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(Onze heures trente minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission élue permanente des affaires sociales se
réunit ce matin pour entendre des organismes relativement au projet de
loi 27, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le domaine
de la santé et des services sociaux.
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont:
M. Boucher (Rivière-du-Loup) remplacé par Mme Lachapelle
(Dorion); M. Brouillet (Chauveau), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde
(Berthier), M. Johnson (Anjou), Mme Juneau (Johnson), Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).
Les intervenants: M. Beauséjour (Iberville), M. Bélanger
(Mégantic-Compton), Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), M.
Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa), M. Mathieu (Beauce-Sud), M.
O'Gallagher (Robert Baldwin) Est-ce qu'il y a des remplacements?
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président. Est-ce
qu'on pourrait remplacer le député de Mégantic-Compton par
le député de Mont-Royal, M. Ciaccia?
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Mégantic-Compton remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal).
Mme Lavoie-Roux: Remplacer le député de Beauce-Sud
par M. Lincoln, député de Nelligan.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Beauce-Sud remplacé par M. Lincoln, député de Nelligan.
D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Et remplacer le député de Robert
Baldwin par le député de Jean-Talon, M. Rivest.
Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et messieurs les
membres de la commission, il y aurait lieu à ce moment-ci de nommer un
rapporteur de la commission. Est-ce que j'aurais des suggestions? La
députée de Johnson? Alors, le rapporteur de la commission sera
Mme Carmen Juneau (Johnson).
Avant de procéder aux auditions comme telles, je voudrais vous
faire part de l'ordre du jour que nous avons aujourd'hui. Nous devrions
entendre, comme premier groupe, l'Association des hôpitaux du
Québec, puis ensuite, la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec, l'Association des conseils des médecins
et dentistes du Québec, la Conférence des CRSSS, la Corporation
professionnelle des médecins du Québec et la
Fédération des médecins résidents. C'est le
programme de la journée.
Avant de passer aux auditions comme telles, je demanderais des
commentaires préliminaires de la part des deux partis. M. le ministre
des Affaires sociales.
Remarques préliminaires M. Pierre-Marc
Johnson
M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. Ce projet de
loi 27, jusqu'à maintenant, depuis son dépôt, on l'aura
remarqué, a causé certains remous chez la population, des
inquiétudes légitimes chez les citoyens devant ce qu'ils voient
se passer au-dessus de leur tête, particulièrement dans un domaine
aussi sensible que la dispensation des services de santé sur le
territoire. Des remous aussi, et encore là légitimes, à
l'intérieur de la profession médicale qui, dans un contexte, on
le sait, qui est celui de l'évolution graduelle, depuis un certain
nombre d'années, des transformations qu'a connues cette profession et
les conditions de son exercice, depuis une quinzaine d'années,
s'interroge sur les orientations, s'interroge également, à juste
titre et de façon légitime, encore une fois, au niveau de ces
organismes représentatifs que sont les fédérations sur les
intentions du gouvernement.
Interrogations également ou remous, mais peut-être un peu
moindres, puisque c'est un appareil qui est intimement lié à
l'État, de l'ensemble des établissements et de ceux qui oeuvrent
dans les établissements, car si, dans ce projet, nous ne créons
aucune nouvelle structure, si nous ne bouleversons pas intrinsèquement
les principes et toutes les structures du système mis sur pied par le
chapitre 48 de la loi de 1971, il n'en demeure pas moins que nous tentons d'y
clarifier les rôles des uns comme des autres, encore une fois, dans une
perspective de
répondre aux objectifs qui sont des objectifs de maintien d'un
des systèmes les plus remarquables qui soient en Occident et qui souffre
difficilement les comparaisons - qui souffre très peu de comparaisons,
devrais-je dire - d'assurer son progrès, dans une recherche aussi
d'harmonie des différents intervenants, notamment au niveau des
établissements et, finalement, à l'égard du
règlement de certains problèmes pour la population.
Je parlerai ici brièvement de la question des urgences dans des
centres comme Montréal, de la question de la répartition des
effectifs sur le territoire qui constitue un objet de préoccupation de
tous les intervenants depuis de nombreuses années, de la participation
des citoyens eux-mêmes à certaines décisions, à
certains organismes et, finalement, de certains pouvoirs que l'on veut donner
au gouvernement, des pouvoirs, encore une fois, qui ont pour objet, pour
l'essentiel, de permettre de répondre à des situations qui
mettent en cause notamment la santé publique ou qui mettent en
péril la santé publique.
Les interprétations juridiques qu'on a pu donner à ce
projet depuis qu'il a été déposé, c'est, encore une
fois, dans un contexte qui est caractérisé par le fait que nous
vivons une période particulière dans l'évolution du
réseau et qu'à l'égard des professionnels nous vivons une
période normale de renouvellement des ententes. Les
interprétations ont varié sur la place publique, dans les
groupes, dans les assemblées syndicales, dans les regroupements
régionaux et, finalement, dans les conversations, j'en suis sûr,
un peu partout, de ceux que cela implique les représentants du
réseau ou les professionnels de la santé qui sont directement
touchés par ce projet.
Je dois dire que certaines interprétations qui ont circulé
étaient issues d'une certaine équivoque au moment de la
présentation du projet de loi en même temps que les mandats de
négociations à mes représentants. Certaines de ces
interprétations n'ont rien à voir avec le projet de loi qui est
devant nous, mais relèvent strictement et purement de la
négociation puisque, dans le cas des professionnels de la santé,
l'essentiel reste à déterminer dans le cadre d'une
négociation. D'autres sont des extensions, mais qui ont peut-être
un peu plus donné lieu à des procès d'intention de celui
qui vous parle ou du gouvernement, plutôt qu'une approche purement
juridique. D'autres, finalement, sont des inquiétudes ou des
interrogations absolument légitimes sur le sens ou la portée de
certains des articles du projet de loi 27.
Je pense que nous aurons l'occasion, dans les deux ou trois jours qui
viennent, de préciser à la fois ces intentions, ce sens, cette
portée et la circonscription précise sur le plan juridique de
certaines situations où des organismes ou des individus pourraient se
voir menacés. C'est pour cela qu'il y a une commission parlementaire
d'ailleurs; c'est comme cela que nos institutions démocratiques sont
faites.
Je suis heureux de constater l'intérêt de la part du
réseau des affaires sociales comme de la part des professionnels de la
santé, à travers, d'une part, leur syndicat que sont les deux
fédérations, comme à travers d'autres organismes dans
lesquels ils vivent quotidiennement, mais qui n'ont pas les mêmes
rôles ou les mêmes vocations de défense des
intérêts, qui est un rôle fort bien assumé d'ailleurs
par leurs syndicats respectifs. Nous pourrons, au cours de ces deux ou trois
jours, les entendre. Je peux les assurer que nous les écouterons c'est
l'objectif de cette commission. Nous pourrons clarifier certaines des
intentions. Après les avoir entendus, nous pourrons faire
connaître aux membres de cette commission, aux membres de
l'Assemblée nationale ainsi qu'aux premiers intéressés
également que sont les professionnels et les représentants du
réseau, les conséquences de ces clarifications que nous pourrions
être amenés à apporter au texte, puisque l'objectif de
cette commission, encore une fois, c'est de nous permettre ensemble, de part et
d'autre de la présidence, comme dans une forme de dialogue avec les
représentants des impliqués, de bonifier ce projet dans le but
que les objectifs qui sont partagés, d'après ce que j'en ai
compris, par l'immense majorité des intervenants, puissent être
mis en application bientôt.
C'est donc dans ce contexte et avec cette attitude que nous aborderons
les travaux, pour notre part, du côté ministériel, avec la
conviction, encore une fois, de la collaboration de l'Opposition, comme de la
sérénité dont savent faire preuve les intervenants dans ce
milieu, pour le bien-être des citoyens du Québec, pour leur
sécurité et aussi pour faire progresser certaines choses pour les
citoyens du Québec. Nous pourrons donc échanger sur ce projet
pour arriver à trouver des solutions qui soient les plus claires
possible en même temps que les plus acceptables possible pour toutes les
personnes concernées en ayant à l'esprit que c'est le rôle
du gouvernement et du Parlement de décider de ces choses en respectant
la démocratie et en respectant l'intérêt des intervenants
comme l'ensemble de la population.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À ma
connaissance, depuis 1976,
peut-être mise à part la loi 101, que, je pense, on doit
classer dans une catégorie tout à fait différente, je ne
connais pas de loi qui ait soulevé autant d'inquiétudes chez
toutes les personnes qui oeuvrent à l'intérieur de notre
réseau de services de santé et de services sociaux. Je voudrais
au point de départ dire qu'il y a certainement des objectifs, sans
vouloir faire un discours de deuxième de lecture, auxquels nous
souscrivons, mais je pense qu'il est important de le dire pour éviter
toute ambiguïté. Il y a des objectifs qui sont poursuivis comme,
par exemple, une meilleure distribution des ressources médicales en
régions éloignées. Nous pouvons nous interroger quant aux
moyens mis de l'avant pour atteindre cet objectif, mais je pense que c'est un
objectif auquel le Parlement ne peut pas se soustraire et le gouvernement, en
particulier. Il y a aussi la création par la loi des comités de
bénéficiaires; encore-là, il y a des modalités qui
pourront être examinées après la deuxième lecture,
mais cette disposition qui existait déjà par règlement est
maintenant mise dans la loi. Je pense que ça pourra répondre aux
attentes des bénéficiaires. Mais je voudrais surtout ici
interpréter les raisons pour lesquelles ce projet de loi soulève
autant d'inquiétudes, que ce soit de la part de la profession
médicale ou des intervenants dans le réseau de la santé ou
des services sociaux. Évidemment, la presse a pris comme objet
fondamental de ce projet de loi la question de la négociation entre les
fédérations et le gouvernement. Je m'étonne que des
éditorialistes - je pense que c'est peut-être la première
fois que je fais des remarques à des éditorialistes, parce que je
veux les laisser fonctionner en toute quiétude et indépendance
d'esprit - n'aient même pas saisi l'aspect très important de ce
projet de loi quant à l'avenir du fonctionnement des
établissements dans le réseau des affaires sociales et de la
santé. (11 h 45)
En ce qui a trait aux négociations, nous nous posons des
questions sérieuses quant à certaines dispositions qui sont dans
la loi et qui interviennent dans le processus des négociations. Je pense
que les fédérations pourront faire valoir leur point de vue.
Évidemment, on peut regretter que les médecins ou la
profession médicale soient obligés, par exemple, d'intervenir et
d'agir sous une certaine forme de protestation, d'épouser certaines
formes de protestation, mais il ne faut peut-être pas oublier qu'avec
l'avènement de l'assurance-maladie, ce qui a été, je
pense, un grand bénéfice pour toute la population, on a aussi
changé les règles du jeu, de telle façon que maintenant la
profession médicale comme d'autres professions ou d'autres groupes de
travailleurs doit négocier ses conditions de travail. Même si,
dans le cas des professions médicales, on parle d'une entente, c'est
peut-être plus élégant, mais, à toutes fins utiles,
c'est que les règles du jeu ont été changées et je
pense que ces groupes, comme tout autre groupe, ont droit à la libre
négociation. Il y a certainement - et je pense que le ministre en
conviendra - dans la loi certains articles qui, en tout cas, suggèrent
des interrogations très sérieuses quant à cette
possibilité de respecter les règles du jeu d'une libre
négociation.
Pour ce qui est du réseau, il y a des pouvoirs de
réglementation, je dirais, presque illimités que s'accorde le
ministre; à certains égards, des pouvoirs qui sont des
décisions finales et sans appel. Il y a des pouvoirs dévolus aux
conseils régionaux des services de santé et des services sociaux
qui, comme je le disais tout à l'heure, remettent en cause les
fondements de la loi sur les services de santé et les services sociaux
au niveau de la participation et de la responsabilité locale, au niveau
du dynamisme même du développement de notre réseau. Il y a
également certains articles où m'apparaît, en tout cas
à ce moment-ci, par la bande, l'introduction d'un ticket
modérateur tant pour les médicaments que pour les soins, somme
toute, remettant en question l'universalité des soins. Si le ministre
peut ou modifier ces articles ou encore diminuer ou prouver que nos
inquiétudes sont sans fondement, nous en serons très heureux,
mais je pense que l'inquiétude des établissements, dans le
réseau, à l'égard de ce qui apparaît une mainmise du
gouvernement soit par le ministre lui-même, soit par le truchement des
conseils régionaux des services sociaux et des services de santé,
m'apparaît très fondée si on examine les articles, en
particulier l'article 38 ou 18, l'article 173, enfin, comme je le dis, je ne
veux pas faire une étude article par article du projet de loi à
ce moment-ci.
J'entendais le médecin, pardon, le ministre dire tout à
l'heure... Dans tout cet auditoire, il doit au moins y avoir un psychiatre qui
pourrait expliquer mon lapsus, parce que je ne l'ai jamais fait avant
aujourd'hui.
M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas été invité
à l'assemblée, par exemple.
Mme Lavoie-Roux: ... qui dit, vous savez, avec son ton de
sérénité, apparente du moins, qu'il ne s'agit pas de
modifier les rôles des établissements sans modifier en profondeur
le réseau tel qu'il existe, c'est vrai qu'il ne dit pas qu'on
enlève des CLSC, qu'on enlève des CSS, qu'on abolit des centres
hospitaliers, il ne le dit pas. Il dit: On veut simplement clarifier des
rôles, mais, ce qui est inquiétant, M. le ministre, c'est
que, dans votre clarification des rôles, vous soustrayez aux uns
sans jamais leur ajouter quoi que ce soit, et vous donnez uniquement aux
autres, les CRSSS, en ne leur soustrayant quoi que ce soit, sauf ce que le
ministre s'attribue à lui personnellement. Je pense que c'est là
la raison même de l'inquiétude de la population. Ceci pour moi
pose la question du discours gouvernemental à savoir que l'on doive
demander aux citoyens - nous concourrons d'ailleurs à ce principe - de
se reprendre en charge, nous demandons aux communautés locales de
contribuer par leur apport, par leur participation, à la qualité
des services que la population se donne. Je crains fort que la loi, telle
qu'elle existe, ne vienne justement tronquer ce beau principe ou ce discours
que tout le monde tient à l'heure actuelle dans le Québec.
M. le Président, comme nous sommes ici pour entendre les gens, et
non pas eux pour nous entendre. Il m'apparaissait quand même important de
faire ces mises au point pour qu'on sache quand même où
l'Opposition 9e situe à ce moment-ci du débat sur la loi no 27.
Je m'en voudrais de ne pas déplorer, et ceci est une remarque qui, je
pense, va revenir dans la plupart des mémoires, quelle que soit leur
origine, que ce projet de loi ait été élaboré avec
très peu de consultation, que ce soit de la part des organismes ou des
établissements du réseau, que ce soit de la part des
professionnels touchés, et je dirais même peut-être aussi
très peu de consultation auprès de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec qui est quand même touchée
par de nombreux articles.
Je voudrais aussi indiquer que nous avions convenu - et je voudrais
à ce moment-ci que ce soit précisé - que, compte tenu, et
cela a été fait avec l'accord de l'Opposition, parce que le
ministre m'avait indiqué que ce projet de loi était tellement peu
important qu'il ne fallait pas déplacer toute la population pour venir
donner son point de vue, il avait donc été convenu que ce serait
une commission parlementaire sur invitation. J'y avais souscrit. Par contre,
après avoir eu le projet de loi en main et considérant son
importance, nous avons convenu, de part et d'autre à l'Assemblée
nationale, que, si des groupes avaient fait parvenir au secrétariat des
commissions parlementaires des mémoires faisant valoir leur point de vue
et qu'à la fin de ces auditions certains ne croyaient pas avoir
été bien représentés par les différents
groupes qui nous présenteront des mémoires, le droit de parole
pourrait leur être accordé. Je veux simplement m'assurer, avant
que nous commencions, que cette convention que nous avons eue, à
l'Assemblée nationale soit respectée. Ceci pourrait reporter
à jeudi soir ou fort possiblement à vendredi la
possibilité pour ces groupes, s'il y en a, de se faire entendre.
J'aimerais également, M. le Président, qu'on nous assure
que tous les mémoires qui seront adressés au secrétariat
des commissions, parce que ceci a été l'invitation du leader du
gouvernement, puissent être inscrits au journal des Débats,
même s'ils ne feront pas l'objet d'une présentation formelle ici
à la commission. J'aimerais aussi que, d'ici peu de temps, on nous fasse
part des mémoires qui auront été déposés au
secrétariat des commissions et qui ne seront pas présentés
ici pour que nous puissions en prendre connaissance. J'aimerais avoir la liste
de ces organismes et de ces mémoires, les autres, évidemment,
nous seront apportés ici.
La population, les organismes et tout le monde ont regretté le
peu de temps qu'ils ont eu et je pense que cette récrimination, si je
peux dire, revient dans les mémoires. La consultation qu'ils ont pu
faire avec les différents établissements qui constituent leur
association a dû forcément être extrêmement
réduite et certains sentent que leur point de vue n'est peut-être
pas totalement représentatif des établissements qu'ils
représentent. Alors, je pense qu'il faut déplorer qu'encore une
fois le gouvernement en toute fin de session - parce qu'il a, pour des raisons
pour lesquelles la population peut le juger, négligé de nous
ramener à l'Assemblée nationale à une date plus
hâtive que celle où il nous y a finalement rappelés - nous
impose ce travail. Là, on a une semaine d'auditions parlementaires. Il
nous reste une semaine - s'il fallait adopter le projet de loi, c'est un projet
de loi d'une centaine d'articles - pour y apporter les amendements
nécessaires. Je pense que c'est un projet de loi qui a tellement de
conséquences qu'on ne peut que regretter que ceci soit fait avec une
telle hâte.
Si le ministre avait besoin de certains éléments, il
aurait pu les présenter dans une forme plus réduite. J'ai
déjà signalé des points où nous pouvions être
d'accord avec lui. Il a choisi dans une espèce de bill omnibus de tout
régler pour peut-être pouvoir se penser le père de la
nouvelle réforme de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. C'est le choix qu'il a fait. Non pas au nom de l'Opposition,
car l'Opposition est ici pour servir la population, mais au nom de la
population et des conséquences importantes que cette loi passée
à la hâte pourrait engendrer, je pense que je dois exprimer ces
regrets.
Quant à la commission parlementaire elle-même, M. le
Président, nous l'abordons avec un esprit ouvert. Si la loi devait
rester telle qu'elle est, je peux vous dire qu'il nous sera très
difficile d'y souscrire dans sa forme actuelle. Une commission parlementaire
avec audition a justement pour objectif d'entendre les différents points
de
vue, d'améliorer le projet de loi. Selon l'ouverture que le
ministre des Affaires sociales ou le gouvernement montrera, nous pouvons
l'assurer de notre collaboration, dans la mesure où les amendements
qu'il suggérera régleront ou corrigeront ce qui nous
apparaît comme des failles très importantes dans ce projet de loi
qui aura des répercussions, à court, moyen et long termes et pour
longtemps, pour l'ensemble de la population du Québec.
Je vous remercie, M. le Président.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): ... si vous permettez, rapidement, avant
qu'on ne passe à l'audition du président de l'Association des
hôpitaux du Québec, trois remarques dont l'une sur la notion de
hâte qu'on voudrait voir dans ce que nous avons fait. Nous nous sommes
entendus, à l'égard des témoignages, pour faire en sorte
qu'on puisse ouvrir la commission, ce que nous avons fait, notamment à
l'égard de la communauté juive qui pourra être entendue,
compte tenu de la nature particulière de certaines dispositions
où elle croit pouvoir être touchée. Cependant, selon
l'entente avec le leader du gouvernement, je rappellerai à la
députée de L'Acadie que dans les propos tenus
précisément par le leader, il n'est pas question d'ouvrir, comme
un tonneau des Danaïdes, les témoignages à compter de cette
commission. Cette commission entendra une vingtaine de groupes. Nous avons
accepté les suggestions de l'Opposition, nous avons rouvert la liste
à deux reprises. La dernière fois, c'était cependant avec
l'entente très claire que si nous devions déborder quelque peu de
l'objectif de jeudi, ce serait pour entendre les groupes inscrits et non pas
entendre d'autres groupes.
Finalement, je pense qu'on pourrait s'entendre sur la procédure
de la façon suivante: compte tenu du fait que le temps est
déjà un peu avancé, pour aujourd'hui, on pourrait
entendre, dès ce matin, l'Association des hôpitaux, et passer
à travers le mémoire comme la période d'échange. Je
pense que c'est ce que nous pouvons faire en l'espace d'une heure, même
si on accepte de déborder de quelques minutes, l'association m'ayant
assuré qu'elle pourrait présenter un mémoire en vingt
minutes et on pourra consacrer 40 minutes à la discussion d'ensemble des
points qui seront soulevés. D'ailleurs, le mémoire est un de ceux
parvenus au secrétariat hier, si je ne me trompe pas, vendredi
même.
Au tout début de l'après-midi, à 15 heures, M. le
Président, ce serait immédiatement la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec, avec l'audition de son
mémoire et la période d'échanges.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'ai pas devant moi
la réponse que le leader du gouvernement m'a donnée. Mon
intervention est sous la réserve que - je ne l'ai pas au texte, mais je
ne crois pas me tromper; plus tard, quand je l'aurai obtenue, on pourra faire
la rectification - lorsque je suis revenue à la charge à
plusieurs reprises à l'Assemblée nationale, dans ce contexte qui
permettait au gouvernement de ne pas avoir à se soumettre au
délai d'un mois pour convoquer la commission parlementaire. Le leader du
gouvernement a bien dit que si des groupes se croyaient lésés,
dans les représentations qui étaient faites par les
différents groupes qui avaient été, eux, officiellement
invités, on pourrait leur donner la parole. J'ai bien fait
préciser au leader du gouvernement, je lui ai dit: II s'agit là
d'un précédent, c'est bien ce que vous dites. C'est bien ce qu'il
a affirmé. En tout cas, on pourra en faire la vérification
à l'aide du journal des Débats, mais je veux au moins faire
immédiatement cette rectification pour que, plus tard, des gens ne
soient pas empêchés d'avoir la parole s'ils le jugent
nécessaire. (12 heures)
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. En ce qui concerne une question que vous
posiez à propos des mémoires, selon les directives qui viennent
de la présidence, il n'est pas automatique, et je ne voudrais pas que
cela le soit non plus, que les mémoires soient tous consignés au
journal des Débats, parce que le même texte paraît deux fois
dans le journal des Débats. Par contre, je pense qu'on peut
évaluer chaque cas, si un groupe ne pouvait pas se présenter pour
une raison ou pour une autre, ou si on manquait de temps, on pourrait, pour tel
mémoire, le consigner au journal des Débats.
M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je pense que Mme la députée de
L'Acadie souhaiterait que des mémoires qui seraient parvenus - on sait
qu'il y en a deux en fait - de groupes qui ne seront pas entendus puissent
être versés aux dossiers de la commission. À cet
égard, à moins que la présidence n'y voit d'objection je
comprends que le président de l'Assemblée nationale voudrait
peut-être trancher, compte tenu de la valeur de précédent -
nous n'avons, quant à nous, aucune objection. Il s'agit, en fait, du
mémoire de l'Association des cadres intermédiaires, et celui des
Départements de santé communautaire, qui ont été
versés. Ces organismes n'ont pas été appelés
à
témoigner, ils ne seront pas non plus appelés
spécifiquement à témoigner à cet égard.
Le Président (M. Bordeleau): À ce moment, s'il
s'agit de mémoires qui ne seront pas présentés, je n'ai
pas d'objection à ce qu'on puisse les consigner au journal des
Débats.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais quand
même apporter une autre précision. Dans l'hypothèse
où les organismes qui sont ici nous font un résumé de leur
mémoire, leur mémoire devrait être versé au journal
des Débats.
M. Johnson (Anjou): Quant à nous, d'accord. Je comprends
qu'il appartient au président...
Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais essentiellement,
Mme la députée de L'Acadie et les autres membres de la
commission, qu'on s'entende pour qu'on voie cela cas par cas. S'il y a des
résumés de mémoires qui sont imposants, on pourra les
inclure au journal des Débats, mais ce n'est plus de pratique courante
aux commissions parlementaires d'inclure automatiquement les mémoires en
double finalement au journal des Débats à la suite du texte de la
commission.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis d'accord avec
vous que si un mémoire était lu au complet, on n'a pas à
le répéter au journal des Débats. Cela fait un
chevauchement. Si un mémoire doit être résumé par la
force des choses, à cause du temps qui est alloué, la coutume
veut que le mémoire au complet soit versé au journal des
Débats.
Le Président (M. Bordeleau): On pourrait le faire.
Je vois que nos invités sont déjà là. Quant
à la procédure, avant d'entendre le premier groupe, j'aimerais
expliquer la façon dont on va répartir le temps pour les
intervenants. Comme l'habitude le veut, on devrait passer environ une heure par
mémoire, ce qui donne approximativement vingt minutes au groupe,
à l'association concernée pour présenter son
mémoire et le résumer, s'il est vraiment trop volumineux pour le
présenter durant ce temps. On laisse vingt minutes de chaque
côté pour les questions à l'organisme ou au groupe. C'est
la procédure que nous devrions suivre pour aujourd'hui et les prochains
jours des travaux de notre commission.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, avant de commencer, est-ce
que je pourrais avoir une directive de votre part? Ma collègue, la
députée de L'Acadie, a demandé que les mémoires,
même ceux qui sont entendus en résumé, soient
déposés et fassent partie du journal des Débats.
D'après les règlements, nous avons le droit de l'exiger; si je ne
m'abuse, je crois que la présidence, à la suite de notre demande,
a la responsabilité et l'obligation de l'accepter. Je voudrais que ce
soit clair, si vous acceptez que tous les mémoires qui ne sont pas lus
en entier soient déposés à la commission et fasse partie
du journal des Débats.
Le Président (M. Bordeleau):
Effectivement... M. le ministre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): À cet égard, M. le
Président, nous n'avons aucune objection, ce qui nous permettrait
peut-être d'entamer l'audition du mémoire de l'Association des
hôpitaux du Québec.
Le Président (M. Bordeleau): Je veux que ce soit quand
même clarifié, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Je pense que oui. Dans le
sens où vous posez la question, M. le député de
Mont-Royal, il sera possible effectivement d'annexer les mémoires
résumés au journal des Débats, sauf que, pour des
questions d'économie, depuis un certain temps, on conserve tous les
mémoires au secrétariat des commissions, on ne
répète pas les mémoires déjà lus en
commission à la fin du journal des Débats. Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière précision, M. le
Président. Vous avez établi comme règle que nous
entendrions les mémoires pendant 20 minutes, qu'ensuite nous
partagerions 40 minutes. En principe, je suis d'accord avec cela. Je veux
indiquer au ministre que je n'ai nullement l'intention de ralentir l'audition
des mémoires, parce qu'on a d'autres choses à faire, mais je
pense qu'il n'est nullement superflu d'établir les règles avant
de partir. Ce que je veux dire au ministre, c'est qu'on sait fort bien que, des
fois, rendu vers la fin de l'audition des mémoires, il y a des choses
qui se répètent; on prend alors moins de temps. Je ne voudrais
pas qu'on soit strictement figé dans la règle de l'heure et je
désirerais qu'on montre une certaine souplesse, selon que des questions
sont poussées plus à fond dans un mémoire que dans
d'autres.
Une voix: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. Je voudrais simplement vous souligner que
c'est justement une question de procédure pour ne pas faire attendre
trop longtemps les invités de la commission qui viennent ici
déposer des mémoires et faire des commentaires et qu'on a
établi au préalable des horaires qu'il faut tenter de respecter,
bien sûr. Je pense qu'il n'y aura aucune objection des membres de la
commission, que ce soit d'un côté comme de l'autre, de
dépasser de quelques minutes et même qu'à l'occasion de
mémoires plus restreints on puisse reprendre ce temps. Je veux
être comme président de la commission très réceptif
à des changements quant aux minutes et ne pas compter les secondes.
Je pense que nos premiers invités sont déjà en
place. Je présume qu'il s'agit de l'Association des hôpitaux du
Québec dont le mémoire sera présenté par M. Marc
Leclerc. M. Leclerc, si c'est bien vous et que vous voulez présenter les
personnes qui vous accompagnent, la commission est prête à vous
entendre.
Association des hôpitaux du
Québec
M. Leclerc (Marc): M. le Président de la commission, M. le
ministre des Affaires sociales, mesdames et messieurs, membres de la
commission, la délégation qui m'accompagne est composée de
M. Paul Pleau, ex-président de l'association et membre de
l'exécutif; de M. Claude Desjardins, directeur général de
Maisonneuve-Rosemont et vice-président; de M. Jacques Nolet, directeur
associé de l'hôpital Douglas-Verdun, trésorier de notre
association; de Mme Denise Thibault, présidente de l'hôpital
Fleury, membre de l'exécutif, de M. Robert Beaulieu, DG de Matane,
membre de l'exécutif; du Dr Gilles Lagacé, membre du
comité chargé de la préparation du mémoire et,
à ma droite, de M. Jacques Nadeau, directeur général de
notre association; de M. Normand Choinière, directeur
général adjoint de l'association; de Me Ghislaine Gosselin,
adjoint au directeur général pour les affaires juridiques, et de
M. Michel Cléroux, directeur des communications. Je ne pense pas en
avoir oublié.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va.
M. Leclerc: Compte tenu de la courte période de temps que
nous avons à notre disposition et de l'ampleur du mémoire que
nous avons déposé vendredi dernier auprès du
secrétariat des commissions parlementaires, je limiterai ma
présentation à une brève description des principaux
éléments que l'on y retrouve. Les personnes qui m'accompagnent,
plus particulièrement le directeur général, auront
l'occasion d'en expliciter par la suite tous les aspects.
Ces présentations étant faites, je voudrais au nom de
l'Association des hôpitaux du Québec vous remercier de votre
attention à notre égard qui nous permet ainsi de faire valoir le
point de vue de nos membres sur cet important projet de loi. Ces derniers, par
la voie de nos structures, ont d'ailleurs été consultés de
façon intensive et les opinions que nous exprimons aujourd'hui
reflètent très clairement leur volonté.
Le projet de loi 27, par la nature même des ses enjeux, le fait
qu'il remette en cause certains fondements de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux et sa portée étendue sur
d'autres lois nous font dire qu'il constitue le projet de loi le plus important
dans le secteur des affaires sociales depuis dix ans. Voilà pourquoi
nous sommes convaincus de la nécessité d'en scinder le contenu
afin que les dispositions les moins urgentes puissent faire l'objet d'une
démarche collective de réflexion entre consommateurs et
producteurs de services de santé, gouvernement et dirigeants de ce
réseau.
D'autre part, nous convenons avec le gouvernement de l'urgence d'agir en
ce qui concerne les dispositions de ce projet de loi affectant la Loi de
l'assurance-maladie et visant la répartition des médecins sur le
territoire. À cet effet, nous ne pouvons qu'exprimer notre satisfaction
générale à l'égard des intentions du gouvernement,
puisque la plupart des recommandations que nous lui avons transmises en juin
dernier ont été retenues.
Nous regrettons toutefois que nos recommandations concernant
l'élaboration de plans d'effectifs médicaux sur le territoire,
s'additionnant aux plans d'effectifs médicaux des établissements,
n'aient pas été incluses dans ce projet de loi. Nous croyons en
effet nécessaire de relier l'implantation des cabinets privés de
médecins et les services qu'ils dispensent aux besoins de santé
des populations.
Cette démarche nous semble à moyen terme et à long
terme devoir être la pierre angulaire de l'organisation médicale
du Québec.
De plus, nous aurions souhaité que les législateurs,
à l'article 4 au projet de loi, prennent une orientation
différente et permettent cette expérimentation quant aux modes de
rémunération sur la base de la demande des établissements.
Ceux-ci devraient quand même s'assurer de l'accord majoritaire des
médecins visés. En fait, nous croyons que la
rémunération en établissement devrait, dans ses modes,
d'abord être déterminée en fonction des besoins de
l'hôpital, dans le contexte de ses objectifs et programmes.
Nous proposons aussi que le législateur
confirme dans ce projet de loi la nécessité pour le
gouvernement de consulter les groupements représentatifs
d'établissements pour toute entente ou partie d'entente pouvant les
affecter.
En ce qui concerne le centre hospitalier et son conseil
d'administration, nous tenons à réitérer nos vues quant
à la nécessité d'assurer une majorité de
sièges aux gens de l'extérieur de l'établissement et du
réseau, l'expérience des dix dernières années ayant
démontré qu'un modèle contraire conduit à des
situations paralysantes et à des tensions stériles.
Face à ce projet de loi, nous convenons donc d'en maintenir les
dispositions relatives à la représentation des
bénéficiaires, des universités et des trois
catégories de représentants originant de l'intérieur:
médecins, personnel clinique et personnel non clinique.
Quant aux représentants issus des groupes
socio-économiques et des organismes bénévoles, nous
considérons leur présence comme extrêmement pertinente.
Mais, compte tenu de certaines difficultés rencontrées par le
mode de nomination des représentants des groupes
socio-économiques, nous ne voyons pas pourquoi ils ne pourraient pas
être désignés de la même façon que ceux des
organismes bénévoles, soit par le conseil régional.
D'autre part, nous comprenons l'objectif visé par le gouvernement
quand il propose d'associer au conseil d'administration des
établissements des représentants de chacune des autres
catégories d'établissements. Cette proposition visant à
promouvoir la complémentarité des établissements et
à rendre le réseau organique pourrait être
réalisée dans une forme qui présenterait moins
d'aléas. À cet effet, il serait plus avantageux que le conseil
régional désigne, précisément en fonction de cet
objectif, un représentant au sein du conseil d'administration de chaque
établissement. Nous croyons de plus qu'il serait vraiment conforme
à l'économie de notre régime que l'on confie cette
tâche à l'organisme qui, de par sa mission, a un tel mandat,
plutôt que de favoriser la promotion de la complémentarité
d'une façon confuse et douteuse par la base.
Quant à la désignation des personnes représentant
les conseils régionaux, notre mémoire et son annexe proposent une
démarche précise. Notre proposition limite donc la participation
des gens de l'intérieur, soit du réseau ou de
l'établissement à cinq sièges. Soulignons incidemment que
nous croyons que des principes administratifs sains et l'expérience
passée militent en faveur du maintien du directeur général
comme membre, mais sans droit de vote. (12 h 15)
Quant à la complétion des sièges qui devraient
être accordés aux gens de l'extérieur, nous sommes d'avis
qu'il y aurait lieu de consacrer l'apport significatif des corporations
hospitalières et des citoyens pris sur une base individuelle.
C'est ainsi que nous proposons au législateur, dans le cas de
centres hospitaliers ayant une corporation, de maintenir leur
représentation à quatre membres et de réserver deux
sièges à des personnes élues par un collège
électoral constitué d'une assemblée de citoyens et non
plus d'usagers. Cette proposition présuppose d'autres modifications aux
dispositions actuelles du chapitre 48(S-5) que nous explicitons dans notre
mémoire et son annexe.
Enfin, bien que la majorité des établissements
hospitaliers soit dotée de corporations, nous estimons que, dans le cas
où il y a absence de corporation, le nombre de sièges
réservés aux citoyens devrait être de quatre. Les
représentants des corporations et ceux désignés par le
collège électoral des citoyens que nous proposons constituent
deux façons pour l'hôpital de s'ancrer dans sa communauté.
Le bénévolat des représentants des corporations, leur
désintéressement en même temps que leur expertise en font
des membres fort valables, mieux, indispensables de nos conseils
d'administration.
Dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, les
établissements hospitaliers devront, pour atteindre leurs objectifs
à l'égard du bien-être et du mieux-être, tant des
populations que des individus qu'ils desservent, rentabiliser, bien sûr,
leurs investissements mais aussi redéfinir leurs approches. Non
seulement devront-ils mieux faire mais aussi faire différemment. Il
faudra y pratiquer une médecine dynamique et renouvelée qui, tout
en demeurant axée sur la personne, devra s'ouvrir encore plus aux
perspectives communautaires de la santé. Mais pour que ceci se
réalise, le centre hospitalier doit être doté des moyens
nécessaires. Nous croyons que le modèle d'organisation
médicale actuel ne cadre plus avec les responsabilités
confiées aux établissements des années 80 et
confirmées par ce projet de loi. De l'avis de l'Association des
hôpitaux du Québec, les établissements hospitaliers ne
doivent plus être des organismes de support à la pratique
médicale individuelle mais des entreprises collectives de santé.
Pour ce faire il s'avère absolument nécessaire que l'ensemble des
ressources impliquées dans leur fonctionnement soit
intégré à la poursuite de leur mandat. Il ne fait nul
doute donc que l'objectif d'intégrer les médecins à
l'organisation hospitalière constitue une nécessité de
premier ordre et un objectif majeur.
Intégrer les médecins à l'entreprise
hospitalière ne signifie pas qu'il faille tout
simplement les rendre "connaissants" des impacts économiques de
leur pratique. Il faut aller au-delà de cette sensibilisation et rendre
les médecins responsables auprès des autorités ultimes de
l'organisation.
À la base de plusieurs difficultés que le monde
hospitalier vit depuis de nombreuses années se retrouve ce
problème que certains qualifient de bicéphalie
hospitalière, de parallélisme des structures et des
autorités.
Nos espérances étaient grandes, alors que nous anticipions
ce projet de loi, de voir se redresser cette situation. Tel n'est pas le cas.
Loin de corriger ce problème d'une extrême ampleur, le projet de
loi 27 l'accentue en rendant les chefs de départements cliniques
redevables de leurs fonctions élargies au Conseil des médecins et
dentistes. Celui-ci voit son mandat s'étendre au point où il
devra dorénavant adopter, sans référence à
l'autorité du conseil d'administration, des normes sur la fourniture des
soins requis et l'utilisation des ressources disponibles, le tout
accompagné de possibles sanctions administratives qui, elles, doivent
être approuvées par le conseil d'administration. Cette intention,
telle que libellée, est inacceptable. Non pas que nous nous opposions au
nouveau rôle du chef de département clinique, non pas que nous
opposions à l'implication du Conseil des médecins et dentistes
dans la formulation de ces normes ou encore dans celle des sanctions qui en
découlent. Avant tout et fondamentalement, nous n'acceptons pas que tout
ceci se fasse en parallèle et hors de l'autorité du conseil
d'administration; en parallèle et hors de l'autorité
hiérarchique qui en découle. Nous n'acceptons pas que les
conditions régissant l'utilisation des ressources qui nous sont
confiées nous échappent. Ce sont les conseils d'administration
qui, ultimement, sont responsables de tout ce qui se passe à
l'intérieur de ces murs, pas le CMD.
Nos propositions sont d'abord de modifier les responsabilités du
directeur des services professionnels. Sa première responsabilité
devrait être de diriger, coordonner et surveiller les activités
des chefs de départements médicaux et dentaires de
l'établissement. Notre vision de son rôle limite aussi ses
responsabilités aux seuls professionnels médecins et dentistes.
Comme principe général d'organisation et dans l'état;
actuel des choses, il ne saurait être question de placer sous
l'autorité administrative du directeur des services professionnels,
s'exerçant par la voie des chefs de département, d'autres
catégories de professionnels que les médecins et dentistes.
Quant au conseil des médecins et dentistes, il devrait, en plus
d'assumer pleinement les responsabilités que lui confie
déjà la loi, assister dans ses fonctions le directeur des
services professionnels, notamment dans cette fonction très importante
de préparer des normes sur la fourniture des soins requis et sur
l'utilisation des ressources.
Ce modèle d'organisation médicale, contrairement au
modèle dépassé de la hiérarchie des pairs, loin
d'amplifier les problèmes que nous vivons, aidera véritablement
à les résoudre. Il associera administrateurs et médecins
à une tâche commune. Nous tenons à cette association et
nous en anticipons la fécondité.
De l'avis de l'Association des hôpitaux du Québec, le
projet de loi constitue un pas additionnel posé par le gouvernement vers
la régionalisation de son réseau et, s'il ne tend pas à
développer une très grande autonomie pour les conseils
régionaux, il leur fait quand même jouer un rôle consultatif
plus élargi. Soulignons, incidemment, leur contribution au pouvoir du
ministre en matière de fusion d'établissements, pouvoir
nécessaire dans le contexte de certaines situations qui ressemblent
à des noeuds gordiens qu'il faut trancher.
L'approche du projet de loi en matière de structuration du
conseil d'administration des conseils régionaux nous apparaît
aussi intéressante. L'option retenue par le gouvernement de maintenir
les représentants des maires, d'assurer celle des représentants
des groupes socioéconomiques, des organismes bénévoles,
des universités et cégeps, nous semble pertinente, de même
que celle qui permet l'accession des personnes n'étant pas
employées ou n'oeuvrant pas dans les établissements du
réseau, ces personnes étant toutefois nommées par eux.
En fait, nous considérons de bon aloi que les directions
hospitalières déjà présentes au sein des
importantes commissions administratives existant dans les conseils
régionaux ne se retrouvent pas dans leurs conseils d'administration. Par
contre, nous ne pouvons souscrire à cette intention d'accorder un
siège aux conseils des médecins et dentistes des
établissements de la région pour le même principe.
L'objectif sous-jacent du gouvernement d'associer aux conseils régionaux
les médecins d'un territoire pourrait être retenu dans une forme
plus acceptable et plus contemporaine. De façon précise, nous
recommandons que soit constitué, dans chaque conseil régional, un
conseil consultatif des personnels médicaux, dentaires et clinique de la
région. Ce conseil consultatif devrait avoir pour mandat d'aviser le
conseil d'administration du conseil régional dans toutes les
matières d'intérêt professionnel et relatives à la
planification, l'organisation et l'évaluation des services de
santé et des services sociaux de la région. Notre mémoire
et son annexe précisent les modes de désignation de ces
personnes.
Dans un autre ordre d'idées, notre
association tient aujourd'hui a réitérer son
désaccord à l'égard d'un mandat que se sont vu accorder
les conseils régionaux et que ce projet de loi précise, soit
celui de les engager à titre exclusif dans la production de biens et
services communs. Nous sommes d'avis qu'afin d'exercer de façon plus
adéquate leurs fonctions fondamentales en matière de
planification, programmation et évaluation des services de santé
et des services sociaux, les conseils régionaux doivent éviter de
s'éparpiller dans l'accessoire que constitue pour eux la production de
biens et services. L'Association des hôpitaux du Québec en ces
matières recommande donc que les conseils régionaux maintiennent
leur mandat de promotion à l'égard du partage des services et de
leur mise en commun et qu'ils se voient aussi ajouter de façon
spécifique un mandat d'assister à la mise sur pied de
corporations de réseau constituées en vertu du chapitre 48(S-5),
dont l'objet serait d'assurer effectivement la fourniture de ces biens et
services.
D'autre part, nous comprenons qu'à défaut de I'existence
de telles corporations, les conseils régionaux agissent de façon
supplétive à l'occasion dans la fourniture de ces biens et
services.
Ce projet de loi continue d'amplifier le pouvoir exécutif et
technocratique de l'État. Notre mémoire illustre d'ailleurs de
façon particulière cette opinion. Plutôt que de s'immiscer
dans les moindres replis de l'organisation hospitalière, le gouvernement
devrait proposer dans la loi de grandes orientations en ce qui concerne
l'organisation des établissements et, par voie réglementaire, se
limiter à mettre de l'avant des normes générales.
L'ensemble des dispositions que ce projet de loi met de l'avant, en particulier
à l'article 94, nous semble d'ailleurs se concilier difficilement avec
les exhortations à la créativité et à l'imagination
que l'on réclame des administrations hospitalières.
En conclusion, nous retenons que ce projet de loi constitue sous
plusieurs de ces aspects une intention législative extrêmement
positive, puisque, effectivement, il s'attaque avec courage à
l'important problème que constitue la répartition territoriale
des effectifs médicaux. Il propose des changements majeurs au chapitre
48, notamment quant à l'admission des médecins à la
pratique hospitalière et, quoique nous différions
profondément d'avis sur les modalités, il veut favoriser leur
intégration à la vie de l'hôpital.
Ce projet de loi ouvre aussi la porte des conseils d'administration des
établissements aux bénéficiaires et aux
bénévoles, ce à quoi nous souscrivons chaudement.
Quant aux importantes réserves et même aux oppositions que
nous avons sur différents articles, nous n'y reviendrons pas de nouveau.
Bien que nous soyons toujours d'avis que ce projet de loi ne devrait pas
être adopté à la course, que les questions qu'il
soulève devraient faire l'objet de consultations plus élargies et
approfondies, qu'il devrait être scindé, compte tenu du
caractère non urgent de plusieurs de ses dispositions, notre
dernière recommandation porte sur la prudence qui devrait animer le
législateur. Il serait malheureux, pour tous les Québécois
et ceux qui oeuvrent dans ce régime de santé et de services
sociaux, que ce projet de loi devenu loi accentue des tensions plutôt
qu'il ne favorise des consensus. En dépit des éléments
très positifs que nous avons nommément soulignés, sa
facture actuelle reste inquiétante quant aux effets auxquels elle peut
conduire.
Le Président (Bordeleau): Merci, M. Leclerc. Pour les
questions, M. le ministre des Affaires sociales?
M. Johnson (Anjou): Oui. Je voudrais d'abord remercier
l'Association des hôpitaux du Québec qui, comme d'habitude, avec
la qualité des ressources qu'on lui connaît, a produit un
mémoire assez remarquable, à la fois par la qualité, la
compréhension et les objectifs que l'association poursuit, et qui,
à l'occasion, nous amène évidemment à frotter des
conceptions un peu différentes de certaines choses.
J'aurais quelques questions que j'adresse initialement à
l'association et je présume que peut-être que le directeur
répondra ou d'autres personnes, selon le cas. À l'égard de
cette notion des plans d'effectifs régionaux, qui est une idée,
je sais, de l'AHQ depuis un certain nombre d'années, j'aimerais
l'entendre élaborer son idée un peu là-dessus et plus
spécifiquement sur cette question du développement des cliniques
privées sur le territoire adjacent, auprès des hôpitaux.
Comment verrait-elle cela? Je comprends l'objectif, mais je serais curieux
d'entendre l'AHQ, sur le comment. Je rappellerai simplement que le projet de
loi ne prévoit pas spécifiquement le contrôle sur le
développement de tels établissements, bien qu'un ensemble de
mesures qui peuvent être prises sur un plan administratif, à
travers la notion de plans d'effectifs et dans le cadre de la
négociation, puissent faire en sorte qu'on favorise encore une fois par
une série de moyens la répartition, mais, si je comprends bien,
l'association voudrait qu'il y ait une approche interventionniste plus claire
à ce niveau-là.
M. Choinière (Normand): M. le ministre, au niveau des
plans d'effectifs médicaux, on voit là, à moyen terme et
à long terme, la solution au problème des effectifs
médicaux
en région périphérique. C'est une solution que nous
avons réclamée depuis un bon nombre d'années et qui est
absolument indispensable, si on ne veut pas régler de façon
coercitive les problèmes de la répartition des effectifs
médicaux, comme, par exemple, des pouvoirs qu'est obligé de se
donner le ministre pour assumer ses responsabilités, pour faire en sorte
que les effectifs médicaux se retrouvent à la grandeur du
Québec.
Nous, on dit que si on tient compte des effectifs médicaux qu'il
y a dans les centres hospitaliers, qu'on oublie les autres types
d'établissements et qu'on oublie également toute la question de
la pratique privée, des cabinets privés, vous comprenez que, dans
une région comme la Côte-Nord, par exemple, il pourrait se
retrouver quinze ou seize médecins à Sept-Îles, mais, si
ces gens-là sont tous en cabinet privé, la pratique
institutionnelle n'est pas couverte et l'urgence n'est pas
nécessairement couverte. C'est pour ça qu'on le voit dans
l'ensemble. On pense que, si on veut apporter une solution globale, il faut
absolument couvrir l'ensemble du territoire, pas seulement la pratique qui se
fait au niveau du centre hospitalier. Je comprends que c'est un pas qui est
intéressant, mais on aimerait que le gouvernement fasse un pas de plus.
(12 h 30)
Vous dites: Comment est-ce que ça pourrait se faire? Je pense que
ça pourrait se faire avec la formule des permis d'exploitation, en
tenant compte de la complémentarité du secteur public et du
secteur privé. Je pense que c'est la seule façon dont ça
puisse se faire. Les gens qui devraient avoir la responsabilité
d'élaborer ces plans, ce sont les gens qui connaissent bien le
territoire, ce sont les gens qui ont une responsabilité au niveau de la
complémentarité; je pense que ce sont les conseils
régionaux.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Nadeau.
M. Johnson (Anjou): J'aurais peut-être...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): ... une ou deux autres questions rapidement.
J'aimerais qu'on explicite le chapitre auquel vous avez consacré de
nombreuses pages de votre mémoire, notamment toute cette question de
l'harmonisation de l'activité du médecin dans
l'établissement avec les objectifs de l'établissement. Il
m'arrive, à l'occasion, d'utiliser les mots intégration à
l'établissement. Je pense que vous décrivez une
intégration très claire, avec une ligne hiérarchique, un
lien de subordination à l'égard de l'administration du
médecin, le projet de loi prévoyant plus une harmonisation de ces
secteurs. J'aimerais vous entendre expliquer ça, notamment, quant au
rôle du directeur des services professionnels.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): Oui. M. le ministre, depuis un bon nombre
d'années, vous n'êtes pas sans savoir que les
établissements de santé sont dirigés par deux lignes
parallèles. D'un côté, il y a l'organisation
médicale et, d'un autre côté, il y les gestionnaires. On
n'est pas d'accord sur les moyens que vous prenez, mais on est d'accord sur
l'intention. On veut faire en sorte que les médecins, les
administrateurs et le gouvernement, tout ce monde-là soit
intégré à l'organisation, c'est-à-dire travaille en
fonction des mêmes objectifs.
La façon dont vous donnez des responsabilités
additionnelles aux chefs de département à l'égard de
l'utilisation des ressources, sous l'autorité du Conseil des
médecins et dentistes, parce qu'il doit adopter ces normes, sans
référence au conseil d'administration, ça accentue
complètement la ligne parallèle qui existe. On dit que cette
responsabilité, pour favoriser une unité de gestion, pour
être certain que tout le monde travaille aux mêmes objectifs
à l'intérieur des boîtes... Vous savez que, dans la
période qu'on traverse, on a à remettre en cause certains
objectifs dans les établissements. Les établissements ne pourront
pas tout faire, comme c'était le cas il y a quelques années alors
qu'on était en grande période de développement. On est
obligé de faire des choix.
Je pense que tous les professionnels, y compris les médecins,
doivent travailler dans le sens de ces choix. Pour ce faire, on dit que celui
qui doit être responsable des normes, c'est le directeur des services
professionnels. Évidemment, ce n'est pas lui qui va les faire, c'est
bien sûr, mais il est responsable de les élaborer. Comment va-t-il
faire? Il va aller voir les chefs de département et ceux-ci vont aller
voir les chefs de service, parce que même les chefs de
département, le chef de chirurgie, par exemple, n'est pas capable
d'élaborer des normes en neurochirurgie. Il faut absolument qu'il
consulte des experts là-dedans.
On dit que le directeur des services professionnels va être
responsable, que les chefs de département clinique vont relever de lui.
À ce moment-là, il n'y a pas de conflit d'intérêts
possible entre un chef de département qui travaille avec des
confrères qui divisent souvent un pool avec lui, tout ça. C'est
indépendant de ça. Le directeur
des services professionnels, par le biais du directeur
général, va soumettre ces choses au conseil d'administration.
C'est là qu'il se fait une unité de gestion à la grandeur
de la boîte. Je pense que l'unité de gestion est absolument
indispensable.
Écoutez, l'implication du CMD, il ne faut pas l'oublier aussi. Le
Conseil des médecins et dentistes va, quand même, collaborer avec
le directeur des services professionnels à l'établissement de ces
normes; il va continuer d'évaluer la qualité des actes
médicaux et dentaires qui se posent dans le centre et il va en faire des
rapports au conseil d'administration.
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'on aura l'occasion de revenir,
notamment au cours de la deuxième lecture, et sûrement lors de
l'étude article par article, sur ces questions qui, finalement, ont un
caractère assez complexe, mais dont le directeur, à la suite du
président de l'AHQ, a finalement bien résumé les deux
pôles et les deux approches essentielles. Est-ce qu'il y a moyen de
réconcilier ces deux pôles et ces approches sans s'imaginer que
c'est la quadrature du cercle? Je le souhaite. Il faut, d'une part, être
capable de permettre aux médecins de développer une forme de
solidarité avec l'établissement qu'ils ont peine à
développer depuis un certain nombre d'années pour un tas de
raisons, mais par ailleurs, de respecter ces notions centrales qui sont le fait
de l'acte individuel, professionnel, engageant la responsabilité d'un
individu à l'égard d'un patient. C'est toute cette
difficulté qui est à la source de cette dichotomie que vous avez
évoquée. Je me rends compte que vous tentez, à travers le
DSP, si je comprends bien, de faire une espèce de jonction à ce
niveau.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Nadeau.
M. Nadeau: Si vous voulez me permettre d'ajouter un petit mot, M.
le ministre. Il ne s'agit pas, pour les administrateurs, de prendre la
responsabilité des médecins et de faire de la médecine.
Les chefs de département qui vont être sous l'autorité des
DSP sont des médecins. Le DSP, c'est aussi un médecin.
M. Johnson (Anjou): Finalement, deux dernières choses
avant de céder la parole à ma collègue. J'aurai donc pris
à peu près dix minutes.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Johnson (Anjou): Oui. Deux dernières choses au niveau
des CRSSS et de l'achat en commun - c'est un débat qu'on connaît
bien, notamment dans la région de Québec - et du pouvoir de
ceux-ci. Je vois un danger à ce que suggère l'AHQ. Dans le fond,
les achats en commun, le but n'est pas très compliqué, ce n'est
pas très philosophique ni idéologique, c'est de s'arranger pour
faire des économies quand on achète de la literie et des
produits. À l'occasion, cela peut conduire à certaines variantes
qui frisent l'absurde mais, globalement, cela permet de réaliser des
économies considérables sur des achats de 550 000 000 $ dans le
réseau des affaires sociales. En épargnant 2% ou 3% dans ces
affaires, ce ne sont pas exactement des cacahuètes, cela permet
peut-être de consacrer cet argent à autre chose, ou enfin, de ne
pas être obligé de restreindre d'autres activités. Notre
objectif est nettement partagé. La preuve, c'est que beaucoup
d'hôpitaux l'ont fait sur une base volontaire.
Le problème qui se pose, et je le soumets à l'AHQ, c'est
qu'à partir du moment où vous avez une politique d'achat en
commun, qui se fait à l'aide de fonds publics, dans une région
donnée, et que cette politique peut affecter adversement des
fournisseurs, carrément des emplois dans certains cas, cela se fait avec
des fonds publics. L'intérêt pour nous, je dois vous dire
l'objectif, pour nous, de confier cela au Conseil régional de la
santé et des services sociaux, c'est que quelqu'un en répond. La
création d'organismes indépendants formés avec une charte
de différents hôpitaux, un groupe qui va faire des achats en
commun, qui a les mêmes objectifs que nous, mais qui n'a pas à
répondre devant qui que ce soit de l'utilisation qu'on fait de ces fonds
- je ne prétends pas que l'utilisation en est irresponsable, bien au
contraire, c'est dans une recherche de meilleure gestion - les
conséquences sont parfois des conséquences qui deviennent d'ordre
public à cause du nombre limité de fournisseurs. Il y a une
personne qui peut en répondre au bout de la ligne, c'est celui qui taxe.
À travers cela, il faut voir quelles sont les structures qu'on a, et
parmi les structures qu'on a, il y en a ce qu'on appelle les CRSSS. Le ministre
des Affaires sociales est obligé de répondre des CRSSS devant
l'Assemblée nationale et ses différentes commissions, au moment
où il dépose le rapport annuel. C'est le problème central
qui est là-dedans.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Nadeau.
M. Nadeau: M. le ministre, ce qu'on vous propose, ce sont des
corporations sans but lucratif, mais incorporées en vertu du chapitre
48. Ce qui fait que cela donne carrément la responsabilité au
ministre, que c'est le ministre qui en répond, c'est que ce sont des
corporations qui sont incorporées en vertu du chapitre 48, d'une part.
D'autre part, l'autre élément que vous soulevez, c'est
de voir les CRSSS qui s'occupent d'en faire la promotion. Ils sont
prévus dans ces corporations, on les met là-dedans. On pense que
c'est essentiel qu'ils le soient également. Il faut dire une chose, M.
le ministre, c'est que si on donne aux administrateurs la possibilité de
gérer eux-mêmes leurs achats, vous allez drôlement les
motiver. Je parle des achats, mais j'implique tous les services en commun qu'on
s'est visés.
M. Johnson (Anjou): Je comprends ce que vous voulez dire,
d'autant plus que j'entends souvent des médecins parler ainsi à
l'égard de beaucoup de choses qui se passent dans
l'établissement. C'est évident que plus on est impliqué,
plus on est motivé.
M. Nadeau: Et on veut les impliquer.
M. Johnson (Anjou): C'est le problème d'un système
très complexe avec beaucoup d'intervenants et avec beaucoup de...
D'accord.
Finalement, sur le pouvoir technocratique qui est l'appellation
générale qu'on peut donner au pouvoir réglementaire, je
veux simplement, au départ, rassurer M. Leclerc quant à certaines
de nos intentions. Il verra, en cours de route, qu'on aura à
préciser des choses. On peut dire qu'il y a des pouvoirs
réglementaires de deux ordres qu'on se donne dans ce projet de loi et
ils ont de toute façon tous les deux la même
caractéristique. D'une part, il y a le pouvoir
délégué notamment à l'égard du Conseil des
médecins et dentistes où il ne s'agit pas de donner des pouvoirs
au ministre ou au gouvernement de déterminer des cas d'espèce,
mais il s'agit de déléguer, dans le cadre d'un règlement
général, certains pouvoirs à ces structures, que ce soit
le Conseil des médecins et dentistes dans certains cas, que ce soit le
Département de santé communautaire dans d'autres, etc. Je pense
que c'est une confusion qui est venue, mais remarquez qu'elle n'est pas dans
votre mémoire cependant.
Vous avez vu juste sur bien d'autres choses cependant,
c'est-à-dire que vous avez visé juste sur bien d'autres choses.
C'est un lapsus. Deuxième caractéristique des règlements,
je ferai remarquer que beaucoup de ces règlements existent
déjà. Le règlement de 1973, publié à la
suite de la réforme Castonguay-Nepveu, qui est une brique
considérable, couvre une diversité absolument
phénoménale de sujets, comme vous le savez, mais certaines des
assises juridiques sont rentrées carrément dans ce que
j'appellerais la culture hospitalière. On respecte certaines choses
quant au rôle de certaines personnes, mais il n'y a rien qui, dans la
loi, dans certains cas carrément, ne valide ces règlements qui
ont été adoptés alors qu'il allait sans dire, dans bien
des cas, qu'il fallait faire ces règlements et tout le monde les
respecte.
En ce sens, il faut bien voir que certains articles un peu de
portée générale ont comme objectif de permettre un
encadrement de certains de ces règlements. Mais j'aimerais vous entendre
sur certains des pouvoirs spécifiques qui vous inquiètent au
niveau du pouvoir réglementaire.
M. Nadeau: M. le ministre, pour n'en prendre qu'un,
l'élément X, je pense qu'il est très clair
celui-là: Le ministre peut, par règlement, appliquer toute autre
mesure utile à l'application de la présente loi. Vous comprenez,
M. le ministre, que c'est aussi vaste que l'enceinte dans laquelle on est.
M. Johnson (Anjou): C'est une reprise d'un article
général qu'on retrouve dans de nombreuses lois depuis de
nombreuses années, mais on comprend.
M. Nadeau: C'est très large. M. le ministre, pour la
première partie de votre argumentation en ce qui concerne le Conseil des
médecins et dentistes où vous pensez à des pouvoirs
particuliers, nous disons: Si c'est le cas et si c'est vrai que c'est
important, on aimerait beaucoup que ces choses se retrouvent dans la loi. Le
cas échéant, on connaîtrait très clairement les
intentions du ministre.
Si vous me permettez de répéter. En ce qui concerne les
pouvoirs délégués au Conseil des médecins et
dentistes, vous dites qu'il pourrait peut-être y avoir des choses
importantes qui pourraient être mises là-dedans. Nous disons: Si
c'est vrai, M. le ministre, que c'est important, on aimerait que ce soit dans
la loi et, le cas échéant, on connaîtrait très
clairement les intentions du ministre.
M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est une remarque fort
pertinente à l'égard de X, comme à l'égard de
l'autre pouvoir qui touche les Conseils de médecins et dentistes,
d'autant plus que les intentions encore une fois, c'est souvent une question de
technique juridique qui est utilisée. La tendance des
législateurs, c'est d'en mettre large, le plus large possible; c'est
pour ça qu'il y a des commissions parlementaires pour qu'on vienne nous
dire parfois qu'il y en a trop large.
M. Nadeau: II y a le point k), M. le ministre, la question des
urgences.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Nadeau: II y a le point k) également, à savoir
que le ministre puisse définir les urgences. Il y a la question des
services...
M. Johnson (Anjou): Ah oui...
M. Nadeau: ... et toutes ces choses-là. On est d'accord
que le ministre établisse des normes générales, mais qu'il
laisse un peu de place aux administrateurs. (12 h 45)
M. Johnson (Anjou): On vous répondra là-dessus.
D'abord je dois vous dire que, déjà, avec 1000
établissements dans le réseau et 150 fonctionnaires à la
direction des services de santé, je ne tiens pas particulièrement
à ce qu'on en ait plus à assumer. Mais il reste que, sur
certaines orientations et certaines choses qui relèvent notamment du
péril à la santé publique, la notion par exemple d'urgence
ici, on le verra en cours de route, est beaucoup plus dans son acception de la
catastrophe naturelle, du désastre naturel: inondation, feu, etc. C'est
ce qui est visé par ce type d'article, encore une fois, qui valide
beaucoup de règlements, mais la formulation qui a été
utilisée dans la loi pour les valider peut prêter à
peut-être une certaine largeur, dont nous verrons à discuter lors
de l'étude article par article sûrement.
M. Nadeau: Est-ce que je peux, M. le ministre, sur la question
des urgences, juste vous montrer une phrase qui termine le paragraphe k), ce
que peut être un cas d'urgence et, s'il y a lieu, les soins qu'il
comprend?
M. Johnson (Anjou): Je vais vous donner l'exemple précis
qui est visé par ça et qui vient d'une directive, si je comprends
bien, du ministère, qu'on voudrait asseoir juridiquement. Est-ce qu'on
ne doit pas considérer - je pense qu'on doit le considérer comme
responsable du ministère qui a la vocation de la mission de santé
- les cas de viol comme des urgences, les cas d'intoxication aiguë comme
des urgences? On sait que dans certains établissements, pour une raison
ou pour une autre, on a choisi ou on n'a pas une approche qui vise à
considérer ces situations comme des situations proprement d'urgence. Et
ça, ce n'est pas seulement une détermination professionnelle.
Encore une fois, il ne s'agit pas de rentrer dans le cas
d'espèce, il s'agit d'asseoir un pouvoir pour le ministère,
d'établir, par directives ou règlements, qu'il doit y avoir, sans
présumer de son contenu, l'armature nécessaire pour recevoir les
cas de viol et les cas d'intoxications aiguës, et que ça doit
être traité comme des urgences, au niveau des urgences. C'est
l'intention qu'il y a derrière ça. Encore une fois, je pense que
c'est une remarque qui était tout à fait juridique.
M. Nadeau: Dans le cadre des normes générales, on
n'aurait pas d'objections, M. le ministre. Maintenant en ce qui concerne les
catastrophes que vous soulevez, je pense bien que la loi sur la santé
publique, vous donne dans ces cas-là pas mal de pouvoirs. En tous cas,
c'est à regarder.
M. Johnson (Anjou): Mais il faut qu'il y ait
épidémie.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la député
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, moi aussi je veux
remercier l'Association des hôpitaux du Québec pour son
mémoire, qui est quand même un mémoire très
sérieux et qui met de l'avant des observations très pertinentes.
Pour faire suite à tout le problème de l'articulation, je dirais,
des responsabilités prévues pour les médecins à
l'intérieur de l'unité clinique ou du département clinique
et leur articulation à travers le CMD et la direction, est-ce que le CMD
n'a pas une relation avec le directeur général de
l'établissement? Est-ce que ce n'est pas articulé à ce
niveau-là?
M. Nadeau: Le Conseil des médecins et dentistes
relève du conseil d'administration. Au niveau de l'exécutif du
Conseil des médecins et dentistes, le directeur général
est un membre de l'exécutif.
Mme Lavoie-Roux: Le directeur général est
là.
M. Nadeau: C'est ça. Comme le directeur des services
professionnels d'ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: Quelle est exactement votre crainte quant au
fait de donner une certaine autorité - enfin, ce n'est peut-être
même pas une autorité - ou certaines responsabilités aux
médecins au niveau du département clinique?
M. Nadeau: On n'a pas d'objection à donner certaines
responsabilités au niveau des départements cliniques, on est
absolument d'accord avec cela, sauf qu'on veut que ces responsabilités
s'exercent sous l'autorité du directeur des services professionnels et
non du Conseil des médecins et dentistes; c'est la seule
différence. Nous, on pense que l'autorité ultime à
l'intérieur de la boîte, c'est le conseil d'administration, et la
hiérarchie pour y arriver passe par le directeur des services
professionnels et le directeur général.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne pensez pas que vous pouvez y arriver par
le truchement du CMD où se retrouve le directeur
général?
M. Nadeau: C'est au niveau de l'exécutif, ça. Ce ne
sont pas eux qui acceptent les normes, ce ne sont pas eux qui
déterminent les normes.
Mme Lavoie-Roux: Au sujet de ces fameuses normes, quels sont les
efforts... parce que nous parlerons beaucoup de normes cette semaine et la
semaine prochaine.
M. Nadeau: Je ne sais pas si j'ai été assez clair.
Le directeur général ne fait pas partie du Conseil des
médecins et dentistes, que ce soit bien clair. Il siège au
comité exécutif mais il ne fait pas partie du Conseil des
médecins et dentistes.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, au sujet des fameuses normes dont on
va beaucoup parler cette semaine et la semaine prochaine, si on se rend
à l'étude du projet de loi article par article, quels sont les
efforts qui ont été déployés dans les
hôpitaux jusqu'à maintenant pour établir ces
normes-là? Tout le monde parle de normes, mais est-ce qu'il y en a
d'établies, est-ce que c'est le CMD qui avait la fonction de les
établir jusqu'à maintenant?
M. Nadeau: Cela dépend des centres hospitaliers. Moi, j'ai
vécu dans trois centres hospitaliers et je peux vous dire que dans ces
centres hospitaliers les normes étaient préparées par le
Conseil des médecins et dentistes, avec le directeur des services
professionnels et les chefs de département, et elles étaient
acceptées par le conseil d'administration de l'établissement.
Or, il y a un paquet de normes qui existent actuellement dans le
réseau. Je ne peux pas vous dire qu'il y en a partout et qu'elles sont
toutes bien faites, je pense que c'est à voir et à refaire, et
c'est excellent qu'on en parle, mais cela a été accepté,
dans bon nombre de cas, par le conseil d'administration. Je ne dirai pas
partout, mais dans bon nombre de cas. Moi, dans les établissements
où j'ai vécu, c'est comme ça que cela fonctionnait.
Mme Lavoie-Roux: Cela n'apparaît pas suffisant puisqu'on
dit maintenant: II faut le faire par l'intermédiaire du
département clinique. Est-ce cela qu'il faut conclure?
M. Nadeau: C'est qu'elles sont adoptées par le Conseil des
médecins et dentistes à l'heure actuelle et non par le conseil
d'administration. Nous, on veut qu'elles soient adoptées par le conseil
d'administration, préparées par le directeur des services
professionnels, faites en consultation avec les chefs de départements,
avec les chefs de service, avec le Conseil des médecins et dentistes et
adoptées par le conseil d'administration. C'est ce qu'on
suggère.
Une voix: Je pense que M. Leclerc a un complément de
réponse.
M. Leclerc: C'est qu'en plus des normes de qualité, la loi
prévoit les normes d'utilisation des ressources. C'est bien important de
voir que, cela ajouté, ça change le contexte.
Mme Lavoie-Roux: En fait, ça nous amène à
l'article 85 qui, lui, dit, et j'aimerais avoir votre réaction sur cela:
"Le conseil d'administration d'un centre hospitalier accepte la candidature du
médecin en tenant compte du plan d'organisation et du coût
engendré par l'engagement de ce médecin ou dentiste." Quelle est
votre réaction à cet article-là? Là, c'est en
fonction des ressources financières de l'hôpital et ça vaut
également pour les normes à l'intérieur des
départements cliniques?
M. Nadeau: On est d'accord sur cet article. Que l'on tienne
compte, dans l'admission des médecins, du plan d'effectifs
médicaux, c'est essentiel. D'ailleurs on en prône, un plan
d'effectifs médicaux, donc il faut en tenir compte. Il faut aussi tenir
compte des ressources qui sont disponibles dans l'établissement. On est
entièrement d'accord sur cette orientation.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne croyez pas qu'à ce
moment-là, si l'engagement d'un médecin... Que vous teniez compte
des effectifs, c'est déjà en vigueur dans les hôpitaux
universitaires, alors là-dessus... Mais si l'engagement d'un
médecin, parce qu'il est un spécialiste ou est
surspécialisé, engendre des coûts plus hauts, est-ce que
cela veut dire qu'à ce moment-là il devient soumis aux normes
strictement économiques quant à la qualité des services
qui pourraient être offerts?
M. Nadeau: Ce qu'on comprend c'est que le plan des effectifs
médicaux est recommandé par le Conseil des médecins et
dentistes et accepté par le ministre, alors on suppose que si le
ministre accepte un plan d'effectifs médicaux qui contient telles sortes
de catégories de médecins, il va accepter de mettre le budget en
conséquence, il va mettre les ressources en conséquence.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne croyez pas qu'un article comme celui-ci
puisse venir limiter la qualification d'un médecin parce que tel
médecin va coûter plus cher qu'un autre?
M. Nadeau: Non, je ne le pense pas. À
partir du moment où il y a un plan des effectifs médicaux
qui est fait, l'embauche va se faire à partir de ce plan. Je dis
l'embauche, c'est l'acceptation, pardon, parce que l'embauche c'est aller pas
mal vite.
C'est l'acceptation des médecins, on ne veut pas les
embaucher.
Mme Lavoie-Roux: Puisqu'on parle des effectifs qui
désormais seraient établis pour tous les centres hospitaliers,
alors que c'est la loi no 84 qui a déjà établi ces plans
d'effectifs pour les hôpitaux universitaires ou les hôpitaux
d'enseignement, est-ce que vous avez une opinion sur le fonctionnement de ce
contingentement des effectifs dans les hôpitaux universitaires? Est-ce
que cela a été une expérience heureuse parce qu'à
ce moment-ci on propose de l'étendre à tous les hôpitaux?
C'est bien ce que je comprends dans l'article 49?
M. Nadeau: On ne peut pas l'évaluer à ce moment-ci
parce que ce n'est pas en vigueur dans bien des endroits, vous savez. C'est
vraiment récent. Je ne suis pas en mesure de porter une
évaluation sur cette expérience qui est très nouvelle. Ce
n'est pas en fonction dans un bon paquet de centres hospitaliers.
Mme Lavoie-Roux: Alors, qu'on l'étende à tous les
hôpitaux. Vous dites: On n'a même pas de données sur... Je
comprends, le temps n'a pas été très long et il s'agit
d'une période de deux ans. Est-ce qu'il y a quand même des
indications selon lesquelles on doit demain l'étendre à tous les
hôpitaux?
M. Nadeau: Évidemment la grosse faiblesse actuellement,
c'est que ces plans-là ne concernent pas l'ensemble des centres
hospitaliers, ils ne s'adressent qu'à une catégorie de centres
hospitaliers. C'est pour cela qu'on veut que cela s'adresse à toutes les
catégories de centres hospitaliers et, en plus, à tous les types
d'établissements, les autres, les CLSC qui ont des médecins, si
on veut que cela aille jusque-là, et en plus on parle de toute la
question de la pratique privée.
Le Président (M. Bordeleau): M. Leclerc.
M. Leclerc: Est-ce que je pourrais demander à M. Pleau de
faire part de l'expérience de Québec qui, volontairement, a
étendu cette chose-là?
M. Pleau (Paul): Simplement un mot, parce que, de toute
façon, cela fait peut-être un an que je suis sorti de la
région. Je dois dire cependant que l'exercice, quand la loi est venue en
vigueur pour les institutions à caractère universitaire, dans la
région de
Québec, on a demandé de faire l'exercice pour l'ensemble
des hôpitaux dans la région 03. Je dois dire que c'est un exercice
qui a été, je dirais, louable et qui a été
intéressant pour l'ensemble des établissement. On a, à mon
point de vue, décelé beaucoup de faiblesses dans la distribution
des gens et cela a aussi mis en relief la situation qui prévalait, non
seulement dans les hôpitaux des centres urbains, mais dans les
hôpitaux en périphérie, comme Témiscouata; la
région de Québec est une région quand même de 150
000 personnes. Cela a permis de découvrir un peu ce qui se passait sur
le plan médical dans ces hôpitaux et, de là à dire
que l'on touche et qu'on réalise les plans tels quels, il y a
peut-être une autre démarche, mais cela a quand même,
à mon point de vue, sensibilisé énormément de gens
et il y a eu une participation très active aussi bien des
médecins que des administrateurs ou des conseils d'administration. La
réalisation de cela, je pense qu'elle est à venir, parce que tout
cela est assez récent.
M. Nadeau: Si vous me le permettez...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Nadeau.
M. Nadeau: Je voudrais ajouter une notion, M. le
Président. C'est que c'est un concept qui est extrêmement valable,
qui permet de rationaliser l'organisation des effectifs médicaux, qui
permet d'admettre la main-d'oeuvre en fonction des objectifs de
l'établissement et non en fonction des demandes des médecins.
Alors, c'est un concept qui est extrêmement valable.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, je voudrais revenir au début
de votre mémoire, à la page 6. Je pense qu'un des objectifs
principaux de la loi, c'est une meilleure distribution des effectifs en
région éloignée. Vous dites que vous êtes satisfaits
"à l'égard des dispositions contenues dans ce projet de loi en
ces matières. Les incitatifs financiers nouveaux qui s'ajoutent à
ceux existant déjà ou permis par la loi ou les ententes devraient
contribuer à une meilleure répartition des médecins sur le
territoire." D'abord, je pense que vous avez parmi vous un représentant
qui, d'après ce que j'ai cru comprendre, vient d'une région plus
éloignée que Montréal ou Québec. Est-ce que vous
pourriez nous dire dans quelle mesure les "incitatifs" financiers ont
été utilisés et aussi de quelle façon vous pensez
que cet "incitatif" financier, si on peut l'appeler comme ça, dans la
loi qui est devant nous, à l'article 4, va aider à
résoudre le problème des régions éloignées,
puisque c'est un "désincitatif" plutôt qu'un "incitatif", une
forme de pénalité qu'on imposera à ceux qui
ne voudront pas aller dans les régions éloignées?
On peut jouer là-dessus, à savoir si c'est un "incitatif" ou
pas.
Je voudrais, d'une part, connaître ceux qui ont été
utilisés et pourquoi vous dites qu'ils s'ajoutent à ceux qui
existent. Ce n'est certainement pas de la même forme que ceux qui ont
déjà été utilisés, je pense.
M. Nadeau: Actuellement, si on faisait le portrait de ce qui
existe dans le réseau, vous verriez toutes sortes de choses dans les
régions périphériques, il y a toutes sortes d'ententes. Il
y a des ententes officielles et il y a des ententes qui se font en dessous de
la table, c'est épouvantable le "melting pot" qu'il y a
là-dedans. C'est pour ça qu'on a dit qu'il faut apporter à
ça une solution qui soit uniforme dans tout le Québec.
Je prends l'exemple de Sept-Îles, il n'y a pas de problème
particulier là, mais je prends seulement un exemple de région
périphérique. Si on s'entend qu'on a besoin de médecins et
qu'on fait un effort un peu plus grand, qu'on donne des avantages qui ne se
donnent pas ailleurs, on le sait, on revient à notre
établissement et on dit: À Sept-Îles, on donne telle
affaire, vous devriez nous donner telle affaire. Cela n'a vraiment pas d'allure
et c'est pour ça qu'il faut qu'on ait une base unique qui serve partout
au Québec.
C'est bien sûr que le système qu'il y a à l'heure
actuelle est un "désincitatif" pour une personne qui s'en irait dans une
région non désignée. Par contre, dans le cadre de la
proposition qu'on fait, ça ne serait que temporaire, parce que cette
proposition est valable et continuelle à partir du moment où il y
a des plans d'effectifs médicaux dans les centres hospitaliers. Cela
veut dire que les gens pourraient aller dans le secteur privé et avoir
des "désincitatifs", mais, dans le cadre des plans régionaux, on
propose l'ensemble de la pratique médicale et, à ce
moment-là, ce serait temporaire, ça irait jusqu'au moment
où les plans d'effectifs médicaux existeraient. Quand ces plans
seraient en vigueur, à ce moment-là, il n'y aurait plus de ces
"désincitatifs". (13 heures)
Mme Lavoie-Roux: Vous pensez que cela va être suffisant
pour retenir les gens en régions éloignées?
M. Nadeau: On va prendre un exemple bien clair. Supposons qu'il y
a un orthopédiste qui est sur le marché et que, dans les plans
d'effectifs médicaux à Montréal, il y a assez
d'orthopédistes, il n'y a pas de postes libres, il n'y en a pas à
Trois-Rivières, il n'y en a pas à Sherbrooke, il n'y en a pas
à Québec. Il va falloir que les gens regardent ailleurs. C'est
dans ce sens qu'on dit que les plans d'effectifs médicaux, à
moyen terme, vont venir à combler ce besoin. C'est bien sûr qu'au
niveau de la négociation il va falloir regarder un certain nombre de
clauses là-dedans, parce que les gens qui s'en vont à
Sept-Îles, à Baie-Comeau ou à Hauterive ne veulent pas y
aller pour cinquante ans. Quand il y aura un poste qui sera ouvert à
Montréal, il va falloir prévoir des choses au niveau des
conventions avec les fédérations. Cela me paraît absolument
essentiel.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vais laisser la parole à mes
collègues. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): J'ai reconnu d'abord le
député de Gouin.
M. Rochefort: J'aimerais aborder une question qui me semble
très importante et qu'on retrouve aux pages 6 et 7 du mémoire de
l'Association des hôpitaux du Québec et qui concerne
l'implantation des cabinets privés de médecins sur le territoire.
Vous dites, entres autres: "Nous croyons nécessaire de relier
l'implantation des cabinets privés de médecins et les services
qu'ils dispensent aux besoins de santé des populations. Ceci doit se
faire en tenant toutefois compte des caractéristiques de ces
dernières, des orientations et politiques de santé et des
ressources financières disponibles". Vous ajoutez à la page
suivante: Cette démarche, complémentaire à court terme,
nous semble à moyen et à long termes devoir être la pierre
angulaire de l'organisation médicale du Québec". Il me semble que
c'est une question très importante. J'aimerais que vous
développiez un peu plus à fond votre conception de cette
façon de voir toute la question de l'implantation des cabinets
privés sur le territoire, particulièrement dans les milieux
urbains.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Nadeau. S'il vous plaît, rapprochez votre micro, on a de la
difficulté à vous entendre.
M. Nadeau: C'est un peu ce que je vous disais tantôt. Les
besoins socio-sanitaires varient d'une région à l'autre. Quand on
va tenir compte des plans d'effectifs médicaux, tant dans le secteur
privé que dans le secteur institutionnel, on va tenir compte de ces
besoins particuliers. Les plans d'effectifs médicaux vont tenir compte
de cela. Les plans d'effectifs médicaux vont toucher tant la pratique
institutionnelle que la pratique privée. À ce moment, on va les
faire dans un cadre de complémentarité entre les deux. C'est la
pierre angulaire parce que ce sera la façon de desservir pour toutes les
régions socio-sanitaires, les besoins médicaux de la
population.
M. Rochefort: Si je comprends bien, cela mettrait fin à
l'implantation
désordonnée des cliniques médicales privées.
M. Nadeau: Absolument.
M. Rochefort: D'autre part, est-ce que vous avez pensé
à une formule qui nous permettrait de regarder ce qu'on pourrait faire
en ce qui a trait à celles qui sont déjà
implantées?
M. Nadeau: On n'a pas regardé cet aspect. Je ne pense pas
qu'il soit question de rétroagir, même au niveau des plans
d'effectifs médicaux. On sait par exemple que, dans certaines
régions à Montréal, il y a peut-être, dans certaines
spécialités, trop de médecins. Je ne pense pas qu'il soit
question de dire à un médecin en particulier: Toi qui es à
Montréal depuis dix ans, tu vas t'en aller à Gaspé. Je ne
pense pas qu'il soit question de cela, sauf que, si un orthopédiste
part, on ne remplacera peut-être pas ce poste. On va attendre qu'il y ait
un trou avant de combler un poste comme celui-là. Comme on le voit dans
les conventions collectives avec les salariés, il s'agit de clauses
grands-pères, on protège ce qui existe à partir du moment
où on part.
M. Choinière: II ne s'agit pas, en pratique, de
procéder par diminution des cabinets privés dans des zones
urbaines comme Montréal, Québec ou ailleurs. Si on se
réfère à certaines données statistiques qu'on
connaît bien, entre autres la production de médecins au
Québec eu égard au développement de sa population, il est
assez aisé de comprendre que, dans les cinq ou six prochaines
années, il pourra y avoir assez de médecins pour se rendre dans
les régions plus éloignées, sans pour autant niveler par
la négative les régions fortement pourvues de médecins ou
densément dotées de population.
M. Nadeau: C'est clair pour nous autres; on ne revient pas sur
les effectifs en place; on ne joue pas par la négative.
M. Rochefort: D'accord, je comprends cela. Sans jouer par la
négative, prenons l'hypothèse, par exemple, toujours à
Montréal, de l'ouverture éventuelle de CLSC additionnels sur le
territoire. Est-ce que vos réflexions vous mèneraient
jusqu'à essayer d'apporter au projet de loi des amendements qui
viseraient à inclure des incitatifs pour que les médecins passent
de cabinets privés aux CLSC qui seraient mis en place
éventuellement?
M. Nadeau: Je pense que cela pourrait faire l'objet de la
négociation.
M. Rochefort: Si je conclus, vous êtes favorables à
ce qu'on apporte des amendements au projet de loi en ce qui a trait au
contrôle d'implantation des cabinets privés?
M. Nadeau: C'est-à-dire qu'on est favorable à ce
qu'il y ait des plans d'effectifs médicaux qui couvrent l'ensemble du
territoire.
M. Rochefort: Incluant donc une...
M. Nadeau: Incluant la pratique privée et la pratique
institutionnelle.
M. Rochefort: Merci.
Le Président (M.Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu vous demander une clarification sur
les pages 19 et 20 de votre mémoire au sujet de la représentation
des centres hospitaliers au sein des conseils régionaux.
Présentement, en vertu de la loi existante, vous avez trois
représentants au sein du conseil régional et ce sera
diminué à un représentant. Est-ce que je comprends bien
les remarques de votre mémoire, savoir que c'est un changement qui ne
vous préoccupe pas nécessairement, que vous considérez
tout à fait normal, ou bien, si vous considérez que vu
l'étendue des centres hospitaliers, un seul n'est pas suffisant?
J'aurais voulu que vous rendiez cette question plus claire. Est-ce que ce
changement vous préoccupe ou non?
M. Nadeau: Nous considérons que ce changement est bon.
L'objectif qu'on vise, c'est que les conseils régionaux soient
formés de gens de l'extérieur du réseau. Ce ne sont pas
des gens qui travaillent dans le réseau. Alors dans ce cadre-là,
on reçoit très bien la proposition mise de l'avant par le
ministre. Évidemment, il y a un aspect de cette proposition qu'on
n'accueille pas très bien. C'est celle d'avoir un représentant du
Conseil des médecins et dentistes, parce que pour nous, le
représentant du Conseil des médecins et dentistes travaille dans
le réseau. Sauf qu'on est conscient qu'il peut apporter un
éclairage particulier. C'est pourquoi on met un comité
consultatif où, avec d'autres professionnels, il pourra apporter un
éclairage qui soit plus professionnel qu'organisationnel, comme on
trouve dans les diverses commissions administratives.
M. Lincoln: Je voulais vous le demander. La suggestion que vous
faites par rapport aux médecins et dentistes, d'un conseil consultatif,
est-ce que cela ne va pas entraîner une bureaucratie qui va être
très lourde, plutôt qu'un représentant directement
au sein du conseil régional?
M. Nadeau: Mais c'est une chose qu'on retrouve déjà
dans nos centres hospitaliers. C'est une formule qu'on y retrouve. Donc, ce
n'est pas une formule nouvelle. Cette formule permet à des
professionnels au niveau régional sous l'aspect professionnel
plutôt qu'organisationnel de se faire entendre. À cet
égard, il y aurait des choses intéressantes à dire. Alors,
on est d'accord avec ça.
M. Lincoln: Est-ce que je peux vous poser une dernière
question par rapport à l'article 94 qui préoccupe beaucoup de
gens? Du reste, vous en avez parlé dans votre mémoire, à
la page 23. Vous prenez, par exemple, le paragraphe I de l'article 173
modifié par l'article 94 du projet de loi. Alors, c'est l'article 94 qui
donne des pouvoirs vraiment immenses au ministère. Ça va
jusqu'à X, heureusement, il reste deux lettres, on pourra avoir Y et Z
après.
Le ministre, d'après ce que j'ai compris, est peut-être
favorable à l'idée de retirer X, qui est une clause, "open
clause", qui allait donner toute sorte de pouvoirs qu'on ne saurait pas. Parmi
les paragraphes de 94, est-ce que vous auriez pu situer plus
spécifiquement ce qui vous gêne le plus? Parce qu'il y en a qui
ont une portée très étendue et peut-être que
ça nous aiderait. Il y a tellement de sous-entendus dans ce qui vous
préoccupe, particulièrement, comme centre hospitalier.
M. Nadeau: Alors, elles sont situées dans le
mémoire. Remarquez bien qu'on est d'accord avec le fait qu'il y ait des
orientations générales, mais on dit pas aussi précises que
celles qui sont là-dedans.
Ce qui nous fatigue en particulier, évidemment x), je pense que
vous le comprenez, il y a également le paragraphe q), il y a 0 et 1), ce
sont ceux qui nous frappent particulièrement.
M. Leclerc: M. le député, d'une façon
générale pour un membre de conseil d'administration, on trouve
qu'il y a toujours trop de règlements. Il y a quelque temps on avait
même déposé une liste des directives nous venant du
ministère et cela équivalait à deux ou trois par semaine.
On doit admettre que dernièrement ils ont mis moins de directives mais,
si on les retrouve toutes dans la loi, ce ne sera pas mieux.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie, vous m'avez demandé de poser une dernière
question.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais...
M. Nadeau: M. le député, il y a un autre
aspect...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord, M. Nadeau.
M. Nadeau: II y a un autre aspect évidemment, c'est toute
la question de la rémunération des cadres. Au niveau des
salariés, je pense que les associations patronales ont un mot à
dire qui est important et au niveau des cadres, si on regarde l'article tel
qu'il est déposé, on n'a pas grand-chose à dire
là-dedans. Je pense que, si on a un mot à dire au niveau des
salariés, on en a aussi un à dire au niveau du personnel non
syndiqué, on en a aussi un à dire au niveau de nos cadres.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Moi, j'aimerais avoir vos réactions
à l'article 39. Évidemment, derrière ça il y a la
notion d'urgence, le service d'urgence. Mais, comme administrateurs
d'hôpitaux, que pensez-vous quand on vous dit qu'un conseil
régional désigné par règlement peut exercer les
fonctions suivantes: établir les politiques d'admission et de transfert
des bénéficiaires dans les établissements de sa
région, à l'exception des cas de la protection de la jeunesse,
autoriser le déplacement d'un bénéficiaire vers un autre
établissement quand on juge qu'il est trop engorgé, etc.? Enfin,
c'est grosso modo. J'oublie le 38, la première partie de l'article .18,
on en a discuté un peu tout à l'heure.
Il y aussi la fusion des établissements. Vous avez dit qu'il faut
trancher les noeuds gordiens. Moi, je suis prête à admettre avec
vous autres qu'il y en a des noeuds gordiens, je n'en mentionnerai pas, il y en
a un qui a été discuté à l'Assemblée
nationale, c'est un noeud gordien. Je trouve que c'est en donner large au
CRSSS, par réglementation, parce que la journée où cela
vous touchera... Est-ce prudent? Est-ce que cela ne doit pas plutôt
être fait par concertation que tout à coup par le CRSSS ou le
ministère, peu importe? Parce qu'il n'y a pas grande différence
entre le ministère et les CRSSS au moment où on se parle; ce sont
tous des gens nommés par le gouvernement, 18. Au conseil
d'administration, il va y en avoir combien de nommés par le
gouvernement?
M. Johnson (Anjou): Trois. Ce n'est pas exactement la dictature,
trois sur dix-huit. C'est plus que deux sur vingt-deux, j'en conviens, mais
c'est seulement trois sur dix-huit.
Mme Lavoie-Roux: À tout événement, quelle
est votre réaction sur les conséquences? Peut-être dans
l'immédiat que
cela peut résoudre les noeuds gordiens, mais, si tous les jours
on se retrouvait avec des nouveaux noeuds gordiens ou qu'on identifiait des
nouveaux noeuds gordiens, à quelle place cela vous mène-t-il
comme réseau?
M. Leclerc: Est-ce que je peux répondre?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Leclerc.
M. Leclerc: Une fois quelqu'un en grande autorité au
ministère m'avait répondu que, pour la rationalisation, il
était difficile de le faire n'ayant pas les pouvoirs légaux au
ministère. J'ai suggéré qu'il y avait un bon pouvoir, il y
avait celui du budget. Semble-t-il, c'est le seul moyen par la loi de permettre
ces rationalisations qu'à l'occasion nous-mêmes recommandons, mais
de façon volontaire, elles se font rarement.
M. Nadeau: La concertation est bien difficile à ce
niveau.
M. Leclerc: Oui, M. Nadeau.
M. Nadeau: II y a trop d'intérêts en jeu à
l'occasion des fusions et, si le ministre n'a pas un pouvoir, je vous dis qu'il
ne s'en fera pas beaucoup, ça c'est certain. Pendant la période
qu'on vit, cela va être essentiel qu'il s'en fasse à certains
endroits. C'est pour cela qu'on pense que le ministre peut prendre ce
pouvoir-là, évidemment, après consultation du CRSSS qui,
lui, connaît bien la situation.
Au niveau des pouvoirs que se donne le conseil régional
désigné par règlement, nous, on comprend que le ministre
va désigner par règlement ces CRSSS dans les régions
où il y aura des problèmes sérieux. Je pense qu'il l'a
fait dans la région de Montréal parce qu'il y avait là des
problèmes sérieux. Dans les régions où il n'y a pas
de problèmes sérieux, en tout cas, on espère, - je pense
que c'est important - que le ministre ne se serve pas de ces
prérogatives-là. Cela me paraît essentiel. Ce qu'on voit
là, c'est ce qu'on retrouve dans la région de Montréal.
Évidemment, il faut absolument que ce ne soit utilisé que dans
les régions où il y a des problèmes sérieux.
Mme Lavoie-Roux: Cela touche la question de la fusion de ces
établissements, mais je vous avais aussi posé la question en
fonction du premièrement de 18.1 et de 18.2.
M. Nadeau: C'est à cela que je vous réponds. (13 h
15)
Mme Lavoie-Roux: Vis-à-vis des transports de
bénéficiaires etc.?
M. Nadeau: C'est l'exemple qu'on vient de vivre à
Montréal; c'est ça qui est confirmé par la loi.
Évidemment, on n'est pas très heureux de cela, c'est bien
sûr. Sauf qu'on dit que, dans les régions où il y a des
problèmes sérieux, je pense que c'est important que le CRSSS
puisse faire un certain nombre de choses comme celles-là.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, j'accorderais une
petite question au député de Nelligan qui veut revenir.
M. Lincoln: Voici une clarification bien importante. Le ministre
a dit qu'il y avait 18 personnes au nouveau conseil régional. Il y en a
14. Alors, 3 sur 14, c'est bien plus que 3 sur 18.
M. Johnson (Anjou): C'est moins que 2 sur 22, pardon.
M. Lincoln: Si on ajoute que les organismes
bénévoles ont maintenant un représentant qui peut
être nommé par le ministre, et si on ajoute le directeur
général, cela fait toute une différence par rapport
à auparavant.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si je peux vous
arrêter, je suis sûr qu'on aura un débat extrêmement
intéressant, article par article là-dessus, d'autant plus qu'il
faudra peut-être revoir les textes ensemble. Je m'excuse du lapsus de 18,
m'étant inspiré du commentaire de ma collègue. Je voudrais
simplement dire, à l'égard des fusions, qu'il y a quand
même des balises. La notion d'intérêt public, ce n'est pas
la bonne humeur de celui qui se lève le matin. Les fusions ne pourront
intervenir que dans la mesure où il y a une notion
d'intérêt public qui est impliquée. Encore une fois, ce
n'est pas purement arbitraire, l'intérêt public. Le pouvoir reste
arbitraire, dans la société, étant soumis avec
démocratie, éventuellement, mais c'est l'intérêt
public qui est la notion centrale. Il y a quelqu'un de garde, je pense.
Deuxièmement, et on l'a vu récemment, quand on parle de
noeud gordien, il faut bien que le responsable de l'intérêt
public, dans les circonstances, en réponde. Je pense qu'ils sont quand
même des facteurs extrêmement limitatifs en soi qui, je pense, ne
donnent pas ouverture, quoi qu'on en dise, quoi qu'on veuille voir, à
des interventions qui seraient un peu inopportunes ou un peu
téméraires. Je pense que les balises sont là et elles sont
extrêmement puissantes, notamment le fait d'être obligé d'en
répondre sur la place publique, dans les choses aussi sensibles que les
fusions d'établissements. On le sait, on est en train d'en vivre, une
situation, en ce moment, et c'est un peu délicat, on le sait.
Finalement, il y a tout le processus de
consultation. Ce n'est pas le CRSSS qui décide, c'est, au sens de
la loi, le gouvernement qui décide, après consultation du CRSSS,
pour les raisons assez évidentes qu'a évoquées le
directeur général de l'association.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, est-ce que cela
va?
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le ministre, comme vous dites,
c'est une discussion article par article. L'article 18.3 dit: "Un
établissement est lié par une décision du conseil
régional prise en vertu du paragraphe 1 de l'article 18."
M. Johnson (Anjou); Oui, mais 18.1, en fait, réfère
à cette notion des urgences. Il faut bien comprendre. Ce n'est pas de
façon générale. Les établissements sont liés
à toutes les décisions des CRSSS. Les établissements sont
liés aux décisions du CRSSS prises en vertu de l'article 18.1. Or
l'article 18.1, en pratique, ce sont des normes de fonctionnement dans les cas
d'urgence, etc. On a là en gros la description, mais je le dis, une
extension aussi, on a essentiellement la description de la situation de
Montréal, du mandat qui est en cours de réalisation, dans ce cas.
Il faut bien comprendre que ce n'est pas...
Mme Lavoie-Roux: Cela peut être étendu aux autres
conseils régionaux, pas seulement Montréal.
M. Johnson (Anjou): Cela pourrait être étendu
à d'autres conseils régionaux. Cependant, par règlement
spécifique, donc par arrêté en conseil, c'est l'un des
pouvoirs, ou l'ensemble des pouvoirs, le cas échéant, qui
pourraient l'être. Je pense qu'au niveau de la deuxième lecture,
on aura l'occasion d'y revenir, ainsi qu'à l'étude article par
article.
Mme Lavoie-Roux: L'intérêt public, il faudra le
définir aussi. M le ministre, si l'intérêt public, ce sont
uniquement les difficultés financières du gouvernement, ce sera
de l'intérêt économique et non pas de
l'intérêt public nécessairement. Je pense que...
M. Johnson (Anjou): Là-dessus, ça ne vous fait pas
un bien bon discours en Chambre, par exemple.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, on pourra le faire...
M. Johnson (Anjou): Ça prend plus, je suis d'accord avec
vous.
Mme Lavoie-Roux: ...en Chambre.
Le Président (M. Bordeleau): ...en Chambre, on va revenir
en Chambre. Je voudrais remercier... M. Nadeau, s'il vous plaît.
M. Nadeau: II nous apparaît essentiel que le gouvernement
favorise les mécanismes appropriés aux responsabilités qui
sont confiés aux conseils d'administration. Si on regarde toute la
question salariale des conventions collectives, ça échappe aux
conseils d'administration. Si on regarde au niveau des cadres, on enlève
la consultation avec les conseils d'administration qui engagent les cadres
à l'intérieur de l'établissement. Dans la
négociation avec les médecins, ça se passe chez nous et on
ne veut pas être à la table de négociation, on a
déjà eu l'occasion de discuter avec le ministre à
l'occasion d'un programme, on pensait bien qu'il était pour nous
répondre rapidement, ce n'est pas fait encore, ça sera
peut-être pour les prochains jours, mais ça va se passer dans nos
boîtes et on aimerait pouvoir dire un mot de ce côté.
Au niveau de la gestion des ressources, on s'en va vers un modèle
qui est caractérisé par un bicéphalisme, je pense que
c'est important qu'on ait nos ressources. On favorise une réglementation
plus poussée là-dedans. En Ontario, ils s'en vont vers une
période de déréglementation. On nous compare souvent avec
l'Ontario, on pourrait peut-être s'en inspirer, pour cette période
de déréglementation.
Les intérêts particuliers qui nous sont proposés
dans le conseil d'administration des établissements, on pense que
ça devrait être une majorité des gens de
l'extérieur, justement pour enlever ces intérêts. Au niveau
des services en commun, on voudrait avoir toute la motivation nécessaire
à l'intérieur de ça. On pense que le ministre pourrait
apporter des modifications à son projet de loi qui pourraient nous
permettre de mieux faire notre job, d'offrir, dans le contexte qu'on
connaît, d'excellents services à la population. Si on donne
l'autorité des conseils d'administration à tout le monde, comment
voulez-vous qu'on assume nos responsabilités?
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): ...je voudrais remercier les
représentants de l'Association des hôpitaux du Québec,
encore une fois, qui ont démontré à nouveau non seulement
leur intérêt mais leur capacité de répondre à
ces préoccupations. Je note que, de façon générale,
sans vouloir pousser à l'extrême le propos, ils partagent certains
des grands objectifs, je dirais l'ensemble des grands objectifs du projet de
loi comme ils l'ont
dit. Ils ont des réserves sur certaines choses. Ils vont
même beaucoup plus loin que le projet de loi ne va sur certaines choses
dans leurs propositions, notamment à l'égard du contrôle
des cabinets privés. Nous serons à même sans doute de
répondre à de nombreuses préoccupations qu'ils ont au
niveau de cette analyse assez serrée qu'ils ont faite de certains
articles, notamment au chapitre de la réglementation et notamment au
chapitre de certains des éléments de la composition des conseils
d'administration. Ils ont soulevé des problèmes réels.
Nous aurons l'occasion, encore une fois, d'en discuter plus longuement.
Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Je veux remercier les
représentants de l'Association des hôpitaux du Québec de
s'être présentés devant la commission. Nous allons
suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi où nous
entendrons la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec. On pourrait suspendre jusqu'à 15 h 30. Cela vous
irait?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): On va s'entendre. La
commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi 15 h
25.
M. Johnson (Anjou): Est ce que je pourrais demander - est-ce
qu'on pourrait me donner le micro - s'il y a des médecins du
comté d'Anjou qui désirent voir le député d'Anjou?
Je sais qu'il y en a qui ont formulé la demande. Le député
d'Anjou, en tant que député d'Anjou, est prêt à les
voir. J'aimerais simplement qu'on me fasse savoir s'ils sont ici. Je sais que
c'est le cas d'autres députés en ce moment.
(Suspension de la séance à 13 h 24)
(Reprise de la séance à 15 h 36)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je vous remercie.
Nous sommes prêts. La commission des affaires sociales reprend ses
travaux et nous entendrons, pour commencer, la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec dont, je pense, les
représentants sont déjà assis à la table. Si vous
voulez vous présenter et présenter les gens qui accompagnent la
délégation.
Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec
M. Czitrom (André): M. le Président, M. le
ministre, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi,
d'abord, de vous présenter l'exécutif de la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
qui m'accompagne en cette journée. À ma droite, le Dr
Georges-Henri Gagnon, de Rimouski, vice-président; le Dr Daniel Drolet,
de Chicoutimi, trésorier; le Dr Serge Lauzière, de La Mauricie,
de Trois-Rivières, qui est administrateur; à ma gauche, Me
François Chapados, qui est le porte-parole de la
fédération; le Dr Clément Richer, de Montréal,
secrétaire général; le Dr Richard Gosselin, de Granby,
administrateur; le Dr Zamilda Fortin, de Québec, administrateur et le Dr
Marc Couturier, de Val-d'Or, administrateur.
J'ai également le plaisir de vous présenter trois
personnalités qui ont bien voulu répondre à mon invitation
et, par leur présence ici à cette table, manifester la
solidarité que le monde médical éprouve dans ces
circonstances: le Dr Paul Desjardins, président de la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec; le Dr Marc David, président de la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec, et le Dr Claude Chicoine, président de l'Association des
chirurgiens dentistes du Québec.
Le Président (M. Bordeleau): Avant que vous continuiez, je
voudrais tout simplement faire remarquer à nos visiteurs qu'il est
normalement de mise que ceux qui peuvent s'exprimer soient ceux qui sont assis
à la table. On demande aux spectateurs de ne pas faire de gestes. Alors,
je rappelle les usages de la commission. Vous pouvez continuer.
M. Czitrom: M. le Président, si vous le permettez, je vais
faire une courte présentation de l'essence même de ce que nous
désirons que notre mémoire comprenne. Par la suite, mon
porte-parole, Me Chapados, fera de façon plus technique le point sur les
recommandations que nous entendons soumettre à cette commission.
À l'occasion du dépôt du projet de loi, le ministre
des Affaires sociales a déclaré et je cite: "Que le
système de santé québécois constituait un acquis
indéniable qu'il était important de conserver et de consolider".
Il a de plus affirmé à la même occasion que dans leur
ensemble, les experts nord-américains s'accordaient à dire que le
régime d'assurance-maladie du Québec était le meilleur au
Canada. La Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec souscrit d'emblée à ces affirmations. Elle souhaite
autant que le gouvernement que la population du Québec conserve ce
remarquable acquis social. Sa fédération a d'ailleurs
collaboré activement à l'édification de ce système
de santé en guidant et en canalisant les efforts de participation de
tous les médecins omnipraticiens du Québec. Elle peut de la sorte
prétendre avoir parfaitement réussi à défendre
adéquatement les intérêts de ses membres, tout en
conciliant ceux-ci avec les exigences de la société
québécoise.
Compte tenu des objectifs qu'elle a toujours poursuivis et des
traditions qu'elle s'est toujours efforcée de respecter, la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
s'explique mal l'attitude du ministre des Affaires sociales et s'oppose
énergiquement aux moyens que retient le projet de loi no 27 dans la
poursuite des objectifs, par ailleurs louables, du ministre. Elle regrette le
climat d'urgence qui entoure la présentation et les discussions d'un
projet de loi qui veut modifier profondément le système de
santé au Québec. Nous regrettons surtout que ce projet de loi ait
été mis au point sans aucune consultation avec les organismes
représentatifs de la profession médicale.
Nous croyons fermement que le gouvernement dispose actuellement de tous
les pouvoirs nécessaires pour administrer correctement son programme de
santé. La fédération pense que le ministre des Affaires
sociales a surestimé l'importance de certains problèmes de
fonctionnement et réagit avec une violence qui paraît être
absolument, à nos yeux, démesurée. Nous sommes convaincus
que plusieurs des dispositions nouvelles du projet de loi 27 ne trouvent aucune
forme de justification dans cette nécessaire mise à l'ordre dont
parle le gouvernement et qu'en fin de compte ce projet de loi n'a même
pas sa raison d'être. La fédération croit que les moyens
dont disposera le ministre auront comme conséquences immédiates
la déstabilisation et l'affaiblissement du syndicalisme médical
d'abord, sinon tout le syndicalisme du monde de la santé.
Nous estimons finalement qu'en substituant les décisions
arbitraires et unilatérales aux solutions négociées et
qu'en remettant à des technocrates des pouvoirs jusqu'ici
partagés entre la fédération et le ministre des Affaires
sociales, le gouvernement porte une atteinte grave aux droits fondamentaux de
représentation et de négociation dont disposent les
médecins omnipraticiens du Québec.
La Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec appuie les objectifs que poursuit le projet de loi 27.
L'accessibilité de tous aux soins de santé, la répartition
adéquate des effectifs médicaux sur tout le territoire du
Québec, l'implication du médecin au niveau de la gestion de la
médecine dite institutionnelle et la mise en place de mécanismes
de contrôle des coûts inhérents à la dispensation des
soins sont là autant d'objectifs fondamentaux que la
fédération a fait siens depuis déjà fort
longtemps.
Autant la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec est d'accord avec les objectifs visés, autant elle
dénonce les moyens que le législateur propose pour les atteindre.
Nos actions récentes voulaient en être une démonstration
ferme et visible. Les griefs de la fédération sont nombreux et je
n'en retiens que les plus importants.
Les incidences réglementaires et les possibilités
étendues de décret que contient le projet de loi favorisent
l'action unilatérale du gouvernement et traduisent une approche
législative qui va à l'encontre de l'établissement d'un
dialogue constructif entre l'État et la profession médicale. La
fédération s'oppose fortement à une telle philosophie
d'action. Le projet de loi 27 précise, en le restreignant, le cadre
juridique dans lequel le ministre des Affaires sociales pourra conclure une
entente avec la fédération et stipule que telle entente devra
dorénavant porter sur les seules conditions de travail du
médecin. La fédération dénonce cette approche
restrictive qui est diamétralement opposée aux droits de
représentation, de négociation et de participation, droits
fondamentaux qui ont jusqu'ici toujours été respectés dans
les échanges intervenus entre l'État et la profession
médicale. (15 h 45)
Enfin le projet de loi no 27 soustrait de la négociation tous les
champs de l'activité professionnelle du médecin en milieu
hospitalier pour le situer au seul niveau réglementaire. La
fédération ne peut accepter que l'activité professionnelle
du médecin soit régie par la norme réglementaire et les
aléas de l'appareil administratif.
S'il était adopté tel quel, ce projet établirait le
règne de la norme, normes sur les politiques d'admission, normes sur le
transfert des bénéficiaires, normes de fonctionnement de services
d'urgence, norme d'utilisation et de distribution des lits, normes quant au
nombre de médecins pouvant exercer dans un centre hospitalier, normes
sur la fourniture des services, normes sur l'utilisation des ressources.
À travers ces normes, que devient la liberté diagnostique et
thérapeutique? Où se situe le besoin du malade? À quel
moment doivent intervenir les règles de l'art? Noyé sous les
normes, menacé de sanctions, qu'advient-il du statut du professionnel de
la santé? Et que fait-on du lien personnel et privilégié
patient-médecin sous-jacent à toute responsabilité
professionnelle et à la conscience qui en résulte? Il ne faut pas
oublier que l'on traite des êtres humains avec leurs
particularités et non pas des maladies bureaucratisées.
La Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec pense que plusieurs des moyens proposés dans le projet de
loi no 27 pour atteindre des objectifs, avec lesquels elle s'accorde par
ailleurs, constitue autant de menaces à la poursuite d'une concertation
qui a été jusqu'ici extrêmement profitable à toute
la population du Québec. Le respect des droits de représentation
et de
négociation des professionnels de la santé a permis la
mise en place d'un système de santé qui constitue un acquis
indéniable pour le Québec. La négation de ces mêmes
droits et l'absence de concertation qui en découlera
nécessairement risquent de mettre en péril l'objectif que
partagent le gouvernement et les médecins omnipraticiens
d'améliorer le système de santé du Québec.
C'est ce que démontre très clairement, croyons-nous, le
mémoire que nous déposons aujourd'hui devant cette commission.
Nous espérons sincèrement que l'argumentation que nous soumettons
et les modifications que nous proposons au texte de ce projet de loi
permettront au gouvernement de modifier suffisamment son approche pour que nous
soyons à même d'appuyer finalement son action, ce que nous
souhaitons ardemment.
Si vous me le permettez maintenant, je passerai la parole à Me
Chapados, qui va être, comme je l'ai annoncé tout à
l'heure, plus technique.
Le Président (M. Bordeleau): Me
Chapados.
M. Chapados (François); Alors, M. le Président,
comme l'a souligné le président de la fédération
tout à l'heure lorsqu'il a dit que la fédération avait,
selon lui, toujours su concilier les intérêts de ses membres avec
les exigences de la société, c'est là un principe ou une
règle qui vaut au niveau politique de la fédération et
également qui sera, je l'espère, traduite par les recommandations
techniques et précises que nous entendons vous faire ici cet
après-midi.
Deuxièmement, je m'en excuse presque, mais je pense que le
projet, vous l'avez eu en main propre dans le courant de la matinée.
Quand même, disons que, pour gagner du temps, je vais tenir pour acquis
que tous les membres de la commission en ont pris connaissance, de façon
à écourter le plus possible les représentations techniques
que j'ai à faire, quitte à compléter ultérieurement
s'il y avait des questions.
Ceci étant dit, je référerais les membres de la
commission, M. le Président, à la page 19 du document que vous
avez devant vous. Je souligne tout de suite que je m'arrêterai quelques
instants sur le paragraphe 1 de la recommandation qui est là: "Que
l'article 4 du projet de loi 27 se lise dorénavant comme suit - et on
réfère à l'article 19 de la loi - "Le ministre peut, avec
l'approbation du gouvernement, conclure avec les organismes
représentatifs de toute catégorie de professionnels de la
santé toute entente aux fins de l'application de la présente
loi". Disons que ce paragraphe est d'une extrême importance et recoupe
d'autres parties du mémoire. Je vous réfère
nommément aux pages 8, 9 et suivantes. Par exemple, on parle, à
la page 8, du droit de représentation, à la page 9, de l'objet de
la négociation, à la page 11, du champ d'application; à la
page 12, on parle d'entente individuelle; à la page 16, on
élabore longuement sur la portée d'une entente.
En d'autres mots, ce que nous soumettons - je vais le résumer et
c'est la règle générale que défend la
fédération -c'est que, dans un régime de
négociation collective, la règle, c'est que l'entente intervenue
entre le ministre des Affaires sociales et, d'autre part, l'organisme
représentatif des médecins omnipraticiens constitue, en fait, la
loi des parties.
Deuxième point que je voudrais soulever quant à ce premier
paragraphe-là, c'est que nous conservons, par rapport à la loi
qui existe actuellement, le statu quo quant à ce paragraphe. Je vous
souligne que le projet de loi déposé mentionne que cette entente
doit porter sur les conditions de travail. Avec humour, je noterai ce matin
que, dans ses remarques introductives, le ministre des Affaires sociales a
compris l'intérêt légitime des médecins devant
l'évolution de leurs conditions d'exercice, et c'est Mme Lavoie-Roux qui
a parlé de conditions de travail.
Relativement à cette question, nous recommandons que le statu quo
soit maintenu, pour une raison bien simple - il y a d'autres points qui
viendront illustrer ça plus tard - c'est que l'objet de l'entente
déborde de beaucoup le strict cadre des conditions de travail. L'entente
actuelle porte sur la répartition des effectifs médicaux, elle
porte sur l'activité professionnelle en milieu institutionnel, sur des
mécanismes très complexes - l'annexe 9 de contrôle des,
appelons ça masses monétaires ou autrement. Tout ce que je veux
souligner, c'est que l'entente actuelle déborde de beaucoup du cadre
strict, j'ajouterai provocateur qu'on veut proposer par le nouveau paragraphe 1
de l'article 19, en précisant que, dorénavant, les ententes
devront porter sur les conditions de travail.
Comme ce paragraphe est extrêmement important, je soulignerai
qu'il exclut d'autres paragraphes de l'article 19, tel que proposé au
projet de loi no 27. Je note le paragraphe qui précise qu'à
défaut d'entente pour déterminer la rémunération
différente visée dans le troisième alinéa -
c'est-à-dire pour les jeunes médecins - le gouvernement peut agir
par décret. Les remarques que je viens de faire élimineraient
également l'autre paragraphe qui précise qu'à titre
expérimental - c'est assez nouveau dans un projet de loi - le ministre
pourrait, avec l'acceptation d'un conseil d'administration ou avec
l'acceptation des médecins de l'établissement - on fait
intervenir d'autres personnes - édicter un mode de
rémunération prévu à l'entente, mais applicable
à un certain groupe de médecins. Ceci éliminerait
- je reviendrai à ce point tout à l'heure -l'autre
paragraphe qui dit: S'il estime que, dans une région, l'absence de
services médicaux adéquats met la santé publique en
danger, le ministre peut conclure des ententes individuelles.
Tout à l'heure, vous verrez que ce que nous proposons concilie,
c'est ce que nous soumettons, l'intérêt public et les
responsabilités qu'a le ministre en semblable matière. Donc,
quant à ce premier paragraphe, ce sont des remarques
schématisées, courtes, mais je pense qu'elles visent l'ensemble
des problèmes qu'a soulevés tout à l'heure le Dr Czitrom
en parlant d'accrocs au droit de représentation, aux objets de
l'entente, au champ d'application, à sa portée, etc.
J'attire également votre attention sur le deuxième
paragraphe. Une entente peut prévoir une rémunération
différente pour la fourniture des services médicaux dans un
territoire où le ministre estime que les effectifs des professionnels de
la santé sont insuffisants. Nous ajoutons: Le ministre détermine,
par arrêté publié dans la Gazette officielle du
Québec, après consultation des organismes représentatifs
de professionnels de la santé, les territoires qu'il estime
insuffisamment pourvus de professionnels.
Nous maintenons que cette proposition concilie justement cette
responsabilité publique du gouvernement vis-à-vis de certains
territoires, prévoie également que le ministre peut, le cas
échéant, au niveau de la détermination des territoires,
agir d'autorité et agir par décret. Comme vous le verrez tout
à l'heure - je passe au troisième paragraphe - nous maintenons
que la santé publique ne doit pas pour autant créer des
précédents dangereux ou exclure la négociation.
Nous en arrivons au troisième paragraphe qui est proposé.
Une telle entente peut, pour assurer une répartition adéquate des
professionnels de la santé sur le territoire du Québec,
établir une procédure ayant pour effet de déterminer le
nombre de professionnels admissibles à participer au régime
d'assurance-maladie ou au régime d'assurance-hospitalisation dans un
même territoire ou établissement en tenant compte de la
catégorie ou spécialité à laquelle ils
appartiennent.
Ce paragraphe reprend le mot à mot d'une partie de la loi 84
votée par le gouvernement actuel, disposition qui n'a jamais
été mise en application. Nous sommes d'avis qu'en ce qui a trait
à la répartition des effectifs, on doit permettre à la
négociation de jouer le rôle qu'elle doit jouer, surtout lorsque
le ministre, quant à certains aspects de la question, notamment la
détermination des territoires, etc., se voit reconnaître et se
voit donner par la loi des pouvoirs d'agir par décret.
Cela est extrêmement important. J'aimerais faire une petite
parenthèse, sans lancer de prunes à personne. En 1976, lors de la
dernière entente, l'un des points majeurs qui avait été
introduit à cette entente était justement tout le chapitre sur la
répartition des effectifs. Cette disposition devait, selon le ministre
de la Santé de l'époque, être suivie très
brièvement de mesure, soit au niveau de prime d'encouragement ou
analogue à celle-ci qui a été adoptée dans la loi
84, pour donner justement plus d'instruments et de force au comité de
répartition. L'histoire a voulu que, quelques mois plus tard, le
ministre en cause ne soit plus ministre. Un nouveau ministre l'a
remplacé pour qui, semble-t-il, cette question n'était pas une de
ses priorités, mais toujours est-il que les parties se retrouvent
après un certain nombre d'années et que les dispositions qui
auraient dû être adoptées en 1976 pour faire en sorte que ce
comité fonctionne adéquatement sont adoptées en 1979 et,
là, à cause du hasard, d'une foule de circonstances, elles n'ont
jamais été employées comme elles auraient dû
l'être.
La fédération croit donc à ce chapitre que la
négociation a un rôle important à jouer dans la
répartition des effectifs. Je relie cela à une intervention qui a
été faite ce matin par l'AHQ, lorsque celle-ci, par exemple,
propose d'assujettir les ententes conclues par un organisme
représentatif des professionnels de la santé à un plan
d'effectifs édicté par un conseil régional. Ce que nous
soumettons en toute déférence, c'est que vous avez ici un
paragraphe qui donne des pouvoirs à des parties qui visent tant le
Régime d'assurance-maladie que l'assurance-hospitalisation et qui
permettraient justement de couvrir de façon globale tous les aspects de
la question que représente la répartition des effectifs. Nous
soumettons à cet égard que la voie la plus carrossable, la plus
sûre, celle qui aurait le plus de succès, c'est celle que nous
proposons. Nous disons en fait pourquoi -c'est ce pourquoi j'ai fait un petit
historique tout à l'heure - le chapitre dont on avait convenu n'a
peut-être pas donné tous les résultats qu'il aurait
dû donner.
Je tourne la page, page 20. "S'il estime que, dans une région,
l'absence de services médicaux met en péril la santé
publique, le ministre peut, afin de permettre la fourniture de ces services
dans un établissement, par décret du gouvernement publié
dans la Gazette officielle, prendre, en vertu de la présente loi, les
mesures spéciales qu'il considère nécessaires pour que des
services médicaux puissent être fournis par l'établissement
visé et ce pour une période indiquée au décret qui
ne doit pas excéder 90 jours."
Nous comprenons que, dans le texte de
la loi, on parle de santé publique; nous comprenons très
bien qu'il peut y avoir ries cas où la santé publique exige une
intervention prompte. Cependant, à une situation grave qui exige une
intervention rapide doit également correspondre une mesure de même
nature, c'est-à-dire une mesure spéciale et promulguée par
décret qui doit entrer en vigueur et demeurer en vigueur un certain
temps. Encore là, une fois sauvegardé et préservé
cet aspect de la santé publique, par le biais de moyens que le ministre
aurait à sa discrétion, à l'intérieur de certains
paramètres, ce que nous soumettons, c'est que, dans ces cas, la
négociation, en prétextant le paragraphe précédent,
pourrait fort bien permettre aux parties non seulement de concilier les
objectifs respectifs qu'elles ont, mais aussi de faire en sorte que des
professionnels de la santé soient envoyés sur les lieux en cause.
(16 heures)
Ce que le projet de loi propose, c'est que le ministre, au nom de la
santé publique, pourrait conclure ries ententes individuelles.
Étant donné la réalité géographique du
Québec, je pense qu'il est bon de poser a priori une hypothèse
qui est la suivante - et c'est la crainte des gens qui sont devant vous - c'est
que cette entente individuelle, qui n'existe nulle part dans le domaine de la
négociation collective, permette une entente individuelle tantôt
à Rivière-du-Loup, tantôt à Matane, tantôt
à Gaspé, tantôt à Val-d'Or, de sorte qu'à un
moment donné, après 3, 4 ou 5 ans d'entente individuelle, il n'y
aura plus de règle générale des parties. La
fédération, pour sa part - les hauts fonctionnaires du
ministère le savent - a toujours combattu énergiquement les
ententes individuelles qui intervenaient entre ries établissements et
des médecins. Elle a toujours préféré des
règles négociées à la table qui s'appliquent
uniformément à tout le monde.
Devant cette proposition, cette suggestion que contient le projet de
loi, il apparaît à la fédération qu'il s'agit
là, en fait, d'un précédent susceptible de
déboucher non pas sur un règlement de problèmes, mais sur
la création de problèmes additionnels qui vont vicier tout le
climat des échanges entre, d'une part, les omnipraticiens et, d'autre
part, le ministre des Affaires sociales. Ceci dit en retenant que la
proposition qui est contenue là donne les pouvoirs suffisants
d'intervention au ministre des Affaires sociales, lorsqu'il aura
décidé que la santé publique est en jeu.
L'autre paragraphe: "Toute entente ou partie d'entente peut, s'il y est
pourvu expressément, lier tout établissement, notamment, quant
aux médecins et dentistes, en matière d'activité
professionnelle". Cette partie s'inspire un peu de la législation
actuelle. C'est que la loi actuelle de l'assurance-maladie contient, à
l'article 173 i) une réserve qui dit ceci: Le plan d'organisation d'un
établissement doit, en matière d'activité professionnelle,
respecter les ententes conclues entre les professionnels de la santé et
le ministre des Affaires sociales. Tel que la chose a été
mentionnée tout à l'heure par le Dr Czitrom, tout le chapitre de
l'activité professionnelle qui est actuellement dans l'entente, si le
projet de loi est adopté, s'écroule. C'était un des gains
qui avaient été faits à la suite de la contestation de
1975 et qui s'est traduit par l'entente de 1976. Ce que disent les
médecins, sommairement, aux membres de la Commission médicale,
c'est qu'à un régime rie normes réglementaires sur la
fourniture des services et sur l'utilisation des ressources, la
fédération, quant à elle, préfère garder la
voie dans laquelle elle s'est engagée dans le cadre de la
législation actuelle et qui s'est concrétisée en 1976 par
le chapitre qui existe dans l'entente intervenue entre le MAS et la FMOQ.
Autre paragraphe: "Une entente peut également, selon les
modalités qu'elle énonce, lier un conseil régional
mandaté par le ministre pour organiser et assurer le fonctionnement,
dans son territoire, d'une centrale de coordination comprenant la dispensation
de visites médicales d'urgence hors établissement". Est
intervenu, il y a quelque temps, entre le ministre et la
fédération, une entente quant à la dispensation des
visites médicales d'urgence hors établissement, entente qui
couvre la région du Montréal métropolitain. Nous avons eu
recours, à ce moment-là, à divers artifices légaux
pour faire en sorte que l'entente se tienne sur trois pattes et demie. Ce que
nous demandons aujourd'hui aux membres de la commission et ce que nous
suggérons au ministre, ce serait d'incorporer, tout simplement à
l'article 19 une disposition qui permettrait justement, dans le cadre de
l'entente générale, peut-être de convenir de certains
paramètres qui s'appliqueraient éventuellement à certains
CRSSS si jamais le ministre des Affaires sociales décidait d'exporter
dans d'autres territoires l'expérience que connaît actuellement
l'agglomération de Montréal. C'est tout ce que j'ai à dire
pour le moment quant à l'article 19; il s'agit d'un article qui est
capital. L'article 4 qui réfère à l'article 19 de
l'assurance-maladie est capital pour la fédération et au besoin,
tout à l'heure, à la suite des questions que vous poserez, nous
compléterons.
À la page 20, nous recommandons que l'article 73 du projet de loi
no 27 soit retiré. L'article 73 prévoit ceci: "Le conseil des
médecins et dentistes d'un centre hospitalier remplit également
les autres fonctions déterminées par règlement." Je
relie également cette disposition à une autre disposition
du projet de loi no 77, l'article 94 qui amende l'article 173k et
également une autre disposition dont on a fait mention ce matin, soit
que le ministre peut prescrire tout ce qui peut être utile aux fins
d'application de la présente loi.
Ce que nous craignons, par le mariage de l'ensemble de ces dispositions,
permettant, d'une part, au lieutenant-gouverneur en conseil d'édicter
certaines fonctions, de confier certaines fonctions par règlement alors
que, d'autre part, il peut passer certains règlements qui peuvent lui
paraître utiles pour fin d'application de la présente loi, c'est
qu'on en arrive à la situation où, à un moment
donné, les CMD, dans la réforme que l'on propose, seraient,
à toutes fins utiles, encadrés et chapeautés ou
mandatés par le Conseil des ministres. C'est la crainte que nous
exposons; on peut peut-être dire que c'est une crainte
exagérée sauf que je crois qu'étant donné les
vocables très larges employés dans l'article 94 de la loi, quant
aux pouvoirs du lieutenant-gouverneur, si on conjugue les deux paragraphes en
question, on peut également arriver à des résultats
surprenants. Il faut le dire d'avance, une fois que la loi est adoptée,
il est trop tard. C'est la deuxième recommandation que nous faisons.
La troisième recommandation, c'est que l'article 74 du projet de
loi no 27 soit retiré. L'article 74, c'est la disposition qui
édicté 112.1 de la Loi sur l'assurance-maladie, qui
suggère que le Conseil des médecins et dentistes d'un CH doive
adopter pour chaque département clinique des normes sur la fourniture
des soins requis et l'utilisation des ressources disponibles. Ces normes
peuvent prévoir des sanctions administratives pour, notamment, limiter
ou suspendre le droit d'un médecin ou dentiste d'utiliser les ressources
disponibles dans le centre hospitalier.
Je réfère les membres de la commission aux remarques que
je faisais tout à l'heure. Lorsque la fédération demande,
à l'article 19, de prévoir certaines dispositions relatives
à l'activité professionnelle, ceci exclut évidemment la
voie proposée par le ministre des Affaires sociales où on parle
de normes de fourniture de services et de normes sur l'utilisation des
ressources. Je pose ici certaines questions au niveau du projet de loi qui est
déposé. On ne définit pas la norme sur la fourniture des
services et je ne veux pas faire de procès d'intention; serait-ce une
norme médicale? Une norme à incidence médicale? Serait-ce
une règle de soins? Serait-ce une norme économique ou à
vocation économique? Serait-ce une norme à vocation
médico-économique? On ne le sait pas, ce n'est pas
déterminé dans le projet de loi.
Devant un projet de loi qui propose des normes dont on peut faire un
usage très large et tout ça par voie réglementaire - on va
dire que c'est le Conseil des médecins et dentistes qui les adopte, les
pères, je préviens l'argument - de toute façon, c'est une
voie de normes dont, au départ, on ignore exactement la nature et la
portée. C'est pourquoi nous demandons, dans les circonstances,
privilégiant la voie qui est la nôtre actuellement, de la
négociation de normes d'activités professionnelles telles
qu'elles apparaissent à l'entente, de retirer cet article du projet de
loi.
Je retourne à la page 21: que l'article no 51 du projet de loi 27
soit amendé de la façon suivante: Nous disons dans notre
mémoire que nous craignons que le chef clinique, aux termes de la loi,
devienne quasiment un syndic à la médecine hospitalière.
Ce que nous proposons, c'est que le chef de département clinique d'un
CH, d'une centre hospitalier est responsable de la gestion des ressources de
son département et surveille la façon dont s'exerce la
médecine dans son département.
À l'article no 51 de la loi, lorsque nous disons - et c'est une
crainte fondée - que nous craignons que le chef clinique, avec les
pouvoirs qu'il a, qui lui sont octroyés par l'article no 51 de la loi,
ne devienne un syndic à la médecine hospitalière, c'est
qu'il faut retenir que le même projet de loi propose que la personne en
question soit responsable de l'application de ces normes-là et que, le
cas échéant, il imposera des sanctions. Nous disons que c'est
donner beaucoup de pouvoir à un seul individu lorsqu'on sait que la
même loi prévoit que le droit d'exercice d'un médecin
dépend du respect des normes sur la fourniture des services.
En d'autres mots, advenant l'édiction de normes, un bonhomme
courrait faire l'objet d'une sanction administrative décidée par
un chef clinique à savoir qu'il est suspendu, qu'il ne peut
dorénavant fournir de services, où, pour une période de
six mois, l'effet automatique de cela, comme le droit d'exercice de ce
bonhomme-là est relié au respect des normes, est qu'il risque de
se retrouver un jour ou l'autre, à la suite d'une décision
administrative, sans droit de pratique. De toute façon, quant à
l'article no 4, et l'objection fondamentale, c'est une voie de normes
réglementaires; nous demandons que ce soit retiré.
La cinquième recommandation que nous faisons, nous l'avons
abordée tout à l'heure un peu dans l'article no 19, lorsque j'ai
dit que les ententes devaient lier les établissements notamment en
matière d'activité professionnelle. Nous demandons
également que l'article no 173i de la Loi sur l'assurance-maladie
demeure substantiellement, respecte quant à la question soulevée,
le libellé actuel, ce qui
donnerait: "0 déterminer les directions, services et
départements que le plan d'organisation d'un établissement doit
prévoir et, sous réserve, quant aux médecins et dentistes,
des stipulations relatives à l'activité professionnelle contenue
à une entente conclue en vertu de la Loi sur l'assurance-maladie,
prévoir leurs rôles et activités ainsi que les
qualifications et fonctions du chef de ces directions, services et
départements.
En d'autres mots, c'est la transposition au niveau de l'article no 173i
proposé par le gouvernement de ce qui existe déjà
officiellement au niveau du 173i de la Loi sur l'assurance-maladie.
Enfin, nous proposons que l'article no 31 du projet de loi no 27 soit
retiré. L'article no 31 touche la portée de l'entente. L'article
31 se lit comme suit. Il édicte... C'est l'article no 104-1 de la Loi
sur l'assurance-maladie qui stipule: "La présente loi est d'ordre
public.
Toute disposition d'une entente qui contrevient à la
présente loi ou à un règlement, décret ou
arrêté adopté en vertu de celle-ci est
réputée non écrite.
Je vais vous dire, M. le Président, que j'ai rarement vu, sauf
dans des lois qui s'apparentent à la Loi des mesures de guerre, des
dispositions aussi draconiennes. Je ne pense pas que le ministre des Affaires
sociales ait eu, depuis qu'il est le titulaire de ce poste, ou que ses
prédécesseurs aient eu de problèmes à ce jour, au
niveau de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, avec
le caractère public de la loi. (16 h 15)
Il y a eu des tentatives, j'ai moi-même plaidé, devant la
commission des affaires sociales ou en Cour supérieure, des causes
où un établissement privé disait qu'il n'était pas
soumis, quant à lui, n'étant pas conventionné,
n'était pas soumis à loi 65, etc., etc., et tous ces jugements
ont été unanimes pour dire à tout ce beau petit monde:
Messieurs, cette loi est d'ordre public, et s'applique à tous les
établissements. Paragraphe à la ligne. À noter qu'à
ce moment-là, la loi ne disait pas qu'elle était d'ordre public.
Mais j'en viens à ce qui suit: "Toute disposition d'une entente qui
contrevient à la présente loi ou à un règlement,
décret ou arrêté adopté en vertu de celle-ci est
réputé non écrite. Ce que nous demandons, M. le
Président, au ministre des Affaires sociales, c'est d'une part de
conclure une entente avec des organismes représentatifs des
professionnels de la santé. Cette entente est ratifiée par le
lieutenant-gouverneur en conseil, par le gouvernement. Nous demandons tout
simplement au signataire de l'entente, une fois cette entente signée,
d'agir en conformité de l'engagement qu'il a pris au niveau des
réglementations ou des décrets qu'il peut adopter. Sinon,
l'entente a un caractère extrêmement secondaire. Même plus,
aux termes de la Loi sur l'assurance-maladie, cette disposition
précisant que la disposition de l'entente est réputée non
écrite, ce que nous suggérons, c'est qu'advenant l'adoption d'un
règlement ou d'un décret, le médecin devrait, à ce
moment-là, parce qu'il exigerait le respect de l'entente,
nécessairement procéder par le conseil d'arbitrage établi
selon la loi. Devant le conseil d'arbitrage, on rappellerait évidemment
à l'arbitre: M. l'arbitre, vous êtes ici pour appliquer l'entente,
c'est votre vocation principale. Or la disposition en cause est
réputée non écrite, vous n'avez pas juridiction.
D'où on va déboucher à divers niveaux sur des
problèmes. Alors, ce que nous demandons purement et simplement quant
à cette disposition, c'est de faire en sorte qu'elle soit tout
simplement retirée. Dans le passé le caractère public ou
la portée de la loi n'a jamais été mis en cause. Je
demanderais au ministre ou à toute autre personne de m'indiquer si la
loi dans un cas a déjà été mise en cause, ou sa
portée. Elle a toujours été appliquée comme une loi
et il n'y a pas eu de problème.
Quant au reste, ce que nous demandons au gouvernement, une fois
l'entente signée, c'est d'être logique avec les engagements qu'il
signe et de légiférer en conséquence. Nous demandons tout
simplement le retrait de cette disposition. J'ajouterais un autre argument:
c'est que telle qu'elle est rédigée, le tribunal d'arbitrage qui
serait saisi d'une disposition quelconque d'une entente, d'un décret ou
d'un règlement qui serait contraire se verrait allègrement
contester sa juridiction, d'où on risque d'assister, dans le cas des
ententes des professionnels de la santé, à une prise en
série de brefs d'évocation. Je pense que si on doit de temps
à autre s'inspirer du domaine du travail, s'il en est un où on ne
doit pas s'engager dans cette voie, c'est bien celui-là. Alors, nous
demandons le retrait de cette disposition.
L'article 109, c'est la septième recommandation. À
l'article 109, la même chose, je dirai pourquoi. Dans le mémoire
nous parlons de procédure d'amendement automatique de l'entente. En
quelque sorte, à l'article 109, on dit que l'article 104.1 et
édicté par l'article 31 s'applique à l'entente
actuellement en cours. Alors nous demandons le retrait de l'article 109; je
donnerai plus de détails tout à l'heure s'il y a des
questions.
Enfin, il y a un huitième point à la page 22 qui est
très technique. C'est que le nouveau projet de loi introduit, au niveau
des professionnels de la santé, un tribunal statutaire. Auparavant,
c'était soumis à l'arbitrage si les ententes en
prévoyaient la constitution; là-dessus il y a eu une
jurisprudence qui dit que ce sont des
tribunaux privés, y compris la Cour d'appel. Le nouveau projet de
loi établit les tribunaux statutaires, qui eux vont devenir sujets
à brefs d'évocation ou à contestation de juridiction.
Encore une fois, ce que nous prétendons là-dessus - il peut y
avoir d'autres vues - c'est que c'est une tradition qu'on retrouve dans le
monde du travail, qui ne doit pas nécessairement se transposer au niveau
du monde de la santé.
Dernière petite remarque, page 24. Est-ce que j'ai
dépassé mon temps, M. le Président?
Le Président (M. Bordeleau): Pas loin. M. Chapados:
Pas loin.
Le Président (M. Bordeleau): En fait vous n'avez pas
dépassé l'heure, sauf que vous avez dépassé le
temps normalement prévu de 20 minutes. Je pense qu'on peut comprimer un
peu.
M. Chapados: Une seule remarque, je réfère les
membres de la commission à la page 24 du mémoire, c'est capital:
"nous recommandons que l'article 49 du projet de loi 27 se lise
dorénavant comme suit, et l'article 70 de la Loi sur l'assurance-maladie
se lirait comme suit: Le plan d'organisation d'un centre hospitalier doit de
plus prévoir la formation de départements cliniques et de
services cliniques. Un tel plan comprend obligatoirement la formation d'un
département clinique de médecine générale."
À ce sujet, actuellement, nous disons pourquoi nous en arrivons
à cette proposition. C'est qu'actuellement, si je prends les CH
désignés - M. Deschênes est ici, c'est un ancien directeur
général d'hôpital - dans la plupart des CH
désignés dans la province, la structure légale et
réglementaire prévue à la loi n'est aucunement
respectée. Cela ne veut pas dire que ça fonctionne mal partout,
ça fonctionne bien, mais il y a une constante, c'est que tous les gens
qui sont là contournent la structure établie actuellement aux
termes de la loi et des règlements. Ce que nous demandons, c'est de
clarifier une fois pour toutes le statut du département de
médecine générale qui n'est pas un mini ou un petit
département, ou un département à gogo, mais qui est un
vrai département et qui est un département clinique au même
titre que les autres. L'argument traditionnel qu'on a sorti, c'est que les
omnipraticiens pratiquaient dans plusieurs départements dans un
hôpital et que ledit département devait, à cause de ce
fait, sinon pour l'urgence de première ligne et les soins externes
généraux, être administratif.
Ce à quoi je réponds: II est clinique au niveau de
l'urgence et des services externes généraux et, d'autre part,
lorsqu'un omnipraticien va pratiquer en pédiatrie ou en
obstétrique, etc., il se trouve dans la position de l'interniste, dans
un hôpital, qui s'en va soigner un malade dans les lits ou dans le
département de chirurgie. Pour autant, on n'a jamais jugé
nécessaire d'abolir le département de médecine.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Chapados. M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Merci, Dr Czitrom, pour le mémoire
assez abondant que vous avez produit. Avant de commencer, avant d'entrer dans
certains aspects de la plomberie, peut-être faudrait-il revenir sur
certaines des équivoques que j'ai déjà
évoquées ce matin. J'ai été frappé
d'entendre, de la part du porte-parole de la fédération, les mots
"nous craignons", à plusieurs reprises. Je pense que c'est assez
significatif de ce qui se passe autour de ce projet de loi: nous craignons. Je
voudrais faire appel à ce sentiment d'inquiétude pour dire qu'il
n'a sans doute pas raison d'être sur l'essentiel. Encore une fois, les
jours qui ont suivi le dépôt du projet de loi ont
été marqués par certains événements qui
troublent les citoyens du Québec, parce qu'encore une fois, ça se
passe au-dessus de leurs têtes. Le métier que les hommes et les
femmes de ces professions exercent est un métier essentiel à la
société. Il est également un métier qui touche
l'essentiel pour les êtres humains de façon
générale. Il ne faut pas s'étonner que, chaque fois que la
population a l'impression qu'elle peut être privée de ces
services, elle réagisse aussi avec anxiété.
Justement parce que nous avons, de part et d'autre de cette table, celui
qui vous parle aussi, à cause de la formation qu'il a reçue, pas
celle qui lui permet, à l'occasion, de participer à des projets
de loi, mais le métier qu'il a pratiqué, nous avons, de part et
d'autre, une responsabilité de tenir ce débat et de regarder ces
questions dans un contexte qui soit celui du respect de la population. Je ne
doute pas que votre présence ici aujourd'hui en soit un signe, bien au
contraire.
Il y a aussi des remous chez les professionnels eux-mêmes. Encore
une fois, c'est sans doute ce qui explique le "nous craignons". Il y a dans
cette loi un changement qui, à bien des égards, est significatif
de l'évolution du Québec lui-même, de la profession
médicale, des difficultés inévitables que connaît le
système de dispensation de soins que nous avons et qui est significatif
d'un progrès aussi, en même temps. Ce qui caractérise ce
changement, c'est d'abord que le gouvernement a choisi, dans le cadre de la
profession médicale, au niveau des moyens, de prendre les moyens qu'il
prend dans le reste de la société quand il y a des
problèmes à régler, c'est-à-dire de fournir
un encadrement juridique à certaines actions.
Historiquement, les fédérations qui font leur boulot de
défendre les intérêts des professionnels et qui le font, je
dois le dire, mieux que n'importe qui d'autre dans les structures
médicales, parce que c'est cela le rôle, ont peut-être
été habituées à participer à la
rédaction du projet de loi avant même qu'il ne soit
déposé. Ces fédérations, aujourd'hui, sont
appelées à participer, et pleinement d'ailleurs, au processus de
la commission sur laquelle nous siégeons aujourd'hui et au cours de
laquelle nous vous entendons, nous lisons vos mémoires et nous aurons
à prendre les décisions qui en découleront et qui feront
l'objet en deuxième lecture, donc la semaine prochaine, des
déclarations quant aux conséquences et ce que nous retenons de
vos commentaires.
Deuxièmement, il y a un changement dans la mesure où on
vient confirmer certaines choses qui existent dans la réalité et
aussi affirmer une volonté très nette du gouvernement, en
collaboration avec les professionnels, de vouloir régler certains
problèmes qui traînent au Québec. Les lois habituellement
sont faites pour cela. Elles ne sont pas faites pour créer des
problèmes, elles sont faites pour en régler. Je ne dis pas que
toutes les lois règlent les problèmes, mais que certaines sont
souvent source de difficultés. L'objet fondamental d'une loi en
démocratie - c'est notre rôle autour de cette table, avec la
légitimité des citoyens qui nous ont élus d'un
côté comme de l'autre de la table - est de tenter de régler
des problèmes avec le moyen que nous avons à notre disposition en
démocratie, qui s'appelle des lois. Il ne faut pas accorder au mot "loi"
la notion péjorative parfois qu'on semble lui accorder dans certaines
discussions. Encore une fois, je ne parle pas des propos qu'on a
échangés aujourd'hui.
Parmi ces problèmes, il y a celui de la répartition des
médecins sur le territoire, problème de fond qui existe depuis
longtemps et pourtant, malgré les ententes, malgré le champ
illimité de négociations caractéristique du Québec
et non pas de l'ensemble des provinces canadiennes - on pourra dire que c'est
la faute de l'un ou que c'est la faute de l'autre, c'est sans importance - il
n'est toujours pas réglé dans le Nord-Ouest, il n'est toujours
pas réglé sur la Côte-Nord, il n'est toujours pas
réglé dans le Bas-du-Fleuve, il n'est toujours pas
réglé dans une bonne partie de l'Outaouais. Ce projet de loi,
à cet égard, veut s'adresser directement à cette question
et à quelques autres. Les moyens qu'il prend sont ceux à notre
disposition, c'est-à-dire la définition de certaines choses. Cela
fait dix ans que c'est négociable. Je suis allé à Rouyn,
j'ai rencontré les médecins à Rouyn, après les
événements qu'on a connus cet été. Je n'ai pas eu
l'impression d'avoir affaire à des omnipraticiens avaricieux ou des gens
qui ne réclamaient que le pécule pour ce qu'ils faisaient. Il y
avait des gens qui trouvaient cela difficile de pratiquer en région. Je
me suis rendu compte qu'une des raisons pour lesquelles ils trouvaient
difficile de pratiquer en région, c'était à cause de la
répartition du fardeau de la tâche. Une des raisons pour
lesquelles il y a, dans ce projet, une série de dispositions, c'est
justement pour sortir du règlement ad hoc qui a fait l'objet, comme le
syndicat le sait, d'environ 60 arrangements particuliers non
négociés, sans le consentement du syndicat, sans le consentement
du ministre des Affaires sociales souvent, localement. Nous voulons que cette
question de la répartition des médecins sur le territoire
reçoive la considération qu'elle mérite depuis dix ans.
C'est bien beau de dire qu'on est d'accord avec les objectifs, mais chaque fois
que des moyens sont tentés, on dit: On s'oppose aux moyens. (16 h
30)
Deuxièmement, ce projet veut introduire aussi une notion de
"responsabilisation" collective dans le but de favoriser le
développement d'une certaine solidarité à l'égard
de l'établissement que le médecin pourrait avoir. Il fut une
époque au Québec où c'étaient Soeur Joseph et le
chirurgien en chef qui menaient dans l'hôpital. Ceux qui ne sont plus
jeunes ici vont se le rappeler. Ce n'est plus comme cela. Cela a
été très différent à partir du milieu des
années soixante. Notamment, depuis une dizaine d'années, on a
littéralement marginalisé la médecine à
l'intérieur des établissements. Par contre, on a tapé sur
les médecins tout le temps en disant que c'étaient eux autres qui
consommaient les ressources et un peu par définition d'ailleurs, parce
que ce n'est pas normal. Après tout, que je sache, ce ne sont pas les
autres professionnels de la santé qui empêchent les ulcères
de saigner ou qui fournissent les traitements et le diagnostic. La recherche
qu'il y a dans ce projet de loi au niveau des grandes intentions, cela
m'apparaît important, c'est de trouver le moyen que les médecins
eux-mêmes, à travers les structures qui existent en ce moment en
vertu de nos lois et dans lesquelles ils évoluent avec plus ou moins de
succès, plus ou moins inégalement sur le territoire, selon les
établissements, réussissent collectivement à se
"responsabiliser". C'est cela qu'il y a comme objectif.
Finalement, à l'égard d'un objectif qui n'y est pas mais
qui semble avoir été présenté les dernières
semaines comme un objectif gouvernemental, celui d'écraser les
associations représentatives ou les organismes représentatifs,
comme le dit la loi actuelle
d'ailleurs - en fait, ce sont les deux fédérations - je
peux vous dire que, si nous avions voulu que des dispositions, par exemple,
comme l'article 31 sur lequel on aura à revenir sûrement, soient
là pour permettre au gouvernement de déchirer par
arrêté en conseil l'entente qu'il aurait signée la veille,
je dois vous dire qu'on n'aurait pas pris la peine de faire un projet de loi de
100 articles. Il y aurait eu un article: Dorénavant les conditions de
travail de la médecine au Québec seront fixées par
règlement. Cela aurait été bien moins compliqué. Ce
n'est évidemment pas notre intention.
À cet égard, il est important de distinguer ce qui
tantôt est quelque chose qui n'a rien à voir avec la loi et ce qui
tantôt est une extrapolation, mais sur quoi on fait beaucoup de
procès d'intention que je retrouve moins cependant, je dois le dire,
dans le mémoire que j'ai entendu aujourd'hui que peut-être dans
d'autres propos, mais dans un contexte différent que je peux comprendre,
que j'ai pu entendre et ce qui doit faire l'objet d'une préoccupation
tout à fait légitime, normale et sur laquelle nous aurons sans
doute quelques échanges et au sujet de laquelle le gouvernement aura
à prendre des décisions avant de passer en deuxième
lecture. Je pense que l'objet de votre mémoire, c'est cela, de la
même façon que l'objet de la commission, c'est cela.
Je poserai tout de suite d'entrée de jeu au Dr Czitrom, qui
pourra toujours me référer à celui des membres de son
groupe qu'il voudra bien - Je pense que c'est à lui d'en décider
- quelques questions immédiates notamment sur cette notion de la remise
des pouvoirs aux technocrates - Je pense que j'ai utilisé son
expression; je l'ai prise en note dans son résumé. J'aimerais
qu'il explicite un peu et qu'il me réfère plus
précisément aux dispositions du projet de loi qui visent
cela.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Czitrom.
M. Czitrom: M. le Président, il est bien évident
que, lorsque l'on établit que dorénavant, dans les institutions,
la médecine sera régie par des normes, que ces normes seront
établies peut-être par des pairs au niveau du CND mais, il va
falloir que ces normes soient approuvées par le ministère. Vous
faites intervenir des normes qui, peut-être, vont aujourd'hui
représenter la distribution des lits, comme c'est prévu au niveau
du CRSSS, mais qui, possiblement demain, vont représenter autre chose,
à savoir liberté thérapeutique, liberté
diagnostique. Je sais bien que ce n'est pas votre intention aujourd'hui, mais
il n'y a rien qui me garantisse, dans le libellé de cette loi-là,
que ça ne sera pas le cas tout à l'heure. À partir de ce
moment-là, si vous avez des hauts fonctionnaires qui, eux, doivent
approuver ou désapprouver les règlements qui seront
édictés, c'est bien entendu que ce n'est plus le médecin
tout seul qui, à un moment donné, prendra les décisions
vitales. Vous avez comme moi, suivi un entraînement médical, M. le
ministre, vous savez comme moi, que les décisions, dans notre
métier, doivent se prendre parfois très vite et que, parfois, on
est tout seul à les prendre. C'est justement ce qui fait la
difficulté, peut-être aussi le charme de cette profession. C'est
la responsabilité de l'individu tout seul, vis-à-vis du
péril de l'autre. Ça, ce ne sont pas seulement les cas
extrêmes du polytraumatisme ou de l'arrêt cardiaque, mais c'est
notre vie quotidienne au bureau, à l'urgence et n'importe où
ailleurs. Mais, toutes les fois que j'ai une décision à prendre,
dans l'intérêt même de mon patient, il faut que je respecte
la norme, parce qu'il y a une norme, il y a des sanctions, il y a un
maître de salle qui, lui, a le droit de me le rappeler. Je comprends
parfaitement bien votre souci. Je sais très bien qu'il y a un besoin de
contrôle des coûts, un tout petit peu partout. Mais, je me dis que
c'est tellement gros cette liberté que l'on donne et qu'on enlève
au médecin que - je ne doute pas de votre bonne foi, M. le ministre -
même si aujourd'hui je suis sûr qu'il n'y aura pas d'abus, il n'y a
rien qui me garantisse qu'en se basant sur cette loi-là, il n'y en aura
pas demain.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que je peux me permettre de revenir
rapidement là-dessus? Je pense que c'est très important. Dans
votre mémoire comme dans votre exposé, on semble assimiler deux
types de choses qui, pourtant, au niveau du texte, sont très
différentes. D'une part, il y a ces pouvoirs qu'on retrouve à 173
de la loi actuelle. Ce sont les pouvoirs généraux qui
appartiennent au gouvernement: soit déterminer une série de
choses, statuer aisément sur les pièces essentielles des
dossiers, déterminer les formalités d'inscription,
déterminer les critères relatifs à la résidence des
bénéficiaires, fixer les conditions minimums d'hygiène,
statuer sur le contenu des formes d'assurance-responsabilité,
déterminer les conditions que doivent remplir les personnes qui
sollicitent un permis, bref, l'ensemble du pouvoir réglementaire du
gouvernement qui est là depuis des années. C'est ce qu'on
retrouve dans le projet de loi actuel, repris, dont une bonne partie est
reformulée, et dont une autre partie vise à asseoir de la
réglementation existante dans ce cahier, que la plupart d'entre vous,
qui travaillez en institution, connaissez bien et qui est la
réglementation depuis tous les
temps, si je peux m'exprimer ainsi, notamment depuis 1973,
réglementation qui régit le fonctionnement des
hôpitaux.
Donc ce n'est pas nouveau à cet égard-là, ce n'est
pas normalisé de façon additionnelle. Je conviens cependant, je
ne disconviens pas du tout qu'à l'article 74 il y ait l'addition de
certains pouvoirs, je m'excuse, l'article 94, à la page 33, il y ait
l'addition de pouvoirs un peu plus précis donnés au ministre,
mais qui vont dans le sens de ces pouvoirs généraux qui existent
depuis toujours au sujet desquels, notamment à IJKL, déjà
certaines réserves ont été exprimées, qui doivent
je pense, continuer de faire l'objet de discussion, je suis sûr que
l'Opposition en fera sûrement un relais lors de l'étude, article
par article, sans compter ce que nous y apporterons.
Mais il y a d'autre part, toute cette notion, ce mot norme d'ailleurs,
est un peu ennuyeux, parce que, habituellement, on voit un rond de cuir avec un
crayon, dans un endroit poussiéreux, élaborer des théories
sur le traitement, plutôt que de parler des gens en vie. Ces normes dont
on parle au sujet du Conseil des médecins et dentistes, c'est le conseil
lui-même; et le gouvernement ne les approuve pas. Il s'agit de permettre
aux médecins dans l'établissement, à l'égard de
l'utilisation des ressources dans l'établissement, de se
"responsabiliser" collectivement sous forme de bien des choses que propose
notamment la corporation des médecins depuis des années et
qu'elle reprend d'ailleurs à certains égards avec les nuances
qu'il faut y mettre, dans le cadre de son mémoire sur ce projet de
loi.
Il n'y a pas de fonctionnaires. Il y a des normes
élaborées par les personnes, dans le milieu médical, qui
ultimement doivent avoir une sanction juridique au niveau du conseil par
exemple et on dit que le chef de département sera en mesure de les
appliquer. Cette notion d'application, par le chef de département encore
une fois, vise une intervention de nature collective, l'information qui lui est
transmise, non pas les décisions dans les cas individuels; cela
relève des lois professionnelles que nous ne modifions pas à cet
égard; cela relève de la pratique, il ne s'agit pas de modifier
cela. Je pense qu'il est très important qu'on fasse cette distinction,
mais il est vrai qu'on introduit une plus grande "responsabilisation" des
médecins eux-mêmes dans l'établissement. Après tout,
l'hôpital est le lieu où vous traitez vos malades; c'est pour
ça qu'on parle de cela. Que ça se fasse dans le contexte qui est
le contexte que le Québec connaît sur le plan budgétaire au
niveau des hôpitaux, on le sait; il y a 400 000 000 $ de déficit
dans les hôpitaux, vous ne pouvez pas ignorer cela, vous vivez dedans et
vous en subissez à la fois les conséquences comme tout le monde,
sans compter qu'au niveau de la taxation, vous en subissez aussi les
conséquences.
Mais, il y a des choses qui s'imposaient par le bon sens même, si
nous considérons que les médecins doivent avoir leur place dans
l'établissement et je n'accepterai jamais, tant que je serai ministre
des Affaires sociales - et je présume qu'aucun de mes successeurs
n'oserait le faire non plus -qu'un fonctionnaire ou quelqu'un qui n'est pas
médecin intervienne dans la relation entre le médecin et le
patient. Si vous regardez attentivement le projet de loi, il n'est pas question
d'autre chose que de cela.
J'aurais peut-être une autre question qui touche ce qu'on voit
comme une atteinte aux pouvoirs syndicaux, notamment, à l'article 4 que
vous avez évoqué et qui, dans le fond, est probablement l'article
central de ce projet de loi puisqu'il touche à bien des choses; il
touche d'abord à tout le monde et, deuxièmement, à
beaucoup d'objets. On dit: "S'il estime que dans une région l'absence de
services médicaux adéquats met en péril la santé
publique, le ministre peut, afin de permettre la fourniture de ces services
dans un établissement, convenir avec tout professionnel de la
santé de conditions de travail différentes de celles
prévues à une entente." J'aimerais que vous me disiez, Dr
Czitrom, ce qui vous ennuie dans ce texte. C'est au-delà des
formulations juridiques pour lesquelles nous sommes, de part et d'autre,
équipés pour que des gens en discutent; après tout, on
leur paie des honoraires pour cela. Sur le fond?
M. Czitrom: Le fait, M. le ministre, qu'en signant et en
légalisant les ententes individuelles avec des professionnels de la
santé individuels, on grignote, petit à petit, le champ
d'application de l'entente générale. On va, à partir de ce
moment-là, se permettre de signer... Si l'entente ne convient pas, on va
signer un petit contrat individuel avec Pierre, Paul ou un autre. On ne vous
nie pas le rôle, en tant que ministre, de voir à ce que la
santé publique ne soit pas menacée; nous sommes parfaitement
d'accord avec ça. Si vous estimez que la santé publique est
menacée, ce que nous vous proposons, c'est d'agir par décret avec
une durée limitée par laquelle vous pourrez imposer les mesures
que vous jugerez nécessaires, lorsque la santé sera en effet
menacée.
Mais, nous avons peur que ce soit une porte ouverte aux petites ententes
individuelles qui finiront pas faire qu'en réalité une entente
générale ne s'appliquera que dans les grandes villes et
peut-être même pas partout dans les régions. (16 h 45)
M. Johnson (Anjou): Je comprends la nature de votre
intérêt ou de votre inquiétude là-dedans à
l'égard des droits
syndicaux que, encore une fois, je le réitère, nous
entendons respecter. C'est pour cela que c'est probablement un bel exemple
où l'interprétation juridique finalement prête à
interprétation. D'ailleurs, si ça ne prêtait pas à
interprétation, les avocats ne pourraient pas vivre, mais, en même
temps, cela permet, et je dis cela en tout respect à l'égard de
votre procureur dont je connais le talent - il l'a déjà fait
valoir devant les tribunaux - à chacun son métier, mais, en
même temps, peut-être qu'au niveau des intentions c'est important
de clarifier les choses.
Ce qui est visé au dernier paragraphe de cet article, ce sont
très concrètement des situations comme la suivante, comme on en a
vécu d'ailleurs depuis un certain nombre d'années au
ministère, dans certaines situations, qui est la
détérioration aiguë de la situation en matière de
santé pour une population donnée dans un établissement,
que ce soient des diabétiques qui se décompensent, que ce soient
des patients qui saignent, des gens aux soins intensifs, alors que les gens ne
peuvent plus tenir le coup, pour une raison ou pour une autre.
Techniquement, pour pallier une situation de cette nature qui peut
être de la nature d'une catastrophe, on ne pourrait pas dire à un
groupe de médecins dans un établissement ou ailleurs: Vous vous
rendez à tel endroit, on fournit l'avion, c'est 1000 $ par jour pour la
fin de semaine, ça dure quatre jours, et on vous fournit un gîte
et un logement à tel endroit. Techniquement, on ne peut pas faire cela
en ce moment en vertu de nos lois sans avoir l'accord de la structure
syndicale.
Ce qui est visé, ce n'est pas d'établir un régime
progressif de conditions différentes dans des régions sur une
base individuelle, ce qui est visé, c'est de s'armer comme
société pour répondre à une situation aiguë
dans un contexte aigu où c'est la responsabilité de l'État
que de l'assumer et des professionnels dans la mesure où,
individuellement, ils sont essentiels au fonctionnement. C'est ce que vise cet
article, au niveau des intentions et je pense qu'au-delà de cela, ce
serait faire un procès de ces intentions.
Je comprends la préoccupation qu'il y a derrière cela, si
vous dites: Formulé comme cela, il y aurait un danger qu'on se mette
à faire une série d'ententes individuelles, alors que ce qui
n'est pas du tout ce qui est visé; c'est de savoir comment on peut
s'armer pour répondre à des situations aiguës sans que le
gouvernement se voie opposer un veto syndical, ne se le voie pas plus opposer
par la CSN, ne se le voie pas plus opposer par l'Ordre des ingénieurs,
s'il y a quelque chose qui est en train de tomber ici et qu'on doive faire
venir des ingénieurs d'urgence; c'est l'affirmation d'un principe
général qui existe dans toutes les sociétés
civilisées d'ailleurs, mais qui, à cause de la définition
qu'on a donnée au cours des années du champ des ententes, a
littéralement paralysé l'action dans les cas d'urgence. Ce que
vous évoquez cependant, ce sont peut-être les 60 cas à
travers le territoire du Québec où il y a des ententes qu'on
appelle sous la table entre des établissements et des médecins
individuellement sans que vous y participiez et sans que le ministre des
Affaires sociales y participe.
Or, il n'est pas de notre intention de faire autre chose que de
permettre que ça retourne dans le champ de la négociation comme
ça doit l'être normalement, et c'est dans ce sens-là qu'on
aborde la question régionale. Ceci dit, dans le cas où il y a une
détérioration subite ou grave ou aiguë de la santé
publique, il nous apparaît que c'est d'une autre nature.
M. Czitrom: Si vous permettez, M. le ministre, mon conseiller
ici, mon procureur ronge son frein, mais je vais le laisser piaffer quelques
instants de plus, parce j'ai quand même en mémoire deux cas bien
précis où nous avons eu des problèmes de ce genre,
où la santé publique était réellement
détériorée, et nous avons pu de façon très
rapide, le ministre et la Fédération, conclure des ententes
particulières et non pas individuelles qui se sont avérées
être satisfaisantes pour tout le monde, et les médecins et la
population. Je pense aux Îles-de-la-Madeleine, où nous avons eu un
problème parce que les quatre médecins qui y étaient pour
desservir une population de 14 500 n'en pouvaient plus. Ils voulaient s'en
aller. On a signé une entente particulière qui a permis que,
depuis ce temps-là, c'est en 1977, il y ait douze médecins qui
s'y trouvent actuellement et vous êtes parfaitement au courant de ce
problème.
C'est la même chose dans le Grand-Nord, à la Baie-James et
ailleurs. Nous avons pu, en très peu de temps, puisqu'il y avait
effectivement un problème, arriver à nous entendre et, à
ce moment-là, on a respecté toute la technique syndicale à
laquelle nous sommes habitués.
Une voix: M. Chapados si vous voulez...
M. Chapados: Ce que je dirais en réponse à cela,
c'est que l'entente actuelle contient déjà des débuts - je
ne l'ai pas avec moi - d'amorce relativement au cas souligné par le
ministre.
Premièrement, l'entente actuelle du MAS et de la FMOQ, tout
d'abord, reconnaît le certificat d'autorisation temporaire qu'on remet
aux termes des règlements de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux, à 1.19, et elle exempte le médecin, en
fait, de toute procédure de nomination, justement pour répondre
à ce genre de cas
que le ministre souligne. Ce qui s'est produit, c'est que les gens qui,
dans le passé, ont été dépêchés, du
moins par la fédération, des fois par le ministère, ont
été payés selon l'entente générale. Les gens
sont venus et restaient à ce moment-là. En fait, M. le ministre,
vous parlez un peu de plomberie, à savoir qui va payer les avions, qui
va payer l'hébergement ou des choses comme cela. C'est un genre de
questions où il peut y avoir un très petit chapitre dans
l'entente générale qui pourrait régir tout cela et
où le ministre aurait, justement, tous les pouvoirs requis pour pouvoir
faire face à des situations de ce genre.
Ce que je veux dire, c'est qu'au niveau des ententes
particulières - on va dire les choses telles qu'elles sont - il y a eu
des ententes particulières d'intervenues entre des médecins et
des établissements, ententes particulières que nous avons
dénoncées et que nous avons portées, dès que nous
l'avons su, à la connaissance du ministère. Il y avait même
des ententes particulières qui étaient absolument abracadabrantes
par rapport à l'entente générale. Vous savez, quand un
établissement dit à un médecin: On va vous engager, vous
travaillez 30 heures par semaine et vous facturez 60 heures: En d'autres mots,
à chaque fois qu'il y a eu des ententes particulières de cette
nature, nous sommes intervenus pour y mettre fin, lorsque nous en avons
été informés, parce que ce genre d'entente contient des
abus, la plupart du temps. Ceci est le premier type d'entente.
Le deuxième type d'entente, M. le ministre... Il faudrait
également se dire que, si c'est vrai qu'il y a eu des ententes entre
médecins et établissements, également, il y a eu des
ententes avec la bénédiction du ministère aussi. Je ne
ferai pas le procès du ministère là-dessus, ce n'est pas
mon intention du tout de le faire, sauf que cette petite partie du projet de
loi vise précisément à légaliser cette marge de
discrétion où, à un moment donné, le
ministère a pu décider ainsi: Voici, pour telle catégorie
de médecin dans tel coin, on va payer une prime d'éloignement de
tant de milliers de dollars, etc. Nous, face à cela, nous sommes
parfaitement conscients de toutes les situations qui peuvent se
présenter, mais nous disons que dans l'entente générale il
y aurait lieu de régler vos problèmes d'hébergement, vos
problèmes d'avion et de transport, tout cela de A à Z. Il y
aurait également peut-être possibilité, à ce
moment-là, pour les parties, d'avoir un mécanisme plus rationnel,
c'est-à-dire au niveau de ces cas particuliers, parce que,
d'après l'expérience que nous avons vécue, ce sont
évidemment des problèmes qui se sont posés.
Le ministère a rencontré des médecins de
Rouyn-Noranda, il en a rencontré ailleurs dans la province. Nous faisons
transmettre des propositions, ou ce qui, à un moment donné, est
proposé et nous nous apercevons qu'on a appliqué ce que l'on
proposait. En fait, ce sont des solutions à la pièce, du
"patchage". À telle place, on propose telle chose et à un moment
donné, au congrès de la FMOQ, les médecins de
Sept-Îles ou de Rouyn-Noranda se rencontrent avec d'autres
médecins et disent: Quoi, ce n'est la même chose? Nous, nous
disons que cette façon de procéder ne dit rien qui vaille
à moyen terme pour les relations qui doivent exister entre l'État
et la profession. Tous les problèmes techniques que vous soulevez se
résoudraient en un tour de main. Il s'agirait tout simplement de
prévoir certains paramètres cadres, justement prévoir ces
cas où un médecin doit aller durant trois jours à Val-d'Or
ou ailleurs; tout le monde serait satisfait et cela n'aurait pas pour effet de
vicier un climat. C'est ce que nous suggérons. Et qu'au niveau de
l'approche le ministère adopte des ententes individuelles, lorsque la
santé publique l'exige.
Deuxièmement, à titre expérimental, avec l'accord
du conseil d'administration d'un établissement, l'accord des
médecins, etc., qu'on applique un certain mode de
rémunération. On va se retrouver dans différents
établissements de même catégorie avec des
expériences différentes etc. Nous disons à ce moment
là, qu'à moyen terme, ce n'est pas le genre de politique, nous le
disons en toute déférence, qui va donner les résultats
qu'escompte le ministre. Au contraire, ça va viser à créer
des problèmes. Puisque vous avez fait, tout à l'heure, deux
allusions juridiques, j'aimerais apporter une mise au point. Lorsque vous
disiez que, pour l'entente individuelle, il y avait des discussions juridiques,
oui, il y avait des discussions juridiques sur l'entente individuelle. Vous
vouliez sans doute invoquer une certaine jurisprudence; si vous voulez
l'invoquer, on peut en discuter.
M. Johnson (Anjou): À l'étude article par article,
je pense, on fera cela.
M. Chapados: Ah bon! Cette jurisprudence se fonde sur un lien de
dépendance et je ne savais pas...
M. Johnson (Anjou): Je sais que le député de
Taillon, je m'excuse, le député de Jean-Talon - c'est une erreur
à ne pas commettre - je sais que le député de Jean-Talon
est appelé à faire un discours en Chambre bientôt et qu'il
a quelques questions; je vais lui laisser la parole.
M. Rivest: ...si vous permettez...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Je m'excuse, je dois aller parler de constitution. Je
voudrais poser ma question à M. Chapados. Une des choses qui
m'inquiètent, c'est le régime syndical proprement dit, le champ
de négociation. À la suite des remarques du ministre, on a eu
l'occasion de passer un temps considérable, 56 heures à peu
près, pour examiner la notion de services essentiels en cas de conflit
dans les établissements hospitaliers. La loi que le gouvernement a
adoptée à cet égard, lors de l'établissement
définitif de services essentiels, puisqu'il s'agit de la
répartition du territoire et compte tenu des exemples que le ministre a
indiqués où il y a une urgence ou une situation tout à
fait inacceptable, à ce moment-là, la politique
générale du gouvernement, lorsqu'il s'agit de services essentiels
en cas de conflit, a été de soumettre ça à l'objet
d'une entente. À ce que je sache des décisions du gouvernement,
il ne serait pas question, du moins c'est ce que le ministre du Travail nous a
clairement laissé entendre, d'enlever cette question du champ d'une
entente négociée et plus loin, d'ailleurs, puisque la loi en
cette matière accorde la primauté à la liste syndicale,
donc aux employés et aux fournisseurs des services.
Dans ce projet de loi, à la lumière de l'exemple au niveau
des ententes individuelles, non seulement ce ne sont pas les professionnels de
la santé qui sont appelés à décider de la question,
puisqu'on la retire du champ de l'entente, mais on procède par normes.
Je me demande - on aura l'occasion d'en discuter avec le ministre - sur le plan
de la fourniture des services, dans ces situations, où se situe une
certaine cohérence du ministère des Affaires sociales et du
gouvernement par rapport aux intervenants et aux principaux professionnels de
la santé. Si j'ai bien compris, M. Chapados, le sens de votre
mémoire, c'est que ce champ de la négociation est, me
semble-t-il, l'essentiel de votre témoignage en ce qui concerne le
régime syndical et l'essentiel de la proposition d'amendement formelle
que vous avez déterminée, c'est qu'il y a beaucoup plus que les
simples ententes individuelles. Vous mentionnez, touchant d'abord la notion
même de conditions de travail par rapport à conditions
d'exercice... C'est quand même assez fondamental et le ministre aura sans
doute l'occasion de vous répondre sur la raison véritable qui a
amené le gouvernement à changer. Pourquoi a-t-il
décidé de restreindre ça au niveau des conditions de
travail? Quel est, dans l'esprit du gouvernement, le changement que cela
apporte pour les professionnels de la santé? (17 heures)
De la même manière, M. Chapados, vous avez mentionné
qu'il y a tout le problème des rémunérations
différenciées pour les jeunes médecins et, à titre
expérimental, pour certains établissements, les fonctions de
représentativité. Je voudrais vous poser la question suivante, je
m'excuse de son caractère général. Au niveau des
médecins, le ministre vous a signalé tout à l'heure que
les processus d'entente n'a pas abouti à régler le
problème de carence de médecins dans des régions
éloignées. Est-ce que vous pourriez indiquer à la
commission les inconvénients au point de vue de la santé des gens
- plaçons-nous dans cette perspective - que le régime actuel
pose? Quelle est votre interprétation, si vous n'en trouvez pas, des
raisons fondamentales qui amènent le gouvernement à restreindre
à ce point le champ de la négociation? Personnellement - je pense
que c'est également l'avis du porte-parole de l'Opposition, la
députée de L'Acadie - je crois qu'il y a beaucoup plus que des
craintes au niveau du champ de négociation. Il y a une normalisation qui
va exister et qui vise des choses dont le ministre a parlé. C'est bien
beau la solidarité avec des établissements, on comprend ces
grands principes mais, en termes concrets, il y a certainement des choses qui
sont inacceptables actuellement de l'avis du ministère des Affaires
sociales. Je voudrais vous poser la question suivante: Qu'est-ce qui vous
paraît être la carence du processus actuel de l'entente en regard
des services? Deuxièmement, d'après vous, si vous n'en identifiez
pas, quelles seraient les intentions réelles que poursuit le
gouvernement en cherchant à limiter à ce point le cadre
d'application ou le champ d'application des ententes?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Chapados, un instant. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Avant que M. Chapados ou que le Dr Czitrom
s'expriment, je viens de comprendre les longs prolégomènes
d'introduction à un préambule que vient de nous faire le
député, ce qui lui a permis de passer sa vision et ses messages.
Je dirai cependant qu'il a terminé en faisant une invitation à M.
Chapados de me faire un procès d'intention. Je suis sûr que M.
Chapados ne tombera pas dans le panneau.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Chapados, s'il vous plaît.
M. Chapados: Justement, on va passer par le plus
intéressant, les procès d'intention. Comme dit le ministre, je ne
lui en fais pas, sauf que je vais poser certaines questions. Ce serait
peut-être une façon d'avoir une réponse du ministre. Les
interrogations que nous posons, si on parle d'intentions réelles ou
appréhendées ou tout ce que vous voulez,
sont substantiellement les suivantes: Comment se fait-il que le
ministère - parce qu'il y a des choses à moyen et à long
termes dans le projet de loi no 27 - après avoir voté la loi 84,
qui a été votée par ce gouvernement-ci, dont l'encre est
à peine séchée, subitement, par processus
législatif, décide de soustraire quant à nous, quant aux
médecins omnipraticiens, tout le champ de l'activité
professionnelle au domaine des ententes? Je pose la question parce que c'est ce
même gouvernement qui, en faisant voter la loi 84, disait: Voici, ce
cadre régira les prochaines négociations. C'est une question.
Quelle est la raison pour laquelle on a procédé avec d'autant de
presse avec une loi qui va avoir pour effet de décapiter, quant à
cet aspect, la question de toute l'activité professionnelle qui entre
actuellement dans le cadre de l'entente? Pourquoi enlever cela du champ de
négociation? C'est une question que nous nous posons.
Deuxième question que nous nous posons: Comment se fait-il
qu'après avoir voté la loi 84, qui donnait aux parties des
mécanismes au niveau de la négociation, les moyens de faire des
stipulations au niveau de l'assurance-maladie et de l'assurance-hospitalisation
et dont l'encre est encore humide, l'on décide subitement de retirer ce
secteur du champ de la négociation alors qu'aucune de ces dispositions
n'a été expérimentée à la table des
négociations par les parties? Je ne prête pas d'intentions, je
pose des questions.
Une autre question dans la même veine. Comment se fait-il qu'un
homme habile comme M. Johnson - on s'envoie des compliments - par son projet de
loi, en amputant le domaine de l'activité professionnelle de l'entente,
propose, suggère une nouvelle voie suivant laquelle les médecins
seront assujettis, sous peine de sanctions administratives, au respect de
normes sur la fourniture de services et l'utilisation des ressources, le tout
chapeauté par un chef clinique qui, lui, va avoir autorité sur
cela? On parle d'intégration. Est-ce que c'est vraiment de
l'intégration? Cela aussi, c'est une autre question. C'est qu'il y a
là un régime, une voie réglementaire, une application
très stricte des pénalités administratives. Nous nous
demandons pourquoi, à l'aurore d'une négociation, pour faire un
parallèle avec le Code du travail appliqué avant la venue du
ministre, on prend le Code du travail, on déchire les dix
premières pages et on dit: On change cela et, là, on s'asseoit.
C'est le genre de questions que nous nous posons. Je ne voudrais pas me vanter,
mais elles ne sont pas si folles que cela ces questions, ces
interrogations.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, voulez-vous
répondre immédiatement?
M. Johnson (Anjou): Rapidement. Je pourrai peut-être
évoquer cela ensuite moi aussi. J'ai une autre question à poser
au Dr Czitrom. Cela tombe bien.
Une voix: II n'y a personne qui répond.
M. Johnson (Anjou): Non, je vais y revenir rapidement, mais
j'aurai aussi des questions à poser au Dr Czitrom. On me dit et on
m'assure que dans la loi 84 il n'a pas été question de ces
questions relatives à l'exercice professionnel et aux conditions
d'exercice. C'est une loi qui avait des visées et des buts de nature
essentiellement administrative pour faciliter les choses à la RAMQ -
certains diront pour compliquer la vie aux professionnels dans l'administration
-que ce soit au niveau de la facturation, des délais de prescription, de
la présentation de la carte, etc. Ce n'est pas une loi qui
prétendait ou voulait toucher au cadre de la négociation ou
à ce qu'on fait, absolument pas. Encore une fois, c'était une loi
- est-ce que je peux me permettre de le dire comme cela sans porter un jugement
sur le fond? -dont l'objet était de considération administrative
ou bureaucratique au sens du terme où on ne prête pas
d'intentions, M. Chapados. De toute évidence, il y a un problème
de dispositions transitoires, pour exprimer cela en termes juridiques. Je pense
qu'il me comprend.
Par ailleurs, il y a aussi le fait que la loi vient préciser une
chose. Encore une fois, on a dit: On n'a pas ajouté de structure, on n'a
pas modifié intrinsèquement de structure. On clarifie des
rôles notamment en augmentant le champ d'intervention du Conseil des
médecins et dentistes, donc des pairs, des médecins, non pas des
administrateurs, d'une part, et, deuxièmement, en faisant en sorte que
ces "normes", entre guillemets, qu'il ne faut pas voir... Peut-être qu'il
faudrait utiliser un autre mot pour qu'on se comprenne bien. On aura
peut-être l'occasion d'ailleurs, dans les jours qui viennent, à
même deux autres mémoires, d'utiliser d'autres mots que le mot
"normes", je pense, pour bien décrire la réalité. Ce sont
des choses qui existent d'ailleurs dans bien des hôpitaux, on le sait, en
ce moment, que ce soit au niveau des lits, au niveau des politiques
d'utilisation, des cédules opératoires, de l'utilisation des lits
de chirurgie à des fins électives, etc. Ce sont des normes; cela
s'appelle comme cela et c'est cela que vous appliquez quotidiennement dans les
hôpitaux, quand vous y travaillez.
On établit également que le chef de département
pourra appliquer ces choses qui encore une fois existent à bien des
endroits déjà et, finalement, qu'il pourra appliquer
administrativement des sanctions - le mot "sanction" ne devant pas
être pris dans son appellation du Code pénal, parce qu'en ce
moment, la seule sanction qui existe pour le non respect de quelque norme que
ce soit, fut-elle élaborée par les médecins
eux-mêmes dans un établissement, c'est la suspension des
privilèges. C'est-à-dire ce qui est un peu un marteau pilon,
merci, dans biens des cas, compte tenu du type de "non respect", entre
guillemets, de certaines de ces normes, qui pourrait être fait par un
médecin. Est-ce que ça mérite la suspension des
privilèges pour un an, que de ne pas respecter la politique des
admissions électives en chirurgie générale deux fins de
semaines d'affilée. J'ai un peu de misère à croire
ça. Mais par ailleurs, est-ce qu'au niveau de la vie médicale il
n'y a pas moyen de s'arranger pour que l'évaluation de l'utilisation des
ressources se fasse par les médecins eux-mêmes et qu'on puisse
établir des balises, des critères, des références
et une façon de voir comment on fait évoluer
l'établissement. Et tant que ça n'arrivera pas, il n'y aura pas
ce développement, ce que j'appelle une sorte de solidarité des
médecins eux-mêmes en établissement à
l'institution.
Pour revenir sur la question des droits syndicaux. Finalement, c'est la
loi. La loi prévoyant que les CMD eux-mêmes élaborent ces
choses et que les chefs de départements les appliquent; il est bien
entendu que c'est les CMD que la loi dit élaborer, ce n'est pas le
syndicat. Je vois mal d'ailleurs comment le syndicat pourrait se promener
d'hôpital en hôpital, puisque ces notions de vie
intra-hospitalières sont celles que les professionnels eux-mêmes
connaissent. Encore une fois, le ministre n'est pas partie à ça,
c'est-à-dire, ce sont les médecins entre eux.
J'aurais une question, sur la question des droits syndicaux, encore une
fois; cette appréhension quant à ce qu'on retrouve au bas de la
page 6 du projet de loi, au dernier paragraphe de cette page. Le ministre peut,
à titre expérimental, rendre applicable, par arrêté
qui tient lieu d'une entente, un mode de rémunération
prévu à une entente, à l'ensemble des professionnels d'un
département ou de l'ensemble des professionnels qui exercent le
même genre d'activité, pourvu qu'il y ait l'accord des
professionnels concernés dans le département et celui du conseil
d'administration et du conseil des médecins et dentistes de
l'établissement. Ces dispositions ont permis tout à l'heure au Dr
Czitrom d'évoquer le fait qu'il y a de nouveaux "intervenants", entre
guillemets, dans le cadre de la négociation, je résume un peu
sommairement ce qu'il disait: d'abord les intentions là-dessus, je pense
aussi que c'est important. Vous savez, le salariat des médecins pour
moi, ce n'est pas une idéologie. Ça l'est pour bien des gens,
parmi ceux qui sont pour comme parmi ceux qui sont contre. Mais pour moi,
ça ne l'est pas.
Je sais qu'au Québec on a un système qui fonctionne
relativement bien, les citoyens sont relativement satisfaits, on sait aussi
qu'il coûte les yeux de la tête et que ce n'est pas seulement la
faute des médecins, ça, on le sait; on sait aussi qu'on est
obligé, comme société, de se poser des questions sur
l'avenir de ce système, et que certains ont cru trouver dans la notion
de salariat la réponse finale. Bon, à cet égard, on sait
que dans les mandats de négociations, ce qui a été une des
sources d'équivoque, en vertu de principes sur lesquels je
n'élaborerai pas ici, parce que je pense que ce n'est pas l'endroit pour
ça, nous avons donné des mandats à nos
négociateurs, que, une certaine catégorie d'activités ou
de spécialistes puissent être mis à salaires ou à
honoraires fixes, le cas échéant, dans certaines
catégories d'activité. (17 h 15)
Deuxièmement, ça ne serait pas intéressant de voir
ça au Québec, à partir du moment où, je
présume, que la qualité de notre système de santé
dépend largement de l'implication des professionnels eux-mêmes,
puis de leur motivation à le faire. Je pense que c'est un
élément important. Il n'y aura pas un bon système de
santé au Québec si les professionnels et, en premier lieu les
médecins, puisqu'ils occupent la place la plus importante, un peu par
essence, ne sont pas heureux; c'est clair qu'il y a des éléments
de motivation qui sont fondamentaux là-dedans. Il faut qu'ils soient
heureux dans la mesure du possible; le problème de Rouyn, une bonne
partie du problème de Rouyn, c'est qu'ils n'étaient pas heureux,
c'est un problème de ressources mais c'est aussi ça, des gens qui
ont changé de type de vie et qui ont de la misère à vivre
dans ce contexte-là sur le plan individuel.
C'est la même chose avec le salariat, l'objectif de l'article,
encore une fois, ce n'est pas d'aller gruger les pouvoirs syndicaux, je
comprends qu'on entendra différentes positions là-dessus,
notamment celle de la FMSQ. C'est vraiment de permettre, là où
ça serait possible, d'expérimenter très
concrètement ce que ça voudrait dire. Pour éviter que,
dans un certain nombre d'années, dans une solution de facilité,
dans un contexte où peut-être les médecins eux-mêmes,
ne serait-ce qu'à cause de leur nombre soit dit en passant, dont ils ne
sont pas responsables, et dont c'est la responsabilité de l'État
et des universités, ne soient pas dans une position où ça
sort comme une panacée, c'est dans ce contexte et cette perspective que
cet article a été écrit. Encore, je ne voudrais pas un
long débat juridique là-dessus, je dis que c'est ça, notre
intention et il faudra s'assurer que ça traduit notre intention et pas
plus.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Vous
voulez répondre, M. Czitrom?
M. Czitrom: J'aurais voulu revenir juste un instant d'abord
à la loi 84. Ce que nous prétendons, c'est que la loi 84
prévoit déjà des mécanismes par lesquels,
après entente, on peut prévoir des incitatifs, pour que des
médecins s'établissent dans des régions que l'on
considère dépourvues de médecins, et prévoir aussi
une certaine forme de contingentement. Le seul problème avec tout
ça, c'est cet "après entente" et ça, c'est
déjà dans la loi 84 et ça n'a jamais été mis
en application. Je ne veux pas, encore une fois, moi non plus, faire des
procès d'intention, surtout à des ministres qui ne sont plus ici,
mais lorsque le ministre nous dit que la loi 84 est surtout de caractère
administratif, nous avons vraiment mal compris, nous, les médecins parce
que nous avons compris, à un moment donné, que l'allée
commune de ces objectifs était de limiter les moyens de contestation que
les médecins avaient, en rendant les désengagements pratiquement
impossibles.
Pour ce qui est - et je m'excuse de cette parenthèse - du
salariat, le ministre nous dit qu'il n'en fait pas une religion. J'en suis fort
aise, mais je voudrais lui répondre que nous non plus nous n'en faisons
pas une religion, ni pour, ni contre. Depuis des années
déjà, la FMOQ a crié haut et fort qu'elle voulait
représenter les médecins, quels que soient leur mode de pratique,
leur lieu de pratique et leur mode de rémunération. Quant
à nous, les médecins, nous n'avons jamais prétendu que
nous étions de grands défenseurs de la médecine du
paiement à l'acte avec la bannière en avant et 5300 gars en
arrière. Nous avons, au contraire, négocié avec le
ministère des formes de rémunération différentes,
soit la vacation, soit les honoraires fixes et ma foi, nous nous en portons
très bien. Je crois que ce n'est pas à ce niveau que nous
craignons que l'on nous impose des modes de rémunération venant
d'en haut. Je voudrais moi aussi clarifier cette situation, parce que je n'ai
jamais mentionné, nulle part, que c'était un problème qui
nous fatiguait dans la loi ou ailleurs. La Fédération des
médecins omnipraticiens a fait sienne, depuis longtemps, cette
multiplicité et cette faculté, justement, d'adaptation du
médecin à ses conditions, qu'elles soient de travail ou de
rémunération.
M. Chapados: M. le Président, j'aimerais, avec votre
permission, ajouter peut-être une chose, suite à cette question du
ministre. C'est peut-être un des paragraphes du projet de loi - il ne
m'incite pas à faire un procès d'intention - qui m'incite
à poser une très bonne question.
Tout à l'heure lorsque nous avons parlé d'ententes
individuelles par référence aux cas pressants, nous avons dit
tout bonnement, à tous les membres de la commission, ce que nous
pensions de cette approche-là. Ce que j'aimerais souligner ici, c'est
que là, il n'y a pas de santé publique et d'urgence; on veut agir
à titre expérimental, on veut expérimenter un mode de
rémunération à un certain niveau. Ce que la
fédération dit tout bonnement, c'est: Faisons-le ensemble. C'est
à titre expérimental, on la fera ensemble, l'expérience,
on l'évaluera ensemble et si elle est si bonne que ça, on la
généralisera à certains secteurs. D'où cette
nouvelle proposition contenue dans le projet de loi qui laisse au ministre,
avec l'accord d'intervenants extérieurs, l'établissement, les
médecins concernés, le CMD ou différentes personnes...
Nous soumettons en toute déférence, qu'encore une fois... On dit:
L'organe qui négocie la loi des parties n'a pas d'affaire là et
tout ça, à titre expérimental. Je pense que si c'est
à titre expérimental, les parties ont le temps de faire une vraie
bonne expérience; ça nous permettra de l'évaluer
ensemble.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, merci, M.
Chapados.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il
m'apparaît qu'il y a un problème de fond dans vos
représentations auquel le ministre n'a pas répondu.
Vous êtes ou je crois comprendre que vous êtes
d'après les informations que le ministre nous a données, en voie
de renouveler votre entente. Du moins, il y a des efforts dit-on, je vais
accorder la bonne foi aux deux côtés; d'un côté et de
l'autre, on est, dit-on, dans le processus du renouvellement de la
renégociation d'une entente.
Le ministre dit: On essaie d'harmoniser des choses, etc. Il
m'apparaît quand même, M. le ministre, que vous arrivez tout
à coup dans ce processus avec cette loi, qui vous permet, enfin que ce
soit par l'article 31, que ce soit par l'article 19 ou d'autres, par exemple,
dans tout le champ de l'activité professionnelle, d'intervenir au moment
où, officiellement en tout cas, les gens sont censés être
en négociation.
Je me dis que le seul motif pour lequel un gouvernement devrait
intervenir dans ce processus, c'est si on ne peut pas parvenir à une
entente, même en mettant toute la mauvaise foi de l'autre
côté, en disant que c'est cette partie qui est de mauvaise foi, et
qu'il n'y a absolument pas moyen d'arriver à une entente. Sinon, c'est
très difficile d'expliquer pourquoi, à ce moment-ci, le
gouvernement intervient avec cette loi qui vient quand même poser un
cadre assez
précis aux négociations en cours. Qu'elles soient lentes,
qu'elles n'aillent pas aussi vite qu'on le veuille, c'est une autre affaire et,
là-dessus, je trouve que la fédération a un objet de
contestation qui m'apparaît valable. Maintenant, je voudrais quand
même demander d'abord à la Fédération si c'est
là pour elle le fondement d'une partie de ses contestations à
savoir que cette loi qui vient quand même encadrer d'une manière
assez précise les objets de la négociation est une chose qui lui
apparaît une intrusion dans ce processus de négociation.
Le Président (M. Laplante): M. Czitrom.
M. Czitrom: M. le Président, le problème pour
lequel nous avons mis en marche depuis quelque temps certains mouvements de
contestation que nous voulions par ailleurs civiliser, où nous ne
voulions vraiment pas causer de problèmes graves de santé, je
crois que ceci aujourd'hui est de l'histoire, tout le monde le sait, c'est
comme cela que ça c'est passé, c'était justement pour que
l'on mette en marche, le moment venu, le processus de négociation d'une
nouvelle entente.
Nous savions à travers les branches que le ministre
préparait une loi. Nous ne savions pas son étendue. On croyait
qu'il s'agissait à ce moment-là particulièrement du
problème des régions éloignées. Au moment de cette
préparation, lorsque nous avons déjà déposé
notre fameuse brique, il y a deux ans, on s'attendait à entreprendre
ensemble de façon positive et rapide des négociations, mais on
s'est retrouvé devant un projet de loi qui remettait en cause à
nos yeux, et nous en avons parlé assez longuement, tout le processus de
la négociation et de la représentation syndicale. Nous avons eu
l'impression qu'une des raisons pour lesquelles cette négociation que
nous avions voulu entamer a été retardée, c'était
que justement on a changé les règles du jeu en édictant
une loi avec laquelle par la suite, évidemment, nous avons
été obligés de vivre et de vivre dans des conditions qui
ne sont plus tout à fait les mêmes.
Mme Lavoie-Roux: Alors, si je comprends, on semble soustraire par
ce projet de loi toute la partie de l'activité professionnelle. Vous
avez nommé trois objets particuliers de la négociation. Le
premier, c'est la distribution des effectifs. La deuxième, c'est
l'activité professionnelle, et une grande partie de l'activité
professionnelle se trouve soustraite à la négociation par ce
projet de loi qui est devant nous. Est-ce que je comprends bien ou est-ce que
j'interprète bien votre pensée?
M. Czitrom: Oui, absolument, madame.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est important de le faire
préciser.
Maintenant, j'admets qu'un gouvernement, à un moment
donné, doit intervenir si l'intérêt public est en jeu, et
poser des gestes. C'est le gouvernement et il doit gouverner. Est-ce que vous
pouvez me dire à ce moment-ci, si vous avez l'impression que - je vais
vous le demander d'une façon plus concrète - si vous avez eu des
offres de la part du gouvernement? Il y a eu un moratoire de 1979 à
1981. On sait qu'en 1981, quand le ministre est arrivé, il a
demandé un répit, et cela on le comprend très bien. Mais,
il s'agissait vraiment d'une négociation du renouvellement de l'entente
générale. Est-ce qu'il y a eu, de votre côté et du
côté du gouvernement, des ouvertures pour négocier avant
que cette loi-là soit mise sur la table? Enfin, c'est cela ma
question.
Le Président (M. Bordeleau): Pour ce qui est de la
négociation...
M. Czitrom: ... la réouverture d'une entente
générale, la réponse est non. M. le Président, nous
n'avons pas eu de séance de négociation quant à la
réouverture de l'entente générale. Nous avons
rencontré le négociateur en chef du ministère le 29
octobre, qui nous a annoncé que dans peu de temps nous allions avoir
à discuter de l'entente générale, mais il n'y a pas eu de
négociation.
Mme Lavoie-Roux: Étiez-vous prêts à
négocier, vous autres de votre côté, l'entente
générale?
M. Czitrom: Nous étions prêts depuis deux ans
à négocier l'entente générale, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Je pense que M. le ministre
aurait une réponse ou en tout cas voudrais faire un commentaire, pour le
moins.
Mme Lavoie-Roux: Je sais qu'il y a une espèce d'entente
tacite, à savoir que lorsqu'il y a des négociations en cours, on
ne soulève pas cela en commission parlementaire. Je pense que c'est une
sorte de convention. Mais comme on nous présente un projet de loi qui
vient toucher au processus des négociations en pleine
négociation, ou ce qui devrait normalement être en pleine
négociation, M. le Président, je me suis permis de soulever une
question directement reliée à la négociation.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le ministre,
vous avez un commentaire?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je
pense que c'est important. J'ai vu la réaction un petit peu
exceptionnelle, peut-être des accompagnateurs dans les galeries. C'est
important, je pense cette question de la négociation et j'espère
que c'est la dernière fois qu'on en parle ici en commission, parce que
ce n'est pas le lieu pour faire cela; on est ici pour parler de la loi. Je
comprends qu'il y a une relation à bien des égards. Je le
rappellerai au Dr Czitrom, et il le sait. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de lui
rappeler récemment qu'historiquement - cela ses conseillers juridiques
le lui confirmeront - sa fédération, avant qu'il n'occupe le
poste de président, a accepté, ainsi que la
Fédération des médecins spécialistes, de reconduire
l'entente existante pour une période d'un an. Elles ont obtenu des
montants forfaitaires ou des ajustements, selon le cas, avec des modifications
uniquement au tarif et non pas sur le reste des textes. Ce document visant
à reconduire l'entente existante, en fait, permettait ce qu'on a
appelé un moratoire pour un an. Donc c'était une entente. (17 h
30)
C'est comme ça que c'est, juridiquement et de fait, c'est la base
d'un contrat dans une société normale; les deux parties ont
signé un document dans lequel elles considéraient qu'elles
reconduisaient les textes précédents, sauf des ajustements
à l'égard du tarif et des montants forfaitaires. Cela s'appelle
une entente, juridiquement, au niveau de ce que sont les relations de travail
normales entre deux groupes et entre l'État et une
fédération ou des fédérations
représentatives.
Or, ce moratoire ou ce contrat ou cette entente, je le rappellerai, est
expirée depuis juin dernier, ça fait donc six mois; entre-temps,
celui qui vous parle a été nommé à la direction du
ministère. J'ai eu l'occasion de rencontrer le Dr Hamel, comme j'ai eu
l'occasion de rencontrer le Dr Desjardins, pour leur dire, un peu avant le mois
de juin, quelques jours après ma nomination, sachant que les ententes
allaient bientôt expirer: Messieurs, je n'ai pas donné de mandat
encore à mes gens, puisque l'entente n'est pas échue, que je
viens d'arriver, qu'il y a des élections et, on le sait, quelquefois,
les élections bousculent bien des choses. Ça vaut à bien
des endroits, d'ailleurs, pour bousculer des choses, pas seulement en
politique, ça vaut aussi pour les organismes représentatifs.
C'est normal.
Il y a eu ce temps d'arrêt normal, je dirais, de toute la
société, pendant une élection. En arrivant au
ministère, j'ai pu assurer le Dr Hamel qu'à compter de l'automne
nous serions prêts à nous asseoir pour le renouvellement de
l'entente, en lui faisant remarquer une chose, c'est-à-dire que
l'entente antérieure avait pris quatre ans à être
négociée, quatre ans. Ceux qui ne s'en souviennent pas devraient
se le rappeler. Quant à nous, j'ai dit que je demandais une
période de grâce de six mois après l'expiration et nous
sommes arrivés dans le contexte que nous connaissons.
J'ai, par ailleurs, à ce moment-là, dit également
aux présidents des syndicats que je considérais que certains
problèmes exigeaient un encadrement législatif, sans pour autant,
je le reconnais, entrer dans le détail des dispositions du projet de loi
et, deuxièmement, j'ai accepté, à la demande du Dr Hamel,
que nous négociions de façon spécifique la question des
médecins omnipraticiens faisant de l'anesthésie, la question des
médecins omnipraticiens s'occupant de psychiatrie à Drummondville
et la question des médecins s'occupant des services d'urgence à
Montréal. Le Dr Hamel, à ce moment-là, pendant
l'été, nous a dit: Si on peut au moins fonctionner à ces
tables, on considérerait, dans les circonstances qu'il y a quelque chose
qui bouge. Effectivement, on a fonctionné à ces deux tables, on a
réglé deux de ces problèmes et le troisième, je
pense que nos gens en discutent encore. Je n'entrerai pas dans le détail
des choses. Je pense qu'il faut laisser faire le travail là où il
doit être fait. Je pense que les raisons pour lesquelles cela a
achoppé sont bien connues maintenant du Dr Czitrom et de moi-même;
je pense qu'on tente de régler le problème.
Ceci dit, on est rendu bientôt à la fin de l'automne, il y
a le projet de loi qui donne les intentions, j'ai rendu publics les grands
objectifs de la négociation et nous serons prêts, j'ai
l'impression, au bord des fêtes, d'un côté ou de l'autre,
à commencer cette négociation. C'est ce que je tenais à
dire pour rassurer tous ceux qui, dans l'assistance, ont cru voir l'explication
totale donnée par ma collègue de L'Acadie, pour leur dire comment
cela s'est déroulé. Je pense que c'est important que les faits
soient bien connus, quelquefois.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme la
députée de l'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je dois comprendre, de
l'explication que le ministre vient de donner, qu'à ses yeux la
négociation n'a pas débuté et qu'il se donne un cadre
juridique comme, par exemple, le gouvernement se donne un cadre juridique dans
le cas des négociations qui doivent régir le front commun ou les
relations. C'est ce que je dois comprendre de votre explication, M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire qu'il y a, dans ce projet
de loi - j'ai eu l'occasion de l'exprimer - très
précisément, à l'égard de la négociation,
les éléments suivants, certaines conditions exigées par la
loi,
notamment au chapitre de la répartition des médecins en
région, sur lesquelles j'aimerais revenir dans deux minutes.
Mme Lavoie-Roux: C'est mon autre question.
M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est important qu'on y
revienne. Deuxièmement, certaines dispositions confirmant ou donnant au
gouvernement des pouvoirs spécifiques en matière de santé
publique, ce sur quoi on a parlé tout à l'heure, et sur
lesquelles le syndicat aimerait que, dans le temps et dans les circonstances au
moins, on puisse s'ajuster avec précision pour que cela traduise mieux
l'intention et également la notion d'introduction, qui est nouvelle, sur
une base expérimentale du salariat ou autres conditions de
rémunération dans le but que j'ai évoqué tout
à l'heure. C'est cela qu'elle change, la loi.
Par ailleurs, elle confie - c'est en dehors de la négociation,
dans le chapitre 48, cela n'a rien à voir avec la négociation
intrinsèquement - à des organismes qui ont déjà des
pouvoirs en vertu de nos lois, notamment les CMD, les chefs de
département, les CRSSS, la composition des conseils d'administration,
etc. Elle vient toucher, notamment au titre des CMD et chefs de
département, certaines choses qui intéressent les
médecins, mais qui intrinsèquement ne sont pas
négociées dans la mesure où c'est dans la loi. Cela a
toujours été là, la structure des CMD, les chefs de
département et le DSP existent dans la loi. C'est ce qu'on vient
modifier en étendant certains pouvoirs et, finalement, en assoyant le
pouvoir réglementaire du gouvernement et en l'étendant, dans
certains cas, à des conditions dont on aura amplement l'occasion de
discuter.
Avant de terminer et de laisser la parole, pour le reste du temps
qu'elle voudra bien prendre, à la députée de L'Acadie, je
pense qu'il y a une question très importante qui n'a pas
été abordée jusqu'à maintenant, c'est toute cette
question qui touche la distribution d'effectif sur le territoire, dans le
contexte de ce que dit le projet de loi. J'ai parlé suffisamment du
problème tout à l'heure que les médecins eux-mêmes
connaissent souvent, du genre de moyens qu'on se donne. Ce que la loi dit, pour
que ce soit bien clair, c'est que c'est le gouvernement qui détermine
les territoires. Il faut que quelqu'un mette son chapeau et dise: Je prends la
responsabilité de dire que tel territoire est en insuffisance de
ressources médicales. On dit: Cela, en soi, ce n'est pas
négociable. Ceci dit, qu'il y ait de la consultation, cela me
paraît normal et souhaitable, parce que si c'est négocié,
tout ce qu'une partie a à faire en cours de route, c'est de trouver les
raisons, de bonne foi, pour ne pas s'entendre sur une chose et on ne
règle pas le problème. On dit: C'est une responsabilité
d'État et il y a quelqu'un qui va en répondre devant les
citoyens, devant les syndicats et devant tout le monde.
Deuxièmement, on introduit dans la loi clairement - ce qui est
une demande de la FMOQ depuis un certain nombre d'années -le principe de
la rémunération différenciée selon les territoires.
Cela veut dire qu'il pourrait y avoir dans les ententes des dispositions qui
prévoient qu'on peut être plus rémunéré dans
certaines circonstances.
Troisièmement, la loi introduit un autre principe qui est
inspiré du postulat suivant, l'option étant, comme le disait
quelqu'un, le projet de loi de M. Bisaillon sur le service civique obligatoire,
qu'à la sortie de leurs études ou à leur arrivée
dans le système de la RAMQ, pour être plus précis
techniquement, les nouveaux médecins donc, les autres conservent, en
vertu même de la loi, leurs droits acquis prévus dans les
conventions - puissent avoir une rémunération
différentielle, mais qui peut être dans le sens d'une
rémunération moindre qu'un collègue pour un territoire
donné, notamment un territoire pourvu. Un exemple: la loi permettrait,
pas plus et pas moins, qu'on désigne des territoires où il manque
de médecins et qu'on dise qu'un nouveau qui arrive dans le
système, qui va s'installer à un autre endroit que les
territoires identifiés - et ils peuvent varier de façon
considérable, à ce moment - toucherait une
rémunération moindre que celle de ses collègues s'il
s'installait à Montréal ou à Québec, par exemple.
Je parle des omnipraticiens dont on ne manque pas, de façon
générale. La rémunération pourrait être
moindre. S'il allait dans une des régions désignées, sa
rémunération serait celle des collègues qui sont
déjà dans le système, de telle sorte qu'on crée un
"désincitatif" à aller dans les centres, dans le cas de tous les
nouveaux qui entrent dans le système, en vertu de principes lesquels on
aura à discuter longuement avec la Fédération des
médecins internes et résidents et les associations
d'étudiants qui viendront se faire entendre.
Finalement, à l'égard de cette clause et de cette clause
seulement, c'est-à-dire celle qui introduit la notion de tarifs
différentiels dans le cas des médecins qui arrivent, on dit: Le
gouvernement pourrait, par décret, en l'absence d'une entente
négociée - si ce n'est pas négocié
déterminer ce qu'est ce tarif différentiel. Pour quelle raison?
Pour une raison très simple sur le plan des relations de travail. C'est
que, techniquement, si on ne met pas cette disposition, les organismes
représentatifs et le gouvernement n'ont qu'à se regarder pendant
trois ans et rien ne va se produire. Le jour où on introduit une
espèce de principe de "last offer", où le
gouvernement devra se mettre dans la position odieuse de
décréter des tarifs "à la baisse", entre guillemets, et
où les syndicats devront se mettre dans la position de défendre
ce qu'ils ont fait à la table des négociations, on va
peut-être s'arranger pour le régler, mais on introduit le
principe, c'est évident, à partir des objectifs que j'ai
déjà évoqués et sur lesquels je ne reviendrai pas.
Je pense que c'est important qu'on le précise et c'est dans ce cas
seulement que le pouvoir de décret existe; il n'existe pas dans les
autres cas.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
M. Johnson (Anjou): J'ai fini.
Mme Lavoie-Roux: Oui, je suis contente de récupérer
mon droit de parole.
Le Président (M. Bordeleau): Vous ne l'aviez pas perdu,
Mme la députée de L'Acadie, vous avez tout simplement
été retardée un peu.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y a peut-être
une ambiguïté qui a été levée. Je ne sais pas
ce que la fédération en dira. Le dernier mot que je dirai sur la
négociation générale de l'entente, c'est qu'à la
suite des questions que j'ai posées au ministre à
l'Assemblée nationale, il m'a à quelques reprises, du moins il
m'a laissé cette impression, laissé entendre qu'il était
prêt à négocier et qu'il attendait que la
fédération vienne négocier. Aujourd'hui, il me dit: Non,
il s'est donné six mois et que, là, on vient d'établir un
cadre de négociation pour la prochaine entente. Enfin, c'est
l'interprétation que j'en fais.
M. Johnson (Anjou): On va laisser passer.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président... M. Johnson (Anjou):
Un peu facile!
Mme Lavoie-Roux: Non... C'est facile, enfin, c'est
peut-être difficile pour vous, M. le ministre. Il y a deux questions
précises que je voudrais poser. Je vais essayer de les faire courtes,
parce que je sais qu'il y a des collègues qui veulent en poser.
Il y a toute la question de l'activité professionnelle qui est
reliée en partie au fonctionnement du chef de département qui
doit organiser le département ou le fonctionnement de ses
médecins selon certaines normes. Vous craignez qu'à la suite de
l'absence de définition des normes ce puisse être des normes
économiques, des normes médico-économiques ou des normes
de soins. Enfin, on n'a pas de définition précise. Mais j'ai cru
comprendre que ce qui vous fatiguait le plus, c'est qu'on risque, compte tenu
de l'absence de définition des normes, compte tenu que ce n'est pas
négocié par l'entente dans le contexte de l'activité
professionnelle, de remettre la qualité des soins en question. Est-ce
que c'est un concept qui vous répugne que ces normes ou ces dispositions
soient introduites dans l'entente ou dans la négociation de l'entente?
Ce concept existe déjà en pratique, de toute façon. Ou
est-ce simplement le fait qu'il y ait une absence de définition des
normes... J'aimerais avoir votre réaction là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Chapados.
M. Chapados: M. le Président, en réponse à
la question qui vient d'être posée, j'aimerais souligner ceci:
L'ancienne loi, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, avait ce
caractère particulier qu'elle disait qu'en matière
d'activités professionnelles les plans d'organisation des centres
hospitaliers devaient respecter les ententes conclues en vertu de la Loi sur
l'assurance-maladie. On appelait cette clause la réserve.
Ce que fait le projet de loi? Il abolit cette réserve,
d'où notre conclusion, évidemment, que tout le champ de
l'activité professionnelle, qui avait été stipulé
préalablement à l'entente, tombe automatiquement, parce que
c'était la réserve à la loi 48 qui justifiait les
stipulations qu'on faisait en vertu de la Loi sur l'assurance-maladie. C'est
clair.
Deuxièmement, il y a un problème de normes. Quant à
nous, là-dessus, nous avons pris une orientation de fond et nous vous
avons dit que nous privilégions la voie que nous avions
déjà empruntée qui s'inspirait de l'article 173i de la loi
actuelle qu'on veut abolir. Nous avons donc fait une recommandation dans le
mémoire concernant l'article 173i que nous proposons à la Loi sur
l'assurance-maladie. (17 h 45)
Autre chose, autre exemple que je vais donner, le projet de loi - et
ça, ce sera un excellent exemple pour le ministre qui cherchait des
exemples tout à l'heure de normes bureaucratiques - c'est que, l'article
39 du projet de loi déposé, pourvoit qu'un conseil
régional peut fixer les normes de fonctionnement des services d'urgence
d'un établissement. C'est clair. Nous comprenons très bien, si je
me réfère à l'expérience qui se fait actuellement
dans le Montréal métropolitain, qu'il s'agit là d'une
chose qui puisse à un moment donné être nécessaire
pour assurer une certaine coordination des services qui sont donnés. Ce
que nous disons à la page 28 de notre mémoire, c'est que cet
article 39 permet un conseil régional,
permet d'édicter des normes sur le fonctionnement des services
d'urgence où exercent en masse les médecins omnipraticiens, sans
qu'il n'y ait aucune réserve pour prévoir l'articulation de ces
normes-là avec l'activité des professionnels qui y sont.
Le ministre va peut-être nous répondre: Bien,
peut-être que les normes arrêtées par les CMD vont
prévoir cela. Nous, nous recommandons que, pour pallier à cette
omission, la fédération suggère qu'une réserve
expresse, portant sur les activités au sein des médecins, soit
introduite à cet article. Ça, c'est un des exemples; j'aurais pu
en citer tout à l'heure six ou sept, quand le ministre demandait au Dr
Czitrom: Citez-moi des normes bureaucratiques, technocratiques, etc... c'en est
un exemple, les CRSSS qui vont édicter des normes sur les
fonctionnements des services d'urgence. On ne dit pas non plus, au ministre,
que c'est complètement folichon. Au contraire, on dit que ça peut
s'imposer dans le cadre d'une coordination, d'une articulation des services
d'urgence. Le seul problème, - et ça c'est la philosophie du
projet de loi - c'est ce qui va exister, ce sont les normes sur le
fonctionnement des services d'urgence.
Le projet de loi ne prévoit pas d'articulation entre ces
normes-là nécessaires et l'activité des professionnels qui
vont y exercer, où sont, soit dit en passant, dans 85% des cas, des
omnipraticiens. C'est clair, c'est juste ça notre position
M. Johnson (Anjou): C'est pour ça qu'il y a des
commissions parlementaires. C'est pour pouvoir s'exprimer là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la député
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, il y a d'autres points sur lesquels
je ne reviendrai pas et que vous avez mentionnés, comme je vais le
signaler au ministre en passant; il a dû l'entendre, ou quelqu'un va lui
dire, l'article 73 que vous demandez, et surtout, si vous le mettez en relation
avec l'article 294 w ou x, je ne me souviens plus quelle lettre de l'alphabet,
qui donne d'autres pouvoirs réglementaires sur... Je pense que c'est une
chose, je pense que le 73 on en avait parlé, on a parlé du
294.
M. Johnson (Anjou): C'est le cas des gardes. On a
évoqué ce matin l'exemple, c'est pour asseoir la notion qui
existe déjà dans la réglementation, sur le fait que le CMD
est celui qui fixe les horaires, a le pouvoir de réglementer en
matière de garde dans l'établissement, ce qui se passe dans la
majorité des cas.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, moi je pense que le plus urgent,
c'est la question des services en régions éloignées.
J'aurais aimé que ceci fasse peut-être l'objet, si c'était
nécessaire, encore faut-il s'entendre là-dessus, d'une loi
particulière si on avait besoin de légiférer et que les
autres aient pu faire l'objet d'un débat beaucoup plus long que celui
qu'on nous propose en fin de session. Mais, je voudrais bien comprendre, M.
Chapados, si en page 19, lorsque vous dites, le dernier paragraphe,
évidemment c'est une proposition de modification que vous faites
à l'article 19, mais est-ce que j'ai bien compris quand vous avez dit:
Cette possibilité de répartition adéquate des
professionnels sur le territoire, établir une procédure ayant
pour effet de déterminer le nombre de professionnels admissibles etc...
Je ne vous le lis pas au complet. Ceci était déjà, soit
dans la loi 84, soit dans l'entente que vous avez signée en 1976; c'est
sur cela que je voudrais...
Le Président (M. Bordeleau): M.
Chapados.
M. Chapados: Ceci était dans la loi 84 et j'ajouterai de
plus ceci, parce que le ministre a fait tout à l'heure un petit
historique des négociations, je ne veux pas entrer dans les
détails. Je suis peut-être la personne qui a vécu
l'ensemble de l'historique au complet. J'aimerais ajouter une chose, puisqu'on
parle de répartition des effectifs. J'aurais eu certaines
précisions à apporter, mais étant donné le temps,
je ne l'ai pas fait. Concernant les régions éloignées,
lorsque le drame ou le problème a éclaté à
Rouyn-Noranda - et si on s'en souvient bien, le problème était
antérieur, en fait, à la dernière campagne
électorale -nous avions saisi le ministre de l'époque de ce
problème et nous avions transmis des demandes à la personne que
nous avions rencontrée. Nous avions fondé ces demandes
précisément sur cette disposition de la loi 84.
Depuis ce temps jusqu'à aujourd'hui, il n'y a toujours pas eu de
négociateur nommé dans le dossier des régions
éloignées, nous avons notre réponse dans la loi 27; avec
la loi 27, nous comprenons - le ministre favorisant soi-disant les ententes
individuelles - qu'il n'y ait pas eu, à ce jour, de négociateur
nommé; je parle pour les régions éloignées. Ce sont
des faits, ce n'est pas un procès d'intention, la seule réponse
que nous ayons eue et qui a été corroborée après en
septembre, c'est le ministre qui nous l'a donnée à la fin
d'août: il nous a annoncé que, d'après ce qu'il avait
décidé, le problème des régions
éloignées se réglerait dans le cadre du renouvellement de
l'entente générale. En plus, évidemment, il y a le
dépôt du projet de loi 27 qui touche une facette de cette
question-là. C'est la seule
précision que je voulais apporter.
Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir après, je vais lui donner
mon droit de parole.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît. Vous
prêtez votre droit de parole au ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je lui prête mon droit de parole.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, à cet
égard, je pense que c'est la dernière fois qu'on va revenir sur
cette question de négociation, parce que je ne pense pas que ce soit le
forum pour cela et il y a toutes sortes d'autres occasions pour le faire.
Je veux simplement rappeler, puisque le porte-parole de la
fédération tend à le faire, que, d'une part, l'entente que
j'avais avec son mandant, le Dr Hamel, était spécifique et
qu'elle excluait spécifiquement et nommément la
négociation de l'ensemble de la question de la répartition des
effectifs sur le territoire puisque, d'une part, je savais qu'il devrait y
avoir une partie des dispositions qui doivent être contenues dans la
loi.
Deuxièmement, c'est exactement ce qui a expliqué pourquoi,
dans le cas des omnipraticiens anesthésistes, pendant de nombreuses
semaines, cela a achoppé; cela n'a pas fonctionné à cause
de cela, parce que mes représentants avaient comme mandat de ne pas
dépasser le cadre de l'entente existante. Or, s'ils avaient eu le mandat
de ne pas dépasser l'entente existante, c'est justement parce qu'il y
avait une entente qu'on ne réglait pas le problème des
régions à travers celui des anesthésistes, pour le
régler dans un cadre plus général. Je trouve
peut-être un peu regrettable qu'on entre dans ce type de plomberie ici,
je pense que j'ai été clair; je prends la parole de M. Chapados
quant à sa bonne foi, je présume qu'il prendra la mienne aussi
quant à ma bonne foi dans ce dossier. Nous avons eu trois tables, et la
preuve c'est que nous avons une législation, et, deuxièmement,
des mandats de négociation qui ont été
révélés.
J'ai évoqué publiquement qu'une partie du règlement
du problème de la répartition des effectifs sur le territoire,
tout ce qui touche le tarif différentiel pour tous ceux qui sont dans le
système, il n'y a rien dans la loi de contraignant pour ceux qui sont
dans le système, il n'y a rien de contraignant dans cela.
J'ai cependant dit que, dans les mandats de négociation, une
partie des fonds additionnels - et on n'en a pas beaucoup à mettre,
parce que la situation est difficile et vous la connaissez, d'ailleurs, vous
payez assez d'impôt pour le savoir - une partie des sommes additionnelles
serait consacrée spécifiquement à une série de
mesures dans le cadre de la négociation pour les fins de la distribution
des effectifs sur le territoire.
C'est en prenant le tout, y compris les mesures administratives, que
nous entendons mettre sur pied, que nous pensons que ça fait un
"package". J'espère qu'il va être acceptable, je ne peux pas en
présumer, c'est pour cela qu'on va négocier. Je veux simplement
prendre à la lettre et au mot ce que dit M. Chapados, et croire à
sa bonne foi; je voudrais seulement qu'il ne la mette pas en doute en ce qui me
concerne.
Le Président (M. Bordeleau): Madame la
députée de L'Acadie, vous pouvez continuer.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends que le ministre doive
continuellement se justifier ou justifier son gouvernement ou le ministre qui
l'a précédé, mais il y a une chose qui m'apparaît
claire et, si je me trompe, je n'ai pas d'objection à être
corrigée: il y avait quand même déjà, à la
suite de l'entente de 1976, des possibilités de corriger - nous
espérons que c'est possible - le problème des effectifs dans les
régions éloignées.
La loi no 84 apportait de nouvelles possibilités et je pense que
j'ai entendu tout à l'heure, pas à la suite de ma première
question; mais antérieurement, les représentants de la FMOQ nous
dire que jamais on n'avait tenté d'utiliser ces mécanismes qui
étaient en place pour essayer de corriger la situation des effectifs en
régions éloignées.
Alors, si j'interprète mal la FMOQ, j'espère qu'on me
corrigera. Si telle est la chose, M. le Président, cela semble assez -je
ne voudrais pas employer de qualificatif que je regretterais - étrange
et surprenant que l'on arrive avec ce projet de loi si on n'a pas d'abord
tenté tous les efforts possibles de résoudre le problème
par entente. S'il y a eu de la mauvaise foi de l'autre côté, que
le ministre nous le dise; mais si de son côté le ministre ou ses
fonctionnaires avaient décidé depuis X temps qu'il fallait que
cela se solutionne par un projet de loi, c'est regrettable.
Il reste, M. le Président - c'est la dernière remarque que
je vais faire - que je pense que tout autre groupe de travail qui rechercherait
le renouvellement de sa convention, ou enfin tout syndicat qui quand même
tenterait peut-être de faire certaines exceptions pour certaines
catégories, mais dans le cadre d'une entente, accepterait difficilement,
par exemple, tel que c'est rédigé présentement, l'essai
à titre expérimental d'un mode de rémunération. Pas
qu'on en soit contre; je ne pense pas que la
fédération soit contre. Elle a dit: On peut le tenter
à l'intérieur d'une entente.
Deuxièmement, je ne mets pas en doute la foi du ministre qui dit:
Je vais utiliser les ententes particulières uniquement dans des cas de
santé publique, de bien public ou d'intérêt public. Mais il
reste que lorsque c'est introduit dans une loi, on ne peut quand même pas
s'étonner que les syndicats, quels qu'ils soient, posent de
sérieuses questions sur une disposition semblable dans une loi, M. le
ministre, vous en conviendrez. Peut-être y aurait-il lieu... Tout le
monde est pour la santé publique, mais il reste que dans la façon
dont c'est rédigé, il faudrait peut-être des balises
supplémentaires pour rassurer la FMOQ, à savoir que vraiment
c'est mieux défini que là. On pourra toujours invoquer la
santé publique. En tout cas, je peux assurer le ministre que du
côté de la répartition des effectifs dans les
régions éloignées, nous sommes prêts à lui
apporter tout l'appui nécessaire, mais quand même à
l'intérieur de conditions qui respectent les interlocuteurs avec qui
vous devez travailler et avec qui tout le monde doit travailler. J'arrête
ici mes questions, je pense que mes collègues en ont, j'en aurais
plusieurs autres.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, je
rappelle à tous nos visiteurs que la règle normale qui existe ici
aux commissions est que les invités ne doivent pas manifester leurs
émotions.
M. Johnson (Anjou): Ils ne doivent que les ressentir.
Le Président (M. Bordeleau): Ils peuvent quand même
les ressentir, bien sûr. Oui, il n'y a pas de problème, j'ai dit
qu'on pouvait les ressentir. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. D'abord, sur les effectifs dans les
régions éloignées, si ma mémoire est bonne, il y a
une étude demandée par le ministre sur cette question,
spécifiquement sur la région de Rouyn-Noranda,
préparée par le Dr Landry du Montreal General Hospital et
j'aimerais demander au ministre quel est le statut de ce rapport, je crois
qu'il n'a jamais été rendu public. Est-ce que la loi tient compte
des recommandations de ce rapport?
M. Johnson (Anjou): Brièvement...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): ...le Dr Landry, effectivement, à
l'occasion de sa nomination comme tuteur dans la question de Rouyn-Noranda, a
choisi, dans le cadre d'une étude faite par le département de
santé communautaire de l'hôpital Montreal General auquel il
appartient, où il a son port d'attache, de décrire, à
partir de ce cas, en fonction de la méthode des administrateurs, la
méthode de cas, ce qui s'était passé à
Rouyn-Noranda. Le mérite de cette description est de bien dire que le
problème de la répartition des effectifs sur le territoire, ce
n'est pas seulement une chose, ce n'est pas seulement ou l'argent, ou la
contrainte, ou le rattachement institutionnel, mais c'est qu'il y a un ensemble
de facteurs sur lesquels il faut jouer, non seulement pour permettre
d'atteindre des masses critiques de médecins en nombre suffisant dans
certaines régions suffisamment dotées, en termes
d'équipement, pour les recevoir, non seulement de les attirer, mais de
les garder. (18 heures)
Cette approche existe d'ailleurs dans de nombreuses autres études
qui ont été faites. Ce n'est cependant pas le rapport que j'ai
demandé au Dr Landry de me faire sur la tutelle, étant
donné que la tutelle se poursuit toujours; c'est une étude qu'il
a faite avec les gens de son département. Si on s'inspire de
l'étude, des éléments de cette étude, comme on en
retrouve ailleurs, parce que je pense que c'est le bon sens... Le bon sens,
c'est de régler le problème de la répartition des
médecins sur le territoire. Je pense qu'effectivement il y a une notion
d'incitation financière qui n'est pas étrangère à
cela, puisqu'elle existe en partie déjà pour certains domaines,
d'autres domaines d'activité, ne serait-ce qu'au titre des conventions
collectives, mais il ne faut pas confondre les régions et les
territoires éloignés, parce que ces notions peuvent être
très différentes, les régions isolées comme la
Baie-James, par exemple. Donc, il y a une dimension financière à
laquelle il faut être sensible, mais il y a aussi des limites à ce
qu'on peut donner à ces dimensions financières.
On pourrait peut-être brancher directement le ministère du
Revenu sur la Régie de l'assurance-maladie, parce qu'on se demande,
à un moment donné, si ce ne sont pas des vases communicants entre
l'impôt sur le revenu des particuliers - et les médecins en paient
un peu comme bien d'autres dans la société - et les conditions
à travers un système qui est public, donc on dispense de l'argent
public. C'est simplement de dire ici: On n'imprime pas l'argent, on le prend
quelque part, donc il y a des limites à cela.
Deuxièmement, on retrouve la notion de qualité de vie dans
ce rapport. J'entends le député de Jean-Talon, qui a sans doute
terminé son discours sur les questions constitutionnelles, me dire
d'être bref. J'admets que c'est un petit peu plus court que ses
prolégomènes de tout à l'heure. Donc, il y a la
nécessité de fournir un environnement professionnel qui soit le
plus
adéquat possible et cela, notamment par ce qu'on appelle le
rattachement. Ce qu'on vise, entre autres, dans d'autres dispositions du
chapitre 48 de cette loi, qui vont nous faciliter la tâche, que ce soit
par les CRSSS ou les contrats de services des établissements
eux-mêmes, c'est de rattacher certaines institutions en région
à d'autres pour permettre une plus grande communication, une meilleure
facilité de référence, un contexte professionnel plus
facile pour celui qui va en région. C'est ce qu'on appelle le jumelage
institutionnel, auquel on peut ajouter un tas d'autres choses, et il y a une
partie de la loi qui traite de cela indirectement.
Troisièmement, il y a toute la notion du milieu de vie, mais cela
ce ne sont pas les lois qui vont régler cela, ce sont les gens dans les
régions qui, au niveau du recrutement, devront convaincre des
médecins et des finissants, mais des deux ordres, qu'ils soient dans le
système ou qu'ils y arrivent, que s'il n'y a pas la Place des Arts
à tel endroit il y a peut-être une autre sorte de vie qui n'est
pas désagréable à l'automne et que l'hôpital de
Rouyn n'est pas fait en rondins avec un toit de chaume, c'est un vrai
hôpital. Cela est important, parce que c'est toute la notion. Le
député de Jean-Talon avait la politesse, mais vous semblez
insister sur le contenu de la répartition d'effectif.
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie, sur une question de règlement.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, l'heure avance, comme on
peut voir.
Le Président (M. Bordeleau):
Exactement, il est 18 heures passées et cela me prend le
consentement des membres de la commission pour continuer. Est-ce que vous me
l'accordez?
Mme Lavoie-Roux: Oui, on vous l'accorde, mais je me demande si,
dans l'intérêt public, le ministre ne pourrait pas déposer
ce rapport, puisqu'il touche directement au problème des régions
éloignées. C'est cela la question.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): II n'y a pas de drame en soi
là-dedans. Des études, il n'en manque pas au gouvernement; le
problème, ce sont les décisions, et il y en a des
décisions là-dedans.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous allez déposer le rapport
dans l'intérêt public?
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
Question de règlement, M. le député de...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement. Est-ce que j'ai le droit de poser une question au
ministre?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais je vais d'abord
prendre la question de règlement de M. le député de
Gouin.
Mme Lavoie-Roux: Ah! je m'excuse.
M. Rochefort: Vous êtes bien gentille d'accepter de
m'entendre. M. le Président, je crois qu'on aura d'autres occasions pour
discuter de cette question entre nous. On en a eu jusqu'à maintenant et
on en aura d'autres. Le mandat de la commission aujourd'hui, c'est d'entendre
des organismes. Il y a un organisme actuellement à la table qui, je
présume, a des choses à dire. Il en a déjà dit
beaucoup et je pense qu'il en a encore. Il y a aussi d'autres organismes qui
sont dans la salle à qui on a souligné que leur participation
s'effectuerait aujourd'hui et qui souhaitent sûrement passer aujourd'hui.
Je suis peut-être moins habitué aux rouages que certains de mes
collègues de l'Opposition, mais je crois que c'est ainsi que cela
devrait fonctionner pour respecter tout le monde, les parlementaires comme les
organismes qui sont dans cette salle.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît! Un instant! Je vous remercie de votre question de
règlement, M. le député de Gouin. Cela va me permettre
justement de demander la collaboration des membres de la commission, parce que
je pense avoir été très large et ce, volontairement, cet
après-midi pour permettre toutes les questions possibles, mais je
voudrais simplement vous faire savoir qu'il y a d'autres organismes, d'autres
groupes qui doivent être entendus aujourd'hui, qui le seront ce soir,
mais que tout le temps qu'on met à discourir sur différents
sujets, cela retarde d'autant les autres organismes. Je ne voudrais
pénaliser personne, pas plus les membres de la commission que les
organismes qui sont venus ici présenter leur mémoire, mais je
pense que tous les membres de la commission devraient tenir compte de ces
aspects.
D'autres questions?
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Sur quoi, le oui ou le
non?
M. Rivest: Sera-t-il rendu public, oui ou non? C'est cela la
question.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Rochefort: Est-ce que vous avez statué sur ma question
de règlement?
Mme Lavoie-Roux: Cela n'a rien à voir avec cela.
Le Président (M. Bordeleau): J'ai statué; je vous
ai répondu.
M. Rochefort: Je pense que cela indique comment on doit
poursuivre les travaux de la commission.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Bordeleau): On va quand même
laisser le droit de parole à tout le monde.
M. Rochefort: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): S'il y a une question de
posée par le député de Jean-Talon ou par qui que ce soit
au ministre, par Mme la députée de L'Acadie... M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): J'ai terminé.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre! Mme la
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Le député de... Le
Président (M. Bordeleau): Gouin. Une voix: Gouin.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Gouin laisse entendre
qu'on fait perdre le temps de la commission. On a posé une question au
ministre, c'est d'intérêt public ce rapport; on discutait des
régions éloignées. Les fonds des contribuables ont servi
à payer cette étude. Le ministre peut-il la rendre public au
moment où on discute des effectifs en régions
éloignées?
M. Rochefort: M. le Président, je m'excuse, on n'est pas
en Chambre ici, il n'y a pas de "filibuster" autour de la table pour l'instant.
M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, tout
le monde.
Mme Lavoie-Roux: Répondez. M. Rochefort: ... je
n'ai jamais...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! M. le
député de Gouin, sur une question de règlement.
M. Rochefort: ... voulu laisser sous-entendre que des
députés autour de la table faisaient perdre le temps de la
commission. Tout ce que j'ai voulu souligner, c'est que nous avions un agenda
chargé et que les questions qui avaient été posées
n'allaient pas dans le sens du mandat de la commission mais que ça
allait plutôt dans le sens du mandat que la commission recevra
ultérieurement.
Le Président (M. Bordeleau): Vous aviez raison de soulever
le point, M. le député de Gouin.
M. Sirros: M. le Président, avant de proposer, est-ce que
je pourrais soulever une question de règlement sur le même sujet
avant que vous statuiez, pour que vous puissiez avoir les deux
côtés d'opinion.
Le Président (M. Bordeleau): Je pense que j'ai
déjà statué là-dessus, c'est simplement un point de
règlement. Je pense que le député de Gouin avait raison de
faire part aux membres de la commission...
Mme Lavoie-Roux: On veut une réponse, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Non, là, ce n'est plus
sur la question de règlement, je m'excuse.
M. Sirros: J'aurais simplement...
Le Président (M. Bordeleau): Je pense que le
député de Gouin avait raison de soulever son point de
règlement, ce qui m'a permis de répéter justement que nous
avons d'autres organismes dont les mémoires doivent être
reçus ce soir. Le temps que nous mettons à ce mémoire-ci
ou aux discussions actuelles retarde de beaucoup la présentation des
autres mémoires. C'est simplement le point que j'ai fait valoir aux
membres de la commission.
M. Sirros: II me semble, M. le Président, que la
thèse du député de Gouin c'était à l'effet
que le rapport Landry ne touchait pas nécessairement le mandat de cette
commission. J'aimerais vous soumettre très respectueusement que,
finalement, le projet de loi no 27 parle des régions
périphériques. La FMOQ en a parlé dans son
mémoire et je crois que ce serait très pertinent de savoir, parce
que la semaine passée, le ministre m'a dit, en Chambre, qu'il n'avait
pas en main le rapport Landry. Il semble qu'il a reçu, depuis ce temps,
une réponse courte et précise. Cela suffirait pour qu'on termine
ce débat. Oui ou non, est-ce que le ministre a l'intention de rendre ce
rapport public?
M. Rochefort: Question de règlement. Je n'ai pas
laissé sous-entendre que la question de la députée de
Jacques-Cartier ne concernait pas le sujet qui était en discussion. J'ai
dit qu'elle n'allait pas dans le sens du mandat que l'Assemblée
nationale tout entière nous a confié, qui est d'entendre des
organismes relativement au projet de loi no 27.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, ça va.
M. Rochefort: II me semble que c'est clair.
Le Président (M. Bordeleau): De toute façon,
n'importe quel membre peut poser une question et le ministre est en droit d'y
répondre ou de ne pas y répondre.
Mme Dougherty: On peut soulever la question en Chambre.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Jacques-Cartier, vous voulez poser d'autres questions. D'accord.
Mme Dougherty: J'ai une autre question à poser au sujet
des médecins. Nous avons à l'heure actuelle un des meilleurs
systèmes de services de santé au monde. Il me semble que la loi
27 risque de mettre les hôpitaux en tutelle permanente et de
réduire graduellement la marge de manoeuvre professionnelle des
médecins. Est-il possible qu'on puisse apprendre quelque chose des
expériences des autres pays? Avez-vous des renseignements ou des
études des expériences de la Suède par exemple, où
on a déjà pris ce virage centraliste et bureaucratique? Avez-vous
des renseignements sur, par exemple, l'impact sur les coûts des services,
la qualité des services ou la productivité des effectifs dans les
services de santé dans d'autres pays qui ont déjà
centralisé leur système de santé, comme on le propose dans
la loi 27?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Chapados.
M. Chapados: Je regrette de décevoir le
député; au niveau des statistiques récentes, je n'aurais
pas d'éléments à communiquer ce soir à la
commission. Les dernières journées ont été
consacrées à autre chose, comme vous vous en doutez.
Maintenant, la mise en tutelle des établissements, à la
page 23, paragraphe 1 du rapport de l'AHQ qui parle de cela, ça ne nous
concerne pas; d'autre part, ce qui nous concerne, par exemple - et là,
je rejoins un peu votre question - ce sont les demandes, les réserves
qu'on fait au niveau de l'activité professionnelle. C'est capital pour
les omnipraticiens du Québec qui occupent, ici au Québec, une
place particulière, si on compare cela à la place que d'autres
omnipraticiens occupent dans d'autres pays. D'où l'insistance que nous
mettons sur toutes ces demandes de réserves au niveau de
l'activité professionnelle et aussi l'insistance que nous mettons sur la
recommandation où nous disons que tout plan d'organisation devrait
comprendre obligatoirement un département clinique de médecine
générale. Cela est unique au Québec, la situation de
l'omnipraticien, le champ d'activité qu'il occupe et ce, à tous
les niveaux de soins.
M. Czitrom: Est-ce que vous permettez, M. le
Président?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, rapidement si vous
voulez bien.
M. Czitrom: Oui, très rapidement parce que, de toute
façon, je n'en ai pas beaucoup à raconter parce que mes
informations ne sont pas tellement complètes. Ce que je sais, c'est
qu'il existe actuellement, en Suède, un système de
médecine parallèle à côté du système
public parce que, justement, les attentes, surtout en chirurgie, sont
extrêmement longues. Les listes d'attente sont très longues et ce
que cela a donné, c'est une médecine parallèle. Les gens
qui paient pour voir des médecins qui ne sont pas dans le système
se font traiter beaucoup plus rapidement que les autres qui ne peuvent pas
payer.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, ça va?
M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Je pense que je vais laisser porter parce que je suis
sûr d'avoir l'occasion de poser les mêmes questions au sujet de
votre mémoire. Il y a quelque chose qui est resté un petit peu
flou là-dedans, c'est la question du rapport Landry. Est-ce que le
ministre ne va pas répondre ou est-ce qu'il choisit de ne pas
répondre ou est-ce qu'il dit oui ou non parce que je n'ai pas
compris?
Le Président (M. Bordeleau): Alors, la question est
lancée!
M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, vous voyez que je
choisis de ne pas répondre.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord alors...
M. Johnson (Anjou): Je suis d'accord avec ce que dit le
député de Gouin, je ne pense pas que ce soit la place, on aura
l'occasion de le faire mais ailleurs et autrement. Je ne pense pas qu'en
commission parlementaire, et à ma connaissance c'est pour les fins du
respect du précédent et du genre de comportement qu'on a dans nos
commissions, que ce soit dans cette loi ou dans n'importe quelle autre loi. Le
dépôt de rapports de cette nature ne fait pas partie des
activités normales, ce serait, comme vous le savez, M. le
Président, créer un précédent et nous faisons bien
attention avant de créer des précédents. Sur le fonds
cependant, on sait bien qu'on vous enverra tout ce qu'on peut vous envoyer au
sujet de cette question sur laquelle, encore une fois, il a coulé
beaucoup d'encre.
En terminant, M. le Président, je voudrais remercier le Dr
Czitrom, ses acolytes, ses conseillers, membres de l'exécutif et
collègues et l'assurer que nous avons pris très bonne note de
beaucoup de ces préoccupations; nous aurons à le faire à
travers une étude exhaustive de son mémoire, point par point;
nous aurons l'occasion aussi de tenir compte, j'en suis sûr, de certaines
de ces choses qui lui confirmeront que, d'une part, nous n'avons aucune
intention, d'une façon déguisée ou d'une façon
explicite de nous en prendre à ce qu'on appelle les droits
syndicaux.
D'autre part, cependant, nous n'avons pas non plus l'intention
d'abdiquer ce qui nous apparaît normal en terme de responsabilité
à l'égard de la santé publique et par ce truchement,
encore une fois, de limiter nos interventions à ce qu'elles doivent
être. (18 h 15)
Finalement, à l'égard de la présence des
médecins dans notre système, nous sommes convaincus du sens de la
responsabilité de ceux-ci, qui est demandé par ceux-ci depuis de
nombreuses années. Voilà, même si c'est à travers
une articulation comme d'ailleurs dans la plupart des autres provinces
canadiennes qui n'implique pas que tout soit négocié,
voilà une amorce qui m'apparaît intéressante à la
fois pour l'avenir et la santé des citoyens dans notre système de
dispensation de soins et l'avenir de cette profession elle-même dans
l'ensemble de la société.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
M. Czitrom, vous avez...
M. Czitrom: M. le Président, juste un mot de remerciement
au ministre et aux membres de cette commission qui ont bien voulu être
patients avec nous pendant aussi longtemps. Je les prie d'excuser les
excès d'émotion, peut-être, de nos confrères qui
sont dans la salle, mais qui sont habitués à travailler et
à vivre dans d'autres enceintes que celle-là, parce qu'on a fait
de l'obstétrique, nous.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, messieurs les
représentants des médecins omnipraticiens du Québec. La
commission suspend donc ses travaux jusqu'à ce soir, 19 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 17)
(Reprise de la séance à 19 h 51)
Le Président (M. Bordeleau): La commission des affaires
sociales reprend donc ses travaux. Nous en étions, à la
suspension, à recevoir les représentants de l'Association des
conseils des médecins et dentistes du Québec. Ce sont, je pense,
M. Claude Farah-Lajoie et d'autres représentants que j'aimerais que vous
nous présentiez.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne serai pas longue, mais, compte tenu du
fait que ce soir, j'ai rencontré certains groupes qui ont
déposé un mémoire et qui aimeraient être entendus,
j'ai ici la réponse du leader du gouvernement à la question que
j'ai posée. Je vous fais grâce, parce que cela a duré assez
longtemps. Au moins une dizaine de mémoires étaient
arrivés, etc. On leur dit: Faites d'abord confiance à vos
représentants; je leur ai fait l'invitation verbale que je fais
publiquement ici sur le parquet de l'Assemblée. Je ne veux pas vous
interdire de venir, je vous invite même à venir. Si vous estimez
après que votre association ne vous a pas bien
représentés, je pense que personne ne veut rien bousculer
là-dedans et tous les députés seront là pour
entendre vos représentations. La commission sera libre de vous offrir le
droit de parole. Je ne veux pas ouvrir la frontière encore plus large
qu'elle ne l'est déjà, à mon avis. Je lui ai fait
préciser si tel était son point de vue et il a dit: Je suis
d'accord et c'est de bonne foi. Après le témoignage de son
association représentative, un groupe, etc., pourra se faire
entendre.
Alors, je veux bien vérifier, parce qu'il y a des gens qui m'ont
dit: Nous, on reviendrait jeudi soir ou vendredi matin si
cette possibilité là nous est offerte. Alors, sans faire
un long débat, si vous ne voulez pas nous donner votre réponse ce
soir, M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce que vous nous
la donniez demain matin. Mais je voulais quand même le rapporter, parce
qu'on en avait discuté ce matin.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, je vous remercie,
Mme la députée de L'Acadie. Je vérifierai tout simplement
demain matin avec les leaders et la présidence pour voir comment on peut
adapter un ordre du jour, comment on peut recevoir des gens. À ce
moment-ci, je fonctionne avec une liste qu'on m'a remise au niveau du
secrétariat des commissions. Alors, je vais essayer de m'en tenir
à cette liste-là pour ce soir et demain, on pourra s'en reparler
au début de notre commission.
Mme Lavoie-Roux: C'était juste pour signaler...
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Nous pouvons
entendre maintenant l'Association des conseils des médecins et dentistes
du Québec.
Association des conseils des médecins et
dentistes du Québec
M. Farah-Lajoie: M. le Président, M. le ministre, MM. et
Mmes les députés et les membres de la commission, il me fait
plaisir, au nom de l'Association des conseils des médecins et dentistes
de la province de Québec, d'accepter l'invitation que vous avez bien
voulu nous envoyer pour présenter nos opinions et l'opinion de nos
membres.
Avant de commencer la présentation, j'aimerais d'abord
présenter les membres de l'exécutif de notre association:
à ma gauche, le Dr Henri-Paul Noël, de l'hôpital
Saint-Sacrement à Québec; le Dr Marc Bois, de l'Institut de
cardiologie à Montréal; Me Jacques Laurent, avocat de
l'association; le Dr Dollard Bergeron, neurologue de l'hôpital Laval de
Québec; le Dr Paul Demers, ophtalmologiste au centre hospitalier
Saint-Joseph de Trois-Rivières, et le Dr Robert Michaud, cardiologue de
l'hôpital Fleury.
Messieurs et mesdames, nous n'avons pas la prétention de vouloir
comparer l'élégance des mémoires d'organismes aussi
puissants que ceux qui nous ont précédés aujourd'hui, ni
l'accessibilité au sérieux d'un organisme qui,
financièrement, est alimenté par les fonds publics. Ledit
organisme nous a fait nous sentir très petit, mais à la fois
très grandi par l'importance du fait que cet organisme, nommément
l'AHQ, d'une si grande envergure consacre des fonds si immenses à nous
démolir.
Sans préambule, je passe au mémoire. Il nous
apparaît opportun et important de souligner que l'ACMDQ est une
association regroupant dans un libre choix la majorité des conseils des
médecins et dentistes du Québec. C'est pourquoi, dans notre
étude de ce projet de loi, nous avons été principalement
préoccupés par la disposition législative devant modifier
la loi sur les services de santé et les services sociaux du
Québec. Cependant, il nous est aussi apparu que certaines des autres
dispositions de ce projet de loi, qui ont pour objet de modifier la Loi sur
l'assurance-maladie du Québec, pourront nuire au bon fonctionnement des
conseils des médecins et dentistes si elles sont mal reçues par
les médecins concernés ou si elles nuisent au maintien d'une
qualité optimale de l'enseignement et à l'épanouissement
scientifique des médecins. Ce premier commentaire de notre part vous
permettra donc de situer notre intervention.
L'ACMDQ souscrit largement au maintien d'un système de
médecine curative visant un standard d'excellence comme par le
passé, tout en maintenant son accès universel et gratuit sans
toutefois surtaxer indûment le contribuable. Nous comprenons que les
dispositions du présent projet de loi, dans le contexte des restrictions
budgétaires actuelles, ne devraient pas amoindrir la qualité des
soins ni compromettre le développement de la médecine
hospitalière.
Nous souscrivons également à l'effort, quoique timide, de
promouvoir une plus grande interdépendance des partenaires dans le
secteur des affaires sociales. Il est bien évident que ceci
n'était possible qu'en reconsidérant le rôle de chaque
partenaire, plus particulièrement celui de l'administrateur en regard de
celui du médecin dans l'établissement ou au niveau
régional. Nous sommes donc heureux du fait que le pouvoir médical
décisionnel, qui s'amenuisait de plus en plus depuis les
dernières 15 ou 20 années au profit d'une administration de plus
en plus lourde, soit de nouveau reconnu comme étant nécessaire et
qu'il doive être intensifié afin d'en arriver à une
réelle cogestion médico-administrative.
La persistance d'une mauvaise répartition d'effectifs et de
services médicaux dans la province ainsi que la nécessité
d'intégrer davantage le médecin à la gestion des
établissements ont rendu plus impérative cette volonté de
réformer globalement les services de santé. Toutefois, l'ACMDQ
souhaite qu'on puisse en arriver à un consensus général de
tous les intervenants. C'est pourquoi une réforme aussi profonde ne
devrait pas s'effectuer si hâtivement.
De toute manière, nous appuyons le gouvernement dans sa
volonté d'obtenir une meilleure répartition des effectifs
médicaux. D'ailleurs, nous nous inquiétons depuis fort longtemps
de cette problématique, plus particulièrement à la suite
des visites que
nous avons effectuées dans les régions
périphériques et éloignées. Nous savons
pertinemment que les causes qui sous-tendent ce problème sont multiples
et qu'il en sera de même des solutions. C'est pourquoi l'ACMDQ a
organisé une table de concertation l'été dernier afin de
permettre à tous les intervenants de bien soupeser ce problème.
L'ACMDQ en a également fait le thème de son récent
congrès, tenu en novembre 1981.
Nous nous devons donc d'insister sur le point que le projet de loi no 27
ne comporte qu'une solution partielle à ce problème des effectifs
médicaux puisque celui-ci remet en question non seulement une meilleure
répartition des allocations de ressources, mais également la
formation médicale elle-même et la qualité de vie des
professionnels. La solution proposée par ce projet de loi demeure donc
partielle et, à certains égards, coercitive. L'ACMDQ, quant
à elle, favorise plutôt une approche globale et la recherche de
mesures incitatives. Nous anticipons donc avec impatience la mise en place de
nouveaux dispositifs qui viendront compléter ces premiers efforts.
À cet égard, l'ACMDQ estime être la plaque tournante des
partenaires et intervenants dans le domaine de la santé et elle est en
mesure d'assumer les responsabilités qui pourraient lui être
confiées dans cet objectif de règlement des problèmes
d'effectifs médicaux dans les régions dites
éloignées.
Nous partageons naturellement l'avis du gouvernement à savoir que
les médecins et dentistes soient davantage intégrés
à la gestion des établissements par l'octroi de
responsabilités additionnelles. Nous somme également d'accord
avec le fait que les pouvoirs des chefs de départements soient
élargis. Toutefois, si le Conseil des médecins et dentistes doit
élaborer des normes de fourniture de soins et d'utilisation des
ressources, l'ACMDQ est d'avis que les chefs de départements cliniques
des établissements de santé doivent s'inscrire dans la
hiérarchie des conseils de médecins et dentistes, et nulle part
ailleurs. (20 heures)
Le directeur des services professionnels devra continuer de surveiller
et de coordonner les activités professionnelles et scientifiques des
médecins.
Cependant, dans la recherche d'une meilleure coordination des services
de santé dans les établissements, nous proposons et souhaitons
vivement que le DSP soit également chargé de la direction des
activités non seulement des médecins, mais également des
autres professionnels de la santé oeuvrant dans les
établissements. Nous sommes évidemment opposés à
l'établissement d'une autorité hiérarchique unique qui
souhaiterait que tous les médecins d'un établissement exercent
leurs activités médicales sous l'autorité de chefs de
département ou de service qui relèveraient dans leur fonction de
l'autorité d'un directeur médical, le DSP, relevant
lui-même du directeur général de
l'établissement.
Dans cette optique, afin de maintenir une qualité maximale de
soins face à une diminution de ressources, l'ACMDQ propose que les
services hospitaliers soient placés sous le contrôle des chefs de
département et de la direction des services professionnels.
Nous sommes heureux de constater une présence médicale au
niveau du conseil d'administration des conseils régionaux. Cette
présence permettra au corps médical de contribuer d'une
façon plus positive à cet effort de coordination régionale
de la distribution des services de santé.
L'ACMDQ veut s'intégrer d'emblée à cet effort par
sa proposition de modification de l'article 24 de la loi sur les services de
santé et services sociaux, telle qu'elle apparaît au texte
ci-joint. L'ACMDQ se croit d'ailleurs pleinement justifiée de recueillir
et d'obtenir le rôle qu'elle réclame à ce titre en raison
de ce caractère inhérent de représentativité, de
compétence médicale, de motivation et d'impartialité.
À la lumière de certaines réalisations et de
certaines décisions récentes de ces instances régionales
que sont les conseils régionaux, nous sommes toutefois sceptiques quant
à leur pertinence et même leur raison d'être dans le
réseau des services de santé et nous invitons le gouvernement
à examiner de plus près le fonctionnement de ces conseils
régionaux. Peut-être y trouvera-t-on la source de certaines
difficultés dont la chronicité est tout aussi lourde que celle
d'autres problèmes que le gouvernement a à affronter dans le
domaine des services de santé.
L'ACMDQ est d'accord avec la volonté du gouvernement de former
des comités de bénéficiaires dans les centres d'accueil et
les centres hospitaliers de soins prolongés. Cette nouvelle disposition
ne pourra qu'améliorer la situation des patients vivant dans ces
établissements.
En somme, l'ACMDQ souscrit à l'esprit qui semble dominer dans
cette nouvelle loi et elle est même d'emblée d'accord avec
certaines dispositions particulières qui favorisent la participation des
conseils des médecins et dentistes et des médecins
individuellement à la gestion des établissements de
santé.
Toutefois, l'ACMDQ ne peut en aucune manière souscrire à
ce que le gouvernement puisse imposer des mesures ou des moyens de coercition
qui, à son avis, risque de réduire non seulement la
qualité de la vie, mais surtout la qualité des soins
dispensés dans les établissements de santé. C'est pourquoi
nous souhaitons de tout coeur que le gouvernement définisse de nouveaux
moyens
de nature strictement incitative en remplacement de certaines mesures
proposées dans le présent projet de loi, afin d'atteindre ces
objectifs de qualité médicale et de répartition plus
équitable des effectifs médicaux sur l'ensemble du
territoire.
À toutes fins utiles et dans l'esprit de ce qui
précède, nous avons préparé et avons joint à
ce mémoire un recueil de modifications que nous souhaitons faire
apporter à certaines des dispositions contenues dans le projet de
loi.
Si vous le voulez bien, je vais passer la parole à Me Jacques
Laurent qui va essayer de vous présenter...
Avant de passer à l'autre volet de notre présentation, y
a-t-il des questions à ce stade-ci ou si vous préférez
que...
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je voudrais d'abord vous remercier beaucoup,
Dr Farah-Lajoie, pour la présentation que vous faites. Je connais un peu
l'historique de votre association. Je connais aussi la dose de volontariat,
pour ne pas dire carrément de bénévolat à bien des
occasions, qu'implique le fonctionnement de votre organisme, étant
donné qu'il n'est pas financé autrement que par la cotisation
volontaire de ses membres. Je pense qu'il faut que nous reconnaissions que le
travail que vous avez fait, malgré ce peu de ressources, comparé
à d'autres intervenants du réseau - certains sont fort bien
équipés, on le sait - est quand même un travail remarquable
et qui cerne très bien le domaine des préoccupations des conseils
des médecins et dentistes.
J'aimerais peut-être vous entendre et peut-être qu'en cours
de route, vous pourrez passer la parole à Me Laurent si vous jugez que
c'est utile. Sur toute cette problématique entre les conseils des
médecins et dentistes en ce qui a trait à la qualité, par
opposition au Conseil des médecins et dentistes à
côté d'un DSP en ce qui a trait à la dimension plus
administrative de l'exercice de la profession à l'intérieur de
l'établissement. J'ai compris, d'après ce que vous dites,
qu'à vos yeux, si les chefs de département doivent appliquer des
normes élaborées par des conseils tout en ayant un pouvoir de
sanction, vous considérez qu'il doit exclusivement relever de la
structure des CMD. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus,
je pense que c'est le débat de fond autour de cette question.
M. Farah-Lajoie: Pour nous comme pour d'autres organismes, mais
surtout pour nous, je pense que c'est le point le plus important de la
discussion. Nous sommes en complet désaccord avec les opinions d'autres
organismes face à cette présentation, cette ligne de
pensée qui s'inscrit dans la volonté du ministère de
donner une certaine responsabilité, une conscience plus grande du
médecin de la gestion hospitalière. Nous enveloppons les
responsabilités du médecin qu'on nomme actuellement le chef de
département parce que c'est de lui qu'on parle.
Évidemment, le chef de département aura des normes, le
Conseil des médecins et dentistes aura à établir ces
normes, ces règles du jeu, ces règlements de services et
départements; le chef de département aura à les faire
maintenir à un niveau acceptable et on parle même de sanctions.
Pour nous, évidemment, un organisme qui va être appelé
à donner des normes, à édicter des règlements,
doit, je pense bien, être conséquent avec lui-même et voir
à ce que l'application de ces normes soit bien faite.
Notre ligne d'autorité, pour nous, est très claire; le
Conseil des médecins et dentistes relève directement du conseil
d'administration dans son rôle principal et je pense que si on veut lui
donner des responsabilités accrues et l'impliquer dans la gestion d'une
façon plus importante, on ne doit pas lui demander simplement de faire
certaines normes et ensuite de ne plus s'en occuper, de les distribuer dans une
autre ligne qui serait celle du directeur des services professionnels qui, pour
nous, est un élément de l'organigramme, pour appeler cela par son
nom, qui a une importance plus grande que celle qu'il avait par le
passé. Je pense bien que notre mémoire sous-tend que nous voulons
que le directeur des services professionnels s'occupe non seulement de la
"gestion des médecins", mais je pense que les médecins sont
responsables de leurs actes et les actes impliquent certains autres
professionnels de la santé qui oeuvrent dans les départements
d'un centre hospitalier. Alors, notre ligne d'autorité se situe à
ce niveau-là. Par son rôle de directorat, avec sa coordination et
la surveillance de toutes les activités professionnelles et
scientifiques, de tous les professionnels de la santé dans le milieu
hospitalier, nous voulons donner à l'ADG un rôle accru. Quant aux
normes qu'on veut établir par le Conseil des médecins, par son
exécutif, je reviens un peu à ce qui s'est dit ce matin au sujet
du manque de communication, du manque de directorat face au CMD. Je pense que
le directeur général fait partie intégrante du Conseil des
médecins et dentistes par son exécutif; un exécutif de
conseil des médecins, c'est le pouvoir décisionnel qui
relève directement du conseil d'administration. Alors, nous pensons que
nous avons amplement d'autorité et nous avons à... Nous nous
devons par la loi de faire le travail pour lequel nous avons été
élus, et nous relevons directement dans ce travail du conseil
d'administration. Alors,
c'est la ligne d'autorité que nous préférons et
même, nous insistons beaucoup là-dessus parce qu'à toutes
fins utiles, si on demande au Conseil des médecins et dentistes
d'être simplement un instigateur de normes, de distribution de
ressources, etc., je pense qu'il ne sera que consultatif à ce
moment-là. Pour nous, c'est une diminution de pouvoirs et non pas une
augmentation des pouvoirs de Conseil de médecins. Je ne sais pas si cela
répond à votre question.
M. Johnson (Anjou): Je pense que vous avez couvert l'ensemble de
ce à quoi je m'attendais, ce qui nous permet d'expliciter certaines
choses, en tout cas de bien circonscrire ce débat sûrement. Si M.
Laurent veut procéder à l'autre partie; ensuite, je permettrai
à mes collègues de...
Mme Lavoie-Roux: J'aime autant...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: À la page 6 du mémoire, vous parlez des
conseils régionaux. Vous dites que vous êtes sceptique quant
à leur pertinence et même leurs raisons d'être dans le
réseau de services de santé, et pourtant vous faites une
série de recommandations, à l'article no 39, qui donnent des
pouvoirs accrus aux conseils régionaux. Vous pourriez peut-être
expliquer un peu ces deux aspects-là?
M. Farah-Lajoie: Nous n'avons pas voulu, pour parler un peu de la
façon dont ça c'est fait cet après-midi, faire de
procès d'intention aux CRSSS, nous voulons tout simplement demander au
gouvernement de se pencher sur l'efficacité de certains CRSSS; nous ne
visons aucun CRSSS en particulier. Je pense que les sommes énormes qui
sont dépensées dans ces organismes justifieraient peut-être
un certain regard d'une façon un peu plus précise sur le
fonctionnement, sur le rôle réel qu'ils ont joué à
ce jour; je pense que, depuis qu'ils sont en place, ils ont probablement fait
beaucoup de travail.
Maintenant, pour ne parler que d'une région que nous connaissons
très bien, les problèmes semblent encore très chroniques,
c'est-à-dire que les problèmes prennent beaucoup de temps
à être réglés. Nous pensons, nous insistons, nous
sommes bien fiers de pouvoir avoir une voix; une voix sur quatorze, c'est
déjà mieux qu'aucune voix sur vingt-deux, c'est
déjà beaucoup. Je pense que le médecin qui sera à
ce conseil d'administration, du moins je l'espère, pourra amener une
expertise qui pourra aider à l'efficacité; je pense qu'on se pose
certaines questions. Il n'y a rien de précis, mais c'est un voeu qu'on
fait, qu'il y ait quand même une certaine recherche, pour savoir si
l'efficacité est en relation directe avec les coûts.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? Madame la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Comme on a commencé les questions, on
fera l'autre par la suite.
En page 2 de votre mémoire, vous dites que les dispositions du
présent projet de loi ne devraient pas amoindrir la qualité des
soins, ni compromettre le développement de la médecine
hospitalière. Est-ce que vous pourriez développer ceci un peu?
Moi, je crois comprendre que... En tout cas, au moins vous vous posez la
question. Quels sont les points dans ce projet de loi qui à votre point
de vue, pourraient causer cet amoindrissement de la qualité des soins?
En fait, si je l'interprète tel que c'est écrit; je peux me
tromper. (20 h 15)
M. Farah-Lajoie: Évidemment, il faut comprendre le
rôle du Conseil des médecins et dentistes. La qualité de
l'acte médical posé dans un établissement, c'est la base
de notre travail. C'est le principal but du Conseil des médecins et
dentistes. Évidemment il y a d'autres dispositions dans la loi, mais
c'est le principal. Nous veillons à la qualité de l'acte. Pour ce
qui est d'amoindrir la qualité des soins, les restrictions
budgétaires font que certaines administrations ont tendance à
diminuer la quantité du personnel, par exemple en clinique externe;
enfin, dans les coupures budgétaires, il y en a qui n'ont
peut-être pas tout à fait compris le message et ont tendance
à couper des services aux bénéficiaires.
Face à ça, on se dit qu'évidemment la
qualité des soins, nous devons quand même la maintenir à un
niveau satisfaisant. Face aux restrictions budgétaires, face au manque
de ressources pour l'amélioration des techniques et du matériel,
le renouvellement des équipements, etc., nous craignons que, à
moins de...
Mme Lavoie-Roux: C'est en fonction de la loi, c'est en fonction
des contraintes budgétaires que vous avez exprimées, cette
opinion-là.
M. Farah-Lajoie: ... dans l'absence des... oui, enfin, c'est
principalement à cause des restrictions budgétaires, mais il
reste que, du côté médical, je pense - on en a fait mention
beaucoup aujourd'hui - que la médecine québécoise
était quand même à la fine pointe de la médecine
dans l'Amérique du Nord et même dans le monde entier. La loi, en
vertu du contingentement médical dans les Centres hospitaliers urbains,
aura peut-être certaines tendances - je me réfère
à quelques articles, l'article 70.1, par exemple, et d'autres de
cette nature, à y diminuer la qualité des soins. C'est encore une
question que nous nous posons. Nous insistons beaucoup pour que la
qualité des soins et le développement de la médecine
hospitalière québécoise ne soient pas compromis par cette
loi. Il y a en effet certains articles qui pourraient être restrictifs,
si on y a recours d'une façon un peu trop restrictive, surtout du
côté du développement hospitalier.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que peut-être ces détails
nous seront donnés tantôt par Me Laurent, il vaut peut-être
mieux laisser courir et on y reviendra par la suite, je pense. Je dois vous
dire que nous, les mémoires, on les a reçus derrière le
dos, pendant qu'on attendait l'autre groupe, alors je ne les ai pas lus, c'est
pour ça, je m'excuse.
Le Président (M. Rochefort): Me
Laurent.
M. Farah-Lajoie: Dans cet ordre d'idées, c'est la raison
pour laquelle je voulais que Me Laurent dissèque un peu pour vous les
amendements que nous avons proposés.
M. Laurent (Jacques): Ma première intervention, avec votre
permission, M. le Président, serait pour donner suite à la
question qu'adressait M. le ministre en rapport avec la coordination entre le
CMD, les chefs des départements et le directeur des services
professionnels. Selon les dispositions du projet de loi no 27, le Conseil des
médecins et dentistes se voit attribuer deux nouvelles fonctions: celle
d'adopter pour chaque département des normes sur la fourniture des soins
requis et l'utilisation des ressources disponibles, et également de
prévoir des sanctions. Par une autre disposition de cette loi, l'article
71.1, on attribue aux chefs des départements cliniques, la
responsabilité de l'utilisation de ces ressources par les
médecins de leurs départements et la gestion des ressources.
On ajoute d'ailleurs, au deuxième alinéa de 71.1, que le
chef de département doit veiller à l'application des normes sur
les fournitures des soins requis et l'utilisation des ressources disponibles
élaborées par le CMD conformément à l'article que
je viens de lire.
Or, ceci va très bien. Ceci est en accord avec les souhaits qui
ont souvent été formulés par l'ACMDQ. Toutefois, une
disposition nous apparaît quelque peu incohérente. Ce projet de
loi confie, en vertu de l'article 118, l'article 77 du projet de loi, la
coordination et la surveillance des activités des chefs de
département aux directeurs des services professionnels. Il nous
apparaît incohérent que ce soit le CMD qui établisse des
normes telles que décrites à l'article 112, donc qui adopte des
normes sur la fourniture des soins et l'utilisation des ressources. On confie
la mise en application de ces normes et cette utilisation des ressources aux
chefs de département jusque-là, cela va très bien - mais
par la suite, on confie aux directeurs des services professionnels
l'autorité quasi complète de coordonner les activités des
chefs de département. Nous souhaiterions vivement qu'au contraire la
même ligne soit entretenue, c'est-à-dire que les normes
étant établies par le CMD, elles soient confiées au chef
de département pour qu'il voie à leur application, celui-ci
répondant au CMD de l'exercice de ses fonctions et non pas au directeur
des services professionnels.
C'est pourquoi nous souhaiterions que cette nouvelle fonction qu'on veut
attribuer par ce projet de loi au DSP lui soit retirée, de sorte que la
relation reste directe entre le CMD et les chefs de département, sans
pour cela rendre le directeur des services professionnels d'un
établissement inutile. Il continuerait naturellement à coordonner
et surveiller les activités professionnelles et scientifiques qu'il
exerce dans l'ensemble de l'établissement et, tel que nous l'indiquons
dans nos modifications, il dirigerait également les services
hospitaliers.
Tel que c'est présenté, il nous semble qu'il y ait une
incohérence dans les relations entre ces trois éléments
d'un établissement de santé, soit le CMD, le chef de
département et le directeur des services professionnels.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a d'autres points que vous
vouliez faire ressortir?
M. Laurent: C'est à votre guise... Mme Lavoie-Roux:
Oui, allez-y donc. M. Laurent: On peut y aller rondement. Mme
Lavoie-Roux: D'accord.
M. Laurent: Si vous voulez prendre connaissance des modifications
donc, nous avons... Pardons, monsieur!
M. Johnson (Anjou): Je pense que Me Laurin a exposé de
façon très précise le point de vue en complétant
à l'aide des articles, par des références juridiques,
l'exposé du Dr. Farah-Lajoie. Quand à moi, je n'ai pas de
questions, je pense que l'opinion est claire...
M. Laurent: Claire, tant mieux...
M. Johnson (Anjou): ... l'opinion est claire, ce qui ne veut pas
dire...
M. Laurent: ... j'espère que la perception...
M. Johnson (Anjou): ... que c'est un point de vue
entièrement partagé.
M. Laurent: ... est claire aussi. M. Johnson (Anjou):
D'accord.
M. Laurent: Nous avons donc proposé certaines
modifications. En partant de l'article 39, les références sont
faites au projet de loi. Brièvement; puisque je sais que le temps court
et que vous avez d'autres groupes à entendre, je ne voudrais pas que
nous nous éternisions là-dessus. Donc, tel que le Dr Lajoie vous
l'indiquait, les modifications que nous proposons sont en entier en rapport
avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux, puisque
c'est cette loi qui nous préoccupe davantage.
Nous comprenons mal d'une part, à l'article 39, qu'on veuille
accorder au conseil régional dont certains doutent à l'occasion
de l'efficacité, des tâches exclusives telles qu'elles
apparaissent à l'article 39 et à l'article 18.2 de la loi sur les
services de santé. Nous voyons mal qu'un conseil régional
désigné par règlement puisse être la seule
autorité habilitée à autoriser des déplacements de
bénéficiaires vers un autre établissement.
À l'appui de cette revendication, c'est-à-dire la
revendication suivante, nous préférerions que les deux
alinéas de l'article 18.2 soient intégrés à
l'article 18.1, de sorte qu'il ne sera pas enlevé au conseil
régional désigné par règlement l'autorité
d'exercer les deux fonctions qui apparaissent plus bas, mais le conseil
régional ne sera pas le seul habilité à le faire. Si c'est
le cas, particulièrement si on veut autoriser strictement un conseil
régional désigné par règlement, si on veut
l'autoriser exclusivement, dis-je, à exercer les déplacements,
à autoriser - vous excuserez la redondance - le déplacement de
bénéficiaires, nous estimons que, par cette disposition, à
la fois le patient perdra le libre choix de son médecin ou de son
établissement de santé et cela va grandement limiter des
initiatives, qui existent régulièrement entre des centres
hospitaliers ou des médecins ou des services, de faire des
échanges qui sont pour le bienfait exclusif du
bénéficiaire. Si on accorde cette seule autorité au
conseil régional, nous estimons, comme je viens de vous le dire, que ce
sera créer un préjudice au patient et cela nous apparaît
inacceptable. Nous n'aurions pas d'objection si la loi pouvait adopter que ces
deux dispositions de l'article 18.2 deviennent des dispositions de l'article
18.1 et qu'elles deviennent des fonctions que pourra à l'occasion
exercer un conseil régional, sans pour cela rendre le conseil
régional exclusivement habilité à exercer ces deux
fonctions, particulièrement la fonction qui est décrite au
paragraphe 1 de l'article 18.2.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Est-ce qu'on peut finir tous les articles ou demander
cela article par article?
Le Président (M. Bordeleau): II y a moyen de
s'entendre...
M. Johnson (Anjou): Ceux qui parlent d'eux-mêmes, je parle
de l'article 40, je pense que c'est clair.
M. Lincoln: ... article 39.
Le Président (M. Bordeleau): On peut y aller pour
l'article 39. M. le député de Nelligan, allez-y.
M. Lincoln: Sur l'article 39, Me Laurent, je saisis ce que vous
voulez faire; je suis tout à fait d'accord pour relier l'article 18 et
l'article 18.1 pour justement ne pas donner l'autorité exclusive au
conseil régional à l'article 18.2. Cela, je le comprends
très bien. Mais si vous allez à l'article 18.3... Entre
parenthèses, votre suggestion sur l'article 18.3 n'aurait pas dû
inclure l'article 18.2, parce qu'il ne reste que l'article 18... Mais, dans
votre article 18.3, l'article 18.2 devrait sauter, puisqu'il ne reste que
l'article 18.1. En tout cas, à l'article 18.3, si vous voyez l'article
18.3, est-ce que ce n'est pas l'article qui donne le plus de pouvoir, en fait,
au conseil régional? Parce que, si vous voyez l'article 18.3, cela dit:
"Un établissement est lié par une décision d'un conseil
régional prise en vertu du paragraphe e de l'article 18 ou des articles
18.1 ou 18.2 ou en vertu d'une fonction confiée par le ministre... d, g
et h de l'article 18." Au h de l'article 18, qui a été
ajouté, on donne au conseil régional le pouvoir "d'exercer
à l'intérieur de son territoire, toute autre fonction que le
ministre lui confie en vertu de la loi." Est-ce que cela a pris une part
tellement grande que cela a annulé, en fait, ce que vous êtes en
train d'essayer de faire en joignant l'article 18.1 et l'article 18.2, si, par
le biais de l'article 18.3, on ouvre la porte complètement à un
conseil qui est lié à toute fonction confiée dans son
territoire par le ministère, c'est-à-dire que le ministère
peut confier n'importe quelle fonction qui annule tout ce que vous voulez faire
à l'article 18.1 et à l'article 18.2?
M. Johnson (Anjou): Je pourrais peut-être, si...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): ... M. le député de Nelligan me
le permet, pour ne pas mettre le procureur de l'association dans une position
où il est obligé d'interpréter une partie qui
relève du ministère, c'est l'article qui existe dans la loi de
1971. Simplement, c'est l'espèce de pouvoir résiduel en
matière de réglementation qu'on donne et sur lequel finalement
les juristes, de façon générale au gouvernement,
considèrent qu'on ne peut pas appuyer toujours des décisions
aussi englobantes que celles qu'on a prises dans le passé. C'est pour
cela qu'on est appelé à préciser ce pouvoir
réglementaire, tout en conservant toujours la clause résiduaire,
mais qui ne permet pas une intervention illimitée; c'est l'avis, je
dirais, quasi unanime de nos juristes sur ces questions. En ce sens-là,
ce n'est pas très nouveau, c'est dans la loi depuis 1971.
M. Lincoln: Mais l'alinéa h a été
ajouté, n'est-ce pas, M. le ministre? Si vous voyez bien,
l'alinéa h a été ajouté. "D'exercer", c'est nouveau
dans le projet. Si vous regardez, l'alinéa h n'existait pas avant. Cela
s'arrêtait à l'alinéa g et c'est l'alinéa h qui
renferme la question principale; cela dit "d'exercer, à
l'intérieur de son territoire, toute autre fonction que le ministre lui
confie en vertu de la loi." Alors, ça vous donne des pouvoirs accrus que
vous n'aviez pas avant. (20 h 30)
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, je ne voudrais pas vous induire
en erreur. Le paragraphe h existait antérieurement à la loi 103.
Pour une raison ou pour une autre, cela a sauté en cours de route
à l'occasion de la loi 103.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes très conciliant cette
semaine.
M. Lincoln: Oui, M. le ministre, mais peut-être que
ça a sauté avec beaucoup de raisons, ce n'était pas
là.
M. Johnson (Anjou): C'est une erreur technique. Il n'y a pas eu
de débat là-dessus.
M. Lincoln: Je me le demande. Je crois que c'est quelque
chose...
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il faudra faire une
vérification sur ce que mon collègue a soulevé. Moi, je
suis très heureuse que vous souleviez ce point qui est de limiter le
droit de l'individu à choisir son centre hospitalier. Je pense qu'il y a
des circonstances où cela peut se faire, dans les cas d'urgence, mais
même à ce moment-là on devrait en priorité respecter
le choix de l'individu. Dans ce projet de loi, on intervient dans les droits de
l'individu à choisir son établissement et son médecin. La
personne qui a toujours été soignée à
l'Hôtel-Dieu de Montréal et qui est transportée d'urgence
quelque part, peut-être qu'elle ne pourrait pas aller à
l'Hôtel-Dieu parce qu'ils sont engorgés, mais c'est un des aspects
qui m'inquiétaient dans ce projet de loi, cette espèce - ce n'est
pas fait volontaire mais en tout cas - d'accroc. Quand il ne s'agit pas d'une
urgence, je pense que c'est encore plus important de respecter ce droit. On
pourrait, par le truchement de cette loi, si elle restait telle quelle,
sectoriser d'une façon très précise les patients de tel
territoire et de tel hôpital, évidemment, dans un territoire
éloigné, cela se présente moins; j'imagine que les gens de
la région de Val-d'Or vont aller à l'hôpital de Val-d'Or,
mais dans la région de Montréal, là où on n'est pas
obligé de le faire parce qu'il y a un choix d'établissements, on
doit tenir compte du droit des patients au choix et ne pas les encadrer dans
une chose aussi rigide que celle-là. Je suis heureuse, parce que vous
êtes les premiers à le soulever.
Le Président (M. Bordeleau): D'autres questions?
Mme Lavoie-Roux: On est rendu à l'article 40.
M. Laurent: Article 40. Tel que proposé, il semble
restrictif puisqu'on dit: "Un conseil régional doit prendre les moyens
qu'il juge appropriés" pour en effet forcer le conseil régional
à informer la population, puisque c'est l'autorité de la
région, donc le forcer à donner à cette information
plutôt que de permettre à d'autres intervenants de la santé
de donner les informations. Nous souhaiterions que cet article soit
légèrement amendé pour que le conseil régional
prenne tous les moyens appropriés, non pas seulement les moyens qu'il
jugera appropriés dans telle ou telle circonstance, de sorte que la
population pourra s'en remettre au conseil régional pour obtenir toutes
ces informations plutôt que de faire appel, soit au centre hospitalier,
soit au Conseil des médecins et dentistes. Si on veut accorder un droit
d'information à la population, elle doit, selon nous, avoir le
privilège d'avoir recours à une seule autorité qui serait
le conseil régional. Si cet article est laissé tel quel, quant
à nous, il permettra au conseil régional de toujours fuir, pas
toujours mais à l'occasion, ses responsabilités et de donner
strictement les informations que lui jugera approprié de donner.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Article 41.
M. Laurent: L'article 41 est un peu plus délicat. Par cet
article, fort heureusement, le conseil régional sera composé de
14 membres seulement plutôt que 22 membres, comme le disait le Dr Lajoie,
et fort heureusement, au surplus, un des 14 administrateurs sera un membre des
conseils des médecins et dentistes. Nous proposons que ce membre soit
nommé par l'association qui est devant vous aujourd'hui, qui est une
association qui existe depuis longtemps et qui regroupe la majorité des
CMD du Québec, parmi les membres des conseils des médecins et
dentistes constitués dans les établissements du territoire, afin
d'éviter certaines injustices qui pourraient être causées
ou, tout au moins, des états de fait qui pourraient se prolonger et
créer des difficultés.
Ainsi, dans une région comme Montréal - je pourrais
commencer par une région comme la Côte-Nord si vous voulez - je ne
voudrais blesser personne - où il y a peu de conseils de médecins
et dentistes, mais il y en a un plus gros que les autres. Immanquablement et au
détriment peut-être des autres conseils de médecins et
dentistes de la région, il pourra se produire que ce sera toujours le
représentant du même conseil des médecins et dentistes qui
siégera au conseil régional. Le même
phénomène pourra se produire dans les grands centres comme
Montréal et Québec où on pourra retrouver immanquablement
au conseil d'administration du conseil régional un membre d'un CMD d'un
des grands établissements, laissant de côté des
médecins et des dentistes, membres de CMD, qui pourraient
avantageusement, pour le conseil régional et pour la communauté
en général, siéger au conseil d'administration.
L'association prétend avoir la représentativité,
l'impartialité, la compétence, jusqu'à ce qu'on
crée des CMD régionaux, ce qui pourrait être une initiative
future de la loi, pour pouvoir désigner, parmi les membres des CMD de la
région et de la façon la plus équitable possible, celui
qui siégera au conseil d'administration du conseil régional
à titre de représentant des CMD.
Dans cette optique d'ailleurs, en continuant, nous aimerions que soit
apportée une modification à l'article 32 de la loi. Cela
n'apparaît pas au projet de loi, mais on pourra l'introduire , dans
l'esprit d'une "responsabilisation", si l'expression est juste, pour permettre
au médecin de vraiment s'intégrer dans l'administration et dans
la gestion des affaires de santé. Nous souhaiterions aussi que le
comité administratif du conseil régional, qui est composé
de cinq membres, compte obligatoirement le représentant des conseils de
médecins et dentistes, de sorte qu'au comité administratif,
à qui est dévolu de larges pouvoirs, siège automatiquement
un médecin. Je crois que ceci répondrait au voeu du gouvernement,
au voeu du législateur qui souhaite que, par ce projet de loi, le
médecin soit davantage impliqué dans la gestion des affaires de
santé dans sa région comme dans l'établissement où
il travaille.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va?
M. Johnson (Anjou): Article 49.
Le Président (M. Bordeleau): Article 49.
M. Laurent: L'article 49, c'est une légère
suggestion. Elle n'est pas légère de sens, mais elle sera
facilement perçue. Au plan de l'organisation, qui a une grande
importance pour l'avenir des centres hospitaliers, nous souhaiterions que le
conseil d'administration, lorsqu'il transmet une partie de son plan
d'organisation au ministre pour approbation, ce qui nous plaît d'ailleurs
que cette transmission se fasse directement au ministre, après avoir
pris naturellement avis du Conseil des médecins et dentistes, parce
qu'il est le premier concerné par le plan d'organisation, se donne la
peine d'y joindre les avis et recommandations du Conseil des médecins et
dentistes de sorte que le ministre, qui sera chargé de l'approbation du
plan d'organisation, puisse avoir connaissance, au moment où il
l'approuvera, des avis et recommandations formulés par le Conseil des
médecins et dentistes au sujet du plan d'organisation. Cela nous
paraît tout à fait important que le ministre, chargé
d'approuver les plans d'organisation, puisse avoir connaissance des avis et
recommandations des médecins et dentistes, toujours dans cet esprit, que
le ministre a décrit au début, que les médecins doivent
s'impliquer davantage et qu'ils doivent être de plus en plus
"responsabilisés".
L'article 50, si vous permettez.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant, monsieur.
M. Laurent: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que ce serait possible
de résumer davantage, parce que cela ressemble à l'étude
article par article qui se fera, j'imagine, bientôt, mais lors d'une
autre étape de l'étude du projet de loi? Je pense toujours
à ceux qui attendent de se présenter devant la commission.
Mme Lavoie-Roux: L'article 50, on l'a
vu de toute façon.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez vu l'article 50 de
toute façon.
M. Laurent: Je dois insister sur l'article 50, puisque que c'est
une des dispositions importantes de ce projet de loi avec laquelle l'ACMDQ est
d'accord en principe: Le chef de département clinique est responsable de
l'utilisation des ressources et de la gestion des ressources de son
département. Nous souhaitons que la disposition qui se lit comme suit:
"II surveille la façon dont s'exerce la médecine dans son
département", soit biffée, puisqu'elle donnerait ouverture
à une foule de... Je regrette, c'est l'article 51 plutôt que
l'article 50, qui se traduit par l'article 71-1 de la Loi sur les services
sociaux et les services de santé. Nous souhaiterions que cette phrase
soit changée par la suivante: II coordonne et surveille les
activités professionnelles et scientifiques exercées dans son
département de sorte que ce serait la conséquence logique de ce
qui précède. Étant donné qu'il est responsable de
l'utilisation des ressources et de la gestion des ressources, il serait normal
qu'il coordonne et surveille toutes les activités de son
département et non pas strictement la façon dont s'exerce la
médecine dans son département qui n'est peut-être pas un
voeu pieux mais une formule assez large et qui conviendrait moins que celle que
nous vous proposons.
Dans un deuxième temps, je le dis brièvement, nous
n'acceptons pas, si vous me permettez l'expression, que ce soit le chef de
département qui impose des sanctions administratives prévues
à l'article prévu par le Conseil des médecins et
dentistes. Nous préférerions, dans un esprit
d'équité, que le chef de département, recommande
plutôt au CMD les sanctions qu'il voudrait voir imposer, lequel serait
juge de la situation et pourrait donner suite aux recommandations non sans
avoir entendu le médecin qui serait visé par ces recommandations
de sanctions du chef de département.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Pourquoi préférez-vous enlever
cette responsabilité au chef de département? La deuxième
question que je voudrais vous poser est: Dans l'état actuel des choses,
le Conseil des médecins et dentistes doit veiller à la
qualité des soins; dans quelle mesure intervenez-vous auprès de
médecins à l'intérieur de l'établissement sur des
cas qui vous apparaîtraient - là, je vais utiliser le mot
déviant parce que je n'en trouve pas d'autres mais je pense que vous
comprenez dans quel sens je l'entends - et avez-vous des statistiques
là-dessus?
Me Laurent: Aujourd'hui, cette fonction est exercée par le
Conseil des médecins et dentistes, par l'un de ses comités qui
est le comité d'évaluation médicale et dentaire qui doit
suivre une procédure assez longue avant d'en arriver à des
sanctions.
Par cette loi, on veut permettre au chef de département d'imposer
proprio motu des sanctions prévues naturellement par le Conseil des
médecins et dentistes, mais il imposerait lui-même les sanctions
à ses pairs, dans son propre département. Il pourrait se
créer des situations, semble-t-il, où un chef de
département pourrait s'en prendre un peu trop fortement à un ou
à quelques membres de son département et cela pourrait
créer, naturellement, des contrariétés, pour dire le
moins, dans le département. Si c'est plutôt le Conseil des
médecins et dentistes qui imposait les sanctions, sur recommandation du
chef de département naturellement, il y aurait un plus grand esprit
d'équité qui serait respecté.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, sur la deuxième question,
jusqu'à maintenant, dans quelle mesure les CMD sont-ils intervenus
auprès de médecins qui, à leur point de vue, ne
respectaient pas le...?
Me Laurent: Je sais que les comités
d'évaluation...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce une chose courante ou si cela n'arrive
à peu près jamais, c'est plutôt ça le sens de ma
question si vous n'avez pas de statistiques?
M. Farah-Lajoie: Si vous me permettez, je voudrais apporter
quelques petits commentaires à cette question. C'est une chose à
laquelle le ministre a fait allusion cet après-midi. La suspension des
privilèges et des choses comme ça, ce sont des choses très
courantes, qui se font régulièrement dans tous les centres
hospitaliers.
Un exemple peut-être, pour faire allusion à la
première réponse que Me Laurent vous a donnée tout
à l'heure. Il y a beaucoup de centres hospitaliers à
l'intérieur desquels vous avez un département où il y a
deux membres et où il y en a un qui est automatiquement chef; ces deux
membres sont souvent dans le même bureau, ce sont des amis. Alors il est
assez difficile, pour un chef, d'aller réprimander, cela pourrait lui
causer plus de préjugés. Alors, si vous donnez l'ouvrage au CMD,
ça va le dégager un peu de sa responsabilité et je pense
que ce sont des choses qui sont quand même assez fréquentes
auxquelles on a eu à faire face. Mais, comme CMD, ce sont des choses qui
se font très régulièrement, suspension de
privilège, pour vous n'en donner qu'un exemple, pour dossier non
complété, des choses comme ça; tant que les dossiers
ne
sont pas complétés, vous n'avez pas le droit
d'hospitaliser pour X jours, cela se fait régulièrement
actuellement avec nos comités.
Mme Lavoie-Roux: Je m'étais laissé dire que,
finalement, vous n'interveniez à peu près jamais.
M. Farah-Lajoie: Non, c'est régulier dans tous les centres
hospitaliers.
Le Président (M. Bordeleau): Bon, alors on peut continuer
en tentant d'abréger autant que possible. (20 h 45)
M. Laurent: Oui, brièvement; je vais sauter, si vous le
permettez, l'article no 56; notre proposition est claire, je vous laisse le
soin de l'adopter.
L'article no 57 est plus important et je vais être bref
là-dessus. Nous souhaitons que la loi revienne à ce qu'elle
était avant et qu'au conseil d'administration d'un centre hospitalier
siège un représentant des médecins internes et
résidents, tel que c'était le cas auparavant. Je suis certain,
c'est-à-dire que les gens que je représente m'ont dit que
c'était certain qu'il s'agissait d'un oubli de votre part et que vous
alliez vouloir le corriger promptement.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Laurent: Oui; d'ailleurs comme dit le Dr Bergeron, si vous
voulez en faire des administrateurs, il faut...
M. Johnson (Anjou): ... passer à la troisième
lecture aussi.
M. Laurent: Ce qui est très important pour nous, c'est
qu'au Conseil des médecins et dentistes dont les pouvoirs sont
exercés par un comité exécutif, le président du
comité exécutif a beaucoup d'importance et souvent, ce n'est pas
le président du comité exécutif, qui est à la fois
le membre du CMD, qui siège au conseil d'administration. Etant
donné à nouveau que vous voulez intégrer grandement les
médecins à la gestion, il nous apparaîtrait souhaitable...
D'ailleurs, c'est dans cette perspective qu'il serait souhaitable que le
président du comité exécutif qui est vraiment au courant
plus que tout autre, selon toute apparence, des problèmes du Conseil des
médecins et dentistes de son établissement, siège au
même titre que le directeur général, au conseil
d'administration de l'établissement.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va. Alors, no 59.
M. Laurent: L'article 59 dit ce qu'il a à dire.
Dans l'ordre d'idées de ce que je viens de dire, il serait
prévu naturellement que le président du Conseil des
médecins et des dentistes qui siégerait au conseil
d'administration ne soit pas là pour trois ans, mais seulement pendant
le temps qu'il serait président du CMD naturellement.
Les autres dispositions importantes sont en rapport avec l'article no 73
où, comme fonction additionnelle, l'ACMDQ croit devoir revenir au
conseil des médecins et dentistes de l'établissement. Nous avons
ajouté, dis-je, la distribution des soins médicaux et dentaires
dans l'établissement. Ceci existait déjà par le
règlement. En vertu du règlement, c'était une des
fonctions du conseil des médecins et dentistes; étant
donné que le conseil est déjà chargé du
contrôle et de l'appréciation des actes, du maintien de la
compétence des médecins, de l'établissement des normes, il
nous apparaîtrait plus que cohérent qu'il soit également
chargé de la distribution des soins médicaux et dentaires dans
l'établissement.
Toutes ces modifications... Celle qui suit, à l'article no 77, je
n'y reviendrai pas, on en a parlé tantôt, ce sont les charges du
directeur des services professionnels. Celles qui suivent, sauf la
dernière à l'article no 94 sur laquelle nous voulons insister,
nous apparaissent nécessaires pour véritablement intégrer
le médecin ou le conseil des médecins et dentistes, davantage
comme conseil des médecins, à l'administration, à la
gestion qu'on veut lui confier dans l'établissement. C'est pour cela que
nous vous avons proposé sous forme de recueil de modifications ce que je
viens de vous expliquer brièvement.
A l'article no 94, c'est un souhait qui a été
formulé par le Dr Lajoie dans son mémoire que l'article Q de
l'article no 173 de la loi se lise comme il se lisait avant,
c'est-à-dire: déterminer les centres hospitaliers, et qu'on raye
les dispositions qu'on venait d'ajouter à l'effet que par
règlement - je m'excuse, je cherche l'article Q ici - il soit
autorisé à déterminer les mesures qu'un
établissement peut ou doit prendre en cas d'urgence et préciser
ce que peut être un cas d'urgence et, s'il y a lieu, les soins qu'il
comprend. D'ailleurs, là-dessus je vais laisser le Dr Lajoie
compléter.
M. Johnson (Anjou): Dr Lajoie, pour vous éviter de revenir
sur cette question dont on a parlé assez longuement ce matin, je pense
que vous y étiez, dans le fond, cela vise des notions comme des cas de
viol et de toxicomanie et également les cas de catastrophe naturelle; ce
sont des pouvoirs qui sont plus de la nature de la Loi sur la santé
publique. C'est dans ce sens-là. Je comprends par ailleurs que vous ayez
voulu qu'on l'écarte, puisque ce n'était pas clair et, en ce
sens-là, c'est bien clair qu'il faudra clarifier.
M. Farah-Lajoie: Évidemment, pour des gens qui ne sont pas
légalistes, le sens que vous en avez donné ce matin, on a de la
difficulté à le retrouver dans cet article. Mais mon
collègue a oublié un article important, l'article 88,
c'est-à-dire 139.1, au sujet des changements de vocation de centres
hospitaliers.
M. Laurent: Oui, là-dessus, si vous me le permettez, pour
compléter, nous souhaiterions que lorsqu'un permis est modifié,
soit dans sa catégorie ou, etc..., tel qu'il est indiqué, le
ministre, après consultation, ou en même temps qu'il consulte,
tienne compte des conséquences qu'une telle modification pourrait avoir
sur les effectifs médicaux et paramédicaux du centre hospitalier
qui sera affecté. Si vous changez la catégorie, si le ministre
décide de modifier la catégorie, la classe, etc., d'un centre
hospitalier, naturellement, le personnel pourra être affecté, mais
également les médecins et dentistes et les autres professionnels
de la santé qui oeuvraient ou qui oeuvrent dans ce centre seront
grandement affectés par cette modification. Je suis sûr que vous
saisissez d'emblée les conséquences que ça pourrait
entraîner pour des médecins entre autres ou d'autres
professionnels de la santé qui auraient à se déplacer, ou
qui pourraient difficilement peut-être se déplacer à la
suite d'une telle modification de classe ou de catégorie d'un
établissement de santé.
M. Farah-Lajoie: J'aimerais apporter un commentaire à cet
article-là. C'est un petit peu dans le sens des plans d'organisation des
centres hospitaliers dans une région donnée. On voit mal un
hôpital changer de vocation avec un certain nombre de personnes
médicales et para-médicales qui sont parfois très
spécialisées, qui auraient probablement de la difficulté
à se trouver un emploi, pour ne parler que de ceux qui sont des
paramédicaux, et les médecins, de par les plans d'organisation
des autres centres hospitaliers, auraient aussi de la difficulté
à travailler dans leur région. Nous sommes d'accord que, dans
certaines régions, il peut y avoir des changements de vocation pour des
centres hospitaliers, nous adhérons à cette philosophie. Il reste
qu'il serait quand même important de penser au problème de
l'interpénétration des CMD et de trouver, après
consultation des CMD et des deux centres hospitaliers, s'il y a jumelage, des
modalités de changements ou d'interpénétration de tout ce
personnel.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Une autre
question?
M. Johnson (Anjou): Je vous remercie beaucoup, Dr Lajoie, vos
conseillers et vos collègues de l'exécutif et tous ceux qui les
accompagnent, encore une fois, pour la qualité soutenue à la fois
de votre mémoire et de vos interventions. Merci infiniment.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne m'avez pas laissé le temps de
réagir. J'avais une question.
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas grave. À la page 3 de votre
mémoire, vous indiquez que vous avez fait une étude
l'été dernier, si je ne m'abuse, sur le problème des
effectifs en régions. Vous aviez organisé une table de
concertation. Vous en avez fait le thème de votre congrès
récent, en novembre 1981. Est-ce que vous avez soumis à ce moment
une étude quelconque, ou, enfin, des réflexions sur le sujet?
Est-ce qu'il y a des documents qui seraient à la disposition du public
sur cette question à la suite de votre colloque ou en préparation
de votre colloque?
M. Farah-Lajoie: Je vous remercie infiniment de me poser la
question, parce que c'est, je pense, presque un voeu. C'est d'ailleurs une des
résolutions de notre dernier congrès. À la suite de
différentes visites dans les régions "éloignées",
qui sont quand même assez rapprochées maintenant, nous avons
ramassé tranquillement, à force de discussions, différents
éléments. C'est un peu la raison pour laquelle nous disons que la
loi 27 n'est pas allée, à notre avis, chercher en profondeur tous
les problèmes des régions éloignées. On en a fait
mention à quelques reprises aujourd'hui, on en a parlé, on a
glissé un peu là-dessus, on a parlé de moyens incitatifs,
d'émoluments, on a parlé de médecins mieux payés
à l'extérieur que ceux qui vont rester dans les milieux urbains.
Mais nous pensons qu'il y a plus que ça et nous nous sommes rendu compte
qu'il y a effectivement plus que ça, parce que si vous parlez à
des médecins qui travaillent, qui oeuvrent actuellement dans les
régions éloignées et que vous leur dites: On va vous
régler votre problème, on va vous donner des milliers de dollars,
cela ne réglera pas leur problème, ils vont revenir. Il y a
l'insécurité par mangue de couverture spécialisée.
Il y a une vie sociale et familiale très difficile. Il y a un travail,
pas nécessairement un travail physique important, mais une
disponibilité qui est différente de celles des médecins
qui sont dans les régions urbaines. La formation médicale - sur
cela nous insistons beaucoup, c'est pour cela que nous avons parlé de
table
de concertation et nous faisons allusion, à ce moment, aux
universités, à la corporation -semble, et j'insiste sur ce mot,
semble inadéquate pour les régions éloignées.
Les médecins sont bien formés, sont bien
entraînés mais, dans les régions éloignées,
tout est complètement différent. Pour ne vous donner qu'un
exemple, un interne résident qui s'entraîne dans les grands
centres hospitaliers de Québec, Montréal, Sherbrooke, se trouve
sous une espèce de tente de spécialités, de
confrères, il est chapeauté. Il se retrouve en régions
éloignées seul, absolument sans aide et sans couverture. Ces
médecins sont portés assez facilement à se fatiguer
rapidement parce que les cas sont aussi graves dans les régions
éloignées que dans les régions urbaines. Ils sont mal
entraînés à faire face à ces urgences. Certains
centres nous ont suggéré d'inciter les universités
à envoyer les internes, les résidents en stage
d'entraînement dans les régions éloignées avant
d'être reçus médecins pour leur expliquer ce qui se passe,
leur montre à quelle sorte de vie ils auraient à faire face une
fois leur entraînement terminé dans les grands centres. On a
parlé d'équipements qui sont insuffisants. On ne peut pas
pratiquer la cardiologie, par exemple, dans une région
éloignée comme on la pratique dans un centre de cardiologie
superspécialisé à Montréal. La formation
médicale continue à être difficile. Ces gens sont
obligés de revenir à Montréal, à Québec, de
dépenser des sommes fabuleuses pour venir suivre un cours de trois ou
quatre jours pendant une fin de semaine dans un hôtel de la ville. C'est
incroyable, mais ce sont toutes des choses qui n'ont pas été
discutées. C'est pour ça que nous avons parlé de table de
concertation et que nous pensons que nous de l'ACMDQ et les CMD pourrions
être la table tournante de cette chose.
Je pense que ces choses doivent être dites. Les incitatifs
pécuniaires, c'est pour nous un diachylon pour le moment. Je pense que
le problème est en profondeur. Les doyens sont sensibilisés
à ça. Mais c'est la formation future. C'est dans quatre, cinq ans
que les nouveaux médecins vont être sur le marché du
travail. Il faut les préparer à s'en aller dans des
régions éloignées. Ils ne le sont pas actuellement. La
formation, par exemple, de spécialités, pour ne parler que d'une
spécialité qui est la chirurgie, est compartimentée
actuellement. C'est assez difficile, pour un chirurgien, de ne faire que de la
chirurgie générale pour laquelle il a été
entraîné dans les grands centres à Montréal. Quand
il se retrouve en Gaspésie, il doit faire face à des accidents
orthopédiques, urologiques, gynécologiques, etc. Ce sont toutes
des choses qui doivent être dites. Ce sont des choses que nous disons,
que nous avons constatées. Les changements de formes de pratique, de
l'entraînement des jeunes, par exemple, en omnipratique, avec la
médecine globale, il y a quand même du bon là-dedans, mais
ce jeune doit faire face à des urgences quand il se retrouve
là-bas. Cela devient facilement stressant. Il souffre
d'insécurité et, quand il a fait ses deux ans, il s'en retourne,
il s'en revient. Il y a aussi le problème du conjoint ou de la conjointe
qui a de la difficulté à s'adapter à son nouveau milieu et
qui n'est pas capable de se trouver du travail, entre autres. Ce sont toutes
sortes de petits points comme ça qu'on a relevés.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous n'avez rien d'écrit, vous
n'avez pas de texte écrit sur votre réflexion. Je vous remercie
quand même de ce témoignage. Je pense qu'il est important.
À votre point de vue, croyez-vous... Ce que je crois comprendre,
c'est qu'uniquement avec le mécanisme prévu dans la loi 27 qui
détermine la géographie... On n'a pas besoin d'une loi pour
déterminer les régions géographiques, mais c'est en fait
le mécanisme qui est prévu dedans, qui est une
rémunération différente selon qu'on travaille dans un
secteur donné ou dans un autre, compte tenu des distances, ce qui ne
vous apparaît pas comme un mécanisme suffisant. Cela peut
peut-être apporter un certain soulagement, mais qu'est-ce que c'est,
votre...
M. Farah-Lajoie: En fait, c'est ça. C'est une solution qui
nous apparaît actuellement incomplète, parce que cela ne
réglera pas le problème qu'on prenne des arrangements, même
des ententes avec les fédérations pour envoyer un
spécialiste ou un médecin omnipraticien dans une région
pour trois ans, avec des incitations financières. Dans trois ans, il va
avoir à faire face même... Parce qu'on ne peut quand même
pas envoyer douze médecins dans une région où on n'en a
besoin que de deux. Le stress va demeurer là. La vie sociale va
être perturbée autant. Le travail va être aussi ardu. Nous
pensons qu'il faut aller plus loin.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Je remercie
l'Association des conseils des médecins et dentistes du
Québec.
J'invite maintenant la Conférence des CRSSS,
représentée par M. Carrière. M. Carrière, si vous
voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent, nous sommes
prêts à vous entendre.
Conférence des CRSSS
M. Carrière (Jean): M. le président de la
commission, M. le ministre des Affaires sociales, mesdames et messieurs de
la
commission, j'aimerais pour débuter vous présenter les
représentants de la Conférence des CRSSS. Nous nous sommes
entendus sur deux porte-parole officiels, si vous voulez, un d'une
région urbaine, représentée par M. Denis Charest,
président du Conseil du CRSSS de Laurentides-Lanaudière et
moi-même, Jean Carrière, président du CRSSS 01,
c'est-à-dire Bas-Saint-Laurent, Gaspésie et
Îles-de-la-Madeleine.
Nous sommes deux représentants hors réseau et, à ce
titre, nous espérons pouvoir représenter le plus
fidèlement possible, finalement, le point de vue de la population des
régions. Deux personnes ont gracieusement accepté de se joindre
à notre équipe, deux personnes-ressources, et je les remercie: M.
Gérard Marcoux, directeur général du CRSSS Montréal
métropolitain et coordonnateur à la Conférence des CRSSS,
ainsi que M. Jean-Yves Légaré, directeur général du
CRSSS de Québec.
La Conférence des conseils régionaux de la santé et
des services sociaux du Québec a accepté avec plaisir
l'invitation qui lui a été faite de se faire entendre à
l'occasion de la présente commission parlementaire instituée en
regard de la Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le
domaine de la santé et des services sociaux.
Le présent mémoire commence par une brève
présentation de la Conférence des CRSSS du Québec, afin de
bien identifier l'interlocuteur et qu'il n'y ait pas de méprise possible
sur ce qu'elle représente effectivement. Cette présentation est
suivie d'un retour sur le vécu des conseils régionaux de la
santé et des service sociaux des dix dernières années.
Après cette mise en situation, nous passons à
l'appréciation générale de ce projet de loi que nous
analysons aussi en procédant article par article. Cette partie, qui
consiste en une appréciation spécifique, est
présentée en annexe, suivie de la liste complète des
recommandations regroupées. Ce sont principalement les articles ayant
une portée sur l'organisation régionale des services de
santé et des services sociaux qui ont été
commentés. Quelques-uns de ces articles suscitent à la fois des
commentaires et des suggestions de modifications, tandis que d'autres ne
requièrent que l'un ou l'autre.
En conclusion au texte, nous attirons votre attention sur ce que doit
être véritablement l'organisme régional qu'est le
CRSSS.
La conférence a jugé opportun de bien circonscrire le
cadre dans lequel elle désire intervenir. En effet, chacun des CRSSS
étant essentiellement un organisme lié à un modèle
régional de distribution des services de santé et des services
sociaux, adapté aux besoins et particularismes de la population et du
territoire qu'il dessert, il leur importe de préciser que la
conférence constitue pour eux un lieu privilégié
d'échanges.
Ce regroupement leur permet ensemble de veiller à la
réalisation de leur dénominateur commun que représente la
régionalisation et, en cela, la conférence est fort
représentative. De plus, il est important de souligner que la
régionalisation peut s'actualiser de plusieurs façons et
essentiellement en fonction des particularismes régionaux tels
l'étendue de la région, la répartition et la nature des
ressources en place, les modes de vie, le milieu urbain, semi-urbain ou rural.
Nous voulons donc vous présenter des opinions qui, croyons-nous,
reflètent les préoccupations fondamentales de l'ensemble des
CRSSS.
Ceci étant clarifié, un retour sur le vécu des dix
dernières années s'impose, puisque c'est à la
lumière de ce récent passé que des modifications
législatives ont été suggérées.
Il y a dix ans maintenant, le législateur adoptait plusieurs lois
dont trois principales, soit la Loi sur l'assurance-maladie, la Loi sur les
services de santé et les services sociaux et la Loi sur la protection de
la santé publique. Ces lois avaient pour but soit d'assurer à la
population la gratuité et les services des professionnels de la
santé, soit de fournir un encadrement à l'organisation des
services de santé et des services sociaux, soit enfin d'assurer la
protection de la santé du citoyen par des mesures
appropriées.
Les objectifs poursuivis par la Loi sur les services de santé et
les services sociaux étaient les suivants: accessibilité,
universalité et qualité des services, lesquels devaient
être distribués de façon continue et personnalisée,
en tenant compte des ressources disponibles et de leur meilleure utilisation.
De plus, la Commission d'enquête sur la santé et le
bien-être social avait fortement insisté sur la nécessaire
implication de la population non seulement à l'identification de ses
besoins en matière de santé et de services sociaux, mais aussi
à la gestion du système préconisé.
Le libellé de l'article 3 du chapitre S-5 confirme ces objectifs:
"Améliorer l'état de santé de la population, l'état
du milieu social dans lequel elle vit et les conditions sociales des individus,
des familles et des groupes; "Rendre accessible à toute personne, d'une
façon continue et pendant toute sa vie, la gamme complète des
services de santé et des services sociaux, y compris la
prévention et la réadaptation, de façon à
répondre aux besoins des individus, des familles et des groupes aux
plans physique, psychique et social; "Encourager la population et les groupes
qui s'y forment à participer à l'instauration, à
l'administration et au développement des établissements de
façon à assurer leur dynamisme et leur renouvellement; "Mieux
adapter les services de santé et
les services sociaux aux besoins de la population, en tenant compte des
particularités régionales et à répartir entre ces
services les ressources humaines et financières de la façon la
plus juste et la plus rationnelle possible; "Favoriser le recours aux
méthodes modernes d'organisation et de gestion pour rendre plus
efficaces les services offerts à la population; "Promouvoir la recherche
et l'enseignement."
Cette loi d'organisation des services arrêtait donc un cadre
d'action pour la multiplicité des intervenants impliqués,
commandant de nombreuses interrelations en vue de l'édification d'un
véritable réseau à l'intérieur duquel chacun aurait
une responsabilité à assumer.
Pour ces mises en application, il devenait évident qu'un partage
des responsabilités était nécessaire afin d'harmoniser
entre elles toutes les parties appelées à en assumer l'exercice.
La notion de réseau comme tel n'apparaissait nulle part de façon
explicite et encore moins de façon organisée. Les CRSSS, de par
leur mission, ont eu à développer cette notion de réseau
au fur et à mesure qu'ils travaillaient avec la réalité
régionale puisqu'elle leur permettait d'atteindre les objectifs de la
loi. Cependant, ils ont vécu et ils vivent encore des difficultés
au niveau de l'actualisation de cette notion.
Cette loi donnait donc les grands paramètres devant servir
à articuler ce réseau de services sur une base territoriale.
Cette loi identifiait plusieurs composantes, c'est-à-dire
établissements, qu'elle voulait autonomes quoique
interdépendantes.
Autonomes pour que la prise de décision consécutive
à l'exercice des responsabilités confiées soit imputable
à une organisation responsabilisée; interdépendantes pour
que les bénéficiaires reçoivent des services continus. Les
organisations devaient donc être complémentaires afin de
satisfaire aux attentes de la population.
De plus, la lecture de l'article 18 du chapitre S-5 démontre bien
que les principales fonctions législatives confiées aux CRSSS
visaient à une répartition plus adéquate des ressources
par territoire ainsi qu'à leur utilisation optimale. Pour cela, les
CRSSS devaient être à l'écoute de la population lors de
l'identification de ses besoins. Ils se devaient aussi de susciter la
participation de cette même population à l'administration et au
fonctionnement des établissements dispensateurs de services. Ils avaient
également à assurer les communications entre cette population
bien circonscrite sur un territoire, les établissements de ce même
territoire et le ministre responsable desdits services. Un autre moyen de
connaître les besoins des citoyens en matière de services de
santé et de services sociaux était de confier aux CRSSS le
traitement des plaintes venant des bénéficiaires de services.
Enfin, l'aide-conseil et l'assistance aux établissements dans la
confection de leurs programmes rendaient possible le lien nécessaire
entre l'identification des besoins, la planification et la programmation.
Plusieurs moyens pouvaient être utilisés par ces organismes
régionaux pour favoriser l'émergence d'un véritable
réseau de services. Le législateur identifia, comme moyens
privilégiés, l'échange de services et la mise en place de
services communs et il les confia aux CRSSS.
Cependant, même si le législateur avait déjà
à l'époque souhaité donner les meilleurs moyens en termes
d'organisation pour qu'un véritable réseau de services
émerge, l'expérience des dernières années a fait
ressortir la nécessité d'être plus précis quant au
partage des responsabilités si nous voulons permettre à cette
notion dynamique de réseau de vraiment prendre forme, d'évoluer
et de s'adapter aux réalités sociales régionales
changeantes.
L'expérience des dernières années a aussi
démontré que la capacité de payer a ses limites et que
l'objectif de rationalité prévu initialement devait être
réalisé à brève échéance. La
conjoncture économique difficile n'a fait que remettre en lumière
cet objectif. En effet, la mise en place de ce nouveau modèle de
services a suscité de nombreux projets de développement, risquant
même d'amplifier les dédoublements. Quant à l'objectif de
l'accessibilité des services, il demeure plus ou moins atteint surtout
dans les régions périphériques.
Nous avons vécu avec cette toile de fond pendant dix ans. Nous
sommes donc en mesure aujourd'hui, à la lumière de ce bilan,
d'aller plus avant au niveau de l'identification des moyens requis pour
favoriser une meilleure atteinte des objectifs visés. Une clarification
des fonctions et des responsabilités des niveaux d'intervention et
d'implication aiderait certes à mieux réaliser la notion de
réseau qui demeure la clé de voûte du système
préconisé.
Juste un mot ici avant de passer à l'appréciation
générale du projet de loi sur le CRSSS, c'est un peu aussi en
réponse à certaines interventions d'aujourd'hui. Le CRSSS
représente finalement l'intermédiaire entre les citoyens d'une
région et le ministre des Affaires sociales, mais il n'est pas pour
autant un mini-ministère, si vous voulez, des Affaires sociales
implanté en région, tout comme il n'est pas un groupe de pression
régional. Il est entre les deux, c'est un intermédiaire. Il
représente plutôt un groupe de concertation formé de gens
de la région et, en ce sens, il représente la première
ligne de décentralisation des décisions vers la
région, de façon qu'elle reflète le mieux possible
les désirs de ses citoyens. (21 h 15)
Cette décentralisation des décisions doit, à notre
avis, être vue comme un outil et non comme une fin, un outil qui permet
de rapprocher le niveau décisionnel le plus près possible de ceux
qui sont directement impliqués, de ceux qui ont à vivre avec les
décisions. C'est précisément par ce rôle
d'interlocuteur intermédiaire que le CRSSS peut exercer son rôle
de leadership au niveau régional, c'est-à-dire chercher à
établir des consensus entre les établissements d'une
région afin d'améliorer la qualité des services de
santé et des services sociaux offerts à une population. Ce
rôle d'intermédiaire, le seul vraiment qu'un CRSSS revendique - il
ne recherche pas, de façon générale, de pouvoir, de titre,
si vous voulez - est essentiel car il est le moyen principal par lequel il peut
développer les consensus au niveau de la région.
C'est donc effectivement par pouvoir de consensus que nous
exerçons notre rôle régional, et non par pouvoir de titre.
Le CRSSS n'est donc pas, de par sa nature, un générateur de
division dans une région, mais il est plutôt un
générateur de consensus. Il n'a donc pas comme rôle
d'amoindrir l'autonomie des établissements dans une région, mais
plutôt d'harmoniser l'autonomie des divers établissements afin
d'offrir les meilleurs services de santé et de services sociaux à
cette population régionale.
Passons maintenant à une appréciation
générale du projet de loi. La raison fondamentale des
modifications au projet de loi proposées par la conférence des
CRSSS réside dans la consolidation des efforts consentis et des
consensus, parfois durement acquis, en situant avec plus de précision
les lieux de décisions et d'autorité correspondante aux
responsabilités déjà dévolues, car les objectifs du
chapitre F-5 demeurent. La clarification des rôles de chacun, soit le
MAS, les conseils régionaux, les établissements, le personnel
clinique et non clinique, les bénéficiaires, les
bénévoles et la population, ce rôle est proposé dans
l'optique d'une approche régionale en vue d'une meilleure
rationalisation et d'une meilleure association des intervenants dans leurs
interrelations, et ce, dans le respect des fonctions de chacun.
Les conseils régionaux ont travaillé depuis plusieurs
années à l'édification de ce réseau en
collaboration avec le MAS et les établissements de leur région.
Le projet de loi no 27, à notre avis, cadre de façon très
précise avec cette notion de réseau intégré car il
tend à renforcer, au niveau de l'action, au niveau de l'application, la
cohérence nécessaire entre les trois lois mentionnées
précédemment. Conséquemment, ils donnent leur appui et une
appréciation générale positive de ce projet de loi qui
permettra d'ajuster les moyens aux nouvelles réalités sociales en
matière de santé et de services sociaux.
En effet, le CRSSS formulait déjà, en juillet 1979, qu'une
définition plus claire, plus articulée de la mission, des
fonctions et des responsabilités, non seulement des CRSSS mais aussi du
MAS et des établissements, permettrait d'asseoir les organisations
régionales de services de façon plus rationnelle et de se
rapprocher davantage de l'utilisation optimale des ressources. Ce même
esprit de clarté et de concordance sous-tend les commentaires et les
modifications proposés dans l'appréciation spécifique
présentée en annexe.
Si vous voulez, on pourrait passer à cette annexe et regarder
quelques points. Je pense qu'il n'est pas nécessaire que nous
l'examinions article par article.
Le Président (M. Laplante): Oui, j'allais vous y inviter
parce que je ne voudrais pas qu'on reprenne... Si vous voulez souligner un
certain nombre de points...
M. Carrière: Oui, il y a quelques points qu'on aimerait
faire ressortir pour permettre le maximum de questions de la part des membres
de la commission.
Le Président (M. Laplante): Parfait.
M. Carrière: Par exemple, à la page 1 de l'annexe,
à l'article 1: Rémunération des professionnels de la
santé pratiquant en établissement - ce sont les tâches
administratives - et services fournis par un résident. La
rémunération par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec de professionnels de la santé, pour les tâches
administratives qu'ils accompliront à la demande d'un
établissement, ne pourra que les impliquer encore davantage quant aux
retombées engendrées par la pratique médicale en
établissement. Cette implication, il nous semble, ne peut être que
bénéfique.
Nous recommandons que cet article s'applique aux CRSSS, compte tenu
qu'ils ont besoin de faire effectuer les tâches, tant administratives que
professionnelles, par les professionnels de la santé.
Dans la page suivante, l'article 4, ici... Je ne commenterai pas plus
l'article 1. Si vous voulez, l'article 4, si c'est possible, M. le
Président, j'aimerais le commenter avec l'article 29 à la page 7;
on pourrait prendre les deux en même temps. C'est parce qu'ici, en fait,
on parle de rémunération, on parle de mesures incitatives,
incitatives dans le sens mélioratif du terme, nettement, et je pense
qu'on pourrait joindre le problème de formation, comme le Dr Lajoie l'a
très bien soulevé tout à l'heure pour les régions
éloignées.
Donc l'article 4, ici: Rémunération des professionnels de
la santé, fonction du territoire et des années de pratique;
désignation des territoires. Cet article répond essentiellement
aux besoins de régionalisation des services en matière de
santé et services sociaux. Il répond à des besoins
essentiels depuis longtemps exprimés. Il vient resituer, de façon
plus ordonnée, les différentes séquences qui sont
maintenant reconnues comme devant se dérouler dans les discussions entre
les fédérations de professionnels et le gouvernement.
L'intérêt public reprend de façon explicite la
primauté qui lui revient et nous ne pouvons qu'en être satisfaits,
compte tenu de notre raison d'être. Nous recommandons que les CRSSS
soient consultés préalablement à la détermination
des territoires désignés. Nous nous interrogeons sur les limites
que peuvent présenter des incitatifs d'ordre financier seulement. Nous
recommandons de prévoir des incitatifs relatifs aux autres conditions de
travail susceptibles de favoriser le recrutement et la mobilité de ces
professionnels." C'est ici qu'on pourrait joindre la question des bourses, si
vous voulez. "Nous recommandons que cet article prévoit également
des incitatifs de tous ordres propres à la rétention desdits
professionnels, tel par exemple, un accès facilité à des
activités de formation" des programmes de perfectionnement si vous
voulez, pour le personnel de santé des régions
éloignées. Pour ici, la page 8, je passerai la parole à M.
Marcoux, pour cet article, sur la définition ici du mot usager.
M. Marcoux (Gérard): Alors M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs, sur cet article on pourrait aussi
sûrement évoquer longuement des commentaires et des points de vue
des conseils régionaux. Nous avons cependant pensé nous attarder
plus particulièrement... Il vous a indiqué la page 8, mais c'est
la page 10. Oui page 10, d'accord.
Une voix: De l'annexe.
M. Marcoux (Gérard): Oui. C'est l'article 38 "Les
fonctions d'un conseil régional". Les fonctions d'un conseil
régional. Nous ne voulons pas insister, M. le Président, sur
l'augmentation des pouvoirs d'un conseil régional. Ce dont on se rend
compte cependant ce soir, c'est que, si le vieil adage veut que le bien fasse
peu de bruit et que le bruit fasse peu de bien, nous avons l'occasion de faire
beaucoup de bien ce soir, en vous donnant véritablement dans cette
enceinte, sur le plan des fonctions du conseil régional, le point
clé qui nous occupe. Et on veut vous parler de façon plus
particulière. Nous allons passer rapidement sous silence la question des
plaintes, parce que c'est une vieille recommandation
répétée des conseils régionaux.
Alors, vous savez ce qu'elle signifie. Le ministère est plein de
recommandations depuis nombre d'années, concernant les pouvoirs
d'immunité des responsables des plaintes dans les conseils
régionaux; vous en disposerez. Mais on veut attirer votre attention de
façon particulière sur le projet de loi 27 à l'article ii:
fournir ces biens et services ou avec l'autorisation écrite du ministre,
en confier le mandat à une corporation sans but lucratif. Ce que nous
voulons vous soumettre respectueusement, en autant que nous sommes
concernés comme conseils régionaux, c'est que, sur demande et sur
mandat spécial, depuis maintenant nombre d'années, mais de
façon plus spécifique depuis novembre 1980, avec une politique
très claire. On a souvent dit du ministère des Affaires sociales
qu'il manquait de clarté; cette fois-là, dans la politique-cadre
des approvisionnements en commun, la transparence et la clarté s'y
trouvaient, de telle sorte que, depuis novembre 1980, les conseils
régionaux de l'ensemble de la province fonctionnent avec la
responsabilité suivante, et je cite: Le conseil régional est le
responsable exclusif de la mise en commun des approvisionnements dans sa
région et des moyens de mise en oeuvre. À cette fin, le
ministère des Affaires sociales préconise le recours à des
commissions administratives dans le but d'intégrer les activités
d'achat en commun dans les responsabilités des conseils
régionaux.
Même s'il existe quelques regroupements d'approvisionnements qui
ont utilisé d'autres modalités de fonctionnement que la
commission administrative, il s'agit là de situations historiques qui
doivent discontinuer progressivement. C'est il y a un an et plus. À
cette fin, les conseils régionaux concernés ils se
reconnaissaient très bien - doivent établir des protocoles de
coordination puis d'intégration de sorte que chaque conseil
régional exerce pleinement le rôle qui lui est
spécifiquement déterminé par la loi et par la
présente politique. Et, qui plus est, par souci de planter le clou de
façon très précise, la même directive demandait aux
conseils régionaux, sur le plan de leurs responsabilités et du
rôle qui leur est dévolu, de se reconnaître eux-mêmes,
comme entités, comme les seuls organismes responsables du programme
d'approvisionnements en commun de leur région. Ils sont également
responsables devant le ministère des Affaires sociales des
activités qui en découlent. Leur rôle se situe au niveau de
la planification, de l'organisation, de la coordination et du
contrôle.
Nous croyons, M. le Président, que, dans ce qui est soumis par le
projet loi no
27, nous accusons en tant que conseils régionaux un net recul sur
une réalité vécue dans les conseils régionaux de la
province au cours des deux dernières années. La situation
pratique face à laquelle et le ministère et les conseils
régionaux se trouvent confrontés, c'est qu'à partir du
mandat confié, reposant toujours sur les statuts qui étaient
existants (chapitre 48), qui étaient une conjoncture de deux
responsabilités inscrites dans les fonctions d'un conseil
régional, d'une part, promouvoir les services communs,
l'élimination des dédoublements et, d'autre part, de s'acquitter
des mandats concernant des programmes précis pour l'administration, la
planification, la programmation et le financement de programmes
déterminés par le ministre, ayant reçu ce mandat,
évidemment, il y a des régions qui ont fonctionné et qui,
actuellement, accusent des succès retentissants sur le plan
d'organisation qui était extra-conseils régionaux. Je vais vous
citer, M. le ministre, l'institut conjoint de Montréal avec sa
commission d'achat pour les hôpitaux anglophones, qui s'est
empressée d'entrer - alors que la directive est parue en novembre 1980 -
à l'intérieur du conseil régional avant le 1er
février 1981. Cette directive qui était donnée concernant
la création de corporations sans but lucratif dépendant des
conseils régionaux, demandait à chaque instance régionale
de faire en sorte que, dans l'année de calendrier qui suivait, on
procède avec les organismes, pas en sauvage, mais de façon
civilisée, avec les organismes existants, à une
intégration à l'intérieur des conseils régionaux
des organismes existants. Nous assistons aujourd'hui, après cette
période, à une situation où, dans le projet de loi, nous
lisons que le ministre décide de demander aux conseils régionaux
de fournir ces biens et services, oui, mais avec l'autorisation écrite
du ministre de confier le mandat à une autre corporation. Il y a un
deuxième argument qu'on voudrait vous fournir... (21 h 30)
M. Johnson (Anjou): M. Marcoux...
M. Marcoux (Gérard): II y a un deuxième argument
qu'on veut vous fournir. C'est de vous dire que nous assistons
présentement à une responsabilité qui est très
évidente, concernant les conseils régionaux, qui est de pourvoir
par délégation à la meilleure distribution possible des
ressources et des organismes administratifs sur les différents
territoires. Or, le ministre sait très bien qu'avec 1200 corporations,
actuellement, il est absolument impossible de coordonner sensément les
activités vers les objectifs qu'il recherche. Alors nous nous posons la
question à savoir s'il est vraiment utile à ce stade-ci
d'envisager dans des mécanismes, sur un plan régional, qu'une
structure qui est déjà existante, une corporation au sens du Code
civil, ayant déjà comme mandat de gérer ce type
d'activité, ait comme fonction de promouvoir, avec l'autorisation
écrite du ministre, de nouvelles corporations.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le
permettez, M. Marcoux, dont l'exposé abondant décrit tous les
tenants et aboutissants de ses préoccupations, nous amène
à toutes fins utiles aux dispositions de l'article 18, paragraphe 1, qui
ont permis l'émission d'une directive. En gros, ce que M. Marcoux nous
dit, si je comprends bien, c'est qu'on est en train de faire reculer les CRSSS
au niveau des achats en commun, au sens où le chapitre 48 de la loi de
1971 permettait qu'on confie des mandats aux CRSSS en matière du
maintien de services en commun. Cette directive ayant été
émise l'an dernier, de nombreux CRSSS, pour ne pas dire l'ensemble des
CRSSS, ont commencé à effectivement mettre en branle des
politiques d'achats en commun. Certains avec des succès effectivement
retentissants qui ont littéralement permis l'économie de million
de dollars en termes de fourniture.
Je comprends bien que M. Marcoux trouve qu'on recule dans la mesure
où ce que le projet de loi présente, c'est, plutôt que
d'intégrer la directive dans la loi - ce qu'on dit et on se
réfère essentiellement au groupe de Québec, on le sait -
que cette politique d'achat devra être assumée par le CRSSS, mais
que le CRSSS pourra déléguer spécifiquement, sur
autorisation du ministre ce type d'activité à une corporation
autonome. Disons que c'est confirmer le mandat de façon
spécifique dans la loi - il est inattaquable - alors que la directive
juridiquement pourrait toujours l'être, c'est toujours la même
chose avec les directives. Par ailleurs, je comprends que cela n'a pas le
même caractère de limpidité absolue que rechercherait, je
pense, M. Marcoux, qui est de donner le mandat exclusif. Mais on sait, par
exemple, que dans la région de Québec il y a Partagec, qui est
d'abord historiquement une mise en commun d'établissements importants.
Il s'agit de reconnaître l'existence de certaines de ces corporations qui
existent, qui peuvent rendre ces services, non pas tous les services, mais
certains des services, et c'est l'objet de la loi. Disons que je n'entrerai pas
plus loin dans le fond de la discussion, il y aura d'autres occasions en
commission et en deuxième lecture pour le faire, ou en troisième
lecture.
M. Marcoux (Gérard): Avec votre permission...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Marcoux.
M. Marcoux (Gérard): C'est que nous considérons, M.
le Président, que bien entendu des cas d'exception qui demeurent avec
persistance et avec résistance peuvent exiger des solutions de
compromis. Mais nous nous disons que le ministre ne peut pas reculer sur deux
points à ce stade-ci, à notre point de vue. Premièrement,
c'est que si corporation il doit y avoir, elle doit être sous
l'égide de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux. Deuxièmement, s'il doit y avoir corporation par rapport au
mandat que le ministre a déjà donné aux conseils
régionaux, ces corporations devront assumer leur responsabilité
sous la juridiction du conseil régional concerné.
M. Johnson (Anjou): Je comprends très bien la
préoccupation de M. Marcoux à cet effet. Tout cela pour dire,
incidemment, qu'on essaie d'épargner quelques dizaines de millions pour
les contribuables. Ce n'est pas une mauvaise idée. Cela vaut bien
quelques minutes de discussion.
Le Président (M. Bordeleau): M. Carrière.
M. Carrière: M. le Président, est-ce que je peux
continuer?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, allez- y.
M. Carrière: À la page 14, article 41, je
demanderais à M. Charest de commenter cet article.
M. Charest (Denis): Cet article traite de la composition des
conseils d'administration des conseils régionaux. C'est un changement
important pour les conseils régionaux. Cette nouvelle composition des
conseils d'administration proposée dans la loi 27 répond au
problème déjà identifié de conflit de rôles
fréquent dans le cas de permanents du réseau qui sont membres du
conseil d'administration des conseils régionaux. D'ailleurs, les
permanents continueront de siéger aux commissions administratives des
conseils régionaux.
Deuxièmement, le nombre de 14 membres rend moins lourd le
processus de décision des conseils régionaux. Enfin, la
population est beaucoup mieux représentée au sein de ce nouveau
conseil qu'elle ne l'était auparavant. Nous souscrivons donc pleinement
à cette proposition. Cependant, il y aurait peut-être lieu que le
ministre, en exerçant son pouvoir de nomination, puisse répondre
au moins partiellement au problème fréquent de
sous-représentativité, que ce soit au niveau des
sous-régions de notre territoire ou dans le cas, par exemple, de
certains conseils régionaux où il n'y a pas assez de femmes ou
bien où il n'y a pas assez d'hommes, ce qui est plus rare. C'est de la
discrimination positive.
Mme Lavoie-Roux: Combien y a-t-il de femmes directeurs de
conseils régionaux?
M. Johnson (Anjou): Une.
M. Charest: Je peux dire que, dans notre conseil régional,
actuellement, il n'y a pas une seule femme.
M. Johnson (Anjou): Sur la Côte-Nord, il y a Mme
Moranville.
Mme Lavoie-Roux: Non, qui sont directeurs des conseils
régionaux?
M. Johnson (Anjou): Ah, DG?
Mme Lavoie-Roux: Directeurs généraux des conseils
régionaux, il y a combien de femmes?
M. Johnson (Anjou): À peine plus qu'il n'y avait de
sous-ministres il y a quelques années.
M. Marcoux (Gérard): M. le Président, ce qu'on peut
vous dire...
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, c'est moi qui ai amené les
difficultés, je retire mes paroles.
M. Marcoux (Gérard): Mme Lavoie-Roux, on peut vous dire
très rapidement que le personnel des conseils régionaux est
majoritairement féminin. Peut-être que les directeurs
généraux...
Mme Lavoie-Roux: ... on ira plus loin tout à l'heure.
Quelle poste occupe-t-elle?
Le Président (M. Bordeleau): Je vous invite à
continuer.
M. Charest: On parlait des conseils d'administration.
Mme Lavoie-Roux: Réceptionniste.
M. Charest: Au niveau des conseils d'administration,
effectivement, dans la majorité des conseils, il y a une
sous-représentativité des femmes. Dans notre conseil, dans
Laurentides-Lanaudière, actuellement, il n'y a pas une seule femme. Cela
cause des problèmes parce que ce sont des corps électoraux qui
nomment ces gens. Ce n'est pas notre faute si cela arrive comme cela.
Peut-être que le ministre, dans son pouvoir de nomination, pourrait
consulter les CRSSS, non pas pour savoir quelle personne doit être
nommée, mais pour savoir s'il y a un problème de
sous-représentativité,
s'il y a une sous-région qui est vraiment
sous-représentée, ou s'il y a assez de femmes ou assez d'hommes,
ou s'il y a d'autres éléments qui ne sont pas suffisamment
représentés. Il pourrait exercer sa discrétion dans le
sens d'une meilleure représentativité.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, on continue. Je
vous fais remarquer qu'il n'est pas nécessaire de les passer un par un,
mais simplement d'appuyer sur les points que vous considérez les plus
importants.
M. Johnson (Anjou): Sur le plan de l'organisation et des
effectifs, si je comprends bien, vous voudriez que le processus oblige le
ministre à la consultation des CRSSS dans un processus où
l'établissement fait parvenir ses plans au CRSSS qui fait un plan, et le
ministre approuve par la suite, plutôt que le contraire.
M. Carrière: Vous devinez nos intentions, M. le
ministre.
M. Marcoux (Gérard): M. le Président, nous
demandons plus que la consultation.
Nous demandons le maintien de ce qui existe, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): ... oui.
M. Marcoux (Gérard): L'article 43b qui a été
évoqué ce matin par les parlementaires à la commission,
qui a été adopté avec la loi 10, demandait à toutes
les régions qui avaient des centres hospitaliers avec des contrats
d'affiliation aux universités, confiait aux conseils régionaux la
responsabilité d'autoriser les plans d'organisation. À ce
chapitre, on pense qu'il est important qu'on prenne trente secondes ou une
minute pour vous dire que, dans les principales régions qui ont eu ce
mandat, il y a eu comme exercice, sur le plan des acceptations, des plans
d'organisation de services, de départements et d'effectifs
médicaux, la meilleure contribution et la meilleure participation des
médecins impliqués dans les plans d'organisation que nous avions
connue dans l'histoire des affaires sociales au cours des vingt
dernières années. Nous ne craignons pas de l'affirmer, M. le
ministre, ces plans d'organisation qu'on a constitués à partir du
mandat que nous avons reçu, nous ne sommes pas prêts à vous
dire que nous voulons les abandonner.
Actuellement, nous avons une autorité d'approbation des plans
d'organisation à un niveau régional. Ce que nous vous demandons
par les articles qui sont là, c'est le maintien de ce qui est acquis et,
qui plus est, nous avons capté rapidement que, tant du côté
de l'Opposition que du côté du gouvernement, il y a une constante
sur laquelle il y a unanimité: celle de rechercher un consensus chez les
professionnels participants. Nous l'avons réussi, comme conseils
régionaux, et j'aimerais beaucoup que mon collègue de
Québec vous indique ce qu'il a fait avec l'article 43b sur les plans
d'effectifs médicaux dans les hôpitaux de Québec, alors
qu'il n'avait pas l'obligation d'aller chercher les centres hospitaliers. Vous
en avez eu un témoignage ce matin, d'ailleurs, avec l'Association des
hôpitaux qui est venue dire à nouveau à cette commission
parlementaire le succès obtenu avec l'article 43b.
M. le ministre, c'est une autre insistance de notre part de vous dire:
Ne reculez pas sur ce qui a déjà été acquis avec la
participation des professionnels médecins du réseau sur
l'approbation des plans d'organisation. Nous vous demandons donc que cet
article continue de maintenir le pouvoir au conseil régional, en sachant
fort bien que l'approbation ultime est toujours au niveau du ministre. Mais, M.
le ministre, nous vous plaignons fortement de recevoir 1200 plans
d'organisation demain matin, à votre bureau, pour accepter une à
une les nouvelles nominations de médecins dans chacun des
établissements, puisqu'il y en a maintenant dans les CLSC, dans les
centres d'accueil, dans les CHSP, dans les centres de courte durée et
dans les centres spécialisés et
ultra-spécialisés.
Avec votre permission, M. le Président, est-ce que vous voulez
connaître le commentaire du représentant de la région de
Québec?
Une voix: Oui.
M. Légaré (Jean-Yves): M. le Président, M.
le ministre, mesdames, messieurs de la commission parlementaire, un
quatrième porte-parole pour vous dire qu'à Québec,
même si nous n'avions que le mandat de préparer des plans
d'effectifs médicaux des établissements d'enseignement, nous
l'avons fait dans les 37 centres hospitaliers de la région. Les
médecins ainsi que les directions de ces établissements, de
façon volontaire, ont accepté de collaborer à cette
démarche et tous les plans d'effectifs ont été
préparés pour tous nos établissements centres
hospitaliers.
De la façon dont nous avons travaillé avec ces derniers,
nous avons impliqué un médecin élu dans chacun des
conseils de médecins de tous les établissements et, avec le
directeur général, pendant un certain nombre rie mois, ils ont
travaillé ensemble et ils ont préparé les plans
d'effectifs. Je peux vous dire ce soir, comme nous vous l'avons
véhiculé par écrit antérieurement, que tous nos
conseils de médecins et nos directions d'établissement
étaient satisfaits de cette opération.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
M. Johnson (Anjou): M. Carrière, avez-vous autre
chose?
M. Carrière: M. le ministre, vous voulez parler?
M. Johnson (Anjou): Non, allez-y, si vous aviez autre chose avant
qu'on passe à quelques commentaires.
M. Carrière: On pourrait passer aux articles 56, 57 et 59,
sur la composition des conseils d'administration des établissements.
Essentiellement, cette recommandation, c'est pour que les membres nommés
aux conseils d'administration des établissements ne soient pas des
employés d'un établissement à quelque niveau que ce soit.
Vous comprenez que cela n'exclut pas pour autant la participation, dans le
processus décisionnel, des employés du réseau au niveau
des tables de concertation. Au niveau des conseils, c'est ce qu'on demanderait.
On pourrait terminer, si vous voulez, par un article, l'article 111, à
la page 33. M. Marcoux. (21 h 45)
M. Marcoux (Gérard): Alors, M. le Président, nous
voulons par cette disposition transitoire tout simplement vous proposer qu'il y
ait une date précise pour l'arrivée des nouveaux membres du
conseil d'administration dans les conseils régionaux. La raison est
simple, c'est que nous venons de vivre, il y a deux semaines, les conclusions
d'une élection qui fait en sorte que dans la majorité des
conseils régionaux entre six et huit nouveaux membres viennent
d'être élus pour une période de deux ans. Il arrive que
parmi ces personnes élues un grand nombre sont des permanents du
réseau. Dans l'économie générale de ce projet de
loi, nous nous demandons comment il sera possible pour le conseil
d'administration de vivre quotidiennement si on maintient en place les nouveaux
élus. Alors, nous vous recommandons de préciser une date, soit
mars 1982, plutôt que d'attendre l'expiration des mandats, lesquels
viennent presque tous d'être renouvelés.
Nous recommandons également, pour conserver un certain principe
d'alternance et faire en sorte que les conseils régionaux ne soient pas
privés de toutes leurs ressources au conseil d'administration du
même coup tous les trois ans, nous vous recommandons de prévoir un
mécanisme qui assure la continuité entre les membres actuels des
conseils d'administration et les nominations faites en vertu du présent
projet. À cet égard, le mécanisme suivant pourrait
s'appliquer: Lors de la première élection en mars, les membres
élus par les établissements le seraient pour un an, ceux
élus par les cégeps, les universités et les organismes
bénévoles le seraient pour deux ans et les autres, soit les
nominations faites par les maires et par le ministre, le seraient pour trois
ans, de telle sorte qu'à l'expiration de chacun de ces mandats il y
aurait une continuité. Quant à la première fois, en mars
1982, il nous paraît assez évident que dans chaque conseil
régional les nominations actuelles qui viennent d'être faites, si
les permanents du réseau quittent les conseils régionaux... il
est fort probable que les collèges électoraux
rééliront les derniers venus qui sont actuellement membres du
conseil d'administration.
D'autre part, le ministre vient de nommer deux membres
socio-économiques à chaque conseil d'administration. Il nous
paraît possible que ces membres puissent demeurer aux conseils
d'administration pour assurer ainsi la continuité entre l'actuel conseil
d'administration et le nouveau qu'on pourrait connaître en mars 1982.
Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais simplement qu'on
procède à des questions.
M. Carrière: Oui, mais j'aurais une brève
conclusion, si vous voulez.
M. Johnson (Anjou): Allez-y, M. Carrière.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord, allez-y.
M. Carrière: Maintenant que nous avons
présenté la conférence des CRSSS du Québec, que
nous avons brossé un bilan du vécu des dix dernières
années, que nous avons livré notre appréciation
générale des aspects positifs du présent projet de loi no
27 et que nous en avons fait l'analyse spécifique, il nous semble
essentiel, avant de terminer, d'attirer votre attention sur ce que doit
être véritablement un conseil régional. La mission et la
raison d'être de cet organisme se sont clarifiées à
l'exercice des fonctions confiées sur la base de leur autorité de
compétence et de la volonté de participation des
différents intervenants de chacune des régions. Parler de la
mission d'un organisme, c'est identifier la production, c'est-à-dire les
attentes que l'on peut avoir face à cet organisme. Dans ce contexte, la
mission d'un conseil régional consiste, en quelque sorte, à
administrer régionalement les services de santé et les services
sociaux, c'est-à-dire poser les actions régionales de
planification, de programmation, de budgétisation et d'évaluation
de contrôle quant aux services de santé et aux services sociaux
dispensés sur son territoire. Il nous semble opportun de souligner que
l'utilisation de l'expression "conseil régional désigné"
dans le présent projet de loi souligne bien la
reconnaissance du phénomène de la régionalisation,
car elle confirme que les conseils régionaux n'ont pas besoin qu'on leur
confie toutes les mêmes fonctions, celles-ci pouvant varier selon les
particularismes régionaux.
Dire également que le conseil régional ne doit pas
être un autre organisme bureaucratique au niveau régional ne
suffit certes pas.
En effet, le CRSSS se doit d'être un véritable moteur de la
coordination régionale dans la distribution des services. Il se doit
d'assurer un authentique décloisonnement des établissements pour
la réalisation d'un réseau de services plutôt qu'un
réseau d'établissements.
De plus, compte tenu que coordonner c'est ordonner un système
avec les personnes impliquées dans ce système, il nous
apparaît primordial de mettre en relief, que l'exercice de
l'autorité régionale s'effectue avec la contribution des
principaux intervenants du réseau, c'est-à-dire les
établissements, puisqu'ils sont présents dans le processus de
décisions régionales, chaque fois qu'une commission
administrative ou un comité régional s'impliquent dans la
conduite d'un dossier. Enfin, il demeure essentiel de redire que le fondement
de la mission d'un conseil régional, c'est la population du territoire
qu'il dessert.
En terminant, le CRSSS insiste donc pour identifier les deux principaux
moyens dont il a besoin sur le plan administratif compte tenu qu'il
désire être en mesure d'exercer cette mission de façon
adéquate. Que les CRSSS soient en effet, chacun dans leur région,
le seul intermédiaire entre le MAS et les établissements et
qu'ils détiennent, chacun dans leur région également,
l'autorité correspondante aux responsabilités confiées
sans laquelle il est impossible de vraiment réaliser l'organisation
régionale des services particulièrement Iorsque tous les efforts
de concertation et de coordination ont été fournis.
Ce projet de loi ayant été déposé dans le
but de fournir aux différents intervenants les meilleurs moyens pour la
réalisation des objectifs mis de l'avant il y a dix ans, les conseils
régionaux confirment que cette nouvelle législation leur donnera
les outils de base nécessaires pour être les véritables
moteurs de la coordination régionale des services. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, des
questions.
M. Johnson (Anjou): Alors, M. Carrière, merci ainsi
qu'à ceux qui vous accompagnent qu'ils soient en réseau ou
permanents du réseau comme vous l'avez évoqué.
J'aurais en fait seulement un commentaire pour à peu près
deux minutes et une question à laquelle j'aimerais vous entendre
répondre pendant une minute aussi mais c'est une question assez large.
Vous allez peut-être nous dire que vous allez y repenser et je pense
qu'on va en discuter en troisième lecture.
Mon commentaire est le suivant: La performance des conseils
régionaux au Québec est caractérisée par deux
choses, c'est l'expérience bien modeste que j'en ai eue depuis six mois
en faisant le tour du territoire, il y en a qui sont remarquables et qui ont
réussi à harnacher les meilleures énergies possible pour
obtenir une motivation et une implication des établissements comme dans
certains cas des professionnels. Je pense que ce qu'on évoquait au sujet
de Québec est assez caractéristique à cet effet-là.
On pourrait citer Montréal pour d'autres éléments et
quelques autres; je fais exprès pour ne pas les mentionner parce que
quand il en restera seulement trois que je n'ai pas nommés, on va
comprendre que c'est sûr que je les trouve moins remarquables.
La deuxième caractéristique, je pense -au-delà de
cette diversité et encore une fois là où ils excellent,
ils permettent vraiment un véhicule des besoins régionaux - c'est
que tout le monde tire à la chevrotine sur eux. Je pense que cela a
commencé ce matin et j'ai l'impression que ça va se poursuivre
pendant deux jours; attendez, vous n'avez pas encore entendu l'Opposition
parler là. J'ai l'impression, et c'est un peu normal puisque les CRSSS
sont peut-être une structure finalement relativement mal connue qui n'a
pas nécessairement intrinsèquement avantage à se faire
connaître en tant que structure, intrinsèquement, je ne pense pas
que ce soit la publicité qui soit importante; c'est qu'il se fasse ce
qui se fait dans les régions actuellement. J'ai été
à même de le constater depuis quelques mois, la période
difficile à travers laquelle doit passer le réseau, comme bien
d'autres affaires et comme ce qui arrive aux familles et à bien d'autre
monde dans la société québécoise comme dans bien
d'autres sociétés à cause de la crise économique,
nous a permis de voir que des solidarités régionales
s'étaient exprimées encore une fois d'une façon bien
inégale sur le territoire qui avait permis qu'on progresse et qu'on
avance avec un certain esprit de solidarité à certains endroits.
Une définition des problèmes et surtout une recherche
honnête de solutions et en ce sens-là - sans prétendre que
c'est un blanc-seing - je donnerais cette structure; je dirais que les
régions, c'est aussi un état d'esprit et c'est un état
d'esprit à la fois dans les établissements et au ministère
lui-même. De ce côté-là, ils peuvent être
assurés que du côté du ministère, on fait des
efforts considérables pour considérer cette dimension
régionale des problèmes.
Je leur rappellerai en terminant, avant
de leur poser la question que j'ai pour eux, qu'ils n'ont cependant pas
le droit de taxation encore, et que ce n'est pas pour demain matin, la veille.
Toute la légitimité qui vient avec le droit de taxation comme la
représentation fera qu'ultimement il faudra que le ministère
assume des responsabilités et continue d'assumer ses
responsabilités très larges. Donc, quelqu'un doit répondre
sur la place publique, en l'occurrence, les personnes élues. Je dois
subir d'ailleurs, avec plus ou moins de plaisir selon les jours, mes
collègues en commission parlementaire, en budget ou ailleurs, ce que ne
doivent pas subir les CRSSS, pas plus que les établissements.
La question est la suivante. Elle a trait à l'article 39 du
projet de loi 18.2, premièrement: "autoriser le déplacement d'un
bénéficiaire vers un autre établissement lorsqu'un
établissement vit une situation d'engorgement après avoir
appliqué toutes les procédures en vigueur". Bien entendu, je
pense qu'on aura un débat en troisième lecture intéressant
là-dessus, autour de ces pouvoirs, ce qui est plus spécifiquement
relié à Montréal aussi, notamment. Mais, il y a une
question extrêmement intéressante qui a été
soulevée par un des groupes de médecins - je ne me souviens plus
lequel, je pense que c'est un CMD, cet après-midi - c'est la
liberté de choix. Je ne sais pas si vous avez une réflexion
là-dessus, compte tenu du pouvoir qui est là. Qu'est-ce qui
arrive avec la liberté de choix du citoyen, compte tenu du pouvoir dont
on parle? Je ne m'attends pas nécessairement que vous ayez une
réponse instantanée. J'avoue que c'est une question assez
fondamentale.
M. Carrière: Pour répondre très simplement,
j'aimerais aussi commenter le paradoxe qui semble se poser sur
l'identité des CRSSS. Pour la question du libre choix, je pense que
c'est la priorité finalement, c'est une priorité, c'est une des
choses à respecter, si vous voulez, je parle en tant que hors
réseau. Oui, en tant que hors réseau, c'est une priorité;
c'est un geste démocratique qu'il faut maintenir absolument, je
pense.
Concernant l'identité des CRSSS, je pense que c'est un sujet de
critique, comme vous dites, critique souvent qui est vague, qui est un peu
facile pour nous qui travaillons dedans depuis quelques années, qui y
participons. C'est un paradoxe et je pense qu'il faut s'habituer à vivre
avec cela, parce que d'un côté, si on se présente trop au
niveau d'une région, d'une façon trop forte, si vous voulez, trop
présente, on va être rebiffé parce que c'est une structure
de plus, puis c'est vu par les autres établissements de la région
comme étant une structure. Puis, nous serions peut-être vus dans
ce contexte-là comme voulant promouvoir notre structure.
Si, d'un autre côté on fonctionne un peu dans l'ombre tout
en étant efficace, on se fait dire: Est-ce que vous avez une raison
d'être? Voyez-vous? On est pris dans ce dilemme-là. Comme je vous
dis, on l'accepte et je pense qu'il faut s'habituer à vivre avec cela
parce qu'à long terme... Pourquoi? On a toujours considéré
que ce qui est le mieux pour la région, pour prendre une expression de
mise en marché, de marketing ce n'est pas de vendre le vendeur, si vous
voulez, c'est de bien vendre un produit, et le produit qu'on veut vendre, c'est
de la concertation régionale.
Le Président (M. Bordeleau): Madame la
députée de L'Acadie. M. Marcoux.
M. Marcoux (Gérard): M. le Président, pour ajouter
un commentaire à la question précise du ministre, je pense qu'il
faut véritablement lire l'article jusqu'au bout lorsqu'on parle de la
seule autorité à autoriser un déplacement d'un
bénéficiaire vers un autre établissement lorsqu'un
établissement vit une situation d'engorgement, après avoir
appliqué toutes les procédures en vigueur. Donc,
l'autorité à laquelle on fait allusion, la seule autorité
habilitée, elle exerce en suppléance, si personne n'a fait son
devoir au niveau local, de telle sorte que quand vous êtes placé
face à une coordination régionale, cela demeure quelque chose qui
est essentiel, qui est sauvegardé. Je pourrais vous en parler longuement
- vous avez donné trente secondes ou une minute - mais les
procédures auxquelles il est fait allusion, en vigueur dans
l'établissement, c'est que si tous les intervenants, les
médecins, le conseil d'administration, se sont occupés
véritablement et consciencieusement de prendre toutes les mesures
nécessaires, on ne vivra probablement pas cette situation d'engorgement,
parce que dans les cas les plus pathétiques que nous avons vécus,
il y avait débordement pour des cas d'extrême urgence, parce que
les salles d'urgence étaient encombrées de patients devant
être hospitalisés et qui étaient dans les salles
d'observation pour des périodes de 5 jours jusqu'à 48 jours. (22
heures)
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'aurais le goût de reprendre la
dernière remarque de M. Marcoux. Si c'était juste cela, on
réglerait les problèmes, mais vous savez fort bien qu'il manque
de places d'hébergement pour les personnes âgées, pour les
malades chroniques, ce n'est pas strictement le fait qu'on les tienne dans les
corridors pendant
48 jours, au lieu de les monter aux étages. Est-ce que c'est cela
le seul problème?
M. Marcoux (Gérard): C'est un des éléments
du problème, vous avez complètement raison, c'est un des
éléments. C'est justement la démonstration, Mme
Lavoie-Roux, qu'à ce moment-là ce n'est pas une autorité
locale qui peut régler ce type de problème, et, pour qu'une
autorité régionale puisse le régler, il faut qu'elle soit
munie d'une certaine autorité pour forcer, pour obliger justement ceux
qui ne veulent pas prendre les patients hébergés à les
prendre, quand vient le temps de les prendre. Ce n'est pas le cas actuellement.
L'effort fait par le projet de loi 27 apporte justement sur un plan
régional une autorité additionnelle, mais toujours - et il ne
faut jamais l'oublier - en suppléance, si les procédures locales
n'ont véritablement pas donné les résultats attendus.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie également pour votre
mémoire. J'ai été un petit peu surprise, je dois vous le
dire, qu'il y ait une espèce de consensus à savoir que
peut-être on vous donnait trop de pouvoirs; vous autres, vous veniez en
demander davantage. C'est peut-être moi qui ai une mauvaise perception
des choses, mais je ne peux pas m'empêcher de vous le dire.
Vous définissez, et je vous remercie de l'espèce
d'historique que vous donnez avec référence à la loi, la
philosophie mise de l'avant dans l'établissement du réseau, dans
la création des CRSSS, mais particulièrement la philosophie du
réseau. Je retrouve cela en page 5 entre autres. Il y a d'autres
endroits où c'est indiqué. "Cette loi donnait donc les grands
paramètres devant servir à articuler ce réseau de services
sur une base territoriale. Elle voulait que les établissements ou que
les composantes soient autonomes pour que la prise de décision
consécutive à l'exercice des responsabilités
confiées soit implicable à une organisation
responsabilisée."
À d'autres endroits, vous parlez de la participation et cela
aussi faisait partie de la philosophie de base de la Loi sur les services de
santé et des services sociaux. Est-ce que cela ne vous inquiète
pas quand de plus en plus de pouvoirs vous sont donnés? C'est
d'ailleurs, je pense, les représentations que d'autres vont faire, que
justement vous venez saper d'une certaine façon cette participation, que
vous venez démobiliser ou désinciter les gens à prendre
leurs responsabilités.
Je vais revenir à l'exemple que vous donniez, M. Marcoux, dans le
cas des services et des approvisionnements, je ne sais quel est exactement le
terme, où vous dites: Nous, en tout cas, dans certains endroits
où on l'a fait, on l'a fait avec succès. Je ne mets pas cela en
doute du tout. Vous craignez fort que peut-être on ait l'impression de
vous en soustraire un petit peu, puisqu'on pourrait en confier par mandat
à une corporation sans but lucratif. Je ne vois pas ce qui vous
inquiète là-dedans. Je me dis que vous n'êtes quand
même pas les seuls à pouvoir assumer des fonctions administratives
avec succès. Si on en est rendu là, on est mieux de faire sauter
tous les conseils d'administration des établissements et de vous en
confier la direction. Je ne peux pas m'empêcher de vous dire mon
étonnement, parce que je trouve que vous avez beaucoup de pouvoirs et
c'est la voix un peu commune qui se fait entendre ici. Or, vous venez dire:
Écoutez, surtout ne nous en enlevez pas, parce qu'on a bien fait... Je
ne dis pas que vous n'avez pas bien fait ce qui vous a été
confié, d'ailleurs, je ne serais même pas capable de donner
l'évaluation que le ministre a donnée des CRSSS, parce que je
n'ai pas les données pour le faire. Je trouve ça un peu
étonnant.
Ma question précise est: Est-ce que vous ne craignez pas qu'en
vous confiant de plus en plus et davantage de responsabilités, on vienne
justement saper cette philosophie de base qui a présidé à
l'établissement de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux, de rendre les gens responsables, de rendre les
établissements responsables? Ceci n'empêche pas une coordination,
une évaluation, une planification. C'est une de mes questions.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Carrière.
M. Carrière: Non, je ne crois pas, Mme Lavoie-Roux.
Finalement, c'est une réforme qui a commencé vers 1971, mais on
n'est pas rendu au bout de cette réforme démocratique, la prise
en charge de la gestion des services par les citoyens des services de
santé et des services sociaux. Pour vous donner un exemple de ça,
de plus en plus, ce qu'on voit, c'est que les gens participent de plus en plus,
non de moins en moins. Quand on disait tout à l'heure qu'un CRSSS est un
intermédiaire, ce n'est pas un mini-MAS dans une région, il y a
des consensus qui sont formés au niveau d'une région et
après ça, il faut aller le vendre à Québec, au
niveau du ministère. C'est l'inverse, souvent, c'est le cheminement de
nos activités.
Si on établit un consensus, c'est parce qu'il y avait des
citoyens à la base. Ce qu'on demande, c'est de démocratiser
encore plus le système. Quand on demande d'avoir des gens hors
réseaux sur les conseils d'administration des établissements, on
veut redonner aux gens les moyens, on veut valoriser la prise en charge par les
citoyens, de l'administration de leurs établissements.
M. Marcoux (Gérard): En addition, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: ...revaloriser... M. Carrière: Je
n'ai pas terminé. Mme Lavoie-Roux: Excusez.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Marcoux, un complément de réponse?
M. Carrière: J'aimerais ajouter une deuxième chose,
dans le contexte qu'on a dessiné ici, dans l'introduction, on dit
qu'après dix ans, on a un portrait plus précis des
responsabilités dont on a besoin, pour établir ces consensus
régionaux. Tout le sens des recommandations spécifiques qu'on
fait, les ajouts qu'on demande à la loi, ainsi de suite, c'est purement
en fonction de mieux travailler à établir des consensus au niveau
de la région. C'est ça la nature de l'autorité qui est
demandée. Ce n'est pas un pouvoir de titre, ce sont des moyens que nous
prenons pour être capables d'aller chercher des consensus pour donner de
meilleurs services, soit entre deux établissements... Je peux vous
donner un exemple,' je viens de Gaspé, on a travaillé cet
automne, à un problème, on avait deux centres de santé,
deux conseils d'administration, quatre corporations, j'en mets, je vais
arrêter là. Finalement, c'est un problème de
rationalisation de service. Il fallait que les gens se prennent en main. On
s'est dit, il y a assez de compétence dans une ville comme Gaspé,
pour être capable de régler un problème comme
ça.
Au niveau du CRSS5, c'est qu'on a exercé un certain leadership,
on a incité les gens à se rencontrer. Évidemment, cela a
biffé un peu au début, mais par la suite, les deux conseils ont
accepté de cheminer et on en est rendu à avoir une direction
générale commune pour ces deux établissements. Mais
à partir de ça, on peut rationaliser un tas de services à
l'intérieur de ça. Cela a été bien repu par la
population. Qui a décidé ça? Ce sont les conseils
d'administration, les gens, ceux hors réseau de la population aussi.
Je parle d'un exemple; ça me porte à dire que c'est une
conscientisation, ça se développe. Mais ce ne sont pas des choses
qui vont venir du jour au lendemain, c'est une tradition démocratique
établie. Depuis dix ans, je pense qu'on a fait beaucoup de chemin, mais
il en reste beaucoup à faire.
Mme Lavoie-Roux: À la fin, vous pouvez toujours l'exercer
d'autorité, à l'égard de certaines fonctions.
M. Carrière: Non, dans l'exemple que je vous ai
donné, cela aurait été impossible. Sans un consensus des
deux conseils, cela aurait été absolument impossible. Il a fallu
amener ces gens à cheminer ensemble jusqu'à voir
l'évidence. Ils l'ont vu. Mais s'ils ne l'avaient pas vu, on n'aurait
rien pu faire. Même si on avait fait quelque chose, est-ce que cela
aurait été valable? Je ne le crois pas parce que faire des choses
en dépit de la volonté des gens, contre la volonté des
gens, je pense qu'à long terme, on s'embarque.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, dans le sens de cette
participation - c'est un exemple, de mémoire - vous proposiez une
modification au terme du mandat qui sera donné aux membres du conseil
d'administration des CRSSS. Vous dites: II faudrait avoir une rotation pour
assurer une continuité, etc. Je ne discuterai pas du fond, on y
reviendra en commission parlementaire. Vous suggérez que ceux qui auront
le plus long mandat soient nommés par le ministre. Vous donnez un an aux
gens qui sont - il faudrait que je relise le mémoire, je ne l'ai pas -
du comité des bénéficiaires, deux ans... Pourquoi, si vous
voulez justement la participation, les bénéficiaires ont quand
même, qu'on le veuille ou non, une nomination plus démocratique
qu'une nomination par un ministre... Je m'excuse, M. le ministre. Vous dites
que ce sont ceux qui sont nommés par le ministre qu'on garde trois ans.
Vous nous dites qu'il faut que le milieu soit impliqué. C'est juste un
petit exemple, mais je trouve que, même dans les suggestions que vous
faites, vous ne démontrez pas...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, monsieur.
M. Charest: En fait, chaque groupe est nommé pour trois
ans. Il s'agit de savoir par qui on commence. Cela peut aussi être par
d'autres que par ceux nommés par le ministre. En fait, cela a plus ou
moins d'importance pour nous. On dit: II ne faut pas que tous les membres
soient nommés en même temps. C'est dit là. Cela pourrait
être autre chose aussi.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Il reste que c'est quand même
indicatif peut-être d'une certaine... Enfin, peu importe. Une autre
question. Ce qui me surprend aussi dans votre mémoire, c'est que, comme
CRSSS, vous ne signalez aucune difficulté que la loi peut créer
à l'égard des citoyens ou des établissements qui sont sous
votre égide. Cela m'étonne un peu, je vais vous donner un
exemple. À l'article 23b.l, il me semble que c'est une question qui
aurait dû vous préoccuper: "Prescrire les cas, conditions ou
circonstances, dans lesquels des services visés à l'article 3 ne
sont pas considérés comme des services assurés pour
les bénéficiaires ou ceux d'entre eux qu'il indique." Vous
avez, à f, une autre disposition touchant les produits pharmaceutiques,
si je ne m'abuse. N'avez-vous pas là des articles qui, d'une
façon indirecte, pourraient imposer une forme de ticket
modérateur, puisque, par cet article, le gouvernement pourrait diminuer
l'accessibilité gratuite à des services?
Je m'étonne que vous ne nous en parliez pas. Vous dites que vous
avez à coeur les soins. Je suis sûre que vous avez à coeur
les citoyens. C'est un peu étonnant que vous arriviez et qu'il n'y ait
aucune... Remarquez bien que, comme on l'a lu très peu, il y en a
peut-être qu'on n'a pas lu ensemble. Il n'y a aucune remarque voulant que
certaines dispositions de la loi vont apporter des contraintes aux citoyens ou
aux établissements qui sont dans le réseau.
M. Carrière: Aux citoyens ou aux établissements, ce
sont deux choses?
Mme Lavoie-Roux: Aux citoyens et aux établissements, si
vous voulez.
M. Carrière: Non, c'est parce que, finalement, on n'en
voit pas. Remarquez qu'avec le projet de loi, ce qu'on dit, c'est que...
Mme Lavoie-Roux: ... vous ne voyez rien.
M. Carrière: ... dans l'ensemble, on a une réaction
positive au projet de loi. Cela nous donne des outils, si vous voulez, dans le
sens qu'on le disait tout à l'heure, pour une plus grande
démocratisation des services. Ce que cela permet, c'est une souplesse
à l'intérieur de chacune des régions. De là
à avoir un ticket modérateur, c'est un cas très
spécifique. On n'a pas envisagé l'hypothèse dans le
mémoire.
Mme Lavoie-Roux: C'est quand même important pour les
citoyens dont vous nous avez donné la philosophie, au début.
M. Carrière: Oui, vous êtes d'accord avec moi, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, que je ne peux pas commencer à lire
toutes sortes d'intentions dans le projet de loi et à les commenter, si
elles ne sont pas là.
Mme Lavoie-Roux: Ce ne sont pas des intentions, c'est un article
qui est dans le projet de loi. Enfin! Ma dernière question s'adresserait
peut-être à M. Marcoux. À ce moment, vous êtes
à établir une centrale d'urgence. D'ailleurs, il y a une
disposition dans la loi qui permettrait aussi d'étendre des services
analogues à une autre région. Est-ce que vous pouvez nous
indiquer le coût de l'établissement de cette centrale d'urgence?
Est-ce que vous en avez fait l'évaluation? Je vais vous poser tout de
suite une deuxième question qui est différente pour
épargner du temps. Est-ce que vous trouvez justifié que les
membres du conseil d'administration du conseil régional puissent
recevoir une rémunération? Ce seront mes deux dernières
questions. (22 h 15)
M. Marcoux (Gérard): À votre question, Mme
Lavoie-Roux, c'est que, sur le plan des estimations comme telles, de ce que
pourrait représenter le financement de la coordination de toutes les
urgences du Montréal métropolitain, je suis malheureusement
incapable de répondre correctement à votre question, parce qu'il
s'agit d'un ensemble tellement énorme. Il y a 32 centres hospitaliers
avec des centres d'urgence dans le Montréal métropolitain. Les 32
centres hospitaliers ont un budget qui dépasse dans leur masse ensemble
1 000 000 000 $.
Mme Lavoie-Roux: ... central.
M. Marcoux (Gérard): Oui, mais pour la coordination, il
arrive que nécessairement, comme actuellement le centre de coordination
aura comme fonction principale de prendre en charge l'urgence
préhospitalière, cela implique que sur le territoire il y aura
des médecins, des ambulances. Cette analyse de tous ces coûts
comme tels, si je me risquais à vous donner un chiffre, je vous
donnerais quelque chose qui, au moment où on est en train de se parler,
serait arbitraire.
Ce qu'on peut vous dire vis-à-vis de cela, c'est que nous
n'assistons pas actuellement dans le Montréal métropolitain
à une nouvelle dépense, on assiste à un
réaménagement de ressources existantes.
Ce qu'on peut vous dire, par exemple, par rapport à tout ce qui
se produit dans le cours des événements actuellement, c'est qu'il
y a justement ce concensus vis-à-vis de toutes les catégories de
ressources, les ressources privées et publiques vers l'objectif qui
était poursuivi pour cette centrale.
Je vais prendre trente secondes pour répondre à votre
question, parce que je brûle de vous répondre, Mme Lavoie-Roux. Il
est certain que, dans cette enceinte, en aussi peu de temps, cette illustre
commission parlementaire ne nous rend pas justice, parce qu'au plan de la
performance, on aurait bien des choses à vous raconter. On pourrait vous
dire que, dans l'exercice du pouvoir d'un conseil régional, si on
comprend bien l'essence d'un conseil régional, c'est que nous ne sommes
pas des assoiffés de pouvoir qui recherchent le pouvoir. La nature
même d'un conseil régional, c'est l'assemblée de tous les
intervenants dans le système de telle sorte que, si on vous parlait
pendant trente secondes de notre performance comme
conseils régionaux, on vous dirait que notre première
étoile au niveau des services à domicile, on est allé la
chercher dans tous les groupes de bénévoles, les groupes de
citoyens pour les attabler dans les conseils régionaux et faire la
distribution des enveloppes que le ministère décidait de donner
dans toutes les régions de la province.
La deuxième réalisation de performance, quand sont
arrivés les programmes OSE, en l'espace de quelques mois, les conseils
régionaux avec la participation de tous les éléments du
réseau, parce que ce sont là nos ressources... Il ne faut pas que
vous pensiez qu'à ce moment-ci, face aux conseils régionaux, nous
sommes face à des bureaucraties énormes. C'est tout à fait
le contraire, nous travaillons avec les intervenants du réseau.
On a eu un succès monstre avec les programmes OSE sur une
période de deux mois, parce que la population était participante
par les établissements, par les organismes bénévoles, par
les groupes de citoyens.
Nous avons eu par la suite, Mme Lavoie-Roux, au niveau de la Commission
des immobilisations - c'est un article sur lequel on est passé vite, qui
était l'article 2 pour les immobilisations - avec la participation de
tous les établissements et des directeurs d'établissements la
meilleure réalisation, parce que, région par région, nous
avons disposé des sommes aux bons endroits pour les immobilisations dans
les centres hospitaliers pour tous les projets de moins de 1 000 000 $.
Le résultat de tout cela, parce que mon président me dit
d'arrêter - il m'en reste encore trois ou quatre, mais je ne vous le
dirai pas - c'est que ce qui fait la force d'un conseil régional, ce
n'est pas le pouvoir que le ministre va nous donner, c'est le consensus qu'on
va chercher avec la participation des établissements.
Le dernier défi dont je veux vous parler, madame et M. le
ministre, c'est que le plan de redressement budgétaire que nous vivons
présentement, c'était la mission la plus difficile à
accomplir. Les conseils régionaux avec peu d'effectifs ont
retroussé leurs manches et ont aussi porté épaule à
la roue pour essayer de réaliser les objectifs des citoyens du
Québec dans la conjoncture économique que nous sommes en train de
vivre.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ce sont les objectifs des citoyens du
Québec ou les objectifs du gouvernement que vous avez essayé de
réaliser?
M. Johnson (Anjou): Je ne veux pas répondre à
ça, M. Marcoux.
M. Marcoux (Gérard): Je vous laisse le soin de
répondre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M.
Charest.
M. Marcoux (Gérard): Oui, je pense qu'il y a d'autres
questions, mais là-dessus je ne voudrais pas non plus...
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas répondu à ma
deuxième question.
M. Marcoux (Gérard): Sur la question de la
rémunération...
Le Président (M. Bordeleau): Pardon?
M. Marcoux (Gérard): Mme Lavoie-Roux a posé une
question sur la rémunération.
Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais souligner
à tout le monde que le temps passe et qu'il nous reste encore deux
groupes à entendre. J'aimerais que tout le monde essaie de concentrer
ses questions et ses réponses.
M. Charest: Une réponse courte sur la question de la
rémunération...
Le Président (M. Bordeleau): Une réponse
courte.
M. Charest: ... des membres des conseils d'administration des
CRSSS. On ne veut pas, nous, les bénévoles des conseils
d'administration des CRSSS, faire des représentations de nature
syndicale. Je pense que vous en avez eu aujourd'hui et on est bien mal à
l'aise pour parler de cette question-là. Il est évident que si le
gouvernement décide de rémunérer, d'une manière ou
d'une autre, les membres des conseils d'administration, il y en a peu qui vont
retourner leur argent mais ça ne fait pas partie d'une demande des
membres des conseils d'administration. C'est tout ce que je peux dire.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas vous imputer ce motif-là,
remarquez-bien, pas du tout. Ce que je voulais savoir sur le
précédent que ça pouvait créer, c'est si ça
vous semblait une nécessité - je suis sûre que ce n'est pas
une demande qui vient, enfin...
M. Charest: On est mal placés pour en discuter.
Le Président (M. Bordeleau): C'est à vous. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Moi, je ne vais pas poser la
question à M. Marcoux parce que je ne crois pas que le temps le
permette. Je devrais dire à M. Marcoux que ce n'est pas une question qui
est posée dans le sens de critiquer quoi que ce soit dans les CRSSS,
mais c'est une question qui se pose du point de vue du principe.
En fait, comme ma collègue de L'Acadie l'a dit, le consensus
semble se former - beaucoup de gens nous ont écrit, etc. - sur le fait
que la loi va donner des pouvoirs immenses aux CRSSS sous 18.1, 18.2 et surtout
18.3. On voit aussi qu'on donne des pouvoirs d'approbation des contrats qui
n'existaient pas avant.
Pourtant, lorsqu'on lit votre mémoire, on peut voir, j'ai
compté onze nouveaux pouvoirs que vous voulez vous donner en plus de
ceux qu'on va vous donner. Il y a les articles 4, 19, 20, enfin, on n'a pas
besoin de les énumérer. Mais ce qu'il y a d'intéressant
là-dedans, c'est que par deux fois, à l'article 1.7 de la section
5 et à l'article 38, le ministre veut vous donner son approbation, mais
vous ne voulez plus que ce soit le ministre qui vous donne l'approbation, vous
voulez vous donner l'approbation vous-mêmes. C'est intéressant.
Ensuite, sur la question de l'information publique dans votre territoire, pour
donner l'information publique aux usagers du territoire, vous avez
décidé d'éliminer cela complètement.
L'article 41, il me semble que c'est un article qui, si votre
recommandation était acceptée, serait un peu dangereux en ce sens
que l'article 41 donnerait à votre conseil d'administration et à
votre directeur général les pouvoirs immenses que vous avez
déjà vous-mêmes. Ensuite, vous demandez une espèce
de pouvoir de veto sur la fusion de deux établissements, sur les comptes
rendus d'établissements. Il faudrait que ce soit approuvé par
vous, selon l'article 81, et vous voulez des pouvoirs de recommandation sur la
nomination d'un directeur général. Est-ce que vous ne pensez pas
que déjà, de par le projet de loi, vous avez des pouvoirs
immenses? Là, vous demandez des pouvoirs tellement grands et les seules
fois que cela exige un veto du ministre, vous demandez que ce soit
enlevé; je trouve que vous allez un peu trop loin. Ne pensez-vous pas
que ça va beaucoup trop loin?
M. Marcoux (Gérard): M. le Président,
là-dessus, pour vous répondre de façon très
sommaire...
M. Lincoln: Non, moi, je veux le demander à M.
Carrière parce que M. Marcoux..., allez-y.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, un des deux. M.
Marcoux.
M. Marcoux (Gérard): Non, ce sera très bref, M. le
Président. Un conseil régional est un outil pour la
réalisation d'une régionalisation. Ce n'est pas une recherche de
pouvoirs, c'est une recherche de décentralisation au
bénéfice des intervenants de la région. C'est cela qui est
demandé.
M. le député, avant de parler des fonctions qui sont
données au conseil régional, il faut vraiment comprendre ce
qu'est un conseil régional et de quoi il est constitué. C'est
véritablement l'assemblée ou la réunion des intervenants
dans une région donnée. À ce moment-là, les
établissements, les organismes bénévoles, les
médecins ne peuvent pas se plaindre d'un pouvoir qui devient
régional, ils sont là dans l'action pour prendre des
décisions sur le plan de la région. Pour chacun des dossiers qui
ont été décentralisés, nous avons fait la preuve
que l'exercice de cette autorité se faisait par ses intervenants. J'ai
commencé à en citer tantôt, je n'en citerai pas d'autres
parce que votre temps est précieux et que d'autres attendent.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, merci, M.
Marcoux.
M. le député de Laurier.
M. Sirros: Je serai très bref, M. Marcoux. À la
suite de cette série d'exemples de choses très bien
réussies de la part du CRSSS, avant d'avoir ces nouveaux pouvoirs,
n'est-ce pas cela un exemple du...
À mon avis, il y a deux approches à la
régionalisation. Il y a une approche où il s'agit de concerter
les choses en travaillant beaucoup sur le consensus en utilisant des choses, la
bonne volonté qui existe dans le réseau. Il y a aussi l'approche
"bulldozer". Finalement, moi, je crains qu'avec une augmentation des pouvoirs
du CRSSS, ce qui a été dit tout à l'heure, les CRSSS ne
sont pas des minima, mais les CRSSS vont devenir de plus en plus des minima
finalement et, une fois que vous avez ce genre de pouvoirs au niveau du CRSSS,
vous démobilisez effectivement, comme madame la députée
disait tout à l'heure, la participation des gens à la base parce
que, finalement, ça sert à quoi? Vous avez le pouvoir, vous allez
décider.
J'aimerais vous laisser sur cela pour réfléchir
peut-être un peu. Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, ça va, s'il n'y
a pas d'autres questions, on va remercier nos invités. Merci de vous
être présentés devant notre commission.
M. Johnson (Anjou): Je voudrais remercier évidemment les
représentants de la Conférence des CRSSS dont on a
été en mesure d'apprécier non seulement les convictions,
mais également la ferveur.
Mme Lavoie-Roux: Je suis bien d'accord.
M. Johnson (Anjou): Je pense que cette ferveur est au centre de
bien des choses dans ce qui se passe en ce moment. Je trouve un peu regrettable
aussi qu'il ne trouve pas plus de défenseurs, pour les CRSSS, ils sont
entre l'écorce et l'arbre, et, de ce temps-ci, ce n'est pas très
confortable. Je veux simplement leur dire que nous en sommes conscients.
Merci, messieurs.
Le Président (M. Bordeleau): J'appelle maintenant la
Corporation professionnelle des médecins du Québec,
représentée par le Dr Augustin Roy.
Veuillez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, M.
Roy.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre, M. le
chef de l'Opposition, mesdames et messieurs les membres de la commission.
Je suis le Dr Augustin Roy, président de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, et je suis
accompagné du Dr André Lapierre, à ma droite, directeur
général adjoint, et du Dr Pierre Saint-Georges, directeur du
service d'inspection professionnelle.
Nous remercions le ministre d'avoir bien daigné nous inviter
à cette commission parlementaire au cinquième rang, et de nous
avoir donné l'occasion d'écouter tous les intervenants
antérieurs. Nous sommes sûrs, évidemment, qu'il ne voulait
pas que notre patience et notre fatigue fassent en sorte qu'on escamote notre
mémoire. Nous allons essayer de le présenter au complet dans
l'intention d'éclairer la commission et le public.
Nous n'avons pas l'occasion d'avoir la même galerie que nos
confrères omnipraticiens qui sont allés se reposer pour pouvoir
donner de bons soins à la population, aux malades du Québec
demain, parce que nous savons qu'ils ont confiance en nous. Nous avons
observé le ministre aujourd'hui. D'après ses observations et ses
déclarations, nous avons l'impression que tous les dés ne sont
pas pipés, comme on en a utilisé l'expression récemment,
et qu'il y a encore des modifications à apporter à ce projet de
loi 27 dans l'intérêt de la santé publique.
Ce projet de loi est extrêmement important. Il est
compliqué et complexe, comme vous avez pu avoir l'occasion de vous en
rendre compte aujourd'hui. Il y a beaucoup de considérations techniques,
je suis certain qu'elles sont difficiles à saisir pour un grand nombre
de députés, et nous allons essayer, avec les autres intervenants
qui nous ont précédés et qui nous succéderont, de
vous éclairer autant que possible pour faire adopter la meilleure
législation.
Au cours des dix dernières années, c'est-à-dire
depuis la publication du rapport de la commission d'enquête sur la
santé et le bien-être social, la Corporation professionnelle des
médecins du Québec a eu l'occasion de présenter de
nombreux mémoires sur le système de santé et l'exercice de
la médecine au Québec. À plusieurs reprises, dans ses
mémoires, elle a attiré l'attention du législateur sur,
premièrement, le fait que le système apporterait un plus grand
cloisonnement des soins et, par le fait même, risquerait de manquer un
des objectifs du régime, celui d'une médecine globale et humaine.
(22 h 30)
Deuxièmement, sur les conséquences d'une bureaucratisation
plus marquée. Nous soulignions le danger que l'exercice de la
médecine soit axé sur des procédures administratives
plutôt que sur la personne humaine. On doit réaliser qu'on a un
système, malheureusement, de plus en plus dépersonnalisé
et déshumanisé.
Troisièmement, sur la participation des médecins au
régime de santé. On avisait le législateur, dans nos
mémoires antérieurs, que la participation des médecins aux
décisions dans les domaines de leur compétence, serait
noyée dans le processus de participation suggéré et ferait
disparaître complètement toute motivation, ce qui est en train de
se produire.
Quatrièmement, les dangers de l'étatisation du
régime de santé et des affaires sociales. La corporation,
consciente que le ministre doit avoir l'autorité nécessaire pour
intervenir rapidement et apporter les solutions appropriées pour le plus
grand bien public, a toujours tenté de bien doser les pouvoirs de
l'État. Le risque est grand que dans un régime sous
contrôle étatique, l'exercice des professions ne le devienne. Il
nous apparaît important que les règles nécessaires au bon
fonctionnement du système soient établies en collaboration avec
chacun des intéressés et achevées par des gens
compétents dans le domaine. Ces règles doivent être le plus
souples possible, permettre l'initiative et favoriser la motivation.
Cinquièmement, en 1972, nous attirions l'attention du
législateur sur la nécessité de repenser l'organisation
départementale.
Sixièmement, à la suite de nos publications sur les
effectifs médicaux, depuis 1972, nous avons attiré, à
multiples reprises, l'attention du législateur sur la répartition
des effectifs médicaux dans les diverses régions du Québec
et nous lui avons indiqué que la corporation avait les données
nécessaires et l'expertise suffisante pour
participer aux décisions du ministère concernant la
répartition des effectifs. La corporation a été
éloignée de ce domaine. Nous attirons votre attention sur la
publication, la semaine dernière, de la dernière monographie sur
les effectifs médicaux au Québec que nous avons envoyée au
ministre dès que nous l'avons reçue.
Nous avons de l'expertise dans ce domaine, nous sommes très
sensibilisés au problème des médecins des régions
éloignées, nous croyons que ce problème est soluble, pas
aussi difficilement qu'on le laisse croire et qu'il exige une certaine
volonté politique en concertation avec les intéressés qui
sont les médecins. Personnellement, je connais assez bien ce
problème des régions éloignées pour avoir
exercé au Témiscamingue et ensuite, à Schefferville,
pendant trois ans et demi, dans un endroit où il fut agréable de
travailler et où je recommencerais à travailler si c'était
à refaire. Je connais, par ailleurs, la difficulté de ce genre de
pratique et je sais pourquoi les médecins des régions
éloignées, à certains moments, ne peuvent plus endurer ces
difficultés d'exercice, mais qui sont facilement surmontées, si
on s'en donne la peine.
Septièmement, depuis 1964, la corporation a produit quelques
mémoires sur la mise en place d'un système d'urgence dans la
province et en particulier, pour la région du Montréal
métropolitain. En 1964, nous avions estimé à 75 000 $
l'organisation d'un système d'urgence à Montréal. Nous
avions demandé à l'époque une subvention au gouvernement
pour organiser nous-mêmes, en collaboration avec les associations
médicales, un système d'urgence, ce qui ne nous avait pas
été accordé par le gouvernement. Nous sommes au courant de
toutes les études qui ont été faites dans le domaine
depuis très longtemps. Nous nous inquiétons, par ailleurs, de la
lenteur avec laquelle le gouvernement tente de régler la situation par
sa centrale des données localisée au conseil régional.
Nous nous inquiétons des sommes d'argent astronomiques, des millions,
qui ont été dépensées au cours de l'année,
alors qu'un système n'est pas encore en fonction, qu'un médecin
à temps plein est engagé, qu'il y a trente infirmières
à temps plein qui y travaillent, que des millions y ont
été engloutis, dont au moins 500 000 $ pour subventionner la
faillite d'une organisation appelée Télé-Médic,
alors que le système n'est pas encore en fonction. Nous espérons,
par ailleurs, qu'on aura des résultats assez rapidement.
Huitièmement, la corporation a toujours recommandé que les
libertés fondamentales, l'indépendance professionnelle, la
liberté de participation aux régimes d'assurance-maladie, le
libre choix du médecin par le malade et la libre acceptation du malade
par le médecin, sauf en cas d'urgence, la liberté
thérapeutique, la liberté d'installation, soient inscrits dans la
loi et ainsi protégés plutôt que de faire l'objet de
négociations.
Neuvièmement, enfin, la corporation a présenté, le
15 septembre 1981, un mémoire sur le régime des
négociations dans les secteurs public et parapublic, et le maintien des
services essentiels dans lequel elle proposait un nouveau modèle de
relations de travail dans ces secteurs, fondé sur la raison plutôt
que sur la force et permettant de restaurer l'autorité de
l'Assemblée nationale dans ce domaine.
Ainsi, elle proposait l'adoption par l'Assemblée nationale d'un
statut des agents des services de santé et des services sociaux; un
nouveau mode de négociation, appelé "négociation
concertée", et la constitution des agences de régulation des
relations de travail dans les services de santé et les services sociaux
où pourraient se faire entendre les parties concernées, les
groupes de consultation et de bénéficiaires. La corporation
déplore le peu d'attention qu'on a apportée à ce
mémoire.
Je retourne au mémoire que vous avez en main et que je vais lire
tout en passant des grands bouts. Nous espérons que le mémoire au
complet tel qu'entendu ce matin apparaîtra au journal des
Débats.
Après ces multiples recommandations
répétées, nous constatons que l'effet principal du projet
Loi no 27 est de renforcer le contrôle de l'État dans ses
relations avec les professionnels de la santé soumis à une
entente et sur la distribution des services de santé.
Les modifications proposées à la loi sur
l'assurance-maladie taillent une brèche importante dans la
représentativité des syndicats professionnels. Par ailleurs, les
modifications accordent au ministre des Affaires sociales un plus grand
accès aux renseignements que détient la Régie de
l'assurance-maladie sur les professionnels de la santé, allant
jusqu'à permettre, dans certaines circonstances, l'identification du
professionnel dont les données sont fournies au ministre, ce à
quoi la corporation s'est toujours opposée. Ces modifications donnent
à la régie accès à des renseignements sur la
rémunération que peuvent recevoir les mêmes professionnels
en dehors du cadre de la Loi sur l'assurance-maladie.
Les modifications proposées à la Loi sur les services de
santé et les services sociaux limitent l'accès des
médecins aux établissements, renforcent les pouvoirs directs du
ministre sur les établissements, mais plus particulièrement
attribuent aux conseils régionaux de la santé et des services
sociaux des pouvoirs par lesquels ils substituent leur autorité aux
autorités locales des établissements du réseau. Il en
résulte une perte d'autonomie des établissements qui deviennent
des succursales d'un grand
établissement, le Conseil régional de la santé et
des services sociaux.
Les modifications proposées à la Loi sur la protection de
la santé publique accordent au ministre des Affaires sociales ou, par
délégation, à un CRSSS, le contrôle absolu des
services d'ambulance.
Commentaires et recommandations particuliers concernant la Loi sur
l'assurance-maladie.
Article 1. Le dernier paragraphe de cet article laisse la corporation
perplexe. Il se lit comme suit: "Un service fourni par un médecin qui
est en stage de formation pour l'obtention d'un certificat de
spécialiste n'est pas un service assuré, sauf s'il est fourni
dans un établissement autre que celui où il est en stage." Ce
paragraphe peut signifier que le professionnel de la santé qui a rendu
un service considéré non assuré pourrait facturer
directement le bénéficiaire. Est-ce bien là l'intention du
législateur? Une clarification s'impose.
D'autre part, la corporation tient à faire une mise en garde. La
modification proposée à l'article 1 du présent projet de
loi peut avoir des conséquences graves sur la formation des
résidents si l'on ne s'assure pas, en même temps, que les
médecins enseignants soient rémunérés pour leurs
activités d'enseignement. Si les médecins enseignants ne
reçoivent pas de rémunération pour leur enseignement, ils
seront amenés à poser eux-mêmes les actes, au lieu de les
laisser poser par les résidents, de façon à pouvoir
être rémunérés, et ce au détriment de
l'enseignement de la médecine.
Article 4. La corporation est consciente des conséquences des
dispositions introduites par cet article 4 du projet de loi qui touchent les
libertés fondamentales de toute société
démocratique.
La corporation laisse aux fédérations le soin de faire les
commentaires appropriés sur la portée de cet article 4. Elle
désire attirer l'attention du législateur sur les points
suivants, cependant.
La corporation tient à signaler qu'elle doit faire partie des
organismes représentatifs des professionnels de la santé
consultés pour déterminer les territoires insuffisamment pourvus
de professionnels. En plus d'avoir publié, depuis 1972, cinq
études sur les effectifs médicaux au Québec, la
corporation est tenue bien au fait des carences dans ce domaine par la visite,
dans toutes les régions du Québec, des milieux hospitaliers, des
CLSC et des cabinets de médecins.
Enfin, la corporation désire rappeler au législateur que
les ententes peuvent avoir une influence sur l'orientation et la qualité
de l'exercice professionnel; aussi, elle s'inquiète
particulièrement des ententes individuelles qui pourraient être
conclues. La corporation est également bien consciente que les jeunes
médecins et les jeunes spécialistes sont particulièrement
visés par cet article 4 du projet de loi no 27 et qu'il faudrait
également tenir compte des besoins des hôpitaux d'enseignement
dans le choix du personnel médical nouveau.
Articles 19 et 20. Ces articles donnent au conseil des médecins
et dentistes d'un établissement et aux chefs de département
clinique d'un centre hospitalier accès aux renseignements détenus
par la Régie de l'assurance-maladie et concernant les professionnels de
la santé de l'établissement ou du département. Un tel
accès est inutile et ne ferait qu'augmenter la masse de papier au
conseil des médecins et dentistes et dans les départements. Les
données de la Régie, étant surtout de nature quantitative
et n'étant aucunement validées quant aux diagnostics,
n'apporteraient qu'une aide très limitée et très
imparfaite à l'évaluation de la qualité de l'acte
médical et de l'utilisation des ressources. La corporation croit que le
gouvernement devrait plutôt mettre l'accent sur les données qu'une
division du ministère des Affaires sociales appelée "Med-Echo"
peut fournir aux établissements et aux chefs de département. Ces
données sont plus directement reliées à la nature et
à la qualité des actes médicaux posés dans les
établissements. Durant la période des questions, le Dr
Saint-Georges pourrait expliciter grandement cette question.
La corporation, par ailleurs, s'oppose à la transmission au
ministre du profil de pratique collectif des professionnels de la santé
par département clinique d'établissement ou par genre
d'activités exercées dans l'établissement. Elle croit que
l'article 65 de la Loi sur l'assurance-maladie accorde suffisamment
d'accès au ministre concernant les renseignements détenus par la
Régie de l'assurance-maladie. Il s'agit là d'une modification
importante à l'esprit qui avait prévalu lors de
l'établissement du Régime de l'assurance-maladie et qui assurait
la confidentialité des données. Pourquoi une telle modification?
Je me souviens très bien qu'en 1970, quand on a discuté de cette
loi, on nous avait fait la garantie que tout ce qui était à la
régie demeurerait confidentiel et qu'il n'y aurait pas de changement.
Malheureusement, les gouvernements, eux, changent et il semble que leur
politique change en même temps.
La corporation recommande depuis plusieurs années la
création par voie législative d'un centre de données
sanitaires qui aurait comme rôle de faciliter une utilisation rationnelle
de ces données, tout en leur assurant un aspect confidentiel.
La corporation recommande donc de modifier l'article 19 en
conséquence et de rayer l'article 20.
Article 28 (on passe par-dessus l'article 211. On se demande si une
telle
augmentation des sanctions - il a trait aux sanctions des
médecins qui sont accusés d'actes criminels - est
justifiée. Le médecin trouvé coupable d'un tel acte
criminel subit en effet une triple pénalité. Il encourt une
amende lourde et souvent une peine d'emprisonnement du fait de sa condamnation
par le tribunal. Il est automatiquement cité devant le comité de
discipline de la corporation professionnelle où il peut écoper
d'une autre amende ou d'une radiation, c'est-à-dire du retrait de son
droit d'exercice pour une période plus ou moins longue et, enfin, il est
exclu du régime d'assurance-maladie pour plusieurs mois. Aucun autre
citoyen dans notre société n'est puni trois fois pour la
même offense.
Quelques commentaires et recommandations particuliers concernant la loi
médicale.
Article 33. Tel que rédigé - je suis à la page 9 -
cet article 33 n'est d'aucune utilité. Depuis l'entrée en vigueur
du Code des professions et de la nouvelle Loi médicale, les
enquêtes de la corporation sont faites par le comité d'inspection
professionnelle en vertu de l'article 112 du Code des professions et par le
syndic et ses adjoints en vertu de l'article 122 du Code des professions,
plutôt qu'en vertu de l'article 18 de la Loi médicale. Ces
enquêtes ne présentent pas toujours un intérêt pour
l'établissement. Elles peuvent porter sur la conduite ou l'exercice du
médecin, en dehors de l'établissement, sans avoir d'effet sur sa
conduite ou son exercice dans l'établissement. Nous vous
suggérons donc que l'article soit modifié pour se lire comme
suit: Sur demande ou de sa propre initiative, le bureau peut communiquer au
conseil des médecins et dentistes d'un établissement auquel est
rattaché un médecin visé par une enquête les
informations obtenues par le comité d'inspection professionnelle et le
syndic ou les syndics adjoints et qu'il croit utiles à l'exercice des
fonctions du conseil des médecins et dentistes.
Commentaires et recommandations particuliers concernant la Loi sur les
services de santé et les services sociaux.
Article 36. Une des dispositions de cet article exclut du personnel
clinique des établissements les médecins et les dentistes,
lorsqu'il y a un conseil des médecins et dentistes dans
l'établissement. En conséquence, les médecins et dentistes
ne peuvent plus participer aux recommandations faites par le conseil
consultatif du personnel clinique au conseil d'administration sur
l'organisation scientifique et technique de l'établissement. La
corporation croit donc que les fonctions du conseil des médecins et
dentistes devrait comprendre aussi celle de "faire des recommandations au
conseil d'administration sur l'organisation scientifique et technique de
l'établissement". Nous y reviendrons plus loin. (22 h 45)
Articles 38 et 39. L'article 38 accorde des pouvoirs exclusifs au
conseil régional, réduisant l'autonomie des
établissements, en liant ceux-ci aux décisions du conseil
régional. L'article 39 permet aux conseils régionaux
d'établir les politiques d'admission et de transfert des
bénéficiaires, de fixer les normes d'utilisation et de
distribution des lits. La corporation croit que le conseil régional
devrait tout au plus proposer de telles politiques ou de telles normes.
L'article 39 reconnaît que le conseil régional est la seule
autorité habilitée à autoriser le déplacement d'un
bénéficiaire vers un autre établissement, lorsqu'un
établissement vit une situation d'engorgement. Il s'agit d'une
ingérence dans l'exercice de la médecine, puisque
l'évaluation de la condition médicale d'un
bénéficiaire et des risques d'un transfert sont du ressort de
l'exercice de la médecine.
Les articles 41, 56, 57, 59 et 60 du projet de loi modifient la
composition et la durée du mandat des conseils d'administration des
conseils régionaux, des centres locaux de services communautaires, des
centres hospitaliers, des centres de services sociaux et des centres d'accueil.
La corporation désire rappeler au législateur que la
représentativité n'est qu'un des éléments qui
devraient guider le choix des administrateurs. La corporation croit que l'on
devrait augmenter la représentation des médecins aux conseils
d'administration des conseils régionaux, des centres communautaires, des
centres hospitaliers et des centres d'accueil. Au moins deux médecins
comprenant, là où il y a un conseil des médecins et
dentistes, le président de ce conseil, devraient siéger aux
conseils d'administration de ces organismes. S'il est vrai que le projet de
loi, comme on le verra ci-après, exige des médecins un
contrôle plus strict sur leurs pairs dans les établissements, il
n'augmente pas la participation des médecins au niveau
décisionnel sur la gestion des conseils régionaux et des
établissements. C'est là, croyons-nous, une lacune de la loi sur
les services de santé et les services sociaux que nous avons toujours
déplorée.
Article 49. Cet article oblige un centre hospitalier à
prévoir, dans son plan d'organisation, la formation de
départements cliniques et de services cliniques et le nombre de
médecins et dentistes qui peuvent exercer dans ces établissements
et services. Certains centres hospitaliers n'ont pas les ressources
matérielles et humaines permettant de subdiviser les départements
en services cliniques. Il ne faudrait pas que ces centres hospitaliers aient
l'impression que la loi les oblige à former des services cliniques. Cet
article a aussi pour effet d'obliger un centre hospitalier à fixer le
nombre de médecins qui pourront y exercer leur
profession tant dans ce centre que dans chacun de ses
départements et services. La corporation croit aussi que cet article 70
devrait prévoir la révision périodique du plan
d'organisation au moins tous les trois ans et annuellement, en ce qui concerne
le nombre des médecins et dentistes pour pouvoir tenir compte de la
qualité et de la productivité des médecins qui y exercent
et ainsi assurer le maintien de la qualité des soins.
Article 51. La corporation croit que la rédaction de cet article
laisse planer une certaine confusion, qui existe d'ailleurs dans le
règlement actuel, sur les fonctions qu'exerce un chef de
département clinique, sous l'autorité du conseil des
médecins et dentistes, responsable du contrôle des actes
médicaux et dentaires, et celles qu'il exerce sous l'autorité du
directeur des services professionnels, qui sont des fonctions de gestion. La
corporation suggère donc de rédiger l'article 71.1 de la
façon suivante -je suis à la page 15 - Le chef de
département clinique d'un centre hospitalier surveille la façon
dont s'exerce la médecine et l'art dentaire dans son département.
Il est responsable de la gestion des ressources de son département; de
proposer au besoin, pour son département, des règles de soins au
lieu de normes qui peuvent prévoir des sanctions administratives que le
conseil des médecins et dentistes doit adopter, conformément
à l'article 112.1; de l'observance, par les médecins et dentistes
de son département, des règles de soins adoptées par le
conseil des médecins et dentistes. Il impose les sanctions
administratives qui peuvent y être prévues et, dans ce cas, il
doit en aviser le conseil des médecins et dentistes.
En ce qui concerne l'article 71, pour épargner du temps, nous
vous référons au mémoire. Et la même chose
s'applique à l'article 73, nous vous référons au
mémoire écrit.
Article 74. Cet article oblige les conseils des médecins et
dentistes à adopter des "normes sur la fourniture des soins requis et
sur l'utilisation des ressources disponibles". Pour la profession
médicale, les normes équivalent aux données de la science
décrites à la littérature médicale et
enseignées aux médecins.
Pour éviter toute confusion dans l'utilisation des termes, nous
recommandons de remplacer l'expression "normes sur la fourniture des soins" par
l'expression "règles de soins". Compte tenu des commentaires
formulés aux articles 36, 51 73 et 74, les articles 112 et 112.1 de la
Loi sur les services de santé et les services sociaux devraient se lire
comme suit: "112. Le conseil des médecins et dentistes est responsable
vis-à-vis du conseil d'administration: a) du contrôle et de
l'appréciation des actes médicaux et dentaires posés dans
l'établissement: b) du maintien de la compétence des
médecins et dentistes exerçant dans l'établissement
à un niveau suffisant pour assurer des services de qualité
à la population en ce qui a trait aux soins médicaux et
dentaires. Il a aussi pour fonction de faire des recommandations au conseil
d'administration sur l'organisation scientifique et technique de
l'établissement. Le conseil des médecins et dentistes d'un centre
hospitalier remplit également les autres fonctions
déterminées par règlement." "112.1: Le conseil des
médecins et dentistes d'un centre hospitalier doit adopter, s'il y a
lieu, pour chaque département clinique, des règles de soins
proposées par les chefs de département clinique - avec ou sans
modification. Ces règles peuvent prévoir des sanctions
administratives pour, notamment, limiter ou suspendre le droit d'un
médecin ou dentiste d'utiliser les ressources disponibles dans le centre
hospitalier. Une disposition de ces règles qui établit une
sanction administrative entre en vigueur sur approbation du conseil
d'administration du centre hospitalier."
Article 77. La corporation croit que pour bien indiquer
l'autorité, en matière de gestion, du directeur des services
professionnels sur les chefs de département clinique on devrait ajouter,
au paragraphe a de l'article 118, les termes "diriger, coordonner et surveiller
les activités de gestion des chefs des départements cliniques".
Nous voulons noter ici que l'Association des directeurs de services
professionnels est complètement d'accord avec toute notre position sur
le rôle des directeurs de services professionnels, des chefs de
département clinique et sur le rôle des conseils des
médecins et dentistes.
Article 85. Il faudrait tout simplement remplacer - c'est quand
même important - à la cinquième ligne, le mot "engagement"
par le mot "nomination", puisque le médecin ou le dentiste n'est pas un
employé du centre hospitalier. L'effet de cette modification à la
loi est de limiter l'accès des médecins aux centres
hospitaliers.
Le surpeuplement d'un centre hospitalier en personnel médical ou
dentaire pouvait nuire au maintien de la compétence de ces
professionnels, en ne permettant pas un volume d'exercice suffisant pour ce
maintien. Une telle modification pourra peut-être contribuer à une
meilleure répartition des médecins, tout en évitant, par
ailleurs, qu'il se produise des chasses gardées.
Cependant, la corporation s'interroge sur le bien-fondé du
principe énoncé à savoir que la candidature d'un
médecin dans un centre hospitalier puisse être refusée sur
une question de coût seulement. L'utilisation du critère
"coût" pourrait amener une diminution de l'accessibilité des soins
médicaux et possiblement de la qualité de l'exercice de la
médecine pour des raisons d'ordre
strictement économique. De plus, il faudrait prévoir une
façon d'intégrer aux activités de l'établissement,
les médecins de la région desservie par ce centre
hospitalier.
Article 94. Cet article qui traite des soins qui doivent être
donnés dans un cas d'urgence relève du jugement du médecin
dont on doit respecter la liberté professionnelle. Il doit sans doute
s'agir d'une erreur de rédaction. Ce paragraphe devrait plutôt
faire allusion à une situation de désastre et se lire comme suit:
"q) Déterminé les centres hospitaliers qui doivent offrir et
maintenir de façon ininterrompue un service d'urgence, déterminer
les mesures qu'un établissement peut ou doit prendre en cas de
désastre et préciser ce que peut être un cas de
désastre", Évidemment, comme le ministre le dit, si on
désire introduire la notion de viol, d'intoxication dans les cas
d'urgence, je pense que l'article devrait être écrit
différemment.
Enfin, la corporation croit qu'elle devrait être consultée
avant que l'on procède à l'élaboration des
règlements en vertu des paragraphes f, i, j et k de l'article 173 qui
touchent de près les fonctions qu'elle exerce.
Commentaires et recommandations particuliers concernant la Loi sur la
protection de la santé publique.
Article 100. Cet article accorde au ministre des Affaires sociales un
contrôle complet du transport ambulancier au Québec. Ce n'est
peut-être pas l'étatisation mais presque.
Compte tenu que le transport en ambulance peut avoir un effet sur les
soins médicaux donnés à un patient et que la corporation a
le devoir de surveiller la qualité de l'exercice de la médecine
au Québec, la corporation croit que le paragraphe d des alinéas
ajoutés devrait se lire comme suit: d établir des normes de
transport en ambulance entre établissements, après consultation
de la Corporation professionnelle des médecins du Québec.
Je passe sur l'article 105 puisqu'il s'agit manifestement d'une erreur
de rédaction.
Article 106. La corporation recommande le retrait de l'article 40.3
proposé par cet article 106. L'article 40.3 est dangereux parce qu'il
impose une sectorisation trop rigoureuse qui risque de nuire à la
population dans certaines situations d'urgence. Il empêcherait, par
exemple, un ambulancier qui n'est pas dans sa zone de prendre un malade en
état d'urgence.
Article 107. Nous vous référons à notre
mémoire pour épargner du temps.
Conclusion. Le projet de loi no 27 modifie considérablement les
relations de l'État avec les syndicats professionnels et permet au
ministre de les ignorer dans certaines circonstances. Le gouvernement
maintiendra-t-il cette attitude au-delà des syndicats professionnels ou
la réserve-t-il aux seuls professionnels de la santé soumis
à la loi sur l'assurance-maladie?
Le projet de loi accroît les pouvoirs des conseils de
médecins et dentistes dans les établissements mais surtout au
niveau du contrôle de l'exercice professionnel plutôt qu'au niveau
de la planification et de la prise de décision. La corporation saisit
l'occasion des modifications proposées pour suggérer une
clarification des fonctions du conseil des médecins et dentistes, du
directeur des services professionnels et des chefs de département
clinique. Le projet de loi supprime, à toutes fins utiles, l'autonomie
des établissements qui deviennent des succursales des
superétablissements que sont les conseils régionaux. Enfin, le
projet de loi accorde au ministre le contrôle absolu du transport
ambulancier.
La résultante de tous ces vecteurs représente une
étatisation de plus en plus marquée des services de santé.
Une telle centralisation des pouvoirs risque d'entraîner une augmentation
d'une bureaucratie déjà excessive, s'appropriant une partie
toujours croissante du budget.
La Corporation professionnelle des médecins du Québec,
compte tenu de son rôle de protection du public, ne peut rester
indifférente à ce contrôle étatique accentué,
à la suite duquel les professionnels de la santé pourraient se
sentir de moins en moins motivés. Cette démotivation pourrait
avoir des répercussions sur la dispensation des soins.
Nous espérons que le gouvernement tiendra compte des suggestions
qui lui sont faites pour améliorer les lois qui régissent
l'organisation et la dispensation des soins de santé au Québec.
Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Roy.
Alors, des questions, M. le ministre?
M. Johnson (Anjou): Je me concentrerai sur les pages 3 à
22, c'est-à-dire que je ne tiendrai pas compte des deux premières
pages ni de la dernière dans mes questions.
Il y a la question de l'information. Si je comprends bien - je voudrais
juste qu'on me corrige - on suggère qu'on ait recours plutôt
à Med-Écho pour le motif que Med-Écho est un instrument
beaucoup plus adéquat, ce qui permet peut-être d'expliquer
pourquoi on était intéressé au profil initialement et
c'est pour les mêmes raisons pour lesquelles on serait
intéressé à Med-Écho. Il ne s'agit pas d'identifier
la pratique individuelle de qui que ce soit, les balises dans la loi sont
là pour y pourvoir. Il s'agit simplement de donner au ministère,
qui a une vocation de planification en matière de santé publique
et qui a la vocation de déterminer le développement pour le
bien-
être des citoyens, les instruments pour évaluer ce qui se
fait comme niveau d'activités à certains endroits. Dans ce sens,
je sais que la corporation, notamment les services du directeur Saint-Georges,
si je ne me trompe pas, travaille beaucoup avec Med-Écho.
Quant au rapport d'enquête de la corporation, si je comprends
bien, c'est une affaire de formulation et on considérerait plutôt
que, lorsque les informations sont pertinentes à l'exercice ou à
la conduite du médecin dans l'établissement, il y ait une telle
transmission à demande. C'est bien cela? (23 heures)
M. Saint-Georges (Pierre): J'ai tout simplement une fausse
impression, c'est que les enquêtes actuelles faites par la corporation ne
le sont presque jamais; depuis deux ans, je pense qu'il y a une enquête
en vertu des articles 16 et 18. Elles sont toujours faites, en vertu de
l'article 122 du Code des professions, par le comité d'inspection
professionnelle ou encore par le syndic.
Le fait d'introduire la notion des articles 16 ou 18 ne serait donc
d'aucune utilité alors qu'on croit qu'il serait utile d'avoir les
informations pertinentes provenant soit du comité d'inspection
professionnelle ou du syndic.
M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, vous trouviez que
c'était trop restrictif à l'article 16, ça permet un
élargissement de la circulation de cette information pour les fins qui
sont recherchées.
M. Saint-Georges: Absolument.
M. Johnson (Anjou): D'accord. À l'égard... Pardon,
oui, Dr. Lapierre.
M. Lapierre (André): Je voudrais ajouter ici que nous ne
voulons transmettre que les informations pertinentes et non pas les rapports
d'enquête au complet, tel que l'article semblait vouloir le
signifier.
M. Johnson (Anjou): D'accord. Est-ce que vous pourriez juste
donner un exemple, évidemment sans nom et sans ce qui nous permettrait
d'identifier quelqu'un, mais donner un exemple du contenu d'un tel rapport, qui
pourrait d'une part intéresser le directeur du département, et
d'autres types d'informations qui, elles, ne relèveraient, disons, que
de la dimension disciplinaire dévolue en vertu des lois à la
corporation.
M. St-Georges: Bon! On peut donner un exemple simple, par
exemple, d'un rapport de l'inspection professionnelle d'un centre hospitalier
où on constate que la pratique d'un chirurgien sur dix chirurgiens est
aberrante par rapport aux autres. Actuellement, la situation est telle que l'on
ne peut informer le Conseil des médecins et dentistes de l'état
d'aberration de ce chirurgien par rapport aux autres chirurgiens, compte tenu
des dispositions du Code des professions, qui nous interdit de divulguer les
informations confidentielles que l'on obtient par suite des enquêtes.
On fait donc des recommandations au Conseil des médecins et
dentistes. Actuellement, on utilise des voies détournées pour
tâcher de le mettre sur la piste en lui signalant des numéros de
dossier à étudier, ce qui fait qu'il finit par constater qu'il
s'agit d'un médecin plutôt que d'un autre. Je pense qu'il serait
beaucoup plus simple d'indiquer au Conseil des médecins et dentistes que
tel chirurgien de tel centre hospitalier a des problèmes particuliers
dont il devrait se préoccuper de la même façon qu'un chef
de département.
M. Johnson (Anjou): Dans ce cadre, donnez-moi donc un exemple de
ce que seraient des renseignements qui ne sont pas pertinents, en termes de
transmission, simplement pour éclairer les membres de la commission; ce
sont des sujets finalement assez complexes.
M. Saint-Georges: Je pense qu'on peut donner une information bien
générale, à savoir que, parmi toutes les enquêtes
qu'on fait, beaucoup sont faites à l'extérieur des centres
hospitaliers.
M. Johnson (Anjou): D'accord.
M. Saint-Georges: À tel exemple, les enquêtes qui
sont faites dans les cabinets de consultation. On visite
systématiquement les cabinets de consultation de nos membres et il y a
beaucoup de constatations qui sont faites dans ces cabinets, qui ne sont pas du
tout pertinentes à l'activité du médecin dans le centre
hospitalier lui-même.
M. Johnson (Anjou): À l'égard des plans
d'organisation, si je comprends bien la phrase générale qui est
dans le projet, vous la retenez comme un élément qui est
souhaitable avec les réserves que vous y apportez cependant, au niveau
de sa révision sur une base régulière. C'est
ça?
M. St-Georges: Absolument.
M. Johnson (Anjou): Finalement, je vous poserai un fait.
Probablement que ce qui est central et ce qui fait l'objet sans doute de la
plus grande expertise de la corporation à cet égard et de son
intérêt, c'est ce qui a trait aux normes où on parle de
règles de soins, je trouve que c'est intéressant. On dirait que
le mot "norme" a toujours quelque
chose d'un peu négatif encore une fois. Probablement que vous
seriez à même d'élaborer un peu plus la notion de
règles de soins que je trouve intéressante, sans présumer
encore jusqu'où on fouillera ça, d'une part.
Deuxièmement, si vous pouviez élaborer votre idée
aussi sur ce qui, finalement, après avoir entendu le mémoire de
l'Association des conseils des médecins et dentistes, m'apparaît
être une divergence de fond, évidemment, entre les CMD d'une part
et la corporation, d'autre part, sur le rôle ou l'extension du rôle
des CMD et le rattachement des chefs de département au DSP par
opposition à la structure du CMD. Est-ce que je pourrais vous entendre
sur ces deux questions, Dr Saint-Georges.
M. St-Georges: Concernant les normes de soins, je pense qu'il
faut connaître l'historique de toutes les discussions qui ont
entouré la promulgation des diverses lois du domaine de la santé
depuis 1970. Je pense que vous avez été à même de
constater aujourd'hui la sensibilité de la profession médicale
à l'utilisation de ce terme. Il faut dire, par ailleurs, et je pense que
vous en êtes bien conscient vous-même, que les conseils de
médecins et dentistes, sans avoir ce pouvoir nommément inscrit
dans la loi, établissaient toujours ou établissaient
fréquemment des règles de soins lorsque des problèmes
survenaient, problèmes qu'ils identifiaient eux-mêmes par
l'évaluation systématique de l'exercice qu'ils font, ou
problèmes qui leur étaient signalés par suite des visites
de la corporation.
C'est donc dire que demander au Conseil des médecins et dentistes
d'établir systématiquement, pour chaque département
clinique, d'abord, des règles de soins, je pense que c'est absolument
inutile; cela représenterait un travail très laborieux qui ne
représenterait pas effectivement ou qui ne serait pas à la
hauteur des problèmes existants. Concernant la possibilité,
d'autre part, que ces règles de soins soient faites par le Conseil des
médecins et dentistes, je pense que cela représente tout
simplement la tradition. C'est toujours ce qui s'est fait. D'autre part,
l'expertise des chefs de département est sûrement la
première expertise qui doit être mise à contribution dans
les centres hospitaliers. Je pense qu'un chef de département est fort
probablement la personne la plus compétente pour, au moins,
établir ces règles de soins.
Comme, par ailleurs, le Conseil des médecins et dentistes a
l'avantage de rassembler l'ensemble des médecins et d'établir un
certain consensus, l'approbation de ces règles de soins par le Conseil
des médecins et dentistes est sûrement un élément
intéressant pour motiver les gens à participer à ce genre
de travail. Quant à la position des chefs de département
vis-à-vis du Conseil des médecins et dentistes, pour faire
allusion à la deuxième partie de votre question, M. le ministre,
le Conseil des médecins et dentistes depuis la promulgation de la loi
des hôpitaux dans la province de Québec et même bien avant,
dans le temps de l'existence des bureaux médicaux sans qu'aucune loi ne
régisse à ce moment les bureaux médicaux, les conseils de
médecins et dentistes ont toujours été
considérés à raison, pour autant que je suis
concerné, comme des organismes conseillers au conseil d'administration,
principalement en regard de la qualité de l'exercice. C'est la position
maintenue dans toutes les provinces du Canada et c'est la position maintenue
dans tous les États américains et particulièrement par la
Joint Commission on Accreditation of Hospitals, qui est le pendant du Conseil
canadien d'accréditation des hôpitaux. Donc, étant un
organisme conseiller, le Conseil des médecins et dentistes peut
difficilement être considéré comme un organisme de
gestion.
C'est un organisme qui fait des recommandations concernant
l'établissement des politiques et dont le mandat principal est
d'évaluer la qualité de l'exercice. La responsabilité de
gestion qui est tout à fait différente de la
responsabilité du contrôle de l'exercice - et je pense que c'est
une distinction essentielle à faire - la responsabilité de
gestion est une responsabilité que le directeur général
détient de façon générale dans les centres
hospitaliers que, d'autre part, le DSP détiendrait par le fait des
modifications qu'on apporterait à l'article qui traite de ces fonctions.
Ce serait de façon ultime détenu par les chefs de
département qui verraient à la gestion, tant des ressources
matérielles qu'humaines, prenant le terme de gestion dans le sens qu'on
retrouve dans tous les dictionnaires, de direction, d'organisation, de
coordination et de contrôle, c'est-à-dire dans l'administration
d'un département et dans son fonctionnement.
M. Johnson (Anjou): Une autre question, si on me permet.
Mme Lavoie-Roux: Si vous précisez...
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je veux bien comprendre. Quel serait pour vous
le canal de responsabilité du chef de département à
l'administration de l'hôpital? Ce serait par le truchement du directeur
des services professionnels du DSP. C'est bien ce que vous avez dit? En tout
cas, c'est ce que j'ai compris.
M. Saint-Georges: En autant qu'il
s'agisse des responsabilités de gestion du chef de
département évidemment, le canal de responsabilités est
celui du directeur du service professionnel, du directeur général
et du conseil d'administration; en autant qu'il s'agisse d'exercice
professionnel, je pense qu'on devra toujours vivre cette bicéphalie, je
ne connais pas d'auteur, personnellement, qui ait proposé d'autres
formes de modèles. On a tenté, aux États-Unis, d'appeler
le directeur des services professionnels, le "chief of staff", on a
tenté toutes sortes d'expériences depuis que moi, je suis dans la
direction médicale, depuis quand même quelque 20 ans; on a
tenté toutes sortes d'expériences et on est toujours revenu
à cette forme de "medical staff" aux États-Unis ou de bureau
médical antérieurement ici, ou de Conseil des médecins et
dentistes ultérieurement. Ce sont eux qui se préoccupent de
l'exercice professionnel qui est, je pense, un niveau différent de la
responsabilité de gestion d'un département. Si l'on veut,
effectivement, que les médecins continuent à évaluer leur
exercice comme ils le font actuellement - je pense qu'il y a des efforts
importants qui se font depuis la création des bureaux médicaux
dans la province de Québec, c'est-à-dire depuis plus de vingt ans
- on doit garder, heureusement, cette bicéphalie que certains trouvent
peut-être malheureuse.
M. Johnson (Anjou): J'aurais une autre question qui, je le sais,
est extrêmement délicate à l'intérieur de la
profession, non seulement parce qu'elle traduit deux groupes qui,
historiquement, ont évolué de façon différente,
mais parce que ces groupes se retrouvent dans deux organisations
différentes au niveau de la défense de leurs
intérêts: les spécialistes et les
généralistes.
C'est la question sous le vocable général du rapport entre
spécialistes et omnis, chefs de département et domaines
d'activité pouvant relever d'une spécialité. Très
concrètement, exemple: la pédiatrie de première ligne dans
un centre hospitalier. On en connaît quelques cas qui font l'objet,
toujours à ma connaissance, de discussions dans certains hôpitaux.
J'aimerais peut-être vous entendre un peu là-dessus. On sait que
c'est un domaine un peu difficile, un peu glissant mais où, finalement,
la corporation, compte tenu de la distance normale que la corporation prend
à l'égard de ces questions, compte tenu de son rôle, est
peut-être à même de nous éclairer un peu. Je sais que
cela pose une légère difficulté; je ne vous demande pas de
nous donner la somme théologique en cette matière mais, au moins,
d'évoquer les problèmes qu'on a devant nous.
M. Saint-Georges: Comme vous le dites, M. le ministre, c'est
sûrement un sujet glissant, mais je pense qu'il faut accepter de pouvoir
glisser occasionnellement, quand on est dans des positions comme celles
où nous sommes. Les principes fondamentaux qui doivent régir
l'organisation d'un département à l'intérieur d'un centre
hospitalier sont, avant tout, des principes qui reposent sur la qualité
de l'exercice professionnel que les gens doivent assurer à la
population.
Les omnipraticiens, de façon générale -je pense que
tout le monde en convient -sont des gens qui sont formés pour fournir
des soins de première ligne. La compétence d'un certain nombre
d'entre eux les amène à fournir des soins de deuxième
ligne et même des soins de troisième ligne. La compétence
des médecins spécialistes les amène, de façon
générale, davantage à fournir des soins d'ordre secondaire
ou de deuxième ligne et des soins de troisième ligne. On sait que
les soins hospitaliers sont plutôt des soins de deuxième ligne que
des soins de première ligne. L'intégration des omnipraticiens
dans les centres hospitaliers, lorsqu'ils fournissent des soins de
deuxième ligne, à mon avis, devrait se faire au niveau des
départements cliniques existants dans lesquels exercent des
médecins spécialistes; autrement, on devrait consacrer le fait
qu'il existe deux types de médecine, qu'il existe une médecine
faite par les omnipraticiens, qui pourrait être qualifiée de
deuxième ordre, ce qui n'est pas le cas, et une médecine faite
par les médecins spécialistes, qui pourrait être
qualifiée de premier ordre.
Quand un omnipraticien a acquis la compétence pour traiter des
pathologies aussi importantes que celles qui nécessitent le
séjour d'une personne dans une unité coronarienne, je pense qu'il
doit être intégré à l'équipe de soins
coronarienne, donc, aux cardiologues. Si l'omnipraticien traite des gens
à l'intérieur d'une unité de soins intensifs, avec des
internistes ou d'autres types de diverses spécialités, je pense
qu'il doit être intégré à cette équipe, ce
qui fait qu'à l'intérieur d'un centre hospitalier, les membres
d'un département devraient être ceux qui exercent à
l'intérieur du département.
Il y a probablement deux secteurs d'activité auxquels les
omnipraticiens sont plus intégrés que d'autres types de
médecins, ce sont les soins qui sont donnés dans les cliniques
d'urgence et, dans certains centres hospitaliers, les soins qui sont
donnés dans les cliniques externes, dans les cliniques où les
soins courants sont donnés à l'intérieur des cliniques
externes. Je pense qu'à l'égard de ces deux secteurs
d'activité, on pourrait croire à l'organisation d'un
département clinique de médecine générale parce
que, effectivement, il regroupe probablement presque exclusivement des
omnipraticiens.
Quant aux autres départements dans lesquels ces derniers
exercent, je pense qu'ils devraient être intégrés au groupe
pour qu'on
ne se retrouve pas dans un centre hospitalier avec un département
d'obstétrique qui regroupe des obstétriciens et un
département de médecine générale qui regrouperait
des omnipraticiens faisant de l'obstétrique et qui ne seraient pas
intégrés avec les omnipraticiens. (23 h 15)
M. Roy: Tout en n'empêchant pas un hôpital d'avoir un
département administratif de médecine générale qui
regroupe les omnipraticiens pratiquant dans tout l'hôpital, pour pouvoir
les lier sur le plan administratif.
M. Saint-Georges: Si vous me permettez, quand on parle du
regroupement des omnipraticiens sur le plan administratif, on pense
particulièrement, entre autres, aux sessions d'éducation
médicale continue qui doivent être organisées parfois d'une
façon différente pour les omnipraticiens que pour les
spécialistes, le regroupement des omnipraticiens à
l'intérieur d'un département administratif peut avoir, dans ce
sens, des répercussions intéressantes.
M. Johnson (Anjou): J'ai une autre question relative à
cela et une dernière immédiatement après. Est-ce que, pour
vous - tout en comprenant à la fois la complexité et le
côté pelure de banane de ce genre de sujet - c'est une approche
qui doit souffrir des exceptions, est-ce concevable que cela souffre des
exceptions comme approche, c'est-à-dire celle qui viserait à
intégrer par exemple l'omnipraticien qui a acquis par sa pratique, je ne
dirais pas une expertise, parce que ce n'est pas le mot, mais une
présence dans un domaine de spécialité où service
spécialisé pour les fins de cette activité? Est-ce que,
pour vous, cela peut souffrir comme approche des exceptions, compte tenu de ce
qui se passe dans les différents établissements, si vous arrivez
à un hôpital dans une région? En d'autres termes, est-ce un
modèle qui, une fois adopté et que ces conséquences
administratives sont traduites par les règles des CMD - cela n'a pas
grand-chose à voir avec la loi, mais cela peut nous éclairer sur
bien des choses - est-ce que c'est une chose qui est un modèle et qui
devrait être d'espèce d'application universelle ou qui pourrait
souffrir de telles exceptions qu'on rencontrerait le modèle tout
à fait contraire dans un hôpital donné, dans une
région donnée, par exemple?
Le Président (M. Bordeleau): M. Saint-Georges.
M. Saint-Georges: Remarquez, je ne suis peut-être pas
certain de saisir la subtilité de votre question, je pense que le
modèle, comme tout modèle, pourrait sûrement subir des
exceptions, je ne connais pas de modèle qui ne souffre pas d'exception.
Cela serait une réponse facile à vous faire, mais c'est
probablement...
M. Johnson (Anjou): Disons gros hôpitaux, petit
hôpital, si on peut s'exprimer comme cela.
M. Saint-Georges: ...pas celle que vous attendiez...
Gros hôpital, petit hôpital, remarquez que ce n'est
probablement pas justement dans les gros hôpitaux qu'il existe des
problèmes de cet ordre, c'est probablement davantage dans les petits
hôpitaux. Juste à titre d'exemple, je comprendrais mal que, dans
un plus petit hôpital où exerce un
obstétricien-gynécologue par exemple, celui-ci se retrouve seul
dans son département d'obstétrique-gynécologie alors que,
dans un département de médecine générale, on
retrouve 15 omnipraticiens qui font de l'obstétrique et qui ne
travaillent pas conjointement avec l'obstétricien-gynécologue
dans le même département, ce qui fait qu'on aurait des
activités départementales qui risqueraient d'être assez peu
cohérentes. Je pense que, plutôt que de proposer que le
modèle souffre des exceptions, on devrait proposer que le modèle
soit adopté, quitte à bien savoir qui souffrira
éventuellement des exceptions.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Lapierre, je pense
qu'il y aurait quelque chose à ajouter!
M. Lapierre: Je me demande si on doit ici parler d'exceptions,
parce qu'en fait, quand on accorde des privilèges à un
médecin dans un hôpital, ce n'est pas parce qu'il est
omnipraticien ou parce qu'il est spécialiste. Le certificat de
spécialité est un des facteurs qui fait qu'on va accorder
peut-être plus de privilèges. Ce n'est qu'un des
éléments qui permettent d'évaluer la compétence
d'un médecin.
La détermination des privilèges pour chacun des
médecins dans l'hôpital se fait en fonction de sa
compétence. Un omnipraticien qui démontre de la compétence
acquise dans un domaine particulier pourrait avoir les mêmes
privilèges qu'un spécialiste. Le certificat n'est qu'un des
éléments et c'est la compétence qui est la base de
jugement des qualifications, etc.
M. Johnson (Anjou): Cela ira, je pense, pour l'autre.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier la
corporation pour son mémoire, qui est très
intéressant.
Je voudrais revenir sur un problème qui a été
soulevé par plusieurs organismes; enfin, il n'est peut-être pas un
très gros problème mais, je pense qu'il peut vous
intéresser, c'est la possibilité, telle que prévue dans la
loi, pour le chef de département clinique, d'imposer des sanctions
à un de ses confrères ou une de ses consoeurs qui fonctionne dans
la même unité.
Plusieurs ont soulevé la question de problèmes de relation
que ceci pouvait créer, peu importe le nombre de médecins,
à plus forte raison s'il n'y en a pas beaucoup. Vous autres, vous
semblez conserver au chef de département clinique ce pouvoir de sanction
à l'égard d'un médecin dans cette unité clinique.
Est-ce que le problème soulevé par les autres ne vous
apparaît pas comme un problème réel?
Le Président (M. Bordeleau): M. Saint-Georges.
M. Saint-Georges: Écoutez, je pense qu'on peut
peut-être faire les commentaires suivants. D'abord, il s'agit de
sanctions, tel qu'on a compris le texte de loi, imposées
administrativement, qui sont donc des sanctions différentes des
sanctions déjà prévues dans le règlement de la loi
par rapport à des erreurs, à des négligences ou de
l'inconduite, tel que le règlement de la loi l'indique.
Il s'agit donc de sanctions imposées administrativement. Je pense
que c'est la première distinction qu'il faut faire. Il s'agit en plus de
sanctions dont les dispositions ne sont mises en application qu'après
approbation par le conseil d'administration. Donc, il s'agit de sanctions dont
les gens ont convenu entre eux. Et je donne un exemple, qui est un exemple
vécu presque chaque jour dans les centres hospitaliers. C'est l'exemple
du médecin qui, malheureusement, ne complète pas à temps
ses dossiers médicaux. Les conseils de médecins et dentistes,
aujourd'hui, et de façon illégale, se dotent de règlements
par lesquels ils suspendent eux-mêmes les médecins de leur
privilège d'admission, entre autres, pour une semaine, quinze jours,
trois semaines, selon la nature des offenses, du fait qu'un médecin
n'ait pas complété ses dossiers. Et c'est admis, de façon
générale, par l'ensemble des médecins, bien que le conseil
des médecins n'ait pas le pouvoir de faire ce genre de
règlement-là, compte tenu des dispositions du règlement et
des dispositions de la loi. Et nous, nous pensons que souvent des
problèmes de cet ordre-là ne se règlent pas justement
à cause de l'ambiguïté du règlement et à cause
de la procédure prévue de sanction dans le règlement
actuel, qui demande que le médecin soit entendu, qu'on établisse
une preuve hors de tout doute de la faute qu'il a commise, alors que l'ensemble
des médecins convient que si, pour une raison ou pour une autre, le
nombre de dossiers ou les dossiers incomplets dépassent quinze jours,
par exemple, automatiquement, il y a une sanction qui s'impose au gens. Il y a
même des conseils des médecins et dentistes qui s'imposent des
amendes. Et les gens paient les amendes sans même suivre le processus
prévu dans le règlement actuel. C'est effectivement un des
domaines pour lesquels les conseils ont eux-mêmes inventé ce mode
d'application administratif de sanction et, pour qu'il soit efficace, nous
pensons que les chefs de département qui sont les gens les plus
près de l'action et qui, effectivement, comme je le disais tantôt,
ont des responsabilités de gestion, ce sont des gestionnaires, ce sont
probablement eux qui devraient les imposer.
On indique par ailleurs, dans nos commentaires, que le conseil des
médecins et dentistes devrait en être avisé pour que si,
éventuellement, il y a répétition, il y a inconduite, abus
de la part de l'individu, le conseil des médecins et dentistes puisse
prendre d'autres dispositions que ces sanctions administratives qui pourraient
être prévues. On ne croit pas qu'interviennent tellement de
conflits de personnalité et il y a une remarque qu'on peut faire
à ce sujet-là. C'est que, lorsqu'on parle d'un département
clinique, on peut avoir bien des notions d'un département clinique. Mais
je conçois très mal un département clinique qui soit
constitué de deux personnes, comme on l'a dit. Ce n'est pas un
département clinique, c'est tout au plus un service clinique. Et
peut-être un mini-service clinique.
Mme Lavoie-Roux: Je voulais vous demander... Vous faites
allusion, en début de mémoire, aux études que vous avez
faites sur les effectifs médicaux, j'imagine, en régions
éloignées et probablement aussi dans l'ensemble du Québec.
Est-ce que les plus récentes peuvent être mises à notre
disposition, enfin, est-ce que ce serait possible? Et vous avez peu
parlé, ou du moins c'est peut-être parce qu'on l'a quand
même lu d'une façon assez brève, du problème des
médecins en régions éloignées. Moi, je voudrais
avoir votre point de vue sur les mécanismes qui sont prévus dans
la loi telle quelle pour - mise à part la définition
géographique; ça semble être un prérequis, savoir
où on en a besoin - corriger la situation. À votre point de vue
aussi, quelle est l'étendue du problème?
M. Roy: L'étude qui a été publiée la
semaine dernière a été envoyée au ministre des
Affaires sociales. Je ne sais pas si le courrier de sa majesté la lui a
déjà fait parvenir; de toute façon j'en ai une ici que
je vais laisser et nous en avons d'autres que nous vous enverrons par
courrier à notre retour à Montréal. Ces études
comprennent une foule de tableaux et des statistiques extrêmement
intéressantes, dont d'ailleurs se sert abondamment le ministère
des Affaires sociales pour compléter ses programmes de planification.
Nous espérons que nous ne ferons pas d'erreur d'interprétation.
De toute façon, nous sommes par ailleurs la seule corporation
médicale, non seulement au Canada mais au monde, à faire des
études semblables.
Pour les régions éloignées, c'est évidemment
un des buts importants visés dans cette loi que de régler le
problème des régions éloignées dont tout le monde
est conscient et que tout le monde veut régler. C'est un problème
important mais ce n'est pas un problème insoluble s'il y a une
volonté politique de le régler avec les partenaires. Nous pensons
qu'il y a déjà dans la loi les mécanismes voulus pour le
régler par le biais des négociations.
Nos études démontrent, quand on fait des extrapolations,
que le nombre de médecins nécessaires pour régler le
problème des régions éloignées n'est pas
extraordinaire. Si, par exemple, on établit une norme, une proportion,
un ratio d'un omnipraticien par 1000 habitants, ce qui est énorme -
à ce moment-là, ils se pilent presque sur les pieds mais
supposons qu'on prend cette hypothèse excessive en tenant compte des
distances dans les régions éloignées - les calculs les
plus récents montrent que ça prendrait 147 omnipraticiens pour
régler les problèmes de toutes les régions
éloignées du Québec et au maximum 100 spécialistes.
Encore là, je ne pense pas qu'on ait toutes les ressources pour les
faire vivre à cause de l'équipement qu'on n'aurait pas d'une
façon suffisante.
Ce n'est donc pas un problème énorme si on tient compte du
fait qu'à chaque année au Québec nous octroyons des permis
à 650 à 670 nouveaux médecins. Compte tenu de ceux qui
quittent, de ceux qui décèdent, de ceux qui abandonnent, nous
avons, d'année en année, un gain net d'environ 425 à 450
médecins au Québec. Donc, le problème n'est absolument pas
catastrophique, il n'est pas énorme; c'est un problème qu'il faut
régler en s'asseyant à la table entre partenaires
intéressés et en discutant des méthodes pour le
régler.
Je pense que les méthodes incitatives peuvent le régler
facilement. Vous n'avez qu'à penser à la Baie-James, par exemple,
qui n'a jamais manqué de médecins, aux compagnies minières
- j'ai travaillé pour une compagnie minière à
Schefferville, comme je l'ai dit tout à l'heure - qui n'ont jamais
manqué de médecins, et cela a commencé en 1954. C'est tout
simplement parce qu'on a donné des conditions raisonnables de pratique
à quelqu'un qui allait dans ces régions. C'est comme pour un
camionneur qui va à la Baie-James; il s'attend de gagner un peu plus
cher qu'à Montréal parce qu'il va travailler plus souvent, plus
longtemps.
Il y a un problème pécuniaire qui peut facilement se
négocier et ça a été déjà
réglé dans certaines provinces par ce biais. Il y a des
conditions d'implantation de ces médecins pour les intéresser
aussi à y demeurer en ajoutant des modalités pour leur permettre
l'enseignement continu. Un des problèmes de ces médecins, c'est
qu'ils sont coupés un peu de leurs confrères spécialistes
des grandes régions. Ils sont trop occupés, ils manquent de temps
pour se perfectionner et, évidemment, lorsqu'on manque de
perfectionnement, en quelques années on perd énormément de
sa compétence. Ensuite, il s'agit d'assurer un modèle de
transport approprié quelques fois par année vers les grandes
villes, s'assurer peut-être de la venue dans ces régions
éloignées d'équipes de médecins spécialistes
qui viendraient apporter les soins surspécialisés et
ultraspécialisés, leur donner quand même une équipe
de spécialités de base, anesthésie, par exemple, chirurgie
générale, obstétrique et gynécologie, sur
lesquelles ils pourraient compter et un certain nombre de médecins
omnipraticiens pour éviter qu'ils soient surchargés de travail,
qu'ils aient à faire 24 heures par jour, 7 jours par semaine, en tenant
compte de ce genre de modalités incitatrices, et en ajoutant un nombre
raisonnable de médecins. On dit 200, 225. En étant
extrêmement généreux, on règle le problème
des régions éloignées d'une façon facile. (23 h
30)
Nous pensons que la règle coercitive, qui est tentante, ne
résoudra pas le problème; ce sera le jeu de la chaise musicale,
les médecins iront faire leur devoir civil. Remarquez bien que je ne
suis pas nécessairement contre le fait d'aller dans des régions
éloignées, l'ayant fait moi-même et en ayant retiré
un grand bien, mais je pense que ça ne serait pas logique de forcer tous
les médecins qui ne sont pas encore entrés en médecine,
à l'heure actuelle, à accepter cette condition d'aller dans des
régions éloignées. Ils n'ont peut-être pas la
personnalité pour aller dans des régions éloignées
parce que ce n'est pas facile de travailler dans ce genre de régions, on
n'a pas toujours la possibilité d'avoir des spécialistes à
notre disposition pour consultation dès qu'on est mal pris.
Je pense que, par le biais des mécanismes volontaires, on
pourrait régler le problème en tenant compte qu'il ne faudrait
pas pénaliser les jeunes médecins, puisque ce sont les jeunes
médecins qui sont visés dans ce projet de loi, pas les
médecins déjà établis. Il faudrait leur montrer les
avantages des régions éloignées, parce qu'il y a des
avantages à y aller, en leur faisant connaître les
régions éloignées pendant qu'ils sont aux études
médicales et en spécialité de même qu'aux
études prémédicales, en leur faisant voir les avantages
qu'ils y trouvent de façon à les inciter à y aller et
à y rester autant que possible, sans pour autant les condamner à
y rester toute leur vie. Il y en a qui vont vouloir y rester, il y en a qui
aiment cela, il y en a qui viennent de Sept-Îles ou d'ailleurs qui sont
venus étudier à Montréal et qui ont hâte de
retourner chez eux.
Je pense qu'il va falloir avoir un peu d'imagination et de bonne
volonté, de part et d'autre, pour régler ce problème
important, mais qui est facilement soluble compte tenu quand même du
grand nombre de médecins qu'on a au Québec, compte tenu que ces
régions en général sont assez bien équipées
en établissements de santé. Il faudrait peut-être tout
simplement favoriser l'installation des médecins en mettant à
leur disposition des cliniques médicales dans certains endroits, du
personnel de soutien, du matériel de transport facile, des habitations
à loyer convenable pour qu'ils n'aient pas à construire leur
maison ou à acheter une maison.
Avec ce genre de mesures on peut régler facilement le
problème, compte tenu de la population de ces régions qui est
faible, compte tenu du besoin de médecins qui est relativement faible.
On peut régler facilement le problème des régions
éloignées en tenant compte aussi d'une chose; c'est
qu'actuellement ce ne sont pas les omnipraticiens dont on manque le plus dans
les régions éloignées, ce sont les spécialistes. Si
on réussit à attirer assez de spécialistes pour donner des
services ultra ou spécialisés, on va faciliter la venue
d'omnipraticiens et on va surtout faciliter leur intention parce qu'une des
raisons pour lesquelles les omnipraticiens partent, c'est qu'ils sont
surchargés, ils sont obligés de faire et l'omnipratique et la
médecine spécialisée et ils n'ont pas le soutien, l'appui
nécessaire pour faire ce genre de médecine. Je pense qu'avec de
la bonne volonté on peut régler le problème.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la
députée de L'Acadie.
J'invite d'abord le député de Gouin, ensuite la
députée de Jacques-Cartier et le député de Nelligan
à prendre la parole. Alors, M. le député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, je pars et je reviendrai
à la fin.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Dr Roy, vous avez soulevé deux
conséquences de la loi qui me semblent avoir une grande importance sur
la qualité des services médicaux à l'avenir. D'abord, il y
a l'impact sur notre capacité de retenir et d'attirer de jeunes
spécialistes du Québec et d'ailleurs; deuxièmement,
l'impact sur la qualité de l'enseignement des médecins. Vous avez
discuté l'implication de la loi, aux pages 3 et 4, sur les
activités d'enseignement et j'aimerais que vous expliquiez un peu vos
commentaires ici.
M. Roy: Évidemment, le premier commentaire, c'est surtout
sur l'accessibilité des services médicaux qui pourraient
être diminués selon l'application qu'on peut faire de la loi,
surtout en ce qui concerne les plans d'organisation, le contingentement des
médecins, parce qu'il est bien clair qu'il y a une volonté de
contingenter les médecins par établissement hospitalier dans
toutes les régions. Ce qui nous inquiète et on l'a dit, c'est
qu'on le fait souvent pour des raisons de coûts. On va dire: On ne peut
pas prendre plus d'un ou deux chirurgiens à Rouyn-Noranda, par exemple,
parce qu'en en prenant trois, cela va coûter plus cher, parce qu'il va se
faire plus d'opérations. En en prenant seulement deux, on va pouvoir se
permettre de fermer des lits. On ne prendra peut-être pas de cardiologue,
parce que cela entraîne des équipements additionnels. C'est cette
question d'accessibilité des services dont il faut tenir compte pour
donner aux gens non seulement dans les régions éloignées
mais à Montréal également l'accès aux soins
auxquels ils ont droit et qui sont garantis par la loi. Il faut aussi pour
assurer la qualité, ce qui n'est pas relié directement à
la loi mais qui peut être une des conséquences des restrictions
budgétaires énormes que l'on vit à l'heure actuelle dans
le système par le biais de toutes sortes de contraintes bureaucratiques
qui font que le personnel diminuant à cause des budgets insuffisants,
les listes d'attente peuvent s'allonger.
Il y a du matériel qui peut être déficient dans les
hôpitaux. On parle déjà d'hôpitaux où les lits
ne sont pas changés aussi souvent qu'ils devraient l'être,
où on manque de matériel comme de couvertures et de certaines
choses, parce que la buanderie ne suffit pas. Cela peut amener la
démotivation des médecins dans le système,
démotivation due à la bureaucratisation excessive, au manque de
communications, aux règlements, aux lois un peu trop rigides qui
gouvernent tout notre système de santé, cela peut amener une
démotivation qui, par incidence, pas parce que les gens ne sont pas
compétents, tout le monde est compétent dans le système,
mais la démotivation empêche souvent une bonne communication qui
fait qu'en fin de compte c'est le patient qui en souffre. Déjà,
les médecins nous
disent qu'il y a des changements dans le genre de distribution des
services médicaux et de dispensation des services qui se fait dans les
hôpitaux actuellement. Déjà, on sent un changement et on
espère que tout le monde va jouer le jeu comme il faut dans le contexte
des restrictions budgétaires, mais il ne faudrait pas,
évidemment, serrer trop. Il faut quand même laisser aux
médecins une certaine autonomie, leur indépendance
professionnelle, pour qu'ils puissent exercer sans être soumis à
des contraintes de coûts, à des contraintes économiques
constantes.
Là, c'est un peu paradoxal. On veut impliquer les médecins
dans les hôpitaux. On est tout à fait d'accord. On le dit depuis
dix ans, mais, si on veut les impliquer aujourd'hui, c'est parce qu'on a des
problèmes d'argent. Quand c'était l'euphorie et qu'il n'y avait
pas de problèmes financiers, les administrateurs ne s'occupaient pas des
médecins, mais, aujourd'hui, on a besoin d'eux pour gérer la
décroissance. Il y a des limites à cela. Le médecin peut
s'opposer à cela en disant: On ne peut pas diminuer davantage parce que
nos patients ne seront pas traités adéquatement.
Déjà, dans bien des hôpitaux, au niveau des salles
d'urgence, au niveau de la chirurgie, on renvoie les malades chez eux, alors
qu'ils pourraient rester une journée ou deux de plus. On en est rendu
là.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Autre question? Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: La deuxième question, sur l'enseignement,
sur le problème de rémunération des médecins qui
enseignent aux étudiants...
M. Roy: Je ne veux pas parler de la rémunération.
Je vais laisser à mes confrères des fédérations
médicales le soin de parler de leurs problèmes de
rémunération. Cela n'a pas été discuté ici
aujourd'hui. Le projet de loi ne traite pas de la rémunération
comme telle. Il traite des modalités d'application des ententes qui
comportent déjà des modalités de
rémunération comme les honoraires fixes, la vacation, la
rémunération à l'acte. Jusqu'à maintenant, cela n'a
même pas été discuté au niveau des
négociations, la question de la rémunération. Ce sont les
fédérations qui doivent s'en occuper. Il reste quand même
que cela inquiète, d'après ce que je sais,
énormément les médecins, parce que les coûts de
fonctionnement des cabinets de médecins augmentent extrêmement
rapidement, alors que les revenus n'augmentent pas.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Lapierre.
M. Lapierre: En fait, madame, si vous me permettez de
répondre à la question, je pense que c'est tout simplement
l'article 1 qui...
Mme Dougherty: L'article 1 dont je parle.
M. Lapierre: ... fait que nous attirons l'attention du
législateur et, à notre sens, cet article atteint des objectifs
qu'on ne connaît pas. Il nous semble que cet article devrait être
reformulé, parce que, tel que formulé, il peut avoir des
conséquences sur l'enseignement médical.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Si on me le permet, rapidement
là-dessus, M. le Président. Les internes et résidents dans
leur mémoire qu'on finira, j'espère, par entendre étant
donné qu'ils ont bien voulu se déplacer, ainsi que les doyens
comme certains des membres de la corporation - ou enfin, certaines des
personnes autour de la corporation - ont bien évoqué cette
question. Peut-être que je peux la préciser immédiatement,
même si normalement ces choses-là se font en deuxième
lecture. Ce n'est pas notre intention de priver ceux qui dispensent
l'enseignement d'un revenu auquel ils ont droit dans le cadre de la
dispensation d'un soin, que ce soit dans le cadre de l'enseignement et de la
surveillance des activités d'un interne ou d'un résident. L'objet
vise plutôt le problème de la rémunération des
résidents eux-mêmes, non pas des internes, en dehors des
établissements, c'est-à-dire dans le contexte de leur formation.
On sait là-dessus qu'il y a des écoles de pensées qui vont
de la liberté totale pour le résident de pratiquer comme omni,
jusqu'à la vision beaucoup plus restrictive et totalement
hermétique qui est celle de l'Association canadienne des
universités, des facultés de médecine, si je ne me trompe
pas, qui a été véhiculée assez longuement
d'ailleurs comme notion par le Dr Perey qui est le président du
Collège royal des chirurgiens du Canada ou de l'Association des
chirurgiens du Canada et qui, elle, ne vise absolument aucune activité
extra-universitaire pour les résidents.
Alors, on voit qu'entre les deux, il y a différentes
possibilités; ce que ça vise, c'est ça. Il est bien
évident que tout effet vicieux à l'égard de la
rémunération de celui qui fait des activités de clinique
dans le cadre de l'enseignement n'est absolument pas recherché et on
apportera les précisions nécessaires.
Le Président (M. Bordeleau): Des questions, M. le
député de Gouin?
M. Rochefort: Oui, M. le Président; premièrement,
j'aimerais souligner aux représentants de la Corporation professionnelle
des médecins du Québec mon intérêt, je
présume que c'est aussi le cas pour les autres membres de
l'Assemblée nationale, après avoir reçu une copie de
l'étude que vous avez effectuée sur les médecins en
régions. D'autre part, j'aurais simplement un commentaire à faire
sur les deux premiers paragraphes, les commentaires généraux
qu'on retrouve au mémoire de la corporation. J'ai de la
difficulté à comprendre ces commentaires généraux
quand je regarde le mandat que confie le code des professions à la
Corporation, qui dit qu'il a pour principale fonction d'assurer la protection
du public. J'ai de la difficulté à voir comment c'est
concilié.
M. Roy: II me fait plaisir de répondre au
député de Gouin et de lui envoyer une copie de nos effectifs
médicaux, pour que le prochain comité des onze prépare une
étude plus extensive et plus complète sur les effectifs
médicaux. Le rôle...
M. Rochefort: Ça nous fera plaisir.
M. Roy: Ça vous fera plaisir. Le rôle de la
corporation est de s'assurer que la qualité des soins est bonne, que la
compétence des médecins est bonne. Nous pensons qu'il est
essentiel pour ça que les conditions de pratique des médecins,
leurs conditions de travail et leurs activités professionnelles soient
encadrées d'une façon satisfaisante et qu'ils soient
traités avec déférence et comme des citoyens à part
entière. Nous croyons donc que la loi actuelle dans l'article 4 brime
d'une certaine façon certaines libertés fondamentales qui sont
des libertés de représentation et de négociation. On a
compris aujourd'hui certains paragraphes de cet article 4, pour des raisons de
santé publique par exemple. Mais je pense qu'il y a d'autres
modalités qui pourraient être utilisées pour régler
le problème des régions éloignées sur lesquelles
tout le monde s'entend.
Comme on l'a dit, c'est une chose importante à résoudre.
Mais, nous pensons que les médecins, comme des membres à part
entière, doivent être traités comme tous les autres
citoyens de la société. Si on veut faire évidemment
certaines règles d'exception, il faudrait peut-être les faire pour
tout le monde. Nous avons l'impression que nous avons parfaitement le droit de
nous inquiéter de la façon dont on pourrait traiter les
médecins, différemment des autres citoyens. Nous espérons
que telle n'est pas l'intention du gouvernement parce que nous voulons, et
c'est important pour les patients, que les médecins continuent à
donner d'excellents services médicaux.
(23 h 45)
Nous pouvons assurer la population du Québec que la pratique
médicale est excellente au Québec. Comme vous l'avez vu, nous
faisons des visites systématiques des hôpitaux, des cabinets de
médecins, de tous les établissements de santé et nous
pouvons vous assurer que la qualité des médecins au Québec
est très bonne. Nous voulons qu'elle continue à être bonne
et, pour cela, nous pensons qu'il faut leur donner les instruments
nécessaires pour qu'ils continuent à pratiquer cette excellente
médecine et qu'ils soient aussi motivés pour le faire.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, je suis heureux d'entendre
l'intervention du président de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec qui me semble marquée par une plus
grande modération que les propos qu'on lui a entendus récemment
à certaines assemblées. Je voudrais le laisser avec un paragraphe
que j'aimerais citer, auquel il pourrait peut-être
réfléchir aussi à ce sujet qui est un paragraphe qu'on
retrouve dans une étude de MM. René Dussault et Louis Borgeat,
qui est titrée "La réforme des professions au Québec" qui
est extraite de la Revue du barreau de 1974 et je le cite très
rapidement: "La corporation professionnelle ne peut plus, dorénavant,
jouer le double rôle de protection du public et de sauvegarde des
intérêts économiques et sociaux de ses membres. Cette
dualité des tâches était sans doute acceptable à une
époque où l'exercice d'une profession étant une affaire
purement individuelle, la question des intérêts
socio-économiques d'un ensemble de professionnels ne se posait
pratiquement pas. De nos jours, les situations mettant en conflit
d'intérêts un groupe de professionnels se multiplient et
nécessitent des négociations fréquentes, une nette
dissociation des fonctions de protection du public et de protection des membres
d'une profession s'impose." Ils concluent en disant: "Si l'État rend
obligatoire l'appartenance d'un professionnel à une corporation
professionnelle et permet à cette dernière de réglementer
et de contrôler une profession, c'est uniquement dans le but de
protéger le public. Toute corporation qui est munie de pouvoirs aussi
importants entendrait jouer, à la manière d'un syndicat, un
rôle de revendication économique et sociale et se placerait dans
une situation de conflit d'intérêts." Je vous soumets ça en
conclusion, on aura sûrement l'occasion de s'en reparler.
M. Roy: Nous voulons vous dire, en commentaire, que nous sommes
parfaitement d'accord avec ces propos de MM. Dussault et Borgeat que nous
connaissons bien; pour
votre information peut-être, nous pouvons peut-être ajouter
que ce sont les médecins, parmi les professionnels, qui ont formé
les premiers syndicats avant que la loi actuelle sur le Code des professions,
la Loi médicale ne soit modifiée. Dans la Loi médicale
antérieure, c'était le Collège des médecins
d'État - c'était le nom à l'époque - qui avait
écrit dans la Loi le soin de représenter les
intérêts des médecins en même temps que les
intérêts du public en ce qui concerne la pratique médicale.
Nous avons été les premiers professionnels à comprendre
que, même avec la Loi que nous avions, les pouvoirs que nous avions, il
n'était pas normal de continuer d'exercer ce genre de pouvoirs et nous
nous sommes départis de ce genre de pouvoirs. En 1962, la
Fédération des omnipraticiens a été
créée, un peu plus tard, en 1964-1965, la
Fédération des médecins spécialistes a
été créée alors que la Loi actuelle existait, la
Fédération des médecins internes et résidents a
également été créée et la corporation a
demandé, à plusieurs reprises, par écrit, de changer sa
loi pour faire en sorte qu'elle s'occupe des intérêts de la
population, de la compétence de ses membres et c'est ce que nous
faisons.
D'un autre côté, les fédérations
médicales s'occupent et doivent continuer à s'occuper des
intérêts légitimes de leurs membres, les défendre
pour que les médecins aient des conditions de travail raisonnables et
qu'ils soient réglementés d'une façon raisonnable dans
leurs activités professionnelles. Nous nous occupons de la question de
la compétence, de la sécurité du public, de la
qualité des soins et je puis vous assurer que nous le faisons
très bien mais nous sommes également intéressés
à ce que nos médecins soient heureux de pratiquer leur
médecine parce que c'est un métier difficile; nous voulons qu'ils
soient traités comme des citoyens normaux, qu'on cesse de les accuser de
tous les maux de la société et qu'on cesse de dire qu'ils sont
les générateurs de coûts. Nous avons accepté tous
les régimes d'assurance-maladie, d'assurance-hospitalisation de bonne
grâce, tous les changements dans la Loi des services de santé et
des services sociaux et nous avons fait mémoires par-dessus
mémoires.
Si on nous avait écouté dans le passé,
peut-être y aurait-il beaucoup moins de problèmes qu'il y en a
à l'heure actuelle. Nous pensons avoir fait notre devoir, nous
continuons à le faire et nous avons une très bonne profession
médicale au Québec, il ne faudrait pas évidemment
s'organiser pour la détruire.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Alors, d'autres
questions. Ça va.
M. Johnson (Anjou): M. le Président.
M. Lincoln: Je voudrais demander la parole M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu savoir si, d'après la nouvelle
loi, à l'article 36, quand vous avez un conseil de médecins et de
dentistes dans un établissement, ils ne peuvent plus faire partie du
conseil consultatif, du personnel clinique, par rapport au conseil
d'administration. Vous nous avez suggéré que, d'après
l'article 112, le Conseil des médecins et dentistes dans
l'établissement puisse avoir un droit de recommandation et de
consultation auprès du conseil d'administration. Ce que je voulais
savoir, c'est si, dans un cas semblable, vous ne pensez pas qu'il y aurait
peut-être un genre de conflit d'intérêts, où le
conseil d'administration recevrait des consultations et des recommandations des
deux organismes, du conseil consultatif et du conseil des médecins et
dentistes séparément? Est-ce que cette question ne pourrait pas
causer des problèmes plutôt que de les résoudre?
Le Président (M. Bordeleau): M. Saint-Georges.
M. Saint-Georges: M. le député, je ne crois pas
effectivement que cela puisse produire de conflit d'intérêts, pour
une raison fondamentale, c'est que le fonctionnement, malheureusement, des
conseils consultatifs du personnel clinique est très peu efficace, d'une
part.
Deuxièmement, quand on analyse la loi antérieure des
hôpitaux, on y voit qu'effectivement il s'agissait à ce moment
d'une responsabilité du conseil des médecins et dentistes. Je
pense que cela représentait un élément de motivation
intéressant pour les médecins de pouvoir se sentir participants
à l'organisation scientifique et technique de l'établissement,
étant probablement parmi ceux qui avaient la plus grande
compétence pour le faire. Quand la Loi sur les services de santé
et les services sociaux a remplacé la Loi des hôpitaux, on a
créé le conseil consultatif du personnel clinique et, pour tenter
que tous les gens soient représentés, on a convenu que les divers
professionnels y seraient représentés, dont les médecins.
Actuellement, on propose que les médecins n'en soient plus partie. Nous,
nous croyons que le fait de leur demander de faire des recommandations peut
être de nature à les motiver et non pas à créer de
conflits d'aucune espèce.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai quelques
remarques en terminant. Ce
projet de loi, comme j'ai eu l'occasion d'en parler depuis qu'il est
déposé et de le commenter en commission vise notamment à
clarifier des rôles. Je vois dans la salle les présidents des
fédérations: des internes et résidents,
spécialistes ou omnipraticiens, ainsi que les représentants de la
corporation. Je voudrais dire que je considère que les
représentants des fédérations, à cet égard,
quant à ces rôles que nous ne voulons pas clarifier dans la loi,
mais qui, dans la réalité, sont très clairs, que les
présidents des fédérations font ici leur boulot et ils le
font avec la compétence que leurs collègues leur ont reconnue
dans le cadre, je présume, des mandats qu'il leur ont donnés.
Je voudrais souligner aussi que, dans le coeur de son document, j'ai
reconnu aussi que cette institution qu'est la corporation, avec sa vocation
très spécifique de protection de la santé publique ou
enfin d'intervention à l'égard de la santé publique, sous
le regard du contrôle de la qualité de la pratique médicale
et de la protection des citoyens, exerce une fonction qui a été
fort bien accomplie dans ce mémoire, compte tenu des
préoccupations que j'y vois. Je laisserai de côté deux
événements antérieurs qui ont pu se produire et qui
impliquent des personnes plutôt que des institutions. Je remercierai
notamment le Dr Roy, puisque j'ai reconnu aujourd'hui, comme d'habitude, sa
couleur. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
M. Roy: Évidemment, dans la vie, tout est une question de
rôles. On peut se retrouver à un moment donné dans des
rôles différents; à ce moment là, il faut jouer le
rôle que l'on nous donne. Merci.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Roy, ainsi que les
personnes qui vous accompagnent.
J'invite maintenant, comme dernier intervenant pour ce soir, la
Fédération des médecins résidents,
représentée par le Dr Marc David, le président et qui en
est porte-parole.
En attendant, j'aimerais d'abord avoir, dès maintenant, si c'est
possible, le consentement des membres pour qu'on puisse prolonger la
séance après minuit.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, merci.
Mme Lavoie-Roux: Vous voyez comme on collabore bien, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie de votre
collaboration, Mme la députée.
Mme Lavoie-Roux: Mais, M. le Président, il ne faudrait pas
en avoir trop demain, parce que vous n'aurez peut-être pas la même
collaboration.
Le Président (M. Bordeleau): On a regardé la liste
ensemble, je suis aussi dépendant que vous là-dessus. C'est la
liste qu'on m'a remise.
Mme Lavoie-Roux: C'est quand même votre rôle, M. le
Président, d'indiquer à qui de droit... Je pense que demain,
c'est un maximum de gens qu'on peut recevoir, huit groupes. Il y en a un de
plus, mais il y en a peut-être qui sont moins...
Le Président (M. Bordeleau): C'est-à-dire qu'il y
en a sept de prévus.
Fédération des médecins
résidents et internes du Québec
Mme Lavoie-Roux: Sept ou huit?
Le Président (M. Bordeleau): C'est jeudi qu'il y en a
huit.
M. David, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous
accompagnent.
M. David (Marc): M. le Président, M. le ministre des
Affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, il me fait
plaisir de vous présenter notre conseil d'administration et quelques
personnalités assises à la table. Je commence par ma gauche: Me
Jacques Castonguay, notre conseiller juridique, Mme Danielle
Godbout-Bombardier, notre directeur administratif, le Dr Guy Brisson, qui
représente l'Association des médecins résidents et
internes de Sherbrooke, le Dr Léo Plouffe, président de
l'Association des médecins résidents et internes de McGill, le Dr
Léo Berger, de McGill lui aussi, président du comité
responsable de l'entente collective et, enfin, le Dr Gaétan Tardif, qui
représente l'Association des médecins résidents et
internes de Québec. À ma droite: le Dr Pascal Labrecque,
président de l'Association des médecins résidents et
internes de Québec; à ses côtés, le Dr Danielle
Marceau, de Québec aussi, présidente de notre comité
d'éducation; à côté d'elle, le Dr Roch Parent,
président du Syndicat des résidents et internes de
Montréal. Il me fait plaisir d'avoir à mes côtés, en
geste de solidarité, le Dr Paul Desjardins, de la
Fédération des médecins spécialistes, le Dr
André Czitrom, de la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec, et le Dr Claude Chicoine, de l'Association des
chirurgiens dentistes de la
province de Québec.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous invite à faire
part de votre mémoire à la commission.
M. David: En 1970, la population québécoise s'est
dotée d'un régime universel d'assurance-maladie qui reconnaissait
un droit légitime, à savoir l'accessibilité aux services
médicaux, sans préjudice de statut social ou économique.
Avec l'instauration de ce régime et fort des expériences
vécues ailleurs, le gouvernement québécois entendait
mettre sur pied un système de santé permettant une
médecine de qualité à la fois globale et continue. Plus de
dix ans se sont maintenant écoulés et, il faut en convenir, le
projet de loi actuel nous le rappelle amèrement, certains des buts
visés n'ont pas été atteints, et ce malgré des
modifications à la loi qui donnaient au gouvernement des outils
potentiels pour la résolution des disparités régionales
persistantes. "La croissance rapide des effectifs médicaux n'a pas
doté le Québec d'un nombre suffisant de médecins pour
répondre aux besoins de la population dans toutes les régions du
Québec", dit le ministre Johnson dans son communiqué du 19
novembre 1981. Il s'agit en effet d'une réalité
indéniable, mais faut-il que le ministre, alors que l'on
considère le régime québécois d'assurance-maladie
comme le meilleur au Canada, en ce qui concerne l'approche des objectifs
généraux assignés, alors qu'il avance lui-même que
le système québécois constitue un acquis indéniable
qu'il est important de conserver et de consolider et que la qualité des
services de santé reçus par les Québécois se
compare avantageusement avec celle des pays industrialisés, faut-il,
dis-je, devant un constat d'échec partiel et dans la conjoncture
économique actuelle, qu'il se donne des moyens additionnels
vis-à-vis de la gestion du réseau des affaires sociales et
vis-à-vis du fonctionnement du Régime d'assurance-maladie?
Le ministre affirme, en outre, que le coût du régime a
augmenté. Permettez-nous d'en douter. Il ne faut pas cependant
présumer que l'augmentation des dépenses du régime, s'il y
a eu effectivement augmentation, est imputable à
l'irresponsabilité de la profession médicale. Entre autres, les
demandes de la population se sont faites plus nombreuses et plus exigeantes au
cours de la dernière décennie, surtout avec l'avènement de
la gratuité des soins. Le ticket modérateur doit-il être
imposé seulement aux médecins? (Minuit)
De plus, il y a eu un souci accru de dépistage, voire de
prévention de la part des médecins qui ont répondu aux
préoccupations des organismes de santé et des politiques
gouvernementales. Le dépistage et la prévention n'ont pas de
prix. La technologie médicale a évolué elle aussi, en
partie grâce à l'apparition d'aides diagnostiques et
thérapeutiques raffinées mais coûteuses. Le vieillissement
de la population et l'absence d'une certaine planification quant aux soins
à dispenser ont engendré un accroissement injustifié des
coûts, ces patients entre autres se retrouvant trop souvent dans des
unités de soins aigus, et j'en passe.
Dans ce contexte, que faut-il penser des normes rigides incompatibles
avec les libertés professionnelles reconnues traditionnellement que le
ministre veut nous imposer?
Nous estimons donc que le ministre, pressé de résoudre le
difficile problème de la répartition des effectifs qui aurait pu
l'être par les dispositions actuelles, profitant de la présente
conjoncture, dépose un projet de loi matraque de fin de session. Ce
projet de loi, dans son essence même, assujettit encore plus la
profession médicale aux caprices de la bureaucratie et fausse le
processus des négociations en permettant l'utilisation du décret
et de l'arrêté auxquels le projet de loi donne priorité. En
privilégiant ainsi le pouvoir unilatéral, le projet de loi
compromet dangereusement la raison d'être des fédérations
et, de la même façon, des syndicats en général.
En rapatriant dans le projet de loi la normalisation
réglementaire de l'activité médicale et en imposant des
normes rigides vis-à-vis du fonctionnement du système de
santé, ainsi que la fourniture des services de santé on risque
fortement de compromettre les droits de la personne et les libertés
professionnelles.
Par ailleurs, ce projet de loi, sous le couvert d'une
décentralisation administrative au profit essentiellement d'une
intégration des médecins à la gestion des
établissements, en leur octroyant des responsabilités
additionnelles à la structure hiérarchiques des pairs, semble
vouloir, selon nous, plutôt instaurer une structure permettant un
contrôle plus exclusif de la profession.
À partir de ce préambule, nous nous permettons de faire
l'analyse du projet de loi no 27. Notre fédération
représente des médecins en formation postdoctorale, mais elle est
aussi l'instance syndicale reconnue actuellement par tous les intervenants.
Notre analyse portera donc sur les articles qui ont une répercussion
directe sur la formation actuelle et l'avenir de nos membres, ainsi que sur
certaines implications syndicales du projet de loi.
À l'article 1, le troisième alinéa laisse place
à plusieurs interprétations. Nous tenons à aviser le
ministre que, si son intention est de ne plus considérer comme
assurés des services fournis dans le cadre de notre formation, donc de
ne pas rémunérer les
patrons pour tout acte délégué aux
résidents, nous risquons de voir notre formation lourdement compromise.
Le système actuel crée une situation qui fait que,
fréquemment, les résidents, tout comme les internes,
reçoivent une partie importante de leur formation de médecins qui
ne sont pas nécessairement rémunérés par les
universités à ces fins. Et les coupures budgétaires aux
universités ne feront qu'accentuer cette tendance.
Nous sommes persuadés qu'une telle politique résultera en
une diminution de la délégation de cesdits actes au
détriment de la formation des résidents et,
ultérieurement, pourrait avoir un effet négatif dans les soins
dispensés à la population.
Par ailleurs, certains résidents profitent du peu de temps qu'il
leur reste pour pratiquer la médecine ailleurs que dans le centre
hospitalier où ils sont en stage. Ils pratiquent ainsi dans d'autres
centres hospitaliers ou dans des cliniques privées et contribuent
également aux services d'urgence à domicile. La très
grande majorité des résidents s'accorde à souligner, en
premier lieu, le caractère formateur de cette pratique. Ainsi, un
résident, qui doit se confiner généralement à sa
spécialité lorsqu'il travaille à l'hôpital,
apprécie cette pratique dite générale qui lui permet de
garder le contact avec toutes les branches de la médecine.
Suivant le troisième alinéa de l'article 3 de la Loi sur
l'assurance-maladie, le résident ne pourrait plus pratiquer ailleurs que
dans un centre hospitalier. Toute pratique générale en pratique
privée, par exemple, ne serait plus rémunérée. En
vertu de quelle logique accepterait-on qu'il pratique dans un centre
hospitalier et non pas ailleurs?
Nous tenons donc, devant l'ambiguïté de l'alinéa,
à ce que le ministre précise sa pensée.
À l'article 4, nous considérons le troisième
alinéa qui prévoit une rémunération
différente pour les médecins durant les premières
années d'exercice, selon le territoire où ils exercent, comme
discriminatoire. Cela confinerait, quant à nous, le jeune médecin
à un statut de seconde classe, il servirait du même coup à
financer les dispositions du second alinéa et à abaisser les
coûts du système. Force nous est de nous opposer à une
telle disposition. En effet, la médecine est un art autant qu'une
science où l'expérience n'est pas gage de compétence. De
plus, le jeune médecin est à la fine pointe des connaissances
médicales, ce qui est une compensation plus que valable au manque
d'expérience, selon nous.
Cet outil "incitatif" que se donne le ministre dans sa quête d'une
solution entière et finale aux problèmes actuels est pour nous
une atteinte directe aux libertés personnelles et professionnelles;
d'autant plus pénalisant pour les résidents et internes en
formation pour lesquels de telles conditions n'étaient pas partie au
"contrat social" en début de formation.
Enfin, la possibilité pour le ministre de se servir du
décret à défaut d'entente négociée donne -
et nous insistons encore une fois - un dur coup à la libre
négociation, limite le rôle des fédérations et
compromet leur raison d'être. Il est de plus intéressant de
rappeler encore une fois que le deuxième alinéa ne fait que
confirmer le pouvoir qu'avait déjà le ministre en vertu de la
section IX de la loi 84 et qui est d'accorder des primes d'encouragement pour
l'établissement des médecins dans les territoires mal desservis.
Or, malgré ces dispositions, en vigueur depuis février 1979, le
système des primes d'encouragement n'a jamais été
appliqué. Laissez-nous donc douter de la volonté réelle du
ministre de mettre en branle dans l'avenir ce système de primes
d'éloignement, conditionnel à une entente, puisqu'il se donne
maintenant le pouvoir beaucoup plus facile de conscrire les jeunes
médecins afin de remplir les cadres des territoires mal desservis et ce,
par décret. C'est au troisième et au cinquième
alinéa et non pas au quatrième. Il s'agit ici d'une erreur.
Une fois les territoires éloignés mieux pourvus par des
médecins qui n'auront pas le choix, il est illusoire, quant à
nous, de croire que le ministre verra la nécessité de
négocier une entente qui leur accorderait une "vraie" prime
d'encouragement.
Pour ces raisons, il est évident que nous sommes contre les
modifications proposées et demeurerons contre. Par contre, si telle
devait être l'opinion du législateur, vous nous permettrez de
soulever certaines observations à caractère plus juridique.
Ainsi, cet article prévoit, au troisième alinéa,
qu'une rémunération réduite pourra être
incorporée aux ententes, pour les médecins qui débutent
dans la pratique. Ce même alinéa ne détermine pas quelle
pourrait être la durée de ce "purgatoire".
À défaut d'entente, l'alinéa 5 accorde au ministre
le pouvoir de déterminer, par simple décret, quelle serait la
rémunération réduite, ainsi que le nombre d'années
durant lesquelles celle-ci pourrait s'appliquer. En agissant de la sorte, la
loi impose toutefois au ministre une durée maximale de trois ans.
Le premier élément que nous soulevons porte sur la
durée des "premières années" de pratique, s'il devait y
avoir entente à ce sujet. Ainsi, si le ministre doit procéder par
décret, il ne peut imposer plus de trois ans. Par ailleurs, si ceci
devait faire partie d'une entente, il n'y a malheureusement pas de limite,
quant à nous, sur la durée. Est-ce dire que les ententes
pourraient prévoir une
durée plus longue? D'un strict point de vue juridique, rien ne
peut l'empêcher, quant à nous.
On pourra certes soulever que les interlocuteurs de l'État
verront à ne pas donner leur accord à une durée plus
longue que trois ans. C'est possible et même probable. Toutefois, dans la
mesure ou la FMRIQ n'est pas partie aux négociations et, par le fait
même, aux ententes, nous ne pouvons accepter que la loi n'impose aucune
limite de temps dans les ententes. Si ce projet de loi devait être
accepté tel quel, tous nos membres actuels en seraient directement
affectés dans un avenir rapproché. Il est inconcevable que la
FMRIQ accepte, au nom de ses membres, que la durée puisse être
théoriquement prolongée à plus de trois ans.
En ce qui concerne le pouvoir de décret attribué au
ministre dans le cinquième alinéa, nous ne pouvons, encore une
fois, y souscrire. Suivant le texte actuel, le ministre a toute
discrétion lorsqu'il agit. En plus de déterminer la durée
des honoraires réduits, il peut, toujours par décret,
préciser quels montants et les taux de réduction. Tous savent
qu'un arrêté ministériel, sauf indication contraire dans la
loi, peut être modifié en tout temps. Le ministre pourra donc,
suivant sa seule discrétion, modifier le taux de réduction des
honoraires, les territoires et les spécialités touchés,
aussi souvent qu'il le voudra. Cette procédure a sans doute comme
avantage de donner au ministre la plus grande marge de manoeuvre possible. Mais
qu'en sera-t-il des médecins eux-mêmes en début de
pratique? Comment pourront-ils planifier leur début de carrière?
Le ministre pourra, à tout moment, modifier le taux de réduction
des honoraires. Un territoire non touché à l'origine pourra, par
simple décret, devenir sujet à la réduction. Il en est de
même pour une spécialité donnée.
Il est de commune renommée que la mise sur pied d'un cabinet de
médecine nécessite l'investissement de sommes
considérables, plus particulièrement dans certaines
spécialités. Comment le jeune médecin pourra-t-il
démarrer s'il n'est sûr de rien? Comment pourra-t-il s'engager
financièrement si, du jour au lendemain, ses honoraires peuvent
être réduits par simple décret?
Cette façon de voir les choses paraît inconcevable de nos
jours. Il est important que la loi accorde une protection plus grande et que
certains principes de base y apparaissent. Ainsi, il nous semble extravagant
que la loi ne contienne pas certaines limites aux modifications et qu'elle ne
reconnaisse pas que le médecin qui débute puisse
bénéficier de droits acquis, c'est-à-dire l'assurance
qu'il n'y aura pas de modification en cours de route.
Nous tenons à rappeler au ministre les recours déjà
existants dans la loi et dont il ne s'est pas encore prévalu. A-t-il
besoin de changer les règles du jeu, alors que certaines cartes n'ont
pas encore été jouées?
Nous tenons aussi à informer le ministre que les dispositions du
sixième alinéa de ce même article au sujet d'ententes
particulières à titre expérimental outrepassent encore une
fois les droits des fédérations. Nous voyons en cela une source
de discorde éventuelle entre groupes de médecins qui n'en
demeurent pas moins des hommes; c'est tout simplement machiavélique.
Article 20. L'article 20 vient modifier la loi par l'addition de
l'article 66.1 à la loi sur les services de santé et les services
sociaux: transmission au chef de département clinique du profil de
pratique individuel des professionnels de la santé de son
département. Cela ressort encore une fois comme une atteinte à
l'autonomie professionnelle, car elle donne à un seul tiers le
contrôle d'un instrument qui pourrait être préjudiciable
voire inique.
Nous profitons de ce commentaire pour vous souligner notre
inquiétude face aux pouvoirs donnés par le projet de loi au chef
de département clinique. Il est évident que les
responsabilités qu'on lui donne sur l'utilisation des ressources de
l'établissement par les médecins de son département et la
surveillance de la façon dont s'exerce la médecine dans son
département lui reviennent à bon droit, mais il ne saurait
imposer à lui seul les sanctions administratives qui peuvent être
prévues selon l'article 112.1 du projet de loi, car sa nomination, faite
par le conseil d'administration, et sa rémunération prévue
à l'article 1 lui octroient un statut qui l'élève
au-dessus de ses pairs. Or, cette position privilégiée peut
donner cours à l'arbitraire.
La discipline et le contrôle de la qualité de l'acte
médical sont du ressort des pairs, donc du Conseil des médecins
et dentistes. Le ministre semble, quant à nous, oublier ou diminuer
l'importance de cette collégialité, que ce soit pour
l'élection du chef de département ou pour l'imposition des
sanctions administratives. Nous ne saurions être assujettis à un
syndic hospitalier, car s'il devait en être ainsi, c'est la
qualité même des soins médicaux hospitaliers et le droit du
patient à recevoir les meilleurs soins qui seraient battus en
brèche. En effet, le chef du département, payé et
nommé par l'administration et sous le contrôle du directeur des
services professionnels, pourrait à sa guise interpréter les
normes établies par le Conseil des médecins et dentistes en ce
qui a trait à la fourniture de soins et imposer, sous peine de sanctions
administratives, sa vision de la médecine qui devrait être
pratiquée dans son département.
Ainsi, le médecin qui, pendant près de
dix ans, aura été formé pour prendre des
décisions dans le meilleur intérêt de son patient se verra
relégué au rôle de simple exécutant d'une
médecine standardisée, nivelée par la base au gré
des administrateurs qui, eux, il faut le dire, sont loin des patients.
Nous tenons à aviser le ministre que les CMD, quant à
nous, doivent demeurer libres de toute contrainte extérieure dans
l'élaboration des normes sur la fourniture des soins requis et
l'utilisation des ressources disponibles. Or, certaines dispositions du projet
de loi ainsi que les coupures budgétaires quant aux ressources vont
limiter encore une fois la liberté collégiale.
Article 38. L'article 38 du projet de loi donne au CRSSS des pouvoirs
trop étendus. Le désir du ministre est de former un organisme,
non pas bureaucratique, mais un moteur de la coordination régionale dans
la dispensation des services de santé.
En donnant au CRSSS la possibilité d'établir les
politiques d'admission et de transfert des bénéficiaires, de
fixer les normes de fonctionnement des services d'urgence, de fixer les normes
d'utilisation et de distribution des lits, d'autoriser le déplacement
des bénéficiaires vers un autre établissement, le
ministre, dans sa volonté d'améliorer le flux d'autorité
de décision de travail et aussi d'information, instaure une structure
qui, à notre point de vue, ne fait qu'alourdir le système par une
bureaucratie qui pourrait s'avérer insuffisamment souple dans
l'environnement complexe et dynamique auquel il s'adresse. De plus, alors que
le ministre désire une plus grande implication des médecins dans
l'administration et la planification des services de santé
régionaux et locaux, comment expliquer la diminution substantielle de
leur représentation potentielle de trois membres au sein même des
conseils d'administration? S'agit-il de bâillonner les médecins
quand vient le temps d'établir les politiques régionales et
d'assurer ainsi un contrôle plus rigoureux sur ceux-ci?
Article 49. L'article 49 consacre, selon nous, l'omnipotence du ministre
et de la fonction publique sur la dispensation des services de santé. (0
h 15)
Alors que le chapitre 63 des lois de 1979 ne prévoyait des plans
d'organisation que pour les centres hospitaliers universitaires et que ces
plans étaient approuvés par le CRSSS, le ministre étend,
avec le nouvel article, sa juridiction sur tous les hôpitaux
québécois. Le ministre se donne ainsi, dès l'adoption du
projet de loi et malgré les justifications des centres hospitaliers,
l'autorité de fermer tous les centres hospitaliers des régions
non désignées à de nouveaux médecins. Il leur
enlève ainsi tout statut et tous privilèges hospitaliers,
même si ces nouveaux médecins sont prêts à assumer la
tarification diminuée.
L'incitation risque donc de devenir obligation, car la pratique de la
médecine, même privée, est reliée au centre
hospitalier. Et ces plans d'organisation, à partir de quoi seront-ils
élaborés? Leurs justifications premières seront-elles le
bien-être du patient ou les intérêts du ministre?
Et que penser de la sclérose qui pourrait se développer
sans adjonction de sang nouveau dans les centres hospitaliers et du danger qui
guette, de facto, le dynamisme universitaire où le renouvellement est
gage de qualité et d'excellence de formation et de dispensation des
soins?
L'incertitude des résidents quant à la possibilité
d'entreprendre une carrière universitaire risque de diminuer grandement
le stimulus nécessaire pour aller chercher une formation
particulière à l'étranger, formation essentielle quant
à nous à l'avancement de la médecine
québécoise et gage d'un niveau élevé de
compétence qui est un droit de la population.
Article 57. L'article no 57 du présent projet relègue aux
oubliettes le résident ou l'interne qui pouvait siéger au conseil
d'administration, abaissant la représentation médicale à
un seul membre.
Nous notons ainsi avec déception que l'État entend, dans
sa prétendue réforme, retirer la représentation des
résidents et internes au conseil d'administration des centres
hospitaliers.
La réglementation actuelle énonce clairement que nos
membres ne font pas partie du Conseil des médecins et dentistes. S'il ne
sont pas membres du CMD, et s'ils sont exclus du conseil d'administration,
quelle sera notre représentativité dorénavant? En vertu de
quelle logique les résidents et internes seraient-ils ainsi exclus? Nous
nous opposons fortement à cette démarche qui nous semble à
la fois arbitraire, injustifiée et inacceptable.
Le résident ou l'interne est, à notre avis, le seul
individu qui connaît véritablement le fonctionnement de
l'hôpital 24 heures sur 24. De plus, les résidents et internes ont
un droit de regard, via le conseil d'administration, sur des décisions
ayant des implications importantes sur la formation. Qui d'autre qu'un
résident peut mieux expliquer à un conseil d'administration la
nécessité d'unités d'enseignement clinique, la
pénurie de documentation à la bibliothèque et voir
à ce que le conseil d'administration se préoccupe
sérieusement de la formation donnée par son centre hospitalier?
Ce n'est pas uniquement à la personne nommée par
l'université qu'il advient de le faire.
Le ministre, par ailleurs, raye d'un seul trait l'occasion pour un
résident ou interne de s'intégrer graduellement dans
l'administration de services de santé et d'acquérir une
expérience administrative
adéquate, alors qu'il prône une participation plus active
des médecins...
En conclusion, pour les raisons que nous venons d'énoncer, nous
n'avons d'autre choix que d'exiger le retrait pur et simple de ce projet de loi
no 27.
Bien que la FMRIQ ne soit pas partie aux ententes conclues entre
l'État et les médecins, en vertu de la Loi sur
l'assurance-maladie, nous nous permettons toutefois de dénoncer avec
force un tel processus qui vient matraquer avant l'heure tout le système
de la libre négociation.
L'actuel article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie donne au ministre
toute la latitude voulue pour négocier de bonne foi et tenter d'en
arriver à un règlement raisonnable et acceptable avec les
médecins. Rien dans la loi n'interdit au ministre de voir à une
distribution adéquate des soins médicaux par tout le
Québec. En agissant de la sorte, l'État bafoue toute
négociation éventuelle, semblent en constater l'échec
avant même qu'elle ne commence.
Pour qu'une négociation aboutisse à un règlement,
il est nécessaire que chacune des parties ait tout au moins l'impression
de traiter d'égal à égal avec son interlocuteur.
Quant à la façon elle-même de répartir les
effectifs médicaux au Québec, ce n'est certes pas en imposant une
réduction d'honoraires que l'État pourra en arriver à ces
fins. D'autres mesures incitatives pourraient être honnêtement
tentées, ayant le mérite de ne pas être imposées de
force contre le gré des principaux intéressés.
Quant à la restructuration administrative des
établissements de santé prévue dans le projet de loi, nous
sommes d'avis que ce n'est pas en imposant un contrôle à outrance
de la part de l'État qu'on réglera tout le problème. Nous
doutons fortement qu'une telle méthode puisse réduire les
coûts d'une façon sensible et appréciable. Par ailleurs,
réduire les médecins à de simples exécutants ne
pourra qu'être néfaste à plus ou moins long terme pour la
population. Merci
Le Président (M. Bordeleau): Merci M. David. Alors M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Merci, Dr David. D'abord une question,
ensuite je vais peut-être passer à quelques commentaires rapides
sur certaines choses. A la page 12, vous dites: "De plus, alors que le ministre
désire une plus grande implication des médecins dans
l'administration et la planification des services de santé
régionaux et locaux, comment explique-t-on une diminution substantielle
de représentation au sein même du conseil d'administration des
CRSSS?" Il doit y avoir une erreur qui s'est glissée quelque part. Dans
la mesure où maintenant nous prévoyons qu'il y aura
obligatoirement un médecin sur le conseil d'administration des CRSSS.
Peut-être que vous vouliez parler des établissements.
M. David: Pour la correction, nous avons ajouté
"potentielle", nous comprenions l'ancien article comme pouvant permettre la
représentation de trois membres, entre autres un membre d'un centre
hospitalier, d'un centre d'accueil et d'un CLSC, à moins que nous ayons
mal interprété l'ancien article.
M. Johnson (Anjou): D'accord, je comprends. Mais de fait, ce dont
se plaignait la profession, avec raison diront certains, pas avec raison diront
d'autres, vous avez entendu ça ce matin, ça dépend des
points de vue dans le réseau, c'est qu'ils n'y étaient pas. En
pratique, ce que l'on vise à faire dans le projet de loi, c'est
d'assurer un siège à une personne à cause du fait qu'elle
est médecin. Alors...
M. David: Me permettez-vous un petit commentaire?
M. Johnson (Anjou): Oui, je vous en prie.
M. David: Nous nous demandons quand même pourquoi les
médecins qui sont probablement les plus impliqués n'ont qu'une
voix sur quatorze. J'ai l'impression...
M. Johnson (Anjou): Vous savez, je pourrais vous dire que c'est
une bien longue histoire, dans l'histoire du développement du
réseau des Affaires sociales au Québec. Je pourrais vous dire que
c'est l'époque de Soeur Joseph qui est révolue. Soeur Joseph, je
dois vous dire, était une soeur dans une communauté dont je ne me
rappelle pas du nom et qui réglait ses problèmes au
téléphone avec M. Duplessis; ça permettait l'ouverture de
salles d'opération sur simple coup de téléphone mais
ça ne fonctionnait pas tout le temps et le Québec s'est beaucoup
développé depuis ce temps-là. Ça avait ses
avantages, remarquez, mais ça avait de drôles
d'inconvénients aussi. Au fur et à mesure des années et
surtout avec la réforme de 1971, il y a eu une certaine marginalisation,
voulue probablement, carrément, dans l'esprit des gens, des
médecins. Je regarde certaines réactions que je vois encore dans
le réseau, on a peur des médecins. Je pense qu'on n'a pas raison
d'avoir peur des médecins. Je voudrais être bien convaincu que les
nouvelles générations de médecins qui montent sont
sensibles aux dimensions collectives dans le réseau, comme certains de
leurs aînés le sont à travers d'autres activités; je
parle de leurs aînés sur le plan de la profession. Quelques
remarques, une remarque générale, je pense que vous me le
pardonnerez bien, Dr David, là-dessus, il y
a des éléments où on voit beaucoup de
machiavélisme peut-être, beaucoup de mauvaises intentions,
beaucoup de méchanceté et de complots dans nos actions. C'est
pour ça qu'il y a des commissions parlementaires, c'est pour être
sûr qu'on ne fait pas ça juste au niveau des procès
d'intention.
Le pouvoir de décrets, je pense que j'en ai traité assez
abondamment ce matin. L'article 1, à cet égard, vise
essentiellement des restrictions sur ce qui s'appelle le "moon lighting".
Encore une fois, l'étendue du "moon lighting", ou de la réaction
devant ce qu'on appelle le "moon lighting", varie comme je le disais, de la
liberté absolue qu'on réclame. C'est-à-dire qu'un
résident réclame de pouvoir se prévaloir du fait qu'il
est, par définition, un médecin, donc pouvant pratiquer comme
omnipraticien, à l'autre extrémité qui est la position des
doyens ou de certains doyens, je devrais dire - pas nécessairement tous
- à l'effet qu'un médecin résident ne devrait pas sortir
des activités universitaires. Et on a pris une décision qui est
quelque part entre les deux, parce qu'il arrive que, dans la vie, on prenne des
décisions quelque part entre les deux, parce qu'il y a des divergences
d'intérêts, de points de vue, qui visent à toutes fins
utiles à confiner la possibilité de pratique pour le
résident, en établissement. Notamment, en ayant à l'esprit
que dans certaines spécialités... On reconnaît le
rôle majeur que jouent souvent des résidents senior, notamment,
à certaines spécialités. Par exemple, un résident
senior en cardiologie qui s'en va à Mégantic, il y a des chances
qu'il puisse suivre s'il est R-3 en cardiologie, un peu mieux les arythmies que
beaucoup d'autres médecins dans l'établissement et il peut,
à cet égard, être un élément de soutien
important à l'établissement et, en même temps, se faire des
revenus auxquels il a bien droit, puisqu'il rend des services.
J'avoue que cela manque de la cohérence hermétique ou
totale que voudraient y voir les doyens et de la cohérence absolue que
vous voudriez voir qui permet de continuer le système tel qu'il existe,
avec les désavantages qu'on lui connaît.
Quant à l'article 4, je pense qu'il est fondamental. Je
reviendrai là-dessus. Je pense que la vraie discussion que nous aurons
à faire, c'est là-dessus, les échanges qu'on pourra avoir.
D'abord, je vous ferai remarquer que, dans les dimensions techniques, les trois
ans ont un caractère maximal, la limite étant, en vertu des
principes d'interprétation du droit, celle des parties, si cela n'est
pas prévu autrement. J'aurais peine à croire que des parties
négocient ce que vous appelez le purgatoire, ce que je ne
considère pas comme purgatoire. Je vous suggérerais d'ailleurs,
à cet égard, de lire le projet de loi de mon collègue de
Sainte-Marie, si vous voulez voir ce qu'est un purgatoire. C'est une limite de
trois ans qui est imposée, si jamais on doit y arriver par
décret. Je reviendrai là-dessus. Donc, sur le plan technique, je
voulais évacuer cette question.
Quant aux taux qui suivraient ou aux taux différentiels "à
la baisse" qui suivraient le résident qui se promène sur le
territoire, je ferai remarquer que je pense que la loi ne le permet pas. Primo,
ce n'est pas notre intention. Deuxièmement, de l'avis de nos juristes,
quitte à échanger plus profondément là-dessus avec
les vôtres, à mon avis, la loi ne permettrait pas de faire un
suivi. Bien au contraire, parce qu'à partir du moment ou le
médecin qui est soumis aux taux différentiels, quelle que soit la
région qu'il ait choisie, est dans le système, il
bénéficie de l'espèce de statut de tous ceux qui sont dans
le système, c'est-à-dire qu'il conserve, qu'il a ses acquis, qui
ne peuvent pas être modifiés durant l'année
subséquente. Je veux simplement vous rassurer quant à cette
interprétation et, à notre avis, c'est implicite.
Quant à l'article 20 sur l'information, je me permettrai de vous
renvoyer à la vision qu'en a la Corporation professionnelle des
médecins, elle me semble passablement différente de la
vôtre. Je n'ai pas à présumer que les informations sur les
profils cliniques vont servir de fouet ou de férule à des chefs
de département qui, par ailleurs, même s'ils restent des hommes ou
des femmes, restent également des personnes dont on pourrait
présumer que, de façon générale, elles se
conduisent de façon responsable, à l'exception des deux
extrémités, où c'est la cloche de gaz.
Sur la notion d'autorité et de standardisation, je vous renvoie
également à la vision qui est la nôtre et que nous
partageons avec l'expérience concrète, notamment, celle que vous
vivez, je pense, dans les établissements universitaires. S'il est vrai
qu'il y a des chocs et des chocs nécessaires et sains pour
l'évolution de la profession entre la vision de la
génération de ceux qui sont en formation et ceux qui sont en
place, le système n'empêcherait pas l'introduction ou une
précision du rôle des chefs de département qui exercent
déjà en pratique dans les universités, on le sait, dans
les départements universitaires, à peu près ces fonctions
dans bien des cas. Cela ne serait pas la base d'une vision standardisée
de la médecine. Je connais trop l'esprit de liberté des 15 000
médecins du Québec pour m'imaginer que simplement quelques
modifications aux pouvoirs des CMD amèneraient une vision
standardisée de la médecine sur le territoire.
Quant au CMD, vous faites bien de nous mettre en garde contre toute
ingérence extérieure mais, comme il n'y en a pas, cela
ne m'inquiète pas, il n'y en a pas dans le projet de loi et je ne
vois pas comment il pourrait en être autrement.
Quant à l'article 38, le pouvoir réglementaire, je vous
renvoie aux échanges qu'on a eus là-dessus ce matin. Encore une
fois, il ne faut pas chercher noise, bien que j'avoue qu'à i, j, k et l,
cela revient dans tous les mémoires. On va discuter de i, j, k et 1 dans
les pouvoirs de réglementation, c'est bien évident.
À l'égard des CRSSS, je remarque que vous faites partie de
la brigade anti-CRSSS que nous avons vue défiler devant nous depuis ce
matin. Vous tirez également la chevrotine sur cet organisme un peu comme
tout le monde, mais je persiste à croire qu'il y a là une
expertise et une structure qui peuvent être très utiles aux
citoyens en fin de compte. Ce n'est pas pour rien qu'on veut y intégrer
certains des éléments de la profession. (0 h 30)
Quant à la notion des plans d'effectifs qu'il faut relier, je
pense, à la question des régions, j'y reviendrai
également, c'est le gros bloc. La participation des médecins
résidents aux conseils d'administration, avec nos regrets, c'est une
erreur de texte à l'imprimerie. Il y avait, dans les décisions
que nous avions à prendre à cet égard, une série
d'hypothèses. Pour une raison ou pour une autre, c'est le mauvais papier
qui est parti. Au contraire, on vise l'extension même de cette
possibilité dans la mesure où nous permettrons à d'autres
organismes que les centres hospitaliers d'être affiliés aux
universités. On pense qu'au niveau de la formation, cela peut être
utile de façon générale pour la profession et pour les
citoyens en même temps, dans la mesure où des centres d'accueil,
comme des CLSC de plus en plus, pourront être associés aux
universités et faire partie des programmes de résidence.
Quand on pense notamment à tout le problème auquel notre
société devra avoir à faire face très
bientôt, qui est le nombre de personnes âgées, avec des
difficultés qui sont particulières aux personnes
âgées, et la tendance de vouloir voir ces problèmes
réglés seulement par des gériatres m'apparaît
peut-être un peu dangereuse si on ne voit dans cette solution que
l'investissement additionnel seulement dans les spécialités. Il y
a plus que ça. Je pense qu'il faut ventiler et permettre aux
universités de se ventiler au niveau des expériences cliniques
disponibles pour les médecins en formation.
Donc, si vous me permettez de disposer du procès d'intention de
la page 14 qui s'ensuit, quant aux conclusions, je pense que ce sont les
réflexions générales qui font partie, à bien des
égards, de celles que nous avons entendues des autres
fédérations.
Je reviens à la question de la répartition des effectifs
sur le territoire. Ce que la loi introduit, je pense que vous l'avez
très bien décrit, à cette exception près où
on pourrait avoir une divergence d'opinions, soit l'affaire des trois ans. Sur
le plan technique, encore une fois, vous avez décrit avec beaucoup de
précision le mécanisme. C'est un mécanisme qui,
effectivement, introduit un principe de différenciation en fonction du
moment d'arrivée dans le système et non pas de l'âge. Je
vous rappellerai à cet égard que comme société,
à ma connaissance, aucun métier, aucune profession, ne donne le
genre de garantie que la médecine donne à ceux qui sortent de nos
universités. À la fois en termes de mobilité et d'une
garantie d'un certain niveau de revenu.
Je ne prétends pas que c'est facile de s'installer où que
ce soit. Je prétends cependant que c'est plus facile que dans à
peu près n'importe quel métier du monde, sur notre territoire. Et
le niveau de revenu dont on parle, nonobstant le fait que décider de
partir en bureau privé implique des dépenses et tout le reste -
on est bien conscient de ça, on est au courant, on a lu les mêmes
études, même si on n'a peut-être pas la même
façon de les présenter que certains des syndicats où il y
a peut-être des divergences d'interprétation sur la composante
technique - ce niveau de revenu des médecins, de façon
générale, quand ils sortent de l'université, est un niveau
de revenu qui, pour les trois premières années, est absolument
incomparable à celui de quelqu'autre catégorie de professionnels
ou de citoyens dans notre société. Je ne prétends pas que
l'expertise, la responsabilité qui vient avec ce métier et
l'ensemble des contraintes qu'il implique sur le plan du type de vie qu'on y
mène quand on le pratique ne rendent pas méritoire et ne
justifient pas que la société reconnaisse qu'il y a là un
niveau de revenu supérieur à d'autres catégories. Bien au
contraire. C'est d'ailleurs vrai dans la plupart des pays du monde, y compris
les pays où la médecine est vraiment socialisée. Ne vous
en faites pas, ici elle ne l'est pas. Il y a juste l'État qui est
payeur, c'est une nuance.
Cependant, il reste qu'à travers le genre de difficultés
que nous connaissons comme société en ce moment, et je me
permettrai d'être en profonde divergence sur une affirmation que vous
faites dans votre mémoire au sujet du fait que la médecine,
étant un art autant qu'une science, la notion d'expérience a
quelque chose de... j'allais dire le mot anglais, je m'excuse, j'ai
bloqué dessus en le prenant en anglais...
Mme Lavoie-Roux: Dites-le donc! Est-ce qu'il y a une loi qui vous
en empêche, M. le ministre?
Une voix: La prévention n'a pas de prix...
M. Johnson (Anjou): Non, ça n'a rien à voir. Non,
ce n'est pas "la prévention n'a pas de prix", c'est la remarque que vous
faites à l'égard du fait que la médecine étant un
art, l'expérience n'a pas grand-chose à voir avec la
qualité, ou quelque chose comme ça. J'essaie de me souvenir de la
phrase. Peut-être pourriez-vous m'indiquer la page, avant que vous disiez
que c'est discriminatoire. L'article 4... Ah bon! "La médecine est un
art autant qu'une science où l'expérience n'est pas gage de
compétence."
Je veux bien tenir ça pour acquis, que l'expérience n'est
pas un gage de compétence. C'est peut-être plus facile de
régler certains problèmes, je pense, quand on a pratiqué
un peu; en ce sens-là, sans prétendre que ce projet introduise,
d'une façon systématique, la notion d'un revenu en fonction de
l'ancienneté, absolument pas. Le principe que nous introduisons à
l'article 4, c'est qu'il n'est pas écrit dans les tables de Moïse
qu'en sortant de l'université, on puisse être assuré, parce
qu'on est médecin, du niveau de revenu dont il est question, de
façon absolue. C'est là qu'est introduite la notion de ces
territoires désignés.
Il y a un choix fort simple dans tout ça, c'est la notion de
service obligatoire, compte tenu du fait que ça coûte cher, former
des médecins dans la société, compte tenu du fait qu'en
plus de ça, une fois que les médecins pratiquent leur profession,
ça coûte cher à l'État. Encore une fois, je ne
prétends pas qu'ils ne rendent pas de services, mais, au fait, ça
coûte cher à la collectivité. Ce n'est pas un reproche,
c'est un constat. Il y a des pays où ils l'ont réglé comme
ça, que ce soit à travers le service militaire ou autrement. Oui,
il y a un caractère obligatoire à ça, je n'ai pas retenu
cette notion. Pardon, madame?
Mme Lavoie-Roux: Je trouve que vous faites un peu de
paternalisme, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Non, je constate qu'il y a des pays qui ont
réglé ça autrement que nous autres et ce n'est pas
ça qu'on a retenu.
Mme Lavoie-Roux: Depuis le début, ce ne sont pas vos
dernières remarques.
M. Johnson (Anjou): Peut-être est-ce ma façon de
répondre à certains procès d'intention qu'il y avait dans
ce mémoire. En ce sens, nous n'avons pas retenu cette suggestion. Ce que
nous avons retenu comme principe, c'est celui de la différenciation qui
fait que, si le médecin exerce son choix, sa liberté de faire un
revenu et les conditions plus ou moins difficiles qu'il pense rattachées
au niveau du revenu qu'il voudrait faire, qui est celui de ses
collègues, il peut le faire dans un cadre où ça rend aussi
service à la société, pour un certain nombre
d'années. Là, il regagne tous les privilèges de ses
collègues.
Je pense qu'il reste un élément de choix important
là-dedans. Je pense que c'est peut-être un peu injuste de
présenter ça comme étant coercitif comme le service
obligatoire. Il reste un élément de choix. On me dira: Quel genre
de choix? Quant aux tarifs différentiels, il reste à
négocier et, faute d'être négocié, il pourrait
être décrété en vertu de la loi, ce qui,
incidemment, n'est pas une responsabilité très gaie à
porter pour quelque gouvernement que ce soit, celle de décréter
des conditions de travail dans une société démocratique.
On n'est pas dans les goulags ici. Il y a des contrôles et ça
passe à la télévision tous les soirs; il y a des
commissions parlementaires où des députés posent des
questions. Le pouvoir de décret, dans une société comme la
nôtre, ce n'est pas exactement le pouvoir de décret de l'Union des
républiques socialistes soviétiques, ça ne se fait pas
tout à fait dans le même contexte. Le gouvernement répond
de ses décrets.
C'est le contexte dans lequel se présente ce projet. Je pense
que, depuis ce matin, on a répondu à certaines de vos
inquiétudes, certaines de vos interrogations. Il reste que, sur la
question de fond, qui touche la répartition, je présume que vous
aurez des choses à nous dire. Merci.
M. David: Nous permettez-vous de répondre aux commentaires
du ministre?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. David.
M. David: Premièrement, vous avez dit vous-même que
notre mémoire était entaché au moins
d'émotivité, d'aucuns pourraient dire d'extrémisme. Nous
avons constaté, en lisant la loi, qu'elle pouvait prêter à
interprétation et, quant à lui donner une interprétation,
nous lui avons donné celle qui était la plus extrême qu'on
pouvait faire. Pour nous, il était nécessaire de dire: Nous
craignons maintenant, plutôt que de dire, dans un an: Nous aurions
dû craindre.
Deuxièmement, pour ce qui est du "moonlighting", entre les
branches, nous avons appris que dans le rapport Landry on suggérait
fortement d'utiliser les résidents pour faire du "moon lighting" en
régions désignée et que cela réglerait
peut-être à court terme la pénurie de médecins.
J'aimerais peut-être que le ministre nous en parle.
M. Johnson (Anjou): L'article le
permet, soit dit en passant, à l'établissement. Vous
l'avez remarqué?
M. David: Vous n'avez pas spécifié les
établissements.
Pour ce qui est des profils de pratique remis aux chefs de
département clinique et pour ce qui est aussi des pouvoirs que vous leur
donnez, pour en avoir parlé moi-même à certains chefs de
département, ils ne sont pas prêts à assumer ce que vous
voulez leur voir assumer. Vous dites que vous êtes d'accord pour que les
CMD ne souffrent pas d'ingérence extérieure. Je considère
que des coupures budgétaires, cela peut être une ingérence
extérieure sur l'application des normes par un CMD.
Pour ce qui est de l'erreur pour les résidents et internes, je
vous remercie de nous redonner notre représentativité. Pour ce
qui est du manque d'expérience dans le début de pratique de la
médecine, vous considérez qu'un jeune médecin devrait
avoir une rémunération moindre. Nous nous apercevons que c'est le
médecin d'une région non désignée qui pourrait
avoir une rémunération moindre. Est-ce que nettoyer une oreille
vaut 8 $ à Montréal et 12 $ à Chibougamau ou à
Mont-Laurier?
Vous dites que la médecine québécoise n'est pas
socialisée et que l'État n'est que payeur. J'ai l'impression,
avec plusieurs des points qui sont dans la loi, que la médecine devient
de plus en plus socialisée. Pour ce qui est des autres commentaires, je
laisse à notre conseiller juridique le soin de prendre la parole s'il a
des choses à dire.
M. Castonguay (Jacques): J'aurai seulement un commentaire, sur la
question du pouvoir de décret. S'il y a un décret, jusqu'à
quand peut-il durer? Je ne veux pas entrer dans une argumentation juridique
à outrance là-dessus, mais il me semble, d'après la loi en
tout cas, telle qu'elle est présentement, qu'il y aurait
possibilité de la modifier en cours de route à la fois pour les
territoires, à la fois pour les taux et également aussi pour les
spécialités. Néanmoins, si ce n'est pas votre intention et
si ce n'est pas ce que la loi est supposée dire, à mon sens, elle
n'est pas très claire là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, à 0 h 45 et
après avoir entendu le long laïus du ministre qui, j'en suis
certaine, a apaisé tous les esprits, je voudrais simplement remercier
l'association d'être venue présenter son mémoire. Je dois
dire, et ce n'est pas nécessairement parce que je suis membre de
l'Opposition qu'il y a au moins certains principes ou certaines choses que vous
avancez qui m'apparaissent exactes.
On n'a pas eu le temps jusqu'à maintenant de discuter des
coûts des services médicaux et je pense que vous avancez certaines
raisons pour l'augmentation des coûts, par exemple, une plus grande
sensibilisation de la population au dépistage, à la
prévention. Je n'en fais pas reproche au gouvernement, mais cela fait
partie de l'évolution de notre société, toutes les
règles gouvernementales ou lois qui, justement, font que ces examens
préventifs se multiplient, si on prend tous les cas de santé et
sécurité au travail, des retraits préventifs qui exigent
des examens médicaux.
Vous avez la même chose dans le domaine scolaire, où on
n'accorde même plus foi aux parents si un enfant, comme dans bien des
cas, est absent de l'école pour X temps, il faut un certificat
médical. Si on veut une exemption de la culture physique, il faut un
certificat médical. Enfin, on pourrait multiplier les exemples, les
professeurs qui sont absents depuis trois jours. C'est fait pour des raisons
administratives et tout cela, ce n'est pas cela que je veux remettre en
question, mais je pense que ce sont tous des facteurs qui contribuent et ont
contribué à l'augmentation des coûts. Dans bien des cas, je
pense que c'est pour le mieux-être de la population; dans d'autres cas,
c'est peut-être pour des raisons administratives parfois
justifiées, parfois moins justifiées. Mais enfin, c'est la
réalité des choses. (0 h 45)
Je pense qu'on ne saurait assez observer le vieillissement de la
population, personne n'en est responsable. On va tous y arriver un jour, vous
autres après moi, mais, enfin, il reste que cela aussi coûte
très cher. L'augmentation des personnes de 80 ans et plus est
très rapide par rapport aux 65 ans et plus en termes de taux,
évidemment, pour les 80 ans et plus, on requiert... C'est aussi le
respect d'une société pour la dignité de la personne. On
pourrait ajouter une foule d'arguments.
C'est évident que cela coûte cher - je n'ai pas les outils
- mais ce serait peut-être intéressant qu'un jour le gouvernement
ou les fédérations médicales, celui qui en aura le moyen,
décortique un peu cette espèce de grand énoncé: Les
coûts ont augmenté d'une façon prodigieuse. Je pense qu'il
y a des raisons. Il ne faut surtout pas dire - je ne pense pas que c'est ce que
le ministre a dit, il a même dit que ce n'était pas cela - on est
porté à crier dans la population: C'est la faute de la profession
médicale. Que quelqu'un me corrige autour de la table: j'ai entendu dire
dernièrement qu'un médecin générait 250 000 $ de
dépenses. Je pourrais vous dire qu'un député ne
génère pas loin de 150 000 $ et je n'ose pas dire ce qu'un
ministre génère. Blague à part, je pense que ce serait
important de remettre les choses dans un contexte plus réel que celui
qu'on
avance comme ci comme ça. D'ailleurs, faut-il rappeler au
ministre que le coût des soins de santé au Québec, qui
comprennent les soins médicaux et les soins hospitaliers, sont de 3 $
moindres que ceux de la moyenne canadienne et que notre longévité
est moins prononcée que celle de la moyenne canadienne. D'ailleurs, le
ministre en fait état dans un de ses communiqués de presse. Le
ministre n'aime pas mon discours, mais je l'ai écouté
longtemps.
Il reste que tout cela mis ensemble, il ne faudrait pas non plus faire
de la démagogie sur un groupe en particulier. Cela n'empêche pas
le fait qu'on doive avoir une administration rigoureuse, qu'on sévisse
contre les abus là où il y en a, mais qu'on n'essaie pas de dire
que les citoyens en général abusent, que les médecins en
général abusent ou que les autres professionnels de la
santé en général abusent. Il y a un peu
d'exagération là-dedans.
On vous a dit que vous étiez dans la brigade qui s'était
attaquée aux CRSSS. Je ne sais pas si, après mon intervention de
tantôt, je fais maintenant partie de la brigade. Ce qui me désole
un peu, c'est qu'on s'apprête à accorder plus de pouvoirs aux
CRSSS - le ministre l'a dit - en disant: Ils ont une expertise qui est fort
utile. C'est vrai qu'ils ont une expérience qui est fort utile. Mais
à partir de cet énoncé on dit allègrement et on
trouve tout à fait naturel d'y ajouter un paquet d'autres pouvoirs - il
ne faut pas que j'exagère moi non plus, pas un paquet, mais de nombreux
autres pouvoirs... Je pense qu'il faudrait se demander si une telle brigade qui
vient de différents milieux, pas seulement des médecins, et qui
va venir demain d'autres groupes - on représente peut-être aussi
une petite partie de la population - il faudrait peut-être, sans dire
qu'il faut plus de CRSSS, faire un examen sérieux du fonctionnement des
CRSSS, des rôles qu'ils doivent remplir, de la façon dont leur
rôle a évolué et quelles sont les responsabilités
qu'on devrait leur ajouter ou leur soustraire. On est parti allègrement
dans une vague - je serai plus ou moins partisane - en disant qu'en
période de difficultés économiques comme celle que nous
traversons, c'est fort utile d'avoir les CRSSS qui font la besogne, à
bien des égards, du gouvernement.
Vous aurez noté - je ne veux pas revenir en détail
là-dessus - et le ministre ne peut pas le nier... Le gouvernement peut
avoir fait ce choix. C'est lui qui en prend la responsabilité, alors on
n'a qu'à l'accepter peut-être, mais il fait certainement un accroc
à la libre négociation. On sait fort bien qu'il n'aurait
même pas osé présenter les choses qui sont à
l'intérieur de cette loi comme, par exemple, le modèle
d'expérimentation et le droit qu'il se réserve de signer des
ententes pour des bonnes fins.
On pourra peut-être, comme je le disais cet après-midi, le
baliser; mais ce sont quand même des accrocs sérieux à la
négociation libre.
Je voudrais simplement vous poser une couple de questions. Au moins, je
vais donner raison au ministre sur un point; je partage son point de vue,
même si c'est assez élégant; la médecine est un art
autant qu'une science et l'expérience n'est pas gage de
compétence. J'ai, moi aussi, des réserves sur cela, mais je pense
que ce n'est pas le fond du problème.
Il y a un point que vous avez soulevé quant à la
qualité, c'est-à-dire non pas la qualité, mais
l'expérience que vous pourriez avoir si, par exemple, vous
n'étiez plus rémunéré pour les actes que vous
faites quand vous êtes en résidence. Si j'ai bien compris, je
pense que cela se rapporte à l'article 4. C'est à l'article 1,
pardon! Vous dites que ceci vous priverait peut-être d'une certaine
expérience qu'autrement vous auriez. Je veux savoir si j'ai bien
compris. Est-ce qu'il y aurait moins d'actes qui seraient posés, par
exemple, pour un diagnostic, un traitement ou quoi que ce soit? Je comprends
mal la raison derrière cela. Est-ce que vous pourriez me l'expliquer,
s'il vous plaît?
M. David: En fin de compte, comme nous le disions tantôt,
on avait retenu deux interprétations. On disait que si c'était la
première, à savoir que le actes délégués au
résident par le spécialiste... Si le spécialiste qui nous
délègue l'acte, il n'est plus payé pour cet acte; il
risquerait de le faire lui-même. Donc, à faire moins d'actes, nous
deviendrions à la longue probablement de moins bons médecins,
puisqu'on apprend par la répétition des actes, mais il semble
bien que le ministre m'assure qu'il n'en est pas question. J'accepte donc sa
parole là-dessus.
Mme Lavoie-Roux: À la page 10, vous parlez du chef de
département qui deviendrait en quelque sorte une espèce de
"syndic hospitalier". Est-ce que, dans votre esprit, vous craignez qu'à
la longue - à ce moment-ci, vous les connaissez, vos chefs de
département; je ne pense pas que vous les affubliez du titre de "syndics
hospitaliers", en tout cas d'une façon générale, mais cela
peut peut-être arriver dans des cas particuliers - à un moment
donné, celui qui est devenu chef de département, probablement
à cause de sa compétence ou enfin de sa spécialité,
etc., compte tenu du fait qu'il serait rémunéré, pourrait
devenir un type de fonctionnaire ou enfin être davantage associé
à un fonctionnaire qui, à ce moment-là...
M. Johnson (Anjou): Dans le sens d'un employé à
temps plein.
Mme Lavoie-Roux: Pardon?
M. Johnson (Anjou): Dans le sens d'un employé à
temps plein.
Mme Lavoie-Roux: Oui, dans le sens d'un employé à
temps plein. Là, on prête des intentions, évidemment.
Pourrait-il devenir plus soucieux de la norme strictement administrative que de
la norme médicale ou de celle sur la qualité de soins? Enfin,
cela ne ferait peut-être pas un heureux équilibre ou cela
n'harmoniserait pas, pour utiliser un terme du ministre, les deux aspects.
M. David: Je crois qu'il est important que quelqu'un qui a une
tâche administrative soit payé pour la faire. Mais là
où nous ne sommes pas d'accord, c'est qu'un chef de département
puisse avoir un pouvoir unilatéral. Nous savons tous que des conflits de
personnalités, cela arrive et il ne faudrait pas qu'une personne qui
puisse avoir le droit d'imposer des sanctions puisse le faire sur une question
de conflit de personnalités.
Si les sanctions étaient imposées par le CMD ou
acceptées par le CMD après que le chef de département les
a imposées, ce serait beaucoup plus acceptable, parce que nous croyons
à l'autodiscipline à l'intérieur de la profession
médicale, mais l'autodiscipline ce n'est pas: Je te surveille; tu me
surveilles; on se surveille. C'est: Nous nous surveillons. Donc, une
autodiscipline en collégialité et non pas
déléguée à une personne.
Mme Lavoie-Roux: C'est plus en fonction de la dimension des
sanctions qu'en fonction d'un rôle qui deviendrait trop strictement
administratif que vous avez des craintes?
M. David: Je crois qu'un chef de département clinique a un
rôle administratif et qu'il doit être rémunéré
pour le faire, que ce soit par un salaire fixe ou une vacation. Mais
l'important c'est qu'il ne devienne pas l'autorité suprême dans
l'hôpital pour ce qui est des sanctions administratives entre autres.
M. Labrecque (Pascal): Est-ce que je peux me permettre une
question?
Mme Lavoie-Roux: Oui, s'il vous plaît! Le
Président (M. Bordeleau): Oui.
M. Labrecque: Je pense que ce qu'on craint, à l'heure
actuelle, c'est qu'éventuellement la loi actuelle fait que le chef de
département est nommé par le conseil d'administration, qui sera,
par les nouvelles dispositions, sous l'autorité du directeur des
services professionnels et qui aura la responsabilité de la gestion des
ressources d'une part ainsi que, d'autre part, il aura la responsabilité
de surveiller l'activité médicale dans son département.
Alors, le chef de département coiffera un peu deux chapeaux; on pense
qu'à l'heure actuelle, étant donné que les chefs de
département sont des gens désintéressés parce
qu'ils n'avaient pas d'incitatifs pécuniaires, ils étaient
nommés après consultation, ce qui est encore le cas mais ce n'est
qu'un pouvoir de consultation, par les autres membres du département.
Tout ceci faisait qu'il devait y avoir une certaine communion d'esprit avec les
membres du département et donnait des relations relativement
harmonieuses.
Avec les pouvoirs accrus que vont avoir, à l'avenir, les chefs de
département qui seront associés à des sanctions
administratives, puisque les modes de nomination des chefs de
département ne sont pas modifiées - ils sont toujours
nommés par les conseils d'administration - on pourrait voir,
éventuellement, à long terme, dans une administration
placée à la tête des départements cliniques, des
personnes qui partagent leur vue de gestionnaires sur les ressources. Ceci
pourrait aussi, à ce moment-là - étant donné que
l'administration de l'hôpital sera le patron du département
clinique, à toutes fins utiles - cela pourrait mettre beaucoup de
pression sur le directeur de département clinique, ce qui fera qu'il va
délaisser peut-être un petit peu l'importance qu'il accorde
à la qualité médicale des actes pour se consacrer plus
à la gestion comme vous disiez. D'autant plus qu'il a le pouvoir
maintenant d'appliquer les normes administratives qui, elles, ont trait aux
deux c'est-à-dire à la gestion des ressources et à
l'application de la qualité des normes déterminées par les
CMD; on se dit que c'est peut-être dangereux ça.
Ce qu'on préconise c'est qu'à tout le moins, s'il y a des
sanctions administratives qui sont appliquées par le directeur de
département clinique, elles devraient être
entérinées par le Conseil des médecins et dentistes parce
que lui, il pourrait dire qu'effectivement ces mesures disciplinaires ont
été prises en fonction des normes de la qualité des actes
qu'on détermine et non pas en fonction des normes que les gestionnaires
impriment au directeur de département. C'est ça la
différence qu'on voudrait voir.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, excusez-moi, une
seconde. J'aimerais simplement que vous vous identifiez, pour le
bénéfice du journal des Débats.
M. Labrecque: Oui, je suis le Dr Pascal Labrecque.
Le Président (M. Bordeleau): Hamel?
M. Labrecque: Labrecque.
Le Président (M. Bordeleau): Labrecque.
M. Labrecque: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. On continue.
M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Une remarque sur les derniers commentaires du
dernier intervenant; je pense que, sur le plan mécanique c'est assez
important qu'on se comprenne bien, sur ce qu'on prévoit quant aux
pouvoirs du chef de département.
D'abord le chef de département, en vertu des règlements
qui existent depuis toujours, qui remontent à 1973, est nommé par
le conseil d'administration après consultation des membres du
département et du CMD. Par ailleurs, on prévoit, dans le projet
de loi, que des sanctions qui pourraient être prises par le chef de
département le seront absolument comme si c'était dans une bulle
de verre, il devra aviser le Conseil des médecins et dentistes ce qui
implique une participation des pairs encore une fois.
Maintenant, quelles sont ces sanctions et, dans le cadre d'application,
quelles choses doit-on sanctionner? Je pense qu'on a eu, tout à l'heure,
un exposé particulièrement intéressant, de ce que cela
peut être comme contenu, par des gens qui ont beaucoup
d'expérience au niveau de la corporation. D'abord, les règles de
soins ou normes, on les appellera comme on voudra, exemple: Est-ce que oui ou
non on hospitalise les gens dans le département de chirurgie pour la
chirurgie élective, le samedi? C'est un exemple. Ceci n'est pas
exposé par un administrateur ni par un technocrate ou un fonctionnaire
de Québec ou du CRSSS, c'est le CMD qui a élaboré des
normes quant à l'utilisation des ressources ou quant à la
nécessité ou la possibilité d'hospitaliser les fins de
semaine pour les fins de chirurgies électives. C'est un exemple
très concret. (1 heure")
Deuxièmement, il y a des sanctions, ces sanctions seront
élaborées par le CMD. Elles devront faire l'objet d'une
approbation c'est-à-dire l'ensemble des règles applicables. Je
donne un exemple: une sanction pourrait être dans le cas... Cela n'a rien
à voir intrinsèquement avec la qualité de l'acte qui est
un mandat, qui existe en ce moment, des CMD et qui va continuer d'exister; cela
va continuer d'être appliqué par les CMD, mais on parle de ce type
de règles de soins ou de normes ou d'utilisation des ressources.
Les sanctions sont élaborées encore une fois en tant
qu'appareil de sanctions et appliquées par le chef de
département, le cas échéant. Encore une fois, ce n'est pas
suspendu dans les airs, ce n'est pas le pouvoir arbitraire absolu, c'est dans
un contexte de collégialité, pas nécessairement au niveau
de l'application de chacune des décisions, mais au niveau de
l'élaboration et de la mécanique normale; ça reste des
êtres incarnés. Celui qui se conduirait d'une façon si
déviante, si aberrante que celle qu'on pourrait invoquer, comme une
espèce de dictateur, j'ai l'impression qu'il passerait par là
à la prochaine étape. Ce sont des êtres humains qui
agissent ensemble, c'est un partage assez équilibré qui permet de
faire jouer une relation normale entre des êtres humains qui occupent des
fonctions de responsabilité dans une organisation médicale,
à l'égard des médecins et entre eux, sans intervention
d'un tiers, bureaucrate ou autre.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, à moins que
vous ayez un commentaire final. M. Labrecque.
M. Labrecque: II y a une question que je voudrais poser au
ministre au sujet de l'article 4. Au deuxième alinéa, il confirme
les pouvoirs qu'il avait de négocier des primes d'éloignement, si
on veut, ou des primes d'encouragement ou de rémunération
différentielle en région éloignée ou en
région mal desservie. C'est un outil qu'il possède
déjà depuis plusieurs années et comme plusieurs
intervenants l'ont souligné aujourd'hui, qui n'a pas été
appliqué; on peut se demander pourquoi.
Maintenant que le ministre introduit un nouvel outil probablement
très efficace pour combler les besoins en périphérie, ce
qui est le pouvoir par décret de déterminer une
rémunération différentielle telle que les nouveaux
médecins n'auront pas d'autre choix que d'aller s'installer en
périphérie, on se demande quelle insistance il mettra maintenant
pour arriver à une entente, au deuxième alinéa, qui va
prévoir une rémunération différentielle pour les
médecins en périphérie, ceux qui sont déjà
installés ou ceux qui vont s'installer, alors qu'à toutes fins
utiles on n'aura plus besoin de cette prime positive, si on veut, pour assurer
une présence médicale suffisante dans les territoires qui sont
actuellement mal desservis.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Deux choses et au-delà des
considérations purement techniques. Le deuxième paragraphe, une
entente peut prévoir une rémunération différente,
vise en pratique essentiellement à assurer que l'entente puisse
prévoir, sur une base négociée, mais on donne l'assise
juridique à
la possibilité que ça puisse être un tarif
différentiel pour ceux qui sont dans le système. Donc, la notion
de prime attachée non pas à un individu, docteur Untel qui va
à Amos dans telle catégorie de territoire, telle catégorie
prévue dans les ententes dans le cas du montant et dans la
décision gouvernementale, dans le cas de la détermination des
territoires...
Deuxième question. Quel intérêt le gouvernement
va-t-il avoir à négocier? Il y en a un intérêt,
parce que si on voulait être méchant comme vous semblez laisser
entendre qu'on voudrait l'être, et imposer des tarifs tels qu'à
toutes fins utiles le jeune médecin est obligé d'aller dans les
territoires éloignés, je vous dirai que ce n'est pas une
décision facile à prendre par décret encore une fois et
que l'intérêt que le gouvernement a, comme les
fédérations, de négocier cela, c'est de n'être ni
l'un ni l'autre dans la situation odieuse de justifier qu'un geste
unilatéral a dû être posé.
Si vous voulez, en relation de travail, je vous dirais que c'est un peu
une approche de "last offer"; je souhaite que ce type de disposition soit
négocié. Dans le cas des primes pour ceux qui sont dans le
système, c'est clair que cela va être négocié et il
n'y aura jamais de règlement tant que ce ne sera pas
négocié. Il y a un pouvoir de décret attaché dans
le cas des nouveaux qui viennent dans le système pour obliger les
parties à être dans une situation où elles n'attendront pas
deux ans à la table de négociation, parce que si on ne met pas
cette espèce d'entonnoir sur le plan juridique, tout ce qu'on a à
faire, c'est de faire ce qui s'est passé au Québec notamment
quant à la désignation des territoires. Je ne dis pas que c'est
la faute des fédérations ou du ministère, mais
peut-être de la mécanique elle-même. Je ne voudrais pas
blâmer les fédérations intrinsèquement
là-dessus; c'est peut-être le système qui a fait que, comme
c'était entièrement négociable et que personne
n'était pressé pour négocier, cela n'a pas donné de
désignation. Ce qu'on voudrait éviter dans le cas du tarif
différentiel, c'est cela. Comme ce qu'on évite au niveau de la
désignation en disant que le gouvernement va être obligé de
prendre sa décision et ses responsabilités dans ce
domaine-là. Mais l'objectif étant d'y parvenir par voie de
négociation, l'autre c'est un instrument s'il n'y en a pas.
Je voudrais vous remercier, Dr David, ainsi que vos collègues.
D'abord, merci beaucoup d'avoir attendu et encore une fois nos regrets d'avoir
dû vous mettre dans cet entonnoir dans le temps aussi, encore une fois.
Je présume qu'on entendra parler de vous à nouveau et vous verrez
qu'on a été à l'écoute de votre mémoire. Je
vous remercie.
M. David: Merci.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien.
Le Président (M. Bordeleau): Merci également, Dr
David, au nom de la commission.
Je pense que nous avons bien fait notre menu de la journée.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si on l'a bien fait, mais...
Le Président (M. Bordeleau): Avant d'ajourner pour demain,
je pense qu'il serait peut-être intéressant pour les membres de la
commission de savoir ce qui est prévu au menu pour demain. Ce sont sept
organismes, je vais vous dispenser de les lire, par exemple, donner les noms,
sinon on commence par la Fédération des médecins
spécialistes...
Mme Lavoie-Roux: On pourrait peut-être les entendre tout de
suite...
M. Johnson (Anjou): On ne peut pas commencer tout de suite?
Le Président (M. Bordeleau): L'heure de la commission, ce
serait vers 11 h 30, après la période des questions, qui sera
déterminée par le leader en Chambre demain matin.
Donc, la commission va suspendre ses travaux sine die, en fait, avec la
nouvelle commande de demain.
(Suspension de la séance à 1 h 07)