élevé que le nôtre, mais les services publics sont tellement bons, sont tellement appréciés par la population que le monde ne se plaint pas. Je ne pense pas que les Suédois, puis j'ai passé six mois en Suède, puis je ne pense pas qu'ils sont... ils sont bien fins, puis les femmes sont belles, mais...

M. Couillard: Elles sont blondes, souvent, hein?

M. Dean (Robert): Les Québécois sont fins, puis les Québécoises sont belles.

M. Couillard: Bon!

M. Dean (Robert): Donc, il n'y a pas de problème, là, mais, tu sais... Ça ne les fatigue pas, et même des entreprises comme The Economist qui sont... plus capitaliste que ça, tu meurs, bien ils invoquent la Suède comme exemple, la Finlande comme exemple de productivité, d'innovation technologique, tout en reconnaissant que leurs taux d'imposition sont hors de comparaison, sont les plus élevés du monde, mais la population ne se plaint pas.

M. Couillard: Bien, justement, puis d'ailleurs les pays scandinaves, c'est un bon exemple, et le problème, c'est qu'on est en Amérique du Nord, puis nos voisins, il faut qu'on se compare à eux. Et c'est bien beau, ce qui arrive dans les pays scandinaves, mais ça ne nous aide pas beaucoup quand on essaie d'attirer des entreprises. La Suède, c'est un bon exemple parce que, là-bas, il y a du copaiement dans le système de santé. Il y a un système privé, pas gros, mais qui existe. Ils ont vendu un hôpital, à un moment donné, puis ça n'a pas eu l'air d'avoir trop marché. Tu sais, on voit qu'ils font des expériences aussi avec le système de santé, puis je pense que c'est une bonne chose d'essayer d'innover puis d'essayer de trouver des façons différentes de faire.

Mais je veux juste terminer notre temps sur un aspect qui vous touche plus directement peut-être comme organisation syndicale, M. Desnoyers, peut-être. Des représentants patronaux sont venus à plusieurs reprises, dans la commission, souvent pour nous reprocher de ne pas faire assez de privé. Ils ont dit: Ouvrez plus, puis on veut plus d'assurances, puis... Bon. Et je leur posais exactement la question que vous venez de mentionner. Je disais: Écoutez, c'est un facteur compétitif, notre système de santé, pour le Québec, d'avoir le payeur unique, étatique, puis ça vous aide dans la compétitivité. Puis je leur disais: Si on introduit massivement l'assurance privée, comme certains le demandent, bien j'ai dit, c'est vous qui allez payer la facture, là, parce que le monde, vos syndicats, vos employés vont venir vous demander d'inclure ça dans les avantages collectifs. Mais la réponse a été, puis ce matin même, par la Fédération des chambres de commerce du Québec: Oui, puis ça va être correct de payer parce que ça va être rentable, c'est-à-dire que les employés vont le demander, ils vont être heureux, puis ils vont devenir plus productifs parce qu'ils vont attendre moins longtemps pour les soins, puis l'entreprise va mieux aller. Mais, vous, vous êtes de l'autre bord de la table, puis vous allez vous partager le coût de ces assurances hypothétiques, là. Comment vous voyez ça, ce paysage-là?

M. Dean (Robert): Il faudrait peut-être qu'ils aillent à une réunion avec leurs collègues américains, parce que...

M. Couillard: Bien oui, je suis d'accord, mais ils ont dit ça, là, ils ont dit ça aujourd'hui, ici même, à l'Assemblée nationale.

M. Dean (Robert): Non, non, mais je veux dire qu'eux peuvent vivre un peu dans... S'ils avaient la chance de parler avec leurs collègues américains qui vivent une autre expérience complètement, même s'ils veulent donner une assurance à leurs employés, ils sont de plus en plus dans l'incapacité à cause des augmentations fulgurantes...

M. Couillard: On leur a tout dit ça. Mais néanmoins ils persistent à dire que même des employés de grandes entreprises que vous représentez seraient contents...

n(21 h 50)n

M. Desnoyers (Luc): Mais Robert vous parlait, tout à l'heure, de l'industrie de l'automobile, et ce n'est pas unique à l'industrie de l'automobile, avec toutes les grandes multinationales avec lesquelles on négocie. C'est clair que le système de santé qu'on a au Canada et au Québec est un outil économique, un levier important. Quand on arrive à une table de négociation puis qu'on compare les coûts des bénéfices et avantages payés ailleurs aux États-Unis et qu'on arrive chez nous... Robert vous parlait de 200 $ à 1 500 $ par véhicule, ça a un effet majeur quand tu commences à parler de ça, surtout en termes d'investissements éventuels de la part de ces différentes entreprises là. Et, quand on regarde le niveau d'investissement... là, je suis obligé de parler du Canada quand on parle de l'automobile parce qu'au Québec notre apport est très minime, le lobby québécois politique n'est pas assez puissant et fort pour aller chercher ces investisseurs-là à venir chez nous, malgré ces coûts de santé là qui sont beaucoup plus bas que du côté américain.

Non, moi, je... c'est clair que, nous, on croit fermement que ce système-là, tout comme notre système d'éducation, sont des outils majeurs quand on parle d'attirer des gens. Tout comme la formation qu'on a mise sur pied avec la Commission des partenaires au Québec depuis nombre d'années, c'est un autre outil majeur. Quand ces gens-là veulent venir investir et regardent: Bon, la formation, ils ont les outils; la santé, ils ont ça; l'éducation, ils ont ça, c'est un tas d'outils qui nous permet d'attirer ces gens-là, Comme je disais, malheureusement il y a tout l'aspect économique en arrière de ça ou tout le lobby pas nécessairement politique, mais tout le lobby pour attirer ces gens-là à venir chez nous.

Je veux juste revenir... Tout à l'heure, vous avez parlé de vos cliniques privées et affiliées, et vous avez semblé dire: Bon, bien, on a toujours des réticences à ça. Quand on regarde votre projet, c'est quelque chose qu'on peut faire dans le public actuellement. Quand on regarde...

M. Couillard: On le fait aussi.

M. Desnoyers (Luc): Pardon?

M. Couillard: On le fait aussi.

M. Desnoyers (Luc): Oui, mais même par rapport à ce que vous avancez déjà ou avec les 20 millions que vous avancez dans votre programme, on le sait que ce n'est pas assez, ces argents-là, éventuellement, pour mettre à niveau le système de santé, comme Robert le disait tout à l'heure. On parle de 200 millions par année minimum. C'est sûr qu'il faudra innover, trouver le moyen d'aller chercher des sources de financement important. On en a proposé quelques-unes qui sont, pour nous, «innovatives», parce que, quand on regarde, depuis nombre d'années, la contribution de ces différentes institutions là, ça a été réduit. Et, aujourd'hui, on dit encore pire, on dit: Bon, bien... Puis je comprends quand vous dites que vos cliniques affiliées ne sont pas en dehors du système de santé, là, on semble lire ça dans le document, mais on a toujours des craintes majeures et importantes d'éroder ce système de santé là. Et ça, je pense que ce serait la pire erreur qu'on pourrait faire. Et on ne veut pas se permettre... Puis, comme Robert vous le disait, si la Cour suprême avait une décision à rendre aujourd'hui, elle la rendrait différemment, et elle a rendu ça pour une personne, pas pour une société qui avait décidé.

M. Couillard: Vous avez raison, mais, je veux dire, si la Suède est capable de faire une expérience où ils demandent des hôpitaux, on est-u capable de faire quatre, cinq cliniques affiliées au Québec puis voir comment ça va...

M. Desnoyers (Luc): Mais la Suède, si vous avez suivi leur dossier, ce n'est pas la Suède, hein? La Suède, c'est... les systèmes de santé sont contrôlés comme des... par des provinces, et chacune des provinces l'administre à sa façon. Et où ça s'est fait, ça a été dans la grande ville de Stockholm, où ça a été un gouvernement de droite qui a été élu, puis qui ont décidé de commencer à tenter de mettre de l'avant quelque chose qui n'a pas fonctionné, M. le ministre.

M. Couillard: Je l'ai dit moi-même...

M. Desnoyers (Luc): Puis vous le savez très bien que ça n'a pas fonctionné. Actuellement...

M. Couillard: Mais je vous l'ai dit moi-même.

M. Desnoyers (Luc): Oui.

M. Couillard: Je vous l'ai dit moi-même que ça n'a pas fonctionné. Ce que je veux juste dire, c'est qu'on peut avoir le droit d'innover puis de faire des choses, des expériences, puis voir si ça fonctionne.

M. Desnoyers (Luc): Mais on pourrait innover différemment.

M. Couillard: Mais on l'a fait aussi, les...

M. Desnoyers (Luc): Quand vous regardez l'Australie ? puis je veux vous arrêter ? regardez l'Australie, ce qu'ils ont tenté de mettre en place comme système de santé dans le secteur privé, où ils ont injecté des sommes d'argent de façon importante et massive. Ils ont été obligés de racheter les équipements puis les ramener, puis ils les ont payés en double puis en triple. Vous n'êtes pas rendu là...

M. Couillard: Ce n'est pas ça qu'on veut faire.

M. Desnoyers (Luc): Vous n'êtes pas rendu là dans ce que vous dites.

M. Couillard: Ce n'est pas ça qu'on fait pantoute.

M. Desnoyers (Luc): Non, vous n'êtes pas rendu là dans ce que vous dites. Mais, nous, on a des craintes importantes.

M. Couillard: Je veux juste terminer parce que mon temps achève, puis je veux être certain de vous donner une dernière chose d'éléments de discussion. Parce que, pour moi, la commission, ça a été une surprise. Je m'attendais que les représentants d'employeurs québécois nous présentent spontanément l'aspect de la compétitivité davantage économique. Or, à ma connaissance ? j'essaie de vérifier que je dis pas de choses inexactes, je ne crois pas, là ? toutes les associations d'entrepreneurs qui sont venues ici nous ont recommandé une ouverture plus large à l'assurance privée. Pour moi, ça a été une surprise parce que je me suis dit: S'il y a des gens au Québec qui devraient... puis, en privé, moi, j'ai été avec des entreprises qui nous ont dit: Protégez-nous de ça, tu sais, on veut garder cet avantage-là. Mais toutes les associations d'employeurs qui sont venues ici, ce n'est pas ça qu'ils nous ont dit. Pour moi, c'est assez... j'essaie de comprendre. Avez-vous une explication?

M. Desnoyers (Luc): Non, mais c'est clair, quand on arrive aux tables de négociation, M. le ministre, quand vous parlez comme ça, ce que les employeurs font, ils disent aux travailleurs: Je te donne 3 % d'augmentation, mais en même temps tu vas payer à 100 % ton assurance, puis ça te coûte 10 %, donc tu vas aller chercher 7 % de plus dans tes poches. On vient d'appauvrir les travailleurs, donc qui ne pourraient pas avoir accès à des assurances privées ou à quelque forme de privatisation dans la santé. On se retrouverait tout probablement comme avant le ministre Castonguay, où tout le monde avait... une grande partie de la société n'avait pas accès à des soins de santé facilement. Donc là, j'image, mais, chez nous, on l'a vécu, ça. Et nos craintes sont importantes à ce niveau-là, où on a eu des travailleurs et des travailleuses qui n'ont pas pu profiter de soins importants de santé. Aujourd'hui, il y a de l'accessibilité et de la gratuité.

Puis je vous le dis, là, quand vous parlez d'assurance, les pauvres travailleurs, là... Ce n'est pas tout le monde qui gagne 25 $ de l'heure. Il y en a encore, aujourd'hui, qui en gagnent 12, puis qui en gagnent 7, puis qui en gagnent 8, puis tu vas leur refiler une facture d'assurance, là. Je comprends que ça fait l'affaire de l'employeur, il n'a pas à la payer, il la met dans ses poches, lui, tandis que le travailleur, il est obligé d'aller la chercher sur sa paie pour payer ça. Puis regardez, au Québec, c'est quoi, le pourcentage des travailleurs et travailleuses qui gagnent plus de 35 000 $ ou 40 000 $ par année. Il n'y en a pas des tonnes, entre vous puis moi.

M. Couillard: O.K. Merci.

La Présidente (Mme James): O.K. Merci. M. le député de Joliette.

M. Valois: D'accord. D'abord, vous saluer, vous saluer, MM. Desnoyers, Fortin et Martin, saluer aussi M. Dean. Je suis un nouveau parlementaire, M. Dean, et puis je dois avouer bien honnêtement que je me suis donc fait raconter souvent les histoires du Parti québécois notamment et puis... des premières années, et tout ça. Et j'ai grandi en me faisant raconter autant ces histoires-là que celles de Maurice Richard; à la maison, on passait d'un à l'autre très régulièrement. Et puis, moi, je vis des choses qui sont très intéressantes du fait où, maintenant, je suis moi-même un parlementaire puis j'ai à rencontrer des gens que je me suis donc fait raconter l'histoire de. Et puis, encore aujourd'hui, je vis ça avec vous. Je suis très heureux de vous rencontrer, très content aussi de la contribution que vous faites, que vous faites encore ici et ce soir.

Je suis député de Joliette, où il y a la Bridgestone-Firestone et où le patron américain ? pas celui qui est au Japon, mais le patron américain ? lorsque est venu le temps de réinvestir, est venu à Joliette réinvestir, encore cette année, un autre 50 millions dans l'usine. Pourquoi? Bien, parce qu'il n'est plus capable d'investir aux États-Unis, et, pour lui, c'était très clair, et il prendrait toutes les tribunes pour aller le dire, parce qu'il voit la différence entre un et l'autre. D'ailleurs, on se rappellera même historiquement, où les syndicats, dans les années soixante, dans les années soixante-dix, auraient pu, plutôt que de vouloir faire en sorte que l'assurance santé soit pour tout le monde, réserver l'assurance santé à la syndicalisation et dire aux gens: Si vous voulez une assurance santé, le meilleur chemin, c'est de vous syndicaliser et de garder ça, parce qu'on sait aussi que ça aurait pu être le chemin. Mais, plutôt que de réserver ça à l'unique syndicalisation, les syndicats de l'époque ont décidé de faire en sorte que ce soit ouvert pour tout le monde. Et aujourd'hui, à la limite, on pourrait dire qu'une assurance privée, pour ce qui est des gens qui sont... qui possèdent les syndicats, ne serait-ce que pour les trois éléments qui sont apportés, à la limite, on pourrait les entrer et les négocier aussi, et ce ne seraient certainement pas les travailleurs syndiqués qui seraient les premiers touchés parce qu'il y aurait capacité de négocier. Et là vous venez encore nous dire: Bien, faites attention, alors que, dans les faits, vous êtes aussi, par votre pouvoir de négociation, des gens qui êtes placés, pour ces négociations-là, quand même assez bien, mais vous voyez aussi que, dans un plus large éventail puis à terme, il peut y avoir des problématiques.

En ce sens-là, lorsque vous nous parlez, et je pense que c'est à ce niveau-là que, moi, je veux vous entendre, parce que... Si on nous dit qu'on ouvre et que c'est de façon qui est somme toute très, très limitée, si on ouvre et qu'on nous dit que ça ne fera pas grand changement, si on ouvre avec même la conviction qu'on va être capables, par le public, de ne pas pouvoir faire en sorte que le privé puisse même élaborer un marché, même que ça ne nous intéresse pas du tout, mais pourquoi, pourquoi est-ce qu'on fait cette brèche-là, pourquoi est-ce qu'il y a cette chose-là, alors qu'il me semble que, dans votre document, lorsque vous parlez justement de la goutte de sang et des requins, il y a là la mise en garde de fond qu'on doit, il me semble, de notre côté, regarder? Parce que, si, aujourd'hui, on peut voir ça comme étant très limité, comme étant justement une seule petite goutte de sang, on doit aussi regarder la perspective de ce qu'on est en train de faire aujourd'hui par rapport à cette ouverture-là. Et ça, je veux vraiment, étant donné que vous êtes avec d'autres partenaires qui êtes à l'extérieur du Québec, vous entendre un peu plus là-dessus aussi puis élaborer sur cet élément-là.

n(22 heures)n

M. Desnoyers (Luc): Écoutez, quand... peut-être pour répondre à votre question, on parlait des négociations collectives tout à l'heure, c'est sûr qu'on a le pouvoir de négocier, aux tables de négociation, des avantages et des bénéfices puis de les garder pour nous autres. Tout à l'heure, on parlait de... il faut se... on ne peut pas se comparer à l'Europe, puis il faut se comparer à celui qui est à côté de nous autres. Bien, celui qui est à côté de nous autres actuellement s'appauvrit en système de santé et demande des réductions et des coupures importantes dans les conventions collectives au niveau des systèmes de santé. On transporte ça chez nous maintenant. Chez nous, on est rendus avec les mêmes revendications aux tables de négociation. De plus en plus, les employeurs, et ce, au Québec, là, à tous les jours, aux tables de négociation qu'on a, les employeurs revendiquent des coupures dans les systèmes d'assurance qu'on a. Donc, oui, on réussit toujours à se sortir de là puis à protéger nos avantages et nos bénéfices, et c'est un pouvoir qu'on a et qu'on veut conserver. On ne réussit pas à chaque fois à le faire, par exemple. Donc, ça veut dire qu'il y a des travailleurs et des travailleuses qui sont affectés.

Quand on parle de système de santé... tout à l'heure, je comparais la Suède... c'est-à-dire, Robert comparait la Suède avec ce qu'on a chez nous. C'est des pays qui sont identiques à nous autres. Quand on regarde la population qu'ils ont, ces pays-là, c'est des pays en termes de grosseur de population identiques à nous autres, qui se sont bâtis une société sociale-démocrate, avec des emplois très bien payés, où ils ont des politiques de plein-emploi développées de façon importante pour amener un flot ? le bon mot français m'échappe, mais en tout cas ? un flot d'investissements de façon régulière, et où on retrouve des taux de chômage peu ou pas importants, là, dans ces pays-là.

Je pense qu'on est capables de faire... Tu sais, le Québec, on a toujours été un peuple à part. On est entourés de 250 millions d'Américains, anglophones, et on a réussi toujours à se donner comme société des outils différents des autres, parce qu'on est différents des autres, parce qu'on a fait des choix de société différents des autres, tout comme les Suédois... Robert disait: Les Suédois, les Finlandais, les Norvégiens, ils ont fait des choix de société. Nous, on peut faire les mêmes choix de société aujourd'hui même, là, sans avoir à regarder ce qui se passe à côté. Parce que c'est sûr que, si on regarde ce qui se passe à côté, 40, 50 millions de la population américaine, je ne sais pas, ou peut-être 70 millions ? Robert a peut-être les chiffres plus précis ? n'ont pas d'assurance. Le reste en ont peu, puis l'autre sont les mieux nantis de la société.

Donc, comparaison faite, je pense qu'on n'a pas de choix de garder et de renforcer ce qu'on a et de trouver le moyen d'innover pour bâtir cette société-là qu'on veut, économique aussi. C'est un outil économique, comme je disais tout à l'heure, un levier majeur. Et, nous, dans le secteur manufacturier, on le sent de façon importante, cet outil-là.

M. Valois: Autant, tout à l'heure, je vous disais que je n'étais ni docteur ni avocat ? je le disais à l'autre groupe... J'ai étudié en sociologie. Il y a des importances à regarder par contre, lorsqu'on regarde les systèmes, notamment lorsqu'on va en Suède, lorsqu'on va dans les pays scandinaves... il ne faut pas sous-estimer aussi la culture individuelle ou la culture des individus qui s'y trouvent et qui vivent dans ces pays-là. Parce qu'au-delà d'une structure étatique, au-delà d'un échange entre un gouvernement qui intervient et l'apport, bon, de différents acteurs, il y a l'individu lui-même par rapport à sa propre prise en charge de la santé, mais qui, là, là... Il s'agit d'aller faire un tour dans ces pays-là pour réellement réaliser aussi qu'il a une mentalité par rapport à sa propre santé et sa propre responsabilité aussi. Alors, on doit aussi travailler, on doit aussi, il me semble, travailler énormément. Alors, tout ça pour dire que, lorsqu'on regarde les pays, c'est bien de les regarder en termes de structure étatique, de ce qu'on se donne, mais il faut aussi regarder en termes de... Regardez, là, il y a tellement d'éléments qui font en sorte qu'il y a un système ou il y a une façon de vivre qui va avoir un impact sur la santé versus d'autres choses. Il me semble qu'il y a aussi, là, beaucoup d'éléments.

Sauf que, au-delà de tout ça, vous revenez aussi avec le point qui, il me semble, est très important, c'est sur la capacité de ces sociétés-là qui sont dans les mêmes nombres que nous, quoique leur société n'est certainement pas aussi vieillissante et de façon aussi rapide que la nôtre, ce qui ajoute au défi, ça, c'est certain. Mais, la dernière fois que j'ai regardé, la Suède ne donnait pas la moitié de ses impôts non plus à la Norvège. Et ça, vous y revenez, par exemple, assez souvent. Sans dire que ça réglerait tout, le fait qu'on puisse avoir 100 % de nos impôts qui soient décidés ici, dans cette Assemblée nationale, ça reste qu'il y a quelqu'un qui s'est désengagé, quelqu'un qui était engagé dès le départ et qui s'est désengagé avec le temps, et ça, votre présentation met le doigt aussi là-dessus. Parce que c'est bien beau de parler d'accès d'un côté puis de, bon, qu'est-ce qu'on fait en termes de disponibilité des salles, de diplomation de médecins, et ces choses-là, mais il y a aussi une question des ressources qui est très importante, et là-dessus votre présentation est très bonne.

Mais, si vous aviez à nous donner, là, dans un premier temps... Je sais bien que vous avez fait la liste, là; je ne suis pas sûr que la taxe Tobin, c'est pour demain, mais il y a certainement des priorités, des actions qu'on doit entreprendre, sans dire que ça réglera tout tout de suite, là. Mais, si on avait à prioriser, là, dès le départ, j'imagine que, quoi, le déséquilibre fiscal serait certainement un élément très important?

M. Dean (Robert): Je pense qu'on les a mis un peu en liste dans notre document. Première possibilité, c'est aller chercher le plus qu'on peut du fédéral, c'est le premier pas. Deuxième pas, ce qui existe, fonds de santé, services de santé que les employeurs contribuent, nous pensons qu'une augmentation, disons, de 4,26 % à 6 % n'est pas de nature à mettre quiconque en faillite, et ça aussi, juste ça, si on fait la même extrapolation avec les chiffres qui sont dans le document de consultation, c'est un autre 2 milliards. Alors, disons, si le 25 % ne fonctionne plus, bien là on parlerait d'entre 25 % et 50 %, puis on peut facilement... Si on peut amener le fédéral à retourner à un meilleur équilibre d'équité qu'au départ, c'est quelques milliards qui seraient récurrents et, après ça, le 2 milliards du Fonds de santé... Et si on... là, on commence à être sérieux puis on commence à faire payer ceux qui évitent, par toutes sortes de trucs puis de stratagèmes, qui évitent de payer...

Puis, moi, j'ai appris la bible du bon fraudeur d'impôt dans les livres de Mme Alepin. Elle nomme des noms, elle nomme des familles bien respectées puis bien aimées au Québec qui ont trouvé la façon de cacher de l'argent puis d'utiliser l'argent des autres pour... en tout cas. Puis surtout qu'elle insiste sur les grosses entreprises rentables qui utilisent un stratagème de... Apparemment, ils ont le droit de remettre un certain impôt, de remettre ça d'une année à l'autre, et ils remettent, et remettent, et remettent, ils ne paient jamais, alors... puis on les laisse faire. Évidemment, je n'envie pas trop, trop l'agent du ministère du Revenu qui va mettre à l'ordre une grande entreprise riche, puissante, rentable et irresponsable, mais... Il y a sûrement d'autres façons.

Et, comme j'ai dit, en dernière analyse, si, partant de ce fameux compte de santé qu'on propose, pas l'affaire d'un programme pour la perte d'autonomie ? nous sommes très contre ça ? mais le compte santé qui rend simplement disponible à la population. L'argent qu'on a reçu, ça vient de où? Il vient tant de notre fonds général, tant du Fonds de santé et... Fonds...

Une voix: De services de santé.

M. Dean (Robert): ...de services santé, tant de telle autre source, tant de telle autre source. Et les dépenses, c'est ça, c'est ça, c'est ça, dans tel domaine, tel domaine. Si on décide, si on arrive... Écoute, le dernier recours, c'est de retourner à la population et de demander, d'être honnête, de prendre une position de leadership puis dire: Écoute, voici la situation, voici la vérité, maintenant on a deux choix: ou bien on commence à couper les services, ou bien on commence à faire ci ou ça, ou bien, avec x dollars de plus, on peut maintenir tels services ou ajouter tels services. Et je pense que le monde est assez intelligent.

n(22 h 10)n

Écoute, j'ai passé six mois en Europe, en 1992, je suis allé en Autriche, en Finlande, je demeurais en Suède, je suis allé en Norvège, et j'ai vu des entrevues d'hommes dans la rue, puis il n'y a pas de problème de payer des impôts plus élevés que tout le monde parce qu'ils ont un système. En plus d'avoir des entreprises rentables, un système d'éducation à toute épreuve, un pays d'innovation, des pays où beaucoup de recherche... 3 % du PIB en recherche, un des niveaux les plus élevés au monde, économiquement solide, rentable, et en même temps on a un système d'impôts très élevés, impôts, taxes, là, différentes sources, et ça fonctionne. Et puis il n'y a pas grand monde qui cherche à changer ça, parce que, là, il y a une élection qui s'en vient l'automne prochain, puis ça a l'air que le parti au pouvoir ou la coalition au pouvoir prend la tête un peu dans les sondages. Ce n'est pas sûr encore, mais... Puis le parti qui est responsable de tout ça, depuis 1932, ils ont été au pouvoir...

M. Desnoyers (Luc): Mais il ne faut pas oublier que...

M. Dean (Robert): ...80 % du temps.

M. Desnoyers (Luc): Au niveau du financement, quand Robert parlait des taxes sur l'alcool, bien, ceux qui sont malades de ça sont soignés dans le système de santé. Les taxes sur le tabac, ceux qui sont malades de ça sont soignés dans la santé. Le casino, c'est la même chose. Puis maintenant tu as la malbouffe qui prend de plus en plus d'ampleur dans les pays qui nous entourent, et un jour chez nous aussi, puis on aura à traiter ça dans notre système de santé. Donc, je pense que toutes les taxes qui entourent ça, c'est quelque chose qu'on peut mettre dans notre compte santé puis dire: Bien, voici des sous qui sont... Je ne sais pas ce que ça représente en termes de millions, là, mais... Puis je ne parle pas de vous, M. le ministre, là.

M. Couillard: Y a-tu de la poutine à la cafétéria?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois: D'ailleurs, là-dessus, plus nous siégeons, plus nous nous rendons compte qu'essentiellement le ministre de la Santé en tant que tel, à l'intérieur d'un gouvernement, par rapport à une série de considérations, est un peu comme un gardien de but. À partir du moment où est-ce que l'activité sportive, pour ce qui est de... bon, puis bouger à l'école, puis ces choses-là, bon, bien, il y a quelque chose qui... bon, on a des efforts à faire de ce côté-là. Vous parlez de la malbouffe, à partir du moment où est-ce qu'il y a d'autres réalités, on peut parler aussi de la sécurité du revenu, ces choses-là, bien, ces gens-là qui, par rapport à la capacité qu'on a de venir en aide ou de donner des outils, ne les reçoivent pas et bien souvent aboutissent, bien, je pourrais dire comme clients, là, mais... du ministre de la Santé. Ça fait qu'alors, oui, jusqu'à un certain point, nous sommes tous à la limite, bon, responsables d'une série de comportements que nous avons et de regarder cette caisse santé là de façon globale et de dire: Bien, regardez, là, l'intervention en santé, elle se fait de façon plus large.

Maintenant, ce que je comprends par rapport à votre financement, au concept du financement, les multiples sources, ces choses-là, et que la dernière serait d'aller vraiment retourner voir les gens, bien que, s'ils savent que c'est pour se donner quelque chose de collectif comme un système de santé qui répond à leurs besoins, bien on verra avec le débat, là, comment les gens pourraient adhérer à ces choses-là... Mais je comprends que tous ces éléments-là viennent aussi d'une réflexion qui, il me semble, est importante aussi, parce qu'on doit avoir toujours au fond de la tête, tu sais: Comment penser qu'en achetant des services à des cliniques privées, jusqu'à un certain point, on va pouvoir s'offrir des services à meilleur coût qu'on pourrait nous-mêmes s'offrir à l'intérieur des services publics? Et là-dessus vous apportez encore une réflexion qui est intéressante par rapport au fait que, bon, on semble voir, dans les cliniques affiliées, quelque chose qui serait plus simple et qui serait plus, à la limite, là, qui serait plus avantageux, alors qu'on aurait aussi à acheter, avec contrat... finalement, acheter des services à une clinique qui, elle aussi, veut certainement se donner une marge de profit, de l'autre côté.

M. Dean (Robert): Bien, c'est ça. Mais, quand on paie avec les fonds publics une clinique affiliée, on paie les coûts de construction, on paie le coût de l'équipement, on paie le coût du personnel, on paie le coût de financement qui est plus élevé dans le privé que peut avoir un gouvernement, ça ne rentre pas dans la tête comment qu'on peut faire ça à meilleur marché avec le Dieu profit, en bout de piste, qui...

M. Desnoyers (Luc): Quand tu disais «acheter des services», c'est une notion de profit au bout de ça, là, tu sais. Elles ne survivront pas, là, ces cliniques-là, si elles ne font pas d'argent en quelque part. Donc, la santé risque de devenir une marchandise finalement, et je ne pense pas que ce soit ça, l'objectif, là, qui soit visé. Et c'est pour ça qu'on a toutes sortes de craintes à l'intérieur de ça, là, sur la notion de profit qui est rattachée à tout ça.

M. Valois: Bien, moi, j'ai vraiment... Merci beaucoup de votre présentation. Évidemment, le temps qui nous est alloué est toujours trop court, mais merci beaucoup de nous avoir... en plus de la contribution du document que vous avez apporté, de l'autre documentation que vous nous avez apportée. Encore une fois, M. Dean, merci beaucoup de vous être présenté ce soir.

La Présidente (Mme James): À mon tour de vous remercier, M. Desnoyers, M. Fortin, M. Dean et M. Martin, de votre présentation de la part de TCA-Québec.

Sur ce, la commission ayant épuisé l'ordre du jour pour ce soir, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 22 h 15)


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