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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Wednesday, December 9, 1981 - Vol. 26 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des organismes intéressés au projet de loi no 27 - Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le domaine de la santé et des services sociaux


Journal des débats

 

(Onze heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et messieurs. La commission parlementaire des affaires sociales reprend donc ses travaux aux fins d'entendre des mémoires sur le projet de loi no 27.

Les membres de la commission pour les séances d'aujourd'hui sont: M. Boucher (Rivière-du-Loup) remplacé par Mme Lachapelle (Dorion); M. Brouillet (Chauveau), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier), M. Johnson (Anjou), Mme Juneau (Johnson), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), M. Lafrenière (Ungava); M. Laplante (Bourassa) est remplacé par M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); M. Mathieu (Beauce-Sud), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Vous avez des remplacements, Mme la députée de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Oui. Le député de Mégantic-Compton est remplacé par le député de Jean-Talon.

Le Président (M. Bordeleau): Le député de Mégantic-Compton est remplacé par le député de Jean-Talon, M. Rivest.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Robert Baldwin est remplacé par le député de Mont-Royal.

Le Président (M. Bordeleau): Le député de Mont-Royal, M. Ciaccia. Donc, le député de Robert Baldwin, M. O'Gallagher, est remplacé par le député de Mont-Royal, M. Ciaccia.

Mme Lavoie-Roux: S'il y en a d'autres, on s'entendra.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Nelligan n'est pas là? .

Le Président (M. Bordeleau): Non.

Mme Lavoie-Roux: II remplace le député de Robert Baldwin. Je me suis trompé.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, on recommence; le député de Robert Baldwin, M. O'Gallagher, est remplacé par le député de Nelligan, M. Lincoln.

En ce qui concerne l'ordre du jour, nous avons au menu sept organismes à entendre. Je vous les énumère dès maintenant, dans l'ordre où ils seront appelés, afin que les gens se préparent. D'abord, la Fédération des médecins spécialistes du Québec; ensuite, la Corporation des ambulanciers du Québec, le Comité de liaison des handicapés physiques du Québec, l'Association des centres de services sociaux du Québec, l'Ordre des dentistes du Québec, l'Ordre des pharmaciens du Québec et, finalement, le septième groupe, l'Association professionnelle des optométristes du Québec.

Avant d'entreprendre l'étude du premier mémoire, j'aimerais demander la collaboration des membres de la commission et des différents intervenants qui se présenteront ici dans le courant de la journée, pour qu'on essaie de garder l'horaire qu'on s'est fixé, une heure par mémoire approximativement. Cela suppose que les groupes qui ont des mémoires assez volumineux essaient autant que possible de réduire la période durant laquelle ils font l'énoncé ou le résumé de leur mémoire, afin que les membres de la commission puissent avoir un temps suffisant pour poser toutes les questions qu'ils désirent. Je tenterai, dans le courant de la journée, de vous signaler, peut-être plus régulièrement que je ne l'ai fait hier, que l'horaire s'étire à l'occasion, encore une fois, dans le but de faire attendre le moins possible les groupes qui sont ici pour présenter leur mémoire.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vous avais demandé hier, en début d'après-midi, si on pouvait avoir une confirmation, comme l'avait laissé entendre le leader du gouvernement à la suite de questions que je lui avais posées en Chambre, à savoir que les groupes ou les individus qui auraient déposé des mémoires pourraient être entendus soit demain soir ou vendredi, selon le moment où on terminera ces auditions parlementaires. Est-ce que vous avez une

réponse? Vous deviez consulter. (11 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): Oui, effectivement. Je n'ai pas eu le temps de consulter ce matin. Par contre, il y a eu une question de posée à l'Assemblée que j'ai mal entendue...

Mme Lavoie-Roux: Cela n'avait rien à voir avec cela.

Le Président (M. Bordeleau): Elle ne concernait pas ces choses.

Nous allons commencer l'audition et j'essaierai de vous répondre dans le courant de la journée, au cours de la séance de ce matin ou à l'heure du dîner.

Mme Lavoie-Roux: J'avais également demandé qu'on nous donne la liste des organismes ou groupes qui avaient envoyé directement, même s'ils ne doivent pas être entendus ici, des mémoires au secrétariat des commissions parlementaires sur la loi 27. J'avais demandé hier qu'on l'ait ce matin.

Le Président (M. Bordeleau): Je ne l'ai pas encore ce matin, je l'ai moi-même demandée. Je présume qu'on pourrait avoir aujourd'hui la liste à jour, même s'il peut s'en ajouter.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma dernière remarque touche notre horaire et les groupes qui sont convoqués pour la journée de demain. Vous savez qu'hier - je pense qu'au cours d'une première journée c'était inévitable, on ne sait jamais au juste comment les choses vont aller - nous avons terminé les travaux de la commission parlementaire vers 1 heure. Je sais qu'il y a des groupes que nous n'avons pas encore sur la liste de demain qui ont été ajoutés, entre autres, l'association des pharmaciens, le Congrès juif, l'Association pour la santé publique. Il faudrait s'assurer qu'on reste à l'intérieur d'un nombre de groupes raisonnables. Nous avons offert au gouvernement de prendre et vendredi et samedi, et qu'on ne soit pas obligé de siéger au-delà de ce que notre règlement nous impose, soit minuit.

Le Président (M. Bordeleau): Je tiens compte de votre observation, Mme la députée.

M. le député de Laurier.

M. Sirros: Hier, on avait demandé au ministre s'il avait l'intention de déposer le rapport Landry qui touche toute la problématique des régions périphériques et du manque d'effectifs médicaux. Il nous a répondu que ce n'était pas le bon endroit comme tel pour demander cela en commission parlementaire. Ce matin, effectivement, j'ai posé la question au leader du gouvernement. Contrairement au ministre, il semble dire que c'est effectivement le bon endroit pour demander cela. Je vais poser la question à nouveau. Le ministre a-t-il l'intention de déposer le rapport Landry touchant le problème des effectifs médicaux en régions périphériques? Je le fais à la suite de cette directive du leader du gouvernement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): J'aurai l'occasion, et cela me fera plaisir, M. le Président, de remettre aux gens intéressés... Il faudrait peut-être arrêter de citer le rapport Landry comme si c'était une bible. On aura peut-être l'occasion de le voir. C'est une étude parmi d'autres, cela ne s'appelle pas le rapport Landry. C'est une étude qu'un médecin a choisi de faire sur la question des effectifs dans le cadre d'un autre travail qui était un mandat que le ministère lui avait donné, le mandat étant la tutelle de l'hôpital de Rouyn-Noranda. Il y a d'autres documents aussi et cela me fera plaisir de les faire parvenir aux membres de la commission le plus tôt possible. On est en train de faire l'assemblage de certains de ces documents.

M. Sirros: C'est probablement le refus jusqu'ici du ministre de le déposer qui nous incite à le demander.

M. Johnson (Anjou): Mais je préfère ne pas procéder à un dépôt formel au cours de la commission, et vous le comprenez. On verra a le distribuer le cas échéant.

Quant à la question des groupes, la version finale, si je peux me permettre de l'appeler ainsi, pour jeudi, cela devrait être les CLSC, le comité provincial des malades, l'Association des chirurgiens-dentistes, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l'Association des centres d'accueil, les Infirmières auxiliaires, qui ne se présenteront pas - cela fait donc un groupe de moins -l'Association des étudiants de la Faculté de médecine de Laval avec les autres groupes, les Pharmaciens propriétaires, le Congrès juif canadien, les Pharmaciens d'établissements de santé et l'Association de santé publique du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Cela fait combien de groupes?

M. Johnson (Anjou): Cela en fait dix. Cependant, je voudrais faire remarquer qu'à l'exception de deux groupes, beaucoup de ces groupes auront à nous entretenir de dispositions extrêmement particulières. Cela n'aura pas nécessairement la même nature que les interventions qui portent sur bien des

choses, comme c'est normal que ce le soit de la part des groupes que nous avons entendus jusqu'à maintenant et notamment le groupe que nous entendrons dans quelques minutes, si nous pouvions commencer nos travaux.

En ce sens, j'ai l'impression que les choses pourraient se dérouler un peu plus rapidement, compte tenu des objets assez particuliers qui seront visés par la plupart de ces groupes, à l'exception peut-être de trois d'entre eux qui ont des dispositions plus générales.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis d'accord avec le ministre qu'il y a des groupes qui, peut-être, pourront être entendus plus rapidement que certains autres. Mais il reste que si on se fait un horaire avec huit ou dix groupes demain... Hier, nous en avons entendu six, on a fini à une heure du matin; alors, on doit prendre en considération quand même les remarques du ministre avec lesquelles je suis d'accord. Il ne faudrait pas qu'on arrive à une heure du matin alors qu'on laisse entendre - et on a laissé entendre, le leader du gouvernement l'a fait formellement - que d'autres groupes qui n'ont pas de mémoires, c'est-à-dire qui ont envoyé des mémoires et qui ne sont pas formellement sur la liste pourraient être entendus. Si on termine nos travaux encore à deux heures du matin, je me demande quand ces gens-là seront entendus. Je me demande s'il ne serait pas plus sage de prévoir quelques groupes vendredi matin, laisser un temps libre jeudi soir et un temps libre vendredi matin, s'il y a des groupes qui veulent se faire entendre.

M. Johnson (Anjou): À cet égard, je pense que la liste... Je rappellerai les propos du leader en Chambre il y a, je ne me souviens pas de la date, mais j'ai la transcription ici, c'est le deux décembre; le leader du gouvernement disait ceci: Nous allons ensemble, aujourd'hui, essayer de trouver une solution à ce problème en évoquant la question du congrès, juste la section du Québec qui voulait être entendue et en étant très catégorique cette fois, quelle que soit la formule de compromis que l'on trouvera ensemble pour accommoder les représentants de cet organisme; il s'agit bel et bien du dernier groupe que nous ajoutons à la liste. Et à la question insistante de Mme Lavoie-Roux, à la bobine R/1160, le leader répondait: Ma réponse à votre deuxième question est exactement la même que la première; donc, l'Assemblée, à l'occasion des déclarations du leader, a bel et bien considéré que nous fermions cette liste. Si le document que la députée de L'Acadie avait entre les mains n'évoquait pas la présence du Congrès juif, je peux l'assurer qu'effectivement, il fait partie de la liste. J'en ai fait la lecture tout à l'heure. Je pense qu'il y a une erreur au niveau du papier entre la commission, le ministère et le bureau du leader, etc... mais j'avais avisé les gens du Congrès juif qu'ils pourraient être entendus, ainsi que l'Association de protection de la santé publique.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée Lavoie-Roux... De L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais finir par en avoir un comté. L'interprétation que le ministre donne est exacte, s'il ne s'en tient qu'à cette partie du débat que j'ai eu avec le leader du gouvernement. Mais si vous lisez plus loin, le leader du gouvernement nous dit: "Faites d'abord confiance à vos représentants, je leur ai fait une invitation que je fais ici publiquement, je ne veux pas vous interdire de venir, je vous invite même à venir; si, après, vous estimez que votre association ne vous a pas bien représenté, je pense que personne ne peut bousculer rien là-dedans et tous les députés seront là pour entendre vos représentations. La commission sera libre de vous offrir le droit de parole." Il est revenu et il a réaffirmé la même chose, je ne suis pas pour faire les lectures que j'ai faites hier. À moins que par les paroles que le ministre vient de prononcer, il vient de dire qu'il ne veut pas que la commission entende des personnes - et j'ai été très précise - qui auraient déposé des mémoires à la commission parlementaire, au secrétariat des commissions parlementaires...

M. Johnson (Anjou): Dans les délais.

Mme Lavoie-Roux: Oui, dans les délais, je suis d'accord avec vous, quoi qu'à ce compte-là, il y en a peut-être d'autres ici qu'on pourrait ne pas entendre parce que leurs mémoires ne sont pas prêts - et je ne le leur reproche pas, si leurs mémoires ne sont pas prêts, c'est parce que le gouvernement ne leur a pas donné assez de temps. Est-ce que le ministre nous dit ici: Non, ça c'est hors de question?

M. Johnson (Anjou): Écoutez, je dis simplement que - bon regardons les faits plutôt que la théorie - j'essaie d'être un peu empirique là-dessus; parmi les organismes qui ne figurent pas sur la liste, que je me permettrai d'appeler finale donc, à laquelle j'ai ajouté le Congrès juif section Québec et l'Association de la protection de la santé publique. Donc, parmi ceux qui ont déposé des mémoires et qui ne figurent pas sur cette liste, il resterait l'Association des directeurs de services professionnels, l'Association des cadres intermédiaires du

réseau des affaires sociales et l'Association des directeurs de département de santé communautaire qui sont, comme on le sait, trois groupes, trois organismes qui sont intra-réseau et, plus spécifiquement, intra-hospitaliers.

Par ailleurs, le Centre hospitalier Sainte-Mary qui est un établissement sur les mille établissements du Québec, nous a envoyé une lettre ainsi que le Centre de réadaptation Lucie - Bruneau qui m'a fait parvenir une lettre ce matin mais, à ma connaissance, ce n'est pas un mémoire. Comme vous le savez - cela a fait un peu de vent hier, enfin cela a été ébruité je crois dans les couloirs du Parlementaire -j'ai rencontré des gens de Beauce-Sud qui m'ont remis une lettre, à moins vraiment de transformer cet exercice en espèce d'ouverture à tous les individus et à chaque cas particulier, je pense que ce n'est pas le but de la commission et je pense que la députée de L'Acadie en convient avec moi. Donc, en pratique, les seules personnes que je vois qui pourraient être visées, même en prenant au texte les intentions de la députée de L'Acadie, ce seraient les directeurs de service professionnel et les cadres intermédiaires du réseau ainsi que les départements de santé communautaire.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense, puisque le ministre a soulevé le cas des citoyens de la Beauce, qu'ils ont déposé un mémoire dans les délais prévus au secrétariat des commissions parlementaires.

M. Johnson (Anjou): Ils m'ont remis hier soir un document qui n'était pas... à moins qu'ils l'aient remis aussi à la commission, mais ils m'ont remis hier soir un document dans le cadre d'un mémoire qu'ils me présentaient au sujet de Beauce-Sud et Beauceville. D'ailleurs, l'essentiel de leur mémoire touche cela. Ils ne font que conclure qu'ils voudraient qu'on retire deux articles de la loi parce qu'ils pourraient s'appliquer spécifiquement à eux, mais ce n'est pas un mémoire touchant le projet de loi proprement dit, c'est un mémoire au sujet du problème qui dure depuis dix ans entre Beauce-Sud et Beauce-Nord, entre Saint-Georges et Beauceville.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, s'il faut, pour se présenter en commission parlementaire, demander le retrait de plus de deux ou trois articles... C'est ce que vous venez de dire, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Non, ce n'est pas... ce que j'ai dit, c'est que le document présenté par les citoyens, c'est un document fort fouillé, intéressant, et qui témoigne de l'importance que les citoyens accordent à cette question, mais qui n'a pas intrinsèquement quoi que ce soit à voir avec le projet de loi no 27. Il a trait à une décision administrative que le ministre des Affaires sociales a prise dans le cadre des lois existantes touchant la nécessité d'en arriver à une solution au problème de la Beauce à l'égard de l'utilisation maximale des ressources qui sont là au service des citoyens, et je préférerais ne pas embarquer dans le débat à ce stade-ci. Je pense que nos invités ont attendu déjà passablement. Certains ont participé à nos travaux jusqu'à une heure ce matin; ils pourraient être entendus maintenant.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'ai pas...

Le Président (M. Bordeleau): Madame la députée.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on entende nos invités, mais si le ministre essayait aussi de respecter ce qui a été convenu à l'Assemblée nationale, peut-être qu'on pourrait... Je ne veux pas poursuivre le débat sur la Beauce, je pense qu'on pourra le reprendre à un autre moment pour permettre aux gens de se faire entendre, mais je voudrais quand même que les engagements, parce qu'il faut bien que le ministre réalise, il n'aime pas cela, je sais que ça le fatigue et que ça l'énerve, mais le ministre doit quand même se rappeler les délais qui ont été donnés aux citoyens et aux organismes pour se faire entendre à cette commission...

Je n'ai qu'un seul regret à ce moment-ci, M. le ministre, c'est d'avoir accepté une commission qui ne soit pas ouverte entièrement. Je l'ai fait parce que le ministre ne voulait pas subir le délai d'un mois qu'exige le règlement des commissions parlementaires. Je trouve qu'à ce moment-ci ce n'est pas l'occasion de rejeter un peu du revers de la main des demandes qui lui sont faites par l'Opposition et qui sont justifiées. Alors, moi, je suis prête à passer, M. le Président, à l'audition des mémoires.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, on procède immédiatement à l'audition des mémoires et j'appelle les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui sont représentés, je pense - ils sont déjà installés - par le Dr Paul Desjardins, président. C'est bien cela?

M. Desjardins (Paul): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Desjardins, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, la commission sera prête à entendre votre mémoire. Comme j'ai remarqué que votre

mémoire était quand même assez volumineux, j'apprécierais que vous réduisiez votre temps d'allocution. Allez-y. (12 heures)

Fédération des médecins spécialistes du Québec

M. Desjardins: Merci, M. le Président. Je tiens à vous remercier de nous avoir convoqués à cette commission parlementaire. Nous croyons que les médecins spécialistes ont un certain nombre d'éléments à porter à votre attention.

À cette table, à ma gauche, du bureau de Geoffrion Prud'homme, le porte-parole de la fédération, Me Roger David; le premier vice-président de la fédération, le Dr Jean-Marie Albert; le trésorier de la fédération, le Dr Leslie Kovacs; le conseiller de la fédération, le Dr François Couture, et le Dr Denis Laberge; le consultant en communication, M. Roger Nantel, et à ma droite, également du bureau de Geoffrion Prud'homme, Me François Aquin, conseiller juridique; le deuxième vice-président de la fédération, le Dr Paul Bettez, et le secrétaire de la fédération, le Dr Denis Bourbeau. Pour vous manifester comme hier d'ailleurs la solidarité de la profession médicale et dentaire sur ce projet de loi no 27, les invités sont le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, le Dr André Czitrom; le président de la Fédération des médecins résidents et internes du Québec, le Dr Marc David, et le président de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, le Dr Claude Chicoine.

Vous noterez, M. le Président, que notre mémoire, quoique volumineux, ne comporte pas de recommandations précises pour faire une étude article par article. Nous croyons qu'il est plus opportun de nous situer sur le plan des principes et de lancer une discussion avec les représentants de l'État quant à l'application de ce projet de loi no 27.

Le projet vise les objectifs multiples et à certains égards antinomiques de pallier les difficultés pressantes du système de santé, de transformer en profondeur les structures du domaine québécois de la santé et de constituer un acte majeur aux effets difficilement mesurables dans le cadre des négociations. Il convient ainsi d'analyser les données centrales de ce projet législatif dans la double perspective des négociations en cours et de la prestation des services de santé. Nous avons donc divisé notre mémoire en deux portions: une première portion qui s'adresse principalement à la Loi sur l'assurance-maladie, la deuxième portion qui s'adresse principalement à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Nous avons regroupé, pour des fins de présentation, certaines dispositions qui ont trait à l'assurance-maladie, mais plus particulièrement applicables dans le cadre des soins hospitaliers.

Donc, première portion, la Loi sur l'assurance-maladie. Ce projet de loi s'inscrit, avec une opportunité fort discutable, dans la trajectoire des négociations qui viennent à peine de commencer en vue du renouvellement des ententes. D'ailleurs, le communiqué qui, le 19 novembre dernier, émanait du cabinet du ministre des Affaires sociales reconnaissait implicitement ce jeu croisé de la démarche législative à l'égard des négociations en cours: "Le contexte des restrictions budgétaires et l'imminence du renouvellement des ententes avec les professionnels de la santé donnent un caractère d'urgence à ce qui s'imposait déjà sur le plan de la raison."

La Fédération des médecins spécialistes du Québec estime que toute intervention de l'État législateur doit être prudente et hautement circonspecte dans ces secteurs du domaine public qui mettent en cause, cette fois, comme parties négociantes, l'État et des collectivités de citoyens. La possibilité existe toujours pour le pouvoir public de confondre abusivement ses fonctions et d'emprunter la voie des actions unilatérales. Ce serait nier cependant la valeur fondamentale de l'égalité de tous devant la loi. Au surplus, il y a lieu de rappeler ici aux intervenants gouvernementaux que ce projet de loi va créer un modèle pour tout le secteur public: il serait rationnel que ce soit un modèle de concertation plutôt qu'un exemple d'action unilatérale.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec veut ici exprimer les vues de ses membres sur les questions qui, dans ce projet de loi, ressortent, premièrement, à l'espace des négociations. Le ministre propose des modifications législatives qui nient le droit des médecins spécialistes d'être représentés par leur fédération professionnelle ou de négocier collectivement les modes de leur participation au régime de l'assurance-maladie et de l'assurance-hospitalisation, leurs conditions d'exercice et leur rémunération et, en corollaire, d'exiger de l'État le respect des ententes conclues. 1.1. L'insertion de la notion des "conditions de travail". La Loi sur l'assurance-maladie établit le cadre large de l'entente: il s'agit d'une "entente aux fins de l'application de la présente loi". La loi visant la rémunération des services assurés, l'entente portera donc sur la rémunération des médecins concernés. On ne peut aucunement restreindre, dans la loi actuelle, la signification de ce terme qui, au-delà du paiement d'un service, s'étend à toutes les composantes éventuelles de la rémunération, tels les congés, les rentes, etc. Dans un tel contexte, la modification proposée constitue une surprise en tentant d'introduire, dans le

champ de l'activité professionnelle du médecin, la notion de conditions de travail. Bien que la jurisprudence des relations de travail ait conféré un sens large à cette expression, il n'en reste pas moins que cette disposition doive recevoir l'interprétation d'une réduction du champ de l'entente.

L'action professionnelle d'un médecin déborde le cadre strict des relations de travail. Il s'agit là d'ailleurs d'une notion qui s'est développée dans un domaine spécifique et qu'il n'est pas opportun d'importer. Pareille insertion évoque erronément une relation de subordination employeur-employé qui est étrangère à l'économie générale de la Loi sur l'assurance-maladie. Les conventions collectives du droit du travail arrêtent les conditions de travail des salariés et c'est le lien de subordination qui, à lui seul, définit la situation de salarié. Le projet de loi ne semble pas vouloir enlever aux médecins le statut d'entrepreneur libre ou, si l'on préfère, de travailleur dont l'autonomie professionnelle se compense par une large part de responsabilité civile.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec considère que cette proposition de modification qui serait au mieux inutile, s'avère être restrictive dans des limites difficiles à mesurer et, par ce qu'elle implique, nettement irrecevable. Ce qui est le champ général de la négociation, ce sont les modes de participation au régime, les conditions d'exercice et la rémunération. C'est le champ de la négociation qui fut reconnu par la loi dès l'instauration du Régime d'assurance-maladie. Il y a lieu de s'y tenir et de l'affirmer de nouveau dans la législation. Il y a plus. Il faut que la législation respecte l'intégrité du champ actuel de la négociation, y compris le droit de négocier les règles concernant l'activité professionnelle qui lie tout établissement de santé en regard de son plan d'organisation. C'est l'alinéa i de l'article 173 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux que le ministre prétend amputer du droit de négociation qui est reconnu aux fédérations médicales. 1.2. la répartition régionale des effectifs médicaux. L'article 4 du projet de loi introduit le principe des honoraires différentiels pour permettre l'accessibilité des services dans les régions en pénurie d'effectifs. Cet article permet d'établir par entente une rémunération plus élevée pour un territoire privé d'effectifs et une rémunération différente ou plus exactement moindre pour les médecins durant les premières années d'exercice de leur profession ou de leur spécialité, selon le territoire où ils exercent. Le ministre détermine par arrêté les territoires visés, et à défaut d'entente, le gouvernement peut, par décret, fixer la rémunération des nouveaux médecins ou spécialistes.

Le projet de loi reconnaît la valeur du principe d'une rémunération plus élevée, moyen souvent avancé par la Fédération des médecins spécialistes pour inciter les médecins à oeuvrer dans le cadre de cette régionalisation. Il n'était pas nécessaire cependant que le syndrome des restrictions budgétaires assortissent le système d'une véritable péréquation et impose le précédent d'une rémunération à la baisse.

De plus, le système va pénaliser à coup sûr les jeunes médecins et les jeunes spécialistes qui semblent devoir faire les frais de cette répartition projetée des effectifs médicaux. Quoique valable, l'objectif visé par la loi ne doit pas occulter les inconvénients professionnels et personnels que ces mesures d'éloignement apportées, nettement discriminantes, vont causer aux jeunes médecins et aux jeunes spécialistes qui pourront vraisemblablement sortir banalisés de ces expériences.

Bien que l'âge ne constitue pas, au sens de la Charte des droits et libertés de la personne, une catégorie interdite de discrimination, la présente mesure prend le contre-pied de la politique constante de l'État québécois de privilégier les études supérieures, de favoriser les spécialités et de promouvoir une qualité exceptionnelle pour la médecine d'ici.

Il faut souligner le défaut d'imagination et de créativité que sous-tend pareille proposition et souhaiter vivement que l'on reconnaisse, dans un domaine aussi complexe et aussi important pour les populations régionales, un espace qui devrait demeurer celui de la concertation. Le pouvoir que le ministre entend se donner d'agir unilatéralement par arrêté ou décret traduit une approche autoritaire des choses et une méfiance injustifiée envers la profession médicale. La Fédération des médecins spécialistes croit fermement que la répartition des effectifs médicaux doit être réglée par la négociation à titre de véritable partenaire.

De plus, il est trop facile de faire de la planification d'effectifs médicaux sur le dos des nouveaux médecins. Rien ne justifie d'agir ainsi à leur égard. La Fédération des médecins spécialistes du Québec s'oppose à ce que le ministre soit investi de pouvoirs d'agir par arrêté ou par décret pour régimenter la distribution des effectifs médicaux. D'autre part, la fédération s'oppose à ce que les médecins, même les nouveaux, paient seuls la note de la distribution des effectifs médicaux. Le projet de loi aurait pour effet de défavoriser le recrutement là même où les effectifs sont faibles.

La Fédération des médecins spécialistes fait sien le paragraphe de la Fédération des médecins résidents et internes présenté tôt ce matin sur la nécessité d'une injection de

sang nouveau, surtout dans les centres hospitaliers universitaires. Si le ministre devait retenir cette approche "désincitative" injustifiée au nom de la qualité future, un mécanisme d'exceptions s'imposerait. 1.3. Le service fourni par un médecin en stage de formation. Après les précisions énoncées par le ministre encore tôt ce matin lors de la présentation du mémoire que je viens de citer, la fédération ne juge pas opportun d'insister sur cet article. 1.4. Les droits des intervenants syndicaux. Le respect par l'État des intervenants syndicaux est une condition nécessaire au progrès d'une société dans la paix civile. Ainsi, est-il profondément malheureux que l'on ait dans ce projet choisi de rétrécir le champ de l'entente. Mais il y a plus, une disposition met en péril le statut des intervenants syndicaux et, pour notre part, le statut même de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. En effet, l'article 4 du projet vise à modifier l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie en insérant dans cette loi l'alinéa suivant: "Le ministre peut, à titre expérimental, rendre applicable, par arrêté qui tient lieu d'une entente, un mode de rémunération prévu à une entente à l'ensemble des professionnels d'un département ou à l'ensemble des professionnels qui y exercent le même genre d'activité pourvu qu'il ait l'accord des professionnels concernés dans le département et celui du conseil d'administration et du conseil des médecins et dentistes de l'établissement."

Est-il utile de mentionner qu'on ne connaît aucun précédent quant à l'utilisation dans un texte légal de l'expression "à titre expérimental"? C'est la porte ouverte à toutes les improvisations.

La consécration légale d'ententes individuelles qui ne requerraient même pas l'accord de la Fédération des médecins spécialistes du Québec paraît un précédent dangereux qui met en cause l'exclusivité du pouvoir représentatif de l'organisme syndical. L'intégrité de ce pouvoir de représentation est nécessaire pour permettre à la Fédération des médecins spécialistes du Québec de remplir sa vocation première de négocier et de conclure une entente qui lie tous les médecins spécialistes, membres ou non de l'organisme, soumis à l'application de cette entente. (12 h 15)

De plus, la fonction de la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui regroupe quelque 7000 membres ne peut être exclusivement économique. Un tel mouvement s'avère être une réalité multiple aux dimensions professionnelles et sociales qui, faisant souvent le contrepoids nécessaire au sein du système québécois de la santé, constitue ainsi une garantie de services toujours meilleurs et plus accessibles.

L'innovation proposée vise l'affaissement de l'organisme syndical, ainsi que l'érosion de son pouvoir de représentation.

La disposition de l'article 4 apparaît à la Fédération des médecins spécialistes du Québec totalement inacceptable. Ainsi en est-il aussi de cette volonté législative qui, après avoir rétréci l'espace des ententes, en vient à l'article 31 du projet à ériger en principe la précarité même des ententes négociées et convenues.

Cet article 31 introduit, en effet, dans la Loi sur l'assurance-maladie le nouvel article 104.1: "La présente loi est d'ordre public. Toute disposition d'une entente qui contrevient à la présente loi ou à un règlement, décret ou arrêté adopté en vertu de celui-ci est réputée non écrite."

C'est une évidence juridique que la Loi sur l'assurance-maladie est d'ordre public. Ainsi, les dispositions d'une telle loi et aussi les règlements, les décrets et les arrêtés adoptés en vertu de cette dernière doivent-ils avoir normalement préséance sur une entente.

Mais pourquoi, dans le secteur public, insérer ici pour la première fois cette disposition qui, au mieux, serait juridiquement inutile tout en étant inutilement provocante? Il y a lieu, plutôt, de conférer à ce précédent une portée beaucoup plus directe sur l'histoire des négociations à venir.

En effet, l'évolution juridique d'un passé récent s'articule de plus en plus autour de la charnière classique qui met en opposition la légalité d'une action et sa légitimité. C'est au nom de cette notion de légitimité ou, si l'on préfère, d'équité politique que le gouvernement s'est généralement interdit, dans le secteur public, de recourir à son pouvoir législatif pour modifier les ententes qu'il avait négociées et conclues. Dans cette perspective, l'insertion de ce nouvel article 104.1 peut constituer plus qu'une manoeuvre provocatrice et s'avérer être l'annonce que, tout en étant partie présente à une entente, l'État pourrait recourir à son pouvoir législatif dans le but d'en modifier la teneur.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec estime que l'adoption de cette nouvelle disposition équivaudrait, en soumettant les ententes à l'arbitrage étatique voire bureaucratique, à saper les préalables nécessaires à la concertation qui devrait être et demeurer la voie du présent et de l'avenir du réseau de la santé au Québec.

Il s'agit d'un amendement qui serait source d'incertitudes quant aux droits contractuels négociés et qui engendrerait de nombreux débats judiciaires.

Il faut rappeler que certaines dispositions de la Loi sur l'assurance-maladie, par exemple l'obligation que l'on impose au professionnel de fournir lui-même

un service assuré, exigent que l'on puisse en négocier les modalités d'application.

Cet amendement créerait un débat permanent. C'est sans fin que l'on se demanderait si une clause contractuelle formule une modalité d'application de la loi et, conséquemment, est valide ou si elle y contrevient.

Il y a plus, il apparaît déraisonnable de manifester tant de méfiance quant aux ententes conclues par le ministre des Affaires sociales, avec l'approbation du gouvernement.

On devrait normalement penser qu'un gouvernement respectera ses engagements et qu'il les fera respecter par ses organismes mandataires, en tenant pour acquis que les accords auxquels il se porte partie négociante ne compromettent pas l'ordre public.

L'amendement proposé va dans le sens contraire. On dégagerait le ministre des Affaires sociales des erreurs qu'il commettrait lors de ses négociations, et ce, quant à la portée des lois qu'il a mandat' de faire appliquer. C'est inusité.

Il est certain que la régie y trouverait son compte, s'imposant tout naturellement comme arbitre de la légalité des clauses négociées et rappelant à l'ordre, au nom de l'ordre public, les fédérations, le ministre et le gouvernement.

Il y a plus. Le ministre et le gouvernement auraient le pouvoir de modifier unilatéralement les dispositions des ententes conclues par arrêté, décret ou règlement d'application. Cette modification législative s'attaque au principe même du droit de négocier, puisque l'une des parties entend s'arroger le pouvoir de ne pas respecter ses accords. La Fédération des médecins spécialistes du Québec dénonce cette proposition de modification législative et en demande le retrait.

L'article 2 porte sur la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Le projet de loi 27 propose des modifications majeures aux dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Nous observons que certaines modifications législatives envisagées traduisent une volonté politique de réformer le régime hospitalier.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec reconnaît d'emblée que le régime hospitalier québécois a grand besoin d'être réformé. Il nous faut toutefois formuler une mise en garde. Nous craignons fort que cette réforme nécessaire échoue si on procède dans la précipitation.

Nous sommes convaincus que le temps est venu d'entreprendre une sérieuse remise en question de l'ensemble des structures de gestion qui régissent l'organisation des soins hospitaliers. À n'en point douter, le ministre des Affaires sociales entend faire diligence. La profession médicale a déjà fait les frais de trop d'improvisations et elle estime avoir le droit d'exiger de l'État le temps d'une réflexion. L'importance de la question le justifie.

À 2.1, l'autorité du conseil régional. Le ministre des Affaires sociales entend accroître l'autorité des conseils régionaux et leur permettre d'intervenir, davantage encore, dans la régie des centres hospitaliers. On trouve la nomenclature des pouvoirs que l'on envisage confier aux conseils régionaux aux articles 38 et 39 du projet de loi.

La démarche est fort audacieuse. On prévoit même qu'un conseil régional désigné par le gouvernement pourrait établir les politiques d'admission et de transfert des malades, régir les services d'urgence et fixer les normes d'utilisation et de distribution des lits dans les établissements de santé.

À l'heure actuelle, les conseils régionaux ont de larges pouvoirs et ce qui frappe le plus la profession médicale, c'est leur inertie. D'ores et déjà, les conseils régionaux nous apparaissent être des structures plus paralysantes qu'autre chose et nous n'y voyons qu'une bureaucratie coûteuse.

Dans ce contexte, on comprendra que nous ne voyons rien de réjouissant dans l'élargissement des pouvoirs des conseils régionaux. Nous nous y opposons en ajoutant que c'est la mission même de ces conseils régionaux qu'il faut repenser.

À l'origine, les conseils régionaux ont été conçus dans une perspective de décentralisation. L'intention était peut-être louable, mais les résultats sont désastreux. Les conseils régionaux sont en train de se muer en organismes de tutelle des centres hospitaliers et de bloquer le système. Cette critique paraîtra bien globale. Que l'on comprenne que c'est ainsi que les médecins spécialistes perçoivent les conseils régionaux dans leur centre hospitalier.

Notre propos n'est pas de prendre le parti des gestionnaires locaux contre les conseils régionaux. Nombre de ces gestionnaires, nous le constatons, s'accommodent fort bien de l'état actuel des choses, surtout si rien ne bouge. Ce que nous dénonçons ici, c'est une situation qui devient intolérable pour la distribution des soins médicaux spécialisés.

La position de notre fédération est fort simple. Nous exigeons des administrations locales responsables et fonctionnelles, capables d'agir par elles-mêmes dans le respect des politiques d'ensemble formulées par l'État. Dès lors, l'on comprendra que notre conception de la mission des conseils régionaux s'écarte significativement de ce que nous observons. Selon nous, les conseils régionaux n'ont pas de raison d'être, si ce n'est dans un rôle restreint d'instance régionale de concertation, chargés d'élaborer des politiques communes d'approvisionnement et d'équipement.

On nous rétorquera que certaines questions sont d'intérêt régional, nous en convenons bien aisément. Nous ajoutons cependant qu'on peut régler ces questions sans le secours d'un super intervenant régional. Précisons d'ailleurs que les conseils régionaux ne sont pas nécessairement les meilleurs porte-parole des besoins locaux de la population. 2.2 Organisation des départements cliniques et effectifs médicaux.

L'article no 49 du projet de loi traite du plan d'organisation des centres hospitaliers. Le ministre propose à cet égard les modifications législatives suivantes: II ne s'agit pas d'une idée nouvelle, on propose les mêmes modifications législatives qu'en 1978. Que l'on relise le projet de loi no 103 présenté par le ministre Denis Lazure. À l'époque, nous faisions les observations suivantes, et je me permets de sauter la page 18, 19 et 20 qui sont les reprises de nos commentaires au ministre des Affaires sociales de l'époque, commentaires que le ministre avait reçus favorablement, tel que je l'indique à la page 20; ces recommandations parurent bien fondées, et le ministre Denis Lazure y a expressément souscrit au nom du gouvernement.

Citons les modifications qu'il apporta au projet de loi no 103 dès l'ouverture des travaux de la commission parlementaire des Affaires sociales le 15 décembre 1978, et c'est surtout l'article no 43b qu'il est important de noter par rapport à la façon dont notre fédération prévoit le fonctionnement du plan d'organisation en centre hospitalier.

Je me permets, suite aux remarques de M. le Président, de sauter la lecture de l'article no 43. Deux conclusions. Première conclusion, nous demandons que l'article no 49 du projet de loi soit modifié pour qu'on y incorpore les modifications proposées par notre fédération et auxquelles le gouvernement a déjà expressément souscrit, pour les médecins spécialistes, c'est l'essentiel. Nous croyons, que la chose la plus importante est que l'on maintienne le processus de consultation de l'université dans le cas des centres hospitaliers d'enseignement.

Deuxième conclusion. Nous demandons au ministre de récupérer la responsabilité de la planification régionale des ressources allouées au département clinique des centres hospitaliers. Il nous semble peu congru de placer les départements cliniques des centres hospitaliers sous deux pôles d'autorité. L'un au ministère pour la définition de leur mission régionale et la détermination de leurs effectifs, l'autre au conseil régional pour l'allocation des ressources dont ils ont besoin pour agir. Cette situation serait une source de tiraillement entre les centres hospitaliers, le conseil régional et le ministère. Ce sont les départements cliniques qui feraient les frais de l'opération. Dans cette perspective, il nous apparaît essentiel d'unifier le processus de planification. Si le ministre des Affaires sociales doit être l'agent de la planification des départements cliniques et de leurs effectifs médicaux, qu'il reprenne en main la planification des ressources. Les médecins spécialistes s'en accommoderont sans peine. Les conseils régionaux ont déjà découragé les meilleurs efforts de collaboration de la profession médicale. 2.3 Responsabilité du chef de département clinique sur les ressources.

Le projet de loi propose de confier au chef de département clinique des responsabilités de gestionnaire des ressources. C'est l'article no 51 du projet de loi. L'idée n'est pas mauvaise. Il est grand temps que l'on réalise que la gestion des centres hospitaliers n'est pas un simple exercice de comptable et qu'il faut y associer la profession médicale.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec est d'opinion qu'il serait normal que le chef de département clinique soit responsable de la gestion des ressources départementales. Nous ajoutons, par ailleurs, qu'il faut davantage pour redresser la situation. À notre avis, ce qui s'impose aujourd'hui, c'est une réforme globale de l'appareil de gestion du centre hospitalier. (12 h 30)

Nous prêchons le réalisme, le chef de département clinique le mieux intentionné n'ira nulle part dans le maquis hospitalier actuel.

Premier élément, il faut reconnaître au directeur des services professionnels un rôle de maître d'oeuvre dans le processus d'organisation des soins et, conséquemment, repenser le rôle de certains autres directorats. Je me permets de faire un commentaire qui n'est pas dans le texte. La position de la fédération quant aux questions qui peuvent être posées soit par le ministre des Affaires sociales, soit par l'Opposition reflète fidèlement la position énoncée par le Dr Saint-Georges hier soir au nom de la Corporation professionnelle des médecins. Si c'est nécessaire, je pourrais reprendre l'organigramme de cette structure et répéter ce qu'il a déjà dit.

Deuxième élément, il faut confier au chef de département clinique une responsabilité de direction globale, ce qui exige une autorité directe sur le personnel collaborateur. C'est le type de réforme que notre fédération estime nécessaire aujourd'hui.

L'article 2.4, normes de soins et d'utilisation des ressources. Le ministre entend assujettir les médecins des centres hospitaliers à des normes sur la fourniture des soins et l'utilisation des ressources.

Les préoccupations de qualité aux plans scientifique, humain et social, pour reprendre les mots qui qualifient le droit de toute personne aux services de santé prévus à l'article 4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, risquent de céder devant les préoccupations économiques. La Fédération des médecins spécialistes du Québec est consciente des impératifs posés par les ressources financières, elle convient que la disponibilité des ressources doit être prise en compte. Toutefois, il importe, au premier chef, que l'équilibre coût-qualité soit recherché et atteint. Ceux qui ont pour rôle de contrôler la qualité doivent aussi pouvoir contrôler les ressources qu'ils utilisent et dont ils ont pu décider de l'allocation. Tout autre modèle est tronqué et défaillant. Celui qui est proposé dans le projet de loi est marqué de ce double défaut et ne saurait être mis en place sans conclure que la qualité des soins n'est plus une préoccupation du gouvernement.

D'une part, le conseil des médecins et dentistes aurait la responsabilité d'éditer ces normes et de les assortir de sanctions. C'est l'article 74 du projet de loi. D'autre part, il reviendrait au chef de département clinique de faire respecter ces normes et, le cas échéant, d'appliquer les sanctions, c'est l'article 51 du projet de loi.

Pour permettre au conseil des médecins et dentistes et au chef de département clinique d'agir efficacement, le ministre propose que ces instances aient accès aux profils d'activité.

Quant au conseil des médecins et dentistes, il aurait accès aux profits d'activité collectifs de ses membres, établis par département clinique ou par famille d'activité; c'est l'article 20 du projet de loi.

Quant au chef de département clinique, il pourrait connaître non seulement le profil d'activité collectif des membres de son département, mais également leur profil d'activité individuel. Ces modifications législatives nous paraissent invraisemblables et nous nous y opposons.

Cependant, après la présentation du Dr Saint-Georges au nom de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, la fédération fait sienne encore une deuxième recommandation, celle à l'effet d'utiliser les données de "Med-Echo" en lieu et place des profils d'activité. Il s'avérerait que l'expérience de la corporation dans ce domaine est suffisante pour que nous puissions endosser la recommandation à savoir que les profils d'activité, de facturation et de rémunération ne sont pas utiles dans l'évaluation de la pratique d'un individu ou d'un département ou d'un centre hospitalier, alors qu'il semblerait que les profils et les données mis sur pied par "Med-Echo" fourniraient, avec la base même, des rapports annuels des établissements qui sont fournis au ministre des Affaires sociales, des données fiables, et que celles-ci peuvent être utilisées pour évaluer les fonctions d'un département ou de l'ensemble d'un centre hospitalier.

Premièrement, nous ne voyons pas comment le conseil des médecins et dentistes pourrait agir comme concepteur de normes sur la fourniture des soins et l'utilisation des ressources. Ce sont là des questions qui sont de compétence départementale et, encore là, nous avons entendu hier à cette commission parlementaire plusieurs intervenants exposer que la responsabilité primaire d'élaborer cette question, que la corporation a appelé des règles de soins, et qui peuvent paraître mieux que des normes d'utilisation, ces règles de soins sont des questions de compétence départementale et ne doivent pas provenir d'ailleurs que du niveau du département clinique.

Deuxièmement, le conseil des médecins et dentistes est garant de la qualité des soins et doit conserver ce rôle. En toute circonstance, il doit être indépendant et pouvoir critiquer toute décision susceptible de compromettre la qualité des soins, y compris une norme sur la fourniture des soins s'il l'estime dangereuse.

Troisièmement, le chef d'un département clinique sera un bon gestionnaire des ressources par son leadership. Il est impensable de lui assigner, par la loi, une tâche de préfet de discipline chargé de mater des collègues irresponsables.

Quatrièmement, le chef d'un département clinique a déjà des moyens bien civilisés pour connaître la pratique de ses collègues et en faire rapport au conseil des médecins et dentistes. Précisons d'ailleurs que la loi prévoit déjà une instance pour l'étude des profils d'activité. C'est le comité de révision. Évidemment, ces commentaires ne s'appliqueraient pas si on parlait des profils de "Med-Echo" pour l'ensemble d'un centre hospitalier et d'un département clinique.

En bref, ce que le ministre propose au sujet des normes sur les fournitures des soins et l'utilisation des ressources ainsi que la communication des profils d'activités au conseil des médecins et dentistes et au chef de département clinique nous apparaît inacceptable, voire impraticable. Nous demandons le retrait des modifications législatives envisagées à cet égard, sauf pour ce qui aurait trait aux données de "Med-Echo". 2.5. Motifs de refus de nomination hospitalière. L'article 85 du projet de loi prévoit qu'un centre hospitalier peut refuser la candidature d'un médecin en invoquant que son plan d'organisation y fait obstacle, cette modification serait en concordance avec le plafonnement des effectifs médicaux départementaux que l'on entend imposer. Par

ailleurs, l'amendement proposé ajoute un autre motif de refus, en l'occurrence le coût engendré par l'engagement de ce médecin". Ce motif est inacceptable: il serait incongru que le centre hospitalier, après que le ministre a jugé que ses prévisions d'effectifs médicaux étaient correctes, refuse une candidature pour un motif d'insuffisance de ressources financières.

Il nous semble qu'une politique d'effectifs médicaux doit nécessairement comporter des allocations budgétaires appropriées. De plus, il s'agirait d'un motif trop commode pour maquiller une décision discriminatoire.

Tenir compte du "coût engendré par l'engagement du professionnel" constitue une approche qui favorise la stagnation du milieu hospitalier, la négation de la mobilité professionnelle et l'anéantissement des efforts socialement légitimes d'amélioration de la qualité scientifique des soins. Les jeunes médecins formés grâce à des techniques de pointe se verraient refuser l'accès à l'exercice de leur profession. Ce sont les malades qui, à moyen terme, se trouveraient privés de l'accès à des services conformes à la science moderne.

Ici encore, il ne s'agit pas d'une proposition nouvelle. On la trouvait déjà au projet de loi 103 présenté par le ministre Denis Lazure, en 1978. Seuls les mots ont changé: on parlait alors de "ressources financières" comme motif de refus.

À l'époque, la Fédération des médecins spécialistes du Québec avait fait valoir les mêmes arguments qu'aujourd'hui et le ministre des Affaires sociales y avait fait droit. De notre côté, nous n'avons pas changé d'avis à cet égard.

Je peux passer par-dessus les articles 2.6 et 2.7, toujours eu égard aux remarques de notre président d'assemblée. Je veux insister sur l'article 2.8. L'article 50 du projet de loi propose d'empêcher un centre hospitalier d'offrir de nouveaux services en utilisant des équipements de pointe dont on aurait fait don, en l'absence d'autorisation écrite du ministre et ce, chaque fois qu'il s'agit d'équipement ultra-spécialisé déterminé par règlement d'application. Nous ne sommes pas d'accord avec cet amendement qui figerait dans la loi une disposition réglementaire déjà fort discutable.

En conclusion, en déposant le projet de loi 27, le ministre des Affaires sociales a évoqué des objectifs qui font l'unanimité. L'analyse de la loi démontre toutefois une préoccupation économique et financière constante qui va plus loin qu'un simple contrôle des coûts et aussi l'intention d'un contrôle bureaucratique sur le réseau de la santé.

Dans une pareille perspective, la Fédération des médecins spécialistes du Québec veut ici faire valoir aux intervenants gouvernementaux et aux parlementaires les valeurs que ce projet de loi met en veilleuse, parfois même en sommeil. La formation des futurs médecins spécialistes, l'émergence des jeunes à la profession, la mobilité professionnelle, le souci des coûts qui ne soit pas une volonté de coupures de services, la liberté du professionnel jointe à la notion de la responsabilité et surtout la qualité croissante des soins et leur accessibilité. On doit regretter que ce projet de loi ait été élaboré sans consultation aucune des organismes représentatifs de la profession médicale, et quant à nous, le contenu en fait foi.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Dr Desjardins. Nous passons donc à la période des questions.

Avant de procéder à la période des questions, je veux rappeler ce que j'ai dit hier à tous nos invités, qu'il n'est normalement pas permis à l'Assemblée nationale et aux commissions parlementaires, aux participants, aux manifestants ou aux gens qui sont présents, de manifester. Je fais la même demande que j'ai faite hier, et que nous faisons régulièrement à toute catégorie de personnes qui est invitée. Je demanderai pour le reste de la journée la collaboration de tout le monde pour que nos travaux se fassent dans la meilleure harmonie possible et qu'on respecte l'institution qu'est l'édifice du parlement, ce que nous demandons également à tout le monde qui vient ici à l'Assemblée ou en commission.

M. le ministre, auparavant, comme le temps passe et par rapport à l'heure qu'on s'est fixée par mémoire, nous avons 45 minutes d'écoulées, je demanderais à tous les membres de la commission de poser les questions qu'ils voudront ou qu'elles voudront, mais en étant autant que possible concis et précis et je demanderais aussi la même collaboration aux répondants.

On va dépasser effectivement le cap de 13 heures. Je demanderai immédiatement le consentement pour qu'on puisse dépasser 13 heures, sans vous interrompre, tout en précisant encore une fois que j'aimerais bien que les questions soient précises et les plus courtes possible. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je remercie le Dr Desjardins qui évoque quelque part dans son mémoire que les atteintes qu'il appréhende aux structures syndicales et sur lesquelles je reviendrai dans quelques secondes ne devraient pas, je pense, faire l'objet d'inquiétudes, compte tenu de la solidarité qui lui est manifestée par ses membres. (12 h 45)

Ce projet de loi, de toute évidence, a créé certains remous. Je me permettrai de répéter ce matin certains de mes propos que

j'ai tenus hier. Il crée des remous d'abord et avant tout dans la population dont il ne faut jamais perdre la préoccupation, car c'est notre préoccupation, nous qui sommes élus et, deuxièmement, ma conviction est que tous ceux qui exercent ce métier sont conscients de l'importance de l'exercice de cette profession pour les citoyens, non seulement parce qu'intrinsèquement la médecine est importante dans l'ensemble des sociétés quelles qu'elles soient, mais parce qu'elle est aussi l'occasion de l'exercice de la solidarité humaine à la fois la plus dramatique et la plus importante qui soit. En ce sens, comme je pense que les choses sont amorcées depuis hier et, je pense, comme le confirme le comportement de la fédération, il faudrait que nous regardions ces choses dans le contexte dans lequel elles se présentent, c'est-à-dire dans le contexte d'une commission parlementaire.

Il y a eu des remous aussi évidemment dans le réseau des affaires sociales. Je ne parlerai pas des cadres, je ne parlerai pas des CRSSS qui ont subi à nouveau, une charge de cavalerie et qui sont peut-être, un peu pan définition, parce qu'ils sont dans l'appareil de l'État, un peu plus habitués aux mécanismes qui sont impliqués dans l'étude d'un projet de loi comme celui-là.

Il y a finalement les remous dans la profession elle-même, reliés, je pense, à différents facteurs, le premier provenant du fait que le gouvernement ait choisi dans ce cas, comme il le fait dans le reste de la société, de procéder par le dépôt de ce qui s'appelle un projet de loi et qui, en démocratie, ne deviendra loi que le jour où les représentants de la population autour de cette table, de part et d'autre de la table, l'auront accepté. Il n'y a pas eu de négociation du projet, pas plus qu'il y en a ailleurs dans la société.

Deuxièmement, probablement le fait que, au moment de rendre public ce projet de loi, il y a eu une certaine équivoque entre à la fois le projet et les mandats de négociation. Équivoque inévitable, d'abord parce que nous sommes dans une période qui est marquée par une insistance de la part des fédérations, insistance normale et non surprenante quant à la négociation, et du fait qu'au moment où je rendais public le projet de loi, où je le déposais à l'Assemblée, je devais également évoquer ces grandes orientations de négociation. Ce qui fut fait d'ailleurs, et ce qui a amené dans bien des cas des interprétations - je pense qu'elles étaient faites de bonne foi, qui n'avaient rien à voir avec la loi, chez certaines personnes, des inquiétudes à partir de bulletins de nouvelles, de qu'en-dira-t-on, de rumeurs. Ces choses-là avec le temps se clarifient et, encore une fois, c'est pour ça que dans une société démocratique, il y a des modes d'échanges comme celui-ci.

Remous aussi à cause du changement, non pas les changements nécessairement intrinsèquement apportés par cette loi dont certains méritent discussion. C'est l'exercice auquel nous allons continuer de nous livrer jusqu'à l'adoption éventuelle du projet, en tentant d'améliorer, en tentant de bonifier, en tentant de répondre, encore une fois, à des objectifs qui sont partagés, si je comprends bien le mémoire de l'ensemble des fédérations, par ceux qui ont réfléchi et que vous êtes, puisque vous vivez ce système quotidiennement. Tenter de trouver des moyens de le rendre acceptable à tous, mais aussi en tenant compte de certaines exigences qui sont celles du changement qui est survenu dans notre société. Ce changement, ce n'est pas seulement celui des difficultés budgétaires ou financières, qui n'est pas le lot exclusif du Québec non plus, qui, je dois le dire, n'est pas le lot exclusif des gouvernements, n'importe qu'elle personne qui a renouvelé une hypothèque dans les six derniers mois comprend. C'est le lot du changement dans une société moderne. Ce changement-là amène une redéfinition des rôles, des critiques à part de ça, des critiques souvent injustes, souvent dures auxquelles on n'est pas habitué. À cet égard, étant donné que les médecins sont en négociation avec l'État quant à leur rémunération, ils font l'objet de remarques, de critiques, de caricatures et de dessins, comme l'ensemble des groupes dans la société qui sont exposés, dans le contexte économique dans lequel on vit, à revendiquer, et ce climat est une affaire très importante. Malgré ce climat, je pense qu'on ne doit pas perdre de vue le but de l'exercice, pas plus que les objectifs de la loi. Les objectifs de la loi, encore une fois, sont assez largement partagés à la fois par la profession, évidemment par le gouvernement, puisque c'est lui qui l'a déposée. Le but de cet exercice auquel nous nous livrons et nous nous livrerons dans les jours à venir, jusqu'à la deuxième lecture, c'est de discuter très concrètement sur les contenus.

Les changements contenus dans cette loi sont essentiellement de deux ordres, ceux qui relèvent purement de la négociation, donc la Loi sur l'assurance-maladie, et les autres qui relèvent du chapitre 48. Il y a un lien et le lien entre les deux, ce sont les patients et les professionnels de la santé. On aura l'occasion, encore une fois dans les minutes qui viennent, lors de la période des questions, d'en discuter de façon précise.

À l'égard de la négociation, le gouvernement, dans cette loi, affirme quelques principes, notamment celui de la notion de territoire en pénurie, c'est une responsabilité de l'État. Par ailleurs, il retient, comme pour l'essentiel d'ailleurs de ce projet de loi, la notion de libre négociation qui est reliée à cela. Une fois

qu'un territoire est désigné, les conditions de ceux qui y travaillent ou des catégories, que ce soient les catégories de spécialistes ou les catégories d'activités, restent des choses qui sont négociables.

Deuxièmement, le gouvernement y affirme aussi quelques principes qui, d'ailleurs, existent dans l'ensemble de la société pour bien d'autres choses. La notion de péril à la santé publique et de la responsabilité publique bien qu'elle doive tenir compte des professionnels, des hommes et des femmes qui oeuvrent dans ce secteur-là, ne doit pas se laisser paralyser non plus par des phénomènes qui font intervenir les intérêts légitimes, fort bien défendus d'ailleurs par les représentants de la profession à travers les structures syndicales. J'aurai également l'occasion de revenir là-dessus si le temps nous le permet. J'ai d'ailleurs échangé des propos à ce sujet avec le président depuis le dépôt de ce projet de loi.

Ce qu'il y a dans le chapitre 48 et qui regarde plus spécifiquement les médecins, touche une volonté de voir le médecin harmoniser son activité avec celle de l'établissement qui, mieux que les spécialistes, ressent avec aliénation souvent, que cette administration hospitalière est distante de leurs préoccupations quotidiennes, à tort ou à raison, souvent à raison. Parfois, il faut l'admettre à tort, les impératifs de l'administration hospitalière ne nous ont pas donné, au moment de notre formation en médecine, les instruments de gestion qui sont ceux qui reviennent à ceux dont c'est le boulot et le métier que de faire de la gestion. Mais, il faut établir ce virage important qui permettra d'harmoniser l'activité du médecin avec la vie de l'hôpital lui-même, et pour cela, le modèle qui est retenu, c'est celui qui a été évoqué par le président et évoqué d'ailleurs avec beaucoup de précision avec la corporation, avec des nuances qui font que les hommes politiques et le gouvernement, parce qu'ils ont une légitimité aussi, qu'ils doivent tenir compte de d'autres types de contraintes dans la réalité, d'autres types d'objectifs qui sont purement professionnels. Le modèle donc retenu, c'est celui d'une notion de responsabilisation collective des médecins dans l'établissement et d'une possibilité entre eux d'exercer l'autorité découlant de cette responsabilisation, sans qu'un fonctionnaire n'intervienne, sans que les normes bureaucratiques n'interviennent. En voyant le projet de loi très précisément, on aura l'occasion de le constater.

Finalement, quant aux droits syndicaux - et je terminerai là-dessus - il y a eu beaucoup de procès d'intention qui ont été faits, je dois dire dans le mémoire présenté par le président aujourd'hui, sans doute moins que ce que j'ai entendu par ailleurs à l'occasion sur la place publique depuis le dépôt du projet de loi.

Mais voyons très concrètement ce qui est visé, cette notion d'agir sur les conditions dans le cadre d'expériences et on me disait que ça n'existe pas ailleurs. Ce n'est pas la fédération qui dit cela, mais un autre groupe qui disait hier: Ça n'existe pas ailleurs. Ça existe ailleurs dans la législation, la notion de faire l'essai de certaines choses ou à titre expérimental. Le but recherché c'est quoi? C'est que, pour moi, le salariat des médecins, ce n'est pas une idéologie, il y en a beaucoup qui veulent en faire une idéologie parmi ceux qui sont contre et ceux qui sont pour au Québec.

Le système de santé au Québec de façon générale, il est bon. Il est même excellent à bien des égards. Les citoyens en sont satisfaits. Les médecins y oeuvrent d'une façon générale et rendent heureux, parfois insatisfaits encore une fois, mais il n'y a rien de parfait. Mais globalement c'est un système qui fonctionne relativement bien, et ce qui compte, c'est que ce système continue de bien fonctionner, à la fois pour les citoyens comme pour les professionnels. Pour y arriver, je pense que nous devons regarder concrètement, faire des expériences et vivre certaines choses. S'il doit être appelé à être modifié, non pas par idéologie, mais par décision de principe, on va le modifier. Il faut que les professionnels soient satisfaits du système dans lequel ils oeuvrent si on veut qu'ils fonctionnent, c'est l'évidence même; de la même façon qu'il faut préserver ce qu'on s'est donné comme société depuis une vingtaine d'années à l'égard de la santé, et on passe une période difficile. La profession aussi passe une période difficile.

L'augmentation des effectifs, dont la profession n'est pas responsable, puisque ce sont les universités et le gouvernement qui en sont responsables, produit les problèmes que l'on connaît ou que l'on appréhende. En ce sens-là, ce n'est pas dans un but d'atteinte aux structures syndicales que certaines des dispositions que l'on voit sont incluses. S'il le faut, en cours de route, nous vous écouterons. Préciser des choses quant à ces intentions au niveau du projet de loi, elles seront précisées. Encore une fois, parce qu'on ne fait pas de l'idéologie ici, on essaie de régler des problèmes et non pas d'en créer. Parmi ces problèmes-là, il y a la répartition des médecins sur le territoire. Il y a des problèmes de santé publique. Je n'en évoquerai pas ici spécifiquement, mais j'en ai connu quelques-uns depuis six mois au ministère. J'ai vu un hôpital, entre autres, où, pendant des mois, il y a des citoyens qui ont été à peu près totalement privés de service, et ce sont des questions de santé publique.

Il ne s'agit pas, encore une fois, de

vouloir passer par-dessus la tête du syndicat. Il s'agit de dire que les pouvoirs qu'a l'État et la responsabilité qu'assume le ministre des Affaires sociales devant les citoyens, dans l'administration de vos taxes et de celles des autres citoyens, impliquent qu'il doit être doté à l'occasion de pouvoirs qui lui permettent de régler des problèmes qui relèvent de la santé publique. Encore une fois, tout cela, en ne cherchant pas à minimiser l'importance et le rôle fondamental que jouent les fédérations dans l'évolution de notre système depuis qu'elles sont nées.

À cet égard, j'inviterai peut-être, puisque je sais que ma collègue de L'Acadie a de nombreuses questions à poser... J'en ai aussi, j'ai pris connaissance du mémoire ce matin très tôt et j'ai entendu le Dr Desjardins nous en faire la lecture. J'aurai peut-être une ou deux questions sur lesquelles je pourrai revenir après avoir donné l'occasion à Mme Lavoie-Roux de s'exprimer. (13 heures)

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier la Fédération des médecins spécialistes du Québec pour son mémoire. Je pense qu'elle pose des questions très pertinentes. J'ai exprimé hier mon opinion vis-à-vis du régime syndical, enfin, toute la question qui entoure le régime syndical et qui est contenue dans la loi. Je voudrais simplement dire que le ministre, dans l'intervention qu'il vient de faire, a dit: Une loi, ça ne se négocie pas. Là-dessus, je suis d'accord avec lui, mais je pense que, quand on se propose de modifier un régime syndical, la consultation n'est pas défendue. On en a fait la démonstration au moment où la commission parlementaire a examiné toute la question des services essentiels et qui a justement pour but, éventuellement, de modifier les règles qui nous régissent dans le domaine des relations de travail pour mieux assurer ces services essentiels.

Alors, je pense qu'il y a certainement un point: Quand les groupes qui se présentent devant nous disent qu'ils n'ont pas été consultés, il faut au moins leur donner raison sur ce point. Quant à toute la question du régime syndical, je vais laisser ça à mon collègue de Jean-Talon qui est le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de travail.

Je ne serai pas longue et, même si j'ai beaucoup de questions, je vais aussi me restreindre, compte tenu du temps. Je voudrais dire à la fédération qu'il y a plusieurs points sur lesquels je suis d'accord avec elle. Il y a certainement une interrogation plus que sérieuse au sujet de l'article 31; il y a aussi ses réticences au sujet de certaines dispositions de l'article 73, enfin, sur ce qui modifie l'article 73. Je pense aussi que son inquiétude au sujet de l'article 85 qui introduit la notion de refuser, sous prétexte de coûts, l'engagement d'un professionnel spécialisé ou surspécialisé... Même s'il faut tenir compte des coûts, je pense que ceci pourrait avoir des répercussions directes à long terme sur la qualité des services.

Je voudrais faire éclaircir certaines choses sur l'article 49 qui prévoit les plans d'organisation des centres hospitaliers. Je voudrais être bien claire. Je vais vous donner toutes mes questions pour épargner du temps.

En ce qui concerne l'article 49, vous avez quand même vécu une expérience, et je suis d'accord, entre parenthèses, avec vous autres, dans le cas des hôpitaux universitaires. Je me demande si ce n'était pas un amendement que l'Opposition avait fait au moment de l'étude de l'article 84, pour que les centres universitaires soient consultés. Vous suggérez que cela demeure, mais n'est pas là l'objet de ma question. A ce moment, le ministre veut reprendre l'approbation de ses plans d'organisation, qu'on étend maintenant à tous les centres hospitaliers. D'une part, vous montrez la dichotomie, les ressources qui sont au conseil régional, l'approbation qui se ferait au ministère. Vous dites aussi que le CRSSS, à votre point de vue, ou ce n'est peut-être pas ce que vous voulez entendre, c'est ce que je voudrais que vous clarifiez, vous faites plutôt une hypothèse dans le sens que peut-être le ministre veut le reprendre, parce que le CRSSS ne s'est pas acquitté de sa tâche.

S'il y a des preuves dans ce sens, s'il y a des faits, j'aimerais que vous nous le disiez. Est-ce que, selon vous, les deux fonctions devraient être dévolues au conseil régional ou si les deux fonctions devraient l'être au ministère, quoique je trouve difficile que les deux fonctions soient confiées au ministère? C'est une première question que je voudrais vous poser.

Deuxièmement, il s'agit de votre expérience dans les plans d'organisation pour les hôpitaux universitaires, celle que vous avez vécue depuis l'adoption de la loi 103.

À la page 25, je ne suis pas non plus d'accord, quand vous dites: " Ceux qui ont pour rôle de contrôler la qualité doivent aussi pouvoir contrôler les ressources qu'ils utilisent et dont ils ont pu décider de l'allocation." Je suis d'accord en partie, mais ne croyez-vous pas qu'à ce moment, celui qui doit assurer la qualité, qui a le contrôle des ressources, cela le place également, du point de vue des ressources, dans une situation assez conflictuelle, parce que, même avec de bonnes intentions, on pourrait, à un moment donné, déborder les ressources

et, à ce moment, il se pourrait qu'il y ait quelqu'un d'autre qui pose un jugement. Dans le fond, ce que vous demandez, c'est que tout le contrôle de la qualité des soins et de l'administration des ressources soit remis aux médecins. C'est ce que je crois comprendre de ceci. Je voudrais que vous clarifiiez ce point.

Ma dernière question touche les jugements que vous portez à l'égard des conseils régionaux des services de santé et des services sociaux. Je sais qu'hier j'ai été moi-même assez vive à leur endroit, parce qu'ils venaient chercher encore plus de pouvoirs qu'ils n'en avaient. Cela expliquait alors une partie de ma réaction. Il reste qu'il y a des questions que vous posez qui peuvent être fondées, qui sont la perception d'autres organismes, d'une partie de la population. Mais j'aimerais que vous précisiez de quelle façon les conseils régionaux, s'ils l'ont été, ont pu être un obstacle au fonctionnement de votre profession ou des centres hospitaliers. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Desjardins.

M. Desjardins: La première question avait trait au plan d'organisation. Vous avez raison, lorsque vous interprétez que nous sommes d'accord pour que le ministre des Affaires sociales reprenne ce pouvoir de modification et non pas au niveau des CRSSS.

Si je me reporte au texte que je n'ai pas lu, aux pages 18 et 19, la façon dont nous autres nous pensons que cela doit fonctionner au niveau de notre fédération, c'est la responsabilité du ministre que de donner une mission à un centre hospitalier, lorsqu'il décide d'en créer un. À partir du moment où le ministre émet cette mission à un centre hospitalier, nous croyons que - je suis au deuxième paragraphe de la page 18, à l'article a - qu'il doit y avoir un programme de services cliniques et nous entendons par cette expression "programme de services cliniques", un document approuvé par le conseil d'administration du centre hospitalier, qui comporte les données suivantes: la nomenclature des départements cliniques et la définition de la gamme des services médicaux et dentaires offerts par chacun d'eux; une description des effectifs médicaux et dentaires prévus pour chaque département clinique. Ce programme devrait, en outre, faire état de la participation que certains départements cliniques apportent au soin des malades pour le compte de tiers établissements.

Un programme de services cliniques, ainsi élaboré permettrait au ministre des Affaires sociales d'obtenir une perspective d'ensemble réaliste sur la distribution des services médicaux dans chaque région du

Québec.

Évidemment, l'autre paragraphe dit que cela revient à l'initiative du Conseil des médecins et dentistes que d'élaborer l'aspect des effectifs médicaux au pourtour de ce programme de services cliniques, le tout devant être approuvé par le conseil d'administration du centre hospitalier.

À partir de là, ce programme est envoyé au ministre et on suggère que ce soit pour modifications. On ne veut pas encombrer - on entendait hier le ministre dire qu'il a 150 fonctionnaires qui travaillent dans tel secteur et ils sont embourbés - on ne veut pas embourber davantage le bureau du ministre des Affaires sociales.

À l'article b, page 19, on prévoit que le ministre peut modifier ce plan ou qu'il demeure silencieux. Au moment où il modifie le plan, on fait la différence dans ce paragraphe entre la procédure d'approbation et la procédure de modification. Alors, on suppose que le ministre peut décider d'augmenter les effectifs médicaux au-delà de ce que le conseil d'administration vient de lui faire parvenir.

On pense qu'il est réaliste de procéder de cette façon. Nous avons étudié cette question en 1978 et on revient encore, en 1981, avec la même position que nous avions à l'époque, eu égard à ces dispositions. Par la suite, si le ministre décide de modifier, on demande qu'il ait la décence d'en faire part aux conseils d'administration et de les entendre, de telle sorte que les conseils d'administration ne se voient pas imposer, par retour du courrier, une décision sur laquelle ils ne peuvent même pas faire de commentaires.

Évidemment, quand on parle du conseil d'administration, ce dernier doit reconsulter le conseil des médecins et dentistes qui était à l'origine de la mise sur pied des effectifs médicaux nécessaires pour remplir les fonctions du programme de soins cliniques de l'établissement en cause. Est-ce que ça répond à votre question?

Mme Lavoie-Roux: Oui. À ce moment-là, vous élimineriez complètement le rôle du conseil régional des services sociaux et des services de santé?

M. Desjardins: D'une façon absolue et totale.

Mme Lavoie-Roux: Dans le moment, c'est eux qui vous donnent cette approbation-là. Est-ce que cela n'a pas fonctionné? Parce que, quand même, vous sous-entendez un jugement très sévère à leur endroit. Est-ce qu'à votre point de vue ça n'a pas fonctionné? Parce que moi, je veux bien qu'on leur enlève un pouvoir si cela a mal fonctionné, mais c'est ça que je voudrais savoir plus précisément.

M. Desjardins: Ce n'est pas un jugement sévère à leur égard. C'est que, dans ce processus d'allocation des effectifs médicaux, c'est tout même un sujet difficile, on en convient. Nous sommes d'accord avec les objectifs de la nécessité de faire ça. Ce qu'on dit, c'est que plus il va y avoir d'intervenants, plus c'est paralysant, plus ça prend de temps et moins ça fonctionne. L'expérience vécue jusqu'ici est tout de même restreinte, parce qu'elle ne s'applique qu'aux seuls centres hospitaliers affiliés aux universités. Mais, jusqu'ici, les informations que nous avons à cet effet, c'est qu'il n'y a pas eu beaucoup de millage de fait dans la procédure venant du centre hospitalier: l'approbation de l'université, l'envoi au CRSSS et enfin au ministre des Affaires sociales. Peut-être pourrait-on passer outre à la fédération parce que nous ne sommes pas impliqués directement dans ce processus et retourner la question finale au niveau du ministre des Affaires sociales, à savoir: Est-ce que lui a eu beaucoup de dossiers venant des CRSSS au niveau des centres hospitaliers?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous laisser aller; vouliez-vous préciser une chose?

M. Johnson (Anjou): D'ailleurs, si je me souviens bien, je ne siégeais pas à la commission, mais, à l'époque, je pense que c'était le critique du Parti libéral qui avait suggéré que ce soit au niveau du CRSSS, M. Forget, l'ancien ministre...

Mme Lavoie-Roux: Et ça n'allait pas au bureau du ministre.

M. Johnson (Anjou): Non. C'était décidé au niveau du CRSSS.

M. Desjardins: Le ministre en était informé en fin de compte.

M. Johnson (Anjou): C'est ça, il en était informé, mais il ne décide pas ultimement.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Ça va. Le Président (M. Bordeleau): Ça val

Mme Lavoie-Roux: II y avait deux autres questions...

M. Desjardins: La deuxième question a trait à la page 25 où on parle de la qualité, du contrôle des ressources et du contrôle des coûts. Je ne pense pas qu'il y ait de conflits entre les ressources en tant que telles et la qualité. Là où on voit un danger évident, c'est entre la qualité et le contrôle des coûts. S'il y a lieu de couper des services pour arriver à diminuer le coût, on pense qu'il est dangereux d'empiéter sur la qualité Un exemple simple de ça: Si par hasard on décide que les journées postopératoires, ça coûte trop cher et qu'on veuille diminuer le nombre de jours postopératoires, en supposant que tous les médecins dans les spécialités chirurgicales abuseraient du système et qu'on parte de 3D jours postopératoires, si vous voulez, et qu'on les coupe, à un moment donné, on va arriver à 24 heures et ce n'est pas assez dans certaines sortes de chirurgies; ça n'a plus de bon sens. À ce moment-là, on dit que c'est un danger évident. Plus on veut couper les coûts, plus on est obligé d'empiéter sur cet élément de qualité. (13 h 15)

Mme Lavoie-Roux: La disposition qui est justement dans la loi sur les responsabilités qu'on donne au chef de département clinique, je dois dire que j'avais mal interprété un peu cette chose-là. Est-ce que ça ne vous permettra pas d'avoir un meilleur droit de regard sur la façon dont les ressources seront allouées et ne vous donnera pas un meilleur pouvoir de gestion, si je peux m'exprimer ainsi?

M. Desjardins: C'est pour cela que j'ai insisté tantôt sur le rôle du chef de département clinique et l'initiative départementale de la mise sur pied de règles de soins. Ça doit provenir de l'intérieur du département. La balise, au cas où un chef de département prendrait un virage vers un fossé, c'est au niveau du conseil des médecins et dentistes, qui a toujours le devoir de superviser la qualité de ce qui se passe dans le centre hospitalier.

Quant à l'autre balise qu'on envisage, je comprends que le ministre est tiraillé et il n'est peut-être pas totalement décidé, c'est sur l'aspect administratif, où le maître d'oeuvre qui s'appelle le directeur des services professionnels pourrait, lui, dire que cela est exagéré et que ça n'a pas de bon sens. Alors, il se trouverait à y en avoir deux, un sur l'élément gestion et l'aspect des coûts, l'autre sur l'aspect des règles de procédure à l'intérieur du département clinique et qui viserait le contrôle de la qualité par le conseil des médecins et dentistes. Ce que le Dr Saint-Georges appelait hier la bicéphalie, on le retrouve à ce niveau, mais, tout de même, ce sont deux balises importantes pour que le chef de département puisse fonctionner sans sortir de certaines limites jugées nécessaires.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous permettez, madame?

Ma question est précise. Dans ce que vous avez évoqué tout à l'heure, Dr Desjardins, vous dites "dans un contexte où

on élaborerait des normes en admettant que tout le monde exagère." Il n'y a aucune présomption de cela dans la loi tout d'abord. Au contraire, c'est pour cela qu'on dit que c'est aux médecins eux-mêmes de voir à ce que cet univers juridique de "normes" que la corporation aurait pris sous l'appellation "règles de soins" qui existe, on le sait, dans de nombreux hôpitaux, ne soit pas élaboré par d'autres que les médecins eux-mêmes, qu'il soit sanctionné par un médecin qui est le chef du département et qu'il relève à cet égard du DSP, s'il relève du DSP, qui est également un médecin. Je vois mal comment ce processus-là pourrait amener les médecins à définir des normes aberrantes au niveau de la qualité des soins puisque c'est eux qui le font. Ce n'est pas un fonctionnaire qui vient fixer les normes. Il n'y a aucun article dans la loi qui dit que le gouvernement, par règlement, ou qui que ce soit qui n'est pas un médecin va intervenir dans cet univers.

M. Desjardins: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.

M. Johnson: J'ai entendu votre intervention en réponse à madame Lavoie-Roux. Si je ne me trompe, c'est comme cela que les membres de la commission l'ont compris, docteur. Peut-être que vous pourriez vous reprendre là-dessus.

M. Desjardins: Je reprends, je ne veux pas laisser aucun malentendu. Ce que je dis, c'est que s'il est nécessaire d'envisager de couper des coûts au moment où c'est la seule, l'unique, la première préoccupation, il est dangereux que cette préoccupation vienne en conflit avec la qualité de l'ensemble des soins. J'ai donné un exemple; peut-être que l'exemple n'était pas bon; peut-être que je me suis trompé sur l'exemple. J'ai pris un exemple exagéré et j'ai essayé de le rétrécir à l'autre exagération, c'est possible. Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, M. le ministre, mais je prétends qu'il est tout de même dangereux que, si on ne vise qu'à couper des coûts, on en arrive à diminuer la qualité des services médicaux offerts à la population.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que, là-dessus, vous me permettez, Mme Lavoie-Roux, la députée de L'Acadie me le permettra, je pense que c'est important. Vous avez cité le communiqué de presse qu'on a émis au moment où on a rendu publics les mandats de négocier etc. C'est vrai que c'est une période difficile pour les établissements au Québec, vous en savez quelque chose, les spécialistes que vous êtes. Beaucoup d'entre vous oeuvrent dans de grands hôpitaux universitaires, notamment, qui, à eux seuls, représentent presque 60% de l'activité hospitalière au Québec, et les ressources sont moindres. Ce n'est pas un choix politique. Quelqu'un, un matin a décidé qu'il y aurait moins de ressources. Je veux dire qu'il y a 400 000 000 $ de déficit dans les hôpitaux au Québec. Bon, ça coûte déjà 2 700 000 000 $. Cela fait partie de la vie et de la réalité, comme votre réservoir d'essence, depuis un certain temps, et comme votre impôt sur le revenu, en ce sens qu'on dit qu'il y a une contradiction entre les ressources qu'on a et la qualité.

L'objectif dans le système, c'est d'assurer qu'on maintient ce système de qualité qui est le nôtre et qui a encore besoin, notamment à l'égard de la répartition des effectifs sur le territoire, d'être drôlement amélioré. Mais la contrainte que représente la quantité des ressources que, comme collectivité, on consacre à la santé, c'est une contrainte qui fait partie de la vie de toute la société. On dépense 5,8% du produit intérieur brut du Québec pour ça, ce qui est plus que dans les autres provinces.

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il n'y a pas dans la loi un article qui dit "compte tenu des contraintes budgétaires." Je veux dire que la loi est là. Il n'y aurait pas de contraintes budgétaires, cela aurait été là il y a dix ans ou ce serait là dans quinze ans, cela n'empêche pas que ce qu'on met en place, c'est ce qui permet de continuer à faire que l'accessibilité, la gratuité, la qualité, l'universalité des soins au Québec impliquent une solidarité notamment des professionnels, qui restent le personnage central dans le système de santé qu'il y en a qui aiment ça ou pas. Je veux dire que c'est le personnage central et ce sera toujours comme ça dans la santé d'ailleurs. Il importe qu'ils puissent se solidariser. Je voulais juste vous rassurer sur cela parce qu'on ne demande pas aux médecins d'être les exécutants d'une situation qui est difficile mais qui est partagée par tout le monde et qui doit aussi être partagée par les médecins, c'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée...

M. Desjardins: M. le Président, s'il vous plaît...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Desjardins.

M. Desjardins: ... je suis d'accord avec l'énoncé que le ministre vient de faire. J'ajouterai peut-être un commentaire. Le conseil d'administration de la fédération, par son porte-parole, vous a déposé récemment un texte qui devrait être intégré, nous l'espérons, à l'entente qu'un jour nous espérons signer avec vous et qui s'appelle, comme titre de chapitre, La Concertation. À l'intérieur de ce chapitre, nous proposons au

ministre des Affaires sociales un comité des ressources hospitalières où le ministère des Affaires sociales et la Fédération des médecins spécialistes seront en mesure de tenter de collaborer pour traverser cette période difficile à laquelle vous faites allusion, tout en maintenant un minimum de ressources pour conserver la qualité de soins que nous connaissons sur notre territoire actuellement.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II y avait une troisième réponse. Je remercie le ministre pour ses sous-questions. Il en a l'habitude, mais ça me fait plaisir de lui céder mon droit de parole. Votre troisième réponse, s'il vous plaît!

M. Desjardins: La troisième question avait trait aux CRSSS dans le moment et à leur fonctionnement. J'ai déjà répondu qu'en ce qui a trait aux plans d'organisation, on n'a pas eu de soubresauts à cet égard. En ce qui a trait aux autres questions, ce sont surtout les articles 18.1 à 39 du projet de loi, quand on parle des politiques d'admission et de transfert des bénéficiaires, les normes de fonctionnement, les normes d'utilisation et de distribution des lits dans les établissements. C'est surtout à ce niveau qu'on craint que le ministre fasse une erreur en leur accordant de pouvoirs additionnels. Mais on dit que, dans le moment, les CRSSS agissent comme organisme d'approvisionnement sur une base régionale et on ne s'oppose pas à ça.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je pensais qu'il y avait des points précis qui avaient nui à l'exercice de votre profession ou au fonctionnement des hôpitaux, à la suite d'interventions des CRSSS, ce que je ne crois pas comprendre. Est-ce qu'en relation avec l'article que vous venez de mentionner - ce sera ma dernière question - vous trouveriez acceptable que ce pouvoir de distribution des patients ou de transfert des bénéficiaires, etc., soit relié uniquement à la question d'urgence? Je ne parle pas du cas où on leur demande d'établir les normes de fonctionnement des urgences, c'est une autre chose, mais je parle strictement du changement des bénéficiaires, et qu'il ne soit pas aussi général qu'il l'est présentement parce que cela touche tous les bénéficiaires, quelles que soient les circonstances.

M. Desjardins: À ce moment, on reviendrait à l'article 18.2, au premier alinéa, où on dit qu'un établissement vit une situation d'engorgement après avoir appliqué toutes les procédures en vigueur. Hier, on a entendu M. Marcoux s'exprimer là-dessus. À ce moment, oui, nous supporterions que cela fonctionne, dans ces circonstances, de cette façon, comme d'ailleurs le ministre des Affaires sociales a donné comme exemple la catastrophe. Au niveau de la catastrophe, on est bien obligé de revenir et de prendre les décisions qui s'imposent. Si l'établissement n'est pas capable de prendre ces décisions, si le toit s'est écroulé, comme le ministre l'a donné en exemple hier, et qu'il n'y a personne qui est capable de prendre des décisions, on est heureux que quelqu'un d'autre puisse les prendre.

Dans ces deux sortes de circonstances, oui, nous sommes d'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Vous avez évoqué, Dr Desjardins, la possibilité ou enfin le souhait que vous formuliez d'avoir une nouvelle entente. Je voudrais très rapidement vous poser quelques questions et vous parler d'abord de l'argumentation que vous formulez sur la base de l'article 31. Hier, le ministre, à propos de l'article 31, lorsque vos confrères, les omnipraticiens, ont comparu, a évoqué la possibilité de préciser le sens ou la portée de l'article 31, mais je constate, à la lecture de votre mémoire, que vous en demandez carrément le retrait. Étant donné l'élément de précarité que cela implique, je ne sais pas comment le ministre réagit à cette demande ou s'il peut fournir, avant que je pose deux ou trois questions sur le régime syndical proprement dit, les précisions qui pourraient vous amener à nuancer votre position, si vous croyez nécessaire de le faire, bien sûr.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je vais laisser le député de Jean-Talon, qui se sent, parfois avec raison, des talents de médiateur, faire le tour de la question et je reviendrai ensuite sur l'ensemble, parce que j'ai aussi quelques questions, notamment à l'article 31, et deux ou trois autres choses.

M. Rivest: Tenons pour acquis, si vous voulez, que, pour l'instant, l'article 31 reste là. Vous en demandez le retrait et je vous comprends, parce qu'effectivement cela remet en cause à peu près tous les éléments d'une entente que vous aurez à négocier. Je voudrais essentiellement poser deux questions sur les termes et les vocables "conditions de travail". Vous précisez qu'il s'agit essentiellement de la question de la rémunération, du mode de participation au régime de l'assurance-maladie, y compris, bien sûr, les conditions d'exercice, en particulier les règles au niveau de l'activité

professionnelle. Je vais, d'une part, vous demander si, compte tenu de votre expérience québécoise évidemment qui est sur un texte donné, s'il existe au Canada... Vous avez évoqué la jurisprudence et les difficultés que la jurisprudence pourrait vous occasionner. Même si le ministre conservait l'expression "conditions de travail", y aurait-il des difficultés juridiques concrètes qui effectivement vous amèneraient à perdre votre pouvoir de négociation au niveau des modalités de participation au régime, des conditions d'exercice de la profession ou de l'activité professionnelle?

M. Desjardins: M. le Président, me permettriez-vous de transposer cette question qui a une connotation nettement juridique au conseiller juridique de la fédération, Me Aquin?

Le Président (M. Bordeleau): Certainement. M. Aquin.

M. Aquin (François): Sur la question des conditions de travail, la Fédération des médecins spécialistes a estimé que nous étions d'abord en face de la transposition d'une notion d'un domaine à un autre, ce qui peut avoir des conséquences qui sont difficilement mesurables et qui, de toute façon peuvent avoir des effets à toutes fins utiles dangereux.

Dans ce contexte, on en est venu à la conclusion, après l'analyse du texte, que nous étions devant une forme restrictive. Avant, nous avions une forme de rémunération; maintenant, ce sont des conditions de travail. Le législateur ne veut pas s'exprimer inutilement. Je pense bien que c'est ainsi qu'un tribunal ultérieurement le penserait, un tribunal dirait: Le législateur ne s'est pas exprimé inutilement, donc il a voulu restreindre ce qui était le droit antérieur.

Ce qui nous a frappés le plus, c'est que, dans la notion de conditions de travail, qui réfère justement à la notion de salariés, juridiquement, ce n'est pas le salaire qui est l'élément fondamental du salarié, contrairement à ce qu'on pourrait penser, parce qu'il y a au sens du Code du travail des salariés qui sont à honoraires. Ce qu'il y a d'essentiel dans le sens de la notion de salariés au Code du travail, c'est le lien de subordination. Dans cette perspective d'un travail qui leur est ici autonome et dont on ne connaît pas de lien de subordination, je pense que la jurisprudence de notre responsabilité civile est claire; on se dit que non seulement on restreint, mais on évoque ici un principe qui est contraire à l'économie de la Loi médicale et à toutes les lois de la santé, ainsi qu'à toute la jurisprudence que nos tribunaux ont développée, lorsqu'ils ont voulu vérifier ou mesurer quelle pouvait être la responsabilité civile d'un médecin.

(13 h 30)

M. Rivest: Si vous permettez, Me Aquin, pourriez-vous nous donner un exemple pour le bénéfice des membres de la commission? Vous évoquez le fait que peut-être à ce moment-là, éventuellement, certainement vous risqueriez. d'avoir des difficultés à négocier ce que vous avez présentement, le droit de négocier les règles concernant l'activité professionnelle qui lient tout établissement de santé en regard de son plan d'organisation. Voulez-vous donner un ou deux exemples bien concrets sur ce qui risquerait de vous échapper au plan de la négociation et qui aurait, bien sûr, pour les professionnels en cause ainsi que pour la clientèle, c'est-à-dire le public, des conséquences qui vous apparaîtraient dangereuses?

M. Aquin: D'abord dans la perspective de la nouvelle loi, il faut évoquer immédiatement une chose essentielle, c'est que le comité des différends va devenir soumis au pouvoir de contrôle des tribunaux. Parce qu'avant le comité des différends était un comité conventionnel, maintenant c'est un comité créé par la loi. Donc, il y a un des tribunaux qui pourra interpréter l'entente. Il y aura des tribunaux qui auront à se demander si une partie de l'entente est oui ou non contre leur public ou incompatible avec des dispositions d'autres lois. Dans cette perspective, je ne peux pas donner d'exemples précis, mais il m'apparaît comme toile de fond, que l'on pourra toujours dire, en 1981, la volonté du législateur a été de restreindre le champ de l'entente parce que, partant d'un texte large, on en est arrivé à un texte plus précis, très restrictif, importé d'un autre domaine qui était celui des relations de travail. C'est la crainte que nous avons, je veux dire, ce n'est pas une crainte de choses prévisibles, c'est au contraire un élément d'interprétation avec lequel les tribunaux vont fonctionner. On ne peut pas savoir à quel moment le couperet de ces tribunaux tomberait dans l'entente mais il est sûr, je pense, qu'on change la toile de fond.

M. Rivest: Et c'est dans ce sens, évidemment qu'en fait les premières pages de votre document dans le cadre de la perspective de la négociation de l'entente, cela est évidemment un morceau capital des restrictions qui vous sont faites - espérons que cette consultation amènera le ministre peut-être à préciser davantage - de façon à vous rassurer. Mais comme le projet de loi n'a pas fait l'objet de consultation, vous êtes en face de la situation.

M. Aquin: Nous croyons justement, que la question de la notion de la rémunération était déjà assez large pour inclure tout ce

que les partis, tout ce que les intervenants voudraient entendre ou y inclure et on comprend difficilement cette importation du terme relation de travail dans un monde où ce terme arriverait pour la première fois.

M. Rivest: Deuxième élément. Rapidement, sur la répartition des effectifs pour le gouvernement ou enfin pour n'importe quel gouvernement, c'est un problème fondamentalement politique, il y a une, je pense bien que vous en convenez, d'ailleurs je le pense, d'une responsabilité du gouvernement ou du ministre des Affaires sociales de trouver les moyens de régler ce problème-là, parce que ce problème-là ne se règle pas de lui-même et les expériences vécues, au Québec entre autres, le démontrent amplement.

Les éléments essentiels qui sont proposés, l'article 4 ou 19, si vous voulez, il y a la question du territoire, de la désignation du territoire. Vos collègues de la Fédération des omnipraticiens considéraient, à toutes fins utiles, dans l'amendement qu'ils nous ont proposé et dont vous avez sans doute pris connaissance, que la désignation des territoires pouvait, en consultation avec les organismes impliqués, être une responsabilité nettement ministérielle. Là-dessus, est-ce que vous conviendriez de ce premier élément du problème?

M. Desjardins: Depuis l'entente du 4 novembre 1976, il n'y a jamais eu de difficultés là-dessus entre le porte-parole du ministre des Affaires sociales et notre fédération à désigner un territoire en pénurie d'effectifs médicaux. Je pense que la réponse à votre question, c'est oui.

M. Rivest: Je veux bien comprendre mais, maintenant, le deuxième élément qui est évoqué pour la solution du problème, la fameuse question des honoraires différenciés en région désignée, à ce moment-là le ministre soumet ça à une entente mais, à défaut d'entente, il impose, je pense que c'est à peu près la voie. Tenez-vous absolument à ce que cette question-là soit l'objet d'une entente négociée et, subséquemment, également la dimension de la participation des jeunes médecins? Vous avez souligné d'ailleurs des inconvénients professionnels qui pourraient exister là-dessus.

Troisième élément, pour vous permettre de compléter, lorsque vous dites que l'ensemble de ces moyens "désignation du territoire", "honoraires différenciés" négociés ou non ou imposés par le ministre, "participation des jeunes médecins", vous dites à un moment donné, je n'ai pas le texte ici mais il faudrait faire preuve de plus d'imagination, vous dites qu'il y aurait peut-être d'autres moyens concrets pour en arriver à la solution et je vous demanderais très simplement d'en évoquer peut-être quelques-uns devant la commission si vous pouvez le faire à ce moment-ci.

M. Desjardins: II y a plusieurs éléments dans votre question et je vais tenter d'y répondre dans l'ordre le plus logique possible. Le premier élément vise, dans cet article 19, à dire: L'entente doit prévoir une rémunération différentielle. Nous sommes d'accord avec cette approche-là. Que le ministre ait jugé d'utiliser le processus législatif comme encadrement juridique - on l'a entendu s'exprimer là-dessus hier - ça, on n'est peut-être pas d'accord mais la disposition, en tant que telle, nous sommes d'accord avec cet énoncé.

Le deuxième élément est l'élément du tarif désincitatif. Qu'il y ait un tarif majoré en région désignée, c'est une prime d'éloignement, c'est une forme de prime d'éloignement, et nous sommes d'accord avec les éléments incitatifs pour aider les médecins spécialistes à se déplacer du point A au point B, le point B étant un point désigné.

Par ailleurs, l'autre paragraphe à envisager et où le ministre peut imposer un tarif désincitatif, là on dit: Essayons donc l'aspect incitatif puis si, par hasard cela ne marche pas au bout de quelques années - le ministre a déjà présenté cette espèce de bâton avec lequel il va nous battre - nous verrons en temps et lieu. Mais, pour ce qui a trait à maintenant, envisageons l'application d'un tarif incitatif et des mesures incitatives, et laissons donc tomber tout ce qui a trait à l'élément désincitatif.

Quand on regarde - et tout le monde en a fait état - la production de médecins, on va même jusqu'à parler de la surproduction de médecins compte tenu de l'évolution de la société. Les chiffres sont de 6 à 8, on ne s'entend peut-être pas, mais en tout cas, c'est plus que 5, et la population c'est 1 ou moins que 1, alors la différence entre les deux est telle qu'avec le passage de peu de temps, on devrait être en mesure de saturer les régions désignées et éloignées avec les effectifs nécessaires pour leur bon fonctionnement. Peut-être, sans être obligé d'utiliser ce tarif désincitatif. On accepte que cela puisse exister, mais pas dans le moment, peut-être plus tard - et ce serait une espèce de punition que le ministre imposerait face au fait qu'on n'a pas collaboré suffisamment - on n'en n'est pas arrivé à trouver les solutions nécessaires ou encore que les éléments incitatifs ne sont pas suffisants pour bien des raisons.

Le troisième point que vous soulevez, c'est lorsqu'on dit qu'on pourrait ensemble faire preuve d'imagination, ce sont tous les éléments incitatifs qui peuvent être retenus pour tenter d'aider. Alors, cela nous en

avons déjà remis un certain nombre au ministre des Affaires sociales parce que le problème n'est pas nouveau, le problème existe. On a entendu hier le ministre dire: Cela dure depuis dix ans et rien n'a été fait. Ensuite, en soirée, le ministre a dit: Ce n'est peut-être pas la faute des fédérations ni du ministère, peut-être qu'on serait mieux de ne pas tenter de dire à qui est la faute, mais de toute façon, nous, dans notre entente, nous avions deux chapitres, deux annexes en fait. Une annexe qui prévoyait un comité de répartition des effectifs médicaux et à l'intérieur de cette annexe toutes les modalités d'un comité paritaire avec l'État existaient.

Le comité a fonctionné très peu de temps, la durée de la présidence du Dr McKay qui représentait le ministre des Affaires sociales à cette table. Lorsque le Dr McKay a démissionné du comité, le nouveau président a été nommé par le ministre des Affaires sociales, il s'agissait du Dr Catellier. Mais, à partir de ce moment-là, le comité est entré en difficulté de fonctionnement et il n'est jamais ressorti de conclusions claires, nettes, précises pour le ministre des Affaires sociales et le président de la fédération. Donc, au bout d'environ un an après la signature de l'entente, le comité s'est vu paralysé.

Le deuxième élément qui entre en ligne de compte, c'est la deuxième annexe qui prévoyait l'argent nécessaire pour financer ce que le comité paritaire du ministre et de la fédération pourrait mettre sur pied comme éléments incitatifs dans une discipline ou dans une autre. Et il était prévu le fameux million qu'apparemment on a perdu en cours de route et cela nous a pris une autre période de deux ans pour savoir où il était au juste. Parce qu'il n'était pas dans l'entente, il n'était pas à la régie, il n'était pas au ministère des Affaires sociales et apparemment le ministre des Finances ne savait pas non plus où il était. Alors, peut-être qu'on s'est trompé dans la construction de cette annexe-là, les deux parties négociantes. Quoi qu'il en soit, on a perdu l'argent qu'on devait utiliser pour financer le projet de la répartition des effectifs médicaux. Mais on pense que l'approche qui devrait être l'approche censée, c'est que les deux parties négociantes, le ministre des Affaires sociales et la fédération, par l'entremise d'un comité paritaire, doivent avoir à leur disposition la possibilité d'utiliser de l'argent pour mettre sur pied toute une série de mesures incitatives. Ce n'est que lorsque l'ensemble des mesures incitatives ne fonctionnerait pas qu'on accepterait de mauvais gré, mais qu'on reconnaîtrait la nécessité du législateur d'envisager une rémunération à la baisse, c'est-à-dire un mécanisme non incitatif.

M. Rivest: Mais vous ne voulez pas l'avoir dans la loi immédiatement, avant que toutes ces expériences aient été conduites. C'est cela.

M. Desjardins: C'est notre proposition.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, assez rapidement, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Dernière question sur le dernier élément, entre autres en ce qui concerne les ententes individuelles. Vous avez évoqué évidemment le danger de déstabilisation de l'ensemble de l'entente que cela pourrait comporter. Est-ce que vous ne croyez pas que, dans le texte de l'article 19 - entre autres, je me réfère au dernier paragraphe - c'est quand même assez restreint à une situation? Parce que ce n'est pas du tout en rapport avec l'insuffisance des effectifs en régions ou autre chose, c'est restreint à des situations d'urgence qui sont exprimées dans le sens d'une mise en cause de la santé publique. Les exemples qu'a évoqués le ministre hier semblaient assez évidents, je ne me rappelle pas les exemples précis qu'il donnait, épidémies, où on réquisitionnait littéralement un certain nombre de professionnels de la santé pour les transporter à un endroit donné. Est-ce que, dans ce sens, cela ne vous paraît pas assez restreint, ce pouvoir?

M. Desjardins: Ce que je pense être en mesure de dire, c'est qu'ayant pris connaissance du mémoire présenté par la Fédération des médecins omnipraticiens, une des recommandations qu'ils ont faite au ministre des Affaires sociales, c'est de mettre une balise de temps. À ce moment-là, nous serions prêts à nous rallier à cette proposition d'amendement qui consisterait à dire: Ce pouvoir extraordinaire que le ministre s'approprie, dans des situations où il juge que la santé publique est en péril, c'est bon pour 60 jours - je ne me souviens pas du chiffre qu'il a donné hier, c'est peut-être 90 - et, entre-temps, les parties négociantes doivent trouver des solutions plus appropriées.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Jean-Talon. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, je vais être obligé de revenir rapidement sur certaines choses. D'abord, si je comprends bien, à l'égard du dernier paragraphe de l'article 4, ce que vous évoquez, c'est de trouver quelque part une espèce de critère objectif ou "objectivable". Je comprends cette préoccupation et je pense que la notion de temps est une façon de rendre ça "objectif". On comprend la préoccupation

qu'il y a là-dedans et ça devient une question où excelle, entre autres, Me Aquin, à ma connaissance, à cause de sa formation; c'est un problème juridique, ce n'est pas un problème d'intention, je pense que c'est clair. (13 h 45)

Deuxièmement, à l'égard de la question des conditions de travail, je dois avouer qu'il n'y a pas de recherche de lien de préposition. Je veux simplement assurer le président de la fédération qu'on n'introduira pas la notion de lien de préposition par salariat interposé, par la voie d'application de conditions de travail dans la loi, il faut que ce soit bien clair. Là-dessus, dans ce sens, pour l'exposé de Me Aquin, on va relire la transcription, on va relire le document que vous nous avez soumis, encore une fois, pour être bien sûr que ça ne donne pas ouverture à ce type de préoccupation, on verra ce qui est possible de ce côté.

Quant à l'article 31, au niveau des intentions, rapidement, encore une fois, il est bien évident que si j'avais voulu qu'en vertu de l'article 31, le gouvernement se donne le pouvoir de déchirer les ententes qu'il a signées la veille, la loi aurait eu un article. Cela aurait été: Dorénavant, les conditions de travail et d'exercice des professionnels sont fixées par arrêté en conseil. Cela n'aurait pas été bien compliqué. Donc, c'était clair que ce n'était pas notre intention.

Deuxièmement, le pouvoir de décret est dans ce qui relève du droit substantif qu'on retrouve à la Loi sur l'assurance-maladie, notamment. Quel est le domaine d'activité du ministre ou du gouvernement, au sens de la loi dans cela? C'est d'arrêter, par exemple, la détermination des territoires; donc il y a des règlements qui en découlent. C'est d'arrêter l'ouverture de l'article 30 dans le cadre du désengagement massif qu'on sait être une disposition qui ne date pas d'hier. Le décret sur la rémunération des jeunes médecins, encore une fois, dans un contexte où cela a été amplement explicité hier. Finalement, des choses relatives à des formalités mineures sur la forme des relevés d'honoraires et la prescription et ces choses-là.

En somme, il ne s'agit pas... Pardon?

M. Rivest: Pourquoi ne le dites-vous pas clairement dans la loi, ce que vous visez?

M. Johnson (Anjou): C'est pour cela qu'il est intéressant d'avoir des commissions parlementaires et une troisième lecture, M. le député de Jean-Talon. C'est pour cela qu'on est ici. Si on prétendait avoir la vérité même et la perfection, je ne vois pas pourquoi on se bâdrerait pour faire des commissions parlementaires et des études en troisième lecture à étudier cela à quinze députés autour d'une table. Dans ce sens, cela devient effectivement, il faut bien se comprendre à cet égard, en ce qui touche la Régie d'assurance-maladie, qu'on ne veut pas se donner une espèce de pouvoir omnipuissant de décréter et de déchirer l'entente de la veille, c'est entendu. Que ce soit au niveau des intentions, je pense que c'est important.

Il y a une chose qui m'apparaît importante, c'est toute cette notion dans le cadre expérimental pour le salarié. La condition est la suivante, encore une fois, je réitère ce que je disais tout à l'heure: La notion de salariat des médecins, pour moi, ce n'est pas une idéologie, c'est concrètement: Est-ce que cela intéresse les médecins? Est-ce que cela intéresse la société? Est-ce que cela pourrait être intéressant pour les citoyens? C'est pour cela que le projet de loi prévoit que cela prendrait, dans ce contexte, le consentement de tous les membres du département, le consentement du CMD, le consentement du conseil d'administration et le consentement du gouvernement pour procéder à ces expériences, et pas une généralisation. La fédération n'y est pas et celle-ci nous soulève les difficultés qu'elle voit. Indépendamment de ce mécanisme qui est fondamental au niveau des intérêts de la fédération et ceux qu'elle défend, je comprends cela.

Sur le fond, le président de la fédération pourrait-il nous dire s'il peut être réceptif à cette notion? Qu'à titre expérimental, on procède pour regarder cela aller pendant un certain nombre d'années au Québec, à des endroits où tout le monde est impliqué et surtout les professionnels au premier titre, est-ce que la fédération est intéressée?

M. Desjardins: La seule façon pour la fédération de répondre à cette question, c'est de donner le mandat à votre porte-parole d'amener cela à la table de négociation. On regardera cela sérieusement à la table de négociation. Mais d'emblée, dans un projet de loi, on ne peut pas accepter cela pour toutes les raisons qu'on vous a exposées. Qu'il soit possible, à l'intérieur d'une entente, de prévoir faire des expériences, je ne sais pas, je ne peux pas vous dire si c'est bon ou mauvais; il faudrait y repenser nous-mêmes, mais c'est évidemment mieux que cette proposition soit présentée à la table de négociation pour qu'on puisse la débattre à ce niveau que de l'avoir incluse dans un projet de loi.

M. Johnson (Anjou): Cela va peut-être me permettre de terminer là-dessus, à moins que d'autres collègues n'aient des questions.

Le Président (M. Bordeleau): II y aurait

une petite question. M. le député de Nelligan m'a demandé la parole pour une petite question et je lui demanderais d'en...

M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas terminé, dans ce cas.

Le Président (M. Bordeleau): Ah bon!

M. Johnson (Anjou): II y a deux choses, à mes yeux et aux yeux du gouvernement, l'intérêt ou je dirais presque la nécessité de se donner des moyens pour faire des expériences avec les professionnels de la santé, c'est un objectif recherché, pour voir cela concrètement avec les professionnels. Encore une fois, on implique là-dedans un consentement des personnes impliquées, justement pour que ce ne soit pas imposé. C'est important pour nous.

Par ailleurs, si je comprends bien, du côté de la fédération, ce n'est pas cela en soi que vous mettez en cause; c'est le fait que la fédération n'intervienne pas dans le processus, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de consentement de la fédération.

M. Desjardins: Cela se ferait au niveau de la négociation et dans les ententes, s'il y avait lieu de le faire.

M. Johnson (Anjou): Mais ce que vous voulez préserver fondamentalement, si je comprends bien, en lisant le texte de votre mémoire, c'est ce droit, finalement, appelons-le ce qu'il est, ce droit de veto, à toutes fins utiles, de l'instance syndicale que vous voulez préserver, ce qui est normal à cet égard. Je ne sais pas pourquoi j'entends ces réactions. C'est un droit de veto et c'est normal. Dans la mesure où une entente est faite entre deux parties, s'il y a une partie qui ne consent pas, c'est un droit de veto. Mais ce que vous dites, ce dont vous voulez vous assurer, c'est cette notion de veto.

Le Président (M. Bordeleau): M. Desjardins.

M. Desjardins: M. le Président, je demande au porte-parole de la fédération, le chef négociateur, Me David, de faire un commentaire au ministre sur cette question.

Le Président (M. Bordeleau):

Rapidement, s'il vous plaît, M. David.

M. David (Marc): C'est une bien mauvaise approche que de parler de droit de veto essentiellement. C'est la représentativité même de l'organisme syndical qui est mise en cause. Ce n'est pas de l'ingénuité que de penser qu'il est normal que l'organisme qui signe l'entente collective soit partie et puisse s'opposer à ce que l'on fasse du "shopping" d'un centre hospitalier à l'autre, pour savoir s'il n'y en a pas qui auraient le goût du salaire et contre quoi.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Sur le régime syndical, encore une fois, au niveau des intentions, je le voudrais, j'espère que c'est clair, ça fait deux jours qu'on en parle ici, qu'il reste des formulations, une inquiétude où des questions légitimes que se pose la structure syndicale, c'est normal, on reconnaît ça, il n'y a pas de problème avec ça, on va tenter de répondre à certaines de ces choses.

M. Desjardins: Vous me permettez M. le ministre...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Desjardins.

M. Desjardins: ... dans le courant de la journée d'hier à au moins trois reprises, je n'appellerai pas ça des lapsus, parce que je présume que ce n'en est pas, mais, à trois reprises, vous avez parlé des conditions d'exercice des médecins - c'est ça qu'on voudrait que vous inscriviez dans votre loi -des modes de participation et des modes de rémunération. À ce moment-là, ça remplacerait élégamment l'expression qui existe en ce moment. Quant à l'article 31, vous ne m'avez pas convaincu, dans vos propos de ce matin, que vous en aviez besoin. Évidemment je n'ai pas la formation d'un avocat, mais avec les exemples que vous avez donnés, et je comprends ces exemples que vous avez donnés, à mon sens, il n'y a pas de lien entre la nécessité d'agir que vous avez mentionnée et le fait d'avoir un article aussi dangereux que cet article 31.

M. Johnson (Anjou): On se comprend bien, je me suis exprimé là-dessus, je comprends que c'est le texte qui reste et que les intentions passent avec les hommes, on le sait, et il y a, en ce sens-là, nécessité de clarifier cette intention et ce texte, je vous dis que l'intention, c'est ça. Les clarifications qui devront intervenir interviendront dans le processus normal. Comme vous le savez, l'objet de la commission, ici, c'est de permettre aux députés de vous entendre, de vous poser certaines questions et surtout de prendre connaissance de vos mémoires. L'étape suivante constitue, après la fin de cette commission, une série de précisions qui doivent être prises par le gouvernement au niveau du texte. Au moment de la deuxième lecture, s'il devait y avoir des amendements, ils seront évoqués, puisqu'il faut que le débat - c'est l'objet de cette commission avant la deuxième lecture - porte sur ce qu'est le

projet de loi ou sur ce qu'on veut qu'il soit. Finalement, c'est l'étude article par article, qui sera faite en commission parlementaire et, cette fois-ci avec les députés seulement, comme le prévoient les règles de fonctionnement de notre démocratie.

Dans ce contexte, à moins que vous ayez autre chose à ajouter, docteur?

M. Desjardins: Me Aquin pourrait ajouter un commentaire concernant cet article 31, si vous le désirez.

Le Président (M. Bordeleau):

Rapidement, M. Aquin.

M. Aquin: M. le Président, juste un commentaire sur cet article 31. Ce qui est important pour nous, c'est que ce ne sont pas les intentions du gouvernement qui comptent à ce stade-ci, mais l'interprétation de la loi. Dans cette perspective-là, une chose apparaît centrale. C'est que l'article 31 est le sommet d'un iceberg. Si vous l'introduisez même dans les meilleures intentions, il n'y a aucune raison que ça ne soit pas introduit plus tard dans tout le domaine public, qu'on soit dans le domaine de l'éducation ou des affaires sociales. Je pense que le gouvernement s'engage dans une voie où cette question va être remise et remise en cause.

Ce qui pourrait être dangereux, c'est qu'à un bon moment on arrête de l'introduire dans d'autres lois et que c'est ici qu'elle aura été introduite. Les tribunaux pourraient lui donner un sens que l'on ne veut probablement pas lui donner mais qu'il pourrait quand même comporter. Alors, je pense qu'on est devant une question qui dépasse largement la présente loi. Est-ce que dans toutes les lois où le gouvernement sera négociateur il aura à introduire cette disposition et a-t-il pris cette décision d'innover dans ce domaine que nous considérons comme dangereux? Nous ne pensons pas que ce soit une réponse que de dire: Oui, mais, comme c'est déjà l'état du droit, il n'y a aucune difficulté à l'introduire. Au contraire, lorsque le législateur se met à exprimer quelque chose que tout le monde pense être l'état du droit, on peut se demander s'il ne veut pas y ajouter quelque chose et c'est ainsi qu'une juridiction pourrait l'interpréter au-delà des intentions qui peuvent être les intentions d'aujourd'hui et d'ici.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): En ce sens, pour conclure sur les propos du conseiller juridique de la fédération, je dirai que d'abord je suis très heureux que cet échange ait eu lieu sur la base de l'interprétation et non pas des intentions. Je pense qu'il serait important de clarifier cela puisque - je pense que le député de Jean-Talon va le reconnaître - à l'occasion des...

M. Rivest: M. le Président, je tiens à le dire, parce que le ministre, chaque fois que je bouge, m'accroche, mais, que voulez-vous, il y a un texte de loi, et peu importe vos intentions...

M. Johnson (Anjou): Vous n'avez rien vu encore.

M. Rivest: ...le point, je pense, qu'on souligne et que les intervenants ont souligné, c'est qu'il y a un texte de loi. Arrêtez de nous faire vos discours sur les intentions, il faut interpréter le texte tel qu'il est et, si vous l'avez mis, les intentions sont dans le texte, elles ne sont pas ailleurs. C'est ça le problème.

M. Johnson (Anjou): Je viens de voir que le député de Jean-Talon...

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je trouve intéressant que le député de Jean-Talon vienne d'introduire un nouveau principe d'interprétation de nos lois, à savoir que l'intention est dans le texte, elle n'est pas dans ceux qui le font.

M. Rivest: Elle n'est pas dans les discours de ministre.

M. Johnson (Anjou): Ceci dit, le document ainsi que les échanges que nous avons eus ici ont effectivement porté sur l'interprétation. C'est en ce sens que je voudrais dire que c'est sur cette base que le gouvernement va réagir, à moins qu'on tienne absolument à voir des intentions qui n'y sont pas.

Je voudrais vous remercier, messieurs, d'avoir pris le temps de venir vous faire entendre et de venir vous faire écouter, et je voudrais vous assurer que nous continuerons ce que nous avons à faire ici autour de cette table comme boulot, c'est-à-dire des efforts pour concilier vos propos, vos suggestions, vos textes dans la mesure où ils sont conciliables avec certains des objectifs qu'il y a là. Il y a des décisions à prendre aussi et qui doivent être assumées par ceux qui doivent les prendre pour faire en sorte que ce projet de loi soit le meilleur possible et qu'il profite à l'ensemble des intervenants. Merci.

Le Président (M. Bordeleau):

Maintenant, j'avais reconnu le député de

Nelligan pour une dernière petite question. Rapidement, si vous voulez, pour qu'on puisse aller dîner.

M. Lincoln: J'espère que j'aurai quelques secondes parce qu'on a discuté beaucoup d'intentions et de déclarations d'intention. Je suis certain que si le ministre avait pris la peine de ne pas mettre les articles 31, 18.3 et 94x), on aurait passé bien moins de temps à discuter de ces choses-là ici. Ce sont des articles qui ont été jugés extraordinaires par tous les gens qui les ont lus.

J'aurais voulu poser une question au sujet des jeunes médecins, des jeunes spécialistes. D'après les informations que nous avons eues, il y a une pénurie assez spéciale dans le domaine de la radiologie et de l'anesthésie. Je voudrais vous demander si c'est vrai, si c'est un fait que ça existe et quelle est votre interprétation de la portée de la nouvelle loi si elle est adoptée comme telle pour cette question qui apparemment affecte les services hospitaliers dans toutes les régions. (14 heures)

M. Desjardins: II y a effectivement une pénurie importante de spécialistes en anesthésie et réanimation. Le projet de loi tel qu'il est bâti dans le moment ne peut être autre chose qu'un élément désincitatif. Ce que j'entends dans le moment et je vous ferai remarquer que je ne suis pas dans les hôpitaux moi-même tous les jours parce que j'ai été pris avec le projet de loi, mais ce que j'entends de tous les intervenants autour de moi, c'est qu'actuellement les spécialistes en formation posent la question suivante: Dois-je aller terminer ma formation ailleurs de telle sorte que j'aie déjà les deux pieds dans un établissement quelconque pour éviter cette loi?

Deuxièmement, les spécialistes en formation, les résidents en formation, disent: Devrais-je arrêter ma formation post-universitaire et m'installer pendant que j'ai encore le temps? Il reste peut-être deux semaines avant que la loi soit votée. Je pourrais changer d'adresse et m'installer et là, peut-être que cela ne s'appliquerait pas à moi.

Le troisième élément, peut-être encore le pire, c'est que ceux qui sont actuellement internes ou étudiants en médecine disent: Pourquoi continuerais-je dans cette veine et qu'est-ce qui me porte et qu'est-ce qui m'incite à choisir la médecine spécialisée? Peut-être que c'est une erreur grave. La prochaine étape, lorsque cela sera compris correctement, c'est au niveau des cégeps; les étudiants au cégep vont dire: On va choisir n'importe quelle faculté, mais pas une faculté de médecine. À long terme, c'est un élément que nous trouvons extrêmement dangereux et on trouve également très dangereux que les éléments "désincitatifs" soient sur le dos des jeunes médecins. Les deux ensemble, cela fait en sorte qu'on ne peut pas prévoir aujourd'hui exactement comment cela va se dérouler. Mais le début des rumeurs de ce qui se dit dans les hôpitaux, ce qui se dit dans les salles de garde, ce qui se dit quand les médecins se brossent aux lavabos... J'entends cela régulièrement depuis dix jours et ces aspects, moi, cela m'effraie, à moyen et long termes. Évidemment, ce n'est pas un problème très sérieux pour demain matin, mais donnez quelques mois, quelques années à l'application de ces éléments-là et on pourrait avoir un problème sérieux. C'est pour cela que je disais tantôt: Favorisons les éléments incitatifs et remettons à plus tard les éléments "désincitatifs", peut-être qu'on n'en aura pas besoin.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Desjardins.

Je remercie donc les représentants de la Fédération des médecins et spécialistes du Québec. Avant de suspendre, je vous rappelle que cet après-midi nous entendrons comme premier intervenant, la Corporation des ambulanciers du Québec. Alors, je leur demanderais d'être ici.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 14 h 03)

(Reprise de la séance à 16 h 01)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, à l'ordre, mesdames et messieurs; la commission des affaires sociales reprend donc ses travaux et à la suspension de ce midi, nous recevions le mémoire de la Corporation des ambulanciers du Québec. Je pense que vous êtes déjà ici, représentés par M. Jean-Louis Beaumier, président et porte-parole.

Alors, M. Beaumier, je présume que vous pouvez nous présenter les gens qui sont avec vous.

Corporation des services d'ambulance du Québec

M. Beaumier (Jean-Louis): M. le Président, M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, ça me fait plaisir d'être ici cet après-midi pour vous présenter notre mémoire. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. En partant de mon extrême droite, M. Ronald Ladouceur de la région 6A, M. Jean-Pierre Gravel de la région 6A, M. André Lemay de la région 6A, M. Marc Trahan, notre conseiller juridique; à mon extrême gauche, M. Jean-Marie Tremblay, 2e vice-président, M. Camille Fleury, 1er vice-

président et M. Ghislain Harvey, notre secrétaire général. À ce moment-ci, M. le Président, je vous demanderais la permission de nous accorder quatre interlocuteurs pour la présentation du mémoire, si c'est possible.

Le Président (M. Bordeleau): Je suis prêt à vous donner tous les interlocuteurs que vous voulez à la condition que vous tentiez, comme je l'ai demandé aux autres, de vous limiter dans le temps, afin qu'une période de questions convenable puisse suivre et qu'on respecte le plus possible la norme normale, si je puis m'exprimer ainsi, d'une heure par mémoire.

M. Beaumier (Jean-Louis): En effet, M. le Président, je suis persuadé qu'on va respecter l'horaire. J'inviterais en ce moment M. Ghislain Harvey à présenter sa partie. M. Harvey.

M. Harvey (Ghislain): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, avant même que le gouvernement du Québec ait décidé de régir les transports d'urgence avec la loi de la protection de la santé publique, les transporteurs ambulanciers du Québec s'unissaient afin de mieux servir la population.

En effet, la Corporation des services d'ambulance du Québec existe depuis dix ans. Depuis ce temps, les ambulanciers sont devenus des professionnels. Les cours dispensés dans toute la province ont permis une meilleure formation du personnel.

Notre corporation regroupe 180 des 200 détenteurs de permis d'exploitation d'un service d'ambulance au Québec; donc, 85% des exploitants sont membres de la CSAQ.

Depuis 1979, avec la collaboration de la Régie de l'assurance automobile du Québec, notre corporation effectue le paiement des accidents de la route à ses membres.

Il s'agit, M. le Président, de notre troisième visite au parlement de Québec. Les deux premières, vous vous en souviendrez, ont été beaucoup plus tapageuses. Mais notre présence ici aujourd'hui cadre bien avec la devise de la CSAQ, s'unir pour mieux servir.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Harvey.

M. Lemay (André): M. le Président, il y a à peine un mois, lorsque le directeur général du CRSSS de la région 6A, M. Gérard Marcoux, rencontrait les propriétaires des différentes compagnies d'ambulance de cette région, il souhaitait être en mesure de faire les manchettes d'une façon positive avec ces derniers.

Suite à de très intensives négociations dans lesquelles les deux parties se sont véritablement considérées comme des partenaires, vendredi dernier, un contrat de services ainsi que des protocoles d'équité et d'efficacité étaient signés entre les parties.

La base de cette entente était la reconnaissance tacite de l'efficacité de l'entreprise privée et de la possibilité de collaborer avec un organisme parapublic dans un cadre où l'humanisme et le respect de l'être étaient des objectifs communs.

Il nous apparaît important de souligner que ces efforts de principe avaient été ratifiés, en grande partie avant le dépôt du projet de loi 27 et que, volontairement, l'ensemble des 18 compagnies possédant des services ambulanciers avaient accepté d'abandonner leurs contrats inter- établissements afin d'assurer une équité totale et complète.

À une époque aussi difficile, au point de vue économique, que celle que nous connaissons, ce geste et cette manifestation de solidarité et de générosité sont certainement une garantie tangible de la bonne foi et du désir de collaborer des 18 compagnies de la région 6-A, toutes membres de la Corporation des services ambulanciers du Québec.

À ce sujet, nous tenons à profiter de l'occasion pour souligner que, dans ce même esprit de collaboration, Me André Matteau et son équipe de collaborateurs ont été d'une disponibilité, d'une efficacité et d'une bonne foi totales.

Nous avons tous réalisé que la dimension de l'activité d'un service ambulancier est immensément humaine et que, dans ses actions de tous les jours, ce service avait un effet direct sur la population en général et plus particulièrement sur ses membres les plus démunis ayant besoin d'un support moral et physique; c'est d'ailleurs cet esprit qui anime toutes nos discussions.

Ceci étant dit, la perfection n'existant pas sur terre, il n'en reste pas moins que, même en tenant compte du consensus auquel les parties en sont arrivées, il nous apparaît nécessaire de vous faire certaines recommandations quant à l'amélioration dudit projet. Nous vous en ferons part plus tard dans notre exposé. Auparavant, j'aimerais céder la parole au président de la CSAQ, M. Jean-Louis Beaumier.

M. Beaumier (Jean-Louis): Merci, M. Lemay. Membres de la commission, comme le soulignait M. Lemay, une étape importante a été franchie le vendredi 4 décembre. Toutefois, dans ce même esprit de collaboration, il me semble nécessaire et impérieux d'attirer l'attention de la commission sur certaines recommandations absolument essentielles.

Ces recommandations sont basées sur la philosophie même du ministre des Affaires sociales, lorsqu'il a souligné à de nombreuses reprises qu'il était inacceptable que, le

domaine de la santé publique soit assujetti à des critères de qualité différente selon la régions où les soins sont dispensés.

La CSAQ et ses membres de la région 6-A ont réussi à structurer d'un façon équitable et efficace leurs relations avec le CRSSS, ayant à l'esprit deux valeurs primordiales: en premier lieu, le respect des normes de temps de réponse dans le cas d'appels primaires, et, en un deuxième temps, la mise en place d'un système ambulancier dont la justice sociale et l'efficacité feront un modèle qui sera cité en exemple.

Les accords signés reflètent ces objectifs; ne pas tenter de les appliquer dans l'ensemble du territoire du Québec serait aller directement à l'encontre de l'équité sociale tout comme il serait inique qu'une région éloignée ne soit pas desservie par un nombre suffisant de médecins. Il serait aussi inique et inacceptable qu'un individu de la région de Matagami, de Sainte-Perpétue, de Saint-Prime ou de Barraute ne puisse être secouru dans un temps de réponse adéquat lorsqu'il est nécessaire de faire un transport de détresse qu'on qualifie de primaire.

Nous sommes bien conscients que nous vivons dans une époque de compressions budgétaires et que ces dernières doivent s'appliquer, malheureusement, à peu près à tous les domaines d'activités. Toutefois, à titre de président de la CSAQ, je manquerais de courage de ne pas vous dire et de ne pas vous indiquer qu'il est absolument nécessaire de repenser, selon des structures plus efficaces, tout le système ambulancier à l'extérieur des grands centres. Sans tomber dans une émotivité de mauvais goût, il n'est pas question d'accepter certaines situations artisanales qui font perdre au service ambulancier de sa valeur et ne sont fondées que sur un volontariat généreux, mais parfois qui connaît ses limites.

Le système des régions subventionnées a indiqué d'une façon claire et précise que les autorités gouvernementales comprennent le problème, mais il est à améliorer et à repenser dans un esprit de partnership que nous voyons déjà avec beaucoup de satisfaction. M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous vous suggérons que les formes déjà établies pour la région 6-A soient transposées par la loi 27 à l'ensemble du Québec afin d'instaurer cette équité si chère au ministre des Affaires sociales et à l'ensemble des membres de la commission. Nous en sommes convaincus, c'est un objectif fondamental de la CSAQ.

Ceci dit, j'aimerais laisser la parole à Me Trahan qui va parler de certains aspects légaux et techniques avant de conclure sur l'ensemble du projet.

Le Président (M. Bordeleau): M. Trahan.

M. Trahan (Marc): Merci, M. le Président. La majorité des remarques que nous vous suggérons s'applique d'une façon plus particulière à la région 6-A, mais ne sont en aucune façon incompatibles avec l'application d'un même système à travers tout le Québec. En premier lieu, il nous semble opportun d'attirer l'attention des membres de la commission sur l'article 18.1, cinquièmement, du projet de loi. Dans un but d'efficacité, le législateur a voulu centraliser l'ensemble des cas d'urgence et, dans ce contexte, une fois cette volonté exprimée, pour être logique avec lui-même, il devrait ajouter après le mot "répartir" le mot "tout". En effet, les autorités administratives se sont élevées fortement contre l'existence de tout système parallèle et pour la première fois de leur existence l'ensemble des transporteurs ambulanciers a oublié ses rancunes normales de concurrents pour faire front commun. Dans ce contexte, des garanties législatives que tous les appels primaires et secondaires seront contrôlés et effectués par les partenaires de cette entente nous semblent non seulement logiques, mais évidentes et nécessaires.

De plus, il semble opportun de tenir compte que cette réforme du système ambulancier s'imbrique dans une réforme complète et globale de l'ensemble du système de santé public dans la région 6-A. De ce fait, l'activité principale de ladite centrale sera une véritable coordination des appels primaires et secondaires, en tenant compte du taux d'occupation et donc de disponibilité de chacun des centres hospitaliers. Pour cette raison, il serait impossible de penser atteindre cet objectif et cette planification rationnelle sans que la coordination mentionnée plus haut soit effectuée sur des éléments dont la centrale ait le contrôle total. Contrôle, cependant, basé sur la relation de partenaires établis dans les mécanismes déjà acceptés. Vous savez, trop de cuisiniers gâtent la sauce et, lorsque l'on parle de santé publique, cette sauce devient l'ingrédient assurant l'efficacité du système. (16 h 15)

En second lieu, les mécanismes acceptés se réfèrent spécifiquement à la possibilité de modifier le système de tarification et d'agent payeur. C'est pourquoi nous vous soumettons qu'au sixième paragraphe de l'article 18.1, on ajoute spécifiquement la phrase suivante: "et faire des recommandations quant à la tarification et aux modalités de paiement".

À ce sujet, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission et du ministre sur une réalité de la vie très concrète. Ce n'est pas parce qu'un nouveau système est créé ou instauré que les obligations financières et les exigences des banquiers disparaissent. Il nous apparaît

fondamental, dans la bonne foi qui a été indiquée, que le CRSSS de la région sache cela et il importe qu'il ait le plus rapidement possible la possibilité de devenir l'agent payeur, parce que vous comprendrez très facilement qu'après trente jours après avoir mis sur la route des équipes plus nombreuses qu'à l'heure actuelle, ces employés demanderont d'être payés, que les banquiers qui financent l'équipement très technique et très coûteux demanderont d'être payés et qu'il ne suffira pas de dire: Eh bien, nous avons un merveilleux contrat avec le CRSSS, région 6-A.

Nous avons fait un pacte basé sur la bonne foi et il nous apparaît que, pour que cette bonne foi devienne, comme on le disait dans le texte, un véritable modèle, il faut éliminer le plus possible d'intermédiaires, et qu'il faut aussi que les autorités du CRSSS s'assoient avec nos comités de travail le plus rapidement possible pour trouver un mécanisme permettant au CRSSS de devenir agent payeur.

Ceci dit, en appliquant la même logique ci-haut mentionnée, il nous apparaît nécessaire à l'article 18.2, 2e alinéa, d'ajouter après le verbe "recevoir" et avant le pronom "ceux" le mot "tous", afin qu'encore là il n'existe aucun système parallèle.

Quatrièmement, de plus, sans évidemment accaparer des prérogatives ministérielles, mais pour des raisons strictement d'efficacité, nous en avons mentionné une, il nous apparaît essentiel que les pouvoirs prévus aux paragraphes a, c et d de l'article 100 soient automatiquement délégués au CRSSS des régions.

Je vais maintenant céder la parole au président de la CSAQ, M. Beaumier.

M. Beaumier (Jean-Louis): Merci, M. Trahan et aux membres du conseil.

En conclusion et à l'aube de la sanction de cette nouvelle loi régissant le domaine de la santé publique et dans un même esprit de collaboration positive, à titre de président de la CSAQ, nous vous soumettons qu'aucun partenaire dans le domaine de la santé, du plus grand neuro-chirurgien au plus humble employé d'hôpital, n'est et ne devrait être un partenaire secondaire. C'est pourquoi il est nécessaire que votre commission se penche sur le problème de la véritable reconnaissance légale, à titre d'interlocuteur autorisé, de la CSAQ comme porte-parole des ambulanciers du Québec.

Dans ce vaste monde de la santé, certains groupes, par le biais de leurs corporations, d'autres par l'intermédiaire de leurs syndicats, sont régulièrement impliqués dans le processus d'amélioration du système, ce qui n'est pas le cas de la CSAQ à l'heure actuelle.

Il nous semble donc tout à fait essentiel, afin d'être à l'abri de l'arbitraire, qu'enfin, dans ces mécanismes consultatifs, les autorités administratives du ministère des Affaires sociales considèrent d'une façon permanente la CSAQ comme plus qu'un organisme avec qui on discute annuellement de tarifs.

Les structures intégrées à Montréal nous semblent un excellent point de départ vers cette reconnaissance légale et effective. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci pour votre présentation. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, messieurs les participants à différents titres de la Corporation des services d'ambulance du Québec, M. le procureur, je vous remercie de votre mémoire qui, s'il est bref, est néanmoins très clair. Je comprends qu'il évoque les grandes idées suivantes: premièrement, la notion que le transport devrait être coordonné partout sur le territoire par les CRSSS et ce, d'une façon obligatoire au niveau de la loi. Deuxièmement, que le CRSSS, dans ce contexte, devrait avoir un pouvoir de recommandation au niveau de la tarification. Troisièmement, qu'il puisse au niveau des modalités de paiement être l'agent payeur et, quatrièmement, que le statut de la CSAQ soit revu.

Ce sont des gros morceaux, je dois vous dire, comme demande; si vous avez eu l'occasion d'entendre certains des témoignages ici, vous aurez l'occasion de dire un peu en aparté à la députée de L'Acadie que vous ne faites pas partie de la brigade d'infanterie anti CRSSS. Vous êtes à peu près le seul groupe qui n'a pas tiré sur eux jusqu'à maintenant.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne fait pas longtemps qu'ils travaillent avec eux. Je m'excuse auprès du CRSSS; c'était une blague au ministre.

M. Johnson (Anjou): Je dois vous dire que c'est presque rafraîchissant de vous entendre dans ce contexte-là. Si je comprends bien, les dispositions... En gros, si je pouvais résumer un peu ce que vous dites, c'est que la loi ne va pas assez loin; vous n'avez pas de reproche intrinsèque à la loi. Je pense que vous reconnaissez que la loi d'ailleurs traduit assez largement le contenu de beaucoup d'ententes qui sont intervenues, notamment celle qui est intervenue cet été dans un contexte où vous m'avez fait sentir les décibels des ambulances qui, néanmoins, avait comme but, je pense, essentiellement au niveau de la région 6-A, on le sait, qui est un problème très particulier... Deuxièmement, sur l'ensemble du territoire,

quant à la tarification.

Je reviens à la région 6-A. Je comprends aussi que cette longue négociation s'est faite dans une atmosphère à la fois d'efficacité et de bonne foi et que vous êtes assez largement sastisfaits des conclusions. Je dois vous dire que la même chose vaut pour les mandataires de celui qui vous parle dans ce dossier, en l'occurrence le CRSSS de Montréal qui avait un mandat spécifique là-dessus.

Je prends bonne note de vos quatre suggestions qui sont très précises. Je dois vous dire que ce n'est pas l'objet de cette commission de vous donner des réponses; nous sommes ici pour vous entendre, pour lire ce que vous avez à nous transmettre et, à l'occasion, vous poser quelques questions. C'est parce que votre texte est tellement clair que je n'ai pas vraiment de questions à vous poser. Ce que vous revendiquez finalement, c'est la coordination sur l'ensemble du territoire par tous les CRSSS et les instruments qui viennent avec elle; en d'autres termes, de doter l'ensemble des régions des instruments qui sont remis à Montréal. Je prends note de l'ensemble de ces suggestions.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais laisser mon collègue de Laurier poser quelques questions, j'ai un seul point et je reviendrai par la suite.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Laurier.

M. Sirros: J'aimerais à mon tour remercier les membres de l'association des services ambulanciers du Québec pour leur mémoire. Je dois admettre que j'ai été un peu surpris en vous entendant dire que, finalement, cela a tellement bien été à Montréal que le même arrangement devrait peut-être être étendu au reste du territoire du Québec. Pourriez-vous, donner quelques précisions sur le genre d'arrangement que vous avez eu, qui fait en sorte que finalement vous êtes contents d'avoir été en quelque sorte étatisés?

M. Beaumier (Jean-Louis): Je vais permettre à M. Trahan de répondre parce que les technicités ont été conçues à l'intérieur de son aide juridique.

M. Sirros: Peut-être seulement les grandes lignes.

M. Beaumier (Jean-Louis): D'accord.

M. Trahan: Non. Au départ, je pense que le degré de contentement...

M. Johnson (Anjou): Vous permettez? Est-ce que je pourrais simplement évoquer pour mes collègues de l'Opposition et Me Trahan que cette entente qui est toute chaude, Me Trahan, doit faire l'objet d'un arrimage avec une autre entente à laquelle vous n'êtes pas partie prenante et avec d'autres décisions de nature administrative au niveau du ministère et du CRSSS dans les jours qui viennent. Je comprends la position dans laquelle vous êtes. Je pense qu'en termes généraux vous pouvez évoquer cela, mais vous comprendrez la nature d'intérêt public de cette entente. C'est la responsabilité du ministre des Affaires sociales et du CRSSS d'étaler, au moment où ce sera prêt, au moment où cet arrimage sera terminé, les résultats positifs auxquels vous aurez collaboré.

M. Trahan: Je pense qu'on s'est bien compris, M. le ministre, mais, pour répondre à la question du député de Laurier, notre degré de satisfaction au niveau de l'entente se situe au fait, et nous croyons que c'est un précédent très positif qu'à l'intérieur de certaines ententes des mécanismes d'équité et de fonctionnement aient été prévus. Il nous apparaissait tout à fait nécessaire, nous avons parlé tout à l'heure de l'agent payeur, que cette relation trop souvent très structurée entre un gouvernement ou un système parapublic et l'entreprise privée qu'on est porté à critiquer... nous avions ce défi à relever. Après de nombreuses heures de négociation, nous avons été en mesure, avec justement les représentants du ministre, d'établir une structure de comité de travail, de comité de protection et de comité d'efficacité qui nous paraît à l'heure actuelle une bonne base de départ.

Donc, c'est la raison pour laquelle, après cette base de départ, tenant compte de l'ensemble de la province, il nous est apparu que les mêmes critères au niveau des temps de réponse d'urgence, de détresse, de quatre minutes et demie à dix minutes... Il nous a paru évident qu'il fallait trouver une solution pour l'ensemble du Québec et que le citoyen qui avait un accident à Matagami ou à Saint-Prime avait tout autant droit à un service ambulancier dans des délais raisonnables s'il est dans la rue dans un état de détresse.

L'époque où on pouvait être ambulancier à temps partiel n'existe plus et il faut recréer les mêmes mécanismes d'équité et d'efficacité à l'échelle provinciale pour trouver des solutions inédites et constructives, parce qu'effectivement les problèmes à l'extérieur des grands centres peuvent être différents mais, en tant que membres de la CSAQ, nous respectons l'autorité de notre association et nous n'avons le mandat de discuter que d'une région spécifique. Ce que nous avons suggéré

et ce que notre président nous a suggéré, c'est de tenter de voir la possibilité d'implanter les mêmes mécanismes à l'extérieur des grands centres à la satisfaction des ambulanciers. Il est incroyable qu'on puisse proposer de payer un tarif de 0,50 $ l'heure à quelqu'un pour qu'il soit disponible pour faire de l'ambulance. C'est d'un ridicule total. Les solutions sont peut-être, parmi d'autres, l'instauration d'un tarif horaire de disponibilité. Mais je ne veux pas m'avancer plus sur ce sujet, je pense que nous avons fait un effort dans une région administrative et que cet effort pourra être fait à l'échelle du Québec dans un effort et un esprit surtout de collaboration.

M. Sirros: Bon, je ne sais pas si j'ai une réponse à la question initiale, suite à l'intervention du ministre, mais en tout cas. Est-ce que dans l'entente que vous avez, vous gardez quand même la relation administrative qui existe entre le CRSSS et votre association ou les membres de votre association? Finalement, le CRSSS intervient en termes de "dispatcher", si je comprends bien, et vous maintenez votre pleine autonomie en termes d'administration de vos propres biens et ressources, etc., le tout soumis, j'imagine, aux normes de sécurité ou de je ne sais trop quoi qui sont établies par...

M. Beaumier (Jean-Louis): Je vais le permettre à M. Lemire ou à Jean-Pierre.

M. Gravel (Jean-Pierre): Oui, effectivement, le conseil régional va recevoir tous les appels d'urgence médicale de la population, va les analyser et, s'il est besoin d'un transport par ambulance, va répartir, va assigner l'appel au véhicule qui est le plus en mesure de répondre. Les mécanismes d'implantation de ce système, nous allons y travailler conjointement avec le conseil régional à l'intérieur de nos comités et nous sommes vraiment confiants d'en arriver à instaurer un système efficace qui ne laisse pas mourir les gens dans la rue. (16 h 30)

Ceci étant dit, nous avons évidemment perdu, c'est sûr, une partie de notre droit de gérance sur nos entreprises, en ce sens-là. Par contre, nous retenons aussi, c'est vrai, le droit de gérance sur notre personnel et sur les choses quotidiennes de la vie pour un homme d'affaires. Nous avons remis des pouvoirs que nous avions au conseil régional, mais je crois qu'à l'intérieur de nos comités, nous pouvons arriver à résoudre les problèmes d'une façon nouvelle par rapport à ce que nous connaissions jusqu'à maintenant. Pour ce qui est de Montréal, je pense que la question, qui était la question d'intérêt public, était de savoir si les entrepreneurs privés pourront suffire à la demande. Pourront-ils, par exemple, donner le service qu'on doit donner au public? Je vous assure que c'est avec la plus grande certitude que nous nous avançons dans ce projet. Nous sommes certains qu'en travaillant en collaboration avec le conseil régional, nous allons pouvoir assurer à la population un service ambulancier meilleur que tout ce qui a existé jusqu'à maintenant.

M. Sirros: À la page 6, vous parlez d'un système de régions subventionnées. Pourriez-vous donner plus de détails ou clarifier un peu ce que cela veut dire, en d'autres mots? Ce que j'ai compris, à part ça, c'est qu'il y a une...

M. Beaumier (Jean-Louis):

Présentement, les régions à faible quantité de voyages sont subventionnées à l'intérieur du ministère des Affaires sociales et cela, depuis 1975 ou 1976. Toutefois, il y a lieu présentement, à une nouvelle étape, de revoir les modes de travail et les modalités de fonctionnement de cette subvention-là. C'est ce qu'on demande. D'accord?

Le Président (M. Rochefort): Ça va?

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II y a une remarque qui nous a été faite à 40.3 de l'article 106 qui dit: "II est interdit à un détenteur de permis de service d'ambulance de prendre en charge une personne dans une zone où un autre service d'ambulance est subventionné pour ce faire..." La remarque qui nous a été faite - et mes collègues autour de la table me corrigeront - disait que ceci pouvait, à un moment donné, créer peut-être un danger pour la sécurité parce qu'en fait il peut survenir une urgence dans votre zone désignée et, en étant dans une autre zone où il y a une urgence, vous ne pouvez répondre à l'urgence dans votre zone. Est-ce que cela vous crée un problème?

M. Beaumier (Jean-Louis): II est évident qu'il faut le diviser en deux, c'est le transport primaire et secondaire. Ce dont vous parlez, c'est d'un transport primaire. Il serait de très mauvais goût si, par pur hasard, par les circonstances, une ambulance paraissait sur un lieu d'accident et, vu que la technicité de l'article 106 dont vous parlez s'appliquerait, qu'elle ne puisse pas prendre en charge le patient; cela serait de mauvais goût.

Toutefois, il y une autre provision qui dit que, lorsqu'on procède, sur un lieu d'accident, on est obligé, à ce moment-là, et c'est ce qui prévaut. Nous, on lit ce paragraphe en pensant que le ministère ne prend pas de bon goût la concurrence au gouvernement, c'est-à-dire que, pour les

transports secondaires, il n'aimerait pas qu'une zone subventionnée qui reçoit déjà des sommes n'utilise pas cet argent et que nous, qui ne sommes pas subventionnés, nous allions chercher le patient à l'intérieur des zones subventionnées.

C'est peut-être un peu technique, vous me paraissez...

Mme Lavoie-Roux: Je ne comprends pas, votre problème semble être résolu; si vous êtes sûr de ça, tant mieux pour vous. Vous dites qu'il y a un problème, vous dites que c'est subventionné par l'intervention d'une autre disposition de la loi qui n'est pas dans cette loi-ci, je pense, la politique de subventions. Alors, ce que vous m'avez dit, finalement, c'est que vous autres, vous serez appelés pour quel type d'urgence?

M. Beaumier (Jean-Louis): Dans les zones subventionnées, votre question primaire était: S'il y a un accident, est-ce qu'on a le droit, si on passe sur les lieux, de prendre charge du patient? C'est oui, on a le droit. Il y a une autre provision à l'intérieur du projet de loi, au chapitre 42, qui n'est pas dans l'amendement que vous voulez apporter au nouveau projet de loi. Il y a effectivement une provision pour prendre charge du patient et lui donner les soins auxquels il s'attend.

Mme Lavoie-Roux: Qui aura préséance là-dessus?

M. Beaumier (Jean-Louis): Absolument, Mme Lavoie-Roux.

M. Johnson (Anjou): Je peux peut-être donner un détail là-dessus. La Loi sur la santé publique prévoit le principe qu'évoque monsieur; ce que la loi vient faire ici, c'est de prévoir cependant, dans le transport interinstitutionnel, ce qu'on appelle le transport secondaire, en d'autres termes où c'est sur demande, ce n'est pas sur appel dans un contexte d'urgence, cet espèce de transport électif, si je peux me permettre d'utiliser des termes médicaux par analogie, il est bien évident que, si l'État subventionne comme il le fait le maintien de service d'ambulance dans certaines régions où le volume est tel qu'il faut absolument les subventionner pour les garder là, qu'on va utiliser les véhicules au maximum à l'intérieur de la région et en plus de cela permettre au transporteur qui lui n'est pas subventionné d'entrer dans la zone et charger pour cela. Évidemment, en apparence, parce qu'on n'a pas le texte de la loi initiale qui est modifié, ça semble empêcher cela, mais je peux rassurer la députée de L'Acadie là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: C'est seulement pour savoir s'il y avait lieu de modifier, c'est d'accord, il n'y a pas de problème.

Une autre question, pouvez-vous me dire si, dans la région 6-A, l'association des ambulances pourra suffire aux besoins aussi parallèlement ou ensemble, s'il y aura aussi des ambulances appartenant à l'État?

M. Beaumier (Jean-Louis): ... Trahan qui a travaillé le dossier, vous allez avoir les réponses.

M. Trahan: II n'y a aucun doute, Mme la députée de L'Acadie, que quant à nous et c'est une des conditions fondamentales et c'est la raison pour laquelle nous demandons que ce projet de loi soit amendé pour inclure le mot "tout", que les seules entreprises qualifiées pour faire des transports ambulanciers dans la région 6-A sont les transporteurs ambulanciers et personne d'autre. Ça nous apparaît une évidence et c'est la raison pour laquelle nous demandons avec autant d'insistance que le mot "tout" soit inscrit à l'intérieur du projet de loi. Nous sommes convaincus qu'effectivement nous pourrons remplir la demande et nous avons créé des mécanismes justement pour augmenter le nombre de permis d'ambulance si c'est nécessaire de le faire.

Mme Lavoie-Roux: Vous désirez répondre à tous les besoins.

M. Trahan: II nous apparaît évident, vous savez, que le seul métier où ça ne prend peut-être pas de formation pour y arriver, c'est le métier de député et de ministre. Je le dis avec beaucoup de respect parce qu'on peut être des n'importe quoi pour arriver à devenir député ou ministre. Si on est policier, on est policier, si on est ambulancier, on est ambulancier. Il m'apparaît évident qu'avec les efforts qui ont été faits dans ce domaine, que le transport ambulancier avec les conséquences que ça peut avoir sur la santé publique est un prérogative des ambulanciers.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): C'est cela, on me soulève chez mes collaborateurs toute la nécessité de rappeler que la responsabilité à l'égard des services policiers relève de la Communauté urbaine, non pas du ministre des Affaires sociales parce qu'il faudrait bien préciser cela et que le projet de loi à ce sujet ne vient modifier, ni infirmer, ni confirmer quoi que ce soit à cet effet, et c'est dans le cadre et d'une entente et d'une collaboration entre les autorités locales et la

Communauté urbaine de Montréal que cela pourra se régler.

Mme Lavoie-Roux: II y a beaucoup d'arrimages M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Il y a beaucoup d'arrimages, beaucoup d'arrimages.

M. Johnson (Anjou): Un des vos arrimages.

Je vous remercie...

Le Président (M. Bordeleau): Un instant M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Oui, pardon.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Nelligan vous avez une question?

M. Lincoln: Vous n'avez pas parlé de la CUM et de l'intégration, de votre perception. Le ministre dit que le projet de loi ne parlera pas du tout de cela et ce n'est pas mon intention, mais je voulais voir par rapport à votre mémoire quelle était votre perception de la coordonnation des services ambulanciers. Par exemple, je prends la région 6-A comme modèle. Est-ce que, dans votre esprit, il y avait une contradiction entre votre coordination de services, ceux de la CUM et les autres services. Par exemple les pompiers dans certaines régions, qui commencent à donner des services d'urgence médicale; je sais que, dans la région de Pointe-Claire, il y a un service qui commence. En fait ils commençaient à essayer de l'agrandir et de l'adapter à plusieurs municipalités. Comment est-ce que vous voyez cela? Par rapport aux régions autres que 6-A dans le futur, est-ce que votre idée était, d'après votre mémoire, que la CSAQ devienne l'agent coordonnateur, qu'elle ait à un moment donné fait tout cela dans toutes les régions?

M. Beaumier (Jean-Louis): Via les

CRSSS Me Trahan et l'équipe de la région ont mis en place des modalités pour compléter les lacunes qui pourraient s'y trouver. Vous me parliez de la police de la CUM. Elle a été mise en place pour compléter un manque qui existait à la période où elle a été mise en place. Présentement, avec l'appui du ministère des Affaires sociales et l'entente avec le CRSSS et le groupe des 18 de Montréal, on a pallié la chose, à savoir que les ambulances seront à des points bien spécifiques et envoyées plus rapidement qu'avant pour répondre aux demandes. Tout est chapeauté par la même entente. Ils savent où sont les véhicules et ils peuvent vraiment être plus... ce qui manquait antérieurement. M. Lemire auriez-vous quelque chose à ajouter à cela? Ou

Jean-Pierre?

M. Gravel (Jean-Pierre): Je crois que, pour être efficace, le système doit être coordonné par un seul groupe. C'était l'idée de la modification à la loi et je crois que faire intervenir des groupes différents, surtout à ce moment-ci de l'implantation du système, serait assez malheureux.

Je crois que des initiatives locales seraient un peu prématurées à ce moment-ci. Peut-être plus tard, une fois que le système aura été implanté, les localités - vous avez mentionné Pointe-Claire - seront-elles satisfaites des services déjà offerts et ne désireront pas augmenter leur fardeau fiscal en implantant des services additionnels.

Cependant, je suppose que, si nous ne réussissons pas à relever le défi, ce genre de projet pourrait probablement pallier le manque de ce que nous pourrons faire. C'est le "partnership" que nous commençons maintenant avec le conseil régional; nous allons voir si ça fonctionne, nous allons y mettre tous nos efforts et nous sommes certains que le conseil régional va aussi nous donner les moyens d'agir.

Le Président (M. Bordeleau): Merci.

M. Beaumier (Jean-Louis): M. le Président, Me Trahan voudrait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. Beaumier.

M. Trahan: Je pense que nous comprenons tous que pour instaurer ce système-là, il y aura une période de rodage et qu'on pourra l'établir d'une façon concrète avec le temps, avec la collaboration du CRSSS.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, messieurs de la Corporation des ambulanciers du Québec, de vous être présentés devant la commission.

Une voix: Merci, messieurs. M. Johnson (Anjou): ... Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): J'appelle maintenant le Comité de liaison des handicapés physiques du Québec au cas où ils seraient là. On m'a dit qu'ils ne seraient probablement pas là. Je veux m'assurer qu'on ne passe par-dessus personne. Ils ne sont pas là.

M. Johnson (Anjou): Prochain groupe. Le Président (M. Bordeleau): Le

prochain groupe, alors, l'Association des centres de services sociaux du Québec.

J'imagine que le porte-parole est M. Georges Robitaille.

M. Robitaille (Georges): C'est exact, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez présenter les personnes qui sont avec vous et présenter votre mémoire.

Association des centres de service sociaux du Québec

M. Robitaille: Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Il me fait plaisir de vous présenter la délégation de l'Association des centres de services sociaux du Québec. À ma gauche, Mme Berthe Michaud, qui est membre du conseil d'administration de l'association et qui est directrice des services sociaux en institutions au CSS Montréal métropolitain. À la gauche de Mme Michaud, M. Marc Sénéchal, également membre du conseil d'administration de l'association et directeur général du CSS l'Outaouais. À ma droite, M. Jean-Guy Beaulieu, directeur général de l'association, et, à la droite de M. Beaulieu, M. Jean Beaudry, directeur du service conseil en gestion à l'Association des centres de services sociaux. Quant à moi, je suis le président du conseil d'administration de l'Association des centres de services sociaux du Québec et directeur général de Centraide Québec.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission, il me fait plaisir, au nom de l'association, de vous présenter ce bref mémoire sur le projet de loi no 27. Essentiellement, nos commentaires porteront sur les modifications proposées à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Le Président (M. Bordeleau): Avant de commencer votre mémoire, pensez-vous que vous pourriez nous résumer certains points? (16 h 45)

M. Robitaille: Je pense être capable de respecter pas mal le temps normal des présentations, M. le Président, 20 à 25 minutes maximum, puis...

Le Président (M. Bordeleau): On peut tenter de rentrer dans les délais...

M. Robitaille: ... certains raccourcis...

Le Président (M. Bordeleau): d'accord.

M. Robitaille: Déjà dans l'introduction, vous voyez j'ai sauté un paragraphe en vous précisant nos intentions.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous invite à continuer comme ça.

M. Robitaille: Je vais essayer de garder l'essentiel malgré tout. Les modifications contenues dans le projet de loi 27, étant inspirées me semble-t-il, par une volonté d'articuler une forme de décentralisation des responsabilités et des pouvoirs correspondant au niveau des conseils régionaux, ont pour effet une réduction de l'autonomie des établissements. Il nous appert opportun de souligner deux principes fondamentaux qui devraient présider à toute décentralisation véritable et à travers lesquelles nous élaborerons les énoncés de la position de notre association.

Rappelons à cet effet que nous énoncions déjà ces deux principes lors d'une position sur la politique de décentralisation présentée au ministère en 1980. Soit la reconnaissance de la capacité des collectivités locales ou régionales par le biais des institutions dont elles se sont dotées, de définir leurs besoins et de produire leurs propres services. Deuxièmement, la reconnaissance du droit à la différence d'un groupe ou d'une communauté à l'égard d'une autre dans le respect du principe de l'universalité des soins et services. Ce sont là les deux principes qui ont guidé notre réflexion. Bien que le projet de loi no 27 reconnaisse des responsabilités à chacun des partenaires du réseau des Affaires sociales, il introduit des modifications importantes qui auront pour effet, si elles sont retenues, de modifier considérablement la dynamique actuelle du réseau. En effet, en déplaçant certains pouvoirs du gouvernement et des établissements vers le ministre ou vers les conseils régionaux de la santé et des services sociaux et, en s'inspirant d'une volonté claire de redresser certaines lacunes du réseau des Affaires sociales, le projet de loi no 27 pose comme objectif primordial de faire d'un réseau actuel d'établissement, un réseau de services. Les centres de services sociaux partagent l'objectif que semble poursuivre le projet de loi no 27. Ils entendent mettre toute l'énergie dont ils disposent afin de concourir à sa réalisation. Toutefois, et en fonction de la logique même de cette adhésion, il nous apparaît essentiel d'indiquer que la réalisation d'un tel réseau de services ne saurait être atteinte sans une concertation effective avec les établissements. Malheureusement, le projet de loi no 27 est aussi muet au sujet de la concertation qu'il est éloquent au sujet du transfert de responsabilité et de la diminution de l'autonomie des établissements. Nous voulons croire que le législateur saura promouvoir et même forcer cette concertation essentielle à la réalisation d'un

tel projet. C'est donc dans cet esprit que nous avons analysé le projet de loi et que nous vous proposerons certaines modifications.

Parlons maintenant des rôles, fonctions ou objets de décision au niveau du gouvernement et du ministre.

Le projet de loi confirme, bien sûr, la responsabilité du gouvernement de déterminer les objectifs généraux et les grandes priorités d'action dans le secteur des affaires sociales. Cependant, bien que nous soyons d'avis que le gouvernement se doive d'assumer ce niveau de responsabilités, nous nous opposons au caractère discrétionnaire du pouvoir de décision que le projet de loi s'apprête à conférer au ministre, particulièrement en ce qui concerne, d'une part, la fusion des établissements et, d'autre part, les modifications de catégorie, classe, type ou capacité indiquées au permis des établissements.

En effet, la législation actuelle, de même que le projet de loi no 27, reconnaissent, non seulement le droit, mais la responsabilité de la population à l'identification de ses besoins et à l'articulation de la réponse de service qui doit y être apportée. Or, l'ensemble des établissements constitue l'un des moyens privilégiés à travers lesquels la population, par sa participation, s'assure de l'adéquation entre les besoins qu'elle exprime et la réponse qui y est apportée.

En conséquence, reconnaître au ministre le pouvoir discrétionnaire de procéder à des fusions d'établissements irait à l'encontre de l'un des principes que nous énoncions au début de cet exposé et enlèverait à la population via les conseils d'administration toute possibilité de contrôle sur l'existence même des établissements. Quant à nous, comme on confie à la population une responsabilité sur la gestion opérationnelle des établissements, il nous apparaît nécessaire de lui reconnaître également une responsabilité au niveau de leur existence même.

Il en va de même pour le pouvoir discrétionnaire du ministre de modifier les permis d'exploitation des établissements. En effet, procéder à un changement de catégorie, de classe, type ou capacité d'un établissement peut facilement constituer une modification de la raison d'être de ce même établissement. Aux fins d'illustration, mentionnons la transformation d'un centre d'accueil en centre hospitalier.

Pour ces raisons, l'association recommande que les pouvoirs du ministre concernant les fusions et les modifications de permis soient assortis des mécanismes suivants: 1) l'obligation du ministre d'entendre le ou les établissements concernés avant de prendre sa décision; 2) que les décisions du ministre soient sujettes à un appel auprès de la commission des affaires sociales. Le tout en étendant en cas de fusion et de modification de permis les recours tels que prévus aux articles 147 et 148.

Un autre aspect important de notre interrogation porte sur les pouvoirs de réglementation. Dans le réseau des affaires sociales, le gouvernement, les CRSSS et les établissements constituent les trois principaux types d'intervenants à l'intérieur desquels se retrouvent, sous une forme ou une autre, les éléments représentatifs de la population. Or, dans la mesure où l'exercice des responsabilités doit s'effectuer selon les paramètres de la décentralisation, il devient nécessaire d'aménager le partage des pouvoirs correspondants, en respectant une relative autonomie de chacun des intervenants.

À cet effet, l'examen du projet de loi 27, nous permet de constater la volonté du gouvernement de reconnaître un pouvoir décisionnel accru au CRSSS sous réserve des commentaires que nous exprimerons plus loin; nous partageons cette volonté que les CRSSS se voient investis d'un pouvoir plus grand, susceptible de permettre une meilleure rentabilité des investissements régionaux.

Toutefois, nous nous interrogeons sur le sort que le projet de loi no 27 s'apprête à faire des pouvoirs jusqu'alors reconnus aux établissements dans l'exercice de leurs responsabilités. Ce qui donnerait au gouvernement ou aux ministres le pouvoir de gérer les établissements comme s'il s'agissait de son ministère. La loi, par ailleurs, confirme l'existence des conseils d'administration et le pouvoir de règlement confirme, d'autre part, la mainmise sur les plans d'organisation, l'approbation des budgets, etc. Je saute une page.

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, c'est ça le pouvoir de gérer là... est-ce que vous avez ajouté ça ou c'est dans votre mémoire?

M. Robitaille: Je l'ai ajouté M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Ah bon, d'accord.

M. Robitaille: Alors, je passe à la page 11. Je ne ferai pas l'énumération des pouvoirs de règlement que vous connaissez dans la loi et ceux qui sont ajoutés. Il n'est sans doute pas nécessaire d'expliciter d'avantage. Qu'il suffise de souligner que ces pouvoirs de réglementation ont pour effet de reconnaître au gouvernement le pouvoir de régir directement les moyens opérationnels dont peut disposer un établissement dans l'accomplissement de ses missions spécifiques. De tels pouvoirs de réglementation, s'ils étaient sanctionnés, auraient pour effet de réduire la responsabilité des établissements à

un simple rôle d'exécution ne disposant plus de la marge de manoeuvre nécessaire à toute initiative de rentabilisation et de rationalisation des investissements locaux.

Nous recommandons donc que soit modifié le projet de loi no 27, afin que soient maintenues les dispositions actuelles de l'article 154, reconnaissant l'établissement des pouvoirs nécessaires à la sélection, la nomination et la détermination des conditions de travail autre que la rémunération, pour tout le personnel, le gouvernement conservant le pouvoir d'établir les règles qui doivent être suivies pour la sélection, la nomination et la rémunération des directeurs généraux et des cadres supérieurs.

Recommandation 3: que soit maintenu, aux établissements dans le respect des normes minimales édictées par le gouvernement, le pouvoir de déterminer et de mettre en place le plan d'organisation pertinent à la responsabilité de service.

Recommandation 4: que l'article 94 paragraphe m alinéa 3i soit modifié afin que soit maintenu le principe actuel du budget global et que les dépenses admissibles au financement par le ministère, soient identifiées sur une base d'établissement et non pas sur une base des activités.

Recommandation 5: que l'article 94 paragraphe o soit modifié afin que soit reconnu, au ministre, le pouvoir de nommer un vérificateur seulement lorsque l'établissement néglige de le faire.

Recommandation 6: que l'article 94 paragraphe s soit modifié afin que sa portée soit explicitement limitée aux examens diagnostiques qui requièrent les services d'un laboratoire, ou l'utilisation d'équipement spécialisé et ultra-spécialisé.

Passons maintenant aux rôles, fonctions, objets de décision du conseil régional et sa composition.

L'article no 38 du projet de loi no 27 confie aux CRSSS les fonctions exclusives d'établir, d'administrer, de fournir et de regrouper des programmes d'approvisionnement de biens et de services communs aux établissements. En accord avec cette expression de décentralisation, nous sommes cependant d'avis que doit être clarifiée l'ambiguïté du terme "biens et services".

Nous recommandons donc que l'article no 38 soit modifié afin que l'expression "biens et services" soit entendue dans le sens de "biens et services administratifs", afin que tout service professionnel relié directement à l'accomplissement de la mission spécifique de l'établissement soit explicitement exclu du champ de responsabilité des CRSSS, stipulé à l'article no 38, sans réserve des pouvoirs que nous voudrions voir assumés par les conseils régionaux, concernant nos recommandations 10 et 11 qui vont venir plus tard.

L'article 39 du projet de loi no 27 introduit une nouvelle classe de CRSSS, c'est-à-dire le CRSSS désigné. Bien que nous partagions les préoccupations d'efficacité et de souplesse qu'exige la continuelle adaptation du réseau des affaires sociales, il nous apparaît aussi important que soient introduites les garanties minimales de sa stabilité.

Nous admettons qu'il puisse se présenter dans une région ou l'autre une situation telle que le conseil régional soit appelé à assumer les fonctions décrites à l'article 39 du projet de loi et qui en fait, dans ce cas, un conseil régional désigné. Nous pensons toutefois qu'une telle disposition législative devrait avoir un caractère d'exception et constituer une mesure extraordinaire si la concertation n'a pas apporté les résultats nécessaires à une réponse adéquate aux besoins des clientèles. En d'autres termes, nous croyons qu'il faut d'abord et avant tout maintenir et mettre de l'avant le préjugé favorable à l'effet qu'il est possible que les établissements puissent se concerter efficacement, s'ajuster aux besoins d'une région et constituer un réseau complémentaire. C'est uniquement lorsqu'une telle dynamique ne peut s'actualiser et produire des résultats escomptés qu'une mesure d'exception devrait être envisagée. Conséquemment, il nous semble que la formulation actuelle du projet de loi concernant un conseil régional désigné est trop large et laisse trop de place à la possibilité de décisions arbitraires. Nous croyons donc qu'il s'impose que soient prévues dans la loi même des balises qui encadrent le processus qui conduirait à la décision d'une telle mesure. De plus, il peut arriver que la situation régionale qui conduirait à la désignation ne justifie pas que celle-ci porte sur tous les domaines contenus dans cet article. Il faudrait donc prévoir la possibilité d'être davantage discriminant et spécifique à cet égard.

La recommandation 8: Que soit modifié donc l'article 39 afin que soient précisées les conditions en vertu desquelles un CRSSS peut être désigné par règlement et que ces conditions expriment le caractère exceptionnel d'un tel règlement; qu'à cet effet il soit prévu qu'un CRSSS ne puisse être désigné que pour une durée limitée et que la ou les fonctions objets de la désignation soient explicitement indiquées dans le règlement.

De façon complémentaire à ces moyens exceptionnels, nous croyons qu'il est tout aussi important d'améliorer le système actuel d'admission, surtout en ce qui concerne les adultes et les personnes âgées. De telles améliorations pourraient justement, pour une bonne part, éviter que nous soyons contraints d'avoir recours à des actions exceptionnelles. Nous nous permettons donc de souligner quelques lacunes de la réglementation

actuelle qui, à notre avis, empêchent le réseau des établissements d'être aussi performant qu'il devrait l'être.

Actuellement, selon les termes de la loi, les CHSP, les centres hospitaliers de soins prolongés d'une région ne sont pas tenus de fonctionner en concertation et complémentarité, chacun pouvant établir son propre comité d'admission, fonctionner en vase clos et recevoir des demandes d'admission de toutes instances.

Or, étant donné la nature même des besoins des clientèles adultes et des personnes âgées et le peu de frontières qui existent dans de nombreux cas entre des bénéficiaires de centres d'accueil d'hébergement et de centres hospitaliers de soins prolongés, nous pensons qu'il est primordial que soit prévu un système d'admission qui regroupe les trois groupes d'établissements. C'est le sens de la recommandation no 9.

À toutes fins utiles, l'article 343 des règlements actuels, qui prévoit l'approbation par le ministre des critères d'admission d'un centre d'accueil, n'a jamais pu être vraiment opérationnalisé. Nous croyons toutefois qu'il est indispensable que les critères d'admission soient l'objet d'une évaluation adéquate en regard de deux variables: les ressources de l'établissement et son apport spécifique dans un réseau qui se doit d'être complémentaire. Or, nous pensons que c'est le conseil régional via ces mécanismes de concertation qui est le plus en mesure d'assurer cette fonction d'évaluation et d'approbation des critères d'admission des établissements de sa région.

Nous recommandons donc que le pouvoir d'approbation des critères d'admission des centres hospitaliers de soins prolongés, des centres d'accueil soit décentralisé dans les conseils régionaux et que cette responsabilité s'ajoute aux fonctions déjà identifiées à l'article 38. (17 heures)

Même dans la meilleure des situations où s'exercerait une complémentarité idéale du réseau en termes de critères d'admission et de programmes d'hébergement, il se trouvera toujours des cas particuliers litigieux qui ne correspondront pas aux critères d'admission des établissements. Il devient alors très difficile, sinon impossible, de placer ces bénéficiaires, chacun des établissements se retranchant derrière ses critères d'admission et le contenu de ses programmes. Nous pensons donc qu'il s'impose d'avoir, concernant les adultes et les personnes âgées, une instance décisionnelle qui possède un pouvoir semblable à celui que possède le directeur de la protection de la jeunesse pour les enfants qui se retrouvent dans de telles situations et que cette autorité puisse s'exercer à l'égard de toutes les catégories d'établissements. Le conseil régional nous semble là encore l'instance à privilégier pour assumer cette responsabilité.

Nous recommandons donc - c'est la recommandation no 11 - que le conseil régional de la santé et des services sociaux ait le pouvoir de décision finale et que cette responsabilité s'ajoute aux fonctions déjà identifiées à l'article 38 dans les situations où les comités d'admission s'avèrent incapables d'admettre les cas litigieux parce qu'ils ne correspondent pas aux critères d'admission des établissements.

Revenons aux dispositions applicables aux CRSSS désignées à l'article 39 du projet de loi, aux articles 18.1,1° et 18.2,1° qui s'y retrouvent et qui nécessitent à notre avis des ajustements. En effet, il faudra éviter que le contexte de fonctionnement particulier qui résultera de la désignation d'un conseil régional ne se traduise par une situation telle que les établissements aient tendance à se retrancher derrière une attitude passive en attente des décisions du conseil. Il faudra éviter également que le conseil régional désigné adopte un fonctionnement plus ou moins autocratique. Nous croyons que, dans un tel contexte, la concertation avec les établissements demeure toujours un élément essentiel de la dynamique régionale.

En conséquence, nous recommandons que soit modifié l'article 18.1,1° édicté à l'article 39 pour y inclure, après le mot "établir", "en concertation avec les établissements de sa région".

Nous croyons également qu'il y aurait lieu d'établir une concordance entre le nouvel article 18.1,1° et le nouvel article 18.2,1° édictés à l'article 39 du projet de loi concernant l'exclusion des jeunes pris en charge en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Donc, que l'exception faite à l'article 18.1,1 concernant les jeunes pris en charge par la Loi sur la protection de la jeunesse soit incluse à l'article 18.2.

Composition du conseil d'administration du CRSSS. L'article 41 du projet de loi modifie considérablement la composition du conseil d'administration du CRSSS. Nous tenons à souligner, en particulier, notre plein accord avec l'addition d'une représentation par les organismes bénévoles de la région oeuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux et reconnus à cette fin par le CRSSS.

Cependant, bien que nous partagions l'objectif de réduire le nombre de membres du conseil d'administration, nous nous devons d'en examiner la composition en fonction des responsabilités accrues du CRSSS. En effet, d'organisme essentiellement consultatif et muni d'un pouvoir de recommandation, le CRSSS sera investi de responsabilités et de pouvoirs décisionnels au niveau de la livraison même des services à la population, ce qui n'aura certainement pas pour effet de

réduire la complexité de la tâche que devra assumer le conseil d'administration. Compte tenu de ces nouvelles responsabilités, il nous semble important que le conseil d'administration du CRSSS puisse bénéficier d'un apport accru des établissements.

En conséquence, nous recommandons que la représentation de chacune des catégories d'établissement soit formée de deux membres dont l'un des membres ne devra pas occuper d'emploi ni exercer sa profession dans un établissement sauf celui d'administrateur.

En ce qui concerne la composition du conseil d'administration du CRSSS, nous tenons également à souligner notre désaccord sur le privilège consenti aux conseils des médecins et dentistes qui, à l'encontre de toute autre catégorie de professionnels, se voient confirmés un statut particulier dans la gestion du réseau régional.

Nous terminons nos commentaires sur les CRSSS en soulignant une dimension de leur rôle qui se trouve fondamentalement compromise dans les termes actuels du projet de loi no 27. En effet, les CRSSS assument, comme étant l'un de leurs rôles majeurs, la responsabilité non seulement de promouvoir la participation de la population mais aussi de s'en faire les porte-parole lorsque l'un ou l'autre des établissements ne remplit pas adéquatement sa mission de service. Or, avec les nouvelles responsabilités qui peuvent lui être dévolues, soit par règlement ou par désignation, les CRSSS perdent, du moins dans ces domaines, l'indépendance nécessaire à toute action de représentation de la population qui se voudrait investie d'une certaine crédibilité.

Dans le but de maintenir totalement cette possibilité de recours de la population ou d'un usager/bénéficiaire insatisfait d'un service rendu soit par un établissement, soit à la suite d'une décision du CRSSS et selon la même logique qui avait présidé à l'octroi de cette responsabilité, nous proposons, recommandation 15: que le projet de loi no 27 soit modifié afin qu'il y soit reconnu une direction de la protection des droits des usagers/bénéficiaires; que cette direction s'articule autour des mécanismes de réception et de traitement des plaintes déjà en place dans les CRSSS; qu'il y ait de nommée, dans chaque CRSSS, une personne qui devra assumer cette tâche de façon exclusive; que cette personne possède un pouvoir de recommandation et qu'à cette fin et à sa discrétion elle ait accès aux conseils d'administration du CRSSS et/ou des établissements de la région et puisse, le cas échéant, soumettre ses recommandations au ministre; qu'elle soumette au ministre un rapport annuel de ses activités, avec copie au CRSSS et aux établissements de la région.

Passons maintenant aux rôles, fonctions ou objets de décision des conseils d'administration des établissements. Étant donné que nous avons, dans le cadre de nos remarques sur le pouvoir de réglementation du gouvernement, précédemment indiqué la nécessité de reconnaître aux établissements un véritable pouvoir de décision sur l'organisation et le contrôle des ressources mises à leur disposition aux fins d'exécution du mandat de service qui leur est confié, nous ferons maintenant porter nos remarques sur la composition des conseils.

Nous sommes heureux de constater la présence des CSS sur les conseils d'administration des centres hospitaliers, reconnaissant par là le rôle joué par les CSS dans chaque région. Le projet de loi no 27 prévoit une représentation des usagers ou des bénéficiaires sur les conseils d'administration des centres de services sociaux, des centres locaux de services communautaires, des centres d'accueil et des centres hospitaliers de soins prolongés. Étant donné l'importance de cette représentation et eu égard à la philosophie de services du réseau des affaires sociales, nous ne comprenons pas pourquoi les usagers ou les bénéficiaires sont exclus des conseils d'administration des centres hospitaliers de courte durée. À notre avis, il serait opportun de modifier l'article 36 du projet de loi afin que la définition du terme "usager" soit également applicable aux centres hospitaliers de courte durée qui offrent des soins physiques et psychiatriques et que l'article 57 prévoie la représentation des usagers sur le conseil d'administration de ces établissements.

Sur un autre plan, nous recommandons que l'article 59 du projet de loi soit modifié afin que, lorsqu'un centre de services sociaux est affilié à plusieurs universités, il y ait une seule personne élue par l'ensemble de ces universités.

Le projet de loi no 27 stipule, à l'article 60, que les mandats des membres des conseils d'administration seront dorénavant de trois ans. Nous partageons l'objectif de stabilité qui sous-tend cette modification. Cependant, le projet de loi ne prévoit pas, à notre avis, de mécanismes suffisants pour assurer un lien de continuité adéquat. En effet, en ce qui concerne les centres de services sociaux, l'échéance des mandats actuels oblige à un remplacement simultané de tous les membres du conseil, à l'exception des représentants des usagers.

Nous recommandons que le projet de loi no 27 soit modifié afin que les élections ou nominations suivant l'entrée en vigueur du projet de loi se fassent selon les modalités suivantes: que l'élection ou la nomination des représentants des groupes socio-économiques, des personnels cliniques et non cliniques, et des usagers soient tenues ou effectuées lors des années paires.

Je termine maintenant, M. le Président, en attirant votre attention sur trois

recommandations relatives à la Loi sur l'assurance-maladie et à la Loi sur la protection de la santé publique. Que l'article 1, alinéa 3, soit modifié afin que les coûts des examens diagnostiques demandés par le directeur de la Protection de la jeunesse auprès d'un professionnel de la santé soient assumés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec et que concordance soit faite à l'article 86 du chapitre 20 (Loi sur la protection de la jeunesse).

Recommandation 19: que l'article 19, 2° du projet de loi no 27 soit modifié afin d'y inclure, aux conditions déterminées par le gouvernement, les centres de services sociaux.

Et finalement, dernière recommandation, que l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique soit modifié afin que cette disposition s'applique également aux personnes majeures incapables de donner leur consentement.

Je vous remercie de votre bonne attention et nous sommes prêts à entendre vos commentaires et questions.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. Robitaille. M. le ministre, si vous voulez commencer.

M. Johnson (Anjou): M. Robitaille, j'ai pris connaissance de votre mémoire et je me suis particulièrement concentré sur l'annexe, avec les recommandations, en écoutant ce que vous aviez à dire en cours de route. J'ai quelques questions.

Recommandation no 1, à l'égard du pouvoir de fusion, la notion de mécanismes d'appel auprès de la Commission des affaires sociales. Je ne vois pas comment vous voyez que la Commission des affaires sociales devrait entendre, pourquoi la commission devrait entendre une telle cause?

M. Robitaille: Est-ce que je peux demander à M. Beaulieu de donner la réponse?

M. Johnson (Anjou): Sûrement. Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît, pour les fins du journal des Débats?

M. Beaulieu (Jean-Guy): M. le ministre, il ne s'agit pas d'une invention de notre part. Ce sont des dispositions qui existent à l'heure actuelle aux articles 147, 148 de la loi...

M. Johnson (Anjou): Mais pour les permis.

M. Beaulieu: Pour des suspensions de permis et des modifications aux permis. Maintenant, nous autres on pense qu'une fusion ou une modification de permis comme celle que le projet de loi veut apporter, c'est aussi important, je pense, qu'une suspension de permis ou une annulation de permis.

M. Johnson (Anjou): Par contre, je me permettrai de vous dire que, si l'article 147 permet un tel processus de suspension ou de modification de permis et l'appel à la Commission des affaires sociales, c'est dans le cadre de l'application de l'article 146. Or, l'article 146 prévoit que de telles mesures interviennent, non pas au nom de l'intérêt public au sens large et d'une vision, par exemple, de réseau de services, mais bel et bien quand l'établissement a commis une infraction en vertu de la loi ou du règlement et ne remplit pas les conditions requises pour obtenir le permis, ou est insolvable ou sur le point de l'être, ou ne peut assurer les services de santé. Ce qui est très différent, c'est-à-dire que le contexte dans lequel on permet cet appel, c'est qu'il y a une espèce de nature de sanction de la part... La suspension du permis est de la nature d'une sanction, alors que la fusion, au contraire, implicitement vise un objectif d'accroissement ou de modification du type de service donné à la population; ce qui est très différent. C'est pour cela que je vous demandais si vous pensiez que c'était nécessaire que cela aille devant la commission.

M. Beaulieu: Nous sommes d'accord, M. le ministre, qu'il ne s'agit pas d'une situation qui est identique, sauf qu'on dit que le mécanisme n'est pas nouveau. Pour la situation qui est prévue au projet de loi, on considère que ce serait aussi important, pour des fusions d'établissements, d'avoir un mécanisme semblable.

M. Johnson (Anjou): Je me permets de vous répondre ceci. Je pense que c'est important au niveau de notre perception de ce qu'est le rôle du gouvernement, de ce que sera le rôle des établissements et de la Commission des affaires sociales. C'est que, dans la mesure où il y a un caractère de sanction à une mesure prise par le gouvernement ou le ministre en vertu de la loi, il ne m'apparaît pas anormal de prévoir différents mécanismes d'appel au niveau du pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire que sont ces tribunaux administratifs, telle la Commission des affaires sociales. Mais, lorsqu'il s'agit d'une décision de nature administrative et de services à la population, en toute déférence à l'égard de la commission, je pense que ça ne regarde pas les tribunaux administratifs, étant donné qu'il n'y a pas de caractère de sanction.

Sur la recommandation no 2...

M. Beaulieu: On aurait peut-être un autre commentaire.

M. Johnson (Anjou): Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. Beaudry (Jean): Jean Beaudry. Peut-être qu'il serait bon d'indiquer finalement l'esprit avec lequel on l'a regardé par rapport à la loi actuelle. Le législateur qui a légiféré au niveau de la loi S-5 a prévu les fusions comme étant une démarche tellement exceptionnelle qu'il a prévu aussi que, pour l'effectuer, ça prendrait le consentement de l'établissement.

On comprend que cette mesure-là pouvait créer une forme d'immobilisme, à un moment donné, dans certaines situations. Alors, on se dit en accord avec le pouvoir discrétionnaire du ministre, dans la mesure où il y a aussi certaines balises, pour faire en sorte que les parties intéressées immédiatement puissent se faire entendre. Lorsqu'on se réfère au mécanisme d'appel des articles 146 et 147, comme le disait M. Beaulieu, ce n'est pas une référence systématique, mais c'est beaucoup plus dans l'esprit de permettre aux gens qui sont concernés ou au conseil d'administration des établissements concernés d'avoir droit au chapitre avant qu'une décision devienne effective, ce qui n'enlève pas le caractère exécutif, si vous voulez, du ministre. Une fois que l'appel a été entendu sous une forme ou sous une autre, dans la mesure où c'est confirmé, la décision du ministre peut s'exécuter.

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'on aura pas un long débat en droit administratif là-dessus. Je vous rappellerai simplement que, dans la mesure où cela a un caractère pénal ou de sanction, il m'apparaît normal qu'un tribunal administratif l'entende. Dans la mesure où cela n'en a pas, je pense que cela ne regarde pas les tribunaux administratifs. Que le ministre, cependant, au sens de la loi, soit astreint à certaines formes de consultation, d'audition des parties, ça, c'est une autre chose mais la décision, ultimement, est une décision politique. La raison historique de ça, je vous la dirai rapidement, ce n'est pas compliqué, c'est à l'époque où le chapitre 48 a été adopté en 1971, une bonne partie de ces établissements n'étaient pas financés par l'État. Or, aujourd'hui essentiellement, à ce que je sache, le CSS n'a pas d'autres sources de revenus que l'État de façon essentielle sauf quelques contributions particulières. (17 h 15)

Par ailleurs, le CSS est non seulement encadré, il est noyé dans le papier et dans le normatisme qui est déterminé par l'État en vertu du pouvoir réglementaire. Il s'est perpétué des notions qui ne font plus partie de la réalité.

Quant aux conditions des cadres, si je comprends bien, vous suggérez carrément qu'on retire les dispositions à la loi quant aux...

M. Beaulieu: Aux dispositions actuelles de la loi.

M. Johnson (Anjou): Au statu quo, oui, c'est ça.

Recommandation numéro 3, je pourrais vous demander pourquoi?

M. Beaulieu: Parce qu'on considère que c'était déjà allé assez loin et suffisant pour laisser une autonomie de gestion aux établissements.

M. Johnson (Anjou): Recommandation numéro 3: il y ici le même type de problème qui se pose. Que soit maintenu aux établissements, dans le respect des normes minimales édictées par le gouvernement, le pouvoir de déterminer et de mettre en place un plan d'organisation pertinent à la responsabilité de services. En d'autres termes, la notion de plan d'organisation, à vos yeux, ne doit pas correspondre à une responsabilisation de l'État et à une responsabilisation du pouvoir politique mais bel et bien, le pouvoir politique doit élaborer des espèces de grandes normes et, c'est localement qu'on le fait, c'est ça? Et vous comprendrez pourquoi je ne suis pas d'accord.

M. Beaulieu: Oui, on peut comprendre, sauf qu'on peut vous dire pourquoi on ne l'est pas non plus. Au niveau du plan d'organisation comme du budget, comme on en a parlé tout à l'heure, on considère que c'est un des leviers principaux, la commande d'une gestion. Comme vous dites, il peut y avoir des normes qui sont fixées à un moment donné, il peut y avoir des méthodes d'approbation mais, à un moment donné, qu'elles soient édictées complètement d'en haut eh bien, vous comprenez.

M. Johnson (Anjou): On se comprend peut-être plus qu'on en a l'air.

Bon, 6, 7. Recommandation 7: le rôle des CRSSS. Je ne sais plus vraiment dans quelle charge de cavalerie vous installer, ça dépend des sujets. Vous êtes pour ou contre les CRSSS parce que c'est rendu qu'on demande ça aux gens avant qu'ils viennent s'asseoir à la table ici.

Si je comprends bien, à l'égard des CRSSS, je ne voudrais pas caricaturer votre mémoire, bien au contraire, vous dites finalement, tous les mécanismes d'admission - c'est ce que je crois comprendre - qui impliquent les aspects multiples du système devraient, disons le mot, centraliser au CRSSS, que les critères à cet égard devraient être élaborés par le CRSSS.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, si vous voulez vous identifier d'abord.

M. Sénéchal (Marc): Marc Sénéchal. Ce qu'on dit ici, c'est que le pouvoir d'adopter les critères d'admission des établissements pourrait rester au niveau des CRSSS. On leur reconnaît là une compétence d'une certaine complémentarité au niveau régional. Donc, au lieu que les critères d'admission soient adoptés par le ministre, par règlement, ils pourraient être adoptés au niveau de la région.

Un autre aspect du système d'admission: les centres hospitaliers de longue durée ne sont pas présentement dans le système d'admission relié centre d'accueil-CSS de telle sorte que parfois, le CSS peut avoir une connaissance des places disponibles, des types et des catégories de bénéficiaires et il y a par contre, à côté, qui ne sont pas dans le système, les CHSP. On est présent au comité d'admission, mais on est un et on voudrait essayer d'avoir un système où il y a une complémentarité très ténue entre centre d'accueil, CSS et CHSP.

D'un autre côté, où on voudrait donner un pouvoir au CRSSS dans la région, c'est lorsqu'il s'agit de cas litigieux. Les cas litigieux, pour nous, sont des cas qui tombent entre deux ou trois établissements. D'une part, à cause des critères d'admission qui sont présentement acceptés par le gouvernement et à cause également de la difficulté que cause le type de clientèle, on se dit: Est-ce que c'est un client pour un centre d'accueil, qu'on appelle en jargon A4? Est-ce que c'est un cas, par contre, qui n'a pas besoin de soin physique, donc qui n'a pas besoin d'aller dans un centre hospitalier? Par contre, si la personne souffre un peu de sénilité, on se dit: Est-ce qu'elle est psychiatrique ou pas? De telle façon qu'on se renvoie la balle et que la personne reste là sans que vraiment une instance puisse décider. C'est assez, il faut qu'elle entre quelque part. Ce sera soit le centre hospitalier de longue durée, soit le CH psychiatrique ou le centre d'accueil. Et on se dit que dans la région c'est peut-être le CRSSS qui est le mieux placé pour le faire. Et on lui reconnaît cette instance pour régler les cas difficiles, les cas qui se retrouvent entre deux ou trois établissements.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Je prends bonne note de cette préoccupation qui est une traduction très concrète de ce qu'on appelle le réseau de services. Si je comprends bien, votre position est inspirée du citoyen qui subit tout ça plutôt que des structures dispensatrices.

M. Sénéchal: À cet effet-là, on est pour le CRSSS, on ne "charge pas contre".

M. Johnson (Anjou): Vous "chargez contre" sur autre chose. Composition du conseil d'administration du CRSSS. C'est quelle recommandation déjà?

M. Sénéchal: La recommandation 14. M. Johnson (Anjou): Pourquoi...

Le Président (M. Bordeleau): Mme

Michaud.

Mme Michaud (Berthe): M. le Président, je pense que dans notre recommandation il y a d'abord le souci d'assurer une présence plus importante, une contribution plus importante des établissements aux travaux du conseil régional. Les pouvoirs accrus du conseil régional impliquent que le travail de son conseil d'administration sera sûrement plus complexe qu'auparavant et qu'il va exiger la connaissance d'un nombre plus grand de dossiers avec des implications plus variées. Nous croyons que si les seules personnes qui sont liées, qui sont actives dans le réseau des affaires sociales à plein temps à ce conseil d'administration sont le directeur du conseil régional et le représentant du Conseil des médecins et dentistes et que toutes les autres personnes présentent à ce conseil sont des citoyens intéressés à la question mais qui ne peuvent pas consacrer la majeure partie de leur temps à l'étude des dossiers, nous croyons qu'il y aurait à ce moment-là une sous-représentation de tout l'acquis professionnel que les établissements pourraient apporter à l'administration du conseil régional.

Autrement dit, nous voulons deux membres pour que les points de vue des établissements soient mieux représentés; et nous croyons qu'un des deux membres pourrait être un professionnel ou un employé d'un établissement qui, dans sa pratique quotidienne, est à l'écoute de la clientèle -je voudrais qu'on ait à leur endroit un préjugé favorable, comme on en réclamait pour les établissements plus tôt - qui normalement ont à coeur le bien commun, ont à coeur les intérêts de leur clientèle et qui, en tout cas dans la plupart des établissements, n'ont pas des intérêts qui entrent en conflit avec ceux de la population qu'ils desservent.

Alors, nous ne comprenons pas pourquoi la contribution des établissement à l'administration du conseil régional sera réduite comme on le propose dans le projet de loi.

M. Johnson (Anjou): Merci, madame. Je vous remercie pour vos commentaires au sujet de l'intégration de... à l'article 39, loi de la protection de la jeunesse, c'est plus mécanique, c'est un peu implicite dans le cas de 18.2. Ça va, j'ai fait le tour. Je vous

remercie de votre exposé clair.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier l'Association des centres des services sociaux du Québec pour son mémoire. Il n'y a pas tellement longtemps, j'ai été un peu sévère à son endroit, je trouve qu'aujourd'hui on nous présente un mémoire qui est certainement clair - peut-être que le ministre n'est pas d'accord avec les recommandations - et dans lequel il y a des recommandations précises, dont certaines sont très intéressantes, je trouve.

Comme par exemple, je cite celle-là de mémoire parce qu'on n'a pas le temps, surtout si mes trois collègues ont des questions à vous poser, les balises que vous mettez autour du conseil régional désigné pour des fins précises. Mais, je pense que là, j'ai senti un peu d'agressivité chez le ministre. Si je vous impute des sentiments que vous n'avez pas, M. le ministre, vous pourrez me corriger. L'agressivité que j'ai sentie de la part du ministre à votre endroit, c'est que même si vous le dites fort discrètement, vous êtes peut-être un des premiers organismes, quoique je dois dire que l'Association des hôpitaux du Québec l'a fait aussi avec passablement de vigueur... Vous venez nous signaler que par l'augmentation importante des pouvoirs qui sont dévolus aux CRSSS et ce n'est pas... Là je voudrais clarifier une chose, parce qu'on a un peu badiné autour de la table sur les CRSSS; il n'y a personne, je pense, même de l'autre côté de la table, en arrière de l'auditoire, qui veuille remettre en question l'existence des CRSSS. Je voudrais là-dessus être bien claire. D'ailleurs, vous le savez, M. le ministre, je vous l'ai dit hier. Mais il reste que ne pas remettre en question leur existence, c'est une chose différente que de les voir se substituer aux établissements, de les voir, par les pouvoirs supplémentaires qu'on leur accorde, finalement modifier sans qu'on le dise en public... Parce que tout ce qu'on a dit ici, ce sont toujours les questions qu'on vous pose et forcément comme ça, c'est l'article 1, c'est l'article 2, c'est l'article 4 où finalement, je ne dirais pas qu'on se perd en détails, c'est important de le faire, on oublie le problème de fond. Dans la deuxième partie de la loi no 27, si on peut la diviser en deux parties, on vient modifier la philosophie même qui a présidé à l'élaboration de la Loi sur les services sociaux et les services de santé dans le Québec. Vous le dites, vous autres, d'une façon bien discrète, dans un seul mot, en première ou en deuxième page, où vous dites que si ces choses sont retenues - je réduis évidemment certaines indications - elles modifieront considérablement la dynamique actuelle du réseau. Je pense que là-dessus, le ministre, qui n'a jamais voulu aborder ce problème, qui, je le sens, n'a pas l'intention de l'aborder, n'aime pas qu'on vienne lui dire cela, même si c'est d'une façon très polie et très subtile. Je ne sais pas si le ministre se rend compte que ce sera la première fois qu'on donnera aux CRSSS des pouvoirs de réglementation.

M. Johnson (Anjou): Dans quoi?

Mme Lavoie-Roux: À l'article 31, M. le ministre; jamais les CRSSS n'ont eu des pouvoirs de réglementation.

M. Johnson (Anjou): À l'article 31.

Mme Lavoie-Roux: À moins que ce ne soit l'article 18, en haut de l'article 18.

M. Johnson (Anjou): Pardon?

Mme Lavoie-Roux: L'article 31 qui correspond à 18 dans le...

M. Johnson (Anjou): L'article 31 de la loi?

Mme Lavoie-Roux: Attendez une minute. L'article 39, paragraphe 18.1: "Un conseil régional désigné par règlement peut exercer les fonctions suivantes..."

M. Johnson (Anjou): Non, la notion de règlement, c'est par arrêté en conseil. Un arrêté en conseil peut donner à un CRSSS le pouvoir d'exercer certaines fonctions. C'est une nuance de taille, je pense; je comprends ce que voulait dire la députée de L'Acadie, mais je pense qu'en relisant le texte attentivement, il n'est pas question de donner un pouvoir de réglementation aux CRSSS. Il est simplement question de dire, et peut-être que la confusion vient du mémoire, que c'est par décision du Conseil des ministres qu'un CRSSS peut exercer certains pouvoirs.

Mme Lavoie-Roux: À tout événement, s'il n'y a pas un pouvoir de réglementation tel quel, il reste que tous les pouvoirs qu'on lui donne, qui sont immenses, et hier l'Association des hôpitaux du Québec nous l'a dit, les fédérations médicales plus impliquées par la première partie qui venait toucher à tout le régime syndical que ces gens ont présentement, si on peut parler d'un régime syndical dans ce cas, ne se sont peut-être pas tellement attachés à cette question. Ils l'ont cependant tous soulignée. Il n'y a que le ministre qui ne la voit pas. (17 h 30)

Je ne sais pas si l'interprétation, en tout cas à certains égards, que je fais de

votre mémoire est juste. Pourriez-vous expliciter davantage ou corroborer cette interprétation que j'en fais à savoir que vous autres non plus, vous n'êtes pas contre les CRSSS? Vous pensez peut-être qu'ils doivent davantage jouer le rôle de suppléance dont eux-mêmes nous parlaient hier soir. Là où vous signalez, dans le cas de la coordination des placements de bénéficiaires, qu'on ne s'en occupe pas, le CRSSS, à un moment donné, il faut qu'il ait une autorité qui supplée à ce manque d'initiative, de volonté, de la part des établissements. Est-ce que je saisis bien le message que vous nous transmettez dans votre mémoire?

M. Robitaille: M. le Président, la députée de L'Acadie a saisi toutes les nuances et les messages que nous voulions donner. Je dois vous avouer que j'en suis à ma première commission parlementaire et j'ai l'impression d'être dans l'opposition, n'étant pas habitué à ce genre de dynamique et ne faisant pas partie du réseau, je dois gagner ma vie à l'extérieur du réseau. Par contre, il y a une expérience fort intéressante de participation à ce niveau, je dois vous l'avouer.

La première réaction que nous avons eue à nos tables de travail a été un peu la suivante: on a l'impression d'un changement profond par rapport à la philosophie, à l'esprit de la loi, que la loi 27 introduisait une modification profonde, je pense que vous l'avez bien traduite même si on ne l'a peut-être pas lancée avec tambours et trompettes autour de la table. Je pense, Mme Lavoie-Roux, que vous avez bien saisi l'essentiel de notre message.

D'autre part, en ce qui concerne le CRSSS et les balises qu'on propose, c'est que, lorsqu'on les désigne pour une fonction un peu spécifique, qu'on leur donne ça dans un contexte précis, limité dans le temps, limité quant aux objets également et que ce ne soit pas un jour 14 CRSSS désignés sur tous les objets de préoccupation du ministère, mais bien que les pouvoirs spéciaux soient dévolus en fonction de problèmes vraiment spécifiques à une région. Il ne faudrait pas oublier la dynamique de la région où il y a sûrement moyen, si le CRSSS jouait son rôle de leadership, de contenu au plan de la concertation, d'amener à trouver des solutions interétablissements.

Il faudra peut-être aussi enlever le mythe que c'est une lutte d'établissements et que ce sont des grosses structures tout le temps. Je pense que Mme Michaud a très bien passé le message tout à l'heure au niveau des professionnels qui oeuvrent dans nos établissements et qui ont la préoccupation de supporter, d'amener toutes les ressources disponibles aux gens qui sont, dans le fond, les plus démunis de notre société. Si on travaille le moindrement dans ce domaine-là, on réalise qu'il y a des cas qui ne sont pas faciles et c'est peut-être ça qui est difficile à rendre comme message.

Je voulais vous dire, madame, que j'apprécie hautement vos commentaires et que vous avez très bien compris l'esprit de notre présentation.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, s'il reste du temps après, je vais donner la parole à mes collègues et je reviendrai en question supplémentaire. C'est à vous de la donner.

Le Président (M. Bordeleau): Jusqu'à nouvel ordre, je vais la donner. À qui? Au premier ou à la première qui va me la demander. M. le député de Laurier.

M. Sirros: J'aimerais qu'on parle un peu plus de cette recommandation que vous faites concernant les fusions d'établissements. Effectivement, dans l'article 79 de la loi, la seule obligation qu'a le ministre, finalement, c'est de consulter le conseil régional avant de décider si oui ou non il fusionne des établissements. Il n'y a rien qui soit dit là par rapport au conseil d'administration de l'établissement, à la population, etc.

On sait aussi que, dans le domaine des services sociaux, les trois CSS de la région 6-A ont vécu et vivent peut-être encore une période difficile en termes d'adaptation et de changement par rapport à la sectorisation. Est-ce que ce serait un point qui pourrait vous inquiéter par rapport à ce pouvoir plus ou moins discrétionnaire du ministre de fusionner des établissements?

M. Robitaille: Si vous me permettez, je vais répondre à la première partie et inviter quelqu'un d'autre à répondre à la question plus spécifique du grand 6-A parce que je ne me sens tellement habilité à porter un jugement à ce niveau-là.

Ce que l'on craint un peu, c'est ça, quand on parle du pouvoir arbitraire du ministre. C'est sûr que la loi lui donne le pouvoir de décider des fusions comme telles et houp! tout est fait. On n'a peut-être pas choisi le bon mécanisme; on a fait référence à la Commission des affaires sociales, croyant par là qu'en extensionnant un peu les éléments il y aurait tout de même un genre de tribunal d'appel qui pourrait pondérer des décisions parfois un peu rapides qui pourraient se prendre à ce niveau-là.

Ce qu'on propose à ce moment-là, c'est que le ministre développe d'autres mécanismes et, comme première étape, qu'on implique les établissements concernés dans la démarche; je pense que c'est un minimum. Deuxièmement, qu'il y ait un certain consensus, parce qu'il se joue toutes sortes de parties dans le contexte actuel, et c'est un peu incompréhensible. J'arrive du Sommet

des personnes handicapées où j'ai rencontré des administrateurs de centres d'accueil et d'autres groupes, et le ministre pour la première fois dans un corridor; ça m'a fait plaisir de le saluer pour la première fois. J'entendais les gens dire: Nous autres, notre conseil d'administration a passé une résolution pour qu'on fusionne avec l'autre. Pouf! parti comme ça, tout seul, sans autre préalable. Je me dis: Quel genre de jeu on va jouer tantôt dans le réseau? Est-ce qu'on va s'en aller et modifier ce qu'on a développé, ce qu'on a réussi à mettre en plan et les acquis du jour au lendemain parce qu'il y en a quelques-uns qui veulent partir ou s'acquérir des propos? En tout cas, c'est un peu une question que je me pose d'une façon fondamentale.

Quant à votre deuxième partie sur la région 6-A, si je reprenais votre question, elle voudrait dire: Est-ce qu'il est question ou est-ce que l'on craint une fusion des trois CSS de la région? C'est ça que vous nous posez?

M. Sirros: Plus particulièrement la situation qui existe aux CSS Ville-Marie et juif.

M. Robitaille: Alors, je vais demander au directeur général de l'association, M. Beaulieu, de vous donner un élément de réponse là-dessus.

M. Beaulieu: Je dois vous dire que, lorsqu'on a fait nos commentaires sur la fusion, on ne pensait pas nécessairement aux CSS mais qu'on se situait globalement dans ce que vient dire M. Robitaille à l'endroit de tous les établissements du réseau des affaires sociales. Et on affirmait qu'une fusion, c'est une décision importante, parce qu'un conseil d'administration localement représentait la population et peut-être que la population, elle, voulait avoir une administration à tel endroit. On trouvait qu'une décision comme ça, ce n'était pas uniquement une décision administrative et on pensait qu'il fallait y apporter une forme de mécanisme d'appel. On en suggère un. Maintenant, comme M. le ministre le dit, il y a peut-être d'autres façons de le faire.

M. Johnson (Anjou): J'aurais peut-être un bref commentaire là-dessus. Cela me paraît assez fondamental comme préoccupation. Je ne sais pas si vous avez lu les journaux de la région de Québec récemment, ou de la Beauce ou écouté la radio. Il n'y a pas de pouvoir en ce moment spécifique. Le ministre des Affaires sociales a annoncé qu'une décision qui traîne depuis dix ans devrait être prise pour le bien-être de la population et j'ai cru remarquer qu'ils faisaient valoir leur point de vue. Et c'est ça qui est important; c'est de permettre...

Mme Lavoie-Roux: Tous les citoyens ne sont pas de bons Beaucerons.

M. Johnson (Anjou): Oui, mais je ne peux pas prendre pour acquis que les citoyens ne s'expriment pas. Les citoyens, ils s'expriment. Il y a des canaux pour ça, et le rôle des hommes politiques et de l'Assemblée nationale, c'est peut-être de les respecter. Si le député de Laurier me le permet, je vais terminer là-dessus. Non, ce n'est pas en vertu du règlement. La notion de fusion qu'il faut entourer de certaines balises dont une qui s'appelle l'intérêt public - c'est dans la loi ça - elle dérange beaucoup de monde en ce moment. Je comprends que ça dérange les structures. Cela dérange les structures, ça dérange les cadres, ça dérange les conseils d'administration, ça dérange une façon de fonctionner, c'est bien évident. Cela veut dire changer des habitudes et accepter qu'on les change. Mais ça, en soi, pour moi, ce ne serait pas une raison pour donner des pouvoirs parfaitement discrétionnaires au ministre des Affaires sociales et au gouvernement. C'est pour cela qu'on balise dans la loi.

Il ne faut pas, non plus, oublier une chose, c'est que les décisions d'orientation, de planification pour répondre aux besoins de la population, ce sont des décisions non seulement assumées, mais également payées par l'ensemble des citoyens à travers le truchement de notre mode de fonctionnement démocratique au société. Parfois, j'aurais le goût de vous demander devant qui vous répondez de vos budgets et de vos services dans les CSS. Je ne doute pas que vous en répondiez devant le gouvernement, mais le gouvernement, lui, en répond devant la population. Et en ce sens-là, je trouve qu'il y a peut-être un discours un peu trop exagéré quand on parle de ces pouvoirs que, pourtant, on balise. Il reste qu'on vit dans un système où ceux qui prennent les décisions sont obligés d'en répondre et on oublie tout le temps cela dans nos analyses.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Vous pouvez continuer, M. le Président. C'est peut-être une différence de philosophie, finalement. Il y en a un qui dit qu'on respecte les populations locales et les établissements, etc., tout en tenant compte des besoins de répondre à la population qu'a le gouvernement, effectivement. Mais, quand même, la seule balise qui existe à l'heure actuelle concernant la fusion est une consultation par rapport au conseil régional qui ne me semble pas une énorme balise par rapport à ce genre de geste. L'intérêt public, c'étaient la décision et l'interprétation du ministre, à la suite de cette consultation avec le CRSSS. Il n'y a là aucune autre

consultation. Les lois, selon moi, quand même, devraient être faites non pas en fonction de la capacité du citoyen à réagir avec insistance, violence ou quoi que ce soit, mais dans le sens de permettre une expression libre et une consultation assurée de cette population. C'est dans ce sens que je trouve personnellement qu'il y a trop d'insistance mise sur la capacité d'agir de façon plus ou moins discrétionnaire du ministre et du gouvernement en général, pas parce que c'est ce gouvernement, mais en général; je pense qu'on dirait la même chose si on était au pouvoir.

J'aimerais - seulement une deuxième question - vous parler de la recommandation 4 du Conseil du budget global. Est-ce que je comprends bien que vous voulez voir éliminer le concept des budgets protégés? Je ne sais pas à qui je dois poser la question.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Beaudry.

M. Beaudry: Non, il ne s'agit pas de voir éliminer le concept de budgets protégés qui répondent à des situations aussi particulières ou à des objectifs particuliers à un moment donné. C'est de réagir plutôt au libellé de l'article actuel, qui fait de la décision du ministre au niveau des budgets une référence aux activités mêmes de l'établissement et non pas soit sur une base de programmation ou sur une base plus globale afin de permettre à l'établissement tout simplement de conserver une marge de manoeuvre minimale pour rentabiliser les investissements qui y sont faits.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Oui. Ma question porte sur les implications de la loi 27 pour les services aux minorités. Je parle des minorités linguistiques, les minorités juives, qui ont un réseau très efficace d'institutions. Il me semble qu'il y a certains concepts dans la loi 27, comme le pouvoir de fusion, de réaménagement des services, le concept de territoires désignés, le système proposé de représentation aux CRSSS, toute cette philosophie, tous ces concepts risquent de mettre en danger les services aux minorités linguistiques. Vous avez proposé le droit d'appel - je crois que c'est une recommandation positive à cet égard - le concept de budget global au lieu d'être sur une base de services, mais je me demande si vous avez des commentaires là-dessus, parce que si le pouvoir arbitraire est utilisé, on pourrait en arriver à une situation où on n'aura pas de services pour les minorités linguistiques. On peut les éliminer complètement.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Robitaille ou quelqu'un d'autre. Mme Michaud? Allez-y!

Mme Michaud: C'est un commentaire qui voudrait peut-être élargir un peu, si vous me permettez, la question que vous soulevez. Une des inquiétudes que nous avons exprimées dans notre mémoire, c'est que des pouvoirs qui sont actuellement au niveau des établissements leur soient retirés plus ou moins complètement ou ouvertement, mais soient déplacés pour se situer maintenant au niveau du CRSSS ou, dans certains cas, même au niveau du gouvernement. Notre inquiétude, quand on parle de changements dans la dynamique du réseau, c'est que si, d'une part, il y a une décentralisation évidente du gouvernement ou du ministère vers les CRSSS, il y ait par ailleurs un transfert de responsabilités qui représente pour les établissements une centralisation vers le CRSSS. C'est peut-être de cette façon que je voudrais réagir à votre question ou à votre commentaire dans la mesure où certains établissements répondent à des clientèles spécifiques d'une façon qui correspond aux attentes ou aux besoins spécifiques d'une partie de la région ou d'un groupe de la région. (17 h 45)

Dans la mesure où on centraliserait davantage le pouvoir de décision au CRSSS, il y a possiblement un danger que les particularités des sous-groupes soient moins respectées. C'était le premier principe qu'on rappelait quant à la décentralisation, au tout début de notre mémoire, où on disait qu'il fallait accepter un droit à la différence. Enfin, on le disait autrement: "II faut reconnaître le droit à la différence d'un groupe ou d'une communauté à l'égard d'un autre ou d'une autre dans le respect du principe de l'universalité des soins et des services."

Autrement dit, on reconnaît que certains pouvoirs ou certaines responsabilités doivent être au niveau d'un gouvernement; d'autres sont mieux assumés au niveau d'un conseil régional, mais d'autres, par contre, ne peuvent être bien assumés que par ceux qui sont vraiment près de la clientèle et de la base. On craint que, par un déplacement de pouvoirs vers les CRSSS ou vers le gouvernement, on ne puisse plus répondre d'une façon aussi adéquate à la multiplicité des besoins et des attentes des populations.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Si je comprends bien, c'est exactement pourquoi je vous ai posé la question. Est-ce que vous pensez que les recommandations contenues dans votre mémoire, si elles sont acceptées par le gouvernement, assureront l'avenir des

services aux minorités?

Le Président (M. Bordeleau): Madame...

Mme Dougherty: Je me demande si elles vont assez loin. Peut-être que le ministre a des commentaires à formuler.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous allez commenter?

Mme Michaud: Peut-être que le ministre pourrait nous faire une promesse.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): On n'est pas ici pour faire des promesses, mais on connaît ce problème à l'égard des services sociaux, notamment sur l'île de Montréal, qui sont divisés, on le sait, pour des raisons historiques, culturelles et de tolérance réciproque entre les communautés. À cet égard, depuis de nombreuses années - je ne parle pas des trois ou quatre dernières seulement - cela se présente, je pense, comme un modèle de tolérance.

Il est évident que certaines des dimensions de nature purement culturelle, qui sont centrales dans l'activité des centres de services sociaux, si on se met dans la peau des citoyens plutôt que dans la peau des structures, reflètent la nécessité de la reconnaissance de cette diversité dans la réalité. Cependant, entre cela et sa reconnaissance autre qu'administrative, sa reconnaissance légale, il y a une marge. Il y a une reconnaissance de fait administrative, budgétaire, depuis de nombreuses années, du Centre de services sociaux Ville-Marie et du Centre de la communauté juive, même si on est passé par ce que j'appellerais le demi-artifice du territoire.

Ceci dit, je ne vois pas pourquoi ces centres qui, théoriquement, devraient ou pourraient être fusionnés en un seul ne procéderaient pas au moins, sur le plan administratif, sur le plan interne, donc, ce qui n'affecte pas le service aux citoyens -parce que c'est au nom du service aux citoyens qu'il faut reconnaître ce caractère particulier - ne procéderaient pas à une forme de resserrement administratif qui leur permettrait peut-être d'être encore plus efficaces ou, du moins, de maintenir l'efficacité en termes de services directs aux citoyens par des efforts au niveau des structures. Je n'irai pas plus loin que cela là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Est-ce que le ministre voit un certain lien possible entre l'administration d'un établissement et les services qu'il rend, la qualité et la possibilité d'adapter ces services à des communautés culturelles, etc.? Est-ce que le ministre voit ce genre de lien ou si les deux choses, selon lui, sont complètement à part? N'importe quelle administration peut-elle administrer n'importe quoi?

M. Johnson (Anjou): Je pense que le député de Laurier est en train de répondre à la question en la posant. La forme a quelque chose de tellement ironique qu'elle est étonnante. Cela m'étonne un peu, de la part d'un ancien administrateur du réseau des affaires sociales. Par ailleurs, il est bien évident que chaque fois qu'on a affaire à un établissement, quel qu'il soit, dans le réseau des affaires sociales, il pourra toujours justifier de meilleurs services aux citoyens, que ce soit un hôpital, un centre de services sociaux, un CLSC, un centre d'accueil, un centre de réadaptation, de l'hébergement, un groupe bénévole financé comme les maisons de femmes pour lesquelles on donne 1 400 000 $ par année. Il pourra toujours invoquer que, s'il est parfaitement maître et seul maître d'oeuvre et de ses politiques et de ses services et de son administration, il donnera de meilleurs services. C'est uneespèce de tautologie absolument merveilleuse qui permet de justifier absolument aucun changement.

Ceci dit, il est évident que certains aspects de l'administration peuvent influencer ce que j'appellerais la dynamique des services aux citoyens. Mais qu'on ne vienne pas me faire croire qu'une liste de paie unique modifie beaucoup de choses. Qu'on ne vienne pas me faire croire que l'utilisation de l'informatique modifie beaucoup de choses pour les services à domicile. Qu'on ne vienne pas me faire croire que l'achat en commun des effaces, des crayons et du papier modifie les services aux citoyens. En ce sens, je pense qu'il faut être très empirique.

C'est la dernière remarque que je passerai sur cette question.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Si vous voulez la reprendre.

Mme Lavoie-Roux: Peut-être qu'on devrait faire cela en commission parlementaire, mais ce ne sera pas long. Je voyais dans...

Le Président (M. Bordeleau): Je croyais que vous vouliez poser une question de règlement pour le ramener à l'ordre, Mme la députée de L'Acadie. Je vais la prendre.

Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas cela. On est rendu avec une nouvelle formule. Il ne s'agit plus d'avoir un réseau d'établissements, il faut un réseau de

services. C'est beau, cela! Mais quand vous regardez ce qu'il y a derrière cela, est-ce que ce réseau de services va se substituer totalement à ce qu'on appelle un réseau d'établissements qui a quand même des caractères propres pour répondre à des besoins propres. Tout à coup, on tombe dans une nouvelle - je ne sais pas si on appelle cela de la tautologie aussi, mais en tout cas - une nouvelle rhétorique.

M. Johnson (Anjou): Redondance.

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est une nouvelle rhétorique. Je pense qu'il faudrait faire bien attention avant d'adopter ce beau slogan: D'un réseau d'établissements, on passe à un réseau de services. Tout le monde est pour un réseau de services, mais il ne faut pas non plus, à partir de ce beau slogan, dire: Les établissements, eux sont là simplement comme des instruments absolument physiques. Je pense qu'au-delà de ce qui est physique dans un établissement, il y a aussi - j'espère - parfois des philosophies, des caractéristiques propres, des choses qui les personnifient, qui les identifient, en fonction des besoins des populations.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Si j'ai bien compris le sens de votre mémoire, si je puis résumer brièvement, les pouvoirs des établissements par rapport aux CRSSS, vous voyez certains éléments de coordination, par exemple, les biens et les services, ensuite, les admissions, mais que, en pratique, ce sont des sujets. Tout le reste devrait demeurer statu quo, c'est-à-dire que les établissements devraient demeurer maîtres de leur propre gestion, de leurs propres opérations, quitte à ce que les CRSSS fassent la coordination des admissions et des biens et services. Est-ce que j'ai bien compris en général?

M. Robitaille: II y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit.

M. Lincoln: Je réalise cela, mais dans les questions fondamentales que vous acceptez de passer aux CRSSS comme pouvoirs.

M. Robitaille: C'est-à-dire que les questions fondamentales, bien sûr, sont toute la question des balises au niveau de la gestion du ministre. On a dit, tout à l'heure, que quel que soit le ministre qui soit aux Affaires sociales, ce serait la même recommandation.

Le transfert des pouvoirs vers le CRSSS, on dit qu'il faut être prudent. Il faut que cela se fasse aussi avec certaines balises d'autant plus, comme on a essayé de vous le présenter, qu'à l'inverse, il y a une délégation. On départit les établissements de certains pouvoirs de gestion. Or, il y a des conseils d'administration qui sont là également pour agir et il faut leur laisser une certaine latitude dans la gestion interne; on craint d'enlever trop finalement et qu'il ne reste plus rien au niveau interne à faire, sauf d'appliquer les directives administratives ou les circulaires administratives qui arrivent en série et qui contrôlent... De toute façon, ils sont là pour contrôler. On est d'accord sur le contrôle financier. On est d'accord sur la responsabilité du ministre, par rapport aux fonds publics. On n'a jamais contesté ces éléments comme tels.

Au niveau des admissions, on a soulevé un problème de fond: dans certains cas, on tombe toujours entre deux chaises. On aimerait peut-être profiter de la commission parlementaire pour demander les correctifs qui vont corriger ces situations extrêmes où on se retrouve toujours entre deux parce qu'on n'a pas tout à fait un réseau intégré au plan des formes.

On a parlé des centres hospitaliers de soins prolongés, qui ne font pas partie de la même série de critères d'admissibilité, et des organismes qui peuvent refuser des clientèles parce qu'il y a toujours des cas entre deux. On ne peut pas tout prévoir. Mais, dans le reste de votre intervention, je pense que vous avez touché l'essentiel.

M. Lincoln: C'est-à-dire que l'essentiel, ce serait un établissement communautaire qui serait géré localement par son propre conseil d'administration, ce qui est le cas aujourd'hui.

Par rapport au conseil d'administration du CRSSS, vous avez laissé entendre que vous n'aviez peut-être pas assez d'influence. Je voudrais savoir si c'était et quantitatif et qualitatif parce que, là, si je regarde le présent projet de loi, vous avez 12 représentants sur 22 dans les établissements. Il y a les centres hospitaliers, les CLSC, il y en a 12 sur 22, tandis que là vous tombez à 4 sur 14. Est-ce et quantitatif et qualitatif et, sur la question de la qualité, est-ce que cela vous tracasse qu'il n'y ait pas de professionnels qui puissent défendre vos intérêts face au ministre qui aura maintenant deux représentants plus le conseil des médecins? Est-ce que vous pourriez expliciter un peu, s'il vous plaît?

Mme Michaud: C'est et quantitativement et qualitativement, dans le sens que nous croyons qu'il y aurait une contribution importante si notre représentation pour chaque établissement pouvait être de deux personnes; l'une ne serait pas employée de l'établissement, mais

l'autre serait une personne bien au fait des dossiers de par sa pratique quotidienne.

M. Lincoln: C'est-à-dire que le conseil d'administration aurait été de 18 personnes et vous en auriez 8...

Mme Michaud: C'est cela.

M. Lincoln: ... dont 4 seraient des professionnels de chaque établissement.

M. Beaudry: Je ne voudrais pas que le député ait l'impression qu'on veuille le statu quo parce que notre mémoire n'est pas à cet effet-là et qu'on veuille aussi conserver au niveau de l'établissement tous les pouvoirs qu'on avait. On a fait une recommandation, par exemple, au niveau de la fusion. On a dit: Le ministre était face à la situation suivante: pour faire une fusion, il lui fallait absolument le consentement du conseil d'administration de l'établissement. On dit qu'il faudrait y aller au moyen d'une autre formule et donner au ministre le pouvoir de le faire moyennant certains mécanismes.

On dit aussi qu'au niveau des établissements on ne veut pas nécessairement conserver tous les pouvoirs. On dit qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui décide et on réagit au projet de loi lorsqu'il dit que le CRSSS "établit". On dit: Oui, au bout du compte, il faut que quelqu'un établisse, mais on ajoute: en concertation avec.

Dans ce sens-là, on est favorable à ce que des décisions se prennent à un autre niveau que l'établissement pour le fonctionnement harmonieux du réseau comme tel.

Le Président (M. Bordeleau): S'il n'y a pas d'autres questions, je pense qu'on est appelé de l'autre côté. Sans vous brimer de quoi que ce soit, on va suspendre la séance. Avant, M. le ministre, vous avez le mot de la fin.

M. Johnson (Anjou); Madame, messieurs, je voudrais vous remercier de votre mémoire, encore une fois, dont la limpidité, indépendamment des nuances qu'il peut y avoir quant au point de vue, non pas dans les interprétations... je pense que c'est assez clair de part et d'autre, et je vous en remercie. Je vous remercie du travail, tous, mais particulièrement ceux d'entre vous qui êtes hors réseau, comme on dit dans le réseau des Affaires sociales. Je vous demande de nous excuser de finir un peu rapidement, étant donné que nous sommes appelés à voter en Chambre. Merci.

M. Robitaille: Merci.

Mme Michaud: Merci beaucoup, M. le ministre.

Le Président (M. Bordeleau): La commission va suspendre ses travaux. Auparavant, je voudrais juste rappeler que le prochain groupe que nous entendrons à 20 heures ce soir en recommençant nos travaux sera l'Ordre des dentistes du Québec.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 25)

Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et messieurs, la commission des affaires sociales reprend ses travaux aux fins d'entendre les mémoires de certains organismes. Ce soir, nous entendrons les représentants de l'Ordre des dentistes du Québec, dont le porte-parole est le Dr Jean-Guy Landry. Est-ce bien cela?

M. Lamarche (Pierre-Yves): Je m'excuse, le Dr Landry ayant été retenu pour des causes extrêmement importantes à Montréal, vous devrez souffrir que son directeur général le remplace.

Le Président (M. Bordeleau): Vous êtes le Dr Pierre-Yves Lamarche, n'est-ce pas?

M. Lamarche: C'est exact.

Le Président (M. Bordeleau): M. Lamarche, si vous voulez bien nous présenter les personnes qui sont avec vous et nous faire part de votre mémoire verbal, à ce qu'on m'a dit.

Ordre des dentistes du Québec

M. Lamarche: C'est exact. Malgré l'échéance relativement courte de l'avis de la commission parlementaire, nous avons quand même préparé un mémoire dont il vous sera possible de prendre connaissance, soit ce soir ou très tôt demain matin. Nous nous excusons de ce délai, mais étant donné que notre mémoire est relativement simple et d'intelligence assez facile, je pense qu'il est possible que nous puissions procéder sans que vous ayez en main ledit mémoire.

A ma droite, Me André Poupart, conseiller juridique de l'Ordre des dentistes; à mon extrême gauche, le Dr Marc Boucher, administrateur de l'ordre; à ma droite immédiate, le Dr Guy Maranda, vice-président de l'Ordre des dentistes.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, il me plaît, au nom de l'Ordre des dentistes, de vous remercier de nous avoir convoqués à cette commission parlementaire portant sur le projet de loi no 27 auquel nous avons souscrit avec beaucoup d'enthousiasme et

d'intérêt.

L'implication de l'Ordre des dentistes en milieu hospitalier étant naturellement limitée, l'ordre souhaite vous soumettre des représentations sur certains éléments qui le concernent plus directement, tout en tenant compte de l'évolution des discussions devant cette commission au cours des deux derniers jours. L'implication de l'Ordre des dentistes ou des dentistes eux-mêmes en milieu hospitalier est naturellement limitée et elle l'est d'autant plus que dans bon nombre d'établissements, qui devraient en être pourvus, il n'y a pas de service dentaire hospitalier.

Si le gouvernement désire favoriser l'accessibilité aux soins et l'intégration des dentistes, voilà un premier secteur où il pourrait intervenir de façon privilégiée. Soit dit en passant, une telle mesure pourrait favoriser l'installation de dentistes hors des grands centres et, de là, intégrer davantage, comme je viens de le dire, le dentiste à l'équipe hospitalière.

Dans le communiqué de presse no 401181 émis lors du dépôt du projet de loi, il est prévu que certaines catégories de spécialistes, dont les anesthésistes, feront l'objet d'ajustement de leur mode de rémunération. L'Ordre des dentistes tient à souligner que le mode de rémunération retenu pour les anesthésistes ne devrait pas avoir pour conséquence de compromettre l'existence et le développement des cliniques privées d'anesthésie pour fins de chirurgie et de restauration dentaire. Ces cliniques favorisent l'accès, à un coût réduit, à des services d'anesthésie, services agréés par la corporation professionnelle intéressée qui, en l'occurrence, est la Corporation professionnelle des médecins.

La répartition des professionnels de la santé. L'Ordre des dentistes a déjà demandé à plusieurs reprises que des encouragements soient accordés aux dentistes qui acceptent d'exercer leur profession en des régions éloignées et plus ou moins bien pourvues en services de toute sorte. L'attribution de bourses d'étude, accompagnée d'une obligation d'exercer dans un territoire pour une période déterminée, devrait favoriser la répartition géographique de ces professionnels. L'ordre est également favorable à l'attribution d'une prime d'éloignement aux professionnels qui ont accepté d'exercer dans une région qui présente moins d'intérêt ou qui s'avère moins hospitalière. (20 h 30)

Que cette prime prenne la forme d'une rémunération additionnelle ou d'une rémunération inférieure en fonction du lieu d'exercice m'apparaît pas nécessairement comme étant la meilleure des solutions. Nous privilégions des mesures plus incitatives. À la rémunération additionnelle, l'attribution de bourses, de prêts d'établissement, d'un revenu minimum garanti, l'ouverture de centres dentaires hospitaliers constitueraient des stimulants efficaces qui permettraient de maintenir le principe que, pour un acte donné, soit attribué un même honoraire de base juste et raisonnable. Les mesures négatives ne devraient intervenir que si les mesures positives ne donnent pas les résultats qu'on escompte. Quant au manque de dentistes dans certaines régions, il faut constater déjà une nette amélioration. De plus, au rythme auquel nos universités forment les dentistes, dans très peu de temps, toutes les régions, dont la population est suffisante pour justifier la présence d'un dentiste, sera desservie. Il est assez difficile d'imaginer une surconsommation importante en soins dentaires. Il est de commune renommée que peu de personnes fréquentent le dentiste par plaisir d'une part, et que, d'autre part, malgré la gratuité des soins, un pourcentage encore trop faible de jeunes Québécois fréquente le dentiste.

Ici, vous me permettrez une légère digression pour mentionner que le nombre des dentistes au Québec augmente à un rythme environ dix fois plus rapide que la population. Donc, en termes de distributeur de soins, vous me permettrez cette redondance: Il est fort probable que d'ici peu, par l'accroissement de la population dentaire, le problème de la distribution des dentistes à travers tout le territoire québécois s'avère chose du passé. L'article 34 prévoit l'insertion dans la Loi sur les dentistes d'un nouvel article avec lequel l'ordre serait d'accord, s'il était modifié pour en limiter l'application aux actes posés dans un établissement. Par contre, le Conseil des médecins et dentistes devrait recevoir copie non seulement du rapport d'une enquête faite à la demande du bureau, mais également du rapport du comité d'inspection professionnelle et d'une décision du comité de discipline. Il s'agit, dans cet article 34, de la divulgation de résultats d'enquêtes commandées par le Bureau de l'ordre professionnel. Cet article ne résout pas le problème que les différents ordres professionnels ont soulevé, c'est-à-dire que lorsqu'un professionnel de la santé oeuvre en établissements, le rapport d'une inspection professionnelle faite sur son comportement devrait non pas être gardé ou se limiter au professionnel lui-même, mais devrait être porté à la connaissance du Conseil des médecins et dentistes et ce, dans une perspective de protection du public.

C'est dans cette perspective que nous insistons sur le fait que cet article devrait mentionner que le Conseil des médecins et dentistes devrait recevoir copie, non seulement du rapport d'une enquête faite à la demande du bureau, mais également du rapport du comité d'inspection professionnelle et d'une décision du comité de discipline.

Rappelons-nous que le comité d'inspection professionnelle a pour objet de vérifier la compétence et le comportement professionnel des dentistes à l'endroit où ils dispensent leurs soins. Tel que rédigé, l'article 34, auquel je fais allusion est d'une application très limitée, car le bureau fait effectuer très peu d'enquêtes en vertu des articles 16 et 18 de ladite Loi des dentistes. L'article 31, le fameux. Tel que rédigé, l'article 31 signifie que les règles du jeu peuvent être changées en tout temps par une seule partie sans aucune consultation. Je pense qu'aujourd'hui ce n'est pas la première fois qu'on vous répète cette phrase. Le résultat d'une longue négociation, de bonne foi, pourrait être changée unilatéralement par un simple décret, règlement ou arrêté. Une telle disposition, nous semble, dans une certaine mesure, inquiétante. Il serait préférable, croyons-nous, de la remplacer en prévoyant des négociations permanentes pour adapter l'entente aux besoins particuliers qui peuvent apparaître.

Si le ministre veut disposer de pouvoirs exceptionnels pour régler des situations de crise, que la loi lui accorde des pouvoirs très étendus, mais d'une application limitée dans le temps. Un décret pourrait être en vigueur mais pour une durée maximum de 60 jours, par exemple. Nous avons entendu, au cours de cette journée, M. le ministre, vos explications, et à la lumière de l'expression de celles-ci, nous suggérons que cet article soit réécrit de façon à calmer les inquiétudes et refléter exactement vos intentions dont vous nous avez fait connaître la portée et l'usage que vous voulez en faire de cet article.

À l'article 4, alinéa 6. L'adoption de l'article 4, alinéa 6, permettrait au ministre dans des conditions précises de mener des expériences. L'ordre est favorable à une telle disposition pourvu que l'expérience soit menée en collaboration avec les organismes représentatifs des personnes impliquées. De telles expériences pilotes, appelons-nous, permettraient de vérifier la justesse de certaines hypothèses avant leur généralisation à l'ensemble d'un secteur ou de la province elle-même. Cette façon de procéder permettrait d'éviter des expériences générales négatives dont le coût humain, social et économique peut être très élevé.

En conclusion, l'Ordre des dentistes partage l'avis exprimé dans les communiqués de presse à l'effet qu'un des défis des prochaines années en matière de santé consistera à essayer de faire davantage avec la même quantité de ressources. Cette opinion remet en cause un postulat qui semble avoir guidé la société québécoise depuis l'adoption du régime d'assurance-maladie, alors que l'objectif était des soins de la meilleure qualité possible pour tous. Aujourd'hui, il devrait se dire: Des soins de qualité correspondant à nos moyens pour tous. L'Ordre des dentistes regrette que le débat très important sur la qualité relative des soins que le Québec peut s'offrir compte tenu de toutes ses autres priorités n'ait pas eu lieu. Ce qui semble évident, c'est qu'aujourd'hui il faut faire plus avec moins et surtout faire en sorte qu'un régime dit universel soit réellement accessible à tous. Je conclus en vous disant que nous n'avons plus les moyens de nous payer le luxe de ne point prévenir la maladie. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Lamarche. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): J'ai écouté les commentaires de l'ordre. Je pense que, sur le fond, il n'y a pas de dispositions particulières au-delà de ce qui a déjà été évoqué; sur les objectifs qui sont poursuivis par la loi non plus. Je me permettrai simplement une question. En tant qu'ordre, donc, avec une vocation de protection de la santé publique, de protection du public et non pas de protection des intérêts professionnels, puisque c'est le rôle du syndicat - je présume que le syndicat viendra nous expliquer cela abondamment, il y a un syndicat, une fédération dont c'est le rôle parfaitement légitime - je me demande si vous auriez des choses qui relèvent plus du champ de juridiction et d'activité de la corporation à ajouter au-delà de ce que vous nous avez donné. J'ai compris que l'essentiel de vos considérations portait sur les objets syndicaux, la question de la négociation, etc., indépendamment des objectifs.

M. Lamarche: Je m'excuse, M. le ministre, mais l'affirmation que j'ai faite en ce qui a trait à l'article 31 était une partie du mémoire. J'ai l'impression personnellement avoir touché des éléments qui relèvent justement de notre juridiction et, pour n'en mentionner que quelques-unes, j'ai mentionné qu'il s'agissait de la salarisation de certains spécialistes. L'Ordre des dentistes souhaiterait qu'on tienne compte du fait qu'actuellement l'organisation dentaire au Québec prévoit l'organisation de certaines cliniques où s'exécutent des soins de qualité qui facilitent l'accès de la population à des soins chirurgicaux et de restauration; or, ces cliniques sont à caractère privé. En cas de salarisation des anesthésistes, si certaines modalités les rendaient captifs du milieu hospitalier où ils travaillent, nous assisterions au démantèlement de telles cliniques et, à ce moment-là, l'accessibilité de patients qui représentent des risques presque nuls en termes d'anesthésie devrait se faire en milieu hospitalier et l'accessibilité serait réduite à cause d'un achalandage qu'on comprend très bien, ainsi que des coûts extrêmement importants qu'ils pourraient

représenter. Cela, c'est une dimension qui nous préoccupe en tant qu'accessibilité.

J'ai mentionné également que nous étions d'accord avec une foule de mesures qui favoriseraient la répartition des dentistes en sol québécois. C'est une dimension qui est extrêmement sociale en termes d'accessibilité des soins pour la population dans tous les coins de la province. J'ai ajouté également que le rythme d'augmentation des dentistes à travers le Québec résoudrait éventuellement la pénurie de dentistes dans certains coins. J'ai ajouté également que le projet de loi no 27 devrait être modifié à un certain article de façon à permettre au Comité d'inspection professionnelle de soumettre ses conclusions lorsqu'il s'agit d'un membre de notre corporation qui présente certains comportements professionnels déviants et que les rapports du Comité d'inspection professionnelle soient confiés ou soient portés à la connaissance du Conseil des médecins et dentistes.

Je pense que c'est une mesure qui est intimement reliée à la protection du public. Je pense également avoir soulevé certains éléments au niveau du bill 31 qui nous apparaissaient, dans une certaine mesure, un sujet extrêmement litigieux, à portée syndicale, j'en conviens, mais qui pourrait comporter, selon les réactions que nous avons pu entendre, certaines difficultés quant à l'organisation de la médecine, ainsi que de la médecine dentaire. L'intervention que nous avons faite n'est pas une intervention à caractère syndical, mais plutôt une contribution de l'Ordre des dentistes en vue de résoudre un problème qui semble relativement aigu. Nous vous avons demandé, entre autres, à ce fameux article où les pouvoirs ont semblé être excessifs, que l'article soit récrit. Nous avons parfaitement compris, au cours de cette journée, que les intentions que vous entreteniez quant à l'application n'étaient pas aussi démagogiques et n'étaient pas aussi dangereuses que l'ont prétendu nos prédécesseurs. C'est dans cette perspective que l'Ordre des dentistes s'est permis de vous suggérer de récrire l'article pour calmer les intentions et, de ce fait, contribuer au succès de cette commission.

Le Président (M. Bordeleau): Merci.

M. Johnson (Anjou): Ce sont des propos et des préoccupations, je pense, qui honorent l'ordre à l'égard de la paix sociale, puisque c'est un terme que j'ai entendu. Il y a combien de cliniques d'anesthésie dentaire? Je pense qu'elles sont essentiellement à Montréal et à Québec, si je ne me trompe. Il y en a deux ou trois. C'est ça?

M. Lamarche: II y en a plus que trois. Je dirais qu'il en a à peu près 13 à 14 dans l'ensemble de la province. Il y en a plusieurs qui se situent à l'extérieur de Montréal, mais le dénombrement de ces cliniques pourrait vous être fourni par la Corporation professionnelle qui les agrée, c'est-à-dire la Corporation professionnelle des médecins, parce que vous conviendrez que l'anesthésie générale relève d'une autre corporation que la nôtre.

M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, au niveau de l'ordre, des difficultés qui s'étaient posées à une certaine époque, des accidents absolument malheureux et l'intervention à ce moment-là des ordres pour s'assurer que toutes les mesures étaient prises pour garantir la sécurité des citoyens avaient donné lieu à la création de ces cliniques. Est-ce que tous les professionnels dont vous vous occupez à l'ordre passent nécessairement par ces cliniques quand ils doivent procéder à l'anesthésie - j'exclus l'hôpital; dans certains cas, ça peut arriver, il y a certains types de chirurgies qui se font en établissement - ou est-ce qu'il y a encore de l'anesthésie en cabinet, à l'occasion?

M. Lamarche: Nous avons déconseillé complètement l'anesthésie en cabinet privé et, d'autre part, les exigences qu'exige -vous me pardonnerez cette redondance - la Corporation professionnelle des médecins rendent presque prohibitive l'organisation de telles cliniques en cabinet privé, quoiqu'il existe des regroupements de dentistes qui choisissent un confrère - lequel confrère organise sa clinique de façon à se pourvoir de toutes les mesures de sécurité possibles -et permettent, avec l'autorisation de la Corporation professionnelle des médecins, la dispensation d'anesthésie générale en toute sécurité. Et il existe de moins en moins de dentistes qui distribuent l'anesthésie générale. (20 h 45)

M. Johnson: À l'égard des établissements, les conseils de médecins et dentistes, par définition, impliquent les dentistes aussi. Je comprends qu'il y en a finalement très peu en établissement. Vous voyez, dans cette approche, et je pense que vous avez reconnu quel était là un des objectifs importants du projet de loi, une meilleure harmonisation du rôle des professionnels que sont les médecins et dentistes dans l'établissement.

Est-ce que vous voyez là, également, de façon positive, - et on sait qu'il y a un problème de répartition très sérieux sur le territoire des dentistes, ne serait-ce que parce qu'il y a une pénurie relative des dentistes - est-ce que vous voyez là un moyen, en région, pour attirer des dentistes, que ces efforts qui sont faits au niveau institutionnel?

M. Lamarche: C'est exact, parce que le

centre hospitalier provoque le même mouvement, le même phénomène d'entraînement des professionnels de la santé chez les médecins que chez les dentistes.

Mais, actuellement, nous avons l'impression que la structure des budgets hospitaliers ne privilégie pas l'organisation des services dentaires. Si bien que, lorsqu'on parle du conseil des médecins et dentistes, et qu'on parle de la pratique de la médecine dentaire en milieu institutionnel, on assiste à un certain paradoxe, étant donné que l'évolution scientifique et l'évolution médicale font, de plus en plus, la démonstration qu'il existe des relations très intimes entre des pathologies buccales et des maladies systémiques et vice versa.

Donc, l'intégration du dentiste dans l'équipe hospitalière et dans le milieu hospitalier et dans le conseil des médecins et dentistes, ce n'est pas chose faite. Je pense qu'il y aurait avantage à le faire surtout dans les institutions à soins prolongés et les institutions pour malades aigus, et surtout que l'on développe des centres pour traiter les handicapés qui, actuellement, sont en assez grand nombre. C'est la tendance d'en parler, mais je pense qu'il est opportun de le faire. Les handicapés actuellement, s'ils sont couverts par l'assurance-maladie, il n'y a pas de problème, ils peuvent se présenter dans certains centres hospitaliers où il y a des dentistes. Mais à partir du moment où ils dépassent l'âge admissible à l'assurance-maladie, c'est-à-dire 16 ans et plus, c'est un véritable problème, ils sont pénalisés, parce que le traitement dans le cabinet privé représente certaines difficultés.

M. Johnson (Anjou): Alors je vous remercie Dr Lamarche. Ma question d'entrée, tout à l'heure, voulait essentiellement vous amener à préciser, ce que vous avez réussi à faire, je pense, très clairement. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Alors je veux remercier également l'Ordre des dentistes de son mémoire. Peut-être l'avez-vous dit et je ne vous ai pas entendu parce que je prenais quelques notes, pouvez-vous nous dire la proportion des dentistes qui opèrent en régions éloignées, en s'entendant d'une façon générale sur ce que peuvent être les régions éloignées, c'est-à-dire leur pro rata par rapport à la population dans ces régions-là? Est-ce qu'il y a des régions qui ne sont pas du tout desservies, et est-ce que, dans ces cas là, il y a des équipes volantes, itinérantes ou...

M. Lamarche: D'abord, il s'agirait de définir quelles sont les caractéristiques d'une région éloignée. Le fait de dire que c'est une région éloignée n'est pas nécessairement un phénomène inhospitalier pour un dentiste, parce que vous avez des régions éloignées où vous avez des concentrations de population qui sont suffisantes et où il y a des dentistes.

Le problème qui survient, c'est là où les populations sont disséminées sur un grand territoire. Et je pense qu'à ce moment-là on devra imaginer d'autres mécanismes, parce qu'en aucune circonstance il sera possible d'aller cantonner un dentiste dans un endroit, puisqu'il doit se déplacer. L'Ordre des dentistes imagine actuellement et fait des démarches pour se pourvoir... Il sollicitera certainement la collaboration du ministère pour faire l'acquisition de roulottes qui existent dans d'autres provinces, notamment en Saskatchewan et ailleurs, pour desservir, justement, ces régions.

Il existe également des CLSC qui s'installent à différents endroits. On pense à ce que les dentistes étrangers que nous accueillons au Québec et à qui nous accordons certains privilèges puissent éventuellement, en échange des possibilités qu'on leur offre, parce qu'actuellement, cette année, on offre des bourses à ces gens pour poursuivre des études... Et à ce moment, on pourrait, en vertu de certains mécanismes tels les mécanismes utilisés par la régie, par exemple, amener ces professionnels à opérer dans des régions dites inhospitalières ou éloignées.

Nous avons vécu en Ontario le même phénomène et les gens au bout de trois ans se sont acclimatés au milieu et s'y sont intégrés; ils ne sont pas revenus dans les grands centres. Donc, il y aurait avantage, si nous offrons l'hospitalité à certains dentistes venant de l'extérieur, d'offrir des examens et cela pourrait apporter une contribution fort valable à la solution du problème de la pénurie sectorielle de dentistes au Québec. Cette pénurie, il ne faudra pas l'accentuer d'une façon incroyable, parce que vous prenez la Gaspésie déjà pour vue; cela prendrait environ 97 dentistes au Québec pour régler le problème de l'accessibilité et imaginez-vous que nous en produisons environ 100 à 110 par année. L'augmentation du nombre des dentistes - comme je le disais tout à l'heure - est dix fois plus rapide que l'augmentation de la population, si bien qu'en 1989-1990 on atteindra un rapport dentistes-population suffisant pour le Québec, compte tenu du fait que par un manque d'éducation, par un manque d'hygiène, le Québécois moyen consomme des soins dentaires à un taux beaucoup moindre que partout au Canada et qu'en dépit de la qualité des dentistes dont nous disposons au Québec, la santé dentaire de nos Québécois se situe à un rang incroyablement loin par rapport, par exemple, à l'Ontario.

Mais, si on associe à ce phénomène la fluoration des eaux de consommation, qui est un phénomène qui contrôle la carie, on se rend compte qu'au Québec, nous avons 19% de l'eau de consommation courante qui est fluorée. La moyenne du Canada, c'est 54% et en Ontario, c'est 76%. Il est fort étrange qu'au niveau de fluoration des eaux de consommation il y ait un état de la santé dentaire correspondant.

Je m'excuse, mais le gros phénomène au Québec, je pense que ce n'est pas une question d'accessibilité. On a cru, il y a quelques années, que c'était l'accessibilité qui était le problème fondamental au Québec; on a amélioré, on a augmenté le nombre des dentistes à 85 à Montréal, 32 à Québec et 40 à McGill, on a cru par la suite que c'était un problème financier.

Le ministère des Affaires sociales par le truchement de la Régie de l'assurance-maladie a assuré une gratuité de soins. On se rend compte aujourd'hui, par un dernier rapport de la Régie de l'assurance-maladie, que seulement 51% des gens admissibles au régime se prévalent d'une gratuité. C'est fort inquiétant. Et au niveau des assurances privées, on reconnaît le même phénomène. Au Québec - même si cela est gratuit, la carie dentaire est la même partout, c'est une maladie qui frappe 99% de la population - nous sommes ceux qui consomment le moins de soins dentaires.

Mme Lavoie-Roux: Alors, deux questions plus précises.

Vous avez estimé que pour couvrir les besoins du Québec... Est-ce uniquement en régions éloignées que vous auriez besoin de 97 dentistes de plus? Oui, uniquement en régions éloignées.

Maintenant, quel est le taux de persévérance, si je peux dire, des dentistes qui...? Comme vous dites, dans les régions éloignées, cela peut représenter une chose différente. J'en ai rencontré un en Abitibi, l'autre jour - j'ai l'impression qu'il est là depuis trois ou quatre ans au moins - et, je n'ai pas eu l'impression qu'il avait envie de revenir, de toute façon. Est-ce qu'il y a une plus grande persévérance chez les dentistes qui vont dans des régions éloignées, je ne leur demande pas de s'en aller dans une bourgade où..., que chez les médecins d'une façon générale?

M. Lamarche: Je comprends très bien votre question, je pense qu'elle est pertinente et je vous remercie de me l'avoir posée. On remarque que, lorsqu'un dentiste vient, par exemple, de l'Abitibi, de Chicoutimi ou du Lac-Saint-Jean, il vient pour suivre ses études et dans 80% des cas, il retourne distribuer ses soins dans sa région de provenance. Donc, on se demande s'il est possible d'imaginer de privilégier les gens qui font une demande d'inscription en médecine dentaire, soit à Québec, soit à Montréal et qui viennent de l'étranger. De l'étranger, je parle des régions comme de Québec et de Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Attention, il vient de l'Abitibi celui-là.

M. Lamarche: Là, je viens d'en dire une belle. Vous me comprenez de toute façon.

M. Johnson (Anjou): Consolez-vous, il n'a pas le droit de vote ici à la commission.

M. Lamarche: Je n'ai même pas le droit de participer au débat, parce que j'aurais le goût des fois. Mais vous me comprenez, je pense qu'actuellement l'Ordre des dentistes s'interroge sur ce phénomène qu'on a observé. Habituellement les gens qui viennent, soit de l'Abitibi, du Lac-Saint-Jean ou de certaines régions qui manquent de dentistes, habituellement, ces gens retournent chez eux.

Mme Lavoie-Roux: II me semble que c'est différent mais si c'est ce que vous avancez, je ne peux pas le mettre en doute. Mais cela semble être différent du code des médecins, parce que je me suis fait dire que si tous les étudiants qui venaient en médecine dans les facultés, que ce soit Sherbrooke, Laval ou Montréal retournaient dans leur région d'origine, il n'y en aurait pas de problème de médecins en régions éloignées. Alors, c'est pour cela que je vous demandais: Est-ce que la persévérance des dentistes en régions éloignées est plus grande que celle des médecins? C'est peut-être relié au fait - le ministre me dit que s'il avait rencontré une fille de l'Abitibi, il se serait établi en Abitibi...

Une voix: II en a manqué une là.

M. Johnson (Anjou): J'en ai manqué une là. Mais ma femme est de l'Abitibi.

Mme Lavoie-Roux: C'est elle qui a émigré. Non, ce que je veux dire, c'est que s'ils ont une plus grande persévérance, si tel est le cas, on ne le sait pas, cela pourrait être lié au fait que la disponibilité des dentistes en régions éloignées n'a pas besoin d'être aussi grande, je pense, que celle d'un omnipraticien. Dans le sens que, généralement, est-ce qu'ils sont obligés d'assurer une garde toutes les fins de semaine? Généralement il peut y avoir des cas d'urgence, mais cela peut attendre au lundi.

M. Lamarche: C'est peut-être un phénomène qui joue, mais je ne pense pas

que la solution est unique, c'est un ensemble, il peut y avoir des incitatifs. Le phénomène de l'augmentation du volume joue. Ensuite de cela, on a à faire face à certaines pressions contraires qui s'exercent.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, vous dites que, d'ici huit ans, on aura suffisamment de dentistes, puisqu'ils augmentent dix fois plus rapidement que la population, mais il faut quand même réaliser que cela prend encore des mesures pour les envoyer en régions éloignées ou en avoir en régions éloignées. Je ne sais pas quel pourrait être un ratio raisonnable pour la population de dentistes, parce que chez le dentiste c'est le rendez-vous qu'on n'annule pas quand on en a un, alors qu'on peut se permettre...

M. Rochefort: Dans le fond, cela nous coûte quelque chose.

Mme Lavoie-Roux: Ah non! je ne le plaçais même pas dans ce sens-là. C'était dans le sens qu'il fallait attendre encore X temps pour l'avoir. Alors, cela peut être...

M. Lamarche: Le ratio idéal, dentiste/population, j'entends pour le Québec, pour les régions que je vous ai dites tout à l'heure. C'est-à-dire que le Québécois néglige, traditionnellement, pas mal ses dents. Donc, cela prend moins de dentistes par mille têtes de pipe. Au Québec, nous avons estimé qu'un dentiste par 2000 à 2100 de population serait un nombre extrêmement bon. Mais, il ne faut pas s'attacher à un ratio dentiste/population, parce que si tous les dentistes sont mal distribués au Québec, le ratio dentiste/population ne vaut rien. Vous allez avoir la région de Montréal qui peut avoir un dentiste pour 1600 personnes. La région du Lakeshore a un dentiste pour 900 à 1100 personnes et vous allez avoir la région de Chicoutimi qui peut avoir un dentiste pour 3000 personnes. Donc, le ratio dentiste/population est une donnée qu'il faut utiliser très prudemment. (21 heures)

Mme Lavoie-Roux: La dernière remarque que je voulais faire, c'est que le ministre a laissé voir que vous aviez des intérêts syndicaux, alors que vous ne devriez avoir que des intérêts professionnels. Ce n'est pas ça que vous avez dit?

M. Lamarche: C'est une erreur monumentale que M. le ministre a faite.

M. Johnson (Anjou): Je pense que j'ai bien expliqué au Dr Lamarche que je voulais lui donner l'occasion de bien préciser ça, puisqu'il a parlé de négociation. Notamment, je voulais qu'il explicite très clairement cette question des anesthésistes, puisque ce n'est pas dans la loi, mais comme c'est dans les mandats de négociation que j'ai annoncés, je comprends que l'ordre soit préoccupé par ça. Par ailleurs, ça peut en préoccuper d'autres pour d'autres raisons. Mais je comprends que l'ordre soit préoccupé par ça, parce que cela a été un problème important à un moment dont on se souviendra. Je voulais que le Dr Lamarche puisse avoir l'occasion de le préciser, étant donné que, même s'il tenait des propos qui étaient reliés à la négociation, je savais qu'il y avait derrière ça un autre type de préoccupation. Je voulais qu'il puisse le préciser ici à la commission, ce qui n'est peut-être pas nécessairement le cas de tout le monde.

Mme Lavoie-Roux: En tous les cas...

M. Johnson (Anjou): Les propos sont parfois plus ambigus pour d'autres motifs.

Mme Lavoie-Roux: Bon.

M. Lamarche: J'espère avoir été suffisamment clair pour éliminer toute interprétation à caractère syndical du mandat que nous assumons. Je m'en voudrais de vous laisser une fausse impression; vous m'avez donné l'occasion de le faire, j'en ai profité et j'espère que c'est clair.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Dr Lamarche.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie... J'avais reconnu ensuite M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président, on a discuté un peu du ratio que le Québec possède par habitant pour le nombre de dentistes. Vous avez souligné que ça allait à peu près d'un extrême à l'autre de Lakeshore à Chicoutimi. Quel est le ratio, actuellement, dans la région de Montréal?

M. Lamarche: 1 pour 1900.

M. Rochefort: 1 pour 1900. Donc, c'est supérieur à ce que vous considérez comme étant le ratio idéal pour que tout le monde prétend avoir une bonne accessibilité aux soins dentaires.

M. Lamarche: II y a quelques années, l'Ordre des dentistes a fait une étude extrêmement poussée, justement dans cette perspective des ressources professionnelles dentaires, et nous avons dégagé tout le Québec par région homogène, c'est-à-dire les régions présentant des caractéristiques identiques. Je puis vous dire que le résultat de cette étude nous démontre que les régions

de Québec, Sherbrooke et Montréal sont des endroits très favorisés en termes de dentistes. Je vous dirai que la Basse-Côte-Nord est très défavorisée dans ce domaine.

M. Rochefort: Je vais vous poser une question, suite à ce que vous venez de dire, parce que vous me dites que Montréal est une région très favorisée. Compte tenu de votre affirmation, comment pouvez-vous expliquer l'absence à peu près totale de services d'urgence dentaire la fin de semaine à Montréal?

M. Lamarche: Je dois vous dire une chose, je ne sais pas si vos informations sont récentes...

M. Rochefort: Je peux vous dire qu'elles sont récentes, complètes et que je les ai fouillées personnellement.

Mme Lavoie-Roux: On n'a pas le même dentiste.

M. Rochefort: Mme la députée de L'Acadie, si vous connaissez un dentiste disponible, par exemple, à minuit, le samedi soir, pour une urgence dentaire, ce serait important que les citoyens le sachent.

M. Lamarche: Je dois admettre ceci, c'est qu'actuellement, dans la région de Montréal, l'Association des chirurgiens-dentistes a pris l'initiative d'organiser un service dentaire.

M. Rochefort: Oui.

M. Lamarche: Mais je vous prierais quand même de vérifier mes affirmations. Si vous prenez les pages jaunes de la région de Montréal, vous allez certainement trouver un ou plusieurs dentistes qui annoncent un service d'urgence, 24 heures par jour, et je pourrai, en aparté, vous donner des noms.

M. Rochefort: On va poursuivre la discussion un peu. Le service que le syndicat offre, qui n'est pas votre organisme, c'est de quelle heure à quelle heure, d'après vous, d'après les informations que vous avez?

M. Lamarche: Pour éviter toute ambiguïté...

M. Rochefort: Je veux bien qu'on se comprenne, je comprends très bien et je fais la distinction, je pense qu'il y en a d'autres qui vous ont précédé et qui ont vu que je faisais la distinction entre les rôles d'un ordre et d'un syndicat, mais c'est relié à une autre question plus fondamentale qui est directement inscrite dans la loi 27. C'est pour ça que je veux creuser cette question avec vous. Le service offert, qui a été mis sur pied par le syndicat ou suite à son incitation, ce n'est pas un service 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

M. Lamarche: C'est un service partiel, vous avez raison.

M. Rochefort: Deuxièmement, je peux vous dire que j'ai fait l'expérience récemment à plusieurs reprises - ce n'est pas pour moi, mais je me suis occupé de le faire - pour les dentistes, comme vous le dites, qui offrent leurs services dans les pages jaunes à Montréal. Effectivement, c'est vrai, ce que vous dites, 24 heures par jour. Je peux vous dire qu'entre ce qui est inscrit dans l'annonce et le service véritable qui est disponible pour le citoyen - on parle toujours d'une situation d'urgence dentaire, et Dieu sait que quelqu'un qui a déjà subi cela, c'est quelque chose de difficile à traverser - la moyenne au bâton n'est pas très élevée.

M. Lamarche: J'avoue une chose, c'est que la ville de Québec sur cet aspect peut donner un bon exemple à Montréal. J'ajouterai ceci pour le problème que vous me soumettez. Même si je déplore le fait que plusieurs institutions majeures de la région de Montréal n'ont pas de services dentaires, je peux vous assurer qu'il y a au moins six institutions à Montréal qui ont des résidents et qui assurent une garde jour et nuit. Je vais vous nommer Notre-Dame, Sainte-Justine, Jewish General et le Montreal General.

M. Rochefort: Je ne veux pas remettre en question ce que vous dites, mais je peux vous dire qu'effectivement je me suis déjà fait donner une réponse comme celle que vous me donnez, sûrement de bonne foi, mais après vérification à plus d'une reprise et dans l'année qui vient de s'écouler, ce service n'était pas disponible. Je peux vous l'assurer. Je vous adresse cette question parce qu'il faut voir qu'une des grandes questions qu'on a abordées au cours de la commission parlementaire jusqu'à maintenant, particulièrement avec les fédérations et aussi avec la Corporation des médecins du Québec, c'est la question du problème de l'accessibilité des services médicaux en région. Une remarque est venue plus d'une fois de la part de plus d'un de ces organismes, c'est: Oui, vous avez raison, on n'a pas encore réglé le problème; on pense que vous devriez mettre de côté votre article qui est plutôt le bâton; on pourrait peut-être prendre encore deux ou trois ans et je pense qu'on va arriver à une entente véritable, négociée et on va régler le problème, mais nous sommes d'accord pour dire que, si jamais dans trois ans ce n'était pas réglé, on serait d'accord pour que vous appliquiez les dispositions qu'on retrouve à la

loi 27.

Pendant que l'organisme qui représente les intérêts du public au niveau de la dentisterie est ici, je me demande s'il n'est pas important que vous posiez des gestes énergiques et rapides dans ce domaine. Je vous parle de Montréal. J'imagine les commentaires que mes collègues des régions pourraient vous faire où on n'a pas 1 par 1900 de ratio. Je vous inciterais à procéder rapidement parce que j'imagine - je suis bien à l'aise, je n'ai pas eu l'occasion d'en parler avec le ministre, je ne suis pas au gouvernement, je suis tout simplement l'aile parlementaire du parti ministériel - qu'il n'est pas exclu qu'un jour, si cette situation se poursuivait, qu'il faille adopter une loi 27 pour cette question d'accessibilité en région, et on va mettre toutes les régions sur le même pied, Montréal aussi, pour les dentistes.

Finalement, le fond de mon intervention, c'est que je souhaiterais que vous preniez des mesures énergiques comme ordre professionnel des dentistes du Québec pour répondre à ce besoin très important -je peux vous dire que je suis bien placé pour avoir été en mesure de le quantifier à plusieurs reprises - surtout que c'est dans une région où le problème de ratio n'est absolument pas un problème, mais c'est meilleur que ce que vous décrivez comme étant une situation idéale, sinon j'imagine qu'il n'est pas exclu qu'un jour, on se retrouve, vous et moi, ou quelqu'un qui nous remplacera tous les deux, pour rediscuter le même problème, mais on se fera peut-être dire ce que des fédérations nous ont dit: Donnez-nous encore trois ans et on va régler cela. Je ne veux pas vous comparer à ces gens toutefois. Je comprends que vous agissez de bonne foi, mais il semble qu'il y aurait des actions très énergiques qui devraient être prises surtout quand je regarde les réponses que vous m'avez faites, lesquelles, je le maintiens, sont de bonne foi, en me disant: II y a le service que le syndicat a mis sur pied. Il y a la présence permanente dans ces hôpitaux de Montréal. Je suis obligé de vous dire que ce n'est pas efficace.

M. Lamarche: Le phénomène que vous décrivez est certainement à déplorer parce que si on doit avoir accès à des soins, on devrait prioritairement avoir accès à des soins d'urgence, qu'ils soient dentaires ou médicaux. Je suis parfaitement d'accord avec vous, mais il faut aussi se rappeler que certains hôpitaux qui possèdent des services dentaires élaborés sont maintenant sous la tutelle ou sous le contrôle des universités avec lesquelles ils ont signé des contrats d'affiliation et une des obligations pour ces institutions est d'assurer une garde jour et nuit. Cela fait deux ans que l'ordre s'est départi de ses éléments de contrôle et je vous remercie de m'en faire la remarque; je n'ai pas eu à en faire le test, mais je le ferai effectivement.

D'autre part, j'ai dénoncé tout à l'heure le fait que des hôpitaux importants ne disposent pas d'instrumentation la moindrement décente en médecine dentaire. Il est dit dans la loi - je n'ai pas l'article en vue - que les institutions hospitalières devraient être en mesure d'offrir des soins d'urgence en médecine dentaire. Mais, quand il existe encore à Montréal des dentistes qui, pour aller opérer en milieu hospitalier, sont obligés d'apporter leurs propres instruments, il faut se poser des questions à certains égards.

J'ai demandé qu'à un moment donné, à l'intérieur des budgets globaux, même en vertu des restrictions financières qu'on leur impose... Les dentistes ne sont pas en grand nombre en milieu hospitalier; ils ne peuvent pas nécessairement influencer la répartition de l'argent à l'intérieur des budgets globaux. Donc, tant et aussi longtemps que le gouvernement ne pourra pas privilégier le fait de donner aux institutions importantes l'instrumentation décente pour faire face à des urgences, il n'y a pas un dentiste qui va accepter de se rendre à l'hôpital Fleury pour aller donner des soins d'urgence, quand il n'a même pas ce qu'il faut pour prendre une radiographie ou pour ouvrir un canal. S'il lui arrive un pépin, il sera obligé de comparaître devant son comité de discipline et le fait qu'il n'ait pas eu les instruments et les ressources voulues, ce ne sera pas une raison pour ne pas être disciplinable. C'est la situation qui existe non seulement à Montréal, mais dans bien des endroits de la province.

C'est de valeur. D'un autre côté, je ne veux pas accuser l'organisation médicale, mais je pense que, quand il s'agit de distribuer le budget global, le corps médical a certaines ressources à l'intérieur de l'hôpital. Je pense qu'ils vont privilégier d'abord une demande médicale plutôt qu'une demande qui vient de l'extérieur, d'un dentiste qui veut s'intégrer au Conseil des médecins et dentistes quand il n'y a que le nom dans l'hôpital.

M. Rochefort: Je comprends très bien votre point de vue et je crois que c'est un aspect important que vous soulevez. Toutefois, il me semble qu'il y a sûrement un ou deux grands hôpitaux de Montréal qui doivent être équipés de façon satisfaisante, je présume. II y en a plus que deux.

M. Lamarche: Oui.

M. Rochefort: Je me dis: C'est dans ces hôpitaux qu'on devrait organiser une service d'urgence 24 heures par jour. Je dois

vous dire que je ne souhaite pas qu'on revienne avec une loi 27 dans quatre ou cinq ans, qui concernera cet aspect particulier. Je ne crois pas qu'on en ait besoin, d'une part, pour remplir le mandat d'accessibilité en tout temps des services et, d'autre part, qu'on ait les moyens d'équiper tous les grands hôpitaux de Montréal de façon absolument satisfaisante au niveau des services dentaires. Je pense - vous venez de me le confirmer - qu'on a quelques hôpitaux à Montréal qui sont bien équipés pour répondre à un tel besoin. Je comprends très bien les préoccupations d'un professionnel qui veut avoir tout ce dont il a besoin pour donner un service qui est du niveau que sa profession exige. Je pense qu'on devrait procéder maintenant et ne pas prétendre - je veux bien exprimer ce que je veux dire - ne pas laisser sous-entendre que c'est dû à un manque de ressources en milieu hospitalier qu'on n'est pas en mesure d'établir ce service. Je n'ai pas compris nécessairement que c'est ce que vous disiez, parce que j'ai compris que vous confirmiez qu'on a des ressources disponibles, mais vous avez fait état que ce serait important qu'on ait les ressources dans plus de centres. C'est une question qui peut être discutable.

Je conclus, en tout cas, en vous disant que je souhaiterais que vous preniez une position énergique dans ce domaine et je pense que ce serait tout à l'honneur d'un ordre professionnel de régler ce problème, surtout que vous avez plus de dentistes qu'il n'est nécessaire pour régler ce problème. Cela éviterait, justement, des interventions du pouvoir législatif dans des domaines comme ceux-là.

M. Lamarche: Je vous suis parfaitement reconnaissant de l'information que vous venez de me donner. Vous pouvez être sûr que, de retour à Montréal, je vais faire la vérification voulue, d'autant plus que le fait d'assumer une urgence dentaire est une obligation pour certains services dentaires agréés par les universités.

D'autre part, il existe aussi des intentions du ministère au niveau du CRSSS d'organiser certains services d'urgence qui entreraient, me dit-on, en compétition avec l'organisation du service d'urgence que le syndicat a déjà mis sur pied. C'est un problème délicat qu'il faut manoeuvrer avec des pincettes, mais je sais qu'il y a des intentions et des velléités dans ce sens. (21 h 15)

M. Rochefort: Écoutez, tout ce que je vous dirai, je n'entrerai pas dans les conflits possibles ou la concurrence possible entre le syndicat et les services du CRSSS...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Gouin, parce ce que...

M. Rochefort: Oui mais, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais qu'on tente autant que possible d'entrer dans...

M. Rochefort: ... je ne considère pas avoir abusé du temps...

M. le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, à l'ordre, un instant, s'il vous plaît!

M. Rochefort: ... de la commission M. le Président (M. Bordeleau): Non...

M. Rochefort: ... non, mais je ne pense pas avoir abusé du temps de la commission depuis le début de ses travaux.

M. le Président (M. Bordeleau): M. le député de Gouin, je veux juste vous rappeler que je voudrais autant que possible rentrer dans l'heure qu'on s'est fixée...

M. Rochefort: J'ai juste une dernière...

M. le Président (M. Bordeleau): ... Je vous demande d'être un petit peu plus concis, et je demande également au répondeur, soit M. Lamarche, de tenter...

M. Rochefort: Vous n'avez pas un discours à faire en Chambre, ce soir?

M. le Président (M. Bordeleau): Non, je tenterai de demander au député de Gouin ainsi qu'à vous, quand vous répondez, de tenter de faire des réponses les plus brèves possible. Alors M. le député de Gouin...

M. Rochefort: Je termine, M. le Président...

M. le Président (M. Bordeleau): ... conclusion rapide.

M. Rochefort: ... juste une dernière, compte tenu de la dernière réponse du président de l'Ordre des dentistes. Je n'essaierai pas d'entrer dans la concurrence possible entre les services que le syndicat offre et les services que le CRSSS peut offrir. Sauf qu'il faut voir que dans la centrale d'urgence, qui doit être mise en place actuellement, si on veut offrir toutes les urgences, il va falloir trouver une réponse pour le citoyen qui va appeler le samedi soir à minuit et demi pour une urgence dentaire.

M. Lamarche: Vous avez tout à fait raison. Je pense que l'Ordre des dentistes, s'il a un rôle à jouer, par son autorité morale, vous pouvez être sûr qu'il va le

faire. On a déjà commencé, d'ailleurs, à le faire.

M. le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Lamarche. Alors M. le député de Berthier.

M. Houde: M. le Président, tout d'abord, la réponse qu'il a donnée tantôt à Mme Thérèse Lavoie-Roux fait que la question est vite posée. Deuxièmement, en ce qui concerne les soins de fin semaine à Montréal, j'ai seulement à vous féliciter, parce qu'à deux reprises j'ai eu à m'en servir pour un hôte de ma famille, et ça s'est fait immédiatement. Merci beaucoup. Je voulais vous le mentionner.

M. le Président (M. Bordeleau): Alors merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce que c'est une urgence dentaire? Pouvez-vous me dire ça brièvement?

M. Lamarche: Une urgence dentaire, brièvement...

M. Johnson (Anjou): Brièvement...

Mme Lavoie-Roux: Parce que j'ai déjà eu mal aux dents toute une nuit, puis j'ai attendu jusqu'au matin.

M. Johnson (Anjou): On n'a pas toute la soirée.

M. Lamarche: Ça va devenir urgent que ça cesse. Une urgence dentaire c'est comme une urgence médicale. C'est toute situation qui cause la douleur ou qui, à défaut d'une intervention dans un délai rapide, pourrait causer des troubles irréversibles et importants. La douleur est une urgence.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est une belle définition, mais quand vous avez mal aux dents, vous ne savez pas si la douleur va causer des troubles irréversibles ou non.

M. le Président (M. Bordeleau): Alors Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président, je vous remercie. Une simple question d'information. Depuis quelques années, on a assisté à une progression, je dirais effarante, du nombre de radiographies prises par les dentistes. Disons que le chiffre n'est peut-être pas exact, mais si on part de certaines régions de 15% et qu'on monte au-delà de 100% le nombre de radiographies exigées dans les bureaux de dentistes, je me pose la question: Qu'est-ce qui a causé une si grande importance aujourd'hui de prendre des radiographies pour chaque dossier ou chaque cas en particulier?

J'aimerais bien ça que quelqu'un puisse me donner la réponse.

M. le Président (M. Bordeleau): Alors, la question est posée, Dr Lamarche.

M. Lamarche: C'est une question relativement embêtante. Qu'est-ce qui a causé l'augmentation " de la prise de radiographies? Écoutez, il y a de plus en plus de gens qui se font traiter. Ensuite, la pédagogie universitaire recommande que, pour poser un acte valable, on doive prendre des radiographies, étant donné qu'environ 40% à 50% des pathologies ne sont visibles que radiologiquement parlant.

Mme Juneau: Une sous-question, s'il vous plaît. Est-ce que la pédagogie a changé depuis quelques années, soudainement? Disons que ça ferait huit ou neuf ans. Moi je me pose la question, est-ce que vous avez un autre système ou qu'est-ce qui explique une progression aussi vite et aussi énorme, je dirais?

M. Lamarche: Écoutez, c'est une dimension préventive, également, dans ce domaine-là. Il y a beaucoup plus de jeunes, à cause de la disparition de la barrière financière, de par la Régie, qui consultent le cabinet dentaire.

Mme Juneau: L'assurance-maladie...

M. Lamarche: L'assurance-maladie, je le dis bien. En faisant disparaître la barrière financière, on a beaucoup plus de jeunes qui se rendent chez le dentiste. Ça n'a pas tout résolu, mais ça résout un certain nombre de problèmes. La radiographie, vous pourriez assister à un nombre assez important au niveau des obturations, au niveau des couronnes en acier inoxydable, au niveau des prophylaxies, au niveau des examens, à tous les niveaux. Mais la radiographie étant une irradiation sur le corps humain, on en a fait un peu un moyen d'apeurer le public. Il y a des cas déviants; c'est sûr que la régie va nous transmettre des fois des profils sur lesquels on intervient. Il y des profils déviants, il y a des déviances pour tous les actes, mais elles sont minimes par rapport à la quantité d'actes qui se posent, par rapport à la quantité de dentistes. C'est un phénomène qui est normal. Si on veut avoir une qualité d'actes valables, il faut qu'on utilise les moyens diagnostiques susceptibles de générer des traitements de qualité.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Lavoie-Roux: La parole est aux femmes, ce soir M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): II semble que oui.

Mme Dougherty: Vous avez parlé de la mauvaise qualité de notre santé dentaire au Québec par rapport aux autres provinces; non pas de la qualité des soins, mais de la qualité de la santé dentaire des gens. Aussi, je crois que vous avez cité comme chiffre que 51% des gens profitent des services gratuits. Il me semble que l'une des façons d'améliorer l'accessibilité aux services dentaires et, en même temps, la qualité de la santé dentaire de nos citoyens est d'organiser un service dentaire universel dans nos écoles. Avez-vous des commentaires là-dessus?

M. Lamarche: Certainement. Vous soulevez un point qui s'inscrit à l'intérieur d'une politique de santé dentaire que, justement, le ministère des Affaires sociales a soumise à différentes corporations.

Ce qui est favorisé, ce ne sont pas nécessairement des soins dentaires. Le problème de la santé dentaire au Québec n'est pas une question de soins dentaires; c'est une question d'éducation. Le meilleur endroit pour faire de l'éducation et prévenir, l'occurrence des maladies dentaires qui sont très coûteuses, c'est d'inculquer aux enfants, aux parents, ainsi qu'aux éducateurs des habitudes de prévention. Donc, nous sommes parfaitement d'accord, nous le demandons depuis fort longtemps et je pense qu'il faut applaudir le ministre dans ce domaine-là étant donné qu'il y a finalement un geste concret qui se pose en médecine dentaire, c'est-à-dire qu'on va s'attaquer au problème de la prévention. On ne s'entend pas tout à fait sur certains moyens, mais je pense que le principe est là et notre collaboration est acquise.

Le seul point de divergence, c'est que le ministère veut mettre de l'avant des actes de prévention, alors que nous, nous préconisons des changements de comportement. Le problème n'est pas de recevoir une application topique de fluorure une fois par année, de manger des "chips" et ne pas se laver les dents trois jours après; c'est de rendre le patient ou la population consciente, d'une part, de l'importance de la bouche et des dents dans sa santé et de l'importance d'une bonne hygiène pour éviter d'avoir à débourser des coûts importants pour remettre sa santé dentaire en point ou pour corriger certaines anomalies qui sont très coûteuses lorsqu'on les a négligées.

Je pense qu'on n'a pas de raison, nous autres les Québécois, de ne pas avoir des dents aussi bonnes que les gens de l'Ontario et du reste du Canada. En moyenne, les enfants de 11 à 13 ans ont quatre fois plus de dents extraites que les enfants de l'Ontario, par exemple. Ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas une question d'argent, ce n'est pas une question d'accessibilité; c'est une question d'attitude socio-culturelle. Tant qu'on ne s'attaquera pas à des changements d'attitudes... Ce ne sont pas les dentistes qui peuvent faire ça, ils peuvent collaborer. Ce sont des hygiénistes, des communicateurs, des sociologues et je pense que ça revient à celui qui a la responsabilité finale de la santé, soit le gouvernement. On assure le gouvernement de toute notre collaboration, à toutes les instances, mais on peut intervenir sur la prévention seulement chez les gens qui viennent nous voir. Les gens qui ne viennent jamais nous voir, il faudrait que ce soit d'autres personnes qui aillent les voir. Tant qu'on n'agira pas chez ces gens-là, on ne va traiter dans nos cabinets privés que des gens qui sont déjà motivés. C'est actuellement ce qui se produit. On a les meilleurs dentistes et on traite toujours la même population, mais et il y a une population qui reçoit encore ses extractions et ses deux dentiers comme cadeau de Noël.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Lamarche.

M. Rivest: J'aurais peut-être une dernière question.

Le Président (M. Bordeleau): Un moment, M. le député de Jean-Talon.

Mme Dougherty: Vous avez placé la responsabilité sur le gouvernement, mais je ne sais pas si le ministre a vraiment entendu votre réponse. Je crois que c'est quelque chose de très important, tout l'aspect préventif, et je demande d'abord si vous avez reçu la corporation des commissions scolaires à cet égard. Peut-être que le ministre a quelques commentaires à faire sur la responsabilité du gouvernement à l'égard de tout ce programme de prévention dans les écoles, qui est tellement important pour améliorer la situation.

Le Président (M. Bordeleau):

Rapidement, si vous voulez bien.

M. Johnson (Anjou): Très rapidement, M. le Président, pour satisfaire à vos exigences. Nous aurons l'occasion de rediscuter tout cela à l'étude des crédits au mois d'avril prochain; je pense que c'est là la place pour des débats aussi larges. Cependant, je voudrais dire que nous avons la collaboration de l'ordre dans le cadre de ce projet de politique en matière de santé dentaire, et ce qu'a évoqué le Dr Lamarche tout à l'heure provient effectivement d'un projet gouvernemental où nous demandons à l'ordre, notamment, et à d'autres intervenants en matière de santé dentaire, de nous fournir leurs commentaires.

II y a un travail très systématique qui est fait, un travail de réflexion très profond qui pourra amener dans les années qui viennent des changements qui sont vraiment en profondeur puisque, comme le disait le Dr Lamarche, il y a là des notions qui sont fondamentalement socio-culturelles, si on veut, des notions de comportements, d'attitudes, sans compter la question de la fluoration; mais, je ne voudrais surtout pas soulever ce débat-là ce soir.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

Le député de Jean-Talon; une petite question, j'aimerais que cela se fasse rapidement, si vous le voulez bien.

M. Rivest: Une question d'information, Dr Lamarche, en vous remerciant, bien sûr. Est-ce que sur le plan... Ma collègue soulignait le problème des "chips", mais quand je vois le député de Rouyn-Noranda mâcher de la gomme à la commission parlementaire, est-ce que c'est bon sur le plan dentaire?

M. Lamarche: Mon vice-président me dit: Tant qu'on ne fait pas de ballounes, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Lamarche, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnaient. Cela a été fort agréable, et je vous remercie.

M. Lamarche: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): J'appelle donc maintenant l'Ordre des pharmaciens du Québec, représenté par M. Jean-Claude Marquis.

Alors, je présume que c'est bien M. Marquis; c'est cela?

M. Marquis (Jean-Claude): C'est cela.

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Ordre des pharmaciens du Québec

M. Marquis (Jean-Claude): À ma droite, M. Yves Gariépy, vice-président de l'Ordre des pharmaciens, et à ma gauche, Josée Bourdon, avocate, conseillère juridique de la corporation.

M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, mesdames et messieurs, membres de la commission, mesdames, messieurs.

Qu'il me soit permis d'abord de vous remercier pour avoir invité l'Ordre des pharmaciens du Québec à venir vous exposer ses vues sur le projet de loi no 27 déposé le 19 novembre dernier. Suite à cette présentation, il nous fera plaisir de répondre à toutes vos questions.

Comme vous le savez sans doute, l'Ordre des pharmaciens est une corporation qui existe depuis de très nombreuses années. Avant même l'adoption du code des professions, nous avions mis sur pied un programme d'éducation continue obligatoire pour tous nos membres. En 1974, nous fûmes l'une des premières corporations à instaurer le système d'inspection professionnelle prévu au code. Nous sommes toujours, en 1981, profondément soucieux d'évaluer et de contrôler la qualité de l'acte pharmaceutique.

Ainsi, nous avons récemment publié un guide de pratique que nous avons jugé opportun d'annexer au présent mémoire, afin que vous puissiez en prendre connaissance. (21 h 30)

L'Ordre des pharmaciens regroupait, au 30 novembre 1981, 3499 membres; 2358 de ces membres oeuvrent dans les officines privées, alors que 487 évoluent dans le réseau des affaires sociales, c'est-à-dire les centres d'accueil et les centres hospitaliers. L'histoire et les législations en vigueur n'ayant guère favorisé la rationalisation des services pharmaceutiques au Québec, le projet de loi étudié aujourd'hui, par les modifications qu'il propose d'apporter à la Loi sur l'assurance-maladie, à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, vise le public fréquentant et les officines privées et les établissements de santé. Pour l'Ordre des pharmaciens, l'étude de ce projet de loi constitue une occasion idéale pour suggérer des améliorations au système actuel de distribution de biens et services pharmaceutiques destinés au public, ainsi que pour faire valoir les objectifs de cohérence et de complémentarité nécessaires au bon fonctionnement de ce système.

Modifications proposées à certaines dispositions de la Loi sur l'assurance-maladie. Article 1. L'accessibilité aux services pour les bénéficiaires d'un programme est une réalité souvent distincte des droits effectifs que possèdent ces citoyens, et ce n'est pas par hasard que le législateur, au huitième alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie, tel que rédigé actuellement, a utilisé les mots: "... ces services ne comprennent pas ceux qu'une personne peut obtenir et auxquels elle a droit..." Ainsi, pour éviter qu'une partie de la population visée par le programme d'assurance-médicaments ne reçoive les services pharmaceutiques auxquels elle a droit, l'Ordre des pharmaciens recommande que les mots "troisième et quatrième" soient ajoutés à la cinquième ligne de l'article 1 du projet de loi 27, afin qu'il se lise comme suit: "Cependant, les services visés dans les premier, troisième et quatrième alinéas auxquels une personne a droit en vertu de la

Loi sur les services de santé et les services sociaux, et de la Loi sur l'assurance-hospitalisation ou qui sont rendus en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail demeurent des services assurés en vertu de la présente loi.

Dans le même ordre d'idées, nous croyons important de vous souligner que la globalité des services pharmaceutiques souffrent, à notre avis, lorsqu'une interprétation unilatérale de la Régie de l'assurance-maladie restreint la définition de l'opinion pharmaceutique au seul médicament apparaissant sur la liste dressée par le ministre, et ce, en vertu de l'article 4 de la Loi sur l'assurance-maladie. Ainsi, l'opinion signalant un problème créé par l'utilisation concomitante de l'huile minérale et de vitamines A et D contenues dans une préparation de Decavitamine pourrait être un service non assuré selon la Régie d'assurance-maladie du Québec.

En conséquence, nous recommandons que le pouvoir réglementaire prévu aux troisième et quatrième alinéas de l'actuel article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie soit immédiatement utilisé, pour que la définition de l'opinion pharmaceutique comprenne notamment la préparation de l'histoire médicamenteuse du malade et qu'elle s'applique aux médicaments non prescrits conformément à la recommandation d'un groupe d'étude que le gouvernement avait formé et qui a été présidé par le Dr Fernand Hould.

Article 2. L'article 2 du projet de loi 27 modifie l'article 4 de la Loi de l'assurance-maladie, lequel traite de la liste des médicaments dressée par le ministre. L'article 21 de la Loi sur la pharmacie réfère également à cette liste, puisqu'il prévoit le pouvoir de substitution: "Un pharmacien doit exécuter une ordonnance suivant sa teneur intégrale. Il peut toutefois, pourvu qu'il en avise le client et qu'il l'inscrive au dossier, substituer au médicament prescrit un médicament dont la dénomination commune est la même et qui apparaît à la liste des médicaments visés à l'article 3a de al Loi sur l'assurance-maladie, à moins d'indication contraire formulée de sa main par l'auteur de l'ordonnance".

Vous comprendrez facilement que tout retrait d'une dénomination commune comme apparaissant à la liste modifie automatiquement ce pouvoir de substitution que possèdent les pharmaciens, et prive de ce fait non seulement les bénéficiaires du programme de médicaments, mais également l'ensemble de la population québécoise. Ainsi, le prix des comprimés Bisacodyl varie du simple au double, mais le pharmacien serait lié par la prescription du médecin, ce qui signifie qu'il ne pourrait pas faire de substitution.

Nous recommandons par conséquent que des modifications soient apportées à l'article 21 de la Loi sur la pharmacie, afin qu'il se lise désormais comme suit: "Un pharmacien doit exécuter une ordonnance suivant sa teneur intégrale. Un pharmacien peut, toutefois, pourvu qu'il l'inscrive au dossier du patient, substituer au médicament prescrit, un médicament dont la dénomination commune est la même."

Terminons cette intervention sur la liste en insistant sur le fait que l'un des critères utilisés par le Conseil consultatif de pharmacologie pour y inclure un médicament est l'absence de publicité du fabricant auprès du public. Nous remettrons au ministre des Affaires sociales, d'ici quelques mois, un important dossier traitant, entre autres, de l'effet néfaste de la publicité sur la consommation des médicaments.

Quant aux cas, conditions et circonstances qu'ils déterminent, dont fait état l'article 2 du projet de loi no 27, nous osons croire que cette disposition ne servira pas à concrétiser une recommandation du Conseil consultatif de pharmacologie relative aux médicaments d'exception. Si tel était le cas, il nous faudrait dénoncer ouvertement ces autorisations au préalable, lesquelles auraient notamment comme conséquence l'imposition de délais postaux inégaux pour les bénéficiaires. Encore une fois, les bénéficiaires des régions les plus périphériques du Québec deviendraient les victimes d'une telle discrimination.

Nous serions également plus facilement enclins à dénoncer cette exigence des justifications thérapeutiques comme une ingérence du gouvernement dans le champ d'évaluation de la qualité des services. C'est pourquoi nous recommandons l'inclusion de ces médicaments dans la liste régulière. Cependant, à défaut d'inclure cette catégorie de médicaments dans la liste régulière, nous recommandons que soit indiqué, sur l'ordonnance prescrivant ce type de médicament, le ou les critères reconnus par le Conseil consultatif de pharmacologie, afin que le pharmacien devienne autorisé à fournir immédiatement au bénéficiaire le médicament requis, et ce, sans aucun délai.

Article 4. L'article 4 du projet de loi propose, au premier alinéa, des modifications à l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie, afin de limiter aux seules conditions de travail les ententes pouvant être conclues entre le ministre et les organismes représentatifs de toute catégorie de professionnels de la santé. Donc, si nous comprenons bien cette modification, les garanties d'autonomie professionnelle, par exemple, ne pourraient plus faire l'objet de ces ententes. Ainsi, nous recommandons que la version actuelle du premier alinéa de l'article 19 demeure la même.

La répartition géographique des pharmaciens, bien que correspondant

davantage aux besoins de la population depuis la dernière décennie, pourrait encore faire l'objet d'amélioration. Or, lorsque des mesures législatives visent à garantir des services à l'ensemble de la population, nous croyons que celles-ci devraient s'appliquer également aux pharmaciens. Ainsi, nous recommandons de remplacer, aux deuxième et septième alinéas de l'article 19, modifié par l'article 4 du projet de loi, le mot "médicaux" par le mot "professionnels", de sorte que ces alinéas se liraient comme suit: "Une entente peut prévoir une rémunération différente pour la fourniture de services professionnels dans un territoire où le ministre estime que les effectifs de professionnels de la santé sont insuffisants. S'il estime que dans une région l'absence des services professionnels adéquats met en péril la santé publique, le ministre peut, afin de permettre la fourniture de ces services dans un établissement, convenir avec tout professionnel de la santé de conditions de travail différentes de celles prévues à une entente."

Nous espérons cependant que la mise en application des mesures législatives adoptées en 1979, dans le cadre du projet de loi 84 et concernant les primes d'encouragement ou d'installation, ne saurait tarder plus longtemps.

Article 10. L'article 10 du projet de loi no 27 traite du remplacement ou de la nomination des membres d'un comité de révision ayant terminé leur mandat. Nous voulons ici profiter de l'occasion pour signaler aux membres de cette commission que le comité de révision des pharmaciens, prévu au 7e alinéa de l'article 42 de la Loi sur l'assurance-maladie, n'a jamais été constitué, et ce, même si le dernier rapport annuel de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, aux pages 33 et 34, le laisse croire. Nous nous devons ici de recommander que ce comité soit constitué et que lui soit confiée l'étude, s'il y a lieu, de certains cas de transferts thérapeutiques qui ont été portés à notre attention et celle des cas de services pharmaceutiques qui auraient été fournis plus fréquemment que nécessaire ou de façon abusive, s'ils existent.

Articles 19 et 20. Nous n'avons pas, a priori, d'objections à soulever concernant les modifications proposées aux articles 19 et 20 du projet si la commission retient notre approche concernant la notion de département clinique, notion à laquelle nous reviendrons plus loin. Cependant, dans l'éventualité d'un désaccord avec la commission sur ce sujet, nous nous verrons dans l'obligation de nous opposer vigoureusement à l'adoption de ces modifications. Nous exigeons par ailleurs du ministre des Affaires sociales qu'il nous précise dès maintenant que le profil de pratique prévu à l'article 20 du projet n'a rien à voir avec l'évaluation de la qualité des services professionnels, compétence réservée en exclusivité aux corporations professionnelles.

L'article 30 du projet propose des modifications à la section relative aux bourses de recherche. Nous croyons important de vous signaler que de plus en plus de pharmaciens poursuivent des études de deuxième et troisième cycles. En conséquence, nous recommandons que soit réservé aux demandes provenant de l'École de pharmacie de l'Université Laval et de la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal 0,2% des sommes versées aux pharmaciens dans le cadre du programme d'assurance-médicaments, somme atteignant cette année environ 250 000 $. Dans la même foulée, nous recommandons que soient davantage représentés les pharmaciens au sein des jurys chargés de procéder à l'examen des candidats boursiers.

Modifications proposées à certaines dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Depuis 1960, le pourcentage de pharmaciens contribuant au traitement des patients du réseau des affaires sociales est passé de 15% à 25% du nombre total de nos membres; la limite inférieure correspondant aux équipes permanentes de pharmaciens, alors que la limite supérieure englobe les étudiants "gradués et sous-gradués" dans le réseau, ainsi que des praticiens et des professeurs d'université qui participent aux activités de recherche et d'enseignement. Ce n'est donc pas par hasard que les règlements adoptés en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux en 1973 reconnaissaient la contribution des pharmaciens en leur confiant la responsabilité du contrôle de l'utilisation de tous les médicaments, drogues et poisons à l'article 4.4.9a.

Cette reconnaissance se retrouvait également dans la Loi sur la pharmacie sanctionnée en juillet de la même année. En effet, le législateur confirmait le droit de veto du pharmacien en choisissant délibérément le mot "autorisation" que l'on retrouve dans la définition d'ordonnance prévue à l'article lj. Ordonnance: "Une autorisation de fournir des médicaments ou des poisons donnée par une personne autorisée à prescrire des médicaments ou des poisons par une loi du Québec".

Ce droit de veto accordé désormais aux pharmaciens s'exerce pour le bénéfice du patient après évaluation de nombreux paramètres prévus au guide de pratique dont nous vous parlions au début de ce mémoire. Toutefois, l'exercice d'un pharmacien en milieu hospitalier peut, à l'occasion, souffrir d'une déficience de moyens en raison de certaines dispositions du règlement adopté en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. En effet, ce règlement

crée des ambiguïtés relativement au partage des responsabilités entre les pharmaciens et le comité de pharmacologie dont l'une des fonctions consiste à surveiller l'utilisation des médicaments.

Dans le but de faire disparaître cette ambiguïté qui existait d'ailleurs en médecine, l'article 77 du projet propose une hiérarchie en vertu de laquelle les chefs de département clinique voient leurs activités coordonnées et surveillées par le directeur des services professionnels. Actuellement, le pharmacien, en plus de communiquer avec les chefs de département clinique, se doit très souvent, pour remplir adéquatement son rôle, d'ignorer la structure en place dont fait partie le directeur des services hospitaliers pour s'adresser immédiatement au directeur des services professionnels lorsqu'un problème de thérapie surgit.

En fait, cette façon d'agir constitue la voie d'intervention la plus naturelle. C'est pourquoi nous recommandons que les plans d'organisation des établissements prévoient que le chef du service de pharmacie soit sous la surveillance du directeur des services professionnels. Le chef du département de pharmacie dirige une unité clinique dont la fonction est clairement thérapeutique, tout comme celle du département de biologie médicale est clairement diagnostique. Qu'on nous laisse faire état des activités de pharmacocinétique développées depuis quelques années dans bon nombre de centres hospitaliers pour mieux illustrer ce rôle.

Si le chef du département de pharmacie doit également contrôler l'utilisation de budgets très importants dans de nombreux hôpitaux, il devrait pouvoir compter sur des moyens accrus, prévus dans la structure organisationnelle d'un département clinique. C'est pourquoi nous recommandons que le plan d'organisation d'un établissement accorde au département de pharmacie le statut de département clinique. (21 h 45)

Un avantage non négligeable en découlera également, puisque le chef de l'équipe de pharmaciens aura alors un mandat de quatre ans; ceci provoquera de plus une vive émulation chez les autres pharmaciens, émulation dont profiteront à moyen terme les patients du réseau. Il a été également porté à notre connaissance que les chefs actuellement en poste furent consultés sur le sujet et se déclarent favorables à un tel changement.

Enfin, dans le cas des hôpitaux d'enseignement, de telles nominations devront faire l'objet de consultations avec l'université concernée, ce qui aura pour effet d'assurer des échanges sur une base plus régulière entre ces deux réseaux.

L'adoption des deux recommandations précédentes nécessite, de toute évidence, des ajustements de concordance afin que le

Conseil des médecins et dentistes soit élargi pour y inclure les pharmaciens, ce que nous recommandons.

Dans un autre ordre d'idées, nous comprenons que l'article 38 modifiant le paragraphe e de l'article 18 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux accorde au conseil régional le pouvoir d'exercer de manière exclusive les fonctions suivantes: "établir et administrer des programmes d'approvisionnement de biens et services communs aux établissements de sa région" et "regrouper des services fournis par plusieurs établissements". Nous désirons que soit spécifié le type de services auxquels il est fait référence dans cette modification, car nous croyons, d'une part, que, si l'expression "services" comprend les services professionnels, ce pouvoir ne devrait pas être confié en exclusivité aux conseils régionaux.

Cependant, nous sommes d'accord sur le principe suivant lequel des services de garde régionaux en pharmacie devraient être institués car, actuellement, ce type de services est non seulement négligé par les pharmaciens, mais fait également l'objet de plaintes au niveau de l'Ordre des pharmaciens.

Puisque nous sommes conscients que le volume d'activité ne justifie pas deux ou plusieurs services de garde en pharmacie sur un territoire donné, le conseil régional, par exemple, pourrait susciter une coordination entre les pharmaciens des réseaux public et privé en invitant ces derniers à s'intégrer aux services de garde des établissements. L'accessibilité des services pharmaceutiques la nuit et les fins de semaine serait ainsi grandement améliorée.

L'article 91 propose seulement une modification de concordance à l'article 150 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, lequel article vise les médicaments autorisés dans les établissements. Nous aurions cependant préféré qu'une seule liste de médicaments soit utilisée, tant pour le programme de médicaments que pour les patients en établissements.

L'utilisation de deux listes, c'est-à-dire le maintien du statu quo, peut avoir comme conséquence, par exemple, qu'un patient demeurera dans un centre hospitalier uniquement pour profiter d'une gratuité qu'il n'aurait pas autrement. Ainsi, on peut présumer qu'un paraplégique, assisté social, pourra être hospitalisé pour un simple problème de fécalome ou de constipation chronique.

Force nous est de conclure que ces attitudes ne favorisent guère les politiques de maintien et de soins à domicile qui affichent un per diem beaucoup plus bas que celui des établissements. D'autre part, c'est un secret de polichinelle que certains établissements ont utilisé et utilisent encore

la notion de "nécessité médicale particulière" comme un fourre-tout. Ils se fichent donc éperdument de la liste.

Il en résulte aussi souvent un bris de traitement, particulièrement lorsqu'un patient, bénéficiaire du programme d'assurance-médicaments, ajusté à l'hôpital avec l'un de ces médicaments exclus du programme, s'abstient, après son départ de l'établissement, de faire exécuter une ordonnance, sa situation financière ne le lui permettant pas. C'est pourquoi il serait intéressant d'avoir en main des statistiques sur les taux de réhospitalisation due à ces facteurs.

Nous sommes également convaincus que certains vaccins, agents de diagnostic ou solutions physiologiques apparaissant dans la 19e liste ne répondent aucunement à la définition de médicaments "utilisés à des fins exclusives aux centres hospitaliers".

Finalement, qu'il nous soit permis d'ajouter à ce qui précède qu'il ne serait que logique d'inclure dans l'arsenal des salles d'urgence des CLSC les antidotes; en effet, nous tenons à le souligner puisqu'à l'heure actuelle les dispositions de la loi ne le permettent pas.

Pour toutes ces raisons, nous recommandons que soit modifié l'article 150 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin que soit, premièrement, abrogé le deuxième alinéa et, deuxièmement, que soit remplacé le troisième alinéa par le suivant: "Toutefois, un centre hospitalier peut permettre l'utilisation d'autres médicaments que ceux mentionnés au premier alinéa pour fins de recherche clinique et fondamentale."

L'article 94 du projet de loi propose de modifier l'alinéa f de l'article 173 actuel. Conscients d'un manque de concordance entre les exigences du règlement de notre corporation professionnelle et la protection offerte aux établissements par les assureurs en matière de responsabilité professionnelle, nous recommandons qu'une garantie absolue de protection existe pour le public consommateur de soins.

En conclusion, vous aurez compris qu'il nous fallait profiter d'une si rare occasion pour vous signaler l'existence de dispositions légales et réglementaires inutilisées au moment de faire l'étude de nouveaux changements.

En terminant, M. le Président, soit dit sans trop d'humour, il apparaît clair que la volonté du législateur libère de l'acidité, lorsque digéré par l'appareil technocratique.

Nous croyons vous avoir proposé, M. le Président, nos meilleurs antiacides. Il ne nous reste plus qu'à vous remercier de nous avoir invités à cette commission parlementaire et à vous réitérer notre offre de collaboration. Merci.

Le Président (M. Beauséjour): Merci, M. Marquis.

M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je vous remercie de vos préoccupations gastriques. Dieu merci, ce n'est pas parce que vos propos sont ulcérants! On pourrait continuer. Merci beaucoup, Dr Marquis, de vos commentaires et de la qualité du mémoire que vous présentez, malgré le fait que vous ayez eu relativement peu de temps. Je reconnais cependant des thèmes qui sont bien connus de l'ordre depuis un certain nombre d'années, chaque fois qu'il a été question de législation dans le domaine des professions de la santé; certains se rattachent plus spécifiquement au projet de loi 27, donc, font partie de la toile de fond de la définition du rôle, touchent ce qu'il y a autour de l'ordre des professions, notamment. Je pense à toute cette question de la substitution qui pose les problèmes qu'on connaît.

J'aurais une question qui touche les pharmaciens en établissement. Quel est l'intérêt, à vos yeux, de relever du DSP? Comment pourriez-vous articuler cela? Relever du directeur des services professionnels.

M. Marquis (Jean-Claude): Assurément, je pense que le pharmacien, au niveau d'une entité clinique, doit être traité sur le même pied que n'importe quel autre professionnel qui fait partie de cette entité clinique.

M. Johnson (Anjou): À l'égard des pharmaciens en région, puisque vous faites des suggestions d'amendement pour substituer le mot "professionnel" à ceux qui sont dans le projet de loi, pour que ça puisse peut-être couvrir les pharmaciens, pourriez-vous nous parler un peu de la situation, de façon générale, de la répartition sur le territoire?

M. Marquis (Jean-Claude): II s'est présenté un problème; on m'a laissé entendre, je pense que c'était dans le courant de la journée aujourd'hui, que c'était censément réglé, mais on prend le cas de Schefferville où, depuis cinq ou six ans, on tente d'installer un pharmacien. Les problèmes d'éloignement ont toujours freiné les départs vers cette région. C'est un exemple, il peut y en avoir d'autres. À un moment donné, on a eu un cas qu'on a réussi à régler avec le ministère, je m'en souviens, je pense que mon voisin pourrait en parler très largement. Il n'y avait aucun service pharmaceutique il y a six ou sept ans aux Îles-de-la-Madeleine. Aujourd'hui, vous avez quand même cinq pharmaciens qui y travaillent; c'est ça, cinq?

M. Gariépy (Yves): Si vous permettez, sur la question de la répartition

géographique. Si on compare les pourcentages des pharmaciens et les pourcentages de population, il y a seulement la région de Québec, Montréal et les Cantons de l'Est où les pourcentages de pharmaciens sont en excès sur les pourcentages de population. Alors, partout ailleurs, on a une déficience. Si on prend le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie qui représentent 5,9% de la population québécoise, on y retrouve 3,3% des pharmaciens. C'est un pourcentage qui n'est pas tellement significatif, si on le prend sèchement comme un chiffre. Il faut savoir que la population, comme l'ont dit avant nous les dentistes, est très répandue sur le territoire, il y a très peu de concentration. Alors, on pourrait difficilement imaginer qu'il y ait un tiers de pharmaciens à Port Daniel, un tiers à Paspébiac et un tiers à Grande-Rivière. Les chiffres qu'on peut considérer comme acceptables ne le sont pas lorsqu'on se réfère à une carte géographique.

M. Johnson (Anjou): Je suis heureux d'entendre votre remarque, parce que la répartition des médecins ou des professionnels de la santé sur le territoire, ce n'est pas une affaire de mathématiques, la région administrative, la Basse-Côte-Nord, on oublie que c'est grand comme un pays, ça 850 milles de long. C'est loin, Blanc-Sablon. Tu as beau avoir un médecin à Sept-Îles, c'est un peu loin de Blanc-Sablon, mais ça fait partie de la même région et c'est vrai qu'il y a toujours ce danger de faire des mathématiques abstraites quand on pense à cette notion de répartition sur le territoire, et je me rends compte que, dans vos analyses, vous avez tenu compte de ce facteur.

Une remarque au sujet de l'article no 30. Je suis certain que ça fera plaisir au président de l'ordre de savoir qu'il y a un pharmacologue - je sais bien que ce n'est pas un pharmacien - mais il y a maintenant un pharmacologue qui siège sur le FRSQ, qui est substitué depuis un certain temps au CRSQ et qui dispense les montants... Pardon. Oui, c'est le Dr Gagnon d'ailleurs qui est le président du comité de pharmacologie que vous connaissez.

La suggestion que vous faites à la page - est-ce que c'est 12? - à savoir que l'accessibilité des fins de semaine soit améliorée par le fait d'intégrer une coordination des services de pharmacie, est-ce que vous pourriez peut-être évoquer pour les membres de la commission cette question de l'accessibilité à des services de pharmacie? A Montréal notamment qui est une expérience, et peut-être faire le tour de l'historique que je connais un peu.

M. Marquis (Jean-Claude): Dans les grandes régions, c'est peut-être moins nécessaire qu'il y ait l'intégration des deux réseaux. Si on prend la région de Montréal, l'Ordre des pharmaciens a créé, il y a à peu près un an un an et demi, un service d'urgence de pharmacie, c'est arrivé, c'a coïncidé avec le départ ou l'arrêt de travail de Télé-Médic, il y a eu des... le problème qu'on a pressenti au niveau de ce service-là, c'est la communication entre le médecin et le pharmacien sur une urgence.

Actuellement, on est en pourparlers avec le CRSSS de Montréal. Cela devrait être en branle très bientôt et tout va être centralisé au même endroit, c'est-à-dire que les appels pour le médecin, pour le pharmacien vont se faire au même endroit. Vous savez, dans la région de Montréal, c'est un problème pour le pharmacien d'aller répondre à une urgence parce qu'il va arriver à la porte de la pharmacie et ça va être un hold-up qui va se faire faire ou quelque chose du genre; alors, c'est assez difficile.

Dans le système qu'on prévoit, il y aurait une trousse que le pharmacien pourrait traîner avec lui. Il pourrait se déplacer. Alors le concours du CRSSS devrait être en fonction dès le début de l'année 1982.

Dans les régions éloignées, le problème se présente même au niveau des centres hospitaliers. Vous avez, par exemple, dans un hôpital, un pharmacien; il existe, au niveau de l'hôpital, un service d'urgence 24 heures; c'est évident, les malades entrent lorsqu'ils sont malades. A ce moment-là, est-ce qu'on peut demander à ce pharmacien-là d'être de garde à l'hôpital 24 heures par jour, sept jours par semaine, 365 jours par année? On dit, s'il y a possibilité, s'il y a deux pharmaciens du service privé qui sont dans le même arrondissement, on peut les organiser deux, trois ensemble pour donner le service à la population. Je pense que cela pourrait s'intégrer assez facilement, ça serait faisable.

M. Johnson (Anjou): Où trouveraient-ils leurs intérêts? C'est normal, ce n'est pas un gros mot.

M. Marquis (Jean-Claude): II faudrait peut-être poser la question au syndicat à ce moment-là. De toute façon, pour nous, ce qui nous apparaît important, c'est qu'il y aurait moyen d'arriver à une rémunération suffisante pour le pharmacien, mais ça m'apparaît primordial que les services soient fournis à tous les patients et dans n'importe quelle région, pas seulement dans les régions urbaines.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Alors, je vous remercie. Je prends bonne note aussi de vos commentaires généraux sur les pouvoirs réglementaires qui sont de mise d'ailleurs. Je vous remercie des éclaircissements que vous nous avez donnés, on va digérer cela seul et

avec d'autres. Merci.

Le Président (M. Beauséjour): Madame la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier l'Ordre des pharmaciens pour leur mémoire. Je dois vous dire qu'il y a dedans beaucoup de points que vous soulevez et qui devraient faire l'objet probablement de ma part de questions au ministre plutôt que de questions qui vous sont adressées. (22 heures)

Par exemple, comment se fait-il que le comité de révision n'ait pas encore été créé, puisque dans la loi 84, je pense, où il avait été prévu? À votre avis, est-ce qu'il y a une raison particulière? Je le demanderai au ministre lors de l'étude article par article aussi.

M. Marquis (Jean-Claude): Peut-être que les pharmaciens font tous très bien leur travail et que la régie n'a pas à se plaindre à ce moment-là. Je ne le sais pas. C'est peut-être parce qu'on n'a pas les profils. On trouve un petit peu agaçant qu'on fasse des allusions sur la pratique pharmaceutique, alors qu'il devrait y avoir un comité qui devrait s'occuper de cela. Tous les professionnels de la santé impliqués ont reçu du président de la régie, je pense que c'est vendredi dernier, une lettre faisant une mise au point sur des prescriptions verbales ou des prescriptions orales. Selon la loi qui nous régit, qui est la loi fédérale, la prescription verbale est aussi légale que la prescription écrite. Alors, on dit qu'il y a à peu près 20% de prescriptions verbales et que cela devrait descendre davantage. Je ne suis pas de cet avis-là, parce que, dans la nouvelle pharmacie qu'on pratique aujourd'hui, le pharmacien peut intervenir dans une ordonnance. S'il intervient, s'il contacte le médecin et fait une modification a l'ordonnance, cela devient une prescription verbale. Plus il y aura de prescriptions verbales, je pense, plus il y aura d'interventions des pharmaciens. Alors, le critère de dire: II faudrait diminuer les prescriptions verbales, je trouve cela bizarre, à moins qu'on ne laisse soupçonner que les pharmaciens font des fausses prescriptions verbales; cela, j'aime moins cela. Si c'est cela, qu'on amène cela dans le comité de révision.

Mme Lavoie-Roux: C'est étonnant comme mes questions suscitent toujours des réactions. Allez-y, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Non, c'est intéressant. Je pense que vous ouvrez des champs tellement intéressants.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que c'est quand même un point important...

M. Johnson (Anjou): Non, mais c'est un fait.

Mme Lavoie-Roux: ... étant donné qu'il y a quelque chose dans la loi. Allez-y, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Justement, c'est là-dessus, c'est sur cette question du comité, juste pour qu'on essaie de tirer au clair certaines choses. J'ai parlé au président de la régie, comme vous l'avez vu, qui nous accompagne dans cette commission. À l'égard de la question du comité de révision de l'article 47, vous reprochez, d'une part, à la régie de ne pas l'avoir créé et, deuxièmement, vous laissez entendre que la régie aurait laissé entendre qu'il existait...

M. Marquis (Jean-Claude): Pas seulement la régie. On entend à un moment donné, que les pharmaciens auraient peut-être fait des transferts thérapeutiques, quand on a retiré le Glyceryl Guaiacolate de la liste des médicaments, par exemple. Ils disent: Si c'est vrai, qu'on amène ces cas-là, tout simplement, au comité de révision et on va les évaluer.

M. Johnson (Anjou): II y a le comité de révision de l'article 47 qui, lui, n'a pas été créé. C'est cela. On me dit qu'il y a deux difficultés à cela, c'est-à-dire qu'il y a une raison et une difficulté. L'expérience des autres comités de révision dans le cas des omnipraticiens, c'est six à huit cas par année. Dans le cas des spécialistes, c'est six à huit cas par année. Dans le cas des pharmaciens, pour une raison ou pour une autre, on ne semble pas présumer que ce serait plus que six à huit cas par année, je suppose, aussi; peut-être un peu moins, d'ailleurs, compte tenu de leur ordre de grandeur.

Deuxièmement, on me dit qu'il y a un problème de définition du "pharmaceutiquement non requis". Pourriez-vous peut-être nous éclairer un petit peu sur cette question de terminologie sur le "pharmaceutiquement non requis"?

M. Marquis (Jean-Claude): Évidemment, je pense bien que le problème de la régie, c'est qu'à toutes fins utiles le pharmacien ne génère pas l'ordonnance, il ne génère pas son acte; c'est un autre qui génère l'acte. Alors, ce qui pourrait arriver, c'est que, si la répétition est trop rapide au niveau du profil, cela peut venir toucher à la pratique pharmaceutique. Si la régie n'est pas capable de trouve): des problèmes dans ce sens-là, à ce moment-là qu'on n'en parle pas et qu'on ne dise pas un mot ou, tout simplement, qu'on contacte la corporation en disant: On

semble évaluer un certain problème, voulez-vous intervenir? Nous, on va intervenir auprès de nos membres et on va leur dire: II y a un tel problème qui semble se dessiner, il faut que cela se corrige. Je pense que c'est le travail de la corporation de voir à ce que les services qui sont rendus soient quasi parfaits, dans le fond.

M. Johnson (Anjou): D'accord.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez fini, M. le ministre?

M. Johnson (Anjou): Je pensais que cela pouvait alimenter la réflexion de ma collègue.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre a des mots passe-partout.

Il reste que je voudrais revenir sur cette question. La définition des mots, "pharmaceutiquement requis" semble difficile. La première raison: on présume qu'il n'y en aurait pas beaucoup, je ne veux pas présumer qu'il y en a beaucoup. J'examinais les chiffres de la régie l'an dernier, et je pense que c'est une question qui doit vous préoccuper, c'est le fait qu'on a rendu plus universelle la gratuité des médicaments. Il y a peut-être aussi un plus grand nombre de bénéficiaires de l'aide sociale qui ont droit aux médicaments, tout ça contribue à une augmentation, mais, compte tenu de ces deux facteurs, est-ce que l'augmentation des coûts pour les médicaments, dans l'ensemble de l'augmentation des soins médicaux ou soins de santé, est plus grande? Est-ce que vous avez observé ça? Est-ce que vous avez une explication, en dehors des deux facteurs que j'ai identifiés?

Je vous pose la question, ce n'est pas que j'aie une arrière-pensée... j'en ai une, j'aime autant vous la dire tout de suite, vous n'avez pas de comité de révision. S'il y avait des abus dans ce sens... On dit: Non, il n'y en a pas. Cela m'inquiète comme phénomène. Est-ce simplement une surconsommation de médicaments faite par la population? Enfin, il y a tous ces facteurs.

M. Marquis (Jean-Claude):

L'augmentation des coûts est due surtout à l'augmentation des médicaments, c'est-à-dire que le pharmacien fournit un service et un bien.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une surconsommation.

M. Marquis (Jean-Claude): Non. C'est-à-dire que...

Mme Lavoie-Roux: II peut y en avoir, mais ce n'est pas un phénomène général.

M. Marquis (Jean-Claude): Non. D'abord, il y a une chose que j'aimerais préciser quand on parle de surconsommation de médicaments, c'est un terme que je n'aime pas employer. J'aime mieux parler d'une consommation qui ne me paraît pas rationnelle. Parce que dans mon esprit, si une personne prend un comprimé et qu'elle n'en a pas besoin, elle vient de surconsommer, ce n'est pas nécessairement une quantité de médicaments. A ce niveau, le grand problème qui existe aujourd'hui, c'est l'augmentation considérable du produit qu'on livre. Dans l'industrie pharmaceutique, tous ces nouveaux médicaments sont rendus à des prix prohibitifs. Quand on sort un nouveau médicament pour l'arthrite, que ça coûte 60 $ au pharmacien pour 100 capsules, ça commence à coûter cher au malade qui est obligé de payer. L'honoraire du pharmacien n'est pas compris là-dedans. C'est une chose qu'on ne peut pas contrôler.

Mme Lavoie-Roux: Une autre chose que je me suis laissé dire, et il ne faudrait pas dire que c'est généralisé, mais il peut y avoir un certain nombre de patients, de personnes qui, par exemple, se font prescrire trop de médicaments, quelles que soient les fins auxquelles elles les utilisent. Pour vous autres, il n'y a pas de moyen de contrôle. Supposons qu'une personne se fait prescrire, par exemple, le même type de médicament pour un si grand nombre de jours qu'elle ne pourrait pas les consommer. Comment pouvez-vous contrôler cela?

M. Marquis (Jean-Claude): Comme l'ordonnance n'est plus une obligation de livrer, c'est une autorisation, le pharmacien n'a qu'à intervenir et qu'à refuser. Il arrive qu'on a deux produits...

Mme Lavoie-Roux: S'il se promène d'une pharmacie à l'autre, le pharmacien ne le sait pas.

M. Marquis (Jean-Claude): Ça, c'est beaucoup plus difficile, ça nous prendrait un système de dossiers centrais qui n'existe pas pour le moment, ce serait assez compliqué. Peut-être qu'un jour, par l'intermédiaire de la régie, ça pourra se réaliser. Mais, quand même, la régie a publié des statistiques il y a quelques années et dans ce domaine ce n'est pas tellement inquiétant parce que les statistiques disaient que 83% des bénéficiaires du programme allaient dans une seule pharmacie. C'est 92% ou 93%... la différence de 10% allaient à deux pharmacies. Cela pouvait être occasionnel, on n'a pas pu le savoir. Les gens qui pouvaient déjouer le système, c'était à peu près 7% de

la population.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que j'ai... une autre question? Allez-y, M. le ministre, je reviendrai après.

Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Puisqu'on parle de volume, de surconsommation et tout ça, je pense que c'est assez important, je ne vous demande pas une opinion d'expertise au-delà de celle que vous avez à exercer, M. le Président, mais, en gros, il y a une phrase qui circule et qui dit que notre liste de médicaments est la plus généreuse en Occident, que des pays qui sont composés de gens assez confortables et en assez bonne forme, pour un tas de facteurs... Je prends par exemple les pays Scandinaves où il y a 600 ou 700 médicaments sur la liste; les critères de l'Organisation mondiale de la santé parlent d'une liste de base d'à peu près 700 médicaments. Nous, on en a plusieurs milliers. Est-ce qu'a priori, cela vous frappe? Pensez-vous, comme cela, que dans le fond, la liste pourrait peut-être compter 1000 médicaments, carrément deux fois moins?

M. Marquis (Jean-Claude): Non, vous me permettrez de vous corriger, M. le ministre. Quand on dit qu'il y a 4000 médicaments sur la liste, ce n'est pas tout à fait vrai. Il y a 4000 noms commerciaux dans la liste. On peut restreindre cela. Si on faisait le décompte - je ne l'ai pas fait - cela doit être entre 1500 et 2000.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. On dit 2000, au ministère.

M. Marquis (Jean-Claude): Évidemment, il y a dans la liste des produits de confort. Vous avez parlé de les enlever, on n'a pas apporté d'objection à ce moment. Ce à quoi on s'oppose, c'est quand on arrive avec un produit qu'on considère comme essentiel. Quand vous avez décidé, par exemple, que pour les sels de fer, vous les rameniez à un seul, qui était le sulfate ferreux, on n'a pas regimbé du tout. Au niveau des laxatifs, ce serait peut-être plus logique pour le malade de faire la même chose que ce que vous avez fait avec les sulfates ferreux, avec les sels de fer, soit de ramener cela à des produits qu'on ne peut pas surconsommer. Je prends l'exemple d'un laxatif qui s'appelle du Sénokot, si j'en surconsomme, je vais avoir des problèmes, je ne travaillerai pas fort dans la journée. Il y en a un qui a fatigué le ministère, peut-être avec raison, qui est le plantain hydrophilisé, pour ne pas nommer la compagnie. On peut en prendre de façon abondante, de ce produit, et cela ne dérange pas trop le système. Rationnellement, si vous arrivez avec une solution comme celle-là, l'Ordre des pharmaciens n'aurait pas à intervenir.

Il y a une autre chose qui me tracasse un peu, c'est quand vous avez parlé d'enlever de la liste la pseudo-éphédrine. C'est le seul décongestionnant qui existe dans la liste. Je comprends qu'il y a des écoles de pensée qui sont différentes. Le CCP dit: Dans le cas des otites, ce n'est pas efficace. 50% de la population qui se servent de ce produit disent que ce n'est pas efficace, et 50% disent que c'est efficace. Vous avez des pédiatres et des médecins spécialisés en oto-rhino-laryngologie qui disent que c'est efficace. Est-ce qu'on va priver la population de ce produit? Un enfant qui fait une otite et dont la mère arrive à la pharmacie avec une ordonnance de pseudo-éphédrine qui n'est pas couverte et dit: Je n'ai pas d'argent, c'est dommage, mais elle n'en aura pas.

M. Johnson (Anjou): Combien cela coûte incidemment, l'exemple de la pseudo-éphédrine? Il ne s'agit pas de priver, il s'agit de faire en sorte que cela ne soit plus assuré. Cela pourrait représenter quoi, comme consommation, sur une base annuelle, la pseudo-éphédrine, chez quelqu'un qui se tape trois otites par année, ce qui est déjà beaucoup?

M. Marquis (Jean-Claude): C'est-à-dire que c'est prescrit pour les otites, c'est prescrit également comme décongestionnant.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Quelqu'un qui en fait un usage chronique, qui frise l'usage malsain, à combien cela pourrait-il revenir, par exemple, la pseudo-éphédrine?

M. Marquis (Jean-Claude): La conclusion à laquelle le CCP en était arrivée, c'est qu'il y avait eu une espèce de transfert thérapeutique à ce niveau, mais cela s'est produit, semble-t-il, pendant une période de six mois; cela se serait stabilisé après et ce serait devenu de consommation normale. Cela ne m'inquiète pas trop, si c'est une consommation normale qui existe à ce niveau. Je vois mal qu'un médecin fasse un transfert thérapeutique, au lieu de prescrire un expectorant, va prescrire un décongestionnant. Il n'y aura pas tellement d'efficacité à l'autre bout.

M. Johnson (Anjou): En gros, si je comprends bien, vous vouliez nuancer votre réponse. Est-ce qu'a priori il vous semble déraisonnable de considérer que cette liste puisse être considérablement réduite, quand on sait qu'il y a presque trois fois plus de médicaments sur cette liste que les normes de l'OMS ou de la plupart des pays industrialisés, civilisés, sans compter ceux qui

ont une médecine ou un ensemble d'appareils de santé complètement socialisés.

M. Marquis (Jean-Claude): Dans les normes de l'OMS, je vous ferai remarquer, M. le ministre, qu'il y a un laxatif, parmi les 700 ou 800 médicaments que l'OMS a décrétés. Il y a même de la vitamine C qui est là-dedans, qu'on se propose de retirer de la liste. Pour l'Ordre des pharmaciens, je vous l'ai écrit, on ne s'opposera jamais à une épuration rationnelle de la liste. C'est clair, c'est net, c'est précis. Quand vous avez annoncé une épuration de la liste, on n'a pas parlé du tout des produits qu'on appelle les produits de confort. On a trouvé cela tout simplement raisonnable que vous le fassiez à ce moment.

M. Johnson (Anjou): Merci, docteur.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais m'essayer à nouveau. M. le président de l'Ordre des pharmaciens, M. Marquis, encore sur cette fameuse question des médicaments. Vous avez signalé - je pense que cela rejoint un petit peu les réponses que vous avez faites au ministre - que vous n'aimeriez pas le retrait d'une dénomination commune. Si j'ai bien compris, vous voudriez que, quand un médicament est requis, au moins on n'enlève pas l'ensemble de ce type de médicament. Est-ce cela que je dois comprendre? Prenons un laxatif, par exemple. On épure la liste et on en garde au moins un. Est-ce comme cela qu'il faut que je comprenne cela? (22 h 15)

M. Marquis (Jean-Claude): C'est cela. Dans le passage du mémoire, ce qu'on voulait dire à ce moment-là, c'est que le droit à l'équivalence ou à la substitution est accroché à la liste de la régie. Cela veut dire que, si un produit n'a pas de dénomination commune dans la liste - je prendrai l'exemple d'un sirop ou d'un autre médicament qui ne se retrouve pas dans la liste - ... Même si j'ai deux produits dans ma pharmacie, je ne peux pas faire l'équivalence, avec l'article 21 dans le contexte actuel. C'est un peu dans ce sens, c'est-à-dire qu'on s'accroche aux dénominations communes pour autant qu'elles sont sur la liste du gouvernement. C'est pour cela qu'on proposait d'enlever cette partie de l'article.

M. Johnson (Anjou): C'est en même temps une liste de reconnaissance du produit; elle a deux fonctions. D'une part, elle sert à identifier les produits assurés pour les personnes sujettes au programme et, deuxièmement, c'est une espèce - je ne sais pas si je peux l'appeler comme cela - de "quality control list" ou enfin c'est l'équivalent de la "quality control list" qu'on retrouve aux États-Unis ou dans les provinces canadiennes. Mais, comme c'est la même liste, puisqu'elle est extensive, je vois très bien le problème que M. Marquis soulève.

Mme Lavoie-Roux: M. Marquis, à l'article 23f, prévoir au-delà du montant dont la régie assume le paiement, conformément à l'article 4, le montant ou la méthode de fixation des frais qui peuvent être exigés des bénéficiaires par un pharmacien, les modalités de leur perception et les cas d'exonération totale ou partielle avec ou sans condition. Comment l'interprétez-vous? Est-ce que c'est, dans le fond, un instrument que le ministre se donne ou enfin, que le ministère des Affaires sociales se donne pour imposer une forme de frais modérateurs, en limitant les catégories de personnes ou même en imposant des frais modérateurs? J'admets que, par exemple, il y ait une liste et que le ministre dise: Sur cette liste, il y a dix médicaments et l'un ferait aussi bien l'affaire que l'autre. En tout cas, on suppose que les spécialistes s'entendent là-dessus. C'est une chose. Je pense qu'il faut que le ministre, la régie ou peu importe se réserve ce droit, mais comment avez-vous interprété le paragraphe f, vous autres?

M. Marquis (Jean-Claude): C'est-à-dire que dans l'article 21 de la Loi sur la pharmacie, il est mentionné que le pharmacien doit aviser son malade qu'il fait la substitution et qu'il lui donne l'équivalence. À ce moment-là, si le malade dit: Je veux absolument avoir telle sorte de médicament, s'il est en haut de la médiane, il devra payer la différence. C'est dans ce sens que cela a été donné.

Dans le contexte, je n'ai pas l'impression - cela reste une impression pure et simple - que les bénéficiaires paieront une différence, ils accepteront tout simplement l'équivalence. Il s'agira que le pharmacien les convainque que c'est l'équivalent et qu'il n'y a aucun problème. D'ailleurs, l'Ordre des pharmaciens s'est prononcé là-dessus. Quand j'ai écrit au ministre des Affaires sociales, j'ai dit carrément que la médiane ne priverait pas les malades de soins. Ils seront aussi bien traités avec un équivalent qu'avec un original.

M. Johnson (Anjou): En ce sens, peut-être pour bien confirmer cette interprétation, je ne veux pas demander à M. Marquis de se faire le jurisconsulte de la commission pour qu'il ne soit pas obligé de répondre à ces questions sur le plan juridique. L'objet de l'article, à toutes fins utiles, c'est une reformulation de l'article existant qui parlait de tickets modérateurs, mais cette fois-ci, on parle carrément, puisqu'on applique la

médiane, non pas d'un ticket modérateur mais de frais supplémentaires au choix, que ce soit de la forme ou de la couleur du médicament. C'est simplement...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas en fonction de la gratuité des médicaments, c'est en fonction...

M. Johnson (Anjou): De l'application de la politique du prix médian.

Mme Lavoie-Roux: ... du prix médian. M. Johnson (Anjou): Exactement.

Mme Lavoie-Roux: C'est strictement le sens de ceci.

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. M. Marquis, je me suis laissé dire qu'il y avait certaines - je ne sais pas si cela vient de la régie ou si cela vient d'ailleurs - non pas obligations, mais enfin qu'avant que vous puissiez prescrire certains types de médicaments, vous obteniez une approbation de la régie. Je ne sais pas si pour vous cela se réfère à quelque chose. Est-ce que vous pourriez...

M. Marquis (Jean-Claude): C'est ce que le CCP a appelé les "médicaments restreints"...

M. Johnson (Anjou): ... ou d'exception.

M. Marquis (Jean-Claude): ... ou d'exception. Les médicaments d'exception, cela veut dire que le conseil consultatif reconnaît dans ces médicaments une seule action qui peut être prescrite pour d'autres actions. On tente de restreindre cela, et on dit: Le médecin va devoir justifier auprès de la régie - je ne sais pas si cela va aller au CCP ou si cela va rester à la régie, je n'ai pas été éclairé là-dessus - son diagnostic. Nous autres, on trouve un petit peu aberrant qu'il y ait intervention carrément dans l'action du médecin qui a à prescrire un médicament. On aimerait mieux que ces produits apparaissent dans la liste sans aucune restriction. On dit: Si toutefois, par exemple, à cause des raisons économiques, il n'y a absolument pas moyen de faire autrement, pour ne pas priver la population de ces cas où le médicament est un médicament de choix, pour éviter cette paperasse, cette autorisation de la régie qui, dans le fond, va desservir le bénéficiaire.

Pensez que le médecin va devoir écrire sur une espèce de formule, envoyer cela à la régie, où cela va être évalué je ne sais pas sur quoi? Il va marquer le même diagnostic, de toute façon. Il va retourner cela au pa- tient, celui-ci va aller à la pharmacie. On m'a dit au CCP que cela prendrait deux ou trois jours. Avec la poste qu'on a aujourd'hui, je ne suis pas sûr que cela va prendre deux ou trois jours. Là-dedans, vous avez un produit, un antibiotique, qui s'appelle du ceclor, qui est réservé surtout dans certains cas de types spécifiques. Un enfant qui va se présenter à la pharmacie à 20 heures pour avoir son ceclor, si c'est le vendredi soir, il va attendre au lundi parce qu'on peut le faire par téléphone. On va priver le patient jusqu'au lundi? Ce n'est pas possible. On va l'hospitaliser, à ce moment? Peut-être.

C'est pour cela qu'on dit que c'est bien plus simple, si on veut absolument limiter ces médicaments, qu'on le marque sur la prescription et qu'on marque pourquoi on le prescrit, c'est un des critères du CCP. Le pharmacien va la remplir. Si le médecin les prescrit pour n'importe quoi, il va sortir des profils. On va avoir le document en pharmacie, ils pourront venir le consulter n'importe quand. Cela va permettre au patient d'avoir son médicament immédiatement, et ne pas le traîner pendant une semaine ou quinze jours. C'est aberrant, je pense.

M. Johnson (Anjou): Là-dessus, M. Marquis, je ne voudrais pas dire de choses inexactes, mais je ne suis pas sûr que le problème est au niveau du diagnostic qui se pose dans l'analyse du médicament d'exception. C'est plus l'instrument thérapeutique que constitue le médicament choisi et non pas le diagnostic. Le cas classique rapporté par le CCP, qui est le conseil consultatif en pharmacologie, qui fait ces analyses avec des gens de tout ordre et de tout intérêt qui siègent là-dessus - c'est l'expertise la plus objective possible, dans la mesure où ces choses sont objectives, et elles le sont assez largement - le cas classique, ce sont notamment certains types de médicaments qui, pour des raisons peut-être historiques au niveau de la formation, sont prescrits sur une base systématique même si la science nous dit maintenant qu'ils ne sont pas d'utilité dans telle pathologie. C'est un effort pour arrêter carrément ce qui est une surprescription, en même temps qu'une surconsommation de ces médicaments sur lesquels les experts, et encore une fois, ce n'est pas le ministre des Affaires sociales ou un fonctionnaire qui décide cela, c'est l'expertise médicale et pharmacologique et pharmaceutique qui en décide.

Donc, ces médicaments seraient inutiles, mais continuent quand même sur une base presque massive d'être prescrits dans certains cas. C'est dans ce sens également que l'Ordre des médecins et la corporation interviennent à l'occasion pour faire des rappels à ses membres. Ce n'est pas facile

de rentrer cela dans les moeurs. Les médecins sont des gens occupés comme n'importe qui d'autre. Ils ont un arsenal thérapeutique considérable.

Quant à d'autres types de médicaments - là aussi, je le dis sous réserve, parce que je n'ai pas les documents du Conseil consultatif de pharmacologie - le cas de ceclor, qui est un antibiotique à large spectre, qui est utilisé effectivement dans le cas des otites, si j'ai bonne souvenance, qui a deux caractéristiques: d'une part, il est extrêmement cher, on le sait et, deuxièmement, il serait utilisé dans les mêmes cas où l'ampicine si je ne me trompe pas, peut être utilisée, mais ce sont surtout ses effets secondaires sur le plan gastrointestinal qui sont la raison d'utilisation du ceclor. Or, comme il est à la fois extrêmement cher et, deuxièmement, que c'est un nouveau médicament connu et ce sur quoi, vous allez nous entretenir bientôt dans un rapport au sujet de la publicité des médicaments et qui fait partie de ce processus de la médecine thérapeutique où on pousse de nouveaux produits... Peut-être que la technique du médicament d'exception est une façon de refréner des ardeurs commerciales. Je ne parle pas de la part des professionnels, mais de la part des entreprises pharmaceutiques dans ces cas, compte tenu du fait que tout cela émarge au budget de l'État et qu'après tout, il faut y aller avec prudence.

Mme Lavoie-Roux: On est rendu dans un autre débat, je m'en rends compte; on a quand même l'Ordre des pharmaciens, ces gens ont à coeur l'intérêt...

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: ...je pense, des malades; alors, c'est pour cela que je voulais vérifier...

Est-ce que je peux conclure, de ce que vous dites, M. le ministre, qu'il y aurait des substituts pour ce type de médicaments comme thérapeutique, ou n'y en a-t-il pas?

M. Johnson (Anjou): Ils y en a qui ont des substituts, sauf ce qu'on appelle...

Mme Lavoie-Roux: S'ils n'ont pas de substituts, c'est là que la question se pose, à savoir si la rapidité ou...

M. Johnson (Anjou): Non, mais la question qui se pose à ce moment, c'est que, dans certaines pathologies, des fois le traitement ce n'est pas un médicament, cela peut être une diète, cela peut être autre chose. C'est le cas, malheureusement j'oublie le nom, je ne veux me poser en expert là-dedans, mais ce sont seulement les souvenirs que j'ai de la documentation qu'on m'a fournie dans le cadre de ces décisions. Je pense, entre autres, à ce médicament qu'on utilise dans le cas des hyperlipémies, c'est-à-dire celles du type 4, complamin. Il semble que la documentation, de façon systématique dise que ce médicament qui n'est pas utile dans les hyperlipémies qui ne sont pas du type 4, si je me souviens bien; mais, il est quand même prescrit de façon systématique pour tous les types d'hyperlipémies. Alors, les experts s'entendent pour dire que ce n'est pas un médicament utile. On n'a pas besoin d'avoir de substitution, on ne devrait pas le prescrire, c'est tout.

Mme Lavoie-Roux: Comment se fait-il qu'il soit encore sur le marché?

M. Johnson (Anjou): Parce qu'il est utile dans un type d'hyperlipémie...

Mme Lavoie-Roux: Ah, d'accord!

M. Johnson (Anjou): Comprenez-vous?

Sur les autres, le principe de la substitution joue dans le cas de la médiane, il ne joue pas dans le cas des médicaments d'exception.

M. Marquis (Jean-Claude): Est-ce que je peux me permettre de vous corriger un petit peu? Le problème du complamin, ce n'est pas parce qu'il est prescrit dans d'autres cas d'hyperlipémies; quand il est prescrit pour l'hyperlipémie, il n'y a pas de problème, c'est qu'il est prescrit aussi comme vaso-dilatateur périphérique.

M. Johnson (Anjou): Donc, de lipémie.

M. Marquis (Jean-Claude): Comme vaso-dilatateur périphérique, il est prescrit beaucoup, et beaucoup d'auteurs disent que ce n'est pas efficace et il y en a qui disent que c'est efficace, c'est encore une polémique qui n'est pas nettoyée définitivement. À ce moment, si vous décidez que vous payez le complamin exclusivement dans les cas d'hyperlipémie type 4, que le médecin marque sur l'ordonnance: "hyperlipémie, type 4". C'est parce que dans le fond, ce que l'on discute, c'est le système qui va tellement apporter de délais de livraison, ce n'est pas possible. Je me mets à la place du malade qui doit attendre 15 jours avant d'avoir son médicament, surtout dans le cas du ceclor, c'est encore pire, c'est impensable. Pour le ceclor, je peux vous dire que je ne suis pas inquiet parce qu'il est très peu prescrit actuellement. Je ne pense pas que cela devienne un médicament... Si on le réserve dans les cas de types spécifiques, je pense que cela ne créera pas de problème, mais c'est le système qui a été proposé que je trouve un peu difficile à appliquer. Le malade, il va être drôlement pénalisé.

M. Johnson (Anjou): Je voudrais conclure là-dessus, je pense que c'est important, compte tenu du débat qu'on a eu. Je pourrais fort bien ne pas entrer dans ce débat, ce n'est pas mon mandat de le faire. Il y a une affaire qui s'appelle le Conseil consultatif de la pharmacologie dont c'est le rôle. Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que ces décisions sont prises parce que cela s'adonne que celui qui est au bout de la ligne est obligé de signer le document, s'y retrouve un peu dans le vocabulaire. C'est parce qu'il y a un organisme prévu, en vertu de nos lois, qui fait ces recommandations et cet organisme ramasse toute l'expertise, la meilleure expertise possible dans ce domaine et c'est le Conseil consultatif de la pharmacologie. C'est sur la base de ses avis que les décisions sont prises.

Je voudrais simplement rassurer les membres de la commission là-dessus, le docteur et M. Marquis quant à cela.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le ministre a lu que dans le comité des onze, on recommandait d'abolir le Conseil consultatif de la pharmacologie. Cela n'a pas de rapport avec nos propos ce soir, c'était juste... (22 h 30)

Bon, écoutez, M. Marquis, je pense, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'il y a plusieurs autres recommandations que vous faites que nous vérifierons au fur et à mesure de l'étude article par article. Je vous remercie aussi de votre patience, j'en ai peut-être abusé un peu. Je ne sais pas si c'est moi qui en ai abusé mais au moins conjointement.

Le Président (M. Bordeleau): Ah, tout le monde! Alors, je veux remercier également... oui, M. le député de Laurier.

M. Sirros: On a parlé tout à l'heure des listes de médicaments et de la substitution qui peut se faire, etc. À la page 5, vous faites une recommandation qui propose de changer l'article 21. En lisant les deux, je vois que dans votre recommandation une chose est différente par rapport à l'article qui existe actuellement, c'est que vous recommandez que vous ne soyez pas obligés d'aviser le client de la substitution. Voulez-vous m'expliquer un peu cela?

M. Marquis (Jean-Claude): Disons que le pharmacien est là pour surveiller la pratique pharmaceutique à tous les niveaux. Alors, dans les centres hospitaliers, nous ne sommes pas capables d'appliquer l'article 21, parce que, et je ne blâme pas le gouvernement là-dessus, dans les centres hospitaliers on fonctionne avec des groupes d'achats, on ne garde qu'un médicament, on n'en garde pas vingt-cinq. On ne va pas aviser le patient qu'on lui a changé son médicament.

M. Sirros: Je pensais surtout aux pharmacies où le patient se présente pour acheter quelque chose.

M. Marquis (Jean-Claude): Oui, mais c'est au même niveau, c'est-à-dire que le pharmacien peut le dire à l'occasion, mais comment voulez-vous que le malade puisse évaluer la qualité du médicament!

M. Sirros: J'imagine qu'on parle de la question des médicaments par le nom générique, etc., ce qui souvent veut dire qu'ils sont bien meilleur marché que d'autres médicaments. Donc, l'intérêt du patient serait surtout de savoir que le médicament qui est substitué est moins cher que celui qui lui a été prescrit. Et j'imagine que ce serait une des choses, par exemple, si le pharmacien lui substitue un médicament qui est plus cher, il devrait le savoir et s'y opposer.

M. Marquis (Jean-Claude): Pour autant que ce n'est pas un bénéficiaire.

M. Sirros: Pardon?

M. Marquis (Jean-Claude): Pour autant que ce n'est pas un bénéficiaire. Lui ne paie pas, alors, qu'il soit plus cher ou moins cher, ça ne le dérange pas trop, trop.

M. Sirros: D'accord, mais ça pourrait à ce moment-là avoir des...

M. Marquis (Jean-Claude): C'est parce que dans le fond le CCP a prévu quand même une série de médicaments pour lesquels il n'y aura pas d'équivalence il n'y aura pas de substitution il n'y aura pas de médiane, parce que dans ces cas-là ça peut être dangereux. Le pharmacien en est conscient et lui non plus ne fera pas d'équivalence là-dessus. Les cas où il va faire de l'équivalence, ça va être dans le champ des produits, surtout les produits pour les nerfs. Par exemple, on va prendre le diazépam, qui est mieux connu sous le nom de valium, tout le monde connaît ça. Alors, le médecin prescrit du valium et ne pense pas aux autres. Il est habitué de prescrire du valium, c'est un peu la publicité qui l'a amené à ça. Ça ne le dérange pas tellement qu'il y en ait un autre qui sorte. D'ailleurs, dans les hôpitaux ça se fait couramment actuellement.

Le Président (Bordeleau): Ça va? Alors, je remercie M. Marquis ainsi que les personnes qui sont avec lui. Et j'appellerai comme dernier groupe les représentants de l'Association professionnelle des optométristes

du Québec. Je présume qu'il s'agit du Dr Jean-Marie Rodrigue?

M. Rodrigue (Jean-Marie): C'est ça.

Le Président (M. Bordeleau): Le porte-parole. Alors, si vous voulez nous présenter, M. Rodrigue, les gens qui sont avec vous.

Association professionnelle des optométristes du Québec

M. Rodrigue (Jean-Marie): Oui, Me Yvan Brodeur, à ma gauche, qui est notre conseiller juridique; François Charbonneau, qui est conseiller technique à l'association, et le Dr Lambert, qui est vice-président de l'association.

M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs. Nous sommes heureux de pouvoir apporter notre contribution à l'étude du projet de loi 27, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le domaine de la santé et des services sociaux.

L'Association des optométristes du Québec est un organisme incorporé en vertu de la Loi des syndicats professionnels et représente les 800 optométristes du Québec. Le rôle premier de l'association consiste à négocier des ententes avec le ministre des Affaires sociales aux termes de l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie et de veiller à l'application de ces ententes. Rappelons que les services dispensés par les optométristes dans le cadre de la Loi sur l'assurance-maladie représentent environ 80% de l'ensemble des services oculo-visuels fournis à la population du Québec et que plus d'un million de Québécois sont examinés au moins une fois annuellement dans les cabinets des optométristes.

En tant que professionnels de la santé, dispensateurs des services oculo-visuels de première ligne, nous sommes intéressés au plus haut point à toutes les modifications législatives envisagées par le projet de loi 27. Cependant, tenant compte du nombre d'intervenants devant cette commission parlementaire et du temps alloué à l'étude du projet de loi, nous croyons opportun de limiter nos interventions aux articles du projet de loi qui peuvent avoir une influence directe sur la pratique de l'optométrie. Puisque la très grande majorité de nos membres exercent leur profession en cabinet privé, quelques-uns seulement, dans des centres d'accueil et de réadaptation pour handicapés visuels, et aucun dans un centre hospitalier, nos remarques se limiteront donc à certaines dispositions du projet de loi qui visent à amender la Loi sur l'assurance-maladie. Ainsi nous traiterons des pouvoirs du ministre prévus à l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie, de négocier une entente avec un organisme représentatif d'une catégorie de professionnels de la santé, et des pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie en tant qu'organisme chargé de l'administration de ces ententes.

Les modifications proposées à l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie nous semblent conférer au ministre des Affaires sociales et au gouvernement, des pouvoirs d'intervention incompatibles avec la notion de négociation de bonne foi. En effet, nous comprenons mal que l'on puisse imposer par décret des conditions de travail à des professionnels de la santé ou négocier directement avec leurs membres tout en prétendant reconnaître le droit à la syndicalisation. En tout état de cause, ce nouveau type d'intervention du ministre et du gouvernement vise davantage les médecins et les dentistes que les optométristes, cependant, sur le plan des principes nous souscrivons à leurs représentations.

Nous tenons néanmoins à insister sur le caractère inapproprié de l'expression "conditions de travail", utilisé au premier alinéa de l'article 19 tel que modifié par l'article 4 du projet de loi. La notion de conditions de travail n'est appropriée, dans le domaine des relations de travail, que pour autant qu'il existe un lien de subordination juridique salarié-employeur.

Il est évident qu'un tel lien est totalement étranger au cadre de pratique de l'optométriste ou, pour autant, de tout professionnel de la santé exerçant en cabinet privé. Celui-ci bénéficie plutôt d'une autonomie professionnelle dont le corollaire devient la responsabilité civile qu'il encourt personnellement vis-à-vis de son client relativement à la qualité de l'acte professionnel.

La notion de conditions de travail devrait être abandonnée ou remplacée par les expressions "mode de participation et conditions d'exercice et de rémunération".

Les pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie. Le projet de loi 27 consacre, dans sa forme actuelle, les pouvoirs discrétionnaires de la Régie de l'assurance-maladie dans l'application des ententes négociées par les professionnels de la santé. À notre avis, il est erroné de croire que l'on puisse confier de tels pouvoirs à la régie pour le simple motif qu'il est un organisme publique sans but lucratif. À titre d'exemple, mentionnons l'article 22.2 de la Loi sur l'assurance-maladie tel qu'amendé par l'article 7 du projet de loi 27. Étant donné que les deux articles apparaissent déjà au texte que vous avez, je vais me dispenser d'en faire la lecture.

Comme nous le mentionnons précédemment, le pouvoir discrétionnaire de la régie consacré par l'expression "lorsque la régie est d'avis", ouvre la porte aux pires abus. Ces paroles peuvent paraître dures, ces paroles peuvent paraître sévères, mais elles découlent de deux points. Le premier, c'est

qu'il nie le principe qui donne à tout citoyens le droit d'être entendu avant qu'une décision de cette nature, de cette importance soit prise. Et le deuxième découle du fait même de cette disposition, des situations difficiles que vivent certains de nos membres récemment.

Il faut bien comprendre, M. le Président, que nous n'accusons pas la régie comme telle d'abus, ni nos membres d'être sans reproche, nous décrions plutôt le fait que le législateur donne un tel pouvoir à un organisme administratif et j'espère qu'on pourra peut-être revenir un peu plus tard sur ça.

Il est inacceptable, donc, que cet article ne prévoie aucune forme de contrôle préalable à l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré à la régie. C'est surtout sur ce point que nous aimerions insister, en fait qu'il n'y a aucune forme de contrôle préalable. L'article 22.2 devrait prévoir que la régie ne peut procéder au remboursement avant que le professionnel impliqué n'ait eu l'occasion de se faire entendre devant un comité prévu à l'entente à cet effet, le cas échéant, ce qui n'est pas le cas actuellement.

De plus, l'article 22.2 devrait prévoir que l'association qui représente le professionnel impliqué doit être informée de l'intention de la régie de procéder au remboursement au moins soixante jours avant que ce remboursement ne soit effectué. Nous croyons, enfin, que le tribunal d'arbitrage prévu à la Loi sur l'assurance-maladie devrait avoir une juridiction exclusive dans tous les cas où un professionnel de la santé conteste une décision de la régie, que cette décision se fonde sur le non-respect de l'entente ou qu'elle se fonde sur le non-respect de la loi. L'obligation faite à un professionnel de la santé de se pourvoir devant un tribunal de droit commun, lorsque la régie soulève à son égard le non-respect d'une disposition de la loi, est, à notre avis, injustifiable et inappropriée.

D'ailleurs, tenant compte des modifications que le projet de loi 27 vise à apporter aux dispositions touchant l'arbitrage, faisant du tribunal d'arbitrage un tribunal statutaire, il n'existe présentement aucun obstacle légal à ce que la juridiction de ce tribunal d'arbitrage couvre non seulement l'interprétation et l'application d'une entente, mais également le bien-fondé des décisions de la régie à l'effet que les services rendus ne rencontrent pas les conditions imposées par la Loi sur l'assurance-maladie. Il est, d'ailleurs, évident que le recours au tribunal d'arbitrage est plus approprié en ce qu'il est plus accessible aux professionnels de la santé et qu'il garantit aux parties une plus grande expertise dans l'interprétation de la loi et des ententes.

L'Association des optométristes du

Québec, limitant ses commentaires aux dispositions du projet de loi qui touchent ses membres directement, recommande aux membres de cette commission parlementaire: que la notion des conditions de travail disparaisse de l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie tel que le modifierait l'article 4 du projet de loi; que le projet assortisse de certaines conditions préalables l'exercice par la régie de tout pouvoir discrétionnaire; que la juridiction du tribunal d'arbitrage prévue à la loi couvre non seulement l'interprétation et l'application des ententes, mais également le bien-fondé des décisions de la régie à l'effet que les services rendus ne rencontrent pas les exigences de la loi.

En conséquence, nous recommandons que l'article 22.2 se lise comme suit: "Lorsque la régie est d'avis que des services dont le paiement est réclamé par un professionnel de la santé ou pour lesquels il a obtenu paiement au cours des trente-six mois précédents étaient des services fournis non conformément à l'entente, elle peut refuser le paiement de ces services ou procéder à leur remboursement par compensation ou autrement, selon le cas.

Lorsque la régie, suite à une enquête, est d'avis que des services dont le paiement est réclamé par un professionnel de la santé ou pour lesquels il a obtenu paiement au cours des trente-six mois précédents étaient des services qui n'ont pas été fournis, qu'il n'a pas fournis lui-même ou qu'il a faussement décrits, ou des services non considérés comme services assurés par règlement, ou des services non déterminés comme services assurés par règlement, elle peut refuser le paiement de ces services ou procéder à leur remboursement par compensation ou autrement, selon le cas.

Toutefois, avant de procéder à la compensation, la régie doit fournir au professionnel l'occasion de se faire entendre devant le comité prévu à l'entente, le cas échéant. L'association qui représente le professionnel impliqué doit être informée de l'intention de la régie de procéder au remboursement au moins soixante jours avant que ce remboursement ne soit effectué. Lorsque la régie décide de refuser le paiement de services ou de procéder à la compensation, elle doit informer le professionnel de la santé des motifs de sa décision. Tout différend résultant du présent article est tranché par le conseil d'arbitrage institué par l'article 54.

Tel différend doit être logé dans les six mois de la réception de la décision de la régie.

Et que, par concordance, l'article 54 se lise comme suit: "Un différend qui résulte de l'interprétation ou de l'application d'une entente ou d'une décision de la régie aux termes du deuxième alinéa de l'article 22.2

est soumis à un conseil d'arbitrage exclusivement à tout tribunal de juridiction civile. La composition du conseil d'arbitrage et la nomination de ses membres peuvent être déterminées dans une entente. À défaut, elles sont déterminées par le ministre après consultation des organismes représentatifs des professionnels de la santé. (22 h 45)

En terminant, M. le Président et les membres du comité, je veux assurer tous les membres de cette commission de son souci de faire bénéficier nos concitoyens des meilleurs services oculo-visuels et soyez assurés de notre collaboration en cet objectif. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci M. Rodrigue. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Rodrigue.

Dans le fond, votre mémoire évoque une question qui a été évoquée par les autres, c'est toute la question des droits syndicaux autour de l'article 19 - vous n'étiez peut-être pas là avec vos procureurs, je ne répéterai pas ce que j'ai eu l'occasion de dire, compte tenu de l'heure - vous aurez l'occasion de prendre connaissance de ce qui a fait l'objet des réponses quant à cela. Au niveau de nos intentions, vous n'avez pas à vous inquiéter et, deuxièmement, au niveau des formulations juridiques, ce n'est pas pour rien qu'il y a des commissions parlementaires.

Deuxièmement, les pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie, il y a peut-être une méprise un peu accidentelle, c'est peut-être dans la façon de présenter la loi. Ces pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie, on ne les accroît pas au sens de la loi dans la mesure où on répète l'article 22.2 tel qu'il existait en retranchant que les griefs résultant du présent alinéa sont tranchés par le conseil d'arbitrage, lorsqu'il est prévu à une entente.

M. Brodeur (Yvan): ...

M. Johnson (Anjou): On supprime lorsqu'il est prévu à une entente puisque, comme vous le savez, M. le procureur, c'est la loi maintenant qui prévoit le tribunal. Donc, il n'est plus prévu à l'entente, il est dans la loi, ce qui veut dire sur le plan juridique - je suis sûr que votre conseiller juridique est bien au fait de cela - qu'il est susceptible de brefs d'évocation, par exemple, l'application des règles générales du droit que doivent appliquer des tribunaux administratifs, etc. En ce sens, cela ne devrait pas être menaçant, bien au contraire. Sur les autres points, vous ne demandez pas vraiment qu'on modifie le projet de loi no 27 mais qu'on modifie la Loi sur l'assurance- maladie au-delà de ce qui est prévu par le projet de loi no 27.

Vous me permettrez de peut-être trouver un qualificatif sur le plan des relations de travail, c'est un peu comme si vous étiez en demande dans ce contexte, on déborde un peu... Tout en comprenant quels sont vos objectifs, votre façon de voir les choses, mais ce n'est pas par des modifications au projet de loi no 27, qu'il n'est pas dans notre intention de faire.

Je pourrais peut-être vous entendre là-dessus, si vous le désirez.

M. Brodeur: M. le ministre, c'est assez simple au fond. Évidemment, on remonte un peu ici au projet de loi no 84. Cette loi a amené ce qui est aujourd'hui l'article 22.2. Il y a eu, à ce moment, des représentations de faites par les différents groupes de syndicats de professionnels de la santé contre le principe même au fond de la compensation. Finalement, la loi a été adoptée telle qu'elle est présentement. Ce qu'on dit, c'est que d'une part, on considère qu'il est tout à fait normal de venir ici faire des représentations parce que, mon Dieu, c'est une occasion, il faut le dire. Vous amendez actuellement la Loi sur l'assurance-maladie et vous allez plus loin que cela, vous amendez même l'article 22.2 ailleurs. On se dit: Si on n'en profite pas cette fois-là, quand allons-nous le faire?

Donc, on vous dit, M. le ministre, que la disposition telle qu'elle existe présentement, qui dit: Si la régie est d'avis que l'entente n'est pas respectée ou certaines conditions prévues à la loi ne sont pas respectées - c'est le deuxième alinéa -si la régie est de cet avis, elle peut procéder à compensation et remonter trois ans en arrière, M. le ministre. Trois ans en arrière quant aux motifs qu'elle invoque. Si on prend un exemple qui concernerait l'application de l'entente, si la régie dit à un professionnel de la santé: Vous n'avez pas respecté l'entente au cours des trois dernières années, on vient de se rendre compte de ça. La régie peut, M. le ministre, procéder à compensation directement, sans aucune mesure préalable.

Ce qu'on dit, M. le ministre, on ne fait pas un reproche à la régie ici. Quand la régie fait ça présentement, elle ne fait, au fond, qu'appliquer la loi que le législateur a votée; il a fait son travail. On ne lui fait pas de reproche. Mais on dit qu'un pouvoir de cette nature là, c'est un pouvoir qui peut mener aux pires abus, et c'est facile à comprendre. C'est très facile à comprendre. Lorsqu'on discute, par exemple, d'une question d'interprétation de l'entente, il est possible que, et la régie et le professionnel de la santé, soient tous deux de très bonne foi. Mais pour un professionnel de la santé, sans avoir l'occasion de se faire entendre, sans être représenté par son organisme

représentatif, de se faire faire une compensation de six, huit et dix mille dollars, M. le ministre, ça cause beaucoup de problèmes pour l'individu et ça cause beaucoup de frustrations au niveau des groupes également.

Je vous dirais, M. le ministre, que d'autres groupes, ce matin et hier matin ou hier après-midi, n'ont pas fait de représentation là-dessus. Pas parce que nécessairement ce n'était pas important pour eux, mais parce que, dans le fond, il y avait bien d'autre chose dans le projet de loi qui, quant à eux, était excessivement important et on a un peu négligé cet aspect-là. Mais il n'en est pas moins important pour autant. Ça c'est un aspect de la modification que nous demandons.

Le Président (M. Bordeleau): Avez-vous d'autres questions, M. le ministre? Ou je cède la parole à Mme...

M. Brodeur: Je n'ai pas terminé.

M. Johnson (Anjou): J'avais compris que vous n'aviez pas terminé, je vous écoutais toujours d'une oreille, malgré tout.

M. Brodeur: Vous m'écoutez d'une oreille, bon.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Brodeur: Alors, le deuxième aspect, M. le ministre. Là, on demande vraiment une modification, contrairement à ce que vous avez dit tantôt. On demande vraiment une modification à la loi. Nous disons: Vous créez, par l'article 56 de la loi, un tribunal statutaire. En d'autres termes, le tribunal d'arbitrage qui existe aujourd'hui dans les ententes, tenant compte de la rédaction actuelle de l'article 56, c'est un tribunal conventionnel. Le tribunal que vous créez là devient un tribunal statutaire. Ceci étant dit, nous vous disons: Pourquoi ne lui donnez-vous pas juridiction quant au deuxième alinéa de l'article 22.2, qui est l'alinéa qui se réfère au non-respect des conditions de la loi par un professionnel de la santé?

Le premier alinéa concerne le non-respect de l'entente, le deuxième, le non-respect de certaines conditions prévues à la loi. Ce qu'on dit, M. le ministre, c'est que si vous n'amendez pas le texte dans ce sens-là, lorsqu'une compensation est faite par la régie, parce qu'un professionnel de la santé, par exemple, lui dira-t-on, n'a pas fourni le service lui-même. Ce problème m'a été évoqué ici un peu, depuis le début de la commission parlementaire. Vous savez que c'est un problème très délicat. La régie peut avoir son opinion en toute bonne foi; le professionnel aussi.

Lorsque la régie fait présentement compensation, par exemple quant à cette question-là, c'est une des quatre questions de non-respect à la loi qui sont énumérées à l'article 22.2, deuxième alinéa. Lorsque la régie fait présentement compensation le professionnel est obligé de se pourvoir devant le tribunal civil. Ce qui veut dire qu'il va prendre une action au civil avec tout ce que ça implique de problèmes, avec la perte de ce droit de représentation qui existe normalement. Je comprends que dans la loi telle qu'elle existe présentement présentement je dis bien - il n'était pas possible de donner ce pouvoir-là, parce que nous n'avions pas de tribunal statutaire; il y en a un maintenant. Je pense qu'il serait à l'avantage de tout le monde, incluant la régie et le ministre, que ces dispositions-là relèvent d'un organisme qui va pouvoir entendre des problèmes rapidement, qui va avoir une juridiction globale, et qui va aussi avoir une certaine expertise dans ce domaine-là. (22 h 30)

Je pense que le ministre l'a déjà fait lorsqu'il a été question d'amendement au Code du travail. Il y a certaines dispositions qui prévoient des possibilités d'arbitrage statutaire dans le Code du travail. Les gens n'ont pas besoin dans ces cas d'aller devant le tribunal de droit commun. C'est avantageux, je pense, pour tout le monde finalement et on pense que c'est une recommandation de modification quand même relativement importante du projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre... Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous allez pouvoir modifier la loi sur le champ.

M. Johnson (Anjou): Non, c'est tout simplement une compréhension du mécanisme pour être bien sûr qu'on discute sur les mêmes faits. Je pense que l'exposé de Me Brodeur est très clair; je veux juste qu'on me confirme quelques interrogations.

Mme Lavoie-Roux: En attendant, parce que vous avez tous les experts. Il semble qu'on prenne votre demande au sérieux ou qu'on examine de près... Vraiment, la seule question que je voudrais vous poser, depuis que cet article est en vigueur à la suite de l'adoption de la loi 84, est-ce que, dans votre association, elle a été utilisée fréquemment, surtout avec la rétroactivité de la compensation financière jusqu'à trois ans? Enfin, est-ce que c'est fréquent?

M. Rodrigue (Jean-Marie): Ce que nous constatons - et tantôt j'étais sorti du texte pour citer que ce qui nous faisait mettre de l'importance sur ce point - c'est que,

dernièrement, certains de nos membres se sont vus aux prises avec une telle disposition. Sans aller dans le langage juridique et pour le bénéfice quand même des profanes comme nous, il y a peut-être d'autres avocats autour de la table ici, je ne le sais pas, en termes concrets, qu'est-ce que c'est? C'est qu'en l'occurrence les optométristes - et ça vaut aussi pour les autres professionnels - sont rémunérés à partir des réclamations qu'ils font. Pour une raison ou pour une autre, la régie, tout à coup, s'institue juge et est d'avis que - pour ces raisons qu'elle détermine sur une entente signée entre deux autres parties, qu'il manque quelque part, parce que il y a là des dispositions - le professionnel ne peut pas se faire entendre devant une tierce personne qui doit juger, un tribunal. Il se fait compenser immédiatement et c'est la seule disposition comme telle qui existe dans toutes les juridictions à notre connaissance et doit tenter de démontrer qu'il avait raison de facturer ainsi après qu'il s'est fait enlever l'argent, si on peut ainsi dire, ses honoraires. Cela est en termes concrets. Il y a toutes sortes de dispositions en termes juridiques que les experts... C'est un peu, un autre exemple, comme si un employé se faisait enlever ses rémunérations à venir, ses paies à venir de son employeur parce que l'employeur décide tout à coup qu'il n'a pas bien fait son travail sans qu'il n'y ait personne pour dire entre les deux que vous avez raison. En termes concrets, c'est ça. Maintenant, il y a tout l'appareil juridique. Pour nous, on trouve que c'est tout à fait inacceptable.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je vous remercie, M. Brodeur, et M. le Président. C'est un problème intéressant sur le plan juridique et sans tomber dans des plomberies juridiques sophistiquées dans lesquelles vous excellez, je dirai simplement ceci: II y a deux ordres, finalement, d'avis que peut avoir la régie. La régie peut être d'avis qu'un paiement qui est réclamé par un professionnel n'a pas été fourni; la demande l'a été pour un service qui n'a pas été fourni conformément à l'entente. Une fois qu'elle décide cela, elle avise, et il y a un droit de grief du professionnel impliqué s'il n'est pas satisfait de cette décision, la décision signifiant la compensation automatique sur les honoraires à payer. Le fardeau de la preuve étant à la régie, cependant. (23 heures)

Ce qu'on fait ici, c'est qu'on remplace le tribunal bipartite érigé en vertu de l'entente par un tribunal qui est statutaire, parce qu'on le décrit dans la loi et la conséquence juridique de cela, c'est que, si ce tribunal prend des décisions en ne respectant pas certaines règles élémentaires de droit, notamment, entendre les parties, la fameuse règle audi alteram partem, c'est une des sept causes d'évocation ou enfin, des quelques causes d'évocation qui existent mais c'est celle qui est la plus connue. À ce moment, de ce tribunal qui a rendu la décision et s'il ne l'a pas rendue conformément aux règles du droit, il peut y avoir une évocation à la Cour supérieure, ce qui en ce moment n'existe pas dans la mesure où le tribunal n'était pas prévu dans la loi, il était prévu par entente. Cela est la première catégorie de décisions qui est prise. Je pense qu'en gros là-dessus, hormis le fait de la compensation avant décision, ce n'est pas du mécanisme en soi dont on parle.

Deuxième type de décisions que peut prendre la régie. C'est que la régie peut être d'avis mais à la suite d'une enquête, que cette fois, les services dont le paiement est réclamé par le professionnel, étaient des services qui n'ont pas été fournis non pas cette fois-ci, non conformément à l'entente, mais des services qu'il n'a pas fournis lui-même ou qu'il a faussement décrits ou des services qui ne sont pas considérés comme assurés par le règlement ou des services qui ne sont pas déterminés comme des services assurés par le règlement. À ce moment, il procède encore à la compensation, après enquête, après également avis aux professionnels, avis signifiant les raisons de son intervention. La "réplique" du professionnel, dans les circonstances devient le tribunal "approprié" en l'occurrence les tribunaux de droit commun.

Il y a donc deux problèmes qui se posent: Premièrement, c'est celui de la compensation automatique et deuxièmement, ce qui arrive dans le deuxième cas où si je comprends bien Me Brodeur dit: Quant à créer un tribunal statutaire, c'est aussi bien de lui donner la juridiction pour qu'il entende au fond ce qui découle du deuxième cas que j'ai décrit.

Le mécanisme de la compensation, il faut bien comprendre, il existe depuis 1971 ou depuis la loi de 1979 seulement.

Une voix: 1979.

M. Johnson (Anjou): Depuis la loi de 1979. On me dit d'ailleurs que cela a impliqué jusqu'à maintenant, dans le cas des membres que vous représentez, peut-être une demi douzaine de cas seulement, où cela aurait été appliqué, relativement récemment.

C'est un mécanisme qui a l'inconvénient de ce que décrit Me Brodeur, mais c'est un peu normal après tout, il est de l'autre côté de la table, dans les circonstances, s'il était à la régie, probablement qu'il aurait une approche différente et probablement, chacun défend ses intérêts. C'est un mécanisme que

le législateur a choisi il y a un certain nombre d'années, sur lequel nous n'avons pas cru bon de revenir dans le cadre de cette discussion.

Sur le deuxième élément, c'est-à-dire pas le phénomène de la compensation automatique mais la notion du recours disponible pour le professionnel. Dans le premier cas, il est bien clair qu'il y en a un recours et c'est au tribunal statutaire qui est créé en vertu de la loi et c'est parfait comme cela et, dans le deuxième cas, s'il fallait que le tribunal entende au fond les questions relatives à des demandes de paiement pour un service qui n'a pas été fourni par lui-même ou faussement décrit, cela serait la négation même du mécanisme que l'on met sur pied et du rôle de la régie. Dans ce sens, malgré le très intéressant exposé de Me Brodeur, je ne retiens pas à ce stade ses suggestions.

M. Brodeurs Je n'ai vraiment pas compris, M. le ministre, ce que vous entendez par "ce serait la négation du mécanisme qu'on met sur pied", que de confier, au tribunal statutaire en question, juridiction sur le deuxième alinéa de 22.2. Je ne vois là aucune incompatibilité juridique.

M. Johnson (Anjou): Le tribunal statutaire qui est créé permet que l'entente soit interprétée, mais si on y appliquait les dispositions du deuxième paragraphe, si ce tribunal pouvait interpréter le contexte dans lequel la régie a pris la décision après enquête dont elle a fourni avis aux professionnels, elle le ferait dans l'interprétation de la loi et non pas de l'entente.

M. Brodeur: Oui, exactement. Il s'agirait simplement de modifier l'article 56, M. le ministre. C'est ce qu'on suggère d'ailleurs. Il s'agirait tout simplement de modifier l'article 56 ou 54, je m'excuse, où on dirait plutôt "un différend qui résulte de l'interprétation ou de l'application d'une entente ou d'une décision de la régie aux termes du deuxième alinéa de l'article 22.2." Il n'y aurait aucun problème juridique à faire ça, et ça se retrouve...

M. Johnson (Anjou): On ne dit pas qu'il y aurait un problème juridique, mais, pour nous, le fait de confier la juridiction à cet organisme statutaire qui est en fait la transposition statutaire de ce qui a fait l'objet d'ententes entre les parties depuis 1971 au niveau de la création de ces conseils d'arbitrage statutaire, c'est une juridiction que nous n'entendons pas leur ordonner. Ce serait, je pense, l'équivalent finalement du Tribunal du travail, comme vous l'aviez dit vous-même à l'égard du Code du travail.

M. Brodeur: Non, non, non! Ce serait l'équivalent d'un tribunal d'arbitrage et il existe une possibilité d'arbitrage dans certains cas, notamment la réintégration après une grève; il est possible pour un salarié d'aller en grief là-dessus et ce serait de la même nature.

Je me permets, M. le ministre, d'aller un peu plus loin. Vous avez fait une affirmation qui est très intéressante, parce qu'elle permet de clarifier une partie de ce débat. Vous avez dit: On ne voit pas de raison majeure actuellement de modifier un état de fait qui existe dans les ententes depuis 1971, c'est-à-dire qu'il existe déjà un mécanisme d'arbitrage dans les ententes et tout ce que l'on veut faire ici, c'est d'en faire un arbitrage statutaire. Ce que vous dites là est vrai, pourtant, ça ne représente pas toute la réalité, il s'en faut de beaucoup, parce qu'est intervenu le bill 84. De 1971 à 1979, il n'existait pas de possibilité de compensation, M. le ministre. C'est la régie qui devait aller chercher l'argent dans les poches du professionnel de la santé, et c'est la régie qui devait, dans ces situations, prendre action au civil. Aujourd'hui, depuis le bill 84, la situation est modifiée totalement. La régie peut d'elle-même faire compensation, et c'est là que ces dispositions doivent être modifiées.

M. Johnson (Anjou): J'ai l'impression que... vous étiez là au moment où la loi 84 a été passée, je présume?

M. Brodeur: Oui, M. le ministre, j'étais là.

M. Johnson (Anjou): Tous les deux. M. Brodeur: Oui.

M. Johnson (Anjou): Le président et le procureur. Je présume que votre document était prêt depuis 1979. Vous allez tenir le même débat en commission ici...

M. Brodeur: Oui.

M. Johnson (Anjou): ... ce moment, sur le droit de compensation.

M. Brodeur: Écoutez, sur le droit de compensation, je ne me souviens pas trop bien. Je vais ajouter un autre élément, M. le ministre. Sur la question de la compensation, à ce moment-là, je ne me souviens pas très bien des représentations qu'on avait faites, qui étaient des représentations conjointes avec trois autres groupes de professionnels.

Je vous dirai ceci, c'est que, dans l'entente qu'on a signée autour de l'année 1978, l'avant-dernière, la dernière étant simplement une reconduction, avec modification des tarifs, dans l'avant-dernière

entente qu'on a donc signée, on avait déjà accepté la compensation. On avait déjà accepté la compensation M. le ministre, à peu près vers 1977. On avait accepté la compensation et, dans l'entente de 1977, M. le ministre, il y avait déjà une disposition...

M. Johnson (Anjou): Je vous écoute toujours d'une oreille, ne vous en faites pas.

M. Brodeur: ...il y avait déjà une disposition concernant la compensation qu'on avait consentie. Mais la différence, c'est que, lorsque la régie faisait cette compensation, c'était arbitraire sous l'entente. Et l'autre différence, c'est que cela devait passer devant le comité des relevés d'honoraires, qui est un comité paritaire. La loi est intervenue ici et au fond a modifié nos ententes.

M. Johnson (Anjou): Sur ce, je ne pense pas qu'on puisse reprendre en 40 minutes tout le débat que...

Mme Lavoie-Roux: Donnez votre réponse, peut-être cela va éclairer la question qui vous est demandée.

M. Johnson (Anjou): D'accord.

Ce que je voulais dire, c'est que je ne pense pas que l'on puisse reprendre tout le débat autour de la loi 84 en quelques minutes. Je pense que vous avez fait entendre clairement vos arguments et vos motivations à cet égard. Ce qui est plus que ce que je peux en dire, quant à moi, sur l'existence de cet article, mais je pense que, d'ici la deuxième lecture, on aura le temps de fouiller cela un peu plus. La seule comparaison qui me vienne à l'esprit, c'est la comparaison qui existe dans les lois du revenu où à toutes fins utiles, il y a le principe de la cotisation, le principe du fardeau de la preuve à celui qui est cotisé et en ce sens, c'est le précédent qui me vient à l'esprit. Maintenant, on aura l'occasion de regarder cela un peu plus loin.

Mme Lavoie-Roux: C'est une profane qui pose une question, mais j'ai le texte devant moi. Dans le premier cas, je veux juste voir si au moins je comprends un peu. Les services fournis non conformément à l'entente, c'est parce que c'est le résultat d'une entente ou est-ce qu'à ce moment, il y a la procédure de grief et d'arbitrage?

Dans le deuxième cas, ce sont des services non fournis. Il y a une enquête et cela n'a plus de relation avec l'entente, c'est simplement que des services ne sont pas fournis. C'est pour cela que la procédure est différente, si je comprends bien, qu'à ce moment, il n'y a pas de recours à un tribunal ou, enfin, il n'y a pas de procédure de grief de prévue et que c'est la régie qui dit si vous n'avez pas fourni les services. Vous autres, faites-en la preuve. C'est cela...

M. Johnson (Anjou): Jusqu'à maintenant, il n'y a rien d'inexact dans ce que vous dites.

Mme Lavoie-Roux: Dans les deux, il y a une compensation financière...

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends très bien pourquoi une procédure de grief dans le premier, ne revenons pas là-dessus mais pourquoi a-t-on décidé - j'étais là à la loi 84, cela a dû me passer, ou cela n'a pas été dit, je ne m'en souviens pas - dans l'autre cas qu'on procède par enquête? Cela m'apparaît régulier qu'on procède à un remboursement par compensation financière ou autrement. Est-ce que c'est parce que, dans ce cas, on n'a pas mis un recours quelconque ou à moins que l'individu en fasse la preuve ou le professionnel en fasse la preuve? Quel a été la raison derrière cela?

M. Johnson (Anjou): J'ai l'impression que c'est - on aura peut-être l'occasion d'en parler en troisième lecture, article par article - une approche qui vise à réprimer des abus...

Mme Lavoie-Roux: Rendre plus difficile, c'est cela.

M. Johnson (Anjou): ...c'est cela ou enfin, c'est l'approche classique.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): Je ne dirai pas qu'il y a là une présomption que la majorité des gens font, c'est pour cela d'ailleurs que c'est utilisé avec parcimonie. Il n'y a pas des centaines de membres qui font l'objet de ce mécanisme. Probablement que cela correspond à la courbe de distribution normale des gens dans la société. La raison de base que je vois là, sans aller plus loin, avant d'avoir relu le procès-verbal de la commission sur la loi 84, je dirais que c'est une technique de répression d'abus utilisée par un corps public en s'inspirant de la technique prévue dans les lois du revenu.

M. Brodeur: M. le ministre, le texte de loi ne fait pas référence à des abus, le texte de 22.2 dit: Non-conformité à l'entente. Cela est de la même nature, si on veut, qu'un grief pour un salarié.

Deuxièmement, 22.2 se réfère à des services qui n'ont pas été fournis, qu'il n'a pas fournis lui-même, qu'il a faussement décrits ou des services non considérés comme assurés par règlement. Il s'agit là non pas

nécessairement d'abus, il s'en faut. Il peut très bien s'agir de services qu'un professionnel rend avec son personnel auxiliaire par exemple. Il est convaincu, lui, - il a peut-être raison et il est très possible qu'il ait raison - qu'il est en conformité avec la loi. Pour prendre le premier paragraphe, comme je le faisais tantôt, il est convaincu lui, de bonne foi, qu'il est en conformité avec l'entente. Et intervient la régie qui lui dit: On n'est pas d'accord, on n'a pas les même convictions que toi. Et on peut automatiquement, à ce moment-là, faire compensation. (23 h 15)

Nous ne disons pas que la régie est de mauvaise foi, nous disons que le pouvoir qui lui est donné, c'est un pouvoir discrétionnaire abusif. C'est un pouvoir... Mme Roux, quand vous dites que le deuxième alinéa parlant...

Mme Lavoie-Roux: ...service non...

M. Brodeur: ... d'une compensation qui se fait après une enquête, c'est déjà ça de pris, ce n'est pas grand-chose, ce n'est pratiquement rien. Cela va sans dire; j'espère qu'il y a une enquête au moins. Ce que nous disons, c'est qu'il devrait y avoir, par simple sens commun, un peu plus que ça. On devrait permettre aux professionnels de se faire entendre formellement et à leur association, d'intervenir.

Mme Lavoie-Roux: Oui, une audition préalable.

M. Brodeur: Vous dites, M. le ministre, quels sont au fond ce que vous pensez être les motifs derrière ça. Je vais vous les donner, les motifs. C'est très simple et ce n'est pas un procès d'intention. C'est la plus grande efficacité administrative possible.

C'est ça, les motifs derrière ça. C'est très bien, pour autant que, quand un bonhomme a un accident de travail, on lui permette d'en appeler à une commission de révision et de là, à la Commission des affaires sociales.

Pour autant, on a voté la Charte des droits et libertés de la personne, et tenir cette commission en fonctionnement, ça coûte cher. Pour autant, on a une foule de lois qui assument que, dans une société civilisée, il y a des coûts à la justice. C'est une réalité, il y a des coûts à la justice et à un moment donné, le législateur se dit: II y a peut-être un coût, pour une régie gouvernementale, pour administrer avec plus de justice et plus l'équité; mais ce coût, la société doit l'assumer. C'est ça, la question, fondamentalement; ce n'est pas autre chose.

Et il n'est pas question d'abus ici. Il est question de non-conformité à l'entente et question de non-respect de certaines conditions prévues à la loi. Et il est question que la régie... D'après elle, il y a eu non- conformité aux dispositions de la loi. Elle n'a pas nécessairement raison. À mon avis, elle a souvent tort. La régie, qu'elle soit un bon administrateur ou pas, la question n'est pas là. Elle prend à l'occasion des décisions erronées. Et il y a des gens qui travaillent à la régie qui, c'est la même chose partout, font des erreurs, et il y en a qui sont plus compétents que d'autres et tout ça. Mais la réalité, c'est qu'on n'a pas voulu prévoir des mécanismes de cette nature-là pour une plus grande efficacité. Et je pense qu'on cause une injustice.

Mme Lavoie-Roux: On avait l'impression que ce n'était pas le même ordre d'offense dans le premier cas - enfin, si on peut parler d'offense - que dans le deuxième paragraphe.

M. Johnson (Anjou): Peut-être, pour terminer là-dessus; j'ajoute deux choses. D'abord, je veux clarifier une chose au sujet du fardeau de la preuve, je pense que vous n'avez pas évoqué cela longuement. La raison pour laquelle le fardeau de la preuve était inversé vient sans doute du fait que, compte tenu du secret professionnel, il est déjà extrêmement difficile de le faire dans le sens inverse. Il ne faut pas trop s'en étonner. C'est probablement un motif qui milite en faveur de ce type d'inversion du fardeau de la preuve.

Deuxièmement, je suis sensible à ce que vous évoquez; vous accepterez mon état d'impréparation relative, étant donné que ce n'était pas dans la loi 27 et qu'on revient à la loi 84. Je pense qu'à l'occasion de la troisième lecture, on aura l'occasion de préciser les raisons de la loi 84 ou les raisons de sa modification, l'un des deux. Il est bien évident qu'il m'apparaît normal qu'on donne les raisons de ce mécanisme, même si ces raisons peuvent être difficiles à accepter; n'importe où, je pense qu'il faut les donner, d'une façon ou d'une autre. Et en ce moment, je ne me sens pas capable de vous les donner suffisamment clairement pour que ça me soit satisfaisant et que ça vous soit satisfaisant. Heureusement qu'il y a la troisième lecture.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre; merci également, M. Marquis, ainsi que les personnes qui sont avec vous, de vous être présentés devant la commission.

M. Johnson (Anjou): Mais, ce n'est pas M. Marquis.

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse.

M. Johnson (Anjou): Vous êtes dans la mauvaise liste.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Rodrigue. Merci, messieurs. Bonne nuit.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Bonsoir.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, c'était le dernier mémoire pour ce soir. Je voudrais rappeler aux membres de la commission que demain matin... D'abord, demain nous aurions dix mémoires à recevoir sauf que j'attends d'avoir des nouvelles demain avant-midi pour reporter certains mémoires.

Mme Lavoie-Roux: II faut vous laisser finir avant.

Le Président (M. Bordeleau): On devrait commencer demain matin par la Fédération des CLSC du Québec et on verra par la suite. Ce qui veut dire qu'on devrait reprendre vers 11 heures ou 11 h 30, selon l'ordre du leader de la Chambre.

La Commission des Affaires sociales ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 21)

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