To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente des affaires sociales

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente des affaires sociales

Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Thursday, June 26, 1975 - Vol. 16 N° 156

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 88 - Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Projet de loi no 88

Loi modifiant la Loi de la protection

de la santé publique

Séance du jeudi 26 juin 1975

(Quinze heures onze minutes)

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs! Nous entreprenons l'étude du projet de loi 88, article par article, Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique.

Les membres de la commission sont les suivants: Mme Bacon (Bourassa), M. Bédard (Chicoutimi), M. Bellemare (Johnson), M. Bellemare (Rosemont), M. Bonnier (Taschereau), M. Charron (Saint-Jacques), M. Dufour (Vanier), M. Boudreault (Bourget), M. Forget (Saint-Laurent), M. Fortier (Gaspé), M. Lecours (Frontenac), M. Massicotte (Lotbinière), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier).

Le nom de M. Bonnier est suggéré comme rapporteur de la commission. Adopté?

M. Charron: Avec plaisir. Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 1.

Studios d'esthétique

M. Forget: M. le Président, je viens de faire distribuer un certain nombre d'amendements dont j'ai fait état lors du débat de deuxième lecture. Ils sont tous sur les mêmes feuilles, ils affectent l'article 1, l'article 3, les articles 8a) et 8b), l'article 11, l'article 11 a), l'article 12. C'est tout.

La signification de la modification à l'article 1 est de retrancher, tel que je l'avais indiqué, encore une fois, en deuxième lecture, la référence aux studios d'esthétique. A la lumière des discussions en commission parlementaire, il s'est avéré que la loi médicale, à la fois de l'aveu de la Corporation professionnelle des médecins et de l'Association des esthéticiennes, couvre déjà les pratiques que nous avions l'intention de couvrir par cette loi. C'est donc une interprétation que les deux groupes intéressés ont fait de la Loi médicale qui nous assurent que la loi actuellement en vigueur permet de prévoir une réglementation et un contrôle sur des activités qui ont donné lieu à des problèmes dans le passé. Alors, il n'est plus nécessaire de légiférer comme tel là-dessus.

L'autre volet de la demande des esthéticiennes était à l'effet de créer l'équivalent d'une corporation professionnelle pour les esthéticiennes. Encore une fois, je ne veux pas me prononcer à savoir si c'est justifié ou non. Mais c'est au titre de la loi régissant l'Office des professions qu'il est maintenant nécessaire d'invoquer l'opportunité de créer une nouvelle corporation.

M. Charron: Voulez-vous dire que les recours légaux qu'il pouvait y avoir à l'endroit des esthéticiens et esthéticiennes pouvaient essentiellement venir du côté de la profession médicale et que, du fait que, d'un côté et de l'autre, on s'est entendu pour dire que la loi médicale actuelle permet cette surveillance de la profession et tout ce que l'un et l'autre visaient, cela n'oblige pas maintenant à une modification législative ultérieure?

M. Forget: C'est cela. Cela exige tout simplement une vigilance dans l'application de la loi médicale par les groupes intéressés et par le gouvernement lui-même, principalement l'Office des professions dans ce cas.

M. Charron: M. le Président, je voudrais demander au ministre au paragraphe k)...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant. La modification par la suppression du paragraphe 1) proposée et la numérotation du paragraphe m) qui devient le paragraphe 1) est adoptée?

Colonies de vacances

M. Charron: Adopté. Au paragraphe k), avant d'adopter l'article 1 dans son ensemble, la définition d'une colonie de vacances est-elle une nouvelle définition d'une définition antérieure qui était déjà dans la loi ou si c'est une introduction dans la loi?

M. Forget: C'est la première fois que l'on traite d'une colonie de vacances dans la loi.

M. Charron: Pourquoi le met-on dans la loi?

M. Forget: Pour les fins de visites et d'inspections, pour des fins d'hygiène publique. Il y a eu, je pense, une certaine imprécision au moment de l'adoption de la loi sur les services de santé et les services sociaux, à savoir si les colonies de vacances seraient considérées comme des établissements ou non, c'est-à-dire des centres d'accueil. Et à la suite de l'étude et de l'adoption des règlements de la loi, c'est apparu qu'il était futile de chercher à faire appliquer cette loi aux colonies de vacances, qui ne sont pas véritablement des institutions permanentes mais qui ont une existence sur deux mois de l'année. Il serait onéreux de les traiter comme des établissements requérant la formation de corporations, de conseils d'administration, des élections. C'est clairement à titre d'établissements de services publics, dans un sens beaucoup plus général, qu'ils seraient désormais couverts par la loi de la santé publique.

M. Charron: D'accord.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Gaspé.

M. Fortier: J'aimerais demander au ministre, colonie de vacances, est-ce que c'est spécialement désigné pour des enfants handicapés?

M. Forget: Non, plus général.

M. Fortier: Général.

M. Charron: Très général.

M. Forget: C'est cela, toutes les colonies de vacances depuis deux ans.

M. Charron: ... des enfants âgés de moins de dix-huit ans.

M. Forget: p'est cela.

M. Fortier: Cela relève directement du ministère des Affaires sociales.

M. Forget: II ne faut pas non plus ignorer la juridiction du Haut-Commissariat aux loisirs, aux sports et à la jeunesse. La nature de la surveillance exercée par le ministère des Affaires sociales concerne strictement le respect des normes d'hygiène et de sécurité, incendie par exemple, et particulièrement des normes d'hygiène, des normes d'alimentation et largement, à cet égard, des normes d'hygiène aussi.

M. Charron: Qualité de la viande.

M. Forget: Qualité oui, qualité de l'alimentation, des menus, etc., et propreté des lieux, évacuation des eaux usées, etc. Le Haut-Commissariat a évidemment des responsabilités vis-à-vis des mêmes organismes: voir à ce qu'ils disposent de moniteurs bien entraînés, d'équipement, etc. Alors, s'il n'y a aucune possibilité de confusion... Effectivement, depuis trois étés, je crois, des équipes du ministère des Affaires sociales sont formées pour visiter, durant la période où elles fonctionnent, ce qui n'est pas long évidemment, étant donné qu'elles sont au nombre d'environ 300 ou 400, pour organiser une visite systématique de toutes les colonies de vacances.

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 1 adopté tel qu'amendé. Article 2.

M. Charron: Suspendu pour le moment.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Suspendu. Article 3.

M. Forget: II y a un amendement ici aussi, qui est de concordance, pour supprimer à la fin les mots "un studio d'esthétique."

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 3 adopté tel qu'amendé. Article 4.

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté.

Thanatopraxie M. Charron: C'est quoi la thanatopraxie?

M. Forget: C'est l'embaumement et le service de directeur de funérailles.

M. Charron: Thanatos cela veut dire mort.

M. Forget: C'est un terme savant pour désigner le plus vieux métier au monde ou le deuxième plus vieux métier au monde.

M. Charron: Un d'ailleurs aussi rentable que l'autre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, article 4 adopté.

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 5.

M. Forget: C'est de concordance, M. le Président, puisque des permis sont désormais décernés pour d'autres organismes que les laboratoires ou les services d'ambulance. Il devient nécessaire de retrancher ces mots à cause de leur caractère limitatif.

M. Charron: Très bien, adopté, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 6.

M. Forget: C'est la même chose.

M. Charron: Concordance aussi, adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 7.

M. Charron: Concordance, adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté. Article 8. Il y a des amendements.

Débilité mentale

M. Forget: Oui, d'accord. Il n'y a pas d'amendement, c'est la même chose que les précédents. Il y a des amendements à la suite du paragraphe a), des articles nouveaux à insérer, soit les paragraphes a) et b) qui sont contenus sur le volant qui vient d'être distribué. Par l'article 8 a), nous abrégeons le titre de la section VI qui, actuellement, traite de dispositions spéciales relatives aux établissements et aux médecins. Et comme l'article 8 b) a pour effet de soumettre à la loi les spectacles mettant en valeur ou en évidence la débilité ou la maladie mentale, il devient nécessaire de généraliser la portée de cette section en modifiant le titre.

L'article 8 b) se lirait comme suit: "Nul ne

peut présenter ou permettre que soit présenté, à des fins autres qu'éducatives ou scientifiques, un spectacle mettant en évidence ou exploitant la débilité mentale ou la maladie mentale d'un être humain participant lui-même physiquement au spectacle, ni agir comme organisateur d'un tel spectacle."

La formulation a pour but de contrer, comme je l'ai indiqué en deuxième lecture, certains spectacles qui sont donnés dans des boîtes de nuit et dans lesquels on invite des personnes qui souffrent de débilité mentale à prononcer des textes et à se livrer à des spectacles qui sont tout à fait dégradants et qui ne sont interdits cependant par aucune loi puisqu'ils ne souffrent pas d'interdiction; ils ne sont pas sous cure fermée, ce sont des citoyens comme les autres aux yeux de la loi et qui, comme les autres, ont le pouvoir de se lier par contrats et il y a effectivement contrat dans ces cas.

Malgré tout, c'est un procédé assez révoltant, qui est malheureusement répandu et qui se répète malgré les tentatives faites par la Société canadienne de santé mentale, division du Québec, qui s'est employée par tous les moyens à sa disposition à faire cesser ces spectacles mais sans succès. Nous avons tenté depuis un an, par une rédaction qui finalement débouche sur le texte qui est devant la commission, de restreindre malgré tout la portée de cette prohibition. Il n'était pas question d'empêcher qu'un film sur la vie de Toulouse-Lautrec, qui, comme on le sait était un infirme, soit interdit de projection dans les salles de cinéma du Québec parce qu'on mettait en évidence une débilité assez importante pour l'explication de son oeuvre et de sa vie.

C'est le texte sur lequel les conseillers juridiques, essayant de restreindre à l'objet précis qui est visé la portée de l'article, se sont mis d'accord.

M. Charron: M. le Président, je remarque, tout en étant absolument d'accord sur le but visé par l'amendement présenté par le ministre, cela va de soi, qu'on se limite à ce qui est appelé la débilité ou la maladie mentale. Mais est-ce que cela inclut l'exploitation à des fins commerciales ou de "show business" de difformités physiques souvent d'ailleurs, comme l'a signalé le ministre, accompagnées de débilité mentale. Cela va de soi, quand quelqu'un utilise son infirmité physique à des fins commerciales, dans un cirque, par exemple, ou dans un spectacle, c'est souvent parce que, mentalement, il y a une faille qui accompagne sa difformité physique. Est-ce que cela s'étend à l'exploitation des difformités physiques?

M. Forget: Non. Evidemment, on peut trouver malheureusement, un tas de choses de fort mauvais goût qui se déroulent dans le monde dans lequel on vit, et je crois que l'exemple donné par le député de Saint-Jacques l'illustre assez bien. D'un autre côté, il faut bien le voir, ceux qui ne sont pas affectés par une débilité mentale quelconque, on doit présumer qu'ils peuvent consentir à cela. On a des spectacles comme, par exemple, les specta- cles de "catch" ou de lutte mettant en vedette des nains. Il est très difficile de rédiger la loi pour ne pas interdire ces choses qui, malgré tout, encore une fois sont peut-être d'un goût discutable, mais qui ne sont certainement pas contraires aux bonnes moeurs et à l'ordre public, sans par le fait même couvrir un tas de choses qui deviendraient abusives.

Ce que nous voulons, c'est couvrir spécifiquement une plainte que nous avons reçue de façon répétée, vivre cette expérience, voir jusqu'à quel point cela constitue une réponse, s'il y a d'autres phénomènes, je pense que c'est par voie d'amendements successifs que l'on pourra éventuellement couvrir d'autres cas. Mais notre incapacité à en venir à un texte qui soit étanche à d'autres égards, s'il était légèrement plus large, m'incite personnellement à me limiter assez étroitement pour l'instant.

M. Charron: Je suis d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 8, adopté. Article 8 a), adopté. Article 8 b), adopté. Article 9.

M. Charron: Adopté, également.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté. Article 10.

Adoptions

M. Charron: Quel est le sens exact de cet article?

M. Forget: C'est également un article de concordance, puisque toutes les déclarations doivent être faites au registre de la population, il devient qu'un acte d'adoption confirmé par la cour devient une inscription essentielle au registre de l'état civil et une inscription essentielle au registre de la population pour retracer l'affiliation.

M. Charron: Cela ne l'était pas auparavant?

M. Forget: Non, par un oubli de la rédaction originale du texte, ça ne l'était pas.

M. Charron: Qu'est-ce qui arrivait dans le cas d'une adoption?

M. Forget: Cela a été inscrit dans les règlements, mais il semble nécessaire de ne pas faire dépendre cette mesure du règlement, de l'inscrire dans la loi. Il y a eu à l'origine un oubli dans la rédaction de la loi.

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté. Article 11, amendement.

inspecteurs

M. Forget: L'article 11 vise à modifier les pouvoirs des inspecteurs nommés par le ministre et

identifiés en vertu d'une carte d'identité signée par le ministre ou par une personne qu'il désigne, de manière à vérifier l'application des différentes sections de la loi, qu'il s'agisse de laboratoire, de service d'ambulance; mais, dans ce cas-ci, étant donné les autres additions qui découlent des articles précédents de la loi, dans une usine de filtration, ainsi que dans des centres hospitaliers ou dans un milieu de travail, en fonction des amendements qui viennent ultérieurement, relativement à la santé en milieu de travail.

Donc, c'est une extension du droit de visite des lieux par les inspecteurs nommés par le ministre des Affaires sociales, conséquemment aux différentes obligations créées par la loi.

Le dernier paragraphe traite de la possibilité pour un inspecteur nommé par le ministre de visiter également les lieux où se donnent des spectacles pour couvrir le cas que nous venons de discuter.

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): II serait bon d'en donner la lecture pour que ce soit inscrit au journal des Débats.

L'article 11 proposé est remplacé par le suivant: "L'article 47 de ladite loi est modifié par l'insertion, après le premier alinéa, des suivants: Elle peut pénétrer dans toute usine de filtration pour vérifier le fonctionnement et l'opération des appareils de fluoration et dans tout milieu de travail ou centre hospitalier pour vérifier l'application des règlements adoptés en vertu des paragraphes o), p) et q) de l'article 50. Elle peut aussi pénétrer dans tout lieu où elle a raison de croire qu'est présenté un spectacle visé à l'article 37 a). " Adopté tel qu'amendé? Article 11 a).

M. Forget: M. le Président, il s'agit ici de supprimer une redite dans la loi. Le texte de l'article 49 de la Loi de la protection de la santé publique, dans ses trois dernières lignes, déclare qu'un enquêteur doit exhiber un certificat attestant sa qualité, signé par le ministre ou une personne autorisée à cette fin.

Or, l'article 47, deuxième paragraphe de la loi, déclare: Un enquêteur doit toutefois exhiber un certificat signé par le ministre ou une personne autorisée à cette fin, l'habilitant spécifiquement à conduire l'enquête qu'il prétend mener." Donc, c'est une redite dans des mots légèrement différents et il semble opportun de supprimer cette redite pour éviter toute confusion.

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 11 a), adopté, tel qu'amendé. Article 12.

Pouvoirs de réglementation

M. Forget: L'article 12 constitue un ensemble de modifications aux pouvoirs réglementaires du lieutenant-gouverneur en conseil. Le paragraphe a) supprime le paragraphe a) qui était proposé dans le projet de loi 88 en fonction précisément de la suppression des références aux studios d'esthétique et renumérote tous les paragraphes en conséquence, ce qui est de concordance.

Le paragraphe c) de l'article 12 remplace le paragraphe f) du projet de loi par ce qui suit. Le paragraphe o) de la loi originale qui consiste à dire, "prescrire toute mesure utile à la mise en application de la présente loi" est reporté à la fin et les nouveaux paragraphes o), p), q) et r) seraient intercalés. Le texte de ces paragraphes, je vais en faire la lecture pour le bénéfice du journal des Débats. "Paragraphe o), indiquer les mesures que doivent appliquer les employeurs et les personnes exerçant les fonctions qu'il identifie au sein des centres hospitaliers pour prévenir et enrayer les problèmes de santé reliés aux personnes dans leur milieu de travail, compte tenu du genre d'activités des entreprises; p), indiquer les services de santé et d'information médicale que les employeurs doivent rendre accessibles à leurs frais dans les milieux de travail, notamment quant aux demandes d'embauche, au dépistage et aux premiers soins; q), déterminer le contenu et les normes de mise à jour des dossiers de santé que les employeurs doivent tenir sur chacun de leurs employés et qu'ils doivent rendre accessibles auxdits employés, aux enquêteurs nommés en vertu de l'article 46 et aux représentants des centres hospitaliers visés au paragraphe o), tout en assurant leur confidentialité envers les personnes autres que celles visées au présent paragraphe ou les tribunaux; r), faciliter l'engagement de médecins en faveur des petites et moyennes entreprises qui le désirent pour mettre en application les dispositions visées au paragraphe p).

Je dois rappeler un peu le contexte du partage des responsabilités dans le secteur de la santé industrielle ou la santé du travail.

Il est clair que le ministère des Affaires sociales n'assume pas la totalité, pas plus d'ailleurs qu'aucun autre organisme ou ministère gouvernemental, des responsabilités vis-à-vis de la santé du travail. Ce qui lui revient comme responsabilité est cette partie de la responsabilité globale de la santé des travailleurs qui touche leur état de santé personnel et les moyens de contrôle mis en place, tels que les examens périodiques et les dossiers personnels qui doivent être disponibles pour vérifier précisément l'effet, sur l'état de santé des travailleurs, de toutes les mesures portant soit sur le milieu de travail lui-même ou sur l'environnement général du travailleur.

C'est donc dire que par le paragraphe o), par exemple, le lieutenant-gouverneur en conseil identifiera un certain nombre de centres hospitaliers qui, soit dit en passant, seront les centres hospitaliers qui sont également désignés pour exploiter un département de santé communautaire, pour surveiller les mesures de santé dans le milieu de travail — et ceci se réfère au paragraphe p) — tels

que les services d'information de nature préventive ou autres que les employeurs doivent rendre accessibles, les services de premiers soins et les normes relatives aux services de premiers soins qui doivent être disponibles sur les lieux de travail; quant à q) il pourra également déterminer le contenu obligatoire des dossiers individuels maintenus par l'employeur sur l'état de santé de ses employés et vérifier, de façon périodique que les inscriptions faites à ces dossiers correspondent à l'état de santé véritable de ces travailleurs, déterminer également les règles et les modalités en vertu desquelles ces travailleurs pourront avoir accès à leur dossier personnel de santé maintenu par leur employeur.

Quant à r), c'est une mesure qui a pour but de favoriser pour la petite entreprise et certaines moyennes entreprises l'accessibilité à des services de santé en milieu de travail.

Les grandes entreprises ne sont certainement pas dépourvues de moyens, y compris les moyens financiers, pour pouvoir recruter des médecins qui assument la responsabilité de surveillance médicale de leurs employés.

Dans le cas des petites et moyennes entreprises, une difficulté peut survenir et il peut être nécessaire que ces entreprises se regroupent en quelque sorte pour pouvoir obtenir des services de façon continue d'un médecin pour exercer la surveillance médicale de leurs employés respectifs.

Le département de santé communautaire pourrait jouer dans ces cas un certain rôle en engageant ses médecins et en répartissant le coût parmi les employeurs de ces petites et moyennes entreprises de manière à leur permettre d'assumer de façon efficace et économique les responsabilités que la loi leur impute à cet égard.

C'est là l'ensemble des dispositions qui s'insèrent dans les mesures de la Loi des établissements industriels et commerciaux qui portent spécifiquement sur les installations industrielles et sur les risques créés par cette installation, qui s'insèrent également dans le contexte de la surveillance de l'environnement au point de vue de la pollution de l'air et de la pollution de l'eau qui est la responsabilité du ministère de l'Environnement.

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Taschereau.

M. Bonnier: Pourrais-je poser deux petites questions de renseignements? Quelle est la relation entre cette responsabilité du ministère et la Commission des accidents du travail, qui va être remodelée d'après ce que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre nous a dit ce matin, en Chambre? Est-ce qu'il y a une relation entre les deux? La surveillance des risques industriels au niveau de la santé, est-ce que cela relèvera du ministère des Affaires sociales ou d'un autre type de commission, de la Commission des accidents du travail ou quoi que ce soit?

M. Forget: Le rôle de la Commission des accidents du travail, tel qu'il se dessine, peut s'orienter de manière à assurer des services de prévention, à la fois, par exemple, l'inspection faite par le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre relativement aux installations industrielles comme telles, aux risques créés par de l'équipement ou par des chantiers ou par des...

Dans le cas du ministère des Richesses naturelles, dans le cas des installations minières, des risques inhérents aux installations elles-mêmes. Leur rôle ne dépasse pas cette fonction. Par ailleurs, même les meilleurs équipements, les meilleures installations ne réduiront pas les accidents à zéro. Il faut sensibiliser les travailleurs aux risques d'accidents, sensibiliser les employeurs eux-mêmes à la nécessité d'informer et d'éduquer les travailleurs sur des méthodes de sécurité, sur des pratiques prudentes qui doivent être observées, et surveiller l'observance de ces pratiques de prudence, surveiller l'emploi de toutes les méthodes sécuritaires qui sont recommandées. Ceci est un rôle d'éducation et de prévention que joue actuellement — et qui peut être encore présumément développé — la Commission des accidents du travail. Cependant, le rôle qui est suggéré ici, qui s'inscrit, d'ailleurs, dans une certaine tradition de santé publique dans le secteur de la santé, en est un de surveillance de l'état de santé individuelle du travailleur, tel que reflété par les examens périodiques qu'on lui fait subir et les inscriptions a son dossier, tel qu'on peut...

M. Bonnier: ... conditions de travail nécessairement...

M. Forget: Non, pas les conditions de travail, et aussi tel qu'on peut les améliorer en cas d'accident par des services de première ligne, si vous voulez, des services de premiers soins qui sont disponibles sur place, ainsi que l'éducation nécessaire aux travailleurs et aux cadres de l'entreprise pour qu'on sache utiliser les instruments et les moyens techniques qui sont présents sur le milieu de travail pour diminuer les suites ou les séquelles d'un accident de travail.

C'est un rôle donc, qui est très différent d'un rôle général de sensibilisation à des méthodes prudentes, qui se situe non pas, celui-là, à la prévention, mais au début du traitement en cas d'accident de travail. De façon générale, c'est un travail de surveillance de l'état de santé, des normes, également, sur l'accessibilité aux dossiers médicaux qui, je pense, appartiennent à une législation sur la protection de la santé, puisque les règles générales relatives à la confidentialité des dossiers appartiennent généralement aux législations de nature sociale.

Il y a une règle générale selon laquelle les dossiers sont confidentiels. Il y a donc des exceptions qui sont faites ici, dans la mesure où une inspection est rendue possible par les responsables de la santé communautaire dans chaque région désignée du Québec, et où des règles — ceci est nouveau — d'accès aux dossiers seraient détermi-

nées par un règlement, alors que, dans le moment, certains employeurs, au moins, considèrent que les dossiers qu'ils tiennent sur leurs employés sont confidentiels, même à l'égard et à l'encontre de ces employés.

M. Bonnier: J'aurais une question, M. le Président, si vous permettez. Elle est peut-être irrégulière, vous me le direz.

L'année dernière, nous avons adopté un projet de loi autorisant le ministre à faciliter des bourses d'études aux étudiants en médecine pour qu'ils s'installent dans certaines régions. Etant donné, au paragraphe r), qu'on s'apprête à aider les petites et moyennes entreprises, peut-être les autres qui en ont besoin, à avoir des services médicaux de portée industrielle spécialisés et qu'il y a, par ailleurs, une carence de médecins dans ce domaine, est-ce qu'il y a possibilité, pour le ministre, d'envisager d'étendre, peut-être, cet octroi de bourses pour les étudiants qui se dirigeraient vers le secteur industriel?

M. Forget: La suggestion du député, je crois, est bienvenue. Il existe déjà des programmes de bourses, au ministère des Affaires sociales, pour favoriser la formation en santé publique. Ces bourses existent depuis quelque temps. Elles sont utilisées et peuvent être utilisées en particulier pour favoriser la formation plus poussée de médecins déjà diplômés en santé publique, y compris la santé du travail, qui est une des branches de la santé publique. Il n'y a pas de doute que la désignation des départements de santé communautaire, telle qu'elle a été faite il y a quelques semaines ou plutôt des directeurs des départements de santé communautaire comme médecins hygiénistes, en vertu de la Loi des établissements industriels et commerciaux, de même que l'organisation progressive, au ministère, depuis environ un an, d'un service de médecine du travail, va encourager le recrutement de ces médecins et aussi le nombre de candidats qui peuvent être intéressés, voyant les débouchés, à demander ces bourses, parce que les bourses ont existé depuis deux ou trois ans. Elles n'ont pas toujours été... Les provisions budgétaires qui avaient été faites pour le paiement de ces bourses n'ont pas été épuisées, faute de candidatures.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté tel qu'amendé?

M. Forget: Juste pour terminer cette modification, le paragraphe o), qu'on a reporté à la fin, constitue le paragraphe d), qui devient le paragraphe f), comme suit: f) en renumérotant le paragraphe o) qui devient s).

Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté tel qu'amendé. Article 13.

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Nous revenons à l'article 2.

M. Forget: II y a l'article 14, M. le Président.

FIuoration

M. Charron: A l'article 2, nous allons manquer les interventions de mon collègue de Rouyn-Noranda qui ne vont pas exactement dans le même sens que celles que je me propose de faire.

En fait, les miennes, M. le Président, vont dans le sens du gouvernement libéral de 1973. J'ai l'intention de proposer comme amendement et de vous en faire lecture immédiatement un rajout au texte actuel; donc, aucune modification au texte de l'article 2, qui est une modification de l'article 24 de la Loi de la protection de la santé publique, en rajoutant des paragraphes additionnels, donc, qui débuteraient par le paragraphe h), 24 h), que je me permets de vous lire, tout en en faisant parvenir une copie à vous et au ministre des Affaires sociales.

Le paragraphe 24 h) se lirait comme suit: "10% des personnes majeures résidant sur le territoire desservi par une usine de filtration ou 5,000 d'entre elles peuvent dresser une requête pour que soit tenu un scrutin sur l'opportunité de joindre un appareil de fluoration à cette usine ou, le cas échéant, sur l'opportunité de cesser l'utilisation de l'appareil déjà en opération.

Si le territoire desservi par l'usine de filtration est situé à l'intérieur, entièrement à l'intérieur des limites d'une seule municipalité, la requête est adressée au conseil de cette municipalité.

Si ce territoire s'étend sur plus d'une municipalité, la requête est adressée au conseil de chacune des municipalités desservies ainsi qu'à la commission."

Je m'excuse si j'ai le hoquet, c'est probablement te fluor...

M. Forget: Ou l'absence.

M. Charron: Ou l'absence de fluor qui fait que je digère mal. Paragraphe 24 i). "Lorsqu'une requête est adressée dans les cinq mois de l'entrée en vigueur de la présente loi ou dans les cinq mois de l'entrée en opération d'une usine de filtration, le délai dans lequel le propriétaire de l'usine de filtration doit y joindre un appareil de fluoration est étendu jusqu'au moment où sont divulgués les résultats du scrutin, conformément aux articles 24 n) ou 24 o) de la présente loi, selon le cas."

Article 24 j). "Lorsqu'une requête est faite en vertu de l'article 24 h), un scrutin doit être tenu dans chacune des municipalités desservies par l'usine visée par la requête.

Le scrutin doit être tenu à la date fixée pour la première élection municipale à laquelle tous les électeurs habiles à voter sont appelés à le faire, si celle-ci est tenue au moins 60 jours après la réception de la requête.

Si telle date était fixée plus tôt, le scrutin est reporté à la date fixée pour l'élection subséquente."

Article 24 k). "Tout électeur a droit de vote si son nom apparaît sur les listes électorales dressées en vue de l'élection municipale ou, s'il s'agit

d'une municipalité de campagne, sur le rôle d'évaluation."

Article 24 I). "Un bulletin doit être remis à chaque électeur. Ce bulletin doit être confectionné comme un bulletin servant lors de l'élection du maire et doit contenir, au lieu des noms des candidats, les inscriptions suivantes, en français et en anglais: Etes-vous favorable à la fluoration des eaux de consommation dans la municipalité, oui ou non?"

Article 24 m). "Lorsqu'un scrutin doit être tenu conformément à la présente loi, la municipalité chargée de l'organisation doit publier à deux reprises, entre le 30e et le 20e jour avant la date fixée pour le scrutin, un avis dans un journal français et dans un journal anglais circulant dans la municipalité indiquant que le scrutin sera tenu à la date fixée pour les prochaines élections municipales et contenant un texte de la question sur laquelle les électeurs seront appelés à se prononcer.

S'il n'y a aucun journal anglais circulant dans la municipalité, celle-ci peut se dispenser de publier l'avis dans un journal anglais.

Un avis de la tenue de scrutin doit être expédié à la commission trente jours à l'avance." 24-n: Lorsque tous les électeurs appelés à se prononcer sur la question résident sur le territoire d'une seule municipalité, le président d'élections doit faire procéder à l'addition des votes "oui" et des votes "non" immédiatement après la tenue du scrutin et proclamer publiquement le résultat. 24-o: Lorsque les électeurs appelés à se prononcer sur la question résident sur le territoire de plusieurs municipalités, le président des élections dans chacune des municipalités doit, après avoir fait procéder à l'addition des votes "oui" et des votes "non", proclamer publiquement le résultat et en aviser sans délai la commission, laquelle proclame le résultat de l'addition totale des voix données à tous les scrutins, lorsqu'elle est en possession du résultat de chacun d'eux. 24-p: Les bulletins doivent être déposés dans des boîtes. Ces boîtes doivent être du type de celles qui sont utilisées pour une élection municipale, réservées uniquement à la réception de ces bulletins et placées de la même manière que pour une élection municipale.

Aucune personne représentant les personnes favorables à l'une ou l'autre option ne peut être admise à assister en cette qualité au déroulement du scrutin.

La Commission municipale du Québec peut déléguer par écrit un observateur pour assister au déroulement du scrutin et chacun est tenu de permettre l'accès de cet observateur à la surveillance de toutes les opérations du scrutin. 24-q: Toutes dispositions d'une loi générale ou spéciale s'appliquant à une élection pour la fonction de maire dans la municipalité où est tenu un scrutin s'appliquent à ce scrutin, sauf celles qui sont incompatibles avec les dispositions de la présente loi. 24-r: Si l'addition du total des voix données dans le territoire desservi par une usine de filtration est d'au moins 50% plus une voix en faveur du "oui", le propriétaire de l'usine de filtration doit, conformément à la présente loi, joindre sans délai un appareil de fluoration à l'usine ou, si un appareil de fluoration est déjà joint à l'usine, l'opérer.

Si le résultat est d'au moins 50% plus une voix en faveur du "non", il est interdit au propriétaire de joindre un appareil de fluoration a l'usine de filtration et, si un tel appareil est déjà joint à l'usine, il lui est interdit de l'opérer. 24-s: Si moins de 50% des électeurs se prévalent de leur droit de voter à l'occasion d'un scrutin, la requête devient caduque et le propriétaire de l'usine de filtration est maintenu dans la situation antérieure à la demande de scrutin.

Si la requête a été présentée dans les circonstances décrites à l'article 24-i, le propriétaire de l'usine doit, conformément à la présente loi, y joindre sans délai un appareil de fluoration et le faire fonctionner. 24-t: Lorsqu'un scrutin a été tenu conformément aux dispositions de la présente loi, un autre scrutin ne peut être demandé ni tenu avant l'expiration d'une période de cinq années.

M. le Président, j'ai rarement eu l'occasion, depuis que je suis à l'Assemblée nationale, de présenter un aussi long amendement, en même temps que d'en présenter un aussi bien — et je le dis en toute déférence envers ceux qui travaillent avec nous — rédigé par les conseillers légistes du ministère des Affaires sociales, parce que, effectivement, ce texte, mot à mot, sans aucune modification, est celui que l'on trouvait dans le premier projet de loi déposé par le même gouvernement ou par le précédent gouvernement libéral, mais dirigé essentiellement par les mêmes hommes, de I970 à I973, par l'ancien titulaire du ministère des Affaires sociales, M. Claude Castonguay.

En fait, M. Castonguay avait dit, en réponse à une question à l'Assemblée nationale: Je ne crois pas que le gouvernement ait jamais tenté d'imposer la fluoration de l'eau. Il faisait valoir, en réponse à des gens qui s'opposaient à la fluoration de l'eau, que ce n'était aucunement l'intention du gouvernement de l'imposer à une municipalité qui n'en voudrait pas. Il disait, dans son projet de loi, qu'il y avait ces dispositions, celles mêmes que je viens de vous énumérer et que j'aimerais voir regreffer au projet de loi qui permettent à une municipalité de se détacher de cette fluoration dans les modalités que j'ai décrites.

Je dis tout de suite que j'ai repris ce texte, évidemment, parce que j'ose espérer qu'il y a un minimum de logique dans la pensée des hommes qui forment le gouvernement et que, donc, on ne criera pas à l'anathème si j'en viens à proposer cette modification importante au projet de loi, parce que je crois, effectivement, qu'elle doit être incluse au projet de loi.

Je ne pense pas que le ministre des Affaires sociales puisse me dire que mon idée est farfelue, inapplicable, ou, à tout le moins, difficile d'application, qu'elle serait énormément coûteuse, car tout cela a — il y a à peine quelques mois — été dans l'intention même du gouvernement libéral, du ministre des Affaires sociales, et, j'imagine, de

celui qui était sous-ministre des Affaires sociales à l'époque était ainsi solidaire de son patron.

Si je présente aujourd'hui cette modification, tous les arguments ont été dits lors du débat de deuxième lecture, c'est que les arguments scientifiques plaidant en faveur de l'intérêt d'une fluora-tion de l'eau pour la protection de la santé publique ont été reconnus, ont été déposés, existent, mais il reste toujours possible à d'autres intérêts, ceux de la population et ceux que la population est capable elle-même d'exprimer, de s'en détacher. J'ai donc présenté cette modification dans cet unique sens. Autrement dit, en terminant cet exposé, plutôt que de demander au ministre des Affaires sociales: Est-ce que vous acceptez ma proposition ou non? Je devrais formuler ma question de cette façon: Pourquoi avez-vous abandonné ce qui était votre propre suggestion — je parle au gouvernement — qu'est-il survenu, à un moment ou à un autre, quand vous avez cru devoir imposer de façon obligatoire à toutes les municipalités du Québec la fluoration de l'eau? Car, il y a encore à peine quelques mois, votre position était que tout en étant favorable sur le plan scientifique, physique, biologique, hygiénique à la fluoration de l'eau vous acceptiez quand même qu'une municipalité, pour une raison ou pour une autre, décide de s'en détacher. Cette position nous paraissait beaucoup plus convenable.

Nous avions déjà annoncé à ce moment, avant que le gouvernement ne batte en retraite sur son projet de loi, que nous étions disposés à l'appuyer sur cette question. J'ajoute encore plus, j'essaie de devancer les objections du ministre. Si le ministre me dit que, dans l'ancienne proposition Cas-tonguay, il lui est apparu à lui que les possibilités pour que des citoyens d'une municipalité réclament la tenue de ce référendum quant à l'addition ou non d'un équipement de fluoration à l'usine de filtration desservant la municipalité étaient trop faciles, trop légères et qu'en ce sens, vu les conditions très flexibles qui étaient posées dans l'amendement même que je viens de déposer, cela lui paraissait comme un risque de charivari et d'une multitude de démarches occasionnées par les municipalités, j'ai prévenu le ministre privément et je veux le faire publiquement également que, s'il est disposé à sous-amender mon amendement pour que les conditions d'octroi d'un référendum à une municipalité, autrement dit de permissions d'un référendum à une municipalité, soient plus rigides, plus rigoureuses, j'accepte volontiers avec lui d'en envisager les possibilités. Par exemple, si on dit, à l'article 24 h) de mon amendement, que 10% des personnes majeures d'une municipalité suffisent pour réclamer la tenue de ce référendum, si le ministre estime que tout en étant favorable au principe du droit des citoyens à décider par eux-mêmes de ce qu'il advient dans leur municipalité, que si ce pourcentage était mineur, je crois quand même que nous serons disposés à évaluer de façon plus rigoureuse le pourcentage ainsi inscrit.

Ce qui est important, je crois, pour le gouvernement, c'est de maintenir la position qu'il avait il y a quelques mois encore quant à la possibilité pour une municipalité de se détacher d'une fluoration par ailleurs inscrite à l'ensemble du Québec.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président, le député de Saint-Jacques, et c'est son droit, essaie de me mettre en contradiction avec moi-même en jouant assez subtilement entre ma personne et mon titre. Il est correct pour lui d'affirmer que le ministre des Affaires sociales, à un moment donné, a présenté le projet qui forme la substance de son amendement et de dire que, depuis, le ministre des Affaires sociales a changé d'idée. Il ne s'agit pas, bien sûr, du même ministre. Je crois que ce serait étendre assez loin l'application du principe de solidarité ministérielle que de l'étendre même aux fonctionnaires. Les fonctionnaires ne sont certainement pas solidaires de toutes les politiques gouvernementales. On ne leur demande d'ailleurs pas de l'être puisque ce n'est pas leur rôle.

Il y a eu dans l'évolution de la pensée gouvernementale, et ceci est concrétisé par le projet de loi qui est devant nous, une évolution qui est tout à fait logique. Le député de Saint-Jacques nous invite à être logique. Je pense que cette logique peut être poussée plus loin. C'est cette même logique qui, d'ailleurs, peut rendre compte de l'abandon dans une large mesure de la mesure proposée en 1972. Le processus envisagé, et le député de Saint-Jacques l'a confessé lui-même, son amendement est le plus long qu'il lui ait été donné de déposer, c'est aussi, dans une loi qui comprend quelques articles, une disposition qui en comprend un nombre en elle-même, qui n'est qu'un amendement, mais qui en comprend en elle-même un nombre équivalent.

On voit toutes les procédures de requête, d'avis aux propriétaires d'usine, de confection de listes pour fins de consultations, d'avis public dans les journaux, de nomination de scrutateur, de président de scrutin, de décompte officiel, de possibilité de contestation devant les tribunaux, de délais très considérable, pour se rendre compte que le mécanisme envisagé dépasse de loin en complication, en possibilité de frais, en possibilité également de rendre inopérant le principe même de la loi, qu'il faut se demander, et c'est ce que le gouvernement a fait il y a trois ans, lorsqu'il a décidé de ne plus poursuivre l'adoption de ce projet de loi, si les moyens d'application d'un principe tels que ces moyens étaient définis n'étaient pas tellement disproportionnés avec l'envergure du problème que l'on cherchait à résoudre, que l'ensemble de l'entreprise devenait futile.

C'est donc en ayant poussé plus loin la logique implicite dans le raisonnement fait par le député de Saint-Jacques qu'on en arrive à cette constatation. D'autre part, et ceci, je le dis sans vouloir revenir sur le débat de fond de deuxième lecture qui est clos, l'idée d'une imposition d'une mesure de santé publique n'est pas véritablement appropriée à l'argument qu'il défend. L'argument

qu'il défend cherche à faire reconnaître le droit pour des municipalités de s'opposer à l'application d'une mesure obligatoire. Or, je pense que c'est bien connu que les municipalités comme telles ne consomment pas d'eau. Les municipalités sont des êtres de raison, des personnes morales, des créatures juridiques. Ce sont les citoyens individuellement qui consomment de l'eau fluorée ou n'en consomment pas. Que la décision soit prise au niveau municipal par une majorité d'une voix sur des centaines de mille possiblement ne constitue pas moins, n'ouvre pas moins la porte à l'imposition de la mesure que l'adoption d'une loi par l'Assemblée nationale, puisque, évidemment, les 49.9% de la population qui, par hypothèse, seraient consultés, pourraient tout également prétendre que la mesure leur a été imposée non pas nécessairement par la loi, mais par le résultat de cette consultation populaire.

M. Charron: C'est différent.

M. Forget: C'est différent, sans doute, et je reviendrai là-dessus. C'est différent, mais pas avec les mêmes conséquences qu'on peut en tirer et qu'en tire le député de Saint-Jacques. Non seulement les municipalités ne sont pas affectées directement comme consommateurs, parce qu'elles ne consomment pas d'autres consommations, mais un certain nombre d'entre elles dans les agglomérations urbaines de quelque importance ne sont pas affectées non plus comme fournisseurs d'eau puisqu'elles ne sont pas elles-mêmes propriétaires d'un réseau de distribution ou encore moins d'une usine de filtration.

C'est donc une mesure qui donne un droit à un organisme qui n'est pas nécessairement l'organisme qui est visé par l'effet de la loi, ni par sa mise en application.

Mais il y a plus profond que cela, M. le Président, et encore une fois, sans vouloir revenir sur les arguments de fond, il faut voir que depuis juillet 1972, le contexte de la distribution des responsabilités dans le secteur des services de santé s'est profondément modifié. Il y a eu depuis cette année précisément, ceci sur une période de trois ans, une prise en charge — qui est désormais complète — de toutes les responsabilités relatives à la santé au Québec par le gouvernement de la province, par opposition aux administrations municipales.

Ce transfert ne représente pas un effort de centralisation du gouvernement, plutôt qu'une réponse positive à une demande faite par les municipalités qui voulaient se départir de ce rôle, qui s'en sont départies, il y a quelque temps déjà, en cessant leur contribution, comme on sait, en vertu de la Loi des unités sanitaires, loi qui a été amendée la même année en 1972 et interrompant une contribution qu'elles faisaient à la santé publique depuis peut-être 20, 30 ou 40 ans. Il y a eu des mesures plus directes de prise en charge des dépenses des services de santé que certaines municipalités maintenaient et ce processus s'est complété durant le présent exercice financier.

Dans un tel contexte et dans le contexte d'une loi qui a fait assumer à l'état, non plus 50%, parce que c'est aussi une autre mesure de ce projet de loi qui diffère du projet de loi présenté en 1972, où seulement 50% des coûts d'installation étaient assumés par le Québec, ici, de façon très tangible, cette responsabilité totale du Québec est assumée à 100% pour les coûts d'installation.

Enfin, il existe des alternatives à la consultation populaire. Ces alternatives sont, je crois, valablement représentées par l'Assemblée nationale elle-même. En somme, nous nous trouvons devant une mesure qui a été déposée à l'Assemblée nationale, non pas à cette session, mais à la session précédente, à l'automne ou au début de l'hiver dernier, qui est donc depuis six mois devant l'Assemblée nationale et devant l'opinion publique, qui a fait l'objet de trois jours de commission parlementaire où des groupes se sont fait entendre et qui, depuis cette commission parlementaire, a été au feuilleton de l'Assemblée nationale pour une période de quatre mois. Une semaine complète s'est écoulée avant l'adoption en deuxième lecture et l'étude en commission, ce qui veut dire que le gouvernement a apporté dans l'étude de cette loi, dans les différentes étapes de cette loi, toute la délibération, la lenteur susceptible de favoriser toute expression d'opinion. Des opinions ont effectivement été exprimées, ce qui est normal, et à la lumière de ces conclusions, nous en venons à une mesure dont le coût total d'application au Québec, pour une année, sera de plusieurs fois inférieur au coût qu'entraînerait nécessairement l'amendement, tel quel, présenté par le député de Saint-Jacques.

Il faudrait prévoir en effet des millions de dollars pour appliquer une mesure dont le coût total s'élève environ à $600,000 ou $700,000 de manière courante. On sourcille peut-être devant un coût de quelques millions de dollars, mais pensons que la fabrication d'une liste des personnes habilitées à voter sur une telle question, dans des régions où plusieurs municipalités sont desservies en tout ou en partie par un même réseau de distribution de l'eau, suppose un travail monumental que nous connaissons bien à titre de membres de l'Assemblée nationale puisque c'est à peu près le même processus qui est nécessaire pour des élections provinciales. Cela nécessite tout le financement du scrutin lui-même, c'est-à-dire les présidents d'élection, les scrutateurs, exige une publicité dans les journaux, la publication des listes et suppose des possibilités sans nombre de contestations devant les tribunaux puisque le grand nombre de dispositions constitue une invitation à soulever des points de procédure qui n'ont peut-être pas toujours été respectés effectivement, étant donné le caractère un peu inusité d'une consultation de cette nature.

Il me semble que, s'il fallait recourir à ce moyen pour mettre en vigueur une mesure qui, dans son aspect financier au moins, est de plusieurs fois inférieure à l'impact financier du remède proposé pour la mise en application seulement, nous manquerions effectivement de logique.

Il y a cependant une autre facette à ce problème que j'aimerais souligner, c'est que le projet

de loi, par son existence même, symbolise malgré tout un phénomène extrêmement important, c'est-à-dire la conscience aiguë du gouvernement et de l'Assemblée nationale du caractère, disons, controversé pour ne pas employer un autre terme de cette mesure de santé publique.

En effet, l'addition de fluorure dans l'eau de consommation ne représenterait pas une exception, mais bien une illustration d'une règle qui est presque générale puisqu'il faut bien le dire, les eaux que nous consommons et celles particulièrement qui sont visées par cette mesure législative sont des eaux usinées, des eaux traitées et ce n'est pas pour rien qu'on parle d'une usine de filtration. C'est plus qu'une filtration qu'on fait subir à ces eaux. D'ailleurs, ceci a été mentionné dans le mémoire de la Corporation des chimistes du Québec, il existe au moins une demi-douzaine de produits chimiques que l'on ajoute à l'eau de consommation qui passe dans les usines de filtration de tous les centres urbains.

Ces produits, nous ne les mentionnons jamais et aucune loi n'interdit ou n'impose, à strictement parler, leur addition et la liste est assez surprenante. Bien sûr, certains d'entre eux sont ajoutés à l'eau pour favoriser une précipitation de certaines matières qui sont en suspension dans l'eau, telle qu'on la prend du fleuve Saint-Laurent ou d'une autre source. Mais, même si on les utilise pour précipiter ces matières en suspension, il demeure que ces substances chimiques demeure à l'état de traces dans l'eau que nous consommons dans les villes.

Jamais personne n'a soulevé la moindre question relativement à la présence de permanganate, de phosphate, de sulfate ou d'un tas d'autres produits chimiques qui se trouvent dans nos eaux de consommation. Ce que je veux dire par ce raisonnement, c'est que l'existence même de cette mesure législative prouve la conscience aiguë de l'Assemblée nationale et du gouvernement et que ce produit en particulier méritait qu'on s'y arrête, méritait qu'on y réfléchisse, méritait qu'on entende des représentants de groupes de la population pour en faire une exception parmi tous les produits qu'on ajoute à l'eau de consommation et décider si vraiment, à l'opinion des membres de l'Assemblée nationale, cette addition, par opposition à toutes les autres dont on ne parle pas, d'un produit chimique parmi tant d'autres devait être recommandé et généralisé.

A ce compte-là, on pourrait tout aussi bien nous demander une consultation et une loi pour ajouter à toutes ces autres substances qui encore une fois, sont au nombre d'au moins une demi-douzaine et qui sont à tous les jours ajoutés à nos eaux de consommation sans qu'on y trouve rien à redire.

J'irais même plus loin. Si on interdisait l'addition de ces produits à l'eau de consommation dans les centres urbains, il faudrait interdire complètement le fonctionnement des aqueducs municipaux, tout le système de distribution d'eau devrait s'interrompre immédiatement puisqu'on ne peut pas concevoir l'approvisionnement en eau de consommation d'une large agglomération sans un usinage des eaux. L'eau de consommation que nous buvons dans les villes est un produit manufacturé presque au même titre que les produits que nous nous procurons en les achetant au magasin d'alimentation. C'est inévitable qu'il en soit ainsi, encore une fois, dans le monde dans lequel nous vivons, étant donné les nombreuses sources de pollution et l'absence de sources naturelles d'eau, de sources dans le sens propre du mot.

Cependant, je ne voudrais pas réagir de façon entièrement négative à la proposition d'amendement du député de Saint-Jacques. Je voudrais en particulier assurer les membres de la commission que l'application de cette mesure sera faite de la manière la plus raisonnable possible, compte tenu de la nécessité, dans toute société démocratique, d'utiliser des moyens de persuasion de préférence aux moyens coercitifs.

Je reconnais pleinement l'avantage d'une telle approche et je crois qu'il est parfaitement possible, pourvu qu'un texte législatif autorise le ministère des Affaires sociales à poursuivre une telle démarche, de promouvoir par des moyens de persuasion la fluoration des eaux de consommation et de ne recourir qu'en dernière analyse et après les délais nécessaires pour laisser à cet effort de persuasion le temps de porter ses fruits, laisser les délais et les modalités suffisamment souples de manière que, précisément, cette application se fasse de façon raisonnable.

Je serais même prêt, M. le Président, si cette suggestion semble intéressante aux membres de la commission, à en faire une proposition d'amendement spécifique. Encore une fois, je crois que, dans la souplesse de l'application, dans le souci du ministère de l'appliquer de manière à faire la part raisonnable des résistances naturelles, de la nécessité de persuader les gens des problèmes purement pratiques d'implantation d'un tel système dans toute la province à un moment donné dans le temps, ce qui n'est manifestement physiquement pas possible ni souhaitable, si l'on veut que le travail soit bien fait, je pense qu'il est tout à fait raisonnable d'anticiper une application progressive avec un délai défini beaucoup plus souplement que même le projet actuel ne l'envisage.

M. Charron: Quelle serait donc, puisque cette modification peut influencer mon amendement, M. le Président, cette modification que propose le ministre?

M. Forget: Cette modification pourrait prendre la forme d'un article 24 h). Le lieutenant-gouverneur en conseil peut prolonger les délais prévus à l'article 24 d) au bénéfice de tout propriétaire d'une usine de filtration, afin de répartir l'installation des appareils de fluoration de manière ordonnée, compte tenu des ressources disponibles." Ceci permettrait d'échelonner, sur une période plus longue que ne le prévoit le projet de loi et de tenir compte de la nécessité de programmer, en quelque sorte, d'aménager cette installation sur une période de temps moins strictement définie que ne le fait le projet de loi actuel.

M. Charron: M. le Président, le débat a été, comme l'a dit le ministre, fait et refait. Je considère quand même que le principe de la consultation que nous avons défendu et qui est inclus dans l'amendement que j'ai déposé, mérite d'être tranché par la commission. Il est évident que, le cas échéant, où la commission, comme vient de me laisser prévoir le ministre, trancherait du côté négatif, nous accepterions d'emblée que cette modification 24 h) s'inscrive.

Je vous demande donc, à moins que le député de Rouyn-Noranda décide d'intervenir immédiatement sur mon amendement ou s'il veut intervenir sur l'article lui-même...

M. Samson: Peut-être...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Spécifiquement sur l'amendement, parce que l'amendement est déposé.

M. Charron: Oui, disposons de mon amendement...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Nous allons disposer de l'amendement. Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, qu'il me soit permis de remercier les membres de la commission, qui ont bien voulu me donner un délai pour me permettre d'arriver au moment où on parle de l'article 2. J'ai été retenu ailleurs, malheureusement. Sachant que le député de Saint-Jacques doit s'absenter, je ne ferai pas d'intervention sur l'amendement, je me contenterai de dire que l'amendement ne va pas aussi loin que je voudrais. Je voterai sur l'amendement et, par la suite, je présenterai peut-être un amendement personnellement, de sorte qu'on permettra au député de Saint-Jacques de s'absenter.

M. Charron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Houde, Limoilou): En vertu de l'article 64, en commission, nous voterons à main levée. Quels sont ceux qui sont en faveur de l'amendement proposé par le député de Saint-Jacques? Deux. Quels sont ceux qui sont contre? M. Bellemare, est-ce que vous votez? Le député de Rosemont, est-ce que vous votez?

M. Bellemare (Rosemont): Je ne fais pas partie de la commission.

Le Président (M. Houde, Limoilou): C'est vrai.

M. Samson: Pas de vote.

M. Charron: L'article 24 h), je l'ai déjà signalé, M. le Président, nous sommes disposés, sans avoir connu la déposition de l'amendement du député...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant! L'amendement est rejeté.

M. Charron: Oui.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Sur la proposition d'amendement du ministre des Affaires sociales.

M. Charron: Je suis d'accord, M. le Président.

M. Forget: Je n'ai rien à ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'amendement proposé par le ministre des Affaires sociales.

M. Samson: Est-ce que, M. le Président, pour la bonne marche des débats, le ministre des Affaires sociales, sachant que le député de Saint-Jacques est d'accord sur son amendement, n'accepterait pas que je propose un amendement, parce que je trouve que, à la façon dont se déroulent les choses, cela va être un peu difficile pour moi de me prononcer immédiatement, ayant un autre genre d'amendement à proposer. Si l'autre amendement que j'ai à proposer n'est pas accepté, à ce moment, cela pourrait influencer mon vote sur l'amendement qui est proposé par le ministre.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Je regrette, on a un amendement ici.

M. Samson: M. le Président, je demande la collaboration de la commission. Si la commission...

M. Forget: M. le Président, s'il y a possibilité — excusez-moi, j'ai eu un moment d'absence — de tenir compte du vote du député de Saint-Jacques sur l'amendement que j'ai présenté, malgré son départ, je pense, imminent...

M. Samson: Je pense que, si tout le monde est d'accord, il n'y a pas de problème.

M. Forget: ... de l'enregistrer comme s'il était présent au moment où nous déciderons de l'amendement que j'ai présenté, je n'ai pas d'objection à permettre au député de Rouyn-Noranda de présenter le sien.

M. Samson: Merci, monsieur. Vous êtes d'accord, M. le Président?

M. Forget: Pour ce qui est du vote sur l'ensemble du projet, avant le départ du député de Saint-Jacques, est-ce que, en assumant que nous disposerons dans les prochaines minutes de l'article 2, qui est le seul en suspens, il peut nous donner une indication de son vote sur l'ensemble du... Parce qu'il y a encore un article en suspens, je crois, l'article 14.

M. Charron: L'article 14, M. le Président. M. Forget: C'est une formalité. M. Charron: Oui, d'accord.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je remercie les membres de la commission de leur collaboration. Vous allez comprendre pourquoi je ne voulais pas me prononcer immédiatement sur l'amendement qu'a proposé l'honorable ministre. C'est que j'ai l'intention de proposer purement et simplement l'abolition de l'article 2. Evidemment, je n'ai pas l'intention d'aller ouvrir tout le débat.

Une Voix: C'est une extraction.

M. Samson: Justement, peut-être par manque de fluor. L'autre jour, à l'occasion du débat en deuxième lecture, vu évidemment les péripéties des fins de session, où on est obligé de siéger où on peut — ce n'est pas toujours facile — j'avais dû laisser en plan une partie de mon intervention. Je n'ai pas l'intention de reprendre tout ce que j'avais laissé en plan, mais il y a une partie de ce que je voulais dire, à ce moment, que j'aimerais souligner à ce moment-ci, à l'appui de ma demande d'extraction de l'article 2.

M. le Président, évidemment, le ministre, avec une telle loi, advenant qu'elle soit adoptée par l'Assemblée nationale, devra faire affaires avec les représentants élus des municipalités. J'avais souligné l'autre jour que plusieurs villes et dirigeants municipaux ont déjà manifesté leur désir de ne pas voir une telle mesure rendue obligatoire et, parmi ceux-là, non le moindre, le maire de la ville de Montréal.

Je voudrais, pendant quelques minutes, citer un texte du maire Jean Drapeau, texte écrit en juillet 1969, et également une position qu'il a prise le 19 juillet 1972. "Le maire de Montréal, Me Jean Drapeau, a maintes fois exposé son opinion sur la fluoration. Essentiellement, son argumentation repose sur la liberté du citoyen de choisir lui-même les soins de santé qu'il désire. On ne peut pas imposer à tous la fluoration sans violer les droits de l'individu." Voici un texte du maire Jean Drapeau où sont exposées des idées d'une grande justesse: " — c'est dit évidemment par l'auteur du livre, mais je cite le texte — "La question de la fluoration de l'eau à Montréal redevient de temps à autre d'actualité. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de faire connaître ma pensée sur ce sujet. Il y a lieu d'y revenir, semble-t-il, de préciser une fois de plus mon attitude et éviter tout malentendu. Tout d'abord, il importe de redire que, personnellement, je n'ai jamais contesté la valeur des motifs d'ordre médical mis en cause par les sociétés et institutions d'hygiène publique ou de santé en faveur de la fluoration de l'eau. Je n'ai pas la compétence souhaitable pour trancher le débat sur le mérite même de la question médicale. Je voudrais bien que l'on tienne compte de cette position très nette et qu'on n'insinue pas que je veuille me substituer à ceux qui connaissent cela. La vraie question qui se pose à moi, comme administrateur public, n'est pas d'être pour ou contre la fluoration.

Ce n'est pas de décider si la fluoration de l'eau est un bien ou un mal, tenant pour acquis que c'est un bien, un avantage pour les citoyens auxquels elle s'applique. La question fondamentale d'ordre général pour moi, à titre d'administrateur public, c'est de savoir si j'ai le droit d'imposer un bien ou un avantage à la personne physique d'un individu sans son consentement, voire même contre sa volonté.

Je dis bien la personne physique de l'être humain. Il serait stupide de nier l'existence d'un très grand nombre de limitations à la liberté individuelle. Accepter de vivre en société, c'est en effet accepter un certain nombre de contraintes dont les conséquences, dans l'ensemble, tendent à faciliter le bonheur de l'homme, en échange de son consentement de renoncer à l'exercice de certaines formes de la liberté.

La limitation imposée dans certains cas à la liberté d'un individu est une conséquence de la vie collective. Si un être humain vit seul dans la forêt ou sur une île déserte, il jouit, théoriquement, de la liberté individuelle la plus totale, pour le mieux ou pour le pire, et il est absolument libre de vivre comme il l'entend, sans aucune réglementation ou restriction imposée par la volonté d'un autre ou d'une majorité des autres.

C'est parce que l'homme s'est laissé séduire par les avantages de la vie en société qu'il a accepté une réglementation de l'exercice de certains droits et privilèges qui commandent des limitations à la liberté individuelle. Telles limitations ont été admises graduellement, lentement. Il y en a même qui sont encore repoussées victorieusement. Quelles qu'elles soient, il y a lieu de reconnaître plusieurs variétés de limitations à la liberté. Elles sont fondamentalement de deux ordres. Il y a celles qui portent sur l'exercice de certains privilèges, même de certains droits propres à chacun, quant à l'organisation de la vie collective, puis il y a les limitations à la liberté humaine, c'est-à-dire celles qui sont de nature à affecter directement la personne physique, le corps ou la personne morale, l'esprit de l'être humain.

Réglementer la circulation sur terre, sur l'eau ou dans l'air, constitue un exemple courant parmi tant d'autres de limitations acceptées comme nécessaires à l'organisation de la vie collective contemporaine. Quant aux limitations à la liberté humaine, elles sont de nature à affecter la personne physique. Elles sont aussi de deux ordres principaux. Celles dont le refus constitue une menace de danger, plus ou moins grave pour les autres, et celles dont le refus prive d'un avantage.

Des exemples illustreraient mieux ces catégories. Une personne atteinte d'une maladie contagieuse constitue une menace de danger grave pour les autres. Dans ce cas, les autres peuvent isoler le malade et le soigner contre son gré. Le malade contagieux ne peut prétendre à la liberté de causer une épidémie aux conséquences fatales. Si la maladie n'est pas contagieuse, personne ne peut imposer au malade de se faire soigner.

La prévention de la maladie contagieuse à

l'aide de la vaccination ou de la pasteurisation constitue aussi un moyen de combattre un danger qui menace directement les autres. Quand des visiteurs arrivent d'autres continents au Canada, ils doivent faire preuve de leur immunisation contre certaines maladies. La contrainte imposée à la personne physique du visiteur ou du Canadien qui rentre au pays n'est pas ordonnée dans le but de procurer un avantage au vacciné, mais de l'empêcher de menacer les autres de devenir ses victimes directes.

Pour en arriver à justifier l'atteinte à la personne physique d'un être humain, pour pouvoir disposer de sa personne au point de le forcer à boire ou à manger une substance qu'il refuse d'absorber ou de le soumettre malgré lui à un traitement, à une opération, à une injection, il faut une situation réellement grave pour les autres. La gravité de la situation dans laquelle une personne se trouve elle-même importe peu. Elle a le droit de refuser. On ne peut lui procurer aucun avantage sans son consentement ou le consentement de quelqu'un autorisé ou présumé autorisé à consentir pour elle.

L'interdiction à l'internement pour alcoolisme, prodigalité ou maladie mentale fait l'objet de dispositions très précises dans nos lois, et les tribunaux sont sévères dans l'examen de chaque requête tendant à priver la personne physique de sa liberté. De plus, pas un médecin n'osera pratiquer un traitement auquel son patient s'oppose. Pas un dentiste n'extraira une dent à un patient contre son gré, quel que soit le bienfait qui en résulterait. Même en cas de mort prochaine, une transfusion de sang qui seule pourrait sauver sa vie, ne peut se faire contre la volonté du malade ou de ceux que la loi autorise à consentir pour lui. Même par référendum, une majorité écrasante en faveur de la généralisation des transfusions de sang ne suffirait, dans l'état actuel de la philosophie des droits de l'homme, à donner le droit à la majorité d'imposer une transfusion de sang à ceux qui la refusent.

C'est encore le droit strict de chacun de s'opposer à toute mesure qui affecte sa personne même. Un consentement collectif, majoritaire, même bien fondé, ne peut suppléer au consentement individuel quand il s'agit de mesures affectant la personne physique. La fluoration de l'eau, disent des médecins dans le jugement desquels j'ai foi, apporterait un grand bienfait à ceux qui feront usage de cette eau. Admettons-le. Il s'agit d'un bienfait individuel que chacun est libre et a le droit formel de souhaiter ou de rejeter, car il est vrai que celui qui refuse de boire de l'eau fluorée s'expose ou expose ses enfants à des troubles dentaires. Ceux-ci ne sont pas contagieux et ne menacent pas directement les autres citoyens. Ils les privent peut-être d'un avantage, mais ils ne sont pas la cause d'un mal ou d'un danger grave.

Les avantages ou les bienfaits recherchés par les tenants de la fluoration peuvent être obtenus par d'autres moyens, s'ils y tiennent vraiment. La fluoration générale de l'eau n'est qu'un moyen parmi d'autres, un excellent moyen, mais un moyen. Cette situation me paraît très loin de justi- fier l'imposition d'une mesure que certains citoyens ont tort, si l'on veut, de rejeter, mais qu'ils ont le droit de rejeter. Le droit à l'intégrité de la personne physique, humaine, n'est sûrement pas le fait d'une somme, même majoritaire, de désirs ou de souhaits. Il ne doit pas non plus disparaître sous le poids d'une addition mathématique de désirs ou de souhaits. D'aucuns évoquent les moyens de purification de l'eau comme précédent. Les distinctions développées ci-haut auront permis de saisir la différence réelle entre les moyens utilisés pour tuer les éléments dangereux qui se trouvent dans l'eau et la rendre propre à la consommation, ou/et tous les autres moyens suggérés qui pourraient l'être dans l'avenir et tendant à médicamenter l'eau à l'avantage des usagers.

Toute l'histoire et, plus encore, l'histoire des 50 dernières années continue d'être l'histoire de la libération, de la protection de la personne physique de l'être humain et tout autant de son esprit, lutte contre l'esclavage, contre l'emprisonnement pour dettes, contre les châtiments corporels, contre la peine de mort, la tendance vers la suppression de toute censure dans le domaine de l'esprit, sont autant de manifestations de l'affirmation de la liberté de chaque personne humaine. Il me paraît bien contradictoire, au moment même où la liberté humaine et le droit de chacun à l'intégrité de sa personne physique et morale sont le plus et le mieux réclamés et défendus, que l'on s'étonne que je veuille respecter le caractère absolu de ce droit humain.

J'ajoute que, si les objections à la fluoration doivent être ignorées et une réglementation adoptée, il serait beaucoup plus simple et beaucoup plus probant et efficace de la rendre obligatoire par une loi d'application générale dans toutes les municipalités. J'ai bien la conviction qu'aucune Assemblée nationale du Québec n'oserait adopter une telle loi. Même si elle a pleine juridiction pour agir, qui pourrait l'en blâmer? Sûrement pas ceux qui placent la personne humaine, individuelle, au-dessus des conventions d'ordre social, si louable qu'en soit leur inspiration.

Quant à l'avis du service de santé de Montréal, il s'ajoute aux témoignagnes d'autres sources, mais il ne demande pas son adoption sur le plan législatif, car il ne peut créer, ni supprimer un droit naturel. Les services municipaux fournissent les avis requis sur le mérite des questions. Leur compétence n'est pas mise en doute dans ce cas, pas plus que dans d'autres cas qui se présentent régulièrement. Il est bien évident qu'aucun gouvernement ne peut donner suite à chacune des recommandations qui leur sont faites par chacun de ces services spécialisés. De telles lois, qu'il s'agisse de mesures d'urbanisme, de santé, de police, de prévention d'incendies ou autres, doivent s'insérer dans l'ensemble des droits fondamentaux du citoyen. Tous les gouvernements sont dans la même obligation de rejeter parfois des mesures suggérées souhaitables, mais dont l'adoption, heureuse par certains côtés, constituerait un mal par certains autres qui ne sont pas de la juridiction ou du domaine des spécialistes qui les recommandent.

En conséquence, il importe que les associations et les personnes intéressées à obtenir la fluoration continuent de faire l'éducation du public ou obtiennent l'adoption d'une législation d'ordre général. Je n'ai personnellement, je le répète, aucune objection. Il ne s'agit pas de mener une lutte contre ce procédé.

Si la question fondamentale se règle, à savoir le droit d'imposer une mesure qui affecte la personne physique de l'être humain, si les gouvernements qui ont une juridiction indiscutable en matière de santé publique ont jugé à propos de ne pas imposer la fluoration de l'eau par une loi d'ordre général, il y a lieu de conclure qu'ils préfèrent ne pas avoir à trancher la question eux-mêmes, la question de droit qui se pose. Il y a encore une immense majorité d'administrations municipales dans le Canada qui continuent d'attacher de l'importance au respect de ce droit naturel. C'est un texte qui a été écrit en juillet I969. Le 19 juillet I972, alors que le maire de Montréal recevait les dirigeants du mouvement naturiste social dans ses bureaux de Montréal, il a souligné pour la première fois en public son opposition à la fluoration quant au mérite même de la question. Me Drapeau a alors fait remarquer que le Conseil de recherche du Canada formé d'hommes de science sérieux a présenté une étude fouillée sur la fluoration, étude qui conclut à une extrême prudence en cette matière, considérant que les effets du fluor sur le corps sont encore peu connus.

Toujours à l'occasion de cette visite des naturistes sociaux à l'hôtel de ville de Montréal qui présentaient au maire leur mémoire contre la fluoration, Me Jean Drapeau a déclaré aux journalistes qu'après s'être très sérieusement documenté sur la question de la fluoration, il en était arrivé à la conclusion que cette mesure était loin d'être sans danger. Alors, c'est cette prise de position que je voulais souligner, parce que je pense que cette prise de position du maire de Montréal n'est pas à dédaigner. Elle est faite par un homme qui a une grande expérience, par un homme qui est reconnu comme un grand défenseur des droits des individus, des droits de la personne humaine et qui, évidemment, est premier magistrat d'une ville qui est la plus grande ville du Canada.

M. le Président, bien sûr, si j'ai tenu à souligner ce message qu'écrivait le maire Jean Drapeau en I969 et sa position de I972, c'est parce que je crois sincèrement qu'elle reflète la position de plusieurs maires de nos villes du Québec, de plusieurs échevins de nos villes du Québec, de plusieurs personnes qui sont en autorité dans la société, à la tête de mouvements sociaux ou autres mouvements. Bien entendu, il y a également des points de vue différents quant à la question de fond, quant à savoir s'il est souhaitable pour la santé publique d'avoir, oui ou non, une telle mesure. Cette question de fond est contestée.

Je me demande sérieusement et honnêtement si le fait d'être devant une question aussi importante que celle-là et contestée par des scientifiques si nous avons le droit de prendre un tel risque. Bien sûr, si l'on pouvait nous garantir qu'il n'y a aucune espèce de danger, hors de tout doute, la question de fond à ce moment pourrait peut-être s'écarter. Nous en reviendrions cependant, à la question des libertés individuelles qui pourraient quand même être invoquées sachant que, même si un médicament ou une chose est bonne pour un malade, sachant que, d'après nos habitudes, nos coutumes, d'après nos lois, la liberté de l'individu doit toujours être respectée quand il s'agit de sa personne physique. A ce moment, nous n'aurions pas le droit non plus, je pense, de l'imposer. A la rigueur, nous pourrions peut-être y aller par voie de référendum en consultant la population et en considérant la majorité.

D'après les témoignages que nous avons — et je ne suis pas, évidemment, un expert en la matière — je ne vous dirai pas que cette mesure est mauvaise pour la santé en partant de mon propre jugement, je le fais en partant du jugement des autres qui se sont prononcés. Que ces jugements soient excellents, moyens, bons, mauvais, il reste une chose, c'est que, dans le domaine scientifique, on ne fait pas l'unanimité quant au bienfait de cette mesure.

S'il y a quelque danger que ce soit, même le plus petit danger possible, je pense que cela devrait être suffisant pour nous commander une grande prudence.

Tout ceci est une argumentation à l'appui de ma demande de retirer l'article 2 du projet de loi 88.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Avant de donner la parole au ministre, j'aurais une rectification à faire. J'ai mentionné tout à l'heure que c'était en vertu de l'article 64 que les votes en commission se prenaient à main levée, ce n'est pas en vertu de l'article 64, mais bien en vertu de l'article 149.

Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: Merci, M. le Président, de cette précision. J'ai écouté avec attention le député de Rouyn-Noranda, comme je le fais toujours d'ailleurs, mais particulièrement parce qu'il citait le maire de Montréal dans une longue déclaration datant de 1969.

M. Drapeau est un homme qui a été élu à une charge publique trop souvent et avec des majorités trop considérables pour que qui que ce soit dans la vie publique soit même tenté de faire peu de cas de ses déclarations.

En effet, je crois qu'il a reçu suffisamment de confirmations par le scrutin populaire pour que nous attachions une importance de premier plan à l'opinion qu'il exprime.

Je dois d'ailleurs dire que je suis substantiellement d'accord sur la plupart des remarques que vient de citer le député de Rouyn-Noranda et je le remercie, d'ailleurs, d'avoir cité non pas des extraits de ce texte, mais d'avoir cité presque en entier ce que le maire de Montréal déclarait en 1969.

En premier lieu, je suis d'accord à 100% avec le député et le maire de Montréal pour juger que si nous avions à l'esprit d'introduire un médicament dans l'eau de consommation, il serait absolument

irrecevable d'envisager une mesure non seulement obligatoire, mais même une mesure qui, empruntant ce canal, l'eau de consommation, serait même facultative. Je crois qu'il serait absolument à rejeter de considérer toute addition d'un médicament à l'eau de consommation.

Il y a deux éléments essentiels pour faire d'un produit un médicament. C'est qu'en premier lieu il puisse servir à guérir ou à soulager une maladie et que, deuxièmement, il soit un élément essentiellement médicamenteux plutôt qu'un nutriment.

Or, sur ces deux points, le fluor n'a pas pour but de guérir une maladie. Il a pour but de prévenir la susceptibilité à une maladie. C'est un élément de prévention et cet élément de prévention n'est pas un médicament, il est un élément normal, naturel et essentiel de l'alimentation.

Le but de la loi n'est donc pas d'introduire un médicament dans l'ingestion de l'être humain, mais d'introduire une correction au taux de fluorure qui se trouve naturellement dans toute eau de consommation, fluorure qui est un élément normal d'une diète équilibrée quoiqu'en quantité infime, mais c'est également en quantité infime que nous avons l'intention d'effectuer cette correction.

Donc, sur le fond, je suis d'accord avec le maire Drapeau et avec le député de Rouyn-Noranda et je m'opposerais personnellement avec la dernière énergie à ce qu'on introduise des médicaments dans l'eau de consommation ou dans l'air ambiant, par quelque moyen où l'administration ou l'ingestion du médicament en question ne peut être contrôlée sur une base individuelle. Mais il ne s'agit pas de cela, et je pense que, pour rendre justice à la déclaration du maire Drapeau, qu'en 1969 les études de nutrionnistes nord-américains sur ce sujet n'avaient pas progressé au point de faire ressortir le caractère de nutriment, caractère essentiel d'un élément de l'alimentation qu'est le fluor.

Pour ce qui est des libertés du citoyen, j'ai déjà traité, et je ne le fais que brièvement, de ce problème au cours de la deuxième lecture du projet.

S'il fallait s'interdire de restreindre en quoi que ce soit la liberté des citoyens, il faudrait s'interdire de légiférer. A titre de membres de l'Assemblée nationale, nous sommes complices quotidiennement d'une tentative répétée de limiter la liberté des citoyens.

Nous le faisons, je crois, la plupart du temps et, espérons-le à toutes les occasions, avec des objectifs qui sont également respectables et sur un pied d'égalité avec le principe de la liberté individuelle qui n'est pas un principe absolu, mais qui, comme tous les principes d'organisation sociale, ne se comprend que dans un certain équilibre avec d'autres principes.

Bien sûr, le maire Drapeau, dans la citation qu'on vient de nous faire, fait une distinction entre la liberté des citoyens qui serait également affectée par une mesure prise au niveau municipal en général et l'intégrité ou le maintien de l'intégrité physique.

Or, M. le Président, je vois mal comment on peut maintenir une pareille distinction. L'intégrité physique de tout citoyen est constamment affectée par des mesures gouvernementales, des mesures administratives.

Lorsque, par exemple, en vertu même d'une réglementation, certains standards ou certaines normes, quant à la pureté de l'air ambiant sont édictés, par implication directe de ces normes, on impose à tous les citoyens un certain degré de concentration — qui peut être jugé inoffensif, mais qui est néanmoins réel — de certaines poussières ou de certains autres polluants chimiques ou autres dans l'atmosphère.

Vouloir respecter à 100% l'intégrité physique des citoyens nécessiterait une pureté absolue de l'air qu'on ne retrouve peut-être pas dans les forêts du Nouveau-Québec pour différentes raisons, mais ce serait créer une atmosphère absolument artificielle pour respecter cette pureté.

De toute manière, les normes que nous appliquons, les normes que les municipalités appliquent à cet égard, à l'égard de l'enlèvement des déchets, à l'égard d'un tas de choses qui touchent l'intégrité physique par leur effet possible sur la santé publique, affectent cette intégrité et constituent des éléments déterminants de l'état de santé de la population.

Il n'y a aucune philosophie qui puisse nous permettre d'ignorer ces implications, d'ignorer ces conséquences.

Donc, nous ne faisons rien d'autre que d'affecter, de la même façon que d'autres législations le font, certains éléments de l'environnement. Non pas en ajoutant des médicaments, mais en corrigeant la composition de l'eau, en la corrigeant sous un espect essentiel à une diète équilibrée et essentiel au développement de l'être humain, et en particulier, au développement de son système osseux.

La deuxième partie de l'argumentation citée par le député de Rouyn-Noranda touche à une hypothèse qu'a formulée le maire Drapeau, une hypothèse significative, malgré tout.

Se plaçant dans le contexte de 1969, le maire Drapeau a posé la question suivante qui lui apparaissait peut-être très hypothétique à l'époque: Est-ce que l'Assemblée nationale ne devrait pas légiférer, de manière à rendre obligatoire et absolument générale, une mesure telle que celle-là, si l'Assemblée nationale, si le gouvernement du Québec juge que c'est une mesure désirable?

Bien sûr, dans son esprit, c'était à l'époque une question hupothétique, mais bien des choses se passent dans une période de six ans. Bien des choses qui étaient hypothétiques en 1969 sont devenues même passées et dépassées par les événements, six ans plus tard.

Je pense que la question que posait le maire reçoit, aujourd'hui sa réponse. C'est une réponse qui devait, malgré tout, ne pas être, même si elle était hypothétique, tout à fait invraisemblable, puisque autrement, il ne se serait pas donné la peine de la soulever, étant un homme d'un naturel fort sérieux, comme tout le monde le sait.

M. Samson: Si le ministre me permettait une petite parenthèse, M. le Président.

M. Forget: Oui, bien sûr.

M. Samson: Le maire Drapeau a également souligné que pas une Assemblée nationale n'oserait adopter une certaine loi. J'en conclus que c'est parce que le maire Drapeau ne le connaissait pas à ce moment-là.

M. Forget: Cela fait partie de l'hypothèse qui s'est vérifiée. Je laisserai le maire Drapeau faire ses conclusions là-dessus.

J'aimerais, M. le Président, en terminant ces remarques relativement à cette capacité de légiférer, citer malgré tout des exemples qui sont nombreux à différents niveaux de gouvernement, si on veut. Sur le plan de l'Etat ou du gouvernement provincial comme tel, il existe malgré tout dix Etats américains qui nous ont précédés sur cette voie, dix Etats américains qui ne sont pas parmi les plus rétrogrades, au contraire, dans ce pays et qui, depuis I965, certains depuis déjà dix ans, ont adopté la fluoration obligatoire de l'eau de consommation pour toute leur population. Je les nomme, en donnant en même temps l'année à laquelle est devenue applicable cette mesure. Le Connecticut, en premier lieu, qui a voté une loi à cet effet en I965; le Minnesota, en I967, qui est probablement, parmi les Etats américains, celui où les lois sociales sont les plus progressistes, un Etat qui a été... enfin, je ne veux pas parler de l'Etat de Minnesota plus longtemps, mais je pense que l'énumération même des Etats, pour ceux qui connaissent un peu l'histoire américaine récente, est très indicative de l'orientation adoptée; l'Illi-nois, qui a voté une loi en I967; le Delaware, en I968, de même que le Michigan, la même année; le Dakota-Sud, en I969; l'Ohio, en I969 également; la Georgie, en I973; le Nebraska, en I973, et Hawaï, en I974.

Ceci, pour ne parler que du palier gouvernemental et se limiter au continent nord-américain. Au Québec même, des administrations municipales ont pris cette décision depuis longtemps et ont montré par leur exemple qu'il était possible, concevable de légiférer sur cette matière puisque, dans l'absence d'une loi-cadre provinciale, les réglementations municipales avaient le même effet, le même caractère obligatoire sur le territoire affecté que la loi qui est présentement devant nous.

Or, certaines municipalités du Québec ont pris cette décision. Il y aura vingt ans cette année, la ville de Pointe-Claire, dont le maire est d'ailleurs un membre de cette Assemblée nationale, a pris cette décision en I955. Un autre maire d'une ville, la deuxième ou la troisième en importance démographique au Québec, dont le maire est un médecin, le Dr Lucien Paiement, écrivait à la commission parlementaire pour présenter le mémoire qu'ils ont soumis à la commission parlementaire et déclarait: "J'ai l'honneur de vous soumettre un dossier sur la fluoration des eaux de consommation à Laval. La grande expérience de nos services techniques dans l'application de la fluoration des eaux nous incite à témoigner devant cette commission parlementaire pour vous faire part des expériences vécues à Laval depuis 17 ans. Les ex-municipalités de Pont-Viau, de Chomedey et de Sainte-Rose ont été parmi les premières villes québécoises à adopter la fluoration comme mesure préventive contre la carie dentaire." Notez, M. le Président, que ceci date d'avant la fusion de ces municipalités; donc, il ne s'agit pas seulement d'une décision, mais de la décision de ces trois municipalités. "Les ententes intermunicipales pour la distribution de l'eau potable sur l'île Jésus, territoire actuel de Laval, ont permis à la grande majorité de la population de recevoir de l'eau fluorée dès le début des années I960. Aujourd'hui 232,500 personnes, 96% de la population de Laval, consomment de l'eau fluorée. Nos services techniques s'apprêtent à installer un fiuorateur à l'usine de filtration de Saint-François. "Cette installation permettra d'étendre la fluoration de l'eau sur tout le territoire de la ville de Laval. Nous pouvons affirmer que notre expérience d'application des fluorures dans l'eau potable s'est avérée une expérience heureuse sur le plan technique. "D'autre part, nous croyons savoir que cette expérience fut également bénéfique pour prévenir la carie dentaire chez les Lavallois. Nous pouvons également affirmer que les méthodes d'injection du fluor dans l'eau potable, les méthodes de contrôle en usage à Laval respectent les exigences du ministère des Affaires sociales. Nous sommes assurés que la population de Laval a été bien protégée par ces méthodes de contrôle."

Voici d'autres maires de villes importantes du Québec qui, devant le même problème, ont adopté des attitudes différentes et je crois qu'ils ont démontré qu'il était possible et concevable, dans un contexte démocratique, de prendre de pareilles décisions et nous ont montré la voie. Je crois qu'il appartient maintenant à l'Assemblée nationale de suivre la voie qu'ont tracée ces prédécesseurs qui a donné lieu à une expérience heureuse dans 88 municipalités du Québec, sans danger, sans incident et sans aucune évidence des calamités ou des complications qui sont parfois suggérées.

C'est la raison pour laquelle je suggère que cette commission rejette l'amendement soumis par le député de Rouyn-Noranda.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce que la commission est prête à se prononcer sur l'amendement du député de Rouyn-Noranda?

Quels sont ceux qui sont en faveur de l'amendement du député de Rouyn-Noranda? Quels sont ceux qui sont contre? La motion est rejetée.

M. Samson: Puis-je vous souligner, M. le Président, que celui qui était en faveur de mon amendement, c'est moi-même, pour les fins du journal des Débats?

Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce que la commission est prête à se prononcer sur l'amendement du ministre des Affaires sociales qui se lit comme suit: "Ajouter à l'article 24 h)...

M. Forget: Un article 24 h), ajouté à la suite de l'article 24 g).

Le Président (M. Houde, Limoilou): Ajouter, à la suite de l'article 24 g), l'article 24 h) qui se lit comme suit: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut prolonger les délais prévus à l'article 24 d) au bénéfice de tout propriétaire d'une usine de filtration des appareils de fluoration de manière ordonnée, compte tenu des ressources disponibles." Est-ce que la commission est prête à se prononcer sur...

Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, sur cet amendement qui est proposé par le ministre, évidemment, cela ne change pas le fond de la question que nous retrouvons à l'article 2 et qui, évidemment, amende l'article 24. Cela vient peut-être donner un certain délai au ministre pour utiliser plus la conviction avant d'imposer carrément la loi et rendre la fluoration obligatoire. Cela m'apparaît comme un moindre mal. Cela ne me donne pas, évidemment, satisfaction.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Je voudrais dire au député de Rouyn-Noranda qu'il y a une correction à l'amendement. Si vous voulez je vais relire à nouveau l'amendement.

M. Samson: D'accord!

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'article 24 h) se lit comme suit: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut prolonger les délais prévus à l'article 24 d) au bénéfice de tout propriétaire d'une usine de filtration afin de répartir l'installation des appareils de fluoration de manière ordonnée, compte tenu des ressources disponibles."

M. Samson: C'est ce que j'avais.

M. Forget: II y avait un mot interverti.

M. Samson: Ah bon! Je disais justement, M. le Président, que cela ne me donne pas nécessairement satisfaction puisque le fond de la question reste le même. La fluoration sera quand même obligatoire, sauf que le ministre nous amène dans le débat une certaine souplesse en démontrant sa volonté, au moins, de pouvoir utiliser des délais pour utiliser la conviction plutôt que l'obligation qui était prévue directement dans la loi avant l'amendement.

Bien sûr, M. le Président, étant un adversaire acharné de la fluoration, je pense bien que le ministre ne s'attendra pas que je vote en faveur de l'amendement parce que l'amendement ne change pas le fond de la question. Je dois reconnaître, honnêtement, que l'amendement permettra quand même de meilleures relations avec les municipalités concernées. Compte tenu de ces dispositions, je me contenterai tout simplement de m'abstenir de voter sur cet article.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'article 24 h) est adopté avec l'abstention du député de Rouyn-Norands.

Article 14. Adopté.

M. Samson: Attendez, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le projet de loi no 88...

M. Samson: Un instant, M. le Président, n'allez pas trop vite. Vous appelez l'article 14, il faut que je le vois. "La présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction."

M. le Président, je vote en faveur.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 14, adopté. Le projet de loi no 88, Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique, adopté avec amendements.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 54)

Document(s) related to the sitting