To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente des affaires sociales

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente des affaires sociales

Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Wednesday, April 9, 1975 - Vol. 16 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales

Séance du mercredi 9 avril 1975

(Dix heures vingt-deux minutes)

M. Gratton (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs! La commission permanente des affaires sociales reprend ce matin l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales. Je pense qu'au moment de l'ajournement, hier soir, la parole était à l'honorable député de Rouyn-Noranda.

Exposé de M. le ministre (suite) M. Camille Samson

M. Samson: M. le Président, ce matin, avant de commencer les travaux, je viens d'avoir une très bonne nouvelle de la part du président de la Régie des rentes du Québec. En effet, on a modifié le dossier de la famille Samson, quant aux allocations familiales, et je m'aperçois que c'est entièrement en français depuis ce matin. C'est une très bonne nouvelle, M. le Président. Je remercie le président d'avoir fait diligence dans ce cas. C'est un problème qui a été soulevé en 1967, pour la première fois, et qui avait été, m'avait-on dit, corrigé, mais qui, finalement, ne l'avait pas été. Après recherches à la Régie des rentes, on a découvert, selon mes informations, que, si on correspond en anglais avec certains Canadiens français du Québec et même avec plusieurs, c'est que les informations proviennent du Service des allocations familiales fédéral où, paraît-il, la langue du Québec est la langue anglaise, dans plusieurs cas.

J'ai souligné, M. le Président, la semaine passée, à l'Assemblée nationale, ce problème que nous retrouvons aussi dans d'autres ministères. Puisque nous sommes à l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales, je pense que c'est au moins, ce matin, un signe d'un effort qui sera fait pour corriger cette situation qui, je le reconnais, n'est peut-être pas facile pour les représentants de la Régie des rentes qui ont, je pense, plus d'un million de dossiers et dont les machines ordinatrices n'ont peut-être pas participé aux débats sur le bill 22. C'est peut-être pour cela qu'on se retrouve avec ce genre de problèmes.

Maisj'invite, en tout cas, les intéressés non seulement à corriger mon dossier, mais à corriger tous ceux qui se trouvent dans le même cas. Pour tous ceux dont les noms sont de consonance française, je pense qu'il est normal qu'au Québec — c'est la moindre des choses — on puisse exiger cela.

Hier, au moment de l'ajournement, j'en étais à discuter de relations entre les propriétaires de logements et les assistés sociaux et également de relations entre les propriétaires de logements et certains officiers du ministère des Affaires sociales.

Le cas type dont je parlais hier soir, je le souligne à l'attention du sous-ministre concerné, est celui d'une famille qui cherchait un logement et qui a dû faire appel au bureau de bien-être social, le propriétaire ne voulant pas louer parce que c'est une famille sur le bien-être social, donc sans trop de garanties de paiement.

Finalement, il semblerait, d'après mes informations, qu'on aurait donné des autorisations écrites de paiement au ministère des Affaires sociales pour deux mois, mais qu'on aurait verbalement mentionné au propriétairequedans ce cas-là le logement serait payé directement. Sur la foi de ces propos, paraît-il, le propriétaire en question aurait accepté de louer; sinon, me dit-il, il n'aurait pas loué.

Il se retrouve, la semaine dernière, avec trois mois de logement non payés et, évidemment, là on nous répond, au ministère des Affaires sociales, que c'est impossible de payer le logement parce qu'il y a eu des modifications au dossier de la personne concernée. Depuis le début, depuis ce temps-là, c'est-à-dire depuis six mois, il y a eu deux ou trois mois de paiement et trois mois de non-paiement.

Le tout amène une situation quasi impossible. D'abord, le propriétaire veut être payé. La Régie des loyers vient de décider, dans un jugement, de permettre au propriétaire de vider le logement. C'est une famille de trois ou quatre enfants. Cela amène des problèmes humains extraordinaires, et là, on répond au propriétaire: On vous avait dit ça, mais verbalement. Vous savez, il y a des choses qui peuvent changer, et c'est vrai, etc.

Alors, sans avertissement, le propriétaire se retrouve avec ça. Si j'amène ce problème devant la commission, M. le Président, c'est que ça fait plusieurs fois que ça m'est mentionné dans divers coins du Québec. Je ne veux pas situer le problème à un endroit particulier parce que je ne voudrais pas quand même qu'on croie que je veux m'en prendre à des officiers du bien-être social plus particulièrement dans un coin que dans l'autre.

Je ne pense pas qu'ils agissent de mauvaise foi, mais compte tenu des règlements, de la loi et la façon dont ils sont obligés de fonctionner il reste que les résultats font que plusieurs propriétaires aujourd'hui ne veulent même plus risquer de louer des logements à des assistés sociaux. C'est un problème, M. le Président, qui mérite d'être non seulement amené devant la commission, mais qui mérite une étude sérieuse de la part du ministère. Quelle est la solution? Je disais hier soir que la solution véritable serait un changement de l'ensemble du système, mais je ne pense pas que le ministre soit disposé à nous faire cela aujourd'hui. Dans le contexte du système actuel, il reste qu'il y a place à amélioration. On ne peut pas permettre que des enfants soient victimes de la mauvaise administration, soit du père de famille dans certains cas ou de la mauvaise administration d'autres responsables. Il reste que dans le cas que je viens de vous citer, M. le Président, il y a une famille qui sera mise à la porte cette semaine parce qu'il y a trois ou quatre mois de loyer en retard. Cela va se faire concrètement. Qui est responsable? Il y a eu, dans ce dossier, des changements. Le père de famille a reçu de

l'assurance-chômage, il y a seulement une partie qui provient du bien-être social. Ce n'est pas suffisant pour payer le loyer, de sorte que le problème demeure entier. Qui va régler ce problème? Le bien-être social va-t-il le régler? Je ne le pense pas. Et les temps sont passés où c'était le curé de paroisse qui réglait tous les problèmes. On a un problème sur le dos. Pour l'information du sous-ministre concerné, je serais disposé à en discuter personnellement avec lui. Si j'amène ce cas type c'est parce qu'il y en a d'autres comme cela dans la ville de Québec. Il y en a d'autres comme cela ailleurs.

M. le Président, également, dans un autre ordre d'idées, je voudrais que le ministère se penche sur le problème des personnes âgées, le problème d'hébergement. On a encore des plaintes de partout. On a beau faire des propositions, fai re des suggestions, il ne semble pas que cela change vite.

Il y a un besoin d'hébergement, il y a un besoin de logements pour les personnes âgées. Il y a un besoin également pour les personnes âgées qui souffrent de maladies chroniques, il y a différents besoins de ce côté. Et ça ne va pas trop vite quant aux solutions.

Il y a même un mouvement qui se dessine, selon nos informations, un petit peu partout en province. On ferme des hôpitaux ou on veut en fermer et il semblerait que plus le besoin de soins et de services de santé se développe, moins on permet des services de santé adéquats. Ce n'est pas en fermant les hôpitaux qu'on règle les problèmes.

Je veux bien croire qu'on a peut-être des possibilités de donner d'autres services, d'autres façons par des cliniques externes, etc., mais quand on a un problème entier, M. le Président, ce n'est pas en déplaçant tout simplement les problèmes, ce n'est pas non plus en permettant d'orienter les projecteurs sur un autre problème qu'on a automatiquement réglé le problème réel. Et dans le cas qui nous occupe, c'est un peu cela qui se passe.

Il y a du mécontentement dans la population. Qui doit-on accuser? Si nous avions à accuser quelqu'un, je pense qu'on aurait beaucoup de difficulté à mettre le doigt sur le nom de quelqu'un. Il reste qu'il y a du mécontentement dans la population. Les gens viennent nous voir, à nos bureaux de député, puis on se plaint des difficultés d'avoir des services de santé, des difficultés de rencontrer les médecins, des difficultés d'être reçu dans les salles d'urgence, de toutes sortes de difficultés comme cela.

Notre rôle à nous, M. le Président, c'est de faire valoir ces objections qui nous viennent de la population, c'est de faire valoir ce mécontentement qui existe présentement. Il y a sûrement, au ministère, des consultants, des gens qui, à l'occasion d'études, font valoir des argumentations beaucoup plus techniques que les nôtres. Mais même si nos argumentations, à nous députés, sont plus terre à terre, il demeure qu'elles sont peut-être plus réalistes aussi.

Nous nous retrouvons régulièrement devant ces problèmes, peut-être parce qu'à un certain moment les politiques étaient de bâtir des hôpitaux qui avaient un certain attrait électoral.

On s'est retrouvé, par la suite, avec des hôpitaux électoraux et moins d'hôpitaux qui donnent des services de santé réels. A titre d'exemple, je vous mentionne le cas de Rouyn-Noranda qui est le comté que je représente. Sous un ancien gouvernement, un hôpital électoral a été construit. C'est comme ça qu'il faut appeler cela. Il a été vide pendant plusieurs années avant qu'on se décide de l'utiliser. Finalement, on l'utilise, mais on se retrouve avec l'ancien hôpital qui est vide; on se retrouve avec des bâtisses vides et avec des besoins. S'il n'y avait qu'une bâtisse vide, ce ne serait pas grave, mais il y a des besoins qui sont là devant une bâtisse vide et inoccupée.

J'ai personnellement vu le ministre à ce sujet, il y a déjà un an ou deux, je pense. On en a parlé à plusieurs reprises. La porte n'a jamais été fermée à de nouvelles discussions, mais, finalement, le problème n'a jamais été réglé. Il reste qu'on se retrouve encore devant ce problème, encore avec un besoin pour des malades chroniques, un besoin d'hébergement pour personnes âgées parce que, dans le secteur particulier qui nous concerne, les foyers d'hébergement pour personnes âgées ne sont pas suffisants.

Je sais que dernièrement un mémoire a été soumis au ministre par le centre hospitalier Rouyn-Noranda. Dans ce mémoire, on a certaines recommandations qui permettraient l'utilisation rationnelle de ces locaux. Je ne sais pas quelle est la réponse du ministre, je ne sais pas quelle sera la réponse du ministre. Sans vouloir aller dans les détails de ce mémoire qui été présenté, je peux vous dire qu'il va falloir que bientôt on considère ces suggestions valables. On nous parlera peut-être de budget, mais, justement, on est là pour parler de budget. Qu'on ne vienne pas nous dire, à l'occasion de l'étude des crédits, que, si on ne fait pas telles ou telles choses qui sont nécessaires, c'est parce qu'on n'a pas d'argent. Dans les crédits qu'on nous demande, il y a sûrement de la place à faire au moins des choses que la population veut avoir. Il se fait des choses, dans ce ministère, qui ne sont pas nécessairement demandées par la population, alors qu'il y a des choses qui sont nécessaires et urgentes.

On a également des problèmes quant aux centres de transition pour délinquance juvénile. Je fais référence, à ce moment-ci, au problème de la Maison Rouyn-Noranda, dont le ministre est particulièrement au courant et madame le ministre également.

M. le Président, ce qui se passe dans ce centre de transition est quasi inexplicable. Il y a eu une enquête faite par le ministère des Affaires sociales, l'an dernier. Quoique ayant pris connaissance du rapport de l'enquête et m'attendant à une action spécifique du ministère, je dois vous dire que, malheureusement, il n'y a pas grand-chose qui a bougé. D'abord, il y a là-bas un problème de personnalité; il y a un problème où on a mis à la porte des professeurs sans considération et il y a toutes sortes d'autres problèmes, dont des délinquants qui sont sous la garde des responsables de la Maison Rouyn-Noranda qui ont des fiches mentionnant jusqu'à 17,18 ou 19 évasions. On nous rapporte que

beaucoup de ces jeunesse retrouvent devant le juge pour des choses comme vol avec effraction ou différentes choses comme cela. On peut même pousser plus loin. Il y a un père de famille qui est carrément venu me voir pour me dire qu'après deux mois de séjour de sa petite fille dans ce centre de transition, il a lui-même fait les démarches pour demander au juge de la cour de Bien-Etre social de reprendre l'enfant, parce que malgré qu'il y avait un problème familial, il y avait beaucoup moins de danger encore dans la famille que dans ce centre de transition. Après deux mois ou trois mois, 15 ou 16 évasions, le père de famille qui retourne chercher sa petite fille de 16 ou 17 ans, enceinte, M. le Président, je vous assure qu'il va se rappeler longtemps l'expérienc.e de la Maison Rouyn-Noranda.

On pourrait multiplier les exemples comme cela, en partant de plaintes que nous avons dans nos bureaux. C'est à se demander si bientôt il n'y aura pas des actions concrètes de la part du ministère pour corriger cette situation. C'est à se demander si on ne devra pas tout simplement nous orienter vers le ministère de la Justice et lui demander une enquête.

C'est aussi sérieux que ça. Alors, c'est évident que je n'ai pas l'intention de m'en prendre à des personnes dans cette affai re. Je serais malvenu de le faire. Le ministre sait très bien pourquoi d'ailleurs. Lui et moi risquerions d'être accusés de faire de la politicaillerie si on prenait des dispositions en fonction de personnalités.

Pour mieux me faire comprendre et pour appeler les choses par leur nom, c'est que je ne voudrais, pas — je pense que le ministre partage mon opinion là-dessus — que nous nous en prenions à la personne du directeur de la Maison Rouyn-Noranda parce qu'il était candidat du Parti québécois à la dernière élection. Je ne voudrais pas qu'on s'en prenne à lui parce que je ne veux pas que ce débat soit politisé. Ce c'est pas parce que ce type est un homme politique qu'il n'a pas le droit de gagner sa vie. Ce n'est pas parce qu'il était un homme politique, qu'il a déjà été député qu'il n'a pas le droit d'être à la direction de la maison Rouyn-Noranda. Je veux que ce soit bien clair. Il faut enlever de ce débat cette partie.

Mais cela n'empêche pas que les résultats, que je viens de dénoncer, sont là. C'est ça que je veux qu'il soit corrigé. Je ne demande pas qu'on coupe des têtes mais je demande qu'on corrige la situation.

Egalement, je pense que puisque j'ai parlé tantôt de services de santé, il serait peut-être bon, à ce moment-ci, d'insister davantage sur le plan humain. Puisque j'ai parlé hier de la nécessité de faire plutôt la promotion de la cellule de base de la société, qu'est la famille, plutôt que de la détruire, il vaut mieux établir au Québec, au plus vite, un système de pouvoir d'achat garanti minimum qui éviterait beaucoup des problèmes sociaux que nous connaissons présentement.

Quand je vous disais hier que les évêques ont dénoncé le démantèlement de la famille, l'augmentation du taux de divorce, la baisse des taux de natalité, etc., etc., tout cela, M. le Président, est relié au problème économique familial. Quand il y a des problèmes économiques dans la famille, cela entraîne le démantèlement de la famille. Cela amène d'abord l'épouse à être obligée de travailler pour gagner aussi une partie du revenu familial, cela entraîne un paquet de choses comme cela. Et lorsque le petit ouvrier, celui qui gagne un petit salaire, doit le faire quand même en travaillant neuf ou dix heures par jour, quand il arrive à la maison, le soir, et qu'en guise de repos, il retrouve un conjoint découragé parce que le budget familial ne boucle pas, cela ne l'encourage pas à retourner travailler le lendemain matin. Cela amène des frictions.

M. le Président, ce n'est pas avec des politiques de planification des naissances dont on sent le ministère prêt à faire la promotion, par les temps qui courent, qu'on va régler les problèmes. On vous parlera de revenus pour personnes âgées, peut-être. M. le Président, si cela continue comme cela, avec des déclarations comme j'en ai entendues dernièrement, nous, qui sommes tous des candidats, qui que nous soyons, à la pension de vieillesse, un jour, on se retrouvera avec personne pour payer les taxes pour ces pensions. C'est à la veille de s'en venir comme cela. C'est aussi simple que cela. Continuons à faire la promotion d'une planification des naissances, de la mode de la contraception et du diaporama et tout cela et vous allez vous retrouver bientôt avec pas tropd e monde pour payer les taxes. On n'aura pas besoin de se retrouver alentour de la table pour étudier des crédits parce qu'il ne restera pas de monde.

M. le Président, il y a encore pire que cela. C'est qu'il nous semble qu'il y a quelqu'un, dans ce ministère, qui est même prêt à aller jusqu'à faire la promotion de l'avortement. Quoique le gouvernement du Québec ait, à ce chapitre, fait connaître sa position clairement plusieurs fois contre les avortements illégaux, il reste que mes informations sont que la Régie de l'assurance-maladie paie pour des avortements qui se font à l'extérieur du Québec. M. le Président, si c'est le cas — ce sont les informations que j'ai, j'espère que le ministre me dira que ce n'est pas vrai — si réellement la Régie de l'assurance-maladie du Québec paie quelque chose comme $65 pour les avortements qui se font dans l'Etat de New York, si c'est le cas, c'est être complice de choses qui sont illégales au Canada. Et on retrouve cela sous le chapeau du ministère des Affaires sociales.

M. le Président, non seulement on a une politique qui vise à détruire la famille par le revenu familial, par les échelles de revenu familial, mais encore, on essaie de la détruire autrement, c'est-à-dire en s'assurant qu'il y aura de moins en moins de familles.

Où s'en va-t-on avec ça? Je veux bien croire qu'au ministère des Affaires sociales on est pris avec plusieurs problèmes, mais, si on tente de régler les problèmes en partant d'une mauvaise philosophie, on va les multiplier au lieu de les régler.

Quelle est la philosophie du ministère des Affaires sociales en matière de famille? On ne l'a jamais eue clairement du ministre. On l'a eue partiellement du ministre d'Etat, madame le ministre dernièrement. Je ne sais pas si elle a eu des entretiens avec des fabricants de produits pharmaceutiques, mais il

reste que c'est inacceptable, le genre de déclaration qu'afaite madame le ministre dernièrement. Je ne le fais pas dire par les voisins; elle siège à ma gauche, là.

C'est inacceptable. Ce ne sont pas des pilules qu'on doit donner aux gens; c'est de l'argent pour vivre qu'on doit leurdonner. Ce n'est pas des pilules pour empêcher les gens de venir au monde qu'on doit donner; c'est de l'argent pour permettre à ceux qui sont au monde de vivre.

A ce moment-là, vous n'aurez pas besoin de regarderdu côté de la planification des naissances. On a eu au Québec, un jour, ce qu'on a appelé la revanche des berceaux.

Depuis la révolution tranquille, on ne se venge pas fort fort. On ne se venge plus. Les berceaux, on les a arrêtés et on se pense fin au ministère des Affaires sociales d'avoir fait la promotion de cet arrêt-là. On entend des gens nous parler de la libération du Québec, de la libération de ci et de la libération de ça et de la séparation de ci et de la séparation deçà. Ne vous en faites pas, vous n'aurez pas besoin de les battre aux prochaines élections, M. le ministre; si vous continuez avec des politiques familiales comme ça, on va tous se battre seuls. Vous n'aurez plus besoin de séparer, il n'y aura plus rien à séparer. Parce que, si ça continue comme ça, seuls les immigrants bientôt vont constituer la relève. C'est aussi grave que ça. Je ne sais pas si on le réalise bien à ce ministère-là, mais c'est aussi grave que ça.

Bien sûr, le ministre dira peut-être qu'on dramatise, mais, si on n'allume pas la lumière rouge bientôt, il sera trop tard.

On fait tellement la promotion du démantèlement de la famille... Regardez ce qui se passe dans les naissances aujourd'hui. Un curé de paroisse me disait dernièrement en boutade — mais c'est une boutade qui est vraie — : Si j'avais pas eu des filles mères dans ma paroisse l'année passée, je n'aurais pas eu de baptêmes.

Je peux vous donner le nom du curé; ça ne le gênerait pas de le redire devant n'importe qui, à part ça; Si j'avais pas eu de filles mères dans ma paroisse, je n'aurais pas eu de baptêmes cette année.

Cela veut dire que les familles, on les décourage, d'abord par le petit salaire, parce que trop de familles sont aux prises avec un salaire qui est trop bas comparativement au coût de la vie.

Et ceux qui n'ont pas de salaire du tout, qui sont aux prises avec le revenu familial, c'est totalement en bas du seuil de la pauvreté.

On a entendu, M. le Président, toutes sortes de belles paroles du ministre du point de vue technique. C'est beau. C'est bien beau. Cela pourrait faire un beau livre, mais cela ne donne pas à manger. Je vous dis qu'il faut changer la philosophie du ministère des Affaires sociales. Déjà, cela s'est appelé le ministère de la Santé, de la Famille, du Bien-être. On a tout regroupé cela pour en faire les Affaires sociales. On est à se demander si en regroupant cela on n'a pas tout simplement enlevé la famille, la santé et le bien-être. Les gens nous diront: On fait notre possible dans les circonstances. M. le Président, ce n'est toujours pas l'argent qui manque dans le budget des Affaires sociales pour avoir au moins des politiq ues humaines. Qu est-ce que vous faites avec cet argent si vous n'avez pas des politiques humaines? C'est bien beau de bâtirdes hôpitaux. On a des budgets pour bâtir des hôpitaux et en même temps on en ferme d'autres. On ferme des hôpitaux là où les gens ne veulent pas les laisser fermer et on en bâtit ailleurs.

Qu'est-ce qu'on fait, également, pour encourager les médecins à revenir à une médecine plus familiale? Qu'est-ce qu'on fait de ce côté avec le système d'assurance-maladie où c'est devenu onéreux pour un médecin de se déplacer et aller faire une visite à la maison? Savez-vous, M. le Président, qu'il n'y a presque plus de médecins au Québec qui le font? Presque plus. Il me semble que c'est le genre de médecine qui était pas mal plus proche de la population que la médecine où vous allez attendre dix ou douze heures dans une salle dite d'urgence. Il semble que plus votre maladie revêt un caractère d'urgence, plus on vous fait attendre longtemps dans les salles d'urgence. Alors, ou bien on corrige la situation, ou bien changez le nom des salles d'urgence et appelez cela des salles d'attente ou autre chose comme cela. N'appelez plus cela des salles d'urgence, de grâce! Parce qu'il ne faut pas que cela presse pour aller là.

M. le Président, dans les services à être donnés, je pense qu'on oublie trop souvent — j'en ai parlé tantôt — les personnes âgées. Trop souvent, parce qu'elles sont une des classes de la société qui ont des difficultés à se faire entendre, elles sont dépourvues de moyens dans plusieurs cas.

On les reçoit comme des chiens dans un jeu de quilles, les centres d'hébergement ne sont pas assez nombreux puis, quand on les envoie à l'hôpital comme malades chroniques, ils manquent de place. Là on a, c'est drôle, M. le Président, des situations assez cocasses.

On prend un vieillard qu'on est obligé d'envoyer à l'hôpital comme malade chronique, puis là on va l'envoyer à 100 milles de chez lui pour s'assurer que les enfants ne pourront pas aller le voir trop souvent. Puis vous avez des hôpitaux sur place qui pourraient les recevoir, mais ils ne sont pas catalogués pour cela. Cela marche comme cela.

Par contre, là où on reçoit des gens, des malades chroniques, cela arrive souvent que ceux-là on les envoie ailleurs, puis cela se retrouve aux mêmes 100 milles. On les croise, on fait du chassé-croisé avec les vieillards, du chassé-croisé avec les malades chroniques, tout comme si on voulait s'assurer de les éloigner assez de leurs enfants pour que les enfants n'aillent pas les voir de temps en temps, pour être sûr qu'ils vont s'ennuyer assez pour crever plus vite, puis que cela coûte moins cher à l'assurance-maladie. C'est à peu près cela qu'on fait avec nos malades chroniques puis nos vieillards.

C'est clair, M. le Président, que cela coûte moins cher à l'assurance-maladie de soigner des jeunes, mais est-ce qu'on le fait consciemment ou inconsciemment? Je préfère vous dire que je crois que cela se fait inconsciemment, parce que, si c'était consciemment, ce n'est pas d'une commission parlementaire qu'on aurait besoin, mais d'un tribunal.

Je pense que cela se fait inconsciemment. Les politiques du ministère des Affaires sociales sont des politiques de machines ordinatrices. Vous ne pourrez jamais programmer une machine ordina-trice pour lui donner un coeur humain. Il faudrait qu'on prenne soin plus des gens, sans tous les passer dans le même boyau, parce qu'il semble qu'à ce ministère on ne tienne pas compte de la dimension de la personne humaine.

Que vous soyez grands, que vous soyez petits, que vous soyez autrement, on les passe tous dans le même trou. On rapetisse les têtes qui sont trop grosses, puis on gonfle celles qui sont trop petites. C'est comme cela, M. le Président. Si vous êtes trop grand, comme le sous-ministre devant moi, c'est un grand homme, on lui couperait la tête à celui-là. Par contre, celui qui est plus petit, on prendrait la têtede celui-là puis on la mettrait sur l'autre pour les mettre toutes de la même longueur.

Je n'en veux pas à ce sous-ministre, au point de lui appliquer la politique de son ministère, M. le Président. Voyons! Il reste que c'est peut-être très imagé, mais cela traduit la réalité. Qu'est-ce qu'on va faire pour donner du coeur à ce ministère? Qu'est-ce qu'on va faire? Qu'est-ce qu'on va faire pour rendre ce ministère plus humain?

Est-ce qu'il va falloir changer to us les employés qu'il y a là? Cela ne changera rien. Cela ne changera rien. Il y a un sous-ministre qui dit qu'il n'a pas d'objection. Il doit avoir une convention collective qui s'en vient, lui. Mais non, cela ne changera rien, M. le Président. C'est la philosophie du ministère qui doit changer. Les fonctionnaires, moi, je pense que ce sont des humains qui sont prêts à rendre des services à la population, mais les directives qu'ils reçoivent, ils sont obligés de les appliquer.

M. le Président, le ministre, lui, est quelqu'un qui peut donner des directives. Lui et les autres de ses collègues du conseil des ministres sont les responsables de la situation. Si cela ne marche pas, à vous, messieurs, du gouvernement, qui avez des responsabilités de la changer la situation.

Ne venez pas nous dire que vous êtes pris avec un problème de budget parce que vous avez un budget qui est passablement ronflant vous autres au ministère des Affaires sociales. Il est passablement ronflant. Comme le disait quelqu'un hier, si on vous demandait de sortir toutes les factures, vous trouveriez cela fatigant. C'est un budget ronflant. On ne vous demandera pas de sortir toutes les factures mais on va vous demander, au moins, qu'il y ait quelque chose qui paraisse être des politiques basées sur le respect et la dignité de la personne humaine. C'est ce qu'on va vous demander. On ne peut pas vous demander moins que cela. Jusqu'à présent, vous n'avez pas passé le test. C'est bien de valeur, mais vous n'avez pas passé le test jusqu'à maintenant.

Plus vous changez vos politiques, plus vous aggravez le problème. L'an dernier, à la même époque, on faisait état des barèmes de bien-être social. Cela revient tous les ans. Le ministre nous a dit: On va changer cela, on va rendre cela plus réaliste. On a ramené le test du loyer à $85. C'est pas mal plus réaliste! Des logements, dans la ville de Québec, essayez d'en trouver à moins de $150 et des fois plus que cela. Ramenons cela à $85, ce sera une politique plus réaliste. L'année passée, la dernière semaine du mois, les assistés sociaux devaient se contenter de pain pas trop beurré et de steak de bologne, le plus mince possible. Cette année, avec le changement qu'on a fait, on ne se rend pas à la troisième semaine, on commence à la deuxième semaine à faire cela. C'est la réalité et c'est dans le contexte d'une province qui, normalement, est capable de faire vivre sa population.

Vous avez des groupes d'assistés sociaux qui se forment un peu partout. Ils sont en train de vous amenerdevant une convention collective, eux aussi. Ils sont en train de s'organiser. Mais vous ne pouvez pas les blâmer parce que la politique du ministère des Affaires sociales, en cette matière, est une politique qui ne fait qu'aggraver le problème et ne permet pas aux familles de vivre normalement. C'est cela, la politique. Bien sûr, pour celui qui n'a pas ce problème, il peut passer douze mois par année à côté de la machine ordinatrice et cela ne le dérange pas trop. Pour celui qui est dans notre catégorie de salaire, la troisième semaine du mois, on n'est pas pire, mais ils ne sont pas tous dans notre catégorie de salaire. Je vous dis que la troisième semaine du mois, chez les assistés sociaux, c'est la semaine où on a commencé à se serrer la ceinture à partir de la deuxième semaine. A la troisième, la ceinture est assez serrée q ue le ministre aurait avantage à mettre cette ceinture-là parfois, il comprendrait mieux. C'est cela, leur problème, c'est la situation.

Là, je ne vous parle pas par ce que j'en ai entendu dire, j'en ai vu. Pour l'information du ministre, une fois par semaine, je vais dans mon comté et j'en profite pour aller visiter de ces familles. Je le fais parce que quand on nous le rapporte, des fois, on charrie un peu. Je suis conscient de cela. Je me rend personnellement voir ce qui se passe et je ne demande pas un rapport d'officier ou de fonctionnaire pour me dire où aller, j'y vais sans le dire à personne. Je frappe à une porte et j'entre. Là, j'examine la situation et j'y vais généralement dans la troisième semaine parce que c'est la troisième semaine du mois, c'est celle-là, la fatidique. Quand vous n'avez pas le petit épicier du coin qui fait confiance et qui a assez pitié des assistés sociaux pour leur avancer quelque chose dans la troisième semaine, il y a des endroits où ils ne mangeraient pas dans la troisième semaine parce qu'on a obligé, avec le test du loyer à $85, les gens à prendre de l'argent de la nourriture pour payer le loyer.

On en a assez, de cela. On en a assez. Qu'on nous annonce des 10.4% d'augmentation alors qu'on est 31% ou 32% en arrière et qu'on fasse cela à la mode politique, par-dessus le marché... Hé, cela va permettre bien de quoi, imaginez-vous, les politiques déjà adoptées, etc.

Des communiqués de presse pour annoncer aux assistés sociaux qu'ils vont mieux vivre, quand on leur donne seulement le bout de la fourche, on en a assez.

La solution n'est pas de multiplier les assistés sociaux, non plus. Le ministre n'est pas le seul responsable des problèmes. Le problème économique

au Québec est un problème global dont le ministère des Affaires sociales n'est pas l'unique responsable, il faut quand même le dire. Il y a d'autres ministères qui ont leur part de responsabilité. Les ministères à vocation économique ne font pas tous leur travail. La politique d'ensemble gouvernementale est déficiente. Il reste que, dans le contexte où on se trouve, seul le ministère des Affaires sociales peut aider ces gens qui sont défavorisés par la société. C'est cela que je voulais faire comprendre au ministre, ce matin.

Je m'excuse auprès du ministre si j'ai peut-être un peu élevé la voix, mais je pense que je n'avais pas le choix. Puis, si c'est nécessaire, je l'élèverai de nouveau, à l'avenir; je n'ai pas l'intention de lâcher ce dossier.

Cependant, depuis l'an dernier, il y a eu quelques petites modifications, je dois le reconnaître. Je n'ai pas l'intention seulement de faire ressortirtous les problèmes. Le ministre a fait des choses. Il a favorisé l'arrivée dans les régions éloignées de médecins par des politiques, au cours de l'année 1974; caisse de dépannage dans les milieux éloignés, au point de vue du bien-être social. Ce sont des choses dont on a parlé, l'an dernier, aux crédits. Honnêtement, je dois remercier le ministre qui a pris ces dispositions.

Je ne sais pas de quelle façon ce serait vu, mais j'ai presque envie de faire une suggestion qui serait d'ordre pratique et administratif, quant à la meilleure compréhension des politiques, en ce qui concerne surtout l'aide sociale. Je fais référence, à ce moment-ci, à une expérience qui a été tentée par la Commission des accidents du travail, il y a quatre ans. On a, à un moment donné, invité, pendant trois ou quatre jours, à Québec, les secrétaires de comté des députés pour leur faire part des politiques de la Commission des accidents du travail et leur expliquer le fonctionnement de ce service. Cela n'a pas réglé tous les problèmes, mais, étant donné qu'on a aussi, de ce côté, beaucoup de problèmes qui nous sont soumis, cela a permis à nos secrétaires de comté de faire un meilleur travail, quand nous recevons des gens qui ont des problèmes de ce côté, en sachant, par exemple, à qui s'adresser, de quelle façon le faire, etc., etc.

Je voudrais faire une suggestion semblable au ministre. Il serait probablement très utile qu'au niveau du ministère des Affaires sociales on prenne trois ou quatre jours et qu'on prépare quelque chose à présentera nos secrétaires de comté: qu'on les invite trois ou q uatre jours à Québec et qu'on leur explique tout le fonctionnement... Cela va éviter beaucoup de problèmes aussi chez nous, dans nos comtés. Les gens viennent nous voir à nos bureaux, nous posent des questions ou posent des questions à nos secrétaires. Ce n'est pas notre travail, évidemment, de remplacer les agents du bien-être social, au contraire. Mais, c'est notre travail, par exemple, de recevoir la population. Quand on vient chez nous, M. le Président, c'est parce qu'on a confiance à l'élu du peuple. C'est normal que l'élu du peuple puisse donner les meilleurs renseignements possible quant aux règlements, quant aux lois. C'est une suggestion que je fais. Je ne sais pas de quelle façon elle sera reçue.

J'espère qu'elle sera bien reçue parce que, du moins si le ministre n'entend pas en faire une politique permanente, peut-être qu'un projet pilote serait intéressant, et on verrait ce que cela donnerait par la suite. Si cela ne donne pas le résultat escompté, qu'on l'arrête, mais je pense que, de ce côté, il y aurait peut-être une possibilité d'effectuer davantage ce rapprochement entre la population, les élus du peuple et l'administration.

Il y a également — cela me vient à l'esprit, en terminant — des diététiciennes qui sont aux études présentement et qui nous informent — j'ai reçu plusieurs lettres il y a quelques jours — de leur incapacité de poursuivre leurs études. Je ne sais trop, je pense qu'il est question d'une période qu'elles doivent poursuivre en milieu hospitalier et les milieux hospitaliers ne favorisent pas trop cette période parce qu'il y a un manque de budget ou de crédit.

Malheureusement, je n'ai pas les lettres avec moi mais je me rappelle cela de mémoire. J'aimerais que le ministre nous en parle un peu. Je trouverais très malheureux que des personnes qui ont suivi des cours, qui sortent de l'université, ne puissent entrer sur le marché du travail parce qu'il y a cette période pratique qui ne serait pas favorisée par un manque de politique du ministère des Affaires sociales.

J'aurais beaucoup d'autres choses à dire mais je pense qu'on aura l'occasion, au cours de ces crédits, d'y revenir et, à chaque programme, peut-être, de faire connaître nos positions.

Je voudrais peut-être que le ministre — je ne sais pas si c'est la coutume... Il me semble que le ministre avait l'habitude de donner réponse aux quelques questions qu'on pose à travers nos exposés. Quant à moi, j'aimerais bien recevoir l'opinion du ministre sur certaines questions que j'ai posées.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de faire un débat ou une réplique systématique à tous les arguments qui ont été avancés par nos collègues, les dép utés de Saint-Jacq ues et de Rouyn-Noranda.

Je crois que leurs exposés sont très intéressants parcequ'ils nous permettent de voir, dans une certaine mesure, à la lumière de quelle philosophie ils vont procéder à l'étude des crédits. Je les remercie personnellement de cet éclairage qu'ils nous donnent sur les préoccupations d'ensemble qu'ils ont vis-à-vis des activités du ministère des Affaires sociales.

Il est évident que ceci est une occasion pour diverger d'opinion. C'est la raison pour laquelle je ne crois pas nécessairement opportun d'entreprendre un effort de réfutation de chacun des points de vue exprimés puisque je crois que ce sont, encore une fois, des sujets sur lesquels il est possible de diverger d'opinion mais où il est bien difficile de faire des preuves. Certainement, je n'ai pas entendu de preuve que les opinions qui ont été exprimées étaient les meilleures. J'ai eu l'occasion et j'aurai encore l'occasion d'expliquer pourquoi les politiques que nous avons adoptées, la philosophie, si

l'on veut, que nous articulons par ces politiques est celle qui doit être préférée.

Malgré tout, il y a un certain nombre de points, particulièrement dans l'exposé du député de Rouyn-Noranda, qui me semblent appeler des corrections. Parce que si on les laisse sans commentaire, ils sont susceptibles de créer une impression erronée, étant donné qu'ils portent non pas seulement sur des valeurs ou des attitudes, mais sur des points de fait qu'il est nécessaire de connaître de façon exacte.

Je n'aborderai pas nécessairement les problèmes dans l'ordre dans lequel ils ont été abordés. Cependant, je voudrais signaler, en premier lieu, que.les différences extrêmement spectaculaires dont a fait état le député de Rouyn-Noranda entre la situation au titre de l'aide sociale de personnes seules et de ménages, de familles, sont des différences qui sont réelles seulement dans le sens dans lequel elles nous ont été données, c'est-à-dire en ignorant toute une partie du problème et en choisissant de faire porter tout l'exposé sur un aspect qui n'est, encore une fois, pas le seul qui doit être considéré.

Il est clair que lorsque l'on considère la situation de personnes qui vivent isolément les unes des autres, comme dans le cas d'une famille qui se désintègre, dont les les membres se séparent, on ne peut pas envisager isolément le revenu qui est versé à ces personnes par l'aide sociale sans tenir compte des dépenses qu'elles doivent encourir.

Or, il est élémentaire de constaterqu'il ne coûte pas la même même chose pour un nombre donné d'individus de vivre ensemble ou de vivre isolément. Tout le monde a connu cette expérience, à une certaine période de sa vie, ne serait-ce que quand on quitte sa famille, mais c'est aussi vrai dans toute autre circonstance. Il est clair que des gens qui vivent isolément doivent assumer des dépenses de logement, doivent assumer en double, en quelque sorte, certains frais communs qu'ils partageaient jusque là et il faut considérer à la fois les dépenses et les revenus pour avoir un tableau complet de la situation. En choisissant de ne parler que des revenus, on produit évidemment une situation qui semble anormale, qui a l'air injuste, même, mais si l'on tient compte des revenus — et c'est très certainement l'intention qui est derrière les barèmes que nous appliquons dans l'aide sociale — nous retrouvons une situation où les différences de revenus sont expliquées par les différences dans le niveau de dépenses.

Le niveau de logement, sur lequel s'est longuement étendu le député de Rouyn-Noranda, présumément parce qu'il était important, parce que c'est un facteur important du budget familial, il est tout aussi important dans ces circonstances et il explique à lui seul les différences dans le niveau des prestations.

Donc, il est faux de dire — et ce n'est pas une question de philosophie, c'est une question de fait — que les barèmes que nous avons encouragent la dispersion des familles. Tous ces arguments, encore une fois, sont basés sur une vision incomplète de la réalité.

Sur le problème plus général du niveau des prestations, il est clair qu'il est facile de proclamer le besoin d'une majoration des barèmes. C'est un besoin qui est ressenti par tous et auquel, d'ailleurs, le gouvernement a donné suite durant la dernière année. D'ailleurs, le député de Rouyn-Noranda l'a reconnu lui-même. Je ne le blâme pas de juger que ces augmentations sont insuffisantes. Je crois qu'on peut affirmer aussi que du point de vue du ministre des Affaires sociales, elles sont également insuffisantes mais il faut compter avec les autres besoins du gouvernement, d'autres secteurs d'activité. C'est un équilibre qui est réalisé, que l'on peut sans aucun doute critiquer, mais c'est un équilibre inévitable et nécessaire entre différents besoins, différents besoins sur lesquels il a, presque dans le même souffle, continué à nous exposer tout ce qui devait encore être fait et qui n'est pas fait. Donc, c'est un équilibre qu'on doit réaliser non pas seulement au sein du gouvernement dans son ensemble mais au sein du ministère et je crois — mais c'est un sujet sur lequel nous pourrons revenir — que l'augmentation des barèmes d'aide sociale, au cours des dernières années, au cours des derniers mois, démontre assez concrètement que c'est notre intention d'atteindre les seuils de pauvreté tels que définis par des organismes indépendants. C'est d'ailleurs une réalisation dont nous pouvons faire état pour certaines catégories d'assistés sociaux, une réalisation qui va se poursuivre au cours des prochaines années, puisque l'on remarque traditionnellement que la hausse des barèmes a toujours dépassé, chaque année, l'augmentation de l'indice du coût de la vie.

Quand le député de Rouyn-Noranda nous parle des barèmes de logement, je suis porté à me poser des questions sur sa candeur dans son exposé. Je suis très intéressé à obtenir des points de vue qui reflètent des préoccupations véritables mais il sait aussi bien que tous ses collègues de l'Assemblée nationale que lorsque nous avons réduit ces barèmes, nous avons effectivement fait bénéficier les assistés sociaux.

On peut, encore une fois nous disputer sur le caractère suffisant ou insuffisant de ces changements-là. Là-dessus, il a pleine liberté de le faire. Mais représenter la baisse des barèmes comme il l'a fait, encore une fois ça me laisse songeur sur les intentions véritables que poursuit le député de Rouyn-Noranda. Il me semble qu'il saittrès bien que si l'on veut continuer sur la voie qui a déjà été amorcée, continuer à favoriser les assistés sociaux relativement au besoin de logements, il va falloir continuer à diminuer ces barèmes-là et non pas les augmenter.

C'est un peu une caricature que de comparer les barèmes au coût des logements. Cela n'a jamais été, du moins depuis qu'on a intégré le besoin de logements dans la location forfaitaire, ça n'a pas du tout été ce but-là. C'est malheureux, c'est difficile à expliquer, c'est un peu technique, mais c'est, malgré tout, une réalité que, je crois, tout le monde connaît très bien maintenant.

Sur une autre question, des affirmations ont été faites, sous une forme interrogative, malgré tout, et c'est peut-être mieux quand c'est sous une forme interrogative, mais il reste que le doute est créé et qu'il faut absolument le dissiper. C'est cette question du paiement ou du non-paiement, par la Régie de l'assurance-maladie, pour des avortements effec-

tués en dehors du Québec et to ut particulièrement en dehors du Canada. Parce qu'il est clair que les dispo-sitions du code criminel canadien s'appliquent partout au Canada. Donc, je présume que la question portait essentiellement sur le paiement d'avortements pratiqués en dehors du Québec et en dehors du Canada.

Pour ce qui est de cette dernière catégorie, il s'agitd'une pratiqueextrêmement réduite. Au cours des quelque trois demieres années, il y a eu, au total, moins d'une vingtaine de ces paiements qui ont été effectués. Et la Régie de l'assurance-maladie s'est assurée, dans tous ces cas, que les conditions prévues par les lois du pays relativement à la pratiq ue de ces avortements, c'est-à-dire qu'il s'agissait bien d'avortements thérapeutiques, ont été respectées, même s'ils étaient pratiqués dans des hôpitaux à l'extérieur du territoire canadien.

D'ailleurs, on ne peut pasexpliquerautrement la disparité très considérable, même s'il n'y a pas de statistiques officielles ni même officieuses sur le sujet, entre une vingtaine d'avortements pratiqués à l'étranger sur trois ans et le nombre, sans aucun doute, beaucoup plus considérable des avortements plus ou moins clandestins qui sont effectués outrefrontières.

Je crois qu'il est important de préciser cet aspect-là. La régie n'a pas violé la loi du Québec en faisant ces quelques paiements mai s a eu des indications lui permettant de s'assurer que les lois du pays étaient respectées même dans ces cas-là.

Relativement aux personnes âgées, on déplore la carence dans les services qui leurs sont disponibles. Je pense qu'on peut le faire très valablement. C'est d'ailleurs aider le ministère des Affaires sociales que de dire que ces services sont déficients puisque notre intention c'est d'en convaincre effectivement tout le monde pour nous aider à les accroître.

Il demeure que durant l'année en cours, nous mettrons en chantier près d'une trentaine de centres d'accueil. En grande majorité, ce sont des centres d'accueil et d'hébergement pour les personnes âgées qui entraîneront des déboursés de l'ordre de près de $90 millions.

Déjà plusieurs de ces projets ont reçu le feu vert par arrêté en conseil, en novembre, plus précisément en 1974, en février et en mars. D'autres projets, puisqu'il s'agit là d'un processus administratif qui est malgré tout assez compliqué, d'autres projets seront bientôt l'objet d'approbations similaires au printemps et à l'automne.

Ce qui nous permet d'envisagerque l'ensemble des projets annoncés il y a déjà quelque temps, et pour lesquels une programmation très détaillée a été préparée dans l'intérim, l'ensemble de ces projets, dis-je, seront donc exécutés, amorcés au moins, à l'intérieur de l'exercice financier 1975/76.

Outre ces réalisations, le ministère travaille à l'élaboration d'un second plan de développement des centres d'accueil, d'ailleurs dont les échos ont transpiré, je crois, dans la presse, durant les derniers mois, et qui impliquent des déboursés encore plus considérables, pas seulement dus à l'inflation mais parce que le programme en lui-même, dans ses dimensions, sera plus considérable. Les objectifs que vise le ministère des Affaires sociales dans tout ceci sont bien connus: assurer une accessibilité égale dans toutes les régions du Québec à des services d'hébergement pour des personnes âgées, pas seulement à des services d'hébergement, mais également à des services de centres de jours.

Le député de Saint-Jacques soulignait que j'avais visité cette semaine, dans son comté, un centre de jour qui s'est développé un peu en marge d'un centre d'accueil, mais tous les centres d'accueil qui vont désormais démarrer vont comporter un centre de jour. C'est le cas de tous ceux qui seront amorcés cette année et dans les années futures, de manière à permettre à ces personnes de rester dans leur mi lieu de vie naturel et de bénéficier, malgré tout, d'un certain appui. Cet appui vient non seulement du centre de jour, mais aussi des services connexes que développent, en priorité, les CLSC qui déjà consacrent à des services à domicile, à des programmes particulièrement dirigés vers les personnes âgées une partie significative de leurs ressources.

Donc, ce sont des éléments de fait qui, je pense, doivent être cités puisqu'on a porté un blâme à l'endroit du ministère des Affaires sociales et du gouvernement qui, à mon avis, à ce moment-ci, n'est pas justifié. Bien sûr, on peut déplorer la situation de carence qui va demeurer tant que ces ressources nouvelles ne seront pas, effectivement, complétées, mais, au moins au niveau des intentions très concrètes, il y a déjà des réalisations et des faits très positifs.

Les autres points sur lesquels le député de Rouyn-Noranda a attiré notre attention sont des points sur lesquels nous devrons nous renseigner davantage. Je pense en particulier à ce problème des diététiciennes. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un problème budgétaire cependant, car des stages de perfectionnement, qui sont incorporés dans des programmes de formation professionnelle n'impliquent pas comme tels des budgets, puisque ce sont des stages qui sont faits sans rémunération en règle générale, étant donné qu'ils sont des périodes de formation beaucoup plus que des périodes de prestation de services. Quant à sa suggestion...

M. Samson: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait, puisqu'on parle des diététiciennes? Si j'ai bien cornpris les lettres que j'ai reçuesà ce sujet, ce sont les hôpitaux qui ont mentionné ne pas avoir les budgets nécessaires. Ce n'est peut-être pas une question de salaire aux diététiciennes, mais c'est peut-être un manque de budget qui fait qu'on ne peut pas s'assurer de leurs services. Il me semble que le sous-ministre, le Dr Brunet, est au courant de la situation.

M. Forget: Comme je l'ai indiqué, nous allons nous informer plus en détail de la nature du problème, mais des argumentations basées sur des difficultés budgétaires, lorsqu'il est question simplement d'admettre dans un établissement des personnes qui veulent compléter leur formation par un stage, simplement pour observer ce qui se fait, je com prends qu'on peut vouloir s'en servir pour obtenir de plus g rands budgets. Je ne pense pas q ue ce soit une raison valable, indépendamment du fait de la

rémunération. Il peut y avoir d'autres difficultés ou même des difficultés connexes, mais j'aimerais avoir plus de détails avant de vous faire une réponse complète.

M. Samson: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Est-ce qu'au ministère vous avez reçu de ces lettres des étudiantes d'université?

M. Forget: Non, nous n'en avons pas entendu parler jusqu'à maintenant. Université ou CEGEP?

M. Samson: Université. M. Forget: Les CEGEP?

M. Samson: Non. L'Université d'Ottawa. Des gens du Québec. Si le ministre le permet, cet après-midi, je lui apporterai une copie de lettre.

M. Forget: C'est très différent si c'est CEGEP ou université.

M.Samson: Je vous en apporterai une copie cet après-midi et on verra.

M. Forget: II y a l'internat pour les diététiciennes qui ont fini leur cours au niveau universitaire. Parce qu'au niveau collégial on a des contrats avec le ministèrede l'Education. Habituellement, il n'y a pas de problème pour les stages cliniques. ll peut y avoir des difficultés occasionnelles, mais il y a des contrats en bonne et due forme et les processus administratifs et financiers sont inclus. Maintenant, il y a le problème des diététiciennes de niveau universitaire qui doivent faire une année supplémentaire comme internes dans certains hôpitaux.

M. Samson: C'est celles-là.

M. Forget: L'internat se fait à Montréal. Il y a maintenant des stages, à Québec, à l'hôpital Saint-Sacrement. Mais c'est possible, s'il y a des étudiants de l'Université d'Ottawa, qu'ils aient des problèmes.

M. Samson: Oui. Ce sont ceux-là. Alors, je vous apporterai une copie de lettre pour vous donner plus de détails.

M. Forget: Je n'en ai pas reçu, quant à moi.

Enfin, comme dernier point, M. le Président, le député de Rouyn-Noranda a fait une suggestion relativement à l'aide sociale.

Les membres de la com mission se souviendront que, l'an dernier, une pochette d'information leur a été distribuée sur le fonctionnement de l'aide sociale, les règlements, l'organisation, l'administration de l'aide sociale, qui visait précisément à familiariser avec tout cela non seulement les députés, mais évidemment leurs secrétaires de comté qui ont, au jour le jour, à faire face à des demandes, pour les aider à effectuer leur travail. J'avais indiqué, à ce moment-là, qu'il était normal q ue le député dans son rôle, dans le rôle traditionnel qu'il assume vis-à-vis de ses commettants et l'ensemble de la population de son comté, reçoive toute l'aide possible pour vraiment diriger ces demandes et ces appels d'aide ou de révision par les canaux les plus appropriés.

Donc, je crois que cette suggestion, dans le contexte des efforts qui ont été entrepris dans le passé, sera examinée de manière à voir, à la lumière d'autres recommandations ou d'autres suggestions qui seront sans doute faites au cours de l'étude des crédits, portant spécifiquement sur l'aide sociale, dans quelle mesure il est possible d'améliorer encore les liens qui doivent exister entre tous ceux auxquels le public a à faire et les bureaux du ministère des Affaires sociales qui administrent nos programmes.

Il est clair que l'information doit être accessible, et je crois que nous avons l'intention d'utiliser tous les moyens possibles pour la rendre accessible.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Programme 1, élément 1. Allocations familiales. Le député de Saint-Jacques.

Allocations familiales

M. Charron: M. le Président, je vais chercher d'abord quelques indications d'informations qui pourraient me manquer. Est-ce qu'il existe, auprès du ministre, un tableau plus récent que celui que j'ai en main, qui date de septembre 1974 et qui illustre la répartition du nombre d'enfants par famille et par âge? C'est le plus récent que je puisse avoir.

Je crois, M. le Président, si nous faisons toujours preuve de la souplesse que l'on aeuedansladiscus-sion des programmes, que l'élément que vous venez d'appeler, Allocations familiales, se retrouve en fait sous un secteur qui porte un nom beaucoup plus vaste et qui s'appelle la politique de soutien du revenu familial du ministère, qui devrait nous donner l'occasion, ici, d'avoir quelques échanges, comme nous l'avons fait l'année dernière, sur une politique de la famille et aussi, puisque le ministreaeu l'occasion de prendre position sur ce sujet au cours de la dernière année financière, la politique de natalité du gouvernement du Québec, dont le principal responsable demeure encore, jusqu'à nouvel ordre, le ministère des Affaires sociales.

Mais je m'en tiendrai, pour l'instant, à l'élément que vous avez appelé, soit la discussion des allocations familiales. Je vais commencer par dire que, quant à moi, malgré toutes les critiques que nous serons peut-être appelés à faire à l'occasion sur l'administration proprement interne du ministère, sa lenteur, parfois son blocage, il faut souligner que nous commençons ici par une exception ou, si vous voulez, par un cas exceptionnel, contrairement à ce que souvent l'Opposition est appelée à faire, c'est-à-dire que nous soulignons l'excellente administration du système d'allocations familiales du Québec par la Régie des rentes. Comme on le sait, c'est vraiment une des sources d'émission de revenu à la population qui fonctionnent le plus régulièrement, sans difficulté et aussi, il faut le dire, avec le plus de justice.

Tous les citoyens, sauf les assistés sociaux, ont reçu les bénéfices complets de la loi que nous avons

votée au début de cette Législature, en 1973, et l'administration de cette loi s'applique, à mon avis, sans difficulté.

M. le Président, les crédits que nous sommes appelés à voter à l'élément Allocations familiales passent cette année de $97.4 millions à $102.1 millions, soit une augmentation de $4.7 millions.

Je voudrai s demander simplement aux administrateurs si, dans les prévisions, ces crédits ont été établis en tenant compte du nombre de nouvelles naissances prévues pour l'année 1975/76. Qu'est-ce qui a permis d'établir ce calcul différent?

M. Forget: M. le Président, j'aimerais, avant qu'on fasse des réponses à ces questions, faire ce que j'avais l'intention de faire tantôt et je l'ai oublié. Je voudrais faire distribuer trois documents pour l'information des membres de la commission. Un sur I aide sociale, un autre sur les CLSC et un autre sur le programme de garderies. Ces trois documents sont disponibles en nombre de copies suffisant à tous les membres de la commission. Cela pourrait probablement accélérerou, du moins, éclairer les travaux de la commission. J'ai également, ici, un document que je pourrais faire circuler quitte à le faire reproduire avant, bien sûr, et qui constitue, je pense, une réponse à la question de tout à l'heure du député de Saint-Jacques relativement au nombre de familles, au nombre moyen d'enfants par famille, à la répartition des familles selon le nombre d'enfants de mars à décembre I974. Ce sont donc des chiffres plus récents...

M. Charron: Bon, c'est plus récent que ce que j'avais.

M. Forget: ...que ceux qui sont disponibles dans les publications à cause des délais de publication.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Documents déposés.

M. Forget: Pour ce qui est des prévisions quant au nombre d'enfants.. Pour ce qui est des effectifs, je pense que nous arriverons, finalement, à la réponse. Le nombre total d'enfants âgés de 0 à 17 ans a été estimé pour les fins de la préparation de ces crédits, au 30 juin 1974, à 2,062,100; au 30 juin 1975, à 2,019,300 et, au 30 juin 1976, à 1,976,800. Il s'agit de simulations et de prévisions démographiques établies par le ministère des Affaires sociales dans le cadre de ses prévisions démographiques du programme Medics.

M. Charron: Ces prévisions sont faites en calculant des sorties à 18 ans mais des entrées à 0. Prenons le chiffre que vous venez de me donner, M. le ministre, pour le 30 juin I975.

M. Forget: On me dit qu'on ne prévoit aucune diminution dans le taux de natalité. La diminution dans le chiffre total est due au fait que la classe des 18 ans qui quittent est plus considérable que la classe des 0 à I an.

M. Charron: Oui.

M. Forget: Pour ce qui est du taux de natalité... M. Charron: C'est cela.

M. Forget:... c'est le même taux qui est projeté pour 1975 et 1976, que celui observé pour les années immédiatement antérieures.

M. Charron: J'avais, en septembre I974 — encore une fois, je me réfère au seul document que j'ai pour l'instant — 8I,9I9 enfants qui n'avaient pas encore un an, donc nés au cours de l'année de septembre 1973 à septembre 1974. Combien en prévoit-on pour 1975? Vous me dites à peu près la même chose, 81,000.

M. Forget: Ce serait peut-être un chiffre différent qui serait basé sur un taux de natalité identique mais peut-être appliqué à une population de ménages légèrement différente, en tout cas.

M. Charron: Le taux de natalité est à q uoi, actuellement, tel que calculé par le ministère?

M. Forget: 14.9%. M. Charron: 14.9%.

M. Forget: Mais tout ceci sous réserve de vérification.

M. Charron: Oui.

M. Forget: Ce sont des chiffres que l'on cite de mémoire.

M. Charron: II est à 14.9%. Est-il exact qu'il était à 13.8% en 1972?

M. Forget: II y a eu une hausse, je pense, de I972 à 1973. Il y a eu une hausse, oui.

M. Charron: II y a eu une hausse.

M. Forget: Oui, à cause du plus grand nombre de femmes en âge de procréer.

M. Charron: Oui, d'accord.

M. Samson: Les connaissez-vous toutes?

M. Charron: Le taux de 14.9%, que vous venez d'affirmer, M. le ministre, constitue-t-il toujours le taux le plus bas au Canada, dans les provinces canadiennes? Il l'est toujours?

M. Forget: Sous réserve de vérification, il s'agit de point après la décimale. Je ne pense pas que la position relative du Québec aitsubi de modifications très sensibles, durant les quelques dernières années, mais j'aimerais mieux vérifier avant. On pourra le faire et vous transmettre les données cet après-midi.

M. Charron: Quel montant, sur la somme totale que nous sommes appelés à voter à l'élément 1, se

trouve avoir été prévu pour l'augmentation qui surviendra le 1er janvier 1976? Je sais qu'on ne connaît pas d'avance l'indice à partir duquel on indexera l'allocation familiale, puisque le calcul...

M. Forget: On a prévu une hausse de l'indice, au 1er janvier 1976, de 8%, comparativement à 10.4% pour le 1er janvier 1975, l'indice des rentes.

M. Charron: Est-ce qu'on peut dire tout de suite que ces 8% vont être également le taux prévu à tous les autres calculs d'indexation, par exemple, l'aide sociale tout à l'heure? Est-ce que c'est le taux uniforme?

M. Forget: Ce serait une hypothèse logique et c'est probablement celle qui a été faite. Oui, c'est ce qu'on a fait.

M. Charron: Ce qui veut dire qu'il est possible d'avoir un budget supplémentaire encore, en cours de route, si les 8% se sont avérés insuffisants?

M. Forget: Dans tous les programmes, comme on sait, qui comportent, en vertu de la loi, une réglementation, des barèmes établis et où l'élément de variabilité découle de la clientèle qui n'est pas absolument prévisible — dans le cas des allocations fami-liales, c'est plus prévisible qu'autre chose, bien sûr, mais dans le cas de l'aide sociale, auquel nous vien-drons dans quelques minutes ou dans quelques heures, il s'agit évidemment d'une clientèle qui est sujette à des fluctuations — il est clair que, dans tous ces cas — il s'agit de programmes qu'on appelle ouverts, en quelque sorte — si c'est nécessaire, à cause d'une variation dans la clientèle ou d'une imperfection dans la prévision de l'indice des prix à la consommation, il est clair qu'il faut s'attendre à un budget supplémentaire.

Je ne crois pas que ce soit, malgré tout, le cas d u côté des allocations familiales, encore que ce soit...

M. Charron: L'année dernière, M. le ministre, l'indexation survenue en janvier 1975, celle de l'année fiscale écoulée, a été de 10.4%?

M. Forget: Oui.

M. Charron: Dans le calcul précédent, comme celui auquel on se réfère, elle avait été prévue à combien?

M. Forget: Dans le calcul précédent, elle n'avait pas été prévue comme telle, puisqu'on se souviendra qu'en janvier 1974, ce n'est pas une indexation qui est survenue mais...

M. Charron: Une augmentation.

M. Forget: ...un changement de toute la structure. On est parti à zéro, en quelque sorte, en 1974, avec un nouveau régime d'allocations familiales. Et la première fois où l'indexation pouvait s'appliquer, c'était en janvier 1975.

M. Charron: Oui.

M. Forget: Alors, c'est le premier taux d'indexation.

M. Charron: Cela peut aller pour trois mois, les trois derniers mois de l'année fiscale. Vous n'aviez à prévoir comme indexation à fournir...

M. Forget: Dans les crédits de l'an dernier, seulement janvier, février et mars 1975.

M. Charron: Mais, quand même, il devait y avoir un taux prévu, puisque la loi comportait...

M. Forget: Qui avait été prévu, oui.

M. Charron: ...l'engagement d'indexer au 1er janvier 1975.

M. Forget: Vous avez raison. Mais c'était 10%. M. Charron: C'était 10% et cela a été 10.4%? M. Forget: Oui.

M. Charron : Cette année, c'est 8% de prévu ; cela va être 12% probablement, ce qui nous permettra d'avoir une autre discussion sur l'indexation, lors d'un budget supplémentaire.

J'ai peut-être ce renseignement dans les documents que vous allez me faire parvenir, mais peut-être aussi qu'il serait bon de le déposer dans la transcription de nos débats. Le nombre moyen d'enfants par famille, en juin 1974, au Québec, était de 2.18. A-t-il augmenté, est-il sensiblement le même?

M. Forget: C'est-à-dire que les chiffres que j'ai ici, qui sont peut-être des chiffres corrigés par rapport à ceux que vous avez, de 1974, indiquent que le nombre moyen d'enfants par famille était de 2.166. En 1975, on estime qu'il sera de 2.082, donc une diminution, et, en 1976, de 2.023. Il s'agit des enfants de moins de 18 ans; les enfants selon la définition légale, évidemment.

M. Charron: Des allocations familiales?

M. Forget: C'est cela. Maintenant, pour ce qui est de la distribution en pourcentage d'enfants selon le rang, il y a une modification assez intéressante, je crois, qui mérite d'être soulignée. Les enfants de rang 1 qui, en 1974, constituaient 46.2% de l'ensemble des enfants admissibles aux allocations familiales en constitueront, selon les estimations qui sont faites, dans le contexte actuel, 49.4%, donc une augmentation de 3.2%, de 3.2 points de pourcentage sur ces deux ans.

Et les enfants de rang 4 passeront de II.3% en I974 à un pourcentage estimé à 8.9% en I976. C'est une autre façon de représenter la diminution de la taille moyenne des familles.

M. Charron: D'accord.

La participation fédérale au plan d'allocations familiales se fait en vertu d'une loi fédérale, bien sûr. Le ministre est-il au courant, à travers des contacts qu'il doit nécessairement avoir avec le ministère

fédéral, s'il est possible que du côté fédéral on bouge, quant à la participation proprement fédérale, qu'il y ait des modifications au cours de l'année, qui seraient annoncées à la Chambre des communes à un moment ou à un autre, qui feraient que le revenu total des allocations familiales se trouverait modifié pour les Québécois?

M. Forget: Bien, il ne m'appartient pas de dire pour le gouvernement fédéral quelles sont ses intentions dans le domaine. Mais ce que je puis indiquer, cependant, c'est que, dans le contexte des discussions qui se poursuivent sur la révision de toutes les mesures de sécurité du revenu, cette possibilité n'a pas fait l'objet de discussions ou de propositions durant les récents mois.

M. Charron: L'administration proprement dite du régime, si elle est bonne, comme je l'ai souligné tout à l'heure, elle est coûteuse également, augmente de 23.53%, si le calcul est exact, cette année par rapport à l'année dernière. Quelle est la modification?

M. Forget: C'est une augmentation qui est attribuable largement à des hausses de traitements et des hausses d'autres dépenses, fournitures, etc., services d'ordinateurs, de postes, etc. Les traitements sont haussés évidemment. Il s'agit essentiellement des dépenses d'administration.

M. Charron: Oui.

M. Forget: Donc, il n'y a pas d'augmentation réelle, en quelque sorte, dans les ressources qui sont consacrées. Ce sont surtout les traitements.

M. Charron: Ce sont surtout les traitements.

C'est quand même plus considérable que partout ailleurs où nous allons le retrouver au chapitre de l'administration. Je ne pense pas que l'administration de chacun des programmes...

M. Forget: C'est-à-dire, attention! il y a une augmentation dans le budget 1975/76, par rapport à la dépense probable de 1974/75, de 9.1%.

Oui, il faut distinguer entre le budget original et le budget révisé en cours d'année pour tenir compte notamment des indexations de traitements. Ce qui fait que, par rapport à la dépense probable, l'augmentation n'est que de 9.1%. Et le ministre pourrait vous donner les deux facteurs qui...

Or, cela est normal, très normal...

M. Charron: D'accord.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Au très questions sur le programme I?

M. Charron: Sur l'article réservé aux allocations familiales, je n'en ai plus sauf que, comme je l'ai signalé tantôt, j'aimerais bien ici, à ce programme, avoir une discussion sur ce qui s'appelle la politique de la famille, la politique de natalité. Si le député de Rouyn-Noranda ou d'autres ont, sur les allocations familiales, des questions, je n'en ai plus.

M. Samson: Bien, M. le Président....

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson:... ce n'est pas nécessairement sur les allocations familialesque j'aurais unequestion à poser mais je ne sais pas trop où.dans l'étude des crédits, je dois poser ma question. Je me demande si je ne serais pas mieux de la poser immédiatement. C'est une question qui se rattache à une des politiques de la Régie des rentes. Ce n'est peut-être pas long, je peux peut-être vous la poser immédiatement.

Régime de rentes du Québec

M. Forget: En effet, ceque le présidentde la régie me souligne et ce dont certains membres de la commission se souviendront, c'est qu'étant donné qu'il s'agit là du seul programme qui a un impact budgétaire dans les crédits approuvés par l'Assemblée nationale, et que le président de la régie est avec nous à cette oocasion en particulier, on peut très commodément en profiter, en quelque sorte, pour éclairer les membres de la commission sur le fonctionnement du régime de rentes, étant donné qu'il ne s'agit pas d'un sujet qui ne vient jamais en commission pour l'étude de crédits.

Je suis sûr que le président de la régie serait à votre disposition pour répondre à des questions sur ce sujet.

M. Samson: M. le Président, ce qui me préoccupe, c'est le contenu d'une lettre, qui est parvenue au ministre le 20 février 1975, de la Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec. Ils écrivent en français, par exemple. C'est peut-être l'inverse de la Régie des rentes!

M. Forget: On a un cas sur un million! C'est un assaut mutuel de politesses!

M.Samson: M. le Président, voici ce qu'on y dit. Je pense que c'est intéressant. Ces gens représentent des enseignants, des retraités, des employés du gouvernement et des organismes publics. Le paragraphe qui est important dit ceci: "II y a beaucoup de publicité, récemment, dans les journaux, au sujet des amendements au régime de rentes du Canada, lesquels permettent à toute personne qui a 65 ans et plus d'obtenir un emploi à temps plein sans que cela affecte ses versements en vertu du régime des rentes du Canada. Il semble que le gouvernement du Québec n'a pas l'intention d'incorporer une telle modification au régime de rentes du Québec ".

C'est là ma question, M. le Président. Est-ce qu'on prévoit, en vertu du régime de rentes du Québec, permettre aux personnes retraitées de gagner quelques dollars sans que ces dollars soient directement affectés? Je pense qu'actuellement, si mes renseignements sont bons, tout gain qui dépasse $1,100...

M. Forget: ...$1,300.

M. Samson: ...devient taxable à 50% directement.

M. Charron: M. le Président, puis-je ajouter, en m'accrochant à la question du député de Rouyn-Noranda, que nous avons eu cette discussion en Chambre? Nous avons proposé un amendement à cet effet, qui visait le même objectif que celui du député de Rouyn-Noranda, et l'amendement a été défait par le gouvernement. Il s'agit peut-être d'une autre occasion d'expliquer pourquoi, en répondant à la question du député.

M. Forget: Volontiers. D'abord, un certain rappel historique est indispensable pour expliquer convenablement et comprendre convenablement cette situation. Le régime de rentes du Québec, sur cette question, n'a pas subi de modification depuis son introduction en 1966. Si l'on considère le point de vue qui est souvent défendu par ceux qui critiquent cette disposition du régime, à l'effet qu'ayant contribué à ce régime, ils ont acquis un droit à une prestation qui soit inconditionnelle, quels que soient les revenus dont ils puissent bénéficier d'une autre source, je crois que c'est un argument qui n'est pas valable comme tel puisqu'à plusieurs égards il a été jugé, premièrement, qu'une rente qui n'avait pas commencé à être versée ne constitue pas un droit acquis. Ceci est un argument peut-être plus étroitement juridique qu'un argument d'équité. Mais il est exact également que ceux qui ont contribué au régime depuis le début n'espéraient pas un tel versement inconditionnel puisque le régime ne leur a jamais promis un tel versement inconditionnel. Au contraire, le Québec, en 1972, a pris l'initiative d'une libéralisation des dispositions par lesquelles le montant de la rente de retraite, entre 65 et 70 ans, est affecté par les revenus provenant d'une autre source.

Il y avait, avant 1972, des dispositions beaucoup plus sévères à cet effet que celles qui sont actuellement en vigueur. Donc, les actions qui ont été prises en 1972 par le Québec visaient à libéraliser cette mesure tout en la retenant comme un des éléments originels du régime, un des éléments qui font partie du régime depuis son début. Ceci pour l'historique de la situation.

Il est clair que la disparité qui existe maintenant entre le régime fédéral et le régime du Québec est attribuable au fait que le régime, non pas fédéral dans ce cas-ci, mais le régime du Canada, autre que le Québec, pour ce qui est des rentes, a été modifié de manière à supprimer entièrement cette mesure, l'an dernier.

La position que nous avons défendue dans tout ceci était fort simple. Elle était la suivante: nous nous sommes, depuis 1973, engagés dans un processus de révision de l'ensemble des mesures de sécurité sociale. Sans aucun doute, ceci ne nous a pas empêchés, dans certains cas, d'introduire des mesures de bonification des régimes particuliers qui étaient compatibles avec l'orientation générale des réformes qui semblaient devoir se réaliser dans l'ensemble des régimes.

Sur ce point-là, nous avons différé la décision plutôt que de la rejeter — et c'est le point que j'ai défendu à l'Assemblée nationale — tenant compte du fait qu'une analyse actuarielle quinquennale est en voie de préparation à la date du 31 décembre 1974 et qu'il sera nécessaire, à la suite de la réception de cette analyse actuarielle, de revoir, dans son ensemble, le problème du financement du régime de rentes et de la Caisse de dépôt, de manière à assurer, dans le long terme, le maintien de caractéristiques et d'objectifs jugés essentiels à ce financement et qu'il faudra déterminer à l'occasion de cette révision. Il faudra également juger, à la lumière des développements qui vont se faire pendant la même période dans les programmes de soutien du revenu, quelle est la part qui doit être assumée par les régimes d'assurance sociale par rapport aux régimes de soutien du revenu non contributoires, tels que l'aide sociale ou d'autres régimes qui pourraient se développer à partir de l'aide sociale ou à partir d'autres régimes de soutien du revenu.

C'est dans ce contexte qu'il nous paraît plus approprié de prendre éventuellement des décisions relativement à la sécurité du revenu pour les personnes âgées et à cette question de l'examen des gains. Ce n'est donc pas un refus qui est basé sur l'absolue impossibilité de considérer l'abrogation de cette mesure, mais il est clair que c'est une mesure qui ne pourrait pas se faire isolément, qu'il faudra considérer dans tout un contexte.

J'ai regretté que le régime de pension du Canada soit modifié sur ce point au milieu d'un processus de révision de l'ensemble des mesures de sécurité sociale. Parce que l'aspect qui est visé, même s'il n'est pas sur le plan financier tellement considérable dans son impact, est, malgré tout, très fondamental quant à sa nature. C'est toute la différence qui doit exister entre un régime contributoire, un régime d'assurance sociale et un régime non contributoire. Il me paraît que la relation qui existe entre les deux, particulièrement vis-à-vis de la population des personnes âgées, n'est pas très logique dans la situation actuelle et que la décision unilatérale, en quelque sorte, du gouvernement fédéral d'amender cette partie-là du régime de la sécurité de la vieillesse n'est pas particulièrement heureuse dans ce contexte d'un manque d'intégration de toutes les mesures de sécurité du revenu pour les personnes âgées.

M. Samson: Est-ce que, compte tenu de l'étude qui semble en cours, on peut nous informer d'une date possible à laquelle le ministre pourrait suggérer certaines modifications?

M. Forget: Non, il est beaucoup trop tôt, M. le Président, pour suggérer des dates. Il y a deux études essentiellement qui devront se faire successivement. Il y a, d'abord, une étude actuarielle qui est en cours actuellement et qui devrait probablement être terminée vers le mois de juin de cette année. Mais c'est une étude qui va devoir être considérée très attentivement. D'ailleurs, dans d'autres contextes, nous avons discuté des problèmes de financement à long terme du régime, de financement de la Caisse de dépôt, etc., de l'équilibre nécessaire entre les régimes, encore une fois, de soutien de revenu et d'assurance sociale.

Alors, toute cette question-là, à la lumière de

l'analyse actuarielle, devra être reprise, rééiudiée. Dans l'intervalle, comme je l'ai indiqué, il y a eu d'autres développements qui se sont effectués, dans nos discussions avec les autres gouvernements canadiens des provinces, comme avec le gouvernement fédéral.

Cette étude sera faite par le gouvernement, soit de façon purement interne, soit par la création d'un comité qui aurait un mandat plus large, comité d'experts, pour suggérer des mesures appropriées au gouvernement. Donc, on ne peut pas, étant donné toutes ces échéances, donner des indications très précises quant aux dates, mais ce sont des questions extrêmement importantes. J'ai déjà eu l'occasion, lors de l'étude d u projet de loi amendant le Régime de rentes l'automne dernier, d'exposer quelles étaient nos préoccupations dans ce secteur. Je pourrais vous référer, peut-être, pour la brièveté du débat, à ce qui a été dit à cette occasion. Cela demeure entièrement ce que nous pensons, même aujourd'hui. Mais il y a toute une série de questions qu'il va falloir examiner, dont les implications sont très considérables.

Maintenant, ceci doit quand même être considéré dans le contexte général d'une évaluation du Régime de rentes du Québec relativement au Régime de pension du Canada. L'on tire des parallèles, encore une fois, en s'aidant d'un élément du régime. On considère de façon isolée ce en quoi — et ce en quoi seulement — le Régime de rentes du Québec est moins généreux que le Régime de pension du Canada. Or, c'est une comparaison qui est fausse puisque dans l'ensemble, le Régime de rentes du Québec est plus généreux pour une contribution égale que le Régime de pension du Canada. Je rappellerai aux membres de cette commission que l'élément forfaitaire qui est versé aux veuves, aux invalides, etc., aux orphelins, est plus élevé et par une marge importante, $60 de plus par mois, que ce n'est le cas pour le Régime de pension du Canada. C'est une partie qui est très importante et peut-être plus significative socialement que ne peut l'être cette possibilité de gains additionnels pourdes personnes qui, après tout, ayant ces autres revenus, cherchent, en quelque sorte, à majorer des revenus au-delà de ceux qu'ils ont déjà. La situation, socialement parlant, est beaucoup plus pénible dans le cas des veuves, dans le cas des orphelins, dans le cas des invalides et c'est ceux que le Québec a décidé de privilégier dans l'ensemble des réformes qu'il a apportées au Régime de rentes du Québec.

Je pense qu'il est un peu injuste, toute considération partisane mise à part, de comparer le régime du Québec à un autre régime, comme le régime du Canada. On pourrait faire d'autres comparaisons en ne parlant exclusivement que des éléments qui sont relativement moins généreux. Je crois qu'il est de notre devoir de souligner, à tous ceux qui se plaignent de ce fait, que les sommes qui pourraient être consacrées aux personnes retraitées qui veulent conserver, en plus d'un revenu d'emploi, un revenu de rentes qui n'a pas été conçu pour s'ajouter à leur revenu mais pour s'y substituer quand il fait défaut, que ces sommes sont consacrées à des choses beaucoup plus prioritaires, à notre avis.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: Je veux souscrire à la dernière partie de la dernière intervention du ministre des Affaires sociales. Si le député de Rouyn-Noranda et moi-même avons accroché le grelot à un endroit où le bât blessait, ce n'était certainement pas parce q ue nous voulions remettre en question cette victoire constitutionnelle du Québec des années soixante. Elle est — pouvons-nous l'invoquer tout de suite, à la suite du ministre — une preuve, M. le Président, que les Québécois, lorsqu'ils décident de s'occuper de leur politique sociale, peuvent être à l'occasion, non seulement capables de gérer leur propre politique sociale, mais aussi de faire mieux que de laisser un autre gouvernement, laisser une autre société, administrer et intervenir dans la politique de soutien du revenu, en particulier des personnes aussi défavorisées ou éprouvées que les veuves, les invalides ou les personnes âgées. Certainement que le Régime de rentes du Québec, victoire des années soixante, est un acquis pour le Québec, constitue le meilleur régime que les Québécois puissent espérer dans le contexte actuel. Mais il y a cet anachronisme dans le régime de rentes qu'il nous fallait expliquer parce que c'est le seul endroit, probablement, comme le dit le ministre, où le Régime de rentes du Québec est moins avantageux pour un Québécois âgé que le régime canadien. Mais, mon Dieu, je souscris sans hésita-tionà l'affirmation du ministredes Affaires sociales

Je dis que, si nous avions, par exemple, de nous-mêmes une politique des allocations familiales dont le Québec serait uniquement et totalement le maître d'oeuvre et de conception, nous avons déjà fait la preuve à une autre occasion que ce régime également pourrait être plus généreux pour les Québécois que d'appartenir et d'être à la remorque d'initiatives fédérales.

Là où nous ne le sommes pas et dans un endroit où nous avons fait nos preuves non seulement par le talent d'administration que nous y avons mis comme citoyens québécois, mais aussi comme bénéfice à l'ensemble de nos concitoyens, il faut le souligner avec emphase, je pense.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, bien sur, quand le ministre nous dit que le régime du Québec est plus généreux que les autres régimes quant aux veuves, aux invalides, ces gens-là, on ne peut qu'applaudir à cela, parce que je ne crois pas que notre ambition québécoise soit d'être en deçà de ce qui se fait ailleurs. C'est de tenter de faire mieux que ce qui se fait ailleurs.

Mais je me demande, tout de même, quelle est la différence, dans le domaine des 65 ans ou plus, entre le régime canadien qui couvre les autres provinces et le régime québécois. Comparativement, est-ce qu'on est plus haut ou plus bas? Je ne le sais pas. J'aimerais peut-être que le ministre me donne des indications quant aux montants versés aux 65

ans et plus. De quelle façon cela se compare-t-il avec les autres?

M. Forget: Les prestations sont les mêmes, en vertu du régime du Québec et du régime du Canada. Ce qui intervient, c'est qu'entre 65 et 70 ans, au-delà d'un montant d'exemption qui est d'environ $1,300, $1,320 effectivement, pour chaque dollar de revenu gagné, découlant d'un emploi, par le bénéficiaire ou la personne qui s'est retirée de l'emploi qu'elle occupait et au titre duquel elle a fait ses contributions au régime, sa prestation de rente est réduite de $0.50 par dollar additionnel.

Etant donné le niveau de la prestation, il lui faut gagner environ $4,000 par année pour ne plus avoir droit à aucune somme de sa pension de retraite. Donc, il s'agit là d'un revenu qui s'ajoute à sa pension de vieillesse, ce qui veut dire que nous avons une personne, qui, entre 65 et 70 ans, a un revenu de $5,200 ou environ par année, au moment où elle cesse de recevoir sa rente du Québec.

Si elle a plus que cela, elle ne reçoit rien. Si elle a un peu moins que cela, elle peut, quand même, garder une partie de sa rente du Québec. Au niveau, simplement, d'une certaine justice sociale entre différents groupes de population, évidemment c'est un montant qui est passablement supérieur pour une personne âgée à ce qu'il peut être pour toute autre personne.

L'argument utilisé, évidemment, viserait à donner à cette personne qui a $5,200 de revenu une somme additionnelle au titre du régime de rentes. C'est là que nous ne voyons pas une priorité sur le plan des politiques sociales. Il est clair que l'ambition du Québec ne peut pas être de donner moins, mais il est clair également qu'on ne peut pas être différent — après tout, c'est la nature du problème que ce régime-là puisse être différent — en n'étant jamais inférieur et en étant partout supérieur, puisqu'on se compare, malgré tout, à des régimes qui ne sont pas moins bien dotés financièrement que celui que nous administrons.

Donc, il est clair que les différences, de façon générale, sont parfois positives, parfois négatives et reflètent des priorités différentes. Encore une fois, on peut déplorer ces priorités, mais on ne peut pas parler des seuls points où la différence est au désavantage de certains bénéficiaires au Québec et monter en épingle ces seules différences. Il faut aussi parler des autres.

Autrement, on a une image complètement faussée de priorités différentes et qui continuent d'être, à mon avis, les bonnes priorités d'un régime de soutien de complément du revenu, sans entrer dans les distinctions entre l'assurance et le soutien du revenu.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Jacques-Cartier.

M.Samson: Je m'excuse, M. le Président, je n'ai pas...

Le Président (M. Houde, Limoilou): II a tout simplement une question, je pense.

M. Saint-Germain: Sur le même sujet, oui, si vous le permettez. Dans toutes nos politiques sociales on essaie tout de même de conserver, dans la population, la motivation au travail. Est-ce que vous ne voyez pas là un élément qui enlève cette motivation au travail pour un homme qui a atteint ses 65 ans et qui, en plus de son impôt régulier, est taxé à $0.50 pour chaque dollar gagné au-delà de la somme que vous avez mentionnée? Il faut dire que c'est une perte de motivation, à mon avis, assez considérable. C'est une taxe très élevée sur le revenu.

M. Forget: Vous avez raison, mais il ne faut pas oublier que nous partons de très loin pour ce qui est de ces motivations, étant donné que pour presque tous les autres régimes, la taxe dont vous parlez est de 100%. Une personne qui gagne $1 se voit diminuer ses allocations de $1, sauf en une période de transition dans le cas de l'aide sociale. Ce vers quoi nous voulons aller, c'est un régime qui serait aussi généreux et aussi motivant, peut-être, que de ne diminuer que de $0.50 les prestations sociales lorsque le revenu d'un emploi s'accroît de $1. Mais nous sommes très loin de cette situation.

Est-ce vis-à-vis de cette partie de la population qu'il faut faire les plus grands efforts de motivation au travail, la population de 65 à 70 ans, alors qu'on sait très bien que ce problème se pose avec beaucoup plus d'acuité vis-à-vis d'autres clientèles pour lesquelles l'incitation au travail est beaucoup plus réaliste, comme principe directeur de réforme, qu'il ne peut l'être pour des gens qui sont déjà à leur retraite? Il ne faut pas oublier que ces gens sont à leur retraite puisqu'ils sont éligibles à la rente de retraite. Ils ont donc décidé de quitter ou ils ont dû, pour toutes sortes de raisons, quitter un emploi régulier à 65 ans ou à 66 ans et ils veulent maintenant avoir un emploi qui n'est pas régulier, qui est un emploi plus ou moins occasionnel et qui n'a pas de caractère de permanence, sans aucun doute, dans la plupart des cas. Dans un très grand nombre de cas, je crois que ce que nous constaterions, c'est que ceux qui ont ces possibilités de gain après 65 ans sont des personnes qui ont des revenus fort supérieurs à la moyenne. Ce sont des professionnels, ce sont des personnes qui ne seront pas tout juste en haut des $5,200, probablement, mais qui pourront très bien être à $15,000 ou $20,000. S'il n'y a aucun examen des gains, en plus d'un revenu professionnel fort élevé, il retirerait du régime de rentes une pension complète.

Je ne suis pas convaincu q ue ce soit une priorité sociale et, très certainement, on ne commet, à leur égard, aucune injustice dans le moment puisque, pour les contributions qu'ils ont faites au régime, ils n'ont jamais eu d'indication qu'ils pourraient obtenir une rente de retraite complète entre 65 et 70 ans. Nous n'avons rien changé, c'est le régime tel qu'il a existé et au titre duquel ils ont fait leur contribution pendant leurs années de travail. Ce n'est pas une injustice vis-à-vis d'eux et je ne vois pas que ce soit une injustice vis-à-vis de ce qu'on fait à d'autres personnes.

M. Saint-Germain: Mais, croyez-moi, au...

M. Forget: Ce qui ne diminue pas ce que j'ai indiqué tantôt, c'est que ce problème, relativement à tout ce qui peut intervenir au niveau des autres programmes de sécurité sociale, la division nécessaire des tâches entre les programmes d'assurance sociale et les programmes de soutien du revenu, fera l'objet d'une réévaluation qui va impliquer beaucoup d'autres choses si l'on regarde les problèmes de financement à long terme ou à moyen terme de tout le régime de rentes qu'il faudra trancher, sans aucun doute, au cours des prochains mois.

M. Saint-Germain: II reste tout de même, si vous le permettez, M. le Président, qu'au point de vue politique ce n'est pas facile à défendre, croyez-moi, surtout dans un comté comme chez nous. Je comprends très bien, M. le ministre, quand vous dites que ceux qui sont des professionnels ou qui ont des revenus très élevés ne sont pas ceux qui font des pressions non plus, mais on n'a pas tenu compte, dans ces discussions, de l'inflation qui a diminué considérablement la pension du travailleur à revenu moyen. Il a sa propriété, il a une certaine façon de vivre, il s'est fié sur une pension et sur ses économies pour pouvoir maintenir un minimum de niveau de vie et voilà qu'à $5,000, bien souvent, il ne peut pas, à cause des temps inflationnistes, continuer le même niveau de vie. Il est obligé de vend re sa propriété. Les taxes municipales ont augmenté considérablement et cette différence est très importante pour une bonne partie de ces gens qui travaillaient dans les usines, et ainsi de suite.

D'autant plus, je crois, que les sommes impliquées, si mes informations sont bonnes, sont minimes. C'est un problème politique, je crois, mais qui pourrait être résolu avec quelques dollars relativement aux sommes énormes qui sont versées par le régime de retraite. Cela impliquequoi? Je penseque cela n'implique même pas $1 million, si je ne m'abuse. C'est très minime.

M. Forget: Encore une fois, je crois que c'est un problème qui n'a pas été tranché pour seulement des considérations financières. Que les sommes impliquées soient considérables ou non, il reste que, si elles ne sont pas considérables, elles n'aideront pas grand monde. Si elles le sont, elles posent le problème très carrément. En tout état de cause, ceux qui ont les problèmes auxquels vous venez de faire allusion, les problèmes de rentes de pension privée, par exemple, qui ne sont pas indexées, qui deviennent insuffisantes, il reste que la proposition, telle qu'elle est faite, de supprimer le test de gains va aider finalement ceux qui ont d'autres ressources plutôt que d'aider ceux qui n'en ont pas et ne sera pas un facteur pour aider ceux qui en ont le plus besoin, malgré tout. C'est plutôt le contraire. Donc, même si l'on peut s'appitoyer, et avec raison, sur le sort de ceux qui prennent leur retraite et qui, pour toutes sortes de raisons, ont des revenus insuffisants, donner plus d'argent à ceux qui ont des possibilités de revenus autres n'est pas nécessairement la meilleure façon d'aider ceux qui en ont le plus besoin et qui ne sont pas capables, peut-être parce qu'ils ne peuvent pas prendre un emploi après 65 ans, d'avoir des sources de revenus autres. Le problème que vous posez est véritablement un problème, enfin il y a de nombreux problèmes que vous soulevez dans votre intervention, c'est un problème de soutien du revenu des personnes âgées; c'est un problème aussi de l'insuffisance, peut-être, des régimes privés et des régimes supplémentaires privés. Ce ne sont certainement pas deux problèmes qu'on peut résoudre à l'intérieur du régime de rentes tel qu'il est conçu.

Maintenant, pour ce qui est du coût, on m'indique qu'il s'agit d'un coût de 5% à 6% du régime, en longue période, que cette abolition de l'examen des gains. Donc 5% à 6%, même si ce ne sont pas des pourcentages très élevés, cela se traduit par des sommes absolues qui sont assez considérables en longue période.

M. Saint-Germain: Pourriez-vous nous donner, cette année, la somme que tout ceci a impliqué? Combien a été . retourné au gouvernement?

M. Forget: Là, il faut faire attention. Si vous songez aux sommes qui sont récupérées de ceux qui ont travaillé, cela n'est pas très élevé.

M. Saint-Germain: Oui.

M. Forget: Je pense que cela peut se situer, pour l'année 1973, peut-être à $400,000 ou $500,000. Mais ce n'est pas cela qui est le coût, parce que — je ne veux pas me prononcer sur le fond du problème, je veux simplement donner des faits — le coût c'est que, si vous enlevez le test, tout le monde, à 65 ans, a sa pension. On ne peut pas se baser simplement sur les sommes récupérées pour évaluer le coût.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors la commission suspend ses travaux àquinze heures et la parole sera au député de Rouyn-Noranda.

(Suspension de la séance à 12 h 19).

Reprise de la séance à 15 h 14

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, ce matin, au moment de la suspension, nous en étions à discuter du problème occasionné par le fait que la Régie des rentes du Québec n'a pas ajusté son programme au régime de pensions du gouvernement fédéral en ce qui concerne la possibilité, pour un assisté, de gagner de l'argent en plus de l'allocation de la Régie des rentes.

Cependant, qu'il me soit permis d'ouvrir une parenthèse, parce que, ce matin, avant d'en arrivera ce problème, j'avais mentionné au ministre un problème qui nous avait été soulevé par des étudiantes en diététique à l'Université d'Ottawa, mais qui sont des gens du Québec.

Pour mieux faire comprendre la situation, j'ai quatre photocopies d'une lettre, mais j'en ai cinq ou six qui ont exactement le même texte. Alors, qu'il me soit permis de remettre au ministre copie de ces lettres pour considération.

Pour en revenir au problème qui était soulevé au moment de la suspension, le ministre nous a fait comprendre, ce matin, que la Régie des rentes du Québec avait, dans ses programmes, un genre de compensation, c'est-à-dire que, par exemple, pour les veuves, les invalides, nous étions plus généreux au Québec que l'est le régime de pensions du Canada.

Alors, ce que je voulais poser comme question, c'est: Dans quelle proportion le ministre peut-il nous dire, suivant les renseignements qui sont à sa disposition, qu'il n'y aurait pas dans les autres provinces des programmes compensatoires? Si on compare la Régie des rentes du Québec au régime de pensions du Canada, si on se considère plus généreux pour les veuves et les invalides, est-ce que, dans les autres provinces, il n'y a pas un système compensatoire qui fait que, dans le fond, notre générosité n'est que technique comparativement aux autres provinces? C'est le genre de question que je voulais poser.

S'il y a des programmes compensatoires, comme mes informations l'indiquent, à ce moment-là, la générosité manifestée par le ministre ce matin perdrait un peu de sa valeur.

Dans un autre ordre d'idées, pendant que le ministre va consulter ses fonctionnaires, il me sera peut-être permis de souligner que les gens au-dessus de 65 ans se trouvent à perdre, si vous voulez, 50% de la valeur de leurs gains dépassant $1,320 par année. C'est bien cela que j'ai compris ce matin, ces gens perdent des gains. Mais il reste que les 5% ou les 6% dont le ministre a fait mention, si nous ajustions notre régime à celui du Régime de pensions du Canada, le ministre a dit qu'il en coûterait 6% de différence. Moi, je considère que ce n'est pas 6% de plus, mais parce que nous n'avons pas ajusté notre régime à celui du Canada, le gouvernement du Québec, c'est-à-dire la Régie des rentes du Québec économise 6% de ce qu'elle devrait normalement donner.

M. Charron: C'est une façon de voir cela.

M. Samson: C'est peut-être une façon à la Bourassa, oui! Le ministre nous a dit ce matin...

Mme Bacon: Est-ce qu'il faut la rire, celle-là?

M. Samson: Non, vous devriez la pleurer!

Le ministre nous a dit, ce matin, que ce n'était pas une condition sine qua non parce qu'on paie des contributions à la Régie des rentes, qu'il y a automatiquement une prestation qui va venir. Mais là, si on ne se laisse pas entraîner sur le terrain technocratique, on se rappellera qu'en 1966, quand M. Jean Lesage, alors premier ministre du Québec, avait institué le régime de rentes, M. le Président, c'est-à-dire en 1965, quand ils ont préparé le plan, de la façon dont on l'a présenté au public, ce n'était pas comme cela. Là, je me place, si vous voulez, du côté du public parce qu'à ce moment-là, j'étais de ceux qui n'avaient comme source d'information que ce que voulait bien nous donner le gouvernement. Cela a été présenté au public comme un régime de rentes en lui disant: Vous allez contribuer pour une certaine somme annuelle mais, à 65 ans, vous aurez de l'argent d'économisé, vous aurez de l'argent... C'est comme cela qu'on nous l'a présenté, M. le Président.

Evidemment, je ne peux pas accuser le ministre actuel de l'avoir présenté de cette façon, ce n'est pas lui qui l'a présenté. Il est là aujourd'hui, il a remplacé un autre ministre, qui a remplacé un autre ministre. Il y a eu tout un chapelet de ministres depuis ce temps. Mais il reste que le public, lui, quand on lui a présenté ce programme, on le lui a présenté de cette façon: on va vous cotiser malgré vous autres, à la source, mais vous allez avoir quelque chose à 65 ans. Cela va être économisé pour vous autres, cela va être là.

Ce qu'on a oublié de nous dire dans ce temps-là et ce que je vais dire, c'est que l'argent que le public donne, c'est de l'argent qui est prêté avec des intérêts et que les mêmes montants d'argent que la population donne malgré elle depuis 1966, ces mêmes montants, si on considère un jeune homme de 20 ans jusqu'à l'âge de 65 ans qui aurait contribué pendant tout ce temps constitueraient en banque beaucoup plus d'argent que la régie ne lui en versera jamais.

Bien sûr, on va me dire que c'est un système du genre assurance qui fait qu'il y a des risques. Il y en a qui vont contribuer moins longtemps, il y en a qui vont contribuer plus longtemps, et c'est par l'étude actuarielle qu'on arrive à établir des taux de prestations. Maisjetrouve anormal — etc'est pourquoi, ce matin, j'ai posé ces questions, voulant me porter à la défense de ces gens — que même si on arrive à 65 ans et qu'on a droit à des prestations de la Régie des rentes du Québec, si l'on dépasse des gains de $1,320.00 par année, l'on coupe automatiquement les prestations de la Régie des rentes du Québec de

$0.50 dans la piastre. Je trouve cela absolument anormal.

Le député de Jacques-Cartier, qui n'est pas présent mais qui était là ce matin, qui est un député ministériel, se plaignait également du même problème. Est-ce que c'est parce qu'on arrive à 65 ans qu'on n'a plus le goût de travailler quand on est encore capable de le faire? Est-ce que c'est parce qu'on est arrivé à 65 ans qu'on doit décourager les gens au travail? Je dis non.

Et le ministre, dans son approche sociale, nous dit: II y a des gens qui auraient un surplus de revenu à ce moment-là. Je dis que ce n'est pas une approche sociale, c'est une approche socialiste, parce que ça veut dire qu'on ne permettrait, en décourageant les gens de travailler, à personne d'avoir un gain supérieur au chiffre fixé par le système de la Régie des rentes.

Cela veut dire ce que je disais ce matin; cela revient à la même chose. Dans ce domaine-là comme dans les autres, on veut passer tout le monde dans le même tuyau, on veut un maximum qui ne permettrait à personne d'aller plus loin. C'est là décourager quelqu'un de son initiative au travail; c'est un découragement général. Et l'approche humaine nous dit ceci: II y a des gens qui, même à l'âge de 65 ans, doivent continuer à occuper des fonctions.

Je ne sais si le ministre est au co'urant mais peut-être que le sous-ministre, qui a eu certaines expériences dans ce domaine sait que, si du jour au lendemain quelqu'un qui a travaillé toute sa vie pendant 40 ou 45 ans cesse de travailler, n'a plus d'occupation, le ministre a une chance de ne pas l'avoir sur les bras bien longtemps à la Régie des rentes, parce qu'il va crever vite. Dans le domaine pratique, c'est comme ça que ça se passe. L'approche humaine, c'est ça. On ne doit pas cesser nos activités aussi rapidement que ça. Cela doit se faire de façon à ne pas changer le mode de vie d'une personne trop rapidement.

Je dis que le ministère refuse de s'ajuster au régime de pension du Canada, qui lui dit que toute personne âgée de 65 ans et plus peut obtenir un emploi et n'est pas pénalisée. Et ce régime, dans ses fonctions actuelles, permet à tous les citoyens de 65 ans et plus du Canada, sauf de la province de Québec — cela fait quand même neuf provinces sur dix — de se préparer une retraite progressive, en n'étant pas pénalisés.

Pourquoi? Je veux bien croire que le ministre nous a dit qu'au Québec nous avons peut-être des pensions plus élevées pour les veuves et les invalides en vertu du régime de rentes, mais pourquoi pénaliser ceux de 65 ans? Est-ce que, selon une approche plus humaine, on ne pourrait pas avoir ces prestations, qui sont qualifiées de généreuses par le ministre, mais qui ne sont pas du tout qualifiées de généreuses par les veuves? Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une approche qui permette de ne pas pénaliser les veuves et les invalides, tout en ne pénalisant pas ceux de 65 ans ou plus?

Dans le système actuel, tel que préconisé par le ministre ce matin, chaque fois qu'on lui démontre qu'il y a une lacune quelque part, il nous dit: Bien oui, c'est parce que nous en donnons plus à l'autre classe de la société.

C'est là, je pense, permettre de générer encore une fois une lutte des classes, parce qu'on tente de dire aux veuves et aux invalides que, si on permet à ceux de 65 ans et plus d'avoir un certain revenu sans les taxer, eux vont en avoir moins. C'est jouer sur l'émotivité de la population et c'est préconiser inconsciemment ou consciemment une lutte des classes.

Nous sommes capables de permettre, comme le fait le régime des pensions du Canada, que les retraités de 65 ans ou plus ne soient pas pénalisés.

S'ils gagnent $4,000 par année, même en étant retraités, laissons-leur donc ce qu'ils vont gagner, M. le Président. Laissons-leur donc cela. On les a quand même fait payer pendant des années, ces gens.

C'est vrai que le régime de rentes existe depuis 1966 seulement, mais d'ici quelques années, cela va faire plus d'années que cela dure, cette affaire-là, puis les jeunes de 18, 19 et 20 ans, qui ont commencé à payer, vont avoir déjà plusieurs années de payées là-dedans. Quand ils vont voir ce que nous faisons à nos personnes âgées, nous autres, présentement, qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont avoir, si vous le voulez, comme objectif pour leurs vieux jours, ces jeunes?

Ils vont se dire: Avec la sorte de système dans lequel on vit, plus on en donne pour se préparer une retraite, moins il va en rester pour la retraite. C'est cela qu'on est en train de faire là. On est en train d'établir publiquement qu'on nous soutire des cotisations à la source pour préparer la retraite et que plus on nous soutire de cotisations, plus il y a des dangers que la retraite soit plus mauvaise. C est dans ce sens que j'ai préparé ce matin la question que j'ai posée au ministre. La Provincial Association of Protestant Teacher's of Quebec, qui écrit en français, nous dit qu'ils sont 9,000 membres qui pensent de la même façon. Et puis, si vous alliez poser la question à tous les citoyens du Québec, vous pourriez multiplier les 9,000 membres par plusieurs fois, parce que plusieurs citoyens du Québec pensent la même chose.

Nous avons des personnes retraitées qui trouvent des emplois leur permettant d'avoir une nouvelle raison de vivre à cet âge-là. Cela, c'est une approche humaine que vous ne retrouverez pas dans vos machines IBM. C'est bien malheureux, mais vous ne trouverez pas cela là-dedans. C est une approche humaine que nous retrouvons quand nous côtoyons les humains. Ce sont des gens qui se trouvent quelque chose à faire à cet âge-là, qui doit être un peu rémunérateur, et ce quelque chose à faire, c'est le moteur qui nous permet de vouloir continuer à rester en vie.

Puis, si vous ne l'avez pas, le moteur, je peux vous donner des noms, si vous n'en avez pas, je vais vous en donner des noms de gens qui, un an après avoir pris leur retraite, sont passés de l'autre côté, deux ans après-avoir pris leur retraite sont passés de l'autre côté... Si on leur avait permis à ces gens de

continuer à occuper des fonctions et de se sentir nécessaires dans la société, on aurait peut-être pu prolonger leur vie de cinq, dix ou vingt ans.

Mais, malheureusement, encore une fois, le ministère des Affaires sociales a une politique antifamiliale.

Je l'ai dit ce matin et, même si le ministre a réfuté certains des arguments que j'ai soulevés, je répéterai ce que j'ai dit ce matin s'il le faut parce que je suis convaincu que j'avais raison de le faire. A ce chapitre, nous retrouvrons autant la politique antihumaine du ministère des Affaires sociales parce que nous cataloguons les individus, nous cataloguons les personnes humaines comme des numéros dans une machine IBM.

C'est bien de valeur, mais, si on veut faire la promotion de notre société, il va falloir que nous changions notre fusil d'épaule un peu. Le ministre nous a dit: "Nous avons des études actuarielles". Oui, d'accord, nous avons des études actuarielles, mais on a déjà entendu cela. On a entendu cela chaque fois que le ministère des Affaires sociales nous a présenté une nouvelle loi: Nous avons des études en cours. Il y a des études actuarielles, probablement, qui ont été confiées à l'ancien ministre des Affaires sociales, mais l'ancien ministre des Affaires sociales en avait fait, des études actuarielles, avant de devenir ministre des Affaires sociales pour nous pondre un paquet de choses que la population a presque rejetées, mais qui ont été sauvées, finalement, par le jeu électoral.

Je vous assure que, si le ministre des Affaires sociales avait été le seul à faire la dernière campagne électorale, vous n'auriez pas eu 102 députés libéraux; vous les auriez effacés complètement de la carte électorale, à ce moment-là. C'est parce qu'il y a eu d'autres ministres, d'autres ministères et surtout des stratèges électoraux que vous avez eu gain de cause. Le ministre des Affaires sociales et son ministère sont très impopulaires auprès de la population et cela, que vous le vouliez ou non, c'est la réalité présentement. Le ministre va me dire: Je ne suis pas là pour être populaire. Je suis bien d'accord avec lui et, d'ailleurs, il a fait la preuve que ce n'est pas ce qu'il voulait, non plus.

Il reste une chose, la population du Québec est en droit de s'attendre, au moins, qu'on donne justice à des gens qui sont cotisés malgré eux. Si le ministre prétend que son régime de rentes est tellement bien que la population peut l'accepter, qu'il ose, pour un moment, permettre la liberté de contribution et je vous assure que, quand il présenterait cette mesure il verrait des demandes écrites chez les employeurs pour annuler les contributions au régime de rentes du Québec. Mais non, vous n'oserez jamais permettre la liberté de contribution; vous allez toujours continuer à imposer, malgré eux, à tous les citoyens du Québec une contribution au régime de rentes. Puisque c'est comme cela, puisque c'est le système actuel, au moins, nous avons raison de réclamer qu'on donne justice à des gens qui ont contribué.

Les gens de 65 ans, c'est bien malheureux, mais, dans le système actuel dans lequel le ministre se plaît à nager, dans ce système-là vous allez conti- nuer, consciemment ou inconsciemment, à faire la promotion de la déchéance de notre population.

C'est ce que nous avons réclamé, ce matin, tel que cela a été fait l'automne passé, quand il y a eu un projet d'amendement à la loi de la Régie des rentes. Mais à ce moment, je pense que je n'étais pas présent, je n'avais pas l'occasion de l'être. Qu'est-ce que vous voulez, on n'était pas tellement nombreux et on nous fait siéger souvent, vers les fins de session, en Chambre et à deux commissions parlementaires en même temps, on ne peut pas couvrir tout. On ne peut pas être partout à la fois. Je m'excuse auprès du ministre, si je n'étais pas là, à ce moment. Mais il reste une chose que même si je n'étais pas là, le problème reste le même, il n'a pas été réglé. Selon les réponses que nous avons eues du ministre, ce matin, ce n'est pas par l'étude actuarielle qu'ils vont régler le problème. Il semble que le ministre a des préjugés contre ces personnes, parce qu'il a peur qu'elles gagnent trop d'argent, à l'âge de la retraite.

M. le Président, quand une personne a vécu toute sa vie avec un certain standing, ce n'est pas à l'âge de la retraite qu'il faut lui casser ça. Il faut, au contraire, lui permettre de continuer d'une façon raisonnable et normale. Aujourd'hui, il y a des gens qui arrivent à l'âge de la retraite, à 65 ans, qui gagnent le pain de la famille mais dont le conjoint a 57, 58 ans. Cela arrive, c'est bien de valeur; vous changerez le ministre des Affaires sociales tant que vous voudrez, mais vous ne changerez pas la nature. Les gens vont se marier à l'âge qui leur plaira et les gens vont continuer à choisir leur conjoint, selon leur propre choix, selon leur propre goût, selon leur propre conviction, et non en fonction de l'âge, pour arriver à la retraite au même âge tous les deux, pour avoir les mêmes avantages en même temps. Vous ne changerez pas cela. Vous ne changerez pas la nature. Ce qui fait que nous arrivons avec des situations aussi absurdes que celle que nous trouvons présentement: un des conjoints, qui gagne le revenu de la famille, à 65 ans, s'il gagne plus que $1,320 par année, le ministère des Affaires sociales via la Régie des rentes du Québec, coupe 50% de son revenu. Autrement dit, M. le Président, s'il était permis de le dire — si moi je ne le dis pas, en tout cas, dans la population, il y a des gens qui appellent ça un vol direct — je dirais que c'est un vol direct de $0.50 dans la $1, parce qu'on ne permet pas à ces gens de récupérer l'avoir en considération du travail qu'ils font.

Ce n'est pas parce qu'on a 65 ans, M. le Président, que c'est plus facile de travailler. Au conttaire, c'est plus difficile, c'est plus pénible. Quand c'est plus pénible, la Régie des rentes du Québec va chercher $0.50 dans la piastre. Le ministre n'accepterait pas cela qu'on aille lui chercher $0.50 dans la piastre de ses propres honoraires, M. le Président, à moins que cela dépasse évidemment, un certain chiffre. Qui accepterait, dans cette salle, de son salaire de $4,000 ou $5,000 par année, s'il y en a qui gagnent cela, qu'on aille lui chercher $0.50 dans la piastre?

Personne n'accepterait cela et pourtant le ministère des Affaires sociales obligent les vieillards de 65 ans et plus à accepter qu'on leur coupe $0.50

par dollar de leur gain parce qu ils ont osé travailler, osé faire quelque chose pour la société passé l'âge de 65 ans.

Je demande, en terminant, au ministre non pas de nous dire qu'il y aurait une étude et que dans X années on aura peut-être des réponses à nous donner, mais qu'il nous dise que le ministère des Affaires sociales va se pencher sur ce problème avec une approche humaine. C'est ce qu'on demande, on ne demande pas autre chose que cela.

Quand le ministre risquera de se pencher sur ce problème avec une approche humaine, vous allez voir qu'ils vont être traités de façon différente. C'est tout simplement cela qu'on demande pour nos personnes âgées, pour celles qui ont contribué à bâtir le pays de peine et de misère.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président, je ne veux pas me répéter et répéter les arguments dont j'ai saisi la commission ce matin, mais il demeure que le genre d'interventions dont nous venons d'être témoins, témoignent, à mon avis, une méconnaissance du régime de rentes et une méconnaissance qui est sérieuse parce qu'il est, je pense, maintenant acquis que c'est un régime qui rend d'immenses bénéfices, qui doit continuer à en donner mais qui ne pourra pas le faire s'il est mal compris et s'il est jugé en fonction d'objectifs qu'il n'a jamais eu l'intention de réaliser.

C'est clair que l'objectif du régime de rentes était non pas de résoudre tous les problèmes de revenu de l'ensemble de la population mais, en tenant compte de ceux qui, normalement, tirent leur revenu de l'occupation d'un emploi, de voir si certaines circonstances qui entraînent l'interruption de ce revenu ne pourraient pas recevoir une solution par un régime qui se substituerait au revenu perdu par le décès, par la retraite, par l'invalidité. C'est le butdu régimede rentes que de donner un revenude substitution à ceux qui le perdent parce qu'ils quittent leur emploi principalement, bien entendu, à cause de leur retraite.

Vouloir en faire un régime qui — indépendamment du fait qu'une personne occupe un emploi ou pas, a atteint ou non l'âge de la retraite et continue ou non à occuper un emploi — verse des sommes d'argent à ces individus en fonction, à ce moment-là, non pas, j'imagine, des contributions qu'ils ont faites au régime et des revenus qu'ils n'ont plus puisqu'ils continueraient, par définition, à les recevoir mais en fonction d'une évaluation quelconque de leurs besoins, c'est vouloir en faire une espèce de deuxième étage au régime d'aide sociale. Je crois qu'il est important de maintenir la distinction entre les régimes de soutien du revenu, qui cherchent à donner un revenu minimum à des gens qui en sont privés, et des régimes d'assurance sociale, qui cherchent à pallier une carence de revenus qui intervient de façon prévisible lors de la retraite, lors du décès, lors d'une invalidité et à continuer, dans une mesure précise, dans une mesure qui n'est pas à 100% bien sûr, mais à continuer ce revenu qui a été perdu à cause de la retraite ou de l'invalidité.

Si l'on tient compte de cet objectif, on ne peut pas ne pas se rendre compte également que ceux qui ont souscrit au régime de façon obligatoire... certes, c'est un régime public, et les raisons pour lesquelles c'est un régime public ont été fort bien connues, fort bien publiées à l'époque, sont généralement encore acceptées et s'il y a q uelq ue chose, je ne crois pas que la population du Québec se pose des questions quant au régime de rentes, mais, bien au contraire, quant au caractère satisfaisant ou insatisfaisant des régimes supplémentaires de rentes qui, à cause d u fait qu'ils sont liés à des entreprises, à des employeurs dont le statut économique peut être variable dans le temps, ne sont pas toujours en mesure d'offrir les mêmes garanties de continuité à long terme qu'un régime public. Je ne crois pas que même si ce choix était offert à la population, de façon majoritaire, les Québécois ne veuillent pas maintenir leur contribution au régime et maintenir le régime lui-même.

Tout le monde sait que les contributions sont versées par le régime de rentes non pas depuis la première année, mais presque, depuis son introduction au Québec, c'est-à-dire qu'à partir de janvier 1966, tous les travailleurs, au Québec, ont fait des contributions au régime de rentes. Si nous avions été dans un régime strictement privé, dans un régime d'assurance strictement privé, je ne crois pas qu'il aurait été concevable que des prestations soient versées dès 1967, comme cela a été le cas. Donc, pour ceux qui ont contribué, jusqu'à maintenant, il n'y a certainement pas eu d'injustice, il n'y a certainement pas eu de taxation, de fiscalité. Ils recevront, en temps et lieu, plus que leur contribution. Ils ont reçu, déjà, plus que leur contribution, sur une base stricte, au régime.

Il reste qu'à court terme et tant et aussi longtemps que le plein impact des prestations ne s'est pas fait sentir sur le financement du régime, du versement des prestations, des réserves ont été accumulées, mais cela non plus, ce n'est pas un secret. C'est une décision qui a été prise à l'époque et dont on ne peut que se féliciter, étant donné la contribution que fait cette réserve à l'économie du Québec et donc aux revenus, y compris les sources fiscales de revenu grâce auxquelles le niveau général de vie des Québécois peut être amélioré en longue période. Donc, c'est une contribution qui est, à tout point de vue, positive.

J'ai indiqué ce matin que dans l'aménagement du régime de prestations, des choix ont été faits. Nous n'avons jamais — et c'était le but d'avoir un régime distinct pour le Québec, un régime de rentes distinct du régime de pensions du Canada — considéré qu'un changement qui intervenait dans le régimede pensions du Canada devait nécessairement entraîner des modifications dans le régime de rentes du Québec. Je crois que si nous en venions à de pareilles conclusions, il serait futile, dans un si grand nombre d'autres domaines, d'argumenter, comme le fait parfois à l'occasion le député de Rouyn-Noranda et comme le font à l'occasion tous les membres de l'Assemblée nationale, en faveur de régimes distincts, de régimes que nous administrons. Je n'accepte pas que l'on base sur une simple comparaison des deux régimes une critique quel-

conque de celui que nous avons ici et qui, comme je l'ai dit et pour les raisons que j'ai indiquées ce matin, ne peut pas être plus généreux qu'un autre régime auquel on le compare sous tous les aspects.

Les priorités que nous avons données aux rentes de veuve, aux rentes d'orphelin, aux rentes d'invalide correspondent à des priorités indiscutables, à mon avis, relativement à la situation de personnes qui ont atteint l'âge de la retraite, qui sont cependant dans une situation exceptionnelle de pouvoir continuer à gagner des revenus d'emploi alors qu'effectivement elles sont à leur retraite.

Et à ce titre-là, à ce titre d'employés, de gens qui ont des revenus d'emplois, ils n'ont certainement pas, sur l'ensemble des ressources de la régie, des droits prioritaires à une assistance financière.

Je n'ai peut-être pas, M. le Président, toutes les ressources du député de Rouyn-Noranda pour imaginer comment — et c'est peut-être parce que je ne comprends pas la doctrine du crédit social — il serait possible de donner plus à tout le monde à même les prestations existantes. Si des choix doivent être faits, ça implique nécessairement, non pas qu'on fasse, comme il a dit, des luttes de classes, mais qu'on privilégie certaines catégories de bénéficiaires par rapport à d'autres. Encore une fois, privilégier les veuves, les orphelins, les invalides, qui eux, certainement, n'ont pas de revenu d'emploi, ne me paraît pas injustifiable par rapport à ceux qui, de façon exceptionnelle, sont entre 65 et 70 ans et peuvent malgré tout avoir des revenus d'emploi.

Je voudrais bien savoir à combien de Québécois ce genre de mesure peut s'appliquer et à quel le catégorie de revenu ils appartiennent vraiment. Je suis à peu près sûr que nous constaterions, à ce moment-là, que nous n'avons pas affaire aux plus défavorisés.

Il n'est pas question de décourager totalement, de toute manière, cette catégorie de la population du travail. Il est clair que ce n'est pas le régime de rentes qui décrète l'âge de la retraite. Pour ceux qui maintiennent leur emploi au-delà de 65 ans, est-ce que l'on irait jusqu'à dire que même s'ils conservent leur emploi, après tout pourquoi faire de la discrimination? Ce serait l'argument qu'on entendrait immédiatement. Si l'on permet à des gens qui ont un deuxième emploi, un emploi, disons, qui n'est pas celui qu'ils ont abandonné à 65 ans, si on leur permet de retirer le plein régime de rentes alors qu'ils ont un deuxième emploi à titre plus ou moins occasionnel, après 65 ans, pourquoi ne donnerait-on pas la même rente de retraite à celui qui n'a pas abandonné son emploi, celui qui ne s'est pas retiré à 65 ans? Qu'est-ce qu'on fait alors de l'objectif du régime qui est de substituer un revenu d'appoint au revenu qui est perdu au moment de la retraite?

On vicie complètement les objectifs du régime, et on serait obligés de définir un autre objectif entièrement nouveau et je serais bien en peine de savoir lequel. Je serais bien en peine de savoir quel est le but véritable que l'on poursuivrait si l'on faisait ça.

On a parlé des études actuarielles. J'y ai fait allusion ce matin, j'aimerais bien préciser que les études actuarielles auxquelles j'ai fait allusion sont celles déposées, en vertu de la loi, tous les cinq ans et qui permettent à l'Assemblée nationale, au gouvernement, d'évaluer si le coût du régime, le niveau des prestations, la relation qui doit exister entre les deux sont telles qu'on doive continuer sans changement le niveau des prestations ou si l'on doit modifier l'un ou l'autre. C'est une exigence de la loi, c'est une exigence dont s'acquitte la régie elle-même, à même ses propres ressources professionnelles.

J'aimerais, en terminant, M. le Président, répondre à une question que nous a été posée au début de l'exposé du député de Rouyn-Noranda quant aux différences du régime de rentes du Québec relativement au régime de pension du Canada qui sont telles que le régime de rentes du Québec est plus généreux relativement à certaines catégories de bénéficiaires, si ces différences-là ne sont pas compensées dans d'autres provinces du Canada par d'autres mesures. Je peux lui affirmer qu'il n'y a pas d'autres mesures dans ces autres provinces qui font l'équivalent de ce que fait le régime de rentes du Québec pour les infirmes, les veuves et les orphelins.

Il s'agit donc de mesures qui n'existent qu'au Québec, qui sont particulièrement favorables. Bien sûr encore, nous entendons le député de Rouyn-Noranda nous dire que ces montants ne sont pas suffisants, que l'on ne fait pas assez pour les veuves et les orphelins. Je veux bien, mais, encore là, à défaut de connaître la clé en vertu de laquelle on pourrait faire rendre au régime plus qu'il ne peut rendre, il faut bien se contenterdes ressources que nous avons et le véritable problème qui est celui de la répartition entre différentes catégories de bénéficiaires.

Je persiste à croire que les priorités qui ont été traduites dans des dispositions législatives qui se sont succédé tous les ans, depuis trois ans, sont les bonnes. En effet, en 1972, en 1973 et en 1974 le régime de rentes a été modifié. Je prétends qu'il a été modifié à chaque occasion, de manière à le rendre meilleur, à lui faire rendre un plus grand nombre de bénéfices.

D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, ces amendements, chaque fois, ont été introduits par un vote unanime de l'Assemblée. C'est donc dire que ce régime peut se modifier, il peut s'améliorer. Mais il ne faut pas en ignorer la nature, les objectifs, parce que, si on le fait, ce n'est plus un régime viable que nous aurons; c'est un régime qu'il serait impossible de faire durer à long terme.

On a entendu les inquiétudes à long terme du député de Rouyn-Noranda quant à la possibilité de financer à l'avenir, à cause de la chute du taux de natalité, le régime de rentes. Je crois que les arguments qu'il a employés dans la suite de son exposé contredisent un peu ses inquiétudes, puisque vouloir faire rendre au régime dans l'immédiat des bénéfices plus considérables, en prétendant maintenir les contributions au même niveau, c'est se faire une illusion.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, le ministre n'a pas tellement compris, d'après ce que je peux voir, ce que j'ai dit. Nous n'avons pas demandé — quoique

ce serait normal qu'on le demande peut-être — d'ajouter au régime et d'augmenter les prestations. Nous avons tout simplement demandé de ne pas les baisser. Cela, c'est différent et il faut le voir sous cet angle. C'est ça que nous avons demandé de faire.

Quant aux veuves, aux invalides et aux orphelins, je pense qu'il est bon de souligner que ce qu'on fait présentement par le régime de rentes vis-à-vis de ces catégories, le gouvernement aurait été obligé de le faire autrement. Tout ce qui a été fait, cela a été de transférer d'un poste budgétaire à un autre les responsabilités.

Avant que vous ayez le régime des rentes, le gouvernement avait quand même des responsabilités vis-à-vis des veuves, des mères nécessiteuses, des invalides, des orphelins. Il a encore ces responsabilités, mais avec cette différence qu'on va puiser dans la caisse du régime des rentes à même des contributions directes, qui sont des taxes directes de la population, les bénéfices qu'on va donner à cette catégorie, alors que, si ça n'était pas pris dans le régime des rentes, il faudrait que ça soit pris dans le budget du ministère.

Je ne suis pas prêt à suivre le ministre dans son argumentation technique; qu'on me transfère du tiroir A au tiroir B ou au tiroir C ou D, ça ne me dérange pas, moi.

Ce qui m'intéresse, c'est de connaître les résultats, les avantages ou les services, si vous le voulez, adonner à la population. C'est dans ces termes que je suis intéressé de poursuivre le débat.

Mais que le ministre passe le reste de l'après-midi à nous dire: Bien oui, le tiroir A, il est différent du tiroir A fédéral, mais il y a des programmes compensatoires, dans les autres provinces, il y en a. Que le ministre nous dise qu'il n'y en a pas, c'est bien de valeur, mais il y en a. Je demeure dans un comté à proximité de l'Ontario, il y en a des régimes compensatoires. Qu'il y ait une veuve ou qu'il y ait un orphelin dans les autres provinces, ne vous inquiétez pas, ils ne les laissent pas crever dans les autres provinces.

Cela ne veut pas dire qu'ils ont des systèmes parfaits non plus. Je ne suis pas là pour défendre les systèmes des autres provinces, mais il reste qu'on ne viendra pas me faire croire, moi, qu'on est obligé d'aller récupérer $0.50 dans la piastre de chaque personne âgée de 65 ans ou plus qui dépasse des gains de $1,320, sous prétexte qu'on en donne peut-être un peu plus que le régime fédéral en ce qui concerne les veuves ou les invalides ou les orphelins, appelons cela comme on le voudra.

Il reste que, dans les autres provinces, ils ont aussi, M. le Président, des responsabilités et, à ce que je sache, le Québec n'a pas beaucoup de leçons à donner à certaines autres provinces. Il y a peut-être des leçons à donner à certaines provinces également, mais pas à toutes les provinces. De toute façon, ce ne serait pas parce que c'est moins parfait ailleurs qu'on doive s'arrêter et ne pas tenter d'obtenir un meilleur rendement, c'est-à-dire un meilleur service chez nous.

Le problème de la sélectivité a été soulevé tantôt par le ministre. Je pense que c'est là la base de tout le problème. C'est la sélectivité. On a dit: II ne faut pas en donner trop, parce que ces gens-là, ils ont un emploi, peut-être qu'ils pourraient garder leur emploi, continuer, puis avoir un régime de retraite en plus.

M. le Président, c'est ce que le ministre n'accepte pas, aujourd'hui. Si on se reporte plusieurs années en arrière, on s'apercevra que, dans le domaine de la sécurité de la vieillesse, ces choses n'étaient pas acceptés non plus, des choses qui le sont présentement. Vous avez une rente de base, au point de vue de la sécurité de la vieillesse, qui provient du fédéral qui est donnée universellement présentement.

Il y a, je ne sais pas, 20 ans passés, ce n'était pas donné de la même façon. Il y avait une sélection, on donnait cela aux miséreux. Il fallait faire enquête, il fallait avoir un papier du curé, des ceci et des cela. Mais là c'est changé. Même les millionnaires reçoivent la rente de base de la sécurité de la vieillesse fédérale présentement, le ministre sait cela.

Il y a un ancien premier ministre fédéral, qui est décédé il n'y a pas tellement longtemps, qui retirait sa rente de base comme tout le monde et à ce q ue je sache, moi, il était moins miséreux que plusieurs familles le sont. Il y a un ancien premier ministre fédéral qui vit encore, qui est à Ottawa, qui retire aussi sa pension de vieillesse de la même façon que les miséreux la retirent, puis à ce que je sache on ne va pas lui enlever son chèque parce que présentement, l'universalité est acceptée.

Puis s'il y a des gains qui dépassent un certain barème, fiez-vous au gouvernement libéral du Québec puis au gouvernement libéral d'Ottawa pour aller chercher la différence en impôt sur le revenu. Ne vous inquiétez-vous pas là-dessus, ils sont champions. Ils sont capables d'aller chercher la différence et ne vous inquiétez pas, ils ne permettront pas d'aller trop loin. Mais, je n'accepte pas, malgré la réplique du ministre, que le ministre nous dise: On n'est pas comme le fédéral sur ce point de vue-là, mais on administre nous-mêmes notre propre programme.

Imaginez-vous quelle conquête on a faite. On administre nous-mêmes notre propre programme C'est vrai qu'on réclame plus d'autonomie pour Ie Québec, je ne m'en cache pas de le dire, je vais continuer à le faire, mais réclamer de l'autonomie pour le Québec, réclamer des pouvoirs pour le Québec, cela ne veut pas dire qu'on ne doive pas les utiliser.

Cela ne veut pas dire non plus qu'on doive pénaliser les Québécois parce qu'ils ont récupéré des pouvoirs. Dans le domaine de la Régie des rentes, on a récupéré ce pouvoir; ç'aurait dû être, initialement, un programme canadien applicable dans toutes les provinces. On a crié victoire, on est allé récupérer cela. Là, parce qu'on l'a récupéré, on va seulement se contenter de dire: On l'a, c'est nous qui l'administrons, on a notre autonomie, mais on n'est même pas capable d'atteindre le niveau fédéral.

Quand on réclame des pouvoirs pour le Québec, qui appartiennent au Québec, c'est parce qu'on considère que le Québec doit décider lui-même de ses programmes. Mais cela ne veut pas dire qu'on

doit être en deçà et en bas des autres. On est quand même dans un Canada qui a le même standard de vie, qui est dans le même continent que les Etats-Unis et on doit suivre, ou bien on risque bien gros de se retrouver dans la position que dénonçait, en 1960, le premier ministre M. Lesage avant qu'il devienne premier ministre du Québec. Il dénonçait cette situation avant de devenir premier ministre du Québec et il est devenu, par la suite, premier ministre du Québec et, à ce que je sache, c'est un libéral.

Depuis que cela a changé, les choses qui étaient dénoncées avant le changement sont demeurées les mêmes, c'est-à-dire qu'on se contente de victoires morales. Victoire morale: On a récupéré cela. Bien oui ! on a récupéré cela, mais nos citoyens en reçoivent moins et ils ont moins de services de par notre système à nous autres, récupéré et autonome, qu'ils en auraient s'ils étaient totalement des services canadiens. Cela, c'est inacceptable.

Qu'on ne vienne pas me dire qu'on regarde seulement un côté de la médaille parce que dans les autres provinces, s'ils ne le font pas directement par la Régie des rentes, ils le font autrement. Ce qui importe — c'est ce que je voudrais faire comprendre au ministre — c'est ce que nous donnons, ce que nous permettons aux citoyens d'avoir. Que vous le passiez par une machine IBM, que vous le passiez par une étude actuarielle, que vous le passiez par autre chose, M. Tout-le-Monde, ça ne le dérange pas trop. Ce que vous faites dans votre ministère, de quelle façon vous travaillez, ça ne le dérange pas trop. Ce qui le dérange, c'est le résultat que ça donne, ce que ça lui donne ou ce que ça l'empêche d'obtenir. C'est ça qui dérange M. Tout-le-Monde et c'est ça qui dérange les Québécois, présentement.

Je pense qu'on ne bloquera pas les crédits éternellement pour cette question-là mais il reste qu'il va falloir que quelqu'un se penche là-dessus et quelqu'un du gouvernement, pas seulement l'Opposition. On est là pour dénoncer certaines choses, mais si le gouvernement ne fait jamais rien... Bien sûr, on pourrait nous dire, comme je l'ai entendu à jne autre commission parlementaire, d'une façon arrogante: Ah! on est là, on est nombreux et on va mener, c'est nous qui menons. C'est dépassé pas mal, ce temps-là. Je ne suis pas contre le fait que la majorité mène, c'est normal, mais que la majorité ne consulte pas, que la majorité ne prenne pas conscience des problèmes réels, c'est anormal.

Si j'étais le seul, dans l'Opposition, à crier cela, le ministre pourrait me dire: C'est peut-être parce que je ne comprends pas le crédit social, comme il vient de me le dire tantôt. Le député de Jacques-Cartier.qui n'est pas des nôtres maintenant mais qui était là cet avant-midi, a dénoncé le même problème et, à ce que je sache, il n'est pas créditiste, celui-là, c'est un député libéral. Dois-je en conclure que, puisque le ministre n'a pas donné une meilleure réponse au député de Jacques-Cartier, qui est libéral, c'est parce que le ministre ne comprend pas non plus le Parti libéral? Voyons donc! Ce sont des choses qui n'ont pas de sens. Si on ne comprend pas ce qu'on dit, c'est parce qu'on ne veut pas le compren- dre, tout simplement, ou bien on veut se boucher les deux oreilles, ou bien on a des priorités qui se situent ailleurs que celle du respect de la personne humaine. C'est aussi simple que cela.

En tout cas, je ne bloque pas les crédits là-dessus mais je vous assure, M. le Président, que le débat n'est pas terminé, il ne fait que commencer. Les vieillards, les personnes de 65 ans ou plus ont besoin qu'on s'occupe d'eux, ils ne sont pas toujours capables de se défendre seuls. Je demande au ministre de penser à ces gens-là. Dans quelques années, il sera peut-être rendu dans cette situation, il sera peut-être rendu à cet âge et il sera peut-être content que des jeunes pensent à lui, pensent à des gens comme lui, qu'ils pensent à ceux-là qui sont moins capables de se défendre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, puisqu'on a presque repris à zéro le débat que nous avions entrepris ce matin sur ce sujet, je ne voudrais pas abandonner le sujet sans avoir l'occasion de reprendre certains arguments.

Tout au long de ce débat auquel j'ai assisté, si j'ai la position de fond quant à la modification souhaitée au régime de rentes par le député de Rouyn-Noranda que j'approuve, je n'ai pas l'impression que j'endosserais chacun des arguments qu'il a invoqués pour arriver à cette même fin.

Puis-je prendre quelques minutes de la commission pour rappeler un certain nombre de faits qui constituent la position du Parti québécois sur ce sujet qui, tantôt, vont regrouper les arguments du ministre des Affaires sociales, et tantôt aussi, ceux du député de Rouyn-Noranda? Mettons les choses au clair. Je l'ai réaffirmé, ce matin, le régime de rentes du Québec est un meilleur régime que le régime du Canada, si nous en faisions partie.

Ce n'est pas, contrairement à ce qu'a dit le député de Rouyn-Noranda, un "opting out" que nous avons fait, à ce moment, mais c'est bel et bien une initiative québécoise qui avait été prise dans le domaine social, peut-être une des meilleures, au cours de cette révolution tranquille, et qui avait même suscité l'admiration du côté canadien. Ce sont eux qui ont ensuite copié, de façon différente et de façon moins rentable, je dirais, pour les citoyens couverts par ce régime, notre propre régime dont nous avions pris nous-mêmes l'initiative.

Ce n'est pas souvent, M. le Président, et ce n'est plus arrivé d'ailleurs aucune fois depuis cinq ans, rappelons-le, puisque c'est dans le passé, que le Québec prend, face au fédéral, une initiative. Non seulement était-ce une initiative québécoise, mais, effectivement, je ne le conteste aucunement, elle a fait la preuve que, dans le domaine social, nous sommes capables d'assumer notre souveraineté. Quand nous décidons de légiférer chez nous, avec nos moyens, avec la totalité de nos ressources, nous sommes capables non seulement d'édifier un bon régime qui fait l'envie de tous, mais d'offrir à nos concitoyens une meilleure situation que si nous laissions, encore une fois, dans ce domaine comme dans l'économique, l'initiative à l'étranger.

Deuxième chose, sur laquelle je suis parfaitement d accord avec le ministre des Affaires sociales, c'est l'ordre des priorités qu'un régime doit se donner. Je ne conteste aucunement l'ordre des priorités que le régime de rentes s'est aujourd'hui donné. Il ne pouvait couvrir tous les besoins, tous les soins à la perfection. Dans les limites qu'il avait, il s'est donné comme priorité de couvrir le manque à gagner qui survenait dans la vie de certaines personnes, soit par le décès d'une personne qui était à l'origine d'une source de revenu ou alors par un accident physique qui les rendaient incapables de poursuivre le revenu qu'ils avaient.

Mais, M. le Président, si ce régime est effectivement meilleur que le régime canadien sur bien des points, il a des points de différence qui sont à son désavantage. Je ne conteste pas non plus le fait qu'un régime puisse être meilleur sur certains aspects et moins bon sur l'autre. La seule question que j'ai là-dessus, c'est pourquoi c'est ce point précisément de notre régime de rentes qui est inférieur à ce qu'offre le régime canadien.

Les explications fournies jusqu'ici, que ce soit l'utilisation d'études actuarielles en cours ou une question de principe quant à la nature d'un régime contributoire ou non, me paraissent beaucoup plus — je reprends le vocabulaire que j'utilisais hier, à l'ouverture de l'étude de ces crédits — des excuses que des explications. Autrement dit, je ne demande pas que le régime soit parfait partout. J'admets, moi aussi, qu'il peut avoir des différences, parfois à l'avantage, parfois au désavantage; s'il est différent, cela va dans la nature des choses. Mais je ne comprends pas pourquoi il est différent là. Je ne comprends pas pourquoi, à cet endroit précis, on s'obstine, c'est le cas de le dire, puisque l'amendement a été présenté et débattu à l'Assemblée nationale longuement. Il l'est encore aujourd'hui, et à chaque fois on reçoit la même réponse.

M. le Président, cela me semble aller à l'encon-tre de certains autres principes qui, ailleurs, par le même ministre et par le même gouvernement sont mis à l'avant-garde. Regardons bien qui on pénalise. Le ministre nous dit: C'est une toute petite fraction des gens qui sont sous la "dépendance" du régime de rentes. Il s'agit de gens qui ont atteint 65 ans, qui changent de métier et qui continuent par un métier, donc par un travail, à avoir une source de revenu qui dépasse $1,320 par année. J'admets avec lui que, sur le plan nombre de personnes touchées par la mesure dont nous discutons, ce n'est évidemment pas la majorité des Québécois.

M. le Président, nous touchons une catégorie de citoyens qui travaillent, qui ont décidé d'utiliser le reste — je dois le dire — de leurs énergies, la fin de leur vie à une occupation qui, sur le plan de la distraction, sur le plan de l'occupation, est différente de celle qu'ils ont occupée auparavant.

C'est, on en conviendra, tout le monde alentour de cette table, le droit de chacun des citoyens. Vous pouvez avoir une occupation de travailleurs d'usines, travailleurs salariés, cols blancs, cols bleus, ce que vous voudrez, pendant 30 ans, 40 ans au service de la même entreprise. A un moment donné, on vous supplie de prendre votre retraite parce qu'on vous considère comme un individu aux aptitudes relâ- chées; à cause de votre âge physique, on vous conduit littéralement à la porte de l'usine. A 55 ans, parfois on commence déjà à vous faire entend re que vous êtes de trop et que, n'eût été d'une protection syndicale, l'employeur vous mettrait déjà dehors. Donc, tout le régime fait que, rendu à 65 ans. on vous pousse littéralement vers la retraite. On vous incite même à changer d'occupation.

Cette personne que décrivait le député de Rouyn-Noranda ne fait donc que suivre la logique du système. En ce sens, aucun membre alentour de la table de la commission ne voudrait voir pénaliser quelqu'un qui à 65 ans, après 30, 35 ou 40 ans dans une "job" difficile, parfois, ou plate — cela le devient nécessairement au bout de 35 ans — décide de se donner une occupation différente pour la fin de ses jours, qui lui permette de ménager les forces qui lui restent mais qui lui permettent quand même d'avoir cette créativité et cette ingéniosité dont il a le droit de faire preuve enfin à son propre compte.

D'ailleurs, le ministre, en face, cautionne un régime fédéral, où l'autre gouvernement vient de mettre sur pied un genre de programme interférant dans nos affaires sociales en ce domaine, qui s'appelle Horizons nouveaux et qui vise justement ce même principe de maintenir des gens retraités actifs. On a cru devoir mettre un certain budget, minime me dira-t-on, mais le ministre a pu constater qu'il est déjà en oeuvre à place Vermeille dans Saint-Jacques, par exemple, pour inciter des citoyens à la retraite à demeurer actifs, à se garder une occupation pour demeurer en santé le plus longtemps possible et pouvoir vivre de la fin de leurs jours-Que ces personnes, dans une occupation, y trouvent une rémunération, est-ce que nous allons contester que c'est un droit de ces citoyens? Est-ce que nous avons contesté cette incitation au travail qu'un autre programme d'un autre gouvernement auprès des mêmes concitoyens continue à activer? Personne d'entre nous n'a d'objection à cela.

Et même plus que ça, ce ministère travaille tellement pour l'incitation au travail, valorise tellement la notion de travail dans l'activité humaine quant à la santé morale et mentale des humains que. par exemple — nous l'étudierons tout à l'heure lorsque nous prendrons le programme de l'aide sociale — lorsqu'un assisté social est sur la voie du retour au travail, on a même pris des mesures pour ménager son retour au travail pour l'encourager à le faire, c'est-à-dire ne pas le pénaliser pendant les premiers mois où il quitte le bien-être social pour retourner au travail. C'est une philosophie que tous les membres alentour de la table admettront. Ce n'est certainement pas un des aspects de la Loi de l'aide sociale que nous allons contester.

C'est-à-dire qu'un assisté social qui retourne sur le marché du travail on ne lui retire pas immédiatement le bien-être social mais qu'on lui permette de faire un retour progressif. C'est le même cas pour ces gens de 65 ans qui, à l'occasion, vont obtenir un revenu de $1,320 et plus et qui sont pénalisés, comme le dit le député de Rouyn-Noranda. Là-dessus, il a entièrement raison.

L'autre cas que je voudrais signaler, puisque nous avons parlé de cette valorisation du travail que

le gouvernement fédéral, que le gouvernement provincial québécois continuent à maintenir, cette dimension du travail dans l'activité, il faut toujours retenir que la source de revenu dont nous parlons et qui devient un revenu supplémentaire pour la personne dont nous parlons provient d'un travail. Mais la personne, par exemple, qui a un placement, une personne qui, au bout de 40 ans d'activités dans le monde du travail, a réussi à économiser, cela n'en prend plus beaucoup pour faire $1,320 de revenus par intérêt. Au taux actuel de l'intérêt, une personne n'a besoin d'avoir comme capital qu'aux alentours de $10,000. $10,000 bien placés, dirons-nous, dans une banque, dans une institution bancaire, dans une entreprise, vont facilement rapporter à quelqu'un un revenu annuel d'intérêt supérieur à $1,320. Cette personne, qui ne travaille pas, qui ne fait que jouir de l'argent qu'elle a probablement gagné en travaillant mais qu'elle a su bien placer, n'est pas pénalisée. Elle reçoit le plein régime de rentes sans avoir de pénalisation.

Mais une personne qui a encore le coeur et encore l'énergie, après 30 ou 35 ans de travail, de s'en trouver un autre, qui lui donne un revenu supplémentaire, qui lui permettra peut-être, avec sa femme, si elle est encore avec lui, ou avec ses enfants, s'il en a, de jouir des dernières années de sa vie, par son travail, par son activité, activité consacrée pardes programmes du même gouvernement à d'autres endroits, cela me paraît anormal que de s'acharner, c'est le cas de le dire, sur une pareille situation.

Ce n'est pas que le régime ait cette exception par rapport au régime canadien qui est grave, c'est que cette exception soit là. C'est un endroit où il ne devrait pas y avoir d'exception, parce que le cas me semble tellement anodin, en fin de compte, qu'il ne devrait même pas occuper le temps de cette commission tellement chacun d'entre nous conviendra qu'une personne qui aencore le loisir de travailler, l'énergie de travailler, qui veut encore travailler, que d'ailleurs on incite à travailler à tous les autres endroits, qui a pu contribuer, comme n'importe qui, pendant 30 ou 35 ans, au régime de rentes, ait le droit de s'assurer ce revenu minimum qui lui permettra de rajouter un petit peu plus de confort à la fin de ses jours, peut-être un voyage, si elle n'a pas eu l'occasion de le faire en un autre temps de sa vie. Mais maintenant qu'elle a une occupation à temps partiel, M. le Président—il faut bien dire à temps partiel, aucune de ces personnes ne maintient, à 66 ou 68 ans, le même rythme de travail qu'à 30 ou 35 ans — pourquoi la pénaliser?

Voilà donc toute la question, au fond, fondamentale et humaine — je reprends le vocabulaire du député de Rouyn-Noranda — qui est à la base de cela. Moi non plus, je ne veux pas revenir là-dessus et qu'on me ramène les études actuarielles sur la tête, mais c'est juste de dire: J'admets qu'il y a des exceptions, des différences dans notre régime avec le régime canadien, mais pourquoi celle-là? C'est peut-être bien un petit nombre de gens, j'en conviens bien, mais ce petit nombre de gens, on les admire. Tous les Québécois les admirent, ceux qui ont encore le courage de s'engager et de travailler. Le gouvernement fédéral a déboursé $10 millions, dans son budget, pour inciter les gens de cet âge à travailler, et voilà que le gouvernement québéoois, lui, lorsque ces gens travaillent, les pénalise. C'est seulement le cas. Nous avons soutenu tout cela lors de l'étude de la modification au régime de rentes, à l'Assemblée. Le député de Chicoutimi avait à ce moment-là présenté un amendement qui a été défait. Mais reprenons l'argument aujourd'hui. J'éteins là le débat si le ministre ne veut pas le poursuivre ni le député de Rouyn-Noranda non plus, mais je dis que notre position, là-dessus, n'est pas une question théorique, fondamentale, pour laquelle il faut ériger des briques de justification. C'est se servir de sa tête et un petit peu de son coeur pour regarder de quelles personnes nous parlons et ce que nous faisons à ces personnes.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.

M. Forget: M. le Président, je vais me répéter, mais je ne me lasserai pas de me répéter sur ce sujet. J'ai l'impression que pendant un bon bout de temps, j'ai déjà exposé les arguments qui, à mon avis, justifient amplement les options qui ont été prises.

Lorsque le député de Saint-Jacques dit qu'il est d'accord, en principe, avec des différences, mais qu'il n'est pas d'accord avec cette différence en particulier, c'est une façon assez élégante de faire plaisir à tout le monde, mais il demeure que je peux difficilement imaginer des différences qui "pénalisent" une catégorie quelconque de la population et à laquelle on pourrait, a priori et d'emblée, donner son assentiment. Il est clair que puisqu'on ne parle pas d'un individu en particulier mais de groupes de gens, on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas méritants, on ne peut pas dire à leur égard qu'on ne voudrait pas qu'ils aient des revenus plus abondants. Il s'agit de personnes âgées et il est clair qu'il est concevable de s'émouvoir sur leur sort et de s'émouvoir sur l'insuffisance des revenus des personnes âgées en général. Il reste que ces arguments sont des arguments assez vagues, des arguments théoriques.

En pratique, le problème n'est pas de s'émouvoir généralement sur le sort d'une catégorie ou l'autre de la population. Il ne s'agit pas non plus d'être d'accord avec le principe que le régime de rentes du Québec peut être théoriquement différent des autres régimes mais qu'en pratique, dès qu'un autre régime offre un avantage, il faut immédiatement le copier, sous peine de s'émouvoir sur une autre catégorie de bénéficiaires qui sont probablement tout aussi dignes d'admiration et d'estime que celle dont on parle aujourd'hui. Le problème est essentiellement un problème de choix, un problème de priorités et les priorités sont défendables.

Elles sont défendables en vertu de ce que veut faire le régime de rentes lui-même, c'est-à-dire donner à des personnes qui sont privées d'un revenu d'emploi à cause de leur retraite... Il s'agit d'une véritable retraite, pas d'une retraite forcée qui s'accompagne, malgré tout, pour l'individu, d'une capacité de travail non diminuée, capacité qu'il va utiliser pour acquérir un nouvel emploi dans une autre entreprise, dans une autre occupation.

Donc, la véritable retraite, celle qui est définitive, celle qui s'accompagne de la perte d'un emploi et qui s'accompagne également d'un appauvrissement très considérable, c'est celle-là à laquelle on veut remédier par le régime de rentes.

D'ailleurs, le député de Rouyn-Noranda, citant un fait que tout le monde connaît, parle des régimes universels dont bénéficient les personnes âgées. En citant cet exemple, il donne lui-même une partie, au moins, de la réponse que l'on veut donner à son argumentation et à celle du député de Saint-Jacques.

Il existe, effectivement, des programmes qui, indépendamment du statut d'emploi ou de non-emploi des individus, attribuent des revenus, une pension de vieillesse à toute personne de 65 ans et plus. Le régime de rentes, lui, n'est pas basé sur un principe de redistribution de soutien du revenu, mais sur un principe de contribution. C'est une assurance que les gens prennent contre un risque déterminé de privation de revenu. On voudrait qu'au même moment, à la même date, le même mois où une personne atteint l'âge de 65 ans, quel que soit son revenu, quel que soit son statut d'emploi, en plus de la pension de vieillesse, on lui donne une rente en vertu du régime de rentes du Québec.

A ce moment-là, pourquoi avoir deux régimes, pourquoi avoir un régime de rentes qui s'ajoute sans autre formalité, pour aucune autre raison que celle de l'âge aux pensions de vieillesse? On sent très bien que des questions fondamentales devraient être posées par ceux qui invoquent ces arguments et qu'on ne peut pas considérer un de ces régimes indépendamment de l'existence de l'autre régime.

Pour ce qui est de l'incitation à l'emploi, il est évident que c'est un argument très valable que l'incitation à l'emploi, en particulier pour les chefs de famille et en particulier pour les adultes qui sont à un âge où la possession d'emploi est non seulement une condition nécessaire pour avoir un revenu décent, mais une condition de respect de soi-même et des autres. En fait, c'est une condition presque indispensable pour assurer un minimum de dignité à l'individu dans la société où nous vivons qui est basée sur la contribution de chacun parson travail à l'édification de la société.

Cet argument d'incitation au travail est beaucoup plus fort dans ces cas qu'il ne peut l'être pour ceux qui, ayant atteint 65 ans, sont, dans l'immense majorité des cas, dans l'incapacité physique, premièrement, et dans l'impossibilité matérielle, pour toutes sortes de raisons, d'avoir accès à un emploi.

On favoriserait, à mon avis, ceux pour qui ces limites-là sont moins réelles, soit sur le plan physique ou social. On sait, je pense, d'expérience, que ceux qui ont la plus grande accessibilité à des emplois à un âge avancé sont ceux dont les perspectives de gains sont également les plus élevées.

Je crois que, dans un tel contexte, la suggestion d'ajouter à ces revenus élevés ou relativement élevés des revenus d'appoint, que constituerait un régime de rentes, ne contribuerait en aucune façon à diminuer la pauvreté qui malheureusement, pour la plupart des gens, accompagne la vieillesse.

On favoriserait ceux qui sont déjà relativement favorisés en introduisant dans un régime qui est basé sur le remplacement d'un revenu perdu un nouveau principe, dont on ne saurait pas très bien jusqu'où il pourrait s'étendre, de supplémenter des revenus d'emplois pour aucune autre raison que celle de l'âge avancé. Cet âge avancé est déjà favorisé sur le plan du revenu par un régime universel auquel on a fait allusion.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je ne peux pas retenir ces arguments aujourd'hui, plus que je ne les ai retenus dans le passé. Il est évident que toute cette question de la sécurité du revenu continue à faire l'objet de nos préoccupations. Je n'ai pas besoin, pour ça, des exhortations du député de Rouyn-Noranda ou des exhortations du député de Saint-Jacques.

Il est évident que le gouvernement se préoccupe des problèmes de sécurité de revenu: il est évident également qu'on ne peut pas donner plus à toutes les catégories de la société et que nos priorités jusqu'à maintenant ont été orientées vers ceux qui nous paraissaient le plus avoir besoin de l'assistance gouvernementale ou de programmes gouvernementaux.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Autres questions au programme I?

M. Samson: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Au programme I, compte tenu des réponses que nous fait le ministre, qui sont totalement inacceptables, étant donné que c'est à ce seul programme que nous pouvions discuter de cette question qui relève de la Régie des rentes et que le ministre ne veut aucunement nous indiquer le désir du gouvernement de réviser cette situation, que les personnes de 65 ans et plus, qui gagneront plus de $1,320 cette année se verront encore pénalisées pour $0.50 pour chaque dollar gagné, il me sera impossible de voter en faveur du programme I.

Je veux être bien spécifique, ce n'est pas contre la partie des allocations familiales du programme I que je voterai, mais c'est contre la position du ministre vis-à-vis des personnes âgées. Et je demanderai un vote enregistré, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, sur le même sujet j'enregistrerai ma dissidence également mais, puisque nous avons avec nous le président de la Régie des rentes du Québec, j'aimerais aborder un autre sujet qui le concerne.

Un membre du cabinet du chef de l'Opposition lui a fait parvenir il y a quelques jours une lettre lui signalant un cas particulier qui ne méritera pas certainement de prendre beaucoup de temps à la commission mais qui peut se résumer assez facilement.

Plusieurs employés de la ville de Montréal se

sont aperçus récemment que, d'après les relevés de la régie, il n'y avait aucun gain d'inscrit à leur compte depuis I972. Est-ce une erreur mécanographique? Est-ce que la ville de Montréal n'a pas contribué, ou toute autre raison? Nous n'avons pas encore reçu réponse à la lettre que nous avons fait parvenir au ministre du Revenu, parce que nous concevons bien que c'est à lui la tâche de percevoir, mais nous avions fait parvenir copie au ministre des Affaires sociales et au président de la régie. Peut-il nous donner une explication brève là-dessus?

M. Forget: D'abord, je dois vous dire que la lettre a été adressée au bon endroit, au ministre du Revenu.

M. Charron: J'en conviens.

M. Forget: Parce qu'il faut comprendre de quelle façon le registre des gains est constitué. Il est constitué à partir des renseignements qui sont transmis à la régie par le ministère du Revenu.

Le ministère du Revenu perçoit les contributions, il reçoit les formules TP 4 des employeurs. Et c'est à partir des formules TP4 que se bâtit le registre des gains. La régie, dans son registre des gains, a les informations qui lui sont transmises par le ministère du Revenu.

Il y a un problème. La raison pour laquelle les gains ne sont pas inscrits dans ce cas, c'est fort probablement parce que le ministère du Revenu ne nous avait pas transmis les renseignements pour les employés de la ville de Montréal pour l'année I972.

C'est un problème...

M. Charron: L'année I972 et les suivantes.

M. Forget: Pour I974, il faudrait attendre, ainsi que pour I975. Oui, pour I972 et I973.

M. Charron: Pour I972, I973, I974.

M. Forget: Mais I974 ...

M. Charron: On peut quand même inscrire zéro.

M. Forget: Je comprends, mais pour I974 il est certain que les formules TP 4 viennent d'entrer au ministère du Revenu, je ne lui en demanderai pas tant que ça.

M. Charron: Oui.

M. Forget: Ce problème qui existe, le retard à la transmission des données, a fait l'objet de discussions entre le ministère du Revenu et la régie, et je dois vous dire que nous avons reçu du ministère du Revenu la semaine dernière toutes les données jusqu'à la fin de I973. Ces données vont être inscrites dans notre registre ces jours-ci, de telle sorte qu'on pourra remettre à ces gens un autre état du registre des gains qui devrait comprendre les gains pour les années I972 et I973.

Mais il y a un problème, il n'y a pas de cachette là-dessus. Mais il va être en partie réglé. Il n'est pas définitivement réglé.

M. Charron: Est-ce que ce cas est fréquent?

M. Forget: Ce cas n'est pas unique. Le ministère du Revenu nous transmettait les renseignements après avoir balancé le compte de chaque employeur. Evidemment, il est facile de comprendre qu'il y a des problèmes avec des employeurs, que ça ne balance pas, alors cela prend du temps dans certains cas. De toute façon, je ne veux pas porter de jugement sur le travail du ministère du Revenu, mais je vais constater simplement un fait qui est évident, par les documents que vous avez, c'est que les données nous sont transmises avec beaucoup de retard. Déjà on a pris des mesures pour corriger la situation et on espère, dans l'avenir, que cela vaaller plus rapidement.

M. Charron: Mais par exemple, si un de ces employés de la ville de Montréal était décédé pendant cette période où vous aviez des données incomplètes?...

M. Forget: A ce moment-là, par exemple, disons qu'il n'y a pas de danger de perte de prestation. Vous avez parlé d'un bénéficiaire décédé, mais prenons le cas d'un retraité. Avant même de commencer à lui verser sa prestation, on lui fait parvenir un état de ce qu'il y a dans le registre des gains, en lui demandant de nous indiquer s'il y a des corrections à apporter, de telle sorte que celui qui recevrait un état comme celui-là où il n'y aurait pas de gain pour 1972, évidemment nous le ferait savoir. Et on fait la même chose pour toutes les prestations.

M. Charron: Avant même que le premier chèque soit envoyé?

M. Forget: Oui, de telle sorte que l'on corrige immédiatement s'il manque des données dans le registre des gains. Evidemment, le registre des gains, je dois vous dire que c'est une opération très complexe maintenir, parce qu'il y a des millions de formules TP 4 qui doivent être entrées au registre des gainset c'est une opération qui n'est pas facile à réaliser, mais il n'y a rien d'impossible là-dedans.

Il est certain que la situation doit s'améliorer, et elle va s'améliorer avec la coopération des deux organismes, soit la régie ou le ministère du Revenu.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Autres questions, programme 1?

M. Charron: Non. Oui au programme 1, mais pas avec la régie des rentes. Je pense qu'on peut dire que M. Fortier est libéré de la commission...

M. Samson: C'est une libération temporaire. Politique familiale

M. Charron: Conditionnelle. On va entreprendre maintenant, suivant l'entente de ce matin, cette politique de soutien du revenu familial, pour discuter quelques minutes avec le ministre des Affaires sociales sur les autres modes de soutien du revenu

familial que ce programme doit couvrir outre les allocations familiales.

L'année dernière, M. le Président, j'avais avancé qu'il y avait d'autres moyens de soutenir le revenu familial. Et j'ai vu, au cours de la dernière année, différents organismes, effectivement — sans prétendre aucunement qu'ils s'inspiraient de mes remarques de l'année dernière mais dans leur évolution — des organismes familiaux, parafamiliaux, des organismes sociaux à travers le Québec, effectivement réclamer que d'autres mesures que l'allocation familiale arrivent à soutenir le revenu des familles québécoises, en particulier l'allocation de maternité que certaines sociétés occidentales ont déjà créée, l'aide à l'accouchement et aux premiers mois de naissance de l'enfant, allocation du conjoint au foyer, qui est aussi un programme social pensable, imaginable, qui a d'ailleurs été suggéré dans différentes recommandations.

J'avais demandé au ministre, l'année passée, si on avait entamé l'étude ou des études à l'intérieur du ministère vers la réalisation de certaines politiques de ce genre. J'avais reçu une réponse négative, je repose la même question cette année. Ce ne sont pas ces mesures que j'avais suggérées à partir du programme du Parti québécois, tout simplement. Y en a-t-il d'autres sur lesquelles on travaille pour le soutien du revenu familial actuellement?

M. Forget: M. le Président, je peux répondre très brièvement à cette question en indiquant que, par rapport à la question et à la réponse obtenue, l'an dernier, par le député de Saint-Jacques, il y a un léger progrès qui est perceptible au niveau du ministère des Affaires sociales, puisqu'un certain nombre de ces mesures ont, au moins, commencé à faire l'objet d'une étude, en effet.

M. Charron: Comme quoi, par exemple?

M. Forget: Celle que vous avez mentionnée, sans être plus spécifique, des mesures alternatives, de natures diverses, appartenant à cette catégorie d'aide aux familles.

M. Charron: Y a-t-il espérance que ces études, que j'imagine très embryonnaires au moment où on se parle... J'avais, d'ailleurs, l'habitude, quand j'étais à l'Education, de voir des comités se former au moment où je les suggérais. Je ne sais pas si c'est la même chose aux Affaires sociales; je ne sais pas si le ministre vient juste de les créer. Peut-on espérer que ces comités ou ces études auront des résultats au cours de la présente année financière?

M. Forget: II est trop tôt pour le dire, M. le Président. Je n'ai pas parlé de comité, remarquez, quoiqu'il y a aussi des comités dont le travail sera impliqué. Ce ne sont pas des comités créés spécialement pour ces fins. Il est encore trop tôt pour dire quand et quelles conclusions peuvent émerger de ces travaux.

M. Charron: Je soutiens que certaines de ces suggestions peuvent peut-être frapper par le carac- tère de nouveauté qu'elles signifieraient dans l'ensemble des politiques sociales du Québec, mais leur évaluation financière, puisque nous sommes à l'étude d'un budget, peut surprendre, à l'occasion, par sa modestie. Je reprends une expression que je soutenais hier soir: II y a des choses qui feraient du bien qui sont peut-être beaucoup moins difficiles à faire qu'on ne le pense, puis beaucoup moins coûteuses à faire qu'on ne le pense. Il suffit d'en avoir une volonté politique ferme à l'arrière.

Par exemple, le Parti québécois proposait et propose encore dans son programme une allocation de $100 pour couvrir les frais inhérents à la naissance d'un enfant. Si je prends le chiffre qu'on m'a fourni ce matin lors de l'étude des allocations familiales où on s'attend à 80,000 naissances ou à peu près au cours de cette année, cela représente une somme de $8 millions, au maximum $9 millions ou $10 millions dans l'hypothèse d'une hausse du taux de natalité. $8 millions, $9 millions ou $10 millions signifient, dans un budget global, peu de chose. Quand on en engouffre dans la baie James ou dans les Olympiques en les multipliant, je crois qu'une mesure sociale de cette envergure, au départ, à la naissance d'un enfant, constituerait un appoint.

J'ai vu, dans la documentation que j'ai eu à parcourir avant l'étude de ces crédits, qu'un organisme social de Montréal, je crois, avait parlé, lors de l'une de ses réunions, d'une allocation de $500 par naissance, ce qui quintuplerait le montant dont je viens de parler, bien sûr. Ce n'est peut-être pas vers un montant de cette envergure que nous devons aller, mais une allocation de maternité paraît certainement une politique souhaitable.

Mme le ministre d'Etat aux Affaires sociales aura peut-être l'occasion de me fournir elle-même les explications, mais dans cette espèce d'explication à rebours qu'elle donnait sur ces contraceptifs gratuits dont on a entendu parler à partir de Paris, on dit ici, d'après la Presse canadienne et l'Agence France-Presse, que Mme le ministre a souligné qu'il faudrait que les congés de maternité soient de plus en plus autorisés dans le secteur privé. Il faudra que l'Etat commence à regarder cela de plus près, a dit Mme le ministre, rappelant que la femme perdait généralement son salaire lors d'une maternité, sauf si elle travaillait dans la fonction publique.

Nous sommes à discuter de mesures qui, ensemble, pourraient constituer un début de politique de la famille.

J'imagine que Mme le ministre, selon ses responsabilités, ne parlait pas à travers son chapeau, qui sont d'ailleurs fort élégants, mais le disait parce qu'elle avait l'intention de faire démarrer dans le ministère des Affaires sociales des politiques à cet égard.

Je signale, avant de lui demander ce qu'elle a l'intention d'entreprendre dans ce secteur, certaines incohérences qui lui ont peut-être échappé, mais que je me permets de lui signaler, non seulement parce qu'elle est ministre d'Etat aux Affaires sociales, mais aussi parce qu'elle est la seule femme de notre Assemblée nationale. C'est que, par exemple, le gouvernement du Québec, lorsqu'il a rajouté,

au cours de l'année 1974, en juin, je crois, à l'intention de ses fonctionnaires directement reliés au gouvernement ou ceux de la fonction parapublique, c'est-à-dire oeuvrant dans le domaine social, dans le domaine de l'éducation, une indexation qui s'appelait de rattrapage au coût de la vie — je ne sais pas si la formulation est exacte, tous les enseignants du Québec ont eu droit à cette indexation, à l'exception des femmes enseignantes qui étaient en congé de maternité à ce moment et qui, en vertu de leur convention collective ou en vertu du décret qui leur tient lieu de convention collective y auraient eu droit. Mais il y a une mesure discriminatoire qui s'est appliquée, à ce moment, à l'égard des femmes, par le gouvernement même du Québec, c'est bien cela, somme toute, qui sont encore à l'emploi, mais qui sont, selon leur droit, en congé de maternité. Elles n'ont pas eu droit à ce boni de rattrapage du coût de la vie. Je le signale à Mme le ministre, à qui ce détail a peut-être échappé, bien sûr, mais pour la rapprocher de son affirmation à l'effet que les congés de maternité doivent être de plus en plus autorisés dans le secteur privé. Il y a peut-être une action immédiate à apporter même dans les secteurs public et parapublic, puisque, je l'affirme, j'ai eu des preuves là-dessus nombreuses, provenant de différentes régions du Québec. Les femmes professeurs qui étaient en congé de maternité, pour une raison inexplicable, et qu'un moment donné le ministre de la Fonction publique aura probablement à expliquer ailleurs, n'ont pas eu droit à ce boni. Ce n'est certainement pas une façon d'encourager une politique de la famille.

M. le Président, j'aimerais entendre le ministre expliquer des opinions qui nous sont venues de Paris.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre d'Etat aux Affaires sociales.

Mme Bacon: Je ne vois pas pourquoi j'aurais à répondre sur l'allocution que j'ai donnée à Paris. Je pense que, si je l'ai fait, c'est parce que j'y croyais. En passant, je ne porte pas de chapeau, alors je n'ai pas l'habitude de parler à travers mon chapeau.

Je pense qu'on a rapporté — d'ailleurs j'ai dû corriger certains échos qui étaient arrivés au Québec, avant même mon retour, sur les fameux contraceptifs. J'ai entendu, ce matin, le député de Rouyn-Noranda qui faisait part de ses craintes. Je n'ai pas l'intention d'installer dans les différents Cégep ou dans les différentes écoles secondaires des distributrices de contraceptifs. Au contraire, je pense que ce que j'ai dit qui touchait les personnes de douze ans — je ne vois pas pourquoi j'aurais encore à le répéter, mais je le ferai— comme l'information, qui semble encore incomplète. C'est C'est que nous devons nous pencher sur l'information adéquate à donner aux enfants à l'âge de douze ans, puisque, malgré ce qu'en pense le député de Rouyn-Noranda, je pense que déjà 15, 16 ans c'était déjà trop vieux pour le diaporama qui circulait dans les écoles. Déjà, à l'âge de douze ans, si on fait comprendre aux enfants le respect de certaines valeurs, le respect des autres, le respect de soi-même d'abord, et en même temps le sens des responsabilités qu'ils auront à assumer plus tard, je pense que même douze ans, ce n'est déjà pas trop tôt. C'est un peu dans ce sens que je parlais d'information, d'éducation sexuelle qui fait partie d'un ensemble d'informations aux étudiants âgés de douze ans.

En ce qui regarde le rattrapage que les femmes québécoises ont à faire, cela j'en suis bien consciente dans plusieurs domaines, dans le domaine du travail, dans le domaine de la justice, dans le domaine des affaires sociales, dans tous les domaines.

Ce serait mentir que de dire que les femmes sont en avance sur certaines autres femmes dans d'autres pays. Même si nous avons déjà fait quelques pas, il faut quand même continuer à en faire et, comme membre d'un gouvernement, je pense que c'est ma responsabilité. Je n'ai pas la prétention de représenter toutes les femmes du Québec parce que je pense que c'est une grande responsabilité, d'abord, à accepter, et le dire semble très prétentieux. Comme nous représentons les gens de notre comté, je fais comme mes autres collègues. Il y a des femmes, des jeunes, des hommes dans mon comté et je pense que ma présence, la seule présence féminine, fait en sorte que lorsqu'il arrive un moment où on doit exprimer des opinions, comme je l'ai fait à Paris, je dois mettre de l'avant certaines politiques. Elles existent déjà. Qu'il y aitdes lacunes à regretter et que nous tentions de changer des situations déjà existantes, je pense qu'il était de mon devoir de le faire. Si, dans certains endroits, dans certaines régions ou certains secteurs il y a des inégalités, je pense que c'était mon devoir de les faire connaître, d'en prendre connaissance d'abord et de dire ma façon à moi de percevoir les choses.

M. Charron: Est-ce que je peux demander au ministre qui vient de parler, M. le Président, si elle a l'intention, au cours de l'année financière, avec les crédits que nous nous apprêtons à lui voter, d'établir au moins un début de recherche? On s'en tient toujours à ce domaine parce que rien n'existe, c'est effarant, rien n'existe dans ce domaine pour réaliser ces voeux qu'elle a exprimés, qu'elle a parfaitement le droit d'exprimer. Mais comme ministre on ne peut se contenter d'exprimer des voeux; on a aussi la possibilité, que n'ont pas d'autres qui expriment des voeux, de mettre en branle la réalisation de ses voeux et d'obtenir que, par exemple, les congés de maternité soient de plus en plus autorisés sans pénaliser la femme dans le secteur privé.

Il ne suffit pas d'en exprimer le voeu. Vous êtes en possession d'un ministère qui peut oeuvrer dans ce sens. De quelle façon avez-vous l'intention d'accomplir ce mandat, en particulier pour réaliser ce voeu que tous les membres de la commission partagent, j'en suis convaincu?

Mme Bacon: Je pense que c'est en assumant mes responsabilités, et ce n'est pas en le faisant sur la place publique, je pense, qu'on réussit à faire quoi que ce soit. J'ai exprimé le voeu sur la place publique et je pense que c'est normal de le faire.

Maintenant, le travail, je le fais au niveau du

ministère. Je le fais au niveau du gouvernement, au niveau du conseil des ministres, au niveau du caucus. Je pense que ce sont toutes ces étapes q u'il faut franchir; il faut sensibiliser les gens davantage à des problèmes. A mesure que progressent certaines idées ou certains voeux, je ne pense pas qu'il soit possible de passer son temps sur la place publique à dire: Nous en sommes rendus à telle étape.

Nous étudions les crédits aujourd'hui. Vous avez les informations à même les crédits. Je pense que cela ne m'empêchera pas de continuer à travailler — même si nous ne le voyons pas à tel ou tel programme — au niveau du ministère à faire avancer des idées.

Je pense que c'est ça, le rôle d'un ministre, travailler en fonction de certains désirs de la population. Je pense qu'on est là pour ça.

M. Charron: M. le Président, je pense que les membres de la commission d'abord, l'opinion publique ensuite auront l'occasion très bientôt de mesurer la portée réelle de voeux qui nous ont été exprimés de loin et qui nous ont été répétés cet après-midi. Madame le ministre, comme elle vient de le rappeler, non seulement oeuvre alentour de la table de la commission aujourd'hui, maiségalement dans le ministère, au conseil des ministres et dans l'ensemble de la politique gouvernementale.

Or, le gouvernement aura l'occasion très bientôt de déposer ses offres à ses employés de la Fonction publique et du secteur parapublic. Par la loi que nous avons adoptée en décembre dernier, le ministre des Affaires sociales se trouve mêmeencore plus lié qu'il ne l'était lors de la précédente négociation de la convention collective. Or, la convention collective, plutôt le décret 7275 disait, quant aux congés de maternité qui préoccupaient madame le ministre jusqu'à Paris, à l'article 38.05: L'employée absente pour grossesse ne reçoit pas de traitement durant son absence; il lui est cependant loisible d'utiliser, s'il y a lieu, sa réserve de congés de maladie afin de recevoir un paiement tenant lieu de traitement jusqu'à concurrence des crédits accumulés à son dossier au moment de son départ. Il lui reste toujours aussi, comme dans le secteur privé, où madame le ministre disait qu'il faudrait que ce soit de plus en plus autorisé, la possibilité de recourir à l'assurance-chômage, mais de façon très partielle. C'est une politique discriminatoire.

Nous n'avons plus, ensemble, qu'à exprimer des voeux ou à souhaiter oeuvrer non pas sur la place publique mais dans le secret des séances du cabinet pour que ces choses changent. Nous aurons l'occasion de vérifier si ces voeux sont vraiment autre chose qu'un rattrapage publicitaire de l'Année internationale de la femme ou si ce sont des intentions concrètes d'un gouvernement de modifier des choses qui sont inacceptables.

Nous connaîtrons très bientôt ce que fait le gouvernement lui-même comme employeur avant de penser qu'il est en train, dans le secret des séances du cabinet, d'imaginer une chose qu'il imposera un tant soit peu ou, en tout cas, essaiera d'entraîner le secteur privé à suivre. Il faudra d'abord que le gouvernement, lui, avant de faire la leçon au secteur privé ou d'essayer de pousser le secteur privé, reconnaisse dans un début de politique familiale qu'on essaie de trouver cohérente en rattachant, morceau par morceau, mais tenons-nous-en à cela puisqu'il n'y en a pas de plus cohérente que cela... Nous verrons s'il est prêt à dire que cette disposition 38.05 qui, puis-je vous le dire, M. le Président, allait exactement à rencontre des demandes syndicales en ce domaine — il doit exister un juste milieu entre les demandes syndicales et les propositions gouvernementales — àdirequ'une employée de la fonction publique, absente pour grossesse, ne reçoit pas de traitement durant son absence.

Si le gouvernement dépose ce même genre d'opposition et qu'après cela, on va nous dire que, dans le secret du cabinet, on est en train de réaliser des voeux pour que le secteur privé se mette à réaliser, presque par intuition ou par encouragement qui viendrait de je ne sais où, ce que le gouvernement n'est même pas capable d'offrir à ses employés, nous aurons là — et j'attends, la réponse de Madame le ministre — la première indication réelle qu'il ne s'agit pas que de voeux, qu'elle n'est pas obligée de les réaliser sur la place publique mais qu'en fin de compte, lorsqu'elle est au conseil des ministres, lorsqu'elle travaille à la préparation des propositions gouvernementales pour ses employés, elle tient son bout, elle défend le voeu qu'elle a exprimé à Paris et elle obtient qu'effectivement des mesures aussi discriminatoires à l'égard des femmes employées par le gouvernement disparaissent de la prochaine convention collective.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Affaires sociales.

Mme Bacon: Un instant, M. le Président. Dans ce sens-là, je serais tentée de dire que je suis un peu comme le député de Saint-Jacques. Souvent, on émet des idées et ce n'est pas accepté par l'ensemble d'un groupe auquel on appartient. Je pense qu'il va le comprendre. Mais, comme lui, je n'ai pas l'impression de lâcher quand je mets de l'avant certaines idées. Maintenant, il faut les faire accepter à un groupe et, comme lui, ce ne sont pas toujours toutes nos idées qui sont acceptées par un groupe. On ne lâche pas.

M. Charron: Est-ce que, Madame le ministre, vous vous engagez face à la commission, à militer, avec la chance de succès que nous vous souhaitons, pour que les propositions gouvernementales reflètent un tant soit peu, lorsqu'elles seront déposées à la table de négociation, le voeu que vous avez exprimé et qui est endossé par la commission?

Mme Bacon: Bien oui! Je serai d'abord fort aise de dire que j'ai quand même l'appui du député de Saint-Jacques.

M. Charron: Vous avez l'appui, en cela, non seulement du député de Saint-Jacques...

Mme Bacon: Je ne sais pas si je leur ferai peur ou non mais je pourrai dire que j'ai l'appui du député de Saint-Jacques.

M. Charron: Vous l'avez non seulement du député de Saint-Jacques mais vous l'avez de l'Opposition en entier, parce que c'est dans le programme de l'Opposition depuis 1972.

Mme Bacon: Je le sais.

M. Charron: Nous l'avons toujours soutenu. Au besoin, si vous avez du mal à formuler votre opinion, vous pourrez toujours recourir au texte de notre programme.

Mme Bacon: Je l'avais déjà lu, d'ailleurs.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: Avant que le député de Saint-Jacques ne parle trop longuement au nom de ses collègues, y compris le député de Rouyn-Noranda, j'aimerais lui rappeler que...

M. Samson: M. le Président, je suis obligé de soulever une question de règlement!

M. Charron: C'est de notre parti.

M. Samson: Tout le monde a compris que le député de Saint-Jacques parlait au nom de l'Opposition officielle, mais je voudrais peut-être ouvrir une parenthèse pour dire que je partageais une forte proportion des propos du député de Saint-Jacques.

M. Forget: Vous êtes prudent, vous ne dites pas laquelle, ni avec laquelle vous êtes en désaccord.

M. Samson: M. le Président, si le ministre veut que j'y revienne, tantôt, je pourrai nuancer davantage.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.

M. Forget: M. le Président, je voulais rappeler au député de Saint-Jacques, parce qu'il a récemment changé ses responsabilités au sein du cabinet fantôme de l'Opposition officielle, que lorsqu'il parle des conditions de travail et de la convention collective...

M. Charron: II faut parler de convention...

M. Forget: ...dans notre secteur, nous parlons d'une convention et non pas d'un décret.

M. Charron: Mais c'est celle qui s'adresse au syndicat des fonctionnaires et non pas à ceux du milieu social; dans ce cas-là, il s'agit bien d'un décret.

M. Forget: Malgré tout, mon rappel, je pense, est retenu.

M. Charron: Oui, je prends bonne note, comme vous dites.

M. Forget: Pour ce qui est des...

M. Charron: ... il n'y a pas un décret?

M. Forget: Je ne pense pas.

M. Charron: Ah! c'est vrai. Après la...

M. Forget: Vous venez d'un secteur exceptionnel.

M. Charron: II faut dire qu'il y avait un ministre exceptionnel aussi.

M. Forget: Pour ce qui est de l'offre que la partie patronale va faire à la table de négociations, il est bien évident que le député de Saint-Jacques ne s'attend pas que nous répondions à une question qui est plutôt de réthorique de sa part à ce moment-ci.

Mais j'aimerais lui rappeler que sur le plan des réalisations concrètes, au plan des droits de la femme durant les quelques derniers mois, il y a eu, malgré tout, des développements fort appréciables où l'Etat, comme employeur, a manifesté son intention d'accorder à la femme, à titre d'employée, les mêmes droits qu'aux hommes, lorsque, par exemple, le régime de rentes du Québec a été modifié de manière à permettre à la femme qui travaille de gagner, pour ses dépendants et son conjoint, les mêmes droits à une prestation de survivant, par exemple, ou à une prestation d'orphelin qui auparavant n'était acquise qu'aux travailleurs mâles.

Dans un domaine connexe et ceci à titre d'employeur, c'est vraiment en ce sens-là que mes remarques de tantôt s'adressaient, le régime de rentes supplémentaire de la fonction publique et des régimes parapublics ont été amendés à peu près au même moment, c'est-à-dire l'automne dernier, pour consacrer un statut d'égalité entre les hommes et les femmes au titre de tous ces régimes d'avantages marginaux, de bénéfices marginaux.

Donc, des gestes concrets ont été posés.

Enfin, ceci étant moins concret parce qu'il s'agit d'un projet de loi, la charte des droits fondamentaux, le bill 50, comporte une disposition d'égalité ou de non-discrimination dans l'emploi en raison du sexe, entre autres motifs possibles de discrimination. Un comité interministériel a été formé cet hiver pour étudier de façon très concrète l'implication d'un principe de non-discrimination, principe qui, on s'en doute, peut avoir des répercussions très considérables dans des régimes d'emplois et dans des régimes d'avantages marginaux comme, par exemple, les régimes supplémentaires de rentes.

Il est important que nous puissions voir d'avancequellesseront les implications puisqu'il y a littéralement plusieurs milliers de régimes supplémentaires de rentes qui, à l'heure actuelle, établissent une discrimination, discrimination qui, rappelons-le, est parfois favorable aux femmes plutôt qu'aux hommes, relativement à l'âge de retraite par exemple, et qui introduit, dans l'ensemble des avantages et des coûts d'un régime de rentes supplémentaire, d'un régime de retraite supplémen-

taire, toutes sortes de considérations dont il faut tenir compte pour vérifier l'impact possible de l'application d'un régime de non-discrimination.

Ce comité-là travaille, doit nous produire un rapport intérimaire d'ici quelques jours de manière que nous puissions en tenir compte au stade de deuxième lecture ou de troisième lecture du projet de loi no 50 mais il est à croire que ses conclusions finales devront attendre encore quelque temps à cause de l'immense complexité du problème lorsqu'on veut véritablement assurer un principe de non-discrimination dans tous les plans privés d'assurance et de retraite, etc.

Mais ce sont là des gestes positifs qu'il me paraît important de souligner à ce moment-ci parce que la question a été posée, elle est d'actualité, particulièrement cette année et je crois que dans le contexte des gestes qui ont déjà été posés on peut s'attendre qu'il y ait des prolongements à tout ceci dans d'autres domaines qui n'ont pas encore été touchés.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Frontenac.

M. Lecours: M. le Président, j'aurais seulement une courte question à poser. Hier, dans mon comté, il y avait justement une marche des assistés sociaux pour protester contre les politiques du ministère des Affaires sociales en ce qui concerne le soutien du revenu familial. D'ailleurs, j'étais d'accord avec eux. Je leur ai envoyé un télégramme et, avoir été là, j'aurais marché avec eux.

J'aimerais seulement savoir, si le salaire minimum est augmenté le 1er juin 1975, si, eux aussi, ne mériteraient pas une petite augmentation avant le 1er janvier 1976.

M. Forget: La question de l'augmentation du salaire minimum se pose selon des périodes et à des moments différents des dates où la même question se pose pour l'aide sociale. Nous avons adopté un principe d'indexation. Je vois mal comment on peut aller plus loin qu'un principe d'indexation au coût de la vie des prestations, d'autant plus que, s'ajou-tant aux prestations, des améliorations interviennent toutes les années en cours de route pour améliorer et bonifier le régime et le niveau des prestations.

J'ai cité, dans mon exposé du début, deux modifications qui sont intervenues en 1974. J'ai indiqué également que nous étions sur le point de faire une dernière étude d'un projet de refonte totale des règlements de l'aide sociale, dont certaines dispositions pourront avoir des effets sur le niveau des prestations dans certains cas.

Donc, ma réponse est à la fois positive et négative dans le sens suivant, c'est qu'il y a une majoration qui est faite dans le niveau de l'aide sociale, mais à des périodes différentes de celles où elle se fait pour le salaire minimum. On suggère pour le salaire minimum — c'est, d'ailleurs, presque une tradition — une majoration deux fois par année en mai et en novembre — c'est d'ailleurs la pratique des années antérieures — contrairement à ce qui est fait pour l'aide sociale où la majoration prend effet le 1er janvier.

Encore une fois, ceci n'interdit pas de croire à des améliorations en cours d'année, comme il yen a eu dans les années passées. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous dire exactement quels changements pourraient intervenir cette année, ni à quelle date, mais ce n'est certainement pas exclu.

M. Boudreault: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Bourget.

M. Boudreault: J'aimerais peut-être ajouter quelques mots afin de rassurer le député de Rouyn-Noranda sur les déclarations de Mme Bacon, en France, et apporter un fait qui a été vécu dernièrement. J'ai assisté à l'ouverture de classes de jeunes filles mères dans mon comté et, sur 80 jeunes filles, la moyenne d'âge était de 13 ans. Je pense que c'est très important ce dont Mme Bacon a parlé, de donner plus d'informations à ces jeunes qui sont réellement dans le besoin.

Donc, M. le député de Rouyn-Noranda, je pense que, quand on vit dans une situation semblable, ça nous laisse à penser et j'ai bien confiance en Mme Bacon pour le travail qu'elle a entrepris à ce niveau.

M. Samson: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au député?

Le Président (M. Houde, Limoilou): Non, ce n'est pas permis.

M. Samson: Oui, c'est permis, M. le Président.

M. Boudreault: Laissez-le la poser. Je vais lui répondre.

M. Samson: Le député nous parle d'une moyenne d'âge de 13 ans.

M. Boudreault: Oui, et elles sont enceintes.

M. Samson: Les plus âgées et les moins âgées se situaient à quel âge?

M. Boudreault: De 11 à 15 ans. M. Samson: M. le Président...

M. Boudreault: II yen avait une qui avait 26 ans; malheureusement c'était une débile mentale, mais quand même!

M. Samson: Elle a brisé la moyenne.

M. Boudreault: Elle a brisé la moyenne un peu.

M. Samson: Sur ce sujet, ça me fait penser à ce qu'un médecin me disait hier soir, en parlant de certains programmes du ministère des Affaires sociales dans ce domaine.

M. Lecours: Ce n'est pas moi.

M.Samson: Non, je souligne que ce n'est pas le Dr Lecours qui disait ça. Mais il me disait que ça lui faisait penser à un père de famille qui réunirait tous ses enfants au tour de la table, qui mettrait un flacon de gin sur la table et qui dirait: Là, les petits gars, je vais vous montrer à vous soûler comme il faut pour que vous ne soyez pas malades le lendemain matin. C'est à peu près ça que ça donne.

C'est pourquoi, moi c'est bien de valeur, mais je ne souscrirai pas à tous ces programmes qui pourraient être visés par Mme le ministre. Il y a peut-être une exception dans le cas du député de Bourget.

M. Boudreault: Mais...

M. Samson: Je ne sais pas quelles sont les activités du député de Bourget dans son comté — je veux dire les activités politiques, tout le monde a bien compris — mais il reste qu'on ne peut pas faire de cette exception une règle générale.

M. Boudreault: Si on extrapole au niveau d'une province, quand il y a seulement un comté...

M. Samson: Je n'y souscrirai pas, M. le Président. Aucunement. Ce n'est pas parce que madame le ministre a l'intention de faire une certaine éducation que cela va régler tous les problèmes. D'ailleurs, en matière d'éducation, puisque vous voulez parler d'éducation, en matière d'éducation, il suffit de regarder la Presse d'hier, d'avant-hier, de samedi et vous verrez qu'il y a une drôle de situation de ce côté.

On a des drôles de problèmes quant à l'enseignement du français. Tout le monde sait qu'on a de la difficulté à recruter des secrétaires et là, il semble que ce gouvernement a délaissé l'enseignement du français puis s'en va dans l'enseignement sexuel.

Je ne sais pas si c'est dans le comté du député de Bourget, mais quelqu'un m'a dit qu'un électeur avait une trentaine de chats dans son hangar. Ils n'avaient pas eu de cours d'éducation sexuelle puis ils s'arrangaient très bien, apparemment. Ils réussissaient à se reproduire sans trop de problème, sans avoir recours à madame le ministre.

M. Boudreault: La directrice m'a dit qu'il y en avait beaucoup de l'Abitibi.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! Revenons aux affaires sociales. Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, nous étions à parler d'une politique familiale.

M. Boudreault: On peut parler en connaissance de cause.

M. Charron: Une des choses que je retrouve comme hypothèse à mettre dans une politique familiale — cela a été demandé par plusieurs groupes, L'AFEAS dans son mémoire au conseil des ministres, en décembre dernier, les Organismes familiaux associés du Québec, en juillet dernier, la Fédération des organismes familiaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean et d'autres groupes — c'est l'implantation, au niveau du CLSC, je sais que nous aurons cette discussion à un autre moment, l'implantation, dis-je, de ce service particulier de consultation conjugale et familiale tel que suggéré par ces organismes.

Avant d'entreprendre l'étude de toute la politique des centres locaux de services communautaires, est-ce qu'au niveau du ministère des Affaires sociales on a effectivement, je ne sais trop comment, en respectant l'autonomie des CLSC, là où les CLSC en faisaient la demande, favorisé la réalisation, àtravers un budget accordé, de ce genre de service de consultation qui, si je regarde la liste des organismes qui font à peu près la même demande, semble s'établir dans tout le Québec?

M. Forget: Nous débordons assez largement le sujet immédiat du programme no 1. Nous verrons au programme no 6 ou au no 7, dans la consultation psychosociale, des crédits importants qui sont versés aux centres de services sociaux. On sait que, traditionnellement, la consultation familiale est une des vocations, est un des rôles essentiels des centres de services sociaux, qu'ils continuent à assumer avec des ressources légèrement accrues, quoique je doive dire que la plupart des ressources nouvelles q ui ont été consenties aux centres de services sociaux l'ont probablement été pour les services aux personnes âgées et pour les services à l'enfance.

Cependant, évidemment, il y a un certain recoupement entre les services à l'enfance et les services de consultation familiale dans la mesure où le problème des enfants est impliqué. Il y a également des cliniques de consultation dans certains hôpitaux pour certains types de problèmes de nature sociale ou de santé mentale que l'on retrouve dans un certain nombre d'hôpitaux. Ces ressources n'ont pas subi un accroissement peut-être très significatif durant les dernières années, sauf dans la mesure où elles s'intègrent, et ceci n'est pas négligeable, dans le développement des équipes de santé mentale, des équipes de secteurs en santé mentale.

Les organismes familiaux, par ailleurs, maintiennent depuis plusieurs années, avec l'appui financier du ministère, sur une base non professionnelle, des services d'entraide et de consultation en quelque sorte basés sur l'entraide et sur la mise en commun des expériences par un certain nombre de couples, et ils le font avec l'appui financier du ministère. Leurs propositions visant à accroître les services aux familles à l'intérieur des CLSC ont été bien accueillies et sont incorporées dans le travail qui est actuellement en cours pour définir de façon plus précise un certain nombre de programmes parmi lesquels les CLSC seront appelés à choisir dans l'orientation de leurs activités.

Il parle là d'une orientation pour l'avenir plutôt que de réalisations déjà acquises.

M. Charron: D'accord.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Autre question au programme I?

M. Charron: Moi, j'en n'ai plus d'autres, sauf une. Je ne veux pas couper le terrain à personne. Je m'en voudrais de terminer l'adoption de ce programme sans avoir l'occasion de revenir sur une déclaration du ministre des Affaires sociales, quant à la situation de la famille et de la natalité au Québec, qui a fait beaucoup de bruit et qui lui a valu l'occasion d'en refaire d'autres par la suite, j'ai l'impression, soit parce qu'il estimait avoir été mal interprété, comme cela arrive souvent, ou soit parce que...

M. Forget: Ou par l'Opposition.

M. Charron: ...parce qu'il estimait qu'il avait des explications supplémentaires à fournir. Je trouve curieuse, aussi bien le dire tout de suite, M. le Président, la déclaration du ministre des Affaires sociales, qui a été publiée dans le Soleil du 9 novembre I974, en première page, avec un titre qui, peut-être, ne rapportait pas exactement le contenu mieux expliqué à l'intérieur que le titre fracassant, et n'était pas sans un certain sens de la réalité, à mon avis.

Effectivement, je pourrais soutenir, comme lui, certaines affirmations qu'il a faites quant au côté "avantageux" de la chute de la natalité au Québec. Il ne se posait pas,lui, dans son poste de ministre des Affaires sociales, comme un alarmiste, comme on en a connu ou comme on en connaîtra vraisemblablement encore, mais essayait d'examiner — il le disait très bien aussi, c'est pour cela que je ne voudrais pas qu'il soit mal interprété — l'aspect proprement économique de la chose. J'imagine que sur le plan culturel ce pourrait être une autre discussion, que nous aurions ailleurs qu'ici, sur le plan culturel, ce phénomène est particulièrement inquiétant. C'est une ombre qui a plané sur la discussion de la loi 22, l'année dernière, et qui va planer sur toutes les mesures visant à protéger la culture française québécoise. Sur le plan économique, je soutiens que le ministre avait en partie raison; je dis en partie parce que je crois que c'est à très court terme, effectivement. Pour lui répondre ou pour lui faire ce reproche d'avoir fait ce raisonnement juste,mais juste que pour un court moment, j'ai presque envie de recourir à une entrevue que le premier ministre du Québec donnait à un autre journaliste.au mois d'août I974, qui permettait au journaliste de titrer son article en disant "Québec entend lutter contre la dénatalité" et qui, surprise des surprises, nous permettait de voirque le premier ministre avait des vues à long terme.

Le premier ministre, lui, à l'intérieur de ce phénomène, craignait des déséquilibres sociaux à venir par la suite, une pénurie de main-d'oeuvre qui ne semblait pas inquiéter le ministre, à court terme. Mais il se sentait, en fin de compte — était-ce pour les besoins de la publicité ou pour autre chose — dans le besoin de dire au journaliste qui l'interviewait qu'il était urgent que l'on regroupe un certain nombre d'outils permettant de travailler à la lutte contre la dénatalité au Québec. C'est alors qu'on a fait miroiter, à un moment donné, cette possibilité de la création d'un ministère de la population qui regrouperait, bien sûr, le ministère de l'Immigration, si insignifiant qu'il soit actuellement, et certains autres services retirés du ministère des Affaires sociales, retirés du ministère du Travail ou ailleurs.

Je veux demander au ministre des Affaires sociales si brièvement — parce que ce n'est pas l'endroit d'une conférence sur ce sujet — il peut revenir sur ses conceptions et si au fond, en élargissant la vision qu'il avait, il ne se sent pas la responsabilité aujourd'hui, avec les crédits que nous allons lui voter, d'effectivement oeuvrer dans le sens que le premier ministre l'indiquait en août dernier, sans que nous ayons eu de décision concrète par la suite, mais de regrouper, de travailler, sans aussi qu'il y ait de modèle préconçu. Je pense que l'ancien ministre des Affaires sociales, comme celui que j'ai en face de moi, actuellement, ont raison de soutenirqu'il n'y a pas dans le monde de modèle de politique favorisant la natalité qui ait été jugée miraculeuse et produise l'effet de remonter la natalité ipso facto dans une société. C'est plutôt un ensemble de facteurs, comme le signalait le ministre, qui peuvent être rationnellement organisés pour produire un meilleur résultat, qui peuvent être, au besoin, regroupés sous la même responsabilité ministérielle, mais ceci, entre autres, ne peut être qu'un facteur parmi tant d'autres.

Mais est-ce qu'il ne sent pas le besoin, à long terme, d'oeuvrer dans ce sens et de prendre à l'intérieur de son ministère différentes responsabilités et différentes décisions pour conduire le Québec sur cette voie?

M. Forget: J'hésite un peu, M. le Président, à m engager dans des répétitions de ce que j'ai déjà déclaré à l'Assemblée nationale là-dessus. Je peux sans doute le faire, mais c'est nous engager dans un débat qui est assez long. J'aimerais peut-être que le député de Saint-Jacques, à la lumière des propos que j'ai échangés je pense avec lui ou avec son collègue de l'Opposition officielle, le député de Chicoutimi, je ne me souviens plus exactement, l'automne dernier à la suite de la parution de ces articles, me dise en quoi la réponse que j'ai pu donner à ce moment lui semble ne pas tenir compte à la fois des perspectives à long terme et aussi des distinctions qui me semblent esssentielles et dont j'ai fait état lors de ces déclarations et lors de celles que l'on m'attribue dans cet article qu'il vient de citer. Il serait plus facile de maintenir ma réponse dans les limites de temps raisonnables si on procédait ainsi.

M. Charron: Je crois qu'effectivement lors de la réponse que vous aviez fournie à l'Assemblée au député de Chicoutimi, qui vous interrogeait sur cet article, vous aviez eu l'occasion d'ajouter ou d'éclairer davantage l'Assemblée sur une dimension qui n'échappait pas à votre esprit, celle du long terme, comme je l'ai appelée tout à l'heure, mais qui dans l'interview en question n'occupait pas toute la place. Vous sembliez beaucoup plus vous réjouir des résultats positifs que cela peut donner à court terme sur le plan économique.

Vous aviez effectivement fourni à ce moment une différente — ce n'est pas ce que je vous demande de répéter en fin de compte, je vous demande simplement si à la suite de cette affirmation

que nous devons prendre comme vérité, que vous avez faite à l'Assemblée, de votre préoccupation de ce que cela pourrait signifier à long terme pour le Québec, non seulement encore une fois sur le plan culturel, ce qui pourrait être la fin des haricots, mais sur le plan économique même, pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, population vieillissante, surcharge financière, mais cette fois non plus au domaine de l'éducation, mais dans le domaine de la maladie, dans le domaine, autrement dit, de grever le budget, comme vous le disiez, mais plus au même endroit, tous ces facteurs qui jouent à l'encontre... On dit qu'en l'an 2000 le Québec aura une des populations les plus vieilles et l'an 2000, je me permets de dire que ce n'est pas loin, c'est dans 25 ans; nous serons tous encore de ce monde, j'espère.

Cet aspect devrait inciter celui qui a le portefeuille des Affaires sociales et qui a affirmé être préoccupé par cet horizon lointain mais peu encourageant à oeuvrer à un certain regroupement de ce qui peut être des facteurs dans ce sens. C'est le sens de ma question bien plus que de vouloir vous entendre répéter ce que j'avais parfaitement compris à cette occasion.

M. Forget: Je veux bien essayer de répondre à cette question au meilleur de mes possibilités de le faire dans un court laps de temps et, évidemment, sans aucune préparation spéciale.

J'en profiterai, au tout début, pour donner une réponse au député de Saint-Jacques, à la question qu'il me posait ce matin. On a pu, dans une certaine mesure, éclairer sur le taux de natalité, pour les années récentes et celles qui ont été utilisées pour les préventions des crédits de l'année en cours.

Je donnerai à la fois, pour chacune des années, le nombre absolu de naissances et le taux de natalité par 1,000. J'attire cependant votre attention sur le fait que les taux que je vais citer ne sont pas nécessairement ceux qui apparaissent dans les publications fédérales mais résultent d'autres travaux et d'estimations, ainsi que de projections puisque je donnerai les chiffres jusqu'à 1976, obtenus au ministère des Affaires sociales même.

Nous avons observé, à l'expérience, que les données fédérales accusent un certain retard sur la réalité, certaines inscriptions de naissance ne sont pas faites au moment où elles devraient être faites. Il y a une certaine sous-évaluation des naissances.

Alors, les chiffres, pour les années 1972 à 1976, sont les suivants: Pour 1972, 88,787 naissances et un taux de 14.7%; pour 1973, 88,578 et un taux de 14.6%; pour 1974, 88,937, un taux de 14.5%; pour 1975, 89,500, un taux de 14.6%; pour 1976, 90,618 et un taux de 14.7%.

On observe donc — il s'agit, bien sûr, de projections et d'estimations — une stabilité dans le taux et une progression modeste dans les nombres absolus. Je ne tirerai, cependant, aucune espèce de conclusion de ces chiffres. On se doute bien qu'ils sont basés sur des hypothèses pour ce qui est des années pour lesquelles les données ne sont pas disponibles, des hypothèses qui, à l'expérience, peuvent s'avérer fausses, soit à la hausse, soit à la baisse.

Ce sont des taux qui, malgré tout, sont diffé- rents des taux qui apparaissent dans les publications fédérales et qui sont différents à la hausse. Malgré tout, même avec des taux majorés et sans présumer de ce qui pourrait arriver aux chiffres des autres provinces si une opération analogue était faite sur elles, il demeure que le Québec continue à être la province où le taux de natalité est le plus bas. Je pourrai citer ici ces taux pour 1973, tels qu'ils apparaissent dans les statistiques du gouvernement fédéral, dans Statistiques de l'état civil, rapport préliminaire 1973, où on a, pour l'ensemble du Canada, un taux de 15.5%; pour Terre-Neuve, de 22%; pour l'Ile-du-Prince-Edouard, de 16.4%; la Nouvelle-Ecosse, de 16.5%; le Nouveau-Brunswick, 17.5%; le Québec, dans ces chiffres, 13.8% comparativement à 14.6% selon nos nos estimations; l'Ontario, 15.6%; le Manitoba, 17%; la Saskatchewan, 16.3%; l'AIberta, 17.4%, la Colombie-Britannique, 14.8%; le Yukon, 21.3%; les Territoires du Nord-Ouest, 31.9%.

On observe également qu'au cours des années, ces chiffres ont varié, généralement à la baisse dans l'ensemble du pays, ainsi qu'au Québec. Mais ils ont connu pas seulement un mouvement vers la baisse mais également des fluctuations, lorsque l'on porte son regard jusqu'à 1921. Dans le passé, on remarque qu'il y a eu, effectivement, des fluctuations, fluctuations assez importantes par exemple dans les années trente, qui correspondent avec les années de difficultés économiques considérables. Le taux est passé de un peu plus de 29%, au début des années 1930, à 24% au milieu de la décennie, pour retourner à 25%, se maintenir à peu près donc à un niveau assez bas, jusqu'après la guerre, où, en 1944 et en 1945, il est retourné à plus de 29%.

Donc, il y a des facteurs économiques qui ont pu jouer sur des variations dans le taux, mais il y a, malgré tout, une tendance séculaire à des familles de plus petite taille et à un taux de natalité moins élevé.

Pour cequi est de l'avenir et de l'avenir éloigné, il faudrait, évidemment, avoirdes projections à long terme. Tous ceux qui se sont essayés à ces exercices savent combien les variations sont importantes entre les hypothèses minimales et les hypothèses maximales, deux séries d'hypothèses qui sont ordinairement très défendables et qui sont inspirées de ce qu'on a trouvé comme variations dans les années antérieures.

Il est assez difficile de croire, cependant, que la tendance séculaire vers une diminution du nombre des enfants dans les familles, de la grosseur moyenne des familles, pourrait être facilement renversée. Il faut donc anticiper que généralement, pour l'ensemble ou Canada et non seulement le Québec, on ne verra pas de mouvement spectaculaire. Il n'est peut-être pas interdit de croire, cependant, que, par rapport à d'autres provinces, les variations relativement plus considérables qui se sont manifestées au Québec ne pourraient pas être, elles, renversées à l'avantage du Québec. C'est là que les prévisions sont extrêmement ténues. Véritablement le premier argument que l'on doit faire valoir lorsque l'on parle du taux de natalité et surtout du taux de natalité à long terme, c'est notre ignorance presque totale sur ce que l'avenir, à long terme, nous réserve. Sans aucun doute, il serait nécessaire

d'étudier les facteurs qui sont très mal connus, qui expliquent non seulement les variations à court terme, qui sont peut-être plus vraisemblablement liées à des fluctuations dans le taux d'activité économique, mais qui sont liées à des tendances séculaires qui ne reflètent certainement pas le niveau de l'économie, certainement pas d'une façon où on souhaiterait la modifier, de toute manière, puisque la leçon de la tendance séculaire, ce serait véritablement, si l'on veut stimuler la natalité, d'appauvrir systématiquement le Québec et l'ensemble du pays. Puisque la richesse croissante du pays a diminué la natalité, on pourrait croire qu'à long terme on pourrait, en s'appauvrissant, multiplier les naissances.

C'est peut-être vrai à l'échelle internationale quand on voit des pays comme le Bangla Desh, où les gens crèvent de faim littéralement, avoir des taux de natalité galopants. Il y a probablement, à long terme, une relation entre les niveaux de vie et la natalité, mais ce n'est certainement pas, même si on vérifiait cette relation, une conclusion qu'on voudrait tirer sur le plan des décisions à prendre.

Si l'on se reporte à notre connaissance des moyens pour influencer le taux de natalité, alors on est encore plus démuni que pour ce qui est des causes, puisque nous n'avons littéralement aucune expérience favorable de l'effet sur la natalité de quelque mesure sociale que ce soit, à long terme.

Si l'on met de côté les variations de courte période, que tous les pays ont connues lors de la crise économique des années trente et l'espèce d'explosion d'optimisme et d'enthousiasme que tous les pays ont également connue après la conclusion des hostilités, en 1945, on s'aperçoit que les différences de politiques sociales d'un pays à l'autre, qui sont très considérables, sont impuissantes à expliquer les tendances à long terme.

La France, qui était alléguée par quelques-uns comme l'exemple a contrario, si l'on veut, de ce que je viens d'affirmer, tout en voyant les mesures sociales auxquelles on attribuait la croissance de la natalité demeurer inchangées et même être améliorées durant les dernières années, a vu son taux de natalité décroître comme celui de tous les pays.

Il y a donc une ignorance considérable à la fois des causes et des moyens pour y remédier et c'est dans cette optique qu'il faut envisager, je pense, pour une part, le problème à long terme, c'est-à-dire de diminuer notre ignorance à la fois sur les causes et sur les moyens. D'où une première conclusion, c'est qu'il faudra étudier davantage avant de pouvoir en venir à des politiques et de pouvoir certainement différer d'opinion, avec un semblant de raison, sur des politiques sociales, sur la base de leur effet sur le taux de natalité, puisque nous n'en savons strictement rien.

Considérons les effets du taux de natalité — c'est là-dessus que mes remarques ont porté, beaucoup plus que sur ce que je viens d'exposer — à long terme.

Si l'on considère, dis-je, l'effet du taux de natalité à long terme et non seulement à court terme, je crois qu'il faut être malgré tout suffisamment ouvert quand nous considérons ce problème pour en voir à la fois les aspects positifs et les aspects négatifs. Les aspects positifs à long terme, même sur le plan culturel et non pas seulement sur le plan économique, existent. Je ne dis pas qu'ils sont prédominants, mais il faut être malgré tout ouverts à leur présence, à leur existence.

Nous constatons, et c'est une chose que nous pourrons constater abondamment plus loin dans l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales, mais ce n'est pas limité au ministère des Affaires sociales, que le Québec emploie sa main-d'oeuvre de façon inexplicable ou presque inexplicable. Nous constaterons, dans le secteur hospitalier au Québec, par exemple, que nous employons une main-d'oeuvre plus abondante, relativement aux services offerts, que tous les pays développés auxquels nous pouvons nous comparer, qu'il s'agisse des pays américains ou européens.

Ce sont des statistiques qui sont bien connues, qui sont publiques, qui sont constantes. Depuis une quinzaine d'années, au Québec, nous avons, en moyenne, près de deux employés et demi par lit d'hôpital alors que dans tous les pays développés nous n'en trouvons que deux. Il y a donc une utilisation de la main-d'oeuvre au Québec qui est de 30% supérieure.

On peut trouver à ceci des causes économiques ou des causes de courte période, mais est-ce qu'il ne s'agit pas, puisque c'est un phénomène qu'on retrouve dans les forces policières — enfin, je cite ces deux exemples, mais il y en a des tas — est-ce que ce n'est pas un phénomène qui reflète peut-être des habitudes acquises au Québec, qui reflète non seulement des habitudes acquises mais aussi le peu de valeur que l'on attache à la main-d'oeuvre, à l'élément humain dans l'ensemble des activités économiques? Ne serait-ce pas que les aspects quantitatifs ont primé de façon exagérée dans la façon dont on s'est comporté comme société jusqu'à maintenant, aux dépens des éléments qualitatifs? L'influence de ce comportement à long terme sur la vitalité culturelle du Québec, sur son rayonnement, est tout aussi importante que les simples arguments tirés des nombres. Je crois que cet argument doit mériter au moins autant d'attention dans une fin de siècle qui, certainement, ne donne aucune prime au nombre mais bien plutôt à la qualité, même sur le plan culturel, même sur le plan politique, au moins jusqu'au moment où on envisage d'engager des conflits armés où les nombres comptent encore, je crois. Mais à l'exclusion des conflits armés, je ne crois pas que ces raisonnements tiennent vraiment. C'est dans cette optique d'une valorisation de l'élément humain, dans toutes nos activités, d'une valorisation de l'homme par rapport à toutes les autres ressources que nous utilisons, sur laquelle beaucoup de progrès peuvent être faits au Québec; nous en avons des manifestations très très concrètes au Québec dans bien des secteurs qui doivent manifester des causes assez profondes.

C'est sur ces causes-là que je crois qu'il est important d'attirer l'attention lorsque l'on parle de natalité.

Enfin, il faut distinguer les gens. Je l'ai indiqué

bien souvent, notre ministère joue un rôle de tutelle envers des établissements de santé et des activités professionnelles qui s'intéressent à des individus dans les situations de crise.

Il me paraît essentiel, comme découlant d'une saine éthique de la façon dont ces services doivent être administrés, que nous les administrions en ayant à l'esprit seulement l'intérêt des personnes, des individus qui s'adressent à ces services sans essayer de leur imposer des décisions, sans essayer d'infléchir la façon dont ces services leurs sont donnés pour des préoccupations ou des impératifs politiques, culturels ou autres, qui sont des raisons collectives d'agiret non pas des raisons personnelles.

Si l'on veut qu'on humanise nos services — Dieu sait que nous cherchons à les humaniser avec les moyens que nous avons, qui ne sont pas nécessairement suffisamment efficaces et suffisamment rapides dans leur action — il demeure que nous ne pourrons pas les humaniser si nous cherchons à imposer dans la façon dont ils sont donnés ou dont ils ne sont pas donnés, dans la manière dont l'information est rendue accessible aux gens ou n'est pas rendue accessible; en plus de la solution des problèmes de crise des individus et des familles, des préoccupations de politique, quelque noble qu'on la veuille au plan de la collectivité, qui va faire que tout à coup on va dire à un individu: Non, vous n'avez pas droit à ce service, non pas parce que vous n'en avez pas besoin, mais parce que l'intérêt de l'Etat commande que vous ne le receviez pas.

Si nous amorçons une démarche de ce genre, personnellement, je ne veux pas être partie à un tel genre de démarche. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué que, s'il faut — je crois qu'il le faut — s'intéresser aux problèmes de la population comme collectivité— ce serait illusoire de croire que ce n'est pas important et qu'on peut la négliger— c'est certainement au sein d'un autre ministère qu'il faudra s'en occuper, parce qu'il faut séparer les genres et s'assurer que la raison d'Etat ne viendra pas intervenir dans les relations entre un professionnel de la santé ou les services et les gens qu'il doit aider.

Sa seule préoccupation doit être l'aide concrète qu'il peut leur apporter. C'est dans cet esprit, d'ailleurs, que l'information qui fait partie, malgré tout de l'univers civilisé dans lequel nous vivons, l'information sur les moyens de contraception, est rendue disponible aux jeunes qui, s'ils ne l'ont pas, vont avoir des problèmes dans leur vie, à eux, non seulement des problèmes, mais des tragédies.

J'estime que nous n'avons pas le droit, sous prétexte de raisons collectives ou de raisons d'Etat, quelles qu'elles soient et quelle que soit leur légitimité sur ce plan, de refuser l'information, de tenir les gens dans l'ignorance, comme on l'a trop longtemps fait sur bien des plans, pour des raisons d'Etat ou pour des raisons de ce type.

Si l'information existe — elle existe; ce n'est pas nous qui l'avons développée, mais elle est là et tout le monde sait qu'elle existe vaguement — il faut la rendre accessible parce qu'elle peut aider les gens à éviter des situations de crise.

M. Charron: M. le Président, j'apprécie grandement l'intervention que vient de faire le ministre des Affaires sociales, car elle nous permet peut-être de reprendre un débat que nous avons entamé hier de façon très générale et de ressortir certaines conceptions qui seront à la base de chacun des programmes et de celui que nous nous apprêtons à adopter également.

Beaucoup de choses dans ce que vient d'affirmer le ministre sont vraies, mais juxtaposées les unes à côté des autres — c'est peut-être la différence qu'il y a entre les choses spirituelles et les choses matérielles — elles ne produisent pas nécessairement un total qui est la somme exacte des deux. Cela peut même, à l'occasion, donner le contraire de l'une et de l'autre une fois qu'on les a mises ensemble ces vérités.

Par exemple, le ministre affirme avec une certaine raison que les nombres comptent moins dans cette fin du vingtième siècle dans laquelle nous nous engageons, la dernière tranche, que la qualité. L'objectif de la qualité, l'impératif de la qualité a supplanté partout. Les collectivités occidentales ont plus de moyens techniques d'aspirer à la qualité. Il est donc normal que la qualité devienne une espèce d'objectif maintenant atteignable et qui, donc, s'inscrit dans les valeurs des actions de chacun des individus.

Je crois aussi qu'il y a des avantages à être un petit peuple en ce sens. Ceux qui sont les plus d'avant-garde dans le monde occidental moderne sont souvent ces petits peuples, la Scandinavie par exemple, qui ont su, en se gardant à l'extérieur des grands conflits ou courants mondiaux, édifier des sociétés qui, sur le plan interne de santé intellectuelle de toute une collectivité, sont à l'avant-garde dans bien des domaines. Si je suis de ce côté de la table, c'est que je considère que le peuple auquel j'appartiens est du même type et que, si on lui en donnait la chance, il peut également lui aussi fournir, malgré son petit nombre, un effort dans l'effort collectif mondial de qualité, justement.

Mais cette vérité ne m'en fera pas oublier une autre, c'est qu'il est essentiel pour ces petits nombres, lorsqu'ils n'ont pas le nombre, de savoir quelle est la qualité du pouvoir, quelle est la qualité de l'autonomie. C'est une qualité fondamentale des collectivités, et là où le petit nombre peut devenir un avantage à l'occasion, il peut devenir un désavantage lorsque ce petit nombre est gouverné par d'autres.

Dans ce sens, les risques culturels qu'il y a au loin, quant à l'identité de cette collectivité, me paraissent toujours imminents comme une ombre qui plane constamment sur le développement de notre collectivité. Le ministre définit, dans un même type de vérité, le genre d'approche qu'il veut avoir avec le citoyen — et Dieu sait qu'il est titulaire d'un ministère qui a le plus d'approches quotidiennes des citoyens, d'un grand nombre de nos concitoyens — sur l'aspect individuel de cette personne, sur l'aspect personnel, je dis individuel de la personne et personnel de l'individu qui se présente à un ou l'autre des comptoirs des services de ce ministère, qui ne veut pas être impératif sur le plan collectif du comportement de ces individus.

Je dis que c'est vrai, à court terme, encore une fois. Cela s'appelle une social-démocratie. J'emploie le mot non plus sous l'étiquette publicitaire comme on l'a fait, mais ce genre de service est une

social-démocratie de service. C'est augmenter le confort individuel, s'orienter pour manifestement rendre l'individu plus disponible. Il y a, dans le programme du parti auquel j'appartiens, M. le Président, un certain nombre de mesures qui le font exactement dans le même genre: accès au plein air, par exemple, prendre l'individu comme tel, sans aucun impératif collectif, accès au plein air, accès à de meilleurs services de santé, soutien de revenu familial qui soit plus élevé, qui lui permette d'obtenir plus de loisirs, diminution des heures de travail, société de loisirs, etc., ce vers quoi on s'en va.

M. le Président, la tragédie, je reprends le mot que le ministre a employé dans une autre description, mais la tragédie de cette immense société occidentale, dont nous sommes une partie et une exception en même temps, de ce continent nord-américain, c'est qu'on s'est lancé à corps perdu et à âme perdue dans le développement des services individuels, dans la promotion individuelle, dans la sécurité individuelle.

Effectivement, le développement des "welfare states ' comme on les a appelés, que ce soit le modèle britannique, Scandinaves ou autres, a fini par créer à un moment donné un confort éminemment matériel de ce que la jeune génération nous a manifesté depuis une dizaine d'années et ce qu'elle refuse encore de faire. Ce pourquoi les jeunes se refusent encore à participer au genre de débat comme celui que nous tenons aujourd'hui, c'est qu'ils ont compris et qu'ils nous ont exprimé, et avec raison, que c'était souvent au prix de l'âme que nous augmentions ce service individuel et qu'il est aberrant de penser que piloter une philosophie ou piloter une approche des citoyens sous l'aspect individuel, n'est pas en même temps défendre un aspect collectif, n'est pas en même temps apporter des valeurs collectives, lorsqu'on intervient dans la collectivité avec $2,789 millions, 4,617 humains disponibles. Et quel que soit le modèle des relations que l'on incite ces individus à avoir avec les autres individus citoyens, on transforme la collectivité quand même, on intervient collectivement avec ces moyens et on affecte, on change l'image de la collectivité.

Ce que j'admets de la position du ministre, c'est qu'il se garde d'avoir une position totalitaire. Je crois que je l'ai exprimé moi aussi hier. Je crois à la possibilité pour chaque personne de créer son bonheur. Je ne veux pas imposer la conception du bonheur, d'ailleurs pas plus que je ne veux que personne m'impose des conceptions de bonheur ou m'oblige à avoir tel comportement. Je veux vivre ma vie comme je veux la vivre et ce n'est pas l'affaire de personne.

C'est la même chose. Je n'ai envie d'obliger personne à avoir un modèle de vie. Cette approche que décrivait le ministre, je la partage entièrement, mais c'est de la naïveté de croire qu'on intervient au niveau des services dans une social-démocratie sans que l'ensemble de l'image de la collectivité soit atteinte.

Par exemple, je mentionnais tout à l'heure la société Scandinave. Je ne veux pas étirer inutilement non plus mais, mon Dieu, si ça peut arriver des fois qu'on ait ce genre de débat, cela ne nuirait pas, au lieu de se crier des bêtises et de se "pitcher" n'importe quoi d'un bord et de l'autre de la table. Par exemple, on dit: On analyse. J'y suis allé moi-même, j'ai eu l'occasion d'avoir des contacts avec ces gens. Une société extrêmement riche, celle qui a le plus haut niveau de vie en Europe, la société suédoise est une société morte en même temps. Morte. Il y a le chrome, il y a l'or, il y a le néon et tout ce que vous voudrez, il y a des services disponibles, on évite au maximum les conflits de travail à peu près partout, etc. Sur le plan théorique, c'est un modèle de société. Quant aux services individuels, l'approche individuelle, la possibilité, pour chaque habitant de Stockholm, d'avoir son lac à proximité, son camping, son plein air, ils sont, dans ce sens-là, à l'avant-garde de notre collectivité. Par contre, ils l'ont fait au détriment... En valorisant cette individualité, ils ont abandonné le collectif.

Les jeunes ont bien raison, aujourd'hui, d'avoir peur du collectif parce qu'il a toujours été, ici, mirage bien souvent. Ils essaient de le recréer à partir... Rappelons-nous ces "trips " de 1968, les communes, ce retour à la terre. Il faudrait le reprendre par en bas, le collectif, sans abandonner l'individuel en s'en allant, parce que les causes peuvent facilement devenir totalitaires. Ce qu'ils reprochent à la société, en même temps, c'est de ne plus fonctionner que par l'individuel, d'engraisser ni plus ni moins. C'est le cas de le dire. Nous sommes une société où l'embonpoint est facile dans tous les sens du mot, excepté pour celui qui vous parle, mais c'est un fait que bon nombre de nos concitoyens ne sont pas en santé physique, pas à cause des raisons qui affectent le Bangla Desh, mais pour exactement le contraire. Nous sommes une société où il y a abondance et de pain et de jeux. En ce sens, les jeunes nous invitent à maintenir la distinction entre les deux. C'est pour cela que je voulais avoir cette discussion qui, encore une fois, se greffe autour des remarques que le ministre avait déjà faites un jour quant à ses inquiétudes ou à sa façon d'apprécier la chute du taux de natalité actuel.

Je soulignais tantôt que les démographes encore une fois, prévisions erronées ou non, soulignent — je pense qu'ils ne peuvent pas se tromper tellement — que nous serons bientôt l'une des sociétés les plus vieilles et qu'en ce sens, quel que soit le niveau de services individuels que notre collectivité aura réussi par ses ressources fiscales à se donner, il se peut que le courant, le dynamisme, la vie, quoi, soient disparus de cette société en même temps. C'est une responsabilité de travailler à ce qu'il y ait toujours des jeunes, qu'il y ait toujours, dans cette société, des gens qui bousculent, des gens qui poussent, des gens qui frappent à l'occasion. Chacun d'entre nous conviendra que, si nous sommes, aujourd'hui, à parler de choses qu'il y a cinq ans, six ans — le député de Rouyn-Noranda le signalait tout à l'heure— étaient impensables et qui sont aujourd'hui des acquis dont tout le monde se réclame, c'est parce qu'il y a eu des jeunes citoyens, à un moment donné, qui l'ont exigé.

Je souffrirais énormément d'atteindre l'année 2,000 et d'être dans la moyenne d'âge de la collectivité, à l'âge que j'aurai quand j'atteindrai l'an 2,000. J'espère bien que, lorsque j'atteindrai l'an 2,000. il y

aura un fort groupe de jeunes de 18, 20 ans, qui me diront que je suis fini, qui pousseront sur moi, qui diront que mes conceptions de service individuel pour chacun sont largement dépassées parce que j'ai oublié leur âme, j'ai oublié leur identité comme génération.

Mais si la collectivité québécoise est, à ce moment-là, contrôlée essentiellement par des gens d'une quarantaine d'années, comme moi ou comme d'autres à ce moment-là, ceux qui sont de ma génération, cela va être une société plate à mort et le Québec aura perdu beaucoup de son caractère d'exception sur le continent nord-américain.

M. le Président, je vous remercie de nous avoir permis ces échanges qui, comme je le dis, ne viennent pas assez souvent dans notre Assemblée et, pour vous soulager, je suis prêt à adopter le programme I.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Programme I, adopté?

M. Samson: Non, M. le Président.

Pour les raisons que j'ai mentionnées tantôt et que je veux respécifier avant qu'on prenne le vote, le ministère ne veut pas donner suite aux demandes de la population quant aux possibilités, pour les personnes âgées de plus de 65 ans, de gagner plus de $1,320 sans qu'on grève de $0.50 pour chaque dollar gagné leurs gains, pour ces raisons, je voterai contre le programme I. Mais je spécifie que ce n'est pas contre le programme des allocations familiales que je n'ai pas le choix, c'est à ce seul programme que je peux manifester mon désaccord quant au programme de la Régie des rentes vis-à-vis des personnes âgées. Je demande le vote enregistré, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce que la commission est prête à voter? Mme Bacon (Bourassa)?

Mme Bacon: Pour.

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Bédard (Chicoutimi)?

M. Bellemare (Johnson): M. Bellemare (Rosemont), M. Faucher (Nicolet-Yamaska)?

M. Faucher: Pour.

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Bonnier (Taschereau), M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Pour? M. Dufour (Vanier)?

M. Dufour: Pour.

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Bou-dreault (Bourget), M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Fortier (Gaspé)?

M. Fortier: Pour.

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Lecours (Frontenac)?

M. Lecours: En faveur.

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Massi- cotte (Lotbinière)? M. Samson (Rouyn-Noranda)?

M. Samson: Contre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. Saint-Germain (JacquesCartier)?

M. Saint-Germain: Pour.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Pour: 8—Contre: 1

Le programme no 1, adopté. Programme no 2.

M. Charron: Est-ce qu'on peut commencer juste demain l'aide sociale? Cela me surprendrait qu'on l'adopte avant six heures.

M. Forget: Comme on va y passer beaucoup de temps, on peut peut-être amorcer tout de suite. Vous avez sûrement des interventions.

M. Charron : On va peut être entend re un exposé liminaire jusqu'à six heures.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Programme 2, aide sociale.

M. Samson: Ce serait raisonnable qu'on prenne cela demain.

M. Forget: Si c'est le voeu de la commission, je ne m'y opposerai pas.étant assuré d'une adoption rapide, demain.

M. Samson: Peut-être, on ne sait jamais.

Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 17 h 48)

Document(s) related to the sitting