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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Tuesday, May 30, 2006 - Vol. 39 N° 35

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures dix minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, chers collègues. Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je nous rappelle que notre mandat est de poursuivre notre consultation générale et nos auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charest (Rimouski) va être remplacée par M. Valois (Joliette). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, chers collègues, ainsi que tous ceux qui sont présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite pendant les séances de la commission. Je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

En dépit de l'avis qui a été, l'autre jour... qui a été envoyé hier, il y a un désistement. Alors, nous avons, ce matin, l'audition d'un groupe, dans quelques instants, l'association d'établissements spécialisés à vocation régionale. Et je ferai lecture de l'ordre du jour de cet après-midi, puis je vais le faire tout de suite, ça va aider à gagner du temps dans l'après-midi. Nous allons suspendre autour de 12 h 10. On reprend à 15 heures avec la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec; 16 heures, l'Ordre des audioprothésistes du Québec et l'Association professionnelle des audioprothésistes du Québec; à 17 heures, la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec; et, ce soir, suspension de 18 heures à 20 heures; 20 heures, l'Association coopérative d'économie familiale, l'ACEF de Québec; et terminer la soirée avec le Carrefour Humanisation-Santé; ajournement prévu autour de 22 heures.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'association d'établissements spécialisés à vocation régionale. M. Bouchard, bonjour.

Associations d'établissements
spécialisés à vocation régionale

M. Bouchard (Jean-Marie): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Je vous demande... J'explique nos façons de faire ? je sais, vous êtes familier, quand même ? vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure. Et par la suite il y aura un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie, M. Bouchard, de présenter vos collaborateurs et par la suite de débuter votre présentation.

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui, merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la ministre, Mme et MM. les membres du comité, je veux tout d'abord présenter les coprésidents qui m'accompagnent: à ma droite, M. Jean-Guy Frigon, qui est le président du secteur déficience physique; M. Paul-André Bernier, alcoolisme et toxicomanie; M. Jean-Nil Thériault, centres jeunesse. Mais il y a également les directeurs généraux de ces associations ? quand je dis «directeurs généraux», ça comprend «directrices générales» parce que, dans mon temps, le masculin comprenait le féminin, Mme Delisle, mais quand même on va dire quand même directrices générales et directeurs généraux ? alors: Mme Anne Lauzon, déficience physique; Mme Lisa Massicotte, alcoolo-toxicomanie; M. Jean-Pierre Hotte, centres jeunesse; et M. Pierre Cloutier, déficience intellectuelle.

Garantir l'accès: défi d'équité, d'efficience et de qualité, c'est le titre du document gouvernemental, mais c'est un document qui soulève des enjeux, on le sait tous, considérables quant à l'accessibilité des services et quant au financement. Au premier abord, comme il s'agit d'un problème médical, de services médicaux, on peut s'interroger sur la pertinence de notre présence à cette commission parlementaire, nous, les spécialistes du secteur social. Bien, nous allons tenter de vous démontrer que nous sommes interpellés très sérieusement par ce document important du ministère, et brièvement je le ferai à deux niveaux.

D'une part, vous rappeler rapidement que le système social dans lequel nous baignons, depuis sa fondation, souffre de précarité, de fluidité. Il n'y a pas telle chose qui existe dans le domaine de la santé qu'un caractère universel. La loi canadienne reconnaît ce caractère universel dans le domaine de la santé. Il n'y en a pas dans le domaine du social. Donc, ça fluctue au gré des circonstances et au gré des problèmes sociaux qui se présentent dans la société. Il n'y a pas de définition claire des services. On commence à le faire par ce qu'on appelle l'offre de services, mais il n'y a pas encore ce qu'on appelle des paniers de services reconnus. Ça, c'est ce que j'appelle les caractéristiques de base dans le système social.

Mais cette précarité au niveau caractéristique se traduit dans une réalité triste, et je me réfère, pour en faire le constat, à ce que le ministère de la Santé a déposé en 2004, lorsqu'il a élaboré sa politique de la santé et des services du bien-être. Il a dit ceci, je cite: «...malgré l'importance accrue des aspects sociaux et de la prévention au sein du discours sociosanitaire, les préoccupations se rapportant à la santé physique et aux soins curatifs ont continué d'avoir [la] priorité dans les faits, d'accaparer la plus grande partie des ressources [financières et humaines], de jouir de l'appui des médias et d'exercer une influence [considérable] sur la prise de décision. Le déficit des établissements hospitaliers est venu chercher tous les développements budgétaires des dernières années...» Et le ministère lui-même conclut: «...l'exposition régulière du réseau aux situations de crise, qui obligent constamment les décideurs à se concentrer sur les urgences et le court terme.» Fin de la citation sur ce constat du ministère. Évidemment, nous y souscrivons totalement.

Donc, précarité d'un système qui s'inscrit maintenant dans une nouvelle politique gouvernementale de garantie d'accès. On comprend dès lors notre présence ici, ce matin. Le gouvernement, dans son texte, ne touche aucunement l'aspect social, sauf de faire mention de l'hébergement et du soutien à domicile des personnes vulnérables. C'est ici que l'on peut, pour la première fois, interpeller le titre du document et de parler d'équité et de justice. Est-ce que le ministère s'est préoccupé de maintenir cette équité en ce qui concerne le domaine social? Qu'en est-il de la justice sociale quand on constate dès lors que tout le secteur qui est le nôtre échappe aux préoccupations du ministère dans ce qu'on appelle maintenant la garantie d'accès?

Et le problème s'amplifie quand on constate que ce mécanisme de garantie d'accès ne pourra être étendu, d'après le document, à d'autres types d'interventions qu'en fonction des résultats et des ressources disponibles. Même là, dans cette deuxième vague possible d'interventions du ministère pour leur assurer la garantie d'accès, on n'est même pas mentionnés. Dans ce contexte, comment ne pas se prémunir contre le danger d'un laissé-pour-compte? On n'en est pas, nous, maintenant, quand on regarde ce texte, au niveau de la garantie d'accès, mais garantie d'une prise en compte de notre existence. C'est là tout l'enjeu de ce document pour nous.

n (11 h 20) n

Le bilan que fait le gouvernement dans son secteur médical et hospitalier à mon avis doit être complété par un bilan semblable dans le secteur social, et ce bilan fait voir ce qui est connu, ce que nous dénonçons à plusieurs reprises: qu'il y a un retard considérable à combler les besoins des clientèles vulnérables, faute d'investissement à la bonne hauteur. Inquiétude donc, quand on sait que le gouvernement entend principalement poursuivre la consolidation des actions prises en première ligne et des services médicaux. Oui, prise en compte de la première ligne, mais en se rappelant que la consolidation amorcée en première ligne ne pourra atteindre son efficacité sans que soit entreprise en même temps une consolidation de l'ensemble des services spécialisés. Pas de consolidation réelle de services de première ligne possible sans un débouché sur les services spécialisés de deuxième ligne.

Comment, dans un tel contexte de services, de continuum de services, toucher ne serait-ce qu'un peu à une garantie de services sans qu'il y ait des conséquences sur le système lui-même si on ne prend pas garde de veiller au grain et de maintenir l'équité actuelle, si fragile? C'est ici que nous soulevons l'impérieuse nécessité de nous inscrire dans cette démarche de garantie. Garantie d'accès à certains services médicaux, oui, bien sûr, mais dans le contexte d'une garantie d'inviolabilité du secteur social. Garantie spécifique de financement pour lesdits services ainsi garantis d'accès, oui, mais pas au détriment du financement, déjà insuffisant, du secteur social. Car il existe telle chose que les services socialement requis qui exigent, eux aussi, des délais cliniquement et socialement acceptables.

Aussi, sommes-nous inquiets pour notre clientèle. Comment, dans le nouveau plan d'action gouvernemental, celui d'une garantie d'accès même minime, assurer la juste place du secteur social? Comment assurer, et c'était vraiment un minimum, la pérennité du secteur social dans ce contexte? Comment assurer que nos clientèles vulnérables aient les services requis par un financement adéquat? En d'autres termes, comment assurer au moins les acquis actuels, qui risquent d'être englobés dans la spirale des coûts de financement que nous connaissons? À défaut d'être inscrits dans la démarche gouvernementale de garantie, nous risquons d'être inscrits de plus en plus à la marge des priorités du ministère, avec toutes les conséquences que cela implique sur le plan financier et surtout sur le plan humain.

Je me rappelle, en terminant, une phrase qui résume peut-être notre pensée, celle de Fernand Dumont, philosophe, qui écrivait: «Les problèmes collectifs ne disparaissent pas parce que nous en avons trop parlé. Non. Ils subsistent parce que nous ne les avons pas résolus.» Bien, espérons que, ce matin, nous avons fait notre part pour résoudre ce que nous avons dénoncé.

Je vais laisser maintenant la parole à chacun des présidents, qui va présenter ses priorités dans son secteur. M. Frigon.

M. Frigon (Jean-Guy): Dans un premier temps, j'aimerais juste rappeler... Pour commencer, je tiens à vous dire bonjour. Je pense, ce serait de...

Dans un premier temps, j'aimerais juste vous rappeler... Par rapport à la clientèle vulnérable, quand on pense qu'il y a encore une liste d'attente, pour les enfants entre zéro et 12 ans, de trois mois et plus, quand on pense au nombre de 1 900 enfants qui sont encore sans service de trois mois et plus, vous comprendrez qu'à ce stade-ci on fait un cri d'alarme pour ces enfants-là, mais aussi pour les familles, quand on pense que les familles deviennent avec des problèmes énormes, même on voit des crises de famille. Aussi, quand on voit... Je veux juste vous rappeler que ces enfants-là sont en retard au niveau scolaire. Comment ils vont réchapper à ça? C'est juste un rappel que je veux faire, ce matin, très court, sans vouloir alarmer un peu plus le gouvernement par rapport à cette crise-là. Je laisserais à d'autres présidents de faire...

M. Bernier (Pierre-André): Oui. Au niveau d'alcoolisme, toxicomanie, ou ce qu'il est convenu maintenant d'appeler le Programme dépendances, je voudrais souligner deux éléments. C'est que nos interventions se situent la plupart du temps en prévention secondaire des problèmes de santé importants. Les recherches faites dans d'autres pays démontrent qu'un investissement auprès de la réadaptation des personnes alcooliques toxicomanes a un retour sur l'investissement, donc diminution des coûts de la santé et de la sécurité publique dans un ratio de un à huit, un à neuf, selon les études qui ont été faites.

Alors, notre taux de pénétration, si on peut s'exprimer comme ça, des personnes très dépendantes, qui se situe aux environs de 4 % des personnes qui ont des problèmes d'alcool, on rejoint à peu près 8 % de ce 4 % là. Alors, c'est dire qu'un investissement auprès des personnes qui ont des problèmes d'alcool ou de dépendance à la drogue ou au jeu est rentable pour la société et également sur le plan économique, par rapport aux coûts que représentent les services de santé.

Alors, nos priorités sont au niveau des jeunes bien sûr et également au niveau des femmes enceintes, des femmes toxicomanes, parce que nous pensons... il y a bien d'autres secteurs également, mais nous pensons que c'est les deux secteurs les plus prioritaires d'intervention. Alors, notre objectif, c'est de hausser notre taux de pénétration légèrement supérieur au 8 % du 4 %, peut-être au niveau de 15 % au niveau des jeunes et de 10 % au niveau des adultes.

Une voix: Oui, M. Thériault.

M. Thériault (Jean-Nil): Oui. Bonjour. Comme les intervenants ultérieurs l'ont bien mentionné, il y a un lien explicite entre les investissements qu'on fait au niveau du secteur social et du développement d'une société. Le lien entre le social et l'économique a été démontré. Et évidemment il est essentiel d'investir au niveau des jeunes ? vous comprendrez la position de l'Association des centres jeunesse à cet effet-là ? investir au niveau des jeunes qui sont évidemment des jeunes qui sont les plus vulnérables au sein de notre société. Il y a un souci effectivement d'équité, d'équité entre les générations.

Quand on parle évidemment des programmes que nous voulons mettre de l'avant en ce qui concerne qualification des jeunes et problématique des jeunes en santé mentale, évidemment l'intensité d'action et d'intervention que nous voulons faire auprès des jeunes et des familles, on voit là un investissement, des investissements qui seraient effectivement, en termes de société, entre guillemets, si vous me permettez l'expression, rentables et efficaces mais aussi équitables en termes de garantie d'accès. Et, vous savez, on sait bien qu'au niveau du secteur social nous sommes très dépendants d'un financement qui est presque exclusivement public, et donc d'où notre très grand intérêt, en termes de priorité, que le secteur social soit bien reconnu à l'intérieur des priorités gouvernementales et aussi par les interventions qui doivent être faites auprès des jeunes et des familles en difficulté.

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui. Je compléterais, si vous me permettez. Il me reste encore quelques minutes, je pense, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Il reste quatre minutes, M. Bouchard.

n (11 h 30) n

M. Bouchard (Jean-Marie): Quatre minutes? Bon. Je compléterais peut-être les avancées qui ont été faites tout à l'heure en vous disant ceci ? c'est un peu, toujours, très humiliant d'avoir à recourir à un argument comme celui-là, mais je vais le faire, ne serait-ce que pour illustrer l'ampleur des problèmes qui nous confrontent, c'est ce que j'appelle l'argument économique: Nous sommes dans un secteur de problèmes humains, donc l'argument ultime qu'il faut utiliser, c'est, économiquement, quels sont les impacts?

Bien, on avait déjà donné plusieurs documents au gouvernement à cet effet-là, mais il y a un rapport qui vient d'être publié ? il vient du fédéral, là, mais ça ne fait rien, il est bon quand même, là ? c'est un rapport du Sénat ? ils doivent être pas pires, on devrait être bons ? alors du mois de mai, du mois de mai, du mois de mai, du 6, là ? donc on est dedans ? et on disait ceci: «Comparativement à toutes les autres maladies ? comme le cancer, maladies du coeur, ainsi de suite ? les maladies mentales et toxicomanie arrivent au premier et au deuxième rang des causes d'invalidité au Canada, aux États-Unis et en Europe. [Et,] parmi les 10 principales causes d'invalidité dans le monde, cinq sont des troubles mentaux: dépression [...], alcoolisme, trouble bipolaire», etc. Et on chiffre: En 1998, on a chiffré à 8 milliards environ la productivité perdue au Canada, uniquement dans la santé mentale. Plus récemment, on a évalué, en tenant compte cette fois-ci de la toxicomanie, que l'économie canadienne ? un chiffre astronomique ? perd 33 milliards par année. Cela correspond à 19 % des profits combinés de toutes les entreprises canadiennes et à 4 % de la dette nationale.

Donc, lorsqu'on parle, dans le document, de réflexion du ministère, des problèmes... de préoccupations en amont de ces problèmes, nous avons ici un exemple de ce que coûte un problème social non résolu. Et là je ne parle pas des problèmes humains qu'endurent ces personnes elles-mêmes: déficience intellectuelle, troubles avancés de développement, toxicomanie, et ainsi de suite. Financement non seulement adéquat pour la dispensation des services, mais également financement inadéquat pour la recherche, le développement et le développement d'outils nécessaires pour l'évaluation.

Donc, vous comprendrez, mesdames messieurs, que, dans un document du ministère qui ouvre une voie nouvelle, timide, comme on le dit dans le texte, sur les garanties de service et de financement spécifique, alors que le social représente 15 % des dépenses d'investissement, au moins conservons notre acquis, assurons-nous que, dans l'implantation de ce nouveau plan, le social ne sera pas perdant, à plus ou moins long terme.

Le Président (M. Copeman): Merci, messieurs. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Bouchard et collègues, pour votre importante et intéressante présentation. Je dirais que, pour faire un lien avec la conclusion de vos remarques, M. Bouchard, il n'est aucunement question de mettre en péril les services sociaux par rapport à ce qui est contenu dans le document. J'aurai quelques exemples pour vous l'indiquer au cours de la présentation ou des remarques que je ferais. Je dirais cependant, d'entrée de jeu, que le document qui est devant nous n'est pas un livre blanc sur le système de santé du Québec ou le système de santé et de services sociaux du Québec, c'est une réponse au jugement de la Cour suprême, qui porte spécifiquement sur l'accès aux soins médicaux hospitaliers, dans le contexte des listes d'attente pour ces mêmes soins. Tellement que, comme on parle relativement peu des soins de première ligne médicaux, on nous a reproché, ici même, de ne pas parler assez des omnipraticiens. Mais on s'en occupe, des omnipraticiens, de bien d'autres façons, et ça n'avait pas vraiment à être inclus dans le document. Alors, le fait qu'on ne retrouve pas de façon nominale les services sociaux, là, dans le document n'est pas surprenant et ne signifie pas, à mon humble avis, une perte de priorisation ou un manque d'intérêt de la part du gouvernement.

Je dirais qu'il y a certains... En termes de pérennité, j'ai cru dépister le filigrane de votre présentation comme une perte ou une inquiétude quant à la protection nécessairement des ressources du secteur social par rapport au secteur santé. J'aurais quelques indications à vous donner là-dessus. D'abord, la mission des CSSS, qui est entérinée ou enchâssée dans la loi n° 83, inclut les services sociaux courants, ce qui auparavant n'était pas... était laissé flottant. Il y avait des services sociaux dans les CLSC, mais de quelle manière l'établissement était-il obligé de les assurer pour sa population? Il y a eu, là, un gain sur le plan législatif.

De même, également, que la gestion des budgets qui, étant par programmes maintenant, à mon avis protège mieux ? il n'y a rien de parfait sur cette terre; mais protège mieux ? les budgets des services sociaux que ce n'était le cas auparavant. Lorsque j'ai fait la revue des investissements récents en santé, j'ai constaté... À la différence peut-être de ce que vous indiquez, c'est que les développements, depuis 2003, les développements budgétaires du système de santé du ministère de la Santé et Services sociaux ont été en totalité extrahospitaliers, et le service hospitalier n'a reçu que l'indexation spécifique. Les développements de nouveaux services ont eu lieu dans les services de proximité, c'est-à-dire perte d'autonomie, santé mentale, etc., et c'est bon qu'il en soit ainsi, et c'est de la bonne gestion d'ailleurs de faire ça plutôt que d'augmenter le financement du milieu hospitalier.

D'ailleurs, l'intégration sociale santé qui est unique au Québec ? on est le seul gouvernement au Canada, dans la fédération canadienne, qui intègre les mission sociale et mission santé ? n'a jamais été remise en question par notre gouvernement. Pourtant, comme vous le savez, de façon cyclique, les gens, surtout du milieu médicohospitalier, font une remarque qu'on devrait avoir un ministère santé-santé puis social à côté, séparé. Nous, on pense que c'est essentiel de conserver cette intégration-là.

Pour ce qui est du niveau d'investissement, bien là c'est des données qui sont plus ou moins fiables, parce qu'on peut les critiquer d'un côté ou de l'autre. Alors que globalement les dépenses en santé per capita, au Québec, sont inférieures à celles du reste du Canada, notamment par les écarts de rémunération des professionnels ? il en est question ces jours-ci, d'ailleurs ? les dépenses des services sociaux, elles, sont très comparables et même largement comparables. Maintenant, il faut faire attention avec ces chiffres-là parce que ce qui est inclus dans services sociaux au Québec, par rapport à ce qui est inclus aux services sociaux ailleurs, n'est pas la même chose. De la même façon que ce qui est inclus dans services de santé au Québec, par rapport aux services de santé ailleurs, n'est pas la même chose. Alors, je prends cette donnée-là avec prudence.

Mais, lorsque j'ai fait des déclarations récentes sur les affectations budgétaires, en rapport avec le document et d'autres sujets, j'ai donné deux exemples qui d'après moi sont indicateurs de la tendance qu'on veut continuer à suivre ici. D'abord, lorsqu'on a publié le document de consultation qui est devant nous, vous constatez qu'on ajoute 20 millions à nos budgets actuels, récurrents, de 60 millions pour les listes d'attente qui montent donc à 80 millions, et la réaction que j'ai eue de certains secteurs du système de santé, c'est: 20 millions, c'est rien, seulement 20 millions.

Or, justement, l'explication que j'ai donnée, c'est qu'il fallait y aller de façon mesurée, et notamment pour protéger les autres priorités. D'ailleurs, dans la lettre que j'ai publiée dans Le Devoir, parmi les dangers que je voyais à cette situation que le jugement de la Cour suprême nous apporte ? et je vous rejoignais totalement dans ce texte-là, que vous pourrez peut-être consulter ? parmi ces dangers, je notais le glissement de priorités, c'est-à-dire l'abandon de véritables priorités en termes de la société pour des priorités qui nous sont dictées par un contexte légal et juridique, là, particulier, non pas que ce ne soit pas important, les listes d'attente, mais les services à la jeunesse en difficulté et en santé mentale d'après moi sont aussi importants que les listes d'attente pour la chirurgie.

De la même façon, ces jours-ci ? puis je ne ferais qu'une brève allusion afin de ne pas m'aventurer en terrain glissant dans ces heures assez difficiles ? lorsqu'on parle des relations entre les professionnels de la santé et le gouvernement, j'ai indiqué que la raison pour laquelle le cadre financier devait être respecté, c'est que le rôle de l'État est d'établir l'équilibre entre ce qu'on donne en rémunération et ce qu'on donne en services. Parce que ce n'est pas nécessairement correspondant, si on paie des gens plus, ce n'est pas nécessairement que ça va donner des nouveaux services ou des meilleurs services. Ça peut, mais pas nécessairement. Alors, j'ai indiqué que, si on dépassait le cadre financier, on mettait en danger non seulement d'autres missions du système de santé, mais également du secteur social, et j'ai pris souvent comme exemple la section de la jeunesse en difficulté.

Alors, je pensais important de vous mettre ça en perspective pour vous assurer que, de notre part, ce n'est pas du tout une intention cachée ou une intention maléfique, là, de profiter du jugement de la Cour suprême pour faire glisser des ressources du secteur des services sociaux vers la santé. S'il y a quelque chose, depuis trois ans, on aurait aimé en mettre plus, des ressources en services sociaux, et on le reconnaît d'ailleurs, notamment dans le domaine de la réadaptation.

Écoutez, je voudrais vous poser une question. Dans votre document... qui m'a beaucoup intéressé parce que vous faites un parallèle très judicieux entre la façon dont on essaie, avec les médecins notamment, de déterminer la notion, de définir la notion de délai médicalement acceptable, et là vous apportez un parallèle qui est excessivement intéressant avec, on pourrait appeler, un délai socialement ou... ? bon, trouvons un autre mot ? socialement acceptable. J'ai un exemple qui me vient en tête tout de suite, c'est le domaine des troubles envahissants du développement, où on a vu qu'il y avait des études scientifiques qui montraient que, si on n'intervenait pas dans le bas âge... on avait des données objectives qui montraient que l'enfant avait moins de chance de s'intégrer à la société. Alors, c'est la raison pour laquelle on a développé le programme que vous connaissez très bien, là, qui d'ailleurs va drainer beaucoup les nouveaux investissements de la déficience intellectuelle, puis ça, c'est un autre problème à l'intérieur de votre sphère d'activité. Mais je suis intéressé de voir comment vous voyez cette question de la définition de délai socialement acceptable ou scientifiquement... Je pense qu'il faut rester sur la base de l'évidence scientifique, sinon on ne s'en sort pas, là.

n (11 h 40) n

Prenons, par exemple, le domaine de la jeunesse en difficulté. On sait que maintenant un jeune en situation critique est pris en charge par la DPJ. Ce n'est pas ça qui est le problème. Ces situations claires là ne font pas problème. C'est tout l'ensemble des situations de difficulté de la jeunesse où il est très difficile de définir, un, ce qui constitue le socialement acceptable ? parce que, même avec le médicalement nécessaire, on a de la misère ? puis, deuxièmement, sur quelles bases scientifiques, ou en existe-t-il, peut-on s'appuyer pour déterminer les normes d'accès aux services, autant dans le secteur de la jeunesse que l'alcoolisme, toxicomanie ou la réadaptation. Je m'excuse d'avoir été si long, mais je voulais mettre ça dans une perspective qui était correcte.

M. Bouchard (Jean-Marie): Merci, M. le ministre. Et vous avez raison de souligner au tout début que, lorsqu'on parle du social, il ne faut pas oublier le CSSS, bon, et c'est la raison pour laquelle nous parlons, en ce qui nous concerne, des services spécialisés du secteur social. Donc, on est au niveau de la deuxième ligne. C'est tout à fait différent, on est bien d'accord avec ça.

Deuxièmement, en ce qui concerne le financement, M. le ministre, c'est vrai. Mais vous comprendrez que, dans le contexte que l'on connaît, où vous recevez presque quotidiennement des rapports de différents spécialistes qui vous disent qu'on est dans une situation d'étranglement financier et puis que, dans ce système-là, on insère une... Je comprends que c'est pour répondre à un jugement de la Cour suprême, mais, qu'on insère un principe de garantie d'accès même minime, il y a des inquiétudes qui sont soulevées. On n'accuse pas le gouvernement d'avoir des basses intentions contre le secteur, ce n'est pas la question, mais c'est une mise en garde que nous faisons en disant: Écoutez, soyons prudents dans un tel système, c'est un pied dans la porte que l'on met, là. Vous le dites vous-même dans votre document: on verra par la suite si on étend ou pas et puis si on a les ressources nécessaires pour le faire.

Donc, on dit purement et simplement: Ne le faisons pas en oubliant un secteur très important, qui est le social et le spécialisé du social, dont déjà, la fragilité du financement, vous la connaissez, vous n'êtes pas en mesure de faire ce que vous voudriez faire, vous le dites souvent, puis Mme Delisle répète la même chose également, on le sait très, très, très bien. Donc, on a une préoccupation très sérieuse à cet égard-là et on se devait de vous le signaler ici, ce matin, en vous disant: Écoutez, regardons de près cette question-là, si jamais il y a d'autres interventions dans ce secteur-là.

En ce qui concerne l'autre question très, très importante que vous soulevez, les services socialement requis dans les délais scientifiquement requis, vous avez fait mention de centres jeunesse, alors vous pouvez peut-être parler sur le centre jeunesse, M. Aumont.

M. Hotte (Jean-Pierre): Jean-Pierre Hotte.

M. Bouchard (Jean-Marie): Pardon, Jean-Pierre Hotte.

M. Hotte (Jean-Pierre): Effectivement, sur la question des délais, lorsque vous référez, M. le ministre, à une base scientifique, je pense qu'on souscrit tout à fait à ça. Il est extrêmement important qu'on puisse s'appuyer sur les meilleures pratiques, sur des pratiques reconnues, validées, avec un cadre théorique, et, pour ce faire, justement, c'est une des recommandations que nous avons faites dans le mémoire, c'est d'accentuer, ça nous paraît extrêmement important, d'accentuer la recherche dans le domaine des services sociaux spécialisés pour qu'on puisse davantage... Effectivement, vous avez cerné tantôt, avec raison, que, pour les enfants qui ont un trouble envahissant du développement, on sait que la fenêtre d'opportunité est extrêmement courte et que, si on n'intervient pas en très jeune âge, les conséquences, non seulement pour cet enfant-là, sa famille, à long terme, sont dramatiques, mais aussi, au plan économique, pour la société. Et c'est la même chose, je pense, si on prend un enfant qui est victime de mauvais traitements et si on a une situation de sécurité de développement qui est nettement compromise. On ne devrait pas trouver d'enfants en liste d'attente en protection de la jeunesse. Il me semble que c'est une évidence. Or, ce n'est pas le cas, d'une part.

Alors, une fois qu'on aura déterminé avec plus de rigueur, j'en conviens, ce que vous appelez un délai socialement acceptable, ça, c'est une chose, le deuxième élément par la suite, c'est: Qu'est-ce que nous allons offrir comme services à ces jeunes-là et à ces familles-là? Et ça, c'est une dimension aussi qui est importante. Je pense qu'il y a un pas de fait avec les débuts des amorces qui sont faites sur les différentes offres de services dans chacun de nos programmes et je pense qu'on pourrait travailler conjointement avec le ministère pour aller plus loin dans ce sens-là et assurer aux jeunes et aux familles une garantie de services nettement supérieure à celle que nous offrons actuellement.

M. Couillard: Mais ? une réponse et une remarque intéressante, parce qu'il faut encore une fois cadrer ça ? vous dites: Normalement, en protection de la jeunesse, il ne devrait y avoir aucun enfant qui attend et l'évaluation et l'application ? puis tantôt vous aurez un échange avec ma consoeur là-dessus ? moi, je dirais que, si je reste du côté santé, là, théoriquement, on voudrait bien qu'il n'y ait pas de liste d'attente du tout. Maintenant, il n'existe aucun système de santé et de services sociaux au monde qui n'a pas une gradation d'accès ? pour appeler ça élégamment, plutôt qu'une liste d'attente.

Alors, est-ce que vous êtes en mesure de déterminer, par exemple, M. Hotte, dans votre clientèle de la jeunesse en difficulté, des sous-groupes de clientèles prioritaires chez lesquels il serait plus urgent que d'autres de développer des standards d'accessibilité, et peut-être dans les autres domaines également? Parce que, si on dit: On va fixer un délai universel pour la réadaptation ou la protection de la jeunesse, on n'y arrivera jamais, là. Alors, on le fait avec le trouble envahissant du développement, on a développé un standard de tant d'heures de services par semaine. Bon. On essaie d'y arriver puis avec un succès correct, mais on pourrait encore faire mieux. Mais, en protection de la jeunesse puis en réadaptation, est-ce que vous êtes prêt à faire l'exercice de sous-priorisation, d'identification de certains groupes particulièrement problématiques et pour lesquels il existe une base scientifique?

Parce que, même dans le domaine de la santé, la grande surprise de la population, c'est que... Que l'on prenne, par exemple, la prothèse articulaire, le remplacement articulaire de la hanche, le nombre de papiers ou d'articles scientifiques qui clarifient cette question du délai médicalement acceptable est absolument limité. Les gens pensent que c'est évident que c'est tant de mois. Quand on fait une recherche sérieuse de la littérature, tout ce qu'on a trouvé, c'est un ou deux papiers qui disent non pas qu'il faut attendre six mois, mais qui disent qu'après six mois le cas de la personne potentiellement peut s'aggraver, et le taux de complications peut ? peut ? augmenter. Alors, voyez la solidité d'évidences qu'on a trouvées dans le domaine de la santé où théoriquement la base scientifique est plus solide.

Dans vos domaines, est-ce que la base scientifique est du même caractère ou existe-t-il des données vraiment solides sur certains aspects plus prioritaires que d'autres?

M. Bouchard (Jean-Marie): Écoutez, M. le ministre, dans le domaine du trouble envahissant de développement, il y a déjà des expertises qui ont été faites qui nous disent que, pour les enfants de deux à six ans, le délai d'attente névralgique est de un mois. Ça, c'est une priorité. Ça, ça en est une vraie. C'est tout à fait vrai que, dans ces secteurs-là, on n'a pas le choix des moyens, il faut intervenir. Délai maximum: un mois. C'est un exemple. Puis ça, on le fait déjà.

Deuxième question que vous soulevez, très importante, puis on le dit dans notre texte également: malheureusement, nous manquons de fonds pour pousser les recherches dans nos secteurs pour arriver à ce genre d'évaluations que vous souhaitez, que nous souhaitons également. Alors, avec les moyens du bord, nous réussissons à déterminer certains critères, mais il y a du travail considérable à faire pour compléter cet aspect-là.

Maintenant, peut-être que vous avez... M. Bernier, vous désirez entretenir votre secteur?

M. Bernier (Pierre-André): Évidemment, dans le domaine de l'alcoolisme, toxicomanie, des recherches sont à développer. Un de nos centres a fait, il y a quelques années, le Centre André-Boudreau, une étude, ce qui arrivait aux gens qui n'étaient pas pris en charge dans un délai plus court que trois semaines. Dans la littérature, on laisse entendre qu'au niveau des personnes toxicomanes, quand ils se déplacent, qu'ils signifient qu'ils veulent avoir de l'aide, si on n'est pas en mesure, d'une façon individuelle ou de groupe ? parce qu'on a développé des approches de groupe ? de donner une réponse dans un délai de trois semaines, on échappe un grand nombre de personnes. Et, quand on échappe un grand nombre de personnes, ils vont consommer ailleurs. Vous retrouvez à la page 20, là, de notre premier mémoire... je ne ferai pas le détail de ça, mais les gens vont consulter un médecin davantage. Il y a des situations au niveau de la concomitance santé mentale qui se développent, au niveau des problèmes conjugaux, au niveau du signalement au niveau de la DPJ. On a présenté, là... L'hospitalisation de 24 heures augmente, de sorte qu'il y a des coûts à une non-intervention dans un délai qui dépasse les trois semaines.

Alors, actuellement, on n'a pas les systèmes d'information, malheureusement, à travers le Québec, et c'est une des difficultés, dans notre domaine, pour être capables de vous livrer ça, là, comment ça se passe d'une façon comparative d'une région à l'autre. Mais, à Québec, on tient ces données-là, et ça augmente, hein, les délais de prise en charge, après un mécanisme d'évaluation très serré qu'on a fait pour retenir la clientèle qui correspond vraiment à notre spécialité, bien, à ce moment-là, les délais augmentent, là, de deux semaines à six mois. Alors, quand on échappe, évidemment il y a des coûts ailleurs dans le système. Et je pense bien que les recherches devront être poursuivies, mais il y a des débuts, en termes de priorité: les jeunes et les mères toxicomanes.

Le Président (M. Copeman): Merci. Il y a un désir de la part de Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, elle aurait l'intention d'intervenir dans le débat. Ça prend le consentement des membres. Est-ce que ce consentement est donné? Donné.

Mme la ministre, il reste à peu près quatre minutes à l'échange.

n (11 h 50) n

Mme Delisle: Ça va. Merci. Alors, je vous souhaite également la bienvenue. Je crois que le ministre vous a sans doute rassurés, plus que sans doute, vous a certainement rassurés sur le fait qu'il n'était pas question évidemment de ne pas continuer à prioriser, comme gouvernement, évidemment les services sociaux.

J'ai eu l'occasion, sur une base individuelle mais aussi comme groupe, de vous rencontrer à quelques reprises. Vous souhaitez... Ce que je retiens des entretiens que nous avons eus, puis de la lecture du mémoire, et aussi de votre intervention ce matin, c'est que vous voulez vraiment assurer la pérennité à la fois des services, donc la pérennité des budgets qui sont alloués, année après année, par le gouvernement, à vos différentes clientèles, qui sont des clientèles hautement vulnérables. Notre gouvernement a fait énormément d'efforts, ces dernières années, pour essayer de cesser de travailler en silo et de travailler en réseau.

Si, tel que vous le souhaitez, on dédiait ou on ciblait de l'argent pour chacune des clientèles, est-ce que vous ne pensez pas que ça va être plus difficile de maintenir cette volonté de travailler davantage en réseau? J'aimerais vous entendre là-dessus parce que j'ai cru détecter, dans les échanges qu'on a eus, aussi à la lecture de votre mémoire, que, si on dédie ou on cible très spécifiquement les montants d'argent, les crédits, on se remet à travailler chacun dans nos champs respectifs, et à mon avis ce n'est pas ce qu'on souhaite faire puis ce n'est pas ce que le gouvernement a mis en place depuis trois ans. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bouchard (Jean-Marie): Bien, remarquez que nous sommes des services spécialisés de deuxième niveau. Bon. L'approche populationnelle s'occupe déjà des premières lignes, et c'est sa responsabilité d'assumer l'entièreté des besoins de sa population, y compris les nôtres. Donc, la prise en charge par le CSSS de sa population, des problèmes de sa population, va inévitablement se relayer au niveau du deuxième ligne, et c'est là que nous prenons le relais.

On ne travaille pas en silo, on travaille en collaboration avec le CSSS, dans un système qui s'appelle, comme vous le savez, un continuum de services. Et c'est la raison pour laquelle, avec la nouvelle approche de la réforme, tous les secteurs ont développé et développent des offres de services spécialisés, offres de services spécialisés qui requièrent des compétences appropriées, que nous n'avons pas encore élaborées complètement. Seulement pour satisfaire les besoins nouveaux qui ne sont pas couverts par nos services à l'heure actuelle, il manque, comme vous savez, 312 millions. Bon. Ça, c'est les services qu'on devrait normalement donner, pas par d'autres, par nous. Donc, c'est des populations en attente, qui part du plus jeune âge jusqu'au plus âgé, dans les différents secteurs.

Et on démontre plusieurs fois que cette population qui n'est pas prise en charge à temps a pour effet d'accroître le coût sur le système de santé, sans parler des problèmes humains qu'on crée à ces personnes-là. Un enfant qu'on ne prend pas en bas âge pour régler son problème de TED, il va demeurer hypothéqué pour le restant de ses jours, on le sait. Une déficience intellectuelle qui n'est pas prise en charge suffisamment tôt, avec tous les services requis, va demeurer hypothéquée pour le restant de ses jours, avec un coût qui va être perpétuel dans le système de santé et des services sociaux. Donc, il n'y a pas de duplication de service, il n'y a pas de service qui est perdu. Les services ne sont pas rendus par manque de financement.

Mme Delisle: Je voudrais juste ajouter, si vous permettez ? je sais que c'est terminé: je ne vous accusais pas de travailler en silo, je soulevais tout simplement le questionnement suivant, à savoir: Si on revient à du financement dédié, est-ce qu'on ne retourne pas en fait à une façon de faire qu'on a souhaité changer finalement au niveau de la culture? Mais on aura l'occasion de s'en reparler. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, vous saluer, M. Bouchard, toute votre équipe, pour la présentation ce matin, revenir sur certains points de votre présentation que vous avez faite, qui ma foi est très intéressante du fait où, depuis le début, pas mal le début de la commission parlementaire, on parle essentiellement de deux types, là, de problématiques auxquelles nous devons faire face lorsqu'il s'agit de trouver des solutions par rapport à un jugement qui... bien qui nous est proposé, avec lequel nous devons composer, d'abord, bien, les ressources médicales, dans un premier temps, tant au niveau des spécialistes que l'ensemble des professions, l'ensemble des professions médicales, et comprendre que c'est une réalité, et l'autre aussi, qui était les ressources financières qui s'y attachent. Et on était, depuis déjà plusieurs jours, à l'intérieur de ces débats-là, et, vous, ce que vous venez nous dire, et je pense que c'est très important, c'est que, même si le document n'a pas à traiter de l'ensemble du réseau, de l'ensemble des préoccupations ou de l'ensemble de tout ce qui se passe dans le réseau de la santé et des services sociaux, bien de réfléchir sur un côté va nécessairement avoir des impacts sur le reste. Et c'est ça que vous nous apportez jusqu'à un certain point, et je pense que c'est important de le dire aussi.

Sans parler de château de cartes, sans parler d'effet domino, il y a quand même une réalité où, lorsqu'on s'oblige à garantir l'accès d'un coté, dans un contexte de ressources limitées, tant professionnelles que financières, il peut y avoir des impacts, où, à un moment donné, il va falloir qu'on réoriente ces ressources-là. Et c'est ça que je sens de vous en voulant dire: Bien, écoutez, à partir du moment où est-ce qu'on se donne une obligation d'un côté, à l'intérieur de ce contexte-là, il y a certainement la deuxième ligne et les autres aussi composantes du réseau qui vont devoir composer avec cette idée-là. Alors, je crois que c'est important aussi ? même si directement on peut bien comprendre... et ce n'est certainement pas, nous, un oubli de la part de la proposition gouvernementale; mais ? de quand même nous rappeler que c'est... Les décisions, les discussions que nous avons aujourd'hui vont certainement nous interpeller, et ça, j'apprécie beaucoup votre présence aujourd'hui, ce matin, pour nous rappeler ça.

D'autant plus que, lorsque j'écoute vos mises en garde, elles sont fondées notamment sur un désir. Vous parliez d'inviolabilité ? vous utilisez quand même des mots qui sont forts ? vous parlez aussi, justement comme le ministre le suggérait, d'enveloppes protégées. Finalement, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est: Nous qui sommes déjà ? et j'aimerais ça vous entendre là-dessus, là; nous qui sommes déjà ? avec un 312 millions de dollars juste pour consolider l'offre que nous devons offrir, s'il vous plaît, assurez-vous que les défis... ou les demandes que vous faites à la deuxième ligne finalement, aux gens que vous représentez, ne soient pas surchargées par rapport aux orientations nouvelles que le gouvernement doit prendre. Ça, je le comprends très bien.

Pour terminer mon intervention... Parce que je veux vraiment vous laisser aller sur tout ça aussi pour vraiment, là, que vous reveniez sur cette importance-là de consolider votre offre de services spécialisés avec ce 312 millions là, je veux vraiment vous entendre là-dessus, surtout que je veux vous entendre parce qu'à ce que j'ai compris de votre document c'est qu'il y a aussi le contexte de la transformation de tous les services qu'on doit offrir avec la création des CSSS, et ça, vous semblez aussi être inquiets par rapport à ça, jusqu'à un certain point. Je sais que présentement les CSSS sont à travailler sur leurs projets, leurs projets cliniques...

Une voix: ...

M. Valois: ... ? exactement, je le dis bien, sur leurs projets cliniques ? et je veux vraiment vous entendre, savoir est-ce que vous êtes partie prenante de ça, est-ce que vous êtes en collaboration, comprenant que vous êtes vous-mêmes, bon, avec votre statut régional... Est-ce qu'au moins vous êtes dans le coup là-dedans? Est-ce que ça se passe bien?

Alors, moi, dans un premier temps, beaucoup plus spécifique sur votre réseau, le 312 millions, votre implication régionale avec justement les projets cliniques des CSSS. Par la suite, on continuera, parce que j'ai aussi, par rapport à... Médicalement requis, socialement requis, je veux revenir là-dessus, mais, dans un premier temps, vraiment parler de votre réseau, de ce que vous vivez, votre 312 millions, puis de ce que vous vivez aussi dans les régions, avec les projets cliniques des CSSS.

n (12 heures) n

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui, M. le député, tout à fait, les services spécialisés de nos établissements s'inscrivent essentiellement dans le projet clinique. Je dois préparer le CSSS. On n'est pas en marge du système.

Les CSSS ont la responsabilité de préparer le projet clinique. Il doit convenir de partenariats avec les régionaux que nous sommes. Ce qui se fait. Ça se fait dans le champ. Il y a des variations au niveau de l'avancement des différentes régions, pas tous au même niveau, là. Mais obligatoirement il devra y avoir des ententes de services avec le CSSS. Ça, c'est clair. Parce que nous prenons le relais du CSSS, qui, lui aussi, doit changer un peu ses façons de faire parce que la clientèle que nous avions, jusqu'à maintenant, intégralement devra dorénavant être desservie en partie par le CSSS, dont c'est maintenant la responsabilité première, d'où la division de première et de deuxième ligne spécialisée, qui est notre boulot. Donc ça, c'est clair. Vous avez un service intégré qui se fait, et tous nos établissements sont obligatoirement parties prenantes de ce pacte social nouveau là qui est en train de s'élaborer.

Et c'est dans le contexte de ce projet clinique là que nous devons donner nos services dorénavant, services spécialisés, de plus en plus spécialisés, par distinction aux services de première ligne d'ordre général, qui ne veut pas dire moins importants, mais services non spécialisés au niveau de deuxième ligne, mais qui fait en sorte que nous devons avoir recours à une expertise de plus en plus grande. Et historiquement nous ne l'avons pas toujours eue, cette expertise-là, parce que nous avions une clientèle générale, totale. Ça fait que l'obligation que nous avons maintenant du deuxième ligne, nous devons forcément recourir à une expertise, ce qui veut dire une pression énorme sur nos budgets pour le perfectionnement et la formation du personnel requis pour donner à nos clientèles les services auxquels ils ont droit.

On faisait référence tantôt, par exemple, à la question du ministre, à un service socialement requis. Quand on essaie de faire un parallèle un peu dans le médical, je comprends que c'est toujours compliqué... C'est facile de dire: Une opération du coeur, c'est une opération cardiaque, mais, dans le domaine social, ça ne se coupe pas au couteau si facilement que ça, vous le savez très bien. Mais, mais, dans tous nos secteurs respectifs, de plus en plus nous ciblons nos activités sur des priorités, et c'est la raison pour laquelle, dans tous nos secteurs, la priorité ? on ne peut pas tout entreprendre, là, la priorité ? ce sont nos jeunes. Donc, l'accent est mis sur les jeunes pour éviter justement de faire en sorte que ces jeunes-là soient sacrifiés dans un système qui ne les prendra pas en compte suffisamment à temps.

Le Président (M. Copeman): M. Thériault.

M. Thériault (Jean-Nil): Oui. Dans cette continuité, là, effectivement, évidemment on a mis en évidence la question de l'accessibilité à une expertise, et c'est tout à fait souhaitable et intéressant qu'on le fasse, mais il y a aussi toute l'organisation des services sur une base territoriale, et en collaboration avec effectivement les CSSS, qui facilite aussi l'accès aux services aux populations qui sont réparties, dans le cas des régions entre autres, sur des territoires qui sont parfois vastes, et donc s'assurer aussi en termes de présence géographique qu'il y a là un lien aussi d'accessibilité aux clientèles les plus vulnérables.

Le Président (M. Copeman): M. Hotte.

M. Hotte (Jean-Pierre): Je pense que c'est important aussi, en réponse à votre question, de... Bien sûr, le livre blanc se veut une réponse à l'arrêt Chaoulli, et donc vous avez entendu beaucoup parler de problématiques à caractère de santé physique. Cependant, il se veut aussi une réponse au rapport Ménard qui, lui, avait comme objectif d'apporter des recommandations pour assurer la pérennité non seulement du système de santé, mais aussi des services sociaux au Québec, et c'est dans cette perspective-là aussi que l'on s'inscrit tout à fait.

C'est pourquoi il est tout à fait fondamental pour nous d'assurer non seulement à court terme, mais à long terme. On sait que la pression ? je pense que toutes les données le démontrent au plan démographique, au plan des finances publiques ? donc la pression des problématiques de santé physique, avec les hausses des coûts des technologies médicales, des coûts des médicaments, la pression que nous aurons aussi comme société pour assumer les services aux personnes âgées, fait en sorte que nous sommes d'autant plus inquiets, puisqu'actuellement nous avons un manque à gagner extrêmement important pour assurer une qualité de services que nous estimons absolument nécessaire pour les personnes les plus vulnérables. Et, à plus forte raison dans une perspective de long terme, il nous faut assurer la pérennité non seulement d'une enveloppe, mais aussi de la croissance qui sera nécessaire pour continuer, pour maintenir et accentuer une qualité, une présence auprès des personnes les plus vulnérables au Québec.

M. Bernier (Pierre-André): Dans le domaine de la toxicomanie, les travaux sont commencés avec les CSSS. Ça varie d'une région à l'autre, d'un établissement à l'autre, mais c'est porteur. Je pense que la démarche est porteuse, mais, ce qu'on s'aperçoit, c'est, les CSSS, ils ont tous les programmes. Et je ne sais pas si les clientèles sont plus ou moins intéressantes, mais, quand on travaille au niveau de l'alcoolisme, toxicomanie et le jeu, ils ne sont pas portés pour l'instant à prioriser ce secteur-là pour établir les projets cliniques.

Alors, ce qui fait que la plupart des clientèles qui sont référées dans la région de Québec, par exemple, on reçoit 90 % de nos clientèles des CSSS. Et ce n'est pas le cas dans toutes les régions du Québec, mais, dans la région ici, les relations sont déjà établies. Et, quand il s'agit du retour, bien là c'est plus difficile, et on comprend ça. Mais, pour être capables de rejoindre le maximum de personnes qui ont des problèmes de dépendance, on n'a pas tout à fait les ressources suffisantes par rapport à ça. Et c'était la partie qui était mentionnée dans le 312 millions qui nous permettrait d'être capables... Je vous ai mentionné tantôt que notre taux de pénétration des gens qui ont des problèmes lourds de dépendance, c'est 8 % du 4 %. Donc, il y a encore une marge, là, importante pour rejoindre la clientèle spécifique de deuxième ligne.

M. Thériault (Jean-Nil): Et, si on le prend sur la base du financement, il est donc important, si on veut assurer une continuité de services entre la première et la deuxième ligne, donc avec les services sociaux spécialisés, qu'à chacun des niveaux on dispose d'un financement qui soit adéquat, donc avoir une capacité de réponse qui soit bien fondée, bien articulée au plan de l'offre de services mais aussi en termes de financement, si on veut bien assurer cette continuité-là.

M. Valois: Je vous remercie beaucoup pour cette première réponse. Maintenant, vous nous remettez aussi un document qui est Un Québec responsable de ses personnes vulnérables. Vous me permettrez de faire le... Juste le titre nous rappelle un autre document qui a déjà été déposé où, dans le même ordre, on parlait du Québec par rapport à certains groupes, Un Québec fou de ses enfants pour ne pas le nommer. Alors, je voyais ce document-là et, lorsque je le lis, c'est un peu ce même désir de dire: Bien, regardez, là, il y a une réalité qui se vit là, et il y a une collectivité aussi par rapport à cette réalité-là.

Une voix: ...

M. Valois: Merci, M. le ministre. Et puis en ce sens-là, par rapport à ce document-là et par rapport à l'ensemble de toute façon de la présentation que vous avez faite, c'est de prendre le dossier notamment de l'ensemble des services sociaux de façon plus large. Et toute la discussion que vous avez eue tout à l'heure avec le ministre notamment sur le médicalement requis, le socialement requis, ce que je comprends très bien de la façon dont le document, le premier et le deuxième, est amené, c'est que vous voulez vraiment qu'il y ait aussi une réflexion beaucoup plus large sur, en termes de société, bon, qu'est-ce qu'on veut s'offrir aussi en termes de société puis qu'est-ce qu'on trouve qui est important aussi en termes de réflexion.

À la limite, est-ce qu'il va falloir qu'il y ait un jugement d'une cour pour nous dire: Écoutez, là, on doit absolument réfléchir sur une offre de service par rapport à des situations? Bien que la recherche reste beaucoup à faire du côté de socialement requis pour qu'on ait, sans paraphraser le même auteur que vous avez nommé tantôt, une raison commune sur le comment on veut justement comme société... au moins des bases sur lesquelles on s'entend. Parce que, lorsqu'on est du côté de socialement requis, ça nous renvoie aussi énormément à des valeurs d'abord et avant tout pour d'abord discuter de ça et par la suite bien évidemment une série de services, là.

Mais, en déposant ce document-là, est-ce que vous voulez ouvrir aussi tout un débat là-dessus par rapport à vos services dans chacune de nos régions mais par rapport aussi à nous, comme collectivité, par rapport justement aux clientèles, aux personnes vulnérables au Québec? C'est quand même assez large.

n (12 h 10) n

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui. Certainement, on ne s'en cache pas. On l'a dit dans notre document auquel vous faites référence, mais on l'a répété dans ce document-ci. Écoutez, dans le socialement requis, c'est une espèce de transposition qu'on fait, dans notre secteur, du médicalement requis. Puis, pour faire comprendre jusqu'à quel point ça devient problématique en ce qui concerne notre secteur, il n'y aura jamais, dans notre secteur, la possibilité d'une assurance privée pour suppléer au manque de financement du public. Il n'y en aura jamais. Alors, nous autres, là, on émarge du budget public puis on va toujours être dans le système du budget public.

Alors, vous comprendrez qu'à chaque fois que le régime public ajoute une caractéristique, comme par exemple ici, là, on sait très bien, c'est le médical, c'est un jugement de la Cour suprême, on veut régler un problème précis. On est d'accord avec ça, on le sait très bien, mais c'est un précédent. Puis on ne vous dit pas qu'on est immédiatement attaqué par le problème, on vous dit: Attention! il y a quelqu'un en quelque part qui vous dit, là: C'est une pente dangereuse que l'on entreprend. Donc, on a besoin d'assurance. Puis on va le répéter souvent, on va revenir, hein? Je n'ai pas peur, on va revenir souvent: Ne touchez pas au social, qui est déjà fragile.

Puis j'inclus même le CSSS là-dedans, M. le ministre. Je suis, bon, grand coeur, là, j'inclus le CSSS, mais en ce qui concerne les spécialisés de deuxième ligne, encore davantage. Je pourrais, vous savez, là, vous faire état, puis chacun de mes collègues ferait la même chose, là, des parents qui viennent, là, exprimer la situation qu'ils vivent: des enfants qui ne sont pas traités. On ne parle pas, là, des cas, là, des personnes rendues à 40, 50 ans, il est trop tard pour ces personnes-là malheureusement, mais on dit: Nous sommes conscients que le ministère n'est pas en mesure de nous donner, demain matin, 312 millions. Mais on ne peut toujours même pas dire qu'il nous manque 312 millions, il nous le manque. Bon.

Donc, socialement requis, ils ont le même droit, ces personnes-là, ils ont les mêmes droits que le médicalement requis. C'est le parallèle que nous faisons. Et, dans le socialement requis, nous élaborons de plus en plus une expertise pour prioriser, dans ce socialement requis là, comme le demande le ministre, ce qui est envisageable à très court terme que nous devrions faire à très court terme. Et, même là, nous ne l'avons pas, cet argent-là.

M. Valois: Vous êtes en train de me dire... Pour développer... Vous n'avez pas l'argent pour ce qui est, à court terme, très aigu. C'est ce que vous me dites, là, par rapport au socialement requis.

M. Bouchard (Jean-Marie): C'est ça.

M. Valois: Mais vous êtes quand même en train de développer une expertise qui est suffisamment importante, et je sais qu'une de vos recommandations c'est de la recherche sociale, parce qu'elle est importante, cette recherche sociale là.

M. Bouchard (Jean-Marie): Exactement. Exactement.

M. Valois: Parce que c'est elle qui va être à la base justement de l'ensemble des interventions qui par la suite va aider le gouvernement, peu importe, ce ne sera plus le gouvernement, mais qui va aider justement les décideurs politiques, sur la base de ces recherches-là, à justement pouvoir entrer, aller de l'avant, comprenant aussi que, bon, ça appartient à chaque région. Parce que vous êtes aussi des représentants régionaux, et c'est important aussi que chaque région, dans ses réalités, dans ce qu'ils vivent, puisse aussi s'approprier une recherche sociale qui lui appartient.

Moi, juste dans ma région, de toute façon, entre le sud puis le nord, il y a déjà deux mondes ? on parle de Lanaudière ici. Puis, dans plusieurs régions de toute façon, qu'on se déplace d'un coin à l'autre de la région... Bon. Mais quand même cette recherche-là aussi, elle ne doit pas se faire simplement d'avoir un point de vue global, mais un point de vue qui est aussi très régional par rapport à un paquet de situations qui peuvent être vécues.

M. Thériault (Jean-Nil): Je vais vous donner un exemple de recherche au niveau des centres jeunesse, entre autres: toute la question de la théorie de l'attachement. L'exploration de ce champ de connaissance là, les concepts, les principes qui en sont sortis, suite à des recherches très importantes menées par les gens des instituts universitaires, entre autres, a donné lieu à des échanges fort intéressants et a donné lieu aussi à des présentations qui font en sorte qu'ils sont en mesure d'influencer toute la structure et l'organisation de la Loi de la protection de la jeunesse par rapport au lien de stabilité qu'on doit avoir, en termes d'organisation de services, qu'on doit avoir au niveau des enfants. Et donc plus on va avoir ce genre de recherche là bien organisée, bien structurée, on va être capables d'amener des concepts, des éléments, toute la question des délais, donc des éléments fort intéressants qui vont nous aider à progresser dans le socialement requis effectivement.

M. Bernier (Pierre-André): Peut-être pour souligner le développement des instituts universitaires dans le domaine des services sociaux, je pense que ça, c'est un plus, je pense, dans l'ensemble des problèmes. Nous, on attend, là, des décisions par rapport à notre secteur avec beaucoup d'intérêt. Mais je pense que ça, ça fait bouger les choses, et je vous dirais même que, dans notre secteur, la base, c'est les systèmes d'information clientèle. Moi, ça fait sept, huit ans que je suis au niveau de la fédération, là, ça fait sept, huit ans qu'on souligne la priorité d'avoir un bon système d'information clientèle. Et on souhaite que ça devienne le cas prochainement.

Et c'est la base, l'information. Si on n'a pas une bonne information sur ce qu'on fait, dans les temps qu'on fait, bien évidemment on peut difficilement évaluer. Alors, j'en profite pour mentionner les instituts et évidemment des systèmes d'information comme une priorité pour nos secteurs.

M. Valois: Je vous remercie. Merci beaucoup pour cette expertise que vous développez, merci aussi pour celle que vous avez déposée ce matin.

Le Président (M. Copeman): Alors, MM. Bouchard, Frigon, Hotte, Bernier et Thériault, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire, au nom de l'association d'établissements spécialisés à vocation régionale.

Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

 

(Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre! Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN. M. le président Lavigne, bonjour.

Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)

M. Lavigne (Richard): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Je sais, vous n'êtes pas à votre première expérience en commission parlementaire, mais je vous rappelle nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à compléter dans le temps. Et il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table.

Nous connaissons Mme Serradori qu'on salue également. Alors, M. Lavigne, nous sommes à l'écoute.

M. Lavigne (Richard): Merci beaucoup, M. le Président. C'est sûr qu'on vient de temps en temps ici, à ce genre de commission, mais c'est toujours un petit peu énervant et c'est toujours un peu une première compte tenu qu'à chaque fois qu'on vient, la COPHAN, on traite de dossiers différents.

Je ne sais pas qui est là, autour de la table, mais simplement pour vous dire qu'est-ce que c'est que la COPHAN. Donc, la COPHAN, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, existe depuis 20 ans. Nous célébrons cette année le 20e anniversaire de la COPHAN. La COPHAN regroupe 44 associations et regroupements d'associations de personnes qui ont toutes des limitations fonctionnelles et autour d'objectifs de promotion des intérêts et de défense des droits de ces personnes. La COPHAN fonctionne en comités de travail qui sont composés de représentants des membres de la COPHAN et, à partir des réunions de comités de travail et des assemblées générales, la COPHAN établit les recommandations, revendications et positions sur l'ensemble des dossiers, et ça a été exactement le même processus qu'on a utilisé pour préparer le mémoire qu'on va vous résumer aujourd'hui.

On va procéder en deux temps. Dans un premier temps, Mme Serradori va vous parler des aspects plus globaux de la proposition, et, si j'ai le temps, j'apporterai peut-être quelques informations plus spécifiques pour les personnes que l'on regroupe, c'est-à-dire les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, et leurs familles.

D'entrée de jeu, aussi, on voulait vous dire que la COPHAN travaille avec d'autres organisations qui se préoccupent de la santé et des services sociaux dont, entre autres, la Coalition Solidarité Santé. Alors, ça se pourrait que vous retrouviez certains éléments aujourd'hui que vous avez déjà entendus de d'autres et que vous pourrez entendre demain. Notamment, je sais que vous allez rencontrer d'autres représentants des personnes handicapées ainsi que l'Office des personnes handicapées du Québec, et je suis très heureux de vous dire qu'il y a unanimité dans notre milieu, y compris avec l'office, sur la majorité des commentaires qu'on va vous adresser aujourd'hui. Alors, c'est déjà un bon point lorsqu'il y a unanimité d'un milieu, c'est-à-dire que, si on s'est trompés, bien on s'est tous trompés. C'est plus rassurant quand on se trompe en gang, quand on se trompe.

Alors, je vais demander à Mme Serradori de nous exposer et, si j'ai le temps, je vais conclure.

Mme Serradori (Chloé): Alors, je vais essayer d'aller rapidement. Peut-être vous parler un petit peu du contexte et de la portée du jugement Chaoulli. Alors, on sait que ce jugement invalide les dispositions législatives qui interdisent de recourir à l'assurance privée pour obtenir des soins et services privés qui sont déjà offerts par le système public. On parle particulièrement de deux articles: l'article 15 de la Loi sur l'assurance maladie et aussi l'article 11 de la Loi sur l'assurance-hospitalisation.

Pour cela, la Cour suprême s'est basée sur deux éléments: l'existence de délais d'attente déraisonnables portant atteinte au droit à la vie et à l'intégrité de la personne et l'existence d'autres moyens que cette interdiction pour préserver le système public de santé; l'interdiction également pour les médecins non participants d'être rémunérés par le système public et la parité tarifaire entre les médecins participants et les non-participants.

Alors, c'est sûr que le gouvernement du Québec a le choix des réponses, mais on a vu dans le livre blanc que le gouvernement du Québec a pris une série d'interventions pour redresser les délais d'attente. Parmi ces nombreuses interventions, il est à noter l'entente asymétrique bilatérale que le Québec a signée avec le Canada en 2004 et le rapport qui s'en est suivi en 2005, où vous avez de nombreux exemples dans notre mémoire qui prouvent que de nombreux travaux ont déjà été faits, en particulier des investissements importants dans le secteur public. On parle de 18,4 millions pour trois salles de chirurgie cardiaque, de 22 millions en cardiologie tertiaire, etc. Vous pouvez trouver ça aux pages 5 et 6 de notre mémoire.

Au niveau de la proposition qui nous a été faite par le gouvernement, sur le livre blanc, on a trois catégories de propositions. Essentiellement, ce qui a été demandé par la Cour suprême, c'est une proposition de réponse au jugement de la Cour suprême dans l'arrêt Chaoulli. Or, le gouvernement a présenté aussi la poursuite d'orientations prises en matière de services préventifs, services de première ligne et services médicaux et hospitaliers, mais surtout aussi un questionnement sur les enjeux liés au financement de notre système de santé et de services sociaux.

Alors, une de nos premières recommandations, c'est que le volet de consultation portant sur le financement de notre système de santé et de services sociaux devrait être retiré du processus de consultation actuel pour être reporté ultérieurement afin de permettre la tenue d'un réel débat sur cette question fondamentale. Vous allez trouver, à la fin de notre mémoire, les arguments pour lesquels on demande ce retrait. Peut-être juste vous dire qu'on avait présenté, à l'époque, en commission parlementaire, lors du rapport Clair, tous les arguments concernant les possibilités de financement au niveau du système de santé.

n (15 h 10) n

Au niveau de la compréhension de la proposition qui est faite dans le livre blanc, concernant la réduction des délais d'attente, bien on trouvait que le ministère et le gouvernement avaient un discours rassurant, pour rassurer la population. On parle de maintenir un système public fort dans le respect des principes d'accessibilité et d'universalité; on parle de solutions proposées et axées sur l'amélioration de l'accès aux services médicaux et hospitaliers publics; mais il y a une ouverture dans le fait qu'on dit que le secteur privé, il jouera un rôle en instaurant progressivement des possibilités.

On parle également, pour rassurer les gens, que tous ces services ne seront pas aux frais des utilisateurs. Mais il me semble qu'il y a un paradoxe surtout avec tout ce que nous explique le livre blanc, c'est: Pourquoi investir dans ces ressources privées, surtout que les coûts sont les mêmes, et ne pas investir dans le système public?

Le livre blanc cite des arguments des détracteurs du développement d'un système parallèle. Il identifie différentes options, comme l'ouverture minimale au privé jusqu'à une approche quasi marché des services de santé, et il propose aussi de réduire les impacts négatifs en citant différentes alternatives. On va voir un petit peu plus loin que ses garanties sont un petit peu moins étanches. Ses garanties d'accès sont basées sur quatre éléments. On met un mécanisme en place, mais il y a, là encore, des possibilités d'élargir à d'autres types de chirurgies, et cela va se faire de façon réglementaire, et c'est le ministre qui a le pouvoir de faire ça.

Au niveau de la détermination des services, on signale que les services sont ceux offerts en milieu hospitalier, et c'est le ministre qui a le pouvoir et la responsabilité de déterminer quels services vont être visés, puis c'est adopté par règlement.

Je vais essayer de passer rapidement au niveau d'un mécanisme d'accès. Nous, on est bien évidemment pour un mécanisme d'accès axé sur le renforcement du système public et sur la base du droit à la santé, aux facteurs déterminants et à la participation citoyenne, mais aussi ce qu'on a remarqué, c'est qu'il n'y a rien, mais absolument rien au niveau de l'accès aux services sociaux. On n'a non plus rien au niveau de la participation citoyenne. C'est pour ça qu'on vous demande que tout mécanisme de garantie d'accès doit être dissocié de tout mécanisme proposant une référence systématique au privé et doit plutôt reposer sur les ressources et des solutions axées sur le renforcement de notre système public de services de santé et de services sociaux, ce qui implique qu'il faut plutôt s'orienter vers des solutions proposées par un ensemble d'organismes, améliorer la gestion et la coordination des listes d'attente, optimiser l'utilisation des équipements du réseau public, revoir l'allocation budgétaire dans la santé et les services sociaux, renoncer à ouvrir la porte aux assurances privées, créer des cliniques affiliées publiques et non pas privées et donner au réseau public de santé et des services sociaux les moyens de fournir à la population tous les services médicalement et socialement requis.

Alors, je vais laisser à M. Lavigne le soin...

M. Lavigne (Richard): Pour faire le lien, M. le Président, c'est que la question qu'on se pose ? bien sûr qu'on pourra peut-être échanger là-dessus ? la question qui se pose à la COPHAN, c'est: Quel est l'intérêt, l'avantage d'utiliser l'argent du public, de financer finalement ou de soutenir financièrement des organismes privés? Ne serait-ce pas préférable de garder cet argent-là et de créer ces instances, mais qu'elles soient publiques?

L'autre question aussi, c'est qu'on entend tous les jours, en tout cas souvent, qu'on est en pénurie de médecins, par exemple. Bien, comment on va faire pour s'assurer que cette pénurie-là ne s'aggravera pas? Comment on va contrôler l'éventuel exode, entre parenthèses, de certains médecins vers le privé? On comprend aussi que le secteur privé à juste titre, hein, ça le dit, le privé est là d'abord pour faire des profits, et ça, on en est conscient, il n'y a pas de problème. C'est juste que, pour ce qui est des questions de santé et de services sociaux, on a un petit peu de difficultés à comprendre.

Maintenant, j'aimerais aborder, avant de terminer, deux choses assez importantes pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles ? sûrement, vous allez me voir venir avec mes gros sabots ? c'est certains services de santé et de services sociaux surspécialisés ainsi que les questions de maintien et de soutien à domicile. Et je voudrais aussi vous parler des assurances privées.

Moi, j'ai une déficience visuelle, je ne crois pas être en mesure de me trouver une assurance qui va m'assurer pour les cataractes. Je suis impossible à assurer pour les cataractes, je représente trop de risques. Donc, les personnes qui ont des problèmes chroniques ou des limitations fonctionnelles ? et c'est déjà le cas actuellement et c'est permis par la loi ? on peut avoir beaucoup de difficultés à se doter d'assurances privées, même lorsqu'on en veut. Alors, que ferons-nous, lorsqu'on n'est pas assurables, éventuellement pour pouvoir utiliser ces assurances privées là, éventuellement pour pouvoir bénéficier, admettons que ça reste comme ça, pour bénéficier, après les délais prescrits, de services par le privé?

Lorsqu'on parle aussi des délais, puis ça, ce n'est pas juste les personnes handicapées, bien, moi, je peux vous le dire parce que et personnellement et beaucoup de personnes que je connais qui ont des limitations fonctionnelles n'arrivons même pas à se trouver des médecins généralistes. C'est ça, les premiers qu'on va voir, là? Alors, lorsqu'on ne se trouve pas de médecin généraliste, bien le délai d'attente, il part juste après que tu es référé. Mais, si tu ne peux même pas être référé, il n'y en aura jamais, de délai d'attente, et on n'aura pas de traitement.

Pour ce qui est des services de réadaptation ultraspécialisés et surspécialisés, je pense qu'on est tous conscients de l'importance de développer ces services-là, d'éviter que l'attente compromette les effets que la réadaptation pourrait donner chez l'enfant et chez l'adulte qui ont des limitations fonctionnelles, et on ne voit rien dans ce document-là qui nous rassure. Au contraire, on pense que ça ne réglera pas le problème. Et pour nous c'est des enjeux excessivement importants qui s'ajoutent bien sûr aux enjeux qui concernent l'ensemble de la population, et on souhaiterait tout au moins échanger là-dessus et éventuellement, lorsqu'il y aura une décision, qu'on puisse tenir compte de ces problématiques qui se trouvent à exclure beaucoup de personnes qui, compte tenu que ce ne sera pas couvert, bien ne verront pas ce genre de problème là, bon, réglé.

Les assurances privées et les services non médicaux, si on peut dire, là... Et je ne parle pas ici des services sociaux, dont les gens ont beaucoup besoin et qui ne sont pas assortis de mécanismes qui gèrent un peu les délais... on dit ça médicalement ou socialement requis. Sur ces grands enjeux là, on est très inquiet, M. le Président, et on comprend qu'il faille faire quelque chose. La compréhension qu'on a, c'est qu'il y a eu des décisions qui ont été prises par le gouvernement du Québec, notamment le ministre de la Santé et Services sociaux, qui ont des résultats, des bons résultats, je pense qu'on doit le dire. Alors, si les décisions qui ont été prises ont eu de bons résultats, pourquoi on ne pourrait pas penser qu'on pourrait continuer dans le même sens et que le privé soit utilisé comme étant l'exception? Je pense qu'on ne peut pas être contre la vertu, mais je pense qu'il y aurait moyen de trouver une façon de convaincre les gens que le privé peut être utilisé dans les cas extrêmes. Je pense que ça a été le cas dans le passé, mais le public a drôlement bien pris la relève, et on pense que le gouvernement et l'ensemble des partenaires ont ce qu'il faut.

Et un dernier élément aussi que je voulais vous apporter, c'est toute la question de la gestion des listes d'attente. Je pense qu'on pourrait regarder une possibilité d'évaluer le pourquoi de ces listes d'attente, puis peut-être qu'avec des données on pourrait comprendre le pourquoi que ces listes d'attente là n'arrêtent pas de grandir et peut-être trouver des façons de diminuer l'impact de certains éléments. Et, de cette façon-là, on pourrait contribuer à diminuer ce genre de liste d'attente là.

Et je pense qu'en résumé, M. le Président, c'est que, sans vouloir être complaisant avec ce qui s'est fait, je pense qu'on doit compter sur les bons coups qui ont été faits, et de s'y fier pour continuer, et ne pas oublier les services de réadaptation, les services de soutien à domicile, qui malheureusement, et dans ce document-là et dans ce qu'on perçoit de ce qu'on comprend, là, n'ont pas de solution. Alors, on n'aura pas réglé ce problème.

On peut comprendre que le jugement de la Cour suprême visait un certain nombre de choses, mais on se dit: Peut-être qu'on pourrait, tant qu'à réformer ou à évaluer, on pourrait du même coup profiter de la situation pour contribuer à améliorer d'autres pans importants sous la responsabilité du ministère de la Santé et des Services sociaux. Les services sociaux, entre autres, pour nous, c'est très important. Et là-dessus j'aurais terminé pour le moment, et on serait très intéressés à échanger avec vous. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Lavigne. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

n (15 h 20) n

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Serradori, M. Lavigne. Vous aurez reconnu ma voix, je crois. Ce n'est pas la première fois qu'on échange dans une commission ou en privé. Je voulais vous dire que, suite à vos remarques, j'ai quelques petites clarifications à apporter.

D'abord, le débat du financement sur la santé ne se termine avec ce document, là, c'est une amorce uniquement. Il faut qu'il y ait, un jour, un débat centré uniquement sur cette question-là. On en profite pour illustrer le débat en amenant la proposition de M. Ménard, là, sur l'assurance pour la perte d'autonomie dont j'aimerais vous parler tantôt un peu dans nos échanges.

Également, clarifier que toute l'approche qui est mise de l'avant dans le document de consultation correspond vraiment à ce que vous avez demandé, c'est-à-dire que vous allez retrouver là-dedans l'approche individualisée des listes d'attente, la gestion centralisée dans les établissements publics. Et je dirais que plus de 90 % de la garantie d'accès va se faire dans les établissements publics, et le recours aux cliniques affiliées, qui sont partie du réseau public de santé parce qu'elles sont financées par l'État sans frais pour les patients, va se produire dans une petite minorité de certains cas de centres hospitaliers, dans les milieux urbains, par exemple, densément peuplés, pour essentiellement améliorer la question de la chirurgie d'un jour.

Je ferais le parallèle avec les cliniques d'omnipraticiens. Les cliniques d'omnipraticiens qu'on a tous, si on a la chance d'avoir un médecin de famille, qu'on a tous consulté, là, sont des cliniques privées, des entreprises privées financées par l'État et qui font des profits, puis ce n'est pas en soi un scandale ni une anomalie. Il s'agit juste d'être certain qu'il n'y a pas de différence d'accès selon que l'on a les moyens ou pas de payer des frais. Et il n'y a aucuns frais dans les cliniques affiliées, et on aura soin, dans l'encadrement législatif qui sera présenté, de clarifier ces questions de même que la question, M. Lavigne, que vous posiez sur le glissement possible des professionnels, médecins et autres. Également, ceci sera clarifié dans le texte législatif.

On a également, en cours de commission parlementaire, apporté une précision qui rejoint votre préoccupation sur la capacité ou la façon dont le gouvernement, au cours des prochaines années, modifierait et la garantie d'accès et le panier de procédures potentiellement réservées à l'assurance privée pour des soins donnés par des médecins non participants. Au début, vous avez raison, dans le document de consultation, on disait que ça se ferait par voie réglementaire dans les deux cas. Suite aux recommandations qu'on a reçues en commission, on a indiqué à plusieurs reprises qu'on avait modifié notre opinion à ce sujet-là et qu'il y aurait certainement possibilité d'inclure plus de procédures chirurgicales pour ce qui est de la garantie d'accès. Mais, pour ce qui est de l'accès à l'assurance privée, ça se ferait par voie législative et non pas par voie réglementaire, de sorte qu'il faudrait qu'éventuellement, hypothétiquement, après quelques années d'étude attentive des effets de cette ouverture très limitée à l'assurance privée, si un gouvernement voulait augmenter cette ouverture, bien il y aurait lieu de faire un autre débat législatif et public avec une commission parlementaire comme celle-ci, de façon à ce que ce soit très bien encadré.

Je vous amène sur la proposition de financement, même si encore une fois on ne veut pas clore le débat du financement avec cette commission parlementaire, loin de là. Je ne sais pas si vous avez lu le rapport du groupe Ménard et notamment sa suggestion... Il y a plusieurs suggestions d'ailleurs dans le... Je profite pour le dire en passant, le rapport du groupe présidé par M. Ménard ne comprend pas que la solution possible d'une assurance pour la perte d'autonomie mais également des recommandations sur la prévention, l'efficience du système de santé et d'autres éléments.

Mais, pour ce qui est de la question du financement, M. Ménard propose une assurance pour la perte d'autonomie, mais qui n'est pas limitée à la perte d'autonomie liée au vieillissement ? et là je rejoins un peu, M. Lavigne, la préoccupation que vous aviez. La définition de perte d'autonomie proposée par Jacques Ménard et son groupe est beaucoup plus large qu'uniquement la perte d'autonomie liée au vieillissement mais toutes les raisons pour lesquelles on se retrouve en perte d'autonomie et ? je me fais un peu son porte-parole parce qu'il aura l'occasion de venir lui-même ici, en commission, exposer sa position ? permet de garantir, sous forme d'une assurance, parce qu'une assurance par opposition à un impôt, c'est un système par lequel on nous garantit des bénéfices en cas de besoin, garantir des soutiens peut-être plus accentués non seulement pour les personnes, mais également pour leurs proches dans toute possibilité ou toute cause de perte d'autonomie, incluant les handicaps.

Alors, est-ce que vous avez étudié cette possibilité ou cette proposition de M. Ménard, et quelles sont vos remarques à ce sujet-là?

M. Lavigne (Richard): C'est sûr qu'on a regardé un peu cette question-là, et, Mme Serradori en a parlé tantôt, dans la commission Clair, on avait abordé ça. C'est que, parmi les personnes qu'on regroupe, c'est sûr qu'il y en a qui sont devenues handicapées, qui perdent leur autonomie, mais il y en a qui l'ont toujours eue, cette incapacité-là. Alors, il faudrait voir éventuellement, dans les discussions, comment ça va pouvoir s'articuler. Et un régime assurantiel, est-ce que ce serait un régime un peu universel? Comment ce serait financé, cette affaire-là? Et ce qui se discute beaucoup chez nous aussi, c'est que, dépendamment du service dont la personne aurait besoin, est-ce que la personne serait prise entre deux régimes, entre le régime d'assurance maladie tel qu'on le connaît actuellement versus un régime nouveau? Qu'est-ce que c'est que la perte d'autonomie ou la quête d'autonomie?

Alors, il y a beaucoup de questionnements, et c'est pour ça qu'on dit, nous... On comprend, là, que le gouvernement ne décidera pas à court terme sur ces questions-là, mais je pense que la remarque de Mme Serradori au début, c'était beaucoup à l'effet qu'on aimerait avoir le temps de s'y pencher de façon beaucoup plus sérieuse, si je peux me permettre, parce que l'idée, c'est de trouver une façon pour se donner les moyens. Je pense qu'on a beaucoup d'ambition comme gouvernement. Comme citoyens, effectivement on a beaucoup de demandes; en tout cas, pour ce qui est des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, c'est d'exercer notre citoyenneté et de pouvoir développer notre autonomie. Alors, il y a même un débat dans certains comités au niveau du ministère de la Santé, lorsqu'on dit: Nous, on parle de quête d'autonomie, et les gens parlent de perte d'autonomie. Alors là, voyez-vous, c'est plus que philosophique, ce débat-là, là, c'est que, dépendamment de ce qu'on veut faire, bien les programmes ne sont pas les mêmes, hein?

Alors, c'est assez difficile pour moi, là, cet après-midi, de vous donner des orientations bien claires de la COPHAN là-dessus. C'est juste qu'il y a des questionnements. Il y a aussi, comme je vous disais tantôt, des craintes pour que les personnes qui, pour toutes sortes de raisons, auraient en même temps des maladies et en même temps qu'ils vivent des situations de limitations fonctionnelles, on se dit: Bien là, si on commence à dire: Ce n'est pas moi, c'est l'autre, puis ce n'est pas l'autre, c'est moi qui paie, bien là, à un moment donné, la personne, elle va se ramasser devant quoi au juste, je ne le sais pas.

Alors, c'est toutes ces questions-là qu'on aimerait éventuellement avoir le temps de rediscuter et de bien comprendre aussi, là. Je veux dire, je pense qu'on ne peut pas penser, nous, à la COPHAN, de tout pouvoir deviner, mais je pense qu'éventuellement ce sera bien d'échanger là-dessus.

Et l'objectif, c'est que, nous, on a un régime actuel, un régime d'assurance maladie qui est perfectible bien sûr mais qui est quand même un bon régime, et ce régime-là, au moment où on se parle, est responsable de l'ensemble des couvertures, là, santé et services sociaux, en tout cas une grande partie, et c'est pour ça qu'on craint éventuellement la mise en place d'une caisse autonomie ou je ne sais pas comment l'appeler, là. Ça pourrait compromettre un certain nombre d'acquis. Mais, comme je vous dis, M. le Président, peut-être qu'on se trompe, mais on aimerait avoir l'occasion d'en rediscuter.

Le Président (M. Copeman): M. le ministre.

M. Couillard: Bien, sans aller dans les détails, puis encore une fois, là, on a le temps de revoir toute cette question, puis M. Ménard viendra la préciser, la façon dont nous comprenons sa proposition, c'est que la perte d'autonomie, quelle que soit son origine, serait mesurée et déterminée par les professionnels des centres de santé et de services sociaux, donc pas de façon autonome ou indépendante, mais bien par les personnels du réseau de santé et de services sociaux, de même que les services nécessaires selon le degré de perte d'autonomie que la personne présente.

Les primes, parce qu'il s'agit de primes d'assurance, seraient payées selon l'âge et le revenu de la personne, parce que plus on est loin de périodes théoriques où on peut avoir besoin des services, moins les primes seraient élevées par définition. Et enfin la philosophie qu'il propose, qu'il préconise, c'est que l'argent suit le patient, de sorte que, si, par exemple, vous, M. Lavigne, vous êtes un prestataire de ce régime-là, le centre de santé et de services sociaux détermine quels sont les services qui peuvent être requis dans votre cas, peut-être des services autres que ceux donnés par les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux, et vous avez droit à une allocation financière annuelle faisant partie des bénéfices du programme d'assurance qui vous permet, par exemple, de soutenir un aidant naturel, compenser un aidant naturel, ou d'obtenir des services d'aide domestique, par exemple. Ça, je ne sais pas, là, le genre de système qui est envisagé.

On ne vous demande pas de vous prononcer là-dessus, là, c'était pour vous donner des éclaircissements que vous demandiez, mais il serait peut-être bon que vous poursuiviez votre réflexion parce que vous êtes directement impliqués dans cette question de la perte d'autonomie, pas vous bien sûr, mais l'ensemble des personnes que vous représentez, et il y aurait lieu d'élaborer, au cours du prochain débat sur le financement, une position définie sur cette question-là, je crois.

M. Lavigne (Richard): Mme Serradori, je pense qu'elle voulait compléter, là.

Mme Serradori (Chloé): On avait déjà donné notre position parce que c'était une proposition qui avait été amenée peut-être différemment lors...

M. Couillard: C'est très différent de la commission Clair.

n (15 h 30) n

Mme Serradori (Chloé): C'est différent que celle qui avait été amenée lors de la commission Clair. Toutefois, ce qu'on s'aperçoit, c'est que ces régimes contributifs qui s'approchent à un régime assurantiel créent davantage de discrimination pour les personnes qui ont de nombreux besoins. Et l'autre chose aussi, il ne me semble pas avoir vu ça dans le rapport Ménard, c'est que, depuis tout le temps, quand on parle du financement ? mais on va réfléchir puis on va proposer des choses plus approfondies lorsque viendra le temps ? on parlait de s'attaquer à deux postes qui principalement contribuent à une large part à l'accroissement des dépenses de santé, qui sont la rémunération à l'acte des médecins et aussi le coût des médicaments. Alors ça, ça va entrer aussi en jeu lorsqu'on va faire des propositions concernant le financement des services de santé et des services sociaux.

Mais, la grande crainte, comme vous l'expliquait tout à l'heure M. Lavigne, des gens qui risquent d'être entre deux systèmes, on s'est aperçu qu'il y a vraiment de la discrimination pour ceux qui ont beaucoup plus de besoins. Et on l'a vu d'ailleurs. Pour obtenir aussi un médecin de famille, des fois ça devient difficile lorsque les personnes ont énormément de besoins.

M. Lavigne (Richard): Lorsqu'on parle de discrimination, on parle de discrimination systémique, hein? On ne parle pas des gens, là, on parle des systèmes.

M. Couillard: Bien sûr. Si vous vous posez une question, les applaudissements nourris que vous entendez ne sont pas là pour saluer le passage des parlementaires, mais pour les Remparts de Québec.

M. Lavigne (Richard): Je pensais que c'étaient nous autres.

M. Couillard: Les Remparts de Québec.

M. Lavigne (Richard): Je pensais que c'était la COPHAN qui était applaudie, moi. Maudit!

M. Couillard: Non, c'est les Remparts qui viennent célébrer leurs coupe Memorial ici, à l'Assemblée.

M. Lavigne (Richard): Vous savez, quand on ne voit pas, on peut se faire accroire toutes sortes de choses comme ça.

M. Couillard: Oh! même quand on voit, des fois on fait ça aussi. Je vous remercie, M. le Président. Je ne sais pas si ma consoeur...

Une voix: Il reste combien de temps?

Le Président (M. Copeman): Il reste neuf minutes. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.

Mme Delisle: Alors, merci. Bienvenue, Mme Serradori, M. Lavigne. Votre mémoire nous enrichit vraiment, là, au niveau de la réflexion. Le groupe qui vous a précédés, ce matin, nous a sensibilisés très fortement à l'inquiétude qu'ils ont par rapport ? je vais utiliser le mot sous-financement ? en tout cas au financement qu'ils considèrent inadéquat pour ce qui touche tout le volet... je vais l'appeler réadaptation, et auraient souhaité voir, dans le mémoire, une ouverture finalement à une garantie d'accès, si vous voulez, pour ces services spécialisés et surspécialisés.

Vous, vous en avez parlé un petit peu, peut-être pas dans les mêmes mots. On retrouve cette trame-là dans votre mémoire. Puisqu'on a cet échange-là aujourd'hui ? on parle beaucoup du médicalement acceptable ou requis ? qu'est-ce qui pour vous serait, dans le domaine de la santé, je vais l'appeler la santé sociale, donc toute la question de la réadaptation, et même pour ce qui est... on peut penser aux enfants, qui sont très vulnérables, toutes ces clientèles-là, là, qu'est-ce qui pour vous serait... J'imagine que vous y avez pensé, que vous y avez réfléchi. Avez-vous des propositions à nous faire là-dessus?

M. Lavigne (Richard): Bien, écoutez, si j'ai bien compris, c'est sûr que ce serait difficile pour la COPHAN de prioriser, hein? Il y a les enfants. Je pense que, vous, Mme Delisle et certains d'entre vos collègues, vous êtes très bien sensibilisés sur ce problème qui est récurrent, sur les listes d'attente en réadaptation, que ce soit en physique ou en déficience intellectuelle. Je n'ai pas les chiffres en tête, mais vous les avez sûrement vus plus que moi, ces chiffres-là, là. Je pense que ça peut partir de 100 quelques jours, pour les types d'enfants, jusqu'à 600 jours dans certains cas.

Alors là, nous, on dit, à un moment donné, il y a comme des délais, là, qui deviennent carrément inacceptables et inadmissibles. Si on prend un enfant, par exemple, qui doit avoir des services de réadaptation lorsqu'il est très jeune, bien... Un enfant d'un an qui attend 100 jours puis une personne de 60 ans qui attend 100 jours, les deux, c'est 100 jours, là, mais le 100 jours pour un enfant qui est en plein développement est beaucoup plus, je ne dirais pas important, mais beaucoup plus critique pour son futur. Et l'objectif, c'est de donner à cet enfant-là éventuellement les possibilités d'être le moins dépendant possible de son milieu et éventuellement, sans vouloir être trop capitaliste, coûter moins cher à l'État, être en mesure de contribuer aussi.

Alors, c'est sûr que, lorsqu'on parle de services socialement requis, bien la réadaptation... Et la réadaptation, c'est quand même relativement large. Mais je pense qu'on devrait éventuellement se pencher sur une solution qui pourrait contribuer à diminuer ces délais d'attente là. Bon, pour les enfants, je pense que c'est relativement... je ne dirais pas populaire, mais je pense que tout le monde va être sensible à ça. Mais il y a les autres personnes aussi qui veulent obtenir un minimum d'autonomie, un minimum de services pour se maintenir dans la communauté, travailler, étudier, assurer des rôles parentaux. Ça vient aussi avec des services à domicile.

C'est sûr qu'on peut faire des commissions parlementaires pour en parler et c'est correct, là, mais je pense qu'on devrait s'asseoir pour regarder des solutions. Dans notre milieu, il y a des gens qui réclament des commissions parlementaires pour toutes sortes de choses parce que les gens deviennent carrément dépassés. Les gens sont à bout, comme dirait l'autre, là. Puis, nous, on dit non. Bien, on dit oui aux commissions parlementaires. J'aime toujours ça, venir à Québec, là, ce n'est pas ça le problème. Mais l'idée, c'est de trouver des façons, dans le concret, de développer.

Mais prioriser, là, je serais, M. le Président et Mme la ministre, je serais incapable de prioriser. Je pense qu'il faudrait qu'on s'entende pour que la réadaptation figure dans les secteurs où il faut absolument qu'on travaille sur des garanties d'accès dans des délais socialement acceptables. Et encore là on prend ça en termes d'investissement pour le futur, là. Je pense que c'est comme ça qu'il faudrait essayer de trouver des solutions, et non pas toujours: Ah, ça coûte cher! On ne peut pas tout faire. C'est sûr que le gouvernement ne peut pas tout faire, ça, on le sait. Mais faisons ce qu'on peut pour soutenir ces enfants, ces adultes, et ces parents, et ces aidants naturels là. Des fois, ils sont de moins en moins naturels, les aidants, là, il y a beaucoup de monde qui veulent nous aider, mais, à un moment donné, on ne peut pas demander trop à tout le monde non plus.

Le Président (M. Copeman): Mme Serradori. Allez-y, Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé): Oui. Je voulais juste vous dire, pour l'élaboration de ce mémoire, on a essayé d'avoir des statistiques sur les délais d'attente concernant les services de réadaptation, et ça n'existe pas. Il n'y a même pas une référence au niveau du ministère. Il n'y a personne qui se penche sur les délais d'attente. Alors, c'est quand même assez significatif. Alors, déjà, une des premières choses, ce serait d'être capable d'évaluer ces délais d'attente, de les connaître, de voir les impacts, d'aller chercher toutes les informations précises.

Actuellement, il y a un recensement des écrits qui est fait dans une recherche. On a hâte de voir l'utilisation qui va être faite de ça. Mais on a vraiment un problème à ce niveau-là. En niant le fait qu'il y ait des listes d'attente, puis en argumentant, et en n'ayant aucun argument sur ça, c'est comme si ça n'existait pas. Alors, ce n'est pas une pensée magique. Il y a 3 000 enfants qui attendent actuellement, plus 8 000 personnes qui attendent au niveau des services de réadaptation.

M. Lavigne (Richard): Juste une dernière chose, M. le Président, si vous permettez. Je sens qu'on est en train de changer de côté de la table et je serai très heureux... Simplement, il y a une question qui demeure en suspens, c'est toute la question des assurances privées. On vous a soulevé et on va vous soulever encore cette question: À la limite, comment va-t-on faire pour s'assurer que les gens qui veulent bénéficier des avantages et qui peuvent bénéficier de ces avantages-là qui seraient consentis à ceux qui détiendront des assurances privées, pour ceux qui sont exclus pour des raisons de risques, pour des raisons actuarielles... La personne a beau avoir les moyens de se payer des assurances privées puis, si elle ne peut pas se les payer parce qu'elle est trop handicapée, qu'est-ce qui va lui arriver, à cette personne-là? Ça va faire comme une autre discrimination systémique, ça. Alors là, on voit qu'il y a comme des... Peut-être que vous avez des réponses sûrement, mais, au moment où on se parle, en tout cas, nous, à la COPHAN, on ne comprend pas comment ça peut se passer.

Alors, c'est une préoccupation importante parce que, bien qu'on soit toujours tenants d'une solution que le public doit s'assurer que les choses se fassent, qu'il puisse faire affaire au privé pour des cas exceptionnels, on sent bien que les assurances privées vont éventuellement avoir un rôle important à jouer. C'est juste qu'il y a un paquet de monde qui ne pourront même pas en bénéficier, et ces gens-là vont être doublement discriminés par leur situation financière, par leur état de santé et par leur exclusion à des programmes privés. Ces gens-là vont être vraiment mal pris, là.

Le Président (M. Copeman): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Oui. Là-dessus, M. Lavigne, je vais vous répondre de façon très simple. C'est pour ça qu'on n'a absolument pas basé la réponse au jugement sur l'assurance privée. L'assurance privée, on l'a dit à plusieurs reprises dans cette commission, n'a aucun impact significatif sur le financement des soins de santé ni sur les problèmes de liste d'attente. Alors, l'assurance privée, la proposition très limitée qu'il y a dans le document de consultation est là pour faire une réponse correspondante au sujet sur lequel la Cour suprême nous fait des remarques quant au cadre législatif. Mais toutes les progressions de listes d'attente ? comme jusqu'à maintenant vous les avez soulignées vous-même ? ont été faites dans le domaine ou dans l'orbite du système public. C'est la même chose qui va continuer. Ce qu'on ajoute, c'est les cliniques affiliées de façon minoritaire, mais toujours ça fait partie du système public puisque c'est financé par l'État puis il n'y a aucune contribution. Et jamais, dans le document, il n'est souligné ou induit que la question de l'assurance privée est une solution à l'accessibilité aux services, pas du tout.

n (15 h 40) n

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci, M. le Président. Alors, d'abord, vous saluer, M. Lavigne, Mme Serradori. Bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Évidemment, lorsqu'on siège à la Commission des affaires sociales, la COPHAN est bien souvent un acteur invité, un acteur qui vient nous donner ses expertises. On se rappellera des projets de loi lorsque nous avons parlé notamment de la loi de la lutte à la pauvreté, lorsqu'on a parlé du transfert aussi des centres de travail adapté de ministère. Vous étiez toujours là pour venir donner votre expertise, tout ça. Et puis c'est toujours intéressant de vous recevoir et de prendre connaissance de vos documents.

Maintenant, évidemment, la ministre déléguée aux services sociaux le disait très bien, et je pense que c'est important de le souligner encore une fois, c'est qu'on sent très bien, avec les nouveaux intervenants, avec les intervenants qui sont plus du côté services sociaux qu'on commence à rencontrer... bien on ouvre toute une autre série de débats qui est somme toute très intéressante. Parce qu'autant, vous, vous en faites mention, on y reviendra certainement, qu'il faut sûrement un débat plus large sur le financement puis qu'on aille vraiment creuser cette chose-là, qu'on ne termine pas le débat sur le financement avec le débat qu'on a sur le livre blanc ? je ne pense pas que c'est l'intention de cette commission-là non plus ? mais, d'un autre côté, c'est toujours intéressant de croiser ces réalités-là aussi, là, des ressources. Il y a toujours aussi le débat non seulement sur les ressources financières, mais sur les ressources professionnelles qui existe.

Et, depuis ce matin et de façon plus aiguë, on a très certainement cette réalité où est-ce qu'à partir du moment où est-ce qu'on a une garantie, une garantie d'accès, d'un côté, bien il y a des gens qui s'inquiètent, de l'autre, en disant: Comment se fait-il que les services socialement requis, comment se fait-il que la garantie d'accès pour ce qui est de tout ce qui s'appelle le côté des services sociaux, que ce soit la réadaptation, que ce soit l'accompagnement... eh bien, c'est un débat qu'on doit aussi prendre en considération, notamment lorsque l'association d'établissements spécialisés à vocation régionale... Ils sont venus nous voir ce matin. C'est-à-dire qu'il y a déjà un sous-financement de ce côté-là; ne serait-ce que pour donner de façon optimale les services de ce côté-là, il y a déjà un rattrapage à faire. Alors, en ce sens-là, on voit très bien que non seulement on est en train de discuter, sur un côté, de... bon, que faisons-nous avec les listes d'attente pour ce qui est, bon, d'une chose, mais qu'on doit aussi se préoccuper, et votre document en fait état, se préoccuper de tout ce qui s'appelle les services sociaux.

Vous semblez, vous, de façon plus pointue, aller plus loin. Du sens où ce que vous nous dites, jusqu'à un certain point ? et je veux réellement vous entendre là-dessus ? c'est que, peu importe la grosseur de la brèche qu'on fera pour le privé, ce que vous sentez, par rapport à vos clientèles, c'est qu'il y a... À partir du moment où est-ce que... Vous semblez faire une équation assez rapide ? et c'est pour ça que je veux vous entendre un peu plus longuement là-dessus ? où l'introduction d'un privé, que ce soit une petite ou une grosse brèche, mais, aussitôt qu'on parle du privé, bien vos clientèles notamment semblent désavantagées. À partir du moment où est-ce que... Aussitôt qu'on parle de privé, aussitôt qu'il y a un élément de privé, bien c'est comme si on faisait entrer un élément d'iniquité par rapport à vos clientèles.

Est-ce que vous avez déjà... Bien, avec votre document, vous nous donnez quelques exemples, mais je vous demanderais d'élaborer là-dessus, par rapport à cette inquiétude-là qui revient souvent dans votre document.

M. Lavigne (Richard): Je pense que ce qu'il faut repréciser, là, c'est que, lorsqu'on ouvre une brèche, qu'elle soit petite, moyenne ou grande, vers le privé, je pense qu'il n'y a pas d'automatisme au fait que ça va mal aller. C'est qu'il y a un risque. Et, compte tenu des prérogatives légitimes du secteur privé, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que le secteur public, là, on s'entend là-dessus, c'est que... Par exemple, le système public offre une garantie en termes de respect des droits des usagers. Il y a des mécanismes de plaintes, il y a des recours, il y a... Dans le privé, comment ça va marcher? Dans le public, je pense que tous les citoyens peuvent espérer avoir accès à un service dont... il a besoin sur la base non pas de sa police d'assurance, mais sur la base de son besoin à lui. Alors, nous, on se dit: Soyons prudents. Et on dit: Avant de trop en donner au privé... Dans certains cas, on a réussi à contrôler et même à diminuer les problèmes avec le secteur public. Bien, si on a réussi, pourquoi qu'on ne peut pas continuer à réussir en priorisant le privé? Mais ce que je comprends aussi, c'est que le privé serait éventuellement une espèce d'assurance, si on peut dire, pour les besoins extrêmes, et tout ça.

Mais je pense qu'il faut que ce soit clair. C'est que, dans notre mémoire, nous, on met des bémols là-dessus parce qu'en bout de ligne les personnes qu'on représente, ce sont, pour toutes sortes de raisons, des gens qui sont plus démunis, entre parenthèses, si on peut dire, en tenant compte de leurs limitations fonctionnelles, qui entraînent souvent des limitations en termes financiers, qui entraînent d'autres types de limitations au plan social, et on ne veut pas qu'à un moment donné ces gens-là, pour des considérations d'ordre privé, finissent par tomber dans les craques, si on peut dire, du système. Bien sûr que le public sera toujours là, mais, à un moment donné, on sait quand ça commence, mais on ne sait pas comment ça pourrait finir, et on sait que, lorsqu'on rentre dans un secteur, c'est souvent difficile de reculer.

Maintenant, pour revenir à toute la question de la réadaptation... Et je parle aussi des services à domicile parce que pour nous c'est très important aussi qu'une personne qui veut maintenir ou développer son état de santé puisse demeurer chez elle et éventuellement demeurer dans une place qui lui convient, avec des services qui lui conviennent. Bien, je pense que ça, on doit vraiment porter attention à cette dimension-là.

Et le financement, c'est sûr que c'est important. Je pense que, le financement, souvent on parle... mais on dirait qu'il y a juste ça. Moi, je pense qu'éventuellement il faut faire un exercice sur les manières de faire les choses. Et là je ne veux pas que ce soit compris comme quoi qu'on est contre ce qui se fait, là, mais je pense qu'il n'y a personne qui peut prétendre d'avoir toujours les bonnes manières de faire, tout le temps. Il faudrait qu'on accepte collectivement de revoir un certain nombre de choses qui pourraient éventuellement se traduire par et des économies ou encore des délais plus courts pour obtenir tel ou tel service, et peut-être qu'on pourrait desservir plus de monde dans le même temps. Mais il faudrait au moins se donner la peine d'avoir le droit d'en parler sans se faire accuser d'être contre tout, là. On dirait que c'est comme tabou, là. J'entends, dans ma tête, déjà me dire: Hé! Richard Lavigne, tu es un anti-ci, un anti-ça. On n'est anti-rien. On est pour les personnes. Il faudrait peut-être avoir l'occasion de discuter du comment, pas juste du... Le financement, c'est important, mais le comment qu'on fait les choses pourrait être éventuellement... on devrait avoir le droit d'en parler sans se faire taxer de pour ou contre tel type de travailleur. Je ne sais pas si je... C'est ça aussi qu'il faut qu'on accepte collectivement.

Mais le gros de la question, pour la rencontre qu'on a aujourd'hui, ici, c'est de faire en sorte que les garanties d'accès, lorsqu'elles seront développées, bien qu'elles couvrent l'ensemble des services de santé et des services sociaux et qu'on puisse parler de délais médicalement et socialement requis pour maintenir et développer l'état de santé de la personne. Et je pense que je ne vous apprendrai rien en disant que la santé, ce n'est pas juste un médicament, là, c'est un ensemble de choses, et il y a d'autres partenaires qui devraient aussi éventuellement se pencher sur comment développer le niveau de santé de tout le monde. Si on parle de la qualité du logement, de la nourriture, puis tout ça, là, c'est large, ça. Bien, voilà. Peut-être que Chloé veut compléter.

Mme Serradori (Chloé): Bien, peut-être juste vous dire ? je pense qu'on arrive à la fin; peut-être juste vous dire ? que, si le jugement se passait actuellement, probablement, avec le travail qui a été fait par le gouvernement ces derniers temps pour réduire les listes d'attente, on n'aurait pas cette proposition-là. Il y a du travail qui a été fait au niveau de l'amélioration de ces délais-là. Et aussi il y a des choses qu'on ne comprend pas. Dans la mesure où il y a l'égalité tarifaire, dans la mesure où l'argent va être investi, pourquoi ne pas l'investir dans le public? Pourquoi ne pas l'investir dans le public?

n (15 h 50) n

M. Lavigne (Richard): Et, avant de terminer, M. le Président ? je sens que la fin s'en vient ? ce qu'on souhaite, c'est que le même exercice, en termes d'efforts qui ont été faits pour certains types de chirurgie, bien il faudrait le faire pour la réadaptation éventuellement aussi et pour d'autres types de services sociaux, comme le maintien à domicile, et tout ça, et on sera toujours d'accord de parler avec les gens qui veulent trouver... Les problèmes, on les connaît. Maintenant, il faut travailler sur les solutions, et je suis convaincu qu'il y a moyen de diminuer ces listes d'attente inacceptables en réadaptation. Que ce soit au plan physique, sensoriel ou intellectuel, je pense qu'il y a des choses qu'on pourrait faire. Il s'agit juste de se donner le temps de requestionner l'ensemble des choses. Et je pense que tout le monde veut que ça s'améliore. Et je pense que les intervenants, les directions des établissements, les instances de représentation de ces établissements-là seront tous d'accord de dire: Bien, on doit revoir nos choses puis de manière à ce qu'on puisse, un, bien sûr obtenir du financement accru, mais, deux, aussi s'assurer que les choses se font de mieux en mieux, notamment par l'élaboration de plans de services auxquels l'ensemble des personnes concernées peuvent participer. Ce n'est même pas tout à fait acquis, ça, que la personne qui a un plan de services peut intervenir dans son propre plan de service. Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Mais là on déborde.

Le Président (M. Copeman): M. le député, allez-y.

M. Valois: Mais le débordement est tout à fait important, du sens où on ne peut pas penser intervenir sur une partie de notre système de santé et des services sociaux sans réfléchir à l'impact que cette intervention-là peut avoir sur le reste du réseau, surtout lorsque, vous en parlez vous-même, on travaille quand même avec des ressources financières, des ressources professionnelles qui sont, bien, somme toute, limitées. Ça fait qu'en ce sens-là, lorsque vous dites que vous débordez, moi, je pense que vous mettez encore plus de perspective sur le débat qu'on a présentement ici, et c'est tout à votre honneur de le faire. Puis merci de le faire parce que justement il est important pour nous, les parlementaires ici, de voir tout ce qu'on est en train d'ouvrir lorsqu'on ouvre ce débat-là et de réaliser que, lorsque vous parlez de socialement requis, de socialement acceptable, bien ça ouvre quelque chose qui est très important. On en a déjà discuté, comme je vous disais, et déjà on comprend qu'il y a des expertises qui sont en train de se développer aussi de ce côté-là. Parce que tout à l'heure, lorsqu'on vous posait la question: Bon, ça se baserait sur quoi, du socialement requis, du socialement acceptable... Écoutez, là, le débat reste à faire. Vous-mêmes, tu sais, bon les enfants versus les adultes, tout ça, qu'est-ce que ça veut dire, les délais d'attente, tout ça, le socialement... il y a quelque chose de... et qui peut être tout autant scientifique, mais qui est quand même beaucoup plus qualitatif. Alors, en ce sens-là, il y a quelque chose qui émerge, il y a un débat qui commence, et puis il est quand même important de vous sentir là-dessus.

Maintenant, moi, je vais aller droit au but par rapport à une question où je veux réellement avoir votre réflexion, il me semble, très à propos, très intéressante. Vous parlez des risques par rapport à une introduction ou une brèche qui pourrait arriver avec, bon, le privé. Maintenant, est-ce qu'aujourd'hui, à l'intérieur du système dans lequel nous sommes, est-ce que vous sentez des fois que, par rapport à votre même clientèle, il y a déjà des traitements qui sont inéquitables? Parce que c'est bien beau, là, de parler des risques par rapport au privé, et, en ce sens-là, les gens vont croire que, bon, le risque n'est associé qu'au privé, mais est-ce que, dans le système public actuel, vous sentez qu'à l'intérieur de la façon dont on organise nos services les personnes vulnérables vivent déjà un... bien sans dire que c'est un système à deux vitesses, là, mais vivent déjà une certaine série d'inéquités?

M. Lavigne (Richard): Là, je parlerais plutôt de personnes handicapées. Pour ce qui me concerne, les personnes vulnérables, là, je ne suis pas représentatif de ces personnes-là parce que les personnes vulnérables ne sont pas toutes handicapées, et les personnes handicapées ne sont pas toutes vulnérables. Mais, pour répondre rapidement, M. le Président, il s'agit de voir l'impact des ententes que certains centres signent avec la SAAQ et la CSST, pour constater la vitesse avec laquelle ces gens-là ont des services. Je vais me contenter de ça pour aujourd'hui.

M. Valois: Mais vous ouvrez quand même quelque chose qui est important avec juste cette petite phrase là, là, où est-ce qu'on aura à en rediscuter avec les autres partenaires qui viendront, notamment nos partenaires syndicaux, les partenaires patronaux aussi, voire même l'ensemble de nos services sociaux. Et je pense que, ça aussi, on a à l'approfondi ? puis on attend des réflexions, notamment de la COPHAN et des autres partenaires qui viennent nous voir ? non seulement de regarder ce qui est apporté comme solution gouvernementale, mais aussi de regarder le système tel qu'il est, avec aussi les améliorations qu'on peut lui apporter tout le temps pour s'assurer que les personnes, les personnes handicapées notamment et autres personnes qui ont affaire avec le service, soient traitées équitablement. Et ça, vous avez aussi... bien je ne dirais pas une responsabilité, mais on s'attend de vous que vous nous apportiez ça aussi, là, dans le débat.

M. Lavigne (Richard): On a un très bon système public de réadaptation en tout cas puis un système... De façon globale, notre système de santé et services sociaux, je pense que c'est un système qui peut faire des jaloux à travers le monde parce que, moi, dans une autre vie, je travaille au plan international et je peux vous garantir que, lorsqu'on parle des systèmes au Québec, c'est très, très, très envié. Simplement que bien sûr, à un moment donné, il faut accepter de revoir un certain nombre de choses dans une optique d'amélioration, et de maximiser le potentiel qu'on a, et de susciter aussi... Parce que le prochain débat, ça va être sur comment intéresser des ressources. Il va y avoir tout un changement. On va avoir besoin de ressources professionnelles dans les prochaines années. En réadaptation entre autres, il y a je ne sais pas combien de pourcentage de la main-d'oeuvre qui devra quitter dans 10 ou 15 ans. Imaginez-vous la crise qu'on va vivre, si on ne commence pas à en parler tout de suite. C'est toutes des choses qui... On peut parler beaucoup de financement, on peut parler de l'organisation de services, mais ça prend du monde qui les donnent, ces services-là. Et il faut aussi viser l'équité entre les gens, sur la base de leurs besoins et non pas sur la base de quelle assurance paie.

Donc, je répète que la SAAQ et la CSST, eux autres, à juste titre font ce qu'ils peuvent pour que ça leur coûte le moins cher possible. Alors, que le réseau public puisse aussi faire la même chose mais en utilisant son système. Parce que, des centres de réadaptation privés en déficience physique, je n'en connais pas ? je ne dis pas qu'il n'y en a pas, là ? mais je connais beaucoup de gens qui y vont avec la SAAQ et la CSST, dans les centres publics. Mais c'est les autres, qui ne sont pas sur aucun régime, qui se trouvent à payer pour ça, là, en termes d'attente, et ça, c'est plus ou moins cool, comme diraient les jeunes.

M. Valois: Bon, bien, sur ce, merci beaucoup de votre présentation d'aujourd'hui.

M. Lavigne (Richard): Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Lavigne, Mme Serradori, merci beaucoup pour votre participation à cette commission au nom de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN.

J'invite immédiatement les représentants de l'Ordre des audioprothésistes du Québec et l'Association professionnelle des audioprothésistes du Québec à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 56)

 

(Reprise à 15 h 58)

La Présidente (Mme James): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue à l'Ordre et l'Association des audioprothésistes du Québec, M. Pelletier et M. Savard.

Ordre des audioprothésistes du
Québec (OAQ) et Association professionnelle
des audioprothésistes du Québec (APAQ)

M. Milot (Christian): M. Pelletier est absent.

La Présidente (Mme James): M. Savard et M. Milot, pardon.

M. Milot (Christian): C'est bien ça.

La Présidente (Mme James): Alors, bienvenue à cette commission parlementaire.

M. Milot (Christian): Merci.

La Présidente (Mme James): Je vous avise, tel qu'on le fait pour tous les groupes qui présentent avec nous, que vous aurez un 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, on va procéder à une période d'échange, d'une part du côté ministériel et ensuite avec l'opposition officielle. Alors, la parole est à vous pour un premier 20 minutes.

M. Milot (Christian): Bien. Tout d'abord, merci, M. le ministre de la Santé, merci, madame, et merci aux gens de la commission de nous recevoir aujourd'hui et de nous permettre de participer au sain développement de notre système de santé, avec cette commission qui est Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Comme vous avez pu peut-être constater dans le mémoire de l'Ordre des audioprothésistes du Québec, le mémoire, qui date de juin 2005, n'a pas nécessairement été conçu pour la commission d'aujourd'hui parce que le problème duquel on veut discuter aujourd'hui existe depuis déjà plusieurs années. Ce n'est pas un problème au niveau de l'accès aux services audioprothétiques, mais plutôt au niveau de l'accès aux services d'audiologie dans les centres hospitaliers, au Québec, et les centres de réadaptation. Les listes d'attente pour les examens auditifs sont très longues. D'ailleurs, on a déjà remis au gouvernement une liste de tous les établissements de santé ayant un département d'audiologie au Québec. On peut constater qu'au mois de mai 2005 les délais d'attente variaient de deux, trois mois jusqu'à 18 mois, dans les régions, au Québec, où il y avait certains endroits où il n'y avait même pas de centre d'audiologie ou de service d'audiologie. On a revérifié cette liste-là en mars 2006, et la situation ne s'était pas améliorée à ce moment-là. On a aussi, en date du 29 septembre 2004, un article qui avait paru, pour le centre de Jonquière en réadaptation physique, qui indiquait, à ce moment-là, que, pour les 17 ans et moins, le délai était de 805 jours pour la déficience auditive, de, mon Dieu, 470 jours pour les 18-64 ans et de 345 jours pour les 65 ans et plus.

n (16 heures) n

Pour vous mettre en situation, je vais vous faire un bref historique de la profession d'audioprothésiste au Québec. L'audioprothésiste est, depuis 1973, une profession à titre exclusif qui offre tout acte de vendre, poser, ajuster et remplacer une prothèse auditive, sur certificat médical signé par un médecin ou un audiologiste. Je tiens à spécifier ici que le certificat médical n'est pas une prescription ni une ordonnance, mais uniquement une attestation d'un besoin d'un appareil auditif.

À partir de 1997, il y a eu un changement, dans le Programme des aides auditives de la Régie de l'assurance maladie du Québec, en obligeant la clientèle des 75 ans et plus à obligatoirement passer un examen avec un audiologiste pour l'obtention de leur appareil auditif. Les 75 ans et plus représentent 49 % de la clientèle. Dès ce moment-là, les listes d'attente dans les centres d'hôpitaux en audiologie ont commencé à s'allonger, au point où il y a une nouvelle profession qui s'est créée, soit l'audiologiste en pratique privée. Donc, les audiologistes ont vu une opportunité à aller vers le privé pour effectuer des tests audiométriques dans le but de la Régie de l'assurance maladie parce que beaucoup de gens se plaignaient déjà de ces listes d'attente là. On parle d'un coût variant entre 50 $ et 80 $ pour un examen auditif.

En 2005, il y a eu un projet de règlement, qui a été publié le 25 mai, qui consiste à modifier le Programme des aides auditives. Ce projet de règlement là a été basé... Bien, en fait, l'ouvrage qui est à l'origine du projet de règlement est un groupe de travail qui a été formé en 1998, qui a siégé jusqu'en 2001 et qu'on appelle Groupe de travail sur la révision du Programme des aides auditives. Sur ce comité-là, 23 personnes ont travaillé durant trois ans. On remarque que, sur les 23 personnes, 10 personnes étaient des audiologistes, aucun médecin ORL, qui pourtant est obligatoire pour le programme d'assurance maladie, et seulement un audioprothésiste sur un sous-comité des technologies. On avait aussi quatre personnes qui provenaient de centres de réadaptation, alors qu'on parle ici de gens de troisième ligne.

Le comité a recommandé l'examen par l'audiologiste, de façon obligatoire, à toutes les clientèles malentendantes au Québec. Pourquoi? Parce qu'ils disent que l'évaluation globale vise à identifier les besoins d'une personne en fonction du processus de production du handicap, communément appelé le PPH, qui est un processus effectué par tout professionnel de la santé à la rencontre d'un premier patient.

Ce qui est aussi intéressant, c'est que le comité précise que l'évaluation globale mène, s'il y a lieu, à l'attestation de la nécessité d'une aide auditive et que l'évaluation globale peut engendrer des économies, quant au coût du Programme des aides auditives, en prévenant l'attribution d'aides inutiles. Déjà que le gouvernement, au niveau de la Régie de l'assurance maladie, exige un critère de surdité de 35 % aux deux oreilles afin d'être éligible au programme, qu'on se permette de dire qu'en obligeant la clientèle à voir l'audiologiste peut-être qu'il va y avoir une économie de coûts parce qu'on va pouvoir dire à certaines personnes, même si elles ont l'éligibilité, qu'elles n'ont pas besoin de l'appareil auditif... Bon, on tient d'ailleurs à préciser qu'on a pris connaissance de ce document-là uniquement en 2004, et même chose pour l'Association des oto-rhino-laryngologistes du Québec, et on l'a vu publié pas très longtemps après, dans la Gazette officielle.

Je voulais aussi vous préciser une chose. C'est qu'en 2003 il y a eu une réforme du système de santé, la loi n° 90. Il y a eu le rapport d'étape n° 1 et il y a eu le rapport d'étape n° 2, dans lequel les audioprothésistes étaient concernés. On trouve un petit peu bizarre que, via une réglementation et non une loi, on oblige la clientèle à systématiquement voir un audiologiste. Parce que M. Bernier, le Dr Roch Bernier, qui a présidé la commission à ce moment-là... Je vais vous lire un petit passage de son rapport: «Le groupe de travail accorde une grande importance à la définition du champ de pratique afin qu'elle permette une ouverture favorisant l'accessibilité aux services et aux soins, tout en préservant la protection du public. Le fait de prévoir la contribution de l'audioprothésiste à l'évaluation de la fonction auditive rencontre cet objectif. La mention du fait que l'audioprothésiste contribue à l'évaluation de la fonction vise à reconnaître sa participation en première ligne. Il est en effet apparu que ce professionnel utilise des tests audiométriques qui lui permettent d'évaluer la capacité auditive des personnes[...]. Cette ouverture reflète ce qui semble se passer actuellement sur le terrain, vu l'accessibilité, sur l'ensemble du territoire du Québec, des services offerts par un professionnel outillé et compétent pour effectuer de tels tests, soit l'audioprothésiste[...].»

«Après analyse, l'activité qui consiste à effectuer [l'examen audiométrique] a été retirée de la liste ? on parle ici de réserver l'activité de l'examen audiométrique. [...] le groupe de travail considère qu'il n'y a pas de risque de préjudice dans le fait d'effectuer des examens ou des tests audiométriques, c'est plutôt l'interprétation des résultats qui peut occasionner des préjudices ? et cette interprétation-là est réservée au médecin. Pour cette raison, il croit que l'activité qui consiste à effectuer des tests audiométriques n'a pas à être réservée dans le système professionnel.»

Donc, tout ça pour vous dire en fait que déjà on a les 75 ans et plus qui créent d'énormes listes d'attente. C'est quelque chose qui a été fortement dénoncé par les ORL, par la FADOQ, par la Fondation des sourds du Québec et par les audioprothésistes. Le projet de règlement, qui a maintenant été adopté en date du 24 mai dernier et qui va être en vigueur le 8 juin prochain, étend cette évaluation globale de l'audiologiste de façon obligatoire à la clientèle des 65 ans et plus maintenant. Donc, ce n'est plus 49 % de la clientèle, mais on parle de 71 % de la clientèle.

De plus, il y a quand même des points positifs au projet de règlement, soit le paiement des appareils auditifs numériques et le paiement d'une deuxième prothèse pour les adultes compris entre 19 et 64 ans qui sont au travail. Cependant, on précise, dans le communiqué du 12 mai, que c'est seulement si c'est requis, au niveau de la deuxième prothèse auditive, ce qui nous surprend un peu, puisque plusieurs études ? d'ailleurs vous avez à l'annexe B de notre mémoire... ? démontrent que l'appareillage binaural, s'il est requis, se doit d'être fait pour aller chercher tous les avantages de l'écoute binaurale, de la stéréophonie, de la meilleure compréhension dans le bruit et d'une localisation spatiale des sons.

De plus, au niveau du communiqué, plusieurs erreurs ont été inscrites à l'intérieur. Premièrement, on parle, bon, d'un coût de 4 millions supplémentaires sur le Programme d'aides auditives et d'un coût de 750 000 $ pour les services en audiologie parce que le document de 2001 avait fait une estimation de ces coûts-là et avait estimé à 1 million l'impact de l'évaluation globale sur le réseau de la santé. Déjà, ici, on parle d'un premier 750 000 $ qui va ne suffire qu'à très court terme à éponger un surplus à court terme dans les bureaux d'audioprothésistes parce que le ministère s'attend, étant donné l'annonce du paiement des appareils auditifs numériques, à un accru d'achalandage dans les cabinets d'audioprothésistes, et le 750 000 $ a été débloqué afin d'aider les services d'audiologie à répondre à ce petit besoin là.

Parce que le besoin en fait, il est un peu faux. La pénurie d'audiologistes est plutôt fausse. C'est qu'elle a été créée artificiellement à partir de 1997 et continue d'être gonflée. Donc, l'Ordre des audiologistes et orthophonistes a convaincu le ministère d'avoir, d'ici 2010, à son emploi 110 audiologistes de plus afin de pallier à ce problème-là de listes d'attente en audiologie. On comprend ici que, 110 audiologistes de plus, au salaire... avec les équipements ainsi que les installations qui devront modifier les services d'audiologie en centre hospitalier, on parle d'un investissement de plusieurs millions, sans tenir compte au niveau aussi de l'éducation.

Aussi d'autres petites erreurs dans le communiqué, c'est qu'on indique que les enfants de six ans et moins n'avaient pas droit à l'appareillage auditif, alors que c'est tout à fait faux. C'est uniquement qu'il n'y avait pas de critère spécifique. Mais, du moment où l'audiologiste et le médecin ORL recommandaient l'appareillage, l'enfant de 12 ans et moins y avait droit... de six ans et moins, excusez-moi.

On indique aussi que les services d'évaluation globale de l'audiologiste étaient uniquement réservés ou restreints aux clientèles des 12 ans et moins et des 75 ans et plus, alors que ce n'est pas parce que ce n'est pas obligatoire que ce n'est pas accessible. Et là ce qui se passe ici, c'est qu'en obligeant à peu près toute la clientèle... Parce qu'on comprend qu'avec le nouveau règlement les seules personnes qui n'ont pas à avoir le cheminement d'un audiologiste pour l'appareil auditif sont les gens entre 19 et 64 ans qui ne travaillent pas ou qui ne sont pas étudiants. C'est la seule clientèle qui n'a pas besoin de passer par un audiologiste.

n(16 h 10)n

Bien entendu, les audioprothésistes, si on avait pu être sur le comité de révision, entre 1998 et 2001, auraient fait des recommandations dans un autre sens. On va les faire aujourd'hui. Nos recommandations tiennent tout simplement sur une page. On demande à ce que la clientèle, qui doit passer par un cheminement institutionnel audiologique obligatoire, soit, par exemple, les enfants de 18 ans et moins, les gens ayant un handicap associé, comme les surdicécités, ou les 19 ans et plus ayant une surdité sévère ou profonde... Donc, plutôt que de viser un cheminement audiologique obligatoire en fonction d'un critère d'âge, on demande à ce qu'il soit fait en fonction d'un critère de handicap et pour les enfants qui ont besoin vraiment d'être entourés d'une équipe multidisciplinaire, soit l'ORL, l'audiologiste et l'audioprothésiste.

Pour les autres personnes, entre 19 et 64 ans non aux études ou les 65 ans et plus, on demande à ce qu'ils aient tout simplement le libre choix de passer par l'audiologiste ou par la clinique ORL. Je vais même au-delà de ça. Je dirais qu'une fois que la surdité a été reconnue comme étant permanente par le médecin ORL et que c'est dans le cas d'un renouvellement d'une aide auditive, pourquoi ne pas même permettre à l'audioprothésiste d'effectuer le test? On peut comprendre, pour un premier appareillage, que la personne qui fait l'examen, étant donné que ça fonctionne sur la base d'un critère d'audition, au niveau de l'admissibilité du programme, que ce soit une autre personne qui effectue l'examen par rapport à la personne qui fournit l'appareil auditif. Mais, dans le cas d'un renouvellement où la déficience est permanente, il n'y a aucun risque à ce que la personne ne redevienne plus éligible au programme, à moins qu'il y aurait un changement de programme. Donc, on demande en fait à ce qu'au lieu de dépenser plusieurs millions à engager plus d'audiologistes... tout simplement de cibler la clientèle importante, qui en a le plus besoin, vers des ressources spécialisées qui sont les audiologistes.

Juste pour vous donner aussi un autre ordre d'idées, un enfant qui a besoin d'une évaluation auditive pour un trouble auditif central va attendre six ans à Sainte-Justine. C'est entre deux à quatre ans ailleurs. Et les centres de réadaptation, si on est déjà inscrit, c'est un minimum de deux ans. Ça, ça veut dire que, si l'orthophoniste appelle le parent afin de recommander cet examen-là parce qu'on croit que l'enfant a un déficit d'attention à l'école, bien il y a des chances qu'il soit diagnostiqué rendu au secondaire. Donc, pendant toutes ces années-là, l'enfant n'aura pas eu les soins appropriés parce que l'audiologiste va, pendant ce temps-là, effectuer du simple testing pour l'obtention d'une prothèse auditive à la Régie de l'assurance maladie, alors que les cliniques privées d'ORL et les audioprothésistes qui ont pignon sur rue, qui sont beaucoup plus économiques, qui sont beaucoup plus accessibles, peuvent faire très bien le travail.

Juste pour vous donner aussi un autre ordre d'idées à quel point les audioprothésistes malheureusement sont toujours exclus des comités consultatifs au niveau de la RAMQ et du ministère, c'est qu'on a rencontré le ministère et la Régie de l'assurance maladie, au mois de mars cette année, dans une nouvelle phase de négociation d'honoraires professionnels, et le monsieur qui est en charge du programme des aides auditives à la Régie de l'assurance maladie, qui est un audiologiste, a quitté son poste pour occuper un autre poste un peu plus important. Alors, il y a eu un concours de recrutement qui a été annoncé. On a demandé aux gens qui étaient assis à la table ? ils étaient six ? à savoir quelles étaient les conditions d'admission à ce poste. On nous a dit que c'était quelqu'un qui avait besoin d'un bac. Alors, on a demandé: Pourquoi un bac? Parce qu'on considère qu'une personne qui a fait un bac a les aptitudes requises pour occuper ce poste-là. Mais on ne demandait pas, ils disaient, un bac en particulier. Donc, on a demandé si un audioprothésiste ayant un bac pouvait occuper le poste et on nous a confirmé oui, alors qu'on leur a sorti finalement l'appel d'offres, le concours où on demande obligatoirement que la personne soit membre de l'Ordre des audiologistes et orthophonistes. Alors, on a six personnes de la régie, du ministère devant nous et on nous a tout simplement menti afin toujours de nous garder à l'écart du Programme des aides auditives, où on est le principal concerné.

C'est tout. Merci.

La Présidente (Mme James): Alors, c'est moi qui vous remercie, M. Savard. Maintenant...

M. Milot (Christian): Milot. C'est moi.

La Présidente (Mme James): M. Milot. Désolée. Alors, Mme la ministre à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, la parole est à vous.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Alors, messieurs, bonjour. Bienvenue. Vous allez me permettre, là, de réagir un petit peu à ce que vous avez soulevé. Je pense que c'est important de faire un petit peu d'historique pour qu'on puisse se situer dans ce dossier-là.

D'abord, le règlement a été adopté par le Conseil des ministres tout récemment, mais ça fait suite à la formation d'un comité créé par le précédent gouvernement, en 1999, qui souhaitait revoir le financement puis le Programme d'aides auditives. Le comité a siégé à peu près pendant deux ans et a fait quelques recommandations ? là, j'écourte l'histoire, là ? et, lorsque je suis arrivée en poste, il y a un an et demi à peu près, le règlement était prêt pour prépublication. Il est allé en prépublication, puis, comme vous le savez, il y a une période de temps où les gens, les organismes peuvent se prévaloir de cette période-là pour faire connaître leurs opinions et faire savoir s'ils sont d'accord ou pas avec ce qu'il y a dans le règlement.

J'ai rencontré par la suite plusieurs organismes qui sont venus nous rencontrer, certains qui souhaitaient la mise en place du règlement qui ouvrait de 65 ans à 75 ans ce qu'on appelle l'évaluation globale ? je ne suis pas une spécialiste, ça fait que je ne m'aventurerai pas sur ce terrain ? alors qu'en vertu de l'ancien règlement, c'étaient seulement les 75 ans et plus qui pouvaient avoir accès à l'évaluation globale. Alors donc, il y a des gens qui nous ont envoyé des mémoires. La plupart des groupes ? d'ailleurs, je pense, c'est six groupes, si je me souviens bien ? sont tous venus me rencontrer. On a entendu ce que les gens avaient à nous dire, et il y a des éléments qui ont été soulevés, dont on a tenu compte et qu'on a inclus dans le règlement. Et on vient tout juste de l'adopter, le règlement, là. Il est en publication.

Vous avez mentionné des groupes qui étaient contre. Il faudrait aussi faire des nuances. Je pense qu'on est ici pour ça. Moi, je ne veux pas faire le procès de personne ici, là, on veut parler de la garantie d'accès pour les services, mais il faut aussi dire qu'il y avait plusieurs groupes aussi qui étaient d'accord. Je pense, entre autres, à l'association d'usagers, le conseil québécois en déficience auditive, les audiologistes, l'association québécoise des établissements en réadaptation physique, l'OPHQ, et il y en avait d'autres.

Nous avons choisi d'ouvrir dans un an, pas cette année, mais à partir de 2007...

Une voix: 1er janvier.

Mme Delisle: ...au 1er janvier 2007, la possibilité pour toute personne de 65 ans et plus d'avoir accès à l'évaluation globale. Il y a des mesures qui ont été mises en place à court et à moyen terme puis il y en a d'autres avec lesquelles on travaille pour le plus long terme.

Je voudrais juste mentionner, parce qu'il y a des gens qui nous écoutent, là, puis qui doivent se dire: Bien, ça n'a pas de bon sens. Il y a des listes d'attente. Comment ça se fait que les gens ne pourront pas avoir accès à ces services-là? Bon, c'est l'opinion des gens qui nous... et je respecte beaucoup votre opinion, soit dit en passant, là, je n'ai pas de raison de croire que vous êtes ici pour nous induire en erreur, mais il y a aussi des données qui nous démontrent que, l'an prochain entre autres, il y a une augmentation du nombre d'étudiants en audiologie. Il y a une cohorte, il y a 75 audiologistes de plus, en 2007, qui sont inscrits, et il y aura, d'ici 2010, 150 audiologistes de plus, donc une augmentation de 33 % à l'inscription et 50 %... Les audiologistes nous ont garanti qu'ils étaient prêts à accroître les heures de service pour l'évaluation globale et les traitements de demandes de renouvellement de prothèse pour les personnes déjà couvertes dans le cadre du programme de la RAMQ.

Maintenant, ce n'est pas juste non plus toute la question des appareils auditifs, là, mais il y a aussi des mesures qui sont prises pour des gens qui n'entendent pas. Je pense, entre autres, à des gens qui vivent en appartement puis qui sont sourds, complètement sourds, bien qui n'entendent pas sonner une porte. Il y a des équipements spécialisés qui font en sorte que, bon, il y a une lumière qui allume. Vous avez des appareils téléphoniques qui sont adaptés. Bon, il y a une série, là, d'appareils et d'installations qu'on peut faire pour les gens qui souffrent de surdité quasi totale, là, et auxquels ces gens-là peuvent avoir accès. Il y a des gens qui étaient très rassurés par l'adoption de ce règlement-là.

Maintenant, puisque vous avez choisi de venir dans le cadre de cette commission parlementaire là, qui touche toute la garantie de l'accès, donc un défi d'équité, d'efficience et de qualité, vous avez mentionné tout à l'heure... Vous vous êtes peut-être trompés. Vous avez dit: On l'a préparé en juin 2005, le mémoire...

M. Milot (Christian): Bien, c'est suite à la parution du projet de règlement en mai.

Mme Delisle: Donc, il n'a pas été préparé en fonction de la commission.

M. Milot (Christian): De la commission, non.

n(16 h 20)n

Mme Delisle: C'est ça. Moi, j'aurais aimé ça avoir vos commentaires sur toute la question, là, de la complémentarité public-privé. Le règlement, vous savez, il a été adopté, là, ça fait qu'on ne le changera pas, là. Ça a été quand même un cheminement qui a été quand même assez long et ardu parce qu'il a fallu consulter tout le monde. Mais un règlement, ce n'est pas figé dans le temps, ce n'est pas figé dans le béton. À un moment donné, il y a des évaluations qui sont faites périodiquement de ces règlements-là, et on pourra à l'usage vérifier s'il y a lieu à la fois d'investir davantage, d'engager davantage d'audiologistes et d'audioprothésistes, mais enfin...

Aujourd'hui, je suis restée sur mon appétit. Moi, je n'ai pas suivi toute la commission évidemment, c'est sous la responsabilité de mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux. Ça fait que je m'attendais à ce qu'aujourd'hui ? parce que j'ai eu le mémoire hier soir ? à ce que vous nous apportiez des solutions ou des propositions pour cette complémentarité, là, qu'on cherche, une complémentarité évidemment qui est juste, là, mais entre le public et le privé. Alors, je ne sais pas si vous avez aussi réfléchi à ça ou si vous êtes venus uniquement pour ce dossier-là...

M. Milot (Christian): Non.

Mme Delisle: ...mais je trouve qu'on gagnerait à vous entendre sur ce que je viens de vous poser comme question.

M. Milot (Christian): Bien, au moment où on a envoyé le mémoire pour l'inscription à la commission, il faut comprendre aussi que le dossier du règlement sur les aides auditives n'était pas terminé, était pour nous aussi un dossier important, et, bon, tant que ce n'était pas finalement adopté au Conseil des ministres, pour nous il y avait espoir de renverser la machine, surtout que... Je suis content que vous avez précisé qu'il y avait des groupes qui étaient effectivement pour le programme parce que, comme je disais tantôt, il y a des points très positifs, et tous les groupes que vous m'avez nommés représentent justement la clientèle que les audioprothésistes suggèrent qu'ils passent par un cheminement institutionnel audiologique obligatoire. C'est l'autre partie de clientèle que, je pense, s'ils avaient besoin aussi d'aide technique parce qu'ils ont des surdités légères ou modérées, mais qu'advenant le cas où la prothèse auditive ne suffirait pas à combler tous les besoins, de laisser peut-être le soin à l'ORL ou à l'audioprothésiste de référer ces personnes-là en centre de réadaptation en s'apercevant que la prothèse réussit bien à faire une bonne partie du travail, mais pas sur tous les aspects. Alors que les groupes qui étaient en faveur du projet de règlement étaient tous des groupes qu'on... Les enfants, qui en fait restent toujours dans notre cheminement audiologique qu'on recommande, les gens qui sont membres de l'Association québécoise des déficiences auditives et l'OPHQ sont des gens ayant des handicaps en général plus sévères, et c'est cette clientèle-là qu'on veut cibler.

Ce qui nous déçoit aussi un petit peu, c'est qu'avant même que le projet de règlement existe ou qu'il soit adopté la cohorte d'étudiants en audiologie a déjà été amorcée. Ça veut dire à quelque part que ça avait déjà été orchestré à l'avance. On connaissait déjà le problème de pénurie et, au lieu d'en trouver des solutions, on a tout simplement décidé d'augmenter le nombre d'étudiants en audiologie à l'école. Je sais que cette année il y a une augmentation, mais, à ce qu'on nous a dit aussi, c'est qu'il y en a beaucoup qui s'en vont travailler au Nouveau-Brunswick.

Mais, pour en revenir à votre point, Mme Delisle, concernant le partenariat plus public-privé, je pense que tantôt le Dr Bernier l'a bien indiqué comme quoi que l'audioprothésiste était une belle première porte sur l'accès pour les malentendants aux soins de santé auditive, qui est l'audioprothésiste, parce qu'il est partout au Québec, outillé, compétent, et qu'on a une loi qui protège bien le public et qui nous donne toute cette latitude-là aussi d'effectuer les examens et d'en porter un certain jugement. Le processus de handicap, le PPH, qu'on parlait tantôt, qu'on demande à l'audiologiste de faire, en fait c'est que l'audiologiste se l'est approprié, mais, comme je disais, tout professionnel de la santé le fait déjà. C'était déjà quelque chose de connu.

Alors, on pense qu'on devrait justement laisser un petit peu plus de responsabilités à l'audioprothésiste parce qu'il faut comprendre qu'à la réforme du système de santé les audiologistes ont demandé la fourniture, la prescription, l'ajustement et l'exclusivité de l'examen auditif. En fait, ils ont demandé un peu tout. Et, une chance, le législateur a bien fait de laisser les tâches spécialisées à l'audiologiste que sont les tests spéciaux, comme je disais tantôt, pour les enfants, les cas de surdité importante, la réadaptation et de laisser à l'audioprothésiste tout l'aspect de la latitude de la prothèse auditive et du Programme des aides auditives. Et de là je dis que le partenariat public-privé en général fonctionne bien entre nous deux. Il y a une très bonne collaboration sur le terrain entre les audiologistes et les audioprothésistes. C'est certain que, depuis 1973, l'audioprothésiste n'est qu'un professionnel qui pratique en clinique privée.

Jusqu'à maintenant, pour l'audioprothésiste, 50 % de sa clientèle, des prothèses vendues sont des prothèses qui sont couvertes par la Régie de l'assurance maladie. Le nouveau programme, étant donné qu'il va payer les appareils auditifs numériques, va aller chercher une clientèle qui autrefois se désistait du programme parce qu'ils considéraient que les prothèses analogiques n'étaient pas adéquates. Donc, on s'attend à une hausse de la clientèle. De plus, en payant aussi la deuxième prothèse pour les 19-64 ans, veux veux pas, la portion du pourcentage RAMQ pour les cabinets d'audioprothésistes privés va prendre une plus grande place; on estime jusqu'à 65 %, 70 %. Donc, on devient davantage un travailleur pratiquement de l'État mais dans une clinique privée, ce qui quand même fait l'affaire... Bon, il y a des points positifs puis il y a points négatifs, mais sinon on n'a pas vraiment de point important à améliorer au système public-privé.

Tantôt, j'écoutais le groupe précédent où on parlait d'assurance privée. En fait, ça existe dans notre domaine. C'est les gens qui ont de l'assurance soit via leurs employeurs ou qui paient une assurance privée, vont des fois chercher un montant de 300 $ à 500 $ pour les aider à payer un appareil auditif qui serait non couvert par la régie, ou s'ils n'étaient pas éligibles, ou pour la deuxième prothèse. Alors, ça existe déjà, mais c'est en très petit nombre. Il faut comprendre que la majorité de notre clientèle sont des personnes âgées. Beaucoup de ces gens-là sont à mobilité réduite, vivent dans des centres d'hébergement et de soins de longue durée. C'est de la clientèle moins autonome. Ces gens-là n'ont aucune assurance, même pas de biens, quelquefois. Alors, ils ont un revenu même... Je regardais le débat avec le Conseil des aînés. Je crois que les deux tiers de la population de 65 ans et plus a un revenu en bas, là, des 15 000 $ ou 20 000 $.

Alors, c'est certain que le Programme des aides auditives est là. Il est nettement bonifié par le nouveau projet de règlement. Cependant, l'accès est difficile, et on croit que c'est davantage d'utiliser l'audiologiste et l'évaluation globale comme un frein modérateur de cette façon-là, alors qu'on pourrait vraiment se servir des ressources spécialisées d'une meilleure façon.

Mme Delisle: Mme la Présidente, alors peut-être un dernier commentaire. Je ne voudrais pas que vous nous prêtiez de mauvaises intentions. Je pense que c'est d'être responsable que d'avoir souhaité qu'à la diplomation on puisse avoir davantage d'audiologistes. C'est parce qu'on a réalisé qu'il y avait des listes d'attente. Alors, l'Université d'Ottawa, l'Université de Montréal, entre autres, vont produire, passez-moi l'expression, vont diplômer 75 nouveaux audiologistes. Alors, quand vous nous dites: Bien, vous nous avez un peu caché votre jeu parce que vous vouliez adopter le règlement, moi, honnêtement, là, je trouve ça dommage que vous pensiez ça. Il y a des listes d'attente, on en est conscients, ça prend donc des professionnels pour pouvoir travailler puis donner les services. Et, si on avait attendu après le règlement, là vous auriez eu raison d'être devant nous puis de dire: Vous avez adopté un règlement puis vous ne vous êtes même pas occupés de savoir si c'était possible de donner les services par la suite. Alors, vous avez droit à votre opinion, j'en conviens parfaitement, mais je pense qu'il faut être aussi conscient que le gouvernement a fait le travail qu'il fallait faire.

Puis il faut aussi, je pense, se rappeler, surtout pour les gens qui nous écoutent, que, quand on parle... Vous parlez beaucoup d'aides auditives, là, mais il y a des gens qui, suite à cette évaluation globale là, ne prendront pas nécessairement un appareil. Ils vont utiliser une aide à la suppléance. Alors, ce n'est pas tout le monde, parce qu'ils ont 65 ans et plus, qui vont aller pour un examen d'évaluation globale, qui, du jour au lendemain, vont avoir besoin d'un appareil auditif. Il y a bien des personnes qui, même à 75 ans, ne prennent pas ces appareils-là. Alors, je pense qu'il ne faut pas tout mêler, là, puis donner l'impression qu'on a fait fi, nous, comme gouvernement, de nos responsabilités, puis qu'on a fait fi du fait qu'il y avait des listes d'attente. On en est très conscients puis on a fait ce qu'il fallait faire.

M. Savard (Guy): On ne vous dit pas que toutes les personnes de 65 ans et plus qui vont passer une évaluation auditive vont avoir besoin d'un appareil auditif. Ce qu'on vous dit, c'est que toutes les personnes de 65 ans et plus qui vont avoir besoin d'un appareil auditif vont devoir passer par les centres hospitaliers de services publics, puis ça, ce n'était pas le cas. Les listes d'attente que vous parlez en ce moment, elles ont été créées en 1997, quand le programme a changé puis on a intégré les personnes de 75 ans et plus obligatoire pour avoir une évaluation audiologique. Je ne jetterai pas la pierre à personne, mais ce règlement-là a fait allonger les listes d'attente.

Mme Delisle: Bien, je vous remercie...

M. Savard (Guy): Les listes d'attente sont déjà très longues, puis vous êtes en train de les allonger.

Nous, ce qu'on vous propose, c'est une modification. Tantôt, vous demandiez si on avait une proposition à faire. Oui, on a une proposition à faire pour le partenariat public-privé. Dans l'audience précédente, j'ai entendu M. Couillard, votre collègue, parler de la collaboration présentement des cliniques de médecine qui sont déjà un partenariat à quelque part public-privé. Lorsqu'on propose que les clientèles de 65 ans et plus ou de 19 ans et plus, non étudiantes, puissent passer par les cliniques d'ORL, en fait c'en est une, solution au partenariat public-privé, puis on va alléger le système comme ça.

n(16 h 30)n

Mme Delisle: Merci.

M. Milot (Christian): J'aimerais juste, par exemple, corriger une chose par rapport aux aides de suppléance à l'audition, parce que c'est un domaine quand même assez pointu et spécifique: les aides techniques qui sont payées par l'assurance maladie exigent des critères de surdité plus importants que ce que nécessite l'appareillage d'une prothèse auditive. Alors, déjà les gens qui vont aller chercher des aides en dehors de la prothèse auditive, c'est des gens qui ont des problèmes de handicap auditif plus sévères et, de ce fait... Je veux dire, on parle, par exemple, d'un téléphone amplifié, d'un système qui fait clignoter les lumières si quelqu'un sonne à la porte ou le téléphone, ou d'un système pour l'écoute de la télévision. Ce ne sont pas des choses qui se transportent. Alors, du moment où la personne doit sortir de la maison, c'est l'aide auditive qui devient la principale source de correction, si la chirurgie de l'oreille n'est pas possible.

La Présidente (Mme James): Merci. M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Bonjour, merci, merci beaucoup de vous être présentés à la commission, d'avoir présenté évidemment, là, l'ensemble de vos préoccupations par rapport à ce qui vous touche de façon plus pointue, comprenant très bien que, nous, on travaille aussi sur quelque chose de beaucoup plus large, et c'est pour ça que, moi aussi, je trouvais important de vous entendre aussi là-dessus.

Moi, je veux essayer de voir comment, avec votre cas, avec ce que vous vivez, là... On ne peut pas essayer d'illustrer tous les débats qu'on a présentement, à cette commission-là, notamment privé-public. O.K. Première question. Expliquez-moi donc à peu près, là, une personne qui à terme, bon, sent qu'il a des problèmes avec son audition. D'abord, j'imagine que c'est son médecin de famille qui lui dit: Va donc voir, j'imagine, un ORL. L'ORL après ça...

M. Savard (Guy): Ça peut être un cheminement personnel aussi.

M. Valois: Ça peut être un cheminement personnel. Mais on passe après ça par quel autre spécialiste, là?

M. Savard (Guy): Il y a différentes portes. Je vous dirais que les audioprothésistes sont la porte qui est probablement la plus accessible. Appelez dans à peu près n'importe quel cabinet d'audioprothésistes, vous allez avoir un rendez-vous la même semaine ou la semaine suivante. On peut faire un dépistage auditif pour avoir un aperçu s'il y a quelque chose, puis, à ce moment-là, la personne peut être réorientée soit en service d'audiologie ou en service d'ORL, tout dépendant du désir de la personne. Je vous donne un exemple.

Par exemple, vous, vous semblez relativement jeune, avec le programme actuel, êtes-vous décidé...

Une voix: Relativement jeune, relatif.

M. Valois: C'est relatif.

M. Savard (Guy): Je veux juste dire que vous n'avez pas 65 ans et plus, certainement.

M. Couillard: C'est-u par rapport à moi que vous dites ça?

M. Savard (Guy): Non, non, par rapport à moi. On semble peut-être du même âge, puis je me plais à dire que je suis encore relativement jeune.

Avec le programme actuel, le programme actuel paie un appareil auditif, mais, pour une personne de votre âge, par exemple, vous avez le choix pour aller rencontrer un médecin ORL, où la consultation va se faire quand même assez rapidement, ou faire le cheminement audiologique, donc aller rencontrer un audiologiste. C'est votre choix à vous, vous pouvez le faire en ce moment, avec le régime actuel.

Le programme qui s'en vient dans quelques semaines... la semaine prochaine, vous allez avoir droit d'avoir un deuxième appareil payé par l'assurance maladie, ce qui est très bien, sauf qu'il va falloir que vous passiez absolument par une institution, par un audiologiste en centre hospitalier. Donc, moi, en ce qui me concerne ? parce que je viens du Saguenay?Lac-Saint-Jean ? si vous appelez à Alma pour avoir un rendez-vous aujourd'hui ? puis je l'ai fait hier ? le rendez-vous va avril 2007 pour que vous puissiez être évalué pour savoir si vous avez droit d'avoir un deuxième appareil auditif. Je veux dire, vous êtes une personne lucide, vous êtes une personne... ? vous semblez en tout cas ? donc si...

M. Valois: ...aussi.

M. Savard (Guy): ...si on se parle ensemble, si on regarde vos résultats audiométriques, si on regarde les résultats audiométriques, les résultats du test que le médecin vous a fait, vous avez une baisse d'audition aux deux oreilles, vous travaillez dans le public, la fameuse évaluation globale est très simple à faire: vous avez besoin d'entendre le mieux possible. Moi, je vais vous suggérer deux appareils. Je n'ai pas besoin de vous faire attendre un an et demi pour que vous le sachiez puis pour que vous vous en rendiez compte, pour me le faire dire par quelqu'un d'autre en plus, puis pour vous le faire dire par quelqu'un d'autre. Mais c'est ce qui s'en vient avec le nouveau système.

M. Valois: Mais pourquoi ce choix-là? Parce que, là, vous semblez dire qu'il n'y a pas de liste d'attente significative au niveau des ORL mais qu'il y en a évidemment au niveau des audiologistes.

M. Milot (Christian): Parce que c'est plus facile de voir un médecin spécialiste qu'un médecin généraliste, dès le départ. Alors, c'est vrai qu'effectivement le cheminement que vous avez énoncé précédemment, que certaines personnes âgées vont aller voir leur médecin de famille, le médecin de famille va remarquer qu'il doit parler assez fort, qu'ils font répéter, bien, à ce moment-là, il va dire: Écoutez, allez donc voir le médecin oto-rhino-laryngologiste, il va regarder ce petit problème là, alors ils vont faire l'otoscopie, ils vont faire l'examen auditif, premièrement, ça fait une facturation au gouvernement, parce qu'il a fait l'évaluation.

Ensuite, vous avez besoin d'appareils auditifs, vous avez vraiment une surdité aux deux oreilles. Parce qu'on s'entend que toute personne de 55 ans et plus, une sur trois a besoin d'un appareil auditif, du moins a une surdité en tout cas, ça fait que c'est quand même assez important; deux sur trois, pour les 75 ans et plus, ont une perte auditive. Donc, ah! bien, le programme exige, des prothèses auditives, que vous ayez un examen fait par un audiologiste. Ça fait qu'on réfère à l'hôpital, on refacture au gouvernement.

C'est ça qui va se passer, là. L'ORL n'est pas pour dire: Je ne vous teste pas, je vous envoie tout de suite, parce que sinon tous les petits cas de dépistage de surdité légère... Parce qu'il ne peut pas non plus, juste en faisant un test de voix comme ça, évaluer la perte auditive, il doit le faire sur un équipement spécialisé. Donc, est-ce qu'on réfère tous ces gens-là à l'hôpital? Je veux dire, ce serait ridicule. C'est comme si toute personne qui aurait besoin de lunettes doit passer par un institut comme Louis-Braille, Louis-Hébert ou Nazareth. Là, on fait exactement la même chose, là, plutôt que de diriger les gens qui ont vraiment besoin de ces ressources-là, M., Mme Tout-le-monde, besoin d'un test soit par l'audioprothésiste soit par l'ORL, mais on retourne pareil, après, en institution, à chaque fois.

L'institution, on ne considère pas que l'audiologiste n'est pas utile dans le système de santé, il est plus qu'utile, mais pas pour faire du simple «testing» d'éligibilité. La clientèle qui a des surdités légères, modérées, qui est majoritairement composée de ça pour les audioprothésistes, c'est mon père qui approche la soixantaine, qui a travaillé un petit peu dans le bruit, qui entend moins bien puis qui a besoin de porter une prothèse auditive parce que ma mère, elle dit qu'il met la télévision trop fort, puis il fait répéter. C'est ça, si vous venez voir notre cabinet d'audioprothésistes, c'est ce qui se passe. Pensez-vous que cette clientèle-là désire être obligée d'attendre quelques mois puis d'aller à l'hôpital pour une simple évaluation comme ça? Je veux dire, ça n'aurait pas de bon sens, là.

M. Valois: Maintenant, vous nous dites que, bon, à ce que je comprends, là, c'est en 1997, là, que c'est arrivé, là, sans revenir...

Une voix: ...

M. Valois: Il y a eu un comité de... Tout ça pour dire que...

M. Milot (Christian): Il était présidé par un audiologiste, qui a invité un audioprothésiste sur un sous-comité. C'est ça qui arrive.

M. Valois: C'est mon 20 minutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois: Non, écoutez, regardez, là, regardez, là, en 1997, là, il y a eu une décision qui a fait en sorte qu'il y a eu un engorgement au niveau des audiologistes. Cet engorgement-là, à ce que vous nous dites, a fait en sorte que certaines personnes ont décidé d'aller en cabinet privé.

M. Savard (Guy): Les audiologistes. Les audiologistes ont décidé de faire de la pratique privée.

M. Valois: Exactement. Quel impact est-ce que ça a eu sur les listes d'attente dans le public?

M. Milot (Christian): On les a ici, c'est comme on disait tantôt, entre trois et 18 mois. Il y a encore... À Trois-Rivières, c'est deux ans. L'Hôpital Santa-Cabrini, à Montréal, vous ne pouvez même pas prendre un rendez-vous, il faut que vous appeliez en janvier 2007 pour un rendez-vous, malgré les audiologistes en pratique privée. Ça n'a pas du tout... Ça doit sûrement aider, ça ne doit pas faire de tort, mais, je veux dire, imaginez l'impact qui serait davantage, là. Qu'est-ce qui va arriver? Est-ce qu'il va y avoir d'autant plus d'audiologistes qui vont s'en aller en privé? Là, on est en train de créer complètement le système à deux vitesses, là.

Nous, nos patients, c'est: Regardez, votre prothèse est due pour être renouvelée, elle ne fonctionne plus. Vous allez attendre six, sept, huit mois avant d'en avoir une nouvelle. Vous vous passez de prothèse pendant ce temps-là ou vous voyez l'audiologiste dans trois semaines, ça va vous coûter 50 $. Qu'est-ce que vous pensez qu'ils choisissent? Beaucoup choisissent ça, puis malgré tout on a les listes d'attente qu'on connaît.

M. Valois: Et c'est ça, et c'est ça, la... Sans dire que ce qui est en train de se vivre là peut constituer pour nous un cas d'espèce, on doit quand même regarder de façon sérieuse le fait que qu'il y ait eu un engorgement, qu'il y ait eu clinique privée, qu'il y ait eu justement possibilité, pour des citoyens, en payant plus, d'aller dans une clinique à côté n'a pas réglé et n'a pas réglé les listes d'attente pour ce qui est de l'autre... bien du réseau hospitalier, tout ça, où là on passait par ce que vous appelez, vous autres, l'institution, là. Bien, il me semble qu'on doit élaborer ça, et ça, ça pourrait être quelque chose qu'on doit approfondir pour notre commission, et ça, vous devez aussi, il me semble, là, arriver avec une réflexion puis une documentation par rapport à ce qui est en train de se passer par rapport justement aux listes d'attente, parce que c'est aussi ça, la réflexion qu'on a ici.

n(16 h 40)n

M. Milot (Christian): Bien, je vous dirais que c'est un système qui fonctionne très bien. Parce que l'audiologiste, il faut comprendre qu'il n'a pas pignon sur rue, avec son local où on réfère les gens pour passer des examens. La façon que ça fonctionne, c'est que l'audiologiste va se promener dans les cabinets d'audioprothésistes ou d'oto-rhino-laryngologistes. Il va louer les installations, parce qu'il ne peut pas être à l'emploi d'un audioprothésiste, et, lui, il a déjà sa journée qui est pleine de rendez-vous, et il fait des examens toute la journée. C'est comme ça que ça fonctionne, d'accord? Il va faire environ 15 personnes durant une journée, pour l'évaluation globale qui est exigée. Donc, il y en a peut-être une vingtaine seulement comme ça, au Québec, qui vont dans des cabinets d'audioprothésistes ou d'ORL. Ils louent les installations et ils font des tests. C'est un concept qui fonctionne bien.

Moi, où je travaille, où M. Savard travaille aussi, on travaille dans une polyclinique dès le départ. Il y a un médecin ORL qui est à la clinique d'urgence, sur place, quelques journées par mois, il y a l'audiologiste qui est là, sur place, puis il y a l'audioprothésiste qui est là, sur place. L'idéal, on parle de polyclinique de l'oreille et trois professionnels de l'audition centrés au même endroit. Si on pouvait en avoir plus, ce serait encore mieux. Moi, si l'audiologiste était obligatoire pour tout le monde, mais ça prendrait trois semaines pour avoir un rendez-vous, je n'aurais pas de problème. Mais est-ce qu'on a vraiment besoin d'aller jusque-là puis de dépenser plusieurs millions? C'est pour ça qu'on a d'autres suggestions en fait, de donner, de mettre l'argent à une autre place.

Une chose aussi à spécifier, c'est que l'Ordre des audiologistes et orthophonistes n'aime pas la pratique privée de leurs audiologistes, et on ne sait pas pourquoi, parce que les médecins ORL même réfèrent à ces audiologistes-là de plus en plus, parce qu'ils veulent garder leurs audiologistes à l'hôpital, pour leurs cas préopératoires, donc, eux, ils envoient au privé, puis ils gardent leurs cas importants, qu'ils pensent qu'il y a des cas opérables seulement à l'hôpital. Même que certains hôpitaux n'acceptent pas une référence de l'extérieur si ce n'est pas un médecin affilié à l'hôpital. Donc, encore là, ça complique les choses, là, il n'y a pas un patient qui peut appeler à l'hôpital puis dire: Je veux un rendez-vous en audiologie, il doit être référé.

Alors, le concept d'audiologiste en pratique privée, dans les cliniques d'ORL et d'audioprothésistes, comme ça, ça fonctionne très bien, s'il y en avait plus, ce serait juste tant mieux, mais on s'attend à ce que l'Ordre des audiologistes et orthophonistes mette des bâtons dans les roues là-dedans. Pourtant, c'est un concept qui fonctionne à merveille.

M. Valois: Mme la Présidente, j'ai entendu la députée de Champlain me chuchoter à l'oreille qu'elle voulait prendre la parole.

Mme Champagne: J'ai chuchoté, alors puis-je chuchoter tout haut? Je vais chuchoter haut, je vais chuchoter tout haut. Messieurs, j'ai vécu une expérience avec une dame de 90 ans ? qui était en fait ma mère à l'époque, elle est décédée maintenant ? alors c'était un besoin qu'elle avait, parce qu'elle entendait mal, on s'en doute un peu, et je l'ai vécu, ce genre de folie là. Pour avoir droit à avoir un appareil payé, il fallait absolument qu'elle passe par l'institution. Il y avait un an ou deux ans d'attente. C'était dans la région de Trois-Rivières, vous avez tout à fait raison. Or, il y avait ce que j'appelle le mobile, l'audiologiste qui se promenait. Donc, on est allées le rencontrer pour 50 $; en fin de compte, ce n'est pas la fin du monde. Elle a donc passé deux semaines plus tard, ça n'a pas été plus long que ça, O.K.? Elle a passé son examen, et là, effectivement, elle avait un besoin, ça a été établi, puis on lui a payé l'appareil. Pas n'importe quel, là, si elle veut avoir le dernier cri, là, c'est bien de valeur, ce n'est pas payé, et si tu veux avoir le dernier cri, on ne paie pas non plus le déductible qui serait donné pour celui de base. Tu prends celui de base ou bien donc tu ne prends rien. Bon.

M. Savard (Guy): Malgré que ce soit une demande qu'on reçoive très régulièrement et puis que ce soit quelque chose qu'on ait demandé à l'assurance maladie régulièrement aussi.

Mme Champagne: Oui, c'est ça, bon, voilà. Donc, le principe: si tu es capable de t'en payer un meilleur, bien je ne te donnerai pas le déductible sur celui qui est moins valable. Bon, on s'entend. Ce qui nous fait faire beaucoup de disputes dans nos bureaux de comté, les gens ne sont pas d'accord avec ça, premièrement.

Donc, elle a eu son appareil, tout était beau, tout était fin. À l'époque, elle n'avait pas droit à un deuxième appareil payé; si elle voulait se le payer, elle se le payait. Là, je pense que ça va être corrigé, c'est la bonne chose, là...

M. Milot (Christian): À cet âge-là, on paie toujours un appareil auditif.

Mme Champagne: À cet âge-là, O.K., seulement qu'un, seulement.

M. Savard (Guy): Seulement qu'un, mais pour une personne de cet âge-là. Ce serait pour une personne de 19 à 64 ans qui serait sur le marché du travail...

Mme Champagne: Là, elle aurait droit au deuxième.

M. Savard (Guy): ...elle aurait droit au deuxième.

Mme Champagne: O.K., c'est beau. Maintenant, vous, votre rôle à l'intérieur de ça. Ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est que vous avez un métier, vous êtes audioprothésiste. Donc, il y a les ORL, il y a des audiologistes, puis il y a vous autres. Vous vous situez où dans ce décor-là? Pour que ce soit clair pour tout le monde qui nous écoute, parce qu'en tout cas ça ne l'est pas encore pour moi, ça ne doit pas l'être beaucoup, beaucoup pour d'autres. Et le rôle que vous auriez à jouer dans une situation comme ce qu'a vécu ma mère, auriez-vous pu lui passer un examen? Pourquoi était-elle absolument obligée de passer par un audiologiste pour avoir droit à son examen? Est-ce que c'est la règle qui l'établit, ou c'est votre compétence qui est en cause? C'est quoi qui fait qu'il faut passer toutes ces étapes-là, de l'ORL à l'audiologiste, à l'audioprothésiste? Écoutez, on y perd notre latin, là, et on se demande pourquoi.

M. Savard (Guy): Le règlement de l'assurance maladie exige cette démarche-là, on doit se contraindre à ça. Vous décidez, vous, demain, de vous procurer par vos propres moyens un appareil auditif, sans passer par le système d'assurance maladie...

Mme Champagne: Je prends qui je veux.

M. Savard (Guy): Oui. Vous pouvez rencontrer votre médecin de famille, qui peut vous faire une recommandation pour un appareil auditif, vous pouvez venir rencontrer un audioprothésiste dans son cabinet, qui va vous faire une évaluation de l'audition. On ne se prétend pas audiologistes, mais on a une formation en audiométrie. Je veux dire, ce que j'expliquais tout à l'heure, pour une personne, là, une personne qui est lucide, une personne qui n'a pas de difficulté cognitive, de faire une évaluation d'audition pour une personne qui n'a pas un conduit affaissant ou des choses... pas une personne qui a un problème particulier... Une baisse d'audition presbyacousique due à l'âge, comme on rencontre dans la majorité des cas, c'est quelque chose qui s'évalue relativement facilement. Avec un minimum de formation, que nous avons, là, sans aucun problème, c'est quelque chose qu'on peut faire très facilement.

Donc, vous décidez de venir vous procurer des appareils par vos propres moyens, vous rencontrez votre médecin de famille, vous dites: J'aimerais ça avoir des appareils, ça me prendrait juste une prescription sur une feuille de prescription, tout simplement. Venez nous voir avec notre évaluation, on peut vous faire des appareils. Ça va se faire... on va écourter le délai, bien ça va se faire en dedans de trois semaines.

Mme Champagne: Mais, si la personne va vous voir de par son médecin directement, elle a toute sa tête, tout ce qu'il faut, et, bon, il n'y a rien de grave dans son affaire, juste une baisse d'audition, elle passe l'examen avec vous, elle n'est pas remboursée par la RAMQ. C'est ça que je comprends?

M. Savard (Guy): Non, exactement, exactement.

Mme Champagne: Elle paie de sa poche. C'est ça?

M. Savard (Guy): Oui, c'est ça.

Mme Champagne: Donc, est-ce que... Puis je vais oser poser la question parce qu'elle nous a été posée dans nos bureaux de comté pour la plupart d'entre nous: Entre la profession d'audiologiste, d'audioprothésiste, est-ce qu'il n'y a pas un ajustement qui devrait se faire? C'est-u là qu'est le problème? Est-ce que c'est une guerre de professions? Je vais la poser, la question.

M. Milot (Christian): Bien, pas vraiment. En fait, c'est que, nous, on voit l'audiologiste comme une ressource spécialisée, alors que l'audioprothésiste est très disponible pour les cas de routine, comme on disait, baisse d'audition, besoin d'un examen, peut-être d'une prothèse. Et l'audiologiste va être une ressource... C'est qu'on pense que l'audiologiste ne fait que des examens auditifs. Il fait beaucoup d'autres choses en dehors de l'examen auditif, mais on le ramène toujours à l'appareillage; l'appareillage, il doit être obligatoire. Puis, tantôt on l'a même dit, le comité avait jugé bon aussi... parce que ça pouvait éviter peut-être de donner des prothèses inutilement, alors que c'est ridicule, je veux dire, l'audioprothésiste a toutes les compétences requises, et par la loi, de déterminer le besoin de l'appareil auditif, sur certificat du médecin.

Mme Champagne: Ce que vous nous dites, puis je vais essayer de vous traduire, là, si j'ai bien saisi, c'est que, peu importent les gouvernements ? il y a eu du 1997 mais il y a du 2006, là ? en dirigeant les gens ? donc on va essayer d'assumer, tout le monde, là; en dirigeant les gens ? davantage vers l'audiologiste, pratiquement de façon obligatoire, on paie plus cher définitivement et on crée une liste d'attente, parce qu'on l'accentue, puis en définitive vous pourriez faire tout aussi bien le travail pour des cas qui ne sont pas des cas majeurs, avec des difficultés majeures. Donc, vous nous dites, aujourd'hui, aux deux groupes de parlementaires que nous sommes: Bien, vous vous privez d'une ressource qui est la nôtre, à des prix peut-être moins élevés, évidemment. Vous ne voulez pas des cas très lourds, vous l'avez dit clairement tantôt. Vous n'avez pas non plus la formation pour ce faire. Je ne pense pas que vous soyez médecin.

M. Milot (Christian): Non.

Mme Champagne: Alors que l'audiologiste est un médecin.

M. Milot (Christian): Non.

Mme Champagne: Non plus. C'est l'ORL qui est un médecin. Parfait. Donc, ce que vous dites: En vous sous-utilisant, on engorge le système...

M. Milot (Christian): À des coûts plus élevés.

Mme Champagne: ...on a moins de latitude, puis vous tombez dans un vide. Parce que je ne sais pas combien vous êtes d'audioprothésistes au Québec?

M. Milot (Christian): 220.

Mme Champagne: 220. Bien, il n'y aura pas grand monde qui va se former demain matin, si je comprends bien, là, parce que vous ne serez pas utilisés. là.

M. Milot (Christian): Il en sort...

Une voix: 10, 12.

M. Milot (Christian): ...10 à 15, 10 à 15 par année.

Mme Champagne: Alors, c'est le débat. Je n'ai pas de réponse à vous donner, mais je pense que j'ai bien saisi.

M. Milot (Christian): Mais j'adore votre façon de comprendre les choses, vous avez bien résumé la situation.

Mme Champagne: On me l'avait bien expliquée également, à mon bureau.

M. Milot (Christian): Parfait.

La Présidente (Mme James): Ça va?

Mme Champagne: Correct. C'est beau. J'ai bien compris. Merci.

La Présidente (Mme James): Alors, merci beaucoup, M. Milot et M. Savard, de votre présentation de la part de l'Ordre et de l'Association professionnelle des audioprothésistes du Québec.

J'inviterais maintenant les membres de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec à venir prendre place pour leur présentation de mémoire.

Je vais suspendre les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

 

(Reprise à 16 h 53)

La Présidente (Mme James): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue aux représentants de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec. M. Saint-Gelais, et M. Voyer, et M. Lebel, je vous rappelle que vous aurez un 20 minutes pour faire la présentation initiale de votre mémoire. Par la suite, nous allons procéder comme à l'habitude à l'échange avec les parlementaires, d'une part du côté ministériel, pour un premier bloc de 20 minutes, et ensuite du côté de l'opposition officielle. La parole est à vous, M. Saint-Gelais.

Conférence des tables régionales
de concertation des aînés du Québec

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Merci, Mme la Présidente. Je vous présente d'abord M. Bertrand Voyer, président de la Table régionale de concertation des aînés du Bas-Saint-Laurent, et M. Marcel Lebel, qui est le vice-président de la table du Bas-Saint-Laurent. Quant à moi, je suis le président de la Commission des aînés et des retraités de l'Estrie, qui est aussi la table régionale de concertation, et en même temps le président de la Conférence des tables régionales, qui réunit les 17 tables régionales du Québec.

D'abord, merci beaucoup de nous avoir invités à venir débattre de notre mémoire. Nous avions presque perdu confiance de venir devant vous et, quand on nous a avisés, en fin de semaine dernière, qu'on avait une place pour nous, on était très heureux, et ça nous fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. C'est sûr qu'on est un peu rouillés, parce qu'il y a déjà quelques mois d'écoulés entre l'écriture du document et la rencontre aujourd'hui, et il y a eu beaucoup d'autres dossiers entre-temps sur lesquels on a eu à travailler. Parce que les aînés, vous le savez, les 2,5 millions d'aînés de 50 ans ou plus, au Québec, ont toutes sortes de dossiers, ou de difficultés, ou d'améliorations à apporter pour pouvoir bénéficier d'une meilleure qualité de la vie, donc on a beaucoup de dossiers que l'on traite en même temps. Alors, on va essayer de se replonger là-dedans de façon la plus honnête possible et le plus rapidement possible.

Mais ce que je me rappelle de la lecture du document au départ, c'était: après avoir lu les premières pages et après avoir fait une lecture très rapide des chapitres, je me suis levé et j'ai ouvert le système de son, et là j'ai décidé de mettre une musique pour accompagner la symphonie qu'il y avait dans les premières pages, les quatre premiers chapitres. Je me demandais si on devait mettre le Requiem de Mozart ou La flûte enchantée, je ne suis pas trop sûr finalement. J'ai mis simplement une musique de sourdine qui était le bruit de la mer pour essayer de lire les quatre premiers chapitres tout en me berçant de tout ce qui était écrit là-dedans. Et effectivement il y a beaucoup de bonnes choses, de bons coups qui nous sont contés, mais malheureusement, comme il est indiqué dans nos remarques, on doit constater que la situation du système de santé est encore précaire et on a encore beaucoup de difficultés. Il va falloir définitivement apporter des solutions et des solutions globales.

Ceci étant dit, pour mettre un peu la table sur la façon qu'on a abordé le document, le document nous a amenés à nous poser beaucoup de questions, beaucoup de questions d'abord sur certains éléments qui apparaissaient dans le document. Et le premier, que vous retrouvez à la page 9 de votre document, c'est: Quel est l'impact, quel impact cette approche aura-t-elle sur la qualité et l'accès aux services de santé? Nous avons un peu élaboré des remarques et des solutions là-dessus dans les recommandations 1, 2 et 3, que nous allons aborder plus dans le détail tout à l'heure, lors de nos échanges. Mais c'était une préoccupation que l'on avait, et on se demandait si vraiment il allait y avoir une amélioration de la qualité et de l'accès aux services de façon équitable pour tout le monde.

La deuxième question, c'est: Comment les solutions formulées vont-elles aider à réduire les problèmes organisationnels, les problèmes financiers et autres items québécois de santé? Parce qu'il y a les problèmes globaux, les problèmes majeurs et qu'on semble toujours aborder par petits morceaux à la fois, et on n'a pas l'impression qu'il y a une vision globale ou une façon globale de voir la situation et d'essayer d'apporter des éléments de solution qui aideraient à donner un élan nouveau à notre système de santé et peut-être nous aideraient à apporter d'autres éléments ou à innover dans nos éléments de solution. C'est des interrogations pour le moment, là, on verra dans le détail tout à l'heure qu'est-ce qu'on a comme solution.

La troisième question, c'était: Comment les personnes aînées aujourd'hui pourront-elles profiter des avantages liés à une assurance privée pour les chirurgies sélectives... excusez, électives? J'ai fait un lapsus, mais c'est quasi volontaire parce que, quand on parle de chirurgies électives, c'est presque sélectives aussi, parce qu'on fait une sélection des genoux, des cataractes et de la hanche. Pourtant, l'être humain, il y a beaucoup d'autres choses que ça, mais en tout cas... puis on sélectionne aussi les individus là-dedans. Et électif, c'est un peu comme vous autres, les politiciens: on passe par un processus d'élection et, quand on a la chance, on est élu, on risque d'avoir éventuellement la chirurgie en question; mais, comme vous autres aussi, on risque de perdre notre tour de temps en temps et retomber dans le bas de la liste, ou en tout cas à quelque part dans la liste, pour reprendre plus tard.

Donc, on se demande comment une assurance privée pourrait actuellement aider les personnes aînées, les personnes aînées actuellement. Pas de problème avec les jeunes qui vont prendre des assurances demain matin et qui vont payer pendant plusieurs années, quand arrivera le temps d'utiliser ces assurances-là, ils auront payé assez longtemps. Il n'y a pas de problème, ils vont pouvoir avoir les services, et les coûts d'assurance ne sont pas tellement élevés. Mais je sais très bien que, dans mon cas, je ne pourrais pas avoir d'assurance pour mes genoux, ça, c'est impossible, et, si jamais j'en avais une, elle me coûterait une fortune, je n'arriverais pas à la payer, et je ne suis pas la seule personne dans cette situation-là.

n(17 heures)n

La quatrième question, c'est: Comment les aînés vont-ils faire pour participer à la caisse autonomie quand ils ont déjà énormément de difficultés à se payer l'assurance médicaments? Et là on a déjà débattu ici, en commission parlementaire, de l'assurance médicaments auparavant. On a déjà mentionné que les aînés avaient de la difficulté à payer ce qu'on a actuellement comme régime d'assurance médicaments. Plusieurs doivent choisir entre les médicaments et la nourriture, et le logement, et le téléphone, et toute une série d'autres biens qui font simplement améliorer ou en tout cas maintenir leur qualité de vie. Et là on va rajouter quelque chose d'autre déjà à des gens qui sont fragilisés au niveau de leurs finances.

Et là on n'a pas besoin d'aller loin pour sortir les statistiques là-dessus. Il s'agit de voir ce que le Conseil des aînés sort comme statistiques régulièrement. Et, dans la prochaine parution du livre Le monde des aînés, qui devrait paraître au cours de l'automne, là-dedans on va donner des chiffres qui vont faire dresser les cheveux sur la tête. Les aînés ont, pour une grande majorité, on parle d'un pourcentage de 60 % et plus, des revenus inférieurs à 21 000 $ par année. Donc, on va avoir de la difficulté certainement à ajouter encore un autre montant d'argent à quelque part.

Et surtout que, là, maintenant, on vient d'avoir un nouveau programme de crédit d'impôt pour les personnes de 70 ans ou plus où on a inclus une franchise de 300 $ pour ces personnes-là. Ce qui veut dire qu'une personne qui va vouloir bénéficier de ce nouveau régime là devra se payer au départ au moins 3 700 $ de services pour arriver au même taux de montant d'argent qu'elle aurait eu avant, à 23 %. Alors ça, c'est un autre débat qu'on pourra amener dans une autre tribune. Mais il reste que c'est encore des sous que les aînés devront débourser et qu'ils n'ont pas nécessairement.

Est-il humainement acceptable de définir des délais d'attente, de quelque durée que ce soit, pour des chirurgies qui affectent directement la qualité de vie des personnes aînées? Je n'élaborerai pas longtemps là-dessus parce que M. Couillard en a parlé largement, et je sais que Mme Champagne en a parlé aussi. J'ai eu l'occasion de vous entendre là-dessus. Effectivement, il ne devrait pas y avoir de délais d'attente, mais il y en a. Mais est-ce que les délais d'attente ne devraient pas prendre en compte aussi la qualité de vie des personnes qui doivent attendre? Et, quand on parle de délais de six mois, huit mois, neuf mois et plus, définitivement c'est peut-être un peu trop long.

L'autre question, pour avoir déjà, ici, en commission parlementaire, à plusieurs occasions, répété que la prévention devait précéder le curatif et non le curatif, la prévention, j'ai déjà mentionné, et M. Couillard m'avait répondu là-dessus, que, depuis que je suis tout jeune, j'entends parler de prévention; j'en entends parler encore, mais je n'en vois pas beaucoup. Donc, il va falloir, à un moment donné, mettre les efforts et les sous pour que la prévention prenne le dessus sur le curatif pour qu'éventuellement on en arrive à traiter la personne dans son entièreté.

Et, quand je parle ici de la personne dans son entièreté, je me permets un aparté important. Au ministère de la Santé et des Services sociaux, il semble y avoir deux parties du corps humain qui ne font pas partie du ministère de la Santé: les pieds et les dents. La médecine podiatrique au Québec n'est pas une médecine reconnue, disons, elle l'est mais partiellement. Les médecins podiatres ici, au Québec, ne peuvent pas pratiquer leur chirurgie dans les centres hospitaliers et, si ces personnes-là, ces médecins-là veulent garder leur pratique, ces médecins-là doivent, à chaque année ou une fois de temps en temps, prendre des vacances, aller aux États-Unis pour pouvoir aller dans les salles de chirurgie, pour garder la dextérité de la chirurgie.

Dans les hôpitaux, dans le curatif, il n'y a rien qui est prévu pour les soins de santé spécialement chez les personnes aînées. Quand on parle des soins de santé pour les pieds, quand on parle de podiatrie ? je fais bien attention ici pour parler des médecins podiatres et non des podologues, ou des techniciens en podologie, ou de toutes ces personnes qui ont, je l'espère, les compétences pour pratiquer cette forme de médecine là ou en tout cas de pratique là ? mais je parle des médecins podiatres qui, eux, pourraient, par des interventions directes au moment où les personnes aînées sont hospitalisées... sur la qualité de vie des personnes. Combien de chirurgies de la hanche et des genoux on n'aurait pas à faire si les personnes avaient simplement eu une bonne prévention faite en ce qui regarde des orthèses pour les pieds? Et ainsi le système de santé aurait coûté moins cher à la fin parce qu'on aurait probablement épargné juste par de la prévention. Et l'autre chose, ce que les médecins podiatres pourraient faire, c'est aussi améliorer la qualité de vie de ces personnes-là. Combien de personnes aînées ont de la difficulté à marcher et tout simplement parce qu'elles n'ont pas les prothèses... les orthèses, excusez ? orthèses ou prothèses, je m'excuse, là, tout à coup j'ai un blanc ? les orthèses qu'il faut pour pouvoir mieux se déplacer et mieux se tenir?

La même chose pour les dents, les dentistes ne font pas partie du système hospitalier. Ils font partie du système de santé, oui, à l'extérieur, mais non partie du système hospitalier. Et combien de personnes, aînées surtout, ont des difficultés d'occlusion, des difficultés de mastication? Elles souffrent de malnutrition tout simplement parce qu'elles ne peuvent pas manger ce qu'elles aimeraient bien manger, ce qui serait bon pour leur santé, et ça, ça ne semble pas être dans le système de santé, ce n'est pas prévu au niveau du curatif. Et c'est une difficulté, la qualité de vie de ces gens-là en est drôlement diminuée. Et combien de personnes ont des prothèses dentaires qui ne font pas du tout ou qui ne sont pas du tout adaptées à leur bouche vieillissante, ou toutes sortes de situations semblables? Quand on parle de prévention, nous, au niveau des personnes aînées, ce sont deux des éléments qu'on pense qu'il serait important d'inclure dans la prévention et de voir à inclure ça dans le système curatif pour qu'éventuellement les personnes aînées puissent avoir une meilleure qualité de vie. Mon message publicitaire est fait.

Est-ce que cette garantie d'accès va se faire au détriment de la qualité des soins, de la prévalence des services et de la définition des règles d'éthique qui garantiront l'équité et l'égalité dans la prestation des services de santé? C'est sûr que garantir l'accès, et garantir l'accès avec une assurance qui va venir inclure là-dedans des compagnies privées qui, eux, sont là pour faire des profits, est-ce qu'il y aura des respects, dans les listes d'attente, des gens qui, eux, quand les délais seront atteints, devront passer du système public au système privé? Et, quand on va arriver au système privé, est-ce que la compagnie d'assurance n'insistera pas pour que son patient passe avant l'autre? Alors, c'est toute cette question de l'équité et du respect des listes d'attente.

Et le dernier, qui n'est pas sur votre liste et que malheureusement nous avons oublié d'inclure dans les questions, mais qui revient dans le texte partout et que vous m'entendez radoter depuis déjà des années: la formation. Est-ce qu'enfin on va mettre en place des systèmes ou des éléments de formation de base et de formation continue pour tous les services de santé qui sont donnés aux personnes aînées pour éviter, entre autres, les abus? Combien de personnes sont abusées tout simplement parce que la personne qui traite, la personne qui soigne ne connaît pas l'état de l'individu?

Je donne toujours le même exemple: quelqu'un qui souffre d'une maladie d'Alzheimer. Le balayeur entre dans la chambre avec le balai, et le monsieur qui est là ? j'ai bien pris l'exemple d'un monsieur et non d'une madame, là, le monsieur qui est là ? dit au balayeur: Je te mets dehors, je te fous dehors, tu n'as pas d'affaire dans ma maison, tu n'as pas d'affaire chez nous. C'est de l'agressivité, et il est en beau ? utilisez les termes que vous voulez ? contre le balayeur. Le balayeur est tout perdu, il sort de la chambre. Quand il revient, le lendemain, pour faire son balayage, il rentre avec son balai, puis là il est prêt. S'il avait eu une formation de base et qu'on lui avait expliqué que la maladie d'Alzheimer, il y a des phases agressives qui durent de deux à cinq minutes à quelques périodes dans la journée, bien déjà il n'y aurait pas possibilité d'abus envers cette personne-là. Je vous donne un exemple comme ça, il y en a tant d'autres qu'on pourrait donner.

Donc, la formation, la formation de base et la formation continue, partout dans le système. Combien il est arrivé de fois des aînés qui nous ont raconté qu'ils sont arrivés à l'urgence, et la personne qui était là soit pour faire le tri ou pour les accueillir les a mal accueillis parce qu'ils n'ont pas traité cette personne-là comme étant une personne aînée, comme étant une personne malade, mais plutôt comme un jeune qui arrivait avec la calotte toute croche. C'est des éléments de base, de formation de base et de formation continue qui sont extrêmement importants. Donc, on est ici pour garantir l'accès, j'ai fait la nomenclature de mes choses ici.

La préoccupation première que l'on a, nous autres, c'est la question de l'accessibilité, cette accessibilité-là qui devrait garantir l'équité entre les personnes qui ont besoin du système de santé, cette équité-là qu'on doit greffer avec l'efficience et la qualité. Et notre préoccupation est toujours la même: Est-ce qu'on est capables, nous, aujourd'hui, de garantir qu'on va pouvoir faire les trois, l'équité, l'efficience et la qualité, sans en faire l'un au détriment de l'autre, mais les trois également? Et c'est le principal sujet que l'on voulait apporter aujourd'hui.

n(17 h 10)n

Quand on parle du bloc financement, quand on a parlé du financement tout à l'heure, je vous ai mentionné qu'au niveau du financement pour les aînés c'est sûr que ce serait difficile d'en arriver à payer encore plus pour bien d'entre nous ? quand je dis «entre nous», je me compte dans le groupe ? mais il va falloir trouver des solutions, et les solutions vont venir de l'ensemble des intervenants dans le système de santé, et les propositions qui nous ont été mentionnées semblent intéressantes, et il vaudrait la peine de s'y attarder. J'espère que, tout à l'heure, on aura l'occasion d'échanger là-dessus et de se poser des questions.

Mais la grande lacune qu'il y a dans ce document-là et que l'on retrouve dans plusieurs autres documents, c'est encore une fois l'impression que l'on a du travail par silo. On y va toujours, encore, par... On est en train de sectoriser des choses, on y va par secteurs, et il semble y avoir une difficulté à de l'interministériel, à de l'interdirections, à de l'interservices, à de l'interspécialités, et ça nous agace, ça nous agace parce que ça fait longtemps qu'on dénonce que... Il devrait y avoir beaucoup plus de participation interministérielle.

Je dois mentionner à M. Couillard que... On l'a déjà remercié, et je le remercie encore au nom de l'ensemble des aînés pour avoir inclus dans la loi n° 83 la certification obligatoire des résidences privées. On l'avait demandée, on l'a crié fort. On vous a présenté une résolution qui venait de l'ensemble des grandes associations d'aînés du Québec pour que vous incluiez cette partie-là dans la loi n° 83. Mais il y a une partie qui n'est pas là, et la partie qui n'est pas là, c'est la partie des autres ministères, c'est la partie des ministères des Affaires municipales, la partie des ministères des Transports, la partie des... en fait tous les autres ministères qui sont impliqués et qui devraient être là, y compris les municipalités, et ça, c'est encore une fois agaçant parce que, nous, on doit taper toujours sur le même clou, et on se retrouve, à un moment donné, dans une commission parlementaire, ici sur la santé, on va aller dans une autre commission parlementaire sur le transport, on va aller dans une autre sur les affaires municipales, et on va répéter la même chose aux trois endroits. Mais est-ce que quelqu'un, un jour, va décider d'asseoir tout ce monde-là ensemble pour qu'on parle à tout ce monde-là en même temps puis que tout ce monde-là s'échange des informations pour qu'on puisse en arriver à créer un monde dans lequel les aînés vont améliorer leur qualité de vie, on va améliorer leur santé, on va leur donner en fait la possibilité de vivre dans une société où ils n'auront pas à courir à droite et à gauche pour obtenir les services?

Là-dedans, j'aurais aimé que... quand on me parle de soins de santé, d'accessibilité, et tout le reste, nous aurions aimé ? je m'excuse quand je dis «je», mais je parle pour l'ensemble de mon monde ? nous aurions bien aimé voir comment on inclut le ministère du Transport là-dedans, quand on a à transporter ces gens-là d'un endroit à un autre pour qu'ils puissent recevoir les soins, parce que toute la partie du transport relève du ministère du Transport et non du ministère de la Santé. Il y aurait eu, il me semble... y avoir des échanges entre les deux qui auraient dû transparaître là-dedans.

Quand on parle aussi des chirurgies et on dit: Les gens vont pouvoir être... Ils vont obtenir leurs chirurgies, oui, après les délais, pas de problème, on le garantit. Mais la personne aînée de 85 ans, 88 ans qui n'a pas de proche aidant ou qui n'a pas d'aidant naturel ? parce qu'on fait souvent la différence entre les deux ? les enfants ne sont pas là, tout proche, les parents ne sont pas là, tout proche, les amis non plus, il n'y en a pas, ou à peu près, cette personne-là, on va la prendre de Rimouski puis on va l'envoyer à Gatineau pour se faire opérer. On n'a pas prévu là-dedans des... On n'a pas vu en tout cas là-dedans qu'on va lui donner la possibilité d'avoir des accompagnateurs et qu'on va payer les coûts des accompagnateurs.

Le Président (M. Copeman): En conclusion, M. Saint-Gelais. Il reste 30 secondes.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Donc, j'ai fait le tour d'un ensemble de problèmes qui sont liés à garantir l'accès, garantir l'accès des soins de santé, et je vais laisser la chance à M. Couillard et aux autres, à Mme Champagne, de nous poser des questions là-dessus, sur les éléments là-dedans qui vous ont accrochés. On en aurait beaucoup qu'on pourrait aborder, mais je vous laisse la parole.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Saint-Gelais, M. Voyer, M. Lebel. Merci pour votre visite. J'ai déjà, M. le Président, indiqué à nos interlocuteurs que malheureusement, après la période d'échange du côté ministériel, je devrai quitter en vertu d'obligations, là, incontournables, je dirais. Mais certainement on me relatera l'échange qui aura lieu par la suite entre l'opposition et votre groupe.

Je suis toujours frappé lorsque vous décrivez les aînés comme étant des personnes de 50 ans et plus parce que je me vois arriver dans le groupe dans littéralement un peu plus de un an maintenant. Alors, ça s'en vient plus vite qu'on pense quand on est plus jeune, hein?

Effectivement, écoutez, je vais être d'accord avec vous tout de suite quand vous dites que la situation du système de santé est encore imparfaite; oui, je suis bien d'accord. Je dirais même que, dans 20 ans, on va encore être autour d'une commission parlementaire, probablement en train de discuter des défis du système de santé, des façons de répondre à ses besoins. Ce qu'il faut faire d'ici là, c'est continuer à bonifier l'accès aux services puis surtout régler le problème du financement à long terme, et ça, c'est le débat du financement qui ne fait que commencer actuellement mais qui va se poursuivre au cours des prochains mois.

D'ailleurs, vous avez parlé des silos avec beaucoup d'à-propos, là. Vous parlez surtout des communications entre les ministères. Je vous dirais là-dessus que, pour justement la certification des résidences privées, le règlement considère également et inclut la nécessité de collaboration avec le ministère des Affaires municipales et de la Sécurité publique pour le respect de ces règlements existants là. On n'a pas besoin d'inventer des nouveaux règlements, ils existent déjà. Donc, la condition préalable à la certification dans le processus ? et je l'avais déposée en commission parlementaire, ici, à la fin des travaux sur la loi n° 83 ? c'est le respect des exigences liées au monde municipal, à la sécurité publique, et on a eu de la collaboration. C'est une bonne chose parce que, vous le dites avec raison, ce n'est pas toujours qu'on réussit à asseoir des ministères distincts autour d'un projet commun, et on a réussi à le faire là-dessus.

Pour ce qui est du système de santé, bien il y a eu beaucoup d'interventions, depuis 2003, qui visent justement à enlever ces silos, ce manque d'intégration, que ce soit l'intégration des 95 centres de santé et de services sociaux, les RUIS, les unités d'accréditation syndicale, les plans d'action qui s'appuient sur la mise en réseau pour l'intégration et l'informatisation. Ce genre d'actions là qui sont majeures en termes de structure vont avoir des effets pour des années et des années au cours des périodes qui s'en viennent devant nous.

Et, comme d'autres l'ont souligné également, on doit le remarquer, il y a déjà passablement de progrès. Lorsque vous dites que vous écoutiez de la musique rassurante en lisant le document, c'est parce qu'il faut qu'on se permette, entre Québécois, de dire qu'on est capables de faire mieux avec notre système de santé et prouver que, dans certains domaines ? pas dans tous les domaines, mais dans certains domaines ? on a eu des résultats qui nous permettent d'espérer qu'on peut encore faire mieux. Par exemple, une chirurgie qui inclut beaucoup et qui implique beaucoup les membres de vos conférences régionales, c'est la chirurgie des cataractes. Plusieurs personnes ? et ce n'est pas le gouvernement qui le disait, là; plusieurs personnes ? sont venues dire ici, à cette commission, que, dans beaucoup de régions, au Québec, le problème d'accès à la chirurgie de cataractes, à toutes fins pratiques, on y arrive, on est très près de la garantie de service déjà. À Montréal, on nous indique que le temps d'attente a diminué des deux tiers. Si on avait dit ça il y a quatre, cinq ans, les gens auraient dit: Ça ne se peut pas, on n'est pas capables de réaliser ça. Alors, je pense qu'il faut quand même noter ces choses-là.

Ce qui nous amène à dire que la solution pour l'accès qu'on présente dans le document de consultation, ce n'est pas l'assurance privée. Je le dis souvent parce que les groupes ont interprété ? peut-être parce que le document était plus ou moins clair à ce sujet-là; ont interprété ? que nous proposions l'assurance privée comme solution au problème d'accès, ce qui n'est absolument pas le cas. La solution au problème d'accès passe par la garantie d'accès dans le système public, par financement public, dans la grande majorité des cas, dans les établissements publics du réseau déjà existant et, dans quelques cas, probablement cinq ou six maximum dans tout le Québec, surtout dans les zones urbaines, les cliniques affiliées où il n'y a aucune contribution, il n'y a aucune différence d'accès selon les moyens financiers de la personne.

Et bien sûr la garantie d'accès inclut également la gestion centralisée et améliorée des listes d'attente, vous avez raison. Tantôt, vous avez mentionné qu'il faudrait s'assurer que les listes d'attente sont bien mesurées puis bien vérifiées. Je le mentionnais il y a quelques jours, j'ai eu un exemple très près, il y a à peine quelques jours, il y a un membre de notre députation qui me dit avoir reçu un téléphone de son hôpital qui faisait sa vérification de liste d'attente qu'on leur a demandé de faire. Alors, il a appris qu'il était sur une liste d'attente depuis deux ans pour une chirurgie de l'épaule. Il n'avait aucune idée, lui, un, qu'il avait besoin d'une chirurgie de l'épaule puis, deux, qu'il était sur une liste d'attente. Alors, c'est le genre de chose qu'on découvre actuellement quand on fait ce travail, qui aurait dû être fait déjà, là, mais qu'on va faire maintenant, de bien vérifier que les patients sur la liste d'attente sont des patients qui sont véritablement en attente et en besoin, urgent ou pas, de chirurgie.

Et bien sûr il y a des délais et il y aura toujours des délais d'attente, et on n'aura jamais de système de santé au monde où il n'y aura pas d'attente. La question, c'est de la rendre acceptable et socialement et médicalement. Le seul système de santé au monde où il n'y a pas d'attente, c'est quand vous êtes capable de payer votre contribution directement au médecin. Par exemple, les personnes âgées qui, aujourd'hui, en sont capables peuvent aller voir Dr Duval à Montréal, là, puis payer 12 000 $, puis être opérées demain. Ça, c'est un système où il n'y a pas d'attente, mais ce n'est pas un système équitable par contre pour la société. Mais, dans tout système, notamment les systèmes publics de santé, il y a des délais d'attente variables. On sait qu'il y a des pays qui font beaucoup mieux que nous en termes d'accessibilité puis de liste d'attente, puis c'est ce qu'on essaie d'imiter.

Et je dirais que l'autre impression qu'il ne faut pas créer lorsqu'on donne, par exemple... Et on l'a fait avec la profession médicale. C'est des chirurgiens orthopédiques, par exemple, qui ont dit que c'était six mois, la... Ce n'est pas le gouvernement qui a décidé ça, dans son bureau, là. D'ailleurs, dans les autres provinces canadiennes, ont est arrivés au même résultat. Mais l'impression qu'on crée parfois, c'est que personne ne va être opéré avant six mois. Il y a beaucoup de monde qui va être opéré avant six mois. Il faut toujours rappeler... Vous le dites vous-mêmes, les patients sont très différents en termes de qualité de vie, degré de douleur sur la liste d'attente. Mais la personne qui doit faire la priorisation des cas, c'est le médecin. C'est le médecin qui est responsable de la gestion de la liste d'attente. Parce que souvent les gens ont l'impression que, si on a 60 noms sur une liste d'attente, on fait le numéro 1, le numéro 2, le numéro 3, puis on se rend jusqu'au numéro 60. Ce n'est surtout pas ça qu'il faut faire. Si le numéro 54 est plus urgent en termes de douleur puis de qualité de vie que le numéro 3, le numéro 54 passe avant le numéro 3. Ça, c'est le travail du médecin de faire cette priorisation-là. Puis ce qu'on veut créer, c'est une situation dans laquelle tout le monde a accès à la chirurgie à l'intérieur du délai médicalement acceptable, mais prioriser bien sûr selon le degré d'incapacité et de douleur.

n(17 h 20)n

Vous parlez de la prévention. Je pense que, dans les prochaines heures, on va assister à un geste particulièrement important pour la prévention, qui est l'entrée en vigueur de la Loi sur le tabac. Dieu sait que le taux de cancer chez les Québécois, et notamment chez les personnes âgées, est devenu plus élevé, le taux de mortalité par cancer, que le taux de mortalité par maladie cardiaque, cardiovasculaire, en grande partie parce qu'on a un taux de cancer du poumon plus élevé qu'ailleurs au Canada, bien sûr directement lié au tabagisme.

Vous avez également parlé ? je fais quelques remarques en chapelet, comme ça ? de la formation. La conclusion des négociations normatives avec le secteur public nous a donné lieu à une entente sur la formation justement des préposés en CHSLD, surtout, justement pour encadrer mieux les personnes qui ont des troubles cognitifs. Il y a un budget de 14 millions qui a été dégagé pour ça. Il y avait déjà de l'argent de formation qui avait été injecté à l'époque du début des visites d'appréciation ? puis, en passant, je vous félicite, les tables régionales des aînés sont des éléments majeurs et indispensables à la poursuite de ces visites d'appréciation de qualité ? mais à l'époque on avait déjà commencé la formation, qui a commencé au niveau des dirigeants des CHSLD, et là, maintenant, on a l'opportunité de la poursuivre vers les employés eux-mêmes et ceux qui sont en contact avec les personnes.

Je lisais, dans votre document, vos remarques sur le financement et je voudrais vous faire clarifier pour voir si votre suggestion demeure la même ou si elle s'est modifiée. Vous parlez d'un compte santé et vous trouvez un moyen pour l'alimenter, ce compte santé là. À la page 23 de votre mémoire, vous dites et vous recommandez qu'une ponction soit faite sur les impôts payés par les contribuables qui retirent des REER ou des FERR et que ces sommes soient versées dans le compte santé et services sociaux. Vous avez dit vous-même, tantôt, que 80 % des personnes âgées ont des revenus bas. Donc, la plupart n'auront pas de REER puis de fonds comme ça. Parce que la proposition, comme on la lit là ? je suis certain que ce n'est pas ça que vous voulez dire, là ? comme on la lit là, la proposition fait reposer l'effort de financement sur les aînés, sur les personnes âgées, au Québec.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): En fait, ce qu'on a écrit ici, le but, c'était, on aurait pu dire, prendre... Notre idée était celle que vous aviez déjà avancée auparavant, c'était le 2 % d'Hydro-Québec qu'on se servirait pour créer une caisse en quelque part. Mais entre-temps il y a eu le Fonds des générations qui a été créé et qui prend ce 2 % là. On pourrait peut-être aller chercher un autre 2 % à Hydro-Québec, mais aussi on pourrait aller chercher ailleurs, à Loto-Québec entre autres, on pourrait aller le chercher là.

La suggestion qu'on a faite, c'est tout simplement basé sur les sommes d'argent qui sont actuellement dans des REER et que les retraités retirent à chaque année. C'est un montant, au niveau des budgets, que le ministre des Finances anticipe. Il anticipe un certain montant qui va rentrer, et tout simplement ce qu'on dit, nous, c'est, sur ce montant d'argent là qui pourrait être... au lieu d'être versé directement au fonds consolidé de la province, qu'il y ait un pourcentage, que ce soit un 2 %, un 5 % ou un 10 % de ce montant d'argent là qui est tout simplement transféré. Ce n'est pas de l'impôt supplémentaire, ce n'est pas un groupe de personnes visé en particulier, c'est simplement un endroit où on va le chercher. Étant donné qu'Hydro-Québec a déjà été choisie pour quelque chose d'autre puis qu'on ne veut pas aller chercher nécessairement dans Loto-Québec, on a dit: On va aller le chercher dans les REER et dans les FERR, parce qu'il y a des sommes d'impôt qui sont versées là qui ne sont pas nécessairement connues avant la fin de l'année, et le gouvernement pourrait tout simplement prendre une partie de cette somme-là. Mais prenez-le dans Loto-Québec si ça vous va, pour nous il n'y a pas de problème, c'est une suggestion simplement.

M. Couillard: Parce que ce qui est certain, c'est: quel que soit le scénario qui sera finalement adopté par notre société pour financer les soins de santé à long terme, la résultante sera qu'elle viendra du citoyen. C'est le citoyen qui, d'une façon ou d'une autre, devra contribuer plus pour ces soins de santé, et c'est là que la différence se fait entre les différents modes qui nous sont présentés, comme M. Ménard qui, lui, parle d'une ? ça, vous n'êtes pas favorables à ça ? assurance pour la perte d'autonomie. Vous présentez plutôt le projet d'une caisse santé générale, pour l'ensemble du système de santé, plutôt qu'uniquement sur la perte d'autonomie. Maintenant, il faut la financer, cette caisse santé là, puis là vous dites: Mais ce ne sera pas peut-être... il n'y aura pas de ressources nouvelles avec les REER, il faut trouver des ressources nouvelles à long terme pour financer le système de santé, alors l'Hydro peut-être. Mais est-ce que vous avez réfléchi à d'autres façons de financer cette caisse santé?

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Là, on se dit tout simplement que les finances de la province vont... C'est sous toutes réserves, là, je sais qu'on n'est pas d'accord sur cette opinion-là, on a eu l'occasion déjà d'échanger là-dessus entre nous. Les sommes d'argent qui sont actuellement placées dans des REER, qui seront retirées par les personnes retraitées et sur lesquelles on devra payer de l'impôt, ces sommes d'argent là sont importantes, et les impôts qui sont payés là-dessus représentent des sommes importantes. Tout simplement, là-dessus on dit: Il y a une ressource financière supplémentaire, une rentrée d'argent supplémentaire qui s'en vient, et on pourrait utiliser celle-là. Mais ça pourrait être quelque chose d'autre. Je ne sais pas si mes confrères ont des choses à rajouter là-dessus, là, mais...

Le Président (M. Copeman): M. Lebel.

M. Lebel (Marcel): Mais de toute façon je pense que, M. le ministre, ce qu'il faut regarder, c'est que la suggestion qui apparaît est en lien avec la contribution que les aînés veulent faire. C'est une mécanique administrative, mais elle est teintée d'une volonté que les aînés sont associés à être imputables pour le développement et le financement des services de santé et de services sociaux. Mais il faut aussi mettre ça en perspective que... Je serais d'accord avec vous quand vous dites que toute la société devra payer une facture, et je pense que cette facture-là... quand on parlait...

M. le président parlait tantôt d'un certain éclatement puis un parcellement de tout ce qui touche les financements, on voit poindre, là, une mesure ici, une mesure là, mais ce qui est important dans le financement, c'est qu'il faudrait que le citoyen ait une photographie de famille où le petit n'est pas caché en arrière du grand, puis qu'à un moment donné on le sort du garde-robe, puis qu'on lui montre la binette. C'est ça qu'il faut éviter. On aimerait avoir l'heure juste du financement et comment les citoyens vont obtenir leurs services sociosanitaires. Et on ne peut prendre comme exemple... puis il en a glissé un mot tout à l'heure, quand on a eu le crédit d'impôt à domicile.

Pourquoi est-ce qu'on n'attend pas pour faire une lecture complète des problèmes où les finances des aînés sont touchés? Moi, je pense qu'on devrait regarder en même temps une révision de la Politique du médicament. Il y a eu des décisions intéressantes, comme l'annulation du financement pour toutes les personnes de 65 ans qui ont le maximum de supplément de revenu garanti. Mais la strate suivante est quand même minime, 94 % à 99 %, on va dire, il y a une bracket, et là il y a comme un gros vide qui arrive. Il y a comme la recherche d'équilibre dans tout le financement, et ce qu'on souhaiterait effectivement, c'est que le ministère et les autres ministères puissent se partager qu'est-ce que les aînés donnent comme financement, que ce soit la location de logement... On peut-u le faire, le portrait, puis se dire: À la fin de l'exercice, on pourra regarder qui devra payer le plus ou moins?

Et, derrière ça, un des principes qui nous anime et qui répond concrètement au premier objectif de garantir l'accès, c'est l'équité. Moi, je viens d'une région ? mais je vous donne un chiffre de mémoire ? dans la MRC de vallée Matapédia, 77,1 % des citoyens âgés de 65 ans actuellement reçoivent soit le maximum de la pension de sécurité soit une partie. Ça veut dire que c'est un milieu dont le niveau de richesse est faible. C'est plus, puis pas mal plus, que le Québec, et ça, c'est les chiffres de décembre dernier que j'ai validés avec l'économiste de la région du Bas-Saint-Laurent. Et, quand on reçoit des observations des citoyens aînés, c'est ces phénomènes-là.

Là, la franchise qui vient d'arriver, là, dans le budget, elle arrive comme un cheveu sur la soupe. Elle est dans quel contexte? On peut-u placer le citoyen au centre puis lui faire le tour de sa situation, et non pas arriver dans six mois? Et c'est ça qui peut nous inquiéter: Dans un an, vous allez arriver avec quelles mesures? Elles vont s'inscrire dans quel cheminement? Nous autres, on vous invite à prendre le temps de l'analyser, même à suspendre temporairement l'application de la mesure pour être capables de parler au citoyen avec une plus grande transparence, pour dire: La facture pour un citoyen qui a 15 800 $ de revenus, elle sera de tel ordre, puis celui qui a un revenu de 74 000 $, elle sera de tel ordre. Et on s'attend qu'on ait une réponse équitable et respectueuse du niveau de richesse des citoyens, et ça, pour nous autres, c'est important, et ça, c'est de l'équité, et ce sera aussi de l'accessibilité.

M. Couillard: Bien, remarquez bien, si on prend l'assurance médicaments, par exemple, il y a une grosse différence entre les contributions d'une personne âgée qui a le soutien de revenu garanti partiel puis celle qui ne l'a pas, c'est-à-dire qu'il y a des revenus plus élevés, là. Il y a quand même des éléments d'équité. Mais je retiens bien votre remarque sur la fragmentation parfois des actions.

M. Lebel (Marcel): C'est de baliser d'une façon moins disparate. C'est l'esprit, là, qui nous anime.

M. Couillard: Vous donniez tantôt l'exemple du patient âgé, de Rimouski, qu'on enverrait en Outaouais. Je dirais que c'est peu probable que ça se produise, ils ont trois orthopédistes sur 10 en Outaouais, dans leur plan d'effectifs. Ça se peut que l'Outaouais aille de l'autre bord, vers Rimouski.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): À Vancouver ou à Boston parce que, dans le document, on dit que c'est en Amérique du Nord, États-Unis, Canada.

n(17 h 30)n

M. Couillard: Non, c'est-à-dire que, dans certains cas exceptionnels, on pourra peut-être avoir recours à ça. Mais là-dessus je vous dirais que les régions devront nous faire des propositions avec des sommes d'argent disponibles, neuves, là, pour ça, et, par exemple, votre région du Bas-Saint-Laurent va devoir nous donner leur proposition pour éliminer les attentes hors délai pour la chirurgie de la hanche, du genou et de cataracte.

En passant, pourquoi on a fait ça? Parce que, si on faisait ça pour toutes les chirurgies, on n'y arriverait jamais, là. Il faut apprendre à fonctionner avec ça. Par la suite, on veut l'étendre à d'autres chirurgies. Donc, si la région du Bas-Saint-Laurent nous dit: Bien, au lieu de prendre de l'argent puis de transférer les patients dans une autre région ou bien même de leur faire acheter des services dans le privé à Montréal, pourquoi pas opérer plus longtemps le mercredi puis le jeudi, puis opérer le patient? on n'a pas de problème avec ça. Mais il faut que la région nous présente un plan intégré avec les ressources qui lui sont disponibles pour éliminer l'attente hors délais, puis je pense qu'on est certainement capable de le réussir.

Le Président (M. Copeman): M. Voyer.

M. Voyer (Bertrand): Je pense à la région du Bas-Saint-Laurent justement, c'est parce que vous savez qu'on a huit CSS, puis il y en a six qui ont des salles d'opération. Et présentement, bien, toutes ces opérations en général se font toutes... Les salles d'opération de Rimouski, l'hôpital régional, si vous voulez, même si on ne veut pas dire «régional», bien c'est... 95 % c'est employé. Tandis que toutes les... il y a des salles d'opération à Amqui et à Matane, elles sont très peu employées.

M. Couillard: Vous savez pourquoi? Il n'y a pas d'anesthésistes.

M. Voyer (Bertrand): Oui, mais c'est des spécialistes qui manquent.

M. Couillard: C'est ça.

M. Voyer (Bertrand): C'est ça. Mais c'est justement, est-ce qu'il n'y a pas moyen d'avoir des spécialistes pour pouvoir augmenter l'utilisation de ces salles d'opération là?

M. Couillard: Bien, c'est ce qu'on fait, hein, on en forme, on en forme, on en forme, puis c'est tellement long, les formations de médecins, que ça va être long. En passant, je vous signale que, dans le Bas-Saint-Laurent ? je vous le dis parce que vous avez des voix politiques, les aînés, dans votre région, dans le Bas-Saint-Laurent comme ailleurs ? il y a des médecins étrangers disponibles actuellement, plus de 140 médecins étrangers disponibles pour parrainage par les régions, dont 17 anesthésistes. Je le mentionne régulièrement parce qu'à ma grande surprise les régions ne font pas de parrainage ou très peu de parrainage. Alors, moi, j'ai écrit à chaque P.D.G. d'agence, dont l'Agence du Bas-Saint-Laurent, pour leur dire: Écoutez, là, il y a des pénuries de médecins majeures chez vous, parfois des bris de services... À Amqui, là, chaque semaine, comme vous le dites vous-même, puis même à Matane, il y a des journées qu'il n'y a pas d'anesthésistes du tout, là, ils sont obligés d'envoyer des gens, pour des situations d'urgence, ailleurs. Mais il y a des...

Une voix: ...

M. Couillard: ... ? je vais juste terminer ? il y a des anesthésistes disponibles aujourd'hui, même si on fait l'effort de les parrainer puis de les faire venir au Québec, avec notre soutien. On paie la... on paie le stage de formation. C'est une grande surprise pour moi, puis il y a un petit peu de déception voire même, qu'on n'utilise pas maintenant cet outil-là, surtout dans des situations aussi dramatiques que celle de la vallée de la Matapédia, par exemple, ou de Matane.

M. Voyer (Bertrand): J'ai entendu parler qu'on avait des anesthésistes qui s'en venaient à Rimouski.

M. Couillard: À Rimouski, mais ils n'iront peut-être pas plus à Amqui puis à Matane pour ça, par exemple.

M. Voyer (Bertrand): C'est ça, mais c'est de faire cette répartition-là.

M. Couillard: C'est ça.

M. Voyer (Bertrand): C'est de pouvoir utiliser les salles d'opération, parce que l'autre est... puis c'est pour ça qu'il y a des listes d'attente.

M. Couillard: Bien oui. C'est ça.

M. Voyer (Bertrand): Sinon, il y aurait beaucoup moins d'attente, on pourrait suffire plus facilement.

M. Couillard: Puis c'est pour ça que la raison pour laquelle vous mentionnez cette question d'utiliser mieux les salles d'opération peut-être à Rimouski... Le patient d'Amqui, je ne pense pas qu'il a beaucoup de problèmes à aller se faire opérer à Rimouski s'il faut qu'il aille se faire opérer à Rimouski.

M. Voyer (Bertrand): Non.

M. Couillard: Mais c'est pas mal moins de trouble, ça, que d'aller se faire opérer à Montréal ou à Trois-Rivières.

M. Voyer (Bertrand): Oui.

M. Couillard: Mais il va falloir que la région nous présente un plan, avec l'argent disponible, avec le personnel qu'ils ont, parce qu'on n'a pas, nous autres, de poudre, tu sais, pour fabriquer des médecins demain ou des infirmières. Mais, avec les ressources de monde qu'ils ont puis d'argent qu'on leur donne, ils sont-u capables, oui ou non, à l'intérieur de leur région, de régler le problème d'accès dans des délais acceptables, même si ça signifie opérer plus longtemps à Rimouski, par exemple? Je n'ai pas de problème avec ça du tout, du tout. Mais il faut que ce soit un plan établi, des affaires qu'on peut mesurer puis qui fonctionnent, et ça, c'est bien important.

M. Lebel (Marcel): Sur le même sujet, je pense que ce serait important de savoir... et que le ministère puisse influer sur une augmentation du temps de travail, entre guillemets, là, de certaines spécialités. Vous parlez d'anesthésistes, bon, il y en a 17, là, disponibles. Vous êtes allé à la chasse, puis vous n'avez pas...

M. Couillard: ...plus besoin, ils écrivent pour venir travailler au Québec.

M. Lebel (Marcel): Oui, oui, mais il n'y a personne qui a répondu, là. Si je prends vos propos, M. le ministre... Vous avez lancé l'appel aux responsables régionaux, puis vous attendez les coups de téléphone, là. En tout cas, on va s'occuper pour peser sur le piton.

M. Couillard: Faites passer le message.

M. Lebel (Marcel): Oui, oui. Mais on en aurait d'autres... Dans cet esprit-là, on a été informé qu'effectivement il y a peut-être des spécialistes dont le temps de travail est restreint par rapport à des pénuries actuellement qu'on vit. Et, moi, je m'attends à ce que le gouvernement... Et, quand vous nous avez soumis le projet pour les aînés en perte d'autonomie 2005-2010, vous avez mis un beau titre en haut: solidarité. Et, par solidarité et compte tenu que vous êtes le premier responsable du dossier de santé et de services sociaux au Québec, je pense que d'intervenir pour que la solidarité de ceux qui pourraient aider à améliorer le système soit bonifiée... Parce qu'il y a des situations où, à un moment donné, là, la solidarité, là, il ne faut pas que ce soit juste sur un bout de papier. Il va falloir qu'il y ait des gestes concrets. On crie effectivement dans les régions qu'il y a des pénuries, qu'il y a des problématiques sévères. Ce n'est pas intéressant pour une personne aînée, de 80 et quelques années, parce qu'il y en a plusieurs qui doivent s'exiler... pas de proches; au plan émotionnel, au plan social, il y a des ruptures; et la sécurité... Et on pourrait rajouter effectivement que le support aux proches aidants pourrait aussi recevoir un petit coup de pouce, parce qu'accompagner des personnes de 80 ans et dire... puis tu es obligé de payer de ta poche, ce n'est pas toujours facile.

M. Couillard: Oui. Mais je veux juste terminer parce que j'ai terminé mon temps. Ce qu'on découvre après bientôt plus de trois ans dans l'action gouvernementale, c'est que la solidarité est un beau principe, mais qu'elle se heurte rapidement au mur des intérêts personnels et des intérêts corporatistes, malheureusement. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Merci. Alors, bienvenue à vous trois. J'ai eu la chance, hier, de partager quelques moments, avec ma collègue de Maskinongé, avec M. Saint-Gelais et la Table de concertation des aînés de la Mauricie qui faisait un colloque sur, je dirais, toutes sortes de sujets, dont la conciliation famille-travail, et on se rend compte que nos aînés ne sont pas seulement un poids pour la société, mais sont des gens actifs et fort vivants, comme vous avez pu le constater hier.

Et je lisais justement, dans votre mémoire, en rappel ce matin, sachant votre venue cet après-midi, que le vieillissement de la population, bien il y a toutes sortes de scénarios catastrophe, hein, qui sont mis sur la table et que vous vous opposez en fait à ça parce que vous êtes d'avis que c'est un problème de société et de choix de priorités qui vont grever peut-être les ressources dans le futur et non pas seulement un problème de vieillissement. Parce que les gens qui ont vieilli, les aînés qui vont avoir des besoins sont aussi une génération qui va avoir eu à travailler, qui va avoir collaboré à ce fameux système là. Alors, j'ai senti, hier, comme je le sens depuis quelques mois et peut-être encore plus que quelques mois, quelques années, que de toujours voir le problème de santé crucial qui s'en vient, le problème lourd qu'on va avoir à porter, qui doit être porté sur les épaules des aînés, mais, comme je vais en faire partie, moi aussi, puis ça va de plus en plus vite, bien je ne veux pas non plus avoir à le porter, et ce n'est pas vrai.

Et ce qu'on constate également, et vous l'avez fait, vous trois, dans chacune de vos régions, c'est que les gens qui s'en viennent sur le marché des aînés ? on parle du marché du travail, il y a le marché des aînés ? sont de plus en plus formés, de plus en plus instruits, peut-être vont s'être protégés davantage au niveau de la santé. Et même ? dans votre mémoire, vous le soulignez ? on va peut-être avoir bien plus de problèmes avec la jeunesse, là, la malbouffe, le manque d'activité physique et autre que peut-être ce qu'on a connu. Parce que, moi, en tout cas, si j'ai bonne souvenance, je suis allée à l'école à pied, hein, il n'y avait pas un autobus qui venait me ramasser, puis je ne me traînais pas le derrière là-dessus pendant toute la journée, là. Donc, je faisais de l'activité physique bien plus que ce que nos jeunes vont peut-être en faire. Alors, j'ai trouvé ça le fun que, dans vos remarques préliminaires, dans votre dossier, vous laissiez entendre qu'il ne faut pas oublier que les générations plus jeunes vont peut-être elles-mêmes alourdir le système. Alors, le problème financier qui nous attend, parce que la clientèle va vieillir, doit être un problème qui va être partagé par tous. Et votre suggestion de partager certains fonds, que ce soient des REER ou des FERR, d'en prendre une certaine partie de taxation qui est prélevée au moment où je les retire, comme vous allez possiblement les retirer, vous autres aussi, c'est une façon comme une autre de voir un moyen de s'alimenter financièrement, et je conviens avec vous que c'est aussi intéressant.

Et, dans vos nombreuses recommandations ? c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre, il y en a même 14, là, recommandations que vous faites face au document sur l'accès à la santé ? il y en a deux qui m'interpellent davantage. La toute première, c'est la recommandation 1, c'est la prévention. Vous êtes, je pense, tout à fait dans le mille quand vous dites que c'est bien beau de voir les soins qu'on va donner, le curatif, mais, si on ne prévient pas maintenant, avant que, tout le monde, on arrive à la retraite, parce que ça s'en vient très vite, on va devoir vivre des problèmes majeurs.

Et vous parlez de se préoccuper des dents des personnes aînées et peut-être avant même qu'elles soient des personnes aînées en grand besoin, c'est capital. Et, si vous entendiez le Doc Boisclair de notre région... Ma collègue de Maskinongé va sourire parce que c'est quelqu'un de fringant et de dynamique qui a 83 ans et qui s'occupe encore au niveau de la santé dentaire, il s'occupe de la santé dentaire chez les personnes aînées. Et la députée de Chambly, si je ne me trompe, a été une personne qui l'a connu dans son autre vie, au niveau du débat qu'il fait sur les soins de santé pour les personnes aînées qui ont des problèmes de toutes sortes parce qu'ils ne sont pas capables de mastiquer, en fait parce qu'ils n'ont plus de dents dans la bouche, parce qu'on n'a pas prévenu le coup. Alors, il ne faut pas attendre d'aller dans les centres d'accueil pour les soigner.

Alors, ce côté-là de la prévention est bien important. Et vous parliez des pieds également. Mais effectivement, si tu n'es pas bien soigné partout... Il n'y a pas juste trois, quatre morceaux dans le corps humain, il y en a plus que trois, quatre, morceaux. Et je trouve que cet élément-là de prévention devrait préoccuper tous les gouvernements, que ce soit nous qui soyons là, que ce soit le gouvernement en place présentement, et on doit le faire maintenant. Il y a des efforts qui se font face à la jeunesse qui va nous retrouver un jour, mais il faut qu'il y ait des efforts également de faits face aux personnes qui approchent également, je dirais, la période qu'on appelle «personne aînée».

Et l'autre point qui m'interpelle parmi les 14, c'est la formation dont vous avez parlé tantôt. Et vous avez, je pense, avec... Les visites que vous avez faites, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur ces visites-là, parce que j'ai senti une préoccupation dans votre document, une préoccupation du fait qu'on va maintenant certifier toute résidence qui se dit vers les personnes âgées. Vous vous inquiétez ou vous vous questionnez sur la suite des choses, sur les visites que vous faites présentement, dont vous faites partie, je pense, au niveau de la Table de concertation des aînés. Et ces visites-là, vous souhaitez même qu'elles soient davantage présentes, parce que vous voyez le détail quotidien. Vous donniez même un exemple dans votre document que, si on se fie à la proposition qui est sur la table, les visites vont se faire à peu près à tous les huit ans. Alors, il y a le temps de se passer bien des choses, hein, en huit ans. Ce n'est peut-être pas, disons, l'idéal. Alors, au niveau de la Table de concertation des aînés, vous le suggérez encore, de le maintenir.

Vous avez une inquiétude. Votre inquiétude, elle est fondée sur quoi? Sur le propos qui est dans le document sur l'accès à la santé, sur le projet de loi n° 83? D'où vient votre inquiétude que vos visites pourraient peut-être être suspendues? D'où ça vient?

n(17 h 40)n

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Je vais répondre rapidement en premier et je vais laisser parler Marcel après, parce que, lui, il en fait, des visites dans les CHSLD. Moi, je n'en fais pas, mais j'ai du monde chez nous qui en fait.

Ce que je veux vous dire... D'où ça nous vient? Ça nous vient d'abord de la préoccupation que les aînés ont quand on les rencontre et qu'ils nous disent et nous racontent ce qui se passe dans les centres, soit les CHSLD ou dans les ressources intermédiaires, mais aussi dans les résultats des premières visites qui ont eu lieu depuis maintenant deux ans et trois ans, et il y a des correctifs à apporter. Et actuellement la préoccupation que l'on a, c'est: Quand est-ce que ces correctifs-là vont être mis en place et quels sont les moyens de vérifier que les correctifs sont bien mis en place? Et là on a une préoccupation majeure, parce que, oui, on fait de beaux rapports, oui, on fait des recommandations, mais c'est quoi, la suite? Ça, c'est la préoccupation.

L'autre chose, c'est qu'avec la certification des résidences... On sait qu'il y a 2 500 résidences privées au Québec qui devront être certifiées. Et actuellement on a mélangé un peu dans la réglementation, et c'est ça qu'on a demandé de modifier, et actuellement c'est en cours de modification, on verra les résultats, on nous les a promis pour septembre, le nouveau règlement... On a actuellement mélangé la vérification des qualités avec les obligations de base nécessaires pour une certification. Alors là, il faudrait séparer les deux, qu'il y ait une certification de base de résidences privées et après ça une vérification sur la qualité.

Alors, je vais laisser Marcel répondre sur la partie des...

M. Lebel (Marcel): Sur la formation, madame, je pense que ce qui est important... Et tantôt M. le ministre nous rappelait à l'ordre d'une certaine façon, il disait qu'il y avait 62 millions qui avaient été injectés dans le renouvellement des conditions de travail ? je ne parlerai pas du modèle de renouvellement, mais je parle du renouvellement des conditions de travail. Il y a de l'argent pour le perfectionnement en CHSLD dans les ressources publiques. La problématique par rapport à l'accessibilité aux services, actuellement nos inquiétudes sont issues aussi pour le monde communautaire et le monde de l'économie sociale. Entre autres, dans l'économie sociale, le roulement de main-d'oeuvre est énorme, pour des raisons qu'on peut être d'accord ou non, mais la situation... il y a un roulement de main-d'oeuvre, où ces personnes-là sont sollicitées, et, compte tenu de la politique gouvernementale de développer des soutiens à domicile, il y aura de plus en plus de personnes qui iront dans des résidences, dans les domiciles privés pour donner du support et du soutien. Et c'est là qu'on constate que le personnel, les individus qui vont aller travailler, puis Jean-Guy parlait tantôt de l'exemple d'une personne en déficit cognitif... c'est ça qui nous inquiète. C'est que la formation est au bon gré de l'organisme de l'économie sociale qui donne du support à domicile, et ça, c'est une amélioration qu'on souhaite. Quelle forme ça prendra? Je ne le sais pas, mais, nous autres, on vous donne comme message: Organisez la société en augmentant le soutien à domicile avec lequel on est d'accord, mais il ne faut pas laisser les aînés à domicile sans un encadrement signifiant. Et la formation, la connaissance pour la mobilité des personnes en déficit moteur ou en déficit cognitif a besoin d'être sensibilisée, éclairée pour faire un accompagnement, et ça, ça fait partie du processus aussi de prévention.

Quant aux visites des CHSLD, ça fait trois ans que j'en fais... à la première année, M. Couillard nous avait dit qu'il avait dégagé 1 million de plus pour la province. 1 million, c'est mieux que rien, mais je pense que, pour former et développer des attitudes dans un milieu de vie qu'on souhaiterait dans les CHSLD, je pense que c'est plus que 1 million par année. Est-ce que, dans le 62 millions qu'il nous a dit tantôt, le 1 million est intégré? Je ne le sais pas, là. S'il y a quelqu'un qui peut nous répondre.., je n'ai pas besoin de la réponse aujourd'hui. Mais, nous autres, on dit: Ça doit être bonifié pour favoriser une meilleure qualité de services aux personnes qui vivent en CHSLD. Mais la formation ? actuellement, nos inquiétudes ? est plus pour les milliers d'autres travailleurs qui vont aller dans des résidences et qui ne sont pas dans le réseau public. Ils le sont par protocole d'entente.

Et, tant qu'à y être, sur le processus de prévention, une remarque. Ce serait peut-être important que, dans chacun de vos milieux, tous les députés puissent aller voir le nombre de distributrices dans les centres de santé. On a beau parler... on dit actuellement: Les écoles ont amélioré par une politique plus cohérente d'une saine alimentation pour que nos adolescents et nos enfants puissent vieillir dans de meilleures conditions physiques, mais, de grâce, allez organiser la sortie des distributrices dans les centres de santé, qui devrait être le premier témoignage d'une meilleure santé chez les jeunes, les citoyens. Quand vous rentrez dans un établissement, CHSLD ou CLSC, puis la première chose que vous voyez, c'est une distributrice avec du chocolat, des croustilles, ce n'est pas trop identifié à de la prévention. Ça fait que, dans vos tournées de député, ce serait peut-être bon de regarder. Ça n'a pas de bon sens.

Une voix: Petit message.

Mme Champagne: Le message est rendu. Et la visite a déjà été faite dans mon cas, on en a même fait des remarques, et là je parle de la région de Mauricie, là. Je ne les ai pas toutes visitées, mais je parle dans mon secteur particulièrement, ça peut être frappant.

Vous avez dit quelque chose de très important, autant M. Saint-Gelais que vous, concernant l'accréditation face à la certification. Quand, de façon unanime... puis on a insisté énormément également, on était tous d'accord pour une certification obligatoire, la FADOQ, l'association... votre regroupement à vous a fait les mêmes pressions pour ne pas ouvrir en fait un centre d'accueil ou un centre d'hébergement comme on ouvrait en fait encore quasiment plus facilement qu'un chenil, là. Alors, ça n'avait pas de sens.

Donc, aujourd'hui, l'exigence qui a été mise là, elle a des conséquences majeures, majeures dans le sens suivant, c'est que le danger, c'est qu'on tombe dans l'extrême, et c'est ce que j'ai senti dans votre propos: on va regarder si toutes les portes, les fenêtres, si la sécurité, là, qu'on appelle sécurité de base, est respectée, contre le feu, les systèmes coupe-feu, et tout ça. Mais, si on oublie la qualité des soins à l'intérieur... ce que fait le programme Roses d'or, dans le fond. Et je sens que, dans votre demande et dans votre mémoire, vous êtes tout à fait très contents de la certification obligatoire, c'est en train de se mettre en place. Ça va prendre un certain temps, là, ce ne sera pas demain matin parce qu'il va y avoir des découvertes qui vont se faire là. Puis, demain matin, on ne peut pas se retrouver avec 75 personnes, ou 100 personnes, ou 200 personnes par région dehors non plus. Mais là il y a des exigences qui sont là. Et, nous-mêmes, on a entendu dire, dans nos régions, le danger de regarder juste l'aspect technique, physique des lieux et non pas l'aspect qualité des soins à l'intérieur, et ça va jusqu'à l'alimentation qu'on donne aux personnes qui habitent là. Et vous avez raison, puisqu'on veut dégager les CHSLD, centres d'hébergement de soins de longue durée, ces gens-là vont se retrouver dans des plus petites résidences.

Et le point majeur, au-delà de toute la surveillance des bons soins, que les gens soient quand même proprement, et tout ça, avec une bonne alimentation, il y a également toute la qualité de la formation, vous avez raison. Au moment où on se parle, les gens qui travaillent dans des petites résidences pour personnes âgées ? puis on en est tous témoins ici autour ? sont sous-payés; souvent, c'est le salaire minimum, aucune formation. On n'exige rien, on ne donne rien.

Alors, si on va aussi loin que d'exiger une formation de base minimale pour donner des soins acceptables... L'exemple de tout à l'heure de M. Saint-Gelais, ou de je ne sais pas lequel d'entre vous qui en a parlé, que, si tu ne comprends pas la problématique même d'un début d'Alzheimer ou tu ne comprends pas la problématique du vieillissement et que tu t'obstines sans arrêt avec ces gens-là, ça fait une bizarre d'atmosphère, et on infantilise des gens qui n'ont pas à être infantilisés. Et ça, je pense que, l'ayant vécu moi-même avec ma propre mère, il faut prendre garde à ça. On a un travail énorme à faire, et vous allez être un peu, d'après ce que j'entends, un peu et même beaucoup des gens qui veulent continuer à faire les visites, qui veulent continuer à être partie prenante des décisions gouvernementales, et je vous encourage dans ce sens-là, je ne peux pas faire autrement.

n(17 h 50)n

Alors, votre inquiétude que vous aviez, à savoir: Est-ce que l'arrivée de la certification va faire qu'il n'y aura plus de visites? je ne pense pas que ça va être le cas, mais on va s'en assurer, parce que la visite faite par des groupes de terrain demeure tout aussi importante, puis peut-être encore davantage importante parce que toute la certification qui va être très, très légale avec peut-être le Code du bâtiment mêlé à ça, là, ça peut devenir qu'on s'occupe des murs et qu'on oublie de s'occuper des gens qui habitent à l'intérieur de ces murs-là. Alors, ce que monsieur disait tantôt pour l'alimentation, j'en prends, moi aussi, bonne note.

Pour la formation, bien là ça va de soi. Pas de formation... on y va beaucoup dans les CHSLD, on engage de moins en moins de gens qui ne sont pas formés, mais, dans les petites résidences, c'est formation à peu près zéro, on peut se le dire, formation à peu près zéro, et on va vivre un méchant problème si on ne s'occupe pas de ça maintenant.

Vous avez parlé également... Un autre point ? parce qu'il nous reste peu de temps ? c'est les groupes de médecine familiale. Vous en parlez dans votre document, vous souhaitez que ça s'accélère. Et j'ai toujours une espèce de rêve que je vais partager avec vous, que, dans un groupe de médecine familiale... on a accès au podiatre, qu'on puisse avoir accès au physiatre, au physiothérapeute, qu'on ait cette... équiper là... peut-être même nos audioprothésistes de tantôt, qu'ils soient là pour être capables d'accommoder pour des soins de santé et arrêter peut-être de voir la médecine avec des silos, hein? Alors, tu regardes, tu as un morceau de corps qui est blessé, bien tu le regardes. Le reste est tout en déconfiture, mais c'est bien de valeur, tu t'occupes du bras qui est cassé. Après ça, on a des problèmes tout le tour, mais tu ne t'en occupes pas, c'est un bras que tu soignes. Et ça, c'est peut-être un rêve qu'on a. Et, quand vous dites que vous avez le souhait que les groupes de médecine familiale se développent encore davantage, votre propos tenait à ce que je dis ou plus que ça? J'aimerais vous entendre là-dessus, toujours face, bien sûr, aux personnes âgées, là.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Oui. D'abord, qu'il y ait justement des médecins et assez de médecins en nombre pour que les personnes âgées puissent avoir accès aux médecins de famille. Actuellement, la difficulté, c'est d'avoir accès à un médecin de famille, pour plusieurs aînés. Et, quand on a accès à notre médecin de famille, il faudrait aussi avoir en même temps accès à toute une série de spécialistes autour. Vous parliez tout à l'heure de la podiatrie, des audioprothésistes, nommons-les. En fait, on doit, ce que j'ai mentionné tout à l'heure, on doit considérer l'être humain dans son entièreté. La santé de l'individu, ça commence du bout des cheveux jusqu'au bout des orteils, et ça comprend tout l'individu au complet et non des morceaux. Et on a tendance malheureusement... et ça, ça a été la société que, nous, on a créée, là, on a créé une société de spécialités et de spécialistes, et là, maintenant, on va devoir revenir vers une société où les spécialistes vont devenir un peu généralistes, et ils vont être capables d'aller dans d'autres sphères d'activité et, entre autres, se parler entre eux et se comprendre, et que ce ne sera plus le patient qui va faire le lien entre les spécialistes, mais les spécialistes entre eux qui vont pouvoir se parler.

Alors, oui, les groupes de médecine familiale, c'est important pour nous. C'est un lieu où on pourrait avoir toute une série de services ensemble. C'est important. Mais en même temps il faudrait aussi être capables, en ayant ces centres spécialisés... la possibilité d'éliminer les délais, parce que, quand on parle des délais dans ce document-là, on parle du délai à partir du moment où la personne est inscrite sur la liste d'attente. Mais, si ça prend un an avant d'avoir un médecin généraliste qu'on peut rencontrer, un médecin de famille, et que, lui, il nous donne un rendez-vous chez un médecin spécialiste qui prend deux ans ou qui prend un an, ça fait déjà deux ans qu'on attend avec le problème, et là, quand on arrive au médecin spécialiste, lui, il va nous inscrire sur la liste, et là on nous garantit du service mais dans neuf mois, 10 mois, un an après, en tout cas dépendant des règles, là. Là, ça fait trois ans finalement, là, que la personne a son problème, et, en attendant, sa qualité de vie se dégrade, et il y a des services de santé complémentaires que cette personne-là va devoir consommer, qui coûtent énormément cher, tout simplement parce qu'on n'a pas mis en place les outils et les services pour accélérer le processus. C'est ce qu'on demande, c'est tout simplement... On appelle ça de la belle grosse logique, là, du GBS, du gros bon sens, mais il faut trouver les moyens pour y arriver, et, pour ce faire, il faut que les gens s'assoient ensemble.

Déjà, moi, je sais que c'est difficile d'asseoir les ministères ensemble. C'est difficile d'asseoir un paquet de monde spécialisé ensemble. Est-ce qu'on arrive à asseoir le cardiologue avec le néphrologue, l'urologue, le... toute la série de «logues» qu'on peut avoir, le psychologue et les autres «logues»? Est-ce qu'on arrive à les asseoir ensemble autour d'une même table pour parler d'un patient, pour parler d'un cas et faire le tour d'une personne dans son... En fait, c'est ce que l'on veut.

J'avais juste... la question des listes d'attente, une résolution ou une recommandation qu'on avait, qui était importante à inclure là-dedans, et que j'aurais aimé que M. Couillard entende, mais je sais que vous allez lui faire part de nos remarques. C'est qu'on aimerait que d'abord, les listes d'attente, ce soit géré par une personne ou un groupe mais indépendant. La liste d'attente actuellement, c'est les spécialistes qui la gèrent, c'est le spécialiste qui la gère, c'est sa spécialité ? M. Couillard l'a mentionné tout à l'heure ? donc il gère sa liste d'attente. Mais la liste d'attente du cardiologue, du néphrologue, du neurologue et de tous les «logues», bien il faudrait peut-être qu'il y ait quelqu'un en quelque part qui la gère, cette liste-là, pour que le partage dans les services au niveau des salles d'opération ou de tout autre service... puissent être justement utilisés à leur maximum.

Mme Champagne: Il en a été question d'ailleurs ? si je peux me permettre ? de cette problématique-là entourant la gestion des listes d'attente de tous les «logues» dont vous parlez, et je retiens ce que vous dites là parce que vous faites partie du xième groupe qui nous parle de cette gestion-là avec toutes les inquiétudes que vous pouvez avoir, et parfois, comme disait même le ministre, je vais me permettre de le traduire mais dans mes mots à moi, des fois il y en a qui l'ont dans leurs poches puis ils l'oublient deux ans de temps. Alors, c'est là l'exemple qu'il donnait tantôt. Deux ans plus tard, le gars ne sait même plus qu'il était sur l'attente pour une épaule, tu sais, il pense qu'il n'a plus mal à l'épaule non plus. Alors, il était quand même dans la liste. Est-ce que la liste est réaliste? Est-ce qu'elle est réelle? C'est tout ça.

Mais j'ai le goût de vous dire que, si, peut-être, il arrivait, un jour, ce qui a été demandé suite à la tournée dont vous faisiez, je pense, partie, sur les aînés en action au coeur du Québec, la politique sur le vieillissement, si, peut-être, on pouvait, un jour, obtenir cette politique-là qui nous amènerait en commission parlementaire avec, autour de la table, des gens de toutes spécialités ou plusieurs ministères qui viendraient exprimer... ou que vous pourriez exprimer à ces ministères-là les besoins de cette clientèle-là qui va vieillir avec certaines problématiques, ou peut-être pas de problématiques, tant mieux, ça pourrait être très, très intéressant. Qu'est-ce que vous pensez de la venue, un jour, de cette politique-là sur le vieillissement?

Le Président (M. Copeman): En deux mots, M. Saint-Gelais, parce qu'on a déjà dépassé le temps imputé.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): En deux mots? C'est un rêve en couleurs que l'on a depuis des années. On espère juste que quelqu'un, à un moment donné, en quelque part, va le faire. Et, nous, on est prêts à aider n'importe quand, on est toujours disponibles. Il ne faut pas oublier qu'on est à la retraite, donc on devrait trouver du temps.

Le Président (M. Copeman): Un peu plus que deux mots, mais merci beaucoup, M. Saint-Gelais, M. Voyer et M. Lebel, pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec.

Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

 

(Reprise à 20 h 16)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux et c'est avec plaisir que nous accueillons, ce soir, les représentants de l'Association coopérative d'économie familiale de Québec, l'ACEF de Québec. M. Falardeau.

Association coopérative d'économie familiale
de Québec (ACEF de Québec)

M. Falardeau (Denis): C'est bien ça.

Le Président (M. Copeman): Bonjour.

M. Falardeau (Denis): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Maître. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure. Et par la suite il y aura un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je présume que le monsieur à côté de vous est M. Dagenais?

M. Falardeau (Denis): C'est bien ça.

Le Président (M. Copeman): Bonsoir, M. Dagenais. Alors, étant donné que les présentations ont été faites, nous sommes à l'écoute.

M. Falardeau (Denis): Rapidement, Mmes et MM. les membres de la commission, Denis Falardeau, je suis un des permanents de l'ACEF de Québec. Je vais faire brièvement une présentation de l'ACEF et, tout de suite après, laisser la parole à mon confrère, étant donné que c'est lui le principal artisan du mémoire. Par conséquent, par la suite, si vous avez des questions, etc., ça va être M. Dagenais qui va se faire un plaisir d'y répondre.

Sans plus tarder, l'ACEF de Québec, nous sommes un groupe de défense des droits des consommateurs. Nous existons depuis près de 40 ans. Le domaine de la santé fait partie des dossiers que je pourrais qualifier de dossier traditionnel. Nous avons participé, dans un passé rapproché, entre autres à la Commission Romanow. Donc, ce sont des questions qui nous sont familières et ce sont des questions qui nous préoccupent, étant donné que, pour nous, la consommation ne se résume pas à une définition un peu américaine, c'est-à-dire le consumérisme, mais ça concerne aussi toute la panoplie, là, des services publics dont tous les Québécois et les Québécoises se doivent d'avoir accès.

Ceci étant dit, étant donné que notre temps est limité, je prête la parole immédiatement à mon confrère, M. Dagenais.

n(20 h 20)n

M. Dagenais (Richard): Alors, bonjour. Alors, je vais vous faire une synthèse de notre mémoire. Je vais référer aux pages pour vous guider un petit peu.

On essaie d'avoir une vision globale, si on veut, de la situation avec les impacts que ça peut avoir sur la population, sur les citoyens du Québec.

On aborde la question des valeurs et principes. Pour nous, c'est important que les valeurs fondamentales sur lesquelles reposent notre société et le système de santé, ce soient d'abord la question de la vie et la qualité de la vie, d'où doivent découler des valeurs comme compassion, solidarité, égalité des citoyens devant la douleur et la maladie.

Nous adhérons aux principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, à savoir la gestion publique, l'intégralité, l'universalité, la transférabilité et l'accessibilité, incluant les interdictions de surfacturation et les frais modérateurs pour les services assurés publiquement qui toutefois n'ont pas encore été enchâssés dans la législation québécoise.

Le gouvernement réitère son attachement aux cinq principes fondamentaux qui ont guidé jusqu'à présent l'évolution du système de santé et des services sociaux. Pour nous, ces principes-là et critères n'ont pas tous la même importance. Entre autres, la question de l'universalité et l'équité du régime public de santé, la question du maintien et de l'amélioration de la qualité et de la... des services doivent être priorisés. Les critères, par exemple, sur... L'intégration des services comme mode d'organisation privilégié et la disponibilité des ressources humaines dans le secteur public réfèrent à l'organisation des services, pour nous, sont... bien qu'importants mais secondaires. Ou encore la question de l'accroissement de la productivité et du contrôle des coûts, c'est un critère de contrôle économique, ce n'est pas du même ordre, à mon sens, que les deux principaux critères auxquels on a référé en début. Point de vue prévention en santé et organisation des services de santé. C'est en page 6 du document principal, de notre preuve, de notre mémoire. La prévention en santé. Je pense qu'il faut considérer la santé dans toutes ses dimensions, à la fois physique, psychologique et sociale, et tenir compte de tous les déterminants de la santé.

Il nous semble important d'accroître les budgets qui sont consacrés à la prévention. Selon l'OCDE, c'est environ 3 % des budgets santé, dans les pays de l'OCDE, qui sont consacrés à la prévention, alors que, par exemple, 70 % des décès sont dus aux maladies chroniques souvent entraînées par des causes environnementales et sociales: le stress, l'alimentation, les habitudes de vie, etc.

Il est important effectivement d'avoir une politique sur la saine alimentation, mais, pour nous, il est important aussi que les entreprises soient responsabilisées à l'égard de la qualité et de la valeur nutritive des aliments. À date, la réglementation cible la question de l'innocuité des aliments, mais, pour nous, dans une vision de long terme, par exemple de santé à long terme, toute la question de la valeur nutritive des aliments est importante, puis on doit responsabiliser les entreprises par une approche d'encouragement, finalement, d'intéressement, mais aussi à la fois peut-être aussi au niveau réglementaire, au besoin.

La prévention doit aussi viser la réduction de la pauvreté, ce qui n'est pas discuté dans le document. Je pense qu'il serait important d'assurer la gratuité des médicaments pour toutes les personnes à faibles revenus, de pleinement indexer l'aide sociale en rehaussant les barèmes d'aide sociale au niveau du budget du confort minimum du Dispensaire diététique de Montréal, qui travaille avec une clientèle de personnes à très faibles revenus, qui connaît les besoins des personnes et établit un budget minimum des besoins essentiels. Il serait important aussi, pour nous, de réinvestir dans le logement social, car c'est une composante et un déterminant aussi de l'intégration dans la société et aussi de la santé à plus long terme. Il faudrait aussi respecter la loi n° 112 en évaluant les impacts des lois et règles sur les pauvres de manière à décider finalement de lois et de règles qui tiennent compte aussi... et de la réalité des ménages à faibles revenus.

Il est important pour nous d'assurer et maintenir un équilibre entre le préventif et le curatif et entre le médical/hospitalier et le soutien psychosocial en protégeant les enveloppes de chaque type de services et le rôle de chacun. Investir davantage dans les CHSLD, par exemple, les soins palliatifs, le support aux aidants naturels, en santé mentale, etc. Donc, avoir une vision globale et assurer finalement une budgétisation correcte des différents modes d'intervention.

Pour nous, il est important aussi de protéger les personnes des erreurs médicales, des abus professionnels, en impliquant, par exemple, mieux les citoyens sur les comités de discipline des ordres professionnels. Les commissaires locaux ou régionaux aux plaintes et à la qualité des services devraient relever, selon nous, du Protecteur du citoyen, de manière à être totalement indépendants de l'influence soit des établissements, soit des régies régionales.

Maintenir des contrôles continus indépendants des résidences privées, c'est important, et aussi des hôpitaux et des centres de santé et de services sociaux via l'agrément, par exemple, qui est prévu à la loi n° 113, et la supervision devrait être effectivement exercée par le ministère pour assurer une indépendance de l'activité d'agrémentation.

Mieux contrôler la circulation et l'utilisation de l'information du dossier médical. Ça, ça nous inquiète, surtout si l'on élargit le champ de l'assurance santé privée aux actes médicalement requis. Et ça, c'est pour éviter, entre autres, de discriminer au niveau de l'emploi et de l'accès aux assurances privées, que ce soit même santé, assurance vie, assurance salaire, et que l'on fixe, par exemple, les primes selon l'état de santé des personnes.

Pour ce qui est de l'amélioration de l'accès aux services médicaux et hospitaliers pour réduire les délais d'attente, en page 15 de notre mémoire. Le gouvernement, je rappelle, dans le document de consultation, indique qu'il poursuit deux objectifs, à savoir préserver notre système public et universel de santé et de services sociaux et répondre au jugement de la Cour suprême qui invalide deux articles de loi interdisant l'assurance privée pour des services couverts par le régime public. Le second objectif étant, nous indique-t-il, subordonné à l'atteinte du premier, le gouvernement propose une solution qui est axée avant tout sur l'amélioration de l'accès aux services médicaux et hospitaliers publics avec une ouverture très ciblée, par contre évolutive, à l'assurance privée.

Le jugement de la Cour suprême ouvre la voie au développement d'un réseau privé de prestation de services, où les personnes disposant de moyens financiers suffisants pourraient, en s'assurant individuellement ou par le biais d'assurances collectives, donc obtenir des services médicaux et hospitaliers plus rapidement que celles qui utilisent des services financés par le secteur public. C'est le gouvernement qui nous indique ça, il est conscient de l'impact que ça peut avoir. Ce sont les assises sociales, nous indique-t-il, du système public québécois qui sont alors remises en cause. Ce nouveau contexte soulève de nombreux enjeux dont la disponibilité des ressources humaines et financières nécessaires à la viabilité du réseau public de services.

On indique aussi dans le document: Toutes les analyses rejettent le recours à la privatisation du financement des soins de santé parce que cette voie comporte des inconvénients majeurs: protection insuffisante de la couverture d'assurance privée, coûts élevés, problèmes d'accessibilité et d'équité pour les personnes à plus faibles revenus, manque de ressources humaines spécialement en région, etc. Alors, on voit bien que le gouvernement est conscient donc des problématiques que ça peut causer. Et à savoir: Est-ce que les solutions qu'il nous propose vont permettre d'éviter ces problématiques-là ou à tout le moins de les contrôler sérieusement?, c'est la question qu'on pose.

Alors, le gouvernement, ce qu'il propose donc, c'est d'étendre la garantie d'accès avec des délais limites et une garantie de services dans le public, ou le privé au besoin, qui est déjà offerte en radio-oncologie et chirurgie cardiaque ou chirurgie liée au cancer ? c'est à venir ? et aux chirurgies électives assurables dans le privé précisées par règlement. On nous indique que les services assurables seraient limités pour l'instant aux chirurgies électives: hanche, genou et cataracte, pour lesquelles une garantie d'accès serait offerte dans le public, afin de limiter l'étendue de l'assurance privée. Il n'y aurait pas possibilité de s'assurer pour une chirurgie cardiaque, pour des traitements de radio-oncologie, qui doivent toujours bénéficier d'une garantie d'accès publique, nous indique-t-on. Et on rajoute que les services assurables dans le privé doivent couvrir l'ensemble de l'épisode de soins, incluant la réadaptation et le soutien à domicile.

Concernant l'arrêt Chaoulli en Cour suprême, alors il est important de se rappeler que, d'une part, il y a une faible majorité de juges qui ont décidé que l'interdiction d'assurance privée pour les services médicaux et hospitaliers offerts dans le régime public, mais rendus par des médecins désaffiliés, était ou violait la Charte des droits et libertés du Québec et la Charte canadienne, et ce, en présence de délais d'attente non raisonnables pouvant causer de la souffrance, des complications et des décès.

Les quatre juges majoritaires pensent que les provinces disposent de plusieurs outils législatifs, outre l'interdiction d'assurance privée, leur permettant d'éviter le développement d'un système de santé à deux vitesses, dont la règle légitime d'étanchéité entre la pratique médicale privée et publique, garantissant que l'ouverture à l'assurance privée ne met pas en péril les régimes publics d'assurance maladie et d'hospitalisation.

Je rappelle une opinion des trois juges majoritaires, au paragraphe 158 de l'arrêt Chaoulli: «Somme toute, bien qu'elle puisse être constitutionnelle dans les circonstances où les services de santé sont raisonnables tant sur le plan de la qualité que [...] de l'accès en temps opportun, l'interdiction de souscrire une assurance maladie privée ne l'est pas lorsque le système public n'offre pas des services raisonnables. La vie, la liberté et la sécurité de la personne doivent primer. Pour paraphraser le juge en chef Dickson dans l'arrêt Morgentaler, [...]si le gouvernement choisit d'agir, il doit le faire de façon appropriée.» Alors, ce qu'on nous indique donc, c'est que, lorsqu'il n'y a pas de délai raisonnable, l'interdiction d'assurance finalement apparaît porter atteinte finalement aux chartes des droits et libertés fondamentaux.

Il est bon de rappeler, par exemple, que les trois juges dissidents ont fait valoir que la question relevait plus du domaine politique que judiciaire, que l'interdiction d'assurance afin de préserver le système public n'apparaissait pas déraisonnable en regard des droits individuels, que la notion de délai raisonnable ne peut être établie avec précision et appliquée opérationnellement de manière univoque par les décideurs publics et que seuls ceux qui ont les moyens de payer et de se qualifier pourront obtenir une assurance privée au détriment potentiellement du système de santé public et des intérêts de la majorité.

On pense que de longues listes d'attente finalement ne servent pas les intérêts de la population ni du gouvernement; cela alourdit plutôt le système de santé. Je pense qu'il est important de gérer de manière intégrée le système de santé en considérant les coûts socioéconomiques qui sont supportés par la population et en évitant que les services priorisés ne pénalisent les autres services.

n(20 h 30)n

Dans le document de consultation, on nous indique, en page 49, que les cliniques spécialisées affiliées devraient fournir des services exclusivement, ou principalement, pour les besoins des établissements affiliés. Or, il nous apparaît que les cliniques spécialisées affiliées ont un double statut. Elles répondent aux demandes des hôpitaux mais pourraient aussi offrir des services du côté privé. Et rien n'empêche, par exemple, que les médecins non participants puissent travailler dans les cliniques affiliées ? à tout le moins, je n'ai pas vu d'interdiction explicite à cet effet-là. Il faut éviter à mon sens tout conflit d'intérêts originant d'une double pratique, comme clinique privée et comme sous-traitant d'un hôpital public, et d'une source double de financement, du public et du privé, incluant la possibilité de surfacturation.

Un autre élément, c'est l'appel, par exemple, aux médecins qui sont non participants pour offrir des services qui sont payés par le régime public, lorsqu'il y a dépassement de délais dans le public, par exemple. C'est en fait un bris de la règle d'étanchéité. Normalement, les médecins non participants ne devraient pas avoir de financement du public, alors qu'ici on l'autorise finalement dans la proposition gouvernementale.

Alors, je pense qu'il est important d'assurer que les tarifs, par exemple, qui vont être offerts finalement au privé ne nuisent pas finalement au développement du secteur public et que ça n'encourage pas indirectement, finalement, le développement du secteur privé en comprimant, entre autres, le financement des services publics. C'est une crainte qu'on voit, nous, d'avoir une porte de sortie sur laquelle on va compter finalement pour contrôler les coûts dans le public, limiter la croissance des coûts dans le public.

Le gouvernement doit aussi limiter les honoraires qui sont chargés par les médecins désaffiliés et interdire les privilèges indus à leur endroit, que ce soit de compagnies pharmaceutiques, par exemple, ou des assurances privées, etc. Donc, il devrait y avoir un contrôle à assurer de ce point de vue là.

À l'instar du Groupe de réflexion sur le système de santé du Québec, il faut assurer l'accessibilité universelle à des soins et services publics de santé de qualité et réduire les délais d'attente à tous les niveaux. C'est, pour nous, la solution la plus acceptable, équitable et viable dans une démocratie, car le gouvernement a le devoir de bien servir toute la population. On indique que le gouvernement devrait aussi fixer un délai limite pour voir un spécialiste et obtenir donc un diagnostic. Ça fait partie, pour nous, de l'ensemble du délai à contrôler. Et on pense qu'idéalement le gouvernement doit étendre la garantie d'accès à l'ensemble des services, donc médicaux et hospitaliers, qui sont requis.

On pense que la proposition du gouvernement ne répond pas correctement au jugement de la Cour suprême. En effet, il ouvre à l'assurance privée des services dont il garantit l'accès au secteur public, alors qu'il maintient l'interdiction de l'assurance privée pour les services dont il ne peut encore garantir les délais d'attente acceptables. On rappelle que la Cour suprême, elle a dit que, s'il y a des délais inacceptables, à ce moment-là, l'assurance privée est justifiable. Ce que le gouvernement fait dans sa proposition, c'est l'inverse: somme toute, c'est d'assurer l'assurabilité dans la mesure où il peut garantir des délais acceptables dans le public, alors que, dans la mesure où les délais ne peuvent pas être garantis de façon raisonnable, à ce moment-là, l'ouverture à l'assurance privée est fermée. Ça va en contresens, à notre sens, de la décision de la Cour suprême. Alors, la seule façon pour le gouvernement d'échapper au jugement est d'assurer donc le respect des délais d'attente raisonnables ou d'invoquer la clause dérogatoire.

Alors, il est clair pour nous que l'ouverture à l'assurance privée constitue une brèche dans le financement universel et équitable des services publics. Les mieux nantis pourront contracter une assurance privée pour recevoir des services médicaux et hospitaliers plus rapidement. C'est une avancée du système à deux vitesses avec une réduction dans l'équité et l'accessibilité, d'une part parce que l'ensemble des citoyens n'auront pas accès à l'assurance et d'autre part parce qu'il existe aussi des contraintes de ressources humaines dans le système public, et il pourrait y avoir migration finalement vers le système privé s'il n'y a pas de contrôle satisfaisant.

Alors, on rappelle, par exemple, qu'aux États-Unis 15 % de la population n'est pas assurée, soit au public, soit au privé. Donc, la question de l'assurance, le fait d'avoir droit à l'assurance ne garantit pas qu'on puisse y avoir accès.

Le Président (M. Copeman): M. Dagenais, il reste trois minutes.

M. Dagenais (Richard): O.K. On indique qu'il faut tenir compte des impacts de la privatisation des soins de santé sur le coût global du système. Alors, il y a des systèmes... Les études tendent à prouver que, lorsqu'il y a un système mixte, par exemple, les coûts globaux sont plus importants. On pense, par exemple, aux États-Unis, où le système de santé accapare 15 % et plus maintenant du PIB, alors qu'au Canada c'est de l'ordre de 10 %. Et, dans les pays où il y a un système mixte, il y a des problèmes finalement au niveau du contrôle des coûts globaux.

Puis c'est important aussi d'évaluer la question de la sécurité et de la qualité des soins. Il y a des études qui montrent que, si on compare, par exemple, les hôpitaux à but non lucratif versus les hôpitaux à but lucratif aux États-Unis, le risque, par exemple, de mortalité... ou encore la qualité des soins n'est pas aussi bonne finalement que dans les systèmes à but non lucratif. Alors, la question de la qualité et de la sécurité des personnes est très importante à prendre en compte dans les décisions que le gouvernement va poser.

Un dernier point, puis je vais céder la parole après ça à M. Falardeau pour qu'il puisse faire les conclusions. Le jugement à la Cour suprême et la proposition du gouvernement du Québec ouvrent la porte à trois types de contestation judiciaire. D'une part, les partisans de la privatisation qui sont insatisfaits de la limitation du champ des activités assurables; nommément celles qui maintiennent des délais et listes d'attente importantes pourraient effectivement revenir en contestation. Et, si l'assurance et les assurés eux-mêmes... si le gouvernement, tout en permettant aux citoyens de s'assurer, restreint par contre le nombre de médecins non participants, alors, à ce moment-là, si on permet d'une part d'assurer, mais si on restreint le nombre de médecins qui vont pouvoir travailler avec les assurances, il va y avoir une problématique de ce point de vue là. Enfin, les citoyens qui sont insatisfaits des délais et services dans le système de santé public pourraient a priori, eux aussi, apporter une contestation devant les cours.

Alors, concernant la question du financement, pour nous, il est important de prendre en compte la capacité de payer des citoyens et de cibler à notre sens un financement qui serait équitable à partir des impôts et taxes qui sont progressifs. Alors, c'est le message qu'on veut laisser. Je termine en laissant...

M. Falardeau (Denis): Et en conclusion, pour résumer...

Le Président (M. Copeman): En quelques mots, en quelques mots, Me Falardeau, s'il vous plaît.

M. Falardeau (Denis): O.K. Bien, dans ce cas-là, je vais y aller de mon propre cru, on va mettre de côté les conclusions.

Moi, personnellement, j'ai comme l'impression que nous aurions dû ? quand je dis le «nous», là, c'est la grande société, là, québécoise ? utiliser la clause dérogatoire pour prendre le temps, de façon vraiment sereine, d'examiner la question. Tout à l'heure, je vous ai dit que c'est mon confrère, M. Dagenais, qui s'est occupé de faire l'analyse du dossier, et tout ça. Je dois vous avouer que j'étais, pour utiliser une expression québécoise, j'étais en maudit parce que j'aurais aimé, moi aussi, y participer, mais j'avais d'autres dossiers à m'occuper, et j'ai comme l'impression qu'il y a beaucoup de monde qui ont été dans la même situation. Je comprends que ce gouvernement n'a pas été maître de son agenda, c'est une décision qui nous est tombée par la tête comme ça, mais à mon avis nous aurions dû, et je pense que c'est encore le temps... dans notre mémoire, on parle du recours à la clause dérogatoire pour des questions de préservation du système, et ainsi de suite, mais ça aurait pu au moins servir pour prendre le temps d'y penser. La clause dérogatoire, ce n'est pas une clause ad vitam aeternam, on peut l'imposer; ensuite, après, la réviser, et ainsi de suite. Et d'ailleurs, de ce côté-là, si vous me permettez un clin d'oeil, et je termine là-dessus, pour une commission qui s'occupe de questions de santé, ça fait drôle de se retrouver à 20 h 40, tout le monde ensemble. Il me semble qu'il y a comme une contradiction. Mais là-dessus je vous remercie pour...

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): Le calendrier parlementaire s'impose, Me Falardeau. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

n(20 h 40)n

M. Couillard: En fait, ça nous permet de rester éveillés jusqu'à minuit pour voir l'entrée en vigueur de la Loi sur le tabac. Ça nous donne une chance de...

Écoutez, l'analyse qu'on fait de la situation, M. Falardeau, M. Dagenais, se rapproche beaucoup de la vôtre avec bien sûr quelques différences. Je dirais que plutôt que d'avoir vu le jugement de la Cour suprême comme une calamité et une chose qui nous tombait du ciel, là, à laquelle il fallait absolument se soumettre, on a plutôt voulu y voir une occasion de faire avancer, et tout en le protégeant, notre système de santé.

Parce que, contrairement à peut-être ce que vous avez laissé entendre ou ce que d'autres ont dit, parce que, comme vous avez vous-même dit dans votre présentation, de nombreux groupes sont venus ici pour nous reprocher de façon assez parfois virulente de ne pas faire plus, de ne pas ouvrir largement au privé, de ne pas complètement désassurer ou d'assurer tout le système de santé, ce que nous ne ferons pas parce que... À mon avis, le jugement n'ouvre pas la voie au développement d'un réseau privé parallèle autre que celui qui existe déjà, c'est-à-dire que, s'il n'y avait aucun phénomène de désengagement, aucune clinique privée actuellement, effectivement on dirait: Bien, voilà, on crée un réseau parallèle, entre guillemets, ou une médecine à deux vitesses. Alors, lorsqu'on a des cliniques qui sont tolérées depuis des années, là ? ce n'est pas le gouvernement en place qui les a tolérées et qui a toléré leur ouverture ? les cliniques des médecins non participants, et il y en a une dont on parle souvent dans les journaux ? on ne fera pas encore de la publicité, là, mais on sait tous de qui il s'agit ? où des gens qui ont 12 000 $ en poche peuvent aller se faire opérer demain s'ils veulent, tandis que les autres, bien ils sont dans le réseau public, ça, c'est un système à deux vitesses qui existe et qui est toléré par notre société depuis déjà plusieurs années.

Alors, on n'ajoute pas, on ne crée pas ça, et au contraire on restreint, on restreint l'ouverture à l'assurance privée de façon extrêmement prudente. Et qui sait si notre société ne voudra pas en rester là? Parce que ce qu'on a changé au cours des débats de la commission, c'est que... alors que, dans le document, où on prévoyait que l'élargissement ultérieur possible à l'assurance pourrait se faire par voie réglementaire, nous avons rapidement constaté, à la lumière des témoignages qui nous ont été faits ici, que c'était imprudent de faire ça et qu'il fallait plutôt le faire par voie législative si jamais ça se fait. Je doute personnellement qu'un gouvernement, dans l'avenir, pour les prochaines années, veuille faire l'expérience d'augmenter ce panier d'assurance privée sans avoir mesuré pleinement les impacts que cette petite ouverture aura eus ou n'aura pas eus, là, sur la situation. Alors, je voulais quand même mettre ça au point.

Dans le document, il est indiqué également, et ce n'est peut-être pas assez explicite, mais ce le sera lors du texte législatif, que les cliniques affiliées ne regroupent que des médecins participants. Donc, il n'y a pas de coexistence de médecins participants et non participants dans les cliniques affiliées. Elles sont en fait un endroit où, lorsqu'il y a une relation de contrat entre l'établissement public et la clinique pour essentiellement les petites chirurgies, style chirurgies mineures ou chirurgies d'un jour, le citoyen peut y aller et être traité par les mêmes médecins qui travaillent à l'hôpital, avec les mêmes contrôles de qualité ? votre accent sur la qualité est important, il n'a pas souvent été amené ici; avec les mêmes contrôles de qualité ? qui existent dans nos établissements, sans contribution par le citoyen. Puis, en dernière analyse, pas question du tout d'ouvrir la porte à des hôpitaux privés. Ça, je peux vous dire, ce n'est pas du tout dans cette direction-là qu'on va aller. On va même tout faire pour qu'il n'y en ait pas, parce que les hôpitaux privés, ça, c'est un réseau privé parallèle, et ça, ça crée des problèmes immenses.

Je voulais parler plus spécifiquement avec vous de la question du financement, parce que vous avez un bon chapitre dans votre mémoire sur le financement, et vous commentez la proposition de M. Ménard qui va d'ailleurs venir ici, dans quelques jours, pour nous répéter ses propositions et ses constats, puis vous dites que le «régime d'assurance contre la perte d'autonomie nous apparaît contestable, car cela équivaut à accroître le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises, le cas échéant, alors [qu'on] a promis de réduire le fardeau fiscal».

Je pense qu'il faut différencier les choses, parce que tous les... et sans entériner la proposition de M. Ménard, là, qui n'est qu'une des propositions d'un débat qui va durer encore longtemps... on ne terminera pas, je vous rassure tout de suite, le débat sur le financement avec la commission en cours, mais tous s'entendent sur une chose, c'est qu'une fois les questions de déséquilibre fiscal et de partage des dépenses entre des paliers de gouvernement améliorées ou réglées, il n'en reste pas moins que le problème du financement à long terme n'est pas réglé. Ce n'est pas ça qui va régler le problème de financement du système de santé. Donc, il faut en venir à une solution structurante à long terme, qui passe inévitablement par une contribution des citoyens, de quelque façon que ce soit.

Nous, on écarte la solution de l'assurance privée parce que ça ne réglera pas le problème de financement du système de santé. Donc, il reste des contributions sous forme de primes santé ou de primes pour la perte d'autonomie, comme M. Ménard le soulève. Il y a toutes sortes d'autres... Même M. Castonguay, qui est venu ici, l'autre jour, nous parler de ce qu'il appelle ou ce qu'on appelle parfois le ticket modérateur. Mais ce qu'on regarde, ce qu'on observe, c'est que le point commun de toutes ces solutions-là passe par la contribution des citoyens, qu'il faut rendre bien sûr la plus équitable possible et la plus neutre en termes d'impact sur les clientèles les plus démunies.

Donc, est-ce que vous avez réfléchi plus largement sur une solution structurante à long terme pour le financement des soins de santé si on considère l'impasse fondamentale qui est l'augmentation de 5 % à 6 % en moyenne et parfois plus des dépenses annuelles en santé, alors que les revenus de l'État croissent de 2 %, 2,5 %, 3 % les bonnes années? Donc, il y a un écart, là, qui doit être comblé et qui s'additionne avec les années? Comment vous envisagez l'avenir sur le plan de la pérennité du financement de la santé? Sans en faire un problème dramatique, là, c'est un problème quand même important sur lequel il faut se pencher comme société.

M. Dagenais (Richard): Dans l'annexe du mémoire, j'indique que j'ai repris des chiffres du Conference Board, par exemple, là, sur l'évolution des dépenses et des revenus, finalement, du fédéral versus les provinces. Et, en mettant, par exemple, un niveau d'accroissement des dépenses de l'ordre de ce qui est proposé dans le rapport Ménard, par exemple, on s'aperçoit qu'il est possible, avec les transferts, par exemple, de maintenir l'équilibre budgétaire des provinces, en ayant un ajustement correct des transferts. Donc, à partir des chiffres qui étaient là, je pense que c'est viable, la question du financement public, sans avoir nécessairement à trouver des nouvelles sources de financement. Il s'agira de voir si effectivement les transferts peuvent être indexés, ajustés à ces niveaux-là, mais, à partir des chiffres qui étaient fournis dans le rapport du Conference Board, à mon sens un financement public à partir des contributions fédérales et des impôts et taxes des provinces, par exemple, est strictement viable à partir de l'information que j'avais disponible. Donc, c'est dans un horizon de l'ordre de 20 ans, par exemple.

M. Couillard: C'est d'ailleurs intéressant que, dans l'entente d'Ottawa sur le financement de la santé, et c'est la première fois que ça se fait, il y a un facteur d'indexation qui a été inclus qui effectivement est à 6 %. Alors, vous voyez que l'ensemble des pays de l'OCDE, autant les constats du groupe Ménard, autant les constats de la commission Romanow à l'époque et d'autres arrivent tous... puis M. Clair, Michel Clair, dans le temps, en 2000, avec son groupe... On arrive toujours dans ces eaux-là, cinq à six virgule quelque chose pour cent par année de croissance structurelle du réseau de santé, et c'est là le problème qu'il nous faut résoudre.

Mais finalement est-ce que, vous, vous pensez qu'il faut écarter complètement à long terme tous les scénarios dans lesquels on ferait appel aux citoyens de façon additionnelle ou il faut se garder cette solution en réserve?

M. Dagenais (Richard): Je pense qu'il faut la garder en réserve. Il faudra voir comment la situation évolue effectivement, comment va se régler le dossier du déséquilibre fiscal. Mais notre vision, c'est de dire: On devrait puiser le... permettre le financement des services publics à partir des impôts et des taxes courantes. Donc, avoir une vision d'assurer les services courants à partir des revenus courants.

Et, pour nous, c'est viable. J'indiquais que, par exemple, selon une étude de l'OCDE, l'ensemble des pays de l'OCDE vont avoir à faire face finalement à la problématique du vieillissement de la population, et de façon proportionnelle. Alors, ça ne pose pas à notre sens de problèmes spécifiques au Québec, c'est l'ensemble des pays donc développés qui vont devoir assumer cette réalité-là. Et, pour nous, il faudrait, à ce moment-là, ajuster le fardeau fiscal en conséquence des besoins. C'est la façon dont on le privilégie. Parce que dans le fond, veux veux pas, c'est à partir de la même poche que ça va venir: du citoyen. Et, que l'on fasse une taxe spécifique ou pas, pour nous, la problématique d'une taxe ou d'une source de financement spécifique, c'est qu'on échappe à une structure de revenus progressive et, à ce moment-là, c'est moins équitable pour les citoyens à faibles et modestes revenus et moyens revenus. C'est la problématique que l'on voit importante. Et, si on n'apporte pas de solution équitable à ce problème-là, à mon sens, ce sera toujours remis en question, un mode de financement spécifique pour la santé.

M. Couillard: Dans ? puis je vais terminer là-dessus, M. le Président; dans ? vos remarques, vous dites un peu ? pardon, si je vous ai mal compris ? que les propositions visant à améliorer l'efficience et l'organisation du système de santé vous semblent accessoires parce que, dites-vous, elles répondent essentiellement à une logique économique plutôt qu'à une logique de qualité. J'ai un peu compris ça dans votre... Peut-être que j'ai mal compris. Mais cependant il me semble, moi, que justement, si on gagne plus d'efficience et d'efficacité ? les deux mots ne sont pas identiques absolument ? dans notre système de santé, notamment par une meilleure gestion des listes d'attente, on risque de faire, comme on a commencé à le faire dans certains domaines, de très grands progrès dans l'accessibilité aux soins qui risquent de rendre caduque toute tentative de réactiver cette question judiciaire au cours des prochaines années, parce que ? je suis absolument d'accord avec vous ? il est probable, quelle que soit l'issue de ce débat, qu'il y aura d'autres recours judiciaires vis-à-vis le système de santé. C'est une tendance, dans notre société, à la judiciarisation qui existe. Si, par contre, à ce moment, l'État a démontré que la situation d'alors est déjà mieux que celle d'aujourd'hui qui est mieux que celle de 1997, il est possible que tous ces recours, et sans préjuger de la décision des tribunaux d'alors, là, que ces recours soient finalement caducs. Donc, il me semble que les mécanismes proposés d'amélioration de l'efficacité et de la gestion du système de santé, loin de répondre à une logique économique, sont essentiels. Si on ne fait qu'accroître le financement sans réviser les façons de faire, à mon avis on ne fera pas beaucoup de progrès. Non?

M. Dagenais (Richard): Bien, je pense que c'est quand même une économie de la santé, là. On ne veut pas minimiser l'importance de ça parce que c'est quand même tenir compte de la capacité de payer aussi de la population. C'est clair que c'est important. Puis ce qu'on dit, c'est qu'il y a des valeurs prioritaires qui sont la préservation de la santé et de la vie, puis, après ça, il y a des valeurs qui sont à notre sens secondaires mais importantes, mais de niveau différent d'importance. C'est ça qu'on dit. Mais on ne dit pas que ce n'est pas important, c'est sûr, non, c'est important.

Sur la question, à savoir: Est-ce que la proposition du gouvernement répond à l'arrêt de la Cour suprême?, par exemple, ma compréhension, c'est: elle ne répond pas correctement à la décision de la Cour suprême. Par le fait que vous limitez, d'une part, la question de l'assurance, par le fait que vous ne tenez pas compte de la question des délais jugés non raisonnables par la Cour suprême, ces éléments-là font en sorte que, pour moi, vous ne répondez pas correctement à l'arrêt. Mais c'est ce qu'on défend.

n(20 h 50)n

M. Couillard: Au contraire, à mon avis, on tient compte du problème des délais, puisque la base de la proposition est une garantie d'accès à l'intérieur de délais médicalement acceptables et que, d'autre part, la Cour suprême, dans son jugement, si on le lit attentivement comme vous l'avez fait, ne dit jamais qu'il faut remettre en question l'étanchéité entre les médecins participants et non participants, ce que nous ne faisons pas, ne dit jamais qu'il faut ouvrir très largement et de façon non discriminée à l'assurance privée, ce que nous ne faisons pas non plus. Alors, notre opinion qui est d'ailleurs partagée par certains... mais les juristes sont rarement unanimes... C'est comme les économistes, hein? Les juristes et les économistes sont rarement unanimes sur tout. Notre opinion à nous, c'est qu'on répond de façon correcte au jugement de la Cour suprême, mais ça, éventuellement, je suppose qu'il y aura peut-être des tribunaux qui auront à en statuer.

M. Dagenais (Richard): On est dans l'opinion juridique, finalement, ici. Et ma compréhension, c'est qu'il y a quand même une décision à l'effet d'ouvrir aux assurances privées, de la Cour suprême. Elle n'a pas limité les domaines d'assurance, elle a dit: Il faudrait permettre aux gens de s'assurer pour les systèmes qui sont déjà offerts dans le public. Et il n'y a pas eu de limitation, à savoir quel domaine on devrait offrir, alors que, dans nos propositions, on les limite à des domaines où le gouvernement veut assurer finalement des délais raisonnables.

M. Couillard: Attention, le jugement dit: Il n'est pas prouvé que l'interdiction totale est nécessaire et que la levée de l'interdiction, si elle s'accompagne d'autres mesures, met en danger justement le caractère d'accessibilité, d'universalité, le caractère public du système de santé, qui doit être un objectif urgent et réel du gouvernement. Alors, la cour dit beaucoup de choses, puis il y a eu une tendance à le surinterpréter, ce jugement-là. C'est ce que j'ai dit avec prudence à plusieurs personnes qui venaient nous reprocher un peu le contraire de ce que d'autres groupes nous reprochent, c'est-à-dire de ne pas ouvrir de façon très large et indiscriminée à l'assurance privée.

Si on lit attentivement le jugement de la Cour suprême, il n'y a pas là de prescription d'ouverture large à l'assurance privée. Il n'y a pas non plus de prescription quant à l'étanchéité. Parce que, comme disait Mme Prémont qui, elle, dit qu'on n'a pas besoin de rien faire en fait d'autres choses que d'augmenter l'accès aux services... Mme Prémont a dit justement que la cour, dans son jugement, lorsqu'elle l'a fait, sait très bien qu'au Québec il y a une étanchéité totale entre les médecins participants et non participants et que le nombre de médecins participants est inférieur à... non participants est inférieur à 100. Alors, comme elle l'a dit ? et je la cite un peu dans les mots ? comment pouvait-elle penser que moins de 100 médecins pourraient faire ce que près de 18 000 ne peuvent réaliser? Et il y a là un élément logique que beaucoup ont laissé passer et ont lu très rapidement le jugement en espérant y voir la réalisation de leur souhait, mais on est ici pour faire un équilibre sur ça justement.

M. Falardeau (Denis): Si vous me permettez, M. le ministre, c'est justement ce qui nous préoccupe. C'est parce que la façon dont je comprends votre scénario, c'est que vous privilégiez des secteurs qui sont déjà performants, là. Les garanties d'accès, ça concerne des interventions qui sont quand même très bien répondues actuellement par le système étatique. En tout cas, il y a une certaine...

M. Couillard: ...

M. Falardeau (Denis): Bon. Il y a une certaine performance. Et la crainte que nous avons... et d'ailleurs, sans encore une fois revenir toujours sur l'éternelle question d'appliquer la clause dérogatoire, moi, l'inquiétude que j'ai, c'est qu'on utilise ? et là, encore une fois, je vais utiliser des mots à la mode ? on utilise des interventions chirurgicales, entre guillemets, structurantes pour le marché privé. C'est que, là, c'est attrayant, il y a une clientèle, il y a une infrastructure. Il y a fort probablement des spécialistes qui seraient susceptibles de sauter la clôture pour aller du côté privé parce que justement il y a toute une infrastructure, et ainsi de suite, qui s'y prête. Ce n'est pas un jeu dangereux?

M. Couillard: Non, justement. Au contraire, je crois que depuis... Vous savez, ce débat sur l'assurance privée existe depuis des années, hein, ce n'est pas nouveau, et puis ça va prendre encore des années, puis, pendant ce temps-là, on va nous reprocher de ne pas avoir fait plus. La proposition, pour nous, elle n'est pas basée sur l'assurance privée, elle est basée sur la garantie d'accès puis le système public de santé. Moi, que les assureurs aient ou non un marché pour faire ça, honnêtement, ça m'est assez indifférent. D'ailleurs, ils vont venir ici, en commission, pour nous le dire, puis on leur demandera franchement s'ils pensent offrir des produits d'assurance pour ces chirurgies par des médecins non participants, qui, rappelons-le, sont déjà accessibles à nos concitoyens quand ils paient de leur poche. Alors, ce n'est pas logique de dire: Bien, on va laisser les gens payer, s'ils veulent, 12 000 $ puis on ne les laissera pas s'assurer pour ça. Il y a quelque chose qui n'est pas cohérent, à mon avis. Et, avant qu'un gouvernement veuille pousser l'expérience, entre guillemets, plus loin, à mon avis il va s'écouler de nombreuses années, parce que nul gouvernement, je crois, n'osera reprendre ce débat sans qu'on ait pleinement mesuré l'impact qu'aura eu l'ouverture très limitée qui est proposée ici, et uniquement pour les médecins non participants. Alors, j'y vois paradoxalement, et peut-être de façon surprenante pour vous, un gage de protection supplémentaire pour le système de santé.

Le Président (M. Copeman): Merci. Il y a une demande d'intervention de la part de Mme la députée de Taschereau, qui a besoin d'un consentement parce qu'elle... Je présume que ce consentement est donné.

Alors, malgré l'heure tardive, Mme la députée de Taschereau, la parole est à vous.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Merci, chers collègues, d'accepter que je prenne la parole, d'autant que je viens de découvrir que, ce soir, intervenait un groupe que je connais bien, qui est de notre circonscription, puisque beaucoup de parlementaires habitent dans ma circonscription, quand ils vivent dans la capitale nationale... Alors, bienvenue, l'ACEF, M. Falardeau, M. Dagenais, que je connais bien. Je suis heureuse de vous entendre, je connais vos préoccupations, entre autres pour l'aide aux personnes et aux groupes les plus pauvres ou ayant des problèmes soit permanents, soit temporaires. Vous êtes extrêmement efficaces dans le soutien aux personnes, je le sais, je le vois, je vois souvent les travaux que vous faites, et vous êtes en plus un collaborateur de mon bureau de circonscription. Quand on travaille, là, c'est un des organismes... On connaît, dans chaque comté, les organismes qui nous donnent des coups de main puis qui s'occupent du monde. Souvent, on dit que nous sommes là pour aider des gens qui aident. Bien, vous êtes de ces gens qui aident dont on a tant besoin.

Vous abordez une des réflexions importantes avec le ministre, je vous écoutais tout à l'heure, qui est celle de la contribution des citoyens et des citoyennes au système de santé. Avant, ça ne se faisait que par le biais de notre impôt, nos taxes. Maintenant, il y a une ouverture très légère ? ça, je le comprends bien, j'ai suivi un peu les travaux de la commission ? très minime, mais qui est quand même une ouverture sur l'assurance privée. Et, en introduisant l'assurance privée, on introduit la contribution des citoyens de façon différente. Vous le soulignez bien dans votre mémoire. Et la grande question, c'est: Est-ce que cela s'arrêtera là? C'est la grande préoccupation. Le ministre, là-dessus, jusqu'ici dans les travaux, a été assez clair, il a dit ? je viens de le réentendre: Ça m'étonnerait qu'on réouvre ce dossier-là. Mais, puisqu'on est dedans, parlons-en, ça fait partie... donc, c'est aujourd'hui qu'on peut en débattre. Puisque ça prendra tant de temps avant qu'on en débatte, profitons de l'expertise de gens qui viennent ici.

L'assurance privée, ce n'est pas la gratuité. L'assurance, ça se paie, ça vient des poches. C'est donc une contribution citoyenne. Il y a des gens donc qui vont porter le poids financier de l'assurance privée, parce que, l'humanité étant ce qu'elle est, s'il y a possibilité de passer outre à une file d'attente, même minime, même minime, elle serait minime, là, il y a toujours quelqu'un qui voudra aller plus vite et passer immédiatement. Ça, on est d'accord là-dessus. Donc, il y a un poids financier qui va arriver à certaines personnes. Et il y a une contrepartie qui est un peu le poids du déséquilibre que ça pourrait amener à long terme sur les services, sur la répartition des médecins sur le territoire ou ? et là je pense que c'est quelque chose qui vous interpelle particulièrement ? selon un certain type de clientèle qui a tendance à être moins couvert, je pense aux personnes âgées, aux personnes vivant des problèmes de santé mentale, des problèmes de toxicomanie. Ce sont des types de services où il est plus difficile aussi d'aller chercher parfois un bon quota de médecins pour livrer un bon service dans une région, là, on le sait, parce que c'est difficile, parce que ce sont des cas qui prennent du temps, de l'énergie, ce sont des bons secteurs.

Ce que je me demandais... Vous avez parlé, tout à l'heure, du budget du confort minimum. D'abord, c'est une expression que je ne connaissais pas. J'aimerais ça vous entendre dire qu'est-ce que c'est que le budget du confort minimum. Et vous l'avez attaché au problème de la prévention qui est finalement la solution de l'avenir, si on veut vraiment intervenir sur le système de santé pour l'avenir, si on se lance dans des projections. Des projections de 40 ans, c'est un peu des... c'est des prédictions finalement, c'est tellement loin. Mais, si on se lance dans l'avenir, est-ce que ce n'est pas... Qu'est-ce que vous pensez, là, du fait d'intervenir plus en prévention? Est-ce que vous pensez que ça aurait pu être une solution ou que ça ne pourrait pas être une solution à long terme à ces problèmes?

M. Dagenais (Richard): Il est clair que, pour nous, c'est important d'avoir une vision de long terme, d'avoir une vision de développement durable, d'avoir une vision où finalement les problématiques vont être considérées dans leur ensemble. Et toute la question de la lutte à la pauvreté fait partie de la question de la prévention.

Le budget du dispensaire... Le dispensaire, c'est un organisme à but non lucratif qui travaille depuis les années cinquante auprès des ménages et des familles à très faibles revenus. Donc, il a évalué ce que coûtait un panier pour l'alimentation à partir des recommandations, par exemple, sur l'alimentation nécessaire pour une personne, par exemple, sur la question des exigences minimales pour un loyer, par exemple, un logement, le minimum pour le vêtement, etc., et donc il a évalué ce que ça coûtait pour chaque personne, par exemple, et pour une famille de vivre dans la région de Montréal, et il établit donc à chaque année ce que ça coûte, le coût de la vie pour les besoins minimums, les besoins essentiels. Et c'est à partir de ça qu'on voit qu'il y a une différence quand même... son évaluation est plus élevée de l'ordre de 2 000 $, dépendamment, là, des personnes et de la taille de la famille, là, par rapport à l'aide sociale, par exemple, etc. Alors donc, il y a un écart important des besoins qui ne sont pas satisfaits actuellement par l'aide sociale, et encore plus fortement, finalement, pour les gens qui sont reconnus aptes au travail, qui ont une pénalité, si on veut, relativement aux gens qui sont inaptes au travail. Alors, à quoi ça sert? Ça sert donc à évaluer c'est quoi, les besoins essentiels, et ce que ça coûte pour les personnes, pour subvenir aux besoins minimums dans la vie courante.

n(21 heures)n

Mme Maltais: O.K. Et c'est parce que... brièvement, c'est qu'on comprend que la Cour suprême s'est penchée sur le problème des délais d'attente en disant: Il y a une charte d'égalité des droits, et l'accessibilité aux services est un droit. Mais il y a un autre droit à côté, qui est énorme, qui est le droit à l'égalité des chances et à une vie, une durée de vie normale. Et on sait que, dans les secteurs plus défavorisés, bien la durée de vie carrément, l'espérance de vie est plus courte, et ça, on n'est pas dans les solutions, de ce côté-là, là. Donc, finalement, la Cour suprême s'est penchée sur un problème plus pointu, mais on a, au-delà de ça, un problème plus fondamental.

M. Dagenais (Richard): Moi, j'y vois une opposition entre les droits individuels versus les droits collectifs finalement, à savoir, par exemple, est-ce qu'on va pouvoir maintenir l'intégralité du système public actuel. Pour nous, l'ouverture aux assurances privées pose problème. C'est un développement plus important finalement du système privé, ça va permettre donc de financer... En réduisant le risque sur un groupe finalement, les risques de santé, donc ça va faciliter l'accès à un financement privé, à avoir des assurances, et donc ça va développer... pour nous, ça va être un mode de développement du secteur privé. C'est ça, le problème qu'on voit. Et on a beau dire: On va essayer de limiter l'attrait pour l'assurance privée, dans la mesure où l'assurance privée permet d'avoir des services plus rapides finalement, il va toujours y avoir de l'intérêt finalement pour des groupes de personnes qui ont les moyens de se payer des assurances.

Et là, la question, c'est de savoir: Est-ce que le gouvernement va pouvoir limiter le transfert des médecins vers le réseau privé? Je n'en suis pas certain, étant donné que, si on reconnaît le droit à l'assurance, à mon sens, la logique, c'est de permettre aussi qu'on puisse offrir les services correspondant à l'assurance. Alors que, si c'est la question du financement puis c'est payé en argent, c'est sûr que la problématique ne se pose pas de la même façon. C'est-à-dire que les gens vont payer pour des services qu'ils peuvent s'offrir finalement, dans la mesure où il y a une disponibilité de services. Mais par contre, si vous avez une assurance, vous vous attendez d'avoir en échange les services pour. Alors là, la problématique est drôlement différente.

La Présidente (Mme James): Alors, M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci. Merci beaucoup d'être venus, là, comme vous dites, là, à cette heure que vous considérez, je ne sais pas, préoccupante pour notre santé, et tout ça, là. Mais merci, merci de votre présentation.

Évidemment, nous aussi, dans Lanaudière, avec le bureau de circonscription, à Joliette, on travaille beaucoup avec les ACEF, notamment sur tout ce qui s'appelle les budgets des personnes les plus... qui sont justement à faibles revenus et qui ont de la difficulté bien souvent non seulement, bon, à organiser ces faibles budgets là pour s'assurer de couvrir l'ensemble des besoins nécessaires, mais il y a aussi tout l'effort des ACEF par rapport justement à cette prévention-là.

Parce qu'on le sait tout le monde, et de fait, ça fait quand même un petit bout qu'on a d'ailleurs les débats ici: tant on va garantir l'accès pour tout ce qui est médicalement requis, et toute cette réflexion-là est importante, mais, de plus en plus, il y a des groupes qui nous amènent avec le concept du socialement requis ou socialement nécessaire aussi, là, qui est quelque chose qu'on devrait aussi prendre en considération. C'est bien beau de se donner des obligations, de notre côté, pour des soins en termes de santé, mais une société doit aussi avoir à quelque part, à l'intérieur de ses valeurs, de son organisation, certaines obligations par rapport à ce qui est socialement nécessaire aussi et ce qui est important. Et la loi n° 112 tendait à nous amener vers ça, toute cette réflexion-là d'ailleurs, la Loi visant à lutter contre la pauvreté, vous en faites mention d'ailleurs.

Vous êtes un élément... en tout cas, du moins pour ce que j'en connais, dans mon coin, vous êtes un élément important de prévention. Parce qu'on sait très bien qu'une personne qui arrive avec des ressources limitées, bien on a beau parler d'alimentation, on a beau parler du mot «nutritif», «nutritif», c'est bien sympathique, là, comme mot, là, mais à partir du moment où est-ce que les ressources sont limitées, on y va vers le «nourrissant»: Ça va me remplir le ventre; peu importe les qualités énergétiques, et de vitamines, et de ci, et de ça, au moins je n'ai plus faim quand j'ai terminé de manger ce repas-là. Ça fait que c'est la première condition parce que mes ressources sont tellement limitées que je vais y aller sur... Même chose pour le logement: Au moins, tu sais, il ne neige pas sur ma tête. La même chose pour les vêtements: Ce n'est peut-être pas des vêtements griffés, mais au moins ça m'habille. Puis c'est toujours le «au moins ci», «au moins ça», alors on est toujours sur les... vraiment quelque chose de base.

Et les concepts de prévention ne sont pas des concepts de: Est-ce que je finis ma journée avec «au moins je n'ai pas trop froid», «au moins je n'ai pas trop faim»?, mais bien, le concept de prévention, c'est comment se projeter dans l'avenir pour que non seulement, aujourd'hui, je fasse des actions qui aident à me nourrir, mais en plus soient nutritives en termes de santé, parce qu'à terme le corps est quelque chose qu'il faut que je fasse attention.

Vous voyez, là, que la lutte à la pauvreté est l'élément fondamental, il me semble, et c'est important que vous l'ayez amené, l'élément fondamental qu'on doit prendre en compte pour amener la logique de prévention. Parce qu'une logique de prévention sans lutte à la pauvreté, bien, s'appuie sur quoi? Sur pas grand-chose lorsqu'on connaît les réflexes très importants des gens, les réflexes de survie que les gens peuvent avoir. Alors, merci de nous apporter ça.

Mais, d'un autre côté, il y a le concret des orientations du ministre. Et j'aimerais entendre là-dessus. À partir du moment où est-ce qu'on a des cliniques affiliées, on a un réseau, on a un réseau public qui veut se donner des cliniques affiliées qui vont être privées mais qui vont être intégrées dans le réseau public quand même, à partir du moment où est-ce qu'on veut en développer une à Québec, à partir du moment où est-ce que vous êtes un acteur de Québec qui luttez aussi contre la pauvreté, qui avez ces éléments-là de prévention, qui avez une vision du milieu ici, bien, quelles sont les règles à suivre? Comment cela s'intègre ici? Quelles sont vos attentes par rapport à ce type de clinique là, s'il y en avait?

Je sais que vous en faites un peu mention dans votre document, mais à partir du moment où est-ce que ça risque de voir le jour ici, à Québec, quelles sont vos attentes, puis vos mises en garde, puis les considérations par rapport à ce type de cliniques là?

M. Dagenais (Richard): Ce que je comprends, c'est que les cliniques spécialisées vont être là pour répondre d'abord aux besoins identifiés par les hôpitaux, par le secteur public donc, pour répondre à des besoins bien spécifiques. Et là il y a la question de la logique marchande: est-ce que ça va affecter, par exemple, la qualité des services, le risque que les citoyens vont avoir à supporter finalement, lorsqu'ils vont être traités, et tout ça. Et j'ai fait référence à la question de la qualité et de la sécurité des citoyens, et il peut avoir des impacts finalement, si on a un système privé, sur la qualité des soins, soit, par exemple, en limitant le personnel dans les cliniques pour maximiser les profits, par exemple.

L'autre point, je pense, important, c'est que la question du risque acceptable, pour moi, est différente pour la société que pour les entrepreneurs privés. Lorsque les questions de profitabilité interviennent dans l'évaluation du risque acceptable, pour moi, on va tendre à minimiser la question du risque acceptable lorsqu'on veut finalement maximiser la question des profits. Et c'est pour ça que, d'une part, on questionne la pertinence d'aller vers des cliniques privées versus des cliniques, par exemple, spécialisées qui pourraient être du domaine public.

L'autre élément, c'est à savoir: Est-ce que c'est socialement acceptable, finalement, c'est dans l'intérêt... Ça peut être finalement dans l'intérêt de dire: On a des cliniques qui sont spécialisées, qui vont maximiser peut-être les rendements, réduire les coûts, etc., mais on n'est pas certains, avec la façon dont les coûts vont être établis, vont être négociés finalement, que ça va vraiment minimiser les coûts, là. Parce qu'on fait référence aux coûts dans le public, par exemple, puis qui ont un autre mode de fonctionnement, etc. Alors, il n'est pas certain qu'on va minimiser les coûts de cette façon-là, là. Il faudra... C'est un élément important, la question de la négociation puis du contrôle des coûts par rapport au privé.

L'intérêt, par exemple, des citoyens dans les cliniques spécialisées: d'une part, ils vont avoir des services qui vont être limités, et ça va se passer dans des endroits où il va y avoir une clientèle suffisante. Et donc, en région, tout ça, il y a des régions où je pense qu'il n'est pas question de penser à des cliniques spécialisées. Donc la question de l'accessibilité, elle se pose aussi.

Puis, pour moi, la question... J'ai dit tantôt: La question du conflit d'intérêts ou du double statut, pour moi, elle est encore en place, là. Ce n'est pas certain que tu vas pouvoir assurer un contrôle strictement serré sur la question des frais supplémentaires, tout ça, que tu peux exiger à la population, là.

M. Valois: O.K. Bien, en tout cas, je vous remercie. Déjà, j'ai déjà le président qui me fait signe. Merci beaucoup d'être venus ce soir nous présenter votre éclairage particulier.

Le Président (M. Copeman): Me Falardeau, M. Dagenais, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'ACEF de Québec.

J'invite immédiatement les représentants du Carrefour Humanisation-Santé à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 9)

 

(Reprise à 21 h 10)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Et, malgré l'heure, il nous fait toujours plaisir d'accueillir les représentants du Carrefour Humanisation-Santé. M. le président Delorme.

Carrefour Humanisation-Santé

M. Delorme (Michel): Oui, c'est moi.

Le Président (M. Copeman): Bonsoir.

M. Delorme (Michel): Bonsoir.

Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour votre présentation; je vais vous indiquer quand il reste trois minutes, pour mieux vous aider à conclure; et il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent. Je présume que c'est M. Sévigny?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Copeman): C'est relativement facile quand il y a deux noms: quand une personne s'est déjà identifiée, on prend une chance puis on présume que l'autre personne, c'est M. Sévigny. Ça va bien à date, hein?

M. Sévigny (Jacques): Malgré l'heure tardive.

Le Président (M. Copeman): Malgré l'heure tardive, exact, exact, qui peut nous jouer des tours parfois. Alors, nous sommes à l'écoute, messieurs.

M. Delorme (Michel): Merci. Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonsoir et merci de nous accueillir. C'est avec joie et fierté mais aussi un peu avec nervosité, parce qu'on n'est pas habitués, Carrefour Humanisation-Santé, de se présenter devant une commission parlementaire, c'est la première fois... de réagir sur une partie du document, parce qu'on n'avait pas la capacité de réagir sur l'ensemble du document, alors sur Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mais, comme je le mentionne dans la préface de notre mémoire, Carrefour Humanisation-Santé s'est senti interpellé vivement à réagir dans le cadre de cette consultation générale. C'est ainsi que les membres du conseil d'administration ont voulu déposer ce mémoire.

Carrefour Humanisation-Santé est un organisme qui existe depuis plus de 26 ans. La mission de Carrefour... est une association sans but lucratif qui vise l'humanisation des milieux de soins et de services de santé en s'inspirant des valeurs judéo-chrétiennes. Les valeurs qui animent Carrefour sont: promouvoir l'humanisation des soins de santé en se préoccupant du respect de la personne dans toute sa dignité en reconnaissant les besoins spirituels en chacun de nous, en préconisant la tendresse et la compassion dans tous les gestes et toutes les attitudes, en soutenant l'importance d'une justice sociale pour tous, peu importe le statut et les origines, en s'appuyant sur l'enseignement évangélique.

Avant de laisser la parole à mon collègue, M. Jacques Sévigny, qui est membre du conseil d'administration de Carrefour, qui va vous présenter les grandes lignes de notre mémoire, je désire vous dire qu'on avait un troisième membre qui devait venir, mais, à cause de l'heure tardive et qu'il devait... un jeune papa qui devait être tôt à la maison, le lendemain matin, il a dû donc se désister.

Mais je désire aussi rappeler que les membres de Carrefour Humanisation-Santé siègent tous en tant que membres bénévoles et à titre personnel. Notre action n'a donc aucune visée partisane. Je laisse donc la parole à Jacques.

M. Sévigny (Jacques): Alors, bonsoir. Alors, comme l'a dit Michel, nous touchons le chapitre 2, Organisation des services; chapitre 5, Amélioration de l'accès; et chapitre 6, Financement. Je ne ferai pas une relecture du mémoire, je vais tenter un peu d'étayer ou d'étoffer certains éléments.

D'abord, on est en accord avec le concept de toute la... le document de consultation, on le trouve très nuancé. Et, quand on parle, entre autres, de la réforme actuelle, on fait une mise en garde par rapport aux employés du réseau actuellement qui vivent des changements très importants. Alors, notre réflexion, c'est que ces employés-là ont quand même une certaine frustration à l'heure actuelle parce qu'ils ont perdu beaucoup de points de repère: les points de repère, entre autres, des conseils d'administration et des directions; les points de repère des fois des centrales syndicales qui étaient là; la perte d'une vision commune aussi, pour l'organisme ou en tout cas l'établissement où ils sont.

Et tout ça nécessite peut-être qu'il y ait une préoccupation très importante pour l'évolution du dossier, en sachant que ce personnel-là a besoin de changer de culture, de se redonner une vision, de se redonner une mission, de se redonner une fierté dans les CSS maintenant, qui sont de tout autre ordre. Alors, on pense que ça va prendre du temps, mais qu'il est possible s'il y a une préoccupation de ça.

On a parlé dans notre mémoire, dans le fond, d'avoir des organisations de toute petite taille. Mais on sait que c'est difficile parce que la décision a été prise puis elle est sûrement bonne, mais peut-être qu'il faudrait penser à donner une autonomie décisionnelle éventuellement aux instances locales et des missions locales aussi à ces groupes-là pour que l'appartenance et la fierté revivent. Et ça, c'est des choses qui peuvent prendre des années, mais c'est possible de l'atteindre.

On sait aussi que ces gens-là ont perdu... On parle du ratio d'encadrement des gestionnaires, et souvent les solutions, c'est de couper l'administration. Sauf que, là aussi, on a une perte importante au niveau de l'encadrement des gestionnaires, et ce sont souvent des gens qui étaient soit directeurs généraux ou autres, qui avaient la crédibilité et la confiance de l'organisation. Alors, il faut rebâtir cette confiance-là, cette crédibilité-là avec d'autres personnes.

Dans les changements annoncés au niveau de l'organisation, on vous parle de certaines recommandations, dans notre mémoire, qui sont de tenter de placer l'humanisation des soins parmi les orientations stratégiques du ministère, ce qui veut dire qu'aussi ces orientations-là devraient vivre aussi dans chacun des établissements. Alors, Michel les a mentionnées tout à l'heure, on parle du respect, de la tendresse, de la compassion, de l'équité, de la justice et d'une certaine reconnaissance des besoins spirituels de la clientèle.

Nous avons aussi des points qui sont marqués dans nos recommandations, qui pourraient être des choses qui pourraient aider à la sensibilisation du personnel; entre autres, des campagnes de sensibilisation, peut-être aussi le principe de l'humanisation des soins, introduit dans le processus d'agrément des établissements. Et on pense aussi aux curriculums des établissements scolaires, les universités et les cégeps, qui pourraient avoir dans leurs curriculums des préoccupations de qualité d'approche en relations d'aide, ce qui pourrait aider finalement à la formation plus complète des intervenants en santé.

On pense aussi que la sélection des gestionnaires des établissements pourrait se faire en tenant compte justement de leur humanisme personnel et de leur volonté d'implanter des valeurs humanistes dans l'établissement. Et on souligne aussi qu'il faudrait tenter d'assurer une plus grande participation de la population dans la gestion du réseau.

Par rapport aux délais d'attente, on est d'accord avec les gestes et les intentions du gouvernement pour réduire les délais d'attente; on pense que ce sont vraiment des gestes humanistes de le faire. Notre prudence ou notre préoccupation, malgré le chapitre IV, qui est sur le contrôle de la qualité, c'est que dans le fond, quand on parle de quantité, on peut, en santé, peut-être, des fois, négliger la question de la qualité et de la nuance. Je vais vous rappeler une expérience que, moi, j'ai vécue dans un centre de réadaptation, et c'est avant votre temps, c'est il y a quelques... à peu près une décennie.

En ergothérapie, on préconisait des temps pour finalement traiter des personnes qui avaient été victimes d'accidents et qui avaient des diagnostics, et les temps étaient fixes, peu importent les personnes. Et on sait que, dépendant de l'encadrement de la personne, dépendant de ses capacités personnelles, de sa motivation personnelle, les temps de récupération peuvent être très différents dans un cas comme dans l'autre. Alors, c'est une préoccupation qu'on a, quand on pense à réduire les listes d'attente et qu'on pense à la quantité des opérations qui peuvent être faites: on pense aussi qu'évidemment il doit y avoir une grande préoccupation de qualité et de nuance dans les approches.

Par rapport aux enjeux de financement, on trouve que le constat est très réaliste, dans les documents qui sont présentés, et on veut vous amener... Malgré que, bon, évidemment, dans la question des pronostics des années vingt... 2020 à 2030, là, moi, je me souviens que, quand j'étais... dans les années soixante-dix, on nous annonçait qu'il y aurait, en 1973, une crise du pétrole et qu'on manquerait de pétrole dans les années quatre-vingt. La comparaison est peut-être un peu boiteuse, là, mais tout ça pour dire que je me méfie tout le temps des pronostics qui sont à très long terme, parce qu'évidemment la société a souvent tendance à s'ajuster de façon... pas naturelle, il faut la forcer, mais en tout cas je n'aime pas tellement les pronostics qui vont trop loin.

Et la réflexion qu'on voudrait vous apporter ? en complément à ce qu'on a mis dans notre document, qui est que, dans le fond, on sait que le vieillissement de la politique est un facteur mais on pense que les hausses des coûts de technologies et de médicaments sont des facteurs encore plus importants des dernières années, plutôt que le vieillissement de la population; alors la réflexion qu'on veut vous apporter ? c'est peut-être un peu plus d'un point de vue philosophique.

Yannick Villedieu, dans son livre Demain la santé, rappelait comment, au Québec, on n'a quasiment pas de limite par rapport aux attentes, et par contre on est tous dans un processus de finitude, de vieillissement, de maladie et de mort, éventuellement, et il y a peut-être des attentes trop grandes. Je ne sais vraiment pas, on n'a pas de recommandation à vous faire comment vous y prendre ou comment nous y prendre, mais il y a une sensibilisation à faire avec la population, que les attentes peuvent être trop grandes par rapport aux capacités de payer, tout simplement, et que la vie est faite comme ça. Et je pense qu'il y a des familles qui le vivent aussi, quand elles sont proches de situations de deuil, qui réalisent dans le fond qu'il ne faut pas faire de...

n(21 h 20)n

Une voix: ...

M. Sévigny (Jacques): ...acharnement ? c'est ça ? thérapeutique. Et bon ça pourrait peut-être être un des éléments que le ministère considère d'apporter de l'avant au niveau de l'information de la population.

Pour ce qui est des recommandations au niveau du financement, on est... D'abord, on aimerait que le principe du financement public, tel que défini dans le document, soit maintenu pour toute la population. On aime aussi le deuxième principe qui est présenté, qui est la comptabilisation d'un compte santé pour sensibiliser la population et que les gens aient une meilleure lecture, dans le fond, de ce qu'est la santé par rapport aux revenus et aux coûts. Et on est favorables à la mise en place d'une caisse mutuelle de financement des soins à domicile pour soutenir les personnes en perte d'autonomie, avec un bémol: on souhaiterait qu'il y ait vraiment une prudence pour que ce soit un vrai régime d'assurance, et que les pronostics aussi ne soient pas faits de façon... qu'ils soient faits de façon réaliste ? si on veut le mettre de façon positive. Moi, je me souviens que, dans les années quatre-vingt-dix, la Société de l'assurance automobile avait des excédents actuariels et que ces excédents actuariels là ont fondu dans d'autres comptes du gouvernement. Et donc il faudrait vraiment qu'il y ait une prudence et que cette caisse-là serve vraiment à ces fins.

L'autre réalisme ? bon, en même temps, ce n'est pas un reproche. L'assurance-médicaments a été évaluée d'une certaine façon, et par la suite il y a eu des hausses assez importantes dans les assurances-médicaments. Donc, le projet a été vendu à la population avec une certaine perspective et dans le fond cette perspective-là ne s'est pas réalisée.

Alors, c'est à peu près les commentaires que nous avions. On sait qu'il est tard, et c'était pour ajouter dans le fond au mémoire que vous avez déjà lu. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, messieurs. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Delorme, M. Sévigny. Même s'il est tard, on est toujours intéressés à entendre surtout des commentaires comme les vôtres, qui apportent un éclairage un peu différent ou décalé par rapport à ce qu'on entend habituellement en commission parlementaire.

Peut-être savez-vous qu'il existe, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, une chaire d'humanisation des soins en santé financée par la lieutenant-gouverneur, la fondation de la lieutenant-gouverneur, Mme Thibault. Je pense que c'est important. Ça montre qu'il y a une touche, même un intérêt académique. Et d'ailleurs, dans les cours de médecine, maintenant, cette question de l'humanisme est maintenant enseignée de façon beaucoup plus explicite qu'elle l'était auparavant, de même que ce qu'on appelle le professionnalisme, l'humanisme, des valeurs qui se ressemblent. Mais cependant, je dirais qu'il y a une limite à ce que la formation peut résoudre comme problèmes. Il y a des éléments fondamentaux de personnalité et d'attitude sur lesquels il est difficile de décréter ou de légiférer des changements, comme vous le savez.

Vous avez également apporté cet élément qu'il est toujours un peu gênant d'apporter dans nos sociétés occidentales, mais, lorsqu'on voyage un peu, on se rend compte que les attitudes devant ces questions varient énormément sur notre planète: toute la question de l'attitude par rapport à la souffrance, la maladie et la mort, qu'on essaie d'éloigner le plus possible de nos pensées alors qu'on est tous touchés au premier chef et qu'on s'inscrit dans ce phénomène-là également. Mais ça, je dirais que c'est un débat beaucoup plus large que celui qu'on entreprend ici, mais qu'il est valable cependant de rappeler.

Lorsque vous parlez des organisations, du financement, vous semblez avoir de l'affection pour le modèle coopératif ou des mutuelles. J'aimerais ça que vous nous parliez un peu plus de cette...

M. Sévigny (Jacques): Vous parlez, entre autres, dans les cliniques-réseaux, là?

M. Couillard: Oui.

M. Sévigny (Jacques): Oui. Bien, écoutez, c'est parce que, nous, on est en association avec des associations provinciales, dans d'autres provinces canadiennes, et vous savez qu'il existe encore des hôpitaux qui sont des anciennes propriétés, dans le fond, des communautés religieuses et qui sont opérés sans but lucratif, et, bon, la qualité des soins y est excellente. Et dans le fond je pense que ce qui préoccupe beaucoup, des fois, la population, c'est que des gens fassent de l'argent sur des questions de santé et de souffrance. Et on pense que peut-être que c'est un modèle qui pourrait être intéressant, si des cliniques-réseaux pouvaient être développées mais avec des organismes sans but lucratif.

M. Couillard: Il y a cependant, M. le Président, des exemples qui montrent qu'il y a de l'intérêt pour ces formules-là. Par exemple, dans le domaine du logement, particulièrement le logement pour les personnes âgées, les organisations sans but lucratif ou les coopératives d'habitation deviennent de plus en plus des propositions concrètes sur le terrain.

Dans le domaine de la santé, comme vous le savez, il y a des exemples de coopératives qui éclosent actuellement un peu partout, là, sur notre territoire. Mais cependant il y a toujours un risque, hein? C'est que, qui dit coopérative dit contribution de quotes-parts, part sociale. Une coopérative, c'est bâti comme ça. Et la plupart du temps, c'est bien fait, mais on a vu que parfois ? et rarement, heureusement ? il y a un petit glissement où la part sociale devient le facteur conditionnel au fait d'obtenir des soins. Et là je pense qu'il faut... Comment est-ce que vous envisagez la balise là-dedans, là? Ce n'est pas évident, hein?

Parce que, si on fait une coopérative dans un village de la Mauricie, par exemple ? et notre consoeur du comté de Champlain est là, puis c'est une région qu'elle connaît bien, puis il y a des exemples de coopératives là ? si c'est des parts sociales pour participer à un projet, par exemple le coût d'une clinique ou bien des services non assurés autres, comme la nutrition, ces choses qui sont à part des services proprement médicaux, ça peut aller, puis je pense que les citoyens l'accepteraient, surtout dans les localités où ils veulent garder les équipes médicales chez eux, mais dès qu'on lie la part sociale à la possibilité ou non d'avoir des soins, je pense que vous allez être d'accord avec moi, là, ce n'est pas très humaniste comme approche, là.

M. Sévigny (Jacques): Non. Et puis dans le fond ce n'est peut-être pas l'angle qu'on visait tellement. Parce que le modèle que l'on a est plus d'organismes, soit comme des communautés religieuses ou des fondations, qui ont un intérêt particulier en santé et qui oeuvrent dans ce domaine-là. Donc, ce n'est pas nécessairement une mutualisation comme telle.

Et, écoutez, ce n'est pas pour me défiler non plus, mais l'idée des cliniques-réseaux sans but lucratif a été apportée justement par la personne qui est absente. Et j'ai essayé de communiquer avec elle hier soir, pour un peu mieux comprendre cette approche-là, là, mais je n'ai pas plus d'information à vous donner là-dessus.

M. Couillard: On a eu une proposition aussi, en commission, lorsqu'on parlait de prévention, de coopératives régionales. D'ailleurs, je pense qu'il y a un projet en Mauricie, actuellement, qui fait l'objet d'une expérience pilote de coopérative basée sur la promotion de la santé et la prévention. C'est qu'on dit aux citoyens d'un territoire de CSSS: Bien, comme on est en charge de la population pas seulement pour les soins, mais pour la qualité de vie puis le bien-être, bien on va se mettre ensemble puis on va se doter d'un outil collectif pour investir plus en prévention-promotion qu'ailleurs. Apparemment, les citoyens sont intéressés par ça puis sont prêts à embarquer là-dedans. Moi, j'ai été très intéressé par cette idée-là.

M. Sévigny (Jacques): Bien, je sais... Il y a aussi, je pense, des modèles européens, malgré que c'est loin un peu, là. J'avais lu, lors de... J'ai assisté à quelqu'un qui faisait sa maîtrise en administration de la santé, puis il y avait des modèles aussi, en Europe, qui donnaient aux régions, dans le fond, des incitatifs financiers pour réussir, dans le fond, avec certains ratios, à améliorer le mieux-être des populations. Et c'est une autre formule peut-être qui a eu un certain succès. Mais je n'ai jamais connu les conclusions de ça.

M. Couillard: Est-ce que votre association est active avec les comités d'usagers? Il me semble que j'écoute votre discours puis, s'il y avait des représentants qui véhiculent ces valeurs-là et ces discours-là dans nos comités d'usagers, au niveau des établissements, il me semble que ce serait une valeur ajoutée certaine. Est-ce qu'il y avait au moins des liens? Il y a une association des comités d'usagers, il y a le Conseil de la protection des malades.

M. Delorme (Michel): ...des liens avec le CPM et des fois quelques conseils d'usagers de certains établissements, oui, ça arrive à quelques occasions.

M. Sévigny (Jacques): Mais c'est peut-être une proposition qui devrait être intéressante pour nous parce qu'on cherche à créer des partenariats. Comme Michel le disait tout à l'heure, nous sommes des bénévoles; il y a une personne à quatre jours-semaine seulement, dans notre organisme. Et donc on cherche à créer des synergies ou des partenariats, puis peut-être que celle-là serait intéressante.

M. Couillard: Oui. Bien, il existe le Conseil de protection des malades, qui est un organisme très important bien connu. Il existe également le Regroupement provincial des comités d'usagers. Nous, on veut donner une voix, là, très forte aux usagers dans la gestion du système de santé, et, si c'est abordé sur le plan de l'humanisation des soins, je pense que c'est une belle contribution éventuelle à faire. Je sais que vous avez des ressources limitées puis que vous avez beaucoup de sujets d'intérêt, mais voilà peut-être une avenue à considérer, disons. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Joliette.

M. Valois: Bien, d'abord, vous remercier, remercier de votre présentation, remercier de vous être déplacés ce soir pour nous remettre votre contribution. Évidemment, vous vous placez souvent, et je pense que c'est tout à fait normal de le faire... Mais j'aimerais quand même avoir ? ça va être bête comme question, là; mais j'aimerais quand même avoir ? plus de... Parlez-moi un peu plus de l'humanisation. Parce que vous dites: Il faudrait en avoir comme critères, par rapport au processus d'agrément des établissements, que ça devrait être un critère par rapport même à l'embauche de personnes qui vont venir à la direction de ces établissements-là. Élaborez, s'il vous plaît.

n(21 h 30)n

M. Sévigny (Jacques): Bien, certainement. Écoutez, d'abord, quand on parle d'intervention auprès de la clientèle, si on parle de peut-être des spécialistes, il faut que les spécialistes comprennent que, quand tu es en état vulnérable, tu es en état un peu de panique par rapport à une situation, tu as besoin de quelqu'un qui va vulgariser et qui va prendre le temps de t'expliquer ta situation de façon plus réaliste. Ça, c'est une forme de respect par rapport aux personnes, à la dignité des personnes puis à leurs choix aussi, à leur liberté de faire des choix.

L'idée des codes d'éthique qu'il y a eu dans certains établissements sont des notions très importantes parce que, dans le fond... Moi, j'ai participé à l'établissement d'un code d'éthique dans un établissement; on a tenté, avec la clientèle qui était en soins de longue durée et réadaptation et le personnel, d'établir quels étaient les principes sur lesquels on était en accord pour... quelles sont les valeurs qu'on voulait faire vivre, et, un coup qu'on était d'accord avec les principes puis les valeurs, il fallait définir les comportements qui étaient attendus dans l'organisation.

Je peux vous donner des exemples, mettons, de deux personnes qui sont en train de s'occuper d'une personne âgée dans une chambre et qui parlent, au-dessus du lit, de leur samedi soir, alors que la personne est là à recevoir des traitements. Puis ça, c'est une question de respect et de dignité de la personne, c'est une question de compassion, et c'est de s'intéresser à la clientèle.

Même je connais des gens qui, vous savez, font de l'entretien ménager dans les hôpitaux et connaissent le nom de la clientèle et connaissent un peu leur vie. Et ça fait partie, dans le fond, des préoccupations. C'est que, quand quelqu'un entre comme patient en soins de longue durée particulièrement ? parce que c'est un peu mon expérience ? et en réadaptation, on ne doit pas les traiter comme une maladie ou une personne vieillissante, on doit connaître un peu leur histoire et s'intéresser à ces personnes-là qui continuent leur vie, dans le fond.

Alors, c'est à travers peut-être des codes d'éthique mais qui vont loin dans l'organisation, jusqu'aux comportements qui sont attendus et qui sont validés un petit peu par les chefs de service et les employés. Mais c'est souvent les employés qui nous amènent ces réflexions-là quand ils sont sensibilisés aux besoins de la clientèle sur cet aspect-là.

Évidemment, nos principes aussi d'humanisation de soins, ça touche aussi la justice sociale, parce que la santé, comme il a été souligné dans la présentation avant nous, touche aussi la question de la pauvreté. Et vous savez sûrement que, dans l'île de Montréal, il y a des régions, il y a des secteurs de l'île de Montréal où l'espérance de vie est de 72 ans et, 3 km plus loin, l'espérance est de 82 ans, et les seules différences entre ces quartiers-là, c'est les niveaux de richesse, la qualité des maisons, peut-être la qualité de l'alimentation. Alors, notre préoccupation d'humanisation, c'est plus large que seulement les hôpitaux, finalement.

M. Valois: Je vous posais cette question-là, que je trouvais assez importante, parce que j'ai quand même travaillé six ans dans le réseau, comme préposé, pour payer mes études, puis... Bien, six ans, lorsqu'on travaille six ans, ce n'est pas simplement pour payer des études, c'est parce qu'à un moment donné on y prend goût, hein, aussi, à travailler dans ce réseau-là. Travaillé en gérontologie et aux soins palliatifs de l'Hôpital Notre-Dame, puis je vous dirais que les critères qui ont fait en sorte que je me suis retrouvé sur ce département-là, lorsque justement on m'a offert un temps partiel sur le département, allaient exactement dans le sens de: on avait une clientèle qui était spécifique, en termes de besoins de rapports humains importants, notamment aux soins palliatifs, et ça, c'est déjà pris en considération, on le sent.

Parce qu'au-delà du fait... Parce que, bien souvent, on va avoir l'air de gens qui discutent des structures puis de la mise en réseau de structures, puis il y a une importance de discuter de ça aussi, de cette synergie-là puis la mise en réseau de ces structures-là, les fusions, où vous sentez que la structure en tant que telle commence à être déshumanisante. Mais il ne faut pas oublier qu'à l'intérieur de ces structures-là qu'on veut mettre en réseau ensemble il y aura toujours que le rapport de soins sera fait d'un humain à un autre humain et que ça, là, peu importe si c'est à l'Hôpital Notre-Dame ou si c'est, à la limite, je dirais, à la ressource intermédiaire, bien ça existe, ça.

Et ça, moi, pour avoir travaillé dans ce qu'on pourrait appeler un gros hôpital de Montréal, là, la réalité, c'est qu'il faut aussi avoir confiance au fait qu'il y a déjà, du fait que ces gens-là qui arrivent pour travailler ont été formés, ce sont des gens qui... Et, dans la formation, il y a... ça fait partie, comme vous le disiez, de l'éthique, de l'éthique professionnelle des gens qui arrivent dans ces milieux-là. Et ça, on pourrait toujours trouver des anecdotes pour faire en sorte que, oui, à un moment donné, il y a des personnes qui ont discuté de leur samedi soir ? soit celui passé, soit celui à venir, ça dépend de où... bon, de ce qu'ils avaient le goût de discuter ? puis il y a un manque d'éthique là. Mais il faut quand même avouer qu'il y a déjà beaucoup de ça dans notre réseau. Il y a déjà beaucoup d'humanisme, moi, je dirais.

Moi, je me rappelle même d'avoir voté des grèves ? je me rappelle, c'est en 1989...

Une voix: ...commencé jeune.

M. Valois: ...oui, j'ai commencé jeune à voter des grèves, oui; et puis... d'avoir voté des grèves ? et que le vote s'était fait avec des gens aux larmes, là, parce qu'on savait ce qu'on faisait en votant ces grèves-là, parce qu'on savait l'impact que ça allait avoir sur les gens de nos départements. Ce n'est pas qu'on n'est pas conscients de ça. Puis on savait que c'était pour eux autres qu'on le faisait, ce n'est pas...

Il ne faut pas penser non plus que, lorsqu'on parle de ces structures-là, ils sont désincarnés totalement et que, bon, cette réalité-là n'est pas là. Et, en ce sens-là, à la limite, je vous remercie de rappeler que ce point-là est important. Mais il est important aussi de dire que... puis je pense que vous en avez fait mention, que ça existe déjà aussi et que vous êtes partie prenante aussi des comités d'éthique et dans différents lieux.

M. Sévigny (Jacques): Dans les faits, c'est que, si on veut que, dans une organisation... Oui, le personnel des fois, par ses propres valeurs, sa propre formation, ces gens individuellement répondent bien à ça et respectent les individus. Mais, pour que quelqu'un aussi ait une fierté de travailler dans une organisation, il faut qu'il y ait une forme d'énoncé de vision de la mission dans laquelle tu te retrouves et tu sais que tu es partie prenante d'un organisme dont tu es fier.

Et, en partant de ça, il y a dans le fond une façon de faire, dans cette organisation-là, et c'est de là, quand on dit qu'il faut placer l'humanisation des soins parmi... ou les valeurs que ça reflète parmi les orientations stratégiques du ministère, ça veut dire qu'il faut aussi que les CSS l'aient, puis il faut aussi que les établissements l'aient, et il faut que ça parte d'en haut jusqu'en bas. Et, un coup que la mission, qui est une mission, mettons, de fierté, est dictée, est donnée, bien je pense que les gens le vivent encore plus facilement, ça, leur façon de s'occuper de la clientèle.

Mais je suis d'accord avec vous que, écoutez, il y a des très bons soins et il y a des très bons employés dans le réseau. Et on n'est pas en train de dire que ça n'existe pas. On veut juste dire qu'il faut prendre des moyens pour s'assurer que la relation d'aide, qui est primordiale ? vous le savez, si vous avez travaillé comme préposé ? dans les soins soit de la meilleure qualité possible et puis que les gens qui l'exécutent soient sensibilisés à des choses des fois qui sont simples mais que les gens ne connaissent pas.

Il y a déjà quelqu'un qui m'a dit: Écoutez... On lui avait dit de vouvoyer la clientèle. Il nous a dit: Écoutez, merci de me le dire; je n'étais pas conscient que je pouvais un peu l'insulter. Mais ce n'est pas mal... ce n'est pas quelqu'un qui est malin. C'est une question des fois d'éducation ou de compréhension des choses.

M. Valois: Vous avez tout à fait raison. Nous autres, ce qu'on appelait les gens de l'équipe volante, lorsque les gens de l'équipe volante débarquaient sur les départements, notamment les départements aussi pointus que les soins palliatifs, et que, plutôt que de l'appeler par leur nom ? parce que, nous, on les appelait par leurs noms de famille, bien sûr ? et qu'ils commençaient en disant: Le 5234b, on comprenait, là. C'est comme si... bon, il aurait crié des noms que ça aurait été la même chose, là, tu sais? Ce n'était pas accepté. Mais il y a aussi cette réalité-là, il faut... Mais on est tous partie prenante de ça.

Maintenant, juste pour être bien certain, là, vous êtes... à ce que je comprends, vous êtes en faveur d'un régime d'assurance collective contre la perte d'autonomie? C'est plus spécifiquement là-dessus?

M. Sévigny (Jacques): Bien, en fait, c'est le régime qui est proposé, qui est une assurance, là, pour dans le fond pallier aux difficultés de financement du réseau. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure.

M. Valois: O.K. Parce que, nous, ce qu'on a entendu de certains autres groupes, lorsqu'on cible plus sur la perte d'autonomie en disant que justement les besoins financiers seraient liés directement à la perte d'autonomie, c'est qu'il y a certains groupes qui nous disent, notamment les groupes de personnes... d'aînées, nous disent: Bien, on va comme cibler comme si c'était ce type de clientèle là, par leur vieillissement, par le fait qu'ils sont aînés et en perte d'autonomie, qui finissent par coûter cher, et qu'il faut se donner collectivement une caisse, et là on va comme pointer du doigt certains groupes de notre société qui ne veulent pas être pointés du doigt et qui veulent être respectés là-dedans.

Il y a même des groupes d'aînés qui nous ont dit: Je suis même prêt à dire au ministre des Finances: Moi, quand je casse mes REER ou quand je prends mes REER puis qu'il y a un impôt qui est perçu là-dessus, prenez-là puis, plutôt que de la mettre dans le fonds consolidé, mettez-là... pour que tout le monde voit que je continue à contribuer comme personne aînée, pour montrer que je ne suis pas juste quelqu'un qui est en demande de services mais qui est encore en train de contribuer puis d'être actif. C'est ce discours-là aussi qu'on entend de ce côté-là.

n(21 h 40)n

M. Sévigny (Jacques): Écoutez, nous autres, notre acceptation de ce principe-là, c'est qu'on constate qu'effectivement le fardeau est très élevé, que la richesse dans le fond qui est là... Dans le fond, ce qui est établi dans le document, c'est qu'on ne peut pas soit augmenter le niveau fiscal des individus, on ne peut pas réduire tant que ça la demande, puis il y a un vieillissement de la population. Donc, on pense que ce serait un bon principe d'essayer de mettre de l'argent de côté pour équilibrer dans le fond le financement du réseau. Donc, ce n'est pas spécifiquement pour un groupe dans la société, mais pour assurer dans le fond un mode de financement ou une sécurité, parce que... pour ne pas que le fardeau repose sur les épaules d'une petite partie de la population quand les baby-boomers seront dans des situations où ils auront besoin de plus de soins.

M. Valois: On en revient toujours aux baby-boomers... Bien, je vous remercie en tout cas de vous être présentés ce soir, avec votre contribution. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): M. Delorme, M. Sévigny, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Carrefour Humanisation-Santé.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission sine die. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 41)


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