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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Wednesday, June 7, 2006 - Vol. 39 N° 41

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures vingt-six minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'ouvre cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle notre mandat, qui a légèrement changé, hein, aujourd'hui. La formule est un peu différente. Nous sommes réunis afin de compléter la consultation générale et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par M. Valois (Joliette), Mme Charest (Rimouski) par M. Charbonneau (Borduas).

Le Président (M. Copeman): Je vous prie de mettre vos téléphones cellulaires hors tension, s'il vous plaît. Nous allons débuter dans quelques instants avec les représentants de l'Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec. Ce sera suivi par M. Lee Soderstrom, professeur à McGill. Et terminer la matinée avec Mme Amélie Quesnel-Vallée et M. Lee Soderstrom. Suspension le plus tôt ? à 13 heures ? possible. Un groupe en après-midi, avec les remarques finales par la suite.

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec, M. le président-directeur général Castonguay.

M. Castonguay (Paul): Oui.

Le Président (M. Copeman): Bonjour.

M. Castonguay (Paul): Bonjour.

Auditions (suite)

Le Président (M. Copeman): Vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous indiquer quand il vous en restera trois, pour mieux vous aider à conclure. Et il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation.

Ordre professionnel de la
physiothérapie du Québec (OPPQ)

M. Castonguay (Paul): D'accord. À ma droite, j'ai Mme Louise Bleau, qui est la directrice des services professionnels à l'Ordre professionnel de la physiothérapie, et à ma gauche j'ai M. Gaétan Coulombe, qui est directeur de l'amélioration de l'exercice à l'ordre professionnel.

D'entrée de jeu, j'aimerais remercier la commission de nous avoir entendus. Donc, merci, M. le Président, M. le ministre, les députés, mesdames et messieurs. C'est une opportunité pour nous de se faire entendre.

On a toujours fait, au fil des années, notre devoir d'ordre de commenter différentes positions du gouvernement. Si je peux me permettre un petit retour en arrière rapidement, en février 2001, on avait commenté la commission Clair. Simplement, on avait apporté les points suivants, qu'il était urgent de considérer, déjà en 2001, les besoins des personnes afin de déterminer la nature des services à leur rendre avant que soit revu le panier de services offerts. Donc, déjà à ce moment-là, d'analyser les besoins versus offrir l'offre de service, il était clair déjà en 2001 que les physiothérapeutes étaient des intervenants de première ligne, ce qui est déjà redit dans le rapport actuel de Garantir l'accès. Donc, faire appel à leur expertise doit être mis à contribution dans l'organisation des soins à la population.

n (11 h 30) n

On sait actuellement, et ça, ça avait été noté déjà en 2001, qu'un fort pourcentage de la population n'avait pas accès à des services de physiothérapie, ce qui n'est pas nouveau. Ça a continué. Et ce qui était noté aussi à l'époque, c'est-à-dire qu'il y avait peu de place qui était faite à l'apport substantiel des professionnels de la santé autres que les médecins et les infirmières. Il y a beaucoup d'autres professionnels de la santé qui offrent des services de première ligne. Donc, si on veut offrir des services ou un panier de services élargi, il faut aussi utiliser les services offerts par ces différents professionnels. Donc, toutes les compétences, le partage des tâches, et tout ça, doivent dépasser, finalement, simplement le cadre médecins-infirmières.

En 2005-2010, le gouvernement a fait une consultation, un plan d'action 2005-2010. C'était le Défi de solidarité. On avait commenté aussi à Mme Renée Lamontagne, qui est sous-ministre au ministère de la Santé et des Services sociaux. Dans notre commentaire, on donnait notre appui au document et on soulevait le peu de collaboration entre les services publics et les services offerts en public... en privé, c'est-à-dire. Donc, il y avait quelque chose à faire à ce niveau-là.

L'ordre, dans ses commentaires du 28 avril 2005, offrait sa collaboration, incluant des mécanismes de référence et de suivi pour assurer la continuité des services. On appuyait aussi l'offre de service énoncée afin de soutenir les personnes, en rappelant la présence de nos 6 000 membres physiothérapeutes et thérapeutes en réadaptation physique. Et on sensibilisait le gouvernement aussi à la nécessité d'une modification au Règlement sur les appareils suppléant à une déficience physique, ce qui est assuré par la Régie de l'assurance maladie du Québec. Et ça, on a eu une confirmation récemment, c'est des travaux qui vont être entrepris au courant de l'année qui vient.

En 2005, on envoyait une lettre aussi concernant le rapport annuel de gestion 2004-2005 du ministère de la Santé. Cette lettre-là a été envoyée au ministre Philippe Couillard. Donc, il y avait là-dedans une reconnaissance de la physiothérapie comme l'un des services de base en réadaptation. Et, nous, finalement on a ajouté là-dedans que le Québec, avec la présence de nos thérapeutes en réadaptation physique et les physiothérapeutes, on est la province qui offre le meilleur ratio finalement de services de physiothérapie à la population.

Si on regarde un peu les chiffres, en Ontario, le ratio, c'est 45 physiothérapeutes par 100 000 habitants. Au Québec, il est de 44 physiothérapeutes par 100 000 habitants. Mais on ne considère pas, dans ces chiffres-là, les 2 000 membres thérapeutes en réadaptation physique qui offrent des services. Donc, notre ratio est au-delà probablement de 50 ou 60. Il faudrait faire le calcul avec la population du Québec. Donc, on est la province qui offre le meilleur effectif de services professionnels en physiothérapie. Et je pense que c'est là un point important à retenir de la présentation d'aujourd'hui, surtout quand on veut parler de l'offre de service, comment on devrait réorganiser pour garantir l'accès de la population à des soins.

Ce qui nous amène aussi... On a quand même une bonne partie de nos membres qui sont en pratique privée. Donc, on a au-delà de 50 % de nos membres, 53 % des gens qui sont en pratique privée. Et la pratique privée en physiothérapie, c'est quelque chose qui existe depuis plus de 25 ans. Donc, les cliniques privées offrent des services aux patients qui ont des assurances, aux patients qui sont soit accidentés du travail ou accidentés de la route. Le réseau public, c'est sûr, concentre ses efforts surtout aux patients hospitalisés.

Donc, c'étaient nos commentaires, à ce moment-là, sur le rapport annuel de gestion 2004-2005. À ce jour, on a plusieurs constats, à l'ordre, et ces constats-là sont faits conjointement avec le ministère de la Santé, qui est arrivé, dans ses différents travaux, à peu près aux mêmes conclusions, c'est-à-dire qu'on doit considérer les besoins des personnes pour déterminer l'offre de service. On ne fera pas une offre de service de façon aléatoire.

Et l'autre constat qu'on a, c'est qu'il y a une partie de la population qui n'a pas accès à des services de physiothérapie. On sait que les hôpitaux... Dans le réseau public, les services de physiothérapie, entre autres, la priorité, c'est les patients hospitalisés. Et ça se comprend et ça se défend très bien. Sauf qu'il y a des patients qui n'ont pas d'assurance privée, qui ne sont pas CSST, qui ne sont pas SAAQ, assurance automobile, c'est-à-dire. À ce moment-là, ils doivent attendre des services du réseau public.

On a fait récemment, nous, une révision de l'offre de service dans le but de venir ici. Et, suite au document qu'on avait fait sur Garantir l'accès, on a fait une étude de tout ce qui se passe au niveau du Québec dans l'offre de service. Même pour les patients hospitalisés ou les patients postop, prothèse totale de hanche, prothèse totale de genou, on a des délais d'attente de cinq à 10 jours dans le réseau public. On sait que ces patients-là normalement doivent être vus rapidement, souvent la journée même ou le lendemain, à tout le moins.

Donc, il y a des délais d'attente de ce côté-là. Mais, quand on n'est pas dans ces corridors-là de priorité, on peut avoir des délais d'attente qui sont très longs. Pierre-Boucher nous confirme, dans les rapports qu'on a, l'hôpital Pierre-Boucher, que les clientèles non urgentes ? on est quand même en Montérégie, et tout ça; les clientèles non urgentes ? qui ont besoin de physiothérapie peuvent attendre jusqu'à sept ans. Donc, il y a sept ans de liste d'attente. Dans plusieurs centres hospitaliers, ça va de quelques semaines, quelques mois à quelques années. Et ça, on a documenté ça. On a les chiffres, ce qui nous amène vraiment à... Le document Garantir l'accès, on trouve que c'est une priorité et c'est une priorité à laquelle l'ordre veut collaborer.

Donc, suite à la consultation actuelle, nous, on a fait nos recherches, comme je disais. On s'est rendu compte aussi que la gestion des listes d'attente dans le réseau public n'est pas uniforme. Il n'y a pas de critères communs. Si on regarde l'ensemble du réseau, les critères vont être variables, ce qui devient difficile finalement à gérer.

Une chose aussi qu'il est important de retenir, c'est que, quand on refera l'analyse des besoins de la population, il ne faut pas se fier seulement à la liste d'attente qu'on a dans les différents centres hospitaliers. On sait très bien qu'il y a des médecins qui ne réfèrent plus les patients en physiothérapie parce qu'ils savent qu'ils n'auront pas accès à des soins. Donc, il ne les réfère pas. Donc, ces gens-là qui ne le sont pas, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas de besoins. Ils ont des besoins. Mais, à ce moment-là, ils ne sont pas comptabilisés sur la liste d'attente.

Il n'y a pas, aussi, de plan d'organisation des services de base en réadaptation, avec des orientations claires, englobant les critères d'accès à ces services. C'est ce qu'on voit actuellement dans les travaux qu'on a faits, nous autres.

En ce qui concerne les chirurgies qui sont prioritaires pour le gouvernement, les prothèses totales de hanche, les prothèses totales de genou ? il est clair que, nous, on ne s'embarquera pas dans les cataractes, ce n'est pas notre domaine ? on sait qu'il y a une disponibilité de physiothérapeutes ou de physiothérapie à prévoir. On sait qu'il y a des hôpitaux, comme Jean-Talon, les chirurgiens voient les patients dans un délai raisonnable pour 85 % des cas. L'ordre, ce qu'il a fait de son côté depuis plusieurs années, on a donné de la formation continue à nos membres en regard de ces patients-là, comment les traiter rapidement, comment optimiser la chirurgie qu'ils ont reçue, et tout ça. Donc, on a fait des devoirs dans ce sens-là depuis longtemps.

Ce qui est inquiétant peut-être, en tout cas où il faudra être vigilant, c'est dans le traitement des priorités qu'on va donner à ces patients-là dans le réseau. Actuellement, si on déplace les priorités vers les PTH, PTG, donc les prothèses de genou et de hanche, qu'est-ce qu'il va arriver aux autres clientèles? Il y a d'autres clientèles. Il y a des cas neurologiques, il y a des cas cardiovasculaires, il y a des cas postopératoires. Donc, il faut s'assurer que finalement... Qu'on change les priorités, oui, c'est correct qu'on les priorise, oui, on a des populations qui ont besoin de chirurgies, mais en même temps il faut s'assurer de continuer à offrir des services au niveau des autres clientèles qui sont toujours dans le réseau.

En fait, notre position à nous ce matin, c'est de venir expliquer en commission parlementaire et au ministre de la Santé... Vous avez vu notre document Garantir l'accès, les commentaires de l'ordre. En fait, à l'Ordre professionnel de la physiothérapie, on a une nouvelle réalité qui est là depuis trois ans, c'est l'intégration des thérapeutes en réadaptation physique, ce qui a fait qu'on a une meilleure offre de service, c'est-à-dire qu'on a 6 000 professionnels qui peuvent intervenir. Donc, nous, on travaille à l'organisation de ces soins, au niveau de la population, par le bon professionnel au bon moment. Et l'autre volet que le gouvernement peut s'attendre de nous, c'est l'amélioration de l'accessibilité de la population à des services dans le réseau public.

Donc, on a les deux offres de service, publique et privée, mais on offre au ministère de la Santé notre collaboration finalement pour préciser d'abord l'apport spécifique des professionnels de la physiothérapie, ce sur quoi on peut intervenir, à quel moment. En collaboration avec le ministère de la Santé, il faudra développer un modèle d'organisation des services de physiothérapie, au niveau provincial, dans le réseau public, et ça, on peut faire référence à la gestion des listes d'attente actuelles, à l'organisation des soins. Il faudra supporter nos membres lors de la modification des rôles. C'est certain que, si on a des priorités, on va les traiter, mais il faut amener aussi nos membres à être capables de traiter ces gens-là dans les délais requis, et tout ça. Il faut s'assurer que l'offre de service va tenir compte de l'ensemble des clientèles, notamment les démunis puis les personnes vulnérables. On a ces clients-là aussi, des gens qui n'ont pas toujours accès à des soins.

Il faut aussi développer, en collaboration avec le ministère de la Santé, un système de mesure de résultats. Donc, il faut s'attendre à développer des outils pour qu'on puisse mesurer les résultats de notre efficacité. C'est beau de mesurer... de changer, c'est-à-dire, l'offre de service, d'en faire l'analyse, mais il faut mesurer après: Est-ce que nos listes d'attente vont se modifier? Est-ce que la population va recevoir des soins, celle qui n'en n'a pas actuellement, celle qui devrait en recevoir?

n (11 h 40) n

Et je pense qu'en collaboration avec le ministère de la Santé on pourra développer sûrement des corridors de services public-privé. On a entendu parler beaucoup des partenariats public-privé. Quelles formes peuvent prendre ces partenariats-là? On sait que, la réorganisation des CSSS, il y a déjà dans certaines régions où on a interpellé les cliniques privées pour leur demander: Quelle offre de service vous pouvez faire comme étant des partenaires finalement dans des régions, et tout ça? Nos membres ont déjà assisté a des réunions, ont déjà offert des services. Il faudra les définir un petit peu plus clairement pour arriver finalement à une réponse optimale de l'offre de service en physiothérapie qui va correspondre aux besoins de la population.

Je reviens là-dessus, c'est un point important, c'est que, les besoins de la population, il faudra les analyser correctement. On sait qu'il y a des gens qui n'ont pas accès à des soins, mais pour nous quelqu'un qui est fonctionnel au niveau de sa santé, c'est quelqu'un qui ne dépend pas du système de santé, qui est contributeur finalement à la société et non quelqu'un qui en dépend.

Notre collaboration avec le ministère de la Santé finalement va permettre de capitaliser sur les avantages offerts par l'ordre. On peut travailler avec vous autres tout en assurant un développement concerté de la physiothérapie qui va assurer une accessibilité accrue de la population à des services de qualité. Nous, notre mandat premier, c'est le contrôle de l'exercice des membres pour protéger le public. C'est ce qu'on fait. Au fil des années, on n'a jamais fait de différence entre le public et le privé, c'est-à-dire, nos membres doivent offrir la même qualité de service, peu importe dans quel secteur ils se trouvent. Donc, notre collaboration, elle est tout entière pour continuer.

Mais ce que je veux dire finalement, en conclusion, ici, c'est simplement: notre ordre professionnel, il est là. On a des documents, on a des volontés qui sont là depuis 2001, qui se sont faites au fil du temps, au fil de différents rapports. Donc, on est présents, et on va collaborer, et on va être vigilants finalement pour que cette offre de service là soit adéquate et qu'elle corresponde à ce qui est requis par la population québécoise.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Castonguay. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Castonguay et madame, monsieur, pour votre visite aujourd'hui. Vous avez souligné une réalité qui est importante à considérer, dans toute cette question d'accès, qui est l'accès à la réadaptation, puis effectivement c'est un monde dont j'ai encore des mémoires assez fraîches, là. Avec les années, les mémoires vont devenir de plus en plus lointaines, mais elles sont encore assez précises pour dépeindre la situation que vous nous décrivez aujourd'hui.

En fait, si vous êtes en attente de soins pour la physiothérapie, vous êtes dans quatre catégories. Soit vous êtes en postopératoire d'une chirurgie ciblée; là, ça va assez bien. Vous nous disiez l'exemple de Jean-Talon tantôt: 85 % des patients opérés dans les délais, cinq à 10 jours d'accès, il n'y a pas grand place dans le monde où c'est mieux que ça. Évidemment, il y en a d'autres, hôpitaux, où c'est moins beau, là, mais Jean-Talon, c'est un bel exemple de réussite de l'accessibilité pour le pré et le postopératoire. Première catégorie donc, vous êtes en postopératoire d'une chirurgie ciblée.

Deuxième catégorie, vous êtes un prestataire de la SAAQ ou de la CSST. Là, ça va bien aussi parce qu'il y a des contrats entre la SAAQ et la CSST pour avoir des services, puis c'est quasiment immédiat, là. Des fois même, les références sont trop rapides. Il y a des clients qui disent: Attendez, on n'est pas prêts tout de suite, la semaine prochaine.

Troisième catégorie, vous êtes titulaire d'une assurance privée collective. Moi, dans ma clinique, je demandais toujours aux gens qui avaient besoin de physiothérapie, qui n'étaient pas ni SAAQ-CSST, ni postopératoire d'une chirurgie ciblée... la première question que je leur posais, c'est: Avez-vous une assurance collective? S'ils disaient oui, bien je leur disais: Le mieux, là, c'est de vous adresser à une clinique privée. Vous allez avoir le traitement, là, très rapidement.

Puis là on arrive à la quatrième catégorie, c'est ceux qui n'ont pas d'assurance privée collective. Bon, il y en a un bon nombre, là, et c'est difficile de dire le pourcentage de la population. Mais, pour eux, pour eux il y a un problème certainement d'accès parce qu'ils n'ont pas d'accès priorisé, puis il faut qu'ils aillent à l'hôpital parce qu'ailleurs ils ne peuvent pas payer les traitements.

C'est difficile de jauger l'attente réelle pour ces personnes-là, parce que, tu sais, vous parliez de sept ans, là, moi, je fais toujours ce témoignage-là ? ça vaut autant pour la radiologie que pour la physiothérapie: en 20 ans de pratique, quand j'ai eu un problème d'accès, il n'y en a pas un que je n'ai pas réglé. Prends le téléphone, va voir la personne, puis le problème se règle. Ça m'interpelle toujours un peu quand j'entends quelqu'un qui a été mis sur la liste d'attente puis qu'il est encore là sept ans plus tard. Son plus gros problème, c'est qu'il a été oublié par tout le monde, probablement. Même chose pour un scan: il ne m'est jamais arrivé une seule fois de ne pas régler mon problème. Évidemment, l'accès est moins bon que les autres clientèles que j'ai mentionnées tantôt, mais ils finissent par avoir accès aux services dans des délais qui sont plus longs mais quand même raisonnables, si on fait l'effort de s'en occuper personnellement. Ce n'est pas facile, parce que des fois il faut arrêter sa clinique, il faut prendre l'escalier, il faut aller voir le physiothérapeute de l'hôpital puis lui demander: Écoute, peux-tu faire un spécial pour ce patient-là? Mais on y arrive. C'est comme ça que ça se fait.

Et ça nous ramène à la gestion de la liste d'attente et la priorisation. Parce que ce que normalement on doit faire comme médecin dans sa clinique qui réfère en physiothérapie, c'est prioriser les cas. D'abord se demander: Est-ce que vraiment la physiothérapie va aider ou pas? Puis, si elle aide, est-ce que c'est un cas prioritaire? Puis vous en parlez dans votre document, de la priorisation. Dans ce groupe de clientèle là, là, qui n'est pas SAAQ-CSST, qui n'est pas postopératoire de chirurgie ciblée, qui n'est pas titulaire d'une assurance privée collective, comment ça fonctionnerait, à votre avis, la priorisation? Il faut que ce soit bidisciplinaire. Ça ne peut pas être juste le physiothérapeute ou juste le médecin. Est-ce que vous avez des exemples de places où ils font ça, ils font cet exercice de priorisation?

M. Castonguay (Paul): Il y a des endroits. Si on parle des hôpitaux comme Sacré-Coeur ? je peux parler de cet hôpital-là, entre autres ? les postops, parce que, les postopératoires chirurgie du genou, ils essaient de les voir en 24, 48 heures, il y a cette priorité-là. Les patients, comme vous savez, aujourd'hui, ils quittent rapidement l'hôpital, ils quittent en l'espace de deux jours, trois jours. Il n'y a pas si longtemps, les gens étaient là peut-être plus cinq jours, ils avaient un programme, ils avaient des choses. Donc, les professionnels se sont adaptés pour donner le plus d'information rapidement. Il y a peut-être des milieux qui se sont plus adaptés, quand la personne a quitté l'hôpital, qu'il y ait un suivi rapide aussi en soins à domicile. Il est certain que ces gens-là qui ont eu des chirurgies; si on veut avoir un rendement optimal postopératoire, il faut qu'il y ait un suivi en physiothérapie, sinon les gens ne feront pas ce qui est requis et finalement peut-être qu'ils vont se ramasser avec plus de handicaps après. Donc, il y a des milieux qui ont vraiment bien encadré tout ça, où ils revoient... Même ici, à Québec, si je pense au CHUQ, à l'Université Laval, donc les patients sont revus régulièrement, ils ont des dates de relance, et tout ça. Alors, il y a des milieux qui se sont très, très bien adaptés.

Les prothèses de genou, prothèses de hanche, ils n'ont pas de soins nécessairement quotidiens, c'est-à-dire que le patient doit se prendre en charge, et je pense que c'est là une des solutions qui ont été avancées pour limiter les listes d'attente. Mais le patient, il est revu en relance régulièrement, donc, à ce moment-là, il peut profiter des soins.

Donc, il y a des modèles, mais ce qui arrive, je pense, c'est d'arriver à le généraliser au niveau des gens, le généraliser au niveau des chirurgiens, qu'ils s'assurent des services. Le faire aussi au niveau de nos membres. Nous, on l'a fait via la formation continue. Et le modèle qui est préconisé, par un cours qu'on donne... Justement, c'est une physiothérapeute de Québec qui donne la formation au travers de la province pour justement ce type de problème là. Elle enseigne à l'Université Laval. Et on priorise, sur des évidences scientifiques, ce qui doit être fait le jour 1, la semaine 1, la semaine 2, et c'est ça qu'on essaie de faire pour désengorger le plus possible le système. Donc, nos membres sont de plus en plus formés sur des évidences scientifiques et sur les meilleures approches.

M. Couillard: Il y a également là-dedans la question ? puis votre ordre professionnel est aux premières loges pour faire ce débat-là; la question ? de la pertinence des actes professionnels ou de la nécessité de les poser. Et je le fais parce que la question a été adressée aux médecins aussi. Donc, tout le monde est impliqué là-dedans, la question de pertinence, il n'y a pas une profession qui y échappe. Si vous avez, par exemple, une situation où quelqu'un est en physiothérapie depuis huit mois ? souvent des prestataires de la CSST ou de la SAAQ ? alors qu'il n'y a aucune base scientifique pour démontrer l'utilité des traitements après, disons, six à huit semaines, ça, ça prend bien de la place dans les rendez-vous, là. Comment est-ce que votre ordre intervient ou intervient-il dans cette question de pertinence des traitements?

M. Castonguay (Paul): Écoutez, comme tous les ordres professionnels, on a un syndic qui reçoit les demandes d'enquête. On a eu des demandes d'enquête faites par la CSST, c'est arrivé dans le passé.

M. Couillard: ...pas de plainte, là, entendons-nous.

M. Castonguay (Paul): Non, non.

M. Couillard: Tu sais, personne ne va se plaindre qu'il est en physio depuis huit mois, là.

M. Castonguay (Paul): Non, non, non, ça, je comprends, mais c'est le tiers, c'est l'agent payeur qui va des fois faire la plainte. Ça peut être le patient aussi qui va faire une plainte parce que le traitement ne semble pas efficace. Les membres sont tenus de donner un service qui est basé sur des évidences scientifiques. S'il n'y a pas de raison de garder quelqu'un après un certain délai, qu'il soit de deux semaines, ou de deux mois, ou de huit mois, on est tenu de le faire... Et, je vous dirais, à ce niveau-là, si on considère l'ensemble des demandes auprès du syndic, les plaintes disciplinaires qui ont été traitées à l'ordre, dans notre rapport annuel ? vous allez le recevoir lorsqu'il sera terminé, pour l'exercice passé ? on a eu 60 demandes d'enquête, 62, je pense, pour être plus exact, sur 6 000 membres, donc on a un taux de délinquance de 1 %.

M. Couillard: Mais je n'abordais pas ça dans l'axe disciplinaire.

M. Castonguay (Paul): Non, mais ça donne une idée que... C'est parce que là où je suis plus mal à l'aise, c'est quand on dit: Souvent, les patients de la CSST sont longtemps en traitement.

M. Couillard: Je n'ai pas dit «souvent», j'ai dit: Ça arrive.

M. Castonguay (Paul): Mais il ne faut pas dire des choses... Ça arrive, oui. Ça arrive pour ces clientèles-là comme ça peut arriver pour des clientèles externes qui ne sont pas nécessairement CSST à l'hôpital.

M. Couillard: Bon, d'accord, mais est-ce que vous avez, par exemple, des lignes directrices?

n (11 h 50) n

M. Castonguay (Paul): On a des lignes directrices qu'on établit sur des pratiques, ce que les gens doivent faire, et c'est notre mandat, au cours des prochaines années, où on veut établir de plus en plus de lignes directrices. De toute façon, via l'inspection professionnelle, les membres doivent nous démontrer pourquoi ils gardent le patient en traitement. S'ils ne sont pas capables de le faire, il y a un problème. Juste pour ajouter là-dessus, avec la CSST, qui a fait une demande, à un moment donné, oui, il y a eu quelques problèmes, entre autres un patient qui a été longtemps en traitement. Le physiothérapeute l'a traité, traité, traité, le médecin a dit: Continuez, continuez, continuez la physiothérapie, puis la CSST a payé, payé, payé. Donc, à un moment donné, il n'y a personne... Ils se sont endormis en quelque part, si je peux employer l'expression, puis il y a eu un continuum, donc c'est comme une... Ça n'enlève pas la faute à personne, mais je pense que ce n'est pas adéquat de l'avoir fait comme ça, et ça a été traité, ça, par le syndic.

M. Couillard: Mais encore une fois ce n'est pas une question de mettre la faute, c'est un problème de processus puis de système, là, ce n'est pas un problème qu'un a fait quelque chose de pas correct. Mais ce que vous avez décrit, ça arrive, là...

Bon, maintenant, dans les orientations des traitements, moi, j'observe des grosses différences entre les régions du Québec, dépendant des ressources financières historiques qu'elles ont. C'est tout le problème de l'équité interrégionale entre, par exemple, la Montérégie puis Montréal ou d'autres régions. Ça fait qu'il y a des régions où, disons, dans les chirurgies ciblées, là, hanche, genou, en gros, 90 % ou 80 % de la clientèle est prise en charge à domicile ou en clinique, mais surtout à domicile. Si vous êtes à l'île de Montréal, étant donné l'histoire de l'île de Montréal, avec de nombreux établissements spécialisés en réadaptation, la proportion n'est pas inversée mais presque; c'est 60 % des gens qui font un séjour en institution de réadaptation. Est-ce que, pour votre ordre professionnel, il y a des différences de qualité de pratique ou de ? en anglais «outcome»; ou de ? résultats cliniques dans un modèle par rapport à l'autre? Parce que c'est beaucoup plus cher traiter les gens en institution que les traiter à domicile, sur une base ambulatoire, puis ça libère beaucoup plus de places pour des nouveaux patients de le faire comme ça que de tout faire en institution ou de faire la majorité en institution. Est-ce que vous avez déjà réfléchi à cette question-là?

M. Castonguay (Paul): Bien, la réflexion, elle est là, c'est-à-dire que l'«outcome» ou finalement la mesure de résultat devrait être la même, peu importe où est-ce que c'est fait. Mais on comprend que c'est mieux probablement de traiter les gens dans leur milieu, et c'est ce que nos membres vont faire de plus en plus. Ce que je disais tantôt, oui, on a 53 % de nos gens qui sont en privé, dans toute la province, donc ces gens-là voient de ces patients-là soit qui vont se faire traiter là, ou on a des gens qui sont en CLSC, en soins à domicile, qui vont faire le suivi. Et là, avec la réorganisation des CSSS, je pense que ça va être une opportunité, pour ce suivi-là, qu'il se fasse de façon efficace.

M. Couillard: C'est intéressant, ce que vous avez mentionné sur les CSSS, parce que c'est rafraîchissant d'entendre que vous êtes probablement une des seules professions qui n'est pas affligée d'une pénurie sévère, bien d'après ce que je comprends, là. Bon. Donc, il y a des ressources professionnelles qui sont là pour traiter le monde.

M. Castonguay (Paul): Il faut les réorganiser de façon adéquate, ça, c'est certain.

M. Couillard: Alors, quand vous avez dit qu'il y a des discussions entre certains CSSS et vos membres qui sont en pratique privée, les 53 % qui sont en pratique privée, comment ça se passe, ces discussions-là? Est-ce qu'elles sont précises, par exemple, sur la tarification ou le volume de cas attendus, des choses...

M. Castonguay (Paul): Ça commence actuellement.

M. Couillard: C'est-u un peu comme la clinique affiliée qu'on veut faire, là?

M. Castonguay (Paul): Ça commence actuellement, puis je n'ai pas de données là-dessus, à savoir est-ce qu'ils ont parlé de tarification, est-ce qu'ils ont parlé volumes, est-ce qu'ils ont parlé de coût unitaire, est-ce qu'on en vient à ça, ça n'a pas été discuté. Je ne pense pas que les discussions sont rendues à ce point-là. Il y a peut-être à ma connaissance deux milieux, des CSSS qui ont fait des approches au niveau des cliniques. Est-ce que ça s'est concrétisé? C'est des choses qui relèvent de quelques mois, là. C'est vraiment nouveau.

M. Couillard: Parce que la même philosophie que ce qu'on propose pour les cliniques affiliées puis les médecins spécialistes, essentiellement la même philosophie pourrait s'appliquer dans une entente entre un CSSS puis une clinique de physiothérapie, avec des tarifs unitaires convenus, avec un plancher d'activité convenu, également. C'est la même chose, là.

M. Castonguay (Paul): Mais on comprend que l'ordre n'a pas le mandat de s'impliquer dans la question de la tarification. Ce ne sera pas notre rôle à nous, ce sera à d'autres organismes de le faire.

M. Couillard: O.K. Puis je terminerais parce que le temps achève, le temps file rapidement. Moi aussi, j'ai réfléchi à cette question de l'impact des chirurgies ciblées, en termes de nombre de personnes dirigées pour la physiothérapie aux dépens d'autres clientèles. Ce qu'on constate cependant, c'est que ce qui va être amené avec l'augmentation de volume chirurgical va être la gestion centralisée et mieux organisée des listes d'attente. Et, une fois qu'on fait cet exercice-là dans tous les cas ? puis on est seulement au début, là ? on constate une diminution très importante des quantums, du nombre de personnes. Alors, le nombre de chirurgies supplémentaires à faire, une fois la liste d'attente gérée correctement, est beaucoup moins important que ce qu'on pense. Et, si vous allez, par exemple, sur le site Internet du ministère, si vous voyez, dans une région, un hôpital qui a une grosse, grosse liste d'attente par rapport aux autres, souvent la raison, c'est qu'il n'y a eu aucun effort localement de vérifier, gérer correctement la liste d'attente. Alors, je pense que, de ce côté-là, on va le surveiller, hein, parce que c'est quelque chose de préoccupant. Pas faire glisser les priorités, je l'ai mentionné quelquefois, mais je ne pense pas qu'il faut surestimer nécessairement le nombre de chirurgies supplémentaires que la garantie de service va vous amener comme clientèle.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le ministre... pardon, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: J'ai connu ça. Je n'ai plus les mêmes ambitions. Merci, M. le Président.

Alors, M. le président, madame et monsieur, bienvenue à la commission. Moi, ce qui m'a frappé tantôt, c'est votre chiffre de sept ans, là. J'imagine que c'est exceptionnel, mais...

M. Castonguay (Paul): C'est l'extrême. C'est l'extrême par rapport à d'autres données, oui.

M. Charbonneau: Mais sept ans, c'est malgré tout assez incroyable. Moi, je comprends que c'est pour des soins qui sont considérés comme non urgents, là, mais comment ça se fait qu'on puisse attendre jusqu'à sept ans pour avoir des traitements de physiothérapie?

Moi, j'en ai déjà eu, des traitements de physiothérapie, dans ma vie. Je me suis rendu compte d'une chose, c'est qu'il me semble qu'on n'a pas besoin toujours d'être traité. C'est parce que tu as deux façons. Tu peux aller à la clinique de physiothérapie, soit à l'hôpital ou soit dans une clinique privée, puis tu peux faire tes rendez-vous. Puis, disons que tu as trois, quatre fois par semaine ou une fois par semaine, tu y vas à chaque fois. Mais tu peux aussi te faire expliquer, tu sais, enseigner les exercices. Tu les fais à la maison puis, si tu es discipliné, tu fais un suivi. Puis tu n'es pas obligé de prendre du temps d'un physiothérapeute puis d'accaparer finalement un espace qui pourrait être occupé par quelqu'un qui a peut-être moins la capacité de faire sa propre réadaptation seul.

M. Castonguay (Paul): Sept ans, c'est l'extrême. Si je regarde dans mes chiffres ici, j'ai le CSSS de Manicouagan, Pavillon Boisvert. Pour les cas électifs, eux autres, ils parlent de deux ans. Si je regarde le CH de Verdun puis le CH de Lasalle, il y a 11 mois. Si je regarde en pédiatrie, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont ? puis, s'il y a un domaine où il faut activer les choses, c'est bien dans le domaine de la pédiatrie ? on parle de neuf mois d'attente. Si on parle, bon, Pierre-Boucher... Donc, les semi-urgents, au CSSS de Rouyn-Noranda, on parle de six à 12 mois. On comprend que ces gens-là souvent sont vus en préévaluation et des fois ils vont être vus au moins une fois par année, où on va réajuster justement s'il y a des exercices à donner. Les gens ne sont pas là nécessairement passifs pendant sept années, ils sont revus. Et c'est le professionnel qui le reçoit à ce moment-là qui va déterminer s'il a besoin encore d'être sur la liste d'attente. Il y en a qui probablement en cours de route vont être retirés de la liste parce que le problème soit est rentré dans l'ordre ou soit que, les programmes d'exercices antérieurs qui ont été donnés lors des préévaluations ou des évaluations une fois par année, les gens vont faire des fois le ménage sur la liste d'attente, et à ce moment-là c'est possible qu'il y en ait qui s'éliminent, ou ils peuvent changer de priorité à un moment donné. Donc, ce n'est pas quelque chose de statique, là, pendant sept ans.

M. Charbonneau: Je comprends. Mais, à partir du moment où quelqu'un a été vu ? vous appelez ça préévaluation ? puis à la limite on lui donne un programme d'exercices, est-ce qu'il devrait rester sur la liste d'attente ou est-ce qu'il ne devrait pas être considéré comme quelqu'un qui est en traitement?

M. Castonguay (Paul): Ça dépend de ses besoins. Ça dépend de ses besoins. Il y a des gens qui sont revus, à ce moment-là, ce qui est fait avec les prothèses de genou, prothèses de hanche ici, à Québec, avec Mme Giguère entre autres, où ils ont un programme où ils les voient, ils les suivent sur neuf mois, où ils vont simplement les voir peut-être huit fois au cours de ce neuf mois-là, puis les patients, dans ce type d'approche-là ou de chirurgie, ils n'ont pas besoin de venir régulièrement en physiothérapie. Il y a d'autres patients qui vont avoir besoin parce qu'ils ont eu des complications postopératoires, qui vont prendre des soins plus longtemps.

M. Charbonneau: Ceux qui n'ont pas besoin, là...

M. Castonguay (Paul): Ceux qui n'ont pas besoin, ils ne doivent pas être vus, là.

M. Charbonneau: Non, non, je comprends, mais...

M. Castonguay (Paul): Ils ne doivent pas être sur la liste d'attente non plus.

M. Charbonneau: Mais c'est ça, ils ne doivent pas être sur...

M. Castonguay (Paul): Non, non, non.

n (12 heures) n

M. Charbonneau: Avez-vous l'impression, si on était plus rigoureux, qu'on aurait peut-être une liste d'attente qui serait peut-être moins grosse parce qu'on aurait, je ne sais pas, moi, une conception de ceux qui doivent être sur les listes d'attente différente de celle qu'on a là. Parce que là ce que je me dis, c'est: est-ce que tous ceux qui sont en attente actuellement le sont vraiment? Surtout s'il y a eu, tu sais, un programme de traitement, là. Tu sais, pour moi, quelqu'un qui attend, c'est quelqu'un qui n'a pas été traité puis qui attend pour être traité. Mais quelqu'un qui a eu un contact avec un physiothérapeute puis que le physiothérapeute lui a prodigué un programme de traitement et... Je pense... Bon, il y a des gens qui sont blessés parce qu'ils ont eu beaucoup de blessures ou des gens qui sont ? comment je pourrais dire? ? dans une dynamique postopératoire, mais il y a beaucoup de gens qui sont blessés par des blessures sportives ou... tu sais. Les accidents, ça, je comprends qu'ils sont suivis, la CSST, les accidents de la route aussi. Mais tous ceux qui pratiquent des sports, il y en a beaucoup qui se blessent. Alors, est-ce qu'on ne devrait pas considérer qu'une fois que quelqu'un a commencé un programme de traitement puis qu'il peut être suivi, là, encadré, sans nécessairement qu'il y ait, tu sais, une présence constante, est-ce qu'il ne devrait pas être considéré comme n'étant pas sur la liste d'attente?

M. Castonguay (Paul): Je n'ai pas la réponse claire à ça. C'est-à-dire que je pense qu'il faut se fier au jugement des professionnels qui sont formés par l'État. Puis, nous, ce qu'on voit, même dans la gestion, on fait de l'inspection professionnelle, on reçoit les plaintes, et tout ça, je pense qu'on a quand même une donnée assez intéressante de ce côté-là. Nos membres sont dans les règles de l'art dans 90 % des cas. On a quelques membres qui dévient un peu et on les ramène à l'ordre, comme dans n'importe quels groupes sociaux, là, si je peux être...

Ce qui est dit tantôt, dans ma présentation, c'est certain, ce qu'il faudrait faire à tout le moins pour avoir des données constantes dans le réseau, je pense qu'il faudrait avoir des systèmes de classification. Ce qu'on a remarqué, c'est qu'il y a quatre ou cinq modes différents, dans le réseau public, au niveau provincial, de classification des patients.

M. Charbonneau: Quatre à cinq?

M. Castonguay (Paul): Quatre à cinq. Ils ne gèrent pas les urgences tous de la même manière, les semi-urgents, les cas électifs; donc, déjà là, on a une difficulté. Et si on dit: Peut-être que, pour un hôpital qui a une liste d'attente de deux ans, sur un certain cas, pour un autre hôpital, peut-être que ce cas-là ne serait pas sur la liste d'attente. On lui aurait donné un congé plus rapidement. Donc, je pense qu'il y a un travail à faire de ce côté-là pour, justement si on veut analyser l'offre de service à faire à la population... Première étape, c'est: Regardons attentivement ça puis implantons dans les réseaux publics, à tout le moins dans ceux-là, comment on va gérer les listes d'attente pour avoir un langage commun puis que les patients soient en même temps traités de la même manière.

M. Charbonneau: Là, si je vous comprends bien, il y a les établissements, par exemple les hôpitaux où les gens sont opérés, puis qui ont des processus différents de classification, d'analyse de l'attente ou d'évaluation de l'attente. Ça, c'est une chose.

M. Castonguay (Paul): Pour les postops, ça se ressemble quand même pas mal. Comme M. Couillard disait tantôt, pour l'ensemble des postopératoires, on a un délai d'attente de cinq à 10 jours. À notre avis, c'est bien, mais il faudrait que ce soit amélioré parce que souvent les complications postopératoires, ça ne se passe pas nécessairement la neuvième journée. Si on parle des prothèses de genou, prothèses de hanche, s'il y a des problèmes circulatoires, et tout ça, ça peut arriver dans les 72 heures, donc il faut commencer très tôt. Donc, il y a une amélioration à aller chercher là. Ceux-là ne sont pas très problématiques, il n'attendent pas. C'est comme toute la clientèle hospitalisée, ils n'attendent pas, mais il faut cibler comme il faut au niveau général. Il y a des clients externes, il y en a en pédiatrie, il y en a en neurologie, il y a d'autres clientèles qu'il faut vraiment revoir, et je pense que la première étape, ce sera peut-être d'arriver à une classification commune pour tout le monde.

M. Charbonneau: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que, par rapport à la garantie d'accès pour ceux qui auront été opérés puis qui ont besoin de traitements de réadaptation, la garantie d'accès ne devrait pas uniquement comprendre l'opération en un temps x, mais les soins de réadaptation en un temps déterminé aussi, là?

M. Castonguay (Paul): Il faut absolument, quand on prévoit des chirurgies de genou ou de hanche, prévoir d'emblée la physiothérapie qui vient avec. Ça vient ensemble. Sinon, on sait qu'il y a des patients qui vont être des fois plus handicapés après la chirurgie qu'avant. Donc, il y a des mécanismes d'évaluation avant. Dans les centres où ils ont des hauts volumes, souvent les patients sont vus en physiothérapie avant la chirurgie. On commence déjà à leur enseigner des choses qu'il faudra faire, et ils ont leur opération, et, dans les 24, 48 heures, ils sont revus parce qu'ils quittent rapidement aussi. Donc, pour nous, ça vient ensemble. Il faut absolument que, lorsqu'on va prévoir les corridors de services pour ces patients-là... d'inclure la physiothérapie.

M. Charbonneau: Mais, pour les citoyens, là, qui n'ont pas d'assurance collective puis qui se blessent, là, qu'est-ce qu'on fait pour avoir un service de physiothérapie?

M. Castonguay (Paul): Bien, on est référé à l'hôpital. Il faut voir un médecin.

M. Charbonneau: Il faut que tu ailles à l'hôpital?

M. Castonguay (Paul): Il faut voir un médecin qui a des droits de référer à l'hôpital. Ce n'est pas tous les médecins des fois... Pour avoir travaillé au CHUM pendant des années, les références en physiothérapie, c'est les médecins qui travaillent au CHUM qui ont des privilèges au CHUM. Si un médecin n'a pas de privilège, il ne va pas nécessairement référer au service. Dans les régions, c'est souvent comme ça, donc ça risque d'être long. Si ce n'est pas urgent, ce n'est pas trop problématique, que tu peux vivre avec... On comprend que les besoins en physiothérapie... on n'en meurt pas, hein? Ce n'est pas un infarctus, ce n'est pas un ACV, mais c'est quelque chose qui peut ralentir ta fonction puis qui peut ralentir ta performance dans la société. Si, à cause d'un problème x, je suis quelques semaines ou quelques mois sans pouvoir travailler, bien je ne suis pas productif dans la société. Donc, nous, on parle de fonction puis on parle de production dans la société, c'est ça qu'on amène. Plus on voit les gens rapidement, plus on établit des programmes complets, bien ces gens-là redeviennent productifs rapidement dans la société, ils ne dépendent pas de la société.

M. Charbonneau: C'est quoi, le lien ou l'arrimage que vous faites? Parce qu'il y a des soignants, au Québec, ou des professions qui sont apparentées à la physiothérapie, là: l'ostéopathie, la kinésithérapie, à la limite la chiropraxie, etc. C'est quoi, l'arrimage qui peut être fait pour qu'à un moment donné des gens qui ont des besoins, tu sais, d'un suivi de réadaptation, de renforcement musculaire et squelettique, articulaire en tout cas, puissent recevoir des services, là? Parce que, tu sais, vous êtes dans un domaine où vous n'êtes pas les seuls à travailler. Tu sais, souvent, quand tu magasines un peu puis que tu as fait plusieurs types d'intervenants, tu as même de la misère à savoir la différence entre un physiothérapeute, puis un ostéopathe, puis un chiro, puis quelqu'un qui fait des fois un massage orthopédique, là. Je ne sais pas si c'est le bon terme, là, mais en tout cas tous les... Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de faire un arrimage de différentes approches pour que finalement tous ceux qui ont besoin de services apparentés puissent diminuer finalement les attentes?

M. Castonguay (Paul): Écoutez, la loi n° 90 a réservé des activités au niveau de 11 professionnels dans le réseau public, dont les physiothérapeutes. Donc, l'évaluation neuromusculosquelettique, c'est une activité réservée, ce qui a produit l'intégration des thérapeutes en réadaptation physique à l'ordre. Actuellement, on est interpellés par l'Office des professions pour évaluer l'intégration des thérapeutes du sport. C'est des gens qui sont formés à l'Université Concordia sur une base d'un baccalauréat. Donc, on est en train de regarder ça. Ces gens-là sont déjà dans le réseau, ils travaillent, ils offrent des soins dans des cliniques et ils devraient être intégrés au système professionnel. Est-ce que ce sera chez nous ou ailleurs? Ça, ce sera à déterminer.

Les ostéopathes ont fait la même demande pour être intégrés au système professionnel. L'Office des professions nous a aussi interpellés dans ce dossier-là, et ce qu'on doit faire, c'est de regarder comment on va les intégrer au système professionnel. La question qui se pose pour les ostéopathes, ce sont des formations données dans des écoles privées qui sont très variables d'une école à l'autre. La demande, elle est venue d'une association qui regroupe les ostéopathes, le registre ostéopathique du Québec, et, selon les chiffres qu'on a, on a tout près de 300 professionnels ostéopathes, mais on sait qu'il y en a à peu près 75 % qui sont déjà physiothérapeutes, qui sont déjà membres de l'ordre chez nous. C'est pour ça que pour le public c'est difficile: Je vais voir un ostéopathe, mais il est aussi physio. Donc, on a ça. Il y a peut-être un 20 %, 25 % de gens qui ne sont pas physiothérapeutes. Donc, on va regarder comment on va arrimer ça pour effectivement... Le rôle de l'Office des professions puis le rôle des ordres professionnels, c'est de s'assurer que la population est traitée par le bon professionnel. Donc, on est en train d'évaluer ces deux groupes-là.

Pour tout ce qui est des autres qui gravitent autour, bien soit qu'ils n'ont pas la formation, ils ne sont pas reconnus dans le système professionnel ou ils sont en pratique illégale. Et je pense que, nous, notre rôle, c'est d'informer la population ? c'est le rôle aussi de l'Office des professions, puis elle le fait bien ? de dire à la population: Écoutez, nous, on protège le public pour ces groupes de professionnels là qui sont reconnus dans le système, qu'on peut contrôler leur pratique. Si la population décide d'aller voir un professionnel non membre du système de professionnels, c'est à ses risques. Il Y aura toujours des ramancheurs à quelque part, avec les dangers que ça comporte, mais notre rôle, c'est de faire attention pour qu'il y ait le moins possible de ces gens-là, parce qu'il y a des conséquences dramatiques quand ces gens-là interviennent sur certaines personnes, et on en a des exemples.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Castonguay, Mme Bleau, M. Coulombe, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec.

J'invite M. Lee Soderstrom à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

 

(Reprise à 12 h 11)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons le Pr Lee Soderstrom, de McGill. Professeur, «good morning», bonjour.

M. Soderstrom (Lee): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Professeur, vous avez 10 minutes pour votre présentation. Je vais vous indiquer quand il vous restera deux minutes. Et par la suite il y aura un échange d'une durée maximale de 10 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Alors, la parole est à vous.

M. Lee Soderstrom

M. Soderstrom (Lee): Merci, M. le Président et les autres membres de la commission, merci pour cette occasion de vous présenter mes idées en ce qui concerne les cliniques spécialisées affiliées.

Je suis économiste à l'Université McGill. Depuis 30 ans, j'ai fait beaucoup de recherches en divers sujets dans le domaine de l'économie de santé. Pendant cette période, j'ai été impressionné par l'importance de consulter la littérature scientifique avant de prendre des décisions en ce qui concerne l'utilisation d'un nouveau service ou un changement dans l'organisation du système de soins. Quand les décideurs sont guidés par les résultats trouvés dans cette littérature, je pense, ils réduisent la possibilité que leurs décisions peuvent entraîner des effets négatifs sur la performance du système de santé.

Donc, dans la perspective d'«evidence-based medecine», il est important de demander quels seraient les effets du développement des cliniques spécialisées affiliées sur la performance de notre système de soins. Est-ce qu'on peut anticiper que leur développement améliorerait l'accès aux services? Que leur développement serait la moins coûteuse méthode de faire cela? Les réponses à ces questions sont importantes, parce que le développement de ces cliniques est un élément clé dans la réforme proposée dans le livre blanc, en février. Dans mon mémoire, je présente mes réponses à ces questions. Ces réponses sont fondées sur la littérature scientifique.

Bien sûr, le développement de ces cliniques a été conseillé, avant le livre blanc, par divers intervenants, y compris les groupes Arpin, Clair, Kirby et Ménard. Cependant, malgré beaucoup d'intérêt au sujet du développement de ces cliniques, une chose est frappante: il existe très peu d'information en ce qui concerne l'effet de ces cliniques sur la performance de notre système de soins. Aucun intervenant qui a conseillé leur développement ne nous fournit les informations en détail sur leur organisation et le fonctionnement de ces cliniques. Aucun intervenant ne nous fournit une analyse qui indique que le développement de ces cliniques améliorera la performance de notre système de soins. Dans mon mémoire, je fournis des informations sur ces deux sujets.

Dans la première partie, sur les pages 4 à 8, je présente une description sommaire de l'organisation et le fonctionnement de ces cliniques. En particulier, j'y considère des questions qui concernent le financement des cliniques et le rôle que le gouvernement jouerait dans leur fonctionnement. Dans la deuxième partie, sur les pages 8 à 13, je présente une analyse des effets des cliniques sur la performance de notre système. En particulier, je considère leurs effets sur l'accès aux services de soins et sur les dépenses gouvernementales pour les services. Cette analyse est fondée sur les informations développées dans la première partie et sur les résultats trouvés dans la littérature scientifique.

J'ai l'impression que les groupes Arpin, Clair, Kirby et Ménard prennent pour acquis l'idée que le développement de ces cliniques améliorerait la performance de notre système. Pour cette raison, ces groupes ne nous fournissent aucune analyse des effets de ces cliniques. Mais d'après moi il n'est pas du tout évident que ces cliniques amélioreraient la performance du système.

Le Président (M. Copeman): Pr Soderstrom, je suis dans l'obligation de vous arrêter pour quelques instants. J'aurais dû vous aviser avant, mais je craignais en effet ce qui s'est produit. Nous sommes appelés, les députés, à voter en Chambre. C'est un vote par appel nominal. Nous sommes obligés de suspendre les travaux de la commission, probablement pour une quinzaine de minutes. Nous serons de retour et nous allons poursuivre là où on vous laisse. Ce ne sera pas très long, puis je vous garantis qu'on ne va pas vous abandonner. On sera de retour dans quelques instants. Alors, je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

 

(Reprise à 12 h 46)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux. On s'excuse encore une fois, Pr Soderstrom, pour le délai. Selon mes calculs, il vous reste à peu près cinq minutes dans votre présentation. Alors, la parole est de nouveau à vous.

M. Soderstrom (Lee): O.K. Comme j'ai indiqué, il n'est pas du tout évident pour moi que les cliniques spécialisées affiliées amélioreraient la performance du système, et peut-être que c'est utile de considérer un exemple. La proposition que l'accès aux services diagnostiques et thérapeutiques serait amélioré par le développement de ces cliniques, je pense que cette proposition est trop simpliste. Le développement des cliniques n'augmenterait pas les services publics disponibles sans financement additionnel du gouvernement, c'est-à-dire, si le gouvernement ne donne pas plus de ressources au système de santé, il est impossible d'avoir plus de services même avec le développement de ces cliniques.

Cette conclusion pourrait vous surprendre, parce que vous pensez probablement que ces cliniques privées seraient plus efficientes que les hôpitaux publics, que les cliniques seront capables de fournir plus de services au même coût. Si les cliniques sont plus efficientes, c'est vrai qu'on pourrait augmenter les services disponibles en utilisant de l'argent des budgets des hôpitaux pour financer les cliniques. De l'argent nouveau du gouvernement ne serait pas nécessaire. Mais, comme j'explique dans mon mémoire sur les pages 9 et 10, les résultats disponibles dans la littérature scientifique ne démontrent pas que ces cliniques seraient plus efficientes que nos hôpitaux. Au contraire, le message qui ressort des études dans la littérature économique est que les établissements de soins à but lucratif tendent à être moins performants, pas plus, que les établissements à but non lucratif.

Donc, afin d'améliorer l'accès aux services diagnostiques et thérapeutiques, le gouvernement doit augmenter le financement pour les services. Cependant, si le gouvernement est prêt à dépenser plus, on doit se demander s'il serait plus sage de mettre ces montants additionnels dans les budgets des hôpitaux existants que d'établir des nouvelles cliniques. Avec des budgets hospitaliers augmentés, la quantité de ces services augmenterait.

n (12 h 50) n

Il y a aussi une autre complication. Souvent, on entend dire que les cliniques fourniraient l'accès aux nouvelles technologies pour tous plus rapidement que les hôpitaux publics. Cependant, il est inévitable que le gouvernement limitera la capacité des cliniques d'introduire ces nouvelles technologies. Plus spécifiquement, il limitera le financement disponible aux cliniques pour des nouveaux services qui exigent ces nouvelles technologies. En conséquence, les cliniques ne trouveront pas les investissements dans ces technologies lucratifs. Pourquoi est-ce que le gouvernement a géré de cette façon? Comme j'explique sur les pages 7 et 9, afin de contrôler ses dépenses pour les services de soins, le gouvernement doit limiter les montants d'argent alloués, dans son budget, chaque année pour les cliniques, tout comme il limite, chaque année, les budgets pour les hôpitaux. S'il ne limite pas les budgets pour les cliniques, elles peuvent générer beaucoup de dépenses additionnelles pour le gouvernement.

La conclusion de mon mémoire est que le développement des cliniques spécialisées affiliées, au moins comme proposé dans le livre blanc, n'améliorerait pas la performance de notre système de soins. Il vaudrait mieux utiliser de nouveaux financements pour augmenter le financement des hôpitaux, pas pour financer des nouvelles cliniques. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Pr Soderstrom. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Soderstrom, pour votre présentation. Êtes-vous à l'aise d'échanger en français?

M. Soderstrom (Lee): Français, pas de problème.

M. Couillard: Ça va? Je voudrais relever la première partie de votre présentation, où vous dites que le gouvernement, pour prendre ses décisions, doit s'appuyer sur la revue de la littérature et l'évidence publiée dans les domaines dans lesquels il prend ses décisions. Je vous indiquerais...

M. Soderstrom (Lee): Et une chose frappante, c'est que, dans la discussion de ces cliniques jusqu'à maintenant, pas de référence à cette littérature.

M. Couillard: O.K. Mais je vais juste vous indiquer pour mémoire que, lorsque le gouvernement précédent a pris ce qu'eux-mêmes décrivent comme une malheureuse décision, de réduire le nombre d'étudiants en médecine, il y avait plein de belles études scientifiques qui disaient que c'était la bonne chose à faire. Alors, il faut toujours placer ça un peu dans le contexte, hein? Oui, il y a la littérature, mais des fois également il faut savoir s'en libérer puis ne pas avoir peur d'innover. Parce que, lorsque ces décisions ont été prises, il y a de nombreux de vos collègues économistes de la santé qui avaient noir sur blanc démontré qu'il y avait trop de médecins au Québec et qu'il fallait diminuer le nombre de médecins en formation, et regardez où ça nous a menés maintenant. Alors, soyons prudents avec la littérature scientifique.

M. Soderstrom (Lee): C'est intéressant pour moi. Parce que, je pense, pour les économistes, l'idée est que les fournisseurs de services privés devraient être plus efficients. Donc, c'est frappant que, si on fait un tour de littérature économique avec mes collègues conservateurs, économistes, etc., on trouve l'évidence là que les établissements à but lucratif ne sont pas plus performants. Et, je pense, il y a, comment dit-on, un «agreement» dans la littérature sur cet aspect. Il y a des idéologues qui rejettent ces idées, mais, si on regarde l'évidence disponible, comme j'ai indiqué dans le mémoire, c'est frappant pour moi qu'on trouvait ça.

M. Couillard: Je voulais juste vous dire que l'évidence disponible, si on prend le parallèle de ce qui est arrivé avec les facultés de médecine, est parfois trompeuse. Il faut être prudent dans l'interprétation qu'on en fait et comment on l'utilise pour prendre des décisions publiques.

Les cliniques spécialisées affiliées ne sont pas un élément clé de notre proposition, puisque, dans la vaste majorité des régions du Québec, elles ne seront pas utilisées, et c'est dans le cadre des hôpitaux publics que les améliorations vont se faire. C'est essentiellement dans les zones urbaines où possiblement on pourra avoir recours à cet outil, que le gouvernement décrira de façon beaucoup plus précise dans un texte de loi, mais le gouvernement ne va pas obliger aucun hôpital à utiliser une clinique affiliée.

Parce que c'est certain, vous l'avez très bien dit, et c'est une logique absolument inattaquable, que, si on veut améliorer l'accès, il faut augmenter le nombre de chirurgies; si on augmente le nombre de chirurgies, il faut augmenter le volume de production du système de santé; si on augmente le volume de production du système de santé, il faut augmenter l'investissement dans le volume de production. Il n'y a aucun doute là-dedans. Donc, on ne propose pas d'améliorer l'accès à investissement nul. On décrit déjà, dès cette année, des investissements supplémentaires, et au cours des prochaines années, en espérant qu'ils seront beaucoup plus rationnels compte tenu de la gestion de l'attente.

Mais là les établissements et les régions auront le choix. Exemple, la cataracte. À Montréal, on est presque déjà rendu dans les délais médicalement requis en ayant concentré les chirurgies, par exemple, à Maisonneuve-Rosemont ou à St. Mary's. Alors, si Montréal nous dit: On est capable de complètement enlever les hors-délai de la cataracte juste en augmentant le niveau de production de ces centres-là, personne ne va les forcer à faire autrement.

Mais, là où le problème de l'accès plus large se pose, c'est qu'un des problèmes d'accès qu'on a de façon importante, c'est la chirurgie d'un jour. La chirurgie d'un jour, c'est à peu près 150 ou 200 types de procédures différentes qui sont regroupées dans un vaste panier, et j'ai des doutes quant à la possibilité des grands hôpitaux, en raison de certaines lourdeurs de leurs organisations internes, d'augmenter substantiellement leurs capacités de production en chirurgie d'un jour. Pas l'hôpital régional habituel, là, mais des grands hôpitaux comme le CHUM ou l'hôpital universitaire de McGill probablement vont vouloir explorer cet outil-là, mais personne ne va les obliger à le faire. Cependant, ils devront livrer les résultats.

Alors, je voulais juste indiquer que le gouvernement est déterminé à introduire la clinique spécialisée affiliée comme nouvelle acteur potentiel du système de santé, mais sans caractère obligatoire et sans en faire un élément clé, comme vous le dites, parce que c'est une proposition légale et encadrée juridiquement. Vous verrez d'ailleurs dans le texte de loi que l'encadrement va être très serré.

Mais, pour le temps qu'il nous reste, je vais terminer sur la question de ces cliniques affiliées et de ce que vous appelez l'évidence scientifique. Moi, il y a quelque chose qui me frappe, c'est qu'on est en train ici de décider si on va faire ou pas quelque chose que le monde entier fait. Chaque fois, pour moi, c'est une surprise, là.

Prenez l'exemple britannique, par exemple. En Grande-Bretagne, on a probablement, à date, dans les pays occidentaux, la meilleure performance en termes de démonstration, au fil des années, de réduction des attentes, en grande partie due à une augmentation d'investissement dans le NHS par le gouvernement Blair, mais également par le recours à l'équivalent des cliniques affiliées. Environ 15 % des chirurgies supplémentaires qui ont été faites à l'introduction de la garantie d'accès ont été faites dans les cliniques affiliées, ce qu'ils appellent là-bas «surgical and diagnostic centers». Et le gouvernement vient d'annoncer que la prochaine étape, en 2008, ils vont encore plus loin. Ils vont dire: Bien là, le citoyen a le choix du prestataire. Il peut directement, lui-même ? ce qu'on ne propose pas, nous, là... Directement, lui-même, le citoyen britannique peut décider d'aller dans une clinique privée ou dans un hôpital public, avec un prix unitaire déterminé par le gouvernement.

Alors, ayant constaté que non seulement ils ne reculent pas, mais ils vont encore plus loin et qu'ils ont une des meilleures performances dans l'amélioration de l'accès dans les pays modernes, je trouve un peu curieux qu'on remette en question la possibilité au moins d'introduire cet outil-là dans le système de santé.

M. Soderstrom (Lee): J'imagine que beaucoup de personnes sont d'accord que, si on développait les cliniques et si les cliniques ont plus de ressources, on peut avoir une réduction dans les listes d'attente, etc. Ce n'est pas le point. Mon point est différent, c'est qu'on peut avoir un meilleur impact avec la même dépense si on continue d'utiliser les hôpitaux, pas de développer ces cliniques. C'est l'idée centrale dans la littérature. Est-ce que c'est possible pour l'Hôpital Royal Victoria, l'Hôpital général, etc., de faire plus de chirurgies, plus de rayons X, etc.? J'imagine, oui, dans le sens que c'est possible d'utiliser la nuit, la fin de semaine, etc., avec les mêmes édifices. Donc, la capacité est là.

M. Couillard: On verra. On verra ça. On verra ça. S'ils veulent le faire, encore une fois il va falloir qu'ils soient compétitifs. Ce que la clinique spécialisée affiliée apporte également, c'est un élément de compétition saine, à mon avis, et de comparaison. C'est-à-dire que, si l'hôpital public dit: Écoutez, le gouvernement, je vais prendre votre argent; moi, je n'ai pas besoin de clinique affiliée, je vais tout simplement augmenter, en étant plus efficiente dans mon fonctionnement... mais, au lieu de faire six chirurgies de cataracte par chirurgien, par jour, on va en faire 12. Puis c'est ça qui est arrivé, en passant, ici, à Saint-Sacrement, à Québec, puis à Maisonneuve-Rosemont.

Moi, je n'ai absolument aucun problème avec ça, mais je vous prédis d'avance, puis peut-être que l'avenir me donnera tort, que, lorsque va venir le temps d'augmenter substantiellement le rythme de production de certaines chirurgies, surtout des chirurgies mineures, dans des grands hôpitaux spécialisés urbains et particulièrement les hôpitaux universitaires, on va se heurter à des contraintes d'organisation absolument majeures.

M. Soderstrom (Lee): D'après moi, votre description de ces cliniques maintenant, aujourd'hui, est intéressante, mais c'est très différent que la description dans le livre blanc.

M. Couillard: C'est pour ça qu'on est ici.

M. Soderstrom (Lee): Oui. Non, mais l'implication de ça, c'est que peut-être c'est utile pour le gouvernement de développer un plan plus en détail et pour avoir une discussion très grande sur ce plan avant qu'on développe ces cliniques.

M. Couillard: Ce qui va arriver...

n (13 heures) n

M. Soderstrom (Lee): Parce que, pour moi, c'est très, très difficile, quand j'ai lu le rapport Ménard, etc., quand j'ai lu le livre blanc, de déterminer les structures de ces cliniques.

M. Couillard: Et c'est volontairement qu'on a fait ça, Pr Soderstrom, pour être certain qu'on n'enfermait pas le modèle de façon trop précise, de façon à ce que des gens comme vous et d'autres viennent nous dire: Bien, si vous allez de l'avant avec les cliniques affiliées, faites attention à ceci, ceci, ceci, cela. Et on a tout enregistré ça, et là la prochaine étape, c'est qu'on va déposer un texte législatif dans lequel on va définir de façon très précise le fonctionnement de ces cliniques affiliées, qu'on va resoumettre à un processus similaire mais plus restreint, là, de consultation, au processus d'adoption à l'Assemblée nationale, et là on aura une nouvelle fois l'occasion d'examiner tout ça.

Sur le principe, je dois vous dire franchement que, sur le principe de l'introduction de cet outil dans le système de santé, le gouvernement est très déterminé. Cependant, on veut s'assurer que cet outil soit développé de façon correcte et d'une façon qui permet d'en mesurer les impacts. Et je suppose que, pour des économistes comme vous, ça va être très intéressant, au cours des prochaines années, de faire des études sur les impacts, et les résultats, et la performance de cet outil.

M. Soderstrom (Lee): En principe, je pense, l'idée de clinique privée comme complément pour les services hospitaliers est une idée intéressante. Mais la chose importante, c'est la structure de ça, et j'ai beaucoup de problèmes avec la structure comme indiquée dans le livre blanc. Mais peut-être on peut faire des changements, développer cette idée dans une voie plus intéressante.

M. Couillard: Ce sera très précisément décrit dans le texte de loi.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps. Je présume, il y a consentement pour dépasser 13 heures? Consentement. Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Alors, Dr Soderstrom, merci beaucoup d'être ici. Je peux vous dire d'entrée de jeu que nous sommes plutôt de votre avis, et, même si, quand on était au gouvernement, le ministre de la Santé précédent avait lui-même proposé cette formule-là ? et encore une fois ce n'est pas une objection idéologique ? mais notre préférence actuellement, c'est exactement celle que vous décrivez, c'est de dire: Si on a... Parce que de toute façon il va falloir ajouter des ressources, c'est-à-dire que les établissements publics prennent de l'argent pour établir un contrat de services et payer des services à une clinique privée affiliée, une espèce de satellite privé, ou bien qu'ils prennent cet argent-là pour donner à des satellites ? dans plusieurs cas, les satellites ont déjà été conçus mais n'ont pas atteint leur pleine capacité opérationnelle ? ...qu'on prenne cet argent-là pour le mettre à la disposition des satellites publics qui existent, ça prend de l'argent de plus.

Et, moi, je crois comme vous que dans un premier temps on devrait au moins terminer le travail amorcé puis pouvoir faire, comment je pourrais dire, un essai correct de l'utilisation de pleine capacité du système public québécois. Et, moi, ça ne m'impressionne jamais d'entendre dire que partout dans le monde on fait les choses autrement, puis pourquoi nous autres, on ne ferait pas comme tout le monde. Bien, on n'est pas obligé de faire comme tout le monde, en soi. On peut faire comme tout le monde si tout le monde fait mieux que nous, mais, même ailleurs, ce n'est pas évident qu'il font nécessairement mieux que nous et qu'avec les ressources publiques on ne pourrait pas faire encore mieux nous-mêmes.

Un des arguments qui a souvent été utilisé, qui était le plus percutant, bon, le ministre en a parlé un peu, il y avait l'argument de la compétitivité ou en fait de créer une espèce d'émulation entre le public et le privé pour obliger le public à être plus performant parce qu'il y aurait des éléments de comparaison privés qui l'obligeraient à... Bon, ça, c'est un argument. Le deuxième, c'est de dire: Ça va forcer les établissements publics à fonctionner sur la base des coûts unitaires. Est-ce que vous avez entendu cet argument-là? Michel Clair est venu ici...

M. Soderstrom (Lee): J'ai un sens de cette idée, oui.

M. Charbonneau: Bon. J'aimerais ça que vous nous parliez un peu, comme économiste, qu'est-ce que vous pensez de cet argument qui est probablement celui qui était le plus impressionnant, en tout cas à mon avis, qui a été présenté ici, c'est-à-dire que ça obligerait une nouvelle façon de fonctionner dans les établissements publics, et une gestion plus serrée, et une définition plus rigoureuse des coûts... ou une prise en compte plus rigoureuse des coûts unitaires des soins.

M. Soderstrom (Lee): Deux réponses. Premièrement, aux États-Unis, on utilise une méthode de compensation pour les hôpitaux avec un coût unitaire pour le programme Medicare, et j'ai fait une analyse de l'applicabilité de ce programme il y a 15 ans, et cette question-là, ce n'est pas simple, parce que la situation ici est très différente. Le programme avec les coûts unitaires est très compliqué. En ce moment, je pense, c'est le deuxième élément de ma réponse, c'est que peut-être c'est meilleur de donner aux hôpitaux de l'argent pour des services additionnels et d'exiger que les hôpitaux fournissent plus de services de rayons X, etc. Mais j'insiste que les hôpitaux doivent considérer la possibilité d'utiliser la sous-traitance pour fournir les services. Donc, si on a un hôpital pour lequel les coûts pour les rayons X sont très hauts et il y a un entrepreneur qui a développé une clinique qui est plus efficiente, peut-être c'est une «win-win» situation. Mais c'est une structure très différente que la structure proposée dans le livre blanc.

L'autre aspect important, c'est la question de qui sont les propriétaires de ces cliniques, et en particulier est-ce que le médecin qui participe dans les cliniques est un propriétaire aussi. Il y a un problème là des incitatifs financiers. Comme j'explique dans mon mémoire, aux États-Unis, il y a beaucoup de discussions de ce problème, et, si je comprends, en ce moment, aux États-Unis, dans le programme Medicare, si un médecin fournit un service dans une clinique pour laquelle il est un propriétaire, ce n'est pas possible d'avoir un remboursement du programme Medicare. Et c'est frappant pour moi qu'il n'y a pas de discussion de ce problème dans la littérature québécoise sur les cliniques privées.

M. Charbonneau: Si je vous comprends bien, ça veut dire que vous recommanderiez que, si jamais on va de l'avant avec cette idée de rendre légale la possibilité d'avoir des cliniques privées affiliées, il faudrait établir des règles qui feraient en sorte que les propriétaires ne pourraient pas être des médecins participants.

M. Soderstrom (Lee): Non, dans le sens que ce n'est pas... Ce n'est pas si simple. Sur les questions de propriétaire, oui, je pense que c'est un changement important dans les plans, mais, l'autre chose, c'est la structure, c'est la relation, le lien entre les cliniques et les hôpitaux. Dans le livre blanc, dans les idées de M. Arpin, Clair, etc., le rôle des cliniques, ce n'est pas un rôle de sous-traitance. Et, je pense, c'est un aspect très important aussi, parce que des hôpitaux qui sont très efficients, l'idée d'utiliser une clinique satellite, ce n'est pas peut-être une bonne idée. Mais, pour des hôpitaux qui ont beaucoup de problèmes avec l'efficience, c'est possible d'avoir plus de services avec les mêmes ressources si ces hôpitaux peuvent trouver un entrepreneur qui a développé une clinique plus efficiente.

n (13 h 10) n

M. Charbonneau: Je voudrais juste comprendre ce que vous aviez compris. Puisque vous pensiez que ce n'était pas de la sous-traitance, vous aviez compris que ce serait quoi, ces cliniques spécialisées affiliées? Autrement dit, quand vous regardiez le rapport Arpin, le rapport Clair, le rapport Ménard puis le livre blanc, vos réticences, elles venaient de quelle compréhension de cette formule-là?

M. Soderstrom (Lee): Parce que ce n'est pas clair que les cliniques, comme indiqué dans la littérature en moyenne, ce n'est pas clair que les cliniques privées peuvent être plus efficientes que les hôpitaux. Mais je reconnais qu'il y a des situations dans lesquelles les hôpitaux A, B, C ont des problèmes d'efficience, et elles peuvent gagner, si elles peuvent utiliser une clinique satellite.

M. Charbonneau: Donc, ce que vous dites, c'est que ce que vous craignez, c'est que la formule devienne généralisée. Si c'est une formule d'exception, vous dites: Si c'est une formule d'exception encadrée correctement, ça pourrait être moins négatif. Est-ce que vous...

M. Soderstrom (Lee): Bien, ce n'est pas clair si c'est une question de l'exception.

M. Charbonneau: Oui, mais ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'information, d'analyses scientifiques actuellement qui témoignent des avantages puis de la plus-value de cette formule-là.

M. Soderstrom (Lee): À quelle formule est-ce que vous faites référence?

M. Charbonneau: Bien, c'est-à-dire que, nous aussi, on a évolué dans la compréhension, mais ce que je comprends, c'est que vous dites: Il n'y avait pas beaucoup d'information ou d'analyses qui témoignaient de la plus-value d'aller à l'extérieur des hôpitaux publics. Le ministre nous dit: Il n'y en aura pas beaucoup, et les hôpitaux ne sont même pas obligés d'avoir cette formule-là. Donc, dans le fond, on va rendre légale une possibilité, on va l'encadrer, et puis on verra après, là. Et, vous, vous dites: Faites attention, parce que ce n'est peut-être pas aussi, tu sais, efficient et avantageux que vous pouvez le croire maintenant.

M. Soderstrom (Lee): Oui.

Le Président (M. Copeman): Dr Soderstrom, merci pour votre participation à cette commission parlementaire. Je comprends que vous allez rester peut-être là et que Mme Amélie Quesnel-Vallée va se joindre à vous. Alors, on l'invite à se joindre à vous.

Alors, il n'y a pas grand mystère, c'est la même formule. Vous avez de nouveau 10 minutes pour votre présentation, et il y aura par la suite un échange, d'une durée maximale de 10 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Pas besoin de vous présenter, je pense que c'est assez clair. Alors, nous sommes à l'écoute, Mme Quesnel-Vallée.

Mme Amélie Quesnel-Vallée
et M. Lee Soderstrom

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Merci, M. le Président. Mmes et MM. les parlementaires. Donc, oui, je suis accompagné de M. Lee Soderstrom, et nous tenons à remercier la commission de cette occasion de présenter notre point de vue sur les conséquences du vieillissement de la population pour le système de santé.

Nous sommes d'avis que c'est un sujet d'importance pour la réforme proposée, d'une part, parce que le livre blanc s'inscrit dans la foulée du rapport Ménard et, d'autre part, parce que ce document propose un régime d'assurance contre la perte d'autonomie qui découle également des projections du vieillissement de la population. Donc, notre présentation va porter principalement sur la question du vieillissement et de son impact sur le système de santé et conclura sur nos recommandations en regard du système d'assurance qui est proposé.

Donc, en ce qui concerne la question du vieillissement, nous démontrons dans le mémoire que le vieillissement de la population québécoise n'est pas une catastrophe mais certainement un changement démographique important et auquel notre société va devoir s'adapter. Et je vais souligner très brièvement, pour vous donner les points importants tout de suite, que c'est un changement qui n'est pas inusité ni au Québec, ni historiquement, ni à travers le monde; que la cause de l'augmentation effrénée des coûts de santé se trouve plutôt dans l'usage accru des services et des nouvelles technologies que dans le vieillissement comme tel; que le ratio dépendance ne sera en fait pas si différent du passé, si on tient en compte les jeunes, et non seulement la population âgée, en rapport à la population en âge de travailler; et donc que le vieillissement comme tel ne constitue pas une raison suffisante pour une plus grande ouverture du système au privé.

Et enfin, sans nier l'importance du changement, nous voulons rappeler que ce processus de vieillissement est lent et progressif, ce qui nous permet donc de nous y préparer, ce qui pourrait se faire notamment à travers un régime d'assurance contre la perte d'autonomie, mais ça devrait vraiment faire partie d'une action plus large et non seulement de cette dimension-là.

Donc, le vieillissement au Québec. En ce moment, au Québec, les 65 ans et plus constituent environ 14 % de la population. Et ce qu'on peut voir d'après les projections, dans notre mémoire, c'est que le taux va augmenter au cours des 30 prochaines années pour atteindre environ 30 % en 2036. Par ailleurs, il est important de noter aussi qu'alors que le vieillissement est souvent présenté comme un processus inusité, c'est-à-dire ce taux d'accroissement de la population de 65 ans et plus, si on regarde au cours des 30 dernières années, on voit que le taux a été constant et qu'il va se poursuivre au même niveau dans les 30 prochaines années. On a été capable de s'adapter, on va être capable de s'adapter.

Le Québec n'est par ailleurs pas la seule société à connaître un tel phénomène. D'autres pays d'Europe et d'Asie ont déjà une population plus vieille que la nôtre. Par exemple, la France a souvent été prise en exemple dans le débat sur l'assurance privée, et il est intéressant de noter que ce pays était dès les années cinquante l'un des plus vieux pays de l'OCDE sur le plan démographique. En outre, on entend souvent dire que le rythme de vieillissement du Québec est parmi les plus élevés, alors que, si on regarde le Japon, dont le système de santé est souvent noté comme étant l'un des meilleurs au monde, on se rend compte que le rythme est en fait plus rapide chez eux. Et finalement les projections montrent que le haut taux de fécondité au Québec, dans les années soixante et soixante-dix, a tempéré le vieillissement de notre population de telle façon que nous n'arriverons pas au niveau du vieillissement de la population de la France pour une autre dizaine d'années.

Il y a donc lieu de penser que nous sommes en mesure d'apprendre de l'expérience de ces autres pays dont le vieillissement a eu lieu avant le nôtre et qui est plus rapide en ce moment que le nôtre afin de développer des politiques efficaces pour faire face à la population.

En ce qui concerne l'augmentation des coûts de santé, il est évident que nous devrons y faire face dans le futur, mais encore une fois la tendance n'a rien de nouveau. Qui plus est, tout indique que cette augmentation n'est qu'en partie due à celle du nombre de personnes âgées, donc en partie seulement due au vieillissement de la population comme tel, et que ça a plutôt en fait à voir avec l'accroissement de l'utilisation des services par individu. Donc, si on considère les données canadiennes présentées dans le cadre de la commission Romanow, on voit que les coûts par individu ont augmenté en moyenne de 2,5 % par année entre 1980 et 1997 et que le vieillissement n'explique que 20 %, donc 1/5, de cette augmentation annuelle. Les projections de 1998 à 2030 laissent entendre que l'augmentation devrait être sensiblement du même niveau.

Par contre, il faut noter que les coûts reliés aux autres causes, dans ces projections-là, sont maintenus constants pour le futur. Et on se rend déjà compte que ces projections-là, donc de maintenir les coûts pour les autres causes, c'est-à-dire l'augmentation des technologies et l'augmentation de l'utilisation par individu, est en fait quelque chose qui est sous-estimé. Et donc ça voudrait dire que ça ferait seulement réduire la part du vieillissement, parce que la projection sur le vieillissement est établie vraiment en fonction de la population. Donc, si on a une augmentation des autres coûts, la part du vieillissement diminue.

Donc, pourquoi est-ce que les coûts augmentent tant? On remarque qu'au cours des 35 dernières années l'utilisation des services par individu n'a pas cessé d'augmenter chez les aînés, principalement à cause des innovations technologiques ? et ça, on entend au sens large tout ce qui est fait aux patients maintenant ? et tout indique que l'augmentation va se poursuivre dans le futur. Donc, pas le vieillissement tant que les technologies.

Et, en ce qui concerne la population active, au cours des derniers mois, des derniers rapports, on a souvent entendu l'idée que la population active va crouler sous le poids des aînés, et l'argument corollaire de telles affirmations est qu'on n'arrivera pas à financer les coûts afférents au vieillissement par notre seule force de travail. Par contre, quand on regarde les affirmations, on voit qu'elles sont souvent basées sur le ratio des personnes âgées seulement sur la population active. Et, quand on se tourne en fait sur le ratio de dépendance complet, qui compte les jeunes personnes et les personnes âgées à la fois sur le ratio de la population active, on se rend compte que l'image est tout à fait différente.

n (13 h 20) n

Donc, alors que le comité Ménard prévoit que le nombre de travailleurs par personne âgée tombera de cinq en 2004 ? à peu près en ce moment ? à deux en 2030, ces projections ne tiennent pas compte des jeunes. Et, si on ajoute le nombre de jeunes au nombre d'aînés, on observe en fait que le nombre de travailleurs par personne dépendante diminuera seulement de 1,8 à 1,3 au cours des 30 prochaines années. Et il faut se souvenir qu'en 1971 le ratio de dépendance qu'on avait, c'est-à-dire le nombre de personnes dépendantes sur la population active, était de 1,2. Donc, dans le fond, on revient à une situation qu'on a été capable d'assumer dans le passé.

Et ce que les projections de l'Institut de la statistique du Québec suggèrent, c'est que le changement majeur va vraiment être dans la composition de la population dépendante, c'est-à-dire plus de personnes âgées, moins de jeunes, et non dans le nombre de personnes comme tel, et ça, évidemment ça a un impact fiscal, parce que les personnes âgées sont des personnes qui paient des impôts et qui vont rentrer dans leurs REER aussi.

Donc, en somme, nous signons dans le mémoire que le vieillissement de la population n'est pas le principal facteur dans l'augmentation des coûts de la santé. Nous savons également que ni le financement privé ni la prestation privée de services vont affecter le vieillissement. Et également nous savons que nombre d'études américaines suggèrent que le privé n'est pas nécessairement plus efficient, et il serait donc improbable que la privatisation augmente la capacité de notre société à financer les services additionnels requis par les aînés. Nous concluons donc que le vieillissement n'est pas un argument pertinent pour justifier une plus grande ouverture au privé.

Par ailleurs, notre intention n'est pas du tout d'inciter à la complaisance et de dire que tout va être beau, on n'a rien à faire. Le vieillissement est un changement démographique important, nous devons nous y adapter et nous proposons à cet effet quelques pistes d'action.

En santé, il s'agit d'identifier le panier de services le plus approprié pour les personnes âgées, qui n'est peut-être pas celui qu'on a en ce moment. Il faut redoubler les efforts d'évaluation pour faire un usage approprié des nouvelles technologies médicales.

Au niveau des politiques publiques, il faut avoir recours à d'autres programmes socioéconomiques de façon intégrée et vigoureuse, pour favoriser notamment l'immigration et la fécondité, et ce, en s'inspirant des expériences internationales. Là encore, d'autres ont fait différemment, et on peut apprendre.

Enfin, il faut noter l'importance de la croissance économique, qui nous a permis jusqu'à maintenant de parer à l'augmentation des coûts de santé, et dans cette foulée considérer d'autres options, comme peut-être des solutions de préfinancement.

Donc, pour revenir maintenant au régime d'assurance contre la perte d'autonomie proposé dans le livre blanc, nous considérons que le projet présente des aspects intéressants, mais ? il faut revenir à l'argument précédent ? à la lumière des informations limitées qui nous sont actuellement disponibles, il nous est difficile d'évaluer l'efficience et l'équité qui seraient associées à ce projet. Donc, encore une fois, on recommanderait que dans les prochains mois le gouvernement prépare un plan plus détaillé, qu'il y ait une autre consultation à ce niveau-là.

Entre-temps, nous pouvons...

Le Président (M. Copeman): Mme Quesnel-Vallée, il reste une minute.

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): ... ? parfait ? faire quelques suggestions, qui seraient: Quelles seront les modalités de financement? Est-il préférable de créer un tel régime plutôt que d'augmenter les taux de taxe ou d'impôt? De plus, nous pouvons déterminer qui paierait les cotisations ou comment ils les paieraient.

En terme d'équité intragénérationnelle, quelles seront les implications pour les femmes des services couverts et des moyens de financement? Quelle sorte de réserve capitalisée serait nécessaire pour promouvoir l'équité intergénérationnelle, cette fois-ci? Une réserve excessive pourrait avoir des effets négatifs sur l'économie québécoise en diminuant le pouvoir d'achat des cotisants.

En termes d'efficience, quel serait le rapport entre ce régime et les autres éléments du système de soins? Le régime ne finance que certains types de services et court le risque de se mettre en silo des autres.

Et enfin quel panier de services serait financé par le régime et qui les détermine?

En somme, nous considérons qu'il n'y a pas lieu d'avoir une vision alarmiste du vieillissement de la population, parce que nous sommes maintenant en position de développer des solutions pour le gérer. Cependant, nous sommes d'avis que le privé ne constitue pas une telle solution et qu'il est encore trop tôt pour évaluer l'efficience et l'équité d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie. Et enfin, dans le meilleur des cas, un tel régime ne pourrait constituer qu'une seule dimension d'une action gouvernementale intégrée, donc les autres facettes restent à déterminer. Et je m'arrête sur ça.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la députée de Chambly et adjointe parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Legault: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Quesnel-Vallée, merci pour votre présentation. Vous savez, on reconnaît aussi que la vieillissement de la population ne sera pas le seul facteur, là, qui fait de la pression sur le système de santé. Le coût des médicaments, par exemple, puis l'évolution des technologies en sont d'autres.

Pendant les travaux de cette commission, on a entendu les extrêmes du spectre justement des pressions que pourrait produire le vieillissement sur le système de santé. Le rapport de M. Ménard nous présente un scénario peut-être plus pessimiste, plus catastrophique. Le Dr Hébert, le doyen de l'Université de Sherbrooke, médecine, est venu nous dire que, non, le système pourrait bien relever les défis relativement au vieillissement de la population. Vous, vous nous présentez une position qui est peut-être un peu mitoyenne, hein, et vous nous dites: Cependant, bien il faudra s'assurer que d'une part on ait une croissance économique favorable et qu'on ait un juste contrôle des coûts des services qu'on est prêt à s'offrir.

Maintenant, est-ce que vous ne pensez pas que le gouvernement, dans sa responsabilité qu'il a vis-à-vis de la population, doit appliquer un certain principe de précaution, au cas où justement les conditions que vous nous soumettez ne seraient pas réunies?

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Est-ce que vous pouvez préciser votre question? Précaution dans quel...

Mme Legault: Vous nous dites: Bien, on a besoin d'une croissance économique favorable, on a besoin de s'assurer d'avoir les mécanismes de contrôle en place pour s'assurer qu'on paie le juste prix pour les services qu'on offre à la population. Si ces conditions-là n'étaient pas nécessairement réunies, par exemple qu'on n'aurait pas la croissance économique qu'on souhaite puis qui est préalable, ni plus ni moins, à absorber la croissance des coûts à venir, comment pensez-vous qu'un gouvernement devrait agir sous le principe, là, justement de précaution vis-à-vis la population?

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Bien, je pense que c'est justement ce qu'on suggère, c'est-à-dire qu'on a besoin de réfléchir aux solutions à l'avance sous la contingence que peut-être on n'aura pas ces niveaux-là. Par contre, il faut regarder aussi que dans les années passées on a eu une croissance économique, mais on a également eu des récessions assez sévères. On a réussi quand même à rencontrer nos besoins en matière de santé. Peut-être que vous voulez rajouter?

M. Soderstrom (Lee): Deux commentaires. Premièrement, si on regarde la littérature sur la question de l'effet du vieillissement sur les coûts, il y a une littérature énorme dans laquelle des économistes de Colombie Britannique à Québec ont fait des études sur l'effet du vieillissement sur le taux d'augmentation des coûts. Mais une chose est claire dans cette littérature: le vieillissement a un effet minime. La chose importante, c'est le changement dans les pratiques médicales qui influence les coûts.

Donc, pour la réponse à la question, si le problème historiquement est l'augmentation dans les utilisations des services, peut-être la place de commencer de développer une politique, c'est de regarder le taux d'augmentation de l'utilisation des services per capita. Le problème est là, pas avec le vieillissement de la population.

L'autre place pour le futur, importante, c'est de développer des politiques qui ont des implications pour la population active dans les prochains 23 ans. Encore une fois, le problème, ce n'est pas le vieillissement. C'est le message central ici.

Mme Legault: Oui. Dites-moi, vous nous suggérez aussi, là, de revoir le panier de services, qu'il soit plus approprié à cette clientèle vieillissante. Qu'est-ce que vous avez en tête? Pouvez-vous nous développer ça un peu, s'il vous plaît?

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Oui, tout à fait. La base des hôpitaux en ce moment est curative. On sait que la majorité des services, pour la plupart des individus, se font dans les six derniers mois de vie. Ce ne sont pas nécessairement des services dont le focus se doit d'être curatif mais plutôt palliatif. Et donc il y a un besoin à ce niveau-là pour repenser une certaine partie des services. C'est certain également qu'on a besoin de plus de «long-term care facilities», de plus d'hôpitaux...

Le Président (M. Copeman): De soins de longue durée.

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): ... ? merci ? de soins de longue durée ? je suis désolée ? et donc de repenser cette façon-là aussi. Tu sais, ce serait un panier de services à ce niveau-là.

Mme Legault: Vous savez qu'au Québec on a un taux d'institutionnalisation qui est plus élevé qu'ailleurs et qu'on se tourne donc vers les services à domicile, par exemple, des mesures pour supporter davantage les aidants naturels, parce que, comme vous l'avez dit, c'est souvent les femmes, et tout ça. Donc, c'est un ensemble certainement de services mais d'orientations nouvelles qu'il faut se donner pour avoir un peu plus de souplesse, un peu plus de flexibilité aussi.

n (13 h 30) n

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Et c'est exactement... Je m'excuse, je vais juste rentrer ici. C'est exactement pour ça qu'on suggère également que l'intervention doit se faire de façon concertée non seulement en santé, mais à d'autres niveaux des politiques publiques. Parce que ce que vous mentionnez des aidants naturels, justement, si on s'en va vers une dimension de maintien à domicile, on a besoin de faire attention à la génération sandwich, qui va être prise avec des enfants et des parents âgés et donc qui va être des deux côtés pris dans le temps pour essayer de gérer autant les demandes d'un côté comme de l'autre, et ça, ça a des implications fortes pour les individus, pour leur santé mentale, sur le marché du travail, ceux qui vont devoir s'occuper autant des parents que des enfants et pouvoir continuer à travailler dans la population active également, parce que la pression va être forte pour eux de travailler, aussi.

Mme Legault: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Mme Quesnel-Vallée, c'est intéressant, vous avez cité le cas du Japon. Moi, je ne suis pas assez familier avec les pourcentages d'investissement en santé soit en per capita ou soit en pourcentage du PIB Japon versus le Québec, mais, la semaine passée, il y avait une délégation du Japon ? d'ailleurs, je pense qu'ils ont assisté à plusieurs ateliers et travaux à McGill, Université de Montréal, sur les services aux aînés des médecins, des infirmières, physiothérapeutes, ainsi de suite ? et nous avons eu une discussion, malgré le fait que l'anglais était leur deuxième langue, et, moi, je ne parle aucunement japonais, outre «arigato», mais on a pu parler un peu du système de soins à domicile, services à domicile au Japon. J'ai trouvé ça intéressant, parce qu'il est vrai que le vieillissement n'est pas un facteur critique, ou ce n'est pas une crise, mais vous avez utilisé le mot «adaptation», il faut adapter.

Au Japon, ils ont un système très bien développé de soins à domicile qui couvre non seulement le volet soins, mais le volet services à domicile aussi, mais financé par plusieurs paliers de gouvernement, hein? Le gouvernement national du Japon, les gouvernements régionaux qui contribuent, le gouvernement municipal qui contribue, et le client paie à peu près 15 % des primes, et même ce 15 % est fiscalisé. Alors, on voit là une réponse du Japon ou une adaptation du Japon face à ce phénomène de vieillissement, mais qui implique une assurance, un système d'assurance pour perte d'autonomie, qui n'est peut-être pas calqué sur le modèle que M. Ménard propose mais qui va un peu dans le même sens, c'est-à-dire, il faut trouver peut-être d'autres moyens, d'autres sources de financement, d'autres ressources pour faire face à cette adaptation nécessaire.

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Je pense, l'important d'une commission, ce qui est fantastique avec un moment comme on a en ce moment, c'est qu'on peut réfléchir à ce qu'on veut. On peut réfléchir au genre de société qu'on veut en santé mais également dans les autres domaines. Et puis, oui, c'est un moment de faire une pause et de regarder. C'est fantastique qu'on ait cette opportunité-là.

Le Président (M. Copeman): Et on peut apprendre d'ailleurs aussi. M. le député de Joliette, qui va terminer cette partie de nos échanges.

M. Valois: Merci, M. le Président. Alors, M. Soderstrom, Mme Quesnel-Vallée, bonjour. Merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire, la contribution à cette commission. Évidemment, comme premier sujet que je veux aborder avec vous, c'est cette notion que vous nous apportez de dépendance complète. Je veux bien, moi, qu'on regarde aussi les personnes qui sont en bas âge puis qu'on regarde aussi les personnes aînées, mais j'étais convaincu que, pour ce qui était des personnes notamment en bas âge, les enfants, le coût social, le coût de ces personnes-là, par rapport à l'effort collectif, était moindre et que, même si on a eu des taux de dépendance complète qui étaient similaires à cause qu'on avait un bassin de jeunes énorme, bien l'effort collectif n'était pas le même étant donné justement le coût par rapport à lorsqu'on se tourne vers les jeunes versus lorsqu'on regarde les aînés. J'imagine, vous avez élaboré ça aussi ou... Est-ce que vous pouvez, bien, justement, du moins ici, aller un peu plus loin sur cette question-là?

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): En ce qui concerne les coûts, c'est très difficile de comparer les deux, parce qu'on parle d'écoles, on parle d'écoles qui ne servent qu'aux jeunes et d'hôpitaux qui servent à tous. Si on veut augmenter la capacité du système hospitalier pour répondre aux besoins plus grands des aînés, par exemple, on ne parle pas des mêmes institutions qu'on est en train de mettre sur pied, et donc il y a une différence à ce niveau-là.

Par ailleurs, comme j'ai mentionné plus tôt, rapidement on fait face également à une situation très différente en termes fiscaux, c'est-à-dire que les personnes âgées... Les enfants, oui, impliquent des coûts, mais les personnes âgées également. Mais elles amènent également une certaine... il y a un retour financier à la société; non seulement elles paient des impôts, mais on va arriver dans une période où ça va être la génération qui a le plus économisé dans les REER, qui va rentrer ces REER là dans l'économie aussi. Donc, on se retrouve avec une réinjection de fonds qui n'était pas ce qui était le cas dans les années précédentes.

Donc, en quelque part, même si je dis: Ça va changer, il ne faut pas avoir peur. On ne sait pas vraiment ce qui va se passer avec ça. C'est quelque chose qui n'est pas... Ce n'est pas une situation avec laquelle on peut faire des projections parce que ce n'est pas une situation qu'on a connue jusqu'à maintenant. Donc, je ne crois pas qu'il y a mesure... qu'il y a lieu de dire que les aînés vont nous coûter tellement plus cher en tant que population dépendante majoritaire, parce qu'il y a d'autres facteurs fiscaux qui vont vraiment changer la donne à ce niveau-là.

M. Soderstrom (Lee): Dans le texte de notre mémoire, on explique en détail la raison d'être pour le calcul que vous avez fait référence et, après le graphique 3, on indique là que ce calcul, ce n'est pas «rocket science», mais on fait ça pour indiquer que le calcul que M. Ménard, le groupe Ménard, a utilisé «is misleading», très «misleading», et c'est la raison pour ce calcul.

M. Valois: Non, de toute façon, on a eu l'opportunité d'échanger avec M. Ménard, où justement on a discuté de d'autres thèses que la sienne, qui étaient portées notamment sur la capacité de prévoir dans le temps, comme ça, l'effort collectif que nous aurons à contribuer par rapport à ce vieillissement-là et, aujourd'hui, les comportements qu'on a à modifier notamment par rapport à notre consommation, vous en parlez vous-même, consommation des soins de santé.

D'autres groupes sont venus nous voir pour justement parler de la pertinence des actes... des interventions, des actes médicaux. Est-ce que vous avez vous-même réfléchi là-dessus, sur: Est-ce qu'on ne doit pas faire un débat aussi sur... à un moment donné, là, il y a notre type de consommation, mais il y a aussi le type de prescription qui bien souvent est fait de la part de nos spécialistes de la santé. Est-ce que des fois c'est pertinent? Est-ce que des fois, même, on ne va pas, étant donné qu'il y a... je ne dirais pas qu'il y a une gratuité, mais, comme il y a un payeur unique, bien s'offrir des fois des soins de santé qu'on peut questionner, étant donné que l'état de santé de la personne ne demande pas tel type d'intervention? Est-ce que, lorsque vous nous demandez de réfléchir aussi sur notre comportement par rapport aux services de santé, vous allez même jusqu'à réfléchir sur cette idée, là, de pertinence des prescriptions médicales, ces choses-là?

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Oui. En fait, notre perspective est plutôt du côté de ce qui se passe dans l'institution médicale plutôt que dans ce qui se passe chez les individus. Donc, ce n'est pas tellement de dire: Les individus doivent se questionner sur quel genre de services ils vont chercher, mais plutôt d'établir vraiment le coût-bénéfice de certaines interventions, incluant les médicaments, par exemple. Et on a des groupes de recherche qui sont vraiment spécialisés là-dedans, comme l'AETMIS. On croit, notre opinion est que, ces groupes-là, la recherche à ce niveau-là devrait être encore amplifiée et donc que les interventions devraient vraiment être établies avant d'être mises à disponibilité.

Par ailleurs, on a certains mécanismes, au Québec et au Canada, qui sont en place et qui favorisent quand même une certaine limitation des coûts, et ça, c'est très bien. Par exemple, l'interdiction de publicité de médicaments aux individus est quelque chose qui devrait absolument être maintenu, parce que c'est prouvé, aux États-Unis, que c'est quelque chose qui augmente de beaucoup les choix individuels, comme de demander un médicament sous marque et non générique, qui soit encore sous «patent» et non générique. Donc, on a quand même ces choses-là en place qu'il faut maintenir, mais il faut encore accroître l'effort d'évaluation.

n (13 h 40) n

M. Valois: J'ai bien aimé aussi la partie de votre document où vous élargissez totalement le débat par rapport au vieillissement et qui doit intervenir par rapport au vieillissement de la population, que nous connaissons. Et de penser à un régime d'assurance contre la perte d'autonomie en pensant que, bon, ce sera là une réponse qui pourrait suffire, c'est d'écarter une série d'autres mesures que vous regardez par rapport justement à l'aide qu'on doit faire pour ce qui est de la démographie, du côté de l'enfance, de la jeunesse, du côté de la sécurité sociale évidemment, lorsqu'on parle de lutte à la pauvreté, mais lorsqu'on parle aussi, là, de l'ensemble des... bien finalement de l'ensemble des contributions qui doivent venir de partout, plutôt que de simplement avoir un discours sur le vieillissement de la population qui serait un discours simplement en regard avec la santé.

Je pense que c'est l'ensemble de nos structures sociales qui vont être à revoir et à être corrigées, parce qu'au-delà du fait de savoir est-ce que ça va avoir une incidence sur notre système de santé qui va être si importante que ça ou la contribution collective qui va être si importante que ça, on doit, il me semble, collectivement comprendre qu'une société où une proportion plus grande de personnes âgées y vivent, bien c'est quand même des repères, c'est quand même un vivre-ensemble qu'on doit revoir, et ça, pas simplement dans le système de santé, mais aussi, là, dans... moi, je dirais même dans nos milieux politiques, dans nos milieux de représentation sociale, dans nos milieux de... dans à peu près tous les milieux finalement.

Et, en ce sens-là, je pense que votre contribution, là, d'aller un peu plus large puis de nous dire: Écoutez, là, avant de trouver des solutions uniques dans un côté, essayez donc d'élargir le débat, ça, je pense que... non seulement la présentation que vous faites, mais celle de M. Soderstrom tantôt, en disant: Écoutez, là, moi, tant que je n'aurai pas d'analyse puis de recherche un peu plus poussée sur ce que vous aviez amené tantôt, là, par rapport aux cliniques spécialisées affiliées, bien, écoutez, n'y a-t-il pas lieu de creuser? D'ailleurs, à chaque fois que les gens des universités, les chercheurs viennent nous voir, c'est souvent pour nous dire: Écoutez, là, il y a l'état de la recherche qui reste encore à faire sur une série de sujets.

Maintenant, de façon plus pointue, régime d'assurance contre la perte d'autonomie, vous parlez, et ça, je pense que c'est important de le rappeler, puis je veux vraiment que vous élaboriez là-dessus, sur ce possible silo qu'on peut créer avec les autres groupes, c'est-à-dire une espèce d'assurance qui serait pour quelque chose qui ressemble puis qui a trait à la perte d'autonomie mais qui ferait en sorte que dans le même système il pourrait y en avoir peut-être qui n'auraient pas les mêmes privilèges, ou quoi que ce soit, là. Lorsque vous parlez vraiment, là... C'est quoi, vos principales interrogations ou appréhensions par rapport à ce type de régime là?

Le Président (M. Copeman): Et ça va terminer l'échange, malheureusement.

M. Valois: Mes questions sont longues, hein?

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Ça termine ici, oui?

M. Soderstrom (Lee): C'est très difficile de faire un jugement sur ce groupe d'idées à ce moment parce qu'il y a très peu d'information sur la structure de ces programmes. On peut envisager des programmes comme ça intéressants, mais c'est possible d'envisager des programmes comme ça qui pourraient être très mauvais. Donc, la chose importante, c'est de développer un plan à plus de détails pour faciliter une discussion dans la population générale.

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Moi, je dirais, c'est l'équité, garder l'équité en tête.

M. Valois: Le concept d'équité.

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Intergénérationnelle, intragénérationnelle.

M. Valois: Hommes-femmes. Et hommes-femmes aussi, à ce que j'ai compris.

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Et intergénérationnelle.

M. Valois: Oui. O.K.

Mme Quesnel-Vallée (Amélie): Voilà.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Quesnel-Vallée, de nouveau M. Soderstrom, merci pour votre participation à cette commission parlementaire.

Et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures, hein, chers collègues. Je comprends que l'heure du dîner est un peu plus courte que d'habitude, mais on reprend à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 44)

 

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir, pour plusieurs raisons, que nous accueillons les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc., et, je comprends, M. Charest est le porte-parole principal, je crois.

M. Charest (Yvon): Absolument.

Le Président (M. Copeman): Bonjour, M. Charest.

M. Charest (Yvon): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Je dis «plaisir» parce que c'est toujours un plaisir d'accueillir des groupes. Ça adonne évidemment que vous êtes le dernier.

Association canadienne
des compagnies d'assurances
de personnes inc. (ACCAP)

M. Charest (Yvon): Ce que j'ai compris et qu'on... Les assureurs se posent toujours des questions sur tout, puis c'est une des questions sur lesquelles... on s'est posé la question pourquoi qu'on nous avait gardés pour le dessert, mais on va sûrement le savoir dans les prochaines minutes.

Le Président (M. Copeman): Bien, je ne suis pas sûr, mais, nous, on va peut-être savoir. Le dernier, mais non pas le moindre, le 108e groupe lors de cette consultation générale. Alors, bienvenue.

Vous avez, M. Charest, 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il reste trois minutes, uniquement pour mieux vous aider à conclure. Et il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner par la suite avec votre présentation.

M. Charest (Yvon): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous remercie de l'opportunité.

Et effectivement je suis Yvon Charest, président et chef de la direction de l'Industrielle Alliance. À votre droite, Mme Monique Tremblay, première vice-présidente, Épargne et fonds distincts chez Desjardins Sécurité financière; à votre extrême droite, Me Robert Lebeau, vice-président, Affaires juridiques, à la Financière Sun Life; et, à ma droite à moi, M. Yves Millette, vice-président principal, Affaires québécoises, à l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.

L'association canadienne regroupe 98 % des primes d'assurance vie au Québec et au Canada. Parmi ses membres, l'association canadienne compte le regroupement des assureurs à charte québécoise, et, pour la présente année, j'agis à titre de président du conseil d'administration de l'association canadienne. Alors, dans ce sens-là, oui, je suis le principal porte-parole de l'association pour le prochain 12 mois.

Dans notre présentation aujourd'hui, on va vous parler de trois choses: un, le rôle de l'industrie dans les soins de santé. On va essayer de bien vous expliquer que notre rôle est complémentaire, il n'est pas compétitif, il n'est pas concurrentiel. Dans un deuxième temps, on voudrait vous faire certains commentaires concernant la position du gouvernement et, dans un troisième temps, on aimerait parler du financement à long terme, étant donné le vieillissement de la population québécoise.

Donc, on veut d'abord réitérer qu'on supporte le système de soins de santé au Canada qui a été mis en place par la Loi canadienne sur la santé, et on supporte également le fait qu'on est un partenaire du régime public, et un partenaire complémentaire. On veut vous dire, deuxièmement, qu'on est satisfaits que le gouvernement du Québec tienne une discussion publique sur la place du privé dans le système de soins de santé, et je n'ai pas besoin de vous rappeler que vous êtes probablement la province qui est la plus avancée au Canada dans ce système-là, où est on est capables d'avoir une bonne discussion entre nous là-dessus.

On a pris des positions durant plusieurs années. Il y a eu plusieurs commissions. Je pense que ce qu'on peut rappeler le mieux, c'est le partenariat unique qu'on a, l'industrie puis le gouvernement du Québec, puis, quand je dis «unique», je pense que c'est unique en Amérique du Nord au niveau de l'assurance médicaments. Ça existe depuis 10 ans. Je pense que ça fonctionne bien puis je pense qu'avec les ans on a appris à se connaître mutuellement puis à voir le rôle que l'on peut jouer. Alors, dans toutes les commissions, que ce soit le comité Clair, le comité Ménard, le comité Arpin, on a toujours privilégié une approche où on travaille en concertation avec le gouvernement, et c'est ce qu'on vous réitère aujourd'hui.

n (15 h 10) n

Le financement du système de santé, comment il fonctionne? Il est à peu près à 70 % public, 30 % privé. Le 70 % public, 60 %, c'est les provinces, puis un autre 13 %, c'est le fédéral ou des fondations d'hôpitaux, et il y a à peu près 30 % privé. Le 30 % privé, c'est quoi? C'est environ 15 % qui est payé directement par les citoyens et un 12 % qui vient de notre industrie, 12 % qui vient des assureurs privés.

Qu'est-ce qu'on assure? On vous a dit qu'on assurait des régimes complémentaires. Bien, ça couvre quoi, ce qu'on assure? Ça couvre les soins dentaires, les médicaments d'ordonnance, les soins paramédicaux, les orthèses, les prothèses, les frais d'ambulance, les chambres privées et semi-privées puis les soins d'urgence encourus à l'extérieur du Québec. Alors, c'est clair, la liste que je viens de vous donner, on n'est pas compétitifs, on est complémentaires.

On offre aussi, ce qui est moins connu, l'assurance individuelle pour les nouveaux résidents, pour les visiteurs au Canada. On offre l'assurance voyage pour couvrir les Canadiens à l'étranger et, depuis peu, on offre deux produits intéressants, innovateurs, qu'on va vous parler dans le cadre du financement à long terme, qui peuvent être très intéressants, que sont les assurances sur les maladies graves puis l'assurance pour les soins de longue durée. Bon, bien des personnes ont peut-être un préjugé défavorable envers le privé, je ne connais personne qui est contre l'assurance voyage et je ne connais absolument personne qui est contre les deux nouveaux produits que le privé vient de mettre sur pied, c'est-à-dire l'assurance contre les maladies graves et l'assurance concernant les soins de longue durée.

Et je dois vous dire que, la concurrence qui existe dans le privé, bien, si vous posez les questions: Ça peut être quoi, les avantages?, bien le premier, c'est que ça favorise l'innovation au niveau des produits ? je viens de vous parler de deux produits ? ça donne des choix accrus à la clientèle, et je pense que ça donne une bonne compétition au niveau du service. On est à Québec, on est dans la région de Québec. J'aimerais vous dire que les assureurs qui ont un siège social dans la région de Québec contrôlent environ 10 000 emplois directs, qu'on est tous en saine compétition pour avoir les meilleurs employés, et c'est pour ça que dans le fond on finance les deux chaires d'assurance à l'Université Laval, c'est pour ça qu'on finance le cégep de Sainte-Foy. Et je vous dirais que la concurrence qu'il y a eu entre nous, les assureurs locaux, fait que tout le monde aujourd'hui, tous les assureurs qui ont un siège social ici, à Québec, tentent maintenant de se développer à l'échelle canadienne. Ça montre dans le fond quel peut être le rôle des assureurs pour aider l'économie du Québec.

Maintenant, la question qu'on peut se poser, c'est: Pourquoi il y a autant de Canadiens qui sont intéressés par l'assurance privée? Puis en fait il y en a deux tiers des Canadiens qui le font. Bien, ils le font pourquoi? Ils le font principalement parce qu'ils aiment mieux budgéter des coûts connus plutôt que d'avoir à sortir une somme très importante et inattendue de leurs poches quand il y a un événement défavorable. Alors finalement ils acceptent de mettre en commun un certain nombre de risques pour être certains de mieux financer les coûts. Puis j'ai donné un exemple sur l'assurance médicaments, mais dans le fond ce qu'il faut se souvenir, c'est que l'assurance, c'est une cagnotte qui sert à rembourser des réclamations le temps voulu.

Et, quand vous regardez ça puis vous posez la question: C'est quoi, la classe de clientèle qui en profite le plus?, bien, moi, je peux vous dire: De toutes les études qu'on a faites sur nos taux de pénétration au Canada ? puis j'ai regardé aux États-Unis ? c'est la classe moyenne qui en bénéficie. Pourquoi? Parce que c'est eux qui ont le besoin le plus grand de budgéter leurs dépenses. Une somme qui est élevée, qui est inattendue, pour une personne qui a un revenu important, il peut le prendre dans son compte de banque. Pour la clientèle moyenne, c'est plus difficile. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que, dans la mesure où le gouvernement va permettre l'utilisation accrue de cliniques privées mais qu'il va dire qu'il ne veut pas voir les assureurs privés là-dedans, bien finalement il va empêcher la classe moyenne d'avoir accès au partage des risques.

Donc, l'assurance privée, bien ça offre un produit aux citoyens qui veulent une alternative à l'obligation de débourser de leurs poches pour des soins non couverts par le système public, ça permet aux citoyens une alternative lorsque le système public est moins présent. Et l'assurance privée ne se développe pas aux dépens du système public, elle est complémentaire. Donc, dans un...

Ce que je voudrais vous entretenir dans les prochaines minutes, c'est quel pourrait être notre rôle. J'ai mentionné 70-30: le public paie 70 % du système de santé; le privé, 30 %; 15 % par les individus puis 12 % par les assureurs. Alors, si je prends un exemple, l'assurance voyage, l'assurance voyage, c'est: le secteur privé donne un produit qui est largement accessible, qui est peu coûteux puis qui permet aux citoyens de voyager en toute tranquillité. Ça permet à des gens de bien gérer ce que ça pourrait coûter lorsqu'il advient un événement défavorable à l'étranger. Au total, c'est un marché d'environ 800 millions de primes par année. Le système de soins de santé au Canada, c'est environ 130 milliards. Donc, c'est peut-être 1 % du total. Pour les individus qui voyagent, ça coûte quoi? Ça coûte entre 2 $ et 4 $ par jour.

Alors là je me pose la question tout haut puis je me dis: Est-ce que ce produit-là a diminué l'accès ou la qualité des soins de santé publics? Est-ce que ce produit-là finalement a profité à l'ensemble de la population? Et, si le gouvernement, il avait à reprendre une décision aujourd'hui, est-ce qu'il dirait: J'interdis l'assurance voyage, ce n'est pas bon? Bien, moi, je pense que non. Je pense que l'assurance voyage, c'est complémentaire.

Je me pose la même question sur les chambres privées puis semi-privées puis je me dis: Est-ce que les financements des chambres privées puis semi-privées dans les hôpitaux, est-ce que ça a nui à l'accès des systèmes publics? Je serais porté à dire non. Je dirais même, au contraire, ça a peut-être aidé les hôpitaux à financer l'ensemble de leurs dépenses. Si le gouvernement avait à se poser la question une deuxième fois, est-ce qu'il dirait: J'aurais préféré de ne pas permettre au secteur privé d'assurer des chambres privées et semi-privées? Je ne pense pas que le gouvernement aurait dit ça. Puis finalement j'arrive à la conclusion que c'est un autre exemple d'assurance privée finalement qui profite à l'ensemble de la population.

Ça fait que la question, c'est de savoir: Est-ce qu'il y a d'autres éléments où il peut y avoir de la complémentarité? Et là j'arrive dans finalement la proposition du gouvernement, qui est de dire: Oui, on est prêts à avoir le privé, mais à certaines conditions. Sauf que, quand je regarde les conditions, très poliment, dans notre document, on dit: Les conditions sont telles qu'il ne faut pas s'attendre a une autre assurance voyage, il ne faut pas s'attendre à une autre chambre semi-privée, il ne faut pas s'attendre à une maladie longue durée, parce que les conditions nous apparaissent trop restrictives pour que ça fonctionne.

Alors, je prends l'exemple, parce que peut-être vous avez parlé beaucoup de la santé, je prends l'exemple que le gouvernement décide d'avoir un réseau parallèle d'autoroutes privées parce que le réseau actuel est congestionné. Il y a des gens qui disent: Ce n'est pas bon, c'est dangereux, il pourrait y avoir deux réseaux à deux vitesses, ça fait qu'on va essayer de gérer ça puis mettre des restrictions. Alors, la première restriction du gouvernement, c'est de dire: Sur une autoroute privée, ça va prendre des autos qui roulent seulement sur les autoroutes privées, ils n'auront plus droit de rouler sur les autres autoroutes. Ça fait que ça, c'est de dire... c'est l'équivalent de dire: Le médecin qui va vouloir aller dans le privé, il faut qu'il accepte de se désengager du public. Ça, il n'y a pas de problème là-dessus.

La deuxième condition que le gouvernement met, c'est de dire: La fameuse autoroute privée, on va juste l'ouvrir quand les autres vont être congestionnées. Ça fait que, le matin, vous arrivez pour voir un signe, puis ça dit «ouvert» ou «fermé». Ça, c'est des listes d'attente. Ça fait que les listes d'attente... si les listes d'attente sont sous contrôle, le gouvernement, il dit: Non, on ne pourra pas utiliser le réseau à côté.

Et la troisième condition, qui est la plus sévère, puis c'est celle qu'on questionne, c'est de dire que le médecin qui est désengagé de la RAMQ, il va devoir également investir dans ses propres outils, dans ses propres appareils. Il ne pourra pas utiliser ce qui existe déjà dans le système. Alors, un médecin qui accepte de perdre tous ses revenus de la RAMQ, qui en plus est obligé de financer tous ses appareils, pourrait être utilisé si jamais quelqu'un donne le feu vert parce que la liste d'attente est suffisamment élevée. Nous, on dit: Ce n'est pas réaliste de penser que dans ces conditions-là il va y avoir du potentiel vraiment.

Et c'est pour ça qu'on met trois suggestions. La première suggestion qu'on met, à la page 9 du rapport, c'est d'autoriser le recours à l'assurance privée pour d'autres services électifs que juste les trois qui sont mentionnés. La deuxième, et ça nous apparaît la plus importante, c'est de permettre à l'assurance privée de couvrir un citoyen qui consulte un médecin désengagé sans exiger que le médecin pratique en plus dans une clinique complètement privée. En fait, ce qu'on dit, c'est que les médecins devraient avoir la possibilité de travailler dans des cliniques affiliées lorsque celles-ci ne sont pas à pleine capacité. Et finalement, bien, au niveau des délais, on aimerait que la couverture s'applique dès la démarche pour la consultation d'un médecin désengagé, non pas à partir de l'inscription à une liste d'attente.

n (15 h 20) n

Finalement, je voudrais dire quelques mots brefs concernant le financement du soin de santé futur. Je pense qu'en permettant une meilleure participation de l'assurance privée au financement des soins pour les citoyens actifs on pourrait mieux utiliser les ressources pour permettre, par exemple, un plus grand financement des soins à domicile ou des soins de longue durée pour les personnes âgées et les prestataires de l'assurance-emploi. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait passer d'un système «pay-as-you-go», hein, on paie à chaque année, à un système de financement mieux capitalisé pour permettre aux citoyens de prévoir leur participation aux coûts de santé. Les régimes capitalisés, ce n'est pas une invention, ça existe déjà dans les régimes de retraite, ça permet aux gens d'avoir une planification financière. Par contre, actuellement, au niveau des soins de santé, on y va à chaque année en fonction des dépenses courantes.

Ce que je vous ai dit tantôt, c'est que, pour régler ça, les assureurs, ils ont développé deux nouveaux produits qui ont une partie financement à long terme. Le premier, c'est l'assurance des soins de longue durée, puis le deuxième, c'est les maladies graves. Donc, l'assurance sur les soins de longue durée, ça donne une source de prestations venant s'ajouter à celles que procurent déjà les régimes publics en cas de diminution des capacités fonctionnelles ou cognitives. Ces prestations peuvent servir à acquitter des frais médicaux, des frais paramédicaux, des frais connexes découlant d'une perte d'autonomie fonctionnelle.

Le deuxième produit, maladies graves, ça prévoit le paiement d'une somme forfaitaire à l'assuré, peu importe son âge, s'il survit pendant une période déterminée après qu'une maladie prévue au contrat ait été diagnostiquée. Exemple, sclérose en plaques: quelqu'un s'assure pour les maladies graves, quelques années après, il a la sclérose en plaques, il est en chaise roulante, il doit faire des rénovations sur sa maison, permettre l'accès à une chaise roulante, le produit va donner une somme forfaitaire, puis la personne va pouvoir l'utiliser. L'argent qui va être remis à l'assuré peut être utilisé comme bon lui semble, il n'aura pas besoin de fournir des reçus, il n'aura pas besoin de fournir quoi que ce soit.

Ces deux produits-là, actuellement, au Québec, il y en a 64 000 au total qui ont été vendus. Mais le message final qu'on donne au gouvernement, c'est de dire: Ces produits-là vont fonctionner dans la mesure où le gouvernement nous dit précisément qu'est-ce qui va être assuré par le public puis qu'est-ce qui ne sera pas assuré par le public. Parce que le type qui a la sclérose en plaques, si c'est le gouvernement qui dit: Nous allons rénover votre maison, nous allons payer pour tel soin, et telle chose, et telle chose, c'est sûr qu'il n'y a pas un client qui va dire: Je vais m'acheter une assurance pour me prévenir de ça.

Donc, ce qu'on dit, c'est qu'à date on a deux produits intéressants capitalisés: il y a maladies graves qui assure... qui donne une somme forfaitaire pour une vingtaine de maladies; il y a un deuxième produit qui s'appelle soins de longue durée. Il y a un certain nombre de gens qui ont acheté ces produits-là, mais, plus le gouvernement va spécifier ce qui est assuré dans le public, plus le privé va pouvoir jouer un rôle complémentaire en disant à une certaine clientèle: Vous voulez prévenir vos coûts futurs non seulement de retraite, mais aussi de diminution de capacité, voici les produits qui sont disponibles pour vous.

Donc, c'est les trois messages qu'on voulait passer, M. le Président, et là-dessus on va être disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Charest. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Charest, M. Millette, Mme Tremblay et M. Lebeau. Ce n'est pas un signe négatif que d'être le 108e, c'est parce que, d'abord, le 108e est aussi important que le premier, puis vous nous donnez l'occasion d'avoir entendu tous les autres qui ont parlé de ce dont vous venez nous parler puis d'avoir un éclairage particulier qui sera, je pense, utile dans nos discussions.

Je vais prendre votre analogie des autoroutes, je l'aime, c'est une bonne analogie. On va la regarder, elle est à la page 10 de votre document. Vous dites: «Le gouvernement étudie l'idée d'un réseau routier privé complémentaire pour désengorger le réseau actuel.» Je corrigerais ça: ce n'est pas pour désengorger, ça ne désengorge pas. Il n'y a personne qui a montré nulle part que ça désengorge, parce qu'il y a bien des chars qui attendent pour embarquer sur le réseau, il va y en avoir encore d'autres qui vont embarquer. En fait, tous les pays qui ont de l'assurance mixte n'ont pas diminué nécessairement la charge du secteur public par ça. Par contre, ça donne plus de choix, de flexibilité puis de réactivité, puis on peut faire le choix, comme vous l'avez dit dans votre présentation, de vouloir se payer une assurance pour avoir accès à des soins plus rapidement ou dans des conditions différentes. Ça, c'est une chose. Mais, de dire que ça désengorge le réseau public, il n'y a aucune démonstration qui est faite de ça.

Puis là vous dites: «En réponse aux préoccupations sur un système de transport à deux vitesses, le gouvernement ajoute des conditions ? bien vous les dites: les véhicules qui utiliseront le réseau privé ne pourront plus circuler sur le réseau actuel; le réseau privé sera ouvert seulement [lorsque] le réseau actuel sera congestionné [et] le réseau privé ne sera ouvert qu'aux voitures hybrides.»

Le problème qu'on a aussi, ce n'est pas juste ça, là, c'est le nombre de conducteurs puis le nombre d'autos. Le jour qu'on aura bien des autos puis des conducteurs pour chaque auto, il n'y aura pas de problème à avoir un système mixte. Puis, malheureusement, la situation d'effectifs actuelle, qui est en soi, en passant, une création du système monopole qu'on a là pour contrôler les coûts, diminuer l'offre de services ? il faut être conscients de ça ? fait en sorte que, si on faisait la double autoroute dès maintenant, bien tout ceux qui attendent pour se promener dans la Volkswagen, ils attendraient longtemps, parce qu'ils seraient tous à monter, à embarquer dans un Lincoln, de l'autre côté de la route. Si on a assez de chauffeurs puis assez d'autos pour tout le monde, moi, je n'ai aucun problème philosophique à faire ça. Je pense que c'est un élément de discussion que je voulais introduire dès le début.

Je voudrais vous demander, là: La proposition comme elle est, là, trois chirurgies, pensez-vous que, dans le collectif, il va y avoir des produits offerts pour ça?

M. Charest (Yvon): Bien, honnêtement, dans les conditions actuelles, je pense que non. Puis c'est pour ça que je pensais que c'était bien d'être transparent puis de vous le dire. Ce qui arrive dans un premier temps, c'est que l'assurance collective, c'est offert à des employés. Donc, les employés, la clientèle moyenne, c'est 20 à 65 ans. Alors, quand vous regardez ça, les cataractes, les hanches puis les genoux, ce n'est pas nécessairement la clientèle cible des employés, qui ont un âge moyen entre 20 et 60 ans. Donc, jusqu'à maintenant, depuis que ça a été mentionné, au début de l'année, il y a très peu d'employeurs et de groupes qui sont venus nous voir puis qui nous ont dit: Ça m'intéresse. Parce que les trois opérations qui ont été choisies, ce n'est pas nécessairement des opérations qui touchent les gens dont l'âge moyen est de 20 à 60 ans.

Dans un deuxième temps, vous savez que, nous, les assureurs ? puis vous allez avoir la meilleure preuve ? quand on dit qu'on est complémentaires, on n'est pas compétitifs. Nous, c'est une chose de l'offrir dans le produit, mais encore faut-il qu'il y ait un médecin qui est prêt à se désengager, qui est prêt à investir dans sa clinique, puis il est prêt à prendre le risque, à chaque jour, à chaque semaine ou à chaque mois, d'avoir un O.K. du gouvernement à cause des listes d'attente.

Alors, dans ce sens-là, nous, quand on regarde tout le feedback puis la rétroaction qu'on a eus dans les quatre derniers mois, honnêtement on ne pense pas que, dans les conditions actuelles, il va y avoir... que ce mécanisme-là va être utilisé dans les assurances privées.

M. Couillard: Le Dr Duval, à Montréal, il opère du monde à tous les mois sans la permission du gouvernement, puis ça, ça ne changera pas. Pourquoi il n'y a pas de monde qui serait intéressé à être assuré plutôt que de payer le 12 000 $? Comme vous avez dit, là, c'est un autre type de budgétisation. Si je me demande plus tard: Je vais-tu être obligé de me faire opérer... Puis on sait qu'avec la technologie maintenant ce n'est pas juste les personnes âgées qui ont des prothèses de hanche, en passant, l'âge diminue rapidement, et est-ce qu'on ne pourrait pas penser qu'il serait correct pour quelqu'un de dire: Bien, au cas que j'aie besoin d'être opéré par le Dr X, là ? on arrêtera de répéter toujours le même nom, là ? pourquoi je ne pourrais pas avoir une assurance pour me faire opérer, moi, si j'ai besoin, puis ne pas avoir à payer 12 000 $? C'est le même raisonnement, là.

M. Charest (Yvon): Oui. En fait, il y a deux choses. La première, comme je vous dis, à la fin de la journée, nous, les assureurs, quand on parle avec un groupe, l'assurance collective, c'est quoi, c'est l'employeur puis ses employés qui regardent ensemble quelles sortes de bénéfices qu'ils sont prêts à se payer puis est-ce qu'ils sont prêts à payer le coût, hein! Dans le fond, c'est le «checks and balances». Puis, les gens, chacun a des listes de priorités, chacun a des intérêts comme tels. Ça fait que ce que je vous dis dans un premier temps, c'est que les employeurs puis les employés ou les groupes de syndicats, quand ils discutent ensemble, ce n'est pas nécessairement ce genre de chose là qui est en haut de leur liste de priorités.

M. Couillard: Mais ça, vous avez raison là-dessus.

M. Charest (Yvon): C'est principalement ça. Le deuxième élément, bien, nous, je vous parle des maladies graves, là, les gens sont prêts à budgétiser. Parce que, quand... En fait, on a tous des connaissances qui ont eu des problèmes de santé, puis ça préoccupe les gens, puis les gens veulent le budgétiser. Ça fait que ça, j'admets que, du côté individuel, pour plusieurs maladies, il y a un intérêt, là, pour les produits qu'on appelle maladies graves, parce qu'on ne sait jamais, du jour au lendemain, est-ce qu'il va avoir un cancer, une sclérose en plaques ou une chose comme ça. Mais, je vous dis, dans le collectif, à date, les discussions entre les employés puis les employeurs, il y a peu d'intérêt pour ces trois chirurgies-là.

M. Couillard: Par contre, on ne peut pas exclure que quelqu'un veuille, une fois que c'est légal... que quelqu'un dise: Bien, je vais voir si je ne peux pas obtenir une assurance, un plan d'assurance pour ces trois chirurgies-là. Je ne dis pas qu'il y aura nécessairement un intérêt, puis ce n'était pas vraiment le sujet du gouvernement de le déterminer, là, mais c'est quelque chose qui théoriquement est possible.

Maintenant, admettons que c'est possible, faisons l'hypothèse que c'est possible et qu'il y a un marché pour ça. Compte tenu du fait que l'assurance devrait inclure non seulement la chirurgie elle-même, mais tout l'épisode de soins, incluant la réadaptation, est-ce que vous avez fait une évaluation des coûts de primes que ça représenterait pour un individu, disons, de 40 ans en bonne santé, là, les critères habituels, pour se couvrir pour ces trois chirurgies-là? Avez-vous fait le calcul?

n(15 h 30)n

M. Charest (Yvon): La réponse, c'est non. En fait, on a eu plusieurs discussions avec des médecins, puis ils se posent tous cette question-là sur quelles vont être les conditions que le gouvernement va appuyer. Parce que, comme vous dites, c'est une chose de faire de la chirurgie puis c'en est une autre de donner le service d'urgence, de donner le service 24 heures, donner le service s'il y a des complications ou des choses dans ce genre-là. Puis donc les médecins mêmes attendent peut-être des directives de savoir exactement, si quelqu'un accepte de prendre charge d'une chirurgie au niveau complémentaire en étant en dehors du système: Quelle doit être l'offre de services globale qui doit être faite? Et, en fonction de l'offre de services globale, puis si le gouvernement dit: Bien, le médecin, il faut... Si quelqu'un est opéré par un médecin désengagé, il n'est pas question, si la personne a une complication, qu'elle aille à l'urgence à l'hôpital. C'est le médecin qui doit s'en occuper.

M. Couillard: Mais ça, on ne pourrait pas le faire. Ce serait illégal de le faire. Cependant, la question qu'il faut se poser sur le plan de la société: Qu'est-ce qu'on fait? Il faut qu'on traite... Prenons un exemple, là, quelqu'un qui a une prothèse de hanche dans une clinique désaffiliée, à Montréal, puis il se tape une moyenne infection de prothèse, puis il se ramasse à l'urgence de Maisonneuve-Rosemont avec son infection. On n'enverra pas le patient parce qu'il a été opéré dans une clinique privée, là. Le système public de santé va prendre ça en charge. Mais là il n'en reste pas moins que le problème est là, c'est-à-dire qu'on a fait le bénéfice de l'acte chirurgical, puis ensuite on a transféré le coût de la complication au système public. Ça, c'est un autre débat. Mais il n'y aura pas d'obligation de traiter les complications, également. Il faut que les gens soient traités de façon correcte.

Mais je reviens à ma question: Si l'épisode de soins à assurer comprend la consultation, la chirurgie puis la réhabilitation pour une prothèse de hanche, vous devez être capables de calculer combien ça coûterait.

M. Charest (Yvon): Sauf que, M. le ministre, s'il y a quelqu'un qui nous dit, à un préavis d'une semaine, que, pendant le prochain mois, il n'y aura pas d'opération permise parce que les listes d'attente ne sont pas...

M. Couillard: ...aucun rapport avec les listes d'attente pour les chirurgies désaffiliées, là.

M. Charest (Yvon): O.K. Bien, je peux vous dire une chose: quand il restera juste à calculer le coût pour une opération, ça, vous pouvez être certain que les assureurs vont trouver une façon de le faire.

M. Couillard: Mais je veux juste clarifier quelque chose ? vous avez dit ça deux, trois fois, là: il n'y a aucun lien entre les chirurgies par les médecins non participants puis les listes d'attente, là. Ça, ça ne changera pas. Le Dr Duval, il peut opérer autant de patients qu'il peut ou qu'il veut par mois, qu'il y ait une liste d'attente ou pas, là. Je pense qu'il faut clarifier ça, là. Le seul lien qu'on fait, qui est un lien très indirect, c'est que les procédures pour lesquelles on va ouvrir à l'assurance privée, il faut absolument qu'elles soient couvertes par une garantie d'accès pour l'ensemble de la population qui ne pourra pas se payer les assurances. Ça, c'est le lien qu'on fait. Mais de permettre à quelqu'un d'être opéré, ça n'a aucun rapport avec... Vous pouvez y aller aujourd'hui, vous faire opérer par le Dr X, là, qu'il y ait une liste d'attente ou pas. Ça, ça ne changera absolument pas. Alors, je sais qu'il est trop tard pour vous demander le prix, là, pour faire une «quote», comme on dit, là, mais je pense que vous devriez être capables d'évaluer le coût que ça représenterait éventuellement, ce type d'assurance là, non?

M. Charest (Yvon): Je crois que M. Millette voulait rajouter quelque chose.

M. Millette (Yves): Oui. Je pense que, cet après-midi, vous êtes beaucoup plus précis que le document que vous avez émis...

M. Couillard: C'est pour ça que vous êtes les derniers.

M. Millette (Yves): ...et c'est une des raisons pour lesquelles on n'a pas fait d'évaluation de coûts. Je pense qu'on attend de voir quelles vont être les conditions finales qui vont être dans une législation éventuelle pour savoir exactement. Parce que, si on veut le tarifer de façon à ce que ce soit acceptable et stable, je pense qu'il faut savoir quel est le produit ou quel est le service qui va être laissé effectivement en bout de ligne à l'initiative privée.

M. Couillard: O.K. Donc, on ne peut pas éliminer qu'il y ait des produits, compte tenu... quand vous aurez vu le texte de loi, le texte du projet de loi puis l'adoption finale. Parce qu'il y a tout un processus législatif devant nous, incluant une autre consultation, l'étude article par article, l'adoption. Quand vous allez avoir le texte final du projet de loi, vous serez en mesure à ce moment-là, je suppose, de déterminer si vous voulez, pouvez ou désirez offrir un produit d'assurance pour ça.

M. Millette (Yves): Exactement.

M. Couillard: Maintenant, on n'a pas le coût, là, puis ça va être difficile de l'avoir, mais disons qu'on parle d'un produit à assurer, entre guillemets, bon, qui peut avoir une valeur... Prenons la prothèse de hanche de 12 000 $, si on inclut la consultation puis la réhabilitation postopératoire, un produit complet d'environ 15 000 $ à 17 000 $, ou 15 000 $, 16 000 $ de valeur. Je ne vous demande pas de me le dire aujourd'hui, là, mais dans votre tête vous allez être capables assez rapidement de déterminer les risques, les pools de risque puis le coût des primes. Maintenant, compte tenu du fait qu'au Québec 80 % des gens gagnent ou déclarent ? c'est souvent la même chose, on l'espère ? moins de 50 000 $ par année, quelle est la proportion de la population à votre avis, dans ce «range» ou dans cette zone de prime là, qui va être capable de se les payer? Avez-vous déjà fait cette évaluation-là?

M. Charest (Yvon): Bien, en fait, en assurance collective, ce qui se passe, c'est que, nous, on assure des groupes de cinq à 25 000 employés. Bombardier, par exemple, a 25 000 employés au Canada, puis c'est un assureur qui les assure. Donc, ce qui est important pour nous pour évaluer le prix, c'est plus de savoir dans quelle mesure on met le bénéfice obligatoire pour les employés puis c'est quoi, le pourcentage des employés, si c'est facultatif, qui souscrivent à une assurance. Puis, plus le pourcentage des assurés, plus le pourcentage des employés, dans une compagnie, accepte de souscrire à l'assurance facultative, bien plus, pour nous, le prix est plus facilement gérable puis le prix est plus raisonnable. Dans le fond, c'est tout le principe de l'antisélection.

M. Couillard: Maintenant, expliquez-nous le fonctionnement, là, de...

M. Charest (Yvon): Juste une seconde, M. le ministre, mais, pour vous rassurer, je peux vous dire que de tous les jours, puis ça fait des décennies que... Si je prends, par exemple, mon entreprise, mon entreprise-employeur ? tu sais, on a 3 600 employés ? on a des gens dont les factures de médicaments les plus élevées, ça peut représenter 30 000 $ par année, des gens qui ont soit la sclérose en plaques, des gens qui sont invalides parce que l'asthme est rendu trop important. Donc, à l'intérieur d'un gros groupe, vous ne devriez pas être surpris d'apprendre qu'un certain nombre d'employés ont des factures excessivement élevées, mais c'est ça, la base de l'assurance. Puis les autres, ça ne leur dérange pas du tout de payer pour l'assurance, sachant qu'ils n'ont pas la sclérose en plaques.

M. Couillard: Et puis, en plus, le principe est que plus il y a de monde dans le pool de risque, plus on répartit le risque et plus on contrôle les coûts, en autant que tout le monde ou pas veut participer. C'est ça, le principe de l'assurance collective.

M. Charest (Yvon): Absolument. Absolument. Dans ce sens-là, vos opérations ne sont pas différentes d'autres maladies pour lesquelles la fréquence est faible mais la sévérité est importante puis le coût est important.

M. Couillard: Mais dites-moi maintenant... Je m'excuse. C'est parce que j'ai tellement de questions à poser que je veux profiter de votre présence, puis je suis certain que mon collègue de Borduas en a également. Dans le fonctionnement... Admettons, faisons comme hypothèse, là, que vous avez un produit d'assurance collective qui permette des genres d'«opt in» ou «opt out» pour une protection pour les trois chirurgies en question. Est-ce qu'il y a une sélection, dans votre entreprise, par exemple, 3 600 employés... On sait, par exemple, que l'obésité, c'est un facteur de risque majeur pour avoir à subir un remplacement articulaire. Est-ce que, dans ce genre de situation là, vous pouvez ne pas offrir le service ou l'assurance aux personnes qui présentent un facteur de risque, exemple l'obésité?

M. Charest (Yvon): Le principe de l'assurance collective, c'est que tout le monde participe à l'assurance collective.

M. Couillard: Quel que soit le...

M. Charest (Yvon): Quel que soit l'état.

M. Couillard: Alors, tu sais, par exemple, fumeur, non-fumeur, exercice, pas d'exercice, obèse, pas obèse, c'est réparti entre tout le monde.

M. Charest (Yvon): Absolument. Absolument. C'est le principe de l'assurance collective.

M. Couillard: Par contre, si vous êtes dans le marché individuel, là c'est différent.

M. Charest (Yvon): C'est tout à fait différent dans le marché individuel, parce que, là, dans le fond c'est de savoir quel client vient me voir, c'est quoi, sa situation de santé. Puis, de façon générale, bien on dit: Les assureurs, ils n'évitent pas les risques, ils essaient de mesurer les risques. Donc, il y a des risques qui sont plus dispendieux que d'autres, puis c'est dans ce sens-là que les primes peuvent varier. Simplement pour un produit d'assurance vie individuelle, il y a 20 ans, il y avait deux primes, une pour les fumeurs puis une pour les non-fumeurs, puis maintenant il y a neuf primes différentes en fonction du style de vie des gens, de leur poids, des conditions de la famille, etc. Donc, il y a une très grande différence entre le collectif, où le principe de base est: Tout le monde est admis, puis on partage, versus l'individuel, où on essaie de mesurer le profil de risque d'un individu. Je pense, Monique, que tu voulais rajouter quelque chose?

Mme Tremblay (Monique): Effectivement. Je pense, pour revenir à votre question, M. le ministre, de tout à l'heure sur est-ce qu'on pourrait inventer un produit comme ça, puis quel prix on le facturerait, c'est qu'en partant il faut aussi se demander à qui on le vendrait. Alors, l'enjeu qu'on a, par exemple dans les produits de soins longue durée, dont on parlait tout à l'heure, c'est que les gens ont de la pensée magique puis ils pensent qu'ils ne seront jamais malades, donc qu'ils n'en auront pas besoin. Alors, on ferait face, dans le cas où il y aurait une ambiguïté entre ce que le public offre, et quand, et le privé offre... Pourquoi je paierais une prime si je peux l'avoir au public? Je vais jouer à la loterie, puis je vais espérer que la liste d'attente ne sera pas trop longue ce matin-là, puis je vais mettre mon argent puis ma prime d'assurance sur peut-être d'autre chose que, là, absolument je suis certain que je n'aurai pas comme service puis je vais en avoir besoin. Alors, c'est l'attrait des deux types de produits qu'on décrivait tout à l'heure. C'est que, selon la réalisation de certaines conditions, bien il y a des sommes qui sont disponibles, puis la personne choisit de les affecter selon son besoin à elle.

Donc, si, dans une situation où la personne, à cause d'une maladie, là, dans le cas dont on parle, aurait aussi besoin d'une opération pour autre chose et est sur la liste d'attente, bien elle pourrait choisir de dire: Je n'attendrai pas. Mais ce serait dans le contexte. Mais je pense pas que le consommateur, dans justement des montants disponibles pas si élevés que ça, choisirait d'affecter des sommes pour un événement aussi précis que de dire: Si j'ai besoin d'un remplacement de hanche, je vais plutôt prendre un choix sur d'autre chose où le service ne sera pas rendu, où j'aurai de la flexibilité, si j'en ai besoin pour d'autre chose.

n(15 h 40)n

M. Couillard: Et j'ajouterais même que, dans les cas précis dont on parle, paradoxalement, plus on va réussir de notre bord à améliorer l'accès pour ces trois chirurgies-là, peut-être moins il va y avoir d'intérêt pour le produit parce qu'il va... Supposons qu'on arrive au point où tout le monde au Québec peut raisonnablement espérer d'être opéré en dedans de six mois pour prothèse de hanche, genou, cataracte, qui sont les délais médicalement requis. Bon, la seule motivation d'avoir l'assurance, ce serait de dire: Bien, je peux être opéré dans 10 jours si je veux. C'est ça, la différence, finalement. Et ça va être intéressant de voir... Parce que les sondages montrent que la plupart des gens ? évidemment, ils ne voient pas les détails, hein; mais la plupart des gens ? sur la base du concept, sont plutôt ouverts à l'idée de cotiser une assurance supplémentaire pour avoir cette flexibilité-là. Exemple, la personne qui a une entreprise, elle veut pouvoir choisir exactement quand est-ce qu'elle va avoir la chirurgie, ce genre de choses là. Mais je dirais que la perception que les gens ont de la situation de l'accès dans le système public va beaucoup influer sur la demande de vos produits également, puis ça, c'est un autre facteur à considérer.

Bien, je terminerais là-dessus, M. le Président, pour terminer l'analogie sur les autoroutes, là, en disant que, quand on est au gouvernement, ce qu'on veut surtout, c'est qu'il y ait le moins de monde possible qui se fassent sacrer dehors de l'auto puis qui se ramassent à pied entre les deux voies.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Alors, madame, messieurs, dans le fond il y a une espèce de double message, si j'ai bien compris, là. Vous dites: Nous autres, on a surtout un rôle complémentaire, jusqu'à maintenant. Et ça, je pense qu'il n'y a personne qui remet ça en cause. Et puis déjà on constate beaucoup que finalement les assurances ont un rôle complémentaire. La vraie question, c'est: Est-ce que les citoyens du Québec ont besoin en général d'avoir une assurance qui n'est pas complémentaire mais qui est duplicative? Autrement dit, ils paient déjà pour une assurance par le système public. C'est-à-dire, on a système public d'assurance pour des soins de base médicaux et hospitaliers. Est-ce qu'on est obligé de repayer une autre fois puis est-ce qu'on devrait repayer une autre fois pour les mêmes services qui sont déjà assurés? Est-ce que dans le fond on ne serait pas mieux de concentrer l'action des assurances privées dans le domaine complémentaire, d'autant plus que le champ est encore très vaste parce qu'on n'a pas fait le choix, pour toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons ? peut-être parce qu'on n'a pas les moyens ou parce que le champ est tellement vaste ? d'ajouter au panier de services public? Alors, déjà, là, il y a de la marge de manoeuvre en masse pour tous les produits et tous les secteurs qui ne sont pas couverts par l'assurance publique.

M. Charest (Yvon): Bon, alors, je vais répondre de deux façons. Vous parlez des produits complémentaires, puis il faudrait peut-être retourner dans le temps, à un moment donné, puis dire: Quand on a discuté de l'assurance voyage, la première fois, ou des soins à l'étranger, quand, la première fois, on a discuté des chambres privées puis des chambres semi-privées, est-ce que les assureurs étaient vus complémentaires ou ils étaient vus compétitifs? Alors, avec les années, les gens, tout le monde, tu sais... Puis il y a eu un genre de large consensus, parce qu'aujourd'hui, je pense, personne ne remet en question ces assurances-là d'assurance privée. Je pense que personne ne remet en question l'assurance voyage, les chambres privées, semi-privées, les soins à l'étranger. Je pense que tout le monde s'entend que c'est complémentaire.

Le gouvernement nous dit dans son document que là il y a une problématique additionnelle qui est le vieillissement de la population puis le fait que les soins de santé vont augmenter beaucoup plus rapidement que le PIB de la province. Et le gouvernement se questionne sur les façons possibles de capitaliser certains soins, comme c'est le cas pour la retraite, puis ça fait partie de la réalité, puis tout le monde est habitué, puis ils font ça depuis 40 ans. Alors, nous, ce qu'on vient vous dire, dans notre rôle de complémentarité pour aider au financement, c'est de dire: Il y a des produits qui font ça. Il y a des produits, qui s'appellent maladies graves, qui font exactement ça.

Puis, quand vous dites: Ils sont déjà assurés, bien, moi, je dirais que, quand quelqu'un a une insuffisance rénale, puis qu'il doit aller en dialyse trois fois par semaine, puis il a besoin de son conjoint, il a besoin de transport, il a besoin de ça ? puis, moi, je le vis, là, il y a un conjoint d'employé chez nous, il est en dialyse depuis cinq ans ? bien c'est sûr que le système de santé fournit la dialyse, mais c'est quoi, tous les coûts pour l'environnement puis l'entourage autour de ça? Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, quand je vous parle d'un produit qui est capitalisé, qui s'appelle maladies graves, qui pourrait assurer pour insuffisance rénale, bien, si quelqu'un achète une police de 100 000 $ puis il y a quelqu'un dans sa famille qui a une insuffisance rénale, ils vont recevoir 100 000 $. Puis c'est là qu'ils vont décider comment ils l'utilisent, comment ils l'utilisent pour supporter la personne, comment ils l'utilisent, parce que le conjoint va manquer un travail pendant un certain temps.

Alors, notre approche, M. le député, ça a toujours été de dire: En fonction des priorités du gouvernement ? puis là le gouvernement, il a une priorité sur le financement à long terme ? en considérant que, nous, notre rôle est complémentaire, comment on peut aider? Puis, le gouvernement se questionne sur la meilleure façon d'assurer le financement, puis, nous, on vous dit: Il y a deux produits qui existent déjà, qu'on a commencé à vendre, qui font ça. Et, dans la mesure où le gouvernement va spécifier jusqu'où il est prêt à aller dans le système public, bien là peut-être que les citoyens du Québec vont se dire: Si le gouvernement, il va jusqu'à telle place, bien, nous, comme citoyens, si on veut bien budgéter nos dépenses futures puis pas juste celles reliées à la retraite, mais celles reliées à la santé, bien, moi, je pense que je vais m'assurer pour tel produit pour avoir un montant d'argent, montant forfaitaire, s'il y a un certain nombre de maladies. Puis c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on va continuer à être complémentaires. Il y a bien des gens qui sont peut-être venus à la commission et qui ont dit: On n'a pas besoin du privé, ça va duplicater le public. Mais, si vous lisez notre mémoire, puis notre position de 1996, puis quand on est venus à la commission Clair, puis quand on est venus à la commission Ménard, on n'a jamais dit ça.

M. Charbonneau: Bien, c'est parce que, là, c'est ça, il y a comme une confusion, là. C'est-à-dire que le gouvernement rouvre un peu ? et puis le ministre l'a dit souvent, il vous l'a redit aussi aujourd'hui; il rouvre un peu ? dans le fond peut-être parce que, je veux dire... soit pour des raisons idéologiques ou soit parce qu'on pense, comme ça, de calmer le jeu ou de répondre à un certain type de revendication, mais en bout de piste il rouvre pour trois types de chirurgie. Et vous venez vous-mêmes de confirmer ou de dire: Bon, il n'y a pas grand marché là, là. Il limite ça à ça. Et il y en a d'autres qui viennent nous dire: Bien, il ne devrait pas le limiter à ça, vous devriez l'ouvrir à tout. Et, nous, notre position, c'est de dire: Il ne devrait pas le faire pantoute, parce que de toute façon c'est symbolique, ça ne donnera pas grand-chose, vous venez de nous le dire vous-même, puis le principe même, pour les soins médicaux et hospitaliers, c'est qu'à partir du moment où on introduit l'idée de l'assurance privée duplicative ? et pas complémentaire... On en a une, assurance complémentaire, et beaucoup de gens dans les entreprises, dans les milieux de travail, ont des assurances complémentaires. Mais on parle d'une assurance, là, pour les soins de base qui sont déjà couverts. À ce moment-là, ce qu'on dit, c'est que c'est ça, le principe de la médecine à deux vitesses.

Déjà, si tu as de l'argent, tu peux aller chez le Dr D, tu sais, qui charge 12 000 $ pour un changement de la hanche. Ou on dit: Bien, on ne veut pas aller consacrer encore plus ça en permettant maintenant... pas juste à ceux qui sont capables de payer comptant, mais à des gens qui sont prêts à prendre des assurances pour y aller. Alors, on se dit non. Je veux dire, ça, ça devrait rester dans le secteur public, puis le marché est assez grand pour le secteur privé.

La question dans le fond, pour le long terme, c'est: ceux qui nous recommandent d'avoir une espèce d'assurance collective pour les soins de longue durée, tu sais, autrement dit, l'espèce de caisse vieillesse, ça, c'est une autre question, là. Ce n'est pas relié à la problématique de l'attente, c'est relié à la problématique du financement à long terme du système. C'est bien différent.

M. Charest (Yvon): M. Millette. Je vais faire un commentaire, puis après ça...

M. Charbonneau: Oui, oui, il n'y a pas de...

M. Charest (Yvon): ...je vais demander à ma collègue de parler du financement à long terme.

M. Millette (Yves): Vous nous parlez beaucoup, M. le député, d'assurance duplicative. C'est quelque chose qui est un phénomène nouveau, là. C'est européen comme phénomène. Chez nous, les assureurs, depuis l'existence des régimes publics, n'ont pas fait d'assurance duplicative. Le système de santé canadien couvre à peu près intégralement les coûts médicaux et hospitaliers, et la complémentarité s'est toujours faite, autour de ça, dans les soins à domicile, dans tout ce qui n'est pas couvert.

Et, quand on regarde le jugement de la Cour suprême, on ne pense pas qu'on s'en va vers une assurance duplicative, mais on regarde le fait qu'il y a certains citoyens, au Canada ou au Québec, qui peuvent choisir de payer de leurs poches certains types d'opérations dont on a parlé. Et la Cour suprême a dit: Bien, ces gens-là devraient pouvoir avoir de l'assurance privée. Donc, on n'est pas encore sous une forme d'assurance duplicative, pour nous. C'est tout simplement des gens qui peuvent choisir de se faire opérer ailleurs. Ils ont le droit en tant qu'individus. Et, nous, on considère que ? et c'est pour ça qu'on trouve que le système n'est pas assez largement ouvert; on considère que ? si on pouvait monter un système de budgétisation, il n'y a pas seulement que les riches qui pourraient se payer ce genre d'assurance là, mais la classe moyenne pourrait y avoir accès, au besoin évidemment, là, en préservant les acquis du système public de santé. Mais on ne le voit pas comme duplicatif. Ce n'est pas en compétition avec le régime public. C'est toujours par rapport aux personnes qui ont le choix de payer de leurs poches. On veut leur offrir le choix d'avoir une assurance. Et on pense que c'est vraiment le sens du jugement de la Cour suprême.

n(15 h 50)n

M. Charbonneau: ...j'ai l'impression qu'on ne se comprend pas, ou il y a un débat sur le vocabulaire. Parce que les gens qui sont venus ici, il y en a beaucoup, là, quand ils utilisaient l'expression «duplicative», c'est que dans le fond ils reconnaissaient le fait qu'on... tu sais, il y a une duplication par rapport au fait qu'il y a déjà... les gens paient déjà pour l'assurance des soins médicaux et hospitaliers. Alors, dans le fond, s'ils repaient une deuxième fois parce qu'ils prennent une assurance privée, c'est ça qui est l'élément de duplication, là. Alors donc, si on se comprend, il faut appeler un chat un chat. Alors ça, c'est une assurance duplicative.

Quand vous parlez du jugement de la Cour suprême, est-ce que vous reconnaissez que dans le fond l'argument de la Cour suprême, c'était surtout par rapport au problème de l'attente? Mais dans les faits il n'y a pas une étude qui a démontré ? puis ça, même le ministre l'a dit à plusieurs reprises, il l'a redit tantôt ? ce n'est pas vrai que parce qu'on va permettre à des gens qui actuellement peuvent payer comptant de se prendre une assurance on va régler le problème de l'attente. Ce n'est pas exact. Puis est-ce que vous reconnaissez ça?

M. Charest (Yvon): En fait, le commentaire que je voudrais faire, c'est le choix des trois chirurgies, puis après ça je voudrais laisser à ma collègue le soin de parler du financement, parce que vous avez dit: C'est deux problèmes différents. Ça fait que, pour finir sur le premier problème, je dirais, je dirige une entreprise et j'ai toujours à me poser la question: Est-ce que je fais faire un virage à 100 degrés à l'ensemble de mon entreprise ou est-ce que je ne suis pas mieux d'en profiter pour dire: Je vais faire un test à modèle réduit puis je vais faire une certaine expérimentation? Moi, si j'avais le choix, je déciderais le deuxième, de faire une expérimentation. Puis je pense que le gouvernement, c'est ça qu'il s'est dit: Je vais expérimenter avec trois chirurgies. Puis, nous, tout ce qu'on dit, de façon bien polie, c'est que peut-être ce n'est pas assez pour faire un test véritable. C'est tout ce qu'on dit. Mais, sur le principe...

M. Charbonneau: Je comprends, là.

M. Charest (Yvon): Mais, sur le principe de faire un test plutôt que d'attendre puis dire: Du jour au lendemain, à un moment donné, je fais un virage à 180 degrés, personnellement je trouve que l'idée de faire le test, c'est une bonne idée. C'est ce que je trouve. C'est prudent.

M. Charbonneau: C'est là où on n'est pas d'accord. Moi, je vais vous dire franchement, je ne le ferais pas, le test, puis je ne pense pas que c'est là qu'on devrait aller. Bon. Quelqu'un qui dit: Je vais faire le test, bien dans le fond, ce que vous lui dites, c'est: Dans le fond, vous ne le faites pas vraiment, parce que vous n'avez pas les conditions minimales pour qu'il y ait un vrai test, même s'il est réduit.

M. Charest (Yvon): Je dis qu'actuellement les conditions sont telles...

M. Charbonneau: Je vous décode bien, là.

M. Charest (Yvon): Non, non, vous avez raison de dire qu'actuellement le test, avec les conditions qu'on lui met, ça va être difficile d'évaluer si ça peut fonctionner ou pas. Il faudrait que ce soit un petit peu plus large.

Maintenant, j'aimerais laisser ma collègue dire un mot sur le financement, parce que vous dites: C'est un deuxième problème, et vous avez tout à fait raison.

Mme Tremblay (Monique): L'élément qu'on aimerait apporter là-dessus, c'est que, quand on disait, tout à l'heure, il y a 70 % qui provient du public, 30 %, du privé, on pense que, dans le financement futur puis avec le vieillissement de la population, on a des leviers dans les sommes qui sont déjà là, dans le système privé, et qui n'ont pas toute la flexibilité nécessaire. Je vais vous donner un exemple. On a des REER. Les capitaux détenus dans les REER sont très importants chez les citoyens. Et on a créé de l'ouverture. On a dit: Pour quelqu'un qui veut acquérir sa première maison, bien on va lui permettre de faire des retraits sous certaines conditions, et puis il va pouvoir utiliser les sommes qui sont dans son REER pour sa maison. Alors, je pense que, comme évolution démographique de société, bien si on disait: On peut faire des retraits de son REER pour des soins de santé, donc qu'on va choisir de se donner avec de la flexibilité... Si on a de l'aide fiscale, tant mieux si on peut faire le retrait sans être imposé parce que c'est pour des raisons de santé. C'est sûr que le modèle de l'accès à la propriété ne s'applique pas de manière identique, mais c'est un exemple de levier dans les sommes qui sont existantes dans le système.

Alors, les deux produits d'assurance dont mon collègue parlait tantôt, bien ce sont des moyens qui sont déjà là, dans l'industrie, dont les citoyens peuvent se prévaloir, et il y en a d'autres qui sont là, comme les REER. Alors, on dit finalement: Soyons créatifs, dans les sommes qui sont déjà là, pour ne pas augmenter le fardeau économique qu'on a comme société, mais profitons des leviers qu'on a en se donnant plus de flexibilité, tout simplement.

M. Charbonneau: La couverture que les gens auraient si on allait dans cette direction-là, là, celle que vous proposez, est-ce que ce serait une couverture pour des soins qui ne sont pas couverts ou pour des soins qui sont déjà couverts?

Mme Tremblay (Monique): Bien, ce serait finalement... Une définition pourrait être... Puis évidemment c'est une piste, là, à explorer puis à définir, mais il pourrait y avoir... De la même façon qu'on dit aujourd'hui: certains services médicaux, des médicaments qu'un individu paie, c'est déductible d'impôt quand ça rencontre certaines conditions, quelqu'un qui s'achète une chaise roulante, bien on pourrait rajouter à la liste des services qui sont fiscalement acceptables pour faire un lien avec un retrait REER qui ne serait pas imposable, par exemple, là. C'est...

M. Charest (Yvon): M. le député, quand on dit «couvert», «pas couvert», là, quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer, est-ce que c'est couvert, ça? C'est sûr qu'il y a un soin de base qui est couvert par l'hôpital, mais c'est quoi, toutes les autres dépenses qui encadrent ça? Et ce qu'on dit ici, c'est que, si l'utilisation du REER pouvait être faite quand quelqu'un est atteint d'Alzheimer, bien il pourrait retirer un certain montant de son REER pour payer les dépenses connexes qui vont avec sa maladie...

M. Charbonneau: Mais dans le fond...

M. Charest (Yvon): ...plutôt que de dire: Moi, j'ai cette maladie-là, puis j'ai des épargnes dans mon REER, puis j'aurais besoin de mon argent maintenant, puis je ne peux pas y toucher. Alors qu'il y a 15 ans ce qui était important pour les gens, c'était l'accès à leur première maison, puis le gouvernement, il a accepté que le REER soit utilisé pour ça, aujourd'hui, si vous demandez c'est quoi, la priorité des citoyens, ce n'est pas nécessairement l'accès à la première propriété, c'est plus les soins de santé.

M. Charbonneau: Ma recherchiste, elle, dit: Dans mon cas, oui, c'est encore la maison, mais, pour nous autres, c'est vrai que c'est l'autre chose, hein? Mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest (Yvon): Bien là, la démographie va bien. Je suis content d'apprendre qu'il y a des gens qui s'occupent de combler le choc démographique des prochaines années. Je vous félicite.

M. Charbonneau: C'est ça. Mais néanmoins ce que je comprends, c'est que c'est dans la dynamique encore une fois de la complémentarité.

M. Charest (Yvon): Exactement. Puis peut-être trop de gens ont le réflexe premier de dire: C'est un contre l'autre ou un ou l'autre. Et tout ce qu'on a essayé de vous démontrer cet après-midi, c'est que tous les produits qui existent ont toujours été en complémentarité. Si on est un peu imaginatifs, on va en trouver d'autres. Pour aider quoi? Pour aider la priorité du gouvernement qui est de dire: Les soins de santé, ça commence à être important sur le budget, puis le financement à long terme, ça nous préoccupe. Ça fait que, nous autres, on vous dit juste comment on peut jouer un rôle complémentaire là-dedans. Puis notre question, ce n'est pas de dire: Est-ce que l'infirmière ou le médecin va sortir du public, puis on va aller le prendre dans le privé, puis combien on va le payer? Ce n'est pas ça. Mais vous voyez, là, par les exemples qu'on vous a donnés cet après-midi qu'on a un rôle complémentaire intéressant pour répondre aux préoccupations du gouvernement.

M. Charbonneau: Je comprends, mais, je veux dire, encore une fois soyons clairs. C'est-à-dire que, si vous êtes vraiment complémentaires, on se parle. Si vous venez jouer dans la talle qui est déjà couverte par l'assurance publique, là on ne parle plus de la même affaire, parce que là finalement on parle d'une double assurance. C'est des citoyens qui doivent s'appauvrir parce qu'on joue sur leur insécurité, là.

M. Charest (Yvon): La seule chose, M. le député, c'est qu'il y a très longtemps les soins hors Canada puis l'assurance-voyage, si ma mémoire est bonne, c'était dans le régime public. Et le gouvernement a décidé que ça, ce n'était pas sa mission première puis ce n'était pas là-dessus qu'il voulait concentrer les ressources de l'État. Et c'est comme ça que c'est devenu un produit complémentaire.

M. Charbonneau: Parce que ça a été désassuré.

M. Charest (Yvon): Parce que ça a été désassuré parce que le gouvernement a décidé de revoir sa mission puis de dire quelle était sa mission première. Et, dans la mesure où le gouvernement décide de modifier ou de moduler sa mission, c'est dans ce sens-là que, nous autres, on dit: Oui, on est prêts à agir de façon complémentaire. On ne s'est jamais présentés, dans les 15 dernières années, devant aucune commission pour dire: On pense qu'on peut faire une bonne job, vous devriez nous le laisser.

M. Charbonneau: Mais encore une fois je me dis... Moi, j'ai...

M. Charest (Yvon): Vous savez qu'il y a juste un assureur sur 108, puis vous entendez ça une fois sur 108, puis vous entendez 52 fois l'autre chose ou l'opposé.

M. Charbonneau: Je veux dire, on a beaucoup de gens qui étaient des idéologues qui sont venus plaider en faveur des assurances privées, que ce n'étaient peut-être pas eux autres mêmes des assureurs ou qui parlaient au nom des assureurs, parce qu'ils sont dans le monde patronal ou dans le monde de l'entreprise. Mais, je veux dire, c'est vrai que finalement les entreprises d'assurance, on les rencontre aujourd'hui, là.

Mais encore une fois soyons clairs. Tu sais, si l'État dit: Moi, je sors des assurances voyage, je sors de ci ou je sors de ça, puis que finalement il y a quelqu'un d'autre qui prend la place, c'est une chose. Si l'État reste dans un champ d'intervention puis que là on dit: On va permettre à des assurances privées d'aller jouer dans cette talle-là, puis là la conséquence de ça, c'est que finalement, eux autres, parce qu'ils vont prendre l'assurance privée après avoir payé déjà publiquement, ils vont passer plus vite alors qu'il y a une problématique d'effectif, c'est là que ça ne marche pas, là, c'est là que...

Une voix: Monsieur.

M. Charbonneau: ...en tout cas que, nous, on a une opposition ferme. Le ministre, il dit: Moi, j'ai une opposition conjoncturelle. Tant que je vais avoir un problème d'effectif, je ne suis pas prêt à y aller. Nous, on dit: On est d'accord sur ça, mais en plus on a un problème plus fondamental, parce qu'on pense qu'on introduirait, comme ça, la médecine à deux vitesses. Mais, si c'est la complémentarité, là, on ne parle plus de deux vitesses, on parle de complémentarité. Ce n'est pas pareil.

M. Millette (Yves): Mais, M. le député, c'est ce que je vous disais tantôt. L'assurance duplicative, c'est un concept qu'on introduit, qui est un concept européen, où les systèmes sont relativement différents des nôtres. C'est qu'ici, au Canada, le régime public s'est concentré à un endroit, et le reste est plutôt complémentaire. Et je pense que les assureurs ont amplement de champs à développer dans la complémentarité, avec le vieillissement de la population ? les soins à domicile, les soins de longue durée ? sans nécessairement avoir la volonté d'aller dans les assurances duplicatives. Ce qui se rapproche le plus de l'assurance duplicative au Québec, c'est le régime d'assurance médicaments. Et encore on a trouvé le moyen de spécialiser chacun des groupes dans son domaine privilégié, ce qui fait en sorte que c'est plutôt complémentaire que duplicatif.

n(16 heures)n

M. Charbonneau: ...une assurance mixte complémentaire.

M. Millette (Yves): Bien oui, voilà.

M. Charbonneau: Mais dans le fond, à part l'expérience pilote que vous souhaiteriez que le gouvernement amène, avec un peu plus de capacité, ce que vous dites, c'est que...

M. Charest (Yvon): Le deuxième élément qu'on vous dit, concernant le financement à long terme puis le potentiel pour certains produits de permettre aux gens de financer leurs dépenses à long terme, on dit au gouvernement: Plus vous allez préciser, dans le panier de services, ce qui est public, plus ça va être clair pour les citoyens, savoir où ils doivent se prendre en main. Alors, pour la retraite, c'est clair. Le gouvernement dit: Moi, j'ai la Régie des rentes, je vais jusqu'à tel niveau. Chers citoyens, si vous voulez plus de revenus à votre retraite, c'est à vous à vous en occuper.

Dans la mesure où on aurait quelque chose de similaire au niveau de la santé, que le gouvernement dirait: Voici jusqu'où je vais à cause de l'augmentation des soins de santé, donc là les citoyens vont pouvoir agir en personnes responsables et de dire: Bien, si je veux financer des dépenses futures, je vais le faire. Et c'est peut-être ça aujourd'hui qui va faire... c'est peut-être ça dans le fond, que ça va amener vos citoyens à poser des gestes plus responsables puis de dire: Moi, en vue de prévenir des dépenses plus tard, je suis prêt à acheter tel produit de maladie critique. C'est le deuxième message qu'on dit au gouvernement.

M. le Président, excusez-moi de ma longue réponse.

Le Président (M. Copeman): Il n'y a pas de difficulté, M. Charest, mais je vous avise que nous avons dépassé de quelque peu l'échange. Le dessert s'est prolongé un tout petit peu, mais ça a été très bien. Alors, M. Charest et M. Millette, Mme Tremblay et Me Lebeau, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc.

Je suspends les travaux de la commission quelques petits instants.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

 

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux.

Mémoires déposés

Quelques petites responsabilités de la présidence. Dans un premier temps, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des personnes et des organismes suivants: l'Association des optométristes du Québec, l'Association des retraitées et retraités de l'enseignement du Québec, l'Association régionale du sport étudiant de Québec et de Chaudière-Appalaches, le Centre Juif Cummings pour aînés ? Cummmings Jewish Center for Seniors, le Comité de défense des droits sociaux de la Fédération CJA, la Conférence régionale des élus de Montréal, le Conseil des Canadiens, le Conseil permanent de la jeunesse, la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec, la Fédération québécoise de l'autisme et des autres troubles envahissants du développement, le Forum des citoyens aînés de l'île de Montréal, M. Louis Gouin, le Groupe d'action sur le poids Équilibre, Mme Louise Keuninckx, M. Boniface Kiraranganya, Mme Parise Mastropaolo, Pfizer Canada inc., le Réseau d'action des femmes en santé et en services sociaux, le Réseau de Vigilance Lavalois, le Réseau québécois d'action pour la santé des femmes, M. Robert Rivard, Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre, le Syndicat de l'enseignement de Champlain, la Table de concertation de Laval en condition féminine, la Table des groupes de femmes de Montréal, l'Union des travailleurs et des travailleuses accidenté-e-s de Montréal, Vision Gaspe-Perce Now, le YWCA de Québec.

Document déposé

Je dépose également la liste des personnes et des organismes qui ont fait parvenir une déclaration commune à la Commission des affaires sociales dans le cadre de la consultation générale et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Nous sommes rendus, chers collègues, à l'étape des remarques finales. Je vous rappelle qu'il y a 15 minutes de prévues pour l'opposition, incluant la députée indépendante, 15 minutes de prévues pour le groupe ministériel. Alors, sans plus tarder, je cède la parole...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Un instant, s'il vous plaît. Alors, je cède la parole au député de Borduas.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Bien, si vous le souhaitez. Allez-y tout de suite, là.

M. Couillard: ...juste une transmission ou un dépôt, je ne sais pas qu'est-ce que vous choisirez, là. Il y a eu plus de 3 500 personnes qui, par Internet, ont donné leur avis sur le sujet, et c'est une collection de leurs commentaires. Alors, c'est utile parce que c'est des citoyens qui ont pris le temps de s'exprimer en ligne sur ce sujet-là, et je pense que c'est un document utile.

Document déposé

Le Président (M. Copeman): C'est le ministre qui fait le dépôt, parce qu'on se souvient, lors d'une réunion du comité directeur de la commission, nous avons mandaté le ministère de la Santé et des Services sociaux à faire la cueillette et la présentation de ces remarques-là au nom de la Commission des affaires sociales.

M. Charbonneau: Je ne suis pas membre du comité directeur, je l'ignorais, M. le Président, mais je trouve que c'est une bien bonne chose que ce document soit déposé. Est-ce qu'incidemment... Je sais que ça a été déposé à plusieurs membres de la commission, peut-être à tout le monde. J'avais demandé et obtenu qu'on fasse une espèce de relevé par thèmes de toutes les propositions qui avaient été faites devant la commission. Je pense que ça peut être utile aussi que ce document synthèse là soit déposé de façon plus... Est-ce que...

Le Président (M. Copeman): Nous, on avait compris, M. le député, que c'était plutôt pour l'information des membres de la commission et des gens qui ont participé. On peut le transmettre... on va le transmettre. Si on ne l'a pas dans les mains, on va le transmettre à tous les membres de la commission. Si un membre de la commission désire le déposer, ça, c'est une autre chose, mais...

M. Charbonneau: Si on le dépose, il devient un document public.

Le Président (M. Copeman): Exact.

M. Charbonneau: Bien, moi, je trouve qu'on devrait le déposer. De toute façon, c'est une synthèse qui est faite à partir de ressources publiques et qui peut être utile éventuellement à des gens qui s'intéressent à la question, hein?

Le Président (M. Copeman): Alors, vous souhaitez le dépôt, M. le député?

M. Charbonneau: Oui, oui.

Document déposé

Le Président (M. Copeman): Alors, j'autorise le dépôt du document synthèse Garantir l'accès aux services de santé et services sociaux: un défi d'équité, d'efficience et de qualité, qui a été fait par notre direction des études documentaires de la bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec.

Remarques finales

Alors, maintenant au tour du député de Borduas à faire ses remarques finales en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, pour une durée maximale de 15 minutes. M. le député.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Bien, M. le Président, d'entrée de jeu je vais dire qu'on a fait un exercice important de réflexion sur notre système de santé, son fonctionnement, ses difficultés, ses potentiels et aussi les hypothèses qui ont été mises sur la table par le ministre pour voir dans quelle mesure on ne pourrait pas améliorer l'efficience et faire en sorte qu'en bout de piste on règle des problèmes qui sont des problèmes fondamentaux reliés à l'attente et à l'accessibilité pour les soins d'une part, parce que c'était ça finalement, le coeur de la discussion.

n(16 h 10)n

Je l'ai dit d'entrée de jeu, j'aurais aimé... Puis je peux comprendre qu'on a fait un autre choix, mais je pense qu'il y a comme un exercice en deux temps sur la question du financement à long terme. C'est clair que la discussion aurait été différente si on avait eu sur la table des hypothèses. Mais, je veux dire, dans le fond le problème est tellement vaste par ailleurs qu'il va falloir qu'on refasse cet exercice-là. Et, moi, ce que j'espère, c'est qu'à partir de ce qu'on a ramassé comme points de vue le gouvernement dépose éventuellement un livre blanc ou un livre vert, mais un document qui permettrait d'accélérer la réflexion, parce que là ça fait déjà plusieurs années qu'on parle du financement à long terme. La commission Clair, ça fait déjà, mon Dou, six ans. Il y a eu le rapport Ménard, l'été dernier, et là on est partis pour ne pas trop savoir dans combien de temps on va être en mesure de pouvoir avoir sur la table un certain nombre d'hypothèses pour faire des choix, des choix qui vont être engageants pour l'avenir et puis qui vont peut-être être aussi difficiles à faire, dépendant des options qui seront sur la table.

Mais, moi, je crois qu'on a besoin d'avoir... Puis on en a parlé à quelques reprises, le ministre, et moi, et quelques collègues. Je ne sais pas, à un moment donné, on se disait des chiffres. Il y a six, sept hypothèses, tu sais. Il n'y en a pas 50 000, hypothèses, là. Il y a un certain nombre d'options possibles, et je crois que ce qui serait bien, c'est qu'on les identifie clairement, ces options-là, et qu'on les documente, avantages et inconvénients, pour qu'on puisse passer à l'autre étape qui est l'étape de dire: Bon, bien, voici, on a fait l'inventaire, le financement à long terme, il y a x options de possibles, et maintenant laquelle on retient? Un livre vert, ce serait qu'on les mette toutes sur la table puis qu'on fasse nos discussions. Un livre blanc, c'est que le gouvernement les met sur la table puis dit: Voici laquelle je privilégie, puis qu'est-ce que vous en pensez? Mais, dans un cas comme dans l'autre, je pense qu'on est rendus à cette étape-là, et peut-être que le ministre, dans ses remarques finales, pourra nous dire un peu ses intentions à cet égard-là, s'il a un échéancier, un plan de travail qui pourrait nous permettre de voir un peu comment on va envisager cet élément-là.

L'autre partie importante ? mais certains se sont concentrés sur ça ? qui est une question fondamentale mais qui est beaucoup reliée à la question des ressources, c'est toute la dimension de la prévention. Le document gouvernemental commençait par la prévention, ce qui est un processus logique. Avant de commencer à guérir, on peut essayer de prévenir. Sauf que beaucoup de gens nous ont dit: On n'aura pas vraiment d'impact si on n'investit pas d'une façon beaucoup plus substantielle.

Et là on revient beaucoup à des choix fondamentaux puis à la capacité d'investir ou pas. C'est-à-dire: est-ce qu'au niveau du financement à court terme on est capables de dégager dès maintenant, pour l'avenir puis dans l'avenir aussi, des sommes beaucoup plus substantielles pour qu'on ait un impact significatif sur les comportements des citoyens, sur les saines habitudes de vie, pour que le plus rapidement possible et sur une période la plus longue possible on puisse avoir un impact sur la santé des citoyens et pour que d'abord les gens soient mieux, leur bien-être soit amélioré, mais aussi qu'en bout de piste les finances publiques ne soient, d'une certaine façon, pas amenées à être alourdies inutilement? Parce que dans le fond ce qu'on prévoit comme coûts additionnels pour le système de santé dans les années à venir va beaucoup dépendre du nombre de citoyens qui auront réussi à corriger le tir puis à adopter des comportements qui seront moins coûteux pour eux au plan individuel, au plan de leur bien-être, mais moins coûteux socialement pour l'ensemble de la collectivité qui auront à les récupérer puis à les supporter par la suite, quand ils seront malades et qu'ils auront besoin d'assistance. Alors là, il y a un défi considérable, et c'est un défi qui est beaucoup lié à la question du financement.

Alors, sur le financement à court terme, le gouvernement ? puis on l'a vu à plusieurs reprises; le gouvernement ? a parlé du problème du déséquilibre fiscal, a parlé, tu sais, de cette réalité-là, mais on n'a pas fait... ? comment je pourrais dire? ? on n'a pas encore clairement sur la table... Puis je le dis avec toute la... ? comment je pourrais dire? ? sans agressivité ni partisanerie, là, excessives, mais je dis au gouvernement: Il y a une distinction à faire entre le financement à long terme puis le financement à court terme.

Et je pense qu'à ce moment-ci, au Québec, on aurait besoin que le gouvernement puis que le ministre de la Santé nous disent: Écoutez, pour le financement à court terme, là, pour les prochaines années, voici ce qu'on aurait de besoin. Et on l'a fait en campagne électorale. Je l'ai dit au ministre quand on a fait l'étude des crédits, on a mis la barre haute, à presque 9 milliards d'investissement sur cinq ans. On n'est pas rendus là. Et, aujourd'hui encore, à l'Assemblée, on a abordé tout le débat, là, sur le déséquilibre fiscal, les négociations avec Ottawa pour essayer de récupérer.

Donc, il y a une partie, il faudrait qu'on puisse savoir plus clairement qu'est-ce que le gouvernement envisage de récupérer, qu'est-ce qu'il pense qu'on doit récupérer, pour pouvoir nous dire: Bien, écoutez, le système de santé, là, il a besoin, à chaque année, d'un niveau de financement x. Là, actuellement, par nos taxes et nos impôts à Québec, on peut combler une partie y de cette somme-là, puis il y a une autre partie, z, qui est à Ottawa, puis qu'on va aller la ramener, et que... Est-ce que le total de tout ça est suffisant ou s'il va falloir demander aux citoyens de contribuer encore plus? Puis la question du financement à long terme, c'est que, si on leur demande de contribuer encore plus, à quelle hauteur puis de quelle façon? Parce que, comme on l'a dit à plusieurs reprises, de toute façon ça va sortir de la poche des citoyens.

Mais là la question qui se pose, c'est: Est-ce qu'à court terme, pour les prochaines années, on est en mesure, avec ce qu'on paie de taxes et d'impôt à deux niveaux de gouvernement, de pouvoir, si on réaménage puis on réajuste le tir sur l'utilisation des sommes, sur la réorientation des sommes pour faire en sorte que, là où ça se dépense, c'est-à-dire au ministère de la Santé du Québec, qu'on ait les moyens de faire en sorte que les besoins soient assumés, puis que les responsabilités soient assumées, et que les services soient donnés? Je pense qu'on ne peut pas envisager la suite de la discussion si on n'est pas au clair sur ça. Donc, il faut savoir: est-ce que ce qu'on paie actuellement à deux niveaux de gouvernement, c'est assez ? puis, si c'est assez, là, qu'on se le dise puis qu'on se donne des cibles pour aller récupérer, puis se dire: Bon, bien, quand on aura fait la récupération, avec ce qu'on paie déjà à Québec, on va être corrects pour un certain nombre d'années, mais que par la suite la situation va peut-être commencer à devoir nous obliger à penser à autre chose ? ou s'il faut plus vite penser à une autre approche?

Et finalement, sur les deux propositions pour régler l'attente, bon, on l'a dit d'entrée de jeu au ministre, quand il a déposé son document, l'idée de la garantie d'accès, on adhère à ça. On n'est pas d'accord, puis on l'a dit dès le départ, à ce qu'on fasse l'expérience pilote ou l'idée de rouvrir à l'assurance privée, même de façon limitée. On est contents que le gouvernement n'ait pas décidé d'aller plus loin que ça. Je suis content de voir que le ministre s'est rangé à l'opinion que j'avais émise dès le départ à l'effet que ce n'était pas acceptable qu'on puisse envisager, dans le document gouvernemental, d'élargir éventuellement par décret, sans débat public. Le ministre a dit à plusieurs reprises: Non, ça va être par débat, je me rends à vos opinions puis à celles qui sont exprimées par beaucoup de groupes. Je salue ça. Je pense que c'est une décision importante.

Bon, les représentants des entreprises d'assurance nous ont dit aujourd'hui que finalement... en tout cas, ils ont confirmé l'hypothèse de ceux qui pensent qu'il n'y aura pas grand impact, parce que ce n'est pas très intéressant pour eux, là, il n'y aura pas un gros marché là. En tout cas, c'est ce qu'ils nous ont dit. Mais je reste malgré tout, comme beaucoup de gens, mal à l'aise et anxieux qu'une brèche, même mineure, même si on nous rassure aujourd'hui, par les premiers intéressés, en nous disant qu'il n'y a pas grand marché là... Je crains qu'il y ait une dynamique qui, un jour ou l'autre, quand ce ne sera pas le même ministre, avec peut-être des convictions plus en regard du système public, qui sera assis à cette table-ci et que c'en sera un autre, de quelque parti que ce soit, qui n'aura pas les mêmes approches... bien qu'on puisse utiliser cette brèche-là pour élargir puis ouvrir ça. En tout cas, on craint ça.

n(16 h 20)n

Il reste toute la question de l'instrument qu'on va utiliser, parce que je pense qu'il y a tout un élément qui va être beaucoup dans la gestion des listes d'attente, et ça, je crois qu'il y a une réforme importante à faire et je crois que les messages ont été bien passés. On a eu quelques témoignages spectaculaires d'exemples qui nous indiquent qu'on peut très bien gérer autrement et plus efficacement nos listes d'attente. J'espère que le ministre va... ? je le sais parce que j'ai vu sa réaction et la mienne ? qu'on va ouvrir le chantier de l'exploration de ce qu'il y a dans la pertinence des actes médicaux. Parce qu'il y a tout un élément, là, qui a été abordé, des professeurs de l'Université de Montréal qui nous indiquent qu'il y aurait peut-être un travail, là, pour économiser des sommes considérables puis pour économiser aussi des problèmes, tu sais, aux citoyens, y compris des problèmes psychologiques et des problèmes de santé, quand on apprend que finalement une série d'actes médicaux sont inutiles puis, dans certains cas, nuisibles et que les gens sont plus mal en point après qu'avant et qu'on nous dit, chiffres à l'appui, que ce n'est pas marginal, là, que ça peut être très important. Moi, je pense qu'il faut explorer ça encore plus puis ouvrir un chantier pour vraiment contrôler la pertinence des actes médicaux et s'assurer qu'on arrête de travailler en silo et que l'interdisciplinarité soit quelque chose qui soit au rendez-vous.

Alors, au-delà de la bonne gestion des listes d'attente, de ce que je viens de vous parler, il reste toute la question aussi des cliniques spécialisées affiliées, c'est-à-dire cet instrument... On l'avait dit au gouvernement, on n'est pas idéologiquement contre, parce que, si on était idéologiquement contre, il faudrait être cohérents. Je veux dire, la cohérence, c'est que, si on permet à des groupes de médecine de famille d'avoir des contrats de services avec le gouvernement parce que ce sont des omnis, je veux dire, la même logique vaut pour des médecins spécialistes. La question, c'est: Est-ce que c'est par là qu'il faut commencer? Et, moi, je pense toujours... et, les témoignages qu'on a entendus, encore ceux d'aujourd'hui, du professeur de l'Université McGill, je crois qu'il faut être prudents. Le ministre a dit que ce n'est pas un élément clé pour lui. Je veux bien qu'il nous dise que ce n'est pas un élément clé, mais ça reste malgré tout un élément sur lequel plusieurs fondent beaucoup d'espoirs.

Moi, je crois que je préférerais ? puis on préfère toujours ? que le gouvernement dise: À court terme, les investissements... Plutôt que de voir les établissements prendre de l'argent puis acheter des contrats de services et développer des satellites privés, je préférerais qu'on utilise l'argent pour permettre à la réforme Rochon, qui n'a pas atteint son apogée, de pouvoir l'atteindre. Et, comme je l'ai déjà dit à un moment donné en boutade, je veux dire, la réforme Rochon plus la réforme Couillard, les deux ensemble, on ne serait peut-être pas mal. Mais il y en a une qui n'est pas complétée, puis l'autre, je pense qu'elle aurait intérêt à s'appuyer sur quelque chose qui doit être complété avant d'explorer un élément additionnel.

Alors, M. le Président, dans l'immédiat, ce que les citoyens souhaitent, c'est que rapidement il y ait des résultats, c'est que finalement les attentes soient réduites. Et, on l'a dit à plusieurs reprises, beaucoup de gens sont venus nous le dire, la problématique d'attente, ça ne se résume pas à quelques chirurgies qu'on a identifiées. Ça se résume à beaucoup de choses. Et je le dis encore une fois sans partisanerie excessive, je rappelle au ministre puis au gouvernement que finalement l'attente restait l'engagement premier qu'ils avaient pris. Et, même si je reconnais qu'il y a eu des améliorations significatives dans certains secteurs, il reste que, dans d'autres secteurs, il y a eu des reculs puis que, dans bien des domaines encore, on n'avance pas au rythme où on aurait dû avancer et on doit avancer, si on veut faire face puis on veut assurer à nos concitoyens le niveau de service auquel ils ont droit puis qu'ils réclament à juste titre.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour vos remarques finales, qui ne devraient pas dépasser 15 minutes.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. J'indiquerais d'entrée de jeu que je demanderais l'indulgence peut-être de la présidence et de mes collègues si je dépasse un peu le temps prescrit, de 15 minutes, parce qu'il y a plusieurs précisions importantes qui viennent de nos travaux qui seront données dans ces remarques finales. On verra où on en sera dans 15 minutes.

Alors, M. le Président, les membres de la Commission des affaires sociales ont été invités au cours des dernières semaines à une réflexion en profondeur autour du thème Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. Bien sûr, il a été beaucoup question de l'accès aux services, mais nous avons aussi amorcé une discussion ouverte sur l'avenir de notre système de santé et de services sociaux. La discussion publique à laquelle le premier ministre et moi-même avons convié nos concitoyens le 16 février dernier a permis d'entendre de nombreux groupes et individus qui ont tous en commun d'avoir à coeur l'amélioration de notre système de santé. Le point de vue des experts de différents milieux ainsi que celui des professionnels de la santé a été entendu, mais nous avons aussi donné la place aux citoyens dans ce débat.

Il faut dire, M. le Président, que la participation à cette consultation générale a été excellente. 136 mémoires ont été reçus à la Commission des affaires sociales. De ce nombre, 108 groupes et individus ont été entendus ici même, devant cette commission. De plus, comme je l'indiquais tantôt, 3 572 internautes ont complété le questionnaire de cinq questions, dans le contexte d'une consultation en ligne, sur le site du ministère. Parmi eux, plus de 1 500 ont fait des commentaires en lien avec les questions ou ont formulé des suggestions plus générales sur l'ensemble de la proposition gouvernementale, ce que le député de Borduas appelle souvent la démocratie participative. Voilà un bel exemple que les technologies nous permettent d'apporter dans les débats publics. Je tiens à remercier, au nom du gouvernement, les individus, groupes ou associations qui ont consacré temps et énergie pour préparer et enrichir ce débat, et plus particulièrement toutes celles et ceux qui ont accepté l'invitation de venir présenter leurs points de vue et leurs suggestions à cette commission. La qualité de leurs présentations a été vivement appréciée.

M. le Président, nous avons écouté avec intérêt et sérieux l'ensemble des propositions qui nous ont été faites. Certaines d'entre elles ont été portées à l'attention des directions responsables du ministère afin de pousser plus loin l'analyse et voir comment elles pourraient contribuer à améliorer notre système. D'autres, concernant l'accès aux services médicaux et hospitaliers, se traduiront dans des changements législatifs que nous déposerons très prochainement. Nos échanges ont été fructueux et respectueux. Ils nous ont permis de valider un certain nombre de choses, tout en profitant de l'expertise exceptionnelle qu'une telle commission met à notre disposition.

Mais, avant de faire un premier bilan de cette commission, qui demeurera partiel considérant le temps à notre disposition, je désire rappeler le contexte à la base de cet exercice. La Cour suprême du Canada, qui, dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Chaoulli, mais en fait Chaoulli-Zeliotis, du nom du patient concerné, a statué, au mois de juin 2005, que l'interdiction de souscrire à des assurances privées pour obtenir des services couverts par le régime public contrevenait à la Charte québécoise des droits et libertés, dans un contexte d'accès restreint aux services... Ce jugement s'appliquera à compter de vendredi de cette semaine, le 9 juin 2006, en raison du sursis d'application qu'a obtenu, à la même date l'an dernier, le gouvernement du Québec. Théoriquement, si rien n'est fait, la vente d'assurance privée pour les services médicaux et hospitaliers deviendrait légale après cette date. Mais nous indiquerons rapidement nos intentions pour combler ce vide juridique. J'y reviendrai d'ailleurs à la fin de mon intervention.

M. le Président, en réponse à ce jugement, le gouvernement privilégie une approche qui permet à la fois de répondre au problème de l'accès et aux délais d'attente, tout en proposant des orientations pour consolider l'organisation des services et poursuivre la réflexion sur la pérennité du système de santé.

Sur la base des analyses du comité stratégique interministériel, du rapport Perreault sur la prévention, du rapport Ménard sur la pérennité du système de santé et d'autres analyses, le gouvernement a proposé à la population du Québec trois ordres de solutions. D'abord, la poursuite des actions déjà amorcées touchant la prévention, les services de première ligne ainsi que les services médicaux et hospitaliers. D'autres actions visent également à rehausser la qualité des services de santé et des services sociaux. Deuxièmement, une proposition de réponse au jugement de la Cour suprême du Canada sous la forme d'un plan d'amélioration de l'accès aux services afin de réduire les délais d'attente. Ce plan comporte deux volets, soit un mécanisme de garantie d'accès public ainsi qu'une ouverture limitée à l'assurance privée pour certains services médicaux et hospitaliers. Et enfin un questionnement ouvert sur les enjeux liés au financement à plus long terme du secteur de la santé et des services sociaux dans la perspective d'un plus vaste débat sur l'avenir des finances publiques du Québec.

Je reprendrais ici, M. le Président, chacun de ces trois volets pour effectuer un bref survol de ce que nous retenons à ce moment-ci de cette consultation et pour faire état de ce qui nous apparaît faire consensus relatif ? parce que les consensus unanimes, bien sûr, dans de telles questions, sont exceptionnels.

D'abord, sur la question des actions déjà amorcées, plusieurs interventions ont été faites ici en faveur de la prévention des maladies et de l'amélioration des services de première ligne. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut davantage s'en préoccuper. Ainsi, la promotion de saines habitudes de vie et la prévention de la maladie doivent devenir des préoccupations centrales du système pour assurer sa pérennité, même du point de vue économique. Mais, dans ce domaine, il n'y a pas que l'État qui est interpellé, mais aussi les individus et les familles, en fait tous les acteurs de la société. Les organismes communautaires ont aussi un rôle important à jouer, et on verra comment assurer un effet d'entraînement avec nos partenaires de la coopération et du milieu communautaire. Les entreprises devraient aussi développer des programmes en milieu de travail. Ceci aurait un impact positif sur l'état de santé général mais aussi sur l'absentéisme au travail, la productivité et les coûts assumés par les entreprises pour les assurances collectives.

En ce qui concerne l'État, en plus de nombreux programmes dans lesquels il est impliqué, il nous faut trouver une façon de financer sur une base récurrente les nouvelles activités de promotion-prévention et celles qui seront nécessaires dans l'avenir. On regardera donc comment contrecarrer les conséquences de la malbouffe et de l'obésité sans pénaliser les personnes à faibles revenus qui sont davantage touchées par le problème.

En ce qui concerne les services de première ligne et l'accès à un médecin de famille, il nous faut consolider les actions entreprises, dont certaines n'ont pas bien sûr encore atteint leur plein rendement. Je pense ici à la hausse des entrées en médecine, qui aura un impact très prochain notamment sur le nombre de médecins de famille. Là aussi, on pourra observer une amélioration de l'accès aux services, et il faut assurer une synergie plus grande entre les médecins de famille et les établissements.

La complémentarité entre les professionnels de la santé est un autre aspect sur lequel il faudra insister pour le bénéfice des patients mais aussi pour enrichir et faciliter le travail des cliniciens. À cet égard, la réglementation pour créer la profession d'infirmières praticiennes de première ligne sera bientôt une réalité. Le travail en équipe interdisciplinaire devra aussi primer et devenir une préoccupation constante pour améliorer la qualité des services aux usagers.

M. le Président, je tiens à réaffirmer deux grands objectifs qui nous sont chers et que nous partageons avec la majorité des acteurs que nous avons entendus ici. Premièrement, nous tenons à préserver et à améliorer notre système public et universel de santé et de services sociaux. Deuxièmement, nous apporterons une réponse satisfaisante au jugement de la Cour suprême mais en nous assurant que cette réponse ne nuise pas à l'atteinte du premier objectif.

n(16 h 30)n

D'abord, la garantie d'accès. Comme plusieurs organismes l'ont souhaité, les moyens qui seront mis en oeuvre pour assurer un meilleur accès aux services médicaux et hospitaliers reposeront d'abord et avant tout sur le système public de santé. Pour nous, la solution au problème d'accès passe par une amélioration de la performance du système public, et nous continuerons de travailler en ce sens. Comme certains nous l'ont suggéré, afin de favoriser un meilleur accès aux services médicaux spécialisés pour l'ensemble de la population du Québec, nous croyons que chaque établissement ayant une mission de centre hospitalier devrait mettre en place un mécanisme central de gestion de l'accès qui concernerait les divers services spécialisés et surspécialisés offerts par chacun des départements cliniques du centre hospitalier. Ce mécanisme porterait sur les modalités d'inscription de l'usager sur la liste d'attente, la détermination de la date prévisible de l'intervention qu'il doit subir de même que le mode de communication de cette date à l'usager.

Comme le proposait le document de consultation, des modalités particulières pourraient également être mises en place lorsque nous estimons que le délai pour obtenir un service médical spécialisé est déraisonnable, dans l'ensemble du Québec ou dans l'une de ses régions. Les autres modalités pour encadrer la garantie d'accès seront précisées très bientôt, et nous retenons les démonstrations d'expériences très positives dans plusieurs régions du Québec lorsque ce mécanisme est mis en place. Pour débuter, nous retenons que la garantie d'accès se limitera aux procédures mentionnées dans le document de consultation, soit les chirurgies de la hanche, du genou, de la cataracte et celles liées au cancer, en plus de la cardiologie tertiaire et de la radio-oncologie, deux secteurs qui possèdent déjà leurs propres mécanismes de gestion de la liste d'attente et de garantie d'accès.

M. le Président, de nombreux organismes sont venus ici pour demander, avec raison, un élargissement de la garantie d'accès, y compris pour l'accès à un médecin de famille. Comme je l'ai dit au début de la commission de façon prudente, d'ici quelques années, il est possible que la garantie soit plus étendue, pour couvrir un plus grand nombre de soins, mais seulement à mesure que nos actions pourront le permettre. Je rappelle que les pays qui ont débuté par un trop grand nombre de procédures ont échoué. Une évaluation des résultats devra être réalisée avant d'envisager un élargissement. On peut voir le lien étroit qui existe entre cette discussion et l'enjeu du financement. Il était clair dans notre esprit au départ qu'il existait un lien très étroit entre la capacité que nous aurons comme société de résoudre le problème du financement à long terme et notre capacité de faire avancer encore plus loin la garantie de soins. Nos échanges durant cette commission nous auront confortés dans cette idée.

Les cliniques affiliées. Afin d'améliorer l'accès aux services médicaux spécialisés et de permettre au système public de santé de réaliser des gains d'efficience, il serait possible pour un établissement exploitant un centre hospitalier de s'associer à un producteur de services médicaux à propriété privée, connu, lors de nos échanges ici, sous le vocable de «clinique affiliée». Les services offerts demeureraient toutefois à financement public, ce qui signifie que le patient n'aurait aucuns frais additionnels à débourser par rapport à la situation où il aurait reçu ce service dans un établissement du réseau de la santé. Il s'agit d'un outil que nous mettrons à la disposition des hôpitaux pour améliorer les services à la population et aussi pour favoriser une saine émulation dans le système. Mais nous nous attendons à un développement limité de ces cliniques, de sorte qu'il n'y en aurait probablement que quelques-unes, au Québec, situées surtout dans les grands centres urbains.

La clinique affiliée à un établissement ne pourra traiter, pour les procédures définies dans une entente d'association, que la clientèle référée par l'établissement. Seuls les médecins titulaires d'une nomination leur permettant d'exercer dans un ou plusieurs établissements liés par l'entente pourront pratiquer dans une telle clinique et uniquement s'ils respectent leurs obligations attachées à leur nomination.

Il convient ici de préciser, comme nous l'avons fait tout au long de nos travaux, que les cliniques affiliées, recommandées par la commission Clair et proposées d'ailleurs dans le programme électoral de notre formation politique, ne sont pas créées pour que les chirurgies visées par la garantie d'accès y soient réalisées. Certaines de ces procédures, comme les chirurgies de la cataracte, pourront y être dirigées, mais ces décisions seront prises au cas par cas ou établissement par établissement, en fonction du type de chirurgie et fondamentalement, d'abord et avant tout, pour la chirurgie à haut volume et à faible infrastructure, afin de minimiser le glissement personnel et matériel de l'établissement public vers la clinique affiliée.

En ce qui concerne l'ouverture, même limitée, à l'assurance privée en réponse au jugement de la Cour suprême du Canada, les positions des uns et des autres, on l'a vu ici, sont difficilement conciliables. Comme vous l'avez entendu, M. le Président, pour certains, le jugement de la Cour suprême n'oblige pas le gouvernement à lever l'interdiction de recours aux assurances privées pour des services médicalement requis, alors que pour d'autres notre proposition est loin de répondre aux exigences du jugement puisqu'elle serait trop restrictive. On peut en déduire peut-être que notre position est somme toute équilibrée et raisonnable dans le contexte.

De façon prudente, nous avons l'intention de faire une ouverture limitée à l'assurance privée, soit uniquement pour l'arthroplastie complète de la hanche et du genou de même que pour l'extraction de la cataracte avec implantation d'une lentille, la chirurgie de la cataracte, en termes plus simples. Pour ce faire, il faudra des modifications législatives. Mais je tiens à préciser tout de suite, M. le Président, que cette ouverture ne constitue d'aucune façon pour nous une solution pour assurer le financement à moyen et long terme du système de santé. Il convient de rappeler que les chirurgies pour lesquelles une assurance privée serait permise feront également l'objet d'un mécanisme particulier d'accès à l'intérieur du système public de santé. Cela devrait donc contribuer à moduler la demande pour les services à financement privé.

Par ailleurs, pour rassurer la population et garantir la transparence des décisions, toute ouverture supplémentaire à l'assurance privée devra être soumise à l'examen des parlementaires et donc aux débats. Il n'y a donc pas de lien automatique entre garantie publique d'accès et ouverture simultanée à l'assurance privée. On pourra mettre en place des garanties publiques d'accès pour d'autres procédures sans pour autant qu'elles soient éligibles à l'assurance privée dite duplicative.

M. le Président, comme l'ont mentionné plusieurs intervenants ici et à partir des expériences étrangères, nous convenons qu'une ouverture inconditionnelle à l'assurance privée pour les soins médicaux et hospitaliers pourrait engendrer une multitude de difficultés pour notre système public de santé et la population en général, compte tenu surtout de la situation de pénurie d'effectifs dans laquelle nous nous trouvons. Les principales difficultés porteraient sur l'équité dans l'accès, donc un accès fondé sur la capacité de payer des personnes, plutôt que sur leurs besoins cliniques, le possible drainage de ressources humaines des services à financement public vers les services à financement privé ainsi qu'une rupture possible dans la continuité des soins et l'intégration des services en raison d'une multiplication des producteurs de services indépendants à financement privé. Il y a là, M. le Président, des raisons suffisantes pour justifier notre prudence.

Ces cliniques ou centres médicaux devront fournir directement ou indirectement aux patients tout service pré ou postopératoire requis de même que les services nécessaires de réadaptation et de soutien à domicile. La couverture en assurance devra aussi porter sur les mêmes services. Les chirurgies pouvant faire l'objet d'une assurance privée ne pourraient être dispensées que dans des cliniques où pratiquent uniquement des médecins qui ne participent pas au régime public d'assurance maladie. Aussi, il est donc clair que ces cliniques privées ne pourraient devenir des centres associés aux établissements, tel que décrit précédemment, et le principe d'étanchéité du financement public par rapport au financement privé sera donc préservé. Aussi, pour protéger le système public, il faut se donner la possibilité de limiter le nombre de médecins qui pourront devenir non participants, si nous estimons que l'adéquation des services médicaux au regard des besoins est menacée par une augmentation du nombre de médecins non participants dans l'ensemble du Québec ou dans une de ses régions.

Enfin, le gouvernement n'a aucunement l'intention de mettre en place des avantages fiscaux autres que ceux déjà existants pour soutenir les personnes qui voudraient souscrire à une assurance. Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises au cours de cette commission, nous ne sommes pas là bien sûr pour faire ce travail d'évaluation de marché. D'autres, qui sont venus nous voir aujourd'hui, sont dans ce domaine.

M. le Président, nous avons amorcé ici un débat sur les enjeux liés au financement à long terme des services de santé et des services sociaux. Plusieurs organismes sont venus nous dire avec raison qu'il valait mieux tenir une consultation distincte sur ces questions importantes. Nous partageons ce point de vue, mais en même temps nous sommes heureux d'avoir initié ce débat très important pour la société québécoise et d'avoir pu soumettre à la discussion, à partir de l'hypothèse contenue dans le document de consultation, d'autres hypothèses également que d'autres groupes sont venus présenter ici. Certains nous disent qu'il faut augmenter sans cesse les dépenses en santé, ce que nous faisons d'ailleurs depuis notre arrivée aux affaires de l'État, mais nous en avons fait bien sûr la priorité du gouvernement. Mais, là où le bât blesse, c'est quand le rythme d'augmentation des dépenses en santé dépasse, année après année, la croissance de notre richesse collective mesurée par le produit intérieur brut. L'impasse à long terme qui en découle vient essentiellement de cet écart. Il nous faudra trouver des solutions novatrices, si possible en dehors de la fiscalité générale, impôts et taxes, pour combler cet écart. Toutes les options seront analysées, mais dans le respect toujours de nos valeurs de justice sociale et de compassion.

Comme on aurait pu s'y attendre, l'augmentation des transferts fédéraux fait consensus ? et le député de Borduas et ses collègues sont bien sûr de notre côté là-dessus ? et il est de notre intention d'obtenir les meilleurs arrangements possibles pour le Québec, comme nous l'avons d'ailleurs fait en 2004, avec l'accord sur la santé, en obtenant du gouvernement fédéral 4,2 milliards de dollars sur six ans. Mais nous voulons obtenir davantage dans le cadre de l'ensemble des finances publiques, donc pas nécessairement des transferts supplémentaires pour la santé, mais une amélioration des marges de manoeuvre financières du Québec, par le règlement de questions telles que la péréquation ou le déséquilibre fiscal dans son ensemble, surtout qu'on sait que le gouvernement fédéral actuel s'est engagé à collaborer avec les provinces et territoires pour réduire les délais d'attente et adhère à notre proposition de garantie d'accès. Ça a été dit publiquement à de nombreuses reprises.

L'idée d'un compte santé et services sociaux fait aussi consensus. Il s'agit d'un moyen sans doute intéressant pour favoriser la transparence et la reddition de comptes, pour montrer ce qu'il en coûte pour produire les services et d'où provient l'argent pour les financer. Mais cette mesure, bien sûr, n'a aucun impact sur le déséquilibre budgétaire. Nous étudierons cette possibilité dans les prochains mois.

En ce qui concerne la création d'une caisse distincte, soit une caisse santé générale ou une caisse contre la perte d'autonomie, il nous faudra mesurer, comme le député de Borduas l'a mentionné, les avantages et inconvénients de chacun des scénarios par des évaluations plus poussées et détaillées. Chose certaine, il n'est pas question ici de stigmatiser un groupe de la population par rapport à un autre. D'autres options ont été proposées. Nous en ferons une analyse approfondie et nous nous engageons à poursuivre la réflexion sur la question incontournable du financement et la soumettre à nouveau à un débat public.

M. le Président, en conclusion, les crédits accordés pour l'exercice 2006-2007 au ministère de la Santé et des Services sociaux comprennent un ajout de 20 millions de dollars destinés à assurer la nouvelle garantie d'accès pour les chirurgies de la hanche, du genou et de la cataracte et pour favoriser une réduction des délais moyens d'attente pour les autres chirurgies. Cette somme s'ajoute aux 60 millions déjà prévus pour contrer l'attente. Comme vous pouvez le constater, nos intentions s'accompagnent de gestes conséquents.

n(16 h 40)n

Les autres étapes suivant cette consultation se concrétiseront très bientôt. Déjà, je peux vous dire que les parlementaires seront informés au cours des prochains jours de nos intentions pour combler le vide juridique appréhendé. Un projet de loi suivra rapidement, sur lequel nous pourrions tenir des consultations particulières pendant l'ajournement de la session parlementaire ou au début de la prochaine session. Sur le financement, avant de prendre des décisions pour combler l'écart entre le rythme d'augmentation des dépenses en santé et la croissance de notre richesse collective, donc pour assurer la pérennité du financement du système, il nous faut poursuivre notre réflexion. Il y aura sans doute un autre débat public où des choix seront mis sur la table.

En terminant, M. le Président, je tiens à vous remercier pour la rigueur et le doigté ? et parfois pour le café même fourni avec ? dont vous avez fait preuve pour mener à bien nos délibérations. Ces remerciements bien sûr s'adressent aussi à celles et ceux qui vous ont appuyé dans votre tâche. Merci, madame, encore une fois.

Je tiens également à remercier tous les députés qui ont participé aux travaux de cette commission. Ils ont été nombreux, et on les a vus avec plaisir nous accompagner pendant ces longues semaines. La contribution de tous et toutes a été appréciée et a contribué à éclairer le débat. Je voudrais bien sûr remercier particulièrement mes collègues du parti ministériel pour leur appui et leur patience tout au long de ces longs travaux.

Enfin, je remercie l'équipe de soutien du ministère de la Santé et des Services sociaux de même que bien sûr le personnel de cette commission et de l'Assemblée pour le dévouement et la qualité du travail accompli. Et plus particulièrement, dans les équipes ministérielles, j'aimerais saluer la qualité du travail de l'équipe dirigée par Mme Dagenais, sous-ministre au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui deviendra sous-ministre en titre prochainement au ministère des Services gouvernementaux, une promotion attendue et méritée compte tenu du dynamisme et du leadership dont elle a fait preuve au cours de son passage au ministère de la Santé et des Services sociaux. On sait bien que Mme Dagenais a piloté la Politique du médicament, l'informatisation du réseau de la santé, la réponse au jugement Chaoulli, le Commissaire à la santé et au bien-être, la loi n° 83, donc, on peut dire, un rythme de travail assez soutenu, pour dire le moins. Et on a, derrière nous, ses collaborateurs et collaboratrices qui bien sûr ont été au coeur de ces travaux, au cours des derniers mois, auxquels également je voudrais rendre hommage.

Là-dessus, M. le Président, je vous remercie. Je vous demande de me pardonner d'avoir un peu dépassé le temps qui m'était alloué et je nous donne rendez-vous pour d'autres débats dans cette commission sur le même sujet.

Le Président (M. Copeman): Étant donné, chers collègues, que nous avons accompli notre mandat, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 16 h 42)


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