To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente des affaires sociales

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente des affaires sociales

Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, November 29, 1977 - Vol. 19 N° 261

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 9 — Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 9

(Dix heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales est réunie pour entendre les mémoires concernant le projet de loi no 9, Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.

Les membres de la commission sont M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Charron (Saint-Jacques) remplacé par M. Laplante (Bourassa), M. Clair (Drummond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplacée par M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Shaw (Pointe-Claire) remplacé par M. Biron (Lotbinière).

M. Gagnon (Champlain) remplace Mme Ouellette (Hull).

Préliminaires

La commission doit désigner un rapporteur. Avez-vous une suggestion? M. le député de Champlain, est-ce accepté? Oui. Le rapporteur est M. Gagnon, de Champlain.

Aujourd'hui, nous entendrons les organismes suivants: L'Association du Québec pour les déficients mentaux, le Comité de liaison des handicapés physiques du Québec, l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc., la Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec. Dans l'ordre, les numéros des mémoires sont 4-M, 21-M, 16-M et 50-M.

Avant de procéder à l'entente sur la répartition du temps ainsi qu'au discours de présentation, d'ouverture de chaque partie, on m'a informé qu'il était de l'intention des membres de la commission d'accepter le visionnement d'un film. Avant cette présentation, M. le ministre aurait de brefs mots a dire, ainsi que les responsables de ce film.

M. Lazure: M. le Président, les mots officiels, ce sera pour tantôt. Comme préambule à cette commission, on a pensé qu'il serait intéressant de visionner un film qui dure à peine dix minutes et qui a été monté par un groupe de la région d'Alma.

Nous l'avons visionné il y a quelques semaines. C'est assez caractéristique du travail de réadaptation qui se fait dans diverses régions du Québec. Sans plus tarder, je demanderais à M. Martin Belley, qui est le directeur général de l'atelier protégé CEDAP, à Aima, de nous dire quelques mots pour présenter le film.

Le Président (M. Marcoux): M. Belley, pouvez-vous aller au micro en arrière de la table, au micro réservé à nos invités, vous présenter et indiquer l'organisme dont vous faites partie?

M. Belley (Martin): Vous allez m'excuser; je vais être obligé de m'asseoir puisqu'on ne peut pas lever le micro ici.

Le Président (M. Marcoux): Cela va. C'est la position normale de nos invités.

M. Belley: Martin Belley, directeur général de l'Atelier CEDAP du Lac-Saint-Jean, à Aima. M. le ministre, M. le Président, MM. les députés et invités à cette commission, le film que nous allons visionner n'a pas été fait dans le but de publici-ser un centre en particulier, mais bien de montrer l'essentiel du fonctionnement d'un de ces 40 centres qui, actuellement, se définissent comme le veut "Eléments d'une politique de réadaptation des adultes", du ministère des Affaires sociales de juin 1974.

Le centre en question a eu l'avantage de naître la même année que cette dernière publication qui a comme leitmotiv "La Normalisation".

C'est pourquoi on pourra constater qu'autant dans la localisation, l'installation, l'équipement et l'activité exercée, tous les efforts ont été mis de l'avant pour répondre au voeu exprimé par cette politique.

Bien plus, et le film le laisse entendre surtout par le texte, une véritable pédagogie de réadaptation visant l'autonomie la plus complète possible de la personne y est appliquée selon les objectifs fondamentaux d'entraînement au travail par le travail et du dévelopement psychosocial de l'individu.

La programmation de cette pédagogie de réadaptation s'adresse à des personnes qui comportent des limitations à divers degrés tant sur le plan intellectuel, physique que social et que divers organismes reconnus du milieu ont identifiées comme étant inaptes pour le moment à accéder au marché régulier du travail.

Il est démontré que le candidat Serge Bou-dreault a, après un stage d'un an et sept mois, intégré le marché régulier du travail.

Cependant, il n'en est pas de même pour tous les travailleurs-stagiaires, car un bon nombre devront, à la fin de leur entraînement, être dirigés vers le marché protégé ou adapté du travail, où on leur assurera une permanence avec les conditions que veut bien énoncer "Proposition de politique" et qui se traduit dans le texte du projet de loi no 9.

Ce court documentaire réalisé par un groupe qui en est à ses premières armes aura atteint son but, si, tout en donnant une certaine information, il provoque chez son auditoire le désir de s'interroger davantage.

En terminant, la Corporation CEDAP Lac-Saint-Jean Inc., se dit heureuse d'avoir apporté sa contribution à la commission. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je demanderais au technicien de s'exécuter et je vais m'exécuter aussi.

Note de l'éditeur: Les membres de la commission assistent, à ce stade, au visionnement du film dont on vient de parler. La séance reprend ensuite.

Le Président (M. Marcoux): Je dois d'abord remercier les réalisateurs du film ainsi que les responsables de la maison qui ont permis sa réalisation. Je crois que ce film — c'est l'avis unanime des membres de la commission — constitue peut-être la meilleure introduction que nous puissions avoir aux travaux de cette commission. Je crois que M. Belley voudrait ajouter quelques mots?

M. Belley: M. le Président, c'est simplement pour dire que nous avons un texte intégral à la disposition de tous les gens de la salle, pour ce qui est du film. Avec votre permission, nous pourrions le faire circuler.

Le Président (M. Marcoux): Vous pourriez le faire distribuer. Les membres de la commission l'ont déjà. Il y a des messagers qui pourront le faire.

Avant de céder la parole à M. le ministre pour le mot d'ouverture, je voudrais qu'on puisse arriver à l'entente habituelle sur l'utilisation de notre temps. Je sais qu'il y a eu des discussions entre les différents partis avant l'ouverture de la commission et on en serait arrivé à l'entente suivante: chaque mémoire disposerait d'une heure et cinq minutes à répartir de la façon suivante: 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel, 15 minutes pour le Parti libéral et 10 minutes pour l'Union Nationale. Cette répartition et cette utilisation du temps pour chaque mémoire conviennent-elles aux différents membres de cette assemblée?

M. Goldbloom: M. le Président, certainement, avec une seule réserve. Vous comprenez que je remplace aujourd'hui, pour cette seule journée, le député de L'Acadie. J'aimerais qu'elle puisse en discuter avec le ministre si, pour une raison ou une autre, elle voulait un arrangement différent.

Le Président (M. Marcoux): D'accord?

M. Biron: M. le Président, une simple petite réserve aussi vis-à-vis des gens qui présentent les mémoires. Est-ce que vingt minutes sont véritablement suffisantes pour tous les mémoires ou s'il n'y a pas quelques mémoires qui nécessiteront plus de vingt minutes? Quant à moi, je suis prêt à allouer peut-être plus de temps pour certains mémoires, si on en a besoin de plus. Quant au temps réservé aux partis politiques, je suis d'accord avec votre suggestion.

Le Président (M. Marcoux): S'il survient des problèmes quant à la présentation des mémoires, il faut tenir compte du fait que, normalement, tous les membres de la commission ont les mémoires une dizaine ou une quinzaine de jours auparavant et que, normalement, ils l'ont lu. Si les membres de la commission jugent que, pour certains mémoires, ils veulent prolonger le temps, nous adopterons leur avis sans problème.

Cela ya?

J'inviterais M. le ministre à prendre la parole.

Exposé initial du ministre M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, membres de la commission, mesdames, messieurs, je veux moi aussi remercier le groupe d'Alma pour la présentation de ce film qui nous situe un peu dans le cadre des problèmes qu'affrontent les milliers de personnes handicapées au Québec. Je veux souhaiter la bienvenue à tous ceux qui se sont déplacés, en particulier aux personnes handicapées qui ont dû voyager assez loin. Je veux aussi remercier les représentants d'organismes qui militent en faveur des droits des personnes handicapées. Je veux remercier tous ceux qui se sont prononcées sur ce projet de loi, en particulier ceux qui nous ont présenté des mémoires. La qualité des mémoires qui ont été déposés démontre l'importance du sujet et je suis convaincu que nous pouvons, tous ensemble, faire de cette loi un outil très utile. Dans mon esprit, il n'y a rien d'immuable dans ce projet de loi et je suis prêt à le modifier de façon substantielle, si nécessaire.

Dans les jours qui suivent, nous aurons à rendre ce projet de loi le plus conforme possible aux besoins réels des principaux intéressés. Comme je l'ai déjà affirmé, une telle loi, dans une société idéale, serait superflue. Mais la situation actuelle des personnes handicapées nous impose l'obligation d'intervenir.

La politique du gouvernement à l'égard des personnes handicapées vise les objectifs suivants: promouvoir l'autonomie des personnes handicapées, développer et maintenir au maximum les capacités des personnes handicapées, adapter les équipements aux besoins des personnes handicapées, favoriser l'intégration des personnes handicapées aux activités et aux situations de vie considérées comme normales dans notre société et, enfin, assurer progressivement la prise en charge par l'Etat des coûts entraînés par un handicap.

Peu après le dépôt à l'Assemblée nationale du présent projet de loi no 9 et du livre blanc qui propose une politique à l'égard des personnes handicapées, j'ai demandé à un groupe de travail composé de fonctionnaires de notre ministère d'effectuer une tournée d'information et de consultation à travers le Québec.

Cette tournée, de même que l'étude et l'analyse des 60 mémoires qui ont été déposés à la commission parlementaire, nous ont convaincus de la nécessité d'envisager certaines modifica-

tions essentielles à l'amélioration du projet de loi.

Suite à l'audition de cette commission qui nous apportera l'éclairage nécessaire à la formulation d'une série d'amendements, nous déposerons ce projet de loi pour deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

L'office institué par le projet de loi nous apparaît comme un instrument d'intervention nécessaire pour garantir que les diverses instances gouvernementales ou non gouvernementales offrent les services auxquels les personnes handicapées ont droit. Dans notre optique, l'office est un organisme dont le personnel sera relativement restreint et dont le rôle est de coordonner, identifier et utiliser les services existants. L'office peut également concevoir et susciter le développement de nouveaux services seulement lorsque les organismes locaux ou régionaux ne parviendront pas à le faire. Les premiers mandats de l'office devront être la préparation d'un inventaire, avec les groupements et les personnes concernés, des besoins des personnes handicapées et des ressources existantes ou devant être créées en vue de l'élaboration et de la mise en place d'une politique globale de la réadaptation.

Afin d'éviter de créer une structure trop centralisée, nous envisageons la possibilité d'assurer une représentation régionale au conseil d'administration de l'office. Nous voulons que les fonctions de l'office relatives à des services directs à la clientèle, tels que, par exemple, plans de services, aide matérielle, contrats d'intégration professionnelle ou sociale, soient organisées sur une base régionale, de préférence par des ententes avec les organismes régionaux existants. Ainsi, les fonctions centralisées de l'office se limiteraient principalement à la coordination des services, la promotion des intérêts des personnes handicapées, l'information et la conception de services, en collaboration avec les représentants des principaux intéressés. Cette approche garantirait l'existence d'une organisation souple qui ferait appel, dans la mesure du possible, aux ressources existantes. L'office pourra aussi jouer, de concert avec les organismes et les ministères concernés, un rôle d'éducation populaire en matière de prévention des handicaps physiques et des handicaps mentaux.

Nous envisageons également la possibilité d'assurer au niveau du conseil d'administration une plus grande représentation des personnes handicapées ou de leurs représentants, ainsi que celle des ministères concernés. La représentation des ministères pourrait s'effectuer selon un système de rotation, afin d'éviter une structure trop lourde et, étant donné le nombre considérable de ministères qui peuvent être impliqués dans la mise en oeuvre de tous les services qu'il faut prévoir.

Concernant les droits, le fait de proposer un chapitre particulier a suscité plusieurs interrogations sur l'application de la Charte des droits et libertés de la personne. L'objectif étant la recon- naissance aux personnes handicapées des droits et libertés reconnus à tous les individus, nous pensons, suite à des consultations avec le ministère de la Justice, pouvoir inclure le contenu de ce chapitre dans les lois existantes.

Dans cette même ligne de pensée, nous entendons assurer le libre choix de la personne à l'égard de toute mesure préconisée par le projet de loi et enlever tant la nécessité de reconnaissance par l'office que l'obligation d'une carte d'identité, deux mesures qui constituent une identification particulière et qui nous apparaît superflue. Une carte d'identité sera émise seulement sur demande et ne pourra pas être exigée pour bénéficier des services offerts.

A la suite des discussions que nous aurons pendant la présente commission, nous étudierons la nécessité d'introduire la notion de représentant légal de la personne handicapée.—Je vois M. Pelletier qui sourit — La personne ainsi désignée pourra agir ou donner son consentement lorsque la personne handicapée en est incapable. Une telle représentation légale serait surtout nécessaire dans le cas d'une personne atteinte d'un handicap mental.

Même si, dans le projet de loi, on ne parle pas nommément des enfants, il est bien entendu — et je voudrais dissiper ce malentendu une fois pour toutes — que le terme "personne handicapée" se rapporte également aux enfants et adolescents et que les services prévus par l'office seront tout autant accessibles à l'enfant qu'à l'adulte.

Suite à des discussions avec le ministère de l'Education, nous étudions des modalités visant à assurer la scolarisation des enfants handicapés tant au niveau de la maternelle qu'aux niveaux élémentaire et secondaire. Notre intention est de pallier les refus dont sont l'objet les enfants handicapés lorsque les parents veulent les inscrire à une classe maternelle et permettre qu'un enfant ne soit pas privé d'une scolarisation adéquate sous prétexte de son incapacité à profiter des programmes disponibles.

Enfin, le projet assure déjà la scolarisation jusqu'à l'âge de 21 ans pour les enfants qui subissent un retard scolaire du fait de leur handicap. Rappelons que le ministère de l'Education du Québec offre déjà des bourses aux personnes handicapées qui désirent poursuivre des études collégiales et universitaires.

A l'égard des organismes de promotion, les mémoires soulignent que le projet de loi limite le droit à la liberté d'association en exigeant un certificat de reconnaissance pour tous les organismes de promotion. Notre but est uniquement de contrôler les organismes qui recueillent des fonds pour les personnes handicapées afin d'éviter l'exploitation de la personne handicapée et l'exploitation du public. Le projet sera révisé afin d'assurer un contrôle dans le sens indiqué et d'accorder aussi un droit d'appel d'une décision de l'office à l'égard d'un organisme.

Il nous apparaît également nécessaire d'atténuer l'obligation, pour un atelier protégé, de s'engager à embaucher des personnes handica-

pées placées par l'office et ceci — atténuer cette obligation, la modérer, si vous voulez — en établissant une procédure d'admission avec les ateliers eux-mêmes ou les centres de réadaptation, selon le cas.

Relativement à l'emploi, l'obligation faite aux employeurs d'engager un certain pourcentage de personnes handicapées doit être une mesure de dernier recours. Notre volonté est de favoriser au maximum les mesures incitatives avant d'obliger l'employeur à cet effet. Aussi, nous étudions la possibilité d'amender le projet de loi afin que chaque entreprise soit non pas obligée d'engager un certain pourcentage de personnes handicapées, mais soit plutôt requise — chaque entreprise de 50 salariés et plus — de présenter à l'office un plan visant à assurer l'embauche de personnes handicapées.

Le livre blanc proposait l'élimination, sur une période de dix ans, des barrières architecturales des édifices qui appartiennent au gouvernement du Québec. Nous avons reçu de nombreuses représentations demandant de réduire cette période à cinq ans et d'étendre ce programme au réseau des établissements de l'éducation et des affaires sociales. Le ministère des Travaux publics prépare actuellement un programme visant à éliminer les barrières architecturales des édifices gouvernementaux d'ici cinq ans. Les ministères des Affaires sociales et de l'Education étudient des dispositions permettant d'étendre ce programme aussi à leur réseau respectif dans un délai de cinq ans.

A ce chapitre, nous pouvons penser à de nombreuses modalités d'adaptation telles que l'adaptation de trottoirs pouvant être accessibles aux handicapés visuels et aux utilisateurs du fauteuil roulant, des signaux lumineux d'urgence pour les sourds-muets, des places réservées dans les stationnements publics, l'adaptation des téléphones publics. Comme on peut le voir, les possibilités d'intervention dans ce domaine sont multiples.

Enfin, le transport nous apparaît un secteur prioritaire d'intervention. Le ministère des Transports accepte le principe que le transport spécialisé soit sous sa responsabilité et est à élaborer un plan de développement tant pour ce type de transport que pour l'adaptation des véhicules réguliers de transport public. Le gouvernement, comme vous le savez, subventionne déjà trois projets importants de transport pour handicapés, soit Montréal, Québec et Sherbrooke.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi que nous étudierons au cours des prochains jours m'apparaît essentiel pour l'élaboration et la mise en place des services devant assurer l'exercice des droits des personnes handicapées. Il peut certainement être amélioré et notre but est d'y apporter les modifications nécessaires à la lumière des commentaires, des remarques et des recommandations qui nous seront faits.

En terminant, je voudrais remercier toutes les personnes et tous les groupes qui ont étudié le projet de loi, préparé des mémoires et qui viendront se faire entendre devant la commission. A l'avance, je m'excuse aussi auprès des groupements qui ne pourront pas être entendus; il est bien évident que la commission ne pourra pas entendre les représentants des 61 groupes qui ont envoyé un mémoire. Nous allons essayer de faire un choix qui va tenir compte des différentes régions du Québec et qui va tenir compte des différents types de handicaps qu'on peut retrouver dans une société. Nous examinerons ensemble les propositions contenues dans cet exposé, l'exposé que je viens de donner, et nous analyserons toute autre suggestion pouvant rendre ce projet de loi le plus conforme possible aux besoins réels des personnes handicapées. Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de d'Arcy McGee.

Remarques de l'Opposition

M. Victor C. Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, le sujet que nous examinons aujourd'hui est de très grande importance. Les 60 mémoires soumis en témoignent. La durée de mes remarques sera en proportion inverse à cette importance. L'occasion qui nous est fournie aujourd'hui n'est pas celle de faire un débat contre le gouvernement sur tel ou tel aspect du projet de loi; ce moment viendra ultérieurement. Nous sommes venus ici pour entendre des invités et pour établir un dialogue avec eux.

Je n'aurai pas besoin de reprendre les nombreux points constructifs soulevés par le ministre dans son bref discours d'ouverture; c'est un projet de loi, d'ailleurs, vous le savez, M. le Président, qui avait été préparé auparavant et qui, dans ses grandes lignes, suit les traces déjà établies; il y a certaines différences que nous notons, nous aurons l'occasion d'en parler quand l'Assemblée nationale se penchera sur le projet de loi comme tel.

Il me serait possible de parler longuement d'une expérience personnelle; tout comme, sûrement, mon confrère le ministre, j'ai travaillé pendant de longues années avec des enfants handicapés, dans mon cas, et avec leurs parents. Je dis cela pour souligner l'intérêt que je porte au sujet et la sensibilité que j'espère manifester aux divers aspects des nombreux problèmes. Ce disant, M. le Président, je crois bien que vous allez offrir la parole au député de Lotbinière; nous l'écouterons avec intérêt et, après cela, il me semble que le moment sera venu d'écouter nos invités.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Lotbinière.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président. D'abord, je veux remercier le CEDAP d'Alma de la présentation de son film et je félicite le ministre aussi de cette ouverture d'esprit qu'il a manifestée au début de son allocution lorsqu'il dit qu'il n'y a rien d'immuable dans cette loi et qu'il voulait véritablement que cette loi soit conçue pour répondre aux besoins des gens qui sont concernés, des handicapés dans ce cas particulier. Surtout compte tenu des critiques que nous avons reçues de la part des travailleurs sociaux et du front commun des personnes handicapées, nous devons écouter les mémoires d'une oreille attentive, avec énormément d'ouverture d'esprit, et je suis heureux de voir que le ministre est ouvert là-dessus.

Nous entreprenons aujourd'hui, M. le Président, l'audition des mémoires qui traitent le projet de politique du gouvernement à l'égard des personnes handicapées. Inutile d'insister longuement sur l'importance de cette démarche dans le contexte actuel de contestation vis-à-vis du projet de loi assurant l'exercice des droits à des personnes handicapées. En effet, on a pu constater, au cours des mois qui ont suivi le dépôt simultané du livre blanc et du projet de loi no 9, que les principaux intéressés, les handicapés eux-mêmes, par le truchement des organismes qui les représentent ou qui travaillent avec eux, n'ont demandé rien de moins que le retrait du projet de loi 9. Ajoutez à cela le fait que déjà plus de 50 mémoires nous sont parvenus, et vous comprendrez à quel point il était essentiel de tenir ces auditions. Vous trouvez sans doute, M. le Président, que j'ai la critique facile; c'est pourquoi je veux dès maintenant nuancer mes propos. Je vais vous citer un paragraphe tiré de la 7e page du livre blanc et qui indique quelles sont les personnes visées par le présent projet de loi.

Je cite: "La présente politique vise essentiellement les personnes qui, suite à une déficience physique ou mentale permanente, congénitale ou acquise, éprouvent des difficultés importantes dans l'accomplissement des activités et des rôles normalement entendus par la société." Je crois que cette affirmation contient implicitement le fait que le gouvernement n'a pas l'intention de marginaliser l'ensemble des personnes handicapées, mais plutôt de permettre à celles dont la marge d'autonomie est très faible de jouir de services nécessaires au plein épanouissement de toutes leurs capacités. En ce sens, on ne peut qu'approuver le gouvernement, tout au moins quant à ses intentions. Par contre, nous approuvons la proposition de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux, qui demande que le présent projet de loi devienne essentiellement une loi pour le développement social des personnes handicapées.

Pour la corporation, les handicapés n'ont pas besoin d'une loi pour assurer leurs droits d'une façon marginale, car les droits des handicapés sont les mêmes que ceux des autres per- sonnes, tel que l'assure la Charte des droits et libertés de la personne. En somme, ce qu'il faut faire, c'est s'assurer que les personnes handicapées bénéficient de services nécessaires à l'atteinte des objectifs qui sont définis dans le livre blanc, principalement en ce qui concerne l'éducation, le transport, le logement, les loisirs et l'intégration au marché régulier du travail.

Dans les prochaines semaines, nous entendrons l'opinion de ceux qui oeuvrent dans le milieu concerné, de même que celle de ceux pour qui on présente le projet de loi no 9. Nous espérons sincèrement que leurs observations permettront au législateur de présenter un projet de loi qui réponde vraiment aux besoins et aux aspirations de ces citoyens à part entière.

Nous savons qu'il n'est pas facile de normaliser le développement social, physique, psychologique, intellectuel et économique des handicapés sans donner l'impression de marginaliser leur situation. Mais nous croyons que les échanges que nous entreprenons aujourd'hui vont permettre de minimiser la marginalisation tout en maximisant la normalisation. Nous avons des commentaires relativement au contenu du projet de loi, mais nous préférons les réserver pour le moment où nous étudierons plus précisément ce projet de loi, à la lumière des amendements éventuels et des remarques faites durant l'audition des mémoires.

Avant de terminer, M. le Président, je dois vous dire que, dans toutes mes rencontres et mes discussions avec les personnes handicapées que j'ai pu rencontrer jusqu'à maintenant, j'ai trouvé des qualités extraordinaires, des qualités mentales, intellectuelles et morales surtout, chez ces personnes qui doivent se battre chaque jour pour assurer leurs droits. J'assure le ministre et le gouvernement de la collaboration de l'Union Nationale pour assurer les droits des personnes handicapées afin qu'elles soient considérées au Québec comme des citoyens à part entière. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Je crois que nous pouvons maintenant inviter le premier organisme à nous présenter son mémoire. Il s'agit de l'Association du Québec pour les déficients mentaux. J'inviterais les représentants de cet organisme à s'approcher de la table.

Audition de mémoires

Association du Québec pour les déficients mentaux

M. Perreault (Gaston): M. le Président, mes premiers mots...

Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous vous présenter? Vous êtes M. Jacques Pelletier?

M. Perreault: M. Gaston Perreault.

Le Président (M. Marcoux): M. Gaston Per-reault. Voulez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent?

M. Perreault: Je vous présente M. Jacques Pelletier, à mon extrême gauche, le directeur général de l'Association du Québec pour les déficients mentaux; à ma gauche, Mme Lanteigne, qui est vice-présidente de l'association, que je vous présenterai plus longuement tantôt; M. Cormier, qui siège au conseil d'administration, qui sont tous les deux, ainsi que moi-même, des parents de déficients.

Les premiers mots que j'allais vous dire, c'est que, ce matin, je suis un peu décontenancé, et j'aimerais vous en faire part au tout début, comme cela. L'ouverture du ministre devant le projet de loi, un projet de loi sur lequel on a beaucoup travaillé, les amendements possibles dont il nous a fait part, le boniment que j'ai préparé et que je voudrais bien lire quand même, même si les amendements possibles viennent de nous être divulgués; nous sommes les premiers à présenter un mémoire sur la déficience mentale et nous sommes tellement habitués à être les derniers.

Le premier droit qui nous est reconnu, d'après nous, c'est d'avoir une heure et cinq minutes bien à nous. Je vais lire mon boniment, tel que je l'ai préparé, et je ne prendrai peut-être pas les vingt minutes, mais cela pourrait inciter au dialogue, comme vous l'avez mentionné et nous pourrons peut-être entendre répéter les amendements possibles pour qu'on les inscrive bien dans notre esprit et qu'on puisse s'en souvenir lorsque le projet de loi pourra sortir.

Permettez-moi de remercier cette commission parlementaire de nous entendre sur un projet de loi qui, pour nous, a une telle importance. Nous espérons que notre intervention, que nous voulons très objective, saura aider le législateur à élaborer une loi juste, humanitaire et pouvant résoudre les problèmes quotidiens affrontés par tous les handicapés mentaux.

Permettez-moi, M. le Président, afin que les membres de cette commission puissent connaître mieux leur interlocuteur, de vous dire quelques mots sur notre association.

L'Association du Québec pour les déficients mentaux est un mouvement bénévole composé de plus de 40 associations. Ces associations locales et régionales se retrouvent aux quatre coins du Québec. Elles sont composées de parents, d'amis des personnes déficientes mentales. Nous retrouvons ces associations autant à Hull qu'à Sherbrooke, Montréal, Québec, Rivière-du-Loup, Sept-lles et Havre-Saint-Pierre. Fondée depuis 1951, notre association est, à juste titre, le porte-parole des personnes déficientes et de leurs parents. Notre objectif global est de voir au mieux-vivre de la personne déficiente mentale. Pour ce faire, nos activités se situent dans plusieurs champs d'action. Je vous en nomme quelques-uns: la défense des droits, la promotion des besoins, l'information et le regroupement des parents et amis.

La déficience mentale, messieurs les membres de cette commission, c'est une situation permanente. Cela ne commence pas et ça ne finit pas; pas plus que ça ne se guérit. Les problèmes vécus par une personne déficiente mentale commencent à sa naissance et se terminent à sa mort. Il est extrêmement important que vous compreniez ceci. C'est en fait l'essence même de toutes nos prises de position.

Nous avons voulu, afin de mieux vous informer, vous faire visualiser cette situation que nous qualifions de permanente et de continue. Nous tous ici pouvons vous en parler en connaissance de cause. Mme Lanteigne, que je vous ai présentée tantôt, est mère d'une enfant déficiente de trois ans. Je suis moi-même le père d'une jeune fille de treize ans, déficiente mentale et M. Cormier est père d'un jeune adulte déficient de 22 ans. M. Pelletier, comme nous l'avons dit tantôt, est le directeur général de notre association.

Ceci dit, M. le Président, si vous me permettez peut-être une boutade, dans une enceinte aussi sérieuse, vous avez mentionné tantôt que la position normale de vos invités était assise. J'aimerais peut-être vous dire qu'on aimerait bien démontrer qu'on se tient debout parce qu'on est tanné d'être à genoux. Nous désirons vous informer sans détour que nous sommes pleinement d'accord, sans restriction, avec la nécessité d'un projet de loi par lequel l'exercice des droits des personnes déficientes mentales sera assuré.

Nous regrettons d'avoir à vous dire qu'il faut admettre, en fait, que notre belle société n'a pas atteint le haut niveau de pensée sociale et de justice éclairée dont elle devrait faire preuve et, si je me permets, dont elle se vante tant et si souvent.

Nous sommes d'avis qu'un tel projet de loi ne devrait pas être nécessaire, mais, les choses étant ce qu'elles sont, il serait irresponsable de notre part de nier l'évidence du vécu quotidien. Les personnes déficientes mentales ont besoin d'une loi pour garantir l'exercice de leurs droits, leur permettre d'être des citoyens à part entière et nous attendons cette loi avec impatience.

Le projet de loi 9 a été étudié par des parents. Notre étude a été basée sur les situations journalières que nous vivons, les problèmes qui nous confrontent et que nous devons résoudre continuellement. Nous nous sommes demandé comment ce projet de loi, tel que présenté le 3 juin dernier, tel que formulé, peut éviter, prévenir, corriger et résoudre les situations actuelles qui sont vécues tous les jours par des handicapés mentaux et leurs familles.

Dans notre mémoire, nous avons formulé plusieurs recommandations, certaines très importantes, que je qualifierais même de fondamentales, sur lesquelles nous nous permettrons, si vous le voulez bien, de dialoguer beaucoup plus entre nous, tantôt. Nous regrettons — un peu moins maintenant après ce que nous avons entendu — qu'il ait fallu une loi spéciale pour reconnaître des droits aux personnes déficientes

mentales. Encore une fois, il fait partie de nos demandes que la Charte des droits et libertés de la personne soit modifiée dans ce sens et que toutes les lois dont M. le ministre a parlé tantôt soient corrigées pour y reconnaître les droits de ces personnes. Ces droits devraient être reconnus à ces endroits.

En ce qui concerne la composition de l'office, nous trouvons insuffisant que seulement quatre personnes soient nommées suite à des consultations auprès des organismes des personnes handicapées. Cet office sera tellement important pour les personnes handicapées que nous croyons qu'elles devraient y être représentées en majorité. Voilà pourquoi nous recommandons d'augmenter à six sur onze le nombre de leurs représentants.

Je pourrais me permettre d'ajouter ici, en dehors de mon texte, qu'il n'y a pas beaucoup d'associations ou de conseils d'administration qui représentent des corps — conseils de professions ou autres — dont les gens bénéficient directement ou dont le seul travail de cette entreprise est de faire bénéficier des bénéficiaires où ils sont représentés minoritairement. Je crois qu'il serait avantageux qu'ils soient représentés majoritairement.

Pour ce qui est du rôle et des fonctions de l'office, nous nous questionnons sérieusement. Cet office nous apparaît, tel que nous l'avons vu, comme une superstructure administrative vers laquelle pourrait facilement être canalisé tout ce qui concerne les handicapés. Il est extrêmement dangereux que l'office doive sacrifier à certains moments beaucoup de souplesse. Dans les faits, l'office pourrait facilement administrer les handicapés plus que les aider. Par contre, comme nous l'a mentionné tantôt le ministre, on pourrait être d'accord avec toute cette structure pour autant que les handicapés y soient représentés majoritairement et pour autant que l'office confiera à des organismes régionaux le mandat d'exécution des programmes.

Nous croyons également que l'office peut jouer un rôle positif conjointement avec les associations et les organismes. Nous sommes hautement inquiets de constater que la future loi ne garantit pas l'autonomie complète des associations comme la nôtre vis-à-vis de l'office.

Nous demandons que tous les contrôles prévus face aux associations ne servent qu'à déterminer leur légitimité. Une association comme la nôtre devrait pouvoir commenter l'efficacité et la qualité des décisions de l'office sans crainte de répercussions de ce même office. Cette liberté d'action démocratique est mise en danger dans le projet de loi et l'office se retrouvera très certainement un jour ou l'autre juge et partie. Cette situation possible, à notre avis, devrait être empêchée.

Au tout début, je vous ai mentionné que la personne déficiente mentale l'est toute sa vie, soit de sa naissance à sa mort. Par contre, j'aimerais bien vous dire que c'est une personne comme vous et moi, en constant développement, qui ne demande pas mieux que de vivre à son rythme, parmi nous, de maximiser son potentiel. C'est une personne qui aura toujours besoin d'un peu plus de support et d'encadrement.

Malheureusement, le projet de loi 9 ne traite pas des enfants au chapitre des programmes de l'intégration sociale. Il s'agit là, à notre avis, d'une erreur très grave. Nous sommes convaincus que l'intégration sociale prend ses racines dans les premières années de la vie. La période de 0 à 5 ans d'une personne déficiente requiert des interventions qui auront des conséquences toute sa vie durant. Les services de counselling, de dépannage, les services à domicile, les programmes de stimulation précoce, les programmes préscolaires sont des moyens sûrs de maximiser le potentiel de ces personnes. Le droit, dans notre société, en réalité, est de maximiser le potentiel.

Le projet de loi 9 parle de logements, de plans de services, d'ateliers protégés, de contrats d'intégration professionnelle, d'emplois dans l'entreprise privée; mais il oublie complètement que l'intégration sociale doit débuter bien avant cela, dès la naissance.

Les droits des personnes déficientes, M. le Président, sont brimés dès la naissance. Il faut absolument que cela cesse. Le projet de loi 9 ne s'adresse malheureusement pas à eux; il faut que le projet de loi soit amendé et, encore une fois, je me réfère à l'ouverture d'esprit du ministre, il faut que le projet de loi soit amendé de façon que l'exercice des droits du nouveau-né, de l'enfant et de l'adolescent, soit tout aussi garanti que celui de l'adulte.

Dans notre mémoire, nous soulevons aussi plusieurs droits que nous considérons négligés lorsqu'il s'agit de personnes déficientes mentales: le droit à la vie, le droit à l'éducation, le droit d'avoir des parents, le droit d'accès aux loisirs, même les terrains de jeux des municipalités. Nous sommes aussi très préoccupés du fait que l'exercice des droits individuels — j'ai bien dit des droits individuels — des personnes vivant en institution, dépend beaucoup trop de la volonté des dirigeants de cette institution.

En guise de conclusion, M. le Président, ce projet de loi ne tient pas compte que la personne déficiente mentale — et nous sommes heureux que M. le ministre l'ait mentionné aussi tantôt dans ses remarques — doit être aidée, conseillée et représentée par une tierce personne. Il nous était — il nous est encore — primordial et même vital que la personne déficiente mentale puisse se faire représenter par un mandataire lorsque des droits ou des engagements personnels sont en cause.

En terminant, je vous souligne encore une fois que l'expertise de vos interlocuteurs ne s'affiche pas sur les murs. Nos connaissances ont été apprises à l'école de la vie. L'horaire de nos cours est réparti sur une période de 24 heures, sept jours par semaine. Je dois vous dire que M. Cormier, qui est à ma droite, est inscrit à ces cours depuis 22 ans. Je les suis depuis 13 ans et

Mme Lanteigne depuis trois ans. En tout, cela nous fait à peu près 38 ans de scolarité dans le domaine de la déficience mentale.

Nous remercions, M. le Président, cette commission parlementaire de nous avoir entendus. Nous aurions pu toucher beaucoup plus de sujets, mais nous sommes venus ici pour échanger et nous serons heureux de répondre à toutes les questions que vous voudrez bien nous poser.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la présentation de votre mémoire, d'avoir communiqué tant d'idées en si peu de mots. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier M. le Président de l'Association du Québec pour les déficients mentaux et ses collaborateurs. J'imagine que ceux qui connaissent un peu ma carrière antérieure ont pu déceler un certain préjugé, un certain biais dans le choix du premier organisme invité à présenter le mémoire d'ouverture de cette commission. Je vous avoue que je n'ai pas le goût de m'en cacher. Le préjugé favorable vis-à-vis des déficients mentaux qui a été, en somme, à l'origine de mon travail pendant vingt ans avec des déficients mentaux enfants et adultes, s'est manifesté en partie par ce choix. Je dois aussi souligner la contribution que l'Association du Québec pour les déficients mentaux a apportée. J'ai été associé à l'Association dès 1957. J'ai participé de façon modeste aux efforts de l'Association pour mettre sur pied des classes spéciales et même des écoles spéciales à une époque où le gouvernement ne prenait pas ses responsabilités dans la matière. Dans la mise sur pied de nombreux ateliers protégés, l'Association, là aussi, a joué un rôle de pionnier au Québec. Je veux profiter de cette circonstance officielle pour lui rendre hommage.

Plusieurs propositions sont à retenir dans votre mémoire. Je dois vous féliciter de la qualité de votre mémoire. Ma réaction première après la lecture complète du mémoire, c'était de dire amen à pratiquement toutes vos recommandations, toutes vos suggestions. J'en relève quelques-unes, dont celle du représentant légal. Cela me paraît évident qu'il faut inclure une telle clause. Vous proposez aussi d'accorder un chapitre particulier à l'intégration sociale, en somme, de distinguer intégration sociale d'une part et intégration professionnelle d'autre part. Cela me paraît une suggestion utile qu'on va regarder attentivement. J'ai bien aimé aussi votre recommandation d'accorder au personnel des centres de main-d'oeuvre Québec une formation. C'est du personnel qui est disponible, en principe, mais, trop souvent, qu'il s'agisse de handicapés physiques ou de handicapés mentaux, ce personnel de nos centres de main-d'oeuvre Québec n'a pas eu la chance d'acquérir les connaissances voulues pour pouvoir aider et guider les handicapés. J'aime bien aussi votre recommandation que, tous les deux ans, la Commission des droits de la personne fasse rapport à l'Assemblée nationale sur l'état de la situation en regard des droits des personnes handicapées. Je pense que c'est une suggestion assez originale et qui me paraît fort importante.

Les représentants des personnes handicapées... plus nombreux cas... au sein de la commission, d'autres mémoires nous en ont parlé et nous allons étudier cette possibilité de façon fort sympathique.

L'autonomie des organismes. Dans mes remarques préliminaires, à l'ouverture de la commission, je crois avoir répondu à cette crainte. Je pense que le texte n'était pas assez clair et que votre crainte était justifiée. Nous allons apporter des précisions de façon à ce qu'il n'y ait aucune menace d'autonomie pour les organismes tels que le vôtre. Tout ce qui nous importe, c'est de protéger les handicapés et le public contre l'exploitation de certaines campagnes de souscriptions en particulier.

Finalement, M. le Président, deux dernières remarques, celles qui touchent en somme des secteurs qui me tiennent le plus à coeur. C'est pour cela que je veux, encore une fois, comme je l'ai fait tantôt et, s'il faut le faire, dans le texte, de façon plus explicite, on le fera, mais il est bien évident que, dans notre esprit, quand on parle d'une personne handicapée dans ce projet de loi, personne handicapée veut dire: enfant, adolescent, adulte et même personne âgée. Il est au courant que, dans des textes de loi, on n'ait pas à spécifier s'il s'agit d'un service pour enfant ou pour adulte; quand on dit "personne", ça couvre tous les âges, mais, encore une fois, si les organismes se sentent plus à l'aise avec une explici-tation, on pourra en faire une.

Enfin, les personnes handicapées dans les institutions. Là aussi, quand on parle de personnes handicapées qui ont besoin de services ou qui ont besoin de plan de services individuels, nous incluons aussi les personnes en institutions. Le problème — et c'est ma dernière remarque — quand on veut devenir trop précis, trop explicite, on risque d'oublier des groupes, on risque de marginaliser ou on risque de mettre une étiquette sur certains groupes. Alors il est bien évident — en tout cas pour moi qui ai travaillé assez longtemps dans des institutions — que les personnes handicapées, enfants ou adultes, en institution, devront faire l'objet — tout autant que ceux qui sont en dehors des institutions — de ces services nouveaux. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires avant...

M. Perreault: L'un des commentaires que j'aimerais peut-être faire c'est de remercier M. le ministre d'avoir répondu à plusieurs de nos craintes et, pour en reprendre quelques-uns, nous demeurons convaincus, M. le ministre, que, même si dans votre esprit, dans la loi, sont inclus — quand on parle de personnes — les adultes, les enfants, les adolescents, les nouveau-

nés, que toutes ces personnes sont incluses là-dedans. En théorie je suis d'accord avec vous, une personne, c'est une personne, mais, de façon pratique, ce n'est pas toujours le cas parce que lorsqu'on veut, par exemple, demander... Si je parle, par exemple, strictement au niveau du nouveau-né; le nouveau-né, à mon avis, a des droits, a le droit d'avoir des parents. Une des questions qu'on pourrait peut-être se poser, par exemple, concernerait les conseils que reçoivent certains parents qui deviennent parents d'un enfant déficient. Du jour au lendemain, un couple québécois n'a pas d'enfant ou a deux enfants; tout à coup la mère est enceinte, elle va à l'hôpital, elle a chéri cet enfant pendant neuf mois et elle s'aperçoit, on lui annonce qu'elle a un enfant déficient. Souvent, les premiers conseils que cette dame va recevoir — premièrement elle est absolument bouleversée; pour ceux qui ont eu des enfants déficients, ils savent quel boulversement on peut ressentir — la première personne qui lui donne des conseils, très souvent va marquer toutes les décisions qui seront prises par la suite. Malheureusement, dans le moment, dans les années passées et encore aujourd'hui, des conseils non éclairés sont donnés à des parents, par des personnes de bonne foi, mais qui sont mal éclairées sur la question. Nous avons vécu et nous vivons encore aujourd'hui dans des hôpitaux, vous avez en pédiatrie, dans des pouponnières, des enfants déficients qui ne devraient pas être là, et qui, à mon avis, ont des droits. Ces droits sont brimés dans le moment.

Je me demande, M. le Président, de quel article je pourrais me servir dans le projet de loi 9 pour être pratique, pour dire: Cet enfant-là, il faut qu'on change quelque chose, ce n'est pas correct. Tout le monde reconnaît que c'est incorrect. Vous allez aux CSS, aux différents endroits où vous pouvez vous accrocher, tout le monde reconnaît une situation malheureuse et personne ne peut rien y faire.

Il faudrait absolument que l'on reconnaisse, dans un projet de loi qui garantit des droits, que des gens que l'on pourrait appeler professionnels, on leur reconnaisse une certaine expertise, une notoriété. Leurs services, en réalité, sont des conseils; il faudrait que ces conseils soient éclairés. Au niveau de la déficience, trop souvent ces conseils sont des opinions, des conseils mal éclairés. Combien de parents se font dire, dès la naissance: Pauvre madame, vous avez un enfant déficient, vous ne pourrez plus sortir, vous êtes prise 24 heures par jour pour toute votre vie. Quel niveau de développement va-t-il atteindre? Dieu le sait! Va-t-il pouvoir manger tout seul? Que voulez-vous? Cet enfant, dès qu'il naît, a des droits, et les exemples sont nombreux — je pense que madame Lanteigne pourrait vous en parler — où, si les conseils avaient été suivis dès le début, tout ce qu'on aurait, ce serait un autre enfant en institution, qui coûte les yeux de la tête à l'Etat, dont on a brimé les droits — oublions les parents quelques secondes — de maximiser un potentiel qu'il avait.

Mme Lanteigne (Louise): Si je peux ajouter quelque chose, je pense que les médecins devraient s'informer davantage sur la déficience mentale et cesser de nous donner des informations erronées sur le développement d'un enfant déficient. Où le médecin prend-il ses références? C'est sur les enfants en institution. Alors, dans le cas d'un enfant handicapé comme le mien, un mongolien, on dit: II ne marchera pas, il ne fera pas ci, ne fera pas cela avant six ou sept ans. Pour les enfants qui sont gardés à la maison, cela s'avère faux. Un enfant qui est gardé à la maison, dans un milieu normal, qui a l'amour et l'affection dont il a besoin pour s'épanouir, n'est pas comparable à un enfant en institution. Je pense qu'au niveau des médecins, il y aurait un gros travail à faire, un travail de sensibilisation dans ce domaine.

M. Lazure: M. le Président, juste un commentaire rapide. J'ai fait allusion, dans mes remarques d'ouverture, que ce pourrait être un rôle de l'office, dans le cadre d'une action préventive parfois, de réunir des professionnels ou des non-professionnels, peu importe, qu'ils soient médecins, infirmières ou autres, et de favoriser une meilleure connaissance des divers types de handicaps, comme vous dites.

Quant à la question que le président pose de façon bien claire, quel article dans la loi peut permettre aux parents d'un nouveau-né, qui ne sont pas satisfaits des conseils ou des recommandations d'un hôpital ou d'un médecin, de tenter une intervention, je pense qu'il faut là aussi, retourner aux enfants, non pas de façon explicite mais de façon générale, à l'article 30 du projet de loi, à la page 9, qui dit: L'office prépare, à l'intention d'un bénéficiaire — quand on dit un bénéficiaire, c'est son représentant, son tuteur, les parents dans le cas présent — un plan de services en vue de son intégration professionnelle et sociale. Si on interprète l'intégration sociale du nouveau-né, par exemple, dans cette espèce de dilemme sur l'enfant mongolien, est-ce qu'on doit suivre le conseil de plusieurs pédiatres qui disent: Madame, placez votre enfant en institution, ou si, comme je le pense et vous le pensez, madame Lanteigne, il ne faut pas plutôt encourager les parents à garder l'enfant mongolien? Une fois la décision prise par les parents de garder l'enfant mongolien à la maison, au foyer, l'office serait à la disposition de parents pour élaborer un plan de service. Ce qu'on disait tantôt du préscolaire, de la maternelle ou de l'élémentaire et du secondaire, c'est vrai aussi de la période avant la maternelle.

Le Président (M. Marcoux): Le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je dois d'abord remercier M. Perreault et ses collègues pour leur présentation souvent émouvante. Ils ont dit assez clairement — et je suis bien placé pour le savoir — que c'est un problème à vie, c'est une chose qui ne se guérit pas.

II y a quand même une question de degré, n'est-ce pas? Le degré de déficience peut être tel qu'il n'y ait pas de solution possible quant à l'intégration de cette personne dans la société en général, mais il y a des degrés moindres qui permettent une telle intégration.

On n'a pas besoin d'une loi additionnelle pour créer des services. Nous avons déjà les pouvoirs, les mécanismes pour les créer. Il ne s'agit donc pas ici d'un projet de loi pour assurer des services mais plutôt pour définir des droits et pour assurer l'exercice de ces droits. A cet égard, vous avez apporté une contribution très importante. Vous avez éclairé la lanterne de celui qui vous parle et de tous ceux, j'en suis convaincu, qui sont autour de la table. Mais ce sont quand même les deux côtés de la médaille. Définir des droits; cette définition n'en assure pas l'exercice; il faut que l'exercice soit rendu possible par l'existence de services, par la formation de personnel qui donne à ce personnel professionnel et autre une sensibilité dont l'absence vous fait mal, vous l'avez dit carrément tout à l'heure à plus d'une reprise.

Vous avez, M. Perreault, invoqué le droit de la personne atteinte de déficience mentale d'avoir des parents. Vous avez aussi mis de l'avant cette notion de responsabilité légale qu'il faudrait attribuer à une personne au nom de la personne déficiente. C'est toujours avec peine que l'on parle de telles choses, mais un des phénomènes de la vie et, davantage depuis la découverte des antibiotiques et l'amélioration des soins à plusieurs égards, c'est que le moment arrive — nous sommes tous mortels — où la personne déficiente n'a plus de parents. J'aimerais que vous ajoutiez des considérations sur la façon dont cette responsabilité légale devrait s'exercer. Je présume qu'au départ c'est aux parents que vous voudriez voir attribuer cette responsabilité légale, de toute évidence. Mais il y a cette question de degré. Il y a sûrement un degré de déficience mentale qui est quand même minime et qui pourrait permettre à cette personne l'exercice de ses droits pour elle-même. Deuxièmement, il y a le problème du décès des parents et de la responsabilité qui doit continuer après cela. Comment envisagez-vous ces deux considérations?

M. Perreault: Je pense que vous touchez là, M. Goldbloom, l'essence même de notre raison d'être en ce sens que, lorsque nous disons que les enfants ont été oubliés dans le projet de loi, nous parlons de la naissance, nous parlons de l'enfance. En réalité, une des choses que nous disons, c'est: Qu'arrivera-t-il le jour où cet enfant, devenu adulte, sera seul pour voir à ses propres besoins? C'est là, si vous voulez, que nous rejoignons ce que nous appelons la normalisation. La normalisation, un terme tellement charrié par toutes sortes de gens que dans notre mémoire nous avons voulu en donner une définition très simple. Elle n'est pas scientifique, mais, pour nous, la normalisation, c'est de permettre à une personne, quelle qu'elle soit, de vivre dans son milieu par ses propres moyens, de lui permettre de maximiser son potentiel. Je crois bien que, lorsqu'on parle de parents de déficients, la situation serait beaucoup moins grave si nous savions que les parents vont survivre à la personne déficiente.

Les parents qui ont des enfants déficients ne sont pas des dénaturés. Tout enfant que nous avons, c'est à nous. Ce qu'on essaie de faire, dès sa naissance, c'est de lui permettre d'atteindre le maximum de son potentiel, de façon que, le jour où ses parents ne seront plus là, il puisse lui-même, selon son degré, à l'intérieur d'un encadrement, se promener encore dans la vie, demeurer dans une chambre si nécessaire, demeurer dans un appartement s'il en est capable, être capable de travailler dans un atelier protégé s'il ne peut pas travailler dans une industrie, travailler dans une industrie s'il en est capable.

Le message qu'on essaie de transmettre ici, c'est qu'on ne fait pas cela lorsqu'il est devenu adulte. On ne commence pas à corriger un arbre qui pousse tout croche quand il a un diamètre d'un pied, au tronc. Il est trop tard. Le travail de la déficience, et dans tous les succès qui ont été connus, on commence cela dès la naissance. Toutes les personnes naissent avec un potentiel. Ce que nous voudrions faire reconnaître comme droits, c'est que ce potentiel devrait être maximisé.

Je suis bien d'accord avec M. le ministre qu'on pourrait demander à l'office un plan de services. Prenez une madame qui a 23 ans, dont le mari travaille dans une entreprise quelconque et dont c'est le premier enfant, peut-être le deuxième. Ces gens ont un enfant mongol. Premièrement, ils ne savent pas que le bill 9 existe. Ils ne le sauront pas non plus. Ils ne savent pas qu'il y a un tel organisme qui peut leur développer un plan social, un plan de services. Ils ne savent même pas ce que c'est, un plan de services.

C'est le médecin qui va être à côté d'eux, les parents, les amis, les oncles, les tantes, qui vont dire: Pauvre petit, c'est donc malheureux. Dès lors, l'enfant prend un rôle en arrière des autres. Il n'est pas devenu un actif dans cette famille, il est devenu un fardeau. Ce que nous disons, c'est que, s'il est considéré comme un fardeau, lorsque les parents vont être partis, il va être un fardeau. Il ne pourra pas être tout seul. Il ne pourra pas travailler à l'atelier protégé. Il ne pourra pas prendre l'autobus. Il ne pourra pas, avec son degré...

Par contre, ce que nous disons, c'est que si, dès le début, on lui reconnaît un potentiel, même pendant que ses parents sont là, d'autant plus quand ils ne seront plus là, il se débrouillera tout seul. Nous connaissons des enfants et des adultes déficients. Vous avez parlé de degré. Nous avons au-delà de 100 000 personnes qui, apparemment, de façon scientifique, sont classifiées comme des déficients.

Je vais vous dire franchement qu'on n'en a pas 100 000 dans les institutions. Il y en a un cer-

tain nombre qui se débrouillent tout seuls. Ce que nous voudrions, c'est maximiser ce nombre. Pour maximiser ce nombre, malheureusement, cela prend des services. Et les services, lorsque les parents les demandent, soit en institution ou soit chez eux, que voulez-vous, ils ne sont pas toujours là, ils ne sont pas disponibles et, finalement, la seule façon de faire reconnaître cette chose-là... Et un service, cela ne coûte pas toujours cher. Cela ne coûte pas toujours de l'argent. C'est une possibilité de faire quelque chose. C'est ce que nous voudrions faire reconnaître.

Maintenant, avec toutes les meilleures intentions du monde, M. le ministre, j'ai relevé une brochure qui a été distribuée il y a quinze jours, où on parle du gouvernement à tous les Québécois. On dit, dans un paragraphe, à la page trois: Les handicapés n'ont pas été oubliés par le nouveau gouvernement. Un projet de loi déposé le trois juin veut assurer l'accès aux handicapés à des logis adaptés à leurs besoins.

Quand on parle d'adaptation, de logis, on parle d'adaptation physique. Mais avez-vous déjà pensé qu'à un déficient mental, cela ne prend pas une adaptation physique. C'est une adaptation de programme. Il me semble que cela devrait aussi être reconnu comme droit, lorsqu'on parle d'un déficient mental.

On parle de moyens de transport. Votre droit, c'est d'en avoir quand il y en a assez. Mais, quand il n'y en a pas assez, vous établissez des priorités. Et je dois vous dire que, pour les déficients, c'est la priorité Z, parce que, qu'est-ce que vous voulez, c'est eux autres. On a des exemples. Si la commission veut en avoir, on peut lui en donner.

On parle des édifices publics. On parle d'accès aux loisirs. Encore là, je ne sais pas quel accès aux loisirs on pourrait avoir là-dedans. Si je voulais envoyer ma petite fille à un terrain de jeux — je demeure dans la ville de Sillery — comment pourrais-je obliger les responsables à recevoir ma fille? On a essayé. Il n'y a pas de moniteurs préparés, les programmes n'en tiennent pas compte, cela coûterait trop cher. On a des lettres venant de certains maires qui disent: Que voulez-vous, c'est un groupe marginal, et cela relève du ministère des Affaires sociales.

Le ministère des Affaires sociales nous dit que cela dépend du Haut-Commissariat et le Haut-Commissariat nous dit: Ce n'est pas dans nos programmes. C'est cela la situation qu'on vit. C'est cela la situation que le parent vit. On lui demande, au nom de la normalisation, de garder son enfant chez lui. Il le garde. Il fait son effort de citoyen, de parent. Après cela, tout le monde l'enfarge. Ce qu'on dit: Aidons-le. Reconnaissons qu'il a droit à de l'aide, non pas de la sympathie et des tapes dans le dos. On ne fait rien avec cela. Je relis encore le communiqué, M. le Président.

On dit ceci. C'est textuel. "Pour les 175 000 Québécois adultes — même là-dedans, on parle seulement des adultes — handicapés, cette nou- velle loi devient un instrument de promotion. Elle leur accorde des droits légitimes qu'on leur avait jusqu'alors refusés." On ne parle pas des enfants là-dedans, on parle des adultes. Je vous dis que vous aurez beaucoup moins de problèmes au niveau de la déficience mentale avec des adultes, si vous vous en occupez pendant qu'ils sont des enfants. Je pense que, dans n'importe quoi, on sait que, quand on prend une chose dès le début, elle est beaucoup plus facile au niveau de ces situations lorsqu'elle est rendue à un degré plus élevé. C'est peut-être une réponse globale, confuse, M. le Président, à la question de M. Goldbloom, mais c'est tout cela.

J'ai un exemple vivant ici. M. Cormier pourrait vous parler.

M. Cormier (Hector): Je ne voudrais pas prendre trop de temps de la commission. Je regrette d'avoir à me servir d'un exemple personnel, mais c'est l'exemple de centaines d'autres parents qui sont dans la même situation.

J'ai un fils qui a 22 ans, handicapé mentalement. A cause d'un manque de services, dès son bas âge, on n'a pas établi l'étendue de sa déficience, avec le résultat qu'il va être déficient probablement pour le reste de ses jours, étant donné qu'on a simplement découvert, à l'âge de 18 ans, qu'il était tellement sourd qu'il fallait deux appareils. Aujourd'hui, il a beaucoup de difficulté à parler. On aurait dû savoir cela à l'âge de 7 ans. Avec des appareils, aujourd'hui, il pourrait peut-être parler normalement. Aujourd'hui, à 22 ans, il n'est éligible pour aucun des programmes. Donc, nous sommes obligés, personnellement, d'avoir les services d'un orthophoniste à $20 l'heure pour essayer de lui montrer à parler, à 22 ans, alors qu'il aurait dû l'apprendre à l'âge de 7 ans. C'est pour appuyer le programme qui vient de nous être expliqué, que le dépistage et la correction, dès le bas âge, c'est la chose la plus importante et la plus significative dans notre société.

A titre d'ancien administrateur, les coûts m'intéressent. Si on investissait, dès le bas âge, pour avoir les spécialistes nécessaires dans les écoles, parce qu'on a maintenant des écoles spécialisées, pour avoir des orthophonistes, pour avoir ce qui est nécessaire pour ces jeunes, on épargnerait des centaines et des millions de dollars en évitant que ces déficients deviennent à la charge de la société pour le reste de leurs jours.

Aujourd'hui — c'est le programme dont M. Goldbloom nous a parlé tout à l'heure — qu'est-ce qui arrive? Personnellement — c'est le cas de bien d'autres, comme je vous le disais — j'ai déjà pris ma première retraite il y a cinq ans. J'attends de prendre mon autre retraite définitive. Avant de la prendre, je suis hanté par l'idée de savoir ce qui arrivera à mon fils. A-t-on présentement, dans notre société, les ressources nécessaires lorsque les parents disparaissent et que les enfants qui ont 22, 23 et 25 ans, même s'ils travaillent dans des ateliers protégés, ils ont

encore besoin d'un milieu, d'un prolongement de la famille... Les familles d'accueil sont de plus en plus rares. On a besoin d'une ressource pour les déficients de 20 ans et plus qui n'ont plus de parents et qui ne sont pas suffisamment autonomes pour être complètement intégrés à la société. C'est pourquoi nous appuyons à 100% le programme qui vient de nous être présenté.

M. Perreault: Pour amplifier, seulement un mot, pour scinder l'idée. Si on veut oublier le service lui-même, est-ce qu'il n'y aurait pas un droit acquis de vivre dans une société? Si moi, un parent, ai gardé mon enfant qui est devenu un adulte déficient chez moi et que je lui ai permis de maximiser son potentiel, et que celui-ci ayant atteint l'âge de 35 ans, de 40 ans, je décède, est-ce qu'il n'aurait pas un droit, cet adulte, de continuer à vivre dans la société? Pourquoi l'envoyer dans une grande institution? On va peut-être entendre: On ne fait plus cela, cela n'existe plus. Cela arrive encore. Cela n'est pas arrivé seulement il y a trois mois, il y a deux ans, cela arrive maintenant. Je peux vous donner l'exemple concret d'un individu, ici, dans la région de Québec, qui a 69 ans, dont l'épouse a à peu près le même âge, et malheureusement, cette dernière est devenue malade. Ils ont un enfant déficient de 38 ans. Il a vécu chez lui toute sa vie. Il nous a approché, nous, en tant qu'association pour nous demander ce qu'on pouvait faire pour l'aider. On a fait beaucoup de démarches pour tenter de l'aider. L'adulte aujourd'hui est à Robert-Giffard. Pensez-vous qu'il y a des droits qui sont brimés là-dedans? Je crois qu'il y a au moins des droits humains de brimés.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez quelques mots à ajouter?

M. Goldbloom: J'aimerais ajouter deux commentaires, M. le Président, brièvement. Nous avons parlé de degré, nous avons également parlé de la difficulté à laquelle on peut faire face au départ quand le bébé naît, quand l'enfant est très jeune, d'être certain d'un diagnostic. Effectivement, et dans vos commentaires, vous l'avez souligné, il y a des cas où, de bonne foi, on se trompe, on attribue à une déficience mentale des handicaps qui sont en effet attribuables à une paralysie cérébrale, à une surdité, à des troubles de coordination, à une éventuelle dyslexie.

Il y a donc des enfants qui ne reçoivent pas de soins, non pas parce qu'ils sont déficients mentaux, mais justement parce qu'ils ne le sont pas, mais ils sont pris pour des déficients mentaux.

Tout cela, pour dire que l'on doit avoir une approche évolutive au problème; mais je suis certain que vous reconnaîtrez avec moi que l'approche des parents peut être évolutive aussi et que les objectifs visés par les parents à un moment donné peuvent ne plus être ce qu'ils étaient auparavant, et notamment — c'est de nouveau avec peine que je touche un aspect bien délicat — quand c'est toute la constellation familiale qui est en jeu et quand les autres enfants normaux sont à considérer. C'est une question d'effort et d'investissement que l'on doit partager entre les divers enfants. Ce sont souvent des décisions angoissantes auxquelles font face des familles.

Finalement, un commentaire qui s'adresse davantage au ministre. Il n'en a pas besoin. M. Perreault a souligné le fait que ce sont des problèmes qui ne se guérissent pas, mais le ministre sait comme moi qu'aujourd'hui, ce sont, dans certains cas — le pourcentage grandit avec le progrès de la science — des problèmes qui peuvent être prévenus, qui peuvent se prévenir. C'est par la recherche que nous devons appuyer, que nous pouvons arriver à prévenir des situations de cette nature. Je pense qu'il est essentiel, quand on parle de déficience mentale, et quand on dit que c'est une chose qui ne pardonne pas, qui est là pour la vie, on doit, effectivement, mettre l'accent sur la prévention dans toute la mesure du possible.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Perreault, Mme Lanteigne, M. Pelletier et M. Cormier de leur mémoire. Je vous félicite surtout de la qualité de votre mémoire. Personnellement, cela m'a fait réfléchir grandement sur les problèmes des déficients mentaux. Vous avez touché quelques points bien précis et bien particuliers. Il y a peut-être un des problèmes du projet de loi, justement, c'est le manque de distinction claire et précise entre les déficiences mentales et les déficiences physiques.

Or, je voudrais vous questionner un petit peu là-dessus. Vous nous avez dit aussi, au début, dans votre mémoire, que les handicaps mentaux ne se guérissent pas. Les déficiences mentales, vous l'avez dit, ça commence avec la naissance et ça se termine avec la mort. Mais un peu plus tard tout à l'heure, en réponse à une question précise, vous nous avez dit: Pourtant, toutes les personnes naissent avec un potentiel. C'est là ma première question. Une déficience physique, c'est facile à déceler. Mais quoi faire pour déceler, le plus tôt possible, une déficience mentale? Parce que vous nous avez dit: II y a un potentiel et on peut peut-être l'améliorer grandement si on commence tôt. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire de plus, maintenant, ou peut-être même avec ce projet de loi, pour améliorer ce dépistage des déficiences mentales?

M. Pelletier: D'une part, il y a plusieurs personnes déficientes mentales qui, lorsqu'elles naissent, ça paraît quand même; si on parle des enfants mongoliens qui ont ce qu'on appelle le syndrome de Down, ça se voit quand même assez facilement. Il y a plusieurs enfants... La grande majorité des personnes déficientes mentales... Lorsqu'on disait tout à l'heure, juste une

petite parenthèse, que ça ne se guérit pas, c'est tout simplement pour dire qu'une des conceptions qui existent dans notre société, c'est que la déficience mentale, c'est une maladie. Ce n'est pas une maladie, la déficience mentale, c'est un état; c'est une façon d'être, si vous voulez, et c'est tout simplement de dire que certaines personnes sont peut-être moins intelligentes ou ont peut-être moins de potentiel intellectuel que la moyenne des gens dans notre société.

Ceci dit, vous avez beaucoup d'enfants... La plupart des déficients mentaux ne le sont que légèrement. Plus une personne, si vous voulez, ou moins une personne est déficiente, plus ça va prendre un peu de temps avant de le découvrir, si vous voulez. Cela peut prendre un an ou deux ans avant que les parents se posent des questions. On connaît des cas de parents qui se sont posé des questions comme ça pendant quelques années et ce n'est que lorsque l'enfant est arrivé à l'école, finalement, qu'ils ont su qu'il y avait un problème, que l'enfant était peut-être déficient mental.

On pense peut-être à une meilleure accessibilité en terme de clinique et d'évaluation psychologique. La déficience mentale — on revient toujours là-dessus — n'étant pas une maladie, on calcule que les médecins ont peut-être, parfois, une trop grande place, si vous voulez, dans tout ce qu'on peut appeler le dépistage de la déficience mentale. Il est le premier, finalement, le médecin, à se poser des questions parfois. Si les questions doivent être posées avant que l'enfant arrive à l'école, il faudrait peut-être que le médecin réfère la famille et l'enfant à d'autres professionnels, des psychologues, par exemple, psychiatres ou travailleurs sociaux ou, enfin, d'autres genres de spécialistes qui seraient en mesure, beaucoup plus que le médecin de famille, ou beaucoup plus, parfois, que le pédiatre, de déceler, d'une part, quels sont les handicaps des enfants, mais aussi quel est leur potentiel. Parce que le problème, c'est qu'une fois qu'on dit que l'enfant est déficient, on oublie que, tout d'un coup, c'est un enfant qui peut marcher, qui peut apprendre beaucoup de choses. Même dans nos services dit spécialisés, dans les services qui quand même coûtent très cher à la province, il y a souvent des attitudes très négatives vis-à-vis des personnes déficientes mentales. On tient pour acquis qu'elles ne peuvent pas apprendre... Finalement, on tient pour acquis que... Est-ce qu'on parle, par exemple, du droit au mariage des personnes déficientes mentales? On n'en parle pas, parce que, en fait, les gens disent: Non, elles ne devraient pas se marier. Pourtant on connaît des personnes qui sont classifiées déficientes mentales qui sont mariées et qui, avec un certain support, peuvent réussir à se débrouiller assez bien. Maison oublie ça et on ne le dit pas lorsqu'on découvre que l'enfant est déficient. C'est souvent ça qui est son problème. Le problème de la personne déficiente, ce n'est pas qu'elle est déficiente, c'est ce que vous et moi, nous en pensons, de cette personne et de cette déficience. C'est beaucoup plus ça, son problème.

M. Biron: Je vous remercie. Je voudrais poser une question à Mme Lanteigne. M. Perreault nous a parlé du droit à la vie, du droit à l'éducation, du droit aux loisirs, mais surtout, il a insisté énormément sur le droit d'avoir des parents. Or, qu'est-ce qu'on peut faire davantage et est-ce que le projet de loi peut faire davantage pour assurer justement aux déficients mentaux ce droit d'avoir des parents?

Mme Lanteigne: Premièrement, l'approche du médecin, si le médecin s'adressait aux parents d'une autre façon qu'il le fait maintenant et disait: D'accord, ton enfant est mongolien — par exemple, parce que c'est celui-là qui est diagnostiqué dès la naissance — mais c'est un enfant comme les autres, qui a besoin d'amour et d'affection pour s'épanouir. Alors, à ce moment-là, ça incite davantage les parents à garder l'enfant, parce que ce qui arrive, c'est qu'on nous dit: C'est que ton enfant ne marchera pas, ne parlera pas, ne fera pas ci, ne fera pas ça avant six, sept ans. D'accord. Cela, c'est d'informer les médecins sur la déficience mentale. Ensuite, peut-être aussi, une aide aux parents, comme par des programmes de stimulation, parce que moi, dans mon cas et dans le cas d'autres parents, ce n'est pas notre premier enfant. On avait quand même une expérience avec des enfants, mais le fait qu'on avait tellement mis cela gros, qu'il était mongolien, on ne savait plus quoi faire avec lui.

Alors, si on veut un programme de stimulation précoce, qui commence dès la naissance... On nous donne des trucs, comment élever l'enfant, comment s'en occuper, comment le stimuler et je dois avouer qu'à trois ans, l'enfant fonctionne très bien et il n'est pas une exception.

Tous les petits mongoliens qui ont subi des programmes de stimulation, cela les a débloqués au maximum. Je pense que tout cela...

Dans certains cas, il pourrait peut-être arriver que les parents ne peuvent pas s'adapter à cette situation. Ils ont beaucoup de difficulté à accepter que leur enfant soit handicapé. Alors, je pense qu'il devrait y avoir des parents adoptifs à ce moment parce que vous savez comme moi ce qui se passe dans les centres d'accueil ou dans les institutions. L'enfant n'a aucune stimulation. Il est dans un milieu où il reste dans son lit et où on manque de personnel. Je pense que des parents ou des parents adoptifs sont nécessaires pour le développement de l'enfant.

M. Pelletier: ... peut-être ajouter un petit point. Dans certains états des Etats-Unis, en Ontario, par exemple — c'est pas mal absent au Québec — les services sociaux mettent l'accent sur l'adoption des enfants déficients mentaux. Au Québec, cela se voit très peu et il y avait peut-être tout un programme que l'office pourrait faire à un certain moment pour commencer à ex-

plorer ce domaine de l'adoption des enfants handicapés ou des déficients mentaux.

M. Biron: Que fait-on lorsque les enfants perdent leurs parents, soit à l'âge de 10 ans ou de 25 ans? Que fait-on avec ces enfants? On les place en institution?

M. Pelletier: C'est souvent ce qui arrive.

M. Biron: Ma dernière question là-dessus est la suivante: M. Perreault nous a parlé aussi des droits des personnes vivant en institution. Cela m'amène à votre réponse et à ce que j'ai dit un peu plus tôt. Elles sont subordonnées aux décisions des dirigeants de ces institutions. Croyez-vous que le projet de loi 9 peut protéger les droits de ces personnes vivant en institution? Sinon, comment peut-on faire pour apporter les corrections nécessaires pour protéger les droits de ces personnes?

M. Pelletier: Je peux peut-être vous donner un exemple. Cela a été vécu il y a environ un an, autour du 15 novembre, lorsqu'il y a eu des élections au Québec. Il y a eu quelques directeurs d'institutions psychiatriques, dont le ministre Lazure, qui se sont donné la peine d'au moins vérifier si les patients ou si les gens qui étaient chez eux dans leur institution avaient le droit de vote, s'ils pouvaient voter et effectivement, ils se sont aperçu qu'il y en avait quelques-uns qui pouvaient voter, mais par contre, dans plusieurs institutions, la majorité, les dirigeants... Je dirais même qu'ils ne se sont pas bâdrés de regarder s'ils avaient des droits, ils n'ont même pas pensé que les gens qui étaient dans leur institution pouvaient peut-être avoir le droit de voter.

Souvent, l'exercice individuel du droit d'une personne... Vous avez un individu qui commet un crime. On le met en prison. Evidemment qu'il perd de ses droits parce qu'il perd sa liberté, sa liberté de mouvement. Il ne peut plus se coucher à l'heure qu'il veut, quoique dans beaucoup de prisons maintenant, contrairement à plusieurs institutions, il se couche à des heures pas mal plus libres que dans nos institutions.

Mais cet individu perd énormément le droit d'avoir ses effets personnels, le droit de pouvoir sortir parfois en fin de semaine. Il y a des institutions où cela va quand même très loin et où on donne beaucoup d'importance au droit individuel mais il y en a d'autres où on ne le fait pas. Finalement, cela dépend un peu de l'attitude des dirigeants des institutions. Je parle un peu par expérience parce que j'ai été directeur d'institution pour des enfants déficients mentaux.

Ces enfants ne se défendent pas. Si vous avez un institut de prisonniers, par exemple, où ils croient, à un certain moment, que leurs droits sont trop brimés, ils font une révolte et on en entend parler, ils défendent leurs droits. Mais dans une institution où vous avez des personnes déficientes mentales, moyennes, sévères et profondes, elles ne se défendront pas. Elles vont se sa- tisfaire de ce qu'on leur donne et souvent, on oublie que ces gens ont des droits comme tout le monde. Il y a même des prisons où on donne des congés de fin de semaine. Nommez-moi une institution qui le fait parfois. Il y a peut-être tout un débat qu'on pourrait lancer là-dessus, mais il y a une émission qui passe ce soir — je me permets de l'annoncer parce qu'on a vu un petit film ce matin, on peut bien annoncer une émission de Radio-Canada — Télé-Mag, à 9 h 30 et il y a beaucoup de ces problèmes qui y sont examinés.

Le Président (M. Marcoux): Malheureusement, nous ne pourrons pas écouter l'émission parce que nous serons ici.

M. Biron: Je vous remercie, mais croyez-vous que le projet de loi no 9 protège les droits de ces personnes en institution?

M. Pelletier: D'après nous, non. Il ne protège pas les droits des personnes en institution. Cela devrait être plus spécifique. Si on regarde, par exemple, l'ensemble des médicaments qui sont donnés à gauche et à droite dans les institutions, les calmants, par exemple, qu'on administre.

On serait bien curieux de savoir, nous, à un moment donné, s'il n'y aurait pas moyen de mettre de petits règlements qui diraient: Ecoutez, il faut que les médicaments d'un individu, ce soit révisé une fois de temps en temps. Je serais curieux, personnellement — je le dis en mon nom personnel pour avoir dirigé une institution et pour avoir décidé un de ces jours de réviser les médicaments et de les couper de 75%... — II faudrait peut-être voir jusqu'à quel point il n'y aurait pas moyen de mettre de petits articles pour forcer finalement, lorsqu'il n'y a pas cette bonne volonté de voir le droit des individus...

M. Perreault: La question fondamentale, je pense, qu'on pourrait se poser, M. Biron, c'est jusqu'à quel degré, vu qu'on veut parler des degrés de la déficience, l'objectif, dans une institution vis-à-vis d'une personne déficiente, est de maximiser le potentiel de cette personne. Mon interprétation personnelle, sans lancer de pierres aux institutions ni aux gens qui les dirigent, c'est qu'on est tellement préoccupé par l'administration de l'institution qu'il y a des droits collectifs et des individus...

Je pourrais vous donner un petit exemple qui, dans mon esprit, décrit tellement bien la chose qu'on essaie de faire changer au Québec. Dans le bout de Sainte-Julienne, on a fondé une ferme. On a reçu, à un moment donné, une personne déficiente. Je suis allé voir les gens à cette ferme pour leur demander comment cela allait. Savez-vous ce qu'on m'a dit? On m'a dit: Jules — parce que la personne déficiente s'appelait Jules — il est correct, mais quand il est arrivé ici, il était assez "nono"! Là, il est correct. C'était la même personne. Excepté que, lorsqu'elle est arrivée là, elle venait d'une institution et, comme

de raison, elle n'avait probablement pas vidé souvent le lait de la table dans son verre. Elle n'avait pas mis la nappe souvent. Elle n'avait pas mis la table souvent. Elle n'avait peut-être pas balayé souvent. Elle ne savait rien faire. C'est ce que j'appelle ne pas maximiser le potentiel d'une personne. On veut tellement que tout aille bien que finalement on fait tout faire par des gens qui sont payés et qui sont capables de le faire. Par contre — je reviens à mon affaire d'emploi — on va former des plateaux de travail, on va aller voir des industries et leur dire: Utilisez-les, ils sont bons mais on ne s'en sert pas chez nous.

M. Biron: Je vous remercie. Je peux peut-être me permettre de demander au ministre si lui aussi croit que la loi no 9 ne protège pas assez les droits des handicapés vivant en institution?

M. Lazure: Je suis bien prêt à regarder cela et je compte beaucoup sur l'Association du Québec pour les déficients mentaux pour nous faire des propositions précises dans ce secteur des soins en institution. Il y a d'autres biais. Ce n'est jamais une seule loi qui peut vraiment sauvegarder... Il y a la Loi de protection du malade mental qui peut avoir des applications à la vie en institution, mais il y a aussi tout le mécanisme de l'accréditation des institutions.

Dans notre ministère, une des huit directions générales, c'est la direction de l'agrément des institutions. A longueur d'année, on a des fonctionnaires qui vont dans les institutions, que ce soit pour déficients mentaux ou pour handicapés physiques, peu importe, ou pour malades chroniques, c'est un mécanisme. Il fonctionne, comme tous les mécanismes humains fonctionnent, avec des erreurs et des lacunes. On peut l'améliorer et on essaie de l'améliorer. Il y a aussi les corporations professionnelles qui sont censées surveiller la qualité des actes de leurs professionnels dans les institutions ou en dehors des institutions, peu importe. Il y a l'Association des hôpitaux ou l'Association des centres d'accueil. Ces associations d'établissements sont aussi censées voir à la qualité des soins. Il y a déjà plusieurs mécanismes prévus. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on inclue quelque chose dans le projet de loi. L'embêtant, comme je le disais tantôt, si on devient très précis, c'est qu'on risque d'oublier d'autres groupes précis aussi ou d'autres secteurs d'activité tout aussi précis. Mais on pourrait recevoir vos suggestions avec beaucoup d'intérêt.

M. Perreault: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui désirent poser des questions ou faire des commentaires? M. le ministre?

M. Lazure: Juste deux commentaires, si vous le voulez. D'abord, je dirais, M. le Président, que, d'après les couleurs de la brochure qu'il montrait tantôt, ce n'est sûrement pas une publication du MAS. J'ai cru reconnaître une publication d'un certain parti politique. Alors, ce n'est sûrement pas la politique officielle du MAS, du ministère des Affaires sociales. Mais cela s'en rapproche beaucoup. Encore une fois, cette histoire d'adultes et d'enfants, nous allons la préciser parce que je m'aperçois que cela porte trop à confusion. Il est bien évident que les enfants doivent, non seulement être inclus, mais s'il y a quelque chose — j'en sais quelque chose — ils doivent être privilégiés.

Juste une parenthèse, quant aux enfants déficients mentaux qui ne peuvent pas rester avec leur famille, qui s'en vont soit en institution ou en adoption. J'en profite, moi aussi, pour informer les gens qu'il y a un projet en préparation pour modifier, pour présenter une nouvelle loi sur l'adoption. Une des priorités de cette loi nouvelle sur l'adoption, qui sera déposée au printemps ou à l'été, c'est justement l'adoption d'enfants handicapés, que ce soit physiquement ou mentalement.

Il n'y a pas à se le cacher, ce sont des enfants qui ne trouvent pas preneur facilement. J'ajouterais un dernier commentaire aussi quant aux handicapés mentaux, aux déficients mentaux spécialement. La visibilité du handicapé physique fait qu'étant reconnu facilement— le handicap peut résulter d'un accident — il y a une espèce d'intérêt et une ouverture d'esprit de la société envers le handicapé physique qui est pas mal plus grande, même si elle n'est pas assez forte encore, que l'ouverture d'esprit de la société vis-à-vis du handicapé mental.

C'est la majorité silencieuse, dans le fond, le handicapé mental, le déficient mental. C'est pour cette raison qu'il a besoin, beaucoup plus, d'avoir ce que vous appelez dans votre mémoire un représentant légal, bien souvent, pour voir à ce que ses droits soient respectés. Au point de vue prévention qui va avec le soin qu'on doit apporter à dépister très tôt la déficience mentale, je pense qu'il va falloir faire un effort extraordinaire — l'office pourra aider dans ce domaine — d'éducation du personnel. Parce que même si vous exprimez des réticences vis-à-vis de la compétence de beaucoup de médecins de famille, on n'a pas le choix, le pédiatre, le médecin de famille, voilà les mieux placés, à cause des visites en bas âge, pour les vaccins, les visites de contrôle dans les premiers mois de la vie. Ce sont les meilleures personnes, médecins ou infirmières, à condition qu'on leur indique les signes précurseurs. L'office pourrait jouer le rôle important de promouvoir des meilleures connaissances de façon que la relance des très jeunes enfants ne soit pas seulement pour la santé physique, le vaccin, par rapport à telle ou telle maladie, mais que ce soit aussi une relance pour la santé mentale et le développement de l'intelligence de l'enfant.

En terminant, je veux de nouveau remercier et féliciter l'association pour sa contribution extrêmement précieuse.

Le Président (M. Marcoux): Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie du mémoire que vous nous avez présenté.

Je dois ajourner les travaux de cette commission sine die. Nous reprendrons probablement nos travaux vers 15 h 15 ou 15 h 30, suite à l'avis que devrait donner le leader parlementaire du gouvernement à l'Assemblée nationale.

(Fin de la séance à 12 h 29)

Reprise de la séance à 15 h 48

Le Président (M. Boucher): La commission des affaires sociales est réunie pour étudier les mémoires présentés par les organismes concernant le projet de loi 9. Les membres de la commission pour cet après-midi sont: M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Charron (Saint-Jacques); M. Clair (Drummond); M. Forget (Saint-Laurent); M. Gosselin (Sherbrooke); M. Gravel (Limoilou); M. Grenier (Mégantic-Compton); M. Lavigne (Beauharnois); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)...

M. Goldbloom: Remplacée, M. le Président, par M. Goldbloom (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Boucher): M. Goldbloom (D'Arcy-McGee) remplace Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Lazure (Chambly); M. Marois (Laporte); M. Martel (Richelieu); Mme Ouellette (Hull); M. Paquette (Rosemont); M. Saindon (Argenteuil); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Shaw (Pointe-Claire). M. Gagnon (Champlain) remplace Mme Ouellette (Hull). M. Laplante (Bourassa) remplace M. Marois (Laporte).

M. Laplante: M. Grenier n'est pas sur la liste.

Le Président (M. Boucher): M. Grenier (Mégantic-Compton) il y est.

Cet après-midi, nous avons comme invité le Comité de liaison des handicapés physiques du Québec dont le porte-parole est M. Jean Belle-feuille, président. Je demanderais à M. Jean Bellefeuille d'identifier ceux qui l'accompagnent.

Comité de liaison des handicapés physiques du Québec

M. Bellefeuiile (Jean): Bien, M. le Président. Permettez-moi d'abord de vous présenter cette délégation du comité de liaison qui est ici présente cet après-midi. A ma droite, M. Jean-Marc Chabot, secrétaire général du comité; à mon extrême droite, M. Robert Chabot, agent de recherche et d'information; à ma gauche, M. Pierre Filion, administrateur du comité.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, nous sommes heureux d'être présents ici cet après-midi, pour faire entendre, non pas notre point de vue, mais le point de vue des personnes handicapées physiques que nous avons rencontrées lors de la tournée d'information et de consultation que nous avons faite ces derniers mois.

Le mémoire que nous avons présenté à la commission est un résumé articulé, rationalisé, des différents propos, des différentes remarques, commentaires ou même suggestions, de ces personnes que nous avons rencontrées ces derniers mois.

Ce matin, nous avons entendu le point de vue de l'association québécoise pour les déficients mentaux. Cet après-midi, c'est surtout le point de vue des personnes handicapées physi-

ques, toujours, par ailleurs, au sujet de ce même projet de loi.

Nous n'avons pas l'intention de vous lire à nouveau le mémoire que nous avons présenté. Cependant, M. Chabot, immédiatement après ce propos, vous présentera un résumé de notre mémoire qui sera suivi, immédiatement après, par une lecture d'un bref document de travail qui s'appelle "Eléments pour une définition d'une politique globale de la réadaptation" qui vous sera communiqué par M. Fillion. Après, le plus rapidement possible, nous le souhaitons, nous passerons à cette période d'échanges entre nous.

M. Chabot (Jean-Marc): Le Comité de liaison des handicapés physiques du Québec est un organisme sans but lucratif incorporé selon la troisième partie de la Loi des compagnies. L'objectif du comité de liaison est d'oeuvrer à la normalisation du cadre de vie des personnes physiquement handicapées.

Nous privilégions, comme moyen d'action, l'animation auprès des personnes physiquement handicapées, les organismes qui les représentent et ceux qui leur offrent des services. Cette animation se fait en assurant une circulation de l'information sur tout sujet concernant les personnes handicapées par l'entremise d'un centre de référence, d'un centre de documentation, d'un journal appelé Le Lien, de lettres circulaires et surtout par de fréquentes tournées à travers la province.

Au cours de ces tournées, nous tentons d'approfondir, avec les personnes que nous rencontrons, certains sujets d'actualité et ce, afin de recueillir les recommandations et commentaires conditionnant ainsi nos prises de position et nos actions.

Le mémoire que nous vous présentons est le résultat de l'une de ces tournées réalisées l'été dernier et au cours de laquelle nous avons rencontré environ 450 personnes, en petits groupes de vingt personnes, en moyenne, dans sept régions administratives différentes.

Le but de cette tournée particulière a été de recueillir les recommandations des personnes physiquement handicapées sur le projet de loi no 9 et le livre blanc qui l'accompagnait. Nous nous sommes donc servis de ces deux textes pour faire nos rencontres.

Voici donc, en résumé, les recommandations recueillies au cours de cette tournée, lesquelles sont incluses de façon plus élaborée dans notre mémoire.

A court terme, que le gouvernement du Québec, par ses différents ministères, réponde à des besoins urgents soit par des amendements à certaines lois telles la Loi des décrets des conventions collectives, la Loi du salaire minimum, la Loi sur les transports, les chartes de certaines municipalités, etc., soit par des mesures administratives modifiant les règlements concernant l'attribution des orthèses-prothèses, les règlements concernant l'attribution des per- mis de conduire, les règles d'application du Code du bâtiment et les normes de la Société d'habitation de Québec, etc., soit par la mise en application de programmes d'aide et de soins à domicile, d'implantation de foyers de groupe, d'implantation de centres de stimulation, etc., tel que requis par les différentes personnes et groupes concernés et que la Charte des droits et libertés de la personne soit amendée de telle sorte qu'il soit mentionné qu'il ne peut y avoir de discrimination fondée sur les aptitudes physiques ou mentales et (ou) l'utilisation d'une orthèse, d'une prothèse ou de toute autre chose destinée à compenser une déficience ou un handicap.

A moyen terme, qu'un organisme soit créé n'ayant que deux pouvoirs; l'information, c'est-à-dire assurer la circulation de l'information sur tout sujet concernant la prévention et la réadaptation des personnes handicapées et ce, auprès de tous les milieux concernés; la coordination, c'est-à-dire assurer la coordination des gestes qui sont ou seront posés par les différents ministères en regard de la réadaptation médicale, professionnelle, sociale et fonctionnelle, ayant pour unique mandat d'effectuer une recherche exhaustive sur les questions de réadaptation et d'intégration sociale en collaboration avec toutes les personnes concernées et proposer une politique québécoise globale de réadaptation.

A long terme, que le gouvernement du Québec, suite à la recherche et à l'élaboration, avec les gens concernés, de cette politique globale de réadaptation, présente publiquement un plan d'application de cette politique.

En conclusion, nous aimerions préciser qu'il nous importe peu que le gouvernement du Québec décide d'inclure ces recommandations dans le cadre du projet de loi no 9. En effet, nous croyons qu'il est prioritaire: 1- Que les personnes physiquement handicapées puissent bénéficier de leur droit légitime de citoyens à part entière; 2- Que les personnes physiquement handicapées aient réponse à leurs besoins en termes d'accès aux équipements et services collectifs; enfin, que soit élaborée avec les gens concernés une politique globale et articulée de la réadaptation qui soit vraiment québécoise. Dès lors, la demande de retrait mentionnée dans notre mémoire doit s'interpréter comme une demande de retrait du contenu du projet de loi no 9, et pas nécessairement du contenant.

Encore une fois nous tenons à préciser que le contenu de l'actuel projet de loi ne peut satisfaire les personnes physiquement handicapées et, de ce fait, nous en demandons le retrait.

D'autre part, étant convaincus que M. le ministre des Affaires sociales tiendra l'engagement qu'il nous a fait publiquement, le 17 mai dernier, et qu'il nous a refait ce matin, soit celui d'apporter des amendements illimités à son projet de loi, ce ne sera donc plus pour nous le projet de loi no 9, mais un autre projet de loi plus adéquat, parce que considéré comme une étape dans la mise en oeuvre d'une politique globale et articulée de la réadaptation.

M. Filion (Pierre): Pour ma part, je désire d'abord souligner aux membres de cette commission que le mandat fondamental et unique qui doit être dévolu à l'office, à savoir l'élaboration d'une politique globale et articulée de la réadaptation, ne peut valablement être réalisé qu'avec la participation active des personnes handicapées et de tous les intervenants. Il est à souligner, par ailleurs, qu'il ressort clairement de la tournée d'information et de consultation menée par le comité de liaison des handicapés physiques du Québec, que les personnes physiquement handicapées ont manifesté, sans réserve, leur désir d'y collaborer et d'y participer activement.

J'aimerais enfin apporter, tel qu'annoncé aux membres de la commission, quelques éléments en regard d'une définition pour une politique globale et articulée de la réadaptation. Aux termes des objectifs, pour permettre aux personnes handicapées d'exercer dans la société les mêmes activités que tout autre individu, on fait appel au processus de réadaptation. Le processus de réadaptation englobe un ensemble de moyens, de ressources, de services et d'interventions visant à donner ou redonner aux personnes dites handicapées la possibilité d'accéder à un degré optimum de fonctionnement, dans le cadre des fonctions et activités normales, en tant que membres à part entière de la société. Il faut donc établir, dès le départ, que dans le processus de réadaptation deux parties sont en cause: La société qui, reconnaissant l'égalité de tous ses citoyens, doit s'assurer que ses cadres sont suffisamment élargis pour en faciliter l'accès aux personnes handicapées et, d'autre part, l'individu ayant un handicap qui se doit d'exercer ses responsabilités de citoyens.

Dans l'ensemble, le processus de réadaptation vise donc à la réalisation des objectifs suivants: promouvoir l'autonomie physique, psychologique, sociale et économique des personnes en fournissant le support technique et social permettant de développer, de maintenir et de maximiser les potentialités de la personne; assurer aux personnes handicapées l'accès et l'utilisation des ressources, services et équipements disponibles à l'ensemble de la population en tenant compte de leurs besoins spécifiques, leur permettant ainsi l'exercice d'activités considérées comme normales dans notre société. Le processus de réadaptation fait appel à une diversité d'interventions et d'actions, s'adressant soit à la personne comme telle, soit à son milieu physique, familial et social.

Il implique l'utilisation de ressources physiques, humaines et financières, l'élaboration de programmes et de mesures fondés sur une idéologie claire et des approches cohérentes, efficaces et profitables tant pour l'individu que pour la société.

Afin d'assurer à tous ses membres une égalité de chance, la société, par le biais de l'Etat, reconnaît sa responsabilité d'assumer les coûts nécessaires pour compenser les handicaps et déficiences de certains d'entre eux et, pour ce faire, d'investir dans l'allocation de ressources et de services adéquats répondant à leurs besoins spécifiques.

En termes de principes directeurs, la définition d'une politique globale peut seule garantir à l'ensemble des personnes concernées l'atteinte des objectifs visés par le processus de réadaptation.

Il est en effet nécessaire d'articuler, en regard des différents secteurs et niveaux d'intervention, l'organisation, la mise en place, le développement et l'allocation des ressources, agents, moyens et services nécessaires dans un cadre ordonné et planifié.

L'élaboration d'une telle politique dans le but de cohérence et de rationalisation des interventions requiert l'énoncé de principes directeurs constituant, en somme, l'ossature d'une politique, en définissant le sens, la nature et la portée des actions à entreprendre selon les secteurs et les niveaux d'intervention.

Les orientations d'une politique globale doivent tenir compte de principes tels que la prévention permettant d'assurer non seulement la quantité de vie, mais encore la qualité de vie, la continuité temporelle de la naissance à la mort; dans la réponse aux besoins, donner un aspect local aux services en respectant les disparités régionales, s'assurer de la participation active des personnes directement concernées et de tous les intervenants en cause.

En termes de prérequis, la mise en oeuvre d'une politique globale basée sur des principes suppose un plan "d'opérationnalisation" permettant son application concrète et rationnelle.

Les prérequis en sont: l'identification de la clientèle visée, un inventaire systématique des besoins à satisfaire en termes quantitatifs et aussi qualitatifs, l'identification des ressources, services, actions et interventions requises, un choix des priorités à court, moyen et long termes, une définition des mandats et responsabilités propres à chaque instance concernée et en fonction de leur niveau de compétence, la prévision de mécanismes de coordination et de contrôle de l'application de la politique définie, un calendrier d'interventions.

En conclusion, le nombre et la diversité des questions posées par le processus de réadaptation, la multiplicité des champs d'intervention et des mandats à confier exigent que l'élaboration d'une politique globale de réadaptation se fasse avec la participation de toutes les personnes concernées et les diverses instances en cause.

On ne saurait trop insister sur ce fait. Les fruits d'une politique globale dépendront du degré de consensus et de concertation qu'elle suscitera dans sa mise en oeuvre pratique et d'une compréhension positive des orientations qui la supportent. Suite à ce bref exposé de la conclusion et de la mise en forme des recommandations que nous avons recueillies auprès de personnes directement concernées dans le cas de personnes physiquement handicapées, dans le

cadre d'une tournée dont les modalités ont été précisées tout à l'heure, nous aimerions engager avec vous un dialogue.

Le Président (M. Boucher): Merci monsieur. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, permettez-moi d'abord de remercier le Comité de liaison des handicapés physiques du Québec, non seulement pour le mémoire que le comité présente aujourd'hui, mais aussi pour un rôle de leadership, un rôle de promotion que ce comité joue depuis un certain temps. Bien sûr, nous avons eu des divergences d'opinions. Nous avons eu des rencontres, des conversations et on va sûrement en avoir encore beaucoup.

Je le remercie aussi de s'être déplacé à travers le Québec pour une tournée de consultation auprès de ses membres. Je voudrais assurer ces gens, assurer le public aussi, par le truchement de cette commission, que leur objectif fondamental tel que défini, nous l'endossons parfaitement, à savoir la normalisation du cadre de vie. Je sais que la présentation d'un projet de loi a pu être interprétée justement comme une marginalisation au lieu d'une normalisation. Le terme a été employé souvent. Je voudrais, très rapidement, répéter, sur ce point particulier, ce que je disais ce matin. Il est dommage, dans un sens, qu'on soit obligé de voter une loi pour sauvegarder les droits des personnes handicapées, mais il nous paraît essentiel, nécessaire de le faire, dans ce domaine comme dans d'autres domaines où on a un rattrapage important à effectuer. Il est bien connu que les pays, qui constituent des modèles dans ce domaine du respect de la promotion des droits des personnes handicapées, ont eu, à un moment donné, à faire adopter par leur Parlement une loi, ont eu à mettre sur pied un organisme, que l'on appelle un office, un bureau ou un service, peu importe.

De façon très pratique, très réaliste et non pas sur une question de principe, mais sur une question, si vous voulez, d'expérience pratique acquise dans d'autres pays, il nous paraît nécessaire, non seulement d'avoir une loi, mais aussi d'avoir un organisme prévu dans cette loi qu'on appelle ici un office, qui jouera principalement ce rôle double qu'un du groupe a énoncé tantôt, à savoir le rôle d'information, le rôle de coordination.

Dans un premier temps, cet office, et c'est là où vos propos rejoignent les miens, aura comme fonction principale de faire un bilan des ressources existantes ou à créer d'un côté, et le bilan des besoins des personnes handicapées. Cette double opération, ce double bilan des ressources actuelles ou futures et des besoins, conduira normalement, logiquement à énoncer de façon plus claire ce que vous appelez une politique globale de la personne handicapée, de la réadaptation ou de l'adaptation de la personne handicapée.

Je vais simplement relever quelques points qui découlent, soit de vos remarques ou du mémoire que vous avez présenté. Formation du personnel dans les services de main-d'oeuvre du Québec. Quelques mémoires ont fait cette proposition qui me paraît essentielle. Nous avons à déplorer que ce soit d'un palier de gouvernement à un autre, l'absence de personnel formé et préparé à faire face aux besoins particuliers de telle ou telle forme de handicap. Je crois que ce sera une priorité de faire en sorte que le personnel soit formé de façon adéquate.

Dépistage systématique des 0 à 18 ans. Je ne vais pas répéter ce que j'ai dit ce matin, je pense que vous étiez ici, la plupart. Nous sommes prêts à rendre plus précises les clauses se rattachant à la prévention des handicaps, les clauses se rattachant au programme de soins et de services dès la naissance. Par conséquent, cette suggestion que vous faites d'un dépistage systématique nous apparaît tout à fait normale, pertinente.

Il y a une question, un point d'interrogation que je soulève; vous recommandez que le passage de l'écolier d'une classe régulière à une classe spéciale puisse être l'objet d'un appel. Je serais curieux de voir comment vous voyez ce mécanisme établi dans le réseau scolaire.

Je suis très favorable à cette proposition, mais je ne vois pas très bien comment elle pourrait s'implanter.

Enfin, ma dernière remarque, M. le Président. Un membre du groupe a dit: Nous ne demandons plus le retrait du projet de loi, nous demandons tout simplement le retrait du contenu. Je m'en réjouis, parce que derrière cette phrase qui paraît inoffensive un cheminement a été fait, de part et d'autre. Je pense qu'au début il y a eu beaucoup de malentendus, peut-être une certaine méfiance et des contacts insuffisants, de part et d'autre. Je me réjouis beaucoup que le comité de liaison ne réclame plus le retrait du projet de loi et voit le bien-fondé d'un projet de loi. Quant au contenu, M. le Président, je répète et je me rends compte que les gens le croient de plus en plus — cela aussi me fait plaisir... Je répète que nous sommes prêts à le modifier de façon très majeure, et, pour nous, effectivement, une loi comme cela n'est qu'une étape.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous avez des commentaires?

M. Bellefeuille: Oui, M. le Président. Evidemment M. Lazure a bien fait la distinction: on ne demande pas le retrait d'un projet de loi, mais bien le retrait du contenu de ce projet de loi. En fait, je crois qu'il doit être clair entre nous que plusieurs mesures pratiques ou d'ordre concret, par exemple, toutes les mesures qui concernent le transport, l'école, le travail, toute la question de la modification des droits dans la Charte des droits et libertés de la personne, pour nous, sont urgentes et doivent être faites rapidement. Et nous ajoutons même dans notre mémoire plusieurs autres modifications, au niveau du Code

du travail et des choses comme celles-là. On pourrait en ajouter plusieurs.

Ce qui nous apparaît cependant encore déficient dans la loi, c'est que ce n'est pas encore très clair que c'est la loi du gouvernement. A plusieurs égards, on a encore l'impression que c'est la loi du ministère des Affaires sociales, en ce sens que, par le moyen de cet office, on trouve qu'il y a encore trop de mesures qui s'adressent au ministère des Affaires sociales et que ce n'est pas une remise des responsabilités entre les mains des autres ministères et des autres instances publiques ou parapubliques concernées. Je relève simplement cette question de l'article 53 ou 58, je crois, où on prévoit encore la création de centres de main-d'oeuvre spécialisés, alors qu'on avait apporté précisément, comme vous l'avez souligné, la formation d'agents de main-d'oeuvre du ministère du Travail lui-même. Ce n'est qu'un exemple.

Ce qui, pour nous, cependant, est plus important, bien qu'encore nous reconnaissions l'importance d'avoir un office, un comité ou une commission, c'est qu'il soit prévu dans la loi qu'un organisme s'attaque, en premier lieu, à l'élaboration d'une politique vraiment globale, très claire, avec un cheminement prévu, un calendrier, enfin, tout ce que nous avons énoncé, ce qui permettrait d'apporter éventuellement d'autres modifications à d'autres lois ou à une loi omnibus et de concrétiser encore davantage ce que nous trouvons dans le livre blanc et que nous acceptons vraiment globalement, bien que, pour nous aussi, le livre blanc ait encore quand même des aspects déficitaires.

Evidemment, pour nous, ce qui est important, c'est qu'une politique globale soit mise sur pied et appliquée et qu'entre-temps, par une loi qui serait davantage pour nous un bill omnibus qu'on modifie, dans un tas d'autres lois, dans un tas d'autres ministères... et que cela devienne vraiment une loi du gouvernement du Québec et non pas une loi d'un ministère en particulier pour qu'enfin, ces personnes soient reconnues au même titre que tout individu qui dépend de différents ministères, et pas toujours et indéfiniment du ministère des Affaires sociales.

Peut-être que mes collègues ont aussi d'autres commentaires.

M. Chabot (Robert): J'aimerais apporter quelques précisions sur certains faits. Par exemple, pourquoi le comité de liaison — le projet de loi et le livre blanc ont été déposés un vendredi — le lundi, demandait-il le retrait formel du projet de loi, apparemment sans l'avoir lu, etc.? Il y avait toute une histoire en arrière de cela. Depuis avril, on faisait toutes sortes de démarches par lettres, au moyen de manifestations aussi, à un moment donné, afin qu'on organise une consultation.

Par la suite, on s'est dit que l'idée du ministre des Affaires sociales de faire une consultation à partir de ce qui pouvait être le projet de loi, c'était une bonne idée. On a changé notre point de vue à ce niveau-là.

Mais, d'un autre côté, à notre point de vue, il était aussi très essentiel que quelqu'un, finalement, se lève et gueule une fois pour toutes dans le réseau, ne serait-ce que pour réveiller le réseau des affaires sociales comme tel, qui travaille avec les personnes handicapées et qui, habituellement, ne parle pas tellement fort. C'est un réseau qui reste en sourdine. Il faut que tu sois dans le réseau pour savoir ce qui s'y passe exactement.

Personnellement, je suis un ex-cuisinier. Je suis arrivé au comité de liaison purement par hasard. A un moment donné, on apprend l'existence de ce projet de loi. On décide de faire une tournée. On avait déjà organisé d'autres tournées, tout simplement pour faire notre "job" d'information, de promotion et de coordination par un réseau de communication dans la province.

J'ai rencontré, cet été, beaucoup de groupes dans beaucoup de régions de la province. Je me suis rendu compte que, premièrement, la personne handicapée, c'est une personne comme tout le monde, c'est-à-dire qu'avant d'être qualifiée de quoi que ce soit, une personne, c'est une personne.

En principe, c'est même agréé dans le livre blanc, la Charte des droits et libertés de la personne s'applique aussi à elle.

Cependant, il y a quand même discrimination au niveau de la personne. Ce que j'ai remarqué, après en avoir discuté avec les personnes que j'ai rencontrées, c'est que le niveau de discrimination ne vient pas du fait que c'est la personne; c'est le fait que la personne est obligée d'utiliser une orthèse, une prothèse ou n'importe quoi pour pallier son handicap.

Quand on parle de modifications à la Charte des droits et libertés de la personne, je veux dire quand on en parle en termes d'assurer, de protéger les droits de la personne, je trouve cela plutôt... J'hésite, parce que les mots que je pourrais dire sont un peu forts, mais, de toute façon, je vais laisser passer.

Je dirais plutôt, tout simplement, qu'on place le problème là où il est, c'est-à-dire qu'est-ce qui empêche mon frère de se promener dans la rue? C'est tout simplement parce que tout ce que la technique lui donne pour se véhiculer, c'est une chaise roulante. Ce serait un machin à coussin d'air, il n'y aurait pas de problème.

S'il y a problème, c'est au niveau de l'utilisation d'une orthèse, d'une prothèse. C'est pour cela qu'on ne comprenait pas non plus pourquoi on faisait un projet de loi qui avait une tendance marquée à protéger les droits de la personne, à préparer un plan de services pour la personne, etc., d'autant plus qu'il y avait de petits oublis dans le projet de loi qui ne nous plaisaient pas tellement, notamment l'oubli de mettre un moyen de recours pour les organismes de promotion. Ce sont des choses qui ont fait monter un peu la tension.

Finalement, après plusieurs rencontres avec plusieurs représentants de différents milieux, on s'est rendu compte d'une chose, c'est que personne ne connaissait vraiment comme il le faut

ce qui se passait, ce qui existe comme ressources pour pallier la situation qui existe, ce qui existe comme problèmes, comme besoins réels. De là est sortie l'idée d'une politique globale de réadaptation, ce qu'on vous a lu tout à l'heure. De notre point de vue, la politique globale de réadaptation, c'est tout simplement de faire en sorte non pas seulement qu'on dise que tout va mal au Québec en regard des handicapés et qu'on dise que ce qui nous apparaissait comme créer un magicien, un improvisateur, portait le nom d'office. Ce qui nous apparaissait important, c'est qu'on fasse une étude vraiment précise de ce qui existe au Québec comme besoins, mais avec les personnes concernées et avec les intervenants du milieu qui essaient de pallier les besoins et que, tout le monde ensemble, on travaille justement à élaborer quelque chose dans le temps et dans l'espace, c'est-à-dire en tenant compte des besoins des enfants et des adultes et des jeunes adultes, en tenant compte que, dans l'Abitibi, cela ne fonctionne pas du tout comme dans l'Est du Québec, une politique globale et articulée de la réadaptation.

Le Président (M. Boucher): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, nous avons devant nous un mémoire passablement étoffé, avec des recommandations détaillées dans de nombreux domaines. Le mémoire comporte un élément important d'honnêteté dans le sens que les diverses consultations sont exposées, et, à certains endroits, il est indiqué que certaines personnes étaient d'un avis et d'autres personnes d'un autre avis.

Il y a quand même des signes de force qui s'en dégagent. Une en particulier me frappe, c'est qu'il y a une série de demandes ici pour des services, pour que des mesures soient prises afin de rendre possibles aux personnes handicapées des choses, des activités qui sont impossibles aujourd'hui, que des ressources humaines et financières et administratives soient mises à la disposition des personnes en question.

Cela revient à un commentaire que j'ai fait ce matin. Le fait d'inscrire dans une loi des droits est symbolique, si les services n'existent pas, et, par contre, si les services existent, si les mesures sont prises en vertu des lois existantes, on n'a peut-être pas besoin d'ajouter énormément.

Justement, si l'on dit que ce projet de loi ne devrait pas contenir certains éléments qui devraient plutôt se trouver dans la Charte des droits et libertés de la personne, il me semble — et c'est un commentaire que je sollicite — que, là aussi, on est dans le domaine des principes. On déclare que l'on ne doit pas faire de discrimination à l'endroit de personnes handicapées parce que ces personnes sont handicapées. D'accord, sauf que cela ne répond pas à l'ensemble des demandes contenues dans ce mémoire pour des services, des ressources et le reste. Déclarer que l'on ne doit pas faire de discrimination, c'est une chose essentielle dans une société démocratique. On a identifié divers groupes défavorisés à cause de la couleur, de la religion, de toutes sortes de facteurs.

On a dit: II faut ajouter à cette liste, et je suis d'accord avec cela. Mais il me semble que le fait d'édicter une telle loi a un certain effet dissuasif sur des personnes qui, autrement, songeraient à faire de la discrimination — si cet effet dissuasif n'est pas suffisant on se retrouve devant les tribunaux à réclamer des droits qui ont été refusés — tandis que la substance de ce mémoire est plutôt dans le domaine des services et des ressources.

Je pense que nous sommes d'accord qu'il s'agit ici d'un désir, d'une volonté même, j'en suis convaincu, de donner un maximum de considération et de services avec un minimum d'identification particulière. Pourtant, quand il y a des besoins particuliers, faut-il les identifier; il faut les mesurer, les quantifier, poser des diagnostics professionnels dans bien des cas.

Je me rappelle des débats au sein de la profession médicale il y a plusieurs années, autour de la question d'établir un registre central. A l'époque, c'étaient des malformations congénitales. Il y avait de nombreuses objections, des objections, notamment, de principe. Et par contre, des gens ont dit à l'appui de la thèse de l'établissement d'un registre: Mais si l'on ne dit pas à tout le monde qu'il y a moyen de s'inscrire et d'obtenir des services, il y a beaucoup de gens qui ne s'adresseront pas aux autorités, au bon endroit, en temps utile, pour avoir des services.

Il me semble que tout ce débat autour du projet de loi comporte un élément qui mérite un certain éclaircissement. Tout comme ce matin avec les porte-parole des personnes arriérées, je pense que nous devons, avec beaucoup de franchise, examiner des considérations qui sont délicates. Mais il y a donc ces deux questions que je pose d'abord, ces deux invitations à des commentaires. D'abord, sur la question de la différence entre un projet de loi qui pourrait être intitulé comme celui que nous avons devant les yeux et la Charte des droits et libertés de la personne. Est-ce que la différence est là ou est-elle dans le mémoire qui recommande de nombreux services et de nombreuses ressources à l'intention des handicapés?

Donc, comme corollaire de cela, ce débat qui sévit depuis un certain temps autour de l'identification particulière des personnes handicapées, pouvons-nous véritablement rendre justice, en termes de services, si nous n'avons pas une identification des éventuels récipiendaires, si nous n'avons pas une identification assez détaillée des besoins?

M. Chabot (Robert): II est évident que, de toute façon, si vous voulez donner un service, il faut que vous sachiez à qui vous voulez donner le service. Nous sommes entièrement d'accord avec cela. Cependant, le service ne peut pas

être donné n'importe comment. Vous disiez tout à l'heure qu'il y a beaucoup de personnes qui n'utilisent pas les services disponibles. L'inverse est vrai aussi.

Tu peux mettre quatre minibus à la porte d'une personne handicapée et si cette dernière n'est pas motivée à sortir, elle ne sortira pas.

Maintenant, la différence est au niveau des services et au niveau des droits. On parle beaucoup des droits, parce que c'est quelque chose qui n'a jamais été clair. Je répète ce que je disais tout à l'heure, du point de vue des gens qu'on a rencontrés, le problème ne se situe pas au niveau de la personne, de l'être humain. Il se situe au niveau du fait qu'il est obligé d'utiliser une orthèse ou une prothèse et que, dans la société, lorsque tu es en fauteuil roulant, tu as des problèmes pour monter sur un trottoir. Tu as des problèmes pour monter un escalier, si tu peux le monter.

Il est important qu'on enlève toute cette emphase mise sur la personne et qu'on la mette là où est le problème, c'est-à-dire au niveau des services. Il y a des services qui pourraient être rendus accessibles.

Je connais un type qui a fait des études. Il est paralytique cérébral et il se promène en fauteuil roulant. Il a fait des études et maintenant, pour se trouver un emploi avec le diplôme qu'il a, il a eu des problèmes, parce que dans un centre de main-d'oeuvre, il n'y avait pas d'ascenseur. Il n'y avait que des escaliers. Dans l'autre centre de main-d'oeuvre, il n'y avait pas de personnel spécialisé.

Alors, les droits et les niveaux de services, c'est tout ensemble. Si on demande de préciser s'il y a lieu, au niveau de la discrimination, dans la charte, c'est tout simplement pour éviter de faire une minicharte pour les personnes handicapées.

Au lieu de faire une minicharte disant que la personne handicapée visuelle a droit d'accès aux moyens de transport, aux lieux publics, etc., dans la Charte des droits et libertés de la personne, il a déjà un moyen de recours.

D'accord. On peut avoir des réticences selon la valeur possible de ce moyen de recours, etc. C'est un fait. On a essayé de porter plainte sur le fait d'une discrimination basée sur un handicap, mais la Commission des droits de la personne a dit: Je n'ai pas tout à fait le mandat. Ce n'est pas clair dans la charte, etc. Cependant, s'il y a quelque chose de précis dans la charte qui permette de préciser en disant que ne pas avoir de discrimination fondée sur l'utilisation d'une orthèse ou d'une prothèse ou basée sur le fait que la personne n'a qu'un bras ou a un handicap physique ou mental, à ce moment, elle aura le mandat clair et elle pourra exercer son pouvoir simplement.

C'est pour cela tout ce... Parce qu'au niveau des droits, c'est encore au niveau des services, c'est-à-dire qu'il y a un service qui existe: la Commission des droits de la personne.

D'accord. Au niveau du logement, il peut y avoir le Code civil. Il peut y avoir un paquet d'au- tres articles qui peuvent jouer. Je pourrais prendre l'exemple du Code du bâtiment, à ce niveau.

Il y a des services qui existent. A ce moment, que chaque ministère... S'il n'y a personne qui est chargé d'appliquer le Code du bâtiment du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, s'il n'y a pas de handicapé qui va voir l'entrepreneur pour lui dire: Dans le coin, où tu construis ton building, j'aimerais bien que ce soit accessible, il va se foutre du Code du bâtiment et il va construire son building comme il le veut; mais, par contre, s'il y a des mesures concrètes qui permettent de faire en sorte que ces mesures précises soient appliquées unilatéralement, à ce moment, il y a déjà un gros pas de fait.

Au niveau des droits et au niveau des services, c'est respecté, mais non pas en jouant sur la personne comme telle, non pas en disant: C'est la personne qui a le problème.

M. de Bellefeuille: A supposer que de façon très idéale, il n'y ait pas de personne handicapée physique aujourd'hui, cela commencerait seulement demain, dans la mesure où l'ensemble des services offerts à la population non handicapée seraient accessibles aux personnes handicapées physiques, je crois que ces problèmes que nous avons aujourd'hui ne seraient jamais survenus.

Evidemment, si un individu à l'âge scolaire n'a pas eu accès à l'école, son développement individuel, général, social, professionnel pose des problèmes. On doit aussi, aujourd'hui, pallier ces différents problèmes parce qu'on pourrait appeler une politique globale de la réadaptation pour les individus qui, de toute façon, peuvent avoir des problèmes dans le cadre de leur développement personnel, social, professionnel, scolaire, etc.

Je pense qu'on doit distinguer tout cet aspect d'une politique globale de réadaptation, de l'aspect de services concrets, ou enfin, de ce qu'on pourrait appeler les besoins primaires d'accès aux services qui sont les mêmes que pour l'ensemble de la population.

Bien des individus, s'ils avaient eu la compréhension nécessaire dans un centre de main-d'oeuvre n'auraient peut-être pas eu à souffrir des dépressions, à se retourner sur eux-mêmes, à rester chez eux, à développer différents types de problèmes ou être institutionnalisés, ce qui, en partant, a causé 50% de leurs problèmes.

Enfin, je rejoins ce que M. Perreault disait ce matin au sujet des enfants déficients mentaux; dans une institution, 50% des problèmes qu'on traite proviennent du fait même d'être institutionnalisé. Je pense qu'il faut y travailler pour le comprendre, pour le croire. Je pense qu'on doit distinguer la question, d'une part des droits généraux des citoyens, ensuite essayer de voir au niveau des différents ministères, des différentes ressources publiques et parapubliques, à ce que ces ressources servent concrètement, pratiquement aux personnes handicapées physiques;

une politique de réadaptation pour les personnes qui, de toute façon, en cours de route ou depuis déjà quelques années, n'ont pas eu l'occasion justement d'avoir accès à ces services et ont perdu la motivation, ont perdu une certaine foi dans leur potentiel, et doivent justement passer à travers un certain processus de réhabilitation, croire dans de nouvelles habiletés.

Pour nous, un projet de loi comme celui-ci n'est pas un projet de loi qui essaie, au niveau du ministère des Affaires sociales, de régler toute la situation. C'est un projet de loi du gouvernement du Québec qui voit à ce que chacune des instances responsables prenne ses responsabilités, c'est-à-dire que le ministère de la Main-d'Oeuvre prenne ses responsabilités. Actuellement, je pense que nous sommes en droit de croire que plusieurs ministères, tout au moins quelques-uns, et plusieurs ressources ne sont pas prêtes à emboîter le pas, ne sont pas prêtes à être coordonnées, sont très peu sensibilisées, pratiquement pas informées, et le problème, je crois aujourd'hui, se situe là.

Est-ce qu'on va prendre le temps de les informer pour qu'eux-mêmes d'ailleurs qui ont déjà fort bien commencé... Je pense au projet MASMEQ et aux différents centres de main-d'oeuvre, à différents endroits, ils ont commencé déjà à avoir des programmes d'extension, ils se sensibilisent, avancent déjà. Est-ce qu'on va essayer de faire des choses à leur place ou si on va plutôt accentuer la sensibilisation pour qu'eux prennent leurs responsabilités et que la personne handicapée soit un citoyen ordinaire qui s'adresse à un centre de main-d'oeuvre ordinaire et non pas à un centre de main-d'oeuvre spécial, quitte à ce qu'un centre de réadaptation, par exemple, qui doit avoir des mesures de placement, se serve de contrats de service avec le ministère du Travail et non pas du placement par les Affaires sociales? Que la personne handicapée cesse, une fois pour toute, d'être une "assistée sociale". Je pense que c'est une coloration très différente qu'on donne au projet de loi qui, par ailleurs garde, je crois... Nous en sommes conscients, encore plus depuis le préambule, qu'a fait M. Lazure à cette commission parlementaire, ce matin, où il a déjà apporté plusieurs modifications qui nous plaisent grandement et qui, d'ailleurs, emboîtent le pas dans cette mentalité de législation que nous avons.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Bellefeuille, Messieurs Chabot et Filion pour la présentation de leur document qui est collé sur des réalités que vous vivez quotidiennement et qui nous font connaître ici, à cette table, les problèmes qui vous sont propres et ceux que vous voulez régler par la présentation de ce Livre blanc, suivi de la loi no 9. Je ne veux pas revenir sur l'objectif que vous venez de discuter avec le ministre et le député de Saint-Laurent sur...

M. Goldbloom: De D'Arcy McGee.

M. Grenier: ... de D'Arcy McGee, pardon. On était habitué, à la commission des affaires sociales, d'avoir le député de Saint-Laurent, maintes fois. J'aimerais savoir si vous croyez qu'on doive faire une différence dans la loi entre des handicapés physiques et des handicapés mentaux?

M. Filion: II nous apparaît certainement important de faire une telle distinction, ne serait-ce que, parce que, au départ, il ne s'agit pas, bien sûr, pour les personnes physiquement handicapés de faire de la discrimination à leur tour, ne serait-ce que parce que les besoins sont différents. A partir du moment où ce que nous proposons, c'est-à-dire que l'offre prévu par le projet de loi no 9 n'ait que deux pouvoirs, au niveau de l'information et au niveau de la coordination et qu'un seul mandat qui est l'élaboration de cette dite politique globale et articulée de la réadaptation, dans ce contexte, je pense qu'il est important que les besoins spécifiques des uns et des autres soient pris en considération. J'aimerais, par ailleurs, revenir...

M. Chabot (Robert): J'allais tout simplement ajouter pour le simple gros bon sens, que donner des services aux personnes déficientes mentales, et donner des services aux personnes handicapées physiques, ce n'est pas pareil. Les personnes déficientes mentales n'ont pas nécessairement besoin d'un mini-bus adapté. C'est seulement un exemple.

NI. Filion: J'allais revenir sur la question, à savoir si c'est une question de principe au niveau des droits ou si c'est une question au niveau des services, soit à offrir à court terme, à moyen terme ou à long terme, en référence au mémoire que soulevait M. Goldbloom?

A la vérité, l'office, tel que présenté dans le projet de loi no 9 qui est la version que nous connaissons, accorde à cet organisme des pouvoirs et des devoirs extrêmement importants et trop importants au gré des gens que nous avons rencontrés lors de cette tournée d'information et de consultation; trop importants, d'autant que nombre de ces pouvoirs sont des pouvoirs par réglementation, c'est-à-dire que les gens ne savent vraiment pas dans quelle direction les travaux de l'office en question, prévu par le projet de loi no 9, vont s'orienter.

C'est dans ce contexte que les gens ont demandé que l'office ait d'abord comme premier mandat d'élaborer une politique globale et articulée de la réadaptation. Il est certain que c'est au niveau des services, au niveau des récipiendaires, au niveau des personnes physiquement handicapées qui, elles-mêmes, je pense, sont les premières directement concernées; c'est à elles à exprimer leur vécu et les problèmes qu'elles rencontrent au niveau local, au niveau régional.

Par ailleurs, toujours dans le contexte de l'articulation, principe, droit, versus services

concrets, il ne s'agit pas d'accorder des droits spéciaux en dehors de la question de la Charte des droits et libertés de la personne en ce qui regarde la protection ou la discrimination, contre la discrimination des personnes. Il ne s'agit pas d'accorder des privilèges aux personnes physiquement handicapées. Il y a un support social, je pense, que la collectivité québécoise leur doit, mais au niveau du cadre de vie de ces mêmes personnes, c'est-à-dire qu'à partir du moment où elles pourront avoir des moyens de transport, où elles pourront, dans un milieu normal, c'est-à-dire avec des gens non handicapés, si je peux m'exprimer ainsi — je me rends compte que ma façon de m'exprimer est très inadéquate — dans la mesure où elles pourrront avoir des loisirs, où elles pourront travailler, à ce moment-là, il reste à la personne — c'est son choix personnel, comme à n'importe quel autre citoyen — de s'intégrer ou pas à la société.

M. Grenier: A la page 32 de votre mémoire, vous avez proposé, on en a un peu discuté, la création d'un organisme style conseil consultatif qui remplacerait, en quelque sorte, l'office dont on fait mention. Avec les précisions que le ministre a apportées ce matin, vous en avez sans doute été témoins, est-ce que ça vous satisferait. D'après les gens que vous avez rencontrés, est-ce que les propositions faites par le ministre ce matin vous satisferaient?

M. Chabot (Robert): J'aimerais aller un peu plus loin là-dedans, c'est-à-dire qu'il y a deux niveaux, en fait. C'est un peu comme une éponge dans laquelle il y aurait de l'eau, c'est-à-dire que c'est mêlé ensemble. Ce sont deux choses dissemblables; c'est une mentalité qui traîne, à savoir ce que c'est qu'une personne handicapée. En même temps, il y a des besoins urgents, très concrets auxquels il faut répondre. D'accord? Cependant, pour répondre aux besoins donnés, il faut penser aussi que c'est possible, à long terme, de travailler au niveau de cette mentalité.

C'est pourquoi, lorsqu'on parle d'offrir des services, d'enlever l'emphase sur la personne, c'est pour éviter ce genre de choses. Je vais employer un exemple qui rejoint la question que M. Lazure posait tout à l'heure, c'est-à-dire qu'une personne est, je ne sais pas en quelle classe, en quelle année, on note, les psychologues du coin, les professeurs du coin, les orien-teurs du coin, notent qu'il y a une certaine difficulté d'apprentissage et ils le foutent dans une classe spéciale. Ce n'est pas nécessaire de le foutre dans une classe spéciale. Je veux dire, répondre à des besoins, ce n'est pas créer des services spéciaux nécessairement, c'est simplement élargir les portes des services existants pour répondre aux besoins donnés.

C'est-à-dire que dans le cadre du service de transport de la ville de Québec ou Montréal ou whatever, c'est simplement mettre un service de transport adapté aux besoins des personnes handicapées en tenant compte du climat, de la place tout simplement.

En gros, ça se situe comme ça. C'est pour ça que lorsque le ministre ce matin, dans son discours d'ouverture, a mentionné cette politique globale, j'ai été agréablement surpris, parce que c'est quelque chose de fondamental.

Quand je dis de notre point de vue, c'est du point de vue que j'avance, de ce que les personnes m'ont dit cet été, c'est-à-dire qu'il faut savoir exactement ce qui se passe pour pouvoir y répondre comme il faut.

M. Grenier: Si les intentions contenues dans le livre blanc — c'est un peu ce que vous nous expliquez dans le moment — sont une base de politique globale qui, je pense, vaut la peine d'être approfondie, en fait, c'est de ces recommandations que vous parlez également. Trouvez-vous, dans ce qui a été dit par le ministre ce matin, dans son allocution d'ouverture, qu'il y a, avec vos recommandations, des affinités assez transparentes, pour utiliser une expression fort connue?

M. Chabot (Robert): Cela enlève un peu de ce qu'on voyait comme étant des illogismes entre le livre blanc et le projet de loi. C'est-à-dire qu'on lisait et on disait, dans le livre bianc: Bien sûr, on ne peut pas tout dire dans un projet de loi. C'est un fait. Dans mon ignorance, je ne le sais pas.

Mais, de toute façon, on lisait, dans le projet de loi: Les organismes de promotion sont les plus beaux, les plus fins, les plus intelligents, les plus proches du milieu, etc., un gros chapitre là-dessus, le chapitre IX ou VIII du livre blanc. Dans le projet de loi, non seulement on a oublié de leur donner un moyen de recours, mais on ne mentionnait qu'une vague possibilité de consulter ces organismes pour savoir comment procéder dans le milieu. Alors, pour nous autres, la consultation, c'est quelque chose d'essentiel, d'important.

M. Grenier: J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir plus tard.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richelieu.

M. Martel: Tout d'abord, j'aimerais féliciter M. Chabot et son groupe qui travaillent d'arrache-pied pour sensibiliser les gens et apporter des solutions concrètes à ce projet de loi. Vous savez, M. Chabot, depuis l'été, depuis qu'on s'est vus ici, devant la colline parlementaire, à l'entrée du sauvage, il s'est passé beaucoup de choses, tant de votre côté que du nôtre. Nous avons fait également une commission parlementaire, nous avons pris des recommandations de gens concernés par le problème. Vous avez fait de même et, aujourd'hui, au lieu de voir, à la page 23, le retrait de la loi 9, vous demandez simplement le retrait de ce contenu. C'est déjà pas mal.

Le ministre, ce matin, a également, de son côté, apporté des modifications, du moins des

prémisses de modifications à ce projet. Nous savons fort bien — je n'ai pas besoin de vous poser cette question — que si la mentalité des Québécois était suffisamment évoluée, nous n'aurions pas besoin de loi 9. Si nos gouvernements antérieurs, les différents ministères, si la population en général, acceptaient le fait qu'un handicapé, c'est un citoyen à part entière; si, dans le passé, on avait, par exemple lors de la construction de nos édifices publics, prévu des voies d'accès; si, à l'occasion de l'établissement de réseaux de transport en commun, on n'avait pas créé des genres de mini-bus spéciaux pour les handicapés, mais si on avait créé des véhicules qui permettent à toute personne, qu'elle soit handicapée ou non, d'avoir accès à ce moyen de transport, comme cela se faisait dans certains pays Scandinaves — je pense, par exemple, à la Suède — à ce moment-là, nous n'aurions pas besoin de projet de loi.

Mais, étant donné que cette évolution de la mentalité de notre société n'est pas à point, qu'il y a d'énormes lacunes à l'égard des personnes dites handicapées, mais qui sont des citoyens à part entière, je crois qu'il est du devoir des gouvernements d'essayer d'apporter une sensibilisation à ce problème.

Vous parlez, à la page 32, de la création d'un organisme. Nous, c'est un peu cela qu'on préconise, l'organisation d'un mouvement, à l'intérieur d'un ministère, qui est voué au bien social de l'individu. Nous voulons, par cet organisme, sensibiliser les autres ministères, sensibiliser la population en général, de façon que le handicapé soit considéré comme un citoyen à part entière.

Et je pense qu'il n'est pas question, il n'est pas dans l'esprit du législateur de vouloir créer une charte des personnes handicapées. Il n'est pas dans l'esprit du législateur de vouloir créer une classe de gens à part. Mais il est dans l'esprit du législateur de vouloir sensibiliser l'ensemble des citoyens au fait que cette personne qui a un handicap temporaire ou permanent est une personne qui a le droit de vivre convenablement et que l'on ne doit pas créer pour elle des mini-bus spéciaux, des jeux spécialement aménagés pour elle, mais bien de faire accepter dans la mentalité qu'on doit penser continuellement en fonction des personnes qui, par malchance, souffrent d'un certain handicap.

Je pense, par exemple, à des mentalités qui ont évolué grâce à des actions gouvernementales. Tout à l'heure, je vous ai parlé d'un pays Scandinave, la Suède, où, au début, il y a eu des lois dans ce domaine. Il y a des gens qui n'aimaient pas cela parce qu'ils avaient peur justement d'être considérés comme des groupes à part, mais, à un moment donné, on a enlevé ces lois lorsque la sensibilisation a permis d'atteindre le niveau où tout le monde est considéré sur le même pied.

Je sais également que certaines facultés d'architecture, dans certains Etats américains, obligent, par exemple, les étudiants à passer deux mois, trois mois par année dans une chaise roulante pour qu'ils puissent prendre conscience de ce que cela représente pour un gars qui a un handicap, c'est-à-dire pour celui qui a à se déplacer dans une chaise roulante, de telle façon que ce bonhomme, lorsqu'il arrive sur le marché du travail, qu'il travaille au gouvernement ou pour des corporations privées, pense en fonction de toute la société qui compose le pays. C'est en ce sens qu'on veut apporter notre loi.

Je pense qu'il ne s'agit pas de créer de comité d'étude, même si vous le mentionnez à la page 32. Je pense, si je me mets à votre place, qu'il ne s'agit pas de voir de quelle façon on va passer à l'action. Il s'agit tout simplement d'avoir un organisme qui pourra être temporaire. Une loi, cela se modifie, cela se change. Mais, dans le moment, il s'agit d'atteindre un but, celui de faire évoluer assez rapidement la société pour que personne ne considère le handicapé physique ou mental comme un membre à part de la société.

Je pense qu'en rejetant le contenu, vous admettrez tout de même qu'il y a des points extrêmement importants qui vont permettre justement d'atteindre cette sensibilisation vis-à-vis des autres ministères, parce que, comme l'a expliqué le ministre ce matin, c'est une sensibilisation et une participation des fonctionnaires des autres ministères. Je crois qu'il va y avoir également une participation régionale des handicapés à ce comité, à cet office.

Je pense qu'à ce moment-là... Du moins je vous pose la question: Est-ce que vous acceptez ce genre de contenu qui fait partie de la loi 9?

M. Bellefeuille: M. le Président, je pense qu'il ne faudrait pas fausser l'enjeu non plus de notre rencontre aujourd'hui. M. le député nous demande si cela ne va pas trop loin que de demander de rejeter le contenu. Le contenu dont il était question avant cette commission parlementaire, en bonne partie, oui. Le contenu depuis ce matin, je pense que c'est quand même différent, en partie.

Si on ne parle plus du chapitre II, si le chapitre VII appelé "Dispositions transitoires et finales", c'est-à-dire que les modifications à d'autres lois d'autres ministères, de commissions ou de ressources soient faites directement dans ces propres ministères et non pas en ajoutant quelque chose dans une loi spéciale, à ce moment-là, évidemment, nous sommes tout à fait de votre avis. Le problème se situe peut-être à ce niveau maintenant.

Cependant, je ne pense pas que nous en soyons déjà à la troisième lecture du projet de loi. Comme M. Perreault le faisait remarquer, nous avons très bien entendu les paroles de M. Lazure ce matin. Nous souhaitons justement que ces amendements soient adoptés à la troisième lecture du projet de loi no 9. Nous souhaitons cependant qu'on puisse aller encore plus loin, dans ce même sens, qu'on puisse aller encore plus loin, que des dispositions transitoires et finales, dans ce même esprit, puissent modifier encore davantage des ressources d'autres mi-

nistères, par exemple. Je prends toujours l'exemple du fameux article 58 où on prévoit avoir des centres de main-d'oeuvre spéciaux. C'est justement cela qu'on ne veut pas. Que le centre de main-d'oeuvre s'organise pour faire du placement adapté aux besoins des personnes handicapées physiques. Ce qu'on demande finalement dans ce même esprit, tel qu'annoncé ce matin et non pas au moment où nous avons écrit le mémoire, c'est qu'on puisse aller encore plus loin. C'est le sens de notre intervention. En ce qui concerne la question d'une politique globale, en faire une qui soit vraiment la nôtre et qu'elle ne soit pas fondée sur les enquêtes des pays étrangers plus ou moins adéquates qui parlent tout le temps d'adultes, d'adultes et d'adultes, alors qu'on n'a strictement rien ici au niveau des enfants.

Si je me réfère au livre blanc, les études sont toujours fondées sur la question des adultes. Evidemment, je ne parlerai pas ici de la question de la modification, parce que je pense qu'on oublie tout le temps de parler de ce qu'a déjà été le projet de loi no 10...

M. Martel: Je pense que ce matin...

M. Bellefeuille: ...qui parlait de la modification, de ce qui passe au niveau des centres d'accueil et de réadaptation de personnes handicapées physiques et des centres fonctionnels.

M. Martel: Je m'excuse, mais ce matin, lorsque le ministre parlait de personnes, il incluait, évidemment, les enfants, pas simplement une loi qui, ce matin...

M. Bellefeuille: Ce matin.

M. Martel: ... "personnes" inclut le mot "enfants". Donc, cela ne s'adresse pas seulement aux adultes.

M. Bellefeuille: C'est clair depuis ce matin.

M. Martel: II y a beaucoup de choses qui vont s'éclairer d'ici la troisième lecture.

Le Président (M. Marcoux): Très brièvement, M. le député de Rosemont, si nous voulons respecter...

M. Paquette: M. le Président, une très brève question. Il y a seulement une chose que je ne comprends pas dans ce qui peut encore nous séparer. Par exemple, en ce qui concerne les droits de la personne et l'objectif de non-discrimination envers les personnes handicapées, est-ce que vous vous opposez à ce qu'on fasse les modifications nécessaires à la Charte des droits de l'homme dans le projet de loi no 9? Vous n'avez pas d'objection à cela, j'imagine. L'important pour vous, c'est que chacune des modifications soit faite à des lois des différents ministères, parce que vous nous disiez tantôt que les ministères devraient élaborer... mais cela peut être dans la même loi. On dit: La loi de tel ministère est modifiée de telle façon. Vous êtes d'accord avec cela.

M. Filion: Exactement. C'est sur le même principe que sur les dispositions finales et transitoires.

M. Paquette: D'accord. Très bien. C'est très clair.

M. Chabot (Jean-Marc): Le projet de loi no 9 nous faisait penser beaucoup plus au projet de loi no 55 dans son contenu, du fait qu'il y avait un office très centralisateur. C'était une protection des droits plutôt qu'une assurance des droits. C'est pour cette raison qu'il y a eu beaucoup de malentendus de notre part et peut-être de votre part aussi, parce qu'on ne s'est pas assez parlé. Ce qui est important pour nous, c'était que le projet de loi no 9 modifie des lois qui existent déjà. C'est ce qui se fait dans les dispositions transitoires et finales. C'est ce que le ministre a annoncé dans certaines des dispositions dont il a parlé ce matin. Que l'office soit un office d'information et de promotion, c'est-à-dire qu'il fasse faire, qu'il s'occupe de faire faire, plutôt que de faire lui-même, parce qu'il y a déjà des ressources qui sont là, qui font du travail, et c'est à elle à continuer de le faire. A ce moment, pour nous, c'est important d'avoir cela. C'est important aussi d'avoir un moyen de recours. Quand je parle de moyen de recours, pour nous, c'est la question de l'élaboration d'une politique globale et articulée de la réadaptation. On dit: Si l'office fait cela au départ avec les intéressés, tôt ou tard, on est certain qu'il y a bien d'autres dispositions qui sont dans la loi actuellement qui vont tomber d'elles-mêmes, ou d'autres modifications à d'autres lois qui vont être ajoutées par la suite.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, rapidement, quelques commentaires. D'abord, en ce qui concerne la discrimination, à savoir si elle s'adresse à la personne ou à la prothèse ou l'or-thèse. Nous avons consulté les gens au ministère de la Justice. Par les modifications à la Charte des droits de la personne, il est bien clair d'après eux et d'après nous aussi, qu'une discrimination qui serait dirigée vers le handicap ou vers la prothèse ou l'orthèse équivaut à une discrimination envers la personne. Je pense que cela doit être clarifié une fois pour toutes. En ce qui concerne l'action des autres ministères, j'y ai fait allusion ce matin. On peut encore expliciter davantage cette question. Déjà, certains ministères, comme le ministère des Transports, vous en avez eu la preuve depuis un an, pour la première fois — je comprends que c'est une mesure transitoire et temporaire — a contribué financièrement à notre demande à améliorer le transport aux handicapés dans des villes comme Sher-

brooke, Québec et Montréal. C'est une première. Actuellement, les ministères des Transports, des Travaux publics, de l'Education, du Travail sont en train de réviser leur réglementation pour justement s'ajuster à toute l'orientation, à toute la philosophie qui sous-tend le livre blanc et tout le projet de loi.

En terminant, je veux encore une fois remercier le Comité de liaison des handicapés physiques du Québec. Je veux le féliciter pour son travail et je veux l'assurer que nous allons maintenir le contact. Il est juste qu'une des causes des malentendus, à l'origine, remonte au fameux projet de loi 55 et ce n'est pas toujours facile de bonifier un projet de loi qui avait été préparé par un ancien gouvernement.

Le Président (M. Marcoux): Je me doutais bien que ce n'était pas le mot de la fin, que c'était plutôt le mot d'un commencement.

M. Goldbloom: Non, M. le Président, il n'y aura pas de commencement.

Le Président (M. Marcoux): Un commencement très bref.

M. Goldbloom: II n'y aura pas de commencement parce que, justement, j'avais évité jusqu'à maintenant ce genre de remarques et je ne tomberai pas dans le piège.

Le Président (M. Marcoux): La présidence vous remercie.

Je remercie le Comité de liaison des handicapés physiques du Québec de la contribution qu'il a apportée aux travaux de cette commission en venant présenter son mémoire. J'inviterais maintenant l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc. à venir nous présenter son mémoire.

M. Bellefeuille: M. le Président, je vous remercie au nom des personnes du Comité de liaison qui sont venues aujourd'hui et au nom de toutes celles qui nous avaient demandé, justement, de vous apporter leurs commentaires et leurs réflexions. Je souhaite que ce dialogue que nous avons entrepris se poursuive de la façon la plus active et la plus concrète possible. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Avec ou sans office pour qu'il se poursuive.

J'inviterais M. Roméo Malenfant... Celui qui présente le mémoire...

Association de paralysie cérébrale

M. Malenfant (Roméo): Je vais juste présenter les personnes ici présentes. Mon nom est Roméo Malenfant, directeur général de l'Association de paralysie cérébrale. Vous avez immédiatement à ma gauche, le Dr Bernard Talbot, membre du conseil d'administration de l'association, membre du comité de rédaction du mémoire et médecin ayant une expérience en réhabilitation. A sa gauche, M. Roger Desjardins, président de l'association, membre de la Corporation professionnelle des comptables en administration industrielle, lui-même parent d'un paralytique cérébral et oeuvrant à l'intérieur de l'association depuis plus de quinze ans. A sa gauche, M. Rock Gadreau, agent d'information à l'Association de paralysie cérébrale et vice-président de l'Association régionale des loisirs pour handicapés de Québec.

Je vais laisser à M. Desjardins le soin de vous présenter la position de l'association sur le principe du projet de loi. Par la suite, M. Gadreau interviendra pour expliquer la place que devrait tenir le respect des droits des personnes handicapées dans la loi proposée. Quant au Dr Talbot, il expliquera notre position sur l'attention qu'il faut apporter à la création de l'office sur le cas particulier des personnes déjà intégrées au marché du travail et sur la responsabilité de l'application de la loi. Je laisse donc la parole à M. Desjardins pour expliquer la position de l'association.

M. Desjardins (Roger): M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, honorables membres de cette commission, nous tenons d'abord à vous remercier de nous permettre de nous faire entendre devant cette commission au sujet d'un projet de loi qui revêt une importance particulière pour nos membres. L'Association de paralysie cérébrale a été incorporée en 1949 et fonctionne actuellement avec sept chapitres à l'intérieur de la province; elle représente un handicap qui affecte environ 12 000 personnes dans la province de Québec dont 6000 sont connues de nous-mêmes. Leur handicap est très varié. Ils sont le plus souvent multi-handicapés et ils se partagent presque moitié-moitié de handicapés physiques et de handicapés mentaux.

L'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc., a accueilli avec plaisir la présentation du projet de loi 9 et du livre blanc proposant une politique à l'égard des personnes handicapées.

Les remarques que le ministre a apportées ce matin nous enlèvent un peu la parole de la bouche parce que, la plupart de ces modifications, vous les retrouverez dans notre mémoire.

Cependant, il y a peut-être encore du raffinement à apporter et je pense qu'il est quand même utile de continuer sur ce sujet.

Nous espérons que le gouvernement manifestera le même esprit d'ouverture que celui qu'il a démontré jusqu'à maintenant en apportant plusieurs modifications intéressantes au projet de loi 55, à la suite de la commission parlementaire de l'automne 1976.

Cette ouverture s'est manifestée aussi par l'organisation de la tournée de quelques fonctionnaires du ministère des Affaires sociales dans toutes les régions du Québec, au mois d'août 1977. Notre association a suivi avec beaucoup d'intérêt cette tournée en déléguant

l'un de ses permanents dans plusieurs villes où elle s'est transportée. Nous avons pu, de cette façon, mieux comprendre le projet de loi proposé et connaître les principales objections soulevées par les personnes visées par cette politique.

Egalement, à l'intérieur de notre association, il y a eu des comités dans différents chapitres pour étudier le projet de loi, pour obtenir ce que les gens en pensaient et les recommandations qu'ils faisaient et nous avons eu aussi un comité provincial qui s'est réuni pour en venir au consensus du mémoire que nous vous présentons.

Forts de toutes les précisions que nous y avons recueillies et de la connaissance des besoins des paralytiques cérébraux que nous avons acquise au cours de nos 29 années d'existence, nous avons le plaisir de présenter devant la commission parlementaire des affaires sociales notre avis sur le livre blanc et le projet de loi qui sont soumis à l'approbation des membres de l'Assemblée nationale du Québec.

Comme nous l'avions exprimé dans la présentation de notre mémoire sur le projet de loi 55, nous regrettons le fait qu'il faille une loi spéciale pour faire comprendre à notre société que le handicapé est une personne comme tout autre personne. Il nous semble que c'est un principe qui devrait être reconnu et accepté par tout le monde dans une société comme la nôtre.

Malheureusement, ce n'est pas le cas et la quasi-totalité des personnes handicapées demeure toujours en marge alors qu'elle pourrait presque toute s'intégrer, avec quelques adaptations relativement mineures de nos équipements collectifs.

Il ne s'agit pas là d'une situation particulière au Québec, quoique certains antécédents, comme un trop grand paternalisme et un important manque de moyens, aient fait que notre société n'a pas fortement évolué pour répondre aux aspirations de ce groupe de notre population.

Nous savons également que, là où une telle législation a été prescrite, l'émancipation et la normalisation des personnes handicapées ont progressé plus rapidement qu'ailleurs et c'est pourquoi nous favorisons l'adoption d'un projet de loi comme celui qui nous est proposé.

Nous voyons dans l'office un rôle de coordination et de promotion pour les personnes handicapées. Nous ne le voyons pas comme un organisme qui va brimer les handicapés ou les enrégimenter, mais qui va plutôt forcer le reste de la société à accepter ces individus comme des personnes à part entière et à jouer leur rôle au sein de la société.

Je vais maintenant demander à M. Gadreau de vous préciser certains points.

M. Gadreau (Rock): Nous voudrions encore une fois féliciter le gouvernement pour l'honnêteté avec laquelle il a abordé la discussion à propos de son livre blanc et de son projet de loi.

Cette honnêteté s'est manifestée par une grande ouverture d'esprit et un souci évident d'être à l'écoute des gens visés par le projet de loi actuellement à l'étude.

Sans vouloir accorder notre appui au gouvernement sur tous les aspects du projet de loi 9, nous croyons important de souligner l'attitude qu'il a démontrée jusqu'à maintenant.

Le gouvernement, entre autres, dans le communiqué de presse qu'il a publié à la suite de la tournée des fonctionnaires du ministère des Affaires sociales, et de nouveau, ce matin, dans l'allocution d'ouverture du ministre, s'est engagé à apporter quelques modifications à certains passages du projet de loi tel que proposé actuellement.

Nous voudrions revenir sur certaines de ces modifications, pour appuyer plus fortement sur ces propositions, car nous croyons qu'elles sont très importantes. Le ministre a reconnu, en particulier, l'opportunité de transférer les articles du projet de loi qui pourvoient à la reconnaissance des droits des personnes handicapées dans la même loi qui reconnaît deux choses, l'égalité des droits et des libertés pour tous les citoyens de la province de Québec.

Nous étions intervenus nous-mêmes en janvier 1975, lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi 50, créant alors la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pour montrer au législateur l'importance d'inclure parmi les groupes susceptibles d'être victimes de discrimination les personnes handicapées. Nous sommes heureux de constater que, presque trois ans plus tard, le législateur en arrive enfin à admettre que les personnes handicapées sont des citoyens à part entière contre lesquels on ne peut légalement exercer de discrimination.

Un autre point qui a été soulevé, c'est celui qui concerne la possibilité, par l'office, d'émettre une carte d'identité à l'intention des personnes handicapées. On ne saurait trop insister sur l'aspect discriminatoire d'une telle pratique, qui viserait davantage à identifier dans la société les personnes qui sont atteintes d'un handicap.

Toutefois, nous reconnaissons que, dans certains cas, il peut être utile de détenir une carte pour certifier que l'on est atteint d'une déficience et faire reconnaître nos droits. Pour cette raison, Nous serions prêts à concéder à l'office le pouvoir d'émettre ces cartes, mais exclusivement — et nous insistons là-dessus — pour les personnes qui en feraient la demande et qui y verraient quelque utilité. Cependant, nous croyons que l'office, en vertu des principes qui devront nécessairement guider son action, ne devrait en aucun cas exiger cette carte pour la délivrance de ses services.

De plus, nous avons pris note, au cours de la tournée des fonctionnaires du ministère des Affaires sociales et de nouveau ce matin dans l'allocution du ministre, que le fait de ne pas accorder aux organismes de promotion un droit d'appel advenant un refus d'accorder ou une révocation par l'office de leur certificat de reconnais-

sance, était un oubli dans la rédaction finale du projet de loi. Evidemment, il s'agit là d'un oubli de taille. S'il est important que l'office ait un pouvoir de reconnaître des organismes de promotion pour éviter la prolifération ou même simplement l'existence de certains groupes pour qui l'intérêt réel pour la promotion des droits des personnes handicapées est pour le moins douteux, il est tout aussi important que les organismes qui se verront refuser ou révoquer par l'office leur certificat de reconnaissance ait un droit d'appel pour que ce pouvoir ne devienne pas arbitraire et ou-trancier.

Finalement, il est heureux que le gouvernement ait compris les dangers que pourra entraîner l'obligation imposée à certaines entreprises d'embaucher un certain pourcentage de personnes handicapées sans donner aux employeurs trop de possibilités de se dérober au mouvement d'intégration au marché du travail des personnes handicapées que veulent imprimer le gouvernement et la société.

Nous croyons que des mesures qui amèneraient les employeurs à s'asseoir avec les représentants de l'office pour réfléchir sur les façons d'intégrer les personnes handicapées à leur entreprise apporteront de bien meilleurs résultats. Dans cette perspective, la proposition du gouvernement d'obliger les employeurs récalcitrants à soumettre un plan d'embauche des personnes handicapées nous semble très opportune.

Ce sont là quelques-unes des modifications que le gouvernement s'est engagé à apporter au texte du projet de loi. Evidemment, nous nous attendons que ces modifications se retrouvent dans le texte final de la loi. Nous espérons que le gouvernement continuera à démontrer le même esprit d'ouverture et qu'il apportera d'autres changements qui nous apparaissent nécessaires. Le Dr Bernard Talbot va maintenant poursuivre en expliquant quelques-unes de ces modifications.

M. Talbot (Bernard): Si le président est d'accord.

Le Président (M. Marcoux): Quand c'est conforme au règlement, il est toujours d'accord.

M. Talbot: Merci, M. le Président. Le point de vue que nous représentons, je tiens à le souligner, c'est le point de vue des membres de l'Association de paralysie cérébrale du Québec et la raison pour laquelle je le souligne, c'est parce que quelques-uns d'entre vous reconnaissent peut-être que quelques-uns d'entre nous portent plusieurs chapeaux à différentes occasions. Les membres nous ont suggéré trois grands types de recommandations à la suite de cette série d'entrevues que l'association a organisée auprès d'eux ou des membres de leurs familles.

La première série de modifications porte sur le rôle de l'office. Les membres ont exprimé beaucoup d'inquiétude sur cela parce qu'à la lecture du projet de loi l'office donnait l'impression de vouloir être une structure ou un ensemble de structures, un réseau parallèle. Par exemple, à l'article 30, on dit: L'office, a), prépare, à l'intention d'un bénéficiaire, un plan de services, etc. On retrouve cette approche à plusieurs endroits dans la loi. Nos membres ont exprimé l'inquiétude que, parallèlement à des ressources déjà existantes, l'office tente de développer des ressources qui fonctionnent en parallèle. Au lieu de cette approche, les membres ont suggéré que l'office soit plutôt ce qu'on pourrait appeler un instrument de mobilisation des ressources déjà existantes ou un instrument de stimulation, de création des ressources non existantes.

Si vous me permettez, M. le Président, d'employer une formule du terroir — j'espère que ça ne sera pas contraire à la majesté de cette rencontre — je citerais quelque chose qu'on me disait quand j'étais plus jeune: Pour m'aligner dans la bonne direction, on me botterait le cul. Je pense que l'instrument que nous percevons...

Le Président (M. Marcoux): La reine n'a rien contre tous les mots qui sont au dictionnaire.

M. Talbot: Merci, M. le Président. Ce que nos membres désirent, c'est un instrument qui va orienter les ressources qu'il y a déjà dans le territoire, qui sont dispendieuses, dont quelques-unes nous le savons, sont bien loin d'être aussi efficaces qu'elles devraient être. C'est réellement l'inquiétude majeure des membres de notre association.

Si, au lieu de voir dans l'office une espèce d'instrument susceptible de nous écraser, on avait tendance à voir une espèce d'instrument déjà édenté... On se demande où l'office va prendre les moyens pour aligner les diverses ressources dans la bonne direction et s'assurer qu'elles satisferont nos besoins, tels que nous les percevons.

Il y aura d'autres rôles de l'office sur lesquels nous pourrons peut-être revenir, si vous le désirez, au cours d'une période de discussion, comme vous en avez eu avec les groupes précédents. Ce sera peut-être plus facile comme ça.

Il y a une autre inquiétude que nos membres ont manifestée. C'est le problème des personnes déjà intégrées au marché du travail. Nous avons noté, par expérience, un problème d'évolution à l'intérieur d'un plan de carrière qui semble s'en-farger sur ce qui nous a paru, à l'expérience, être des exigences syndicales. Nous pouvons, j'en suis sûr, vous donner des exemples concrets là-dessus.

Nous avons noté, avec plaisir, qu'il y avait un représentant des associations des salariés, des employés, des syndiqués, parmi les membres de l'office. Mais nous pensons qu'il faut être un peu plus rigoureux. Il y a ici des problèmes de croissance professionnelle qui sont créés à partir de besoins, sans aucun doute, légitimes, les syndiqués, mais qui empêchent le handicapé de satisfaire ses besoins.

Le troisième commentaire que nos membres ont fait, c'est le suivant. Je voudrais bien souligner que ce commentaire ne s'adresse pas au

titulaire du poste, mais au poste. Nos membres ont souhaité que l'office relève du ministre d'Etat au développement social, plutôt que du ministre des Affaires sociales.

Ce sont les trois grandes recommandations que nos membres ont suggérées, à part celles qui ont déjà été suggérées par M. Gadreau.

Pour aller plus loin, pour revenir sur la question du rôle de l'office, nous avons senti des besoins auxquels l'office ne semble pas s'adresser de façon particulière. Un des besoins les plus criants, semble-t-il, c'est un besoin en ressources humaines qualifiées. Là-dessus, nous faisons une recommandation, qui est à la page 12 de notre mémoire, par laquelle nous souhaitons que l'office soit pourvu des moyens pour promouvoir la formation de personnel qualifié dans chacun des secteurs où doit s'appliquer la politique d'intégration des personnes handicapées, pour inciter les professionnels à se recycler pour mieux répondre aux besoins des personnes handicapées et pour mettre à leur disposition les ressources nécessaires à cette fin.

Ce matin, au cours de la présentation de l'Association du Québec des déficients mentaux, et cet après-midi, au cours de la présentation du Comité de liaison des handicapés physiques, on se rend compte qu'il y a un problème majeur qui est identifié par à peu près tout le monde, à la réhabilitation, à la réadaptation globale des handicapés, c'est le niveau de fonctionnement des ressources humaines mises à leur disposition par la société.

Ce matin, on a parlé de certains problèmes créés aux parents qui donnent naissance à un enfant souffrant de mongolisme, je pense. Cet après-midi, on en a parlé aussi de façon plus générale. Nous aussi, c'est notre perception. Il y a des gens dont c'est la tâche de rendre des services, et ils ne le font pas, soit par ignorance, par manque de connaissances, soit parce qu'ils n'ont pas les aptitudes appropriées, soit encore parce qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment les techniques qu'ils devraient maîtriser.

A notre avis, il y a ici une tâche d'éducation de ces professionnels et nous pensons qu'il y aurait avantage à valoriser ces professionnels, peut-être même avant d'en ajouter d'autres sur le marché du travail. Cela nous paraît un point suffisamment important que nous l'avons inclus dans nos recommandations, comme étant un des rôles de cet office dont nous souhaitons la création.

Nous avons noté que ce mode de fonctionnement des professionnels de la santé, dont quelques-uns se constituent parfois l'alpha et l'oméga de la réhabilitation, empêche certains handicapés d'avoir accès à des services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit. Nous avons remarqué aussi qu'il y a des gens qui traînent dans certaines institutions, qui ne sont pourtant pas capables de satisfaire quelques-uns des besoins de ces handicapés. Nous savons par exemple qu'il y en a qui traînent dans les centres hospitaliers, il y en a qui traînent dans certains centres de réadaptation fonctionnelle, il y en a qui n'ont pas accès à des organismes que la société se donne pour leur permettre de satisfaire leurs besoins au niveau psychosocial, au niveau économique, au niveau loisirs. C'est pourquoi nous suggérons que l'office puisse se donner cet instrument, savoir mettre sur le marché les ressources humaines dont on a besoin.

De plus, pour protéger certains des droits du handicapé, nous avons suggéré, aux pages 16 et 20 de notre mémoire — le ministre a fait allusion ce matin, à quelque chose, qui ressemblait un peu à cela — que l'office ne soit pas dans la position d'aider une agence à embaucher quelqu'un, mais que cela se fasse sur consultation de ceux qui connaissent déjà le handicapé.

Par exemple, à la page 16, nous disons que l'article devrait se lire comme suit: "c) s'engage à embaucher des personnes handicapées placées par un comité d'admission formé d'un représentant de l'office, de la personne handicapée ou de son représentant légal — si elle n'est évidemment pas capable de s'exprimer — d'un représentant de l'atelier protégé — comme étant l'institution qui reçoit le contrat, qui s'engage à remplir le contrat — et d'un représentant de l'organisme qui lui donnait des services — à cause de sa connaissance des besoins de cette personne".

C'est lourd un comité de quatre, mais cela nous paraît, à moins évidemment que quelqu'un n'arrive avec une meilleure solution — la solution la plus susceptible de protéger les droits du handicapé.

C'est la même chose à la page 20 de notre mémoire. Ici encore nous recommandons un comité de quatre pour les mêmes raisons. Je pense que c'est tout, M. le Président.

M. Desjardins: II y aurait peut-être lieu d'ajouter, M. le Président, l'article 13 où on demande que le conseil d'administration de l'office soit majoritairement représenté par des handicapés. Je ne vois pas du tout comment un Office des handicapés ne serait pas contrôlé par eux-mêmes. Quand on parle d'intégration et de normalisation, le premier geste à faire, c'est de poser ce geste, de donner ce pouvoir aux handicapés à l'intérieur de cela et qu'ils le contrôlent eux-mêmes. Je ne verrais pas un comité de médecins ou d'ingénieurs contrôlé par des pompiers ou des policiers.

Je pense qu'ils ont prouvé, jusqu'à maintenant, par le moyen de plusieurs associations ou organismes, qu'ils sont capables de se prendre en main, pour autant qu'on leur donne les mécanismes pour le faire.

C'est l'ensemble de nos recommandations. Nous sommes prêts à répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux féliciter l'Association de paralysie cérébrale du Québec

non seulement pour la qualité de son mémoire, mais aussi par le travail considérable que l'association a accompli depuis plusieurs années.

Le président de l'association notait, au départ, qu'environ la moitié des paralytiques cérébraux, en plus d'avoir un handicap physique, ont aussi une certaines déficience mentale qui peut varier beaucoup d'un individu à l'autre. C'est peut-être le groupe par excellence qui nous prouve qu'il est utile d'avoir une seule loi, une loi unifiée, et non pas comme certains l'avaient proposé il y a quelque temps, deux lois séparées, une pour les handicapés physiques et une pour les handicapés mentaux.

Je remercie aussi l'association d'avoir collaboré par la présence d'un des permanents au moment de la tournée des fonctionnaires à travers le Québec. Sans revenir aux remarques que je faisais ce matin, il est quand même important de noter qu'à la page 2 de votre mémoire vous dites aussi: Nous savons également que là où une telle législation a été prescrite, l'émancipation et la normalisation des personnes handicapées ont progressé plus rapidement qu'ailleurs. C'est pourquoi nous favorisons l'adoption d'un projet de loi. C'est exactement notre ligne de pensée.

Quant à la composition de l'office, votre remarque est tombée, si vous voulez, dans une oreille fort sympathique. A la lumière de la tournée, à la lumière des mémoires aussi, nous nous rendons compte qu'il serait souhaitable de majorer d'abord le nombre de personnes au conseil d'administration de l'office et qu'il serait souhaitable aussi qu'il y ait au moins un nombre égal, sinon majoritaire, de personnes handicapées.

J'ai noté aussi votre suggestion d'avoir un représentant de l'Office des professions. Ce matin, on a beaucoup parlé de la nécessité que certains professionnels acquièrent une meilleure formation dans le traitement ou la réhabilitation des personnes handicapées ou encore dans la "guidance", dans des conseils à donner aux parents d'enfants handicapés.

Cela me paraît une suggestion fort pertinente. La notion de "représentant légal" aussi, nous en avons parlé ce matin, nous la retenons. En ce qui concerne votre plan de service, c'est un des rares mémoires à faire une proposition aussi précise. Vous venez d'en parler. J'avais noté dans mes remarques, suite à la lecture de votre mémoire, votre proposition voulant qu'il y ait un comité de quatre personnes, non seulement pour l'admission à l'atelier protégé, mais aussi lorsqu'une personne handicapée ou son représentant requiert un plan de service. Effectivement, cela me paraît à peu près la meilleure formule que j'aie vue jusqu'à maintenant. Je vous en remercie.

L'office, rapidement encore une fois, doit avoir pour rôle principal, comme vous le dites si bien, de stimuler les agents qui devraient normalement distribuer les services. Vous utilisez l'expression "fait faire un plan de services", "fait faire telle chose". L'autre expression qu'on re- trouve aussi, qui nous plaît, c'est l'expression "l'office s'assure que". Dans bien des cas, dans la majeure partie des cas, il s'agira pour l'office, et cela découlera un peu de son premier mandat, de faire un bilan exhaustif, un bilan très complet des ressources en plus de faire le bilan des besoins. Une fois ce bilan très complet des ressources achevé, il s'agira, pour l'office, de s'assurer que les services fonctionnent de façon adéquate.

Enfin, la dernière remarque en réaction à votre suggestion indiquant que le titulaire ou le ministre responsable de l'application d'une telle loi soit le ministre d'Etat au développement social, je n'ai aucune espèce d'objection de principe, personnellement. Tout le monde sait que le ministère des Affaires sociales est le plus gros des monstres actuellement parmi les ministères. J'en prends note. On va en discuter. Evidemment, la logique derrière l'attribution au ministre des Affaires sociales, c'est justement que la plupart des services qui doivent être mis à la disposition des handicapés physiques ou handicapés mentaux, se trouvent dans le réseau des affaires sociales — je pense que c'est la seule logique — bien qu'il existe, encore une fois, plusieurs autres ministères qui devront augmenter leurs services, d'où votre logique, étant donné qu'il y a plusieurs ministères d'impliqués, votre proposition que ce soit un ministre d'Etat qui en ait la paternité ou qui soit chargé d'en avoir la surveillance. Je m'arrête ici.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloorn: M. le Président, à mon tour, je voudrais féliciter cet excellent organisme de son mémoire et de son travail. J'ai quelques commentaires qui pourront susciter des réponses de la part des porte-parole. Je n'insiste pas absolument là-dessus.

Mon intention a d'abord été attirée par vos commentaires sur l'article 26. C'est à la page 10 de votre mémoire. Cet article concerne la confidentialité des dossiers. Votre commentaire se fait en deux paragraphes, et dans le premier, vous exprimez votre accord, non seulement que la tradition et le principe de la confidentialité soient respectés, mais que le législateur hésite à multiplier les accrocs à ce principe. Ensuite, dans le deuxième paragraphe, vous indiquez que, quand même, vous connaissez des difficultés. Si vous soulignez des difficultés, c'est parce que vous aimeriez que ces difficultés soient diminuées ou enlevées, mais comment le faire sans faire un autre accroc au principe de la confidentialité?

Il me semble qu'il y a là-dedans deux choses: D'abord, le secret professionnel n'appartient pas aux professionnels de la santé, mais au malade. Le malade peut dévoiler lui-même ce que contient son dossier dans la mesure où il en connaît le contenu et peut — c'est la chose la plus utile dans cette considération — autoriser

l'envoi de son dossier à n'importe qui, vraiment, mais c'est notamment entre professionnels de la santé que les dossiers, les extraits de dossiers se transmettent.

De nos jours, l'insistance sur l'autorisation du malade est encore plus précise qu'autrefois. Mais, avec cette autorisation, n'importe quel professionnel de la santé qui écrit à un autre professionnel, incluant dans sa lettre copie de l'autorisation du malade, reçoit, normalement, les renseignements. Faut-il faire plus que cela, y a-t-il, derrière votre commentaire, des éléments que je ne saisis pas parfaitement?

M. Desjardins: Dans notre travail de recherche, d'inventaire, nous avons eu, à certaines occasions, des difficultés auprès d'établissements professionnels qui ne voulaient pas nous donner les noms des paralytiques cérébraux, parce qu'on ne reconnaît pas un titre professionnel à l'association. La "professionnalité" n'est peut-être pas uniquement un papier. C'est peut-être aussi toute l'expérience qu'il y a derrière une association. Il y aurait peut-être eu moyen de dire: On va vous donner une lettre et demander aux gens d'envoyer leur nom à l'association; il y a différents mécanismes. Je pense que le gros de l'ensemble, c'est peut-être que certains établissements attachent de l'importance professionnelle à un papier et non pas à la connaissance d'un organisme envers un état...

M. Goldbloom: Oui, mais vous admettrez avec moi que, pour un organisme comme tel, pour recevoir des dossiers médicaux, il faudrait une reconnaissance à ce niveau-là. Votre association a-t-elle un directeur médical ou y a-t-il une infirmière ou une travailleuse sociale qui...

M. Desjardins: Ce n'est même pas un dossier médical qu'on veut avoir, c'est simplement le nom des paralytiques cérébraux qui auraient besoin des services de l'association. Juste un nom et une adresse.

M. Malenfant: Je pense que, derrière cette recommandation ou ce désir — parce qu'il n'y a pas de recommandations précises rattachées à cet article — c'est que des mécanismes soient prévus assez clairement dans la réglementation de l'office pour que l'utilisation des dossiers qui sont constitués à l'office soit d'abord, évidemment, confidentielle, c'est-à-dire que n'importe qui n'y ait pas accès, mais qu'il y ait des règles très précises pour y accéder partiellement ou entièrement, de préférence partiellement, de telle sorte qu'il y ait vraiment des mécanismes reconnus pour y accéder avec des démarches précises et connues de tous. Je pense que c'est ce qu'il y a dans notre recommandation à l'article 26. Il n'y a pas plus que cela dans notre esprit pour l'instant. Nous reconnaissons évidemment la confidentialité des dossiers, mais nous reconnaissons aussi qu'il est important, afin d'éviter le dédoublement de services, qu'il y ait une colla- boration qui s'établisse entre les organismes du milieu et l'office qui sera créé.

M. Goldbloom: Merci. M. le Président, j'ai un deuxième commentaire qui se rattache aux articles 33 et 74. Les pages de votre mémoire sont respectivement 14 et 24. Votre commentaire sur l'article 33 commence en bas de la page 13 et continue sur la page 14 et vous indiquez que, selon vous, une carte d'identité devrait être facultative, devrait être à la disposition de ceux qui voudraient l'obtenir. Il y a à l'article 74 une question d'embauche de personnes handicapées par des entreprises. Il me semble qu'il y a un certain lien entre l'indication d'une personne comme étant handicapée et l'obligation que l'on imposerait ou l'encouragement que l'on donnerait à un employeur éventuel à embaucher des personnes handicapées.

Nous avons de nouveau ce problème fort épineux, fort délicat de l'identification des personnes.

Il y a, évidemment, le même problème en ce qui concerne les personnes âgées. Il y a des personnes âgées qui ont droit à certains services, à une réduction de certains tarifs et qui doivent s'identifier comme telles, et il y a des personnes âgées qui préfèrent ne pas dévoiler leur âge, etc. Il y a aussi dans un autre sens, mais toujours pour le bien du malade, le genre de carte d'identité ou de bracelet que portent certaines personnes pour indiquer qu'elles souffrent de certains problèmes qui peuvent se présenter de façon subite. Il est évident que nous voudrions permettre à des gens, par une certaine identification, d'avoir accès à des bénéfices, des ressources, des services, sans les stigmatiser par cette identification. Je continue de lutter dans mon for intérieur avec ce problème sans arriver à une solution magique.

J'ai été, comme beaucoup de gens autour de cette table, à Paris quelques fois et dans le métro de Paris, il y a certains sièges réservés aux mutilés de guerre, si ma mémoire est fidèle. Si l'on est obligé de faire cette désignation, c'est parce que la société, en général, n'accorde pas cette courtoisie, cette considération à des gens qui sont handicapés.

Nous sommes toujours en butte avec ce genre de problèmes. Alors, je reviens à cette recommandation que vous faites, que la carte d'identité soit facultative. Dans votre esprit, quelle serait l'utilité de cette carte facultative? Quelle serait la différence entre l'accès à des services, à des ressources, qu'aurait la personne détentrice de la carte et l'autre personne handicapée qui ne l'aurait pas demandée? Or, à quoi servirait la carte?

M. Malenfant: II est difficile de répondre de façon précise à la question du député de D'Arcy McGee. Il est évident que les principes de normalisation nous recommandent de ne pas identifier les personnes parce que, moi-même, je n'aimerais pas me promener avec une étiquette

dans le dos: M. Malenfant porte des lunettes; il est handicapé des yeux. Par contre, il y a certaines personnes qui préféreraient ou qui sont dans une situation limite entre deux chaises et qui désireraient, pour différentes raisons, avoir une carte d'identité. Je pense que nous devons leur laisser la possibilité d'obtenir cette carte. C'est pour cela que nous sommes d'accord. Nous avons été heureux ce matin d'entendre M. Lazure annoncer que la carte, qui était obligatoire dans le projet de loi, deviendrait facultative et ne serait pas un élément obligatoire pour obtenir quelque service que ce soit de l'office.

Je pense que nous approuvons cette situation et nous approuvons cet esprit qui a été dénoté ce matin.

Je pense qu'il y a des situations. Je ne peux pas vous citer de situations précises où il faudrait une carte, mais éventuellement, où des personnes auraient besoin de carte ou désireraient avoir une identification précise, je pense qu'elles devraient avoir la possibilité de l'avoir.

M. Lazure: Si vous permettez, M. le Président, en réponse à la question du député de D'Arcy McGee, il y a des situations très précises comme, par exemple, les places préférentielles de stationnement et on me dit que la ville de Sillery — je lui rends hommage — est déjà à l'avant-garde, a déjà prévu des places de stationnement préférentielles pour des personnes handicapées.

A ce moment, il faut avoir une marque quelconque distinctive dans le pare-brise. C'est l'équivalent d'une carte d'identité. Il y a aussi le transport public dans les grandes villes surtout. Je pense qu'à ce moment, il serait commode qu'il y ait une carte d'identité pour ceux qui veulent en faire la demande.

M. Desjardins: En fait, ce n'est pas l'identification d'un individu lui permettant ainsi de bénéficier des services de l'office. Il n'est pas nécessaire d'avoir une carte, mais pour certains services où il faut s'identifier, d'accord, mais...

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je suis certain que nos invités comprennent que le sens de mes questions était simplement pour vous amener à expliciter une pensée là-dessus et je termine par un très bref commentaire.

Je suis particulièrement intéressé par vos observations sur l'article 70, où vous traitez de la question des prestations d'aide sociale et de la dépendance qui pourrait persister s'il n'y avait pas de modification à la situation de la personne handicapée par rapport au fait d'avoir obtenu un travail. Je pense que vous soulevez là un aspect très important sur le plan social de toute cette question et je voudrais terminer par ce commentaire en vous renouvelant mes félicitations pour la qualité de votre contribution.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Je voudrais à mon tour remercier l'Association de paralysie cérébrale qui a accepté de venir rencontrer la commission, à l'invitation du ministre. Point n'est besoin de vous dire qu'on vous connaît. On vous connaît par les media d'information qui véhiculent avec assez de justesse, je pense, l'oeuvre que vous dirigez. L'association que vous dirigez a bien plus dans la population la réputation d'une oeuvre que d'une association. Il est bon de voir, de visu, comme on le fait aujourd'hui, ces gens qui sont à la barre de cette association et qui font ce travail vraiment magnifique depuis plusieurs années. Vous avez tout notre encouragement et on comprend, je pense, des deux côtés de la table, tous les efforts que vous dépensez. Vous n'êtes pas de ceux qui mesurent leurs heures et leurs journées dans la semaine pour oeuvrer au sein de votre organisme. Je voudrais que vous en soyez remerciés.

Beaucoup de questions ont été posées, vous avez un mémoire qui est tout à fait correct, je pense, qui prouve que la loi est à propos et je pense bien que cela semble faire un consensus. Au-delà des ressources humaines qualifiées, est-ce que vous pourriez me dire la principale ressource qui manque et qu'il presserait de se donner?

M. Talbot: Si vous le permettez, M. le Président, puisque je pense que c'est moi qui ai le plus soulevé ce point, nous sommes à faire une évaluation. Je suis obligé d'élargir ici mon mandat un peu, je m'en excuse. J'ai demandé la permission, tantôt, aux autres directeurs et ils ont dit que j'avais le droit de me servir des connaissances que j'avais acquises autrement que comme directeur de l'association, alors je vais le faire.

M. Grenier: Vous en avez le droit, parce que les gouvernements vous donnent l'exemple là-dessus. Souvent, ils en font plus que le mandat qu'on leur a donné.

M. Talbot: Je ne me prononcerai pas, M. le Président, sur ce dernier commentaire, ce ne serait pas approprié.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez le droit de vous prononcer, moi, je n'ai pas le droit.

M. Talbot: Je vous remercie de me donner ce droit, mais je ne l'exercerai pas. Je vais me contenter toutefois de répondre à la question. Nous essayons d'évaluer — quand je dis nous, je vais qualifier ce que je veux dire — nous essayons d'évaluer les besoins au moins des handicapés moteurs du Québec dans deux espèces de régions, avec un R, si je puis dire. La première, c'est la région de Sherbrooke qui est, je pense, la région socio-sanitaire 05; il y a là un projet de recherche depuis au moins trois ans déjà qui évalue l'efficacité d'un programme de réadaptation pour les handicapés moteurs. Dans

le deuxième cas, nous avons — je ne sais pas par qui est financé le premier projet — un projet financé par le ministère des Affaires sociales; c'est moi qui l'ai négocié, il y a un an et demi ou deux ans, à peu près.

Il se développe ici dans la région de Québec et il évalue les besoins des handicapés physiques de l'Est de Québec pour les régions 01, 02, 03, 04 et 09. En faisant cette évaluation des besoins, on s'est rendu compte que ce n'était peut-être pas exact — mais c'est encore une hypothèse que nous vérifions — que nous étions terriblement à court de ce qu'on appellerait les professionnels conventionnels de la réadaptation, c'est-à-dire les médecins, le personnel infirmier, les physiothérapeutes et probablement aussi les ergothérapeutes.

Il semble que ce dont nous avons besoin, c'est surtout d'une "maximisation" du fonctionnement de ces gens en leur permettant d'exercer leur travail, c'est-à-dire de rendre des services, avec l'aide de personnes dont la formation est moins dispendieuse. C'est assez étonnant parce qu'on entend toujours dire qu'il faut ceci et cela. Par exemple, on en arrive à la conclusion qu'en général, ce n'est pas vrai qu'il faut des lits pour les grands infirmes de l'Est du Québec, il faut surtout une meilleure utilisation des lits à partir d'un processus plus rapide de réhabilitation, sauf dans des régions qui sont moins bien équipées, comme la région 01 et la région 09. Mais dans les régions 02, 04 et 03, il semble qu'on aurait présentement les ressources dont on aurait besoin, sauf que ces ressources ne semblent pas fonctionner de façon aussi efficace qu'on pourrait le souhaiter. Nous pensons être en mesure de donner des résultats plus précis là-dessus d'ici —je ne peux pas trop m'engager, je ne voudrais pas qu'on me tienne trop à coeur l'échéancier que je propose — environ six mois.

Nous avons déjà une idée de l'ordre de grandeur des problèmes, c'est-à-dire que nous avons déjà fait un certain dépistage d'une partie de la population. C'est pour cette raison que tout à l'heure, M. Desjardins parlait des problèmes auxquels nous faisons face quand il s'agit d'identifier ce qu'on appelle les bénéficiaires. Je préfère dire les clients, parce qu'un client est un individu autonome qui va acheter les services dont il a besoin, tandis qu'un bénéficiaire est quelqu'un vis-à-vis de qui on est un peu plus condescendant. On ne s'enfargera pas dans les mots. On est en train d'identifier un ordre de grandeur, pas à trois décimales près. Par exemple, on sait que dans l'Est du Québec, en 1974, il y a eu 1227 accidents cérébraux vasculaires, dont 226 personnes sont mortes durant l'année. On reste avec 1000 accidentés cérébraux vasculaires à qui on sait qu'il faut offrir des services.

On sait aussi qu'à partir d'une espèce d'approche plus systématisée, on peut identifier qu'il faut des services de réhabilitation sévère pour un certain pourcentage, réhabilitation légère pour un certain pourcentage et pour d'autres, il faut un service de maintien.

On en arrive à ceci. Les services dont on a le plus besoin, ce sont les services, je ne sais pas comment les décrire, mais qui seraient comme le transport, qui permettent à un individu d'être chez lui et d'avoir ses soins en externe. Ce serait aussi, non pas les soins à domicile, mais les services à domicile, comme — comment les appelle-t-on — les aides ménagères. Une partie de mon vocabulaire est anglicisé, parce que j'étais en Ontario pendant huit ans. Donc on les appelle les "home makers", ce sont des aides ménagères, je pense. Ce sont plutôt des gens comme ça qu'il nous faut, qui font qu'on pourrait en arriver à une proportion, pour chaque patient hospitalisé — ici je parle de patient parce que l'individu est hospitalisé — de sept ou huit, peut-être douze clients externes, une proportion énorme.

On se rend compte que l'utilisation des ressources est beaucoup moins dispendieuse et est surtout un avantage extraordinaire, parce que ces individus cheminent, dans leur réhabilitation, avec leur famille et avec toute la tribu, d'une façon beaucoup plus réaliste que lorsqu'ils sont institutionnalisés.

Ma réponse, grosso modo, à cette question que je trouve absolument fascinante, c'est qu'il ne semble pas qu'on ait réellement besoin de beaucoup de ressources traditionnelles conventionnelles, mais, comme je le disais tantôt, il faut qu'on les oriente dans la bonne direction. Il y a des gens qui agissent comme un goulot et qui empêchent le fonctionnement de certaines ressources très dispendieuses et cela, on commence à le savoir.

C'est pour cela que, dans cette optique, si vous le permettez, M. le Président, j'ajouterais qu'il y a un commentaire que nous n'avons pas fait dans notre rapport. Nous en avons parlé à midi, parce que ce qui s'est passé ce matin nous a tellement bouleversés qu'on s'est dit: On va peut-être arriver avec encore un autre fardeau qu'on pourra leur confier. Ils ont l'air d'être capables de régler les problèmes. Ils ont l'air d'être prêts à le faire.

Ce qu'on pense qu'il faut faire, c'est de se donner deux instruments. En premier lieu, on pense que l'office devrait jouer le rôle de l'évaluation entre l'investissement des ressources et le fonctionnement des ressources, ce qu'on appelle, en gestion, "l'input" et "l'output". On pense que l'office devrait jouer ce rôle parce qu'un tel rôle ne se joue pas beaucoup. Peut-être que cela devrait être délégué aux CRSSS ou à des trucs comme cela. Mais il y a quelqu'un qui devrait voir à ce que ce qu'on investit comme ressources, ce soit réellement utilisé pour les grands infirmes de l'Est du Québec ou pour les handicapés.

On n'a pas l'impression que cela se fait présentement. C'est donc une fonction très lourde, parce qu'il faut se donner des instruments pour le faire.

La deuxième fonction que nous voyons — et celle-là, elle est plus difficile et il faudra proba-

blement la déléguer, elle est plus difficile, c'est difficile à croire, mais c'est vrai — c'est l'instrument d'évaluation du pronostic d'adaptation en réadaptation, qu'il s'agisse d'un déficient mental ou d'un handicapé physique ou de ces handicapés multiples qui sont négligés.

Ce matin, on en a parlé justement. Il y a une dame qui disait que lorsqu'elle a donné naissance à son enfant, on lui a dit: Cet enfant n'a pas de potentiel. C'est un mongoléide, il va en rester là, il ne peut pas s'améliorer.

Ce sont on se rend compte, nous, à l'usage, par notre expérience, c'est que, dans notre territoire et c'est peut-être vrai dans d'autres territoires aussi, on n'a pas développé d'instruments d'évaluation du pronostic d'adaptation pour un nouveau-né ou de réadaptation pour quelqu'un qui devient handicapé à la suite d'un accident. On n'a pas développé cet instrument, de sorte qu'il y a des gens à qui on n'offre pas de programme de réadaptation. Cela a été prouvé dans la région de Sherbrooke, ce projet dont je vous parlais. Il y a des gens à qui un neurologue, un omnipraticien ou un médecin, enfin, l'équipe médicale habituelle, n'offrira pas de service de réadaptation, parce qu'on tient pour acquis qu'il n'y a pas de potentiel de réadaptation. Cela, je pense que c'est important.

Il y a deux autres petits points qu'on a mentionnés, à la suite de cela, si vous le permettez. Le deuxième point, c'est la recherche. Ce matin, on a parlé de prévention de certaines naissances. Là, on tombe dans tout le champ de l'eugénisme et j'aime autant ne pas trop m'embarquer là-dedans.

Nous, ce qu'on a découvert, c'est que c'est possible de prévenir certaines complications et on pense qu'il faut faire de la recherche pour savoir comment elles peuvent se prévenir. Par exemple, nous savons que, dans les cas d'infirmité motrice, cérébrale, congénitale, quand il y a de la scoliose, une malformation du rachis, cela se retrouve, neuf cas sur dix, chez des filles, au moment de la puberté. Pourquoi?

Ce que nous suggérons, c'est que l'office, ayant identifié une population qui a des besoins, dise, par exemple, à une université: Vous allez nous former telle sorte de personnes pour rendre les services dont on a besoin, ou vous allez chercher la réponse à cette question.

Peut-être qu'on dépasse ici les cadres de l'office, mais on en fait quelque chose de très valorisant pour l'office. Au lieu d'embarquer l'office dans la tâche contre laquelle on proteste, où l'office s'embarque dans l'établissement du plan de services de chaque individu, nous, on suggère une tâche qui se situe à un niveau différent.

M. Desjardins: C'est un niveau de planification, de coordination et de promotion des ressources. Je veux revenir sur la remarque de M. Lazure en ce qui concerne le fait que l'office dépende d'un autre ministre que celui des Affaires sociales. Ce n'est pas uniquement une question de tâche, mais de conflits d'intérêt aussi, parce que si l'office dépend du ministre responsable du ministère qui dispense la majorité des services, je pense que ce sera assez difficile à un moment donné s'il y a des conflits. Autant les autres ministères que son ministère sont un peu fautifs dans le manque de services.

M. Grenier: ... autorité.

M. Desjardins: Je pense que ce serait préférable que cela dépende d'un autre ministre.

Dans ses remarques de ce matin au sujet de la formation du comité du conseil d'administration, M. le ministre a dit: Nous envisageons également la possibilité d'assurer, au niveau du conseil d'administration, une plus grande représentation des personnes handicapées ou de leurs représentants ainsi que celle des ministères concernés. La représentation des ministères pourrait s'effectuer selon un système de rotation afin d'éviter une structure trop lourde.

Je m'interroge un peu sur la question de la rotation. Est-ce que cela pourrait être explicité un peu plus?

M. Lazure: Oui, M. le Président. Tout simplement, c'est qu'on peut identifier presque une dizaine de ministères. Il y a des mécanismes semblables dans différentes associations ou dans beaucoup de groupements. Je pense, par exemple, au conseil d'administration d'un conseil régional d'un CRSSS où vous avez un certain nombre de sièges, trois sièges actuellement, réservés aux représentants des hôpitaux. Tous les hôpitaux d'une région se réunissent et désignent trois représentants sur trente, s'il y a trente hôpitaux dans la région.

De la même façon, on pourrait imaginer que dix ou douze ministères concernés se réuniraient tous les deux ans et en désigneraient six sur les dix. Ces six-là pourraient changer.

Une Voix: Allez-y.

M. Grenier: J'avais une dernière question à poser. Je ne sais pas si c'est le docteur qui pourra répondre à cela. Je vous voyais regarder l'heure. Vous êtes chanceux, quand un médecin parle, on regarde l'horloge, mais quand c'est un politicien, on regarde le calendrier. Vous pensez que les lois empêchent un peu le handicapé de progresser. Pourriez-vous préciser? Quand vous avez suggéré le ministre d'Etat, on a soupçonné tout cela, tout ce que cela sous-tend. Il y a des lois, au niveau de certains ministères, qui peuvent empêcher le handicapé de fonctionner ou de progresser. J'aimerais que vous mettiez le doigt un peu rapidement sur trois ou quatre qui sont peut-être importantes à vos yeux.

M. Talbot: Je ne peux pas dire que ce sont toujours des lois, ce sont parfois des interprétations de lois.

Je me souviens d'un cas très précis d'un quadriplégique qui avait une aide ménagère, qui

s'était inscrite à l'université et à qui on a coupé la subvention qui lui permettait d'avoir une aide ménagère parce que maintenant, il recevait un montant d'argent du ministère de l'Education qui lui permettait d'aller à l'université. C'est pourtant le moment où il avait le plus besoin d'aide ménagère, parce qu'il n'était pas à la maison durant la journée pour faire son ménage et préparer ses repas. Alors, on lui enlevait ce qui lui rendait possible le fait d'aller à l'université pour poursuivre ses études et devenir — enfin, on l'espère — un individu capable de contribuer un peu plus à l'économie nationale, et d'être un individu probablement plus heureux. C'est un exemple qui me vient à l'esprit, tout de suite, comme cela.

C'est pour cela que l'office doit jouer un rôle utile, parce qu'il va, s'il fonctionne comme il le faut, permettre de passer à travers ces barrières qu'il y a à travers toutes ces structures, que j'appelle verticales, qu'une société se donne pour rendre des services à ses membres. On se donne un ministère de ceci et un ministère de cela et un ministère de toutes sortes de choses, mais à un moment donné, ils ne se parlent pas entre eux. Il faut développer cela parce que le handicapé voyage plutôt de façon horizontale dans son trajet de réhabilitation. Il ne faut pas se faire d'illusion, c'est le handicapé qui se réhabilite lui-même, les autres ne sont que des ressources qu'il utilise avec plus ou moins de succès, selon que les ressources sont plus ou moins compétentes ou plus ou moins disponibles.

Ce qui se passe, c'est qu'à un moment donné, quand le handicapé doit passer, de ce qu'on appelle la santé dans notre concept traditionnel, a la socialisation et à l'éducation et au retour, au travail, et qu'à travers cela, il doit s'intégrer au niveau des transports et au niveau des loisirs, c'est là qu'il fait face à toutes sortes de barrières dont on se sert pour des fins de gestion, sans aucun doute, pour déterminer le territoire dans lequel on investit des ressources, des dollars et tout, mais cela lui complique l'existence terriblement. C'est un exemple auquel je pense tout de suite.

Il y a quelque chose d'encore plus profond à l'intérieur de cela, c'est qu'il faut vivre l'expérience d'être handicapé ou d'avoir des membres handicapés dans notre famille. Au départ, quand cela nous arrive, cette chose, c'est tout de suite une réaction de défense ou de rejet. Il y a ces deux réactions. C'est très normal de voir peut-être un individu ne pas vouloir donner de services à un autre individu parce qu'il n'est pas semblable à lui. Un gars est noir, il est noir, tout de suite, on a une certaine appréhension. On le manifeste même dans nos lois, tout simplement sans le vouloir, ou pour ceux qui veulent l'appliquer, la loi. Dans notre mémoire, on cite le cas de M. Rénald Lalande qui s'est réhabilité, s'est trouvé un emploi, a pris des cours le soir à l'université pour aller se chercher un titre professionnel, est allé à la commission de la fonction publique, s'est qualifié sur une liste d'admissibilité, mais il n'y a personne qui lui offre une "job".

Il n'y a personne qui fait de la discrimination, pas du tout, mais il n'y a personne qui lui offre une "job". On dit: II y en a un meilleur que toi. Il y en a toujours un meilleur que toi. Or, c'est tout simplement ce mécanisme naturel qui se produit tout le temps. Nous, depuis vingt-neuf ans que nous oeuvrons, on sait que c'est perpétuel et que cela se répète. Pas seulement au Québec, ailleurs. Il faut un mécanisme plus fort, comme l'office, qui aura le rôle de déranger les autres personnes, pas déranger les handicapés, déranger les autres personnes pour qu'elles fassent leur "job". Des lois universelles, on en a eues. En 1961, on a eu l'assurance-hospitalisation. A un moment donné, je me suis dit: Tiens, enfin on va avoir des lois pour que nos enfants soient couverts. Mais au vout de 90 jours en centre hospitalier, il faut qu'ils paient. En 1963, on a fait la loi de l'éducation gratuite pour tout le monde, mais pour s'apercevoir qu'il n'y a pas de professeur adéquat pour lui où même un établissement spécialisé le met à la porte parce qu'il est trop handicapé. Aussi aberrant que cela peut être, il y a même un sous-ministre qui a écrit à cet établissement lui demandant de donner le service et cela a été refusé. En 1965, cela a été la Loi de la Régie des rentes. C'est bien correct, mais il y a un minimum de cinq ans pour avoir une rente d'invalidité à l'intérieur de cela. Le mécanisme est comme cela tout le temps. C'est notre phénomène individuel, social, qu'on traduit dans nos lois, tout simplement. Il faut un mécanisme et c'est pour cela qu'on le préconise. Il faut absolument se réveiller et réveiller la population.

M. Grenier: Je m'arrête parce qu'on est rendu à la fin de la période. J'aurais énormément de questions. C'est extrêmement intéressant. Je pense que le président va vouloir ajourner.

Le Président (M. Marcoux): Nous approchons de 6 heures. De deux choses l'une: ou il y a consentement de la commission pour qu'on continue encore cinq, dix ou quinze minutes maximum, disons dix minutes maximum, pour terminer l'audition de ce mémoire, ou on demande à nos invités de revenir à nouveau? On prolonge de dix minutes? Bon.

M. Goldbloom: Si c'est vraiment nécessaire, M. le Président. Pour ma part, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Richelieu.

M. Martel: Simplement, des questions que MM. Desjardins et Talbot soulevaient tout à l'heure: Pourquoi ne pas confier cet office au ministre d'Etat des Affaires sociales? Pour la raison suivante, c'est que dans les structures actuelles du gouvernement, le ministre d'Etat ne peut administrer un office ou administrer un ministère, quel qu'il soit. Il supervise, en quelque sorte, l'administration, ce qui touche par exem-

ple aux affaires sociales peut toucher une dizaine de ministères mais il ne peut, dans les structures actuelles, administrer quelque office que ce soit. A ce moment-là, le ministre des Affaires sociales, de qui relève le réseau des affaires sociales est la personne habilitée à administrer cet office qui aura, évidemment, une incidence sur les autres ministères, avec la collaboration du ministre d'Etat.

Un point d'interrogation, très brièvement. Vous êtes revenus, à plusieurs reprises, sur le manque de pouvoirs de l'office. Cependant, je relisais encore tout à l'heure le chapitre III, les articles 11 à 52 du projet de loi 9; il me semble que l'office a vraiment des pouvoirs. Ce sont vraiment des dents qu'on lui donne par ces articles et je ne vois pas pour quelle raison vous doutez des pouvoirs de cet office.

M. Talbot: Je pense que c'est moi qui ai soulevé ce point. Je pense que j'ai, quelque part à l'intérieur de moi, un petit dictateur. Je pense que, souvent, certaines institutions ou certains individus ne fonctionnent bien que si, à un certain moment, on peut les priver de leur budget.

M. Desjardins: En ce qui concerne la dépendance de l'office du ministre des Affaires sociales, je pense que l'office, dans l'exercice de ses fonctions, aura très souvent à négocier avec le ministre des Affaires sociales sur un lot de services, une très grosse majorité et, s'il n'obtient pas ce qu'il lui faut ou s'il ne marche pas selon les possibilités du ministre, j'ai l'impression qu'il y aura un certain conflit. Cela peut être assez difficile. Qu'il relève d'un autre ministre, je n'ai pas d'objection.

M. Martel: Mais, à ce moment, le ministre relève du Conseil exécutif qui est l'ensemble des ministres où les décisions se prennent. A ce moment, je pense qu'il n'y aura pas de problème à ce que l'office ait un bon avocat, dans la personne du ministre, lorsqu'il s'agira de trouver les fonds nécessaires pour faire fonctionner l'office.

M. Malenfant: M. le Président... Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Malenfant: Seulement un petit mot à ce sujet. L'intention de l'association, en faisant cette proposition, était pour éviter les conflits d'intérêts possibles.

Je pense que, s'il y a d'autres mécanismes de prévus pour éviter ces conflits d'intérêts, il n'y a pas d'objection de la part de l'association à ce que ces mécanismes soient mis en place.

Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole au ministre pour le mot de la fin, j'aimerais vous indiquer que, lorsque nous reprendrons nos travaux tantôt, nous entendrons le mémoire de la Corporation professionnelle des ergothéra-peutes du Québec et que, demain, à partir de 10 heures, nous entendrons le mémoire de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, le mémoire 9-M; le mémoire 35-M du Conseil de la santé et des services sociaux de l'Outaouais; le mémoire 46-M du Centre des services sociaux Ville-Marie; le mémoire 13-M de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Ce seront les quatre mémoires entendus demain et, maintenant, le ministre pour le mot de la fin.

M. Lazure: Très rapidement, M. le Président, un dernier mot sur cette proposition de confier au ministre d'Etat au développement social l'application de cette loi.

Je comprends cette crainte que vous exprimez, à savoir que le ministre des Affaires sociales puisse entrer en conflit d'intérêt, pour ainsi dire. Cependant, contrairement à un service ou à une direction du ministère, il s'agit, dans le cas de l'office, d'un organisme qui s'apparente un peu à une régie en ce sens qu'il a un conseil d'administration et ce conseil d'administration sera formé très majoritairement de gens qui ne sont pas des fonctionnaires, des gens qui sont en-dehors du... Qu'il y ait quand même un mécanisme de sauvegarde quant aux conflits internes d'intérêts entre les intérêts de l'office, donc des handicapés, et ceux du ministre des Affaires sociales.

Une dernière remarque. Je pense que cela vaut la peine d'être relevé. Quelqu'un du groupe y a fait allusion et dans mes réactions j'ai oublié de le mentionner. Il s'agit du chapitre sur la promotion des personnes handicapées intégrées au marché du travail. Vous suggérez, à la page 26, dans vos paragraphes X et Y, que les conventions collectives tiennent compte du fait que la personne handicapée, dans certains cas, n'aurait pas nécessairement à passer toutes les étapes qu'une personne non handicapée doit passer avant d'arriver à telle ou telle promotion. Je trouve que c'est intéressant parce que ce serait un peu la contrepartie. Dans le projet de loi, nous incitons les entreprises à présenter, comme je l'ai dit ce matin, une formulation qui nous paraît plus appropriée maintenant, un plan d'embauche pour personnes handicapées, et je pense que dans le cas des syndicats aussi, cela touche et les syndicats et les patrons. Je pense qu'il faudra demander aux centrales syndicales, en particulier, d'être très vigilantes vis-à-vis des conventions collectives en regard de la protection, la promotion des droits des personnes handicapées. Alors, je vous remercie d'avoir signalé cette situation et peut-être faudra-t-il la retenir et l'inclure dans le projet de loi. Je remercie beaucoup l'association encore une fois pour sa contribution.

M. Desjardins: ... très actuel sur ce sujet-là c'est qu'un handicapé visuel est même avantagé de travailler dans un laboratoire, dans la chambre noire d'un laboratoire de développement de photographies et cependant, on ne le lui permet

pas, parce qu'il ne peut pas passer les autres classes antérieures des conventions collectives.

Je ne voudrais quand même pas voler le dernier mot, mais dire que l'Association de paralysie cérébrale peut assurer le gouvernement de son entière collaboration pour toute action qui ira dans la bonne voie. Nous pouvons aussi assurer le futur office des personnes handicapées du Québec de notre aide pour l'application de cette loi avec les amendements que nous jugeons opportun d'apporter et pour l'élaboration des règlements nécessaires à sa mise en oeuvre.

Nous voudrions remercier en terminant le ministre et les membres de la commission des affaires sociales d'avoir bien voulu prendre connaissance de notre avis sur la politique et les législations qui y sont proposées.

Le Président (M. Marcoux): Au nom de tous les membres je remercie l'Association de paralysie cérébrale de nous avoir présenté son mémoire.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

Reprise de la séance à 20 h 15

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales poursuit l'étude et l'analyse des mémoires sur le projet de loi 9, Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. J'invite la Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec à nous présenter son mémoire. Je vous inviterais, Mme Cloutier, à présenter vos collègues.

Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec

Mme Drouin-Cloutier (Francine): Oui, M. le Président, M. le ministre, messieurs. Je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent ce soir. A l'extrême droite, Monique Lefebvre qui est la secrétaire générale de la corporation. Françoise Gagnon qui est chef de service au Centre Constance Lethbridge, à gauche, Marie-Josée Filion qui est ergothérapeute à l'Institut de réadaptation de Montréal, et à l'extrême gauche, Rolande Falco, qui est chef du service d'ergothérapie à l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez assisté à nos délibérations aujourd'hui, vous connaissez nos règles. Vous avez une vingtaine de minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, soit le lire en tout ou en partie. Ensuite, c'est le dialogue avec les membres de la commission.

Mme Drouin-Cloutier: Je vous dirai tout de suite que je n'ai pas l'intention de vous le lire d'un couvert à l'autre. Je pense que vous l'avez déjà en main. Je vais tout simplement me contenter d'en tirer les principes généraux et les articles les plus percutants et ce, pour permettre d'ouvrir la discussion par la suite.

Je sais qu'on arrive à la fin de la journée et qu'on s'est fait répéter presque toute la journée certains amendements, d'ailleurs, qui avaient été déjà annoncés par le ministre Lazure ce matin, à la conférence d'ouverture. Mais ne serait-ce que pour confirmer et répéter notre approbation face à certaines de ces mesures, si vous le permettez, je vais vous les répéter dans le mémoire qu'on vous a présenté.

Pour vous permettre de vous situer davantage, je vais vous donner une définition de ce qu'est l'ergothérapie, parce que je présume que tout le monde n'est pas très familier avec ce que c'est.

L'ergothérapie est tout acte qui a pour objet le traitement d'une personne, en vue d'améliorer ou d'assurer son indépendance fonctionnelle au plan physique et psychique, principalement par l'utilisation d'activités de travail ou de la vie quotidienne. L'exercice de l'ergothérapie comprend notamment l'évaluation du potentiel fonctionnel d'une personne, l'utilisation d'activités psychodynamiques impliquant des relations thérapeuti-

ques et la conception d'adaptations fonctionnelles.

La Corporation professionnelle des ergothé-rapeutes du Québec, comprenant 425 membres maintenant, oeuvrant principalement dans les centres hospitaliers, dans les centres de réadaptation et dans les institutions d'enseignement auprès des enfants handicapés, est particulièrement sensible au projet de loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Ce projet de loi concerne la majorité des clients traités dans les services d'ergothérapie, ceux-ci pouvant présenter des limitations physiques et mentales.

De plus, le projet de loi fait mention d'orientation en réadaptation qui sont susceptibles de modifier le fonctionnement des services offerts par les ergothérapeutes. La Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec ne pouvant pas rester insensible au projet de loi no 9, Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, a formé un comité pour étudier la loi et faire certaines recommandations.

La Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec, au nom de ses membres oeuvrant auprès des personnes handicapées, est heureuse de profiter de l'occasion qui lui est offerte d'exprimer son opinion dans le but de favoriser le bien-être de la personne handicapée.

Ce livre blanc traçant une politique à l'égard des personnes handicapées, ainsi que le projet de loi no 9, représentent certainement un effort louable de la part du gouvernement du Québec afin de secouer l'indifférence et parfois même le rejet de la population dite "normale" à l'égard de ces personnes handicapées.

Dans un premier temps, nous tenons à souligner les aspects du projet de loi qui ont retenu notre attention comme étant très positifs et d'une importance, à nos yeux, primordiale.

En premier lieu, l'information, tant auprès des personnes handicapées elles-mêmes, afin de leur faire connaître les ressources existantes et les recours qui leur sont donnés en cas de discrimination, qu'auprès de la politique en général, afin que se développe un sentiment de solidarité à l'égard de ces concitoyens.

Le deuxième point positif qu'on a soulevé était la stimulation, en ce sens que cela permet de stimuler les différents ministères et organismes concernés, afin de promouvoir des actions concrètes, face aux besoins essentiels des personnes handicapées, tels que le travail, le logement, le transport et les loisirs.

Le troisième point touche l'éducation qui est accessible au jeune jusqu'à l'âge de 21 ans; le quatrième point, les subventions disponibles aux employeurs afin de faciliter l'embauche des personnes handicapées.

Cependant, dans un deuxième temps, nous ne saurions passer sous silence certains aspects du projet de loi qui présentent plusieurs dangers, et nous adressons une mise en garde.

Tout d'abord, le fait même de créer une loi pour les personnes handicapées est la preuve tangible de l'existence d'un groupe de citoyens différents des autres. C'est une réalité difficile à accepter pour ceux-ci, nous le constatons dans nos rapports quotidiens avec eux. Pour avoir travaillé pendant quatre ans en psychiatrie adulte, je sais à quel point c'est stigmatisant pour le handicapé mental d'avoir à se faire désigner comme étant une personne qui est allée à la ville, qui est allée à Saint-Michel-Archange ou à Saint-Jean-de-Dieu, et malgré le fait qu'elle a changé son nom, le stigmate existe déjà. Pour nous qui travaillons auprès de ces handicapés, c'est difficile de les faire vivre avec ce stigmate, et on pense que le fait de faire une loi, c'est encore de concrétiser leur marginalité.

D'autre part, nous sommes d'accord avec la position du ministre, à savoir que c'est probablement un premier pas dans le sens de sensibiliser la population et les ministères au fait qu'il y a des handicapés, qu'il faut entreprendre quelque chose pour respecter leurs droits.

Nous refusons que le gouvernement accentue cette catégorisation en obligeant la personne handicapée à s'inscrire à l'Office des personnes handicapées du Québec, à porter une carte d'identité particulière, formant ainsi un réseau parallèle possédant son propre système de dossiers centralisé. Si je fais un rapport avec ce qui s'est dit ce matin, je constate que le ministre des Affaires sociales est prêt à modifier sensiblement le projet de loi, à faire sauter cette carte d'identité et à la rendre sur demande seulement. Je pense que cela serait très bien.

De plus, par certains de ses rôles, l'Office des personnes handicapées tend à se substituer aux organismes déjà existants dans la planification de la réadaptation. Une telle structure aura pour conséquence, à notre avis, de diminuer la qualité des services à cause des trop nombreux intermédiaires, des formules à remplir, des délais occasionnés et de |a déshumanisation des contacts.

Que des fonds et du personnel supplémentaires soient affectés à la réadaptation des personnes handicapées, nous sommes les premiers à y souscrire, et avec joie. Mais à notre avis, cela devrait être fait surtout à l'intérieur des structures déjà existantes au ministère des Affaires sociales, de façon décentralisée ou au niveau de l'application de la Charte des droits de l'homme.

Vous arrivez à la partie du mémoire sur les articles de loi qui ont suscité nos commentaires. Je n'ai pas l'intention d'en reprendre la lecture complète, je vais seulement suggérer une quinzaine d'articles qui nous semblaient plus importants, à nos yeux, pour vous expliquer les commentaires qu'on a faits à cet égard.

Il y avait, premièrement, l'article 1 qui décrit ce qu'est une personne handicapée, et nous voudrions voir sauter le membre de phrase qui dit: Reconnu comme tel par l'office. En effet, nous suggérons que toute personne handicapée qui possède une attestation médicale à cet effet soit reconnue comme telle. L'article 13 au chapitre III, c'est au niveau de la constitution de l'Of-

fice des personnes handicapées. Nous voudrions qu'au lieu d'y avoir onze membres, nous en ayons plutôt quinze, car nous voudrions en voir ajouter deux qui seraient des représentants des personnes handicapées et deux qui seraient des représentants des professionnels de la réadaptation, c'est-à-dire, pour ne nommer que quelques-uns, les ergothérapeutes ou les phy-siothérapeutes, les travailleurs sociaux et les psychologues ou les orthophonistes et radiologistes.

A l'article 30, dans les fonctions de l'office, nous suggérons de modifier le paragraphe a) et de l'énoncer de la façon suivante: "L'office: a) collabore dans la réalisation du programme de réadaptation d'une personne handicapée en vue de son intégration sociale et professionnelle". En effet, nous croyons qu'il existe actuellement des services adéquats qui sont offerts pour la réadaptation des personnes handicapées. Ces services sont assurés par les centres hospitaliers, les centres de réadaptation, les centres d'accueil ainsi que par certaines institutions d'enseignement et certains centres locaux de services communautaires, etc. La qualité de ces centres est déjà contrôlée.

Par ailleurs, nous craignons qu'il y ait un dédoublement des services existants car ceux-ci élaborent déjà un plan de services à leurs clients, plan de services mais entre guillemets. Nous suggérons aussi de remplacer le paragraphe d) par le suivant: Sensibiliser les personnes handicapées à leurs droits et aux services qui leur sont offerts. Il nous semble important de très bien informer les personnes handicapées tout en leur laissant la liberté d'utiliser les services qui leur sont offerts et d'utiliser leurs droits, de faire valoir leurs droits.

Pour continuer dans la même veine, à l'article 31, nous suggérons de déplacer ce paragraphe, le paragraphe a) de l'article 31, et de l'inclure dans l'article 30. En effet, il nous semble prioritaire que l'Office des personnes handicapées du Québec se charge de la promotion des services répondant aux besoins des personnes handicapées en vue de faciliter leur accès à des logements et à des biens de services, leurs déplacements, leur intégration au marché du travail, leur accès à une éducation normale et leur participation à des activités socio-culturelles et de loisirs. C'est pourquoi nous recommandons que ce rôle soit inclus dans les devoirs de l'office plutôt que dans ses pouvoirs.

A l'article 33, nous voudrions que le paragraphe b) soit omis parce que nous craignons que les personnes handicapées qui visent une intégration sociale complète n'acceptent pas d'être identifiées par l'intermédiaire d'une carte comme personnes handicapées. Cette étiquetage ne risque-t-il pas d'être perçu comme une façon d'officialiser le handicap de personnes qui tentent de mettre l'accent sur leur potentiel plutôt que sur leurs limites.

Nous en arrivons au chapitre 4: L'intégration professionnelle et sociale. Nous sommes assez draconiens au niveau de ce chapitre. On voudrait le voir retiré pour n'en conserver que le paragraphe b) de l'article 58 qui se lit: L'office peut, au besoin, mettre sur pied des services de main-d'oeuvre pour les bénéficiaires si de tels services ne sont pas disponibles en quantité et qualité suffisantes.

Nous reconnaissons à l'office les fonctions décrites à l'article 30, sauf le paragraphe a). Il nous apparaît que la nécessité pour un handicapé de faire une demande de services auprès de l'office peut entraîner un dédoublement des services offerts actuellement par les organismes en place ainsi que des délais regrettables. L'élaboration d'un plan d'intégration professionnelle et sociale se greffe sur les plans généraux de réadaptation et fait donc partie intégrante des responsabilités des professionnels de la santé. Une approche multidisciplinaire pour évaluer et traiter les handicapés présente plus d'avantages que des plans préparés à l'extérieur. Il est également important de noter que les modifications en cours d'un programme de réadaptation sont fréquents et que l'obligation de consulter avant d'agir pourrait en compromettre l'efficacité.

L'article 68, à la section 3, comprend l'intégration professionnelle. Nous y ajoutons quelques bouts de phrases qui se lisent comme suit: L'office peut, dans le cadre d'un programme de réadaptation, conclure avec tout employeur et une personne handicapée référée par un professionnel de la santé un contrat en vue de l'intégration du handicapé au marché du travail. Un tel contrat a une durée d'au plus six mois et n'est renouvelable que deux fois. Une nouvelle demande pourrait être placée et étudiée à une date ultérieure selon de nouvelles circonstances.

L'article 74. On voudrait, au lieu de lire: L'office peut, qu'on lise: L'office doit exiger d'une entreprise de 50 salariés ou plus qu'elle engage un certain pourcentage de personnes handicapées. Il est bien évident que nous ne sommes pas pour l'abolition de l'Office des handicapés. Nous sommes, au contraire, en faveur d'un office pour les personnes handicapées, sauf que nous voudrions que ce ne soit vraiment qu'un organisme d'information comme on le décrivait plus tôt à la page 2: Un organisme d'information... Un organisme de promotion des services répondant aux besoins des personnes handicapées en vue de faciliter leur accès à des logements et à des biens et services, leurs déplacements, leur intégration au marché du travail, leur accès à une éducation normale, leur participation à des activités socio-culturelles et de loisirs.

Nous voyons aussi à l'office un rôle important dans la possibilité de rendre accessibles des aides matérielles et économiques aux handicapés pour leur permettre de s'intégrer justement à la société.

Nous sommes bien conscients que plusieurs de nos remarques ont déjà été faites aujourd'hui entre autres en ce qui a trait à la carte d'identité, mais nous tenons quand même à réaffirmer no-

tre position et à encourager M. le ministre à maintenir sa position face à cette carte d'identité. Nous espérons que ce mémoire aidera à la promotion des intérêts du bien-être de la personne handicapée et que nos idées pourront être retenues. Nous terminons en remerciant les membres de cette commission parlementaire pour l'attention qu'ils ont bien voulu nous accorder et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Marcoux): Alors, merci. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux féliciter la Corporation professionnelle des ergothérapeu-tes du Québec et les remercier de nous avoir préparé ce mémoire. Je ne vais pas moi non plus répéter en détail les remarques qui ont été faites tout au cours de la journée concernant certains amendements que nous sommes disposés à apporter. Evidemment, concernant la carte d'identité, nous avons déjà dit à plusieurs reprises qu'elle pourrait demeurer facultative. La même chose est vraie de cette reconnaissance par l'office, reconnaissance de la personne handicapée. Je pense que cela peut être considéré comme superflu.

L'élargissement du conseil d'administration de l'office pour y inclure des professionnels de la réadaptation est une suggestion intéressante. L'embêtement, évidemment, c'est de déterminer exactement quels sont ces professionnels de la réadaptation. On peut imaginer, comme pour les ministères, on en parlait cet après-midi, les nombreux ministères concernés, on peut imaginer un système de rotation à supposer qu'il y ait de façon spécifique des représentants de la profession de réadaptation. Il va sans dire qu'il y a plusieurs professions qui pourraient prétendre avoir leur place dans un tel office, mais on prend note de cette recommandation. Encore une fois, plus nous avançons dans cette démarche pour faire la meilleure loi possible, plus nous nous rendons compte que les fonctions de l'office doivent rester assez limitées.

Vous avez mis l'accent sur son rôle d'information et nous en sommes; son rôle d'information et son rôle de coordination. Il y a quelques autres recommandations plus précises que je veux relever, celle de la durée du stage, par exemple. Je pense qu'il y aurait intérêt à rendre cette clause plus souple: le texte actuel parle d'un stage de six mois renouvelable deux fois. Vous recommandez, et quelques autres groupements le recommandent aussi, qu'il n'y ait pas de limite au nombre de renouvellements, tout en gardant en tête évidemment que cela doit rester quelque chose de transitoire. Mais il peut être commode, pour certains cas, de laisser plus de souplesse, de façon que dans des cas exceptionnels le renouvellement puisse se faire trois ou quatre fois.

Vous semblez considérer que le plan de service n'est pas nécessaire, est superflu. Nous hésitons beaucoup devant une telle recommanda- tion, parce que, si on suit votre raisonnement, votre hypothèse est basée sur le fait que les services existent déjà et qu'ils sont disponibles et qu'il y aurait du dédoublement si l'office se mettait même pas à préparer lui-même des plans de service, mais à demander à d'autres de préparer des plans de service.

Votre crainte d'un dédoublement de service peut être atténuée si on envisage un mécanisme comme celui qui a été proposé par un groupe aujourd'hui, à savoir la formation d'un comité de quatre représentants: la personne handicapée ou son représentant légal, si vous voulez, l'office, mais aussi un représentant du service qui normalement doit ou a eu à s'occuper de la personne handicapée dans le passé et un représentant de l'autre service qui est envisagé comme devant préparer un plan de services.

En d'autres termes, si le mécanisme pour la détermination du plan de services prévoit la présence de représentants des services déjà existants, je pense qu'au départ, cela constitue une garantie qu'il n'y aura pas de dédoublement de ces services.

Je vais m'arrêter ici, M. le Président. Je veux en profiter pour reconnaître la contribution de cette profession qui est relativement jeune, l'ergothérapie. L'ergothérapie a ceci de particulier, c'est une des rares professions de la réadaptation qui, justement, a toujours, depuis le début, oeuvré autant avec les handicapés physiques qu'avec les handicapés mentaux et je pense que c'est une profession qui est bien placée pour comprendre les problèmes de nos deux principaux groupes de handicapés.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires à ajouter sur les remarques du ministre?

Mme Drouin-Cloutier (Francine): Oui, j'aurais peut-être deux commentaires. Je voudrais renchérir pour préciser que c'est vrai que la profession d'ergothérapie est très jeune. Peut-être une des choses les plus spécifiques à l'ergothérapie, c'est que c'est la seule profession de réadaptation qui s'occupe de la partie saine du client et non pas de la partie malade ou de ses capacités résiduelles. L'ergothérapeute voit dans son client un individu qui a des capacités saines et ce sont ces capacités qu'il faut reconnaître et, comme disait quelqu'un ce matin, maximiser, de façon à le rendre le plus indépendant et le plus fonctionnel possible, ce qui sort un peu du pattern habituel du curatif. Aussitôt le côté curatif un peu réglé, on n'y voit qu'un handicapé relativement guéri, mais on ne voit plus cette partie saine ou ce client qui a un potentiel; on ne reconnaît plus ce potentiel.

Au sujet des plans de services, notre plus grande crainte — je voudrais dire que, dans notre mémoire, ce n'est pas quelque chose de très catégorique que nous voulions avancer — était une bureaucratie à outrance qui devient très lourde au niveau des centres hospitaliers ou des

centres de réadaptation où on travaille, qui nuit considérablement à l'efficacité des plans de traitement. D'autre part, on voyait une confusion entre plan de services et plan de traitement. On aurait aimé voir préciser ces éléments. Je conçois que les services existent déjà pour les handicapés qui ont consulté soit dans les centres hospitaliers, soit dans les centres d'accueil ou de réadaptation, mais je comprends très bien que la loi ne doit pas voir que ceux-là, mais doit voir l'ensemble de la population de handicapés qui pourraient nécessiter ce genre de services. Je pense que cela aurait besoin d'être précisé et éclairé.

D'autre part, je me sens rassurée de voir qu'on semble y trouver notre place, au niveau des plans de services ou des plans de traitement, et que l'ergothérapie voudrait vraiment avoir son mot à dire à ce stade de la réadaptation. Avez-vous d'autres commentaires?

Mme Gagnon (Françoise): La question que je me pose, c'est: Si des gens font une demande de plan de services, peut-être que les différents organismes qui peuvent être impliqués se rencontreraient et discuteraient, mais est-ce que le patient, le handicapé devra nécessairement faire une demande à l'office pour pouvoir fréquenter nos établissements et recevoir sa réadaptation ou s'il va continuer d'y avoir le flot de références qu'on connaît? Quel va être le mécanisme?

M. Lazure: M. le Président, je suis content que la question soit soulevée de façon aussi précise. Il est bien évident pour nous que le plan de services ne doit pas se substituer aux services courants que les hôpitaux, les centres de réadaptation ou d'autres établissements vont continuer de donner. Cela devrait être exceptionnel. En d'autres termes, ces plans de services, autant que n'importe quel autre service qui serait mis à la disposition des personnes handicapées, c'est vraiment pour les personnes handicapées qui n'ont pas trouvé leur compte dans le système actuel.

C'est pour les handicapés, que ce soit l'enfant qui, par exemple, est refusé par son école du quartier, ou son école du village, sous prétexte que la commission scolaire n'a pas le personnel spécialisé ou n'a pas les équipements spécialisés. A ce moment, il peut être commode que l'office, en collaboration avec d'autres organismes, puisse élaborer un plan de service particulier pour cet enfant, qui pourrait inclure, à la rigueur, une aide à la commission scolaire en question. Ce plan de services est vraiment un rôle de suppléance qui concorde bien avec le rôle de chien de garde ou d'identificateur des lacunes dans le système. L'office va dépister des lacunes ici et là, dans des régions ou dans des services, et faire en sorte, à ce moment, par le mécanisme du plan de services, que la personne handicapée trouve un service nouveau qui sera mis sur pied, à l'instigation ou par la stimulation de l'office et non pas directement par l'office, mais, pour répondre d'une façon bien précise, cela ne viendra pas remplacer des services déjà existants.

Mme Gagnon: J'ai eu à travailler récemment avec des conseillers en réadaptation, des gens qui travaillaient aux Etats-Unis, par exemple. Il y avait'toute une structure là-bas, faisant qu'une personne, pour avoir droit aux services en réadaptation, que ce soit pour avoir une chaussure orthopédique ou un appareil auditif ou autre chose, devait nécessairement faire une demande à des endroits bien précis pour avoir ces services. A ce moment, les buts de traitement ou les buts poursuivis avec le temps qu'on croyait nécessaires étaient déterminés d'une façon bien précise. Si, au bout de trois ou six mois, le but proposé n'était pas atteint, il y avait vraiment la question de savoir si même on continuerait à payer ces traitements, si le sujet pourrait continuer d'aller à cet endroit. Dans certains cas, on dira que trois ou six mois, c'est peut-être long, c'est bon de revoir cela. Est-ce que cela en vaut vraiment la peine? Justement, dans le cas qui m'avait frappé, on parlait d'un psychiatre qui avait entrepris une psychanalyse et qui mettait dans les buts de son traitement de rompre la relation symbiotique de l'enfant avec sa mère. Il a dit au bout de six mois que cela n'avait pas progressé beaucoup et on lui a dit que cela ne donnait pas de fruits, vraiment, il fallait cesser le traitement.

Va-t-il falloir préciser les choses à un point tel que cela retombera ensuite sur le dos du patient et que, si on n'atteint pas ce but, on ne peut plus continuer à travailler avec lui, même si on a découvert d'autres buts de traitement en cours de route? C'est ce que je voyais comme une difficulté.

M. Lazure: Non. La réponse est: Absolument pas.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je pense que nous avons été choyés aujourd'hui: quatre excellents mémoires et un dialogue cons-tructif et intéressant, aidé, je dois le reconnaître, par l'ouverture d'esprit manifestée par le ministre, au début de nos travaux.

Je suis certain que les porte-parole de la Corporation professionnelle des ergothérapeu-tes comprendront que, à la fin d'une telle journée — et vous l'avez reconnu vous-mêmes dans vos commentaires — on se trouve à répéter des choses qui ont déjà été dites. Tel n'est pas mon but.

Vous me permettrez, M. le Président, un petit mot de nature peut-être personnelle. Tout est relatif dans la vie. Le ministre a qualifié votre profession de très jeune. Je me rappelle quand même que c'est il y a seize ans que je préparais avec vous — pas avec les personnes qui sont ici présentes — la présentation de votre profession

devant la Commission royale sur les services de santé au Canada, la commission Hall. J'ai eu l'honneur d'être parmi vos porte-parole à cette occasion.

Je remarque dans votre mémoire qu'il y a une distinction que vous faites entre des choses qui sont bonnes et des choses qui sont mauvaises: l'information, la sensibilisation, ce sont des choses qui sont identifiées comme bonnes; la catégorisation, la carte d'identité obligatoire sont perçues comme des choses mauvaises.

Vous avez, dans une certaine mesure, répondu à la première question que je voulais vous poser. Quand vous entrez dans le détail du projet de loi, vous indiquez que le bout de phrase "reconnu comme tel par l'office" devrait sauter. J'allais vous demander alors: reconnu par qui? Vous m'avez répondu en disant: C'est par un certificat médical, cela devrait suffire.

Dans mon esprit, un certificat médical n'est pas simplement un petit bout de papier signé par un médecin. Il y a plus que cela là-dedans en ce qui concerne, notamment, les complexités qui peuvent se présenter dans le cas d'une personne que nous appelons, pour les fins de cette discussion, une personne handicapée. J'aimerais vous inviter à aller un pas plus loin et m'in-diquer si vous croyez qu'un tel certificat devrait être fait par un médecin seul ou s'il y a d'autres professions de la santé qui devraient contribuer à l'établissement de cette définition qui, après tout, va faire une différence importante dans la vie de la personne concernée, la vie par rapport aux autres citoyens, à la société en général et la vie par rapport aux services, aux soins qui pourraient être donnés.

Mme Drouin-Cloutier: Je pense qu'il est reconnu comme tel par l'office où on parlait d'une attestation médicale à cet effet. C'était dans un sens large. Je pense que les professionnels reconnus au Code des professions sont des professionnels autonomes, dans la pratique privée, un client qui venait consulter un ergothérapeute ou si un ergothérapeute après évaluation, pouvait prouver que le client est handicapé, qu'il a besoin de réadaptation, je pense qu'à ce moment-là c'est une attestation qui pourrait servir de façon officielle. Dans la réadaptation — c'est comme dans la médecine — on traite une personne, c'est une entité globale. La réadaptation n'admet pas de cloison, n'est pas l'apanage d'une personne ou d'une profession. D'ailleurs, le ministre Lazure le disait bien tantôt, c'est plusieurs personnes finalement qui sont vraiment impliquées dans la réadaptation. Je ne sais pas si cela répond à la question.

M. Goldbloom: Oui, dans une certaine mesure. Peut-être si je situe ma question dans un contexte un peu plus précis: il me semble que si une personne handicapée présentait un certificat signé par le physiâtre en chef de l'Institut de réhabilitation de Montréal, tout le monde dirait que c'est clairement une personne handicapée et la nature du problème serait explicitée. Je ne le dis pas dans un sens péjoratif, si une personne arrive avec un certificat signé par un médecin qui exerce seul, à l'extérieur des institutions où l'évaluation systématique d'un tel problème peut être fait facilement, il me semble que ce serait un peu moins satisfaisant pour les besoins de l'application de tout ce dont nous parlons ici.

Cela m'amène à la deuxième question que je voulais vous poser. Vous parliez tout à l'heure avec le ministre du rôle que vous envisageriez pour l'office et du rôle que vous n'envisageriez pas pour l'office aussi. Le ministre a répondu que ce serait presque un cas d'exception que l'office serait appelé à définir un plan de services.

Mais justement là aussi, il me semble que, quand on quitte les grands centres, on se trouve devant une difficulté plus grande à obtenir, d'abord l'évaluation et ensuite les soins, les services, les ressources. Accepteriez-vous — c'est comme ceci que je vais poser ma question — que l'office, étant appelé à poser un tel geste, à exercer en quelque sorte un tel jugement, serait, par le fait même, en mesure de connaître plus en détail les besoins qui peuvent exister et, encore là, à l'extérieur des grands centres, et le besoin d'aller fournir, peut-être de façon itinérante et peut-être de façon permanente, des services à des endroits où il y a des personnes handicapées et où les services n'existent pas? Est-ce que cela pourrait être, à vos yeux, un rôle valable que l'on accorderait à l'office?

Mme Drouin-Cloutier: Je serais tentée de faire deux volets à ma réponse. Premièrement, je voudrais revenir brièvement à la question que vous vous posez de la reconnaissance du handicapé par l'office; peut-être que si on prend un exemple précis, ce serait plus simple. Si un ergothérapeute traite un handicapé qui est prêt à retourner sur le marché du travail — prenons par exemple un paraplégique — on a trouvé un atelier transitoire où il pourrait faire un stage de six mois, sauf qu'il a des ennuis de transport. Je pense que, à ce moment, on pourrait recourir à l'office, qui pourrait identifier des services ou donner au handicapé des moyens de se fournir ces services. Je pense que le fait qu'il soit référé par l'ergothérapeute, par le praticien ou par l'équipe qui s'occupent de sa réadaptation serait suffisant pour lui permettre d'accéder à ces services. Du moins, c'est la façon dont je le vois.

La deuxième partie de votre question constitue peut-être un autre volet des devoirs de l'office. Je pense, c'est très clair, et cela a été dit plusieurs fois aujourd'hui, que c'est un des devoirs de l'office de recenser — je pense que c'est ce matin, M. Lazure, que vous disiez que c'était peut-être l'un des premiers devoirs de l'office — les possibilités qui existaient déjà dans la société et qui pouvaient répondre aux besoins des handicapés et aussi de faire un tour d'horizon des besoins des handicapés. Par consé-

quent, ce serait probablement aussi le rôle de l'office de créer, dans la mesure du possible et selon les besoins, les organismes ou les ressources nécessaires dans les communautés impliquées pour répondre aux besoins des handicapés, des besoins bien identifiés, je pense.

C'est à ce niveau l'une des vocations de l'office.

M. Goldbloom: Si vous me permettez de préciser une chose, je n'ai pas voulu vous poser les questions seulement en votre qualité d'ergothé-rapeutes, mais dans la perspective de l'équipe de la santé. Je ne voudrais pas que vous restreigniez vos commentaires à votre seul point de vue, si vous voyez des considérations qui touchent toute l'équipe de la santé.

Mme Drouin-Cloutier: Concernant l'attestation, la reconnaissance du handicapé par l'office, non, j'ai peut-être été mal comprise, mais loin de moi l'idée de vouloir restreindre notre pensée à l'ergothérapie comme telle; on a toujours dit qu'on travaillait en équipe et que la réadaptation, comme je le disais tantôt, c'est l'affaire d'une équipe et que ce ne sont pas des considérations proprement d'ergothérapie.

M. Goldbloom: Ceux qui n'ont pas toujours voulu travailler en équipe sont notamment les médecins, vous le savez.

Mme Drouin-Cloutier: Oui, je sais.

Mme Gagnon: J'aimerais ajouter quelque chose: disons que, dans un centre d'accueil comme l'endroit où je travaille, quand la personne commence, elle est prise en charge dès le début par une équipe comportant les professionnels que l'on connaît; à ce moment, la méthode utilisée est une méthode d'évaluation des problèmes, c'est la méthode d'approche par les problèmes. En fait, on fait un tour d'horizon de la personne, pour savoir quels sont les problèmes qu'elle a, comment ils nous apparaissent, quels sont les moyens qu'on entend prendre pour tenter de les résoudre. Et si le congé devient un problème lorsqu'on constate que la personne ne pourra pas aller au travail.

A ce moment-là, des plans bien précis sont prévus concernant, soit les ateliers transition-nels, les ateliers à long terme, les ateliers qu'on appelle protégés, ou des centres de jour. On essaie de voir s'il a des ressources dans son milieu. Il y aura des visites faites peut-être à des organismes locaux, pour voir s'ils sont en mesure d'accommoder cette personne qui est en chaise roulante.

A ce moment-là, quand on vous parle d'un plan de services, selon moi, c'est cela qu'on se trouve à faire. Nous sommes tous bien placés, on est là, on rencontre le patient, la famille. La famille vient assister au traitement souvent, pour qu'il y ait une continuité. En fin de compte, on essaie de prolonger également notre action par la suite. Qu'est-ce qui arrive après le traitement.

Je peux voir — j'ai eu à discuter, quand on écrivait le mémoire, avec les autres thérapeutes qui travaillent plutôt en milieu hospitalier — à ce moment-là, peut-être qu'il y a une difficulté à dire ce qui arrive au patient après, étant donné que les équipes sont plus petites et que chacun travaille dans son service. Mais s'il y avait moyen, et c'est à cela qu'on référait quand on disait qu'ils accordent peut-être plus de budget ou de personnel, afin que l'équipe de réadaptation sur place puisse se rencontrer et faire les meilleurs plans possibles pour le patient, pour rencontrer ses besoins... de l'extérieur, et souvent, le plan n'est pas fait pour cela... (Note de l'éditeur: des difficultés techniques ont empêché l'enregistrement complet de cette phrase). On en fait des plans à court terme, des plans à long terme, on les modifie, on revise nos positions, ce n'est jamais définitif.

M. Goldbloom: Je vous remercie de ces réponses avec lesquelles je suis entièrement d'accord.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Mlle Clou-tier, je pense... d'être venue avec votre groupe ici... et remarquez bien que ce n'est pas souvent... des ergothérapeutes. Je comprends aussi un peu votre désarroi à la fin de la journée. Quand on passe après les autres, ce n'est pas qu'on manque d'idées, mais ce sont les autres qui volent nos idées. Cela m'arrive depuis le début des commissions.

Mais quand on sent que les autres parlent avant nous et exploitent nos idées, il me semble que cela nous ravigote un peu. Cela montre qu'on avait quand même des choses assez pertinentes au débat. Tâchez de vous réconforter et de vous dire que vous n'êtes pas seule, je souffre ce martyre depuis plusieurs mois ici, autour de cette table, en passant toujours le troisième.

Vous avez vraiment des affinités avec l'Union Nationale. Vous avez été frappée par les propos de M. Biron ce matin. Remarquez bien que cela m'a intéressé quand vous avez dit que vous aviez apprécié le terme de "maximiser" la normalisation. Ce sont les propos que tenait M. Biron à cette table ce matin. Je ne vous cache pas que je retiens votre nom. Si jamais il y avait un changement de gouvernement, cela serait étrange que d'avoir une ministre ergothérapeute. On n'a pas encore vu cela. On a un psychiatre, on a eu des comptables, on a eu des médecins, mais ergothérapeute, on n'a jamais eu cela.

Mme Gagnon: ... à la réadaptation du gouvernement.

M. Grenier: On peut maximiser encore certaines bonnes parties du gouvernement.

Mme Gagnon: Pour continuer d'être cabotine, dans la même veine, je n'assistais pas M.

Biron, ce matin. J'assistais le monsieur qui a parlé dans le premier mémoire, M. Perreault, pour les déficients mentaux. Je vous remercie.

M. Grenier: Vous avez entendu les propos de M. Biron et je ne suis pas sûr qu'il n'est pas comme vous ce soir: forcé de passer après les autres et reprendre les paroles que...

En dehors de cela, je vous remercie de ce que vous nous fournissez là. Pour nous, je pense bien que...

M. Lazure: ... de toute façon, c'est un mot de recherchiste.

M. Grenier: On peut tomber sur les mêmes recherchistes.

M. Goldbloom: Le député de Mégantic-Compton est passablement paranoïaque ce soir!

M. Grenier: Les ponts sont faits. Mademoiselle, j'aimerais savoir pourquoi, à la page 5, vous dites que l'office vient ajouter un autre palier. Et je retiens la dernière raison pour laquelle vous verriez... je ne sais pas si vous iriez jusqu'à la suppression de l'office, en disant que cela peut déshumaniser les contacts. C'est peut-être l'argument principal dans tout ce que vous avez.

Il y a bien d'autres raisons, mais il y a aussi celle-là. Est-ce que vous iriez jusqu'à la suppression de l'office?

Mme Drouin-Cloutier (Francine): Ce n'était pas tout à fait dans cette optique que le paragraphe avait été écrit. La déshumanisation des contacts fait référence à la déshumanisation des soins. On parle beaucoup, dans les milieux hospitaliers, dans les milieux des centres d'accueil, qu'avec la multiplication des équipes qui travaillent avec la rotation du personnel, les soins deviennent surspécialisés et tous séparés, ce qui fait que le client a à rencontrer beaucoup de gens et que les contacts humains sont de plus en plus restreints. C'était dans ces sens qu'était la déshumanisation des contacts et cela faisait référence surtout à notre inquiétude face, peut-être, à la tendance à la bureaucratie que pourrait avoir l'office.

Je voudrais seulement vous rappeler la conclusion de notre mémoire qui n'est pas à l'effet de supprimer l'office, mais plutôt de renforcer ses vocations d'information et de création d'organismes ou de ressources supplémentaires dans la communauté, pour répondre aux besoins des handicapés.

M. Grenier: Merci. Vous dites également à l'article 74 que les autres mémoires nous ont parlé qu'on aurait pu se servir de mesures incitatives. Vous mettez un "doit" à la place de "peut". Pouvez-vous expliquer cela?

Mme Drouin-Cloutier: Très facilement. C'était la position de la corporation au moment où on a étudié le projet de loi et le livre blanc. C'était lé- gèrement avant que le ministre Lazure nous soumette qu'il était prêt à remanier son projet de loi pour y mettre des mesures incitatives, ce à quoi nous souscrivons. On voudrait que les mesures soient suffisamment incitatives pour permettre quand même l'embauche des handicapés, dans un milieu de travail ordinaire.

M. Grenier: Une dernière... Ce sont uniquement des termes. A la page 8 concernant l'article 26, y avait-il une raison d'être pour le terme "explicite" que vous employez dans l'expression "avec l'autorisation expresse et explicite"... Vous dites: II nous semble y avoir une contradiction entre les termes "expresse et implicite". Pouvez-vous nous l'expliquer?

Mme Salko (Rolande): C'est que les termes "expresse et implicite", d'après nous, en regardant les définitions dans le dictionnaire, sont contradictoires finalement. C'est pour cela qu'on a ajouté "explicite" qui avait une signification... comme "expresse", finalement.

M. Grenier: Plus sur la ligne. Mme Salko: Oui, plus appropriée.

M. Grenier: D'accord, c'est pour vous le faire dire, parce que je trouvais également la même faiblesse dans le texte aussi.

Je n'ai pas autre chose.

Mme Drouin-Cloutier: Je voudrais peut-être ajouter...

M. Grenier: Oui.

Mme Drouin-Cloutier: ... à cette explication de Mme Salko à l'effet que cela fait un peu référence aussi à ce dont on a parlé aujourd'hui au sujet de la personne légale représentant par exemple, un enfant, ou un handicapé mental, ou un handicapé physique ne pouvant pas, de façon explicite, exprimer son consentement ou sa volonté.

A ce moment-là, on pensait que c'était protéger davantage le handicapé que de rendre l'obligation explicite plutôt que implicite, sauf que c'est peut-être une formule consacrée dans les termes de lois, parce que cela revient très souvent et que c'est toujours cela qui est tout cru. On s'en est bien rendu compte, sauf qu'on voulait quand même y mettre notre petit problème de sémantique.

M. Grenier: Mesdames, mesdemoiselles, je vous remercie pour votre apport à la commission.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Seulement une petite explication en ce qui concerne le nombre de membres de l'office. Aujourd'hui, on

nous a souvent suggéré treize. Vous, vous suggérez de remplacer le nombre de membres à l'office par quinze membres. Pourriez-vous donner un peu plus d'explications là-dessus, pourquoi vous rendez-vous à quinze membres?

Mme Drouin-Cloutier: Oui.

Mme Gagnon: C'est qu'on se disait que, même s'il y a des représentants des organismes de promotion des handicapés, ces gens ne sont peut-être pas handicapés eux-mêmes et on a pensé que c'était important d'avoir l'apport de gens qui étaient handicapés eux-mêmes. Alors, on a ajouté "ayant deux membres étant handicapés". Il y avait aussi deux membres qui étaient des représentants de professionnels de la santé. Comme le ministre Lazure a dit tantôt, peut-être pourrait-il y avoir une rotation qui s'établirait. Le nombre pourrait varier, mais il y aurait, à un moment donné, la représentation de ces gens. On trouvait que c'était important.

M. Gagnon: Personnellement, je crains qu'un conseil d'administration, cela devienne assez lourd avec quinze membres et vous parlez d'un exécutif de dix membres. Les questions que je me posais là-dessus sont: Si on a des réunions assez régulièrement, il devient assez difficile de réunir quinze membres quelquefois. Je vous remercie pour ces explications.

M. Goldbloom: M. le Président, il y aurait peut-être lieu de demander au ministre, par rapport à la dernière question posée par le député de Mégantic-Compton, au sujet de l'article 26, si c'était effectivement son intention de prévoir que le consentement, l'autorisation plutôt, de la personne handicapée, soit effectivement ou expresse ou implicite et si oui, comment est-ce qu'il définirait une autorisation implicite?

M. Lazure: Je serais plutôt porté à la maintenir comme devant être explicite ou expresse, même si cela allait à l'encontre du jargon traditionnel du législateur. Je pense que dans ce domaine, on ne sera jamais trop prudent. Il y aurait avantage... D'ailleurs, c'est un article 26 qui devrait être remanié, en particulier, suite aux recommandations qui nous ont été faites d'inclure le concept d'un représentant légal ou d'un mandataire qui, dans le cas des déficients mentaux, particulièrement, pourrait donner le consentement légal à la place du déficient. On prend bonne note de cette remarque par rapport à l'expliciter.

M. Goldbloom: Parce que s'il s'agit d'un consentement donné pour une personne par un représentant légal, c'est quand même un consentement exprès. Ce n'est pas implicite.

M. Lazure: Oui, c'est cela.

M. Goldbloom: L'autre chose que je voulais dire, si vous me le permettez, puisque je n'aurai pas l'honneur d'être ici demain, je voudrais relever un thème qui traverse tous les mémoires que nous avons entendus aujourd'hui. Je suis certain que le ministre en est bien conscient et y est très sensible. Nous avons parlé de l'importance de la prévention et de la recherche qui nous aideraient à faire de la prévention. Il y a aussi l'accent qui a été mis sur le dépistage et le diagnostic précoces qui font tant de différence dans les résultats que l'on peut obtenir.

Si c'est dans l'intention du ministre de conserver l'office et de faire jouer, par l'office, un rôle d'information, au moins, auprès de la population et auprès des professions de la santé, il me semble que c'est un des messages les plus importants que nous pourrions communiquer et aux personnes elles-mêmes, et à leurs parents, et aux professions qui doivent toujours être sensibilisées à l'importance d'une intervention précoce.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres questions ou commentaires, soit de la part de nos invités ou des députés? Oui?

Mme Gagnon: On pourrait ajouter peut-être qu'il y avait une question sur le pourquoi de la déshumanisation des contacts. C'est un peu en relation avec ma première question, à savoir si tout le monde devra s'y inscrire pour avoir droit aux services. A ce moment, on se dirait: Cet office sera peut-être seulement un endroit où la personne passera un après-midi pour s'inscrire; elle va parler avec un fonctionnaire ou avec quelqu'un qui, en fait, ne connaîtra peut-être pas nécessairement la réadaptation et, à ce moment, ce sera une personne de plus à qui raconter son histoire. On l'aura obligé à présenter son dossier pour être examinée là-bas. Dans notre tête, cela entraînait beaucoup de bureaucratie, beaucoup de démarches qu'en fait on ne considérait pas nécessaires dans beaucoup de cas. C'était à ce sujet qu'on avait parlé de la déshumanisation. Lorsqu'on parle de certains cas qui devront passer à l'office, parce que la personne saura qu'il y a une ressource là-bas, où elle peut s'informer afin de connaître les services auxquels elle a droit, et s'il y a un plan de services à établir, que cela puisse se faire en collaboration avec d'autres membres, soit possiblement quatre personnes qui décideront; à ce moment, on est certainement plus rassuré sur ce point. On ne parlera pas de déshumanisation.

Le Président (M. Marcoux): Alors, je vous remercie de la présentation de votre mémoire au nom de tous les membres de la commission. Je rappelle aux membres de la commission que demain nous entendrons les mémoires numérotés 9-M, 35-M, 46-M et 13-M. Alors, la commission ajourne ses travaux... Oui.

Mme Drouin-Cloutier: Je voudrais seulement que vous me permettiez de vous remercier de

nous avoir permis de présenter notre mémoire ici ce soir et je voudrais assurer la commission parlementaire et le gouvernement de notre plus grande collaboration face à ce projet de loi dans lequel nous sommes vraiment très impliqués.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de vos paroles. Je rappelle aux membres de la commission que la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 10)

Document(s) related to the sitting