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(Onze heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et
messieurs. La commission parlementaire des affaires sociales reprend donc ses
travaux aux fins d'entendre des mémoires sur le projet de loi no 27.
Les membres de la commission pour les séances d'aujourd'hui sont:
M. Boucher (Rivière-du-Loup) remplacé par Mme Lachapelle
(Dorion); M. Brouillet (Chauveau), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde
(Berthier), M. Johnson (Anjou), Mme Juneau (Johnson), Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).
Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M.
Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe
(Chapleau), M. Lafrenière (Ungava); M. Laplante (Bourassa) est
remplacé par M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); M. Mathieu
(Beauce-Sud), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).
Vous avez des remplacements, Mme la députée de
L'Acadie?
Mme Lavoie-Roux: Oui. Le député de
Mégantic-Compton est remplacé par le député de
Jean-Talon.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Mégantic-Compton est remplacé par le député de
Jean-Talon, M. Rivest.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Robert Baldwin est
remplacé par le député de Mont-Royal.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Mont-Royal, M. Ciaccia. Donc, le député de Robert Baldwin, M.
O'Gallagher, est remplacé par le député de Mont-Royal, M.
Ciaccia.
Mme Lavoie-Roux: S'il y en a d'autres, on s'entendra.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Nelligan n'est pas
là? .
Le Président (M. Bordeleau): Non.
Mme Lavoie-Roux: II remplace le député de Robert
Baldwin. Je me suis trompé.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, on recommence; le
député de Robert Baldwin, M. O'Gallagher, est remplacé par
le député de Nelligan, M. Lincoln.
En ce qui concerne l'ordre du jour, nous avons au menu sept organismes
à entendre. Je vous les énumère dès maintenant,
dans l'ordre où ils seront appelés, afin que les gens se
préparent. D'abord, la Fédération des médecins
spécialistes du Québec; ensuite, la Corporation des ambulanciers
du Québec, le Comité de liaison des handicapés physiques
du Québec, l'Association des centres de services sociaux du
Québec, l'Ordre des dentistes du Québec, l'Ordre des pharmaciens
du Québec et, finalement, le septième groupe, l'Association
professionnelle des optométristes du Québec.
Avant d'entreprendre l'étude du premier mémoire,
j'aimerais demander la collaboration des membres de la commission et des
différents intervenants qui se présenteront ici dans le courant
de la journée, pour qu'on essaie de garder l'horaire qu'on s'est
fixé, une heure par mémoire approximativement. Cela suppose que
les groupes qui ont des mémoires assez volumineux essaient autant que
possible de réduire la période durant laquelle ils font
l'énoncé ou le résumé de leur mémoire, afin
que les membres de la commission puissent avoir un temps suffisant pour poser
toutes les questions qu'ils désirent. Je tenterai, dans le courant de la
journée, de vous signaler, peut-être plus
régulièrement que je ne l'ai fait hier, que l'horaire
s'étire à l'occasion, encore une fois, dans le but de faire
attendre le moins possible les groupes qui sont ici pour présenter leur
mémoire.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vous avais demandé hier, en
début d'après-midi, si on pouvait avoir une confirmation, comme
l'avait laissé entendre le leader du gouvernement à la suite de
questions que je lui avais posées en Chambre, à savoir que les
groupes ou les individus qui auraient déposé des mémoires
pourraient être entendus soit demain soir ou vendredi, selon le moment
où on terminera ces auditions parlementaires. Est-ce que vous avez
une
réponse? Vous deviez consulter. (11 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): Oui, effectivement. Je n'ai
pas eu le temps de consulter ce matin. Par contre, il y a eu une question de
posée à l'Assemblée que j'ai mal entendue...
Mme Lavoie-Roux: Cela n'avait rien à voir avec cela.
Le Président (M. Bordeleau): Elle ne concernait pas ces
choses.
Nous allons commencer l'audition et j'essaierai de vous répondre
dans le courant de la journée, au cours de la séance de ce matin
ou à l'heure du dîner.
Mme Lavoie-Roux: J'avais également demandé qu'on
nous donne la liste des organismes ou groupes qui avaient envoyé
directement, même s'ils ne doivent pas être entendus ici, des
mémoires au secrétariat des commissions parlementaires sur la loi
27. J'avais demandé hier qu'on l'ait ce matin.
Le Président (M. Bordeleau): Je ne l'ai pas encore ce
matin, je l'ai moi-même demandée. Je présume qu'on pourrait
avoir aujourd'hui la liste à jour, même s'il peut s'en
ajouter.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma dernière
remarque touche notre horaire et les groupes qui sont convoqués pour la
journée de demain. Vous savez qu'hier - je pense qu'au cours d'une
première journée c'était inévitable, on ne sait
jamais au juste comment les choses vont aller - nous avons terminé les
travaux de la commission parlementaire vers 1 heure. Je sais qu'il y a des
groupes que nous n'avons pas encore sur la liste de demain qui ont
été ajoutés, entre autres, l'association des pharmaciens,
le Congrès juif, l'Association pour la santé publique. Il
faudrait s'assurer qu'on reste à l'intérieur d'un nombre de
groupes raisonnables. Nous avons offert au gouvernement de prendre et vendredi
et samedi, et qu'on ne soit pas obligé de siéger au-delà
de ce que notre règlement nous impose, soit minuit.
Le Président (M. Bordeleau): Je tiens compte de votre
observation, Mme la députée.
M. le député de Laurier.
M. Sirros: Hier, on avait demandé au ministre s'il avait
l'intention de déposer le rapport Landry qui touche toute la
problématique des régions périphériques et du
manque d'effectifs médicaux. Il nous a répondu que ce
n'était pas le bon endroit comme tel pour demander cela en commission
parlementaire. Ce matin, effectivement, j'ai posé la question au leader
du gouvernement. Contrairement au ministre, il semble dire que c'est
effectivement le bon endroit pour demander cela. Je vais poser la question
à nouveau. Le ministre a-t-il l'intention de déposer le rapport
Landry touchant le problème des effectifs médicaux en
régions périphériques? Je le fais à la suite de
cette directive du leader du gouvernement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): J'aurai l'occasion, et cela me fera plaisir,
M. le Président, de remettre aux gens intéressés... Il
faudrait peut-être arrêter de citer le rapport Landry comme si
c'était une bible. On aura peut-être l'occasion de le voir. C'est
une étude parmi d'autres, cela ne s'appelle pas le rapport Landry. C'est
une étude qu'un médecin a choisi de faire sur la question des
effectifs dans le cadre d'un autre travail qui était un mandat que le
ministère lui avait donné, le mandat étant la tutelle de
l'hôpital de Rouyn-Noranda. Il y a d'autres documents aussi et cela me
fera plaisir de les faire parvenir aux membres de la commission le plus
tôt possible. On est en train de faire l'assemblage de certains de ces
documents.
M. Sirros: C'est probablement le refus jusqu'ici du ministre de
le déposer qui nous incite à le demander.
M. Johnson (Anjou): Mais je préfère ne pas
procéder à un dépôt formel au cours de la
commission, et vous le comprenez. On verra a le distribuer le cas
échéant.
Quant à la question des groupes, la version finale, si je peux me
permettre de l'appeler ainsi, pour jeudi, cela devrait être les CLSC, le
comité provincial des malades, l'Association des chirurgiens-dentistes,
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l'Association
des centres d'accueil, les Infirmières auxiliaires, qui ne se
présenteront pas - cela fait donc un groupe de moins -l'Association des
étudiants de la Faculté de médecine de Laval avec les
autres groupes, les Pharmaciens propriétaires, le Congrès juif
canadien, les Pharmaciens d'établissements de santé et
l'Association de santé publique du Québec.
Mme Lavoie-Roux: Cela fait combien de groupes?
M. Johnson (Anjou): Cela en fait dix. Cependant, je voudrais
faire remarquer qu'à l'exception de deux groupes, beaucoup de ces
groupes auront à nous entretenir de dispositions extrêmement
particulières. Cela n'aura pas nécessairement la même
nature que les interventions qui portent sur bien des
choses, comme c'est normal que ce le soit de la part des groupes que
nous avons entendus jusqu'à maintenant et notamment le groupe que nous
entendrons dans quelques minutes, si nous pouvions commencer nos travaux.
En ce sens, j'ai l'impression que les choses pourraient se
dérouler un peu plus rapidement, compte tenu des objets assez
particuliers qui seront visés par la plupart de ces groupes, à
l'exception peut-être de trois d'entre eux qui ont des dispositions plus
générales.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis d'accord avec le
ministre qu'il y a des groupes qui, peut-être, pourront être
entendus plus rapidement que certains autres. Mais il reste que si on se fait
un horaire avec huit ou dix groupes demain... Hier, nous en avons entendu six,
on a fini à une heure du matin; alors, on doit prendre en
considération quand même les remarques du ministre avec lesquelles
je suis d'accord. Il ne faudrait pas qu'on arrive à une heure du matin
alors qu'on laisse entendre - et on a laissé entendre, le leader du
gouvernement l'a fait formellement - que d'autres groupes qui n'ont pas de
mémoires, c'est-à-dire qui ont envoyé des mémoires
et qui ne sont pas formellement sur la liste pourraient être entendus. Si
on termine nos travaux encore à deux heures du matin, je me demande
quand ces gens-là seront entendus. Je me demande s'il ne serait pas plus
sage de prévoir quelques groupes vendredi matin, laisser un temps libre
jeudi soir et un temps libre vendredi matin, s'il y a des groupes qui veulent
se faire entendre.
M. Johnson (Anjou): À cet égard, je pense que la
liste... Je rappellerai les propos du leader en Chambre il y a, je ne me
souviens pas de la date, mais j'ai la transcription ici, c'est le deux
décembre; le leader du gouvernement disait ceci: Nous allons ensemble,
aujourd'hui, essayer de trouver une solution à ce problème en
évoquant la question du congrès, juste la section du
Québec qui voulait être entendue et en étant très
catégorique cette fois, quelle que soit la formule de compromis que l'on
trouvera ensemble pour accommoder les représentants de cet organisme; il
s'agit bel et bien du dernier groupe que nous ajoutons à la liste. Et
à la question insistante de Mme Lavoie-Roux, à la bobine R/1160,
le leader répondait: Ma réponse à votre deuxième
question est exactement la même que la première; donc,
l'Assemblée, à l'occasion des déclarations du leader, a
bel et bien considéré que nous fermions cette liste. Si le
document que la députée de L'Acadie avait entre les mains
n'évoquait pas la présence du Congrès juif, je peux
l'assurer qu'effectivement, il fait partie de la liste. J'en ai fait la lecture
tout à l'heure. Je pense qu'il y a une erreur au niveau du papier entre
la commission, le ministère et le bureau du leader, etc... mais j'avais
avisé les gens du Congrès juif qu'ils pourraient être
entendus, ainsi que l'Association de protection de la santé
publique.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
Lavoie-Roux... De L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais finir par en avoir un comté.
L'interprétation que le ministre donne est exacte, s'il ne s'en tient
qu'à cette partie du débat que j'ai eu avec le leader du
gouvernement. Mais si vous lisez plus loin, le leader du gouvernement nous dit:
"Faites d'abord confiance à vos représentants, je leur ai fait
une invitation que je fais ici publiquement, je ne veux pas vous interdire de
venir, je vous invite même à venir; si, après, vous estimez
que votre association ne vous a pas bien représenté, je pense que
personne ne peut bousculer rien là-dedans et tous les
députés seront là pour entendre vos
représentations. La commission sera libre de vous offrir le droit de
parole." Il est revenu et il a réaffirmé la même chose, je
ne suis pas pour faire les lectures que j'ai faites hier. À moins que
par les paroles que le ministre vient de prononcer, il vient de dire qu'il ne
veut pas que la commission entende des personnes - et j'ai été
très précise - qui auraient déposé des
mémoires à la commission parlementaire, au secrétariat des
commissions parlementaires...
M. Johnson (Anjou): Dans les délais.
Mme Lavoie-Roux: Oui, dans les délais, je suis d'accord
avec vous, quoi qu'à ce compte-là, il y en a peut-être
d'autres ici qu'on pourrait ne pas entendre parce que leurs mémoires ne
sont pas prêts - et je ne le leur reproche pas, si leurs mémoires
ne sont pas prêts, c'est parce que le gouvernement ne leur a pas
donné assez de temps. Est-ce que le ministre nous dit ici: Non,
ça c'est hors de question?
M. Johnson (Anjou): Écoutez, je dis simplement que - bon
regardons les faits plutôt que la théorie - j'essaie d'être
un peu empirique là-dessus; parmi les organismes qui ne figurent pas sur
la liste, que je me permettrai d'appeler finale donc, à laquelle j'ai
ajouté le Congrès juif section Québec et l'Association de
la protection de la santé publique. Donc, parmi ceux qui ont
déposé des mémoires et qui ne figurent pas sur cette
liste, il resterait l'Association des directeurs de services professionnels,
l'Association des cadres intermédiaires du
réseau des affaires sociales et l'Association des directeurs de
département de santé communautaire qui sont, comme on le sait,
trois groupes, trois organismes qui sont intra-réseau et, plus
spécifiquement, intra-hospitaliers.
Par ailleurs, le Centre hospitalier Sainte-Mary qui est un
établissement sur les mille établissements du Québec, nous
a envoyé une lettre ainsi que le Centre de réadaptation Lucie -
Bruneau qui m'a fait parvenir une lettre ce matin mais, à ma
connaissance, ce n'est pas un mémoire. Comme vous le savez - cela a fait
un peu de vent hier, enfin cela a été ébruité je
crois dans les couloirs du Parlementaire -j'ai rencontré des gens de
Beauce-Sud qui m'ont remis une lettre, à moins vraiment de transformer
cet exercice en espèce d'ouverture à tous les individus et
à chaque cas particulier, je pense que ce n'est pas le but de la
commission et je pense que la députée de L'Acadie en convient
avec moi. Donc, en pratique, les seules personnes que je vois qui pourraient
être visées, même en prenant au texte les intentions de la
députée de L'Acadie, ce seraient les directeurs de service
professionnel et les cadres intermédiaires du réseau ainsi que
les départements de santé communautaire.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense, puisque le
ministre a soulevé le cas des citoyens de la Beauce, qu'ils ont
déposé un mémoire dans les délais prévus au
secrétariat des commissions parlementaires.
M. Johnson (Anjou): Ils m'ont remis hier soir un document qui
n'était pas... à moins qu'ils l'aient remis aussi à la
commission, mais ils m'ont remis hier soir un document dans le cadre d'un
mémoire qu'ils me présentaient au sujet de Beauce-Sud et
Beauceville. D'ailleurs, l'essentiel de leur mémoire touche cela. Ils ne
font que conclure qu'ils voudraient qu'on retire deux articles de la loi parce
qu'ils pourraient s'appliquer spécifiquement à eux, mais ce n'est
pas un mémoire touchant le projet de loi proprement dit, c'est un
mémoire au sujet du problème qui dure depuis dix ans entre
Beauce-Sud et Beauce-Nord, entre Saint-Georges et Beauceville.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, s'il faut, pour se
présenter en commission parlementaire, demander le retrait de plus de
deux ou trois articles... C'est ce que vous venez de dire, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Non, ce n'est pas... ce que j'ai dit, c'est
que le document présenté par les citoyens, c'est un document fort
fouillé, intéressant, et qui témoigne de l'importance que
les citoyens accordent à cette question, mais qui n'a pas
intrinsèquement quoi que ce soit à voir avec le projet de loi no
27. Il a trait à une décision administrative que le ministre des
Affaires sociales a prise dans le cadre des lois existantes touchant la
nécessité d'en arriver à une solution au problème
de la Beauce à l'égard de l'utilisation maximale des ressources
qui sont là au service des citoyens, et je préférerais ne
pas embarquer dans le débat à ce stade-ci. Je pense que nos
invités ont attendu déjà passablement. Certains ont
participé à nos travaux jusqu'à une heure ce matin; ils
pourraient être entendus maintenant.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'ai pas...
Le Président (M. Bordeleau): Madame la
députée.
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on
entende nos invités, mais si le ministre essayait aussi de respecter ce
qui a été convenu à l'Assemblée nationale,
peut-être qu'on pourrait... Je ne veux pas poursuivre le débat sur
la Beauce, je pense qu'on pourra le reprendre à un autre moment pour
permettre aux gens de se faire entendre, mais je voudrais quand même que
les engagements, parce qu'il faut bien que le ministre réalise, il
n'aime pas cela, je sais que ça le fatigue et que ça
l'énerve, mais le ministre doit quand même se rappeler les
délais qui ont été donnés aux citoyens et aux
organismes pour se faire entendre à cette commission...
Je n'ai qu'un seul regret à ce moment-ci, M. le ministre, c'est
d'avoir accepté une commission qui ne soit pas ouverte
entièrement. Je l'ai fait parce que le ministre ne voulait pas subir le
délai d'un mois qu'exige le règlement des commissions
parlementaires. Je trouve qu'à ce moment-ci ce n'est pas l'occasion de
rejeter un peu du revers de la main des demandes qui lui sont faites par
l'Opposition et qui sont justifiées. Alors, moi, je suis prête
à passer, M. le Président, à l'audition des
mémoires.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, on procède
immédiatement à l'audition des mémoires et j'appelle les
représentants de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec qui sont représentés, je
pense - ils sont déjà installés - par le Dr Paul
Desjardins, président. C'est bien cela?
M. Desjardins (Paul): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Desjardins, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous
accompagnent, la commission sera prête à entendre votre
mémoire. Comme j'ai remarqué que votre
mémoire était quand même assez volumineux,
j'apprécierais que vous réduisiez votre temps d'allocution.
Allez-y. (12 heures)
Fédération des médecins
spécialistes du Québec
M. Desjardins: Merci, M. le Président. Je tiens à
vous remercier de nous avoir convoqués à cette commission
parlementaire. Nous croyons que les médecins spécialistes ont un
certain nombre d'éléments à porter à votre
attention.
À cette table, à ma gauche, du bureau de Geoffrion
Prud'homme, le porte-parole de la fédération, Me Roger David; le
premier vice-président de la fédération, le Dr Jean-Marie
Albert; le trésorier de la fédération, le Dr Leslie
Kovacs; le conseiller de la fédération, le Dr François
Couture, et le Dr Denis Laberge; le consultant en communication, M. Roger
Nantel, et à ma droite, également du bureau de Geoffrion
Prud'homme, Me François Aquin, conseiller juridique; le deuxième
vice-président de la fédération, le Dr Paul Bettez, et le
secrétaire de la fédération, le Dr Denis Bourbeau. Pour
vous manifester comme hier d'ailleurs la solidarité de la profession
médicale et dentaire sur ce projet de loi no 27, les invités sont
le président de la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec, le Dr André Czitrom; le
président de la Fédération des médecins
résidents et internes du Québec, le Dr Marc David, et le
président de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec,
le Dr Claude Chicoine.
Vous noterez, M. le Président, que notre mémoire, quoique
volumineux, ne comporte pas de recommandations précises pour faire une
étude article par article. Nous croyons qu'il est plus opportun de nous
situer sur le plan des principes et de lancer une discussion avec les
représentants de l'État quant à l'application de ce projet
de loi no 27.
Le projet vise les objectifs multiples et à certains
égards antinomiques de pallier les difficultés pressantes du
système de santé, de transformer en profondeur les structures du
domaine québécois de la santé et de constituer un acte
majeur aux effets difficilement mesurables dans le cadre des
négociations. Il convient ainsi d'analyser les données centrales
de ce projet législatif dans la double perspective des
négociations en cours et de la prestation des services de santé.
Nous avons donc divisé notre mémoire en deux portions: une
première portion qui s'adresse principalement à la Loi sur
l'assurance-maladie, la deuxième portion qui s'adresse principalement
à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Nous
avons regroupé, pour des fins de présentation, certaines
dispositions qui ont trait à l'assurance-maladie, mais plus
particulièrement applicables dans le cadre des soins hospitaliers.
Donc, première portion, la Loi sur l'assurance-maladie. Ce projet
de loi s'inscrit, avec une opportunité fort discutable, dans la
trajectoire des négociations qui viennent à peine de commencer en
vue du renouvellement des ententes. D'ailleurs, le communiqué qui, le 19
novembre dernier, émanait du cabinet du ministre des Affaires sociales
reconnaissait implicitement ce jeu croisé de la démarche
législative à l'égard des négociations en cours:
"Le contexte des restrictions budgétaires et l'imminence du
renouvellement des ententes avec les professionnels de la santé donnent
un caractère d'urgence à ce qui s'imposait déjà sur
le plan de la raison."
La Fédération des médecins spécialistes du
Québec estime que toute intervention de l'État législateur
doit être prudente et hautement circonspecte dans ces secteurs du domaine
public qui mettent en cause, cette fois, comme parties négociantes,
l'État et des collectivités de citoyens. La possibilité
existe toujours pour le pouvoir public de confondre abusivement ses fonctions
et d'emprunter la voie des actions unilatérales. Ce serait nier
cependant la valeur fondamentale de l'égalité de tous devant la
loi. Au surplus, il y a lieu de rappeler ici aux intervenants gouvernementaux
que ce projet de loi va créer un modèle pour tout le secteur
public: il serait rationnel que ce soit un modèle de concertation
plutôt qu'un exemple d'action unilatérale.
La Fédération des médecins spécialistes du
Québec veut ici exprimer les vues de ses membres sur les questions qui,
dans ce projet de loi, ressortent, premièrement, à l'espace des
négociations. Le ministre propose des modifications législatives
qui nient le droit des médecins spécialistes d'être
représentés par leur fédération professionnelle ou
de négocier collectivement les modes de leur participation au
régime de l'assurance-maladie et de l'assurance-hospitalisation, leurs
conditions d'exercice et leur rémunération et, en corollaire,
d'exiger de l'État le respect des ententes conclues. 1.1. L'insertion de
la notion des "conditions de travail". La Loi sur l'assurance-maladie
établit le cadre large de l'entente: il s'agit d'une "entente aux fins
de l'application de la présente loi". La loi visant la
rémunération des services assurés, l'entente portera donc
sur la rémunération des médecins concernés. On ne
peut aucunement restreindre, dans la loi actuelle, la signification de ce terme
qui, au-delà du paiement d'un service, s'étend à toutes
les composantes éventuelles de la rémunération, tels les
congés, les rentes, etc. Dans un tel contexte, la modification
proposée constitue une surprise en tentant d'introduire, dans le
champ de l'activité professionnelle du médecin, la notion
de conditions de travail. Bien que la jurisprudence des relations de travail
ait conféré un sens large à cette expression, il n'en
reste pas moins que cette disposition doive recevoir l'interprétation
d'une réduction du champ de l'entente.
L'action professionnelle d'un médecin déborde le cadre
strict des relations de travail. Il s'agit là d'ailleurs d'une notion
qui s'est développée dans un domaine spécifique et qu'il
n'est pas opportun d'importer. Pareille insertion évoque
erronément une relation de subordination employeur-employé qui
est étrangère à l'économie générale
de la Loi sur l'assurance-maladie. Les conventions collectives du droit du
travail arrêtent les conditions de travail des salariés et c'est
le lien de subordination qui, à lui seul, définit la situation de
salarié. Le projet de loi ne semble pas vouloir enlever aux
médecins le statut d'entrepreneur libre ou, si l'on
préfère, de travailleur dont l'autonomie professionnelle se
compense par une large part de responsabilité civile.
La Fédération des médecins spécialistes du
Québec considère que cette proposition de modification qui serait
au mieux inutile, s'avère être restrictive dans des limites
difficiles à mesurer et, par ce qu'elle implique, nettement irrecevable.
Ce qui est le champ général de la négociation, ce sont les
modes de participation au régime, les conditions d'exercice et la
rémunération. C'est le champ de la négociation qui fut
reconnu par la loi dès l'instauration du Régime
d'assurance-maladie. Il y a lieu de s'y tenir et de l'affirmer de nouveau dans
la législation. Il y a plus. Il faut que la législation respecte
l'intégrité du champ actuel de la négociation, y compris
le droit de négocier les règles concernant l'activité
professionnelle qui lie tout établissement de santé en regard de
son plan d'organisation. C'est l'alinéa i de l'article 173 de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux que le ministre
prétend amputer du droit de négociation qui est reconnu aux
fédérations médicales. 1.2. la répartition
régionale des effectifs médicaux. L'article 4 du projet de loi
introduit le principe des honoraires différentiels pour permettre
l'accessibilité des services dans les régions en pénurie
d'effectifs. Cet article permet d'établir par entente une
rémunération plus élevée pour un territoire
privé d'effectifs et une rémunération différente ou
plus exactement moindre pour les médecins durant les premières
années d'exercice de leur profession ou de leur
spécialité, selon le territoire où ils exercent. Le
ministre détermine par arrêté les territoires visés,
et à défaut d'entente, le gouvernement peut, par décret,
fixer la rémunération des nouveaux médecins ou
spécialistes.
Le projet de loi reconnaît la valeur du principe d'une
rémunération plus élevée, moyen souvent
avancé par la Fédération des médecins
spécialistes pour inciter les médecins à oeuvrer dans le
cadre de cette régionalisation. Il n'était pas nécessaire
cependant que le syndrome des restrictions budgétaires assortissent le
système d'une véritable péréquation et impose le
précédent d'une rémunération à la
baisse.
De plus, le système va pénaliser à coup sûr
les jeunes médecins et les jeunes spécialistes qui semblent
devoir faire les frais de cette répartition projetée des
effectifs médicaux. Quoique valable, l'objectif visé par la loi
ne doit pas occulter les inconvénients professionnels et personnels que
ces mesures d'éloignement apportées, nettement discriminantes,
vont causer aux jeunes médecins et aux jeunes spécialistes qui
pourront vraisemblablement sortir banalisés de ces
expériences.
Bien que l'âge ne constitue pas, au sens de la Charte des droits
et libertés de la personne, une catégorie interdite de
discrimination, la présente mesure prend le contre-pied de la politique
constante de l'État québécois de privilégier les
études supérieures, de favoriser les spécialités et
de promouvoir une qualité exceptionnelle pour la médecine
d'ici.
Il faut souligner le défaut d'imagination et de
créativité que sous-tend pareille proposition et souhaiter
vivement que l'on reconnaisse, dans un domaine aussi complexe et aussi
important pour les populations régionales, un espace qui devrait
demeurer celui de la concertation. Le pouvoir que le ministre entend se donner
d'agir unilatéralement par arrêté ou décret traduit
une approche autoritaire des choses et une méfiance injustifiée
envers la profession médicale. La Fédération des
médecins spécialistes croit fermement que la répartition
des effectifs médicaux doit être réglée par la
négociation à titre de véritable partenaire.
De plus, il est trop facile de faire de la planification d'effectifs
médicaux sur le dos des nouveaux médecins. Rien ne justifie
d'agir ainsi à leur égard. La Fédération des
médecins spécialistes du Québec s'oppose à ce que
le ministre soit investi de pouvoirs d'agir par arrêté ou par
décret pour régimenter la distribution des effectifs
médicaux. D'autre part, la fédération s'oppose à ce
que les médecins, même les nouveaux, paient seuls la note de la
distribution des effectifs médicaux. Le projet de loi aurait pour effet
de défavoriser le recrutement là même où les
effectifs sont faibles.
La Fédération des médecins spécialistes fait
sien le paragraphe de la Fédération des médecins
résidents et internes présenté tôt ce matin sur la
nécessité d'une injection de
sang nouveau, surtout dans les centres hospitaliers universitaires. Si
le ministre devait retenir cette approche "désincitative"
injustifiée au nom de la qualité future, un mécanisme
d'exceptions s'imposerait. 1.3. Le service fourni par un médecin en
stage de formation. Après les précisions énoncées
par le ministre encore tôt ce matin lors de la présentation du
mémoire que je viens de citer, la fédération ne juge pas
opportun d'insister sur cet article. 1.4. Les droits des intervenants
syndicaux. Le respect par l'État des intervenants syndicaux est une
condition nécessaire au progrès d'une société dans
la paix civile. Ainsi, est-il profondément malheureux que l'on ait dans
ce projet choisi de rétrécir le champ de l'entente. Mais il y a
plus, une disposition met en péril le statut des intervenants syndicaux
et, pour notre part, le statut même de la Fédération des
médecins spécialistes du Québec. En effet, l'article 4 du
projet vise à modifier l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie en
insérant dans cette loi l'alinéa suivant: "Le ministre peut,
à titre expérimental, rendre applicable, par arrêté
qui tient lieu d'une entente, un mode de rémunération
prévu à une entente à l'ensemble des professionnels d'un
département ou à l'ensemble des professionnels qui y exercent le
même genre d'activité pourvu qu'il ait l'accord des professionnels
concernés dans le département et celui du conseil
d'administration et du conseil des médecins et dentistes de
l'établissement."
Est-il utile de mentionner qu'on ne connaît aucun
précédent quant à l'utilisation dans un texte légal
de l'expression "à titre expérimental"? C'est la porte ouverte
à toutes les improvisations.
La consécration légale d'ententes individuelles qui ne
requerraient même pas l'accord de la Fédération des
médecins spécialistes du Québec paraît un
précédent dangereux qui met en cause l'exclusivité du
pouvoir représentatif de l'organisme syndical. L'intégrité
de ce pouvoir de représentation est nécessaire pour permettre
à la Fédération des médecins spécialistes du
Québec de remplir sa vocation première de négocier et de
conclure une entente qui lie tous les médecins spécialistes,
membres ou non de l'organisme, soumis à l'application de cette entente.
(12 h 15)
De plus, la fonction de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec qui regroupe quelque 7000 membres ne peut
être exclusivement économique. Un tel mouvement s'avère
être une réalité multiple aux dimensions professionnelles
et sociales qui, faisant souvent le contrepoids nécessaire au sein du
système québécois de la santé, constitue ainsi une
garantie de services toujours meilleurs et plus accessibles.
L'innovation proposée vise l'affaissement de l'organisme
syndical, ainsi que l'érosion de son pouvoir de
représentation.
La disposition de l'article 4 apparaît à la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec totalement inacceptable. Ainsi en est-il aussi de cette
volonté législative qui, après avoir rétréci
l'espace des ententes, en vient à l'article 31 du projet à
ériger en principe la précarité même des ententes
négociées et convenues.
Cet article 31 introduit, en effet, dans la Loi sur l'assurance-maladie
le nouvel article 104.1: "La présente loi est d'ordre public. Toute
disposition d'une entente qui contrevient à la présente loi ou
à un règlement, décret ou arrêté
adopté en vertu de celui-ci est réputée non
écrite."
C'est une évidence juridique que la Loi sur l'assurance-maladie
est d'ordre public. Ainsi, les dispositions d'une telle loi et aussi les
règlements, les décrets et les arrêtés
adoptés en vertu de cette dernière doivent-ils avoir normalement
préséance sur une entente.
Mais pourquoi, dans le secteur public, insérer ici pour la
première fois cette disposition qui, au mieux, serait juridiquement
inutile tout en étant inutilement provocante? Il y a lieu, plutôt,
de conférer à ce précédent une portée
beaucoup plus directe sur l'histoire des négociations à
venir.
En effet, l'évolution juridique d'un passé récent
s'articule de plus en plus autour de la charnière classique qui met en
opposition la légalité d'une action et sa
légitimité. C'est au nom de cette notion de
légitimité ou, si l'on préfère,
d'équité politique que le gouvernement s'est
généralement interdit, dans le secteur public, de recourir
à son pouvoir législatif pour modifier les ententes qu'il avait
négociées et conclues. Dans cette perspective, l'insertion de ce
nouvel article 104.1 peut constituer plus qu'une manoeuvre provocatrice et
s'avérer être l'annonce que, tout en étant partie
présente à une entente, l'État pourrait recourir à
son pouvoir législatif dans le but d'en modifier la teneur.
La Fédération des médecins spécialistes du
Québec estime que l'adoption de cette nouvelle disposition
équivaudrait, en soumettant les ententes à l'arbitrage
étatique voire bureaucratique, à saper les préalables
nécessaires à la concertation qui devrait être et demeurer
la voie du présent et de l'avenir du réseau de la santé au
Québec.
Il s'agit d'un amendement qui serait source d'incertitudes quant aux
droits contractuels négociés et qui engendrerait de nombreux
débats judiciaires.
Il faut rappeler que certaines dispositions de la Loi sur
l'assurance-maladie, par exemple l'obligation que l'on impose au professionnel
de fournir lui-même
un service assuré, exigent que l'on puisse en négocier les
modalités d'application.
Cet amendement créerait un débat permanent. C'est sans fin
que l'on se demanderait si une clause contractuelle formule une modalité
d'application de la loi et, conséquemment, est valide ou si elle y
contrevient.
Il y a plus, il apparaît déraisonnable de manifester tant
de méfiance quant aux ententes conclues par le ministre des Affaires
sociales, avec l'approbation du gouvernement.
On devrait normalement penser qu'un gouvernement respectera ses
engagements et qu'il les fera respecter par ses organismes mandataires, en
tenant pour acquis que les accords auxquels il se porte partie
négociante ne compromettent pas l'ordre public.
L'amendement proposé va dans le sens contraire. On
dégagerait le ministre des Affaires sociales des erreurs qu'il
commettrait lors de ses négociations, et ce, quant à la
portée des lois qu'il a mandat' de faire appliquer. C'est
inusité.
Il est certain que la régie y trouverait son compte, s'imposant
tout naturellement comme arbitre de la légalité des clauses
négociées et rappelant à l'ordre, au nom de l'ordre
public, les fédérations, le ministre et le gouvernement.
Il y a plus. Le ministre et le gouvernement auraient le pouvoir de
modifier unilatéralement les dispositions des ententes conclues par
arrêté, décret ou règlement d'application. Cette
modification législative s'attaque au principe même du droit de
négocier, puisque l'une des parties entend s'arroger le pouvoir de ne
pas respecter ses accords. La Fédération des médecins
spécialistes du Québec dénonce cette proposition de
modification législative et en demande le retrait.
L'article 2 porte sur la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. Le projet de loi 27 propose des modifications majeures aux
dispositions de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux. Nous observons que certaines modifications législatives
envisagées traduisent une volonté politique de réformer le
régime hospitalier.
La Fédération des médecins spécialistes du
Québec reconnaît d'emblée que le régime hospitalier
québécois a grand besoin d'être réformé. Il
nous faut toutefois formuler une mise en garde. Nous craignons fort que cette
réforme nécessaire échoue si on procède dans la
précipitation.
Nous sommes convaincus que le temps est venu d'entreprendre une
sérieuse remise en question de l'ensemble des structures de gestion qui
régissent l'organisation des soins hospitaliers. À n'en point
douter, le ministre des Affaires sociales entend faire diligence. La profession
médicale a déjà fait les frais de trop d'improvisations et
elle estime avoir le droit d'exiger de l'État le temps d'une
réflexion. L'importance de la question le justifie.
À 2.1, l'autorité du conseil régional. Le ministre
des Affaires sociales entend accroître l'autorité des conseils
régionaux et leur permettre d'intervenir, davantage encore, dans la
régie des centres hospitaliers. On trouve la nomenclature des pouvoirs
que l'on envisage confier aux conseils régionaux aux articles 38 et 39
du projet de loi.
La démarche est fort audacieuse. On prévoit même
qu'un conseil régional désigné par le gouvernement
pourrait établir les politiques d'admission et de transfert des malades,
régir les services d'urgence et fixer les normes d'utilisation et de
distribution des lits dans les établissements de santé.
À l'heure actuelle, les conseils régionaux ont de larges
pouvoirs et ce qui frappe le plus la profession médicale, c'est leur
inertie. D'ores et déjà, les conseils régionaux nous
apparaissent être des structures plus paralysantes qu'autre chose et nous
n'y voyons qu'une bureaucratie coûteuse.
Dans ce contexte, on comprendra que nous ne voyons rien de
réjouissant dans l'élargissement des pouvoirs des conseils
régionaux. Nous nous y opposons en ajoutant que c'est la mission
même de ces conseils régionaux qu'il faut repenser.
À l'origine, les conseils régionaux ont été
conçus dans une perspective de décentralisation. L'intention
était peut-être louable, mais les résultats sont
désastreux. Les conseils régionaux sont en train de se muer en
organismes de tutelle des centres hospitaliers et de bloquer le système.
Cette critique paraîtra bien globale. Que l'on comprenne que c'est ainsi
que les médecins spécialistes perçoivent les conseils
régionaux dans leur centre hospitalier.
Notre propos n'est pas de prendre le parti des gestionnaires locaux
contre les conseils régionaux. Nombre de ces gestionnaires, nous le
constatons, s'accommodent fort bien de l'état actuel des choses, surtout
si rien ne bouge. Ce que nous dénonçons ici, c'est une situation
qui devient intolérable pour la distribution des soins médicaux
spécialisés.
La position de notre fédération est fort simple. Nous
exigeons des administrations locales responsables et fonctionnelles, capables
d'agir par elles-mêmes dans le respect des politiques d'ensemble
formulées par l'État. Dès lors, l'on comprendra que notre
conception de la mission des conseils régionaux s'écarte
significativement de ce que nous observons. Selon nous, les conseils
régionaux n'ont pas de raison d'être, si ce n'est dans un
rôle restreint d'instance régionale de concertation,
chargés d'élaborer des politiques communes d'approvisionnement et
d'équipement.
On nous rétorquera que certaines questions sont
d'intérêt régional, nous en convenons bien aisément.
Nous ajoutons cependant qu'on peut régler ces questions sans le secours
d'un super intervenant régional. Précisons d'ailleurs que les
conseils régionaux ne sont pas nécessairement les meilleurs
porte-parole des besoins locaux de la population. 2.2 Organisation des
départements cliniques et effectifs médicaux.
L'article no 49 du projet de loi traite du plan d'organisation des
centres hospitaliers. Le ministre propose à cet égard les
modifications législatives suivantes: II ne s'agit pas d'une idée
nouvelle, on propose les mêmes modifications législatives qu'en
1978. Que l'on relise le projet de loi no 103 présenté par le
ministre Denis Lazure. À l'époque, nous faisions les observations
suivantes, et je me permets de sauter la page 18, 19 et 20 qui sont les
reprises de nos commentaires au ministre des Affaires sociales de
l'époque, commentaires que le ministre avait reçus favorablement,
tel que je l'indique à la page 20; ces recommandations parurent bien
fondées, et le ministre Denis Lazure y a expressément souscrit au
nom du gouvernement.
Citons les modifications qu'il apporta au projet de loi no 103
dès l'ouverture des travaux de la commission parlementaire des Affaires
sociales le 15 décembre 1978, et c'est surtout l'article no 43b qu'il
est important de noter par rapport à la façon dont notre
fédération prévoit le fonctionnement du plan
d'organisation en centre hospitalier.
Je me permets, suite aux remarques de M. le Président, de sauter
la lecture de l'article no 43. Deux conclusions. Première conclusion,
nous demandons que l'article no 49 du projet de loi soit modifié pour
qu'on y incorpore les modifications proposées par notre
fédération et auxquelles le gouvernement a déjà
expressément souscrit, pour les médecins spécialistes,
c'est l'essentiel. Nous croyons, que la chose la plus importante est que l'on
maintienne le processus de consultation de l'université dans le cas des
centres hospitaliers d'enseignement.
Deuxième conclusion. Nous demandons au ministre de
récupérer la responsabilité de la planification
régionale des ressources allouées au département clinique
des centres hospitaliers. Il nous semble peu congru de placer les
départements cliniques des centres hospitaliers sous deux pôles
d'autorité. L'un au ministère pour la définition de leur
mission régionale et la détermination de leurs effectifs, l'autre
au conseil régional pour l'allocation des ressources dont ils ont besoin
pour agir. Cette situation serait une source de tiraillement entre les centres
hospitaliers, le conseil régional et le ministère. Ce sont les
départements cliniques qui feraient les frais de l'opération.
Dans cette perspective, il nous apparaît essentiel d'unifier le processus
de planification. Si le ministre des Affaires sociales doit être l'agent
de la planification des départements cliniques et de leurs effectifs
médicaux, qu'il reprenne en main la planification des ressources. Les
médecins spécialistes s'en accommoderont sans peine. Les conseils
régionaux ont déjà découragé les meilleurs
efforts de collaboration de la profession médicale. 2.3
Responsabilité du chef de département clinique sur les
ressources.
Le projet de loi propose de confier au chef de département
clinique des responsabilités de gestionnaire des ressources. C'est
l'article no 51 du projet de loi. L'idée n'est pas mauvaise. Il est
grand temps que l'on réalise que la gestion des centres hospitaliers
n'est pas un simple exercice de comptable et qu'il faut y associer la
profession médicale.
La Fédération des médecins spécialistes du
Québec est d'opinion qu'il serait normal que le chef de
département clinique soit responsable de la gestion des ressources
départementales. Nous ajoutons, par ailleurs, qu'il faut davantage pour
redresser la situation. À notre avis, ce qui s'impose aujourd'hui, c'est
une réforme globale de l'appareil de gestion du centre hospitalier. (12
h 30)
Nous prêchons le réalisme, le chef de département
clinique le mieux intentionné n'ira nulle part dans le maquis
hospitalier actuel.
Premier élément, il faut reconnaître au directeur
des services professionnels un rôle de maître d'oeuvre dans le
processus d'organisation des soins et, conséquemment, repenser le
rôle de certains autres directorats. Je me permets de faire un
commentaire qui n'est pas dans le texte. La position de la
fédération quant aux questions qui peuvent être
posées soit par le ministre des Affaires sociales, soit par l'Opposition
reflète fidèlement la position énoncée par le Dr
Saint-Georges hier soir au nom de la Corporation professionnelle des
médecins. Si c'est nécessaire, je pourrais reprendre
l'organigramme de cette structure et répéter ce qu'il a
déjà dit.
Deuxième élément, il faut confier au chef de
département clinique une responsabilité de direction globale, ce
qui exige une autorité directe sur le personnel collaborateur. C'est le
type de réforme que notre fédération estime
nécessaire aujourd'hui.
L'article 2.4, normes de soins et d'utilisation des ressources. Le
ministre entend assujettir les médecins des centres hospitaliers
à des normes sur la fourniture des soins et l'utilisation des
ressources.
Les préoccupations de qualité aux plans scientifique,
humain et social, pour reprendre les mots qui qualifient le droit de toute
personne aux services de santé prévus à l'article 4 de la
Loi sur les services de santé et les services sociaux, risquent de
céder devant les préoccupations économiques. La
Fédération des médecins spécialistes du
Québec est consciente des impératifs posés par les
ressources financières, elle convient que la disponibilité des
ressources doit être prise en compte. Toutefois, il importe, au premier
chef, que l'équilibre coût-qualité soit recherché et
atteint. Ceux qui ont pour rôle de contrôler la qualité
doivent aussi pouvoir contrôler les ressources qu'ils utilisent et dont
ils ont pu décider de l'allocation. Tout autre modèle est
tronqué et défaillant. Celui qui est proposé dans le
projet de loi est marqué de ce double défaut et ne saurait
être mis en place sans conclure que la qualité des soins n'est
plus une préoccupation du gouvernement.
D'une part, le conseil des médecins et dentistes aurait la
responsabilité d'éditer ces normes et de les assortir de
sanctions. C'est l'article 74 du projet de loi. D'autre part, il reviendrait au
chef de département clinique de faire respecter ces normes et, le cas
échéant, d'appliquer les sanctions, c'est l'article 51 du projet
de loi.
Pour permettre au conseil des médecins et dentistes et au chef de
département clinique d'agir efficacement, le ministre propose que ces
instances aient accès aux profils d'activité.
Quant au conseil des médecins et dentistes, il aurait
accès aux profits d'activité collectifs de ses membres,
établis par département clinique ou par famille
d'activité; c'est l'article 20 du projet de loi.
Quant au chef de département clinique, il pourrait
connaître non seulement le profil d'activité collectif des membres
de son département, mais également leur profil d'activité
individuel. Ces modifications législatives nous paraissent
invraisemblables et nous nous y opposons.
Cependant, après la présentation du Dr Saint-Georges au
nom de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, la
fédération fait sienne encore une deuxième recommandation,
celle à l'effet d'utiliser les données de "Med-Echo" en lieu et
place des profils d'activité. Il s'avérerait que
l'expérience de la corporation dans ce domaine est suffisante pour que
nous puissions endosser la recommandation à savoir que les profils
d'activité, de facturation et de rémunération ne sont pas
utiles dans l'évaluation de la pratique d'un individu ou d'un
département ou d'un centre hospitalier, alors qu'il semblerait que les
profils et les données mis sur pied par "Med-Echo" fourniraient, avec la
base même, des rapports annuels des établissements qui sont
fournis au ministre des Affaires sociales, des données fiables, et que
celles-ci peuvent être utilisées pour évaluer les fonctions
d'un département ou de l'ensemble d'un centre hospitalier.
Premièrement, nous ne voyons pas comment le conseil des
médecins et dentistes pourrait agir comme concepteur de normes sur la
fourniture des soins et l'utilisation des ressources. Ce sont là des
questions qui sont de compétence départementale et, encore
là, nous avons entendu hier à cette commission parlementaire
plusieurs intervenants exposer que la responsabilité primaire
d'élaborer cette question, que la corporation a appelé des
règles de soins, et qui peuvent paraître mieux que des normes
d'utilisation, ces règles de soins sont des questions de
compétence départementale et ne doivent pas provenir d'ailleurs
que du niveau du département clinique.
Deuxièmement, le conseil des médecins et dentistes est
garant de la qualité des soins et doit conserver ce rôle. En toute
circonstance, il doit être indépendant et pouvoir critiquer toute
décision susceptible de compromettre la qualité des soins, y
compris une norme sur la fourniture des soins s'il l'estime dangereuse.
Troisièmement, le chef d'un département clinique sera un
bon gestionnaire des ressources par son leadership. Il est impensable de lui
assigner, par la loi, une tâche de préfet de discipline
chargé de mater des collègues irresponsables.
Quatrièmement, le chef d'un département clinique a
déjà des moyens bien civilisés pour connaître la
pratique de ses collègues et en faire rapport au conseil des
médecins et dentistes. Précisons d'ailleurs que la loi
prévoit déjà une instance pour l'étude des profils
d'activité. C'est le comité de révision.
Évidemment, ces commentaires ne s'appliqueraient pas si on parlait des
profils de "Med-Echo" pour l'ensemble d'un centre hospitalier et d'un
département clinique.
En bref, ce que le ministre propose au sujet des normes sur les
fournitures des soins et l'utilisation des ressources ainsi que la
communication des profils d'activités au conseil des médecins et
dentistes et au chef de département clinique nous apparaît
inacceptable, voire impraticable. Nous demandons le retrait des modifications
législatives envisagées à cet égard, sauf pour ce
qui aurait trait aux données de "Med-Echo". 2.5. Motifs de refus de
nomination hospitalière. L'article 85 du projet de loi prévoit
qu'un centre hospitalier peut refuser la candidature d'un médecin en
invoquant que son plan d'organisation y fait obstacle, cette modification
serait en concordance avec le plafonnement des effectifs médicaux
départementaux que l'on entend imposer. Par
ailleurs, l'amendement proposé ajoute un autre motif de refus, en
l'occurrence le coût engendré par l'engagement de ce
médecin". Ce motif est inacceptable: il serait incongru que le centre
hospitalier, après que le ministre a jugé que ses
prévisions d'effectifs médicaux étaient correctes, refuse
une candidature pour un motif d'insuffisance de ressources
financières.
Il nous semble qu'une politique d'effectifs médicaux doit
nécessairement comporter des allocations budgétaires
appropriées. De plus, il s'agirait d'un motif trop commode pour
maquiller une décision discriminatoire.
Tenir compte du "coût engendré par l'engagement du
professionnel" constitue une approche qui favorise la stagnation du milieu
hospitalier, la négation de la mobilité professionnelle et
l'anéantissement des efforts socialement légitimes
d'amélioration de la qualité scientifique des soins. Les jeunes
médecins formés grâce à des techniques de pointe se
verraient refuser l'accès à l'exercice de leur profession. Ce
sont les malades qui, à moyen terme, se trouveraient privés de
l'accès à des services conformes à la science moderne.
Ici encore, il ne s'agit pas d'une proposition nouvelle. On la trouvait
déjà au projet de loi 103 présenté par le ministre
Denis Lazure, en 1978. Seuls les mots ont changé: on parlait alors de
"ressources financières" comme motif de refus.
À l'époque, la Fédération des
médecins spécialistes du Québec avait fait valoir les
mêmes arguments qu'aujourd'hui et le ministre des Affaires sociales y
avait fait droit. De notre côté, nous n'avons pas changé
d'avis à cet égard.
Je peux passer par-dessus les articles 2.6 et 2.7, toujours eu
égard aux remarques de notre président d'assemblée. Je
veux insister sur l'article 2.8. L'article 50 du projet de loi propose
d'empêcher un centre hospitalier d'offrir de nouveaux services en
utilisant des équipements de pointe dont on aurait fait don, en
l'absence d'autorisation écrite du ministre et ce, chaque fois qu'il
s'agit d'équipement ultra-spécialisé
déterminé par règlement d'application. Nous ne sommes pas
d'accord avec cet amendement qui figerait dans la loi une disposition
réglementaire déjà fort discutable.
En conclusion, en déposant le projet de loi 27, le ministre des
Affaires sociales a évoqué des objectifs qui font
l'unanimité. L'analyse de la loi démontre toutefois une
préoccupation économique et financière constante qui va
plus loin qu'un simple contrôle des coûts et aussi l'intention d'un
contrôle bureaucratique sur le réseau de la santé.
Dans une pareille perspective, la Fédération des
médecins spécialistes du Québec veut ici faire valoir aux
intervenants gouvernementaux et aux parlementaires les valeurs que ce projet de
loi met en veilleuse, parfois même en sommeil. La formation des futurs
médecins spécialistes, l'émergence des jeunes à la
profession, la mobilité professionnelle, le souci des coûts qui ne
soit pas une volonté de coupures de services, la liberté du
professionnel jointe à la notion de la responsabilité et surtout
la qualité croissante des soins et leur accessibilité. On doit
regretter que ce projet de loi ait été élaboré sans
consultation aucune des organismes représentatifs de la profession
médicale, et quant à nous, le contenu en fait foi.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Dr Desjardins. Nous
passons donc à la période des questions.
Avant de procéder à la période des questions, je
veux rappeler ce que j'ai dit hier à tous nos invités, qu'il
n'est normalement pas permis à l'Assemblée nationale et aux
commissions parlementaires, aux participants, aux manifestants ou aux gens qui
sont présents, de manifester. Je fais la même demande que j'ai
faite hier, et que nous faisons régulièrement à toute
catégorie de personnes qui est invitée. Je demanderai pour le
reste de la journée la collaboration de tout le monde pour que nos
travaux se fassent dans la meilleure harmonie possible et qu'on respecte
l'institution qu'est l'édifice du parlement, ce que nous demandons
également à tout le monde qui vient ici à
l'Assemblée ou en commission.
M. le ministre, auparavant, comme le temps passe et par rapport à
l'heure qu'on s'est fixée par mémoire, nous avons 45 minutes
d'écoulées, je demanderais à tous les membres de la
commission de poser les questions qu'ils voudront ou qu'elles voudront, mais en
étant autant que possible concis et précis et je demanderais
aussi la même collaboration aux répondants.
On va dépasser effectivement le cap de 13 heures. Je demanderai
immédiatement le consentement pour qu'on puisse dépasser 13
heures, sans vous interrompre, tout en précisant encore une fois que
j'aimerais bien que les questions soient précises et les plus courtes
possible. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je remercie le Dr
Desjardins qui évoque quelque part dans son mémoire que les
atteintes qu'il appréhende aux structures syndicales et sur lesquelles
je reviendrai dans quelques secondes ne devraient pas, je pense, faire l'objet
d'inquiétudes, compte tenu de la solidarité qui lui est
manifestée par ses membres. (12 h 45)
Ce projet de loi, de toute évidence, a créé
certains remous. Je me permettrai de répéter ce matin certains de
mes propos que
j'ai tenus hier. Il crée des remous d'abord et avant tout dans la
population dont il ne faut jamais perdre la préoccupation, car c'est
notre préoccupation, nous qui sommes élus et,
deuxièmement, ma conviction est que tous ceux qui exercent ce
métier sont conscients de l'importance de l'exercice de cette profession
pour les citoyens, non seulement parce qu'intrinsèquement la
médecine est importante dans l'ensemble des sociétés
quelles qu'elles soient, mais parce qu'elle est aussi l'occasion de l'exercice
de la solidarité humaine à la fois la plus dramatique et la plus
importante qui soit. En ce sens, comme je pense que les choses sont
amorcées depuis hier et, je pense, comme le confirme le comportement de
la fédération, il faudrait que nous regardions ces choses dans le
contexte dans lequel elles se présentent, c'est-à-dire dans le
contexte d'une commission parlementaire.
Il y a eu des remous aussi évidemment dans le réseau des
affaires sociales. Je ne parlerai pas des cadres, je ne parlerai pas des CRSSS
qui ont subi à nouveau, une charge de cavalerie et qui sont
peut-être, un peu pan définition, parce qu'ils sont dans
l'appareil de l'État, un peu plus habitués aux mécanismes
qui sont impliqués dans l'étude d'un projet de loi comme
celui-là.
Il y a finalement les remous dans la profession elle-même,
reliés, je pense, à différents facteurs, le premier
provenant du fait que le gouvernement ait choisi dans ce cas, comme il le fait
dans le reste de la société, de procéder par le
dépôt de ce qui s'appelle un projet de loi et qui, en
démocratie, ne deviendra loi que le jour où les
représentants de la population autour de cette table, de part et d'autre
de la table, l'auront accepté. Il n'y a pas eu de négociation du
projet, pas plus qu'il y en a ailleurs dans la société.
Deuxièmement, probablement le fait que, au moment de rendre
public ce projet de loi, il y a eu une certaine équivoque entre à
la fois le projet et les mandats de négociation. Équivoque
inévitable, d'abord parce que nous sommes dans une période qui
est marquée par une insistance de la part des fédérations,
insistance normale et non surprenante quant à la négociation, et
du fait qu'au moment où je rendais public le projet de loi, où je
le déposais à l'Assemblée, je devais également
évoquer ces grandes orientations de négociation. Ce qui fut fait
d'ailleurs, et ce qui a amené dans bien des cas des
interprétations - je pense qu'elles étaient faites de bonne foi,
qui n'avaient rien à voir avec la loi, chez certaines personnes, des
inquiétudes à partir de bulletins de nouvelles, de
qu'en-dira-t-on, de rumeurs. Ces choses-là avec le temps se clarifient
et, encore une fois, c'est pour ça que dans une société
démocratique, il y a des modes d'échanges comme celui-ci.
Remous aussi à cause du changement, non pas les changements
nécessairement intrinsèquement apportés par cette loi dont
certains méritent discussion. C'est l'exercice auquel nous allons
continuer de nous livrer jusqu'à l'adoption éventuelle du projet,
en tentant d'améliorer, en tentant de bonifier, en tentant de
répondre, encore une fois, à des objectifs qui sont
partagés, si je comprends bien le mémoire de l'ensemble des
fédérations, par ceux qui ont réfléchi et que vous
êtes, puisque vous vivez ce système quotidiennement. Tenter de
trouver des moyens de le rendre acceptable à tous, mais aussi en tenant
compte de certaines exigences qui sont celles du changement qui est survenu
dans notre société. Ce changement, ce n'est pas seulement celui
des difficultés budgétaires ou financières, qui n'est pas
le lot exclusif du Québec non plus, qui, je dois le dire, n'est pas le
lot exclusif des gouvernements, n'importe qu'elle personne qui a
renouvelé une hypothèque dans les six derniers mois comprend.
C'est le lot du changement dans une société moderne. Ce
changement-là amène une redéfinition des rôles, des
critiques à part de ça, des critiques souvent injustes, souvent
dures auxquelles on n'est pas habitué. À cet égard,
étant donné que les médecins sont en négociation
avec l'État quant à leur rémunération, ils font
l'objet de remarques, de critiques, de caricatures et de dessins, comme
l'ensemble des groupes dans la société qui sont exposés,
dans le contexte économique dans lequel on vit, à revendiquer, et
ce climat est une affaire très importante. Malgré ce climat, je
pense qu'on ne doit pas perdre de vue le but de l'exercice, pas plus que les
objectifs de la loi. Les objectifs de la loi, encore une fois, sont assez
largement partagés à la fois par la profession, évidemment
par le gouvernement, puisque c'est lui qui l'a déposée. Le but de
cet exercice auquel nous nous livrons et nous nous livrerons dans les jours
à venir, jusqu'à la deuxième lecture, c'est de discuter
très concrètement sur les contenus.
Les changements contenus dans cette loi sont essentiellement de deux
ordres, ceux qui relèvent purement de la négociation, donc la Loi
sur l'assurance-maladie, et les autres qui relèvent du chapitre 48. Il y
a un lien et le lien entre les deux, ce sont les patients et les professionnels
de la santé. On aura l'occasion, encore une fois dans les minutes qui
viennent, lors de la période des questions, d'en discuter de
façon précise.
À l'égard de la négociation, le gouvernement, dans
cette loi, affirme quelques principes, notamment celui de la notion de
territoire en pénurie, c'est une responsabilité de l'État.
Par ailleurs, il retient, comme pour l'essentiel d'ailleurs de ce projet de
loi, la notion de libre négociation qui est reliée à cela.
Une fois
qu'un territoire est désigné, les conditions de ceux qui y
travaillent ou des catégories, que ce soient les catégories de
spécialistes ou les catégories d'activités, restent des
choses qui sont négociables.
Deuxièmement, le gouvernement y affirme aussi quelques principes
qui, d'ailleurs, existent dans l'ensemble de la société pour bien
d'autres choses. La notion de péril à la santé publique et
de la responsabilité publique bien qu'elle doive tenir compte des
professionnels, des hommes et des femmes qui oeuvrent dans ce
secteur-là, ne doit pas se laisser paralyser non plus par des
phénomènes qui font intervenir les intérêts
légitimes, fort bien défendus d'ailleurs par les
représentants de la profession à travers les structures
syndicales. J'aurai également l'occasion de revenir là-dessus si
le temps nous le permet. J'ai d'ailleurs échangé des propos
à ce sujet avec le président depuis le dépôt de ce
projet de loi.
Ce qu'il y a dans le chapitre 48 et qui regarde plus
spécifiquement les médecins, touche une volonté de voir le
médecin harmoniser son activité avec celle de
l'établissement qui, mieux que les spécialistes, ressent avec
aliénation souvent, que cette administration hospitalière est
distante de leurs préoccupations quotidiennes, à tort ou à
raison, souvent à raison. Parfois, il faut l'admettre à tort, les
impératifs de l'administration hospitalière ne nous ont pas
donné, au moment de notre formation en médecine, les instruments
de gestion qui sont ceux qui reviennent à ceux dont c'est le boulot et
le métier que de faire de la gestion. Mais, il faut établir ce
virage important qui permettra d'harmoniser l'activité du médecin
avec la vie de l'hôpital lui-même, et pour cela, le modèle
qui est retenu, c'est celui qui a été évoqué par le
président et évoqué d'ailleurs avec beaucoup de
précision avec la corporation, avec des nuances qui font que les hommes
politiques et le gouvernement, parce qu'ils ont une légitimité
aussi, qu'ils doivent tenir compte de d'autres types de contraintes dans la
réalité, d'autres types d'objectifs qui sont purement
professionnels. Le modèle donc retenu, c'est celui d'une notion de
responsabilisation collective des médecins dans l'établissement
et d'une possibilité entre eux d'exercer l'autorité
découlant de cette responsabilisation, sans qu'un fonctionnaire
n'intervienne, sans que les normes bureaucratiques n'interviennent. En voyant
le projet de loi très précisément, on aura l'occasion de
le constater.
Finalement, quant aux droits syndicaux - et je terminerai
là-dessus - il y a eu beaucoup de procès d'intention qui ont
été faits, je dois dire dans le mémoire
présenté par le président aujourd'hui, sans doute moins
que ce que j'ai entendu par ailleurs à l'occasion sur la place publique
depuis le dépôt du projet de loi.
Mais voyons très concrètement ce qui est visé,
cette notion d'agir sur les conditions dans le cadre d'expériences et on
me disait que ça n'existe pas ailleurs. Ce n'est pas la
fédération qui dit cela, mais un autre groupe qui disait hier:
Ça n'existe pas ailleurs. Ça existe ailleurs dans la
législation, la notion de faire l'essai de certaines choses ou à
titre expérimental. Le but recherché c'est quoi? C'est que, pour
moi, le salariat des médecins, ce n'est pas une idéologie, il y
en a beaucoup qui veulent en faire une idéologie parmi ceux qui sont
contre et ceux qui sont pour au Québec.
Le système de santé au Québec de façon
générale, il est bon. Il est même excellent à bien
des égards. Les citoyens en sont satisfaits. Les médecins y
oeuvrent d'une façon générale et rendent heureux, parfois
insatisfaits encore une fois, mais il n'y a rien de parfait. Mais globalement
c'est un système qui fonctionne relativement bien, et ce qui compte,
c'est que ce système continue de bien fonctionner, à la fois pour
les citoyens comme pour les professionnels. Pour y arriver, je pense que nous
devons regarder concrètement, faire des expériences et vivre
certaines choses. S'il doit être appelé à être
modifié, non pas par idéologie, mais par décision de
principe, on va le modifier. Il faut que les professionnels soient satisfaits
du système dans lequel ils oeuvrent si on veut qu'ils fonctionnent,
c'est l'évidence même; de la même façon qu'il faut
préserver ce qu'on s'est donné comme société depuis
une vingtaine d'années à l'égard de la santé, et on
passe une période difficile. La profession aussi passe une
période difficile.
L'augmentation des effectifs, dont la profession n'est pas responsable,
puisque ce sont les universités et le gouvernement qui en sont
responsables, produit les problèmes que l'on connaît ou que l'on
appréhende. En ce sens-là, ce n'est pas dans un but d'atteinte
aux structures syndicales que certaines des dispositions que l'on voit sont
incluses. S'il le faut, en cours de route, nous vous écouterons.
Préciser des choses quant à ces intentions au niveau du projet de
loi, elles seront précisées. Encore une fois, parce qu'on ne fait
pas de l'idéologie ici, on essaie de régler des problèmes
et non pas d'en créer. Parmi ces problèmes-là, il y a la
répartition des médecins sur le territoire. Il y a des
problèmes de santé publique. Je n'en évoquerai pas ici
spécifiquement, mais j'en ai connu quelques-uns depuis six mois au
ministère. J'ai vu un hôpital, entre autres, où, pendant
des mois, il y a des citoyens qui ont été à peu
près totalement privés de service, et ce sont des questions de
santé publique.
Il ne s'agit pas, encore une fois, de
vouloir passer par-dessus la tête du syndicat. Il s'agit de dire
que les pouvoirs qu'a l'État et la responsabilité qu'assume le
ministre des Affaires sociales devant les citoyens, dans l'administration de
vos taxes et de celles des autres citoyens, impliquent qu'il doit être
doté à l'occasion de pouvoirs qui lui permettent de régler
des problèmes qui relèvent de la santé publique. Encore
une fois, tout cela, en ne cherchant pas à minimiser l'importance et le
rôle fondamental que jouent les fédérations dans
l'évolution de notre système depuis qu'elles sont
nées.
À cet égard, j'inviterai peut-être, puisque je sais
que ma collègue de L'Acadie a de nombreuses questions à poser...
J'en ai aussi, j'ai pris connaissance du mémoire ce matin très
tôt et j'ai entendu le Dr Desjardins nous en faire la lecture. J'aurai
peut-être une ou deux questions sur lesquelles je pourrai revenir
après avoir donné l'occasion à Mme Lavoie-Roux de
s'exprimer. (13 heures)
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier la Fédération des médecins
spécialistes du Québec pour son mémoire. Je pense qu'elle
pose des questions très pertinentes. J'ai exprimé hier mon
opinion vis-à-vis du régime syndical, enfin, toute la question
qui entoure le régime syndical et qui est contenue dans la loi. Je
voudrais simplement dire que le ministre, dans l'intervention qu'il vient de
faire, a dit: Une loi, ça ne se négocie pas. Là-dessus, je
suis d'accord avec lui, mais je pense que, quand on se propose de modifier un
régime syndical, la consultation n'est pas défendue. On en a fait
la démonstration au moment où la commission parlementaire a
examiné toute la question des services essentiels et qui a justement
pour but, éventuellement, de modifier les règles qui nous
régissent dans le domaine des relations de travail pour mieux assurer
ces services essentiels.
Alors, je pense qu'il y a certainement un point: Quand les groupes qui
se présentent devant nous disent qu'ils n'ont pas été
consultés, il faut au moins leur donner raison sur ce point. Quant
à toute la question du régime syndical, je vais laisser ça
à mon collègue de Jean-Talon qui est le porte-parole de
l'Opposition officielle en matière de travail.
Je ne serai pas longue et, même si j'ai beaucoup de questions, je
vais aussi me restreindre, compte tenu du temps. Je voudrais dire à la
fédération qu'il y a plusieurs points sur lesquels je suis
d'accord avec elle. Il y a certainement une interrogation plus que
sérieuse au sujet de l'article 31; il y a aussi ses réticences au
sujet de certaines dispositions de l'article 73, enfin, sur ce qui modifie
l'article 73. Je pense aussi que son inquiétude au sujet de l'article 85
qui introduit la notion de refuser, sous prétexte de coûts,
l'engagement d'un professionnel spécialisé ou
surspécialisé... Même s'il faut tenir compte des
coûts, je pense que ceci pourrait avoir des répercussions directes
à long terme sur la qualité des services.
Je voudrais faire éclaircir certaines choses sur l'article 49 qui
prévoit les plans d'organisation des centres hospitaliers. Je voudrais
être bien claire. Je vais vous donner toutes mes questions pour
épargner du temps.
En ce qui concerne l'article 49, vous avez quand même vécu
une expérience, et je suis d'accord, entre parenthèses, avec vous
autres, dans le cas des hôpitaux universitaires. Je me demande si ce
n'était pas un amendement que l'Opposition avait fait au moment de
l'étude de l'article 84, pour que les centres universitaires soient
consultés. Vous suggérez que cela demeure, mais n'est pas
là l'objet de ma question. A ce moment, le ministre veut reprendre
l'approbation de ses plans d'organisation, qu'on étend maintenant
à tous les centres hospitaliers. D'une part, vous montrez la dichotomie,
les ressources qui sont au conseil régional, l'approbation qui se ferait
au ministère. Vous dites aussi que le CRSSS, à votre point de
vue, ou ce n'est peut-être pas ce que vous voulez entendre, c'est ce que
je voudrais que vous clarifiez, vous faites plutôt une hypothèse
dans le sens que peut-être le ministre veut le reprendre, parce que le
CRSSS ne s'est pas acquitté de sa tâche.
S'il y a des preuves dans ce sens, s'il y a des faits, j'aimerais que
vous nous le disiez. Est-ce que, selon vous, les deux fonctions devraient
être dévolues au conseil régional ou si les deux fonctions
devraient l'être au ministère, quoique je trouve difficile que les
deux fonctions soient confiées au ministère? C'est une
première question que je voudrais vous poser.
Deuxièmement, il s'agit de votre expérience dans les plans
d'organisation pour les hôpitaux universitaires, celle que vous avez
vécue depuis l'adoption de la loi 103.
À la page 25, je ne suis pas non plus d'accord, quand vous dites:
" Ceux qui ont pour rôle de contrôler la qualité doivent
aussi pouvoir contrôler les ressources qu'ils utilisent et dont ils ont
pu décider de l'allocation." Je suis d'accord en partie, mais ne
croyez-vous pas qu'à ce moment, celui qui doit assurer la
qualité, qui a le contrôle des ressources, cela le place
également, du point de vue des ressources, dans une situation assez
conflictuelle, parce que, même avec de bonnes intentions, on pourrait,
à un moment donné, déborder les ressources
et, à ce moment, il se pourrait qu'il y ait quelqu'un d'autre qui
pose un jugement. Dans le fond, ce que vous demandez, c'est que tout le
contrôle de la qualité des soins et de l'administration des
ressources soit remis aux médecins. C'est ce que je crois comprendre de
ceci. Je voudrais que vous clarifiiez ce point.
Ma dernière question touche les jugements que vous portez
à l'égard des conseils régionaux des services de
santé et des services sociaux. Je sais qu'hier j'ai été
moi-même assez vive à leur endroit, parce qu'ils venaient chercher
encore plus de pouvoirs qu'ils n'en avaient. Cela expliquait alors une partie
de ma réaction. Il reste qu'il y a des questions que vous posez qui
peuvent être fondées, qui sont la perception d'autres organismes,
d'une partie de la population. Mais j'aimerais que vous précisiez de
quelle façon les conseils régionaux, s'ils l'ont
été, ont pu être un obstacle au fonctionnement de votre
profession ou des centres hospitaliers. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Desjardins.
M. Desjardins: La première question avait trait au plan
d'organisation. Vous avez raison, lorsque vous interprétez que nous
sommes d'accord pour que le ministre des Affaires sociales reprenne ce pouvoir
de modification et non pas au niveau des CRSSS.
Si je me reporte au texte que je n'ai pas lu, aux pages 18 et 19, la
façon dont nous autres nous pensons que cela doit fonctionner au niveau
de notre fédération, c'est la responsabilité du ministre
que de donner une mission à un centre hospitalier, lorsqu'il
décide d'en créer un. À partir du moment où le
ministre émet cette mission à un centre hospitalier, nous croyons
que - je suis au deuxième paragraphe de la page 18, à l'article a
- qu'il doit y avoir un programme de services cliniques et nous entendons par
cette expression "programme de services cliniques", un document approuvé
par le conseil d'administration du centre hospitalier, qui comporte les
données suivantes: la nomenclature des départements cliniques et
la définition de la gamme des services médicaux et dentaires
offerts par chacun d'eux; une description des effectifs médicaux et
dentaires prévus pour chaque département clinique. Ce programme
devrait, en outre, faire état de la participation que certains
départements cliniques apportent au soin des malades pour le compte de
tiers établissements.
Un programme de services cliniques, ainsi élaboré
permettrait au ministre des Affaires sociales d'obtenir une perspective
d'ensemble réaliste sur la distribution des services médicaux
dans chaque région du
Québec.
Évidemment, l'autre paragraphe dit que cela revient à
l'initiative du Conseil des médecins et dentistes que d'élaborer
l'aspect des effectifs médicaux au pourtour de ce programme de services
cliniques, le tout devant être approuvé par le conseil
d'administration du centre hospitalier.
À partir de là, ce programme est envoyé au ministre
et on suggère que ce soit pour modifications. On ne veut pas encombrer -
on entendait hier le ministre dire qu'il a 150 fonctionnaires qui travaillent
dans tel secteur et ils sont embourbés - on ne veut pas embourber
davantage le bureau du ministre des Affaires sociales.
À l'article b, page 19, on prévoit que le ministre peut
modifier ce plan ou qu'il demeure silencieux. Au moment où il modifie le
plan, on fait la différence dans ce paragraphe entre la procédure
d'approbation et la procédure de modification. Alors, on suppose que le
ministre peut décider d'augmenter les effectifs médicaux
au-delà de ce que le conseil d'administration vient de lui faire
parvenir.
On pense qu'il est réaliste de procéder de cette
façon. Nous avons étudié cette question en 1978 et on
revient encore, en 1981, avec la même position que nous avions à
l'époque, eu égard à ces dispositions. Par la suite, si le
ministre décide de modifier, on demande qu'il ait la décence d'en
faire part aux conseils d'administration et de les entendre, de telle sorte que
les conseils d'administration ne se voient pas imposer, par retour du courrier,
une décision sur laquelle ils ne peuvent même pas faire de
commentaires.
Évidemment, quand on parle du conseil d'administration, ce
dernier doit reconsulter le conseil des médecins et dentistes qui
était à l'origine de la mise sur pied des effectifs
médicaux nécessaires pour remplir les fonctions du programme de
soins cliniques de l'établissement en cause. Est-ce que ça
répond à votre question?
Mme Lavoie-Roux: Oui. À ce moment-là, vous
élimineriez complètement le rôle du conseil régional
des services sociaux et des services de santé?
M. Desjardins: D'une façon absolue et totale.
Mme Lavoie-Roux: Dans le moment, c'est eux qui vous donnent cette
approbation-là. Est-ce que cela n'a pas fonctionné? Parce que,
quand même, vous sous-entendez un jugement très
sévère à leur endroit. Est-ce qu'à votre point de
vue ça n'a pas fonctionné? Parce que moi, je veux bien qu'on leur
enlève un pouvoir si cela a mal fonctionné, mais c'est ça
que je voudrais savoir plus précisément.
M. Desjardins: Ce n'est pas un jugement sévère
à leur égard. C'est que, dans ce processus d'allocation des
effectifs médicaux, c'est tout même un sujet difficile, on en
convient. Nous sommes d'accord avec les objectifs de la nécessité
de faire ça. Ce qu'on dit, c'est que plus il va y avoir d'intervenants,
plus c'est paralysant, plus ça prend de temps et moins ça
fonctionne. L'expérience vécue jusqu'ici est tout de même
restreinte, parce qu'elle ne s'applique qu'aux seuls centres hospitaliers
affiliés aux universités. Mais, jusqu'ici, les informations que
nous avons à cet effet, c'est qu'il n'y a pas eu beaucoup de millage de
fait dans la procédure venant du centre hospitalier: l'approbation de
l'université, l'envoi au CRSSS et enfin au ministre des Affaires
sociales. Peut-être pourrait-on passer outre à la
fédération parce que nous ne sommes pas impliqués
directement dans ce processus et retourner la question finale au niveau du
ministre des Affaires sociales, à savoir: Est-ce que lui a eu beaucoup
de dossiers venant des CRSSS au niveau des centres hospitaliers?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous laisser aller; vouliez-vous
préciser une chose?
M. Johnson (Anjou): D'ailleurs, si je me souviens bien, je ne
siégeais pas à la commission, mais, à l'époque, je
pense que c'était le critique du Parti libéral qui avait
suggéré que ce soit au niveau du CRSSS, M. Forget, l'ancien
ministre...
Mme Lavoie-Roux: Et ça n'allait pas au bureau du
ministre.
M. Johnson (Anjou): Non. C'était décidé au
niveau du CRSSS.
M. Desjardins: Le ministre en était informé en fin
de compte.
M. Johnson (Anjou): C'est ça, il en était
informé, mais il ne décide pas ultimement.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Ça va. Le Président
(M. Bordeleau): Ça val
Mme Lavoie-Roux: II y avait deux autres questions...
M. Desjardins: La deuxième question a trait à la
page 25 où on parle de la qualité, du contrôle des
ressources et du contrôle des coûts. Je ne pense pas qu'il y ait de
conflits entre les ressources en tant que telles et la qualité.
Là où on voit un danger évident, c'est entre la
qualité et le contrôle des coûts. S'il y a lieu de couper
des services pour arriver à diminuer le coût, on pense qu'il est
dangereux d'empiéter sur la qualité Un exemple simple de
ça: Si par hasard on décide que les journées
postopératoires, ça coûte trop cher et qu'on veuille
diminuer le nombre de jours postopératoires, en supposant que tous les
médecins dans les spécialités chirurgicales abuseraient du
système et qu'on parte de 3D jours postopératoires, si vous
voulez, et qu'on les coupe, à un moment donné, on va arriver
à 24 heures et ce n'est pas assez dans certaines sortes de chirurgies;
ça n'a plus de bon sens. À ce moment-là, on dit que c'est
un danger évident. Plus on veut couper les coûts, plus on est
obligé d'empiéter sur cet élément de
qualité. (13 h 15)
Mme Lavoie-Roux: La disposition qui est justement dans la loi sur
les responsabilités qu'on donne au chef de département clinique,
je dois dire que j'avais mal interprété un peu cette
chose-là. Est-ce que ça ne vous permettra pas d'avoir un meilleur
droit de regard sur la façon dont les ressources seront allouées
et ne vous donnera pas un meilleur pouvoir de gestion, si je peux m'exprimer
ainsi?
M. Desjardins: C'est pour cela que j'ai insisté
tantôt sur le rôle du chef de département clinique et
l'initiative départementale de la mise sur pied de règles de
soins. Ça doit provenir de l'intérieur du département. La
balise, au cas où un chef de département prendrait un virage vers
un fossé, c'est au niveau du conseil des médecins et dentistes,
qui a toujours le devoir de superviser la qualité de ce qui se passe
dans le centre hospitalier.
Quant à l'autre balise qu'on envisage, je comprends que le
ministre est tiraillé et il n'est peut-être pas totalement
décidé, c'est sur l'aspect administratif, où le
maître d'oeuvre qui s'appelle le directeur des services professionnels
pourrait, lui, dire que cela est exagéré et que ça n'a pas
de bon sens. Alors, il se trouverait à y en avoir deux, un sur
l'élément gestion et l'aspect des coûts, l'autre sur
l'aspect des règles de procédure à l'intérieur du
département clinique et qui viserait le contrôle de la
qualité par le conseil des médecins et dentistes. Ce que le Dr
Saint-Georges appelait hier la bicéphalie, on le retrouve à ce
niveau, mais, tout de même, ce sont deux balises importantes pour que le
chef de département puisse fonctionner sans sortir de certaines limites
jugées nécessaires.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous permettez, madame?
Ma question est précise. Dans ce que vous avez
évoqué tout à l'heure, Dr Desjardins, vous dites "dans un
contexte où
on élaborerait des normes en admettant que tout le monde
exagère." Il n'y a aucune présomption de cela dans la loi tout
d'abord. Au contraire, c'est pour cela qu'on dit que c'est aux médecins
eux-mêmes de voir à ce que cet univers juridique de "normes" que
la corporation aurait pris sous l'appellation "règles de soins" qui
existe, on le sait, dans de nombreux hôpitaux, ne soit pas
élaboré par d'autres que les médecins eux-mêmes,
qu'il soit sanctionné par un médecin qui est le chef du
département et qu'il relève à cet égard du DSP,
s'il relève du DSP, qui est également un médecin. Je vois
mal comment ce processus-là pourrait amener les médecins à
définir des normes aberrantes au niveau de la qualité des soins
puisque c'est eux qui le font. Ce n'est pas un fonctionnaire qui vient fixer
les normes. Il n'y a aucun article dans la loi qui dit que le gouvernement, par
règlement, ou qui que ce soit qui n'est pas un médecin va
intervenir dans cet univers.
M. Desjardins: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
M. Johnson: J'ai entendu votre intervention en réponse
à madame Lavoie-Roux. Si je ne me trompe, c'est comme cela que les
membres de la commission l'ont compris, docteur. Peut-être que vous
pourriez vous reprendre là-dessus.
M. Desjardins: Je reprends, je ne veux pas laisser aucun
malentendu. Ce que je dis, c'est que s'il est nécessaire d'envisager de
couper des coûts au moment où c'est la seule, l'unique, la
première préoccupation, il est dangereux que cette
préoccupation vienne en conflit avec la qualité de l'ensemble des
soins. J'ai donné un exemple; peut-être que l'exemple
n'était pas bon; peut-être que je me suis trompé sur
l'exemple. J'ai pris un exemple exagéré et j'ai essayé de
le rétrécir à l'autre exagération, c'est possible.
Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, M. le ministre, mais je
prétends qu'il est tout de même dangereux que, si on ne vise
qu'à couper des coûts, on en arrive à diminuer la
qualité des services médicaux offerts à la population.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que, là-dessus, vous me
permettez, Mme Lavoie-Roux, la députée de L'Acadie me le
permettra, je pense que c'est important. Vous avez cité le
communiqué de presse qu'on a émis au moment où on a rendu
publics les mandats de négocier etc. C'est vrai que c'est une
période difficile pour les établissements au Québec, vous
en savez quelque chose, les spécialistes que vous êtes. Beaucoup
d'entre vous oeuvrent dans de grands hôpitaux universitaires, notamment,
qui, à eux seuls, représentent presque 60% de l'activité
hospitalière au Québec, et les ressources sont moindres. Ce n'est
pas un choix politique. Quelqu'un, un matin a décidé qu'il y
aurait moins de ressources. Je veux dire qu'il y a 400 000 000 $ de
déficit dans les hôpitaux au Québec. Bon, ça
coûte déjà 2 700 000 000 $. Cela fait partie de la vie et
de la réalité, comme votre réservoir d'essence, depuis un
certain temps, et comme votre impôt sur le revenu, en ce sens qu'on dit
qu'il y a une contradiction entre les ressources qu'on a et la
qualité.
L'objectif dans le système, c'est d'assurer qu'on maintient ce
système de qualité qui est le nôtre et qui a encore besoin,
notamment à l'égard de la répartition des effectifs sur le
territoire, d'être drôlement amélioré. Mais la
contrainte que représente la quantité des ressources que, comme
collectivité, on consacre à la santé, c'est une contrainte
qui fait partie de la vie de toute la société. On dépense
5,8% du produit intérieur brut du Québec pour ça, ce qui
est plus que dans les autres provinces.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il n'y a pas dans la loi un article
qui dit "compte tenu des contraintes budgétaires." Je veux dire que la
loi est là. Il n'y aurait pas de contraintes budgétaires, cela
aurait été là il y a dix ans ou ce serait là dans
quinze ans, cela n'empêche pas que ce qu'on met en place, c'est ce qui
permet de continuer à faire que l'accessibilité, la
gratuité, la qualité, l'universalité des soins au
Québec impliquent une solidarité notamment des professionnels,
qui restent le personnage central dans le système de santé qu'il
y en a qui aiment ça ou pas. Je veux dire que c'est le personnage
central et ce sera toujours comme ça dans la santé d'ailleurs. Il
importe qu'ils puissent se solidariser. Je voulais juste vous rassurer sur cela
parce qu'on ne demande pas aux médecins d'être les
exécutants d'une situation qui est difficile mais qui est
partagée par tout le monde et qui doit aussi être partagée
par les médecins, c'est aussi simple que ça.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la
députée...
M. Desjardins: M. le Président, s'il vous
plaît...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Desjardins.
M. Desjardins: ... je suis d'accord avec l'énoncé
que le ministre vient de faire. J'ajouterai peut-être un commentaire. Le
conseil d'administration de la fédération, par son porte-parole,
vous a déposé récemment un texte qui devrait être
intégré, nous l'espérons, à l'entente qu'un jour
nous espérons signer avec vous et qui s'appelle, comme titre de
chapitre, La Concertation. À l'intérieur de ce chapitre, nous
proposons au
ministre des Affaires sociales un comité des ressources
hospitalières où le ministère des Affaires sociales et la
Fédération des médecins spécialistes seront en
mesure de tenter de collaborer pour traverser cette période difficile
à laquelle vous faites allusion, tout en maintenant un minimum de
ressources pour conserver la qualité de soins que nous connaissons sur
notre territoire actuellement.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II y avait une troisième réponse.
Je remercie le ministre pour ses sous-questions. Il en a l'habitude, mais
ça me fait plaisir de lui céder mon droit de parole. Votre
troisième réponse, s'il vous plaît!
M. Desjardins: La troisième question avait trait aux CRSSS
dans le moment et à leur fonctionnement. J'ai déjà
répondu qu'en ce qui a trait aux plans d'organisation, on n'a pas eu de
soubresauts à cet égard. En ce qui a trait aux autres questions,
ce sont surtout les articles 18.1 à 39 du projet de loi, quand on parle
des politiques d'admission et de transfert des bénéficiaires, les
normes de fonctionnement, les normes d'utilisation et de distribution des lits
dans les établissements. C'est surtout à ce niveau qu'on craint
que le ministre fasse une erreur en leur accordant de pouvoirs additionnels.
Mais on dit que, dans le moment, les CRSSS agissent comme organisme
d'approvisionnement sur une base régionale et on ne s'oppose pas
à ça.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je pensais qu'il y avait des
points précis qui avaient nui à l'exercice de votre profession ou
au fonctionnement des hôpitaux, à la suite d'interventions des
CRSSS, ce que je ne crois pas comprendre. Est-ce qu'en relation avec l'article
que vous venez de mentionner - ce sera ma dernière question - vous
trouveriez acceptable que ce pouvoir de distribution des patients ou de
transfert des bénéficiaires, etc., soit relié uniquement
à la question d'urgence? Je ne parle pas du cas où on leur
demande d'établir les normes de fonctionnement des urgences, c'est une
autre chose, mais je parle strictement du changement des
bénéficiaires, et qu'il ne soit pas aussi général
qu'il l'est présentement parce que cela touche tous les
bénéficiaires, quelles que soient les circonstances.
M. Desjardins: À ce moment, on reviendrait à
l'article 18.2, au premier alinéa, où on dit qu'un
établissement vit une situation d'engorgement après avoir
appliqué toutes les procédures en vigueur. Hier, on a entendu M.
Marcoux s'exprimer là-dessus. À ce moment, oui, nous
supporterions que cela fonctionne, dans ces circonstances, de cette
façon, comme d'ailleurs le ministre des Affaires sociales a donné
comme exemple la catastrophe. Au niveau de la catastrophe, on est bien
obligé de revenir et de prendre les décisions qui s'imposent. Si
l'établissement n'est pas capable de prendre ces décisions, si le
toit s'est écroulé, comme le ministre l'a donné en exemple
hier, et qu'il n'y a personne qui est capable de prendre des décisions,
on est heureux que quelqu'un d'autre puisse les prendre.
Dans ces deux sortes de circonstances, oui, nous sommes d'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Vous avez évoqué, Dr Desjardins, la
possibilité ou enfin le souhait que vous formuliez d'avoir une nouvelle
entente. Je voudrais très rapidement vous poser quelques questions et
vous parler d'abord de l'argumentation que vous formulez sur la base de
l'article 31. Hier, le ministre, à propos de l'article 31, lorsque vos
confrères, les omnipraticiens, ont comparu, a évoqué la
possibilité de préciser le sens ou la portée de l'article
31, mais je constate, à la lecture de votre mémoire, que vous en
demandez carrément le retrait. Étant donné
l'élément de précarité que cela implique, je ne
sais pas comment le ministre réagit à cette demande ou s'il peut
fournir, avant que je pose deux ou trois questions sur le régime
syndical proprement dit, les précisions qui pourraient vous amener
à nuancer votre position, si vous croyez nécessaire de le faire,
bien sûr.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je vais laisser le député de
Jean-Talon, qui se sent, parfois avec raison, des talents de médiateur,
faire le tour de la question et je reviendrai ensuite sur l'ensemble, parce que
j'ai aussi quelques questions, notamment à l'article 31, et deux ou
trois autres choses.
M. Rivest: Tenons pour acquis, si vous voulez, que, pour
l'instant, l'article 31 reste là. Vous en demandez le retrait et je vous
comprends, parce qu'effectivement cela remet en cause à peu près
tous les éléments d'une entente que vous aurez à
négocier. Je voudrais essentiellement poser deux questions sur les
termes et les vocables "conditions de travail". Vous précisez qu'il
s'agit essentiellement de la question de la rémunération, du mode
de participation au régime de l'assurance-maladie, y compris, bien
sûr, les conditions d'exercice, en particulier les règles au
niveau de l'activité
professionnelle. Je vais, d'une part, vous demander si, compte tenu de
votre expérience québécoise évidemment qui est sur
un texte donné, s'il existe au Canada... Vous avez évoqué
la jurisprudence et les difficultés que la jurisprudence pourrait vous
occasionner. Même si le ministre conservait l'expression "conditions de
travail", y aurait-il des difficultés juridiques concrètes qui
effectivement vous amèneraient à perdre votre pouvoir de
négociation au niveau des modalités de participation au
régime, des conditions d'exercice de la profession ou de
l'activité professionnelle?
M. Desjardins: M. le Président, me permettriez-vous de
transposer cette question qui a une connotation nettement juridique au
conseiller juridique de la fédération, Me Aquin?
Le Président (M. Bordeleau): Certainement. M. Aquin.
M. Aquin (François): Sur la question des conditions de
travail, la Fédération des médecins spécialistes a
estimé que nous étions d'abord en face de la transposition d'une
notion d'un domaine à un autre, ce qui peut avoir des
conséquences qui sont difficilement mesurables et qui, de toute
façon peuvent avoir des effets à toutes fins utiles
dangereux.
Dans ce contexte, on en est venu à la conclusion, après
l'analyse du texte, que nous étions devant une forme restrictive. Avant,
nous avions une forme de rémunération; maintenant, ce sont des
conditions de travail. Le législateur ne veut pas s'exprimer
inutilement. Je pense bien que c'est ainsi qu'un tribunal ultérieurement
le penserait, un tribunal dirait: Le législateur ne s'est pas
exprimé inutilement, donc il a voulu restreindre ce qui était le
droit antérieur.
Ce qui nous a frappés le plus, c'est que, dans la notion de
conditions de travail, qui réfère justement à la notion de
salariés, juridiquement, ce n'est pas le salaire qui est
l'élément fondamental du salarié, contrairement à
ce qu'on pourrait penser, parce qu'il y a au sens du Code du travail des
salariés qui sont à honoraires. Ce qu'il y a d'essentiel dans le
sens de la notion de salariés au Code du travail, c'est le lien de
subordination. Dans cette perspective d'un travail qui leur est ici autonome et
dont on ne connaît pas de lien de subordination, je pense que la
jurisprudence de notre responsabilité civile est claire; on se dit que
non seulement on restreint, mais on évoque ici un principe qui est
contraire à l'économie de la Loi médicale et à
toutes les lois de la santé, ainsi qu'à toute la jurisprudence
que nos tribunaux ont développée, lorsqu'ils ont voulu
vérifier ou mesurer quelle pouvait être la responsabilité
civile d'un médecin.
(13 h 30)
M. Rivest: Si vous permettez, Me Aquin, pourriez-vous nous donner
un exemple pour le bénéfice des membres de la commission? Vous
évoquez le fait que peut-être à ce moment-là,
éventuellement, certainement vous risqueriez. d'avoir des
difficultés à négocier ce que vous avez
présentement, le droit de négocier les règles concernant
l'activité professionnelle qui lient tout établissement de
santé en regard de son plan d'organisation. Voulez-vous donner un ou
deux exemples bien concrets sur ce qui risquerait de vous échapper au
plan de la négociation et qui aurait, bien sûr, pour les
professionnels en cause ainsi que pour la clientèle, c'est-à-dire
le public, des conséquences qui vous apparaîtraient
dangereuses?
M. Aquin: D'abord dans la perspective de la nouvelle loi, il faut
évoquer immédiatement une chose essentielle, c'est que le
comité des différends va devenir soumis au pouvoir de
contrôle des tribunaux. Parce qu'avant le comité des
différends était un comité conventionnel, maintenant c'est
un comité créé par la loi. Donc, il y a un des tribunaux
qui pourra interpréter l'entente. Il y aura des tribunaux qui auront
à se demander si une partie de l'entente est oui ou non contre leur
public ou incompatible avec des dispositions d'autres lois. Dans cette
perspective, je ne peux pas donner d'exemples précis, mais il
m'apparaît comme toile de fond, que l'on pourra toujours dire, en 1981,
la volonté du législateur a été de restreindre le
champ de l'entente parce que, partant d'un texte large, on en est arrivé
à un texte plus précis, très restrictif, importé
d'un autre domaine qui était celui des relations de travail. C'est la
crainte que nous avons, je veux dire, ce n'est pas une crainte de choses
prévisibles, c'est au contraire un élément
d'interprétation avec lequel les tribunaux vont fonctionner. On ne peut
pas savoir à quel moment le couperet de ces tribunaux tomberait dans
l'entente mais il est sûr, je pense, qu'on change la toile de fond.
M. Rivest: Et c'est dans ce sens, évidemment qu'en fait
les premières pages de votre document dans le cadre de la perspective de
la négociation de l'entente, cela est évidemment un morceau
capital des restrictions qui vous sont faites - espérons que cette
consultation amènera le ministre peut-être à
préciser davantage - de façon à vous rassurer. Mais comme
le projet de loi n'a pas fait l'objet de consultation, vous êtes en face
de la situation.
M. Aquin: Nous croyons justement, que la question de la notion de
la rémunération était déjà assez large pour
inclure tout ce
que les partis, tout ce que les intervenants voudraient entendre ou y
inclure et on comprend difficilement cette importation du terme relation de
travail dans un monde où ce terme arriverait pour la première
fois.
M. Rivest: Deuxième élément. Rapidement, sur
la répartition des effectifs pour le gouvernement ou enfin pour
n'importe quel gouvernement, c'est un problème fondamentalement
politique, il y a une, je pense bien que vous en convenez, d'ailleurs je le
pense, d'une responsabilité du gouvernement ou du ministre des Affaires
sociales de trouver les moyens de régler ce problème-là,
parce que ce problème-là ne se règle pas de lui-même
et les expériences vécues, au Québec entre autres, le
démontrent amplement.
Les éléments essentiels qui sont proposés,
l'article 4 ou 19, si vous voulez, il y a la question du territoire, de la
désignation du territoire. Vos collègues de la
Fédération des omnipraticiens considéraient, à
toutes fins utiles, dans l'amendement qu'ils nous ont proposé et dont
vous avez sans doute pris connaissance, que la désignation des
territoires pouvait, en consultation avec les organismes impliqués,
être une responsabilité nettement ministérielle.
Là-dessus, est-ce que vous conviendriez de ce premier
élément du problème?
M. Desjardins: Depuis l'entente du 4 novembre 1976, il n'y a
jamais eu de difficultés là-dessus entre le porte-parole du
ministre des Affaires sociales et notre fédération à
désigner un territoire en pénurie d'effectifs médicaux. Je
pense que la réponse à votre question, c'est oui.
M. Rivest: Je veux bien comprendre mais, maintenant, le
deuxième élément qui est évoqué pour la
solution du problème, la fameuse question des honoraires
différenciés en région désignée, à ce
moment-là le ministre soumet ça à une entente mais,
à défaut d'entente, il impose, je pense que c'est à peu
près la voie. Tenez-vous absolument à ce que cette
question-là soit l'objet d'une entente négociée et,
subséquemment, également la dimension de la participation des
jeunes médecins? Vous avez souligné d'ailleurs des
inconvénients professionnels qui pourraient exister
là-dessus.
Troisième élément, pour vous permettre de
compléter, lorsque vous dites que l'ensemble de ces moyens
"désignation du territoire", "honoraires différenciés"
négociés ou non ou imposés par le ministre, "participation
des jeunes médecins", vous dites à un moment donné, je
n'ai pas le texte ici mais il faudrait faire preuve de plus d'imagination, vous
dites qu'il y aurait peut-être d'autres moyens concrets pour en arriver
à la solution et je vous demanderais très simplement d'en
évoquer peut-être quelques-uns devant la commission si vous pouvez
le faire à ce moment-ci.
M. Desjardins: II y a plusieurs éléments dans votre
question et je vais tenter d'y répondre dans l'ordre le plus logique
possible. Le premier élément vise, dans cet article 19, à
dire: L'entente doit prévoir une rémunération
différentielle. Nous sommes d'accord avec cette approche-là. Que
le ministre ait jugé d'utiliser le processus législatif comme
encadrement juridique - on l'a entendu s'exprimer là-dessus hier -
ça, on n'est peut-être pas d'accord mais la disposition, en tant
que telle, nous sommes d'accord avec cet énoncé.
Le deuxième élément est l'élément du
tarif désincitatif. Qu'il y ait un tarif majoré en région
désignée, c'est une prime d'éloignement, c'est une forme
de prime d'éloignement, et nous sommes d'accord avec les
éléments incitatifs pour aider les médecins
spécialistes à se déplacer du point A au point B, le point
B étant un point désigné.
Par ailleurs, l'autre paragraphe à envisager et où le
ministre peut imposer un tarif désincitatif, là on dit: Essayons
donc l'aspect incitatif puis si, par hasard cela ne marche pas au bout de
quelques années - le ministre a déjà
présenté cette espèce de bâton avec lequel il va
nous battre - nous verrons en temps et lieu. Mais, pour ce qui a trait à
maintenant, envisageons l'application d'un tarif incitatif et des mesures
incitatives, et laissons donc tomber tout ce qui a trait à
l'élément désincitatif.
Quand on regarde - et tout le monde en a fait état - la
production de médecins, on va même jusqu'à parler de la
surproduction de médecins compte tenu de l'évolution de la
société. Les chiffres sont de 6 à 8, on ne s'entend
peut-être pas, mais en tout cas, c'est plus que 5, et la population c'est
1 ou moins que 1, alors la différence entre les deux est telle qu'avec
le passage de peu de temps, on devrait être en mesure de saturer les
régions désignées et éloignées avec les
effectifs nécessaires pour leur bon fonctionnement. Peut-être,
sans être obligé d'utiliser ce tarif désincitatif. On
accepte que cela puisse exister, mais pas dans le moment, peut-être plus
tard - et ce serait une espèce de punition que le ministre imposerait
face au fait qu'on n'a pas collaboré suffisamment - on n'en n'est pas
arrivé à trouver les solutions nécessaires ou encore que
les éléments incitatifs ne sont pas suffisants pour bien des
raisons.
Le troisième point que vous soulevez, c'est lorsqu'on dit qu'on
pourrait ensemble faire preuve d'imagination, ce sont tous les
éléments incitatifs qui peuvent être retenus pour tenter
d'aider. Alors, cela nous en
avons déjà remis un certain nombre au ministre des
Affaires sociales parce que le problème n'est pas nouveau, le
problème existe. On a entendu hier le ministre dire: Cela dure depuis
dix ans et rien n'a été fait. Ensuite, en soirée, le
ministre a dit: Ce n'est peut-être pas la faute des
fédérations ni du ministère, peut-être qu'on serait
mieux de ne pas tenter de dire à qui est la faute, mais de toute
façon, nous, dans notre entente, nous avions deux chapitres, deux
annexes en fait. Une annexe qui prévoyait un comité de
répartition des effectifs médicaux et à l'intérieur
de cette annexe toutes les modalités d'un comité paritaire avec
l'État existaient.
Le comité a fonctionné très peu de temps, la
durée de la présidence du Dr McKay qui représentait le
ministre des Affaires sociales à cette table. Lorsque le Dr McKay a
démissionné du comité, le nouveau président a
été nommé par le ministre des Affaires sociales, il
s'agissait du Dr Catellier. Mais, à partir de ce moment-là, le
comité est entré en difficulté de fonctionnement et il
n'est jamais ressorti de conclusions claires, nettes, précises pour le
ministre des Affaires sociales et le président de la
fédération. Donc, au bout d'environ un an après la
signature de l'entente, le comité s'est vu paralysé.
Le deuxième élément qui entre en ligne de compte,
c'est la deuxième annexe qui prévoyait l'argent nécessaire
pour financer ce que le comité paritaire du ministre et de la
fédération pourrait mettre sur pied comme éléments
incitatifs dans une discipline ou dans une autre. Et il était
prévu le fameux million qu'apparemment on a perdu en cours de route et
cela nous a pris une autre période de deux ans pour savoir où il
était au juste. Parce qu'il n'était pas dans l'entente, il
n'était pas à la régie, il n'était pas au
ministère des Affaires sociales et apparemment le ministre des Finances
ne savait pas non plus où il était. Alors, peut-être qu'on
s'est trompé dans la construction de cette annexe-là, les deux
parties négociantes. Quoi qu'il en soit, on a perdu l'argent qu'on
devait utiliser pour financer le projet de la répartition des effectifs
médicaux. Mais on pense que l'approche qui devrait être l'approche
censée, c'est que les deux parties négociantes, le ministre des
Affaires sociales et la fédération, par l'entremise d'un
comité paritaire, doivent avoir à leur disposition la
possibilité d'utiliser de l'argent pour mettre sur pied toute une
série de mesures incitatives. Ce n'est que lorsque l'ensemble des
mesures incitatives ne fonctionnerait pas qu'on accepterait de mauvais
gré, mais qu'on reconnaîtrait la nécessité du
législateur d'envisager une rémunération à la
baisse, c'est-à-dire un mécanisme non incitatif.
M. Rivest: Mais vous ne voulez pas l'avoir dans la loi
immédiatement, avant que toutes ces expériences aient
été conduites. C'est cela.
M. Desjardins: C'est notre proposition.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, assez
rapidement, M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: Dernière question sur le dernier
élément, entre autres en ce qui concerne les ententes
individuelles. Vous avez évoqué évidemment le danger de
déstabilisation de l'ensemble de l'entente que cela pourrait comporter.
Est-ce que vous ne croyez pas que, dans le texte de l'article 19 - entre
autres, je me réfère au dernier paragraphe - c'est quand
même assez restreint à une situation? Parce que ce n'est pas du
tout en rapport avec l'insuffisance des effectifs en régions ou autre
chose, c'est restreint à des situations d'urgence qui sont
exprimées dans le sens d'une mise en cause de la santé publique.
Les exemples qu'a évoqués le ministre hier semblaient assez
évidents, je ne me rappelle pas les exemples précis qu'il
donnait, épidémies, où on réquisitionnait
littéralement un certain nombre de professionnels de la santé
pour les transporter à un endroit donné. Est-ce que, dans ce
sens, cela ne vous paraît pas assez restreint, ce pouvoir?
M. Desjardins: Ce que je pense être en mesure de dire,
c'est qu'ayant pris connaissance du mémoire présenté par
la Fédération des médecins omnipraticiens, une des
recommandations qu'ils ont faite au ministre des Affaires sociales, c'est de
mettre une balise de temps. À ce moment-là, nous serions
prêts à nous rallier à cette proposition d'amendement qui
consisterait à dire: Ce pouvoir extraordinaire que le ministre
s'approprie, dans des situations où il juge que la santé publique
est en péril, c'est bon pour 60 jours - je ne me souviens pas du chiffre
qu'il a donné hier, c'est peut-être 90 - et, entre-temps, les
parties négociantes doivent trouver des solutions plus
appropriées.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Jean-Talon. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, je vais être obligé
de revenir rapidement sur certaines choses. D'abord, si je comprends bien,
à l'égard du dernier paragraphe de l'article 4, ce que vous
évoquez, c'est de trouver quelque part une espèce de
critère objectif ou "objectivable". Je comprends cette
préoccupation et je pense que la notion de temps est une façon de
rendre ça "objectif". On comprend la préoccupation
qu'il y a là-dedans et ça devient une question où
excelle, entre autres, Me Aquin, à ma connaissance, à cause de sa
formation; c'est un problème juridique, ce n'est pas un problème
d'intention, je pense que c'est clair. (13 h 45)
Deuxièmement, à l'égard de la question des
conditions de travail, je dois avouer qu'il n'y a pas de recherche de lien de
préposition. Je veux simplement assurer le président de la
fédération qu'on n'introduira pas la notion de lien de
préposition par salariat interposé, par la voie d'application de
conditions de travail dans la loi, il faut que ce soit bien clair.
Là-dessus, dans ce sens, pour l'exposé de Me Aquin, on va relire
la transcription, on va relire le document que vous nous avez soumis, encore
une fois, pour être bien sûr que ça ne donne pas ouverture
à ce type de préoccupation, on verra ce qui est possible de ce
côté.
Quant à l'article 31, au niveau des intentions, rapidement,
encore une fois, il est bien évident que si j'avais voulu qu'en vertu de
l'article 31, le gouvernement se donne le pouvoir de déchirer les
ententes qu'il a signées la veille, la loi aurait eu un article. Cela
aurait été: Dorénavant, les conditions de travail et
d'exercice des professionnels sont fixées par arrêté en
conseil. Cela n'aurait pas été bien compliqué. Donc,
c'était clair que ce n'était pas notre intention.
Deuxièmement, le pouvoir de décret est dans ce qui
relève du droit substantif qu'on retrouve à la Loi sur
l'assurance-maladie, notamment. Quel est le domaine d'activité du
ministre ou du gouvernement, au sens de la loi dans cela? C'est
d'arrêter, par exemple, la détermination des territoires; donc il
y a des règlements qui en découlent. C'est d'arrêter
l'ouverture de l'article 30 dans le cadre du désengagement massif qu'on
sait être une disposition qui ne date pas d'hier. Le décret sur la
rémunération des jeunes médecins, encore une fois, dans un
contexte où cela a été amplement explicité hier.
Finalement, des choses relatives à des formalités mineures sur la
forme des relevés d'honoraires et la prescription et ces
choses-là.
En somme, il ne s'agit pas... Pardon?
M. Rivest: Pourquoi ne le dites-vous pas clairement dans la loi,
ce que vous visez?
M. Johnson (Anjou): C'est pour cela qu'il est intéressant
d'avoir des commissions parlementaires et une troisième lecture, M. le
député de Jean-Talon. C'est pour cela qu'on est ici. Si on
prétendait avoir la vérité même et la perfection, je
ne vois pas pourquoi on se bâdrerait pour faire des commissions
parlementaires et des études en troisième lecture à
étudier cela à quinze députés autour d'une table.
Dans ce sens, cela devient effectivement, il faut bien se comprendre à
cet égard, en ce qui touche la Régie d'assurance-maladie, qu'on
ne veut pas se donner une espèce de pouvoir omnipuissant de
décréter et de déchirer l'entente de la veille, c'est
entendu. Que ce soit au niveau des intentions, je pense que c'est
important.
Il y a une chose qui m'apparaît importante, c'est toute cette
notion dans le cadre expérimental pour le salarié. La condition
est la suivante, encore une fois, je réitère ce que je disais
tout à l'heure: La notion de salariat des médecins, pour moi, ce
n'est pas une idéologie, c'est concrètement: Est-ce que cela
intéresse les médecins? Est-ce que cela intéresse la
société? Est-ce que cela pourrait être intéressant
pour les citoyens? C'est pour cela que le projet de loi prévoit que cela
prendrait, dans ce contexte, le consentement de tous les membres du
département, le consentement du CMD, le consentement du conseil
d'administration et le consentement du gouvernement pour procéder
à ces expériences, et pas une généralisation. La
fédération n'y est pas et celle-ci nous soulève les
difficultés qu'elle voit. Indépendamment de ce mécanisme
qui est fondamental au niveau des intérêts de la
fédération et ceux qu'elle défend, je comprends cela.
Sur le fond, le président de la fédération
pourrait-il nous dire s'il peut être réceptif à cette
notion? Qu'à titre expérimental, on procède pour regarder
cela aller pendant un certain nombre d'années au Québec, à
des endroits où tout le monde est impliqué et surtout les
professionnels au premier titre, est-ce que la fédération est
intéressée?
M. Desjardins: La seule façon pour la
fédération de répondre à cette question, c'est de
donner le mandat à votre porte-parole d'amener cela à la table de
négociation. On regardera cela sérieusement à la table de
négociation. Mais d'emblée, dans un projet de loi, on ne peut pas
accepter cela pour toutes les raisons qu'on vous a exposées. Qu'il soit
possible, à l'intérieur d'une entente, de prévoir faire
des expériences, je ne sais pas, je ne peux pas vous dire si c'est bon
ou mauvais; il faudrait y repenser nous-mêmes, mais c'est
évidemment mieux que cette proposition soit présentée
à la table de négociation pour qu'on puisse la débattre
à ce niveau que de l'avoir incluse dans un projet de loi.
M. Johnson (Anjou): Cela va peut-être me permettre de
terminer là-dessus, à moins que d'autres collègues n'aient
des questions.
Le Président (M. Bordeleau): II y aurait
une petite question. M. le député de Nelligan m'a
demandé la parole pour une petite question et je lui demanderais
d'en...
M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas terminé, dans ce cas.
Le Président (M. Bordeleau): Ah bon!
M. Johnson (Anjou): II y a deux choses, à mes yeux et aux
yeux du gouvernement, l'intérêt ou je dirais presque la
nécessité de se donner des moyens pour faire des
expériences avec les professionnels de la santé, c'est un
objectif recherché, pour voir cela concrètement avec les
professionnels. Encore une fois, on implique là-dedans un consentement
des personnes impliquées, justement pour que ce ne soit pas
imposé. C'est important pour nous.
Par ailleurs, si je comprends bien, du côté de la
fédération, ce n'est pas cela en soi que vous mettez en cause;
c'est le fait que la fédération n'intervienne pas dans le
processus, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de consentement de la
fédération.
M. Desjardins: Cela se ferait au niveau de la négociation
et dans les ententes, s'il y avait lieu de le faire.
M. Johnson (Anjou): Mais ce que vous voulez préserver
fondamentalement, si je comprends bien, en lisant le texte de votre
mémoire, c'est ce droit, finalement, appelons-le ce qu'il est, ce droit
de veto, à toutes fins utiles, de l'instance syndicale que vous voulez
préserver, ce qui est normal à cet égard. Je ne sais pas
pourquoi j'entends ces réactions. C'est un droit de veto et c'est
normal. Dans la mesure où une entente est faite entre deux parties, s'il
y a une partie qui ne consent pas, c'est un droit de veto. Mais ce que vous
dites, ce dont vous voulez vous assurer, c'est cette notion de veto.
Le Président (M. Bordeleau): M. Desjardins.
M. Desjardins: M. le Président, je demande au porte-parole
de la fédération, le chef négociateur, Me David, de faire
un commentaire au ministre sur cette question.
Le Président (M. Bordeleau):
Rapidement, s'il vous plaît, M. David.
M. David (Marc): C'est une bien mauvaise approche que de parler
de droit de veto essentiellement. C'est la représentativité
même de l'organisme syndical qui est mise en cause. Ce n'est pas de
l'ingénuité que de penser qu'il est normal que l'organisme qui
signe l'entente collective soit partie et puisse s'opposer à ce que l'on
fasse du "shopping" d'un centre hospitalier à l'autre, pour savoir s'il
n'y en a pas qui auraient le goût du salaire et contre quoi.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Sur le régime syndical, encore une
fois, au niveau des intentions, je le voudrais, j'espère que c'est
clair, ça fait deux jours qu'on en parle ici, qu'il reste des
formulations, une inquiétude où des questions légitimes
que se pose la structure syndicale, c'est normal, on reconnaît ça,
il n'y a pas de problème avec ça, on va tenter de répondre
à certaines de ces choses.
M. Desjardins: Vous me permettez M. le ministre...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Desjardins.
M. Desjardins: ... dans le courant de la journée d'hier
à au moins trois reprises, je n'appellerai pas ça des lapsus,
parce que je présume que ce n'en est pas, mais, à trois reprises,
vous avez parlé des conditions d'exercice des médecins - c'est
ça qu'on voudrait que vous inscriviez dans votre loi -des modes de
participation et des modes de rémunération. À ce
moment-là, ça remplacerait élégamment l'expression
qui existe en ce moment. Quant à l'article 31, vous ne m'avez pas
convaincu, dans vos propos de ce matin, que vous en aviez besoin.
Évidemment je n'ai pas la formation d'un avocat, mais avec les exemples
que vous avez donnés, et je comprends ces exemples que vous avez
donnés, à mon sens, il n'y a pas de lien entre la
nécessité d'agir que vous avez mentionnée et le fait
d'avoir un article aussi dangereux que cet article 31.
M. Johnson (Anjou): On se comprend bien, je me suis
exprimé là-dessus, je comprends que c'est le texte qui reste et
que les intentions passent avec les hommes, on le sait, et il y a, en ce
sens-là, nécessité de clarifier cette intention et ce
texte, je vous dis que l'intention, c'est ça. Les clarifications qui
devront intervenir interviendront dans le processus normal. Comme vous le
savez, l'objet de la commission, ici, c'est de permettre aux
députés de vous entendre, de vous poser certaines questions et
surtout de prendre connaissance de vos mémoires. L'étape suivante
constitue, après la fin de cette commission, une série de
précisions qui doivent être prises par le gouvernement au niveau
du texte. Au moment de la deuxième lecture, s'il devait y avoir des
amendements, ils seront évoqués, puisqu'il faut que le
débat - c'est l'objet de cette commission avant la deuxième
lecture - porte sur ce qu'est le
projet de loi ou sur ce qu'on veut qu'il soit. Finalement, c'est
l'étude article par article, qui sera faite en commission parlementaire
et, cette fois-ci avec les députés seulement, comme le
prévoient les règles de fonctionnement de notre
démocratie.
Dans ce contexte, à moins que vous ayez autre chose à
ajouter, docteur?
M. Desjardins: Me Aquin pourrait ajouter un commentaire
concernant cet article 31, si vous le désirez.
Le Président (M. Bordeleau):
Rapidement, M. Aquin.
M. Aquin: M. le Président, juste un commentaire sur cet
article 31. Ce qui est important pour nous, c'est que ce ne sont pas les
intentions du gouvernement qui comptent à ce stade-ci, mais
l'interprétation de la loi. Dans cette perspective-là, une chose
apparaît centrale. C'est que l'article 31 est le sommet d'un iceberg. Si
vous l'introduisez même dans les meilleures intentions, il n'y a aucune
raison que ça ne soit pas introduit plus tard dans tout le domaine
public, qu'on soit dans le domaine de l'éducation ou des affaires
sociales. Je pense que le gouvernement s'engage dans une voie où cette
question va être remise et remise en cause.
Ce qui pourrait être dangereux, c'est qu'à un bon moment on
arrête de l'introduire dans d'autres lois et que c'est ici qu'elle aura
été introduite. Les tribunaux pourraient lui donner un sens que
l'on ne veut probablement pas lui donner mais qu'il pourrait quand même
comporter. Alors, je pense qu'on est devant une question qui dépasse
largement la présente loi. Est-ce que dans toutes les lois où le
gouvernement sera négociateur il aura à introduire cette
disposition et a-t-il pris cette décision d'innover dans ce domaine que
nous considérons comme dangereux? Nous ne pensons pas que ce soit une
réponse que de dire: Oui, mais, comme c'est déjà
l'état du droit, il n'y a aucune difficulté à
l'introduire. Au contraire, lorsque le législateur se met à
exprimer quelque chose que tout le monde pense être l'état du
droit, on peut se demander s'il ne veut pas y ajouter quelque chose et c'est
ainsi qu'une juridiction pourrait l'interpréter au-delà des
intentions qui peuvent être les intentions d'aujourd'hui et d'ici.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): En ce sens, pour conclure sur les propos du
conseiller juridique de la fédération, je dirai que d'abord je
suis très heureux que cet échange ait eu lieu sur la base de
l'interprétation et non pas des intentions. Je pense qu'il serait
important de clarifier cela puisque - je pense que le député de
Jean-Talon va le reconnaître - à l'occasion des...
M. Rivest: M. le Président, je tiens à le dire,
parce que le ministre, chaque fois que je bouge, m'accroche, mais, que
voulez-vous, il y a un texte de loi, et peu importe vos intentions...
M. Johnson (Anjou): Vous n'avez rien vu encore.
M. Rivest: ...le point, je pense, qu'on souligne et que les
intervenants ont souligné, c'est qu'il y a un texte de loi.
Arrêtez de nous faire vos discours sur les intentions, il faut
interpréter le texte tel qu'il est et, si vous l'avez mis, les
intentions sont dans le texte, elles ne sont pas ailleurs. C'est ça le
problème.
M. Johnson (Anjou): Je viens de voir que le député
de Jean-Talon...
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je trouve intéressant que le
député de Jean-Talon vienne d'introduire un nouveau principe
d'interprétation de nos lois, à savoir que l'intention est dans
le texte, elle n'est pas dans ceux qui le font.
M. Rivest: Elle n'est pas dans les discours de ministre.
M. Johnson (Anjou): Ceci dit, le document ainsi que les
échanges que nous avons eus ici ont effectivement porté sur
l'interprétation. C'est en ce sens que je voudrais dire que c'est sur
cette base que le gouvernement va réagir, à moins qu'on tienne
absolument à voir des intentions qui n'y sont pas.
Je voudrais vous remercier, messieurs, d'avoir pris le temps de venir
vous faire entendre et de venir vous faire écouter, et je voudrais vous
assurer que nous continuerons ce que nous avons à faire ici autour de
cette table comme boulot, c'est-à-dire des efforts pour concilier vos
propos, vos suggestions, vos textes dans la mesure où ils sont
conciliables avec certains des objectifs qu'il y a là. Il y a des
décisions à prendre aussi et qui doivent être
assumées par ceux qui doivent les prendre pour faire en sorte que ce
projet de loi soit le meilleur possible et qu'il profite à l'ensemble
des intervenants. Merci.
Le Président (M. Bordeleau):
Maintenant, j'avais reconnu le député de
Nelligan pour une dernière petite question. Rapidement, si vous
voulez, pour qu'on puisse aller dîner.
M. Lincoln: J'espère que j'aurai quelques secondes parce
qu'on a discuté beaucoup d'intentions et de déclarations
d'intention. Je suis certain que si le ministre avait pris la peine de ne pas
mettre les articles 31, 18.3 et 94x), on aurait passé bien moins de
temps à discuter de ces choses-là ici. Ce sont des articles qui
ont été jugés extraordinaires par tous les gens qui les
ont lus.
J'aurais voulu poser une question au sujet des jeunes médecins,
des jeunes spécialistes. D'après les informations que nous avons
eues, il y a une pénurie assez spéciale dans le domaine de la
radiologie et de l'anesthésie. Je voudrais vous demander si c'est vrai,
si c'est un fait que ça existe et quelle est votre interprétation
de la portée de la nouvelle loi si elle est adoptée comme telle
pour cette question qui apparemment affecte les services hospitaliers dans
toutes les régions. (14 heures)
M. Desjardins: II y a effectivement une pénurie importante
de spécialistes en anesthésie et réanimation. Le projet de
loi tel qu'il est bâti dans le moment ne peut être autre chose
qu'un élément désincitatif. Ce que j'entends dans le
moment et je vous ferai remarquer que je ne suis pas dans les hôpitaux
moi-même tous les jours parce que j'ai été pris avec le
projet de loi, mais ce que j'entends de tous les intervenants autour de moi,
c'est qu'actuellement les spécialistes en formation posent la question
suivante: Dois-je aller terminer ma formation ailleurs de telle sorte que j'aie
déjà les deux pieds dans un établissement quelconque pour
éviter cette loi?
Deuxièmement, les spécialistes en formation, les
résidents en formation, disent: Devrais-je arrêter ma formation
post-universitaire et m'installer pendant que j'ai encore le temps? Il reste
peut-être deux semaines avant que la loi soit votée. Je pourrais
changer d'adresse et m'installer et là, peut-être que cela ne
s'appliquerait pas à moi.
Le troisième élément, peut-être encore le
pire, c'est que ceux qui sont actuellement internes ou étudiants en
médecine disent: Pourquoi continuerais-je dans cette veine et qu'est-ce
qui me porte et qu'est-ce qui m'incite à choisir la médecine
spécialisée? Peut-être que c'est une erreur grave. La
prochaine étape, lorsque cela sera compris correctement, c'est au niveau
des cégeps; les étudiants au cégep vont dire: On va
choisir n'importe quelle faculté, mais pas une faculté de
médecine. À long terme, c'est un élément que nous
trouvons extrêmement dangereux et on trouve également très
dangereux que les éléments "désincitatifs" soient sur le
dos des jeunes médecins. Les deux ensemble, cela fait en sorte qu'on ne
peut pas prévoir aujourd'hui exactement comment cela va se
dérouler. Mais le début des rumeurs de ce qui se dit dans les
hôpitaux, ce qui se dit dans les salles de garde, ce qui se dit quand les
médecins se brossent aux lavabos... J'entends cela
régulièrement depuis dix jours et ces aspects, moi, cela
m'effraie, à moyen et long termes. Évidemment, ce n'est pas un
problème très sérieux pour demain matin, mais donnez
quelques mois, quelques années à l'application de ces
éléments-là et on pourrait avoir un problème
sérieux. C'est pour cela que je disais tantôt: Favorisons les
éléments incitatifs et remettons à plus tard les
éléments "désincitatifs", peut-être qu'on n'en aura
pas besoin.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Desjardins.
Je remercie donc les représentants de la Fédération
des médecins et spécialistes du Québec. Avant de
suspendre, je vous rappelle que cet après-midi nous entendrons comme
premier intervenant, la Corporation des ambulanciers du Québec. Alors,
je leur demanderais d'être ici.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h 30.
(Suspension de la séance à 14 h 03)
(Reprise de la séance à 16 h 01)
Le Président (M. Bordeleau): Alors, à l'ordre,
mesdames et messieurs; la commission des affaires sociales reprend donc ses
travaux et à la suspension de ce midi, nous recevions le mémoire
de la Corporation des ambulanciers du Québec. Je pense que vous
êtes déjà ici, représentés par M. Jean-Louis
Beaumier, président et porte-parole.
Alors, M. Beaumier, je présume que vous pouvez nous
présenter les gens qui sont avec vous.
Corporation des services d'ambulance du
Québec
M. Beaumier (Jean-Louis): M. le Président, M. le ministre,
Mmes les députées, MM. les députés, ça me
fait plaisir d'être ici cet après-midi pour vous présenter
notre mémoire. Je vais vous présenter les gens qui
m'accompagnent. En partant de mon extrême droite, M. Ronald Ladouceur de
la région 6A, M. Jean-Pierre Gravel de la région 6A, M.
André Lemay de la région 6A, M. Marc Trahan, notre conseiller
juridique; à mon extrême gauche, M. Jean-Marie Tremblay, 2e
vice-président, M. Camille Fleury, 1er vice-
président et M. Ghislain Harvey, notre secrétaire
général. À ce moment-ci, M. le Président, je vous
demanderais la permission de nous accorder quatre interlocuteurs pour la
présentation du mémoire, si c'est possible.
Le Président (M. Bordeleau): Je suis prêt à
vous donner tous les interlocuteurs que vous voulez à la condition que
vous tentiez, comme je l'ai demandé aux autres, de vous limiter dans le
temps, afin qu'une période de questions convenable puisse suivre et
qu'on respecte le plus possible la norme normale, si je puis m'exprimer ainsi,
d'une heure par mémoire.
M. Beaumier (Jean-Louis): En effet, M. le Président, je
suis persuadé qu'on va respecter l'horaire. J'inviterais en ce moment M.
Ghislain Harvey à présenter sa partie. M. Harvey.
M. Harvey (Ghislain): M. le Président, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, avant même que le gouvernement du
Québec ait décidé de régir les transports d'urgence
avec la loi de la protection de la santé publique, les transporteurs
ambulanciers du Québec s'unissaient afin de mieux servir la
population.
En effet, la Corporation des services d'ambulance du Québec
existe depuis dix ans. Depuis ce temps, les ambulanciers sont devenus des
professionnels. Les cours dispensés dans toute la province ont permis
une meilleure formation du personnel.
Notre corporation regroupe 180 des 200 détenteurs de permis
d'exploitation d'un service d'ambulance au Québec; donc, 85% des
exploitants sont membres de la CSAQ.
Depuis 1979, avec la collaboration de la Régie de l'assurance
automobile du Québec, notre corporation effectue le paiement des
accidents de la route à ses membres.
Il s'agit, M. le Président, de notre troisième visite au
parlement de Québec. Les deux premières, vous vous en
souviendrez, ont été beaucoup plus tapageuses. Mais notre
présence ici aujourd'hui cadre bien avec la devise de la CSAQ, s'unir
pour mieux servir.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Harvey.
M. Lemay (André): M. le Président, il y a à
peine un mois, lorsque le directeur général du CRSSS de la
région 6A, M. Gérard Marcoux, rencontrait les
propriétaires des différentes compagnies d'ambulance de cette
région, il souhaitait être en mesure de faire les manchettes d'une
façon positive avec ces derniers.
Suite à de très intensives négociations dans
lesquelles les deux parties se sont véritablement
considérées comme des partenaires, vendredi dernier, un contrat
de services ainsi que des protocoles d'équité et
d'efficacité étaient signés entre les parties.
La base de cette entente était la reconnaissance tacite de
l'efficacité de l'entreprise privée et de la possibilité
de collaborer avec un organisme parapublic dans un cadre où l'humanisme
et le respect de l'être étaient des objectifs communs.
Il nous apparaît important de souligner que ces efforts de
principe avaient été ratifiés, en grande partie avant le
dépôt du projet de loi 27 et que, volontairement, l'ensemble des
18 compagnies possédant des services ambulanciers avaient accepté
d'abandonner leurs contrats inter- établissements afin d'assurer une
équité totale et complète.
À une époque aussi difficile, au point de vue
économique, que celle que nous connaissons, ce geste et cette
manifestation de solidarité et de générosité sont
certainement une garantie tangible de la bonne foi et du désir de
collaborer des 18 compagnies de la région 6-A, toutes membres de la
Corporation des services ambulanciers du Québec.
À ce sujet, nous tenons à profiter de l'occasion pour
souligner que, dans ce même esprit de collaboration, Me André
Matteau et son équipe de collaborateurs ont été d'une
disponibilité, d'une efficacité et d'une bonne foi totales.
Nous avons tous réalisé que la dimension de
l'activité d'un service ambulancier est immensément humaine et
que, dans ses actions de tous les jours, ce service avait un effet direct sur
la population en général et plus particulièrement sur ses
membres les plus démunis ayant besoin d'un support moral et physique;
c'est d'ailleurs cet esprit qui anime toutes nos discussions.
Ceci étant dit, la perfection n'existant pas sur terre, il n'en
reste pas moins que, même en tenant compte du consensus auquel les
parties en sont arrivées, il nous apparaît nécessaire de
vous faire certaines recommandations quant à l'amélioration dudit
projet. Nous vous en ferons part plus tard dans notre exposé.
Auparavant, j'aimerais céder la parole au président de la CSAQ,
M. Jean-Louis Beaumier.
M. Beaumier (Jean-Louis): Merci, M. Lemay. Membres de la
commission, comme le soulignait M. Lemay, une étape importante a
été franchie le vendredi 4 décembre. Toutefois, dans ce
même esprit de collaboration, il me semble nécessaire et
impérieux d'attirer l'attention de la commission sur certaines
recommandations absolument essentielles.
Ces recommandations sont basées sur la philosophie même du
ministre des Affaires sociales, lorsqu'il a souligné à de
nombreuses reprises qu'il était inacceptable que, le
domaine de la santé publique soit assujetti à des
critères de qualité différente selon la régions
où les soins sont dispensés.
La CSAQ et ses membres de la région 6-A ont réussi
à structurer d'un façon équitable et efficace leurs
relations avec le CRSSS, ayant à l'esprit deux valeurs primordiales: en
premier lieu, le respect des normes de temps de réponse dans le cas
d'appels primaires, et, en un deuxième temps, la mise en place d'un
système ambulancier dont la justice sociale et l'efficacité
feront un modèle qui sera cité en exemple.
Les accords signés reflètent ces objectifs; ne pas tenter
de les appliquer dans l'ensemble du territoire du Québec serait aller
directement à l'encontre de l'équité sociale tout comme il
serait inique qu'une région éloignée ne soit pas desservie
par un nombre suffisant de médecins. Il serait aussi inique et
inacceptable qu'un individu de la région de Matagami, de
Sainte-Perpétue, de Saint-Prime ou de Barraute ne puisse être
secouru dans un temps de réponse adéquat lorsqu'il est
nécessaire de faire un transport de détresse qu'on qualifie de
primaire.
Nous sommes bien conscients que nous vivons dans une époque de
compressions budgétaires et que ces dernières doivent
s'appliquer, malheureusement, à peu près à tous les
domaines d'activités. Toutefois, à titre de président de
la CSAQ, je manquerais de courage de ne pas vous dire et de ne pas vous
indiquer qu'il est absolument nécessaire de repenser, selon des
structures plus efficaces, tout le système ambulancier à
l'extérieur des grands centres. Sans tomber dans une
émotivité de mauvais goût, il n'est pas question d'accepter
certaines situations artisanales qui font perdre au service ambulancier de sa
valeur et ne sont fondées que sur un volontariat généreux,
mais parfois qui connaît ses limites.
Le système des régions subventionnées a
indiqué d'une façon claire et précise que les
autorités gouvernementales comprennent le problème, mais il est
à améliorer et à repenser dans un esprit de partnership
que nous voyons déjà avec beaucoup de satisfaction. M. le
Président, c'est la raison pour laquelle nous vous suggérons que
les formes déjà établies pour la région 6-A soient
transposées par la loi 27 à l'ensemble du Québec afin
d'instaurer cette équité si chère au ministre des Affaires
sociales et à l'ensemble des membres de la commission. Nous en sommes
convaincus, c'est un objectif fondamental de la CSAQ.
Ceci dit, j'aimerais laisser la parole à Me Trahan qui va parler
de certains aspects légaux et techniques avant de conclure sur
l'ensemble du projet.
Le Président (M. Bordeleau): M. Trahan.
M. Trahan (Marc): Merci, M. le Président. La
majorité des remarques que nous vous suggérons s'applique d'une
façon plus particulière à la région 6-A, mais ne
sont en aucune façon incompatibles avec l'application d'un même
système à travers tout le Québec. En premier lieu, il nous
semble opportun d'attirer l'attention des membres de la commission sur
l'article 18.1, cinquièmement, du projet de loi. Dans un but
d'efficacité, le législateur a voulu centraliser l'ensemble des
cas d'urgence et, dans ce contexte, une fois cette volonté
exprimée, pour être logique avec lui-même, il devrait
ajouter après le mot "répartir" le mot "tout". En effet, les
autorités administratives se sont élevées fortement contre
l'existence de tout système parallèle et pour la première
fois de leur existence l'ensemble des transporteurs ambulanciers a
oublié ses rancunes normales de concurrents pour faire front commun.
Dans ce contexte, des garanties législatives que tous les appels
primaires et secondaires seront contrôlés et effectués par
les partenaires de cette entente nous semblent non seulement logiques, mais
évidentes et nécessaires.
De plus, il semble opportun de tenir compte que cette réforme du
système ambulancier s'imbrique dans une réforme complète
et globale de l'ensemble du système de santé public dans la
région 6-A. De ce fait, l'activité principale de ladite centrale
sera une véritable coordination des appels primaires et secondaires, en
tenant compte du taux d'occupation et donc de disponibilité de chacun
des centres hospitaliers. Pour cette raison, il serait impossible de penser
atteindre cet objectif et cette planification rationnelle sans que la
coordination mentionnée plus haut soit effectuée sur des
éléments dont la centrale ait le contrôle total.
Contrôle, cependant, basé sur la relation de partenaires
établis dans les mécanismes déjà acceptés.
Vous savez, trop de cuisiniers gâtent la sauce et, lorsque l'on parle de
santé publique, cette sauce devient l'ingrédient assurant
l'efficacité du système. (16 h 15)
En second lieu, les mécanismes acceptés se
réfèrent spécifiquement à la possibilité de
modifier le système de tarification et d'agent payeur. C'est pourquoi
nous vous soumettons qu'au sixième paragraphe de l'article 18.1, on
ajoute spécifiquement la phrase suivante: "et faire des recommandations
quant à la tarification et aux modalités de paiement".
À ce sujet, j'aimerais attirer l'attention des membres de la
commission et du ministre sur une réalité de la vie très
concrète. Ce n'est pas parce qu'un nouveau système est
créé ou instauré que les obligations financières et
les exigences des banquiers disparaissent. Il nous apparaît
fondamental, dans la bonne foi qui a été indiquée,
que le CRSSS de la région sache cela et il importe qu'il ait le plus
rapidement possible la possibilité de devenir l'agent payeur, parce que
vous comprendrez très facilement qu'après trente jours
après avoir mis sur la route des équipes plus nombreuses
qu'à l'heure actuelle, ces employés demanderont d'être
payés, que les banquiers qui financent l'équipement très
technique et très coûteux demanderont d'être payés et
qu'il ne suffira pas de dire: Eh bien, nous avons un merveilleux contrat avec
le CRSSS, région 6-A.
Nous avons fait un pacte basé sur la bonne foi et il nous
apparaît que, pour que cette bonne foi devienne, comme on le disait dans
le texte, un véritable modèle, il faut éliminer le plus
possible d'intermédiaires, et qu'il faut aussi que les autorités
du CRSSS s'assoient avec nos comités de travail le plus rapidement
possible pour trouver un mécanisme permettant au CRSSS de devenir agent
payeur.
Ceci dit, en appliquant la même logique ci-haut mentionnée,
il nous apparaît nécessaire à l'article 18.2, 2e
alinéa, d'ajouter après le verbe "recevoir" et avant le pronom
"ceux" le mot "tous", afin qu'encore là il n'existe aucun système
parallèle.
Quatrièmement, de plus, sans évidemment accaparer des
prérogatives ministérielles, mais pour des raisons strictement
d'efficacité, nous en avons mentionné une, il nous apparaît
essentiel que les pouvoirs prévus aux paragraphes a, c et d de l'article
100 soient automatiquement délégués au CRSSS des
régions.
Je vais maintenant céder la parole au président de la
CSAQ, M. Beaumier.
M. Beaumier (Jean-Louis): Merci, M. Trahan et aux membres du
conseil.
En conclusion et à l'aube de la sanction de cette nouvelle loi
régissant le domaine de la santé publique et dans un même
esprit de collaboration positive, à titre de président de la
CSAQ, nous vous soumettons qu'aucun partenaire dans le domaine de la
santé, du plus grand neuro-chirurgien au plus humble employé
d'hôpital, n'est et ne devrait être un partenaire secondaire. C'est
pourquoi il est nécessaire que votre commission se penche sur le
problème de la véritable reconnaissance légale, à
titre d'interlocuteur autorisé, de la CSAQ comme porte-parole des
ambulanciers du Québec.
Dans ce vaste monde de la santé, certains groupes, par le biais
de leurs corporations, d'autres par l'intermédiaire de leurs syndicats,
sont régulièrement impliqués dans le processus
d'amélioration du système, ce qui n'est pas le cas de la CSAQ
à l'heure actuelle.
Il nous semble donc tout à fait essentiel, afin d'être
à l'abri de l'arbitraire, qu'enfin, dans ces mécanismes
consultatifs, les autorités administratives du ministère des
Affaires sociales considèrent d'une façon permanente la CSAQ
comme plus qu'un organisme avec qui on discute annuellement de tarifs.
Les structures intégrées à Montréal nous
semblent un excellent point de départ vers cette reconnaissance
légale et effective. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Merci pour votre
présentation. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, messieurs les
participants à différents titres de la Corporation des services
d'ambulance du Québec, M. le procureur, je vous remercie de votre
mémoire qui, s'il est bref, est néanmoins très clair. Je
comprends qu'il évoque les grandes idées suivantes:
premièrement, la notion que le transport devrait être
coordonné partout sur le territoire par les CRSSS et ce, d'une
façon obligatoire au niveau de la loi. Deuxièmement, que le
CRSSS, dans ce contexte, devrait avoir un pouvoir de recommandation au niveau
de la tarification. Troisièmement, qu'il puisse au niveau des
modalités de paiement être l'agent payeur et,
quatrièmement, que le statut de la CSAQ soit revu.
Ce sont des gros morceaux, je dois vous dire, comme demande; si vous
avez eu l'occasion d'entendre certains des témoignages ici, vous aurez
l'occasion de dire un peu en aparté à la députée de
L'Acadie que vous ne faites pas partie de la brigade d'infanterie anti CRSSS.
Vous êtes à peu près le seul groupe qui n'a pas tiré
sur eux jusqu'à maintenant.
Mme Lavoie-Roux: Cela ne fait pas longtemps qu'ils travaillent
avec eux. Je m'excuse auprès du CRSSS; c'était une blague au
ministre.
M. Johnson (Anjou): Je dois vous dire que c'est presque
rafraîchissant de vous entendre dans ce contexte-là. Si je
comprends bien, les dispositions... En gros, si je pouvais résumer un
peu ce que vous dites, c'est que la loi ne va pas assez loin; vous n'avez pas
de reproche intrinsèque à la loi. Je pense que vous reconnaissez
que la loi d'ailleurs traduit assez largement le contenu de beaucoup d'ententes
qui sont intervenues, notamment celle qui est intervenue cet été
dans un contexte où vous m'avez fait sentir les décibels des
ambulances qui, néanmoins, avait comme but, je pense, essentiellement au
niveau de la région 6-A, on le sait, qui est un problème
très particulier... Deuxièmement, sur l'ensemble du
territoire,
quant à la tarification.
Je reviens à la région 6-A. Je comprends aussi que cette
longue négociation s'est faite dans une atmosphère à la
fois d'efficacité et de bonne foi et que vous êtes assez largement
sastisfaits des conclusions. Je dois vous dire que la même chose vaut
pour les mandataires de celui qui vous parle dans ce dossier, en l'occurrence
le CRSSS de Montréal qui avait un mandat spécifique
là-dessus.
Je prends bonne note de vos quatre suggestions qui sont très
précises. Je dois vous dire que ce n'est pas l'objet de cette commission
de vous donner des réponses; nous sommes ici pour vous entendre, pour
lire ce que vous avez à nous transmettre et, à l'occasion, vous
poser quelques questions. C'est parce que votre texte est tellement clair que
je n'ai pas vraiment de questions à vous poser. Ce que vous revendiquez
finalement, c'est la coordination sur l'ensemble du territoire par tous les
CRSSS et les instruments qui viennent avec elle; en d'autres termes, de doter
l'ensemble des régions des instruments qui sont remis à
Montréal. Je prends note de l'ensemble de ces suggestions.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais laisser mon collègue de Laurier
poser quelques questions, j'ai un seul point et je reviendrai par la suite.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: J'aimerais à mon tour remercier les membres de
l'association des services ambulanciers du Québec pour leur
mémoire. Je dois admettre que j'ai été un peu surpris en
vous entendant dire que, finalement, cela a tellement bien été
à Montréal que le même arrangement devrait peut-être
être étendu au reste du territoire du Québec.
Pourriez-vous, donner quelques précisions sur le genre d'arrangement que
vous avez eu, qui fait en sorte que finalement vous êtes contents d'avoir
été en quelque sorte étatisés?
M. Beaumier (Jean-Louis): Je vais permettre à M. Trahan de
répondre parce que les technicités ont été
conçues à l'intérieur de son aide juridique.
M. Sirros: Peut-être seulement les grandes lignes.
M. Beaumier (Jean-Louis): D'accord.
M. Trahan: Non. Au départ, je pense que le degré de
contentement...
M. Johnson (Anjou): Vous permettez? Est-ce que je pourrais
simplement évoquer pour mes collègues de l'Opposition et Me
Trahan que cette entente qui est toute chaude, Me Trahan, doit faire l'objet
d'un arrimage avec une autre entente à laquelle vous n'êtes pas
partie prenante et avec d'autres décisions de nature administrative au
niveau du ministère et du CRSSS dans les jours qui viennent. Je
comprends la position dans laquelle vous êtes. Je pense qu'en termes
généraux vous pouvez évoquer cela, mais vous comprendrez
la nature d'intérêt public de cette entente. C'est la
responsabilité du ministre des Affaires sociales et du CRSSS
d'étaler, au moment où ce sera prêt, au moment où
cet arrimage sera terminé, les résultats positifs auxquels vous
aurez collaboré.
M. Trahan: Je pense qu'on s'est bien compris, M. le ministre,
mais, pour répondre à la question du député de
Laurier, notre degré de satisfaction au niveau de l'entente se situe au
fait, et nous croyons que c'est un précédent très positif
qu'à l'intérieur de certaines ententes des mécanismes
d'équité et de fonctionnement aient été
prévus. Il nous apparaissait tout à fait nécessaire, nous
avons parlé tout à l'heure de l'agent payeur, que cette relation
trop souvent très structurée entre un gouvernement ou un
système parapublic et l'entreprise privée qu'on est porté
à critiquer... nous avions ce défi à relever. Après
de nombreuses heures de négociation, nous avons été en
mesure, avec justement les représentants du ministre, d'établir
une structure de comité de travail, de comité de protection et de
comité d'efficacité qui nous paraît à l'heure
actuelle une bonne base de départ.
Donc, c'est la raison pour laquelle, après cette base de
départ, tenant compte de l'ensemble de la province, il nous est apparu
que les mêmes critères au niveau des temps de réponse
d'urgence, de détresse, de quatre minutes et demie à dix
minutes... Il nous a paru évident qu'il fallait trouver une solution
pour l'ensemble du Québec et que le citoyen qui avait un accident
à Matagami ou à Saint-Prime avait tout autant droit à un
service ambulancier dans des délais raisonnables s'il est dans la rue
dans un état de détresse.
L'époque où on pouvait être ambulancier à
temps partiel n'existe plus et il faut recréer les mêmes
mécanismes d'équité et d'efficacité à
l'échelle provinciale pour trouver des solutions inédites et
constructives, parce qu'effectivement les problèmes à
l'extérieur des grands centres peuvent être différents
mais, en tant que membres de la CSAQ, nous respectons l'autorité de
notre association et nous n'avons le mandat de discuter que d'une région
spécifique. Ce que nous avons suggéré
et ce que notre président nous a suggéré, c'est de
tenter de voir la possibilité d'implanter les mêmes
mécanismes à l'extérieur des grands centres à la
satisfaction des ambulanciers. Il est incroyable qu'on puisse proposer de payer
un tarif de 0,50 $ l'heure à quelqu'un pour qu'il soit disponible pour
faire de l'ambulance. C'est d'un ridicule total. Les solutions sont
peut-être, parmi d'autres, l'instauration d'un tarif horaire de
disponibilité. Mais je ne veux pas m'avancer plus sur ce sujet, je pense
que nous avons fait un effort dans une région administrative et que cet
effort pourra être fait à l'échelle du Québec dans
un effort et un esprit surtout de collaboration.
M. Sirros: Bon, je ne sais pas si j'ai une réponse
à la question initiale, suite à l'intervention du ministre, mais
en tout cas. Est-ce que dans l'entente que vous avez, vous gardez quand
même la relation administrative qui existe entre le CRSSS et votre
association ou les membres de votre association? Finalement, le CRSSS
intervient en termes de "dispatcher", si je comprends bien, et vous maintenez
votre pleine autonomie en termes d'administration de vos propres biens et
ressources, etc., le tout soumis, j'imagine, aux normes de
sécurité ou de je ne sais trop quoi qui sont établies
par...
M. Beaumier (Jean-Louis): Je vais le permettre à M. Lemire
ou à Jean-Pierre.
M. Gravel (Jean-Pierre): Oui, effectivement, le conseil
régional va recevoir tous les appels d'urgence médicale de la
population, va les analyser et, s'il est besoin d'un transport par ambulance,
va répartir, va assigner l'appel au véhicule qui est le plus en
mesure de répondre. Les mécanismes d'implantation de ce
système, nous allons y travailler conjointement avec le conseil
régional à l'intérieur de nos comités et nous
sommes vraiment confiants d'en arriver à instaurer un système
efficace qui ne laisse pas mourir les gens dans la rue. (16 h 30)
Ceci étant dit, nous avons évidemment perdu, c'est
sûr, une partie de notre droit de gérance sur nos entreprises, en
ce sens-là. Par contre, nous retenons aussi, c'est vrai, le droit de
gérance sur notre personnel et sur les choses quotidiennes de la vie
pour un homme d'affaires. Nous avons remis des pouvoirs que nous avions au
conseil régional, mais je crois qu'à l'intérieur de nos
comités, nous pouvons arriver à résoudre les
problèmes d'une façon nouvelle par rapport à ce que nous
connaissions jusqu'à maintenant. Pour ce qui est de Montréal, je
pense que la question, qui était la question d'intérêt
public, était de savoir si les entrepreneurs privés pourront
suffire à la demande. Pourront-ils, par exemple, donner le service qu'on
doit donner au public? Je vous assure que c'est avec la plus grande certitude
que nous nous avançons dans ce projet. Nous sommes certains qu'en
travaillant en collaboration avec le conseil régional, nous allons
pouvoir assurer à la population un service ambulancier meilleur que tout
ce qui a existé jusqu'à maintenant.
M. Sirros: À la page 6, vous parlez d'un système de
régions subventionnées. Pourriez-vous donner plus de
détails ou clarifier un peu ce que cela veut dire, en d'autres mots? Ce
que j'ai compris, à part ça, c'est qu'il y a une...
M. Beaumier (Jean-Louis):
Présentement, les régions à faible quantité
de voyages sont subventionnées à l'intérieur du
ministère des Affaires sociales et cela, depuis 1975 ou 1976. Toutefois,
il y a lieu présentement, à une nouvelle étape, de revoir
les modes de travail et les modalités de fonctionnement de cette
subvention-là. C'est ce qu'on demande. D'accord?
Le Président (M. Rochefort): Ça va?
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II y a une remarque qui nous a été
faite à 40.3 de l'article 106 qui dit: "II est interdit à un
détenteur de permis de service d'ambulance de prendre en charge une
personne dans une zone où un autre service d'ambulance est
subventionné pour ce faire..." La remarque qui nous a été
faite - et mes collègues autour de la table me corrigeront - disait que
ceci pouvait, à un moment donné, créer peut-être un
danger pour la sécurité parce qu'en fait il peut survenir une
urgence dans votre zone désignée et, en étant dans une
autre zone où il y a une urgence, vous ne pouvez répondre
à l'urgence dans votre zone. Est-ce que cela vous crée un
problème?
M. Beaumier (Jean-Louis): II est évident qu'il faut le
diviser en deux, c'est le transport primaire et secondaire. Ce dont vous
parlez, c'est d'un transport primaire. Il serait de très mauvais
goût si, par pur hasard, par les circonstances, une ambulance paraissait
sur un lieu d'accident et, vu que la technicité de l'article 106 dont
vous parlez s'appliquerait, qu'elle ne puisse pas prendre en charge le patient;
cela serait de mauvais goût.
Toutefois, il y une autre provision qui dit que, lorsqu'on
procède, sur un lieu d'accident, on est obligé, à ce
moment-là, et c'est ce qui prévaut. Nous, on lit ce paragraphe en
pensant que le ministère ne prend pas de bon goût la concurrence
au gouvernement, c'est-à-dire que, pour les
transports secondaires, il n'aimerait pas qu'une zone
subventionnée qui reçoit déjà des sommes n'utilise
pas cet argent et que nous, qui ne sommes pas subventionnés, nous
allions chercher le patient à l'intérieur des zones
subventionnées.
C'est peut-être un peu technique, vous me paraissez...
Mme Lavoie-Roux: Je ne comprends pas, votre problème
semble être résolu; si vous êtes sûr de ça,
tant mieux pour vous. Vous dites qu'il y a un problème, vous dites que
c'est subventionné par l'intervention d'une autre disposition de la loi
qui n'est pas dans cette loi-ci, je pense, la politique de subventions. Alors,
ce que vous m'avez dit, finalement, c'est que vous autres, vous serez
appelés pour quel type d'urgence?
M. Beaumier (Jean-Louis): Dans les zones subventionnées,
votre question primaire était: S'il y a un accident, est-ce qu'on a le
droit, si on passe sur les lieux, de prendre charge du patient? C'est oui, on a
le droit. Il y a une autre provision à l'intérieur du projet de
loi, au chapitre 42, qui n'est pas dans l'amendement que vous voulez apporter
au nouveau projet de loi. Il y a effectivement une provision pour prendre
charge du patient et lui donner les soins auxquels il s'attend.
Mme Lavoie-Roux: Qui aura préséance
là-dessus?
M. Beaumier (Jean-Louis): Absolument, Mme Lavoie-Roux.
M. Johnson (Anjou): Je peux peut-être donner un
détail là-dessus. La Loi sur la santé publique
prévoit le principe qu'évoque monsieur; ce que la loi vient faire
ici, c'est de prévoir cependant, dans le transport interinstitutionnel,
ce qu'on appelle le transport secondaire, en d'autres termes où c'est
sur demande, ce n'est pas sur appel dans un contexte d'urgence, cet
espèce de transport électif, si je peux me permettre d'utiliser
des termes médicaux par analogie, il est bien évident que, si
l'État subventionne comme il le fait le maintien de service d'ambulance
dans certaines régions où le volume est tel qu'il faut absolument
les subventionner pour les garder là, qu'on va utiliser les
véhicules au maximum à l'intérieur de la région et
en plus de cela permettre au transporteur qui lui n'est pas subventionné
d'entrer dans la zone et charger pour cela. Évidemment, en apparence,
parce qu'on n'a pas le texte de la loi initiale qui est modifié,
ça semble empêcher cela, mais je peux rassurer la
députée de L'Acadie là-dessus.
Mme Lavoie-Roux: C'est seulement pour savoir s'il y avait lieu de
modifier, c'est d'accord, il n'y a pas de problème.
Une autre question, pouvez-vous me dire si, dans la région 6-A,
l'association des ambulances pourra suffire aux besoins aussi
parallèlement ou ensemble, s'il y aura aussi des ambulances appartenant
à l'État?
M. Beaumier (Jean-Louis): ... Trahan qui a travaillé le
dossier, vous allez avoir les réponses.
M. Trahan: II n'y a aucun doute, Mme la députée de
L'Acadie, que quant à nous et c'est une des conditions fondamentales et
c'est la raison pour laquelle nous demandons que ce projet de loi soit
amendé pour inclure le mot "tout", que les seules entreprises
qualifiées pour faire des transports ambulanciers dans la région
6-A sont les transporteurs ambulanciers et personne d'autre. Ça nous
apparaît une évidence et c'est la raison pour laquelle nous
demandons avec autant d'insistance que le mot "tout" soit inscrit à
l'intérieur du projet de loi. Nous sommes convaincus qu'effectivement
nous pourrons remplir la demande et nous avons créé des
mécanismes justement pour augmenter le nombre de permis d'ambulance si
c'est nécessaire de le faire.
Mme Lavoie-Roux: Vous désirez répondre à
tous les besoins.
M. Trahan: II nous apparaît évident, vous savez, que
le seul métier où ça ne prend peut-être pas de
formation pour y arriver, c'est le métier de député et de
ministre. Je le dis avec beaucoup de respect parce qu'on peut être des
n'importe quoi pour arriver à devenir député ou ministre.
Si on est policier, on est policier, si on est ambulancier, on est ambulancier.
Il m'apparaît évident qu'avec les efforts qui ont
été faits dans ce domaine, que le transport ambulancier avec les
conséquences que ça peut avoir sur la santé publique est
un prérogative des ambulanciers.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): C'est cela, on me soulève chez mes
collaborateurs toute la nécessité de rappeler que la
responsabilité à l'égard des services policiers
relève de la Communauté urbaine, non pas du ministre des Affaires
sociales parce qu'il faudrait bien préciser cela et que le projet de loi
à ce sujet ne vient modifier, ni infirmer, ni confirmer quoi que ce soit
à cet effet, et c'est dans le cadre et d'une entente et d'une
collaboration entre les autorités locales et la
Communauté urbaine de Montréal que cela pourra se
régler.
Mme Lavoie-Roux: II y a beaucoup d'arrimages M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Il y a beaucoup d'arrimages, beaucoup
d'arrimages.
M. Johnson (Anjou): Un des vos arrimages.
Je vous remercie...
Le Président (M. Bordeleau): Un instant M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Oui, pardon.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Nelligan vous avez une question?
M. Lincoln: Vous n'avez pas parlé de la CUM et de
l'intégration, de votre perception. Le ministre dit que le projet de loi
ne parlera pas du tout de cela et ce n'est pas mon intention, mais je voulais
voir par rapport à votre mémoire quelle était votre
perception de la coordonnation des services ambulanciers. Par exemple, je
prends la région 6-A comme modèle. Est-ce que, dans votre esprit,
il y avait une contradiction entre votre coordination de services, ceux de la
CUM et les autres services. Par exemple les pompiers dans certaines
régions, qui commencent à donner des services d'urgence
médicale; je sais que, dans la région de Pointe-Claire, il y a un
service qui commence. En fait ils commençaient à essayer de
l'agrandir et de l'adapter à plusieurs municipalités. Comment
est-ce que vous voyez cela? Par rapport aux régions autres que 6-A dans
le futur, est-ce que votre idée était, d'après votre
mémoire, que la CSAQ devienne l'agent coordonnateur, qu'elle ait
à un moment donné fait tout cela dans toutes les
régions?
M. Beaumier (Jean-Louis): Via les
CRSSS Me Trahan et l'équipe de la région ont mis en place
des modalités pour compléter les lacunes qui pourraient s'y
trouver. Vous me parliez de la police de la CUM. Elle a été mise
en place pour compléter un manque qui existait à la
période où elle a été mise en place.
Présentement, avec l'appui du ministère des Affaires sociales et
l'entente avec le CRSSS et le groupe des 18 de Montréal, on a
pallié la chose, à savoir que les ambulances seront à des
points bien spécifiques et envoyées plus rapidement qu'avant pour
répondre aux demandes. Tout est chapeauté par la même
entente. Ils savent où sont les véhicules et ils peuvent vraiment
être plus... ce qui manquait antérieurement. M. Lemire auriez-vous
quelque chose à ajouter à cela? Ou
Jean-Pierre?
M. Gravel (Jean-Pierre): Je crois que, pour être efficace,
le système doit être coordonné par un seul groupe.
C'était l'idée de la modification à la loi et je crois que
faire intervenir des groupes différents, surtout à ce moment-ci
de l'implantation du système, serait assez malheureux.
Je crois que des initiatives locales seraient un peu
prématurées à ce moment-ci. Peut-être plus tard, une
fois que le système aura été implanté, les
localités - vous avez mentionné Pointe-Claire - seront-elles
satisfaites des services déjà offerts et ne désireront pas
augmenter leur fardeau fiscal en implantant des services additionnels.
Cependant, je suppose que, si nous ne réussissons pas à
relever le défi, ce genre de projet pourrait probablement pallier le
manque de ce que nous pourrons faire. C'est le "partnership" que nous
commençons maintenant avec le conseil régional; nous allons voir
si ça fonctionne, nous allons y mettre tous nos efforts et nous sommes
certains que le conseil régional va aussi nous donner les moyens
d'agir.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
M. Beaumier (Jean-Louis): M. le Président, Me Trahan
voudrait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. Beaumier.
M. Trahan: Je pense que nous comprenons tous que pour instaurer
ce système-là, il y aura une période de rodage et qu'on
pourra l'établir d'une façon concrète avec le temps, avec
la collaboration du CRSSS.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, messieurs
de la Corporation des ambulanciers du Québec, de vous être
présentés devant la commission.
Une voix: Merci, messieurs. M. Johnson (Anjou): ... Mme
Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): J'appelle maintenant le
Comité de liaison des handicapés physiques du Québec au
cas où ils seraient là. On m'a dit qu'ils ne seraient
probablement pas là. Je veux m'assurer qu'on ne passe par-dessus
personne. Ils ne sont pas là.
M. Johnson (Anjou): Prochain groupe. Le Président (M.
Bordeleau): Le
prochain groupe, alors, l'Association des centres de services sociaux du
Québec.
J'imagine que le porte-parole est M. Georges Robitaille.
M. Robitaille (Georges): C'est exact, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez
présenter les personnes qui sont avec vous et présenter votre
mémoire.
Association des centres de service sociaux du
Québec
M. Robitaille: Je vous remercie beaucoup, M. le
Président.
Il me fait plaisir de vous présenter la délégation
de l'Association des centres de services sociaux du Québec. À ma
gauche, Mme Berthe Michaud, qui est membre du conseil d'administration de
l'association et qui est directrice des services sociaux en institutions au CSS
Montréal métropolitain. À la gauche de Mme Michaud, M.
Marc Sénéchal, également membre du conseil
d'administration de l'association et directeur général du CSS
l'Outaouais. À ma droite, M. Jean-Guy Beaulieu, directeur
général de l'association, et, à la droite de M. Beaulieu,
M. Jean Beaudry, directeur du service conseil en gestion à l'Association
des centres de services sociaux. Quant à moi, je suis le
président du conseil d'administration de l'Association des centres de
services sociaux du Québec et directeur général de
Centraide Québec.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de
la commission, il me fait plaisir, au nom de l'association, de vous
présenter ce bref mémoire sur le projet de loi no 27.
Essentiellement, nos commentaires porteront sur les modifications
proposées à la Loi sur les services de santé et les
services sociaux.
Le Président (M. Bordeleau): Avant de commencer votre
mémoire, pensez-vous que vous pourriez nous résumer certains
points? (16 h 45)
M. Robitaille: Je pense être capable de respecter pas mal
le temps normal des présentations, M. le Président, 20 à
25 minutes maximum, puis...
Le Président (M. Bordeleau): On peut tenter de rentrer
dans les délais...
M. Robitaille: ... certains raccourcis...
Le Président (M. Bordeleau): d'accord.
M. Robitaille: Déjà dans l'introduction, vous voyez
j'ai sauté un paragraphe en vous précisant nos intentions.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous invite à
continuer comme ça.
M. Robitaille: Je vais essayer de garder l'essentiel
malgré tout. Les modifications contenues dans le projet de loi 27,
étant inspirées me semble-t-il, par une volonté
d'articuler une forme de décentralisation des responsabilités et
des pouvoirs correspondant au niveau des conseils régionaux, ont pour
effet une réduction de l'autonomie des établissements. Il nous
appert opportun de souligner deux principes fondamentaux qui devraient
présider à toute décentralisation véritable et
à travers lesquelles nous élaborerons les énoncés
de la position de notre association.
Rappelons à cet effet que nous énoncions
déjà ces deux principes lors d'une position sur la politique de
décentralisation présentée au ministère en 1980.
Soit la reconnaissance de la capacité des collectivités locales
ou régionales par le biais des institutions dont elles se sont
dotées, de définir leurs besoins et de produire leurs propres
services. Deuxièmement, la reconnaissance du droit à la
différence d'un groupe ou d'une communauté à
l'égard d'une autre dans le respect du principe de l'universalité
des soins et services. Ce sont là les deux principes qui ont
guidé notre réflexion. Bien que le projet de loi no 27
reconnaisse des responsabilités à chacun des partenaires du
réseau des Affaires sociales, il introduit des modifications importantes
qui auront pour effet, si elles sont retenues, de modifier
considérablement la dynamique actuelle du réseau. En effet, en
déplaçant certains pouvoirs du gouvernement et des
établissements vers le ministre ou vers les conseils régionaux de
la santé et des services sociaux et, en s'inspirant d'une volonté
claire de redresser certaines lacunes du réseau des Affaires sociales,
le projet de loi no 27 pose comme objectif primordial de faire d'un
réseau actuel d'établissement, un réseau de services. Les
centres de services sociaux partagent l'objectif que semble poursuivre le
projet de loi no 27. Ils entendent mettre toute l'énergie dont ils
disposent afin de concourir à sa réalisation. Toutefois, et en
fonction de la logique même de cette adhésion, il nous
apparaît essentiel d'indiquer que la réalisation d'un tel
réseau de services ne saurait être atteinte sans une concertation
effective avec les établissements. Malheureusement, le projet de loi no
27 est aussi muet au sujet de la concertation qu'il est éloquent au
sujet du transfert de responsabilité et de la diminution de l'autonomie
des établissements. Nous voulons croire que le législateur saura
promouvoir et même forcer cette concertation essentielle à la
réalisation d'un
tel projet. C'est donc dans cet esprit que nous avons analysé le
projet de loi et que nous vous proposerons certaines modifications.
Parlons maintenant des rôles, fonctions ou objets de
décision au niveau du gouvernement et du ministre.
Le projet de loi confirme, bien sûr, la responsabilité du
gouvernement de déterminer les objectifs généraux et les
grandes priorités d'action dans le secteur des affaires sociales.
Cependant, bien que nous soyons d'avis que le gouvernement se doive d'assumer
ce niveau de responsabilités, nous nous opposons au caractère
discrétionnaire du pouvoir de décision que le projet de loi
s'apprête à conférer au ministre, particulièrement
en ce qui concerne, d'une part, la fusion des établissements et, d'autre
part, les modifications de catégorie, classe, type ou capacité
indiquées au permis des établissements.
En effet, la législation actuelle, de même que le projet de
loi no 27, reconnaissent, non seulement le droit, mais la responsabilité
de la population à l'identification de ses besoins et à
l'articulation de la réponse de service qui doit y être
apportée. Or, l'ensemble des établissements constitue l'un des
moyens privilégiés à travers lesquels la population, par
sa participation, s'assure de l'adéquation entre les besoins qu'elle
exprime et la réponse qui y est apportée.
En conséquence, reconnaître au ministre le pouvoir
discrétionnaire de procéder à des fusions
d'établissements irait à l'encontre de l'un des principes que
nous énoncions au début de cet exposé et enlèverait
à la population via les conseils d'administration toute
possibilité de contrôle sur l'existence même des
établissements. Quant à nous, comme on confie à la
population une responsabilité sur la gestion opérationnelle des
établissements, il nous apparaît nécessaire de lui
reconnaître également une responsabilité au niveau de leur
existence même.
Il en va de même pour le pouvoir discrétionnaire du
ministre de modifier les permis d'exploitation des établissements. En
effet, procéder à un changement de catégorie, de classe,
type ou capacité d'un établissement peut facilement constituer
une modification de la raison d'être de ce même
établissement. Aux fins d'illustration, mentionnons la transformation
d'un centre d'accueil en centre hospitalier.
Pour ces raisons, l'association recommande que les pouvoirs du ministre
concernant les fusions et les modifications de permis soient assortis des
mécanismes suivants: 1) l'obligation du ministre d'entendre le ou les
établissements concernés avant de prendre sa décision; 2)
que les décisions du ministre soient sujettes à un appel
auprès de la commission des affaires sociales. Le tout en
étendant en cas de fusion et de modification de permis les recours tels
que prévus aux articles 147 et 148.
Un autre aspect important de notre interrogation porte sur les pouvoirs
de réglementation. Dans le réseau des affaires sociales, le
gouvernement, les CRSSS et les établissements constituent les trois
principaux types d'intervenants à l'intérieur desquels se
retrouvent, sous une forme ou une autre, les éléments
représentatifs de la population. Or, dans la mesure où l'exercice
des responsabilités doit s'effectuer selon les paramètres de la
décentralisation, il devient nécessaire d'aménager le
partage des pouvoirs correspondants, en respectant une relative autonomie de
chacun des intervenants.
À cet effet, l'examen du projet de loi 27, nous permet de
constater la volonté du gouvernement de reconnaître un pouvoir
décisionnel accru au CRSSS sous réserve des commentaires que nous
exprimerons plus loin; nous partageons cette volonté que les CRSSS se
voient investis d'un pouvoir plus grand, susceptible de permettre une meilleure
rentabilité des investissements régionaux.
Toutefois, nous nous interrogeons sur le sort que le projet de loi no 27
s'apprête à faire des pouvoirs jusqu'alors reconnus aux
établissements dans l'exercice de leurs responsabilités. Ce qui
donnerait au gouvernement ou aux ministres le pouvoir de gérer les
établissements comme s'il s'agissait de son ministère. La loi,
par ailleurs, confirme l'existence des conseils d'administration et le pouvoir
de règlement confirme, d'autre part, la mainmise sur les plans
d'organisation, l'approbation des budgets, etc. Je saute une page.
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, c'est ça le pouvoir de
gérer là... est-ce que vous avez ajouté ça ou c'est
dans votre mémoire?
M. Robitaille: Je l'ai ajouté M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Ah bon, d'accord.
M. Robitaille: Alors, je passe à la page 11. Je ne ferai
pas l'énumération des pouvoirs de règlement que vous
connaissez dans la loi et ceux qui sont ajoutés. Il n'est sans doute pas
nécessaire d'expliciter d'avantage. Qu'il suffise de souligner que ces
pouvoirs de réglementation ont pour effet de reconnaître au
gouvernement le pouvoir de régir directement les moyens
opérationnels dont peut disposer un établissement dans
l'accomplissement de ses missions spécifiques. De tels pouvoirs de
réglementation, s'ils étaient sanctionnés, auraient pour
effet de réduire la responsabilité des établissements
à
un simple rôle d'exécution ne disposant plus de la marge de
manoeuvre nécessaire à toute initiative de rentabilisation et de
rationalisation des investissements locaux.
Nous recommandons donc que soit modifié le projet de loi no 27,
afin que soient maintenues les dispositions actuelles de l'article 154,
reconnaissant l'établissement des pouvoirs nécessaires à
la sélection, la nomination et la détermination des conditions de
travail autre que la rémunération, pour tout le personnel, le
gouvernement conservant le pouvoir d'établir les règles qui
doivent être suivies pour la sélection, la nomination et la
rémunération des directeurs généraux et des cadres
supérieurs.
Recommandation 3: que soit maintenu, aux établissements dans le
respect des normes minimales édictées par le gouvernement, le
pouvoir de déterminer et de mettre en place le plan d'organisation
pertinent à la responsabilité de service.
Recommandation 4: que l'article 94 paragraphe m alinéa 3i soit
modifié afin que soit maintenu le principe actuel du budget global et
que les dépenses admissibles au financement par le ministère,
soient identifiées sur une base d'établissement et non pas sur
une base des activités.
Recommandation 5: que l'article 94 paragraphe o soit modifié afin
que soit reconnu, au ministre, le pouvoir de nommer un vérificateur
seulement lorsque l'établissement néglige de le faire.
Recommandation 6: que l'article 94 paragraphe s soit modifié afin
que sa portée soit explicitement limitée aux examens
diagnostiques qui requièrent les services d'un laboratoire, ou
l'utilisation d'équipement spécialisé et
ultra-spécialisé.
Passons maintenant aux rôles, fonctions, objets de décision
du conseil régional et sa composition.
L'article no 38 du projet de loi no 27 confie aux CRSSS les fonctions
exclusives d'établir, d'administrer, de fournir et de regrouper des
programmes d'approvisionnement de biens et de services communs aux
établissements. En accord avec cette expression de
décentralisation, nous sommes cependant d'avis que doit être
clarifiée l'ambiguïté du terme "biens et services".
Nous recommandons donc que l'article no 38 soit modifié afin que
l'expression "biens et services" soit entendue dans le sens de "biens et
services administratifs", afin que tout service professionnel relié
directement à l'accomplissement de la mission spécifique de
l'établissement soit explicitement exclu du champ de
responsabilité des CRSSS, stipulé à l'article no 38, sans
réserve des pouvoirs que nous voudrions voir assumés par les
conseils régionaux, concernant nos recommandations 10 et 11 qui vont
venir plus tard.
L'article 39 du projet de loi no 27 introduit une nouvelle classe de
CRSSS, c'est-à-dire le CRSSS désigné. Bien que nous
partagions les préoccupations d'efficacité et de souplesse
qu'exige la continuelle adaptation du réseau des affaires sociales, il
nous apparaît aussi important que soient introduites les garanties
minimales de sa stabilité.
Nous admettons qu'il puisse se présenter dans une région
ou l'autre une situation telle que le conseil régional soit
appelé à assumer les fonctions décrites à l'article
39 du projet de loi et qui en fait, dans ce cas, un conseil régional
désigné. Nous pensons toutefois qu'une telle disposition
législative devrait avoir un caractère d'exception et constituer
une mesure extraordinaire si la concertation n'a pas apporté les
résultats nécessaires à une réponse adéquate
aux besoins des clientèles. En d'autres termes, nous croyons qu'il faut
d'abord et avant tout maintenir et mettre de l'avant le préjugé
favorable à l'effet qu'il est possible que les établissements
puissent se concerter efficacement, s'ajuster aux besoins d'une région
et constituer un réseau complémentaire. C'est uniquement
lorsqu'une telle dynamique ne peut s'actualiser et produire des
résultats escomptés qu'une mesure d'exception devrait être
envisagée. Conséquemment, il nous semble que la formulation
actuelle du projet de loi concernant un conseil régional
désigné est trop large et laisse trop de place à la
possibilité de décisions arbitraires. Nous croyons donc qu'il
s'impose que soient prévues dans la loi même des balises qui
encadrent le processus qui conduirait à la décision d'une telle
mesure. De plus, il peut arriver que la situation régionale qui
conduirait à la désignation ne justifie pas que celle-ci porte
sur tous les domaines contenus dans cet article. Il faudrait donc
prévoir la possibilité d'être davantage discriminant et
spécifique à cet égard.
La recommandation 8: Que soit modifié donc l'article 39 afin que
soient précisées les conditions en vertu desquelles un CRSSS peut
être désigné par règlement et que ces conditions
expriment le caractère exceptionnel d'un tel règlement;
qu'à cet effet il soit prévu qu'un CRSSS ne puisse être
désigné que pour une durée limitée et que la ou les
fonctions objets de la désignation soient explicitement indiquées
dans le règlement.
De façon complémentaire à ces moyens exceptionnels,
nous croyons qu'il est tout aussi important d'améliorer le
système actuel d'admission, surtout en ce qui concerne les adultes et
les personnes âgées. De telles améliorations pourraient
justement, pour une bonne part, éviter que nous soyons contraints
d'avoir recours à des actions exceptionnelles. Nous nous permettons donc
de souligner quelques lacunes de la réglementation
actuelle qui, à notre avis, empêchent le réseau des
établissements d'être aussi performant qu'il devrait
l'être.
Actuellement, selon les termes de la loi, les CHSP, les centres
hospitaliers de soins prolongés d'une région ne sont pas tenus de
fonctionner en concertation et complémentarité, chacun pouvant
établir son propre comité d'admission, fonctionner en vase clos
et recevoir des demandes d'admission de toutes instances.
Or, étant donné la nature même des besoins des
clientèles adultes et des personnes âgées et le peu de
frontières qui existent dans de nombreux cas entre des
bénéficiaires de centres d'accueil d'hébergement et de
centres hospitaliers de soins prolongés, nous pensons qu'il est
primordial que soit prévu un système d'admission qui regroupe les
trois groupes d'établissements. C'est le sens de la recommandation no
9.
À toutes fins utiles, l'article 343 des règlements
actuels, qui prévoit l'approbation par le ministre des critères
d'admission d'un centre d'accueil, n'a jamais pu être vraiment
opérationnalisé. Nous croyons toutefois qu'il est indispensable
que les critères d'admission soient l'objet d'une évaluation
adéquate en regard de deux variables: les ressources de
l'établissement et son apport spécifique dans un réseau
qui se doit d'être complémentaire. Or, nous pensons que c'est le
conseil régional via ces mécanismes de concertation qui est le
plus en mesure d'assurer cette fonction d'évaluation et d'approbation
des critères d'admission des établissements de sa
région.
Nous recommandons donc que le pouvoir d'approbation des critères
d'admission des centres hospitaliers de soins prolongés, des centres
d'accueil soit décentralisé dans les conseils régionaux et
que cette responsabilité s'ajoute aux fonctions déjà
identifiées à l'article 38. (17 heures)
Même dans la meilleure des situations où s'exercerait une
complémentarité idéale du réseau en termes de
critères d'admission et de programmes d'hébergement, il se
trouvera toujours des cas particuliers litigieux qui ne correspondront pas aux
critères d'admission des établissements. Il devient alors
très difficile, sinon impossible, de placer ces
bénéficiaires, chacun des établissements se retranchant
derrière ses critères d'admission et le contenu de ses
programmes. Nous pensons donc qu'il s'impose d'avoir, concernant les adultes et
les personnes âgées, une instance décisionnelle qui
possède un pouvoir semblable à celui que possède le
directeur de la protection de la jeunesse pour les enfants qui se retrouvent
dans de telles situations et que cette autorité puisse s'exercer
à l'égard de toutes les catégories
d'établissements. Le conseil régional nous semble là
encore l'instance à privilégier pour assumer cette
responsabilité.
Nous recommandons donc - c'est la recommandation no 11 - que le conseil
régional de la santé et des services sociaux ait le pouvoir de
décision finale et que cette responsabilité s'ajoute aux
fonctions déjà identifiées à l'article 38 dans les
situations où les comités d'admission s'avèrent incapables
d'admettre les cas litigieux parce qu'ils ne correspondent pas aux
critères d'admission des établissements.
Revenons aux dispositions applicables aux CRSSS désignées
à l'article 39 du projet de loi, aux articles 18.1,1° et 18.2,1°
qui s'y retrouvent et qui nécessitent à notre avis des
ajustements. En effet, il faudra éviter que le contexte de
fonctionnement particulier qui résultera de la désignation d'un
conseil régional ne se traduise par une situation telle que les
établissements aient tendance à se retrancher derrière une
attitude passive en attente des décisions du conseil. Il faudra
éviter également que le conseil régional
désigné adopte un fonctionnement plus ou moins autocratique. Nous
croyons que, dans un tel contexte, la concertation avec les
établissements demeure toujours un élément essentiel de la
dynamique régionale.
En conséquence, nous recommandons que soit modifié
l'article 18.1,1° édicté à l'article 39 pour y
inclure, après le mot "établir", "en concertation avec les
établissements de sa région".
Nous croyons également qu'il y aurait lieu d'établir une
concordance entre le nouvel article 18.1,1° et le nouvel article
18.2,1° édictés à l'article 39 du projet de loi
concernant l'exclusion des jeunes pris en charge en vertu de la Loi sur la
protection de la jeunesse.
Donc, que l'exception faite à l'article 18.1,1 concernant les
jeunes pris en charge par la Loi sur la protection de la jeunesse soit incluse
à l'article 18.2.
Composition du conseil d'administration du CRSSS. L'article 41 du projet
de loi modifie considérablement la composition du conseil
d'administration du CRSSS. Nous tenons à souligner, en particulier,
notre plein accord avec l'addition d'une représentation par les
organismes bénévoles de la région oeuvrant dans le domaine
de la santé et des services sociaux et reconnus à cette fin par
le CRSSS.
Cependant, bien que nous partagions l'objectif de réduire le
nombre de membres du conseil d'administration, nous nous devons d'en examiner
la composition en fonction des responsabilités accrues du CRSSS. En
effet, d'organisme essentiellement consultatif et muni d'un pouvoir de
recommandation, le CRSSS sera investi de responsabilités et de pouvoirs
décisionnels au niveau de la livraison même des services à
la population, ce qui n'aura certainement pas pour effet de
réduire la complexité de la tâche que devra assumer
le conseil d'administration. Compte tenu de ces nouvelles
responsabilités, il nous semble important que le conseil
d'administration du CRSSS puisse bénéficier d'un apport accru des
établissements.
En conséquence, nous recommandons que la représentation de
chacune des catégories d'établissement soit formée de deux
membres dont l'un des membres ne devra pas occuper d'emploi ni exercer sa
profession dans un établissement sauf celui d'administrateur.
En ce qui concerne la composition du conseil d'administration du CRSSS,
nous tenons également à souligner notre désaccord sur le
privilège consenti aux conseils des médecins et dentistes qui,
à l'encontre de toute autre catégorie de professionnels, se
voient confirmés un statut particulier dans la gestion du réseau
régional.
Nous terminons nos commentaires sur les CRSSS en soulignant une
dimension de leur rôle qui se trouve fondamentalement compromise dans les
termes actuels du projet de loi no 27. En effet, les CRSSS assument, comme
étant l'un de leurs rôles majeurs, la responsabilité non
seulement de promouvoir la participation de la population mais aussi de s'en
faire les porte-parole lorsque l'un ou l'autre des établissements ne
remplit pas adéquatement sa mission de service. Or, avec les nouvelles
responsabilités qui peuvent lui être dévolues, soit par
règlement ou par désignation, les CRSSS perdent, du moins dans
ces domaines, l'indépendance nécessaire à toute action de
représentation de la population qui se voudrait investie d'une certaine
crédibilité.
Dans le but de maintenir totalement cette possibilité de recours
de la population ou d'un usager/bénéficiaire insatisfait d'un
service rendu soit par un établissement, soit à la suite d'une
décision du CRSSS et selon la même logique qui avait
présidé à l'octroi de cette responsabilité, nous
proposons, recommandation 15: que le projet de loi no 27 soit modifié
afin qu'il y soit reconnu une direction de la protection des droits des
usagers/bénéficiaires; que cette direction s'articule autour des
mécanismes de réception et de traitement des plaintes
déjà en place dans les CRSSS; qu'il y ait de nommée, dans
chaque CRSSS, une personne qui devra assumer cette tâche de façon
exclusive; que cette personne possède un pouvoir de recommandation et
qu'à cette fin et à sa discrétion elle ait accès
aux conseils d'administration du CRSSS et/ou des établissements de la
région et puisse, le cas échéant, soumettre ses
recommandations au ministre; qu'elle soumette au ministre un rapport annuel de
ses activités, avec copie au CRSSS et aux établissements de la
région.
Passons maintenant aux rôles, fonctions ou objets de
décision des conseils d'administration des établissements.
Étant donné que nous avons, dans le cadre de nos remarques sur le
pouvoir de réglementation du gouvernement, précédemment
indiqué la nécessité de reconnaître aux
établissements un véritable pouvoir de décision sur
l'organisation et le contrôle des ressources mises à leur
disposition aux fins d'exécution du mandat de service qui leur est
confié, nous ferons maintenant porter nos remarques sur la composition
des conseils.
Nous sommes heureux de constater la présence des CSS sur les
conseils d'administration des centres hospitaliers, reconnaissant par là
le rôle joué par les CSS dans chaque région. Le projet de
loi no 27 prévoit une représentation des usagers ou des
bénéficiaires sur les conseils d'administration des centres de
services sociaux, des centres locaux de services communautaires, des centres
d'accueil et des centres hospitaliers de soins prolongés. Étant
donné l'importance de cette représentation et eu égard
à la philosophie de services du réseau des affaires sociales,
nous ne comprenons pas pourquoi les usagers ou les bénéficiaires
sont exclus des conseils d'administration des centres hospitaliers de courte
durée. À notre avis, il serait opportun de modifier l'article 36
du projet de loi afin que la définition du terme "usager" soit
également applicable aux centres hospitaliers de courte durée qui
offrent des soins physiques et psychiatriques et que l'article 57
prévoie la représentation des usagers sur le conseil
d'administration de ces établissements.
Sur un autre plan, nous recommandons que l'article 59 du projet de loi
soit modifié afin que, lorsqu'un centre de services sociaux est
affilié à plusieurs universités, il y ait une seule
personne élue par l'ensemble de ces universités.
Le projet de loi no 27 stipule, à l'article 60, que les mandats
des membres des conseils d'administration seront dorénavant de trois
ans. Nous partageons l'objectif de stabilité qui sous-tend cette
modification. Cependant, le projet de loi ne prévoit pas, à notre
avis, de mécanismes suffisants pour assurer un lien de continuité
adéquat. En effet, en ce qui concerne les centres de services sociaux,
l'échéance des mandats actuels oblige à un remplacement
simultané de tous les membres du conseil, à l'exception des
représentants des usagers.
Nous recommandons que le projet de loi no 27 soit modifié afin
que les élections ou nominations suivant l'entrée en vigueur du
projet de loi se fassent selon les modalités suivantes: que
l'élection ou la nomination des représentants des groupes
socio-économiques, des personnels cliniques et non cliniques, et des
usagers soient tenues ou effectuées lors des années paires.
Je termine maintenant, M. le Président, en attirant votre
attention sur trois
recommandations relatives à la Loi sur l'assurance-maladie et
à la Loi sur la protection de la santé publique. Que l'article 1,
alinéa 3, soit modifié afin que les coûts des examens
diagnostiques demandés par le directeur de la Protection de la jeunesse
auprès d'un professionnel de la santé soient assumés par
la Régie de l'assurance-maladie du Québec et que concordance soit
faite à l'article 86 du chapitre 20 (Loi sur la protection de la
jeunesse).
Recommandation 19: que l'article 19, 2° du projet de loi no 27 soit
modifié afin d'y inclure, aux conditions déterminées par
le gouvernement, les centres de services sociaux.
Et finalement, dernière recommandation, que l'article 42 de la
Loi sur la protection de la santé publique soit modifié afin que
cette disposition s'applique également aux personnes majeures incapables
de donner leur consentement.
Je vous remercie de votre bonne attention et nous sommes prêts
à entendre vos commentaires et questions.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. Robitaille.
M. le ministre, si vous voulez commencer.
M. Johnson (Anjou): M. Robitaille, j'ai pris connaissance de
votre mémoire et je me suis particulièrement concentré sur
l'annexe, avec les recommandations, en écoutant ce que vous aviez
à dire en cours de route. J'ai quelques questions.
Recommandation no 1, à l'égard du pouvoir de fusion, la
notion de mécanismes d'appel auprès de la Commission des affaires
sociales. Je ne vois pas comment vous voyez que la Commission des affaires
sociales devrait entendre, pourquoi la commission devrait entendre une telle
cause?
M. Robitaille: Est-ce que je peux demander à M. Beaulieu
de donner la réponse?
M. Johnson (Anjou): Sûrement. Voulez-vous vous identifier,
s'il vous plaît, pour les fins du journal des Débats?
M. Beaulieu (Jean-Guy): M. le ministre, il ne s'agit pas d'une
invention de notre part. Ce sont des dispositions qui existent à l'heure
actuelle aux articles 147, 148 de la loi...
M. Johnson (Anjou): Mais pour les permis.
M. Beaulieu: Pour des suspensions de permis et des modifications
aux permis. Maintenant, nous autres on pense qu'une fusion ou une modification
de permis comme celle que le projet de loi veut apporter, c'est aussi
important, je pense, qu'une suspension de permis ou une annulation de
permis.
M. Johnson (Anjou): Par contre, je me permettrai de vous dire
que, si l'article 147 permet un tel processus de suspension ou de modification
de permis et l'appel à la Commission des affaires sociales, c'est dans
le cadre de l'application de l'article 146. Or, l'article 146 prévoit
que de telles mesures interviennent, non pas au nom de l'intérêt
public au sens large et d'une vision, par exemple, de réseau de
services, mais bel et bien quand l'établissement a commis une infraction
en vertu de la loi ou du règlement et ne remplit pas les conditions
requises pour obtenir le permis, ou est insolvable ou sur le point de
l'être, ou ne peut assurer les services de santé. Ce qui est
très différent, c'est-à-dire que le contexte dans lequel
on permet cet appel, c'est qu'il y a une espèce de nature de sanction de
la part... La suspension du permis est de la nature d'une sanction, alors que
la fusion, au contraire, implicitement vise un objectif d'accroissement ou de
modification du type de service donné à la population; ce qui est
très différent. C'est pour cela que je vous demandais si vous
pensiez que c'était nécessaire que cela aille devant la
commission.
M. Beaulieu: Nous sommes d'accord, M. le ministre, qu'il ne
s'agit pas d'une situation qui est identique, sauf qu'on dit que le
mécanisme n'est pas nouveau. Pour la situation qui est prévue au
projet de loi, on considère que ce serait aussi important, pour des
fusions d'établissements, d'avoir un mécanisme semblable.
M. Johnson (Anjou): Je me permets de vous répondre ceci.
Je pense que c'est important au niveau de notre perception de ce qu'est le
rôle du gouvernement, de ce que sera le rôle des
établissements et de la Commission des affaires sociales. C'est que,
dans la mesure où il y a un caractère de sanction à une
mesure prise par le gouvernement ou le ministre en vertu de la loi, il ne
m'apparaît pas anormal de prévoir différents
mécanismes d'appel au niveau du pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire
que sont ces tribunaux administratifs, telle la Commission des affaires
sociales. Mais, lorsqu'il s'agit d'une décision de nature administrative
et de services à la population, en toute déférence
à l'égard de la commission, je pense que ça ne regarde pas
les tribunaux administratifs, étant donné qu'il n'y a pas de
caractère de sanction.
Sur la recommandation no 2...
M. Beaulieu: On aurait peut-être un autre commentaire.
M. Johnson (Anjou): Voulez-vous vous identifier, s'il vous
plaît?
M. Beaudry (Jean): Jean Beaudry. Peut-être qu'il serait bon
d'indiquer finalement l'esprit avec lequel on l'a regardé par rapport
à la loi actuelle. Le législateur qui a
légiféré au niveau de la loi S-5 a prévu les
fusions comme étant une démarche tellement exceptionnelle qu'il a
prévu aussi que, pour l'effectuer, ça prendrait le consentement
de l'établissement.
On comprend que cette mesure-là pouvait créer une forme
d'immobilisme, à un moment donné, dans certaines situations.
Alors, on se dit en accord avec le pouvoir discrétionnaire du ministre,
dans la mesure où il y a aussi certaines balises, pour faire en sorte
que les parties intéressées immédiatement puissent se
faire entendre. Lorsqu'on se réfère au mécanisme d'appel
des articles 146 et 147, comme le disait M. Beaulieu, ce n'est pas une
référence systématique, mais c'est beaucoup plus dans
l'esprit de permettre aux gens qui sont concernés ou au conseil
d'administration des établissements concernés d'avoir droit au
chapitre avant qu'une décision devienne effective, ce qui
n'enlève pas le caractère exécutif, si vous voulez, du
ministre. Une fois que l'appel a été entendu sous une forme ou
sous une autre, dans la mesure où c'est confirmé, la
décision du ministre peut s'exécuter.
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'on aura pas un long débat
en droit administratif là-dessus. Je vous rappellerai simplement que,
dans la mesure où cela a un caractère pénal ou de
sanction, il m'apparaît normal qu'un tribunal administratif l'entende.
Dans la mesure où cela n'en a pas, je pense que cela ne regarde pas les
tribunaux administratifs. Que le ministre, cependant, au sens de la loi, soit
astreint à certaines formes de consultation, d'audition des parties,
ça, c'est une autre chose mais la décision, ultimement, est une
décision politique. La raison historique de ça, je vous la dirai
rapidement, ce n'est pas compliqué, c'est à l'époque
où le chapitre 48 a été adopté en 1971, une bonne
partie de ces établissements n'étaient pas financés par
l'État. Or, aujourd'hui essentiellement, à ce que je sache, le
CSS n'a pas d'autres sources de revenus que l'État de façon
essentielle sauf quelques contributions particulières. (17 h 15)
Par ailleurs, le CSS est non seulement encadré, il est
noyé dans le papier et dans le normatisme qui est
déterminé par l'État en vertu du pouvoir
réglementaire. Il s'est perpétué des notions qui ne font
plus partie de la réalité.
Quant aux conditions des cadres, si je comprends bien, vous
suggérez carrément qu'on retire les dispositions à la loi
quant aux...
M. Beaulieu: Aux dispositions actuelles de la loi.
M. Johnson (Anjou): Au statu quo, oui, c'est ça.
Recommandation numéro 3, je pourrais vous demander pourquoi?
M. Beaulieu: Parce qu'on considère que c'était
déjà allé assez loin et suffisant pour laisser une
autonomie de gestion aux établissements.
M. Johnson (Anjou): Recommandation numéro 3: il y ici le
même type de problème qui se pose. Que soit maintenu aux
établissements, dans le respect des normes minimales
édictées par le gouvernement, le pouvoir de déterminer et
de mettre en place un plan d'organisation pertinent à la
responsabilité de services. En d'autres termes, la notion de plan
d'organisation, à vos yeux, ne doit pas correspondre à une
responsabilisation de l'État et à une responsabilisation du
pouvoir politique mais bel et bien, le pouvoir politique doit élaborer
des espèces de grandes normes et, c'est localement qu'on le fait, c'est
ça? Et vous comprendrez pourquoi je ne suis pas d'accord.
M. Beaulieu: Oui, on peut comprendre, sauf qu'on peut vous dire
pourquoi on ne l'est pas non plus. Au niveau du plan d'organisation comme du
budget, comme on en a parlé tout à l'heure, on considère
que c'est un des leviers principaux, la commande d'une gestion. Comme vous
dites, il peut y avoir des normes qui sont fixées à un moment
donné, il peut y avoir des méthodes d'approbation mais, à
un moment donné, qu'elles soient édictées
complètement d'en haut eh bien, vous comprenez.
M. Johnson (Anjou): On se comprend peut-être plus qu'on en
a l'air.
Bon, 6, 7. Recommandation 7: le rôle des CRSSS. Je ne sais plus
vraiment dans quelle charge de cavalerie vous installer, ça
dépend des sujets. Vous êtes pour ou contre les CRSSS parce que
c'est rendu qu'on demande ça aux gens avant qu'ils viennent s'asseoir
à la table ici.
Si je comprends bien, à l'égard des CRSSS, je ne voudrais
pas caricaturer votre mémoire, bien au contraire, vous dites finalement,
tous les mécanismes d'admission - c'est ce que je crois comprendre - qui
impliquent les aspects multiples du système devraient, disons le mot,
centraliser au CRSSS, que les critères à cet égard
devraient être élaborés par le CRSSS.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, si vous voulez vous
identifier d'abord.
M. Sénéchal (Marc): Marc Sénéchal. Ce
qu'on dit ici, c'est que le pouvoir d'adopter les critères d'admission
des établissements pourrait rester au niveau des CRSSS. On leur
reconnaît là une compétence d'une certaine
complémentarité au niveau régional. Donc, au lieu que les
critères d'admission soient adoptés par le ministre, par
règlement, ils pourraient être adoptés au niveau de la
région.
Un autre aspect du système d'admission: les centres hospitaliers
de longue durée ne sont pas présentement dans le système
d'admission relié centre d'accueil-CSS de telle sorte que parfois, le
CSS peut avoir une connaissance des places disponibles, des types et des
catégories de bénéficiaires et il y a par contre, à
côté, qui ne sont pas dans le système, les CHSP. On est
présent au comité d'admission, mais on est un et on voudrait
essayer d'avoir un système où il y a une
complémentarité très ténue entre centre d'accueil,
CSS et CHSP.
D'un autre côté, où on voudrait donner un pouvoir au
CRSSS dans la région, c'est lorsqu'il s'agit de cas litigieux. Les cas
litigieux, pour nous, sont des cas qui tombent entre deux ou trois
établissements. D'une part, à cause des critères
d'admission qui sont présentement acceptés par le gouvernement et
à cause également de la difficulté que cause le type de
clientèle, on se dit: Est-ce que c'est un client pour un centre
d'accueil, qu'on appelle en jargon A4? Est-ce que c'est un cas, par contre, qui
n'a pas besoin de soin physique, donc qui n'a pas besoin d'aller dans un centre
hospitalier? Par contre, si la personne souffre un peu de
sénilité, on se dit: Est-ce qu'elle est psychiatrique ou pas? De
telle façon qu'on se renvoie la balle et que la personne reste là
sans que vraiment une instance puisse décider. C'est assez, il faut
qu'elle entre quelque part. Ce sera soit le centre hospitalier de longue
durée, soit le CH psychiatrique ou le centre d'accueil. Et on se dit que
dans la région c'est peut-être le CRSSS qui est le mieux
placé pour le faire. Et on lui reconnaît cette instance pour
régler les cas difficiles, les cas qui se retrouvent entre deux ou trois
établissements.
M. Johnson (Anjou): D'accord. Je prends bonne note de cette
préoccupation qui est une traduction très concrète de ce
qu'on appelle le réseau de services. Si je comprends bien, votre
position est inspirée du citoyen qui subit tout ça plutôt
que des structures dispensatrices.
M. Sénéchal: À cet effet-là, on est
pour le CRSSS, on ne "charge pas contre".
M. Johnson (Anjou): Vous "chargez contre" sur autre chose.
Composition du conseil d'administration du CRSSS. C'est quelle recommandation
déjà?
M. Sénéchal: La recommandation 14. M. Johnson
(Anjou): Pourquoi...
Le Président (M. Bordeleau): Mme
Michaud.
Mme Michaud (Berthe): M. le Président, je pense que dans
notre recommandation il y a d'abord le souci d'assurer une présence plus
importante, une contribution plus importante des établissements aux
travaux du conseil régional. Les pouvoirs accrus du conseil
régional impliquent que le travail de son conseil d'administration sera
sûrement plus complexe qu'auparavant et qu'il va exiger la connaissance
d'un nombre plus grand de dossiers avec des implications plus variées.
Nous croyons que si les seules personnes qui sont liées, qui sont
actives dans le réseau des affaires sociales à plein temps
à ce conseil d'administration sont le directeur du conseil
régional et le représentant du Conseil des médecins et
dentistes et que toutes les autres personnes présentent à ce
conseil sont des citoyens intéressés à la question mais
qui ne peuvent pas consacrer la majeure partie de leur temps à
l'étude des dossiers, nous croyons qu'il y aurait à ce
moment-là une sous-représentation de tout l'acquis professionnel
que les établissements pourraient apporter à l'administration du
conseil régional.
Autrement dit, nous voulons deux membres pour que les points de vue des
établissements soient mieux représentés; et nous croyons
qu'un des deux membres pourrait être un professionnel ou un
employé d'un établissement qui, dans sa pratique quotidienne, est
à l'écoute de la clientèle -je voudrais qu'on ait à
leur endroit un préjugé favorable, comme on en réclamait
pour les établissements plus tôt - qui normalement ont à
coeur le bien commun, ont à coeur les intérêts de leur
clientèle et qui, en tout cas dans la plupart des établissements,
n'ont pas des intérêts qui entrent en conflit avec ceux de la
population qu'ils desservent.
Alors, nous ne comprenons pas pourquoi la contribution des
établissement à l'administration du conseil régional sera
réduite comme on le propose dans le projet de loi.
M. Johnson (Anjou): Merci, madame. Je vous remercie pour vos
commentaires au sujet de l'intégration de... à l'article 39, loi
de la protection de la jeunesse, c'est plus mécanique, c'est un peu
implicite dans le cas de 18.2. Ça va, j'ai fait le tour. Je vous
remercie de votre exposé clair.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier l'Association des centres des services sociaux du Québec pour
son mémoire. Il n'y a pas tellement longtemps, j'ai été un
peu sévère à son endroit, je trouve qu'aujourd'hui on nous
présente un mémoire qui est certainement clair - peut-être
que le ministre n'est pas d'accord avec les recommandations - et dans lequel il
y a des recommandations précises, dont certaines sont très
intéressantes, je trouve.
Comme par exemple, je cite celle-là de mémoire parce qu'on
n'a pas le temps, surtout si mes trois collègues ont des questions
à vous poser, les balises que vous mettez autour du conseil
régional désigné pour des fins précises. Mais, je
pense que là, j'ai senti un peu d'agressivité chez le ministre.
Si je vous impute des sentiments que vous n'avez pas, M. le ministre, vous
pourrez me corriger. L'agressivité que j'ai sentie de la part du
ministre à votre endroit, c'est que même si vous le dites fort
discrètement, vous êtes peut-être un des premiers
organismes, quoique je dois dire que l'Association des hôpitaux du
Québec l'a fait aussi avec passablement de vigueur... Vous venez nous
signaler que par l'augmentation importante des pouvoirs qui sont dévolus
aux CRSSS et ce n'est pas... Là je voudrais clarifier une chose, parce
qu'on a un peu badiné autour de la table sur les CRSSS; il n'y a
personne, je pense, même de l'autre côté de la table, en
arrière de l'auditoire, qui veuille remettre en question l'existence des
CRSSS. Je voudrais là-dessus être bien claire. D'ailleurs, vous le
savez, M. le ministre, je vous l'ai dit hier. Mais il reste que ne pas remettre
en question leur existence, c'est une chose différente que de les voir
se substituer aux établissements, de les voir, par les pouvoirs
supplémentaires qu'on leur accorde, finalement modifier sans qu'on le
dise en public... Parce que tout ce qu'on a dit ici, ce sont toujours les
questions qu'on vous pose et forcément comme ça, c'est l'article
1, c'est l'article 2, c'est l'article 4 où finalement, je ne dirais pas
qu'on se perd en détails, c'est important de le faire, on oublie le
problème de fond. Dans la deuxième partie de la loi no 27, si on
peut la diviser en deux parties, on vient modifier la philosophie même
qui a présidé à l'élaboration de la Loi sur les
services sociaux et les services de santé dans le Québec. Vous le
dites, vous autres, d'une façon bien discrète, dans un seul mot,
en première ou en deuxième page, où vous dites que si ces
choses sont retenues - je réduis évidemment certaines indications
- elles modifieront considérablement la dynamique actuelle du
réseau. Je pense que là-dessus, le ministre, qui n'a jamais voulu
aborder ce problème, qui, je le sens, n'a pas l'intention de l'aborder,
n'aime pas qu'on vienne lui dire cela, même si c'est d'une façon
très polie et très subtile. Je ne sais pas si le ministre se rend
compte que ce sera la première fois qu'on donnera aux CRSSS des pouvoirs
de réglementation.
M. Johnson (Anjou): Dans quoi?
Mme Lavoie-Roux: À l'article 31, M. le ministre; jamais
les CRSSS n'ont eu des pouvoirs de réglementation.
M. Johnson (Anjou): À l'article 31.
Mme Lavoie-Roux: À moins que ce ne soit l'article 18, en
haut de l'article 18.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
Mme Lavoie-Roux: L'article 31 qui correspond à 18 dans
le...
M. Johnson (Anjou): L'article 31 de la loi?
Mme Lavoie-Roux: Attendez une minute. L'article 39, paragraphe
18.1: "Un conseil régional désigné par règlement
peut exercer les fonctions suivantes..."
M. Johnson (Anjou): Non, la notion de règlement, c'est par
arrêté en conseil. Un arrêté en conseil peut donner
à un CRSSS le pouvoir d'exercer certaines fonctions. C'est une nuance de
taille, je pense; je comprends ce que voulait dire la députée de
L'Acadie, mais je pense qu'en relisant le texte attentivement, il n'est pas
question de donner un pouvoir de réglementation aux CRSSS. Il est
simplement question de dire, et peut-être que la confusion vient du
mémoire, que c'est par décision du Conseil des ministres qu'un
CRSSS peut exercer certains pouvoirs.
Mme Lavoie-Roux: À tout événement, s'il n'y
a pas un pouvoir de réglementation tel quel, il reste que tous les
pouvoirs qu'on lui donne, qui sont immenses, et hier l'Association des
hôpitaux du Québec nous l'a dit, les fédérations
médicales plus impliquées par la première partie qui
venait toucher à tout le régime syndical que ces gens ont
présentement, si on peut parler d'un régime syndical dans ce cas,
ne se sont peut-être pas tellement attachés à cette
question. Ils l'ont cependant tous soulignée. Il n'y a que le ministre
qui ne la voit pas. (17 h 30)
Je ne sais pas si l'interprétation, en tout cas à certains
égards, que je fais de
votre mémoire est juste. Pourriez-vous expliciter davantage ou
corroborer cette interprétation que j'en fais à savoir que vous
autres non plus, vous n'êtes pas contre les CRSSS? Vous pensez
peut-être qu'ils doivent davantage jouer le rôle de
suppléance dont eux-mêmes nous parlaient hier soir. Là
où vous signalez, dans le cas de la coordination des placements de
bénéficiaires, qu'on ne s'en occupe pas, le CRSSS, à un
moment donné, il faut qu'il ait une autorité qui supplée
à ce manque d'initiative, de volonté, de la part des
établissements. Est-ce que je saisis bien le message que vous nous
transmettez dans votre mémoire?
M. Robitaille: M. le Président, la députée
de L'Acadie a saisi toutes les nuances et les messages que nous voulions
donner. Je dois vous avouer que j'en suis à ma première
commission parlementaire et j'ai l'impression d'être dans l'opposition,
n'étant pas habitué à ce genre de dynamique et ne faisant
pas partie du réseau, je dois gagner ma vie à l'extérieur
du réseau. Par contre, il y a une expérience fort
intéressante de participation à ce niveau, je dois vous
l'avouer.
La première réaction que nous avons eue à nos
tables de travail a été un peu la suivante: on a l'impression
d'un changement profond par rapport à la philosophie, à l'esprit
de la loi, que la loi 27 introduisait une modification profonde, je pense que
vous l'avez bien traduite même si on ne l'a peut-être pas
lancée avec tambours et trompettes autour de la table. Je pense, Mme
Lavoie-Roux, que vous avez bien saisi l'essentiel de notre message.
D'autre part, en ce qui concerne le CRSSS et les balises qu'on propose,
c'est que, lorsqu'on les désigne pour une fonction un peu
spécifique, qu'on leur donne ça dans un contexte précis,
limité dans le temps, limité quant aux objets également et
que ce ne soit pas un jour 14 CRSSS désignés sur tous les objets
de préoccupation du ministère, mais bien que les pouvoirs
spéciaux soient dévolus en fonction de problèmes vraiment
spécifiques à une région. Il ne faudrait pas oublier la
dynamique de la région où il y a sûrement moyen, si le
CRSSS jouait son rôle de leadership, de contenu au plan de la
concertation, d'amener à trouver des solutions
interétablissements.
Il faudra peut-être aussi enlever le mythe que c'est une lutte
d'établissements et que ce sont des grosses structures tout le temps. Je
pense que Mme Michaud a très bien passé le message tout à
l'heure au niveau des professionnels qui oeuvrent dans nos
établissements et qui ont la préoccupation de supporter, d'amener
toutes les ressources disponibles aux gens qui sont, dans le fond, les plus
démunis de notre société. Si on travaille le moindrement
dans ce domaine-là, on réalise qu'il y a des cas qui ne sont pas
faciles et c'est peut-être ça qui est difficile à rendre
comme message.
Je voulais vous dire, madame, que j'apprécie hautement vos
commentaires et que vous avez très bien compris l'esprit de notre
présentation.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, s'il reste du temps
après, je vais donner la parole à mes collègues et je
reviendrai en question supplémentaire. C'est à vous de la
donner.
Le Président (M. Bordeleau): Jusqu'à nouvel ordre,
je vais la donner. À qui? Au premier ou à la première qui
va me la demander. M. le député de Laurier.
M. Sirros: J'aimerais qu'on parle un peu plus de cette
recommandation que vous faites concernant les fusions d'établissements.
Effectivement, dans l'article 79 de la loi, la seule obligation qu'a le
ministre, finalement, c'est de consulter le conseil régional avant de
décider si oui ou non il fusionne des établissements. Il n'y a
rien qui soit dit là par rapport au conseil d'administration de
l'établissement, à la population, etc.
On sait aussi que, dans le domaine des services sociaux, les trois CSS
de la région 6-A ont vécu et vivent peut-être encore une
période difficile en termes d'adaptation et de changement par rapport
à la sectorisation. Est-ce que ce serait un point qui pourrait vous
inquiéter par rapport à ce pouvoir plus ou moins
discrétionnaire du ministre de fusionner des établissements?
M. Robitaille: Si vous me permettez, je vais répondre
à la première partie et inviter quelqu'un d'autre à
répondre à la question plus spécifique du grand 6-A parce
que je ne me sens tellement habilité à porter un jugement
à ce niveau-là.
Ce que l'on craint un peu, c'est ça, quand on parle du pouvoir
arbitraire du ministre. C'est sûr que la loi lui donne le pouvoir de
décider des fusions comme telles et houp! tout est fait. On n'a
peut-être pas choisi le bon mécanisme; on a fait
référence à la Commission des affaires sociales, croyant
par là qu'en extensionnant un peu les éléments il y aurait
tout de même un genre de tribunal d'appel qui pourrait pondérer
des décisions parfois un peu rapides qui pourraient se prendre à
ce niveau-là.
Ce qu'on propose à ce moment-là, c'est que le ministre
développe d'autres mécanismes et, comme première
étape, qu'on implique les établissements concernés dans la
démarche; je pense que c'est un minimum. Deuxièmement, qu'il y
ait un certain consensus, parce qu'il se joue toutes sortes de parties dans le
contexte actuel, et c'est un peu incompréhensible. J'arrive du
Sommet
des personnes handicapées où j'ai rencontré des
administrateurs de centres d'accueil et d'autres groupes, et le ministre pour
la première fois dans un corridor; ça m'a fait plaisir de le
saluer pour la première fois. J'entendais les gens dire: Nous autres,
notre conseil d'administration a passé une résolution pour qu'on
fusionne avec l'autre. Pouf! parti comme ça, tout seul, sans autre
préalable. Je me dis: Quel genre de jeu on va jouer tantôt dans le
réseau? Est-ce qu'on va s'en aller et modifier ce qu'on a
développé, ce qu'on a réussi à mettre en plan et
les acquis du jour au lendemain parce qu'il y en a quelques-uns qui veulent
partir ou s'acquérir des propos? En tout cas, c'est un peu une question
que je me pose d'une façon fondamentale.
Quant à votre deuxième partie sur la région 6-A, si
je reprenais votre question, elle voudrait dire: Est-ce qu'il est question ou
est-ce que l'on craint une fusion des trois CSS de la région? C'est
ça que vous nous posez?
M. Sirros: Plus particulièrement la situation qui existe
aux CSS Ville-Marie et juif.
M. Robitaille: Alors, je vais demander au directeur
général de l'association, M. Beaulieu, de vous donner un
élément de réponse là-dessus.
M. Beaulieu: Je dois vous dire que, lorsqu'on a fait nos
commentaires sur la fusion, on ne pensait pas nécessairement aux CSS
mais qu'on se situait globalement dans ce que vient dire M. Robitaille à
l'endroit de tous les établissements du réseau des affaires
sociales. Et on affirmait qu'une fusion, c'est une décision importante,
parce qu'un conseil d'administration localement représentait la
population et peut-être que la population, elle, voulait avoir une
administration à tel endroit. On trouvait qu'une décision comme
ça, ce n'était pas uniquement une décision administrative
et on pensait qu'il fallait y apporter une forme de mécanisme d'appel.
On en suggère un. Maintenant, comme M. le ministre le dit, il y a
peut-être d'autres façons de le faire.
M. Johnson (Anjou): J'aurais peut-être un bref commentaire
là-dessus. Cela me paraît assez fondamental comme
préoccupation. Je ne sais pas si vous avez lu les journaux de la
région de Québec récemment, ou de la Beauce ou
écouté la radio. Il n'y a pas de pouvoir en ce moment
spécifique. Le ministre des Affaires sociales a annoncé qu'une
décision qui traîne depuis dix ans devrait être prise pour
le bien-être de la population et j'ai cru remarquer qu'ils faisaient
valoir leur point de vue. Et c'est ça qui est important; c'est de
permettre...
Mme Lavoie-Roux: Tous les citoyens ne sont pas de bons
Beaucerons.
M. Johnson (Anjou): Oui, mais je ne peux pas prendre pour acquis
que les citoyens ne s'expriment pas. Les citoyens, ils s'expriment. Il y a des
canaux pour ça, et le rôle des hommes politiques et de
l'Assemblée nationale, c'est peut-être de les respecter. Si le
député de Laurier me le permet, je vais terminer
là-dessus. Non, ce n'est pas en vertu du règlement. La notion de
fusion qu'il faut entourer de certaines balises dont une qui s'appelle
l'intérêt public - c'est dans la loi ça - elle
dérange beaucoup de monde en ce moment. Je comprends que ça
dérange les structures. Cela dérange les structures, ça
dérange les cadres, ça dérange les conseils
d'administration, ça dérange une façon de fonctionner,
c'est bien évident. Cela veut dire changer des habitudes et accepter
qu'on les change. Mais ça, en soi, pour moi, ce ne serait pas une raison
pour donner des pouvoirs parfaitement discrétionnaires au ministre des
Affaires sociales et au gouvernement. C'est pour cela qu'on balise dans la
loi.
Il ne faut pas, non plus, oublier une chose, c'est que les
décisions d'orientation, de planification pour répondre aux
besoins de la population, ce sont des décisions non seulement
assumées, mais également payées par l'ensemble des
citoyens à travers le truchement de notre mode de fonctionnement
démocratique au société. Parfois, j'aurais le goût
de vous demander devant qui vous répondez de vos budgets et de vos
services dans les CSS. Je ne doute pas que vous en répondiez devant le
gouvernement, mais le gouvernement, lui, en répond devant la population.
Et en ce sens-là, je trouve qu'il y a peut-être un discours un peu
trop exagéré quand on parle de ces pouvoirs que, pourtant, on
balise. Il reste qu'on vit dans un système où ceux qui prennent
les décisions sont obligés d'en répondre et on oublie tout
le temps cela dans nos analyses.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Vous pouvez continuer, M. le Président. C'est
peut-être une différence de philosophie, finalement. Il y en a un
qui dit qu'on respecte les populations locales et les établissements,
etc., tout en tenant compte des besoins de répondre à la
population qu'a le gouvernement, effectivement. Mais, quand même, la
seule balise qui existe à l'heure actuelle concernant la fusion est une
consultation par rapport au conseil régional qui ne me semble pas une
énorme balise par rapport à ce genre de geste.
L'intérêt public, c'étaient la décision et
l'interprétation du ministre, à la suite de cette consultation
avec le CRSSS. Il n'y a là aucune autre
consultation. Les lois, selon moi, quand même, devraient
être faites non pas en fonction de la capacité du citoyen à
réagir avec insistance, violence ou quoi que ce soit, mais dans le sens
de permettre une expression libre et une consultation assurée de cette
population. C'est dans ce sens que je trouve personnellement qu'il y a trop
d'insistance mise sur la capacité d'agir de façon plus ou moins
discrétionnaire du ministre et du gouvernement en général,
pas parce que c'est ce gouvernement, mais en général; je pense
qu'on dirait la même chose si on était au pouvoir.
J'aimerais - seulement une deuxième question - vous parler de la
recommandation 4 du Conseil du budget global. Est-ce que je comprends bien que
vous voulez voir éliminer le concept des budgets protégés?
Je ne sais pas à qui je dois poser la question.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Beaudry.
M. Beaudry: Non, il ne s'agit pas de voir éliminer le
concept de budgets protégés qui répondent à des
situations aussi particulières ou à des objectifs particuliers
à un moment donné. C'est de réagir plutôt au
libellé de l'article actuel, qui fait de la décision du ministre
au niveau des budgets une référence aux activités
mêmes de l'établissement et non pas soit sur une base de
programmation ou sur une base plus globale afin de permettre à
l'établissement tout simplement de conserver une marge de manoeuvre
minimale pour rentabiliser les investissements qui y sont faits.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Oui. Ma question porte sur les implications de la
loi 27 pour les services aux minorités. Je parle des minorités
linguistiques, les minorités juives, qui ont un réseau
très efficace d'institutions. Il me semble qu'il y a certains concepts
dans la loi 27, comme le pouvoir de fusion, de réaménagement des
services, le concept de territoires désignés, le système
proposé de représentation aux CRSSS, toute cette philosophie,
tous ces concepts risquent de mettre en danger les services aux
minorités linguistiques. Vous avez proposé le droit d'appel - je
crois que c'est une recommandation positive à cet égard - le
concept de budget global au lieu d'être sur une base de services, mais je
me demande si vous avez des commentaires là-dessus, parce que si le
pouvoir arbitraire est utilisé, on pourrait en arriver à une
situation où on n'aura pas de services pour les minorités
linguistiques. On peut les éliminer complètement.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Robitaille ou quelqu'un d'autre. Mme Michaud? Allez-y!
Mme Michaud: C'est un commentaire qui voudrait peut-être
élargir un peu, si vous me permettez, la question que vous soulevez. Une
des inquiétudes que nous avons exprimées dans notre
mémoire, c'est que des pouvoirs qui sont actuellement au niveau des
établissements leur soient retirés plus ou moins
complètement ou ouvertement, mais soient déplacés pour se
situer maintenant au niveau du CRSSS ou, dans certains cas, même au
niveau du gouvernement. Notre inquiétude, quand on parle de changements
dans la dynamique du réseau, c'est que si, d'une part, il y a une
décentralisation évidente du gouvernement ou du ministère
vers les CRSSS, il y ait par ailleurs un transfert de responsabilités
qui représente pour les établissements une centralisation vers le
CRSSS. C'est peut-être de cette façon que je voudrais
réagir à votre question ou à votre commentaire dans la
mesure où certains établissements répondent à des
clientèles spécifiques d'une façon qui correspond aux
attentes ou aux besoins spécifiques d'une partie de la région ou
d'un groupe de la région. (17 h 45)
Dans la mesure où on centraliserait davantage le pouvoir de
décision au CRSSS, il y a possiblement un danger que les
particularités des sous-groupes soient moins respectées.
C'était le premier principe qu'on rappelait quant à la
décentralisation, au tout début de notre mémoire,
où on disait qu'il fallait accepter un droit à la
différence. Enfin, on le disait autrement: "II faut reconnaître le
droit à la différence d'un groupe ou d'une communauté
à l'égard d'un autre ou d'une autre dans le respect du principe
de l'universalité des soins et des services."
Autrement dit, on reconnaît que certains pouvoirs ou certaines
responsabilités doivent être au niveau d'un gouvernement; d'autres
sont mieux assumés au niveau d'un conseil régional, mais
d'autres, par contre, ne peuvent être bien assumés que par ceux
qui sont vraiment près de la clientèle et de la base. On craint
que, par un déplacement de pouvoirs vers les CRSSS ou vers le
gouvernement, on ne puisse plus répondre d'une façon aussi
adéquate à la multiplicité des besoins et des attentes des
populations.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Si je comprends bien, c'est exactement pourquoi je
vous ai posé la question. Est-ce que vous pensez que les recommandations
contenues dans votre mémoire, si elles sont acceptées par le
gouvernement, assureront l'avenir des
services aux minorités?
Le Président (M. Bordeleau): Madame...
Mme Dougherty: Je me demande si elles vont assez loin.
Peut-être que le ministre a des commentaires à formuler.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous allez
commenter?
Mme Michaud: Peut-être que le ministre pourrait nous faire
une promesse.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): On n'est pas ici pour faire des promesses,
mais on connaît ce problème à l'égard des services
sociaux, notamment sur l'île de Montréal, qui sont divisés,
on le sait, pour des raisons historiques, culturelles et de tolérance
réciproque entre les communautés. À cet égard,
depuis de nombreuses années - je ne parle pas des trois ou quatre
dernières seulement - cela se présente, je pense, comme un
modèle de tolérance.
Il est évident que certaines des dimensions de nature purement
culturelle, qui sont centrales dans l'activité des centres de services
sociaux, si on se met dans la peau des citoyens plutôt que dans la peau
des structures, reflètent la nécessité de la
reconnaissance de cette diversité dans la réalité.
Cependant, entre cela et sa reconnaissance autre qu'administrative, sa
reconnaissance légale, il y a une marge. Il y a une reconnaissance de
fait administrative, budgétaire, depuis de nombreuses années, du
Centre de services sociaux Ville-Marie et du Centre de la communauté
juive, même si on est passé par ce que j'appellerais le
demi-artifice du territoire.
Ceci dit, je ne vois pas pourquoi ces centres qui, théoriquement,
devraient ou pourraient être fusionnés en un seul ne
procéderaient pas au moins, sur le plan administratif, sur le plan
interne, donc, ce qui n'affecte pas le service aux citoyens -parce que c'est au
nom du service aux citoyens qu'il faut reconnaître ce caractère
particulier - ne procéderaient pas à une forme de resserrement
administratif qui leur permettrait peut-être d'être encore plus
efficaces ou, du moins, de maintenir l'efficacité en termes de services
directs aux citoyens par des efforts au niveau des structures. Je n'irai pas
plus loin que cela là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Est-ce que le ministre voit un certain lien possible
entre l'administration d'un établissement et les services qu'il rend, la
qualité et la possibilité d'adapter ces services à des
communautés culturelles, etc.? Est-ce que le ministre voit ce genre de
lien ou si les deux choses, selon lui, sont complètement à part?
N'importe quelle administration peut-elle administrer n'importe quoi?
M. Johnson (Anjou): Je pense que le député de
Laurier est en train de répondre à la question en la posant. La
forme a quelque chose de tellement ironique qu'elle est étonnante. Cela
m'étonne un peu, de la part d'un ancien administrateur du réseau
des affaires sociales. Par ailleurs, il est bien évident que chaque fois
qu'on a affaire à un établissement, quel qu'il soit, dans le
réseau des affaires sociales, il pourra toujours justifier de meilleurs
services aux citoyens, que ce soit un hôpital, un centre de services
sociaux, un CLSC, un centre d'accueil, un centre de réadaptation, de
l'hébergement, un groupe bénévole financé comme les
maisons de femmes pour lesquelles on donne 1 400 000 $ par année. Il
pourra toujours invoquer que, s'il est parfaitement maître et seul
maître d'oeuvre et de ses politiques et de ses services et de son
administration, il donnera de meilleurs services. C'est uneespèce de tautologie absolument merveilleuse qui permet de justifier
absolument aucun changement.
Ceci dit, il est évident que certains aspects de l'administration
peuvent influencer ce que j'appellerais la dynamique des services aux citoyens.
Mais qu'on ne vienne pas me faire croire qu'une liste de paie unique modifie
beaucoup de choses. Qu'on ne vienne pas me faire croire que l'utilisation de
l'informatique modifie beaucoup de choses pour les services à domicile.
Qu'on ne vienne pas me faire croire que l'achat en commun des effaces, des
crayons et du papier modifie les services aux citoyens. En ce sens, je pense
qu'il faut être très empirique.
C'est la dernière remarque que je passerai sur cette
question.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Si vous voulez la
reprendre.
Mme Lavoie-Roux: Peut-être qu'on devrait faire cela en
commission parlementaire, mais ce ne sera pas long. Je voyais dans...
Le Président (M. Bordeleau): Je croyais que vous vouliez
poser une question de règlement pour le ramener à l'ordre, Mme la
députée de L'Acadie. Je vais la prendre.
Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas cela. On est rendu avec une
nouvelle formule. Il ne s'agit plus d'avoir un réseau
d'établissements, il faut un réseau de
services. C'est beau, cela! Mais quand vous regardez ce qu'il y a
derrière cela, est-ce que ce réseau de services va se substituer
totalement à ce qu'on appelle un réseau d'établissements
qui a quand même des caractères propres pour répondre
à des besoins propres. Tout à coup, on tombe dans une nouvelle -
je ne sais pas si on appelle cela de la tautologie aussi, mais en tout cas -
une nouvelle rhétorique.
M. Johnson (Anjou): Redondance.
Mme Lavoie-Roux: Non, c'est une nouvelle rhétorique. Je
pense qu'il faudrait faire bien attention avant d'adopter ce beau slogan: D'un
réseau d'établissements, on passe à un réseau de
services. Tout le monde est pour un réseau de services, mais il ne faut
pas non plus, à partir de ce beau slogan, dire: Les
établissements, eux sont là simplement comme des instruments
absolument physiques. Je pense qu'au-delà de ce qui est physique dans un
établissement, il y a aussi - j'espère - parfois des
philosophies, des caractéristiques propres, des choses qui les
personnifient, qui les identifient, en fonction des besoins des
populations.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Si j'ai bien compris le sens de votre mémoire,
si je puis résumer brièvement, les pouvoirs des
établissements par rapport aux CRSSS, vous voyez certains
éléments de coordination, par exemple, les biens et les services,
ensuite, les admissions, mais que, en pratique, ce sont des sujets. Tout le
reste devrait demeurer statu quo, c'est-à-dire que les
établissements devraient demeurer maîtres de leur propre gestion,
de leurs propres opérations, quitte à ce que les CRSSS fassent la
coordination des admissions et des biens et services. Est-ce que j'ai bien
compris en général?
M. Robitaille: II y a beaucoup de choses dans ce que vous avez
dit.
M. Lincoln: Je réalise cela, mais dans les questions
fondamentales que vous acceptez de passer aux CRSSS comme pouvoirs.
M. Robitaille: C'est-à-dire que les questions
fondamentales, bien sûr, sont toute la question des balises au niveau de
la gestion du ministre. On a dit, tout à l'heure, que quel que soit le
ministre qui soit aux Affaires sociales, ce serait la même
recommandation.
Le transfert des pouvoirs vers le CRSSS, on dit qu'il faut être
prudent. Il faut que cela se fasse aussi avec certaines balises d'autant plus,
comme on a essayé de vous le présenter, qu'à l'inverse, il
y a une délégation. On départit les établissements
de certains pouvoirs de gestion. Or, il y a des conseils d'administration qui
sont là également pour agir et il faut leur laisser une certaine
latitude dans la gestion interne; on craint d'enlever trop finalement et qu'il
ne reste plus rien au niveau interne à faire, sauf d'appliquer les
directives administratives ou les circulaires administratives qui arrivent en
série et qui contrôlent... De toute façon, ils sont
là pour contrôler. On est d'accord sur le contrôle
financier. On est d'accord sur la responsabilité du ministre, par
rapport aux fonds publics. On n'a jamais contesté ces
éléments comme tels.
Au niveau des admissions, on a soulevé un problème de
fond: dans certains cas, on tombe toujours entre deux chaises. On aimerait
peut-être profiter de la commission parlementaire pour demander les
correctifs qui vont corriger ces situations extrêmes où on se
retrouve toujours entre deux parce qu'on n'a pas tout à fait un
réseau intégré au plan des formes.
On a parlé des centres hospitaliers de soins prolongés,
qui ne font pas partie de la même série de critères
d'admissibilité, et des organismes qui peuvent refuser des
clientèles parce qu'il y a toujours des cas entre deux. On ne peut pas
tout prévoir. Mais, dans le reste de votre intervention, je pense que
vous avez touché l'essentiel.
M. Lincoln: C'est-à-dire que l'essentiel, ce serait un
établissement communautaire qui serait géré localement par
son propre conseil d'administration, ce qui est le cas aujourd'hui.
Par rapport au conseil d'administration du CRSSS, vous avez
laissé entendre que vous n'aviez peut-être pas assez d'influence.
Je voudrais savoir si c'était et quantitatif et qualitatif parce que,
là, si je regarde le présent projet de loi, vous avez 12
représentants sur 22 dans les établissements. Il y a les centres
hospitaliers, les CLSC, il y en a 12 sur 22, tandis que là vous tombez
à 4 sur 14. Est-ce et quantitatif et qualitatif et, sur la question de
la qualité, est-ce que cela vous tracasse qu'il n'y ait pas de
professionnels qui puissent défendre vos intérêts face au
ministre qui aura maintenant deux représentants plus le conseil des
médecins? Est-ce que vous pourriez expliciter un peu, s'il vous
plaît?
Mme Michaud: C'est et quantitativement et qualitativement, dans
le sens que nous croyons qu'il y aurait une contribution importante si notre
représentation pour chaque établissement pouvait être de
deux personnes; l'une ne serait pas employée de l'établissement,
mais
l'autre serait une personne bien au fait des dossiers de par sa pratique
quotidienne.
M. Lincoln: C'est-à-dire que le conseil d'administration
aurait été de 18 personnes et vous en auriez 8...
Mme Michaud: C'est cela.
M. Lincoln: ... dont 4 seraient des professionnels de chaque
établissement.
M. Beaudry: Je ne voudrais pas que le député ait
l'impression qu'on veuille le statu quo parce que notre mémoire n'est
pas à cet effet-là et qu'on veuille aussi conserver au niveau de
l'établissement tous les pouvoirs qu'on avait. On a fait une
recommandation, par exemple, au niveau de la fusion. On a dit: Le ministre
était face à la situation suivante: pour faire une fusion, il lui
fallait absolument le consentement du conseil d'administration de
l'établissement. On dit qu'il faudrait y aller au moyen d'une autre
formule et donner au ministre le pouvoir de le faire moyennant certains
mécanismes.
On dit aussi qu'au niveau des établissements on ne veut pas
nécessairement conserver tous les pouvoirs. On dit qu'il faut qu'il y
ait quelqu'un qui décide et on réagit au projet de loi lorsqu'il
dit que le CRSSS "établit". On dit: Oui, au bout du compte, il faut que
quelqu'un établisse, mais on ajoute: en concertation avec.
Dans ce sens-là, on est favorable à ce que des
décisions se prennent à un autre niveau que
l'établissement pour le fonctionnement harmonieux du réseau comme
tel.
Le Président (M. Bordeleau): S'il n'y a pas d'autres
questions, je pense qu'on est appelé de l'autre côté. Sans
vous brimer de quoi que ce soit, on va suspendre la séance. Avant, M. le
ministre, vous avez le mot de la fin.
M. Johnson (Anjou); Madame, messieurs, je voudrais vous remercier
de votre mémoire, encore une fois, dont la limpidité,
indépendamment des nuances qu'il peut y avoir quant au point de vue, non
pas dans les interprétations... je pense que c'est assez clair de part
et d'autre, et je vous en remercie. Je vous remercie du travail, tous, mais
particulièrement ceux d'entre vous qui êtes hors réseau,
comme on dit dans le réseau des Affaires sociales. Je vous demande de
nous excuser de finir un peu rapidement, étant donné que nous
sommes appelés à voter en Chambre. Merci.
M. Robitaille: Merci.
Mme Michaud: Merci beaucoup, M. le ministre.
Le Président (M. Bordeleau): La commission va suspendre
ses travaux. Auparavant, je voudrais juste rappeler que le prochain groupe que
nous entendrons à 20 heures ce soir en recommençant nos travaux
sera l'Ordre des dentistes du Québec.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 25)
Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et messieurs, la
commission des affaires sociales reprend ses travaux aux fins d'entendre les
mémoires de certains organismes. Ce soir, nous entendrons les
représentants de l'Ordre des dentistes du Québec, dont le
porte-parole est le Dr Jean-Guy Landry. Est-ce bien cela?
M. Lamarche (Pierre-Yves): Je m'excuse, le Dr Landry ayant
été retenu pour des causes extrêmement importantes à
Montréal, vous devrez souffrir que son directeur général
le remplace.
Le Président (M. Bordeleau): Vous êtes le Dr
Pierre-Yves Lamarche, n'est-ce pas?
M. Lamarche: C'est exact.
Le Président (M. Bordeleau): M. Lamarche, si vous voulez
bien nous présenter les personnes qui sont avec vous et nous faire part
de votre mémoire verbal, à ce qu'on m'a dit.
Ordre des dentistes du Québec
M. Lamarche: C'est exact. Malgré l'échéance
relativement courte de l'avis de la commission parlementaire, nous avons quand
même préparé un mémoire dont il vous sera possible
de prendre connaissance, soit ce soir ou très tôt demain matin.
Nous nous excusons de ce délai, mais étant donné que notre
mémoire est relativement simple et d'intelligence assez facile, je pense
qu'il est possible que nous puissions procéder sans que vous ayez en
main ledit mémoire.
A ma droite, Me André Poupart, conseiller juridique de l'Ordre
des dentistes; à mon extrême gauche, le Dr Marc Boucher,
administrateur de l'ordre; à ma droite immédiate, le Dr Guy
Maranda, vice-président de l'Ordre des dentistes.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, mesdames et messieurs, il me plaît, au nom de
l'Ordre des dentistes, de vous remercier de nous avoir convoqués
à cette commission parlementaire portant sur le projet de loi no 27
auquel nous avons souscrit avec beaucoup d'enthousiasme et
d'intérêt.
L'implication de l'Ordre des dentistes en milieu hospitalier
étant naturellement limitée, l'ordre souhaite vous soumettre des
représentations sur certains éléments qui le concernent
plus directement, tout en tenant compte de l'évolution des discussions
devant cette commission au cours des deux derniers jours. L'implication de
l'Ordre des dentistes ou des dentistes eux-mêmes en milieu hospitalier
est naturellement limitée et elle l'est d'autant plus que dans bon
nombre d'établissements, qui devraient en être pourvus, il n'y a
pas de service dentaire hospitalier.
Si le gouvernement désire favoriser l'accessibilité aux
soins et l'intégration des dentistes, voilà un premier secteur
où il pourrait intervenir de façon privilégiée.
Soit dit en passant, une telle mesure pourrait favoriser l'installation de
dentistes hors des grands centres et, de là, intégrer davantage,
comme je viens de le dire, le dentiste à l'équipe
hospitalière.
Dans le communiqué de presse no 401181 émis lors du
dépôt du projet de loi, il est prévu que certaines
catégories de spécialistes, dont les anesthésistes, feront
l'objet d'ajustement de leur mode de rémunération. L'Ordre des
dentistes tient à souligner que le mode de rémunération
retenu pour les anesthésistes ne devrait pas avoir pour
conséquence de compromettre l'existence et le développement des
cliniques privées d'anesthésie pour fins de chirurgie et de
restauration dentaire. Ces cliniques favorisent l'accès, à un
coût réduit, à des services d'anesthésie, services
agréés par la corporation professionnelle
intéressée qui, en l'occurrence, est la Corporation
professionnelle des médecins.
La répartition des professionnels de la santé. L'Ordre des
dentistes a déjà demandé à plusieurs reprises que
des encouragements soient accordés aux dentistes qui acceptent d'exercer
leur profession en des régions éloignées et plus ou moins
bien pourvues en services de toute sorte. L'attribution de bourses
d'étude, accompagnée d'une obligation d'exercer dans un
territoire pour une période déterminée, devrait favoriser
la répartition géographique de ces professionnels. L'ordre est
également favorable à l'attribution d'une prime
d'éloignement aux professionnels qui ont accepté d'exercer dans
une région qui présente moins d'intérêt ou qui
s'avère moins hospitalière. (20 h 30)
Que cette prime prenne la forme d'une rémunération
additionnelle ou d'une rémunération inférieure en fonction
du lieu d'exercice m'apparaît pas nécessairement comme
étant la meilleure des solutions. Nous privilégions des mesures
plus incitatives. À la rémunération additionnelle,
l'attribution de bourses, de prêts d'établissement, d'un revenu
minimum garanti, l'ouverture de centres dentaires hospitaliers constitueraient
des stimulants efficaces qui permettraient de maintenir le principe que, pour
un acte donné, soit attribué un même honoraire de base
juste et raisonnable. Les mesures négatives ne devraient intervenir que
si les mesures positives ne donnent pas les résultats qu'on escompte.
Quant au manque de dentistes dans certaines régions, il faut constater
déjà une nette amélioration. De plus, au rythme auquel nos
universités forment les dentistes, dans très peu de temps, toutes
les régions, dont la population est suffisante pour justifier la
présence d'un dentiste, sera desservie. Il est assez difficile
d'imaginer une surconsommation importante en soins dentaires. Il est de commune
renommée que peu de personnes fréquentent le dentiste par plaisir
d'une part, et que, d'autre part, malgré la gratuité des soins,
un pourcentage encore trop faible de jeunes Québécois
fréquente le dentiste.
Ici, vous me permettrez une légère digression pour
mentionner que le nombre des dentistes au Québec augmente à un
rythme environ dix fois plus rapide que la population. Donc, en termes de
distributeur de soins, vous me permettrez cette redondance: Il est fort
probable que d'ici peu, par l'accroissement de la population dentaire, le
problème de la distribution des dentistes à travers tout le
territoire québécois s'avère chose du passé.
L'article 34 prévoit l'insertion dans la Loi sur les dentistes d'un
nouvel article avec lequel l'ordre serait d'accord, s'il était
modifié pour en limiter l'application aux actes posés dans un
établissement. Par contre, le Conseil des médecins et dentistes
devrait recevoir copie non seulement du rapport d'une enquête faite
à la demande du bureau, mais également du rapport du
comité d'inspection professionnelle et d'une décision du
comité de discipline. Il s'agit, dans cet article 34, de la divulgation
de résultats d'enquêtes commandées par le Bureau de l'ordre
professionnel. Cet article ne résout pas le problème que les
différents ordres professionnels ont soulevé, c'est-à-dire
que lorsqu'un professionnel de la santé oeuvre en établissements,
le rapport d'une inspection professionnelle faite sur son comportement devrait
non pas être gardé ou se limiter au professionnel lui-même,
mais devrait être porté à la connaissance du Conseil des
médecins et dentistes et ce, dans une perspective de protection du
public.
C'est dans cette perspective que nous insistons sur le fait que cet
article devrait mentionner que le Conseil des médecins et dentistes
devrait recevoir copie, non seulement du rapport d'une enquête faite
à la demande du bureau, mais également du rapport du
comité d'inspection professionnelle et d'une décision du
comité de discipline.
Rappelons-nous que le comité d'inspection professionnelle a pour
objet de vérifier la compétence et le comportement professionnel
des dentistes à l'endroit où ils dispensent leurs soins. Tel que
rédigé, l'article 34, auquel je fais allusion est d'une
application très limitée, car le bureau fait effectuer
très peu d'enquêtes en vertu des articles 16 et 18 de ladite Loi
des dentistes. L'article 31, le fameux. Tel que rédigé, l'article
31 signifie que les règles du jeu peuvent être changées en
tout temps par une seule partie sans aucune consultation. Je pense
qu'aujourd'hui ce n'est pas la première fois qu'on vous
répète cette phrase. Le résultat d'une longue
négociation, de bonne foi, pourrait être changée
unilatéralement par un simple décret, règlement ou
arrêté. Une telle disposition, nous semble, dans une certaine
mesure, inquiétante. Il serait préférable, croyons-nous,
de la remplacer en prévoyant des négociations permanentes pour
adapter l'entente aux besoins particuliers qui peuvent apparaître.
Si le ministre veut disposer de pouvoirs exceptionnels pour
régler des situations de crise, que la loi lui accorde des pouvoirs
très étendus, mais d'une application limitée dans le
temps. Un décret pourrait être en vigueur mais pour une
durée maximum de 60 jours, par exemple. Nous avons entendu, au cours de
cette journée, M. le ministre, vos explications, et à la
lumière de l'expression de celles-ci, nous suggérons que cet
article soit réécrit de façon à calmer les
inquiétudes et refléter exactement vos intentions dont vous nous
avez fait connaître la portée et l'usage que vous voulez en faire
de cet article.
À l'article 4, alinéa 6. L'adoption de l'article 4,
alinéa 6, permettrait au ministre dans des conditions précises de
mener des expériences. L'ordre est favorable à une telle
disposition pourvu que l'expérience soit menée en collaboration
avec les organismes représentatifs des personnes impliquées. De
telles expériences pilotes, appelons-nous, permettraient de
vérifier la justesse de certaines hypothèses avant leur
généralisation à l'ensemble d'un secteur ou de la province
elle-même. Cette façon de procéder permettrait
d'éviter des expériences générales négatives
dont le coût humain, social et économique peut être
très élevé.
En conclusion, l'Ordre des dentistes partage l'avis exprimé dans
les communiqués de presse à l'effet qu'un des défis des
prochaines années en matière de santé consistera à
essayer de faire davantage avec la même quantité de ressources.
Cette opinion remet en cause un postulat qui semble avoir guidé la
société québécoise depuis l'adoption du
régime d'assurance-maladie, alors que l'objectif était des soins
de la meilleure qualité possible pour tous. Aujourd'hui, il devrait se
dire: Des soins de qualité correspondant à nos moyens pour tous.
L'Ordre des dentistes regrette que le débat très important sur la
qualité relative des soins que le Québec peut s'offrir compte
tenu de toutes ses autres priorités n'ait pas eu lieu. Ce qui semble
évident, c'est qu'aujourd'hui il faut faire plus avec moins et surtout
faire en sorte qu'un régime dit universel soit réellement
accessible à tous. Je conclus en vous disant que nous n'avons plus les
moyens de nous payer le luxe de ne point prévenir la maladie. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Lamarche. M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): J'ai écouté les commentaires de
l'ordre. Je pense que, sur le fond, il n'y a pas de dispositions
particulières au-delà de ce qui a déjà
été évoqué; sur les objectifs qui sont poursuivis
par la loi non plus. Je me permettrai simplement une question. En tant
qu'ordre, donc, avec une vocation de protection de la santé publique, de
protection du public et non pas de protection des intérêts
professionnels, puisque c'est le rôle du syndicat - je présume que
le syndicat viendra nous expliquer cela abondamment, il y a un syndicat, une
fédération dont c'est le rôle parfaitement légitime
- je me demande si vous auriez des choses qui relèvent plus du champ de
juridiction et d'activité de la corporation à ajouter
au-delà de ce que vous nous avez donné. J'ai compris que
l'essentiel de vos considérations portait sur les objets syndicaux, la
question de la négociation, etc., indépendamment des
objectifs.
M. Lamarche: Je m'excuse, M. le ministre, mais l'affirmation que
j'ai faite en ce qui a trait à l'article 31 était une partie du
mémoire. J'ai l'impression personnellement avoir touché des
éléments qui relèvent justement de notre juridiction et,
pour n'en mentionner que quelques-unes, j'ai mentionné qu'il s'agissait
de la salarisation de certains spécialistes. L'Ordre des dentistes
souhaiterait qu'on tienne compte du fait qu'actuellement l'organisation
dentaire au Québec prévoit l'organisation de certaines cliniques
où s'exécutent des soins de qualité qui facilitent
l'accès de la population à des soins chirurgicaux et de
restauration; or, ces cliniques sont à caractère privé. En
cas de salarisation des anesthésistes, si certaines modalités les
rendaient captifs du milieu hospitalier où ils travaillent, nous
assisterions au démantèlement de telles cliniques et, à ce
moment-là, l'accessibilité de patients qui représentent
des risques presque nuls en termes d'anesthésie devrait se faire en
milieu hospitalier et l'accessibilité serait réduite à
cause d'un achalandage qu'on comprend très bien, ainsi que des
coûts extrêmement importants qu'ils pourraient
représenter. Cela, c'est une dimension qui nous préoccupe
en tant qu'accessibilité.
J'ai mentionné également que nous étions d'accord
avec une foule de mesures qui favoriseraient la répartition des
dentistes en sol québécois. C'est une dimension qui est
extrêmement sociale en termes d'accessibilité des soins pour la
population dans tous les coins de la province. J'ai ajouté
également que le rythme d'augmentation des dentistes à travers le
Québec résoudrait éventuellement la pénurie de
dentistes dans certains coins. J'ai ajouté également que le
projet de loi no 27 devrait être modifié à un certain
article de façon à permettre au Comité d'inspection
professionnelle de soumettre ses conclusions lorsqu'il s'agit d'un membre de
notre corporation qui présente certains comportements professionnels
déviants et que les rapports du Comité d'inspection
professionnelle soient confiés ou soient portés à la
connaissance du Conseil des médecins et dentistes.
Je pense que c'est une mesure qui est intimement reliée à
la protection du public. Je pense également avoir soulevé
certains éléments au niveau du bill 31 qui nous apparaissaient,
dans une certaine mesure, un sujet extrêmement litigieux, à
portée syndicale, j'en conviens, mais qui pourrait comporter, selon les
réactions que nous avons pu entendre, certaines difficultés quant
à l'organisation de la médecine, ainsi que de la médecine
dentaire. L'intervention que nous avons faite n'est pas une intervention
à caractère syndical, mais plutôt une contribution de
l'Ordre des dentistes en vue de résoudre un problème qui semble
relativement aigu. Nous vous avons demandé, entre autres, à ce
fameux article où les pouvoirs ont semblé être excessifs,
que l'article soit récrit. Nous avons parfaitement compris, au cours de
cette journée, que les intentions que vous entreteniez quant à
l'application n'étaient pas aussi démagogiques et
n'étaient pas aussi dangereuses que l'ont prétendu nos
prédécesseurs. C'est dans cette perspective que l'Ordre des
dentistes s'est permis de vous suggérer de récrire l'article pour
calmer les intentions et, de ce fait, contribuer au succès de cette
commission.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
M. Johnson (Anjou): Ce sont des propos et des
préoccupations, je pense, qui honorent l'ordre à l'égard
de la paix sociale, puisque c'est un terme que j'ai entendu. Il y a combien de
cliniques d'anesthésie dentaire? Je pense qu'elles sont essentiellement
à Montréal et à Québec, si je ne me trompe. Il y en
a deux ou trois. C'est ça?
M. Lamarche: II y en a plus que trois. Je dirais qu'il en a
à peu près 13 à 14 dans l'ensemble de la province. Il y en
a plusieurs qui se situent à l'extérieur de Montréal, mais
le dénombrement de ces cliniques pourrait vous être fourni par la
Corporation professionnelle qui les agrée, c'est-à-dire la
Corporation professionnelle des médecins, parce que vous conviendrez que
l'anesthésie générale relève d'une autre
corporation que la nôtre.
M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, au niveau de l'ordre,
des difficultés qui s'étaient posées à une certaine
époque, des accidents absolument malheureux et l'intervention à
ce moment-là des ordres pour s'assurer que toutes les mesures
étaient prises pour garantir la sécurité des citoyens
avaient donné lieu à la création de ces cliniques. Est-ce
que tous les professionnels dont vous vous occupez à l'ordre passent
nécessairement par ces cliniques quand ils doivent procéder
à l'anesthésie - j'exclus l'hôpital; dans certains cas,
ça peut arriver, il y a certains types de chirurgies qui se font en
établissement - ou est-ce qu'il y a encore de l'anesthésie en
cabinet, à l'occasion?
M. Lamarche: Nous avons déconseillé
complètement l'anesthésie en cabinet privé et, d'autre
part, les exigences qu'exige -vous me pardonnerez cette redondance - la
Corporation professionnelle des médecins rendent presque prohibitive
l'organisation de telles cliniques en cabinet privé, quoiqu'il existe
des regroupements de dentistes qui choisissent un confrère - lequel
confrère organise sa clinique de façon à se pourvoir de
toutes les mesures de sécurité possibles -et permettent, avec
l'autorisation de la Corporation professionnelle des médecins, la
dispensation d'anesthésie générale en toute
sécurité. Et il existe de moins en moins de dentistes qui
distribuent l'anesthésie générale. (20 h 45)
M. Johnson: À l'égard des établissements,
les conseils de médecins et dentistes, par définition, impliquent
les dentistes aussi. Je comprends qu'il y en a finalement très peu en
établissement. Vous voyez, dans cette approche, et je pense que vous
avez reconnu quel était là un des objectifs importants du projet
de loi, une meilleure harmonisation du rôle des professionnels que sont
les médecins et dentistes dans l'établissement.
Est-ce que vous voyez là, également, de façon
positive, - et on sait qu'il y a un problème de répartition
très sérieux sur le territoire des dentistes, ne serait-ce que
parce qu'il y a une pénurie relative des dentistes - est-ce que vous
voyez là un moyen, en région, pour attirer des dentistes, que ces
efforts qui sont faits au niveau institutionnel?
M. Lamarche: C'est exact, parce que le
centre hospitalier provoque le même mouvement, le même
phénomène d'entraînement des professionnels de la
santé chez les médecins que chez les dentistes.
Mais, actuellement, nous avons l'impression que la structure des budgets
hospitaliers ne privilégie pas l'organisation des services dentaires. Si
bien que, lorsqu'on parle du conseil des médecins et dentistes, et qu'on
parle de la pratique de la médecine dentaire en milieu institutionnel,
on assiste à un certain paradoxe, étant donné que
l'évolution scientifique et l'évolution médicale font, de
plus en plus, la démonstration qu'il existe des relations très
intimes entre des pathologies buccales et des maladies systémiques et
vice versa.
Donc, l'intégration du dentiste dans l'équipe
hospitalière et dans le milieu hospitalier et dans le conseil des
médecins et dentistes, ce n'est pas chose faite. Je pense qu'il y aurait
avantage à le faire surtout dans les institutions à soins
prolongés et les institutions pour malades aigus, et surtout que l'on
développe des centres pour traiter les handicapés qui,
actuellement, sont en assez grand nombre. C'est la tendance d'en parler, mais
je pense qu'il est opportun de le faire. Les handicapés actuellement,
s'ils sont couverts par l'assurance-maladie, il n'y a pas de problème,
ils peuvent se présenter dans certains centres hospitaliers où il
y a des dentistes. Mais à partir du moment où ils
dépassent l'âge admissible à l'assurance-maladie,
c'est-à-dire 16 ans et plus, c'est un véritable problème,
ils sont pénalisés, parce que le traitement dans le cabinet
privé représente certaines difficultés.
M. Johnson (Anjou): Alors je vous remercie Dr Lamarche. Ma
question d'entrée, tout à l'heure, voulait essentiellement vous
amener à préciser, ce que vous avez réussi à faire,
je pense, très clairement. Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Alors je veux
remercier également l'Ordre des dentistes de son mémoire.
Peut-être l'avez-vous dit et je ne vous ai pas entendu parce que je
prenais quelques notes, pouvez-vous nous dire la proportion des dentistes qui
opèrent en régions éloignées, en s'entendant d'une
façon générale sur ce que peuvent être les
régions éloignées, c'est-à-dire leur pro rata par
rapport à la population dans ces régions-là? Est-ce qu'il
y a des régions qui ne sont pas du tout desservies, et est-ce que, dans
ces cas là, il y a des équipes volantes, itinérantes
ou...
M. Lamarche: D'abord, il s'agirait de définir quelles sont
les caractéristiques d'une région éloignée. Le fait
de dire que c'est une région éloignée n'est pas
nécessairement un phénomène inhospitalier pour un
dentiste, parce que vous avez des régions éloignées
où vous avez des concentrations de population qui sont suffisantes et
où il y a des dentistes.
Le problème qui survient, c'est là où les
populations sont disséminées sur un grand territoire. Et je pense
qu'à ce moment-là on devra imaginer d'autres mécanismes,
parce qu'en aucune circonstance il sera possible d'aller cantonner un dentiste
dans un endroit, puisqu'il doit se déplacer. L'Ordre des dentistes
imagine actuellement et fait des démarches pour se pourvoir... Il
sollicitera certainement la collaboration du ministère pour faire
l'acquisition de roulottes qui existent dans d'autres provinces, notamment en
Saskatchewan et ailleurs, pour desservir, justement, ces régions.
Il existe également des CLSC qui s'installent à
différents endroits. On pense à ce que les dentistes
étrangers que nous accueillons au Québec et à qui nous
accordons certains privilèges puissent éventuellement, en
échange des possibilités qu'on leur offre, parce qu'actuellement,
cette année, on offre des bourses à ces gens pour poursuivre des
études... Et à ce moment, on pourrait, en vertu de certains
mécanismes tels les mécanismes utilisés par la
régie, par exemple, amener ces professionnels à opérer
dans des régions dites inhospitalières ou
éloignées.
Nous avons vécu en Ontario le même phénomène
et les gens au bout de trois ans se sont acclimatés au milieu et s'y
sont intégrés; ils ne sont pas revenus dans les grands centres.
Donc, il y aurait avantage, si nous offrons l'hospitalité à
certains dentistes venant de l'extérieur, d'offrir des examens et cela
pourrait apporter une contribution fort valable à la solution du
problème de la pénurie sectorielle de dentistes au Québec.
Cette pénurie, il ne faudra pas l'accentuer d'une façon
incroyable, parce que vous prenez la Gaspésie déjà pour
vue; cela prendrait environ 97 dentistes au Québec pour régler le
problème de l'accessibilité et imaginez-vous que nous en
produisons environ 100 à 110 par année. L'augmentation du nombre
des dentistes - comme je le disais tout à l'heure - est dix fois plus
rapide que l'augmentation de la population, si bien qu'en 1989-1990 on
atteindra un rapport dentistes-population suffisant pour le Québec,
compte tenu du fait que par un manque d'éducation, par un manque
d'hygiène, le Québécois moyen consomme des soins dentaires
à un taux beaucoup moindre que partout au Canada et qu'en dépit
de la qualité des dentistes dont nous disposons au Québec, la
santé dentaire de nos Québécois se situe à un rang
incroyablement loin par rapport, par exemple, à l'Ontario.
Mais, si on associe à ce phénomène la fluoration
des eaux de consommation, qui est un phénomène qui contrôle
la carie, on se rend compte qu'au Québec, nous avons 19% de l'eau de
consommation courante qui est fluorée. La moyenne du Canada, c'est 54%
et en Ontario, c'est 76%. Il est fort étrange qu'au niveau de fluoration
des eaux de consommation il y ait un état de la santé dentaire
correspondant.
Je m'excuse, mais le gros phénomène au Québec, je
pense que ce n'est pas une question d'accessibilité. On a cru, il y a
quelques années, que c'était l'accessibilité qui
était le problème fondamental au Québec; on a
amélioré, on a augmenté le nombre des dentistes à
85 à Montréal, 32 à Québec et 40 à McGill,
on a cru par la suite que c'était un problème financier.
Le ministère des Affaires sociales par le truchement de la
Régie de l'assurance-maladie a assuré une gratuité de
soins. On se rend compte aujourd'hui, par un dernier rapport de la Régie
de l'assurance-maladie, que seulement 51% des gens admissibles au régime
se prévalent d'une gratuité. C'est fort inquiétant. Et au
niveau des assurances privées, on reconnaît le même
phénomène. Au Québec - même si cela est gratuit, la
carie dentaire est la même partout, c'est une maladie qui frappe 99% de
la population - nous sommes ceux qui consomment le moins de soins
dentaires.
Mme Lavoie-Roux: Alors, deux questions plus précises.
Vous avez estimé que pour couvrir les besoins du Québec...
Est-ce uniquement en régions éloignées que vous auriez
besoin de 97 dentistes de plus? Oui, uniquement en régions
éloignées.
Maintenant, quel est le taux de persévérance, si je peux
dire, des dentistes qui...? Comme vous dites, dans les régions
éloignées, cela peut représenter une chose
différente. J'en ai rencontré un en Abitibi, l'autre jour - j'ai
l'impression qu'il est là depuis trois ou quatre ans au moins - et, je
n'ai pas eu l'impression qu'il avait envie de revenir, de toute façon.
Est-ce qu'il y a une plus grande persévérance chez les dentistes
qui vont dans des régions éloignées, je ne leur demande
pas de s'en aller dans une bourgade où..., que chez les médecins
d'une façon générale?
M. Lamarche: Je comprends très bien votre question, je
pense qu'elle est pertinente et je vous remercie de me l'avoir posée. On
remarque que, lorsqu'un dentiste vient, par exemple, de l'Abitibi, de
Chicoutimi ou du Lac-Saint-Jean, il vient pour suivre ses études et dans
80% des cas, il retourne distribuer ses soins dans sa région de
provenance. Donc, on se demande s'il est possible d'imaginer de
privilégier les gens qui font une demande d'inscription en
médecine dentaire, soit à Québec, soit à
Montréal et qui viennent de l'étranger. De l'étranger, je
parle des régions comme de Québec et de Montréal.
Mme Lavoie-Roux: Attention, il vient de l'Abitibi
celui-là.
M. Lamarche: Là, je viens d'en dire une belle. Vous me
comprenez de toute façon.
M. Johnson (Anjou): Consolez-vous, il n'a pas le droit de vote
ici à la commission.
M. Lamarche: Je n'ai même pas le droit de participer au
débat, parce que j'aurais le goût des fois. Mais vous me
comprenez, je pense qu'actuellement l'Ordre des dentistes s'interroge sur ce
phénomène qu'on a observé. Habituellement les gens qui
viennent, soit de l'Abitibi, du Lac-Saint-Jean ou de certaines régions
qui manquent de dentistes, habituellement, ces gens retournent chez eux.
Mme Lavoie-Roux: II me semble que c'est différent mais si
c'est ce que vous avancez, je ne peux pas le mettre en doute. Mais cela semble
être différent du code des médecins, parce que je me suis
fait dire que si tous les étudiants qui venaient en médecine dans
les facultés, que ce soit Sherbrooke, Laval ou Montréal
retournaient dans leur région d'origine, il n'y en aurait pas de
problème de médecins en régions éloignées.
Alors, c'est pour cela que je vous demandais: Est-ce que la
persévérance des dentistes en régions
éloignées est plus grande que celle des médecins? C'est
peut-être relié au fait - le ministre me dit que s'il avait
rencontré une fille de l'Abitibi, il se serait établi en
Abitibi...
Une voix: II en a manqué une là.
M. Johnson (Anjou): J'en ai manqué une là. Mais ma
femme est de l'Abitibi.
Mme Lavoie-Roux: C'est elle qui a émigré. Non, ce
que je veux dire, c'est que s'ils ont une plus grande
persévérance, si tel est le cas, on ne le sait pas, cela pourrait
être lié au fait que la disponibilité des dentistes en
régions éloignées n'a pas besoin d'être aussi
grande, je pense, que celle d'un omnipraticien. Dans le sens que,
généralement, est-ce qu'ils sont obligés d'assurer une
garde toutes les fins de semaine? Généralement il peut y avoir
des cas d'urgence, mais cela peut attendre au lundi.
M. Lamarche: C'est peut-être un phénomène qui
joue, mais je ne pense pas
que la solution est unique, c'est un ensemble, il peut y avoir des
incitatifs. Le phénomène de l'augmentation du volume joue.
Ensuite de cela, on a à faire face à certaines pressions
contraires qui s'exercent.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, vous dites que, d'ici huit ans, on
aura suffisamment de dentistes, puisqu'ils augmentent dix fois plus rapidement
que la population, mais il faut quand même réaliser que cela prend
encore des mesures pour les envoyer en régions éloignées
ou en avoir en régions éloignées. Je ne sais pas quel
pourrait être un ratio raisonnable pour la population de dentistes, parce
que chez le dentiste c'est le rendez-vous qu'on n'annule pas quand on en a un,
alors qu'on peut se permettre...
M. Rochefort: Dans le fond, cela nous coûte quelque
chose.
Mme Lavoie-Roux: Ah non! je ne le plaçais même pas
dans ce sens-là. C'était dans le sens qu'il fallait attendre
encore X temps pour l'avoir. Alors, cela peut être...
M. Lamarche: Le ratio idéal, dentiste/population,
j'entends pour le Québec, pour les régions que je vous ai dites
tout à l'heure. C'est-à-dire que le Québécois
néglige, traditionnellement, pas mal ses dents. Donc, cela prend moins
de dentistes par mille têtes de pipe. Au Québec, nous avons
estimé qu'un dentiste par 2000 à 2100 de population serait un
nombre extrêmement bon. Mais, il ne faut pas s'attacher à un ratio
dentiste/population, parce que si tous les dentistes sont mal distribués
au Québec, le ratio dentiste/population ne vaut rien. Vous allez avoir
la région de Montréal qui peut avoir un dentiste pour 1600
personnes. La région du Lakeshore a un dentiste pour 900 à 1100
personnes et vous allez avoir la région de Chicoutimi qui peut avoir un
dentiste pour 3000 personnes. Donc, le ratio dentiste/population est une
donnée qu'il faut utiliser très prudemment. (21 heures)
Mme Lavoie-Roux: La dernière remarque que je voulais
faire, c'est que le ministre a laissé voir que vous aviez des
intérêts syndicaux, alors que vous ne devriez avoir que des
intérêts professionnels. Ce n'est pas ça que vous avez
dit?
M. Lamarche: C'est une erreur monumentale que M. le ministre a
faite.
M. Johnson (Anjou): Je pense que j'ai bien expliqué au Dr
Lamarche que je voulais lui donner l'occasion de bien préciser
ça, puisqu'il a parlé de négociation. Notamment, je
voulais qu'il explicite très clairement cette question des
anesthésistes, puisque ce n'est pas dans la loi, mais comme c'est dans
les mandats de négociation que j'ai annoncés, je comprends que
l'ordre soit préoccupé par ça. Par ailleurs, ça
peut en préoccuper d'autres pour d'autres raisons. Mais je comprends que
l'ordre soit préoccupé par ça, parce que cela a
été un problème important à un moment dont on se
souviendra. Je voulais que le Dr Lamarche puisse avoir l'occasion de le
préciser, étant donné que, même s'il tenait des
propos qui étaient reliés à la négociation, je
savais qu'il y avait derrière ça un autre type de
préoccupation. Je voulais qu'il puisse le préciser ici à
la commission, ce qui n'est peut-être pas nécessairement le cas de
tout le monde.
Mme Lavoie-Roux: En tous les cas...
M. Johnson (Anjou): Les propos sont parfois plus ambigus pour
d'autres motifs.
Mme Lavoie-Roux: Bon.
M. Lamarche: J'espère avoir été suffisamment
clair pour éliminer toute interprétation à
caractère syndical du mandat que nous assumons. Je m'en voudrais de vous
laisser une fausse impression; vous m'avez donné l'occasion de le faire,
j'en ai profité et j'espère que c'est clair.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Dr Lamarche.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie... J'avais reconnu ensuite M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président, on a discuté
un peu du ratio que le Québec possède par habitant pour le nombre
de dentistes. Vous avez souligné que ça allait à peu
près d'un extrême à l'autre de Lakeshore à
Chicoutimi. Quel est le ratio, actuellement, dans la région de
Montréal?
M. Lamarche: 1 pour 1900.
M. Rochefort: 1 pour 1900. Donc, c'est supérieur à
ce que vous considérez comme étant le ratio idéal pour que
tout le monde prétend avoir une bonne accessibilité aux soins
dentaires.
M. Lamarche: II y a quelques années, l'Ordre des dentistes
a fait une étude extrêmement poussée, justement dans cette
perspective des ressources professionnelles dentaires, et nous avons
dégagé tout le Québec par région homogène,
c'est-à-dire les régions présentant des
caractéristiques identiques. Je puis vous dire que le résultat de
cette étude nous démontre que les régions
de Québec, Sherbrooke et Montréal sont des endroits
très favorisés en termes de dentistes. Je vous dirai que la
Basse-Côte-Nord est très défavorisée dans ce
domaine.
M. Rochefort: Je vais vous poser une question, suite à ce
que vous venez de dire, parce que vous me dites que Montréal est une
région très favorisée. Compte tenu de votre affirmation,
comment pouvez-vous expliquer l'absence à peu près totale de
services d'urgence dentaire la fin de semaine à Montréal?
M. Lamarche: Je dois vous dire une chose, je ne sais pas si vos
informations sont récentes...
M. Rochefort: Je peux vous dire qu'elles sont récentes,
complètes et que je les ai fouillées personnellement.
Mme Lavoie-Roux: On n'a pas le même dentiste.
M. Rochefort: Mme la députée de L'Acadie, si vous
connaissez un dentiste disponible, par exemple, à minuit, le samedi
soir, pour une urgence dentaire, ce serait important que les citoyens le
sachent.
M. Lamarche: Je dois admettre ceci, c'est qu'actuellement, dans
la région de Montréal, l'Association des chirurgiens-dentistes a
pris l'initiative d'organiser un service dentaire.
M. Rochefort: Oui.
M. Lamarche: Mais je vous prierais quand même de
vérifier mes affirmations. Si vous prenez les pages jaunes de la
région de Montréal, vous allez certainement trouver un ou
plusieurs dentistes qui annoncent un service d'urgence, 24 heures par jour, et
je pourrai, en aparté, vous donner des noms.
M. Rochefort: On va poursuivre la discussion un peu. Le service
que le syndicat offre, qui n'est pas votre organisme, c'est de quelle heure
à quelle heure, d'après vous, d'après les informations que
vous avez?
M. Lamarche: Pour éviter toute
ambiguïté...
M. Rochefort: Je veux bien qu'on se comprenne, je comprends
très bien et je fais la distinction, je pense qu'il y en a d'autres qui
vous ont précédé et qui ont vu que je faisais la
distinction entre les rôles d'un ordre et d'un syndicat, mais c'est
relié à une autre question plus fondamentale qui est directement
inscrite dans la loi 27. C'est pour ça que je veux creuser cette
question avec vous. Le service offert, qui a été mis sur pied par
le syndicat ou suite à son incitation, ce n'est pas un service 24 heures
par jour, 7 jours par semaine.
M. Lamarche: C'est un service partiel, vous avez raison.
M. Rochefort: Deuxièmement, je peux vous dire que j'ai
fait l'expérience récemment à plusieurs reprises - ce
n'est pas pour moi, mais je me suis occupé de le faire - pour les
dentistes, comme vous le dites, qui offrent leurs services dans les pages
jaunes à Montréal. Effectivement, c'est vrai, ce que vous dites,
24 heures par jour. Je peux vous dire qu'entre ce qui est inscrit dans
l'annonce et le service véritable qui est disponible pour le citoyen -
on parle toujours d'une situation d'urgence dentaire, et Dieu sait que
quelqu'un qui a déjà subi cela, c'est quelque chose de difficile
à traverser - la moyenne au bâton n'est pas très
élevée.
M. Lamarche: J'avoue une chose, c'est que la ville de
Québec sur cet aspect peut donner un bon exemple à
Montréal. J'ajouterai ceci pour le problème que vous me
soumettez. Même si je déplore le fait que plusieurs institutions
majeures de la région de Montréal n'ont pas de services
dentaires, je peux vous assurer qu'il y a au moins six institutions à
Montréal qui ont des résidents et qui assurent une garde jour et
nuit. Je vais vous nommer Notre-Dame, Sainte-Justine, Jewish General et le
Montreal General.
M. Rochefort: Je ne veux pas remettre en question ce que vous
dites, mais je peux vous dire qu'effectivement je me suis déjà
fait donner une réponse comme celle que vous me donnez, sûrement
de bonne foi, mais après vérification à plus d'une reprise
et dans l'année qui vient de s'écouler, ce service n'était
pas disponible. Je peux vous l'assurer. Je vous adresse cette question parce
qu'il faut voir qu'une des grandes questions qu'on a abordées au cours
de la commission parlementaire jusqu'à maintenant,
particulièrement avec les fédérations et aussi avec la
Corporation des médecins du Québec, c'est la question du
problème de l'accessibilité des services médicaux en
région. Une remarque est venue plus d'une fois de la part de plus d'un
de ces organismes, c'est: Oui, vous avez raison, on n'a pas encore
réglé le problème; on pense que vous devriez mettre de
côté votre article qui est plutôt le bâton; on
pourrait peut-être prendre encore deux ou trois ans et je pense qu'on va
arriver à une entente véritable, négociée et on va
régler le problème, mais nous sommes d'accord pour dire que, si
jamais dans trois ans ce n'était pas réglé, on serait
d'accord pour que vous appliquiez les dispositions qu'on retrouve à
la
loi 27.
Pendant que l'organisme qui représente les intérêts
du public au niveau de la dentisterie est ici, je me demande s'il n'est pas
important que vous posiez des gestes énergiques et rapides dans ce
domaine. Je vous parle de Montréal. J'imagine les commentaires que mes
collègues des régions pourraient vous faire où on n'a pas
1 par 1900 de ratio. Je vous inciterais à procéder rapidement
parce que j'imagine - je suis bien à l'aise, je n'ai pas eu l'occasion
d'en parler avec le ministre, je ne suis pas au gouvernement, je suis tout
simplement l'aile parlementaire du parti ministériel - qu'il n'est pas
exclu qu'un jour, si cette situation se poursuivait, qu'il faille adopter une
loi 27 pour cette question d'accessibilité en région, et on va
mettre toutes les régions sur le même pied, Montréal aussi,
pour les dentistes.
Finalement, le fond de mon intervention, c'est que je souhaiterais que
vous preniez des mesures énergiques comme ordre professionnel des
dentistes du Québec pour répondre à ce besoin très
important -je peux vous dire que je suis bien placé pour avoir
été en mesure de le quantifier à plusieurs reprises -
surtout que c'est dans une région où le problème de ratio
n'est absolument pas un problème, mais c'est meilleur que ce que vous
décrivez comme étant une situation idéale, sinon j'imagine
qu'il n'est pas exclu qu'un jour, on se retrouve, vous et moi, ou quelqu'un qui
nous remplacera tous les deux, pour rediscuter le même problème,
mais on se fera peut-être dire ce que des fédérations nous
ont dit: Donnez-nous encore trois ans et on va régler cela. Je ne veux
pas vous comparer à ces gens toutefois. Je comprends que vous agissez de
bonne foi, mais il semble qu'il y aurait des actions très
énergiques qui devraient être prises surtout quand je regarde les
réponses que vous m'avez faites, lesquelles, je le maintiens, sont de
bonne foi, en me disant: II y a le service que le syndicat a mis sur pied. Il y
a la présence permanente dans ces hôpitaux de Montréal. Je
suis obligé de vous dire que ce n'est pas efficace.
M. Lamarche: Le phénomène que vous décrivez
est certainement à déplorer parce que si on doit avoir
accès à des soins, on devrait prioritairement avoir accès
à des soins d'urgence, qu'ils soient dentaires ou médicaux. Je
suis parfaitement d'accord avec vous, mais il faut aussi se rappeler que
certains hôpitaux qui possèdent des services dentaires
élaborés sont maintenant sous la tutelle ou sous le
contrôle des universités avec lesquelles ils ont signé des
contrats d'affiliation et une des obligations pour ces institutions est
d'assurer une garde jour et nuit. Cela fait deux ans que l'ordre s'est
départi de ses éléments de contrôle et je vous
remercie de m'en faire la remarque; je n'ai pas eu à en faire le test,
mais je le ferai effectivement.
D'autre part, j'ai dénoncé tout à l'heure le fait
que des hôpitaux importants ne disposent pas d'instrumentation la
moindrement décente en médecine dentaire. Il est dit dans la loi
- je n'ai pas l'article en vue - que les institutions hospitalières
devraient être en mesure d'offrir des soins d'urgence en médecine
dentaire. Mais, quand il existe encore à Montréal des dentistes
qui, pour aller opérer en milieu hospitalier, sont obligés
d'apporter leurs propres instruments, il faut se poser des questions à
certains égards.
J'ai demandé qu'à un moment donné, à
l'intérieur des budgets globaux, même en vertu des restrictions
financières qu'on leur impose... Les dentistes ne sont pas en grand
nombre en milieu hospitalier; ils ne peuvent pas nécessairement
influencer la répartition de l'argent à l'intérieur des
budgets globaux. Donc, tant et aussi longtemps que le gouvernement ne pourra
pas privilégier le fait de donner aux institutions importantes
l'instrumentation décente pour faire face à des urgences, il n'y
a pas un dentiste qui va accepter de se rendre à l'hôpital Fleury
pour aller donner des soins d'urgence, quand il n'a même pas ce qu'il
faut pour prendre une radiographie ou pour ouvrir un canal. S'il lui arrive un
pépin, il sera obligé de comparaître devant son
comité de discipline et le fait qu'il n'ait pas eu les instruments et
les ressources voulues, ce ne sera pas une raison pour ne pas être
disciplinable. C'est la situation qui existe non seulement à
Montréal, mais dans bien des endroits de la province.
C'est de valeur. D'un autre côté, je ne veux pas accuser
l'organisation médicale, mais je pense que, quand il s'agit de
distribuer le budget global, le corps médical a certaines ressources
à l'intérieur de l'hôpital. Je pense qu'ils vont
privilégier d'abord une demande médicale plutôt qu'une
demande qui vient de l'extérieur, d'un dentiste qui veut
s'intégrer au Conseil des médecins et dentistes quand il n'y a
que le nom dans l'hôpital.
M. Rochefort: Je comprends très bien votre point de vue et
je crois que c'est un aspect important que vous soulevez. Toutefois, il me
semble qu'il y a sûrement un ou deux grands hôpitaux de
Montréal qui doivent être équipés de façon
satisfaisante, je présume. II y en a plus que deux.
M. Lamarche: Oui.
M. Rochefort: Je me dis: C'est dans ces hôpitaux qu'on
devrait organiser une service d'urgence 24 heures par jour. Je dois
vous dire que je ne souhaite pas qu'on revienne avec une loi 27 dans
quatre ou cinq ans, qui concernera cet aspect particulier. Je ne crois pas
qu'on en ait besoin, d'une part, pour remplir le mandat d'accessibilité
en tout temps des services et, d'autre part, qu'on ait les moyens
d'équiper tous les grands hôpitaux de Montréal de
façon absolument satisfaisante au niveau des services dentaires. Je
pense - vous venez de me le confirmer - qu'on a quelques hôpitaux
à Montréal qui sont bien équipés pour
répondre à un tel besoin. Je comprends très bien les
préoccupations d'un professionnel qui veut avoir tout ce dont il a
besoin pour donner un service qui est du niveau que sa profession exige. Je
pense qu'on devrait procéder maintenant et ne pas prétendre - je
veux bien exprimer ce que je veux dire - ne pas laisser sous-entendre que c'est
dû à un manque de ressources en milieu hospitalier qu'on n'est pas
en mesure d'établir ce service. Je n'ai pas compris
nécessairement que c'est ce que vous disiez, parce que j'ai compris que
vous confirmiez qu'on a des ressources disponibles, mais vous avez fait
état que ce serait important qu'on ait les ressources dans plus de
centres. C'est une question qui peut être discutable.
Je conclus, en tout cas, en vous disant que je souhaiterais que vous
preniez une position énergique dans ce domaine et je pense que ce serait
tout à l'honneur d'un ordre professionnel de régler ce
problème, surtout que vous avez plus de dentistes qu'il n'est
nécessaire pour régler ce problème. Cela éviterait,
justement, des interventions du pouvoir législatif dans des domaines
comme ceux-là.
M. Lamarche: Je vous suis parfaitement reconnaissant de
l'information que vous venez de me donner. Vous pouvez être sûr
que, de retour à Montréal, je vais faire la vérification
voulue, d'autant plus que le fait d'assumer une urgence dentaire est une
obligation pour certains services dentaires agréés par les
universités.
D'autre part, il existe aussi des intentions du ministère au
niveau du CRSSS d'organiser certains services d'urgence qui entreraient, me
dit-on, en compétition avec l'organisation du service d'urgence que le
syndicat a déjà mis sur pied. C'est un problème
délicat qu'il faut manoeuvrer avec des pincettes, mais je sais qu'il y a
des intentions et des velléités dans ce sens. (21 h 15)
M. Rochefort: Écoutez, tout ce que je vous dirai, je
n'entrerai pas dans les conflits possibles ou la concurrence possible entre le
syndicat et les services du CRSSS...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Gouin, parce ce que...
M. Rochefort: Oui mais, M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais qu'on tente
autant que possible d'entrer dans...
M. Rochefort: ... je ne considère pas avoir abusé
du temps...
M. le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, à
l'ordre, un instant, s'il vous plaît!
M. Rochefort: ... de la commission M. le Président (M.
Bordeleau): Non...
M. Rochefort: ... non, mais je ne pense pas avoir abusé du
temps de la commission depuis le début de ses travaux.
M. le Président (M. Bordeleau): M. le député
de Gouin, je veux juste vous rappeler que je voudrais autant que possible
rentrer dans l'heure qu'on s'est fixée...
M. Rochefort: J'ai juste une dernière...
M. le Président (M. Bordeleau): ... Je vous demande
d'être un petit peu plus concis, et je demande également au
répondeur, soit M. Lamarche, de tenter...
M. Rochefort: Vous n'avez pas un discours à faire en
Chambre, ce soir?
M. le Président (M. Bordeleau): Non, je tenterai de
demander au député de Gouin ainsi qu'à vous, quand vous
répondez, de tenter de faire des réponses les plus brèves
possible. Alors M. le député de Gouin...
M. Rochefort: Je termine, M. le Président...
M. le Président (M. Bordeleau): ... conclusion rapide.
M. Rochefort: ... juste une dernière, compte tenu de la
dernière réponse du président de l'Ordre des dentistes. Je
n'essaierai pas d'entrer dans la concurrence possible entre les services que le
syndicat offre et les services que le CRSSS peut offrir. Sauf qu'il faut voir
que dans la centrale d'urgence, qui doit être mise en place actuellement,
si on veut offrir toutes les urgences, il va falloir trouver une réponse
pour le citoyen qui va appeler le samedi soir à minuit et demi pour une
urgence dentaire.
M. Lamarche: Vous avez tout à fait raison. Je pense que
l'Ordre des dentistes, s'il a un rôle à jouer, par son
autorité morale, vous pouvez être sûr qu'il va le
faire. On a déjà commencé, d'ailleurs, à le
faire.
M. le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Lamarche. Alors
M. le député de Berthier.
M. Houde: M. le Président, tout d'abord, la réponse
qu'il a donnée tantôt à Mme Thérèse
Lavoie-Roux fait que la question est vite posée. Deuxièmement, en
ce qui concerne les soins de fin semaine à Montréal, j'ai
seulement à vous féliciter, parce qu'à deux reprises j'ai
eu à m'en servir pour un hôte de ma famille, et ça s'est
fait immédiatement. Merci beaucoup. Je voulais vous le mentionner.
M. le Président (M. Bordeleau): Alors merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce que c'est une urgence dentaire?
Pouvez-vous me dire ça brièvement?
M. Lamarche: Une urgence dentaire, brièvement...
M. Johnson (Anjou): Brièvement...
Mme Lavoie-Roux: Parce que j'ai déjà eu mal aux
dents toute une nuit, puis j'ai attendu jusqu'au matin.
M. Johnson (Anjou): On n'a pas toute la soirée.
M. Lamarche: Ça va devenir urgent que ça cesse. Une
urgence dentaire c'est comme une urgence médicale. C'est toute situation
qui cause la douleur ou qui, à défaut d'une intervention dans un
délai rapide, pourrait causer des troubles irréversibles et
importants. La douleur est une urgence.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est une belle définition, mais
quand vous avez mal aux dents, vous ne savez pas si la douleur va causer des
troubles irréversibles ou non.
M. le Président (M. Bordeleau): Alors Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: M. le Président, je vous remercie. Une simple
question d'information. Depuis quelques années, on a assisté
à une progression, je dirais effarante, du nombre de radiographies
prises par les dentistes. Disons que le chiffre n'est peut-être pas
exact, mais si on part de certaines régions de 15% et qu'on monte
au-delà de 100% le nombre de radiographies exigées dans les
bureaux de dentistes, je me pose la question: Qu'est-ce qui a causé une
si grande importance aujourd'hui de prendre des radiographies pour chaque
dossier ou chaque cas en particulier?
J'aimerais bien ça que quelqu'un puisse me donner la
réponse.
M. le Président (M. Bordeleau): Alors, la question est
posée, Dr Lamarche.
M. Lamarche: C'est une question relativement embêtante.
Qu'est-ce qui a causé l'augmentation " de la prise de radiographies?
Écoutez, il y a de plus en plus de gens qui se font traiter. Ensuite, la
pédagogie universitaire recommande que, pour poser un acte valable, on
doive prendre des radiographies, étant donné qu'environ 40%
à 50% des pathologies ne sont visibles que radiologiquement parlant.
Mme Juneau: Une sous-question, s'il vous plaît. Est-ce que
la pédagogie a changé depuis quelques années,
soudainement? Disons que ça ferait huit ou neuf ans. Moi je me pose la
question, est-ce que vous avez un autre système ou qu'est-ce qui
explique une progression aussi vite et aussi énorme, je dirais?
M. Lamarche: Écoutez, c'est une dimension
préventive, également, dans ce domaine-là. Il y a beaucoup
plus de jeunes, à cause de la disparition de la barrière
financière, de par la Régie, qui consultent le cabinet
dentaire.
Mme Juneau: L'assurance-maladie...
M. Lamarche: L'assurance-maladie, je le dis bien. En faisant
disparaître la barrière financière, on a beaucoup plus de
jeunes qui se rendent chez le dentiste. Ça n'a pas tout résolu,
mais ça résout un certain nombre de problèmes. La
radiographie, vous pourriez assister à un nombre assez important au
niveau des obturations, au niveau des couronnes en acier inoxydable, au niveau
des prophylaxies, au niveau des examens, à tous les niveaux. Mais la
radiographie étant une irradiation sur le corps humain, on en a fait un
peu un moyen d'apeurer le public. Il y a des cas déviants; c'est
sûr que la régie va nous transmettre des fois des profils sur
lesquels on intervient. Il y des profils déviants, il y a des
déviances pour tous les actes, mais elles sont minimes par rapport
à la quantité d'actes qui se posent, par rapport à la
quantité de dentistes. C'est un phénomène qui est normal.
Si on veut avoir une qualité d'actes valables, il faut qu'on utilise les
moyens diagnostiques susceptibles de générer des traitements de
qualité.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Lavoie-Roux: La parole est aux femmes, ce soir M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): II semble que oui.
Mme Dougherty: Vous avez parlé de la mauvaise
qualité de notre santé dentaire au Québec par rapport aux
autres provinces; non pas de la qualité des soins, mais de la
qualité de la santé dentaire des gens. Aussi, je crois que vous
avez cité comme chiffre que 51% des gens profitent des services
gratuits. Il me semble que l'une des façons d'améliorer
l'accessibilité aux services dentaires et, en même temps, la
qualité de la santé dentaire de nos citoyens est d'organiser un
service dentaire universel dans nos écoles. Avez-vous des commentaires
là-dessus?
M. Lamarche: Certainement. Vous soulevez un point qui s'inscrit
à l'intérieur d'une politique de santé dentaire que,
justement, le ministère des Affaires sociales a soumise à
différentes corporations.
Ce qui est favorisé, ce ne sont pas nécessairement des
soins dentaires. Le problème de la santé dentaire au
Québec n'est pas une question de soins dentaires; c'est une question
d'éducation. Le meilleur endroit pour faire de l'éducation et
prévenir, l'occurrence des maladies dentaires qui sont très
coûteuses, c'est d'inculquer aux enfants, aux parents, ainsi qu'aux
éducateurs des habitudes de prévention. Donc, nous sommes
parfaitement d'accord, nous le demandons depuis fort longtemps et je pense
qu'il faut applaudir le ministre dans ce domaine-là étant
donné qu'il y a finalement un geste concret qui se pose en
médecine dentaire, c'est-à-dire qu'on va s'attaquer au
problème de la prévention. On ne s'entend pas tout à fait
sur certains moyens, mais je pense que le principe est là et notre
collaboration est acquise.
Le seul point de divergence, c'est que le ministère veut mettre
de l'avant des actes de prévention, alors que nous, nous
préconisons des changements de comportement. Le problème n'est
pas de recevoir une application topique de fluorure une fois par année,
de manger des "chips" et ne pas se laver les dents trois jours après;
c'est de rendre le patient ou la population consciente, d'une part, de
l'importance de la bouche et des dents dans sa santé et de l'importance
d'une bonne hygiène pour éviter d'avoir à débourser
des coûts importants pour remettre sa santé dentaire en point ou
pour corriger certaines anomalies qui sont très coûteuses
lorsqu'on les a négligées.
Je pense qu'on n'a pas de raison, nous autres les
Québécois, de ne pas avoir des dents aussi bonnes que les gens de
l'Ontario et du reste du Canada. En moyenne, les enfants de 11 à 13 ans
ont quatre fois plus de dents extraites que les enfants de l'Ontario, par
exemple. Ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas une question d'argent, ce n'est
pas une question d'accessibilité; c'est une question d'attitude
socio-culturelle. Tant qu'on ne s'attaquera pas à des changements
d'attitudes... Ce ne sont pas les dentistes qui peuvent faire ça, ils
peuvent collaborer. Ce sont des hygiénistes, des communicateurs, des
sociologues et je pense que ça revient à celui qui a la
responsabilité finale de la santé, soit le gouvernement. On
assure le gouvernement de toute notre collaboration, à toutes les
instances, mais on peut intervenir sur la prévention seulement chez les
gens qui viennent nous voir. Les gens qui ne viennent jamais nous voir, il
faudrait que ce soit d'autres personnes qui aillent les voir. Tant qu'on
n'agira pas chez ces gens-là, on ne va traiter dans nos cabinets
privés que des gens qui sont déjà motivés. C'est
actuellement ce qui se produit. On a les meilleurs dentistes et on traite
toujours la même population, mais et il y a une population qui
reçoit encore ses extractions et ses deux dentiers comme cadeau de
Noël.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Lamarche.
M. Rivest: J'aurais peut-être une dernière
question.
Le Président (M. Bordeleau): Un moment, M. le
député de Jean-Talon.
Mme Dougherty: Vous avez placé la responsabilité
sur le gouvernement, mais je ne sais pas si le ministre a vraiment entendu
votre réponse. Je crois que c'est quelque chose de très
important, tout l'aspect préventif, et je demande d'abord si vous avez
reçu la corporation des commissions scolaires à cet égard.
Peut-être que le ministre a quelques commentaires à faire sur la
responsabilité du gouvernement à l'égard de tout ce
programme de prévention dans les écoles, qui est tellement
important pour améliorer la situation.
Le Président (M. Bordeleau):
Rapidement, si vous voulez bien.
M. Johnson (Anjou): Très rapidement, M. le
Président, pour satisfaire à vos exigences. Nous aurons
l'occasion de rediscuter tout cela à l'étude des crédits
au mois d'avril prochain; je pense que c'est là la place pour des
débats aussi larges. Cependant, je voudrais dire que nous avons la
collaboration de l'ordre dans le cadre de ce projet de politique en
matière de santé dentaire, et ce qu'a évoqué le Dr
Lamarche tout à l'heure provient effectivement d'un projet
gouvernemental où nous demandons à l'ordre, notamment, et
à d'autres intervenants en matière de santé dentaire, de
nous fournir leurs commentaires.
II y a un travail très systématique qui est fait, un
travail de réflexion très profond qui pourra amener dans les
années qui viennent des changements qui sont vraiment en profondeur
puisque, comme le disait le Dr Lamarche, il y a là des notions qui sont
fondamentalement socio-culturelles, si on veut, des notions de comportements,
d'attitudes, sans compter la question de la fluoration; mais, je ne voudrais
surtout pas soulever ce débat-là ce soir.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
Le député de Jean-Talon; une petite question, j'aimerais
que cela se fasse rapidement, si vous le voulez bien.
M. Rivest: Une question d'information, Dr Lamarche, en vous
remerciant, bien sûr. Est-ce que sur le plan... Ma collègue
soulignait le problème des "chips", mais quand je vois le
député de Rouyn-Noranda mâcher de la gomme à la
commission parlementaire, est-ce que c'est bon sur le plan dentaire?
M. Lamarche: Mon vice-président me dit: Tant qu'on ne fait
pas de ballounes, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Lamarche, ainsi
qu'aux personnes qui vous accompagnaient. Cela a été fort
agréable, et je vous remercie.
M. Lamarche: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): J'appelle donc maintenant
l'Ordre des pharmaciens du Québec, représenté par M.
Jean-Claude Marquis.
Alors, je présume que c'est bien M. Marquis; c'est cela?
M. Marquis (Jean-Claude): C'est cela.
Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez bien nous
présenter les personnes qui vous accompagnent.
Ordre des pharmaciens du Québec
M. Marquis (Jean-Claude): À ma droite, M. Yves
Gariépy, vice-président de l'Ordre des pharmaciens, et à
ma gauche, Josée Bourdon, avocate, conseillère juridique de la
corporation.
M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, mesdames
et messieurs, membres de la commission, mesdames, messieurs.
Qu'il me soit permis d'abord de vous remercier pour avoir invité
l'Ordre des pharmaciens du Québec à venir vous exposer ses vues
sur le projet de loi no 27 déposé le 19 novembre dernier. Suite
à cette présentation, il nous fera plaisir de répondre
à toutes vos questions.
Comme vous le savez sans doute, l'Ordre des pharmaciens est une
corporation qui existe depuis de très nombreuses années. Avant
même l'adoption du code des professions, nous avions mis sur pied un
programme d'éducation continue obligatoire pour tous nos membres. En
1974, nous fûmes l'une des premières corporations à
instaurer le système d'inspection professionnelle prévu au code.
Nous sommes toujours, en 1981, profondément soucieux d'évaluer et
de contrôler la qualité de l'acte pharmaceutique.
Ainsi, nous avons récemment publié un guide de pratique
que nous avons jugé opportun d'annexer au présent mémoire,
afin que vous puissiez en prendre connaissance. (21 h 30)
L'Ordre des pharmaciens regroupait, au 30 novembre 1981, 3499 membres;
2358 de ces membres oeuvrent dans les officines privées, alors que 487
évoluent dans le réseau des affaires sociales,
c'est-à-dire les centres d'accueil et les centres hospitaliers.
L'histoire et les législations en vigueur n'ayant guère
favorisé la rationalisation des services pharmaceutiques au
Québec, le projet de loi étudié aujourd'hui, par les
modifications qu'il propose d'apporter à la Loi sur l'assurance-maladie,
à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, vise
le public fréquentant et les officines privées et les
établissements de santé. Pour l'Ordre des pharmaciens,
l'étude de ce projet de loi constitue une occasion idéale pour
suggérer des améliorations au système actuel de
distribution de biens et services pharmaceutiques destinés au public,
ainsi que pour faire valoir les objectifs de cohérence et de
complémentarité nécessaires au bon fonctionnement de ce
système.
Modifications proposées à certaines dispositions de la Loi
sur l'assurance-maladie. Article 1. L'accessibilité aux services pour
les bénéficiaires d'un programme est une réalité
souvent distincte des droits effectifs que possèdent ces citoyens, et ce
n'est pas par hasard que le législateur, au huitième
alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie, tel que
rédigé actuellement, a utilisé les mots: "... ces services
ne comprennent pas ceux qu'une personne peut obtenir et auxquels elle a
droit..." Ainsi, pour éviter qu'une partie de la population visée
par le programme d'assurance-médicaments ne reçoive les services
pharmaceutiques auxquels elle a droit, l'Ordre des pharmaciens recommande que
les mots "troisième et quatrième" soient ajoutés à
la cinquième ligne de l'article 1 du projet de loi 27, afin qu'il se
lise comme suit: "Cependant, les services visés dans les premier,
troisième et quatrième alinéas auxquels une personne a
droit en vertu de la
Loi sur les services de santé et les services sociaux, et de la
Loi sur l'assurance-hospitalisation ou qui sont rendus en vertu de la Loi sur
la santé et la sécurité au travail demeurent des services
assurés en vertu de la présente loi.
Dans le même ordre d'idées, nous croyons important de vous
souligner que la globalité des services pharmaceutiques souffrent,
à notre avis, lorsqu'une interprétation unilatérale de la
Régie de l'assurance-maladie restreint la définition de l'opinion
pharmaceutique au seul médicament apparaissant sur la liste
dressée par le ministre, et ce, en vertu de l'article 4 de la Loi sur
l'assurance-maladie. Ainsi, l'opinion signalant un problème
créé par l'utilisation concomitante de l'huile minérale et
de vitamines A et D contenues dans une préparation de Decavitamine
pourrait être un service non assuré selon la Régie
d'assurance-maladie du Québec.
En conséquence, nous recommandons que le pouvoir
réglementaire prévu aux troisième et quatrième
alinéas de l'actuel article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie soit
immédiatement utilisé, pour que la définition de l'opinion
pharmaceutique comprenne notamment la préparation de l'histoire
médicamenteuse du malade et qu'elle s'applique aux médicaments
non prescrits conformément à la recommandation d'un groupe
d'étude que le gouvernement avait formé et qui a
été présidé par le Dr Fernand Hould.
Article 2. L'article 2 du projet de loi 27 modifie l'article 4 de la Loi
de l'assurance-maladie, lequel traite de la liste des médicaments
dressée par le ministre. L'article 21 de la Loi sur la pharmacie
réfère également à cette liste, puisqu'il
prévoit le pouvoir de substitution: "Un pharmacien doit exécuter
une ordonnance suivant sa teneur intégrale. Il peut toutefois, pourvu
qu'il en avise le client et qu'il l'inscrive au dossier, substituer au
médicament prescrit un médicament dont la dénomination
commune est la même et qui apparaît à la liste des
médicaments visés à l'article 3a de al Loi sur
l'assurance-maladie, à moins d'indication contraire formulée de
sa main par l'auteur de l'ordonnance".
Vous comprendrez facilement que tout retrait d'une dénomination
commune comme apparaissant à la liste modifie automatiquement ce pouvoir
de substitution que possèdent les pharmaciens, et prive de ce fait non
seulement les bénéficiaires du programme de médicaments,
mais également l'ensemble de la population québécoise.
Ainsi, le prix des comprimés Bisacodyl varie du simple au double, mais
le pharmacien serait lié par la prescription du médecin, ce qui
signifie qu'il ne pourrait pas faire de substitution.
Nous recommandons par conséquent que des modifications soient
apportées à l'article 21 de la Loi sur la pharmacie, afin qu'il
se lise désormais comme suit: "Un pharmacien doit exécuter une
ordonnance suivant sa teneur intégrale. Un pharmacien peut, toutefois,
pourvu qu'il l'inscrive au dossier du patient, substituer au médicament
prescrit, un médicament dont la dénomination commune est la
même."
Terminons cette intervention sur la liste en insistant sur le fait que
l'un des critères utilisés par le Conseil consultatif de
pharmacologie pour y inclure un médicament est l'absence de
publicité du fabricant auprès du public. Nous remettrons au
ministre des Affaires sociales, d'ici quelques mois, un important dossier
traitant, entre autres, de l'effet néfaste de la publicité sur la
consommation des médicaments.
Quant aux cas, conditions et circonstances qu'ils déterminent,
dont fait état l'article 2 du projet de loi no 27, nous osons croire que
cette disposition ne servira pas à concrétiser une recommandation
du Conseil consultatif de pharmacologie relative aux médicaments
d'exception. Si tel était le cas, il nous faudrait dénoncer
ouvertement ces autorisations au préalable, lesquelles auraient
notamment comme conséquence l'imposition de délais postaux
inégaux pour les bénéficiaires. Encore une fois, les
bénéficiaires des régions les plus
périphériques du Québec deviendraient les victimes d'une
telle discrimination.
Nous serions également plus facilement enclins à
dénoncer cette exigence des justifications thérapeutiques comme
une ingérence du gouvernement dans le champ d'évaluation de la
qualité des services. C'est pourquoi nous recommandons l'inclusion de
ces médicaments dans la liste régulière. Cependant,
à défaut d'inclure cette catégorie de médicaments
dans la liste régulière, nous recommandons que soit
indiqué, sur l'ordonnance prescrivant ce type de médicament, le
ou les critères reconnus par le Conseil consultatif de pharmacologie,
afin que le pharmacien devienne autorisé à fournir
immédiatement au bénéficiaire le médicament requis,
et ce, sans aucun délai.
Article 4. L'article 4 du projet de loi propose, au premier
alinéa, des modifications à l'article 19 de la Loi sur
l'assurance-maladie, afin de limiter aux seules conditions de travail les
ententes pouvant être conclues entre le ministre et les organismes
représentatifs de toute catégorie de professionnels de la
santé. Donc, si nous comprenons bien cette modification, les garanties
d'autonomie professionnelle, par exemple, ne pourraient plus faire l'objet de
ces ententes. Ainsi, nous recommandons que la version actuelle du premier
alinéa de l'article 19 demeure la même.
La répartition géographique des pharmaciens, bien que
correspondant
davantage aux besoins de la population depuis la dernière
décennie, pourrait encore faire l'objet d'amélioration. Or,
lorsque des mesures législatives visent à garantir des services
à l'ensemble de la population, nous croyons que celles-ci devraient
s'appliquer également aux pharmaciens. Ainsi, nous recommandons de
remplacer, aux deuxième et septième alinéas de l'article
19, modifié par l'article 4 du projet de loi, le mot "médicaux"
par le mot "professionnels", de sorte que ces alinéas se liraient comme
suit: "Une entente peut prévoir une rémunération
différente pour la fourniture de services professionnels dans un
territoire où le ministre estime que les effectifs de professionnels de
la santé sont insuffisants. S'il estime que dans une région
l'absence des services professionnels adéquats met en péril la
santé publique, le ministre peut, afin de permettre la fourniture de ces
services dans un établissement, convenir avec tout professionnel de la
santé de conditions de travail différentes de celles
prévues à une entente."
Nous espérons cependant que la mise en application des mesures
législatives adoptées en 1979, dans le cadre du projet de loi 84
et concernant les primes d'encouragement ou d'installation, ne saurait tarder
plus longtemps.
Article 10. L'article 10 du projet de loi no 27 traite du remplacement
ou de la nomination des membres d'un comité de révision ayant
terminé leur mandat. Nous voulons ici profiter de l'occasion pour
signaler aux membres de cette commission que le comité de
révision des pharmaciens, prévu au 7e alinéa de l'article
42 de la Loi sur l'assurance-maladie, n'a jamais été
constitué, et ce, même si le dernier rapport annuel de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, aux pages 33 et 34, le
laisse croire. Nous nous devons ici de recommander que ce comité soit
constitué et que lui soit confiée l'étude, s'il y a lieu,
de certains cas de transferts thérapeutiques qui ont été
portés à notre attention et celle des cas de services
pharmaceutiques qui auraient été fournis plus fréquemment
que nécessaire ou de façon abusive, s'ils existent.
Articles 19 et 20. Nous n'avons pas, a priori, d'objections à
soulever concernant les modifications proposées aux articles 19 et 20 du
projet si la commission retient notre approche concernant la notion de
département clinique, notion à laquelle nous reviendrons plus
loin. Cependant, dans l'éventualité d'un désaccord avec la
commission sur ce sujet, nous nous verrons dans l'obligation de nous opposer
vigoureusement à l'adoption de ces modifications. Nous exigeons par
ailleurs du ministre des Affaires sociales qu'il nous précise dès
maintenant que le profil de pratique prévu à l'article 20 du
projet n'a rien à voir avec l'évaluation de la qualité des
services professionnels, compétence réservée en
exclusivité aux corporations professionnelles.
L'article 30 du projet propose des modifications à la section
relative aux bourses de recherche. Nous croyons important de vous signaler que
de plus en plus de pharmaciens poursuivent des études de deuxième
et troisième cycles. En conséquence, nous recommandons que soit
réservé aux demandes provenant de l'École de pharmacie de
l'Université Laval et de la faculté de pharmacie de
l'Université de Montréal 0,2% des sommes versées aux
pharmaciens dans le cadre du programme d'assurance-médicaments, somme
atteignant cette année environ 250 000 $. Dans la même
foulée, nous recommandons que soient davantage représentés
les pharmaciens au sein des jurys chargés de procéder à
l'examen des candidats boursiers.
Modifications proposées à certaines dispositions de la Loi
sur les services de santé et les services sociaux. Depuis 1960, le
pourcentage de pharmaciens contribuant au traitement des patients du
réseau des affaires sociales est passé de 15% à 25% du
nombre total de nos membres; la limite inférieure correspondant aux
équipes permanentes de pharmaciens, alors que la limite
supérieure englobe les étudiants "gradués et
sous-gradués" dans le réseau, ainsi que des praticiens et des
professeurs d'université qui participent aux activités de
recherche et d'enseignement. Ce n'est donc pas par hasard que les
règlements adoptés en vertu de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux en 1973 reconnaissaient la contribution
des pharmaciens en leur confiant la responsabilité du contrôle de
l'utilisation de tous les médicaments, drogues et poisons à
l'article 4.4.9a.
Cette reconnaissance se retrouvait également dans la Loi sur la
pharmacie sanctionnée en juillet de la même année. En
effet, le législateur confirmait le droit de veto du pharmacien en
choisissant délibérément le mot "autorisation" que l'on
retrouve dans la définition d'ordonnance prévue à
l'article lj. Ordonnance: "Une autorisation de fournir des médicaments
ou des poisons donnée par une personne autorisée à
prescrire des médicaments ou des poisons par une loi du
Québec".
Ce droit de veto accordé désormais aux pharmaciens
s'exerce pour le bénéfice du patient après
évaluation de nombreux paramètres prévus au guide de
pratique dont nous vous parlions au début de ce mémoire.
Toutefois, l'exercice d'un pharmacien en milieu hospitalier peut, à
l'occasion, souffrir d'une déficience de moyens en raison de certaines
dispositions du règlement adopté en vertu de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. En effet, ce
règlement
crée des ambiguïtés relativement au partage des
responsabilités entre les pharmaciens et le comité de
pharmacologie dont l'une des fonctions consiste à surveiller
l'utilisation des médicaments.
Dans le but de faire disparaître cette ambiguïté qui
existait d'ailleurs en médecine, l'article 77 du projet propose une
hiérarchie en vertu de laquelle les chefs de département clinique
voient leurs activités coordonnées et surveillées par le
directeur des services professionnels. Actuellement, le pharmacien, en plus de
communiquer avec les chefs de département clinique, se doit très
souvent, pour remplir adéquatement son rôle, d'ignorer la
structure en place dont fait partie le directeur des services hospitaliers pour
s'adresser immédiatement au directeur des services professionnels
lorsqu'un problème de thérapie surgit.
En fait, cette façon d'agir constitue la voie d'intervention la
plus naturelle. C'est pourquoi nous recommandons que les plans d'organisation
des établissements prévoient que le chef du service de pharmacie
soit sous la surveillance du directeur des services professionnels. Le chef du
département de pharmacie dirige une unité clinique dont la
fonction est clairement thérapeutique, tout comme celle du
département de biologie médicale est clairement diagnostique.
Qu'on nous laisse faire état des activités de
pharmacocinétique développées depuis quelques
années dans bon nombre de centres hospitaliers pour mieux illustrer ce
rôle.
Si le chef du département de pharmacie doit également
contrôler l'utilisation de budgets très importants dans de
nombreux hôpitaux, il devrait pouvoir compter sur des moyens accrus,
prévus dans la structure organisationnelle d'un département
clinique. C'est pourquoi nous recommandons que le plan d'organisation d'un
établissement accorde au département de pharmacie le statut de
département clinique. (21 h 45)
Un avantage non négligeable en découlera également,
puisque le chef de l'équipe de pharmaciens aura alors un mandat de
quatre ans; ceci provoquera de plus une vive émulation chez les autres
pharmaciens, émulation dont profiteront à moyen terme les
patients du réseau. Il a été également porté
à notre connaissance que les chefs actuellement en poste furent
consultés sur le sujet et se déclarent favorables à un tel
changement.
Enfin, dans le cas des hôpitaux d'enseignement, de telles
nominations devront faire l'objet de consultations avec l'université
concernée, ce qui aura pour effet d'assurer des échanges sur une
base plus régulière entre ces deux réseaux.
L'adoption des deux recommandations précédentes
nécessite, de toute évidence, des ajustements de concordance afin
que le
Conseil des médecins et dentistes soit élargi pour y
inclure les pharmaciens, ce que nous recommandons.
Dans un autre ordre d'idées, nous comprenons que l'article 38
modifiant le paragraphe e de l'article 18 de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux accorde au conseil régional le
pouvoir d'exercer de manière exclusive les fonctions suivantes:
"établir et administrer des programmes d'approvisionnement de biens et
services communs aux établissements de sa région" et "regrouper
des services fournis par plusieurs établissements". Nous désirons
que soit spécifié le type de services auxquels il est fait
référence dans cette modification, car nous croyons, d'une part,
que, si l'expression "services" comprend les services professionnels, ce
pouvoir ne devrait pas être confié en exclusivité aux
conseils régionaux.
Cependant, nous sommes d'accord sur le principe suivant lequel des
services de garde régionaux en pharmacie devraient être
institués car, actuellement, ce type de services est non seulement
négligé par les pharmaciens, mais fait également l'objet
de plaintes au niveau de l'Ordre des pharmaciens.
Puisque nous sommes conscients que le volume d'activité ne
justifie pas deux ou plusieurs services de garde en pharmacie sur un territoire
donné, le conseil régional, par exemple, pourrait susciter une
coordination entre les pharmaciens des réseaux public et privé en
invitant ces derniers à s'intégrer aux services de garde des
établissements. L'accessibilité des services pharmaceutiques la
nuit et les fins de semaine serait ainsi grandement
améliorée.
L'article 91 propose seulement une modification de concordance à
l'article 150 de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, lequel article vise les médicaments autorisés dans les
établissements. Nous aurions cependant préféré
qu'une seule liste de médicaments soit utilisée, tant pour le
programme de médicaments que pour les patients en
établissements.
L'utilisation de deux listes, c'est-à-dire le maintien du statu
quo, peut avoir comme conséquence, par exemple, qu'un patient demeurera
dans un centre hospitalier uniquement pour profiter d'une gratuité qu'il
n'aurait pas autrement. Ainsi, on peut présumer qu'un
paraplégique, assisté social, pourra être
hospitalisé pour un simple problème de fécalome ou de
constipation chronique.
Force nous est de conclure que ces attitudes ne favorisent guère
les politiques de maintien et de soins à domicile qui affichent un per
diem beaucoup plus bas que celui des établissements. D'autre part, c'est
un secret de polichinelle que certains établissements ont utilisé
et utilisent encore
la notion de "nécessité médicale
particulière" comme un fourre-tout. Ils se fichent donc
éperdument de la liste.
Il en résulte aussi souvent un bris de traitement,
particulièrement lorsqu'un patient, bénéficiaire du
programme d'assurance-médicaments, ajusté à
l'hôpital avec l'un de ces médicaments exclus du programme,
s'abstient, après son départ de l'établissement, de faire
exécuter une ordonnance, sa situation financière ne le lui
permettant pas. C'est pourquoi il serait intéressant d'avoir en main des
statistiques sur les taux de réhospitalisation due à ces
facteurs.
Nous sommes également convaincus que certains vaccins, agents de
diagnostic ou solutions physiologiques apparaissant dans la 19e liste ne
répondent aucunement à la définition de médicaments
"utilisés à des fins exclusives aux centres hospitaliers".
Finalement, qu'il nous soit permis d'ajouter à ce qui
précède qu'il ne serait que logique d'inclure dans l'arsenal des
salles d'urgence des CLSC les antidotes; en effet, nous tenons à le
souligner puisqu'à l'heure actuelle les dispositions de la loi ne le
permettent pas.
Pour toutes ces raisons, nous recommandons que soit modifié
l'article 150 de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux afin que soit, premièrement, abrogé le deuxième
alinéa et, deuxièmement, que soit remplacé le
troisième alinéa par le suivant: "Toutefois, un centre
hospitalier peut permettre l'utilisation d'autres médicaments que ceux
mentionnés au premier alinéa pour fins de recherche clinique et
fondamentale."
L'article 94 du projet de loi propose de modifier l'alinéa f de
l'article 173 actuel. Conscients d'un manque de concordance entre les exigences
du règlement de notre corporation professionnelle et la protection
offerte aux établissements par les assureurs en matière de
responsabilité professionnelle, nous recommandons qu'une garantie
absolue de protection existe pour le public consommateur de soins.
En conclusion, vous aurez compris qu'il nous fallait profiter d'une si
rare occasion pour vous signaler l'existence de dispositions légales et
réglementaires inutilisées au moment de faire l'étude de
nouveaux changements.
En terminant, M. le Président, soit dit sans trop d'humour, il
apparaît clair que la volonté du législateur libère
de l'acidité, lorsque digéré par l'appareil
technocratique.
Nous croyons vous avoir proposé, M. le Président, nos
meilleurs antiacides. Il ne nous reste plus qu'à vous remercier de nous
avoir invités à cette commission parlementaire et à vous
réitérer notre offre de collaboration. Merci.
Le Président (M. Beauséjour): Merci, M.
Marquis.
M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je vous remercie de vos préoccupations
gastriques. Dieu merci, ce n'est pas parce que vos propos sont
ulcérants! On pourrait continuer. Merci beaucoup, Dr Marquis, de vos
commentaires et de la qualité du mémoire que vous
présentez, malgré le fait que vous ayez eu relativement peu de
temps. Je reconnais cependant des thèmes qui sont bien connus de l'ordre
depuis un certain nombre d'années, chaque fois qu'il a été
question de législation dans le domaine des professions de la
santé; certains se rattachent plus spécifiquement au projet de
loi 27, donc, font partie de la toile de fond de la définition du
rôle, touchent ce qu'il y a autour de l'ordre des professions, notamment.
Je pense à toute cette question de la substitution qui pose les
problèmes qu'on connaît.
J'aurais une question qui touche les pharmaciens en
établissement. Quel est l'intérêt, à vos yeux, de
relever du DSP? Comment pourriez-vous articuler cela? Relever du directeur des
services professionnels.
M. Marquis (Jean-Claude): Assurément, je pense que le
pharmacien, au niveau d'une entité clinique, doit être
traité sur le même pied que n'importe quel autre professionnel qui
fait partie de cette entité clinique.
M. Johnson (Anjou): À l'égard des pharmaciens en
région, puisque vous faites des suggestions d'amendement pour substituer
le mot "professionnel" à ceux qui sont dans le projet de loi, pour que
ça puisse peut-être couvrir les pharmaciens, pourriez-vous nous
parler un peu de la situation, de façon générale, de la
répartition sur le territoire?
M. Marquis (Jean-Claude): II s'est présenté un
problème; on m'a laissé entendre, je pense que c'était
dans le courant de la journée aujourd'hui, que c'était
censément réglé, mais on prend le cas de Schefferville
où, depuis cinq ou six ans, on tente d'installer un pharmacien. Les
problèmes d'éloignement ont toujours freiné les
départs vers cette région. C'est un exemple, il peut y en avoir
d'autres. À un moment donné, on a eu un cas qu'on a réussi
à régler avec le ministère, je m'en souviens, je pense que
mon voisin pourrait en parler très largement. Il n'y avait aucun service
pharmaceutique il y a six ou sept ans aux Îles-de-la-Madeleine.
Aujourd'hui, vous avez quand même cinq pharmaciens qui y travaillent;
c'est ça, cinq?
M. Gariépy (Yves): Si vous permettez, sur la question de
la répartition
géographique. Si on compare les pourcentages des pharmaciens et
les pourcentages de population, il y a seulement la région de
Québec, Montréal et les Cantons de l'Est où les
pourcentages de pharmaciens sont en excès sur les pourcentages de
population. Alors, partout ailleurs, on a une déficience. Si on prend le
Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie qui représentent 5,9% de la
population québécoise, on y retrouve 3,3% des pharmaciens. C'est
un pourcentage qui n'est pas tellement significatif, si on le prend
sèchement comme un chiffre. Il faut savoir que la population, comme
l'ont dit avant nous les dentistes, est très répandue sur le
territoire, il y a très peu de concentration. Alors, on pourrait
difficilement imaginer qu'il y ait un tiers de pharmaciens à Port
Daniel, un tiers à Paspébiac et un tiers à
Grande-Rivière. Les chiffres qu'on peut considérer comme
acceptables ne le sont pas lorsqu'on se réfère à une carte
géographique.
M. Johnson (Anjou): Je suis heureux d'entendre votre remarque,
parce que la répartition des médecins ou des professionnels de la
santé sur le territoire, ce n'est pas une affaire de
mathématiques, la région administrative, la
Basse-Côte-Nord, on oublie que c'est grand comme un pays, ça 850
milles de long. C'est loin, Blanc-Sablon. Tu as beau avoir un médecin
à Sept-Îles, c'est un peu loin de Blanc-Sablon, mais ça
fait partie de la même région et c'est vrai qu'il y a toujours ce
danger de faire des mathématiques abstraites quand on pense à
cette notion de répartition sur le territoire, et je me rends compte
que, dans vos analyses, vous avez tenu compte de ce facteur.
Une remarque au sujet de l'article no 30. Je suis certain que ça
fera plaisir au président de l'ordre de savoir qu'il y a un
pharmacologue - je sais bien que ce n'est pas un pharmacien - mais il y a
maintenant un pharmacologue qui siège sur le FRSQ, qui est
substitué depuis un certain temps au CRSQ et qui dispense les
montants... Pardon. Oui, c'est le Dr Gagnon d'ailleurs qui est le
président du comité de pharmacologie que vous connaissez.
La suggestion que vous faites à la page - est-ce que c'est 12? -
à savoir que l'accessibilité des fins de semaine soit
améliorée par le fait d'intégrer une coordination des
services de pharmacie, est-ce que vous pourriez peut-être évoquer
pour les membres de la commission cette question de l'accessibilité
à des services de pharmacie? A Montréal notamment qui est une
expérience, et peut-être faire le tour de l'historique que je
connais un peu.
M. Marquis (Jean-Claude): Dans les grandes régions, c'est
peut-être moins nécessaire qu'il y ait l'intégration des
deux réseaux. Si on prend la région de Montréal, l'Ordre
des pharmaciens a créé, il y a à peu près un an un
an et demi, un service d'urgence de pharmacie, c'est arrivé, c'a
coïncidé avec le départ ou l'arrêt de travail de
Télé-Médic, il y a eu des... le problème qu'on a
pressenti au niveau de ce service-là, c'est la communication entre le
médecin et le pharmacien sur une urgence.
Actuellement, on est en pourparlers avec le CRSSS de Montréal.
Cela devrait être en branle très bientôt et tout va
être centralisé au même endroit, c'est-à-dire que les
appels pour le médecin, pour le pharmacien vont se faire au même
endroit. Vous savez, dans la région de Montréal, c'est un
problème pour le pharmacien d'aller répondre à une urgence
parce qu'il va arriver à la porte de la pharmacie et ça va
être un hold-up qui va se faire faire ou quelque chose du genre; alors,
c'est assez difficile.
Dans le système qu'on prévoit, il y aurait une trousse que
le pharmacien pourrait traîner avec lui. Il pourrait se déplacer.
Alors le concours du CRSSS devrait être en fonction dès le
début de l'année 1982.
Dans les régions éloignées, le problème se
présente même au niveau des centres hospitaliers. Vous avez, par
exemple, dans un hôpital, un pharmacien; il existe, au niveau de
l'hôpital, un service d'urgence 24 heures; c'est évident, les
malades entrent lorsqu'ils sont malades. A ce moment-là, est-ce qu'on
peut demander à ce pharmacien-là d'être de garde à
l'hôpital 24 heures par jour, sept jours par semaine, 365 jours par
année? On dit, s'il y a possibilité, s'il y a deux pharmaciens du
service privé qui sont dans le même arrondissement, on peut les
organiser deux, trois ensemble pour donner le service à la population.
Je pense que cela pourrait s'intégrer assez facilement, ça serait
faisable.
M. Johnson (Anjou): Où trouveraient-ils leurs
intérêts? C'est normal, ce n'est pas un gros mot.
M. Marquis (Jean-Claude): II faudrait peut-être poser la
question au syndicat à ce moment-là. De toute façon, pour
nous, ce qui nous apparaît important, c'est qu'il y aurait moyen
d'arriver à une rémunération suffisante pour le
pharmacien, mais ça m'apparaît primordial que les services soient
fournis à tous les patients et dans n'importe quelle région, pas
seulement dans les régions urbaines.
M. Johnson (Anjou): D'accord. Alors, je vous remercie. Je prends
bonne note aussi de vos commentaires généraux sur les pouvoirs
réglementaires qui sont de mise d'ailleurs. Je vous remercie des
éclaircissements que vous nous avez donnés, on va digérer
cela seul et
avec d'autres. Merci.
Le Président (M. Beauséjour): Madame la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
l'Ordre des pharmaciens pour leur mémoire. Je dois vous dire qu'il y a
dedans beaucoup de points que vous soulevez et qui devraient faire l'objet
probablement de ma part de questions au ministre plutôt que de questions
qui vous sont adressées. (22 heures)
Par exemple, comment se fait-il que le comité de révision
n'ait pas encore été créé, puisque dans la loi 84,
je pense, où il avait été prévu? À votre
avis, est-ce qu'il y a une raison particulière? Je le demanderai au
ministre lors de l'étude article par article aussi.
M. Marquis (Jean-Claude): Peut-être que les pharmaciens
font tous très bien leur travail et que la régie n'a pas à
se plaindre à ce moment-là. Je ne le sais pas. C'est
peut-être parce qu'on n'a pas les profils. On trouve un petit peu
agaçant qu'on fasse des allusions sur la pratique pharmaceutique, alors
qu'il devrait y avoir un comité qui devrait s'occuper de cela. Tous les
professionnels de la santé impliqués ont reçu du
président de la régie, je pense que c'est vendredi dernier, une
lettre faisant une mise au point sur des prescriptions verbales ou des
prescriptions orales. Selon la loi qui nous régit, qui est la loi
fédérale, la prescription verbale est aussi légale que la
prescription écrite. Alors, on dit qu'il y a à peu près
20% de prescriptions verbales et que cela devrait descendre davantage. Je ne
suis pas de cet avis-là, parce que, dans la nouvelle pharmacie qu'on
pratique aujourd'hui, le pharmacien peut intervenir dans une ordonnance. S'il
intervient, s'il contacte le médecin et fait une modification a
l'ordonnance, cela devient une prescription verbale. Plus il y aura de
prescriptions verbales, je pense, plus il y aura d'interventions des
pharmaciens. Alors, le critère de dire: II faudrait diminuer les
prescriptions verbales, je trouve cela bizarre, à moins qu'on ne laisse
soupçonner que les pharmaciens font des fausses prescriptions verbales;
cela, j'aime moins cela. Si c'est cela, qu'on amène cela dans le
comité de révision.
Mme Lavoie-Roux: C'est étonnant comme mes questions
suscitent toujours des réactions. Allez-y, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Non, c'est intéressant. Je pense que
vous ouvrez des champs tellement intéressants.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que c'est quand même un point
important...
M. Johnson (Anjou): Non, mais c'est un fait.
Mme Lavoie-Roux: ... étant donné qu'il y a quelque
chose dans la loi. Allez-y, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Justement, c'est là-dessus, c'est sur
cette question du comité, juste pour qu'on essaie de tirer au clair
certaines choses. J'ai parlé au président de la régie,
comme vous l'avez vu, qui nous accompagne dans cette commission. À
l'égard de la question du comité de révision de l'article
47, vous reprochez, d'une part, à la régie de ne pas l'avoir
créé et, deuxièmement, vous laissez entendre que la
régie aurait laissé entendre qu'il existait...
M. Marquis (Jean-Claude): Pas seulement la régie. On
entend à un moment donné, que les pharmaciens auraient
peut-être fait des transferts thérapeutiques, quand on a
retiré le Glyceryl Guaiacolate de la liste des médicaments, par
exemple. Ils disent: Si c'est vrai, qu'on amène ces cas-là, tout
simplement, au comité de révision et on va les
évaluer.
M. Johnson (Anjou): II y a le comité de révision de
l'article 47 qui, lui, n'a pas été créé. C'est
cela. On me dit qu'il y a deux difficultés à cela,
c'est-à-dire qu'il y a une raison et une difficulté.
L'expérience des autres comités de révision dans le cas
des omnipraticiens, c'est six à huit cas par année. Dans le cas
des spécialistes, c'est six à huit cas par année. Dans le
cas des pharmaciens, pour une raison ou pour une autre, on ne semble pas
présumer que ce serait plus que six à huit cas par année,
je suppose, aussi; peut-être un peu moins, d'ailleurs, compte tenu de
leur ordre de grandeur.
Deuxièmement, on me dit qu'il y a un problème de
définition du "pharmaceutiquement non requis". Pourriez-vous
peut-être nous éclairer un petit peu sur cette question de
terminologie sur le "pharmaceutiquement non requis"?
M. Marquis (Jean-Claude): Évidemment, je pense bien que le
problème de la régie, c'est qu'à toutes fins utiles le
pharmacien ne génère pas l'ordonnance, il ne génère
pas son acte; c'est un autre qui génère l'acte. Alors, ce qui
pourrait arriver, c'est que, si la répétition est trop rapide au
niveau du profil, cela peut venir toucher à la pratique pharmaceutique.
Si la régie n'est pas capable de trouve): des problèmes dans ce
sens-là, à ce moment-là qu'on n'en parle pas et qu'on ne
dise pas un mot ou, tout simplement, qu'on contacte la corporation en disant:
On
semble évaluer un certain problème, voulez-vous
intervenir? Nous, on va intervenir auprès de nos membres et on va leur
dire: II y a un tel problème qui semble se dessiner, il faut que cela se
corrige. Je pense que c'est le travail de la corporation de voir à ce
que les services qui sont rendus soient quasi parfaits, dans le fond.
M. Johnson (Anjou): D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez fini, M. le ministre?
M. Johnson (Anjou): Je pensais que cela pouvait alimenter la
réflexion de ma collègue.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre a des mots
passe-partout.
Il reste que je voudrais revenir sur cette question. La
définition des mots, "pharmaceutiquement requis" semble difficile. La
première raison: on présume qu'il n'y en aurait pas beaucoup, je
ne veux pas présumer qu'il y en a beaucoup. J'examinais les chiffres de
la régie l'an dernier, et je pense que c'est une question qui doit vous
préoccuper, c'est le fait qu'on a rendu plus universelle la
gratuité des médicaments. Il y a peut-être aussi un plus
grand nombre de bénéficiaires de l'aide sociale qui ont droit aux
médicaments, tout ça contribue à une augmentation, mais,
compte tenu de ces deux facteurs, est-ce que l'augmentation des coûts
pour les médicaments, dans l'ensemble de l'augmentation des soins
médicaux ou soins de santé, est plus grande? Est-ce que vous avez
observé ça? Est-ce que vous avez une explication, en dehors des
deux facteurs que j'ai identifiés?
Je vous pose la question, ce n'est pas que j'aie une
arrière-pensée... j'en ai une, j'aime autant vous la dire tout de
suite, vous n'avez pas de comité de révision. S'il y avait des
abus dans ce sens... On dit: Non, il n'y en a pas. Cela m'inquiète comme
phénomène. Est-ce simplement une surconsommation de
médicaments faite par la population? Enfin, il y a tous ces
facteurs.
M. Marquis (Jean-Claude):
L'augmentation des coûts est due surtout à l'augmentation
des médicaments, c'est-à-dire que le pharmacien fournit un
service et un bien.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une surconsommation.
M. Marquis (Jean-Claude): Non. C'est-à-dire que...
Mme Lavoie-Roux: II peut y en avoir, mais ce n'est pas un
phénomène général.
M. Marquis (Jean-Claude): Non. D'abord, il y a une chose que
j'aimerais préciser quand on parle de surconsommation de
médicaments, c'est un terme que je n'aime pas employer. J'aime mieux
parler d'une consommation qui ne me paraît pas rationnelle. Parce que
dans mon esprit, si une personne prend un comprimé et qu'elle n'en a pas
besoin, elle vient de surconsommer, ce n'est pas nécessairement une
quantité de médicaments. A ce niveau, le grand problème
qui existe aujourd'hui, c'est l'augmentation considérable du produit
qu'on livre. Dans l'industrie pharmaceutique, tous ces nouveaux
médicaments sont rendus à des prix prohibitifs. Quand on sort un
nouveau médicament pour l'arthrite, que ça coûte 60 $ au
pharmacien pour 100 capsules, ça commence à coûter cher au
malade qui est obligé de payer. L'honoraire du pharmacien n'est pas
compris là-dedans. C'est une chose qu'on ne peut pas
contrôler.
Mme Lavoie-Roux: Une autre chose que je me suis laissé
dire, et il ne faudrait pas dire que c'est généralisé,
mais il peut y avoir un certain nombre de patients, de personnes qui, par
exemple, se font prescrire trop de médicaments, quelles que soient les
fins auxquelles elles les utilisent. Pour vous autres, il n'y a pas de moyen de
contrôle. Supposons qu'une personne se fait prescrire, par exemple, le
même type de médicament pour un si grand nombre de jours qu'elle
ne pourrait pas les consommer. Comment pouvez-vous contrôler cela?
M. Marquis (Jean-Claude): Comme l'ordonnance n'est plus une
obligation de livrer, c'est une autorisation, le pharmacien n'a qu'à
intervenir et qu'à refuser. Il arrive qu'on a deux produits...
Mme Lavoie-Roux: S'il se promène d'une pharmacie à
l'autre, le pharmacien ne le sait pas.
M. Marquis (Jean-Claude): Ça, c'est beaucoup plus
difficile, ça nous prendrait un système de dossiers centrais qui
n'existe pas pour le moment, ce serait assez compliqué. Peut-être
qu'un jour, par l'intermédiaire de la régie, ça pourra se
réaliser. Mais, quand même, la régie a publié des
statistiques il y a quelques années et dans ce domaine ce n'est pas
tellement inquiétant parce que les statistiques disaient que 83% des
bénéficiaires du programme allaient dans une seule pharmacie.
C'est 92% ou 93%... la différence de 10% allaient à deux
pharmacies. Cela pouvait être occasionnel, on n'a pas pu le savoir. Les
gens qui pouvaient déjouer le système, c'était à
peu près 7% de
la population.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que j'ai... une autre question? Allez-y,
M. le ministre, je reviendrai après.
Le Président (M. Beauséjour): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Puisqu'on parle de volume, de surconsommation
et tout ça, je pense que c'est assez important, je ne vous demande pas
une opinion d'expertise au-delà de celle que vous avez à exercer,
M. le Président, mais, en gros, il y a une phrase qui circule et qui dit
que notre liste de médicaments est la plus généreuse en
Occident, que des pays qui sont composés de gens assez confortables et
en assez bonne forme, pour un tas de facteurs... Je prends par exemple les pays
Scandinaves où il y a 600 ou 700 médicaments sur la liste; les
critères de l'Organisation mondiale de la santé parlent d'une
liste de base d'à peu près 700 médicaments. Nous, on en a
plusieurs milliers. Est-ce qu'a priori, cela vous frappe? Pensez-vous, comme
cela, que dans le fond, la liste pourrait peut-être compter 1000
médicaments, carrément deux fois moins?
M. Marquis (Jean-Claude): Non, vous me permettrez de vous
corriger, M. le ministre. Quand on dit qu'il y a 4000 médicaments sur la
liste, ce n'est pas tout à fait vrai. Il y a 4000 noms commerciaux dans
la liste. On peut restreindre cela. Si on faisait le décompte - je ne
l'ai pas fait - cela doit être entre 1500 et 2000.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. On dit 2000, au
ministère.
M. Marquis (Jean-Claude): Évidemment, il y a dans la liste
des produits de confort. Vous avez parlé de les enlever, on n'a pas
apporté d'objection à ce moment. Ce à quoi on s'oppose,
c'est quand on arrive avec un produit qu'on considère comme essentiel.
Quand vous avez décidé, par exemple, que pour les sels de fer,
vous les rameniez à un seul, qui était le sulfate ferreux, on n'a
pas regimbé du tout. Au niveau des laxatifs, ce serait peut-être
plus logique pour le malade de faire la même chose que ce que vous avez
fait avec les sulfates ferreux, avec les sels de fer, soit de ramener cela
à des produits qu'on ne peut pas surconsommer. Je prends l'exemple d'un
laxatif qui s'appelle du Sénokot, si j'en surconsomme, je vais avoir des
problèmes, je ne travaillerai pas fort dans la journée. Il y en a
un qui a fatigué le ministère, peut-être avec raison, qui
est le plantain hydrophilisé, pour ne pas nommer la compagnie. On peut
en prendre de façon abondante, de ce produit, et cela ne dérange
pas trop le système. Rationnellement, si vous arrivez avec une solution
comme celle-là, l'Ordre des pharmaciens n'aurait pas à
intervenir.
Il y a une autre chose qui me tracasse un peu, c'est quand vous avez
parlé d'enlever de la liste la pseudo-éphédrine. C'est le
seul décongestionnant qui existe dans la liste. Je comprends qu'il y a
des écoles de pensée qui sont différentes. Le CCP dit:
Dans le cas des otites, ce n'est pas efficace. 50% de la population qui se
servent de ce produit disent que ce n'est pas efficace, et 50% disent que c'est
efficace. Vous avez des pédiatres et des médecins
spécialisés en oto-rhino-laryngologie qui disent que c'est
efficace. Est-ce qu'on va priver la population de ce produit? Un enfant qui
fait une otite et dont la mère arrive à la pharmacie avec une
ordonnance de pseudo-éphédrine qui n'est pas couverte et dit: Je
n'ai pas d'argent, c'est dommage, mais elle n'en aura pas.
M. Johnson (Anjou): Combien cela coûte incidemment,
l'exemple de la pseudo-éphédrine? Il ne s'agit pas de priver, il
s'agit de faire en sorte que cela ne soit plus assuré. Cela pourrait
représenter quoi, comme consommation, sur une base annuelle, la
pseudo-éphédrine, chez quelqu'un qui se tape trois otites par
année, ce qui est déjà beaucoup?
M. Marquis (Jean-Claude): C'est-à-dire que c'est prescrit
pour les otites, c'est prescrit également comme
décongestionnant.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Quelqu'un qui en fait un usage
chronique, qui frise l'usage malsain, à combien cela pourrait-il
revenir, par exemple, la pseudo-éphédrine?
M. Marquis (Jean-Claude): La conclusion à laquelle le CCP
en était arrivée, c'est qu'il y avait eu une espèce de
transfert thérapeutique à ce niveau, mais cela s'est produit,
semble-t-il, pendant une période de six mois; cela se serait
stabilisé après et ce serait devenu de consommation normale. Cela
ne m'inquiète pas trop, si c'est une consommation normale qui existe
à ce niveau. Je vois mal qu'un médecin fasse un transfert
thérapeutique, au lieu de prescrire un expectorant, va prescrire un
décongestionnant. Il n'y aura pas tellement d'efficacité à
l'autre bout.
M. Johnson (Anjou): En gros, si je comprends bien, vous vouliez
nuancer votre réponse. Est-ce qu'a priori il vous semble
déraisonnable de considérer que cette liste puisse être
considérablement réduite, quand on sait qu'il y a presque trois
fois plus de médicaments sur cette liste que les normes de l'OMS ou de
la plupart des pays industrialisés, civilisés, sans compter ceux
qui
ont une médecine ou un ensemble d'appareils de santé
complètement socialisés.
M. Marquis (Jean-Claude): Dans les normes de l'OMS, je vous ferai
remarquer, M. le ministre, qu'il y a un laxatif, parmi les 700 ou 800
médicaments que l'OMS a décrétés. Il y a même
de la vitamine C qui est là-dedans, qu'on se propose de retirer de la
liste. Pour l'Ordre des pharmaciens, je vous l'ai écrit, on ne
s'opposera jamais à une épuration rationnelle de la liste. C'est
clair, c'est net, c'est précis. Quand vous avez annoncé une
épuration de la liste, on n'a pas parlé du tout des produits
qu'on appelle les produits de confort. On a trouvé cela tout simplement
raisonnable que vous le fassiez à ce moment.
M. Johnson (Anjou): Merci, docteur.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais m'essayer à nouveau. M. le
président de l'Ordre des pharmaciens, M. Marquis, encore sur cette
fameuse question des médicaments. Vous avez signalé - je pense
que cela rejoint un petit peu les réponses que vous avez faites au
ministre - que vous n'aimeriez pas le retrait d'une dénomination
commune. Si j'ai bien compris, vous voudriez que, quand un médicament
est requis, au moins on n'enlève pas l'ensemble de ce type de
médicament. Est-ce cela que je dois comprendre? Prenons un laxatif, par
exemple. On épure la liste et on en garde au moins un. Est-ce comme cela
qu'il faut que je comprenne cela? (22 h 15)
M. Marquis (Jean-Claude): C'est cela. Dans le passage du
mémoire, ce qu'on voulait dire à ce moment-là, c'est que
le droit à l'équivalence ou à la substitution est
accroché à la liste de la régie. Cela veut dire que, si un
produit n'a pas de dénomination commune dans la liste - je prendrai
l'exemple d'un sirop ou d'un autre médicament qui ne se retrouve pas
dans la liste - ... Même si j'ai deux produits dans ma pharmacie, je ne
peux pas faire l'équivalence, avec l'article 21 dans le contexte actuel.
C'est un peu dans ce sens, c'est-à-dire qu'on s'accroche aux
dénominations communes pour autant qu'elles sont sur la liste du
gouvernement. C'est pour cela qu'on proposait d'enlever cette partie de
l'article.
M. Johnson (Anjou): C'est en même temps une liste de
reconnaissance du produit; elle a deux fonctions. D'une part, elle sert
à identifier les produits assurés pour les personnes sujettes au
programme et, deuxièmement, c'est une espèce - je ne sais pas si
je peux l'appeler comme cela - de "quality control list" ou enfin c'est
l'équivalent de la "quality control list" qu'on retrouve aux
États-Unis ou dans les provinces canadiennes. Mais, comme c'est la
même liste, puisqu'elle est extensive, je vois très bien le
problème que M. Marquis soulève.
Mme Lavoie-Roux: M. Marquis, à l'article 23f,
prévoir au-delà du montant dont la régie assume le
paiement, conformément à l'article 4, le montant ou la
méthode de fixation des frais qui peuvent être exigés des
bénéficiaires par un pharmacien, les modalités de leur
perception et les cas d'exonération totale ou partielle avec ou sans
condition. Comment l'interprétez-vous? Est-ce que c'est, dans le fond,
un instrument que le ministre se donne ou enfin, que le ministère des
Affaires sociales se donne pour imposer une forme de frais modérateurs,
en limitant les catégories de personnes ou même en imposant des
frais modérateurs? J'admets que, par exemple, il y ait une liste et que
le ministre dise: Sur cette liste, il y a dix médicaments et l'un ferait
aussi bien l'affaire que l'autre. En tout cas, on suppose que les
spécialistes s'entendent là-dessus. C'est une chose. Je pense
qu'il faut que le ministre, la régie ou peu importe se réserve ce
droit, mais comment avez-vous interprété le paragraphe f, vous
autres?
M. Marquis (Jean-Claude): C'est-à-dire que dans l'article
21 de la Loi sur la pharmacie, il est mentionné que le pharmacien doit
aviser son malade qu'il fait la substitution et qu'il lui donne
l'équivalence. À ce moment-là, si le malade dit: Je veux
absolument avoir telle sorte de médicament, s'il est en haut de la
médiane, il devra payer la différence. C'est dans ce sens que
cela a été donné.
Dans le contexte, je n'ai pas l'impression - cela reste une impression
pure et simple - que les bénéficiaires paieront une
différence, ils accepteront tout simplement l'équivalence. Il
s'agira que le pharmacien les convainque que c'est l'équivalent et qu'il
n'y a aucun problème. D'ailleurs, l'Ordre des pharmaciens s'est
prononcé là-dessus. Quand j'ai écrit au ministre des
Affaires sociales, j'ai dit carrément que la médiane ne priverait
pas les malades de soins. Ils seront aussi bien traités avec un
équivalent qu'avec un original.
M. Johnson (Anjou): En ce sens, peut-être pour bien
confirmer cette interprétation, je ne veux pas demander à M.
Marquis de se faire le jurisconsulte de la commission pour qu'il ne soit pas
obligé de répondre à ces questions sur le plan juridique.
L'objet de l'article, à toutes fins utiles, c'est une reformulation de
l'article existant qui parlait de tickets modérateurs, mais cette
fois-ci, on parle carrément, puisqu'on applique la
médiane, non pas d'un ticket modérateur mais de frais
supplémentaires au choix, que ce soit de la forme ou de la couleur du
médicament. C'est simplement...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas en fonction de la gratuité
des médicaments, c'est en fonction...
M. Johnson (Anjou): De l'application de la politique du prix
médian.
Mme Lavoie-Roux: ... du prix médian. M. Johnson
(Anjou): Exactement.
Mme Lavoie-Roux: C'est strictement le sens de ceci.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. M. Marquis, je me suis laissé
dire qu'il y avait certaines - je ne sais pas si cela vient de la régie
ou si cela vient d'ailleurs - non pas obligations, mais enfin qu'avant que vous
puissiez prescrire certains types de médicaments, vous obteniez une
approbation de la régie. Je ne sais pas si pour vous cela se
réfère à quelque chose. Est-ce que vous pourriez...
M. Marquis (Jean-Claude): C'est ce que le CCP a appelé les
"médicaments restreints"...
M. Johnson (Anjou): ... ou d'exception.
M. Marquis (Jean-Claude): ... ou d'exception. Les
médicaments d'exception, cela veut dire que le conseil consultatif
reconnaît dans ces médicaments une seule action qui peut
être prescrite pour d'autres actions. On tente de restreindre cela, et on
dit: Le médecin va devoir justifier auprès de la régie -
je ne sais pas si cela va aller au CCP ou si cela va rester à la
régie, je n'ai pas été éclairé
là-dessus - son diagnostic. Nous autres, on trouve un petit peu aberrant
qu'il y ait intervention carrément dans l'action du médecin qui a
à prescrire un médicament. On aimerait mieux que ces produits
apparaissent dans la liste sans aucune restriction. On dit: Si toutefois, par
exemple, à cause des raisons économiques, il n'y a absolument pas
moyen de faire autrement, pour ne pas priver la population de ces cas où
le médicament est un médicament de choix, pour éviter
cette paperasse, cette autorisation de la régie qui, dans le fond, va
desservir le bénéficiaire.
Pensez que le médecin va devoir écrire sur une
espèce de formule, envoyer cela à la régie, où cela
va être évalué je ne sais pas sur quoi? Il va marquer le
même diagnostic, de toute façon. Il va retourner cela au pa-
tient, celui-ci va aller à la pharmacie. On m'a dit au CCP que cela
prendrait deux ou trois jours. Avec la poste qu'on a aujourd'hui, je ne suis
pas sûr que cela va prendre deux ou trois jours. Là-dedans, vous
avez un produit, un antibiotique, qui s'appelle du ceclor, qui est
réservé surtout dans certains cas de types spécifiques. Un
enfant qui va se présenter à la pharmacie à 20 heures pour
avoir son ceclor, si c'est le vendredi soir, il va attendre au lundi parce
qu'on peut le faire par téléphone. On va priver le patient
jusqu'au lundi? Ce n'est pas possible. On va l'hospitaliser, à ce
moment? Peut-être.
C'est pour cela qu'on dit que c'est bien plus simple, si on veut
absolument limiter ces médicaments, qu'on le marque sur la prescription
et qu'on marque pourquoi on le prescrit, c'est un des critères du CCP.
Le pharmacien va la remplir. Si le médecin les prescrit pour n'importe
quoi, il va sortir des profils. On va avoir le document en pharmacie, ils
pourront venir le consulter n'importe quand. Cela va permettre au patient
d'avoir son médicament immédiatement, et ne pas le traîner
pendant une semaine ou quinze jours. C'est aberrant, je pense.
M. Johnson (Anjou): Là-dessus, M. Marquis, je ne voudrais
pas dire de choses inexactes, mais je ne suis pas sûr que le
problème est au niveau du diagnostic qui se pose dans l'analyse du
médicament d'exception. C'est plus l'instrument thérapeutique que
constitue le médicament choisi et non pas le diagnostic. Le cas
classique rapporté par le CCP, qui est le conseil consultatif en
pharmacologie, qui fait ces analyses avec des gens de tout ordre et de tout
intérêt qui siègent là-dessus - c'est l'expertise la
plus objective possible, dans la mesure où ces choses sont objectives,
et elles le sont assez largement - le cas classique, ce sont notamment certains
types de médicaments qui, pour des raisons peut-être historiques
au niveau de la formation, sont prescrits sur une base systématique
même si la science nous dit maintenant qu'ils ne sont pas
d'utilité dans telle pathologie. C'est un effort pour arrêter
carrément ce qui est une surprescription, en même temps qu'une
surconsommation de ces médicaments sur lesquels les experts, et encore
une fois, ce n'est pas le ministre des Affaires sociales ou un fonctionnaire
qui décide cela, c'est l'expertise médicale et pharmacologique et
pharmaceutique qui en décide.
Donc, ces médicaments seraient inutiles, mais continuent quand
même sur une base presque massive d'être prescrits dans certains
cas. C'est dans ce sens également que l'Ordre des médecins et la
corporation interviennent à l'occasion pour faire des rappels à
ses membres. Ce n'est pas facile
de rentrer cela dans les moeurs. Les médecins sont des gens
occupés comme n'importe qui d'autre. Ils ont un arsenal
thérapeutique considérable.
Quant à d'autres types de médicaments - là aussi,
je le dis sous réserve, parce que je n'ai pas les documents du Conseil
consultatif de pharmacologie - le cas de ceclor, qui est un antibiotique
à large spectre, qui est utilisé effectivement dans le cas des
otites, si j'ai bonne souvenance, qui a deux caractéristiques: d'une
part, il est extrêmement cher, on le sait et, deuxièmement, il
serait utilisé dans les mêmes cas où l'ampicine si je ne me
trompe pas, peut être utilisée, mais ce sont surtout ses effets
secondaires sur le plan gastrointestinal qui sont la raison d'utilisation du
ceclor. Or, comme il est à la fois extrêmement cher et,
deuxièmement, que c'est un nouveau médicament connu et ce sur
quoi, vous allez nous entretenir bientôt dans un rapport au sujet de la
publicité des médicaments et qui fait partie de ce processus de
la médecine thérapeutique où on pousse de nouveaux
produits... Peut-être que la technique du médicament d'exception
est une façon de refréner des ardeurs commerciales. Je ne parle
pas de la part des professionnels, mais de la part des entreprises
pharmaceutiques dans ces cas, compte tenu du fait que tout cela émarge
au budget de l'État et qu'après tout, il faut y aller avec
prudence.
Mme Lavoie-Roux: On est rendu dans un autre débat, je m'en
rends compte; on a quand même l'Ordre des pharmaciens, ces gens ont
à coeur l'intérêt...
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: ...je pense, des malades; alors, c'est pour cela
que je voulais vérifier...
Est-ce que je peux conclure, de ce que vous dites, M. le ministre, qu'il
y aurait des substituts pour ce type de médicaments comme
thérapeutique, ou n'y en a-t-il pas?
M. Johnson (Anjou): Ils y en a qui ont des substituts, sauf ce
qu'on appelle...
Mme Lavoie-Roux: S'ils n'ont pas de substituts, c'est là
que la question se pose, à savoir si la rapidité ou...
M. Johnson (Anjou): Non, mais la question qui se pose à ce
moment, c'est que, dans certaines pathologies, des fois le traitement ce n'est
pas un médicament, cela peut être une diète, cela peut
être autre chose. C'est le cas, malheureusement j'oublie le nom, je ne
veux me poser en expert là-dedans, mais ce sont seulement les souvenirs
que j'ai de la documentation qu'on m'a fournie dans le cadre de ces
décisions. Je pense, entre autres, à ce médicament qu'on
utilise dans le cas des hyperlipémies, c'est-à-dire celles du
type 4, complamin. Il semble que la documentation, de façon
systématique dise que ce médicament qui n'est pas utile dans les
hyperlipémies qui ne sont pas du type 4, si je me souviens bien; mais,
il est quand même prescrit de façon systématique pour tous
les types d'hyperlipémies. Alors, les experts s'entendent pour dire que
ce n'est pas un médicament utile. On n'a pas besoin d'avoir de
substitution, on ne devrait pas le prescrire, c'est tout.
Mme Lavoie-Roux: Comment se fait-il qu'il soit encore sur le
marché?
M. Johnson (Anjou): Parce qu'il est utile dans un type
d'hyperlipémie...
Mme Lavoie-Roux: Ah, d'accord!
M. Johnson (Anjou): Comprenez-vous?
Sur les autres, le principe de la substitution joue dans le cas de la
médiane, il ne joue pas dans le cas des médicaments
d'exception.
M. Marquis (Jean-Claude): Est-ce que je peux me permettre de vous
corriger un petit peu? Le problème du complamin, ce n'est pas parce
qu'il est prescrit dans d'autres cas d'hyperlipémies; quand il est
prescrit pour l'hyperlipémie, il n'y a pas de problème, c'est
qu'il est prescrit aussi comme vaso-dilatateur périphérique.
M. Johnson (Anjou): Donc, de lipémie.
M. Marquis (Jean-Claude): Comme vaso-dilatateur
périphérique, il est prescrit beaucoup, et beaucoup d'auteurs
disent que ce n'est pas efficace et il y en a qui disent que c'est efficace,
c'est encore une polémique qui n'est pas nettoyée
définitivement. À ce moment, si vous décidez que vous
payez le complamin exclusivement dans les cas d'hyperlipémie type 4, que
le médecin marque sur l'ordonnance: "hyperlipémie, type 4". C'est
parce que dans le fond, ce que l'on discute, c'est le système qui va
tellement apporter de délais de livraison, ce n'est pas possible. Je me
mets à la place du malade qui doit attendre 15 jours avant d'avoir son
médicament, surtout dans le cas du ceclor, c'est encore pire, c'est
impensable. Pour le ceclor, je peux vous dire que je ne suis pas inquiet parce
qu'il est très peu prescrit actuellement. Je ne pense pas que cela
devienne un médicament... Si on le réserve dans les cas de types
spécifiques, je pense que cela ne créera pas de problème,
mais c'est le système qui a été proposé que je
trouve un peu difficile à appliquer. Le malade, il va être
drôlement pénalisé.
M. Johnson (Anjou): Je voudrais conclure là-dessus, je
pense que c'est important, compte tenu du débat qu'on a eu. Je pourrais
fort bien ne pas entrer dans ce débat, ce n'est pas mon mandat de le
faire. Il y a une affaire qui s'appelle le Conseil consultatif de la
pharmacologie dont c'est le rôle. Je ne voudrais pas qu'on ait
l'impression que ces décisions sont prises parce que cela s'adonne que
celui qui est au bout de la ligne est obligé de signer le document, s'y
retrouve un peu dans le vocabulaire. C'est parce qu'il y a un organisme
prévu, en vertu de nos lois, qui fait ces recommandations et cet
organisme ramasse toute l'expertise, la meilleure expertise possible dans ce
domaine et c'est le Conseil consultatif de la pharmacologie. C'est sur la base
de ses avis que les décisions sont prises.
Je voudrais simplement rassurer les membres de la commission
là-dessus, le docteur et M. Marquis quant à cela.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le ministre a lu que dans le
comité des onze, on recommandait d'abolir le Conseil consultatif de la
pharmacologie. Cela n'a pas de rapport avec nos propos ce soir, c'était
juste... (22 h 30)
Bon, écoutez, M. Marquis, je pense, comme je l'ai dit tout
à l'heure, qu'il y a plusieurs autres recommandations que vous faites
que nous vérifierons au fur et à mesure de l'étude article
par article. Je vous remercie aussi de votre patience, j'en ai peut-être
abusé un peu. Je ne sais pas si c'est moi qui en ai abusé mais au
moins conjointement.
Le Président (M. Bordeleau): Ah, tout le monde! Alors, je
veux remercier également... oui, M. le député de
Laurier.
M. Sirros: On a parlé tout à l'heure des listes de
médicaments et de la substitution qui peut se faire, etc. À la
page 5, vous faites une recommandation qui propose de changer l'article 21. En
lisant les deux, je vois que dans votre recommandation une chose est
différente par rapport à l'article qui existe actuellement, c'est
que vous recommandez que vous ne soyez pas obligés d'aviser le client de
la substitution. Voulez-vous m'expliquer un peu cela?
M. Marquis (Jean-Claude): Disons que le pharmacien est là
pour surveiller la pratique pharmaceutique à tous les niveaux. Alors,
dans les centres hospitaliers, nous ne sommes pas capables d'appliquer
l'article 21, parce que, et je ne blâme pas le gouvernement
là-dessus, dans les centres hospitaliers on fonctionne avec des groupes
d'achats, on ne garde qu'un médicament, on n'en garde pas vingt-cinq. On
ne va pas aviser le patient qu'on lui a changé son
médicament.
M. Sirros: Je pensais surtout aux pharmacies où le patient
se présente pour acheter quelque chose.
M. Marquis (Jean-Claude): Oui, mais c'est au même niveau,
c'est-à-dire que le pharmacien peut le dire à l'occasion, mais
comment voulez-vous que le malade puisse évaluer la qualité du
médicament!
M. Sirros: J'imagine qu'on parle de la question des
médicaments par le nom générique, etc., ce qui souvent
veut dire qu'ils sont bien meilleur marché que d'autres
médicaments. Donc, l'intérêt du patient serait surtout de
savoir que le médicament qui est substitué est moins cher que
celui qui lui a été prescrit. Et j'imagine que ce serait une des
choses, par exemple, si le pharmacien lui substitue un médicament qui
est plus cher, il devrait le savoir et s'y opposer.
M. Marquis (Jean-Claude): Pour autant que ce n'est pas un
bénéficiaire.
M. Sirros: Pardon?
M. Marquis (Jean-Claude): Pour autant que ce n'est pas un
bénéficiaire. Lui ne paie pas, alors, qu'il soit plus cher ou
moins cher, ça ne le dérange pas trop, trop.
M. Sirros: D'accord, mais ça pourrait à ce
moment-là avoir des...
M. Marquis (Jean-Claude): C'est parce que dans le fond le CCP a
prévu quand même une série de médicaments pour
lesquels il n'y aura pas d'équivalence il n'y aura pas de substitution
il n'y aura pas de médiane, parce que dans ces cas-là ça
peut être dangereux. Le pharmacien en est conscient et lui non plus ne
fera pas d'équivalence là-dessus. Les cas où il va faire
de l'équivalence, ça va être dans le champ des produits,
surtout les produits pour les nerfs. Par exemple, on va prendre le
diazépam, qui est mieux connu sous le nom de valium, tout le monde
connaît ça. Alors, le médecin prescrit du valium et ne
pense pas aux autres. Il est habitué de prescrire du valium, c'est un
peu la publicité qui l'a amené à ça. Ça ne
le dérange pas tellement qu'il y en ait un autre qui sorte. D'ailleurs,
dans les hôpitaux ça se fait couramment actuellement.
Le Président (Bordeleau): Ça va? Alors, je remercie
M. Marquis ainsi que les personnes qui sont avec lui. Et j'appellerai comme
dernier groupe les représentants de l'Association professionnelle des
optométristes
du Québec. Je présume qu'il s'agit du Dr Jean-Marie
Rodrigue?
M. Rodrigue (Jean-Marie): C'est ça.
Le Président (M. Bordeleau): Le porte-parole. Alors, si
vous voulez nous présenter, M. Rodrigue, les gens qui sont avec
vous.
Association professionnelle des optométristes
du Québec
M. Rodrigue (Jean-Marie): Oui, Me Yvan Brodeur, à ma
gauche, qui est notre conseiller juridique; François Charbonneau, qui
est conseiller technique à l'association, et le Dr Lambert, qui est
vice-président de l'association.
M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs. Nous sommes
heureux de pouvoir apporter notre contribution à l'étude du
projet de loi 27, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans
le domaine de la santé et des services sociaux.
L'Association des optométristes du Québec est un organisme
incorporé en vertu de la Loi des syndicats professionnels et
représente les 800 optométristes du Québec. Le rôle
premier de l'association consiste à négocier des ententes avec le
ministre des Affaires sociales aux termes de l'article 19 de la Loi sur
l'assurance-maladie et de veiller à l'application de ces ententes.
Rappelons que les services dispensés par les optométristes dans
le cadre de la Loi sur l'assurance-maladie représentent environ 80% de
l'ensemble des services oculo-visuels fournis à la population du
Québec et que plus d'un million de Québécois sont
examinés au moins une fois annuellement dans les cabinets des
optométristes.
En tant que professionnels de la santé, dispensateurs des
services oculo-visuels de première ligne, nous sommes
intéressés au plus haut point à toutes les modifications
législatives envisagées par le projet de loi 27. Cependant,
tenant compte du nombre d'intervenants devant cette commission parlementaire et
du temps alloué à l'étude du projet de loi, nous croyons
opportun de limiter nos interventions aux articles du projet de loi qui peuvent
avoir une influence directe sur la pratique de l'optométrie. Puisque la
très grande majorité de nos membres exercent leur profession en
cabinet privé, quelques-uns seulement, dans des centres d'accueil et de
réadaptation pour handicapés visuels, et aucun dans un centre
hospitalier, nos remarques se limiteront donc à certaines dispositions
du projet de loi qui visent à amender la Loi sur l'assurance-maladie.
Ainsi nous traiterons des pouvoirs du ministre prévus à l'article
19 de la Loi sur l'assurance-maladie, de négocier une entente avec un
organisme représentatif d'une catégorie de professionnels de la
santé, et des pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie en tant
qu'organisme chargé de l'administration de ces ententes.
Les modifications proposées à l'article 19 de la Loi sur
l'assurance-maladie nous semblent conférer au ministre des Affaires
sociales et au gouvernement, des pouvoirs d'intervention incompatibles avec la
notion de négociation de bonne foi. En effet, nous comprenons mal que
l'on puisse imposer par décret des conditions de travail à des
professionnels de la santé ou négocier directement avec leurs
membres tout en prétendant reconnaître le droit à la
syndicalisation. En tout état de cause, ce nouveau type d'intervention
du ministre et du gouvernement vise davantage les médecins et les
dentistes que les optométristes, cependant, sur le plan des principes
nous souscrivons à leurs représentations.
Nous tenons néanmoins à insister sur le caractère
inapproprié de l'expression "conditions de travail", utilisé au
premier alinéa de l'article 19 tel que modifié par l'article 4 du
projet de loi. La notion de conditions de travail n'est appropriée, dans
le domaine des relations de travail, que pour autant qu'il existe un lien de
subordination juridique salarié-employeur.
Il est évident qu'un tel lien est totalement étranger au
cadre de pratique de l'optométriste ou, pour autant, de tout
professionnel de la santé exerçant en cabinet privé.
Celui-ci bénéficie plutôt d'une autonomie professionnelle
dont le corollaire devient la responsabilité civile qu'il encourt
personnellement vis-à-vis de son client relativement à la
qualité de l'acte professionnel.
La notion de conditions de travail devrait être abandonnée
ou remplacée par les expressions "mode de participation et conditions
d'exercice et de rémunération".
Les pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie. Le projet de loi
27 consacre, dans sa forme actuelle, les pouvoirs discrétionnaires de la
Régie de l'assurance-maladie dans l'application des ententes
négociées par les professionnels de la santé. À
notre avis, il est erroné de croire que l'on puisse confier de tels
pouvoirs à la régie pour le simple motif qu'il est un organisme
publique sans but lucratif. À titre d'exemple, mentionnons l'article
22.2 de la Loi sur l'assurance-maladie tel qu'amendé par l'article 7 du
projet de loi 27. Étant donné que les deux articles apparaissent
déjà au texte que vous avez, je vais me dispenser d'en faire la
lecture.
Comme nous le mentionnons précédemment, le pouvoir
discrétionnaire de la régie consacré par l'expression
"lorsque la régie est d'avis", ouvre la porte aux pires abus. Ces
paroles peuvent paraître dures, ces paroles peuvent paraître
sévères, mais elles découlent de deux points. Le premier,
c'est
qu'il nie le principe qui donne à tout citoyens le droit
d'être entendu avant qu'une décision de cette nature, de cette
importance soit prise. Et le deuxième découle du fait même
de cette disposition, des situations difficiles que vivent certains de nos
membres récemment.
Il faut bien comprendre, M. le Président, que nous n'accusons pas
la régie comme telle d'abus, ni nos membres d'être sans reproche,
nous décrions plutôt le fait que le législateur donne un
tel pouvoir à un organisme administratif et j'espère qu'on pourra
peut-être revenir un peu plus tard sur ça.
Il est inacceptable, donc, que cet article ne prévoie aucune
forme de contrôle préalable à l'exercice du pouvoir
discrétionnaire conféré à la régie. C'est
surtout sur ce point que nous aimerions insister, en fait qu'il n'y a aucune
forme de contrôle préalable. L'article 22.2 devrait prévoir
que la régie ne peut procéder au remboursement avant que le
professionnel impliqué n'ait eu l'occasion de se faire entendre devant
un comité prévu à l'entente à cet effet, le cas
échéant, ce qui n'est pas le cas actuellement.
De plus, l'article 22.2 devrait prévoir que l'association qui
représente le professionnel impliqué doit être
informée de l'intention de la régie de procéder au
remboursement au moins soixante jours avant que ce remboursement ne soit
effectué. Nous croyons, enfin, que le tribunal d'arbitrage prévu
à la Loi sur l'assurance-maladie devrait avoir une juridiction exclusive
dans tous les cas où un professionnel de la santé conteste une
décision de la régie, que cette décision se fonde sur le
non-respect de l'entente ou qu'elle se fonde sur le non-respect de la loi.
L'obligation faite à un professionnel de la santé de se pourvoir
devant un tribunal de droit commun, lorsque la régie soulève
à son égard le non-respect d'une disposition de la loi, est,
à notre avis, injustifiable et inappropriée.
D'ailleurs, tenant compte des modifications que le projet de loi 27 vise
à apporter aux dispositions touchant l'arbitrage, faisant du tribunal
d'arbitrage un tribunal statutaire, il n'existe présentement aucun
obstacle légal à ce que la juridiction de ce tribunal d'arbitrage
couvre non seulement l'interprétation et l'application d'une entente,
mais également le bien-fondé des décisions de la
régie à l'effet que les services rendus ne rencontrent pas les
conditions imposées par la Loi sur l'assurance-maladie. Il est,
d'ailleurs, évident que le recours au tribunal d'arbitrage est plus
approprié en ce qu'il est plus accessible aux professionnels de la
santé et qu'il garantit aux parties une plus grande expertise dans
l'interprétation de la loi et des ententes.
L'Association des optométristes du
Québec, limitant ses commentaires aux dispositions du projet de
loi qui touchent ses membres directement, recommande aux membres de cette
commission parlementaire: que la notion des conditions de travail disparaisse
de l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie tel que le modifierait
l'article 4 du projet de loi; que le projet assortisse de certaines conditions
préalables l'exercice par la régie de tout pouvoir
discrétionnaire; que la juridiction du tribunal d'arbitrage
prévue à la loi couvre non seulement l'interprétation et
l'application des ententes, mais également le bien-fondé des
décisions de la régie à l'effet que les services rendus ne
rencontrent pas les exigences de la loi.
En conséquence, nous recommandons que l'article 22.2 se lise
comme suit: "Lorsque la régie est d'avis que des services dont le
paiement est réclamé par un professionnel de la santé ou
pour lesquels il a obtenu paiement au cours des trente-six mois
précédents étaient des services fournis non
conformément à l'entente, elle peut refuser le paiement de ces
services ou procéder à leur remboursement par compensation ou
autrement, selon le cas.
Lorsque la régie, suite à une enquête, est d'avis
que des services dont le paiement est réclamé par un
professionnel de la santé ou pour lesquels il a obtenu paiement au cours
des trente-six mois précédents étaient des services qui
n'ont pas été fournis, qu'il n'a pas fournis lui-même ou
qu'il a faussement décrits, ou des services non considérés
comme services assurés par règlement, ou des services non
déterminés comme services assurés par règlement,
elle peut refuser le paiement de ces services ou procéder à leur
remboursement par compensation ou autrement, selon le cas.
Toutefois, avant de procéder à la compensation, la
régie doit fournir au professionnel l'occasion de se faire entendre
devant le comité prévu à l'entente, le cas
échéant. L'association qui représente le professionnel
impliqué doit être informée de l'intention de la
régie de procéder au remboursement au moins soixante jours avant
que ce remboursement ne soit effectué. Lorsque la régie
décide de refuser le paiement de services ou de procéder à
la compensation, elle doit informer le professionnel de la santé des
motifs de sa décision. Tout différend résultant du
présent article est tranché par le conseil d'arbitrage
institué par l'article 54.
Tel différend doit être logé dans les six mois de la
réception de la décision de la régie.
Et que, par concordance, l'article 54 se lise comme suit: "Un
différend qui résulte de l'interprétation ou de
l'application d'une entente ou d'une décision de la régie aux
termes du deuxième alinéa de l'article 22.2
est soumis à un conseil d'arbitrage exclusivement à tout
tribunal de juridiction civile. La composition du conseil d'arbitrage et la
nomination de ses membres peuvent être déterminées dans une
entente. À défaut, elles sont déterminées par le
ministre après consultation des organismes représentatifs des
professionnels de la santé. (22 h 45)
En terminant, M. le Président et les membres du comité, je
veux assurer tous les membres de cette commission de son souci de faire
bénéficier nos concitoyens des meilleurs services oculo-visuels
et soyez assurés de notre collaboration en cet objectif. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci M. Rodrigue. M.
le ministre.
M. Johnson (Anjou): Merci, M. Rodrigue.
Dans le fond, votre mémoire évoque une question qui a
été évoquée par les autres, c'est toute la question
des droits syndicaux autour de l'article 19 - vous n'étiez
peut-être pas là avec vos procureurs, je ne
répéterai pas ce que j'ai eu l'occasion de dire, compte tenu de
l'heure - vous aurez l'occasion de prendre connaissance de ce qui a fait
l'objet des réponses quant à cela. Au niveau de nos intentions,
vous n'avez pas à vous inquiéter et, deuxièmement, au
niveau des formulations juridiques, ce n'est pas pour rien qu'il y a des
commissions parlementaires.
Deuxièmement, les pouvoirs de la Régie de
l'assurance-maladie, il y a peut-être une méprise un peu
accidentelle, c'est peut-être dans la façon de présenter la
loi. Ces pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie, on ne les
accroît pas au sens de la loi dans la mesure où on
répète l'article 22.2 tel qu'il existait en retranchant que les
griefs résultant du présent alinéa sont tranchés
par le conseil d'arbitrage, lorsqu'il est prévu à une
entente.
M. Brodeur (Yvan): ...
M. Johnson (Anjou): On supprime lorsqu'il est prévu
à une entente puisque, comme vous le savez, M. le procureur, c'est la
loi maintenant qui prévoit le tribunal. Donc, il n'est plus prévu
à l'entente, il est dans la loi, ce qui veut dire sur le plan juridique
- je suis sûr que votre conseiller juridique est bien au fait de cela -
qu'il est susceptible de brefs d'évocation, par exemple, l'application
des règles générales du droit que doivent appliquer des
tribunaux administratifs, etc. En ce sens, cela ne devrait pas être
menaçant, bien au contraire. Sur les autres points, vous ne demandez pas
vraiment qu'on modifie le projet de loi no 27 mais qu'on modifie la Loi sur
l'assurance- maladie au-delà de ce qui est prévu par le projet de
loi no 27.
Vous me permettrez de peut-être trouver un qualificatif sur le
plan des relations de travail, c'est un peu comme si vous étiez en
demande dans ce contexte, on déborde un peu... Tout en comprenant quels
sont vos objectifs, votre façon de voir les choses, mais ce n'est pas
par des modifications au projet de loi no 27, qu'il n'est pas dans notre
intention de faire.
Je pourrais peut-être vous entendre là-dessus, si vous le
désirez.
M. Brodeur: M. le ministre, c'est assez simple au fond.
Évidemment, on remonte un peu ici au projet de loi no 84. Cette loi a
amené ce qui est aujourd'hui l'article 22.2. Il y a eu, à ce
moment, des représentations de faites par les différents groupes
de syndicats de professionnels de la santé contre le principe même
au fond de la compensation. Finalement, la loi a été
adoptée telle qu'elle est présentement. Ce qu'on dit, c'est que
d'une part, on considère qu'il est tout à fait normal de venir
ici faire des représentations parce que, mon Dieu, c'est une occasion,
il faut le dire. Vous amendez actuellement la Loi sur l'assurance-maladie et
vous allez plus loin que cela, vous amendez même l'article 22.2 ailleurs.
On se dit: Si on n'en profite pas cette fois-là, quand allons-nous le
faire?
Donc, on vous dit, M. le ministre, que la disposition telle qu'elle
existe présentement, qui dit: Si la régie est d'avis que
l'entente n'est pas respectée ou certaines conditions prévues
à la loi ne sont pas respectées - c'est le deuxième
alinéa -si la régie est de cet avis, elle peut procéder
à compensation et remonter trois ans en arrière, M. le ministre.
Trois ans en arrière quant aux motifs qu'elle invoque. Si on prend un
exemple qui concernerait l'application de l'entente, si la régie dit
à un professionnel de la santé: Vous n'avez pas respecté
l'entente au cours des trois dernières années, on vient de se
rendre compte de ça. La régie peut, M. le ministre,
procéder à compensation directement, sans aucune mesure
préalable.
Ce qu'on dit, M. le ministre, on ne fait pas un reproche à la
régie ici. Quand la régie fait ça présentement,
elle ne fait, au fond, qu'appliquer la loi que le législateur a
votée; il a fait son travail. On ne lui fait pas de reproche. Mais on
dit qu'un pouvoir de cette nature là, c'est un pouvoir qui peut mener
aux pires abus, et c'est facile à comprendre. C'est très facile
à comprendre. Lorsqu'on discute, par exemple, d'une question
d'interprétation de l'entente, il est possible que, et la régie
et le professionnel de la santé, soient tous deux de très bonne
foi. Mais pour un professionnel de la santé, sans avoir l'occasion de se
faire entendre, sans être représenté par son organisme
représentatif, de se faire faire une compensation de six, huit et
dix mille dollars, M. le ministre, ça cause beaucoup de problèmes
pour l'individu et ça cause beaucoup de frustrations au niveau des
groupes également.
Je vous dirais, M. le ministre, que d'autres groupes, ce matin et hier
matin ou hier après-midi, n'ont pas fait de représentation
là-dessus. Pas parce que nécessairement ce n'était pas
important pour eux, mais parce que, dans le fond, il y avait bien d'autre chose
dans le projet de loi qui, quant à eux, était excessivement
important et on a un peu négligé cet aspect-là. Mais il
n'en est pas moins important pour autant. Ça c'est un aspect de la
modification que nous demandons.
Le Président (M. Bordeleau): Avez-vous d'autres questions,
M. le ministre? Ou je cède la parole à Mme...
M. Brodeur: Je n'ai pas terminé.
M. Johnson (Anjou): J'avais compris que vous n'aviez pas
terminé, je vous écoutais toujours d'une oreille, malgré
tout.
M. Brodeur: Vous m'écoutez d'une oreille, bon.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Brodeur: Alors, le deuxième aspect, M. le ministre.
Là, on demande vraiment une modification, contrairement à ce que
vous avez dit tantôt. On demande vraiment une modification à la
loi. Nous disons: Vous créez, par l'article 56 de la loi, un tribunal
statutaire. En d'autres termes, le tribunal d'arbitrage qui existe aujourd'hui
dans les ententes, tenant compte de la rédaction actuelle de l'article
56, c'est un tribunal conventionnel. Le tribunal que vous créez
là devient un tribunal statutaire. Ceci étant dit, nous vous
disons: Pourquoi ne lui donnez-vous pas juridiction quant au deuxième
alinéa de l'article 22.2, qui est l'alinéa qui se
réfère au non-respect des conditions de la loi par un
professionnel de la santé?
Le premier alinéa concerne le non-respect de l'entente, le
deuxième, le non-respect de certaines conditions prévues à
la loi. Ce qu'on dit, M. le ministre, c'est que si vous n'amendez pas le texte
dans ce sens-là, lorsqu'une compensation est faite par la régie,
parce qu'un professionnel de la santé, par exemple, lui dira-t-on, n'a
pas fourni le service lui-même. Ce problème m'a été
évoqué ici un peu, depuis le début de la commission
parlementaire. Vous savez que c'est un problème très
délicat. La régie peut avoir son opinion en toute bonne foi; le
professionnel aussi.
Lorsque la régie fait présentement compensation, par
exemple quant à cette question-là, c'est une des quatre questions
de non-respect à la loi qui sont énumérées à
l'article 22.2, deuxième alinéa. Lorsque la régie fait
présentement compensation le professionnel est obligé de se
pourvoir devant le tribunal civil. Ce qui veut dire qu'il va prendre une action
au civil avec tout ce que ça implique de problèmes, avec la perte
de ce droit de représentation qui existe normalement. Je comprends que
dans la loi telle qu'elle existe présentement présentement je dis
bien - il n'était pas possible de donner ce pouvoir-là, parce que
nous n'avions pas de tribunal statutaire; il y en a un maintenant. Je pense
qu'il serait à l'avantage de tout le monde, incluant la régie et
le ministre, que ces dispositions-là relèvent d'un organisme qui
va pouvoir entendre des problèmes rapidement, qui va avoir une
juridiction globale, et qui va aussi avoir une certaine expertise dans ce
domaine-là. (22 h 30)
Je pense que le ministre l'a déjà fait lorsqu'il a
été question d'amendement au Code du travail. Il y a certaines
dispositions qui prévoient des possibilités d'arbitrage
statutaire dans le Code du travail. Les gens n'ont pas besoin dans ces cas
d'aller devant le tribunal de droit commun. C'est avantageux, je pense, pour
tout le monde finalement et on pense que c'est une recommandation de
modification quand même relativement importante du projet de loi. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre...
Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous allez pouvoir modifier la loi sur le
champ.
M. Johnson (Anjou): Non, c'est tout simplement une
compréhension du mécanisme pour être bien sûr qu'on
discute sur les mêmes faits. Je pense que l'exposé de Me Brodeur
est très clair; je veux juste qu'on me confirme quelques
interrogations.
Mme Lavoie-Roux: En attendant, parce que vous avez tous les
experts. Il semble qu'on prenne votre demande au sérieux ou qu'on
examine de près... Vraiment, la seule question que je voudrais vous
poser, depuis que cet article est en vigueur à la suite de l'adoption de
la loi 84, est-ce que, dans votre association, elle a été
utilisée fréquemment, surtout avec la rétroactivité
de la compensation financière jusqu'à trois ans? Enfin, est-ce
que c'est fréquent?
M. Rodrigue (Jean-Marie): Ce que nous constatons - et
tantôt j'étais sorti du texte pour citer que ce qui nous faisait
mettre de l'importance sur ce point - c'est que,
dernièrement, certains de nos membres se sont vus aux prises avec
une telle disposition. Sans aller dans le langage juridique et pour le
bénéfice quand même des profanes comme nous, il y a
peut-être d'autres avocats autour de la table ici, je ne le sais pas, en
termes concrets, qu'est-ce que c'est? C'est qu'en l'occurrence les
optométristes - et ça vaut aussi pour les autres professionnels -
sont rémunérés à partir des réclamations
qu'ils font. Pour une raison ou pour une autre, la régie, tout à
coup, s'institue juge et est d'avis que - pour ces raisons qu'elle
détermine sur une entente signée entre deux autres parties, qu'il
manque quelque part, parce que il y a là des dispositions - le
professionnel ne peut pas se faire entendre devant une tierce personne qui doit
juger, un tribunal. Il se fait compenser immédiatement et c'est la seule
disposition comme telle qui existe dans toutes les juridictions à notre
connaissance et doit tenter de démontrer qu'il avait raison de facturer
ainsi après qu'il s'est fait enlever l'argent, si on peut ainsi dire,
ses honoraires. Cela est en termes concrets. Il y a toutes sortes de
dispositions en termes juridiques que les experts... C'est un peu, un autre
exemple, comme si un employé se faisait enlever ses
rémunérations à venir, ses paies à venir de son
employeur parce que l'employeur décide tout à coup qu'il n'a pas
bien fait son travail sans qu'il n'y ait personne pour dire entre les deux que
vous avez raison. En termes concrets, c'est ça. Maintenant, il y a tout
l'appareil juridique. Pour nous, on trouve que c'est tout à fait
inacceptable.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je vous remercie, M. Brodeur, et M. le
Président. C'est un problème intéressant sur le plan
juridique et sans tomber dans des plomberies juridiques sophistiquées
dans lesquelles vous excellez, je dirai simplement ceci: II y a deux ordres,
finalement, d'avis que peut avoir la régie. La régie peut
être d'avis qu'un paiement qui est réclamé par un
professionnel n'a pas été fourni; la demande l'a
été pour un service qui n'a pas été fourni
conformément à l'entente. Une fois qu'elle décide cela,
elle avise, et il y a un droit de grief du professionnel impliqué s'il
n'est pas satisfait de cette décision, la décision signifiant la
compensation automatique sur les honoraires à payer. Le fardeau de la
preuve étant à la régie, cependant. (23 heures)
Ce qu'on fait ici, c'est qu'on remplace le tribunal bipartite
érigé en vertu de l'entente par un tribunal qui est statutaire,
parce qu'on le décrit dans la loi et la conséquence juridique de
cela, c'est que, si ce tribunal prend des décisions en ne respectant pas
certaines règles élémentaires de droit, notamment,
entendre les parties, la fameuse règle audi alteram partem, c'est une
des sept causes d'évocation ou enfin, des quelques causes
d'évocation qui existent mais c'est celle qui est la plus connue.
À ce moment, de ce tribunal qui a rendu la décision et s'il ne
l'a pas rendue conformément aux règles du droit, il peut y avoir
une évocation à la Cour supérieure, ce qui en ce moment
n'existe pas dans la mesure où le tribunal n'était pas
prévu dans la loi, il était prévu par entente. Cela est la
première catégorie de décisions qui est prise. Je pense
qu'en gros là-dessus, hormis le fait de la compensation avant
décision, ce n'est pas du mécanisme en soi dont on parle.
Deuxième type de décisions que peut prendre la
régie. C'est que la régie peut être d'avis mais à la
suite d'une enquête, que cette fois, les services dont le paiement est
réclamé par le professionnel, étaient des services qui
n'ont pas été fournis non pas cette fois-ci, non
conformément à l'entente, mais des services qu'il n'a pas fournis
lui-même ou qu'il a faussement décrits ou des services qui ne sont
pas considérés comme assurés par le règlement ou
des services qui ne sont pas déterminés comme des services
assurés par le règlement. À ce moment, il procède
encore à la compensation, après enquête, après
également avis aux professionnels, avis signifiant les raisons de son
intervention. La "réplique" du professionnel, dans les circonstances
devient le tribunal "approprié" en l'occurrence les tribunaux de droit
commun.
Il y a donc deux problèmes qui se posent: Premièrement,
c'est celui de la compensation automatique et deuxièmement, ce qui
arrive dans le deuxième cas où si je comprends bien Me Brodeur
dit: Quant à créer un tribunal statutaire, c'est aussi bien de
lui donner la juridiction pour qu'il entende au fond ce qui découle du
deuxième cas que j'ai décrit.
Le mécanisme de la compensation, il faut bien comprendre, il
existe depuis 1971 ou depuis la loi de 1979 seulement.
Une voix: 1979.
M. Johnson (Anjou): Depuis la loi de 1979. On me dit d'ailleurs
que cela a impliqué jusqu'à maintenant, dans le cas des membres
que vous représentez, peut-être une demi douzaine de cas
seulement, où cela aurait été appliqué,
relativement récemment.
C'est un mécanisme qui a l'inconvénient de ce que
décrit Me Brodeur, mais c'est un peu normal après tout, il est de
l'autre côté de la table, dans les circonstances, s'il
était à la régie, probablement qu'il aurait une approche
différente et probablement, chacun défend ses
intérêts. C'est un mécanisme que
le législateur a choisi il y a un certain nombre d'années,
sur lequel nous n'avons pas cru bon de revenir dans le cadre de cette
discussion.
Sur le deuxième élément, c'est-à-dire pas le
phénomène de la compensation automatique mais la notion du
recours disponible pour le professionnel. Dans le premier cas, il est bien
clair qu'il y en a un recours et c'est au tribunal statutaire qui est
créé en vertu de la loi et c'est parfait comme cela et, dans le
deuxième cas, s'il fallait que le tribunal entende au fond les questions
relatives à des demandes de paiement pour un service qui n'a pas
été fourni par lui-même ou faussement décrit, cela
serait la négation même du mécanisme que l'on met sur pied
et du rôle de la régie. Dans ce sens, malgré le très
intéressant exposé de Me Brodeur, je ne retiens pas à ce
stade ses suggestions.
M. Brodeurs Je n'ai vraiment pas compris, M. le ministre, ce que vous
entendez par "ce serait la négation du mécanisme qu'on met sur
pied", que de confier, au tribunal statutaire en question, juridiction sur le
deuxième alinéa de 22.2. Je ne vois là aucune
incompatibilité juridique.
M. Johnson (Anjou): Le tribunal statutaire qui est
créé permet que l'entente soit interprétée, mais si
on y appliquait les dispositions du deuxième paragraphe, si ce tribunal
pouvait interpréter le contexte dans lequel la régie a pris la
décision après enquête dont elle a fourni avis aux
professionnels, elle le ferait dans l'interprétation de la loi et non
pas de l'entente.
M. Brodeur: Oui, exactement. Il s'agirait simplement de modifier
l'article 56, M. le ministre. C'est ce qu'on suggère d'ailleurs. Il
s'agirait tout simplement de modifier l'article 56 ou 54, je m'excuse,
où on dirait plutôt "un différend qui résulte de
l'interprétation ou de l'application d'une entente ou d'une
décision de la régie aux termes du deuxième alinéa
de l'article 22.2." Il n'y aurait aucun problème juridique à
faire ça, et ça se retrouve...
M. Johnson (Anjou): On ne dit pas qu'il y aurait un
problème juridique, mais, pour nous, le fait de confier la juridiction
à cet organisme statutaire qui est en fait la transposition statutaire
de ce qui a fait l'objet d'ententes entre les parties depuis 1971 au niveau de
la création de ces conseils d'arbitrage statutaire, c'est une
juridiction que nous n'entendons pas leur ordonner. Ce serait, je pense,
l'équivalent finalement du Tribunal du travail, comme vous l'aviez dit
vous-même à l'égard du Code du travail.
M. Brodeur: Non, non, non! Ce serait l'équivalent d'un
tribunal d'arbitrage et il existe une possibilité d'arbitrage dans
certains cas, notamment la réintégration après une
grève; il est possible pour un salarié d'aller en grief
là-dessus et ce serait de la même nature.
Je me permets, M. le ministre, d'aller un peu plus loin. Vous avez fait
une affirmation qui est très intéressante, parce qu'elle permet
de clarifier une partie de ce débat. Vous avez dit: On ne voit pas de
raison majeure actuellement de modifier un état de fait qui existe dans
les ententes depuis 1971, c'est-à-dire qu'il existe déjà
un mécanisme d'arbitrage dans les ententes et tout ce que l'on veut
faire ici, c'est d'en faire un arbitrage statutaire. Ce que vous dites
là est vrai, pourtant, ça ne représente pas toute la
réalité, il s'en faut de beaucoup, parce qu'est intervenu le bill
84. De 1971 à 1979, il n'existait pas de possibilité de
compensation, M. le ministre. C'est la régie qui devait aller chercher
l'argent dans les poches du professionnel de la santé, et c'est la
régie qui devait, dans ces situations, prendre action au civil.
Aujourd'hui, depuis le bill 84, la situation est modifiée totalement. La
régie peut d'elle-même faire compensation, et c'est là que
ces dispositions doivent être modifiées.
M. Johnson (Anjou): J'ai l'impression que... vous étiez
là au moment où la loi 84 a été passée, je
présume?
M. Brodeur: Oui, M. le ministre, j'étais là.
M. Johnson (Anjou): Tous les deux. M. Brodeur: Oui.
M. Johnson (Anjou): Le président et le procureur. Je
présume que votre document était prêt depuis 1979. Vous
allez tenir le même débat en commission ici...
M. Brodeur: Oui.
M. Johnson (Anjou): ... ce moment, sur le droit de
compensation.
M. Brodeur: Écoutez, sur le droit de compensation, je ne
me souviens pas trop bien. Je vais ajouter un autre élément, M.
le ministre. Sur la question de la compensation, à ce moment-là,
je ne me souviens pas très bien des représentations qu'on avait
faites, qui étaient des représentations conjointes avec trois
autres groupes de professionnels.
Je vous dirai ceci, c'est que, dans l'entente qu'on a signée
autour de l'année 1978, l'avant-dernière, la dernière
étant simplement une reconduction, avec modification des tarifs, dans
l'avant-dernière
entente qu'on a donc signée, on avait déjà
accepté la compensation. On avait déjà accepté la
compensation M. le ministre, à peu près vers 1977. On avait
accepté la compensation et, dans l'entente de 1977, M. le ministre, il y
avait déjà une disposition...
M. Johnson (Anjou): Je vous écoute toujours d'une oreille,
ne vous en faites pas.
M. Brodeur: ...il y avait déjà une disposition
concernant la compensation qu'on avait consentie. Mais la différence,
c'est que, lorsque la régie faisait cette compensation, c'était
arbitraire sous l'entente. Et l'autre différence, c'est que cela devait
passer devant le comité des relevés d'honoraires, qui est un
comité paritaire. La loi est intervenue ici et au fond a modifié
nos ententes.
M. Johnson (Anjou): Sur ce, je ne pense pas qu'on puisse
reprendre en 40 minutes tout le débat que...
Mme Lavoie-Roux: Donnez votre réponse, peut-être
cela va éclairer la question qui vous est demandée.
M. Johnson (Anjou): D'accord.
Ce que je voulais dire, c'est que je ne pense pas que l'on puisse
reprendre tout le débat autour de la loi 84 en quelques minutes. Je
pense que vous avez fait entendre clairement vos arguments et vos motivations
à cet égard. Ce qui est plus que ce que je peux en dire, quant
à moi, sur l'existence de cet article, mais je pense que, d'ici la
deuxième lecture, on aura le temps de fouiller cela un peu plus. La
seule comparaison qui me vienne à l'esprit, c'est la comparaison qui
existe dans les lois du revenu où à toutes fins utiles, il y a le
principe de la cotisation, le principe du fardeau de la preuve à celui
qui est cotisé et en ce sens, c'est le précédent qui me
vient à l'esprit. Maintenant, on aura l'occasion de regarder cela un peu
plus loin.
Mme Lavoie-Roux: C'est une profane qui pose une question, mais
j'ai le texte devant moi. Dans le premier cas, je veux juste voir si au moins
je comprends un peu. Les services fournis non conformément à
l'entente, c'est parce que c'est le résultat d'une entente ou est-ce
qu'à ce moment, il y a la procédure de grief et d'arbitrage?
Dans le deuxième cas, ce sont des services non fournis. Il y a
une enquête et cela n'a plus de relation avec l'entente, c'est simplement
que des services ne sont pas fournis. C'est pour cela que la procédure
est différente, si je comprends bien, qu'à ce moment, il n'y a
pas de recours à un tribunal ou, enfin, il n'y a pas de procédure
de grief de prévue et que c'est la régie qui dit si vous n'avez
pas fourni les services. Vous autres, faites-en la preuve. C'est cela...
M. Johnson (Anjou): Jusqu'à maintenant, il n'y a rien
d'inexact dans ce que vous dites.
Mme Lavoie-Roux: Dans les deux, il y a une compensation
financière...
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends très bien pourquoi une
procédure de grief dans le premier, ne revenons pas là-dessus
mais pourquoi a-t-on décidé - j'étais là à
la loi 84, cela a dû me passer, ou cela n'a pas été dit, je
ne m'en souviens pas - dans l'autre cas qu'on procède par enquête?
Cela m'apparaît régulier qu'on procède à un
remboursement par compensation financière ou autrement. Est-ce que c'est
parce que, dans ce cas, on n'a pas mis un recours quelconque ou à moins
que l'individu en fasse la preuve ou le professionnel en fasse la preuve? Quel
a été la raison derrière cela?
M. Johnson (Anjou): J'ai l'impression que c'est - on aura
peut-être l'occasion d'en parler en troisième lecture, article par
article - une approche qui vise à réprimer des abus...
Mme Lavoie-Roux: Rendre plus difficile, c'est cela.
M. Johnson (Anjou): ...c'est cela ou enfin, c'est l'approche
classique.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): Je ne dirai pas qu'il y a là une
présomption que la majorité des gens font, c'est pour cela
d'ailleurs que c'est utilisé avec parcimonie. Il n'y a pas des centaines
de membres qui font l'objet de ce mécanisme. Probablement que cela
correspond à la courbe de distribution normale des gens dans la
société. La raison de base que je vois là, sans aller plus
loin, avant d'avoir relu le procès-verbal de la commission sur la loi
84, je dirais que c'est une technique de répression d'abus
utilisée par un corps public en s'inspirant de la technique
prévue dans les lois du revenu.
M. Brodeur: M. le ministre, le texte de loi ne fait pas
référence à des abus, le texte de 22.2 dit:
Non-conformité à l'entente. Cela est de la même nature, si
on veut, qu'un grief pour un salarié.
Deuxièmement, 22.2 se réfère à des services
qui n'ont pas été fournis, qu'il n'a pas fournis lui-même,
qu'il a faussement décrits ou des services non considérés
comme assurés par règlement. Il s'agit là non pas
nécessairement d'abus, il s'en faut. Il peut très bien
s'agir de services qu'un professionnel rend avec son personnel auxiliaire par
exemple. Il est convaincu, lui, - il a peut-être raison et il est
très possible qu'il ait raison - qu'il est en conformité avec la
loi. Pour prendre le premier paragraphe, comme je le faisais tantôt, il
est convaincu lui, de bonne foi, qu'il est en conformité avec l'entente.
Et intervient la régie qui lui dit: On n'est pas d'accord, on n'a pas
les même convictions que toi. Et on peut automatiquement, à ce
moment-là, faire compensation. (23 h 15)
Nous ne disons pas que la régie est de mauvaise foi, nous disons
que le pouvoir qui lui est donné, c'est un pouvoir
discrétionnaire abusif. C'est un pouvoir... Mme Roux, quand vous dites
que le deuxième alinéa parlant...
Mme Lavoie-Roux: ...service non...
M. Brodeur: ... d'une compensation qui se fait après une
enquête, c'est déjà ça de pris, ce n'est pas
grand-chose, ce n'est pratiquement rien. Cela va sans dire; j'espère
qu'il y a une enquête au moins. Ce que nous disons, c'est qu'il devrait y
avoir, par simple sens commun, un peu plus que ça. On devrait permettre
aux professionnels de se faire entendre formellement et à leur
association, d'intervenir.
Mme Lavoie-Roux: Oui, une audition préalable.
M. Brodeur: Vous dites, M. le ministre, quels sont au fond ce que
vous pensez être les motifs derrière ça. Je vais vous les
donner, les motifs. C'est très simple et ce n'est pas un procès
d'intention. C'est la plus grande efficacité administrative
possible.
C'est ça, les motifs derrière ça. C'est très
bien, pour autant que, quand un bonhomme a un accident de travail, on lui
permette d'en appeler à une commission de révision et de
là, à la Commission des affaires sociales.
Pour autant, on a voté la Charte des droits et libertés de
la personne, et tenir cette commission en fonctionnement, ça coûte
cher. Pour autant, on a une foule de lois qui assument que, dans une
société civilisée, il y a des coûts à la
justice. C'est une réalité, il y a des coûts à la
justice et à un moment donné, le législateur se dit: II y
a peut-être un coût, pour une régie gouvernementale, pour
administrer avec plus de justice et plus l'équité; mais ce
coût, la société doit l'assumer. C'est ça, la
question, fondamentalement; ce n'est pas autre chose.
Et il n'est pas question d'abus ici. Il est question de
non-conformité à l'entente et question de non-respect de
certaines conditions prévues à la loi. Et il est question que la
régie... D'après elle, il y a eu non- conformité aux
dispositions de la loi. Elle n'a pas nécessairement raison. À mon
avis, elle a souvent tort. La régie, qu'elle soit un bon administrateur
ou pas, la question n'est pas là. Elle prend à l'occasion des
décisions erronées. Et il y a des gens qui travaillent à
la régie qui, c'est la même chose partout, font des erreurs, et il
y en a qui sont plus compétents que d'autres et tout ça. Mais la
réalité, c'est qu'on n'a pas voulu prévoir des
mécanismes de cette nature-là pour une plus grande
efficacité. Et je pense qu'on cause une injustice.
Mme Lavoie-Roux: On avait l'impression que ce n'était pas
le même ordre d'offense dans le premier cas - enfin, si on peut parler
d'offense - que dans le deuxième paragraphe.
M. Johnson (Anjou): Peut-être, pour terminer
là-dessus; j'ajoute deux choses. D'abord, je veux clarifier une chose au
sujet du fardeau de la preuve, je pense que vous n'avez pas
évoqué cela longuement. La raison pour laquelle le fardeau de la
preuve était inversé vient sans doute du fait que, compte tenu du
secret professionnel, il est déjà extrêmement difficile de
le faire dans le sens inverse. Il ne faut pas trop s'en étonner. C'est
probablement un motif qui milite en faveur de ce type d'inversion du fardeau de
la preuve.
Deuxièmement, je suis sensible à ce que vous
évoquez; vous accepterez mon état d'impréparation
relative, étant donné que ce n'était pas dans la loi 27 et
qu'on revient à la loi 84. Je pense qu'à l'occasion de la
troisième lecture, on aura l'occasion de préciser les raisons de
la loi 84 ou les raisons de sa modification, l'un des deux. Il est bien
évident qu'il m'apparaît normal qu'on donne les raisons de ce
mécanisme, même si ces raisons peuvent être difficiles
à accepter; n'importe où, je pense qu'il faut les donner, d'une
façon ou d'une autre. Et en ce moment, je ne me sens pas capable de vous
les donner suffisamment clairement pour que ça me soit satisfaisant et
que ça vous soit satisfaisant. Heureusement qu'il y a la
troisième lecture.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre; merci
également, M. Marquis, ainsi que les personnes qui sont avec vous, de
vous être présentés devant la commission.
M. Johnson (Anjou): Mais, ce n'est pas M. Marquis.
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse.
M. Johnson (Anjou): Vous êtes dans la mauvaise liste.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Rodrigue. Merci, messieurs. Bonne nuit.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Bonsoir.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, c'était le
dernier mémoire pour ce soir. Je voudrais rappeler aux membres de la
commission que demain matin... D'abord, demain nous aurions dix mémoires
à recevoir sauf que j'attends d'avoir des nouvelles demain avant-midi
pour reporter certains mémoires.
Mme Lavoie-Roux: II faut vous laisser finir avant.
Le Président (M. Bordeleau): On devrait commencer demain
matin par la Fédération des CLSC du Québec et on verra par
la suite. Ce qui veut dire qu'on devrait reprendre vers 11 heures ou 11 h 30,
selon l'ordre du leader de la Chambre.
La Commission des Affaires sociales ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 21)