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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Thursday, December 10, 1981 - Vol. 26 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des organismes intéressés au projet de loi no 27 - Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le domaine de la santé et des services sociaux


Journal des débats

 

(Onze heures cinquante-huit minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission parlementaire des affaires sociales reprend donc ses travaux pour recevoir les mémoires concernant le projet de loi no 27.

Les membres de la commission pour ce matin sont: M. Boucher (Rivière-du-Loup) remplacé par Mme Lachapelle (Dorion); M. Brouillet (Chauveau) remplacé par M. Lafrenière (Ungava); Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier), M. Johnson (Anjou), Mme Juneau (Johnson), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville); M. Bélanger (Mégantic-Compton) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon), Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion); M. Lafrenière (Ungava) remplacé par M. Brouillet (Chauveau), M. Laplante (Bourassa), M. Mathieu (Beauce-Sud); M. O'Gallagher (Robert Baldwin) remplacé par M. Lincoln (Nelligan).

M. Rochefort: Correction.

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Rochefort: Le député de Chauveau ne sera remplacé par le député d'Ungava que cet après-midi. Pour ce matin, le député de Chauveau demeure membre de la commission.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous souligne que cela me prend un consentement pour changer les membres en cours de séance, mais je pense que cela ne posera pas de problème. On enlève la substitution.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, du moment qu'on n'arrive pas dix de chaque côté, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Bordeleau): De toute façon, je vous souligne, M. le député de Chauveau, que je vous avais mis intervenant à la place de M. Lafrenière (Ungava), ce qui revient à peu près au même, sauf pour un vote.

Donc, voici le menu de la journée. Je vous donne l'ordre dans lequel on devrait entendre les mémoires. Le premier, ce matin, s'appelle la Fédération des CLSC du Québec, suivi cet après-midi probablement du Comité provincial des malades, au début de l'après-midi; l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l'Association des centres d'accueil du Québec, la Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, l'Association des pharmaciens des établissements de santé, le Congrès juif canadien, l'Association de santé publique, onzième, l'Association des cadres intermédiaires des Affaires sociales inc. Là, on en a remis pour demain.

M. Johnson (Anjou): Non, cela est au dépôt. C'est au dépôt cela ici.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, c'est pour dépôt; d'accord, il n'y a pas de témoignage.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je pensais qu'on venait et qu'on commençait tout de suite. Hier, il me semble qu'on s'était entendu pour que le Congrès juif canadien et l'Association de santé publique soient appelés demain matin et je les retrouve sur la liste aujourd'hui. Hier, vous m'aviez dit...

M. Johnson (Anjou): II y en aura demain.

Le Président (M. Bordeleau): Je veux faire juste une mise au point. Je vous ai donné les dix organismes qu'on avait prévus à notre menu pour aujourd'hui, sauf que, comme vous venez de le dire, hier on s'était entendu pour en reporter deux ou trois demain, mais je n'ai pas eu la confirmation jusqu'à maintenant. Je pourrai vous la donner tantôt dans quelques minutes. Je voulais simplement qu'on puisse vous donner l'ordre du jour qu'on nous avait remis hier, qui est officiel, et auquel on pourra faire des modifications. (12 heures)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis prête à commencer, mais je voudrais

avoir la confirmation avant une heure.

M. Johnson (Anjou): Alors, je vous la confirme tout de suite pour ce qui me concerne...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, si vous avez des détails...

M. Johnson (Anjou): ... pour qu'on puisse commencer. Demain, il y aurait l'Association des centres d'accueil, qui veut bien accepter de témoigner demain plutôt qu'aujourd'hui, et l'Association de la santé publique, d'accord?

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Je pense que nous pouvons débuter maintenant et écouter le mémoire de la Fédération des CLSC du Québec, représentée par son président et porte-parole, M. Pierre Ouimet. Je les prierais de s'avancer. Si c'est bien le cas, je demande donc à M. Ouimet de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Fédération des CLSC du Québec

M. Ouimet (Pierre): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous présenter, à ma gauche, le vice-président de la fédération, M. Roland Paradis; à ma droite, M. Maurice Charlebois, directeur général; à sa droite, M. Michel Lemay, conseiller à la Fédération des CLSC.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi no 27 met de l'avant certains principes fondamentaux sur lesquels nous voulons, dès maintenant, dire que nous sommes pleinement d'accord, savoir une affirmation la plus explicite possible de la responsabilité du ministre à l'égard de la santé publique, l'introduction de tous les instruments nécessaires à une répartition équitable et rationnelle des effectifs médicaux sur le territoire du Québec, et aussi, une meilleure clarification du champ des négociations avec les professionnels de la santé.

Il s'agit là de principes sur lesquels nous nous sommes souvent appuyés, à la fédération, pour réclamer une organisation plus rationnelle des services de santé au Québec. Je m'excuse...

Mme Lavoie-Roux: ... votre deuxième principe...

M. Ouimet: Le deuxième? Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Ouimet: L'introduction de tous les instruments nécessaires à une répartition équitable et rationnelle des effectifs médicaux sur le territoire du Québec.

Nous voulons donc, dès le départ, porter un jugement d'ensemble favorable au projet de loi et à l'esprit qui l'anime à l'égard des questions citées plus haut. Nous serions très déçus - et nous insistons là-dessus - si la version finale de la loi atténuait la portée de ces principes. Quant au mémoire que nous présentons maintenant, il s'attarde surtout à signaler un ensemble de modifications que nous souhaiterions voir apporter aux diverses lois touchées par le projet de loi no 27. Il contient donc des réactions aux dispositions mêmes de cette loi, de même que des propositions par rapport à des sujets qu'elle n'aborde pas.

Nos propositions sont organisées autour de trois thèmes principaux, premièrement, les modifications au cadre juridique en vue des négociations avec les professionnels de la santé; deuxièmement, la gestion du réseau et troisièmement, la gestion des établissements.

Je ne crois pas que notre mémoire soit très long. Je me permettrai donc de le lire, il a une quinzaine de pages.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Avant que vous ne commenciez, M. Ouimet, si vous permettez, je voudrais vous demander, tout en sachant qu'il n'est pas là, peut-être de concentrer sur l'essentiel, puisque nous devrons probablement suspendre nos travaux pour dix minutes, à 12 h 15, à cause d'un vote à l'Assemblée. Nous reviendrons par la suite. Si nous pouvions revenir pour l'échange et les questions, ce serait l'idéal. Nous ne sommes pas maîtres de cet horaire, c'est la Chambre qui en est maître.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne voudrais pas que vous voyiez mon intervention comme voulant faire des difficultés. Je ne l'ai pas lu ce mémoire, on vient de me le remettre. J'aimerais qu'on puisse passer à travers, même si vous deviez passer des paragraphes.

M. Johnson (Anjou): Oui, absolument.

Mme Lavoie-Roux: On travaille dans des conditions qui sont extrêmement difficiles.

Le Président (M. Bordeleau): Vous pouvez continuer, M. Ouimet. Allez-y.

M. Quimet: Je peux y aller. Concernant les modifications au cadre juridique en vue des négociations avec les professionnels de la santé, la première partie du projet de loi no 27 prévoit une série d'amendements à la Loi

de l'assurance-maladie en vue, selon l'intention déclarée du ministre des Affaires sociales, de clarifier le cadre juridique des prochaines négociations avec les professionnels de la santé. Nous sommes fort concernés par ces négociations, et ce, à deux niveaux: d'abord, comme employeurs, les CLSC, comme vous le savez, embauchent à l'heure actuelle au-delà de 350 médecins dont la quasi-totalité sont à salaire. Les conditions de travail qui seront faites à ces employés nous intéressent au plus haut point puisqu'elles détermineront, pour une grande part, la nature des relations que nous aurons à entretenir avec eux.

Par ailleurs, on sait que la convention collective des professionnels de la santé, particulièrement des médecins, constitue beaucoup plus qu'une entente sur les conditions de travail. Il s'agit en fait d'une sorte de loi sur les services privés de santé au Québec. Dans la mesure où l'action de ces services privés est déterminante, tant sur la réalisation de la politique de santé que sur l'évolution absolument fantastique des coûts de la santé au Québec depuis quelques années, nous considérons de la plus haute importance de suivre de très près ces négociations.

C'est donc à la lumière de ces deux préoccupations que nous allons analyser les clarifications du cadre juridique des négociations préconisées par le projet de loi no 27, et pour cela, nous considérerons la question de la pénurie de médecins en région éloignée, deuxièmement, la question de la pratique médicale en institution, et celle enfin du champ de négociation.

Les médecins en région éloignée. La loi clarifie le cadre et le champ de la négociation pour cette question brûlante. Il est évident que, derrière les amendements proposés, il y a ce principe fondamental que le ministre des Affaires sociales est la première autorité pour définir les priorités de services en fonction des besoins de la population et qu'il ne s'agit pas d'une matière à négociation sujette aux intérêts de groupes particuliers. Nous sommes donc pleinement d'accord avec le fait que le ministre désigne, en dernière analyse, les districts jugés insuffisamment pourvus en professionnels. Cependant, nous souhaiterions que, lors des consultations que le ministre entend faire au préalable, il rencontre les représentants autorisés des établissements en plus des représentants des professionnels. Nous croyons que les établissements sont largement habilités à émettre des avis sur cette question.

Concernant la rémunération éventuelle des professionnels travaillant dans les régions désignées, nous sommes d'accord avec le fait que la loi permette de réaliser des ententes plus avantageuses. Nous insistons cependant sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une solution exclusive. Il y a plusieurs de nos membres des régions éloignées aux prises avec des difficultés de recrutement, comme vous le savez, qui nous indiquent qu'il n'y pas qu'un seul facteur influençant la décision des professionnels d'aller travailler en région éloignée et d'y rester un certain temps. Il y a aussi des facteurs comme la formation, les relations avec l'extérieur, etc.

Il ne faudrait donc pas utiliser cette solution comme une panacée surtout que les professionnels bénéficient à l'heure actuelle d'une situation de libre marché qui les avantage démesurément. On croit qu'une saine combinaison de mesures de contingentement et de divers autres incitatifs constitue probablement la piste à privilégier pour régler ce problème. Quoi qu'il en soit, il est important de se doter d'outils comme le fait la loi.

Nous sommes d'accord également avec la formule préconisée à l'égard des jeunes médecins pour qu'ils se dirigent vers les régions éloignées. On trouve que la solution avancée constitue en quelque sorte un compromis entre l'idée du service civique obligatoire et le libre marché actuel. De plus, nous croyons normal qu'un mécanisme permette de trancher la question en cas d'incapacité de s'entendre avec les syndicats de médecins sur le niveau de rémunération dans de telles circonstances. Nous croyons toutefois qu'il serait préférable d'introduire un mécanisme d'arbitrage avec décision exécutoire plutôt qu'un pouvoir discrétionnaire du ministre. Cela nous apparaîtrait plus compatible avec l'économie générale des relations du travail dans les secteurs public et parapublic.

Maintenant la question de la pratique médicale en institution. Le cadre juridique actuel, autant par la Loi de l'assurance-maladie que par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, contribue à maintenir une confusion inacceptable entre les rôles et les pouvoirs des médecins d'une part, et ceux de la structure hiérarchique des établissements d'autre part.

À cet égard, nous considérons que la loi no 27 n'améliore pas les choses pour les établissements que nous représentons, les CLSC, et nous espérons que le législateur profite de cette occasion pour apporter d'autres amendements qui nous apparaissent essentiels. Autrement dit, on voudrait voir apparaître certains amendements qui n'apparaissent pas à la loi. On essaie brièvement d'expliquer quelle est cette problématique vécue par les CLSC; elle pourrait se décrire de la façon suivante: La Loi sur les services de santé et les services sociaux impose aux CLSC le même cadre et les mêmes structures que dans les hôpitaux pour l'encadrement de la pratique médicale malgré que la taille des CLSC, que la nature des activités des CLSC, que leur

fonctionnement soient complètement différents à plusieurs égards.

Nous sommes ainsi tenus de former un Conseil des médecins et dentistes dès que trois médecins oeuvrent dans un CLSC. Le Comité consultatif du personnel clinique existe aussi chez nous comme dans les centres hospitaliers. Par la loi, les médecins ne font pas partie de ce dernier comité mais siègent à son exécutif. Si l'on revient au CMD, à partir d'un certain nombre de médecins dans un établissement, un comité exécutif est formé. N'oublions pas que ces divers comités constituent aussi des collèges électoraux pour l'élection de deux postes d'administrateurs au conseil d'administration.

Si nous considérons maintenant l'entente avec les médecins, particulièrement le chapitre portant sur la pratique médicale en établissement, nous voyons que les médecins, indépendamment de la structure organisationnelle du CLSC, se regroupent en département de médecine générale, se nomment un chef qui a certains pouvoirs et certaines obligations à l'égard du CMD.

Nous devenons littéralement envahis par les comités et structures de toutes sortes. L'enchevêtrement des pouvoirs, rôles et fonctions de tous ces comités ou postes désignés, sème la plus totale confusion par rapport à la simple question suivante: "Qui peut faire quoi?"

Cette confusion est accentuée par le fait que l'article 1 de la loi actuelle stipule en toutes lettres que les médecins ne font pas partie du personnel de l'établissement. Cela nous pose de sérieux problèmes de relations du travail dans la mesure où l'entente stipule que le conseil d'administration a le pouvoir d'embaucher, d'affecter et de congédier un médecin. Comment peut-on exercer ces pouvoirs sur des gens qui ne sont pas nos employés?

Il faut se rappeler que dans un CLSC le personnel médical est salarié, que ce personnel est embauché pour travailler à la réalisation de programmes ou à des services précis, qu'il est très souvent intégré dans des équipes et ce, au même titre que tout autre employé. Il faut comprendre enfin, et c'est là que la situation devient un peu farfelue, qu'un CLSC embauche, en moyenne, trois ou quatre médecins de telle sorte que nous nous retrouvons, en définitive, dans la situation où, pour occuper tous les rôles décrits plus haut, il nous manque d'acteurs. Ce sont toujours les mêmes individus qui jouent simultanément tous ces rôles et la direction de l'établissement en vient à ne plus savoir à qui elle a affaire.

Nous croyons important que le législateur profite de la présente révision de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour régler cette situation.

Nous demandons, en conséquence, que l'article 1 stipule clairement que, dans les

CLSC, les médecins font partie du personnel de l'établissement et qu'aucune obligation ne soit faite aux CLSC de constituer un conseil des médecins et dentistes.

La question du champ de négociation. La clarification du cadre juridique des négociations avec les professionnels de la santé ne pouvait se faire sans aborder cette question. Nous avons vu un peu plus haut que, dorénavant, la désignation des zones éloignées ne sera plus sujette à négociation. Il est une autre disposition qui touche le champ de négociation et qui apporte, selon nous, une clarification fondamentale et à laquelle nous voulons manifester tout notre appui. C'est la précision apportée à l'article 4, 1er alinéa. (12 h 15)

L'amendement ainsi proposé à la Loi sur l'assurance-maladie vise à limiter le champ des négociations avec les professionnels au strict domaine des conditions de travail. C'est, selon nous, un principe fondamental qui fait défaut dans la loi actuelle et qui permet aux ententes de déborder largement sur toutes sortes de questions et qui, en définitive, contribue à accentuer les problèmes identifiés plus haut dans un partage des rôles et pouvoirs dans les établissements entre médecins et administrateurs.

L'absence de ce principe dans la loi actuelle permet de plus - et c'est là un problème encore plus important - d'entretenir deux réseaux de santé au Québec. En effet, bien au delà de la détermination des conditions de travail, les négociations antérieures avec les professionnels de la santé ont abouti à des ententes portant d'une part, sur des salaires et autres avantages et d'autre part, sur le financement du réseau privé de santé. Il y a probablement beaucoup de gens qui ne se représentent pas avec clarté ce phénomène. L'ambiguïté dans le contexte actuel, c'est que sous le couvert d'une négociation sur la rémunération, on inclut en fait tout le financement des polycliniques. Ainsi, si un médecin - pour prendre un exemple - reçoit 10 $ pour un acte, environ 3,50 $ servent à financer ses installations physiques.

Doit-on comprendre que l'amendement proposé aura une portée telle que tout l'aspect financement des installations et du fonctionnement des polycliniques ne sera plus automatiquement intégré dans la convention collective? Doit-on comprendre que le réseau privé de santé commencera à être assujetti à un ensemble de règles s'apparentant à celles que doivent suivre les établissements publics? Question que nous avions déjà posée au minisommet en juin dernier. Lorsqu'un CLSC est implanté cela découle d'une étude rigoureuse des besoins de la population. La localisation du CLSC répond aussi à des critères très précis; quant à son budget de

fonctionnement, il s'appuie sur la mise en oeuvre d'une programmation précise. Au niveau des équipements, immobilisation, des critères tout aussi rigoureux doivent être suivis. Ce sont là des exigences, à notre avis, d'une saine utilisation des fonds publics.

Au niveau des services privés, la situation est tout autre; quand on regarde la concentration de cliniques en milieu urbain on comprend que leur développement a été sauvage et a répondu aux mêmes critères que ceux utilisés par les chaînes de restaurants ou autres chaînes du genre. Or, il s'agit là de fonds publics. Dans la conjoncture actuelle il est important que le gouvernement introduise des contrôles. La présente loi vise à régler plusieurs épi-phénomènes liés aux entreprises privées de santé, comme par exemple, la question des urgences à domicile ou des transports ambulanciers.

À notre avis, il faudra tôt ou tard s'attaquer non seulement à l'épiphénomène mais au phénomène lui-même et ce ne sera pas uniquement par une refonte des modes de rémunération. Il faut être bien conscient que tous les services publics sont en pleine compression budgétaire à l'heure actuelle, et que les règles du jeu à l'égard des médecins font qu'une partie importante des fonds publics échappe complètement à cette vague d'austérité. Si la portée de l'amendement n'est pas celle que nous souhaitons, il faudra bien conclure que la loi continuera à entretenir les mêmes ambiguïtés et les mêmes contradictions.

La deuxième partie de notre mémoire concerne la gestion du réseau et peut-être qu'on pourrait...

Est-ce que j'ai le temps, M. le Président.

M. Johnson (Anjou): Jusqu'à temps que les cloches sonnent.

M. Ouimet: On attend que les cloches sonnent, comme à l'école.

M. Johnson (Anjou): Je ne parle pas de celles de Noël.

M. Ouimet: Alors, la deuxième partie, la gestion du réseau. Le premier point que nous désirons soulever, par rapport à la volonté d'améliorer la gestion du réseau, et ce au risque de nous répéter est lié à la discussion qui précède. Nulle part dans la loi on ne prévoit la possibilité pour les instances de coordination et de concertation d'influer sur les réseaux privés de santé. Nous croyons essentiel que la loi permette une telle éventualité en élargissant les pouvoirs des conseils régionaux sur cette question. Quant à ce qui est proposé pour les réseaux publics, nous aborderons successivement à la question des modifications à la composition des conseils d'administration et des CRSSS, la question de leur nouveaux pouvoirs et la question des fusions.

D'abord la composition des conseils d'administration des CRSSS. On est d'accord avec l'allégement préconisé au niveau du conseil d'administration des CRSSS. Disons qu'il nous semble que le CRSSS sera une instance fort importante, non seulement pour la planification des services au niveau régional, mais aussi pour l'organisation rationnelle de ces services. En conséquence, son conseil d'administration devient une instance vraiment privilégiée de participation, de concertation et de décision, cela va jusqu'à maintenant. Mais, il me semble que deux groupes doivent prioritairement se retrouver sur ces conseils d'administration. Il s'agit d'une part des citoyens bénéficiaires ou usagers des services et les gestionnaires. Le projet de loi fait une bonne place au premier groupe, les usagers, mais évacue le groupe des gestionnaires, ce qui nous apparaît inacceptable. Il nous apparaît tout aussi inacceptable que l'on prévoie un siège au conseil des médecins et dentistes. Nous ne voyons pas pourquoi une catégorie d'intervenants serait privilégiée, si l'intention est d'intégrer le réseau privé, le collège électoral devrait plutôt être les cliniques. En conséquence, nous demandons que les représentants des quatre catégories d'établissements soient des cadres supérieurs et que l'on retire le représentant du conseil des médecins et dentistes.

Le pouvoir des CRSSS. La loi consacre des choses qui leur étaient déjà déléguées en vertu de décrets, de règlements ou de directives. L'orientation générale préconisée, en est une qui limite de plus en plus l'autonomie des établissements pour les subordonner à une nécessaire cohésion régionale. Nous avons toujours analysé le phénomène dit de décentralisation du ministère des Affaires sociales vers les CRSSS comme la reprise en main par le MAS, par paliers intermédiaires interposés, du contrôle des établissements. La loi 27 confirme cette analyse. Nous assistons en fait à une déconcentration administrative des pouvoirs du ministère des Affaires sociales. À notre grand étonnement aujourd'hui, nous remarquons que le déplacement de pouvoir se fera des établissements vers les CRSSS, plutôt que du MAS vers ces derniers.

Quoiqu'il en soit, nous reconnaissons quand même la nécessité d'une meilleure concertation régionale et nous considérons que les pouvoirs prévus à l'article 38 sont extrêmement larges et ne font aucunement référence à la concertation, ce qui mériterait d'être ajouté.

Par rapport au pouvoir d'organisation des services à la population, il y aurait lieu d'inscrire au paragraphe 3 de l'article 38, que les CRSSS doivent tenir compte de la

vocation spécifique de chaque établissement, dans l'accomplissement de cette tâche. Depuis quelques années, nous avons été souvent témoins de volonté régionale de tout chambarder le réseau par la base, sous prétexte de rationalisation. Il nous apparaît fondamental que la loi protège la spécificité des instruments collectifs qu'on s'est donnés, au niveau des services de santé et des services sociaux.

Quant aux pouvoirs prévus aux paragraphes 1 et 2 de l'article 38, ils nous posent de sérieuses questions, tels qu'ils sont formulés actuellement, par rapport à la survie d'organisations comme la nôtre. Depuis plusieurs années, ces établissements, par le biais de la libre association, se sont donné plusieurs services communs, comme l'aide conseil en relations du travail, en gestion, en programmation. Notre question: est-ce que la portée de ces amendements conduirait à l'évacuation des associations d'établissements, dès l'instant qu'un conseil régional décide de développer un tel service? Si c'est le cas, cela nous semble inadmissible et nier une réalité existant depuis déjà longtemps et qui, de plus, semble satisfaire, au plus haut point, les établissements. En conséquence, nous demandons de retirer le mot "exclusive" de l'article 38.

Par ailleurs, la loi consacre, par l'article 39, la venue des CRSSS dans la dispensation de services directs à la population. Nous avons déjà eu l'occasion, M. le Président, de nous élever contre une telle éventualité, lors de mémorables discussions l'an dernier, entourant la prise en charge par le réseau public des services d'urgence à domicile, à Montréal. Nous continuons de croire, M. le Président, que les CRSSS devraient confier à des corporations indépendantes la dispensation de tels services. Je crois que le ministre des Affaires sociales affirmait, il y a quelques jours, lors du sommet socio-économique sur les personnes handicapées - je l'ai noté - que les conseils régionaux ne dispensaient pas de services. Ils pourraient, à court terme, agir en suppléance et la loi devrait être très précise à ce niveau.

Il nous semble que la vraie mission du CRSSS en est une de coordination et de concertation et que pour jouer pleinement son rôle, il ne faut pas qu'il se laisse entraîner dans les services. Nous avons tous vu comment d'autres organismes qui devaient faire de la planification et de l'évaluation ont eu de la difficulté à remplir leurs mandats quand ils étaient détournés vers les services, par suppléance ou autrement.

Les fusions. Au niveau d'une meilleure articulation du réseau, nous croyons que des améliorations importantes sont prévues. Ainsi, que le ministre rende plus faciles les fusions d'établissements ou de services ne saurait à notre avis que contribuer à l'amélioration du système. Ces fusions doivent toutefois respecter la spécificité des établissements. Encore une fois, il nous apparaîtrait important de spécifier que de telles fusions se feraient en respectant la vocation des établissements. De plus, la loi devrait obliger le ministre à consulter les établissements concernés au préalable.

Enfin, nous terminons avec la troisième partie, la gestion des établissements. Dans la gestion des établissements, il y aura deux parties, d'abord la composition des conseils d'administration, et enfin, des points divers.

Concernant la composition des conseils d'administration, nous accueillons très favorablement le fait que la loi garde une place importante aux usagers dans les CLSC. L'expérience, de même que la nature de l'établissement montrent que dans le réseau, c'est probablement le seul endroit où la participation du citoyen peut être significative. À cet égard, l'idée de substituer les représentants de bénéficiaires aux usagers dans les établissements hospitaliers est, à notre avis, fort heureuse.

Il nous semble cependant que la définition d'usager aurait avantage à être révisée. Plusieurs de nos membres considèrent en effet que la loi devrait référer simplement aux citoyens du territoire plutôt qu'aux usagers. Les CLSC offrent une foule de services à la collectivité par les médias très souvent ou par d'autres moyens qui ne sont pas individualisés. Il nous semble que la notion d'usager mériterait d'être élargie. Dans la mesure où le CLSC sera à la basse du réseau social desservant les territoires correspondant aux MRC, il y aurait lieu, dès à présent, de l'ouvrir sur toute la communauté.

Quant aux autres membres du conseil d'administration des CLSC, nous demandons de retirer le représentant du CMD - c'est une simple concordance - dans la mesure où nous préconisons l'abolition de cette instance dans les CLSC. La représentation des autres catégories d'établissements nous apparaît être une idée fort intéressante, mais pas très fonctionnelle. L'expérience nous enseigne que ce n'est pas tellement au niveau du conseil d'administration que la dynamique de rapprochement et de complémentarité se joue. Il faut être conscient que pour placer des représentants partout, soit sur plus de 1000 conseils d'administration, les établissements ne pourront déléguer dans tous les cas des représentants dynamiques et très articulés. (12 h 30)

Nous souhaitons enfin que le représentant des organismes bénévoles nommé par le CRSSS provienne du territoire du CLSC. La loi devrait être explicite à ce niveau.

Enfin, un tas de points divers que j'énumère rapidement. À notre avis, il y

aurait lieu de changer la date des élections pour les tenir à un moment où les citoyens sont plus susceptibles d'être disponibles, comme en avril par exemple. Un autre point, les établissements ne devraient pas être tenus obligatoirement à une assemblée publique annuelle. La participation à de telles assemblées est très aléatoire, pour employer un euphémisme. Cette obligation pourrait être remplacée par la production d'un rapport annuel dont un résumé serait publié dans les médias locaux. Une assemblée devrait être tenue si 50 citoyens le demandent.

Un autre point. Pour éviter les situations de conflits d'intérêts, la loi devrait interdire explicitement l'accès à la présidence du conseil d'administration d'un établissement aux employés y oeuvrant. Il faudrait amender l'article 66a à cet effet. Nous avons des cas dont on pourra parler tantôt, au moment de la période des questions.

Concernant les plans d'organisation, nous considérons que, de par les nouveaux pouvoirs réglementaires que se donne le ministre, il y a une ingérence excessive dans la gestion interne des établissements. En effet, que le ministre définisse et les services qu'un établissement doit offrir et la structure et les qualifications des chefs de service nous indique que la marge de manoeuvre sera très mince pour les administrateurs. Nous croyons que cette disposition est incompatible avec l'esprit de la loi qui crée des établissements autonomes et que le statu quo devrait être maintenu.

Nous demandons aussi que la possibilité faite aux CRSSS de rémunérer les administrateurs soit élargie aux établissements du réseau. Il y a plusieurs citoyens qui consacrent beaucoup de temps à la gestion des établissements et, si le gouvernement est prêt à reconnaître une forme de compensation pour ceux qui oeuvrent dans les CRSSS, il doit l'étendre à tous.

Enfin, un dernier petit point. Nous considérons que les informations auxquelles les chefs de département clinique et les CMD auront accès en vertu de l'article 20 devraient également être accessibles aux administrateurs et directeurs généraux.

Sur ce, M. le Président, je termine. Dans les deux autres pages, vous retrouverez un tableau synthèse des modifications que nous avons demandées. Je ne crois pas nécessaire, étant donné le peu de temps dont vous disposez, de lire ce tableau synthèse. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. Ouimet. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Ouimet, de votre exposé et aux gens de la fédération d'avoir fait cet effort. On sait que vous n'êtes pas sans ressources pour faire des efforts de cette qualité.

Je vois là-dedans deux choses. Je vois d'abord ce que sont les revendications des CLSC, ce que doit connaître fort bien d'ailleurs le député de Laurier, depuis que les CLSC existent à cette notion de médecine privée, de médecine publique, du développement des polycliniques. Votre mémoire va très loin. Je dois dire que cela ne m'étonne pas dans la mesure où je connais la position de la fédération sur ces questions. C'est un débat assez fondamental que la loi cependant ne prétend pas trancher d'une façon qui vous satisfasse, nous le savons.

Deuxièmement, je vois aussi une série de commentaires sur des choses, notamment des suggestions extrêmement intéressantes au niveau de la participation et de certaines restrictions dans un esprit - puisque vous en êtes le laboratoire de cela depuis une dizaine d'années et que cela commence à être un laboratoire assez gros d'ailleurs avec une centaine d'éléments - de participation des citoyens, notamment par un mécanisme qui semble restrictif, mais qui, je pense, a un but objectif, par exemple, que le président du conseil d'administration ne puisse être un salarié de l'établissement. Je pense que votre objectif, c'est de favoriser la participation des citoyens, contrairement à l'apparence. Cela semble restrictif, mais je pense qu'il y a un objectif de participation des citoyens.

Mme Lavoie-Roux: II y a trop de dangers de conflits d'intérêts, c'est dans ce sens que je le prends.

M. Johnson (Anjou): C'est ça et, en ce sens-là, je trouve que c'est une suggestion extrêmement intéressante; je pense qu'elle va dans le sens du genre de réflexion que les CLSC font habituellement. J'aimerais peut-être vous entendre parler d'un ou deux sujets, comme la répartition des médecins, des effectifs sur le territoire. Vous dites dans le fond ce qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est quelque chose entre le statu quo et le service civique obligatoire. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): M. Ouimet.

M. Johnson (Anjou): Moi aussi, je dois vous dire... alors, ça tombe bien.

M. Ouimet: Je pense que certains organismes, si je me souviens bien, dont même la Corporation des médecins, à un moment donné, ont déjà préconisé le service civique obligatoire des médecins comme un solution. Je pense que, partout, on entend dire que les fédérations de médecins

semblent elles aussi d'accord avec le fait qu'on puisse retrouver de façon équitable des médecins dans les régions moins bien pourvues, mais on se rend compte qu'après un certain nombre d'années de négociations, on ne peut pas régler ce problème par la négociation. C'est pour ça qu'on dit que nous sommes d'accord avec l'intention du projet de loi, à savoir que le ministre puisse désigner un certain nombre de régions, puisqu'il est responsable de la santé publique au Québec, et que, s'il se rend compte que certaines régions sont mal pourvues en médecins, il puisse, par des mécanismes appropriés, désigner ces régions et donner des incitatifs pour permettre que des médecins s'y rendent. Vous faites probablement allusion au paragraphe où on dit qu'il y aurait peut-être d'autres moyens que la rémunération. On fait allusion à la formation, à d'autres choses; peut-être M. Charlebois voudrait-il en dire un peu plus là-dessus. C'est l'expérience que nous avons eue dans les régions éloignées.

M. Charlebois (Maurice): La solution du service civique obligatoire a circulé dans divers organismes, je dois dire qu'elle a même circulé dans nos rangs, parmi les établissements, il y a quelques années. Quand on va dans les régions éloignées, quand on regarde les situations que les gens y vivent, évidemment, le service civil obligatoire pourrait peut-être leur amener des médecins, mais il y a aussi comme une espèce de respect que ces populations voudraient bien avoir. Quand des gens viennent oeuvrer chez eux et que ces gens sont forcés d'y aller, ça crée comme une espèce de climat, si on veut, entre la relation qu'il peut y avoir entre les professionnels et la population, une espèce de frustration de la population. Nos membres ne voient pas finalement cette éventualité comme étant très avantageuse pour eux, de telle sorte que, même dans les régions éloignées, même parmi nos établissements, il y a tout un éventail finalement de solutions entre le service civique obligatoire et le libre marché qu'on trouve à l'heure actuelle. Finalement, les gens, au fond ce qu'ils voudraient, c'est que le professionnel choisisse de venir chez eux. évidemment, pour quelque citoyen que ce soit, son coin de pays, c'est toujours le plus beau. Au fond, ce qu'ils veulent, c'est que les gens viennent. Dans la loi, actuellement, il y a des incitatifs, évidemment, ça en prend, sauf qu'il y a en fin de compte la possibilité pour le médecin de choisir. En ce sens-là, je pense, que c'est une solution assez intéressante et respectueuse aussi des populations éloignées.

M. Johnson (Anjou): Merci de vos commentaires. Je dois vous dire qu'ils ne me surprennent pas, j'avais l'impression que c'est ce que vous vouliez signifier par ça. Je dois vous dire d'ailleurs que c'est le genre de motif et d'approche que nous partageons dans ce projet, cette notion d'un choix qui reste là, qui dynamise la relation entre celui qui s'en va dans ces territoires et la population qui l'accueille, puisqu'il ne passe pas les huit premiers mois à être nostalgique d'être parti et les huit derniers mois à se demander où il va retourner. En ce sens, ça nous apparaît assez fondamental comme mécanisme.

Il y a quelques questions qui touchent d'autres aspects très précis. Je comprends toute la question, votre vision du médecin comme faisant partie de l'établissement, etc., je sais quelle position vous défendez là-dessus, je vous dis cependant que s'il n'y a pas de CMD, même si on comprend qu'au niveau des nombres, c'est ennuyeux et que votre solution ne manque pas de cohérence sur le plan administratif, compte tenu de la dimension de vos CLSC, mais s'il n'y a pas de CMD, comment va se faire l'évaluation du contrôle de l'acte médical et de l'exercice de la profession, ce qui est le mandat dans le fond des CMD, ce qui est fondamental dans la qualité de l'exercice?

Le Président (M. Bordeleau): M. Ouimet.

M. Ouimet: Ecoutez, quand il y a moins de trois médecins, comment se fait le contrôle de l'évaluation? Là où il n'y a pas de CMD comme dans les polycliniques, comment se fait le contrôle de l'évaluation? C'est tout, je pense. Effectivement, il y d'autres professionnels chez qui il n'y a pas d'équivalent de CMD; comment se fait le contrôle de la qualité des soins offerts par d'autres types de professionnels?

Enfin, je pense que les questions répondent par elles-mêmes.

M. Charlebois: On peut peut-être ajouter un élément de réponse aussi aux questions.

M. Johnson (Anjou): Vous avez le droit de vous poser des questions et d'y répondre.

Le Président (M. Bordeleau): M. Charlebois.

M. Charlebois: J'ajouterais sur cette question que, quand il y a quatre, cinq ou six médecins, il reste que cela se fait entre quatre ou cinq personnes, toujours les mêmes et évidemment, on peut se poser des questions là aussi, par rapport à la qualité.

M. Johnson (Anjou): Vous reconnaîtrez avec nous la notion fondamentale à l'égard du contrôle de l'acte médical et de l'exercice de la profession qui ne peut être fait que par des pairs en vertu de nos lois,

en vertu de la tradition et en vertu du bon sens même dans le cas de cette profession en particulier. C'est théoriquement vrai dans les cas des autres aussi, mais dans celui-là, en tout cas, cela s'impose sûrement compte tenu du degré d'expertise que ça exige. C'est pour ça que la Corporation des médecins est là d'ailleurs.

Deux questions: Une pour savoir pourquoi quatre représentants au CRSSS seraient des cadres supérieurs, plutôt que des citoyens, qui sont dans les établissements? Deuxièmement, pourquoi limiter les possibilités de fusion aux établissements de même nature?

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Ouimet: Concernant les fusions, notre mémoire ne dit pas de limiter les fusions à des établissements de même nature. On dit: Respecter la spécificité des vocations des établissements.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Je comprends ce que vous voulez dire.

Vous dites, dans le fond, qu'il ne s'agirait pas d'empêcher un centre d'accueil et un hôpital par exemple, de fusionner ou un CL5C et un centre d'accueil...

M. Ouimet: Non, pas du tout.

M. Johnson (Anjou): ...mais de respecter la vocation de la bâtisse ou de l'installation physique.

M. Charlebois: Excusez! Plus que ça. Plus que le respect de l'installation et de la bâtisse, c'est le respect des missions. Il y a eu, à travers l'histoire du réseau ces dernières années, une foule de cas, dont certains ne sont pas encore totalement réglés, de fusion où la dynamique même de deux établissements de nature complètement différents a conduit, dans certains cas, à la dénaturation, d'une certaine manière, de la mission de l'un. Je me réfère aux expériences de CH et CLSC, par exemple, dans certaines circonstances.

M. Johnson (Anjou): ... se cache. M. Charlebois: Non, non...

M. Johnson (Anjou): II y a des cas plus célèbres que d'autres.

M. Charlebois: Je n'ai pas donné de nom. Finalement, la seule chose que l'on voudrait voir apparaître dans la loi, c'est une espèce de mesure de sécurité, c'est que des fusions se fassent mais en respectant les missions et les vocations, en s'assurant que les missions et les vocations vont continuer à survivre et il y a des conditions pour ça.

D'ailleurs, il y a une politique du ministère qui a reconnu ça.

M. Johnson (Anjou): Maintenant, le fait que vous souhaiteriez voir quatre représentants qui soient les cadres supérieurs des établissements aux CRSSS.

M. Charlebois: Par rapport à cette question, actuellement au conseil régional le conseil d'administration est assez volumineux mais il y a possibilité, pour les administrateurs des établissements, les gestionnaires, j'entends, les directeurs généraux ou cadres supérieurs d'y être. La compréhension qu'on a des amendements proposés, c'est qu'il n'y aurait plus, au conseil régional, que des citoyens, que des usagers et les gestionnaires comme tels, ceux qui ont administré les boîtes ne pourraient pas apporter leur contribution à cette table, une table qui va devenir et qui devient de plus en plus fort importante au niveau de la coordination des services. Mais aussi, le sens dans lequel va le projet au niveau de l'organisation des services...

On ne voit pas dans la loi à partir de quel principe on évacue de cette table la contribution des gestionnaires. Nous autres, on reconnaît qu'au conseil d'administration du conseil régional tout, comme dans un CLSC, il puisse y avoir une représentation fort importante de citoyens, majoritaire, mais mettre autour de la table des gens qui ont la responsabilité quotidienne de gérer des programmes dans l'une ou l'autre des catégories d'établissements. (12 h 45)

On n'a pas déposé, finalement, dans notre mémoire écrit de proposition bien concrète de répartition des postes. On a quand même fait certains exercices, je vais quand même en soumettre un qu'on a fait qui nous apparaissait intéressant. Outre la représentation des maires et des organismes socio-économiques, il pourrait y avoir des représentants des usagers ou des citoyens, si on modifie la loi, et deux représentants des bénéficiaires. Je pense qu'il y a un amendement qui est apporté à la loi pour donner une place à ces gens-là, aux institutions. Alors, ce serait peut-être intéressant qu'il y ait de la concordance au conseil régional, qu'il y ait donc des représentants de citoyens et des représentants de bénéficiaires, le représentant des bénévoles et, ensuite, la représentation des catégories d'établissements pourrait être des gestionnaires, des directeurs, par exemple, ou des cadres supérieurs. Ceci conduirait, en bout de ligne, à quelque chose comme sept représentants de citoyens, étant entendu que les représentants des socio-économiques, les deux représentants d'usagers, les deux représentants de bénéficiaires et le bénévole sont des citoyens

bénéficiaires des services, et quatre gestionnaires.

M. Johnson (Anjou): Et un représentant des CMD, mais pas dans votre mémoire.

M. Charlebois: Pas dans notre mémoire, je parlais de notre hypothèse.

On pense que ça ferait en sorte qu'il y ait un certain équilibre autour de la table parce qu'il ne faut pas se leurrer, s'il y a un conseil d'administration composé en totalité de citoyens avec deux intervenants du réseau, c'est-à-dire un représentant des médecins et le directeur général du CRSSS qui va avoir le contrôle de l'orientation, etc., des politiques qui vont se faire au niveau du conseil régional, c'est bien évident qu'il n'y a pas de contrepoids, simplement au niveau des connaissances de la gestion, des contraintes de la gestion. C'est notre approche.

M. Johnson (Anjou): Je vous remercie, M. Ouimet et M. Charlebois, de vos éclaircissements.

J'aurais peut-être quelques autres questions, mais je vais permettre à l'Opposition d'intervenir.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux aussi remercier la Fédération des CLSC pour son mémoire qui, compte tenu du manque de temps que vous avez eu, est quand même pas mal substantiel et touche à tous les aspects.

La première question que je voudrais vous poser: Est-ce que sur ce mémoire-là vous avez pu consulter les membres, tous les membres de votre fédération?

M. Ouimet: Je m'excuse, madame, je n'ai pas bien compris.

Mme Lavoie-Roux: J'ai la mauvaise habitude de ne pas me servir de mon micro, je m'excuse. Je vous demandais si, dans l'élaboration de ce mémoire-là, vous avez eu le temps de consulter les membres de votre fédération.

M. Ouimet: Oui, nous avons eu le temps de consulter les principales instances de notre fédération, de notre structure, et je pense que ça reflète pour l'essentiel vraiment ce que nos membres pensent. On aurait souhaité, sur un certain nombre de détails, avoir une consultation beaucoup plus poussée, mais, compte tenu des délais, on n'a pas pu le faire.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites les principales instances, c'est qui?

M. Ouimet: C'est le comité exécutif. Ce sont également d'autres tables, qu'on appelle un comité aviseur, qui regroupent des représentants de toutes les régions du Québec, qui ont été saisies du projet de loi. On a ramassé les principales suggestions qui nous étaient faites et qu'on retrouve dans le mémoire.

Mme Lavoie-Roux: Parce que vous avez en fait de 80 à 90 membres dans votre fédération, alors ce n'est quand même pas un très grand nombre. J'imagine que les problèmes doivent varier passablement d'une région à l'autre, sans aucun doute.

Il y a deux parties dans votre mémoire.

Il y a la partie qui touche toute la réorganisation du réseau et celle qui touche la négociation. Enfin, il y a une dernière partie qui touche davantage, peut-être pas des détails, mais des choses qui apparaissent, par rapport à ces deux grands points, plus secondaires.

Dans la partie qui touche les négociations, vous soulevez des questions assez importantes vis-à-vis de l'existence du réseau public des soins médicaux et du réseau privé et public, le privé se référant aux cliniques privées. Je vous pose la question, je ne pense pas que vous ayez la réponse, mais si je la pose, c'est que le ministre aura le temps d'ici la fin de la commission parlementaire de nous trouver les réponses. Parce que j'imagine, même s'il dit que vous étiez assez bien outillé, qu'il l'est davantage ou que le ministère l'est davantage.

Est-ce qu'à votre connaissance des études ont été faites - je n'aime pas beaucoup le terme, mais on va l'utiliser, c'est quand même un terme qui correspond à la réalité - quant à la rentabilité du médecin, en service public, se référant à un CLSC et en clinique privée? Je parle de la rentabilité au point de vue de la quantité des services qui sont rendus. Evidemment, cela se réfère aussi à des ressources financières. Je vais vous dire au point de départ que je ne suis pas, et là-dessus c'est un point sur lequel je m'entends avec le ministre d'ailleurs, cela me fait plaisir qu'il s'entende avec moi, là-dessus...

Pour moi, la question du salariat des médecins, ce n'est pas une question idéologique, c'est une question de savoir de quelle façon assure-t-on les meilleurs services quant à la quantité et quant à la qualité, dans une formule ou dans l'autre. Voici ma question précise. Avez-vous des études là-dessus, puisque vous semblez les voir un peu comme des compétiteurs, non sans raison, du point de vue des services à rendre dans un milieu donné? Dans quelle mesure aussi ont-ils nui ou collaborent-ils avec des CLSC dans un sens de services complémentaires ou de suppléance des CLSC?

À cet égard-là, est-ce que des médecins salariés dans les CLSC offrent des services, par exemple, en fin de semaine? Dans quelle mesure assurez-vous les services à la population, sinon 24 heures sur 24, mais sur des périodes plus étendues?

M. Ouimet: Je peux répondre en...

Le Président (M. Bordeleau): M. Ouimet.

M. Ouimet: ...partie à votre dernière question sur l'accessibilité et M. Charlebois pourra vous répondre sur la question des études sur la rentabilité.

Sur l'accessibilité, il y a une image persistante que les CLSC ne sont ouverts que de 9 heures à 5 heures, mais des études récentes nous montrent que, sur les deux dernières années, à partir de 1979, l'accessibilité des CLSC va en s'accroissant. Il y a plusieurs CLSC qui sont ouverts le soir, il y en a un certain nombre qui sont ouverts les fins de semaine et surtout, dans les régions rurales, certains CLSC, pour certains services, sont ouverts sept jours par semaine.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas ces chiffres avec vous?

M. Ouimet: Je ne les ai pas avec moi. Nous avons préparé une petite étude, simplement pour le maintien à domicile, et on se rend compte qu'il y a vraiment un accroissement de l'activité de ce service en particulier. On a également des chiffres sur l'ensemble des services et ce, en nous basant sur des états de situations préparés par le ministère des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): Je peux confirmer à la députée de L'Acadie les propos que tient M. Ouimet à cet égard, le problème étant, dans le cas des CLSC, pas uniquement, mais assez largement celui des ressources. Il est bien évident qu'à bien des endroits les CLSC seraient peut-être ouverts 7 jours par semaine, 24 heures par jour, s'il y avait plus de ressources pour le faire, des équipes plus grandes. Il y a aussi ça dont il faut tenir compte. Ils ne sont pas totalement maîtres de ça, dans la mesure où les ressources qu'on leur accorde sont limitées, d'une part, mais il y a effectivement un accroissement, y compris au niveau de la disponibilité des services médicaux, spécifiquement depuis un certain nombre d'années. Bien qu'à certains endroits - je pense que la fédération, en tant que fédération, ne peut pas en être responsable -mais à certains endroits, ça prend un bon bout de temps avant qu'il y en ait qui comprennent que c'était peut-être important.

M. Ouimet: Je voudrais ajouter qu'à notre congrès, il y a deux ans, c'était un des objectifs principaux, d'inviter nos membres à une plus grande accessibilité des services. Il y a vraiment des efforts réels qui ont été faits.

Concernant l'autre point...

M. Charlebois: C'est maintenant partagé par l'ensemble des membres, majoritairement par les congrès, c'est la façon dont ils s'expriment, et il y a une tendance acceptée et marquée vers une plus grande accessibilité. C'est clair que, bien qu'on puisse avoir décidé ça un bon matin, le lendemain il n'y a pas nécessairement toutes les ressources nécessaires pour avoir le personnel pour ouvrir après 17 heures ou la fin de semaine.

Cependant, je pense que c'est important de signaler ici que la tendance est prise et qu'il y a un consensus très large dans les CLSC pour se diriger vers une plus grande accessibilité. C'est un peu une discussion qui est réglée, quant à nous, au niveau de nos membres.

Toujours sur la question de l'accessibilité des CLSC, il y a donc beaucoup de choses qui peuvent circuler. Mais il faudrait aussi aller voir l'accessibilité des polycliniques. Bien sûr, par le nombre, elles sont accessibles, mais est-ce que les polycliniques sont toutes accessibles en dehors de 9 heures à 17 heures, du lundi au vendredi et la fin de semaine, la nuit, etc.? Ce n'est pas pour rien que des entreprises comme Télé-Médic ont eu un succès fou. Il faudrait aussi faire une certaine réflexion là-dessus et aller voir de ce côté.

Concernant les études sur la productivité...

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. Charlebois. On m'annonce de la part du leader qu'il faut se rendre en Chambre immédiatement.

Mme Lavoie-Roux: J'ai cru comprendre qu'il indiquait qu'il n'y avait pas de vote.

Le Président (M. Bordeleau): Tantôt, il nous disait cinq minutes, et maintenant... Continuons dix minutes.

Mme Lavoie-Roux: Les cloches n'ont pas sonné, M. le Président.

M. Charlebois: Je vais essayer de répondre aux questions qui m'ont été posées. On marquera une étape. Concernant les études sur la productivité des services en CLSC par rapport à la productivité des services en polyclinique...

Mme Lavoie-Roux: Des services médicaux, parce que cela a trait...

M. Charlebois: Oui, des services médicaux. J'ai bien compris des services médicaux. Finalement, votre question se rapporte carrément à la quantité des services. À ma connaissance, il n'y a pas d'études comparatives qui ont été faites et ce serait relativement difficile d'en faire, parce que la nature de la pratique en CLSC est assez différente. Au-delà des services dits individuels, presque tous les médecins en CLSC sont amenés à oeuvrer à des programmes d'intervention plus large, d'intervention communautaire. Comment se mesure la productivité? On ne peut plus comparer les pommes avec les oranges à partir d'un certain moment. Par ailleurs, il y a eu des études qui ont été faites sur la productivité en clinique uniquement, en comparant les oranges entre elles. Je vous rappelle des passages du rapport Houle qui a été publié l'année dernière où on a mis carrément le doigt sur une pseudoproductivité. Je vous fais grâce finalement de toute l'analyse du rapport, mais c'était explicite, en toutes lettres. À ce moment, on n'accepte pas, pour deux raisons, parce qu'on compare des oranges avec des pommes, on compare très sommairement les CLSC et les polycliniques, et deuxièmement, on n'accepte pas de prendre comme point de référence la pseudoproductivité qui existe dans le secteur privé.

Concernant le salariat, à savoir si c'est une panacée, ce n'en est pas une, loin de là. Les CLSC ne préconisent pas le salariat universel pour les médecins. Cela n'apparaît pas dans notre mémoire, cela n'apparaît pas non plus ailleurs dans notre discours. On est cependant très critique et dans la foulée, finalement... Je ne dirais pas dans la foulée, parce qu'on était critique au préalable et on l'est aussi dans la foulée du rapport Houle. On a fait, l'année dernière, les mêmes constats que ceux qui ont été faits il y a dix ans, par rapport au mode de rémunération prévalant à l'heure actuelle. J'ai nettement l'impression que, dans les prochaines négociations ou celles qui s'ouvrent, ces discussions vont faire l'objet de débats.

Mme Lavoie-Roux: II y avait une question précise. Dans quelle mesure, au point de vue des services médicaux... Parlons de services cliniques pour le restreindre et l'éloigner de la dimension que vous donnez aux médecins en CLSC. Les cliniques privées ou, comment les appelle-t-on? Non pas les mono...

M. Johnson (Anjou): Ce sont les polycliniques.

Mme Lavoie-Roux: Les polycliniques. Comment les uns par rapport aux autres se complètent-ils? Est-ce qu'ils ne se complètent pas du tout, si c'est du chevauchement ou s'ils jouent un rôle de complémentarité, par exemple, là où le CLSC, quelles que soient les raisons, financières ou autres, ne peut pas fonctionner après telle heure, en fin de semaine, etc., parce que c'est encore un nombre minime de CLSC qui fonctionnent sept jours par semaine, vous le savez fort bien?

M. Charlebois: Est-ce qu'ils se complètent? Ils se complètent sûrement sur le plan des services individuels. Il y a deux sources de services pour le citoyen. Strictement à ce niveau, à mon point de vue, les deux systèmes doivent se compléter. Par ailleurs, on demande si on est en concurrence avec eux ou s'ils sont en concurrence avec nous...

Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas en termes de concurrence, c'est que, dans le fond, vous dites: II faut rationaliser les polycliniques. Je pense que c'est assez clair dans votre mémoire. Je pense que tout le monde est pour la vertu, tout le monde est pour la rationalisation, mais il faut aussi penser en fonction de la disponibilité des services et, quand on parle de services médicaux, ce sont quand même des services essentiels pour la population.

Dans quelle mesure peut-on arriver à ceci sans ajouter des coûts supplémentaires? Est-ce que vous avez fait une analyse plus profonde, sauf ce que vous dites en termes peut-être pas très clairs dans votre mémoire, mais qui y est quand même? (13 heures)

M. Charlebois: La discussion qu'on fait dans le mémoire autour de la question de la limitation du champ de négociation, on ne l'a pas tellement faite en termes de concurrence entre le CLSC et une clinique. Ce qu'on introduit surtout comme élément de discussion - on souhaiterait que par la loi on réussisse à régler ce problème - c'est le fait qu'à travers tout le réseau des services privés, à travers tout le financement de la pratique médicale privée, il y a non seulement le financement des salaires et des conditions de travail, mais il y a aussi le financement d'installations pour au-delà de 200 000 000 $, si on ne se trompe pas. C'est deux fois le budget des CLSC. Ce qu'on souligne, c'est que ce montant commencerait à être assez important pour que le ministère des Affaires sociales ait un contrôle dessus. Si on s'est soucié d'introduire des contrôles sur le développement sauvage des services médicaux à domicile, c'est parce qu'on avait l'impression qu'il y avait une perte ou qu'il y avait finalement absence de contrôle et que les gens s'en allaient n'importe où avec cela. Il s'agissait, si je ne me trompe pas, à Montréal, d'une somme de 4 000 000 $ ou

de 5 000 000 $.

Par exemple, le transport ambulancier. Si on veut le contingenter, le rationaliser, c'est encore une fois parce qu'il s'agit des fonds publics. C'est quoi le montant total, je n'ai pas ce chiffre-là. À côté, il y a 200 000 000 $ en installations qui ne sont pas utilisés rationnellement et on ne peut pas nous le faire croire. Il y a trois ou quatre cliniques dans une même rue des fois. On va faire des études pendant des mois et des années pour savoir où on situe deux CLSC pour ne pas qu'ils se dédoublent, on va faire des comités de fou pour savoir si le DSC va dédoubler le CLSC, mais, tout ça, c'est absolument marginal par rapport à cette somme qui est dépensée. Au fond, on voudrait que ce qui apparaisse dans la loi, ce soit la possibilité pour le ministère des Affaires sociales, premier responsable de l'application, de l'organisation et du développement d'une politique de santé, d'avoir un minimum de contrôle sur ce volet-là.

M. Ouimet: À financement égal, contrôle égal.

Le Président (M. Bordeleau): Je suspendrai les travaux d'ici quelques minutes, quitte à reprendre cet après-midi.

M. Charlebois: C'est bien plus cette question-là, finalement, qu'on soumet.

Mme Lavoie-Roux: À la page 6 - il y aurait plusieurs questions à vous poser - mais à la page 6 vous dites que désormais l'amendement proposé à la loi visera à limiter le champ des négociations avec les professionnels au strict domaine des conditions de travail. Vous dites que c'est une bonne chose, parce que les ententes permettent de déborder largement sur toutes sortes de questions. Les médecins sont venus ici et nous ont dit que dans les dernières ententes on a réussi a négocier l'activité professionnelle qui, maintenant, du moins selon l'interprétation que les médecins nous en ont donnée, sortirait de l'entente. Dans la loi, il y a plusieurs données, plusieurs dimensions de l'activité professionnelle qui sont incluses actuellement. Mais est-ce que les travailleurs, où qu'ils soient - je pense aux travailleurs de l'enseignement et j'imagine que c'est la même chose du côté du monde infirmier - est-ce que, à moins qu'on ne se comprenne pas sur ce que sont les conditions de travail, est-ce que les conditions de travail ne débordent pas toujours sur l'activité professionnelle? Par exemple, on dit: Vous allez avoir tant d'élèves selon que vous ayez tel groupe, tel type d'enfants... enfin, je comprends mal, parce que dans le fond tous les autres travailleurs professionnels des autres champs d'activité ont aussi cette dimension dans leur négociation de l'activité professionnelle.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Ouimet.

M. Ouimet: Nous, ce n'est pas ce qu'on dit. Il est évident que, dans l'enseignement on va normaliser sur le nombre d'élèves, mais nous ce qu'on dit c'est qu'on doit s'en tenir strictement aux conditions de travail du médecin et ne pas financer, ne pas ajouter à cela ce qu'on appelle les frais afférents.

Mme Lavoie-Roux: ...l'équipement dont vous parliez tout à l'heure.

M. Ouimet: Le 10 $ et le 3,50 $.

M. Charlebois: Actuellement, on partage ce que vous dites. Effectivement, dans les conventions collectives il y a des définitions de tâches, il y a des définitions de postes et je ne pense pas que le message de la Fédération des CLSC aujourd'hui soit de traiter le corps médical différemment des autres employés des réseaux public et parapublic, loin de là. Alors ça ne se rapporte pas. Finalement, dans votre question, vous avez dit que ce sont les médecins qui disent que ça va réduire leur liberté au niveau professionnel, ce n'est pas nous qui avons dit cela. Il ne faudrait pas nous prêter cette...

M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, ce que la fédération nous dit c'est que non seulement ils ne voudraient pas qu'ils soient traités différemment des employés des réseaux public et parapublic, ils voudraient en faire des employés des réseaux public et parapublic. Je pense que c'est un peu...

M. Charlebois: Voilà vous avez bien compris, justement on n'a pas eu de réponse à cette question.

M. Ouimet: Est-ce que les médecins seront considérés comme du personnel de l'établissement du moins pour les CLSC en ce qui nous concerne? Pourrait-on avoir vos commentaires là-dessus? On demande que les médecins soient considérés, par un amendement, comme du personnel de l'établissement.

Mme Lavoie-Roux: On nous demande une opinion. C'était une question que j'allais...

M. Charlebois: C'est un point un peu fondamental. Je pose la question au ministre.

M. Johnson (Anjou): J'ai vu l'intérêt du député de Laurier pour cette question, j'aimerais l'entendre répondre là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, ne tombe pas dans le piège.

M. Sirros: C'est lui qui exerce le pouvoir et c'est à lui que la question est adressée,

M. Rochefort: Vous ne voulez pas qu'il parle.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, il peut parler mais la question est adressée au ministre, c'est le ministre qui va décider au bout de la ligne.

M. Johnson (Anjou): Non, c'est la commission qui va décider donc, le député de Laurier peut parler.

Mme Lavoie-Roux: Bon, c'est la commission qui va décider. Fort intéressant!

M. Charlebois: Disons qu'on invite la commission à étudier cette proposition de notre part très très attentivement parce qu'elle crée effectivement des problèmes majeurs dans les CLSC compte tenu du fait que, dans les CLSC, les médecins sont dans un autre cadre de travail. Ce n'est pas un hôpital, ils sont aussi des salariés et c'est important.

M. Johnson (Anjou): Je pense encore une fois à cette question que vous soulevez à laquelle le projet de loi ne répond pas. Il ne répond pas à certaines de ces questions parce que c'est un choix. Dans ce cas-là spécifiquement, je dois dire cependant que la réflexion que vous faites sur le petit nombre, la nature de l'activité, le fait qu'ils soient à peu près tous à salaire - dans le cas de l'entente d'ailleurs avec les fédérations - les met presque dans un lien de préposition comme "employés" et cela a été consenti, accepté par les fédérations dans le cadre de négociations et d'ententes. Il reste qu'à cause de la notion de contrôle de la qualité de l'acte professionnel et de l'exercice professionnel, ils restent soumis aux principes généraux qui gouvernent la pratique quant à l'application de la loi de la corporation, d'une part, et, deuxièmement, à la notion des conseils de médecins et dentistes des établissements au sens du chapitre 48.

Je dois dire qu'il y a là une zone nettement ambiguë, et je comprends les difficultés que ça pose aux CLSC. Je suis certain que vous comprenez également les difficultés que cela pose au législateur, sans présumer finalement de quelque chose qui est en cheminement et qui jusqu'à maintenant est intervenu par entente, mais dont toutes les conséquences juridiques et administratives n'ont pas été consacrées. Ce que vous dites, c'est: Consacrez donc les conséquences juridiques et administratives de cela dans les

CLSC. Si vous le disiez pour les hôpitaux, je dirais que je ne le pense pas. Comme vous le dites pour les CLSC, vous invoquez le fait de la petite dimension du CLSC, des petites unités, de la nature du travail, de l'interdépendance, de la participation aux programmes où il y a d'autres professionnels, et on comprend le problème que cela vous pose.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Laurier,

M. Sirros: Ma réponse sera un peu plus courte. Je dirais que je suis d'accord sur le principe de cette idée, surtout d'accord sur la notion d'abolir le CMD dans les CLSC. Peut-être qu'il y aurait lieu de réexaminer cela si jamais ça arrive au point où il y a dix, douze, quinze médecins dans un CLSC, mais ayant oeuvré dans le milieu, puis ayant connu exactement les problèmes que vous soulevez où ce sont toujours les mêmes acteurs qui remplissent des postes parce qu'il y a effectivement manque, je pense que la recommandation aiderait beaucoup à rationaliser non seulement la gestion de l'établissement.

J'aimerais aussi soulever une couple d'autres remarques. Je ne toucherai pas au côté des négociations - cela a été amplement touché, je crois - mais par rapport, par exemple, aux conseils régionaux, cela a été un sujet qui a vivement été discuté ici, hier et avant-hier, et finalement je vois que la position que prend la fédération est plus ou moins celle qu'on a mise de l'avant en disant, par exemple, que le CRSSS ne devrait pas faire l'objet d'une diminution de l'autonomie des établissements dans une optique de décentralisation. Cela devrait être des pouvoirs du ministère, des pouvoirs de concertation qui devraient aller là, peut-être que ça va faire son chemin, cette idée-là. Aussi par rapport aux fusions, la suggestion que vous faites a été faite hier, à savoir qu'il y aurait aussi lieu de consulter les établissements avant de procéder à des fusions, et pas exclusivement le conseil régional.

En tout, je retrouve dans le mémoire l'excellente qualité de travail qu'on a été habitué à avoir quand j'étais DG d'un CLSC, et cela me fait plaisir vraiment de vous revoir ici.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, le député de Laurier.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne retrouve pas l'article de mémoire; peut-être que le sous-ministre ou le ministre pourrait me le dire. On prévoit dans les établissements un directeur de services professionnels et, si ma mémoire est bonne, on n'en prévoit pas dans

les CLSC ou on exclut les CLSC. Évidemment, quand un CLSC débute, ils sont peut-être huit personnes pour le structurer; si vous avez un DSP qui le coiffe vous allez vous perdre, encore une fois, dans la "plomberie", comme dirait le premier ministre. Mais au moment où les CLSC, quand même, deviennent beaucoup plus considérables - j'ai mal compris, du moins en haut de certains effectifs, l'exclusion d'un DSP - est-ce que vous ne trouveriez pas bon que vous ayez un DSP?

Le Président (M. Bordeleau): M. Ouimet.

M. Ouimet: D'abord, là-dessus, je pense que la loi actuelle prévoit que, là où il y a vingt-cinq professionnels, même dans un CLSC, il puisse y avoir un DSP. Elle le prévoit déjà. Maintenant, ce que je voudrais faire ressortir encore davantage, c'est que la loi actuelle, lorsqu'elle a été élaborée, concernant les CCPC, CMD, toutes ces structures-là, a tenu compte, à mon sens, des gros établissements. À ce moment-là, les CLSC n'existaient pas ou commençaient tout simplement à exister. On voudrait attirer votre attention là-dessus. Les CLSC sont petits, ils ont des particularités. Il faudrait qu'on leur donne des structures qui ne soient pas des structures de fou, qui sont trop grosses, qui sont des Cadillac alors qu'on a besoin d'une Volkswagen, d'une petite automobile. C'est juste ça, c'est aussi simple que ça.

Quant aux mécanismes, je pense que si on avait eu plus temps, on aurait pu en suggérer, mais on ne veut pas entrer dans la plomberie.

Mme Lavoie-Roux: Oui, je veux...

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que M. Charlebois a quelque chose à ajouter? Rapidement, s'il vous plaît!

M. Charlebois: Bon, pour répondre précisément à la question: Est-ce que le DSP ne pourrait pas être une solution, peut-être, sauf que les délais qu'on a eus finalement pour étudier ça, c'est une piste possiblement.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne l'excluez pas. C'est ça que je veux dire.

M. Charlebois: On ne l'exclut pas, comme modifier le rôle du CCPC pour que ce soit cette instance et qu'il existe un seul comité, par exemple, dans l'établissement, qui s'occupe de ça. On ne l'exclut pas; cependant, les délais qu'on a eus nous empêchent de faire des propositions concrètes qu'on présenterait ici avec beaucoup d'assurance.

On veut surtout vous sensibiliser au fait que ce qui existe actuellement est absolument inopérant et non seulement inopérant, mais ça nous empêche de fonctionner d'une façon efficace. La réflexion devra se poursuivre, peut-être, pour trouver l'alternative.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais les faire revenir, j'avais d'autres questions à leur poser, mais, puisque j'ai convenu avec le ministre qu'on le laisserait s'échapper à 13 heures parce qu'il paraît qu'il a des gros problèmes à décider au caucus du Parti québécois alors on va le laisser aller.

M. Johnson (Anjou): Ce ne sont pas des problèmes, mais des solutions.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie d'abord, messieurs de la Fédération des CLSC du Québec.

M. Johnson (Anjou): Merci infiniment, messieurs.

Le Président (M. Bordeleau): La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi 15 heures où nous entendrons le Comité provincial des malades.

(Suspension de la séance à 13 h 131

(Reprise de la séance à 15 h 26)

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, mesdames et messieurs! À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des affaires sociales reprend ses travaux. Nous entendrons, comme premier groupe, le Comité provincial des malades, représenté par M. Claude Brunet, porte-parole. M. Brunet, vous pouvez procéder. Je pense que vous n'avez pas de mémoire écrit, mais cela ne change rien.

M. Brunet (Claude): M. le Président, M. le ministre...

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, s'il y a des personnes avec vous que vous voulez présenter à la commission...

Comité provincial des malades

M. Brunet: Je suis accompagné par le directeur général du Comité provincial des malades, M. Joviano Vaz, ainsi que par Mme Danielle Robichaud, qui est notre agent de liaison.

M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les députés, comme vous le savez, la tenue de cette commission parlementaire a coïncidé avec le déroulement d'un sommet socio-économique

sur l'intégration des personnes handicapées, sommet qui se prépare depuis plusieurs mois et nous avons dû y être présents pendant deux jours.

La période très courte qui a séparé l'annonce de la présente commission et sa tenue, tout le temps aussi que nous avons dû consacrer au sommet socio-économique, joint à des difficultés de santé très contraignantes, tout cela ne nous permet pas de commenter et de critiquer le projet de loi 27 comme nous le voudrions.

En passant, je voudrais présenter nos excuses à toutes les personnes qui nous ont demandé copie de notre mémoire. Cela a été absolument impossible. Plusieurs de nos propos ont même été pris en notes sténographiques, ce matin, en camionnette sur le chemin entre Montréal et Québec. Tout de même, on voulait absolument venir et on remercie cette commission de nous accueillir.

Puisqu'il faut se limiter, nous devons donc limiter nos commentaires, suggestions et demandes aux points suivants. Je vais commencer par parler des conseils régionaux. Nous nous opposons, M. le Président, à ce qu'il n'y ait aucun représentant des bénéficiaires auprès des conseils d'administration des CRSSS. Nous nous plaignons depuis des années que les CRSSS sont loin des établissements et qu'ils déçoivent une foule de bénéficiaires, à tort ou à raison, le plus souvent certainement avec raison. Alors est-ce qu'il ne serait pas grand temps que les CRSSS soient un peu plus proches et plus réceptifs aux situations que vivent les bénéficiaires? Par exemple, au lieu de nommer trois personnes représentant les groupes socio-économiques, qu'il n'y en ait que deux et qu'un bénéficiaire ou un représentant des bénéficiaires soit nommé au niveau de chaque conseil régional. Le Comité provincial des malades est disposé à nommer de tels représentants si on voulait bien accepter une telle collaboration de notre part. (15 h 30)

Comme vous le savez, le projet de loi dit que les CRSSS doivent déterminer des politiques d'admission extraordinaire des bénéficiaires, un autre point; fixer les normes concernant les services d'urgence de ces mêmes établissements; fixer les normes d'utilisation et de distribution des lits dans ces établissements. Voilà quelques raisons parmi d'autres, raisons très importantes, pour qu'on fasse en sorte que les bénéficiaires situés dans tel ou tel établissement ou encore un représentant des bénéficiaires, qui pourrait être nommé par le Comité provincial des malades, soit présent au niveau de chaque conseil d'administration des CRSSS.

Un autre point. Nous sommes très opposés à l'idée que les pouvoirs conférés aux conseils régionaux ne viennent entraver considérablement la liberté qu'a toute personne résidant au Québec de choisir l'établissement où elle désire recevoir les services de santé. Nous craignons fort que l'effritement de cette liberté ne donne lieu ou n'ouvre le chemin tout grand à la sectorisation, chose que nous craignons beaucoup. Nous espérons qu'elle n'aura pas lieu et nous nous y opposons très rigoureusement. Voilà pour ce qui est des conseils régionaux pour le moment.

Maintenant, quelques propos au sujet des conseils d'administration. Je vais me référer au texte de loi tout de suite. Conseil d'administration ensuite 57. Ici c'est un détail mais quand même. Le paragraphe a, article 57 on commence par dire: "Dans le cas où il existe un comité de bénéficiaires en parlant des centres hospitaliers, une personne élue par ce comité et choisie par les membres de ce comité...

On n'aime pas beaucoup qu'on dise dans le cas où il existe un comité de bénéficiaires... On sait que, par ailleurs, la loi dit que dans tout centre hospitalier où il y a des soins prolongés ou dans tout centre d'accueil, il doit y avoir un comité de bénéficiaires. On préférerait de beaucoup que le début de cette phrase dise simplement: "Dans les centres hospitaliers qui offrent des soins prolongés" au lieu de "dans le cas où il existe un comité de bénéficiaires".

Un autre point. Nous demandons instamment que le nombre de bénéficiaires siégeant au conseil d'administration des établissements de santé soit maintenu à deux et non pas à un seul comme le voudrait le projet de loi.

Nous sommes en contact assez étroit avec notre ministre, M. Johnson; nous connaissons sa pensée vis-à-vis des besoins des bénéficiaires et nous ne pouvons pas concevoir que le ministre ait définitivement consenti à une telle élimination des efforts tellement souhaités, tellement importants des bénéficiaires au niveau des fonctions d'un conseil d'administration.

Pour nous il n'y a aucune raison pour que l'on fasse marche arrière et que les bénéficiaires aient encore plus de difficultés, qu'ils n'en ont actuellement, à se faire entendre et à contribuer à des améliorations, évidemment, qui les concernent au premier chef. Nous nous opposons donc au plus haut point à ce que la participation des bénéficiaires soit ainsi réduite.

Un autre point au sujet des conseils d'administration. Nous demandons qu'un deuxième bénéficiaire fasse partie de chaque conseil d'administration des centres hospitaliers, des centres d'accueil et des centres de réadaptation, on le verra plus loin; ce deuxième bénéficiaire devrait être légalement une personne élue par le comité des bénéficiaires et choisie par les membres

de ce comité, comme un paragraphe concernant les comités de bénéficiaires le dit dans ce projet de loi.

Je reviens quelques instants, si vous me le permettez, aux conseils régionaux. Je m'excuse, je passe aux comités de bénéficiaires. Donc, à l'article 78... Concernant les comités de bénéficiaires, le nouvel article 118.1 devrait, selon nous, se lire comme suit: "Un centre hospitalier de soins prolongés, un établissement qui offre de tels services, un centre de réadaptation ou un centre d'accueil doivent mettre sur pied un comité de bénéficiaires". Ce que je viens de lire, c'est le texte exact de l'actuel projet de loi, sauf qu'on ajoute ce qui est dans la présente loi, dans les règlements de la loi S-5, un centre de réadaptation. On ne voit pas pourquoi maintenant avec les changements et les améliorations qu'on veut introduire, le centre de réadaptation soit exclu comme centre où un comité de bénéficiaires doit exister.

Un autre point. Au troisième paragraphe de ce même article 118.1, on devrait lire ce qui suit: "Le comité adopte des règlements pour sa régie interne et le remplacement de ses membres et présente pour ratification par le ministre un budget conforme aux normes définies par règlement." Ici, il y a des explications: d'une part, au niveau des conseils d'administration il est prévu que le mandat de chaque membre du conseil d'administration est de trois ans; or, c'est le bénéficiaire - et nous voulons beaucoup qu'il y en ait deux - qui doit faire partie du comité des bénéficiaires.

Or, il faudrait que la question des élections au niveau des comités de bénéficiaires soit explicite et prévoie un mandat également de trois ans. Mais la raison pour laquelle l'article 118.1 est ainsi, quant à nous, modifié, c'est que le comité adopte des règlements pour sa régie interne et le remplacement de ses membres - on ne parle pas d'élection pour le moment - et présente pour ratification par le ministre un budget conforme aux normes définies par règlement.

Tout à l'heure, je vais vous référer à un autre article où est énuméré tout ce que peut faire le ministre par règlement. C'est que, depuis le mois de juin, l'assemblée générale des comités de bénéficiaires, qui a eu lieu à Rivière-du-Loup, demande fortement qu'un certain budget de roulement soit accordé à ses comités. Vous savez, plusieurs fois, quelqu'un de l'Office des personnes handicapées du Québec nous a dit, comment cela se fait, il y a des comités de bénéficiaires qui nous appellent, qui nous disent: Nous, on veut faire quelque chose, on veut aider nos compagnes, nos compagnons mais on n'a pas un sou. Alors, l'Office des personnes handicapées leur dit: Bien oui, mais vous êtes reconnus par la loi, c'est normal que la loi prévoie également que vous puissiez bénéficier d'un certain budget.

Donc, nous demandons, comme je l'ai dit, que dans l'article 118.1, on dise: Ce sont des termes que nous proposons et l'on présente pour ratification par le ministre, un budget conforme aux normes définies par règlement. Je reviendrai sur ce point dans quelques minutes.

Le quatrième paragraphe de ce même article 78, qui devient le nouvel article 118.1, devrait selon nous, se lire comme suit: Le mandat des membres du comité des bénéficiaires est de trois ans. Imaginez, dans la loi on dit: Le comité de bénéficiaires adopte ses propres règlements de régie interne et fait ce qu'il veut, plus ou moins; la date de l'élection, c'est lui qui s'arrange avec cela. Mais l'expérience nous démontre qu'il y a un certain fouillis qui se crée, qui se produit, qu'on constate. Il y a des comités qui attendent deux ans, d'autres un an, d'autres six mois; il y a des stratégies électorales qui se jouent là-dedans. Donc, puisque les membres du comité des bénéficiaires, les membres représentant des bénéficiaires au niveau des conseils d'administration doivent également être membres du comité des bénéficiaires en vertu de cette loi et, encore une fois, on voudrait qu'il y en ait deux et pas un seul; il faudrait, puisque le mandat des membres du conseil d'administration est de trois ans, faire en sorte que les comités de bénéficiaires aient des élections prévues par la loi tous les trois ans également.

Autre point; ici, c'est une question que l'on pose, quelqu'un pourra sûrement nous répondre. À l'article 118.2, on lit ceci: "Les parents ou tuteurs de bénéficiaires âgés de moins de 18 ans peuvent être élus membres d'un comité de bénéficiaires". Notre question, à laquelle on pourra sans doute revenir tout à l'heure, c'est: "Peuvent être élus", est-ce que c'est facultatif et élus par qui, si les bénéficiaires sont tous mineurs?

Autre point, le nouvel article 118.3, toujours à la même section, le nouvel article 118.3 devrait se lire comme suit: Lorsque l'état de santé des bénéficiaires d'un établissement ne leur permet pas de faire partie d'un comité de bénéficiaires, le conseil régional concerné procède à la nomination des membres de ce comité, dont la majorité doit être choisie parmi les parents des bénéficiaires ou leurs représentants légaux.

Actuellement, dans la loi, on dit que, lorsque l'état de santé des bénéficiaires, soit l'état physique ou mental, ne leur permet pas de faire partie d'un comité, les personnes formant le comité peuvent être des bénévoles choisis par le conseil régional, après consultation du conseil d'administration. On souhaite que ce comité soit formé en majorité des parents des bénéficiaires. C'est

très important pour nous. Si le conseil régional doit les nommer, il faut bien qu'il consulte le conseil d'administration de l'établissement pour connaître des parents, au moins trois parents de bénéficiaires. Nous demandons instamment que dans le cas où, je le répète, la santé des bénéficiaires ne leur permet pas de former un comité, ce soit une majorité de parents de ces bénéficiaires qui forment le comité.

Autre point, toujours le même article du projet de loi, mais le paragraphe 118.5, les fonctions du comité de bénéficiaires. On énumère quatre points intéressants qui sont une amélioration sur les règlements actuels, d'autant plus que maintenant, c'est dans la loi, mais il y a une chose importante que nous demandons fortement depuis le mois de juin, depuis cette assemblée générale à Rivière-du-Loup, c'est que nous pensons que les comités de bénéficiaires peuvent bénéficier du droit de pouvoir poursuivre en justice. Les syndicats ont ce droit, cela ne cause pas de tapage, mais c'est un droit quand même. (15 h 45)

On pense que les bénéficiaires qui sont appelés de plus en plus à participer - surtout que maintenant, ils peuvent s'adjoindre deux personnes de l'extérieur, ce qui est excellent, ce que nous demandons depuis plusieurs années - pourraient très bien bénéficier de ce droit, d'autant plus qu'il y a une raison particulière, c'est que, lorsque vous savez que des bénéficiaires sont appelés malheureusement, mais il faut bien qu'ils le fassent - à être requérants, soit pour une poursuite individuelle, soit pour un recours collectif, c'est pénible, mais il va falloir passer par là, autrement on constate que ni les administrateurs, malgré toute leur bonne volonté, ni les grands magnats de nos gouvernants qui sont pourtant de bonne volonté et puissants, sont incapables, sauf quelques rares exceptions, de protéger les bénéficiaires lorsqu'il y a grève illégale. On est très affligé par cela. Donc, les bénéficiaires vont en venir à utiliser les tribunaux pour défendre leurs droits. Dans le cas d'un comité de bénéficiaires, vous allez vous présenter en Cour supérieure - il y a déjà eu un jugement là-dessus en 1979 - le juge vous dit: Je regrette, mais le comité de bénéficiaires n'a pas de personnalité civile. Allez-vous en, revenez demain si vous voulez. S'il y a un requérant, un individu qui veut être requérant, d'accord, mais le comité comme tel n'a pas de personnalité civile. Le syndicat l'a depuis très longtemps peut-être, en fait. Donc, on demande que cette personnalité civile soit reconnue au comité de bénéficiaires pour que lorsqu'un, deux ou trois bénéficiaires quittent le comité pour raison de santé ou à cause d'un décès, la même poursuite puisse être intentée sans trop de difficultés par le comité des bénéficiaires qui, lui, jouirait de la personnalité civile nécessaire.

À l'article 118.5, on lirait les quatre points qu'on a dans le projet de loi, mais la dernière phrase se lirait comme suit: "Défendre les intérêts collectifs des bénéficiaires ou, à la demande d'un bénéficiaire, ses intérêts en tant que bénéficiaire auprès de l'établissement ou de toute autorité compétente, ou s'adresser en son nom propre aux tribunaux, s'il y a lieu, pour faire respecter les droits des bénéficiaires."

Un dernier point, à l'article 94, un peu plus loin, on énumère des tas de choses sur lesquelles le ministre peut décider par décret ou par règlement. Il y a une longue suite de paragraphes, le paragraphe n, le paragraphe p, le paragraphe v et, à la fin, nous proposons qu'il y ait un paragraphe, le paragraphe y, qui pourrait se lire comme suit: "Établir des normes relatives à la comptabilité, au budget et au financement, par subvention ou autrement, des comités de bénéficiaires." Autrement dit, dans les règlements, dans les possibilités qu'aurait le ministre de décider de certaines choses, il pourrait établir des normes au sujet d'un certain budget de roulement pour les comités de bénéficiaires.

Pour le moment, c'est tout. Je tiens à vous remercier, chacune et chacun, ainsi que le ministre. On voit avec satisfaction quand même qu'il y a plusieurs points dans ce projet de loi qui répondent à plusieurs de nos recommandations et on est sensible à cela.

Nous espérons, M. le Président, que notre ministre, celui des Affaires sociales, bien sûr, ainsi que tous les députés qui devront se prononcer sur ce projet de loi tiendront très sérieusement compte des propos que nous avons tenus aujourd'hui et qu'ils voudront bien reporter à plus tard, retarder de plusieurs mois, si c'était nécessaire, l'adoption de ce projet de loi, au lieu de passer trop rapidement à l'adoption et obliger des groupes de personnes âgées ou malades à multiplier les démarches et les pressions pour bien faire comprendre à nos gouvernants l'importance primordiale que représentent pour les quelque 60 000 bénéficiaires qui vivent en permanence dans les établissements de santé les éléments de changement et de participation que nous venons de porter à votre attention. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Brunet. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. Brunet, je vous remercie. Je m'excuse, au nom de la commission, du retard que nous avons mis à vous entendre.

Deuxièmement, je vous remercie d'avoir fait l'effort, malgré le fait que vous participiez au sommet de Montréal, à travers

tout ça de trouver le temps de lire le texte et de nous apporter vos réflexions. Je présenterai peut-être le présent pour, plutôt que de voir d'où on vient, voir où on est rendu. On introduit par cette loi la nécessité du comité de bénéficiaires, ce qui n'existait pas antérieurement, dans les centres hospitaliers de soins prolongés, comme dans les centres hospitaliers de soins aigus, mais ayant des activités de soins prolongés également. Or, cette nécessité n'existait pas. C'était laissé au bon vouloir de la direction, d'avoir ou non un comité; maintenant, c'est obligatoire, il devra y avoir un comité. L'hôpital pourrait être un hôpital de soins prolongés ou même un hôpital de soins aigus; de la même façon qu'il y a un conseil des médecins et dentistes, il doit y avoir un comité de bénéficiaires. Ça, vous avouerez avec moi que c'est un peu différent que ce qui existait antérieurement.

À l'égard des centres d'accueil et de réadaptation, je vous ferai remarquer que votre préoccupation a une réponse dans le texte même, la notion de centre d'accueil inclut la notion de centre de réadaptation. Alors, vous n'avez pas à vous inquiéter pour ça.

Troisièmement, nous introduisons une autre dimension - vous la reconnaîtrez - qui est la nomination à différents endroits dans le réseau, je devrais dire à tous les endroits dans le réseau, de personnes provenant des organismes bénévoles, parce que cela a un sens très précis dans notre société. Les gens qui se dévouent passent une partie de leur temps de loisirs ou autrement, dans des organismes bénévoles qui oeuvrent dans le secteur de la santé et des services sociaux. Cela peut tantôt être l'association de parents d'enfants atteints de cancer, ça peut être la fondation des maladies du coeur, ça peut être des douzaines pour ne pas dire des centaines d'associations existantes. Il y a une espèce de présomption dans la loi que les personnes qui oeuvrent dans ces organismes sont des gens qui le font d'une façon qui est d'abord et avant tout désintéressée et au service d'une idée ou d'une préoccupation au centre de laquelle on retrouve le confort, le bien-être et le progrès des êtres humains, notamment dans le secteur hospitalier ou dans le secteur social.

Dans le cas des hôpitaux, quand on supprime la notion d'usager, c'est parce qu'on met fin au travestissement qu'on connaît très bien dans la majorité des endroits où l'assemblée des usagers, c'étaient 12 personnes un dimanche après-midi dans une salle, trois représentants des syndicats, deux amis des chirurgiens et des gens du Parti libéral et du Parti québécois. On trouvait que ça avait assez duré. Cependant, on a conservé cette notion d'usager dans le cas des CLSC, où l'expérience même de l'implication de la population implique cela.

Là où ça semble poser des difficultés, peut-être, c'est dans le cas des centres d'accueil où la notion d'usager en pratique recouvrait la notion de bénéficiaire. Mais, je vous ferai remarquer qu'il y a quand même deux sièges, dont un est accordé aux bénéficiaires, en d'autres termes, les usagers du centre d'accueil et l'autre, également à quelqu'un provenant des organismes bénévoles. Dans tous les autres cas, c'est un gain net pour les bénéficiaires qui auront maintenant non seulement un comité rendu obligatoire par la loi en vertu des dispositions de la loi 27 dans tous les centres hospitaliers de soins prolongés et dans les centres où il y a des soins prolongés. Non seulement il y aura ce comité mais il y aura également quelqu'un qui siégera au conseil d'administration et ça c'est extrêmement important. C'est donc marquer un progrès considérable sur ce qui existait antérieurement, je pense qu'il faut le reconnaître.

Je reviendrai à la question des budgets que vous évoquez pour l'article 53. Je vous ferai remarquer que ça n'a pas à être dans la loi et c'est, sur un plan administratif, une décision budgétaire. À partir du moment où nous transformons le comité de bénéficiaires en organe qui fait partie de l'hôpital, pas un vaque souhait ou une volonté du directeur général et peut-être un règlement; il y a maintenant un comité de bénéficiaires dans les institutions dont on parlait; donc, ça fait partie de l'institution telle quelle. Alors, l'assignation de budget devient une question administrative et ça n'a pas à être dans la loi. Je ne m'engage pas pour autant, ce jour même, à vous affirmer ou à vous confirmer - je pense qu'il y a d'autres occasions et d'autres moments pour ça - qu'il pourrait y avoir des budgets pour ces comités de bénéficiaires.

Maintenant, sur la question des pouvoirs du comité de bénéficiaires et de ses fonctions je devrais dire, ce que la loi reprend, comme vous l'avez vu, c'est assez largement le règlement qui existait et qui était appliqué là où il y avait un comité de bénéficiaires et notamment, à 118.5 on le voit: "Défendre les intérêts collectifs des bénéficiaires ou à la demande d'un bénéficiaire, ses intérêts en tant que bénéficiaire auprès de l'établissement ou de toute autre autorité compétente; représenter et assister sur demande un bénéficiaire qui désire porter une plainte prévue au paragraphe c de l'article 18 qui est l'article 18 du chapitre 48 et non pas du projet de loi; participer à l'organisme des loisirs des bénéficiaires et conseiller le conseil d'administration de l'établissement sur toute question relative aux loisirs; renseigner les bénéficiaires sur l'administration générale de l'établissement."

Si je comprends bien, vous voudriez qu'on ajoute à cela le droit de citer en

justice et je comprends votre préoccupation. Encore une fois, faut-il voir d'où on est venu pour voir où on est rendu et où on pourrait aller. Mais cette question du droit de citer en justice pose des problèmes considérables sur le plan juridique. Vous dites: Les syndicats peuvent le faire, oui, mais ils sont encadrés par une loi qui est la Loi des syndicats. Par ailleurs, ils sont encadrés par tout un appareillage juridique qui est le Code du travail. Les seules personnes qui ont le droit de citer en justice au nom des autres sont, d'une part, ceux pour lesquels le droit donne tout un mécanisme et, notamment, dans le cas des syndicats, il y a un mécanisme qui, bien qu'il ne soit peut-être pas parfaitement efficace, a été modifié tout au moins il y a très peu d'années dans le cadre de la loi 45 où les syndicats ont maintenant des obligations, ce qu'on appelle les "duty of fair representations" en anglais, des obligations à l'égard de ceux pour qui ils assument collectivement le droit de citer en justice, des devoirs d'équité et de justice.

D'autres personnes qui ont le droit de citer au nom des autres, évidemment, ce sont les avocats; par définition, c'est leur métier. Mais, il y a une chose qui s'appelle la Loi du barreau, le code de déontologie, l'ordre qui est le barreau lui-même qui s'occupe de toute cette notion et de tout ce qui doit entourer ce droit de citer en justice. (16 heures)

Finalement, il y a le recours collectif que vous avez d'ailleurs utilisé, je crois, avec un certain succès dans certains cas et qui est ouvert à des organismes comme le vôtre dans la mesure où les situations que vous vivez sont évidemment des situations qui affectent plusieurs personnes.

Alors, j'espère avoir répondu à certaines de vos préoccupations, tout en étant conscient que par définition nous ne pouvons pas tout intégrer ce que vous revendiquez, surtout les quelques inquiétudes qui procèdent de la lecture du projet de loi. Les centres de réadaptation ne sont pas abolis, il n'y a pas de comités de bénéficiaires d'abolis, bien au contraire, c'est inclus dans la définition de centre d'accueil, alors aucun problème quant à cela.

Le Président (M. Bordeleau): M. Brunet.

M. Brunet: M. le Président, quelques questions, s'il vous plaît! M. Johnson nous affirme que la notion de centre de réadaptation est incluse dans tout ce qui est dit sur les centres d'accueil. Je m'excuse, je ne suis pas avocat, mais est-ce qu'il pourrait à même le projet de loi nous expliquer un peu cela, s'il vous plaît? À L'article 82, il est question d'un centre d'accueil.

M. Johnson (Anjou): C'est en vertu du chapitre 48, à l'article 1 qui définit les différents organismes. Ça devient purement... pardon?

M. Brunet: ...

M. Johnson (Anjou): Non, ce n'est pas dans la loi parce que c'est déjà dans le chapitre 48. La loi vient modifier le chapitre 48; donc, il faut retourner à certaines des notions du chapitre 48. La notion de centre d'accueil qu'on retrouve à l'article 1, paragraphe k, couvre à toutes fins utiles ce que sont les centres de réadaptation. Sans cela, si elle ne les couvrait pas, on ne pourrait pas leur donner de budget.

Alors, par définition, c'est là. Vous n'avez pas à vous en faire pour cela, même s'il n'y a pas d'identification du centre de réadaptation en tant que centre de réadaptation, il existe juridiquement. La preuve, c'est qu'il y en a plusieurs centaines sur le territoire et qu'il y a des millions qui sont dépensés dans ces centres de réadaptation, mais c'est sous le vocable de centre d'accueil dans le chapitre 48. Il y a, au ministère, sur le plan administratif une direction des centres de réadaptation qui relève du sous-ministre adjoint responsable des services sociaux.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Brunet.

M. Brunet: M. le ministre, merci. Encore un peu plus d'éclaircissement, s'il vous plaît! On voit que dans le projet de loi le comité de bénéficiaires devient obligatoire, mais on ne nomme pas explicitement le centre d'accueil - excusez-moi si j'insiste trop. Alors, est-ce qu'il n'y a pas le danger que, si le présent projet est adopté, on dise: Oui, il est question du centre de réadaptation dans la loi S-5, mais l'obligation d'avoir un comité de bénéficiaires dans la nouvelle loi ne se rapporte qu'aux centres d'accueil et aux centres hospitaliers.

M. Johnson (Anjou): D'accord, on se comprend bien et je veux seulement apaiser votre inquiétude quant à cela sur le plan juridique. Les centres de réadaptation sont compris dans les centres d'accueil en vertu de ce que vous appelez la loi S-5, qui est en fait la loi de 1971, et qu'on a appelée la réforme Castonguay, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, chapitre 48. Là, on définit ce qu'est un centre d'accueil. Dans la notion de centre d'accueil est incluse la notion de centre de réadaptation et, par règlement, on a déterminé les différentes catégories de centres d'accueil dont les centres de réadaptation.

On dit dans la loi 27 que dans les centres hospitaliers de soins prolongés, les établissements qui offrent de tels services ou

les centres d'accueil, il y a un comité de bénéficiaires; ça veut dire par définition que dans les centres de réadaptation, en vertu de la loi, il y a nécessairement un comité de bénéficiaires, si nous pouvons adopter la loi. D'accord?

M. Brunet: Merci. Maintenant, M. le ministre, vous passez sous silence une chose qui nous touche énormément, peut-être pouvez-vous nous donner des explications là-dessus. Pour nous, c'est un recul très sérieux, c'est un peu comme si on nous donnait d'une main pour nous enlever l'équivalent ou plus de l'autre. Jusqu'ici, depuis justement la réforme Castonguay, il y a deux bénéficiaires, parfois des usagers qui n'étaient pas tellement représentatifs des bénéficiaires, mais enfin la loi permettait, dans les centres d'accueil et de réadaptation et les centres de soins prolongés, que les choses étant ce qu'elles sont, ce soient des bénéficiaires qui soient au conseil d'administration. Il y en avait deux. Avec tous ces besoins avec ces impératifs qui font que les bénéficiaires ont tellement de choses à dire ou à commenter ou à manifester, ils doivent donc se faire l'écho des choses qui se passent dans leur milieu. Pourquoi glisse-t-on si facilement là-dessus, sur ce qui nous paraît capital? Pourquoi tombe-t-on de deux bénéficiaires ou représentants de bénéficiaires à un seul? Pour nous, c'est tragique.

M. Johnson (Anjou): Qu'on me comprenne bien. Vous disiez tout à l'heure connaître mes intentions. Vous me permettrez d'être un petit peu étonné de votre réaction. Bien au contraire, ce que nous tendons à faire dans le projet de loi, c'est obliger l'implantation des comités de bénéficiaires qui n'existaient pas. Nous obligeons les hôpitaux et les hôpitaux de soins prolongés, les centres d'accueil à créer des comités de bénéficiaires d'une part. Cela n'existait pas avant.

Deuxièmement, on introduit également la notion que, dans le cas des centres de réadaptation, cela devient purement du jargon juridique, là où il y a des enfants notamment, il y en aura aussi, et c'est également nouveau, par les parents; cela aussi est nouveau.

Troisièmement, à l'égard de la composition des conseils d'administration -c'est une autre chose qui est distincte des comités bénéficiaires - nous introduisons maintenant que, dans tous les centres, il y aura quelqu'un qui sera nommé par le comité de bénéficiaires au conseil d'administration, par opposition à l'ancienne notion, qui était une notion d'élection par les usagers. Or, les usagers, à certains endroits, pour différentes raisons, n'étaient pas nécessairement uniquement des bénéficiaires. On donne ce statut de bénéficiaire, alors qu'il n'existait pas antérieurement, en remplaçant la notion d'usager par la notion de bénéficiaire et en consacrant, par ailleurs, l'existence des comités de bénéficiaires, ce qui est un renforcement considérable du statut "juridique" des bénéficiaires dans l'hôpital collectivement ou dans le centre d'accueil. Nous introduisons, il est vrai, dans le cas des centres d'accueil, le remplacement de l'élection de deux usagers par la présence d'un bénéficiaire et également un représentant des organismes bénévoles. Cela vaut pour les centres d'accueil, qu'ils soient de réadaptation, d'hébergement ou n'importe quel type de centre d'accueil, il y en a quatre sortes. Dans ce sens, je comprends mal que vous parliez de recul.

M. Brunet: Si vous me le permettez, toujours au niveau des conseils d'administration, il y a un tel besoin, une telle urgence, une telle nécessité que les bénéficiaires soient plus présents au niveau des conseils d'administration. Il y en a plusieurs quand même qui ont compris, longuement, à travers beaucoup de maladresse et certainement, on n'est pas administrateur, mais, ils ont appris de pein-3 et de misère certaines choses. Là, ils auraient la chance, toujours en restant au moins deux à un conseil d'administration de douze membres, de faire part de leurs problèmes aux administrateurs, aux gens très occupés qui ont toutes sortes de préoccupations et d'intérêts, parfois pas toujours les intérêts des bénéficiaires en premier lieu, mais cela est humain. On enlève donc un bénéficiaire, alors qu'il serait tellement souhaitable qu'ils restent deux, parce que vous vous référez à des endroits où les usagers ont été parachutés ou élus dans une élection, comme on dit, paquetée ou des choses comme cela. Mais, dans beaucoup d'endroits, centres d'accueil et centres de soins prolongés et même centres de réadaptation, les choses ne se sont pas passées ainsi, cela a été de véritables élections dans la maison. Des gens ont été élus par les bénéficiaires et c'est cela qu'on veut qui continue. Donc, s'il vous plaît, c'est terrible pour nous de passer de deux à un à ce niveau-là, parce qu'il y a un tel besoin de participation et d'information et d'engagement de la part des bénéficiaires et c'est possible. Donc, on n'accepte absolument pas qu'au conseil d'administration il n'y ait plus qu'un seul bénéficiaire au lieu de deux bénéficiaires.

M. Johnson (Anjou): Ce que vous dites dans le fond, pour qu'on se comprenne bien, je voudrais seulement être sûr que vous ne présentez quand même pas le projet de loi no 27 à l'égard des bénéficiaires comme un recul, M. Brunet.

M. Brunet: Non.

M. Johnson (Anjou): Ce que vous dites, c'est qu'il y a une difficulté quant à l'utilisation du mot "usager" qui est remplacé par le mot "bénéficiaire", qui va permettre dans 200 établissements au moins, à travers le Québec, que vous ayez des membres, alors qu'en ce moment il n'y en a pas. Vous dites: Cependant, en cours de route, dans les centres d'accueil ou de réadaptation, là où nous avions une vie active et où les bénéficiaires avaient réussi, malgré le fait qu'il n'y avait pas d'encadrement juridique, etc., et de peine et de misère on réussit à bâtir une présence; ne nous en privez pas. Il est bien entendu que ce n'est pas notre intention et qu'à cet égard ce que vous soulevez, c'est la notion d'avoir deux membres, dans les centres d'accueil et de réadaptation, qui puissent être présents au conseil d'administration, indépendamment de la présence ou pas, d'un bénévole, si je comprends bien.

En ce sens, si c'est vrai pour certains établissements et parmi ces établissements, là où vous aviez réussi depuis un certain nombre d'années à activer le milieu pour qu'il soit présent, je vous ferais remarquer que par ailleurs dans le projet de loi, c'est l'extension à tous les autres établissements. Je pense qu'il faut que ce soit bien clair. Je pensais d'ailleurs qu'on s'était bien compris là-dessus, au moment où vous m'avez posé les questions sur les handicapés.

Je prends bonne note de vos préoccupations à cet égard. Sur les autres, au niveau des CRSSS, votre préoccupation est au niveau de la composition, d'une part. D'autre part, la notion de choix de l'établissement au niveau des services de santé. C'est un problème qui dure depuis longtemps, on le sait, dans les FASSQ, la crainte de la sectorisation que vous avez est toujours fondée, dans le secteur de la santé. C'est pour ça que nous tentons, de toutes sortes de façons, à l'égard du respect du principe du libre choix, de faire en sorte qu'il soit le mieux garanti possible. Mais vous savez comme moi qu'il est également assez illusoire, dans bien des cas, compte tenu des ressources disponibles et compte tenu des places libres, compte tenu des situations d'urgence ou pas. Il ne faudrait pas voir la limitation du libre choix dans la loi, alors que la limitation du libre choix est dans la réalité, à bien des endroits.

En ce sens, je resterais sensible à ça, vous ne voudriez pas que les lois viennent finalement consacrer la limitation réelle dans la réalité pour les citoyens. On a un droit théorique à certains libres choix, mais il n'est que théorique à bien des endroits, parce qu'on n'a pas des CHSP, des centres d'accueil, des CLSC, toutes les institutions, à tous les 20 milles ou même dans de grands territoires, on ne les a pas tous. C'est évident que c'est limité par la réalité, c'est le danger que vous soulevez, nous en sommes conscients. Je vous remercie, M. Brunet.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie. Vous avez quelque chose à ajouter, M. Brunet?

M. Brunet: Me permettez-vous de... ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance d'essayer de s'expliquer. J'enregistrerai vos questions avec beaucoup d'intérêt, mais encore une fois, il y a des choses que j'aimerais bien que le ministre nous explique ou nous précise. En ce qui concerne les bénéficiaires, il y a des améliorations importantes, mais il y a aussi des trous, des vides, des lacunes et ce n'est pas du tout notre perception que ce projet de loi, quant aux bénéficiaires, soit dans l'ensemble un recul, mais c'est un recul très sérieux au niveau des conseils d'administration. (16 h 15)

Je vais vous poser deux questions. Ma première question: Pourquoi, au nom du bon Dieu, nous enlevez-vous un bénéficiaire au niveau des conseils d'administration? Deuxièmement, si on prévoit qu'il y en a un, espérons que ce seront deux membres, qui forment le comité des bénéficiaires et qui vont être élus par ce même comité pour être au conseil d'administration, pourquoi le mandat des membres du comité des bénéficiaires ne serait-il pas de trois ans, tout comme les membres du conseil d'administration, pour que le comité ne fasse pas une élection au bout d'un an et que le représentant des bénéficiaires au conseil, n'étant plus élu, doive quitter? Pour qu'il y ait concordance entre la période d'élection pour les comités de bénéficiaires et élection pour trois ans de bénéficiaires au niveau du conseil d'administration. Voilà mes deux questions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Pour répondre à votre préoccupation, M. Brunet, les objets essentiels des chapitres qui touchent les bénéficiaires sont, d'une part, la consécration de leur existence comme essentielle dans l'hôpital. Je pense aux centres de soins prolongés. C'est la même chose dans les centres d'accueil, donc dans les centres de réadaptation, et la même chose dans les hôpitaux où il se fait des soins prolongés, même si ce sont des hôpitaux qui, suivant les permis, sont des hôpitaux pour soins aigus. Donc, c'est la base de la loi. C'est donc l'extension du champ des bénéficiaires en rendant obligatoires ces comités.

Deuxièmement, à l'égard des conseils

d'administration, c'est l'extension de la présence des bénéficiaires dans toutes les institutions. Par ailleurs, la traduction de cela, dans le cas des centres d'accueil où vous aviez des membres sous le vocable "usagers", le vocable "usagers" sautant et étant remplacé par "bénéficiaires" pour les fins de l'étendre ailleurs, où cela n'existait pas, littéralement, dans des centaines d'institutions fait que là où vous aviez effectivement des bénéficiaires sous le vocable "usagers" qui avaient deux postes, ils se retrouvent en ce moment avec un poste, mais il y a aussi le poste d'une personne provenant des organismes bénévoles oeuvrant dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Je comprends, d'après votre question, que, dans une minorité d'établissements, vous considérez que cela affaiblit la position des usagers puisqu'ils disparaissent. Mais, compte tenu du fait qu'on l'a remplacé par le mot "bénéficiaires", cela augmente cette présence des gens auxquels vous êtes identifiés, auxquels vous vous identifiez dans l'ensemble des établissements. La vraie question que vous posez, c'est: Est-ce qu'on ne devrait pas simplement amender le projet pour qu'à l'article qui touche les centres d'accueil, on introduise un mécanisme qui permette de conserver le statu quo là où il y avait des usagers qui, en pratique, étaient des bénéficiaires? C'est ce que je comprends. Vous ne devez pas voir là, encore une fois, une menace. Vous faites cette remarque et elle est très bien comprise.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Brunet.

M. Brunet: Le fait que les bénéficiaires représentant les autres bénéficiaires au conseil d'administration doivent provenir d'un comité de bénéficiaires, c'est excellent, bravo. Il faudrait qu'ils soient, je me répète, élus pour trois ans au niveau du comité des bénéficiaires, ne l'oublions pas, mais un bénévole, si sympathique et dévoué qu'il soit, ne représente pas véritablement les bénéficiaires. Nous ne demandons pas de garder le statu quo pour les établissements de soins prolongés ou les centres d'accueil, en termes d'élection des bénéficiaires au conseil d'administration, mais, pour quelle raison, quel est l'obstacle majeur? Est-ce que ce n'est pas possible qu'au lieu d'en avoir un, il y ait deux bénéficiaires au comité des bénéficiaires qui soient élus par leurs collègues au niveau du CA? On ne demande pas le statu quo, parce que c'est mieux comme cela. Mais pourquoi un seul?

M. Johnson (Anjou): Pourquoi un seul plutôt que deux?

M. Brunet: Oui.

M. Johnson (Anjou): Parce qu'en en introduisant un provenant des bénéficiaires partout dans le système, c'est-à-dire dans les 1000 établissements, à toutes fins utiles, du réseau ou, dans ce cas-là, non pas dans les 1000, dans probablement quelque 400 établissements du réseau, en consacrant la présence d'une personne, alors que cela n'existait pas du tout avant; cela fait que là où vous en aviez, cela tombe à un. En ce sens, je dis: Je prends bonne note de votre remarque et vous aurez des réponses à l'occasion du cheminement normal de ce projet de loi en deuxième lecture.

Par ailleurs, sur le mandat et sur la durée du mandat, je vous ferai remarquer que la loi prévoit que les membres du conseil d'administration y siègent pour une durée de trois ans. C'est vrai pour les bénéficiaires comme pour les autres. Ce qu'on ne prévoit pas, c'est la durée pour quelqu'un qui est membre du comité, mais, par définition, c'est tant et aussi longtemps qu'il est dans l'établissement. Ce sont des questions de règlement, c'est de la régie interne. Tant et aussi longtemps que quelqu'un est dans l'établissement, il est un bénéficiaire. C'est illimité dans le temps, d'une part.

Deuxièmement, le comité de bénéficiaires, par opposition au conseil d'administration, a des règlements, et ces règlements, en pratique, seront largement calqués sur la réalité. Il y a des questions de régie interne qui seront établies par les comités eux-mêmes et, en ce sens, il ne faut pas voir là, encore une fois, un retrait ou un recul, bien au contraire. Une fois qu'on est au conseil d'administration, c'est pour trois ans; c'est étendu à trois ans pour tout le monde, y compris les gens provenant des comités de bénéficiaires.

M. Brunet: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): On passe aux questions de Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Brunet. Je pense que, même s'il a préparé une bonne partie de ses remarques en descendant de Montréal, il a saisi plusieurs aspects importants du problème.

Je dois vous dire qu'à la question des deux bénéficiaires plutôt qu'un, le ministre m'a dit qu'il écoutait ce qu'on disait; il est censé aussi en prendre note. Il y aurait certainement moyen, M. le ministre, d'introduire un mécanisme pour les centres d'accueil et les centres de soins prolongés où il y aura un comité de bénéficiaires créé par la loi. Ceci n'empêche pas l'addition d'un bénévole.

Je comprends que les bénéficiaires dans

un centre d'accueil, qui doivent oeuvrer à l'intérieur d'un conseil d'administration qui peut, être beaucoup plus mobile, qui peut finalement faire appel à plus de ressources, etc., s'ils sont deux au lieu d'un, un pouvant souvent manquer pour une raison ou autre, cela ne semble pas une demande exagérée. Je pense que cela n'élimine pas la possibilité d'y ajouter un bénévole qui fort probablement pourra changer plus fréquemment que les bénéficiaires, de toute façon, parce qu'on est bénévole X nombre d'années, etc. En tout cas, c'est une proposition qui ne me semble pas exagérée. Si c'était le seul problème qu'on avait dans tout le projet de loi, M. le ministre, il me semble qu'on pourrait s'entendre.

Quant à votre demande d'un budget conforme aux normes définies par règlement, de mémoire, je ne le sais pas, peut-être que ma collègue de Jacques-Cartier s'en souvient, mais quand la loi 27 a été adoptée pour introduire les comités de parents à l'intérieur des écoles, je pense que, dans cette loi, il y avait une disposition qui prévoyait une subvention pour le fonctionnement des comités d'école. De mémoire - cela commence à faire longtemps - il me semble que c'était 0,25 $ par tête d'enfant ou enfin quelque chose comme cela. Je ne vous suggère pas les mêmes normes, surtout que cela remonte à 1971-1972, encore une fois si ma mémoire est bonne. Je pense que laisser cela uniquement à la discrétion de l'administration a été votre réponse. En tout cas, je ne veux pas ici en faire un grand débat, M. le ministre, mais on pourrait peut-être voir qu'il y a ailleurs d'autres précédents dans ce sens.

À l'heure actuelle, là où il y a déjà des comités de bénéficiaires, il semble que -enfin dans les établissements - on en soit venu à des arrangements. Je pense que certains comités de bénéficiaires - je ne sais pas si ça vient de l'administration de l'institution ou si ça vient d'autres sources -ont un certain budget, mais qui peut-être ne leur est pas assuré, tandis qu'il leur serait assuré d'une façon permanente, s'il y avait une disposition en ce sens dans la loi.

C'est dans ce sens-là, que, moi, comme point de référence, je vais prendre la loi no 27, qui a créé les comités d'école et je pense qu'on pourrait trouver une formule analogue pour ça.

Quant à votre mandat de trois ans, je pense que le ministre a raison en disant que vous l'avez par l'article 78.1: "Le comité adopte des règlements pour sa régie interne..." S'il décide que ses membres ont un mandat de trois ans, pour concorder avec le mandat des conseils d'administration, je pense que ça ne fait pas problème.

Vous êtes les premiers bénéficiaires en fait, à vous présenter à cette commission, et vous êtes les premiers aussi à faire remarquer que, même s'il y avait peut-être un certain sophisme, je pense, dans la façon dont le ministre vous expliquait les choses, écoutez, la liberté de choix, c'est relatif, on peut bien l'avoir théoriquement, on sait bien que, dans des endroits éloignés, il n'y a pas de liberté de choix, parce qu'il y a juste une institution.

Il reste qu'il ne faudrait pas oublier l'article 6 et c'est justement le chapitre 48: Sous réserve de l'article 5 et de toute autre disposition législative, rien dans la présente loi ne limite la liberté qu'a une personne qui réside au Québec de choisir le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des services de santé ou des services sociaux, ni la liberté qu'a un professionnel d'accepter ou non de traiter cette personne. C'est quand même un des principes fondamentaux; qu'on ne puisse pas l'exercer partout, je pense que ce n'est pas une raison pour tenter de le limiter là où il peut s'exercer.

M. Johnson (Anjou): II n'est pas changé, c'est ça que je veux dire, ça reste le fondement de la loi, c'est bien ça que j'ai dit.

Mme Lavoie-Roux: C'est ça...

M. Johnson (Anjou): Les limites sont dans la réalité, elle ne sont pas dans la loi.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous y apportez une limite supplémentaire. Vous êtes le premier groupe qui en ait parlé, je l'ai mentionné en début de la commission. Quand vous regardez les dispositions de l'article 31, si je ne m'abuse, c'est 39, pardon, il dit bien que le conseil régional finalement est le seul habilité à autoriser le déplacement d'un bénéficiaire vers un autre établissement. Je ne veux pas relire l'article 18.1, 18.2, mais il y a certainement là une limitation possible de cette liberté de choix qui est un droit des bénéficiaires. Je suis contente que, de votre côté, vous l'ayez signalé. Nous, on va s'efforcer - j'espère que le ministre écoute encore cette fois-là - on va essayer en tout cas de limiter ce qui pourrait être définitivement une atteinte à ce principe fondamental de la liberté de choix. Il y a des droits à l'égard des bénéficiaires dans le chapitre 48 qu'il faut s'efforcer de respecter le plus possible, de ne pas entraver; même si c'est pour une bonne raison administrative, je pense que c'est extrêmement important.

Vous avez signalé aussi, M. Brunet, la question du centre de réadaptation. J'aimerais quand même avoir votre opinion là-dessus. La loi 10 avait introduit, je pense que c'est à ça que vous faites allusion, du moins, je le pense on retrouve cela d'ailleurs dans le chapitre 48, la notion du centre de

réadaptation fonctionnelle. La loi 10 a d'ailleurs été adoptée par le gouvernement actuel, elle avait été préparée sous l'ancien, mais le gouvernement actuel l'a adoptée en 1977 ou 1978, c'est en 1977, je pense, le sous-ministre pourrait me dire ça. Il y avait uniquement au Québec quelques centres, je pense, peut-être Lucie-Bruneau et quelques autres, mais on n'a jamais étendu cela à d'autres centres. Or, cela pose le problème fondamental. Si on avait créé ou pensé à cette notion de centre de réadaptation fonctionnelle, il y avait une philosophie derrière ça. À ce moment-ci, en le réintroduisant uniquement dans la catégorie générale de centre d'accueil, qui a une vocation d'institution de soins prolongés, beaucoup plus que ce qu'on voulait entendre par centre de réadaptation fonctionnelle, en tout cas, on pourrait au moins en discuter. J'aurais aimé que le comité de liaison des malades, pardon, des handicapés physiques, qui devait venir puisse venir, parce que c'est une notion qui les intéressait beaucoup. Il ne vient pas, je le regrette. Je ne sais pas si vous avez une opinion là-dessus, M. Brunet. (16 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): M. Brunet.

M. Brunet: Le comité de liaison a certainement une expérience très proche de la fonction des services rendus par un tel centre de réadaptation fonctionnelle. C'est pourquoi nous voudrions que cette catégorie d'établissements soit explicitement nommée dans ce projet de loi. Si ce n'est pas vraiment nécessaire, eh bien, on se fie à ce que vous dites et ça nous paraît être un danger que, par abus d'interprétation, on en vienne à laisser tomber cette catégorie de centres, c'est-à-dire qu'on ne l'inclue plus, comme actuellement, parmi les centres qui doivent ou qui peuvent avoir un comité de bénéficiaires. Maintenant, ils devraient en avoir un, c'est pourquoi on a mentionné ça.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Je voudrais simplement rappeler là-dessus, pour le bénéfice de la députée de L'Acadie, notamment, d'abord, que de fait les centres de réadaptation fonctionnelle existent. Ce que vous avez évoqué là, ce sont des institutions qui existent, que ce soit François-Charron, Lucie-Bruneau, bon, il y en a d'autres.

Mme Lavoie-Roux: Les instituts de réadaptation.

M. Johnson (Anjou): C'est ça. Donc, ils existent. Ils existent en vertu du chapitre 48 sous le vocable de l'article 1, paragraphe j, "centre d'accueil" et, en vertu d'un règlement découlant de l'article 1, paragraphe j, il y a la définition de ce qu'est un centre de réadaptation.

En 1977, je crois, par la loi 10, on a introduit la définition de "centre de réadaptation fonctionnelle" dans la loi, mais aucun centre de réadaptation fonctionnelle, en vertu de la loi 10 qui modifiait le chapitre 48, n'a été créé. En ce sens-là, c'est une disposition qui est restée caduque, mais la réalité a continué d'évoluer comme elle évoluait et ça n'a aucune signification dans la loi en ce moment. Il faut voir ça comme une technicité au niveau de la loi puisqu'il n'y a pas eu ce qui aurait pu être finalement un cloisonnement ou une compartimentation additionnelle à l'égard de ces établissements qui, au contraire, évoluent depuis un certain nombre d'années à un rythme qui est un rythme nécessaire et qui vient avec les préoccupations générales que la société a depuis un certain nombre d'années, notamment depuis quatre ou cinq ans, à l'égard des personnes handicapées, où on a mis des ressources et on en met de plus en plus dans ce secteur-là.

Il faut bien comprendre qu'on n'abolit aucune sorte d'établissement. Ce n'est vraiment qu'une affaire d'interprétation et, sur le plan juridique, il n'y en a jamais eu qui découlait de cette notion introduite dans la loi. Il y a quand même toute une direction générale au ministère qui ne fait que ça.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, je pense que, techniquement, avec l'explication que vous venez de donner, vous avez raison d'ailleurs, cette catégorie disparaît en... Peu importe le paragraphe, mais il reste que - je ne veux pas faire le débat ici - il n'y a pas eu d'extension ou d'application, mais il y avait déjà quelques centres de réadaptation qui portaient ce nom-là. Derrière cela, il y avait un philosophie parce qu'on voulait détacher ça de la notion de médicalisation des centres de réadaptation. Je pense que vous comprenez ce que je veux dire.

Je ne veux pas faire le débat ici, mais le gouvernement a choisi de ne pas étendre ou de ne pas catégoriser cela, et on a eu des représentations en 1978 et 1979 du Comité de liaison des handicapés physiques qui s'inquiétaient du fait que le gouvernement n'établissait pas ce genre d'établissement qui, pour eux, correspondait à une philosophie différente. Je ne veux pas faire le débat ici mais je pense que vous avez raison et que je n'ai peut-être pas tort.

L'autre chose... Oui, excusez-moi.

M. Brunet: Non, je vous en prie, terminez.

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est un autre

point que je voulais aborder.

M. Brunet: Deux questions, en passant si vous me le permettez. J'apprécie la patience avec laquelle vous nous écoutez parce que je pense qu'on a dépassé le temps qui nous est alloué. J'aurais deux questions; j'en aurais une autre importante mais, enfin, j'espère avoir le droit de parole un peu plus tard.

M. le ministre, ce qui arrive c'est que nous, nous sommes en contact avec des comités de bénéficiaires tous les jours et il y a des bénéficiaires qui décident, à un moment donné, de faire des élections au bout de six mois, d'un an ou d'un an et trois mois, et c'est bien dommage. Le règlement de régie interne est là. Si la direction ou le CRSSS leur dit: Écoutez, les amis, c'est sérieux ce que vous faites là, vous ne pouvez pas changer ça comme vous voulez pour faire élire quelqu'un ou débarquer un tel parce que, là aussi, il y a parfois de petites chicanes entre des membres de comités de bénéficiaires. Alors, nous, on voit mal comment, si les règlements de régie interne sont libres ou imprécis au point de laisser les comités de bénéficiaires décider quand les élections auront lieu... On est convaincu qu'ils ne diront pas, eux: On suit les conseils d'administration; à l'avenir, cela va être à tous les trois ans. Ils ne diront pas cela, ils vont faire des élections de temps en temps, lorsqu'ils ne sont pas trop malades ou lorsqu'il y a de la chicane ou lorsqu'ils veulent remplacer un tel. Si la loi prévoit que le mandat des membres des comités de bénéficiaires est également de trois ans, ça règle la question. Ils sont libres de voir à leurs règlements de régie interne quant au remplacement de leurs membres, etc., mais, pour les élections, il y a une période fixée par le CRSSS, par exemple, comme ça se fait depuis quelques années pour les conseils d'administration. L'élection se fait de façon impartiale, c'est affiché, les bénéficiaires n'ont pas à faire eux-mêmes leur affichage et c'est un gros problème de réglé. Voilà ma première question.

Ma deuxième question s'adresse au ministre. Tout à l'heure, il a dit: Nous avons éliminé à peu près, je ne me souviens pas des mots exacts... Le ministre a dit: Nous avons remplacé la notion d'usagers par la notion de bénéficiaires. Alors, ma première question est au sujet du mandat de trois ans ou de X années des membres du comité de bénéficiaires; ma deuxième question: Qu'est-ce que voulait dire le ministre Johnson lorsqu'il a dit: Nous avons remplacé la notion d'usagers par celle de la notion de bénéficiaires?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): D'abord, je vais venir à votre première question au sujet des élections, M. Brunet. Ce sera aux comités de bénéficiaires de déterminer eux-mêmes leurs règlements. Je pense que ce serait un peu odieux que ce soit le gouvernement qui décide à la place des comités eux-mêmes. Ce n'est pas le directeur général de l'hôpital, le ministre ou qui que ce soit qui décide; en vertu de la loi, ce sont les bénéficiaires eux-mêmes qui détermineront ces règlements de régie interne. Je pense que ça doit leur appartenir à eux, c'est ce que la loi prévoit. C'est qu'il y a mise sur pied obligatoire de tels comités et ce sont les comités eux-mêmes qui déterminent cela. Je pense que c'est une règle démocratique, une règle de participation qui fait que je ne pense pas qu'il faudrait que des structures, quelles qu'elles soient, viennent leur imposer des limites comme celles-là, pas plus qu'on en impose à d'autres structures en vertu de nos lois.

Maintenant, qu'il y ait un effort de standardisation, qu'il y ait un effort de cohérence dans les régions ou sur le territoire, ça m'apparaît normal. C'est pour cela qu'il y a toutes sortes d'associations volontaires, notamment la vôtre, dans ce secteur-là, qui réunissent des bénéficiaires et où il y a des échanges là-dessus. Si vous avez une sorte de règlement interne, de régie interne qui paraît acceptable à la majorité des comités créés en vertu de la loi, tant mieux. Ce sera bien plus l'objet d'un consensus qu'imposé, je pense que c'est important de conserver ce principe démocratique.

Deuxièmement, je pense qu'il faudrait que les conseils régionaux de la santé et des services sociaux puissent, dans la mesure du possible, faire un suivi pour faciliter l'établissement de ces comités qui naissent...

Le Président (M. Bordeleau): Madame la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Un point particulier. À qui l'institution envoie-t-elle son rapport annuel? Au CRSSS ou au ministère?

M. Johnson (Anjou): Le rapport du comité, le rapport annuel? Le rapport annuel des établissements va au ministère.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il pourrait y avoir, dans le rapport du ministère, une rubrique, à savoir: Est-ce qu'il y a un comité de bénéficiaires qui a été établi, oui ou non, qui...

M. Johnson (Anjou): Par définition, par définition puisqu'il est créé dans la loi. Il va falloir que ce soit évoqué dans tous les rapports.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, le suivi, s'il n'existe pas...

M. Johnson (Anjou): C'est intéressant que le suivi soit fait au niveau des conseils régionaux qui peuvent suivre cela de plus près finalement et inciter les directeurs généraux, les établissements à faciliter la tâche aux comités de bénéficiaires qui deviennent, encore une fois, obligatoires en vertu de la loi.

Quant à la question d'usagers et de bénéficiaires, en étendant, en supprimant la notion d'usagers de la loi, à l'exception des centres de services sociaux et des CLSC, il est bien évident que ceux qui siégeaient à titre d'usagers quelque part disparaissent aussi automatiquement. Sur le plan de la technique juridique, en supprimant le mot, on supprime par définition le mot partout. Donc, c'est ce qui explique qu'on ait supprimé la notion d'usagers dans ce cas-là.

Par ailleurs, puisque notre préoccupation, ce sont les personnes, les citoyens à travers cela, on introduit un nouveau principe qui est le suivant: partout dans le réseau, là où il y a des bénéficiaires, il va y avoir des bénéficiaires à ce titre-là qui siégeront quelque part au conseil d'administration; et c'est une extension encore une fois. Cela devient obligatoire, non seulement cela, mais également ils sont choisis par le comité de bénéficiaires. C'est encore extrêmement important, parce que cela consacre, je dirais, non pas cette catégorie mais cette personnalité de l'établissement qu'il y a une telle chose pour les bénéficiaires et qu'il faudrait que ce soit traduit dans nos lois et qu'éventuellement avec le temps, l'activité de ces personnes fasse que de plus en plus on soit préoccupé par ce que font, ce que disent, ce que veulent les bénéficiaires pour leur donner un canal d'expression précis.

En cours de route, dans le cas des centres d'accueil, qu'ils soient de réadaptation ou d'hébergement, et des CHSP, en remplaçant la notion d'usagers et en introduisant celle de bénéficiaires et en mettant un bénéficiaire partout, cela veut dire qu'on a mis dans ces établissements-là un bénéficiaire en pratique, en faisant sauter deux usagers, et on a remplacé partout une personne représentant les organismes bénévoles. La question, c'est de savoir si oui ou non on va mettre deux bénéficiaires. C'est cela la question que vous posez, je pense que c'est clair. Je ne vous donnerai pas la réponse aujourd'hui, parce que ce n'est pas le rôle de la commission. Vous soulevez la question, on échange et on aura l'occasion, je suis sûr de cela, au cours de la semaine d'en discuter ici au niveau de la commission.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

Est-ce que cela va pour les questions? Un dernier petit commentaire, M. Brunet? En vous demandant, si c'est possible, de le faire au minimum.

M. Brunet: Etant donné qu'au niveau des conseils d'administration il y a effectivement des élections pour les membres dont le mandat est prévu pour trois ans, nous ne voyons pas pourquoi, au sujet des comités de bénéficiaires, il y aurait un mandat également de prévu pour trois ans. Ce à quoi nous croyons beaucoup, mais je ne demande pas de réponse, ce sera une interrogation dont vous pourrez tenir compte, c'est qu'un comité de bénéficiaires fait des élections, nomme un représentant, espérons que cela va être deux, au conseil d'administration et, au bout d'un an, six mois ou quinze mois, décide de faire des élections. Alors, celui qui est au CA pour trois ans, il va quitter, parce que le comité de bénéficiaires ne l'aura pas réélu, parce qu'il n'aura pas été réélu par les bénéficiaires. C'est cela, le mandat est de trois ans, mais cela ne veut rien dire, puisque, s'il y a des élections de façon plus ou moins capricieuse, malheureusement cela existe, ce membre du CA, ce bénéficiaire représentant les autres, qu'est-ce qui lui arrive? Son mandat n'est plus bon, il est expulsé.

M. Johnson (Anjou): Je peux répondre à cela, la loi dit qu'une fois qu'il est au conseil d'administration, c'est pour trois ans. Le comité de bénéficiaires peut passer tous les règlements qu'il veut pour changer cela, il ne pourra pas le changer parce que c'est dans la loi.

M. Brunet: Un dernier commentaire. S'il n'y a pas moyen que le projet de loi accorde au comité de bénéficiaires le droit d'ester en justice, lui reconnaisse sa personnalité civile, il va falloir que les comités de bénéficiaires, du moins ceux qui sont les plus actifs, demandent leur incorporation en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies. Mais il y a des conseillers juridiques qui nous disent: II y a des chances que le ministère des Institutions financières refuse à des comités de bénéficiaires de s'incorporer, parce qu'ils sont des créatures qui existent en vertu d'une loi et que - je vous donne une raison bien sommaire, je ne suis pas du tout avocat - leurs fonctions étant déjà prévues, définies dans une loi, ils ne peuvent s'incorporer. Donc, à défaut d'accorder aux comités de bénéficiaires une personnalité civile, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen qu'on réfléchisse pour que les comités de bénéficiaires, que les règlements, les fonctions du comité de bénéficiaires prévoient que ces comités peuvent demander

l'incorporation? En dernier lieu, je voudrais vous demander, M. le Président, ou M. le ministre, quand aura lieu la deuxième lecture de ce projet de loi. (16 h 45)

M. Johnson (Anjou): Sur cette question du droit d'aller représenter les autres en justice, je dirai que c'est vrai pour les autres comités qui existent dans l'établissement. Vous savez, le conseil des médecins et dentistes, qui existe en vertu de la loi, n'a pas le droit d'ester en justice pour ses membres, mais il a des fonctions définies dans la loi. C'est la même chose pour un comité de bénéficiaires qui, encore une fois, disons-le, avec la loi 27, devient obligatoirement un comité statutaire avec des pouvoirs, des attributions, un rôle, et qui n'est donc pas soumis à l'arbitraire administratif, en tant que comité.

Je ne vous dis pas que la vie est toujours facile dans ces comités, à cause de l'habitude, vous l'avez évoqué vous-même, ce n'est pas partout que les gens membres des comités des bénéficiaires ont la formation, ont l'habitude, peuvent être confrontés avec ces choses, mais ça vient, ça se forme de plus en plus. Ce que vise le projet de loi, c'est de rendre ça effectivement de plus en plus possible, mais que ce soit incarné dans des personnes, qu'il y en ait partout sur le territoire, dans tous les établissements à travers le Québec, et ça va prendre son temps.

Par ailleurs, l'incorporation en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies présente les difficultés que j'ai évoquées tout à l'heure. Théoriquement, rien n'empêcherait des personnes, mais des individus et non pas une structure, de s'incorporer avec des objets spécifiques, mais ça devient des individus, ce n'est plus le comité au sens des lois. C'est un long débat juridique, qui est complexe, mais trancher dedans, c'est trancher dans l'essentiel. Qui a le droit, dans notre société, qui a ce droit d'ester en justice pour des tiers? Ceux qui ont ce droit dans notre société, ce sont ou bien des individus qui ont un intérêt en tant qu'individus et non pas en tant que structure, ou bien des structures qui sont prévues dans un encadrement complexe, que ce soit le Code du travail ou la Loi sur les syndicats professionnels, ou que ce soit l'encadrement des avocats eux-mêmes, à travers la Loi sur le barreau. Créer une exception à ce principe, sur le plan des institutions, présente un problème considérable. C'est beaucoup plus, je vous le dirai, une question qui relève du ministère de la Justice, ce n'est pas le fond.

Ce qu'on peut faire, nous, à l'intérieur des institutions, telles qu'elles existent, dans ce droit fondamental qui est très important dans une société, du droit d'ester en justice et qui doit être encadré, je ne peux pas donner le droit d'ester en justice, sans encadrer l'exercice de ce droit, car qui va protéger la personne qui subirait un abus de ceux qui ont ce droit? C'est le problème de fond qui se pose.

Cependant, c'est le rôle du ministère de s'assurer que, de plus en plus, les bénéficiaires de notre réseau puissent trouver un canal d'expression et c'est ce que vise la loi 27, en consacrant cette structure dans le projet de loi, en l'étendant à des endroits où ça n'existait pas, même pas par règlement, notamment dans les établissements pour enfants, et en lui assurant la possibilité de faire des nominations, notamment au niveau du conseil d'administration, qui reste une partie importante, finalement, en renforçant ses attributions dans le cadre de la loi, dans la définition de ses fonctions et de ses attributions.

M. Brunet: M. le Président, M. le ministre, je remercie beaucoup tous les membres de cette commission de la patience et de l'ouverture d'esprit avec lesquelles vous nous avez entendus aujourd'hui. J'ai seulement une dernière question: Quand prévoyez-vous que la deuxième lecture du projet de loi aura lieu?

M. Johnson (Anjou): Je peux vous dire, M. Brunet...

M. Brunet: À peu près.

M. Johnson (Anjou): ...que ça va être, par définition, la semaine prochaine. Je ne peux pas vous dire le jour, étant donné que le leader va décider de ça, demain sans doute ou en fin de semaine. Je peux vous dire qu'en ce qui me concerne, je souhaite, comme cette loi est là pour régler des problèmes et non en créer, que nous puissions l'adopter avant Noël et c'est essentiellement l'Opposition qui en décidera.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Au nom de l'Opposition, je me sens...

M. Johnson (Anjou): ... un peu visée.

Mme Lavoie-Roux: ... touchée, concernée. Il y a une expression à l'Assemblée nationale là-dessus. Je voudrais simplement rappeler au ministre que, dans les notes préliminaires du président du comité des malades, comme au cours des conversations que nous avons eues avec un grand nombre de groupes qui sont venus devant nous - le ministre était bien présent lui aussi - tout le monde s'étonnait de la rapidité avec laquelle on procède pour l'adoption de ce projet de loi. Il y a eu

plusieurs demandes de faites dans le sens de ne pas précipiter les choses. Cela ne veut pas dire qu'il faut se traîner les pieds. Je ne voudrais pas, parce que le ministre a décidé deux semaines avant la fin de la session de nous arriver avec un projet de cette envergure, qu'il fallait à tout prix qu'il soit adopté avant Noël et que, s'il n'était pas adopté, la responsabilité en incomberait à l'Opposition... C'est bien ce qui est insinué...

M. Johnson (Anjou): Affirmé.

Mme Lavoie-Roux: ... je n'aime pas beaucoup le mot "insinué", mais en tout cas c'est bien ce qui est affirmé dans vos remarques. C'est pour cela que c'est important de faire cette mise au point, parce qu'il y a aussi un sens des responsabilités à exercer quand on ne pratique pas indûment une hâte ou une précipitation uniquement pour répondre à des impératifs que le ministre ou son gouvernement a établis seul et sans consultation avec qui que ce soit d'autre. Il n'y a rien de plus vrai que dans le cas de la loi que nous traitons présentement.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la députée de L'Acadie. Des commentaires, M. le ministre?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous me permettrez là-dessus - cela m'apparaît essentiel - en plus de remercier M. Brunet, ce à quoi je passerai dans quelques secondes, de dire que cela m'apparaît fondamental que... D'abord, ce projet de loi a été déposé dans les délais prévus par les procédures de l'Assemblée, c'est-à-dire avant le 1er décembre.

Mme Lavoie-Roux: Le 25 novembre. M. Johnson (Anjou): Si on me permet... Mme Lavoie-Roux: Oui, je m'excuse.

M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, ce projet de loi vise encore une fois à régler des problèmes plutôt qu'à en créer. Troisièmement, il contient une série de dispositions qui font l'objet de beaucoup de discussions depuis quinze ans, depuis six ans, depuis sept ans, selon le cas, au Québec, et sur lesquelles on a écrit beaucoup, on a dit beaucoup. Ce qui manquait, c'était de se brancher à un moment donné. On a cela dans le projet de loi pour régler certains problèmes. Je dis que si l'Opposition, alors que c'est la ferme intention du gouvernement de voir ce projet adopté, avec les amendements qu'il faudra y apporter en cours de route - nous sommes ouverts à cela, c'est pourquoi il y a une commission parlementaire, qu'on a entendu d'excellentes suggestions, notamment aujourd'hui, même s'il y a eu beaucoup d'éclaircissements et d'échanges là-dessus - compte tenu de ce que je viens de dire, que si l'Opposition, dis-je, décidait d'en faire autrement, je suis sûr qu'elle devra s'en justifier, ce qui est son rôle.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais juste faire une petite mise au point, puisque...

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

Mme Lavoie-Roux: ... cela provoque un court débat, et on n'a pas souvent l'occasion de le faire parce que, généralement, on n'a pas interrompu ou retardé nos invités pour ce genre de propos. Pardon?

M. Johnson (Anjou): On pourrait peut-être les remercier et continuer le débat autour de cela.

Mme Lavoie-Roux: Non, cela va prendre une seconde, puisque c'est M. Brunet, qui a posé une question en vertu de l'article 34 en vous demandant quand sera la deuxième lecture, qui a déclenché ce débat. Quand vous vous justifiez en disant que cela a été déposé dans les délais prévus, Dieu merci, c'était trois jours avant les délais prévus! Vous admettrez, M. le ministre, que je connais peu de projets de loi - on m'a dit qu'il y a eu un autre cas où c'était encore moi qui étais la victime - où, dans un délai d'une semaine, on a entendu 30 groupes sans compter ceux qu'on n'a pas voulu entendre. Là-dessus, je dois dire que j'avais convenu avec le ministre d'une convocation limitée et que le lendemain ou le surlendemain, les mémoires nous arrivaient - je n'en fais reproche à personne, sauf pour les organismes très bien organisées, je m'excuse de la redondance - à la dernière minute et il nous fallait réagir dans les 48 heures. Vous êtes dans les délais, techniquement, mais je ne sais pas si c'est respecter l'esprit du parlementarisme où on veut prendre ses responsabilités le mieux possible et dans l'intérêt de la population, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Je vous remercie, M. Brunet, de vous être présenté devant nous, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. J'appellerai le groupe suivant, soit l'Association des chirurgiens dentistes du Québec.

Association des chirurgiens dentistes du Québec

J'imagine que le représentant et président, M. Claude Chicoine, est ici. M.

Chicoine, je vous invite à nous présenter les gens qui sont avec vous et à nous faire part de votre mémoire.

M. Chicoine (Claude): M. le Président, avant de présenter les gens qui m'accompagnent, je veux remercier le ministre des Affaires sociales de nous avoir invités à cette commission parlementaire.

Pour ce qui est des gens qui m'accompagnent, j'ai, à ma gauche, Me André Tremblay, qui est mon adjoint; le Dr Yves Giguère, qui est directeur exécutif à l'Association des chirurgiens dentistes; le Dr Daniel Pellan, qui est le premier adjoint à l'exécutif de l'association; le Dr Jean-Pierre Martel, qui est membre du comité de négociation de l'Association des chirurgiens dentistes; à ma droite, Me Yvan Brodeur, qui est le porte-parole à la table de négociation de l'association. Pour manifester aussi de la solidarité face aux implications du projet de loi 27, il me fait plaisir de vous présenter des invités de marque: le Dr Paul Desjardins, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec; le Dr André Godin, représentant de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et président de l'Association des médecins omnipraticiens de la région de Québec et le Dr Pascal Labrecque, vice-président de la Fédération des médecins résidents et internes du Québec. (17 heures)

Avant de débuter la lecture du mémoire, j'aimerais apporter une précision que je considère importante. Pour avoir assister aux travaux de la commission parlementaire depuis ses débuts mais pas, jusqu'à la limite des heures en fin de journée, je tiens à préciser que notre mémoire est une critique sévère mais juste, croyons-nous du projet de loi que nous avons devant nous et que jamais cette critique se veut être un procès d'intention vis-à-vis qui que ce soit. C'est notre interprétation des différentes clauses auxquelles nous allons vous livrer nos commentaires.

Dans le communiqué de presse 351181 qu'il émettait le 19 novembre 1981, jour du dépôt du projet de loi no 27, le ministère des Affaires sociales affirmait, je cite: "Le système de santé québécois constitue un acquis indéniable qu'il est important de conserver, de consolider. En plus de viser l'amélioration de l'état de santé de la population, le système de santé doit évoluer vers une utilisation optimale des ressources. Déjà perturbé par les contraintes de la situation budgétaire, son évolution commande des réaménagements significatifs à la fois sur le plan de la gestion du réseau des affaires sociales et sur celui du fonctionnement de la Régie de l'assurance-maladie. Dans ces circonstances, le ministère des Affaires sociales a besoin de moyens additionnels s'il veut assurer au sein de son réseau, une gestion plus cohérente de même qu'un développement plus ordonné."

Il est vrai, que le projet de loi no 27 vise à réaménager de façon significative la Loi sur les services de santé et les services sociaux et la Loi sur l'assurance-maladie, en donnant au ministère des Affaires sociales des moyens additionnels. Plus précisément, ce projet de loi permet au ministère des Affaires sociales d'atteindre ses objectifs par le truchement de la réglementation et de décisions unilatérales plutôt que par les voies de la concertation et de la collaboration. Le projet de loi no 27 pèche par autoritarisme.

C'est ainsi que ce projet de loi repose sur un postulat fort présomptueux, à savoir que le sens des responsabilités, l'intelligence, l'imagination et l'efficacité sont nécessairement l'apanage de ceux qui détiennent le pouvoir exécutif ou bureaucratique et que les solutions au problème sont d'autant plus appropriées et équitables qu'elles sont imposées d'autorité.

Nous ne partageons pas cette croyance. Nous ne croyons pas qu'il soit possible de bâtir un système de santé à coups de décrets gouvernementaux et de décisions unilatérales pas plus qu'il n'est possible de bâtir l'économie du Québec sans une concertation des divers intervenants. Nous croyons inappropriée et néfaste l'approche choisie par le ministère des Affaires sociales pour apporter des réaménagements significatifs à la gestion du réseau et au fonctionnement de la Régie de l'assurance-maladie. Les faiblesses du projet de loi no 27 sont particulièrement évidentes. En ce qui a trait aux dispositions touchant la répartition géographique, les pouvoirs de la régie, le champ de la négociation, les pouvoirs des conseils régionaux, le contrôle des coûts médicaux et dentaires en centres hospitaliers. 1. La répartition géographique: l'article 4 du projet de loi, représente l'illustration la plus évidente de l'approche autoritaire et unilatérale du ministère des Affaires sociales. Cette disposition constitue une négation pure et simple du droit de tout syndiqué à la négociation collective de son contrat. Ainsi, le projet de loi prévoit que: a) à défaut d'entente quant à la rémunération des médecins durant les premières années d'exercice, le gouvernement peut, par décret publié à la Gazette officielle du Québec qui tient lieu d'une entente, fixer cette rémunération. b) Si le ministre estime que, dans une région, l'absence de services médicaux met en péril la santé publique, il peut convenir avec tout professionnel de la santé de conditions de travail différentes de celles qui sont prévues à une entente. c) Le ministre peut, à titre expérimental, rendre applicable, par arrêté qui tient lieu d'une entente, un mode de

rémunération prévu à une entente, à l'ensemble des professionnels d'un département ou à l'ensemble des professionnels qui y exercent le même genre d'activités, pourvu qu'il ait l'accord des professionnels concernés, du conseil d'administration et du conseil des médecins et dentistes de l'établissement.

Alors que par ailleurs le gouvernement vante les mérites de la syndicalisation des travailleurs, il soumet un projet de loi lui permettant de décréter des conditions de travail, au cas où la partie syndicale s'aviserait de ne pas accepter les propositions gouvernementales. Il s'agit là d'une conception du syndicalisme que l'on n'oserait sûrement pas imposer au président de la FTQ, M. Laberge.

Alors que l'on se dit favorables au principe de la négociation collective, on présente un projet de loi qui permet au ministre d'ignorer l'agent négociateur pour transiger avec son membre et, qui plus est, de décréter d'autorité que l'entente individuelle devient collective. 2. Les pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie. Le projet de loi 27 consacre les pouvoirs exorbitants et discrétionnaires de la Régie de l'assurance-maladie.

C'est ainsi que: a) Lorsque la régie est d'avis que des services, dont le paiement a été obtenu au cours des 36 mois précédents, étaient fournis non conformément à l'entente, elle peut se rembourser par compensation ou autrement. Le professionnel de la santé peut alors s'adresser au tribunal d'arbitrage prévu à la Loi sur l'assurance-maladie pour obtenir l'argent qu'on lui a retiré unilatéralement. b) Lorsque la régie est d'avis que des services, dont le paiement a été obtenu au cours des 36 mois précédents, étaient des services qui n'ont pas été fournis, que le professionnel de la santé n'a pas fournis lui-même ou qu'il a faussement décrits ou des services non déterminés comme services assurés par règlement, elle peut se rembourser par compensation ou autrement. Le professionnel de la santé doit alors s'adresser aux tribunaux civils pour obtenir l'argent qu'on lui a retiré unilatéralement.

Les remarques suivantes s'imposent: Le pouvoir discrétionnaire de la régie consacré par l'expression "lorsque la régie est d'avis" est l'illustration du postulat qui voudrait que le sens des responsabilités, l'intelligence et l'efficacité soient nécessairement l'apanage de ceux qui détiennent un pouvoir bureaucratique. L'efficacité administrative ne justifie pas la consécration d'un pouvoir discrétionnaire qui ouvre la porte aux pires abus.

Le tribunal d'arbitrage prévu à la Loi sur l'assurance-maladie devrait avoir juridiction exclusive, dans tous les cas où un professionnel de la santé conteste une décision de la régie. L'obligation, faite à un professionnel, de saisir un tribunal de droit commun de sa demande plutôt que le tribunal d'arbitrage prévu à la loi, est injustifiable et inappropriée. En effet, le tribunal d'arbitrage prévu à l'article 13 du projet de loi est, sans aucun doute possible, un tribunal statutaire.

En conséquence, il n'existe légalement aucun obstacle à ce que sa juridiction couvre non seulement l'interprétation et l'application d'une entente, mais également le bien-fondé des décisions de la régie à l'effet que les services dont le paiement a été obtenu au cours des 36 mois précédents ne répondent pas aux exigences de la loi, à savoir qu'ils n'ont pas été fournis, que le professionnel de la santé ne les a pas fournis lui-même, qu'il les a faussement décrits ou qu'il s'agit de services non déterminés comme services assurés par règlement. L'obligation faite à un professionnel de la santé de se pourvoir devant un tribunal de droit commun est non seulement injustifiable, elle est aussi inappropriée. En effet, cette obligation prive le professionnel du recours le plus facilement accessible, le plus expéditif et le plus approprié, soit le tribunal d'arbitrage, puisqu'il possède normalement une expertise du secteur de la santé que ne possèdent pas les tribunaux de droit commun. 3. Le champ de la négociation. Le projet de loi no 27 vise à soustraire du champ de la négociation le domaine de l'activité professionnelle en établissement pour en faire un simple objet de réglementation. C'est ainsi que l'article 173i actuel prévoit que le gouvernement peut faire des règlements concernant les plans d'organisation et en particulier l'activité professionnelle sous réserve cependant des ententes conclues en vertu de la Loi sur l'assurance-maladie. Le projet de loi no 27 fait disparaître cette réserve.

Nous croyons essentiel de souligner que le problème de l'activité professionnelle en établissement est indissociable du problème de la qualité de l'acte médical ou dentaire. Le fait de soustraire l'activité professionnelle du champ de la négociation a pour effet de confier unilatéralement au gouvernement et aux fonctionnaires l'élaboration des normes qui conditionnent la qualité des actes professionnels.

Ce nouvel empiétement du pouvoir réglementaire explique d'ailleurs la modification apportée à l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie selon laquelle le ministre négociera les conditions de travail dés professionnels de la santé, ceux-ci étant donc limités à négocier leurs conditions de travail à l'exclusion de l'activité professionnelle en établissement. 4. Les pouvoirs du conseil régional. Le nouvel article no 18.1 de la Loi sur les

services de santé et les services sociaux veut que le conseil régional établisse les politiques d'admission et de transfert des bénéficiaires dans les établissements de sa région, fixe les normes de fonctionnement des services d'urgence, fixe les normes d'utilisation et de distribution des lits et autorise le déplacement d'un bénéficiaire vers un autre établissement en cas d'engorgement.

Nous croyons que ce transfert de pouvoir du centre hospitalier vers le conseil régional aura pour effet de compliquer davantage la solution des problèmes en en confiant la responsabilité à une nouvelle catégorie de bureaucrates. 5. Les coûts médicaux et dentaires en centre hospitalier. La plupart des pays occidentaux sont présentement en difficulté sur le plan économique et en particulier le gouvernement du Québec qui doit faire face à des problèmes budgétaires sérieux. On comprend donc que le gouvernement surveille de près les dépenses publiques et tente de contenir leur évolution à l'intérieur de balises raisonnables. On comprend notamment que le ministère des Affaires sociales cherche à freiner l'évolution du coût des services hospitaliers et des services rendus par les professionnels de la santé. Il s'agit là cependant d'une intervention délicate qui nécessite la collaboration des professionnels de la santé, que le projet de loi no 27 prévoyant plutôt un ensemble de mécanismes réglementaires normatifs et punitifs qui en dernier ressort joue à l'encontre du patient, du professionnel et en fait de la société québécoise.

Analysons les composantes de ce nouveau système.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que ce serait possible que vous ne lisiez pas les articles que nous avons déjà au projet de loi pour favoriser une meilleure discussion par la suite?

M. Chicoine: Le mémoire n'est pas tellement long, je comprends votre désir d'accélérer, mais il s'agit de discuter en commission parlementaire de choses qui vont affecter notre vie de façon très significative. Qu'on nous donne une heure pour discuter de notre avenir... Je conviens que le Québec est pressé dans cette espèce de putsch législatif de fin d'année. Cependant, j'aimerais bien avoir l'occasion de lire mon mémoire en entier puisqu'on en est rendu à la moitié; je ne pense pas prendre plus de temps que d'autres à expliquer ma position.

Le Président (M. Bordeleau): Non, M. Chicoine, je ne voudrais pas vous brimer de quelque façon que ce soit dans votre droit de parole, sauf que dans votre mémoire vous vous reportez textuellement aux articles de la loi. Je pense... remarquez...

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Madame la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il ne s'agit pas de perdre du temps en faisant une longue discussion, mais le texte est très aéré, il a 17 ou 18 pages et, honnêtement il est plus court que bien des mémoires. Moi, je pense qu'on est mieux de le laisser aller, c'est parce que la réflexion avait trait à un article de la loi. Je suis certaine que le ministre n'a pas voulu, c'était seulement un bon conseil qu'il vous donnait.

Le Président (M. Bordeleau): De toute façon, cela ne venait pas du ministre, cela venait de la présidence, c'était simplement pour tenter d'accommoder tout le monde.

Ce que je dois vous dire simplement, c'est qu'on tente de garder un temps approximativement semblable pour tout le monde et que le temps qu'on prend à lire le mémoire, c'est du temps qu'on enlève pour la période des questions.

M. Chicoine: J'aimerais ajouter pour le bénéfice de la présidence que les articles qui sont cités ne sont pas dans le même ordre que le projet de loi et que cela va certainement faciliter leur compréhension. (17 h 15)

M. Rivest: II est bon d'ailleurs qu'ils les entendent.

M. Chicoine: Analysons les composantes de ce nouveau système. a) Le plan d'organisation d'un centre hospitalier doit prévoir le nombre de médecins et dentistes qui peuvent exercer leur profession dans chacun des départements. Ce plan d'organisation est soumis à l'approbation du ministre. Il s'agit de l'article 49 du projet de loi. b) Le conseil d'administration d'un centre hospitalier accepte la candidature d'un médecin ou dentiste en tenant compte du nombre de médecins et dentistes prévu au plan d'organisation et du coût engendré par l'engagement de ce médecin ou dentiste. C'est l'article 85 du projet de loi. c) Le médecin ou dentiste dont la candidature est refusée parce que le nombre prévu au plan d'organisation est atteint ou au motif du coût projeté de son engagement, ne peut en appeler de cette décision. C'est l'article 80 du projet de loi. d) Le conseil des médecins et dentistes adopte, pour chaque département clinique, des normes sur la fourniture des soins requis et l'utilisation des ressources disponibles. Ces normes peuvent prévoir des sanctions administratives pour, notamment, limiter ou suspendre le droit d'un médecin ou dentiste

d'utiliser les ressources disponibles dans le centre hospitalier. Le conseil des médecins et dentistes accomplit également les autres fonctions déterminées par décret gouvernemental. Voir les articles 73 et 74 du projet de loi. e) Le chef de département voit à l'application des normes sur la fourniture des soins requis et l'utilisation des ressources disponibles et il impose les sanctions administratives qui peuvent y être prévues. C'est l'article 51. f) Les statuts et privilèges d'un médecin ou dentiste sont accordés conformément au décret gouvernemental et leur jouissance est assujettie au respect des normes adoptées par le conseil des médecins et dentistes. C'est l'article 83. g) La Régie de l'assurance-maladie est autorisée à transmettre au conseil des médecins et dentistes les profils de pratique des médecins et dentistes de l'établissement. C'est l'article 19.

Les remarques suivantes découlent de l'analyse de ces dispositions du projet de loi:

Le ministre pourra, par voie de contingentement, refuser l'accès des centres hospitaliers aux nouveaux médecins et dentistes. Cette approche d'autorité a pour effet de pénaliser injustement les jeunes médecins et dentistes et de rendre improductive une partie importante de l'investissement que notre société a consentie dans l'éducation depuis une quinzaine d'années.

Le pouvoir consenti au conseil des médecins et dentistes d'adopter des normes sur la fourniture des soins requis et l'utilisation des ressources disponibles rompt de façon fondamentale avec les principes de l'autonomie professionnelle et de la responsabilité professionnelle. Cette "trouvaille" qui consiste à faire normaliser par des pairs ce qui, en tout état de cause, ne devrait pas faire l'objet de normalisation, causera plus de problèmes qu'elle ne pourra en résoudre.

À partir de quels critères, le conseil des médecins et dentistes pourra-t-il fixer des normes quant aux ressources disponibles? De toute évidence, en tenant compte que l'ensemble des besoins des bénéficiaires doit être satisfait à partir des ressources disponibles. En d'autres termes, plus les ressources rendues disponibles par le gouvernement seront faibles, plus les normes devront être à la baisse. On entend de toute évidence confier au conseil des médecins et dentistes et au chef de département la responsabilité de gérer la mauvaise qualité des soins médicaux et dentaires.

D'autre part, il est évident que les normes adoptées par le conseil des médecins et dentistes quant aux soins requis seront conditionnées par les budgets disponibles au niveau du département. En effet, étant donné que le niveau de la qualité des soins dispensés par le professionnel engendre des coûts au niveau des ressources disponibles, les normes quant à la fourniture des soins requis devront nécessairement tenir compte des ressources disponibles. Puisque telle est la portée du projet de loi, on devrait en faire état de façon claire et non ambiguë.

On est donc justifié de se demander ce qu'il advient de l'autonomie professionnelle du médecin et du dentiste en établissement hospitalier. On peut aussi se demander ce qu'il adviendra du corollaire de l'autonomie professionnelle, soit la responsabilité personnelle du médecin et du dentiste vis-à-vis de son patient. Ne devrait-on pas prévoir au projet de loi une disposition dans le sens qu'un médecin ou un dentiste ne pourra faire l'objet d'une action en dommages et intérêts de son patient s'il se conforme aux normes sur la fourniture des soins requis et l'utilisation des ressources disponibles?

Comme nous le disions plus avant, nous comprenons que le gouvernement tente de contenir l'évolution des dépenses publiques à l'intérieur de balises raisonnables. Nous ne croyons pas cependant que le gouvernement atteigne cet objectif par la multiplication des contrôles et des normes. Cette approche ne peut que faire croître les coûts de la gestion bureaucratique au détriment de la qualité des services. Pour ce qui est de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, nous avons eu l'occasion récemment de soumettre au ministre des Affaires sociales une proposition concernant l'implantation d'un programme public de soins dentaires préventifs, proposition qui éviterait notamment l'arrivée de quelque 350 hygiénistes dentaires dans la fonction publique. À cet égard, nous avons écrit au Conseil des ministres, dès le 24 octobre 1980, pour manifester notre désir d'ouvrir des discussions quant à ce problème.

Le 26 juin 1981, nous écrivions au ministre des Affaires sociales, lui signifiant que nous serions heureux de le rencontrer dans les meilleurs délais pour échanger ouvertement et dans un esprit de franche collaboration relativement à l'ensemble de ce problème. La réponse à ces deux lettres nous parvenait le 22 octobre 1981, le sous-ministre des Affaires sociales nous réitérant les positions du ministère, sans pour autant nous convier à une rencontre. Ne nous avouant pas vaincus, nous avons réitéré verbalement notre désir d'ouvrir des discussions avec le ministère des Affaires sociales. On nous demanda d'écrire au ministre pour formaliser notre désir de négocier.

Le 17 novembre 1981, nous écrivions donc ce qui suit au ministre des Affaires sociales: "L'Association des chirurgiens dentistes du Québec propose que l'entente en vigueur soit modifiée pour y prévoir que les

actes de prévention seront dispensés dans les écoles par les dentistes et leur personnel auxiliaire sous la coordination des départements de santé communautaire et suivant un mode de rémunération à être déterminé. L'Association des chirurgiens dentistes du Québec est, dès à présent, convaincue que ce programme pourra être mis sur pied à un coût inférieur à celui du programme suggéré par le ministère des Affaires sociales et elle est disposée à engager les discussions sur cette base. Quoique nous demeurions convaincus de l'avantage pour la population de conserver les soins de prévention en cabinet privé, il nous faut malheureusement constater la volonté arrêtée de votre ministère de transférer ces services du cabinet privé au réseau public. Nous sommes aussi convaincus que ce transfert affectera fondamentalement la qualité des soins dentaires dispensés aux enfants du Québec si la mise sur pied d'un tel programme implique que les dentistes sont réduits à ne poser que des actes curatifs. "Une telle dissociation du curatif et du préventif sera coûteuse pour le gouvernement, désavantageuse pour la population et inacceptable, sur le plan professionnel, pour les dentistes. Vu les délais très courts qui nous sont imposés, le présent dossier devant être soumis à l'attention du conseil d'administration de la Régie de l'assurance-maladie le 8 décembre 1981, nous sollicitons une rencontre avec vos représentants dans les prochains jours afin d'examiner les implications de notre proposition. Nous croyons fermement qu'il est possible, dans un très court délai, de parvenir à une solution avantageuse pour tous les intervenants."

Une lueur d'espoir, nous devons rencontrer les représentants du ministère dans les prochains jours, soit un an, un mois et quelques jours après notre demande initiale de rencontre. Les dentistes, comme les autres professionnels de la santé, travaillent quotidiennement et concrètement à l'amélioration de l'état de santé des Québécois. Cela était vrai il y a cinquante ans, cela est vrai aujourd'hui et cela demeurera vrai demain. Ils assument cette responsabilité avec autant de dévouement et de sens social que les hommes politiques assument leurs propres responsabilités. Ils n'acceptent pas que les décisions concernant la santé des Québécois deviennent l'apanage exclusif des hommes politiques et des fonctionnaires. Ils croient juste d'affirmer que les décisions imposées d'autorité, de façon unilatérale, sont des décisions souvent peu éclairées et peu imaginatives, par ce fait même que leur élaboration ne repose pas sur le dialogue, la concertation et la négociation.

L'Association des chirurgiens dentistes du Québec allègue donc à cette commission parlementaire que l'étude du projet de loi 27 par l'Assemblée nationale devrait être reportée de quelques mois pour permettre aux divers intervenants du secteur de la santé d'apporter une contribution franche et ouverte aux problèmes visés par le projet de loi 27.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Chicoine.

M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Chicoine. En ce qui a trait à la répartition géographique, je vous renvoie aux propos et aux échanges qu'il y a eu en commission et auxquels vous avez assisté puisque vous étiez assis à la table avec les deux fédérations de médecins spécialistes. Il en va de même pour la question des pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie; étant donné l'échange qu'on a eu hier avec le procureur de l'Association des optométristes, l'argumentation qui y est développée est absolument identique. Le problème reste le même qu'hier. Cela n'a pas évolué depuis hier soir, au niveau de la définition de la question que vous y voyez.

Quant à la question du champ de négociation, je me permettrai de vous renvoyer également à cette très intéressante discussion autour de la notion des conditions de travail et de ce qui a été évoqué en termes de liens de subordination que cela pourrait "impliquer" et que nous n'entendons pas insérer comme notion.

Quant aux pouvoirs des conseils régionaux, j'en prends bonne note et je vous dirai, comme aux autres, que vous faites partie de la même charge de cavalerie, à peu près pour les mêmes motifs. Les coûts des soins médicaux et dentaires... Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Le Comité provincial des malades aussi...

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est parce qu'ils veulent avoir un siège.

Mme Lavoie-Roux: ... qui était trop loin de la population.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Quant à la question du coût, au-delà des mots que je vois au bas de la page 9 et en haut de la page 10, qui se réfèrent à l'économie générale peut-être - c'est l'expression qui est utilisée quand on veut... - des citations des pages 10, 11 et jusqu'en haut de la page 12, qui sont la reprise de ce qu'on a déjà évoqué, j'entrerai dans les remarques qui s'ensuivent à la page 13. À l'égard de cette question des plans d'effectifs qui, en pratique, on le sait, dans le cas des dentistes, ne les touche pas, à toutes fins

utiles, à moins que je ne me trompe... Peut-être que je pourrai vous entendre là-dessus. Je comprends, par ailleurs, qu'à l'égard des médecins spécialistes et des omnipraticiens, ce sont des remarques qui n'ont peut-être pas pris tout à fait la même forme mais qui étaient évoquées. J'évoquerai, quant à moi, à ce sujet, que le système de santé et de services sociaux est d'abord et avant tout au service des citoyens et qu'il compte sur un degré de motivation, d'intervention et d'implication des professionnels pour être efficace, c'est bien entendu.

Quant à la question de l'intervention des pairs à l'égard des pairs, de tout ce mécanisme visant à permettre aux professionnels de la santé de prendre leurs responsabilités collectivement, de se solidariser, à certains égards, dans l'établissement et, finalement, de prendre la place que les professionnels sont à même de prendre, je vous renvoie aux considérations de la Corporation des médecins qui est entrée dans force détails sur cela et qui, de façon générale, a évoqué le fait qu'indépendamment des mots utilisés encore une fois, normes par opposition à règles de soins, ce qui est une notion assez intéressante, ce sont en fait des choses qui existent à de nombreux endroits, qu'il ne faut pas voir là des démons administratifs et bureaucratiques, ce qui vaut également pour la page 14 et la page 15 du mémoire dans les circonstances. (17 h 30)

Quant à la question du programme de santé dentaire, effectivement, il y a des pourparlers entre les ministères et votre association, je pense que vous avez rencontré récemment M. Fortin du ministère. Je n'entrerai pas dans les détails. Il est bien entendu que, quand on parle d'un objet spécifique comme celui-là, qui ne fait pas partie de la loi proprement dite, sinon qu'en termes très généraux, et qui serait applicable à d'autres choses, on est ouvert à des discussions, on est toujours ouvert à des discussions au ministère et d'autant plus ouvert de ce temps-ci qu'on est en période de négociation sur certaines choses. Je comprends que cela préoccupe tout le monde.

Quant aux conclusions, vous me permettrez de ne pas être d'accord avec votre dernier paragraphe. C'est le seul commentaire que je puisse faire. Je vous remercie.

Je n'ai pas de questions, étant donné que, je pense, tous ces objets ont été traités de façon très abondante dans d'autres cadres, d'autant plus que vous y assistiez. Je considère que je suis absolument informé, très clairement informé de la position de votre association. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

M. Chicoine: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter un commentaire?

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Chicoine: En ce qui concerne le champ de la négociation, pour avoir entendu le ministre, évidemment, notre mémoire a été préparé avant la commission parlementaire. On ne connaissait pas tout à fait ses intentions. On lisait les articles du projet de loi et on les interprétait selon ce qui était écrit.

Pour ce qui est de la répartition géographique, j'aimerais mentionner aux membres de cette commission que, s'il y a une chose qui a fonctionné dans notre entente, c'est bien la répartition géographique. Il y a juste deux choses, en fait, qui n'ont pas fonctionné dans notre entente, ce sont les articles 3401 et 3501 qui disent qu'avant l'adoption d'une loi ou avant de présenter un projet de loi ou un décret, on doit consulter l'association. Cela n'a jamais fonctionné. Ce sont les deux seules choses qui n'ont pas fonctionné dans notre entente.

En ce qui concerne la répartition géographique, Me Tremblay peut apporter des précisions là-dessus. C'est lui le responsable de ce dossier. Nous avons en peu de temps, avec l'accord du ministère et la bonne volonté des gens qui se sont assis à cette table, organisé un bon système de distribution.

Certes, il y a encore des lacunes; ce n'est pas le régime parfait, mais je peux vous dire qu'en ce qui nous concerne, cela a très bien fonctionné, quand nous avons signé la répartition géographique et quand nous en avons fait un objet de négociation, parce que nous étions disposés à collaborer pleinement. Cela m'inquiète de voir retrancher cet objet de négociation de notre entente. Ce n'est pas de bon augure pour la collaboration future.

Vous avez pris bonne note en ce qui concerne les CRSSS. Je ne pense pas que je sois un chef de cavalerie, même si j'aime bien monter les chevaux. J'aime mieux faire de la chasse à courre que de charger des individus.

J'ajouterais seulement ce qui me fait craindre, j'ai étudié les systèmes dentaires d'environ 23 ou 24 pays différents et il m'est arrivé en même temps de toucher à la médecine un peu, parce que les gens nous l'expliquaient. Ce que vous proposez existe en partie en France et en Angleterre et surtout en Angleterre, avec le résultat que, quand on veut faire hospitaliser notre épouse, notre mère, notre soeur ou notre frère, la meilleure façon, c'est d'acheter une bouteille de gin aux fonctionnaires qui décident si on peut l'amener dans les hôpitaux ou pas. Il y a un danger, M. le ministre. Je ne dis pas

que les gens qui sont là actuellement vont faire cela, mais il y a un danger.

En ce qui concerne l'utilisation des ressources disponibles dont on a parlé dans notre mémoire et qui a été bien développé par les médecins, comme les dentistes dans les hôpitaux ne sont qu'en devenir et que, souvent, on prend leur budget, parce qu'il y a des choses plus importantes, je vous donnerai l'exemple des cliniques de santé de la ville de Montréal, avant que les soins dentaires soient couverts pour tous les enfants ou pour les moins de 16 ans. Dans ces cliniques, on fonctionnait selon les ressources disponibles, avec le résultat qu'au mois de novembre on n'avait plus d'argent et on traitait les enfants à froid; ce n'est pas cela qui a favorisé l'accessibilité des soins dentaires ou qui a aidé les gens à aller chez le dentiste. En ce qui concerne la partie de la prévention, pour la transférer du secteur privé au secteur public, il y aura une première rencontre mardi prochain. Pendant qu'on va discuter de cette chose, on met déjà en branle tout le processus gouvernemental pour l'arrêté en conseil. D'une part, on s'en va discuter et, d'autre part, on a l'impression qu'on va nous servir un cadeau de Grec. J'aimerais ajouter, pour le bénéfice des gens de la commission, que notre proposition est très simple. Nous disons au ministre: Au lieu d'engager 385 hygiénistes, on est prêt à mettre 1500 ou 2000 dentistes qui vont aller travailler à un coût moindre que celui que vous avez évalué. Cela veut dire quoi? Cela veut dire qu'on va tout simplement les payer pour leurs déplacements et leurs repas, et ceux de leur personnel. Vous allez économiser une dizaine de millions. Je tiens à préciser ici que la dernière étude actuarielle ou les derniers chiffres du ministère comportent une erreur de 2 500 000 $. C'est un trou qui va s'accroître avec le temps.

Alors, si on a cette ouverture d'esprit, M. le ministre, c'est qu'on veut bâtir le Québec avec vous, mais on veut prendre cette part dans un climat de concertation. Le Québec s'est doté du meilleur système de soins dentaires qui existe, non seulement dans l'Amérique du Nord, mais aussi dans les deux Amériques, si on peut comparer ce continent. C'est le meilleur système de soins qui puisse exister. Lorsqu'on se promène en Europe ... J'ai de la misère à faire deux choses à la fois.

M. Johnson (Anjou): Je veux seulement que vous compreniez que ça arrive souvent, en commission parlementaire, qu'on doive échanger que ce soit avec les fonctionnaires ou les collègues. Vous disiez...

M. Chicoine: Lorsqu'on se promène en Europe et qu'on parle des dentistes et que vous demandez aux Européens quels sont les meilleurs dentistes, ils ne disent pas que ce sont les Canadiens français, ils disent que ce sont les Québécois. On est bien identifié.

Mme Lavoie-Roux: Comme M. le ministre.

M. Chicoine: On est bien identifié, en ce qui concerne la qualité des soins. Je soumets à cette commission, étant donné qu'on a l'intention ou que l'intention est manifestée de procéder dans ce dossier par décret... J'ai lu le mémoire que vous avez présenté au Conseil des ministres; étant donné que l'on va procéder par décret, donc à l'insu de l'Opposition qui aura certainement son mot à dire là-dedans et qu'on va procéder par décret sans une véritable consultation, croyons-nous, de la profession, il y a un danger qu'on détruise une bonne partie que ce qu'on a mis dix ans à construire.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Un commentaire à ajouter à ça. D'une part, je veux simplement assurer le Dr Chicoine qu'une commission parlementaire, c'est une des formes les plus démocratiques de consultation dans une société démocratique. Deuxièmement, à l'égard de cette question du dossier de la prévention dentaire, je lui ferai remarquer qu'il s'agit d'un projet de règlement qui est devant la régie et ce projet de règlement qui est devant la régie est soumis à la règle de la confidentialité à ce que je sache, en vertu même des règlements de la régie. C'est tout ce que j'ai à dire là-dessus.

M. Chicoine: II n'y a aucun problème là-dessus, ça ne change pas la nature du problème ce que vous avancez, M. le ministre. Le président de la régie l'a avancé l'autre jour pour tenter de faire perdre de la crédibilité à celui qui vous parle. Ici, en commission parlementaire, je n'ai pas donné la teneur de ce projet de règlement, je vous ai tout simplement dit, M. le ministre, que pendant que nous discutions, votre ministère, vos fonctionnaires élaboraient un projet de règlement; je craignais que ça ne devienne, pour nous, un cadeau de Grec.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier l'association des dentistes d'être venue devant cette commission pour présenter son point de vue. Je ne toucherai pas à toute la partie concernant la négociation, je vais laisser ça à mon collègue de Jean-Talon. Je voudrais quand même dire qu'il y a un point sur

lequel je suis d'accord avec vous, c'est que le gouvernement, dans tout ce projet de loi - et j'oublie même tout ce qui touche les médecins et dentistes dans l'ensemble du projet de loi - a définitivement abandonné la concertation pour procéder par bureaucratisation et autoritarisme. Je pense qu'on pourrait en faire la démonstration facilement, mais il paraît que le ministre va corriger ça, c'est ce qu'on attend de voir.

J'ai quand même quelques petites questions à vous poser. À la page 12, vous dites que le ministre pourra, par voie de contingentement, refuser l'accès des centres hospitaliers aux nouveaux médecins et dentistes. Je ne comprends pas tout à fait le raisonnement que vous faites quand vous dites que cela pénalisera injustement les jeunes médecins. Je comprends qu'ils pourront être pénalisés parce qu'ils auront des revenus moindres mais "rendre improductive une partie importante de l'investissement que notre société a consenti dans l'éducation depuis une quinzaine d'années..." Honnêtement, je ne fais pas le lien entre les deux choses.

M. Chicoine: Je vais laisser le soin à Me Brodeur de parler là-dessus.

M. Brodeur (Yvan): II faudrait, madame, que vous reveniez à la page 10 du mémoire, au bas de la page, où on se réfère à l'article 49 du projet de loi qui dit que le plan d'organisation d'un centre doit prévoir le nombre de médecins et dentistes qui peuvent exercer leur profession dans chacun des départements et que le plan est soumis à l'approbation du ministre. II est donc évident que, par le truchement de l'approbation des plans d'organisation, on va pouvoir limiter le nombre de médecins et dentistes dans chacun des établissements. Je vois mal, pour une foule de spécialités médicales ou dentaires, que l'on puisse pratiquer sa profession sans être dans un centre hospitalier. Il y a donc là une forme de contingentement.

Mme Lavoie-Roux: Ou je vous ai mal compris ou je ne comprends pas encore, mais il ne me semble pas qu'un dentiste qui a terminé ses études soit nécessairement obligé de pratiquer à l'intérieur d'un centre hospitalier. Ce n'est pas ce que vous dites?

M. Chicoine: Je pourrais peut-être répondre par un exemple précis. Je viens d'aider, même s'il ne fait pas partie de mon association, un jeune chirurgien buccal qui a dû attendre un an avant de pouvoir faire de la chirurgie en centre hospitalier parce qu'on lui disait qu'il n'y avait pas de place pour lui. Il pratiquait à Montréal et il a même essayé de se rendre jusqu'à Saint-Jérôme et plus loin dans les centres hospitaliers des Laurentides pour être capable de faire des interventions chez des gens qui en avaient besoin. Ce n'est que récemment, grâce à la collaboration du CRSSS Montréal métropolitain, que nous avons pu lui trouver une place et ce jeune chirurgien buccal opère ou peut opérer un patient par mois. Donc, quand on dit que ça peut le rendre improductif ou le pénaliser, on l'a quand même aidé à faire sa formation, on a investi énormément dans ce bonhomme et il ne peut absolument pas rendre des services pour la formation qu'il a acquise. Il y a donc, un danger à ce niveau-là.

M. Brodeur: Voyez-vous, madame, un des changements du projet de loi et qui est majeur, je pense, c'est qu'autrefois on ne pouvait pas refuser la candidature d'un médecin ou d'un dentiste dans un établissement. Je dis autrefois, c'est actuellement, en vertu de la loi actuelle; on ne pouvait pas le refuser pour ce motif-là, pour des motifs de compétence peut-être, mais pas pour ce motif-là, tandis qu'aujourd'hui on pourra le faire. Non seulement pourra-t-on le faire, mais, dans ces cas-là, il n'y aura aucun droit d'arbitrage pour cette personne devant la Commission des affaires sociales. Non seulement cela, mais on pourra également le refuser au cas où les ressources ne seront pas suffisantes, même si le nombre prévu au plan d'organisation n'est pas atteint. (17 h 45)

II est évident qu'il y a des jeunes qui vont aller pratiquer ailleurs, c'est cela. C'est l'explication de la phrase qui est là, qui est au mémoire, à savoir qu'un investissement dans l'éducation s'effrite à ce moment-là.

Mme Lavoie-Roux: II y a présentement un contingentement des résidents, on va parler des médecins, des résidents dans les centres hospitaliers, ce qui est dû justement à cette disposition qui existait de par cette loi 103, je pense, au contingentement dans les centres universitaires.

Maintenant, on l'étend à l'ensemble des centres hospitaliers et c'était déjà établi dans les centres universitaires. Est-ce que ceci avait causé des inconvénients, d'après l'exemple que le Dr Chicoine nous avait donné? Est-ce que ce sont des cas isolés ou si ça peut arriver? Il semblerait que vous ayez trouvé le canal à ce moment-là pour la solution au problème, par l'intermédiaire du CRSSS, si je crois vous comprendre?

M. Chicoine: Vous avez entièrement raison, en ce qui concerne les dentistes par rapport aux médecins; ce sont des cas isolés, en ce qui concerne les dentistes; par rapport aux médecins, ce sont des cas isolés, parce que les dentistes en milieu hospitalier, ce n'est qu'en devenir.

Mme Lavoie-Roux: II y a un point intéressant; à la page 14, vous dites que, désormais, si la loi est adoptée telle quelle, on devra fonctionner selon des normes, et qu'il serait logique que si c'est l'état de fait, on devrait prévoir au projet de loi une disposition stipulant qu'un médecin ou un dentiste ne pourra faire l'objet d'une action en dommages et intérêts de son patient s'il s'est conformé aux normes sur la fourniture des soins requis d'utilisation des ressources disponibles.

Est-ce que cela en soi est suffisant pour mettre quelqu'un à l'abri de poursuites, parce que même s'il s'est conformé aux normes, il les a appliquées d'une façon adéquate au plan professionnel aussi? Il me semble qu'il y a deux dimensions à la...

M. Brodeur: II n'y a pas de réponse tout à fait sûre. Un tribunal aurait à trancher chacun des cas suivant son mérite, mais il est certain qu'on place un professionnel dans un situation délicate si on l'oblige à suivre des normes quant aux soins requis.

Le ministre a déjà fait une remarque à cet égard en parlant plutôt de règles de soins. Des normes quant aux soins requis, comme terminologie, c'est nouveau dans cette loi-ci, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Cela existe dans la Loi sur l'assurance-maladie au niveau des comités de révision de la Régie de l'assurance-maladie. Cette question est extrêmement délicate, parce que, quand on parle de normes quant aux soins requis -requis, c'est requis d'un patient - il est évident qu'on touche à la liberté thérapeutique. Il est donc certain qu'un professionnel pourrait considérer que la norme établie, la norme de soins requis, si c'est cela le texte qui demeurait, ne représente pas ce qui pour lui devrait être la norme, et la norme que lui individuellement appliquerait, tenant compte de sa responsabilité professionnelle, de son expertise, de sa formation et de ses convictions professionnelles. Il est évident, à ce moment, que si un professionnel, suite à cela, était poursuivi, il soulèverait sûrement en défense la question des normes qu'il était obligé de suivre dans une certaine mesure, et la jurisprudence trancherait là-dessus. Mais, comme je le disais au départ, c'est certain que cela placerait le professionnel dans une situation délicate. Par contre, sur toute cette question-là, on peut aller plus loin peut-être que le mémoire.

Si, par contre, on laissait au conseil des médecins et dentistes le contrôle de la qualité de l'acte, que le chef de département s'occupait plutôt de la partie budgétaire et si d'autre part, on parlait de soins requis et de normes ou de règles de soins et de ressources, considérant en somme toute cette question-là comme une question qui est budgétaire et strictement cela, à ce moment le problème se poserait de façon différente. Je pense que tout dépend du type de situation, du type de contrôle et du type de vocable aussi qu'on utilise, parce que finalement ces vocables-là sont interprétés.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, parce que je pense que mes collègues avaient des questions à poser. C'est sur le fameux problème de la prévention dentaire dont vous parlez dans votre mémoire. Je sais que le ministre vient d'indiquer que cela fait l'objet de négociations. Sans vouloir être méchante, je ne suis jamais sûre si...

M. Johnson (Anjou): ... discussion dans ce cadre-là.

Mme Lavoie-Roux: ... vous avez commencé à négocier, si vous vous proposez de négocier, si vous les invitez à négocier ou si vous avez négocié.

Mais j'admettrai, M. le ministre, que c'est une taquinerie un peu sérieuse quand même.

Très brièvement, parce que le temps passe, il me semble en tout cas que vous n'êtes pas sur la même longueur d'onde, pas quant à la réglementation, si on laissait cela de côté, mais, quel est le type de proposition - je voudrais comprendre - que vous faites dans ce cadre de la prévention dentaire?

M. Chicoine: En fait, dans un premier temps, lorsque le gouvernement voulait transférer les actes qui existaient en cabinet privé au secteur public, nous avons produit une étude actuarielle et cela lui coûtait plusieurs millions de dollars de plus. Suite à cette étude, il a modifié son tir et maintenant on va désassurer des soins en cabinet privé et on va assurer une certaine prévention dans le réseau public, mais qui n'est pas équivalente à ce qui se faisait dans les cabinets privés. Même là, parce que sur la prévention on peut discuter de philosophie, il peut y avoir toutes sortes d'écoles et on peut finir par ne pas s'entendre en fin de compte, même si on dit pratiquement la même chose. Même là, devant la croissance possible ou l'avènement possible de plus de 325 nouveaux fonctionnaires, étant donné la situation financière ou économique du Québec et étant donné que l'on veut absolument conserver - le lien est essentiel - la qualité des soins quant à une non-dichotomie ou une non-séparation du préventif et du curatif, nous avons offert au ministre des Affaires sociales, sous la coordination des DSC, parce qu'ils veulent le faire comme ça, on dit qu'on est prêt à entrer dans le jeu, on est prêt à entrer dans vos structures, on est

prêt à entrer dans vos normes. Vous allez nous démontrer combien ça va coûter, vous allez mettre les chiffres sur la table et on vous dit que notre proposition, on va la faire à moins. On vous le promet d'avance, on va respecter notre parole là-dessus. C'est ça, l'essentiel de la proposition.

Seulement, lié à ça, il y a eu un document sur la santé dentaire qui n'est pas secret. Alors, on va en parler. Le document dit que, pour réaliser tout ça, on doit déléguer des tâches. En fait, la réglementation actuelle, compte tenu de ce que le ministère veut faire dans son programme de prévention, a besoin de zéro délégation de tâches et les tâches qu'on veut déléguer, ce sont 24 tâches différentes. Donc, on ne vise plus seulement la prévention, on veut faire autre chose avec ces personnes. Il y a là un danger qu'on n'explique à personne et que l'on cache très bien.

Remarquez que ce n'est pas un nouveau problème. C'est un problème qui existait avant l'avènement de ce gouvernement, c'est un problème qui existait avec l'ancien ministre des Affaires sociales et ça fait cinq ans qu'on en parle avec le gouvernement actuel au pouvoir. Ça fait cinq ans qu'on offre notre collaboration et là, on nous offre de rencontrer un fonctionnaire à la programmation. Je n'ai rien contre ça. Dès le premier appel téléphonique, il nous a demandé si on était disposé à travailler le soir, plutôt que de nous parler de normes et de structures, pour voir si on était capable de "fitter" dans sa patente. C'est aussi clair que ça. Il n'y a pas d'école ouverte le soir; je pense que, dans la convention collective, les professeurs doivent être là trois soirs par année pour recevoir les parents; il y a seulement ça.

Donc, on essaie de nous garrocher un "monkey wrench" tout de suite, avant d'entreprendre des discussions véritables là-dessus et, si on veut avancer dans le dossier, les fonctionnaires disent: Les dentistes veulent gagner du temps, c'est pour ça qu'ils nous font cette proposition. Cela fait cinq ans qu'ils perdent du temps, eux, on ne pourra jamais regagner le temps qu'ils ont perdu.

Mme Lavoie-Roux: Merci, Dr Chicoine.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: J'ai un certain nombre de questions à vous adresser qui visent à essayer de me donner une meilleure compréhension de toutes ces questions. J'aimerais que vous essayiez de faire la distinction telle que vous la voyez, tant en ce qui a trait au curatif qu'au préventif entre les fonctions des assistants dentaires ou assistantes dentaires, des hygiénistes dentaires et des dentistes.

M. Chicoine: Le préventif, c'est cette partie qui fait que l'on va motiver les patients à pouvoir prévenir des défauts de santé. Le curatif, c'est cette partie où l'on donne le soin approprié. Dans le cas d'un dentiste, le soin approprié est plus souvent qu'autrement un soin chirurgical, parce que, même pour faire une obturation, on coupe du tissu dur. Donc, du moment que l'on coupe du tissu, qu'il soit dur ou mou, c'est tout simplement une intervention curative. Si l'on dissocie la prévention ou le préventif du curatif, qu'est-ce qui va arriver? D'abord, dans le programme proposé, on dit que les hygiénistes dentaires - elles ont la formation pour faire du préventif, je ne nie pas cela -vont faire les examens pour dépistage. Si l'on vise réellement dans la prévention, que ceci va nous permettre d'épargner sur des coûts parce qu'on n'aura pas de soins à donner, voyons quel est le premier élément de ce dépistage. C'est un examen avec diagnostic.

Or, j'ai en main des dossiers qui me démontrent que les dépistages qui ont été faits dans les écoles ont les conséquences suivantes: d'abord, un enfant qui est retourné chez le dentiste parce qu'on ne fait pas la différence entre une obturation, un plombage et une carie, on n'a pas la formation pour cela. Les parents sont en maudit, ils sortent de chez le dentiste et ils se font dire par l'hygiéniste qu'ils doivent y retourner, alors que ce sont des obturations et non des caries. J'ai aussi des dossiers où pour un enfant - cela a été fait par l'ancienne présidente de la Corporation des hygiénistes - on a fait un dépistage. L'enfant a dit qu'il avait une douleur sourde. On lui a prescrit de l'aspirine. La mère inquiète est venue chez le dentiste et il a eu besoin d'une intervention chirurgicale à cause de la présence d'un kyste important.

Quel est le danger le plus grand de ce dépistage ou de ces examens pour dépistage? C'est de créer de la fausse sécurité chez les patients. On le sait, il n'y a personne qui aime aller chez le dentiste. De toute façon, on va là moins souvent qu'on peut aller dans n'importe quelle réunion sociale ou chez le médecin. Chez le médecin, cela ne fait pas peur, mais il n'y a personne qui aime aller chez le dentiste, même pas moi. Quand j'y vais, c'est parce que je suis convaincu qu'il faut que j'y aille.

Cela crée une fausse sécurité. On va regarder dans la bouche de l'enfant. Il n'y a pas de caries apparentes. On lui dit: Tu n'as pas de caries, avec le résultat qu'il y a eu des enfants qui sont allés chez le dentiste, que les parents ont amenés quand même et qui avaient 17 ou 18 caries. En créant cette fausse sécurité, ceux qui n'y vont pas vont

se réveiller avec des problèmes beaucoup plus grands et avec des traitements plus élaborés et beaucoup plus coûteux pour l'État.

Vous me parlez des tâches des assistantes, des hygiénistes et du dentiste. Je n'ai pas avec moi la différenciation; je pense qu'actuellement les assistantes dentaires n'ont pas de tâches déléguées; il y a tout simplement une loi générale ou un règlement général à l'Ordre des dentistes qui dit: Elles doivent faire tout ce qu'elles peuvent faire autour du dentiste, mais ne peuvent pas mettre les mains dans la bouche. Actuellement, c'est ce qui existe.

Quant aux hygiénistes dentaires, le Code des professions, à l'article 37k dit: "Dépister les maladies buccodentaires et, sous la direction d'un dentiste, utiliser des méthodes scientifiques de contrôle et de prévention des affections buccodentaires." La réglementation actuelle existante en ce qui concerne les tâches des hygiénistes dentaires: à l'article 4 d'un règlement, on dit: "Procéder à l'enlèvement des taches et des dépôts de tartre de la surface exposée des dents ainsi qu'au polissage; donner des instructions et démonstrations de mesures d'hygiène buccale; exécuter les actes opératoires suivants: prise de radiographies, application topique de médicaments pouvant contrôler la carie." (18 heures)

Dans le projet du ministère des Affaires sociales contenu dans la politique de santé dentaire, ils en ont assez pour tout faire cela. Là où est le hic, c'est que le gouvernement dit: On devrait déléguer ce que l'on appelle de la surveillance à distance. Voyons ce que les mots en français veulent dire. L'article 37k dit "sous la direction". Diriger veut dire gouverner, administrer, gérer, conduire l'activité. Surveiller veut dire observer avec une attention soutenue de manière à exercer un contrôle et une vérification. Je soumettrai humblement que "surveillance à distance", ce n'est pas français. La surveillance à distance, c'est travailler sous la direction. C'est cela que cela veut dire. Déjà, dans la loi, vous avez tout ce qu'il faut comme provisions pour faire de la surveillance à distance. Travailler sous la direction, cela veut dire qu'il y aurait un dentiste à Québec et que tous les hygiénistes du secteur du DSC seraient sous sa direction; il n'aurait pas besoin d'aller faire de la surveillance "over the shoulder", comme disent les Américains. Maintenant, ce qu'on veut à la place et ce qui est proposé...

Le Président (M. Bordeleau): Juste pour vous demander...

M. Chicoine: Je voudrais répondre à sa question tout simplement

Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais tout simplement que vous essayiez de répondre d'une façon la plus concise possible, parce que j'ai plusieurs intervenants et je ne voudrais brimer personne dans son droit de parole.

M. Chicoine: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): J'en ai déjà quatre autres, alors...

M. Chicoine: ... je vais procéder immédiatement pour accélérer.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord.

M. Chicoine: Ce que l'on veut déléguer aux hygiénistes dentaires actuellement, c'est prendre des radiographies, procéder au test de vitalité de la pulpe - c'est un acte diagnostique qui n'est pas enseigné - essayer les porte-empreintes et prendre les empreintes pour les modèles d'étude, procéder au détartrage suprasubgengival, au curetage gengival - c'est un acte chirurgical - à l'aplanissement de la racine et au polissage de la dent - ça, c'est l'acte le plus difficile à rendre quant au succès et il n'y a pas un dentiste généraliste qui fait ça. C'est seulement un spécialiste qui peut le faire -poinçonner la digue, la mettre en bouche, procéder au polissage de l'obturation, appliquer topiquement des agents canticarriogènes, placer un pansement temporaire - je me suis laissé dire par un haut fonctionnaire du ministère - que c'était comme un "plaster", un pansement temporaire, mais les indications d'un pansement temporaire peuvent être que vous pouvez accentuer la venue d'un abcès chez un enfant, alors, je me demande bien ce que ça fait là - insérer, sculpter et finir les restaurations - on a eu des informations selon lesquelles le ministère ne voulait pas déléguer ça - et procéder à l'anesthésie papillaire. L'anesthésie papillaire est une vieille forme d'anesthésie qui existait chez les dentistes et qui n'existe plus aujourd'hui; c'est l'anesthésie la plus douloureuse; et on veut déléguer ça aux hygiénistes dentaires -insérer un ciment de base, enlever un pansement temporaire, procéder au jumelage des dents et choisir, poser et enlever la bague d'orthodontie, installer un fil simple d'orthodontie et cimenter temporairement un mainteneur d'espace.

Quand on veut déléguer une série de 25 actes, alors qu'on veut en faire poser quatre ou cinq dans le secteur public, je m'interroge sur la portée du règlement et je m'interroge sur la portée de ce que les fonctionnaires veulent faire accepter au ministre des Affaires sociales. Ce problème-là, il a été aigu du temps de M. Forget. Quand le Parti québécois est arrivé au pouvoir, M. Denis

Lazure m'a affirmé qu'il n'entrerait jamais dans ces données-là et, aujourd'hui, il revient. C'est que tout simplement les fonctionnaires ont convaincu d'autres personnes pour le placer là. Avec une histoire comme celle-là, je me demande bien pourquoi on formerait des dentistes.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, monsieur... merci.

M. Rochefort: Oui, là-dessus, je ne voulais pas entrer dans les détails d'un projet de règlement que je n'ai pas devant moi et que je n'ai pas vu, je voulais plutôt voir les distinctions fondamentales que vous faisiez entre les différents rôles. Tout ce que je vous dirai là-dessus et toujours, je le répète, sans entrer dans un projet de règlement auquel vous faites allusion et que je n'ai pas, il faut quand même considérer qu'il y a tout l'aspect de la question de l'éducation à l'hygiène dentaire qui, quant à moi, est un rôle qui peut très bien être assumé par des hygiénistes dentaires. D'autre part, il faut aussi considérer ce qu'on a vécu personnellement et ce que beaucoup de citoyens nous rapportent, que plusieurs gestes de prévention, dans un sens aussi large que celui que vous décriviez tantôt sont aussi assumés en cabinet par des hygiénistes dentaires.

Il y a une autre question que je voulais aborder avec vous et que j'ai abordée hier soir avec le directeur général de l'ordre.

Le Président (M. Bordeleau): Je ne veux pas vous priver de votre question. Je dois vous souligner qu'il est 18 h 05, que j'ai trois autres intervenants - ça me prend d'abord le consentement - soit le député de Fabre le député de Jean-Talon la députée de Jacques-Cartier, et je voudrais qu'on trouve un peu de temps pour aller peut-être manger quelque chose et revenir vers 20 heures. Je demande la collaboration de tout le monde afin qu'on fasse ça assez rapidement. Allez-y, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, M. le Président, j'ai une ou deux questions et je vais terminer là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Non, je m'excuse.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Gouin, c'est à vous la parole, allez-y!

Mme Lavoie-Roux: Je retire mon...

M. Rochefort: Vous n'avez pas de discours à faire, vous?

M. Rivest: Non.

M. Rochefort: Je voudrais savoir votre opinion en ce qui a trait aux urgences dentaires dans la région de Montréal durant les fins de semaine. On en a discuté longuement et largement hier avec le directeur général de la corporation ou de l'ordre, je pense que, dans votre profession, on appelle ça l'ordre, j'aimerais un peu voir quelle est votre position en ce qui a trait à cette question.

M. Chicoine: Remarquez que je suis flatté que vous abordiez cette question, parce que je suis le responsable d'un système d'urgence dentaire à travers le Québec et pas seulement à Montréal, même si ce n'est pas notre rôle en tant que syndicat de faire ça. Mais ceci prouve qu'on peut assumer notre rôle social aussi parfois. Ceci étant dit, je ne sais ce qui a été discuté hier, je n'étais pas là. Seulement, le système d'urgence dentaire que nous avons mis sur pied à Montréal, c'est un répondeur téléphonique avec un numéro central. Nous avons fait de la publicité dans les hôpitaux, les pharmacies, les cabinets des médecins et des dentistes. Il y a des dentistes qui, les fins de semaine, quand ils partent, disent tout simplement pour leurs patients: Appelez tel numéro en cas d'urgence dentaire.

Pourquoi ont-ils fait ça? C'est qu'au départ nous avions six dentistes de garde de 8 heures le matin à minuit le soir. On s'est aperçu que six, c'était trop et que 8 heures le matin à minuit le soir, c'était trop long. Le résultat a été que nous avons concentré nos gens de garde dans les cliniques où il y avait plusieurs dentistes de façon que, si jamais il y avait un afflux plus grand de patients, on pourrait compenser en appellant tout simplement un confrère et lui dire: Viens m'aider, on a trop d'urgence.

La moyenne des urgences dentaires pour toute la fin de semaine pour un dentiste qui est de garde ne dépasse pas dix patients. Donc, ce n'est pas un problème si aigu que les urgences dentaires; ce n'est pas comme l'urgence médicale, j'en conviens. D'autant plus, que je vous souligne respectueusement qu'avant d'avoir mal aux dents, comme ça ça prend environ cinq à dix ans à une carie pour se rendre à la pulpe, lorsque le gars a mal aux dents le samedi soir, il a eu mal aux dents la veille.

M. Rochefort: Votre service est disponible jusqu'à quelle heure en fin de semaine?

M. Chicoine: Actuellement, il est disponible de 9 heures à 6 heures parce qu'il n'y avait pas de patients.

M. Rochefort: Je vous dirai rapidement en résumé, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Très rapidement.

M. Rochefort: ... ce dont j'ai fait part au directeur général de l'ordre hier. Moi, je suis en mesure d'affirmer le contraire.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Rochefort: Non, M. le Président, je demanderais à la députée de L'Acadie de ne pas me prêter des intentions. C'est comme de l'argent: pour en prêter il faut en avoir.

Mme Lavoie-Roux: Ce ne sont pas des intentions, je dis que vous avez été traumatisé par vos maux de dents.

M. Rochefort: Tout ce que je veux vous souligner c'est que je ne suis pas d'accord sur l'affirmation que vous faites. Je prétends qu'il y a des urgences dentaires importantes qui se produisent en fin de semaine à Montréal et que les citoyens sont absolument mal desservis. Il me semble qu'il y aurait lieu, quand on parle d'assumer des responsabilités sociales d'avoir au moins un dentiste à Montréal disponible 24 heures par jour en fin de semaine. Je vous répète que je suis en mesure de l'affirmer, et là-dessus il y a une question que je veux vous poser. Vous êtes au courant que le CRSSS du Montréal métropolitain est à mettre sur pied une centrale des urgences pour la région de Montréal. Il vise à être en mesure de recevoir des appels pour tout type d'urgence. Qu'est-ce qu'on va répondre à quelqu'un qui va appeler le samedi soir à minuit et demi pour avoir un dentiste?

M. Chicoine: D'abord je vous dirai que le système d'urgence, je pense que je le connais mieux que le député qui vient de...

M. Rochefort: M. le Président, je vous ferai remarquer que comme citoyen...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, oui.

M. Rochefort: ... on fait aussi des rencontres avec d'autres citoyens, on fait face à des problèmes qui ne sont pas nécessairement ceux qui remontent à votre bureau. Je ne voudrais pas qu'on...

M. Chicoine: En ce qui concerne le système d'urgence dentaire, il y a peut-être un aspect que je n'ai pas couvert, mais je peux vous dire qu'il y a un réseau complémentaire aussi. Pendant qu'on a des dentistes de garde dans les cabinets privés, il y aussi certains hôpitaux de Montréal qui ont des dentistes de garde. Je ne sais pas de quel type d'urgence vous voulez parler, mais lorsqu'il s'agit d'une urgence traumatique importante, le mieux c'est de le diriger à l'hôpital, ce n'est pas dans un cabinet dentaire qu'on peut faire ce genre d'intervention. Selon les normes de l'urgence dentaire, celui qui a ce qu'on appelle dans le langage commun une rage de dents le samedi soir à minuit, je continue à maintenir, monsieur, que ce gars-là avait mal aux dents une semaine avant et durant le jour. Maintenant, qu'est-ce qui arrive quant au CRSSS...

M. Johnson (Anjou): ... M. Chicoine: Pardon?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): Vous avez dit les normes de rage de dents. J'ai cru vous entendre dire les normes d'urgence dentaire, c'est cela...

M. Chicoine: Non, j'ai parlé de...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, rapidement un petit peu, M. Chicoine.

M. Chicoine: M. le Président, en ce qui concerne le CRSSS Montréal métropolitain qui met sur pied un service d'urgence, nous avons contacté ces gens-là et nous allons collaborer avec eux. Dans un premier temps, ils vont s'occuper de faire la publicité du système d'urgence qui existe déjà; cela ne donne rien de mettre en place un autre système parallèle et de dédoubler des coûts à certains égards. Si on nous fait la démonstration que ce n'est pas suffisant, nous allons y voir, parce que, si nous avons mis sur pied un système d'urgence régional à travers la province de Québec... Il y a juste une région avec laquelle on a des difficultés et je m'en vais voir ces gens quand je vais partir d'ici. Cela ne représente pas tellement un gros bassin de population, seulement je tiens à ce que ce système-là fonctionne. Si on me fait la démonstration sérieuse qu'il y a des lacunes, je vous dis que nous allons les corriger et nous n'attendrons personne pour les corriger à notre place. On va prendre nos responsabilités comme on les a toujours prises.

Le Président (M. Bordeleau): Merci.

M. Rochefort: Je vous transmets au moins cette information, parce que je maintiens qu'il y a un problème d'urgence dentaire la fin de semaine et la nuit, à Montréal. Je termine, M. le Président, avec une dernière question. J'aimerais savoir...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Gouin, je m'excuse.

M. Rochefort: C'est ma dernière, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Je considère que je vais devoir brimer. Si on a le temps et si j'ai le consentement de tout le monde, on y reviendra, mais je voudrais passer au député de Fabre et ensuite aux députés de Jean-Talon et de Jacques-Cartier.

M. Rochefort: Je ne peux pas poser ma dernière question, M. le Président?

Le Président (M. Bordeleau): Cela n'a pas... M. le député de Fabre.

M. Rochefort: Bon, écoutez...

Le Président (M. Bordeleau): Si on a le temps, on y reviendra.

M. Rochefort: ... on s'assurera que la prochaine fois, les deux côtés de la table aient le même temps pour le questions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Fabre.

M. Leduc: Je reviens sur la bouteille de gin que vous évoquiez tantôt. Ce n'est parce que j'ai eu de l'eau devant les yeux tout l'après-midi, mais...

Une voix: Ce serait mieux d'avoir du scotch.

M. Leduc: ... c'est parce que je trouve l'exemple ou enfin les propos que vous avez tenus intéressants à un point de vue, en tout cas. Peut-être aussi parce que c'était hors mémoire... Ce n'est pas parce que votre mémoire n'est pas intéressant. Cela me porte à poser la question suivante: Qu'est-ce qui fait que la conscience professionnelle des médecins, des dentistes est au-dessus de la conscience des professionnels que sont les fonctionnaires et qui sont comme vous des syndiqués? Je me permets de faire ces commentaires et de poser cette question, parce qu'à la page 4 de votre mémoire, vous vous définissez comme des syndiqués, vous faites même allusion au fait que vous êtes des syndiqués injustement traités et il me semble que chez les syndiqués, il existe une solidarité syndicale qui fait que le mépris n'a pas sa place.

Le Président (M. Bordeleau): Un commentaire...

M. Chicoine: Non, je pense qu'il a quand même fait un commentaire...

Le Président (M. Bordeleau): Vous voulez faire un autre commentaire, M. Chicoine?

M. Chicoine: ... et posé un élément de question et j'aimerais bien l'aborder. Quand on compare le système anglais, c'est celui qui fonctionne à peu près le plus mal, parce que tous les gens jouent le système, y compris les bénéficiaires. J'ai été témoin d'un dentiste qui a reçu un patient qui avait un "flair up", la moitié de la figure était rendue de l'autre bord et son personnel auxiliaire lui a tout simplement fait les actes de prévention et la radiographie, parce que c'était dans le National Out Service. Comme le gars avait un abcès important et qu'il avait de la douleur, il a dit: "I would like to be treated. If you want to be treated, is it on privacy, it will cost you 5 pounds." Le monsieur a déboursé ses cinq livres de différence. Ce qui veut dire qu'en Angleterre tout le monde joue le système.

Pour répondre au coeur de votre question, à savoir qu'est-ce qui fait que les médecins seraient différents des fonctionnaires, je n'ai pas voulu faire ce commentaire en disant que tous les fonctionnaires vont agir dans le système en se faisant soudoyer. J'ai tout simplement voulu illustrer un problème qui existait ailleurs quant à une réglementation et que ça pourrait être possible que cela arrive ici. C'est ce que j'ai voulu dire. (18 h 15)

La différence entre le médecin et le fonctionnaire, ou le dentiste et le fonctionnaire, il y a la question de la responsabilité. Celui qui admettrait la mauvaise personne à l'hôpital par rapport à une autre et qui aurait sur les bras une poursuite à cause d'un décès, ce serait beaucoup plus facile d'aller le pointer. Maintenant, ce que j'ai voulu illustrer par là, M. le député de Fabre, c'est que tout simplement lorsqu'on transfère des responsabilités, on le fait toujours par bonnes intentions, j'en conviens et, lorsqu'on arrive avec un projet de loi, on ne l'a pas écrit parce qu'on était mal intentionné. Je ne pense pas qu'aucun gouvernement ferait ça.

Ce que j'ai essayé de démontrer, par cette image, l'exemple était peut-être mal choisi, c'est que parfois, on vise un objectif et à la longue, on arrive ailleurs et on est surpris. Tout simplement, j'ai voulu dire au ministre: Faites attention, parce que j'ai été témoin d'une chose comme celle-là. Si vous voulez quand même le transférer, le message suivant que je n'ai pas dit, mais que le ministre a certainement pu comprendre, c'est que je vais faire une réglementation où je vais mettre des normes de façon que cela ne se fasse pas, si moi, je veux le faire comme cela parce qu'ailleurs, on a eu telle expérience. Là-dessus, je lui fais confiance.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Chicoine.

M. Leduc: Vous avez dit tout à l'heure que nos dentistes avaient la réputation d'être les meilleurs dentistes au monde, peut-être que nos fonctionnaires aussi ont cette réputation.

Le Président (M. Bordeleau): ... le député de Fabre. M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Dr Chicoine, étant donné l'heure, je voudrais vous dire, concernant toute la partie du régime syndical, que le ministre a indiqué qu'il reprendrait, peut-être dans un sens non péjoratif, une expression qui a été employée dans un autre domaine, "son brouillon". Je pense bien qu'avec vos collègues, les omnipraticiens et les médecins spécialistes, en particulier, l'Association des optométristes... À cet égard, on attendra les choses. Un des aspects qui m'ont intéressé particulièrement, il en a été question hier, c'est la répartition des effectifs. Vous dites que cela a fait l'objet d'une négociation. Votre conclusion - à moins que le ministre n'ait une autre évaluation, mais je ne le pense pas - a été qu'en négociant ce genre de problème, on arrive à des résultats qui risquent d'être bien meilleurs que des solutions qui sont normalisées.

M. Tremblay (André): Exactement. Voici...

Le Président (M. Bordeleau): Vous êtes M. Tremblay?

M. Tremblay (André): Oui, c'est cela.

Le Président (M. Bordeleau): Pour le journal des Débats, allez-y.

M. Tremblay (André): Nous avons des clauses dans notre entente quant à la répartition géographique depuis 1979. Dans notre cas, cela a fonctionné merveilleusement bien. Je vous répondrai en trois points: premièrement, lorsque le comité mixte prévu par notre entente s'est mis à l'oeuvre, on a dû premièrement faire l'analyse des équipements dentaires dans la province. Tout cela s'est fait très rapidement. En dedans de 14 mois, nous avons convenu, le ministre des Affaires sociales du temps et l'association, d'une liste d'endroits désignés où attribuer les bourses décernées par la Régie de l'assurance-maladie. En collaboration avec les représentants du ministère, je pense que cela a été très vite et très bien. Nous avons procédé, la deuxième année, à une seconde liste plus large parce que nos analyses ont été continuées. Deuxième point que j'aimerais souligner: nous avons fait une entente particulière en deux mois pour les régions éloignées. Malheureusement, nous avions une entente, mais elle n'a été approuvée que quatre mois plus tard. Je ne blâme pas le ministre précédent, il y a eu le Conseil du trésor, et tout cela. C'est pour dire que la négociation entre le ministère et l'association s'est déroulée en deux mois; c'est quasiment un record, je pense, dans le domaine.

Troisièmement, lorsque nous avons signé l'entente en 1979, on nous a imposé des modes de rémunération en établissement. Nous avions prévu à ce moment-là qu'il surviendrait des problèmes. Ils sont survenus. Nous avons consenti à amender l'entente générale pour régler ces problèmes qui étaient urgents, parce qu'il y a des cas où il n'y avait qu'un seul dentiste; un bassin de population se trouvait alors ne plus être desservi. Encore là, nous avons procédé très rapidement. Je pense que dans notre cas, et je le souligne, avec la collaboration des représentants du ministère, les clauses de répartition de notre entente ont très bien fonctionné.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre, un petit mot de la fin.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais remercier les représentants de l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec pour leur mémoire, leurs propos. Cet échange aura été la moyenne du temps alloué et nous aura permis d'échanger, je pense, tout à fait adéquatement. Merci, messieurs.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. Chicoine, ainsi que les personnes qui sont avec vous.

Nous allons suspendre nos travaux et reprendre vers 20 h 15. Est-ce que cela vous irait?

M. Johnson (Anjou): 20 h 15.

Le Président (M. Bordeleau): 20 h 15, avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 19)

(Reprise de la séance à 20 h 24)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et messieurs, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales reprend donc ses travaux qui sont d'entendre les mémoires concernant le projet de loi no 27. Le premier groupe que j'appellerai, c'est celui des représentantes ou représentants de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

M. Sirros: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Laurier, oui.

M. Sirros: J'aimerais simplement informer l'auditoire et l'ordre des infirmières que Mme Lavoie-Roux sera avec nous bientôt. Elle est retenue en Chambre pour l'instant et on pourrait commencer pour ne pas retarder la séance; elle se joindra avec nous.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, avant de débuter, je voudrais simplement rappeler aux membres de la commission et aux intervenants, sans brimer qui que ce soit de son droit de parole et du temps qu'il veut passer avec nous, que nous avons, selon notre menu du jour, pour ne faire attendre personne, cinq mémoires à entendre ce soir. Je demanderais donc à tout le monde d'être le plus concis possible, tout en respectant le droit de parole de chacun également. Nous sommes prêts à vous entendre. Votre présidente et porte-parole est Mme Jeannine Pelland-Beaudry. C'est bien ça? Mme Beaudry, si vous voulez bien nous présenter les personnes, les dames qui vous accompagnent, nous sommes prêts à vous entendre.

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Mme Pelland-Beaudry: Merci, M. le Président. J'ai à ma gauche Francine Mathieu-Jacques, vice-présidente de l'Ordre des infirmières et, à ma droite, Thérèse Guimond, directeur général, et, à côté d'elle, Odile Larose, directeur du secteur nursing à l'ordre.

M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, mesdames, messieurs les membres de la commission, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à venir vous faire part des commentaires qu'a suscités chez nous le dépôt du projet de loi no 27. Je vais mentionner, comme bien d'autres avant moi, une plainte qui est devenue complainte, c'est-à-dire celle d'avoir eu très peu de temps pour pouvoir préparer les réactions de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, mais ceci a un avantage, c'est que notre mémoire est très court et, je pense bien que je pourrai le lire. Il n'a que huit pages.

Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale apporte plusieurs modifications aux lois existant dans le domaine de la santé. L'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a procédé à l'analyse des articles de ce projet de loi à la lumière des principes véhiculés depuis la réforme du système de distribution des services de la santé et des services sociaux. Il s'est, de plus, inspiré de son mandat d'assurer à la population du Québec des services de qualité en matière de soins infirmiers pour commenter les modifications proposées.

C'est dans un esprit constructif et de collaboration que l'ordre transmet le résultat de son analyse dans ce mémoire présenté aux membres de la commission élue permanente des affaires sociales. Dans un premier temps, des commentaires généraux sont énoncés quant aux dispositions prévues dans le projet de loi en regard des mécanismes de gestion des services médicaux, des pouvoirs attribués aux conseils régionaux de la santé et des services sociaux, de la composition des conseils d'administration des établissements de santé et des comités de bénéficiaires.

En deuxième partie, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec suggère des clarifications quant aux fonctions des directeurs de soins infirmiers, compte tenu des modifications prévues aux fonctions des directeurs des services professionnels et des chefs de département clinique.

Commentaires sur l'ensemble du projet de loi. Mécanismes de gestion des ressources médicales.

L'ordre est conscient des besoins de la population dans les régions périphériques et isolées relativement aux soins de santé. Il considère que des mécanismes doivent être envisagés pour favoriser une qualité et une accessibilité uniforme des soins de santé et des services sociaux pour tous les citoyens du Québec. L'ordre accueille donc favorablement les dispositions prévues à l'article 4 du projet de loi qui vise à remédier à la situation de pénurie que vivent actuellement certaines régions du Québec en regard des effectifs médicaux. Des mesures semblables devraient être également précisées pour assurer la présence des autres professionnels de la santé dans ces régions.

L'ordre est également en faveur de la transmission des renseignements concernant des profils de pratique individuels et collectifs des professionnels, tel que prévu à l'article 20, de même que de la gestion des bourses de recherche par le Fonds de la recherche en santé du Québec. En outre, le cadre juridique précisé dans le projet de loi pour délimiter les conditions de travail ne concerne pas uniquement les médecins et dentistes ni certains autres professionnels de la santé puisqu'en plus des pouvoirs actuels prévus à l'article 154, le gouvernement s'accorde celui de déterminer les normes et les barèmes quant aux conditions de travail, non seulement des directeurs généraux et des cadres supérieurs, mais également celles des cadres intermédiaires et des autres membres du personnel. Ces dispositions législatives, juxtaposées à celles qui déterminent les fusions d'établissements, les changements de vocation, l'octroi de contrats de services, constituent un accroissement considérable des

contrôles du gouvernement dans la gestion des ressources du système de distribution des soins.

L'ordre trouve dommage qu'il faille une loi pour tenter de rationaliser l'utilisation des ressources dans le domaine de la santé et des services sociaux. Il est certes conscient de l'accroissement constant des coûts des services et de la nécessité d'accentuer les contrôles de la gestion des ressources pour éviter les abus. Néanmoins, qu'on en arrive à des contrôles aussi serrés dénote non seulement un problème économique, mais aussi un malaise sociologique au coeur même des valeurs collectives qu'une loi ne saurait, à elle seule, résoudre.

Fonctions des conseils régionaux de la santé et des services sociaux.

La précision d'une fonction des conseils régionaux concernant l'échange, la répartition des services et leur regroupement dote les conseils de pouvoirs qui peuvent sembler excessifs à première vue, mais la conjoncture économique actuelle incite l'ordre à les approuver dans une optique de rationalisation des ressources. (20 h 30)

Quant aux fonctions relatives aux normes d'utilisation et de distribution des lits, aux politiques d'admission et de transfert des bénéficiaires, elles peuvent apporter une véritable coordination dans la répartition des responsabilités des établissements d'une région.

Par ailleurs, le rôle qui peut être confié, par règlement, aux conseils régionaux relativement aux services d'urgence, à leurs normes de fonctionnement, aux centrales de communication et à la répartition des demandes est un mode de fonctionnement nécessaire à l'amélioration de la situation vécue dans certaines régions quant à l'organisation et à la coordination de la distribution des services d'urgence, en vue de faciliter l'utilisation adéquate des ressources existantes.

La régionalisation de ces services est en effet préalable à la constitution d'un système cohérent de services d'urgence, outil essentiel pour poursuivre des objectifs de qualité et d'efficacité dans ce secteur d'activité. Incidemment, les dispositions prévues à l'égard des services ambulanciers contribuent également à leur accessibilité tout en permettant un certain contrôle des coûts et en rationalisant leur développement.

Composition des conseils d'administration des établissements. Dans leur ensemble, les modifications proposées dans la composition des conseils d'administration, des conseils régionaux, des centres hospitaliers, des centres de services sociaux, des centres d'accueil et des centres locaux de services communautaires concrétisent davantage la notion de réseau par l'articulation de ses composantes puisque chacune des catégories d'établissements se trouve alors représentée au sein du conseil d'administration d'un établissement auquel elle est susceptible d'être associée, favorisant ainsi une meilleure prise de conscience de la complémentarité des services.

En outre, la représentation des organismes bénévoles au sein du conseil d'administration des conseils régionaux et de celui des établissements apporte un correctif à l'oubli de ces organismes dans le passé. Perçus alors comme des groupes de moindre importance, ils seront dorénavant participants à part entière, au même titre que les autres, dans la gestion du réseau de services de santé et de services sociaux.

Comités de bénéficiaires. Le projet de loi précise la composition des comités de bénéficiaires et leur ajoute une fonction d'information des bénéficiaires sur l'administration générale de l'établissement. De plus, dans les établissements où ils existent, ces comités sont représentés au sein du conseil d'administration. Il s'agit là d'un pas de plus pour assurer la sauvegarde des intérêts des bénéficiaires dans la gestion générale des établissements et pour accroître leur participation directe au conseil d'administration où ils auront la possibilité de faire connaître leurs attentes tout en étant renseignés sur le coût des services dont ils bénéficient.

Clarification concernant les responsabilités du Conseil des médecins et dentistes et les fonctions du chef de département clinique. L'ensemble des modifications prévues aux différentes lois dans le domaine de la santé a été accueilli favorablement par l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Il tient toutefois à discuter les dispositions législatives qui concernent le chef de département clinique et le Conseil des médecins et dentistes, pour en arriver à la clarification de leurs responsabilités et de leurs fonctions, par rapport à celles du directeur des soins infirmiers.

L'article 112 de la loi sur les services de santé et les services sociaux est modifié par les deux additions suivantes. Première addition, le Conseil des médecins et dentistes d'un centre hospitalier remplit également les autres fonctions déterminées par règlement. L'article 112.1, le Conseil des médecins et dentistes d'un centre hospitalier doit adopter pour chaque département clinique des normes sur la fourniture des soins reguis et l'utilisation des ressources disponibles. Ces normes peuvent prévoir des sanctions administratives.

Soins requis et ressources disponibles reviendront plus tard, mais à chaque endroit ils ne sont pas qualifiés, je le fais remarquer tout de suite.

En outre, l'article 118 de cette loi

spécifierait dorénavant les fonctions du directeur des services professionnels dans les termes suivants: Coordonner et surveiller les activités des chefs de département clinique et les activités professionnelles et scientifiques qui s'exercent dans l'établissement, sous réserve des responsabilités données par les règlements ou le plan d'organisation aux autres directeurs envers les professionnels de la santé autres que les médecins et dentistes. Ces responsabilités données aux autres directeurs devraient, par ailleurs, être précisées par règlement dans le plan d'organisation de l'établissement, puisque l'article 173 spécifie les pouvoirs de réglementation du gouvernement à cet égard dans les termes suivants: i) déterminer les directions, services et départements que le plan d'organisation d'un établissement doit prévoir, leurs rôles et activités et les qualifications et fonctions du chef de ces directions, services et départements. Or, le projet de loi 27 insère dans la loi même et non dans ses règlements, les responsabilités du chef de département clinique en ces termes.

À l'article 71.1, le chef de département clinique d'un centre hospitalier est responsable de l'utilisation des ressources de l'établissement par les médecins et dentistes de son département et de la gestion des ressources de son département. Il surveille la façon dont s'exerce la médecine dans son département; et deux fois, les ressources ne sont pas qualifiées non plus. Il veille à l'application des normes sur la fourniture des soins requis et l'utilisation des ressources disponibles élaborées par le Conseil des médecins et dentistes, conformément à l'article 112.1 et il impose les sanctions administratives.

L'ordre a considéré, dans une première analyse, les modifications proposées comme une intégration explicite des médecins et dentistes dans la structure administrative des centres hospitaliers, intégration fort justifiée, si on se réfère à l'importance de l'impact des activités médicales sur l'ensemble de la gestion financière de l'établissement, puisque le médecin est le seul professionnel reconnu à l'heure actuelle, comme pouvant procéder à l'admission et au congé des bénéficiaires dans les centres hospitaliers.

Cette formulation des responsabilités du Conseil des médecins et dentistes, du directeur des services professionnels et du chef de département clinique favorisera une meilleure utilisation des ressources, tout en préservant l'autonomie professionnelle des médecins et dentistes, puisque ce sont leurs pairs qui auront la responsabilité d'établir les normes et de coordonner les activités médicales. Du moins, c'est là ce que l'ordre a compris des intentions véhiculées par le gouvernement en proposant ces modifications et, dans cette optique, il ne peut qu'y adhérer.

Même si les dispositions visent une meilleure coordination et la gestion optimale des activités professionnelles des médecins, et même si les médecins semblent être considérés, à tort ou à raison, comme le moteur de la production des services médicaux et des services de santé, il ne faudrait pas oublier la spécificité et l'apport des autres professionnels de la santé, notamment des infirmières et des infirmiers, dans la production des services de santé offerts à la collectivité. C'est pourquoi l'ordre craint qu'il puisse exister des malentendus quant à l'interprétation des mesures contenues dans ces articles et quant à leur application dans les centres hospitaliers, si certaines clarifications n'étaient pas apportées.

Les expressions "fourniture de soins requis" et "utilisation des ressources disponibles", comme je l'ai souligné aux articles 112.1 et 71.1, dans le projet de loi pourraient laisser entendre en effet que les prérogatives des médecins concernent tous les domaines des soins et toutes les ressources matérielles, humaines et financières, donc, y compris les soins infirmiers.

La modification de cette formulation au profit de "fourniture de soins médicaux reguis" et "utilisation des ressources médicales disponibles" serait de nature à dissiper toute ambiguïté à cet égard. Une autre façon de clarifier la teneur des articles en cause et de prévenir tout problème d'interprétation dans les centres hospitaliers serait d'insérer dans le projet de loi une addition à l'article 115 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux disant que le directeur des soins infirmiers assure la gestion, la coordination et la surveillance des activités relatives aux soins infirmiers.

L'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a tout lieu de croire qu'il existe plusieurs interprétations quant au contenu de ces énoncés que le projet de loi propose. L'application dans plusieurs centres hospitaliers des dispositions relatives au département de santé communautaire ajoute aux craintes des infirmières et infirmiers et incite l'ordre à demander au ministre des Affaires sociales de donner suite aux clarifications suggérées, puisqu'elle faciliterait la compréhension des fonctions des directeurs des services professionnels et des chefs de département par rapport à celles qui sont exercées et reconnues au directeur des soins infirmiers et aux infirmières-chefs des unités de soins.

En dernier lieu, l'ordre désire qu'à l'intérieur du projet de loi actuel soient apportées des additions pour résoudre les problèmes des milieux concernant la responsabilité de la gestion des soins

infirmiers dispensés aux bénéficiaires et aux usagers dans les centres d'accueil et les centres locaux de services communautaires. En effet, dans les centres d'accueil où séjournent les bénéficiaires dont la condition requiert des soins infirmiers, il est nécessaire que soit désignée une infirmière ou un infirmier pour planifier, coordonner et contrôler les activités relatives aux soins infirmiers. En outre, dans plusieurs centres locaux de services communautaires, l'absence d'un responsable de soins infirmiers dûment mandaté amène des problèmes de gestion des ressources en soins infirmiers ainsi que d'organisation et de mise en application de programmes de santé destinés à la population.

Puisqu'on attribue au Conseil des médecins et dentistes de ces établissements la gestion de l'utilisation des ressources médicales, il serait normal que le présent projet de loi spécifie aussi le mode de gestion des ressources en soins infirmiers, en ajoutant l'obligation pour les conseils d'administration de ces centres de désigner une infirmière ou un infirmier à cet effet. Cette mesure législative aurait pour conséquence de faciliter la complémentarité des rôles de différentes ressources d'un établissement de santé tout en assurant l'utilisation rationnelle de ces ressources.

Conclusion et recommandations. Après avoir procédé à l'analyse du projet de loi 27 modifiant diverses dispositions législatives dans le domaine de la santé, l'ordre adhère à la majorité des modifications proposées.

Quant à l'ensemble des modifications visant la gestion des ressources médicales, les fonctions des conseils régionaux de la santé et des services sociaux, la composition des conseils d'administration et des comités de bénéficiaires, ils contribuent à améliorer l'administration du système de distribution des services de santé et des services sociaux et la gestion des établissements.

Par ailleurs, pour éviter toute ambiguïté et prévenir les difficultés d'interprétation et d'application des articles du projet de loi concernant les responsabilités du Conseil des médecins et dentistes, du directeur des services professionnels et du chef de département clinique, l'ordre émet les recommandations suivantes:

Que l'article 112.1 se lise comme suit: "Le Conseil des médecins et dentistes d'un centre hospitalier doit adopter pour chaque département clinique des normes sur la fourniture des soins médicaux requis et l'utilisation des ressources médicales disponibles." 2. Que l'article 71.1 se lise comme suit: "Le chef de département clinique d'un centre hospitalier est responsable de l'utilisation des ressources médicales de l'établissement par les médecins et dentistes de son département et de la gestion des ressources médicales de son département. Il surveille la façon dont s'exerce la médecine dans son département. "Il veille à l'application des normes sur les fournitures des soins médicaux requis et l'utilisation des ressources médicales disponibles élaborées par le Conseil des médecins et dentistes, conformément à l'article 112.1 et il impose les sanctions administratives." 3. Que l'article 115 sur la Loi des services de santé et les services sociaux se lise comme suit: "Le conseil d'administration de tout centre hospitalier doit nommer un directeur de soins infirmiers, après avoir pris l'avis du directeur général. Ce directeur doit être membre en règle de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec; il doit, sous l'autorité du directeur général, coordonner et surveiller les activités des unités de soins et les activités professionnelles relatives aux soins infirmiers; il exerce de plus les autres fonctions prévues au plan d'organisation et au règlement." 4. Qu'un article soit ajouté pour spécifier l'obligation, pour un conseil d'administration, de désigner une infirmière ou un infirmier pour assumer la responsabilité de planifier, coordonner et contrôler les activités relatives aux soins infirmiers dans les centres d'accueil où séjournent des bénéficiaires dont la condition requiert des soins infirmiers de même que dans les centres locaux de services communautaires.

Ce sont là les recommandations que l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a jugé essentiel de formuler afin que le contenu des articles en cause soit interprété conformément aux intentions du ministre des Affaires sociales pour favoriser une meilleure gestion de l'utilisation des ressources dans le système de distribution des services de santé et des services sociaux et conséquemment d'assurer à la population des soins de qualité. (20 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme Pelland-Beaudry.

La période des questions. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, Mme Pelland-Beaudry.

Malgré le fait que vous participiez à ce que vous appeliez tout à l'heure la complainte du temps qui passe, cela n'empêche pas que votre mémoire, même s'il est bref, ne manque pas de profondeur et je pense qu'il a saisi non seulement l'essentiel, mais également identifié l'essentiel de la problématique aux yeux de l'ordre.

Je vais le prendre rapidement page par page. Quant aux mécanismes de gestion des

ressources médicales de façon générale à l'égard de la répartition sur les territoires de l'information, de la nécessité d'une meilleure circulation de l'information, je prends bonne note de vos commentaires positifs et qui encouragent à continuer dans ce sens. Pour ce qui est des fonctions des conseils régionaux, j'y vois votre connaissance de la nécessité que certains pouvoirs spécifiques soient donnés aux conseils régionaux, notamment en ce qui a trait aux urgences, qui est finalement la clé de bien des choses, mais tout en tenant compte aussi d'autres réserves que vous avez, qui sont un peu de caractère général à l'égard de la réglementation et de la centralisation de certains pouvoirs.

Quant à la composition des conseils d'administration, je crois comprendre que, de façon générale, vous avez un avis favorable à l'orientation que manifeste le type de composition; on sera amené cependant à modifier certains articles à la suite de différentes interventions. Quant aux comités de bénéficiaires, je prends également bonne note de vos commentaires à cet égard.

Là on arrive à ce qui touche plus spécifiquement l'ordre, à compter de la page 4, qui est finalement ce que je pourrais peut-être appeler le rapport entre les soins infirmiers et les soins médicaux ou le rapport entre les personnes selon leur appartenance à un ordre ou à l'autre et selon le rôle respectif qu'ils ont. Dans ce contexte, j'aimerais que vous précisiez. Je pense que la meilleure façon d'approcher cela est peut-être de regarder vos recommandations, puisque vous touchez de façon très schématique ces questions aux dernières pages de votre mémoire. Page 8: Pourriez-vous expliciter un peu le contenu de la recommandation 3, où vous souhaitez que nous modifions l'article 115 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et dire aux membres de la commission comment cela fonctionne de façon générale? Je sais que c'est inégal selon les établissements, selon le type d'activités. Pourriez-vous éclairer les membres de la commission là-dessus?

Y a-t-il toujours un directeur ou une directrice des soins infirmiers? Relève-t-il(elle) toujours du directeur général ou est-ce qu'à l'occasion, selon le type d'établissement et le type d'activités, il (elle) ne relève pas du directeur de département ou du DSC dans certains cas?

Mme Pelland-Beaudry: Si j'ai bien compris, vous parlez du directeur des soins infirmiers.

M. Johnson (Anjou): C'est bien cela, j'ai peut-être fait un lapsus.

Mme Pelland-Beaudry: Je crois, enfin, la majorité du temps, je dirais même qu'il relève du directeur général. C'est un poste qui est rattaché directement au directeur général; je ne crois pas qu'il soit rattaché au directeur des services professionnels. Je ne comprends pas très bien la question telle que vous me la posez.

M. Johnson (Anjou): Quel est le but, en d'autres termes, de l'ajout que vous voulez qu'on fasse à 115 et en réponse à quelle situation? Vous nous dites, à la page 8: "Que l'article 115 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux se lise maintenant comme suit", et vous ajoutez, à l'intérieur de la loi telle qu'elle existe: "II doit, sous l'autorité du directeur général, coordonner et surveiller les activités des unités de soins et les activités professionnelles relatives aux soins infirmiers; il exerce de plus..."

Mme Pelland-Beaudry: D'accord, je ne comprenais pas le sens de votre question, M. le ministre. Actuellement, ces explications-là sont contenues dans le règlement, mais nous voyons que, dans le projet de loi, on spécifie davantage en ce qui a trait aux fonctions du directeur des services professionnels et surtout en ce qui a trait aux fonctions du chef de service. On se demande pourquoi ça n'apparaîtrait pas dans la loi comme au sujet du directeur des soins infirmiers. Toutes ces fonctions qui sont reconnues et qui sont exercées à l'heure actuelle, pourquoi elles n'apparaîtraient pas dans la loi comme les autres directorats, dans le fond, puisque maintenant ça apparaît dans les règlements?

M. Johnson (Anjou): Je prends bonne note et je pense que votre intervention est très claire. Ensuite, quant à l'article 4: "Qu'un article soit ajouté pour spécifier l'obligation, pour un conseil d'administration, de désigner un infirmier ou une infirmière... pardon, une infirmière ou un infirmier..." C'est un des rares textes où on commence par le féminin...

Mme Pelland-Beaudry: Oui, elle est féminine.

M. Johnson (Anjou): "... pour assumer la responsabilité de planifier, coordonner et contrôler les activités relatives aux soins infirmiers dans les centres d'accueil où séjournent des bénéficiaires dont la condition requiert des soins infirmiers et même dans les centres locaux de services communautaires."

Je vous ferai remarquer que, techniquement, ce serait possible, par règlement. On m'assure qu'on n'aurait pas besoin de dispositions législatives spécifiques pour le faire. Les précisions que vous souhaitez voir apporter à 1 et 2 sur

l'utilisation des ressources, c'est tout le ... Mme Pelland-Beaudry: M. le ministre. M. Johnson (Anjou): Oui.

Mme Pelland-Beaudry: Vous me dites, à l'article 4, qu'il serait possible de le spécifier par règlement. Pourquoi n'est-ce pas possible de le spécifier dans la loi?

M. Johnson (Anjou): Ça devient de longs débats entre juristes sur l'utilité d'inclure dans la loi... La contrainte qu'on a à partir du moment où c'est dans une loi, c'est qu'on y perd le caractère de souplesse, étant donné que ce sont les tribunaux qui interprètent. Tandis qu'un règlement est habituellement issu d'une disposition assez générale, mais elle permet, par voie de consultation etc., au Conseil des ministres d'adopter un règlement qui lui-même peut être modifié simplement par le Conseil des ministres, par un arrêté en conseil, alors qu'une loi exige ce processus auquel vous participez, mais évidemment on ne peut pas se permettre de faire cela à tous les six mois. Je ne sais pas quand, la dernière fois, vous avez eu l'occasion... Vous êtes sans doute venus à l'occasion de l'étude de la question des services essentiels, mais disons que c'est peut-être un peu exceptionnel.

Mme Pelland-Beaudry: Non, nous ne nous sommes pas présentés, à ce moment-là.

M. Johnson (Anjou): Non. Alors, l'utilité du pouvoir réglementaire, c'est ça, sa contrainte étant cependant que ça fige moins les choses dans le ciment que d'avoir un pouvoir réglementaire, et ça consacre moins les choses.

Mme Pelland-Beaudry: Je comprends fort bien vos explications M. le ministre, et je comprends que ça peut amener des interprétations des tribunaux, mais à l'heure actuelle nous vivons avec des interprétations des milieux et je pense qu'elles ne sont pas tout à fait comiques. Et interprétation pour interprétation, nous préférerions peut-être les interprétations des tribunaux que celles des milieux qui amènent des situations qui sont parfois fort désagréables, nous vous avons écrit il y quelques mois pour vous faire part de situations malheureuses du point de vue soins infirmiers dans certains centres d'accueil, et vous avez reçu favorablement nos recommandations, alors nous pensons qu'une telle disposition amènerait peut-être l'obligation d'avoir une personne responsable des soins infirmiers et qui empêcherait peut-être les situations malheureuses que nous vous avons fait connaître, et dont le bénéficiaire est souvent celui qui en souffre à la fin.

Le Président (M. Bordeleau): Vous permettez...

M. Johnson (Anjou): II me semblait qu'il devait y avoir aussi une raison autre que le principe général au sujet de la réglementation en plus du contexte historique qu'on connaît du partage des domaines de compétence d'activité. S'ils n'existaient pas il n'y aurait pas d'office des professions sans doute il est là pour cela parce qu'il y a une certaine harmonisation, mais ce n'est jamais parfait.

Il y a une autre raison, c'est que la notion du centre d'accueil au sens de la loi couvre aussi les centres de réadaptation, et dans certains cas au niveau des centres de réadaptation la majorité des professionnels qui sont impliqués sont, par exemple des psycho-éducateurs. Alors, à ce moment-là, il faudrait également prévoir que dans le cas de d'autres types de corporations et on voit tout de suite la complexité de ce que représente une législation dans ce domaine, mais je...

Mme Pelland-Beaudry: Je pense qu'il est nettement mentionné dans ce point 4 que ce sont les centres d'accueil où séjournent les bénéficiaires dont la condition requiert des soins infirmiers.

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse.

Mme Pelland-Beaudry: Je dis qu'au point 4, il est nettement spécifié que ce sont les centres d'accueil où séjournent les bénéficiaires dont la condition requiert des soins infirmiers.

M. Johnson (Anjou): Ce qui donc, par définition est prévu au plan d'organisation qui par ailleurs est imposé. En d'autres termes, ce que je veux dire c'est qu'il pourrait y avoir une réponse au niveau réglementaire à l'objectif qui est recherché là dans le cadre de l'application de la nécessité du plan d'organisation révisé et d'une décision de nature administrative à cet effet.

Mme Pelland-Beaudry: La solution de la réglementation est probablement une solution assez facile, mais le pouvoir est tellement large, le pouvoir donné au gouvernement est tellement large par la réglementation, que nous souhaiterions que vous regardiez de très près cette recommandation, toujours dans le but d'assurer de meilleurs soins au bénéficiaire.

M. Johnson (Anjou): Je peux vous assurer que c'est comme cela que je prends votre suggestion.

Mme Pelland-Beaudry: Cette

recommandation est importante.

M. Johnson (Anjou): Je ne doute pas deux secondes que vous y accordiez beaucoup d'importance. Je pense qu'il y a un mérite considérable quant au fond, la question est plus sur l'opportunité de l'inclure législativement. C'est ainsi que je prends votre suggestion et je vous en remercie.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci, M. le Président. C'est à mon tour de remercier l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour son mémoire. Je constate en le lisant que finalement, un de vos soucis majeurs dans le mémoire, c'est la possibilité d'une certaine confusion qui pourrait exister entre le chef de département clinique et les infirmières et que vous consacrez une couple de pages à cela. Je présume à travers les propos qu'a tenus le ministre tout à l'heure que ce n'était nullement son intention de voir ce genre de confusion exister. Vous semblez dire qu'avec l'ajout des mots: médical et médicaux, cela clarifie le problème. J'aurais un peu le goût, peut-être, de vous demander ce qui vous amène à avoir cette crainte dans vos relations de tous les jours, mais je vous laisse...

Mme Pelland-Beaudry: Des tentatives qui ont déjà été faites dans certains milieux, à l'heure actuelle.

M. Sirros: C'est quelque chose que vous vivez actuellement, qui vous amène à avoir cette crainte.

Mme Pelland-Beaudry: C'est-à-dire que nous ne le vivons pas, il y a eu des tentatives pour essayer de regrouper les infirmières responsables de soins spécialisés sous des chefs de département, en excluant l'autorité directe avec le directeur des soins infirmiers. Et je dis qu'il y a eu des tentatives; ce n'est pas fait. Alors, s'il y a des tentatives, si les gens y pensent, on peut croire qu'il y aurait interprétation de ces articles dans ce sens.

M. Sirros: Je n'ai pas d'autres questions. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Mme la députée de L'Acadie et ensuite, M. le député de Chapleau.

Mme Lavoie-Roux: Laissez passer le député de Chapleau.

M. Kehoe: Si vous me permettez, à la page 7 de votre rapport, vous parlez de la responsabilité de la gestion des soins infirmiers dispensés. Actuellement, quel est le système en vigueur? Sont-ce les infirmiers et les infirmières qui planifient et coordonnent le programme actuel dans les centres d'accueil ou centres locaux ou sont-ce les médecins et dentistes qui sont responsables de cela?

Mme Pelland-Beaudry: Dans certains centres locaux, il y a des infirmières responsables de la coordination, dans d'autres, il n'y a pas de responsable de la coordination.

M. Kehoe: Vous préconisez que ce soit une infirmière qui soit nommée pour coordonner toute l'organisation.

Mme Pelland-Beaudry: II me semble que c'est normal, quand même, que ce soit une infirmière qui ait la responsabilité de la coordination des soins infirmiers.

M. Kehoe: Puis, nécessairement ce sera enlevé aux médecins qui font le travail actuellement. C'est cela?

Mme Pelland-Beaudry: Ce ne sont pas toujours des médecins qui font actuellement ce travail et les médecins ont à faire la coordination des soins médicaux. Il serait souhaitable que ce soit une infirmière qui fasse la coordination des soins infirmiers.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la députée de L'Acadie. (21 heures)

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse de mon retard, j'étais de l'autre côté à parler de coupure budgétaire dans les hôpitaux et de déficit des hôpitaux. C'était une bonne cause, M. le ministre?

Plus sérieusement, vous vous réjouissez et je pense, à bon droit, qu'on tente de vouloir régler le problème des urgences dans les hôpitaux et à cet égard, vous vous montrez favorable aux efforts qui sont faits. Vous qui vivez à...

Le Président (M. Bordeleau): Mme

Pelland?

Mme Pelland-Beaudry: On nous a demandé notre collaboration au CRSSS de la région de Montréal quand on a appliqué le programme des urgences et nous continuons à collaborer avec le CRSSS; et, 30 de nos membres sont déjà en place pour préparer le travail de la coordination des urgences par l'intermédiaire du CRSSS.

Mme Lavoie-Roux: Dans l'hypothèse où la centrale fonctionnerait comme un papier de musique, est-ce que vous, dont les membres oeuvrent à l'intérieur des hôpitaux, qui avez vécu avec beaucoup d'acuité et qui

vivez encore les problèmes d'urgence dans les hôpitaux, particulièrement dans les grands centres comme Montréal et Québec, croyez-vous que ce sera suffisant, parce qu'il y a aussi un manque de lits, soit qu'ils soient fermés ou qu'il n'y en ait pas suffisamment? Est-ce que vous pensez que, même avec une centrale qui serait articulée de façon impeccable, ce sera suffisant pour résoudre les problèmes d'urgence, particulièrement dans les grands centres?

Mme Pelland-Beaudry: Mme la députée, je vais demander à la directrice générale de répondre à cette question. Elle a beaucoup d'expérience des milieux hospitaliers.

Le Président (M. Bordeleau): Mme

Guimond, c'est ça?

Mme Guimond (Thérèse): Oui.

M. Johnson (Anjou): Si je peux me permettre, Mme Guimond, une seconde.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Si vous voulez absolument que votre avocat siège à côté de vous quand vous allez répondre...

Mme Guimond: Pardon, je n'ai pas compris: que mon avocat...

M. Johnson (Anjou): Si vous voulez absolument amener vos avocats pour répondre...

Mme Guimond: Ah bon!

M. Johnson (Anjou): Je vous dis ça parce que je sens que la députée de L'Acadie, tout à fait de bonne foi, vous demande de porter un jugement. Je comprends très bien la situation délicate dans laquelle vous êtes et on va accepter votre réponse à sa face même.

Mme Lavoie-Roux: Ne conditionnez pas les réponses, M. le ministre, c'est la libre expression ici.

M. Johnson (Anjou): Non, je pense que c'est...

Mme Lavoie-Roux: Vous avez raison de dire que c'était fait de bonne foi, parce que c'est une question qui a intéressé tout le monde, on en a assez parlé, Dieu merci!

Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme Guimond.

Mme Guimond: Mme la ministre et M. le ministre Johnson...

Mme Lavoie-Roux: Bon, on a deux ministres.

Le Président (M. Bordeleau): On est rendu avec deux ministres.

Mme Guimond: ... nous connaissons tous les deux la même urgence. Vous êtes passé à Maisonneuve et moi de même, alors vous vous attendez un peu à la façon dont je vais répondre. Mme Lavoie-Roux, selon mon expérience, le système qu'on est en train d'établir à Montréal est le début pour essayer de mettre un peu d'ordre et faire partager les responsabilités des soins d'urgence dans notre Montréal métropolitain. Cependant, je ne pense pas que ce soit la solution à tous les problèmes d'urgence et je ne pense pas qu'on puisse penser ça. On verra peut-être au bout d'un certain nombre de mois d'expérience ce qui va se passer, si on va vraiment voir une diminution des engorgements dans certains hôpitaux de Montréal et si la population jouera le jeu d'être redistribuée selon les endroits où on offre des services de soins.

Je crois aussi que ce n'est que le début d'une réorganisation, qu'il va falloir que les institutions, par le truchement du CRSSS, se penchent sérieusement sur la vocation des différentes institutions de santé de Montréal, entre autres; je connais plus le milieu de Montréal. Il y a eu un rapport qui nous a donné un fait assez pertinent selon lequel il manquait un certain nombre de lits de soins de courte durée à Montréal. C'est un rapport qui n'a pas fait tellement parler de lui...

Mme Lavoie-Roux: On l'a tenu un peu secret. Je l'ai eu par...

Mme Guimond: Oui. On peut le comprendre. On ne peut pas penser, avec les coûts actuels, qu'on puisse construire un autre hôpital; je pense qu'il y a des efforts de faits pour la rive sud. Je pense que les hôpitaux généraux, avec tous les budgets qui sont enfouis là, devraient avoir la possibilité d'offrir des services de soins aigus, pour qu'on utilise au maximum le point de vue technique, le point de vue scientifique, les ressources humaines très spécialisées, ultraspécialisées que nous avons dans tous les centres hospitaliers d'enseignement universitaire, entre autres.

On verra peut-être, au bout d'un an, s'il y a lieu vraiment de repenser nos ressources en soins prolongés et en centres d'accueil. On verra aussi si les soins à domicile devraient être plus développés. On est assez timides de ce côté. On verra aussi probablement un effort - c'est à souhaiter, en tout cas, je ne veux pas d'angélisme non plus - dans le sens que les CLSC, les départements de santé communautaire, les CSS se donneront un peu plus la main pour

travailler pour une juste redistribution de la clientèle aux bons endroits.

Tout cela pour vous dire qu'il faut essayer le système d'urgence à Montréal. Je ne peux pas croire que cela n'aidera pas la situation si la population veut bien utiliser ce système qu'on lui offre.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Il y a une autre question que je voulais vous poser, justement parce que vous oeuvrez dans les centres hospitaliers depuis longtemps et que vous vous occupez des malades. Je me demande comment vous réagissez aux recommandations de l'article 59 - je pense que vous y avez fait allusion dans vos commentaires tout à l'heure, savoir qu'un conseil régional désigné par règlement est la seule autorité habilitée a autoriser le déplacement d'un bénéficiaire vers un autre établissement, etc., et à établir les politiques d'admission et de transfert des bénéficiaires? Vous vous occupez des bénéficiaires directement. Comment réagissez-vous à cela? Vous vous dites que c'est bon pour la rationalisation. Vous n'avez pas de restriction à cet égard d'aucune façon?

Le Président (M. Bordeleau): Mme Guimond.

Mme Guimond: Oui, j'en aurais évidemment. Vous savez, quand on pense aux CRSSS, c'est encore très gros. C'est un peu éloigné directement au niveau de la clientèle. Par contre, avec les expériences que nous avons vécues depuis quelques années - j'ai travaillé dans un CHSP aussi pendant les dernières années - je dois dire qu'on n'a pas réussi, les CSHP, à nous entendre pour vraiment faire des efforts pour favoriser, par exemple, l'hospitalisation ou l'institutionnalisation dans un endroit qui soit près de la résidence de la personne, etc. Alors, on voit des gens de l'Ouest qui sont dirigés vers des institutions de l'Est de Montréal, et vice versa. Le CRSSS, c'est le regroupement de toutes les institutions. On peut toujours avoir envoyé nos renseignements et nos opinions au niveau du CRSSS. Le CRSSS peut être une personne morale qui devrait avoir plus d'objectivité que les institutions prises en particulier. Même si on peut penser à une bureaucratie, il va falloir bien surveiller le CRSSS pour ne pas alourdir et dépersonnaliser ce travail de coordination. C'est peut-être la restriction que j'y mettrais, parce que c'est malheureux, mais dès qu'on pense à un niveau de gouvernement, soit provincial, soit régional, déjà on trouve cela énorme. Montréal, entre autres, a un problème d'énormité que peut-être d'autres CRSSS n'ont pas. Je suis tentée de dire qu'il faut essayer cette formule, puisque, individuellement, on n'a pas réussi et que cela fait assez longtemps que cela dure. C'est ma position.

Mme Lavoie-Roux: II y a une autre question que je voudrais vous poser. Je pourrais peut-être aller vous le demander privément, mais je ne voudrais pas que le ministre le prenne... je ne veux pas le placer nécessairement dans le contexte des coupures budgétaires. C'est vraiment dans le contexte des soins aux malades. C'est vraiment l'esprit dans lequel je le fais. Dans le moment, à la suite de coupures budgétaires qui peuvent être bonnes - ce n'est pas de cela que je veux discuter - dans des centres d'accueil, il se fait une transformation de postes d'infirmières en postes d'auxiliaires infirmières. On a des représentants des centres d'accueil dans la salle. Les centres d'accueil, on sait comment ils se sont développés, quel type de clientèles ils ont accueilli dans leur début et comment elles... Est-ce qu'au plan professionnel, dans les centres d'accueil, il devrait y avoir - ce n'est peut-être pas une question, c'est peut-être vous mettre dans une situation difficile aussi - un certain équilibre entre... Je vais poser ma question autrement. Dans quelle mesure les centres devraient-ils conserver un certain nombre d'infirmières diplômées? Je vous mets peut-être en conflit d'intérêts en vous posant cette question, mais il reste qu'il y a des plaintes qui nous arrivent et je voudrais avoir votre réaction à cela.

Le Président (M. Bordeleau): Mme

Pelland-Beaudry.

Mme Pelland-Beaudry: Je pense que je peux vous répondre, Mme Lavoie-Roux. Chaque professionnel a une part de responsabilité dans les soins et l'infirmière auxiliaire a certaines responsabilités qu'elle ne peut pas excéder et nous avons nos responsabilités.

Je pense que vous le saviez en posant la question, il est très difficile de poser un jugement de valeur, parce que nous ne connaissons pas la situation exacte de chacune des institutions auxquelles vous vous référez. Il est un fait cependant que transformer certains postes d'infirmières en postes d'infirmières auxiliaires à l'heure actuelle place peut-être l'infirmière auxiliaire dans la situation délicate d'être amenée parfois à donner des soins qu'elle n'est pas préparée à donner, et cela place aussi l'institution dans une situation délicate, mais cela place le bénéficiaire dans une situation délicate et je pense que ce n'est ni la faute de l'infirmière auxiliaire, ni la faute de l'infirmière, ni la faute du bénéficiaire.

Compte tenu de la lourdeur de certains bénéficiaires dans les centres d'accueil, ce à quoi je me référais tout à l'heure quand je disais au ministre: Nous vous avons écrit, c'est que nous avons senti l'obligation de

faire connaître au ministre que, dans certains centres d'accueil, il n'y avait pas d'infirmières à certaines périodes du soir et de la nuit et, compte tenu toujours de la lourdeur - j'y reviens - des soins que réclamaient certains bénéficiaires, nous nous sentions obligés de dire que ces bénéficiaires n'étaient pas dans une situation de sécurité.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre, le petit mot de la fin.

M. Johnson (Anjou): Juste deux remarques d'abord pour dire à Mme la directrice générale qu'effectivement on est passé à travers les mêmes locaux avant que le bloc 9 ouvre. Il semble que, malgré l'ouverture du bloc 9, à Maisonneuve, il arrive encore à l'occasion des situations d'engorgement. Je partage assez largement sa perception.

Deuxièmement, je veux lui dire, ainsi qu'à la présidente, que, jusqu'à maintenant, nous avons eu des échos qui n'étaient que des éloges quant à la qualité du personnel qui est en train de mettre en place la dimension "nursing" dans l'opération qui consiste à mettre sur pied un centre de coordination d'urgence à Montréal.

Je veux lui rappeler, quant à cette question des contraintes budgétaires qui pose les problèmes que l'on sait, que, s'il est vrai qu'à certains endroits on transforme des postes d'infirmières en des postes d'infirmières auxiliaires, à d'autres endroits, je sais que c'est le contraire. Le président de la commission pourrait d'ailleurs vous en parler abondamment, puisqu'il semble que dans certains endroits, en Abitibi notamment, ce soit le contraire.

Je me dis cependant qu'au niveau de la responsabilité, puisque c'est une préoccupation, je pense, des dames qui sont en face de nous, elles sont conscientes qu'il y a quelque part une autorité qui assume cette responsabilité et c'est un membre de l'ordre qui assume cette responsabilité, en étant conscient encore une fois qu'il peut y avoir des situations difficiles et délicates, mais, ultimement, c'est un jugement professionnel qui est porté dans le cadre de ces contraintes et ce n'est pas purement démocratique. C'est cela que j'essaie de dire. Il y a une notion d'évaluation de l'impact et il y a une ligne hiérarchique et d'autorité qui décide.

Encore une fois, je ne veux pas minimiser ce que disait la présidente, par ailleurs, que cela peut poser dans des zones grises des situations qui sont celles qui ont toujours fait l'objet des contentieux d'ailleurs entre l'ordre et... Est-ce que c'est la corporation ou l'association"?

Une voix: L'ordre.

M. Johnson (Anjou): L'ordre, entre les deux ordres, mais, ultimement, c'est un membre de cet ordre qui en assume la responsabilité, puisque c'est la directrice des soins infirmiers qui participe à la décision. Je voudrais vous remercier infiniment, mesdames, de votre participation articulée et intéressante. Merci. (21 h 15)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, une dernière petite question de la députée de L'Acadie, un commentaire.

Mme Lavoie-Roux: C'est plutôt un commentaire à la suite des remarques du ministre. Le sens de ma question... Évidemment, il y a tout le problème de la délégation des gens et je ne veux pas entrer là-dedans, parce que je sais que... En admettant que chacun a été bien délégué d'un côté comme de l'autre, enfin que la répartition a été bien faite, le sens de ma question, c'est que je voulais m'assurer que, dans un contexte de coupure budgétaire, pour des questions d'économie, quant, à un moment donné, on vous dit: Coupez de 200 000 $ ou peu importe le montant... Parce qu'un type de professionnel coûte moins cher ou plus cher, que ça ne soit pas la considération et qu'on ne sacrifie pas la qualité des services et la nécessité pour les patients de recevoir des services adéquats. C'était le sens de mon intervention.

Mme Pelland-Beaudry: Je pense que nos directeurs de soins infirmiers sont très sensibles à cette dimension. Je voudrais ajouter que j'ai essayé de faire la différence entre la préparation des infirmières auxiliaires et la préparation des infirmières, mais que nous sommes en excellents termes avec la Corporation des infirmières et des infirmiers auxiliaires de la province de Québec.

Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup, Mme Pelland-Beaudry, ainsi que les autres personnes.

J'appelle maintenant le prochain groupe qui est l'Association des centres d'accueil du Québec. Alors, je présume que c'est M. Jean-Guy Doucet, le porte-parole?

M. Doucet (Jean-Guy): Oui.

Le Président (M. Bordeleau): II y a aussi d'autres personnes que vous voudrez bien nous présenter. Maintenant, comme le ministre ainsi que des personnes de l'Opposition sont sortis pour deux minutes, qu'on me dit... Étant donné l'ampleur de votre mémoire, peut-être qu'on pourrait s'entendre... Je ne veux pas réduire votre droit de parole par rapport à celui des

autres, mais, comme il est passablement volumineux, je veux simplement savoir s'il est possible de résumer certains points ou de... Remarquez que je laisse ça à votre discrétion. Si on passe une heure de lecture, la période des questions sera beaucoup plus courte.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je suis sûre qu'ils vont faire des efforts pour résumer, mais je pense qu'il ne faudrait pas qu'ils sentent que leur temps...

Le Président (M. Bordeleau): C'est exactement ce que j'ai dit, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Excusez, j'étais en arrière, j'ai mal entendu. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Je ne veux surtout brimer personne. Je voulais simplement faire part d'un commentaire que, d'ailleurs, certains membres de la commission m'ont déjà fait à l'occasion d'un mémoire plus volumineux. Alors, M. Doucet, vous pourriez peut-être nous présenter les personnes qui sont avec vous. Ils n'en ont pas pour longtemps, deux minutes.

M. Doucet: Est-ce que vous voulez que je commence?

Mme Lavoie-Roux: Non, on va l'attendre parce qu'ils m'attendent.

Le Président (M. Bordeleau): Vous pourriez peut-être présenter...

Une voix: Mme la député de Dorion, je vous en prie.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qu'elle a dit?

Une voix: C'est dans le journal des Débats.

Association des centres d'accueil du Québec

M. Doucet: À ma gauche, Me Huguette April-Morin et à mon extrême droite, M. Gilles Langelier, directeur des services professionnels et M. Pierre Cloutier, directeur général de l'Association des centres d'accueil du Québec.

Le Président (M. Bordeleau): Bon, alors on y va. M. Doucet vous pouvez y aller.

M. Doucet: M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les députés membres de cette commission, je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir invités à produire nos commentaires et recommandations à cette commission. Même si on vous fait veiller un peu tard, si on vous présente notre mémoire un peu à l'heure du digestif, il ne faudrait peut-être pas le prendre comme une liqueur fine. C'est plutôt un vin jeune, effervescent, vous comprendrez le temps qu'on a pris pour le produire.

M. Johnson (Anjou): II est abondant.

M. Doucet: Oui, il est abondant. Je vais essayer, M. le ministre, justement de vous priver peut-être d'une lecture et de vous livrer davantage ce que nous ressentons de la façon dont nous percevons, dont nos membres perçoivent le projet de loi qui est soumis à notre attention.

D'abord, permettez-moi de vous dire que l'Association des centres d'accueil représente près de 400 établissements, 43 000 bénéficiaires qui reçoivent nos services: personnes âgées, jeunes mésadaptés socio-affectifs, handicapés mentaux, physiques, femmes nécessitant des services d'assistance maternité, personnes alcooliques et toxicomanes et tout cela, dans un réseau distribué dans toute la province.

Notre réseau a voulu s'ajuster, comprendre l'évolution des services, notre réseau est très proche des bénéficiaires, très près des bénéficiaires, ce sont généralement des petits établissements. Les gens sont près des bénéficiaires, les gens comprennent ce que c'est que de donner des services efficaces à la population. Les gens ont essayé aussi de comprendre la situation plutôt difficile, au plan financier, de notre réseau; nous avons essayé de collaborer le mieux possible à cette compréhension globale des grands objectifs du réseau, de la compression budgétaire. Vous vous souviendrez certainement qu'on a abordé cette période, on l'a même prévue, je pense, et dès le mois de mars l'an passé, on lançait le document dans un colloque, des idées, des économies.

Face aux compressions budgétaires, je pense que notre réseau a essayé aussi de comprendre la situation, a essayé de s'adapter, a essayé de donner les meilleurs services possible dans le contexte. Et tout cela, pour vraiment faire sentir au ministre des Affaires sociales que nous comprenons ces grands objectifs. C'est peut-être ce qui explique un peu certaines amertumes qu'on a laissé voir dans notre mémoire, car nous en partageons les grands objectifs, mais au niveau des moyens, on arrive mal à comprendre comment ce projet de loi permettra de responsabiliser davantage les

administrateurs du réseau, les conseils d'administration, les directions des établissements qui sont proches des bénéficiaires qui, eux, peuvent administrer efficacement à condition qu'on veuille bien partager avec eux les grands objectifs, leur permettre d'assumer les grandes responsabilités.

C'est surtout à ce niveau, au niveau des moyens, que nous avons le plus de recommandations, que nous comprenons mal comment dans un projet de loi qui nous est quand même présenté assez rapidement. "Notre réseau est assez vaste, nos établissements sont assez petits, distribués dans tout le Québec, et on n'a peut-être pas eu tout le temps voulu; mais encore là, on peut toujours comprendre les raisons qu'un ministère peut avoir pour présenter un tel projet.

Je comprends mal la période de l'année à laquelle ça nous a été présenté aussi. On a mis beaucoup d'énergie pour travailler, présenter des propositions au sommet sur l'intégration de la personne handicapée, on a passé tout le début de la semaine à ce sommet, on a travaillé à ce niveau énormément, et il a fallu en même temps consulter et nous présenter nos réactions. On comprend mal aussi le caractère omnibus du projet de loi.

On a aussi déjà présenté il y a à peine deux ans un mémoire assez volumineux dans lequel on disait qu'il fallait rafraîchir le chapitre no 48 S-5; on était d'accord avec cela et on aurait voulu contribuer davantage à ce rafraîchissement. Puisqu'il y a plusieurs grands sujets sur lesquels on avait voulu se prononcer à ce moment et qui ne sont pas touchés dans le présent projet de loi, définition des centres d'accueil, rôle et autonomie des conseils d'administration... Alors, vous avez cela dans le mémoire, je vais vous priver d'une énumération. Alors, pour toutes ces raisons, c'est bien sûr qu'on aurait aimé que le projet de loi, au moins la partie qui concerne les amendements au chapitre no 48, soit reporté au printemps et qu'on ait le temps de continuer cette collaboration qu'on assure toujours au ministère et qu'on est capable de faire avec nos établissements quand on nous en donne le temps. (21 h 30)

On voudrait aussi situer notre réflexion dans un cadre plus global. On essaie d'inscrire notre réflexion dans l'esprit de la réforme Castonguay-Nepveu. Un des buts fondamentaux poursuivis par la réforme était d'assurer une plus grande participation de la population en général à la gestion et à la surveillance du système de santé et de services sociaux en permettant à cette population et aux bénéficiaires d'avoir des représentants au conseil d'administration. Cette réforme prévoyait les principes directeurs suivants: décentralisation des décisions, participation de la population au régime, autonomie des organismes du réseau. C'est dans cet esprit global qu'on aurait aimé continuer notre réflexion.

Nous voulions aussi baser notre réflexion sur quelques valeurs fondamentales. Les bénéficiaires de nos centres d'accueil, nous y croyons, nous travaillons avec eux, nous sommes près d'eux et nous croyons qu'ils peuvent participer efficacement à l'évolution de notre réseau. Nous croyons aussi au partage des pouvoirs et des responsabilités. Notre réseau a été fondé sur la notion de partage des pouvoirs et des responsabilités. Les conseils d'administration des centres d'accueil refusent de devenir de simples contrôleurs. On croyait aussi à l'implication des intervenants et c'est dans ce sens-là qu'on vous a fait quelques recommandations.

L'A-C-A-Q croit essentiel que tous les intervenants d'un centre d'accueil soient impliqués dans le processus de prise de décision. On veut impliquer le bénéficiaire personnel, les cadres, les membres de conseils et les autres organismes. On croit aussi au principe de décentralisation. L'A-C-A-Q croit que les décisions doivent être d'abord la responsabilité de ceux qu'elles concernent. Pour nous, c'est un principe de fond.

Complémentarité dans le réseau; je pense qu'on peut y arriver. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'entrer les morceaux du casse-tête à coups de marteau. Je pense qu'il y a moyen de les disposer, de prendre un petit peu plus de temps et d'arriver quand même à former le casse-tête.

Utilisation optimale des ressources. Mon petit commentaire du début, je pense, nous situait là-dedans. Je pense que le réseau des centres d'accueil a été responsable dans l'utilisation des ressources. Il n'y aura pas beaucoup de déficit cette année, on a appliqué le plan de compression budgétaire sans y être forcé. Le document "Des idées... des économies" a même été publié avant que les directives nous arrivent. Je pense que là-dessus les citoyens qui participent à nos conseils, les membres des anciennes corporations qui participent à nos conseils et qui ont souvent créé ces institutions sont responsables. Ils agissent souvent en bon père de famille, ils font des économies. Souvent même il faut surveiller de très près, parce qu'on est porté à faire des économies qui vont même jusqu'à la coupure de services. On a le sens des responsabilités de l'équilibre budgétaire qui va jusque-là et sans se le faire imposer.

Alors, toutes ces considérations et ces principes, on y tenait beaucoup.

J'aimerais vous présenter quelques réflexions ou commentaires particuliers sur le projet de loi. M. le Président, nous croyons

beaucoup aux objectifs énoncés par le ministre des Affaires sociales, lorsqu'il dit dans le préambule du texte de la loi qu'il vise la coordination de la gestion des ressources des établissements par les conseils régionaux sur leur territoire respectif et la rationalisation de la fourniture des services de santé et des services sociaux par les établissements. L'A-C-A-Q souscrit à de tels objectifs, son inquiétude se situe davantage à l'égard des moyens que le ministre des Affaires sociales entend prendre pour atteindre ses buts.

Quelques commentaires porteront davantage sur les centres de réadaptation fonctionnelle. À ce niveau-là, on a eu une demande de plusieurs de nos établissements pour discuter de cela avec le ministère. On aurait aimé avoir le temps de l'étudier davantage, on aimerait un moratoire sur cet aspect-là. Faute de moratoire, nous recommandons au moins que soit modifiée l'appellation "centre d'accueil" par les suivantes: que les mots centre d'accueil et de réadaptation soient remplacés par l'appellation "centre de services de réadaptation". Cela correspondrait davantage à ce qu'on fait dans le réseau. Que le nom centre d'accueil d'hébergement soit remplacé par le centre de services gérontologiques. Avec une définition et un peu de temps, je pense qu'on pourrait collaborer avec votre ministère pour trouver des définitions qui conviennent à ce qui se fait dans le réseau.

On aurait aussi quelques commentaires au niveau des pouvoirs que le ministre semble prendre dans ce projet de loi. J'aurais quelques questions à poser là-dessus. À l'instant où on prévoit la fusion d'établissements, pourquoi ne prévoit-on pas également, par le biais de la réglementation, un mécanisme de concertation entre les établissements et avec les conseils régionaux pour les réaliser? De ce côté, l'Association des centres d'accueil et les établissements sont prêts à envisager les fusions comme étant un des moyens de rationaliser l'utilisation des ressources. On a même offert notre collaboration, on a demandé que soit élaboré le cadre qui permettrait d'aborder les fusions de façon positive.

Pourquoi le ministre ne prévoit-il pas la consultation auprès des établissements concernés, lorsqu'on songe à la modification de la catégorie, de la classe, du type ou de la capacité des établissements? Pourquoi le ministre ne peut-il pas préciser ce qui lui apparaît être d'intérêt public? Ce sont des mots qu'on retrouve souvent dans le projet de loi. Pourquoi le ministre fait-il des gestionnaires d'établissements, par le biais d'une réglementation, des commis, à toutes fins utiles?

Je pense qu'à ce niveau on aurait un grand nombre de questions. Vous pouvez les retrouver dans le mémoire. On arrive à des recommandations assez concrètes.

On voudrait que soient établis des mécanismes de consultation entre le MAS et les associations d'établissements, entre les conseils régionaux et les établissements, pour l'élaboration de la réglementation visant notamment les fusions d'établissements, les modifications de la catégorie, de la classe, le type, ou la capacité en permis.

On voudrait que soit définie la notion d'intérêt public qu'on utilise souvent dans le projet de loi; que les fonctions visées à la gestion des établissements soient confiées à leurs administrateurs et gestionnaires; ça, pour nous, c'est fondamental.

On voudrait que l'élaboration des plans d'organisation soit la responsabilité des administrateurs des établissements; ça aussi, c'est élémentaire, pour nous, comme principe de gestion; il faut qu'un conseil d'administration, si on veut qu'il soit responsable, soit capable de faire son plan d'organisation.

On voudrait encore que la notion de budget global à l'intention des établissements soit préservée; que l'utilisation des revenus autogénérés par l'établissement soit encadrée par des règles incitatives et de partage, et on voudrait aussi que le pouvoir illimité de réglementation que le ministre se donne en vertu de l'article 94x soit retiré.

Rôles, pouvoirs et fonctions du CRSSS. Encore là, je trouve qu'on va très loin. On tient à signaler au législateur que les moyens préconisés dans cet article ne correspondent d'aucune façon à un objectif de coordination et de concertation des ressources. Il reflète davantage un désir de contrainte par la mise en place d'un jeu de force; vouloir maintenir tous ces pouvoirs au niveau des conseils régionaux équivaut à assujettir les établissements à un système fortement centralisateur.

On risque d'obtenir un désengagement des administrateurs de nos établissements, qui ne les administrent pas si mal depuis fort longtemps. On risque de freiner l'initiative et la créativité, on risque aussi des résistances à la collaboration forcée. Je pense que ce n'est pas le meilleur moyen. On recommande que l'article 38 soit révisé et que les paragraphes premier et troisième de l'article 39 soient aussi retirés du projet.

Composition des conseils d'administration des CRSSS. On en aurait, encore là, très long à dire. On recommande que soit maintenue la proposition d'intervenant du réseau et de personnes hors-réseau dans la composition des conseils d'administration. Pour se résumer, à ce niveau, c'est qu'on pense que les conseils d'administration y gagnent à garder des intervenants du réseau, qui connaissent le réseau. On est bien d'accord qu'il y ait des gens de l'extérieur du réseau, mais il serait important pour nous de maintenir aux

conseils d'administration des CRSSS des gens qui viennent du réseau.

Composition et pouvoirs des conseils d'administration des centres d'accueil. On voudrait maintenir les deux sièges de bénéficiaires ou d'usagers sur nos conseils d'administration. Pour nous, c'est très important, les bénéficiaires d'un centre, ils peuvent participer bien davantage à la gestion des centres d'accueil. On voudrait aussi que soit maintenu l'actuel mode de représentation des anciennes corporations aux conseils d'administration des centres d'accueil.

Vous comprendrez que dans notre réseau, les anciennes corporations ont souvent été à l'origine de nos centres. Ce sont des bénévoles fortement impliqués qui ont un suivi, qui ont souvent de très grandes capacités et qui assurent une très bonne stabilité dans nos centres d'accueil. On trouve très regrettable que les membres de ces anciennes corporations passent de quatre à un. Pour nous, cela risque d'affaiblir grandement les conseils d'administration. Cela risque de démotiver les anciennes corporations, parce que plusieurs anciennes corporations, ayant seulement un représentant au conseil d'administration, vont tout simplement délaisser, n'auront plus de capacité d'influencer le centre d'accueil.

Je continue d'accélérer, M. le ministre. À ce niveau, on a une recommandation qui touche les pouvoirs et les responsabilités des conseils d'administration des conseils régionaux pour qu'ils soient le reflet réel d'une décentralisation par opposition à une déconcentration du pouvoir tel qu'on le voit dans le projet. Que les conseils d'administration des établissements jouissent d'une autonomie réelle dans l'administration interne des établissements. Si on enlève cette autonomie des centres d'accueil, on risque encore là de démotiver les membres. Vous voyez, M. le ministre, que c'est au niveau des moyens. On veut ici rendre la gestion de nos centres efficace, et ce pour atteindre les mêmes objectifs. On veut même l'élargir.

On est bien d'accord pour que le comité de bénéficiaires apparaisse. On voudrait même en élargir le rôle. On pense que la fonction du comité de bénéficiaires devrait être élargie et englober la dimension des programmes et de la qualité de vie à l'intérieur. Je pense qu'on peut les faire participer à ce niveau. On souhaite aussi que les comités de bénéficiaires soient réellement des comités de bénéficiaires, c'est-à-dire qu'ils soient tous nommés par des bénéficiaires, des parents des bénéficiaires ou des enfants des bénéficiaires, dans certains cas, mais toujours nommés par les bénéficiaires lorsque ce ne sont pas des bénéficiaires eux-mêmes. Je pense qu'on y gagnerait. C'est un petit amendement qui pourrait être fait au projet de loi.

On a situé une perception qui, de la façon dont on la livre dans le mémoire, est un peu sévère face au projet de loi. Je voudrais qu'on retienne l'esprit de collaboration, l'esprit dans lequel on a toujours travaillé. On partage les objectifs. Nos établissements nous ont envoyé de nombreuses lettres, télégrammes, nous ont demandé d'intervenir. C'est au niveau des moyens qu'on est inquiet. On pense qu'on va diminuer l'efficacité de nos établissements.

On croit que si le ministère continuait à collaborer avec nous, à nous faire partager vraiment ses objectifs... M. le ministre, je pense que vous avez beaucoup de charisme à ce niveau, au niveau de nos établissements. On voudrait travailler dans cet esprit de collaboration. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'avoir des pouvoirs illimités comme ceux-là. Les gestionnaires de nos établissements sont capables d'être responsables et ils vous l'ont prouvé. La gestion des services est d'une grande qualité dans nos établissements. Notre gestion financière répond actuellement aux grands objectifs que vous nous avez fixés. C'est dans cet esprit que nous soumettons aux membres de cette commission, et particulièrement au ministre des Affaires sociales, les quelques recommandations que vous pourrez analyser plus en détail dans notre mémoire.

Je m'excuse d'avoir été un petit peu rapide, peut-être un peu trop, mais je pense que vous allez retrouver tout cela dans notre mémoire. On est bien disponible pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Doucet. Nous en sommes rendus aux questions. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je voudrais d'abord vous remercier pour un mémoire abondant qui, je pense, révèle des efforts considérables d'y consigner les objectifs de votre association qui sont bien connus du ministère, étant donné qu'ils ont pu être exprimés à différentes reprises et de différentes façon également.

J'aurais d'abord une question et ensuite une série de commentaires très rapides. J'ai pris votre mémoire. Je me suis permis, pendant que je vous écoutais d'une oreille attentive, mais d'une seule, de me concentrer sur les pages 47 à 50 en prenant chacune des recommandations. J'ai cru voir là une façon de reformuler cela dans votre discours et je vous en... (21 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Doucet.

M. Doucet: Ce n'est pas une oreille, c'est de la mémoire.

M. Johnson (Anjou): Oui. Je vais d'abord vous poser une question. Vous parlez de pouvoirs abusifs, de pouvoirs énormes. Est-ce que je pourrais savoir où dans le projet de loi, s'il vous plaît?

M. Doucet: Particulièrement...

M. Johnson (Anjou): Je vais vous dire, c'est peut-être parce que vous ne tombez pas très bien, mais on en est au troisième jour et cela fait assez de fois que j'entends cela. J'aimerais que quelqu'un m'explique à quel article.

Mme Lavoie-Roux: Franchement, c'est désolant, si vous n'avez pas encore compris.

M. Johnson (Anjou): Non, mais, jusqu'à maintenant...

M. Doucet: Entre autres, l'article 94, où on dit: Tous les autres, ceux qu'on aurait pu oublier cela nous a frappés pas mal.

M. Johnson (Anjou): D'accord. M. Doucet, je vous ferai remarquer que c'est une clause qui existe dans l'ensemble des lois. Depuis plusieurs années, c'est la clause panier du pouvoir réglementaire des gouvernements. Est-ce qu'il y a un autre article? En d'autres termes, ce que je vous dis, c'est: II n'y a rien là, dans cet article. Ensuite?

M. Doucet: Un instant, M. le ministre!

M. Johnson (Anjou): Sur le plan technique.

M. Doucet: Oui.

M. Johnson (Anjou): Parce que, si vous vous étiez basé là-dessus pour me dire que c'est énorme, je vous dis: II n'y a rien là-dedans, parce qu'on retrouve cela partout ailleurs et ce n'est pas un pouvoir qui permet de faire autre chose que de moduler certaines choses qui font déjà l'objet d'une disposition habilitante.

M. Doucet: Au niveau des fusions, M. le ministre...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Doucet: ... il y a un pouvoir, je pense, actuellement. C'est après le consentement des établissements.

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Doucet: Tel qu'on le lit dans le nouveau projet de loi, je pense que vous vous donnez le pouvoir de procéder à des fusions sans le consentement des établissements.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Si je comprends bien...

M. Doucet: Est-ce qu'on interprète bien? C'est justement cela qu'on n'a pas eu le temps de faire, c'est-à-dire d'en discuter.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Enfin, j'ai cru voir dans votre mémoire que vous êtes fort bien équipés, en termes de ressources, je pense, pour approcher ces lois. C'est l'article 79, n'est-ce pas?

Essentiellement, il y a une notion qui est celle de l'intérêt public. Vous avez dit: On retrouve cela souvent; on le retrouve à deux endroits et, dans les deux cas, cela touche, à toutes fins utiles, la vocation ou la structure juridique de l'établissement, c'est-à-dire que c'est dans le cas du permis ou c'est dans le cas d'une modification au permis, ou encore dans le cas de fusion. La notion d'intérêt public est une notion qui met en cause la légitimité des personnes qui siègent autour de cette table dans une société et elle est assez fondamentale. La notion d'intérêt public, que je sache, dans notre législation, de façon générale, n'est pas plus explicitée que cela, sauf qu'à un moment donné, il peut y avoir une interprétation judiciaire qui s'en fait.

Je ne nommerai pas le pays, mais, si on était dans une quelconque république d'Amérique latine où tout se fait par pouvoir de décret depuis 45 ans, j'avoue que la notion d'intérêt public serait inquiétante, mais on n'est pas dans une république de bananes où tout se fait par décret depuis 40 ans, on est dans un État démocratique où il y a des gens élus qui en répondent, notamment le gouvernement en Chambre tous les jours à la période de questions, ce qui permet à ma collègue de m'entretenir de ses préoccupations une fois par semaine, et il y a d'autres balises, il y a la liberté de la presse, il y a toutes sortes de choses dans notre société, la notion de pouvoir de décret interprétée dans le contexte de nos institutions démocratiques et la notion d'intérêt public dont doivent se justifier les hommes et les femmes qui sont élus. Je pense qu'il y a une limite à charrier ça comme étant quelque chose d'abusif, c'est pour ça qu'on se fait élire, c'est pour l'intérêt public. Je pensais que c'était important que je vous le dise, est-ce qu'il y a autre chose que vous trouvez abusif?

Incidemment sur les fusions, deux choses: d'abord il y a une consultation que vous souhaiteriez, en soi il y a beaucoup d'articles où c'est possible d'introduire des notions de consultation qui sont une contrainte additionnelle imposée au pouvoir politique quand il prend des décisions, surtout quand cette consultation implique l'opinion d'un groupe régional, notamment les CRSSS cela a une utilité. Deuxièmement, il y a une

notion de prépublication, dans la Gazette officielle, il n'y a personne qui va faire ça de nuit, signer des papiers et c'est fini le lendemain matin. La prépublication est également une technique importante dans notre société, ce qui fait qu'il y a beaucoup de visibilité à cette décision, et ceux qui veulent prendre des décisions sont obligés d'en aviser les participants. C'est clair que l'article 79 cependant, signifie qu'il n'est pas vrai que l'État québécois va continuer d'attendre le consentement, tout le temps, dans toutes les situations, de toutes les administrations quand l'intérêt public est en jeu. Parce que parfois les intérêts de certains établissements peuvent être différents de l'intérêt public au sens où les hommes politiques peuvent le défendre. Est-ce qu'il y a d'autres articles que vous trouveriez abusifs?

M. Doucet: Écoutez, ce n'est peut-être pas le mot qu'on a utilisé, M. le ministre, on a dit qu'il y avait beaucoup de pouvoir, le pouvoir délimité.

M. Johnson (Anjou); Vous avez divisé le mot illimité mais ça je pense que c'était 94 et je pense qu'on s'est expliqué.

M. Doucet: Si on continue, on peut changer la catégorie classe, type ou capacité d'établissement, au niveau, par exemple, d'un pouvoir qui a toujours appartenu aux établissements, achats, services en commun, où dans l'ancien texte, on retrouvait le rôle du CRSSS qui était de promouvoir les achats en commun, les services en commun. Maintenant c'est devenu organisé. Pour nous, ça n'a pas la même consonance...

M. Johnson (Anjou): D'accord.

M. Doucet: ... organiser ou promouvoir. On est bien d'accord qu'il faut arriver à rendre efficace le système, comme vous venez de le souligner au niveau des fusions. Maintenant ce qu'on disait, M. le ministre, c'est qu'il y a possibilité d'arriver aux mêmes fins; on n'est pas contre les fusions, loin de là, même si on a une lettre qui est déposée au bureau du sous-ministre où on demande d'encadrer pa un peu plus, de dire pourquoi. J'espère que vous comprenez l'inquiétude actuelle des établissements qui voient venir beaucoup de fusions en raison des compressions budgétaires. On est d'accord à en faire, on est prêt à collaborer mais on voudrait définir le contexte qui rend nécessaires ou utiles ces fusions, le définir, savoir où on veut arriver avec ça, le nombre de centres d'accueil, le mode de distribution de services et, à ce moment-là, vous allez obtenir notre collaboration.

M. Johnson (Anjou): Je vous fais une parenthèse au sujet du pouvoir des CRSSS. Je vous ferai remarquer que le chapitre 48, adopté en 1971 à l'époque où M. Castonguay était au ministère des Affaires sociales prévoyait que les CRSSS avaient notamment comme fonction de promouvoir l'échange, l'élimination, dédoublement, une meilleure répartition des services dans les régions, ainsi que la mise en place de services communs - promouvoir, c'est vrai - à ces établissements et suivant les circonstances, d'établir, de maintenir et d'administrer de tels services communs. En vertu de cette règle, il y a maintenant quinze mois, il y a eu une directive qui été émise et, effectivement, des politiques d'achat en commun élaborées par certains CRSSS, coordonnées et administrées par certains CRSSS, ont permis des économies d'échelle considérables. On a d'ailleurs eu l'occasion d'en discuter assez longuement à l'occasion du passage ici des CRSSS eux-mêmes et de certaines questions de l'Opposition. Y aurait-il autre chose que vous trouveriez abusif dans le projet? Ou enfin, ou illimité ou trop centralisateur?

M. Doucet: On a quand même mentionné plusieurs éléments; si on regarde, par exemple, les anciennes corporations. On a souligné ça aussi; on fait disparaître ces membres de corporation c'est-à-dire qu'on tombe de quatre à un comme représentant au conseil d'administration.

L'article 94, comme on vous l'a souligné, ça aussi, nous inquiétait. C'est le sens de l'inquiétude du réseau, M. le ministre, qu'il faut donner ici et le sens de la rapidité avec laquelle ça s'est fait et on vous a exprimé le désir d'être consultés. On vous a dit qu'on avait travaillé au chapitre 48, qu'on avait produit un mémoire et on nous arrive avec un projet de loi comme ça, dans dix jours. C'est ça qui nous a inquiétés.

M. Johnson (Anjou): D'abord, à l'égard des corporations, rapidement, on se rappellera que M. Castonguay, en 1971, avait annoncé l'abolition des corporations et que, pour une période transitoire, disait-il, nous permettrions aux corporations de nommer quatre personnes aux conseils existants. Le choix qu'a fait le Conseil des ministres, cette année, sur ma recommandation, ça n'a pas été d'abolir les corporations, mais bel et bien de les maintenir, tout en réduisant leur participation. Par ailleurs, sur le reste, je pense que M. le directeur général avait un commentaire.

M. Cloutier (Pierre): On pourrait aussi reprendre la question que vous posez sous un autre angle.

Il y a, dans les pages 22, 23 et 24 de notre mémoire, un certain nombre de questions qui sont posées. Vous savez,

inscrire des intentions ou des permissions dans un projet de loi ne garantit pas une saine utilisation de ces permissions. On pourrait aussi poser comme hypothèse qu'aucun corridor, aucune balise, aucune réglementation n'est déposée dans l'application des projets ou des propositions que vous nous faites.

Par exemple, concernant les cadres, il y avait un certain nombre de règles qui existaient concernant les conditions salariales, etc., des cadres. Vous y ajoutez la notion de conditions de travail au sens plus large et la notion de cadre intermédiaire qui est le troisième palier à l'intérieur de la gestion d'un établissement. Je pense qu'on peut convenir ensemble que c'est quand même un pouvoir que possédaient les conseils d'administration des établissements, sinon le directeur général au sujet duquel vous avez le goût à un certain moment dont vous ne profitez sûrement pas, mais qui vous permettrait d'aller voir ce qui se passe et qui vous permettrait un certain nombre d'actions très précises, selon les pouvoirs qui sont décrits dans le projet proposé... Cela nous fait douter un peu de la confiance que vous nous faites ou, en tout cas, cela vous permettrait d'aller discuter au troisième niveau de gestion de notre établissement, par exemple, et les pages 22, 23 et 24 sont un peu dans cette lignée de demandes que l'on vous fait.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je pourrais venir tout de suite sur cette question des cadres qui vous préoccupe? D'abord, la directive que vous avez évoquée, je pense que c'est normal qu'elle vous préoccupe puisque ça semble nouveau, mais ça ne l'est pas. D'une part, il y a une directive qui existe, vous l'avez évoqué vous-même, et cette directive n'a pas d'assise législative, elle est basée strictement sur une espèce de consensus et le consensus s'est établi au point où, effectivement, la directive de façon générale est appliquée, notamment quant à la progression des salaires, et vous y souscrivez, je le sais. Alors, ce qu'on vient faire dans la loi, c'est asseoir sur une base législative ce qui est, à toutes fins utiles, une directive qui a le caractère d'un règlement.

Deuxièmement, si je comprends bien, l'association des cadres intermédiaires du réseau est d'accord avec cela, l'ACIAS, elle est d'accord avec cette approche, et ça m'apparaît normal parce que c'est beaucoup de monde, et on sait qu'à certains endroits ces conditions peuvent être très variables, notamment en ce qui n'a pas trait directement aux conditions proprement salariales. Certains avantages sociaux font aussi l'objet d'une difficulté à certains endroits. Il s'agit pour le gouvernement d'assumer ses responsabilités à cet égard puisque de toute façon il s'agit d'argent qui provient des fonds publics. C'est aussi une chose qu'il ne faut jamais oublier quand on parle des établissements, je pense que vous ne l'oubliez pas, mais on en parle rarement. L'argent, mesdames et messieurs, que vous dépensez dans le réseau des affaires sociales, c'est l'argent des Québécois, ce n'est pas l'argent des établissements. Dans ce sens-là, ça prend un relais quelque part et quelqu'un qui en prenne la responsabilité. C'est dans ce sens-là, encore une fois.

Quant à cette question du réseau et des pouvoirs du ministre et de la centralisation et de la décentralisation, le réseau, c'est tout le monde, ce sont les établissements, mais ce sont aussi un peu les CRSSS sur certaines choses, ou beaucoup, sur certaines autres choses. Ce sont les fonctionnaires, c'est mon bureau au quinzième étage aussi, c'est le gouvernement. C'est tout cela, le réseau des affaires sociales.

La vision que je crois voir et qui semble transparaître, je pense, à travers votre mémoire, c'est que le réseau, essentiellement, ce sont les établissements qui veulent bien se concerter et donner leur consentement. Or, je trouve que c'est une vision assez limitative de ce qu'est le réseau, où la notion de concertation ne souffre pas autre chose que l'unanimité et le parfait consentement de tout le monde.

Je pense en fait que c'est peut-être la consécration d'une certaine - vous me passerez l'expression - atomisation du réseau des affaires sociales, tout en reconnaissant la caractéristique essentielle de vos établissements.

C'est vrai que vous êtes très près des bénéficiaires et vous n'aurez pas noise avec moi là-dessus, j'y crois beaucoup. S'il y a un endroit dans le réseau des affaires sociales notamment où, dans ce qu'il y a de plus fragile en même temps et de plus fondamental, pour des gens, pour des citoyens qui oeuvrent dans le réseau des affaires sociales en dehors de la relation entre un médecin et le patient, c'est sans doute dans les centres d'accueil qu'on le retrouve, parce que c'est une fragilité quotidienne à travers même monter des marches d'escalier et pas seulement dans l'expression de la pathologie. (22 heures)

Je ne doute pas que les établissements soient près des bénéficiaires, bien au contraire. Je dis que le réseau, c'est aussi autre chose. Il y a des ressources ailleurs. On peut contribuer au succès des entreprises auprès des bénéficiaires et des efforts qui sont faits pour les citoyens du Québec en se disant que le réseau, ce ne sont pas seulement les établissements, c'est tout le monde et c'est un peu ce que vient confirmer ce projet.

J'aurais peut-être d'autres remarques, mais je peux peut-être faire rapidement, à partir de la page 47, quelques remarques rapides. À l'article 1, évidemment, on demande de reporter cela. Je pense qu'on va entendre cela pas mal dans les jours qui viennent, à la gauche du président. Même chose pour l'article 2. À l'article 3, la notion de "centre d'accueil". En fait on demande un ajout à la loi et non pas un retrait. À l'article 4, on demande de la consultation; je n'ai jamais rien eu contre cela. À l'article 5, je pense que c'est une question technique sur le plan de l'interprétation juridique de la notion d'intérêt public. À l'article 6, on demande un ajout à la loi. À l'article 7, on demande un ajout. L'article 8 et l'article 9 connaissent la résolution dans le cadre de l'application des budgets. L'article 10 est de nature technique. On en a parlé, c'est le pouvoir réglementaire. À l'article 11, on demande un ajout. L'article 12, intéressant, mais, comme dans d'autres mémoires, on nous a parlé de cela. À l'article 13, quant à la proportion des intervenants, je ferai une parenthèse. Cela semble être un peu contraire au consensus qui s'est dégagé jusqu'à maintenant quant à qui devrait siéger aux sièges du CRSSS où on demande finalement une plus grande proportion de gens intraréseau. L'article 14 vise simplement à accorder une plus grande mobilité à certaines personnes dans le réseau. Notamment permettre à un directeur d'établissement ou de CRSSS de justement venir en aide à l'ensemble du réseau, et je ne vois pas pourquoi on le supprimerait. L'article 15, intéressant à l'égard des bénéficiaires. On a entendu M. Brunet un peu dans ce sens-là. À l'article 16, vous suggérez le statu quo; on l'a évoqué tout à l'heure. L'article 17 et l'article 18 ont le caractère de voeux intéressants, mais qui dénotent votre philosophie et votre approche. L'article 20, je le relie également à cette question des bénéficiaires avec M. Brunet. L'article 19 est également extrêmement intéressant comme approche, et je pense que ce n'est pas incompatible avec le projet de loi.

En somme ce que j'essaie de vous dire, M. le Président, c'est que vous proposez une réforme en profondeur et nous, nous n'en proposons pas. Ce que nous suggérons, ce n'est pas de remettre en cause fondamentalement cet extraordinaire réseau que les Québécois ont mis sur pied depuis 1971. C'est d'essayer d'y voir certains ajustements. Et s'il est vrai que votre association a eu le mérite, dans le passé notamment, de nous fournir des mémoires extrêmement intéressants, qui vont dans le sens des intérêts des établissements que vous représentez, encore une fois, je pense que votre mémoire, ce qu'il suggère, c'est de faire une réforme en profondeur. Or, le projet de loi, ce qu'il veut faire, c'est surtout essayer de régler quelques problèmes. Peut-être que c'est intéressant, la réflexion sur une réforme en profondeur, et j'ai remarqué que le mot "réflexion" venait souvent dans votre propos. Mais, à un moment donné, il faut faire quelque chose; c'est ce qu'on fait en ce moment. On a décidé d'arrêter de réfléchir sur certains problèmes, d'écouter ce que les gens ont à dire sur une orientation des décisions qui vont prendre un caractère plus définitif lors de la deuxième lecture et de l'étude article par article. C'est dans ce sens que je veux que vous compreniez que l'accueil que je fais à votre mémoire au niveau de sa recherche de retard est un accueil extrêmement négatif, je pense que mon ton le démontre. Par ailleurs, sur le fond, je retiens qu'au-delà des ajouts qui impliqueraient une réforme en profondeur du système, vous avec des remarques, je pense, dont nous pourrons tenir compte et qui sont extrêmement intéressantes, notamment en ce qui a trait à tout ce qui entoure le service au citoyen directement. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je suis en train de me demander, à entendre le ministre, si on a passé trois jours ici à essayer de recevoir les gens poliment pour leur dire: On vous aime bien, et: Retournez chez vous. Je n'ai jamais réalisé l'inconscience que le ministre semble avoir ou qu'il affiche, quand il nous dit: Vous demandez une réforme en profondeur. Nous, ce qu'on veut, ce n'est pas une réforme en profondeur, on veut corriger des petits ou des gros problèmes... je ne sais pas quelle expression il a utilisée... des gros problèmes. Écoutez, je vais essayer de vous en faire la démonstration rapidement. Je ne sais pas si je m'adresse à vous ou au ministre, mais que voulez-vous, cela fait trois jours que je suis avec lui, de temps en temps on fait une blague, parce que c'est un peu long, mais le reste du temps on a quand même été sérieux et on a écouté les gens, et ceux-ci sont venus ici présenter des mémoires d'une façon très sérieuse.

Ce que le ministre fait - il sait qu'il le fait, ou il est totalement inconscient, ce que je ne crois pas - quand il dit... Dans l'exemple qu'il a donné tout à l'heure sur les corporations, le ministre Castonguay, en 1971, a décidé que, pour une période transitoire, on maintiendrait les corporations. Le choix que le ministre Castonguay a fait -je n'y étais pas - il aurait pu intégrer complètement les établissements dans le réseau public; il a choisi de garder des corporations pour respecter ce qui était là. Cela fait peut-être un cliché d'utiliser cette expression, parce qu'il n'y en a pas d'autres

qui me viennent à l'esprit, mais il y avait une partie du patrimoine dans les établissements qui était souvent à l'origine des établissements religieux, il y avait là une tradition, il y avait là un esprit de continuité.

Aujourd'hui, je ne sais pas ce qui pique le gouvernement, mais, tout à coup, il ne faut plus que ça existe. On réduit leur représentation aux conseils à un membre, alors que les conseils d'administration des établissements, en général, se félicitaient d'avoir quatre membres, parce que souvent, ça en neutralisait d'autres qui pouvaient être en conflit d'intérêts, parce qu'ils étaient membres de l'établissement ou représentants de groupes avec des intérêts plus particuliers.

Écoutez, je ne connais pas la motivation du gouvernement derrière ça. Il va arriver une évolution où ces corporations vont disparaître d'elles-mêmes. On a voulu faire appel à de la concertation, on a voulu faire confiance aux gens, les choses évolueront et, un jour, il n'y en aura peut-être plus. Mais non, il faut qu'on les fasse disparaître le plus vite possible. Je pense que c'est la différence, M. le ministre, avec l'approche que vous prenez aujourd'hui. Vous tranchez au couteau des choses qui pourraient évoluer normalement, qui ne nuisent pas au réseau, mais qui, au contraire, aident au réseau. Je pense que c'est un exemple. Vous vous référez à la décision de M. Castonguay. Elle a été basée justement sur cette attitude de dire: Ça fait partie des choses, ça fait partie de la vie, c'est une contribution qui a été importante, qui est encore importante, qui continue encore aujourd'hui d'être importante. On a eu le témoignage des centres d'accueil, on a eu le témoignage de l'Association des hôpitaux du Québec. Je pense que c'est une illustration de la façon dont vous procédez. Vous les mettez au banc des accusés et vous dites: Montrez-moi que nous centralisons.

M. le ministre, prenez l'article 38, si vous en voulez un en exemple. On va l'examiner en détail, pas trop en détail, mais un peu en détail. "D'organiser l'échange de biens et services, leur répartition adéquate et l'élimination de leurs dédoublements dans la région." Vous vous êtes référé à la réforme Castonguay qui disait de "promouvoir la concertation, la mise en commun des ressources, etc., la planification... et au besoin". Je pense que ces mots "et au besoin" avaient un sens de suppléance. Ici, vous leur donnez en exclusivité les fonctions suivantes: Vous allez "établir et administrer des programmes d'approvisionnement de biens et services communs aux établissements de sa région". À ce moment-là, vous allez les obliger à créer chez eux de nouveaux services, à alourdir ce qu'est le CRSSS, alors qu'ils ont de la difficulté... Je ne les en tiens pas responsables, en tout cas, je ne suis pas en mesure de juger, mais ils ont déjà de la difficulté à s'acquitter de leur tâche de planification, de concertation, d'animateurs des établissements, etc.

Vous continuez, dans cet article, "regrouper des services fournis par plusieurs établissements; d'exercer, à l'intérieur de son territoire, toute autre fonction que le ministre lui confie en vertu de la loi".

M. Johnson (Anjou): ...dans la loi.

Mme Lavoie-Roux: Bien oui, mais, dans la loi, vous lui en confiez passablement. Continuez à l'article 39, 18.1, 18.2, 18.3, vous essayez de vous faire faire une démonstration. Vous avez lu la loi, vous l'avez écrite, vous l'avez préparée. Vous n'avez pas vu ça?

Écoutez, je ne suis pas pour continuer dans cette veine. Vous avez fait allusion tout à l'heure, en disant: Ils le disent en d'autres termes, je le dirai en des termes qu'on utilise ici, à l'idée de scinder le projet de loi. Vous avez dit: La gauche du président va s'affairer dans ce sens d'ici quelques jours. Je peux vous assurer que oui tout de suite qu'on va s'affairer dans ce sens. On va s'affairer là parce que le gouvernement, parce que c'est vrai qu'il y a des problèmes réels, il y a des problèmes de dédoublement de services, il y a des problèmes d'effectifs médicaux non suffisants en régions éloignées. Ce sont des problèmes réels, mais il y a surtout un problème bien plus profond que cela auquel le gouvernement fait face présentement, ce sont ses problèmes économiques, les difficultés économiques qu'il s'est créées lui-même. Il se dit que la meilleure façon de faire cela, c'est de tout contrôler. C'est la solution du désespoir, en mettant de côté tout le respect qu'on devrait avoir pour ce qui a été accompli dans le réseau. Il y a des défaillances dans le réseau, M. le ministre. Je ne veux pas vous faire un discours de deuxième lecture. C'est votre inconscience.

M. Johnson (Anjou): Je prends des notes.

Mme Lavoie-Roux: Vous prenez des notes. Il paraît qu'il prend des notes, cela peut aider à modifier des choses. Je vais continuer. Je ne suis pas sûre parce qu'il a parlé tout à l'heure de la démocratie. On va voir si cela joue, l'Opposition, dans la démocratie. Je me demande parfois si la démocratie ne se joue pas seulement tous les quatre ans, au moment où l'électeur va...

M. Rochefort: ... oui, entre autres.

Mme Lavoie-Roux: ... où l'électeur va. C'est cela.

M. Rochefort: Le 13 avril, cela a joué aussi.

Mme Lavoie-Roux: Cela joue uniquement dans ce sens. Je ne conteste pas votre légitimité, ni votre légalité, ni tous les titres que vous voulez vous donner qui sont fort légitimes. Ce que je dis, c'est que si notre démocratie ne s'exerce que de cette façon, tout ce qu'on fait ici, tout ce que l'Opposition fait, cela devient assez factice et assez inquiétant au point de vue de la démocratie elle-même. On a ici de part et d'autre, tant de la part de nos invités que de la part de l'autre côté de la Chambre, tenté de comprendre les représentations que les gens venaient nous faire ici. J'ai pu croire aussi que le ministre le faisait, et peut-être l'a-t-il fait, mais à moins qu'il ait un dessein - j'en connais dans le cabinet, des ministres qui ont des lignes directes ou des genres d'obsessions, j'en ai vécu...

M. Johnson (Anjou): ... obsédée?

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est pour cela que j'ai pris soin de dire que j'en connaissais, je n'ai pas dit que c'était vous. J'ai bien pris soin de dire cela. C'est très difficile de les faire dévier. Je m'excuse auprès de nos invités parce que ce n'est vraiment pas le lieu pour dire ce que je viens de dire. Je pense qu'ils ont tout à fait raison quand ils disent que dans ce projet de loi, il y a deux éléments principaux ou deux parties importantes: une qui touche le problème de la négociation, et l'autre qui touche la remise en question de la philosophie qui a présidé à l'organisation de notre système de santé et de services sociaux. À cet égard, quand ils vous font une recommandation de dire qu'il y aurait peut-être lieu de voir à une meilleure concertation avant de procéder à la deuxième étape, je pense qu'ils ont le droit de l'exprimer, pas parce qu'elle va dans le sens de ce que je pense, mais je crois que c'est fondé. Je dirai le reste en deuxième lecture, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Très bien, Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre fait aussi des commentaires dans ses moments.

M. Johnson (Anjou): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Alors, nous ne sommes que deux et ils sont cinq ou six de l'autre côté.

M. Rochefort: Vous viendrez nous voir.

Mme Lavoie-Roux: Non, je vous vois toujours et je vous écoute aussi quand vous parlez.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée, avez-vous des questions à poser à nos invités?

Mme Lavoie-Roux: Oui, je veux continuer. Je suis heureuse de vous voir ramener la notion de centre de réadaptation fonctionnelle. Je l'ai mentionné cet après-midi à un autre groupe. Il semblerait qu'un certain nombre de groupes sont à faire une étude pour justement creuser davantage le bien-fondé de cette notion, ce qu'elle recouvre, ce qu'elle donnerait comme services. Elle n'a jamais été utilisée depuis que la loi 10 a été adoptée - vous étiez peut-être ici cet après-midi. Avant de la faire sauter, elle recouvrait quand même une philosophie qui tentait de donner un sens plus dynamique à ces centres où se fait de la réadaptation dans un cadre plus défini ou plus limité dans le temps. Je pense que les personnes handicapées elles-mêmes étaient fort conscientes de cela et avaient déjà fait des représentations à la suite de l'adoption de la loi 10. C'est peut-être bon de l'examiner plus avant. Je ne dis pas qu'il ne faille pas éventuellement l'enlever, si cela ne correspond à rien, mais en tout cas, c'est un point. (22 h 15)

En page 26, vous faites des recommandations dans lesquelles vous dites que la notion de budget global à l'intention des établissements devrait être préservée, que l'utilisation des revenus autogénérés par les établissements devrait être encadrée par des règles incitatives et de partage. Peut-être que cela m'a échappé; moi non plus, je n'ai pas lu ma loi complètement ou je ne l'ai pas saisie complètement. Est-ce que, selon vous, ces deux recommandations que vous faites disparaissent en fonction de la loi, la notion de budget global par institution...

M. Johnson (Anjou): Bien oui, c'est budgétaire.

Mme Lavoie-Roux: ...et l'autre de revenus générés? Ce sont quand même deux notions importantes dans le fonctionnement autonome d'institutions. Oui, c'est budgétaire, mais je voudrais quand même qu'ils me le disent. S'ils en font une recommandation, ils ont dû penser que cela pouvait partir.

M. Cloutier: Certains gestionnaires de l'établissement s'inquiètent un peu du pouvoir du ministre qui existait déjà - mais, il nous semblait mieux encadré précédemment - du fait qu'il puisse commander au besoin telle ou telle formule, sortir de l'enveloppe budgétaire globale telle ou telle partie. Par exemple, on dit que le ministre, à un article

- cela va me revenir - peut déterminer qui sont les responsables des départements, des services, quelles sont les activités qui seront faites dans ces services. Autrement dit, le plan d'organisation dans son plus...

Mme Lavoie-Roux: C'est l'article 94, je pense, n'est-ce pas?

M. Cloutier: ... fin détail peut être assujetti à un regard du ministre qui existait auparavant, mais sur demande. On ajoute quelques éléments dans la nouvelle proposition, ce qui pourrait nous amener... C'est l'inquiétude des gestionnaires qu'on tente de représenter, des conseils d'administration, de dire: Cela peut aller à la limite, à l'abolition du budget global et à faire du budget détaillé. Je pense que ce que les gens veulent qu'on vous traduise, c'est que la notion du budget global en soi est un élément fort intéressant comme outil de gestion et ils désirent la conserver. C'est plutôt dans cet esprit que cette chose vous est soumise.

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi.

M. Cloutier: Pour ce qui est des revenus, qui était l'autre volet de la question de Mme Lavoie-Roux, l'endroit que je vous signale, c'est l'article 94v: que l'utilisation des revenus par l'établissement soit la part de ces revenus qui doit être retournée au ministre, utilisée aux fins que celui-ci prévoit, défalquée des dépenses ou versée au conseil régional concerné. Ce qu'on vous suggère - on devrait, je pense, réfléchir et ce n'est pas la première fois que l'Association des centres d'accueil vous suggère ce genre d'approche par rapport aux revenus de l'établissement - c'est qu'il y ait des incitatifs pour les établissements à s'embarquer dans ces processus de générer des revenus.

Je peux vous citer un cas à Montréal. Durant les Olympiades de 1976, un bonhomme dont l'établissement était vide durant l'été et dont les enfants sont en colonie de vacances avec les éducateurs, etc., a fait vraiment des efforts majeurs pour que, durant la période des Olympiades, on puisse recevoir des invités de l'extérieur. À la fin de l'année, en septembre, le ministère des Affaires sociales a pris les revenus de l'établissement et les a mis au budget de fonctionnement. Vous allez me dire: II a fait "sa job" comme il devait la faire. Probablement. S'il y avait eu un incitatif à l'établissement, par exemple, 5%, 10% de revenus qui auraient pu être utilisés sans générer d'autres dépenses, cela aurait peut-être été intéressant pour le gestionnaire qui se serait embarqué dans une opération comme celle-là et d'autres auraient fait pareil sous d'autres angles, etc. C'est l'esprit qu'on vous propose, en tout cas, derrière cette chose-là.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que, là-dessus, M. le Président, cela ne demande pas des réformes en profondeur. Je pense que c'est au plan des règles budgétaires. Je pense qu'il y a là des choses constructives, parce que, si on veut que les gens utilisent leur initiative, soient responsables, soient un peu créateurs dans la mesure où ce n'est pas toujours en argent qu'on est nécessairement créateur, il reste qu'il faut de ces incitations et, si on enlève toute incitation au réseau, si le réseau n'en a vraiment pas - cela vaut pour n'importe quel type d'entreprise - je pense que vous enlevez tout facteur de créativité ou toute motivation. Je pense que ce sont des recommandations intéressantes.

À la page 22, vous dites: "Pourquoi fait-il du ministre un gestionnaire, etc., en lui confiant, par le biais de la réglementation, la détermination des barèmes et normes pour la sélection, la nomination, la rémunération du personnel allant jusqu'au troisième palier de l'organigramme, soit celui des cadres intermédiaires"?

D'abord, n'existe-t-il pas déjà des barèmes, des échelles salariales pour chaque catégorie d'employés ou de travailleurs?

M. Cloutier: II y a effectivement là ce qu'on appelle, dans le jargon du réseau, les manuels de conditions de travail des cadres. Il y en a un adressé aux cadres supérieurs et un autre adressé aux cadres intermédiaires. L'Association des centres d'accueil, d'ailleurs, en termes de consultation avec les officiers du ministère des Affaires sociales, a rencontré et convenu de ces contenus, des conditions de travail en question, avec l'ACIAS dont M. le ministre parlait tantôt. Je pense que pour ce bout-là, ça va.

On peut aussi vous dire qu'il est peut-être arrivé, une fois ou deux et peut-être qu'on pourrait en trouver trois, des places où on a eu un peu de difficulté d'application. Ça, je pense que ça peut arriver. De là à se donner un outil qui soit complètement, disons, inséré dans les pouvoirs du ministre, il me semble que, en tout cas, de la part de nos gestionnaires... On dit que ce n'est pas à cause de deux cas d'exception qu'il faut tout remettre en question. C'est dans ce sens qu'on vous suggère de laisser ce minimum de pouvoirs aux conseils d'administration et aux directeurs généraux d'établissements.

M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est assez important parce que ça préoccupe au plus haut point les gens qui sont essentiels au fonctionnement du réseau que sont les cadres. C'est vrai qu'il y a en ce moment ce qu'on appelle un répertoire des conditions de travail mais qui n'a pas de base juridique; ce qu'on vise, c'est lui donner des bases

juridiques.

Par ailleurs, on veut aussi donner des bases juridiques pour établir certaines interventions du ministère dans des cas d'abus flagrants. Par exemple, il y a un centre hospitalier, qui est connu, qui a déjà offert une prime de 15 000 $, une allocation mensuelle de 250 $ en plus, un salaire réel qui dépassait de 13 000 $ l'échelle de l'annexe B. Un autre centre hospitalier a payé des congés de maladie pour 72 000 $ à ses cadres et cinq semaines de vacances pour autre chose; un CLSC a donné 30 jours de vacances par année; un autre des primes non imposables. Il y a certains établissements qui ne veulent pas appliquer le mécanisme d'appel. Je pense qu'il faut aussi que les cadres aient une certaine protection. Le gouvernement, au niveau de ses fonctionnaires, tente de leur donner, faute de syndicalisation, ce qui pose un gros problème, on le sait, la syndicalisation des cadres... On sait que c'est revendiqué par beaucoup de cadres du réseau, mais que, sur le plan juridique, ce n'est pas facile. On essaie, dans la société, d'établir une espèce d'équilibre pour être sûr que, dans la mesure du possible, ils ne soient pas soumis au plus pur arbitraire. Alors, on veut donner une assise juridique, notamment, au mécanisme qui permettrait à un cadre d'en appeler, par exemple, d'une décision qu'il considérerait comme injuste à son égard.

Dans le fond, ça dépend comment on le voit et j'ai l'impression que c'est vrai pour la plupart des lois qui touchent au pouvoir réglementaire. Encore une fois, si on regarde ça précisément, si on veut baliser et qu'on veuille des exemples, je pense qu'on peut toujours en donner. Je comprends votre préoccupation mais je pense que vous devez voir aussi notre intention.

Mme Lavoie-Roux: On pourra en discuter en commission parlementaire. Je pense que c'est vrai qu'il y a des abus qui peuvent se glisser, mais il doit quand même y avoir des vérificateurs qui font au moins une vérification responsable.

Une voix: Ils y ont droit.

M. Johnson (Anjou): C'est ça. Le problème qui se pose à cet égard, c'est que, sans prétendre "normer" complètement les conditions de travail des cadres pour laisser cette espèce de jeu à l'appréciation du conseil d'administration qui peut valoriser un bon travail par différentes choses, il ne faut pas oublier que ce sont les fonds publics. Ce ne sont pas des magasins ni des dépanneurs, les hôpitaux et les centres d'accueil, ça fonctionne avec l'argent des taxes de tout le monde. Je ne prétends pas que les abus que j'ai cités... on en a quelques pages, il n'y a pas seulement trois ou quatre cas. C'est généralisé, mais est-ce qu'il ne faudrait pas se donner quelques instruments pour empêcher que ça ne déborde à certains endroits? Il y en a même qui prétendent qu'une couple de cadres dans le réseau ont des salaires qui rendraient certains médecins envieux, puisque les gens parlent beaucoup des médecins de ces temps-ci. Encore une fois, c'est de trouver cet équilibre sans prétendre tuer l'initiative locale nécessaire et la marge de manoeuvre nécessaire, mais aussi, pour des raisons positives comme des raisons de contrôle, c'est se donner quelques instruments qu'on a dans le répertoire, mais qui n'ont pas d'assise juridique dans bien des cas.

Le Président (M. Bordeleau): Je pense que M. Doucet a quelque chose à ajouter.

M. Doucet: Peut-être en boutade M. le ministre, vous ne trouverez peut-être pas cela dans le réseau des centres d'accueil, mais je pense que, lorsqu'on discute de chacun des articles de la loi, on comprend davantage que - vous l'avez, d'ailleurs, très bien exprimé - vous n'avez pas voulu faire une réforme en profondeur. C'est peut-être au niveau de l'attente qu'on avait dans les centres d'accueil, qu'on avait en 1979 lorsqu'on a déposé notre mémoire et qu'on avait encore au début de l'automne, parce qu'on s'attendait qu'il y aurait un remaniement et on s'était annoncé pour faire des recommandations, discuter davantage, que se situe notre niveau d'incompréhension dans la rapidité, dans le peu de temps qu'on a eu pour échanger là-dessus, et cette rapidité-là nous a fait peur un peu.

Maintenant, on est quand même heureux, M. le Président, de voir que le ministre des Affaires sociales, en tout cas, semble accepter positivement plusieurs recommandations, particulièrement celles qui touchent nos bénéficiaires parce que c'est un point qui nous tient vraiment à coeur. On voulait que le comité de bénéficiaires ait une conception un peu élargie, qu'il participe davantage à la gestion de nos établissements. Je pense qu'on est très satisfait de voir que quelques propositions comme celles-là sont acceptées. On n'est pas satisfait, on reste sur notre appétit; on va revenir et on va demander une réforme plus en profondeur. M. le ministre nous indiquait tout à l'heure qu'il s'agissait de quelque chose d'assez urgent et qu'il fallait une petite "réformette", qu'il fallait faire rapidement quelques ajustements - je pense que c'est le mot qui a été utilisé - à la loi et on a précisé bien clairement, -en tout cas, c'est de même que je l'ai perçu - qu'il ne s'agissait pas d'une réforme en profondeur, alors que notre mémoire réagit, demande jusqu'à un certain point une réforme plus en profondeur.

C'est peut-être là-dessus que, sur

plusieurs aspects, on a un certain niveau d'incompréhension parce qu'on aurait pu aborder dans une réforme en profondeur la notion de participation des réseaux, de motivation. Je crois que vous êtes dur lorsque vous dites que le réseau des centres d'accueil est un peu fermé sur lui-même; vous avez employé le mot "atomisé" quelque chose comme cela. Alors, à ce niveau-là, c'est une perception qu'on a de la volonté des gens de vraiment participer à la gestion publique. Vous avez relié cela à la gestion financière, à la responsabilité financière de l'État. Cette responsabilité-là, nous, dans une réforme en profondeur, on aurait essayé de démontrer qu'elle est bien servie, qu'elle est peut-être mieux servie par la responsabilisation des gens, en faisant confiance aux gens, en leur donnant des mandats plus clairs, des objectifs plus clairs, certainement, des balises; bien sûr qu'on le reconnaît. Vous avez soulevé quelques exceptions, on est d'accord avec vous sur les exceptions, mais est-ce qu'on y gagne pour corriger ces quelques exceptions? Nous, ce qu'on craignait là-dedans, c'est de démotiver le reste du monde.

On vous l'a dit tout à l'heure, et je pense que vos sous-ministres vont vous le confirmer, le réseau des centres d'accueil cette année va avoir appliqué intégralement le plan de compressions budgétaires, et c'est la responsabilité des administrateurs qui permet d'atteindre ça. Dans les articles qu'on vous a soulevés tout à l'heure, selon la réaction qu'on a obtenue de notre réseau, en peu de temps, bien sûr, - on n'a pas eu le temps de se parler bien gros pour se comprendre et c'est ça qu'on vous reproche au départ, mais vous avez vos raisons qu'on ne comprend peut-être pas - on a une crainte que le réseau, s'il est trop réglementé, si les pouvoirs sont trop centralisés, puisse perdre de son efficacité, parce que la personne humaine à la base de cela, c'est elle qui permet de la faire, l'économie, c'est elle qui permet de le donner, le service de qualité, c'est elle qui permet de contrôler le service, de contrôler sa qualité, qui humanise ce service-là. Mais, bien sûr, avec des exceptions, si on ne le réglemente pas comme c'est actuellement; il y a des exceptions, il y a des gens qui en abusent, il y a des gens qui sont peut-être moins responsables que d'autres ou il y a des gens à qui on n'a peut-être pas fait comprendre suffisamment les objectifs du réseau. Il y aurait un gros travail. (22 h 30)

On a parlé des fusions tout à l'heure. Il se fait actuellement des fusions, il y en a qui accrochent, on en sait quelque chose; il y en a qui accrochent, mais ça prend un petit peu plus de temps, sauf qu'il s'en fait. Il y en a plusieurs d'annoncées et, par une meilleure sensibilisation, si on connaissait davantage le contexte de ça... C'est ce qu'on a demandé d'ailleurs. On a dit: Dites-nous le contexte et on va même participer à sensibiliser nos établissements à ça. Et il va s'en faire, volontairement, par la compréhension.

On avait peur. C'est ça qu'on vous a exprimé, peut-être un peu d'une façon amère, parce qu'on n'a pas eu le temps, comme je vous disais, de mûrir, de laisser vieillir, de nuancer nos arguments; on l'a fait aussi rapidement, dans le contexte qu'on vous a souligné. Mais c'est cette crainte et on espère, du moins, que ça va éveiller un nouveau regard sur le projet de loi. Peut-être que, dans une réforme en profondeur, on pourra réexaminer les objectifs de fond. Je pense que là, c'est ça qu'il faudrait toucher. C'est pour ça qu'on disait: Pourquoi ce n'est pas possible de passer les choses qui doivent être passées rapidement, les points importants dont vous avez besoin tout de suite, de reprendre les points comportant plus de réforme en profondeur au printemps et de dialoguer: comités conjoints, tous les mécanismes qui sont en place, pour cheminer là-dedans. C'était une de nos recommandations, elle n'a pas semblé retenue.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Merci, M. Doucet. D'autres questions, Mme la députée de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Je suis un peu étonnée par les propos de M. Doucet. Vous êtes venu nous dire que vous étiez extrêmement inquiet parce qu'on changeait les règles du jeu dans le réseau, et là, vous nous dites: Ce n'est plus une réforme en profondeur que vous faites. Vous imaginez-vous qu'une fois que ça va être centralisé de la façon que c'est centralisé, vous allez pouvoir, dans un deuxième temps, le décentraliser? C'est ça, le fond du problème.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je peux me permettre...

Le Président (M. Bordeleau): Je vous rappelle que...

M. Johnson (Anjou): ... je pense que la question avait quelque chose de rhétorique.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous rappelle que l'heure file...

Mme Lavoie-Roux: Non, je me demandais s'il allait réagir, mais il n'est pas obligé non plus. Ça m'a l'air que le ministre va réagir, lui.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre...

M. Johnson (Anjou): Peut-être, en terminant...

Le Président (M. Bordeleau): ... un petit commentaire avant la fin.

M. Johnson (Anjou): ... je voudrais tout simplement assurer les représentants de l'ACQ qui joue un rôle extrêmement important dans le réseau et qui a une vie régionale extrêmement importante également, contrairement à certaines autres associations... Je voudrais les remercier encore une fois. Je ne peux pas les rendre responsables des circonstances qui les ont amenés ici et peut-être du cheminement du ministère depuis quelques années. Peut-être qu'il y a eu une accélération dans ce cheminement depuis quatre ou cinq mois, pour un tas de raisons sur lesquelles, j'en suis sûr, j'aurai l'occasion de revenir en deuxième lecture. Je veux simplement les assurer que je ne les rends pas responsables de ce contexte. C'est bien entendu. Mes remarques ne voulaient pas être autre chose qu'une réaction tout à fait spontanée et absolument respectueuse du travail qui est fait à l'association. Je vous remercie infiniment, messieurs.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Doucet. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier les membres de l'Association des centres d'accueil et leur dire que, de toute façon, moi, je retiens les messages qui sont dans le mémoire. Nous essaierons que le ministre puisse en tenir compte dans l'étude article par article, après la deuxième lecture. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, madame; merci, messieurs.

J'appelle maintenant le groupe suivant, la Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec. Je demande à ses représentants de s'approcher de la table. Le porte-parole est M. Laliberté.

M. Laliberté (Pierre): M. le Président, avant que mon collègue présente...

Le Président (M. Bordeleau): Peut-être qu'on pourrait attendre une minute ou deux, pour laisser le temps aux gens de prendre leur place.

(Suspension de la séance à 22 h 35)

(Reprise de la séance à 22 h 38)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, on s'excuse messieurs de vous avoir fait attendre quelques minutes.

M. Laliberté: M. le Président, comme je le disais, avant que mon collègue procède à la présentation du...

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous voulez d'abord vous présenter et présenter l'autre personne?

Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec

M. Boucher (Jean-Pierre): Oui, c'est ce que je vais faire, si vous me laissez le temps, M. le Président.

Avant que mon collègue ne procède à la lecture du mémoire de la Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec et, tout en présentant les membres de notre importante et imposante délégation, j'aimerais corriger des allégations qui sont inscrites à l'ordre du jour soit à la position no 6. Il s'agit bien de la Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec, on y indique Pierre Laliberté et moi-même, président de Québec. Je ne suis pas président du regroupement des étudiants en médecine de Laval, mais bien membre du conseil d'administration et mandaté par le conseil d'administration et une assemblée générale spéciale aux fins de prendre position au sein de la Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec sur le projet de loi no 27.

Il en est de même de mon collègue, Pierre Laliberté qui est président de la promotion 1981-1982 à l'Université de Montréal. Or, nous sommes tous deux dûment mandatés par la Fédération des associations des étudiants.

Dans un deuxième temps, je voudrais peut-être essayer d'enlever le fait que pendant un bout de temps, il y a eu des interrogations à savoir si c'était les étudiants de Laval qui présentaient le mémoire ou la fédération. Dans le premier temps, on avait communiqué avec nous et Laval avait répondu positivement mais par la suite, la fédération a eu le temps en toute dernière minute de prendre une position qu'on considère comme nationale et représentant les quatre universités, de sorte que c'est bel et bien la fédération qui se présente ici ce soir.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord.

M. Boucher (Jean-Pierre): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les membres de la commission.

La Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec est heureuse de vous présenter, aujourd'hui, le présent mémoire sur les dispositions du projet de loi no 27: Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le domaine de la santé.

Les étudiants en médecine sont reconnaissants de l'occasion qui leur est donnée d'exprimer leurs critiques et recommandations sur un projet qui modifiera sensiblement la pratique médicale.

Nous demeurons convaincus que la commission parlementaire accordera à nos propos toute l'attention qu'ils méritent, espérant que notre démarche soit perçue de façon positive.

La Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec, FAEMQ, a été incorporée en 1975 et regroupe les associations étudiantes suivantes: Association des étudiants en médecine de l'Université de Montréal AEMUM, Association générale des étudiants en médecine de l'Université de Sherbrooke, McGill Medical Students Society et le Regroupement des étudiants en médecine de l'Université Laval.

La fédération est reconnue comme le seul organisme officiel, représentant les intérêts des quatres associations ci-haut mentionnées. Elle constitue le porte-parole de l'ensemble des 3000 étudiants en médecine du niveau prégradué au Québec. Ces étudiants forment un ensemble distinct des fédérations professionnelles, y compris de la FMRIQ qui représente les résidents et internes et à ce titre offre un éclairage original en rapport avec l'étude des différents dossiers qui concernent le monde médical.

La FAEMQ regroupe donc les médecins de demain. Ceux-là mêmes qui auront à vivre en harmonie avec le système de santé que la présente loi 27 est à modifier. Ce sont ces futurs médecins, sur lesquels on compte entre-autres, pour combler les déficits des zones de pénurie. Les dispositions de la loi 27 touchent directement le futur praticien. On ne peut de toute évidence, ignorer les étudiants prégradués dans ce débat.

Au fin de la rédaction du présent mémoire, et malgré le peu de temps à notre disposition, un processus d'information et de consultation fut rapidement institué au sein des structures de la FAEMQ. Les assemblées générales d'étudiants eurent lieu à Montréal, Québec et Sherbrooke. Les conseils d'administration des différentes associations membres se sont réunis, le tout ayant permis d'élaborer une position représentative, telle qu'exprimée clairement et directement par la majorité des étudiants prégradués.

La critique du projet de loi 27 contenue dans le présent mémoire demeure fragmentaire. Il nous apparaissait utopique de prétendre apporter une critique exhaustive de l'ensemble du projet de loi, compte tenu du peu de temps à notre disposition. La critique étudiante, volontairement orientée sur l'article no 4 du projet de loi, se veut par ailleurs détachée de toute orientation politique et de toute défense exclusivement égoïste des "droits" du médecin.

Nos objectifs sont les mêmes que ceux véhiculés par le projet de loi 27, et repris, assurément, par les membres de cette commission, soit l'amélioration de la qualité et de la quantité des services de santé offerts à la population, le tout devant se faire dans le respect des libertés et des droits de tous les intervenants.

La présentation du projet de loi 27, une démarche déplorable. Il n'est un secret pour personne ici, que, depuis plus de six mois, les médecins omnipraticiens du Québec sont sans contrat de travail. Depuis déjà plusieurs mois les deux partis en cause dans ce renouvellement d'entente, soit le gouvernement et la FMOQ, jouent de tactique, bien légitime par ailleurs, afin de situer le cadre des négociations à leur avantage.

Par ailleurs un mouvement de mécontentement dans l'opinion publique s'est exprimé de plus en plus clairement dernièrement, vis-à-vis les conditions de travail jugées trop avantageuses de l'ensemble des employés de l'État. Les médecins n'échappent pas à cette critique. C'est donc dans un cadre de pseudonégociation, où il était d'avantage question de gros sous que de santé publique, que le projet de loi 27 fut déposé, Était-il à l'avantage du gouvernement de continuer à entretenir l'ambiguïté dans l'esprit de tous, ambiguïté issue de la coexistence d'un renouvellement d'entente, et d'un projet de loi portant en partie sur les cadres de cette entente. On serait porté à le croire lorsque l'on consulte les communiqués de presse gouvernementaux, ayant accompagné la présentation du projet de loi. On y mélange allègrement projet d'entente et projet de loi. Était-il à l'avantage des fédérations professionnelles que d'entretenir la même ambiguïté. Encore ici les démonstrations de "force" des professionnels, déjà prévues dans le cadre du renouvellement d'entente mais réorientées en dernière minute vers l'opposition au projet de loi 27 entretiennent la confusion.

La population demeure polarisée mais surtout fort mal informée de l'enjeu réel du présent débat. En effet, les étudiants déplorent l'atmosphère de tactique de "négociation" qui accompagne la présentation d'un projet de loi, devant porter exclusivement sur le mieux être de notre système de santé et conséquemment sur une amélioration de la santé publique. La coïncidence brouille le débat et fausse la relation.

Par ailleurs, il est un principe en démocratie qui veut que l'atteinte d'un objectif, devant être commun, passe par la consultation et la concertation. Ainsi on s'assure de la prise en considération des différentes facettes complémentaires d'un

même problème.

Grâce à l'expertise de chacun, on est plus en mesure de se rapprocher des meilleurs moyens à être utilisés pour répondre aux objectifs communs. De plus, on s'assure de l'appui, souvent indispensable, des différents niveaux d'interventions, pour l'application de ces mesures. (22 h 45)

Le projet de loi no 27 fut élaboré dans le plus grand secret et ce, à l'encontre du principe de consultation ci-haut mentionné. Face particulièrement aux problèmes des zones de pénurie, il nous apparaît inconcevable que les futurs professionnels qui auront à combler le déficit aient été exclus de l'étude des moyens envisagés pour résoudre le problème, car finalement, ce sont eux qui vont résoudre ce problème. Ce projet de loi aurait au moins pu être précédé d'un livre blanc.

Finalement, malgré la présence de cette commission et l'opportunité qui nous est donnée de faire connaître notre position, vous comprendrez que les quelques jours laissés à la disposition des étudiants afin de prendre connaissance de l'ensemble du projet, d'en analyser les conséquences et d'articuler les positions concertées de l'ensemble de nos 3000 membres furent grandement insuffisants. Sans l'expertise plus exhaustive des étudiants sur ce projet de loi, on se prive encore ici d'un élément essentiel à la discussion.

En conséquence, étant donné, premièrement, le manque de consultation préalable effectué par les concepteurs du projet auprès des étudiants, étant donné le manque de temps laissé pour l'élaboration d'une critique plus exhaustive du projet de loi, étant donné l'ambiguïté engendrée par la présentation de ce projet de loi dans un contexte de renouvellement d'un contrat de travail, la FAEMQ dénonce avec vigueur la démarche accélérée soutenant la présentation et éventuellement l'adoption du projet de loi 27, et conséquemment s'oppose fortement à cette démarche.

Loi 27, article 4. Si, dans le passé, les lois, règlements ou ententes en matière de santé n'impliquaient pas directement les étudiants en médecine, il en va autrement du projet de loi 27, tel que rédigé sous sa forme actuelle. Second et quatrième alinéas. Un des buts visés par la loi est d'en arriver à une meilleure répartition des effectifs médicaux à travers la province. À cet effet, l'article 4 modifiant le second alinéa de l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie établit que pour les professionnels de la santé déjà en exercice, une entente à intervenir pourra prévoir une rémunération différente. Cette rémunération différente sera applicable a ceux qui exerceront la profession dans des territoires estimés par le ministre comme étant insuffisamment pourvus en effectifs. On peut noter immédiatement que c'est le ministre qui détermine le territoire et que ce n'est que la différence de rémunération qui est soumise à la négociation. La seule limite au pouvoir d'estimation du ministre est celle qui est stipulée au quatrième alinéa du même article et constituée par la consultation préalable des organismes représentatifs.

On peut donc imaginer qu'une entente surviendra à l'effet d'améliorer la rémunération des professionnels exerçant dans les régions désignées par le ministre après consultation.

Dans l'ensemble des mesures possibles pour en arriver à une amélioration des services en zone périphérique, les alinéas 2 et 4 constituent une mesure incitative en ce qu'ils auront pour effet de créer des avantages à pratiquer la médecine dans une zone désignée, avantages dont les médecins intéressés à une telle pratique pourront se prévaloir ou non.

La loi pose donc qu'en principe une mesure incitative sera de nature à améliorer les contingents de médecins dans les régions mal desservies.

Troisième alinéa. L'alinéa qui concerne plus précisément les étudiants en médecine est libellé d'une façon et sous une forme totalement différentes.

En effet, à la lecture du troisième alinéa, on peut comprendre qu'il s'agit d'une rémunération inférieure à celle des praticiens déjà établis et ce, en fonction du territoire où les nouveaux diplômés exerceront leur profession.

En ce qui concerne le libellé de l'alinéa 3, de ce qui deviendrait le nouvel article 19, nous tenons à porter à l'attention des membres de la commission les remarques suivantes: La rémunération différente est partie de l'entente négociable avec les professionnels de la santé. À aucun endroit, il n'est fait mention d'une consultation préalable auprès de ceux qui sont appelés à vivre l'entente qui interviendra, soit les étudiants en médecine exclusivement. L'alinéa 3 contrairement à l'alinéa 2 ci-haut exposé ne fait aucune référence à un critère d'insuffisance d'effectif dans la détermination du territoire.

Dans le débat engagé depuis quelques semaines, il a été souvent mentionné que le besoin de services médicaux en périphérie justifiait les mesures envisagées vis-à-vis des futurs praticiens. Il est curieux que l'alinéa 3, bien qu'inséré entre Jeux alinéas qui traitent du manque d'effectif, ne contienne aucune référence au principe le justifiant. Qu'adviendra-t-il du troisième alinéa quand le but visé par le ministère de desservir adéquatement les régions éloignées sera atteint? Quels sont les véritables buts visés par l'alinéa 3?

L'alinéa 3 ne fait aucune mention d'une limite inférieure applicable à l'entente, ni en

temps, ni au niveau de la rémunération. En effet, la seule limite qui existe est celle de trois années, mais elle est contenue dans l'alinéa qui traite de la possibilité d'un décret pour tenir lieu d'entente.

Le même alinéa laisse la possibilité de la création d'un ou de plusieurs territoires qui ne soient pas nécessairement en corrélation avec ceux établis en vertu des alinéas 2 et 4.

L'interprétation large du troisième alinéa pourrait laisser place à la création de plusieurs territoires et conséquemment, non pas d'une, mais de plusieurs rémunérations différentes.

On peut donc conclure que les mesures appliquées aux nouveaux praticiens sont de nature restrictive. De plus, rien dans le projet ne garantit que les mesures incitatives dont nous avons discuté en traitant du second alinéa seront aussi applicables aux jeunes praticiens qui voudront bien aller exercer dans les territoires visés par l'arrêté du quatrième alinéa.

Comme nous l'avons déjà exposé, les mesures contenues dans le projet de loi 27 ont grandement surpris l'ensemble des étudiants. Tout en partageant les objectifs visés par le projet de loi en ce qui concerne la nécessité d'une amélioration des services en zone périphérique, la FAEMQ s'oppose au caractère discriminatoire des dispositions à l'étude. Les étudiants considèrent, à juste titre, que la nature même du contrat intervenant entre le praticien et le bénéficiaire de même que la responsabilité qui en découle sont équivalentes, que ce soit pour les anciens médecins ou les médecins qui en sont à leurs premières années de pratique.

En ce qui concerne le sérieux problème de la répartition des effectifs médicaux, la FAEMQ déplore qu'aucun moyen autre que le système de bourse d'éloignement n'a été expérimenté jusqu'à maintenant. De plus, les bourses de la RAMQ ont constamment été dénoncées par les étudiants en médecine comme ne répondant pas aux objectifs visés. Aucun effort n'a été déployé du côté de l'information, des attraits ou de la mise en valeur du milieu où les nouveaux diplômés auraient à s'établir.

Alinéa 5. Le cinquième alinéa est très explicite - toujours à l'article 4. Il établit le pouvoir qu'a le gouvernement d'imposer un décret, à défaut d'entente, sur la rémunération à être appliquée à une catégorie précise de professionnels de la santé, soit les médecins qui en sont à leurs premières années de pratique. La seule restriction à poser au pouvoir de décret est la limite à trois années de pratique; aucune limite n'a été établie quant au territoire, pas même une consultation préalable auprès des étudiants n'a été envisagée.

La FAEMQ porte à l'attention des membres de la commission que dans toutes les innovations et changements de principe apportés par ce qui deviendrait le nouvel article 19, seuls les alinéas 3 et 5 ne s'appliquent pas aux professionnels de la santé en général, mais bien aux seuls médecins qui débutent en pratique.

Nous considérons que le pouvoir de décret à telles fins constitue une brèche dans ce qui est fondamentalement du domaine de la négociation et de la bonne entente entre les parties également responsables du mieux-être des soins de santé au Québec. Ces alinéas 3 et 5 créent une nouvelle classe de jeunes médecins distincts de leurs aînés, ayant des droits et libertés fondamentales fortement amputés au plan de la négociation et des conditions d'exercice, et ce, sans que nous puissions déterminer le motif réel justifiant ces dispositions.

Articles 31 et 109. Outre les considérations déjà exposées, les étudiants tiennent à faire connaître aux membres de la commission leurs convictions dans les valeurs d'un sain exercice du droit syndical et leur opposition en ce sens aux articles 31 et 109 du projet de loi 27, de même qu'à certaines dispositions contenues à l'article 4, lesdits articles établissant la préséance de la loi sur les ententes intervenues.

Conclusion. Pour les motifs exposés au présent mémoire, la FAEMQ soumet aux membres de la commission ses recommandations: que le projet de loi 27, 1°, ne soit pas adopté immédiatement et ce, aux fins de permettre une étude plus approfondie des différentes conséquences rattachées aux mesures touchant les étudiants; 2 , ne contienne aucune disposition discriminatoire à l'égard des nouveaux praticiens et qu'en conséquence les alinéas 3 et 5 de l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie soient retirés du projet de loi 27; 3°, établisse, à tout le moins, un mécanisme de consultation sérieux et démocratique auprès des intéressés; 4°, soit repensé après qu'un système incitatif, tel que suggéré aux présentes, ait été établi ou tout le moins qu'on ait rendu le régime des bourses de la RAMQ conforme aux objectifs visés; 5 , que le projet de loi 27 ne crée aucun pouvoir de la nature d'un décret se substituant à une entente et que l'alinéa 5 soit donc doublement retiré du texte final; 6 , ne contienne aucune disposition allant à l'encontre de l'exercice du droit d'association et de négociation.

Annexe 1, le problème de pénurie d'effectifs médicaux en zone éloignée: des éléments de solution. Je ne voudrais pas qu'on s'étende trop longtemps là-dessus, M. le ministre. C'est tout simplement pour vous montrer notre bonne foi et la coopération qu'on vous offre. On a déjà fait le survol de ce qu'on considère comme des éléments de solution relativement au problème de la

pénurie d'effectifs. Afin de garantir à l'ensemble de la population du Québec un minimum essentiel de ressources en effectifs médicaux, deux avenues s'offrent aux dirigeants: l'incitation ou la contrainte. Assurément, la première nous apparaît comme la plus efficace et la plus souhaitable des solutions.

Dans la mesure où des tentatives sérieuses de mise en place de moyens incitatifs véritables avaient, dans le passé, fait la preuve de leur inefficacité, nous devrions, à contrecoeur, nous tourner vers l'application de mesures contraignantes et ce, pour des impératifs de santé publique, dans les zones le justifiant; mais, tel n'est point le cas.

Jamais, au fil des ans, aucune mesure incitative n'a été mise en place pour résoudre le problème. Les étudiants ne furent sollicités d'aucune façon et rien, absolument rien n'a été appliqué pour "vendre le produit" aux futurs diplômés.

Toujours est-il que la situation ne trouve pas de solutions par elle-même, encore que le ratio médecin/population n'a cessé de croître partout au Québec au cours des dernières années et ce, contrairement à ce que laisse entendre souvent le gouvernement.

Cependant, le gouvernement affirme être maintenant justifié d'envisager l'application de mesures à tendances coercitives devant l'urgence de la situation.

Selon les étudiants prégradués, dans la mesure où l'article 4 modifiant l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie, alinéas 3 et 5, vise réellement et exclusivement à régler le problème des zones de pénurie, le législateur fait erreur.

Une approche cohérente de tout problème suppose la connaissance des buts fixés. Dans le cas présent, il ne s'agit pas uniquement d'amener les médecins à pratiquer leur profession en zones de pénurie selon un schème de néo-colonialisme, mais bien d'amener une pleine intégration sociale et culturelle du médecin dans son milieu de pratique. Cette intégration volontaire et recherchée est seule garante de la participation globale et continue du médecin vis-à-vis de la santé de "sa" population.

Pour ce faire, l'incitatif financier n'est pas la solution. Bien sûr, dans les cas d'urgence réelle il peut constituer le seul élément d'incitation. Mais, dans ces situations, il s'agit davantage d'éteindre des feux que de construire à long terme. Par ailleurs, si l'incitatif financier n'est pas la solution privilégiée, il va de soi que le médecin qui pratique en zone éloignée ne devrait pas être pénalisé à ce chapitre vis-à-vis de son confrère des grands centres.

La pratique en zone éloignée doit être mise en valeur par les caractéristiques mêmes de cette pratique et du territoire et ne pas se fonder exclusivement sur la création d'incitatifs artificiels. Il s'agit donc avant tout de rendre public ce qui existe déjà, mais qui est inconnu ou mal connu.

Soit en premier lieu: 1. La mise en valeur des attraits culturels, sociaux et humains de la zone en question. 2. Faire percevoir l'incitation bien réelle que constitue le défi d'une pratique médicale en zone éloignée. 3. Encourager les étudiants prégradués à faire des stages d'apprentissage dans ces milieux. 4. Réorganiser le service des bourses d'éloignement en s'inspirant des précédents énoncés et également de l'application de ce service en Ontario.

Par ailleurs: 1. Faciliter l'intégration sociale et au travail du conjoint. 2. Aplanir les désavantages financiers découlant d'un style de pratique différent. 3. Faciliter les sessions d'enseignement médical continu et d'autres.

Les bourses d'éloignement. C'est succinct dans notre mémoire, M. le ministre, mais on a également des renseignements qui pourraient vous être donnés lors de la période des questions. Les membres de cette commission seront sûrement surpris d'apprendre que, dans le passé, les associations des étudiants en médecine ont souvent invité leurs membres à boycotter le système des bourses d'éloignement, en raison du peu d'avantages réels que constitue l'engagement à ce service et surtout en raison du manque de souplesse dudit régime. Des tentatives de correction furent tentées auprès des responsables du service, mais sans succès.

Encore ici, les étudiants ne demandent pas mieux que de contribuer avec les autorités compétentes afin de rendre sa pertinence au service des bourses d'éloignement.

Nous avons voulu par le présent mémoire et malgré le mangue de temps à notre disposition d'abord suggérer les correctifs nous apparaissant primordiaux au projet de loi 27. Dans un deuxième temps, c'est dans un esprit de franche coopération que nous offrons notre collaboration totale à tous ceux qui placent l'amélioration de la santé de la population en tête de leurs préoccupations, mais encore faudrait-il un peu plus de temps pour rendre cette coopération effective.

Le Président (M. Bordeleau): Pour les questions, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, monsieur. Une seule remarque, c'est un mémoire remarquable, fort bien présenté, excellemment articulé qui, à quelques nuances près, pose les vrais problèmes, les

vraies questions, devrais-je dire, plutôt que les vrais problèmes, mais évoque des solutions comme des notions d'alternative, ce qui n'empêche pas qu'il y a là-dedans des questions d'orientation qui restent fondamentales et sur lesquelles j'aimerais qu'on puisse parler un peu pendant quelques minutes. (23 heures)

Tout d'abord, je voudrais remercier tous ceux qui ont participé, je pense notamment à ceux qui sont en train d'étudier le signe de CREB? de ce temps-ci. Ce n'est jamais bien gai de faire autre chose que le signe de CREB, quand on voit les examens venir, surtout en sciences fondamentales. C'est d'ailleurs pour cela que les sociologues qui essaient de nous apprendre ce qu'est quoi la médecine préventive en première année ne parviennent jamais à nous le faire comprendre, parce qu'on pense à l'examen à choix multiples qui s'en vient. Néanmoins, que vous ayez fait ces efforts pour ramasser, comme vous l'avez fait, les données sur le contenu du projet de loi, je pense, mérite d'être souligné. Je ne parlerai pas des intentions, j'y reviendrai un peu plus loin.

L'article 19, sur le plan de sa facture juridique et des détails qui pourraient survenir, introduit essentiellement trois principes. Le premier principe, c'est que les territoires en pénurie, c'est une responsabilité gouvernementale de les désigner. Il faut toujours essayer de voir un projet de loi avec les principes et, après cela, on y colle les exceptions et les interprétations. C'est un principe fondamental qui est affirmé là. Le deuxième principe fondamental, c'est qu'entre les territoires il y a un tarif différentiel, et le troisième principe fondamental, c'est qu'il peut y avoir un tarif différentiel qui soit relié au fait qu'on est nouvellement arrivé dans le système. Le principe additionnel, qui est un principe d'exception dans nos lois, c'est que le gouvernement peut procéder par décret pour déterminer quel est ce différentiel dans le cas seulement de ce qui s'applique aux nouveaux arrivants.

Soit dit en passant, c'est essentiellement une raison de technique de relations de travail au sens où, s'il n'y avait pas cet article, les fédérations, les représentants ou les organismes représentatifs au sens de la loi, en pratique les fédérations, et le gouvernement pourraient se regarder comme des chiens de faïence pendant quatre ans et ne rien décider. Il s'agit de créer un entonnoir juridique qui fera que les parties des deux côtés de la table de négociation n'auront pas intérêt à ce que survienne cet événement qui est de décréter unilatéralement quelque chose. C'est très difficile pour un gouvernement de faire cela, parce qu'il y a là un caractère un peu odieux, c'est ce qu'on lui prête habituellement et, par ailleurs, cela va aussi obliger la partie d'en face de faire les efforts maximaux pour ne pas amener le gouvernement à être obligé de le faire. C'est comme cela qu'il faut le voir.

Parmi les questions que vous posez auxquelles je me permettrai de répondre, il y a d'abord le temps. Il est très clair que, si jamais le pouvoir de décret devait être utilisé, il ne pourrait fixer une rémunération différentielle "à la baisse", entre guillemets, que pour une période maximale de trois ans. Ce qui est implicite, c'est qu'au niveau de l'entente cela ne peut pas être plus que la durée de l'entente non plus. Vous n'avez pas à voir la possibilité d'un échelonnement de plus que de trois ans autrement que dans le contexte de la loi.

Deuxièmement, s'il est vrai que le projet de loi ne parle pas d'une rémunération différente moindre dans les territoires qui ne sont pas en situation de pénurie, c'est parce que cela pourrait être autre chose aussi. Je vous donne l'exemple. D'abord, il est clair que l'objectif à l'égard des nouveaux entrés dans le système, c'est d'établir un système différentiel qui fasse que le tarif de tout le monde, de l'ensemble des collègues qui sont dans le système soit celui des nouveaux arrivés dans le système, à condition qu'ils aillent dans les territoires désignés. Normalement, ce serait un tarif moindre dans les autres territoires, les villes, les endroits de concentration urbaine, les endroits qui ne sont pas identifiés comme étant situation de pénurie. Mais rien n'empêche non plus qu'au niveau de la négociation, cela implique - je pense notamment à certains types de spécialités -qu'un territoire fortement urbanisé soit en pénurie de certaines disciplines pour lesquelles le gouvernement considère que le tarif différentiel devrait être à la hausse pour favoriser une entrée; exemple: la médecine du travail, je ne le donne que comme exemple parce que ces choses-là seront négociables et négociées éventuellement. C'est pour ça que la loi ne prévoit pas à 3 que c'est seulement à la baisse c'est parce que ça pourrait être ouvert à la hausse à cause de certains types, je pense à la gériatrie, je n'en donnerai pas d'autres mais bref, il y a eu beaucoup de discussions et beaucoup de choses qui ont été écrites là-dessus. Il reste quand même que, pour la majorité de vos membres, ce qu'on évoque ici c'est une notion de tarif différentiel à la baisse.

Le pourquoi de ça. Il y a de nombreuses raisons mais je n'en évoquerai qu'une très précise. Il y a des pays qu'on ne peut pas exactement considérer comme des pays non démocratiques, qui ont introduit des notions de service civique obligatoire notamment à travers l'armée dans bien des cas, ce qu'on n'a pas ici. J'allais dire: Dieu

merci, on n'a pas de service militaire obligatoire.

Il y aurait une alternative à l'approche qui est là, à partir du postulat suivant. Ça coûte très cher à la collectivité pour former un médecin et, deuxièmement, une fois que le médecin est formé, il va tirer sur des ressources de la collectivité pour son revenu à un niveau qui n'est pas exactement celui d'un diplômé de secondaire V. En ce sens-là, il n'est pas inconcevable, je pense, que la collectivité dise: Est-ce que ça ne vaut pas quelque chose, ça? C'est à partir de cette idée qu'on l'a introduit dans un contexte qui est celui qu'on connaît, l'évolution très rapide des coûts du système notamment, par l'arrivée, de plus en plus, de nouveaux médecins au Québec, plus que n'importe où ailleurs sur le continent et probablement plus qu'à peu près n'importe où ailleurs au monde, au rythme où on les forme, dans un contexte où il n'y a pas de marché et dans un contexte où, finalement, on peut établir relativement son niveau de revenu assez rapidement.

Deuxièmement, de vouloir maintenir une notion de choix. On pourrait dire qu'à la fin du cours de médecine, il y a un contrat avec la société et on va au service de l'État deux ans pour un salaire de subsistance, ce qui existe, encore une fois, dans certains pays. Cela enlève la notion de choix complètement. La notion du tarif différentiel introduit une notion de choix plus limitée, c'est évident, que le choix parfait qui existe en ce moment mais quand même un choix. C'est le choix d'accepter une rémunération moins haute pour une certaine période de temps si on décide de ne pas utiliser ce canal de services à la population, qui est d'aller dans les territoires désignés. Finalement, je dirai que la notion de territoire désigné, ça ne veut pas nécessairement dire l'Ungava ou une île au large de Povungnituk. Rouyn-Noranda ou Val-d'Or, où les hôpitaux ne sont pas faits en bois rond et avec des toits de chaume, qui ont des vrais appareils de radiologie et avec beaucoup de monde. C'est vrai qu'ils n'ont pas la Place des arts et qu'ils n'ont pas tout l'appareil socioculturel qu'on a dans les grands centres urbains, mais ce n'est pas exactement le fin fond de l'Afrique, et cela en serait un, territoire désigné, cette région-là, pour certains types de spécialités et d'activités. Tout ça tombe sous le sens commun, on n'aurait pas de problèmes et on ne serait pas en train d'en parler s'il n'y avait pas eu notamment celui-là.

Il faut bien comprendre que la notion de territoire désigné ne veut pas dire la brousse et, en ce sens-là, je pense que ça permet de corriger quelques images qui ont pu circuler.

C'étaient les commentaires généraux que je voulais faire. Je sais que ma collègue a sûrement des questions à poser à ces messieurs.

Le Président (M. Bordeleau): Peut-être un commentaire, M. Boucher.

M. Boucher (Jean-Pierre): Est-ce que je peux répondre tout de suite?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, allez- y.

M. Boucher (Jean-Pierre): Si je comprends bien, finalement on est pas mal chanceux de s'en tirer avec si peu de mesures coercitives. Ça aurait pu être bien pire que ça, et on est peut-être mieux de s'en aller, à ce que je comprends, si on ne veut pas aggraver notre cas.

D'autre part, dans l'article 4, vous mentionnez trois principes, trois buts, et j'ai attendu jusqu'au troisième afin d'entendre le but qui depuis le début de ce débat-là est brandi partout à l'intérieur des médias qui est la répartition des effectifs. Vous n'en avez pas parlé dans les trois principes. Vous avez dit: Premièrement, désignation des territoires, tarifs différents des territoires, et tarifs différentiels selon le nombre d'années. Ce qui rétablit certains faits à mon sens, et je pense que c'était sous-entendu et implicite...

M. Johnson (Anjou): Si vous permettez, je vais vous interrompre, je vais vous permettre de ne pas me faire le procès d'intention. Les buts, c'est au niveau de la rédaction. Maintenant, voulez-vous qu'on se parle de répartition des médecins sur le territoire? C'est un autre débat. Voulez-vous qu'on se parle de cela? Moi, je parlais de la loi et de votre mémoire, les principes - et non pas les buts que vous retrouvez dans la rédaction sont les suivants - ce sont des principes de droit. Maintenant, les principes de droit ne flottent pas comme des purs esprits. Ils sont habituellement un but et c'est la répartition des effectifs sur le territoire. Je pourrais vous en parler, docteur.

M. Boucher (Jean-Pierre): Si vraiment c'est le but visé par l'article no 4 pour employer des expressions consacrées qui ont été utilisées, on ne peut pas concevoir que ce soit l'unique but attribué à cet article no 4, et puis dans la mesure où il nous apparaît assez clair qu'on vit dans un régime d'austérité au niveau économique. Le premier énoncé de votre réponse me fait dire qu'effectivement il y a également, au-delà de l'objectif général de la répartition qui pourrait être visé, mais pas dans le sens parce qu'elle se base sur des...

Finalement ce qu'on a dit dans le mémoire, c'est que, pour arriver à vraiment

régler le problème en zone de pénurie, procéder par voie financière ne nous apparaît pas être la solution. Je pense que vous êtes d'accord avec cela qu'il s'agit d'une intégration plus globale et puis qu'à cet effet ce n'est pas satisfaisant de dire: On règle le problème avec ces principes de rémunération différente. Ça va plus loin que cela, et puis non seulement ça ne répond pas à l'objectif qu'on se fixe, ça y répond mal du moins, et le but n'étant pas de créer des incitatifs artificiels basés simplement en une strict rémunération différente, qu'elle soit à la hausse ou à la baisse, mais davantage d'insister sur une intégration globale. Je pense que l'article no 4 ne répond pas à cela. Je pense qu'on s'entend sur l'ouverture qu'il y aurait à établir sur d'autres moyens pour arriver vraiment à répondre à ce problème-là.

M. Johnson (Anjou): On peut retrouver ces moyens-là, mais pas dans une loi.

M. Boucher (Jean-Pierre): D'accord. Si vous dites que, dans l'article no 4, il y a plus notamment que les principes qui sous-tendent, c'est un des points sur lesquels notre mémoire insiste beaucoup, soit le principe d'une certaine discrimination vis-à-vis le jeune diplômé. Vous semblez dire qu'il apparaît totalement normal que le jeune diplômé ait par ailleurs les mêmes exigences au niveau du contrat à intervenir avec son patient. La nature même du contrat médical qui intervient ne change pas et la responsabilité qui en découle est également la même.

On se dit: Nous, ce n'est pas parce que les étudiants veulent avoir un gros pouvoir d'achat. On ne veut pas aller dans le sens de l'entente du renouvellement. On se dit juste qu'on en a contre le caractère discriminatoire, premièrement au niveau de la rémunération, peu importe ce qu'elle pourra être, et aussi au niveau du décret vous avez dit: Finalement le décret se justifie parce que, dans le cadre de la négociation, ça risque de nous donner des outils. Je dis: Pourquoi ne pas y aller carrément et insérer le décret à l'ensemble de la négociation; ce sera un bel outil. Pourquoi le discriminer simplement au niveau des trois premières années? Pourquoi l'étudiant devient l'otage d'une négociation avec l'ensemble des professionnels? À ce sens-là, il est discriminatoire.

M. Johnson (Anjou): Premièrement, je n'accepte pas une partie de votre vocabulaire sur l'otage, la discrimination, etc. J'ai été formé comme vous à l'école de l'individualisme, qui nous était bien inculqué en même temps que le reste de ce qu'on apprend à la faculté de médecine et j'ai beaucoup de respect. Je ne suis pas porté personnellement beaucoup vers la discrimination.

La notion qu'il y a intrinsèquement dans le contrat médical qui intervient entre le médecin et le patient, c'est quelque chose qui ne varie pas selon les années d'expérience; ça serait vrai aussi pour les avocats, les ingénieurs et l'ensemble des professions couvertes par le Code des professions. Je ne faisais pas de comparaison avec des salariés parce que je pense que c'est une dimension différente et que c'est couvert par un ordre. Je prendrai le cas de ceux qui ne sont pas salariés et qui sont des "professionnels" sur le plan fiscal également. (23 h 15)

Or, je connais des avocats qui s'installent; quand ils s'installent, ils ne demandent pas 200 $ la consultation. Ils ont la même responsabilité légale, les mêmes contraintes, ils sont sous le joug du même syndic du barreau; c'est la même chose pour les ingénieurs et les architectes. Intrinsèquement, il n'est inscrit nulle part, dans aucune charte des droits, que parce qu'on est diplômé d'une université en telle année, ou à tel âge, on a le droit de faire le même salaire ou les mêmes émoluments que madame ou monsieur Untel qui a été diplômé trois ans avant et qui a tel âge. C'est seulement que dans les faits, cela a été cela pour les médecins au Québec depuis le régime, mais cela n'est pas un principe fondamental dans notre société sur le plan du droit, ni à l'égard des droits et libertés de la personne. Demandez cela à des ingénieurs, à des avocats, j'en connais qui sont en chômage là-dedans et, en ce sens-là, je voudrais être bien sûr... Parce que le mot "discriminatoire" est assez grave, c'est peut-être discriminatoire effectivement, mais c'est une perception qui révèle le fait que vous ne voyez pas cela et que vous ne comparez pas avec d'autres dans la société. C'est un changement pour la profession médicale au Québec, qu'il y ait une notion dans le temps qui permet d'accéder au statut du même niveau de revenu que les autres. Mais encore une fois, il ne faut pas en faire une question de droits fondamentaux dans la société, je pense que cela est très différent. En ce sens, je veux seulement être sûr que ce n'est pas comme cela que vous avez évoqué le mot "discriminatoire". On se comprend bien?

Le Président (M. Bordeleau): M. Laliberté.

M. Laliberté: Ce n'est pas tout à fait comme cela qu'on a évoqué le mot discriminatoire, M. le ministre, mais je trouve que vos exemples pour comparer les médecins à d'autres professionnels, comme les avocats ou les ingénieurs, sont un peu boiteux. En ce sens - je ne voulais pas le mentionner à la commission forcément - je

suis avocat moi-même et je sais pertinemment bien que, à la Loi du barreau, il y a un tarif judiciaire de prévu, de même qu'il y a un tarif payé par l'aide juridique. Il n'y a aucune discrimination à ce niveau, que ce soit un jeune praticien ou...

M. Johnson (Anjou): C'est un tarif minimal.

M. Laliberté: ... un plus vieux, il est sûr que le marché est totalement différent et qu'un gars qui s'engage à salaire dans un bureau, parce qu'il fait bien et qu'il négocie son contrat dans ce sens, n'aura pas la même rémunération que son confrère supérieur ou conseiller de la reine, c'est sûr. Mais son niveau de responsabilité...

M. Johnson (Anjou): Mais Me, c'est un tarif minimal.

M. Laliberté: C'est un tarif minimal que l'avocat est responsable de négocier avec son client, par ailleurs. Mais il est sûr que le jeune avocat, à l'intérieur d'une étude juridique, n'a pas le même niveau de responsabilité que son confrère qui a dix ans d'expérience parce qu'on ne lui laisse pas prendre le même niveau de responsabilité. Quitte à lui de s'installer à ses frais, à sa propre étude, mais à son risque, tout simplement en négociant avec son client, son taux de compétence et le travail qu'il peut mettre là-dedans et en faisant valoir l'aspect dynamique d'une pratique jeune et avant-gardiste.

C'est dans ce sens que je veux dire que ce n'est pas tout à fait correspondant avec les autres professionnels de la santé. Quand on va recevoir un patient, on négocie un contrat avec la même responsabilité qui s'y rattache au point de vue du temps, de l'éthique professionnelle que de la responsabilité juridique tout court.

M. Boucher (Jean-Pierre): Vous avez, en comparant avec d'autres professionnels finalement amené le caractère dynamique de la pratique médicale qui nous semble diminué actuellement dans le projet de loi. Les jeunes praticiens constituent, à n'en pas douter, un élément très dynamique, au niveau des centres hospitaliers où on se propose, dans le projet de loi, de limiter leur entrée. Et au niveau des territoires, il y a également, je pense, un autre article, article 85 dont on n'a pas discuté en mémoire, mais qui va dans le même sens d'une restriction, si on veut, qui s'applique pratiquement exclusivement aux jeunes praticiens, aux futurs diplômés, en ce sens qu'ils pourraient difficilement, selon le plan d'organisation de l'hôpital, s'insérer dans une pratique en une région et faire partie de l'hôpital à part entière. À ce niveau, il n'y a pas de sauvegarde d'une saine concurrence professionnelle et cette concurrence professionnelle est de nature à hausser constamment le niveau de compétence de chacun. Je voulais simplement, mentionner, au niveau de l'article 85, ce qu'on n'avait pas discuté auparavant.

M. Laliberté: J'aurais une question avant de passer à un autre point, si c'était possible.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Laliberté.

M. Laliberté: Merci, M. le Président. Comme il est prévu à l'alinéa 3 qu'il y aura une rémunération différente de négociée et que le territoire, si on lit l'article au point de vue de la facture juridique, comme le disait M. le ministre tout à l'heure... Est-ce qu'on pourrait en avoir au moins une idée, puisqu'on ne sera jamais partie à une quelconque association et encore moins au pouvoir de décret? De quelle sorte de rémunération différente s'agirait-il en pourcentage ou en taux, ne serait-ce qu'un aperçu?

M. Johnson (Anjou): Je ne vous le dirai pas au bout de la table ici parce que, comme vous le savez, la loi dit que c'est négociable. Je peux vous dire que j'ai donné un mandat de négociation, je sais de quel ordre il est, mais il ne m'appartient pas de vous le dire ici. Si c'est pour vous, je ne dirai pas vous sécuriser...

M. Laliberté: ... rassurer...

M. Johnson (Anjou): ... je peux vous dire que ça ne sera pas insignifiant comme différentiel, mais ça ne sera pas tel non plus que l'on puisse affirmer qu'à toutes fins utiles c'est l'équivalent du service commandé. La notion de choix doit être une vraie notion de choix, parce que je pense qu'elle est positive pour les gens dans la région et vous le soulignez très bien, il ne faut pas avoir une approche néo-coloniale quant à cette question-là et envoyer un médecin, un professionnel de la santé avec une espèce de couteau ou de baïonnette dans le dos, pour que pendant les huit premiers mois il soit nostalgique en pensant à ce qu'il a quitté et que les dix derniers mois il pense à l'endroit où il va s'en retourner. Si vous permettez que l'incitation, ou le choix, ou la désincitation soit telle que c'est un vrai choix, vous favorisez la réceptivité de ces conditions en termes culturels, notamment que vous évoquez, et bien d'autres. Mais je pense que ce n'est pas le moment et surtout pas l'heure, je sais que ma collègue veut prendre la parole, de revenir là-dessus, mais il y aura, j'en suis sûr, de nombreux débats,

de nombreux forums là-dessus dans les semaines à venir.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, je voudrais remercier l'Association des étudiants et des étudiantes en médecine du Québec. Je voudrais lui dire que je trouve son mémoire positif et très responsable. Vous n'êtes pas venus ici quémander, vous êtes venus ici demander des éclairages et je pense que vous en êtes totalement justifiés. Je ne relèverai pas les titres que techniquement le ministre pouvait utiliser à l'égard de M. Laliberté, je crois, et à l'égard de M. Boucher, ce qu'il n'a fait à l'égard d'aucun autre, maîtres et docteurs, je vous laisse le soin d'en faire l'interprétation. Je pense que ce qui a causé le problème ici, c'est évidemment, et vous avez raison de vous poser des questions... On n'aurait probablement pas soulevé autant de protestations ou de représentations - ce n'était pas nécessairement des protestations -si on avait procédé à une consultation quelconque. Je pense que, devant l'attitude positive que vous avez ici ce soir, cela aurait probablement été plus facile si, au lieu de précipiter les choses, on vous avait consultés, comme d'ailleurs on avait consulté les fédérations. On sait que - le ministre le soulignait hier à bon titre - les lois, ça ne se négocie pas, mais on peut quand même consulter, et on l'a fait en d'autres occasions pour changer le cadre juridique, par exemple, des négociations avec d'autres catégories de travailleurs.

Maintenant, quand le ministre dit - et à certains égards il a raison, c'est du moins ce que j'ai interprété - : Un décret dans le fond c'est un peu, il n'a pas dit que c'était une balise, mais c'est quelque chose qui rend les deux parties prudentes, quand on sait que le décret est là; ça peut servir d'instrument de modération. Je pense qu'à certains égards c'est vrai, mais c'est encore la façon précipitée avec laquelle on arrive avec ce décret-là au moment où on est en négociation, ce n'est pas encore très clair si on est en négociation ou pas, et c'est l'intrusion à ce moment-ci, je pense, qui a soulevé le tollé de protestations qu'on connaît. Pour M. Laliberté en particulier, qui est avocat, l'article 31 a certainement raison de soulever des inquiétudes de part et d'autre.

Mais ces commentaires étant faits, le message que je retiens de votre mémoire, c'est que vous n'êtes pas venus ici - quoique que ce soit bien humain de dire si on s'en va ailleurs - est-ce qu'on va être pénalisé à 50, 75 si on reste ici, par rapport aux autres? Mais ce n'est pas ça. Ce que vous êtes venus dire, c'est un message disant que l'incitatif pécuniaire peut être un facteur, mais c'est loin d'être le facteur le plus important. Et ce qu'il y a d'étonnant, c'est que le ministre y concourt lui-même et je ne sais pas dans quelle mesure. À part ce mécanisme qu'on a retenu, il pourrait avoir d'autres modifications à ajouter. Maintenant, est-ce qu'on peut ajouter des mécanismes ou si c'est vraiment une question d'attitude de la part de la communauté qui reçoit quelqu'un? Enfin, je demande si vous avez pensé à quelque chose dans ce sens là. Une autre question précise. Je l'ai cherché, c'est pour ça que je me suis levée tout à l'heure, pour voir si je ne le trouverais pas. Je ne sais pas si vous avez quelque chose touchant l'Ontario, mais ce n'est pas ici ni dans le premier mémoire que j'ai reçu. Alors, sur ce, si vous pouviez expliciter d'avantage.

Une dernière question, compte tenu de l'heure. Il y a parmi vous, peut-être, des boursiers. Est-ce que vous avez eu le temps d'examiner dans quelle mesure, c'est-à-dire quelle a été la persévérance des boursiers qui, eux, ont dû aller, soit pour un an, deux ans ou trois ans dans les régions éloignées? Ceci pourrait peut-être être indicatif de l'influence que peut jouer, enfin la dimension pécuniaire dans la stabilité des professionnels qui s'en vont dans les régions éloignées. Je pense qu'il est grand temps - le ministre en est d'ailleurs conscient - qu'on ne trouve pas des solutions qui soient uniquement à court terme et que si on n'y ajoute pas des mécanismes qui assurent une certaine stabilité, on pourra bien ramener la loi, la modifier ou s'en faire une autre, mais on pourrait fort bien être au même point où nous en sommes présentement dans trois, quatre ou cinq ans. Alors si vous avez quelques commentaires à faire sur ces points-là, j'apprécierais. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Oui. Alors M. Boucher.

M. Boucher (Jean-Pierre): Oui.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Boucher.

M. Boucher (Jean-Pierre): II m'apparaît évident que tout le monde est d'accord pour dire que, dans le projet de loi, on ne fait mention que d'incitatifs à caractère financier et on s'entend tout le monde pour dire que ce n'est pas la solution. Donc, il faudra se repencher sur ça et on imagine que, lorsqu'on aura à le faire, les étudiants pourront apporter davantage de collaboration qu'on a eu l'occasion de le faire pour la rédaction du présent projet de loi.

Il va de soi que l'un n'empêche pas l'autre et puis que les mécanismes à caractère financier, pour être vraiment efficaces, doivent se doubler de mécanismes

complémentaires visant justement l'intégration dont on parlait tout à l'heure. Et c'est à ce niveau surtout qu'on mentionnait dans le mémoire que rien, absolument rien n'a été fait. Le seul caractère qui existait, et ça fait longtemps, c'est un problème dans les bourses d'éloignement. C'est depuis 1974 que cela a commencé à être mis sur pied. D'ailleurs la formule n'a pratiquement pas changé depuis ce temps-là, malgré qu'au fil des ans les étudiants aient dénoncé cette mesure-là comme ne répondant pas aux objectifs visés. Ce qui arrivait, la plupart du temps, c'est que les étudiants qui prenaient la bourse d'éloignement étaient déjà des étudiants qui étaient soit vendus à l'idée d'aller à l'extérieur et ils voyaient tout simplement là un surplus de revenus faciles. On n'a pas vraiment fait de recrutement avec ce régime-là. D'autant plus que, lorsqu'on fait la comparaison avec l'Ontario, je ne pourrais vous donner de façon très précise les détails du régime en Ontario, mais globalement il se caractérise surtout par une plus grande souplesse au niveau de la détermination du territoire. (23 h 30)

Vous savez, les étudiants reprochaient au régime actuel - et je pense que vis-à-vis de cela, il faudra se pencher là-dessus -surtout deux choses. Il y a le manque d'incitatif réel. Le seul incitatif qui était vendu là-dedans, c'était l'incitatif financier et, comme on l'a dit tout à l'heure, on trouvait que ce n'était pas bon. Ce n'était pas associé à une forme de publicité ou une forme d'intégration, quelle qu'elle soit. Même après que la bourse a été attribuée, le type s'engageait et il pouvait être des années sans entendre parler de la région en question, on n'essayait pas de l'amener, de l'intégrer, ce qui aurait dû être fait, à mon avis. Finalement, il y a le point de vue strictement financier et là se limitait le caractère incitatif de l'affaire. Cela avait plus ou moins sa valeur, d'autant plus que si on prend la bourse d'éloignement qui est d'une valeur de 6000 $ par année après la troisième, quatrième et cinquième année, au moment où habituellement les gens ont droit au régime des prêts et bourses du ministère de l'Education, cela nous empêchait d'avoir accès à ce régime des prêts et bourses. Le ministère nous donnait d'une main 6000 $, et il allait rechercher 5000 $ du régime des prêts et bourses auquel on n'avait plus droit. Alors, financièrement, ce n'était pas intéressant.

Au niveau de la souplesse, pour celui qui signait l'engagement, la forme était encore plus coercitive que dans l'armée. Dans l'armée, on peut toujours s'en tirer en payant les frais avec l'intérêt, tandis que là, il n'y avait plus moyen de se tirer de cela. On devait absolument rendre les années de service, sans quoi on n'avait plus le droit d'exercer dans le cadre de la Régie de l'assurance-maladie, au Québec. On avait la notion d'un territoire donné, on n'a encore d'ailleurs - tout ce dont je vous parle, cela existe encore - la notion d'un territoire donné que six mois avant la fin de l'internat. C'est-à-dire que pendant toutes les années... Finalement, on ne peut pas vendre un territoire et intégrer un type à un territoire, si on lui dit, deux mois avant qu'il parte, où il ira. Il faudrait que cela se prépare davantage. En Ontario, les gens peuvent choisir parmi un certain nombre de territoires. Ils font leur choix plus tôt, ils ont une formule de désistement qui permet le... Il y avait des choses aberrantes, comme le fait que finalement un étudiant qui décidait de se marier, disons en quatrième année, avec une compagne qui avait également pris le régime des bourses d'éloignement... On a refusé de les assurer qu'on les enverrait tous les deux à la même place. C'est peut-être un peu caricatural, mais c'est le genre d'accueil qu'on a reçu quand on a dit qu'on voudrait au moins s'assurer que si le type est retenu pour quelques années à Montréal pour des impératifs comme cela, soit un conjoint qui est encore aux études... On lui dit: Non, tu ne peux pas attendre deux ans, il faut que tu fasses ton service immédiatement, parce que tu ne peux pas pratiquer dans le régime tant que tu ne l'as pas fait. C'est le genre de chose qui se produit et cela n'a pas été changé, ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas exprimé souvent. Ici, j'ai des articles et des lettres qui datent de 1976, 1977 et 1978 et il n'y a rien qui a été fait à ce niveau.

Mme Lavoie-Roux: 1979.

M. Boucher (Jean-Pierre): J'aimerais quand même terminer sur une question, M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y.

M. Boucher (Jean-Pierre): Je reviens encore, M. le ministre, à la question de "discrimination". Je lui ajoute des guillemets cette fois-ci. Est-ce que, finalement, vous croyez que les arguments qu'on vous avance sont absolument futiles, vis-à-vis de ce qu'on croit être une discrimination? Est-ce que vous croyez que d'emblée, vous n'êtes absolument pas touché par - je dirais -notre argumentation à ce niveau, que c'est peine perdue et que, de toute façon, votre idée est bien arrêtée là-dessus? Est-ce que, finalement, il n'y a pas quelque chose de vrai un peu là-dessus, à savoir que dans toute la procédure... Même si on est d'accord peut-être avec une certaine dette à la société, faut-il que la dette à la société, ce soient les jeunes et exclusivement les

jeunes qui la paient? On dit qu'il y a des médecins qui sont là, qui ont profité également des mêmes avantages, semble-t-il, et vous dites qu'en plus de cela, ils profitent encore du système depuis nombre d'années. Et, présentement, on limite aux seuls jeunes le décret, la rémunération inférieure. Les étudiants en médecine en sont rendus qu'ils ont peur de s'afficher comme tels, parce que, dans l'esprit de tout le monde, ils constituent une cible privilégiée. Je me pose la question: Est-ce vraiment une demande de privilégié que je fais là ou cela ne fait-il pas appel à une saine équité au niveau d'une profession qui se veut égalitaire au niveau de l'ensemble des professionnels de la santé?

M. Johnson (Anjou): Je répondrai à votre question... Pardon?

Le Président (M. Bordeleau): On n'a pas entendu.

M. Laliberté: Je vais répéter. Non, je ne veux pas répéter la remarque de mon confrère. Je voulais savoir si on considère ou on présume que la formation qu'on peut recevoir est inférieure de beaucoup à celle de nos confrères qui nous précédaient, il y a quelques années.

M. Johnson (Anjou): Non, absolument pas...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): ...il n'y a pas de présomption à cet égard. Écoutez, il y a une affaire qui a la priorité dans cette loi, c'est la population, on n'en a pas parlé beaucoup ici lors de notre conversation, mais vous en avez parlé dans votre mémoire. Je trouve ça important et je vais revenir là-dessus dans deux secondes. Vous dites: Est-ce complètement farfelu de dire qu'il y a un caractère discriminatoire, parce que nous sommes seuls à payer ça? Vous n'êtes pas seuls à porter le fardeau d'un effort qui consiste à permettre aux gens dans les régions du Québec d'avoir des services qui ont de l'allure, alors qu'on sait qu'on forme plus de médecins dans notre société que n'importe où ailleurs et que, pourtant, il reste des choses criantes qui n'ont pas d'allure et qui n'ont pas de sens.

À cet effet, je pense que ce n'est pas votre faute, c'est peut-être relié à bien des choses dans notre système, mais l'effort qu'on fait, notamment à travers cette loi, c'est de s'arranger pour qu'une partie du fardeau additionnel, soit assumée, pour que soit assuré cet objectif de mieux desservir les citoyens par les diplômés nouveaux, par les médecins dans le système et par le gouvernement lui-même, si on parle du fardeau financier. En d'autres termes, dans les mandats de négociation, d'abord, dans la loi, il y a la notion qu'en entrant dans le système, il n'y a pas de garantie automatique de faire le même niveau de revenu qu'un collègue qui y est déjà; deuxièmement, dans les mandats de négociation, il y a une notion de péréquation des sommes nouvellement injectées pour régler l'entente, il n'y en a pas beaucoup, il n'y a pas beaucoup d'argent dans la société québécoise en ce moment. C'est vrai pour vous autres, c'est vrai pour tout le monde. Demandez ça à n'importe qui a renouvelé une hypothèque il n'y a pas longtemps, surtout s'il ne fait pas 10 000 $ par année. Allez voir ce que fait l'inflation à des gens qui sont en bas du salaire industriel moyen.

Donc, pour ceux qui sont déjà dans le régime, et on l'a annoncé, il y aura une forme de péréquation, des sommes additionnels qui vont être versées pour l'amélioration des conditions en région. Troisièmement, du côté du gouvernement lui-même, ça veut dire, en termes de ressources, s'engager à faire des transferts de ressources quand il faudra en faire, et, d'autre part, mettre de l'argent nouveau dans le "système". En ce sens-là, si le projet de loi, à cet article, donne l'apparence que les seuls qui vont régler et le seul moyen de le régler, c'est ça, ce n'est pas du tout ça, il y a aussi les mandats de négocier qui ont été annoncés dans ce cadre, ça fait partie d'un effort intégré.

En terminant, avant de laisser, je pense au chef de l'Opposition qui voulait intervenir ou à mes collègues, je voudrais vous dire combien tous les membres de la commission aussi, je pense, ont été impressionnés par la page 3 de l'annexe de votre document, quand vous élaborez votre pensée autour de ces notions des attraits socio-culturels, sociaux, humains, la notion du défi, les stages d'apprentissage, les services de bourses et bien d'autres choses, qui sont des éléments qu'on avait évoqués. Cela me convainc que ce dynamisme, ce n'est pas seulement au niveau du gouvernement et dans des décisions de nature législative qu'on va le créer, c'est à partir de ceux qui vont le vivre. Si c'est vrai qu'il y a quelque chose de contraignant dans cette loi à votre égard, il y a aussi une réceptivité à participer au progrès et le progrès, c'est une meilleure répartition des ressources pour le service des citoyens au Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Est-ce que vous pourriez m'éclairer sur la question des bourses d'éloignement? Je voulais vous demander quelle était l'attitude des étudiants, enfin, votre attitude à vous si, par exemple, je sais

que, dans les écoles de médecine - je sais ça par mes fils qui sont dans ce cas - c'est très difficile d'entrer dans les écoles de médecine et je sais qu'il y a des listes d'attente très longues. S'il y avait un système incitatif qui donnait une priorité quelconque aux étudiants qui, à leur entrée en médecine, sont disposés à signer un contrat pour aller dans un territoire d'éloignement qui serait identifié, alors, ils sauraient où ils vont. Je vous donne un exemple, qui n'est peut-être pas bon, celui de parler des choses militaires, mais le Collège militaire royal fait ça. On y entraîne des étudiants en génie, en pilotage ou en photographie, etc., je connais des cas comme ça, mais ils s'engagent à l'avance, pour trois ans, à servir dans certains paramètres, certaines régions. Ils sont obligés de le faire, ils ont signé un contrat à l'avance.

Ils signent un contrat, sachant qu'il va avoir une éducation gratuite, des bourses, et finir avec une promotion après trois ans de service. Est-ce que vous pensez que, s'il y avait ce genre d'incitation, qu'au lieu d'une bourse d'éloignement comme vous décriviez, cela pourrait peut-être attirer beaucoup de jeunes qui veulent entrer dans un corps de métier, mais maintenant, c'est un peu une loterie.

M. Laliberté: ... mesure qui mériterait sûrement la peine d'être étudiée en profondeur et d'être soumise aux étudiants et qui, au moins, pour l'instant, aurait l'avantage de mettre l'étudiant dans la position suivante, à savoir qu'il pourrait connaître d'avance dans quelle région il va aller, et non pas rester dans une sempiternelle incertitude sur l'endroit où il aura à dispenser ses services pendant toute sa formation.

Le Président (M. Bordeleau): Avez-vous quelque chose à ajouter, M. Boucher?

M. Boucher (Jean-Pierre): Évidemment, on suppose que les qualités de l'étudiant qui serait ainsi choisi seraient comparables à un étudiant d'un grand centre. Disons qu'à qualité égale...

M. Lincoln: ... à qualité égale.

M. Boucher (Jean-Pierre): C'est cela. C'est une proposition qui a souvent été soulevée par le Dr Roy, de la corporation, qui en faisait... Je sais qu'il y a eu des précédents en Colombie britannique à ce niveau. Au niveau légal, cela avait même posé des problèmes parce que cela allait à l'encontre... Il semble qu'il faudrait que ce soit inséré dans une loi si éventuellement on se basait là-dessus. D'emblée, possiblement que cela pourrait favoriser l'étudiant venant d'un certain milieu défavorisé à un retour à une intégration plus adéquate, mais à ce niveau non plus, ce n'est pas une garantie. Les hôpitaux montréalais - c'est moins vrai de nos jours - étaient bondés d'étudiants étrangers qui devaient supposément retourner dans leur pays et qui finalement demeuraient dans le réseau...

De toute façon, toutes ces solutions -je pense que ce soir, ce n'est pas la place pour discourir trop longtemps là-dessus - les étudiants sont prêts à en discuter. Je trouve également regrettable qu'on ne puisse pas continuer à argumenter sur le caractère "discriminatoire" de cette loi. Encore là, si le projet peut nous donner un petit peu plus de temps afin de poursuivre cette argumentation, soyez certains que les étudiants vont se faire entendre.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Ce n'est pas une question comme un commentaire.

Le Président (M. Bordeleau): Un commentaire.

M. Rochefort: J'avoue que c'est un commentaire que j'aurais pu et que j'aurais peut-être dû faire à tous ceux qui nous ont précédés qui représentaient vos seniors. Toutefois, c'est peut-être parce que je pense que c'est vous qui êtes peut-être les plus susceptibles de le comprendre et de l'accepter, et au minimum, de le considérer. Je comprends que dans votre mémoire, vous ne vous arrêtez pas, et je pense que le ministre l'a signalé dans sa dernière intervention uniquement comme considération financière. Je trouve que c'est quelque chose de très positif. C'est une des premières fois qu'on voit qu'il y a des gens qui ont élaboré quelque chose d'assez structuré là-dessus. Par contre, on ne doit pas se cacher qu'il y a la question de la rémunération qui vous agace de façon particulière aussi, entre autres, tantôt quand vous nous disiez que vous auriez aimé aussi pouvoir ne pas aller en région et rester à Montréal au même tarif que vos seniors. Quand je vous parle de seniors, ce n'est peut-être pas une bonne expression dans le cas des professions, mais je ne suis pas professionnel moi-même, alors vous me passerez l'expression.

Je comprends que les études que vous faites sont difficiles, sont longues et que cela demande des sacrifices importants pour les faire, sauf qu'il me semble qu'il est prévu à l'heure actuelle dans le projet de loi de vous demander au maximum trois ans en région, ce qui vous permettrait ensuite de revenir dans un centre urbain et de recevoir le plein tarif pour chacun des actes que vous

posez. Il me semble que ce n'est quand même pas quelque chose d'absolument impensable quand on considère - c'est sur cette considération que j'aimerais vous laisser - qu'il y a quand même près de 50% des Québécois qui gagnent moins de 10 000 $ par année. Je pense que c'est une considération qu'on ne peut pas perdre de vue quand on fait des débats comme ceux-là, mais je vous répète ce que j'ai dit au début de mon intervention, que cela s'applique à tous ceux qui vous ont précédés là-dessus, mais que je considère que vous êtes peut-être de ceux qui peuvent être les plus sensibles à une considération comme celle-là.

M. Boucher (Jean-Pierre): D'accord. J'aimerais faire une remarque sur votre commentaire. On n'a pas parlé d'argent comme tel. C'est une question de principe.

On s'attendait que quelqu'un nous demande: Ne trouvez-vous pas qu'un jeune de 23 ou 24 ans qui - le ministre a déjà posé la question - gagne 75 000 $ ou 80 000 $ par année, c'est trop? Je vous dirais qu'on n'a pas à répondre à cela. Cet aspect concerne un niveau de négociation qui ne touche pas le cadre du débat sur le projet de loi. (23 h 45)

II faut parler de rémunération dans la mesure où les propos qui sont tenus dans le projet de loi sont de nature discriminatoire. Si, éventuellement, la rémunération des médecins à venir dans l'entente était négociée à 22 000 $ par année, peu importe, si pour notre catégorie de professionnels, il y avait une rémunération vers le bas, je dirais: Ce n'est pas correct. Les arguments sur lesquels on se base pour justifier une rémunération à la baisse me semblent davantage tenir de considérations économiques - je vous comprends à ce niveau - que de réelles considérations autres au niveau de... C'est de bonne guerre; il faut couper quelque part et vous coupez sur nous autres; cela nous apparaît assez clair. On n'en a pas sur le montant global de la négociation, ce seront les fédérations qui le négocieront. Mais le montant comme tel, on n'en parle même pas; on en a contre le principe. On croit qu'il ne devrait pas y avoir de distinction entre le professionnel qui commence et celui qui a plusieurs années de pratique.

M. Rochefort: Juste deux minutes là-dessus. Je peux vous dire qu'au niveau du principe, il y en a un autre qui prévaut à peu près partout, tant dans l'entreprise privée que dans le secteur public, qui est la rémunération selon l'ancienneté pour une même définition de tâches, pour un même type de responsabilité et tout cela. Vous connaissez sûrement beaucoup de citoyens autour de vous autres qui vivent selon un régime comme celui-là et, à ce que je sache, personne ne prétend que c'est discriminatoire en soi.

Finalement, je vous dirai que, quand vous me dites que, vous autres, vous ne voulez pas vous poser la question à savoir si c'est logique que vous gagniez 75 000 $ après tant ou tant d'années, que vous n'avez pas à répondre à cela à l'heure actuelle, je peux vous dire que moi, comme député, j'ai à répondre à cela, parce qu'il y a aussi l'autre groupe dont je vous parlais tantôt, les 50% de citoyens qui gagnent moins de 10 000 $ et qui seront vos patients plus tard. Il ne faut pas le perdre de vue, personne.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie MM. Boucher et Laliberté d'être venus nous présenter votre mémoire.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord.

Il semble que, pour le prochain groupe, il y a eu une entente et que nous recevrons maintenant le Congrès juif canadien. C'est le mémoire no 26.

Mme Lavoie-Roux: On va se rappeler les paroles du député de Gouin quand l'augmentation des députés va arriver, surtout qu'on a entendu dire que le caucus bloque...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

(Suspension de la séance à 23 h 48)

(Reprise de la séance à 23 h 50)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme Lavoie-Roux, on va ouvrir la commission d'abord; oui ça marche.

Mme Lavoie-Roux: Je ne pensais pas qu'il fallait la rouvrir. Je m'excuse.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, vu qu'on l'a fermée. Oui, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est simplement qu'il y a ici un groupe et je pense qu'il faudrait s'excuser auprès de ces gens, c'est l'Association des pharmaciens des établissements de santé, qui n'ont pas été avertis officiellement que l'ordre avait été interverti.

M. Johnson (Anjou): Ce sont les pharmaciens propriétaires.

Mme Lavoie-Roux: Non, l'autre aussi également.

M. Johnson (Anjou): Ah bon! II n'est pas interverti demain, il n'y a pas de problèmes.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais il est interverti par rapport à ce soir.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais ils avaient été avertis hier.

M. Johnson (Anjou): Ah bon! vous ne connaissez pas l'ordre de demain, si je comprends bien.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous saviez que vous ne passeriez pas aujourd'hui. Ah bon! d'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Je peux le donner immédiatement, ça va probablement vous intéresser. Effectivement, vous seriez les premiers demain matin. Alors, on commencera par l'Association des pharmaciens des établissements de santé; ensuite, l'Association de santé publique et, finalement, l'Association des pharmaciens propriétaires qui devait passer ce soir, mais qu'on a pu remettre avec son consentement. Vous serez les premiers demain matin, vers 11 heures, 11 h 30.

Mme Lavoie-Roux: Moi, je pense que 11 h 30, c'est peut-être plus raisonnable.

M. Johnson (Anjou): Avez-vous une grosse période de questions demain?

Mme Lavoie-Roux: Ça va durer au moins trois quarts d'heure, non!

M. Johnson (Anjou): Ça commence à 10 heures. Ça pourrait être 11 h 15 au plus tôt.

Le Président (M. Bordeleau): C'est ça. 11 h 15, 11 h 30. Ça va?

Une voix: Demain.

M. Johnson (Anjou): Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, nous recevons maintenant le Congrès juif canadien qui est représenté par M. Frank Schlesinger.

M. Schlesinger (Frank): C'est très bien prononcé.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous laisse présenter les personnes qui vous accompagnent et je m'excuse au nom des membres de la commission de vous recevoir si tard.

Congrès juif canadien

M. Schlesinger: On est assez heureux d'avoir été invités et on vous en remercie.

M. le Président, M. le ministre, M. le chef de l'Opposition, membres de la commission parlementaire, permettez-moi de vous présenter les membres de la délégation qui m'accompagne.

À mon extrême droite, on a M. Many Weiner, qui est directeur exécutif des services communautaires juifs; Mme Lily Shatsky, présidente du Centre des services sociaux juifs à la famille; M. Léon Ouaknine, qui est directeur général du Centre des services sociaux juifs à la famille; Me Louis Orenstein, C.R., qui est président de l'hôpital Mont Sinaï, président du conseil communautaire juif, président sortant du Centre des services sociaux juifs à la famille, président sortant du Baron de Hirsch Institute, président sortant de la Jewish Immigrate Aid Society et ancien membre de CRSSM.

Ensuite, à ma gauche - je vais présenter Me Avrum Orenstein après - M. Mayer Levy, qui est directeur des relations communautaires du Congrès juif canadien, région de Québec; M. Bernard Finestone, qui est président de l'hôpital juif Sir Mortimer B. Davis.

À ma droite, M. Avrum Orenstein, qui est le porte-parole de la délégation et moi-même, Me Frank Schlesinger, président du Congrès juif canadien, région de Québec.

Le but principal de ce mémoire est de démontrer la coopération très étroite qui existe entre les divers organismes de santé et d'aide sociale de la communauté juive ainsi que les liens très étroits qui existent entre ces organismes et la communauté juive. En outre, nous voulons souligner l'apport considérable des bénévoles ainsi que l'aide financière communautaire qui permettent à nos organismes de donner un surplus de services aux bénéficiaires de ces centres. Nous tenons à souligner que ces services sont également rendus à toute la population de la région de Montréal, quelles que soient la race, la couleur ou la religion. Les personnes qui m'accompagnent sont pour la plupart très versées dans le domaine des services de santé et des services sociaux.

Le Congrès juif canadien est l'organisme représentatif de la communauté juive ainsi que son porte-parole officiel par le biais d'une élection de délégués qui a lieu au terme d'un processus démocratique. Les services communautaires juifs de Montréal constituent l'organisme coordonnateur de planification sociale de 19 agences membres constituantes dans les domaines de la santé, du bien-être et de la culture.

Les parties de ce mémoire reconnaissent la nécessité de tenter de contrôler et de réduire les dépenses publiques. Nous réalisons que la loi actuelle fut rédigée en vue de régler la situation qui

existe à travers la province. Cependant, il arrive parfois qu'à vouloir trop embrasser on en arrive à des situations imprévues. La communauté juive de Montréal a de tout temps collaboré et a l'intention de continuer à collaborer avec le gouvernement afin de fournir les meilleurs services sociaux et de santé qu'il soit possible de donner de la plus efficace des manières. La communauté pense que certains des articles du projet nieront l'esprit de la loi, chapitre no 48, et détruiront l'engagement de la communauté au sein des centres hospitaliers affectant la communauté ainsi que les services fournis par ces institutions. L'engagement des bénévoles de la communauté dans ce domaine d'activité est un fait bien connu qui remonte dans notre histoire à 1863, c'est-à-dire 118 ans depuis l'établissement des services juifs à la famille, institut Baron de Hirsch.

Certains services sociaux et services de santé qui furent au tout début créés et maintenus par la communauté juive ont graduellement été subventionnés au cours des années par le gouvernement et sont à l'heure actuelle en grande partie financés à même les deniers publics. Pendant toutes ces années, il y a eu un lien continu entre la communauté qui avait créé ces services et les établissements qui les fournissaient. Ces liens existent sous différentes formes. Les services sont assurés par la communauté juive sous forme de fonds et de main-d'oeuvre bénévole.

Des dizaines de milliers d'heures de travail et des millions de dollars viennent s'ajouter chaque année au fonds du gouvernement par ces corporations. Les conseils de directeurs désirent maintenir dans ces établissements une ambiance et un caractère juifs. (Minuit)

Cet engagement communautaire finance les programmes et les services que le gouvernement est incapable de fournir, assure le fait que les établissements publics juifs manifestent une responsabilité et une contrainte dans leurs activités financières et fournissent les services spéciaux si indispensables à la survie de notre communauté. Cet engagement est l'intérêt de la communauté juive envers les établissements publics juifs qui doivent être maintenus tout d'abord, afin de protéger et d'assurer l'aspect culturel et religieux compte tenu de ces établissements, ce qui est absolument indispensable au bien-être de la majorité des bénéficiaires des services de nos institutions et afin de maintenir le niveau de supplément financier fourni à ces établissements.

Maintenant, je passerais le micro à Me Orenstein, ancien président du Centre des services sociaux juifs à la famille.

M. Orenstein (Avrum): M. le Président,

M. le ministre, à la demande de la commission, premièrement je pense, vous donner simplement une perspective globale que notre mémoire prévoit seulement et est limité aux effets de la loi 27 en ce qui concerne la communauté juive comme communauté juive.

Deuxièmement, de souligner pour la communauté juive des établissements qui font partie intégrante de notre communauté. En conséquence, nous parlons de la survivance d'une partie intégrante de notre communauté quand nous parlons de notre réseau. Une destruction de notre réseau juif aura pour effet de désorganiser la communauté et de détruire une partie intégrante de la communauté.

De plus, je dois souligner que la manière dont la communauté juive appuie les établissements, tombe carrément dans les discours de l'ancien ministre Castonguay, c'est-à-dire une participation locale, enracinée dans la communauté, autonomie de gestion et des services requis par les bénéficiaires de ces établissements et le tout dans le cadre des politiques du ministère des Affaires sociales.

Le moyen de continuer à préserver l'engagement de la communauté se trouve dans le bilan du maintien de la coopération et dans celui du réseau de l'établissement juif qui s'appuient mutuellement, dont l'antériorité socioculturelle a été garantie dans le passé par tous les gouvernements, y compris le gouvernement actuel. Quand je dis tous les gouvernements, nous avons annexé, à titre d'information, une lettre qui a été envoyée par le ministre Denis Lazure à la communauté juive concernant la réalité socioculturelle qui doit être respectée.

De plus, nous avons, dans une autre annexe, un arrêté en conseil au sujet de Miriam Home faisant une autre fois allusion aux communautés juives et aux établissements juifs. De plus, au mois de septembre 1981, lors d'une rencontre avec le ministre Pierre-Marc Johnson, le ministre a dit une autre fois qu'il va tenir compte de la réalité socioculturelle affectant les communautés juives. Au sein de la communauté juive, les coopérations qui entretiennent les établissements publics et qui sont propriétaires d'un bien immobilier ne sont pas seulement des propriétaires ou des vestiges d'une époque révolue, elles sont elles-mêmes des associations bénévoles ayant un accès de 40 000 contribuables annuels en fonds et en temps. Nous rendons des services appuyant la recherche médicale, lançons des projets pilotes et rendons de multiples services à la communauté juive et à l'ensemble de la société. Je dois dire que 40 000 contribuables d'une population de 110 000 incluant les enfants et les autres bénéficiaires représentent presque 100% des communautés juives de Montréal, soit environ

110 000 personnes. C'est précisément par le bilan de ces coopérations dynamiques qu'il existe un appui communautaire ainsi qu'un apport continuel envers des établissements publics. Cet appui fait en sorte que les établissements fournissent des services de haute qualité dans les camps des limites telles qu'établies par le ministère des Affaires sociales et que requièrent les bénéficiaires.

Toutefois, les modifications proposées au projet de loi no 27 pour le non-respect des services sociaux, les services de santé et particulièrement, les articles du projet de loi qui se rattachent à la présentation des coopérations au sein du conseil des directeurs auront pour effet de rompre les liens de la communauté juive envers ces établissements de services sociaux et de santé publique. En ramenant la représentation des corporations de quatre membres à un membre dans un conseil d'administration de 11, 12 ou 13 personnes, l'engagement et donc l'effet que ces corporations et la communauté auront sur les établissements en seront sérieusement diminués.

En outre, les dispositions du projet de loi qui déclarent que la représentation auprès des conseils des établissements de la part d'établissements complémentaires se ferait sur une base territoriale, plutôt que sur une base de parties cocontractantes, auraient pour effet d'atteindre très gravement ces institutions publiques juives entre elles. Toutes ne se trouvent pas dans la même région ni même dans le même secteur. Cependant, même en envisageant les choses sous leur meilleur jour, la représentation en sera sérieusement estompée.

On pense que des dispositions spéciales doivent être faites dans la législation afin de prendre en considération le caractère unique de la région 6A, la région de Montréal métropolitain, afin de refléter son caractère ethnique, multiculturel et divers.

Si une interprétation stricte est donnée aux articles 79, 81 et 82 des modifications proposées, alors, par exemple, tous les centres hospitaliers de la région 6A éliraient ensemble un représentant au conseil d'administration de chacun des trois centres de services sociaux de la région, et les trois centres de services sociaux éliraient ensemble un représentant au conseil d'administration de chacun des hôpitaux de la région. Nous doutons que cela soit l'intention du législateur.

Pour une plus grande certitude et afin de maintenir des connexions entre chaque établissement et son système d'appui, il vaudrait mieux maintenir un système de représentation croisée des conseils d'administration en se basant sur les contrats de services et les comités d'admission, pour la région de Montréal tout au moins.

La situation particulière qui prévaut à l'Hôpital Mont Sinaï doit être portée à votre attention. Cet hôpital, qui se trouve dans la région 6B et dont les biens immobiliers sont détenus par une corporation qui fait partie du réseau d'agences juives, est en train de terminer le processus de relocation dans la région de Montréal. Entre-temps, si les changements proposés étaient appelés à entrer en vigueur, il y aurait risque que cet hôpital soit isolé de son conseil corporatif et de la communauté juive nourricière du Montréal métropolitain.

La communauté juive a déjà promis de donner entre 3 000 000 $ et 3 500 000 $ pour la construction ou la reconstruction d'un hôpital Mont Sinaï à Montréal. Nous demandons que le caractère superrégional de cet hôpital soit conservé jusqu'à ce qu'il soit transféré à Montréal.

Nous avons, dans la partie 4, des recommandations. Ce sont des changements minimaux pour permettre à notre réseau de continuer de fonctionner en garantissant l'orientation de la loi et en réduisant les effets sur nos établissements.

Premièrement, la composition des conseils des centres. 1.01. Que le nombre de représentants au conseil du centre des corporations qui soutiennent les établissements ou qui sont propriétaires des biens immobiliers utilisés par l'institution soit maintenu au nombre actuel de quatre. Le nombre total de membres du conseil d'un centre peut être facilement accru pour pourvoir à ceci sans pour autant frustrer le but de la loi. 1.02. Que les représentants d'une catégorie d'établissements aux conseils d'administration d'une autre catégorie d'institutions soient basés sur les contrats de services ou la participation aux comités d'admission, comme c'est le cas actuellement, et que cela ne soit pas fondé sur la base d'un territoire. 1.03. Que la personne nommée par un "groupe bénévole" soit restreinte à ces groupes bénévoles qui travaillent à l'intérieur de l'établissement. 1.04. Que dans les établissements où des comités de bénéficiaires existent et où l'état de santé des bénéficiaires ne leur permet ni de voter ni de participer aux comités des bénéficiaires ou des conseils d'administration, il serait bon que les parents ou les bénéficiaires puissent voter et oeuvrer.

Deuxièmement, la composition du conseil régional. 2.01. Qu'il y ait des dispositions spéciales afin de prendre en considération le caractère particulier de la région 6A de Montréal métropolitain où prévaut une diversité culturelle, ethnique et linguistique, et où, à l'encontre des autres régions, il existe trois centres de services sociaux.

2.02. Que la représentation au conseil régional passe d'un représentant à deux représentants dans ces catégories où il y a représentation ou élection par d'autres groupes d'établissements et que des dispositions spéciales soient prises pour prendre en considération l'aspect socioculturel particulier de la région 6A à cet effet. 3. Consultation et appel. Que les décisions prises par le ministre ou par le conseil régional qui affectent la nature, la structure ou l'existence même d'un établissement soient a priori sujettes à une consultation ou à une procédure d'appel auprès d'une commission ou d'un tribunal. 4.01. En général, que les contrats de services avec d'autres institutions publiques régies par le chapitre 48 et ayant des liens tant socioculturels qu'historiques entre elles ne requièrent pas d'approbation du conseil régional. Exemple: contrat de services entre les centres de services à la famille et l'hôpital Mont-Sinaï. 4.02. Nous recommandons qu'à l'avenir, une législation aussi importante que le projet de loi no 27 qui affecte de façon fondamentale la fonction, le caractère et l'existence même des établissements publics, soit diffusée avec un délai raisonnable afin que le public puisse avoir l'occasion de faire des démarches sur une question qui le touche profondément.

Nous sommes persuadés que la commission des affaires sociales et l'Assemblée nationale considéreront de façon favorable la révision telle que proposée à la lueur des recommandations contenues dans ce mémoire.

Nous avons ajouté une annexe à la dernière page de notre mémoire. Illustration des services interreliés fournis à la communauté par un réseau juif de services sociaux et de services de santé avec reconnaissance des dimensions culturelles et religieuses.

Nous avons pensé que cette démonstration serait meilleure que simplement l'expliquer. Nous avons pris le cas d'un établissement de centre de services sociaux juifs à la famille en indiquant, premièrement, les liens entre ce centre et les autres établissements publics. Il y a sept autres établissements publics. Il y a des contrats de services avec chacun des sept ainsi que l'hôpital Mont Sinaï et il y a des recommandations, des références.

Par la corporation, pour vous indiquer clairement que les corporations sont elles-mêmes des organisations bénévoles, nous avons pris une autre fois le cas des centres de services sociaux juifs à la famille, la corporation lance le service juif à la famille, l'Institut Baron de Hirsch. Cette corporation donne, en coût annuel pour fournir les services, environ un million de dollars par année. Les fonds sont en grande partie fournis par une campagne publique des services communautaires juifs de Montréal. Là, les corporations fournissent les services suivants: il y a des suppléments financiers pour le placement des personnes âgées dans des établissements privés, ou pour la nourriture kascher, les Bar-Mitzvah, les leçons, etc., des services juridiques, des services dentaires, des clubs de consommateurs pour alimentation kascher, rabais pour produits pharmaceutiques, vêtements, etc., un directeur bénévole pour obtenir des volontaires pour le CSSJF, éducation et vie familiale, services sociaux scolaires aux écoles juives.

Il y a aussi un Foyer Baron de Hirsch Inc. qui est un édifice pour un groupe de foyers d'accueil, supplément de Kachroute, provisions, divertissements pour enfants. Il y a aussi un cimetière Baron de Hirsch Inc. qui est pour l'enterrement gratuit des indigents et l'entretien des tombes.

Il y a d'autres agences de notre service communautaire juif de Montréal qui font aussi partie de notre réseau, par exemple, des centres d'orientation juifs, orientation et formation; les camps B'nai B'rith pour enfants adoptés et enfants dont les parents ont un salaire marginal; les YM/YWHA pour plusieurs services divers; la Fondation Hillel qui se trouve au niveau universitaire à l'Université de Montréal, à McGill et à Concordia; l'Agence juive d'aide aux immigrants; le Conseil de l'éducation juive: libre ou frais minimes pour la scolarité; les services communautaires juifs qui donnent des lits pour des personnes âgées; le Conseil des personnes âgées qui est relié aussi à ce centre et qui donne des soins à domicile pour des personnes âgées; le projet Genèse qui est financé en partie par les services communautaires juifs, pour les bénéficiaires qui ont des problèmes avec les propriétaires; la Bibliothèque publique juive et Caldwell, qui est un hébergement à loyer modique pour personnes âgées; la Communauté sépharade du Québec et aussi l'Association de l'âge d'or qui donne des services aux personnes âgées.

Je dois souligner que d'autres établissements juifs ont des liens similaires entre eux. Je pense que l'annexe ainsi que nos explications vont démontrer que, pour nous autres, pour notre communauté, les établissements font partie intégrante de notre communauté. Le réseau lui-même forme une partie intégrante de la communauté et nous voyons les effets de la loi no 27 comme une destruction d'une partie de ce réseau et de notre communauté. Nous avons suggéré des amendements qui se trouvent dans l'annexe B, amendements que nous avons déjà dactylographiés, dans l'espoir que ce soit amendé tout de suite. De toute façon, nous avons suggéré des amendements

pour que ça corresponde à ce que nous avons dit dans notre mémoire. (0 h 15)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, des questions ou commentaires?

M. Johnson (Anjou): Oui. Me Orenstein, merci de votre mémoire et de sa clarté, en même temps que de sa brièveté. Je voudrais en profiter pour saluer Me Orenstein père, avec qui j'ai eu l'occasion de parler à de nombreuses reprises dans d'autres types de commission parlementaire.

Je comprends que ce qui vous préoccupe à l'égard du projet de loi, c'est essentiellement la présence de la communauté à travers les structures; ce ne sont pas tellement les pouvoirs. À cet égard, je vous rassurerai sur le pouvoir de fusion; vous avez sûrement pris connaissance, aussi bien que moi, de l'article 79 qui prévoit que, dans le cas d'une corporation dont les biens immobiliers n'ont pas été acquis en majorité par des subventions de l'État, évidemment, les dispositions de l'article forçant la fusion ne peuvent s'appliquer. À cet égard, tous les biens immobiliers appartenant à des corporations et représentant plus que la moitié, pour prendre un chiffre comme ça, ne pourraient être sujets à la fusion.

Ceci est fait en pensant, notamment, à des établissements qui appartiennent à la communauté juive, comme à d'autres regroupements, et en vertu d'un principe général qui dit qu'on peut difficilement s'arroger, même comme État, ce pouvoir, sans une forme de désintéressement. Donc, je présume qu'à cet égard vous n'entretenez pas les inquiétudes que j'aurais pu soupçonner. Non?

M. Orenstein: Franchement, dans notre mémoire, on ne fait aucune référence à cette question de fusion. Je pense que dans le comité des Juifs, la plupart des immeubles étaient achetés avec l'argent de la communauté.

M. Johnson (Anjou): C'est ça. En ce sens, je voulais être sûr que pour vous, il n'y avait aucun doute quant à ça. Parfait.

La question de la représentation des corporations. Je vous répondrai dans des termes généraux; j'écoute vos préoccupations et vous êtes allés suffisamment loin dans vos préoccupations pour préparer ce qui pourrait être des papillons en commission parlementaire. C'est un travail qui, s'il était fait par tout le monde, simplifierait la vie des députés, souvent.

Mme Lavoie-Roux: Surtout de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Ah, surtout de l'Opposition, bon!

Je prends bonne note de cela et je tiens pour acquis que cette remarque, c'est celle que nous avons entendue venant de quelques groupes aussi, à l'égard du poids relatif des corporations qui est diminué... Mais, vous invoquez que dans le cas de la communauté juive, compte tenu du caractère particulier de la communauté, c'est plus contraignant. Dans le cas des établissements, effectivement, nous supprimons la notion de contrats de services. Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Je ne voulais pas vous interrompre, M. le ministre, je m'en excuse.

M. Johnson (Anjou): Je pensais que vous me parliez.

Mme Lavoie-Roux: Non, non.

M. Johnson (Anjou): Dans le cas des établissements par contrats de services, c'est-à-dire des sièges reliés aux établissements qui ont des contrats de services, effectivement, dans la loi, nous supprimons la nécessité de l'existence de contrats de services, pour le sens de la qualification, si on veut, des administrateurs. Ceci viendrait modifier, dans le cas de la communauté, ou théoriquement, permettrait des modifications de la répartition et de faire en sorte que les liens que vous avez très amplement décrits dans votre annexe ne seraient pas garantis, si je comprends bien.

Vous dites que la personne nommée par un groupe bénévole soit restreinte à ces groupes bénévoles qui travaillent à l'intérieur d'un établissement. J'aimerais peut-être entendre un peu là-dessus vos motifs.

M. Orenstein: D'accord. Sur cette question, il y a des groupes bénévoles qui travaillent dans le réseau total, par exemple dans la région 6A. Il y en a d'autres qui travaillent d'habitude dans quelques-uns des établissements. Chez nous, il y a les clubs comme B'nai B'rith qui travaillent dans les établissements juifs; il y a un autre groupe qui peut être le Ladies' Auxiliary d'un hôpital, qui travaille surtout dans cet hôpital. Ce que nous prévoyons, c'est qu'à la place d'avoir un représentant de n'importe quel groupe bénévole on ait un représentant de groupes bénévoles qui consacrent du temps et du travail dans l'hôpital ou dans le centre en question, parce que la loi prévoit simplement un représentant d'un groupe bénévole reconnu comme tel par le CRSSS. Premièrement, je me demande qui peut être reconnu par le CRSSS, de toute façon. C'est simplement pour dire que cela ne donne pas aux personnes qui travaillent dans les établissements une représentation dans ces mêmes établissements.

M. Johnson (Anjou): Cela peut être très intéressant. Compte tenu du nombre d'établissements et du caractère assez homogène de la population non seulement qui les fréquente, mais qui y travaille, vous comprendrez qu'en termes généraux il est très difficile d'appliquer ce type d'approche, compte tenu de nos objectifs. "1.04: Que dans les établissements où des comités de bénéficiaires existent et où l'état de santé des bénéficiaires ne leur permet ni de voter ni de participer aux comités, il serait bon que les parents ou les bénéficiaires puissent voter et oeuvrer". Je prends très bonne note de cette remarque qui me paraît extrêmement intéressante et probablement judicieuse, mais vous me donnerez quelques jours avant de décider si c'est vraiment judicieux. Je pense que M. Brunet a évoqué quelque chose d'analogue, d'ailleurs.

Composition du conseil régional. Je vois deux choses dans ce que vous évoquez, vous me corrigerez si ce n'est pas le cas. D'une part, la région 6A étant un territoire d'une telle ampleur, à la fois sur le plan de la population, des institutions, etc., vous considérez que le conseil régional devrait peut-être être plus nombreux pour pouvoir refléter un peu cette diversité non seulement ethnique ou culturelle, mais religieuse, dans une grande agglomération urbaine. Je trouve intéressant comme notion que vous évoquiez la loi des nombres. Sur la Côte-Nord, on a exactement le contraire. Sur la Côte-Nord, en ce moment, il y a plus de postes ouverts au CRSSS qu'il y a d'établissements, alors qu'à Montréal c'est plutôt l'inverse. Je trouve intéressant que vous introduisiez cette notion qui nous amènera à une réflexion ou à des débats intéressants.

Je vois, d'autre part, une autre notion que vous voudriez voir, envers laquelle je suis a priori beaucoup plus rébarbatif, c'est la notion de dispositions spéciales pour prendre en considération l'aspect socioculturel particulier de la région. Cette approche sur le plan de la confirmation dans la législation fait l'objet normalement d'un comportement qui, historiquement, a toujours permis l'exercice de cette relation malgré des moments tendus à l'occasion, mais dont, finalement, le bilan est celui d'une vie réciproque et d'une tolérance assez remarquable entre les communautés.

Intrinsèquement, dans le cas d'une structure comme le CRSSS, prévoir des dispositions aussi spécifiques que la représentation socio-culturelle me paraît aller à l'encontre d'une philosophie générale qu'il faut appliquer au niveau des lois, ce qui n'empêche pas que, dans la réalité, beaucoup de ces choses. C'est le cas, par exemple, des ententes de services qui vous permettent d'avoir, à partir du centre de services sociaux, par le jeu des ententes administratives, à toutes fins utiles, une certaine homogénéité au niveau du fonctionnement. Pourtant, rien de tout cela n'est dans les lois ou dans les règlements. C'est l'arrangement qui a l'extraordinaire avantage d'être à la fois souple et à la fois garant d'un comportement de respect et de dignité réciproque.

La consultation et l'appel...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, je m'excuse.

M. Johnson (Anjou): Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Je pense qu'on a peut-être un commentaire ou une réplique.

M. Johnson (Anjou): Ah bon!

M. Finestone (Bernard): M. le ministre, je fais en ce moment partie du conseil régio- nal comme représentant des hôpitaux. Il y a présentement trois dispositions qui existent par arrangement entre les hôpitaux de l'Université de Montréal et de McGill. Je vous assure que, quand on est confronté avec des problèmes, c'est absolument nécessaire que les deux systèmes siègent. Je ne peux pas parler pour les hôpitaux représentés par l'Université de Montréal comme ils ne peuvent discuter de nos problèmes. C'est une chose qui existe seulement dans notre région.

M. Johnson (Anjou): Je ferai juste une parenthèse, il y a aussi le siège pour les universités au CRSSS cependant. Je comprends qu'il y a quatre universités à Montréal, mais il y a quand même un siège pour les universités en plus de celui des hôpitaux.

M. Finestone: Exactement.

M. Johnson (Anjou): Que la notion de consultation dans le cas de changements ou de décisions qui pourraient affecter la structure ou l'existence d'un établissement soit a priori sujette à une consultation ou à une procédure d'appel... La procédure d'appel, à mes yeux, non, évidemment, pour les raisons, je pense, dont vous vous doutez bien, M. Finestone, puisqu'il s'agit finalement d'une notion d'intérêt public impliquant la responsabilité du pouvoir politique dans l'administration de l'argent prélevé par voie d'imposition à partir du principe que c'est ici que cela se décide. La notion de consultation, cependant, je pense, est plus souple et plus signifiante dans notre régime démocratique, étant donné qu'elle n'a rien de superficiel dans notre régime.

Quant aux contrats de services avec les autres institutions qui ne requièrent point l'approbation du conseil régional, j'aimerais

peut-être vous entendre quelques secondes là-dessus, s'il vous plaît!

M. Orenstein: Sur l'article 4.01?

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, sur l'article 4.01.

M. Orenstein: Oui, cela reflète précisément la question des liens, des contrats de services entre les établissements juifs. Pour nous autres, et je pense aussi pour l'Ordre des infirmières et infirmiers, l'idée, c'était d'avoir des contacts, sinon des contrats, avec un établissement qui est susceptible d'avoir un tel contact.

Pour nous autres, les établissements, les institutions avec lesquels, par exemple, le Centre des services sociaux juifs à la famille veut contracter... C'est une chose naturelle de contracter. C'est comme l'hôpital juif général Sir Mortimer B. Davis et les autres. C'est ce que nous prévoyons. Il y a dans le projet de loi une disposition qui indique que le ministre peut par règlement décider quel contrat doit être approuvé par le conseil régional et quel contrat peut être seulement déposé.

Ce que nous demandons, c'est que les contrats de services avec les autres institutions publiques régies par la loi, ayant des liens tant socioculturels qu'historiques entre elles, ne requièrent pas l'approbation du conseil régional, c'est-à-dire que, si des règlements étaient adoptés, qu'ils ne prévoient pas l'approbation du conseil régional pour les contrats de services entre des établissements du réseau juif.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Oui, M. Finestone.

M. Finestone: Nous savons que vous avez des problèmes en ce moment avec les contrats que des institutions ont avec d'autres institutions qui ne sont pas publiques. Notre point ici, c'est quand deux institutions publiques veulent contracter entre elles. Ce n'est pas une chose qui doit être le problème du conseil régional.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous excluez ou vous incluez la notion d'approvisionnement commun? Il y a peut-être deux ou trois dispositions que vous pourriez viser par ces commentaires. Est-ce que vous visez notamment les dispositions qui veulent donner au conseil régional le pouvoir qu'en pratique il exerce déjà en vertu d'arrêtés en conseil et de directives, de procéder à !a mise en commun de certains services, notamment au niveau des achats. Voudriez-vous? Non? Ce n'est pas ce que vous visez. (0 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): M.

Orenstein.

M. Orenstein: Non, M. le ministre. Ce que nous prévoyons dans cet article du projet de loi qui parle de services professionnels, ce sont des contrats de services professionnels qui doivent être approuvés par le conseil régional, selon le règlement du ministre.

M. Johnson (Anjou): Je voulais seulement être sûr que c'était effectivement 81. Le but de ces dispositions n'étant pas une intervention ad hoc chaque fois, mais de faire en sorte que les procédures gouvernementales qui ont été mises en vigueur depuis un certain nombre d'années et qui visent à obtenir une distribution plus équitable de ceux qui contractent avec l'État, notamment au niveau de la construction, que le type de procédure soit étendu au réseau dans la mesure où, effectivement, il s'agit de fonds publics qui sont dépensés. C'est ce que recherche l'article 81 modifiant 124, ce qu'on appelle entre nous, dans le jargon parlementaire, le boulier; je pense que mes collègues de l'Opposition savent à quoi je me réfère. C'est une disposition habilitant à l'utilisation du boulier, notamment dans les grosses immobilisations.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Orenstein.

M. Orenstein: Oui, je comprends bien, sauf qu'avec chaque loi il y a un but et il y a des effets et nous voulons être plus certains que les effets de la loi ne seront pas simplement d'interdire ou de soumettre à l'approbation des conseils régionaux des contrats de services entre un établissement comme le CSSJF et l'hôpital Jewish General, par exemple.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Seulement pour corriger. J'ai effectivement fait un lapsus, je me référais à un autre article que 81, je m'en excuse; je pense que je vous ai induit en erreur là-dedans. Vous me pardonnerez, à l'occasion à cette heure-ci, il nous arrive de faire des lapsus.

Je me référais plutôt à 95 qui modifie 173.1 où on dit que le ministre peut, avec l'approbation du Conseil du trésor faire des règlements sur la procédure relative à l'octroi de contrats de services par les établissements. Si je comprends bien, vous ne visez pas ces dispositions dans votre commentaire, mais vous visez plutôt celles de 81 qui impliquent des contrats de services "inter établissements". Bon, d'accord, je m'excuse.

Le Président (M. Bordeleau): C'est 81 qu'ils visent dans leur mémoire.

M. Johnson (Anjou): C'est 81 qu'ils visent dans leur mémoire et non pas 173.

M. Lincoln: À l'article 81, vous n'avez pas d'objection à leur interprétation de deux établissements par rapport aux services professionnels qui ont un lien socioculturel. Est-ce que je comprends dans votre remarque que vous n'avez pas d'objection à cela?

M. Johnson (Anjou): Non, je pense que vous ne comprenez pas mes remarques. La distinction de nature socioculturelle dans le cadre de l'application de choses comme celles-là, quant à moi, ne doit pas être introduite. À l'occasion, cependant, en procédant par d'autres voies, il arrive que la loi permette que l'objectif recherché soit atteint sans pour autant que l'on fasse référence à cette notion de socioculturel dans nos lois.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Schlesinger.

M. Schlesinger: Oui, il faut comprendre que ce que nous cherchons, c'est de conserver notre identité à titre de réseau juif, de pouvoir contracter entre les différentes institutions, enfin, de conserver ce caractère de réseau.

Si vous me permettez, je vais saisir l'occasion de faire un pas en arrière pour la question d'appel. Vous êtes passés assez vite là-dessus, mais vous savez qu'il y a déjà dans la loi actuelle les articles 147 et 148 qui prévoient un appel à la commission dans certains cas. Ce que l'article 139 vise à faire, c'est d'éliminer complètement tout appel même s'il y a une procédure abusive, ce qui est contraire à l'esprit de la loi québécoise à mon sens. Je n'ai rien contre l'esprit de la loi qui prohiberait un appel à la commission pour ce genre de décision qui, après tout, peut même éliminer une institution ou un établissement qui existe depuis plus de 118 ans.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Orenstein.

M. Orenstein: Oui, je veux seulement ajouter aux remarques qui ont été faites par M. le ministre disant que dans l'annexe nous avons vu certains articles proposés et rien n'indique les mots "socio-culturel". C'est sûrement un moyen pour obtenir précisément le même effet. Nous avons souligné les coopérations, nous avons souligné la question des contrats de services. M. le ministre a indiqué que c'était supprimé étant donné que, théoriquement, ça pouvait poser un problème. Je pense qu'il n'est pas difficile de simplement l'amender pour dire: "des contrats de services". Cela va éliminer le problème théorique et ça peut devenir plus pratique.

M. Johnson (Anjou): C'est la distinction entre le contrôle de l'opportunité et le contrôle de la légalité, que vous connaissez. Je ferai remarquer que là où il y a un appel possible en vertu du chapitre 48, c'est dans le cas de l'application de la suspension du permis à l'article 146, mais pour des motifs qui impliquent un caractère d'irrespect de la loi, notamment, si la personne a commis une infraction à la loi, ne remplit plus les conditions requises au permis, est insolvable ou ne peut assurer les services de santé et les services sociaux adéquats.

Si le ministre, au sens de la loi, suspend un permis en vertu de l'article 146, il m'apparaît tout à fait normal qu'il y ait un droit d'appel. Dans ce qui est visé par les autres dispositions, notamment à l'article 139, il s'agit d'un jugement au nom de l'intérêt public et il s'agit d'un jugement d'opportunité. Je pense que c'est très différent. Je ne pense pas qu'on doive laisser aux tribunaux les jugements d'opportunité. Les jugements d'opportunité doivent demeurer la responsabilité des pouvoirs publics que sont la Législature, le gouvernement et le Conseil exécutif. C'est dans ce sens-là.

M. Schlesinger: Vous avez raison, en effet, il y a une grande différence. Il faut quand même respecter le fait que, lorsqu'une décision peut abolir même l'existence d'un établissement, même s'il y a ce pouvoir exécutif pour le faire, il faut quand même avoir le droit non seulement de respecter la règle audi alteram partem, sur laquelle vous êtes d'accord, d'après vos commentaires, mais aussi le droit de comparaître, peut-être pas devant les tribunaux, mais devant la commission, pour faire valoir des motifs d'appel.

Les pouvoirs accordés au ministre sont tellement draconiens qu'il faudrait avoir un moyen de les réviser ou de demander la révision. Autrement, par le simple biais d'une ordonnance, on peut complètement éliminer l'existence d'un établissement. Je trouve que c'est un peu draconien.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je ferai juste une remarque là-dessus. Quand vous parlez de la commission, le parallèle que les juristes me suggèrent, c'est celui du Tribunal d'expropriation. Jamais le Tribunal d'expropriation ne se prononce sur l'opportunité de l'expropriation. Il se prononce sur sa légalité ou les conditions l'entourant en termes de dédommagement,

etc. L'opportunité n'a pas à être jugée, je pense, par un tribunal administratif. Cela me paraît évident.

En ce sens, non seulement y a-t-il les garanties nécessaires sur le plan immobilier quand on parle de fusion, mais, quant aux notions de permis, je pense que la règle démocratique, encore une fois, doit jouer. On ne peut pas chercher l'illusoire garantie d'un tribunal administratif dans des jugements d'opportunité. Je pense que ce serait un précédent inadmissible.

M. Schlesinger: Après tout, les établissements qui ont été fondés par la communauté, qui ont été payés par la communauté, qui ont été maintenus à même les fonds communautaires, avec le pouvoir accordé au ministre, tout cela peut disparaître très facilement. Il me semble que le principe de représentativité est un principe que vous endossez. S'il faut être représentatif, il faut aussi donner le droit aux personnes affectées d'avoir de plus amples recours qu'une simple décision administrative.

Je ne peux pas, franchement, faire le lien entre ce domaine et le domaine de l'expropriation. Le domaine de l'expropriation, c'est quand même quelque chose d'appréciable en argent. Ce n'est pas la même chose. Ici on parle de la destruction des services rendus à une communauté par les institutions qui ont été fondées pour servir à une communauté, qui ont été fondées parce qu'il y avait un besoin. L'existence même et les caractères de ces institutions doivent être davantage protégés que sujets à un décret. Un gouvernement peut décider, un moment donné que c'est plus d'utilité publique, que ce soit ce gouvernement ou un autre gouvernement. Je trouve que c'est inacceptable dans une démocratie de n'avoir aucune avenue d'appel.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Encore une fois, je pense qu'on oublie une couple de choses. Ce sont des fonds publics. Je comprends qu'en termes d'acquisition on pourra me dire que, dans le cas de la communauté juive notamment ou dans le cas d'autres institutions, il y a une participation de fonds privés ou de fonds sui generis de la communauté ou du groupe. Mais le budget d'administration, la santé publique, l'intérêt public et l'argent que l'État met pour les maintenir et les soutenir, ça reste quelque chose qui relève de la Législature et du Conseil exécutif. Cela m'apparaît absolument évident. Je comprends que vous disiez qu'il faut qu'il y ait moyen d'être entendu; sûrement, en soi, intrinsèquement, il n'y a pas de problème. Je vous dirai que je ne suis même pas sûr qu'on ait besoin de ça dans les lois, parce qu'en pratique c'est comme ça que ça se fait dans la réalité et qu'il y ait des ouvertures au niveau de la loi pour un processus consultatif, on a les notions de prépublication qui existent déjà dans le cas de la fusion notamment, au nom de l'intérêt public, des choses comme celles-là. Mais renvoyer à un tribunal administratif une décision d'opportunité, cela m'apparaît tout à fait incompatible avec le mandat, la légitimité et le devoir de ceux qui exercent les fonctions exécutives.

M. Schlesinger: On peut peut-être aller jusqu'à l'absurdité. Si le ministre décidait qu'il n'y a plus d'utilité publique d'avoir l'hôpital général juif, à ce moment-là, d'un coup, le permis ne serait peut-être pas renouvelé et on se trouverait dans la situation où on a perdu l'institution. Je ne trouve pas que ce soit du ressort tout simplement du gouvernement de décider, d'un coup, que ce n'est plus d'utilité publique. Il faut un moyen que la communauté ait de faire appel quelque part.

M. Johnson (Anjou): J'ai très bien compris, M. Schlesinger, ce que vous dites, mais je vous répète et je pense que je veux que ce soit clair, et je pense qu'on aura peut-être l'occasion, en troisième lecture, d'en discuter article par article. Mais il reste qu'à mes yeux aucun tribunal administratif ne doit venir infirmer ou confirmer une décision de cette nature. Mais je vais vous dire que le premier qui, ici autour de cette table ou dans n'importe quel gouvernement du Québec, penserait suspendre le permis de l'hôpital général de votre communauté, je pense qu'il lui arriverait une sanction bien pire que celle des tribunaux.

Le Président (M. Bordeleau): J'ai reconnu M. Finestone et M. Orenstein. Peut-être après.

M. Finestone: M. le ministre, je vous assure que ce n'est pas un problème juif, franchement. Je veux dire que ce n'est pas un problème juif ça, je vous assure. C'est un problème général et comme un homme qui est, de temps en temps un petit peu politicien, j'ai beaucoup de sympathie avec votre point de vue. Mais franchement, c'est un pouvoir qui découle de cela. Je conçois que les ministres sont très intelligents et bien motivés. Ils ne prendront pas de décision s'ils pensent que ce n'est pas au bénéfice de toute la population. Mais c'est possible que vous fassiez une erreur de temps en temps. Il y a une petite possibilité, au moment où vous proposez ce projet de loi, une erreur peut continuer jusqu'à la destruction de l'institution. La suggestion ici, c'est qu'on doit avoir une occasion

d'examiner, non pas votre droit de prendre une décision, mais si c'est bien basé sur les faits... (0 h 45)

M. Johnson (Anjou): Probablement pour clore cette partie du débat, pour permettre à mes collègues de l'Opposition d'intervenir -je sais qu'ils ont des choses à dire - d'une part, je répète ce que je vous ai dit sur la notion de contrôle d'opportunité et, deuxièmement, sur la notion d'intérêt public qui n'est pas la fantaisie au gré du jour du ministre qui se lève de bonne humeur ou pas ce matin-là. C'est l'intérêt public. En plus, l'intérêt public peut donner lieu à l'émission d'un bref par la Cour supérieure. Si jamais on voulait faire la preuve et qu'on pouvait faire la preuve que ce n'est pas dans l'intérêt public, rien n'empêche de recourir aux tribunaux de droit commun à cet égard en termes de contrôle de la légalité de la décision. Je vous ferai remarquer - c'est ma dernière remarque aussi - que dans ces débats extraordinaires où, pourtant, on balise considérablement les pouvoirs que se donne le gouvernement ou le ministre, selon le cas, on semble oublier qu'il ne s'agit pas de dépanneur ou de commerce privé, il s'agit d'établissements qui non seulement oeuvrent dans les secteurs public et parapublic au service des citoyens mais qui sont également financés à même les fonds des citoyens.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. J'ai reconnu M. Orenstein père. Est-ce que c'est bien cela?

M. Orenstein: Hier matin, à dix heures, c'est-à-dire jeudi dernier, on est maintenant vendredi - j'ai plaidé devant le Tribunal du travail et j'ai énoncé la même théorie qui est énoncée ce soir par l'honorable ministre Johnson. J'ai expliqué que ce n'était pas au tribunal d'adopter des lois, il ne peut qu'appliquer la loi telle qu'elle existe. S'il y a une lacune dans la loi, c'est au gouvernement d'y remédier. Mais on ne parle pas d'une règle générale dans le moment. On parle de certaines restrictions seulement, pas des restrictions en général.

Je suis d'accord avec la position qui a été prise par le gouvernement il y a quelque temps. C'est un bon système.

L'administration des hôpitaux, des centres sociaux et des autres institutions publiques doit être la responsabilité, dans une grande partie, de la population; je suis d'accord avec cela. Mais ce n'est pas suffisant que justice soit rendue, il doit y avoir aussi apparence de justice. Je crois bien, à moins que je me trompe, que cela ne peut pas causer d'ennui au gouvernement. Je pense que cela va donner le sens des responsabilités à la population. Je pense que la population québécoise est assez sage pour assumer cette responsabilité et de ne pas en abuser. Au moins, il faut avoir confiance. Elle a le droit de demander justice. Le Protecteur du citoyen n'existait pas il y a 25 ans. C'est dernièrement qu'on l'a créé pour qu'il fasse le pont entre le gouvernement et la population d'un pays, la population d'une ville, la population d'une province.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Orenstein. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais en premier lieu céder la parole au chef de l'Opposition et, si vous me le permettez, je reviendrai par la suite.

Le Président (M. Bordeleau): Très bien. Comme je n'ai pas entendu d'objection, M. le chef de l'Opposition, j'ai pensé qu'il y avait consentement.

M. Johnson (Anjou): II est implicite.

M. Ryan: C'est parce que j'ai déjà eu un traitement différent à d'autres commissions.

Le Président (M. Bordeleau): Ah!

Mme Lavoie-Roux: Ici, c'est une commission très démocratique.

Le Président (M. Bordeleau): II devait y avoir des méchants. Ici, les gens sont bien gentils.

M. Johnson (Anjou): Sur le projet de loi no 1.6?

M. Ryan: Non, là, j'ai été bien reçu. M. le Président, je voudrais dire aux représentants de la communauté juive que nous sommes très heureux, du côté de l'Opposition, de les accueillir ici ce soir. J'ai eu personnellement l'occasion à de très nombreuses reprises au cours des 35 dernières années de vérifier la qualité exceptionnelle des services sanitaires et sociaux offerts à la population par la communauté juive. Ce sont des services qui ont d'abord été conçus pour une clientèle juive, mais qui sont ouverts aussi à d'autres clientièles et je peux vous assurer qu'ils sont très appréciés par de nombreux Québécois qui ne sont pas de la communauté juive. C'est pour cela que nous accueillons de ce côté-ci avec énormément d'intérêt la détermination avec laquelle vous défendez non seulement vos institutions individuelles mais le réseau qu'elles ont été appelées à former au cours des années. Il y a une complémentarité qui s'est développée dans ce réseau entre les diverses institutions qui en font partie, qui est un élément essentiel de sa vitalité, à mon point de vue. Je pense que c'est très important que le législateur

tienne compte de ce facteur dans les mesures qu'il veut prendre.

Vous avez souligné tantôt, M. Orenstein, quand vous avez lu le mémoire, que la communauté juive a investi des sommes considérables et continue d'investir des sommes considérables à la fois dans le développement et le fonctionnement de toutes ces institutions et services et je puis vous assurer que j'apprécie vivement les très grands services que ce déploiement d'énergie et de ressources rend à toute la communauté québécoise et au premier chef à ceux qui en bénéficient immédiatement, mais je pense que cela a été, en de très nombreuses occasions, un exemple qui a servi à toute la communauté. C'est pour cela qu'autant nous tenons à ce que soit maintenu le caractère distinctif de vos institutions, autant nous souhaitons que l'intégration à l'ensemble du réseau puisse se faire dans des conditions acceptables à la fois pour votre communauté et pour la communauté québécoise en général.

Dans cette perspective vous formulez un certain nombre de recommandations sur lesquelles je ne me prononcerai pas ce soir parce que je vais laisser cela à nos représentants qui ont suivi les travaux de la commission depuis le début. J'aurais seulement une couple de questions à vous poser en guise d'introduction. Quand vous parlez de la représentation des institutions au conseil régional, est-ce que les recommandations que vous formulez dans l'annexe de votre mémoire, quand vous dites qu'on pourrait porter le nombre de membres du conseil régional de 14 à 17 et d'avoir deux représentants pour certaines catégories plutôt qu'un seul, est-ce que cela dispose de votre inquiétude? Est-ce qu'avec cela vous considérez que la nécessité de tenir compte de considérations socioculturelles serait satisfaite ou voulez-vous quelque chose de plusque cela encore?

Le Président (M. Bordeleau): M.

Orenstein.

M. Orenstein: C'est le conseil régional seulement quand nous parlons de plus d'un représentant, c'est suffisant pour nous assurer qu'aux conseils régionaux on va avoir un mélange de groupes socioculturels.

M. Ryan: Si je comprends bien, au lieu d'avoir un représentant des centres hospitaliers, il y en aurait deux, au lieu d'un représentant des conseils de médecins et dentistes, deux, au lieu d'un représentant des CLSC, deux, au lieu d'un représentant des centres de services sociaux, deux; les centres de service d'accueil, deux au lieu d'un. Vous trouvez que cela ferait 17 en tout et vous enlèveriez les représentants des universités. Est-ce que vous les laissez là, eux, ou les enlevez-vous? Et les cégeps, vous les laissez?

M. Orenstein: Nous avons laissé les représentants, nous avons seulement ajouté dans quelques-unes des catégories deux représentants pour avoir cette possibilité.

M. Ryan: Vous ajouteriez six membres, en somme. Au lieu de 14, ça ferait 20.

M. Orenstein: Oui, à peu près.

M. Ryan: Alors, vous ne demandez pas, par conséquent, qu'il y ait des représentants, disons, de la communauté juive, de la communauté chinoise, de la communauté grecque. Vous demandez simplement qu'il y en ait six de plus.

M. Johnson (Anjou): Dans le mémoire, on évoque qu'additionnellement au nombre il devrait y avoir des dispositions spéciales qui tiennent compte de... Mais si je comprends bien ce que vous dites, c'est qu'en permettant l'accroissement en termes de nombre, ces choses-là peuvent jouer. C'est ce que je comprends.

M. Ryan: Cela veut dire que vous seriez satisfaits, si je comprends bien, si, pour le conseil régional de la région 06... C'est ça? S'il y avait un conseil de 20 membres au lieu d'un conseil de 14 membres. Si on incluait les modifications que vous proposez, il y aurait assez de marge, assez de jeu pour assurer une meilleure diversité au sein du conseil. Par conséquent...

Oui? Oui, d'accord, je vais écouter votre réponse.

M. Orenstein: Oui, monsieur, sur la question du conseil régional, pour vous donner un exemple. Actuellement, pour les centres de services sociaux, il y a trois sièges au conseil régional et, actuellement, deux pour le Montréal métropolitain. L'autre, c'était, une année, pour le CSSJF et une autre, pour Ville-Marie. Je pense qu'avec deux représentants d'un groupe on peut avoir chacun notre tour au conseil pour essayer d'avoir un "input" sur les décisions du conseil régional.

M. Ryan: J'ai remarqué que vous ne formulez aucune observation au sujet des pouvoirs des conseils régionaux. Est-ce que le texte du projet de loi est acceptable à vos yeux de ce point de vue? N'avez-vous pas d'inquiétude ou de préoccupations de ce côté, sauf ce que vous avez dit pour les contrats de services et les fusions?

M. Orenstein: M. le chef de l'Opposition, nous avons indiqué au début que nos remarques étaient limitées aux effets de la loi 27 sur la population juive et les

établissements juifs. Nous avons eu des inquiétudes sur quelques-uns des pouvoirs; nous l'avons constaté, par exemple, pour le pouvoir du ministre sur les questions en appel ou des choses semblables. Nous avons essayé, autant que possible, de restreindre nos remarques à cette dimension. Je dois ajouter que nous en avons trouvé une autre qui dit qu'il peut y avoir des règlements si le ministre le croit utile, ou quelque chose de semblable. Nous n'avons fait aucune remarque sur cela, limitant nos remarques sur le comité juif, les problèmes juifs.

M. Ryan: Sur l'hôpital Mont Sinai, pourriez-vous donner quelques précisions?

M. Orenstein: L'hôpital Mont Sinai ne se trouve pas dans la région 6, il se trouve actuellement dans la région 6B. C'est un hôpital spécialisé. Mon père est le président de cet hôpital. Cet hôpital est lié au comité juif de Montréal, l'appui vient du comité juif de Montréal; il y a beaucoup d'argent qui est donné à cet établissement par le comité juif de Montréal. De plus, il y a des discussions, depuis longtemps, sur le déménagement de cet hôpital, de Sainte-Agathe où il se trouve actuellement, à Montréal. Le comité a promis une somme de 3 000 000 $ ou 3 500 000 $ pour la construction de cet établissement à Montréal. Je dois dire que le Mont Sinai, comme les autres établissements, accepte des patients qui ne sont pas juifs. Au Mont Sinai, il y a environ 65% des patients qui ne sont pas juifs. Je dois dire qu'au Jewish General c'est plus de 50% des bénéficiaires qui ne sont pas juifs, mais les deux sont liés à notre réseau et sont appuyés par notre communauté.

M. Ryan: Vous voulez que le caractère superrégional de l'hôpital soit maintenu, soit préservé.

M. Orenstein. Le caractère superrégional est simplement pour avoir un accès de la communauté juive de Montréal au Mont Sinai, que cela ne devienne pas un hôpital régional, seulement pour la région, et on a l'appui de la communauté de Montréal.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Finestone.

M. Finestone: M. le chef de l'Opposition, un arrangement a été fait à l'instigation de l'ancien ministre. La population de Sainte-Agathe a besoin d'autres établissements pour les personnes âgées; les gens ne veulent pas construire un nouvel hôpital là, et ils nous ont pressentis. Ils nous ont dit: Vous êtes intéressés à déménager le Mont Sinai à Montréal et nous avons besoin d'autres établissements pour la population de Sainte-Agathe; peut-être qu'on peut faire un arrangement. Nous avons dit: Oui, c'est intelligent, on veut en discuter. Il y aurait eu une possibilité de conclure cela avant les élections mais, comme tout le temps, c'est une chose qui attendait les élections et maintenant, on attend encore. L'offre que vous voyez dans notre mémoire ici, pour dépenser une somme de près de 3 000 000 $, c'est pour encourager cet arrangement qui ferait l'affaire de la population de Sainte-Agathe et celle de notre institution aussi.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier également la communauté juive d'être venue. J'ai l'impression que vous devez avoir un "standing committee" qui examine les lois au fur et à mesure qu'elles sont adoptées parce que vous avez réagi quand même rapidement. Je pense que les préoccupations que vous exprimez, peut-être dans une dimension moins grande, sont certainement aussi la préoccupation d'autres communautés. Elles ont peut-être peu d'institutions, mais je pense à la communauté chinoise, par exemple. Si je pense à elle, c'est que j'ai eu à aller chez elle il n'y a pas tellement longtemps. Je trouve intéressant que vous veniez, au nom de la communauté juive, apporter cette préoccupation qu'on doit avoir aussi à l'égard d'autres groupes culturels. Le ministre ne s'est pas réjoui, mais il se disait: Vous n'insistez pas sur les pouvoirs. Enfin, il semblait heureux que ce ne soit pas... Non, tout à l'heure, dans vos remarques préliminaires. Je vous écoute tout le temps, M. le ministre. (1 heure)

M. Ryan: Je vais essayer de corriger.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous avez expliqué que votre préoccupation, vous vouliez la centrer sur cette dimension culturelle ou de la communauté juive, mais j'ai quand même senti, même à travers votre mémoire, si vous faites très peu allusion à cette question de partage des pouvoirs et également à travers les réponses que vous avez données, que cette préoccupation est quand même sous-jacente, par exemple, quand vous parlez du bénévolat qui peut disparaître, de la moins grande motivation; tout ça est relié, en fait, au niveau de participation qu'on laisse aux personnes localement. C'est dans ce sens, je pense, que ça peut rejoindre des préoccupations que d'autres ont exprimées beaucoup plus radicalement et directement que vous l'avez fait. Je pense que c'est bien là. J'ai un seul point. Comme il semble qu'on est tout à coup entouré de beaucoup d'hommes de loi,ça pourrait faire un sujet de discussion. On a abordé tout à l'heure l'article 79. Le

président dit: Pas ce soir. M. le Président, c'est à vous de les limiter. Sérieusement, vous avez dit: L'article 79, on n'y a pas touché. Le ministre a expliqué et, d'ailleurs, je pense que c'est de bonne foi que le ministre ait dit ça et je pense que le ministre, tant qu'il sera ministre, respectera enfin l'interprétation que lui-même fait de la loi où on dit, cependant: Un établissement visé dans le paragraphe a de l'article 10, soit un établissement public - en tout cas, je ne vais pas vous lire l'article - dont les actifs immobiliers ont été acquis à même les fonds provenant en majeure partie de subventions du gouvernement - ce qui exclut ceux qui n'auraient pas été subventionnés majoritairement par les fonds provenant du gouvernement.

D'ailleurs, il y avait eu passablement de contestation en 1979 au moment de l'adoption de la loi 103 où, à ce moment, le gouvernement arrivait, comme on le dit, avec ses grosses bottes. Cela a été retiré. Mais il reste que, selon la façon dont serait fait - il y a un terme juridique - le calcul de désintéressement, on pourrait arriver, à un moment donné, selon ce calcul qu'on ferait, à établir que ce qui appartient traditionnellement à une communauté soit culturelle, religieuse ou autre, devient dans ce calcul une institution dont les actifs immobiliers sont majoritairement propriété du gouvernement, même si, au point de départ, on n'a pas ce sentiment. Par exemple, je n'en nommerai pas, mais on peut prendre un hôpital X, peut-être l'Hôtel-Dieu ou un autre, je ne sais pas si cela s'applique à l'Hôtel-Dieu, où la mise de fonds au point de départ a pu être très minime, compte tenu que l'institution a 100 ans ou a 75 ans, etc., et que l'ajout par la suite d'une aile ou d'une partie immobilière qui soit de même grandeur, moins grande ou plus grande, peu importe, mais, compte tenu des coûts auxquels le gouvernement aurait contribué dans une étape ultérieure, dans un calcul de désintéressement, pourrait faire que finalement cette propriété soit déclarée comme ayant été majoritairement fondée, construite par de l'argent provenant du gouvernement et, ensuite, ce qui entrerait dans les actifs immobiliers, c'est peut-être une autre chose à deviner. Moi, j'ai des doutes à savoir que ceci soit absolument étanche du point de vue de la protection d'un patrimoine religieux ou culturel dans un sens très large. Je ne sais pas si vous avez dit que vous ne l'aviez pas examiné, mais en tout cas, c'est une question que je me pose et peut-être que le ministre aurait une réponse.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire que d'abord, dans ce cas-là, on parlerait d'expropriation puisqu'on dit que si les actifs immobiliers n'ont pas été acquis à même les fonds publics, on ne peut pas procéder à l'application de l'article sur la fusion et, si je poussais le type de raisonnement que la députée de L'Acadie tient analogiquement quant au budget de fonctionnement, je dirais: II n'y a rien non plus qui oblige le gouvernement à fournir un budget de fonctionnement. C'est évident que si le gouvernement fournit un budget de fonctionnement, c'est parce que c'est un service public et que cela fait partie des décisions que l'État prend de consacrer une partie des ressources de la collectivité qu'il obtient par voie de taxation à la santé, il n'y a rien qui nous oblige à donner un budget de fonctionnement à un établissement qui ne serait pas subventionné par le gouvernement ou dont les actifs immobiliers, c'est-à-dire, ne sont pas...

Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'elle rend des services à la population que vous décidez de le subventionner.

M. Johnson (Anjou): Mais oui, c'est évident. C'est cela, mais...

Mme Lavoie-Roux: Mais moi, je m'en tiens strictement aux actifs immobiliers.

M. Johnson (Anjou): Ils rendent des services à la population parce qu'ils ont des subventions et ils ont des subventions parce qu'ils rendent des services à la population. Ce qu'on dit, dans le fond, c'est que justement, ces choses-là, dans la réalité, s'arbitrent en dehors de l'absurde.

M. Ryan: Je vais vous poser une question. S'il arrivait qu'une de vos décisions entraîne des conséquences injustes, des dommages, par exemple, pour une institution, ne serait-il pas possible de prévoir un recours à ce moment-là, un droit d'appel pour un dédommagement raisonnable?

M. Johnson (Anjou): Au chapitre de ce qui pourrait relever de la fusion prenant un caractère d'expropriation sous l'article 79...

Une voix: Changement de vocation.

M. Johnson (Anjou): Ah! Changement de vocation, c'est régi par d'autres...

M. Ryan: Oui, je sais bien.

M. Johnson (Anjou): ...et où c'est le critère de l'intérêt public qui doit s'appliquer et il y a un droit d'appel devant les tribunaux de droit commun par bref d'évocation ou autre bref selon l'étape de la procédure administrative.

M. Ryan: Mais si vous avez tous les pouvoirs, les droits de l'autre sont réduits d'autant, même en appel devant les tribunaux.

M. Johnson (Anjou): Mais l'autre ici étant l'État lui-même... C'est cela. Qui, finalement, peut arbitrer d'une notion d'intérêt public, donc, qui peut arbitrer d'une notion d'opportunité de jugement sur l'intérêt public mieux que le législateur lui-même, mieux que le pouvoir politique lui-même? C'est un débat assez fondamental, je pense, auquel nous convie le chef de l'Opposition, mais je pense que la réponse est dans la légitimité et le droit de taxation et le fait qu'on n'est pas dans une république de bananes ici. On est dans une démocratie, et la notion de décision ministérielle ne se fait pas en catimini à trois heures du matin sans que personne ne s'en aperçoive. Cela est publié dans la Gazette officielle. Il y a une série de choses dans l'appareil démocratique. C'est un jugement sur notre système démocratique que vous semblez poser, dans ce cas-là.

M. Ryan: Non, moi, ce que je crois comprendre dans les représentations de la communauté juive...

M. Johnson (Anjou): Le juriste me confirme qu'en vertu de l'article 407 du Code civil, le principe qui veut qu'on ne puisse pas - je vois le député qui a l'air hésitant - sans dédommagement... Si des torts sont causés, on est soumis au Code civil. Je ne comprends pas autrement que de dire dans le fond... J'essaie de voir quelle est l'alternative. L'alternative est de dire: II y a une espèce de régie d'État où il y a des juges ou en tout cas des gens qui relèvent du judiciaire, qui poseraient des jugements d'opportunité de ce qu'est l'intérêt public et de ce qu'est une décision qui vise à dispenser des soins à la population avec l'argent du public et des décisions qui s'ensuivent. Je ne comprends pas cela.

M. Ryan: Regardez, M. le ministre. À moins que je ne comprenne mal, je vais poser le problème pour les témoins qui sont ici, car c'est eux qui sont au centre du débat. Supposez que la communauté juive investisse 3 000 000 $ dans une nouvelle installation pour le Mont Sinaï et que vous, dans votre sagesse omnipotente, vous décidiez, en vertu de l'article - est-ce que c'est l'article 79 ou... En tout cas, l'article qu'ils ont évoqué - de changer radicalement la vocation de cette institution.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas l'article 79.

M. Ryan: C'est plus loin.

Mme Lavoie-Roux: C'est l'article 88.

M. Ryan: L'article 88. Oui, en vertu de votre pouvoir sur le permis.

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Ryan: À ce moment-là, cela entraîne une orientation complètement différente des ressources qu'ils ont investies là-dedans.

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Ryan: II me semble que, je ne sais pas, la notion de tort, en tout cas, devrait être considérée d'une manière spéciale. Il me semble que ça ne relève pas seulement d'un article du Code civil.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): J'écouterai, si vous me le permettez, un conseil fort sage, d'ailleurs, de ne pas creuser à cette heure-ci, cette notion. Je suis sûr qu'on aurait un beau débat, mais je pense qu'on a déjà assez glissé dans ce qui risque de devenir un peu immodeste sur le plan de nos capacités juridiques à 1 h 15 du matin. Le mémoire est là et les gens de la communauté se sont fait entendre et fort bien, d'ailleurs. Ils nous ont bien expliqué leur position et je pense qu'auprès de l'Opposition ils ont eu un relais très précis de certaines de ces préoccupations. Je pense qu'on aura tous les forums les meilleurs et probablement que le bon sens devrait nous amener à considérer qu'on refera ce débat dans un contexte où on est mieux équipé pour le faire.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que...

Mme Lavoie-Roux: Je pense que monsieur voulait ajouter quelque chose.

M. Orenstein: La question qui a été soulevée ce soir à propos de l'article 79 amendant l'article 121 est assez intéressante. Je ne veux pas poser une question pour répondre à une question, mais la question que je veux poser, c'est la suivante. Nous avons construit l'hôpital du Mont Sinaï il y a 72 ans maintenant. Est-ce qu'on doit prendre l'évaluation en dollars d'il y a 72 ans ou en dollars de 1981 ou 1982? Je me rappelle bien quand on a commencé à percevoir l'argent pour construire l'hôpital juif général, Sir Mortimer B. Davis. J'étais assez jeune à ce moment mais je me rappelle bien qu'on a demandé à mon père de payer 500 i. Pour un petit marchand du boulevard Saint-Laurent, 500 $, c'est une somme énorme. Cela a pris cinq ans pour payer ce montant.

Alors, est-ce qu'on parle des dollars qui ont existé en 1929 et qu'elle est la valeur de ces dollars aujourd'hui? J'aimerais encore être un jeune avocat...

M. Johnson (Anjou): Me Orenstein...

M. Orenstein: ... parce que je peux croire qu'on aura beaucoup de litiges sur cette question, mais malheureusement, je suis trop vieux maintenant pour m'engager trop là-dedans. Alors, je vais me taire, mais il faut considérer cela.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Me Orenstein, je prends bonne note de cette préoccupation et de vos nombreuses questions. Nous aurons sans doute l'occasion de pousser plus à fond ce débat au niveau de la commission parlementaire. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Finestone, je pourrais peut-être vous donner un petit mot de la fin vu que la commission est à...

Mme Lavoie-Roux: On recommence demain matin.

Le Président (M. Bordeleau): ... son ajournement ou près.

M. Finestone: Je vais faire une observation très brève. Cela a été très gentil à vous d'entendre notre mémoire. Je sais qu'il y aura des difficultés avec ça. Les questions qu'on vient de discuter étaient très intéressantes et cela m'intéresse aussi, mais je ne veux pas perdre de vue les choses primordiales qui nous ont incités à venir ici. Ce ne sont pas ces questions. Il y a une question primordiale pour nous, c'est de maintenir les liens entre nos institutions pour quelques raisons qui nous intéressent, la préservation de nos sociétés. Et c'est une chose exactement comme ça. Et aussi pour les législateurs et pour le ministère, nous avons démontré la chose que nous mettons sur la table, nous travaillons beaucoup, très fort. (1 h 15)

Le personnel auxiliaire de mon hôpital compte 10 000 personnes. Et on y met chaque année notre argent, exactement parce que ces institutions sont très précieuses pour nous. Je ne veux pas perdre votre appel, M. le ministre et tous les législateurs, sur l'autre question.

Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup. Au nom des membres de la commission, je vous remercie madame, messieurs du Congrès juif canadien, d'être venus présenter votre mémoire devant la commission.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Bonsoir.

Le Président (M. Bordeleau): Bonsoir. Alors la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 1 h 16)

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