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Etude du projet de loi no 9
(Dix heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des affaires sociales est réunie pour entendre les
mémoires concernant le projet de loi no 9, Loi assurant l'exercice des
droits des personnes handicapées.
Les membres de la commission sont M. Boucher (Rivière-du-Loup),
M. Charron (Saint-Jacques) remplacé par M. Laplante (Bourassa), M. Clair
(Drummond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel
(Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie) remplacée par M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M.
Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette
(Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier), M. Shaw (Pointe-Claire) remplacé par M. Biron
(Lotbinière).
M. Gagnon (Champlain) remplace Mme Ouellette (Hull).
Préliminaires
La commission doit désigner un rapporteur. Avez-vous une
suggestion? M. le député de Champlain, est-ce accepté?
Oui. Le rapporteur est M. Gagnon, de Champlain.
Aujourd'hui, nous entendrons les organismes suivants: L'Association du
Québec pour les déficients mentaux, le Comité de liaison
des handicapés physiques du Québec, l'Association de paralysie
cérébrale du Québec Inc., la Corporation professionnelle
des ergothérapeutes du Québec. Dans l'ordre, les numéros
des mémoires sont 4-M, 21-M, 16-M et 50-M.
Avant de procéder à l'entente sur la répartition du
temps ainsi qu'au discours de présentation, d'ouverture de chaque
partie, on m'a informé qu'il était de l'intention des membres de
la commission d'accepter le visionnement d'un film. Avant cette
présentation, M. le ministre aurait de brefs mots a dire, ainsi que les
responsables de ce film.
M. Lazure: M. le Président, les mots officiels, ce sera
pour tantôt. Comme préambule à cette commission, on a
pensé qu'il serait intéressant de visionner un film qui dure
à peine dix minutes et qui a été monté par un
groupe de la région d'Alma.
Nous l'avons visionné il y a quelques semaines. C'est assez
caractéristique du travail de réadaptation qui se fait dans
diverses régions du Québec. Sans plus tarder, je demanderais
à M. Martin Belley, qui est le directeur général de
l'atelier protégé CEDAP, à Aima, de nous dire quelques
mots pour présenter le film.
Le Président (M. Marcoux): M. Belley, pouvez-vous aller au
micro en arrière de la table, au micro réservé à
nos invités, vous présenter et indiquer l'organisme dont vous
faites partie?
M. Belley (Martin): Vous allez m'excuser; je vais être
obligé de m'asseoir puisqu'on ne peut pas lever le micro ici.
Le Président (M. Marcoux): Cela va. C'est la position
normale de nos invités.
M. Belley: Martin Belley, directeur général de
l'Atelier CEDAP du Lac-Saint-Jean, à Aima. M. le ministre, M. le
Président, MM. les députés et invités à
cette commission, le film que nous allons visionner n'a pas été
fait dans le but de publici-ser un centre en particulier, mais bien de montrer
l'essentiel du fonctionnement d'un de ces 40 centres qui, actuellement, se
définissent comme le veut "Eléments d'une politique de
réadaptation des adultes", du ministère des Affaires sociales de
juin 1974.
Le centre en question a eu l'avantage de naître la même
année que cette dernière publication qui a comme leitmotiv "La
Normalisation".
C'est pourquoi on pourra constater qu'autant dans la localisation,
l'installation, l'équipement et l'activité exercée, tous
les efforts ont été mis de l'avant pour répondre au voeu
exprimé par cette politique.
Bien plus, et le film le laisse entendre surtout par le texte, une
véritable pédagogie de réadaptation visant l'autonomie la
plus complète possible de la personne y est appliquée selon les
objectifs fondamentaux d'entraînement au travail par le travail et du
dévelopement psychosocial de l'individu.
La programmation de cette pédagogie de réadaptation
s'adresse à des personnes qui comportent des limitations à divers
degrés tant sur le plan intellectuel, physique que social et que divers
organismes reconnus du milieu ont identifiées comme étant inaptes
pour le moment à accéder au marché régulier du
travail.
Il est démontré que le candidat Serge Bou-dreault a,
après un stage d'un an et sept mois, intégré le
marché régulier du travail.
Cependant, il n'en est pas de même pour tous les
travailleurs-stagiaires, car un bon nombre devront, à la fin de leur
entraînement, être dirigés vers le marché
protégé ou adapté du travail, où on leur assurera
une permanence avec les conditions que veut bien énoncer "Proposition de
politique" et qui se traduit dans le texte du projet de loi no 9.
Ce court documentaire réalisé par un groupe qui en est
à ses premières armes aura atteint son but, si, tout en donnant
une certaine information, il provoque chez son auditoire le désir de
s'interroger davantage.
En terminant, la Corporation CEDAP Lac-Saint-Jean Inc., se dit heureuse
d'avoir apporté sa contribution à la commission. Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je demanderais au technicien de
s'exécuter et je vais m'exécuter aussi.
Note de l'éditeur: Les membres de la commission assistent,
à ce stade, au visionnement du film dont on vient de parler. La
séance reprend ensuite.
Le Président (M. Marcoux): Je dois d'abord remercier les
réalisateurs du film ainsi que les responsables de la maison qui ont
permis sa réalisation. Je crois que ce film c'est l'avis unanime
des membres de la commission constitue peut-être la meilleure
introduction que nous puissions avoir aux travaux de cette commission. Je crois
que M. Belley voudrait ajouter quelques mots?
M. Belley: M. le Président, c'est simplement pour dire que
nous avons un texte intégral à la disposition de tous les gens de
la salle, pour ce qui est du film. Avec votre permission, nous pourrions le
faire circuler.
Le Président (M. Marcoux): Vous pourriez le faire
distribuer. Les membres de la commission l'ont déjà. Il y a des
messagers qui pourront le faire.
Avant de céder la parole à M. le ministre pour le mot
d'ouverture, je voudrais qu'on puisse arriver à l'entente habituelle sur
l'utilisation de notre temps. Je sais qu'il y a eu des discussions entre les
différents partis avant l'ouverture de la commission et on en serait
arrivé à l'entente suivante: chaque mémoire disposerait
d'une heure et cinq minutes à répartir de la façon
suivante: 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20 minutes
pour le parti ministériel, 15 minutes pour le Parti libéral et 10
minutes pour l'Union Nationale. Cette répartition et cette utilisation
du temps pour chaque mémoire conviennent-elles aux différents
membres de cette assemblée?
M. Goldbloom: M. le Président, certainement, avec une
seule réserve. Vous comprenez que je remplace aujourd'hui, pour cette
seule journée, le député de L'Acadie. J'aimerais qu'elle
puisse en discuter avec le ministre si, pour une raison ou une autre, elle
voulait un arrangement différent.
Le Président (M. Marcoux): D'accord?
M. Biron: M. le Président, une simple petite
réserve aussi vis-à-vis des gens qui présentent les
mémoires. Est-ce que vingt minutes sont véritablement suffisantes
pour tous les mémoires ou s'il n'y a pas quelques mémoires qui
nécessiteront plus de vingt minutes? Quant à moi, je suis
prêt à allouer peut-être plus de temps pour certains
mémoires, si on en a besoin de plus. Quant au temps
réservé aux partis politiques, je suis d'accord avec votre
suggestion.
Le Président (M. Marcoux): S'il survient des
problèmes quant à la présentation des mémoires, il
faut tenir compte du fait que, normalement, tous les membres de la commission
ont les mémoires une dizaine ou une quinzaine de jours auparavant et
que, normalement, ils l'ont lu. Si les membres de la commission jugent que,
pour certains mémoires, ils veulent prolonger le temps, nous adopterons
leur avis sans problème.
Cela ya?
J'inviterais M. le ministre à prendre la parole.
Exposé initial du ministre M. Denis
Lazure
M. Lazure: M. le Président, membres de la commission,
mesdames, messieurs, je veux moi aussi remercier le groupe d'Alma pour la
présentation de ce film qui nous situe un peu dans le cadre des
problèmes qu'affrontent les milliers de personnes handicapées au
Québec. Je veux souhaiter la bienvenue à tous ceux qui se sont
déplacés, en particulier aux personnes handicapées qui ont
dû voyager assez loin. Je veux aussi remercier les représentants
d'organismes qui militent en faveur des droits des personnes
handicapées. Je veux remercier tous ceux qui se sont prononcées
sur ce projet de loi, en particulier ceux qui nous ont présenté
des mémoires. La qualité des mémoires qui ont
été déposés démontre l'importance du sujet
et je suis convaincu que nous pouvons, tous ensemble, faire de cette loi un
outil très utile. Dans mon esprit, il n'y a rien d'immuable dans ce
projet de loi et je suis prêt à le modifier de façon
substantielle, si nécessaire.
Dans les jours qui suivent, nous aurons à rendre ce projet de loi
le plus conforme possible aux besoins réels des principaux
intéressés. Comme je l'ai déjà affirmé, une
telle loi, dans une société idéale, serait superflue. Mais
la situation actuelle des personnes handicapées nous impose l'obligation
d'intervenir.
La politique du gouvernement à l'égard des personnes
handicapées vise les objectifs suivants: promouvoir l'autonomie des
personnes handicapées, développer et maintenir au maximum les
capacités des personnes handicapées, adapter les
équipements aux besoins des personnes handicapées, favoriser
l'intégration des personnes handicapées aux activités et
aux situations de vie considérées comme normales dans notre
société et, enfin, assurer progressivement la prise en charge par
l'Etat des coûts entraînés par un handicap.
Peu après le dépôt à l'Assemblée
nationale du présent projet de loi no 9 et du livre blanc qui propose
une politique à l'égard des personnes handicapées, j'ai
demandé à un groupe de travail composé de fonctionnaires
de notre ministère d'effectuer une tournée d'information et de
consultation à travers le Québec.
Cette tournée, de même que l'étude et l'analyse des
60 mémoires qui ont été déposés à la
commission parlementaire, nous ont convaincus de la nécessité
d'envisager certaines modifica-
tions essentielles à l'amélioration du projet de loi.
Suite à l'audition de cette commission qui nous apportera
l'éclairage nécessaire à la formulation d'une série
d'amendements, nous déposerons ce projet de loi pour deuxième
lecture à l'Assemblée nationale.
L'office institué par le projet de loi nous apparaît comme
un instrument d'intervention nécessaire pour garantir que les diverses
instances gouvernementales ou non gouvernementales offrent les services
auxquels les personnes handicapées ont droit. Dans notre optique,
l'office est un organisme dont le personnel sera relativement restreint et dont
le rôle est de coordonner, identifier et utiliser les services existants.
L'office peut également concevoir et susciter le développement de
nouveaux services seulement lorsque les organismes locaux ou régionaux
ne parviendront pas à le faire. Les premiers mandats de l'office devront
être la préparation d'un inventaire, avec les groupements et les
personnes concernés, des besoins des personnes handicapées et des
ressources existantes ou devant être créées en vue de
l'élaboration et de la mise en place d'une politique globale de la
réadaptation.
Afin d'éviter de créer une structure trop
centralisée, nous envisageons la possibilité d'assurer une
représentation régionale au conseil d'administration de l'office.
Nous voulons que les fonctions de l'office relatives à des services
directs à la clientèle, tels que, par exemple, plans de services,
aide matérielle, contrats d'intégration professionnelle ou
sociale, soient organisées sur une base régionale, de
préférence par des ententes avec les organismes régionaux
existants. Ainsi, les fonctions centralisées de l'office se limiteraient
principalement à la coordination des services, la promotion des
intérêts des personnes handicapées, l'information et la
conception de services, en collaboration avec les représentants des
principaux intéressés. Cette approche garantirait l'existence
d'une organisation souple qui ferait appel, dans la mesure du possible, aux
ressources existantes. L'office pourra aussi jouer, de concert avec les
organismes et les ministères concernés, un rôle
d'éducation populaire en matière de prévention des
handicaps physiques et des handicaps mentaux.
Nous envisageons également la possibilité d'assurer au
niveau du conseil d'administration une plus grande représentation des
personnes handicapées ou de leurs représentants, ainsi que celle
des ministères concernés. La représentation des
ministères pourrait s'effectuer selon un système de rotation,
afin d'éviter une structure trop lourde et, étant donné le
nombre considérable de ministères qui peuvent être
impliqués dans la mise en oeuvre de tous les services qu'il faut
prévoir.
Concernant les droits, le fait de proposer un chapitre particulier a
suscité plusieurs interrogations sur l'application de la Charte des
droits et libertés de la personne. L'objectif étant la recon-
naissance aux personnes handicapées des droits et libertés
reconnus à tous les individus, nous pensons, suite à des
consultations avec le ministère de la Justice, pouvoir inclure le
contenu de ce chapitre dans les lois existantes.
Dans cette même ligne de pensée, nous entendons assurer le
libre choix de la personne à l'égard de toute mesure
préconisée par le projet de loi et enlever tant la
nécessité de reconnaissance par l'office que l'obligation d'une
carte d'identité, deux mesures qui constituent une identification
particulière et qui nous apparaît superflue. Une carte
d'identité sera émise seulement sur demande et ne pourra pas
être exigée pour bénéficier des services
offerts.
A la suite des discussions que nous aurons pendant la présente
commission, nous étudierons la nécessité d'introduire la
notion de représentant légal de la personne
handicapée.Je vois M. Pelletier qui sourit La personne
ainsi désignée pourra agir ou donner son consentement lorsque la
personne handicapée en est incapable. Une telle représentation
légale serait surtout nécessaire dans le cas d'une personne
atteinte d'un handicap mental.
Même si, dans le projet de loi, on ne parle pas nommément
des enfants, il est bien entendu et je voudrais dissiper ce malentendu
une fois pour toutes que le terme "personne handicapée" se
rapporte également aux enfants et adolescents et que les services
prévus par l'office seront tout autant accessibles à l'enfant
qu'à l'adulte.
Suite à des discussions avec le ministère de l'Education,
nous étudions des modalités visant à assurer la
scolarisation des enfants handicapés tant au niveau de la maternelle
qu'aux niveaux élémentaire et secondaire. Notre intention est de
pallier les refus dont sont l'objet les enfants handicapés lorsque les
parents veulent les inscrire à une classe maternelle et permettre qu'un
enfant ne soit pas privé d'une scolarisation adéquate sous
prétexte de son incapacité à profiter des programmes
disponibles.
Enfin, le projet assure déjà la scolarisation
jusqu'à l'âge de 21 ans pour les enfants qui subissent un retard
scolaire du fait de leur handicap. Rappelons que le ministère de
l'Education du Québec offre déjà des bourses aux personnes
handicapées qui désirent poursuivre des études
collégiales et universitaires.
A l'égard des organismes de promotion, les mémoires
soulignent que le projet de loi limite le droit à la liberté
d'association en exigeant un certificat de reconnaissance pour tous les
organismes de promotion. Notre but est uniquement de contrôler les
organismes qui recueillent des fonds pour les personnes handicapées afin
d'éviter l'exploitation de la personne handicapée et
l'exploitation du public. Le projet sera révisé afin d'assurer un
contrôle dans le sens indiqué et d'accorder aussi un droit d'appel
d'une décision de l'office à l'égard d'un organisme.
Il nous apparaît également nécessaire
d'atténuer l'obligation, pour un atelier protégé, de
s'engager à embaucher des personnes handica-
pées placées par l'office et ceci atténuer
cette obligation, la modérer, si vous voulez en
établissant une procédure d'admission avec les ateliers
eux-mêmes ou les centres de réadaptation, selon le cas.
Relativement à l'emploi, l'obligation faite aux employeurs
d'engager un certain pourcentage de personnes handicapées doit
être une mesure de dernier recours. Notre volonté est de favoriser
au maximum les mesures incitatives avant d'obliger l'employeur à cet
effet. Aussi, nous étudions la possibilité d'amender le projet de
loi afin que chaque entreprise soit non pas obligée d'engager un certain
pourcentage de personnes handicapées, mais soit plutôt requise
chaque entreprise de 50 salariés et plus de
présenter à l'office un plan visant à assurer l'embauche
de personnes handicapées.
Le livre blanc proposait l'élimination, sur une période de
dix ans, des barrières architecturales des édifices qui
appartiennent au gouvernement du Québec. Nous avons reçu de
nombreuses représentations demandant de réduire cette
période à cinq ans et d'étendre ce programme au
réseau des établissements de l'éducation et des affaires
sociales. Le ministère des Travaux publics prépare actuellement
un programme visant à éliminer les barrières
architecturales des édifices gouvernementaux d'ici cinq ans. Les
ministères des Affaires sociales et de l'Education étudient des
dispositions permettant d'étendre ce programme aussi à leur
réseau respectif dans un délai de cinq ans.
A ce chapitre, nous pouvons penser à de nombreuses
modalités d'adaptation telles que l'adaptation de trottoirs pouvant
être accessibles aux handicapés visuels et aux utilisateurs du
fauteuil roulant, des signaux lumineux d'urgence pour les sourds-muets, des
places réservées dans les stationnements publics, l'adaptation
des téléphones publics. Comme on peut le voir, les
possibilités d'intervention dans ce domaine sont multiples.
Enfin, le transport nous apparaît un secteur prioritaire
d'intervention. Le ministère des Transports accepte le principe que le
transport spécialisé soit sous sa responsabilité et est
à élaborer un plan de développement tant pour ce type de
transport que pour l'adaptation des véhicules réguliers de
transport public. Le gouvernement, comme vous le savez, subventionne
déjà trois projets importants de transport pour
handicapés, soit Montréal, Québec et Sherbrooke.
En conclusion, M. le Président, le projet de loi que nous
étudierons au cours des prochains jours m'apparaît essentiel pour
l'élaboration et la mise en place des services devant assurer l'exercice
des droits des personnes handicapées. Il peut certainement être
amélioré et notre but est d'y apporter les modifications
nécessaires à la lumière des commentaires, des remarques
et des recommandations qui nous seront faits.
En terminant, je voudrais remercier toutes les personnes et tous les
groupes qui ont étudié le projet de loi, préparé
des mémoires et qui viendront se faire entendre devant la commission. A
l'avance, je m'excuse aussi auprès des groupements qui ne pourront pas
être entendus; il est bien évident que la commission ne pourra pas
entendre les représentants des 61 groupes qui ont envoyé un
mémoire. Nous allons essayer de faire un choix qui va tenir compte des
différentes régions du Québec et qui va tenir compte des
différents types de handicaps qu'on peut retrouver dans une
société. Nous examinerons ensemble les propositions contenues
dans cet exposé, l'exposé que je viens de donner, et nous
analyserons toute autre suggestion pouvant rendre ce projet de loi le plus
conforme possible aux besoins réels des personnes handicapées.
Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
d'Arcy McGee.
Remarques de l'Opposition
M. Victor C. Goldbloom
M. Goldbloom: M. le Président, le sujet que nous examinons
aujourd'hui est de très grande importance. Les 60 mémoires soumis
en témoignent. La durée de mes remarques sera en proportion
inverse à cette importance. L'occasion qui nous est fournie aujourd'hui
n'est pas celle de faire un débat contre le gouvernement sur tel ou tel
aspect du projet de loi; ce moment viendra ultérieurement. Nous sommes
venus ici pour entendre des invités et pour établir un dialogue
avec eux.
Je n'aurai pas besoin de reprendre les nombreux points constructifs
soulevés par le ministre dans son bref discours d'ouverture; c'est un
projet de loi, d'ailleurs, vous le savez, M. le Président, qui avait
été préparé auparavant et qui, dans ses grandes
lignes, suit les traces déjà établies; il y a certaines
différences que nous notons, nous aurons l'occasion d'en parler quand
l'Assemblée nationale se penchera sur le projet de loi comme tel.
Il me serait possible de parler longuement d'une expérience
personnelle; tout comme, sûrement, mon confrère le ministre, j'ai
travaillé pendant de longues années avec des enfants
handicapés, dans mon cas, et avec leurs parents. Je dis cela pour
souligner l'intérêt que je porte au sujet et la sensibilité
que j'espère manifester aux divers aspects des nombreux
problèmes. Ce disant, M. le Président, je crois bien que vous
allez offrir la parole au député de Lotbinière; nous
l'écouterons avec intérêt et, après cela, il me
semble que le moment sera venu d'écouter nos invités.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Lotbinière.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président. D'abord, je veux remercier le
CEDAP d'Alma de la présentation de son film et je félicite le
ministre aussi de cette ouverture d'esprit qu'il a manifestée au
début de son allocution lorsqu'il dit qu'il n'y a rien d'immuable dans
cette loi et qu'il voulait véritablement que cette loi soit
conçue pour répondre aux besoins des gens qui sont
concernés, des handicapés dans ce cas particulier. Surtout compte
tenu des critiques que nous avons reçues de la part des travailleurs
sociaux et du front commun des personnes handicapées, nous devons
écouter les mémoires d'une oreille attentive, avec
énormément d'ouverture d'esprit, et je suis heureux de voir que
le ministre est ouvert là-dessus.
Nous entreprenons aujourd'hui, M. le Président, l'audition des
mémoires qui traitent le projet de politique du gouvernement à
l'égard des personnes handicapées. Inutile d'insister longuement
sur l'importance de cette démarche dans le contexte actuel de
contestation vis-à-vis du projet de loi assurant l'exercice des droits
à des personnes handicapées. En effet, on a pu constater, au
cours des mois qui ont suivi le dépôt simultané du livre
blanc et du projet de loi no 9, que les principaux intéressés,
les handicapés eux-mêmes, par le truchement des organismes qui les
représentent ou qui travaillent avec eux, n'ont demandé rien de
moins que le retrait du projet de loi 9. Ajoutez à cela le fait que
déjà plus de 50 mémoires nous sont parvenus, et vous
comprendrez à quel point il était essentiel de tenir ces
auditions. Vous trouvez sans doute, M. le Président, que j'ai la
critique facile; c'est pourquoi je veux dès maintenant nuancer mes
propos. Je vais vous citer un paragraphe tiré de la 7e page du livre
blanc et qui indique quelles sont les personnes visées par le
présent projet de loi.
Je cite: "La présente politique vise essentiellement les
personnes qui, suite à une déficience physique ou mentale
permanente, congénitale ou acquise, éprouvent des
difficultés importantes dans l'accomplissement des activités et
des rôles normalement entendus par la société." Je crois
que cette affirmation contient implicitement le fait que le gouvernement n'a
pas l'intention de marginaliser l'ensemble des personnes handicapées,
mais plutôt de permettre à celles dont la marge d'autonomie est
très faible de jouir de services nécessaires au plein
épanouissement de toutes leurs capacités. En ce sens, on ne peut
qu'approuver le gouvernement, tout au moins quant à ses intentions. Par
contre, nous approuvons la proposition de la Corporation professionnelle des
travailleurs sociaux, qui demande que le présent projet de loi devienne
essentiellement une loi pour le développement social des personnes
handicapées.
Pour la corporation, les handicapés n'ont pas besoin d'une loi
pour assurer leurs droits d'une façon marginale, car les droits des
handicapés sont les mêmes que ceux des autres per- sonnes, tel que
l'assure la Charte des droits et libertés de la personne. En somme, ce
qu'il faut faire, c'est s'assurer que les personnes handicapées
bénéficient de services nécessaires à l'atteinte
des objectifs qui sont définis dans le livre blanc, principalement en ce
qui concerne l'éducation, le transport, le logement, les loisirs et
l'intégration au marché régulier du travail.
Dans les prochaines semaines, nous entendrons l'opinion de ceux qui
oeuvrent dans le milieu concerné, de même que celle de ceux pour
qui on présente le projet de loi no 9. Nous espérons
sincèrement que leurs observations permettront au législateur de
présenter un projet de loi qui réponde vraiment aux besoins et
aux aspirations de ces citoyens à part entière.
Nous savons qu'il n'est pas facile de normaliser le développement
social, physique, psychologique, intellectuel et économique des
handicapés sans donner l'impression de marginaliser leur situation. Mais
nous croyons que les échanges que nous entreprenons aujourd'hui vont
permettre de minimiser la marginalisation tout en maximisant la normalisation.
Nous avons des commentaires relativement au contenu du projet de loi, mais nous
préférons les réserver pour le moment où nous
étudierons plus précisément ce projet de loi, à la
lumière des amendements éventuels et des remarques faites durant
l'audition des mémoires.
Avant de terminer, M. le Président, je dois vous dire que, dans
toutes mes rencontres et mes discussions avec les personnes handicapées
que j'ai pu rencontrer jusqu'à maintenant, j'ai trouvé des
qualités extraordinaires, des qualités mentales, intellectuelles
et morales surtout, chez ces personnes qui doivent se battre chaque jour pour
assurer leurs droits. J'assure le ministre et le gouvernement de la
collaboration de l'Union Nationale pour assurer les droits des personnes
handicapées afin qu'elles soient considérées au
Québec comme des citoyens à part entière. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): Je crois que nous pouvons
maintenant inviter le premier organisme à nous présenter son
mémoire. Il s'agit de l'Association du Québec pour les
déficients mentaux. J'inviterais les représentants de cet
organisme à s'approcher de la table.
Audition de mémoires
Association du Québec pour les
déficients mentaux
M. Perreault (Gaston): M. le Président, mes premiers
mots...
Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous vous
présenter? Vous êtes M. Jacques Pelletier?
M. Perreault: M. Gaston Perreault.
Le Président (M. Marcoux): M. Gaston Per-reault.
Voulez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent?
M. Perreault: Je vous présente M. Jacques Pelletier,
à mon extrême gauche, le directeur général de
l'Association du Québec pour les déficients mentaux; à ma
gauche, Mme Lanteigne, qui est vice-présidente de l'association, que je
vous présenterai plus longuement tantôt; M. Cormier, qui
siège au conseil d'administration, qui sont tous les deux, ainsi que
moi-même, des parents de déficients.
Les premiers mots que j'allais vous dire, c'est que, ce matin, je suis
un peu décontenancé, et j'aimerais vous en faire part au tout
début, comme cela. L'ouverture du ministre devant le projet de loi, un
projet de loi sur lequel on a beaucoup travaillé, les amendements
possibles dont il nous a fait part, le boniment que j'ai préparé
et que je voudrais bien lire quand même, même si les amendements
possibles viennent de nous être divulgués; nous sommes les
premiers à présenter un mémoire sur la déficience
mentale et nous sommes tellement habitués à être les
derniers.
Le premier droit qui nous est reconnu, d'après nous, c'est
d'avoir une heure et cinq minutes bien à nous. Je vais lire mon
boniment, tel que je l'ai préparé, et je ne prendrai
peut-être pas les vingt minutes, mais cela pourrait inciter au dialogue,
comme vous l'avez mentionné et nous pourrons peut-être entendre
répéter les amendements possibles pour qu'on les inscrive bien
dans notre esprit et qu'on puisse s'en souvenir lorsque le projet de loi pourra
sortir.
Permettez-moi de remercier cette commission parlementaire de nous
entendre sur un projet de loi qui, pour nous, a une telle importance. Nous
espérons que notre intervention, que nous voulons très objective,
saura aider le législateur à élaborer une loi juste,
humanitaire et pouvant résoudre les problèmes quotidiens
affrontés par tous les handicapés mentaux.
Permettez-moi, M. le Président, afin que les membres de cette
commission puissent connaître mieux leur interlocuteur, de vous dire
quelques mots sur notre association.
L'Association du Québec pour les déficients mentaux est un
mouvement bénévole composé de plus de 40 associations. Ces
associations locales et régionales se retrouvent aux quatre coins du
Québec. Elles sont composées de parents, d'amis des personnes
déficientes mentales. Nous retrouvons ces associations autant à
Hull qu'à Sherbrooke, Montréal, Québec,
Rivière-du-Loup, Sept-lles et Havre-Saint-Pierre. Fondée depuis
1951, notre association est, à juste titre, le porte-parole des
personnes déficientes et de leurs parents. Notre objectif global est de
voir au mieux-vivre de la personne déficiente mentale. Pour ce faire,
nos activités se situent dans plusieurs champs d'action. Je vous en
nomme quelques-uns: la défense des droits, la promotion des besoins,
l'information et le regroupement des parents et amis.
La déficience mentale, messieurs les membres de cette commission,
c'est une situation permanente. Cela ne commence pas et ça ne finit pas;
pas plus que ça ne se guérit. Les problèmes vécus
par une personne déficiente mentale commencent à sa naissance et
se terminent à sa mort. Il est extrêmement important que vous
compreniez ceci. C'est en fait l'essence même de toutes nos prises de
position.
Nous avons voulu, afin de mieux vous informer, vous faire visualiser
cette situation que nous qualifions de permanente et de continue. Nous tous ici
pouvons vous en parler en connaissance de cause. Mme Lanteigne, que je vous ai
présentée tantôt, est mère d'une enfant
déficiente de trois ans. Je suis moi-même le père d'une
jeune fille de treize ans, déficiente mentale et M. Cormier est
père d'un jeune adulte déficient de 22 ans. M. Pelletier, comme
nous l'avons dit tantôt, est le directeur général de notre
association.
Ceci dit, M. le Président, si vous me permettez peut-être
une boutade, dans une enceinte aussi sérieuse, vous avez
mentionné tantôt que la position normale de vos invités
était assise. J'aimerais peut-être vous dire qu'on aimerait bien
démontrer qu'on se tient debout parce qu'on est tanné
d'être à genoux. Nous désirons vous informer sans
détour que nous sommes pleinement d'accord, sans restriction, avec la
nécessité d'un projet de loi par lequel l'exercice des droits des
personnes déficientes mentales sera assuré.
Nous regrettons d'avoir à vous dire qu'il faut admettre, en fait,
que notre belle société n'a pas atteint le haut niveau de
pensée sociale et de justice éclairée dont elle devrait
faire preuve et, si je me permets, dont elle se vante tant et si souvent.
Nous sommes d'avis qu'un tel projet de loi ne devrait pas être
nécessaire, mais, les choses étant ce qu'elles sont, il serait
irresponsable de notre part de nier l'évidence du vécu quotidien.
Les personnes déficientes mentales ont besoin d'une loi pour garantir
l'exercice de leurs droits, leur permettre d'être des citoyens à
part entière et nous attendons cette loi avec impatience.
Le projet de loi 9 a été étudié par des
parents. Notre étude a été basée sur les situations
journalières que nous vivons, les problèmes qui nous confrontent
et que nous devons résoudre continuellement. Nous nous sommes
demandé comment ce projet de loi, tel que présenté le 3
juin dernier, tel que formulé, peut éviter, prévenir,
corriger et résoudre les situations actuelles qui sont vécues
tous les jours par des handicapés mentaux et leurs familles.
Dans notre mémoire, nous avons formulé plusieurs
recommandations, certaines très importantes, que je qualifierais
même de fondamentales, sur lesquelles nous nous permettrons, si vous le
voulez bien, de dialoguer beaucoup plus entre nous, tantôt. Nous
regrettons un peu moins maintenant après ce que nous avons
entendu qu'il ait fallu une loi spéciale pour reconnaître
des droits aux personnes déficientes
mentales. Encore une fois, il fait partie de nos demandes que la Charte
des droits et libertés de la personne soit modifiée dans ce sens
et que toutes les lois dont M. le ministre a parlé tantôt soient
corrigées pour y reconnaître les droits de ces personnes. Ces
droits devraient être reconnus à ces endroits.
En ce qui concerne la composition de l'office, nous trouvons insuffisant
que seulement quatre personnes soient nommées suite à des
consultations auprès des organismes des personnes handicapées.
Cet office sera tellement important pour les personnes handicapées que
nous croyons qu'elles devraient y être représentées en
majorité. Voilà pourquoi nous recommandons d'augmenter à
six sur onze le nombre de leurs représentants.
Je pourrais me permettre d'ajouter ici, en dehors de mon texte, qu'il
n'y a pas beaucoup d'associations ou de conseils d'administration qui
représentent des corps conseils de professions ou autres
dont les gens bénéficient directement ou dont le seul travail de
cette entreprise est de faire bénéficier des
bénéficiaires où ils sont représentés
minoritairement. Je crois qu'il serait avantageux qu'ils soient
représentés majoritairement.
Pour ce qui est du rôle et des fonctions de l'office, nous nous
questionnons sérieusement. Cet office nous apparaît, tel que nous
l'avons vu, comme une superstructure administrative vers laquelle pourrait
facilement être canalisé tout ce qui concerne les
handicapés. Il est extrêmement dangereux que l'office doive
sacrifier à certains moments beaucoup de souplesse. Dans les faits,
l'office pourrait facilement administrer les handicapés plus que les
aider. Par contre, comme nous l'a mentionné tantôt le ministre, on
pourrait être d'accord avec toute cette structure pour autant que les
handicapés y soient représentés majoritairement et pour
autant que l'office confiera à des organismes régionaux le mandat
d'exécution des programmes.
Nous croyons également que l'office peut jouer un rôle
positif conjointement avec les associations et les organismes. Nous sommes
hautement inquiets de constater que la future loi ne garantit pas l'autonomie
complète des associations comme la nôtre vis-à-vis de
l'office.
Nous demandons que tous les contrôles prévus face aux
associations ne servent qu'à déterminer leur
légitimité. Une association comme la nôtre devrait pouvoir
commenter l'efficacité et la qualité des décisions de
l'office sans crainte de répercussions de ce même office. Cette
liberté d'action démocratique est mise en danger dans le projet
de loi et l'office se retrouvera très certainement un jour ou l'autre
juge et partie. Cette situation possible, à notre avis, devrait
être empêchée.
Au tout début, je vous ai mentionné que la personne
déficiente mentale l'est toute sa vie, soit de sa naissance à sa
mort. Par contre, j'aimerais bien vous dire que c'est une personne comme vous
et moi, en constant développement, qui ne demande pas mieux que de vivre
à son rythme, parmi nous, de maximiser son potentiel. C'est une personne
qui aura toujours besoin d'un peu plus de support et d'encadrement.
Malheureusement, le projet de loi 9 ne traite pas des enfants au
chapitre des programmes de l'intégration sociale. Il s'agit là,
à notre avis, d'une erreur très grave. Nous sommes convaincus que
l'intégration sociale prend ses racines dans les premières
années de la vie. La période de 0 à 5 ans d'une personne
déficiente requiert des interventions qui auront des conséquences
toute sa vie durant. Les services de counselling, de dépannage, les
services à domicile, les programmes de stimulation précoce, les
programmes préscolaires sont des moyens sûrs de maximiser le
potentiel de ces personnes. Le droit, dans notre société, en
réalité, est de maximiser le potentiel.
Le projet de loi 9 parle de logements, de plans de services, d'ateliers
protégés, de contrats d'intégration professionnelle,
d'emplois dans l'entreprise privée; mais il oublie complètement
que l'intégration sociale doit débuter bien avant cela,
dès la naissance.
Les droits des personnes déficientes, M. le Président,
sont brimés dès la naissance. Il faut absolument que cela cesse.
Le projet de loi 9 ne s'adresse malheureusement pas à eux; il faut que
le projet de loi soit amendé et, encore une fois, je me
réfère à l'ouverture d'esprit du ministre, il faut que le
projet de loi soit amendé de façon que l'exercice des droits du
nouveau-né, de l'enfant et de l'adolescent, soit tout aussi garanti que
celui de l'adulte.
Dans notre mémoire, nous soulevons aussi plusieurs droits que
nous considérons négligés lorsqu'il s'agit de personnes
déficientes mentales: le droit à la vie, le droit à
l'éducation, le droit d'avoir des parents, le droit d'accès aux
loisirs, même les terrains de jeux des municipalités. Nous sommes
aussi très préoccupés du fait que l'exercice des droits
individuels j'ai bien dit des droits individuels des personnes
vivant en institution, dépend beaucoup trop de la volonté des
dirigeants de cette institution.
En guise de conclusion, M. le Président, ce projet de loi ne
tient pas compte que la personne déficiente mentale et nous
sommes heureux que M. le ministre l'ait mentionné aussi tantôt
dans ses remarques doit être aidée, conseillée et
représentée par une tierce personne. Il nous était
il nous est encore primordial et même vital que la personne
déficiente mentale puisse se faire représenter par un mandataire
lorsque des droits ou des engagements personnels sont en cause.
En terminant, je vous souligne encore une fois que l'expertise de vos
interlocuteurs ne s'affiche pas sur les murs. Nos connaissances ont
été apprises à l'école de la vie. L'horaire de nos
cours est réparti sur une période de 24 heures, sept jours par
semaine. Je dois vous dire que M. Cormier, qui est à ma droite, est
inscrit à ces cours depuis 22 ans. Je les suis depuis 13 ans et
Mme Lanteigne depuis trois ans. En tout, cela nous fait à peu
près 38 ans de scolarité dans le domaine de la déficience
mentale.
Nous remercions, M. le Président, cette commission parlementaire
de nous avoir entendus. Nous aurions pu toucher beaucoup plus de sujets, mais
nous sommes venus ici pour échanger et nous serons heureux de
répondre à toutes les questions que vous voudrez bien nous
poser.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la
présentation de votre mémoire, d'avoir communiqué tant
d'idées en si peu de mots. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier M. le
Président de l'Association du Québec pour les déficients
mentaux et ses collaborateurs. J'imagine que ceux qui connaissent un peu ma
carrière antérieure ont pu déceler un certain
préjugé, un certain biais dans le choix du premier organisme
invité à présenter le mémoire d'ouverture de cette
commission. Je vous avoue que je n'ai pas le goût de m'en cacher. Le
préjugé favorable vis-à-vis des déficients mentaux
qui a été, en somme, à l'origine de mon travail pendant
vingt ans avec des déficients mentaux enfants et adultes, s'est
manifesté en partie par ce choix. Je dois aussi souligner la
contribution que l'Association du Québec pour les déficients
mentaux a apportée. J'ai été associé à
l'Association dès 1957. J'ai participé de façon modeste
aux efforts de l'Association pour mettre sur pied des classes spéciales
et même des écoles spéciales à une époque
où le gouvernement ne prenait pas ses responsabilités dans la
matière. Dans la mise sur pied de nombreux ateliers
protégés, l'Association, là aussi, a joué un
rôle de pionnier au Québec. Je veux profiter de cette circonstance
officielle pour lui rendre hommage.
Plusieurs propositions sont à retenir dans votre mémoire.
Je dois vous féliciter de la qualité de votre mémoire. Ma
réaction première après la lecture complète du
mémoire, c'était de dire amen à pratiquement toutes vos
recommandations, toutes vos suggestions. J'en relève quelques-unes, dont
celle du représentant légal. Cela me paraît évident
qu'il faut inclure une telle clause. Vous proposez aussi d'accorder un chapitre
particulier à l'intégration sociale, en somme, de distinguer
intégration sociale d'une part et intégration professionnelle
d'autre part. Cela me paraît une suggestion utile qu'on va regarder
attentivement. J'ai bien aimé aussi votre recommandation d'accorder au
personnel des centres de main-d'oeuvre Québec une formation. C'est du
personnel qui est disponible, en principe, mais, trop souvent, qu'il s'agisse
de handicapés physiques ou de handicapés mentaux, ce personnel de
nos centres de main-d'oeuvre Québec n'a pas eu la chance
d'acquérir les connaissances voulues pour pouvoir aider et guider les
handicapés. J'aime bien aussi votre recommandation que, tous les deux
ans, la Commission des droits de la personne fasse rapport à
l'Assemblée nationale sur l'état de la situation en regard des
droits des personnes handicapées. Je pense que c'est une suggestion
assez originale et qui me paraît fort importante.
Les représentants des personnes handicapées... plus
nombreux cas... au sein de la commission, d'autres mémoires nous en ont
parlé et nous allons étudier cette possibilité de
façon fort sympathique.
L'autonomie des organismes. Dans mes remarques préliminaires,
à l'ouverture de la commission, je crois avoir répondu à
cette crainte. Je pense que le texte n'était pas assez clair et que
votre crainte était justifiée. Nous allons apporter des
précisions de façon à ce qu'il n'y ait aucune menace
d'autonomie pour les organismes tels que le vôtre. Tout ce qui nous
importe, c'est de protéger les handicapés et le public contre
l'exploitation de certaines campagnes de souscriptions en particulier.
Finalement, M. le Président, deux dernières remarques,
celles qui touchent en somme des secteurs qui me tiennent le plus à
coeur. C'est pour cela que je veux, encore une fois, comme je l'ai fait
tantôt et, s'il faut le faire, dans le texte, de façon plus
explicite, on le fera, mais il est bien évident que, dans notre esprit,
quand on parle d'une personne handicapée dans ce projet de loi, personne
handicapée veut dire: enfant, adolescent, adulte et même personne
âgée. Il est au courant que, dans des textes de loi, on n'ait pas
à spécifier s'il s'agit d'un service pour enfant ou pour adulte;
quand on dit "personne", ça couvre tous les âges, mais, encore une
fois, si les organismes se sentent plus à l'aise avec une
explici-tation, on pourra en faire une.
Enfin, les personnes handicapées dans les institutions. Là
aussi, quand on parle de personnes handicapées qui ont besoin de
services ou qui ont besoin de plan de services individuels, nous incluons aussi
les personnes en institutions. Le problème et c'est ma
dernière remarque quand on veut devenir trop précis, trop
explicite, on risque d'oublier des groupes, on risque de marginaliser ou on
risque de mettre une étiquette sur certains groupes. Alors il est bien
évident en tout cas pour moi qui ai travaillé assez
longtemps dans des institutions que les personnes handicapées,
enfants ou adultes, en institution, devront faire l'objet tout autant
que ceux qui sont en dehors des institutions de ces services nouveaux.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires
avant...
M. Perreault: L'un des commentaires que j'aimerais
peut-être faire c'est de remercier M. le ministre d'avoir répondu
à plusieurs de nos craintes et, pour en reprendre quelques-uns, nous
demeurons convaincus, M. le ministre, que, même si dans votre esprit,
dans la loi, sont inclus quand on parle de personnes les adultes,
les enfants, les adolescents, les nouveau-
nés, que toutes ces personnes sont incluses là-dedans. En
théorie je suis d'accord avec vous, une personne, c'est une personne,
mais, de façon pratique, ce n'est pas toujours le cas parce que
lorsqu'on veut, par exemple, demander... Si je parle, par exemple, strictement
au niveau du nouveau-né; le nouveau-né, à mon avis, a des
droits, a le droit d'avoir des parents. Une des questions qu'on pourrait
peut-être se poser, par exemple, concernerait les conseils que
reçoivent certains parents qui deviennent parents d'un enfant
déficient. Du jour au lendemain, un couple québécois n'a
pas d'enfant ou a deux enfants; tout à coup la mère est enceinte,
elle va à l'hôpital, elle a chéri cet enfant pendant neuf
mois et elle s'aperçoit, on lui annonce qu'elle a un enfant
déficient. Souvent, les premiers conseils que cette dame va recevoir
premièrement elle est absolument bouleversée; pour ceux
qui ont eu des enfants déficients, ils savent quel boulversement on peut
ressentir la première personne qui lui donne des conseils,
très souvent va marquer toutes les décisions qui seront prises
par la suite. Malheureusement, dans le moment, dans les années
passées et encore aujourd'hui, des conseils non éclairés
sont donnés à des parents, par des personnes de bonne foi, mais
qui sont mal éclairées sur la question. Nous avons vécu et
nous vivons encore aujourd'hui dans des hôpitaux, vous avez en
pédiatrie, dans des pouponnières, des enfants déficients
qui ne devraient pas être là, et qui, à mon avis, ont des
droits. Ces droits sont brimés dans le moment.
Je me demande, M. le Président, de quel article je pourrais me
servir dans le projet de loi 9 pour être pratique, pour dire: Cet
enfant-là, il faut qu'on change quelque chose, ce n'est pas correct.
Tout le monde reconnaît que c'est incorrect. Vous allez aux CSS, aux
différents endroits où vous pouvez vous accrocher, tout le monde
reconnaît une situation malheureuse et personne ne peut rien y faire.
Il faudrait absolument que l'on reconnaisse, dans un projet de loi qui
garantit des droits, que des gens que l'on pourrait appeler professionnels, on
leur reconnaisse une certaine expertise, une notoriété. Leurs
services, en réalité, sont des conseils; il faudrait que ces
conseils soient éclairés. Au niveau de la déficience, trop
souvent ces conseils sont des opinions, des conseils mal
éclairés. Combien de parents se font dire, dès la
naissance: Pauvre madame, vous avez un enfant déficient, vous ne pourrez
plus sortir, vous êtes prise 24 heures par jour pour toute votre vie.
Quel niveau de développement va-t-il atteindre? Dieu le sait! Va-t-il
pouvoir manger tout seul? Que voulez-vous? Cet enfant, dès qu'il
naît, a des droits, et les exemples sont nombreux je pense que
madame Lanteigne pourrait vous en parler où, si les conseils
avaient été suivis dès le début, tout ce qu'on
aurait, ce serait un autre enfant en institution, qui coûte les yeux de
la tête à l'Etat, dont on a brimé les droits
oublions les parents quelques secondes de maximiser un potentiel qu'il
avait.
Mme Lanteigne (Louise): Si je peux ajouter quelque chose, je
pense que les médecins devraient s'informer davantage sur la
déficience mentale et cesser de nous donner des informations
erronées sur le développement d'un enfant déficient.
Où le médecin prend-il ses références? C'est sur
les enfants en institution. Alors, dans le cas d'un enfant handicapé
comme le mien, un mongolien, on dit: II ne marchera pas, il ne fera pas ci, ne
fera pas cela avant six ou sept ans. Pour les enfants qui sont gardés
à la maison, cela s'avère faux. Un enfant qui est gardé
à la maison, dans un milieu normal, qui a l'amour et l'affection dont il
a besoin pour s'épanouir, n'est pas comparable à un enfant en
institution. Je pense qu'au niveau des médecins, il y aurait un gros
travail à faire, un travail de sensibilisation dans ce domaine.
M. Lazure: M. le Président, juste un commentaire rapide.
J'ai fait allusion, dans mes remarques d'ouverture, que ce pourrait être
un rôle de l'office, dans le cadre d'une action préventive
parfois, de réunir des professionnels ou des non-professionnels, peu
importe, qu'ils soient médecins, infirmières ou autres, et de
favoriser une meilleure connaissance des divers types de handicaps, comme vous
dites.
Quant à la question que le président pose de façon
bien claire, quel article dans la loi peut permettre aux parents d'un
nouveau-né, qui ne sont pas satisfaits des conseils ou des
recommandations d'un hôpital ou d'un médecin, de tenter une
intervention, je pense qu'il faut là aussi, retourner aux enfants, non
pas de façon explicite mais de façon générale,
à l'article 30 du projet de loi, à la page 9, qui dit: L'office
prépare, à l'intention d'un bénéficiaire
quand on dit un bénéficiaire, c'est son représentant, son
tuteur, les parents dans le cas présent un plan de services en
vue de son intégration professionnelle et sociale. Si on
interprète l'intégration sociale du nouveau-né, par
exemple, dans cette espèce de dilemme sur l'enfant mongolien, est-ce
qu'on doit suivre le conseil de plusieurs pédiatres qui disent: Madame,
placez votre enfant en institution, ou si, comme je le pense et vous le pensez,
madame Lanteigne, il ne faut pas plutôt encourager les parents à
garder l'enfant mongolien? Une fois la décision prise par les parents de
garder l'enfant mongolien à la maison, au foyer, l'office serait
à la disposition de parents pour élaborer un plan de service. Ce
qu'on disait tantôt du préscolaire, de la maternelle ou de
l'élémentaire et du secondaire, c'est vrai aussi de la
période avant la maternelle.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je dois d'abord remercier
M. Perreault et ses collègues pour leur présentation souvent
émouvante. Ils ont dit assez clairement et je suis bien
placé pour le savoir que c'est un problème à vie,
c'est une chose qui ne se guérit pas.
II y a quand même une question de degré, n'est-ce pas? Le
degré de déficience peut être tel qu'il n'y ait pas de
solution possible quant à l'intégration de cette personne dans la
société en général, mais il y a des degrés
moindres qui permettent une telle intégration.
On n'a pas besoin d'une loi additionnelle pour créer des
services. Nous avons déjà les pouvoirs, les mécanismes
pour les créer. Il ne s'agit donc pas ici d'un projet de loi pour
assurer des services mais plutôt pour définir des droits et pour
assurer l'exercice de ces droits. A cet égard, vous avez apporté
une contribution très importante. Vous avez éclairé la
lanterne de celui qui vous parle et de tous ceux, j'en suis convaincu, qui sont
autour de la table. Mais ce sont quand même les deux côtés
de la médaille. Définir des droits; cette définition n'en
assure pas l'exercice; il faut que l'exercice soit rendu possible par
l'existence de services, par la formation de personnel qui donne à ce
personnel professionnel et autre une sensibilité dont l'absence vous
fait mal, vous l'avez dit carrément tout à l'heure à plus
d'une reprise.
Vous avez, M. Perreault, invoqué le droit de la personne atteinte
de déficience mentale d'avoir des parents. Vous avez aussi mis de
l'avant cette notion de responsabilité légale qu'il faudrait
attribuer à une personne au nom de la personne déficiente. C'est
toujours avec peine que l'on parle de telles choses, mais un des
phénomènes de la vie et, davantage depuis la découverte
des antibiotiques et l'amélioration des soins à plusieurs
égards, c'est que le moment arrive nous sommes tous mortels
où la personne déficiente n'a plus de parents. J'aimerais
que vous ajoutiez des considérations sur la façon dont cette
responsabilité légale devrait s'exercer. Je présume qu'au
départ c'est aux parents que vous voudriez voir attribuer cette
responsabilité légale, de toute évidence. Mais il y a
cette question de degré. Il y a sûrement un degré de
déficience mentale qui est quand même minime et qui pourrait
permettre à cette personne l'exercice de ses droits pour
elle-même. Deuxièmement, il y a le problème du
décès des parents et de la responsabilité qui doit
continuer après cela. Comment envisagez-vous ces deux
considérations?
M. Perreault: Je pense que vous touchez là, M. Goldbloom,
l'essence même de notre raison d'être en ce sens que, lorsque nous
disons que les enfants ont été oubliés dans le projet de
loi, nous parlons de la naissance, nous parlons de l'enfance. En
réalité, une des choses que nous disons, c'est: Qu'arrivera-t-il
le jour où cet enfant, devenu adulte, sera seul pour voir à ses
propres besoins? C'est là, si vous voulez, que nous rejoignons ce que
nous appelons la normalisation. La normalisation, un terme tellement
charrié par toutes sortes de gens que dans notre mémoire nous
avons voulu en donner une définition très simple. Elle n'est pas
scientifique, mais, pour nous, la normalisation, c'est de permettre à
une personne, quelle qu'elle soit, de vivre dans son milieu par ses propres
moyens, de lui permettre de maximiser son potentiel. Je crois bien que,
lorsqu'on parle de parents de déficients, la situation serait beaucoup
moins grave si nous savions que les parents vont survivre à la personne
déficiente.
Les parents qui ont des enfants déficients ne sont pas des
dénaturés. Tout enfant que nous avons, c'est à nous. Ce
qu'on essaie de faire, dès sa naissance, c'est de lui permettre
d'atteindre le maximum de son potentiel, de façon que, le jour où
ses parents ne seront plus là, il puisse lui-même, selon son
degré, à l'intérieur d'un encadrement, se promener encore
dans la vie, demeurer dans une chambre si nécessaire, demeurer dans un
appartement s'il en est capable, être capable de travailler dans un
atelier protégé s'il ne peut pas travailler dans une industrie,
travailler dans une industrie s'il en est capable.
Le message qu'on essaie de transmettre ici, c'est qu'on ne fait pas cela
lorsqu'il est devenu adulte. On ne commence pas à corriger un arbre qui
pousse tout croche quand il a un diamètre d'un pied, au tronc. Il est
trop tard. Le travail de la déficience, et dans tous les succès
qui ont été connus, on commence cela dès la naissance.
Toutes les personnes naissent avec un potentiel. Ce que nous voudrions faire
reconnaître comme droits, c'est que ce potentiel devrait être
maximisé.
Je suis bien d'accord avec M. le ministre qu'on pourrait demander
à l'office un plan de services. Prenez une madame qui a 23 ans, dont le
mari travaille dans une entreprise quelconque et dont c'est le premier enfant,
peut-être le deuxième. Ces gens ont un enfant mongol.
Premièrement, ils ne savent pas que le bill 9 existe. Ils ne le sauront
pas non plus. Ils ne savent pas qu'il y a un tel organisme qui peut leur
développer un plan social, un plan de services. Ils ne savent même
pas ce que c'est, un plan de services.
C'est le médecin qui va être à côté
d'eux, les parents, les amis, les oncles, les tantes, qui vont dire: Pauvre
petit, c'est donc malheureux. Dès lors, l'enfant prend un rôle en
arrière des autres. Il n'est pas devenu un actif dans cette famille, il
est devenu un fardeau. Ce que nous disons, c'est que, s'il est
considéré comme un fardeau, lorsque les parents vont être
partis, il va être un fardeau. Il ne pourra pas être tout seul. Il
ne pourra pas travailler à l'atelier protégé. Il ne pourra
pas prendre l'autobus. Il ne pourra pas, avec son degré...
Par contre, ce que nous disons, c'est que si, dès le
début, on lui reconnaît un potentiel, même pendant que ses
parents sont là, d'autant plus quand ils ne seront plus là, il se
débrouillera tout seul. Nous connaissons des enfants et des adultes
déficients. Vous avez parlé de degré. Nous avons
au-delà de 100 000 personnes qui, apparemment, de façon
scientifique, sont classifiées comme des déficients.
Je vais vous dire franchement qu'on n'en a pas 100 000 dans les
institutions. Il y en a un cer-
tain nombre qui se débrouillent tout seuls. Ce que nous
voudrions, c'est maximiser ce nombre. Pour maximiser ce nombre,
malheureusement, cela prend des services. Et les services, lorsque les parents
les demandent, soit en institution ou soit chez eux, que voulez-vous, ils ne
sont pas toujours là, ils ne sont pas disponibles et, finalement, la
seule façon de faire reconnaître cette chose-là... Et un
service, cela ne coûte pas toujours cher. Cela ne coûte pas
toujours de l'argent. C'est une possibilité de faire quelque chose.
C'est ce que nous voudrions faire reconnaître.
Maintenant, avec toutes les meilleures intentions du monde, M. le
ministre, j'ai relevé une brochure qui a été
distribuée il y a quinze jours, où on parle du gouvernement
à tous les Québécois. On dit, dans un paragraphe, à
la page trois: Les handicapés n'ont pas été oubliés
par le nouveau gouvernement. Un projet de loi déposé le trois
juin veut assurer l'accès aux handicapés à des logis
adaptés à leurs besoins.
Quand on parle d'adaptation, de logis, on parle d'adaptation physique.
Mais avez-vous déjà pensé qu'à un déficient
mental, cela ne prend pas une adaptation physique. C'est une adaptation de
programme. Il me semble que cela devrait aussi être reconnu comme droit,
lorsqu'on parle d'un déficient mental.
On parle de moyens de transport. Votre droit, c'est d'en avoir quand il
y en a assez. Mais, quand il n'y en a pas assez, vous établissez des
priorités. Et je dois vous dire que, pour les déficients, c'est
la priorité Z, parce que, qu'est-ce que vous voulez, c'est eux autres.
On a des exemples. Si la commission veut en avoir, on peut lui en donner.
On parle des édifices publics. On parle d'accès aux
loisirs. Encore là, je ne sais pas quel accès aux loisirs on
pourrait avoir là-dedans. Si je voulais envoyer ma petite fille à
un terrain de jeux je demeure dans la ville de Sillery comment
pourrais-je obliger les responsables à recevoir ma fille? On a
essayé. Il n'y a pas de moniteurs préparés, les programmes
n'en tiennent pas compte, cela coûterait trop cher. On a des lettres
venant de certains maires qui disent: Que voulez-vous, c'est un groupe
marginal, et cela relève du ministère des Affaires sociales.
Le ministère des Affaires sociales nous dit que cela
dépend du Haut-Commissariat et le Haut-Commissariat nous dit: Ce n'est
pas dans nos programmes. C'est cela la situation qu'on vit. C'est cela la
situation que le parent vit. On lui demande, au nom de la normalisation, de
garder son enfant chez lui. Il le garde. Il fait son effort de citoyen, de
parent. Après cela, tout le monde l'enfarge. Ce qu'on dit: Aidons-le.
Reconnaissons qu'il a droit à de l'aide, non pas de la sympathie et des
tapes dans le dos. On ne fait rien avec cela. Je relis encore le
communiqué, M. le Président.
On dit ceci. C'est textuel. "Pour les 175 000 Québécois
adultes même là-dedans, on parle seulement des adultes
handicapés, cette nou- velle loi devient un instrument de
promotion. Elle leur accorde des droits légitimes qu'on leur avait
jusqu'alors refusés." On ne parle pas des enfants là-dedans, on
parle des adultes. Je vous dis que vous aurez beaucoup moins de
problèmes au niveau de la déficience mentale avec des adultes, si
vous vous en occupez pendant qu'ils sont des enfants. Je pense que, dans
n'importe quoi, on sait que, quand on prend une chose dès le
début, elle est beaucoup plus facile au niveau de ces situations
lorsqu'elle est rendue à un degré plus élevé. C'est
peut-être une réponse globale, confuse, M. le Président,
à la question de M. Goldbloom, mais c'est tout cela.
J'ai un exemple vivant ici. M. Cormier pourrait vous parler.
M. Cormier (Hector): Je ne voudrais pas prendre trop de temps de
la commission. Je regrette d'avoir à me servir d'un exemple personnel,
mais c'est l'exemple de centaines d'autres parents qui sont dans la même
situation.
J'ai un fils qui a 22 ans, handicapé mentalement. A cause d'un
manque de services, dès son bas âge, on n'a pas établi
l'étendue de sa déficience, avec le résultat qu'il va
être déficient probablement pour le reste de ses jours,
étant donné qu'on a simplement découvert, à
l'âge de 18 ans, qu'il était tellement sourd qu'il fallait deux
appareils. Aujourd'hui, il a beaucoup de difficulté à parler. On
aurait dû savoir cela à l'âge de 7 ans. Avec des appareils,
aujourd'hui, il pourrait peut-être parler normalement. Aujourd'hui,
à 22 ans, il n'est éligible pour aucun des programmes. Donc, nous
sommes obligés, personnellement, d'avoir les services d'un orthophoniste
à $20 l'heure pour essayer de lui montrer à parler, à 22
ans, alors qu'il aurait dû l'apprendre à l'âge de 7 ans.
C'est pour appuyer le programme qui vient de nous être expliqué,
que le dépistage et la correction, dès le bas âge, c'est la
chose la plus importante et la plus significative dans notre
société.
A titre d'ancien administrateur, les coûts m'intéressent.
Si on investissait, dès le bas âge, pour avoir les
spécialistes nécessaires dans les écoles, parce qu'on a
maintenant des écoles spécialisées, pour avoir des
orthophonistes, pour avoir ce qui est nécessaire pour ces jeunes, on
épargnerait des centaines et des millions de dollars en évitant
que ces déficients deviennent à la charge de la
société pour le reste de leurs jours.
Aujourd'hui c'est le programme dont M. Goldbloom nous a
parlé tout à l'heure qu'est-ce qui arrive? Personnellement
c'est le cas de bien d'autres, comme je vous le disais j'ai
déjà pris ma première retraite il y a cinq ans. J'attends
de prendre mon autre retraite définitive. Avant de la prendre, je suis
hanté par l'idée de savoir ce qui arrivera à mon fils.
A-t-on présentement, dans notre société, les ressources
nécessaires lorsque les parents disparaissent et que les enfants qui ont
22, 23 et 25 ans, même s'ils travaillent dans des ateliers
protégés, ils ont
encore besoin d'un milieu, d'un prolongement de la famille... Les
familles d'accueil sont de plus en plus rares. On a besoin d'une ressource pour
les déficients de 20 ans et plus qui n'ont plus de parents et qui ne
sont pas suffisamment autonomes pour être complètement
intégrés à la société. C'est pourquoi nous
appuyons à 100% le programme qui vient de nous être
présenté.
M. Perreault: Pour amplifier, seulement un mot, pour scinder
l'idée. Si on veut oublier le service lui-même, est-ce qu'il n'y
aurait pas un droit acquis de vivre dans une société? Si moi, un
parent, ai gardé mon enfant qui est devenu un adulte déficient
chez moi et que je lui ai permis de maximiser son potentiel, et que celui-ci
ayant atteint l'âge de 35 ans, de 40 ans, je décède, est-ce
qu'il n'aurait pas un droit, cet adulte, de continuer à vivre dans la
société? Pourquoi l'envoyer dans une grande institution? On va
peut-être entendre: On ne fait plus cela, cela n'existe plus. Cela arrive
encore. Cela n'est pas arrivé seulement il y a trois mois, il y a deux
ans, cela arrive maintenant. Je peux vous donner l'exemple concret d'un
individu, ici, dans la région de Québec, qui a 69 ans, dont
l'épouse a à peu près le même âge, et
malheureusement, cette dernière est devenue malade. Ils ont un enfant
déficient de 38 ans. Il a vécu chez lui toute sa vie. Il nous a
approché, nous, en tant qu'association pour nous demander ce qu'on
pouvait faire pour l'aider. On a fait beaucoup de démarches pour tenter
de l'aider. L'adulte aujourd'hui est à Robert-Giffard. Pensez-vous qu'il
y a des droits qui sont brimés là-dedans? Je crois qu'il y a au
moins des droits humains de brimés.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez quelques mots
à ajouter?
M. Goldbloom: J'aimerais ajouter deux commentaires, M. le
Président, brièvement. Nous avons parlé de degré,
nous avons également parlé de la difficulté à
laquelle on peut faire face au départ quand le bébé
naît, quand l'enfant est très jeune, d'être certain d'un
diagnostic. Effectivement, et dans vos commentaires, vous l'avez
souligné, il y a des cas où, de bonne foi, on se trompe, on
attribue à une déficience mentale des handicaps qui sont en effet
attribuables à une paralysie cérébrale, à une
surdité, à des troubles de coordination, à une
éventuelle dyslexie.
Il y a donc des enfants qui ne reçoivent pas de soins, non pas
parce qu'ils sont déficients mentaux, mais justement parce qu'ils ne le
sont pas, mais ils sont pris pour des déficients mentaux.
Tout cela, pour dire que l'on doit avoir une approche évolutive
au problème; mais je suis certain que vous reconnaîtrez avec moi
que l'approche des parents peut être évolutive aussi et que les
objectifs visés par les parents à un moment donné peuvent
ne plus être ce qu'ils étaient auparavant, et notamment
c'est de nouveau avec peine que je touche un aspect bien délicat
quand c'est toute la constellation familiale qui est en jeu et quand les autres
enfants normaux sont à considérer. C'est une question d'effort et
d'investissement que l'on doit partager entre les divers enfants. Ce sont
souvent des décisions angoissantes auxquelles font face des
familles.
Finalement, un commentaire qui s'adresse davantage au ministre. Il n'en
a pas besoin. M. Perreault a souligné le fait que ce sont des
problèmes qui ne se guérissent pas, mais le ministre sait comme
moi qu'aujourd'hui, ce sont, dans certains cas le pourcentage grandit
avec le progrès de la science des problèmes qui peuvent
être prévenus, qui peuvent se prévenir. C'est par la
recherche que nous devons appuyer, que nous pouvons arriver à
prévenir des situations de cette nature. Je pense qu'il est essentiel,
quand on parle de déficience mentale, et quand on dit que c'est une
chose qui ne pardonne pas, qui est là pour la vie, on doit,
effectivement, mettre l'accent sur la prévention dans toute la mesure du
possible.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Lotbinière.
M. Biron: Merci, M. le Président. Je veux remercier M.
Perreault, Mme Lanteigne, M. Pelletier et M. Cormier de leur mémoire. Je
vous félicite surtout de la qualité de votre mémoire.
Personnellement, cela m'a fait réfléchir grandement sur les
problèmes des déficients mentaux. Vous avez touché
quelques points bien précis et bien particuliers. Il y a peut-être
un des problèmes du projet de loi, justement, c'est le manque de
distinction claire et précise entre les déficiences mentales et
les déficiences physiques.
Or, je voudrais vous questionner un petit peu là-dessus. Vous
nous avez dit aussi, au début, dans votre mémoire, que les
handicaps mentaux ne se guérissent pas. Les déficiences mentales,
vous l'avez dit, ça commence avec la naissance et ça se termine
avec la mort. Mais un peu plus tard tout à l'heure, en réponse
à une question précise, vous nous avez dit: Pourtant, toutes les
personnes naissent avec un potentiel. C'est là ma première
question. Une déficience physique, c'est facile à déceler.
Mais quoi faire pour déceler, le plus tôt possible, une
déficience mentale? Parce que vous nous avez dit: II y a un potentiel et
on peut peut-être l'améliorer grandement si on commence tôt.
Alors, qu'est-ce qu'on peut faire de plus, maintenant, ou peut-être
même avec ce projet de loi, pour améliorer ce dépistage des
déficiences mentales?
M. Pelletier: D'une part, il y a plusieurs personnes
déficientes mentales qui, lorsqu'elles naissent, ça paraît
quand même; si on parle des enfants mongoliens qui ont ce qu'on appelle
le syndrome de Down, ça se voit quand même assez facilement. Il y
a plusieurs enfants... La grande majorité des personnes
déficientes mentales... Lorsqu'on disait tout à l'heure, juste
une
petite parenthèse, que ça ne se guérit pas, c'est
tout simplement pour dire qu'une des conceptions qui existent dans notre
société, c'est que la déficience mentale, c'est une
maladie. Ce n'est pas une maladie, la déficience mentale, c'est un
état; c'est une façon d'être, si vous voulez, et c'est tout
simplement de dire que certaines personnes sont peut-être moins
intelligentes ou ont peut-être moins de potentiel intellectuel que la
moyenne des gens dans notre société.
Ceci dit, vous avez beaucoup d'enfants... La plupart des
déficients mentaux ne le sont que légèrement. Plus une
personne, si vous voulez, ou moins une personne est déficiente, plus
ça va prendre un peu de temps avant de le découvrir, si vous
voulez. Cela peut prendre un an ou deux ans avant que les parents se posent des
questions. On connaît des cas de parents qui se sont posé des
questions comme ça pendant quelques années et ce n'est que
lorsque l'enfant est arrivé à l'école, finalement, qu'ils
ont su qu'il y avait un problème, que l'enfant était
peut-être déficient mental.
On pense peut-être à une meilleure accessibilité en
terme de clinique et d'évaluation psychologique. La déficience
mentale on revient toujours là-dessus n'étant pas
une maladie, on calcule que les médecins ont peut-être, parfois,
une trop grande place, si vous voulez, dans tout ce qu'on peut appeler le
dépistage de la déficience mentale. Il est le premier,
finalement, le médecin, à se poser des questions parfois. Si les
questions doivent être posées avant que l'enfant arrive à
l'école, il faudrait peut-être que le médecin
réfère la famille et l'enfant à d'autres professionnels,
des psychologues, par exemple, psychiatres ou travailleurs sociaux ou, enfin,
d'autres genres de spécialistes qui seraient en mesure, beaucoup plus
que le médecin de famille, ou beaucoup plus, parfois, que le
pédiatre, de déceler, d'une part, quels sont les handicaps des
enfants, mais aussi quel est leur potentiel. Parce que le problème,
c'est qu'une fois qu'on dit que l'enfant est déficient, on oublie que,
tout d'un coup, c'est un enfant qui peut marcher, qui peut apprendre beaucoup
de choses. Même dans nos services dit spécialisés, dans les
services qui quand même coûtent très cher à la
province, il y a souvent des attitudes très négatives
vis-à-vis des personnes déficientes mentales. On tient pour
acquis qu'elles ne peuvent pas apprendre... Finalement, on tient pour acquis
que... Est-ce qu'on parle, par exemple, du droit au mariage des personnes
déficientes mentales? On n'en parle pas, parce que, en fait, les gens
disent: Non, elles ne devraient pas se marier. Pourtant on connaît des
personnes qui sont classifiées déficientes mentales qui sont
mariées et qui, avec un certain support, peuvent réussir à
se débrouiller assez bien. Maison oublie ça et on ne le dit pas
lorsqu'on découvre que l'enfant est déficient. C'est souvent
ça qui est son problème. Le problème de la personne
déficiente, ce n'est pas qu'elle est déficiente, c'est ce que
vous et moi, nous en pensons, de cette personne et de cette déficience.
C'est beaucoup plus ça, son problème.
M. Biron: Je vous remercie. Je voudrais poser une question
à Mme Lanteigne. M. Perreault nous a parlé du droit à la
vie, du droit à l'éducation, du droit aux loisirs, mais surtout,
il a insisté énormément sur le droit d'avoir des parents.
Or, qu'est-ce qu'on peut faire davantage et est-ce que le projet de loi peut
faire davantage pour assurer justement aux déficients mentaux ce droit
d'avoir des parents?
Mme Lanteigne: Premièrement, l'approche du médecin,
si le médecin s'adressait aux parents d'une autre façon qu'il le
fait maintenant et disait: D'accord, ton enfant est mongolien par
exemple, parce que c'est celui-là qui est diagnostiqué dès
la naissance mais c'est un enfant comme les autres, qui a besoin d'amour
et d'affection pour s'épanouir. Alors, à ce moment-là,
ça incite davantage les parents à garder l'enfant, parce que ce
qui arrive, c'est qu'on nous dit: C'est que ton enfant ne marchera pas, ne
parlera pas, ne fera pas ci, ne fera pas ça avant six, sept ans.
D'accord. Cela, c'est d'informer les médecins sur la déficience
mentale. Ensuite, peut-être aussi, une aide aux parents, comme par des
programmes de stimulation, parce que moi, dans mon cas et dans le cas d'autres
parents, ce n'est pas notre premier enfant. On avait quand même une
expérience avec des enfants, mais le fait qu'on avait tellement mis cela
gros, qu'il était mongolien, on ne savait plus quoi faire avec lui.
Alors, si on veut un programme de stimulation précoce, qui
commence dès la naissance... On nous donne des trucs, comment
élever l'enfant, comment s'en occuper, comment le stimuler et je dois
avouer qu'à trois ans, l'enfant fonctionne très bien et il n'est
pas une exception.
Tous les petits mongoliens qui ont subi des programmes de stimulation,
cela les a débloqués au maximum. Je pense que tout cela...
Dans certains cas, il pourrait peut-être arriver que les parents
ne peuvent pas s'adapter à cette situation. Ils ont beaucoup de
difficulté à accepter que leur enfant soit handicapé.
Alors, je pense qu'il devrait y avoir des parents adoptifs à ce moment
parce que vous savez comme moi ce qui se passe dans les centres d'accueil ou
dans les institutions. L'enfant n'a aucune stimulation. Il est dans un milieu
où il reste dans son lit et où on manque de personnel. Je pense
que des parents ou des parents adoptifs sont nécessaires pour le
développement de l'enfant.
M. Pelletier: ... peut-être ajouter un petit point. Dans
certains états des Etats-Unis, en Ontario, par exemple c'est pas
mal absent au Québec les services sociaux mettent l'accent sur
l'adoption des enfants déficients mentaux. Au Québec, cela se
voit très peu et il y avait peut-être tout un programme que
l'office pourrait faire à un certain moment pour commencer à
ex-
plorer ce domaine de l'adoption des enfants handicapés ou des
déficients mentaux.
M. Biron: Que fait-on lorsque les enfants perdent leurs parents,
soit à l'âge de 10 ans ou de 25 ans? Que fait-on avec ces enfants?
On les place en institution?
M. Pelletier: C'est souvent ce qui arrive.
M. Biron: Ma dernière question là-dessus est la
suivante: M. Perreault nous a parlé aussi des droits des personnes
vivant en institution. Cela m'amène à votre réponse et
à ce que j'ai dit un peu plus tôt. Elles sont subordonnées
aux décisions des dirigeants de ces institutions. Croyez-vous que le
projet de loi 9 peut protéger les droits de ces personnes vivant en
institution? Sinon, comment peut-on faire pour apporter les corrections
nécessaires pour protéger les droits de ces personnes?
M. Pelletier: Je peux peut-être vous donner un exemple.
Cela a été vécu il y a environ un an, autour du 15
novembre, lorsqu'il y a eu des élections au Québec. Il y a eu
quelques directeurs d'institutions psychiatriques, dont le ministre Lazure, qui
se sont donné la peine d'au moins vérifier si les patients ou si
les gens qui étaient chez eux dans leur institution avaient le droit de
vote, s'ils pouvaient voter et effectivement, ils se sont aperçu qu'il y
en avait quelques-uns qui pouvaient voter, mais par contre, dans plusieurs
institutions, la majorité, les dirigeants... Je dirais même qu'ils
ne se sont pas bâdrés de regarder s'ils avaient des droits, ils
n'ont même pas pensé que les gens qui étaient dans leur
institution pouvaient peut-être avoir le droit de voter.
Souvent, l'exercice individuel du droit d'une personne... Vous avez un
individu qui commet un crime. On le met en prison. Evidemment qu'il perd de ses
droits parce qu'il perd sa liberté, sa liberté de mouvement. Il
ne peut plus se coucher à l'heure qu'il veut, quoique dans beaucoup de
prisons maintenant, contrairement à plusieurs institutions, il se couche
à des heures pas mal plus libres que dans nos institutions.
Mais cet individu perd énormément le droit d'avoir ses
effets personnels, le droit de pouvoir sortir parfois en fin de semaine. Il y a
des institutions où cela va quand même très loin et
où on donne beaucoup d'importance au droit individuel mais il y en a
d'autres où on ne le fait pas. Finalement, cela dépend un peu de
l'attitude des dirigeants des institutions. Je parle un peu par
expérience parce que j'ai été directeur d'institution pour
des enfants déficients mentaux.
Ces enfants ne se défendent pas. Si vous avez un institut de
prisonniers, par exemple, où ils croient, à un certain moment,
que leurs droits sont trop brimés, ils font une révolte et on en
entend parler, ils défendent leurs droits. Mais dans une institution
où vous avez des personnes déficientes mentales, moyennes,
sévères et profondes, elles ne se défendront pas. Elles
vont se sa- tisfaire de ce qu'on leur donne et souvent, on oublie que ces gens
ont des droits comme tout le monde. Il y a même des prisons où on
donne des congés de fin de semaine. Nommez-moi une institution qui le
fait parfois. Il y a peut-être tout un débat qu'on pourrait lancer
là-dessus, mais il y a une émission qui passe ce soir je
me permets de l'annoncer parce qu'on a vu un petit film ce matin, on peut bien
annoncer une émission de Radio-Canada Télé-Mag,
à 9 h 30 et il y a beaucoup de ces problèmes qui y sont
examinés.
Le Président (M. Marcoux): Malheureusement, nous ne
pourrons pas écouter l'émission parce que nous serons ici.
M. Biron: Je vous remercie, mais croyez-vous que le projet de loi
no 9 protège les droits de ces personnes en institution?
M. Pelletier: D'après nous, non. Il ne protège pas
les droits des personnes en institution. Cela devrait être plus
spécifique. Si on regarde, par exemple, l'ensemble des
médicaments qui sont donnés à gauche et à droite
dans les institutions, les calmants, par exemple, qu'on administre.
On serait bien curieux de savoir, nous, à un moment donné,
s'il n'y aurait pas moyen de mettre de petits règlements qui diraient:
Ecoutez, il faut que les médicaments d'un individu, ce soit
révisé une fois de temps en temps. Je serais curieux,
personnellement je le dis en mon nom personnel pour avoir dirigé
une institution et pour avoir décidé un de ces jours de
réviser les médicaments et de les couper de 75%... II
faudrait peut-être voir jusqu'à quel point il n'y aurait pas moyen
de mettre de petits articles pour forcer finalement, lorsqu'il n'y a pas cette
bonne volonté de voir le droit des individus...
M. Perreault: La question fondamentale, je pense, qu'on pourrait
se poser, M. Biron, c'est jusqu'à quel degré, vu qu'on veut
parler des degrés de la déficience, l'objectif, dans une
institution vis-à-vis d'une personne déficiente, est de maximiser
le potentiel de cette personne. Mon interprétation personnelle, sans
lancer de pierres aux institutions ni aux gens qui les dirigent, c'est qu'on
est tellement préoccupé par l'administration de l'institution
qu'il y a des droits collectifs et des individus...
Je pourrais vous donner un petit exemple qui, dans mon esprit,
décrit tellement bien la chose qu'on essaie de faire changer au
Québec. Dans le bout de Sainte-Julienne, on a fondé une ferme. On
a reçu, à un moment donné, une personne déficiente.
Je suis allé voir les gens à cette ferme pour leur demander
comment cela allait. Savez-vous ce qu'on m'a dit? On m'a dit: Jules
parce que la personne déficiente s'appelait Jules il est correct,
mais quand il est arrivé ici, il était assez "nono"! Là,
il est correct. C'était la même personne. Excepté que,
lorsqu'elle est arrivée là, elle venait d'une institution et,
comme
de raison, elle n'avait probablement pas vidé souvent le lait de
la table dans son verre. Elle n'avait pas mis la nappe souvent. Elle n'avait
pas mis la table souvent. Elle n'avait peut-être pas balayé
souvent. Elle ne savait rien faire. C'est ce que j'appelle ne pas maximiser le
potentiel d'une personne. On veut tellement que tout aille bien que finalement
on fait tout faire par des gens qui sont payés et qui sont capables de
le faire. Par contre je reviens à mon affaire d'emploi on
va former des plateaux de travail, on va aller voir des industries et leur
dire: Utilisez-les, ils sont bons mais on ne s'en sert pas chez nous.
M. Biron: Je vous remercie. Je peux peut-être me permettre
de demander au ministre si lui aussi croit que la loi no 9 ne protège
pas assez les droits des handicapés vivant en institution?
M. Lazure: Je suis bien prêt à regarder cela et je
compte beaucoup sur l'Association du Québec pour les déficients
mentaux pour nous faire des propositions précises dans ce secteur des
soins en institution. Il y a d'autres biais. Ce n'est jamais une seule loi qui
peut vraiment sauvegarder... Il y a la Loi de protection du malade mental qui
peut avoir des applications à la vie en institution, mais il y a aussi
tout le mécanisme de l'accréditation des institutions.
Dans notre ministère, une des huit directions
générales, c'est la direction de l'agrément des
institutions. A longueur d'année, on a des fonctionnaires qui vont dans
les institutions, que ce soit pour déficients mentaux ou pour
handicapés physiques, peu importe, ou pour malades chroniques, c'est un
mécanisme. Il fonctionne, comme tous les mécanismes humains
fonctionnent, avec des erreurs et des lacunes. On peut l'améliorer et on
essaie de l'améliorer. Il y a aussi les corporations professionnelles
qui sont censées surveiller la qualité des actes de leurs
professionnels dans les institutions ou en dehors des institutions, peu
importe. Il y a l'Association des hôpitaux ou l'Association des centres
d'accueil. Ces associations d'établissements sont aussi censées
voir à la qualité des soins. Il y a déjà plusieurs
mécanismes prévus. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on
inclue quelque chose dans le projet de loi. L'embêtant, comme je le
disais tantôt, si on devient très précis, c'est qu'on
risque d'oublier d'autres groupes précis aussi ou d'autres secteurs
d'activité tout aussi précis. Mais on pourrait recevoir vos
suggestions avec beaucoup d'intérêt.
M. Perreault: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres
membres de la commission qui désirent poser des questions ou faire des
commentaires? M. le ministre?
M. Lazure: Juste deux commentaires, si vous le voulez. D'abord,
je dirais, M. le Président, que, d'après les couleurs de la
brochure qu'il montrait tantôt, ce n'est sûrement pas une
publication du MAS. J'ai cru reconnaître une publication d'un certain
parti politique. Alors, ce n'est sûrement pas la politique officielle du
MAS, du ministère des Affaires sociales. Mais cela s'en rapproche
beaucoup. Encore une fois, cette histoire d'adultes et d'enfants, nous allons
la préciser parce que je m'aperçois que cela porte trop à
confusion. Il est bien évident que les enfants doivent, non seulement
être inclus, mais s'il y a quelque chose j'en sais quelque chose
ils doivent être privilégiés.
Juste une parenthèse, quant aux enfants déficients mentaux
qui ne peuvent pas rester avec leur famille, qui s'en vont soit en institution
ou en adoption. J'en profite, moi aussi, pour informer les gens qu'il y a un
projet en préparation pour modifier, pour présenter une nouvelle
loi sur l'adoption. Une des priorités de cette loi nouvelle sur
l'adoption, qui sera déposée au printemps ou à
l'été, c'est justement l'adoption d'enfants handicapés,
que ce soit physiquement ou mentalement.
Il n'y a pas à se le cacher, ce sont des enfants qui ne trouvent
pas preneur facilement. J'ajouterais un dernier commentaire aussi quant aux
handicapés mentaux, aux déficients mentaux spécialement.
La visibilité du handicapé physique fait qu'étant reconnu
facilement le handicap peut résulter d'un accident il y a
une espèce d'intérêt et une ouverture d'esprit de la
société envers le handicapé physique qui est pas mal plus
grande, même si elle n'est pas assez forte encore, que l'ouverture
d'esprit de la société vis-à-vis du handicapé
mental.
C'est la majorité silencieuse, dans le fond, le handicapé
mental, le déficient mental. C'est pour cette raison qu'il a besoin,
beaucoup plus, d'avoir ce que vous appelez dans votre mémoire un
représentant légal, bien souvent, pour voir à ce que ses
droits soient respectés. Au point de vue prévention qui va avec
le soin qu'on doit apporter à dépister très tôt la
déficience mentale, je pense qu'il va falloir faire un effort
extraordinaire l'office pourra aider dans ce domaine
d'éducation du personnel. Parce que même si vous exprimez des
réticences vis-à-vis de la compétence de beaucoup de
médecins de famille, on n'a pas le choix, le pédiatre, le
médecin de famille, voilà les mieux placés, à cause
des visites en bas âge, pour les vaccins, les visites de contrôle
dans les premiers mois de la vie. Ce sont les meilleures personnes,
médecins ou infirmières, à condition qu'on leur indique
les signes précurseurs. L'office pourrait jouer le rôle important
de promouvoir des meilleures connaissances de façon que la relance des
très jeunes enfants ne soit pas seulement pour la santé physique,
le vaccin, par rapport à telle ou telle maladie, mais que ce soit aussi
une relance pour la santé mentale et le développement de
l'intelligence de l'enfant.
En terminant, je veux de nouveau remercier et féliciter
l'association pour sa contribution extrêmement précieuse.
Le Président (M. Marcoux): Au nom de tous les membres de
la commission, je vous remercie du mémoire que vous nous avez
présenté.
Je dois ajourner les travaux de cette commission sine die. Nous
reprendrons probablement nos travaux vers 15 h 15 ou 15 h 30, suite à
l'avis que devrait donner le leader parlementaire du gouvernement à
l'Assemblée nationale.
(Fin de la séance à 12 h 29)
Reprise de la séance à 15 h 48
Le Président (M. Boucher): La commission des affaires
sociales est réunie pour étudier les mémoires
présentés par les organismes concernant le projet de loi 9. Les
membres de la commission pour cet après-midi sont: M. Boucher
(Rivière-du-Loup); M. Charron (Saint-Jacques); M. Clair (Drummond); M.
Forget (Saint-Laurent); M. Gosselin (Sherbrooke); M. Gravel (Limoilou); M.
Grenier (Mégantic-Compton); M. Lavigne (Beauharnois); Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)...
M. Goldbloom: Remplacée, M. le Président, par M.
Goldbloom (D'Arcy-McGee).
Le Président (M. Boucher): M. Goldbloom (D'Arcy-McGee)
remplace Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Lazure (Chambly); M. Marois (Laporte);
M. Martel (Richelieu); Mme Ouellette (Hull); M. Paquette (Rosemont); M. Saindon
(Argenteuil); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Shaw (Pointe-Claire). M.
Gagnon (Champlain) remplace Mme Ouellette (Hull). M. Laplante (Bourassa)
remplace M. Marois (Laporte).
M. Laplante: M. Grenier n'est pas sur la liste.
Le Président (M. Boucher): M. Grenier
(Mégantic-Compton) il y est.
Cet après-midi, nous avons comme invité le Comité
de liaison des handicapés physiques du Québec dont le
porte-parole est M. Jean Belle-feuille, président. Je demanderais
à M. Jean Bellefeuille d'identifier ceux qui l'accompagnent.
Comité de liaison des handicapés
physiques du Québec
M. Bellefeuiile (Jean): Bien, M. le Président.
Permettez-moi d'abord de vous présenter cette délégation
du comité de liaison qui est ici présente cet après-midi.
A ma droite, M. Jean-Marc Chabot, secrétaire général du
comité; à mon extrême droite, M. Robert Chabot, agent de
recherche et d'information; à ma gauche, M. Pierre Filion,
administrateur du comité.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, nous sommes heureux d'être présents ici cet
après-midi, pour faire entendre, non pas notre point de vue, mais le
point de vue des personnes handicapées physiques que nous avons
rencontrées lors de la tournée d'information et de consultation
que nous avons faite ces derniers mois.
Le mémoire que nous avons présenté à la
commission est un résumé articulé, rationalisé, des
différents propos, des différentes remarques, commentaires ou
même suggestions, de ces personnes que nous avons rencontrées ces
derniers mois.
Ce matin, nous avons entendu le point de vue de l'association
québécoise pour les déficients mentaux. Cet
après-midi, c'est surtout le point de vue des personnes
handicapées physi-
ques, toujours, par ailleurs, au sujet de ce même projet de
loi.
Nous n'avons pas l'intention de vous lire à nouveau le
mémoire que nous avons présenté. Cependant, M. Chabot,
immédiatement après ce propos, vous présentera un
résumé de notre mémoire qui sera suivi,
immédiatement après, par une lecture d'un bref document de
travail qui s'appelle "Eléments pour une définition d'une
politique globale de la réadaptation" qui vous sera communiqué
par M. Fillion. Après, le plus rapidement possible, nous le souhaitons,
nous passerons à cette période d'échanges entre nous.
M. Chabot (Jean-Marc): Le Comité de liaison des
handicapés physiques du Québec est un organisme sans but lucratif
incorporé selon la troisième partie de la Loi des compagnies.
L'objectif du comité de liaison est d'oeuvrer à la normalisation
du cadre de vie des personnes physiquement handicapées.
Nous privilégions, comme moyen d'action, l'animation
auprès des personnes physiquement handicapées, les organismes qui
les représentent et ceux qui leur offrent des services. Cette animation
se fait en assurant une circulation de l'information sur tout sujet concernant
les personnes handicapées par l'entremise d'un centre de
référence, d'un centre de documentation, d'un journal
appelé Le Lien, de lettres circulaires et surtout par de
fréquentes tournées à travers la province.
Au cours de ces tournées, nous tentons d'approfondir, avec les
personnes que nous rencontrons, certains sujets d'actualité et ce, afin
de recueillir les recommandations et commentaires conditionnant ainsi nos
prises de position et nos actions.
Le mémoire que nous vous présentons est le résultat
de l'une de ces tournées réalisées l'été
dernier et au cours de laquelle nous avons rencontré environ 450
personnes, en petits groupes de vingt personnes, en moyenne, dans sept
régions administratives différentes.
Le but de cette tournée particulière a été
de recueillir les recommandations des personnes physiquement handicapées
sur le projet de loi no 9 et le livre blanc qui l'accompagnait. Nous nous
sommes donc servis de ces deux textes pour faire nos rencontres.
Voici donc, en résumé, les recommandations recueillies au
cours de cette tournée, lesquelles sont incluses de façon plus
élaborée dans notre mémoire.
A court terme, que le gouvernement du Québec, par ses
différents ministères, réponde à des besoins
urgents soit par des amendements à certaines lois telles la Loi des
décrets des conventions collectives, la Loi du salaire minimum, la Loi
sur les transports, les chartes de certaines municipalités, etc., soit
par des mesures administratives modifiant les règlements concernant
l'attribution des orthèses-prothèses, les règlements
concernant l'attribution des per- mis de conduire, les règles
d'application du Code du bâtiment et les normes de la
Société d'habitation de Québec, etc., soit par la mise en
application de programmes d'aide et de soins à domicile, d'implantation
de foyers de groupe, d'implantation de centres de stimulation, etc., tel que
requis par les différentes personnes et groupes concernés et que
la Charte des droits et libertés de la personne soit amendée de
telle sorte qu'il soit mentionné qu'il ne peut y avoir de discrimination
fondée sur les aptitudes physiques ou mentales et (ou) l'utilisation
d'une orthèse, d'une prothèse ou de toute autre chose
destinée à compenser une déficience ou un handicap.
A moyen terme, qu'un organisme soit créé n'ayant que deux
pouvoirs; l'information, c'est-à-dire assurer la circulation de
l'information sur tout sujet concernant la prévention et la
réadaptation des personnes handicapées et ce, auprès de
tous les milieux concernés; la coordination, c'est-à-dire assurer
la coordination des gestes qui sont ou seront posés par les
différents ministères en regard de la réadaptation
médicale, professionnelle, sociale et fonctionnelle, ayant pour unique
mandat d'effectuer une recherche exhaustive sur les questions de
réadaptation et d'intégration sociale en collaboration avec
toutes les personnes concernées et proposer une politique
québécoise globale de réadaptation.
A long terme, que le gouvernement du Québec, suite à la
recherche et à l'élaboration, avec les gens concernés, de
cette politique globale de réadaptation, présente publiquement un
plan d'application de cette politique.
En conclusion, nous aimerions préciser qu'il nous importe peu que
le gouvernement du Québec décide d'inclure ces recommandations
dans le cadre du projet de loi no 9. En effet, nous croyons qu'il est
prioritaire: 1- Que les personnes physiquement handicapées puissent
bénéficier de leur droit légitime de citoyens à
part entière; 2- Que les personnes physiquement handicapées aient
réponse à leurs besoins en termes d'accès aux
équipements et services collectifs; enfin, que soit
élaborée avec les gens concernés une politique globale et
articulée de la réadaptation qui soit vraiment
québécoise. Dès lors, la demande de retrait
mentionnée dans notre mémoire doit s'interpréter comme une
demande de retrait du contenu du projet de loi no 9, et pas
nécessairement du contenant.
Encore une fois nous tenons à préciser que le contenu de
l'actuel projet de loi ne peut satisfaire les personnes physiquement
handicapées et, de ce fait, nous en demandons le retrait.
D'autre part, étant convaincus que M. le ministre des Affaires
sociales tiendra l'engagement qu'il nous a fait publiquement, le 17 mai
dernier, et qu'il nous a refait ce matin, soit celui d'apporter des amendements
illimités à son projet de loi, ce ne sera donc plus pour nous le
projet de loi no 9, mais un autre projet de loi plus adéquat, parce que
considéré comme une étape dans la mise en oeuvre d'une
politique globale et articulée de la réadaptation.
M. Filion (Pierre): Pour ma part, je désire d'abord
souligner aux membres de cette commission que le mandat fondamental et unique
qui doit être dévolu à l'office, à savoir
l'élaboration d'une politique globale et articulée de la
réadaptation, ne peut valablement être réalisé
qu'avec la participation active des personnes handicapées et de tous les
intervenants. Il est à souligner, par ailleurs, qu'il ressort clairement
de la tournée d'information et de consultation menée par le
comité de liaison des handicapés physiques du Québec, que
les personnes physiquement handicapées ont manifesté, sans
réserve, leur désir d'y collaborer et d'y participer
activement.
J'aimerais enfin apporter, tel qu'annoncé aux membres de la
commission, quelques éléments en regard d'une définition
pour une politique globale et articulée de la réadaptation. Aux
termes des objectifs, pour permettre aux personnes handicapées d'exercer
dans la société les mêmes activités que tout autre
individu, on fait appel au processus de réadaptation. Le processus de
réadaptation englobe un ensemble de moyens, de ressources, de services
et d'interventions visant à donner ou redonner aux personnes dites
handicapées la possibilité d'accéder à un
degré optimum de fonctionnement, dans le cadre des fonctions et
activités normales, en tant que membres à part entière de
la société. Il faut donc établir, dès le
départ, que dans le processus de réadaptation deux parties sont
en cause: La société qui, reconnaissant l'égalité
de tous ses citoyens, doit s'assurer que ses cadres sont suffisamment
élargis pour en faciliter l'accès aux personnes
handicapées et, d'autre part, l'individu ayant un handicap qui se doit
d'exercer ses responsabilités de citoyens.
Dans l'ensemble, le processus de réadaptation vise donc à
la réalisation des objectifs suivants: promouvoir l'autonomie physique,
psychologique, sociale et économique des personnes en fournissant le
support technique et social permettant de développer, de maintenir et de
maximiser les potentialités de la personne; assurer aux personnes
handicapées l'accès et l'utilisation des ressources, services et
équipements disponibles à l'ensemble de la population en tenant
compte de leurs besoins spécifiques, leur permettant ainsi l'exercice
d'activités considérées comme normales dans notre
société. Le processus de réadaptation fait appel à
une diversité d'interventions et d'actions, s'adressant soit à la
personne comme telle, soit à son milieu physique, familial et
social.
Il implique l'utilisation de ressources physiques, humaines et
financières, l'élaboration de programmes et de mesures
fondés sur une idéologie claire et des approches
cohérentes, efficaces et profitables tant pour l'individu que pour la
société.
Afin d'assurer à tous ses membres une égalité de
chance, la société, par le biais de l'Etat, reconnaît sa
responsabilité d'assumer les coûts nécessaires pour
compenser les handicaps et déficiences de certains d'entre eux et, pour
ce faire, d'investir dans l'allocation de ressources et de services
adéquats répondant à leurs besoins spécifiques.
En termes de principes directeurs, la définition d'une politique
globale peut seule garantir à l'ensemble des personnes concernées
l'atteinte des objectifs visés par le processus de
réadaptation.
Il est en effet nécessaire d'articuler, en regard des
différents secteurs et niveaux d'intervention, l'organisation, la mise
en place, le développement et l'allocation des ressources, agents,
moyens et services nécessaires dans un cadre ordonné et
planifié.
L'élaboration d'une telle politique dans le but de
cohérence et de rationalisation des interventions requiert
l'énoncé de principes directeurs constituant, en somme,
l'ossature d'une politique, en définissant le sens, la nature et la
portée des actions à entreprendre selon les secteurs et les
niveaux d'intervention.
Les orientations d'une politique globale doivent tenir compte de
principes tels que la prévention permettant d'assurer non seulement la
quantité de vie, mais encore la qualité de vie, la
continuité temporelle de la naissance à la mort; dans la
réponse aux besoins, donner un aspect local aux services en respectant
les disparités régionales, s'assurer de la participation active
des personnes directement concernées et de tous les intervenants en
cause.
En termes de prérequis, la mise en oeuvre d'une politique globale
basée sur des principes suppose un plan "d'opérationnalisation"
permettant son application concrète et rationnelle.
Les prérequis en sont: l'identification de la clientèle
visée, un inventaire systématique des besoins à satisfaire
en termes quantitatifs et aussi qualitatifs, l'identification des ressources,
services, actions et interventions requises, un choix des priorités
à court, moyen et long termes, une définition des mandats et
responsabilités propres à chaque instance concernée et en
fonction de leur niveau de compétence, la prévision de
mécanismes de coordination et de contrôle de l'application de la
politique définie, un calendrier d'interventions.
En conclusion, le nombre et la diversité des questions
posées par le processus de réadaptation, la multiplicité
des champs d'intervention et des mandats à confier exigent que
l'élaboration d'une politique globale de réadaptation se fasse
avec la participation de toutes les personnes concernées et les diverses
instances en cause.
On ne saurait trop insister sur ce fait. Les fruits d'une politique
globale dépendront du degré de consensus et de concertation
qu'elle suscitera dans sa mise en oeuvre pratique et d'une compréhension
positive des orientations qui la supportent. Suite à ce bref
exposé de la conclusion et de la mise en forme des recommandations que
nous avons recueillies auprès de personnes directement concernées
dans le cas de personnes physiquement handicapées, dans le
cadre d'une tournée dont les modalités ont
été précisées tout à l'heure, nous aimerions
engager avec vous un dialogue.
Le Président (M. Boucher): Merci monsieur. M. le ministre
des Affaires sociales.
M. Lazure: M. le Président, permettez-moi d'abord de
remercier le Comité de liaison des handicapés physiques du
Québec, non seulement pour le mémoire que le comité
présente aujourd'hui, mais aussi pour un rôle de leadership, un
rôle de promotion que ce comité joue depuis un certain temps. Bien
sûr, nous avons eu des divergences d'opinions. Nous avons eu des
rencontres, des conversations et on va sûrement en avoir encore
beaucoup.
Je le remercie aussi de s'être déplacé à
travers le Québec pour une tournée de consultation auprès
de ses membres. Je voudrais assurer ces gens, assurer le public aussi, par le
truchement de cette commission, que leur objectif fondamental tel que
défini, nous l'endossons parfaitement, à savoir la normalisation
du cadre de vie. Je sais que la présentation d'un projet de loi a pu
être interprétée justement comme une marginalisation au
lieu d'une normalisation. Le terme a été employé souvent.
Je voudrais, très rapidement, répéter, sur ce point
particulier, ce que je disais ce matin. Il est dommage, dans un sens, qu'on
soit obligé de voter une loi pour sauvegarder les droits des personnes
handicapées, mais il nous paraît essentiel, nécessaire de
le faire, dans ce domaine comme dans d'autres domaines où on a un
rattrapage important à effectuer. Il est bien connu que les pays, qui
constituent des modèles dans ce domaine du respect de la promotion des
droits des personnes handicapées, ont eu, à un moment
donné, à faire adopter par leur Parlement une loi, ont eu
à mettre sur pied un organisme, que l'on appelle un office, un bureau ou
un service, peu importe.
De façon très pratique, très réaliste et non
pas sur une question de principe, mais sur une question, si vous voulez,
d'expérience pratique acquise dans d'autres pays, il nous paraît
nécessaire, non seulement d'avoir une loi, mais aussi d'avoir un
organisme prévu dans cette loi qu'on appelle ici un office, qui jouera
principalement ce rôle double qu'un du groupe a énoncé
tantôt, à savoir le rôle d'information, le rôle de
coordination.
Dans un premier temps, cet office, et c'est là où vos
propos rejoignent les miens, aura comme fonction principale de faire un bilan
des ressources existantes ou à créer d'un côté, et
le bilan des besoins des personnes handicapées. Cette double
opération, ce double bilan des ressources actuelles ou futures et des
besoins, conduira normalement, logiquement à énoncer de
façon plus claire ce que vous appelez une politique globale de la
personne handicapée, de la réadaptation ou de l'adaptation de la
personne handicapée.
Je vais simplement relever quelques points qui découlent, soit de
vos remarques ou du mémoire que vous avez présenté.
Formation du personnel dans les services de main-d'oeuvre du Québec.
Quelques mémoires ont fait cette proposition qui me paraît
essentielle. Nous avons à déplorer que ce soit d'un palier de
gouvernement à un autre, l'absence de personnel formé et
préparé à faire face aux besoins particuliers de telle ou
telle forme de handicap. Je crois que ce sera une priorité de faire en
sorte que le personnel soit formé de façon adéquate.
Dépistage systématique des 0 à 18 ans. Je ne vais
pas répéter ce que j'ai dit ce matin, je pense que vous
étiez ici, la plupart. Nous sommes prêts à rendre plus
précises les clauses se rattachant à la prévention des
handicaps, les clauses se rattachant au programme de soins et de services
dès la naissance. Par conséquent, cette suggestion que vous
faites d'un dépistage systématique nous apparaît tout
à fait normale, pertinente.
Il y a une question, un point d'interrogation que je soulève;
vous recommandez que le passage de l'écolier d'une classe
régulière à une classe spéciale puisse être
l'objet d'un appel. Je serais curieux de voir comment vous voyez ce
mécanisme établi dans le réseau scolaire.
Je suis très favorable à cette proposition, mais je ne
vois pas très bien comment elle pourrait s'implanter.
Enfin, ma dernière remarque, M. le Président. Un membre du
groupe a dit: Nous ne demandons plus le retrait du projet de loi, nous
demandons tout simplement le retrait du contenu. Je m'en réjouis, parce
que derrière cette phrase qui paraît inoffensive un cheminement a
été fait, de part et d'autre. Je pense qu'au début il y a
eu beaucoup de malentendus, peut-être une certaine méfiance et des
contacts insuffisants, de part et d'autre. Je me réjouis beaucoup que le
comité de liaison ne réclame plus le retrait du projet de loi et
voit le bien-fondé d'un projet de loi. Quant au contenu, M. le
Président, je répète et je me rends compte que les gens le
croient de plus en plus cela aussi me fait plaisir... Je
répète que nous sommes prêts à le modifier de
façon très majeure, et, pour nous, effectivement, une loi comme
cela n'est qu'une étape.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous avez des
commentaires?
M. Bellefeuille: Oui, M. le Président. Evidemment M.
Lazure a bien fait la distinction: on ne demande pas le retrait d'un projet de
loi, mais bien le retrait du contenu de ce projet de loi. En fait, je crois
qu'il doit être clair entre nous que plusieurs mesures pratiques ou
d'ordre concret, par exemple, toutes les mesures qui concernent le transport,
l'école, le travail, toute la question de la modification des droits
dans la Charte des droits et libertés de la personne, pour nous, sont
urgentes et doivent être faites rapidement. Et nous ajoutons même
dans notre mémoire plusieurs autres modifications, au niveau du Code
du travail et des choses comme celles-là. On pourrait en ajouter
plusieurs.
Ce qui nous apparaît cependant encore déficient dans la
loi, c'est que ce n'est pas encore très clair que c'est la loi du
gouvernement. A plusieurs égards, on a encore l'impression que c'est la
loi du ministère des Affaires sociales, en ce sens que, par le moyen de
cet office, on trouve qu'il y a encore trop de mesures qui s'adressent au
ministère des Affaires sociales et que ce n'est pas une remise des
responsabilités entre les mains des autres ministères et des
autres instances publiques ou parapubliques concernées. Je relève
simplement cette question de l'article 53 ou 58, je crois, où on
prévoit encore la création de centres de main-d'oeuvre
spécialisés, alors qu'on avait apporté
précisément, comme vous l'avez souligné, la formation
d'agents de main-d'oeuvre du ministère du Travail lui-même. Ce
n'est qu'un exemple.
Ce qui, pour nous, cependant, est plus important, bien qu'encore nous
reconnaissions l'importance d'avoir un office, un comité ou une
commission, c'est qu'il soit prévu dans la loi qu'un organisme
s'attaque, en premier lieu, à l'élaboration d'une politique
vraiment globale, très claire, avec un cheminement prévu, un
calendrier, enfin, tout ce que nous avons énoncé, ce qui
permettrait d'apporter éventuellement d'autres modifications à
d'autres lois ou à une loi omnibus et de concrétiser encore
davantage ce que nous trouvons dans le livre blanc et que nous acceptons
vraiment globalement, bien que, pour nous aussi, le livre blanc ait encore
quand même des aspects déficitaires.
Evidemment, pour nous, ce qui est important, c'est qu'une politique
globale soit mise sur pied et appliquée et qu'entre-temps, par une loi
qui serait davantage pour nous un bill omnibus qu'on modifie, dans un tas
d'autres lois, dans un tas d'autres ministères... et que cela devienne
vraiment une loi du gouvernement du Québec et non pas une loi d'un
ministère en particulier pour qu'enfin, ces personnes soient reconnues
au même titre que tout individu qui dépend de différents
ministères, et pas toujours et indéfiniment du ministère
des Affaires sociales.
Peut-être que mes collègues ont aussi d'autres
commentaires.
M. Chabot (Robert): J'aimerais apporter quelques
précisions sur certains faits. Par exemple, pourquoi le comité de
liaison le projet de loi et le livre blanc ont été
déposés un vendredi le lundi, demandait-il le retrait
formel du projet de loi, apparemment sans l'avoir lu, etc.? Il y avait toute
une histoire en arrière de cela. Depuis avril, on faisait toutes sortes
de démarches par lettres, au moyen de manifestations aussi, à un
moment donné, afin qu'on organise une consultation.
Par la suite, on s'est dit que l'idée du ministre des Affaires
sociales de faire une consultation à partir de ce qui pouvait être
le projet de loi, c'était une bonne idée. On a changé
notre point de vue à ce niveau-là.
Mais, d'un autre côté, à notre point de vue, il
était aussi très essentiel que quelqu'un, finalement, se
lève et gueule une fois pour toutes dans le réseau, ne serait-ce
que pour réveiller le réseau des affaires sociales comme tel, qui
travaille avec les personnes handicapées et qui, habituellement, ne
parle pas tellement fort. C'est un réseau qui reste en sourdine. Il faut
que tu sois dans le réseau pour savoir ce qui s'y passe exactement.
Personnellement, je suis un ex-cuisinier. Je suis arrivé au
comité de liaison purement par hasard. A un moment donné, on
apprend l'existence de ce projet de loi. On décide de faire une
tournée. On avait déjà organisé d'autres
tournées, tout simplement pour faire notre "job" d'information, de
promotion et de coordination par un réseau de communication dans la
province.
J'ai rencontré, cet été, beaucoup de groupes dans
beaucoup de régions de la province. Je me suis rendu compte que,
premièrement, la personne handicapée, c'est une personne comme
tout le monde, c'est-à-dire qu'avant d'être qualifiée de
quoi que ce soit, une personne, c'est une personne.
En principe, c'est même agréé dans le livre blanc,
la Charte des droits et libertés de la personne s'applique aussi
à elle.
Cependant, il y a quand même discrimination au niveau de la
personne. Ce que j'ai remarqué, après en avoir discuté
avec les personnes que j'ai rencontrées, c'est que le niveau de
discrimination ne vient pas du fait que c'est la personne; c'est le fait que la
personne est obligée d'utiliser une orthèse, une prothèse
ou n'importe quoi pour pallier son handicap.
Quand on parle de modifications à la Charte des droits et
libertés de la personne, je veux dire quand on en parle en termes
d'assurer, de protéger les droits de la personne, je trouve cela
plutôt... J'hésite, parce que les mots que je pourrais dire sont
un peu forts, mais, de toute façon, je vais laisser passer.
Je dirais plutôt, tout simplement, qu'on place le problème
là où il est, c'est-à-dire qu'est-ce qui empêche mon
frère de se promener dans la rue? C'est tout simplement parce que tout
ce que la technique lui donne pour se véhiculer, c'est une chaise
roulante. Ce serait un machin à coussin d'air, il n'y aurait pas de
problème.
S'il y a problème, c'est au niveau de l'utilisation d'une
orthèse, d'une prothèse. C'est pour cela qu'on ne comprenait pas
non plus pourquoi on faisait un projet de loi qui avait une tendance
marquée à protéger les droits de la personne, à
préparer un plan de services pour la personne, etc., d'autant plus qu'il
y avait de petits oublis dans le projet de loi qui ne nous plaisaient pas
tellement, notamment l'oubli de mettre un moyen de recours pour les organismes
de promotion. Ce sont des choses qui ont fait monter un peu la tension.
Finalement, après plusieurs rencontres avec plusieurs
représentants de différents milieux, on s'est rendu compte d'une
chose, c'est que personne ne connaissait vraiment comme il le faut
ce qui se passait, ce qui existe comme ressources pour pallier la
situation qui existe, ce qui existe comme problèmes, comme besoins
réels. De là est sortie l'idée d'une politique globale de
réadaptation, ce qu'on vous a lu tout à l'heure. De notre point
de vue, la politique globale de réadaptation, c'est tout simplement de
faire en sorte non pas seulement qu'on dise que tout va mal au Québec en
regard des handicapés et qu'on dise que ce qui nous apparaissait comme
créer un magicien, un improvisateur, portait le nom d'office. Ce qui
nous apparaissait important, c'est qu'on fasse une étude vraiment
précise de ce qui existe au Québec comme besoins, mais avec les
personnes concernées et avec les intervenants du milieu qui essaient de
pallier les besoins et que, tout le monde ensemble, on travaille justement
à élaborer quelque chose dans le temps et dans l'espace,
c'est-à-dire en tenant compte des besoins des enfants et des adultes et
des jeunes adultes, en tenant compte que, dans l'Abitibi, cela ne fonctionne
pas du tout comme dans l'Est du Québec, une politique globale et
articulée de la réadaptation.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, nous avons devant nous un
mémoire passablement étoffé, avec des recommandations
détaillées dans de nombreux domaines. Le mémoire comporte
un élément important d'honnêteté dans le sens que
les diverses consultations sont exposées, et, à certains
endroits, il est indiqué que certaines personnes étaient d'un
avis et d'autres personnes d'un autre avis.
Il y a quand même des signes de force qui s'en dégagent.
Une en particulier me frappe, c'est qu'il y a une série de demandes ici
pour des services, pour que des mesures soient prises afin de rendre possibles
aux personnes handicapées des choses, des activités qui sont
impossibles aujourd'hui, que des ressources humaines et financières et
administratives soient mises à la disposition des personnes en
question.
Cela revient à un commentaire que j'ai fait ce matin. Le fait
d'inscrire dans une loi des droits est symbolique, si les services n'existent
pas, et, par contre, si les services existent, si les mesures sont prises en
vertu des lois existantes, on n'a peut-être pas besoin d'ajouter
énormément.
Justement, si l'on dit que ce projet de loi ne devrait pas contenir
certains éléments qui devraient plutôt se trouver dans la
Charte des droits et libertés de la personne, il me semble et
c'est un commentaire que je sollicite que, là aussi, on est dans
le domaine des principes. On déclare que l'on ne doit pas faire de
discrimination à l'endroit de personnes handicapées parce que ces
personnes sont handicapées. D'accord, sauf que cela ne répond pas
à l'ensemble des demandes contenues dans ce mémoire pour des
services, des ressources et le reste. Déclarer que l'on ne doit pas
faire de discrimination, c'est une chose essentielle dans une
société démocratique. On a identifié divers groupes
défavorisés à cause de la couleur, de la religion, de
toutes sortes de facteurs.
On a dit: II faut ajouter à cette liste, et je suis d'accord avec
cela. Mais il me semble que le fait d'édicter une telle loi a un certain
effet dissuasif sur des personnes qui, autrement, songeraient à faire de
la discrimination si cet effet dissuasif n'est pas suffisant on se
retrouve devant les tribunaux à réclamer des droits qui ont
été refusés tandis que la substance de ce
mémoire est plutôt dans le domaine des services et des
ressources.
Je pense que nous sommes d'accord qu'il s'agit ici d'un désir,
d'une volonté même, j'en suis convaincu, de donner un maximum de
considération et de services avec un minimum d'identification
particulière. Pourtant, quand il y a des besoins particuliers, faut-il
les identifier; il faut les mesurer, les quantifier, poser des diagnostics
professionnels dans bien des cas.
Je me rappelle des débats au sein de la profession
médicale il y a plusieurs années, autour de la question
d'établir un registre central. A l'époque, c'étaient des
malformations congénitales. Il y avait de nombreuses objections, des
objections, notamment, de principe. Et par contre, des gens ont dit à
l'appui de la thèse de l'établissement d'un registre: Mais si
l'on ne dit pas à tout le monde qu'il y a moyen de s'inscrire et
d'obtenir des services, il y a beaucoup de gens qui ne s'adresseront pas aux
autorités, au bon endroit, en temps utile, pour avoir des services.
Il me semble que tout ce débat autour du projet de loi comporte
un élément qui mérite un certain éclaircissement.
Tout comme ce matin avec les porte-parole des personnes
arriérées, je pense que nous devons, avec beaucoup de franchise,
examiner des considérations qui sont délicates. Mais il y a donc
ces deux questions que je pose d'abord, ces deux invitations à des
commentaires. D'abord, sur la question de la différence entre un projet
de loi qui pourrait être intitulé comme celui que nous avons
devant les yeux et la Charte des droits et libertés de la personne.
Est-ce que la différence est là ou est-elle dans le
mémoire qui recommande de nombreux services et de nombreuses ressources
à l'intention des handicapés?
Donc, comme corollaire de cela, ce débat qui sévit depuis
un certain temps autour de l'identification particulière des personnes
handicapées, pouvons-nous véritablement rendre justice, en termes
de services, si nous n'avons pas une identification des éventuels
récipiendaires, si nous n'avons pas une identification assez
détaillée des besoins?
M. Chabot (Robert): II est évident que, de toute
façon, si vous voulez donner un service, il faut que vous sachiez
à qui vous voulez donner le service. Nous sommes entièrement
d'accord avec cela. Cependant, le service ne peut pas
être donné n'importe comment. Vous disiez tout à
l'heure qu'il y a beaucoup de personnes qui n'utilisent pas les services
disponibles. L'inverse est vrai aussi.
Tu peux mettre quatre minibus à la porte d'une personne
handicapée et si cette dernière n'est pas motivée à
sortir, elle ne sortira pas.
Maintenant, la différence est au niveau des services et au niveau
des droits. On parle beaucoup des droits, parce que c'est quelque chose qui n'a
jamais été clair. Je répète ce que je disais tout
à l'heure, du point de vue des gens qu'on a rencontrés, le
problème ne se situe pas au niveau de la personne, de l'être
humain. Il se situe au niveau du fait qu'il est obligé d'utiliser une
orthèse ou une prothèse et que, dans la société,
lorsque tu es en fauteuil roulant, tu as des problèmes pour monter sur
un trottoir. Tu as des problèmes pour monter un escalier, si tu peux le
monter.
Il est important qu'on enlève toute cette emphase mise sur la
personne et qu'on la mette là où est le problème,
c'est-à-dire au niveau des services. Il y a des services qui pourraient
être rendus accessibles.
Je connais un type qui a fait des études. Il est paralytique
cérébral et il se promène en fauteuil roulant. Il a fait
des études et maintenant, pour se trouver un emploi avec le
diplôme qu'il a, il a eu des problèmes, parce que dans un centre
de main-d'oeuvre, il n'y avait pas d'ascenseur. Il n'y avait que des escaliers.
Dans l'autre centre de main-d'oeuvre, il n'y avait pas de personnel
spécialisé.
Alors, les droits et les niveaux de services, c'est tout ensemble. Si on
demande de préciser s'il y a lieu, au niveau de la discrimination, dans
la charte, c'est tout simplement pour éviter de faire une minicharte
pour les personnes handicapées.
Au lieu de faire une minicharte disant que la personne handicapée
visuelle a droit d'accès aux moyens de transport, aux lieux publics,
etc., dans la Charte des droits et libertés de la personne, il a
déjà un moyen de recours.
D'accord. On peut avoir des réticences selon la valeur possible
de ce moyen de recours, etc. C'est un fait. On a essayé de porter
plainte sur le fait d'une discrimination basée sur un handicap, mais la
Commission des droits de la personne a dit: Je n'ai pas tout à fait le
mandat. Ce n'est pas clair dans la charte, etc. Cependant, s'il y a quelque
chose de précis dans la charte qui permette de préciser en disant
que ne pas avoir de discrimination fondée sur l'utilisation d'une
orthèse ou d'une prothèse ou basée sur le fait que la
personne n'a qu'un bras ou a un handicap physique ou mental, à ce
moment, elle aura le mandat clair et elle pourra exercer son pouvoir
simplement.
C'est pour cela tout ce... Parce qu'au niveau des droits, c'est encore
au niveau des services, c'est-à-dire qu'il y a un service qui existe: la
Commission des droits de la personne.
D'accord. Au niveau du logement, il peut y avoir le Code civil. Il peut
y avoir un paquet d'au- tres articles qui peuvent jouer. Je pourrais prendre
l'exemple du Code du bâtiment, à ce niveau.
Il y a des services qui existent. A ce moment, que chaque
ministère... S'il n'y a personne qui est chargé d'appliquer le
Code du bâtiment du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre,
s'il n'y a pas de handicapé qui va voir l'entrepreneur pour lui dire:
Dans le coin, où tu construis ton building, j'aimerais bien que ce soit
accessible, il va se foutre du Code du bâtiment et il va construire son
building comme il le veut; mais, par contre, s'il y a des mesures
concrètes qui permettent de faire en sorte que ces mesures
précises soient appliquées unilatéralement, à ce
moment, il y a déjà un gros pas de fait.
Au niveau des droits et au niveau des services, c'est respecté,
mais non pas en jouant sur la personne comme telle, non pas en disant: C'est la
personne qui a le problème.
M. de Bellefeuille: A supposer que de façon très
idéale, il n'y ait pas de personne handicapée physique
aujourd'hui, cela commencerait seulement demain, dans la mesure où
l'ensemble des services offerts à la population non handicapée
seraient accessibles aux personnes handicapées physiques, je crois que
ces problèmes que nous avons aujourd'hui ne seraient jamais
survenus.
Evidemment, si un individu à l'âge scolaire n'a pas eu
accès à l'école, son développement individuel,
général, social, professionnel pose des problèmes. On doit
aussi, aujourd'hui, pallier ces différents problèmes parce qu'on
pourrait appeler une politique globale de la réadaptation pour les
individus qui, de toute façon, peuvent avoir des problèmes dans
le cadre de leur développement personnel, social, professionnel,
scolaire, etc.
Je pense qu'on doit distinguer tout cet aspect d'une politique globale
de réadaptation, de l'aspect de services concrets, ou enfin, de ce qu'on
pourrait appeler les besoins primaires d'accès aux services qui sont les
mêmes que pour l'ensemble de la population.
Bien des individus, s'ils avaient eu la compréhension
nécessaire dans un centre de main-d'oeuvre n'auraient peut-être
pas eu à souffrir des dépressions, à se retourner sur
eux-mêmes, à rester chez eux, à développer
différents types de problèmes ou être
institutionnalisés, ce qui, en partant, a causé 50% de leurs
problèmes.
Enfin, je rejoins ce que M. Perreault disait ce matin au sujet des
enfants déficients mentaux; dans une institution, 50% des
problèmes qu'on traite proviennent du fait même d'être
institutionnalisé. Je pense qu'il faut y travailler pour le comprendre,
pour le croire. Je pense qu'on doit distinguer la question, d'une part des
droits généraux des citoyens, ensuite essayer de voir au niveau
des différents ministères, des différentes ressources
publiques et parapubliques, à ce que ces ressources servent
concrètement, pratiquement aux personnes handicapées
physiques;
une politique de réadaptation pour les personnes qui, de toute
façon, en cours de route ou depuis déjà quelques
années, n'ont pas eu l'occasion justement d'avoir accès à
ces services et ont perdu la motivation, ont perdu une certaine foi dans leur
potentiel, et doivent justement passer à travers un certain processus de
réhabilitation, croire dans de nouvelles habiletés.
Pour nous, un projet de loi comme celui-ci n'est pas un projet de loi
qui essaie, au niveau du ministère des Affaires sociales, de
régler toute la situation. C'est un projet de loi du gouvernement du
Québec qui voit à ce que chacune des instances responsables
prenne ses responsabilités, c'est-à-dire que le ministère
de la Main-d'Oeuvre prenne ses responsabilités. Actuellement, je pense
que nous sommes en droit de croire que plusieurs ministères, tout au
moins quelques-uns, et plusieurs ressources ne sont pas prêtes à
emboîter le pas, ne sont pas prêtes à être
coordonnées, sont très peu sensibilisées, pratiquement pas
informées, et le problème, je crois aujourd'hui, se situe
là.
Est-ce qu'on va prendre le temps de les informer pour qu'eux-mêmes
d'ailleurs qui ont déjà fort bien commencé... Je pense au
projet MASMEQ et aux différents centres de main-d'oeuvre, à
différents endroits, ils ont commencé déjà à
avoir des programmes d'extension, ils se sensibilisent, avancent
déjà. Est-ce qu'on va essayer de faire des choses à leur
place ou si on va plutôt accentuer la sensibilisation pour qu'eux
prennent leurs responsabilités et que la personne handicapée soit
un citoyen ordinaire qui s'adresse à un centre de main-d'oeuvre
ordinaire et non pas à un centre de main-d'oeuvre spécial, quitte
à ce qu'un centre de réadaptation, par exemple, qui doit avoir
des mesures de placement, se serve de contrats de service avec le
ministère du Travail et non pas du placement par les Affaires sociales?
Que la personne handicapée cesse, une fois pour toute, d'être une
"assistée sociale". Je pense que c'est une coloration très
différente qu'on donne au projet de loi qui, par ailleurs garde, je
crois... Nous en sommes conscients, encore plus depuis le préambule,
qu'a fait M. Lazure à cette commission parlementaire, ce matin,
où il a déjà apporté plusieurs modifications qui
nous plaisent grandement et qui, d'ailleurs, emboîtent le pas dans cette
mentalité de législation que nous avons.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
M. Bellefeuille, Messieurs Chabot et Filion pour la présentation de leur
document qui est collé sur des réalités que vous vivez
quotidiennement et qui nous font connaître ici, à cette table, les
problèmes qui vous sont propres et ceux que vous voulez régler
par la présentation de ce Livre blanc, suivi de la loi no 9. Je ne veux
pas revenir sur l'objectif que vous venez de discuter avec le ministre et le
député de Saint-Laurent sur...
M. Goldbloom: De D'Arcy McGee.
M. Grenier: ... de D'Arcy McGee, pardon. On était
habitué, à la commission des affaires sociales, d'avoir le
député de Saint-Laurent, maintes fois. J'aimerais savoir si vous
croyez qu'on doive faire une différence dans la loi entre des
handicapés physiques et des handicapés mentaux?
M. Filion: II nous apparaît certainement important de faire
une telle distinction, ne serait-ce que, parce que, au départ, il ne
s'agit pas, bien sûr, pour les personnes physiquement handicapés
de faire de la discrimination à leur tour, ne serait-ce que parce que
les besoins sont différents. A partir du moment où ce que nous
proposons, c'est-à-dire que l'offre prévu par le projet de loi no
9 n'ait que deux pouvoirs, au niveau de l'information et au niveau de la
coordination et qu'un seul mandat qui est l'élaboration de cette dite
politique globale et articulée de la réadaptation, dans ce
contexte, je pense qu'il est important que les besoins spécifiques des
uns et des autres soient pris en considération. J'aimerais, par
ailleurs, revenir...
M. Chabot (Robert): J'allais tout simplement ajouter pour le
simple gros bon sens, que donner des services aux personnes déficientes
mentales, et donner des services aux personnes handicapées physiques, ce
n'est pas pareil. Les personnes déficientes mentales n'ont pas
nécessairement besoin d'un mini-bus adapté. C'est seulement un
exemple.
NI. Filion: J'allais revenir sur la question, à savoir si
c'est une question de principe au niveau des droits ou si c'est une question au
niveau des services, soit à offrir à court terme, à moyen
terme ou à long terme, en référence au mémoire que
soulevait M. Goldbloom?
A la vérité, l'office, tel que présenté dans
le projet de loi no 9 qui est la version que nous connaissons, accorde à
cet organisme des pouvoirs et des devoirs extrêmement importants et trop
importants au gré des gens que nous avons rencontrés lors de
cette tournée d'information et de consultation; trop importants,
d'autant que nombre de ces pouvoirs sont des pouvoirs par
réglementation, c'est-à-dire que les gens ne savent vraiment pas
dans quelle direction les travaux de l'office en question, prévu par le
projet de loi no 9, vont s'orienter.
C'est dans ce contexte que les gens ont demandé que l'office ait
d'abord comme premier mandat d'élaborer une politique globale et
articulée de la réadaptation. Il est certain que c'est au niveau
des services, au niveau des récipiendaires, au niveau des personnes
physiquement handicapées qui, elles-mêmes, je pense, sont les
premières directement concernées; c'est à elles à
exprimer leur vécu et les problèmes qu'elles rencontrent au
niveau local, au niveau régional.
Par ailleurs, toujours dans le contexte de l'articulation, principe,
droit, versus services
concrets, il ne s'agit pas d'accorder des droits spéciaux en
dehors de la question de la Charte des droits et libertés de la personne
en ce qui regarde la protection ou la discrimination, contre la discrimination
des personnes. Il ne s'agit pas d'accorder des privilèges aux personnes
physiquement handicapées. Il y a un support social, je pense, que la
collectivité québécoise leur doit, mais au niveau du cadre
de vie de ces mêmes personnes, c'est-à-dire qu'à partir du
moment où elles pourront avoir des moyens de transport, où elles
pourront, dans un milieu normal, c'est-à-dire avec des gens non
handicapés, si je peux m'exprimer ainsi je me rends compte que ma
façon de m'exprimer est très inadéquate dans la
mesure où elles pourrront avoir des loisirs, où elles pourront
travailler, à ce moment-là, il reste à la personne
c'est son choix personnel, comme à n'importe quel autre citoyen
de s'intégrer ou pas à la société.
M. Grenier: A la page 32 de votre mémoire, vous avez
proposé, on en a un peu discuté, la création d'un
organisme style conseil consultatif qui remplacerait, en quelque sorte,
l'office dont on fait mention. Avec les précisions que le ministre a
apportées ce matin, vous en avez sans doute été
témoins, est-ce que ça vous satisferait. D'après les gens
que vous avez rencontrés, est-ce que les propositions faites par le
ministre ce matin vous satisferaient?
M. Chabot (Robert): J'aimerais aller un peu plus loin
là-dedans, c'est-à-dire qu'il y a deux niveaux, en fait. C'est un
peu comme une éponge dans laquelle il y aurait de l'eau,
c'est-à-dire que c'est mêlé ensemble. Ce sont deux choses
dissemblables; c'est une mentalité qui traîne, à savoir ce
que c'est qu'une personne handicapée. En même temps, il y a des
besoins urgents, très concrets auxquels il faut répondre.
D'accord? Cependant, pour répondre aux besoins donnés, il faut
penser aussi que c'est possible, à long terme, de travailler au niveau
de cette mentalité.
C'est pourquoi, lorsqu'on parle d'offrir des services, d'enlever
l'emphase sur la personne, c'est pour éviter ce genre de choses. Je vais
employer un exemple qui rejoint la question que M. Lazure posait tout à
l'heure, c'est-à-dire qu'une personne est, je ne sais pas en quelle
classe, en quelle année, on note, les psychologues du coin, les
professeurs du coin, les orien-teurs du coin, notent qu'il y a une certaine
difficulté d'apprentissage et ils le foutent dans une classe
spéciale. Ce n'est pas nécessaire de le foutre dans une classe
spéciale. Je veux dire, répondre à des besoins, ce n'est
pas créer des services spéciaux nécessairement, c'est
simplement élargir les portes des services existants pour
répondre aux besoins donnés.
C'est-à-dire que dans le cadre du service de transport de la
ville de Québec ou Montréal ou whatever, c'est simplement mettre
un service de transport adapté aux besoins des personnes
handicapées en tenant compte du climat, de la place tout simplement.
En gros, ça se situe comme ça. C'est pour ça que
lorsque le ministre ce matin, dans son discours d'ouverture, a mentionné
cette politique globale, j'ai été agréablement surpris,
parce que c'est quelque chose de fondamental.
Quand je dis de notre point de vue, c'est du point de vue que j'avance,
de ce que les personnes m'ont dit cet été, c'est-à-dire
qu'il faut savoir exactement ce qui se passe pour pouvoir y répondre
comme il faut.
M. Grenier: Si les intentions contenues dans le livre blanc
c'est un peu ce que vous nous expliquez dans le moment sont une
base de politique globale qui, je pense, vaut la peine d'être
approfondie, en fait, c'est de ces recommandations que vous parlez
également. Trouvez-vous, dans ce qui a été dit par le
ministre ce matin, dans son allocution d'ouverture, qu'il y a, avec vos
recommandations, des affinités assez transparentes, pour utiliser une
expression fort connue?
M. Chabot (Robert): Cela enlève un peu de ce qu'on voyait
comme étant des illogismes entre le livre blanc et le projet de loi.
C'est-à-dire qu'on lisait et on disait, dans le livre bianc: Bien
sûr, on ne peut pas tout dire dans un projet de loi. C'est un fait. Dans
mon ignorance, je ne le sais pas.
Mais, de toute façon, on lisait, dans le projet de loi: Les
organismes de promotion sont les plus beaux, les plus fins, les plus
intelligents, les plus proches du milieu, etc., un gros chapitre
là-dessus, le chapitre IX ou VIII du livre blanc. Dans le projet de loi,
non seulement on a oublié de leur donner un moyen de recours, mais on ne
mentionnait qu'une vague possibilité de consulter ces organismes pour
savoir comment procéder dans le milieu. Alors, pour nous autres, la
consultation, c'est quelque chose d'essentiel, d'important.
M. Grenier: J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir plus
tard.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richelieu.
M. Martel: Tout d'abord, j'aimerais féliciter M. Chabot et
son groupe qui travaillent d'arrache-pied pour sensibiliser les gens et
apporter des solutions concrètes à ce projet de loi. Vous savez,
M. Chabot, depuis l'été, depuis qu'on s'est vus ici, devant la
colline parlementaire, à l'entrée du sauvage, il s'est
passé beaucoup de choses, tant de votre côté que du
nôtre. Nous avons fait également une commission parlementaire,
nous avons pris des recommandations de gens concernés par le
problème. Vous avez fait de même et, aujourd'hui, au lieu de voir,
à la page 23, le retrait de la loi 9, vous demandez simplement le
retrait de ce contenu. C'est déjà pas mal.
Le ministre, ce matin, a également, de son côté,
apporté des modifications, du moins des
prémisses de modifications à ce projet. Nous savons fort
bien je n'ai pas besoin de vous poser cette question que si la
mentalité des Québécois était suffisamment
évoluée, nous n'aurions pas besoin de loi 9. Si nos gouvernements
antérieurs, les différents ministères, si la population en
général, acceptaient le fait qu'un handicapé, c'est un
citoyen à part entière; si, dans le passé, on avait, par
exemple lors de la construction de nos édifices publics, prévu
des voies d'accès; si, à l'occasion de l'établissement de
réseaux de transport en commun, on n'avait pas créé des
genres de mini-bus spéciaux pour les handicapés, mais si on avait
créé des véhicules qui permettent à toute personne,
qu'elle soit handicapée ou non, d'avoir accès à ce moyen
de transport, comme cela se faisait dans certains pays Scandinaves je
pense, par exemple, à la Suède à ce
moment-là, nous n'aurions pas besoin de projet de loi.
Mais, étant donné que cette évolution de la
mentalité de notre société n'est pas à point, qu'il
y a d'énormes lacunes à l'égard des personnes dites
handicapées, mais qui sont des citoyens à part entière, je
crois qu'il est du devoir des gouvernements d'essayer d'apporter une
sensibilisation à ce problème.
Vous parlez, à la page 32, de la création d'un organisme.
Nous, c'est un peu cela qu'on préconise, l'organisation d'un mouvement,
à l'intérieur d'un ministère, qui est voué au bien
social de l'individu. Nous voulons, par cet organisme, sensibiliser les autres
ministères, sensibiliser la population en général, de
façon que le handicapé soit considéré comme un
citoyen à part entière.
Et je pense qu'il n'est pas question, il n'est pas dans l'esprit du
législateur de vouloir créer une charte des personnes
handicapées. Il n'est pas dans l'esprit du législateur de vouloir
créer une classe de gens à part. Mais il est dans l'esprit du
législateur de vouloir sensibiliser l'ensemble des citoyens au fait que
cette personne qui a un handicap temporaire ou permanent est une personne qui a
le droit de vivre convenablement et que l'on ne doit pas créer pour elle
des mini-bus spéciaux, des jeux spécialement
aménagés pour elle, mais bien de faire accepter dans la
mentalité qu'on doit penser continuellement en fonction des personnes
qui, par malchance, souffrent d'un certain handicap.
Je pense, par exemple, à des mentalités qui ont
évolué grâce à des actions gouvernementales. Tout
à l'heure, je vous ai parlé d'un pays Scandinave, la
Suède, où, au début, il y a eu des lois dans ce domaine.
Il y a des gens qui n'aimaient pas cela parce qu'ils avaient peur justement
d'être considérés comme des groupes à part, mais,
à un moment donné, on a enlevé ces lois lorsque la
sensibilisation a permis d'atteindre le niveau où tout le monde est
considéré sur le même pied.
Je sais également que certaines facultés d'architecture,
dans certains Etats américains, obligent, par exemple, les
étudiants à passer deux mois, trois mois par année dans
une chaise roulante pour qu'ils puissent prendre conscience de ce que cela
représente pour un gars qui a un handicap, c'est-à-dire pour
celui qui a à se déplacer dans une chaise roulante, de telle
façon que ce bonhomme, lorsqu'il arrive sur le marché du travail,
qu'il travaille au gouvernement ou pour des corporations privées, pense
en fonction de toute la société qui compose le pays. C'est en ce
sens qu'on veut apporter notre loi.
Je pense qu'il ne s'agit pas de créer de comité
d'étude, même si vous le mentionnez à la page 32. Je pense,
si je me mets à votre place, qu'il ne s'agit pas de voir de quelle
façon on va passer à l'action. Il s'agit tout simplement d'avoir
un organisme qui pourra être temporaire. Une loi, cela se modifie, cela
se change. Mais, dans le moment, il s'agit d'atteindre un but, celui de faire
évoluer assez rapidement la société pour que personne ne
considère le handicapé physique ou mental comme un membre
à part de la société.
Je pense qu'en rejetant le contenu, vous admettrez tout de même
qu'il y a des points extrêmement importants qui vont permettre justement
d'atteindre cette sensibilisation vis-à-vis des autres
ministères, parce que, comme l'a expliqué le ministre ce matin,
c'est une sensibilisation et une participation des fonctionnaires des autres
ministères. Je crois qu'il va y avoir également une participation
régionale des handicapés à ce comité, à cet
office.
Je pense qu'à ce moment-là... Du moins je vous pose la
question: Est-ce que vous acceptez ce genre de contenu qui fait partie de la
loi 9?
M. Bellefeuille: M. le Président, je pense qu'il ne
faudrait pas fausser l'enjeu non plus de notre rencontre aujourd'hui. M. le
député nous demande si cela ne va pas trop loin que de demander
de rejeter le contenu. Le contenu dont il était question avant cette
commission parlementaire, en bonne partie, oui. Le contenu depuis ce matin, je
pense que c'est quand même différent, en partie.
Si on ne parle plus du chapitre II, si le chapitre VII appelé
"Dispositions transitoires et finales", c'est-à-dire que les
modifications à d'autres lois d'autres ministères, de commissions
ou de ressources soient faites directement dans ces propres ministères
et non pas en ajoutant quelque chose dans une loi spéciale, à ce
moment-là, évidemment, nous sommes tout à fait de votre
avis. Le problème se situe peut-être à ce niveau
maintenant.
Cependant, je ne pense pas que nous en soyons déjà
à la troisième lecture du projet de loi. Comme M. Perreault le
faisait remarquer, nous avons très bien entendu les paroles de M. Lazure
ce matin. Nous souhaitons justement que ces amendements soient adoptés
à la troisième lecture du projet de loi no 9. Nous souhaitons
cependant qu'on puisse aller encore plus loin, dans ce même sens, qu'on
puisse aller encore plus loin, que des dispositions transitoires et finales,
dans ce même esprit, puissent modifier encore davantage des ressources
d'autres mi-
nistères, par exemple. Je prends toujours l'exemple du fameux
article 58 où on prévoit avoir des centres de main-d'oeuvre
spéciaux. C'est justement cela qu'on ne veut pas. Que le centre de
main-d'oeuvre s'organise pour faire du placement adapté aux besoins des
personnes handicapées physiques. Ce qu'on demande finalement dans ce
même esprit, tel qu'annoncé ce matin et non pas au moment
où nous avons écrit le mémoire, c'est qu'on puisse aller
encore plus loin. C'est le sens de notre intervention. En ce qui concerne la
question d'une politique globale, en faire une qui soit vraiment la nôtre
et qu'elle ne soit pas fondée sur les enquêtes des pays
étrangers plus ou moins adéquates qui parlent tout le temps
d'adultes, d'adultes et d'adultes, alors qu'on n'a strictement rien ici au
niveau des enfants.
Si je me réfère au livre blanc, les études sont
toujours fondées sur la question des adultes. Evidemment, je ne parlerai
pas ici de la question de la modification, parce que je pense qu'on oublie tout
le temps de parler de ce qu'a déjà été le projet de
loi no 10...
M. Martel: Je pense que ce matin...
M. Bellefeuille: ...qui parlait de la modification, de ce qui
passe au niveau des centres d'accueil et de réadaptation de personnes
handicapées physiques et des centres fonctionnels.
M. Martel: Je m'excuse, mais ce matin, lorsque le ministre
parlait de personnes, il incluait, évidemment, les enfants, pas
simplement une loi qui, ce matin...
M. Bellefeuille: Ce matin.
M. Martel: ... "personnes" inclut le mot "enfants". Donc, cela ne
s'adresse pas seulement aux adultes.
M. Bellefeuille: C'est clair depuis ce matin.
M. Martel: II y a beaucoup de choses qui vont s'éclairer
d'ici la troisième lecture.
Le Président (M. Marcoux): Très brièvement,
M. le député de Rosemont, si nous voulons respecter...
M. Paquette: M. le Président, une très brève
question. Il y a seulement une chose que je ne comprends pas dans ce qui peut
encore nous séparer. Par exemple, en ce qui concerne les droits de la
personne et l'objectif de non-discrimination envers les personnes
handicapées, est-ce que vous vous opposez à ce qu'on fasse les
modifications nécessaires à la Charte des droits de l'homme dans
le projet de loi no 9? Vous n'avez pas d'objection à cela, j'imagine.
L'important pour vous, c'est que chacune des modifications soit faite à
des lois des différents ministères, parce que vous nous disiez
tantôt que les ministères devraient élaborer... mais cela
peut être dans la même loi. On dit: La loi de tel ministère
est modifiée de telle façon. Vous êtes d'accord avec
cela.
M. Filion: Exactement. C'est sur le même principe que sur
les dispositions finales et transitoires.
M. Paquette: D'accord. Très bien. C'est très
clair.
M. Chabot (Jean-Marc): Le projet de loi no 9 nous faisait penser
beaucoup plus au projet de loi no 55 dans son contenu, du fait qu'il y avait un
office très centralisateur. C'était une protection des droits
plutôt qu'une assurance des droits. C'est pour cette raison qu'il y a eu
beaucoup de malentendus de notre part et peut-être de votre part aussi,
parce qu'on ne s'est pas assez parlé. Ce qui est important pour nous,
c'était que le projet de loi no 9 modifie des lois qui existent
déjà. C'est ce qui se fait dans les dispositions transitoires et
finales. C'est ce que le ministre a annoncé dans certaines des
dispositions dont il a parlé ce matin. Que l'office soit un office
d'information et de promotion, c'est-à-dire qu'il fasse faire, qu'il
s'occupe de faire faire, plutôt que de faire lui-même, parce qu'il
y a déjà des ressources qui sont là, qui font du travail,
et c'est à elle à continuer de le faire. A ce moment, pour nous,
c'est important d'avoir cela. C'est important aussi d'avoir un moyen de
recours. Quand je parle de moyen de recours, pour nous, c'est la question de
l'élaboration d'une politique globale et articulée de la
réadaptation. On dit: Si l'office fait cela au départ avec les
intéressés, tôt ou tard, on est certain qu'il y a bien
d'autres dispositions qui sont dans la loi actuellement qui vont tomber
d'elles-mêmes, ou d'autres modifications à d'autres lois qui vont
être ajoutées par la suite.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, rapidement, quelques
commentaires. D'abord, en ce qui concerne la discrimination, à savoir si
elle s'adresse à la personne ou à la prothèse ou
l'or-thèse. Nous avons consulté les gens au ministère de
la Justice. Par les modifications à la Charte des droits de la personne,
il est bien clair d'après eux et d'après nous aussi, qu'une
discrimination qui serait dirigée vers le handicap ou vers la
prothèse ou l'orthèse équivaut à une discrimination
envers la personne. Je pense que cela doit être clarifié une fois
pour toutes. En ce qui concerne l'action des autres ministères, j'y ai
fait allusion ce matin. On peut encore expliciter davantage cette question.
Déjà, certains ministères, comme le ministère des
Transports, vous en avez eu la preuve depuis un an, pour la première
fois je comprends que c'est une mesure transitoire et temporaire
a contribué financièrement à notre demande à
améliorer le transport aux handicapés dans des villes comme
Sher-
brooke, Québec et Montréal. C'est une première.
Actuellement, les ministères des Transports, des Travaux publics, de
l'Education, du Travail sont en train de réviser leur
réglementation pour justement s'ajuster à toute l'orientation,
à toute la philosophie qui sous-tend le livre blanc et tout le projet de
loi.
En terminant, je veux encore une fois remercier le Comité de
liaison des handicapés physiques du Québec. Je veux le
féliciter pour son travail et je veux l'assurer que nous allons
maintenir le contact. Il est juste qu'une des causes des malentendus, à
l'origine, remonte au fameux projet de loi 55 et ce n'est pas toujours facile
de bonifier un projet de loi qui avait été préparé
par un ancien gouvernement.
Le Président (M. Marcoux): Je me doutais bien que ce
n'était pas le mot de la fin, que c'était plutôt le mot
d'un commencement.
M. Goldbloom: Non, M. le Président, il n'y aura pas de
commencement.
Le Président (M. Marcoux): Un commencement très
bref.
M. Goldbloom: II n'y aura pas de commencement parce que,
justement, j'avais évité jusqu'à maintenant ce genre de
remarques et je ne tomberai pas dans le piège.
Le Président (M. Marcoux): La présidence vous
remercie.
Je remercie le Comité de liaison des handicapés physiques
du Québec de la contribution qu'il a apportée aux travaux de
cette commission en venant présenter son mémoire. J'inviterais
maintenant l'Association de paralysie cérébrale du Québec
Inc. à venir nous présenter son mémoire.
M. Bellefeuille: M. le Président, je vous remercie au nom
des personnes du Comité de liaison qui sont venues aujourd'hui et au nom
de toutes celles qui nous avaient demandé, justement, de vous apporter
leurs commentaires et leurs réflexions. Je souhaite que ce dialogue que
nous avons entrepris se poursuive de la façon la plus active et la plus
concrète possible. Merci.
Le Président (M. Marcoux): Avec ou sans office pour qu'il
se poursuive.
J'inviterais M. Roméo Malenfant... Celui qui présente le
mémoire...
Association de paralysie
cérébrale
M. Malenfant (Roméo): Je vais juste présenter les
personnes ici présentes. Mon nom est Roméo Malenfant, directeur
général de l'Association de paralysie cérébrale.
Vous avez immédiatement à ma gauche, le Dr Bernard Talbot, membre
du conseil d'administration de l'association, membre du comité de
rédaction du mémoire et médecin ayant une
expérience en réhabilitation. A sa gauche, M. Roger Desjardins,
président de l'association, membre de la Corporation professionnelle des
comptables en administration industrielle, lui-même parent d'un
paralytique cérébral et oeuvrant à l'intérieur de
l'association depuis plus de quinze ans. A sa gauche, M. Rock Gadreau, agent
d'information à l'Association de paralysie cérébrale et
vice-président de l'Association régionale des loisirs pour
handicapés de Québec.
Je vais laisser à M. Desjardins le soin de vous présenter
la position de l'association sur le principe du projet de loi. Par la suite, M.
Gadreau interviendra pour expliquer la place que devrait tenir le respect des
droits des personnes handicapées dans la loi proposée. Quant au
Dr Talbot, il expliquera notre position sur l'attention qu'il faut apporter
à la création de l'office sur le cas particulier des personnes
déjà intégrées au marché du travail et sur
la responsabilité de l'application de la loi. Je laisse donc la parole
à M. Desjardins pour expliquer la position de l'association.
M. Desjardins (Roger): M. le Président, M. le ministre des
Affaires sociales, honorables membres de cette commission, nous tenons d'abord
à vous remercier de nous permettre de nous faire entendre devant cette
commission au sujet d'un projet de loi qui revêt une importance
particulière pour nos membres. L'Association de paralysie
cérébrale a été incorporée en 1949 et
fonctionne actuellement avec sept chapitres à l'intérieur de la
province; elle représente un handicap qui affecte environ 12 000
personnes dans la province de Québec dont 6000 sont connues de
nous-mêmes. Leur handicap est très varié. Ils sont le plus
souvent multi-handicapés et ils se partagent presque
moitié-moitié de handicapés physiques et de
handicapés mentaux.
L'Association de paralysie cérébrale du Québec
Inc., a accueilli avec plaisir la présentation du projet de loi 9 et du
livre blanc proposant une politique à l'égard des personnes
handicapées.
Les remarques que le ministre a apportées ce matin nous
enlèvent un peu la parole de la bouche parce que, la plupart de ces
modifications, vous les retrouverez dans notre mémoire.
Cependant, il y a peut-être encore du raffinement à
apporter et je pense qu'il est quand même utile de continuer sur ce
sujet.
Nous espérons que le gouvernement manifestera le même
esprit d'ouverture que celui qu'il a démontré jusqu'à
maintenant en apportant plusieurs modifications intéressantes au projet
de loi 55, à la suite de la commission parlementaire de l'automne
1976.
Cette ouverture s'est manifestée aussi par l'organisation de la
tournée de quelques fonctionnaires du ministère des Affaires
sociales dans toutes les régions du Québec, au mois d'août
1977. Notre association a suivi avec beaucoup d'intérêt cette
tournée en déléguant
l'un de ses permanents dans plusieurs villes où elle s'est
transportée. Nous avons pu, de cette façon, mieux comprendre le
projet de loi proposé et connaître les principales objections
soulevées par les personnes visées par cette politique.
Egalement, à l'intérieur de notre association, il y a eu
des comités dans différents chapitres pour étudier le
projet de loi, pour obtenir ce que les gens en pensaient et les recommandations
qu'ils faisaient et nous avons eu aussi un comité provincial qui s'est
réuni pour en venir au consensus du mémoire que nous vous
présentons.
Forts de toutes les précisions que nous y avons recueillies et de
la connaissance des besoins des paralytiques cérébraux que nous
avons acquise au cours de nos 29 années d'existence, nous avons le
plaisir de présenter devant la commission parlementaire des affaires
sociales notre avis sur le livre blanc et le projet de loi qui sont soumis
à l'approbation des membres de l'Assemblée nationale du
Québec.
Comme nous l'avions exprimé dans la présentation de notre
mémoire sur le projet de loi 55, nous regrettons le fait qu'il faille
une loi spéciale pour faire comprendre à notre
société que le handicapé est une personne comme tout autre
personne. Il nous semble que c'est un principe qui devrait être reconnu
et accepté par tout le monde dans une société comme la
nôtre.
Malheureusement, ce n'est pas le cas et la quasi-totalité des
personnes handicapées demeure toujours en marge alors qu'elle pourrait
presque toute s'intégrer, avec quelques adaptations relativement
mineures de nos équipements collectifs.
Il ne s'agit pas là d'une situation particulière au
Québec, quoique certains antécédents, comme un trop grand
paternalisme et un important manque de moyens, aient fait que notre
société n'a pas fortement évolué pour
répondre aux aspirations de ce groupe de notre population.
Nous savons également que, là où une telle
législation a été prescrite, l'émancipation et la
normalisation des personnes handicapées ont progressé plus
rapidement qu'ailleurs et c'est pourquoi nous favorisons l'adoption d'un projet
de loi comme celui qui nous est proposé.
Nous voyons dans l'office un rôle de coordination et de promotion
pour les personnes handicapées. Nous ne le voyons pas comme un organisme
qui va brimer les handicapés ou les enrégimenter, mais qui va
plutôt forcer le reste de la société à accepter ces
individus comme des personnes à part entière et à jouer
leur rôle au sein de la société.
Je vais maintenant demander à M. Gadreau de vous préciser
certains points.
M. Gadreau (Rock): Nous voudrions encore une fois
féliciter le gouvernement pour l'honnêteté avec laquelle il
a abordé la discussion à propos de son livre blanc et de son
projet de loi.
Cette honnêteté s'est manifestée par une grande
ouverture d'esprit et un souci évident d'être à
l'écoute des gens visés par le projet de loi actuellement
à l'étude.
Sans vouloir accorder notre appui au gouvernement sur tous les aspects
du projet de loi 9, nous croyons important de souligner l'attitude qu'il a
démontrée jusqu'à maintenant.
Le gouvernement, entre autres, dans le communiqué de presse qu'il
a publié à la suite de la tournée des fonctionnaires du
ministère des Affaires sociales, et de nouveau, ce matin, dans
l'allocution d'ouverture du ministre, s'est engagé à apporter
quelques modifications à certains passages du projet de loi tel que
proposé actuellement.
Nous voudrions revenir sur certaines de ces modifications, pour appuyer
plus fortement sur ces propositions, car nous croyons qu'elles sont très
importantes. Le ministre a reconnu, en particulier, l'opportunité de
transférer les articles du projet de loi qui pourvoient à la
reconnaissance des droits des personnes handicapées dans la même
loi qui reconnaît deux choses, l'égalité des droits et des
libertés pour tous les citoyens de la province de Québec.
Nous étions intervenus nous-mêmes en janvier 1975, lors de
l'étude en commission parlementaire du projet de loi 50, créant
alors la Charte québécoise des droits et libertés de la
personne pour montrer au législateur l'importance d'inclure parmi les
groupes susceptibles d'être victimes de discrimination les personnes
handicapées. Nous sommes heureux de constater que, presque trois ans
plus tard, le législateur en arrive enfin à admettre que les
personnes handicapées sont des citoyens à part entière
contre lesquels on ne peut légalement exercer de discrimination.
Un autre point qui a été soulevé, c'est celui qui
concerne la possibilité, par l'office, d'émettre une carte
d'identité à l'intention des personnes handicapées. On ne
saurait trop insister sur l'aspect discriminatoire d'une telle pratique, qui
viserait davantage à identifier dans la société les
personnes qui sont atteintes d'un handicap.
Toutefois, nous reconnaissons que, dans certains cas, il peut être
utile de détenir une carte pour certifier que l'on est atteint d'une
déficience et faire reconnaître nos droits. Pour cette raison,
Nous serions prêts à concéder à l'office le pouvoir
d'émettre ces cartes, mais exclusivement et nous insistons
là-dessus pour les personnes qui en feraient la demande et qui y
verraient quelque utilité. Cependant, nous croyons que l'office, en
vertu des principes qui devront nécessairement guider son action, ne
devrait en aucun cas exiger cette carte pour la délivrance de ses
services.
De plus, nous avons pris note, au cours de la tournée des
fonctionnaires du ministère des Affaires sociales et de nouveau ce matin
dans l'allocution du ministre, que le fait de ne pas accorder aux organismes de
promotion un droit d'appel advenant un refus d'accorder ou une
révocation par l'office de leur certificat de reconnais-
sance, était un oubli dans la rédaction finale du projet
de loi. Evidemment, il s'agit là d'un oubli de taille. S'il est
important que l'office ait un pouvoir de reconnaître des organismes de
promotion pour éviter la prolifération ou même simplement
l'existence de certains groupes pour qui l'intérêt réel
pour la promotion des droits des personnes handicapées est pour le moins
douteux, il est tout aussi important que les organismes qui se verront refuser
ou révoquer par l'office leur certificat de reconnaissance ait un droit
d'appel pour que ce pouvoir ne devienne pas arbitraire et ou-trancier.
Finalement, il est heureux que le gouvernement ait compris les dangers
que pourra entraîner l'obligation imposée à certaines
entreprises d'embaucher un certain pourcentage de personnes handicapées
sans donner aux employeurs trop de possibilités de se dérober au
mouvement d'intégration au marché du travail des personnes
handicapées que veulent imprimer le gouvernement et la
société.
Nous croyons que des mesures qui amèneraient les employeurs
à s'asseoir avec les représentants de l'office pour
réfléchir sur les façons d'intégrer les personnes
handicapées à leur entreprise apporteront de bien meilleurs
résultats. Dans cette perspective, la proposition du gouvernement
d'obliger les employeurs récalcitrants à soumettre un plan
d'embauche des personnes handicapées nous semble très
opportune.
Ce sont là quelques-unes des modifications que le gouvernement
s'est engagé à apporter au texte du projet de loi. Evidemment,
nous nous attendons que ces modifications se retrouvent dans le texte final de
la loi. Nous espérons que le gouvernement continuera à
démontrer le même esprit d'ouverture et qu'il apportera d'autres
changements qui nous apparaissent nécessaires. Le Dr Bernard Talbot va
maintenant poursuivre en expliquant quelques-unes de ces modifications.
M. Talbot (Bernard): Si le président est d'accord.
Le Président (M. Marcoux): Quand c'est conforme au
règlement, il est toujours d'accord.
M. Talbot: Merci, M. le Président. Le point de vue que
nous représentons, je tiens à le souligner, c'est le point de vue
des membres de l'Association de paralysie cérébrale du
Québec et la raison pour laquelle je le souligne, c'est parce que
quelques-uns d'entre vous reconnaissent peut-être que quelques-uns
d'entre nous portent plusieurs chapeaux à différentes occasions.
Les membres nous ont suggéré trois grands types de
recommandations à la suite de cette série d'entrevues que
l'association a organisée auprès d'eux ou des membres de leurs
familles.
La première série de modifications porte sur le rôle
de l'office. Les membres ont exprimé beaucoup d'inquiétude sur
cela parce qu'à la lecture du projet de loi l'office donnait
l'impression de vouloir être une structure ou un ensemble de structures,
un réseau parallèle. Par exemple, à l'article 30, on dit:
L'office, a), prépare, à l'intention d'un
bénéficiaire, un plan de services, etc. On retrouve cette
approche à plusieurs endroits dans la loi. Nos membres ont
exprimé l'inquiétude que, parallèlement à des
ressources déjà existantes, l'office tente de développer
des ressources qui fonctionnent en parallèle. Au lieu de cette approche,
les membres ont suggéré que l'office soit plutôt ce qu'on
pourrait appeler un instrument de mobilisation des ressources
déjà existantes ou un instrument de stimulation, de
création des ressources non existantes.
Si vous me permettez, M. le Président, d'employer une formule du
terroir j'espère que ça ne sera pas contraire à la
majesté de cette rencontre je citerais quelque chose qu'on me
disait quand j'étais plus jeune: Pour m'aligner dans la bonne direction,
on me botterait le cul. Je pense que l'instrument que nous percevons...
Le Président (M. Marcoux): La reine n'a rien contre tous
les mots qui sont au dictionnaire.
M. Talbot: Merci, M. le Président. Ce que nos membres
désirent, c'est un instrument qui va orienter les ressources qu'il y a
déjà dans le territoire, qui sont dispendieuses, dont
quelques-unes nous le savons, sont bien loin d'être aussi efficaces
qu'elles devraient être. C'est réellement l'inquiétude
majeure des membres de notre association.
Si, au lieu de voir dans l'office une espèce d'instrument
susceptible de nous écraser, on avait tendance à voir une
espèce d'instrument déjà édenté... On se
demande où l'office va prendre les moyens pour aligner les diverses
ressources dans la bonne direction et s'assurer qu'elles satisferont nos
besoins, tels que nous les percevons.
Il y aura d'autres rôles de l'office sur lesquels nous pourrons
peut-être revenir, si vous le désirez, au cours d'une
période de discussion, comme vous en avez eu avec les groupes
précédents. Ce sera peut-être plus facile comme
ça.
Il y a une autre inquiétude que nos membres ont
manifestée. C'est le problème des personnes déjà
intégrées au marché du travail. Nous avons noté,
par expérience, un problème d'évolution à
l'intérieur d'un plan de carrière qui semble s'en-farger sur ce
qui nous a paru, à l'expérience, être des exigences
syndicales. Nous pouvons, j'en suis sûr, vous donner des exemples
concrets là-dessus.
Nous avons noté, avec plaisir, qu'il y avait un
représentant des associations des salariés, des employés,
des syndiqués, parmi les membres de l'office. Mais nous pensons qu'il
faut être un peu plus rigoureux. Il y a ici des problèmes de
croissance professionnelle qui sont créés à partir de
besoins, sans aucun doute, légitimes, les syndiqués, mais qui
empêchent le handicapé de satisfaire ses besoins.
Le troisième commentaire que nos membres ont fait, c'est le
suivant. Je voudrais bien souligner que ce commentaire ne s'adresse pas au
titulaire du poste, mais au poste. Nos membres ont souhaité que
l'office relève du ministre d'Etat au développement social,
plutôt que du ministre des Affaires sociales.
Ce sont les trois grandes recommandations que nos membres ont
suggérées, à part celles qui ont déjà
été suggérées par M. Gadreau.
Pour aller plus loin, pour revenir sur la question du rôle de
l'office, nous avons senti des besoins auxquels l'office ne semble pas
s'adresser de façon particulière. Un des besoins les plus
criants, semble-t-il, c'est un besoin en ressources humaines qualifiées.
Là-dessus, nous faisons une recommandation, qui est à la page 12
de notre mémoire, par laquelle nous souhaitons que l'office soit pourvu
des moyens pour promouvoir la formation de personnel qualifié dans
chacun des secteurs où doit s'appliquer la politique
d'intégration des personnes handicapées, pour inciter les
professionnels à se recycler pour mieux répondre aux besoins des
personnes handicapées et pour mettre à leur disposition les
ressources nécessaires à cette fin.
Ce matin, au cours de la présentation de l'Association du
Québec des déficients mentaux, et cet après-midi, au cours
de la présentation du Comité de liaison des handicapés
physiques, on se rend compte qu'il y a un problème majeur qui est
identifié par à peu près tout le monde, à la
réhabilitation, à la réadaptation globale des
handicapés, c'est le niveau de fonctionnement des ressources humaines
mises à leur disposition par la société.
Ce matin, on a parlé de certains problèmes
créés aux parents qui donnent naissance à un enfant
souffrant de mongolisme, je pense. Cet après-midi, on en a parlé
aussi de façon plus générale. Nous aussi, c'est notre
perception. Il y a des gens dont c'est la tâche de rendre des services,
et ils ne le font pas, soit par ignorance, par manque de connaissances, soit
parce qu'ils n'ont pas les aptitudes appropriées, soit encore parce
qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment les techniques qu'ils devraient
maîtriser.
A notre avis, il y a ici une tâche d'éducation de ces
professionnels et nous pensons qu'il y aurait avantage à valoriser ces
professionnels, peut-être même avant d'en ajouter d'autres sur le
marché du travail. Cela nous paraît un point suffisamment
important que nous l'avons inclus dans nos recommandations, comme étant
un des rôles de cet office dont nous souhaitons la création.
Nous avons noté que ce mode de fonctionnement des professionnels
de la santé, dont quelques-uns se constituent parfois l'alpha et
l'oméga de la réhabilitation, empêche certains
handicapés d'avoir accès à des services dont ils ont
besoin et auxquels ils ont droit. Nous avons remarqué aussi qu'il y a
des gens qui traînent dans certaines institutions, qui ne sont pourtant
pas capables de satisfaire quelques-uns des besoins de ces handicapés.
Nous savons par exemple qu'il y en a qui traînent dans les centres
hospitaliers, il y en a qui traînent dans certains centres de
réadaptation fonctionnelle, il y en a qui n'ont pas accès
à des organismes que la société se donne pour leur
permettre de satisfaire leurs besoins au niveau psychosocial, au niveau
économique, au niveau loisirs. C'est pourquoi nous suggérons que
l'office puisse se donner cet instrument, savoir mettre sur le marché
les ressources humaines dont on a besoin.
De plus, pour protéger certains des droits du handicapé,
nous avons suggéré, aux pages 16 et 20 de notre mémoire
le ministre a fait allusion ce matin, à quelque chose, qui
ressemblait un peu à cela que l'office ne soit pas dans la
position d'aider une agence à embaucher quelqu'un, mais que cela se
fasse sur consultation de ceux qui connaissent déjà le
handicapé.
Par exemple, à la page 16, nous disons que l'article devrait se
lire comme suit: "c) s'engage à embaucher des personnes
handicapées placées par un comité d'admission formé
d'un représentant de l'office, de la personne handicapée ou de
son représentant légal si elle n'est évidemment pas
capable de s'exprimer d'un représentant de l'atelier
protégé comme étant l'institution qui reçoit
le contrat, qui s'engage à remplir le contrat et d'un
représentant de l'organisme qui lui donnait des services à
cause de sa connaissance des besoins de cette personne".
C'est lourd un comité de quatre, mais cela nous paraît,
à moins évidemment que quelqu'un n'arrive avec une meilleure
solution la solution la plus susceptible de protéger les droits
du handicapé.
C'est la même chose à la page 20 de notre mémoire.
Ici encore nous recommandons un comité de quatre pour les mêmes
raisons. Je pense que c'est tout, M. le Président.
M. Desjardins: II y aurait peut-être lieu d'ajouter, M. le
Président, l'article 13 où on demande que le conseil
d'administration de l'office soit majoritairement représenté par
des handicapés. Je ne vois pas du tout comment un Office des
handicapés ne serait pas contrôlé par eux-mêmes.
Quand on parle d'intégration et de normalisation, le premier geste
à faire, c'est de poser ce geste, de donner ce pouvoir aux
handicapés à l'intérieur de cela et qu'ils le
contrôlent eux-mêmes. Je ne verrais pas un comité de
médecins ou d'ingénieurs contrôlé par des pompiers
ou des policiers.
Je pense qu'ils ont prouvé, jusqu'à maintenant, par le
moyen de plusieurs associations ou organismes, qu'ils sont capables de se
prendre en main, pour autant qu'on leur donne les mécanismes pour le
faire.
C'est l'ensemble de nos recommandations. Nous sommes prêts
à répondre aux questions des membres de la commission.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux féliciter
l'Association de paralysie cérébrale du Québec
non seulement pour la qualité de son mémoire, mais aussi
par le travail considérable que l'association a accompli depuis
plusieurs années.
Le président de l'association notait, au départ,
qu'environ la moitié des paralytiques cérébraux, en plus
d'avoir un handicap physique, ont aussi une certaines déficience mentale
qui peut varier beaucoup d'un individu à l'autre. C'est peut-être
le groupe par excellence qui nous prouve qu'il est utile d'avoir une seule loi,
une loi unifiée, et non pas comme certains l'avaient proposé il y
a quelque temps, deux lois séparées, une pour les
handicapés physiques et une pour les handicapés mentaux.
Je remercie aussi l'association d'avoir collaboré par la
présence d'un des permanents au moment de la tournée des
fonctionnaires à travers le Québec. Sans revenir aux remarques
que je faisais ce matin, il est quand même important de noter qu'à
la page 2 de votre mémoire vous dites aussi: Nous savons
également que là où une telle législation a
été prescrite, l'émancipation et la normalisation des
personnes handicapées ont progressé plus rapidement qu'ailleurs.
C'est pourquoi nous favorisons l'adoption d'un projet de loi. C'est exactement
notre ligne de pensée.
Quant à la composition de l'office, votre remarque est
tombée, si vous voulez, dans une oreille fort sympathique. A la
lumière de la tournée, à la lumière des
mémoires aussi, nous nous rendons compte qu'il serait souhaitable de
majorer d'abord le nombre de personnes au conseil d'administration de l'office
et qu'il serait souhaitable aussi qu'il y ait au moins un nombre égal,
sinon majoritaire, de personnes handicapées.
J'ai noté aussi votre suggestion d'avoir un représentant
de l'Office des professions. Ce matin, on a beaucoup parlé de la
nécessité que certains professionnels acquièrent une
meilleure formation dans le traitement ou la réhabilitation des
personnes handicapées ou encore dans la "guidance", dans des conseils
à donner aux parents d'enfants handicapés.
Cela me paraît une suggestion fort pertinente. La notion de
"représentant légal" aussi, nous en avons parlé ce matin,
nous la retenons. En ce qui concerne votre plan de service, c'est un des rares
mémoires à faire une proposition aussi précise. Vous venez
d'en parler. J'avais noté dans mes remarques, suite à la lecture
de votre mémoire, votre proposition voulant qu'il y ait un comité
de quatre personnes, non seulement pour l'admission à l'atelier
protégé, mais aussi lorsqu'une personne handicapée ou son
représentant requiert un plan de service. Effectivement, cela me
paraît à peu près la meilleure formule que j'aie vue
jusqu'à maintenant. Je vous en remercie.
L'office, rapidement encore une fois, doit avoir pour rôle
principal, comme vous le dites si bien, de stimuler les agents qui devraient
normalement distribuer les services. Vous utilisez l'expression "fait faire un
plan de services", "fait faire telle chose". L'autre expression qu'on re-
trouve aussi, qui nous plaît, c'est l'expression "l'office s'assure que".
Dans bien des cas, dans la majeure partie des cas, il s'agira pour l'office, et
cela découlera un peu de son premier mandat, de faire un bilan
exhaustif, un bilan très complet des ressources en plus de faire le
bilan des besoins. Une fois ce bilan très complet des ressources
achevé, il s'agira, pour l'office, de s'assurer que les services
fonctionnent de façon adéquate.
Enfin, la dernière remarque en réaction à votre
suggestion indiquant que le titulaire ou le ministre responsable de
l'application d'une telle loi soit le ministre d'Etat au développement
social, je n'ai aucune espèce d'objection de principe, personnellement.
Tout le monde sait que le ministère des Affaires sociales est le plus
gros des monstres actuellement parmi les ministères. J'en prends note.
On va en discuter. Evidemment, la logique derrière l'attribution au
ministre des Affaires sociales, c'est justement que la plupart des services qui
doivent être mis à la disposition des handicapés physiques
ou handicapés mentaux, se trouvent dans le réseau des affaires
sociales je pense que c'est la seule logique bien qu'il existe,
encore une fois, plusieurs autres ministères qui devront augmenter leurs
services, d'où votre logique, étant donné qu'il y a
plusieurs ministères d'impliqués, votre proposition que ce soit
un ministre d'Etat qui en ait la paternité ou qui soit chargé
d'en avoir la surveillance. Je m'arrête ici.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloorn: M. le Président, à mon tour, je
voudrais féliciter cet excellent organisme de son mémoire et de
son travail. J'ai quelques commentaires qui pourront susciter des
réponses de la part des porte-parole. Je n'insiste pas absolument
là-dessus.
Mon intention a d'abord été attirée par vos
commentaires sur l'article 26. C'est à la page 10 de votre
mémoire. Cet article concerne la confidentialité des dossiers.
Votre commentaire se fait en deux paragraphes, et dans le premier, vous
exprimez votre accord, non seulement que la tradition et le principe de la
confidentialité soient respectés, mais que le législateur
hésite à multiplier les accrocs à ce principe. Ensuite,
dans le deuxième paragraphe, vous indiquez que, quand même, vous
connaissez des difficultés. Si vous soulignez des difficultés,
c'est parce que vous aimeriez que ces difficultés soient
diminuées ou enlevées, mais comment le faire sans faire un autre
accroc au principe de la confidentialité?
Il me semble qu'il y a là-dedans deux choses: D'abord, le secret
professionnel n'appartient pas aux professionnels de la santé, mais au
malade. Le malade peut dévoiler lui-même ce que contient son
dossier dans la mesure où il en connaît le contenu et peut
c'est la chose la plus utile dans cette considération
autoriser
l'envoi de son dossier à n'importe qui, vraiment, mais c'est
notamment entre professionnels de la santé que les dossiers, les
extraits de dossiers se transmettent.
De nos jours, l'insistance sur l'autorisation du malade est encore plus
précise qu'autrefois. Mais, avec cette autorisation, n'importe quel
professionnel de la santé qui écrit à un autre
professionnel, incluant dans sa lettre copie de l'autorisation du malade,
reçoit, normalement, les renseignements. Faut-il faire plus que cela, y
a-t-il, derrière votre commentaire, des éléments que je ne
saisis pas parfaitement?
M. Desjardins: Dans notre travail de recherche, d'inventaire,
nous avons eu, à certaines occasions, des difficultés
auprès d'établissements professionnels qui ne voulaient pas nous
donner les noms des paralytiques cérébraux, parce qu'on ne
reconnaît pas un titre professionnel à l'association. La
"professionnalité" n'est peut-être pas uniquement un papier. C'est
peut-être aussi toute l'expérience qu'il y a derrière une
association. Il y aurait peut-être eu moyen de dire: On va vous donner
une lettre et demander aux gens d'envoyer leur nom à l'association; il y
a différents mécanismes. Je pense que le gros de l'ensemble,
c'est peut-être que certains établissements attachent de
l'importance professionnelle à un papier et non pas à la
connaissance d'un organisme envers un état...
M. Goldbloom: Oui, mais vous admettrez avec moi que, pour un
organisme comme tel, pour recevoir des dossiers médicaux, il faudrait
une reconnaissance à ce niveau-là. Votre association a-t-elle un
directeur médical ou y a-t-il une infirmière ou une travailleuse
sociale qui...
M. Desjardins: Ce n'est même pas un dossier médical
qu'on veut avoir, c'est simplement le nom des paralytiques
cérébraux qui auraient besoin des services de l'association.
Juste un nom et une adresse.
M. Malenfant: Je pense que, derrière cette recommandation
ou ce désir parce qu'il n'y a pas de recommandations
précises rattachées à cet article c'est que des
mécanismes soient prévus assez clairement dans la
réglementation de l'office pour que l'utilisation des dossiers qui sont
constitués à l'office soit d'abord, évidemment,
confidentielle, c'est-à-dire que n'importe qui n'y ait pas accès,
mais qu'il y ait des règles très précises pour y
accéder partiellement ou entièrement, de préférence
partiellement, de telle sorte qu'il y ait vraiment des mécanismes
reconnus pour y accéder avec des démarches précises et
connues de tous. Je pense que c'est ce qu'il y a dans notre recommandation
à l'article 26. Il n'y a pas plus que cela dans notre esprit pour
l'instant. Nous reconnaissons évidemment la confidentialité des
dossiers, mais nous reconnaissons aussi qu'il est important, afin
d'éviter le dédoublement de services, qu'il y ait une colla-
boration qui s'établisse entre les organismes du milieu et l'office qui
sera créé.
M. Goldbloom: Merci. M. le Président, j'ai un
deuxième commentaire qui se rattache aux articles 33 et 74. Les pages de
votre mémoire sont respectivement 14 et 24. Votre commentaire sur
l'article 33 commence en bas de la page 13 et continue sur la page 14 et vous
indiquez que, selon vous, une carte d'identité devrait être
facultative, devrait être à la disposition de ceux qui voudraient
l'obtenir. Il y a à l'article 74 une question d'embauche de personnes
handicapées par des entreprises. Il me semble qu'il y a un certain lien
entre l'indication d'une personne comme étant handicapée et
l'obligation que l'on imposerait ou l'encouragement que l'on donnerait à
un employeur éventuel à embaucher des personnes
handicapées.
Nous avons de nouveau ce problème fort épineux, fort
délicat de l'identification des personnes.
Il y a, évidemment, le même problème en ce qui
concerne les personnes âgées. Il y a des personnes
âgées qui ont droit à certains services, à une
réduction de certains tarifs et qui doivent s'identifier comme telles,
et il y a des personnes âgées qui préfèrent ne pas
dévoiler leur âge, etc. Il y a aussi dans un autre sens, mais
toujours pour le bien du malade, le genre de carte d'identité ou de
bracelet que portent certaines personnes pour indiquer qu'elles souffrent de
certains problèmes qui peuvent se présenter de façon
subite. Il est évident que nous voudrions permettre à des gens,
par une certaine identification, d'avoir accès à des
bénéfices, des ressources, des services, sans les stigmatiser par
cette identification. Je continue de lutter dans mon for intérieur avec
ce problème sans arriver à une solution magique.
J'ai été, comme beaucoup de gens autour de cette table,
à Paris quelques fois et dans le métro de Paris, il y a certains
sièges réservés aux mutilés de guerre, si ma
mémoire est fidèle. Si l'on est obligé de faire cette
désignation, c'est parce que la société, en
général, n'accorde pas cette courtoisie, cette
considération à des gens qui sont handicapés.
Nous sommes toujours en butte avec ce genre de problèmes. Alors,
je reviens à cette recommandation que vous faites, que la carte
d'identité soit facultative. Dans votre esprit, quelle serait
l'utilité de cette carte facultative? Quelle serait la différence
entre l'accès à des services, à des ressources, qu'aurait
la personne détentrice de la carte et l'autre personne handicapée
qui ne l'aurait pas demandée? Or, à quoi servirait la carte?
M. Malenfant: II est difficile de répondre de façon
précise à la question du député de D'Arcy McGee. Il
est évident que les principes de normalisation nous recommandent de ne
pas identifier les personnes parce que, moi-même, je n'aimerais pas me
promener avec une étiquette
dans le dos: M. Malenfant porte des lunettes; il est handicapé
des yeux. Par contre, il y a certaines personnes qui
préféreraient ou qui sont dans une situation limite entre deux
chaises et qui désireraient, pour différentes raisons, avoir une
carte d'identité. Je pense que nous devons leur laisser la
possibilité d'obtenir cette carte. C'est pour cela que nous sommes
d'accord. Nous avons été heureux ce matin d'entendre M. Lazure
annoncer que la carte, qui était obligatoire dans le projet de loi,
deviendrait facultative et ne serait pas un élément obligatoire
pour obtenir quelque service que ce soit de l'office.
Je pense que nous approuvons cette situation et nous approuvons cet
esprit qui a été dénoté ce matin.
Je pense qu'il y a des situations. Je ne peux pas vous citer de
situations précises où il faudrait une carte, mais
éventuellement, où des personnes auraient besoin de carte ou
désireraient avoir une identification précise, je pense qu'elles
devraient avoir la possibilité de l'avoir.
M. Lazure: Si vous permettez, M. le Président, en
réponse à la question du député de D'Arcy McGee, il
y a des situations très précises comme, par exemple, les places
préférentielles de stationnement et on me dit que la ville de
Sillery je lui rends hommage est déjà à
l'avant-garde, a déjà prévu des places de stationnement
préférentielles pour des personnes handicapées.
A ce moment, il faut avoir une marque quelconque distinctive dans le
pare-brise. C'est l'équivalent d'une carte d'identité. Il y a
aussi le transport public dans les grandes villes surtout. Je pense qu'à
ce moment, il serait commode qu'il y ait une carte d'identité pour ceux
qui veulent en faire la demande.
M. Desjardins: En fait, ce n'est pas l'identification d'un
individu lui permettant ainsi de bénéficier des services de
l'office. Il n'est pas nécessaire d'avoir une carte, mais pour certains
services où il faut s'identifier, d'accord, mais...
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je suis certain que
nos invités comprennent que le sens de mes questions était
simplement pour vous amener à expliciter une pensée
là-dessus et je termine par un très bref commentaire.
Je suis particulièrement intéressé par vos
observations sur l'article 70, où vous traitez de la question des
prestations d'aide sociale et de la dépendance qui pourrait persister
s'il n'y avait pas de modification à la situation de la personne
handicapée par rapport au fait d'avoir obtenu un travail. Je pense que
vous soulevez là un aspect très important sur le plan social de
toute cette question et je voudrais terminer par ce commentaire en vous
renouvelant mes félicitations pour la qualité de votre
contribution.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Je voudrais à
mon tour remercier l'Association de paralysie cérébrale qui a
accepté de venir rencontrer la commission, à l'invitation du
ministre. Point n'est besoin de vous dire qu'on vous connaît. On vous
connaît par les media d'information qui véhiculent avec assez de
justesse, je pense, l'oeuvre que vous dirigez. L'association que vous dirigez a
bien plus dans la population la réputation d'une oeuvre que d'une
association. Il est bon de voir, de visu, comme on le fait aujourd'hui, ces
gens qui sont à la barre de cette association et qui font ce travail
vraiment magnifique depuis plusieurs années. Vous avez tout notre
encouragement et on comprend, je pense, des deux côtés de la
table, tous les efforts que vous dépensez. Vous n'êtes pas de ceux
qui mesurent leurs heures et leurs journées dans la semaine pour oeuvrer
au sein de votre organisme. Je voudrais que vous en soyez remerciés.
Beaucoup de questions ont été posées, vous avez un
mémoire qui est tout à fait correct, je pense, qui prouve que la
loi est à propos et je pense bien que cela semble faire un consensus.
Au-delà des ressources humaines qualifiées, est-ce que vous
pourriez me dire la principale ressource qui manque et qu'il presserait de se
donner?
M. Talbot: Si vous le permettez, M. le Président, puisque
je pense que c'est moi qui ai le plus soulevé ce point, nous sommes
à faire une évaluation. Je suis obligé d'élargir
ici mon mandat un peu, je m'en excuse. J'ai demandé la permission,
tantôt, aux autres directeurs et ils ont dit que j'avais le droit de me
servir des connaissances que j'avais acquises autrement que comme directeur de
l'association, alors je vais le faire.
M. Grenier: Vous en avez le droit, parce que les gouvernements
vous donnent l'exemple là-dessus. Souvent, ils en font plus que le
mandat qu'on leur a donné.
M. Talbot: Je ne me prononcerai pas, M. le Président, sur
ce dernier commentaire, ce ne serait pas approprié.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez le droit de vous
prononcer, moi, je n'ai pas le droit.
M. Talbot: Je vous remercie de me donner ce droit, mais je ne
l'exercerai pas. Je vais me contenter toutefois de répondre à la
question. Nous essayons d'évaluer quand je dis nous, je vais
qualifier ce que je veux dire nous essayons d'évaluer les besoins
au moins des handicapés moteurs du Québec dans deux
espèces de régions, avec un R, si je puis dire. La
première, c'est la région de Sherbrooke qui est, je pense, la
région socio-sanitaire 05; il y a là un projet de recherche
depuis au moins trois ans déjà qui évalue
l'efficacité d'un programme de réadaptation pour les
handicapés moteurs. Dans
le deuxième cas, nous avons je ne sais pas par qui est
financé le premier projet un projet financé par le
ministère des Affaires sociales; c'est moi qui l'ai
négocié, il y a un an et demi ou deux ans, à peu
près.
Il se développe ici dans la région de Québec et il
évalue les besoins des handicapés physiques de l'Est de
Québec pour les régions 01, 02, 03, 04 et 09. En faisant cette
évaluation des besoins, on s'est rendu compte que ce n'était
peut-être pas exact mais c'est encore une hypothèse que
nous vérifions que nous étions terriblement à court
de ce qu'on appellerait les professionnels conventionnels de la
réadaptation, c'est-à-dire les médecins, le personnel
infirmier, les physiothérapeutes et probablement aussi les
ergothérapeutes.
Il semble que ce dont nous avons besoin, c'est surtout d'une
"maximisation" du fonctionnement de ces gens en leur permettant d'exercer leur
travail, c'est-à-dire de rendre des services, avec l'aide de personnes
dont la formation est moins dispendieuse. C'est assez étonnant parce
qu'on entend toujours dire qu'il faut ceci et cela. Par exemple, on en arrive
à la conclusion qu'en général, ce n'est pas vrai qu'il
faut des lits pour les grands infirmes de l'Est du Québec, il faut
surtout une meilleure utilisation des lits à partir d'un processus plus
rapide de réhabilitation, sauf dans des régions qui sont moins
bien équipées, comme la région 01 et la région 09.
Mais dans les régions 02, 04 et 03, il semble qu'on aurait
présentement les ressources dont on aurait besoin, sauf que ces
ressources ne semblent pas fonctionner de façon aussi efficace qu'on
pourrait le souhaiter. Nous pensons être en mesure de donner des
résultats plus précis là-dessus d'ici je ne peux pas
trop m'engager, je ne voudrais pas qu'on me tienne trop à coeur
l'échéancier que je propose environ six mois.
Nous avons déjà une idée de l'ordre de grandeur des
problèmes, c'est-à-dire que nous avons déjà fait un
certain dépistage d'une partie de la population. C'est pour cette raison
que tout à l'heure, M. Desjardins parlait des problèmes auxquels
nous faisons face quand il s'agit d'identifier ce qu'on appelle les
bénéficiaires. Je préfère dire les clients, parce
qu'un client est un individu autonome qui va acheter les services dont il a
besoin, tandis qu'un bénéficiaire est quelqu'un vis-à-vis
de qui on est un peu plus condescendant. On ne s'enfargera pas dans les mots.
On est en train d'identifier un ordre de grandeur, pas à trois
décimales près. Par exemple, on sait que dans l'Est du
Québec, en 1974, il y a eu 1227 accidents cérébraux
vasculaires, dont 226 personnes sont mortes durant l'année. On reste
avec 1000 accidentés cérébraux vasculaires à qui on
sait qu'il faut offrir des services.
On sait aussi qu'à partir d'une espèce d'approche plus
systématisée, on peut identifier qu'il faut des services de
réhabilitation sévère pour un certain pourcentage,
réhabilitation légère pour un certain pourcentage et pour
d'autres, il faut un service de maintien.
On en arrive à ceci. Les services dont on a le plus besoin, ce
sont les services, je ne sais pas comment les décrire, mais qui seraient
comme le transport, qui permettent à un individu d'être chez lui
et d'avoir ses soins en externe. Ce serait aussi, non pas les soins à
domicile, mais les services à domicile, comme comment les
appelle-t-on les aides ménagères. Une partie de mon
vocabulaire est anglicisé, parce que j'étais en Ontario pendant
huit ans. Donc on les appelle les "home makers", ce sont des aides
ménagères, je pense. Ce sont plutôt des gens comme
ça qu'il nous faut, qui font qu'on pourrait en arriver à une
proportion, pour chaque patient hospitalisé ici je parle de
patient parce que l'individu est hospitalisé de sept ou huit,
peut-être douze clients externes, une proportion énorme.
On se rend compte que l'utilisation des ressources est beaucoup moins
dispendieuse et est surtout un avantage extraordinaire, parce que ces individus
cheminent, dans leur réhabilitation, avec leur famille et avec toute la
tribu, d'une façon beaucoup plus réaliste que lorsqu'ils sont
institutionnalisés.
Ma réponse, grosso modo, à cette question que je trouve
absolument fascinante, c'est qu'il ne semble pas qu'on ait réellement
besoin de beaucoup de ressources traditionnelles conventionnelles, mais, comme
je le disais tantôt, il faut qu'on les oriente dans la bonne direction.
Il y a des gens qui agissent comme un goulot et qui empêchent le
fonctionnement de certaines ressources très dispendieuses et cela, on
commence à le savoir.
C'est pour cela que, dans cette optique, si vous le permettez, M. le
Président, j'ajouterais qu'il y a un commentaire que nous n'avons pas
fait dans notre rapport. Nous en avons parlé à midi, parce que ce
qui s'est passé ce matin nous a tellement bouleversés qu'on s'est
dit: On va peut-être arriver avec encore un autre fardeau qu'on pourra
leur confier. Ils ont l'air d'être capables de régler les
problèmes. Ils ont l'air d'être prêts à le faire.
Ce qu'on pense qu'il faut faire, c'est de se donner deux instruments. En
premier lieu, on pense que l'office devrait jouer le rôle de
l'évaluation entre l'investissement des ressources et le fonctionnement
des ressources, ce qu'on appelle, en gestion, "l'input" et "l'output". On pense
que l'office devrait jouer ce rôle parce qu'un tel rôle ne se joue
pas beaucoup. Peut-être que cela devrait être
délégué aux CRSSS ou à des trucs comme cela. Mais
il y a quelqu'un qui devrait voir à ce que ce qu'on investit comme
ressources, ce soit réellement utilisé pour les grands infirmes
de l'Est du Québec ou pour les handicapés.
On n'a pas l'impression que cela se fait présentement. C'est donc
une fonction très lourde, parce qu'il faut se donner des instruments
pour le faire.
La deuxième fonction que nous voyons et celle-là,
elle est plus difficile et il faudra proba-
blement la déléguer, elle est plus difficile, c'est
difficile à croire, mais c'est vrai c'est l'instrument
d'évaluation du pronostic d'adaptation en réadaptation, qu'il
s'agisse d'un déficient mental ou d'un handicapé physique ou de
ces handicapés multiples qui sont négligés.
Ce matin, on en a parlé justement. Il y a une dame qui disait que
lorsqu'elle a donné naissance à son enfant, on lui a dit: Cet
enfant n'a pas de potentiel. C'est un mongoléide, il va en rester
là, il ne peut pas s'améliorer.
Ce sont on se rend compte, nous, à l'usage, par notre
expérience, c'est que, dans notre territoire et c'est peut-être
vrai dans d'autres territoires aussi, on n'a pas développé
d'instruments d'évaluation du pronostic d'adaptation pour un
nouveau-né ou de réadaptation pour quelqu'un qui devient
handicapé à la suite d'un accident. On n'a pas
développé cet instrument, de sorte qu'il y a des gens à
qui on n'offre pas de programme de réadaptation. Cela a
été prouvé dans la région de Sherbrooke, ce projet
dont je vous parlais. Il y a des gens à qui un neurologue, un
omnipraticien ou un médecin, enfin, l'équipe médicale
habituelle, n'offrira pas de service de réadaptation, parce qu'on tient
pour acquis qu'il n'y a pas de potentiel de réadaptation. Cela, je pense
que c'est important.
Il y a deux autres petits points qu'on a mentionnés, à la
suite de cela, si vous le permettez. Le deuxième point, c'est la
recherche. Ce matin, on a parlé de prévention de certaines
naissances. Là, on tombe dans tout le champ de l'eugénisme et
j'aime autant ne pas trop m'embarquer là-dedans.
Nous, ce qu'on a découvert, c'est que c'est possible de
prévenir certaines complications et on pense qu'il faut faire de la
recherche pour savoir comment elles peuvent se prévenir. Par exemple,
nous savons que, dans les cas d'infirmité motrice,
cérébrale, congénitale, quand il y a de la scoliose, une
malformation du rachis, cela se retrouve, neuf cas sur dix, chez des filles, au
moment de la puberté. Pourquoi?
Ce que nous suggérons, c'est que l'office, ayant identifié
une population qui a des besoins, dise, par exemple, à une
université: Vous allez nous former telle sorte de personnes pour rendre
les services dont on a besoin, ou vous allez chercher la réponse
à cette question.
Peut-être qu'on dépasse ici les cadres de l'office, mais on
en fait quelque chose de très valorisant pour l'office. Au lieu
d'embarquer l'office dans la tâche contre laquelle on proteste, où
l'office s'embarque dans l'établissement du plan de services de chaque
individu, nous, on suggère une tâche qui se situe à un
niveau différent.
M. Desjardins: C'est un niveau de planification, de coordination
et de promotion des ressources. Je veux revenir sur la remarque de M. Lazure en
ce qui concerne le fait que l'office dépende d'un autre ministre que
celui des Affaires sociales. Ce n'est pas uniquement une question de
tâche, mais de conflits d'intérêt aussi, parce que si
l'office dépend du ministre responsable du ministère qui dispense
la majorité des services, je pense que ce sera assez difficile à
un moment donné s'il y a des conflits. Autant les autres
ministères que son ministère sont un peu fautifs dans le manque
de services.
M. Grenier: ... autorité.
M. Desjardins: Je pense que ce serait préférable
que cela dépende d'un autre ministre.
Dans ses remarques de ce matin au sujet de la formation du comité
du conseil d'administration, M. le ministre a dit: Nous envisageons
également la possibilité d'assurer, au niveau du conseil
d'administration, une plus grande représentation des personnes
handicapées ou de leurs représentants ainsi que celle des
ministères concernés. La représentation des
ministères pourrait s'effectuer selon un système de rotation afin
d'éviter une structure trop lourde.
Je m'interroge un peu sur la question de la rotation. Est-ce que cela
pourrait être explicité un peu plus?
M. Lazure: Oui, M. le Président. Tout simplement, c'est
qu'on peut identifier presque une dizaine de ministères. Il y a des
mécanismes semblables dans différentes associations ou dans
beaucoup de groupements. Je pense, par exemple, au conseil d'administration
d'un conseil régional d'un CRSSS où vous avez un certain nombre
de sièges, trois sièges actuellement, réservés aux
représentants des hôpitaux. Tous les hôpitaux d'une
région se réunissent et désignent trois
représentants sur trente, s'il y a trente hôpitaux dans la
région.
De la même façon, on pourrait imaginer que dix ou douze
ministères concernés se réuniraient tous les deux ans et
en désigneraient six sur les dix. Ces six-là pourraient
changer.
Une Voix: Allez-y.
M. Grenier: J'avais une dernière question à poser.
Je ne sais pas si c'est le docteur qui pourra répondre à cela. Je
vous voyais regarder l'heure. Vous êtes chanceux, quand un médecin
parle, on regarde l'horloge, mais quand c'est un politicien, on regarde le
calendrier. Vous pensez que les lois empêchent un peu le handicapé
de progresser. Pourriez-vous préciser? Quand vous avez
suggéré le ministre d'Etat, on a soupçonné tout
cela, tout ce que cela sous-tend. Il y a des lois, au niveau de certains
ministères, qui peuvent empêcher le handicapé de
fonctionner ou de progresser. J'aimerais que vous mettiez le doigt un peu
rapidement sur trois ou quatre qui sont peut-être importantes à
vos yeux.
M. Talbot: Je ne peux pas dire que ce sont toujours des lois, ce
sont parfois des interprétations de lois.
Je me souviens d'un cas très précis d'un
quadriplégique qui avait une aide ménagère, qui
s'était inscrite à l'université et à qui on
a coupé la subvention qui lui permettait d'avoir une aide
ménagère parce que maintenant, il recevait un montant d'argent du
ministère de l'Education qui lui permettait d'aller à
l'université. C'est pourtant le moment où il avait le plus besoin
d'aide ménagère, parce qu'il n'était pas à la
maison durant la journée pour faire son ménage et préparer
ses repas. Alors, on lui enlevait ce qui lui rendait possible le fait d'aller
à l'université pour poursuivre ses études et devenir
enfin, on l'espère un individu capable de contribuer un
peu plus à l'économie nationale, et d'être un individu
probablement plus heureux. C'est un exemple qui me vient à l'esprit,
tout de suite, comme cela.
C'est pour cela que l'office doit jouer un rôle utile, parce qu'il
va, s'il fonctionne comme il le faut, permettre de passer à travers ces
barrières qu'il y a à travers toutes ces structures, que
j'appelle verticales, qu'une société se donne pour rendre des
services à ses membres. On se donne un ministère de ceci et un
ministère de cela et un ministère de toutes sortes de choses,
mais à un moment donné, ils ne se parlent pas entre eux. Il faut
développer cela parce que le handicapé voyage plutôt de
façon horizontale dans son trajet de réhabilitation. Il ne faut
pas se faire d'illusion, c'est le handicapé qui se réhabilite
lui-même, les autres ne sont que des ressources qu'il utilise avec plus
ou moins de succès, selon que les ressources sont plus ou moins
compétentes ou plus ou moins disponibles.
Ce qui se passe, c'est qu'à un moment donné, quand le
handicapé doit passer, de ce qu'on appelle la santé dans notre
concept traditionnel, a la socialisation et à l'éducation et au
retour, au travail, et qu'à travers cela, il doit s'intégrer au
niveau des transports et au niveau des loisirs, c'est là qu'il fait face
à toutes sortes de barrières dont on se sert pour des fins de
gestion, sans aucun doute, pour déterminer le territoire dans lequel on
investit des ressources, des dollars et tout, mais cela lui complique
l'existence terriblement. C'est un exemple auquel je pense tout de suite.
Il y a quelque chose d'encore plus profond à l'intérieur
de cela, c'est qu'il faut vivre l'expérience d'être
handicapé ou d'avoir des membres handicapés dans notre famille.
Au départ, quand cela nous arrive, cette chose, c'est tout de suite une
réaction de défense ou de rejet. Il y a ces deux
réactions. C'est très normal de voir peut-être un individu
ne pas vouloir donner de services à un autre individu parce qu'il n'est
pas semblable à lui. Un gars est noir, il est noir, tout de suite, on a
une certaine appréhension. On le manifeste même dans nos lois,
tout simplement sans le vouloir, ou pour ceux qui veulent l'appliquer, la loi.
Dans notre mémoire, on cite le cas de M. Rénald Lalande qui s'est
réhabilité, s'est trouvé un emploi, a pris des cours le
soir à l'université pour aller se chercher un titre
professionnel, est allé à la commission de la fonction publique,
s'est qualifié sur une liste d'admissibilité, mais il n'y a
personne qui lui offre une "job".
Il n'y a personne qui fait de la discrimination, pas du tout, mais il
n'y a personne qui lui offre une "job". On dit: II y en a un meilleur que toi.
Il y en a toujours un meilleur que toi. Or, c'est tout simplement ce
mécanisme naturel qui se produit tout le temps. Nous, depuis vingt-neuf
ans que nous oeuvrons, on sait que c'est perpétuel et que cela se
répète. Pas seulement au Québec, ailleurs. Il faut un
mécanisme plus fort, comme l'office, qui aura le rôle de
déranger les autres personnes, pas déranger les
handicapés, déranger les autres personnes pour qu'elles fassent
leur "job". Des lois universelles, on en a eues. En 1961, on a eu
l'assurance-hospitalisation. A un moment donné, je me suis dit: Tiens,
enfin on va avoir des lois pour que nos enfants soient couverts. Mais au vout
de 90 jours en centre hospitalier, il faut qu'ils paient. En 1963, on a fait la
loi de l'éducation gratuite pour tout le monde, mais pour s'apercevoir
qu'il n'y a pas de professeur adéquat pour lui où même un
établissement spécialisé le met à la porte parce
qu'il est trop handicapé. Aussi aberrant que cela peut être, il y
a même un sous-ministre qui a écrit à cet
établissement lui demandant de donner le service et cela a
été refusé. En 1965, cela a été la Loi de la
Régie des rentes. C'est bien correct, mais il y a un minimum de cinq ans
pour avoir une rente d'invalidité à l'intérieur de cela.
Le mécanisme est comme cela tout le temps. C'est notre
phénomène individuel, social, qu'on traduit dans nos lois, tout
simplement. Il faut un mécanisme et c'est pour cela qu'on le
préconise. Il faut absolument se réveiller et réveiller la
population.
M. Grenier: Je m'arrête parce qu'on est rendu à la
fin de la période. J'aurais énormément de questions. C'est
extrêmement intéressant. Je pense que le président va
vouloir ajourner.
Le Président (M. Marcoux): Nous approchons de 6 heures. De
deux choses l'une: ou il y a consentement de la commission pour qu'on continue
encore cinq, dix ou quinze minutes maximum, disons dix minutes maximum, pour
terminer l'audition de ce mémoire, ou on demande à nos
invités de revenir à nouveau? On prolonge de dix minutes?
Bon.
M. Goldbloom: Si c'est vraiment nécessaire, M. le
Président. Pour ma part, je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Richelieu.
M. Martel: Simplement, des questions que MM. Desjardins et Talbot
soulevaient tout à l'heure: Pourquoi ne pas confier cet office au
ministre d'Etat des Affaires sociales? Pour la raison suivante, c'est que dans
les structures actuelles du gouvernement, le ministre d'Etat ne peut
administrer un office ou administrer un ministère, quel qu'il soit. Il
supervise, en quelque sorte, l'administration, ce qui touche par exem-
ple aux affaires sociales peut toucher une dizaine de ministères
mais il ne peut, dans les structures actuelles, administrer quelque office que
ce soit. A ce moment-là, le ministre des Affaires sociales, de qui
relève le réseau des affaires sociales est la personne
habilitée à administrer cet office qui aura, évidemment,
une incidence sur les autres ministères, avec la collaboration du
ministre d'Etat.
Un point d'interrogation, très brièvement. Vous êtes
revenus, à plusieurs reprises, sur le manque de pouvoirs de l'office.
Cependant, je relisais encore tout à l'heure le chapitre III, les
articles 11 à 52 du projet de loi 9; il me semble que l'office a
vraiment des pouvoirs. Ce sont vraiment des dents qu'on lui donne par ces
articles et je ne vois pas pour quelle raison vous doutez des pouvoirs de cet
office.
M. Talbot: Je pense que c'est moi qui ai soulevé ce point.
Je pense que j'ai, quelque part à l'intérieur de moi, un petit
dictateur. Je pense que, souvent, certaines institutions ou certains individus
ne fonctionnent bien que si, à un certain moment, on peut les priver de
leur budget.
M. Desjardins: En ce qui concerne la dépendance de
l'office du ministre des Affaires sociales, je pense que l'office, dans
l'exercice de ses fonctions, aura très souvent à négocier
avec le ministre des Affaires sociales sur un lot de services, une très
grosse majorité et, s'il n'obtient pas ce qu'il lui faut ou s'il ne
marche pas selon les possibilités du ministre, j'ai l'impression qu'il y
aura un certain conflit. Cela peut être assez difficile. Qu'il
relève d'un autre ministre, je n'ai pas d'objection.
M. Martel: Mais, à ce moment, le ministre relève du
Conseil exécutif qui est l'ensemble des ministres où les
décisions se prennent. A ce moment, je pense qu'il n'y aura pas de
problème à ce que l'office ait un bon avocat, dans la personne du
ministre, lorsqu'il s'agira de trouver les fonds nécessaires pour faire
fonctionner l'office.
M. Malenfant: M. le Président... Le Président
(M. Marcoux): Oui.
M. Malenfant: Seulement un petit mot à ce sujet.
L'intention de l'association, en faisant cette proposition, était pour
éviter les conflits d'intérêts possibles.
Je pense que, s'il y a d'autres mécanismes de prévus pour
éviter ces conflits d'intérêts, il n'y a pas d'objection de
la part de l'association à ce que ces mécanismes soient mis en
place.
Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole
au ministre pour le mot de la fin, j'aimerais vous indiquer que, lorsque nous
reprendrons nos travaux tantôt, nous entendrons le mémoire de la
Corporation professionnelle des ergothéra-peutes du Québec et
que, demain, à partir de 10 heures, nous entendrons le mémoire de
la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, le
mémoire 9-M; le mémoire 35-M du Conseil de la santé et des
services sociaux de l'Outaouais; le mémoire 46-M du Centre des services
sociaux Ville-Marie; le mémoire 13-M de l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec.
Ce seront les quatre mémoires entendus demain et, maintenant, le
ministre pour le mot de la fin.
M. Lazure: Très rapidement, M. le Président, un
dernier mot sur cette proposition de confier au ministre d'Etat au
développement social l'application de cette loi.
Je comprends cette crainte que vous exprimez, à savoir que le
ministre des Affaires sociales puisse entrer en conflit d'intérêt,
pour ainsi dire. Cependant, contrairement à un service ou à une
direction du ministère, il s'agit, dans le cas de l'office, d'un
organisme qui s'apparente un peu à une régie en ce sens qu'il a
un conseil d'administration et ce conseil d'administration sera formé
très majoritairement de gens qui ne sont pas des fonctionnaires, des
gens qui sont en-dehors du... Qu'il y ait quand même un mécanisme
de sauvegarde quant aux conflits internes d'intérêts entre les
intérêts de l'office, donc des handicapés, et ceux du
ministre des Affaires sociales.
Une dernière remarque. Je pense que cela vaut la peine
d'être relevé. Quelqu'un du groupe y a fait allusion et dans mes
réactions j'ai oublié de le mentionner. Il s'agit du chapitre sur
la promotion des personnes handicapées intégrées au
marché du travail. Vous suggérez, à la page 26, dans vos
paragraphes X et Y, que les conventions collectives tiennent compte du fait que
la personne handicapée, dans certains cas, n'aurait pas
nécessairement à passer toutes les étapes qu'une personne
non handicapée doit passer avant d'arriver à telle ou telle
promotion. Je trouve que c'est intéressant parce que ce serait un peu la
contrepartie. Dans le projet de loi, nous incitons les entreprises à
présenter, comme je l'ai dit ce matin, une formulation qui nous
paraît plus appropriée maintenant, un plan d'embauche pour
personnes handicapées, et je pense que dans le cas des syndicats aussi,
cela touche et les syndicats et les patrons. Je pense qu'il faudra demander aux
centrales syndicales, en particulier, d'être très vigilantes
vis-à-vis des conventions collectives en regard de la protection, la
promotion des droits des personnes handicapées. Alors, je vous remercie
d'avoir signalé cette situation et peut-être faudra-t-il la
retenir et l'inclure dans le projet de loi. Je remercie beaucoup l'association
encore une fois pour sa contribution.
M. Desjardins: ... très actuel sur ce sujet-là
c'est qu'un handicapé visuel est même avantagé de
travailler dans un laboratoire, dans la chambre noire d'un laboratoire de
développement de photographies et cependant, on ne le lui permet
pas, parce qu'il ne peut pas passer les autres classes
antérieures des conventions collectives.
Je ne voudrais quand même pas voler le dernier mot, mais dire que
l'Association de paralysie cérébrale peut assurer le gouvernement
de son entière collaboration pour toute action qui ira dans la bonne
voie. Nous pouvons aussi assurer le futur office des personnes
handicapées du Québec de notre aide pour l'application de cette
loi avec les amendements que nous jugeons opportun d'apporter et pour
l'élaboration des règlements nécessaires à sa mise
en oeuvre.
Nous voudrions remercier en terminant le ministre et les membres de la
commission des affaires sociales d'avoir bien voulu prendre connaissance de
notre avis sur la politique et les législations qui y sont
proposées.
Le Président (M. Marcoux): Au nom de tous les membres je
remercie l'Association de paralysie cérébrale de nous avoir
présenté son mémoire.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
Reprise de la séance à 20 h 15
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des affaires sociales poursuit l'étude et l'analyse
des mémoires sur le projet de loi 9, Loi assurant l'exercice des droits
des personnes handicapées. J'invite la Corporation professionnelle des
ergothérapeutes du Québec à nous présenter son
mémoire. Je vous inviterais, Mme Cloutier, à présenter vos
collègues.
Corporation professionnelle des ergothérapeutes
du Québec
Mme Drouin-Cloutier (Francine): Oui, M. le Président, M.
le ministre, messieurs. Je voudrais vous présenter les gens qui
m'accompagnent ce soir. A l'extrême droite, Monique Lefebvre qui est la
secrétaire générale de la corporation. Françoise
Gagnon qui est chef de service au Centre Constance Lethbridge, à gauche,
Marie-Josée Filion qui est ergothérapeute à l'Institut de
réadaptation de Montréal, et à l'extrême gauche,
Rolande Falco, qui est chef du service d'ergothérapie à
l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez assisté
à nos délibérations aujourd'hui, vous connaissez nos
règles. Vous avez une vingtaine de minutes pour présenter
l'essentiel de votre mémoire, soit le lire en tout ou en partie.
Ensuite, c'est le dialogue avec les membres de la commission.
Mme Drouin-Cloutier: Je vous dirai tout de suite que je n'ai pas
l'intention de vous le lire d'un couvert à l'autre. Je pense que vous
l'avez déjà en main. Je vais tout simplement me contenter d'en
tirer les principes généraux et les articles les plus percutants
et ce, pour permettre d'ouvrir la discussion par la suite.
Je sais qu'on arrive à la fin de la journée et qu'on s'est
fait répéter presque toute la journée certains
amendements, d'ailleurs, qui avaient été déjà
annoncés par le ministre Lazure ce matin, à la conférence
d'ouverture. Mais ne serait-ce que pour confirmer et répéter
notre approbation face à certaines de ces mesures, si vous le permettez,
je vais vous les répéter dans le mémoire qu'on vous a
présenté.
Pour vous permettre de vous situer davantage, je vais vous donner une
définition de ce qu'est l'ergothérapie, parce que je
présume que tout le monde n'est pas très familier avec ce que
c'est.
L'ergothérapie est tout acte qui a pour objet le traitement d'une
personne, en vue d'améliorer ou d'assurer son indépendance
fonctionnelle au plan physique et psychique, principalement par l'utilisation
d'activités de travail ou de la vie quotidienne. L'exercice de
l'ergothérapie comprend notamment l'évaluation du potentiel
fonctionnel d'une personne, l'utilisation d'activités psychodynamiques
impliquant des relations thérapeuti-
ques et la conception d'adaptations fonctionnelles.
La Corporation professionnelle des ergothé-rapeutes du
Québec, comprenant 425 membres maintenant, oeuvrant principalement dans
les centres hospitaliers, dans les centres de réadaptation et dans les
institutions d'enseignement auprès des enfants handicapés, est
particulièrement sensible au projet de loi assurant l'exercice des
droits des personnes handicapées. Ce projet de loi concerne la
majorité des clients traités dans les services
d'ergothérapie, ceux-ci pouvant présenter des limitations
physiques et mentales.
De plus, le projet de loi fait mention d'orientation en
réadaptation qui sont susceptibles de modifier le fonctionnement des
services offerts par les ergothérapeutes. La Corporation professionnelle
des ergothérapeutes du Québec ne pouvant pas rester insensible au
projet de loi no 9, Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées, a formé un comité pour étudier la loi
et faire certaines recommandations.
La Corporation professionnelle des ergothérapeutes du
Québec, au nom de ses membres oeuvrant auprès des personnes
handicapées, est heureuse de profiter de l'occasion qui lui est offerte
d'exprimer son opinion dans le but de favoriser le bien-être de la
personne handicapée.
Ce livre blanc traçant une politique à l'égard des
personnes handicapées, ainsi que le projet de loi no 9,
représentent certainement un effort louable de la part du gouvernement
du Québec afin de secouer l'indifférence et parfois même le
rejet de la population dite "normale" à l'égard de ces personnes
handicapées.
Dans un premier temps, nous tenons à souligner les aspects du
projet de loi qui ont retenu notre attention comme étant très
positifs et d'une importance, à nos yeux, primordiale.
En premier lieu, l'information, tant auprès des personnes
handicapées elles-mêmes, afin de leur faire connaître les
ressources existantes et les recours qui leur sont donnés en cas de
discrimination, qu'auprès de la politique en général, afin
que se développe un sentiment de solidarité à
l'égard de ces concitoyens.
Le deuxième point positif qu'on a soulevé était la
stimulation, en ce sens que cela permet de stimuler les différents
ministères et organismes concernés, afin de promouvoir des
actions concrètes, face aux besoins essentiels des personnes
handicapées, tels que le travail, le logement, le transport et les
loisirs.
Le troisième point touche l'éducation qui est accessible
au jeune jusqu'à l'âge de 21 ans; le quatrième point, les
subventions disponibles aux employeurs afin de faciliter l'embauche des
personnes handicapées.
Cependant, dans un deuxième temps, nous ne saurions passer sous
silence certains aspects du projet de loi qui présentent plusieurs
dangers, et nous adressons une mise en garde.
Tout d'abord, le fait même de créer une loi pour les
personnes handicapées est la preuve tangible de l'existence d'un groupe
de citoyens différents des autres. C'est une réalité
difficile à accepter pour ceux-ci, nous le constatons dans nos rapports
quotidiens avec eux. Pour avoir travaillé pendant quatre ans en
psychiatrie adulte, je sais à quel point c'est stigmatisant pour le
handicapé mental d'avoir à se faire désigner comme
étant une personne qui est allée à la ville, qui est
allée à Saint-Michel-Archange ou à Saint-Jean-de-Dieu, et
malgré le fait qu'elle a changé son nom, le stigmate existe
déjà. Pour nous qui travaillons auprès de ces
handicapés, c'est difficile de les faire vivre avec ce stigmate, et on
pense que le fait de faire une loi, c'est encore de concrétiser leur
marginalité.
D'autre part, nous sommes d'accord avec la position du ministre,
à savoir que c'est probablement un premier pas dans le sens de
sensibiliser la population et les ministères au fait qu'il y a des
handicapés, qu'il faut entreprendre quelque chose pour respecter leurs
droits.
Nous refusons que le gouvernement accentue cette catégorisation
en obligeant la personne handicapée à s'inscrire à
l'Office des personnes handicapées du Québec, à porter une
carte d'identité particulière, formant ainsi un réseau
parallèle possédant son propre système de dossiers
centralisé. Si je fais un rapport avec ce qui s'est dit ce matin, je
constate que le ministre des Affaires sociales est prêt à modifier
sensiblement le projet de loi, à faire sauter cette carte
d'identité et à la rendre sur demande seulement. Je pense que
cela serait très bien.
De plus, par certains de ses rôles, l'Office des personnes
handicapées tend à se substituer aux organismes
déjà existants dans la planification de la réadaptation.
Une telle structure aura pour conséquence, à notre avis, de
diminuer la qualité des services à cause des trop nombreux
intermédiaires, des formules à remplir, des délais
occasionnés et de |a déshumanisation des contacts.
Que des fonds et du personnel supplémentaires soient
affectés à la réadaptation des personnes
handicapées, nous sommes les premiers à y souscrire, et avec
joie. Mais à notre avis, cela devrait être fait surtout à
l'intérieur des structures déjà existantes au
ministère des Affaires sociales, de façon
décentralisée ou au niveau de l'application de la Charte des
droits de l'homme.
Vous arrivez à la partie du mémoire sur les articles de
loi qui ont suscité nos commentaires. Je n'ai pas l'intention d'en
reprendre la lecture complète, je vais seulement suggérer une
quinzaine d'articles qui nous semblaient plus importants, à nos yeux,
pour vous expliquer les commentaires qu'on a faits à cet
égard.
Il y avait, premièrement, l'article 1 qui décrit ce qu'est
une personne handicapée, et nous voudrions voir sauter le membre de
phrase qui dit: Reconnu comme tel par l'office. En effet, nous suggérons
que toute personne handicapée qui possède une attestation
médicale à cet effet soit reconnue comme telle. L'article 13 au
chapitre III, c'est au niveau de la constitution de l'Of-
fice des personnes handicapées. Nous voudrions qu'au lieu d'y
avoir onze membres, nous en ayons plutôt quinze, car nous voudrions en
voir ajouter deux qui seraient des représentants des personnes
handicapées et deux qui seraient des représentants des
professionnels de la réadaptation, c'est-à-dire, pour ne nommer
que quelques-uns, les ergothérapeutes ou les phy-siothérapeutes,
les travailleurs sociaux et les psychologues ou les orthophonistes et
radiologistes.
A l'article 30, dans les fonctions de l'office, nous suggérons de
modifier le paragraphe a) et de l'énoncer de la façon suivante:
"L'office: a) collabore dans la réalisation du programme de
réadaptation d'une personne handicapée en vue de son
intégration sociale et professionnelle". En effet, nous croyons qu'il
existe actuellement des services adéquats qui sont offerts pour la
réadaptation des personnes handicapées. Ces services sont
assurés par les centres hospitaliers, les centres de
réadaptation, les centres d'accueil ainsi que par certaines institutions
d'enseignement et certains centres locaux de services communautaires, etc. La
qualité de ces centres est déjà
contrôlée.
Par ailleurs, nous craignons qu'il y ait un dédoublement des
services existants car ceux-ci élaborent déjà un plan de
services à leurs clients, plan de services mais entre guillemets. Nous
suggérons aussi de remplacer le paragraphe d) par le suivant:
Sensibiliser les personnes handicapées à leurs droits et aux
services qui leur sont offerts. Il nous semble important de très bien
informer les personnes handicapées tout en leur laissant la
liberté d'utiliser les services qui leur sont offerts et d'utiliser
leurs droits, de faire valoir leurs droits.
Pour continuer dans la même veine, à l'article 31, nous
suggérons de déplacer ce paragraphe, le paragraphe a) de
l'article 31, et de l'inclure dans l'article 30. En effet, il nous semble
prioritaire que l'Office des personnes handicapées du Québec se
charge de la promotion des services répondant aux besoins des personnes
handicapées en vue de faciliter leur accès à des logements
et à des biens de services, leurs déplacements, leur
intégration au marché du travail, leur accès à une
éducation normale et leur participation à des activités
socio-culturelles et de loisirs. C'est pourquoi nous recommandons que ce
rôle soit inclus dans les devoirs de l'office plutôt que dans ses
pouvoirs.
A l'article 33, nous voudrions que le paragraphe b) soit omis parce que
nous craignons que les personnes handicapées qui visent une
intégration sociale complète n'acceptent pas d'être
identifiées par l'intermédiaire d'une carte comme personnes
handicapées. Cette étiquetage ne risque-t-il pas d'être
perçu comme une façon d'officialiser le handicap de personnes qui
tentent de mettre l'accent sur leur potentiel plutôt que sur leurs
limites.
Nous en arrivons au chapitre 4: L'intégration professionnelle et
sociale. Nous sommes assez draconiens au niveau de ce chapitre. On voudrait le
voir retiré pour n'en conserver que le paragraphe b) de l'article 58 qui
se lit: L'office peut, au besoin, mettre sur pied des services de main-d'oeuvre
pour les bénéficiaires si de tels services ne sont pas
disponibles en quantité et qualité suffisantes.
Nous reconnaissons à l'office les fonctions décrites
à l'article 30, sauf le paragraphe a). Il nous apparaît que la
nécessité pour un handicapé de faire une demande de
services auprès de l'office peut entraîner un dédoublement
des services offerts actuellement par les organismes en place ainsi que des
délais regrettables. L'élaboration d'un plan d'intégration
professionnelle et sociale se greffe sur les plans généraux de
réadaptation et fait donc partie intégrante des
responsabilités des professionnels de la santé. Une approche
multidisciplinaire pour évaluer et traiter les handicapés
présente plus d'avantages que des plans préparés à
l'extérieur. Il est également important de noter que les
modifications en cours d'un programme de réadaptation sont
fréquents et que l'obligation de consulter avant d'agir pourrait en
compromettre l'efficacité.
L'article 68, à la section 3, comprend l'intégration
professionnelle. Nous y ajoutons quelques bouts de phrases qui se lisent comme
suit: L'office peut, dans le cadre d'un programme de réadaptation,
conclure avec tout employeur et une personne handicapée
référée par un professionnel de la santé un contrat
en vue de l'intégration du handicapé au marché du travail.
Un tel contrat a une durée d'au plus six mois et n'est renouvelable que
deux fois. Une nouvelle demande pourrait être placée et
étudiée à une date ultérieure selon de nouvelles
circonstances.
L'article 74. On voudrait, au lieu de lire: L'office peut, qu'on lise:
L'office doit exiger d'une entreprise de 50 salariés ou plus qu'elle
engage un certain pourcentage de personnes handicapées. Il est bien
évident que nous ne sommes pas pour l'abolition de l'Office des
handicapés. Nous sommes, au contraire, en faveur d'un office pour les
personnes handicapées, sauf que nous voudrions que ce ne soit vraiment
qu'un organisme d'information comme on le décrivait plus tôt
à la page 2: Un organisme d'information... Un organisme de promotion des
services répondant aux besoins des personnes handicapées en vue
de faciliter leur accès à des logements et à des biens et
services, leurs déplacements, leur intégration au marché
du travail, leur accès à une éducation normale, leur
participation à des activités socio-culturelles et de
loisirs.
Nous voyons aussi à l'office un rôle important dans la
possibilité de rendre accessibles des aides matérielles et
économiques aux handicapés pour leur permettre de
s'intégrer justement à la société.
Nous sommes bien conscients que plusieurs de nos remarques ont
déjà été faites aujourd'hui entre autres en ce qui
a trait à la carte d'identité, mais nous tenons quand même
à réaffirmer no-
tre position et à encourager M. le ministre à maintenir sa
position face à cette carte d'identité. Nous espérons que
ce mémoire aidera à la promotion des intérêts du
bien-être de la personne handicapée et que nos idées
pourront être retenues. Nous terminons en remerciant les membres de cette
commission parlementaire pour l'attention qu'ils ont bien voulu nous accorder
et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Marcoux): Alors, merci. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux féliciter la
Corporation professionnelle des ergothérapeu-tes du Québec et les
remercier de nous avoir préparé ce mémoire. Je ne vais pas
moi non plus répéter en détail les remarques qui ont
été faites tout au cours de la journée concernant certains
amendements que nous sommes disposés à apporter. Evidemment,
concernant la carte d'identité, nous avons déjà dit
à plusieurs reprises qu'elle pourrait demeurer facultative. La
même chose est vraie de cette reconnaissance par l'office, reconnaissance
de la personne handicapée. Je pense que cela peut être
considéré comme superflu.
L'élargissement du conseil d'administration de l'office pour y
inclure des professionnels de la réadaptation est une suggestion
intéressante. L'embêtement, évidemment, c'est de
déterminer exactement quels sont ces professionnels de la
réadaptation. On peut imaginer, comme pour les ministères, on en
parlait cet après-midi, les nombreux ministères concernés,
on peut imaginer un système de rotation à supposer qu'il y ait de
façon spécifique des représentants de la profession de
réadaptation. Il va sans dire qu'il y a plusieurs professions qui
pourraient prétendre avoir leur place dans un tel office, mais on prend
note de cette recommandation. Encore une fois, plus nous avançons dans
cette démarche pour faire la meilleure loi possible, plus nous nous
rendons compte que les fonctions de l'office doivent rester assez
limitées.
Vous avez mis l'accent sur son rôle d'information et nous en
sommes; son rôle d'information et son rôle de coordination. Il y a
quelques autres recommandations plus précises que je veux relever, celle
de la durée du stage, par exemple. Je pense qu'il y aurait
intérêt à rendre cette clause plus souple: le texte actuel
parle d'un stage de six mois renouvelable deux fois. Vous recommandez, et
quelques autres groupements le recommandent aussi, qu'il n'y ait pas de limite
au nombre de renouvellements, tout en gardant en tête évidemment
que cela doit rester quelque chose de transitoire. Mais il peut être
commode, pour certains cas, de laisser plus de souplesse, de façon que
dans des cas exceptionnels le renouvellement puisse se faire trois ou quatre
fois.
Vous semblez considérer que le plan de service n'est pas
nécessaire, est superflu. Nous hésitons beaucoup devant une telle
recommanda- tion, parce que, si on suit votre raisonnement, votre
hypothèse est basée sur le fait que les services existent
déjà et qu'ils sont disponibles et qu'il y aurait du
dédoublement si l'office se mettait même pas à
préparer lui-même des plans de service, mais à demander
à d'autres de préparer des plans de service.
Votre crainte d'un dédoublement de service peut être
atténuée si on envisage un mécanisme comme celui qui a
été proposé par un groupe aujourd'hui, à savoir la
formation d'un comité de quatre représentants: la personne
handicapée ou son représentant légal, si vous voulez,
l'office, mais aussi un représentant du service qui normalement doit ou
a eu à s'occuper de la personne handicapée dans le passé
et un représentant de l'autre service qui est envisagé comme
devant préparer un plan de services.
En d'autres termes, si le mécanisme pour la détermination
du plan de services prévoit la présence de représentants
des services déjà existants, je pense qu'au départ, cela
constitue une garantie qu'il n'y aura pas de dédoublement de ces
services.
Je vais m'arrêter ici, M. le Président. Je veux en profiter
pour reconnaître la contribution de cette profession qui est relativement
jeune, l'ergothérapie. L'ergothérapie a ceci de particulier,
c'est une des rares professions de la réadaptation qui, justement, a
toujours, depuis le début, oeuvré autant avec les
handicapés physiques qu'avec les handicapés mentaux et je pense
que c'est une profession qui est bien placée pour comprendre les
problèmes de nos deux principaux groupes de handicapés.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des
commentaires à ajouter sur les remarques du ministre?
Mme Drouin-Cloutier (Francine): Oui, j'aurais peut-être
deux commentaires. Je voudrais renchérir pour préciser que c'est
vrai que la profession d'ergothérapie est très jeune.
Peut-être une des choses les plus spécifiques à
l'ergothérapie, c'est que c'est la seule profession de
réadaptation qui s'occupe de la partie saine du client et non pas de la
partie malade ou de ses capacités résiduelles.
L'ergothérapeute voit dans son client un individu qui a des
capacités saines et ce sont ces capacités qu'il faut
reconnaître et, comme disait quelqu'un ce matin, maximiser, de
façon à le rendre le plus indépendant et le plus
fonctionnel possible, ce qui sort un peu du pattern habituel du curatif.
Aussitôt le côté curatif un peu réglé, on n'y
voit qu'un handicapé relativement guéri, mais on ne voit plus
cette partie saine ou ce client qui a un potentiel; on ne reconnaît plus
ce potentiel.
Au sujet des plans de services, notre plus grande crainte je
voudrais dire que, dans notre mémoire, ce n'est pas quelque chose de
très catégorique que nous voulions avancer était
une bureaucratie à outrance qui devient très lourde au niveau des
centres hospitaliers ou des
centres de réadaptation où on travaille, qui nuit
considérablement à l'efficacité des plans de traitement.
D'autre part, on voyait une confusion entre plan de services et plan de
traitement. On aurait aimé voir préciser ces
éléments. Je conçois que les services existent
déjà pour les handicapés qui ont consulté soit dans
les centres hospitaliers, soit dans les centres d'accueil ou de
réadaptation, mais je comprends très bien que la loi ne doit pas
voir que ceux-là, mais doit voir l'ensemble de la population de
handicapés qui pourraient nécessiter ce genre de services. Je
pense que cela aurait besoin d'être précisé et
éclairé.
D'autre part, je me sens rassurée de voir qu'on semble y trouver
notre place, au niveau des plans de services ou des plans de traitement, et que
l'ergothérapie voudrait vraiment avoir son mot à dire à ce
stade de la réadaptation. Avez-vous d'autres commentaires?
Mme Gagnon (Françoise): La question que je me pose, c'est:
Si des gens font une demande de plan de services, peut-être que les
différents organismes qui peuvent être impliqués se
rencontreraient et discuteraient, mais est-ce que le patient, le
handicapé devra nécessairement faire une demande à
l'office pour pouvoir fréquenter nos établissements et recevoir
sa réadaptation ou s'il va continuer d'y avoir le flot de
références qu'on connaît? Quel va être le
mécanisme?
M. Lazure: M. le Président, je suis content que la
question soit soulevée de façon aussi précise. Il est bien
évident pour nous que le plan de services ne doit pas se substituer aux
services courants que les hôpitaux, les centres de réadaptation ou
d'autres établissements vont continuer de donner. Cela devrait
être exceptionnel. En d'autres termes, ces plans de services, autant que
n'importe quel autre service qui serait mis à la disposition des
personnes handicapées, c'est vraiment pour les personnes
handicapées qui n'ont pas trouvé leur compte dans le
système actuel.
C'est pour les handicapés, que ce soit l'enfant qui, par exemple,
est refusé par son école du quartier, ou son école du
village, sous prétexte que la commission scolaire n'a pas le personnel
spécialisé ou n'a pas les équipements
spécialisés. A ce moment, il peut être commode que
l'office, en collaboration avec d'autres organismes, puisse élaborer un
plan de service particulier pour cet enfant, qui pourrait inclure, à la
rigueur, une aide à la commission scolaire en question. Ce plan de
services est vraiment un rôle de suppléance qui concorde bien avec
le rôle de chien de garde ou d'identificateur des lacunes dans le
système. L'office va dépister des lacunes ici et là, dans
des régions ou dans des services, et faire en sorte, à ce moment,
par le mécanisme du plan de services, que la personne handicapée
trouve un service nouveau qui sera mis sur pied, à l'instigation ou par
la stimulation de l'office et non pas directement par l'office, mais, pour
répondre d'une façon bien précise, cela ne viendra pas
remplacer des services déjà existants.
Mme Gagnon: J'ai eu à travailler récemment avec des
conseillers en réadaptation, des gens qui travaillaient aux Etats-Unis,
par exemple. Il y avait'toute une structure là-bas, faisant qu'une
personne, pour avoir droit aux services en réadaptation, que ce soit
pour avoir une chaussure orthopédique ou un appareil auditif ou autre
chose, devait nécessairement faire une demande à des endroits
bien précis pour avoir ces services. A ce moment, les buts de traitement
ou les buts poursuivis avec le temps qu'on croyait nécessaires
étaient déterminés d'une façon bien précise.
Si, au bout de trois ou six mois, le but proposé n'était pas
atteint, il y avait vraiment la question de savoir si même on
continuerait à payer ces traitements, si le sujet pourrait continuer
d'aller à cet endroit. Dans certains cas, on dira que trois ou six mois,
c'est peut-être long, c'est bon de revoir cela. Est-ce que cela en vaut
vraiment la peine? Justement, dans le cas qui m'avait frappé, on parlait
d'un psychiatre qui avait entrepris une psychanalyse et qui mettait dans les
buts de son traitement de rompre la relation symbiotique de l'enfant avec sa
mère. Il a dit au bout de six mois que cela n'avait pas progressé
beaucoup et on lui a dit que cela ne donnait pas de fruits, vraiment, il
fallait cesser le traitement.
Va-t-il falloir préciser les choses à un point tel que
cela retombera ensuite sur le dos du patient et que, si on n'atteint pas ce
but, on ne peut plus continuer à travailler avec lui, même si on a
découvert d'autres buts de traitement en cours de route? C'est ce que je
voyais comme une difficulté.
M. Lazure: Non. La réponse est: Absolument pas.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je pense que nous
avons été choyés aujourd'hui: quatre excellents
mémoires et un dialogue cons-tructif et intéressant, aidé,
je dois le reconnaître, par l'ouverture d'esprit manifestée par le
ministre, au début de nos travaux.
Je suis certain que les porte-parole de la Corporation professionnelle
des ergothérapeu-tes comprendront que, à la fin d'une telle
journée et vous l'avez reconnu vous-mêmes dans vos
commentaires on se trouve à répéter des choses qui
ont déjà été dites. Tel n'est pas mon but.
Vous me permettrez, M. le Président, un petit mot de nature
peut-être personnelle. Tout est relatif dans la vie. Le ministre a
qualifié votre profession de très jeune. Je me rappelle quand
même que c'est il y a seize ans que je préparais avec vous
pas avec les personnes qui sont ici présentes la
présentation de votre profession
devant la Commission royale sur les services de santé au Canada,
la commission Hall. J'ai eu l'honneur d'être parmi vos porte-parole
à cette occasion.
Je remarque dans votre mémoire qu'il y a une distinction que vous
faites entre des choses qui sont bonnes et des choses qui sont mauvaises:
l'information, la sensibilisation, ce sont des choses qui sont
identifiées comme bonnes; la catégorisation, la carte
d'identité obligatoire sont perçues comme des choses
mauvaises.
Vous avez, dans une certaine mesure, répondu à la
première question que je voulais vous poser. Quand vous entrez dans le
détail du projet de loi, vous indiquez que le bout de phrase "reconnu
comme tel par l'office" devrait sauter. J'allais vous demander alors: reconnu
par qui? Vous m'avez répondu en disant: C'est par un certificat
médical, cela devrait suffire.
Dans mon esprit, un certificat médical n'est pas simplement un
petit bout de papier signé par un médecin. Il y a plus que cela
là-dedans en ce qui concerne, notamment, les complexités qui
peuvent se présenter dans le cas d'une personne que nous appelons, pour
les fins de cette discussion, une personne handicapée. J'aimerais vous
inviter à aller un pas plus loin et m'in-diquer si vous croyez qu'un tel
certificat devrait être fait par un médecin seul ou s'il y a
d'autres professions de la santé qui devraient contribuer à
l'établissement de cette définition qui, après tout, va
faire une différence importante dans la vie de la personne
concernée, la vie par rapport aux autres citoyens, à la
société en général et la vie par rapport aux
services, aux soins qui pourraient être donnés.
Mme Drouin-Cloutier: Je pense qu'il est reconnu comme tel par
l'office où on parlait d'une attestation médicale à cet
effet. C'était dans un sens large. Je pense que les professionnels
reconnus au Code des professions sont des professionnels autonomes, dans la
pratique privée, un client qui venait consulter un ergothérapeute
ou si un ergothérapeute après évaluation, pouvait prouver
que le client est handicapé, qu'il a besoin de réadaptation, je
pense qu'à ce moment-là c'est une attestation qui pourrait servir
de façon officielle. Dans la réadaptation c'est comme dans
la médecine on traite une personne, c'est une entité
globale. La réadaptation n'admet pas de cloison, n'est pas l'apanage
d'une personne ou d'une profession. D'ailleurs, le ministre Lazure le disait
bien tantôt, c'est plusieurs personnes finalement qui sont vraiment
impliquées dans la réadaptation. Je ne sais pas si cela
répond à la question.
M. Goldbloom: Oui, dans une certaine mesure. Peut-être si
je situe ma question dans un contexte un peu plus précis: il me semble
que si une personne handicapée présentait un certificat
signé par le physiâtre en chef de l'Institut de
réhabilitation de Montréal, tout le monde dirait que c'est
clairement une personne handicapée et la nature du problème
serait explicitée. Je ne le dis pas dans un sens péjoratif, si
une personne arrive avec un certificat signé par un médecin qui
exerce seul, à l'extérieur des institutions où
l'évaluation systématique d'un tel problème peut
être fait facilement, il me semble que ce serait un peu moins
satisfaisant pour les besoins de l'application de tout ce dont nous parlons
ici.
Cela m'amène à la deuxième question que je voulais
vous poser. Vous parliez tout à l'heure avec le ministre du rôle
que vous envisageriez pour l'office et du rôle que vous n'envisageriez
pas pour l'office aussi. Le ministre a répondu que ce serait presque un
cas d'exception que l'office serait appelé à définir un
plan de services.
Mais justement là aussi, il me semble que, quand on quitte les
grands centres, on se trouve devant une difficulté plus grande à
obtenir, d'abord l'évaluation et ensuite les soins, les services, les
ressources. Accepteriez-vous c'est comme ceci que je vais poser ma
question que l'office, étant appelé à poser un tel
geste, à exercer en quelque sorte un tel jugement, serait, par le fait
même, en mesure de connaître plus en détail les besoins qui
peuvent exister et, encore là, à l'extérieur des grands
centres, et le besoin d'aller fournir, peut-être de façon
itinérante et peut-être de façon permanente, des services
à des endroits où il y a des personnes handicapées et
où les services n'existent pas? Est-ce que cela pourrait être,
à vos yeux, un rôle valable que l'on accorderait à
l'office?
Mme Drouin-Cloutier: Je serais tentée de faire deux volets
à ma réponse. Premièrement, je voudrais revenir
brièvement à la question que vous vous posez de la reconnaissance
du handicapé par l'office; peut-être que si on prend un exemple
précis, ce serait plus simple. Si un ergothérapeute traite un
handicapé qui est prêt à retourner sur le marché du
travail prenons par exemple un paraplégique on a
trouvé un atelier transitoire où il pourrait faire un stage de
six mois, sauf qu'il a des ennuis de transport. Je pense que, à ce
moment, on pourrait recourir à l'office, qui pourrait identifier des
services ou donner au handicapé des moyens de se fournir ces services.
Je pense que le fait qu'il soit référé par
l'ergothérapeute, par le praticien ou par l'équipe qui s'occupent
de sa réadaptation serait suffisant pour lui permettre d'accéder
à ces services. Du moins, c'est la façon dont je le vois.
La deuxième partie de votre question constitue peut-être un
autre volet des devoirs de l'office. Je pense, c'est très clair, et cela
a été dit plusieurs fois aujourd'hui, que c'est un des devoirs de
l'office de recenser je pense que c'est ce matin, M. Lazure, que vous
disiez que c'était peut-être l'un des premiers devoirs de l'office
les possibilités qui existaient déjà dans la
société et qui pouvaient répondre aux besoins des
handicapés et aussi de faire un tour d'horizon des besoins des
handicapés. Par consé-
quent, ce serait probablement aussi le rôle de l'office de
créer, dans la mesure du possible et selon les besoins, les organismes
ou les ressources nécessaires dans les communautés
impliquées pour répondre aux besoins des handicapés, des
besoins bien identifiés, je pense.
C'est à ce niveau l'une des vocations de l'office.
M. Goldbloom: Si vous me permettez de préciser une chose,
je n'ai pas voulu vous poser les questions seulement en votre qualité
d'ergothé-rapeutes, mais dans la perspective de l'équipe de la
santé. Je ne voudrais pas que vous restreigniez vos commentaires
à votre seul point de vue, si vous voyez des considérations qui
touchent toute l'équipe de la santé.
Mme Drouin-Cloutier: Concernant l'attestation, la reconnaissance
du handicapé par l'office, non, j'ai peut-être été
mal comprise, mais loin de moi l'idée de vouloir restreindre notre
pensée à l'ergothérapie comme telle; on a toujours dit
qu'on travaillait en équipe et que la réadaptation, comme je le
disais tantôt, c'est l'affaire d'une équipe et que ce ne sont pas
des considérations proprement d'ergothérapie.
M. Goldbloom: Ceux qui n'ont pas toujours voulu travailler en
équipe sont notamment les médecins, vous le savez.
Mme Drouin-Cloutier: Oui, je sais.
Mme Gagnon: J'aimerais ajouter quelque chose: disons que, dans un
centre d'accueil comme l'endroit où je travaille, quand la personne
commence, elle est prise en charge dès le début par une
équipe comportant les professionnels que l'on connaît; à ce
moment, la méthode utilisée est une méthode
d'évaluation des problèmes, c'est la méthode d'approche
par les problèmes. En fait, on fait un tour d'horizon de la personne,
pour savoir quels sont les problèmes qu'elle a, comment ils nous
apparaissent, quels sont les moyens qu'on entend prendre pour tenter de les
résoudre. Et si le congé devient un problème lorsqu'on
constate que la personne ne pourra pas aller au travail.
A ce moment-là, des plans bien précis sont prévus
concernant, soit les ateliers transition-nels, les ateliers à long
terme, les ateliers qu'on appelle protégés, ou des centres de
jour. On essaie de voir s'il a des ressources dans son milieu. Il y aura des
visites faites peut-être à des organismes locaux, pour voir s'ils
sont en mesure d'accommoder cette personne qui est en chaise roulante.
A ce moment-là, quand on vous parle d'un plan de services, selon
moi, c'est cela qu'on se trouve à faire. Nous sommes tous bien
placés, on est là, on rencontre le patient, la famille. La
famille vient assister au traitement souvent, pour qu'il y ait une
continuité. En fin de compte, on essaie de prolonger également
notre action par la suite. Qu'est-ce qui arrive après le traitement.
Je peux voir j'ai eu à discuter, quand on écrivait
le mémoire, avec les autres thérapeutes qui travaillent
plutôt en milieu hospitalier à ce moment-là,
peut-être qu'il y a une difficulté à dire ce qui arrive au
patient après, étant donné que les équipes sont
plus petites et que chacun travaille dans son service. Mais s'il y avait moyen,
et c'est à cela qu'on référait quand on disait qu'ils
accordent peut-être plus de budget ou de personnel, afin que
l'équipe de réadaptation sur place puisse se rencontrer et faire
les meilleurs plans possibles pour le patient, pour rencontrer ses besoins...
de l'extérieur, et souvent, le plan n'est pas fait pour cela... (Note de
l'éditeur: des difficultés techniques ont empêché
l'enregistrement complet de cette phrase). On en fait des plans à court
terme, des plans à long terme, on les modifie, on revise nos positions,
ce n'est jamais définitif.
M. Goldbloom: Je vous remercie de ces réponses avec
lesquelles je suis entièrement d'accord.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Mlle Clou-tier, je
pense... d'être venue avec votre groupe ici... et remarquez bien que ce
n'est pas souvent... des ergothérapeutes. Je comprends aussi un peu
votre désarroi à la fin de la journée. Quand on passe
après les autres, ce n'est pas qu'on manque d'idées, mais ce sont
les autres qui volent nos idées. Cela m'arrive depuis le début
des commissions.
Mais quand on sent que les autres parlent avant nous et exploitent nos
idées, il me semble que cela nous ravigote un peu. Cela montre qu'on
avait quand même des choses assez pertinentes au débat.
Tâchez de vous réconforter et de vous dire que vous n'êtes
pas seule, je souffre ce martyre depuis plusieurs mois ici, autour de cette
table, en passant toujours le troisième.
Vous avez vraiment des affinités avec l'Union Nationale. Vous
avez été frappée par les propos de M. Biron ce matin.
Remarquez bien que cela m'a intéressé quand vous avez dit que
vous aviez apprécié le terme de "maximiser" la normalisation. Ce
sont les propos que tenait M. Biron à cette table ce matin. Je ne vous
cache pas que je retiens votre nom. Si jamais il y avait un changement de
gouvernement, cela serait étrange que d'avoir une ministre
ergothérapeute. On n'a pas encore vu cela. On a un psychiatre, on a eu
des comptables, on a eu des médecins, mais ergothérapeute, on n'a
jamais eu cela.
Mme Gagnon: ... à la réadaptation du
gouvernement.
M. Grenier: On peut maximiser encore certaines bonnes parties du
gouvernement.
Mme Gagnon: Pour continuer d'être cabotine, dans la
même veine, je n'assistais pas M.
Biron, ce matin. J'assistais le monsieur qui a parlé dans le
premier mémoire, M. Perreault, pour les déficients mentaux. Je
vous remercie.
M. Grenier: Vous avez entendu les propos de M. Biron et je ne
suis pas sûr qu'il n'est pas comme vous ce soir: forcé de passer
après les autres et reprendre les paroles que...
En dehors de cela, je vous remercie de ce que vous nous fournissez
là. Pour nous, je pense bien que...
M. Lazure: ... de toute façon, c'est un mot de
recherchiste.
M. Grenier: On peut tomber sur les mêmes recherchistes.
M. Goldbloom: Le député de Mégantic-Compton
est passablement paranoïaque ce soir!
M. Grenier: Les ponts sont faits. Mademoiselle, j'aimerais savoir
pourquoi, à la page 5, vous dites que l'office vient ajouter un autre
palier. Et je retiens la dernière raison pour laquelle vous verriez...
je ne sais pas si vous iriez jusqu'à la suppression de l'office, en
disant que cela peut déshumaniser les contacts. C'est peut-être
l'argument principal dans tout ce que vous avez.
Il y a bien d'autres raisons, mais il y a aussi celle-là. Est-ce
que vous iriez jusqu'à la suppression de l'office?
Mme Drouin-Cloutier (Francine): Ce n'était pas tout
à fait dans cette optique que le paragraphe avait été
écrit. La déshumanisation des contacts fait
référence à la déshumanisation des soins. On parle
beaucoup, dans les milieux hospitaliers, dans les milieux des centres
d'accueil, qu'avec la multiplication des équipes qui travaillent avec la
rotation du personnel, les soins deviennent surspécialisés et
tous séparés, ce qui fait que le client a à rencontrer
beaucoup de gens et que les contacts humains sont de plus en plus restreints.
C'était dans ces sens qu'était la déshumanisation des
contacts et cela faisait référence surtout à notre
inquiétude face, peut-être, à la tendance à la
bureaucratie que pourrait avoir l'office.
Je voudrais seulement vous rappeler la conclusion de notre
mémoire qui n'est pas à l'effet de supprimer l'office, mais
plutôt de renforcer ses vocations d'information et de création
d'organismes ou de ressources supplémentaires dans la communauté,
pour répondre aux besoins des handicapés.
M. Grenier: Merci. Vous dites également à l'article
74 que les autres mémoires nous ont parlé qu'on aurait pu se
servir de mesures incitatives. Vous mettez un "doit" à la place de
"peut". Pouvez-vous expliquer cela?
Mme Drouin-Cloutier: Très facilement. C'était la
position de la corporation au moment où on a étudié le
projet de loi et le livre blanc. C'était lé- gèrement
avant que le ministre Lazure nous soumette qu'il était prêt
à remanier son projet de loi pour y mettre des mesures incitatives, ce
à quoi nous souscrivons. On voudrait que les mesures soient suffisamment
incitatives pour permettre quand même l'embauche des handicapés,
dans un milieu de travail ordinaire.
M. Grenier: Une dernière... Ce sont uniquement des termes.
A la page 8 concernant l'article 26, y avait-il une raison d'être pour le
terme "explicite" que vous employez dans l'expression "avec l'autorisation
expresse et explicite"... Vous dites: II nous semble y avoir une contradiction
entre les termes "expresse et implicite". Pouvez-vous nous l'expliquer?
Mme Salko (Rolande): C'est que les termes "expresse et
implicite", d'après nous, en regardant les définitions dans le
dictionnaire, sont contradictoires finalement. C'est pour cela qu'on a
ajouté "explicite" qui avait une signification... comme "expresse",
finalement.
M. Grenier: Plus sur la ligne. Mme Salko: Oui, plus
appropriée.
M. Grenier: D'accord, c'est pour vous le faire dire, parce que je
trouvais également la même faiblesse dans le texte aussi.
Je n'ai pas autre chose.
Mme Drouin-Cloutier: Je voudrais peut-être ajouter...
M. Grenier: Oui.
Mme Drouin-Cloutier: ... à cette explication de Mme Salko
à l'effet que cela fait un peu référence aussi à ce
dont on a parlé aujourd'hui au sujet de la personne légale
représentant par exemple, un enfant, ou un handicapé mental, ou
un handicapé physique ne pouvant pas, de façon explicite,
exprimer son consentement ou sa volonté.
A ce moment-là, on pensait que c'était protéger
davantage le handicapé que de rendre l'obligation explicite plutôt
que implicite, sauf que c'est peut-être une formule consacrée dans
les termes de lois, parce que cela revient très souvent et que c'est
toujours cela qui est tout cru. On s'en est bien rendu compte, sauf qu'on
voulait quand même y mettre notre petit problème de
sémantique.
M. Grenier: Mesdames, mesdemoiselles, je vous remercie pour votre
apport à la commission.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Champlain.
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Seulement une petite
explication en ce qui concerne le nombre de membres de l'office. Aujourd'hui,
on
nous a souvent suggéré treize. Vous, vous suggérez
de remplacer le nombre de membres à l'office par quinze membres.
Pourriez-vous donner un peu plus d'explications là-dessus, pourquoi vous
rendez-vous à quinze membres?
Mme Drouin-Cloutier: Oui.
Mme Gagnon: C'est qu'on se disait que, même s'il y a des
représentants des organismes de promotion des handicapés, ces
gens ne sont peut-être pas handicapés eux-mêmes et on a
pensé que c'était important d'avoir l'apport de gens qui
étaient handicapés eux-mêmes. Alors, on a ajouté
"ayant deux membres étant handicapés". Il y avait aussi deux
membres qui étaient des représentants de professionnels de la
santé. Comme le ministre Lazure a dit tantôt, peut-être
pourrait-il y avoir une rotation qui s'établirait. Le nombre pourrait
varier, mais il y aurait, à un moment donné, la
représentation de ces gens. On trouvait que c'était
important.
M. Gagnon: Personnellement, je crains qu'un conseil
d'administration, cela devienne assez lourd avec quinze membres et vous parlez
d'un exécutif de dix membres. Les questions que je me posais
là-dessus sont: Si on a des réunions assez
régulièrement, il devient assez difficile de réunir quinze
membres quelquefois. Je vous remercie pour ces explications.
M. Goldbloom: M. le Président, il y aurait peut-être
lieu de demander au ministre, par rapport à la dernière question
posée par le député de Mégantic-Compton, au sujet
de l'article 26, si c'était effectivement son intention de
prévoir que le consentement, l'autorisation plutôt, de la personne
handicapée, soit effectivement ou expresse ou implicite et si oui,
comment est-ce qu'il définirait une autorisation implicite?
M. Lazure: Je serais plutôt porté à la
maintenir comme devant être explicite ou expresse, même si cela
allait à l'encontre du jargon traditionnel du législateur. Je
pense que dans ce domaine, on ne sera jamais trop prudent. Il y aurait
avantage... D'ailleurs, c'est un article 26 qui devrait être
remanié, en particulier, suite aux recommandations qui nous ont
été faites d'inclure le concept d'un représentant
légal ou d'un mandataire qui, dans le cas des déficients mentaux,
particulièrement, pourrait donner le consentement légal à
la place du déficient. On prend bonne note de cette remarque par rapport
à l'expliciter.
M. Goldbloom: Parce que s'il s'agit d'un consentement
donné pour une personne par un représentant légal, c'est
quand même un consentement exprès. Ce n'est pas implicite.
M. Lazure: Oui, c'est cela.
M. Goldbloom: L'autre chose que je voulais dire, si vous me le
permettez, puisque je n'aurai pas l'honneur d'être ici demain, je
voudrais relever un thème qui traverse tous les mémoires que nous
avons entendus aujourd'hui. Je suis certain que le ministre en est bien
conscient et y est très sensible. Nous avons parlé de
l'importance de la prévention et de la recherche qui nous aideraient
à faire de la prévention. Il y a aussi l'accent qui a
été mis sur le dépistage et le diagnostic précoces
qui font tant de différence dans les résultats que l'on peut
obtenir.
Si c'est dans l'intention du ministre de conserver l'office et de faire
jouer, par l'office, un rôle d'information, au moins, auprès de la
population et auprès des professions de la santé, il me semble
que c'est un des messages les plus importants que nous pourrions communiquer et
aux personnes elles-mêmes, et à leurs parents, et aux professions
qui doivent toujours être sensibilisées à l'importance
d'une intervention précoce.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres
questions ou commentaires, soit de la part de nos invités ou des
députés? Oui?
Mme Gagnon: On pourrait ajouter peut-être qu'il y avait une
question sur le pourquoi de la déshumanisation des contacts. C'est un
peu en relation avec ma première question, à savoir si tout le
monde devra s'y inscrire pour avoir droit aux services. A ce moment, on se
dirait: Cet office sera peut-être seulement un endroit où la
personne passera un après-midi pour s'inscrire; elle va parler avec un
fonctionnaire ou avec quelqu'un qui, en fait, ne connaîtra
peut-être pas nécessairement la réadaptation et, à
ce moment, ce sera une personne de plus à qui raconter son histoire. On
l'aura obligé à présenter son dossier pour être
examinée là-bas. Dans notre tête, cela entraînait
beaucoup de bureaucratie, beaucoup de démarches qu'en fait on ne
considérait pas nécessaires dans beaucoup de cas. C'était
à ce sujet qu'on avait parlé de la déshumanisation.
Lorsqu'on parle de certains cas qui devront passer à l'office, parce que
la personne saura qu'il y a une ressource là-bas, où elle peut
s'informer afin de connaître les services auxquels elle a droit, et s'il
y a un plan de services à établir, que cela puisse se faire en
collaboration avec d'autres membres, soit possiblement quatre personnes qui
décideront; à ce moment, on est certainement plus rassuré
sur ce point. On ne parlera pas de déshumanisation.
Le Président (M. Marcoux): Alors, je vous remercie de la
présentation de votre mémoire au nom de tous les membres de la
commission. Je rappelle aux membres de la commission que demain nous entendrons
les mémoires numérotés 9-M, 35-M, 46-M et 13-M. Alors, la
commission ajourne ses travaux... Oui.
Mme Drouin-Cloutier: Je voudrais seulement que vous me permettiez
de vous remercier de
nous avoir permis de présenter notre mémoire ici ce soir
et je voudrais assurer la commission parlementaire et le gouvernement de notre
plus grande collaboration face à ce projet de loi dans lequel nous
sommes vraiment très impliqués.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de vos
paroles. Je rappelle aux membres de la commission que la commission ajourne ses
travaux jusqu'à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 10)